st fi ; are ALES DES @CIEnCEs NATOUR ELLES | Zsoroce ET PALEONTOLOG:E \ MA É ser. did — 180 4 il \ à ii À i \ jé y if | HF: rat h | 11 & 114 TE (MI Î LH TRE, : } pal 4 ANNALES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE PALÉONTOLOGIE COMPRENANT L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L’HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE MM. H. er ALPH. MILNE EDWARDS 1 ue : TOME À 11. .. Année 1 PARIS G. MASSON, ÉDITEUR -LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE DE PARIS Boulevard Saint-Germain et rue de. l’Eperon EN FACE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE do UN ANS AE de pe Ki; con ee AS ANNALES DES SCIENCES NATURELLES SIXIÈME SÉRIE ZLOOLOGIE 5 f N A à f j | ne 6 ï Er p : ; ! ; ï de) _ È : , é te _ PARIS. — IMPRIMERIE EMILE MARTINET, RUE MIGNON, 2 SN SAME ANNALES DES SCIENCES NATURELLES SIXIÈME SÉRIE ZOOLOGTIE PALEONTOLOGIE COMPRENANT L’'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE MM. H. cr ALPH. MILNE ED WARDS TOME Xil. PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE Boulevard Saint-Germain eé rue de l’ÉEperon En face l'Ecole de médecine. 1881 RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS ET L'ÉLECTROTONUS Par Louis CHARBONNEL=SALLE, Docteur en médecine, maître de conférences à la Faculté des sciences de Lyon, Chef des travaux zoologiques à la Faculté de médecine. AVANT PROPOS Nous exposerons, dans ce travail, les résultats d’une longue série d'expériences sur l’excitation électrique des nerfs mo- teurs et sur l’électrotonus, sujet dont les investigations si nombreuses des physiologistes n’ont pas encore dissipé toutes les obscurités. | Afin de donner à nos recherches un caractère de précision que ne comporte point la simple observation des phénomènes, À nous avons eu recours à l'inscription par la méthode gra- phique, seule capable de donner à la fois la représentation saisissante et la preuve indiscutable des faits. Ce travail a été fait au Laboratoire de médecine expérimen- tale de la Faculté de Lyon, sous la direction de M. le profes- seur Chauveau. Nous sommes heureux de pouvoir témoigner à notre savant maître notre vive reconnaissance pour la bien- veillance avec laquelle il nous a prodigué ses conseils et sou- tenu de ses encouragements depuis le jour où 1l nous accueillit dans son laboratoire. ANN. SC. NAT., ZOOL., JUILLET 1881. XII. 4. — ART. N° 1. Dh CHARBONNEL-SALLE. PREMIÈRE PARTIE APPAREILS ET PROCÉDÉS OPÉRATOIRES Pour étudier avec précision les phénomènes d’excitation électrique, nous avons employé l’appareil dont la planche 1 donne une vue d'ensemble et qui permet à la fois : D'inscrire avec leur amplitude, leur durée et leur forme réelles les contractions musculaires résultant de l'irritation du nerf moteur ; De produire l’exeitation à des moments déterminés, condi- tion nécessaire à la régularité des tracés ; De graduer exactement la force de l’excitant et d'obtenir des séries d'intensité croissantes et décroissantes ; Enfin de renverser alternativement la direction des cou- rants dans le nerf. Grâce à l’ingénieuse construction de notre appareil, les opérations diverses que nous venons de signaler s’effectuent automatiquement : fermeture et ouverture, graduation, com- mutation n’incombent point à l’opérateur et sont déterminées par le jeu de l’appareil enregistreur lui-même qui règle leur production au moment opportun. L'expérience préparée, l’opérateur reste donc spectateur passif des phénomènes. Pour comprendre les relations établies entre les diverses parties de l’appareil, il est nécessaire d’en faire d’abord l’étude analytique. Nous passerons successivement en revue : 4° L'appareil enregistreur ; 2° L'appareil d’excitation électrique. I. — Appareil enregistreur. Pour l'inscription graphique des secousses musculaires, nous avons adopté les appareils bien connus de M. Marey. I] nous suffira de rappeler brièvement leur disposition générale ARTICLE N° 4. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS, à et de signaler quelques particularités importantes pour nos recherches (1). C'est le myographe à levier horizontal, fondé sur le principe commun de lexploration et de ns avec le levier, qui trace les courbes musculaires sur un papier enfumé recou- vrant un cylindre tournant; celui-ci est adapté à l'axe de vi- tesse Moyenne d’un mouvement d'horlogerie, dont lunifor- mité est assurée par un régulateur de Foucault. Au myographe on peut fixer, soit une lame de liège, soit des plaques isolantes de formes variées, sur lesquelles sont disposées les prépara- tons. Enfin, pour obtenir l’imbrication des tracés, un chariot glissant sur un chemin de fer fait cheminer le myographe pa- rallèlement au cylindre. Le mouvement de translation uni- forme du chariot est emprunté, grâce à deux poulies sur les- quelles s’enroule une corde sans fin, à l’un des axes de appareil moteur principal. Nous avons employé, suivant les cas, tantôt le myographe simple, tantôt le myographe double ou comparatif; ce dernier porte deux leviers, dont l’un est situé à un niveau un peu plus élevé que l’autre; ces leviers peuvent, par le glissement de deux curseurs, s'éloigner ou se rapprocher à volonté. Un fil de soie, inextensible et isolant, relie le tendon du muscle à la base du levier et s’y fixe en s’enroulant plusieurs fois autour d’une gorge ; il passe ensuite sur une poulie et porte à son extrémité un poids tenseur destiné à faciliter l'allongement du muscle après la contraction; dans nos expériences, nous avons adopté un poids constant de 8 grammes. La grande sen- sibilité du myographe de Marey et la légèreté extrême du levier _ permettent d'inscrire, sans déformation notable, des secousses de très minime amplitude. Afin de réaliser autant que pos- sible cette condition essentielle pour nos recherches, nous avons donné au levier une longueur assez considérable (16 cen- timètres), et fixé le fil de soie très près de l’axe de rotation. Une plume d’acier, mince et flexible, est adaptée à l’aide (1) Pour plus de détails, voy. Marey, la Méthode graphique, p. 508 et suiv. 4 CHARBONNEL-SALLE. d’une parcelle de cire à modeler à l'extrémité du levier; elle frotte, par sa pointe aiguë, sur le cylindre enfumé. Une vis de réglage permet d’ineliner au degré convenable le corps du myographe et de réduire au minimum le frottement de la plume sur le papier. II. — Appareils d’excitation électrique. Nos recherches ont porté sur l’action physiologique des courants, soit instantanés, soit continus et constants. Dans les deux cas nous avons employé, comme source d'électricité, la pile de Daniell, facile à manier et suffisamment constante, lorsqu'on a soin de l’alimenter régulièrement de sulfate de cuivre et d’en fermer le circuit une heure environ avant de s’en servir. Vingt éléments Daniell, en pleine activité, suffisent à tous les besoins de l’expérimentation, et permettent d’exé- cuter les recherches d’excitation unipolaire elles-mêmes, exi- geant des courants de forte intensité, en raison de la résistance considérable des tissus animaux. Les couples, de petite di- mension, sont renfermés dans des vases en grès de 16 centi- mètres de hauteur, et associés en tension. Ils sont disposés dans une grande boîte en sapin, eloisonnée en compartiments distincts, et dont la surface intérieure, enduite de goudron, est préservée avec soim de toute humidité. La boîte elle-même repose sur des supports isolants. Pour l’application des courants, instantanés ou continus, aux recherches électro-physiologiques, nous avons emplové les appareils suivants : Un rhéotome, appareil de fermeture et d'ouverture; un rhéochorde, appareil de graduation; un condensateur; des électrodes impolarisables de formes variées. LE RHÉOTOME L'appareil désigné dans la planche 4 par la dénomination abrégée de rhéotome, et dont la disposition a été imaginée par M. Chauveau, est en réalité un appareil double : il comprend ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS, a) à la fois un rhéotome et un commutateur. L'un et l’autre sont actionnés par le mouvement d’horlogerie de l'appareil enre- oistreur et leur fonctionnement est réglé de telle sorte qu’une commutation se produit après chaque ouverture et précède la fermeture suivante. Rhéotome et commutateur consistent essentiellement en leviers horizontaux oscillant autour d’un axe central. Les mouvements alternatifs de chaque levier établissent ou rom- pent le contact entre une pointe de platine fixée à son extré- mité et une goutte de mercure contenue dans un petit godet. L’organe excitable est relié par les fils conducteurs, d’une part à la pointe en platine, d'autre part au mercure du godet. L'appareil est supporté par une petite table à quatre pieds munis de vis calantes ; les leviers et les godets à mercure, ainsi que les bornes destinées à fixer les fils conducteurs, sont in- stallés sur une plaque isolante de caoutchouc durci ou porte- leviers. Il nous est évidemment impossible d'indiquer ici les détails minutieux de construction et de suivre le courant dans sa marche à travers les diverses pièces de l'appareil; nous si- gnalerons seulement la disposition par laquelle l’enregistreur transmet aux leviers rhéotomes et commutateurs les mouve- ments alternatifs de bascule. Une roue dentée, adaptée à l’axe du cylindre de Marey, engrène avec une autre roue fixée à l'extrémité d’un arbre horizontal traversant la tablette du rhéotome. Cet arbre actionne, par un engrenage, une roue centrale de grand diamètre dont la circonférence présente des chevilles d'acier perpendiculaires de trois longueurs différentes : les longues, les moyennes et les courtes sont respectivement au nombre de 2, 4 et 20. Ces chevilles accrochent, tantôt à droite, tantôt à gauche, les parties élargies de deux petites palettes, fixées aux leviers du rhéotome et du commutateur. Le porte-levier glissant sur deux coulisses peut être à volonté rapproché ou éloigné de la roue, de manière à produire, pour un tour du cylindre enregistreur, 2, 4, ou 20 mouvements de bascule. Nous avons vu de quelle manière est obtenue l’imbrication 6 CHARBONNELI-SALLE. verticale des tracés par la translation du myographe parallé- lement au cylindre. Pour produire limbrication oblique, dis- position plus favorable à la comparaison de longues séries de secousses, la roue dentée adaptée à axe de l’enregistreur porte une dent de moins que celle du rhéotome. À chaque tour du cylindre, le mouvement du levier présente donc un léger retard sur le précédent. Le rhéotome que nous venons de décrire a été construit en vue d’actionner, au moyen de courants de pile interrom- pus, un appareil électro-magnétique analogue au Fallapparat de Pflüger. Malgré les critiques dont les contacts à mercure ont été l’objet de la part de plusieurs physiologistes, nous lavons utilisé directement pour la produetion des fermetures el des ouvertures. La régularité des tracés obtenus montre bien que ces contacts, attentivement surveillés, peuvent rendre les meilleurs services: GRADUATION DES COURANTS. — LE RHÉOCHORDE Avant de décrire l'appareil qui nous à permis de graduer l'intensité des courants, instantanés et continus, c’est-à-dire le rhéochorde, nous devons rappeler Les principes sur lesquels repose celte graduation. Pour les courants continus, c’est par l'emploi des courants dérivés que nous l'avons réalisée, sui- vant la méthode ordinairement employée en physiologie : l'intensité augmente et diminue avec l’intervalle de dériva- tion, d’après une relation dépendant, dans chaque eas parti- culier, des résistances respectives du rhéochorde et du circuit principal. Nous n'insisterons pas 1c1 sur la théorie du rhéo- chorde, exposée dans la plupart des traités de physique (4). Mais nous devons indiquer avec plus de détails, la méthode de graduation des courants instantanés, méthode si rigoureuse et si facile, que M. Chauveau a le premier fait connaitre (2). (1) Voy. Wundt, Physique médicale. Trad. par Monoyer, 1871, p. 602 et suivantes. (2) Chauveau, Utilisation de la tension électroscopique des circuits voltaïque pour obtenir des excitations électro-physiologiques. Lyon. 1874. ARTICLE N° Î. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 7 Le principe de cette méthode consiste à utiliser la tension électroscopique des circuits voltaïques fermés. Les deux pôles d’une pile, à tension forte et à courant constant, sont réunis par un fil métallique très long, très fin et tout à fait homo- gène; un point quelconque de ee fil interpelaire est mis en communication avec le sol. D’après l'hypothèse de Ohm sur la propagation de l'électricité et les vérifications expérimen- tales de Kolrausch, la tension électroscopique de ce point étant à zéro, celle des autres points croit en progression arith- métique parfaitement régulière à mesure qu’on s'éloigne du zéro, en affectant Île signe + ou le signe — suivant qu’on se rapproche du pôle positif ou du pôle négatif. Si le fil commu- nique avec le sol, non par un point quelconque de son étendue, mais par une de ses extrémités, celle qui tient au pôle négatif, par exemple, le zéro est transporté en ce dernier point, et les tensions, toutes positives, se distribuent suivant la loi indiquée jusqu’au pôle positif, siège de la tension maxima. D'une façon générale, tout déplacement du zéro sur le cireuit s’accom- pagne d’un déplacement équivalent des tensions respectives des différents points. Supposons maintenant qu'une sphère conductrice isolée soit reliée par un fil métallique à l’un des points du circuit : cette sphère se met en équilibre de tension avec le point au- quel elle est rattachée, et le fil de communication est parcouru par un flux instantané d'électricité dont l’intensité est propor- tionnelle à la charge que prend le conducteur sphérique. Il est évident que ce flux se répétera avec la même intensité chaque fois que la sphère, isulée de nouveau et ramenée à l’état neutre par une communication avec le sol, sera reliée au même point du cireuit. Si le contact entre la sphère et le circuit est établi successivement en des points dont les distances au zéro crois- sent en progression arithmétique, les charges que prendra la sphère augmenteront suivant la même loi, à condition qu'après chaque contact, la sphère soit ramenée à l’état neutre. Le fil de communication sera donc parcouru par des flux instanta- nés d'intensité régulièrement croissante et de même vitesse. 8 CHARBONNEL-SALLE. La distribution et la valeur des tensions du circuit voltaïque, communiquant par un point avec le sol, restent d’ailleurs par- faitement constantes, quel que soit le volume de la masse ad- ditionnelle, grâce à la force électromotrice de la pile qui régénère instantanément la quantité d'électricité enlevée au circuit. Si le fil de communication est interrompu en un point et si les deux bouts sont réunis par un organe excitable, cet organe sera traversé, lors des contacts successifs, par des courants d'intensité croissante ou décroissante, suivant que la charge de la sphère est empruntée à des points de plus en plus éloi-. gnés ou de plus en plus rapprochés du zéro. Telle est, dans ses pointsessentiels, la méthode d’excitation graduée dont nous avons largement mis à profit la précision rigoureuse et la commodité pratique. — A la sphère conduc- trice, nous avons substitué un condensateur (1) Micro-Fara- day, dont l’une des armatures est reliée au cireuit voltaïque, tandis que l’autre communique avec le sol. Ge condensateur, à surface très étendue, se compose d'un grand nombre de feuilles d’étain isolées entre elles; il est subdivisé en #icrofa- rads, unité de surface adoptée par les physiciens anglais. Une disposition fort simple permet d'utiliser à volonté un nombre déterminé de microfarads, depuis 1 jusqu’à 10. Pour certaines expériences, nous avons remplacé ce condensateur par une bouteille de Leyde de faible capacité. Voici maintenant la description du rhéochorde de M. Chau- veau (pl. 1), appareil destiné à la graduation automatique des courants instantanés et des courants continus. Un fil de pla- line, extrêèmement fin et long de 30 mètres, est replié à angles aigus à l’intérieur d’un cylindre en verre vertical contre la paroi duquel il est appliqué. Le cylindre est fermé à chaque extrémité par une plaque circulaire de caoutchouc duret et (1) Le condensateur a déjà été appliqué aux recherches électro-physiologiques, en France par Marey (Voy. Méthode graphique, p. 517), et en Allemagne par Tiegel (Ueber den Gebrauch eines Condensators zum Reiïzem mit Induction- sapparaten (Arch. de Pflüger, t XIV, s. 330). ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 9 t'aversé par un axe de rotation dépassant les deux bases et monté sur pivots. Les angles du fil sont fixés, par leurs som- nets, à des crochets métalliques, les supérieurs isolés, les inférieurs reliés à une lame d’acier, incrustée à la face infé- rieure de la base du cylindre et dirigée radialement. Il y a donc en tout soixante lames d'acier rayonnantes, isolées et s’arrêtant à une certaine distance du centre. Le fil est ainsi divisé en soixante parties égales de 50 centimètres. Des numé- ros de 4 à 60, gravés sur la base du cylindre, répondent à chacun des angles inférieurs; une des extrémités est fixée au n° À, l’autre au n° 60. | Ces deux extrémités du fil interpolaire doivent être reliées aux deux pôles de la pile. Or ces deux extrémités se déplacent pendant la révolution du cylindre, et il fallait, par conséquent, concilier leur mobilité avec lPimmobilité des deux rhéophores du courant. Gette difficulté a été surmontée par la disposition suivante : à la base du support du rhéochorde est fixée hori- zontalement une grande plaque rectangulaire de caoutchouc durei. Cette plaque porte à chacun de ses angles postérieurs {invisibles dans la figure) une borne à laquelle s'adapte un des rhéophores de la pile. Une lame métallique isolée part de chaque borne, et les deux lames aboutissent à deux cuvettes isolées et circulaires remplies de mercure, dans lequel plon- gent deux pointes en platine, reliées chacune à l’une des ex- trémités du fil mterpolaire. Pendant la révolution du cylindre, les deux pointes se déplacent circulairement sans jamais cesser d’être en contact avec le mercure. Un commutateur, disposé entre les deux bornes, permet de renverser à volonté la direction du courant dans le fil. On dérive les courants au moyen de bornes (visibles dans la figure), qui terminent en avant la plaque rectangulaire de caoutchouc. Ces bornes, au nombre de six, communiquent avec des cuvettes transversales, remplies de mercure et dis- posées parallèlement les unes aux autres d'avant en arrière. Dans ces cuvettes plongent des pointes en platine, implantées dans les lames métalliques rayonnantes de la base du cylindre 10 CHARBONNEL-SALLE. et disposées en cercles concentriques. Les plus extérieures sont au nombre de soixante et permettent, par conséquent, de prendre successivement des intervalles de dérivation de 30 cen- timètres; les suivantes, de plus en plus espacées, répondent à des intervalles de dérivation de plus en plus grands. Pour certaines expériences, exigeant une graduation plus lente de l'intensité, on a réservé une fraction de fil (50 centimètres), tendue verticalement à côté d’une règle divisée en centimètres et dont un curseur permet de prendre, comme intervalles de dérivation, des longueurs aussi petites qu’on le veut. Par le mouvement circulaire du rhéochorde, les pointes de platine, répondant aux angles mférieurs du fil, sont amenées successivement en contact avec le mercure des cuvettes, en passant par des échancrures latérales, et l'intensité du courant augmente ou diminue suivant une marche plus ou moins ra- pide. C’est l’appareil enregistreur qui commande le mouve- ment circulaire, transmis au rhéochorde par le rhéotome. On voit, dans la figure, les roues dentées, de diamètres différents et montées sur un axe commun qui, par l'intermédiaire de deux poulies et d’une corde sans fin, transmettent au rhéo- chorde le mouvement circulaire avec des vitesses variées, sui- vant les exigences particulières de chaque expérience. Nous nous sommes servi, en général, de la plus petite vitesse, le rhéochorde accomplissant une révolution complète pour soixante tours du cylindre enregistreur. Les figures 1 et 2 représentent schématiquement les diverses parties de l'appareil excitateur, dans leurs rapports récipro- ques, ainsi que la préparation de grenouille disposée pour l'expérience; elles aideront à comprendre le jeu des parties fondamentales de l'appareil et la marche des courants dans l’ensemble du circuit. La figure 1 indique le mode d’emploi du courant continu. La pile étant complètement isolée, un des pôles, le positif, par exemple, est mis en communication, d’une-part avec le rhéo- chorde, d'autre part avec la borne centrale du rhéotome. Le schéma montre qu’on utilise seulement une des moitiés du ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. il rhéotome. Le courant est conduit par un fil court, du rhéotome à l’un des levièérs du commutateur, traverse ensuite la gre- nouille, puis l’autre levier du commutateur, mis en com- munication avec le pôle négatif par l’intermédiaire du rhéo- chorde. L’intervalle de dérivation augmente lorsque les angles inférieurs du fil interpolaire viennent se mettre en contact, Fig. 1. — Disposition de l'appareil pour l’emploi des courants continus. de droite à gauche, avec la borne de dérivation D; 1l diminue quand le déplacement à lieu en sens mverse. Les deux schémas À et B de la figure 1 différent seulement par la position du commutateur, permettant de renverser alternativement la direction du courant dans les nerfs. La figure 2 est destinée à faire comprendre le mode d’emi- ploi des courants instantanés obtenus au moyen du eonden- sateur. Le pôle négatif de la pile et l’une des armatures du condensateur A’ sont en communication avec le sol; le pôle positif et l’armature À sont isolés, et, d’après les principes 12 CHARBONNEL-SALLE. rappelés ci-dessus (page 7), les tensions électroscopiques s’é- chelonnent en progression arithmétique régulière, de 0 à un maximum sur toute ia longueur durhéochorde. L'armature A du condensateur est mise en rapport avec les angles successifs du fil interpolaire, pris comme source d'électricité, tantôt de droite à gauche, tantôt en sens inverse, suivant qu'on désire obtenir des charges de valeurs croissantes ou décroissantes. Fig. 2. — Disposition de l'appareil pour l'emploi des flux instantanés d'électricité statique. La décharge a lieu par l'établissement d’une communication entre l’armature À et le sol. C’est le rhéotome qui, par le mou- vement de bascule d’un de ses leviers, produit alternativement la charge et la décharge. Trois positions différentes peuvent être données au myo- graphe de manière à faire passer à travers les organes exeités : 1° Soit la charge seule. 2 Soit la charge et la décharge. 3° soit la décharge seule. Dans le premier cas et dans le troisième, il est indispen- sable, pour obtenir des courants de directions alternantes, ARTICLE N° {. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 13 d'introduire dans le cireuit le commutateur, supprimé dans le schéma. Le commutateur devient inutile si lon utilise en même temps la charge et la décharge dont les directions sont naturellement inverses, et qui peuvent être considérées comme équivalentes si la communication du condensateur avec le sol est parfaitement établie. LES ÉLECTRODES IMPOLARISABLES Pour des recherches précises, il est indispensable que l’in- Lensité des courants soit maintenue constante pendant toute la durée d’une ou de plusieurs expériences. Une des conditions les plus importantes de cette constance des courants, c'est la suppression aussi complète que possible de la polarisation des électrodes, en tous les points du circuit. Les produits de dé- composition électrolytique accumulés sur les électrodes don- nant naissance, comme on le sait, à un courant de polarisa- tion de sens inverse, constituent une des causes les plus puissantes d’affaiblissement du courant exeitateur. Afin d'éviter cet inconvénient, les conducteurs métalliques de l'appareil doivent être mis en rapport avec les tissus par l'intermédiaire d’électrodes humides ou liquides, telles que les produits électrolytiques ne puissent s’accumuler à leurs extré- mités. Il est avantageux de prendre, comme liquide destiné à établir le contact entre le métal et le tissu animal, une solution -d’un sel de ce métal, et de s'arranger de manière à ce que cette solution ne soit en contact avec les nerfs que par un autre liquide interposé, sans action sur Île tissu nerveux. Le procédé général, auquel nous avons eu recours, indiqué par J. Regnauld, en 1858, consiste à terminer les conducteurs mé- talliques par des baguettes de zinc amalgamé, plongeant dans des tubes remplis d’une solution saturée et neutre de sulfate de zinc pur dans l’eau distillée. Les tissus sont mis en rapport avec le sulfate de zinc, tantôt par une couche d’albumine interposée, tantôt au moyen d’une masse de kaolin imbibée d'une solution de chlorure de sodium à +, solution qui él 100? 14 CHARBONNEL-SALLE. n’exerce aucune action caustique sur le tissu nerveux. Ces dispositions sans doute ne font pas disparaître d’une facon absolue la polarisation; mais elles en diminuent beau- coup la valeur. Nous les avons constamment employées, même dans les expériences faites avec les courants instantanés, qui sont constitués par des quantités minimes d'électricité et ne possèdent qu'un faible pouvoir polarisateur. Les cas parti- culiers, dans lesquels nous nous sommes servi d’électrodes métalliques, seront indiqués dans la description des expé- riences. | La forme et les dimensions des électrodes sont évidemment susceptibles de nombreuses variations. Nous décrirons suc- cessivement ces formes diverses en exposant les recherches spéciales auxquelles elles sont adaptées. Dès à présent, toute- fois, nous devons faire connaitre les électrodes dont la disposition est ap- propriée aux expériences sur la patte de grenouille isolée et munie de son nerf sciatique. Voici la description de ces élec- trodes et de lappareil -qui leur sert de support (fig. 3). Une plaque rectangu- laire de caoutchouc durcit, Fig. 3. — Porte-électrodes pour l'excitation pouvant s’adapter par un du nerf isolé. FUN deses côtés au myographe, est percée de quatre trous circulaires, disposés en ligne droite suivant son axe. Dans chaque trou est scellée une des branches d’un tube recourbé en U destiné à recevoir la solution de sulfate de zinc; l'extrémité du tube affleure exactement la surface. L'autre branche de chaque tube traverse la plaque près du bord et se termine au-dessous de la partie horizontale d’une borne, dans laquelle est fixée une baguette de zinc amalgamé. ARTICLE N° À. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS, 15 La partie verticale de la borne est reliée à l’appareil excitateur. De très petits tubes de verre, longs de À centimètre, remplis de pâte de kaolin, s’adaptent, au moyen de bouchons en liège, à l’orifice central des tubes recourbés; leurs extrémités supé- rieures, légèrement échancrées pour recevoir le nerf, sont distantes de 8 millimètres. Nous avons donc quatre électrodes impolarisables, permettant d’exciter successivement trois ré- gions égales ou trois longueurs différentes d’un même nerf. Une lame de liège, fixée à la plaque de caoutchouc, reçoit la patte de grenouille, immobilisée par deux épingles, plantées l’une dans l’extrémité supérieure, l’autre dans lextrémité infé- rieure du tibia. Tous les tubes ayant exactement même diamètre et même longueur, aucune bulle d'air ne restant interposée dans les colonnes liquides, les résistances opposées au courant sont égales dans les quatre électrodes et ne peuvent introduire dans les expériences aucune cause d’erreur. Une cage en verre, échancrée pour livrer passage au fil du myographe, recouvre exactement la préparation et la préserve de l’action desséchante de l’air. Cette précaution, commandée par les modifications profondes d’excitabilité qu'imprime aux éléments nerveux toute perte notable d'humidité, a toujours été prise dans nos expériences. = Toutes nos recherches ont été faites sur le nerf sciatique de la grenouille (Rana esculenta), en diverses saisons, et dans des conditions physiologiques se rapprochant le plus possible de l’état naturel. L'influence de la saison et celle des condi- tions d'existence pendant la captivité doivent être prises en grande considération. On sait qu’il existe entre les grenouilles d'hiver et les grenouilles d’été des différences considérables d’excitabilité ; d’après Harless (1), cette propriété serait, chez les premières, environ vingt fois plus grande. Ce chiffre nous paraît, d’après nos propres observations, un peu exagéré; mais nous avons toujours constaté nettement une différence notable (1) farless, Abhandl. d. Bayr. Acad. VII, s. 378. 1858. 16 CHARBONNEL-SALLE. dans le sens indiqué. Ge n’est pas seulement l’excitabilité absolue du nerf récemment préparé qui l'emporte chez la gre- nouille prise en hiver, et surtout aux premiers Jours du prin- temps; la durée de la persistance des propriétés nerveuses, dans le nerf sectionné, se montre aussi plus considérable. À part les différences d’excitabilité, les phénomènes d’exci- tation électrique le montrent toujours, quant aux caractères fondamentaux, identiques chez les deux sortes de grenouilles. Nous avons eu soin d’ailleurs, pour tous les points importants de notre sujet, de faire deux séries d'expériences, une dans la saison froide, l’autre pendant les chaleurs d’été. Nous avons tenu compte aussi des modifications que le séjour dans un milieu anormal peut imprimer aux animaux longtemps con- servés au laboratoire. Les grenouilles tenues en cage pendant un certain temps, devenues presque entièrement exsangues par suite de l’inanition, sont tout à fait impropres à la re- cherche de certaines réactions, d'observation délicate, que manifestent les nerfs absolument frais sous l'influence des courants. La perte de l’excitabilité après la préparation est si prompte chez ces grenouilles pathologiques, les manifestations initiales sont tellement fugitives, que l'expérience, même ra- pidement conduite, fournit des résultats anormaux. Nous avons mis à part ces résultats et nous avons tenu compte seu- lement des réactions observées chez les grenouilles vigou- reuses et récemment capturées. SECONDE PARTIE CHAPITRE PREMIER DIFFÉRENCES DANS LES SECOUSSES MUSCULAIRES SUIVANT LE POINT D'APPLICATION DE L'EXCITANT AU NERF Tous les physiologistes s'accordent aujourd’hui à recon- naître que l’excitation produite par l'électricité dans un nerf moteur n'est que la mise en jeu d’une propriété spéciale du ARTICLE N° f. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 47 tissu nerveux, propriété que l’on désigne sous le nom d’excita- bilite. Si l’excitabilité était identique en tous les points du nerf, l'étude de l’action exercée par les courants consisterait seule- ment à observer les différences imprimées à la manifestation physiologique par les changements de sens et les divers degrés d'intensité du courant employé. Mais il résulte au contraire de la plupart des recherches faites sur ce sujet que la réaction musculaire obtenue en irri- tant successivement, par un courant de même force, diffé- rentes régions d’un même nerf moteur, présente de notables variations ; et l'étude approfondie de cette inégale répartition de l’excitabilité, déjà si intéressante en elle-même, s’impose comme un préliminaire obligé au physiologiste qui recherche les lois de lPexcitation électrique. Ces différences locales d’ex- citabilité, combinées avec les divers degrés d'intensité et les changements de sens des courants, sont en effet la raison des phénomènes observés depuis si longtemps et groupés sous le nom de « Loi des secousses ». Après avoir exposé la méthode et les appareils qui nous permettent de graduer exactement l’excitant, il faut donc étu- dier en lui-même l’organe excité, soumis à des conditions variées, afin d'apprécier nettement la part qui lui reviendra dans les diverses réactions observées. Nous nous proposons de résumer les notions acquises sur €e sujet, de les contrôler par de nouvelles recherches, avant d'aborder l’étude spéciale de l’exeitation électrique des nerfs moteurs. Budge (1) a vu le premier que des courants induits suffi- sants pour tétaniser une patte de grenouille en traversant la partie supérieure du sciatique, restaient sans effet, appliqués aux parties inférieures du même nerf. À la même époque, Pflüger (2), par une méthode plus rigoureuse, arrivait à des (1) Budge, Ueber das Verhaltniss der Wirkung der Nerven zu threr Ent- fernung vom Ursprung, in Froriep's Tagesberichten, 1852, s. 329. (2) Pflüger, Untersuch. über die Physiol. des Electrotonus; Berlin, 1859, s. 140. — Pflüger énonce ainsi la loi en question : « Une seule et même excita- ANN. SC. NAT., ZOOL.. JUILLET 1881. XII. 2. — ART. N° 1, 48 CHARBONNEL-SALLE. résultats analogues : toujours, sur le nerf récemment préparé, l'effet d’une même excitation, électrique ou chimique, était d'autant plus grand que le point excité était plus éloigné du muscle. Par la précision remarquable de ses expériences, le savant physiologiste allemand à mis ce fait hors de doute; de telle sorte que, si le mérite de lavoir découvert revient à Budge, c’est à Pflüger qu’appartient celui de lavoir positive- ment démontré. Pour l'explication du phénomène deux hypo- thèses se présentaient : ou bien le nerf, en ses divers points, présente des différences de structure intime qui le rendent inégalement apte à recevoir l’exéitation; ou bien l'excitation elle-même, dans sa progression, augmente et se renforce; elle parvient au muséle d'autant plus grande qu’elle est partie de plus loin. C’est à cette dernière théorie, consacrée par la com- paraison classique du « grossissement en avalanche », que s’est arrêté Pflüger. Le nerf moteur, dans cette supposition, ne se- rait donc pas seulement un conducteur mdifférent de lirrita- tion reçue, mais un conducteur actif, capable d'accroître cette irritation par le dégagement successif de forces vives aux divers points du parcours. Il importe de se rappeler que les expériences de Pflüger ont été pratiquées sur des nerfs sectionnés. Cette remarque est d’une importance capitale. Est-il permis, en effet, d’assimiler les propriétés physiologiques d’un nerf coupé à celles d’un nerf intact, el de prendre indifféremment pour sujet d’expé- riences le tronçon d’organe ou l’organe entier relié normale- ment aux centres nerveux? La réponse à cette question n’est plus douteuse aujourd’hui. Déjà Valli et Pfaff, puis Cima et Matteuci avaient observé qu'un nerf séparé de la moelle de- vient plus apte à l'excitation. Du Bois-Reymond (1) confirma ce fait par l'étude de la variation négative. Harless (2), puis lion qui agit sur deux points différents du nerf, ne fait pas contracter le muscle de la même manière, mais se montre d’autant plus efficace que le point influencé est plus loin du muscle ». (t) Du Bois-Raymond, Untersuchungen, I, 1849. (2) Harless, Abhandl. d. bayr. Acad., VITE, 1858. ARTICLE N° {. EXCITATION ÉLECTRIQTE DES NERFS MOTEURS. 19 Heidenhain (1) et Faivre (2) ont étudié de nouveau, à peu près à la même époque, cette modification profonde des propriétés nerveuses par la section transversale. Il résulte de toutes ces recherches que le premier effet de la section est un accroisse- ment considérable d’excitabilité, dont le maximum est au voi- sinage de la section elle-même; puis cette excitabilité exagérée diminue et se perd peu à peu par la mort progressive du nerf, laquelle a lieu, suivant la loi anciennement découverte par Ritter et Valli, du centre à la périphérie. Vers la même époque, Rosenthal (3), constatant le même phénomène, le considéra comme une phase initiale du dépérissement, et fit voir qu’en chaque point du nerf, à partir de la section, la perte de l’exci- tabilité est précédée d’une légère augmentation. Enfin, Hei- denhain (/oc. ct.) montre que sur un nerfisolé, des coupes répétées produisent la répétition de l'effet observé en premier lieu, c’est-à-dire que chaque section nouvelle relève l’excita- bilité déjà notablement affaiblie. On est donc conduit à se demander si la loi de Pflüger, rappelée plus haut, n’est pas une simple conséquence de la perturbation produite dans le nerf moteur par les conditions expérimentales et si l’accroissement en avalanche de l’excita- tion est bien une réalité physiologique, et représente le véri- table mode de transmission de l'excitation motrice dans l’état normal de l’organisme. Pour juger cette question, il était évi- demment nécessaire d’expérimenter sur des nerfs non sec- tionnés et maintenus, autant que possible, dans leurs condi- tions naturelles. Des expériences instituées sur cette base nouvelle ont été faites tout d’abord par Pflüger lui-même et semblèrent confirmer la loi qu'il avait établie. Diverses re- cherches, les unes anciennes (Harless (4), Meissner (5), la (1) Heidenhain, Allg. méd. Centraiztqg., 1859., N°° 10, 16. — Studien des Physial. Instit. zu Breslau, I, s. 1. Leipsig, 1861. (2) Faivre, Comptes rendus de l'Acad. des sc.; avril, 1860. (3) Rosenthal, Allgm. med. Centralztg. 1859, p. 16. (4) Harless, Gelehrte Anzeigen d. bayr. Acad., XLIX, 1859. (5) Meissner, Jahresber. über d. Fortschr. d. Physiol. 90 CHARBONNEL-SALLIE. plupart assez récentes, dues à Wundt (1), Rutherford (2) et Tiegel (3) ont donné, pour le nerf non sectionné le même résultat général, conforme à celui de Pflüger et favorable à la théorie de l’avalanche : à part quelques irrégularités dans les courbes de l’excitabilité, les parties supérieures du sciatique de grenouille se montrèrent plus irritables que les parties inférieures. Heidenhain, au contraire, donna une courbe bien différente d’excitabilité, sur laquelle nous aurons à revenir, et Budge (4) fit cette remarque que certains endroits du nerf, les points remarquables produisent une réaction plus forte. Enfin Fleischl (5) obtint ce résultat singulier que « les nerfs moteurs sont plus irritables par l'électricité dans leurs parties supérieures, quand le courant est descendant, dans leurs parties inférieures au contraire, quand le courant est ascen- dant ». En présence de tant de faits discordants, Hermann (6) a récemment émis l'opinion que les nerfs absolument normaux n’offrent dans tout leur trajet aucune variation d’excitabilité ; que les différences observées tiennent aux perturbations expé- rimentales, telles que l'arrêt circulatoire, la suppression des rapports normaux du nerf, le dépérissement du tronçon de moelle auquel il est relié, et plus particulièrement peut-être à la section inévitable des ramifications du nerf. « Il est fort invraisemblable, dit Hermann, que la substance propre d’un nerf, partout semblable à elle-même, montre des différences locales d’excitabilité. » Les recherches récentes de Tigers- tedt (7) sur l'excitation mécanique des nerfs, recherches pour- (1) Wundt, Arch. f. d. ges. Physiol. II, 1870, s. 437; — Untersuch. zur Mechanik der Nerven, etc., I, s. 179. Erlangen, 1871. (2) Rutherford, Journ. of. anatom. and Physiol., V, p. 329, 1871. (3) Tiegel, Arch, f. d. ges. Physiol., XIII, s. 598, 1876. (4) Budge, Arch. f. pathol. anat., XVHL, s. 454, 1860. (5) Fleisch]l, Ueber die Lehre vom Anschwellen der Reize im Nerven, Wiener Sitzungsberichte, Bd. 72, III, 1875. (6) Hermann, Handbuch der Physiologie, des Nervensystems, erster Theil, : 4879, s. 116. (7) Rob. Tigerstedt, Stud. über mecanische Nervenreizung, erste Abth., 1880. — Pour toute explication de son résultat expérimental, l’auteur exprime cette ARTICLE N° {. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES - NERFS MOTEURS. 21. suivies à l’aide d’une méthode très perfectionnée, semblent prêter appui à cette manière de voir. « L'irritabilité pour l’ex- citation mécanique, dit l’auteur, est égale en tous les points du nerf. » Tigerstedt croit que les différences d’exeitabilité ne sont pas imputables aux conditions invoquées par Hermann pour leur explication, à la section des rameaux nerveux par exemple : un nerf sciatique dont toutes les branches ont été coupées est interrogé en ses divers points par l’agent élec- trique, puis par l’agent mécanique; avec le premier, on con- state une irritabilité plus forte aux régions supérieures, avec le second, au contraire, une complète uniformité. Ainsi qu’on en peut juger par ce résumé historique la ques- tion de l’excitabilité des nerfs moteurs aux divers points de leur trajet, malgré de nombreuses recherches, est encore en- tourée d’une profonde obscurité. C’est que l’étude expérimen- tale de cette question, dont la solution importe tant à la mé- canique intime des nerfs, compte parmi les plus délicates de la physiologie. Nous allons maintenant exposer nos expériences personnelles sur ce sujet, les unes concernant les nerfs sec- tionnés, les autres les nerfs intacts. La profonde différence qui existe entre ces deux conditions indique la division natu- relle de cet exposé. 1° Expériences sur le nerf sectionné. Les recherches de Pflüger et des physiologistes qui l'ont suivi dans l’étude de cette question ayant été faites, pour la plupart, au moyen des courants continus, il nous à paru in- téressant de vérifier les faits en utilisant les courants instan- tanés dus à la décharge du condensateur. Ce mode d’excitation auquel nos expériences empruntent un caractère de nouveauté, nous offrait l'avantage plus précieux, d’une graduation facile et rigoureuse, grâce à la méthode que nous avons longuement idée théorique que les différences d’excitabilité manifestées par le nerf, quand on l’explore par l’excitant électrique, sont le fait de l’excitant lui-même et des modifications qu’il imprime à la substance nerveuse. 99 CHARBONNEL-SALLE. exposée; en outre il rendait possible une estimation numé- rique assez exacte des différences d’excitabilité. Pour comparer diverses régions ou divers points d’un nerf moteur, sous le rapport de leurs degrés respectifs d’irritabihté, deux procédés peuvent être employés : 1° avec un excitant dé force constante on irrite successivement Îes diverses parties du nerf, en recueillant le graphique des contractions; les hauteurs différentes de celles-ci donnent la mesure de l’exci- *tabilité ; 2° on fait varier lentement l'intensité jusqu’à ce qu’on atteigne, pour chaque région, le degré strictement nécessaire à la production d’une très faible secousse; l’excitabilité est d'autant plus forte que l’excitant employé pour produire cette secousse est plus faible. Nous avons suivi de préférence cette dernière méthode, la méthode de lPexcitation minima, non seulement dans les expériences qui font le sujet de ce chapitre, mais dans toutes celles que nous exposerons au cours de ce travail. Elle oblige, à la vérité, l’expérimentateur à chercher par tâätonnement le degré du rhéochorde qui répond à l’inten- sité minima, et l’expose à troubler par ces excitations d'essai l’état physiologique du nerf; mais cet inconvénient, très atté- nué par l’expérience acquise dans le maniement quotidien de l'appareil, est largement compensé par la faculté de mesurer lexcitabilité à tous ses degrés possibles. La première méthode au contraire resserre l’exploration dans les limites comprises entre le minimum et le maximum de la contraction. Dans nos recherches sur l’excitabilité du nerf sectionné, nous avons examiné les points suivants : a. Variations de l’excitabilité en diverses régions du nerf sciatique. b. Effet propre de la section du nerf. ce. Influence immédiate de la section de la moelle sur lex- citabilité du sciatique. a. — Sur une grenouille vigoureuse on désarticule avec soin la jambe et on enlève celle-c1 après avoir disséqué le nerf sciatique qu’on laisse appendu dans toute sa longueur à l’ex- trémité supérieure de la jambe. Après avoir sectionné le ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 23 plexus près de la moelle, on fixe rapidement la préparation sur l’appareil décrit à la page 15, en disposant le nerf sur les quatre électrodes ; puis on excite successivement les trois segments égaux, longs de HDi SEUL Gp 8 millimètres, par le cou- È ronde rant minimum, alterna- À | tivement ascendant et descendant. L’intensité s’accroit ensuite lente- ment, jusqu’au degré où les trois segments four- nissent des réactions éga- les. On varie l'expérience en parcourant Îles trois segments tantôt de lex- trémuité hbre vers le mus- ele, tantôt en sens inverse. La figure #4 représente les courbes musculaires obtenues en excitant, par le courant ascendant, les trois portions du nerf, du bout sectionné vers le muscle. Chaque ligne ho- rizontale du tracé répond à un segment nerveux. On voit que la région supé- rieure (1° ligue en bas), produit un soulèvement à peme sensible avec le courant 1; les régions moyennes et inférieures en donnent rien. L’intensité augmentant, on voit d’abord la moyenne, puis l’inférieure fournir des secousses de plus en plus fortes ; celles-ci, enfin, avec les courants 6 et 7 sont égales pour tout le nerf. La région supérieure est donc plus excitable que la moyenne, et celle-ci plus que l’inférieure. 1 microf. Daniell, 20. EI. Le curseur du Rhéochorde descend par centimètres — Différences d'excitabilité de trois segments du nerf sciatique. is: 4. 24 CHARBONNEL-SALLE. Tel est le résultat de l’expérience, quand le nerf est absolu- ment frais et l’opération rapidement conduite. Gette distribu- tion assez régulière de l’excitabilité, représentée par une droite oblique dont la pente est dirigée vers le muscle, se montre parfois très fugitive, surtout en été, ou quand les gre- nouilles ont séjourné longtemps au laboratoire. La loi se vé- rifie également pour les deux sens du courants. Toutefois, avec le courant ascendant, 1l n’est pas rare de trouver la ré- oion supérieure un peu moins excitable que la moyenne, tan- dis que le courant descendant permet de constater nettement la loi énoncée. Cette anomalie apparente, se présentant sur- tout lorsque l’électrode extrême, négative, est très rappro- chée de la section, tient simplement à la mort très prompte des éléments nerveux au voisinage immédiat de celle-ci; l’électrode négative, essentiellement excitatrice, repose dans ce cas sur une partie du nerf affaiblie ou même privée de toute excilabilité. | En essayant, à des intervalles rapprochés, l’excitabilité du nerf isolé, on ne tarde pas à voir le phénomène initial se ren- verser entièrement et l’excitabilité devenir décroissante de la section à la périphérie, suivant la loi bien connue qui régit la mort des nerfs séparés de l’axe cérébro-spinal. Nous n’insis- terons pas sur ce point, depuis longtemps acquis à la science. Îl importe de noter encore une condition particulière des expériences relative aux différences de diamètre que pré- sente le nerf quand on le prend dans toute sa longueur. De la région poplitée à l’échancrure sciatique, le diamètre demeure constant, aucun rameau ne se détachant du tronc principal. Mais au-dessus du point d’émergence des branches fémorales, et surtout au niveau du plexus, la section transversale aug- mente notablement. Il en résulte une moindre densité (1) du (1) La densité du courant est l’intensité divisée par la section du conducteur : D= & La quantité d'électricité qui passe, dans un temps donné, en un point d’un circuit fermé est toujours la même. Il en résulte que la densité dépend de la grandeur de la section en ce point; elle est d’autant plus grande que la sec- tion est plus petite. ARTICLE N° {. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 25 courant, dans les parties supérieures ; et cette diminution de densité est incomplètement compensée par l'augmentation correspondante d'intensité, puisqu'il existe dans le circuit d’autres conducteurs humides que le nerf. Le courant doit done agir moins activement dans la région supérieure et les différences réelles d’excitabilité doivent être plus fortes que ne l’indiquent les tracés. b. — Effet de la section sur l’irritabilité du nerf. On peut étudier l'influence de la section sur l’irritabilité nerveuse : 4° Sur le nerf intact : effet d’une première section. 2° Sur le nerf déjà sectionné : effet des sections répétées. Pour apprécier nettement l'influence d’une première sec- tion pratiquée sur le nerf normal, nous avons eu recours à la méthode d’excitation umipolaire, très favorable pour ce genre d’expérimentation. Une grenouille est fixée sur la planchette de liège du myographe et les deux électrodes impolarisables sont appliquées, l’une sur le dos de l'animal, l’autre sur le nerf sciatique, dans la région poplitée. L'application des électrodes peut avoir lieu immédiatement, à travers la peau, ou directement sur le nerf. On détermine l'intensité excita- trice minima, puis une section est faite à une distance variable au-dessus de lélectrode et sans déranger celle-ci : a déter- mination de la nouvelle intensité minima permet d'apprécier les modifications de l’excitabilité. La figure 5 montre le résultat de lexpérience : l’électrode négative est appliquée, à travers la peau, sur la région poplitée et la section pratiquée à 5 millimètres au-dessus du point d'application. La moelle n’est pas sectionnée. On coupe le nerf avec des ciseaux fins, en écartant les lèvres d’une incision pratiquée à l’avance, et, grâce à cette méthode sous-cutanée, l'influence propre de la section est ici nettement dégagée de toute influence étrangère, capable de modifier l'excita- bilité. Un fait remarquable, que nous ne trouvons signalé par au- cun physiologiste, est le suivant : l'augmentation d’excitabi- lité qui suit la section n’est pas limitée au voisinage immédiat 26 CHARBONNEL-SALLE, de celle-ci; elle se manifeste au contraire, presque instanta- nément, dans toute l'étendue du nerfet peut être démontrée, Fig. 5. — Augmentation d’excitabilité par section du nerf. I, 1" secousse à l'intensité, 7 ; IT, après section, 1"* secousse à l'intensité, 2 : 20 El. Daniell, 1 microf. — Intensités croissantes. plus faible à la vérité, à toute distance de la lésion expérimen- tale. La figuré 6 montre deux tracés obtenus dans les condi- tions indiquées précédemment, avec cette différence que la section a été faite près de la moelle, à la partie supérieure du plexus sciatique. Dans les deux tracés la première secousse est produite par une excitation identique, notablement supé- rieure à la minima, à partir de laquelle on descend lentement l'échelle du rhéochorde jusqu’à ce que les contractions cessent de se produire. Il est aisé de voir que la disparition des se- cousses est plus tardive après la section du plexus sciatique et que leur amplitude est sensiblement augmentée. Quant aux sections répétées sur le même nerf, leur influence est bien manifeste, même après que le nerf dépérissant a déjà perdu une partie de ses propriétés. Il est remarquable de voir ARTICLE N° {. EXCITATION ÉLECTRIQUE. DES NERFS MOTEURS. 97 di l’ablation de petits fragments, longs de 4 à 2 millimètres, pra- tiquée successivement à partir de lextrémité libre, raviver Fig. 6. — Augmentation d’excitabilité du nerf sciatique, au niveau de sa bifurcation dans la région poplitée, aussitôt après la section du plexus sciatique. — I, avant la section; If, après la section, 20, El. Daniell, 1 microf. — Intensités décroissantes. l’activité nerveuse jusqu'en des points fort éloignés. On voit figure 7, une série de quatre contractions obtenues en dimi- Fig. 7. — Influence des sections répétées sur l’excitabilité du nerf sciatique. nuant progressivement l’intensité : en « la contraction n’a plus lieu. Un tronçon enlevé au nerf fait reparaitre les se- cousses, et l’intensité est de nouveau diminuée, jusqu’à leur disparition presque entière; nouvelle section en b et nouvelles 28 CHARBONNEL-SALLE. contractions, dont la première, très prolongée, a presque un caractère tétanique. c. — Influence immédiate de la section de la moelle sur l’exci- tubilité du sciatique. Nous avons étudié, par le même procédé de l’excitation unipolaire, l'influence d’une section de la moelle, pratiquée à divers niveaux, sur l’irritabilité du scia- tique. Ces essais ont toujours donné des résultats négatifs. En résumé, un nerf moteur qui vient de subir une section transversale, présente dans toute sa longueur un accroisse- ment immédiat d’excitabilité. Cet accroissement est d'autant plus fort que le point considéré est plus proche de l'extrémité libre. La répétition des sections produit celle des accroisse- ments d'excitabilité. Il est par conséquent légitime d’admettre, au moins provisoirement, que la loi de Pflüger est simplement l’expression d’une modification spéciale imprimée au nerf par l'opération. L’énerqie de la contraction musculaire ne dépen- drait donc pas de la distance du point excité au muscle, mais bien de la distance du même point à la section transversale. Quant aux causes invoquées pour expliquer l'effet de la sec- tion, nous rappellerons seulement que Meissner et Harless (loc. cit.) l’attribuent à la dessication rapide des éléments nerveux exposés à l’air; explication inadmissible pour nous, puisque toutes les mesures étaient prises dans nos expériences pour prévenir l’évaporation. Hermann pense avec raison que la section des rameaux latéraux du nerf peut influencer lex- citabilité du tronc nerveux lui-même. Il importe donc dans l'étude que nous allons faire maintenant sur le nerf normal, non seulement de respecter l'intégrité du tronc principal, mais encore d'éviter toute lésion des rameaux qui s’en sépa- rent. La méthode employée dans ce but et les résultats obte- nus font le sujet du paragraphe suivant. 2 Expériences sur le nerf non sectionné. C’est encore à la méthode d’excitation unipolaire qu’il faut avoir recours pour étudier l’excitabilité du nerf relié aux centres nerveux : elle seule permet, en effet, d’explorer suc- ARTICLE N° 1, EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 29 cessivement divers points du tronc nerveux en respectant le plus possible les conditions de l’état physiologique. Toutefois, nous avons dù sacrifier, dans nos expériences, un des plus précieux avantages de cette méthode, la possibilité d’exciter le nerf à travers les téguments, en raison de la constitution et de l'épaisseur variables des parties qui le recouvrent et que ie courant doit traverser. Pour permettre des observations précises, le procédé expé- rimental devait satisfaire à de nombreuses exigences, et les appareils jusqu'ici employés pour l'excitation umipolaire ne pouvaient nous suffire. [l était nécessaire d'appliquer, en des points déterminés du nerf dénudé, plusieurs électrodes dont les extrémités eussent exactement le même diamètre, afin que la densité du courant füt identique en tous les points explorés. L'application devait être rapide et facile, pour atté- nuer, dans la mesure possible, l’action de l'air et le dessé- chement. Il fallait enfin, dans un temps très court, lancer le courant explorateur de même intensité, successivement dans les divers points d’élection. Voici la description de l’appareil que, d’après les conseils de M. Chauveau, nous avons fait construire, en vue de réaliser ces diverses conditions (fig. 8) : Sur une plaque rectangulaire de caoutchouc durei, s'élèvent verticalement quatre tiges cylindriques en laiton dont les extré- mités inférieures, de forme quadrilatère, s'engagent et peu- vent glisser dans quatre rainures parallèles, creusées à Jour et munies d’une garniture métallique. Un ressort, réglé par une vis de pression, est adapté, au-dessous de la plaque, à chaque tige, permettant de réduire le frottement au degré convenable et d'assurer la précision du mouvement. Chaque support est muni d’un long bras horizontal, susceptible de déplacements, soit dans le sens vertical, soit par rotation transverse, et dont la fixité est assurée par le jeu d’une lame métallique mince, légèrement courbe, faisant ressort entre la tige et l'anneau qui glisse sur elle. À l'extrémité de chaque bras on peut fixer une électrode impolarisable, dont le fil de zinc amalgamé, se 30 CHARBONNEL-SALLE. recourbant, vient s'engager dans une petite borne. Par la combinaison des trois déplacements indiqués, chaque élec- trode peut être amenée au-dessus du nerf, et, pour ainsi dire, mise au point sans perte de temps. Enfin la plaque de caoutchouc durei qui porte tout l'appareil est encla- vée dans une lame de liège, renforcée en dessous par une Fig. 8. — Appareil pour l'excitation unipolaire des différents points d’un nerf. planchette en bois dur et dont un des côtés est disposé pour s'adapter au myographe. Les supports étant parfaitement isolés, chacun d’eux présente une série continue de pièces mé- talliques en contact, depuis le fil de l’électrode jusqu'aux gar- nitures métalliques dans lesquelles ils glissent; celles-ci sont reliées en dessous à quatre bornes, invisibles dans la figure, et qui permettent de fixer les fils où doit circuler l'électricité. Aucun fil, par conséquent, ne passe au-dessus de l'appareil et ne peut gèner la manipulation. Dans la plupart de nos expériences, nous avons substitué ARTICLE N° 1. EYCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 31 aux électrodes impolarisables de simples fils de platine, égaux en diamètre, et présentant à leur extrémité une section très nette. L'opération est ainsi simplifiée, et l’exactitude n’est pas sensiblement compromise, la polarisation par les courants instantanés étant très faible et d’ailleurs égale en tous les points explorés. Nous avons toujours, dans ces recherches, réduit la surface du condensateur à 1 microf. Pour faire l’expérience, une grenouille vigoureuse et intacte est fixée au moyen d’épingles sur fa plaque de liège et le tendon d’un gastrocnémien est relié au levier du myographe. Le nerf sciatique du même côté est ensuite découvert avec soin dans la région que l’on veut explorer, en ménageant les rameaux qui s’en détachent au niveau de l’échancrure sciatique, ainsi que les vaisseaux fémoraux dont la rupture causerait des hémorrhagies fort nuisibles au succès de l'opération. Les muscles sont maintenus écartés par des épingles, puis les électrodes sont ajustées aux points d'élection, à lexception d’une placée sur le dos de la grenouille. Si toute effusion san- guine n’a pu être évitée, il est nécessaire d’éponger légèrement les tissus avec de petits fragments de papier à filtrer, l’expé- rience ayant prouvé que les résultats de l’excitation unipolaire peuvent être influencés, dans une certaine mesure, sous le rapport de l'intensité, par l’humectation variable des sur- faces. Un des fils, Le fil positif, par exemple, aboutit à l’élec- trode dorsale; les fils négatifs, en rapport avec les nerfs, se rendent à un distributeur qui permet de lancer le courant suc- cessivement dans chacun d’eux. Il est d’ailleurs facile, au cas où l’on désire étudier en même témps quatre points du nerf, d'adapter à l’appareil une cinquième électrode fixée à un sup- port flexible de Mare. Parmi nos expériences, nous avons retenu seulement celles dont la marche régulière était exempte de toute perturbation accidentelle, et rejeté les autres. Ces essais, variés et répétés, nous autorisent à formuler les résultats suivants : le nerf sciatique, maintenu dans ses rapports normaux, et conser- vant jusqu’à un certain point sa circulation propre, présente 32 CHARBONNEL-SALLE. des différences locales d’excitabilité. Deux points sont remar- quables entre tous par leur réaction plus forte : l’un, situé à la partie supérieure de la cuisse, répond exactement à l’émer- sence des branches fémorales; l’autre, à l’extrémité inférieure, se trouve à la bifurcation du nerf. Toute la région intermé- diaire, moins excitable, n'offre pas de différences constantes et dignes d’être signalées. Au-dessus de l’échancrure sciatique, dans la région sacrée, lexeitabilité diminue notablement ct ne présente pas de points remarquables. — Dans la plupart de nos expériences, nous avons trouvé une différence appréciable entre les deux points extrêmes de la région fémorale, la réac- tion du point supérieur se montrant un peu plus forte; mais cette différence n’est pas constante. La figure 9 montre le résultat de l'excitation des deux points Fig. 9. — Excitahilité de trois points différents du nerf sciatique non sectionné. Pour chacune des intensités successives, l'excitation est faite dans l'ordre suivant : échan- crure sciatique, milieu de la région fémorale, bifurcation. 20, Daniell, [ micros. Réoch. de 50 en 50 cent. Pôle négatif sur le nerf. extrèmes de la région fémorale du sciatique a ele, et d’un point moyen b, situé à égale distance des deux premiers. Chaque tour du cylindre provoquant une décharge du con- densateur, il faut trois tours ou vingt-sept secondes pour que Jes trois points soient excités avec chacune des intensités suc- ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 33 cessives. Cette courte durée de chaque essai restreint beau- coup la part que l’on pourrait attribuer dans les résultats à l’altération des propriétés du nerf. On voit, par l’examen de ce tracé, 1° que les deux points «& et c donnent des secousses iden- tiques pour la même force de l’excitant et possèdent des degrés d'ivritabilité sensiblement égaux; 2° que le point moyen b réagit seulement à partir de l'intensité 4, et que sa réaction n'a pas encore, en 7, atteint la valeur des deux autres. La comparaison poursuivie de la même manière entre le point d’excitabilité maxima, au niveau de léchancrure séia- tique et des points divers choisis sur les parties supérieures du nerf nous à toujours montré une différence notable à l’avan- tage du premier. Les résultats obtenus pour la totalité du nerf, résumés par la courbe de la figure 19, diffèrent donc beaucoup die Courbe de l’excitabilité du nerf sciatique. | de ceux que fournit l'étude du nerf sectionné ; fait qui d ailleurs ne doit en rien nous surprendre, st nous ose la diffé- rence profonde existant entre les deux conditions expérimen- tales. Mais nos résultats sont en outre en contradiction mani- feste avec ceux que Pflüger lui-même, et plusieurs physiologistes à une époque récente ont obtenus pour le nerf intact. Ils s'accordent assez bien, au contraire, avec le phénomène des points remarquables signalé par Budge, et aussi avec la repré- sentation graphique par laquelle Heidenhain exprime les varia- tions de l’excitabilité sur le sciatique de grenouille (1). Ge _physiologiste indique notamment un maximum très net, un peu au-dessus de l’émergence des branches fémorales et la diminution progressive de l’excitabilité dans les parties supé- rieures du nerf. (1) Voy. Hermann, Handbuch der Physiologie, erster Theil, s. 115. ANN. SC. NAT., ZOOL., JUILLET 1881. XI1:.3: — ANT: N° (. 34 CHARBONNEL-SALLE. Ilest difficile d'admettre que les résultats constants de ces expériences expriment seulement un état d’altération du nerf, se produisant toujours de la même manière, et nous pensons qu'ils révèlent des différences réelles, physiologiques, dans l’'exeitabilité des divers points du nerf. Ces différences, mesu- rées par les longueurs de fil du rhéochorde, sont d’ailleurs peu considérables, et la courbe que nous donnons, beaucoup moins accentuée que celle d’'Heidenhain, les exagère notablement, afin de les rendre plus visibles. Ces différences toutefois ne sont point réparties de la ma- nière la plus favorable à l'hypothèse de l’avalanche, puisque l’excitabilité, au lieu de décroître régulièrement de l'extrémité centrale à la périphérie, suit une courbe sinueuse. Wundt (1), signalant ces irrégularités de la courbe d’excitabilité, ne les trouve pas inconciliables avec l'hypothèse de l’avalanche : « Ce fait, dit ce physiologiste, ne prouve rien contre l'accroissement de l'excitation, d’autres conditions accessoires pouvant venir entraver le phénomène et déterminer ces irrégularités dans la courbe. » Nous admettons volontiers que l'accroissement de l'excitation pendant son parcours soit, jusqu’à un certain point, indépendant des manifestations locales de l’excitabilité; qu'il puisse exister, comme mode normal de la transmission mo- trice, sans entrainer une décroissance régulière de courbes de contraction. Mais si les expériences de Budge, d'Heidenhain, et celles que nous avons décrites, sont exactes, le fait expéri- mental qui fut, à l’origine, le principal fondement de la théorie de l’avalanche, ne se vérifie pas dans les conditions se rappro- chant le plus de l’état physiologique. C’est donc à des faits et à des considérations d’un autre ordre que cette théorie doit demander un appui. Dans l'exposé précédent, à la fois critique et expérimen- tal, nous avons pris surtout en considération les expériences dans lesquelles l’excitant électrique à été employé comme agent d'exploration. C’est à ce mode d’excitation que, dans nos (1) Wundt, Éléments de physiologie humaine, trad. Bouchard, 1872, p. 420. ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 39 propres recherches, nous avons eu exclusivement recours. Il nous à paru préférable à tout autre, à Fexeitation mécanique ou chimique, par exemple, en raison de la facilité et de la pré- cision avec lesquelles il est possible de le graduer; et nous ne pensons pas qu’on doive attribuer, avec Tigerstedt, les phéno- mènes observés à une action spécifique de lélectricité, aux modifications qu’elle imprime à la substance nerveuse. Ges modifications d'ailleurs, dont le physrologiste allemand parle en termes fort vagues, devraient affecter également, pour une mème intensité, tous les points successivement explorés; et l’on ne saurait dès lors leur attribuer les différences révélées par l’examen des tracés. Dans tout ce qui précède, suivant la méthode ordinairement employée par les physiologistes, nous avons étudié les varia- tions de l’excitabilité en prenant pour unité de mesure l’im- tensité du courant rigoureusement nécessaire pour produire l'excitation : c’est la secousse minima qui constitue le signe extérieur de l’activité nerveuse. Tout autre phénomène ma- nifesté par le nerf excité et susceptible de mesure précise, pourrait être utilisé dans le même but; c’est ainsi que du Bois-Reymond à pu démontrer l’augmentation d’exeitabilité consécutive à la section par la mesure de la variation négative. Nous avons eu l’idée de rechercher si les manifestations élee- trotoniques sont influencées par les changements de l’excitabi- lité; si leur intensité dépend, comme la production des se- cousses musculaires, des diverses conditions physiologiques qui modifient Paptitude du nerf à l'excitation. Par suite de difficultés pratiques faciles à concevoir, nous avons dà limiter nos recherches à un seul point du sujet; nous avons étudié seulement l'influence exercée par la section, unique ou répétée, sur la valeur de l’électrotonus. Mais il suffit sans doute d'établir un rapport entre l’éleetrotonus et l'excita- bilité, dans une condition donnée, pour que ce rapport soit susceptible d’une généralisation immédiate. Nous rappellerons d’abord brièvement la définition et les caractères des phénomènes électrotoniques, découverts en 1843 96 CHARBONNEL-SALLE. par du Bois-Reymond. Un courant parcourant une certaine étendue d’un nerf vivant détermine dans les régions extrapo- laires, la production d’une force électromotrice de même di- rection et dont le maximum est dans le voisinage des pôles. L'effet se produit, qu'il y ait ou non excitation du nerf; c’est ainsi qu'un courant constant produit l’électrotonus pendant toute la durée de son passage, en l’absence de contraction musculaire. En renversant la direction du courant polarisant, on renverse également celle de la force électromotrice extra- polaire. Si, au moyen de deux électrodes impolarisables, or introduit dans le circuit d’un galvanomètre, à fil très fin et très long, une des régions extrapolaires ainsi polarisées, on dérive le courant électrotonique et la déviation du système astatique permet à la fois de constater son existence et de mesurer son intensité. En adoptant la nomenclature d'Hermann (1) nous appelle- rons partie intrapolaire la partie du nerf comprise entre les électrodes du courant polarisant; partie dérivée, l'étendue comprise entre les électrodes du courant galvanométrique ; partie dérivante, Vétendue comprise entre les deux régions précédentes. Un caractère fondamental de l’électrotonus con- siste en ce fait, que la ligature ou l’écrasement du nerf dans la région dérivante supprime aussitôt toute manifestation élec- trotonique. C’est le critérium certain qui, dans toute expé- rience, permet de distinguer les vrais courants électrotoniques des branches du courant polarisant, accidentellement dé- rivées. Dans la définition précédente, nous faisons abstraction complète du courant nerveux propre, manifesté à létat de repos par la dérivation de la section tranversale et de la sur- face longitudinale du nerf, ou même de deux points asymé- triques de cette dernière surface. C’est qu’en effet, ce courant nerveux n’a rien de commun avec les courants électrotoniques. Ces derniers, dont l'intensité peut l'emporter de beaucoup sur (1) Hermann, Handbuch der Physiologie, erster Theil, s. 158. ARTICLE N° 4. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 37 celle du courant nerveux, s'ajoutent à lui algébriquement, quand il existe, et suivant qu’ils sont de même sens ou de sens inverse, le renforcent ou le diminuent. Ainsi prennent nais- sance les deux phases, positive et négative, de l’électrotonus, signalées par tous les auteurs classiques; la phase négative présente toujours une moindre intensité et une diminution plus rapide par le dépérissement du nerf. Mais l’électrotonus se manifeste aussi bien en l’absence du courant nerveux propre, ou quand il en existe à peine des traces, soit par suite de la dérivation en deux points symétriques, soit dans le cas où l’on opère sur le nerf intact et non sectionné. Dans notre exposé, 1l ne sera donc nullement question de phase positive ou négative ; et nous distinguerons seulement les états électro- toniques ou de polarisation, en polarisation ascendante et po- larisation descendante, suivant la direction du courant galva- nique dans le nerf. Nous pouvons maintenant examiner l’influence exercée sur l’intensité des états de polarisation par les degrés divers d’irri- tabilité. Voici d'abord la marche générale de nos expériences, faites pour la plupart au moyen des courants constants et du galvanomètre; quant à l’électrotonus déterminé par les cou- rants instantanés, nous nous réservons de décrire, dans un chapitre spécial, les procédés de recherche qui lui sont appli- cables. Nous enlevons, sur une grenouille vigoureuse, une des pattes, en laissant appendu le nerf sciatique, isolé dans toute sa longueur et relié à la partie inférieure de la moelle épinière, longue d'environ 1 centimètre ; ce fragment de moelle est en- levé avec la partie correspondante du rachis. La préparation est disposée sur l’appareil à quatre électrodes impolarisables, (fig. 3); la patte, dont le gastrocnémien est relié au myo- graphe, est fixée sur la lame de liège, tandis que le morceau de rachis repose sur une petite plaque de gutta-percha ; le nerf est protégé contre la dessication par la chambre humide. Les deux électrodes inférieures conduisent au nerf le courant constant polarisant, qu’un interrupteur permet de fermer et d'ouvrir à volonté. Ce courant est en général très faible, ca- 38 CHARBONNEL-SALLE. pable de produire seulement les contractions de fermeture. Les deux électrodes supérieures terminent le circuit galvano- métrique. Ges électrodes doivent être, autant que possible, dépourvues de toute force électromotrice propre ; nous avons. réalisé, d’une façon assez satisfaisante, cette condition en employant la méthode de Du Bois-Reymond, c’est-à-dire en préparant nos électrodes longtemps à l'avance et en les: maintenant constamment réunies par un fil de coton imbibé. d’une solution de sel à +. Le galvanomètre, construit par- Rhumkorif, et d’une extrême sensibilité, repose sur une plaque: de marbre scellée dans le mur du laboratoire ; le fil de suspen- sion du système astatique, porte un miroir dont le plan verti- eal suit exactement les moindres déviations. Une lunette à réticule, dont le support est muni d’une règle transversale divisée en millimètres, permet de lire à distance les déviations très amplifiées. C’est l’image elle-même de la règle transver-- sale, réflétée par le miroir, qui se déplace quand celui-cx tourne autour de son axe. Nous abrégeons la durée de chaque expérience, Sans en compromettre l’exactitude, en mesurant Fintensité des courants par la déviation initiale, ou arc d’im- pulsion, et nous n’attendons pas que le système astatique,. après une longue série d’oscillations, prenne une position fixe (4). Nos observations se divisent en deux séries : les unes sont relatives à l'influence exercée par l'augmentation d’irritabilité: sur la polarisation descendante; les autres concernent la pola- risalion ascendante. Ce dernier état de polarisation se montre toujours, pour un même nerf relié à la moelle, beaucoup moins prononcé que l’autre. Mais, dans l’un et l’autre cas,. l'accroissement d'irritabilité entraîne constamment un renfor-- cement très notable des phénomènes électrotoniques. Et cet. effet n’a pas lieu seulement alors que le nerf, encore très frais, manifeste ces phénomènes avec toute leur intensité; 1l se pro— (1) Les déviations du système astatique, dans nos expériences, étant toujours très faibles et de quelques degrés seulement, nous pouvons admettre que l’inten-. sité des courants est proportionnelle aux déviations. ARTICLE N° 4. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 39 duit encore par la répétition des sections, quand le nerf est déjà affaibli, quand l’électrotonus est en pleine décroissance. Il existe donc un parallélisme complet entre nos résultats actuels et ceux que nous avons obtenus en étudiant l'influence des sections sur la production des secousses. Pour mieux faire comprendre la marche de ces phéno- mènes, nous allons transerire une des nombreuses expériences consignées dans notre registre de notes : G mai 1880. — Une patte de grenouille rapidement préparée est fixée sur l’appareilet le tendon du gastrocnémien relié au myographe. Le nerf sciatique est disposé sur les quatre élec- trodes et le fragment de moelle est isolé sur une plaque de gutta-percha. Longueur de la région intrapolaire et de la ré- gion dérivée, 8 millimètres ; longueur de la région dérivante, 5 millimètres. Le courant est descendant et son intensité, à peine supérieure à la minima, reste constante dans tous les essais successifs (2 ET. Damiell, n° 3 du rhéochorde). Le gal- vanomètre dont le cireuit est fermé par un fil de coton humide réunissant les électrodes supérieures, est immobile à la divi- sion 12,5. Après l'installation du nerf, il dévie légèrement et se fixe à 11. 4% polarisation descendante : déviation initiale à 21,5. Secousse de fermeture très nette ; pas de secousse d'ouverture. Le galvanomètre revient à 11, et se fixe. 2° polarisation : déviation à 20,5. On coupe le nerf à 5 millimètres de l’électrode extrème. Il se produit une violente contraction et le courant nerveux s’éta- blit. Le galvanomètre se fixe à 15,5. On ferme de nouveau le circuit du courant constant; secousse très forte. 3° polarisation : déviation à 30,5. On ouvre le courant; secousse. Le galvanomètre se fixe à 16. Le courant est fermé et ouvert encore à cinq reprises diffé- rentes. Les secousses de fermeture et d'ouverture se produisent les deux premières fois; cette dernière disparait dans les trois derniers essais. Les déviations dues à la polarisation vont en diminuant par dépérissement du nerf. 40 CHARBONNEL-SALLE. La série des déviations absolues depuis le début jusqu’à la fin de l'expérience est la suivante : Dévialions. Secousses. Avant la section : re 10,5. NÉ RERO TERRE F. $ PAR EU SPAS ENNEART RE RTE ET NN F. Apres Aaÿsection 90 ADR este ler F et O. PORRRSES MERS A RNA TS F et ©. EE RER RARE F et O. Go AMD ATEN EE F RE LIU RE a des mn Ge F DO TO CD AN PA, te F On serre le nerf entre les mors d’une pince dans la région dérivante. La production des effets électrotoniques cesse immé- diatement. L'augmentation d’excitabilité du nerf est rendue manifeste, dans l'expérience précédente, par la production de la secousse d'ouverture qui faisait défaut avant la section. Comme l’exei- tation elle-même, les phénomènes électrotoniques sont donc mtimement liés à la vitalité du tissu nerveux et leur intensité suit exactement les modifications imprimées à l’excitabilité. Les connaissances que nous venons d'acquérir relativement à lirritabilité des nerfs musculaires et des variations qu'elle peut offrir sous l'influence de diverses conditions, nous per- met d'étudier maintenant avec précision l’action physiologique des courants. Nous diviserons cette étude en deux chapitres. Dans le pre- mier, nous traiterons des phénomènes produits par le courant lorsqu'il parcourt le nerf dans le sens longitudinal. Le second chapitre est réservé à l’action du courant transversal. CHAPITRE IT ACTION DU COURANT LONGITUDINAL Dans l'exposé des expériences qui font le sujet de ce cha- pitre, nous passerons successivement en revue les différentes circonstances, physiques et physiologiques, qui déterminent les manifestations variées de l’excitation motrice. La direction ARTICLE N° |. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 41 des courants dans le nerf, jieurs divers degrés d'intensité, sont à considérer tout d’abord. Mauisil est d’autres éléments encore, capables d’influer beaucoup sur la mise en Jeu de Pactivité nerveuse. C’est ainsi que nous avons observé des différences remarquables dans x produetion des secousses, quand nous avons fait varier la surface du condensateur, constamment employé dans ces recherches, différences qui s'expliquent par des changements correspondants dans la durée des flux élec- triques. Cette étude spéciale méritait toute notre attention, en raison de sa nouveauté, et des éclaircissements qu'elle est susceptible de fournir sur les phénomènes intimes de Pexcita- tion électrique. L'examen des faits concernant la direction, l'intensité el la durée des courants sera le sujet d’un premier paragraphe. L'influence des divers états de dépérissement du nerf, celle de la longueur du cordon nerveux compris entre les pôles, enfin la hauteur et la durée des secousses, considérées dans leurs rapports avec la force de l’excitant, tels sont les diffé- rents points qui se rattachent par des liens étroits à la question principale, et que nous étudierons ensuite suivant lordre mème de cette énumération. S 1%, — Influence de la direction et de l'intensité des cou- rants instantanés. — Effets observés en faisant varier la surface du condensateur. — La plupart des expérimentateurs mo- dernes, dans leurs recherches sur Paction physiologique des courants, emploient la patte de grenouille isolée, conservant le nerf sciatique sur une assez grande longueur : c’est la pré- paration bien connue sous le nom de patte qalvanoscopique. Les électrodes sont, dans ce cas, directement appliquées sur le nerf qui constitue le seul conducteur organique traversé par le courant. Il existe d’autres modes de préparation, dans les- quels le conducteur comprend à la fois les nerfs, les muscles et mème la moelle épinière. Ces procédés, auxquels les anciens électro-physiologistes avaient souvent recours, ont donné à Ritter, Marianini, Matteucci, des résultats dignes du plus grand intérêt. Autant les conditions sont simples quand le CZ 42 | CHARBONNEL-SALELE. courant traverse uniquement les nerfs, autant elles deviennent complexes, quand le conducteur organique est formé de plu- sieurs tissus. Dans nos expériences, nous avons mis en usage trois modes de préparation. Nous allons les indiquer et décrire les appareils qui permettent leur application. 1° Le nerf est isolé et repose sur des électrodes impolari- sables. La jambe, désarticulée avec soin, est fixée au moyen d’épingles sur la plaque de liège de l'appareil décrit page 18. et le tendon du muscle gastrocnémien est relié au fil du myo- graphe. 2° Le second procédé, employé surtout par Ritter, consiste à préparer d'abord la grenouille à la manière de Galvani, e’est- à-dire à séparer de l’organisme les deux pattes, unies par la symphyse du bassin, et conservant leurs nerfs lombaires avec un segment de moelle épinière et de colonne vertébrale. Gn fend ensuite ce segment suivant sa longueur, de façon à séparer l’un de l’autre les deux faisceaux de nerfs lombaires, et les. électrodes sont mises en contact avec les deux morceaux de colonne ver- tébrale. Le conducteur interpolaire est donc for- mé : 4° -d'unetparue moyenne représentée par- la région supérieure des deux cuisses; 2° des deux faisceaux nerveux; 3° des = {| deuxfragments osseux sus- nn li perdus ice faisceau TANDEM UUe L'appareil destiné à Fig. 11.— Appareil pour lexcitation-des nerfs eette préparation est re- disposés suivant le procédé de Ritter. À présenté dansla figure 14. Une plaque de caoutchouc durer porte trois lames de liège : ARTICLE N° 1. LL RTDSUEE 1) il sapin a À te CCE = ji CITE ENTENNINEEITINUEN EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 43 une médiane, très grande, reçoit et permet de fixer les deux pattes de grenouille dont les gastrocnémiens sont mis en relation avec le myographe double. Les deux autres lames, très petites, reçoivent les deux fragments osseux; leur situa- tion est calculée d’après la longueur des faisceaux lombaires chez les grenouilles de taille moyenne. Un tube de verre, ou- vert aux deux bouts, présente une de ses extrémités au centre de chaque lame dont il affleure la surface, et se recourbant sous l'appareil, vient s'ouvrir au-dessous de la branche hori- zontale d’une borne métallique; la partie verticale de cette borne est reliée par un fil conducteur à larmature du conden- sateur. Une baguette de zinc amalgamé, fixée à la branche horizontale, plonge dans la solution de sulfate de zinc dont le tube est rempli; à l’autre bout du tube une couche d’albumine est imterposée entre la solution de zinc et les deux segments de rachis. Les électrodes sont parfaitement isolées si la surface de la plaque est privée de toute humidité. La décharge du condensateur traverse en même temps les deux nerfs à chaque fermeture, ascendante dans l’un et descendante dans l’autre. Enfin le jeu du commutateur permet de renverser alternative- ment le sens du courant dans chacun d’eux. 3° La troisième manière de disposer la grenouille, mdiquée déjà par Volta, est celle que Marianini et Matteucei (1) ont fréquemment emplovée dans leurs recherches sur l’action des courants. Elle consiste, la grenouille étant d’abord préparée à la manière de Galvani, à séparer les deux cuisses par un coup de ciseaux sur la symphyse, de manière qu'elles ne soient plus réunies l’une à l’autre que par le tronçon de co- lonne vertébrale qui tient aux deux nerfs lombaires. Dans une telle préparation, la partie inférieure de la moelle conserve son intégrité; c’est là une condition physiologique de grande importance. Les électrodes étant appliquées aux parties supé- rieures des deux cuisses, le courant s'établit en traversant suc- cessivement cinq conducteurs placés bout à bout et qui sont, (1) Voy. Matteucci, Cours d’électro-physiolegie, pl. 1, fig. 1. 4% CHARRONNEL-SALLE. en supposant le pôle positif à droite : 4° La partie supérieure de la cuisse droite ; 2 le faisceau lombaire droit; 3° la portion de moelle et de rachis intermédiaire aux deux nerfs ; 4° le fais- ceau lombaire gauche; 5° la partie supérieure de la cuisse gauche. L'appareil représenté dans la figure 19 répond aux exigences ue = = Î l l J. BLANAGET. Fig. 12. — Appareil pour l'excitation des nerfs disposés suivant le procédé de Marianini. spéciales de ce mode de préparation ; identique au précédent, quant aux conditions essentielles, il en diffère seulement par la disposition des lames de liège et par la situation des élec- trodes. La simple inspection de la figure permettra de com- prendre aisément la manière dont la grenouille est disposée sur le passage du courant. Avant d'exposer nos expériences, nous devons signaler en- core une condition générale importante pour l'exactitude du résultat : c’est l'alternance régulière dans les changements de sens des flux électriques. On sait à quel point la permanence du courant dans la même direction est capable d’altérer les propriétés nerveuses, en déterminant une prompte fatigue. Notre mode d’expérimentation écarte cet inconvénient qui ARTICLE N° Î. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 45 tient surtout à l'emploi des courants continus, mais que l’on ne saurait négliger quand il s’agit de courants instantanés d’une certaine durée, provenant d’un condensateur de grande surface. Si nous considérons l’ensemble des faits résultant de nom- breuses expériences, nous remarquons d’abord qu’ils se pré- sentent sous deux aspects très différents, suivant que nous avons employé la plus grande ou la plus petite surface de notre condensateur. Cette différence essentielle nous oblige à scin- der notre exposé en deux parties. Nous examinerons donc suc- cessivement : a. — Résultats de lexcitation par le condensateur à grande surface (10 microfarads). b. — Résultats de l’excitation par le condensateur à petite surface (1 microfarad). a. — Un nerf absolument frais est disposé sur les électrodes extrêmes de l'appareil excitateur, de telle façon que le segment traversé par le courant ait une longueur de 3 centimètres. On enregistre les secousses, à partir de la minima, en faisant croître très lentement l'intensité de Ia décharge. Celle-ci, pour chacune de ses valeurs successives, traverse deux fois le nerf : 1° suivant la direction ascendante ou centripète; ® suivant la direction descendante ou centrifuge. Il résulte de cette expérience : 1° que le courant ascendant excile le premier la contraction ; 2° que les contractions pro- voquées par le courant descendant, apparues tardivement, conservent longtemps encore un caractère d’infériorité. Ce résultat, nous le répétons, est propre aux nerfs tout ré- cemment préparés et ne se montre nettement que si la force du courant croît avec une extrême lenteur. Si l'on répète l’ex- périence sur le même nerf, à de courts imtervalles, on ne tarde pas à constater, d’abord l'égalité d'action des courants très fables pour les deux sens, puis l’inversion de la phase initiale ; la supériorité appartient désormais au courant descendant. En été, quelques minutes suffisent souvent à produire l’inver- sion, surtout si la section transversale est très voisine de 46 CHARBONNEL-SALLE. l’électrode extrème ou si le nerf provient d’une grenouille affaiblie. — La figure 13 montre la priorité d’action du cou- rant ascendant dans les conditions indiquées. .ù (LA Fig. 13. — Supériorité d'action du courant ascendant,;:pour les très faibles intensités. — La première secousse est produite par le courant ascendant, à l'intensité 3. La secousse par courant descendant apparaît à l'intensité 4. 3 Daniell, 10 microf. — Fil vertical du Rhéochorde, croissant par deux centimètres. Augmentons la force de la décharge, assez vite pour devancer l’altération des propriétés nerveuses, et nous ne tar- dons pas à voir s'établir une parfaite égalité des secousses, égalité qui se maintient pendant une longue série d’intensités ; puis le courant ascendant, tantôt brusquement, tantôt par une diminution graduelle des secousses, cesse d’agir, le cou- raut descendant conservant indéfiniment son activité. Si l’exei- tation est longtemps continuée, les secousses présentent, plus ou moins promptement, une lente diminution d'amplitude en rapport avec une durée plus considérable ; nous retrouvons là l'effet bien connu de la fatique, soit nerveuse, soit musculaire. La disparition des secousses par l'accroissement d'intensité du courant ascendant, disparition sans retour possible avec le condensateur à 10 microfarads est bien le fait du courant lui- même, et non de toute autre circonstance, telle, par exemple, que le dépérissement rapide de l'extrémité du nerf sectionné. Il est facile, en effet, de l’obtenir d'emblée sur le nerf très ARTICLE N° {. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 47 frais et intact. Mais une preuve plus convaincante nous est fournie par le tracé de la figure 14. On a fait agir sur le nerf Fig. 14. — Apparition des secousses provoquées par le courant ascendant : intensités décroissantes. Nerf très frais. Par suite des commutations, le courant est alternati- vement asc. et desc. — 10 Microf. 20 EI. Daniell, Réoch. de 15 à 5. une décharge ascendante assez forte pour ne produire aucune contraction, puis on diminue progressivement la valeur de l’excitant. Les contractions ne tardent pas à naître et à s’ac- croître d’une façon régulière, alternant avec celles du courant descendant qui conservent leur caractère primitif. La figure 15 donne la représentation graphique de la loi des secousses pour les deux directions du courant instantané et pour trois degrés différents d'intensité. Les conditions fort simples de l’expérience précédente per- mettent d’en pénétrer aisément le mécanisme. Il suffit de se rappeler trois faits bien connus : 1° le degré plus élevé d’exci- tabilité des parties supérieures du nerf sectionné ; 2° la supé- riorité d'action du pôle négatif, telle que les courants très faibles produisent l’exeitation physiologique uniquement à leur point de sortie (1); 3° enfin, la propriété que possèdent les courants forts de diminuer et même de supprimer entièrement, dans la région du pôle positif, le pouvoir conducteur du nerf pour l'excitation (2). (1) Chauveau, Théorie des effets physiol., ete., Journal de la physiol. 1859. (2) Pflüger, Physiologie des électrotonus, 1859. 48 CHARBONNEL-SALLE Voici maintenant l’interprétation des trois phases succes- sives que nous avons observées : un courant très faible agit seulement suivant la direetion ascendante, parce que le pôle . For - LE C. a = “= LG c.FATBLE re Fort E Gi — ———" os e EE ES Fa ES ET 2 ES EC JAN NE NE D EN SEE RE ES CS ES GDS RE CO SE EE US RE) CO D ER LES QE VE LEA = Fig. 15. — Loi des secousses du nerf frais, pour les deux directions du courant et trois degrés d'intensité. Les tracés Tet IT ont été pris avec le même nerf. négatif, seul doué d'activité, repose sur la partie supérieure du nerf, plus excitable (1° degré). Par l'augmentation gra- duelle de l'intensité, le courant altemt bientôt un degré suffi- sant pour exciter, par son pôle négatif, les parties inférieures du nerf aussi bien que les supérieures : alors paraît la double ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 49 contraction (2 degré). Enfin, si accroissement est poussé assez loin, le pôle positif produit la suppression de la conduc- üibilité physiologique ; le courant ascendant cesse alors d'agir, parce que l'excitation du pôle négatif est arrêtée dans son par- cours vers le muscle (3° degré). Examinons maintenant l’action physiologique des courants instantanés, de force graduellement croissante, sur la gre- nouille disposée suivant les procédés de Ritter et de Marianini. Nous rappellerons que la décharge, lancée à chaque fermeture du rhéotome dans le conducteur complexe dont les faisceaux lombaires font partie, traverse l’un de ces faisceaux suivant la direction ascendante, l’autre suivant la direction descendante. On enregistre au moyen du myographe double les contractions des deux muscles gastrocnémiens. Les résultats de l'excitation, dans ces conditions nouvelles, comparés à ceux du nerf isolé, montrent une similitude fondamentale et quelques différences accessoires. La loi générale des secousses est la même que dans le cas précédent; chacune des pattes, considérée isolément, réaoit en premier lieu au courant ascendant; puis, deux réac- tions égales répondent aux courants des deux directions ; enfin, l'intensité augmentant toujours, le courant ascendant cesse définitivement de produire des secousses. Telle est la manifes- tation générale du phénomène, si lesconditions physiologiques de la grenouille sont normales et la préparation promptement faite ; et la même inversion de la phase initiale que nous a montrée le nerf sectionné se manifeste tôt ou tard, par le pro- grès du dépérissement. Mais 1l est important de noter que l’altération des propriétés du nerf dans les expériences actuelles suit une marche beaucoup moins rapide; et la réaction carac- téristique de l’état de fraicheur du nerf est par conséquent moins fugitive. Cette persistance de la manifestation initiale est surtout remarquable chez les grenouilles préparées suivant le troisième procédé : souvent il nous a été possible, même pen- dant l'été, de recueillir, à d’assez longs intervalles, plusieurs tracés où s’accusait nettement la priorité d'action du courant ANN, SC. NAT., ZOOL., JUILLET 1881. XII. 4. — ART. N° 1 50 CHARBONNEL-SALLE. ascendant faible, malgré le temps écoulé, et les excitations nombreuses qu'avait subies la préparation. Cette particularité laisse déjà soupçonner une réelle diffé- rence, sous le rapport du mécanisme intime de lexcitation, entre le nerf isolé et sectionné, et les faisceaux nerveux dis- posés suivant la méthode de Ritter et de Marianimi. Pour trouver la clef des phénomènes observés pendant le passage de l'électricité dans les conducteurs nervo-musculaires, 1l est nécessaire d'analyser avec soin la constitution spéciale de ces conducteurs, en tenant compte de l’état physiologique des nerfs aussi bien que des conditions physiques ie la propagation des courants (1). Une première condition essentielle à noter est relative aux nerfs eux-mêmes, exempts de toute section, et reliés par leur extrémité supérieure, soit à un lambeau mutilé, soit à un segment assez long et intact de la moelle. Nous ne pouvons évidemment nous attendre à trouver, surtout dans le dernier cas, une répartition des degrés d’excitabilité conforme à celle qui, sur le nerf isolé, apparaît aussitôt après la section; nous avons vu, en effet (page 24) que la section transversale de la moelle n’imprime pas au nerf une modification immédiate de son excitabilité. Aussi est-il facile de comprendre le fait signalé plus haut de la résistance souvent très longue opposée par les nerfs au dépérissement : le fragment de moelle auquel ils sont reliés conserve un certain temps sa vitalité, et la mort ne peut envahir les faisceaux nerveux qu'après l'extinction complète des propriétés physiologiques du tronçon médul- lare. Il résulte de ces considérations qu’il n’est pas possible d’at- tribuer à l’excitabilité plus forte des parties élevées du faisceau lombaire l’activité prédominante du courant ascendant de faible intensité ; il faut donc chercher une autre explication. (1) Les principes sur lesquels est fondée l'interprétation de nos expériences ont été déjà indiqués par M. Chauveau qui s’en est servi pour expliquer les résultats des anciennes recherches de Volta, de Ritter et de Marianini. (Voy. Théorie des effets physiol., etc. Journal de la Physiol., 1859-1860, page 285.) ARTICLE N° 1. EXCITATION ELECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. ol Si nous considérons le mode de constitution du-conducteur organique traversé par l’électricité, nous remarquons d’abord que chacun des faisceaux nerveux, relié au fragment de moelle par les racines rachidiennes, présente à son extrémité supé- rieure un faible diamètre, tandis que, par son extrémité infé- rieure, il plonge au sein d’une masse musculaire considérable. Or, c’est par l'intermédiaire du fragment médullare et des muscles que les nerfs sont mis en relation avec l'appareil exci- tateur; ceux-ci constituent, par conséquent, les véritables rhéophores du courant. Un courant transmis à travers le conducteur hétérogène a donc son point de sortie ou pôle négatif situé, si la direction estascendante, sur une partie du nerf très resserrée, et telle que la condensation de l'électricité y attemt un degré fort élevé. Si la direction est descendante, le pôle négatif, à raison du contact étendu entre les nerfs et les muscles, est plus diffus ; et la condensation du courant est, par conséquent, moins considérable (1). - Il suffit maintenant de se rappeler l’influence exercée sur l'excitation par la densité du courant au sein de l’organe exci- table, influence reconnue par tous les physiologistes, pour comprendre le véritable mécanisme des phénomènes que nous analysons. Lorsque l’intensité croit lentement, depuis zéro jusqu’à une valeur très élevée, le courant ascendant excite le nerf avant le courant descendant, parce que la densité au pôle négatif est forte dans le premier cas, faible dans le second. Quelques degrés de plus, et l’accroissement d'intensité com- pense, pour le courant descendant, la condition désavanta- geuse de la diffusion du pôle négatif : les secousses sont égales pour les deux sens. Enfin, un courant très fort supprime, dans la région positive, la conductibilité du nerf pour l’irritation : (1) La différence de conductibilité spécifique des nerfs et des muscles, nulle pendant la vie, d'après Ranke, à raison de la présence du sang dans les vais- seaux, n’est pas assez grande, même après la mort, pour qu’on puisse admettre une sortie brusque du courant traversant le nerf, au point où celui-ci s'enfonce dans la masse musculaire. Eckard a trouvé, en effet, la conductibilité des muscles à peine double de celle des nerfs. 5°? CHARBONNEL-SALLE. le courant ascendant cesse d'agir, parce que l'excitation du pôle négatif rencontre dans son parcours un obstacle infran- chissable. Telle est l'interprétation qui nous semble la plus plausible. Elle se déduit directement des conditions spéciales des prépa- rations, et s'écarte beaucoup de celle qui nous a permis d’ex- pliquer les effets du courant sur le nerf isolé. Tandis que celui-ci est disposé de façon à contracter des rapports iden- tiques avec les deux pôles, les conducteurs nervo-musculaires offrent des conditions polaires très dissemblables. C’est done surtout aux différences locales d’ercitabilité que nous attri- buons les effets propres aux nerfs isolés ; c’est par les diffé- rences locales de densité du courant que nous expliquons les résultats de l’expérience faite suivant les procédés de Ritter et de Marianini. Par une coïncidence singulière, l’action physio- logique des courants sur les nerfs, préparés suivant les trois méthodes, malgré les différences intimes de mécanisme, se révèle par des manifestations extérieures complètement iden- tiques. De tout ce qui précède, il résulte qu’il n’est pas besoin, pour l’explication des phénomènes, de faire intervenir l’influence de la direction même du courant dans les cordons nerveux. Cette influence propre du sens du courant à trouvé crédit jadis près des physiologistes et, pour la plupart des médecins, elle cons- tituait un des principes fondamentaux de lélectrothérapie. Nobili (1), par une comparaison bien connue, a donné, en quelque sorte, la formule de cette doctrine. Dans son mémoire sur l’action physiologique de l'électricité, si remarquable par l'exactitude des faits observés, Nobili compare « la différence d'action des courants suivant leur sens à la différence des sen- sations éprouvées par un animal quand on le frotte suivant le sens du poil ou à rebours ». L’erreur des anciens auteurs est d’ailleurs facile à comprendre, si Pon se rappelle que la plupart, depuis Volta, soit en opérant sur des nerfs déjà altérés, soit en (1) Nobili, Analyse expérimentale et théorique des phénomènes produits par l'électricité sur la grenouille. Trad. dans Ann. de Phys., 1830. ARTICLE N° f. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 93 employant d'emblée de trop forts courants, avaient constaté la supériorité excitatrice du courant descendant (1) : ils expli- quaient tout naturellement le fait en admettant que l'électricité agit avec plus de puissance quand elle se propage suivant la direction même de l’agent nerveux moteur. Nous n’avons pas lintention d’insister longtemps sur cette hypothèse, aujourd’hui généralement abandonnée. Elle à dû, en effet, céder la place à l'interprétation queles physiologistes modernes, Chauveau et Pflüger en particulier, ont déduite des différences locales d’excitabilité, de l’activité spéciale du pôle négatif, de l’influence exercée par la densité du courant. Mais cette doctrine n’est pas seulement inutile et avantageuse- ment remplacée; elle est en outre condamnée par certaines expériences qui en constituent la réfutation directe. En ren- voyant pour plus de détails aux mémoires de M. Chauveau (2), nous nous bornerons à décrire deux expériences dont les résul- tats sont inscrits dans les figures 16 et 17. 4° Sur une grenouille disposée suivant le procédé de Maria- nini, On fait agir en premier lieu un courant d’une activité très faible : chacune des pattes réagit au courant ascendant, et l’on enregistre ainsi quatre secousses égales ; le courant des- cendant, conformément à la règle, ne produit aucun effet. On serre alors chaque nerf en son milieu avec les mors d’une pince pour détruire la continuité des tubes nerveux (au point a sur le tracé),'et l’on essaye de nouveau l’action du courant très faible. Le résultat est renversé : c’estle courant ascendant qui maintenant est inactif, tandis que le descendant provoque quatre secousses faibles. Un accroissement assez considérable de l'intensité restitue au courant ascendant son activité, et renforce celle du courant descendant. Enfin une intensité très forte supprime l’activité du premier, et rend plus forte encore celle du second. (1) Ritter seul avait su reconnaitre la vraie phase initiale, celle de l’action exclusive du courant ascendant. (2) Chauveau, Journal de la physiol., 1859, p. 289. — Voy. aussi : Théorie des effets physiol. de l'électric. Lyon, 1800. ‘quatuosti99 | 9P 9 c raabeden HS de A Se AUAUWOSCIID,| 9P JUPIMSHI 9[IqeJiX9,p uorejuauenr] op ojins 4ed ‘Joe JUolA9P ‘outagoo ee ne . S & ça poad 2p si0[e 9ss99 JUepu99$ JUEINO9 9'T ‘NoIJIUL UOS U9 9$b199 JS9 JIOU 9[ © U 18 ATEATTOE è prod Ray XN9PD S9'T Se & ER P* GRR er d° 4 ‘o(finougl 91 S9984} XNOPD SO] ‘SOJUSIHIP S9JISUOJUI STOJJ 2P SJUEANO9 S0P 99A8 JUOUIAISS9UIONS 2X9 SJJON ‘IULUEHIUI x e que : : 5 X9 SJON ‘IUIUBHIUIL 0p UOIUILdaig — ‘9 ‘$ LE HE EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. Nous avons admis précédem- ment que l'action excitatrice du courant ascendant a pour siège exclusif l'extrémité supérieure des cordons nerveux, représentant l’é- lectrode négative .Gette expérience nous en fournit une preuve directe, puisqu'il suffit de supprimer la communication physiologique en- tre la partie supérieure du nerf et le muscle pour annuler l’action du courant ascendant. C’estdonc bien à la situation de l’électrode néga- tive, non à la direction de l’électri- cité dans le nerf, qu'était due, avant l’écrasement des tubes ner- veux, la supériorité du courant ascendant. S'il en était autrement, verrions-nous des effets inverses se manifester avec le même sens du courant? Quant aux réactions obtenues avec les intensités moyenne et forte, elles sont simplement con- formes à la loi des secousses, telle que nous lavons fait connaitre plus haut; il est donc inutile d'y insister. 2° La deuxième expérience con- siste à disposer sur les électrodes la grenouille préparée suivant le iroisième procédé, de telle façon que influence de la densité plus orande au pôle négatif agisse alter- nativement à la partie supérieure et à la partie inférieure des cordons nerveux. Si la densité D9 Excitation par un courant minimum, d'intensité invariable. (Voy. le texte). Préparation de Marianini. fe. al Fi st © 56 CHARBONNEL-SALLE. bien le facteur essentiel de la loi des secousses, si le sens du cou- rant est dénué d'action propre, l’activité supérieure doit appar- tenir, dans ces conditions, tantôt au courant ascendant, tantôt au courant descendant. Le résultat expérimental confirme cette prévision théorique et justifie, cette fois encore, notre interpré- tation. La grenouille est disposée, comme d’habitude, sur la plaque isolante. Les deux cuisses sont en rapport avec les élec- trodes d’albumine; mais de plus deux fines électrodes, adap- tées à la plaque, sont en contact par leur extrémité avec la partie inférieure des faisceaux nerveux. Un distributeur permet de lancer le courant, d'intensité rigoureusement minima, tantôt par les électrodes appliquées aux muscles (fig. 17, lignes 1, 3, 5), tantôt par les électrodes appliquées aux . (lignes 2, 4, 6). Dans le premier cas, conformément à la règle, le courant ascendant provoque de fortes secousses, le courant descendant des secousses faibles. Dans le second cas, le cou- rant ascendant est sans action; c’est au courant descendant qu'appartient la supériorité. Il est donc possible de renverser entièrement le résultat expérimental par un simple changes ment de situation de l’électrode active. De cette expérience ressort clairement filer exercée par la densité de l'électricité au pôle négatif, influence qui détermine, en quelque sorte, les phénomènes d’excitation, quelle que soit la direction du courant à l'intérieur du cordon nerveux. | Tels sont les faits relatifs à l’action physiologique des flux instantanés d'électricité fournis par le condensateur à grande surface (10 microf.). Les détails dans lesquels nous sommes entré relativement à la disposition des expériences et à leur interprétation nous permettent d'exposer plus brièvement les caractères propres à l’excitation avec le condensateur de moindre surface (1 microf.). b. — Résultats de l'excitation avec 1 microf. — Faisons agir sur les nerfs frais, préparés suivant les trois procédés, des dé- charges de force graduellement croissante ou décroissante ; en d’autres termes, répétons, toutes conditions semblables, sauf ARTICLE N° Î. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 97 l'étendue du conäensateur, les expériences qui nous ont donné la loi des secousses. C’est encore le courant ascendant qui, dans la série crois- sante, fait naître la première secousse. L’intensité augmentant assez rapidement, le courant descendant agit à son tour, el pour un certain degré, les deux courants provoquent des con- tractions à peu près égales (fig. 18, 1). Les secousses du cou- rant ascendant, après avoir atteint un premier maximum, s’abaissent brusquement, cessent même de se produire, mal- gré l’accroissement régulier du courant; elles renaissent bientôt, et par une ascension graduelle et un peu irrégulière, atteignent un second maximum. À partr de ce point, les se- Cousses se produisent indéfiniment, ques que soit l’accroisse- ment ultérieur du courant. Cette anomalie du courant ascendant coïncide avec une anomalie en sens inverse du courant descendant : celui-ci, en effet, pour les mêmes degrés d'intensité, manifeste une sur- activité remarquable, se traduisant par des secousses plus élevées, plus longues et même redoublées (fig. 18, I). Puis tout rentre dans l’ordre et les secousses se succèdent désor- mais avec une parfaite régularité. Avec le condensateur à 10 microf., la suppression des se- cousses du courant ascendant était définitive; avec 1 microf., cette suppression, exigeant en général une intensité moindre, est suivie d’une réapparition. Telle est la différence essen- tielle entre les deux modes d’excitation, différence que Ja figure 18 rend nettement appréciable. L’anomalie du courant ascendant que nous ont révélée nos tracés est évidemment identique à la lacune observée par Fick (1) pendant l’accroissement d'intensité des courants (1) Fick. Untersuch. über electrische Nervenreizung. Braunschweig, 1864- Dans ce mémoire, Fick dit avoir observé également la lacune en employant des courants d'intensité invariable et de durée croissante. Le courant ascendant d’une certaine durée ne provoque aucune secousse ; celles-ci apparaissent si la durée du courant augmente ou diminue. Kônig a signalé le même fait. — Voy. aussi Fick, Würtzburger Verhandl., N.F., II, s. 145. à (9/1 % Jip94) appmouars aUIQUI E[ 2p SoNbelos SHOU XN9P SL 2018 SNU97{0 939 JUO SP81) XN9P $97 ‘JOIN OF 1° SUONIPUOY SOUQU ‘II 3 0 3 ep ‘09 8 L ep “HOOQUM ‘[RIULE IA 08 “JOIN L ‘I ‘SAJUESSION) S9JISUOJUIP SJUEPUIISOP J9 SJUEPUYISE SJULANOD S0P AC 9[081 JHou np UOreoXA — ‘84 ‘SN EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. D9 ascendants de courte durée obtenus, soit avec les appareils d'induction, soit par la fermeture et l’ouvertüre très rappro- chées d’un courant continu. Ge phénomène, décrit de nouveau par Meyer (1) et Lamansky (2), a été récemment étudié, au moyen des courants induits, par Tiegel (3) qui le désigne sous le nom d'intervalle. D’après ce physiologiste, non seulement le courant ascendant, mais le courant descendant lui-même, dans certaines conditions, présentent une interruption de leur activité physiologique, lorsque l'intensité croit régulièrement. Dans aucune de nos expériences nous n’avons remarqué le fait signalé par Tiegel relativement au courant descendant. Nous avons vu, au contraire, ce Courant manifester un sureroil d'activité, corespondant à la production de la lacune, fait qui, à notre Connaissance, n'avait attiré l attention d’aucun obser- vateur. Avant de discuter et d'interprèter ces phénomènes, nous signalerons encore une particularité remarquable dont l’ob- servation est si facile que nous sommes étonné de ne la trouver signalée par aucun physiologiste. C’est un retard très considé- rable, présenté par les secousses du courant ascendant qui réparaissent après la lacune. Il s'écoule, entre l'instant où le Rhéotome provoque la décharge et le début de la contraction un temps tellement long qu'il ne saurait échapper à l’inspec- tion la plus superficielle. Nous n'avons point déterminé avec une précision rigoureuse la durée de ce retard, assez variable d’ailleurs : nous nous sommes borné à la calculer approxima- tivement d’après la vitesse de rotation du cylindre enregistreur et les mesures prises sur nos tracés. Gette durée peut atteimdre jusqu’à un cinquième de seconde et n’a rien de commun, par conséquent, ni avec le temps perdu du nerf ou du musele, nm avec la durée du transport de l'excitation dans le nerf. Ce sont surtout les courants ascendants de très grande intensité, agis- sant sur le nerf déjà quelque peu fatigué, qui donnent lieu à (1) Meyer, Dissert. Zurich, 1867. (2) Lamanski, Studien d. Brest. physiol. Instituts, IV, 1868. (3) Tiegel, Arch. f. d. ges. Physiol. XIII, s. 272, 1876. 60 CHARBONNEL-SALLE. ce phénomène singulier et, quant à présent, difficile à bien expliquer; mais nous l’avons constaté aussi très nettement sur le nerf absolument frais. Il est exclusivement propre aux se- cousses de seconde apparition du courant ascendant et ne se montre jamais avec les intensités inférieures à celles qui pro- duisent la lacune. Enfin il est à noter que les secousses ainsi retardées présentent un début lent et comme hésitant, au lieu du début brusquement marqué des secousses provoquées par le courant descendant de même intensité. Les figures 19 et 20 dont l'explication sera donnée plus Fig. 19. — Excitation du nerf isolé frais, par des courants forts, d'intensité invariable, ascendants et descendants (commutations). 1, 10 Microf. et Rhéoch. 1; Il, 1 Microf. et Rhéoch. 10. 20, El. Daniell. loin, permettent de comparer la secousse retardée du courant ascendant fort avec la secousse normale du courant descen- dant. Plusieurs physiologistes allemands, en partüculier Wundt et Rosenthal, expliquent le phénomène de la lacune du cou- rant ascendant par l’hypothèse suivante : un courant instan- ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 01 tané, un choc d’induction, par exemple, serait constitué par une fermeture et une ouverture se succédant très rapidement et, par conséquent, capables de produire deux excitations condensées. L’excitation de fermeture serait plus énergique que celle d'ouverture, à cause de la rapidité extrème de la pé- riode d’ascension des courants induits, comparée à celle de la période de descente. Avec les intensités inférieures, la ferme- ture serait done seule active. Avec les intensités supérieures, Fig. 20. — Excitation {d’un nerf isolé frais, par des courants forts, d'intensité inva- riable, asc. et desc. (commutations). 1 Microf., Rhéoch. 10. 20, EL. Daniell. la fermeture d’un courant ascendant ne donnant plus de con- tractions, en raison de lobstacle à la transmission dans la région anélectrotomisée, 11 n’y aurait plus que des secousses d'ouverture. Pour certains degrés intermédiaires de la force du courant, la fermeture n’exciterait déjà plus, alors que l’ou- verture n’exciterat pas encore : telle serait la cause de lin- terruption dans la série des secousses. Gette explication, dont la justesse est contestable au point de vue physique, nous paraît en désaccord avec plusieurs faits 62 CHARBRONNEL-SALLE. bien établis, en particulier avec les résultats de nos pro- pres recherches. Est-il permis d’assimiler, sous le rapport du pouvoir excitateur, Le début et la fin d’un courant instantané, se succédant sans aucun intervalle, aux états variabies de fer- meture et d'ouverture d’un courant constant, séparés par une période d'état plus ou moins prolongée? L’explication serait admissible peut-être si le phénomène de la lacune se produi- sait seulement dans les cas où l'excitation instantanée est ob- tenue par le passage très rapide d’un courant continu; mais l'expérience prouve qu ‘il se manifeste nettementavec les de d’induction et les décharges de condensateur, dont la courbe ne présente aucune période d'état constant. Les faits physiolo- giques né sont pas plus favorables à cette hypothèse que les considérations physiques. Nous avons vu que les décharges ascendantes du condensateur à 10 microf., à partir d’une cer- taine intensité, ne produisent plus de secousses, et que cette disparition des secousses n’est suivie d'aucun retour. Ces dé- charges se comportent, sous ce rapport, de la même manière que la fermeture d’un courant de pile ascendant. Que devient dans ce cas l’excitation d'ouverture? Et si les décharges brèves du condensateur à à 1 microf. étaient constituées par une fer- méture et une ouverture condensées, pourquoi n’en serait-il pas de même, et à plus forte raison, pour le condensateur dont la surface est dix fois plus grande et dont les décharges ont une durée plus considérable ? Les considérations précédentes rendent donc fort invraisem- blable l’hypothèse d’une double excitation par les courants instantanés. À l’explication du phénomène de la lacune, basée sur cette hypothèse, nous préférons la suivante, déduite des propriétés électrotonisantes que possèdent à des degrés diffé- rents les courants instantanés dé différentes durées. Ainsi que nous l’avons rappelé plusieurs fois au cours de ce travail, c’est au développement de l’anélectrotonus, barrant le passage à l’excitation dans la région de l’électrode positive, qu'est due la suppression d'activité des courants ascendants forts. Lorsque de l'intensité minima, le courant croit lentement jusqu’à un ARTICLE N° {. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 65 degré très élevé, la force de l’excitation, d’une part, la résis- tance de l’obstacle, d'autre part, augmentent en même temps; mais ces deux phénomènes ne suivent pas exactement la même marche, n’obéissent pas à la même loi. L'effet du courant ascendant, rendu visible par la contraction musculaire, dé- pend donc, pour chaque intensité, des valeurs relatives de lexcitation au pôle négatif et de la diminution de conducti- bilité au pôle positif. Avec les courants faibles et moyens, l’ex- eltation est supérieure à l'obstacle; avee les courants forts, elle est complètement arrêtée. Tel est le mode normal d’action des courants continus; et, Comme nous l’avons vu, les flux instantanés assez longs (10 microf.) agissent de la même ma- nière. Dans ce cas, l'accroissement de l’anélectrotonus, d’abord moins rapide, devient ensuite parallèle à celui de lexcitation. Les courants plus brefs (1 microf.) présenteraient des pro- priétés un peu différentes : l'anélectrotonus, après avoir atteint un degré suffisant pour supprimer les secousses du courant ascendant et produire ainsi la lacune, cesserait de croître aussi vite que l'excitation. À partir d’une certaine intensité, celle-c1, franchissant l’obstacle, produirait les secousses se- condaires dont nous avons signalé les caractères particuliers. En résumé, nous admettons que les décharges du conden- sateur à petite surface, c’est-à-dire plus brèves, possèdent, relativement à leur pouvoir excitateur, un pouvoir électroto- nisant moins considérable que. les décharges plus longues du condensateur à grande surface. Cette donnée trouve un ap- pui dans le fait, découvert par Pflüger (1), que l’anélectrotonus exige, pour son développement complet, un temps assez long et atteint son maximum plus tard que le catélectrotonus. On comprend qu’au-dessous d’une certaine durée les courants instantanés ne développent qu’un état anélectrotonique impar- fait ou même nul. | Nous avons cherché à comparer plus rigoureusement, sous le rapport de leur action électrotonisante, les courants ascen- (1) Pflüger, Physiol. d. Electrotonus, 1859. 64 CHARBONNEL-SALLE. dants de forte intensité, en éliminant un facteur qui, dans les expériences précédentes, complique l'influence de la durée : nous voulons parler de ia quantité variable d'électricité mise en mouvement à chaque décharge. Dans ce but, nous avons compensé l'influence de la surface sur la quantité d'électricité dont se charge le condensateur par une diminution ou une augmentation correspondante de la tension de la source. Relions, par exemple, dans un cas, le condensateur à un mi- crof. avec le n° 10 du fil interpolaire, dans un autre cas, le condensateur à dix microf. avec le n° 1 du même fil : les ten- sions respectives des deux sources d'électricité sont ainsi dans un rapport inverse des surfaces. Dans les deux cas, les déchar- ges de durées différentes seront constituées par. des quantités égales d'électricité; nous: isolons ainsi l’effet propre de la durée. Le résultat de la comparaison est exprimé par les tra- cés des figures 19'et 20. Ces tracés montrent.que la décharge ascendante avec dix microf. ne provoque aucune ‘secousse, tandis que la décharge ascendante avec un microf. provoque des secousses retardées de granäe amplitude. Les courants instantanés, égaux sous le rapport de la quantité d'électricité, mais de durées différentes, sont donc inégalement aptes à développer l’anélectrotonus. Relativement à leur pouvoir exci- tateur, les courants les plus prolongés électrotonisent plus fortement que les courants de momdre durée. Nous coneluons de ce qui précède, que l interruption dohs la série des secousses produites par le courant ascendant de force croissante. est due à une rupture d'équilibre entre le pouvoir excitateur ét le pouvoir électrotonisant. Une question se présente naturellement : le phénomène de la lacune repré- sente-t-il une réaction normale du nerf moteur aux courants instantanés d’une durée particulière? ou bien est-il spécial aux nerfs modifiés dans leurs propriétés physiologiques par les influences perturbatrices, telles que section, contact de l'air, suppression de l’afflux sanguin? Cette dernière supposi- lion nous paraît la plus vraisembiable. Si nous interrogeons, en effet, l’excitation unipolaire, seule méthode permettant ARTICLE N° Î. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 65 d'étudier les effets physiologiques de l'électricité sur les nerfs normaux, nous ne voyons Jamais se produire aucune inter- ruption, aucune Inégalité, dans une longue série de secousses, provoquées par l'excitation soit avec le pôle négatif, soit avec le pôle positif. C’est ce que prouvent les tracés obtenus par M. Chauveau (1), en employant les courants d’induction : « Quand Fintensité du flux croit, les deux excitations, néga- tive et positive, arrivent toujours très vite à légalité, et, dans les cas absolument physiologiques, s’y maintiennent, quelque loin que l’on pousse l'accroissement du courant. » Quant à la lacune observée par Tiegel (2) dans les secousses dues au courant descendant, elle échappe évidemment à l’in- terprétation que nous avons admise pour le courant ascen- dant. 11 faut sans doute voir, dans ce phénomène, tout à fait exceptionnel, un effet particulier de la fatigue, effet analogue pour le nerf moteur, à celui que Carlet a observé sur les mus- cles soumis à une série d’excitations énergiques (3) : la con- tractilité, supprimée par la fatigue, peut se rétablir, et les secousses reparaître, alors même que le muscle continue à recevoir des excitations faibles, Nous avons exposé l’ensemble des faits relatifs à l’action physiologique des courants instantanés, parcourant les nerfs suivant la direction de leurs fibres, et présentant deux durées différentes. Nous bornerons là, quant à présent, cette étude, nous réservant d'examiner, dans une ‘publication uliérieure, les effets spéciaux des courants de durées intermédiaires, tels que notre condensateur à surface graduée nous permet de les produire. $ 2. — Fnfluence dépérissement du nerf. — On doit à Valli (4) d’avoir trouvé que lorsqu'une portion d’un nerf ne réagit plus au passage du courant, il n’y a qu’à faire passer ce (1) Chauveau, 5° Note sur l’excitation unipolaire : Comptes rendus de l’'Acad, des sc., 13 décembre 1875. (2) Tierel, loc. cit. (3) Carlet, Comptes rendus de l'Acad. des sc., 1871. (4) Valli, Lettres sur l'électricité animale, 1792. ANN. SC. NAT., ZOOL., JUILLET 1881. XIL 5 — ART. N° Î 66 CHARBONNEL-SALLE. même courant dans une portion de nerf plus rapprochée du muscle pour obtenir encore des contractions. « La vie des nerfs, dit cé physiologiste, est donc plus inhérente à leurs extrémités qu’à leur naissance. » Cette disparition des pro- priétés motrices des nerfs du centre à la périphérie a été confirmée depuis par tous Les observateurs. La connaissance de cette loi nous permet de prévoir, au moins en partie, les modifications que doit imprimer à l’action des courants la marche progressive du dépérissement. Ainsi que nous l’avons dit plus haut, quand on exeite le nerf avec des courants lentement gradués, on constate la supériorité d'action du courant ascendant. Le premier effet .du dépérissè- ment est d’égaliser l’action des courants ascendant et descen- dant de même force, puis bientôt de rendre prédominante celle de ce dernier. Cette inversion s’explique aisément par les changements rapides de l’excitabilité : celle-ci, plus considé- rable au début, près de la section, devient peu à peu égale, puis inférieure à celle des parties du nerf plus rapprochées du muscle. Nous avons vu, en outre, qu’à partir d’une certaine intensité, le courant ascendant agissant sur le nerf frais cesse: de produire des secousses, non par suppression de l'excitation elle-même, mais par suite de l’obstacle opposé par la région anélectrotonisée au transport de cette excitation jusqu’au mus- ele. Si, après avoir noté, dans un premier essai, la force du courant nécessaire à la suppression des secousses, on interroge de nouveau le nerf à de courts intervalles, on voit la valeur de cette intensité diminuer progressivement; en d’autres termes, dans les séries croissantes d’intensités du courant as- cendant, la disparition des secousses se manifeste d'autant plus tôt que le nerf est plus altéré. C’est là encore un fait facile à comprendre, si l’on considère que l'excitation produite par le pôle négatif dans les parties supérieures du nerf diminue rapidement de valeur par la mort de ces parties, tandis que, dans la région inférieure, où persiste l’excitabilité, l’état ané- lectrotonique et par conséquent la résistance à la transmission: continuent à se développer avec toute leur intensité. ARTICLE N° {. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 67 Une série de graphiques recueillis dans le cours du dépéris- sement d’un nerf, en repassant exactement par les mêmes degrés d'intensité, montre bien lapparition plus tardive et la disparition plus prompte des secousses dues au courant ascen- dant. Quand l’altération des propriétés nerveuses est très avan- cée,ces secousses, dont le nombre se restreint de plus en plus, finissent par disparaître, tandis que le courant descendant conserve encore son activité. | | La figure 21 donne, sous une forme un peu différente, la démonstration du fait énoncé. Elle a été obtenue par l’excita- tion d’un nerf, en voie de dépérissement rapide, au moyen d’un courant d'intensité moyenne et constante : au début, les deux secousses sont presque égales, puis la secousse du cou- rant ascendant diminue rapidement dans le tracé A et dispa- raît dans le tracé B recueilli tout aussitôt. : Tels sont les phénomènes, d'observation facile, qu offre le nerf dépérissant : ils représentent de simples déductione de la loi de Valli. Il nous reste à faire connaître une particularité remarquable du dépérissement, signalée autrefois par v. Bezold et Rosenthal (1), et que la loi de Valli ne permet point de pré- voir. Nous en avons obtenu la preuve graphique (fig. 22) aussi bien pour le nerf isolé que pour les préparations plus com- plexes de Ritter et de Marianini. Disposons rapidement un nerf sur Pappareil excitateur de telle manière que la portion comprise entre les électrodes ait une longueur assez considérable. Faisons agir sur ce nerf frais un courant instantané très faible : le courant ascendant pro- duit de fortes secousses, le courant descendant des secousses rudimentaires (fig. 22, [). Examinons, à des intervalles très rapprochés, l’action du courant de même force. Nous voyons bientôt le courant descendant provoquer des secousses faibles, puis plus fortes (IT, IT) ; en IV, les courants des deux sens ont des actions presque égales; V, VL et VII montrent la dégrada- (1) V. Bezold et Rosenthal, Arch. f. Anat. u. Physiol., 1859, s. 131. Voy. aussi Filehne, Deutsch. Arch. f. klin. Med., 1872, X, s. 401. Rosenthal, Les nerfs el les muscles, 1878, p. 116. à “uotje}10x9 onbeuo saide uOeMNUUOT) — ‘288 JUEIMO9 ne puodoi amMérapUut SNjd ET QUBIT EI “SP9EI XN9P SO SUEG ‘JUEPU99SE JUEINO9 JEÉ UOroerU09 ej op 93eçdwo9 uorssarddns EL aquour jo ‘ogins jrej mp ‘y soude sognuru buro srid ‘4 998413 97 — ‘(op10209UY np & ,u ‘Jour L ‘IeTUeG ‘A &) eWIUIU e] € oanorodns outod v aJUEISUO9 PJSUOQUI ‘JHou np juouossHpdop of juepuad ‘juepusose queamoo o7 Jed oympord ossno9os e[ ep uontedsrp Jo oAtssoi8oid uoqnumuiq — :1% ‘81 “Tr a EXCITATION, ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 69 tion progressive des secousses du courant ascendant et le ren- forcement parallèle des secousses du courant descendant. La manifestation iniliale est donc complètement renversée. Fig. 22. — Excitation du nerf isolé par le courant d'intensité minima, ascendaat et descendant, pendant le dépérissement. — 1 Microf., Rhéoch. 7, 2, El. Daniell , #} Il est à peine nécessaire d'ajouter que pendant toute la durée de l’expérience, le nerf est soigneusement préservé de 70 CIRARBONNEL-SALLE. la dessiccation. Des précautions spéciales ont été prises aussi en vue d'assurer la constance du courant. Deux éléments Da- niell servent à charger le condensateur. Ces éléments ont été - préparés avec des solutions saturées etleur circuit a été fermé longtemps à l’avance. | Ainsi, le nerf réagissant dans une première période au seul courant ascendant, réagit dans une deuxième aux courants des deux sens, enfin dans une troisième, au seul courant des- cendant. Le courant ascendant perd graduellement son acti- vité, le descendant acquier { peu à peu une activité qu’il n'avait. pas tout d’abord. De ces deux modifications, la première n’a rien de nouveau ; elle nous est déjà bien connue et s’explique naturellement par la loi de Valli. La seconde, au contrairé, plus difficile à bien observer, nous signale une particularité remarquable dans la marche de dépérissement : c’est qu'en chaque point du nerf, l’excitabilité, avant de commencer à décroîtré, présente une phase d'augmentation passagère. : Nous pouvons maintenant compléter notre étude de l’exci— tabilité, faite dans le premier chapitre du présent travail, et résumer les faits de la façon suivante : après une section, Pirritabilité, augmentée d’une façon absolue et immédiate dans toute l'étendue du nerf moteur, se répartit suivant une pente régulière, inclinée de la section vers le muscle. Puis, au cours du dépérissement, la perte de l’excitabilité, progressant de la section. vers le muscle, est précédée, en chaque point, d’une exagération temporaire. | Suivant la-saison, la température, la vigueur de la gre- nouille, les Phénomenes indiqués, par la nue 22 évoluent plus ou moins rapidement; les tracés suCce its de cette figure ont été pris de dix en dix minutes: la température du labora= toire était de 18 degrés. Dans ce cas particulier, l'expérience a donc duré environ une heure et quart. Avant de quitter ce sujet, il est Intéressant d'observer que la loi des secousses du nerf dépérissant, traversé par un cor- rant faible, est tout à fait identique à celle du nerf frais excité par des courants de force croissante. Par suite de l’augmen- ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 71 tation passagère d’excitabilité, un courant invariable agissant au début comme courant faible, agit bientôt comme un cou- rant moyen sur le nerf frais, enfin comme un courant fort sur ce même nerf frais. $ 3. — La longueur de la région excitée influe-t-elle sur ia valeur de l'excitation? Les anciens éleetro-physiologistes (1), Pfaff, Humboldt, Ritter, Matteucci, s'accordent à penser que pour une égale intensité, l’excitation produite par le courant, croit avec la longueur du segment du nerf parcouru. Du Bois Reymond (2) le premier fit remarquer que l’allongement de la région excitée diminue l'intensité du courant et s’efforça d’an- nuler cette cause d'erreur par l’intercalation, dans le circuit du nerf, d’une très grande résistance ; les variations de la résistance propre au nerf étaient ainsi rendues négligeables. Les recherches de Du Bois-Reymond concernent, il est vrai, non la secousse musculaire elle-même, mais la variation négative du courant nerveux qui accompagne toujours la pre- mière ; elles montrèrent que l'allongement exerce générale- ment uné action favorable. | Les récentes expériences de Villy (3), Marcuse (4) et Tschi- riew (5), permettent d'appliquer à la secousse musculaire le résultat obtenu par Du Bois-Reymond pour la variation néga- tive. Villy observa toutefois qu’à la fermeture, l'allongement exerce une influence favorable seulement pour la direction descendante du courant; l’action du courant ascendant parut, au contraire, à cet observateur d'autant plus forte que l’espace irrité était plus court. Villy imterprète ce résultat en admet- tant que lé courant excite d'autant plus fortement que la ca- thode est plus rapprochée du muscle et que l’anode en est plus éloignée. (1) Pour les anciennes recherches, voir la bibliog. dans Du Bois-Reymond, Untersuch. 1, s. 259. (2) Du Bois-Reymond, Untersuch., ete., IT, s. 459, 1849. (3) Villy, Arch. f. d. ges. Physiol., V, s. 275, 1871. (4) Marcuse, Verhandl. d. phys. med. Ges. in Würtzburg, X, s. 158, 1877. 5) Tschiriew, Arch. f. Anat. u. Physiol., s. 369, 1877. Voy. aussi Hermann, Handb. d. Physiol., H,1,s. 77, 1879. 79 33tt CHARBONNEL-SALLE. Dans les recherches de Marcuse et de Tschiriew, les varia- tions de résistance étaient éliminées en plongeant différentes longueurs du nerf dans une solution saline traversée par le courant suivant une direction parallèle aux fibres nerveuses. D'après Tschiriew, en particulier, pour des longueurs com- prises entre 6 et 10 millimètres, l’influence favorable de l’ cl longement est bien manifeste. Nous avons cherché à vérifier ce fait au moyen des courants: instantanés. [1 faut compter, dans ces expériences, avec deux influences perturbatrices. La première est celle des changé- ments de résistance, et par suite d'intensité du .courant, qui suivent nécessairement les variations de longueur d’un corps mauvais conducteur, tel que le nerf. La seconde cause d’er- reur résulte de l’inégale -excitabilité du nerf en ses divers points. Pour faire varier là longueur du segment parcouru, il faut nécessairement déplacer sur le nerf au moins l’une des électrodes. Or, quand le pôle négatif, par exemple, siège prin- cipal de l’excitation, est déplacé de la section vers le muscle, il aborde des points de moins en moins excitables, si le nerf est frais, de plus en plus excitables au contraire, si le nerf est déjà dépéri. Les effets du courant, pour une même intensité, peuvent donc varier, dans ces conditions, sans que les chan- gements de longueur du segment parcouru puissent être mis. en cause. Dans le but de dégager nettement l'effet propre de ces derniers et d'éviter le double écueil qui vient d’être signalé, nous avons eu recours aux dispositions suivantes : 1° Pour compenser les variations de la résistance, on enlève sur la même grenouille les deux nerfs sciatiques, en les sec- tionnant immédiatement au-dessous du point d’émergence des branches fémorales, de telle façon qu’ils soient de même lon- oueur et d’un diamètre uniforme dans toute leur étendue. Un des nerfs, le nerf excité est placé sur les quatre électrodes de: l'appareil excitateur, et l’autre, le nerf rhéostat, sur quatre électrodes également impolarisables, consistant en fils de zinc recourbés, amalgamés, dont l'extrémité porte enroulée une bandelette de papier buvard imprégnée de sulfate neutre de ARTICLE N° 1, EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 13 zinc. Ges électrodes, fixées dans une plaque de liège, répètent dans tous leurs points essentiels les conditions de la plaque excitatrice et les deux nerfs, divisés en trois portions, présen- tent des dispositions exactement similaires. Les deux appareils ainsi préparés étant introduits dans le circuit execitateur, on conçoit aisément la possibilité de maintenir la résistance inva- riable, en retirant du cireuit, par lé jéu d’un distributeur con- venable, des portions du nerf rhéostat, égales à celles qu’on y introduit par les allongements successifs de la région ex- GIVE: | 9 Quant à l’excitabilité variable du nerf, il est évidemment impossible d’en supprimer entièrement linfluence. Nous avons dû nouscontenter d'en tenir eompte dans le résultat, en fixant les positions respectives des deux pôles de la manière suivante : dans une première série d'expériences, le pôle néga- tif se trouvait près de la section du nerf, et le pôle positif venait s’appliquer successivement en trois points de plus en plus rapprochés du muscle, doués, par conséquent, d’excitapilités décroissantes. Dans une deuxième série, faite avec le courant descendant, le pôle négatif était placé près du muscle, le pôle positif occupant trois points successifs, d’excitabilités erois- santes, vers l'extrémité sectionnée. En partant de ce fait que l'excitation avec les courants faibles se produit essentiellement dans la région de l’électrode négative, la fixité de cette élec- trode doit évidemment réduire au minimum la cause d'erreur signalée. L D’après les dispositions précédentes, il est absolument né- cessaire, pour une expérience précise, d'opérer sur des nerfs très frais, présentant la répartition spéciale des degrés d’exci- tabilité qui suit immédiatement la section. Il faut encore que l'expérience soit rapidement conduite afin qu'aucune modifi- cation notable des propriétés du nerf n’ait le temps de se pro- duire. Dans la plupart de nos expériences, nous ne nous sommes pas borné à admettre, sans preuve directe, que ces conditions étaient bien réalisées : par un essai rapide, fait après l’expé- rience, nous avons vérifié la persistance de cet état du nerf, si 74 . CHARBONNEL-SALLE. fugitif dans certaines conditions physiologiques de la gre- noue. Dans quelques recherches préliminaires, nous avons vu, en l'absence de toute compensation des changements de résis- tance, des secousses tout à fait égales répondre aux irritations successives des trois longueurs différentes du nerf, pour un même degré de l’échelle du rhéochorde; c’est-à-dire que, dans ce cas, l'influence favorable de l'allongement neutralisait l'effet de la résistance augmentée: Mais dans toutes les expériences où cette résistance fut maintenue constante, les tracés indi- quent une supériorité manifeste de l’action excitante, en rap- port avec l'accroissement de longueur, soit par la valeur dimi- nuée de l’excitation minima, soit par l’amplitude plus grande. de la secousse. Il importe de remarquer que, pour démontrer l'influence de l'allongement, il est essentiel d'employer des courants très faibles. D’une façon générale, avec une force d’excitation double de lexcitation minima, les secousses arrivent déjà à l'égalité pour les trois longueurs du nerf. L’influence de l’al- longement, quoique très nette, est donc en réalité assez faible. OU D’autres faits ressortent encore de l examen des tracés. En premier lieu, et contrairement à l'opinion de Villy, l’allonge- ment de la région excitée manifeste son influence quel que soit le sens du courant. Nous avons reconnu en outre que cette influence ne croit pas proportionnellement à la longueur du segment nerveux. En doublant la longueur on lPépuise, en effet, presque tout entière, et les allongements ultérieurs de- meurent à peu près sans action. La figure 23 montre les différents faits qui viennent d’être indiqués. : Il est intéressant de rapprocher ces faits de ceux qu’a dé- couverts Pflüger dans ses recherches sur l’excitabilité dans l’état électro-tonique (1). L’allongement de la région parcou- (1) Pilüger, Untersuch. über die Physiol. des Electrotonus, 1859. ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 75 rue accroit, d'après Pflüger, l'intensité du phénomène jusqu’à un’maximum au delà duquel tout allongement ultérieur est sans effet. Il existe done une similitude complète, sous ce rap- Fig. 23. — Influence de la longueur de la région intra-polaire. Avec les intensités 1, 2, 3, on excite successivement trois longueurs différentes du nerf, en commençant par la plus faible (1"° ligne en bas, dans chaque tracé). — Tracés [ et IIT, courant ascendant ; Il, courant descendant. — 3. El. Daniell, 1 Microf. port, entre les manifestations de l’électrotonus et les phéno- mênes d’excitation. Nous avons admis précédemment que lexcitation par les courants instantanés très faibles a pour siège principal la ca- 76 CHARBONNEL-SALLE. thode, c’est-à-dire la région du pôle négatif ; c’est un faitadmis par tous les expérimentateurs. L'influence favorable de lal- longement implique nécessairement cet autre fait que l’excita- tion, même la plus faible, ne doit pas avoir pour siège exclusif le point occupé par l’électrode négative,mais doit prendre naissance aussi dans une certaine étendue du segment nerveux, soit dans la partie intrapolaire, soit dans la partie extrapolaire. Cela serait d’ailleurs conforme à la théorie de l'excitation de Pflüger, d’après laquelle l’irritation est engendrée par l’établis- sement du catélectrotonus. Voici une expérience, propre à dé- montrer directement ce fait que lactivité nerveuse est mise en jeu, non en un point ou sur un très court espace, mais bien dans une région assez considérable du cordon nerveux. Un nerf frais est disposé sur trois électrodes (fig. 3), et les rela- tions de celles-ci avec le condensateur sont établies de telle façon que l’électrode médiane soit toujours négative, tandis que les extrèmes sont positives. Les décharges seront donc deseendantes dans le segment supérieur, ascendantes dans le segment inférieur. La figure 24 (, IH, ID) montre, à gauche, les secousses produites par la décharge ascendanté parcourant le segment mférieur, avec dix intensités successives; à droite, les secousses produites par la décharge descendante, parcourant le segment supérieur. L'examen du tracé T nous montre que le segment inférieur donne la première secousse seulement à l'intensité 7, tandis que le segment supérieur réagit déjà à l’intensité 2. L'interprétation de ce résultat nous paraît bien simple. Si nous écartons toute influence propre au sens du courant (voy. p. 44), si nous admettons d'autre part l’inactivité du pôle positif des courants instantanés très faibles, ainsi que nous l'avons rappelé ci-dessus, il nous reste pour toute explication, l'influence propre aux différences d’excitabihté des deux ré- gions du nerf, la région supérieure étant plus excitable que l’inférieure sur le nerfrécemment sectionné. Mais pour qu’une telle influence puisse s'exercer, il faut nécessairement que l'irritation ait pour siège, non une courte portion du nerf, un ARTICLE N° f. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 77 point en contact avec l’électrode négative, mais bien une cer- taine étendue de ce nerf; et l'écart considérable qui se révèle Excitation d’un nerf isolé par des courants ascendants et descendants, d'intensités très faibles, dont le pôle négatif est situé sur le même point du nerf, tandis que les pôles positifs sont situés sur deux points extrêmes. Fig. 24. dans l’apparition des secousses nous indique "que la région mise en activité doit avoir une assez grande longueur. 78 CHARBONNEL-SALLE. Ce résultat est d’ailleurs parfaitement conforme aux lois de l’électrotonus : Pflüger a démontré, en effet, que le catélec- trotonus développé au pôle négatif s'étend dans la région intra- polaire sur une étendue d’autant plus considérable que les courants sont plus faibles. Or, pour notre expérience, nous avons employé des:courants dont le D intense surpasse fort peu l'intensité minima. Quant aux tracés IT et ILE, pris à quelques minutes d’inter- valle, ils permettent de suivre la marche du dépérissement. On voit, en les comparant au tracé [, que la partie supérieure du nerf devient de moins en moins excitable ; dans la partie inférieure au contraire, la perte définitive de l’excitabilité est précédée d’une augmentation très sensible, phénomène re- marquable sur lequel nous avons déjà appelé l'attention. $ 4. — Inftuence de l'accroissement d'intensité de l’excitant sur la hauteur des secousses. Les contractions supra-maxi- males. — C’est un fait depuis longtemps connu que des irrita- tions de force croissante, appliquées à un nerf, donnent lieu à des contractions du muscle de plus en plus énergiques. Il s’agit de déterminer exactement, pour une longue série d’in- tensités, le rapport existant entre la force excitatrice et la hau- teur ou l’amplitude de la secousse. Les diverses recherches publiées sur cette que Hu dans ces vingt dernières années, ont donné des résultats assez dis- cordants. Hermann (1), en 1861, a trouvé « que pour des excitations régulièrement Cioissantes, l'énergie du muscle aug- mente d'abord très vite, puis de plus en UE lentement, et atteint bientôt un maximum ». Fick (2), au contraire, a vu qu'entre certaines limites, les secousses s’élèvent proportion- nellement à l'excitation, puis atteignent leur maximum et ces- sent de croître. Ce physiologiste a observé, de plus, avec les courants de courte durée, ce fait remarquable que, pour un (1) Hermann, Arch. f. Anat. u. Physiol., 1861, s. 392. (2) Fick, Sitzungsber. der Wiener Akad., 1862-63. Pour les publications ultérieures de Fick sur le même sujet, voir la bibliogra- phie très complète dans Hermann, Handbuch, etc., 1879. ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 79 accroissement ultérieur de l’excitant, 1l se produit une nou- velle élévation des crdonnées au-dessus du premier maximum, et bientôt, par une ascension graduelle, un second maximum. Quand le courant devient d’une intensité excessive, le même fait peut se produire encore un certain nombre de fois : ce sont les maxima secondaires, tertiaires, de la contraction. Ces se- cousses supra-maximales, « secousses en escalier », ont été regardées par Fick comme le résultat de la superposition de deux excitations, une de fermeture et une d’ouverture, qui, suivant les auteurs allemands, seraient condensées dans un courant de courte durée. Nous avons dit plus haut ce qu'il fallait penser de cette explication. Nous avons cherché à nous faire une opinion personnelle sur cette relation entre la force de l’excitant et la hauteur de la contraction; et nous avons mis en usage, pour ces expériences, aussi bien le courant continu que les décharges du condensa- teur. Il ne sera question ici que de recherches faites avec le courant descendant, le seul dont l’effet excitant puisse libre- ment parvenir au muscle dans les séries croissantes d’inten- sités. [ est évident que l'emploi du courant ascendant, -en rai- son de lobstacle à la transmission dans la région du pôle positif, compliquerait singulièrement la question. La plupart de nos expériences ont été faites suivant la mé- thode d’excitation ordinaire ou bipolaire, quelques-unes sui- vant la méthode unipolaire. Dans le premier cas, le nerf, fraichement préparé et isolé, était porté sur l'appareil repré- senté figure 3. Dans le second cas, les électrodes impola- risables étaient appliquées tantôt à travers la peau, tantôt directement sur le nerf dénudé. Sans insister sur les détails techniques exposés déjà dans la première partie de ce travail, nous indiquerons seulement deux conditions essentielles : 1° la nécessité d’une graduation très régulière du courant; 2 l'accroissement extrêmement lent des intensités, au moins entre certaines limites. Ces limites sont, d’une part, la valeur minima produisant une très faible secousse, d’autre part l’in- tensité pour laquelle la contraction atteint sa plus grande am- phtude. 80 CHARBONNEL-SALLE. Ces deux conditions ont été facilement réalisées, surtout en ce qui concerne les décharges du condensateur, grâce à la méthode d’excitation et au rhéochorde dont nous disposons. Enfin, il est à peine nécessaire d’ajouter que, dans chaque expérience, le poids soulevé par le muscle restait constant et fixé au levier du myogr 2pheE à une distance invariable de l’axe de rotation. L'examen d’un grand nombre de tracés, biens en excitant le nerf suivant la méthode ordinaire ou bipolaire, soit par le courant continu, soit par le courant instantané, conduit aux résultats suivants : | Pour un accroissement très lent et nber dé l intensité, Ja courbe des contractions ne suit pas celle de l'intensité, mais s'élève d’abord suivant une marche beaucoup plus rapide, puis de plus en plus lentement; elle ne tarde pas en général atteindre un maximum à partir duquel les secousses conser- vent indéfiniment la même amplitude ou ne présentent que des augmentations à peine sensibles pour une longue série d’in- tensités. Jamais, dans les conditions indiquées, nous n'avons vu se produire avec les décharges du condensateur les secousses supra-maximales signalées par Fick. La figure 25 montre ce mode d’ accroissement des secousses dans les limites comprises entre la minima et la maxima. Les tracés de la figure 18 font voir nettement qu’à partir de la secousse maxima l’accroissement s'arrête et que la ligne unis- sant les sommets des contractions ultérieures est sensiblement droite et non brisée, comme dans le schéma des expériences de Fick (1). Il est donc très probable que les secousses surmaxtnales ne résultent pas d’une propriété spéciale du nerf moteur, ni de la somme de deux excitations condensées dans le courant instan- tané, hypothèse que nous considérons comme fausse au point de vue physique, mais bien du jeu imparfait de appareil exci- tateur employé dans ces expériences. (1) Voy. Hermann, Handbuch, ete., s. 107, 1879, ARTICLE N° {le EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. S1 Parmi les recherches récentes, aucune n’a conduit à Ja constatation du phénomène observé par Fick. M. Chauveau (1), dans ses tracés d’exeitation unipolaire par les flux instantanés, Cyon (2), dans ses expériences sur l’homme, ne Pont point Fig. 25. — Mode d’accroissement des secousses pour une force croissante du courant. 20 El. Daniell,.1 Microf. Le curseur du Rhéochorde descend par éentimètres. observé. Enfin, s’il est permis de rapprocher l'excitation méca- nique des nerfs de l’excitation électrique, nous rappellerons que Tigerstedt (loc. cit.) n’a pas vu se produire, pour une force d’excitation croissante, les contractions supra-maximales. D’après les faits exposés, on voit que la série des contrac- tions obtenues par des excitations croissantes se divise en deux stades : le premier est caractérisé par la marche ascendante des secousses, le second par la constance indéfinie de leur am- plitude. En ce qui concerne le premier stade, nos tracés con- cordent avec les résultats anciens de Hermann; ils montrent. en effet, l'accroissement des secousses d’abord plus rapide que celui du courant, ensuite de plus en plus ralenti. Nous avons rappelé que Fick avait, au contraire, trouvé l'accroissement (1) Chauveau, Comptes rendus de l’'Acad. des sc., 13 décembre 1875. (2) Gyon, Principes d’électrothérapie, p. 149, 1873. ANN. SC. NAT., ZOOL., JUILLET 1881. XL 6. — ART. N° 1 82 CHARBONNEL-SALEE. proportionnel. M. Chauveau, par l'excitation unipolaire, a vu que le nerf normal réagissait de deux façons différentes au pôle positif : « L’accroissement de cette action du pôle posiuf est souvent régulier, comme l'accroissement du courant lui- même. Dans ce cas, la ligne qui représente la série des contrac- tions est une droite chblique, plus ou moins ascendante ; d’autres fois, l'accroissement, d’abord très rapide, le devient de moins en moins, à mesure qu’on se rapproche du maximum de con- traction des muscles; la ligne des contractions est une courbe dont l'extrémité ascendante est plus ou moins surbaissée. » D’après Cyon, chez l’homme, l'étendue de la contraction de l’'adducteur du pouce croit proportionnellement à la force d’excitation. Enfin, Tigerstedt, par l’excitation mécanique du nerf sectionné, obtient un résultat conforme à celui de Hermann et au nôtre. La raison de ces divergences ne saurait être don- née avec certitude et les conditions exactes des phénomènes nous échappent quant à présent. Mais il ressort toutefois de cet exposé l'impossibilité d'affirmer, à l'exemple de Cyon, la sub- ordination absolue de l’irritation nerveuse à la force de l’ex- citant employé. En terminant ce paragraphe, nous appellerons l'attention sur une particularité essentielle qui se révèle dans un certain nombre de tracés. I s’agit d’une augmentation manifeste de la durée des contractions en rapport avec l’accroissement continu de l'intensité (1). Après que le raccourcissement musculaire est arrivé à son maximum et que, par conséquent, les secousses cessent de s’élever, le renforcement du courant n’est donc pas dénué de toute imfluence : son action se traduit par un relà- chement d'autant moins brusque que l'excitation a été plus forte. Cette augmentation de la durée des secousses est bien ici le fait de l’activité plus grande du courant et non celui de la fatique, dont elle. constitue, à la vérité, un caractère habi- tuel et classique. Dans le cas de fatigue, en effet, l'allongement de la secousse s'accompagne généralement d’une diminution (1) Voy. Chauveau, 5° Note sur l'excitation unipolaire, Comptes rendus de l'Acad. des sc., 13 décembre 1875. ARTICLE N° Île EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 89 notable de son amplitude. Or, dans les cas que nous avons observés, la durée augmentée est indépendante de toute dimi- nution d'amplitude. Wundt (1), dans un ouvrage récent, éta- blit une relation étroite entre la hauteur et Ia durée des se- cousses produites par des courants de courte durée : « Sur les nerfs vivants, dit-il, la hauteur et la durée du raccourcisse- ment musculaire sont unies par une telle dépendance que régulièrement la plus haute secousse est aussi la plus longue, et la secousse la moins élevée la plus courte. » Cette loi, d’après Wundit, n’est pas seulement valable pour les contrac - tions obtenues en faisant croître l’intensité du courant; elle s'applique également au cas où différents points d’un nerf, doués d’inégale irritabilité, sont excités successivement par un même courant : c’est ainsi que les parties supérieures donne- raient des contractions à la fois plus hautes et plus longues que les parties inférieures. Nous avons vu que, pour une série d'intensités croissantes, la secousse cesse bientôt de s'élever, tout en devenant de plus en plus longue par suite de l’allongement de la période d’éner- gie décroissante; il peut donc y avoir une véritable dissocia- tion entre les deux caractères essentiels de la secousse. La relation signalée par Wundt présente ici une exception évi- dente et ne peut être admise d’une façon absolue. Mais si nous considérons seulement la phase d’élévation progressive des SCCOUSSES, depuis l'intensité minima Jusqu'à celle qui corres- pond à la plus grande hauteur, cette relation paraît au con- traire se vérifier d’une manière assez constante. Il est malheu- reusement difficile, dans certains cas, de distinguer nettement sur la ligne d’abscisse, le début et la fin des contractions ; cette dernière surtout, quand le relâchement se fait avec lenteur, est trainante et presque impossible à reconnaître. Par des mesures exactes, prises sur les tracés les plus favorables, nous avons constaté néanmoins l'accroissement simultané de la hauteur et de la durée : la figure 9, I, montre un exemple très (1) Wundt, Untersuch. zur Meckanik der Nerven, 1876, s. 177, 84 CHARBONNEL-SALLE. net de cette relation. Il est à noter que l'accroissement de durée est, en général, indépendant de la période de raccourcissement musculaire; il tient surtout à la lenteur plus grande de la période de relâchement, celui-ci présente souvent, à un niveau plus ou moins élevé, un ressaut brusque et s “achève ensuite suivant une courbe à grand rayon. Eu résumé, nous pouvons énoncer d’une façon générale le rapport entre la valeur de lexcitant électrique et la forme de la contraction, en disant, qu'à partir de la secousse minima, la hauteur et la durée vont en augmentant jusqu'à ce que la pre- mière atteigne son niveau le plus élevé; la durée seule continue alors sa marche progressive. CHAPITRE {II ACTION DU COURANT TRANSVERSAL Le courant dirigé normalement à l’axe du nerf est-il apte à produire l’excitation? Gette question a été, dès les premiers temps de l’électro-phystologie, le sujet d’intéressantes recher- ches qui, pour la plupart, ont semblé autoriser une réponse négative. Galvani (1) a vu le premier qu’un nerf placé en croix sur un fil humide ou sur un autre nerf traversé par un courant, ne provoque, dans le muscle, aucune contraction. Il admit, d’après cette expérience peu rigoureuse, que le courant trans- versal est inactif, opinion qui fut d’abord partagée par Hum- boldt, puis par Ritter, Joh. Müller, Du Bois-Reymond, avec cette restriction que de très forts courants peuvent, dans les conditions indiquées, produire quelques secousses. Mat- teucci (2) essaya une démonstration nouvelle du même fait, à l’aide d’un procédé différent, indiqué par lui dès 1838 et dont l'application a été variée de diverses manières. Parmi les expé- (4) Pour l’ancienne littérature, voy. Du Bois-Reymond, Untersuch., etc., T, s. 296. (2) Matteucci, Biblioth. univers., XVII, p. 359. ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 89 riences de Matteucci, restées classiques, rappelons la plus connue (1), celle dans laquelle le nerf d’une patte de grenouille était coupé par le milieu, ses deux bouts écartés, le nerf d’une autre patte de grenouille placé en croix dans l’intervalle et une goutte d’eau étalée au point de croisement pour établir à ce point l'union des trois conducteurs nerveux. Un courant tra- versant le premier nerf d’un segment à l’autre faisait contrac- ter la première patte, tandis que la seconde, dont le nerf était croisé par le courant, restait en repos. Vers la même époque, Longet et Guérard (2), puis CI. Ber- uard (3), furent conduits par leurs expériences à nier le pouvoir excitateur du courant transversal, tandis que du Bois Rey- mond (4) lui refusait de son côté la propriété de développer dans le nerf les phénomènes de polarisation qu'il venait de découvrir et qui se produisent constamment quand le courant parcourt le cordon nerveux dans le sens longitudinal. Pflü- ger (5), qui vérifia ce fait, le regarde comme une confirmation de la théorie générale, suivant laquelle lexcitation électrique est intimement liée à la naissance et à la disparition de l’élec- trotonus. MH M. Chauveau (6) admet au contraire « qu'il n’existe en réalité aucune différence d’action entre les courants transver- saux et les courants longitudinaux ». D’après ses expériences, faites non seulement sur des nerfs de grenouille, mais sur le facial du cheval, plus favorable par son volume à des observa- tions précises, on ne saurait douter que le courant perpendi- culaire à l’axe du nerf ne provoque des contractions. Les cou- rants longitudinaux, il est vrai, agissent toujours plus énergi- (1) Le même, Traité des phenom. électro-physiol. des animaux, 1844, p. 219. Voy. aussi Cours d’électro-physiol., 1858, et Comptes rendus de l’Acad. des sc., XLVIII, 1859. (2) Longet et Guérard, Bull. de la Soc. philom., 1842. (3) CL. Bernard, Leçons sur la physiol. et la pathol. du syst. nerv., 1858. (4) Du Bois-Reymond, Untersuch., etc., 1849, s. 344. (5) Pflüger, Physiol. d. Electrotonus, 1859. (6) Chauveau, Théorie des effets physiol. prod. par lélect., Journal de la æphysiol., 1859-60, p. 298 (3° mémoire). SG CHARBONNEL-SALELE. quement que les transversaux : mais cette différence s’explique par cette considération que l'électricité, en traversant un nerf, est moins condensée qu’en le parcourant suivant la direction de ses fibres. Dans le premier cas, en effet, le diamètre du conducteur est représenté par la section longitudinale du cordon nerveux ; dans le second cas, au contraire, il est mesuré. par la section transversale du nerf. Dans ces dernières années, divers expérimentateurs ont recherché, à l’aide d’une méthode tracée par Hermann (1), et dont le principe appartient à Matteucci, une relation générale entre l’angle d'incidence du courant et la force d’excitation, relation doni le courant transversal représente un cas particu- lier. Ce procédé, employé par Luchsinger (9), A. Fick (3), Tchirjew (4), Albrecht et Meyer (5), consiste à plonger le nerf dans un liquide où sont immergées les électrodes, de telle façon qu’il croise à angle droit la ligne droite qui réunit celles-ci, et par conséquent les courants dérivés qui diffusent dans toute la masse liquide. Tandis que les résultats de Fick indiquent une proportionnalité assez exacte entre l'influence excitatrice du courant et le cosinus de l’angle d'incidence, ce qui réduit à zéro l’action du courant transversal, Tschirjew déduit de ses recherches une relation beaucoup plus compliquée et attribue au courant transversal une action excitatrice très marquée. Enfin, d’après Albrecht et Meyer, le nerf exactement perpen- diculaire à l’ensemble des courants dérivés n’est pas excitable par les plus forts courants de pile où d’induction. On voit par ce rapide exposé des méthodes employées et des résultats obtenus depuis Galvani jusqu’à nos jours, que l’accord est loin d’être fait entre les physiologistes ; suivant l’opinion du plus grand nombre, un accroissement de l’angle d'incidence. du courant produirait une diminution de son pouvoir exeitateur (1) Hermann, Arch. f. d. ges. Physiol., XI, s. 152, 1869. (2) Voy. Hermann, Handb., etc.,s. 80, 1879. (3) A. Fick, Würtzburg. Verhandl. IX, s. 228, 1876. (4) Tchirjew, Arch. f. d. ges. Physiol., s. 369, 1877. (5) Albrecht et Meyer. Voy. Hermann, Handb. der Physiol. s. 81. ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 87 et, pour l'angle de 90 degrés, une suppression complète de celui-ci. Ge dernier point seulement sera pour nous l’objet d’un axamen détaillé ; car nous regardons comme 1llusoire la recher- che d’une relation exacte entre l’incidence du courant et ia valeur de l’excitation. [Il est impossible, en effet, de faire varier la position du nerf par rapport aux électrodes opposées, même d’une quantité minime, sans modifier en même temps d’autres conditions, telles que la densité du courant dans le nerf, la résistance opposée par le tissu nerveux au passage de l'électricité, etc., conditions qui influent beaucoup sur Île résultat de l'expérience. Quant à l'influence propre du courant transversal, nous devons examiner tout d’abord si les faits-sur lesquels on s’ap- puie pour lui refuser le pouvoir excitateur sont bien probants et résistent à toute objection. Dans les cas où le nerf, immergé dans un liquide ou placé en croix sur un fil humide, ne réagit pas au courant qui traverse le liquide ou le fil, rien ne prouve que des ramifications appréciables de ce courant aient suivi la voie des éléments nerveux. Un phénomène remarquable décou- vert par Hermann (1) en 1871 doit même contribuer à restrein- dre beaucoup la pénétration du courant : nous voulons parler de la résistance opposée par le tissu nerveux dans le sens transversal, laquelle se montre environ ou 6 fois plus grande que la résistance longitudinale. — Quant aux expériences (Joh. Müller, Du Bois-Reymond, Ghauveau) où la contraction musculaire a suivi l'application d’un courant transverse, les partisans de l’opinion courante les'expliquent, un peu arbitrai- rement, par la diffusion longitudinale de l'électricité, à droite et à gauche des électrodes, diffusion inévitable dans toute expérience de ce genre et dont le procédé de Hermann seul parait être entièrement exempt. Ainsi les résultats négatifs signalés par la majorité des physiologistes, aussi bien que les résultats positifs obtenus par quelques-uns sont également entachés d’un doute : quant aux (1) Hermann, Arch. f. d. ges. Physiol., V, s. 229, 1871. 88 CHARBONNEL-SALLE. premiers, 1l n’est pas bien certain que le courant ait traversé le nerf, et, quant aux autres, il est permis d’invoquer, pour leur explication, les dérivations longitudinales. Il faudrait done, pour résoudre rigoureusement la question du courant trans- versal, d’une part assurer le passage de Pélectricité. à travers le nerf; d'autre part, atténuer la diffusion du courant dans le sens longitudinal au point d'en supprimer l’action : deux conditions essentielles, dont la première peut être aisément remplie dans la pratique, tandis que la seconde, en: vertu des lois qui régissent la propagation des courants, échappe presque complètement à tout procédé expérimental. | Pour réaliser la première condition, c’est-à-dire le passage certain du courant à travers le nerf, le procédé le plus sùr consiste évidemment à disposer celui-ci entre deux électrodes opposées dont l’écartement soit égal à l'épaisseur du cordon nerveux, de telle façon que celui-ci achève à lui tout seul la fermeture du circuit excitatéur. L'appareil que nous décrirons plus loin est disposé d’après ce principe, indiqué autrefois par M. Chauveau, et rejeté comme très défectueux par les physio- logistes allemands. L'expérience nous à fait voir que ce procédé peut donner des résultats très précis et dignes d'intérêt. Quant à la diffusion inévitable de l’électricité suivant la longueur du nerf, nous devons nous contenter de a véri- fier et d'en mesurer, jusqu'à un certam point, l'étendue, par létude des courants électrotoniques qu’elle détermine dans les parties extrapolaires ; en outre, dans l’interprétation des résultats de l'excitation nous tâcherons de faire la part des effets qui lui sont propres et de ceux qui peuvent appartenir au vrai courant transversal qui, suivant le plus court chemin, traverse normalement le cordon nerveux. Les considérations générales que nous venons d’exposer et les réflexions critiques qu’elles suggèrent, étaient nécessaires, croyons-nous, pour préciser néttement les termes de la ques- tion et aussi pour faire apprécier les difficultés techniques que présente l’étude du courant transversal, une des plus intéres- santes pour le physiologiste, non-seulement à litre de curiosité ARTICLE N° 1, EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 89 scientifique, mais parce qu'elle touche de près à un problème fondamental, la connaissance du mode d'action intime de l'électricité sur les nerfs moteurs. Pour nos recherches, dont le principe a déjà été brièvement indiqué, nous nous sommes servi de l’appareil représenté dans la figure 26. Il consiste essentiellement en deux plaques QUE Fig. 26. — Appareil pour l'excitation du nerf isolé, par le courant transversal, métalliques, épaisses de 2millimètres, serrées entre deux lames de glace parallèles et pouvant glisser entre ces deux lames de manière à s’écarter ou à se rapprocher l’une de l’autre. Une vis de pression, à chaque extrémité, permet d'assurer un degré convenable de frottement et de rendre impossible tout dépla- cement imprévu des électrodes, au cours de l’expérience ; celles-ci présentent d’ailleurs deux saillies latérales, qui s’ap- puient sur le bord supérieur des lames et mettent obstacle au glissement de haut en bas; elles sont en outre munies d’une borne où s'engagent les fils conducteurs isolés, très fins et tordus en spirale. Enfin tout l’appareil estenchâssé, à demeure fixe, dans une plaque de caoutchouc durci disposée pour s'adapter au myographe et supporter une cage en verre. Aux bornes latérales sont adaptés des fils de zmc amalgamé, dont 90 CHARROENNEL-SAEEE. les extrémités inférieures plongent dans deux tubes de sulfate de zinc, recourbés au-dessous de la plaque et présentant sur la ligne médiane de lappareil une extrémité ouverte, de façon à permettre la dérivation des courants électrotoniques par des électrodes impolarisables. Une patte de grenouille récemment préparée étant fixée sur l'appareil, le nerf qu'on a laissé appendu sur une grande longueur, repose sur le bord supérieur des lames de verre parallèles dont il croise le plan dans une direction exactement perpendiculaire. Les deux électrodes métalliques sont rappro- chées avec précaution de part et d’autre jusqu’à ce que cha- eune d'elles arrive au contact du cordon nerveux. Toutes les parties de l’appareil étant dressées et ajustées avec le plus grand soin, 1l est évident qu’un courant, pour passer d’une électrode à l’autre, sera forcé de traverser le nerf dans un sens parfaitement transversal. On peut reprocher à ce dispositif de permettre la polarisa- üon des électrodes, puisque le nerf est en contact immédiat avéc des surfaces métalliques. Mais cette imperfection, qu’il nous est impossible de supprimer, n’est pas très grave quand on n’emploie pas les courants continus et qu’on utilise seule- ment, comme nous l’avons fait, les décharges du condensateur à microfarads ou de la bouteille de Leyde, dont le pouvoir polarisant est très faible, à raison de la minime quantité d’élec- tricité qu'elles mettent en mouvement. Examinons maintenant les résultats de l’expérience ainsi disposée. En lançant la décharge à travers le nerf, alternati- vement dans un sens et dans l’autre, grâce au jeu du conden- sateur, on constate d’abord un premier fait : e’est que, pour ob- tenir des contractions musculaires, il faut avoir recours à une intensité minima surpassant notablement celle qui suffit, en. général, à l'excitation du nerf, parcouru dans le sens longitu- dinal. Cette particularité, que nous avons constamment obser- vée, s'explique aisément si l’on se rappelle la grande résistance transversale du nerf signalée par Hermann, et la faible den- sité que doit avoir le courant, disséminé dans un conducteur ARTICLE N° {. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 91 dont la section est très considérable, ainsi que nous l'avons expliqué ci-dessus. Il n’y a donc là rien qui doive nous sur- prendre. Mais un phénomène plus singulier, etdont l'interpré- tation n’est pas aussi simple, apparaît au cours de l'expérience : pour certaines intensités de la décharge, les secousses ne se produisent pas indifféremment avec les deux sens, malgré la similitude complète qui existe dans les rapports du cordon nerveux et des deux électrodes ; le passage du courant dans un sens produit une forte contraction et ne 2e DEUE rien quand la direction a été renversée. Un examen attentif nous fit promptement reconnaître que cette irrégularité dans la production des secousses n’est qu’ap- parente, et l’inscription graphique du phénomène (fig. 27) pour une série d’intensités croissantes nous a permis d’en trouver la loi. En partant de l’intensité minima on voit d’abord les secousses apparaître exclusivement pour un sens déterminé du courant (1); une intensité plus forte les rend égales pour les deux directions, et cette égalité persiste fort longtemps (I) ; enfin, une force très considérable du courant finit par amener une inversion remarquable du phénomène : les secousses diminuent et peuvent même faire défaut quand le nerf est traversé suivant la direction qui, tout à l'heure, était seule efficace (LIT). Pour interpréter le mode d'action de l’ excitant, unilatéral et inverse pour les intensités extrêmes, bilatéral avec les inten- sités moyennes, 1l faut se rappeler d’abord que le sciatique de la grenouille n’est pas plexiforme, et que les tubes nerveux dont 1lse compose sont associés en faisceaux distincts, se sépa- rant à la partie inférieure de la cuisse en deux groupes, le pophté interne et le poplité externe. Il est facile, sur une gre- nouille vivante, de fendre longitudinalement le sciatique en deux moiïtiés et d'isoler ainsi l’un de l’autre deux faisceaux principaux, qu’une gaine commune unit, à l’état normal, en un seul cordon nerveux. Si l’on excite isolément les deux moi- tiés du sciatique, on voit que la moitié interne provoque des contractions dans le gastrocnémien et les muscles postérieurs “99107 ‘JIy Souuokou ‘jf ÉEUWIUIU 97ISUOQUI T — JOIOIN L ‘OIUEG ‘IA ‘06 — ‘IPSI2ASUEI) jure UOTEMOXA — ‘1% AU EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 93 et profonds de la jambe ; que la moitié externe, au contraire, laisse le gastrocnémien immobile et fait contracter le groupe musculaire antérieur. Cette expérience bien simple suffit à prouver que les deux poplités, simplement accolés, poursui- vent leur trajet dans la cuisse en conservant leurindépendance et leur situation relative. Si maintenant nous examinons avec soin les rapports de chaque électrode, alternativement positive et négative, avec le nerf sciatique, disposé de telle façon que le plan des deux poplités soit horizontal, nous voyons la contraction du gastro- cnémien se montrer, en premier lieu, quand le sens du courant est tel, que l’électrode en contact avec le côté interne du cordon nerveux, c’est-à-dire avec Le poplité interne, soit néga- tive ; et, pour les intensités très fortes, quand cette électrode est au contraire positive. Cette remarque nous indique aussitôt que nous sommes en présence d’un cas particulier d’excitation unipolaire, etles lois établies par M. Chauveau trouvent ici leur application (4). On se rappelle que, d’après notre savant maitre, le nerf est excité d’abord par le pôle négatif, puis réagit bientôt également aux deux excitations ; on sait aussi qu’un accroissement continu de l'intensité finit par annuler l'influence du pôle négatif, tandis que le pôle positif conserve indéfiniment son activité. Ainsi, le mode d’excitation transversale que nous avons adopté est réductible à une forme spéciale de l’exeitation uni- polaire, appliquée à deux nerfs différents du même animal ; seulement, dans notre cas, les deux nerfs sont appliqués l’un à l’autre dans toute leur longueur au lieu de se trouver éloignés et séparés par une masse considérable de tissus. Si l'explication précédente est bien fondée, il doit être pos- sible de renverser à volonté le sens du phénomène, en rendant inverses, par un changement de situation de la patte de gre- nouille, les rapports du nerf avec les deux électrodes. Une autre conséquence nécessaire, c’est qu'en disposant le nerf de (1) Chauveau, Comptes rendus de l’Acad. des sc., 2? novembre 1875. 9% CHARBONNEL-SALELE. telle façon que le plan des deux faisceaux constitutifs soit ver- tical, on doit rendre la production des secousses uniforme et constante pour les deux directions du courant; dans cette situation, en effet, le faisceau poplité interne est en contact à la fois avec les deux électrodes. Les expériences spéciales que nous avons faites à ce sujet ont pleinement justifié ces deux déductions. En disposant sur deux électrodes impolarisables, convena- blement isolées, la partie du nerf située au delà de l’intervalle des pôles exeitateurs, 1l nous a été possible de dériver et d’étu- dier avec soin les courants électrotoniques très intenses qui se développent sous l'influence de lexcitation transversale (1). Dès que l’imtensité de la décharge atteint le degré nécessaire pour provoquer une secousse, l’électromètre révèle, par les oscillations de la colonne capillaire, la production de lélec- trotonus. L’écrasement du cordon nerveux, entre la région dérivée et la région excitée, supprime entièrement le phéno- mène, et démontre ainsi la véritable nature de ces courants. Ces manifestations électrotoniques sont-elles dues au courant transversal lui-même? ou bien aux dérivations longitudinales de ce courant, ascendantes dans une moitié du cordon ner- veux et descendantes dans l’autre moitié? (voy. fig. 28.) Cette dernière supposition, conforme à l’opinion de Du Bois-Rey- mond et de Pflüger, est rendue très probable par ce fait, que les courants électrotoniques ainsi dérivés présentent une ex- trême irrégularité, quant à leurs sens et à leur intensité. Il est aisé de comprendre qu’unsegment de nerf, parcouru en même temps et en sens contraire par deux courants longitudinaux, et présentant par conséquent deux états électrotoniques in- verses, doit accuser à l’électromètre des effets très variables, suivant les points touchés par les électrodes de dérivation. Les deux états Inverses peuvent même se compenser en partie, ou (1) C’est à l’aide de l’électromètre de Lippmann que nous avons étudié l’élec- trotonus développé par les courants instantanés. La méthode suivie dans ces recherches ainsi que les résultats obtenus seront décrits plus longuement dans le 4° chapitre de notre mémoire. ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 95 s’annuler entièrement, cas qui s’est présenté fréquemment dans nos expériences. Nous avons essayé de représenter schématiquement par la figure 28 la disposition du nerf entre les électrodes et la diffu- sion longitudinale du courant dans notre expérience. On voit que le pôle positif étant appliqué au côté interne du nerf sciatique, divisé en deux moitiés longitudinales par la ligne ponc- tuée mm, les courbes décrites par le courant dans le nerf sont divergentes | dans le poplité externe (PE) et conver- gentes dans le poplité interne (PI), qui touche au pôle négatif et se distribue au gastrocnémien (G). Chaque moitié lon- gitudinale du sciatique présente par conséquent deux états de polarisation de sens inverses; et si nous considérons seulement la partie du nerf située entre les électrodes et les muscles, nous voyons que le PE est le siège d’une polarisation pig. 28. — Schéma indi- descendante, tandis que le PLestle siège dondu Re d’une polarisation ascendante. Ce sont Là "5" nerf sciatique. exactement les phénomènes d’électrotonus décrits par Morai et Toussaint (1), dans le cas d’excitation umipolaire. Les résul- tats de l’irritation transversale, telle que nous l’avons prati- quée, au moyen d’électrodes métalliques, sont donc en par- faite concordance avec les lois de Pexcitation unipolaire, soit au point de vue de la production des secousses, soit en ce qui concerne Îles manifestations électrotoniques. Une vérité incontestable ressort de l'exposé précédent : c’est la possibilité d’exciter un nerf par un courant, Papplication des électrodes étant rigoureusement transversale. Voilà le phé- nomène extérieur, en quelque sorte, le produit brut de notre expérience ; et les considérations auxquelles nous nous sommes DD (1) Morat et Toussaint, Comptes rendus de l'Acad. des sc,, 1877. 96 CHARBONNEL-SALLE. livré, l’expliquent, eroyons-nous, d'une façon satisfaisante. C’est en invoquant les courants dérivés suivant la longueur du nerf, leur direction et leur influence électrotonisante, que nous avons rendu compte du mode particulier, suivant lequel les contractions se sont produites ; rien n’a été dit du vrai courant transversal et de son action propre, c’est-à-dire de ce qui con- stitue le fond même de la question. Quelle part faut-il attri- buer dans les phénomènes observés à cette fraction du cou- rant qui traverse directement le nerfentre les deux électrodes? L'existence de ces filets directs est indubitable, et même, d’après les lois physiques de la diffusion électrique, il est pro- bable qu'ils l’emportent en intensité sur les ramifications longitudinales. Notre expérience par sa nature même ne sau- rail répondre directement à cette question; elle est propre seulement à établir un rapprochement intéressant entre les faits observés dans les conditions particulières où nous nous sommes placé etles lois générales de l'excitation unipolaire. D'autre part, le désaccord que nous avons signalé entre les résultats de Tschirjew et ceux d’Albrecht et Mever, résultats obtenus en suivant la même méthode, ne permet pas, quant à présent, de trancher définitivement la question du courant transversal proprement dit. Remarquons touiefois que l’inac- tivité de ce courant s’accorderait très bien avec nos résultats expérimentaux, puisque c’est en mvoquant les dérivations lon- gitudinales que nous l'avons expliqué. Pour compléter notre étude du courant transversal, il nous reste à rendre compte d’une série d'expériences faites suivant le procédé de Galvani, c’est-à-dire en disposant le nerf per- pendiculairement sur un conducteur humide traversé par le courant. Pour éviter la polarisation, nous nous sommes servi d’un fil de chanvre très fin, d’une longueur de #4 centimètres, imbibibé d’une solution à + de chlorure de sodium et plon- geant, par ses deux extrémités, dans les tubes à sulfate de zinc de lappareil représenté figure 42; ce fil est main- tenu en extension, grâce à deux petits bouchons en liège qu’il traverse à frottement et qui s'adaptent exactement aux ARTICLE N° f. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 97 tubes. Le nerf, placé en croix sur le fil, repose par sa portion libre sur les deux électrodes de l’électromètre de Lippmann ; on peut donc observer simultanément les phénomènes d’exci- tation et les manifestations électrotoniques. Le résultat géné- ral de nos expériences est l’absence d’excitation, même pour de très forts courants (30 ÉL. Daniel, n° 60 du rhéochorde), quand le nerf, récemment préparé, repose sur le fil par sa partie moyenne, laquelle est à la fois moins excitable et plus étroite que la partie supérieure. Mais nous avons toujours, au contraire, obtenu et enregistré des séries régulières de se- cousses, avec des intensités assez faibles (30 ÉL. Daniel, n° 5 du rhéochorde) lorsque le nerf était mis en contact avec le cir- cuit au niveau de sa partie extrème et plexiforme, dont l’exci- tabilité est plus forte et le diamètre plus considérable. Les secousses se produisent souvent avec les deux directions du courant dans le fil, souvent aussi elles font complètement dé- faut pour un sens, sans qu'il soit possible de saisir la raison de telles différences. Quant aux effets éleetrotoniques, 1ls sont nets et constants, toutes les fois que le nerf est excité ; ils ces- sent aussitôt par l’écrasement du nerf dans la région intermé- diaire. Une influence digne d’être notée est celle qu’exerce sur le résultat de l'excitation le diamètre du cordon nerveux mis en contact avec le fil : cetteinfluence est rendue bien manifeste par ce fait que la partie moyenne du nerf, qui donne en général un résultat négatif, est fortement excitée au contraire quand on en double le diamètre en la repliant sur elle-même avant de la disposer en croix sur le fil. Il est très vraisemblable que, dans ce cas, l’intensité du courant dérivé qui traverse le cor- don nerveux est augmentée par l'accroissement de l’intervahe de dérivation. ANN. SC. NAT., ZOOL., NOVEMBRE 1881. NIET —— "ARTS Nu. 98 CHARBONNEL-SALLE. CHAPITRE IV PRODUCTION DE L’ÉLECTROTONUS PAR LES COURANTS INSTANTANÉS Les phénomènes physiologiques manifestés par les nerfs moteurs soumis à l'influence des courants, considérés dans leur ensemble sont de deux ordres : 4° Les phénomènes d’excitation ; . ® Les phénomènes électrotoniques. Les premiers nous sont révélés, soit par la contractionmus- culaire, soit par la variation négative du courant nerveux. Les seconds se présentent sous deux aspects différents : nous avons affaire, d’une part, à lélectrotonus proprement dit, consistant en une production de forces électro-motrices nouvelles dans les régions extrapolaires du nerf traversé par le courant ; d'autre part, aux modifications électrotoniques de l’excitabilité. Ces deux effets des courants sont, d’après les recherches de Pflüger, liés par un rapport si intime, que la plupart des physiologistes, surtout en Allemagne, les com- prennent sous la dénomination commune d’électrotonus. Dans les chapitres précédents, nous avons examiné l’action physiologique de lélectricité, manifestée extérieurement par les contractions du muscle, en accordant une attention spé- ciale aux effets dés courants instantanés. Cette étude nous amène à poser la question suivante : les courants instantanés possèdent-ils le pouvoir électrotonisant ? Cette question n’a jamais, à notre connaissance, reçu de solution expérimentale directe. Sans doute les physiologistes ont été conduits, par analogie, à penser que les flux instanta- nés possèdent la propriété de développer l’électrotonus ; autre- ment, il y aurait entre les courants instantanés el continus une différence d'action fondamentale et peu vraisemblable. En ce qui concerne plus spécialement les modifications élec- trotoniques de l'irritabihté, Wundt (1) a montré que les cou- (1) Wundt, Arch. f. Anal.u. Physiol., S59 et 1861. ARTICLE N° {. é EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 99 rants de courte durée sont capables de produire les mêmes effets que les courants continus ; seulement ces effeis sont plus faibles et plus fugaces. Nous nous proposons, dans le présent chapitre, d'exposer les résultats de nos recherches sur l’élec- trotonus proprement dit, c’est-à-dire sur les courants déve- loppés dans Les régions extrapolaires par les décharges du con- densateur micro-Faraday ou dela bouteille de Leyde. Une démonstration indirecte de l’état électrotonique déve- loppé dans les cordons nerveux par les flux instantanés, ressort d’un phénomène de contraction secondaire, signalé en 4860, par M. Chauveau (1). On savait, depuis les découvertes de Du Bois-Reymond, qu'un nerf en contact par deux points, ou même par une surface plus étendue avec un muscle peut être excité au moment où le muscle se contracte : c’est le phéno- mène de la contraction secondaire due à la variation négative du muscle en construction. Du Bois-Reymond avait décrit en outre la contraction secondaire produite par le contact d’un nerf avec un autre nerf excité ; et il avait signalé cette particu- larité importante que l’agent électrique est seul ap e à déter- miner, dans ce cas, la contraction secondaire. Ce n’était donc pas à la variation négative du courant nerveux, mais unique- ment à l’électrotonus développé par le courant voltaique, qu’il était possible d'attribuer le phénomène. Lorsque M. Chau- veau obtint à son tour la contraction secondaire en employant les décharges d'électricité statique et les courants induits, la réalité de l’électrotonus produit par ces courants instan- tanés fut indirectement établie par. une déduction néces- saire. | L'observation directe des états électrotoniques instantanés exige un appareil tout spécial; les galvanomètres, communé- ment employés par les physiologistes dans les recherches d'électricité animale ne présentent point une mobilité suffi- sante, quelque léger et sensible que soit le système astatique. L’électromètre de Lippmann (2), fondé sur les relations exis- (1) Chauveau, Journal de la physiol., 1860, p. 553 et suiv. : (2) Lippmann, Thèse de Paris, 1875. — Nous rappellerons que l’éectromètre 100 CHARBONNEL-SALLE. tant entre les phénomènes électriques et capillaires, nous à permis, grâce à sa mobilité extrême, d'étudier minutieuse- ment l’électrotonus instantané et d’en comparer les lois avec celles que Du Bois-Reymond a établies pour l’électrotonus développé par les courants continus. En renvoyant pour plus de détails au mémoire de l’auteur, nous indiquerons seulement 1ci la disposition générale et le mode d'emploi de l'appareil. Un tube vertical étiré à son extré- mité inférieure en un capillaire très fin, plonge par cette extré- mité dans un vase de verre rempli d’eau acidulée et dont le fond est occupé par une certaine quantité de mercure. Si l’on verse du mercure dans le tube, le métal pénètre dans la partie rétrécie en présentant un ménisque convexe et, si l’on n’élève pas trop la pression, demeure suspendu à un niveau fixe en vertu de la résistance capillaire. Le mercure du tube et celui du vase inférieur étant mis en communication par des fils mé- talliques avec une source d'électricité, la différence de tension électrique modifie la résistance capillaire et détermine un dé- placement du ménisque dans le sens où le courant tend à se produire. Le ménisque reste dans sa nouvelle situation d’équi- libre aussi longtemps que persiste la différence'des tensions; tel est Le cas des courants continus. Mais l'appareil est sensible aux courants instantanés de la plus courte durée et la mobilité du ménisque est telle qu’il traduit fidèlement, par ses oscilla- tions, des différences de tension se succédant avec une grande rapidité. Un microscope, dont l’oculaire est muni d’un réticule, est braqué sur la colonne capillaire et permet d'estimer, assez exactement, l’étendue et la rapidité des oscillations. Le dispositif expérimental est celui qu’on emploie d'ordinaire pour la démonstration de l’électrotonus au moyen des cou- rants continus : un nerf récemment préparé est parcouru dans une certaine étendue par le courant polarisant; on dérive les de Lippmann a déjà été utilisé par Lippmann et Kubne, pour diverses expériences électro-physiologiques, en particulier pour la variation négative du muscle sou- mis à une excitation instantanée. ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES* NERFS MOTEURS. 101 courants électrotoniques à une distance variable de la partie intrapolaire à l’aide de deux électrodes impolarisables termi- nant le circuit de l’électromètre. L'écrasement du nerf, pra- tiqué dans la région intermédiaire ou dérivante, doit supprimer immédiatement toute manifestation électrotonique; c’est là, on se le rappelle, le critérium imfaillhible de ces phénomènes. Pour éviter toute dérivation accidentelle des courants, ca- pable d’induire en erreur, nous avons apporté un soin tout particulier à l'isolement des électrodes de dérivation ; ces pré- cautions étaient rendues nécessaires par la facilité avec laquelle diffusent les courants instantanés, courants constitués par de faibles quantités d'électricité, mais dont le potentiel est très élevé. Deux tubes de verre, rétrécis et recourbés en crochets à leur extrémité inférieure, sont fixés à une plaque de gutta-per- cha, suspendue par quatre fils de soie d’une grande longueur à un support isolant. Après avoir introduit dans les tubes de verre une certaine quantité de kaolin humide, on achève de les remplir avec la solution de sulfate de zinc, dans laquelle plongent deux fils de zinc amalgamé; des fils de cuivre‘ très fins et recouverts de soie font communiquer les électrodes ainsi constituées avec l’électromètre. La patte de grenouille est dis- posée sur l’appareil ordinaire (fig. 3); la moitié inférieure u nerf est appliquée sur les deux électrodes fixes de l'appareil, tandis que la partie extrême est soulevée sur les deux élec- trodes en crochet. La mobilité du support isolant permet de faire varier la situation de l'appareil de dérivation, d’allonger où de raccourcir à volonté la région intermédiaire du nerf. Jamais, avec ce dispositif, nos expériences n’ont été trou- blées par aucune diffusion accidentelle du courant polarisant, diffusion qui se produit très facilement quand on emploie des courants instantanés de forte intensité. Notre examen a porté sur l’électrotonus développé dans trois conditions différentes d'application du courant : 1° Dans le cas de polarisation par le courant longitudinal; 2° Dans le cas de polarisation par le courant transversal; 3° Dans le cas d’excitation unipolaire. 102 CHARBONNEL-SALLE. Nous avons indiqué déjà (p. 76) les effets du courant lrans- versal relativement à l’électrotonus ; nous n’y reviendrons pas ici; quant aux phénomènes observés dans le cas d’excitation unipolaire, ils s'accordent de tous points avec ceux que Morat et Toussaint (loc. cit.) ont observés en employant les courants de pile. Nous ne saurions mieux faire que de renvoyer pour plus de détails à la note de ces physiologistes. Nous décrirons donc seulement les résultats obtenus en électrotonisant le nerf par les courants longitudinaux. Expériences. — Un nerf frais est disposé sur l’appareil à la manière indiquée. Les électrodes de dérivation, écartées de 6 millimètres, sont appliquées sur la partie extrême du cordon nerveux, au voisinage de sa section. Introduisons, par la fer- meture de l'interrupteur, le segment nerveux dérivé dans le circuit de l’électromètre. Nous constatons aussitôt un dépla- cement du ménisque sous l'influence du courant nerveux propre, dont la direction est descendante à l’intérieur du nerf. Ce déplacement est permanent, comme le courant lui- même, et le ménisque reste immobile dans sa nouvelle situa- tion. Faisons passer maintenant dans la partie inférieure du nerf les décharges graduées du condensateur à 4 microf., alterna- tivement ascendantes et descendantes. Dès que l'intensité de- vient suffisante pour provoquer des secousses musculaires, parfois même avec les intensités inférieures à la minima, nous : voyons apparaître les états électrotoniques instantanés. La colonne de mercure oscille de part et d’autre de sa position d'équilibre, marquée par le fil transversal du réticule. Les oscillations sont très rapides; toutefois cette rapidité n’est pas telle qu’on ne puisse nettement constater une différence dans l'étendue relative des excursions de ménisque : c’est pour la direction descendante du courant polarisant que cette étendue est toujours la plus considérable. Les très faibles courants, dont l'effet polarisant est nul avec la direction ascendante, im- priment déjà au ménisque un mouvement assez sensible lors- qu'ils parcourent le nerf suivant la direction imverse. ARTICLE N° 1. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 103 Pour se rendre compte de cette différence, il suffit de se rappeler les rapports des courants électrotoniques avec le cou- rant nerveux : suivant que le courant polarisant est descen- dant ou ascendant, l’électrotonus est de même sens que le courant nerveux, ou de sens opposé. Dans le premier cas, le courant nerveux est renforcé, dans le second il est affaibli. Du Bois-Reymond a donné à ces deux états imverses les noms de phase positive et de phase négative et a démontré que cette dernière est toujours plus faible. Gette loi, établie pour les courants polarisants continus, est donc valable, d’après nos observations, pour les courants instantanés. En examinant successivement les diverses circonstances qui influent sur le développement de l’électrotonus instantané, nous avons obtenu des résultats parfaitement conformes aux données classiques établies par Du Bois-Reymond. De même que pour les courants continus l’accroissement d'intensité produit, jusqu’à une certaine limite, un accroissement des états de polarisation, de même encore, les phénomènes sont renforcés ou affaiblis par la diminution ou l'augmentation de la distance comprise entre la région polarisée et la région dérivée. Enfin, en suivant, pendant le dépérissement du nerf, l’'amoindrissement progressif de l’électrotonus, nous avons vu la phase négative diminuer d’abord plus vite que la phase positive et la différence normale s’accentuer ainsi davantage. La première demeure ensuite longtemps stationnaire, tandis que la seconde continue à s’affaiblir, de telle sorte que la dif- férence finit par disparaitre. L'influence exercée par la durée des courants instantanés sur les caractères de l’électrotonus mérite une attention toute particulière. En polarisant le nerf par les décharges du conden- sateur gradué, tantôt avec ? microfarad, tantôt avec 10, la rapi- dité plus grande de l’oscillation de la colonne capillaire dans le premier cas frappe tout d’abord. La différence est surtout manifeste quand on compare successivement les états de pola- risation développés au moyen d’une bouteille de Leyde de faible capacité et du condensateur à 10 microfarads. Bans le pre- 104 CHARBONNEL-SALLE. mier cas, le ménisque saute, pour ainsi dire, si brusquement qu'il est impossible à l'œil de le suivre; dans le second cas, les périodes d’ascension et de descente se succédant sans inter- valle de repos, ont une durée assez considérable. Nous avons comparé plus rigoureusement les pouvoirs élec- trotonisants des flux instantanés de diverses durées par le procédé indiqué déjà page 92. Un même nerf est polarisé suc- cessivement par deux décharges de même sens, descendantes par exemple; l’une est fournie par 1 microfarad relié à la source de tension 10, l’autre par 10 microfarads reliés à la source de tension 1. Le nerf est ainsi traversé par des courants égaux comme quantité, et très différents sous le rapport de la durée. Cette expérience nous a conduit à constater de nouveaula plus courte durée du phénomène électrotonique produit parl > cou- rant le plus bref, fait qui nous est déjà connu et que nous observons ici dans des conditions meilleures de précision. Mais nous avons encore obtenu constamment un autre résul- tat, surprenant au premier abord : en comparant sous le rap- vort de l'amplitude les oscillations de lélectromètre, nous avons vu les courants les plus brefs produire les oscillations les plus étendues. I ne faudrait point conclure de ce résultat que l'intensité du courant électrotonique est plus grande quand le courant polarisant présente une moindre durée; en d’autres termes, que les courants les plus brefs possèdent, au plus haut degré, le pouvoir électrotonisant. Déjà en interprétant le phé- nomène de la lacune (p. 51), nous avons, pour des raisons physiologiques, admis une opinion toute contraire. Mais la contradiction n’est ici qu'apparente. Il suffit, pour s’en rendre compte, de se rappeler que dans lélectromètre de Lippmann l’étendue des oscillations n’est point en rapport avec l'intensité des courants, comme les déviations d’un galvanomètre, mais bien avec la différence de potentiel des deux pôles. L’élec- tromètre mesure donc seulement la force électromotrice et non l'intensité des courants électrotoniques. En résumé, l’ensemble de nos expériences nous autorise à conclure que les états électrotoniques sont soumis aux mêmes ARTICLE N° f. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 105 lois régulatrices, qu'ils soient développés par les courants ins- tantanés ou par les courants continus. CONCLUSIONS Les faits observés au cours de nos expériences et les explica- tions théoriques que nous en avons déduites peuvent être condensés dans les propositions suivantes : 1° Relativement à l’excitabilité des nerfs moteurs explorés aux divers points de leur trajet à l’aide des courants instan- tanés : a. Nerfs sectionnés. — Les nerts sectionnés et isolés présen- tent, lorsqu'ils sont absolument frais, une décroissance régu - lière de l’excitabilité, de la section vers le muscle. — Toute section pratiquée sur un nerf intact produit un accroissement très notable de l’excitabilité. Cette modification est instanta- née ; elle affecte d'emblée toute l'étendue du nerf sous-ja- cente à la section ; son maximum est au voisinage immédiat de la lésion expérimentale. On peut, par des sections répétées, relever à plusieurs reprises l’excitabilité dans un nerf déjà affaibli. | La section de la moelle n’exerce aucune influence tnmeédiate sur l’irritabilité du nerf moteur. La suractivité que les sections impriment aux propriétés des nerfs ne se manifeste pas seulement par laptitude plus grande de ceux-c1 à provoquer des secousses musculaires, mais aussi par l'énergie augmentée des manifestations électro- toniques. b. Nerfs intacts. — Les nerfs moteurs intacts et maintenus autant que possible dans leurs conditions normales diffèrent profondément des nerfs coupés, sous le rapport de la réparti- üon des degrés divers d’excitabilité. Certaines régions très circonscrites présentent une irritabilité supérieure. Pour le sciatique de grenouille, on observe deux maxima, lun au niveau de l’émergence des rameaux fémoraux, l’autre au niveau de la bifurcation du nerf. 106 CHARBONNEL-SALLE. D’après les faits précédents, il est légitime d’attribuer la répartition spéciale de l’excitabilité sur le nerf isolé et frais, à la section elle-même. Ces faits sont peu favorables à la théorie du « grossissement en avalanche » de l'excitation. 2° Relativement à l’excitation par les décharges du conden- sateur. a. Condensaieur de grande surface (10 microf). -— Quel que soit le mode de préparation employé, les nerfs musculaires excités par des courants ascendants et descendants d'intensité régulièrement croissante, réagissent en premier lieu au courant ascendant ; puis deux réactions égales répandentaux courants des deux directions; enfin, l'intensité augmentant toujours, le courant ascendant cesse définitivement de produire des secousses. L'activité prédominante du courant ascendant faible s’ex- plique, pour le nerf isolé, par les différences locales d’excita- bilité; pour les préparations nervo-musculaires de Ritter et de Marianini, par les différences locales de densité. Le sens du courant ne possède aucune influence propre. b. Condensateur de faible surface (1 nucrof.). Le fait essen- tiel qui caractérise l’action de ces courants est une interruption ou lacune dans la série des secousses provoquées par le cou- rant ascendant. À cette interruption correspond une légère augmentation d'activité du courant descendant. Les secousses qui reparaissent après la lacune présentent un retard considérable sur l’excitation. Quant à l’interprétation du phénomène de la lacune, nous rejetons l’hypothèsed’une double excitation produite par une fermeture et une ouverture condensées dans un courant in- stantané. Le fait s'explique en admettant que les courants brefs du condensateur à faible surface possèdent, relativement à leur pouvoir excitateur, un plus faible pouvoir électroto- nisant. En somme, le condensateur à grande surface produit des effets physiologiques identiques à l’excitation de fermeture d’un courant continu; le condensateur de surface dix fois ARTICLE N° 1. TATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 107 moindre produit des effets analogues à ceux des courants d’in- duction. Le nerf sectionné en voie de dépérissement présente en cha- que point de son étendue une légère augmentation d’excitabilité précédant la perte définitive des propriétés motrices. Il en résulte que la loi des secousses du nerf dépérissant est identique à la loi des secousses du nerf frais excité par des courants de force croissante. L’allongement de la région excitée exerce, pour les deux directions des courants, une influence favorable sur l’exci- tation. Quant au rapport entre la valeur de l’excitant électrique et la forme des secousses, il peut se formuler ainsi : à partir de la secousse minima, la durée et la hauteur vont en augmen- tant jusqu'à ce que la première atteigne son niveau le plus élevé; la durée seule continue alors sa marche progressive. Jamais dans nos expériences nous n’avons vu se produire les secousses supra-maximales. Le courant transversal appliqué au nerf au moyen d’élec- trodes métalliques produit des secousses suivant un mode dont la raison nous est donnée par les lois de l'excitation uni- polaire. 3° Relativement à l’électrotonus : Les courants instantanés RAA le pouvoir de dévelop- per lélectrotonus. Les états électrotoniques sont soumis aux mêmes lois régu- latrices, qu’ils soient produits par les courants instantanés ou par les courants continus. à, 108 CHARBONNEL-SALLE. APPENDICE Après avoir exposé les faits recueillis au cours de nos re- cherches, il n’est peut-être pas inutile de jeter un rapide coup d’œil sur la théorie générale par laquelle les physiologistes ont cherché à pénétrer le mécanisme de lexeitation électrique. Nous serons bref sur ce sujet, n'ayant point l’autorité néces- saire pour traiter à fond cette importante question. Tandis que M. Chauveau, dans le mémoire que nous avons souvent cité, déterminait le mode d’action spécifique des deux pôles des courants, continus ou instantanés, Pflüger, observant de son côté les mêmes faits, établissait un rapprochement entre les phénomènes d’excitation et les manifestations électro- toniques. Il admettait que la naissance et la disparition des deux états de catélectrotonus et d’anélectrotonus, produits respectivement au pôle négatif et au pôle positif, étaient la cause essentielle de lirritation nerveuse, el résumait sa doc- trine par cet énoncé bien connu : « le nerf est excité par l’ap- parition du catélectrotonus et la disparition de l’anélectro- tonus ». Cette loi, admise comme une vérité démontrée par tous les physiologistes allemands, n’est en réalité qu’une hypothèse, fort séduisante à la vérité, fondée sur la concordance remar- quable qui se révèle lorsqu'on étudie parallèlement laction excitatrice et l’action électrotonisante des deux pôles du cou- rant. Mais pour être légitime, cette hypothèse devrait s’appli- quer également à tous les faits connus; elle devrait embrasser dans une explication commune l’ensemble des phénomènes d’excitation électrique. Or, une série de faits bien établis échappe à la loi de Pflüger : nous voulons parler des résultats de lexcitation unipolaire mis en lumière par M. Chauveau et qui méritent d’être pris en grande considération, car ils repré- sentent le mode d'action de l’électricité sur les nerfs moteurs dans des conditions rigoureusement physiologiques. Hermann, dans son récent ouvrage, tranche cette difficulté en refusant à l'excitation unipolaire toute signification précise. Rappelons ARTICLE N° {. EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 109 ici la définition de lexcitation unipolaire donnée par M. Chau- veau : « J’appelle excitation unipolaire l’action locale exercée par les courants sur les nerfs, au point d'application d’une électrode, quand cette électrode est seule en contact avec Île nerf conservé en place dans ses rapports normaux, et ne peut ouère agir efficacement qu'au point de contact lui-même, à cause de la grande diffusion qui, au delà, disperse immédiate- ment le courant dans toutes les directions. » Dans ces condi- tions, on voit toujours, à la fermeture d’un courant d'intensité croissante, le pôle négatif provoquer la secousse avant le pôle positif; puis, légalité s'établir entre les deux pôles ; enfin, le négatif cesser d'agir si le courant est continu, tandis que le positif conserve indéfiniment son activité. Rappelons encore que Morat et Toussaint ont démontré l'existence de deux états de polarisation bien déterminés, polarisation convergente avec le pèle négatif sur le nerf, divergente avec le pôle positif. Ces phénomènes se manifestent avec une telle netteté qu'il nous est impossible de les considérer avec Hermann comme le résultat d’une diffusion irrégulière et variable du courant, n’affectant aucune direction déterminée. La constance et la régularité des effets observés révèle certainement une réelle différence dans le mode d’action des deux pôles. Si donc on veut adapter aux faits d’excitation unipolaire la doctrine de l’électrotonus, il est nécessaire de faire subir à la formule classique une profonde modification : au catélectrotonus et à l'anélectrotonus il faudrait substituer l’électrotonus convergent ou divergent, suivant que le pôle négatif ou le pôle positif est en contact avec le nerf. Le premier posséderait la priorité excitatrice avec les intensités faibles; la disparition de son activité, lorsque son intensité devient très forte, s’expliquerait naturellement par la production de l’obstacle à la transmission nerveuse au-dessous du point d'application de l’électrode, la partie inférieure du nerf étant polarisée par une branche dé- rivée de direction ascendante. Mais il importe.de se rappeler que le rapport de causalité, cénéralement admis entre l’électrotonus et l'excitation, n’est 110 CHARBONNEL-SALLE. qu'une conception ingémieuse, propre à synthétiser un grand nombre de faits et non démontré rigoureusement dans Pétat présent de la science. [l n’y a en réalité qu’une notion soli- dement établie, touchant l’action de l'électricité sur les nerfs moteurs : c’est la notion des actions polaires. RECHERCHES ANATOMIQUES LES MAMMIPÈRES DE L'ORDRE DES CHIROPTÈRES Par M. H. A. ROBIN AVANT-PROPOS L'existence de véritables ailes chez tous les représentants de l’ordre des Chiroptères donne à ces animaux une série de caractères propres qui les séparent très nettement et à pre- mière vue de tous les autres Mammifères. Ge sont, en effet, à proprement parler, les seuls Mammifères volants; Les Galéo- pithèques, les Pferomys,, les Anomalurus, les Pétauristes ne possèdent pas d'ailes, mais un simple parachute constitué par un repli de la peau tendu entre les membres, repli dont la présence n’entraine aucune modification notable dans le squelette. Il en est tout autrement dans l’ordre qui nous occupe et outre les modifications si considérables de l’avant- bras et de la main, il n’est pas une partie du système osseux qui ne porte la trace de Padaptation à la locomotion aérienne. Aussi l'attention des anatomistes s’est-elle souvent portée sur l'appareil locomoteur des Ghauves-Souris. Leur squelette a fait l’objet de nombreux travaux de la part de Geoffroy Saint- Hilaire, de Temminek, de de Blainville, de M. Giebel, pour ne citer que les plus importants. Le système musculaire a lui- même été étudié par M. Aeby, par M. Humphry, par M. Maca- lister et récemment encore par M. Maisonneuve qui a donné une monographie très détaillée de cet appareil organique chez le Vespertilio murinus. Mais il semble que l'intérêt rencontré par les naturalistes dans l'étude des organes du mouvement leur ait fait négliger les autres parties de l’organisme. Depuis Daubenton et Pallas, les traités généraux d'anatomie comparée de Cuvier, de ANN. SC. NAT., ZOOL. — ART. N° 2. % FH. A. ROBIN. Blumenbach, de Everard Home, de Meckel, de Stannius, de M. Owen, de M. Milne-Edwards sont, à part quelques notes, seuls à parler du système nerveux ou des appareils de la diges- tion, de la respiration, de la circulation ou de la reproduction; encore le font-ils souvent d’une manière extrêmement brève. L'étude des membranes fœtales elle-même, si importante au point de vue taxonomique, bien qu'ayant fait au commence- ment du siècle actuel l’objet d’un très remarquable mémoire de Emmert et Burgaetzy et ayant été reprise récemment par M. Ercolani, laisse encore à désirer. J'ai pensé qu'il n’était pas sans intérêt cependant de suivre avec quelque détail chez les principaux types de Chiroptères, les parties de lorganisme sur lesquelles l'adaptation au vol n’a imprimé aucune modification. Leur connaissance peut seule permettre d'établir les relations qui rattachent les Chauves-Souris aux autres groupes de Mammifères et d’appré- cier la valeur des divisions d'ordre secondaire que les zoolo- gistes ont tracées dans l’ordre des Chiroptères considéré 1so- lément. Une telle étude portant sur un groupe aussi évidemment homogène, quoique de régime varié, présentait encore un in- térêt d’un autre genre en fournissant l’occasion de comparer le degré de fixité ou de variabilité des différents organes et par conséquent leur valeur taxonomique. Telles sont les considérations qui m'ont déterminé à entre- prendre les recherches dont j'expose 1ci les résultats. Pendant le cours de mes observations, j'ai été constamment soutenu et encouragé par la bienveillante direction de mes maitres, MM. les professeurs I. et À. Milne-Edwards, que je prie de recevoir ici l'expression de ma profonde gratitude. La plus grande partie des matériaux dont Je me suis servi m'ont été fournis par M. À. Milne-Edwards qui a bien voulu me per- mettre de disséquer un grand nombre de doubles de la collec- tion du Muséum d'histoire naturelle. Je dois aussi des remerciements à MM. Le Siner et Lantz de la Réunion, à M. J. Monguillot de Buenos-Ayres, à M. le ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 3 D' Regalia de Florence, à M" de Barrau, à M. le professeur Marion, à M. le D' Trouëssard; à MM. Berthelot, Lefebvre, Seignette, Chantepie, Ghampeau qui m'ont également fourni des objets d'étude. INTRODUCTION « Dans l'exposé de mes recherches, je décrirai successivement et dans des chapitres spéciaux l’appareil digestif, l'appareil respiratoire, l'appareil urinaire, l’appareil génital du mâle et de la femelle et enfin les membranes fœtales. Je passerai en revue les modifications de chacun de ces systèmes dans les dif- férentes familles en m'astreignant autant que possible à suivre l’ordre zoologique. Je ne me dissimule pas l’aridité que ce plan donnera à mon mémoire, mais mon but n’a pas été de faire œuvre littéraire et 1} me semble que la clarté scientifique y gagnera. La classification que je suivrai est celle exposée par M. Dobson dans la belle monographie zoologique qu'il a ré- cemment consacrée à l’ordre qui nous occupe (1). Les faits que j'ai observés m'ont presque toujours montré combien étaient réelles les affinités sur lesquelles reposent les divisions établies par ce savant naturaliste. Peut-être cependant con- viendrait-il de réunir en une seule famille les Nyctérides et les Rhinolophides, et de diviser au contraire la famille fort hétérogène des Emballonurides, dans laquelle les Rhinopoma et les Noctilio semblent déplacés. Dans tous les cas, il me semble que le genre Harpyia s'éloigne assez par toute son organisa- tion des autres Mégachiroptères pour former le type d’une fa- mille distincte de celle des Ptéropodides. (1) Dobson, Catalogue of the Chiroptera in the collection of the British Museum. 1878, Nous avons traduit en français l’introduction de cet ouvrage et les princi- paux traits de la classification qui y est adoptée (Ann. sc. nat., 6e série, IX). ANN. SC. NAT., ZOOL., NOVEMBRE 1881. XII. S. — ART. N° 2. 4 MH. A. ROBIN. Les espèces que j'ai disséquées sont les suivantes Sous=ordre des MÉGACHIROPTEREÉS FAMILLE DES PTÉROPODIDES Epomophorus (Hypsignathus) monstrosus. : complus. Pteropus medius. pe rubricollis. Cynonycteris amplexicaudala. Cynopterus Scherzeri. C. (Pienochirus) Jagori. Eonycleris spelæa. Harpyia cephalotes. Sous-ordre des MICROCHIROPTERÉES FAMILLE DES RHINOLOPHIDES Rhinolophus ferrum-equinum. Rh. hipposideros. Rh. curyale. Phyllorhina Commersonii. Ph. diadema. Ph. armigera. FAMILLE DES NYCTÉRIDES Megaderma spasma. Nycteris Revoilii. N. thebaïca. FAMILLE DES VESPERTILIONIDES Vespertilio murinus. V. mystacinus. Kerivoula Hardwicki. Atalapha noveboracensis. Scotophilus Temminchkii. Vesperugo serotinus. V: Kuhlii. Synotus barbastellus. Plecotus auritus. Miniopterus Schreibersix. ARTICLE N° 2, ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 5 FAMILLE DES EMBALLONURIDES Taphozous melanopogon. Rhynchonycteris naso. Saccopterix plicala. Emballonura nigrescens. Cheiromeles torquatus. Molossus obscurus. Nyctinomus plicatus. N\. brasiliensis. N. acelabulosus. N. Cestonii. Noctilio leporinus. Rhinopoma microphyllum. FAMILLE DES PHYLLOSTOMIDES Phyllostoma hastaium. Macrotus Waterhoustu. Carollia brevicaudu. Glossophaga soricina. Artibeus perspicillatus. Desmodus rufus. Î. — APPAREIL DE LA DIGESTION. La première description de l’appareil digestif des Chauves- Souris est due à Daubenton qui, dans la partie anatomique de l’histoire naturelle de Buffon, a fait connaitre l’organisation de la Noctule (1) et de la Roussette (2). Les caractères généraux du tube intestinal, et en particulier l'absence de cæcum, et l'impossibilité de distinguer un intestin grêle et un gros intes- tin, le trajet particulier du duodénum qui contourne à droite la masse viscérale, y sont établis avec l'exactitude scrupuleuse que l’on est habitué à rencontrer chez lillustre collaborateur de Buffon. Le nombre des papilles calyciformes, que Dauben- ton appelle glandes calyciformes, est fixé à deux chez la Chauve- Souris insectivore, à trois chez la Roussette; le revêtement (1) Buffon et Daubenton. Histoire naturelle générale et particulière, avec la descriplion du cabinet du roi, VII, p. 138, pl. XXE, 1760. (2) Ibid., X, p. 66, 1763. (9) FH. A. ROBIN. papillaire complexe de la langue de la Roussette est étudié et représenté dans une magnifique figure sur laquelle nous au- rons l’occasion de revenir. Malheureusement, l’estomac de la Roussette est décrit et figuré d’une manière inexacte ; la plus grande partie de ce viscère est considérée comme faisant partie de l'intestin. Pallas (1) étudia l’organisation du Vespertilio (Harpyia) cephalotes et du Vespertihio (Glossophaga) soricinum. Ses obser- vations confirment en général celles de Daubenton, en y ajou- tant quelques détails propres aux espèces qu'il décrit. Les faits les plus importants mis en lumière sont l’existence, chez le Harpyia, de quatre papilles calyciformes à la langue et d’une série de papilles dures et.cornées revêtant intérieurement les lèvres, et le développement extraordinaire que prend la langue du Glossophage. Cuvier (2) généralisa les résultats obtenus par ses prédé- cesseurs et signala le premier les glandes salivaires (parotides, sous-maxillaires et sublinguales), il s’étendit sur les variations de la forme de l’estomac et donna de ce viscère, chez les Rous- settes, une description très exacte que nous aurons à rappeler. Everard Home (3) décrivit de nouveau ce même estomac de la Roussette, qu'il confond avec le Vampyre, et le figura ouvert pour montrer la structure de la muqueuse. Il signale des glandes voisines du pylore qu'il a également rencontrées chez l’Oreillard. Dans le Spectre (Vampyrus véritable) l’œso- phage, d’après lui, s’élargirait subitement comme chez la Roussette. Geoffroy Saint-Hilaire, qui consacra, pendant les vingt pre- mières années de ce siècle, une série de monographies zoolo- giques aux Chiroptères, confirmant une hypothèse de Buffon, crut que la langue des Phyllostomides servait à ces Chauves- Souris à percer la peau des animaux dont elles veulent sucer (1) Pallas. Spicilegia zoologie, fase. IF, 1767. (2) Cuvier. Anat. comp., 1° éd., 1805, II, p. 374; 2° éd., IV, 17° part., p.422; 2° part., p. 31. 9) Ev. Home. Lectures on comparative anatomy, 1, 1814, p. 159, IT, pl. XX. ARTICLE N° 2, ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. ÿ) le sang. Il décrivit (1), comme jouant ce rôle, un organe situé près de la pointe de la langue et constitué par une cavité dont le centre est un point en relief et dont le pourtour est dessiné par huit verrues d’une saillie moindre que celle du centre. Il pensa mème (2) qu’une gouttière médiane, creusée à la face dorsale de la langue des Glossophages, servait au même usage dans toute son étendue. ; Le prince de Wied (3) décrivit la langue de quelques-unes des espèces qu’il rencontra dans son voyage au Brésil. Meckel (4) n’ajouta rien à ce qu’avaient dit ses devanciers. 11 décrivit, au contraire, des abajoues considérables, que Gu- vier avait bien établi n’exister que d’une manière apparente, mais ne pas présenter le caractère de véritable abajoues. De même, il nia l'existence des glandes sublinguales qui avaient été vues par Guvier. Carus donna (5) de la cavité buccale du Vespertilio murinus une figure très imparfaite, ne montrant nettement que les caractères propres à la glotte et aux arrière-narines. Il figura (6) également la bouche de l’Arfibeus perspicillatus, faisant voir la frange papillaire qui borde les lèvres et qu'il croit jouer un rôle dans la succion du sang. Rousseau (7), dans sa monographie du Murin, donne une description très rapide du tube digestif de cet animal sans rien signaler de nouveau, si ce n’est les plis de la muqueuse stomacale. (1) Geoffroy Saint-Hilaire. Sur les Phyllostomes et les Mégadermes (Ann. du Muséum d’hist. nat., XV, p. 157, 1810). (2) Id. Sur de nouvelles Chauves-Souris, sous le nom de Glossophages (Mém. du Mus. d'hist. nat., IV, p. 411, 1818). (3) Prince Max. de Wied. Beiträge zur Naturgeschichte von Brasilien, p. 169-298, 1826. (4) Meckel. Anatomie comparée. Trad. franç., VITE, p. 735, 1838. (5) Carus. Traité élémentaire d'anatomie comparée. Trad. franc. Atlas, pl. XIX, fig. 22. (6) Carus et Otto. Tabulæ anatomiam comparativam illustrantes, pars 3, pl. IX, fig. 4, 1831. (7) Rousseau. Mémoire sur la Chauve-Souris commune, dite Murin (Magasin de Zoologie de Guérin-Méneville, 1839, p. 19). Lo) H. A. ROBIN. Stannius (1) reproduisit, dans son traité classique d’anato- mie comparée, l'erreur de Meckel relative aux abajoues, et ajouta aux faits déjà connus l’existence d’une sous-langue que je décrirai sous le nom de crète sublinguale et de barbillon terminal des canaux de Wharton. M. Huxley (2), en 1865, décrivit la forme singulière de l’es- tomac du Desmodus rufus présentant un énorme cul-de-sac intestiniforme d’une longueur égale aux deux tiers de celle de l'intestin. Cette disposition, unique chez les Mammifères, avait, d’après M. Huxley, été déjà vue par À M. Peters, dont l'observation est restée inédite. M. R. Owen (3), en 1868, fit connaître l’existence d’un cæcum très court chez deux espèces de Microchiroptères, le Rhinopoma Hardwickü et le Megaderma spasma. M. Flower (4) reprit la description de l’appareil digestif du Pteropus Edwards, de la Noctule et du Desmodus. Il a étudié le premier le foie de ce dernier animal, et appliqué à la des- cription de ce viscère dans les trois espèces la nomenclature qu'il à indiquée et que nous suivrons dans ce travail. Il est le premier à parler du pancréas des Chiroptères, encore se con- tente-t11 de dire qu'il consiste, chez la Roussette, en deux lobes foliacés allongés qui se réunissent autour du canal cho- lédoque. Je ne puis m'expliquer comment il nie l'existence du barbillon et de la crête sublinguale en ces termes : « The un- der surface of the tongue shows no trace of a sublingua nor are there any salivary papiilæ. » Enfin M. Dobson (5), dans l’introduction de son grand ou- vrage sur les Ghiroptères, passe en revue quelques-unes des parties de l'appareil digestif chez les principaux représentants (1) Siebold et Stannius. Manuel d'anatomie comparée. Trad. franç., I, p. 452, 1850. (2) Huxley.. On the structure of the stomach in Desmodus rufus (Proceed. Zool. Soc., 1865, p. 386). (3) R. Owen. Compar. anat. of Vertebrates, H1, p. 429, 1868. (4) Flower. Lectures en the comparative anatomy of the organs of digestion of the Mammalia (Medical times and gazette, 1872, H, p. 59). (5) Dobson. Loc. cit. Introduction, p. xxI. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 9 de l’ordre, Il s'arrête seulement sur la situation de l'ouverture buccale, la constitution des lèvres, la forme de l'estomac et du foie, Il décrit et figure la voute palatine des Epomophorus, qui lui fournit des caractères importants au point de vue de la détermination des espèces. Nous considérerons successivement dans l'appareil digestif les parties suivantes : la cavité buccale, l'œsophage et l’esto- mac, Pintestin, les glandes salivaires, le foie et enfin le pancréas. Après avoir étudié chacune d’elles dans les différentes familles, nous établirons des conclusions générales pour l’ordre tout entier, $ 1. — Cavité buccale. MÉGACHIROPTÈRES. — La bouche des Roussettes est large- ment ouverte, les lèvres sont en général charnues et la plu- part du temps mobiles et extensibles, de manière à constituer un organe de préhension souvent très perfectionné. Cette dis- position est poussée au plus haut point dans le genre Hypsi- gnathus, où la complexité des replis labiaux a valu à l'unique espèce connue l’épithète de monstrosus. Nulle part il n’existe de vraies abajoues, mais les joues sont très développées dans les genres Hypsignathus et Epomophorus. Dans le dernier, nous avons rencontré (fig. 2) un peaussier formé par une très petite bande musculaire qui réunit la joue au Sternum, Les lèvres sont bordées sur les côtés, mais non en avant par une crête de papilles assez dures qui, d’après M. Dobson, ca- ractériserait les espèces dont le régime est frugivore ; nous verrons plus loin que cette opinion repose sur une trop grande généralisation d’un fait exact. Cette crête s'étend chez l’Hypsi- gnathus monstrosus et le Pteropus medius de la canine supé- rieure à la deuxième molaire inférieure ; elle s’avance un peu plus loin chez les Cynopterus où ses papilles sont beaucour plus longues que partout ailleurs ; elle est représentée par ur simple bourrelet non frangé chez l'£onycteris spelæa. Dans le genre Harpyia, les papilles qui la constituent ne se distinguent 40 H., A. ROBIN. pas de toutes celles qui hérissent la muqueuse labiale. Là, en effet, comme l'avait déjà vu et dessiné Pallas (1), la face interne des lèvres est entièrement couverte de longues papilles cornées serrées les unes contre les autres qui ne manquent que dans la région jugale. À peine distingue-t-on au milieu de ces odontoïdes la papille du canal de Sténon, plus petite et plus molle que ses congénères, séparée du bord de la lèvre par deux ou trois rangées d’odontoïdes seulement. Dans les autres genres, les odontoïdes labiaux font absolu- ment défaut; chez le Cynonycteris amplexicaudata, entre la lèvre supérieure et la gencive fait saillie un bourrelet de plus en plus élevé d’arrière en avant, qui se termine abruptement au niveau de la première prémolaire, au point où le canal de Sténon vient déboucher dans son épaisseur. Un bourrelet ana- logue existe à la lèvre inférieure, mais son bord supérieur atteint le bord libre de la lèvre et se confond avec elle en avant au niveau de la canine. Chez l’Hypsignatus monstrosus, un bourrelet du même genre naît au niveau de la première molaire inférieure et rejoint en avant son congénère ; 1l est relié à la gencive par trois brides charnues dont l’uneimpaire s’insère sur la symphyse mandibulaire. Le bourrelet supérieur dans Pépais- seur duquel chemine le canal de Sténon existe seul chez l’'Eonycteris spelæa ; il est plus saillant que chez le Cynonycte- ris et son extrémité antérieure moins abruptement délimitée. Il porte en ce point une papille molle, aplatie, pédiculée, longue de 1,5, large à peine de 0"*,5 à sa base, dans laquelle débouche le canal de Sténon; l’exemplaire que j'ai observé présentait d’un côté seulement deux autres papilles semblables, mais pleines, situées plus en arrière. La papille du canal de Sténon est isolée dans les autres espèces ; à peine trouve-t-on chez le Péeropus rubricollis un dernier vestige du bourrelet; elle est en général volumineuse et assez saillante; chez l’Hypsignathus, elle est énorme et de forme triangulaire. (4) Pallas. Spicilegia zoologie, fascie. LT, p. 10, pl. IL, fig. 4. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 11 La voûte palatine est ornée de rides qui se présentent sous deux formes généralement très distinctes; aux unes, anté- rieures, larges, saillantes, formant des bourrelets obtus et en oénéral non interrompus en leur milieu, souvent même suréle- vés en ce point, Je réserverai le nom de plis palatins. Je dési- gneral au contraire sous celui de erêtes des rides situées plus en arrière, peu saillantes, mais dont le bord antérieur est abrupt et taillé verticalement. Ces crêtes sont ordinairement inter- rompues sur la ligne médiane, où le palais est creusé d’une gouttière longitudinale ; elles peuvent même n'être pas symé- triques par rapport à cette gouttière et ne pas se correspondre d'un côté à l’autre du palais. Leur arèête est finement denticu- lée et concourt avec les odontoïdes qui couvrent la surface de la langue à râper les fruits succulents dont les Roussettes font leur nourriture. Chez le Pteropus medius par exemple, on trouve vers le milieu de l’espace qui sépare les incisives des canines deux plis diri- gés en avant et en dedans et bifurqués, leurs branches se rejoignent en entourant deux pores triangulaires, les orifices palatins du canal de l’organe de Jacobson. La dépression médiane qui sépare ces deux pores est immédiatement suivie par une saillie considérable qui s’avance jusqu’au dernier pl, c’est-à-dire au niveau des deuxièmes molaires où elle fait place à une gouttière terminée elle-même un peu avant l'origine du voile du palais, de telle sorte que la voûte pala- tine est convexe dans ses deux cinquièmes antérieurs, con- cave dans ses trois cinquièmes postérieurs. En arrière du ph de Jacobson sont quatre autres plis plus saillants, assez espacés, à convexité antérieure très accusée, formant presque un angle sur la ligne médiane, pour les premiers du moins. Les crêtes sontau nombre de huit, de plus en plus fortement denticulées à mesure qu’elles sont plus postérieures. Les cinq premièresse dirigent d'abord en avant, puis s’infléchissent rapi- dement en arrière pour disparaître dans la gouttière médiane ; les deux crêtes d’une même paire revêtent ainsi l'aspect d’un doubie fer à cheval à concavité tournée en arrière. Le sommet 19 HI. A. ROBIN. de la courbure se rapproche peu à peu de la ligne médiane et finit par l’atteindre de sorte que la sixième et surtout les deux dernières paires de crêtes se rejoignent à angle aigu. Les deux branches de la dernière arrivent en contact et limitent posté- rieurement la goutlière palatine, un centimètre environ en avant de l’origine du voile du palais. L'insertion du voile du palais est marquée par une série de papilles disposées sur une ligne en double croissant à convexité tournée en avant. Ges papilles, dont les quatre médianes sont beaucoup plus grosses queles autres, ressemblent pour la forme aux papilles fongiformes de la langue; elles sont plus grosses cependant et leur pédicule est plus court. Il est à remarquer qu'elles sont situées directement au-dessus des papilles ealyei- formes de la langue. Je ne les ai retrouvées dans aucune autre espèce, elles font même défaut chez quelques exemplaires de celle qui me les a montrées. Chez le Pteropus rubricollis, dont le museau est étroit et rac- courci au lieu d’être large et allongé comme dans l'espèce précédente, les différentes sortes de rides palatines et surtout les crêtes sont plus réduites. Le nombre des plis est le même, le second et le troisième ne sont plus simplement convexes, mais franchement anguleux en avant et leurs angles suréle- vés et réunis entre eux constituent un bourrelet médian. Quatre crêtes de premier ordre, semblables à celles de l'espèce précédente, sont suivies de trois crêtes de second ordre peu accusées ; la gouttière palatine n'’aiteint pas les deux der- nières. Les plis palatins du Cynonycteris amplexicaudata sont au nombre de quatre ; les pores de Jacobson sont situés dans une dépression à laquelle ne correspond aucun pli; le premier pli s'étend en ligne droite d’une canine à l’autre, les suivants sont légèrement arqués. Il n'existe que quatre paires de crêtes diri- oées obliquement en avant et en dedans ; celles de la dernière paire se rejoignent à angle aigu à l'extrémité de la gouttière palatine. Les rides palatines des Evomophorus, très différentes selon ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 15 les types, fournissent un caractère important pour la détermi- nation des espèces, et elles ont été figurées par M. Dobson dans son catalogue. Je reprendrai cependant la description du palais des deux espèces que j'ai eues entre les mains pour la préciser davantage et rectifier quelques mexactitudes. L'Hypsignathus monstrosus présente en avant un tubercule latéral représen- tant le pli de Jacobso n (les pores de Jacobson ont Ia forme de fentes linéaires), puis quatre plis transversaux, larges et obtus, relevés en un tubercule à leurs extrémités; le premier, situé entre les canines, est assez écarté des deux suivants, La gout- tière palatine fait entièrement défaut, et les crêtes, de même que les plis ne sont pas interrompues. Les deux premières ne sont pas denticulées dans leur portion latérale dirigée oblique- ment en avant et limitée par un tubercule assez saillant ; la bande médiane transversale qui réunit les deux tubercules porte au contraire des denticulations très nettes. Les cinq crêtes postérieures, de plus en plus inclinées, sont dentelées dans toute leur longueur. A la partie postérieure du palais, on retrouve quelques odontoides qui semblent être un vestige d’une autre crête ; la surface du voile est du reste entièrement chagrinée, couverte de fines papilles et non lisse comme dans les autres espèces. Les plis présentent une disposition semblable chez l'Epo- mophorus complus (1), 1ls sont plus étroits et plus saillants, le tubercule du pore de Jacobson fait seul défaut. La région des crêtes est au coutraire très différente (2). Les crêtes sont divi- sées en deux groupes par un espace lisse assezétendu. En avant, entre les molaires s'étendent en ligne droite deux premières crêtes transversales nettement interrompues sur la ligne mé- diane. En arrière, cimq crêtes, dirigées obliquement de dehors en dedans et d’arrière en avant, se rencontrent sur la ligne médiane (la figure de M. Dobson est inexacte pour toute cette région) : les deux premières sont largement séparées, les trois dernières au contraire serrées les unes contre les autres. (1) Dobson. Loc. cit., pl. I, fig. 1. @) Zhid., pl. IL, fig. 5. 14 H. A. ROBIN. Le palais de l'£onycteris spelæa est semblable quant au type à celui des autres Mégachiroptères, les crêtes palatines n’ont plus aucun rôle dans la trituration des aliments et leurs denti- eulations sont rudimentaires. Ge caractère rapproché de l’ab- sence de la crête papillaire aux lèvres et de quelques autres dispositions de diverses parties de l'appareil digestif prouve que le régime, tout en étant essentiellement frugivore, doit diffé- rer de celui des Roussettes. La région antérieure de la voûte palatine montre en arrière d’un pli de Jacobson très atténué et parallèle à la gencive quatre plis espacés, très obtus et très faiblementincurvés, ne présentant en leur milieu nirenflement ni interruption. En arrière, existent trois paires de crêtes large- ment interrompues sur la ligne médiane et parallèles aux plis; enfin à la base du palais une dernière paire, dont les branches se réunissent sous un angle très prononcé. Chez le Cynopterus Scherzeri, le palais se distingue de celui de toutes les espèces que nous avons étudiées jus- qu'ici, en ce que les plis comme les crêtes sont interrompus sur la ligne médiane; ces interruptions représentent seules, du reste, la gouttière palatine. En même temps, les plis sont eux-mêmes légèrement dentelés, de telle sorte que leur dis- tinction des crêtes est plutôt théorique que réelle. On peut cependant reconnaître assez facilement quatre paires de plis, suivis de cinq paires de crètes de moins en moins saillantes et de plus en plus dentelées, et enfin après un espace libre égal à celui occupé par les premières crêtes, deux dernières paires, largement interrompues, serrées à l’origine du voile du palais. La distinction entre les plis et les crêtes devient impossible chez les petites espèces, telles que le C. brachysoma etle C.Mon- tanoi, les deux dernières paires sont seules interrompues dans la dernière espèce; toutes sont continues chez le Cynopterus brachysomu. Le palais court et large du Harpyia diffère essentiellement, quant à son ornementation, de celui des Roussettes. Plis et crêtes sont très nombreux et extrèmement serrés, formant une véritable râpe palatine. Les plis sont étroits et tranchants, ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 15 mais non denticulés, ce qui les distingue des crêtes. Les pores de Jacobson n’ont aucune relation avec les plis et sont situés dans une dépression en avant du premier de ces ornements. Le premier pli, situé un peu en arrière des canines, est trans- versal et droit; les autres sont concaves et concentriques ; ils s’arrrêtent un peu en arrière de la dernière molaire. Dans la concavité du dernier sont quelques lambeaux de erètes épars et ne se correspondant pas sur la ligne médiane, puis les crêtes deviennent plus serrées et nécessairement parallèles ; elles sont toujours interrompues sur la ligne médiane, mais ne se corres- pondent pas toujours d’un côté à l’autre; on en observe même qui n'existent que d’un seul côté. Ces crêtes s'étendent Jusque sur le voile du palais, qui est court et large; leur nombre est d'environ dix à douze. Le voile du palais est toujours dépourvu de luette; ses pi- liers antérieurs, forts et charnus, se perdent comme à l’ordi- naire sur les côtés de la base de la langue ; les piliers postérieurs, plus grêles et assez rapprochés l’un de lPautre, disparaissent dans la paroi dorsale du pharynx. Dans la plupart des types, le voile est assez court et son bord libre s’appuie à l’état de repos sur la base de l’épiglotte saillante de façon à fermer pos- térieurement la cavité buccale de la même manière que chez le Cheval. Dans les genres Hypsignathus et Epomophorus, dont le larynx est reporté vers la base du cou, ilest, au contraire, extrêmement allongé et constitue une cloison membraneuse séparant les arrière-narines prolongées en un tube de la partie antérieure du pharynx. La position presque horizontale de l’épiglotte ne lui permet plus de fermer la cavité buccale comme dans le cas normal, mais le même effet paraît être obtenu par la contraction des piliers antérieurs qui circonscrivent un isthme du gosier fort étroit. Les amygdales sont généralement très réduites. La langue, chez les Pteropus, est très allongée, terminée en pointe et extrêmement protractile. Sa face supérieure porte un revêtement papillaire très complexe et qui exige une descrip- 16 H. À. ROBIN. tion détaillée. Daubenton en a donné une magnifique figure (1) à laquelle je me reporterai, observant seulement que la langue a dû être dessinée à l’état de contraction, car sa pointe ést nor- malementbeaucoup pluseffilée. La description qui accompagne cette planche est du reste très insuffisante. La langue du Péeropus medius dans un étatd’extension moyen est longue de 50 millimètres ; elle atteint sa plus grande largeur 15 millimètres en avant des papilles calyciformes, puis elle diminue graduellement jusqu’à environ 8 millimètres de Pex- trémité où elle se rétréeit tout d’un coup pour se terminer en pointe aiguë. La langue este fixéseulement dans ses deux ein- quièmes postérieurs, les trois cmquièmes antérieurs sont libres et mobiles. La face supérieure de la langue se divise assez nettement en deux moitiés : l’une, antérieure, plane où même légèrement concave; l’autre, postérieure, très convexe; cette division rendra plus facile la description du revêtement papillaire. Je passerai successivement en revue Îies papilles cornées ou tac- tiles et les papilles gustatives. La pointe de la langue est occupée par des papilles allongées filiformes, couchées d'avant en arrière, qui s'étendent sur une longueur de près d’un centimètre, puis disparaissent sur la ligne médiane pour se continuer sur les côtés dans toute la récion antérieure; à mesure qu'elles s’éloignent de la poirite de.la langue, elles sont plus courtes et plus coniques, leur longueur ne dépasse plus leur diamètre, mais la pointe est toujours dirigée en arrière. Le champ médian, laissé libre par l’écartement de ces pa- pilles, est occupé par de très forts odontoides, longs d’un milli- mètre, larges d’un demi et terminés par trois pointes cornées dirigées en arrière. Ges odontoïdes tridentés, couchés sur toute la partie médiane de la région antérieure de la langue, font de cet organe une râpe d’une très grande puissance pour triturer les aliments : ils sont très développés chez tous les Mégachi- (1) Daubenton. Loc. cit., X, pl. AV, fig. 1. ARTICLE N° 2. : ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 192 ropières et onles retrouve, bien que souvent entrès petit nom- bre chez les grandes espèces de Microchiroptères. Vers la limite des régions antérieure et postérieure, les odontoides tridentés deviennent plus petits, moins consistants, quelques-uns ne présentent que deux dents, puisune seule; ellesreviennentainsi peu à peu à la forme des papilles de la première sorte. Telle est la constitution de la région antérieure de la langue : une sorte de V formé de papilles cornées simples, coniques, enserrant entre ses branches un champ occupé par des odon- toïdes tridentés. À l’origine de la région postérieure, les papilles coniques simples font place sur les côtés à d’autres papilles plus consis- lantes, aplaties, à bord finement denteié (les denticulations en sont exagérées sur la figure de Daubenton). Je désignerai ces papilles, qui sont nettement dirigées de dehors en dedans, et non plus d'avant en arrière, sous le nom d’odontoides folia- cés, Plus en arrière, Les côtés de la base de la langue sontoccupés par des papilles filiformes très allongées, beaucoup plus lon- gues el en même temps beaucoup plus molles que celles même de la pointe et dirigées de dehors en dedans et un peu en avant. Enfin le champ médian est revêtu de fines papilles serrées, qui forment une sorte de velours et auxquelles je réserverai le nom de papilles villeuses. Les diverses papilles plus ou moins cornées ou tactiles qui forment le revêtement supérieur de la langue peuvent donc se réunir sous cinq chefs: 1° Odontoïdes coniques ; 2° Odontoïdes tridentés ; 3° Odontoides foliacés ; 4° Papilles filiformes de la base de la langue ; D° Papilles villeuses. Il y faut ajouter les papilles gustatives qui, comme cheztous les Mammifères, sont de deux sortes, des papilles fongiformes et des papilles calyeiformes. 18 H. A. ROBIN. Les premières, assez peu nombreuses, n'existent guère que dans la région postérieure de la langue où elles soñtirrégulière- ment réparties entre les papilles villeuses et les odontoïdes fo- liacés ; quelques-unes se rencontrent cependant dans la partie postérieure des champs d’odontoïdes coniques, mais sans dé- passer beaucoup la limite que j’ai assignée à la région posté- rieure de la langue. Ces papilles ont échappé à Daubenton et ne sont pas indiquées sur sa figure. Les papilles calyciformes sont au nombre de trois, situées deux en avant et une en arrière; le diamètre des deux pre- mières est un peu plus faible que celui de la troisième. La langue du Pf. rubricollis présente exactement la même constitution, les odontoïdes tridentés sont plus étroits et plus allongés ; l'ensemble de l’armure linguale semble plus puissant encore que dans l’espèce précédente. Dans les autres genres, la complication est moindre, et on ne peut plus distinguer les odontoïdes coniques des odontoides : foliacés ou des papilles villeuses ; les papilles filiformes de la base de la langue sont elles-mêmes quelquefois difficiles à reconnaitre. Ainsi, chez le Cynonycteris amplexicaudata, à part les odon- toidestridentés dont la dispositionet l'importance sontlesmêmes que chez les Pieropus, tous les autres odontoïdes sont coni- ques et ne diffèrent que par leur plus grande longueur vers la pointe de la langue et par la direction extéro-interne qu'ils présentent sur les côtés de la région basilaire. Les papilles fongiformes sont nombreuses et répandues entre les odon- toïdes coniques partout excepté à la pointe de la langue; sur les côtés de la région antérieure, la plupart sont rangées en deux lignes, l’une suivant le bord dela langue, l’autre limitant le champ des odontoïdes tridentés. Chez le Cynopterus Scherzeri, les odontoïdes tridentés sont peu nombreux et la langue médiocrement protractile, libre à peine dans sa moitié antérieure; la disposition des diverses pa- pilles est du reste la mème que chez le Cynonycteris. La langue charnue, large, aplatie, arrondie en avant de ARTICLE N° 2, ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 19 l'Hypsignathus monstrosus, diffère beaucoup des précédentes; son revêtement papillaire est beaucoup moins fort. Les odon- toides tridentés, très développés comme d'habitude, forment un peu en arrière de la pointe un îlot arrondi d’un diamètre de 7 à 8 millimètres. Tout le reste de la langue, à l'exception des côtés de la base qui présentent les papilles filiformes habi- tuelles, semble revetu de papilles uniformes, petites, serrées et terminées en pointe dirigée en arrière, un peu plus allon- gées dans le tiers postérieur. Leur étude attentive à la loupe montre cependant que celles qui occupent la ligne médiane en arrière des odontoïdes tridentés ont elles-mêmes trois pointes. Des papilles fongiformes nombreuses sont disséminées partout et même en avant des odontoïdes tridentés presque à la pointe de la langue. Le bourrelet qui entoure chacune des trois pa- pilles calyciformes se résout lui-même en une série d’élévations qui lui donnent un aspect crénelé spécial. La langue de l’Epomophorus comptus, par sa largeur moindre, son épaisseur plus considérable, ressemble davantage à celle des Roussettes, tout en étant construite sur le même type que la précédente et présentant la même extrémité obtuse et arrondie et la même distribution des papilles soit cornées, soit gustatives. L’Eonycteris spelæa appartient au groupe des Macroglosses qui tient son nom de la longueur et de l’extrème protractilité de sa langue ; aussi dans ce groupe la langue, tout en gardant ses caractères essentiels, semble-t-elle avoir perdu tout rôle de trituration pour être surtout un instrument de préhension; les papilles sont généralement flexibles et les odontoïdes tridentés eux-mêmes ne présentent qu'une médiocre rigidité. La langue que j'ai observée, contractée par l'alcool, était longue de 27 millimètres depuis sa pointe jusqu’à la base de l’épiglotte et d’une largeur maxima de 7 millimètres. Les odon- toides tridentés sont peu nombreux et répartis sur un champ linéaire d’une longueur d’un demi-centimètre. La pointe de la langue est couverte de papilles coniques ou plutôt filiformes, longues de 2 millimètres, serrées les unes contre les autres et ANN. SC. NAT., ZOOL., NOVEMBRE 1881. XIL, 9. — ART. N° 2 20 H. A. ROBIN. couchées d'avant en arrière. Au niveau du champ des odou- toides tridentés elles perdent presque subitement leur lon- sueur et sont remplacées par des papilles arrondies présentant à peine une pointe obtuse en arrière, qui occupent les côtés de ce champ, couvrent entièrement la langue en arrière et devien- nent de plus en plus fines, formant une sorte de velours entre- mêlé de papilles fongiformes. Autour et en arrière des papilles calyeiformes, les papilles deviennent de nouveau un peu plus grosses. Enfin les papilles filiformes extéro-internes de la base présentent leur aspect habituel, elles n’atteignent jamais la longueur de celles de la pointe de la langue. La langue du Harpyia cephalotes présente, ainsi que la observé Pallas, quatre papilles calyciformes, particularité qui la sépare de celle, non seulement de toutes les Roussettes, mas de tous les Chiroptères que j'ai observés. Le revêtement papillaire est aussi assez différent. La pointe de la langue et les côtés du champ ordinaire d’odontoiïdes tridentés sont cou- verts de grosses papilles arrondies et d’un volume sensible- ment uniforme. Les mêmes papilles se retrouvent dans la ré- gion postérieure de la langue, mais immédiatement en arrière du champ d’odontoïdes tridentés on trouve un îlot de papilles plus allongées terminées en pointe effilée qui convergent toutes vers un point assez profondément déprimé. Sur les côtés de la base de la langue, au lieu des longues papilles filiformes habi- tuelles, on rencontre quelques papilles coniques et enfin une bordure de grosses papilles aplaties en forme d’écailles à direction extéro-interne. Les papilles fongiformes sont peu nombreuses et irréguliè- rement réparties en arrière et sur les côtés de la région des odontoïdes simples. Les deux papilles calyciformes antérieures sont notablement plus grosses que les postérieures, le bourre- let qui les entoure est très saillant. Entre elles, la muqueuse est lisse et présente des plis en éventail qui dessinent une sorte de coquille à la base de la langue. M. Flower pense (1) que les papilles si développées de la (1) Flower, Loc. cit. ARTICLE N° 2 ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. s langue des Roussettes n’ont aueun rôle dans la trituration des aliments et ne leur servent qu’à nettoyer la membrane de leurs ailes. Sans nier leur importance pour ce dernier usage, il m'est impossible d'accepter l’opinion du savant professeur anglais. En effet, j'ai souvent observé des Roussettes captives qui se servent de leurs dents pour diviser les fruits dont elles font leur nourriture et séparer la pulpe des noyaux, puis écra- sent la pulpe et en expriment les sucs en la pressant entre le palais et la langue qui agit par un mouvement de va-et-vient continuel comme une véritable râpe. La muqueuse de la face inférieure de la langue et du plan- cher buccal est absolument lisse. Elle présente sur les côtés du frein de la langue une crête sublinguale dentelée qui va se terminer en avant en un barbillon bifide aplati, couché au fond de la gouttière oblique formée par la symphyse mandibu- laire. C’est à la face inférieure de ce barbillon (fig. 3) que les canaux de Wharton viennent déboucher par deux pores très rapprochés; les canaux des glandes sublinguales s'ouvrent eux-mêmes dans les crêtes sublinguales. MiCROCHIROPTÈRES. — Les lèvres chez les Microchiroptères sont d'ordinaire moins développées et jouissent d’une moins grande mobilité que chez les Roussettes. La famille des Phyl- lostomides presque tout entière fait cependant exception à cette règle, et dans celle des Emballonurides le groupe des Noctilions ne le cède pas pour la complication des replis la- biaux aux Hypsignathus eux-mêmes. La langue est aussi généralement beaucoup plus réduite que dans le sous-ordre précédent, sauf dans le groupe des Glossophagiens où elle acquiert une longueur plus considé- rableque chezles Eonycteris et les Macroglosses eux-mêmes, et rappelle presque celle des Fourmiliers et des Echidnés. Son revêtement est assez simple et se borne à des papilles calyei- formes constamment au nombre de deux, et des papilles fongi- formes nombreuses disséminées au milieu des papilles coni- ques ou filformes à peu près semblables sur toute la surface de la langue. Dans les grandes espèces de toutes les families, 929 H. A. ROBIN. des odontoiïdes tridentés ou seulement bidentés en plus ou moins grand nombre forment vers la pointe de la langue un ilot qui rappelle le champ plus étendu que nous avons rencon- tré chez les Roussettes. La nature des aliments ne permet plus aux ornements de la voûte palatine de jouer un rôle important dans leur tritura- tion; aussi ne rencontre-t-on plus de crêtes dentelées, mais seulement des plis obtus plus ou moins saillants, tantôt sim- ples, tantôt interrompus sur la ligne médiane de façon à constituer une gouttière palatine longitudinale. Il me parait, du reste, indispensable d'étudier la constitu- tion des diverses parties de la cavité buccale dans les diffé- rentes familles et chez les principaux représentants de chaque famille que j'ai eu l’occasion d’étudier. Rhinolophides et Nyctérides. — Les lèvres des Rhinolophes sont peu mobiles, le bord en est lisse et la face interne nue ne présente d'autre ornement qu'une papille de consistance carti- lagmeuse protégeant l'ouverture du canal de Sténon. En avant la voûte palatine se continue directement avec la lèvre supé- rieure entre les incisives; le bord de la lèvre inférieure est lui- même à peine séparé des incisives correspondantes. Chez les Phyllorhina les lèvres sont plus mobiles et indépen- dantes de la voûte palatine; leur bord présente une crête papil- laire très accentuée qui s'étend à peu près de la commissure aux canines de l’une et de l’autre mâchoire. Cette frange n’est par conséquent pas, comme le pense M. Dobson (1), spéciale aux espèces de régime frugivore, car nul Chiroptère n’est plus nettement insectivore que les Phyllorhina, comme je l'ai sou- vent constaté moi-même d’après le contenu du tube digestif. Dans le genre Mégaderme, la lèvre inférieure est rattachée en avant à la gencive, la lèvre supérieure ést, au contraire, très mobile. La frange papillaire existe, mais moins accusée que dans le genre précédent, Elle fait absolument défaut chez les Nycteris, où les lèvres (1) Dobson, loc. cit. Introduction, p. xx1t. ARTIGLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 95 jouissent encore d’une très grande mobilité. Dans ce genre, je n'ai trouvé aucune trace du conduit qui, d’après Geoffroy Saint- Hilaire (1), naïitrait du fond des joues et conduirait l'air dans un vaste réservoir pneumatique sous-cutané. Le peu de résis- tance vraiment extraordinaire du tissu conjonctif sous-cutané explique l'erreur dans laquelle cet illustre anatomiste me pa- rait être tombé. La voûte palatine des Rhinolophes est de forme trapézoïdale, un peu plus étroite en avant qu’en arrière; elle n’est pas nette- ment séparée en avant de la lèvre supérieure, mais un tuber- cule médian peu saillant situé en avant des pores de l'organe de Jacobson peut être considéré comme délimitant les régions palatine et labiale. Aux pores de Jacobson fait suite un espace libre présentant seulement deux tubercules latéraux situés à peu près au milieu de la distance qui sépare les incisives des canines. Les plis palatins sont au nombre de sept, rarementhuit, chez le Rh. ferrum-equinum ; tous sont interrompus sur la ligne mé- diane qui est creusée d’une gouttière palatine très accusée, surtout en arrière. Les premiers plis sont fortement convexes en avant, les derniers sont presque droits. Chez le RA. euryale même, les plis se divisent en deux groupes, ceux des deux premières paires très courbés et des cinq autres paires presque . droits, les deux derniers convergent vers la gouttière palatine. Les premiers plis sont les plus saillants, ceux situés en arrière sont taillés abruptement en avantet la dernière paire est même légèrement ondulée chez le Rh. hipposideros; cette disposition peut être considérée comme une dernière trace de la division des ornements du palais en plis et crêtes si évidente ee la plupart des Roussettes. Dans le genre Phyllorhina, la voûte palatine est beaucoup plus allongée et plus étroite en avant où elle est nettement dé- limitée soit par les incisives, soit par la saillie des os inter- (1; Geoffroy Saint-Hilaire, De l’organisation et de la détermination des Nyctères (Ann. du Mus. d'hist. nat., XX, 1813, p. 15). 24 H. A. ROBIN. maxillaires. La disposition des plis palatins est très différente, suivant que l’on s'adresse à des espèces dont les ineisives sont rapprochées sur la ligne médiane ou à des espèces où elles sont écartées. Dans le premier cas (Ph. diadema, Ph. armigera), la voûte palatine est très rétrécie en avant des canines et presque terminée en pointe. La région antérieure aux canines est occupée par trois tubercules saillants allongés dans Le sens antéro-postérieur : l’un, médian, se termine en avant entre les pores de Jacobson; les autres s'étendent jusqu'aux incisives. Les plis, au nombre de sept ou de huit, présentent la même disposition que chez les Rhinolophes, si ce n’est quele premier seul est convexe et qu'ils sont, en général, plus saillants, La gouttière palatine est aussi plus profonde, surtout en avant. Chez le Ph. Commersonii, au contraire, dont les incisives sont très écartées et la voûte palatine très large en avant, les plis palatins sont plus convexes et la gouttière palatine fait absolu- ment défaut; les plis des deux côtés se rejoignent sur la ligne médiane et chaque paire est reliée à la paire suivante par un bourrelet étroit, mais assez saillant. La gouttière palatine est donc remplacée par un bourrelet. Chez le Megadernaa spasma, la voûte palatine est plus étroite et plus allongée encore que dans le genre précédent; les plis palatins, au nombre de onze, sont légèrement convexes en avant et à peu près parallèles. Tous présentent une légère interruption sur la Higne médiane, mais 11 n°y a pas, à propre- ment parler, de gouttière palatine. Dans le genre Nycteris (N. thebaica, N, Revoilü), au con- traire, le palais est court, large et arrondi en avant, les pores de Jacobson sont très petits el séparés par un gros tubercule de forme carrée, deux plis latéraux les réunissent aux canines. En arrière, existent six autres plis dont les deux premiers sont convexes, les autres droits ou à peu près. À l'exception de la première paire, les plis sont largement interrompus sur la ligne médiane, mais, de même que chez les Mégadermes, il n’existe pas de véritable gouttière palatine. Le voile du palais est très court chez les Æhinolophus et les ARTICLE N° 2, ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 25 Nycteris, un peu moms chez les Phyllorhina, assez allongé chez les Mégadermes. Les piliers antérieurs sont peu saillants età peine musculeux, les piliers postérieurs circonscrivent, comme d'habitude, les arrière-narines, mais se perdent vers l'extrémité postérieure de cet orifice qui est alors mal déli- mité. Les amygdales, d'ordinaire très réduites, font une assez forte saillie derrière les piliers antérieurs chez les Phyllorhina. La région antérieure de fa langue des Rhinolophes est cou- verte de papilles coniques, courtes et serrées, elles sont plus longues et plus molles dans la région postérieure. Un peu avant la pointe, on distingue, chez le RX. ferrum-equinum, un ilot de cinq ousix odontoïdes tridentés, petits, du reste, et dé- pourvus d'usage. Il n'existe que deux de ces odontoïdes chez le Rh. euryale, et ils semblent manquer complètement chez le Rh. hipposideros. Dans toutes les espèces, les papilles fongi- formes sont nombreuses et éparses dans toute la région pos- térieure et sur les côtés de la région antérieure jusqu’au niveau de l’ilot d’otondoiïdes tridentés. La disposition générale est la même dans le genre Phyllo- rhina. Partout les papilles sont petites, coniques, dirigées en arrière sur la ligne médiane, de dehors en dedans sur les par- ties latérales. Dans la région antérieure, elles sont plus petites et plus dures; dans la région postérieure, plus longues et plus molles. Les odontoïdes tridentés sont plus nombreux que chez les Rhinolophes et forment un ilot assez considérable, beau- coup moins cependant que chez les Roussettes. Ces odontoïdes sont disposés en quinconce chez le Ph. diadema, sur quatre rangées chez le Ph. armigera. Chez les Mégadermes, les odonioïdes tridentés sont plus nombreux encore, quoique beaucoup plus petits, et la langue longue et étroite du MW. spasma n’est pas sans rappeler celle de lEonycteris. Les papilles fongiformes sont nombreuses et s'étendent jusqu’à la pointe de la langue en avant même du champ d’otondoïdes tridentés. La partie postérieure de la angue e stcreusée d’une gouttièré longitudinale et les papilles 96 H. A. ROBIN. marginales de la base de la langue légèrement aplaties et diri- gées de dehors en dedans achèvent de rappeler celles des Rous- settes. La langue des Nycteris ne diffère de celle des Rhimolophes que par l'absence d’odontoïdes tridentés. La face inférieure de la langue et le plancher buccal sont lisses; la crête sublinguale, bien développée et dentelée chez les Rhinolophides, est plus réduite chez les Mégadermes, presque nulle chez les Nycteris. Le barbillon sous lequel dé- bouchent les canaux de Wharton est lui-même très petit dans ce dernier genre. Vespertilionides. — Les lèvres des Nespen LINE sont tantôt peu mobiles, chez l’Oreillard (Plecotus auritus) par exemple, tantôt, au contraire, extensibles comme chez les Barbastelles (Synotus), les Kerivoula, les Scotophilus, et les Vesperugo. Leur bord ne présente jamais de frange papillaire analogue à celle que nous avons rencontrée chez les Phyllorhina et les Mégadermes. La face interne est lisse et n’a d’autre ornement qu'une papille de chaque côté tant à la lèvre supérieure qu’à la lèvre inférieure. La première, située un peu en arrière de la canine, porte l’orifice du canal de Sténon; la seconde occupe une position correspondante à la lèvre inférieure, vis-à-vis des premières prémolaires ; elle marque le point où se termine la bande des glandes labiales. La papille du canal de Sténon prend laspect d’un bourrelet longitudinal dans certaines espèces, telles que le Vespertilio murinus et le Kerivoula Hard- wichii; dans les mêmes espèces, la papille dela lèvre inférieure est énorme et revêt la forme d’un tubercule ridé à sa surface ; elle est extrêmement saillante, quoique assez étroite, chez les Vesperugo et les Scotophilus. La voûte palatine du Vespertihio murinus a la forme d’un rectangle limité en avant, entre les incisives, par un tubercule sur les côtés et en arrière duquel s'ouvrent les pores de Jacob- son. Ceux-ci sont bordés en arrière par un pli transversal saillant qui réunit les incisives externes des deux côtés. Deux ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 2% autres rides ininterrompues, convexes, s'étendent respective- ment entre les premières prémolaires et les premières molaires, et sont suivies de cinq paires de rides interrompues sur la ligne médiane, la dernière confine à la ligne d’insertion du voile du palais. Chez le V. mystacinus, il existe seulement, en avant, deux plis continus, et, par contre, 11 y a six paires de rides interrom- pues sur la ligne médiane au lieu de cinq. Dans le Kerivoula Hardwickü et le Miniopterus Schreibersii, les pores de Jacobson ont la forme de fentes longitudinales et ne sont précédés par aucun tubercule; les plis palatins ont le même nombre etla même disposition que chez les Vespertilio, ils sont cependant moins convexes et presque droits. Chez l'Oreillard et la Barbastelle, il n’y a pas non plus de tubereule antérieur ; un pli transversal est suivi de six paires de plis interrompus, le dernier situé à la base du voile du palais. Le tubercule antérieur est au contraire très saillant chez le Scotophilus Temminckii où 1l est suivi d’un pli palatin con- tinu et de six paires de plis interrompus. La disposition est la même chez les Vesperugo serotinus el Kuhlu, si ce n’est que le tubercule antérieur se dédouble en deux tubercules, l’un antérieur, l’autre postérieur aux pores de Jacobson. Chez l’Afalapha noveboracensis enfin dont les incisives sont très écartées, les pores de Jacobson sont eux-mêmes rejetés sur les côtés et suivis de sept paires de plis tous interrompus sur la ligne médiane. Le voile du palais est large et court, les amygdales mé- diocres. La langue des Scotophilus et des Vesperugo ressemble à celle des Phyllorhina ; la région antérieure est revêtue de pa- pilles coniques pointues et très résistantes; celles de la ré- gion postérieure sont grosses, obtuses et beaucoup plus molles. Vers la pointe existe un ilot d’odontoides tridentés assez forts chez le Scotophilus, plus faibles chez la Sérotine. Les papilles fongiformes, abondantes dans le premier genre, sont au con- traire très clairsemées dans le genre Vesperugo. 28 H, A, ROBIN. Dans les autres genres, les odontoïdes tridentés font défaut ; les papilles filiformes présentent les mêmes caractères, courtes et serrées en avant, plus grosses en arrière, leur consistance n’est jamais considérable. Chez le Vespertilio murinus, les papilles fongiformes assez rares sont éparses en avant des papilles calyciformes jusqu'au cinquième antérieur de la langue. Elles sont plus abondantes et s’avancent plus près de la pointe chezle V. mystacinus; chez le Miniopterus Schrei- bersii, elles atteignent l'extrémité de la langue. La langue de l’Oreillard montre une distinction plus tran- chée entre les régions antérieure et postérieure; mais c’est toujours là affaire de différence dans le volume et la consis- tance des papilles. Les papilles fongiformes sont limitées à la base de la langue. Emballonurides (sous-famille des Emballonuriens). — Parmi les Emballonuriens proprement dits, les lèvres sont très variables et se présentent sous trois aspects fort différents, suivant qu’on s'adresse à un Noctilion, à un Emballonure ou un Rhinopoma ou bien à un Taphien (Taphozous, Saccopterix, Rlhynchonycteris). - Le développement extraordinaire, la forme étrange, les re- plis compliqués des lèvres du Noctilion sont connus depuis Linné et Daubenton. La fissure de la lèvre supérieure à même valu à la seule espèce connue de l’illustre fondateur de la no- menclature zoologique Île nom de leporinus, et chacun sait que ce caractère joint à celui fourni par le nombre des inci- sives a conduit Linné à placer le Noctilion parmi les Glires dans la première édition du Systema naturæ. Je ne repro- duirai pas ici une description minutieuse de ces appendices, description qui se rencontre dans tous les ouvrages de zoologie pure ; je crois cependant devoir faire remarquer que les Rous- settes du genre Hypsignathus sont les seuls Chiroptères où l'appareil labial acquierre un aussi grand développement.Les joues participent à ce développement et peuvent admettre une grande quantité de nourriture. Ge ne sont cependant pas de véritables abajoues capables de garder les aliments en réserve, ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 29 c’est-à-dire « des poches accessoires à celle de là cavité buc- cale, séparées d’elle par une cloison et s’y ouvrant par un ori- fice distinct(1). » La face interne de lalèvresupérieureest lisse, la papille du canal de Sténon peu saillante. Entre la mâchoire inférieure et lalèvre fait saillie un gros bourrelet dentelé pa- ralièle à la mâchoire et s'étendant dans toute sa longueur. Dans le genre Emballonura le museau est court et tronqué, les lèvres assez charnues, la lèvre supérieure seule complète- ment libre et jouissant d’une grande mobilité; leur face in- terne est toujours lisse. | Les lèvres du Æhinopoma microphyllum sont un peu moins mobiles, surtout la lèvre inférieure qui est étroitement ratta- chée à la symphyse mandibulaire. Chez les Taphiens, au contraire, le museau est plus ou moins effilé et terminé en pointe; la lèvre supérieure charnue, très épaisse et non protractile, y est soudée de telle sorte que l’ensemble du museau et de la lèvre constitue une sorte de petite trompe assez mobile, saillante en avant de la bouche. Dans le genre Taphozous, la lèvre se continue directement avec le palais, et les prémaxillaires articulés avec les maxillaires accompagnent les mouvements du museau. La lèvre infé- rieure est elle-même assez mobile et indépendante de la mâ- choire. Ghez les Saccopterix et surtout chez les Rhynchonycteris, la lèvre supérieure est beaucoup mieux séparée du palais et la trompe est mobile imdépendamment des prémaxillaires; les autres caractères de l'appareil labial sont les mêmes que chez le Taphotous. Le palais du Taphozous est limité en avant par un tubercule en forme de pique de carte à jouer dont le pédoncule se relie en arrière à deux petits plis transversaux. En arrière, trois plis interrompus s'étendent entre les canines et les premières prémolaires, puis viennent trois paires de plis convexes inter- rompus sur fa ligne médiane, le dernier occupant à peu près (1) Cuvier, Anat. comp., 7° édit., IV, p. 384. 30 H. A. ROBIN. la ligne d'insertion du voile du palais. Il n’existe pas de gout- tière palatine à proprement parler, l'interruption médiane des derniers plis en tient lieu. Je n’ai pu réussir à voir les pores de Jacobson. Ces orifices existent chez le Saccopterix, mais sont très petits et situés à côté de deux très petits tubercules immédia- tement en arrière des incisives; le palais présente en arrière un seul pli continu entre les canines et cinq paires de plis in- terrompus plus convexes, Chez le Rhynchonycteris, les pores de Jacobson ont la même disposition, les plis palatins au nombre de einq semblent con- tinus, les quatre derniers présentent cependant une courte , dépression sur la ligne médiane. Il existe de même cinq plis, les trois premiers ininterrom- pus, le dernier très peu accusé, chez l’Emballonura ; mais les pores de Jacobson sont limités en avant par un gros tubercule situé entre les incisives et latéralement par deux autres tuber- eules beaucoup plus petits. De même que Gratiolet (1), je n'ai point trouvé de pores de Jacobson chez le Noctilion, ce n’est du reste pas leseul Chirop- tère où il m’ait été impossible de constater la présence de ces orifices ; il en a été de même chez le Taphozous, le Molossus et plusieurs Phyllostomides. Le palais est strié par une série de onze plis serrés les uns contre les autres, non interrompus, mais présentant sur la ligne médiane une légère inflexion en arrière qui rompt la régularité de leur courbure. Dans toutes ces espèces, tous les plis palatins, ou au moins les antérieurs, étaient complets. Chezle Rhinopoma au con- traire, dont les affinités avec les Emballonuriens sont peu évidentes, tous les plis sont pairs et interrompus sur la ligne médiane par une gouttière palatine assez large comme chez les Rhinolophes. La langue présente chez les petites espèces (Emballonura, Saccopterix, Rhynchonycteris, Rhinopoma) un revêtement de (1) Gratiolet, Recherches sur l'organe de Jacobson, 1845, p. 12. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES, 31 papilles coniques uniformes analogue à celui habituel chez tous les Microchiroptères, ces papilles sont particulièrement fines et résistantes chez le Rhynchonycteris, les papilles calyci- formes sont assez écartées. Chez le Taphozous :melanopogon dont la taille est notable- ment plus considérable, il existe vers la pointe de la langue un ilot d’odontoides tridentés. Les papilles fongiformes sont plus nombreuses dans cette espèce que dans aucune autre de celles que j'ai étudiées ; elles sont surtout serrées dans le tiers moyen de la langue et abondantes jusque vers la pointe ; quoique plus rares dans la région des papilles calyeiformes, on en trouve quelques-unes même en arrière de ces papilles. La langue du Noctilion esttrès élargie et présente un champ d’odontoïdes tridentés assez vaste auquel fait suite une série de gros odontoïdes simples disposés en uu quinconce extrême- ment régulier. Chez tous les Emballonuriens, la crête sublinguale est assez saillante et se termine dans un barbillon double chezle Tapho- zous, VEmballonura, le Rhinopoma, le Noctilio, simple mais bifurqué chez le Saëcopterix et le Rhynchonycteris. Sous-famille des Molossiens. — Chez les Molossiens, l’extré- mité du museau se projette encore en avant de la bouche, mais sa mobilitéestbeaucoup moindre quechezlesTaphiens et surtout le Rhynchonycteris. Les lèvres sont épaisses et charnues, assez mobiles ; la lèvre supérieure entièrement séparée de la voûte palatine, la lèvre inférieure assez étroitement rattachée en avant à la symphyse maxillaire. Les plis palatins sont tous interrompus sur la ligne médiane chez les Molossus où leur nombre est de neuf (M. obscurus), et chez les Nyctinomus où l’on n’en compte que cinq (N. plicatus, N. acetabulosus) ou six (N. brasiliensis, N. Cestonüi). La constitution du palais du Cheiromeles torquatus ressemble davantage à ce qui s’observe chez les Taphiens. Il existe en avant trois plis continus suivis de deux paires de plis interrom- pus. Le revêtement papillaire de la langue est simple, uniforme et ne présente pas même d’odontoides tridentés. La répartition 32 H. A. ROBIN. des papilles fongiformes est assezrégulière chez le Nyctinomus plicatus et le N. brasiliensis ; elles forment un petit groupe serré en avant des papilles calyciformes, on en trouve quelques autres sur la partie postérieure de la langue et dans toute la région antérieure ; il en existe seulement de chaque eôté une rangée très régulière qui sépare la face supérieure papilleuse de Ja langue de la face inférieure lisse et s’étend jusqu’à la pointe. La même disposition se retrouve, mais avec beaucoup moins de régularité, chez les N. Cestonu et brasiliensis. La crête sublinguale n’existe pas; le barbillon est double chez les Molossus et les Nyctinomus et porte à sa face infé- rieure deux pores salivaires très faciles à voir, l’un en avant et en dedans, l’autre en arrière et en dehors. Chez le Cheiromeles torquatus, le barbillon est simple, arrondi et pas même bifide. Phyllostomides. — Dans la famille des Phyllostomides, la bouche est terminale et le museau ne se prolonge plus en avant comme. chez les Taphiens et les Mollosses parmi les Embal- lonurides. Chez les espèces msectivores(Phyllostoma hastatum, Macro- tus Waterhoust, Carollia brevicauda), la lèvre supérieure est très développée, charnue et très mobile; la lèvre inférieure l'est beaucoup moins, étant presque soudée en avant à la sym- physe de la mâchoire inférieure. La face interne des lèvres ne présente pas d’autres ornements que la papille terminale du canal de Sténon quand elle existe. Le bord est lisse dans les deux premières espèces ; chez le Carollia, au contraire, la lèvre supérieure porte depuis la papille du canal de Sténon une crête dentelée peu sallante, il est vrai, mais très nette, qui semble un acheminement vers la crête papillaire des espèces frugivores, L'observation que nous avons faite plus haut d’une frange beaucoup plus développée chez le Phyllorhina ne per- met d’en tirer aucune conclusion relativement au régime de l'animal. Le Glossophaga soricina, qui, d'après M. Osburn (1), serait . () Dobson, loc. cit., p. 437. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÉRES. 39 p-utèt frugivore au moins en partie, n’a pas de frange ana- logue. Il ne diffère des Phyllostomiens que par l’échancrure de la lèvre inférieure qui permet à la langue de faire saillie hors de la bouche alors meme que celle-ei est fermée. Chez l’Artibeus perspicillatus, type des Phyllostomides frugi- vores, les lèvres sont moins mobiles que dans les espèces pré- cédentes. D’une canine à l’autre règne une frange formée de plusieurs rangées de longues papilles coniques. Des papilles analogues, mais plus petites, tapissent la partie antérieure de la face interne des joues. Des deux espèces de Phyllostomides sanguivores, je n’ai étudié que le Desmodus rufus. La face est très raccourcie, les molaires étant seulement au nombre de trois en haut et de quatre en bas et rudimentaires. La bouche est donc peu large- ment ouverte. La lèvre supérieure forme deux lobes latéraux peu accentués susceptibles de se relever ; elle est en avant bien distincte de la voûte palatine et ne recouvre pas entière- ment les deux grandes incisives si caractéristiques de cet ani- mal. La face interne des lèvres est lisse, la grosse papille du canal de Sténon s’enfonce dans l’espace libre qui forme une sorte de barre entre l’incisive et la canine de chaque côté. Chez tous les Phyllostomides, les Desmodus exceptés, le pa- lais présente une-ornementation analogue à celle des Embal- lonurides proprement dits, c’est-à-dire en avant un certain nombre de plis continus suivis de plis interrompus sur la ligne médiane. Ainsi chez le Ph on les pores de Jacobson sont limi- tés par deux petites lèvres transversales et suivis de deux plis continus convexes, puis de quatre paires de plis interrompus. Chez le Macrotus, il existe trois pelits plis transversaux entre les canines et les premières prémolaires, puis deux gros et enfin quatre paires de plis interrompus. Dans le genre Glossophaga, la voûte palatine, très allon: 6e et très étroite, présente en arrière de deux pores de Jacob- on très visibles, trois plis continus et cinq paires de plis inter- rOmpus ; CeUx-C1 sont séparés par une gouttière assez profonde. (0) œ S 34 H. A. ROBIN. Chez le Carollia où je n’ai pu trouver de pores de Jacobson, il existe un seul pli transversal ininterrompu suivi de six paires de plis interrompus par une gouttière médiane assez profonde. Ces plis portent dechaque côté une rangée de PA learrondies semblables à des verrues. Le palais de l’Artibeus présente en avant un pli transversal entre les canines, un autre pli imfléchi au milieu entre les deuxièmes prémolaires, puis trois ou quatre paires de plis de moins en moins saillants qui se perdent insensiblement dans deux champs latéraux de fines papilles ; des papilles analogues recouvrent les plis les mieux accusés. Chez le Desmodus enfin, le palais est très différent; il est extrêmement concave et sa forme est celle d’une voûte compri- mée latéralement et infléchie d’avant en arrière. La gouttière médiane est par conséquent extrêmement profonde. De chaque côté existent des plis saillants presque droits au nombre de sept paires, les deux premiers très courts. | Le voile du palais est d'ordinaire étroit et très allongé, ses piliers antérieurs assez obliques en avant, ses piliers posté- rieurs entourent les arrière-narines et leur forment un véri- table bourrelet. Le voile est notablement plus court chez le Desmodus que dans les autres espèces. Les amygdales d’ordi- naire très réduites sont assez saillantes dans cette espèce et chez les Glossophages. La forme de la langue et la disposition de son revêtement présentent des différences caractéristiques suivant les quatre groupes que j'ai étudiés (Phyllostomiens, Sténodermes, Glos- sophagiens, Desmodiens). 1° Phyllostomiens. — Ya langue du PAyllostoma, arrondie en avant, libre sur les deux cinquièmes de sa longueur, est assez mobile, elle est revêtue de papilles coniques de même forme, mais un peu plus grosses dans la région moyenne. Quelques odontoides bidentés plutôt que tridentés se ren- contrent près de la pointe de la langue, c’est leur réunion que Geoffroy Saint-Hilaire a cru former un organe de succion, une sorte de ventouse. Les deux papilles calyciformes sont situées ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 39 relativement très en avant, des papilles coniques ordinaire s'étendent en arrière d'elles presque jusqu’à la glotte, un espace triangulaire reste cependant lisse sur la ligne médiane à la base de la langue. Les papilles fongiformes sont répan- dues dans toute la partie antérieure aux papilles calyciformes ; elles sont très grosses dans la région postérieure, beaucoup plus fines dans la région terminale. Chez le Carollia, les papilles fongiformes sont plus rares, elspace lisse situé sur la ligne médiane à la base de la langue, plus allongé et linéaire, s'étend jusqu’entre les papilles calyci- formes. La langue du Macrotus est un peu pluseffilée et plus pointue que celle des deux genres précédents, la disposition du revê- tement papillaire est du reste exactement la même. ® Sténodermes. — La langue de l’Artibeus perspicillatus est courte, large, arrondie en avant, médiocrement mobile, et malgré l’identité de régime ne rappelle en rien la langue pro- tractile des Mégachiroptères. Son revêtement est cependant beaucoup moins simple que chez les Microchiroptères insec- tivores. | On y peut distinguer nettement deux régions antérieure et postérieure de longueur égale. Les deux papilles calyciformes sont situées assez près de la base de la langue, celle-ci est lisse en arrière d'elles jusqu’à la glotte. En avant, la région posté- rieure est couverte de papilles arrondies en forme d’élevures ou de verrues très petites d’abord, qui, progressivement, deviennent assez grosses ; leur bord antérieur est plus saillant et plus escarpé que le postérieur, et sur les plus grosses qui sont en même temps celles situées le plus en avant, ce bord devient ondulé ; on peut les appeler des verrues dentelées en avant. La dentelure est, du reste, très obtuse, et n’est pas comparable aux pointes de odsontoïdes des Roussettes, pointes qui sont d’ailleurs dirigées en sens contraire. Mais toute la réSion antérieure est revêtue de papilles coniques grosses et courtes, dures, qui sont de véritables odontoïdes bidentés. La transition entre les deux régions de la langue se fait très rapi- ANN. SC. NAT., ZOOL., NOVEMBRE 1881. xt, 10::— ART: N° 2 36 HI. A. IOEREN. dement, les verrues de la région postérieure diminuant de volume pour former les papilles coniques. 3° Glossophagiens. — Ce groupe doit son nom au dévelop- pement extraordinaire de sa langue, dont on chercherait en vain l’analogue dans d’autres représentants de l’ordre des Chi- roptères. Sa longueur est telle, qu’elle doit se replier sur elle- même pour rentrer dans la bouche; elle fait d'ordinaire saillie au dehors par l’échancrure de la lèvre inférieure. Elle est grèle, effilée et terminée en pointe, hibre dans ses deux tiers anté- rieurs. Le revêtement en est extrêmement simple : des papilles coniques, courtes et très serrées, forment une sorte de velours s'étendant bien en arrière des papilles calyciformes, presque jusqu’à la glotte. Les papilles de la pointe sont un peu plus allongées, beaucoup moins cependant chez le Glossophaga, que J'ai étudié, que chez le Chcæronycteris mexicana, dont la langue est figurée par M. Dobson (4). 4 Desmodiens. — La langue du Desmodus, elle aussr, diffère de celle de tous les autres Chiroptères, mais par un caractère d’un tout autre ordre, l'absence de papilles calyei- formes. Les papilles fongiformes sont elles-mêmes rares, de sorte que le goùt semble extrêmement obtus chez cet animal. Considérée dans sa forme générale, la langue est arrondie, lextrême sommet seul s’étirant en pointe. Elle est libre dans sa moitié antérieure et très mobile. A la face inférieure, deux gros muscles rétracteurs font une saillie considérable, consli- tuant une sorte de sous-langue qui s'étend jusqu’à la pote. La face supérieure présente en arrière une bande médiane lisse, à laquelle fait suite en avant une gouttière peu prononcée dans certains exemplaires. Le revêtement est uniquement con- stitué par des papilles coniques courtes et très serrées qui ne peuvent pas, comme certains auteurs (2) le supposent servir (1) Dobson, Loc. cit., pl. XXVIE, fig. 5. () Geoffroy Saint-Hilaire, loc. cit. — Owen, Comp. anat. of Vertebrates, Hl, p.192. —P. Gervais, Hist. nat. des Mammifères, !, p. 154. ARTICLE N° ©. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 31 au Desmodus x entamer la peau des animaux dont il suce le sang. La force des incisives rend, du reste, tout rèle de la langue parfaitement inutile à cet égard. Peul-être, après que la peau a été entamée par les incisives, les lèvres s'appliquent autour de la blessure à la façon d’une ventouse; la langue pourrait alors, grâce à sa mobilité, servir comme un piston pour aspirer le sang. La crête sublinguale est d'ordinaire peu développée; elle est cependant extrèmement allongée chez le Phyllostoma où elle dépasse l'étendue non seulement des glandes sublinguales, mais de la partie libre de la langue. Il existe d'ordinaire deux barbillons qui, chez le Glossophage, sont très allongés et très déchiquetés sur le bord. Chez le Desmodus, au contraire, ils sont larges, carrés et très écartés l’un de l’autre. Le barbillon est unique et à peine dentelé chez l’Artibeus. La cavité buccale est tapissée par une muqueuse dermoïde à épithéllum pavimenteux stratifié; la couche cornée de l’épi- thélium devient très épaisse sur les plis du palais et surtout les papilles dures de la région antérieure de la langue; dans les odontoïdes tridentés de la langue du Pferopus medius, l’épithélium n’a pas moins de 0"”,3 d'épaisseur. Des glandes en grappe existent à la face interne des lèvres et des joues, sur la partie postérieure de la langue vers le ni- veau des papilles calyciformes et en arrière sur le voile du palais et la portion postérieure de la voûte palatine. CONCLUSIONS. 1° La bouche est très largement ouverte chez tous les types, les Desmodus exceptés; les lèvres, et surtout la lèvre supérieure, sont d'ordinaire assez mobiles et quelquefois protractiles (la plupart des Roussettes, Noctilions). La lèvre supérieure se continue souvent en avant, sans séparation nettement appa- rente avec la voûte palatine. 2° La frange papillaire plus ou moins saillante qui garnit le 30 : H. 4. ROBIN. bord interne des lèvres, de la canine supérieure à la canine inférieure de chaque côté, n’est pas absolument propre aux Chauves-Souris qui se nourrissent de fruits, comme le pense M. Dobson; on la rencontre quelqueïois, quoique rarement, chez des espèces insectivores (Phyllorhina, Megaderma, Ca- rollia). 3° La face interne des lèvres est d'ordinaire lisse et ne pré- sente d'autre ornement que la papille terminale du canal de Sténon, et quelquefois une papille correspondante à la lèvre inférieure. Chez le Harpyia (Pallas) et l’Artibeus cependant elle est revêtue de papilles serrées plus ou moins saillantes. 4 Il n'existe jamais, comme l’a bien vu Cuvier, de véri- tables abajoues, contrairement à l'opinion de Meckel et de Stannius. 5° Les ornements du palais présentent d'ordinaire dans chaque genre et souvent, jusqu’à un certain point, dans chaque famille une constance de disposition qui peut fournir des caractères taxonomiques importants. Nous ne reviendrons point sur ces dispositions que nous avons exposées plus haut. 6° Le voile du palais présente une disposition analogue à celle que l’on connaît chez le Cheval ou lÉléphant, et qui permet aux Chiroptères de voler la bouche ouverte sans gêner les mouvements respiratoires. Le bord libre du voile du palais s'appuie sur l’épiglotte saillante de façon à fermer entièrement en arrière la cavité buccale. Les piliers postérieurs du voile circonscrivent plus ou moins complètement les arrière-na- rines avant de se perdre dans la paroi du pharynx. 7° La langue porte un revêtement papillaire très complexe chez les espèces frugivores, surtout dans le sous-ordre des Mégachiroptères, beaucoup plus simple chez les espèces insec- tivores ou sanguivores. Un caractère constant chez les espèces de grande taille de toutes les familles est la présence un peu en arrière de la pointe de la langue, d’un groupe plus ou moins important d’odontoides tridentés ou quelquefois bidentés. 8" Il existe, comme à l'ordinaire, deux sortes de papilles gustatives : des papilles fongiformes et des papilles calyci- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 39 formes. Les dernières sont au nombre de trois chez les Méga- chiroptères (Daubenton), sauf dans le genre Harpyia où il y en a quatre (Pallas). Chez les Microchiroptères, on en trouve seu- lement deux (Daubenton). Les Desmodiens sanguivores n’en possèdent pas du tout; Je crois être le premier à signaler ce dernier fait. 9° Il existe constamment, contrairement à l’assertion de M. Flower, un barbillon très saillant, d'ordinaire bifide ou double, couché sur la symphyse maxillaire, à la face inférieure duquel viennent déboucher les conduits des glandes sous- maxillaires. D’ordinaire, à ce barbillon fait suite, de chaque côté du frem de la langue, une crête dans laquelle s'ouvrent les canaux des glandes sublinguales. $ 2. — Œsophage et estomac. L’œsophage traverse toujours le thorax en ligne droite, et se continue au delà du diaphragme dans la cavité abdominale sur une longueur de quelques millimètres; cette portion termi- nale s’infléchit souvent vers le côté gauche. Le diamètre de l’œsophage est proportionnellement beau- coup plus grand chez les espèces insectivores que chez les espèces frugivores Ainsi, chez les plus grandes Roussettes, il ne dépasse jamais 2°°,9, 1l estmême réduit chez le Harpyia à 4 millimètre. Dans les petitesespèces de Ghauves-Souris insec- tivores, il est rarement plus réduit que dans ce dernier cas, et d'ordinaire il est notablement plus grand; le Noctilio leporinus, bien que de taille médiocre, ne le cède sous ce rapport à aucun Mégachiroptère. L’œsophage du Rhinopoma microphyllum est remarquable par son diamètre (presque 2 millimètres) considé- rable enégard aux faibles dimensions de l'animal. Dans la fa- mille des Phyllostomides, qui compte des représentants de régime varié, l’Artibeus, qui est frugivore, n’a pas l’æsophage plus large que le Glossophaga, bien que l'animal soit de taille trois fois plus grande. Chez le Desmodus, qui se nourrit de sang, l’æsophage est assez étroit (un peu plus de 4 millimètre), 40 H. A. ROBIN. beaucoup moins cependant que ne le dit M. Dobson qui le compare à un gros vaisseau sanguin. La muqueuse œsophagienne est lisse et présente seulement d'ordinaire des plis longitudinaux parallèles plus ou moins serrés se continuant de l’arrière-bouche au cardia; ces plis sont dus à la contraction de la tunique musculaire et suscep- tibles de s’effacer lorsque l’œsophage se dilate. Ils ne me pa- raissent exister dans aucun cas chez les Pferopus, Hypsigna- thus, Harpyia, où j'ai toujours trouvé la muqueuse lisse ou présentant des plissements rares et irréguliers dus à l’action de l'alcool. Ils sont, au contraire, très nets chez les autres Roussettes et dans la généralité des Microchiroptères. L’œsophage s’ouvre directement dans l'estomac, jamais il n'existe de valvule cardiaque. La muqueuse est, comme à l’ordimaire, revêtue par un épi- thélium pavimenteux stratifié à la base duquel existe une très mince couche de fibres musculaires lisses (musculaire propre de la muqueuse). Le tout est séparé par du tissu conjonctif de la tunique musculaire formée elle-même de deux couches lon- oitudinale et circulaire de fibres musculaires striées. L’estomac des Chiroptères se présente sous trois formes typiques, suivant qu’on l’observe chez les Mégachiroptères Ptéropodides, les Microchiroptères insectivores et frugivores, ou bien les Desmodiens sanguivores. Dans le premier cas, il se divise nettement en deux portions, l’une en continuité de direction avec l’œsophage dont elle semble n’être qu’une dila- tation, l’autre transversale répondant à l'estomac des Mammi- fères ordinaires avec sa région pylorique extrêmement déve- loppée. Chez les Microchiroptères, ce dernier compartiment existe seul, le grand cul-de-sac et la région pylorique sont sujets à certaines variations, mais d’un développement à peu près égal. Enfin lestomac du Desmodus diffère de celui de tous les autres Mammifères en ce que le cardia et le pylore sont adjacents, de sorte que la poche stomacale est représentée seulement par le grand cul-de-sac étroit et extrêmement ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. A ailongé qui constitue un véritable cæcum intestiniforme. MÉGACHIROPTÈRES.— Ptéropodides. — L’estomac de la Rous- sette (Pteropus Edwardsi) à été très exactement décrit par Cuvier (1) dans son Anatomie comparée : « L’œsophage parait donner dans une poche arrondie séparée du cul-de-sac gauche et du droit par un sillon profond, son insertion est très loin du pylore..... La partie droite est deux fois et demie aussi longue que la précédente (grand cul-de-sac), elle forme un gros boyau à paroi mince, deux fois replié sur lui-même, ayant plusieurs étranglements qui lui donnent quelque res- semblance avec un gros intestin d'Herbivore. » Everard Home (2) a signalé sur la muqueuse des plis longitudinaux et a donné de l'estomac ouvert une figure très schématique, du reste, reproduite par M. Owen (3). Ce dernier auteur n’a pasreconnu l’importance de la « poche arrondie » dans laquelle débouche l’œsophage que dans son texte 11 considère comme étant seulement une dilatation de ce conduit. L’estomac comprend donc deux parties ; la première ou portion cardiaque (4), qui semble n'être qu'un renflement piriforme de l’æsophage, est dirigée longitudinalement ou un peu inclinée de gauche à droite ; un rétrécissement très accusé la sépare de la seconde portion ou portion transversale. Une contraction peu sensible permet de diviser encore celle-c1 en grand cul-de-sac et région pylorique. Le grand cul-de-sac est très spacieux, carrément terminé ; la région droite ou pylo- rique se replie deux fois sur elle-même de façon à revenir près de lœsophage et à s’en écarter de nouveau avant de se terminer au pylore. La figure 6, qui représente un estomac de Pteropus medius retourné, mais dont les différentes parties ont été replacées dans leurs rapports naturels, fera comprendre cette description. (4) Cuvier, Anat. comp., 1° édition, If, p.374, 1805 ; 2° édit., IV, 2° partie, p. 91. (2) Everard Home, loc. cit. (3) Owen, Comp. anat. of Vertebrates, HT, p. 429, fig. 296. (4) M. Dotaa donne le nom de portion cardiaque, non pas à la partie que nous désignons ainsi, mais au grand cui-de-sac. 49 HI. A. ROBIN. La muqueuse stomacale présente dans toute la portion transversale cinq ou six plis longitudinaux très saillants (lopé- ration du retournement les a en partie fait disparaître vers l'extrémité pylorique dans la figure 6), continus depuis le py- lore où ils naissent d’un bourrelet circulaire faisant fonction de valvule, jusqu'à l'extrémité du grand eul-de-sac où ils se recroquevillent sur eux-mêmes et s'atténuent pour dispa- raître; des plis transversaux moins saillants les réunissent entre eux. Dans la portion cardiaque il existe quatre de ces bourrelets, deux en avant, deux en arrière, qui vont se terminer angulairement sur les deux plus élevés des-précédents. Au cardia, la largeur de ces bourrelets les fait nettement distin- guer des rides œsophagiennes beaucoup plus petites et plus nombreuses quand elles existent. Cette disposition de la mu- queuse rappelle celle de la caillette des Ruminants. L’estomac du Cynonycteris amplexicaudata présente la même disposition; il est cependant plus étroit et plus allongé et le pylore est situé tout à côté de l’œæsophage au point où la partie réfléchie de la région pylorique se replie pour former le duodénum. Chez l'Epomophorus comptus, la portion cardiaque est beau- coup plus allongée que partout ailleurs et couchée sur la ré- gion transversale dans laquelle elle s'ouvre par une fente limi- tée par deux bourrelets saillants. La région pylorique est réfléchie sans que le pylore vienne tout à côté du cardia. Les plis de la muqueuse sont au nombre de trois dans la portion cardiaque. Dans le genre Hypsignathus, si voisin cependant, l’esto- mac (fig. 7) est très différent et rappelle plus que celui d’au- cune autre Roussette vraie la forme que l’on est habitué à rencontrer chez les Mammifères ordinaires. La portion car- diaque est allongée et fusiforme, le grand cul-de-sac au lieu d’être tubulaire prend la forme d’une poche arrondie et très renflée; la région pylorique relativement très large, bien que nettement séparée du cul-de-sac, ne se replie pas le long de la petite courbure pour constituer une partie directe et une par- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 43 tie réfléchie, mais s'élève verticalement pour se terminer au niveau du cardia dont le pylore est séparé par un mésentère assez large. Les plis de la muqueuse, au nombre de trois dans la portion cardiaque, sont plus nombreux et moins saillants que dans les autres espèces dans la portion transversale, L’estomac de l’Eonycteris spelæa est caractérisé par son petit diamètre et son aspect tubuliforme (fig. 8). La portion car- diaque ne se distingue pas de l’œsophage à l'extérieur, la structure de sa muqueuse la fait seule reconnaître; la partie réfléchie de la région pylorique est intimement accolée à la partie directe ; l’ensemble rappelle l'estomac du Cynonycteris amplexicaudata. Le pylore n’est point limité par un bourrelet circulaire et les plis stomacaux font place sans transition aux villosités duodénales. Harpyia. — Dans le genre Harpyia, l'estomac est très diffé- rent et semble appartenir à un Microchiroptère et non à une Roussette ; la portion cardiaque manque complètement ou du moins n’est représentée que par un élargissement conique de l’œsophage sans changement de structure dans la muqueuse ; le grand cul-de-sac est plus allongé dans le sens transversal que la région pylorique courte et droite se continuant directe- ment, sans aucune inflexion avec le duodénum. La muqueuse présente des plis serrés parallèles et peu saillants comme chez les Microchiroptères. Je n’ai pu observer la structure du pylore détruit dans exemplaire que J'ai disséqué. | Les dimensions relatives des diverses parties de l'estomac dans les espèces que J'ai citées sont les suivantes : PORTION GRAND RÉGION CARD.QUE. CUL-DE-SAC. PYLORIQUE. L m. m. m. ECETODUS M EAIUS EE AMIE ESRIRE IN 0,030 0,032 0,080 PIETODUSTUDTICONIS... 5.20 0,012 0,022 0,030 Hypsignathus monstrosus........ 0,016 0,032 0,025 Epomophorus comptus....,....... 0,015 0,028 0,020 EOnYCLerISNSDElER 0001 0,008 0,011 0,024 HATPUIQ CEPRAlOLES RE Te 0 0,012 0,005 44 MH. A. ROBIN. MicrOCHIROPTÈRES.—L’estomac des Microchiroptères diffère beaucoup de celui des Mégachiroptères, les Harpyia exceptés. La portion cardiaque en continuité de direction avec l’œso- phage y fait entièrement défaut. C’est une poche simple globu- leuse, présentant une petite et une grande courbure comme chez les Mammifères ordinaires. L’œsophage y débouche vers le milieu de sa longueur, souvent plus près, quelquefois plus loin du pylore que de l’extrémité du grand cul-de-sac. La cavité est absolument simple et les termes grand eul-de- sac et région pylorique que J’emploierai pour la commodité de la description ne s’appliquent pas à des parties réellement dis- tinétes, mais indiquent seulement ce qui est situé à gauche ou à droite du cardia. Je ne crois pas devoir distinguer, avec Cuvier (1), deux formes: « l’une globuleuse, l’autre longitudinale conique avee un petit cul-de-sac pylorique. » Toutes les transitions existent en effet entre ces deux formes qui souvent se rencontrent parfaitement caractérisées dans des espèces très voisines d’ail- leurs, parmi les Emballonurides en particulier, et qui, con- trairement à ce que pensait Guvier, ne sont aucunement liées au régime de l'animal. Quant au cul-de-sac pylorique, il est presque toujours peu stllant et ne constitue qu’une bosselure latérale qui quelquefois peut exister ou faire défaut, suivant l’état de réplétion de l'estomac. L’estomac des Rhinolophes (fig. 19) est arrondi, presque cylindrique, avec un grand eul-de-sac un peu biens un cul-de-sac pylorique à peine indiqué. Le cardia est à peu près à distance égale du fond du grand cul-de-sac et du pylore. Il est plus éloigné de cet orifice chez les Phyllorhina. Uhez les Mégadermes, la région pylorique est encore assez allongée, bien que le cardia tende à se rapprocher du pylore; dans le genre Nycteris, les deux orifices sont ‘tout à fait voisins et l'estomac très globuleux. | L'estomac des Vespertilions se rapproche de celui des Méga- (1) Cuvier, loc. cit. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 45 e dermes ; il est plus allongé que celui des Rhinolophes. L orand cul-de-sae, atténué vers son extrémité, se recourbe en haut vers l’œsophage ; le cardia est un peu plus près du pylore que du fond du eul-de-sac. La forme est presque identique chez le Miniopterus Schreibersu. L’estomac de la Barbastelle et de l’Oreillard est plus recourbé encore et prend la forme d’un croissant dans la concavité duquel l’œsophage vient dé- boucher au milieu dans le premier cas, un peu à droite dans le second. | | Dans le genre Vesperugo, au contraire, l’estomac tend à revêtir une forme cylindrique peu nette chez le V. Kuhlii, très accusée, au contraire, Chez la Sérotine, où le grand cul-de-sac est très réduit relativement à la région pylorique. Le Scoto- philus Temminchu est intermédiaire quant à la forme de l’es- tomac entre les deux espèces précédentes. Chez l’Atalapha noveboracensis, le grand cul-de-sac perd beaucoup de son développement, le cardia s’en rapproche, et la région pylorique devient allongée et conique. Dans lafamille des Emballonurides, l'estomac subit de très grandes variations, et, chez des espèces très voisines, du reste, et de régime identique, on rencontre l’exagération de toutes es formes qu'il peut revêtir. L’examen des figures 9, 10 et 11, qui représentent ce viscère chez l’Emballonura nigrescens, le Rhynchonycteris naso et le Taphozous melanopogon, permet de le constater et le montre sous trois formes différentes, globu- leuse, conique et cylindrique. Dans le premier cas (Emballonura) (fig. 9), le pylore et le cardia sont très rapprochés l’un de l’autre, et la poche stoma- cale, presque sphérique, semble être un diverticulum latéral du tube digestif, La même forme se retrouve, mais avec un peu moins de netteté, Le pylore ét le cardia étant plus éloignés chez le Saccopterix. Chez le Rhynchonycteris (fig. 10), au contraire, le cardia est très éloigné du pylore et la région pylorique rétrécie, conique et recourbée. Enfin, chez le Taphozous (fig. 11), l'estomac est encore très 46 HI. A. ROBIN. allongé et le cardia s'ouvre presque à l'extrémité du grand cul- de-sac, mais la région pylorique n’est pas rétrécie, de sorte que la largeur de l'estomac varie peu dans toute sa longueur et qu'il a une forme presque cylindrique. La forme de l’estomac est analogue dans son ensemble chez le Noctilion, mais plus large et plus raccourcie. L’estomac du Rhinopoma maicrophyllum se rattache à la forme conique, les orifices pylorique et cardiaque sont assez éloignés, mais la petite courbure, en se repliant parallèlement à elle-même, les amène presque en contact et donne à lesto- mac l’aspect d’une anse très renflée. Chez les Molosses et les Nyctinomes, l'estomac est globuleux et les orifices œsophagien et intestinal rapprochés, sans être aussi voisins cependant que chez l'Emballonura. La petite courbure est représentée par une ligne presque droite, surtout chez les Nyctinomes. Le singulier genre Cheiromeles a une forme stomacale très différente, et qui, par la disposition de sa région pylorique, semble tendre vers la forme caractéristique des Roussettes. Gette région, en effet, cylindrique ou à peine conique, se dirige d’abord de gauche à droite, puis, vers son extrémité, se re- courbe sur elle-même avant de se terminer au pylore, de sorte que le duodénum revient vers le cardia. Gette disposition n’est pas sans analogie avec celle des Mégachiroptères à estomac assez simple, comme les Epomophorus. Quant au grand cul-de- sac, il est très développé. Parmi les Phyllostomides, les espèces frugivores semblent seules répondre à la description de Guvier, pour lequel la ré- gion pylorique serait particulièrement allongée dans cette famille, au moins cette caractéristique ne s’applique-t-elle à aucune des quatre espèces insectivores que J'ai observées. Chez le Glossophaga soricina, l'estomac est aussi globuleux que chez l’'Emballonura ; les deux orifices sont très rapprochés et la poche stomacale forme, à gauche et au-dessous du pylore, une saillie presque égale au grand cul-de-sac. Le cul-de-sac pylorique est plus réduit, mais les deux ori- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 47 fices sont un peu plus éloignés et le grand cul-de-sac vaste et clobuleux chez le Phyllostoma hastatum et le Macrotus Water- housi. La poche stomacale est plus allongée et plus cylin- drique chez le Carollia brevicauda (fig. 12), l’'œsophage dé- bouche vers le milieu de sa longueur. La région pylorique, qui le cède encore de beaucoup au grand cul-de-sac, est étranglée vers son extrémité et se recourbe au niveau du pylore, le duo- dénum revenant vers l’œsophage. L’estomac de l’Artibeus répond davantage à la description de Cuvier, la région pylorique est relativement plus dévelop- pée, elle se replie, comme le montre la figure 48, à son extré- mité, de sorte que le duodénum se dirige d’abord de droite à gauche ; le pylore est situé immédiatement après la courbure ; le cardia à égale distance entre cet oritice et Le fond du grand cul-de-sac. Desmodiens. — L’estomac si singulier du Desmodus rufus, décrit pour la première fois par M. Huxley (1), est un long tube intestiniforme replié sur lui-même, formant dans l’hypo- chondre gauche une masse circonvolutionnée indépendante de la masse intestinale (fig. 13). Ge long boyau qui, d’après M. Huxley, égalerait en longueur les deux tiers de l'intestin et que J'ai trouvé seulement égal aux deux septièmes de ce tube, représente uniquement le grand cul-de-sac. En effet, l’orifice pylorique a la forme d’une boutonnière séparant l'estomac de l'intestin et s'étend obliquement au-dessous du cardia auquel touche son bord supérieur; les deux orifices sont absolument adjacents, je dirais presque coineident, et la région pylorique fait entièrement défaut. La forme du boyau stomacal est très différente, suivant qu'on l’observe chez un animal à jeun ou gorgé de sang. Dans le premier cas, qui est celui représenté par la figure 13, le dia- mètre est constant dans toute la longueur et un peu supérieur à celui de lintestin, l'estomac est seulement un peu plus étroit dans son demi-centimètre initial, près des orifices car- diaque et pylorique. Au contraire, sur un animal qui a été tué (1) Huxley, loc, cit. 48 H. A. ROBIN. au moment de la digestion, le sang coagulé est accumulé dans la partie terminale de l'estomac dont le diamètre devient alors jusqu’à cinq ou six fois plus grand, il va régulièrement en augmentant du cardia à l’extrémité; ce dernier cas parait être celui observé par M. Huxley. Le tube stomacal est replié trois fois sur lui-même, de façon à former quatre réplis parallèles dont les deux derniers, aux- quels est rattachée la rate, sont beaucoup plus courts. La muqueuse stomacale présente un aspect identique chez iüutes les espèces insectivores; partout elle forme une série de plis assez saillants, plus ou moins serrés les uns contre les autres, qui s'étendent parallèlement depuis l’extrémité du grand cul-de-sac jusqu’au pylore, augmentant considérable- ment la surface sécrétante du suc gastrique ; droits dans toute la région pylorique où ils ne présentent que peu ou pas d’ana- stomoses, ces plis se recroquevillent et s'emmêlent vers l’autre extrémité. [ls se terminent brusquement au pylore, qui tantôt n’est guère marqué que par leur disparition, tantôt au con- traire est limité par un bourrelet circulaire ou valvule pylo- rique assez sallant. Dans l’estomac des Desmodus, on voit encore des plis paral- lèles analogues; mais au lieu de grosses rides épaisses, ce sont des crêtes extrêmement minces et peu saillantes, très ser- rées, réunies par des anastomoses transversales aussi élevées qu'elles-mêmes, de sorte que le tout dessine un treillage aréolaire extrêmement serré et très élégant qui rappelle celui du poumon de certains Reptüles, des Iguanes par exemple. Les rides longitudinales manquent chez l’Artibeus et sont remplacées par des nervures obliques irrégulièrement entre- croisées et peu saillantes. Ces nervures circonscrivent de larges mailles dans lesquelles se rencontrent un grand nombre de petites dépressions non visibles à la surface extérieure. La valvule pylorique est particulièrement accusée chez les Megaderma, Vesperugo, Scotophilus, Garollia, Desmodus: Elle paraît faire entièrement défaut chez tous les Emballonurides. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. À49 La tunique musculaire de l'estomac est constituée, comme dans tout le reste du tube digestif, par une double couche de fibres musculaires de direction croisée ; chez les Roussettes, elles peuvent encore être dites longitudinales et transversales, mais chez les Microchiroptères elles sontobliques dans l’une et l’autre couche. Ces fibres sont lisses comme dans l'intestin, et non striées comme dans l’œsophage. Une épaisse couche de tissu conjonctif les sépare de la muqueuse et s'enfonce dans les plis de celle-ci. Enfin 1l existe une couche musculaire propre de la muqueuse formée elle-même dé fibres obliques. Quant à la muqueuse, son épaisseur chez le Murin est de 0,2 à 0,3; chez la Roussette (Pteropus medius) elle atteint 0%",5 dans le grand cul-de-sac où elle est le plus con- sidérable, elle n’est que de 0°*,95 dans la région cardiaque. Elle est pour ainsi dire uniquement constituée par des glandes en tube serrées les unes contre les autres et séparées par une mince lame conjonctive. Le col de ces glandes, qui forme un peu moins du tiers de leur longueur, est tapissé par des cel- lules prismatiques entremèlées de cellules calyciformes sem- blables à celles de la surface libre de la muqueuse. L’épithé- lium glandulaire est, au contraire, constitué par de grandes cellules cuboïdes. Les cellules pepsinifères (Belegzellen de Heidenhain) sont nombreuses et à peu près également répar- ties sur toute la surface de l’estomac chez le Murin et le Rhinolophus euryale. Chez le Pieropus medius, au contraire, elles sont beaucoup moins abondantes; très rares dans la portion cardiaque, on en trouve davantage dans la portion transversale, spécialement dans la région pylorique. CONCLUSIONS, 1° L’œsophage pénètre constamment sur une certaine lon- gueur dans la cavité abdominale. 2° La muqueuse est-lisse ou ornée de plis longitudinaux parallèles et continue dans toute la longueur de l’œsophage. 3° Il n'existe jamais de valvule cardiaque. 20 HI. A. ROIMIN. 4 L’estomac présente trois types différents : a. Chez les Ptéropodides, il est divisé en deux compar- üments : une portion cardiaque en continuité de direction avec l’œsophage, et une portion transversale dont la région pylorique très allongée est plus ou moins repliée sur elle- même (Cuvier). b. Chez les Harpyia et les Microchiroptères ordinaires, la portion cardiaque fait entièrement défaut, l’estomac est simple etse rattache toujours à la forme de cornemuse ordinaire. chez les Mammifères (Pallas, Guvier). ce. Chez les Desmodiens ou Phyllostomides sanguivores, Le cardia et le pylore coïncident et l’estomac est représenté seu- lement par le grand cul-de-sac qui prend la forme d’un long boyau intestiniforme (Huxley). 9° La muqueuse stomacale présente constamment des plis longitudinaux parallèles réunis par des anastomoses peu nom- breuses chez les Roussettes et les Micrechiroptères insecti- vores, nombreuses et formant un réseau aréolaire extrême- ment serré chez les Desmodiens. Chez les Microchiroptères frugivores, les plis stomacaux sont peu saillants et constituent un réseau à très larges mailles. ÿ 3. — Intestin. Le diamètre du duodénum chez les Roussettes est sensible- ment égal à celui de la région pylorique de l'estomac, de telle sorte qu'à l'extérieur il est souvent difficile de préciser la situation exacte du pylore. Sa direction, du reste, continue celle de l'estomac après la deuxième courbure de celui-ci, et le duodénum présente ainsi une partie transversale située immédiatement au-dessous du foie auquel elle est rattachée par le petitépiploon qui l’enserre entre ses deux feuillets avant d'atteindre l’estomac; puis il descend verticalement le long de la paroi de l’abdomen du côté droit, passe au-dessous de la masse intestinale et remonte du côté gauche presque jusqu’à son point de départ. Dans ce trajet, le duodénum est soutenu par un mésentère ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 51 spécial qui passe en arrière de la masse intestinale et en avant du rectum. Gette disposition n’est pas sans rappeler celle du côlon des Mammifères supérieurs et en ouvrant pour la pre- mière fois l’abdomen d’une Roussette on peut aisément s’y tromper, d'autant plus facilement que dans certains cas, comme chez le Cynonycteris amplexicuudata, le duodénum est de tout l'intestin la partie dont le diamètre est le plus considérable. Au duodénum fait suite une masse intestinale volumineuse et irrégulièrement circonvolutionnée soutenue par un mésen- tère assez court dans l’épaisseur duquel est situé un volumi- neux pancréas d’Aselli. Le rectum se dégage de cette masseau niveau du pancréas) passe en arrière et à gauche de la portion ascendante du duodénum et se rend directement à l'anus. Telle est la disposition générale de l'intestin : elle ne subit que de légères modifications portantsurle plus ou moins grand développement de la branche montante du duodénum. Elle est considérablement réduite ou même absolument indistincte chez les Epomophorus et Hypsignathus; chez l’'Eonycteris, au lieu de contourner la masse intestinale, elle remonte du côté droit et parallèlement à la portion descendante. Dans le genre Harpyia seul, la disposition est très différente et le duodénum se perd au milieu des circonvolutions intestinales presque aussitôt après avoir reçu le canal cholédo-pancréatique. Le régime insectivore des Microchiroptères entraine un raccourcissement de lintestin considérable si on le compare à celui des Roussettes. C’est même, ainsi que nous le verrons, dans ce sous-ordre que se rencontrent les Mammifères dont le tube intestinal est le plus court, proportionnellement à la longueur du corps. On peut donc s’attendre à rencontrer une très grande simplicité dans la disposition des circonvolutions intestinales ; c’est en effet ce qui a lieu. Partout le duodénum présente ia même disposition que chez les Roussettes, c’est-à-dire se dirige d’abord horizontalement de gauche à droite immédiatement au-dessous du foie, descend dans la fosse iliaque droite et souvent remonte vers son point de départ, contournent ainsi la masse intestinale et l’envelop- ANN. SC. NAT., ZOOL., NOVEMBRE 1851. XII. 11. — ART. N° 9, 52 HE. A. ROIEN. pant, comme d’un voile, du repli mésentérique qui lesoutient. Le rectum se dégage de la masse intestinale à sa partie posté- rieure et se porte du côté droit pour gagner l'anus. La masse intestinale elle-même, si je puis donner ce nom à quelques circonvolutions dont on embrasse souvent l’agen- cement au premier coup d'œil, a une disposition à peu près consiante dans un même genre, mais sans relations avec les divisions naturelles d'ordre plus élevé. C’est pourquoi je ne m'arrêterai pas à la décrire dans son détail. D'ordinaire, on peut ramener l'intestin tout entier à une anse enroulée sur elle-même et comme pelotonnée autour d’un centre commun, mais nulle part, même chez le Vesperuge Kuhlii qui est l’espèce la plus typique sous ce rapport, la régu- larité n’est parfaite. La plupart du temps, l'inégalité des deux branches de l’anse produit des replis secondaires qui masquent la disposition générale. En passant par exemple du Vesperugo Kuhlii au V. serotinus ou au Scotophilus Temminchii, on se rend parfaitement compte de ces variations. Quelquefois il est impossible cependant de reconnaître dans la masse intestinale une anse repliée sur elle-même ; c’est par exemple le cas des Vespertülions, de-beaucoup de Phyllostomi- des et en général de la plupart des espèces où le duodénum se perd dans la masse intestinale immédiatement après sa portion descendante. Alors l'intestin forme une série de replis trans- versaux plus ou moins parallèles entire eux. Chez le Desmodus seulement, ces replis sont longitudinaux, l'intestin remontant parallèlement à la portion ane ndn res du duodénum pour redescendre et remonter ainsi à plusieurs reprises. Les replis parallèles très réguliers ainsi constitués sont refoulés du côté droit de la cavité abdominale, les circon- volutions de l’estomac occupant la partie gauche. Le diamètre du tube intestinal, pas plus que son agence- ment, ne permet de reconnaître un intestin grêle et un gros intestin. Au contraire, chez beaucoup de Roussettes, le calibre du duodénum est supérieur à celui de tout le reste de l’intestin, sauf peut-être de la partie terminale du rectum ; cette diffé- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 55 rence est particulièrement sensible chez lHypsignathus, l'Epomophorus et le Cynonycteris, où le diamètre du duodé- num est de 7 millimètres et de 5 millimètres, tandis que celw de l'intestin n’est que de 4 et de 3 millimètres. Je ne donne, du reste, ces chiffres que pour montrer les rapports des dimen- sions et non Comme représentant des mesures réelles et con- stantes. Le diamètre de l'intestin varieen effet dans des limites considérables avec le degré de réplétion de cet organe et chez les animaux conservés dans l’esprit-de-vin, il est souvent mo- difié par un dégagement de gaz dû à un commencement de putréfaction qui se produit avant que l'animal ne soit suffi- samment imprégné d’alcool ; aussi je ne crois pas devoir don- ner le tableau des mesures prises dans les divers cas, Chez les Microchiroptères, l’uniformité de calibre est plus grande et le duodénum même ne diffère en rien du reste du tube intestinal ; le rectum se renfle un peu dans sa portion terminale, mais d’une manière peu sensible et si graduelle qu’il est impossible de fixer le point où commence l’augmen- tation de diamètre. Dans un seul cas, chez le Desmodus rufus, la partie qui cor- respond au gros intestin est d’un tiers plus large que l'intestin grêle, le passage est très rapide sans être brusque et il n’exisie du reste aucune trace d’appendice cæcal. Mais si l’uniformité du calibre du tube intestinal et l’absence d’un cæcum rendent d'ordinaire impossible l'établissement d’une démarcation entre les deux parties qui composent nor- malement l'intestin des Mammifères, 1l est deux exceptions signalées par M. R. Owen (1) dans lesquelles on trouve un rudiment de cæcum. Ces cas sont ceux du Megaderma spasma et du Rhinopoma microphyllum (Rh. Hardwickii de M. Owen). D'un autre côté, la structure de la muqueuse est différente et, en partant de l'étude de ces deux espèces où la délimitation est établie d’une manière précise, il nous sera possible de recon- naïtre partout ce qui correspond au gros intestin. (1) Owen. Loc. cit. 54 H,. A. ROPIN. M. Dobson (1) n’a retrouvé le cæcum du Rhiropoma chez au- cun des individus qu’il aobservés, etchezle Megadermaspasma, il a bien rencontré, à environ © centimètres de l'anus, un petit appendice long de 3 millimètres, et ressemblant à un cæcum, mais sans orifice communiquant avec l'intestin. J'ai été plus heureux et J'ai pu, dans l’un et l’autre cas, vé- rifier l’exactitude des observations de M. Owen; mais je dois dire que les dimensions qu’il a trouvées au cæcum (un demi- pouce) me paraissent très exagérées, surtout dans le cas du Mégaderme. Chez le Rhinopoma, (fig. 14), le cæcum est un appendice en doigt de gant long d'environ 3 millimètres, aplati et accolé à l’intestin grêle, de sorte que l’un et l’autre continuent la direction du gros intestin qui semble s’être di- visé en deux branches d’inégale importance. Un léger étran- glement coïncide avec l’origine de cet appendice, mais de part et d'autre 1 n'existe aucune différence appréciable dans le dia- mètre de l’intestin. La siruciure de la muqueuse est, au contraire, très diffé- rente en decà et au delà du cæcum. Dans l'intestin grêle, la muqueuse est hérissée de villosités très serrées ; dans le gros intestin, elle présente des rides longitudinales saillantes, paral- lèles dans toute leur longueur. Quelques-unes naissent au fond du cæcum, d’autres apparaissent brusquement au pourtour de l’étranglement iléo-cæcal, toutes disparaissent un à deux millimètres avant l’anus. [l n’existe pas de trace de valvule iléo-cæcale. La cavité du cæcum est extrêmement réduite et n’a aucune importance physiologique, ce n’est qu’un de ces iémoins morphologiques que le naturaliste est habitué à ren- contrer chez des êtres que l'adaptation à certaines conditions d'existence éloigne du plan d'organisation primitif. Chez le Mégaderme, le cæcum est encore plus réduit et m'aurait probablement échappésansla description de M. Owen. Fi n’a été impossible de le trouver sur un des trois individus que j'ai disséqués. Dans les deux autres cas (fig. 45), il s’est (4) Dobson. Loc. cit. Introduction, p. xx1v. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 55 présenté comme une simple bosselure latérale, saillante d’un millimètre seulement, du fond de laquelle partent une partie des rides du gros intestin. C’est dire que sa cavité communique largement avec la cavité intestinale. Non seulement il n’existe pas de valvule, mais il n’y a pas même d’étranglement nette- ment apparent. Dans l’un et l’autre cas, la brièveté du gros intestin est re- marquable, il est réduit au rectum. Sa longueur est seulement de 48 millimètres chez le Mégaderme et de 45 millimètres chez e Rhinopoma. = Dans toutes les autres espèces, la structure de la muqueuse permet de distinguer les deux parties du tube intestinal. L’intestin grêle dans toute sa longueur est revêtu de villosités, quelquefois plus longues et plus serrées dans le duodénum (chez la plupart des Roussettes), rarement dans la partie moyenne (Æhynchonycteris naso). Dans certains cas, les villo- sités libres dans leur partie terminale sont soudées dans leur partie inférieure de façon à dessiner un réticulum, très visible dans la portion moyenne de l'intestin des Æhinolophus. Chez le Noctilio, les aréoles allongées transversalement ainsi consti- tuées se correspondent en files longitudinales régulières, ce qui donne à la muqueuse intestinale un aspect très particulier. Le gros Intestin est caractérisé par ses rides longitudinales parallèles. Dans la majorité des eas, ces rides apparaissent brusquement et la délimitation est très nette, par exemple, chez le Cynonycteris parmi les Mégachiroptères, les Rhinolo- phes parmi les Microchiroptères ; mais souvent aussi elles s'élèvent peu à peu et comme les villosités se continuent à leur surface, bien que plus courtes et de moins en moins serrées jusqu'à ce qu’elles disparaissent, 11 est impossible de préciser le point où commence le gros intestin (Noctilio, Molossus, Artibeus). Chez queiques Mégachiroptères même (ypsignathus monstrosus), il semble que les villosités se dis- posent peu à peu régulièrement et s’ordonnent en files longi- tudinales, quisont les premiers indices des rides dugrosintestin. Gelles-e1 se terminent toujours un peu avant l'anus, laissan 56 H. A. ROBIN. libre un espace lisse, très réduit la plupart du temps, assez important (4 à 5 millimètres) chez certains Phyllostomides, comme le Carollia, V'Artibeus, etc. Dans les deux exemplaires de Desmodus que j'aieus à ma disposition, la muqueuse intestinale n’était pas conservée ; il serait intéressant de savoir si les nombreuses modifications imprimées par le régime sanguivore au tube digestif Ru cette muqueuse. Chez tous les Microchiroptères, ainsi que Île montre le tableau placé à la fin de ce paragraphe, le gros intestin est très court (25 millimètres au plus) et, comme dans les deux espèces pourvues d’un cæcum, réduit, ou à peu près, au rectum, c’est- à-dire à la partie qui se dégage de la masse intestinale pour se porter en ligne droite à l’anus. Dans le sous-ordre des Mégachiroptères, il est plus lon et circonvolutionné dans sa partie initiale. Les villosités, très réduites du reste, se continuent entre les plis longitudinaux ou à leur surface dans la partie circonvolutionnée, tandis que la muqueuse du rectum est entièrement lisse. Tableau des dimensions relatives des différentes parties du tube digestif et de leurs rapports avec la longueur du corps de Panimal (1). | RE a [RAPPORT RAPPORT Se 5 Ë Ep 5 la none lal ® + = 5 5. ia se du corps. À ; m m m m mi à Pieropus rubricailis......... 0,05910,042| ‘0,98 4,12 411 À Cynonycieris amplexicaudaia. |0,05310,05 0,68 447 3/87 t Hypsignathus monstrosus.... |0,04510,041| 4,15 5,31 5 | Epomophorus complus......…. 0,058 10,033 0,80 4,91 PATTREL] | Éonycteris Spelet. 1... 2:58: 0,0% 10,032! 0,35 3,20? | 2,66 ! à Harpyia cephalotes......... 0,037,0,005! 0,46 ? 3,847 | 3,53? | ! Rhinolophus hipposideros.... |0,01710,008 0,083 2,2 1,66 À ! Rhinolophus ferrum-equinum. |0,02910,011| 0,19 2,8 DO j Phyllorhina diadema....... 0,03410,0171 0,24 2,36 2 (1) Mesurée de l’extrémité du müseau à l’origine de la queue. (2) Mesurée du cardia au pylore, sans tenir compte du grand cul-de-sac. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES, 57 RAPPOR TIR APPORT En 2 = =) Hi): gen ES RE RE sun bi 8 3 Ë 5 du So due0rps m m m1 m Megaderma spasma......... 0,028 0,007 0, 10 10,015] 1,87 | 1,44 : Nycteris thebaïca..... ++ «+. [0,02110,004! 0,115 2,15 176 Vespertilio murinus......... 0,04110,006! 0,255 3,95 2,16 | Vespertilio mystacinus...... 0,023,0,004| 0,130 2,85 231 | Atalapha noveboracensis…... 10,02310,004! 0,08 1,18 1,33 à Vesperugo serotinus......... 0,03410,00910,15 [0,012] 2,4 9 | Vesperugo Kuhlii.….......... 0,02110,005| * 0,090 4 1,9 1 Scotophilus Temminchü..... 10,035 0,008 0,20 2,6 2:47 | Synotus barbastellus ........ 0,02810,0041 0,125 2,68 9.93 L'Plécotus qurilusi. 3252. 0,02310,003! 0,120 3 9.5 | Miniopterus Schreibeirsii.... |0,030/0,004! 0,130 2,35 ‘| 419 Emballonura nigrescens..... 0,01610,902! 0,07 1,87 1,45 { Saccopteriæ plicata..... ….. |0,01610,003/0,07510,015! 1,8 4,5 i Rhynchonycteris naso....... 0,01810,003,0,10510,015| 2,9 2,29 | Taphozous melanopogon..... ‘10,030/0,009/0,19510,025! 2,67 2,26 | Noctilio leporinus.. ........ 0,034|0,009 0,20 2,5 2,17 | Rhinopoma microphyllum. . . [0,02310,00410,05 10,015! 1,16 0,84 | Nyctinomus plicatus........ ï 6 » 9,78 2,31 | Nyctinomus brasiliensis..... 0,02310,004 ” 0,130 1 2,28 1,85 | Cheiromeles torquatus....... 0,03510,040! 0,340 2,53 2,26 1 Phyllostoma hastatum....... 0,05210,007| 0,420 3 9 | Macrotus Waterhousii....... 0,03410,005! 0,145 2,5 2 1 Garollia brevicauda......... 0,02510,007|/ 0,150 2,4 9 ! Glossophaga soricina. ....... 0,02810,003/ 0,100 9 4,58 IMDESMOUUS TUIUST ST ST 0,040! O ! 0,2% 32 2,8 3; 41 Artibeus perspicillatus. ..... 0,03310,00810,44010,022| 4 La tunique musculaire de l’intestin est formée, comme dans l'estomac, de déux couches, l’une externe de fibres longitudi- nales, l’autre interne de fibres transversales. Ces deux couches, d’un développement uniforme dans presque toute la longueur du tube intestinal, augmentent notablement d'épaisseur dans le rectum. Cette pantiéularité est surtout remarquable chez la Roussette, où les fibres longitudinales, au lieu de former une couche uniforme sur toute la périphérie du tube rectal, tendent à seréunir en colonnes musculaires très irrégulières. En même temps, une quantité notable de tissu conjonctif s’interpose entre elles et les fibres circulaires. La couche musculaire propre de la muqueuse subit eile- 58 H. A. ROBIN. même, chez la Roussette du moins, un accroissement du même genre, et épaisse seulement d'environ 42 à 15 x dans tout l'intestin grêle, elle varie dans le rectum entre 20 et 45 p. La muqueuse dont nous avons décrit les divers aspects est tapissée, tant à la surface des villosités que dans les enfonce- ments tubulaires qui les séparent et que l’on peut considérer comme des glandes de Lieberkühn, par un épithélium prisma- tique, formé de cellules columnaires, longues et étroites, à gros noyau central, entremêlées de cellules calyciformes. L’abondance de ces dernières est très variable, suivant les in- dividus et sans doute suivant les circonstances physiologiques, et il m'est arrivé, sur quelques préparations, de trouver l’épi- thélium entièrement constitué par des éléments de ce genre. Dans le gros intestin, les villosités font défaut, mais les glandes sont tout aussi serrées que dans l'intestin grêle. L’épithélium est analogue : chez le Péeropus, cependant, il est notablement moins épais (45 à 18 maulieu de25 p). CONCLUSIONS 4° La disposition du duodénum contournant, du côté droit, la masse intestinale et l’enveloppant plus ou moins complète- ment de son mésentère, est générale chez les Chiroptères, le Harpyia fait seul exception; 2° Le cæcum fait toujours défaut, sauf dans les genres Rhi- nopoma et Megaderma où il en existe un très petit (Owen); dans tous les cas, il n’y a jamais de valvule iléocæcale; 3° Cependant, la structure de la muqueuse, villeuse en avant du rudiment de cæcum quand il existe, ornée de plis longitudinaux en arrière, permet toujours de distinguer. morphologiquement un gros intestin et un intestin grêle plus ou moins nettement délimités; # Le gros intestin est extrèmement court et représenté seu- lement par le rectum chez les Microchiroptères; il est un peu plus allongé dans le sous-ordre des Mégachiroptères ; 5° L’intestin est toujours relativement très court, même chez ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 59 les Chiroptères frugivores. Il subit, du reste, les variations de © ) longueur habituelles, selon que le régime est animal ou végétal. C’est parmiles Microchiroptères quese rencontrent les Mam- . P 0] L mifères dont l’intestin est le plus court; souvent il n’est que d’une fois et demie la longueur du corps, mesurée de l’ex- © 2 trémité du museau à l’origine de la queue, et, chez le Rhino- poma microphyllum, 11 n’égale pas même cette longueur. $ 4. — Glandes salivaires. Chez tous les Chiroptères, il existe, comme l’a vu Cuvier, outre les follicules buccaux des glandes parotides, sous- maxillaires et sublinguales plus ou moins développées. Les sublinguales sont quelquefois assez réduites, mais dans aucun des types que j'ai étudiés, elles ne font défaut, comme Meckel pensait que c'était le cas pour l’ordre tout entier. Outre ces grosses glandes, il existe souvent, dans l'épaisseur de la lèvre inférieure, une glande labiale assez importante. La glande molaire n’est représentée que par quelques follicules. MÉGACHIROPTÈRES. — Les glandes salivaires sont en général plus développées chez les Roussettes que chez les Microchi- roptères insectivores ; les sublinguales en particulier, qui, dans le dernier sous-ordre, sont souvent très réduites, atteignent ici un volume notable et peuvent former deux masses qui se rencontrent sur la ligne médiane, derrière la symphyse maxil- laire constituant une sorte de fer à cheval glandulaire qui tapisse la plus grande partie du maxillaire inférieur. Les paro- tides et les sous-maxillaires sont aussi très volumineuses et chez tous les genres que j'ai étudiés, à l'exception du genre Harpyia qui, sous ce rapport comme sous tant d’autres, diffère du reste des Ptéropodides, il existe, de chaque côté, deux sous- maxillaires entièrement distinctes. Cependant, dans quelques cas, comme chez les Pferopus, le volume de ces deux glandes réunies est inférieur à celui de la parotide : le cas contraire se présente chez le Cynopterus et le Cynonycteris. Les glandes sont entièrement séparées et en quelque sorte étagées le long du cou chez l’Hypsignatus monstrosus, les deux sous-maxillaires 60 H. 4. ROBIN. s’accolent chez les Pieropus et dans les genres où le cou est très court, comme les Cynopterus et les Cynonycteris, la paro- tide et les sous-maxiliaires forment une masse unique. Chez le Cynonycteris amplexicaudata, cette masse s’étend depuis la branche montante du maxillaire inférieur jusqu’à l'épaule et rejoint sa congénère sur la ligne médiane dorsale, formant ainsi au cou une ceinture glandulaire presque com- plète. Les parties constituantes en sont intimement intriquées ét une dissection minutieuse est nécessaire pour reconnaître leur nature. La parotide forme environ le tiers de la masse totale dont elle occupe la partie supérieure et antérieure: elle se divise en trois lobes principaux, disposés comme les folioles d’une feuille de trèfle, entre lesquels naît le canal de Sténon ; celui-ci se dirige horizontalement, contourne le masséter, suit le bord du muscle orbiculaire des lèvres, puis, s’infléchissant subitement à angle droit, va S’ouvrir à l'extrémité du bourrelet labial dont nous avons parlé. Des deux glandes sous-maxillaires, la plus importante est celle que sa situation ventrale permet de désigner sous le nom de sous-maxillaire inférieure, son volume surpasse sensiblement celui de la parotide; deux de ses lobes s'appuient sur l'épaule, deux ou trois autres petits lobes s’in- sèrent du côté ventral de son canal, le côté dorsal étant adjacent à la glande sous-maxillaire supérieure. Celle-ci, de moitié plus petite que la précédente, la sépare de la parotide et comprend un lobe terminal assez volumineux, et une série de lobules étagés Le long de son canal excréteur qui s’avancent comme une sorte de promontoire formant langle imféro-antérieur de la masse glandulaire. Les deux’canaux, accolés dans toute leur longueur, passent sous le muscle digasitrique, cheminent d’abord à là face interne de la glande sublinguale, puis pé- nètrent dans sa masse et vont: s'ouvrir à la face inférieure d’un barbilon bifide par deux orifices distincts, mais extrême- ment rapprochés, eten quelque sorte situés dansune dépression unique. Les sublinguales constituent deux masses volumi- neuses accolées à la moitié antérieure de la mandibule et se rejoignant sur la ligne médiane. Elles se divisent en une grande ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 61 quantité de très petits lobules, et s’ouvrent sur le plancher de la cavité buccale par un grand nombre de canaux; l’un des lobes, situé à la face externe de la glande, le long du maxil- laire, se laisse distinguer par son volume relativement consi- dérable et la longueur de son canal spécial. Dans le genre Cynopterus, le cou est encore couvert de chaque côté par une masse glandulaire constituée par la parotide et la sous-maxillaire, mais ces glandes sont relative- ment moins développées et leur intrication est beaucoup moins considérable. La masse de forme plus raccourcie chez le C. Scherzeri, plus allongée chez le C. Jagoru, s'appuie encore sur l’épaule depuis Porigine du muscle sterno-mastoïdien jusque près de la ligne médiane du dos qu’elle n’atteint cepen- dant pas et s'avance jusqu’à un demi-centimètre en avant du méat auditif. La parotide est plus développée que les sous- maxillaires, l’origine du canal de Sténon la divise en deux lobes, l’un supérieur de forme semi-lunaire, plus allongé, l’autre inférieur, subcirculaire, correspondant à la moitié anté- rieure du précédent et replié sous l'angle de la mâchoire. Le canal de Sténon croise obliquement le masséter et va débou- cher en face de la canine dans une papille peu saillante. Les sous-maxillaires sont plus inégales encore que chez le Cynonycteris, la supérieure accolée à la partie posté- rieure du lobe supérieur de la parotide est très réduite et divisée en nombreux petits lobes. | Les sublinguales forment deux bandes allongées qui nais- sent près de l’angle de la mâchoire, sous l’insertion du musele digastrique et vont en s’amincissant se terminer uh peu en ar- rière de la symphyse maxillaire. L’Eonycteris spelæa présente une disposition analogue, ce- pendant les masses glandulaires tendent à se rejoindre sur la ligne médiane ventrale en passant sous les muscles sterno- hyoïdiens plutôt que sur le dos. La parotide a la même forme que chez le Cynopterus, mais ses lobes sont plus inégaux encore; le supérieur très allongé s’étend de la branche mon- tante du maxillaire inférieur à l'épaule, son bord supérieur 62 H. A. ROBIN. est tranchant et arrondi, le bord inférieur adjacent au reste de la masse glandulaire est, au contraire, droit et épais; le lobe inférieur est beaucoup plus petit et accalé seulement au tiers antérieur du précédent. Le canal de Sténon contourne le masséter et va s'ouvrir en face de la canine. Les sous-maxillaires sont très lobulées et de volume à peu près égal ; on distingue dans chacune trois lobes principaux, le dernier lobe de la sous-maxillaire inférieure s’enfonce sous le muscle sterno-hyoïdien et rejoint presque son congénère. Les deux canaux sont intimement accolés et réunis par une gaine conjonctive très résistante. Les sublinguales sont peu AS clope et se touchent à peine sur la ligne médiane. | Le côté du cou est encore recouvert de l’'Epomophorus comptus par une masse glandulaire unique, plus complexe même que dans le cas précédent, car aux glandes salivaires viennent s’adjoindre des glandes de l’hibernation assez volu- mineuses et dont le rôle est difficile à expliquer chez des animaux qui habitent l'Afrique équatoriale. Ces glandes se distinguent, du reste (fig. 2), des glandes salivaires par leur Bcetiote et leur aspect nacré. La parotide constitue la moitié de la masse salivaire, elle est arrondie ou irrégulièrement quadrilatère, son angle posté- rieur et inférieur se continue en un prolongement volumineux qui recouvre la partie antérieure de la sous-maxillaire infé- rieure et la sous-maxillaire supérieure entière. Celle-ci est, en effet, très réduite et située dans l’espace compris entre la parotide et le muscle digastrique en dehors, le sterno-mastoï- dien et le stylo-glosse en dedans. La sous-maxillaire inférieure quatre fois plus développée est seulement accolée à la précé- dente et située plus en arrière, elle est linguiforme et recouvre tout le côté du cou jusqu’à l'épaule. Chez le Pteropus rubricollis (fig. 1), le cou est plus allongé et la parotide séparée des sous-maxillaires. Elle se présente sous la forme d’une glande aplatie, quadrilatère ou plutôt losangique, située derrière la branche montante du maxil- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÉRES. 63 laire, son angle postérieur se prolonge en un lobe, accolé aux canaux des sous-maxillaires, qui arrive en contact avec ces glandes, mais les touche à peine de son extrémité. Le canal de Sténon apparaît à l’angle antérieur et à la face externe de la glande, contourne le masséter en suivant à peu près son insertion mandibulaire, puis se dirige horizontalement le long de l’orbiculaire des lèvres qu’il traverse pour aller s’ouvrir en face de la canine, au sommet d’une papille très saillante et continuée postérieurement en un bourrelet atténué. Chez le Pt. medius, le canal croise le masséter et débouche entre la canine et la première molaire sur une papille conique isolée. Les sous-maxillaires, de volume à peu près égal à celui de la parotide, constituent une masse en forme de cône aplati dont la base est appuyée sur l'épaule et dont le sommet atteint à peine le milieu du cou. La sous-maxillaire inférieure com- prend un lobe principal, étendu transversalement sur l'épaule, qui forme la base du cône glanduleux, et un lobe antérieur, accolé au bord inférieur de son canal ; la sous-maxillaire supé- rieure, qui constitue la partie antéro-supérieure de la masse, se subdivise en quatre lobes, dont trois superficiels et un profond. Les canaux de calibre peu différent passent sous la parotide et le muscle digastrique pour aller s’ouvrir à la face inférieure du barbillon par deux pores très distincts (fig. 3). Les sublinguales accolées à la moitié antérieure de la face interne du maxillaire sont très étroites en arrière, renflées, au contraire, en avant du frein dela langue, et viennent s’accoler en ce point. | L'Hypsignathus monstrosus, bien que rappelant l’Epomo- phorus par l'existence des glandes de l’hibernation, se dis- tingue de toutes les espèces précédentes en ce que les glandes sont entièrement séparées les unes des autres et étagées le long du cou. La parotide est plus volumineuse que nulle part ailleurs, non pas qu’elle soit plus étendue, mais parce que son épais- seur est considérable et qu’elle présente un aspect gibbeux et compact qui contraste avec l'apparence foliacée de la même 64 H. A. ROBIN. glande chez les autres Roussettes. Elle se divise en un lobe postérieur transversal et deux lobes antérieurs, entre lesquels nait le canal de Siénon. Ce canal énorme, d’un diamètre de plus d'un millimètre, suit le bord antérieur du masséter, pénètre dans la lèvre et va s’ouvrir au sommet d’une énorme papille triangulaire, beaucoup plus saillante que chez l’Epo- mophorus et située un peu plus en arrière. La sous-maxillaire inférieure, pyriforme et trois fois plus petite que la précédente, s'appuie sur l’épaule en dehors des glandes de l’hibernation, un gros ganglion lymphatique est accolé à son sommet. La sous-maxillaire supérieure située plus en avant est d’un volume un peu moindre, mais surtout d’une texture moins compacte, moins consistante et de cou- leur moins blanchâtre; elle est placée sous l’extrémité du muscle digastrique qui la divise en deux lobes principaux et touche l’angle de la mâchoire. Les canaux des deux glandes sont accolés depuis l’origine du dernier jusqu’au barbillon. Les sublinguales sont très développées, mais rejetées en avant. Elles ne commencent guère que vers le milieu de la longueur de la mandibule, mais elles occupent toute la partie du plancher buccal située en avant du frein de la langue et sont là accolées sur une longueur de près de À centimètre. Le Harpyia cephalotes, si différent des autres Roussettes par la plupart de ses caractères anatomiques, paraît ne présenter qu’une seule glande sous-maxillaire. Au moins m’a-t-il été impossible d’en reconnaître deux sur l’exemplaire unique dont j'ai pu disposer. La sous-maxillaire est accolée à la parotide, dont elle semble à première vue être le lobe postérieur : c’est une glande globuleuse, allongée transversalement ; appuyée sur l'épaule dont le canal contourne la parotide, elle va passer sous le digastrique et s'ouvre comme d'habitude à la face infé- rieure d’un barbillon. | La parotide, deux fois plus volumineuse que la sous-maxil- laire, de forme arrondie un peu atténuée en arrière, donne naissance à sa face interne à un canal qui va s'ouvrir près du bord de la lèvre supérieure tout en avant de la bouche, entre la ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 65 canine et l’incisive unique, sur une papille qui se distingue à peine des nombreux odontoides dont est hérissée la muqueuse labiale. Les glandes sublinguales forment, tout le long du maxil- laire, une bande très mince en arrière, plus renflée en avant, où elle vient setermineren genou ens’adossant à sa congénère. ._ MIcROCHIROPTÈRES. — Chez tous les Microchiroptères, les glandes salivaires sont d'ordinaire beaucoup plus réduites que chez les Ptéropodides, et nulle part on ne rencontre une masse glandulaire unique entourant presque le cou tout entier, comme nous l’avons souvent observé dans le sous-ordre pré- cédent. Les glandes sublinguales sont très variables en volume dans des genres voisins. Les sous-maxillaires, généralement doubles, sont quelquefois simples, ou du moins je n’ai pu re- connaître deux de ces organes chez certaines espèces. Les glandes de l'hibernation sont au contraire bien déve- loppées, occupent toute la partie inférieure du cou et recou- vrent même en partie les glandes salivaires, dont elles se dis- tinguent du reste nettement par leur couleur rouge vineux et re peu de compacité. Rhinolophides. — Dans le genre Rhinolaphus, la parotide et les sous-maxillaires accolées par un point forment, au-dessus du méatauditif et eri arrière de la branche montanie du maxil- laire inférieur, une masse glandulaire, allongée verticalement, échancrée en avant vers son milieu par une apophyse mastoïde très saillante ; cette échancrure indique la limite entre la pa- rotide et les Sn le es. Chez le Rh. hipposideros et le Rh. euryale, la parotide est un peu moins volumineuse que les sous-maxillaires, elle pré- sente la forme d’un rectangle allongé dans le sens antéro- postérieur et contournant le bord inférieur du conduit auditif; son angle antéro-supérieur forme un processus linguiforme d’où se Moule canal de Sténon. La masse de la glande est divisée -en lobules très petits, qui la distinguent de la sous- maxillaire dont les lobes sont plus gros et l'aspect plus com- pact. Le-canal de Sténon croise le masséter. et va déboucher 66 HE, A. ROBIN. près du bord de la lèvre supérieure sur une papille assez sail- lante en face de la première molaire. Les sous-maxillaires, plus compacts que la parotide, consti- tuent une masse triangulaire située entre le larynx, le muscle -sterno-mastoïdien et le muscle mylo-hyoïdien ; l’une, la sous- maxillaire inférieure, de beaucoup la plus volumimeuse, est superficielle, l’autre située plus profondément, est réduite à quelques lobules ; les deux canaux accolés passent sous les muscles digastrique et mylo-hyoïdien, et suivent le génio-hyoï- dien pour se terminer de chaque côté dans un La spécial bifurqué. Les glandes sublinguales très réduites forment deux petites masses accolées, situées sous le plancher buccal en avant du frein de la Janet) Chez le Rh. on la glande darotile est plus dé- veloppée proportionnellement à la sous-maxillaire et de forme plus raccourcie ; la disposition générale de la glande et de son canal est du reste la même. La sous-maxillaire est unique ; il m’a du moins été impossi- ble, après des dissections répétées, de trouver deux canaux de Wharton. Deux ou trois petits lobulesisolés, insérés sur le bord supérieur du canal unique après qu'il s’est dégagé de la masse de la glande, représentent peut-être la sous-maxillaire supé- rieure absente comme organe distinct. Le calibre du canal qui suit sa direction ordinaire est d’ailleurs considérable. Les sublingualés, réduites comme dans les autres espèces du même genre, sont accolées derrière la symphyse maxillaire. Chez les Phyllorhina, la disposition générale des masses glandulaires est sensiblement la même ; la parotide est cepen- dant beaucoup plus développée et surtout plus étalée propor- tionnellement à la sous-maxillaire. Elle forme une plaque quadrilatère assez peu épaisse au-dessous du méat auditif et son canal va déboucher au sommet d’une papille saillante et comprimée près du bord de la lèvre en face de la canine chez le Ph. armigera, de la première molaire chez le PA. diadema, de la troisième molaire chez le Ph. Gommersonii. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. Mais le fait le plus intéressant présenté par ce genre est la réunion des deux canaux de Wharton en un seul un peu avant leur terminaison, fait qui montre que la sous-maxillaire acces- soire est bien une sous-maxiilaire et répond au lobe qui chez beaucoup d’autres Mammifères est isolé près de la terminai- son du canal de Wharton. En effet, lorsque l’on découvre les glandes salivaires du Ph. Comnmersont, on aperçoit une glande sous-maxillaire unique, compacte, formée de deux lobes massifs et adhérents à la parotide dont l’angle antéro-inférieur recouvre sa partie antérieure et l’origine de son canal. En avant, le long des deux tiers inférieurs de la mandibule s’étend une bande glandulaire (fig. 4) dont l'aspect rappelle entière- ment les sublinguales d’une Roussette. Mais une dissection plus attentive montre bientôt que la moitié postérieure de cette bande d'apparence sublinguale émet un canal qui s’accole au bord supérieur du canal de Wharton et le suit pour s’y réunir un millimètre environ avant le point où il pénètre dans le bar- billon à la face inférieure duquel 1l va déboucher. Nous avons donc ici affaire à un lobe de la sous-maxillaire unique qui re- présente la sous-maxillaire supérieure des espèces où la glande est double. Chez le Ph. armigera, le lobe accessoire, beaucoup plus réduit, n’est plus situé en arrière de la sublinguale, mais à sa face interne. Il en est de même chez le P. diadema, où l’intrication entre les deux glandes est plus grande encore. Dans ces deux espèces quelques très petits lobules s’accolent au bord supérieur du canal de Wharton dans son tiers posté- rieur immédiatement après sa sortie de la glande principale. Les sublinguales vraies sont toujours beaucoup plus déve- loppées que dans le genre Rhinolophus. Nyctérides.— Le genre Megaderma qui appartient à la famille des Nyctérides se rapproche beaucoup des Phyllorhina par la constitution de son appareil salivaire. On peut dire qu’un Mé- gaderme est un Phyllorhina sans le lobe accessoire de la sous- maxillaire. Chez le Megaderma spasma, en eftet, la parotide forme une plaque très aplatie, de forme irrégulière, divisée en lobules ex- ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1881. XII. 12. — ART. N° 2. 68 FM, A. ROBIN. trêmement fins qui entoure la partie inférieure du conduit auditif et s'étend depuis le milieu de l’arcade zygomatique jusqu’à la nuque ; son canal suit l'insertion du masséter et va s'ouvrir près du bord de la lèvre supérieure par un pore très étroit dont la situation n’est marquée à l’extérieur par aueune papille. | La sous-maxillaire unique recouvrant le muscle digastrique et en partie l'extrémité du sterno-mastoïdien est gibbeuse et présente de gros lobes arrondis et nettement distincts contras- tant avec l'aspect grenu de la parotide à laquelle elle est con- tiguë. Elle possède un gros lobe terminal volumineux et deux autres un peu plus petits. Son canal se dirige d’abord en arrière pour passer sous le digastrique, puis suit le trajet ordinaire et va déboucher à la face inférieure d’un barbillon pair et terminé en pointe. La sublinguale est très développée et formeune bande étroite le long de la mortié antérieure de la mandibule. Des glandes labiales très développées déversent leurs pro- duits entre la lèvre inférieure et la gencive, au fond du sillon labial. Le genre Nycteris (N. thebaica, N. Revoilii) se rapproche davantage des Rhinolophes; le développement plus considé- rable des sublinguales le rattache cependant aux Mégadermes. La parotide, beaucoup plus épaisse que dans les genres précé- dents, forme au-dessous du méat auditif et en arrière du mas- séter une masse régulièrement rectangulaire, plus étroite chez le N. Revoitii que chezle N. thebaïca; son canal vient déboucher en face de la canine de même que chez les Mégadermes. Il existe deux sous-maxillaires : l’une, plus volumineuse, dé- primée, triangulaire, et divisée en un grand nombre de lo- bules, accolée à l’angle de la mâchoire; l’autre, plus petite et également très lobée, située sous l’hyoïde en avant des am- poules cartilagineuses du larynx. Les deux canaux sont ac- colés et distincts dans toute leur longueur. Les sublinguales sont séparées en avant par ces canaux et quelques fibres musculaires ; elles s'étendent le long du tiers ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 69 antérieur de la mandibule et ont à peu près un volume double de celui qu’elles présentent chez les Rhmolophes. Vespertilionides. — Dans la famille des Vespertilionides, la disposition des glandes salivaires est remarquablement con- stante ; dans toutes les espèces que j'ai étudiées, j'ai trouvé les sous-maxillaires doubles, les canaux étant distincts dans toute leur longueur et se réunissant seulement au point même où ils s'ouvrent dans la bouche par deux pores très rapprochés, au point de sembler souvent former un pore unique situé à la base du barbillon. Je décrirai d’abord et comme type la Sérotine (Vesperugo serotinus), chez laquelle les glandes qui nous occupent sont particulièrement compactes et bien développées. Dans cette espèce, les sous-maxillaires et les parotides se touchent à peine ; elles sont séparées par les glandes de lhi- bernation qui, plus compactes que d'ordinaire, peuvent dans quelques cas, sur des animaux conservés, être confondues avec les glandes salivaires et donner l’idée d’une masse glandulaire, couvrant les côtés du cou, comme cela existe chez les Roussettes; la dissection fait vite justice de cette apparence. La parotide forme au-dessous du conduit auditif une masse rectangulaire assez épaisse et divisée en une multitude de lo- bules, qui recouvre l'insertion supérieure du muscle sterno- mastoidien sur lequel se moule sa face interne. Le canal de Sténon nait à l’angle antéro-inférieur, croise le masséter près de son insertion mandibulaire et va déboucher sur une papille très saillante, près du bord de la lèvre supérieure, en face de l’espace qui sépare la canine de la première molaire. Les deux sous-maxillaires, intimement accolées, forment une masse triangulaire ou plutôt semi-cireulaire, dont le diamètre est représenté par le muscle sterno-mastoïdien et la circonfé- rence par le muscle sterno-hyoïdien et la saillie du larynx. Les lobes en sont volumineux et plus compacts que ceux de la parotide. Les deux glandes sont inégalement développées, l’inférieure étant de beaucoup plus volumineuse que la supé- rieure qu’elle cache entièrement ; leurs proportions sont celles 70 NE. A. RORIN. de T à 4. Les canaux accolés suivent la direction ordinaire et vont déboucher dans un pore unique situé à la face inférieure et à la base d’un barbillon unique et barbelé. Les sublinguales des deux côtés ne sont plus distinctes comme chez les Rhinolophides, mais elles forment une masse impaire et irrégulière, peu développée du reste, qui enveloppe l'extrémité des canaux de Wharton. Chez le Vesperugo Kuhlü, la parotide est plus compacte et arrondie à son extrémité postérieure, linguiforme au lieu d’être rectangulaire. | Chez le Vespertilio murinus, la parotide est relativement plus développée et présente une forme différente : étroite en avant, elle s’élargit en arrière et s'étale derrière le conduit auditif, acquérant ainsi la forme d’un triangle à bord supérieur con- cave. Le canal de Sténon débouche vis-à-vis de la seconde prémolaire. Les sous-maxillaires ont la même disposition que chez la Sérotine, les canaux s'ouvrent par deux pores distincts, mais très rapprochés. Les sublinguales, un peu plus dévelop- pées, forment deux masses triangulaires, accolées seulement à leur partie antérieure. La parotide du V.mystacinus ressemble davantage à celle de la Sérotine, la sous-maxillare supérieure déborde un peu en avant et au-dessus de la sous-maxillaire principale. Dans l’une et l’autre espèce la lèvre inférieure renferme dans son épaisseur des glandes labiales très développées. Le Kerivoula Hardiwichii a les glandes salivaires relativement peu développées ; la parotide, quoique très étendue, est peu importante, car elle est plus lobulée encore que partout ailleurs et presque diffuse. Chez le Scotophilus Temminckü, au contraire, cette glande est très développée et son angle postéro-supérieur remonte assez haut sur la nuque en contournant le conduit auditif. Les sous-maxillaires, intimement accolées et même intriquées, orment une masse très compacte; les canaux de Wharton passent en dehors de deux sublinguales accolées en une seule ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 71 masse compacte comme chez les Vesperugo, mais moins ré- duite que dans ce genre. Dans le genre Dee (P. auritus), la bte forme une bande étroite et assez allongée, étendue jusque sur la nuque. Les sous-maxillaires sont divisées en un plus grand nombre de lobules que d'ordinaire, mais présentent, du reste, les mêmes rapports; les deux orifices des canaux sont très dis- tincts à la surface inférieure d’un barbillon pair et à peine dentelé; les sublinguales, situées en dedans des canaux de Wharton, sont paires et très petites. La Barbastelle est très voisine de l’Oreillard sous le rapport de la disposition des glandes salivaires ; les seules différences dignes d’être notées sont un développement relatif plus grand de la sous-maxillaire supérieure, et un plus grand écartement des pores des canaux de Wharton sous un barbillon unique, seulement échancré sur la ligne médiane et à bord finement dentelé. Chez le Miniopterus Schreibersü, la glande parotide est en- core très allongée et se recourbe sur la nuque. La sous-maxil- laire supérieure est arrondie, visible à l’extérieur et située en avant de la sous-maxillaire principale ; les deux canaux dé- bouchent par deux pores très rapprochés sous un barbillon impair et terminé par quatre dents saillantes. Les sublinguales sont distinctes, mais très réduites. Emballonurides. — Les glandes salivaires des Emballonu- rides sont toujours constituées sur le même type et ne présen- tent que des variations de peu d'importance. Partout 1l existe deux sous-maxillaires entièrement distinctes et étagées ; par- tout aussi les sublinguales sont plus développées que dans aucun autre type de Microchiroptère, et rappellent ce qui s’observe chez les Roussettes. Chez le Taphozous melanopogon, la parotide d’un volume égal à environ la moitié de la sous-maxillaire principale est accolée à cette glande par presque toute l’étendue de son bord inférieur. Comme cette dernière recouvre elle-même par son bord antérieur la sous-maxillaire accessoire, l’ensemble des 72 H. A. ROBIN. sous-maxillaires et de la parotide forme de chaque côté une masse glandulaire aplatie qui recouvre la région de l’angle ‘du maxillaire inférieur et le quart supérieur du muscle sterno- mastoidien. La parotide est relativement peu importante, elle ne dé- passe pas en volume le tiers de la masse totale. Sa forme est -celle d’une bande étroite en avant, un peu plus élargie à sa partie postérieure, divisée en un grand nombre de petits lobules. Elle commence près du bord postérieur du masséter, et, passant au-dessous du conduit auditif, contourne la nuque jusque près du muscle occipito-pollicien où elle se termine brusquement. Le canal de Sténon débouche au sommet d’une énorme papille qui occupe toute la face interne de la lèvre supérieure et s'enfonce entre les dents dans la sorte de barre qui sépare la canine de la deuxième prémolaire. Les deux sous-maxillaires sont très imégalement dévelop- pées, l’une formant à elle seule la moitié de la masse glandu- laire, l’autre étant, au contraire, très réduite et presque entiè- rement cachée sous le muscle digastrique. La sous-maxillaire inférieure est assez épaisse et de forme triangulaire ; elle est divisée en un assez grand nombre de gros lobes. Son canal se dégage de sa face inférieure, s’accole presque immédiatement au canal de la sous-maxillaire supérieure qui, comme je l’ai dit, est recouverte en partie par l’angle antérieur de la sous- maxillaire principale, en partie par le muscle digastrique. Les deux canaux passent en dedans des sublinguales, vont débou- cher par deux pores très rapprochés dans le bord interne d’un barbillon spécial pour chaque côté. Les sublinguales sont très développées, elles tapissent les trois cimquièmes de la mandibule depuis la symphyse jusqu’à la partie antérieure de l'insertion du digastrique. Elles sont assez renflées en avant et accolées l’une à l’autre, et s’amin- cissent progressivement jusqu’à leur extrémité postérieure. Les glandes labiales sont aussi très importantes et forment dans l'épaisseur de la lèvre inférieure une masse qui ne le cède pas en volume aux sublinguales. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 73 Chez le Saccopteriæ plicata, la parotide, plus raccourcie, a une importance relative plus considérable. Les glandes la- biales sont, au contraire, proportionnellement beaucoup plus réduites. La papille du canal de Sténon est notablement moins volumineuse; on pouvait le prévoir, la seconde prémolaire étant beaucoup plus rapprochée de la canine que chez le Ta- phozous etla première prémolaire elle-même moins réduite. Le volume de la parotide est par contre beaucoup plus con- sidérable chez le Rhynchonycteris naso, où, tout en s'étendant sur la nuque aussi loin que chez le Taphozous, elle est plus large que chez le Saccopterix; son volume ne le cède pas à celui des sous-maxillaires réunies. Le canal de Sténon dé- bouche en face de la canine, à l’extrémité d’une papille allon- gée en bourrelet. Les glandes labiales sont comme chez le Taphozous, les sublinguales, quoique très développées, ne s’accolent pas derrière la symphyse mandibulaire. Elles entrent au contraire en contact chez l’'Emballonura nigrescens; mais ce genre est surtout remarquable par le déve- loppement et la forme spéciale de la parotide. Cette glande, en effet, outre une bande assez large qui s'étend très loin sur la nuque comme dans l'espèce précédente, présente une bande verticale, qui descend derrière l’angle de la mâchoire et s’in- sinue entre les deux sous-maxillaires. Celles-ci, ou du moins la sous-maxillaire inférieure, perdent de leur importance rela- tive et atteignent à peine les deux Liers du volume de la parotide ; leurs rapports sont du reste les mêmes que dans les autres espèces du groupe. Le Noctilio leporinus diffère notablement des types que nous venons de passer en revue. La parotide est énorme et constitue non plus une bande, mais une large masse lobulée de forme trapézoïde, à peine plus longue que large, qui s'ouvre au bord postérieur du masséter et recouvre toute la partie latérale de la nuque. Le canal de Sténon débouche sur une papille très peu saillante en avant de la canine. La sous-maxillaire inférieure, au contraire, si développée d'ordinaire, est une petite glande compacte, elliptique, accolée 74 ER. 4. ROMBIN. à la parotide dont elle n’égale pas le quart. La sous-maxil- laire antérieure est formée de deux petits lobes entièrement séparés, étagés le long du conduit qui s’accole à celui de la sous-maxillaire principale. Les glandes sublinguales sont très développées, sans s’é- tendre aussi loin en arrière que chezle Taphozous ; elles s’acco- lent derrière la symphyse maxillaire. Les glandes labiales ne sont pas distinctes. Le genre Rhinopoma, que l’on rattache tantôt aux Embal- lonurides, tantôt aux Rhinolophides, diffère des uns et des autres par ses glandes salivaires. La parotide, en forme de bande très étroite au-dessous de la base du conduit auditif externe, assez élargie, au contraire, en arrière, rappelle un peu la forme qui s’observe chez le Tapho- zous. Les sublinguales forment également une bande le long de la mandibule comme chez ces animaux. Mais la sous-maxillaire est unique, de même que chez cer- tains Rhinolophides, et, comme chez ces animaux, elle forme une petite masse arrondie et située entre l’extrémité supé- rieure du muscle sterno-mastoidien et le larynx. L'appareil salivaire est, dans son ensemble, relativement peu développé. Les Molossiens proprement dits, Molosses et Nyctinomes, se différencient des Emballonuriens surtout par le peu de déve- loppement des sublinguales et l’intrication des sous-maxil- laires; le genre Cheiromeles forme un intermédiaire. La disposition est du reste fort peu variable dans les deux premiers genres qui devraient n’en faire qu’un. Chez le Nycti- nomus plicatus, par exemple, la parotide, au lieu de s’étaler en lame ou en bande, constitue une petite masse assez com- pacte, resserrée derrière l’angle de la mâchoire inférieure et au- dessous du méat auditif. Son volume est de moitié moindre que celui des sous-maxillaires réunies. Le canal de Sténon débouche sur une papille très peu saillante en face de la pre- mière prémolaire. Les deux sous-maxillaires soudées forment une masse nn ARTICLE N° 2, ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 75 gulaire assez volumineuse, qui s'étend depuis le muscle mylo- hyoïdien presque jusqu’à l'épaule, le cou étant très court. Les deux glandes sont intimement accolées et un peu intriquées. Cependant on les sépare aisément et on reconnaît alors que la plus grande partie de la masse est formée par la sous-maxil- laire inférieure ; la sous-maxillaire supérieure constituant seu- lement quatre petits lobes étagés et entièrement cachés par la partie antérieure de la précédente. Les canaux accolés vont déboucher par deux pores distincts et situés l’un derrière l’autre à la face inférieure d’un barbillon unique, bifurqué en passant entre deux petites masses sublinguales très réduites et accolées derrière la symphyse, qui ressemblent à ce qu’elles sont chez les Vespertilionides. La parotide est encore très compacte chez le N. brasiliensis, mais s'étend cependant un peu plus en arrière. Elle est apla- tie en lame arrondie, tout en restant limitée à la région qui est située au-dessous du méat auditif chez le Molossus obscurus. Chez le Nyctinomus acetabulosus, elle constitue au contraire une bande s'étendant jusque sur la nuque comme chez les Emballonuriens. La masse des sous-maxillaires est plus allongée chez le Wo- lossus obscurus, et les premiers lobes de la sous-maxillaire supérieure sont visibles en avant de la sous-maxillaire prinei- pale. Le Cheiromeles torquatus se rapproche davantage des Em- ballonuriens, et en particulier du Noctilion, par la constitu- tion de son appareil salivaire. Comme dans cette espèce, la parotide, étroite en avant au-dessous du méat auditif, s’étale en une large plaque sur le côté de la nuque. Son canal con- tourne le masséter et paraît déboucher en face de la canine. Les sous-maxillaires, dont le volume est à peu près égal, sont intriquées en une masse compacte, ovoïde, inférieure en volume à la parotide, logée entre le larynx, l'angle de la mà- choire et l'insertion supérieure du muscle sterno-mastoïdien. Les sublinguales, développées comme chez les Emballonuriens, tapissent la moitié antérieure de la mâchoire. 76 F1. A. ROBIN. Phyllostomides. — L'appareil salivaire des Phyllostomides présente dans ses caractères une constance bien faite pour surprendre dans un groupe dont les représentants ont un ré- gime aussi différent. Ghez les Vampyriens insectivores, les Sténodermes frugivores ou les Desmodiens qui se nourrissent exclusivement du sang des Vertébrés supérieurs, les glandes salivaires occupent exactement la même situation et présentent les mêmes rapports. Leur développement relatif diffère seul dans des proportions notables. | Le caractère essentiellement propre à ce type consiste dans le développement considérable de la sous-maxillaire supérieure, qui forme constamment une bande glanduleuse assez allongée, courant le long de la trachée en arrière du larynx et recou- verte en partie par le muscle sterno-hyoïdien. Le Phyllostoma hastatum, la plus grande espèce du groupe et l’une des plus communes, me servira de type. Les diverses glandes sont juxtaposées, mais non intriquées, et leur dispo- sition relative se reconnaît dès que l’on a écarté la peau et les muscles peaussiers. La parotide est accolée, par son bord infé- rieur, à la sous-maxillaire principale ; celle-ci recouvre les deux tiers postérieurs de la sous-maxillaire supérieure, située, comme je lai dit, entre la trachée-artère et le muscle digas- trique. Considérée séparément, la parotide a la forme d’une plaque rectangulaire, dont le bord supérieur est échancré pour loger le méat auditif. Son volume total est un peu inférieur à celui de la sous-maxillaire principale. Le canal de Sténon naît à sa face inférieure et près de son angle interne, et, contournant le mas- séter, va s’ouvrir vis-à-vis de la canine par un pore peu distinct et non porté par une papille. La sous-maxillaire principale ou ne est formée par une série de lobes arrondis étagés le long du canal émis par le dernier d’entre eux, qui s'étendent depuis l’angle de la mâ- choire jusqu’à l'épaule. Ges lobes sont au nombre de quatre, subdivisés chacun en une série de lobules. La sous-maxillaire supérieure ou antérieure est une bande compacte, très épaisse, ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 77 dont le volume égale presque la moitié de celui de la sous- maxillaire principale. Son canal naît sur le côté externe et vers le milieu de sa longueur; il s’accole à celui de la glande pré- cédente au point où, après avoir franchi le digastrique, il s’in- troduit sous le musele mylo-hyoïdien. Les deux canaux débou- chent près du bord interne d’un barbillon pair et arrondi. Les sublinguales, moins développées que chez les Emballo- nurides en général, le sont cependant plus que dans les autres familles du sous-ordre; elles forment deux petites masses épaisses en avant, atténuées en arrière des deux côtés du freim de la langue. Les landes labiales sont : assez réduites et forment de petits follicules isolés. La disposition est la même chez le Macrotus Waterhousi ; les lobes de la sous-maxillaire sont cependant un peu moins distincts. | Chez le Carollia brevicauda, la parotide est relativement plus petite et plus étalée en avant. La sous-maxillaire principale est beaucoup plus compacte et forme une grosse masse triangu- laire, épaisse, séparée de l’épaule par les glandes de l’hiberna- tion; la sous-maxillaire accessoire elle-même s'étend presque jusqu’à l’épaule en pénétrant sous le muscle sterno-hyoïdien. La sublinguale est un peu plus allongée que dans le PAyllo- stoma et tapisse un tiers de la mandibule. L’Artibeus perspicillatus, qui se nourrit de fruits, présente la même disposition; le développement extrême de la parotide et des sublinguales le différencie seul du Phyllostoma. Les sous-maxillaires sont constituées comme dans l’espèce que nous avons prise pour type, et il n’est pas jusqu’à la division de la sous-maxillaire principale en gros lobes étagés qui ne se retrouve. La sous-maxillaire antérieure est un peu plus petite et moins compacte. Mais les parotides sont énormes et forment de larges lames qui recouvrent les côtés de la tête et du cou et vont presque se rencontrer sur la ligne médiane dorsale comme cela s’observe chez quelques Roussettes. 78 Hi. A. RORIN. Les sublinguales sont également très développées ; elles ne sont pas plus allongées que dans les autres espèces et tapissent seulement le tiers antérieur de la mandibule, mais elles for- ment deux énormes bourrelets accolés sur la ligne médiane où ils ne sont séparés que par les conduits des sous-maxillaires. Le régime des Glossophagiens n’est pas parfaitement connu ; M. Dobson (1), se fondant sur des observations contradictoires de M. Osburn, qui les croit fugivores, et du prince de Wied, qui a trouvé dans leur estomac des débris d’Insectes, pense que leur régime est mixte. Quoi qu’il en soit, le Glossophaga sori- cina, la seule espèce que j'aie observée, a les glandes sali- vaires d’une espèce insectivore et ne présente aucun des carac- tères propres à l’Artibeus. Au contraire, la parotide constitue sous le méat auditif etsur le côté de la nuque une bande semblable à celle du Macrotus. Les glandes sublinguales mêmes sont beaucoup plus petites que dans toutes les autres espèces que j'ai observées : ce sont deux petites masses séparées par les canaux de Wharton, aussi peu développées que chez les Rhinolophes. Les sous-maxillaires sont, au contraire, relativement très volumineuses; la sous-maxillaire principale est formée de deux lobes principaux comme chez l’Artibeus , la sous-maxil- laire accessoire comprend, outre sa bande longitudinale habi- tuelle, un lobe externe aplati, situë sous le muscle sterno- mastoïdien. | La salive est par conséquent fournie pour la plus grande partie par les glandes sous-maxillaires ; ee fait, joint à la pro- tractilité de la langue, permet de supposer que l’animal s’en sert pour engluer les insectes dont il fait sa nourriture à la façon des Fourmiliers ou des Échidnés; cependant il est à remarquer que la prédominance des sous-maxillaires tient non à un développement plus grand que chez les types voisins, mais à la réduction des autres glandes. Chez le Desmodus rufus enfin, qui se nourrit exclusivement (1) Dobson. Loc. cit., p. 487. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 79 de sang, la parotide seule est remarquable par son faible dé- veloppement qu’explique le peu de nécessité de lasalive aqueuse pour ces animaux. Elle forme, sous le méat, une bande com- pacte, triangulaire longue d’environ un demi-centimètre, large de 3 millimètres à son extrémité antérieure, effilée en arrière. Quant aux sous-maxillaires, elles sont bien développées, sans cependant attemdre, relativement à la taille de l’animal, les mêmes proportions que dans les espèces insectivores. Les deux lobes de la sous-maxillaire principale sont extrêmement compacts et entièrement séparés; le plus antérieur est abso- lument sessile par rapport au canal. La sous-maxillaire acces- soire est étalée et occupe tout l’espace compris entre la trachée, le bord postérieur du maxillaire inférieur et le muscle sterno- mastoïdien ; elle se divise en un grand nombre de petits lobules. Son volume est sensiblement égal à la moitié de celui de la sous-maxillaire principale. Les sublinguales sont peu dévelop- pées sans être aussi réduites que chez le Glossophage. CONCLUSIONS 4° Partout on distingue des parotides, des sous-maxillaires, des sublinguales (Guvier), et souvent des glandes labiales assez développées. 9° Les parotides bien développées chez les espèces insecti- vores, le sont davantage chez les frugivores (Roussettes, Sté- nodermes) ; elles sont au contraire très réduites dans les types qui se nourrissent de sang (Desmodiens). 3° Les sublinguales , assez variables en volume, acquièrent leur maximum de développement chez les espèces frugivores. 4° Le développement des sous-maxillaires ne présente pas de rapports bien nets avec le régime. 9° Il existe d'ordinaire deux paires de sous-maxillaires en- tièrement distinctes et s’ouvrant séparément dans la bouche. La plus développée est d’une manière constante la sous-maxil- laire inférieure. L'observation des Phyllorhina montre que la sous-maxillaire accessoire représente le lobe antéro-supérieur 80 H. A. ROBIN. d’une sous-maxillaire unique, typiquemnt simple. La sous- maxillaire est simple dans le genre Harpyra, parmiles Mégachi- roptères, chez les Mégadermes, certains Rhinolophus, et dans le genre Rhinopoma, parmi les Microchiroptères. $ 5. — Foie. Le foie est suspendu au diaphgrame par un ligament coro- naire, qui existe souvent seul chez les Microchiroptères et chez l’'Eonycteris spelæa, par exemple, et quelquefois par un liga- ment falciforme assez développé chez l’Epomophorus comptus et quelques Vespestilionides, indiqué dans quelques autres cas par une simple amorce. La plupart des Roussettes présentent en outre deux ligaments latéraux inégalement développés. M. Dobson (1), quia décrit avec soin les principales formes du foie dans l’ordre qui nous occupe, fait remarquer que chez les Mégachiroptères cet organe diffère de ce qu’il est chez les Microchiroptères, par le peu de développement ou l'absence du lobe de Spigel et, dans quelques genres, par le volume consi- dérable du lobe caudé ; chez les Microchiroptères, au contraire, le lobe de Spigel est très grand et le lobe caudé très réduit ou nul. n Cette différence s'explique facilement si l’on réfléchit à la situation occupée par le lobe de Spigel, quand il existe par rapport à l’estomac. Ce lobe, en effet, situé au-dessous de la masse du foie, en arrière et un peu à gauche, s’insinue dans la concavité de la petite courbure de l’estomac et occupe ainsi l’espace compris entre le pylore et le cardia. Il pourra donc exister normalement développé, lorsque cette petite courbure se présente bien accusée et assez concave, comme chez la plu- part des Chauves-Souris insectivores; mais chez les Roussettes, où la réflexion de la portion pylorique de l'estomac ne laisse libre aucune partie de la petite courbure, 1l n’a plus où se loger. On peut prévoir de même qu'il fera défaut chez le Desmodus, (1) Dobson. Loc. cit. Introduction, p. XXIV ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 1 où le cardia et le pylore coïncident et où la petite courbure n'existe par conséquent pas. . Pour la description des formes du foie dans les espèces que J'ai observées, je n’ai que peu de chose à ajouter à ce qu’a dit M. Dobson sur les Mégachiroptères. Ses descriptions sont au contraire très incomplètes pour ce qui à trait aux Microchi- roptères. Comme cet auteur, je suivrai la nomenclature proposée par M. Flower (1). MÉGACHIROPTÈRES. — Aussi bien le foie du Pteropus (fig.16) peut-il être considéré comme réalisant le type du foie des Mammifères sur lequel M. Flower a basé cette nomenclature. Les scissures ombilicale et latérales sont bien développées et s'étendent jusqu’au hile ; un ligament, reste de la veine ombili- cale, se retrouve dans la scissure ombilicale, où il s'enfonce dans une échancrure transversale du lobe central gauche. (Cette échancrure mérite une mention spéciale, car elle persiste alors même que la scissure ombilicale disparait.) La vésicule biliaire est rattachée au lobe central droit etlogée dans la scissure latérale droite. Le lobe latéral droit est notablement plus gros que son congénère gauche, celui-ci égale sensible- ment en volume les iobes centraux réunis. Le lobe caudé, très (1) La diversité des descriptions du foie d’un même animal, données par différents auteurs, tient à l’absence d’une nomenclature basée sur des données morphologiques qui permettent de reconnaitre les différentes parties, quelles qu’en soient les modifications. La nomenclature proposée par M. Flower remé- dierait à cèt inconvénient si elle était universellement adoptée. Cet anatomiste divise le foie en deux segments, répondant aux deux bour- geons intestinaux primitifs qui lui ont donné naissance, et séparés par une scissure dite ombilicale dans laquelle pénètre le rudiment de la veine ombili- cale (ligament rond de l’adulte). Chacun des deux segments est ordinairement divisé par une scissure latérale en deux lobes : un lobe latéral et un lobe central; la vésicule biliaire est toujours portée par le lobe central droit. La veine cave creuse dans le lobe latéral droit un sillon ou même un tunnel dont le bord antérieur se relève pour former deux lobes plus ou moins isolés et distincts du lobe latéral droit : le lobe de Spigel, à gauche du hile, et le lobe caudé à droite. (Lectures on the comparative anatomy of the organs of digestion of the Mammalia. — Med. Times and Gazette, 1872, t. 1, p. 2953.) 82 H. A. ROBIN. développé, dépasse en volume l’un des lobes centraux; il pré- sente la forme d’une pyramide triangulaire rattachée par sa base à la masse du foie sur laquelle s'applique sa face supé- rieure ; la face postérieure présente une dépression dans la- quelle se loge le rein droit; le lobe de Spigel est peu volumi- neux, mais nettement distinct et d'aspect linguiforme. Chez le Gynonycteris amplexicaudata, le lobe central gauche est beaucoup plus petit que le lobe central droit dont il est peu distinct ; le lobe caudé est lui-même dans presque toute sa face supérieure en continuité de substance avec le lobe latéral droit ; le lobe de Spigel est très réduit et linguiforme. Chez l’Hypsignatus monstrosus, au contraire, le lobe de Spi- gel est assez volumineux et de forme quadrilatère, tandis que le lobe caudé est réduit et tranchant ; les lobes centraux for- ment une masse plus volumineuse même que le lobe latéral droit ; leur distinction est indiquée à la face inférieure seule- ment par une fossette transversale où pénètre le rudiment de la veine ombilicale; le lobe latéral droit est creusé d’une cavité qui reçoit le rein; la vésicule biliaire est suspendue à la face concave du lobe central droit. Le lobe caudé est représenté par un simple bourrelet chez l’'Epomophorus comptus et le lobe de Spigel est indistinct. La vésicule biliaire occupe sa situation habituelle dans la scissure latérale droite. Dans le genre Eonycteris, je n’ai pu trouver, comme M. Dob- son, aucune trace de scissure ombilicale séparant les deux lobes centraux; leur distinction n’est indiquée que par le sillon transversal de la veine ombilicale, entre lequel et le hile est limité un très petit lobe accessoire. La partie qui corres- pond au lobe central droit se prolonge en pointe vers l’estomac, dont la portion réfléchie trace un sillon dans son bord anté- rieur. Le lobe latéral droit, très développé, est creusé d’une ca- vité enveloppant le rein ; le lobe caudé fait entièrement défaut et le lobe de Spigel est réduit à une éminence du lobe latéral droit. | Je n’ai pu observer le foie du Harpyia cephalotes qui, d’a- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 83 près la description de M. Dobson, paraît se rapprocher de celui des Microchiroptères. MiCROCHIROPTÈRES. — Chez les Microchiropières, outre Île développement du lobe de Spigel et la réduction plus ou moins grande du lobe caudé, le foie est caractérisé par la tendance du lobe central gauche à disparaître. Mais cette tendance se manifeste dans deux voies différentes, suivant qu'il s’agit des Rhinolophides, des Nyctérides et des Rhinopoma d'une pari, des Vespertilionides, des Emballonurides et des Phyllosiomides de l’autre. Chez les premiers, le lobe central gauche est ab- sorbé par le lobe latéral du même côté, tandis que dans le second cas il se soude au lobe central droit, comme nous avons déjà vu le fait se présenter chez quelques Mégachiroptères (Hypsignathus, Epomophorus et Eonycteris). Rhinolophides. — Le foie du Phyllorhina diadema (fig. 17) est divisé par une scissure ombilicale profonde en deux segments à peu près d’égal volume. Deux scissures laiérales qui ne s'étendent pas jusqu’au hile, séparent les lobes centraux des lobes latéraux : celle du côté gauche est la plus profonde et le lobe central de ce côté est à peu près de moitié moins volu- mineux que le lobe latéral. Au contraire, le lobe central et le lobe latéral droits sont sensiblement égaux. Le lobe de Spigel est très allongé, aplaüi et de forme quadrilatère : le lobe caudé quoique petit forme une saillie assez bien délimitée à l’extrémité de la crête qui, à la face inférieure du lobelatéral droit, sépare la partie libre de la dépression où se loge le rein. La vésicule biliaire est rattachée non au lobe central droit comme c’est la règle générale, mais au lobe central gauche et située dans la scissure ombilicale. Chez le Phyllorhina Commersoni, d'après M. Dobson, le lobe central gauche est beaucoup plus réduit. Chez le Rhinolophus hipposideros, le lobe latéral gauche est extrêmement développé et forme à lui seul la moitié de l’or- gane; sa face inférieure est creusée d’une cavité qui loge le rein correspondant ; le lobe central est au contraire extrême- ment réduit et forme seulement à la face inférieure du foie une petite bande limitée à gauche et en haut par le lobe latéral ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1891. X11. 43. — AR7. N° 2 84 H. A. ROBIN. gauche, à droite par la vésicule biliaire; le lobe central droit au coniraire présente un prolongement étiré en pointe qui passe en avant du duodénum et sépare sa portion horizontale du reste de la masse intestinale. Le lobe latéral droit est bien développé et présente, dans son bord postérieur, une dépres- sion rénale beaucoup moins profonde que celle du lobe latéral gauche. Le lobe de Spigel est très saillant et arrondi, le lobe caudé est représenté seulement par une crête du lobe latéral droit qui sépare le hile de la veine cave. La vésicule biliaire est située dans une dépression du lobe central droit et est visible à la face dorsale du foie dans la scissuré ombilicale chez le Rh. ferrum-equinum, le lobe central gauche est un peu moins réduit et la vésicule biliaire est suspendue à sa face in- férieure. | | Nyctérides. — Le foie du Mégaderme est intermédiaire en forme à celui des Rhinolophes et des Phyllorhina. Le dévelop- pement du lobe central gauche rappelle le R}. /errum-equi- num, mais il existe un lobe caudé assez bien développé et plus épais que celui du Phyllorina, le lobe de Spigel est court et gibbeux. En outre, un lobe supplémentaire est appendu à la face su- périeure du lobe latéral gauche en arrière du hile et semble représenter du côté gauche le lobe de Spigel; on voit, du reste, un rudiment de ce lobe chez le grand Fer-à-cheval. La vésicule biliaire est située dans la scissure latérale droite et rattachée au lobe central de ce côté. Chez le Nycteris, le lobe de Spigel est plus développé et le lobe accessoire fait défaut. Rhinopoma.— Le Rhinopoma microphytllum dont les affinités sont douteuses, par la constitution de son foie, se rattache aux Nyetérides et non pas aux Emballonurides avec lesquels le place M. Dobson. La scissure ombilicale existe en effet peu profonde, s'étendant à peine à la moitié de la distance qui sépare du hile le bord libre du foie. Un ligament rond bien développé en montre la nature. Le segment gauche est indi- vis, une très légère encoche de son bord libre indique peut- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÉRES. 85 être à peine la division en lobes central et latéral. La moitié droite du foie est plus réduite; la vésicule biliaire occupe la scissure latérale droite, le lobe central est étiré en pointe assez allongée. Le lobe caudé est indistinet, le lobe de Spigel bien développé et comme bifurqué. Dans les familles qui nous restent à étudier, la vésicule bi- liaire est toujours située dans la scissure latérale droite et la scissure ombilicale étant très réduite ou nulle, le lobe cen- tral gauche est plus ou moins confondu avec le lobe central droit. | Vespertilionides. — Dans le genre Vespertilio, par exemple, le lobe latéral gauche forme presque la moitié du foie, il est séparé par une seissure profonde des lobes centraux. La scis- sure latérale droite dans laquelle est située la vésicule biliaire s'étend également jusqu’au hile. La scissure ombilicale au contraire est réduite à un sillon visible seulement à la face inférieure du foie, les lobes centraux forment une seule masse, le lobe central gauche n’égale pas en volume la moitié du lobe central droit. Celui-ci émet le processus triangulaire ordinaire, moinsallongé cependantque chez les Rhinolophes; le lobe caudé quoique non délimité à sa base est assez saillant et presque égal chez le Murin au lobe de Spigel linguiforme. Chez la Barbastelle, le lobe caudé n’est pas distinct, Les lobes centraux sont séparés par un sillon très court et bifurqué en Y. Chez l’Oreillard, la scissure ombilicale est encore visible à la face inférieure des lobes centraux, le lobe latéral gauche extrêmement développé forme les deux tiers du foie, le lobe de Spigel est bien isolé et médiocrement long. Dans les genres Scotophilus et Vesperugo, le lobe latéral gauche est un peu moins développé, chez le dernier surtout, la scissure ombilicale a entièrement disparu et n’est plus in- diquée que par le rudiment de la veine ombilicale qui montre entre les deux lobes centraux les mêmes rapports que dans les genres précédents. Le lobe caudé est à peine visible ou indistinct, le lobe de Spigel au contraire extrêmement allongé et accolé en partie à la portion terminale de læsophage. 86 H. A. ROBIN. Le foie du Minioptère est assez différent de celui des autres Vespertilionides par l'existence d’un lobe caudé peu développé il est vrai, mais parfaitement délimité, et par le volume du lobe central gauche presque égal au lobe central droit; le lobe de Spigel est très réduit. Emballonurides. — Dans la famille des Emballonurides la coalescence des lobes centraux est complète, et il ne reste absolument aucune trace de la scissure ombilicale, je n'ai rencontré nulle part même un rudiment de la veine ombili- cale. Cependant l’observation d’un embryon de Molosse m'a montré qu’en réalité les rapports des parties sont les mêmes que chez les Vespertilionides ; ie lobe central gauche est seu- lement très petit et n'entre que pour une faible partie dans la constitution du lobe central unique. Chez le Tuaphozous melanopcgon, le lobe latéral gauche forme à lui seul la moitié du foie; le volume des lobes cén- traux réunis est sensiblement égal à celui du lobe latéral droit. Le lobe de Spigel très développé et de forme carrée occupe sa place habituelle. Le lobe caudé, contrairement à ce qu'a observé M. Dobson chez le Taphozous nudiventris, est très net et linguiforme, il se projette au-dessus du hile en avant du pylore dans la direction du lobe de Spigel. Chez l’'Emballo- nura et le Saccopterix, au contraire, le lobe caudé est indis- tinct, le lobe de Spigel est aussi beaucoup plus réduit dans le dernier genre. Chez le Noctilion, le lobe central unique est beaucoup plus petit que dans les genres précédents et sa partie droite moins étirée en pointe. Il porte à sa face inférieure un petit lobe accessoire qui fait saillie en avant du hile sous le lobe latéral gauche. Le lobe latéral droit au contraire acquiert un déve- loppement tel que la partie droite du foie égale la partie gauche. Le lobe de Spigel est plus étroit et plus allongé que chez les autres Emballonurides, le lobe caudé mal défini. La vésicule biliaire profondément enfoncée dans la scissure laté- rale droite est visible à la face supérieure du foie. Le foie des Nyciinomus ressemble davantage à celui du ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 87 Taphozous, le lobe central unique est même plus important que le lobe latéral droit; le lobe caudé est plus nettement dis- tinct du lobe latéral droit. Le lobe de Spigel est allongé et linguiforme comme chez le Noctilion. Chez le Molossus obscurus, le lobe latéral droit est plus dé- veloppé, et Le lobe caudé n’est pas distinct. Le foie du Cheiromeles torquatus que j'ai étudié était lacéré par le plomb, il semble ne différer de celui des autres Molos- siens que parce qu’il ne possède pas un lobe de Spigel distinct. La vésicule biliaire, quoique située dans la scissure latérale droite, est rejetée à la face inférieure du lobe central. Phyllostomides. — Le foie des Phytlostomides diffère peu, comme le fait remarquer M. Dobson, de celui des Emballonu- rides ; la coalescence des lobes centraux est poussée au même point. Le Desmodus rufus seul parmi les espèces que j'ai étu- diées présente à l’état adulte un rudiment de la veine ombili- cale indiquant le point où devrait exister la scissure ombilicale. Chezle Carollia brevicauda, le lobe latéral gauche allongé et contourné en forme de croissant forme à lui seul les deux tiers de la masse hépatique ; le lobe central est petit et peu étiré dans sa partie droite, le lobe latéral droit est un peu plus impor- tant, le lobe caudé n’est pas distinct; le lobe de Spigel est au contraire très développé, étroit à sa base, élargi plus loin et terminé par un bord tranchant. La disposition est la même chez le Macrotus et le Phyllo- stoma; la vésicule biliaire chez ce dernier est visible à la face supérieure du foie dans la scissure latérale droite ; il existe un petit lobule saillant en avant du hile. Dans le genre Glossophaga, le lobe de Spigel est beaucoup plus large et plus court. | Le foie de l’Artibeus (fig. 18) ressemble à celui du Carollia, sauf en ce que le lobe latéral droit prend un développement énorme par rapport au lobe central. Le lobe de Spigel est très peu saillant et réduit à une éminence large et à bords libres concaves. Le lobe caudé ne se distingue pas de la crête sail- lante du lobe latéral droit. 88 H. A. ROBIN. Le foie du Desmodus, d’après M. Flower dont la description est reproduite par M. Dobson, différerait non seulement de celui de tous les autres Chiroptères, mais de celui de tous les Mammifères insectivores et carnivores, en ce qu’il est très peu lobé ; il existerait une scissure ombilicale distincte et deux scissures latérales réduites à de simples échancrures limitant deux lobes latéraux et deux lobes centraux. Cette description me paraît être le résultat d’une erreur dont il est difficile de se rendre compte, car elle ne se rapporte enaucune façon à ce que J'ai observé, ni même à la figure peu exacte d’ailleurs donnée par M. Huxley (1). Peut-être M. Flo- wer a-t-il observé une espèce différente, un Diphylla par exemple. | Le foie du Desmodus (fig. 13) en effet se rattache de très près à celui des autres Phyllostomides, dont il ne diffère que par un seul caractère important, l’absence totale du lobe de Spigel, absence nécessitée par les rapports des orifices car- diaque et pylorique de l’estomac. Les scissures latérales existent seules représentées par des échancrures larges et peu pro- fondes; un ligament, reste de la veine ombilicale, indique comme nous l'avons vu la situation que devrait occuper la scissure ombilicale. Le lobe latéral gauche a la forme habi- tuelle de croissant et.constitue la moitié du foie, il présente de même que le lobe latéral droit une dépression rénale. Le lobe caudé non délimité est représenté par une saillie très accusée de l'extrémité de la crête qui. à la face inférieure du lobe latéral droit limite en avant la dépression rénale. La disposition des voies biliaires est essentiellement la même que chez l’homme. Un ou plusieurs canaux hépatiques viennent déboucher dans le canal cystique, près du col de la vésicule biliaire. Le canal cholédoque après avoir reçu le canal pancréatique débouche dans le duodénum en un point dont la distance au pylore varie avec les espèces de 12 à 21 millimètres chez les (1) Huxley. Loc. cit. ARTICLE N° 9. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 89 Mégachiroptères, de 3 à 11 millimètres chez les Microchirop- tères. CONCLUSIONS 4° Le lobe latéral gauche du foie est toujours bien déve- loppé et forme souvent la plus grande partie de la masse hépa- tique. (Dobson.) 2 Chez les Mégachiroptères, le foie est caractérisé en gé- néral par le peu de délimitation du lobe de Spigel et dans quelques genres par le développement du lobe caudé. (Dobson.) 3° Chez les Microchiroptères, au contraire, le lobe de Spigel est très développé et le lobe caudé réduit ou nul (Dobson). Un autre caractère est fourni par la réduction du lobe central gauche et sa coalescence plus ou moins intime avec le lobe la- téral du même côté (Rhinolophides, Nyctérides, Rhinopoma), ou bien avec le lobe central droit (Vespertilionides, Emballo- nurides, Phyllostomides). 4 La vésicule biliaire est toujours située dans la scissure latérale droite, sauf dans la famille des Rhinolophides où elle est dans la scissure ombilicale. Elle peut même dans ce cas être rattachée au lobe central gauche. Le caractère attribué par M. Flower au lobe central droit de porter toujours la vésicule biliaire n’est donc pas sans exception. 5° Les variations du lobe de Spigel sont dépendantes de celles de la petite courbure de l’estomac. $ 6. — Pancréas. M. Flower est, ainsi que nous l’avons vu, le seul auteur qui ait consacré quelques mots au pancréas d’un Chiroptère. Sa description, pour être brève, n’en contient pas moins les faits les plus importants à noter. Partout, en effet, le pancréas est constitué par deux lobes principaux qui se réunissent plus ou moins près du canal cholédoque dans lequel leur conduit commun va déboucher. Cependant le développement plus ou moins grand de ces lobes, 90 H. À. ROBIN. leurs subdivisions en lobules, la réunion des acini qui les con- stituent en une masse compacte ou leur dispersion entre les deux feuillets du mésentère, amènent des variations qui méri- tent une description plus précise. D'abord une grande différence frappe l’observateur, suivant qu’il s'adresse à un Mégachiroptère de la famille des Ptéropo- dides, ainsi que je l’ai définie au commencement de ce travail, ou bien qu'il a sous les veux soit un Harpyia, soit un Micro- chiroptère. Dans le premier cas, le pancréas est compact e se présente sous l'aspect d’une bande glandulaire de forme bien dessinée; dans le second cas, au contraire, les acini de la glande sont séparés les uns des autres et s’étalent plus ou moins irrégulièrement entre les deux lames du mésentère; le pancréas est diffus comme chez les Rongeurs, quoique généra- lement à un moindre degré. Piéropodides. — Chez le Pteropus medius, les canaux pan- créatiques sont dans toute leur longueur entourés d’une sub- stance glandulaire, ils ne sont libres nulle part, même au point où le canal unique, résultant de leur réunion, débouche dans le canal cholédoque, immédiatement avant que celui-ci s'ouvre lui-même dans le duodénum. En partant de ce point la glande forme une sorte de bande d'environ quatre centimètres, étroite d’abord, puis élargie vers sa terminaison, qui se place derrière l’estomac en suivant une direction horizontale. De ce lobe principal, que j'appellerai posi-stomacal, se détache, à une certaine distance de son ori- gine, un lobe quadrilatère, long d’environ quinze millimètres, qui descend verticalement dans le mésentère et que je dési- gnerai sous le nom de lobe intestinal (4). Enfin une petite bandelette glanduleuse, naissant de la terminaison même du pancréas, s’accole au duodénum sur un espace d’un centi- mètre. (1) Je préfère ces noms à ceux de lobes transversal et vertical, proposés par Meckel, parce qu'ils s’appliquent toujours d’après les rapports de situation des parties, tandis que la direction est difficile à établir lorsqu'il s’agit d’une masse de forme irrégulière. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 91 La disposition est exactement la même chez le Pteropus ru- bricollis, les dimensions sont seulement beaucoup plusréduites. Chez le Cynonycteris amplexicaudata, le lobe intestinal se réunit au lobe stomacal plus près de son extrémité duo- dénale. La glande pancréatique est encore plus compacte dans les genres Hypsignathus, Epomophorus, Eonycteris. Dans le der- nier (fig. 5), le lobe intestinal est très réduit et à peine in- diqué. | Harpyia et Microchiroptères. — Le pancréas est diffus chez les Harpyia et chez les Chauves-Souris insectivores. Les Phyllostomides frugivores ou du moins l’Artibeus, le seul genre que j'aie étudié, établissent la transition entre les deux groupes. Les Rhinolophides (Rhinolophus et Phyllorhina) nous four- nissent un excellent type de cette disposition. Les acini glan- dulaires entourant encore les canaux jusqu’à leur terminaison s’étalent tant derrière l'estomac que dans la partie supérieure du mésentère, où ils arrivent en contact avec les ganglions lymphatiques réunis en un pancréas d’Aselli. La disposition des canaux permet de reconnaitre toujours deux lobes comme chez les Roussettes. La figure 19 représente le pancréas d’un Rh. ferrum-equinum, dans lequel l'alcool n’avait pénétré que lentement de façon qu’uncommencement de putréfaction s'était produit dans les viscères ; la distribution des canaux pancréa- tiques y est extrêmement visible. Le lobe post-stomacal dans cette figure est fort petit; dans aucun autre cas Je ne l’ai trouvé aussi réduit. Le lobe intestinal est plus étalé chez le Rh. hipposi- deros. Chez le Megaderma spasma, le lobe post-stomacal est de beaucoup le plus important, il existe presque seul chez le Nycteris. La disposition est la même chez les Vespertilionides, le lobe intestinal assez développé d’ordinaire est plus réduit chez la Barbastelle. Le pancréas, dans son ensemble, est un peu plus 992 HI. A. ROBIN. compact chez l’Oreillard (Plecotus) que dans les autres repré- sentants du groupe. Dans la famille des Emballonurides, les deux lobes du pan- créas sont d'ordinaire très nettement séparés, par exemple chez le Rhinopoma où le lobe intestinal est très allongé. Il est plus réduit chez le Saccopterix etsurtout le Taphozous. Il est, au contraire, bien développéchez le Nôctilion, sans être cependant aussi important que le lobe post-stomacal. Chez l’Emballonura enfin, le lobe intestinal se divise en deux branches, l’une située comme à l'habitude dans le mésentère, l’autre ie courte accolée au duodénum. Dans le groupe des Molossiens les deux lobes sont plus ou moins largement accolés et ne se distinguent souvent qu’à leurs CANAUX SPÉCIAUX. Parmi les Phyllostomides, il faut distinguer ceux qui se nourrissent d’Insectes, des espèces frugivores ou sanguivores. Parmi les premiers, le Phyllostoma hastatum et le Macrotus Waterhousii présentent un lobe post-stomacal extrêmement étalé, un lobe intestinal assez réduit et quelques lobules cou- rant le long du duodénum. Ces lobules sont plus importants chez le Carollia, et le lobe post-stomacal mulüfide est un peu plus condensé. Dans le genre Glossophaga, la masse est notablement plus dense et tend vers l’aspect qui s He chez les espèces fru- givores. Chez l’Artibeus, en effet (fig. 18), le pancréas est presque aussi compact que chez les Roussettes. Le lobe post-stomacal, de beaucoup le plus important, a la forme d’une grosse bande prismatique assez large à sa base, effilée vers l’extrémité ; le lobe intestinal est beaucoup plus réduit, la portion commune est aplatie et émet une bandelette glanduleuse qui s'étend assez loin le long du duodénum. Le pancréas du Desmodus est aussi assez compact quoique à un moindre degré, mais de forme très différente ; au lieu de s’é- rer en languette, il forme une lame aplatie divisée en deux lobes, l’un quadrilatère, situé derrière la partie initiale de l’es- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 93 tomac, l’autre un peu plus petit et triangulaire situé derrière la masse intestinale ; la bandelette duodénale fait entièrement défaut. CONCLUSIONS 4° Le pancréas est compact chez les Ptéropodides, diffus chez les Harpyia et les Microchiroptères ; les Sténodermes fru- givores établissent une transition entre les deux formes. 2% Le pancréas se divise toujours en deux lobes principaux : l’un situé derrière l’estomac, l’autre derrière la masse intesti- nale dans la racine du mésentère; souvent une bandelette distincte suit en outre le duodénum. 3° Les canaux des deux lobes se réunissent pour déboucher dans le canal cholédoque peu avant sa terminaison dans l’in- testin (Flower). IT. — APPAREIL DE LA RESPIRATION $ 1.— Hyoïde. L’os hyoïde a été décrit par de Blainville (1) dans les prin- cipales formes de Chiroptères. D’une manière générale, le corps de l’hyoïde est étroit et peu développé dans le sens trans- versal. Les grandes cornes, très grêles et formées de deux articles (cérato-hyal, épihyal), ne s’articulent pas directement avec lui, mais y sont reliées par un ligament ; elles se terminent supérieurément par une extrémité aplatie en spatule et étroi- tement appliquée sur la bulle tympanique du crâne. Les petites cornes sont, au contraire, Courtes et robustes et s’articulent directement tant avec le corps de l’hyoïde qu'avec la corne supérieure du cartilage thyroïde. Les Mégachiroptères des genres Æ'pomophorus et Hypsigna- thus s’écartent seuls de ce type d’une manière notable, comme l’a tout récemment montré M. Dobson (2). Le cératohyal est (1) De Blainville. Ostéographie des Mammifères, 1, Chiroptères, p: 9, 19, 25, 217, 29, pl. X (2) Dobson. On the structure of the pharynx, larynx and hyoïd bones of Epo- mophori (Proc. zoo. Soc., 1881, p. 685). 94 IH. A. ROBIN. encore cylindrique et plus ou moins raccourci, mais l’épihyal ou article terminal de la grande corne, au lieu de revêtir de même la forme d’une tige très grêle, s’élargit en une sorte de bouclier circulaire situé sur les côtés du pharynx. Sa surface antérieure, très concave chez le mâle, presque plane chez la femelle, présente, près de son point d’articulation, une apo- physe sur laquelle glisse comme sur une poulie le muscle mylo-hyoïdien.Cette apophyse existe seulement dans les espèces où le mâle possède, comme nous le verrons plus bas, des sacs pharyngiens, c’est-à-dire chez les E. Franqueti, pusillus, com- ptus, et chez l'Hypsignathus monstrosus, on la trouve, quoique très réduite chez la femelle, qui ne possède cependant pas ces sacs (fig. 25, a). Elle fait défaut, au contraire, chezles Æ. gam- bianus, labiatus et minor, dont l’épihyal est plus losangique et presque plan. $ 2. — Larynx. Pallas (1) est le premier auteur qui fasse mention du larynx des Chiroptères, en disant que chez le Vespertilio (Glosso- phaga) soricinum, cet organe est petit et court et la glotte bilabiée. Vicq d’Azyr (2) en donne quatre figures assez imparfaites chez deux espèces qu’il désigne sous le nom de Vampire à nez simple et Vampire à nez composé, et qui sont sans doute un Phyllostome et un Phyllorhina ou un Rhinolophe. Il nie lexistence de l’épiglotte et des cordes vocales qui, dans l’une des deux espèces, seraient représentées par quelques replis membraneux seulement; l’épiglotte est cependant nettement visible dans sa figure 21. Blumenbach (3) reproduisit cette assertion (4), qui fut (1) Pallas. Spocilegia zoologie, fasc. II, p. 32, 1767. (2) Vicq d’Azyr. Mémoire sur la voix (Mém. de l’Académie des sciences, 1779, p. 191, pl. XI, fig. 21 et 22, pl. XII, fig. 23 et 24). (3) Blumenbach. Handbuch der vergl. anatomie, p. 277, 1805. (4) C’est à tort que Meckel dit que Blumenbach nie l'existence du larynx tout entier chez les Chiroptères. Blumenbach s'exprime, en effet, en ces termes :. « Der Kehldeckel fehlt inzwischen den mehresten Fledermaüsen. » ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 95 définitivement repoussée par L. Wolff {1}, qui montre que l’épiglotte et les cordes vocales existent d’une manière con- stante. Cependant Guvier et Meckel, dans leurs traités d’ana- tomie comparée, en décrivant l’épiglotte comme beaucoup plus réduite qu’elle ne l’est en réalité, semblent hésiter à abandonner l’erreur de Vicq d’Azyr. Brandt (2) figura le larynx d’une Roussette et décrivit avec soin tous les cartilages qui entrent dans sa constitution. Sa description et l’une de ses figures ont été reproduites par Bishop (3), et ensuite par M. Owen (4). Le larynx est, dans la plupart des cas, assez simple ; chez les Mégachiroptères des genres Hypsignathus et Epomophorus seuls, il prend un développement tout à fait inusité. Nulle part il n’existe de sacs laryngiens véritables comme ceux que l’on rencontre chez un grand nombre de Singes par exemple, mais on observe des organes analogues annexés à la trachée dans les familles des Rhinolophides et des Nyctérides, au pha- rynx chez l’Hypsignathus monstrosus et certaines espèces d’Epomophorus. Vespertilionides. — Le larynx du Vespertilio murinus est court et large. Sa charpente (fig. 20) est formée par les carti- lages ordinaires : thyroïde, ericoïde, aryténoïdes et cartilages de Santorini. Le thyroïde revêt une forme assez particulière; chacune des deux lames qui se réunissent pour le constituer peut se diviser en deux portions. L’une antérieure, assez étroite, à bords à peu près parallèles, s’étend obliquement depuis le corps de l’hyoïde, sous lequel elle s’unit à sa congé- nère jusqu’au point où le diamètre transversal du larynx est le plus considérable; à son extrémité, elle porte un tubercule saillant sur lequel s’insère le muscle sterno-thyroïdien et qui limite supérieurement l'insertion du muscle constricteur (4) L. Wolff, Diss. anat. de organo vocis Mammalium, Berlin, 1812. (2) Brandt. Observationes anatomicæ de Mammalium quorumdam præser- dim quadrumanorum vocis instrumento, p. 28. Dissert. inaug., Berlin, 1816. (3) Bishop. Article Voice in Todd’s cyclopædia, IV, part. 2, p. 1489. (4) Owen. Comparative anatomy of Vertebrates, III, p. 586, 1868. 96 M. A. ROBIN. moyen du pharynx. La portion postérieure qui commence en ce point est presque aussi étendue que la première et a la forme d’une sorte d’aile verticale s’avançant latéralement jusque sur les côtés du pharynx; elle est constituée par la réu- mon des deux cornes thyroïdiennes, l’inférieure, qui s'articule avec le cricoïde, médiocrement développée et assez étroite, la supérieure, beaucoup plus étendue et faiciforme, arti- culée latéralement avec l'extrémité de la petite corne de l’hyoide. Le cartilage cricoïde est très élevé en arrière, sa hauteur dépasse la moitié de la hauteur totale du larynx; en avant, son bord supérieur est profondément échancré. La face postérieure du chaton est creusée de deux fossettes où S’insèrent les muscles crico-aryténoïdiens latéraux, fossettes séparées par une crête médiane assez accusée. Les cartilages aryténoïdes ont la forme d’un coin, ou plutôt d’une lame quadrilatère dirigée obliquement de dehors en dedans, à face antérieure plane, à face postérieure très excavée. À leur angle supéro-interne est un très petit cartilage de San- iorini. Îl n’existe pas de cartilage interarticulaire comme chez le Hérisson. En avant, les deux lames du thyroïde ne se rejoignent que sur une faible étendue; le cricoïde est lui-même profondé- ment échancré, de sorte que les deux cartilages laissent entre eux un large vide fermé par la membrane crico-thyroïdienne. La grande élasticité de cette membrane, jointe à l'absence de tout tissu résistant à sa surface externe, ne permet pas de la considérer comme un simple ligament; elle semble pouvoir jouer le rôle d’un sac laryngien temporaire. En ouvrant le larynx par la face postérieure, on reconnaît que ce sac tempo- raire est ouvert en avant et au-dessous des ventricules laryn- giens. Les ventricules sont étroits et peu profonds, les cordes vocales inférieures un peu plus saillantes que les supé- rieures. La partie médiane de la membrane crico-thyroïdienne est ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 97 libre, comme nous l’avons vu ; ses bords contribuent à donner attache au musele crico-thyroïdien dont les fibres sont très obliques de dehors en dedans (fig. 21). Ce muscle se divise nettement en deux faisceaux, dont l’inférieur, moins oblique, s’insère sur la corne inférieure du thyroïde. Les autres muscles ne présentent rien d’important à noter, les aryténoïdiens irans- verses sont fort peu développés. L’épiglotte est très saillante et soutenue en avant par un fibro-cartilage arrondi terminé en pointe obtuse. Les bords du repli épiglottique se prolongent jusqu’au sommet des cartilages aryténoides, formant autour de la glotte un bourrelet presque complet, une circonvallation contre laquelle le bord inférieur du voile du palais s'appuie d’une manière constante, fermant complètement en arrière la cavité buccale, comme chez le Cheval ou l'Éléphant. C’est cette disposition qui permet à l’animal de tenir la bouche ouverte pendant qu'il vole sans amener de trouble dans les mouvements respiratoires. La constitution du larynx est la même chez tous les repré- sentants de la famille des Vespertilionides. Chez l’Oreillard, la membrane crico-thyroïdienne est un peu plus développée que chez le Murin. | Rhinolophides. — Le larynx des Rhmolophes diffère de celui des Vespertilions, en ce qu’il est plus court et plus fortement musclé, mais surtout par la présence de trois ampoules carti- lagineuses trachéennes. La portion postérieure du cartilage thyroïde (fig.29) est beau- coup plus réduite, et n’est plus développée en forme d’aile; la corne inférieure, assez élargie et souvent ossifiée, continue la direction de la portion anttrieure ; la corne supérieure est très étroite et réduite à une petite tige rectiligne. Le bord inférieur du cartilage présente sur la ligne médiane une échancrure limitée par deux petites saillies. Le cartilage cricoïde, très étroit en avant, est, au contraire, très élargi en arrière et porte une carène verticale extrêmement saillante (fig. 23). La plus grande partie du cricoïde, de même que les cornes inférieures du thyroide, est souvent ossifiée. Les cartilages aryténoïdes 98 EH. 4. ROBIEN. sont eux-mêmes beaucoup plus volumineux que chez le Murin; ils portent deux apophyses qui se rencontrent sur la ligne mé- diane au-dessus du chaton du cricoïde. Leur extrémité supé- rieure est surmontée par un cartilage de Santorini qui sou- lève le bord de la glotte et forme presque, avec son congénère, une épiglotte postérieure telle que celle que nous allons trouver chez quelques Roussettes. Les muscles du larynx sont extrêèmemnt puissants, comme le montre le développement de leurs surfaces d'insertion; les thyro-aryténoidiens sont en particulier énormes. Les crico- thyroïdiens recouvrent entièrement la membrane crico-thyroi- dienne qui n’est plus élastique. | Immédiatement au-dessous du cartilage cricoïde se mon- trent deux grosses ampoules cartilagineuses sphériques, acco- lées l’une à l’autre en arrière, assez écartées en avant, leur cavité s'ouvre largement dans le larynx. Au premier abord, il est difficile de reconnaitre si elles appartiennent au cartilage cricoïde ou au premier cartilage trachéen ; cependant leur mo- bilité par rapport au cricoïde rend la seconde hypothèse plus vraisemblable. L’étude du genre Nycteris ne peut du reste laisser aucun doute à cet égard. Une troisième ampoule impaire, située immédiatement au- dessous des premières, est presque entièrement close et s'ouvre dans la trachée par un orifice étroit situé au niveau du qua- trième anneau ; sur tout le reste de son étendue, elle est sim- plement accolée à la trachée et lui est seulement reliée par du tissu conjonctif. Cette dernière ampoule est cartilagineuse dans ses parties latérales, fibreuse dans la région médiane. Les trois ampoules existent également développées aussi bien chez la femelle que chez le mâle. Les ampoules paires dues à une modification du premier anneau de la trachée ne me paraissent avoir d’analogue connu dans aucun autre groupe de Mammifères. Quant à l’ampoule impaire ouverte au niveau du quatrième anneau de la trachée et reliée sur toute son étendue à ce tube par du tissu conjonc- tif, elle est absolument comparable au sac trachéen décrit par ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 99 M. Alph. Milne-Edwards (1) chez les Lémuriens du genre Jn- dris. Cependant au lieu de descendre le long de la trachée à partir de son point d'insertion, elle remonte vers le larynx et, ce qui est plus important, ses parois sont en grande partie cartilagineuses, tandis que chez l’Indris elles sont entièrement membraneuses et susceptibles d’être comprimées par la con- traction des fibres inférieures du muscle constricteur du pha- Tynx. | Dans le genre Phyllorhina, où la structure du larynx est la même, les ampoules paires sont beaucoup plus étroites et plus: allongées dans le sens antéro-postérieur, aussi sont-elles en- tièrement cachées par les muscles crico-aryténoïdienslatéraux et pour les voir il faut enlever ces museles et le corps thyroïde. L’ampoule impaire qui existe chez les Ph. diadema et ar- migera, fait défaut chez le Ph. Commersonii. Elle est très sail- lante, à parois plus solidement cartilagineuses que chez les Rhinolophes, sauf sur la ligne médiane où elle présente un sil- lon qui lui donne un aspect bilobé. Nyctérides. — Ghez les Nycteris, la forme générale du larynx est la même, mais il est beaucoup moins puissant, moins forte- ment musclé, c’est dire que les diverses saillies des cartilages sont plus ou moins atténuées. L’épiglotte et les cartilages de Santorini sont peu saillants, de sorte que la glotte au lieu d’être bilabiée est arrondie et entourée d’un repli circulaire uni- forme. Les deux ampoules paires existent seules, mais elles se montrent très nettement formées par le premier anneau de la trachée modifié (fig. 24) et rattaché par une membrane au car- tlage cricoïde. Le larynx des Mégadermes est moins faible que celui des Nycteris, mais les ampoules font entièrement défaut. Phyllostomides. — Dans la famille des Phyllostomides, le larynx ressemble beaucoup à celui des Rhinolophes, mais ne présente aucune trace d’ampoules trachéennes. Comme chez (4) Alph. Milne-Edwards. Observations sur l’appareil vocal de l'Indris bre- vicaudatus (Ann. sc. nat., 6° série, I, 1874). ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1881. XII, 4. — ART. N° 2 100 H. A. ROBIN. les Rhinolophes, la membrane qui relie Le cricoide au thyroïde est entièrement cachée par les muscles. Le cricoïde ne possède pas d’échancrure médiane, ses cornes inférieures sont mé- diocres. Les cartilages de Santorini sont très petits. Le cri- coïde est un peu moins élevé chez le Desmodus que dans les autres gen es. Emballonurides. — Dans le groupe des Molossiens, le larynx estextrèmement voisin de celui des Vespertilionides; les cornes supérieures du cartilage thyroïde sont seulement plus réduites et plus étroites; les cartilages aryténoïdes un peu plus grands. La membrane élastique est moins développée chez le Chei- romeles que. chez les Nyctinomus et les Molossus. Chez le Taphozous melanopogon, le cricoïde prend un déve- ioppement vertical extraordinaire, au moins en avant, où il est aussi élevé qu’en arrière ; il acquiert ainsi la forme d'un tronc de cône se continuant avec la trachée par sa petite base ; il s'élève jusque vers le bord du thyroïde de sorte que la mem- brane crico-thyroïdienne est presque supprimée. Les cornes inférieures du thyroïdes ont assez développées; les supérieures, au contraire, médiocres. Les anneaux de la trachée sont lar- gement interrompus en arrière et la partie fibreuse qui relie leurs extrémités est plissée et probablement susceptible de se dilater au moment de la phonation du cinquième au dixième anneau. Une disposition analogue est non moins nette chez lEmballonura nigrescens, où la structure du larynx est la même, ainsi que chez les Æhynchonycteris et les Saccopterix. Une extensibilité analogue de la membrane de la trachée- artère a été signalée par Cuvier (1) chez l’Afeles paniscus et par M. Alph. Milne-Edwards (2) chez l'A. melanocheir. Le larynx du Noctilion est beaucoup plus large et plus court que celui des genres précédents et se rapproche davantage du type des Rhinolophides. Le cricoïde est étroit en avant et la membrane qui le réunit au thyroïde recouverte par les fibres (1) Cuvier. Anatomie comparée, 2° éd., VEIL, p. 782. (2) Alph. Milne-Edwards. Loc. cit., p.3. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 101 du muscle crico-thyroïdien. La corne supérieure du thyroïde est cependant encore aplatie et aliforme au lieu d’être linéaire comme chez les Rhinolophes. Il n'existe aucune trace d’am- poules trachéennes. Chez le Rhinopoma, l'organisation du larynx diffère moins de celle des Emballonurides ordinaires ; le cartilage cricoïde est cependant déjà notablement plus étroit en avant. Les cornes du thyroïde sont l’une et l’autre très réduites, surtout la supé- rieure, qui ressemble à celle des Rhinolophides. Les cartilages aryténoïides sont assez volumineux. MÉGACHIROPTÈRES (Préropodides).—Le larynx des Pteropus, d’un développement normal par rapport à la taille de animal, est spécialement caractérisé par la forme du cartilage thyroïde dont les lames sont presque rectangulaires, un peu plus étroites cependant en avant que sur leur bord libre. La corne supérieure rattachée à l’hyoïde est très courte ; la corne infé- rieure fait entièrement défaut et c’est l'angle inférieur de la lame thyroïde non différenciée qui s'articule avec le cartilage cricoïde. Celui-ci, assez étroit en avant, est trèsélevéen arrière où sa carène est médiocrement saillante. Les aryténoïdes sont relativement peu développés et ressemblent pour la forme à ceux du Murin. Les muscles ne présentent aucune particularité importante à noter, les sterno-hyoïdiens sont plus rapprochés de la ligne médiane que chez les Microchiroptères, les crico-thyroïdiens contigus à leur origine cricoïdienne s’écartent un peu supé- rieurement pour laisser voir la membrane crico-thyroïdienne sur un petit espace triangulaire. Ces muscles sont contigus sur toute leur longueur chez les Cynopterus et les Cynonycteris. En même temps le cartilage thyroïde est un peu plus étroit et il existe une corne inférieure distincte dans le premier genre, à peu près égale à la corne supérieure chez le Cynonycteris amplexicaudatu. Le larynx des Epomophorus et Hypsignathus diffère entière- ment de celui de tous les autres Chiroptères par ses dimen- sions inusitées. Il n’a pas moins chez l'E. comptus de deux 102 NÉ. A. HOEX. centimètres de hauteur sur un centimètre de diamètre et oc- cupe toute la longueur du cou depuis la base de la langue jus- qu’au sternum (fig. 2). Ce développement énorme n'’entraine du reste aucune modification importante dans la constitu ion de l’organe lui-même; mais il existe chez les mâles de cer- taines espèces des sacs pharyngiens qui n’ont d’analogue chez aucun autre Mammufère. M. Dobson (1) a donné tout récemment de ces parties une excellente description que je ne puis que résumer ici. L’isthme du gosier, c’est-à-dire l’espace compris entre les piliers antérieurs et les piliers postérieurs du voile du palais, est, comme nous l'avons vu, extrêmement allongé, de sorte que l’appareil hyo-laryngien est reporté vers la base du cou. L’hyoïde, dont la grande corne revêt la forme étrange décrite plus haut, donne insertion en avant seulement aux muscles hyo-glosses et mylo-hyoïdiens, qui partant de sa petite corne se dirigent en avant et restent écartés, laissant voir sur la ligne médiane la muqueuse du pharynx qui n’est séparée de la peau que par une masse graisseuse. Le pharynx ou plutôt l’isthme du gosier donne naissance à deux paires de sacs, dont les antérieurs sont situés sur les côtés du cou au-dessous et en arrière des oreilles; les postérieurs séparés des précédents par le muscle sterno-mastoïdien s’é- tendent jusque sur la partie antéro-inférieure du thorax. Cest au col de ces derniers sacs qu'est due la dépression an- térleure des épi-hyaux et chez Îa femelle où ces sacs n’existent pas, cette suriace n’est pas entièrement plane, mais la conca- vité en est peu prononcée. Telle est la disposition chez les Epomophorus Frangueti, comptus et pusillus. Chez l'Hypsignathus monstrosus, les sacs postérieurs n’existent pas, mais les sacs antérieurs sont bien développés et séparés par un troisième sac impair. Au contraire, chez les Epomophorus macrocephalus, labiatus et minor, il existe des muscles génio-hyoïdiens accolés sur la (1) Dobson. Loc. cit. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 103 ligne médiane et recouvrant par conséquent la muqueuse du pharynx. Les sacs, si développés dans les espèces précédentes, font entièrement défaut, mais 1l existe un très petit sac ou di- verticulum de la paroi dorsale du pharynx, ouvert presque au- dessus de la glotte et derrière les arrière-narines. N'ayant eu à ma disposition que des femelles d'Hypsigna- thus monstrosus et d’'Epomophorus complus, je n'ai pu répéter les observations de M. Dobson relativement aux sacs pharyn- glens. Quant au larynx, ses proportions inusitées sont surtout dues au cartilage thyroïde, dont la hauteur forme les deux tiers de la hauteur totale de l'organe. Chez l’Epomophorus comptus (lg. 25), les deux lames réu- nies en avant sur toute leur longueur forment non plus un angle dièdre plus ou moins marqué, mais une surface convexe déprimée à la partie supérieure, faisant au contraire saillie à la partie inférieure en une pomme d'Adam très proéminente. Les deux angles se prolongent en deux cornes supérieure et inférieure. Le cricoïde est lui-même très large en avant et est relié au thyroïde par une membrane erico-thyroïdienne assez courte. En arrière, il est médiocrement élevé et le sommet du chaton ne dépasse pas le milieu du cartilage thyroïde. Au-dessus de ce point la paroi postérieure du laryax est formée par les aryténoides accolés l’un à l’autre. Ges pièces qui, avec les cornes inférieures du thyroïde, sont les seules par- ties non ossifiées du larynx, ne dénassent pas le développement habituel et sont très aliongées dans le sens transversal. L’épiglotte, plus développée elle-même qu'elle ne l’est gé- néralement, se recourbe en arrière en une sorte de voûte dans la concavité de laquelle vient pénétrer en arrière une valvule qui la clôt très exactement (fig. 26). Cette sorte d’épiglotte postérieure est soutenue par le cartilage de Santorini, très dé- veloppé dans le sens vertical et terminé supérieurement en massue. Les muscles sterno-hyoïdiens et sterno-thyroïdiens sont 104 H. A. ROBIN. courts et rubanés (fig. 25). Le crico-thyroïdien est extrême- ment étendu dans le sens transversal; le thyro-hyoïdien est au contraire étroit et relativement File Les ventricules laryngiens sont extrêmement ru (fig. 26) et les cordes vocales tant supérieures qu'inférieures très saillantes. Les cordes vocales supérieures se continuent vers leur milieu en deux énormes tubercules semi-lunaires, soutenus par une charpente fibro-cartilagineuse et dirigés verticalement, qui s’élèvent jusque sous l’épiglotte postérieure. Ces deux coussins, comme les appelle M. Dobson, sont aplatis et semblent appliqués l’un contre l’autre à l’état de repos. Chez l'Hypsignathus monstrosus, la disposition est la même. Le larynx entièrement cartilagineux est plus élargi et plus aplati, de sorte quele thyroïde a davantage la forme d’un bou- clier; ses cornes supérieures sont plus réduites. Les cartilages de Santorini se réunissent en une pièce impaire, de forme pyra- midale, appuyée sur le sommet des aryténoïdes et soutenant l'épiglotte postérieure. La membrane crico-thyroïdienne est entièrement couverte par les muscles crico-thyroïdiens. Le muscle thyro-hyoïdien est beaucoup plus court que chez l’Epomophorus et s’insère seulement à la partie supérieure du thyroïde au-dessus des sterno-thyroïdiens. s L’épiglotte est plus saillante encore et plus recourbée en dôme recouvrant entièrement la glotte. $ 3. — Trachée. | La trachée se divise en deux bronches, dont chacune pénètre dans le poumon avant de se subdiviser. Les anneaux sont tantôt complets, tantôt interrompus en arrière, variations sans grande importance qui ne suivent pas l’ordre zoologique. J'ai trouvé les anneaux complets dans toute la longueur de la tra- chée dans les genres Rhinolophus, Phyllorhina, Nycteris, Ple- cotus, Synotus, Miniopterus, Noctilio, Rhinopoma ; les derniers seulement sont incomplets chez le Vespertilio mystacinus, et les Phyllostoma, Macrotus, Garollia, Glossophaga, Artibeus. ARTICLE N° 9. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 405 Ils sont interrompus dans toute la longueur de la trachée chez le Vespertilio murinus, les Vesperugo, Scotophilus, Atalapha, Desmodus, où la partie membraneuse est du reste fort étroite ; elle est plus large chez les Cheiromeles, Molossus et Nycti- nomus. Dans les genres Taphozous, Saccopterix, Emballonura, les premiers anneaux sont très largement interrompus, les autres ont leurs extrémités beaucoup plus rapprochées. Le contraire a lieu chez les Mégachiroptères, où les premiers an- neaux sont à peine interrompus, tandis que les suivants le sont de plus en plus largement ; les deux premiers sont même com- plets dans les genres Pferopus et Eonycteris. Nous n’avons pas à revenir sur les sacs vocaux formés aux dépens de la trachée et que nous avons décrits à propos du larynx. $ 4. — Poumons. L’amplitude de la cavité thoracique entraîne un volume re- lativement considérable des poumons. Le poumon droit est presque d’un tiers plus volumineux que Île poumon gauche, le cœur étant très fortement incliné vers la gauche (fig. 27). Quant à la forme même de chacun des deux poumons, au nombre des lobes qu’ils présentent, les variations ne suivent aucun rapport avec les groupes naturels. Au contraire, elles semblent régies par la taille de l’animal, de sorte que le nombre des lobes et la profondeur des scissures qui les sépa- rent sont d'autant plus grands que l’animal est lui-même plus grand. Dans une même famille on peut prévoir presque à coup sûr que deux espèces de même taille auront les poumons de forme semblable. Il n’en est pas toujours de même entre fa- milles différentes et un Taphozous par exemple a les poumons beaucoup plus simples qu’un Carollia de dimensions à peu près égales. MÉGacHIROPTÈRES. — Le maximum de complexité est pré- senté par les espèces de grande taille telles que le Péeropus medius (fig. 27). J'ai trouvé dans cette espèce, aussi bien que dans le Pferopus rubricollis, le poumon droit divisé constam- 406 H. A. ROBE. ment en quatre lobes et le gauche en deux lobes comme l'avait vu Daubenton (À) et non pas le droit en quatre et le gauche en trois comme le veut Cuvier (2), ou bien encore le droit en trois et le gauche en deux selon l'opinion de M. Owen (3). Le poumon gauche est divisé par une scissure qui entame . profondément son bord antérieur en deux lobes, dont l’infé- rieur est de beaucoup le plus grand. Dans le poumon droit, au contraire, on distingue quatre lobes. Unescissure peu profonde intéressant le bord antérieur sépare le lobe supérieur du lobe moyen. Celui-ci est séparé du lobe inférieur par une scissure beaucoup plus profonde entamant la base du poumon. Enfin un quatrième lobe, que j'appellerai lobe postérieur plutôt que lobe impair comme le font quelques anatomistes, est séparé du lobe inférieur, entre lequel et le cœur il est placé, par une scissure à peu près parallèle à la face postérieure du poumon. La veine cave inférieure le limite en dehors et à droite, en pas- sant dans la partie externe de cette scissure. C’est de ce lobe postérieur que Guvier parle lorsqu'il dit que « les Mammifères ont de plus que l'Homme un lobe accessoire appartenant au poumon droit, qui s’écarte de ce poumon et se place en arrière du cœur entre ce viscère et le diaphragme (4) ». Des encoches secondaires peuvent subdiviser plus ou moins ces lobes et en particulier les lobes supérieur et inférieur du poumon droit (fig. 27). Le bord antérieur des deux poumons est plus ou moins concave, les lobes supérieurs s’avançant sur le devant de la base du cœur et des gros vaisseaux qui en partent, tandis que le lobe moyen du poumon droit et le lobe inférieur du pou- mon gauche s’étirent en forme de promontoire pour aller à la rencontre l’un de l’autre en avant et au-dessous de : pointe du cœur. La même division des poumons se retrouve chez la plupart (1) Daubenton in Buffon et Daubenton. Hist. nat., X, p. 70, 1763. (2) Cuvier. Anat. comp., 2° éd., VII, p. 151. (3) Owen. Comp. anat. of Vertebrates, 1, p. 577, 1868. (4) Cuvier. Anat. comp., 2 éd., VII, p. 24. ARTICLE N° 2, ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 107 des autres Mégachiroptères : Cynonycteris amplexicaudata, Hypsignathus monstrosus, Epomophorus comptus ; dans le der- nier, les scissures sont moins profondes et le lobe postérieur n’est délimité que par le sillon de la veine cave. Chez l’Eonyc- teris spelæa, qui est de beaucoup plus petite taille, le poumon gauche est absolument indivis et la scissure qui sépare le lobe inférieur du lobe moyen du poumon droit tend à disparaître. Phyllostomides. — Dans la famille des Phyllostomides, lAr- tibeus perspicillatus et le Phyllostoma hastatum ont les pou- mons divisés respectivement en quatre et en deux lobes exac- tement comme les Péeropus ; Le lobe postérieur est relativement plus petit et de forme plus triangulaire. Chez le Desmodus rufus, la scissure du poumon gauche est beaucoup moins profonde et le lobe moyen du poumon droit est à peine séparé du lobe supérieur. Chez le Carollia brevi- cauda et le Macrotus Waterhousii, le poumon gauche est abso- lument indivis, le poumon droit présentant encore ses quatre lobes bien distincts. Enfin chez le Glossophaga soricina, la plus petite espèce du groupe que j'aie étudiée, les différentes scis- sures du poumon droit existent encore, mais sont très peu profondes. Vespertilionides. — Chez les Vespertilionides, le poumon gauche est toujours indivis. Le poumon droit possède ses quatre lobes habituels chezle Vesperugo serotinus, le Synotus barbastellus et le Miniopterus Schreibersi. Le lobe moyen n’est pas séparé du lobe supérieur chez le Vespertiho murinus, le V. mystacinus, le Scotophilus Temminchu et le Plecolus au- ritus ; encore la scissure qui sépare le lobe inférieur du lobe moyen est-elle à peine indiquée dans cette dernière espèce. Le lobe postérieur est partout le plus profondément délimité. Emballonurides. — Parmi les Emballonurides les espèces où les quatre lobes du poumon droit sont distincts sont le Noctilio leporinus, le Cheiromeles torquatus et le Molossus obscurus; le lobe supérieur se confond avec le lobe moyen et les lobes inférieur et postérieur ne sont que peu profondément délimités chez le Taphozous melanopogon. Le lobe postérieur 108 H. A. ROBIN. est seul distinct chez le Rhynchonycteris naso et l’Emballonura nigrescens. Dans le genre Saccopterix cependant, on retrouve une scissure entre le lobe supérieur et le lobe moyen. Enfin chez les Rhinopoma, les deux poumons sont indivis, Nyctérides. — Chez le Mégaderme, des scissures très pro- fondes limitent encore le lobe postérieur et le lobe inférieur du poumon droit; les lobes moyen et supérieur ne sont pas séparés; une amorce de scissure indique même la division du poumon gauche en deux lobes. Chez les Nycteris, au contraire, les deux poumons sont ab- solument indivis; à peine la veine cave creuse-t-elle dans le poumon droit un léger sillon pouvant indiquer le lobe posté- rieur, ; Rhinolophides. — TU en est de même chez tous les représen- tants de la famille des Rhinolophides. CONCLUSIONS 4° Le corps de lhyoïde est médiocrement développé; les cornes inférieures s’articulent directement avec lui et sont courtes et fortes; les grandes cornes sont bi-articulées, très allongées et très grêles et se terminent par une extrémité aplatie et accolée à la bulle tympanique (De Blainville). Dans les genres Hypsignathus et Epomophorus, le deuxième article de la grande corne prend, au contraire, la forme d’un disque osseux plus ou moins excavé (Dobson). 2 Le larynx est formé par les cartilages ordinaires; des fibro-cartilages accessoires existent sur les côtés et au-dessus des cordes vocales supérieures chez les Epomophorus et Hypsi- gnathus (Dobson). Les cartilages de Santorini se soudent en une seule pièce impaire chez l'Hypsignathus. 3° Il n'existe jamais de sacs laryngiens bien caractérisés, la membrane erico-thyroïdienne semble pouvoir en jouer le rôle dans certaines limites chez les Vespertilionides et les Mo- lossiens. 4 Les mâles de l’Hypsignathus monstrosus et de certains ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 109 Epomophorus ont des sacs pharyngiens très vastes, ouverts dans l’isthme du gosier, qui font entièrement défaut chez la femelle (Dobson). | 5° Chez les Rhinolophides et les Nycteris, le premier anneau de la trachée modifié constitue deux grosses ampoules eartila- gineuses latérales ; une troisième ampoule est constituée chez les Rhinolophes et certains Phyllorhina par des anneaux plus inférieurs. 6° La disposition des anneaux de la trachée n’a rien de con- stant ni d'important à noter. 7° Chez les grandes espèces, le poumon gauche est divisé en deux lobes, le poumon droit en quatre lobes; à mesure que la taille diminue, les scissures s’effacent, généralement dans l’ordre suivant : la scissure du poumon gauche, la scissure qui sépare le lobe supérieur du lobe moyen dans le poumon droit, celle qui sépare le lobe moyen du lobe inférieur; enfin la scissure du lobe postérieur, qui reste toujours indiquée par le sillon de la veine cave inférieure. III. — APPAREIL URINAIRE. Les reins sont situés à la partie supérieure et dorsale de la cavité abdominale, quelquefois à peu près au même niveau, comme chez les Cynonycteris, les Artibeus, les Nycteris et les Rhinolophus. Cependant le rein droit est presque toujours un peu plus élevé que son congénère, souvent de la moitié de sa hauteur. Nous avons déjà vu, à propos de la description du foie, que le lobe latéral droit, ou le lobe caudé de ce viscère, était presque toujours creusé d’une fossette pour loger la par- tie supérieure du rein, tandis qu’une fossette analogue n’exis- tait que rarement dans le lobe latéral gauche. La forme des reins est assez variable. Chez la plupart des Mégachiroptères, 1is sont d'ordinaire courts et gibbeux ; le bord interne est à peine creusé d’une dépression dans laquelle pénètrent l’uretère et les vaisseaux sanguins. Ils sont plus allongés cependant chez l'Eongycteris et le Harpyta. 410 H. A. ROBIN. Dans le sous-ordre des Microchiroptères ils se rapprochent d'ordinaire davantage de la forme de haricot habituelle, le bord externe étant très convexe et le bord interne présentant une concavité régulière au fond de laquelle est le hile. Cepen- dant ils sont quelquefois, comme chez les Mégadermes, étroits et allongés, presque cylindriques. Souvent leur bord interne est comprimé et presque tranchant. Le rein est toujours simple, c’est-à-dire formé d’une seule pyramide médullaire plongeant dans le ‘bassinet; le calyce unique qui enveloppe la pyramide, n’est lui-même rien autre chose que la paroi du bassinet réfléchie. La situation du bassinei par rapport à la substance du rein est très variable. Quelquefois, chez tous les Mégachiroptères, la plupart des Phyllostomides, quelques Vespertilionides (Mi- mopterus), l'uretère sort du rein avec le diamètre qu’il conser- vera dans toute sa longueur. Plus souvent le bassinet est en partie extra-rénal (Rhino- lophus, Megaderma, Vespertilio, Vesperugo serotinus, Carollia). Souvent l'extrémité de cette pyramide fait même saillie au dehors du rein de façon à être visible à l’extérieur. On en aper- çoit ainsi le sommet chezles Phyllorhina, les Atalapha, le Nyc- tinomus plicatus etle Desmodusrufus. D’autres fois, le bassinet, élargi et presque entièrement situé en dehors du rein, laisse voir à travers sa paroi la pyramide sous la forme d’un gros mamelon. C’est le cas du Taphozous melunopogon (fig. 28), du Noctilio leporinus, du Cheiromeles torquatus, des Nycteris. Enfin il est des cas où le bassinet, au lieu d’avoir la forme d’un pavillon court et élargi, est très étroit et extrêmement allongé en cornet; la pyramide devient alors très grêle et presque cy- lindrique, et se prolonge dans son intérieur jusqu’à une dis- tance du hile qui chez l'Emballonura nigrescens (fig. 29), où cette disposition est portée à son plus haut degré, le cède à peine à la hauteur totale du rein. La même disposition se retrouve moins accentuée cependant chez les Nyctinomus brasiliensis et acetabulosus, le Molossus obscurus, le Saccopteriæ plicata, le Rhynchonycteris naso et même le Vesperugo Kuhlu. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 141 Les uretères croisent les canaux déférents et vont s'ouvrir sur les côtés, et un peu en arrière du col de la vessie ou tout au moins de la partie terminale de ce réservoir. Jamais ils ne débouchent vers son milieu comme chez certains Rongeurs, encore moins à son sommet comme chez certains Cétacés. La vessie elle-même est assez spacieuse; sa couche muscu- leuse est médiocrement développée. CONCLUSIONS 4° Les reins sont toujours simples. 2 Le rein droit est d'ordinaire situé dans la cavité abdomi- nale à un niveau un peu plus élevé que le gauche. 3° Le bassinet esl tantôt entièrement caché dans la sub- stance du rein et tantôt, au contraire, extérieur ; la pyramide médullaire peut alors y faire saillie sur une longueur quelque- fois assez considérable. 4 Les uretères débouchent toujours dans le col de la vessie. IV. — APPAREIL GÉNITAL DU MALE. La position des testicules varie suivant l’époque de l’année où l’on observe les Chiroptères. Âu moment du rut, ils sont situés sous la peau et le muscle pubio-cutané qu'ils soulèvent de façon à former une sorte de scrotum provisoire plus ou moins saillant de chaque côté de l’anus (1). Plus tard, le canal inguinal étant largement ouvert, ils rentrent dans la cavité ab- dominale ou restent plus ou moins engagés dans l’anneau qui leur a livré passage. La migration ne se fait du reste pas si- multanément pour l’un et l’autre testicule et il m'est souvent arrivé, tant chez les Roussettes que chez les Microchiroptères, de trouver l’un de ces organes entièrement sorti de l'abdomen tandis que de Pautre côté la partie inférieure de l’épididyme s’engageait à peine dans l’anneau inguinal. Au moment où la (1) Cuvier. Anat. comp., ® éd., VIII, p. 102. 419 FH. A. ROBIN. masse testiculaire franchit ce canal, la partie inférieure de l’épididyme se détache du testicule et s’étire pour s’y engager la première. La masse du testicule et de l’épididyme réunis est envelop- pée par une tunique vaginale épaisse et très résistante, dont le feuillet pariétal est réuni au feuillet viscéral par un frein qui suit d'ordinaire le bord convexe de l’épididyme et se portesur le testicule seulement à la partie postérieure et inférieure, ra- rement à la partie supérieure (Phyllostomides). Les vésicules séminales et la prostate présentent des varia- tions considérables suivant les familles et aussi suivant les genres. La forme des vésicules séminales est la mème dans Îles différentes espèces d’un même genre et souvent dans des genres voisins, mais ce n’est que dans des familles extrême- ment homogènes comme celle des Phyllostomides ou celle des Ptéropodides qu’elle est constante. Dans les autres cas, leurs dispositions sont d’un plus grand intérêt peut-être encore en ce qu'elles mettent en lumière des affinités que la comparaison des caractères fournis par l’ensemble des autres organes montre être réelles et facilitent l'établissement de groupes naturels. Ainsi dans la famille des Emballonurides, le groupe qui com- prend les Taphiens et les Emballonures est parfaitement na- turel et s’allie très nettement avec les Molossiens dont les caractères extérieurs assez différents ne sont que l’expression d'une adaptation à un autre mode de vie; il ne présente au contraire que des affinités assez lointaines avec les Noctilions et les Rhinopomes. De même dans la famille des Vespertilio- nides, la constitution des vésicules séminales montre des affi- nités considérables entre les Oreillards et les Barbastelles d’une part et les Minioptères de l’autre et me paraît devoir au- toriser les naturalistes à rapprocher ces genres, comme le fait M. Peters, et ales placer dans le voisinage des Vesperugo, aulieu de Séparer les Minioptères de tous les autres Vespertilionides à cause de la convexité de leur crâne et de la longueur propor- tionnelle de leur queue, comme le veut M. Dobson. Les variations de la prostate sont au contraire sans rapports ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 113 bien nets avec la classification naturelle et par conséquent de peu d'importance au point de vue taxonomique. Les glandes de Cowper existent d’une manière constante ; dans un seul cas, chezle Plecotus auritus, elles sont au nombre de deux paires. Le pénis se termine par un gland de forme assez variable et dans l'épaisseur duquel existe souvent un os pénien. Souvent même, quand cet os semble faire défaut, on en retrouve des vestiges histologiques. Il n'existe jamais de fre du prépuce. MÉGacuiRoPTÈRES.— Le testicule des Roussettes est arrondi, presque sphérique ou à peine aplati; son volume subit de même que sa situation des variations notables et chez un Cynonycteris amplexicaudata, tuë probablement à l’époque du rut ou peu après cette période (plusieurs femelles provenant de la même chasse étaient dans un état de gestation peu avancé), 1l était sensiblement supérieur à celui du rein. L’albuginée est épaisse et chez les Pferopus contient un pig- ment noir, signalé par Leydig (1), qui colore le testicule et l'épididyme; je n’ai retrouvé cette coloration dans aucun des autres genres que J'ai étudiés. L’épididyme (fig. 30) est généralement énorme et contourne presque entièrement le testicule; à la partie supérieure de celui-ci, 1l présente une tête renflée, puis s’amineit le long du bord externe, se renfle de nouveau au-dessous du testicule, se réfléchit enfin le long du bord interne et forme le canal défé- rent, qui, très flexueux d’abord, devient peu à peu rectiligne. Les canaux déférents sont toujours assez courts, les testi- cules étant seulement situés des deux côtés de l'anus; leur longueur est de 22 millimètres chez le Pteropus medius, de 14 millimètres chez le Cynonycteris amplexicaudata, de 11 millimètres chez le Harpyia cephalotes et seulement de 9 millimètres chez le Cynopterus Jagorii. Ils débouchent chez les Preropus aux angles antérieurs d’un organe compact, de forme quadrilatère, situé en arrière . (4) Leydig. Zur anatomie der männlichen Geschlechisorgane und anal- drüsen der Saïgethiere (Zeitschrift für wis. Zool., I, 1850, p. 5). 114 H. A. ROBIN. de la vessie et au-dessus de la prostate dont il est séparé par un sillon assez profond (fig. 33). De cet organe naissent en ar- rière et près de ses angles postérieurs deux tubes en cæcum, longs de près de deux centimètres, flexueux et renflés à leurs extrémités qui se recourbent en dehors en forme de crosse. Au- dessous de ces organes, la prostate forme autour de l’urèthre une ceinture glandulaire complète, renflée sur Les côtés, étroite au contraire aux parties antérieure et postérieure. Son aspect glanduleux contraste avec l'apparence compacte des autres parties que je viens de décrire. Leydig (1), qui à étudié avec soin ces organes déjà déerits par Cuvier (2), considère les deux cæcums comme des vésicules séminales et le corps quadrilatère comme un lobe antérieur de la prostate, tout en constatant la différence d'aspect qui existe entre eux. Les observations de l’illustre histologiste ont porté sur des pièces conservées dans l'alcool etil n’a pas pu en établir complètement la structure ; il a seulement constaté que les parois étaient formées de muscles lisses et que la cavité glandulaire divisée en compartiments assez spacieux renfer- mait en abondance des spermatozoïdes et des corpuscules arrondis de nature indéterminée. Au début de mes recherches, j'avais admis l'opinion de Leydig relativement à la nature prostatique du corps qui re- çoit les canaux déférents et les tubes cæcaux; et ces organes, débouchant à la face postérieure de la prostate loin des canaux déférents, m’avaient paruavoir la signification d’un utérus mâle bien plutôt que celle de vésicules séminales. Leur ressem- blance avec l'utérus mâle de certains Rongeurs était du reste frappante. L'observation du Cynonycteris amplexicaudata, chez lequel le prétendu lobe antérieur de la prostate est très réduit et n’est plus séparé du corps de la prostate par un sillon continu, me confirma dans cette opinion, et, dans une communication préalable (3), j'ai déerit comme utérus mâle les tubes cæcaux (1) Levdig. Loc. cit. (2) Cuvier. Anat. comp., 2° éd., VIIL, p. 162. (3) Comptes rendus de l'Académie des sciences, XC, 1880, p. 1369, ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 119 Mais l'observation d'espèces différentes m'a fait reconnaître une erreur dans cette interprétation et revenir à l'opinion de Cuvier pour lequel le corps quadrilatère, aussi bien que les tubes cæcaux, appartient aux vésicules séminales. Chez le Cynopterus Jagoru en effet, la prostate n’entoure plus l’urèthre, mais forme seulement en avant et sur les côtés une sorte de demi-anneau (fig. 31 et32), largement interrompu en arrière. Les tubes cæcaux, auxquels je rendrai désormais le nom de vésicules séminales, sont énormes, beaucoup plus développés et plus contournés que chez les Pieropus, et pré- sentent un aspect nacré et une sorte de mosaïque dessinant les acini glandulaires dont ils sont constitués qui les différencie nettement de tous les organes voisins. Or, lastructure est exac- tement la même dans le prétendu lobe antérieur de la prostate avec les côtés duquel les vésicules séminales se continuent lar- gement. Get organe n’est donc pas autre chose que le résultat de la coalescence des vésicules séminales à leur partie infé- rieure; les canaux déférents débouchent comme à l’ordinaire dans son bord supérieur. L'étude histologique que j'ai faite postérieurement chez le Péeropus a du reste achevé de me dé- montrer que la structure est identique à celle des vésicules séminales et absolument différente de celle de la prostate. Chez le Harpyia cephalotes, la disposition se rapproche de celle du Cynonycteris amplexicaudata, la partie coalescente des vésicules séminales est très réduite et mal délimitée de la pros- tate sur la ligne médiane ; les rapports du canal déférent avec les vésicules séminales sont plus apparents. Celles-ci, quoique beaucoup plus petites que dans les espèces précédentes et longues de 8 millimètres seulement, présentent la même dispo- sition , leur extrémité très renflée se replie du côté interne. La prostate forme un anneau interrompu non pas en arrière comme chez le Cynopterus, mais en avant où ses extrémités se renflent en deux gros lobes. La portion spongieuse de l’urèthre commence immédiate- ment après la prostate par un renflement bulbaire, dans lequel viennent se déverser les produits de deux glandes de Cowper ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1881. XI. 15. — ART. N° 2. 116 H. A. ROBIN. volumineuses et falciformes, nettement séparées de l’urèthre et présentant un canal long de plus d’un millimètre, qui se dé- tache soit de leur angle ie ieur, soit de leur région moyenne comme chez le Harpyia. Le. muscle bulbo-caverneux présente partout un_.dévelop- pement extraordinaire et forme chez le Cynonycteris amplexi- caudata par exemple, en arrière de l'urèthre, une saillie épaisse de 7 millimètres et longue de 40 à 12 millimètres ; son volume est à peine moindre chez le Harpyia, bien que l'animal soit deux fois plus petit. Sur les côtés s’insèrent les ischio-caver- neux, divisés en deux faisceaux. Le pénis se termine par un gland en général très long ei cylindrique (i), dans lequel pénètre l'extrémité des corps ca- verneux. L’os du pénis occupe la partie supérieure du giand au-dessus du méat urinaire; sa forme est extrêmement va- riable depuis celle d’une selle enveloppant tout le gland jus- qu’à celle d’un stylet à peine visible. Chez les Cynopierus, le gland présente à sa face inférieure une gouttière qui s'étend dans toute sa longueur et dans la- quelle s’ouvre le méat urinaire. Chez le C. Jagorii même, la gouttière atteint la face supérieure en avant, de sorte que le gland est comme échancré à son extrémité. Rhinolophides. — Ghez les Rhinolophes, les testicules sont relativement petits, même au moment du rut; leur volume varie du simple au double suivant qu’ils sont en activité ou non (2). La figure 34 les représente à l’époque du repos, c’est-à-dire au commencement de l'hiver. L’épididyme, dont la figure montre les rapports avec le testicule, présente comme chez les Roussettes une tête qui coiffe le testicule, puis devient très grêle en longeant son bord (1) Daubenton in Buffon et Daubenton. Histoire naturelle générale et parti- culière avec la description du cabinet du roi, X, p. 66, 1763. (2) J'ai eu l’occasion de discuter ailleurs l’époque de l’activité génitale de ces Chiroptères et de montrer que, contrairement à ce qui a lieu chez la plupart des Chauves-Souris indigènes, c’est généralement au printemps que s’accouplent les Rhinolophes. ( Æ. A. Robin. Sur l’époque de laccouplement des Chauves- Souris. Bulletin de la Societé philomatique, ‘7° série, IV, p. 88, 1881.) ARTICTF N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 417 externe, le dépasse notablement et se renfle au point où il se réfléchit pour remonter dans la direction du canal déférent; ses deux branches sont séparées par une masse graisseuse qui s'étend jusqu’au testicule. Le canal déférent, long d'environ un centimètre, remonte par le canal inguinal, croise l’uretère et va déboucher dans les vésicules séminales. Celles-ci de même que dans l’espèce humaine comprennent deux parties, l’ampoule de Henle et la vésicule séminale pro- prement dite qui, bien que remplissant les mêmes fonctions et présentant la même structure histologique, sont très distinctes à l'extérieur. La première est formée par un simple renflement pyriforme de la partie terminale du canal déférent; à l’étai de repos elle occupe un millimètre de la longueur de ce canal (fig. 35); au moment de l’activité génitale au contraire, eile s'étend bien au delà du point où il croise l’uretère. Du côté interne elle s’accole à sa congénère, du côté externe elle se continue avec la seconde portion qui représente la vésicule séminale proprement dite de l'Homme et qui a l’aspect d’un corps globuleux, ovoïde, légèrement allongé dans le sens trans- versal et subissant les mêmes variations de volume que la première partie. Les vésicules séminales débouchent dans l’urèthre par deux conduits éjaculateurs qui traversent la prostate, dont la couleur gris rosé et l'aspect glanduleux con- trastent avec la surface lisse et d’un blanc nacré des vésicules séminales. | La prostate forme autour de l’urèthre une ceinture glandu- leuse presque complète, interrompue seulement sur la ligne médiane antérieure, où ses deux extrémités renflées arrivent du reste en contact. La portion membraneuse de l’urèthre paraît très courte et peu après s’être dégagée de la prostate se renfle subitemeni en une sorte de bulbe volumineux cordiforme qui va en s’a- mincissant pour acquérir un diamètre à peu près constant jusqu’au méat urinaire. On est porté à croire à première vue que ce renflement n’est autre chose que le bulbe de l’urèthre ou origine de la portion spongieuse, mais les variations de 118 H. 4. ROBIN. volume considérables qu’il subit et qui correspondent à celles des vésicules séminales montrent qu'il n’en est pas ainsi. L'examen microscopique y fait en effet reconnaître une énorme glande entourant le canal de l’urèthre. Cette glande, à laquelle je propose de donner le nom de glande uréthrale, diffère par sa structure comme par sa situation de la prostate; elle me parait devoir être considérée morphologiquement comme représen- tant des glandes de Littre conglomérées et développées outre mesure ; elle est aux glandes de Litire ce que les glandes sali- vaires sont aux follicules buccaux. RFA La portion spongieuse non délimitée supérieurement ‘est assez étroite et d’un diamètre à peu près constant. Elle reçoit à sa partie postérieure et au point où elle est recouverte par le muscle bulbo-caverneux les conduits des glandes de Cowper. Ces glandes sont deux petits corps aplatis, lenticulaires, longuement pédiculés, qui sont situés sous la peau dans le périnée et sur les côtés de l’anus ; les muscles ischio-caverneux cachent la partie terminale de leurs conduits. Le muscle bulbo-caverneux, saillant dans la région péri- néale, est beaucoup moins développé que chez les Roussettes. Le gland est cylindrique et creusé à sa face supérieure d’une youttière longitudinale, sur le plancher de laquelle fait saillie l’extrémité de l’os pénien, extrémité ligamenteuse du reste, la base étant seule osseuse. Le méat urinaire est entièrement terminal et s'ouvre au-dessous de l’os pénien. Les bords de la gouttière sont formés par les corps caverneux. Nyctérides. — Chez le Megaderma spasma, les proportions des diverses parties de l’appareil génital sont très différentes, ce qui produit un aspect extérieur tout autre. En effet, tandis que chez les Rhinolophes, même pendant la période du rut, les masses testiculaires font à peine saillir la peau, chez les Mégadermes à la même époque existe un énorme scrotum, situé en avant et sur les côtés de l’anus qu'il entoure presque com- plètement, et constitué par la saillie non seulement de deux gros testicules, mais aussi de deux glandes de Cowper d’un volume tout à fait insolite. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 119 Les testicules en effet, bien que la taille du Megaderma spasma dépasse peu celle du Rhinolophus ferrum-equinum, sont plus de deux fois aussi volumineux; 1ls constituent deux sphères régulières d’un diamètre de 5 millimètres. Leur volume considérable est dû à la grosseur des canalicules séminifères, qui sont très visibles à l’œil nu et dont le diamètre n’est pas de moins de deux dixièmes de millimètre. L’anse de l’épididyme est tout entière accolée à la face postérieure du testicule. Les glandes accessoires, à l’exception des glandes de Cowper, sont moins développées que chez les Rhimolophes (fig. 38); les “vésicules séminales sont réduites à leur première portion en continuité de direction avec le canal déférent; la prostate, énorme et non interrompue en avant, entoure complètement l’urèthre ; la glande uréthrale paraît faire entièrement défaut et la portion musculeuse de lurèthre est très raccourcie et s'engage sous le muscle bulbo-caverneux presque aussitôt après s'être dégagée de la prostate. En ce point débouchent les canaux de deux énormes glandes de Gowper globuleuses, de formecubo-sphériquaæ dont le vo- lume n’est que d’un tiers plus faible que celui du testicule lui-même. Je ne sache pas que nulle part ailleurs on ait trouvé une telle importance à ces glandes. Leur développement énorme dans un genre voisin des Rhinolophes, mais où la glande uréthrale fait défaut, permet de croire qu’elles rem- plissent à peu près le même rôle physiologique et que ces deux glandes peuvent se suppléer l’une l’autre. L'identité de struc- ture histologique est du reste presque absolue. La gouttière du gland gagne la face supérieure à son extré- mité de sorte qu’il présente comme deux lèvres verticales; la saillie de l’os pénien est beaucoup plus considérable que chez les Rhinolophes. Chez le Nycteris Revoili, les testicules comme développe- ment relatif sont intermédiaires aux Rhinolophes et aux Mé- gadermes, leur diamètre est de 2,5; l’épididyme y adhère dans toute son étendue, descendant le long du bord externe pour remonter à la face postérieure. 120 M. 4. ROBIN. Les canaux déférents débouchent aux deux angles d’un Corps triangulaire ou cordiforme (fig. 36), qui n’est autre chose que le résultat de la coalescence des deux vésicules séminales ; à la face postérieure un léger sillon indique encore leur sépara- tion primitive. Le col de cette vésicule séminale impaire s'ouvre dans l’urèthre au-dessous de la prostate. La prostate forme autour de l’urêthre une ceinture large- ment interrompue en avant. La partie postérieure médiané est très amincie et située entre la vessie en avant et la vésicule séminale en arrière, de sorte que, pour la voir, il faut écarter l’un ou l’autre de ces organes. Les deux extrémités au coh- iraire se renflent en deux gros lobes très écartés et situés sur les côtés de l’urèthre ; en avant (fig. 37) on lés voit dans oute leur longueur, en arrière (fig. 36) on n’en voit que les deux tiers inférieurs, la vésicule séminale qui les déborde cachant la partie supérieure. La portion membraneuse de l urèthré est plus alloïgée que chez le Mégaderme. Les glandes de Cowper sont plus dévelop- pées que chez les Rhinolophes, mais beaucoup moins que chez les Mégadermes. Le muscle bulbo-caverneux présente lui-même un allongement considérable qui se laissait voir déjà chez le Mégaderme, mais qui est beaucoup plus grand ici; tl semble avoir Su ppléé par la longueur à l'épaisseur qui lui fait défaut. L’os pénien fait saillie en avant de l’extrémité du gland qui est ainsi effilé et presque pointu. Vespertilionides. — Dans la famille des Vespertilionides, les olandes accessoires de l’appareil génital sont plus variables en apparence que dans les deux précédentes. Cependant, Si l’on y regarde de près, on voit que lés variations sont dé moindre importance. Là il n’y a plus en effet de substitution d'organes, comme chez les Mégadermes et les Rhinolophes où la glande uréthrale et les glandes de Cowper se balancent et semblent se remplacer l’une l’autre. Tei la glande uréthrale n’exise jamais, les glandes de Cowper sont avec une seule exception de forme et de volume constants ; les variations ne portent par consé- quent que sur les LE séminales et surtout sur la prostate ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 121 qui est tantôt petite, taniôt plus développée, tantôt simple, tantôt au contraire divisée en plusieurs lobes distincts et en- tièrement séparés. Je prendrai pour type le Vespertilio murinus parce que cette espèce, facile à se procurer, présente un degré de compli- cation moyen aisé à rattacher aux types les plus simples et permettant de comprendre ceux qui sont plus complexes. Dans cette espèce, les testicules sont de forme ovoïde, beau- coup plus allongés que ceux des Rhinolophes; l’épididyme, les dépassant de beaucoup inférieurement avant de se réfléchir sur lui-même, constitue un organe allongé, pyriforme, qui se loge sous la peau et pénètre dans l'épaisseur de la membrane interfémorale dont 1l soulève le feuillet inférieur. La masse du testicule et de l’épididyme dans son ensemble est enveloppée par une tunique vaginale remplie de pigment noir. Un fait extrêmement curieux m'a frappé, dès le commence- ment de mes études, dans cette espèce et dans plusieurs autres représentants de la même famille et des deux familles sui- vantes : je veux parler de l’asymétrie que présentent les liga- ments suspenseurs de la glande sexuelle. En effet, dans tous les cas, le ligament suspenseur droit, soit du testicule, soit de l'ovaire (ligament rond antérieur de Nitzch)}, va s’insérer sur le côté de la colonne vertébrale, au niveau de l'origine des piliers du diaphragme, en passant derrière le rein et la capsule surré- nale du même côté (fig. 39). Son congénère du côté gauche, au contraire, passe constamment en avant du rein et s’insinue entre cet organe et la capsule surrénale. Le même fait sere- trouve chez le Vespertilio mystacinus, l’Atalapha noveboracen- sis, les Vesperugo serctinus et Kuhlii, le Synotus barbastellus; je l'ai rencontré également chez les Nyctinomus plicatus, ace- tabulosus et brasiliensis, le Noctilio leporinus et le Rhinopoma microphyllum parmi les Emballonurides et chez un Phyllo- stomide, l’Artibeus perspicillatus. Gette disposition est-elle la trace d’une asymétrie primitive dans les glandes sexuelles? L’épithélium germinatif donne-t-il naissance au testicule ou à lovaire d’un côté en dedans, de l’autre côté en dehors du 1499 H. A. ROBIN. corps de Wolff? Je n’ai pas eu l’occasion d'examiner des em- bryons dans lesquels l’organe sexuel n’ait pas encore com- mencé sa migration et je ne puis par conséquent qu'émettre des Hoche à cet égard. Le canal déférent, long d’environ 18 millimètres, va dé- boucher dans la vésicule séminale assez près de son sommet, sans cependant se continuer directement avec une ampoule de Henle comme chez le Rhmolophe. La vésicule séminale se divise en deux parties bien dis- tinctes, inégales et situées l’une à la suite de l’autre. La pre- mière est un organe pyriforme, sur le côté duquel débouche le canal déférent ; sa petite extrémité se continue avec la seconde partie. Celle-ci, de moitié plus volumineuse que la précédente, a la forme d’un rein dont l’axe serait incliné de 45 degrés par rapport à l’urèthre et la grande courbure tournée en bas et en dehors. L’une des extrémités s’appuie sur sa congénère et débouche dans la partie postérieure et inférieure de la pro- state ; la première partie se continue avec la seconde dans la région du hile. La prostate forme autour de l’urèthre un anneau incomplet, dont les deux extrémités renflées arrivent presque en contact sur la ligne médiane antérieure, mais ne se rejoignent pas ce- pendant. Vue par la face postérieure, elle présente l'aspect d’un bourrelet presque entièrement caché par les vésicules séminales qui sont situées sur un plan postérieur et débou- chent à sa partie tout à fait inférieure, de sorte que les canaux éjaculateurs ne traversent qu’une épaisseur extrêmement faible de prostate pour s'ouvrir dans l’urèthre. La portion muscu- leuse de l’urèthre revêt une forme conique, due non pas à une glande uréthrale, mais à ce que la couche musculaire diminue peu à peu d'épaisseur pour cesser un peu au-dessus du point où débouchent les canaux des glandes de Cowper. Celles-ci sont deux glandes très longuement pédiculées, de couleur jaunâtre, dont les canaux embrassent le rectum, de sorte que les deux glandes vont se placer derrière l’anus. Elles débouchent dans l’urèthre un peu en avant du bulbe. ARTICLE N° 2 ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 193 Le bulbe, bien que peu volumineux 1ci comme partout, est assez visible. La portion spongieuse de l’urèthre est peu dé- veloppée du reste, comme chez tous les autres Chiroptères. Les corps caverneux sont séparés par une cloison dans toute leur longueur et se terminent, comme l’a montré M. Erco- lani (4), par unos pénien rudimentaire. M. Ercolani à égale- ment fait voir que le gland est constitué en grande partie, par deux organes érectiles distincts, embrassant les extrémités des corps caverneux, qui reçoivent le sang des artères sus-pé- niennes. Ces deux corps érectiles du gland se réunissent à la partie terminale sur la ligne médiane et antérieure. Chez le Vespertilio mystacinus, la disposition est exactement la même : la première partie de la vésicule séminale est plus développée proportionnellement à la seconde et les glandes de Cowper sont relativement plus volumineuses et plus apla- ties. Chez le Kerivoula Hardwickii, la vésicule séminale n’est plus divisée en deux portions, mais d’une seule venue et de forme conoïde; elle recoit latéralement le canal déférent comme chez les Vespertilions. La prostate forme une ceinture complète et très large en avant de l’urèthre. Le Scotoplhilus Teñminckir présente une disposition beau- coup plus simple. L’épididyme est plus réduit et non étiré à sa partie inférieure ; 1l contourne simplement le testicule, à la sur- face duquel ses deux branches directe et réfléchie accolées s'appliquent étroitement. La vaginale est dépourvue de pig- ment. Mais ce qui caractérise surtout cette espèce, c’est la simpli- cité de la vésicule séminale, qui n’est rien autre chose qu’une dilatation conique de la partie terminale du canal déférent sans aucun diverticulum latéral; c’esi une véritable ampoule de Henle existant seule. Son extrémité inférieure présente avec la prostate les mêmes rapports que chez les Vespertilions. La (1) Ercolani. Dei tessuti e degli organi erettili, p. 20 (Memorie dell Acu- demia delle scienze de Bologna, ser. 2, t. VIII). 194 FH. A. ROBIN. prostate est elle-même semblable à celle de ce genre. Les glandes de Gowper sont aplaties et presque sessiles. Chez l’Atalapha noveboracensis, l’épididyme dépasse nota- blement le testicule sans cependant être étiré comme celui des Vespertilio ou des Vesperugo ; la tunique vaginale est chargée de pigment noir. La vésicule séminale, de même que dans l'espèce précé- dente, est constituée par un élargissement de la partie termi- nale du canal déférent; mais au moment de se terminer dans l'épaisseur de la prostate, elle porte à son bord interne un diverticulum plus volumineux que la première partie qui remonte derrière le col de la vessie à côté de son congénère et cache entièrement la prostate. Les vésicules séminales com- prennent donc, de même que chez les Rhinolophus, une am- poule de Henle et une vésicule séminale proprement dite ; mais il y a cette différence fondamentale que chez les Rhinolophes, de même que chez l'Homme, la vésieule sénuinale est située en dehors de la partie terminale du canal déférent, tandis qu'ici elle est située du côté interne. Les glandes de Cowper sont pédiculées. | Le genre Vesperugo présente une disposition analogue, mais la partie de la vésicule séminale dans laquelle débouche le canal déférent ne semble plus en être la continuation (fig. 40). C’est latéralement que le canal s’y ouvre et elle se termine par une extrémité libre assez renflée ; sous ce rapport, la disposi- tion rappelle celle du Vespertilio. En même temps, cette partie de la vésicule séminale a beaucoup plus d'importance que le diverticule interne qui, au contraire, l’emportait chez lPAta- lapha. J'ai remarqué, chez le V. serotinus spécialement, une asymétrie notable entre les deux vésicules séminales, surtout pour le diverticulum interne. Daubenton (1) a figuré d’une manière très exacte l’appareil génital mâle de la Noctule. La prostate du V. Kuhlu, tout en gardant la même forme (1) Buffon et Daubenton. Hisioire naturelle générale et particulière avec la description du cabinet du roi, VUE, p. 140, pl. XXE, fig. 2 et 3, 1760. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 195 que dans les types dont l’étude nous a occupés, tend à se di- viser en lobules, les acini se séparant facilement les uns des autres. L’Oreillard (Plecotus auritus) a les vésicules séminales con- stituées exactement comme le Scotophilus Temminchii, c’est-à- dire par des ampoules de Henle sans aucun appendice. La prostate forme autour de l’urèthre un anneau complet et non interrompu, que l’on peut, par la dissection, diviser en deux anneaux symétriques ; la glande est, du reste, assez compacte et ne se divise pas en lobules: La portion musculeuse de l’urèthre est extrêmement courte. Enfin les glandes de Gowper présentent une disposition uni- que jusqu’à présent ; ilen existe deux paires (fig. 43). Deux glandes présentent la forme habituelle et des dimensions nor- males pour la grandeur de l’animal ; leur canal est de longueur moyenne. Deux autres petites glandes aplaties, d’un volume à peu près égal à celui des premières, sont, au contraire, sessiles et accolées aux muscles du bulbe. Le pédicule des premières adhère à leur face supérieure, mais ne semble pas les traverser. La prostate de la Barbastelle (Synotus Barbastellus) diffère notablement de celle du Plecotus. Interrompue sur la ligne médiane antérieure comme celle du plus grand nombre des Vespertilionides, elle est, en arrière et sur les côtés, divisée en deux étages (fig. 41) qui sembleraient former deux glandes distinctes s’ils ne se réunissaient en avant; la partie inférieure se laisse quelquefois assez facilement diviser en lobules; la figure montre une division de ce genre près de la ligne mé- diane. Les vésicules séminales sont semblables à celles de l’Oreil- lard; les glandes de Cowper sont simples et à pédicule assez court. Enfin le Miniopterus Schreibersii présente une disposition de la prostate qui se rapproche peut-être de la précédente, mais qui est cependant unique dans la famille. En effet, par- tout ailleurs nous avons vu la prostate située au-dessus du point où débouchent les vésicules séminales. Dans le cas ac- 196 H. A. ROBIN. tuel, outre des lobes prostatiques occupant cette situation, il existe d’autres lobes situés au-dessous des vésicules séminales (fig. 42), de sorte que la prostate est multiple, suivant l’expres- sion appliquée par J. Müller à des cas analogues. La partie de la prostate située au-dessous des vésicules séminales se divise en une multitude de lobules ou de culs-de-sac isolés, souvent ils se placent assez nettement, et c’est le cas de la figure, sur deux étages, jamais cependant aussi bien délimités que chez la Barbastelle. La partie inférieure aux vésicules séminales est beaucoup plus compacte. En avant, le tout est interrompu sur la ligne médiane, où les lobes inférieurs arrivent presque en contact; ils s’accolent également là aux lobes supérieurs. Les glandes de Gowper sont très petites et possèdent des canaux d’une longueur musitée. La glande ayant environ un tiers de millimètre de diamètre, le canal n’a pas moins de qua- tre millimètres, de sorte que l’organe, dans son ensemble, res- semble à une canne avec son pommeau. Emballonurides. — La famille des Emballonurides, nee d'éléments assez disparates, montre dans la constitution de son appareil génital des variations considérables et en rapport avec les dissemblances qui séparent ses représentants en grou- pes naturels. Ainsi la forme des vésicules séminales est presque exactement la même chez les Taphozous, les Rhynchonycteris, les Saccopterix et les Emballonura. Elle diffère peu chez les Molossiens ou tout au moins dans le genre Nyctinomus, dont j'ai observé plusieurs espèces. Au contraire, les mêmes organes chez les Noctilions et chez les Rhinopoma sont construits sur deux types absolument différents. Dans les deux premiers groupes, la vésicule séminale comprend constamment une ampoule de Henle et une vésicule séminale proprement dite, plus importante et située du côté externe. Chez le Noctilion, les vésicules proprement dites sont situées du côté interne et entrent en coalescence. Chez le Rhinopoma enfin, les canaux déférents débouchent dans une vésicule sémipale impaire et sans subdivisions. Le Taphozous melanopogon nous servira de type pour le pre- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÉRES. 497 mier cas. Le testicule est ovoïde, l’axe transversal étant à peu près égal aux deux tiers de l’axe longitudinal; l’épididyme le contourne de la manière habituelle. Les canaux déférents se dilatent légèrement dans leur partie terminale, formant une ampoule de Henle peu volumineuse et mal délimitée supérieu- rement; c’est seulement au point où elle pénètre dans la pros- tate que Pampoule de Henle se réunit à la vésicule séminaie proprement dite, qui est elle-même un corps étroit, allongé et falciforme, situé en dehors de la partie terminale du canal déférent. Les deux vésicules sont par conséquent séparées par les deux ampoules de Henle accoiées entre elles, disposition qui rappelle, avec des différences de forme notables, celle des Rhinolophes et s’éloigne au contraire de celle des Vesperugo où les vésicules séminales étaient du côté interne des ampoules de Henle. La prostate contourne obliquement l’urèthre, formant une ceinture complète relevée en avant vers la vessie. La portion membraneuse de l’urèthre est assez longue et très muscu- leuse. Les glandes de Cowper sont réniformes et assez longuement pédiculées. Le gland est cylindrique et assez allongé, tronqué à son extrémité où le méat urinaire s’ouvre comme un pore central. L’ampoule de Henie est plus mal délimitée encore et indi- quée par un accroissement peu accusé du diamètre du canal déférent chez le Saccopterix plicata; la vésicule séminale est plus élargie et pyriforme. La prostate se divise en deux masses latérales largement séparées en avant, plus rapprochées et presque en contact en arrière. Les glandes de Gowper, presque sessiles, au lieu d’être situées des deux côtés du rectum, occu- pent l’angle trièdre formé par extrémité de la portion muscu- leuse de l'urèthre et l’origine des muscles ischio-caverneux et bulbo-caverneux. Le pénis est gros et court, le gland eylin- drique se termine par une sorte de couronne au delà de la- quelle le pourtour du méat fait une légère saillie en bec de flûte. 198 H. A. ROBIN. Chez le Rhynchonycteris naso, les testicules sont plus arron- dis ; la vaginale est pigmentée dans la partie qui recouvre la queue de l’épididyme. L’ampoule de Henle fait entièrement défaut ; le canal déférent garde le même calibre jusqu’au point où il débouche à la base d’une vésicule séminale de même forme que celle du Taphozous, mais relativement plus dévelop- péeet un peu plus élargie. La prostate dans le seul individu que j'ai observé était hypertrophiée et formait une masse divisée en ses culs-de-sac occupant presque tout le bassin; elle entoure presque complètement l’urèthre. Les glandes de Cowper sont coniques et assez longuement pédiculées ; le muscle bulbo- caverneux plus allongé que dans les espèces précédentes; le pénis plus grêle que chez le Saccopterix. Le gland court, et cylindrique, présente quelques papilles saillantes près de son extrémité, les bords du méat urinaire font une légère saillie débordant la surface terminale du gland. La tunique vaginale qui enveloppe le testicule et l’épididyme de l’'Emballonura nigrescens, est chargée de pigment noir. Dans cette espèce, les ampoules de Henie sont bien nettement déli- mitées : elles forment deux très petits corps sphériques situés à l'extrémité des canaux déférents, entre les bases des deux vési- cules séminales proprement dites, très développées elles-mêmes et de forme globuleuse et presque circulaire. La prostate forme à l’urèthre une ceinture complète, notablement plus élargie en avant qu'en arrière. Les glandes de Cowper sont à peu près sphériques et leur canal médiocrement long. Le pénis est al- longé et effilé, le gland participe à cette disposition et est pres- que filiforme. Parmiles Molossiens, je n’ai étudié les organes mâles que dans trois espèces du genre Nyctinomus, les N. brasiliensis, plica- tus et acetabulosus. Les ampoules de Henle sont allongées et coniques, mais assez larges et bien délimitées supérieurement, surtout dans les deux premières espèces; les vésicules sémi- nales proprement dites sont arrondies et d’un volume moindre par rapport à l’ampoule que chez les Taphiens. Chez le N. pli- catus, elles se divisent en deux lobes dont l’inférieur entre ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 1429 en Coalescence avec son congénère pour former un organe impair. La prostate, large et volumineuse, est située seulement en avant et sur les côtés de l’urèthre. Les glandes de Cowper sont réniformes et pédiculées comme à l'ordinaire. Le gland est gros et cylindrique, le méat urinaire s'ouvre à son extrémité et un peu en dessous sans faire saillie. Chez le N. plicatus et le N. brasiliensis, le prépuce se prolonge supé- rieurement en un petit processus triangulaire. Chez le Noctilio leporinus, les testicules sont peu allongés et presque sphériques, l’épididyme large et bien développé. Ce qui caractérise surtout ce type, c'est la disposition des vésicules séminales. Ces organes se divisent encore en ampoule de Henle et vésicule séminale proprement dite (fig. 44); mais la vésicule, au lieu d’être située en dehors de l’extrémité du canal déférent, est du côté interne comme chez les Afalapha et les Vesperugo; elle ne s'applique pas simplement contre sa congénère comme dans ces genres, mais elle se confond avec elle en un corps quadrilatère impair, dont un sillon médian à peine accusé indique seul la duphicité primitive. Les ampoules de Henle sont très petites et débouchent vers le milieu des côtés de la vésicule séminale unique ainsi constituée. La prostate est très développée et entoure complètement l’urèthre en arrière, elle est presque entièrement située au- dessous de la vésicule séminale ; une petite bande prostatique existe cependant au-dessus entre la vésicule et le col de la vessie urinaire. Le gland est conique et creusé supérieurement d’une gout- tière dans laquelle s'ouvre le méat urinaire, recouvert par un petit tubercule qui écarte en arrière les lèvres de la gouttière. Le scrotum est permanent, bien que les testicules rentrent périodiquement dans la cavité abdominale ; les poches scro- tales s’invaginent alors comme deux doigts de gants, formant sur les côtés et en arrière de l’anus deux cavités à bords irré- gulièrement plissés. Le Æhinopoma enfin constitue un troisième type dans lequel 130 FH. A. ROBIN. les vésicules séminales n’ont plus de subdivisions, mais sont représentées par un organe impair de forme carrée, aux angles supérieurs duquel débouchent les canaux déférents (fig. 45), disposition à peu près semblable à celle que nous avons ren- contrée dans le genre Nycteris. L'appareil génital ne présente, du reste, aucun autre carac- tère important à noter; la prostate forme autour de l’urèthre un anneau complet au-dessous de la vésicule sémimale, dont il embrasse la partie terminale. Le gland est cylindrique et terminé par un plan, légèrement oblique d'avant en arrière, au milieu duquel s'ouvre le méat urinaire. PAyllostomides.—Dans la famille des Phyllostomides, l’appa- reil génital mâle présente des caractères constants et spéciaux qui, comme ceux tirés de tous les autres grands appareils organiques, le tube digestif excepté, montrent l’extrème homogénéité de cette famille. Je dois dire cependant que je n’ai pas eu l’occasion d’observer les espèces à régime sangui- vore. - Le caractère essentiellement propre à cette famille est la réduction des vésicules séminales à une ampoule de Henle entièrement ou presque entièrement cachée dans l’épaisseur de la prostate. Chez le Glossophaga soricina, le testicule est relativement gros et de forme sensiblement sphérique. L’épididyme l’en- toure sur les trois quarts externes de sa périphérie sans pré- senter le rétrécissement médian habituel, s’effilant seutement et devenant ondulé pour former le canal déférent. Gelui-e1 à sa terminaison se renfle fortement en deux ampoules de Henle sphériques, enfoncées dans deux fossettes creusées dans la partie postérieure de la prostate, de sorte que les deux tiers supérieurs de leur face postérieure sont seuls visibles. La prostate est très volumineuse et forme à l’urèthre une ceinture assez larzement interrompu: en avant, mais non en arrière comme le pensait Pallas (4), pour lequel les fossettes 1) Pallas. Spicilegia zoologie, fascic. HE, p. 31, pl. IV. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 131 dans lesquelles sont logées les vésicules séminales, seraient creusées dans le col de la vessie urinaire. Le gland est allongé et aplati, le méat situé à la face supé- rieure. Le testicule du Carollia brevicauda est plus allongé (fig. 46). L’épididyme ne lui constitue plus un capuchon, mais seule- ment une bande verticale, qui descend le long de son bord in- terne et se réfléchit parallèlement à elle-même avant de former le canal déférent. En même temps, le ligament suspenseur, au lieu d'aborder la masse du testicule et de l’épididyme à la partie supérieure, l’aborde vers le milieu de son bord interne, à l’en- droit où le canal déférent s’en sépare. Le canal déférent, très court, croise l’uretère et se perd dans la masse de la prostate dont il perfore la gaine résistante, de telle sorte que les vésicules séminales semblent, au premier abord, faire entièrement défaut; mais en disséquant la pro- state, on reconnait des ampoules de Henle, allongées et assez étroites, beaucoup moins renflées que chez le Glossophage, entièrement cachées dans l'épaisseur de cette glande. Ea prostate, énorme, comme dans l’espèce précédente, constitue autour de l’urèthre un anneau complet, mais beaucoup plus étroit en avant qu’en arrière. La portion musculeuse de l’urèthre est très courte, les glandes de Cowper volumineuses et presque sessiles. Le gland est conique et le méat urinaire, en forme de fente longitudinale, creusé à son extrémité et un peu en-dessous. La disposition est la même chez le Phyllostoma hastatum. Le testicule est un peu arrondi; l’épididyme plus allongé; la prostate très rétrécie et légèrement interrompue en avant. La portion membraneuse de lurèthre est plus allongée; les glandes de Cowper de même pyriformes et à pédicule assez court. Le gland est gros et cylindrique ; le méat urinaire absolu- ment terminal. Chez l’Artibeus perspicillatus, les testicules sont énormes et arrondis ; l’épididyme situé entièrement du côté interne comme ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1881. NID EE MART INC) 139 H. A. ROBIN. dans les deux genres précédents. La prostate, en anneau com- plet, est énorme en arrière de l’urèthre et englobe encore complètement les vésicules séminales. Les glandes de Cowper sont falciformes, à pédicule assez court et de même forme que chez le Cynonycteris (g. 30). Le gland est un peu plus allongé que chez le Phyllostoma hastatum, mais de même forme géné- rale. J'ai étudié la structure histologique de lappareil génital chez le Rhinolophus hipposideros, le Vespertilio murinus et le Pteropus medius; je prendrai pour type la première de ces trois espèces. | Le testicule est enveloppé d’une albuginée épaisse; les ca- naux séminifères, de calibre assez irrégulier, présentent un diamètre moyen d'environ 65 y. Ils sont séparés par une trame conjonctive, au milieu de laquelle se rencontrent des cellules interstitielles abondantes, surtout dans le voisinage des vais- seaux sanguins, comme l’a signalé M. Tourneux (1) dans le mémoire qu'il a consacré à ces éléments, mais souvent aussi sans aucun rapport appréciable avec eux. Je n'insisterai pas davantage sur la structure histologique du testicule, me réser- vant, dans une publication postérieure, de suivre son évolution aux différentes époques de l’année et le développement des spermatozoïdes. La structure de lépithélum du canal de l’épididyme est très différente, suivant la partie de l'organe où on l’examine. Ce n’est, en effet, que dans la tête de l’épididyme, c’est-à-dire dans la partie adhérente au testicule, qu'il revêt l'aspect carac- téristique décrit dans tous les traités d’histologie. Là, en effet, il est constitué par des cellules columnaires très étroites et très allongées (environ 44), portant des cils vibratiles qui interceptent presque la lumière du canal; je n’ai jamais ren- contré de spermatozoïdes dans cette partie de l’épididyme. (4) Tourneux. Des cellules interstitielies du testicule (Journ. de l’Anat. et de la Physiol., XV, p. 319, 1879). ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 133 Mais, peu à peu, les cellules de l’épithélium perdent leurs cils vibratiles, deviennent plus élargies et moins longues et passent enfin à un épithélium polyédrique, semblable à celui du canal déférent, mais moins épais (8 pr au lieu de 12 1). Toute la por- üon de l’épididyme aimsi constituée, c’est-à-dire toute la partie située en arrière du testicule, est constamment gorgée de spermatozoïdes et semble jouer un rôle important comme réservoir spermatique. Le canal déférent s’en dégage peu à peu et n’en diffère que par l’adjonction d’une épaisse tunique musculaire ; l’épi- thélium augmente seulement un peu d'épaisseur. Les vésicules séminales, et sous ce nom je comprends tout aussi bien l’ampoule de Henle que la vésicule séminale pro- prement dite, sont une dépendance du canal déférent qui, avant de pénétrer dans la prostate, se résout en une série de diverticules entre-croisés, plus spacieux vers la périphérie de l'organe, plus étroits vers le centre, parmi lesquels il est im- possible de reconnaître un conduit particulier qui représente la continuation du eanal déférent (fig. 61). Une trame con- jonctive sépare ces diverticules les uns des autres, mais la tu- nique musculaire ne pénètre pas dans les interstices et forme seulement une enveloppe à l’organe entier. L’épithélium (fig. 62) ne diffère pas de celui du canal défé- rent, il est formé de larges cellules prismatiques présentant de gros noyaux. Les limites des cellules se voient bien sur des préparations colorées par un long séjour dans l’acide osmique au centième. La figure 62, qui représente une pièce fixée par un séjour d’une demi-heure dans la solution d'acide osmique, conservée dans l’alcool à 90 degrés et colorée au carmin ammoniacal, ne les laisse pas voir. La prostate, dans l’épais- seur de laquelle débouchent les canaux éjaculateurs, présente une structure absolument caractéristique; ses acini sont ta- pissés d’un épithélium épais de 14 à 48 y, formé de grosses cellules cylindriques à protoplasma hyalin, homogène avec un gros noyau vers la base. Une membrane basilaire extrêmement mince sépare seule les différents acini. En effet, contrairement 134 M. A. ROBIN. à ce qui s’observe, non seulement chez l'Homme, mais chez les deux autres Chiroptères que j'ai étudiés sous ce point de vue, la prostate est fort peu musculeuse; la tunique de fibres lisses qui l'entoure est très réduite (17 1), et n’envoie entre les lobes de la prostate que des cloisons musculaires extrêmement minces qui disparaissent bientôt après s’être un peu ramifiées. D’autres cloisons, aussi peu importantes, naissent du tissu conjonctif qui supporte la muqueuse de l’urèthre. La glande uréthrale et les glandes de Cowper forment un autre groupe de glandes d’une structure très différente. La glande uréthrale est formée de tubes glandulaires accolés, ra- inifiés, qui vont se terminer, par plusieurs cæcums digités (fig. 63), à la périphérie sous la tunique musculaire. Ils sont tapissés d’un épithélilum extrêmement caractéristique et dont je ne sache pas que l’analogue se retrouve dans aucun autre organe si ce n’est les glandes de Cowper. Cet épithélium est formé de longues cellules columnaires, généralement inclinées par rapport à l’axe du tube, qui en ferment complètement la lumière ; leur longueur n’est pas moindre de 30 p sur une lar- eur de 6 w. Le noyau, assez petit, est situé à la base même de la cellule et entouré de protoplasma clair ; tout le reste de la masse cellulure est rempli de granulations qui se colorent en brun sous l'influence de l’acide osmique. Le peu de réfrin- sence de ces granulations et leur indifférence pour le bleu de quinoléine ne me permettent pas cependant de les considérer comme graisseuses. Les glandes de Cowper ont la même structure, leurs acini sont seulement beaucoup plus larges et présentent une lumière largement ouverte. Les cellules épithéliales n’ont que 18 y de longueur. L’urèthre ne présente aucune particularité importante à noter ; son épithélium pavimenteux stratifié a une épaisseur de 30 p, la couche de Malpighi en est très développée. L’os pénien possède d’abondants ostéoplastes, son petit diamètre exclut l'existence de canalicules de Havers. Chez le Vespertilio murinus, la structure générale est la ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 135 même, mais avec des différences assez notables. Les vésicules séminales sont plus compactes, leurs acini étant à la fois plus étroits et tapissés d’un épithélium plus épais. De même que chez les Rhinolophes, les culs-de-sac périphériques sont tou- jours les plus vastes, et c’est surtout dans leur intérieur que l’on trouve des spermatozoïdes. Dans la seconde portion des vésicules, lintrication des diverticules est beaucoup moins grande, ils se dirigent presque parallèlement en augmentant de diamètre du bord externe vers le bord interne de l'organe. L’épithélium est notablement plus épais que chez les Rhino- lophes et à cellules un peu étroites (épaisseur 48 , diamètre 5 p), les cellules sont plus minces et plus larges vers l’extré- mité périphérique des culs-de-sac ; les contours cellulaires se voient beaucoup plus nettement que chez le Rhinolophe. Les organes ont été étudiés dans l’un et l’autre cas au moment de leur activité fonctionnelle; cependant les vésicules séminales du Rhimolophe ne contenaient pas de spermatozoïdes (il y en avait dans les canaux de l’épididyme), tandis que celles du Murin en renfermaient. La tunique de fibres lisses qui enve- loppe les vésicules envoie quelques prelongements musculeux entre les acini. Les cellules des culs-de-sac prostatiques sont aussi plus longues et plus cylindriques que chez le Rhinolophe, très dif- férentes des cellules pavimenteuses des canaux; mais ce qui différencie surtout la prostate du Murin de celle du Rhino- lophe, c’est l’abondance des museles lisses au milieu desquels les acini glandulaires sont plongés comme dans un stroma. L’urèthre est tapissé par un épithélium relativement très mince, formé seulement par deux ou trois rangs de cellules. H existe des glandes de Littre abondantes, à cellules glandulaires claires analogues à celles de la prostate, quoique moins allon- gées, très différentes par conséquent de celles de la glande uréthrale des Rhinolophes. Si donc la glande uréthrale repré- sente, comme je lai dit plus haut, au point de vue morpholo- gique, des glandes de Littre conglomérées, elle n’en a pas le rôle physiologique. 1306 H. A. ROBIN. Les glandes de Cowper sont à longues cellules granuleuses, comme chez le Rhinolophe. Chez le Pteropus medius, les vésicules séminales sont encore formées de diverticules du canal déférent intriqués, d’où la structure caverneuse indiquée par Guvier (1); mais ses diver- ticules sont séparés par des couches très épaisses de tissu con- jonctif. Les acini de la prostate sont également isolés et plon- gés dans une masse de tissu conjonctif et de fibres musculaires puissantes. Les glandes génitales n'avaient pas acquis leur complet développement dans les individus captifs dont j'ai pu faire des préparations, et l’épithélium de la prostate, qui ne semblait pas avoir sa constitution définitive, était formé de très petites cellules analogues à celles des vésicules séminales et des glandes de Littre. CONCLUSIONS 4° Les testicules de forme ovoïde ou arrondie sont sujets à des migrations périodiques de la cavité abdominale dans un scrotum provisoire situé sur les côtés et en arrière de l’anus (Cuvier). | 2° L’épididyme contourne d'ordinaire presque entièrement le testicule ; quelquefois, comme chez certains Phyllostomides, il est entièrement situé du côté interne de cet organe, 3° Les glandes accessoires comprennent toujours des vési- cuies séminales, une prostate et des glandes de Cowper (Guvier), jamais d’utérus mâle. 4 Les vésicules séminales subissent des variations notables correspondant soit aux familles, soit à des groupes naturels de moindre importance. Elles comprennent souvent deux parties, une ampoule de Henle et une vésicule séminale proprement dite située d'ordinaire du côté externe, quelquefois du côté interne (Vesperugo, Noctilio) de la première. L’ampoule de Henle peut exister seule (Phyllostomides, certains Vespertilio- : nides), rarement elle fait entièrement défaut. Les vésicules (1) Cuvier. Anat. comp., 2° éd., VIII, p. 162. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 197 séminales sont représentées par un organe impair et médian chez les Rhinopoma et les Nycteris. D° La prostate présente dans ses rapports avec les vésicules séminales et avec l’urèthre des variations assez considérables, mais qui semblent de peu d'importance. 6° Les glandes de Cowper sont au nombre de deux paires dans un seul cas, chez le Plecotus auritus. 7° Il existe dans le genre Rhinolophe une glande spéciale, la glande uréthrale, qui semble représenter morphologiquement des glandes de Littre conglomérées et qui présente une struc- ture histologique analogue à celle des glandes de Cowper et joue probablement le même rôle physiologique. V. — APPAREIL GÉNITAL DE LA FEMELLE Les ovaires des Chiroptères sont arrondis ou ovoides, cou- chés sur le ligament large auquel ils adhèrent par un hile généralement assez étroit, et enveloppés par une capsule péri- tonéale incomplètement close, due à un dédoublement du ligament large. Cette disposition, très exactement décrite par Emmert et Burgaetzy (1) et citée par Stannius (2), a été étudiée tout récemment par M. Mac-Leod (3), chez la Pipistrelle, et par M. Ed. Van Beneden (4) chez le Vespertilio murinus et le Rhinolophus ferrum-equinum. D'après ces deux anatomistes, la capsule serait complètement close et sa cavité ne communi- querait nulle part avec le péritoine. L’ovaire posséderait par conséquent, pour M. Van Beneden, une séreuse propre, indé- (1) Emmert und Burgaetzy. Beobachtungen neber einige schwangere Fle- dermause und thre Eihüllen (Meckel's Deutsches Archiv für Physiol., IV, 1818, p. 1. (2) Siebold et Stannius. Manuel d’anat. comp. Traduction franc., I, p.501, 1850. (3) Mac-Leod. Contributions à l’étude de la structure de l’ovaire des Mammi- fères (Archives de Biologie, 1, p. 241, 1880). (4) Ed. Van Beneden. Contributions à la connaissance de l'ovaire des Mam- mifères (Arch. Biol., 1, p. 481, 1880). 138 H. A. ROIRIN. pendante de la séreuse péritonéale et plus ou moins compa- rable à la vaginaie du testicule. Mes observations, au contraire, confirment la description d'Emmert et Burgaetzy. J'ai toujours trouvé la capsule ovarique bien développée, formant autour de l’ovaire une poche spacieuse adhérente à l'utérus par un de ses pôles, de sorte que l’oviducte tout entier est compris dans sa paroi et rampe entre ses deux feuillets, décrivant une courbe complexe et de forme assez variable pour revenir vers son point de départ près duquel s’ouvre le pavillon de la trompe. En ce point, dans toutes les espèces que j’ai étudiées, sauf une, et en particulier chez le Vespertilio murinus, déjà cité par Emmert et Burgaetzy, et chez le Rhinolophus ferrum-equinum. J'ai mvariablement trouvé la paroi de la capsule interrompue et séparée de l’uté- rus par une fente plus ou moins allongée, entr'ouverte à l’état de repos, mais que le muscle propre de lovaire, décrit par M. Van Beneden, doit fermer au moment de la rupture du follicule de Graaf. C’est dans la paroi même de cette bouton- nière que s'ouvre le pavillon de l’oviducte. Je n'ai pas eu l’occasion de rechercher cette boutonnière chez le Vesperugo pipistrellus étudié par M. Mac-Leod, mais dans une espèce voisine, le V. Kuhlii, il m'a été impossible de le trouver. J'hésite cependant à croire qu'il fasse totalement défaut; la petitesse qu’il présente dans certaines espèces et la difficulté que j'ai quelquefois rencontrée à le bien voir (chez le Noctilio, le Carollia, certains Nyctinomus, par exemple) expli- queraient parfaitement qu’il m’eût échappé. La capsule ovarique se développe assez tardivement chez lembryon et, au moment de la naissance, elle est beaucoup plus largement ouverte que chez l’adulte. M. Born a montré qu'il enétait de même chez le Cheval où il existe une capsule ovarique beaucoup moins complète (1). L’utérus est extrêmement variable et présente pour ainsi (1) Born. (Arch. für Anat. un Physiol. de Reiïichert et Dubois-Reymond, 1874). ARTICLE N° VA ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 439 dire toutes les formes qu’il peut revêtir chez les Mammifères. Tantôt il est simple et dépourvu de cornes, comparable en un mot à l'utérus de la femme, tantôt comme chez certaines Roussettes et même dans un cas chez les Microchiroptères, il existe deux utérus entièrement distincts. De cette variabilité de forme dans un ordre aussi parfaite- ment homogène que celui des Chiroptères, et nous le verrons, dans certaines familles de cet ordre, 1l me semble résulter que le caractère tiré du degré de coalescence des canaux de Müller qui forment tantôt deux utérus distincts, tantôt un utérus simple plus ou moins profondément divisé en deux cornes, comme indice du degré de perfectionnement organique n’a peut-être pas la valeur qui lui a été attribuée. Il est vrai que jusqu'à ces derniers temps, on n'avait rencontré l’utérus double que chez les Marsupiaux et parmi les Mammifères pla- centaires quelques Rongeurs et quelques Édentés. Mais tout récemment, depuis même que J'ai fait connaître dans une communication préalable une disposition analogue chez les Roussettes du genre Cynonycteris, M. Watson (1) a montré que chez l'Éléphant des Indes, il existe non seulement deux utérus, mais encore deux vagins distincts et ouverts séparément dans le sinus uro-génital au moins jusqu’à la première parturition. Or l’Éléphant occupe incontestablement un rang assez élevé dans l’échelle des Mammifères. D’un autre côté, que l’on compare la disposition présentée par le Brudypus à celle de l’'Oryctérope. et l’on verra combien peut être différente la forme de l’utérus chez des animaux incontestablement très dégradés l’un et l’autre, sinon voisins. MÉGACHIROPTÈRES. — C’est presque uniquement chez des re- présentants du sous-ordre des Mégachiroptères que j'ai trouvé Vutérus double. J'ai rencontré cette disposition chez le Cyno- nycteris amplexicaudata, \ Hypsignathus monstrosus etl’Epomo- phorus comptus. Dans toutes les autres espèces que j'ai dissé- (1) Watson. Anatomy of the female organs of the Proboscidea (Trans. zool. soc., XI, p. 111, 1881). 440 H. À. ROBIN. quées, la partie commune, le corps de l’utérus, est extrême- ment courte, presque nulle proportionnellement aux cornes, mais il n’existe qu’un seul orifice utéro-vaginal. Chez le Cynonycteris ampleæicaudata dont j'ai observé deux exemplaires en état de gestation fort peu avancé (fig. 47), la capsule ovarique est très spacieuse, l'utérus se termine par une extrémité taillée abruptement et presque à angle droit, dont l'angle externe donne naissance à un oviducte court et étroit qui décrit dans la paroi de la capsule une courbe en forme d’'S et revient vers l’angle interne pour s’ouvrir par un pavillon à peine frangé dans l’épaisseur de la lèvre de la boutonnière qui fait communiquer la cavité de la capsule ovarique avec la cavité abdominale. Les deux utérus entièrement distincts sont tubulaires, longs d'environ un centimètre et non renflés à l’état de vacuité. Ils s'ouvrent par deux orifices séparés à la surface d’un museau de tanche unique, volumineux, hémisphérique, occupant toute la partie terminale et postérieure du vagin. Celui-ci, long de 14 millimètres, très large, se renfle à son extrémité pour contenir l’énorme museau de tanche de telle sorte que, vu à l'extérieur, il semble être un corps d’utérus en continuité directe avec le vagin, comme chez le Tatou. La mu- queuse vaginale est lisse ou plissée longitudinalement. La vulve est transversale et très large, le clitoris nul; le méat urinaire fait presque saillie en dehors de la vulve. Chez l'Hypsiquatus monstrosus, les deux utérus, larges de 4% 5 et longs de 12 millimètres, sont accolés sur une longueur de #4 millimètres. Ils s'ouvrent dans le vagin par deux orifices distincts quoique très rapprochés. Le museau de tanche n'existe pas à proprement parler ; il est remplacé par une série de laciniations aplaties qui entourent les deux orifices uté- rins et les séparent l’un de l’autre. Le clitoris est saillant, long de 2 millimètres et creusé d’une gouttière à sa face inférieure. La disposition est semblable chez l’Epomophorus comptus, les utérus séparés sur une longueur de 9 millimètres sont adhérents dans leurs 3 millimètres terminaux et semblent ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 4141 ainsi extérieurement former une partie commune. Les lacinia- tions qui remplacent le museau de tanche sont surtout déve- loppées en avant des orifices utéro-vaginaux où elles forment une sorte de tablier. | L’ovaire, la capsule ovarique et l’oviducte présentent exac- tement le même agencement dans les autres espèces que J'ai étudiées, c’est-à-dire chez le Pteropus medius, le Pf. rubricol- lis et l’Eonycteris spelæa ; les franges du pavillon de l’oviducte sont cependant un peu plus développées. Mais l’utérus n’est pas entièrement double. Chez le Preropus rubricollis par exemple, considéré à l’exté- rieur, l'utérus ressemble beaucoup à celui de | Epomophorus et semble présenter un corps long de 5 millimètres et deux cornes de longueur à peu près égale à celle du corps, généra- lement l’une plus longue que l’autre. Le corps de l'utérus se continue directement avec le vagin, dont on ne le distingue que par un diamètre un peu moindre. Mais, en ouvrant l'utérus, on constate que le prétendu corps est divisé en deux cavités par une cloison médiane qui s'étend jusqu’à 1 ou 2 millimètres du col utérin. Celui-ci est unique et s’ouvre dans le vagin à la partie postérieure d’un museau de tanche aplati et peu sail- lant. La muqueuse du vagin est légèrement plissée longitudi- nalement, le clitoris gros et saillant, pourvu d’un prépuce très net et masquant le méat urinaire. Chez l'Eonycteris spelæa, les deux cornes utérines, longues de 12 millimètres, sont accolées sur la moitié de leur longueur. Le museau de tanche est hémisphérique et ressemble à celui du Cynonycteris, mais il est plus réduit; l’orifice unique de l’uté- rus à la forme d’un Y renversé. Le clitoris est représenté par une papille très peu saillante. Je n’ai pas eu l’occasion d’observerunefemellede Harpyia. La description de Pallas (1) est très brève et peu précise, il semble en résulter que l'utérus est double ; il parle en effet de l’orifice de la corne droite dans le vagin comme si eet orifice était spé- (1) Pallas. Spicilegia zoologiæ, fascic. III, p. 19. 149 H. A. ROBIN. cial à la corne en état de gestation dans l’exemplaire qu’il a disséqué et sans faire remarquer sur la corne gauche autre chose que son peu de développement relatif. MICROCHIROPTÈRES. — £'nballonurides. — Les Emballonn- rides ont également tous l’utérus profondément bicorne et une espèce de cette famille m'a encore présenté deux utérus dis- tincts, mais accolés sur une partie de leur longueur comme chez l’Hypsignathus où lEpomophorus. C’est le Taphozous melanopogon. L’utérus extérieurement ressemble beaucoup à celui de l’une de ces Roussettes ei a encore la forme d’un Y dont la tige est à peine plus large que les branches. La limite qui le sépare du vagin est indiquée, non par une diffé- rence de diamètre, mais seulement par la minceur et consé- quemment le peu de coloration des parois du vagin comparées à celles de l'utérus. En ouvrant la partie qui semble être le corps de l'utérus, on voit qu'une cloison longitudinale la sépare dans toute sa longueur en deux tubes, en continuation avec la cavité des cornes, qui s’ouvrent à côté l’un de l’autre, formant une sorte de fente transversale à l’extrémité d’un museau de tanche conique et très saillant. Dans quelques exemplaires, l’orifice semblait être unique, la cloison dispa- raissant à la base du museau de tanche. La muqueuse de l’utérus est lisse et comme spongieuse, celle du vagin est au contraire plissée longitudinalement, ea- cactère général chez tous les Microchiroptères du reste. L’ovaire est allongé et comprimé longitudinalement, revê- tant la forme d’un haricot attaché par son hile au ligament large. [1 remplit à peu près la moitié de la capacité de la cap- sule ovarique. Celle-ci a la forme d’un capuchon rattaché au sommet de la corne utérine par la moitié externe de sa base. La boutonnière ou plutôt le pore par lequel elle s’ouvre estim- médiatement adjacent à l’utérus et débordé par l’angle interne de la base du capuchon. L’oviducte contourne la poche, la sous-tend pour ainsi dire et vient s’ouvrir par un pavillon non frangé près de la boutonnière. Les glandes de Bartholin sont aplaties, petites et assez lon- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DÉS CHIROPTÉRES. 143 guement pédiculées, occupant immédiatement au-dessus du sphincter anal la même situation que leurs homologues, les glandes de Cowper du mâle. La vulve est étroite et transversale, le clitoris peu saillant. L'aspect extérieur de l'utérus est le même chez le Rhyn- chonycteris naso, le Saccopterix plicata et l'Emballonura ni- grescens, mais la partie impaire de l’utérus est un corps d’utérus véritable et ne présente aucune trace de cloison mé- diane. Ge corps de l'utérus est du reste notablement plus court que les cornes, surtout dans la première espèce ; le museau de tanche est très saillant chez le Saccopterix. L’ovaire de cette espèce est plus comprimé et plus aplati et remplit presque complètement la capsule ovarique dont le pore est très étroit. L’ovaire est sphérique chez l'Emballonura. Dans le genre Nyctinomus, le degré de coalescence des deux utérus est très. variable avec les espèces, la forme exté- rieure est la même que chez les Emballonurides que nous venons de passer en revue, mais tandis que le corps de l’utérus est absolument simple chez les N. érasiliensis et acetabulosus, il est divisé par une cloison médiane dans les deux tiers de sa longueur chez le N. plicatus. Peut-être cette différence est- elle due à l’état de l’animal ayant déjà porté ou non; il m’est impossible de me prononcer à cet égard. En tout cas, les indi- vidus des trois espèces que j'ai étudiés comparativement étaient complètement adultes. La différence entre les deux formes est comparable à celle entre les exemplaires d’Éléphant femelle observés par Perrault (1) et par M. Forbes (2) d’une part, par M. Watson (3) de l’autre. L’orifice de la capsule ovarique, bien visible dans les ne espèces à utérus simple, est extrêmement réduit etassez difficile à trouver chez le N. plicatus. Le museau de t ah est presque nul, les glandes de Bartholin très réduites. (1) Perrault. Mémoires pour servir à l'Histoire naturelle des animaux, Ill, 3° part., p. 132. (2) Forbes. Proc. zool. Soc. 1879, p. 431. (3) Watson. Loc. cit. 144 H. A. ROBIN. Les deux exemplaires de Molossus obscurus et de Cheiromeles torqualus que j'ai disséqués étaient l’un et l’autre à l’état de gestation. Dans le premier cas, le fœtus occupait l'utérus tout entier dont les cornes avaient entièrement disparu ; dans le second au contraire, bien que la gestation fût plus avancée, l’une des cornes restait vide. Le museau de tanche manque chez le Molossus, il revêt chez le Cheiromeles une forme absolument insolite : le fond du vagin est occupé par deux grosses plaques latérales très saillantes, longues de 6 millimètres, larges de 3, dont la surface libre est hérissée de papilles contrastant avec l’aspect lisse et les gros plis de la muqueuse vaginale. Ces deux tubercules s’ap- puient l’un contre l’autre et ferment l’orifice du col de l’utérus qui est situé tout au fond du vagin à leur angle antérieur. Nulle part ailleurs, je n’ai rencontré une forme analogue du museau de tanche. La capsule ovarique du Cheiromeles est très spacieuse et sa cavité est au moins trois fois égale au volume de l’ovaire. L’oviducte, au lieu de la contourner entièrement comme un grand cercle, décrit quelques sinuositéssans s’écarter beaucoup de son point de départ près duquel il revient s'ouvrir par un pavillon bilabié sur le bord d’une boutonnière assez large. Les glandes de Bartholin sont très longuement pédiculées et assez grosses comparativement à ce qu'elles sont chez les Nyeti- nomes. L'appareil génital de la femelle du Noctilio est dan très différent de celui des autres Emballonurides; le corps et les cornes de l’utérus sont encore de longueur presque égale, mais au lieu d’être étroits et étirés en Y, ils sont extrêmement élargis et raccourcis de façon que l'organe entier a une forme presque carrée (fig. 92). En même temps, ce qui contribue à {lui donner une physio- nomie propre, les capsules ovariques, au lieu d’être largement adhérentes à l’utérus comme chez tous les autres Chiroptères, sont pédiculées et n’y sont reliées que par l’origine des ovi- ductes. Il semble que la capsule détachée de l’utérus par toute ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CIIROPTÈRES. 145 sa base ait été rejetée en dehors en tournant autour de l'ori- gime de l’oviducte, c’est-à-dire de l’angle externe du sommet de la corne utérine. La boutonnière, qui est d'ordinaire voisine de l’angle interne, se trouve ainsi portée presque au pôle anté- rieur du capuchon. Elle est du reste très petite, le ligament suspenseur la cache dans la figure, mais une soie qui y est in- troduite indique sa direction. L’ovaire est arrondi, assez volu- mineux et remplit presque entièrement la capsule. Le clitoris prend un développement énorme et, entraînant l'extrémité des grandes lèvres, constitue en avant de la fente vulvaire transversale une saillie en forme de languette trian- gulaire longue de près de À centimètre; le clitoris lui-même se termine par une extrémité laciniée à 2 millimètres environ de la pointe de la languette ainsi constituée. Rhinolophides. — Les Rhinolophides ont les organes fe- melles disposés exactement comme les Emballonurides ordi- naires. : L'ovaire des Rhinolophes est ovoïde, presque sphérique, un peu comprimé; chez le Rh. ferrum-equinum, son grand dia- mètre dépasse à peine 1 millimètre. La capsule ovarique, de forme à peu près sphérique, est beaucoup plus volumineuse que l'ovaire, qui occupe à peine la moitié de sa capacité chezleRA. ferrum-equinum où elle est le plus réduite. Elle s’appuie sur le sommet de la corne utérine et s'ouvre à son angle interne par une boutonnière assez étroite chez le R}. ferrum-equinum, beaucoup plus large chez le Rh. hipposideros où il suffit d’exer- cer une légère traction sur le sommet du capuchon formé par la capsule pour faire sortir l'ovaire de sa cavité sans déter- miner aucune rupture. L’oviducte décrit dans la paroi de la capsule une courbe sinueuse qui peut se ramener à trois quarts de cercle; le pavillon s’ouvre au bord interne de la bou- tonmière qui semble se fermer au moment de l’ovulation, de sorte que le même mécanisme amène l’occlusion de la cavité de la capsule ovarique et l’extension du pavillon de l’oviducte. Le corps de l'utérus est absolument simple et sensiblement égal en longueur aux cornes chez le R4. ferrum-equinum, un 146 Hi. À. ROBIN. peu plus court chez le Rh. hipposideros. Le museau de tanche est conique et peu saillant. Le méat urinaire est situé très près de l'extrémité du vagin. Au contraire, dans le genre Phyllorhina, V'urèthre débouche plus en arrière, et il existe un vestibule uro-génital assez al- longé. Extérieurement l’accolement de l’urèthre au vagin est si intime que l’on croirait qu'il débouche au fond de cet or- gane. Le museau de tanche est cylindrique etsaillant en avant, rattaché en arrière à la paroi du vagin; l’orifice utérin a la forme d’une fente linéaire. L’unique exemplaire que j'ai observé était dans un état de gestation très peu avancé; l'utérus présentait la forme d’un T à branches mégalement développées; le fœtus occupait la corne droite hypertrophiée et dirigée transversalement, qui avec sa congénèére vide représentait la barre transversale du T; le corps, plus allongé quela corne vide, commençait à s’hypertro- phier. La disposition des ovaires et des capsules ovariques est la même que chez les Rhinolophes; la boutonnière de la cap- sule est assez large. Nyctérides. — Les organes génitaux des finellés de Nycté- rides diffèrent ste bIsment suivant qu’on s'adresse à un Mégaderme ou à un Nycteris. Dans le premier cas (fig. 50), lutérus est très allongé et le corps assez important quoique moins long que les cornes; dans le second (fig. 49), le corps est large et très court, les deux cornes pyriformes et renflées. Le vagin lui-même participe à ces variations et est beaucoup plus large et plus court chez le Nycteris que chez le Mégaderme. Chez le Nycteris, l’oviducte décrit une courbe simple et située dans un même plan, il présente un aspect godronné dont j'ai retrouvé l’analogue chez quelques Phyllostomides. Chez le Mégaderme, son trajet est beaucoup plus compliqué en même temps que la capsule ovarique est plus spacieuse et plus largement ouverte. Le museau de tanche des Mégadermes est linguiforme, très saillant et accolé à la paroï postérieure du vagin. Chez le Nyc- teris, il est plus petit et semblable à celui des Rhinolophes. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 447 Vespertilionides. — Les Vespertilionides fournissent des exemples de tous les passages, depuis la forme d’utérus pro- fondément divisé en YŸ, que nous avons rencontrée chez le plus grand nombre des types étudiés jusqu'ici, jusqu’à la forme absolument simple qui caractérisera la famille des Phyllostomides. Chez les Minioptères, par exemple, l’utérus ressemble com- plètement à celui d’un Rhinolophe ou, mieux encore, d’un Nyctinome, où la cloison n'existe pas; le corps est à peu près égal en longueur aux cornes ou même les surpasse légèrement. La capsule ovarique communique largement avec la cavité abdominale; la boutonnière est particulièrement visible à l’état de gestation, où elle est étirée dans le sens de la longueur par l'extension des parois de l'utérus (fig. 51). Les cornes de l’utérus sont plus réduites par rapport au corps chez la Barbastelle ; elles le sont davantage encore chez le Vesperugo Kuhlii, où ce ne sont plus que deux lobes séparés par une échancrure médiane. Dans le genre Vespertilio enfin, l’utérus est simple et les deux cornes ne sont plus indiquées que par deux angles ou par deux lobes à peine accentués. M. Ercolani à donné des figures (1) représentant cet organe à l’état de vacuité et à divers stades de la gestation. La muqueuse présente dans toute son étendue un aspect spongieux ou villeux dû à l'abondance des glandes. Les figures 3 et # de la planche IX de l’ouvrage de M. Ercolani font voir ces glandes sur des coupes transversales et longitudinales. Dans toutes les espèces, le museau de tanche est assez saillant et le vagin ridé longitudinalement. L'ovaire du Vespertilio murinus est subcirculaire et com- primé, coloré en jaune; il a été décrit avec beaucoup de soin par M. Ed. Van Beneden (2). Il est enveloppé par une capsule ovarique très spacieuse, étirée du côté externe en un cul-de- sac, près duquel se retrouvent les restes du parovarium (organe (1) Ercolani. Nuove richerche sulla placenta nei pesci cartilaginosi e nei Mammiferi, etc. Bologne, 1880. (2) Ed. Van. Beneden. Loc. cit ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1881. XII. 47, — ART. N° 2. 148 H. A. ROBIN. de Rosenmüller). L’orifice de la capsule est assez étroit, ce qui explique qu’il ait échappé au savant anatomiste de Liège. Il est cependant facile à reconnaître sous la forme d’une petite boutonnière située à la partie inféro-mterne de la capsule, entre l’origine de loviducte et le ligament suspenseur de luté- rus. Il est plus réduit encore chez le V. mystacinus où 1l est représenté par un pore dans lequel on peut seulement faire pénétrer l'extrémité d’une aiguille. L’oviducte est, comme toujours, entièrement contenu dans la paroi de la capsule, il s'ouvre par un pavillon frangé près de l'orifice duquel une de ses franges va se rattacher. Il m'a été, comme je lai dit plus haut, impossible de trou- ver, avec une loupe de Brücke, un orifice dans la capsule ovarique du Vesperugo Kuhlii. M. Mac-Leod décrit également comme close la même capsule chez le V. pipistrellus. Fa fait remarquer combien, en présence de la constance absolue de cet orifice chez tous les autres Chiroptères, il est probable qu'il ne fait pas entièrement défaut et que des difficultés d’ob- servations particulières l’ont caché au savant belge et à mor. Les glandes de Bartholin sont bien développées, longue- ment pédiculées, un peu plus petites que lesglandes de Gowper du mâle. Phyllostomides.— La famille des Phyllostomides qui, malgré les différences de régime de ses représentants, est incontesta- blement la plus homogène de toutes celles de l’ordre des Ghi- roptères, est caractérisée par un utérus absolument simple et ne présentant aucune trace de cornes ; la situation des capsules ovariques est également différente de ce que nous avons vu chez tous les autres Chiroptères. Ces caractères sont du reste d’une constance absolue, et la description donnée pour un Phyllostomide insectivore pourrait s'appliquer à un Artibeus ou, avec de légères modifications, à un Desmodus. Je choisirai comme tvpe l’Arfibeus, à cause de sa grande taille. Dans cette espèce (fig. 53) l’utérus est pyriforme, assez allongé, et ne présente, pas plus que celui de la femme, trace de cornes. [Il se termine supérieurement par un bord libre ARTICLE X° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 149 horizontal droit, aux angles duquel naissent les ovidüctes. Les capsules ovariques sont appliquées aux côtés de l'utérus, de sorte que loviducte descend d’abord le long de cet organe pour remonter ensuile vers son point de départ, et s’y terminer sur le bord d’une boutonmière située à la partie supérieure de la capsule, au niveau du bord libre du ligament large. L’ovaire est elliptique et assez petit, la capsule assez spacieuse propor- tionnellement à son volume. Le vagin ne se distingue pas extérieurement de l’utérus et en continue la direction. Le museau de tanche est très peu sail- lant; la muqueuse vaginale plissée longitudinalement. Les glandes de Bartholin sont extrêmement petites. La vuive, portée par un mont de Vénus assez proéminent, est étroite et en forme de fente longitudinale; le clitoris très réduit. Chez le Carollia, la forme générale est plus large et plus raccourcie; les capsules ovariques, en particulier, sont beau- coup plus étalées et semblent former des ailes de chaque côté de l'utérus ; leur pore est extrêmement étroit. Le museau de tanche est représenté par une série de laciniations comme chez les Roussettes du genre Hypsignathus. Le clitoris est un péu plus saïllant que chez PArtibeus. L’utérus du Glossophaga est plus raccourci encore et presque sphérique; le museau de tanche comprend une partie pleine entre les laciniations. Chez le Desmodus, l'utérus est légèrement cordiforme, pré- sentant une faible échancrure dans son bord libre ; il est égale- ment moins étroit dans la région colaire que chez les types précédents. Les capsules ovariques prennent un développe- ment énorme et leur capacité est cinq ou six fois supérieure au volume de Povaire. Elles ne sont plus accolées que sur une petite longueur au bord latéral de l’utérus et le dépassent de la moitié de leur diamètre en avant. Elles tendent à se relever pour occuper la même situation que chez les Chauves-Souris des autres familles. L’oviducte très étroit décrit des méandres assez complexes se ramenant à un cercle presque entier, la boutonmière de la capsule, assez étroite, étant adjacente 150 Hi. 4. ROBIN. à l’utérus. L'ovaire est petit, comprimé et assez allongé. Le museau de tanche est médiocrement saiilant, peu laci- nié : les glandes de Bartholin un peu moins réduites que dans les espèces précédentes. La vulve est proéminente, ce qui, joint à un développement assez grand du clitoris, lui donne un aspect très saillant. M. Mac-Leod (1) et M. Van Beneden (2) ont récemment étudié la structure histologique de l'ovaire : le premier, chez le Vesperugo pipistrellus ; lesecond, chez le Vespertilio murinus el le Rhinolophus ferrum-equinum. Le cadre de ce travail ne me permet pas d'entrer dans le détail des observations que ces deux savants, et spécialement M. Van Beneden, ont faites rela- tivement à ja structure intime du stroma ovarien ou à l’évolu- tion des follicules de Graaf. Je rappellerai seulement qu'ils ont constaté que chez les Chauves-Souris la portion vasculaire de l'ovaire, caractérisée non pas seulement par l'absence de folli- cules de Graaf et la présence de nombreux vaisseaux sanguins, mais aussi, pour M. Van Beneden, par une structure fibreuse spéciale, est très réduite, et que la région parenchymateuse forme à elle seule les neuf dixièmes de l’ovaire. Il existe, selon M. Mac-Leod, des cordons parenchymateux dans l’une et l’autre de ces régions; pour M. Van Beneden, au contraire, ils font défaut dans la région vasculaire. L’épithélium de l'ovaire est d'ordinaire cuboïde (Pipistrelle, Rhinolophe), mais il subit, chez le Murin, des variations considérables et peut être pavimenteux-stratifié. J’ai répété la plupart des observations de M. Van Beneden sur les deux espèces étudiées par lui et J'ai pu vérifier l’exacti- tude des faits que je viens de rappeler. L'oviducte est, comme d'ordinaire, médiocrement muscu- leux, sa muqueuse est fortement plissée et tapissée d’un épi- thélium cylindrique à cils vibratles. (4) Mac Leod. Contribution à l'étude de la structure de l'ovaire des Mammi- fères (Arch. de biol., 1, p. 241, 1880). (2) Ed. Van Beneden. Contribution à la connaissance de l’ovaire des Mammi- fères (Arch. de biol., I, p. 475, 1880). ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 151 Dans la cavité de l’utérus, un épithélium analogue, mais non cilié, épais de 10 à 12 &, repose directement sur la couche musculeuse sans Interposition de tissu conjonctif. Get épithé- lium augmente d'épaisseur vers le col de l’utérus, et ses cel- lules deviennent columnaires et hautes de 16 à 18 p.. L'épi- thélium des glandes utérines ne m’a paru différer en rien de celui de la surface de lutérus. Le vagin est constitué par une couche musculeuse épaisse, tapissée d’une muqueuse dermoïde ; l’épaisseur de son épi- thélium pavimenteux stratifié est assez variable : chez le Mu- rin, elle est en moyenne de 50 pr. CONCLUSIONS 1° Les ovaires sont constamment renfermés dans une cap- sule péritonéale communiquant avec la cavité abdominale par une boutonnière (Emmert et Burgaetzy), sauf peut-être dans le genre Vesperugo. 2° L'oviducte est dans tout son trajet compris dans les parois de la capsule ovarique (Emmert et Burgaetzy), il vient s’ouvrir sur le bord de la boutonnière de cette capsule. 3° L’utérus présente dans sa disposition les plus grandes variations. Il est absolument simple chez les Phyllostomides, plus où moins bicorne chez les autres Microchiroptères. Le corps est divisé en partie en deux cavités continuant les cornes par une cloison médiane chez le Nyctinomus plicatus et plu- sieurs Mégachiroptères. La cloison se continuant jusqu’à l’ori- fice utéro-vaginal, il existe deux utérus soudés sur une partie de leur longueur chez le Taphozous melanopogon et les Rous- settes des genres Hypsignathus et Epomophorus. Enfin les deux utérus sont entièrement distincts, même extérieurement, chez le Cynonycteris amplexicaudata. 4 La muqueuse du vagin, lisse chez quelques Mégachiro- ptères, est d'ordinaire plissée longitudinalement. Le vestibule uro-génital est toujours très réduit. 5° Les glandes de Bartholin, absolument semblables pour 152 H. A. ROBIN- leur forme et leur situation aux glandes de Cowper du mâle, sont plus réduites. 6° La fente vulvaire est longitudinale dans la famille des Phyllostomides, transversale dans toutes les autres familles. VI. — ENVELOPPES FŒTALES Parmi les nombreux exemplaires de Chauves-Souris que j’ai disséqués dans le cours de mes recherches, se trouvaient un certain nombre de femelles à l’état de gestation. Les embryons que je me suis procurés ainsi m'ont permis d'entreprendre l'étude de la structure et des rapports des membranes fœtales chez des représentants de la plupart des types de Chiroptères ; la seule famille dont je n’aie observé aucun embryon est celle des Phyllostomides. Les observations histologiques exigeant des matériaux frais ont porté sur deux espèces indigènes que j'ai pu me procurer en abondance, le Vespertilio murinus et ie Rhinolophus eu- ryale. | Les autres espèces dont j'ai observé les embryons sont les suivantes : Pteropus edulis. Cynonycieris amplexicaudata. Epomophorus comptus. Eonycteris spelæa. Vespertilio mystacinus. Miniopterus Schreibersii. Cheiromeles torquatus. Molossus obscurus. Saccopterix plicata. Rhynchonycteris naso. Daubenton (1), décrivant en 1759 l'embryon de la Noctule, s'exprime en ces termes : « Les Noctules n’ont ordinairement qu'un seul fœtus à chaque portée, mais quelquefois il y en a deux ; dans l’un et l’autre cas le corps de la matrice est tou- (1) Daubenton. Mémoire sur les Chauves-Souris (Mém. de l’Acad. des sciences, 1759, p. 374). ARTICLE :N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 153 jours dilaté au point que les cornes disparaissent en entier ; au contraire, dans les autres animaux, les fœtus occupent presque toujours les cornes de la matrice. Lorsqu'il y à deux fœtus, ils sont placés l’un à côté de l’autre etils ont chacun leur placenta et leurs enveloppes particulières... Le placenta est rond et ressemble à celui des Rats, de la Taupe, de la Musaraigne, ete... L’allantoïde étant enflée a la forme d’un œuf; elle est placée au delà du bord du placenta et elle adhère à l’amnios par le gros bout de l’œuf qu’elle représente; cette adhérence est formée principalement par des vaisseaux sanguins très appa- rents et placés très près les uns des autres, qui s'étendent pa- rallèlement d’un bout à l’autre de l’allantoiïde; cette mémbrane tient par son petit bout à un filet qui rampe sur la face interne du placenta, depuis le bord jusqu'au centre, où il se joint au cordon ombilical ; j'ai suivi ce filet très distinctement le long du cordon ombilical et je ne doute pas qu'il ne soit l’ouraque et qu’il ne s’étende jusqu’à la vessie; mais je n’ai pu parvenir à y faire entrer de l’air ; il y a lieu de croire qu'il n’est pas creux, d'autant que l’allantoïde ne contient point de liqueur. » Cette description très exacte, pour l'observation des faits du moins, sinon pour leur interprétation, fut complétée par un travail extrêmement remarquable publié au commencement du siècle actuel par Emmert et Burgaetzy (4). Ges deux savants, qui semblent n’avoir pas eu connaissance du mémoire de Daubenton, établirent avec la plus grande exactitude et avec les détails les plus précis la forme et les rapports du placenta et des diverses membranes fœtales chez le Vespertilio murinus et le Rhinolophus hipposideros. IS reconnurent lexistence d’une caduque et constatèrent que l’organe considéré par Dau- benton comme l’allantoïde était en réalité la vésicule ombilicale, et ne trouvant pas l’allantoïde, ils émirent l'hypothèse que son feuillet externe devait s’être soudé au placenta et au chorion etson feuillet interne à l’amnios, et que la cavité qu’ils rencon- (1) Emmert und Burgaetzy. Beobachtungen ueber einige schwangere Fleder- maüse und ihre Eihülle (Heckel’s deutsch. Arch. für Physiol., IV, 1819, DE 154 H. A. ROBIN. traient entre les deux dernières membranes était ainsi une cavité allantoïdienne. Une telle hypothèse, bien qu’inexacte, comme nous le verrons, dans le cas actuel, est intéressante à rencontrer dans une publication antérieure aux grands travaux de Von Baer et d’autres considérations générales sur lesquelles nous n’avons pas lieu d’insister ici font de ce mémoire trop oublié aujourd’hui un document extrêmement important pour l'histoire des connaissances embrvologiques. Pour le cas qui nous pPcnpe on peut dire qu'aucun fait d’une réelle impor- tance n’a été ajouté jusqu’à l’époque actuelle à ceux mis en lumière dans ce travail. Dans la classification des Mammifères qu’il proposa en 1898, Von Baer (1) s’appuie sur le caractère fourni par la persistance de la vésicule ombilicale pour placer les Chiroptères réunis avec les Insectivores à côté des Rongeurs et des Carnas- siers. En 1840, M. R. Owen (2) décrivit un fœtus de Roussette et signala l'aspect étrange de la vésicule ombilicale qui persiste, constituant un corps réniforme assez épais et à surface irré- gulièrement plissée ; il décrivit en même temps la forme en houpe des villosités placentaires. En 1864, Rolleston (3) revit la vésicule ombilicale et indi- qua en outre chez le Phyllostoma hastatum des vaisseaux sar- guins qui de cet organe iraient se distribuer dans le chorion. Il attribua à la longue macération dans l’alcool la forme des villosités observée par M. Owen. L’illustre anatomiste discute cette objection dans son Anatomie comparée des Vertébrés (4) et maintient sa première opinion. Tels étaient les faits connus lorsque M. Ercolani a publié en (1) Entwicklungsgeschichte der Thiere, 1, p. 225. (2) Owen. Catalogue of the physiological series in the Museum of the Re college of surgeons, V, p. 140. (3) Rolleston. On the placental structures of Tenrec and those of certain other Mammalia with remarks on the value of the placental system of classifi- cation (Trans. zool. soc., V, 1863, p. 285). (4) Owen. Comparative anatomy and physiology of the Vertebrates, IL, p. 731, 1868. | ARTICLE N° 9. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 455 1880 son grand ouvrage (1) sur la formation du placenta. Ce savant anatomiste consacre un chapitre et trois planches au développement du Vespertilio murinus. Parmi les excellentes figures qu’il donne, l’une (2), représentant les enveloppes fœ- tales déchirées, montre les rapports réciproques de l’amnios, de la vésicule ombilicale et du chorion; une autre (3) fait voir le cordon ombilical disséqué au point où les vaisseaux allan- toïdiens se séparent des vaisseauxomphalo-mésentériques; une troisième (4) les rapports vasculaires, qui existent entre le cho- rion et la vésicule ombilicale. M. Ercolani conclut en effet de ses observations que le placenta reçoit des vaisseaux provenant de la vésicule ombilicale. Attribuant à l’origine des vaisseaux du chorion une impor- tance plus grande qu’à la forme du placenta, il divise les Mammifères monodelphes en Omphaloïdiens et Allantoïdiens. Les Chiroptères prennent place parmi les Omphaloïdiens à côté des Insectivores et des Rongeurs et au-dessous des Car- nassiers, tandis que les Primates sont placés à la tête des Allan- toïdiens au-dessus des Édentés, des Lémuriens, des Rumi- nants, des Pachydermes et des Cétacés. La conclusion sur laquelle M. Ercolani se fonde me parait inacceptable et due à une interprétation malheureuse d’obser- vations d’ailleurs exactes. J'aurai à la discuter plus loin, et d’ailleurs, fût-elle vraie, que la constitution de l'œuf des Chauves-Souris serait encore, à mon avis du moins, bien diffé- rente de celle de l’œuf des Rongeurs. Lorsque l’on ouvre l’abdomen d’une femelle de Chiroptère à l’état de gestation, on trouve l’utérus plus ou moins distendu et rejeté du côté droit de la cavité abdominale. Le fœtus lui- même occupe constamment la corne droite de l’utérus. Ce fait (4) Nuove richerche sulla placenta nei pesci cartilaginosi e nei Mammiferi e delle sue applicazioni alla tassonomia zoologica e all’antropogenia. Bo- logne, 1880. (2) Loc. cit., pl. XIX, fig. 2. (3) Loc. cit., pl. X, fig. 2. (4) Loc. cit., pl. X, fig. 1. 156 | H. A. ROBIN. m'avait d’abord beaucoup embarrassé puisque les deux ovaires ont un égal développement et présentent indifféremment des corps jaunes. Il paraît cependant facile à expliquer par la dis- position de l’intestin. La masse intestinale en effet est, comme nous l’avons vu, entourée en haut, du côté droit, et en bas par le duodénum et par la lame mésentérique qui le soutient ; elle est par conséquent libre et mobile dans toute cette partie; elle est au contraire fixée du côté gauche dans la région de l’esto- mac et du foie en haut, du rectum en bas. Refoulée elle tendra donc nécessairement à se porter vers le côté gauche et à re- pousser l’obstacle à droite. Dans les trois cas où j'ai observé la gestation de Roussettes à utérus double, deux fois chez le Cynonycteris amplexicaudata, une fois chez l’'Epomophorus comptus, c'était encore l'utérus droit qui renfermait le fœtus. Mais alors il me semble évident que l’œuf était tombé de l’ovairé correspondant, ear on ne peut concevoir comment l’œuf passerait de l’un des utérus dans l’autre. Gette migration me paraît même impossible d'une corne à l’autre chez les Roussettes où cet organe est simple. En ouvrant avec soin l'utérus, on extrait le fœtus qui en- traîne avec lui la caduque et la portion maternelle du placenta. Il ne m’a jamais été possible, même chez des fœtus assez jeunes, de séparer le placenta fœtal du placenta maternel sans rupture. L’embryon est couché transversalement dans une position très variable suivant les individus; en général cependant, la partie dorsale correspond à la face inférieure du bassin, de sorte que l’embryoa est couché sur le dos, si l’on suppose la mère se tenant debout. L’axe de l'embryon n’est du reste pas exactement parallèle au diamètre transversal de l’utérus. La tête est tantôt dirigée du côté droit, tantôt du côté gauche ; sa situation est indiquée par celle du Alice qui lui correspond d’une manière à peu près constante. L’embryon est enveloppé par un chorion mince et facile à déchirer lorsqu’on n’apporte pas de grandes préeautions à l’é- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 157 nucléation de l'œuf. Des vaisseaux sanguins rayonnant à l’en- tour du placenta se distribuent dans toute son étendue en for- mant un réseau vasculaire assez serré. Au-dessous du chorion, entre cette membrane et l’amnios, existe une cavité assez vaste pendant la plus grande partie de la gestation, très réduite au contraire lorsque le terme de la parturition approche. Cette cavité entièrement limitée par le feuillet moyen et tapissée par un endothélium spécial est un cœælome externe. | La vésicule ombilicale, adhérente à l’amnios par sa base, était primitivement accolée au chorion comme le représente M. Ercolani (1). Elle s’en détache bientôt dans presque toute son étendue, le sommet seul y restant adhérent sur un espace très circonscrit. Enfin, elie s’en éloigne complètement, mais elle y reste rattachée par une bride de tissu conjonctif vascula- risé (chorionsfortzats de Emmert et Burgætzy), à laquelle M. Ercolani a donné le nom de funicule (2). Enfin l’allantoïde présente une forme analogue à celle des Rongeurs; c’est un sac conique situé derrière le placenta et dont la paroi interne adhère en partie à la vésicule ombilicale et à l’amnios. Sa cavité est traversée par des vaisseaux san— guins qui passent de sa lame interne à sa lame externe, c’est- àa-dire au placenta et s’entourent de son épithélium. Quoique assez réduite, elle est facile à insuffler même sur des fœtus à terme. Placenta. — Le placenta est de forme plus ou moins régu- lièrement discoïdale. Dans les premières phases du développe- ment, chez certaines espèces comme le Rhinolophus euryale, le Cynonycteris amplexicaudata, 11 enveloppe les deux tiers de l’œuf formant alors une sorte de cloche, mais son accroisse- ment moins rapide que celui du reste du chorion le réduit bientôt à un disque convexe à sa surface externe, plan ou lé- gèrement concave à la surface qui est tournée vers l’embryon. (1) Loc. cit., pl. IX, fig. 2. (2) Loc. cit. pl. X, fig. 1. 158 H. A. ROBIX. Le bord du gâteau placentaire, au lieu de s’atténuer pour passer progressivement au chorion, est renflé en bourrelet de sorte que la face interne du placenta dépasse en étendue sa surface d'insertion. Les vaisseaux sanguins pénètrent d'ordinaire dans le pla- centa en un point plus ou moins central; chez les Molossiens seuls (Cheiromeles torquaius, Molossus obscurus), is l’abordent par le côté et le hile est marginal. Dans les espèces que j'ai étudiées, une seule fait exception à la règle générale : c’estle Miniopterus Schreibersu. Là, en effet (fig. 58), le placenta n’est plus un simple disque, mais il existe deux placentas discoïdaux distincts quoique très rapprochés. Le cordon ombilical se divise pour leur fournir des vaisseaux, chacun d’eux recevant une artère. allantoïdienne et donnant naissance à une veine qui S’unit à sa congénère pour constituer la veine allantoïdienne; les deux hiles sont marginaux et situés aux points les plus rapprochés des deux placentas. La plupart du temps, il est facile de s'assurer que le chorion ne s’épaissit pas dans l’espace très étroit du reste qui les sépare. Ge n’est donc pas un placenta discoïdal profondément lobé analogue à celui des Rongeurs, mais bien un véritabie placenta bidis- coïdal comparable à celui qui s’observe chez les Singes du groupe des Semnopithèques. Les rapports intimes qui unissent ce groupe aux autres Singes montrent, du reste, que le dédou- blement du placenta est un caractère d’ordre secondaire et de peu d'importance au point de vue taxonomique. Quant à la structure du placenta, je ne puis que confirmer la description donnée par M. Ercolani; les villosités du pla- centa fœtal pénètrent dans les glandes de l’utérus maternel, et s’y ramifient de sorte qu'il est impossible de séparer, sans rupture, les deux organismes. Sur les coupes, un double épi- thélium à gros noyaux indique la limite de l’un et de l’autre. Mais si je suis d'accord avec le savant anatomiste de Bologne relativement à la structure anatomique du placenta, il m'est absolument impossible d'admettre avec lui que ni le placenta, ni même le chorion, considéré dans toute son étendue, reçoive ARTICLE N° 2, ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 159 des vaisseaux d’origine omphalo-mésentérique. Examinons, en effet, le mode de vaseularisation des annexes de l'embryon. Cordon ombilical. — Le cordon ombilical est constitué exac- tement comme celui des autres Mammifères. Sous une enve- loppe ectodermique formée par l’amnios, il renferme cinq vaisseaux sanguins faciles à isoler , soit chez une Roussette comme dans la préparation représentée figure 57, soit chez le Vespertilio murinus. Ges vaisseaux sont, d’une part, deux ar- tères allantoïdiennes (1) qui naissent de l’aorte dans le bassin et émettent, peu après leur origine, les artères des membres postérieurs; la veine allantoïdienne qui plonge dans le foie où elle va rejoindre la veine cave; d’autre part, l’artère omphalo- mésentérique qui provient de l'artère mésentérique el la veine de même nom qui, comme la veine allantoïdienne, pénètre dans le foie, mais pour se déverser dans le système de la veine-porte. Enfin, outre ces vaisseaux et au milieu du tissu conjonctif muqueux (gélatine de Wharton), on retrouve les restes des pédicules de l’allantoïde et de la vésicule ombilicale. Le der- nier est souvent très difficile à reconnaître, même sur des coupes. Au point où le cordon ombilical se dégage de sa gaine am- motique, les deux ordres de vaisseaux se séparent, les vais- seaux allantoïdiens (2) continuent leur trajet vers le placenta qu'ils abordent presque immédiatement; les vaisseaux om- phalo-mésentériques restant au contraire accolés, sur un espace de quelques millimètres, à la membrane de l’amnios avant de pénétrer dans la vésicule ombilicale. Allantoïide. — L’allantoïde considérée en tant que poche a, comme nous l’avons dit, la forme d’un sac conique très sur- baissé dont la base est formée par le placenta et le sommet est au point de division du cordon ombilical ; elle comprend donc une lame externe ou basilaire, celle même qui entre dans la (1) Je préfère le nom de vaisseaux allantoïdiens à celui de vaisseaux ombili- caux, qui peut prêter à une confusion avec les vaisseaux de la vésicule ombili- cale ou vaisseaux omphalo-mésentériques. (2) Ercolani. Loc. cit., pl. X, fig. 2. 460 H. A. ROBIN. constitution du placenta et une lame interne en partie libre, en partie adhérente à l’amnios ou à la vésicule ombilicale. L'une et l’autre circonscrivent une cavité (fig. 54) allantoï- dienne, tapissée par un épithélium d’une seule couche de cel- lules plates à contours légèrement curvilignes, mais non on- dulés (fig. 68). Le diamètre de ces cellules est assez variable, il est en général de 15 à 25 pu. Cet épithélium d’une seule couche de cellules est plus épais que ne le sont d'ordinaire les endothéliums ; bien que beau- coup de caractères le rapprochent des revêtements que l’on désigne habituellement sous ce nom, J'évite cependant de l'appeler ainsi parce qu'il à une origine endodermique. His, en effet, en créant le mot endothélium, l’appliquait aux épithé- liums d’origine mésodermique qu'il croyait revêtir tous et seuls les caractères qui les avaient fait appeler auparavant épithéliums pavimenteux simples. Il n’en est malheureusement pas ainsi, et si l’on applique d'ordinaire le nom d’endothélium aux revêtements de la cavité générale et des vaisseaux san- guins et lymphatiques, la plupart des histologistes s'accordent aujourd’hui pour refuser toute valeur à la distinction mor- phologique proposée entre les épithéliums et les endothélhums. Ici, par exemple, nous avons affaire à un endothélium assez bien caractérisé quoique provenant, selon toute apparence, du feuillet interne. On a souvent cité l’épithélium des alvéoles pulmonaires comme étant dans le même cas. I mé Suffit de rappeler la structure de l’épithélium germinatif pour montrer que le feuillet moyen péut donner naissance à ur véritable épithélium. Je n’insiste sur ce point, que parce que M. Dastre qui n’admet cependant pas la théorie de His, en décrivant le revêtement analogue de lallantoïde des Ruminants et du Pore, paraît y voir un argument en faveur de l’hypothèse de Remak qui fait naître l’allantoïde de la paror externe du bassin (F). L'origine intestinale de l’allantoïde ne paraît, du reste, plus (1) Dastre. Recherches sur l’allantoïde et lé chorion de quelques Mammifèrès (Ann. d. sc. nat., 6° série, II, p. 8, 1876). ARTICLE N 2. ORGANISATION DES GHIROPTÈRES. 161 mise en doute depuis la publication du mémoire de M. Gas- ser (1), dont les observations ont été répétées et confirmées en ce qu’elles ont d’essentiel par M. Külliker (2). La cavité de l’allantoïde reste assez longtemps en continuité directe avec la vessie et chez des fœtus dont les membres anté- rieurs ont déjà nettement le caractère d’ailes, le pédicule allantoïdien présente encore une lumière, quoique très étroite. Les cellules qui forment son épithélilum augmentent de vo- lume au moment où la lumière s’atrophie, de telle sorte qu’elles se présentent sur une coupe comme un cercle de grosses cellules rayonnant autour d’un point central. L’allantoïde, dérivant de l'intestin, présente la même con- stitution que cet organe, c’est-à-dire qu'elle est formée par un épithélium endodermique tapissant une couche d’origine mésodermique, la lame vasculaire de de Baer et des anciens embryologistes, le stroma de l’allantoïde de M. Dastre. C’est cétte couche de tissu mésodermique qui, unie avec la couche homologue, enveloppant le pédicule de la vésicule ombilicale, constitue la gélatine de Wharton dans le cordon ombilical, puis s'étale en une couche membraneuse conjonctive à la sur- face de l’allantoïde dont elle constitue toute la paroï, l’épithé- liam excepté. Les vaisseaux allantoïdiens font partie de cette couche qui présente ainsi dans sa constitution tous les élé- ments essentiels auxquels donne naissance le feuillet moyen : du üssu conjonctif, des vaisseaux et des fibres musculaires, très développées, comme M. Külliker l’a depuis longtemps fait connaître (3), autour des vaisseaux du cordon ombi- lical. | : Les vaisseaux sanguins se ramifient dans la lame interne libre de l’allantoïde et, traversant la cavité allantoïdienne, ga- gnent la lame externe et pénètrent dans le placenta. L’épithé- (1) Gasser. Beiträge zur Entwicklungsgeschichte der Müller'schen Gangé und des Afters. Francfort, 1874 (2) Kôlliker. Embryologie de l’homme et des animaux supérieurs. Trad franc. Paris, 1879, p. 204. (3) Kôlliker. Mittheil. der naturf. Ges in Zurich, 1848. 162 H. A. ROBIN. lium allantoïdien revêt les sortes de piliers vasculaires ainsi formés entre les deux lames. Telle paraît être la constitution de l’allantoïide au moment de la formation du placenta, chez l’embrvon, représenté par M. Ercolani, planche X, figure 5, de son ouvrage par exemple. Je n’ai pas eu l’occasion d’observer des fœtus aussi peu avancés dans leur développement. Mais lorsqu’on s'adresse à des sujets plus âgés, on constate une très grande différence dans la forme de l’allantoïde. En effet, la lame vasculaire de cet organe ne se borne plus à cir- conscrire la cavité allantoïdienne à laquelle elle donne sa forme. La cavié et l’épithélium qui la limite ne subissent d’autre modification qu’un accroissement proporlionné à celui des autres parties de embryon. La lame mésodermique, au contraire, dépasse les limites du placenta et s’étend sous l’en- veloppe séreuse à laquelle eile s’unit à mesure que la vésicule ombilicale s’en détache. Ainsi se constitue le chorion définitif ou troisième chorion, dont les vaisseaux sont par conséquent fournis par l’allantoïde. M. Dastre (1), se fondant sur deux figures de Schenk, pense qu’il n'existe pas en réalité de troisième chorion, mais que les vaisseaux de l’allantoïde s'étendent dans du tissu conjonctif qui doublerait l’enveloppe séreuse et proviendrait de la masse proto-vertébrale, c’est-à-dire de la partie imdivise du feuillet moyen (2). Cette question mériterait de faire l’objet d’obser- vations précises, mais il faudrait pour cela étudier la structure de l'enveloppe séreuse avant le développement des vaisseaux et suivre dans ses détails le processus de la vascularisation. Je n'ai point fait cette étude qui devrait nécessairement porter sur (1) Dastre. Loc. cit., p. 66. (2) M. Alph. Milne-Edwards, en montrant, postérieurement au travail de M. Dastre, que chez les Lémuriens l’allantoïde forme une vaste poche sans connexion directe avec le placenta, a fait remarquer que cette disposition est difficile à expliquer si l’on accepte la théorie du placenta telle que l'ont for- mulée de Baer et Bischoff. (Alph. Milne-Edwards et Grandidier. Mammifères de Madagascar, X, p. 284.) ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. _ 463 des Mammifères micrallantoïdiens, discoplacentaires ou zono- placentaires; je ne puis donc raisonner que sur des probabilités eten m’appuyant sur des considérations théoriques dont je ne m'exagère pas la valeur. Cependant il ne me paraît pas certain que le tissu conjoncüf provienne nécessairement des lames protovertébrales ; cette origine me semble difficile à appliquer par exemple à la couche conjonctive qui, dans le tube digestif, sépare l’épithélium de la couche musculaire propre de la mu- queuse. D’autre part, 1l ne semble pas probable que la forma- tion du chorion définitif suive au point de vue de la vasculari- sation un processus différent, selon que les vaisseaux proviennent de l’allantoïde ou de la vésicule ombilicale. Or M: Slavjansky (1) a constaté que chez le Lapin l’enveloppe séreuse disparaît entièrement et a suivi sa résorption dans toute la partie vascularisée par la vésicule ombilicale et sa transformation en épithélium dans le reste de la surface de l'œuf. J’ajouterai enfin que les observateurs les plus récents, M. Kôülhker en particulier, ne font aucune mention des obser- vations de Schenk qu’ils ne paraissent pas avoir répétées. Quoi qu’il en soit à cet égard, il est incontestable que les vaisseaux du chorion définitif sont d’origine allantoïdienne. En effet, soit en pratiquant une injection, soit même en profitant de l’injection naturelle des vaisseaux d’un embryon qu’on vient de retirer de l’utérus maternel, on voit avec la plus parfaite netteté rayonner autour du placenta un certain nombre de gros vaisseaux dont la plupart viennent directement de la lame in- terne de l’allantoïde sans avoir pénétré dans la masse placen- taire, La figure 57 montre cette disposition des vaisseaux choriaux chez un fœtus presque à terme de Péeropus edulis. Ces vaisseaux se ramifient et forment sur toute la surface de l’œuf un réseau vasculaire assez riche, surtout dans la zone qui avoisine le placenta. Chez les Molossiens où, comme nous l’avons vu, le hile du (1) Kronid Slavjansky. Die regressiven Veranderungen der Epithelial-zellen und der serosen Hulle des Kaninchen Eies (Berichte über die Verhandl. der Sachsischen Gesellschaft der Wissenchaften, XXIV, 1872, p. 247). ANN, SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1881. XII. 18, — ART. N9 2, 164 H. A. ROBIN. placenta est marginal, les vaisseaux allantoïdiens avant même de pénétrer dans cet organe envoient des branches au chorion. Ainsi, chez le Molossus obscurus, un gros vaisseau naît de cette facon un peu avant le hile, et, se dirigeant du côté opposé à celui où est la vésicule ombilicale, forme autour de l’œuf une ceinture presque complète. Chezle Gheiromeles, deux vaisseaux analogues prennent naissance du côté même où est située la vésicule ombilicale, et tandis que l’un passe entre cet organe et le placenta, l’autre se glisse entre les plis de la vésicule om- bilicale et s’y accole de teile sorte qu’au moment où 1l la quitte on croirait avoir affaire à un vaisseau vitellin pénétrant dans le chorion ; la dissection est nécessaire pour reconnaître son ori- gine réelle. Le chorion est donc dans son ensemble vascularisé par des vaisseaux allantoïdiens. Mais en reçoit-il d’une autre origine; de la vésicule ombilicale, comme le pense M. Ercolani ? Avant d'aborder cette question, 1l nous faut examiner ce que devient la vésicule ombilicale par les progrès du développe- ment. Vésiculeombilicale. — Primitivement elle formait un sa€ vas- culaire accolé au chorion sans être en continuité de tissu avéc lui (1). Elle s’en sépare bientôt sur presque toute son éténdue, l'extrémité terminale seule y reste adhérente sur une surface de quelques millimètres, mais alors son revêtement externe fait corps avec la couche interne du chorion. Enfin lorsque le terme de la gestation approche, elle s'éloigne du chorion, mais y reste rattachée par une bride de tissu mésodermique vascu- laire, le funicule de M. Ercolani. Les vaisseaux omphalo-mésentériques, après s'être séparés des vaisseaux allantoïdiens, suivent, comme nous l’avons vu, sur un Certain espace la paroi de l’amnios, de sorte que la base de la vésicule ombilicale adhère à cette membrane. La vésicule ombilicale constitue donc un sac rattaché par sa base à lamnios, par son sommet au chorion ; il présente (4) Ercolani. Loc. cit., pl. X, fig. 5. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 1465 aussi près de sa base une adhérence avec l’allantoïde, mais la plus grande partie de sa surface est libre. Ainsi constitué, le sac vitellin est d'ordinaire en grande partie caché derrière le placenta; son extrémité seule se laisse voir par transparence au travers du chorion êt en dehors de cet organe. Sur le fœtus de Péeropus qui à fourni le sujet de la figure 57, elle est entièrement cachée derrière le placenta; il en est de même chez un autre fœtus presque à terme et chez un très jeune £pomophorus comptus ; maisle Cynonycterisamplexi- cauduata et l’'Eonycteris spelæa se montrent comme les Micro- chiroptères sous ce rapport (fig. 59). Chez les Molossiens seuls, la base de la vésicule ombilicale n’est point cachée derrière le placenta et la vésicule entièré est située en dehors de lui chez le Chesromeles, mais lui est accolée par un de ses bords; chez le Molossus, dont la vésicule est en forme de cœur de carte à jouer, l'extrémité d’un de ses lobes pénètre derrière le pla- centa. Les vaisseaux omphalo-mésentériques forment dans l’épais- seur de la vésicule ombilicale et dans toute son étendue un ré- seau d’une richesse extrême. Leur calibre diminue cependant à mesure que l’on s'approche de l’extrémité de l'organe et les dernières branches pénètrent seules dans la partie où la vési- cule ombilicale adhère au chorion. Là des anastomoses s’éta- blissent entre les fines ramifications de ces vaisseaux et les ramifications correspondantes des vaisseaux d’origine allantoï- dienne, mais jamais aucun vaisseau de diamètre tant soit peu considérable ne pénètre de la vésicule ombilicale dans le cho- rion. Souvent de gros vaisseaux allantoïdiens traversent cette région, mais ils ne présentent non plus aucune connexion avec le système omphalo-mésentérique. L'étude d’un fœtus très avancé est plus instructive encore à cet égard. Alors en effet la vésicule ombilicalen’adhère plus au chorion, elle yest seulementreliée par unebride membraneuse, le fumicule. Or le funicule renferme un assez grand nombre de vaisseaux sanguins, mais tous les vaisseaux faciles à suivre sur des préparations injectées ou mème sur des pièces fraiches 166 H. À. ROBIN. viennent nettement du chorion, se dirigeant vers la vésicule ombilicale, et ne marchent jamais en sens inverse (1). Les anastomoses, peu nombreuses du reste, qu'ils présentent avec les vaisseaux omphalo-mésentériques permettraient donc peut- être de dire que le chorion envoie du sang à la vésicule ombi- licale, mais non que le contraire à lieu. En réalité, ces ana- stomoses me paraissent de peu d'importance: deux lames mésodermiques vasculaires, l’une et l’autre appartenant à des organes différents, se rencontrent et entrent en coalescence ; les dernières ramifications de leurs vaisseaux entrent en com- munication. C’est là un fait physiologique qui se produit sou- vent, soit d’une manière normale, soit dans des cas patholo- giques, etquiest dépourvu detoute signification morphologique. Dans trois fœtus de Roussettes : deux Pteropus edulis et un Epomophorus comptus, en excellent état de conservation, la vésicule ombilicale était absolument libre de toute adhérence avec le chorion et ne pouvait par conséquent pas avoir avec lui de rapports vasculaires. Chez un Æonycteris spelæa au contraire, la vésicule était reliée au chorion par un cordon ligamenteux, de l'extrémité duquel partaient des sortes de nervures se ramifiant dans le chorion (fig. 59) et semblant être des vaisseaux sanguins. L'impossibilité de faire pénétrer une injection sur une pièce conservée depuis longtemps dans l’alcool ne m'a pas permis de m'assurer de leur véritable nature, mais en présence des nombreux faits fournis par les autres Chauves-Souris, je suis porté à croire qu'il y avait là une apparence due peut-être à un accolement de vaisseaux analogue à celui que j'ai rencontré chez le Cheiromeles lorquatus. Je dois dire cependant que Rolleston signale une disposition analogue chez le Phyllostoma hastatum, son observation (1) Cette disposition est, du reste, très apparente sur la figure que donne M. Ercolani du funicule (loc. cit., pl. X, fig. 1) : un seul vaisseau, celui qui est situé le plus à gauche, ne présente pas une direction déterminée et s’a- . bouche directement avec d'assez gros vaisseaux omphalo-mésentériques; je n’ai jamais rencontré de disposition analogue. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 167 semble du reste avoir été faite dans les mêmes conditions que la mienne et n’être pas de nature à produire la conviction. S'il venait à être démontré que c’est bien une arborisation vasculaire qui se rend de la vésicule ombilicale au chorion, il en faudrait conclure que l’origine des vaisseaux du chorion est un caractère sans grande importance et variable dans un même type. L'existence ou l'absence d’une caduque aujour- d’hui démontrées chez des animaux très voisins d’ailleurs doit mettre les naturalistes en garde contre les généralisations trop prématurées; cependant, je le répète, les faits que j'ai observés chez l’Eonycteris ne sont pas assez probants pour m'autoriser à nier d’une manière formelle la généralité d’un caractère que J'ai rencontré partout ailleurs. Nous établirons plus loin une comparaison entre l’œuf d’un Chiroptère et celui d’un Rongeur, et nous verrons alors com- bien, même en supposant ces faits démontrés, la disposition propre à l’Eonycteris différerait encore de celle qui caracté- rise les Mammifères nettement omphaloïdiens. Isolée, la vésicule ombilicale présente un aspect étrange et qui frappe au premier abord: ce n’est point comme à l’ordi- naire une membrane mince et translucide, mais au contraire une masse compacte, opaque et d'aspect glanduleux. En l’étu- diant de plus près, on reconnaît qu’elle forme chez les Micro- chiroptères un sac à parois plissées de façon à occuper un espace beaucoup plus restreint que si elles étaient étendues. Il est cependant facile de les étendre sur le frais sans produire aucune déchirure ; on reconnaît alors que la paroi est formée d’une membrane assez épaisse à surfaces irrégulières, l’externe présentant de véritables villosités de formes diverses Ces diffé- rentes circonstances expliquent l’apparence inusitée de l’or- gane. Si lon s'adresse à une Roussette, ces particularités sont poussées bien plus loin encore, mais la structure est un peu différente. D'abord les parois se sont soudées partout où elles étaient en contact, de sorte que la vésicule vitelline ne forme plus un sac que l’on puisse étendre, mais une masse compacte 168 H. A. ROBIN. dont, même sur des coupes, on ne réconnaît qu'avec difficulté l’origine primitive. Gependant on retrouve encore nettement dans certaines parties des préparations le tissu conjonctif qui réunit les deux lames pariétales et leurs plis. Les villosités elles-mêmes extrêmement développées s’intriquent et sont réunies par du tissu conjonctif de façon à présenter entre elles des rapports analogues à ceux des acini d’une glande. Ainsi constituée, la vésicule ombilicale forme sous le placenta une sorte de gâteau compact de forme très irrégulièrement trian- gulaire, réniforme dans l’exemplaire décrit par M. Owen. Chez un Pteropus edulis presque à terme, elle n’a pas moins de 28 millimètres de diamètre sur une épaisseur de 4 millimètres ; encore se replie-t-elle sur elle-même près d’un de ses bords, l’espace dans lequel elle a à se loger n'étant pas assez vaste. Le Cheiromeles torquatus, dont la vésicule ombilicale bien que très développée occupe un espace relativement très res- treint, présente un aspect en quelque sorte intermédiaire entre celui des Mégachiroptères et celui que présentent les Chauves- Souris ordinaires, tout en se rattachant très nettement aux dernières; la vésicule forme en effet des plis très serrés inté- ressant ses deux lames accolées et ses bords se replient sur eux- mêmes en plusieurs endroits. En examinant à l’œil nu et surtout au microscope la mem- brane de la vésicule ombilicale, on est frappé de sa richesse de vascularisation. L’artère omphalo-mésentérique qui y apporte le sang ne le cède point en diamètre à l’une des deux artères allantoïdiennes chargées de vasculariser le placenta et le cho- rion tout entier, et les veines sont d’un calibre sensiblement égal. Le réseau vasculaire constitué par les branches de ces vaisseaux est d’une si grande richesse, ses mailles sont telle- ment serrées que sous ce rapport on croirait avoir sous les yeux le poumon d’un Batracien. Les capillaires de ce plexus sont d'un diamètre assez considérable de sorte que le sang peut traverser l'organe avec une très grande rapidité. Pour étudier la structure histologique de la vésicule ombi- licale, je l’ai examinée de face et sur des coupes transversales. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 169 Dans le premier cas j'ai presque toujours opéré sur le tissu frais coloré au vert de méthyle ou au picrocarminate d’ammo- niaque, éclairei ou non par l'acide acétique. Un fragment du sac ombilical plongé quelques minutes dans un verre de montre contenant la matière colorante était étendu entre deux la- melles couvre-objets de façon à pouvoir être examiné par l’une ou l’autre face; j'ajoutais alors l’acide acétique quand j'en éprouvais le besoin. Pour pratiquer les coupes, les objets étaient fixés au liquide de Müller ou au liquide de Kleinenberg, colorés en masse au carmin ammoniacal ou à l’hématoxyline de Boehmer et inc us dans la paraffine. Les coupes transversales montrent que la paroi de la vési- cule ombilicale est formée par un stroma recouvert de deux épithéliums prismatiques (fig. 65). Le stroma est constitué par une trame de tissu conjonctif embryonnaire à nombreuses cel- lules, renfermant un très grand nombre de vaisseaux sanguins. Les deux épithéliums quoique de même type présentent un aspect assez différent ; celui du côté externe étant plus épais et constitué par des cellules beaucoup plus étroites que celui de la face interne. L’épaisseur est assez variable, comme le montre la figure, surtout pour l’épithélium externe; elle est en moyenne de 25 pet de 13 p pour l’épithélium interne; le diamètre moyen des cellules est respectivement de.3 met de 8. Une série de noyaux disposés régulièrement à la base de l’épithélium externe semblent indiquer une série de cellules plates qui constituerait une couche basilaire plus ou moins analogue aux endothéliums sous-muqueux décrits par M. De- bove. Cependant comme toutes les coupes ne présentent pas à cet égard la même netteté et qu’il m'a été impossible de réaliser une imprégnation au nitrate d'argent, je ne puis affirmer rien autre chose que l’apparence rendue par la figure 65. Examiné de face, l’épithélium externe se montre formé de petites cellules polygonales dont le champ est presque entière- ment occupé par le noyau, sans présenter de particularités importantes à noter. L'étude de l’épithélium interne est, au 170 M. A. ROBIN. contraire, très instructive (fig. 66). Ses cellules, larges et à gros noyau central, sont encore polygonales et assezrégulières, bien que leur contour soit formé par des lignes plus ou moins cour- bes. Mais ce qui lui donne surtout un aspect caractéristique, ce sont les gouttelettes graisseuses abondantes qui remplissent ses cellules, même sur des embryons très jeunes. La matière grasse se montre tantôt sous forme de fines granulations, tan- tôt, au contraire, sous celle de gouttelettes qui peuvent être aussi grosses que les noyaux cellulaires. Les gouttelettes sont moins nombreuses dans les cellules sus-jacentes aux vaisseaux sanguins si ce n’est chez des fœtus très âgés. Le noircissement sous l'influence de l’acide osmique montre qu’il s’agit bien ici de véritables gouttelettes graisseuses et non pas de quelque chose de comparable aux granulations réfringentes, découver- tes par M. Dastre dans l’épithélium intra-allantoïdien du Porc. Dans quelques cas, même chez des fœtus assez âgés, les gouttelettes font défaut sur un certain espace correspondant toujours à d'assez gros vaisseaux; les granulations sont alors beaucoup plus abondantes et obscurcissent entièrement le pro- toplasma cellulaire (fig. 67). Chez les Roussettes, l’enchevêtrement des villosités et l’obli- tération de la cavité interne produisent un aspect très différent ; on ne peut plus, sur des coupes, distinguer les deux épithéliums, on aperçoit seulement des îlots cellulaires séparés par du tissu conjonctif. L'aspect général est comparable à celui des acini d’une glande ou jusqu’à un certain point des lobules du foie. Ro La richesse de vascularisation de la vésicule ombilicale et son accroissement parallèle à celui de l’embryon prouvent qu’elle joue un rôle physiologique important. J'ai pu m’assurer que ce rôle est celui d’un organe de glycogénie. Les deux épi- théliums brunissent en effet fortement, l’interne surtout, par le réactif iodé, montrant ainsi l’existence de la matière glyco- gène. L'aspect de l’épithélium interne rappelle du reste d’une manière frappante celui du revêtement des villosités glycogé- niques de l’amnios des Ruminants. On pourra comparer sous ARTICIE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 471 ce rapport à ma figure, celle donnée par Claude Bernard (1), de cet épithélium, figure que je ne connaissais pas lorsque j'ai dessiné la mienne. Il n'existe du reste dans l’amnios ni plaques ni villosités glycogéniques ; je n’ai retrouvé la matière glyco- gène que dans les cellules de l’épithélium intra-allantoidien où M. Dastre l’a signalée déjà chez les Ruminants et les Pachy- dermes. Vers la fin de la gestation la matière glycogène disparaît de la vésicule ombilicale comme du reste de tous les organes extra-embryonnaires (Claude Bernard). Amnios. — Quant à l’amnios, il est constitué par une trame conjonctive extrêmement mince, limitée en dehors par une couche endothéliale sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin, en dedans par un épithélium pavimenteux stratifié en continuité avec l’épiderme. Cependant la structure de cette couche n’est pas identique à celle de l’épiderme ; on n’y trouve pas de réseau muqueux de Malpighi. La base en est au con- traire formée par une couche de cellules plates régulières à contours rectilignes (fig. 69), faciles à étudier sur une prépa- ration imprégnée au nitrate d'argent en faisant plonger l’ob- jectif. Sur le cordon ombilical, la trame conjonctive de l’amnios fait corps avec la gélatine de Wharton et ne peut se distinguer du tissu conjonctif appartenant à l’allantoïde ou à la vésicule ombilicale. L’épaisseur totale de la membrane amniotique étant de 30 pu, l’épithélium interne y entre à lui seul pour 25 w. La trame conjonctive n’est que de 3 x, l’endothélium externe de2u. Cœlome externe. — L'amnios, la vésicule ombilicale et l’allantoïde ne remplissent pas complètement la cavité de l'œufet ne sont pas rattachées entre elles ou avec le chorion par une trame de tissu conjonctif (membrana media de Haller, (1) Claude Bernard. Sur une nouvelle fonction du placenta (Journ. de la physiol., II, 1859, pl. ID). 479 H. A. ROBIN. magma réticulé de Velpeau, tissu muqueux interannexiel de M. Dastre), comme chez l'Homme, les Ruminants ou les Pa- chydermes. Il existe, au contraire, entre les annexes une cavité parfaitement délimitée et tapissée par un endothélium propre. Une cavité semblable existe dans l’œuf des Rongeurs, où elle n’est connue du reste que depuis un très petit nombre d’an- nées. Les auteurs qui s'étaient occupés de l’embryologie de ces animaux, Bischoff et Külliker en particulier, semblent bien l’avoir vue, le dernier en a même étudié la sérosité, mais ils n’en avaient pas reconnu la signification et surtout ils ne connaissaient pas l'existence de la couche endothéliale qui prouve seule l’autonomie de la cavité. L’endothélium me: pa- raît avoir été signalé pour la première fois, en 1872, par M. Slavjansky (1) dans l’explication des figures de son mé- moire sur la régression de l’enveloppe séreuse du Lapin. M. Dastre (2), en 1876, en a donné une description complète et, remarquant que cette cavité interannexielle n’est autre chose qu’une continuation en dehors de l'embryon de la cavité pleuropéritonéale ou cœlome, lui a donné le nom de Cælome externe. La cavité du cœlome externe, très spacieuse chez des em- bryons médiocrement développés et renfermant un liquide abondant, se réduit considérablement vers la fin de la gestation, l’amnios prenant alors un développement énorme. Elle est très peu développée et peut être nulle chez les Mégachiro- ptères. L’endothélium qui la tapisse est un endothélium à cellules ondulées analogue à celui du péritoine. Il se retrouve avec les mêmes caractères à la face interne du chorion et à la face ex- terne de l’allantoïde ou de l’amnios, mais Je n'ai pu, malgré des essais répétés de nitratation, en déceler l’existence à la sur- face de la vésicule ombilicale. Peut-être s’est-1l transformé pour constituer l'épithélium externe à grandes cellules pris- (4) Kronid Slavjansky. Loc, cit. (2) Dastre. Loc. cit., p. 34. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 473 matiques de cette membrane. S'il en était ainsi, ce serait un argument de plus contre la théorie des endothéliums de His. Je ne puis cependant donner cette opinion fondée sur des ob- servations négatives que comme une hypothèse et je désire qu’un plus habile que moi vérifie l’exactitude de mes observa- tions. | La figure 54 résume d’une manière schématique la consti- tution de l’œuf d’un Chiroptère (plus spécialement d’un Mi- crochiroptère), lorsqu'il a atteint son maximum de com- plexité. Elle montre les rapports des différentes membranes fætales et la distribution des vaisseaux d’origine allantoïdienne dans le chorion. J’ai placé à côté (fig. 55) le schéma de l’œuf d’un Rongeur, d’après M. Slavjansky, modifié de façon à le rendre compa- rable avec la figure précédente. La comparaison des deux figures montre des différences très considérables. Chez les Rongeurs, en effet, l’allantoïde plus réduite que chez les Chi- roptères ne vascularise que le placenta et une zone très res- treinte autour de cet organe. Le reste du chorion reçoit des vaisseaux d’une tout autre origine et possède une constitution morphologique absolument différente. C’est la vésicule ombi- licale qui, accolant son hémisphère externe à l'enveloppe sé- reuse et invaginant son hémisphère interne, le seul vascula- risé, dans l'hémisphère externe, prend la forme d’un champi- gnon pédiculé et entre dans la constitution du chorion définitif. L’enveloppe séreuse se résorbe elle-même par les progrès du développement, de sorte que la vésicule ombilicale forme seule la partie extra-allantoïdienne du chorion définitif. La cavité vitelline disparaît du reste entièrement et la vésicule ombilicale ne joue pas d’autre rôle que celui d’un support pour les vaisseaux de cette partie du chorion. Les vaisseaux qui se distribuent dans cette région débou- chent tous dans un canal circulaire ou sinus terminal limitant les deux régions du chorion, de sorte que nulle partil n’y a anastomose entre les vaisseaux allantoïdiens et les vaisseaux omphalo-mésentériques. 174 H. A. ROBIN. Ce fait suffirait à établir une très grande différence entre l’œuf des deux ordres de Mammifères, quand même l'opinion de M. Ercolani, relativement à la pénétration des vaisseaux omphalo-mésentériques dans le chorion serait exacte, puis- qu'il ne permettrait pas de passer d’une forme à l’autre, en admettant que la zone allantoïdienne du chorion des Rongeurs se soit considérablement accrue chez les Chiroptères aux dépens de la zone vitelline. Je crois avoir démontré que cette opinion n’était pas acceptable. Le seul caractère commun à l’œuf des Chiroptères et à celui des Rongeurs est l’existence d’un cælome externe limité par une couche endothéliale propre." La vascularisation du chorion tout entier aux dépens de l’allantoïde rapproche au contraire les Chiroptères des Primates. Enfin la persistance de la vési- cule ombilicale comme organe distinct indépendant du cho- rion et ayant un rôle physiologique propre est un caractère particulier à l’ordre qui nous occupe et qui ne se retrouve que peut-être chez les Insectivores (Taupe). CONCLUSIONS 1° Le placenta des Chiroptères est discoïdal (Daubenton) ; il est double ou bidiscoïdal chez le Miniopterus Schreibersi. Le hile est d'ordinaire plus ou moins central, il est marginal chez le Miniopterus et les Molossiens. 2 La vésicule ombilicale prend un développement consi- dérable et persiste pendant toute la vie embryonnaire (Dau- benton, Emmert et Burgaetzy). Adhérente d’abord au chorion, elle s’en écarte peu à peu et finit par n’y être plus rattachée que par une bride conjonctive (Emmert et Burgaetzy, Erco- lani). 3° La vésicule ombilicale, richement vascularisée, et dont j'ai fait connaitre la structure histologique est un organe de glycogénie. 4 I] peut s'établir des anastomoses entre les dernières ra- mificatious des vaisseaux allantoïidiens et des vaisseaux om- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 175 phalo-mésentériques, mais jamais (le cas de l’Eonycteris est seul douteux), aucun vaisseau omphalo-mésentérique de quelque importance ne passe dans le chorion. 9° L’épithélium intra-allantoïdien est glycogénique. 6° Il existe entre les membranes fœtales un cælome externe limité par un endothélium propre. 7° L’épithélium interne de l’amnios diffère de l’épiderme en ce que la couche de Malpighi fait défaut et est remplacée par une couche basilaire de cellules plates très régulières. 8° L’œuf des Chiroptères diffère essentiellement de celui des Rongeurs en ce que la vésicule ombilicale n’entre pas dans la constitution du chorion et que ses vaisseaux ne se terminent pas dans un canal circulaire comparable au sinus terminal. Le cœlome externe est le seul caractère commun entre les deux ordres. Au contraire, le mode de vascularisation du chorion rattache les Ghiroptères aux Primates. La constitution de l’œuf des Insectivores n’est pas assez connue pour me per- mettre d'établir une comparaison. EXPLICATION DES FIGURES PLANCHE ÏÎlL. Fig. 1. Pteropus rubricollis. Glandes salivaires. g. p, glande parotide; c. S, canal de Sténon; g. s. m, glandes sous-maxillaires ; c. W, canaux de Whar- ton; g. s. l, glandes sublinguales; p. s, muscle peaussier supérieur; p. m, peaussier moyen ; p. à, peaussier inférieur. Grandeur naturelle Fig. 2. Epomophorus comptus. Glandes salivaires. g, masse giandulaire droite non disséquée ; g. p, glande parotde; c. S, canal de Sténon; g. s. m, glandes sous-maxillaires; c. W, canaux de Wharton; g. s. l, glandes sublinguales; g. hk, glandes de l’hibernation; /, larynx; ph, paroi du pharynx; m, petit muscle peaussier reliant la joue au sternum; p. m, peaussier moyen; p. ë, peaussier inférieur. Grandeur naturelle. Fig. 3. Pleropus medius. Barbillon disséqué pour montrer l’extrémité des ca- naux de Wharton c. W. c. W', se terminant dans deux pores séparés p. p'. Grossissement considérable. 176 M. À. ROBIN. Fig. 4. Phyllorhina Commersonii. Glandes sublinguale et sous-maxillaire accessoire. c. W, canal de Wharton de la sous-maxillaire principale; g.s.m"…, glande sous-maxillaire accessoire; c. W”, son canal ; g. s. l, glande sublin- guale ; b, barbillon. Grossissement, 4 fois. PLANCHE III. Fig. 5. Eonycteris spelæa. Langue et plancher buccal. c. W, canaux de Wharton; g, glande sublinguale ; 6, barbillon; cr, crête sublinguale ; b, barbillon. Gran- deur naturelle. Fig. 6. Pteropus medius. Estomac retourné. 0, extrémité inférieure de l’æso- phage ; p. c, portion cardiaque; g. €, grand cul-de-sac ; r. p, région pylo- rique; p, pylore; d, origine du duodénum. Grandeur naturelle. Fig. 7. Hypsignathus monstrosus. Estomac. o, œsophage; c, portion car- diaque ; p, pylore. Grandeur naturelle. Fig. 8. Eonycteris spelæa. Estomac et pancréas. 0, œsophage; e, estomac ; p, pancréas; r, rate. Grandeur naturelle. Fig. 9. Emballonura nigrescens. Estomac grossi 2 fois. Fig. 10. Rhynchonycteris naso. Estomac grossi 2 fois. Fig. 12. Carollia brevicauda. Estomac grossi 2 fois. Fig. 13. Desmodus rufus. Œsophage, estomac et foie. 0, æœsophage; e, estomac; d, duodénum ; L. L. g, lobe latéral gauche du foie ; L. c, lobe central; 1. [. d, lobe latéral droit. Grandeur naturelle. Fig. 14. Rhinopoma microphyllum. Fragment d’intestin montrant le cæcum. Grossi 2 fois. Fig. 15. Megaderma spasma. Fragment d’intestin montrant le cæcum. Grandeur naturelle. Fig. 16. Pteropus rubricollis. Foie. L. 1. g, lobe latéral; L. c. g, lobe central gauche ; L. c. d, lobe central droit; L. L. d, lobe latéral droit, £. c, lobe caudé; L.s, lobe de Spigel ; v. b, vésicule biliaire; c. b, canaux biliaires ; v. p, veine porte; ®. c, veine cave inférieure. Grandeur naturelle. Fig. 17. Phyllorhina diadema. Foie. L. l. g, lobe latéral gauche; {. c. g, lobe central gauche ; L. c. d, lobe central droit ; L. {. d, lobe latéral droit; {. s, lobe de Spigel; l. c, éminence représentant le lobe caudé ; v. b, vésicule biliaire. Grandeur naturelle. Fig. 18. Artibeus perspicillatus. Estomac, rate, foie et pancréas. e, estomac ; r, rate ; p, pancréas; d, duodénum; L. L. g, lobe latéral gauche du foie; l. c, lobe central; 4. L. d, lobe latéral droit. Grossissement, 2 fois. PLANCHE IV. Fig. 11. Taphozous melanopogon. Estomac grossi 2 fois. Fig. 19. Rhinolophus ferrum-equinum. Estomac et pancréas grossis 2 fois. Fig. 20. Vespertilio murinus. Charpente du larynx. k, corps de l’hyoïde; c. k, petite corne hyoïdienne; t, cartilage thyroïde ; €. s, sa corne supérieure; c. &, corne inférieure; c, cartilage Cricoïde;, m, membrane cricothyroïdienne ; e, épiglotte ; ér, trachée. Grossissement, 4 fois. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 477 Fig. 21. Vespertilio murinus. Larynx avec ses muscles. k, hyoïde ; e,épiglotte ; &. h, muscie thyro-hyoïdien; s. t, muscle sterno-thyroïdien, c. t, muscle crico-thyroïdien ; €. ph, muscle constricteur moyen du pharynx ; »m, membrane crico-thyroïdienne ; 0, œsophage; tr, trachée ; {, corps thyroïde. Grossisse- ment, 4 fois. Fig. 22. Rhinolophus ferrum-equinum. Cartilages du larynx vus de profil. e, épiglotte; é, cartilage thyroïde, €, cricoïde ; ar, aryténoïde; $, cartilage de Santorini ; a, ampoule trachéenne supérieure paire; a ampoule trachéenne inférieure impaire. Grossissement, 4 fois. Fig. 23. Le même vu par la face postérieure, mêmes lettres. Grossissement, 4 fois. Fig. 24. Nycteris thebaïca. Partie supérieure de la trachée montrant le pre- mier anneau modifié pour former les deux ampouies cartilagineuses. Gros- sissement, environ 12 fois. Fig. 25. Epomophorus comptus. Larynx. h, hyoïde ; c. h, sa petite corne, étalée en bouclier, relevée près de son point d’articulation en une apophyse peu saillante a; t, cartilage thyroïde; €. t, muscle crico-thyroïdien ; £. k, muscle thyro-hyoïdien; st, muscle sterno-thyroïdien; c. p, muscle constricteur du pharynx ; 0, œsophage; tr, trachée. Grandeur naturelle. Fig. 26. Le même larynx ouvert. e, épiglotte ; e’, épiglotte postérieure ; £, car- tilage thyroïde; €, cricoïde , #, muscles crico-aryténoïdiens; v. M, ventri- cules de Morgagni, v. s, cordes vocales supérieures; v. à, cordes vocales inférieures ; &, tubercule surmontant les cordes vocales supérieures. Gran- deur naturelle. Fig. 27. Pteropus medius. Poumons et cœur. t, trachée-artère ; ©, cœur; s, lobe supérieur du poumon droit, m®, lobe moyen; 3, lobe inférieur ; p, lobe postérieur ; s', lobe supérieur du poumon gauche ; &’, lobe inférieur Gran- deur naturelle. " Fig. 28. Taphozous melanopogon. Rein grossi 4 fois. Fig. 29, Emballonura nigrescens. Rein grossi 4 fois. PLANCHE V. Fig. 30. Cynonycteris amplexicaudata. Organes génitaux mâles, face posté- rieure. t, testicule ; e, épididyme; l, ligament suspenseur ; d, canal défé- rent; . s, vésicules séminales ; p, prostate ; v. w, vessie urinaire; %, ure- tère; g. C, glandes de Cowper, bd, muscle bulbo-caverneux ; 2, muscle ischio-caverneux ; pe, pénis. Un peu plus que grandeur naturelle. Fig. 31. Cynopterus Jagoru. Glandes accessoires de l’appareil mâle, face antérieure. ©. w, vessie urinaire; d, canal déférent ; ®. s, vésicules sémi- nales ; p, prostate ; g. c, glandes de Cowper. Gros., 3 fois. Fig. 32. Les mêmes, face postérieure. Mêmes lettres ; ”, portion musculeuse de lurèthre ; b; bulbe de l’urèthre. Fig. 33. Pteropus medius. Glandes accessoires de l’appareil génital; d, canal déférent ; v. s, portion coalescente des vésicules séminales ; v'. s', portion libre ; p, prostate ; æ, portion musculeuse de l’urèthre. Grossissement, 4 fois. 178 Hi. A. ROBIN. Fig. 34. Rhinolophus ferrum-equinum. Organes génitaux mâles, face anté- rieure. t, testicule ; e, épididyme ; d, canal déférent; vd. 4, vessie urinaire ; u, uretère; ©. s, vésicules séminales ; p, prostate ; g. u, glande uréthrale ; g. C, glandes de Cowper; à, muscle ischio-caverneux ; b, muscle bulbo-caver- neux; C, Corps caverneux, 9, nerfs dorsaux de la verge; pr, prépuce; g, gland; 0, saillie formée par l’extrémité de l’os pénien. Grossissement, 9 fois. Fig. 35. Rh. ferrum-equinum. Glandes accessoires de l’appareil mâle, face postérieure plus fortement grossie. v. #, vessie urinaire, ©. s', ampoule de Henle ; v. s, vésicule séminale proprement dite; p, prostate; g. uw, glande uréthrale. Fig. 36. Nycteris Revoilii. Organes génitaux mâle, face postérieure. v. u, vessie urinaire ; %, uretères ; £, testicule ; e, épididyme; d, canal déférent ; ®. &, vésicule séminale ; p, prostate ; g. c, glandes de Cowper; m, portion muscu- leuse de l’urèthre. | Fig. 37. Les mêmes, face antérieure. Mêmes lettres. c, corps caverneux. PLANCHE VI. Fig. 38. Megaderma spasma. Glandes accessoires de l'appareil mâle, face pos- térieure. d, canal déférent ; v. s, vésicule séminale; p, prostate; &, muscle ischio-caverneux ; g, C, glandes de Cowper. Fig. 39. Vespertilio murinus. Organes génito-urinaires du mâle; face anté- rieure. €. $, capsule surréuale; r, rein; 4, uretère; v. 4, vessie urinaire ; 1, ligament suspenseur du testicule; #, testicule; e, épididyme ; d, canal défé- rent; ®. $, vésicule séminale; p, prostate; m, portion musculeuse de l’urè- thre ; g. C, glandes de Cowper ; à, muscle ischio-caverneux; c. €, corps caver- neux; pe, pénis; #, nerfs dorsaux de la verge. Grossissement, 3 fois. Fig. 40. Vesperugo Kuhlii. Vésicules séminales, face postérieure. d, canal dé- férent ; v. s, vésicule séminale; m, portion musculeuse de l’urèthre. Fig. 41. Synotus barbastellus. Glandes accessoires de l'appareil génital, face postérieure. ©. #, vessie urinaire ; %, uretère ; d, canal déférent ; ®. s, vési- cule séminale ; p, prostate ; m, portion musculeuse de l’urèthre ; g. €, glan- des de Cowper ; b, bulbe de l’uréthre. Fig. 42. Miniopterus Schreibersii. Glandes accessoires de l’appareil génital, face postérieure. v. s, vésicule séminale ; p, prostate, lobe supérieur ; p', lobe inférieur. Fig. 43. Plecotus auritus. Glandes de Cowper, face postérieure. g. C, glande principale ; g. G’, glande accessoire; #”, portion musculeuse de lurèthre ; s, portion spongieuse. Fig. 44. Noctilio leporinus. Glandes accessoires de lappareil mâle, face pos- térieure. v. 4, vessie urinaire ; %, uretère ; d, canal déférent ; v. s, vésicule séminale ; p, prostate; m, portion musculeuse de l’urèthre. Grossissement, 4 fois. Fig. 45. Rhinopoma microphyllum. Glandes accessoires de l'appareil mâle, face postérieure. v. $, vésicuie séminale ; p, prostate ; u, urèthre. Grossisse- ment, 7 fois. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES CHIROPTÈRES. 179 Fig. 46. Carollia brevicauda. Organes génito-urinaires du mâle. c. s, capsule surrénale ; », rein; #, uretère ; ©. w, vessie urinaire ; £, testicule; e, épidi- dyme ; d, canal déférent; p, prostate disséquée d’un côté pour faire voir la vésicule séminale w. s.; g. C, glande de Cowper ; b. c, muscle bulbo-caver- neux ; pe, pénis. PLANCHE VII Fig. 47. Cynonycteris amplexæicaudata. Organes génitaux de la femelle. c. 0, capsule ovarique ; b, sa boutonnière dans laquelle est introduite une soie ; 0. d, oviducte ; 4, utérus droit gravide ; &', utérus gauche vide ; #, museau de tanche ; w, vagin ouvert; 0. 4, vessie urinaire. Grossissement, 2,5 fois. Fig. 48. Rhinolophus ferrum-equinum. Capsule ovarique très fortement grossie. €, capsule ovarique ; 0, ovaire ; b, boutonnière ; 0. d, oviducte; u, sommet de la corne de l’utérus. Fig. 49. Nycteris Thebaïca. Organes génitaux de la femelle, face antérieure. c, capsule ovarique ; %, utérus ; V, vagin; @, uretère; b, vessie urinaire. Grossissement, 4 fois. Fig. 50. Megaderma spasma. Organes génitaux de la femelle. €, capsule ova- rique ; 4, utérus ; 0, vagin; D, vessie urinaire. Fig. 51. Miniopterus Schreibersii. Capsule ovarique. , utérus gravide ; 0, ovaire ; 0. d, oviducte ; b, boutonnière de la capsule ovarique. Fig. 52. Noctilio leporinus. Organes génitaux de la femelle. €, capsule ova- rique ; 0. d, oviducte ; 4, utérus; Ÿ, vagin ; ©. 4, vessie urinaire ; g. B, glande de Bartholin. Grossissement, 4 fois. Fig. 53. Artibeus perspicillatus. Organes génitaux de la femelle. c, capsule ovarique; %, ulérus ; , vagin; ®. #, vessie urinaire. Grossissement, 4 fois. Fig. 54. Schéma de l'œuf d'un Chiroptère (spécialement d’un Microchiroptère). Le feuillet externe est indiqué par un trait continu, le feuillet interne par un trait pointillé, le feuillet moyen par une teinte uniforme. am, amnios; dl, allantoïde; p, placenta; v. 0, vésicule ombilicale; v, vaisseaux allan- toïdiens ; v’, vaisseaux omphalo-mésentériques. Fig. 55. Schéma de l'œuf d’un Rongeur, d’après Slavjansky, modifié pour le rendre comparable au précédent. Fig. 56. Pleropus Edwardsi. Fragment des membranes fœtales d’un embryon presque à terme montrant la distribution des vaisseaux sanguins. €, cordon ombilical disséqué ; ©. 0, vésicule ombilicale ; p, placenta ; ch. chorion; c, cordon ombilical dont l’enveloppe a été fendue; v', vaisseaux allantoïdiens; v'', vaisseaux omphalo-mésentériques. PLANCHE VIII. Fig. 57. Pteropus Edwardsi. Fœtus avec ses annexes. p, placenta ; ch, cho- rion ; ©. 0, vésicule ombilicale ; 4, artères allantoïdiennes ; v, veine allan- toïdienne ; 0, artère omphalo-mésentérique. Fig. o8. Miniopterus Schreibersii. Œuf avec ses enveloppes; le chorion a été ouvert. f, fœtus dans l’amnios ; ©. 0, vésicule ombilicale déchirée en la dé- tachant du chorion ; p. p', placentas ; €, chorion. Grossi deux fois. ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1881 XII. 19. — ART. N° 2, 180 Hi. A. ROBIN. Fig. 59. Eonycteris spelwa. Œuf dans ses enveloppes. p, placenta; 0. 0, vési- -cule ombilicale ; , vaisseaux qui semblent se rendre de la vésicule ombilicale au chorion. PLANCHE IX. Fig. 60, Rhinolophus hipposideros. Coupe de la prostate. Grossissement, 240 diamètres. Fig, 61, Id. Coupe de la vésicule séminale vue à un faible grossissement. Gros- sissement, 20 diamètres. Mig. 62. La même à un plus fort grossissement. Grossissement, 240 diamètres. Fig. 63. Id. Gæcums de la glande uréthrale. Grossissement, 20 diamètres. Fig. 64. Id. Coupe de la glande uréthrale. Grossissement, 210 diamètres. Fig. 65. Vespertilio murinus. Coupe de la vésicule ombilicale. e, épithélium interne ; $, stroma; e, épithélium externe. Grossissement, 400 diamètres. Fig. 66. Id. Épithélium interne de la vésicule ombilicale vue de face. Grossis serment, 400 diamètres. Fig. 67. Le même épithélium dépourvu de gouttelettes graisseuses; les cellules sont légèrement écartées par la pression du couvre-objet. Même grossis- sement. Fig. 68. 14. Épithélium interne de l’allantoïde imprégné au nitrate d'argent. Grossissement, 240 diamètres. Fig. 69. Id. Couche basilaire de l’épithélium interne de l'amnios imprégnée au nitrate d'argent, Grossissement, 240 diamètres. ; Fig. 70, Id. Endothélium du cœlome interne imprégné au nitrate d'argent Grossissement, 240 diamètres ARTICLE N° Ÿ COMPTE RENDU DES NOUVELLES RECHERCHES DE M. WALCOTT RELATIVES A LA STRUCTURE DES TRILOBITES SUIVI DE QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR L’INTERPRÉTATION DES FAITS AINSI CONSTATÉS Par RE. Ki. MIRLNE KEDVWAMREDS. N 1. Les fossiles désignés sous le nom de Trilobites occupent une place si importante dans les Faunes marines les plus anciennes ei les affinités naturelles de ces animaux ont donné lieu à des opinions si différentes, que les zoologistes attachent toujours un vif intérêt à toutes les découvertes qui paraissent être sus- ceptibles de jeter quelque lumière nouvelle sur le mode di constitution de ces êtres, et par conséquent nous croyons devoir sans relard appeler lattention des lecteurs des Annales sur un travail publié en Amérique, au mois de mars dernier, par M. G. D. Walcott (1). Depuis plusieurs années ce paléontolo- giste, après avoir publié diverses notes sur des Trilobites nouveaux, ou peu connus, s’est appliqué à rechercher les vestiges de l’organisation de ces animaux recélés dans le magma de matières calcaires qui s’est substitué aux organes intérieurs et à toutes les parties de la région ventrale de leur corps. Dans ce but il a pratiqué sur ces fossiles une multitude de coupes de façon à obtenir des tranches minces suffisamment translucides pour permettre à l’observateur d’apercevoir les parties d’apparences diverses qui peuvent se trouver dans la substance de remplacement, et à en Lirer des indications relatives au mode de constitution des organes appen- (1) The Trilobite : New and old evidence retaling to its organisation, by C. D. WaLcorr (Bulletin of the Museum of Comparative zoology at Harvard Gollege, vol. VII, n° 10. Cambridge, 1881). ANN, SC, NAT. — ART. N° 3 2 WYALCOTE. diculaires que l’on devait supposer avoir existé sous l'espèce d’armure céphalo-dorsale dont la conservation est souvent d’une perfection remarquable. Des fouilles pratiquées dans le calcaire de Trenton (État de New-York) ont fourni en grande abondance des matériaux propres à servir aux investigations de ce genre; on trouva dans une des couches de ce terrain plus de 3500 Trilobites entiers ; et 2200 de ces fossiles étaient dans un état de conservation tel, qu’on pouvait espérer obtenir par leur étude des données rela- tives à leurs organes locomoteurs. M. Walcott débita avec une rare persévérance une multitude de ces échantillons, et il a fini par en obtenir 270 coupes dans lesquelles 11 n'hésite pas à reconnaitre des indices de l’existence de pattes; 205 de ces préparations proviennent du Ceraurus pleurexanthemus, 49 appartiennent au Calymene senaria, À à P'Asaphus pachy- cephalus et 5 à l'Acidaspis Trentonensis. Or ces coupes minces ne laissent dans l'esprit de l’auteur aucune incertitude relative- ment à l'existence de pieds articulés chez les Frilobites, et elles le confirment dans l’opinion que ces animaux étaient proches parents des Limules et des Euryptères qui sont rangés dans l’ordre des Mérostomes si bien étudié récemment par M. Wood- ward (2). ; L'absence ou l’existence de pattes et le mode de conforma- tion de ces organes lorsqu'ils existent fournissent des caractères de la plus haute importance pour lappréciation des affinités naturelles des animaux invertébrés. Ainsi l’absence de toute trace d’appendices articulés sur les Trilobites connus 1l y à un demi-siècle, avait conduit un entomologiste célèbre, Latreille, à penser que ces animaux devaient avoir pour organe locomo- teur un pied charnu analogue à celui des Mollusques gastéro- podes et à les rapprocher des Oscabrions dont la région tergale est garnie d’une série longitudinale de plaques qui rappellent (1) Voyez la série des mémoires publiés par ce naturaliste, dans le recueil de la Société paléontographique de Londres, pour 18065, 1868, 1871, 1872 et 1878. ARTICLE N° 3. co) STRUCTURE DES TRILOBITES. 3 un peu les arceaux dorsaux du squelette tégumentaire de quelques Entomozoaires (4). Les observations d’Audouin sur les caractères anatomiques du système tégumentaire des Trilobites, publiées en 1891, ne laissaient subsister aucune incertitude concernant l’embranche- ment zoologique auquel ces animaux appartiennent; elles éta- blirent que ce sont des Entomozoaires pourvues d’un squelette extérieur dont la portion tergale est constituée, à peu de choses près, comme chez les Crustacés isopodes, tels que les Ligies et les Cymothoées, et elles conduisirent cet auteur à penser que les pattes devaient manquer complètement ou n'être représentées que par des appendices foliacés et membraneux affectés prin- cipalement au service de la respiration (2). Quelques années plus tard, un paléontologiste de l'Université de Bonn, Goldiuss, annonça qu'en usant sur la meule le corps de quelques-uns de ces animaux fossiles, de façon à mettre succes- sivement à découvert différentes tranches de leur organisme, il avait pu constater chez l’Asaphus punctulatus l'existence de pattes articulées et probablement natatoires ou branchiales (3) ; mais les figures qu’il donna de ses préparations ne justifièrent pas cette conclusion et les zoologistes s’accordèrent à la con- sidérer comme ne reposant sur aucun fait démonstratif (4). Les échantillons innombrables de Trilobites étudiés avec non moins d'habileté que de persévérance par M. Barrande ne fournirent aucune donnée significative concernant la nature des organes locomoteurs de ces animaux, et en tenant compte (1) Latreille, Affinités des Trilobiltes (Archives gen. des sc. physiques, 1820, t. VI, p. 350). — Plus anciennement Schlotheim avait également assimilé les Trilobites aux Oscabrions. (2) Audouin, Recherches sur les rapports naturels qui existent entre les Trilobites etles animaux articules (Archives generales des sciences physiques, 1821, t. VIII, p. 233). (3) Goldfuss, Observations sur la place qu'occupent les Trilobites dans le règne animal (Annales des sciences naturelles, 1" série, 1828, t. XV, p. 83, pl. 2). (4) Milne Edwards, Hist. nat. des Crustacés, t. HI, p. 285 (1840). — Bar- rande, Système silurien du centre de la Bohéme, t. I. Trilobites, p. 228 (1852). 4 SWYALCONX. des résultats négatifs obtenus par lui-même ainsi que par tous ses prédécesseurs, cet observateur excellent à pensé que les pattes de ces Entomozoaires ne pouvaient être que des appen- dices mous comme les pattes des crustacés phyllopodes de la Faune actuelle (1). Néanmoins l’analogie ne permettait pas aux zoologistes d'admettre que les Trilobites aient été dépour- vus d'organes locomoteurs de ce genre, ainsi que persistent à le croire quelques auteurs (2). Vers 1857, plusieurs paléontologistes, en étudiant l’intérieur du corps de divers Trilobites, constatèrent un fait nouveau qui n’est pas sansimportance, savoir, l’existence d’une double ran- gée de petits orifices situés dans la paroi ventrale de la région thoracique et désignés aujourd’hui sous le nom de per/forations Panderinnes parce que le D'Pander paraît avoir été le premier à les observer. Ces ouvertures furent considérées comme de- vant correspondre à.l’insertion de pieds (3); mais cette hypo- thèse ne nous parait reposer sur aucune base solide. Effective- ment ces trous sont pratiqués dans la portion réfléchie des lobes latéraux qui est appliquée presque directement contre la por- tion tergale des mêmes lobes, de façon à ne laisser libre aucun espace susceptible de loger les muscles moteurs que lon sup- pose les avoir traversés pour s’insérer à la base des paites cor- respondantes, et ces orifices sont si petits, qu'ils semblent être tout à fait impropres à donner insertion à des appendices loco- moteurs. [ls ressemblent davantage aux trous des lames épé- mériennes des Décapodes auxquels sont suspendues les bran- chies thoraciques de ces Crustacés, ou aux pores dont naissent les tubes aérifères situés dans l'épaisseur des fausses pattes abdominales de certains Crustacés isopodes, notamment des Tylos et des Porcellions (4). Eichwald n’hésite pas à affirmer (1) Barrande, op. cût., t. T, p. 226 (1852). (2) Par exemple M. Salter, Monograph of British Trilobites, p. 9 (Paleon- togr. 50c., 1864). (3) Barrande, op. cit. Supplément, p. 180, pl. 4, fig. 1. (4) Voyez les figures de ces organes dans la partie carcinologique de latlas de l'édition illustrée du Règne animal, de Cuvier, par M. Milne Edwards; Crus- tacés, pl. 70.bis, fig. 2 c et 2 d ; pl. 71, fig. 1 let 1», ARTICLE N° 3. STRUCTURE DES TRILOBITES. 3) que certains petits appendices baclliformes et multiarticulés qu'ila trouvésisolés dans le calcaire à coraux de Pile de Gothland et dans les couches à orthocératites de Werenberg en Esthonie sont des pattes de Trilobites auxquelles ces trous donnent in- sertion (4); mais, ainsi que le fait remarquer M. Biüllings, la position des ouvertures en question est loin de correspondre à la place où pouvait se trouver la base de pattes ambulatoires de ce genre (2). L'existence des perforations Pandériennes chez divers Trilobites ne nous éclaire donc en rien sur la nature des organes locomoteurs de ces animaux. Plusieurs géologues considèrent l’existence de pattes ambu- latoires chez les Trilobites comme étant démontrée par le mode de conformation d’un exemplaire d’Asaphus pachycepha- lus, provenant du calcaire de Trenton et étudié, il y a une dizaine d'années, par l’auteur que nous venons de citer (3), On voit à la face ventrale de ce fossile une double série de pièces solides, étroites, allongées, disposées transversalement, et ayant l’apparence d'autant de pattes analogues à celles de beaucoup d’Isopodes (4). M. Wordward, bien connu par ses travaux remarquables sur les Mérostomiens, adopta les vues de M. Billings et constata l'existence de quelque apparence d’un mode de conformation semblable sur un autre exemplaire de la même espèce éteinte (5). Mais le fossile de M. Billings ayant été soumis à l'examen de l’un des carcimo- logistes les plus autorisés de notre époque, M. Dana, ce savant interpréta autrement les particularités d'organisation dont on (1) Eichwald, Lethæa Rossica, ou Paléontologie de la Russie, p. 1364, pl. 52, fig. 21 (1860). (2) Billings, Notes on some specimen of Lower silurcian Trilobites. Discovery ofthe Panderian organ im several american species of Asaphus (Quarterly Journ. of the geolog. Soc., 1870, p. 481, pl. 31, fig. 5). (3) Billings, op. cit. I. Asaphus pachycephalus with some of the legs pre- served (Quart. Journ. of the geol. Soc. of London, 1870, t. VIIL, p. 479, Dlr91, Hoe1): (4) Voy. planche XII, figure 43. (6) H. Woodward, On the structure of Trilobites (Geological Magazine t. VII, 4871). | 6 NVALCOTT. avait argué pour établir que cet Entomozoaire possédait des pattes ambulatoires. [Il pensa que les pièces transversales observées à la face ventrale du corps de l’Asaphe pachycéphale ne sont pas des appendices locomoteurs, maïs seulement des portions de l’arceau sternal des segments du squelette tégu- mentaire, et son opinion à cet égard fut partagée par M. Verrill et par M. S.-J. Smith (1). La question relative à l'existence ou à l’absence de pattes chez les Trilobites était donc encore indécise, lorsque M. Wal- cott entreprit les recherches dont nous allons examiner les résultats. En 1875, ce paléontologiste trouva dans le calcaire de Trenton des exemplaires du Ceraurus pleurexanthemus de Green (ou Cheirurus de Beyrich) qui lui permirent de faire bien connaître la conformation de la surface inférieure de toute la portion tergale du squelette tégumentaire de ce Trilo- bite (2). Ainsi que nous l’avons vu précédemment, c’est par l'examen de tranches minces du corps, non seulement de ces animaux, mais aussi de plusieurs autres représentants du même groupe zoologique, qu’il a procédé dans cette étude, et son mémoire est accompagné de photographies des prépara- tions obtenues de la sorte. On peut done apprécier la signifi- cation des objets dont il argue, presque aussi bien que si l’on avait les pièces sous les yeux, et cela est d'autant plus utile que cet auteur ne nous paraît pas en avoir donné toujours une in- terprétation satisfaisante. & 2. En abordant l’exposé des résultats de ses recherches sur la structure des Trilobites, M. Walcott déclare qu'il lui parait inutile de traiter ni du système tégumentaire tergal (dorsal shell), ni de l'hypostome, les beaux travaux de M. Barrande ayant fait connaître suffisamment bien ces parties. Les sections (1) J. Dana, On the supposed legs of the Trilobite, Asaphus pachycephalus. (Annals and Magazine of nat. hist., 1871, série 4, t. VIL, p. 366). (2) Notes on the Ceraurus pleurexanthemus (Annals of the Lyceum of na- tural history of New-York, 1870, t. XI, p. 155, pl. 11). ARTICLE N° 3. STRUCTURE DES TRILOBITES. 1 longitudinales pratiquées vers le milieu du lobe médiane mettent en évidence le contour du test dorsal, Phypostome, la cavité céphalique, la ligne correspondante à la membrane ventrale et le trajet du canal intestinal; d’autres coupes lui ont permis d’apercevoir les parties qu’il considère comme étant des appendices céphaliques, des appendices du thorax et du pygidium, enfin un appareil respiratoire ; il s'occupe suc- cessivement de chacune d’elles. À. — MEMBRANE VENTRALE. « Sur les sections longitudinales où cette membrane est le mieux conservée, on voit, dit M. Walcott, qu’elle consistait en une pellicule mince et réticulée, renforcée dans chaque seg- ment par un arceau transversal auquel les appendices étaient attachés. Ces arceaux ont l'apparence de bandes plates, sépa- rées entre elles par une mince membrane connective à peu près comme les arcs de la région ventrale de quelques Déca- podes macroures. La meilleure démonstration de ce mode de structure est fournie par les Galymènes, mais plusieurs coupes de Céraures le font aussi apercevoir très nettement. (1) » « Dans la plupart des préparations l'existence d’une mem- brane extérieure protégeant les organes contenus dans la cavité ventrale n'est démontrée que par la présence d’une ligne de démarcation très nette entre le spath calcaire blanc qui remplit l’espace occupé primitivement par les viscères et la gange calcaire de couleur foncée; en général, on ne dis- tingue même aucune trace des arceaux, el presque toujours le revêtement cutané des pattes et des autres appendices à dis- paru d’une manière non moins complète, de sorte que dans la fossilisation la mème substance minérale paraît avoir remplacé les téguments et les parties molles sous-jacentes, en consti- tuant une masse continue. L’extrème délicatesse du revêtement extérieur des membres est également mise en évidence par l’état de conservation de ces parties, car on ne trouve que très (4) Voyez pl. 11, fig. 31. 5 WALCOTT. rarement ces organes dans un état à peu près parfait, et les formes bizarres qu'ils affectent souvent prouvent que leur membrane extérieure était semi-élastique el très altérable par la macération. (1) » B. — CANAL INTESTINAL, L’attention des naturalistes fut appelée pour la première fois sur le canal intestinal des Trilobites par le professeur Bey- rich qui en découvrit des traces sur un exemplaire du Trinucleus ovatus : M. Barrande observa souvent ce tube chez le Trinucleus Goldfussi,où ce paléontologiste constata qu'ils’étend dans linté- rieur du lobe médian, depuis le milieu de la glabelle jusqu’à l'extrémité du pygidium, et où 11 le trouva parfois rempli par de l’argile très fine ; mais sa conservation a dû dépendre de quel- que circonstance particulière, car chez d’autres Trilobites provenant de la même carrière 1l n’existe aucune trace de cet organe. Les coupes faites par M. Walcott n'ont que très rarement laissé apercevoir quelques indices analogues. L'espace occupé par le tube digestif et les autres organes intérieurs n’est pas considérable, car il est compris en majeure partie entre l’arceau du lobe médian du test tergal et la mem- brane ventrale; effectivement la portion membraneuse du sys- tème cutané qui est en continuité avec le bord latéral de ce test et se rabat en dedans pour rejoindre à la fois la membrane susnommée et le lobe médian ne laisse que très peu de place libre entre elle et les flancs. | Un des échantillons figurés par M. Walcott laisse voir dans l’intérieur de la cavité vésicale la conformation de la paroi inférieure de cette chambre divisée en compartiments par des cloisons interannulaires qui recouvrent les ouvertures servant à loger les muscles des pattes et à donner l'insertion à ces membres. (Voyez pl. 19, fig. 41.) (1) Voyez pl. 10, fig. 12 et 13. ARTICLE N° 3. STRUCTURE DES TRILOBITES, 9 C. — APPENDICES CÉPHALIQUES, Malgré des recherches très attentives et souvent répétées, M. Walcott n’a pu découvrir aucune preuve de lexistence d’un système antennaire chez ces fossiles. Sur une de ses coupes il à aperçu, près de l’hypostome, un petit appendice articulé, mais il lui a été impossible de le déterminer comme appartenant à une antenne. L’orifice buccal n’est pas situé précisément derrière Phypo- stome, comme M. Walcott l'avait pensé précédemment, mais un peu au-dessus de cet organe et dirigé un peu en arrière. L'auteur s’est confirmé dans lPopinion que chez ies Caly- mènes la bouche est garnie de quatre paires de mâchoires broyeuses constituées par l’article basilaire des appendices des quatre paires antérieures, dont la conformation générale serait semblable à celle des pattes céphaliques des Limules et des Euryptères; opinion que nous examinerons ultérieurement. Les articles basilaires de ces organes, ajoute l’auteur, sont plus grands que les autres et, sans doute, servaient à la mastication. Aucune patte n1 aucun appendice quelconque n’a été observé en entier, mais par linspection des portions aperçues sur di- verses coupes, chaque patte parait avoir été formée de six ou sept articles. L'article basilaire des membres des trois premières paires est plus petit que celui des appendices de la quatrième paire et son extrémité antérieure est tronquée obliquement (voy. fig. 22 à 26). Les autres articles sont grêles et assez sem- blables à ceux des pattes thoraciques. Les articles basilaires de la quatrième paire sont plus de deux fois aussi longs que larges et leur angle postéro-imterne est tronqué, de façon qu'ils ne peuvent se rapprocher que par leur portion antérieure pour fonctionner dans la mastication. Cetle extrémité antérieure et amincie donne insertion à une série de petits articles dont les derniers sont élargis et paraissent former une patte natatoire. Les articles basilaires ne présentèrent aucune trace de den- telures ou d’épines sur leur bord interne. Aucune bonne section 10 WWALCOTT. longitudinale de cet appareil buccal n’a été obtenue, et en général, ses parties constitutives l'aspect repré- senté dans les figures 28, 29, 30, 53 et 34. Les préparations aie sur de. in aurus ont donné des ré- sultats ne mais moins nets, etrien ne prouve que les fragments d’'appendices observés dans la tête de ces Trilobites appartiennent seulement à cette région et ne s’y trouvent pas accidentellement (1). D. —— APPENDICES DU TRONC. Les pattes et les branchies ne diffèrent que peu dans les genres Calymène et Céraurus. Chez ce dernier, les pattes sont seulement plus courtes et plus « symétriques ». Le plus bel exemple connu des pattes, non seulement d’un Céraurus, mais aussi d’un Trilobite quelconque, est celui figuré sous les numéros 8, 9 et 10. Dans la figure 10, on voitla forme de la section transversale de Particle basilaire et le mode d’at- tache de cette pièce à la surface ventrale de l’animal. La figure 9 montre les articles des pattes et la figure 8 ajoute à nos con- naissances relatives au mode d’arrangement de ces parties. Chaque article, rétréei à sa base, s’élargit ensuite de façon à offrir sur une coupe transversale un contour subtriangulaire, si ce n’est l’article basilaire qui est plus large en arrière qu’à son extrémité opposée. En comparant, chez les Calymènes, la section longitudinale de cet article et sa section transversale, on reconnaît qu'il était aplati transversalement. Ghez les Cérau- res une conformation analogue paraït exister, mais n’est pas aussi bien caractérisée par suite de la déformation des parties. L'article terminal des pattes n’a été observé sur aucune de ces préparations et, par conséquent, on ne peut pas être fixé quant au nombre de ces pièces; en général on en distingue six; mais dans un exemplaire il paraît y en avoir sept. « Les caractères des appendices situés sous le pygidium, ajoute M. Walcott, seraient très intéressants à connaître ; car (4) Voyez pl. 10, fig. 4, 5 et 6. ARTICLE N° 3. STRUCTURE DES TRILOBITES. A1 pendant longtemps la conformation de ces parties était fort problématique et même aujourd'hui ce que nous en savons laisse beaucoup à désirer. » Quatre sections de Céraures (dont deux transversales et deux longitudinales) démontrent l’exis- tence de ces organes, et sur deux de ces préparations on à pu reconnaitre qu'ils sont articulés ; enfin l’auteur n'hésite pas à affirmer qu'ils n'étaient mi foliacés ni branchiaux. » Les résultats fournis par les coupes pratiquées sur des Calymènes ne montrent pas la série des articles constitutifs des pattes aussi bien que ceux obtenus par l'étude des Céraures. Ce que l’auteur a pu en déduire est fondé sur la comparaison de diverses parties fragmentaires situées au delà du troisième article. Les figures 30, 33 et 34 montrent très bien la disposition des trois premiers articles, et dans une section transversale oblique pratiquée sur un individu enroulé en boule, on aperçoit ces organes là où 1ls s’éloignent de l'extrémité antérieure du tho- rax; et d’après les particularités de structure visibles sur ses préparations, l’auteur considère ces appendices comme étant articulés sur l’arceau ventral à l’aide d’une petite tubérosité arrondie, située sur la face postérieure de l’article basilaire, à peu près connu chez certains Isopodes. Enfin la courbure générale des pattes est dirigée en avant, de même que pour les appendices céphaliques. » Nos connaissances relatives au nombre des paires d’appen- dices reposent sur les indications fournies par les sections de Calymènes représentées figures 30 à 33. Chez ces Trilobites le test dorsal présente 13 segments dans la région thoracique et 9 réunis dans le pygidium. Or la section du lobe médian etde la surface ventrale, représentée figure 31, montre 20 arceaux, tandis que sur les sections du mème individu figurées sous les numéros 29 et 350, on compte une série de 22 appendices thoraco-abdominaux. De ce qu’il y a dans ces fossiles un espace entre le dernier arceau ou appendice et le bord postérieur du pygidium, il ne s'ensuit pas nécessairement qu’il y avait là d’autres appendices, et très probablement par les effets de la désintégration de la cavité viscérale, la totalité de la mem- 12 WALCOTT. brane, avec les pattes qui y étaient attachées, a été éloignée du pygidium par la pression du sédiment enfouissant ; cette exphi- cation est corroborée par l’état de la préparation représentée figure 32 qui n'offre que 48 ou 19 appendices ou arceaux cor- respondants dans le même espace, et la lacune entre le bord postérieur du pygidium et le dernier de ces appendices, tout en étant moindre que dans les sections précédentes, est plus grande que ne le serait l’espace occupé par les trois ou quatre appendices manquants. Par conséquent, on peut penser qu'il existait une paire d’appendices pour chaque segment, ainsi que cela a été représenté dans la figure théorique (n° 19). En supputant ainsi le nombre des arceaux ou des paires d’appen- dices, on n’a pas tenu compte de ceux appartenant à la tête, car 1] peut y avoir de lincertitude à cet égard, bien qu’à raison de la similitude de ces parties chez les Limules et les Eury- ptères d’une part, et chez les Trilobites d'autre part, les quatre paires décrites précédemment indiquées, existaient seules et qu'il n'y avait pas d'antennes. Le nombre total d’appendices chez le Calymene senaria parait être de 26 paires. » Jusqu'ici les appendices thoraco-abdominaux n’ont été considérés que comme de simples pattes ambulatoires et l’on n’a pas tenu compte de l'appareil respiratoire qui y était attaché. Mais en examinant l’article basilaire des pattes sur plusieurs coupes, on reconnaît qu'un court appendice articulé naissait de son bord externe, comme cela se voit dans les figures 36 et 37, La meilleure préparation mettant en évidence cette disposition fut malheureusement perdue en 4875, avant d’avoir été dessinée, mais en usant progressivement les parties latérales d’autres échantillons, de dehors vers la ligne médiane, on à mis successivement en évidence d'abord les branchies et l’extrémité des pattes, puis les articles brachiaux, et enfin l’article basilaire du membre; or, l'opération eonduite de la sorte fournissait à l'investigation des données sur la position des diverses parties, mais détruisait en même temps les preu- ves de l’existence de ce qui avait été observé. » Au-dessus de l’épipodite ou appendice articulé se trouve ARTICLE N° 5. STRUCTURE DES TRILOBITES. 15 fixé une branchie qui s'étend au delà, vers l'extérieur et vers le bas. » Beaucoup de beaux exemplaires de lAsaphus pachycepha- lus ont été taillés en tranches minces, sans fournir aucune trace satisfaisante de l'existence d’appendices ; mais sur la coupe représentée n° 42, on aperçoit l’article basilaire d’une patte, et sur une autre préparation qui n’a pas été figurée, on a pu s'assurer, par la disposition de Particle basilaire, que les pattes s’étendaient vers l'extérieur, sous le pygidium. Chez l’Acidaspis Trentonensis, les pattes tant céphaliques que tho- raciques, ainsi que des branchies en spirale, ont été aperçues. » En résumé, ajoute l’auteur, je pense que nous sommes autorisés à conclure qu'il y a une série de pattes articulées s'étendant depuis le bouclier céphalique, sous le thorax et le pvaidium, jusqu’au dernier segment de celui-ci; que ces pattes, autant qu'on peut le savoir, étaient ambulatoires et composées de six ou neuf articles; que leur article basilaire donnait attache à une épipodite et une branchie ; enfin que les appen- dices situés sous le pygidium ne différaient pas essentiellement des appendices de la région thoracique. Ils se terminaient peut- être en forme d’un ou de plusieurs filaments grêles, car on n’y a aperçu dans aucun d’entre eux plus de trois articles. » Comme termes de comparaison, on à figuré : 4° la patte isolée attribuée à un Frilobite par Eichwald et comparable à celles des Céraures; 2° deux pattes de Crustacés, trouvées dans le groupe de la rivière Hudson à Cincinnati (Ohio) et analogues à la restauration des pattes des Calymènes (1). » -E. — APPENDICES BRANCHIAUX. & La structure de ces organes a été plus difficile à découvrir que celle des appendices décrits ci-dessus. Les branchies furent d’abord considérées comme étant constituées par de petits tubes disposés parallèlement à la manière des dents d’un râteau; ensuite comme des appendices sétifères, et finalement (1) Voyez fig. 43 et 44 14 WALCOTT. comme des lanières tordues en spirale et attachées à la paroi latérale de la cavité thoracique, l’épipodite représentant un bras branchial. On sait maintenant que toutes ces parlies appartiennent au système respiratoire, mais à cause de leur structure assez complexe et des formes bizarres résultant de leur rupture et de leur altération, 11 a fallu beaucoup de temps pour arriver à la détermination de leurs relations. » L'appareil respiratoire consiste en deux séries d’appen- dices situés sous le thorax; la première série est insérée à l’article basilaire des pattes ; la seconde: série est formée par les épipodites ou bras branchiaux. » Les branchies, telles qu’on les trouve chez les Calymiènes, les Céraures et les Acidaspis affectent trois formes. Celles de Ja première forme se bifurquent à peu de distance de leur point d'attache sur l’article basilaire de leur patte et s'étendent vers le côté et en bas, comme deux tubes simples et grêles ou filaments semblables à des rubans. Celles du second type se bifurquent de la même manière, mais chacune de leurs bran- ches est tordue en spirale. Ces deux formes coexistent chez Je même individu ; mais d’ordmaire la forme simple se trouve chez les individus jeunes (ou de petite taille) et les branchies en spirale chez les adultes ; mais les exceptions sont à cet égard tellement nombreuses que ce caractère ne peut servir à la détermination de l’âge de ces animaux. Le premier type est très bien représenté dans les figures n° 7, 9, 14 33 et 35. Pour les branchies de cette dernière forme la disposition se voit très bien dans la préparation figurée sous le n° 16, car la spirale y étant aplatie, le plan de section passe de manière à montrer la continuité de l'organe (tube ou lanière) ; dans les autres figures la section a isolé les différentes portions de la spire, mais On ne saurait révoquer en doute leur continuité. Une branchie bifide se voit dans les figures 35, 36 et 37, ainsi que du côté gauche dans la figure 34; dans la figure 35 l’or- gane est constitué par un tube ou ruban plus fin et les tours de spire sont moins serrés; enfin les branchies en hélice des Géraures, ordinairement plus grandes et moins délicates ARTICLE N° 3. STRUCTURE DES TRILOBITES. 45 que celles des Calymènes, réalisent la seconde variété de spirale (figures 17 et 18). Letroisième tvpe est représenté dans la figure 14 et n’a été observé que sur les segments antérieurs du thorax. » L’exopodite ou bras externe du membre était aîtaché à l’article basilaire des pattes thoraciques et était composé de deux ou plusieurs articles; on lappelle bras branchial, non parce qu’il porte une branchie, mais à raison de ses relations avec le système respiratoire, car on Île considère comme une paletie dont les mouvements déterminaient un courant bai- gnant sans cesse les branchies logées immédiatement sous le bouclier dorsal, phénomène nécessité par la position de ces organes et par les habitudes évidentes des Trilabites. La meil- leure illustration de cet appendice portant son article sétifère externe est représentée dans la figure 36. » Nous n’avons aucune donnée relative à la conformation de la portion de l’appareil respiratoire située sous le pygidium; mais à en Juger par les caractères du test dorsal, on peut sup- poser que dans les genres où cette pièce est petite, tels que Remopleurides, Paradoxides, etce., les branchies y étaient rudi- mentaires ou faisaient défaut, tandis que dans les genres à grand pygidium, elles y étaient probablement aussi bien développées que dans la région thoracique. On comprend difficilement comment une pellicule ou membrane assez mince pour fonction- ner comme organe respiratoire aurait pu être conservée chez ces fossiles dans l’état où nous trouvons les appendices que nous appelons les branchies en hélice des Trilobites, et peut- être ces parties étaient-elles seulement des supports de bran- chies plus délicates; mais cela n’est guère admissible à raison de la ressemblance qui existe entre ces rubans grêles et enrou- lés et les branchies de certaines espèces de Cyames. Mais quoi qu'il en soit à cet égard, les appendices en question sont les uniques restes de l'appareil respiratoire des Trilobiies et c’est pour cette raison que nous les appelons des branchies. » ANN,. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1881. XII 20. — ART. N° 9. 46 NVAELCOTT. E. — AFFINITÉS DES TRILOBITES. Dans cette partie deson mémoire, M. Walcott fait connaître son opinion relativement aux affinités zoologiques des Trilo- bites et il la résume en disant: Aujourd’hui il ne saurait y avoir aucune raison pour douter de leurs relations avec les Limules et les congénères de ces animaux, car la découverte des caractères fournis par la structure et le mode d’arrangement des appendices céphaliques est venue confirmer le bien fondé de cerapprochement déjà admis par Billings, Packard, Dohrn, etc. Cette conclusion sera discutée dans la note ajoutée à ce compte rendu, et ici nous nous bornerons à dire que dans la der- nière partie deson mémoire, M. Walcott présente des considé- rations intéressantes sur le mode de gisement des fossiles dont il a fait une étude si persévérante, et sur quelques autres points de ‘histoire naturelle des animaux. EXPLICATION DES FIGURES PLANCHE 40. Fig. 4. Ceraurus pleureæanthemus. Restauration de la région tergale vue en dessous, effectuée d’après plusieurs échantillons, dont quelques-uns sont entiers, mais n’ont pu être complètement dégagés de la gangue qui rem- plissait l’intérieur de diverses dépressions. La bifurcation de l’une des épines céphaliques (c') n’a été observée sur aucun autre échantillon et rappelle la bifurcation de l’épine terminale des Limules. — }, l'hypostome; — c, cavité céphalique; — py pygidium. Les deux petits points obscurs sur la face interne du premier segment du pygidium, py' sont visibles chez tous les individus bien conservés et sont inductifs d’une dépression, mais on n’aperçoit sur la surface externe du test aucune ouverture qui y corresponde. Fig. 2. Section longitudinale du même, suivant la ligne médiane. Le test dor- sal (s) et l’hypostome (k) sont les seules parties conservées ; la position de la membrane ventrale est indiquée par la ligne ponctuée (v’) et le trajet du tube digestif se voit en d. Fig. 3. Section transversale et perpendiculaire de la tête, au niveau des yeux. — La cavité céphalique limitée en dessus par le lobe médian du bouclier céphalique (f) et en dessous par l’hypostome (k), est entièrement remplie par du spath calcaire. — a, &, Vestiges d’une paire d’appendices dont l'auteur ne fait pas mention. ARTICLE N° 5. STRUCTURE DES TRILOBITES. 47 Fig. 4. Section transversale pratiquée obliquement un peu en arrière des yeux. — L'espace compris entre le test dorsal (f) et l’hypostome (k) est oc- cupé par des portions des appendices masticatoires (m). Fig. 5. Section transversale pratiquée un peu plus loin en arrière. Mêmes lettres que dans les figures précédentes. Fig. 6. Cette coupe, dit M. Waicott, est une des meilleures préparations qui aient été obtenues; mais de même que dans les sections précédentes les appendices paraissent avoir été refoulés en arrière entre l'hypostome et le test dorsal, de manière à donner une idée inexacte de leur position. Les bran- chies (b) sont considérées comme n’appartenant pas à la tête et ayant été également déplacées par compression; p. — vestiges d’une paire de pattes hors place et montrant une série de trois articles. Fig. 7. Section pratiquée vers le même point que dans la préparation précé- dente, mais par suite de l’enroulement de Fanimal on y voit diverses por- tions des appendices thoraciques qui ont été refoulés sous la tête. On yre- marque particulièrement les branchies en forme de rubans (b, b,). — L'auteur considère l’appendice o comme étant céphalique, mais il pense que tous les autres (p-p) appartiennent à la région thoracique. Fig. 8. Section transversale du thorax d’un individu enroulé, montrant la position et les caractères des appendices articulés, ambulatoires, ainsi que les branchies (b). Fig. 9. Section de la moitié droite du thorax d’un autre individu enroulé. La patte (p) est cassée près de la base ainsi que vers son extrémité et paraît être formée de sept articles, ou peut être de huit si la dernière pièce n’ap- partient pas à un autre appendice. Fig. 10. Autre coupe transversale montrant le mode d'insertion de l’article basilaire de la patte (p) et la disposition des branchies (b). Fig. 11. Section transversale de la portion postérieure du pygidium. — 5’, coupe de l’épine du côté gauche; — s' coupe d’une partie de l’épine corres- pondante du côté droit; — p, portions du système appendiculaire. Fig. 12. Section longitudinale de la partie postérieure d’un autre individu, grossie et montrant les traces de quatre appendices (p'), en connexion avec le pygidium (pg). — s$, portion dorsale des anneaux thoraciques; — p, portions des appendices thoraciques. Fig. 13. Section longitudinale grossie. — $, test dorsal; — v, cavité viscérale; — 0, article basilaire de l’une des pattes; — p, portions d’autres pattes ; — py, pygidium. Fig. 14. Section transversale d’un individu enroulé montrant en dessous la portion supérieure de la tête (f), et en dessus la portion tergale d’un anneau thoracique (s). — b, b, branchies ; — p, portion des pattes thoraciques, eic. Fig. 15. Section transversale d’un individu enroulé, montrant la position du canal intestinal (i); des segments ou plissemenis de la surface ventrale de a cavité viscérale (v); des fragments des branchies (b) et des fragments des paites (p). Fig. 16. Section longitudinale grossie : le bouclier céphalique (f) sous leque! une portion de l’appareil branchial a été refoulée (b), plusieurs segments du thorax (sf) recouvrant d’autres fragments de branchies (b) et des por- tions de pattes (p). 15 WWYALCOTE. Fig. 17. Section longitudinale grossie. — s, bouclier céphalique; — st, coupes de plusieurs anneaux thoraciques; — b, branchies. Fig. 18. Section longitudinale d’une portion de la région thoracique grossie, pour montrer la conformation des branchies (b b}. — s', coupe de l’un des prolongements spiriformes des anneaux thoraciques ; — /, coupe du lobe frontal. PLANCHE 11. Fig. 19. Calymene senaria. Représentation théorique de ce Trilobite restauré, d après les vues de M. Walcott et vu en dessous. —- f', bord frontal du bouclier céphalique; — k, hypostome ; — p ©, trois paires d'appendices buceaux ou maxillaires; — pr, pattes rameuses ; — s {, anneaux du thorax; — pt, pattes noraciques ; — py, pygidium et pattes abdominales correspondantes. Fig. 20. Figure théorique de la section verticale et transversale de la région thoracique de la même espèce. — s, arceau dorsal ; -- +, tube intestinal; — st, lobes latéraux du test ; — v, membrane ventrale ; — 0 0, article basilaire des pattes; — p, branche ambulatoire de ces membres composée d’une série d'articles; —»", branche flabelliforme; — b, portisn d’une branchie bifur- quée. Fig. 21. Coupe théorique d’un anneau du thorax, représentant la structure présumée des pattes suivant M. Walcott. Fig. 22, 23, 24, 25 et 26. Section transversale de la tête (grossie). — s, bou- clier céphalique; — %, hypositome: — p?, appendices céphaliques de la se- conde paire ; — p?, appendices céphaliques de la troisième paire; — p#, ap- pendices de la quatrième paire ; — pr, patte rameuse. Fig. 27 et 28. Sections longitudinales. — $, test dorsal ; — €, cavité viscérale remplie par du spath calcaire ; — h, hypostome ; — p, coupes obliques de la portion basilaire des pattes thoraciques. Fig. 29, 30, 51. Sections longitudinales pratiquées vers Le bord externe du lobe médian sur divers exemplaires de la même espèce. — s, bouclier cépha- lique — 5", arceau dorsal des anneaux thoraciques ; — p, coupe oblique de la portion basilaire des pattes thoraciques; — v, membrane ventrale. Fig. 92. Coupe longitudinale pratiquée un peu obliquement, de manière à atteindre successivement dans la région thoracique : 1° la base de plusieurs pattes du côté droit (p); 2° les arceaux de la membrane ventrale (v);. 3 les appendices du côté gauche du corps (»'). PLANCHE 42. Fig. 83. Section transversale d’un individu enroulé montrant, en dessus : la région thoracique (s); en dessous, une portion de la tête (f); au milieu, la cavité viscérale remplie par le spaih calcaire (c), et, de chaque côté, sousles lobes latéraux du test, les branchies (b). Fig. 84. Section analogue d’un autre individu enroulé montrant des fragments de plusieurs pattes thoraciques (p) et des branchies (b). Fig. 35. Section transversale d’une portion du corps d’un autre individu en- roulé, pour montrer la disposition des branchies (b). ARTICLE N° 5. STRUCTURE DES TRILOBITES. 19 Fig. 36. Section transversale de la portion antérieure du thorax montrant l'article basilaire des pattes (p), l’épipodite (e) et les branchies (b). — v, cavité viscérale. Fig. 37. Section transversale du thorax pratiquée un peu plus en arrière que dans la préparation précédente. Mèmes lettres de renvoi. Fig. 38. Section transversale d’un individu enroulé. — $, test dorsal; — h, hypostome ; — c, cavité céphalique; — pp, portions de pattes; — v, cavité viscérale. Fig. 39. Une branchie détachée de l’intérieur du corps. Fig. 40. Une des branchies du Ceraurus. Fig. 41. Calymene serrata ; individu dont le test avait été cassé de manière à montrer l’intérieur de la cavité viscérale. Fig. 42. Asaphus pachycephalus: section transversale du thorax. — 5, test dorsal; — p, articles basilaires des pattes. Fig. 43. Appendice filiforme trouvé par Euhwald et attribué à un Trilohite. — a, grandeur naturelle ; — b, grossi. Fig 44. — Appendices articulés trouvés dans le terrain hudsonien à Cincin- nati (Ohio). — a, échantillon offrant dix articles; — b, échantillon n'ayant que cinq articles. (Pour faciliter l'appréciation des faits dont on peut arguer dans les discus- sions relatives à l’organisation des Trilobites, nous reproduisons ici (n° 45) la figure de l’Asaphus pachycephalus, publié par M. Billings, et celle d’un appen dice buccal décrit par M. Woodward, bien que ces figures ne se trouvent pas dans le mémoire que nous verons d'analyser.) Fig, 45. Asaphus pachycephalus (Billings, Notes on some specimens of Lower silurian Trilobites, in Quarterly Journal of the Geological Society, 1870, t. XXVI, pl 31, fig. 1).-- 7, hypostome ; —#, place de la bouche; — n,n,n, portions des pattes. Fig. 46. Partie de l'appareil buceal figurée par M. Woodward (loc. cit., p.487, fig. 1). — }, hypostome ; --#, maxille; — p, pulpe. CONSIDÉRATIONS SUR L’INTERPRÉTATION DES FAITS CONSTATÉS PAR M. WALCOTT, 8 1. Tous les naturalistes savent que pour bien apprécier les affi- nités d’un animal avec les autres membres de la grande famille zoologique, 1l faut peser attentivement la valeur des ressem- blances et des différences qui peuvent exister parmi ces êtres. Par conséquent pour juger des conclusions à tirer des faits con- statés par l’auteur des recherches importantes dont les résul- tats ont été exposés dans l’article précédent, il me parait utile 920 IH. MELNE HDWARDS. d'examiner à ce point de vue quelques-unes des observations de M. Walcott. Depuis longtemps il n’y a parmiles zoologistes aucune incer- titude relativement à ce que l’on pourrait appeler la nature es- sentielle des Trilobites ; ce sont indubitablement des Ento- mozoaires du groupe des Arthropodaires, c’est-à-dire des Animaux annelés à membres articulés, et de ce que les fossiles étudiés jusque dans ces derniers temps n'avaient fourni aux observateurs aucune preuve directe de lexistence d’un sys- tème appendiculaire chez ces Éires, on ne pouvait en inférer qu'ils étaient réellement apodes, comme le supposaient quelques paléontologistes. M. Walcott a doncrendu à la science un premier service en montrant que SOUS ce rapport ies déduc- tions basées sur l’analogie étaient bien fondées, car les pièces qu’il a préparées ne peuvent laisser subsisteér aucuneincertitude quant à la présence d’une double série d’appendices dépen- dant de la portion sternale du squelette tégumentaire des Trilobites. _ Tout ce que l’on sait aujourd’hui de l’organisation de ces animaux fossiles vient confirmer aussi ie rapprochement géné- ralement admis entre ces Arthropodaires de la période paléo- zoïque et les animaux articulés à respiration aquatique dési- gnés communément sous le nom classique de Crustacés. Les zoologistes sont généralement d’accord sur ce point. Mais lorsqu’on veut préciser davantage les affinités naturelles exis- tant entre les Trilobites et les différents types organiques dont ce groupe est actuellement composé, on rencontre de grandes divergences d’opinion. Quand j'écrivais mon Histoire des Crustacés, 11 y a un demi- siècle, je n'avais pas à ma disposition les objets nécessaires pour faire une étude approfondie des Trilobites, mais, pre- nant en considération l’ensemble des faits connus à cette époque, j'étais conduit à penser que ces animaux ne pouvaient prendre place dans aucun des groupes ordiniques actuelle- ment existants ; que ce n'étaient n1 des Iropodes, ni des Phyl- lododes, nides Xyphosures, mais des êtres participant aux ca- ARTICLE N° 3, STRUCTURE DES TRILOBITES. 21 ractères de ces divers animaux et constituant une légion z00- logique particulière dont la position dans les systèmes de clas- sification destinés à représenter synoptiquement les relations naturelles des Entomozoaires devait être intermédiaire à la place occupée par les Isopodes et à celle assignée aux Phyllo- podes. C’est le résultat que j'ai formulé en 4840 dans le troi- sième volume de mon ouvrage sur les Crustacés; j’ai en même temps insisté sur la ressemblance de certains Trilobites et des Phyllopodes du genre Apus, fait qui n'avait pas échappé à l'attention de lillustre Linné; enfin j'ajoutais que les Trilo- bites semblent aussi établir un passage entre ces Crustacés et les Xyphosures ou Limules, bien que très probablement leur bouche n’était pas organisée comme celle de ces derniers Animaux. : Quelques années après la publication de ces remarques (en 1843), M. Burmeister fit paraître sur l’organisation des Trilo- bites et sur leurs affinités naturelles un travail important (1). Il considéra ces animaux comme n’ayant d’affinité ni avec les Isopodes, ni avec les Limules ou Pœcilopodes (2) et se ratta- chant essentiellement au groupe des Phyllopodes; mais, de même que l’auteur dont je viens de citer le livre, il convient qu’ils n’appartiennent à aucune des grandes familles de Crus- tacés existant aujourd'hui et qu'ils constituent un groupe distinct (3). Plus récemment, les intéressantes recherches de M. Wood- ward, sur les grands fossiles de l’époque paléozoïque appelés Pterygotus, Eurypterus, etc., ont conduit ce géologue à rap- procher ces Crustacés des Trilobites ainsi que des Limules, et à réunir tous ces animaux dans un même groupe ordinique (1) L'édition allemande de cette monographie parut à Berlin, en 1843, mais en 1846, l’autéur en donna, dans le recueil de la Société de Ray, une traduc- tion anglaise considérablement augmentée. - (2) Ge nom était employé primitivement par Latreille, pour désigner une division dans laquelle ce zoologiste plaçait les Limules et les Siphonostomes (Règne animal, de Cuvier, 2° édit., t. IV, p. 185, 1829); mais M. Burmeister le restreint davantage et ne l’applique qu'aux Limules (op. cit., p. 34 et 38). (3) Op. cit., p.35. 22 El. RMISNLRE HDVWARDS. sous le nom de Merostomate (1). M. Dohrn, en étudiant le développement des Limules, est arrivé à des conclusions ana- logues (2). Enfin, M. Walcott considère les résultats de ses investigations comme étant venu confirmer pleinement ses vues concernant la parenté étroite qui existerait entre les Tri- lchites et les Limules (3). Or, on connaît aujourd’hui très bien le mode d’organisation interne des Limules ainsi que leurs formes extérieures et leur mode de développement, et si les Trilobites dépendaient réellement du même type organique, il faudrait en conclure que ce ne sont pas des Crustacés propre- ment dits, car on sait maintenant que les Limules tiennent aux Scorpions plus étroitement qu'aux Crustacés de la Faune actuelle (4), et ils paraissent devoir constituer une classe parti- culière à laquelle il convient de conserver l’ancien nom de Xyphosures (5). (1) À Monograph of the British fossil Crustacea belongeng to the order Me- rostomata (Palæontographical Society, for 1866). Le nom de Merostome avait été employé précédemment par M. Dana comme synonyme de Xyphosure ou Limule (United-States exploreng eæpedition : Crustacea, by 3. Dana, vol. I, p. 17, et vol. 11, p. 1418); mais M. Woodward y a donné une acception beau- coup plus large. (2) ILest seulement à noter que dans le travail de M. Dohrn et dans quelques autres ouvrages allemands le nom de Gigantostraces est substitué à celui de Mérostomiens (Voy. Dohrn, Untersuchungen über Bau und Entwickelung der Arthropoden (Jen. Zschrift., t. VIE, p. 581, 1871); — Claus, Traité de z00- logie, p. 444. (3) Walcott, op. cit., p. 208. (4) Voy. Alph. Milne Edwards, Recherches sur l'anatomie des Limules (Ann. des sc. nat., 1875, 5° série, t. XVII, article n° 4, p. 51 et suivantes). (5) Au moment d'envoyer cette note à l'impression, j'ai recu un cahier des Proceedings de la Société royale de Londres (n° 214), contenant un mémoire de M. Lankester, sur l’existence de stigmates chez les Limules et sur les relations morphologiques de ces animaux avec les Scorpions. Sous ce dernier rapport les observations de ce naturaliste viennent corrcborer les vues exposées en 4873 par M. Alph. Milne Edwards, non seulement en ce qui concerne l’espèce de parenté zoologique qui relie les Limules aux Scorpions, mais aussi au sujet de la ressemblance qui existe entre la conformation anatomique de l'appareil respiratoire de ces animaux. Mais les petites fossettes situées derrière la base de chaque fausse patte abdominale des Limules ne me paraissent pas avoir l'importance que M. Lankester leur attribue; elles correspondent à l'insertion des muscles qui fonctionnent comme propulseurs du sang dans les nus adja- ARTICLE N° 5. STRUCTURE DES TRILOBITES. 23 I importe donc beaucoup de savoir si, en réalité, les faits acquis depuis peu à la science justifient l'opinion de M. Wal- cott, et, pour jeter un peu de lumière sur ce sujet, 1l m'a paru utile d'examiner attentivement la signification des principaux faits dont ce paléontologiste argue, et, dans ce but, de com- parer ce qu'il a vu à ce que l’on sait exister chez les Apus ou d’autres Phyllopodes, chez les Isopodes et chez les Limules. $ 2. Les principales différences entre la structure extérieure d'un Limule et d’un Phyllopode ou d’un Edriophtalme tel qu’un Isopode, résident dans les relations de la bouche avec le système appendiculaire et le mode de division du travail physiologique entre les diverses parties de ce système. Chez les Limules, les membres sont nettement divisés en deux groupes : l’un constituant à la fois un appareil mastica- teur, préhenseur et ambulatoire, au centre duquel se trouve la bouche; l’autre, constituant la totalité de l’appareil respira- toire, occupant la région postérieure du corps que l’on désigne . communément sous le nom d’abdomen et n’offrant aucune des formes caractéristiques des pattes ambulatoires d’un Arthro- pode quelconque. Depuis fort longiemps, j’ai fait voir que ce mode d'organisation existe également chez les Limules à l’état de larve, avant leur sortie de l'œuf (1), et les observations faites cents et elles rappellent les replis centripètes du squelette tégumenteux dont les deux lèvres, en se soudant entre elles, donnent naissance aux apodèmes intrathoraciques des Crustacés décapodes. J'ajouterai que pour bien apprécier l’affinité naturelle des Limules avec les Arachnides, il serait, je pense, très utile de comparer attentivement leur sys- tème tégumentaire avec celui des Phalangiens, car ils me paraissent se rappro- cher de ces animaux plus que des Scorpions. (1) H. Milne Edwards, Recherches relatives au développement des Limules (L'Institut, 1838, t. VE, p. 379). — Hist. nat. des Crustacés, t. I, p. 546, 1840. Aucun des auteurs qui ont publié récemment des recherches sur le même sujet ne fait mention des figures de l’embryon de la Limule que j'ai données en 1839, dans la grande édition du Règne animal de Cuvier (Crustacés, pl. 76, fig.2 h; 21et2;j). J’ajouterai que M. Dohrn, dans son mémoire sur le développement des 24 HE. MIENE ERVWVARDRPS. plus récemment sur l’embryologie de ces animaux n’affai- blissent en rien la distinction primordiale établie de la sorte entre eux et tous les autres Arthropodaires, car la similitude qui, à une période précédente du développement de l'embryon, a été constatée entre tous ces appendices (1), est un caractère commun à tous les Entomozoaires de l’époque actuelle, que ceux-ci soient des Crustacés, des Xyphosures, des Arachnides, des Myriapodes ou des Insectes. Chez aucun autre animal articulé de l’époque actuelle le système appendiculaire n’est constitué comme 1l l’est chez les Limules, et sous ce rapport les observations nouvelles faites sur les Trilobites n’ont rien révélé qui puisse être considéré comme un argument probant en faveur d’une assimilation de ces êtres à un Limule, Ainsi, ni la figure théorique que M. Walcott a donnée de la Calymene senaria restaurée confor- mément à sa conception du mode d'organisation de ce fos- sile (2), ni les photographies des coupes soit de la même espèce, soit des Céraures (3), ne s'accordent avec ce que l’on voit à la face inférieure du corps d’un Limule (4), et ce que montre l'échantillon de lAsaphus pachycephalus de M. Billings est également en opposition formelle avec le rapprochement susmentionné (9). l me parait même évident que si les apparences observées par ces paléontologistes doivent être interprétées de la manière adoptée par ces auteurs, elles parleraient plutôt en faveur de l’affinité des Trilobites avec les Isopodes. Limules, a passé complètement sous silence ce qui avait été publié sur ce sujet en France; un quart de siècle avant le commencement de ses re- cherches. (1) Voy. Pacard, The development of Limulus Polyphemus (Mem. of the Boston Soc. of nat. hist., t. I, pl. 4, fig. 16-19).— Dohrn, loc. cit., pl. 14, fig. 2. @)Voyez pl A1; fio:19: (3) Voyez les planches 10, 11 et 12. : (4) Voyez les figures de Limules dans l’ouvrage de Savigny (Mém. sur les animaux sans vertèbres, 1" partie, pl. 8, 1816); dans la monographie de ces animaux, par Van der Hoeven (pl. 1); dans mes planches des Crustacés du Regne animal, de Cuvier (pl. 76), ou dans tout autre livre analogue. (5) Voyez pl. 12, fig. 45. ARTICLE N° 3. STRUCTURE DES TRILOBITES. 25 Ce qui frappe le plus lorsqu'on examine la face inférieure de la région céphalique de ces animaux est la grande pièce médiane et scutiforme qui se trouve entre le bord frontal et la place où devait être située la bouche, et qui est désignée tantôt sous le nom de lèvre supérieure ou labre, tantôt sous Le nom d’hypostome. Elle rappelle complètement la lèvre supé- rieure des Apus, et ne ressemble pas du tout au labre des Limules qui est fort petit et qui donne insertion à une paire d’appendices subpédiformes terminés par une pince didactyle et ressemblant beaucoup aux chélicères ou antennes-pinces des Scorpions,des Faucheurs etde quelques autres Arachnides.Chez les Apus, il n’y a rien de semblable, mais de chaque côté de la base du labre se trouve une antenne courte, grêle et presque rudi- mentaire. Or, chez les Trilobites on ne trouve dans cette partie de la tête aucune trace d'organes pédiformes ou comparables à des chélicères ; mais je remarque dans la figure photographiée représentant une des coupes de la région céphalique du Cérau- res, données par M. Walcott, une paire de très petits prolon- gements, qui paraissent occuper exactement la même place que ces antennes; ce paléontologiste n’en fait pas mention, mais je me demande si ce ne serait pas des vestiges d’appen- dices analogues quoique plus rudimentaires (1). Il est égale- ment à noter que chez un autre individu de la même espèce, dont M. Walcott a donné une bonne figure, on apercevait de chaque côté, à la partie inférieure de la tête, près de la base de l’hyposome, une très petite fossette circulaire qui corres- pond à peu près au point d'insertion de l’antenne des Apus (2). Du reste, la présence ou l'absence d’un organe rudimentaire ne constitue jamais un caractère zoologique important, et lon sait que dans la classe des Crustacés non seulement les anten- nules disparaissent souvent, mais aussi que parfois les an- tennes font également défaut. Chez les Limules, cinq paires de pieds-mâchoires grands, (1) Voyez pl. 10, fig. 3, a, a. (2) Voyez pl. 10, fig. 1. 926 Hi. MILNE EDVWVARDS. très robustes et à peu près semblables entre eux, font suite aux petits appendices pédiformes dont je viens de parler, et gar- nissent les côtés de l'ouverture buccale. Leur article basilaire se prolonge beaucoup en dedans et constitue un instrument masticatoire très puissant, tandis que les articles suivants s’allongent de façon à former un grand levier articulé apte à servir comme patte ambulatoire et comme organe préhenseur. Enfin, cette double série de membres puissants est terminée par une paire d’appendices formés chacun d’une seule pièce, et considérée par Savigny comme étant une lèvre inférieure, mais que je comparerais plutôt aux peignes du Scorpion. Chez les Apus, l’appareil buecal est disposé d’une manière très différente et ne saurait intervenir dans le mécanisme de la locomotion terrestre. Les protognathes ou mandibules sont réduits à un seul article qui ne porte pas une tige palpiforme, ainsi que cela a lieu d'ordinaire chez les autres Crustacés. Les appendices qui représentent les deux paires de mâchoires si- tuées derrière les mandibules, sont lamelliformes et très petits, mais une autre paire de membres céphaliques est, au contraire, très développée et constitue des pattes rameuses qui portent chacune quatre branches filiformes et multi-articulées. Les fragments de l'appareil buccal dont on aperçoit des tra- ces dans les tranches minces de la tête des Trilobites étudiés par M. Walcott, ne présentent rien. qui autorise à les assimiler aux pattes-mâchoires des Limules, ou à supposer qu’ils aient pu appartenir à des organes ambulatoires. La préparation la plus significative à cet égard me paraît être la coupe transversale de la région céphalique d’une Calymène figurée sous le n° 22. On y distingue près de l’hypostome une paire d’articles en apparence très robustes et à peu près quadrilaières, qui res- semblent un peu à ce que pourraient être les mandibules d’un Apus, et tout auprès se trouvent les traces de quelques autres appendices qui pourraient bien avoir été des portions soit de palpes maxillaires, soit de mâchoires filiformes; mais je ne devine pas les raisons qui ont déterminé M. Walcott à les considérer comme étant des débris de pattes à la fois ambula- 9 ARTICLE N° 0. STRUCTURE DES TRILOBITES. 97 toires et masticantes, assimilables aux pattes-mâchoires des Limules. Les préparations faites sur les Géraures sont encore moins instructives; on voit bien que la coupe transversale représentée figure 7, a passé à travers plusieurs paires d’ap- pendices plus ou moins pédiformes, mais l’auteur convient qu'il n’a pu y démèêler ce qui y appartient à lappareil buccal, de ce qui dépend des membres thoraciques. Enfin, s’il me fallait prononcer sur la détermination des parties visibles dans les coupes transversales de la région céphalique de la Calymène figurée sousles numéros 9,24 et 25, je dirais que les appendives indiqués par les lettres p et p', sont comparables à des débris des pattes rameuses de l’Apus (1) plutôt qu’à des pattes-mi- choires de Limules. J’ajouterai que les fragments d'appendices trouvés jadis par M. Eichwald et considérés par cet auieur ainsi que par M. Walcott, comme étant des pattes de Trilobites, me paraissent avoir plus d’analogie avec les branches filiformes et multi-articulées des pattes rameuses d’un Apus qu'avec une patte ambulatoire de Crustacé quelconque et, dans tous les cas, ne ressembler aucunement à une patte-mâächoire de Ei- mule (2). Mais toutes les taches qui semblent correspondre à ces parties du système appendiculaire des Trilobites sont trop peu significatives pour que Je puisse avoir une opinion arrêtée con- cernant le mode de conformation de l’appareil buccal de ces animaux. Les coupes pratiquées par M. Walcott ne peuvent, ce me semble, laisser aucun doute relativement à l’existence d’une longue série de membres post-céphaliques chez les Trilobites ; mais dans cette partie de l’organisme de ces animaux, je n’a- _ perçois rien qui soit assimilable au système appendiculaire des Limules, et pour ce qui concerne les Calymènes une certaine ressemblance avec les Apus me semble mamfeste. D’après ce que l’on voit de ces organes, ils paraissent être tous à peu près homomorphes et natatoires plutôt qu'ambulatoires (3). (1) Voyez l’Atlas du règne animal, de Cuvier, pl. 75, fig. a, e. (2) Voyez pl. 12, fig. 43. (3) Voyez pl. 27 à 31. 28 IH. RONLNE FDVVARBERPS. On se ferait une idée erronée des caractères essentiels de l'appareil appendiculaire des Phyllipodes si l’on supposait que les pattes natatoires de ces Crustacés sont toujours entièrement membraneuses et molles, comme elles le sont à peu de chose près chez les Branchippes. Ainsi chez les Apus le coxopodite et les articles suivants de la branche interne de ces organes sont épais et assez rigides pour constituer un levier à join- tures, court il est vrai, mais peu différent des pattes ambula- toires d’un Crustacé marcheur ({), et ce qui caractérise prin- cipalement les membres thoraciques de ces animaux, c’est le grand développement et la délicatesse de leur branche moyenne ouexopoditeet de leur branche externe ou épipodite, parties qui correspondent au palpe et au fouet des pattes ambulatoires des Podophthalmaires (2). Le premier de ces appendices est irès mince, foliacé et sitifère sur ses bords ; le second est une grosse vésicule gorgée de sang et plus particulièrement appro- priée à fonctionner comme organe de respiration; physiologi- quement, c’est une branchie, tandis que les autres parties du membre sont plutôt des rames natatoires ou des palettes ser- vant à déterminer des courants dans l’eau adjacente (3). On conçoit donc que des membres ainsi conformés pourraient, par les effets du travail de fossilisation, changer beaucoup d'aspect, perdre complètement leurs parties les plus délicates, et ne laisser des traces que de leur branche pédieuse ou branche interne et simuler ainsi une patte baciliforme. El est aussi à noter que chez les Apus le degré de développement de la branche interne ou pédieuse des membres et des branches accessoires constitués par l’endopodite et l’épipodite est en sens inverse aux deux extrémités de la série appendiculaire, de : sorte que dans la portion antérieure de la région thoracique, (1) Voyez la figure de l’Apus dans l’ouvrage de Savigny ou dans mes plan- ches des Crustacés publiées dans le Règne animal de Cuvier (pl. 75). (2) Pour plus de détails sur les caractères généraux des membres chez les Crustacés, je renverrai à un mémoire dans lequel j'ai traité du système tégu- mentaire des Crustacés (Ann. des sciences nat., 1851, série 8, t. XVI, p. 261 et suiv.). (3) Voyez l'Atlas du Règne animal, de Cuvier : Crustacés, pl. 75, fig. À g. ARTICLE N° 3. STRUCTURE DES TRILOBITES. 29 c’est le levier pédiforme qui prédomine, tandis qu’en arrière elle est fort réduite et que ce sont les portions foliacées et mem- braneuses qui attirent principalement lattention. Je rap- pellerai également que chez d’autres Branchiopodes l’endopo- dite se divise en deux lames foliacées longues et étroites dont l’une est descendante tandis que l’autre est ascendante et remonte à côté de la vésicule épipodienne qui devient étroite, allongée et plissée transversalement (1). Une des parties les plus intéressantes des recherches de M. Walcott est celle relative à la constitution de l'appareil respiratoire des Trilobites, et sous ce rapport, de même que pour le reste de leur organisme, ces amimaux me semblent différer des Limules beaucoup plus que des Branchiopodes ou des Edriophthalmes, animaux qui ont entre eux des liens plus intimes qu’on ne le suppose généralement (2). Chez les Limules, les branchies naissent de la face posté- rieure des membres abdominaux et consistent en larges expan- sions lamelleuses empilées comme les feuillets d’un livre. Or les appendices qui, chez les Calymènes et les Céraures, paraissent devoir être considérés comme des branchies, sont situés dans toute la longueur de la région thoracique, de cha- que côté du tronc, au-dessus de la base des pattes; M. Wal- cott les compare aux appendices respiratoires des Cyames (3) (1) Voyez l'Atlas du Règne animal, Crustacés, pl. 74, fig. 4 d. (2) En étudiant la structure des Nébalies, j'ai fait voir que ces Crustacés ressemblent aux Apus et aux autres Phyllipodes ordinaires par la structure de leur région thoracique, tandis qu’ils tiennent des Amphipodes par la con- formation de leurs membres abdominaux et des Podophthalmaires par les ca- ractères de leur région céphalique. Or, ces relations multiples dont les zoolo- gistes classificateurs semblent ne tenir compte qu’à regret, me paraissent offrir un grand intérêt pour la zoologie générale. (Voyez, pour la structure des Nébalies : 1° le mèmoire que j'ai publié en 1828, dans le 13 volume des Annales des sciences naturelles ; 2° mon Hist. nat. des Crustacés, t. I, p. 353, et 3 les planches 4 et 72 de l’Atlas du Règne animal, de Cuvier : Crus- taces. (3) Dans la figure des anneaux thoraciques apcdes du Cyamus scammoni que M. Walcott donne comme terme de comparaison (pl. 4, fig. 9), on ne voit sur le bord latéral de chacun de ces segments que deux pseudobranchies; mais chezle Cyamus ovalis chaque épipodile constitue quatre de ces appendices 30 El. MILNE EDYWARDS. qui sont constitués par des épipodites et d’après les vestiges qu’on en aperçoit dans quelq ues-unes des coupes pratiquées sur des Calymènes ainsi que sur des Céraures, ils paraissent consister principalement en houppes D culues aux flancs de ces animaux au-dessous des lobes latéraux du test, à peu près comme chez les Crustacés de l’ordre des Décapodes. Si les figures théoriques d'un Céraure restauré que M. Walcott vient de donner étaient réellement la représentation du mode d'organisation de ces animaux, ceux-ci auraient sur chacun des anneaux post-céphaliques du corps une paire de pattes ambulatoires, cylindriques, grêles, composées de sept ar- cles, et séparées entreelles sur la ligne médiane par un anneau sternal très développé (1) ; mais les photographies des tranches séparées du corps de ces fossiles ne me paraissent pas justifier ; cette manière d'interpréter Îles faits connus, et j’incline à croire qu’en construisant ce schéma l’auteur s’est laissé influencer par le mode de conformation de l’Asaphus de M. Billings. Or ce Trilobite diffère beaucoup tant des Céraures que des Caly- mènes, et sans ressembler davantage aux Limules, il semble établir un passage vers les Isopodes (2), car non seulement les préparations de M. Walcott tendent à prouver que les par- tes bacilhiformes visibles à la face mférieure du thorax de cet animal sont des appéndices et non des sternites, comme la supposé M. Dana, et l'inspection de la figure publiée par M. Billings (sans idée préconçue) me porte à croire que dans la région abdominale il y avait sous le pygidium, non des or- ganes ambulatoires, mais de grandes lames foliacées telles que celles de la plupart des Isopodes de l’époque actuelle. Une partie de l'appareil buccal d’un autre échantillon de digitiformes (ee l’Atlas du Règne animal de Guvier, Cr ee pl. 63, fig. 3, 3h et 5 1). Je rappellerai aussi que chez les Jones femelles les appendices respiratoires dépendant des pattes, bien que simples dans la région thoracique, devien- nent très rameux dans la région abdominale où la branche ambulatoire des membres manque (Op. cit., pl. 59, fig. 1 a et 1 b). (1) Voyez pl. 11, fig. 19. (2) Voyez pl. 12, fig. 45. ARTICLE N° 9. STRUCTURE DES TRILOBITES. 31 Pachycephalus observé en 1870 par M Woodward a conduit ce paléontologiste à penser que les Trilobites avaient beaucoup d’affinité avec les Isopodes (1). L’organe appendiculaire dont ce paléontologiste signale l'existence présente tous les caractères, non d’une patte-mà- choire ambulatoire analogue à celles des Limules, mais d’une mandibule palpigère très semblable à celle des Edriophthalmes de l’ordre des Amphipodes (2). Cette première paire d’appen- dices n’est que très rarement réduite à un coxopodite seule- ment, ainsi que cela a lieu chez les Isopodes et les Phyllo- podes, et c’est sa branche pédieuse qui constitue l’appendice appelé palpe. L'existence de palpes maxillaires, lors même que ces appendices seraient aussi allongés que M. Walcott parait le supposer d’après sa figure théorique des Céraures, ne suffirait donc pas pour nous faire classer les Trilobites à côté des Limules plutôt que parmi les Crustacés proprement dits. Faut-il en conclure que les Trilobites n’ont avec ces ani- maux que des ressemblances dépendant d’analogies morpho- logiques et n’auralent avec eux que le degré d’affinité zoolo- gique commun à tous les Arthropodaires et même à tous les Entomozoaires ou Animaux annelés? Non, certes; non seule- ment ils appartiennent les uns et les autres à un type primordial qui est très distinct de celui réalisé par les Insectes, mais ils paraissent se relier entre eux par des types intermédiaires. En effet, les familles et même les classes zoologiques qui, dans la faune actuelle, sont nettement séparées les unes des autres, paraissent souvent ne pas lavoir été à d’autres époques géolo- giques, etne sont, suivant toute apparence, si nettement délimi- tées aujourd’hui que par suite de la disparition de certains types (1) € Having regard to the characters of the Trilobita as a group we should be inclined to place them near to if not actually in the Isopoda normalia. » Woodward, Note on the palpus and other appendages of Asaphus (Quarterly Journal of the Geological Society, 1870, vol. XXVI, p. 487). (2) Voyez la mandibule du Gammarus locusta; Atlas du Règne animal, Crustacés, pl. 60, fig. 2, 2 a et 2 c. | ; ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1881. XII. 24. — ART. N° 3. D IH. MELNE HDWAERIDS. à caractères mixtes. Ainsi, les Bélinures (1), qui paraissent être des Xyphosures, se relient, suivant toute apparence, aux Hémi- daspis (2), qui, à leur tour, ne sont pas sans quelque ressem- blance avec les Euryptères (3) et les Pterygotes (4), lesquels me semblent avoir avec les Scorpions beaucoup plus d’ana- logie qu’on ne le pense communément. Ïl est aussi à noter que, d'une part, les Limules en voie de développement dans l’intérieur de l'œuf présentent quelques particularités de structure qui ne sont pas sans analogie avec la conformation des parties correspondantes chez certains Trilobites, et que, d'autre part, l’aspect de quelques jeunes Trilobites rappelle tout à fait la conformation générale des Limules lorsque le telson de ces animaux ne s’est pas encore allongé en manière de broche caudale. Ainsi, à une période avancée du travail organique, le bouclier abdominal des Limules, vu en dessus (5), ressemble extrêmement au pygidium des Trilobites adultes du genre Brontes (6), et les Aonostes, pendant la première période de leur existence, ressemblent singulièrement à des embryons de Limules (7), mais les Trilobites ne tardent pas à s’en distinguer nettement par l'apparition d’anneaux thoraciques entre le bouclier cépha- lique et le pygidium. D'ailleurs si l’on voulait tenir compte de faits de cet ordre, il faudrait en citer d’autres qui parleraïent en faveur de la parenté des Trilobites avec les Crustacés Isopodes ou même avec les Décapodes, et parmi ces caractères de minime valeur, je citerai la tendance du dermo-squelette à se garnir de grands prolongements spiriformes qui est si remarquable, (1) Woodward ; Meirostomtes, part. 4, pl. 30, fig. 1 (Pal. Soc., 1872). (2) Cette ressemblance est telle que quelques paléontologistes, notamment Buckland et Prestwich, ont désigné un de ces fossiles sous le nom de Limulus trilobitoides (Buckland). — Presiwich, Trans. Geol. Soc., $ 2, t. V, pl. 12, fig. 8. (3) Woodward, op. cit., part. 3, p. 132, fig. 2. (4) Woodward, op. cit., part. 1, pl. 8. (5) Voyez Dohru, op. cit. (6) Voyez Barrande, op. cit., pl. 44, fig. 6, ete. (7) Voyez Barrande, op. cit., pl. 49. ARTICLE N° 9. STRUCTURE DES TRILOBITES. 39 non seulement chez les Zoés, mais aussi chez beaucoup de Macroures adultes, et qui est non moins prononcée chez divers Trilobites (1); mais une disposition analogue se voit chez les Bélinures, et d’ailleurs ces particularités n’ont pas assez d'importance pour que j'en argue. En résumé, le rapprochement que j'avais fait, 1l y a plus de quarante ans, entre les Trilobites, les Isopodes et les Phyllo- podes, tels que les Apus, est corroboré plutôt qu'infirmé par les faits nouveaux constatés par M. Walcott ; mais les imductions que l’on peut tirer de ces faits sont encore trop vagues pour que l’on soit autorisé à rien affirmer relativement aux caractères essentiels de ces Entomozoaires, si ce n’est qu'ils n'étaient pas dépourvus de membres, que ces organes étaient très nombreux, qu'ils étaient articulés et qu’ils étaient constitués d’après le même type essentiel que ceux des Crustacés et des Xyphosures. Il est même très probable que certains Trilobites avaient des pattes ambulatoires, mais, d’après ce que lon sait de l’ensemble de leur organisation, je pense que l’on ne saurait douter qu'ils ne fussent des Crustacés nageurs ou rameurs et non des représentants du type Arachnidien dont les Limules paraissent être des dérivés. Un groupe composé des Trilobites, des Limules et des Euryptères, serait, à mon avis, complètement artificiel et inadmissible dans une classification zoologique naturelle. (7) Exemples : lAmphyx parvulus, Forbes, Salter, Palæontological appendix to Phillips mem. or on the Malvern Hills (Mem. of the Geological survey of Great Britain, 1848, vol. TL, pl. 10; — les Paradoxides (voyez Barrande, op. cit. pl. 10, fig. 22, etc.); —les Trinucleus (op. cit., pl. 30); — les Acidas- pis (op. cüit., pl. 36, 37, 38 et 39). PUBLICATIONS NOUVELLES Htudes sur les variations malacologiques, d’après la faune vivante et fossile de la partie centrale du bassin au Ækhône, par M. Arnould Locarn. (Lyon, 1881, 2 vol. in-8°.) Dans le premier volume de son ouvrage, M. Locard traite successivement de chacune des espèces ou prétendues espèces qui vivent dans cette partie de la France, en indique les différents habitats, en recherche l’origine ou âge de première apparition, en énumère toutes les variations soit générales, soit indi- viduelles, soit partielles, qu’il à rencontrées dans leur forme, comme dans l’ordonnancement de leur ornementation, signale les rapports et les différences qui existent entre elles et leurs congénères et fait mention des anomalies et des monstruosités qu’elles offrent. Dans la seconde partie de son travail, M. Locard cherché à se rendre compte des lois qui président à ces variations; il s'applique à découvrir les causes dont elles peuvent dépendre et à déterminer le degré de fixité que ces modifications sont susceptibles d'acquérir. A cet effet, il étudie minutieusement les représentants de chaque type mala- cologique dans toutes les localités de là région lyonnaise où les conditions biolo- giques varient notablement, et il conclut de ses nombreuses observations que parmi ces animaux les formes organiques propres à autant d'espèces zoologiques peuvent varier dans des limites assez étendues, de telle sorte que beaucoup de prétendues espèces ne sont que des races issues d’une souche commune. Enfin M. Locard étend ses recherches à l'appréciation des liens de parenté effective qui peuvent exister entre les Moilusques de l’époque actuelle et les animaux du mêrne groupe qui habitaient la même région aux périodes géologiques précé- dentes. Catalogue des Mollusques vivamés terrestres eé aquatiques du départe- ment de l’Aim, par M. A. Locarp. (In-8, Lyon, 18N1, Georg, éditeur.) Jusqu'ici aucune étude générale sur la faune malacologique vivante de ce département n’avait été publiée, et M. Locard en a fait l’objet d’une monogra- phie très complète. Il présente d'abord des considérations sur les caractères physiques de la région dont il s’occupe ; puis il décrit lës espèces qui y vivent, et dans la troisième partie de son travail, il résume les résultats fournis par ses recherches sur la distribution topographique de ces animaux. Le nombre des espèces est de 221; elles appartiennent à 37 genres ; 141 d’entre élles sont ter- restres et 80 sont aquatiques. Le nombre des faunules différentes basées sur les conditions physiques de la contrée est de 20. Les colonies amimales et la formation des organismes, par M. E. PERRIER, professeur au Muséum d'histoire naturelle. (Masson, éditeur; 1881, { vol. gr. In-8°.) Cet ouvrage est consacré principalement à l’exposé des vues de l’auteur, relativement à plusieurs des questions les plus importantes de la zoologie philosophique. ARTICLE N° 4. TROISIÈME NOTE SUR LES PUCERONS DU TÉRÉBINTHE Par M. Aipn DÉRBES Professeur à la Faculté des sciences de Marseille. Dans deux notes qui datent déjà de loin, insérées dans les Annales des sciences naturelles, l'une en 1869, l’autreen 1871, j'ai exposé et vérifié les observations de M. Pusserini, auxquelles j'ai ajouté ce que j'avais observé moi-même, sur les mœurs et la manière d’être des Pucerons des Pistachiers (Pemphiqus Hartig et Tetraneura Hart. Aploneura Pass.) de reviens aujourd’hui sur ce sujet, pour y ajouter quelques observations qu’il m'a réussi de faire depuis lors, et exposer la manière dont Je crois devoir interpréter les phénomènes sin- ouliers que présentent ces animaux. Mon travail était ébauché depuis plusieurs années, et je l’eusse laissé dormir encore, si les procédés nouveaux et faciles de photographie ne m’avaient permis d'exécuter moi-même les dessins qui devaient être pré- sentés à l’appui. D’autres m'ont peut-être devancé pour un petit nombre d'observations, je leur en laisse volontiers tout le mérite, mais j'ai dù appuyer sur certains faits, que je crois avoir été le premier à constater, ce qui paraît avoir été oublié par quelques observateurs. En entrant en matière, il convient que je donne un abrégé rapide de ce qui fait le sujet des notes ci-dessus citées, d’autant plus que mes nouvelles observations sont intimement liées aux anciennes, et se comprendraient difficilement sans cela. Au premier printemps, lorsque les bourgeons du Térébinthe sont sur le point de s’ouvrir, on peut remarquer une foule de petits animaux noirs, fixés sur leur sommet, attendant le mo- mentoüils pourront se glisser entre les premières feuilles, pour y former à l'extrémité supérieure des folioles, de petites galles rouges. Plus tard, lorsque les feuilles sont plus développées, 1 ARTICLE N° 5. 94 * 9 ALP. DERBES. se forme d’autres galles qui sont de cinq sortes. J’ai dénommé ainsi ces cinq sortes de galles et je les énumère suivant l’ordre approximatif de leur apparition : 4° Galle semi lunaire habitée par le Pemphiqus semi lunarius (Pass.); | 2 Galle en boule habitée par le P. utricularius (Pass.) ; 3° Galle latérale verte habitée par le P. pullidus (Derb.) ; 4 Galle en corne habitée par le P. cornicularius (Pass.); 5° Galle cylindrique habitée par le P. minæ (Derb.), follicu- larius (Pass.). J'ai bien observé une sixième sorte de galle, mais très rare- ment, trois ou quatre fois depuis une vingtaine d'années. Je la considère comme une déviation de la galle latérale verte; elle en a la forme et la disposition, seulement au lieu d’être consti- tuée par un repli du limbe de la foliole en dessus, elle est formée par un repli de ce même limbe en dessous. L’habitant de cette galle a été nommé P. retroflexus par M. Gourchet. Il estidentique avec le P. pallidus. | Je m’occuperai d’abord de ces cinq sortes de galle, négli- geant les premières, que j'ai nommées galles provisoires. Je parlerai plus loin de celles-ci et d’autres, qui justifient, comme nous le verrons, le titre de provisoire. Voyons d’abord ce qui se passe dans les cinq galles que je crois pouvoir nommer alles définitives, par opposition avec les précédentes. Ici nous aurons à préciser et à compléter les caractères que nous avons déjà donnés des diverses générations quise suivent, mais nous emprunterons pour cela le secours du dessin plutôt que de longues et fastidieuses descriptions. La gravure de:ces dessins a été faite d’après des photographies reproduites avec une scrupuleuse exactitude, par M. Pellissier (de Marseille). Je ferai observer que toutes ces figures, excepté celles des ailes, ont été photographiées au même grandissement, et que, pour ne pas compliquer ces dessins et augmenter outre mesure le nombre des planches, il n’y a de représentées pour la plu- part des sujets, que les antennes et la trompe, que je consi- ARTICLE N° 5. PUCERONS DU TÉRÉBINTHE. 3 dère comme présentant les caractères vraiment distinctifs. Nous pouvons constater que, dès l’origine, il y a une diffé- rence entre les auteurs de ces cinq sortes de galles. Cette diffé- rence se montre au premier aspect par les dimensions respec- tives, puis elle s’accuse encore dans certaines glandes ou tu- bercules, dont la plupart sont porteurs. Ces tubercules se montrent sous trois formes : tous sont à peu près hémisphé- riques ; les uns portent d’un côté un prolongement en pointe, lequel se recourbe sur ce singulier organe; d’autres sont mar- qués au sommet comme d’un trou plus clair qui paraît être bouché par une membrane transparente; d’autres enfin ne portent pas de pointe m d’orifice, et laissent voir dans leur intérieur un amas de cellules. (PI. 14, fig. À a, B a, Ga, D a.) Ces organes, dont il est difficile de préciser l'usage, parais- sent n’avoir une fonction que pendant la vie de l'animal à l'extérieur; car une fois que celui-ci est enfermé dans une galle et qu'il a subi une ou deux mues, ces glandes ont disparu pour ne plus reparaître n1isur lui n1 chez sa nombreuse postérité. Du reste, elles paraissent avoir une certaine connexité avec les organes respiratoires. Plusieurs fois j'ai vu distinctement les trachées s’y terminer ou y prendre leur origine. Chez les ani- maux qui en sont doués, ces organes sont placés sur les bords du thorax, dans les espaces qui séparent la première de la seconde paire de pattes, et la seconde de la troisième. Il n’y a que l’auteur dela galle eylindrique qui en soit dépourvu. Un caractère qui est commun à tous les auteurs des galles du Térébinthe (je ne parle poùr le moment que de celles-là), c’est le nombre des articles des antennes, qui est invariable- ment de quatre. L'animal, pour former sa galle et s’y enfermer solitaire, pique avec sa-trompe le point où il est fixé et détermine autour de ce point un afflux considérable de sucs nourriciers qui fait augmenter rapidement la surface, et par suite de cette aug- mentation locale, la feuille se recourbe du côté du Puceron et forme autour de lui un espace fermé par la juxtaposition de ses bords. Mais à cette action, qu’on peut supposer toute méca- 4 ALPH. DERBÈS. nique, il faut joindre l’action d’un virus particulier, que l’ani- mal verserait dans ses piqûres, particulier non seulement pour la confection des galles, mais encore pour la formation de chaque galle; car chaque sorte de galle a une forme et un aspect différents, quoique toutes soient faites aux dépens d’une oliole. Geci, du reste, est une opinion déjà émise par M. de Lacaze-Duthiers. Enfermé dans sa galle, le Puceron grossit et grandit peu à peu, change de peau plusieurs fois, et lorsqu'il est parvenu à la limite de sa croissance, 1l est rempli d’embryons qui vont de- venir des Pemphigus et seront expulsés progressivement en nombre toujours proportionné au volume que doit prendre la galle qu’il habite. Tandis que celle-ci s’agrandit par l'effet des piqûres réitérées qu’elle subit, le Puceron, jusque-là resté tout seul, commence à mettre bas une génération. On peut dis- tinguer dans son abdomen cinq ou six fœtus à différents degrés de maturité. Le plus avancé est placé dans le voisinage de l’orifice et est expulsé le premier. En même temps, un autre se développe à l’extrémiié opposée, et par cette innovation suc- cessive, ce Puceron solitaire peut donner naissance à un nombre sinon infini, du moins indéterminé, d'individus. On peut remarquer que ce Puceron n’a pas un volume qui puisse permettre de prévoir sa fécondité, et chacun de ses descen- dants parviendra à une taille bien supérieure à la sienne. Cette génération directe du premier Puceron présente, outre lataille, des caractères qui le distinguent très bien de celui qui en est la tige, ne serait-ce que le nombre des articles des antennes. Celui-ci conserve, pendant toute la durée de son existence, quatre articles aux antennes; c’est à cela qu’on le reconnait encore, lorsque, épuisé et desséché, son cadavre est à peine retrouvable au milleu de la nombreuse population constituée par ses descendants directs etindirects ; tandis que les antennes des Pucerons auxquels il a donné naissance pré- sentent cinq articles, reconnaissables même dans leur jeune âge, dans tous les cas ces antennes sont toujours plus longues que celles du fondateur. (PI. 13, fig. A?, B?, etc.) > ARTICLE N° 9. PUCERONS DU TÉRÉBINTHE. 5 Pour la commodité du langage, je me servirai des mots de mères et de filles, auxquels je n’attribue que le sens de succes- sion, et sur l’impropriété desquels j'aurai bientôt à m’expli- quer. Les filles de la première mère prennent de l'accroissement et deviennent à leur tour fécondes sans accouplement. Elles mettent au monde une génération qui différera autant et plus d’elles-mêmes qu’elles différaient de leurs mères. Elles sont destinées à demeurer et à mourir aptères. Leur unique fonction se borre à produire des filles qui prendront plus tard des ailes. Celles-ci, dans leur jeune âge, pourraient être confondues avec leurs mères. Mais elles s’en distinguent par leur forme plus allongée et par leur coloration plus pâle. Cependant cette coloration n’est pas tellement tranchée, qu'un œil qui n’en aurait pas l’habitude ne püt s’y méprendre et confondre ces deux générations. Mais cette erreur n’est possible que pendant un certain temps, après lequel des tubercules précurseurs des ailes commencent à se former, et dès lors les caractères dis- tinctifs sont suffisamment établis. Ces caractères s’accentuent de plus en plus, la couleur devient plus sombre, donnant sur le verdâtre, le thorax devient même noir (PI. 15, fig. A 4-5, D 4-5, etc.). À une époque variant de la fin du mois d’août à la fin du mois d’octobre, surtout si les beaux Jours continuent et si le froid ne fait que tardivement son apparition, ces Puce- rons s’envolent. Dès la fin du mois d'août, quelques galles commencent à leur livrer passage, celles en corne en s’ouvrant à l’extrémité supérieure, celles en boule en se perçant çà et là de plusieurs ouvertures, dont les bords sont recourbés en dehors, les trois autres en décollant leurs bords, et cela con- tinue; mais il y a un moment, de la fin d'août à la mi-sep- tembre, où la plupart des galles se vident. Les Pemphigus ailés que j'appelle ailés d'automne, que l’on pourrait appeler première forme d’ailés, s’'échappent, comme je l’ai dit, et vont déposer quelque part une progéniture de petits vivants. J’ai enfermé dans des boîtes séparées, de ces ailés prove- nant de cinq espèces de galles définitives. Dans chaque boîte 6 ALPH. DERBES. j'ai recueilli les petits qu'y avaient déposés mes prisonniers, et j'ai pu constater l'énorme différence que présentent ces Pem- phigus, non seulement entre eux, mais encore avec tous les précédents, ainsi qu’on peut en juger par les figures représen- tées planche 13, fig. Af, Bÿ, etc. Le reproche m'a été adressé d’avoir considéré dans les diagnoses que j'avais données dans ma note de 1869, des ani- maux qui, n'étant pas adultes, ne pouvaient offrir des carac- tères stables. D'abord, jusqu'ici ce reproche ne paraît point mérité; quant aux animaux de cette dernière génération, leurs caractères me semblent assez tranchés pour croire que, devenus adultes, ils ne devront pas se ressembler. Maintenant, que deviennent ces petits? C’est ici le point obscur de leuf histoire. J'ai bien observé quelques faits, que je rapporterai plus loin, pouvant y jeter quelque lumière. Conti- nuons cependant à raconter ce que je sais sur les Pemphigus du Térébinthe : si je perds la trace des petits déposés par les ailés d'automne, au printemps suivant, au mois de mai ou de juin, je constate en grande quantité sur les branches et sur le ironc des Térébinthes, la présence des Pucerons aïlés assez peu différents de ceux de l’automne, ainsi qu’on peut en juger par les dessins calqués sur des photographies prises aux mêmes grandissements que celles qui représentent les ailés d'automne, pl. 14, fig. À à 7. Ces Pucerons vont et viennent sur le tronc et les branches des Térébinthes. Il est à remarquer, cependant, que le courant général est de haut en bas, ce qui semble indiquer qu’ils vien- nent d’un heu situé à une certaine distance, et qu’ils abordent le Térébinthe par le haut et par l’extérieur. Ces Pemphigus qu’on pourrait nominer seconde forme d’ailés, je les avais appelés alés erranis, parce qu’ils semblent errer sur le tronc et les branches des Térébinthes; mais en les observant de près, on aperçoit que, s'ils ont l’air d’errer, ce n’est pas sans but. Ils s'arrêtent de temps en temps, et on peut voir que c’est ordi- nairement sur le bord de quelque fissure; où de quelque an- fractuosité de l'écorce, et qu’ils y déposent des petits vivants. ARTICLE N° 5. PUCERONS DU TÉRÉBINTHE. F J’ai eu l’attention d’enfermer un certain nombre de ces nou- veaux produits dans des tubes, et j'ai vu que les uns sont plus gros et de couleur jaunâtre ou plus pâles, et que les autres sont au moins de moitié plus petits et généralement d’une cou- leur verte (pl. 44, fig. 9 et9 a), et j'ai eu la satisfaction, j’ose dire le premier, de constater que non seulement ils étaient de sexe différent, maismême qu’ils s’accouplaient, et que dans cet accouplement, le plus gros est lafemelle et le plus petit le mâle, et cela sans le moindre doute possible, puisque, lorsque la sé- paration a eu lièu, une goutte de sperme est restée à l’extré- mité du pénis du mâle, qu’il y avait des spermatozoïdes dans cette goutte, et qu'un certain nombre de ces spermatozoïdes s’ägitaient visiblement dans une poche copulatrice de la femelle. Je me suis assuré aussi que le même ailé produisait des mâles et des femelles. Ces Pemphigus d’une nouvelle sorte sont dépourvus de trompe Ou n’eñ ont qu'un rudiment, ce qui indique qu'ils ne doivent pas prendre de nourriture et que leur existence doit par conséquent être très éphémère. En effet, une fois l’accou- plement accompli, le mâle meurt et Ja femelle se transforme presque immédiatement en ce que j’aiappelé, peut-être un peu improprement, un kyste (pl. 14, fig. 10), par l’atrophie de ses membres, par le durcissement et le changement de couleur de sa peau (elle devient noire ou brune), et par une immobi- lité complète. Ce kyste renferme un œuf, l'œuf unique produit par la femelle. Cet œuf occupe toute la cavité du kyste. I] faut dire cependant que toutes les femelles ne se transforment pas en kyste. Il y a au moins une espèce qui se débarrasse de l'œuf qu'elle contenait, et qui, épuisée à ce qu’il paraît, par effort qu'elle vient de faire, meurt à côté de son produit. Celui-ci est blanc, d’un aspect grenu et de formeovoiïdeallongée (pl.14, fig. 11). Îl y a donc au moins trois sortes d'œufs : ceux qui sont nus, ceux qui sont enfermés dans des kystes noirs, et ceux qui con- tiennent les kystes bruns. Cette distinction se fait naturelle- ment et avec facilité; il y a probablement des caractères 8 ALPH. DERBKÈS. beaucoup moins visibles, par exemple, une légère différence de dimension ou peut-être de coloration plus ou moins foncée, mais toujours difficile à distinguer. Ces différentes manières d’être sont certainement la désignation des différentes es- pècez:. Je n’ai jamais pu constater dans ces œufs ie moindre signe de segmentation. Quoi qu'il en soit, ces œufs n’écloront qu’au commencement du printemps suivant, au mois d'avril. À l’époque du réveil de chaque kyste et de chaque œuf (pl. 14, fig. 19, 13, 14), sort un de ces petits animaux noirs, dont nous avons en commen- cant signalé la présence sur les bourgeons des Térébinthes. J'ai eu l’occasion d'assister à l’éclosion de chaque sorte d'œuf, et j'ai eu la fortune d’en saisir même sur le fait, et de pouvoir les préparer, pour les photographier ensuite, comme celui représenté planche 14, fig. 15. Dans cette jeune génération on peut déjà distinguer les ca- ractères propres aux fondateurs de diverses galles. À tout ceci j’ajouterai qu'il est matériellement impossible que ceux-ci proviennent de kystes formés dans la même année, car non seulement J'ai conservé de ces kystes pendant près d’une année, lesquels sont éclos au temps voulu, mais il faut réfléchir que, lorsque ces œufs sont éclos, on ne pouvait observer aucun ailé du printemps, puisque cette éclosion a lieu au mois d'avril, et que les ailés ne commencent à paraitre qu’au mois de maietdejum. De l’histoire détaillée que nous venons de faire, il résulte que pour les Pemphigus vivant sur le Térébinthe, il y a une série de générations alternantes, qui comprend au moins cinq stades ou cinq phases; chacune de ces phases présentant des caractères différentiels qui, si on ne les avait suivies pas à pas, et pour ainsi dire sans discontinuité, pourraient être attribuées à cinq espèces différentes, la vie totale de l'espèce comprenant ces cinq phases, dure pendant près de deux années. J’ajouterai encore que je crois être le premier à signaler l'existence de deux sortes d'individus aïlés chez la même es- ARTICLE N° 5. PUCERONS DU TÉRÉBINTHE. 9 pèce. C’est ce qui ressort assez clairement des observations consignées dans ma note de 1869 et 1871. J'en viens maintenant à discuter ce que j'entends par galles provisoires, dont l’existence a été traitée un peu légèrement par M. Courchet. D'abord je rappellerai que des galles de cette sorte, ou du moins bien analogues, ont été observées et dé- crites depuis 1863, par M. Passerini, qui s’énonce ainsi, à propos du P. affinis : Aprili, majo solitaria sub marginis pli- caturam foliorum Populi..……. decedente aprili et incunte majo, femina vivipara apter aparit larvas forme alate, domum mater- nam statim deserentes et ad folia teneriora migrantes, in quorum pagina infera plures simul subsistunt. Folia hæc secus nervum medium paulo postrecurvantur, et marginibus applicatis, pseudo gallam (pourquoi pseudo?) constituunt, intrà quam femine viviparæ alatæ evoluntur et deinde aeri se committunt Pass. Aphidide Ttalicæ, p. 74-75. J'ai observé moi-même ces deux sortes de galles sur le Peuplier. Cela dit, j'ai nommé galles provisoires celles qui sont for- mées presque à l'ouverture des bourgeons. Elles sont formées les premières, avant qu’il soit possible d’apercevoir même une trace quelconque des autres galles. Elles sontrouges, à l’extré- mité des folioles, quelquefois isolées, et dans ce cas occupant l'extrémité de la nervure moyenne, et d’autres fois réunies plusieurs ensemble et presque confluentes, cependant dis- ünctes, occupées chacune par un petit Puceron, qu'il estfacile de reconnaître pour un de ceux qui se pressaient sur le bour- geon près de s'épanouir. Les feuilles sur lesquelles elles sont formées sont les plus extérieures du bourgeon dont elles font partie, c’est-à-dire que ce sont des feuilles souvent incomplètes, qui sont en général destinées à tomber, lorsque ce bourgeon sera entièrement dé- veloppé. Ces galles ne sont jamais fermées exactement et laissent un passage assez libre aux petits pucerons qui en sortiront. Ces galles ont un accroissement très limité et de peu de durée. 40 ALPH. DERBKS. De très bonne heure, il en sort de petits pucerons qui ont quatre articles aux antennes, comme leur mère et comme les fondateurs des galles définitives. Les Pucerons qui ont fondé les galles provisoires produi- sent des progénitures qui ne restent pas dans la galle, mais qui en sortent au fur et à mesure qu'ils sont produits, au point qu'il est rare d’en trouver encore dedans. Lorsque les galles définitives sont à peu près toutes formées, les fondateurs des galles provisoires sont épuisés et meurent, complètement vides, dans ces galles, et celles de cesgalles, qui n’ont pas disparu dans le courant du mois de mai, sont alors trouvées vides et se dessèchent. H n’y a jamais d’ailés dans ces galles. Tels sont les motifs qui me font regarder comme provisoires les petites galles rouges qui se inmontrent Îles premières, au commencement du printemps. I est encore d’autres galles, qui paraissent plus tard, et qui me semblent mériter aussi le titre de galles provisoires. Si l’on n’y fait pas attention, on peut facilement les confondre avec les galles cylindriques qu’on ne commence à voir que vers le milieu ou à la fin du mois de mai. Elles sont rouges comme celles-ci, mais leur place est nettement à l'extrémité d’une foliole, qu'elles replient symétriquement le long de la nervure moyenne, tandis.que les galles cylindriques se développent sur les côtés d'une fohole ; les deux moitiés de celles-ci ne peuvent donc pas être symétriques, du moins quant aux nervures. Ce caractère pourrait à lui seul faire reconnaitre une galle provi- soire ; il en est d’autres, pourtant, qui sont dignes de remarque. Ainsi, on y voit une mère déjà très grosse, et l’on y trouve au plus un ou deux petits qui n’ont que quatre articles aux antennes, comme les fondateurs des galles cylindriques, tandis que dans celles-ci 11 n’y a encore qu'un Puceronirès petit et solitaire. Plus tard, ces galles provisoires ne contiennent que le fondateur desséché, tandis que dans les autres gallesil yaun commencement de progémiture,quireste dans la galleet.qui est bientôt reconnaissable au nombre des articles de ses antennes. ARTICLE N° 9. PUCERONS DU TÉRÉBINTHE. 11 F est donc plus que probable que ces galles provisoires sont la source d’où découlent les fondateurs des galles cylindriques. Mais je n'affirmerai pas que, dans certaines circonstances, quelques animaux, au sortir de l'œuf, ne puissent aller fonder des galles cylindriques. Le nombre considérable de celles-ci, relativement au nombre restreint de ces galles provisoires, fait penser même que la chose est possible, mais cela ne dé- truit pas la certitude que la plupart au moins, sinon tous les fondateurs des galles cylindriques, dérivent des galles provi- soires, lesquelles ne peuvent être confondues avec celles dont nous avons constaté l’existence en commençant. Voyons maintenant s’il est possible d'établir un trait d’union entre les ailés d'automne et les ailés du printemps. J'avoue d’abord qu'il m'est difficile d’assigner tel individu ailé du printemps à telle espèce des fondateurs des galles; on peut en juger en comparant ceux-c1 à ceux-là, dans les figures 4 et 5 de la planche n° 13, et les n®% 1 à 7 a et À à 7 a dela planche n° 44, tous représentés au même grandissement pour les parties correspondantes. Il est même très singulier que je trouve sept sortes d’ailés du printemps, tandis que je ne puis constater que cinq sortes de galles. El y a là un point à éclaircir; je nedésespère pas d’y parvenir. Quoi qu'il en soit, il est bien évident que les aïlés du prin- temps sont les descendants des ailés d'automne, puisqu'ils doivent les reproduire par une succession qui ne peut pas être révoquée en doute. La difficulté n’est donc pas dans la constatation du fait, mais “bien dans la démonstration expérimentale de ce fait. M. Courchet de (Montpellier) croit lavoir trouvée; mais son expérience n'offre pas une garantie suffisante, d'abord parce qu’elle est restée incomplète, et puis parce qu’elle n’a pas été contrôlée. Quoique j'aie suivi une marche différente, j'avoue que je ne suis guère plus avancé. Or, voici comment j'ai pro- cédé : d’abord, guidé par les observations de Réaumur, con- firmées par celles de M. Passerini, j'ai pensé que ce pourrait bien être dans les racines des Graminées, surtout des :Gra- 12 ALPH. DERBÉS. minées vivaces, que vivaient les produits des ailés d'automne ; à cet effet, j'ai fait des recherches en automne, dans le courant de l'hiver, au commencement du printemps, sur les racines d’un grand nombre de Graminées. J'ai trouvé sur quelques-unes, c’est-à-dire sur la portion souterraine de leur chaume, plutôt que sur leur chevelu, divers Pucerons, les uns d’une teinte jaunâtre, les autres rouges et même de complètement noirs. Or, à force d’arracher des Gra- minées au hasard (car aucun signe extérieur ne permet de choisir une plante qui soit habitée par des Pemphigus), enfin on en trouve une ; 1l faut la cultiver à part etélever les Pem- phigus, pour voir ce qu’ils deviendront. Eh bien! tout cela je n’ai pu encore le faire que pour une espèce de Pemphigus et une Graminée. Le Pemphigus, après s'être multiplié en de- meurant aptère pendant l'hiver, a pris des ailes au printemps et ses antennes et son aile sont représentées planche 44, fig. 8 et 8 a. La Graminée est l’Avena bromoides, qui se trouve dans les terrains secs, sur les collines, au voisinage des bois de pins, et, chose remarquable, surtout dans le voisinage des Téré- binthes ; c’est du moins ce qui a lieu dans notre pays, j'ignore si ailleurs c’est la même chose. J'espère poursuivre et com- pléter cetie expérience, ce qui paraît assez facile, car il est peu d'exemplaires de cette Avena qui soient dépourvus de Pem- phigus. J'ai aussi tenté l’expérience en essayant de mettre sur di- verses Graminées les jeunes déposés par les ailés d’automne, mais je n’ai encore obtenu ancun résultat bien salisfaisant et décisif. Essayons maintenant de donner une théorie de l'existence des Pemphigus du Térébinthe, en attendant de l’appliquer à d’autres auteurs de galles. D'abord, est-il bien vrai, comme la plupart des descripteurs le disent, que les diverses générations qui se succèdent, “excepté une, se composent de femelles ayant la propriété sin- gulière d’être fécondes sans accouplement? ARTICLE N° 5. PUCERONS DU TÉRÉBINTHE. 15 Femina vivipara aptera. Femina vivipara alata. — Disons plutôt que ces individus n’ont pas de sexe, sont asexués. En effet, ce n’est pas de la parthénogénèse, car, à stricte- ment parler, dans la parthénogénèse, des femelles bien con- formées produisent, par exception, une progéniture sans être fécondées, comme chez certains Papillons. Ces femelles peu- vent quelquefois, périodiquement peut-être, subir l'approche d’un mâle et être fécondées. Dans tous les cas, d’ailleurs, elles donnent naissance à des individus qui sont ou deviendront semblables à elles. Dans nos Pucerons, au contraire, les di- verses générations se succèdent dans un ordre invariable, 1l n'ya pas d'exception, c’est la règle. De plus, chaque génération produit des mdividus qui ne sont pas et ne seront jamais sem- blables à ceux qui composent la génération qui leur a donné le jour. Je ne vois d’analogie qu'avec ce qu’on est convenu d'appeler génération alternante, comme dans les Méduses, les Bipho- res, etc., où une génération asexuée produit par bourgeonne- ment une génération sexuée. Seulement, chez nos Pucerons c’est une génération alternante d’un degré plus élevé, puis- qu’elle se répète au moins quatre fois. Mais j'aimerais mieux dépouiller ce procédé de reproduction du nom impropre de génération et l'appeler, dans ce cas seulement, gemmation répétée, qui finirait ou commencerait par une véritable géné- ration, et en cela, Je suis heureux d’être d’accord avec le célèbre professeur Huxley, qui pense que dans le règne ani- mal, il n'y a rien qui constitue la génération alternante, c’est seulement une alternance entre la vraie génération et le procédé tout à fait différent de la gemmation (Huxley), d’où il est facile de voir que je crois peu àl’autofécondation décrite par M. Bal- biani. Aïnsi, nous dirons que, dans nos Pemphigus, il y a cinq es- pèces qui se composent chacune au moins de cinq stades con- sistant en quatre gemmations et une génération. Celle-ci se compose d'individus que je serais tenté d’appeler simplement des organes, car ils sont dépourvus de toute partie accessoire ANN. SC. NAT. ZOOL., DÉCEMBRE 1881. XII. 22. — ART, N° 5. 44 ALPH. DERBES. pouvant servir à la nutrition et à la locomotion (trompes, ailes, etc.), et sont réduits presque à ce qu’il y a d’indispen- sable pour la génération. Je comparerai ces espèces à une plante, qui se multiplierait par plusieurs procédés, tels que les bulbilles et les bourgeons, lesquels pourraient sortir les uns des autres, se détacheraient successivement de la plante, et produiraient des fleurs, qui pourraient vivre indépendantes, et dans lesquelles se passe- raient les phénomènes de la génération. La botanique nous offre bien des exemples de bulbilles, de bourgeons et même de fleurs, ne serait-ce que la fleur mâle de la Vallisneria, qui, séparés de la plante mère, vivent d’une vie indépendante; au moins pendant quelque temps. Or, si l’on voulait faire l’histoire complète de cette plante, il faudrait décrire tous ses organes, lesquels, quoique ayant vécu successivement et indépendamment les uns des autres, n’en constilueralent pas moins une plante unique dans leur ensemble ; de même pour décrire une espèce de Pemphigus, il faut tenir compte de tous ses stades, j'ai presque dit de tous ses organes. Âu reste, toutes les espèces de Pucerons n’ont pas une vie compliquée des mêmes phases que ceux que nous venons d'étudier. En général, leur existence manque d’un ou de plusieurs stades ; peut-être cette existence en offre-t-elle aussi de différents. C’est ce que je me propose d’éclaircir, si c’est possible, en restreignant mes observations aux auteurs des diverses galles du Peuplier et de l’Orme, galles qui sont au nombre au moins de cinq sur chacun de ces arbres. de viens d’avoir l’occasion (9 novembre) d’observer l’accou- plement d'individus produits par les ailés sortis de la galle spirale du Peuplier. La femelle et le mâle se sont séparés lorsque j'ai voulu les préparer pour les photographier. Je me borne, pour le moment, à représenter cette phase de cette espèce planche 14, fig. 15 et16. Nous aurons à constater, dans la suite, bien d’autres faits intéressants. ARTICLE N° 9. PUCERONS DU TÉRÉBINTHE. EXPLICATION DES FIGURES PLANCHE 13. À Pemphigus cornicularius. — Ses générations successives. B — utricularius Jd. C — semilunarius Id. D — pallidus Id. E — follicularis Id. Les mêmes numéros se rapportent à des phases ou à des états correspon- dants des cinq espèces de Pemphigus. 35 Nos {. Auteur de la galle. 5 2. Aptère produit par l’auteur n° 1. 23 3. Produit par l’aptère n° 2, état jeune. 35 4. Produit par l’aptère n° 2 devenu adulte et ayant pris des ailes. 1 5. Ailes dudit. D 6. Produit par l’ailé n° 4. A. Glandes ou tubercules. PLANCHE 44. Fig. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7. Antennes des ailés du printemps du Térébinthe, 19, 20, 89, 4, 5°, 69, 70. Ailes des ailés du printemps, du Térébinthe, ‘5. 8. Antenne d’un ailé pris sur l’Avena bromoides, 25. 8°. Aile d’un ailé pris sur l’Avena bromoides, 15, 9. Mâle trouvé sur le Térébinthe............ 10. Kyste trouvé sur le Térébinthe.......... : 41. Œuf nu trouvé sur le Térébinthe.......... 25 É 12: 13. 14. 15. Éclos d'un kyste noir Ne 0 men au ÉClos d'u œuf nue. MERE re Éclos d’un kyste brun... 4/21... HN Éclosant d’un kyste noir. ................. 16a. Femelle produite par un ailé sorti de la galle spirale du Peuplier, le 9 novembre, 25, 166. Mâle produit par un ailé sorti de la galle spirale du Peuplier, le 9 novembre, ?, J'ai placé les figures qui représentent le Pemphigus pris sur l'A. bremoides à côté des figures 1 et 2 a. pour en faciliter la comparaison, sans rien préjuger quant à l’identité des espèces. RENSEIGNEMENTS SUR LA n MULTIPLICATION DES HUITRES À ARCACHON ET SUR L’ACCLIMATATION DE LA GRYPHÆA ANGULATA (LAMK) SUR LES CÔTES DE FRANCE, EXTRAITS D'UN RAPPORT ADRESSÉ AU MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE, Par NH. BRECCHI. Dans ce rapport, inséré au Journal officiel du 8 novembre dernier, M. Broc- chi décrit les procédés employés par les ostréiculteurs pour recueillir le naissain, c'est-à-dire les larves nageuses de l’huitre, et en effectuer ensuite l'élevage dans les enclos marins, ou parcs, appropriés à cetusage. Dans le bassin d'Arcachon, où les conditions biologiques sont très favorables au développe- ment de ces Mollusques, cette industrie a pris depuis quelques années un grand développement. On en peut juger par les faits suivants. En 1865, le nombre des parcs à huîtres établis dans le bassin d’Arcachon n’était que de 297; en 1880, il s’était élevé à 4259. Pendant la même période, le nombre d’huîtres exportées de cette localité est monté de 10 584 000 à 195 477 375 ; et cela ne dépend pas de ce que maintenant on les livre au commerce avant qu'elles soient arrivées à l’état adulte, car il n’est permis de les exporter que lorsque le diamètre de leur coquille a atteint au moins 5 centimètres. Les collecteurs employés à Arcachon pour fixer le naissain consistent presque exclusivement en tuiles préalablement chaulées et disposées en ruches. Le moment le plus favorable pour leur pose est du 12 au 15 juin, et on les laisse généralement en place jusqu’au mois d'octobre. Les jeunes huîtres détroquées ou encore adhérentes aux tuiles sont ensuite placées dans des caisses ou dans les claires pour y être élevées. Certains pares sont pourvus d'environ 4000 de ces caisses. L’huître de Portugal, que les zoologistes distinguent génériquement de l'Ostred edulis, et désignent sous le nom de Gr'yphœd angulata, s’est propagée en grand nombre vers l'embouchure de la Gironde, à la suite d’un dépôt acci- dentel d’un certain nombre d'individus de cette espèce par un navire du com- merce. Elle s’y est rapidement multiphiée, et le naissain produit par ce Mol- lusque exotique s’est répandu au loin sur les côtes du golfe de Gascogne. Ainsi, en l’année 1880-1881, on a exporté de Marenne 40 000 000 d’huiîtres por- tugaises, et cette espèce, beaucoup plus rustique que l’huître proprement dite, commence à envahir le bassin d'Arcachon. Quelques ostréiculteurs pensent qu’elle peut féconder cette dernière espèce et donner ainsi naissance à des hybrides, mais M. Brocchi en doute. Néanmoins l'introduction de la Gryphœa angulata sur nos côtes pourra bien devenir nuisible à nos huïîtrières, car elle est beaucoup plus rustique que l’Ostrea edulis, et il est à craindre qu’elle n’en usurpe la place. Ainsi M. Brocchi à constaté que cette année les, collecteurs placés sur les bords de l’île d'Oléron se sont couverts presque exclusivement de naissain portugais. ART. N° 6. RECHERCHES SUR LA FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES Per M. Alph. MILNE EDWWARDS. Suite (4). FAUNE AVEÆNMNE CHAPITRE I. —— DES ALBATROS. $ 1. La distribution géographique des Manchots considérée en elle-même n’est pas dépourvue d'intérêt, mais elle me semble en acquérir davantage lorsqu'on l’envisage comparativement à celle de quelques autres types ornithologiques et qu'on la prend comme épreuve pour l’appréciation de certaines idées théoriques. En effet, les naturalistes qui partagent les opinions de La- marck et de M. Charles Darwin relativement à l’origine des espèces, attribuent aux conditions biologiques dans lesquelles les animaux vivent, une très grande puissance modificatrice sur le mode d'organisation de ces êtres. [ls supposent qu’au- cune différence primordiale n'existait entre les formes orga- niques des êtres vivants qui, en se succédant par voie de géné- ration, constituent aujourd’hui les types zoologiques les plus dissemblables, et que les différences réputées caractéristiques des diverses espèces, familles, ou même classes du règne ani- mal, sont la conséquence d’influences climatiques ou d’autres circonstances du même ordre dont l’action est régulière et continue. En saine logique, il faut admettre qu’une même cause agis- sant dans les mêmes circonstances, sur les mêmes êtres, doit (4) Voy. tome IX, article n° 9. ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1881. XII. 22 *, — ART. N° 7, 2 ALPH. MILNE EDVWVARDS. produire toujours les mêmes effets. Par conséquent, si tous les oiseaux descendent d’une même souche et si les diverses formesreconnuesaujourd’hui parmi ces animaux n’étaient que le résultat des influences exercées sur les produits d’un type primitif unique par les conditions d'existence au milieu des quelles ces produits ont été placés, il faudrait, ce me semble, trouver des représentants d’un même type secondaire dans les deux régions cireumpolaires extrêmes, mais similaires. Or, dans la région antarctique où les Manchots abondent, ainsi que nous venons de le constater, il n’y a pas de Pingouins, et dans la région boréale il ya beaucoup de Pingouins et pas de Man- chots. ; | Cette différence entre les formes aviennes qui se trouvent aujourd’hui autour du pôle nord et autour du pôle sud, sup- pose des différences entre les premiers producteurs, ou bien l'intervention d’une autre puissance modificatrice. On répon- dra peut-être que le climat boréal et le climat antarctique, quoique similaires, ne sont pas identiques, et que cette diffé- rence explique la diversité des types organiques dont nous voyons les caractères accessoires se ressembler sous certains rapports aux antipodes; mais je ne m'arrêterai pas à examiner la valeur de cette objection, car l'étude de la faune antare- tique fournit d’autres faits qui, à mon avis, sont encore plus significatifs et à l’égard desquels une argumentation de ce genre ne saurait être soutenue. Effectivement si les particularités organiques offertes par les Manchots étaient une conséquence de l'influence exercée par le climat antarctique et par les autres conditions biologiques auxquelles les oiseaux sont soumis dans les parties cir- cumpolaires de l’hémisphère austral, la faune ornithologique de cette région devrait ne posséder que des palmipèdes bra- chyptères, à moims d'admettre l'existence de différences pri- mordiales dans la nature des oiseaux qui y vivent, supposition qui serait contraire aux bases essentielles de l’hypothèse de la formation de tous les types zoologiques actuels par sélection naturelle. ARTICLE N° 7 FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 8 Or, il en est tout autrement. Partout où vivent les Manchots vivent aussi des oiseaux piscivores qui, au lieu d’être complè- tement apténiens, comme eux, sont des Palmipèdes grands voiliers, pourvus d’ailes immenses et organisés sous tous les rapports de la manière la plus favorable pour une locomotion aérienne rapide et soutenue : les Albatros par exemple. Ce serait peu logique, ce me semble, d’attribuer à lin- fluence des mêmes circonstances biologiques, ou, en d’autres mots, à la même cause modificatrice de l’organisme animal, l’atrophie des organes du vol chez les Manchots et le dévelop- pement extraordinaire de ces mêmes organes chez les Alba- tros. Je ne concevrais la possibilité d'effets si contraires dus à une même cause qu’en supposant des différences préexistantes dans la nature des organismes ainsi modifiés, et cette supposi- tion, Je le répète, serait mcompatible avec l’hypothèse fonda- mentale du système darwinien. L’argument que je viens d'employer repose essentiellement sur le fait de la similitude des circonstances extérieures dans lesquelles vivent et se reproduisent les Manchots, les Albatros et d’autres Palmipèdes grands voiliers. Or, pour mettre en évidence ce fait fondamental, 11 m'a fallu étudier plus attenti- vement qu'on ne le fait d'ordinaire la distribution géogra- phique de ces oiseaux pélagiens à vol puissant; je crois donc utile de présenter ici quelques détails à ce sujet. Les Albatros, de même que les Manchots, sontau nombre des Oiseaux les plus remarquables de la région antarctique. Ils abondent dans les parties froides et tempérées de l’hémi- sphère sud ; on les rencontre presque partout où les Manchotsse montrent, et ce n’est pas seulement d’une manière temporaire qu'ils habitent des parages identiques ; leurs stations de repro- duction sont souvent les mêmes. Ainsi à Tristan d’Acunha, îlot qui n’a que 9 lieues de tour, on trouve, à côté des rookeries appartenant aux Manchots, de nombreux nids où les Albatros couvent leurs œufs et élèvent leurs petits (1). (1) Garmichael, Some account o the Island of Tristan d’Acunha (Trans.  ALP. MELNE EDWARDS. Il en est de même à Falkland (1), à la Géorgie aus- trale (2), aux îles Crozet (3) et à Kerguelen (4). Is nichent aussi sur quelques-uns des rochers qui bordent la côte de la Tasmanie et qui constituent des stations de multiphcation pour certains Manchots (5). Enfin ils se reproduisent avec plus d’abondance au sud de la Nouvelle-Zélande, sur l'ile Auckland (6) et sur l’île Camp- bell. Ce dernier point paraît être même un de leurs principaux rendez-vous à l’époque de la ponte (7). Ces deux types aviens, si différents par leur organisation et leurs facultés locomotrices, ont par conséquent la même patrie et les mêmes stations de reproduction (8); mais l’un de ces types, conformé pour la nage seulement, n’a répandu ses dérivés que dans le voisinage de la région qui semble avoir été le berceau commun de leurs races, tandis que l’autre, doué d’or- ganes de vol d’une puissance extraordinaire, a envahi une portion plus considérable de la surface du globe. Le mode de distribution géographique des Albatros fournit un autre argument contre l'opinion des naturalistes qui attri- buent aux climats ou à d’autres circonstances indépendantes de l'organisme, le pouvoir de modifier profondément la consti- tution des animaux. En effet, ces grands Palmipèdes dont les caractères essentiels sont partout les mêmes, vivent et pros- pèrent sous des climats fort différents. Ainsi, d’une part, ils of the Linn. Soc., 1817, t. XII, p. 489). — Earle, op. cit., p. 327. — Layard, op. cit., p. 965. (1) Fanning, Voyage round the world, p.87. (2) Abbott, Birds of the Falkland islands (Ibis, 1867, t. IX, p. 165). 3) Layard, Birds of South-Africa, pl. 563. (4) Morrell, Voyages in the Souih-sea, p. 62.—Ross, op. cit., p. 88. (5) Gould, Birds of Australia, t. VIE (6) Ross, Voyage in the Southern Antarctic Regions, p. 149. (1) Mac Cornick, A sketch of the Australian regions (Tasmanian journal of natural science, 1841, t. I, p.243.) —_ Ross, op. cit., t. I, p. 414, et renseignements fournis par M. H. Filhol. (8) Voy. les cartes n° 1 et n° 2. ARTICLE N°? FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. D habitent les parties les plus reculées et les plus froides de la région antarctique : le capitaine Gook en a vu sous le 60° paral- lèle austral, et le commandant Wilkes en signale l'existence en deçà du 65° degré de latitude sud, dans le voisinage des terres polaires qui portent le nom de ce navigateur (4); mais, d'autre part, on en rencontre aussi jusque dans la zone tor- ride ; ils sont communs dans les mers qui entourent les îles Philippines, etune de leurs stations de reproduction se trouve dans la partie de l’océan Pacifique comprise entre l'équateur et le tropique du Cancer. Le géant de cette famiile avienne, l’Albatros commun ou Diomedea exulans (2), qui parfois mesure # mètres d’envergure et qui, à raison de son port majestueux quand il sillonue la mer, aété appelé par quelques marins le Vaisseau de ligne (3), et qui est plus connu des matelots sous le nom de Mouton du Cap (4), voyage sans cesse et fait presque le tour du globe, mais 1l ne descend que rarement au-dessous du 50° degré de latitude sud; il abonde aux environs du cap de Bonne-Espé- rance et dans le voisinage de l’île Saint-Paul et de l'ile d’Am- sterdam, ainsi que vers les attérages de l’Australie méridio- nale; enfin le Muséum d'histoire naturelle de Paris en a reçu plusieurs individus pris dans le voisinage des îles Sandwich vers le 10° degré de latitude nord, et, au dire de quelques ornithologistes, sa présence accidentelle sur la côte ouest de l'Amérique septentrionale a été signalée par plusieurs obser- vateurs (5), cependant cela parait incertain (6). Mais sa patrie (1) Il est néanmoins à noter que les Albatros ne figurent pas au nombre des oiseaux dont Ross a signalé l'existence dans le voisinage de la Terre Victoria (Op. cit., t. I, p. 190, 199, 215, etc. (2) Albatross, G. Edwards, Nat. hist. of uncommon Birds, etc., pl. 88 (1751). — Diomedea exulans, Linné, Syst. nat. édit. 10°, t.1, p. 132 (1758). — Albatros du cap de Bonne-Espérance, Buffon, Planches enluminées, n° 2371 ou 962. (3) Man of War. Albin, Nat. hist. of Birds,.t. WI, p.34. (4) Voyez Buffon, Hist. nat. des Oiseaux, t. IX, p. 339. (>) Ch. Bonaparte, loc. cit. (6) Baird, Cassin and Lawrence, The Birds of North America, p. 821 1860). 6 ALPH. MILNE EDWWARHRS. proprement dite, ou, en d’autres termes, les lieux où il naît et se reproduit sont fort circonserits. Il niche à l'ile CGamp- bell (4), à Kerguelen (2), à l'ile du Prince Édouard (3), à Tristan d’Acunha (4), à la Nouvelle-Géorgie du Sud (5) et sur un petit nombre d’autres points de la région antarctique. Pen- dant le jeune âge, il reste fort longtemps sédentaire dans ces stations, mais lorsque, parvenu à sa seconde année, il a pris ses grandes plumes, et quand ses ailes sont assez fortes, il quitte ces terres et se répand au loin. Plusieurs autres espèces ou races appartenant à la même famille naturelle se distinguent de lAlbatros errant ou Dio- medea exulans par diverses particularités de minime impor- tance, et sont inscrites sur les catalogues ornithologiques sous les noms de Diomedea brachyura, D. melanophrys, D. chlo- rorhyncha, D. fuliginosa, etc. La plupart des auteurs les plus récents forment même parmi les Albatros plusieurs groupes auxquels ils attribuent une valeur générique. Ainsi G. Gray, à l'exemple de Reichenbach, les répartit en quatre genres (6) savoir : Le genre Diomedea proprement dit qui ne comprend que l’Albatros errant dont je viens de parler. Le genre Phœbastria qui est constitué essentiellement par l’Albatros à courte queue. Le genre Thalassarcha comprenant l'Albatros mélanophrys, l’Albatros-chlororhynque, etc. Le genre Phœbetria établi pour recevoir Albatros fuligineux. (1) Ross, Voyage in the Southern and Arctic regions, t. II, p. 414 — M. H. Filhol a rapporté au Muséum une nombreuse série d'œufs et de jeunes oiseaux de cette espèce pris au nid, ainsi que d'individus adultes. (2) Kidder, Contributions to the natural history of Kerguelen Island, p. 19 et 21 (Bulletin of the United Siates national Museum, n° 2, 1875). — Sharpe, op. cit. (Transact. philosoph., t. CXVIIL, p.145 et 148). (3) Hutton, Notes on some Birds inhabiting the Southern Ocean (Ibis, 1865. n9DnEL, p.279). (4) Garmichael, Some account of the Island of Tristan d'Acunha (Trans. of the Linn. Soc., t. XII, p. 489). (5) Weddell, À voyage towards the South Pole, p. 59. (6) G. R. Gray, Handlist of genera and species of Birds, part. 3, p. 109. ARTICLE N° 7. , | FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 7 Le prince Ch. Bonaparte, tout en réunissant les Albatros brachyures aux Albatros ordinaires, adopte les trois autres genres, mais il ne fait pas connaître les raisons qui l’ont guidé dans son choix (À). Toutes ces divisions et subdivisions ne me paraissent pas suffisamment motivées et, Je ne saurais admettre dans cette pelite famille naturelle l’existence de plusieure types géné- riques; mais lorsqu'on applique à la classification des Alba- tros les données fournies par leur mode de distribution géo- graphique, on est conduit à reconnaitre, parmi ces oiseaux, au moins trois espèces primordiales dont les caractères dis- tinctifs ne sont pas expliquables par l’action des causes locales auxquelles on est disposé à attribuer la formation de races dif- férentes. Or, il est à noter que ces types spécifiques corres- pondent précisément aux trois types considérés par le prince Charles Bonaparte comme ayant une valeur générique. Effectivement, en étudiant les affinités naturelles des Man- chots, j'ai fait remarquer que, si les particularités que présen- tent des lignées d'individus habitant des lieux différents peu- vent être attribuées à des influences biologiques locales, et être considérées comme caractérisant seulement des races différen- tes issues d’une souche commune, il ne saurait en être de même pour des êtres qui vivent réunis dans une même station et subissent les mêmes influences extérieures. Dans ce cas, la diversité constante et héréditaire suppose des différences physiologiques préexistantes. Or, cette similitude dans les conditions biologiques existe pour le Diomedea exulans et pour le Diomedea fuliginosa dont les ornithologistes que je viens de citer forment le sous-genre Phœbetria. À Kerguelen, par exemple, ces deux espèces d’Albatros vivent et se repro- duisent à côté l’une de l’autre; elles ont également pour patrie (4) M. Elliott-Coues a publié plus récemment une révision spécifique des Albatros et de leurs caractères distinctifs ; il n’a adopté aucune de ces divi- sions réputées génériques (Critical review ofthe family Procellaridæ, in Pro- ceedings of the Academy of natural sciences of Philadelphia, 1866, p. 174 et suivantes). 8 ALPH. MILNE EDWARDS,. commune l'ile du Prince-Édouard (1) et l'île de Tristan d’Acunha (2). Cependant leur mode de coloration est très différent; car le Diomedea juliginosa a le plumage complète- ment brun noirâtre et la queue pointue (3), tandis que le Diomedea exulans est presque entièrement blanc et la queue est tronquée. Cet Albatros fuligmeux se montre dans l’océan Atlanti- que depuis le 31° degré de latitude sud jusque sur les côtes de la Nouvelle-Géorgie australe (4), sur l'ile Campbell (5) et même beaucoup plus loin vers le sud-est (6). Il niche à l’île Saint-Paul, mais il fréquente surtout la région comprise entre le cap de Bonne-Espérance, la Tasmanie vers l’est et les îles Falkland du côté du couchant. Parfois il visite même la côte ouest de la Californie et de l’Orégon (7). Il est aussi à noter que cet Albatros paraît être meilleur voilier que toutes les autres espèces de la même famille. Des raisons analogues à celles dont je viens d’arguer me portent à considérer comme une troisième espèce d’Albatros le Diomedea melanophrys qui appartient au groupe désigné communément aujourd'hui sous le nom générique de Thalas- sarcha. Get oiseau, d’un tiers moins grand que l’Albatros errant, s’en distingue aussi par la forme du bord postérieur de la mandibule supérieure qui est tronquée transversalement et ne s’avance pas sur la partie adjacente du front comme chez l'espèce précédente, par la temte des côtés du bec, par lexistence d’une raie sourcilière noirâtre et par quel- ques autres caractères. Il est très commun dans le grand Océan entre le 35° et le 55° degré de latitude sud, depuis la (1) Hutton, op. cit. (Ibis,, 1865 ,p. 283). (2) Snow, Two years cruise of Terra del Fuego; voy. Carmichael, op. cit. (Transact. of the Linnean Society, t. XII, p. 489). (3) Voy. Gould, Birds of Australia, t. VII, pl. 41. (4) Weddel, op. cil., p. 59. (5) Ross, op. cit., t. IL, p. 415. (6) Ross, op. cit. t. II, p. 143. (7) Baird, Cassin and Lawrence, Birds of America, p. 823. — Vigors, Orni- thologie, Voyage of Beechey, p. 4. ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. ci côte méridionale de la Tasmanie jusqu’au cap de Bonne- Espérance d’où il s'étend dans l'Atlantique jusque dans le voisinage du cap Horn et sur la côte du Chili (4). De mème que le Diomedea exulans, 1 niche à l’île du Prince-Édouard (2), ainsi qu'aux iles Falkland, et l’on assure qu’il se reproduit aussi dans l’archipel Fuegien (3) et à l’île Auckland (4). Une quatrième et plus petite espèce d’Albatros, le Diomedea chlororhyncha, qui a été aussi rangée à côté du Thalassarque à sourcis noirs, niche sur l’île de Tristan d’Acunba (5). Il est facile de le reconnaître à son bec d’une couleur jaune intense en dessus. On ne lui connaît pas d’autre station de reproduc- tion ; mais on rencontre des individus de cette espèce en grand nombre dans le voisinage du cap de Bonne-Espérance ainsi qu’à l’ouest de l’Australie (6), et, de même que les espèces précédentes, 1l s’égare parfois dans l'océan Pacifique jusqu’à Pembouchure du fleuve Colombia (7). M. Gould a cru devoir séparer spécifiquement un autre Albatros qu’il a nommé Diomedea culminata (8) ; cet oiseau est très commun dans les parties du grand Océan qui avoisinent l'Australie, mais on n’en connait pas la patrie, et je suis disposé à croire que ce n’est qu'une variété du Diomedea melanophrys. IH n’en diffère guère que par l'existence d’une bande jaune du dessus du bec qui s'arrête à quelque distance de l’extrémité de cet organe, ce caractère est d’ailieurs très variable. (1) Sharpe, Birds collected by the Alert (Proceed. Zool. Soc., 1881, p. 12). (2) Hutton, op. cit. (Ibis, 1865, n° 51, t. I, p. 283). (3) Get Albatros est.si commun sur quelques-uns des îlots de ce petit archipel, que ses œufs sont vendus en grand nombre sur le marché de Stanley (Abbot, On the Birds of the Falkland Islands. The Ibis, 1861, t. II, p. 165). (4) Des œufs de lAlbatros melanophrys ont été trouvés dans cette localité (Potts, Notes on the Birds of New-Zealand. Transactions of the New-Zea- land Institute, 1873, t. VI, p. 152). (5) Carmichael, op. cit., Transact. Linnean Society, t. XII, p. 489. (6) Gould, Birds of Australia, t. VII, pl. 42, (7) Baird, Cassin and Lawrence, Birds of America, p. 822. (8) Gould, Annals and magazine of natural history, t. XIL, p.361, et Birds of Australia, t. VI, pl. 41. 40 ALP. MILNE EDYWARDS. On rencontre aussi dans les mêmes parages un Albatros qui, par son mode de coloration, est intermédiaire au Diomedea exulans et au Diomedea fuliginosa, car il ressemble beaucoup au premier par la teinte jaunâtre très pâle de son bec, ainsi que par le plumage blanc de sa tête, de son cou et du dessous du corps, et il tient du second par la teinte d’un brun noirà- tre de la totalité de ses ailes et de la partie dorsale de son ÉOFDS: 0 M. Gould, qui fut le premier à signaler l’existence de cette espèce ou race qu'il a appelée Diomedea cauta (4), croit qu'elle niche sur les rochers situés près de la côte sud de Ia Tasmanie ; mais on ne sait rien de positif à ce sujet. | Le seul Albatros qui niche dans l’hémisphère nord est le Diomedea brachyura, et e’est peut-être à cause de cette circon- stance plutôt qu’à raison de ses caractères propres que quel- ques auteurs ont cru devoir en former un genre particulier auquel ils ont donné le nom de Phæbastria, mais en réalité il ne diffère du Diomedea exulans par aucun caractère impor- tant. Le prince Charles Bonaparte, qui était très bon appré- ciateur des affinités naturelles en ormthologie, le range dans le sous-genre dont cette espèce est le principal membre. Je serais même très disposé à aller plus loin, et à ne le considérer comme n'étant qu'une race ou variété locale dérivée de Albatros errant dont je viens de parler. C’est dans les mers de la Chine que les Albatros à courte queue sont les plus communs; et la seule station de repro- duction qu’on leur connaisse est un îlot désert, appelé l'ile Wake, et situé sous le 20° parallèle nord, à distance à peu près égale des îles Sandwich et des îles Mariannes (2). Mais ils s'étendent fort loin vers le nord ainsi que vers l’est et même au sud, car ils ont été trouvés sur les côtes du (4) Gould, Birds of Australia, t. VII, pl. 40. (2) Des œufs du Diomedea brachyura ont été trouvés dans cette localité par l’expédition américaine sous le commandement de Wilkes. Peale, Mamm. and Ornithology, p. 290 (U. S., Exploring Expedition). ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 11 Kamitschatka (1), de l’Orégon (2) et de l'Australie (3). Ils sont communs autour des îles Sandwich (4). Cette grande dispersion d'oiseaux pélagiens à ailes immen- ses, dans une région où les vents dominants soufflent fré- quemment du sud-ouest, n’a rien qui doive nous surprendre et ne soulève aucune objection contre l'hypothèse de l’origine de la famille diomédéenne dans la zone australe. En effet, on conçoit sans difficulté, non seulement que des individus soli- taires puissent être entrainés au loin par les ouragans, mais aussi que des bandes d’Albatros aient pu être emportées de la sorte depuis la mer du Sud jusque dans l'Océanie septentrio- nale. Là, trouvant desstations favorables, telles que l’île Wake, ces troupes peuvent y avoir formé des colonies dont les émi- grants se seraient avancés ensuite jusque dans les eaux de la Chine, du Japon, du Kamtschatka, de l’Orégon et de la Cali- fornie. On conçoit aussr que des Albatros établis à une si grande distance de leur lieu d’origine, de l'ile Campbell, de Kerguelen et de Tristan d’Acunha, par exemple, aient pu, sous l'influence de conditions biologiques nouvelles, subir à la longue les légères modifications qui distinguent les Alba- tros à queue courte de leurs ancêtres présumés. Ils ont, il est vrai, le bec plus allongé, moins fort et à bord frontal presque droit, les parties noires de l’aile se prolongent davantage vers l'épaule et les pennes caudales sont moins développées, mais aucun de ces caractères n’a assez d'importance pour impliquer une différence originelle entre ces oiseaux et le Diomedea exu- lans. Plusieurs autres espèces ou variétés d’Albatros ont été ren- contrées dans diverses parties de l'océan Pacifique et elles ont été désignées par les ornithologistes sous des noms différents. (1) Pallas, Spicilegia zoologica, fasc. V, p. 28 (d’après Steller). — Beechey, Narrative of a voyage to the Pacific and Bering Straits, p. 236 (Ge naviga- teur le confond avec le D. exœulans.) (2) Cassin, Illustrations of the Birds of California, etc., p. 291, pl. 50 (1856). (3) Gould, Birds of Australia, t. VIF, pl. 39. (4) Dole, List of Birds of the Hawaiian Islands, p. 17 (Honolulu, 1870) 19 ALP. MILNE EDWARDS. Mais on ne connaît pas les lieux de reproduction de ces oiseaux pélagiens, et leur mode de distribution géographique ne pré- sente rien de particulier, par conséquent il me paraît Inutile de m'y arrêter ici. J’ajouterai seulement que, dans cette famille naturelle, les variations de couleur sont en général très considérables aux différents âges d’un même individu (1). Il y a souvent une livrée intermédiaire qui ne ressemble ni au plumage du premier âge, n1 à celui de l’oiseau complètement adulte, de sorte qu'avant la constatation de ces changements le Diomedea exulans à plumage intermédiaire a été considéré comme étant spécifiquement distinct du Diomedea exulans adulte et a été désigné sous le nom de Diomedea spadicea (2), et il est probable que d’autres erreurs du même genre ont été commises. $ 3. En résumé, nous voyons que les Albatros, de même que les Manchots, appartiennent essentiellement à la zone froide de l'hémisphère austral (3). Nous avons constaté que leurs prin- cipaux foyers de reproduction sont les mêmes que pour ces oiseaux apténiens, mais que, pourvus de moyens de locomotion \ (4) Ainsi Gould a appelé Diomedea gibbosa un Albatros qui ne diffère que peu du D. melanophrys, mais qui présente quelques particularités dans les proportions des diverses parties du bec et dans l'étendue des parties blanches de la région dorsale. Cet oiseau a été capturé dans l’océan Pacifique septentrional (Gould, Annals and magazine of natural history, 1844, t. XIE, p. 361). de citerai aussi le Diomedea olivaceorhynchka du même auteur (op. cit., Ann. and mag. ofnat. hist., 1844, t. XII, p. 361), ou D. olivaceirostris de Ch. Bonaparte «Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1859,t. XLI, p.768.)Le Diomedea gilliana de M. Elliott Coues (Proc. of the Acad. of nat. sc. of Philadelphia, 1866, p. 181). Cette espèce paraît tenir à la fois du Diomedea exulans, du D. melanophrys et du D. fuliginosa : sa provenance n’est pas connue. Le Dio- medea leptorkyncha du même auteur (op. cit., p. 178) paraît être une variété du D. brachyura; on ne connaît pas sa patrie. (2) Gmelin, Systema naturæ Linnei, édit. 43°, vol. I, p. 568. — Chocolate Albatros, Cook, Voyage, t. IE, p. 116. — Carmichael, op, cit. (Trans. Linn. Soc.,t. Il, p. 489). (3) Ge paragraphe et la fin du précédent ne se trouvent pas dans le MENTON présenté à l’Académie en 1873. ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 13 puissants dont ces derniers sont privés, ils se sont étendus sur une partie beaucoup plus considérable de la surface du globe. Nous savons que, si dans l'océan Atlantique ils ne se sont avancés que très peu dans la zone torride, dans l’océan Paci- fique ils ont franchi cette limite et ont peuplé les terres tempé- rées comprises entre la Chine et la Californie. La température élevée des mers tropicales semble être un obstacle à leur progression vers le nord dans l’océan Atlantique, et si ces oiseaux se comportent autrement dans l’océan Paci- fique, cela dépend probablement d’une réunion de circonstan- ces favorables à leurs migrations. Au nombre de celles-ci se placera, au premier rang, le développement fréquent de cou- rants atmosphériques d’une violence extrême, qui sont pres- qu'inconnus ailleurs et qui peuvent entraîner au loin avec une vitesse vertigimeuse les oiseaux pélagiens et particulièrement ceux dont le corps est léger et Les ailes extrêmement grandes. Les cyclones qui balayent la surface des mers comprises entre le cap de Bonne-Espérance et la Papouasie sont des agents de transport d’une puissance irrésistible, et l’on conçoit facile- ment que souvent ils puissent emporter les Albatros loin de leur patrie originaire. Les individus jetés de la sorte dans le nord de l’océan Indien n’y peuvent trouver de stations favora- bles à leur multiplication où même compatibles avec leur genre de vie; ils doivent périr sans perpétuer leur espèce. Mais plus Het vers l’est, où l’espace ne leur manque pas pour fuir devant le vent, ils peuvent, dans certains cas, dépasser assez vite la zone équatoriale, pour ne pas avoir à souffrir de la chaleur qui y règne et gagner dans l’océan Pacifique septen- trional des stations en rapport avec leurs besoins. C’est appa- remment de la sorte que les individus solitaires rencontrés par divers naturalistes voyageurs sur la côte nord-ouest de l'Amé rique septentrionale y sont parvenus, et que des bandes FEPAE tées dans une direction un peu différente ont pu fonder la grande colonie avienne dont sortent les nombreux Albatros brachyures répandus dans les mers de la Chine, du Japon et des Philippines. ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1881. XII. 23 — ART. N° 1. 14 ALPH. MILNE EDWARDS. Mais ces données fournies par la météorologie ne suffisent pas pour expliquer toutes les différences que nous offre le mode de distribution géographique des Albatros. Il est une partie considérable de l'océan Pacifique austral où les navi- gateurs n’en aperçoivent presque jamais et où leur absence ne saurait être attribuée ni à la température, n1 à la direction des vents régnants. C’est cette vaste étendue de mers comprise entre les îles néo-zélandaises et l'extrémité sud des terres américaines qui dans les cartes jointes à ce mémoire est dési- gnée sous le nom de région inhabitée. Il me semble également impossible d'attribuer à des diffé- rences de température le changement brusque que présente la faune avienne, lorsque, dans l’océan Atlantique en se dirigeant vers le cap de Bonne-Espérance, on dépasse le 30° degré de latitude sud. Quand on approche de ce parallèle, on aperçoit quelques Albatros, mais aussitôt après lavoir franchi on en rencontre à chaque instant, et cette particularité, de même que la délimitation orientale du domaine de ces oiseaux péla- giens, me semble devoir être en relation intime avec le mode de distribution géographique des animaux marins sédentaires ou presque sédentaires dont ils se nourrissent. D’après ce que les navigateurs racontent de leurs mœurs, les Albatros paraissent ne pas avoir l’habitude de plonger à la poursuite des poissons. Ils ne se repaissent que de mollus- ques nus, de méduses ou de débris d'animaux morts flottant accidentellement à la surface de la mer. Lorsqu'on ouvre leur estomac, on n’y trouve que des matières molles provenant d'aliments de ce genre, et par conséquent leur présence dans telle ou telle région de l’Océan doit être subordonnée, non seulement à la température locale, mais aussi à la nature de sa faune pélagienne. A ces grands oiseaux il faut non seu- lement de nombreux animaux mous, mais il faut aussi que la mer ne soit généralement pas très agitée, car c’est seulement par les temps de calme que les invertébrés nageurs se montrent à la surface de l’eau. Nos connaissances relatives au mode de distribution géogra- ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 45 phique de ces animaux inférieurs sont trop incomplètes pour que, dans l’état actuel de la science, 1l soit possible d'entrer dans des détails au sujet de l’influence exercée de la sorte sur la délimitation des parties de la surface du globe fréquentées par les oiseaux dont je viens de m'occuper. Ge que nous en savons suffit cependant pour montrer que, dans la discussion de questions de cet ordre, il faut tenir grand compte des res- sources alimentaires offertes par les diverses régions maritimes. Ces considérations sont d'ordinaire laissées beaucoup trop de côté par les ornithologistes. CHAPITRE IV. — LES STERCORAIRES, LES GOÉLANDS ET LES HIRONDELLES DE MER (1). K1: Les îles et les autres terres antarctiques où les Manchots et les Albatros se multiplient sont fréquentées aussi par les Ster- coraires. Ges Palmipèdes de moyenne taille diffèrent beau- coup par leurs mœurs ainsi que par leur conformation des types aviens dont j'ai déjà parlé et ils appartiennent au petit groupe des Lestrides, subdivision de la famille des Goélands dont plusieurs membres habitent les parties froides de l’hémi- sphère boréal, et dont les caractères zoologiques sont assez gé- néralement connus pour qu'il me paraisse inutile de les rap- pelerici. Ces oiseaux, très voraces, vivent de rapine plutôt que de chasse et de pêche, et ils sont, même pour les Albatros, des ennemis redoutables, car ils dévorent leurs œufs en grand nom- bre ; mais la particularité la plus remarquable de leurs mœurs consiste dans la manière dont ils harcèlent par derrière divers oiseaux piscivores pour leur faire dégorger les aliments dont ceux-ci viennent de s’emparer et pour s’en repaitre. Ce sont ces manœuvres, mal comprises et mal interprétées qui leur (1) La rédaction de ce chapitre et des suivants a été profondément modifiée depuis la présentation de ce travail à l’Académie, en 1873. 16 ALPH. MILNE ED\WADS. ont valu dans le Nord le nom de Chasse-fientes et de Sterco- raires (1). Quelques ornithologistes ont cru devoir les consi- dérer comme constituant deux genres naturels et ont con- servé ce dernier nom pour les espèces à longue queue, tandis qu'ils appliquent aux autres représentants de ce type celui de Duphagus employé d’une manière plus générale par un auteur du siècle dernier mais n'ayant plus cours dans le langage scientifique (2). D'ailleurs, je n’ai pas à examiner 11 la valeur de cette opinion, car la partie du globe dont nous étudions la faune avienne ne possède que des Stercoraires brévicaudes. Ces Lestrides sont très répandus dans toute la région an- tarctique, et ils diffèrent si peu du Stercoraire cataracte des (1) Les pêcheurs les appellent Stund-Jægers (chasseurs de fiente), expression d’où dérive le nom de Stercoraires sous lequel, en 1760, Brisson désigna le groupe générique constitué par ces Oiseaux (Ornithologie, t. VI, p. 149). Pré- cédemment, Willughby avait appelé Palmipèdes ravisseurs les Cataractes (Willughby et Ray, Ornithologie, p. 265, 1676), et il fut imité par Brünnich (Ornithologia borealis, 1764), et, dès l’année 1752, Môrhring avait créé pour le même genre le nom de Buphagus, dont l’étymologie est analogue (Avium genera, p. 66). Enfin, à une époque plus récente, Illiger en à. formé le genre Lestris, dont l’origine est presque la même (Illiger, Prodro- mus Systemalis Mammalium et Avium, p. 272, 1811). J’ajouterai que les marins anglais les appellent communément Skua-qulis, ou simplement Skua (Hoier, Ap. Clusius Exoticorum libri decem, p. 369, 14605. — Fleming, Hist. of British animals, p. 137). Le nom de Labbes employé dans la même accep- tion par Raffinesque, dérive du mot Lab dont les pêcheurs suédois font usage. Pour comprendre les écrits dans lesquels il est question de ces oiseaux, il faut avoir présente à l’esprit cette nomenclature assez confuse. (2) Aujourd'hui, les ornithologistes américains réservent le nom générique de Stercorarius pour les Lestrides à longue queue, tandis que les espèces à courte queue constituent, dans leur système de classification, le genre Buphagus (Elliott-Coues. On the Lestris Richardsoni of Swainson, with a critical review of the subfamily Lestridinæ, in Proceedings of the Academy of natural sciences of Philadelphia, 1863, p. 124, Kidder, Contributions to the natural history of Kerguelen Island, in Bulletin of the U.S. National Museum, n° 1, p. 9. 1875). Je rappellerai aussi que le prince Ch. Bonaparte a proposé de désigner cette subdivision sous le nom de WMegalestris ou de Stercorarius, et de réserver le nom de Lestris au groupe formé par les espèces à longue queue (Conspectus Avium, t. I, p. 206); mais M. Saunders et M. Sharpe ne considèrent pas ces sections comme ayant une valeur générique et ils conservent à tous ces oiseaux le nom de Stercorarius (Saunders, On the Stercorarinæ or Skua-Gulls, Pro- ceedings of the Zoological Society of London, 1876, p. 317). ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. | 47 mers boréales que plusieurs ornithologistes habiles déclarent ne pouvoir les en distinguer spécifiquement. M. Schlegel pense que ce sont de simples variétés d’une seule et même espèce (1), et Gould, qui d'ordinaire pousse très loin les divisions spécifiques, professe la même opinion (2); mais M. Saunders qui à fait récemment une étude très attentive de la question et qui a eu à sa disposition des éléments d'étude plus abondants que ceux possédés par ses prédécesseurs, est d’un avis différent. À lexemple de Lesson, il donne aux Stercoraires rencontrés pour la première fois dans le sud de l'océan Atlantique, aux îles Falkland, le nom de Sfercorarius antarcticus (3). J’ajouterai que la plupart des ornithologistes de nos jours classent de la même manière ces oiseaux, et que n’ayant pas sous les yeux un nombre suffisant d'exemplaires du Sfercora- rius calaractes de nos mers pour apprécier l’étendue des variations dont il est susceptible, je m’en rapporte au jugement de cet auteur. Il est utile de remarquer que des désignations spécifiques particulières ont été données à certains Stercoraires de l’hé- misphère austral, qui diffèrent un peu des représentants du même groupe dont je viens de parler et qui figurent dans nos catalogues méthodiques sous les noms de Sfercorarius chi- lensis (4) et de Stercorarius magellanicus (5). (1) M. Schlegel dit formellement qu'entre les Stercoraires des mers du Nord et ceux des mers du Sud, il n’y a pas de différence (Muséum d'histoire natu- relle des Pays-Bas, Lari, p. 46, 1865). (2) Les différences entre le Stercoraire de la région australienne et le Lestris cataractes de nos mers sont si faibles, que j'ai été forcé, dit Gould, de les considérer comme appartenant à la même espèce (Birds of Australia, t. VII: Explication de la planche 21). MM. Sclater et Salvin disent aussi que la distinc- tion spécifique entre le Skua du Nord et le Stercoraire antarctique leur paraît très douteuse, mais que, n’ayant pas sous les yeux un nombre suffisant d’exem- plaires pour trancher la question, ils n’osent rien affirmer à cet égard (A revised list of neotropical Laridæ. Proc. of the Zool. Soc., 1871, p. 580). (3) Lesson, Traité d'Ornithologie, p. 616. (4) Ch. Bonaparte, Conspectus generum Avium, p. 207, 1857. — Sharpe, Birds collected by the Alert (Proceed. Zool. Soc., 1881, p. 17). (5) Ch. Bonaparte, op. cit., p. 207. 18 ALPH. MILNE EDWADS. Les oiseaux de ce genre, de même que les Manchots et les Albatros, se répandent très loin vers le pôle sud, et ils semblent n'être arrêtés que par la barrière que les glaces éternelles for- ment dans ces parages. Le capitaine Ross a trouvé que les Stercoraires habitent l’île Franklin, située près de la terre Victoria par delà le 76"° degré de latitude australe (1), il en a aussi constaté l'existence plus à l’est sur la terre Louis- Philippe, fort loin au sud du cap Horn (2). D’autres voyageurs avaient signalé leur présence sur la terre de Palmer (3) et sur divers points de l’archipel feugien (4). Ces oiseaux nichent en grand nombre aux Falkland, et ce fut à raison de leur abon- dance sur l’un de ces îlots que déjà au dix-huitième siècle les matelots anglais les appelaient les Poules du port Egmont (5). Ils fréquentent aussi l’île de Tristan d’Acunha (6); parfois, ils se montrent sur la côte du continent africain près du cap de Bonne-Espérance (7), mais ils ne s’y établissent pas etils y viennent de l’île du Prince-Edouard où ils ont une de leurs principales stations de reproduction (8). Ils nichent aussi à (1) Ce navigateur a trouvé des Stercoraires sur plusieurs autres points dans les mêmes parages (Voyage in the Southern and antarctic regions during the years 1839-1843, t. I, p. 215 et suivantes). (2) J. C. Ross, op. cüit., t. Il, p. 420. (3) Fanning, Voyages round the World, p. 439 (1834). -— Weddell, op. cit., p. 144. (4) G. Forster, À voyage round the World, t. 11, p. 484 et 493. — Cassin, Mammalogy and Ornithology (United states exploring cxpedi- lion, n. 450. — Gay, Historia de Chile, t. 1, p. 480. — Quoy et Gaimard, Voyage de l'Uranie, Zoologie, p. 168. — Abbott, op. cit. (Ibis, 1860, t. II, p. 338.) — Sclater, Catalogue of the Birds of the Falkland Islands (Proceedings of the Zoclogical Society, 1860, p. 390). (5) Le port Egmont est l’une des baies de la côte nord de la grande île occi- dentale de l'archipel Falkland. (6) Carmichael, Some account of the Island of Tristan d’'Acunha and ils natural productions (Transactions of the Linnean Society, t. XI, p. 497, 1817). (7) E. L. Layard, The Birds of South Africa, p. 366, 1867. (8) Hutton, Notes on some Birds inhabiting the Southern Ocean (The Ibis, 1865, 2° série, t. I, p. 277). ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 19 Kerguelen (1), à l’île Saint-Paul (2); ils sont fort nombreux dans cette dernière localité où les pêcheurs les désignent sous le nom de Poules-mauves ; 1s paraissent ne jamais abandon- ner l’île et n’émigrent pas pendant la mauvaise saison, c’est- à-dire en mai et en juin, quand la neige couvre les sommets. Leur voracité est extrème et ils font un grand carnage du petit Pétrel bleu (Prion vittatus) dont ils dévorent seulement les entrailles. M. Velain a observé aussi ces Stercoraires à l’île Amsterdam (3). On les a vus à l’île Auckland (4) et à l’île Cam- pbell (3). Ils visitent souvent la côte sud de la Tasmanie (6) ; de loin en loin, ils s’avancent jusqu'à la Nouvelle-Zélande (7) et ils se montrent même à l’île Norfolk (8); vers l’est, ils michent aux îles Chatham (9), mais on n’en voit pas plus loin au nord vers l'Océanie. Enfin, à peu près sous le méridien des îles Crozet, le capitaine Cook et son compagnon de voyage Forster rencontrèrent des Stercoraires ou poules du Port-Egmont, au milieu des îles de glace dans le cercle polaire du sud (10). (1) Larus cataractes, Forster, Descriptio animalium. p. 312. — Lestris cataractes, Hutton, op. cit. (Ibis, 1865, p. 277). — Buphagus antarcticus, Elliott-Coues. Proceedings of the Acad. of nat. sc. of Philadelphia, 1863, p. 127. — Kidder, Contributions to the natural history of Kerguelen island (Bulletin of the U. S. national Museum, n° 2, p.9, 1875). — Sharpe, Birds of Kerquelen (Philosophical Transactions, t. CLXVIIT, p.110). (2) A. von Pelzeln, Vogel. Novara Exped. Zool., t. 1, p. 150. — Velain, Recherches sur la faune des îles Saint-Paul et Amsterdam, p. 56. Thèse de la Faculté des sciences, 1878, p. 52. 3) Velain, op. cit., p. 96. (4) Ross, op. cit., t. I, p. 149. (3) Collections rapportées au Muséum d'histoire naturelle par M. H. Filhol. — Gray, Zoology of the voyage of the Erebus and Terror, Birds, p. 18. — Ch. Bonaparte, Conspectus, t. I, p. 207. — Gould, op. cit. (6) Gould, Birds of Australia, t. VIE Expl. de la planche 21. (7) Gray, Fauna of New-Zealand (Diffenbach, Travels in New-Zealant, t. IT, p. 200). -- Buller, Birds of New-Zealand, p. 267. (8) Saunders, On the Stercorariinæ (Proceed. Zool. Soc., 1876, p. 322). (9) Hutton, Note on some Birds from Chatham Island (The Ibis, série 5, t. Il, p. 248, 1872). — Travers, On the Birds of Chatham islands (Transactions of New-Zealand institute, t. V, p. 218). (10) Cook, Voyage dans l'hémisphère austral sur les vaisseaux l’Aventure el la Résolution, t. 1, p. 123. — Forster, A voyage round the World, t. V, p. 109. 20 ALPH. MILNE EDWARDS. En résumé, nous voyons donc que dans la partie froide de la région antarctique les Stercoraires font le tour du globe, car l’île Campbell ainsi que les autres points dont Je viens de faire mention en dermer lieu, se trouvent à peu près sous le même méridien que la terre Victoria qué J'ai prise comme point de départ däns cette énumération. Tous ces Stercoraires se ressemblent beaucoup, cependant suivant les parties de la région antarctique dont ils provien- nent, ils offrent sous le rapport de la taille, de la teinte du plumage et de la grosseur du bec, certaines particularités qui semblent être caractéristiques de plusieurs races distinctes. M. Saunders les considère même comme pouvant motiver une distinction spécifique entre les représentants de ce type qui habitent la côte occidentale de l'Amérique du Sud, et ceux qui vivent dans les parties australes de l’océan Atlantique et de océan Sud-Pacifique. Gette opinion peut paraitre fondée quand on se borne à comparer entre eux les Stercoraires de la côte chilienne et ceux de Kerguelen, mais elle ne me semble pas être en accord avec les résultats fournis par l’examen de l’ensemble de ces oiseaux recueillis sur toutes les stations qu’ils occupent. | Les Stercoraires de l’île Campbell dont le Muséum d’his- toire naturelle possède une belle série provenant du voyage de M. Filhol, se font remarquer par leur grande taille, la forme de leur bec et la teinte sombre de leur plumage. Chez les individus mâles adultes, la longueur totale, mesurée de la pointe du bec jusqu’à l'extrémité de la queue en suivant la ligne médiane du dos, varie entre 70 et 72 centimètres ; les femelles sont un peu moins grandes. Le plumage est d'une couleur brune tirant sur le noir grisâtre et plombé, plutôt que sur le noir roussâtre; chez les femelles, les côtés et le dessus du corps sont moins foncés, et les plumes de la poitrine sont faiblement lisérées de brun pâle. Sur le dos, 1l y a aussi quelques plumes dont le bord est d’un blanc grisâtre, et l’on peut se former une idée très exacte de l'aspect de ces individus par la figure que Gould a donnée ARTICLE N° 7, FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 91 d’un de ces oiseaux provenant de la côte sud de la Tas- manie. Les Stercoraires provenant de l’île Saint-Paul dont le Mu- séum possède aussi plusieurs exemplaires, sont moins grands que ceux de l’île Campbell, mais ils offrent à peu près le même mode de coloration. Les individus rapportés des îles Falkland par Quoy et Gaimard et d’après lesquels Lesson a établi Pespèce appelée Stercorarius antarcticus, sont notablement plus petits que les précédents et le plumage est à la fois moins foncé et plus roussâtre, ainsi qu’on peut le voir par la figure coloriée pu- bliée dans l’atlas du Voyage de l'Uranie (A). D’autres individus provenant du même archipel étexaminés par M. Saunders pa- raissent offrir à peu près les mêmes teintes effacées (2). Un Stercoraire provenant du voyage de l’Asfrolabe et de la Zélée et recueilli sur les terres magellaniques, à tout le dessous de la gorge et du corps roussâtre; sur les côtés du cou les plumes sont striées en long par des lignes blanchâtres; il établit ma- nifestement le passage entre la variété à plumage terne des Falkland et la variété à plumage beaucoup plus roux figurée par M. Saunders sous le nom de Sfercorarius chilensis d’après un exemplaire tué sur la côte occidentale de l'Amérique à Mejillones par 23°,5 de latitude sud (3). Les Stercoraires que le prince Charles Bonaparte a examinés au musée de Berlin, et que cet auteur a appelés Séercorarius antarcticus chilensis (4), paraissent ne se distinguer en rien de celui représenté par M. Saunders. Enfin, l'oiseau trouvé dans le détroit de Magellan par M. Cunningham et désigné par MM. Sclater et Salvin sous le nom de Lestris antarctica (5), pa- rait devoir être rapporté aussi à cette espèce ou variété à plu- mage roux (6). Les différences semblent donc augmenter avec (1) Voyage de l’Uranie. Zool, atlas, pl. 38. (2) Saunders, loc. cit., p. 322. (3) Saunders, op. cit. (Proceed. Zool. Soc., 1876, pl. 27). (4) Ch. Bonaparte, Conspectus Avium, t. II, p. 209. (5) Sclater and Salvin. List of Birds (The Ibis, 1869, p. 284). (6) Saunders, loc. cit., p. 323. 29 ALPH. MILNE EDWARDS. les distances géographiques (1), et, à ce sujet, je rappellerai que M. Saunders à remarqué d’autres particularités de colora- tion sur les plumes des Stercoraires rapportés de la mer Gla- ciale par le capitaine Ross (2) et déposés dans la collection ornithologique du Musée britannique (3). Il est aussi à noter que le Stercoraire de Madagascar dont le prince Ch. Bonaparte a fait mention est beaucoup plus petit que les autres repré- sentants du même type générique provenant de la zone antarc- tique, et qu’en dessous, au lieu d’être d’un gris plombé, il est d’un brun roux bien caractérisé (4). Dans la région atlantique, les Stercoraires à courte queue dont on a proposé de former le sous-genre Buphagus ne des- cendent guère au-dessous du 30° degré de latitude sud, etaucun représentant de ce groupe ornithologique ne se montre dans celte partie dela zone équatoriale ; mais dans l’océan Atlantique boréal il existe, ainsi que je l’a1 déjà dit, des Lestrides fort semblables à ceux dont je viens de parler, bien que dans la plupart des méthodes zoologiques, ils portent un nom spécifi- que différent. Ge sont les Sfercorarius cataractes qui nichent sur les îles comprises entre la Norvège, l'Islande et le nord de l’Ecosse, et qui parfois se montrent non seulement sur les côtes du continent européen, jusque dans le voisinage du détroit de Gibraltar, mais aussi sur le littoral marocain. Ils ne fréquentent pas les parties occidentales de l’océan Atlantique, mais leur présence a été signalée sur divers points de la côte opposée du continent américain, notamment en Californie. (1) Pour se former une idée nette de ces graduations de couleur chez les Stercoraires, en allant de l’est à l’ouest dans la région australienne, jusque dans le voisinage du Pérou, il suffit de comparer entre elles les figures de trois de ces oiseaux donnés : 1° par Gould; 2° par Quoy et Gaimard; 3° par M. Saunders. (2) Ces Stercoraires, dit M. Saunders, ont une sorte de collier d’un jaune d’or (op. cit., p. 322). (3) Gray, List of the specimens of Birds in the Collection of the British Museum, part. I, p. 168. (4) Conspectus Avium, t. II, p. 207. L'oiseau en question a été rapporté de Madagascar, en 1834, par Bernier. M. Saunders pense que ce Stercoraire a été apercu aussi aux îles Comores (op. cit., p. 322), ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 93 Ces Stercoraires de l’hémisphère nord sont un peu moins grands que les Stercoraires antarctiques provenant de Camp- bell, de Kerguelen et des stations adjacentes; ils ont le bec moins gros et d’une forme un peu différente ; enfin leur plu- mage est plus brun et coloré d’une manière moins uniforme. Aujourd’hui la plupart des ornithologistes s'accordent pour attribuer à ces différences une valeur spécifique. Quoi qu’il en soit à cet égard, les Stercoraires de la région magellanique et du littoral chilien établissent un passage entre ces deux formes extrêmes, et, ainsi que l’a très bien fait remarquer M. Saunders, les Stercoraires de la région sud-américaine ressemblent aux Stercoraires cataractes des mers boréales plus qu’aux Ster- coraires antarctiques de l’océan Indien austral (1). À raison de la tendance générale des faits fournis par la dis- tribution géographique de ces oiseaux, on est donc conduit à se demander si le Sfercorarius antarcticus, le Stercorarius madagascariensis, le Stercorarius chilensis et le Stercorarius cataractes ne seraient pas autant de races ou de variétés lo- cales, issues d’une souche commune et appartenant à une même espèce physiologique. J’incline à le croire, mais, dans l’état actuel de nos connaissances, il serait imprudent de se prononcer sur cette question. Si l’on adoptait cette manière de voir, il faudrait chercher quelle a pu être la patrie originaire de ce type avien. Les Stercoraires antarctiques sont-ils une colonie des Stercoraires cataractes du nord, ou ceux-ei sont- ils au contraire descendus des premiers ? Cette dernière hypothèse me paraît la plus probable, car le Stercorarius cataractes est peu répandu dans l’hémisphère boréal (2) et il paraît ne pas y prospérer beaucoup, car depuis quelques années le nombre de ces oiseaux a tant diminué aux îles Féroé et aux îles Shetland, que M. Saunders considère leur extinction complète comme devant être probablement très prochaine (3). (1) Saunders, op. cit., p. 324. (2) Saunders, op. cit., p. 320. (3) Saunders, op. cit., p. 421. 24 ALPH. MILNE EDWARDS. À l’époque actuelle, les lieux de reproduction des Sterco- raires de l'hémisphère sud et des Stercoraires du nord sont si éloignés les uns des autres, qu'il serait difficile de croire que ces oiseaux aient pu émigrer de la région antarctique pour aller s'établir dans la région boréale où vice versa, mais à l’époque glaciaire le voyage aurait été moins long. Nous savons que pendant cette période géologique les climats froids s’éten- daient très loin vers la région équatoriale et qu’à l’âge du Renne il y avait dans le centre de la France des oiseaux qui de nos jours sont confinés dans le voisinage du cercle polaire ; le Harfang et le Tétras des saules, par exemple (1). En résumé, nous voyons donc que les représentants de ce genre, les plus grands, les mieux armés et les plus mélanisés, habitent l’île Campbelletles stations adjacentes ; qu’à Säint-Paul et à Kerguelen, ces oiseaux présentent à peu près les mêmes caractères, mais que plus loin vers le nord, dans les parages de Madagascar, ainsi qu'à l’ouest dans archipel falklandien, ils sont moins robustes et que leur plumage est moins foncé ; que dans l’archipel magellanique leur couleur est plus rous- sûtre, et que sur les côtes du Chili et de la Bolivie ils offrent en dessous une teinte plus vive. Nous remarquons enfin que l’es- pèce ou race boréale appelée Srercorarius cataractes, égale- ment moins grande que les Stercoraires de la région indienne des mers antarctiques, a le bec moins gros proportionnelle- ment à sa taille et le plumage d’un brun plus roussâtre, comme si l'espèce originaire de la partie orientale de la régioi antarc- tique s'était modifiée graduéllément en $’étéendant au nord et à l’ouest, et avait subi des changements du même ordre en pas- sant le long de la côte occidentale de l'Amérique, pour gagner les mers boréales. Je ferai rémarquer aussi que les Sterco- räires antarctiques de l’île Saint-Paul, transportés sous notre climat ne semblent pas y souffrir (2), mais que leur plu- (1) Alph. Milne Edwards, Oiseaux fossiles, t. IL, p. 503. (2) La ménagerie du Muséum d'histoire naturelle a reçu de M: Velain, en 1875, une paire de ces Oiseaux provenant de cette localité, et l’un de ces individus était encore vivant en 1880; l’autre est mort l’année dernière. ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES, 95 mage s’éclaircit notablement au bout de quelques années. J'inclinerais donc à croire que le type avien dont tous ces Lestrides sont des dérivés, appartenait originairement à la * faune antarctique, et que ses représentants auraïent émigré vers le nord en longeant la partie américaine de l'océan Pacifique. Si J'avais à traiter ici du mode de distribution de tout le groupe des Lestrides, il me faudrait examiner attentivement les relations zoologiques qui existent entre les Stercoraires désignés par quelques naturalistes sous le nom de Megalestris, et les espèces de taille plus réduite qui s’en distinguent par l'allongement des pennes médianes de la queue, ainsi que par quelques autres caractères de médiocre importance et qui se trouvent disséminés sur diverses parties de l'Amérique, de l’Europe et même du littoral occidental de l'Afrique, jusqu'au voisinage du cap de Bonne-Espérance (1); 1l faudrait chercher aussi à relier entre eux les Stercoraires du nord et les Sterco- raires antarctiques, mais cette étude me détournerait de mon but actuel et par conséquent je ne l’aborderai pas. 6 2. Les Stercoraires ne sont pas les seuls oiseaux du groupe des Larides qui habitent les régions antarctiques. Le type d’où dérivent nos Goélands et nos Mouettes, ou Mauves, a aussi des représentants dans cette partie du globe ; mais ces grands voi- liers y sont moins abondants et moins variés que dans le nord et ils n’offrent aucune particularité importante à noter. On n’est qu'incomplètement renseigné relativement à leurs stations de reproduction, et les ornithologistes sont très divisés (1) Le Stercoraire de Brisson, ou Lestris crepidatus (appelé aussi Lestris Cephus, L. Richardsonie, L. asiaticus, etc.\, niche au Spitzherg ainsi que sur d’autres points de la région arctique et même sur les côtes de l’Irlande. I] fréquente la Méditerranée, et se montre sur la côte ouest de l'Afrique jusque dans le voisinage du cap de Bonne-Espérance, et il paraît ne pas être rare (aus l’ouest de locéan Indien, jusque sur la côte de Bombay. Enfin, il fréquente également la côte occidentale de l'Amérique, depuis l'Alaska jusqu’au Callao, et sa présence a été signalée à la Nouvelle-Zélande ainsi que sur les côtes du Brésil. (Voy. Saunders, loc. cit., p. 330.) | 26 ALPH. MILNE EDWARDS. d'opinion au sujet du degré de parenté zoologique qu'ils peuvent avoir entre eux. D'après G. R. Gray (1), Ch. Bona- parte (2), Bruch (3) et quelques autres naturalistes, ce type scrait représenté dans l'hémisphère austral par un nombre considérable d’espèces qui appartiendraient même à trois ou quatre genres différents (4). Mais la plupart de ces distinc- tions sont nominales seulement et ne correspondent qu’à des variétés de faible importance, ou même elles ne résultent que de doubles emplois. En effet, les Goélands ou Mouettes des régions australes pa- raissent ne constituer que trois espèces bien caractérisées : le Larus dominicanus, le Larus scopulinus et le Larus Scoresbir. Déjà en 1863, M. Schlegel émettait une opinion analogue (5). et les études récentes faites d’un côté par M. Elliott-Coues et d'autre part par M. Saunders et par M. Sharpe, à l’aide des col- lections nombreuses dont les Musées d'Amérique et d’Angle- terre se sont enrichis, la confirment pleinement. Les collections formées à l’île Campbell par M. H. Filhol me conduisent même à aller plus loin dans cette voie et à me demander si le Larus dominicanus de l'hémisphère sud ne serait pas seulement une race particulière du Goéland à man- teau noir, qui habite nos mers et qui a été désigné par Linné sous le nom de Larus marinus (6). Dans quelques localités, notamment sur les rivages de la Nouvelle-Zélande (7), le Larus dominicanus et le Larus scopu- linus vivent à côté l’un de l’autre et nichent sans se mêler; circonstance qui corrobore leur séparation spécifique, fondée (1) G. Gray, Hand-list of the genera and species of Birds, t. III, p. 111-et suivantes. (2) Ch. Bonaparte, Conspecius Avium. (3) Bruch, Revision der Gattung Larus (Journal fur Ornithologie, 1855, t. I, p. 273). À (4) Dans le système ornithologique du prince Ch. Bonaparte, ées Goélands sont répartis dans les genres Gabianus, Dominicanus, Clupeilarus et Bruchi- gavia (Conspectus generum Avium, t. II, p. 212 et suiv.). (5) Muséum d'histoire naturelle des Pays-Bas, Lari, p. 12. (6) Linné, Systema naturæ, édit. 106, t. I, p. 136. (7) Buller, History of the Birds of New-Zealand. ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. DA? principalement sur des différences dans leur taille et dans leur mode de coloration. Dans d’autres stations, on ne rencontre que le premier de ces Goélands, par exemple à Kerguélen. Pendant les deux premières années de sa vie, son plumage est partout d’un brun plus ou moins grisâtre, marqué de stries blanchâtres, et la femelle conserve à peu près le même mode de coloration, mais le mâle devient peu à peu d’un blanc pur en-dessous, ainsi que sur la tête et dans toute la partie cervicale de son corps, et lorsqu'il est à l’état complètement adulte, la dispo- sition de son manteau noir varie beaucoup. M. Buller, qui a pu observer un grand nombre de ces oiseaux sur les côtes de la Nouvelle-Zélande, assure qu’on peut à peine en trouver deux qui soient tout à fait semblables entre eux sous ce rap- port, et que parfois on trouve des individus entièrement blanes (1). Il n’est done pas surprenant que les ornitholo- gistes européens qui n'avaient à leur disposition que peu d'individus aient, au premier abord, cru devoir multiplier parmi ces oiseaux les distinctions spécifiques. Mais aujour- d’hui ils s'accordent généralement à considérer le Larus littoreus de Forster (2), le Larus antipodus de Gray (3), le Larus vociferus de Burmeister (4), le Larus Azaræ de Ch. Bonaparte (5), le Larus fuscus d’Ellmann (6), et le Larus pacificus de Latham (7) comme ne devant pas être sé- (1) Buller, op. cit., p. 272. (2) Forster, Descriptio animalium, p. 46. (3) C. Gray, Catal. Anseres. British Museum, p. 169, 1844; Ibis, 1862, p 248. — Dominicanus antipodus, Bruch, op. cit. (Journ. fur Ornithologie, 1853, p. 100). — Clupeilarus antipodus. Ch. Bonaparte, Conspectus generum Avium, t. Il, p. 214. . (4) Burmeister, Ubersicht der Thiere Brasiliens, p. 448. (5) Ch. Bonaparte, Conspectus, t. 11, p. 214. — Larus Azarw, Pelzeln, Reise Novara, p. 151. (6) Ellmann, Zool., p. 741. (7) Pacific Gull, Latham, Supplement 2 to the general synopsis of Birds, p. 392. — Layard, Ibis, 1863, p. 245. Je dois faire remarquer néanmoins que M. Saunders, auteur d’une monogra- phie des Larides, qui a paru récemment, considère le Larus pacificus de 26 ALPH. MILNE EDWARDS. parés (1); cependant les représentants de ce type spécifique sont répandus dans presque toutes les parties de la zone tempérée ou froide de l’hémisphère sud, et ils nichent dans un grand nombre de stations où les conditions biologiques doivent différer considérablement. Ainsi le Larus dominicanus est commun aux environs du cap de Bonne-Espérance, où 1! fut observé pour la première fois en 1772 par Forster (2), et il niche sur les ilots de la côte occidentale du sud de lAfrique (3). Il habite aussi les iles Crozet (4) et Kerguelen (5). Son existence n’a pas été signalée à Saint-Paul. Mais, ainsi que je l’ai déjà dit, il est commun à la Nouvelle-Zélande (6) et à l’île CGhatham (7) ; on le trouve sur la côte sud de l'Australie et en Tasmanie, ainsi qu'à l'île Auckland (8) et à l’île Campbell (9). Dans la région sud-américaine, le Larus dominicanus niche à la terre Louis-Philippe (10), non loin du cerele polaire antarctique, ainsi que dans l'archipel magellanique (11), à Latham, comme se distinguant spécifiquement du Larus dominicanus (Saun- ders, on the Laridæ. Proceedings of the Zoological Society, 1878, p. 181). (1) M. Elliott-Coues, après avoir fait une étude attentive de ces oiseaux, s'exprime ainsi : « | have no faith whatever in the specitic distinctions which Bonaparte, Bruch and other have sought to establish among these form, and do not hesitate to bring them all under one head following Schlegel and Blasius (Bulletin U. S. national Museum, n° ®, p. 14). M. Sharpe a comparé, avec non moins de soin, les nombreux Goélands à manteau noir de lhémisphère austra appartenant à la collection du Musée britannique, et il déclare aussi n'avoir pu y découvrir aucune différence autre que celles attribuables à l’âge (Op. cit. Philosoph., Transactions, t. CLVIII, p. 108). (2) Forster, Voyage round the world, t. I, p. 50. (3) Layard, The Birds of South Africa, p. 267 (1867). (4) Darwin, Voyage of the Beagle, t. I, p. 442. (5) Coues, op. cit. (Bulletin United States national Museum, n° 2, p. 13). — Sharpe, 0p. cit. Phitosophical Transactions, t. CLXVIIT, p. 107. (6) Buller, Birds of New-Zealand, p. 2170. (7) Hutton, On some Birds from Chatham Island (The Ibis, 1872, t. I, p. 248). : (8) Gray, Voyage of the Erebus and Terror. Birds, p. 18. (9) Collections rapportées au Muséum par M. H. Filhol. (10) Mac Cormic; voy. Ross, op. cit., t. IL, p. 420. (11) Sclater et Salvin, List. (This, 1869, p. 284). ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 29 Falkland (4). Du côté ouest de l'Atlantique, il fréquente non seulement les Shetland du sud, les côtes de la Patagonie et la Plata (2), mais aussi les attérages du littoral brésilien (3) jusque dans le voisinage de Rio-Janeiro, près de la limite méridionale de la zone intertropicale (4); et du côté de l’océan Pacifique, il fréquente le détroit de Magellan, la côte de Pata- gonie (5), l'ile Chiloe, les environs de Valparaiso (6) et les îles Chinchas sur les côtes du Pérou (7). On a constaté parmi les Goélands de ces localités quelques petites différences, à raison desquelles des noms spécifiques particuliers ont été donnés à quelques-uns d’entre eux; mais ces distinctions ne paraissent avoir aucune importance zoolo- gique. Une Mouette moins grande que l’espèce dont je viens de parler a été rencontrée à l'extrémité sud-ouest de PAustralie, et elle a été désignée sous le nom de Larus Georgii (8). Le Muséum d'histoire naturelle en possède un bel individu rap- porté de ces parages par Quoy et Gaimard; mais après avoir comparé attentivement cet oiseau au Larus dominicanus (ou L. pacificus) des côtes de la Tasmanie, je suis disposé à parta- ger l’opinion des auteurs.qui le considèrent comme n’en dif- férant pas spécifiquement (9). La distribution géographique du Larus scopulinus est moins (1) Sclater et Salvin, Catalogue of the Birds of the Falkland island (Pro- ceedings of the Zoological Society, 1860, p. 390). — Abbott, Notes on the Birds of ihe Falkland island (the Ibis, 1861, p.165). (2) Dans cette partie de l’Amérique du Sud, ce Goéland pénètre assez loin dans l’intérieur des terres (Darwin, Voyage of the Beagle, Birds, p. 1492). (3) Traill, Descript. of a new species of Larus (Mem. of the Wernerian Soc, 1823, t. IV,:p: 516): (4) M. Pelzeln fait mention du Larus Azaræ à l’île Marambay (Zur ornitho- logie Brasiliens, p. 323, 1871). (5) Sharpe, Birds collected by the Alert (Proceed. Zool. Soc., 1881, p. 17). (6) Cap. Brett; voy. Sharpe, op. cit. (Philos. Transact., t. CLXVIIT, p. 108). — Larus Azaræ, Pelzeln, Novara, Vogel, p. 151. (7) Schlegel, op. cit., p. 13. (8) King, Narrative of a Survey of the intertropical and western coasts of Australia, t. Il, p. 428. — Vigors, Zoological journal, 1898, t. IUT, p. 136. (9) Larus pacificus, Gould, Birds of Australia, t. VII, p. 19. ANN. SC. NAT., Z0OL., DÉCEMBRE 1881. xIt. 24. — ART. N° 7 30 ALPEE. MELNE ÆEbYVAEHDS. étendue. Cette petite espèce, dont le manteau est d’un gris pâle, habite la région qui comprend la Tasmanie (1), la Nou- velle-Zélande (2) et les îles adjacentes, notamment Chatham(3) et Auckland (4). Elle paraît aussi se trouver à la Nouvelle- Calédonie (5). De mème que le Larus domimcanus, cette Mouette a été considérée par quelques auteurs comme con- stituant, suivant les localités qu’elle habite, plusieurs espèces ; mais ces distinctions ne reposent que sur des particularités dont la valeur est des plus minimes. Ainsi Bruck désigne sous le nom de Gavia Andersoni les individus provenant de la Nouvelle-Zélande (6), etil réserve le nom de Gavia Jamesoni à ceux de la Tasmanie (7). Dans la partie nord du littoral australien et à la Nouvelle- Calédonie on trouve une Mouette analogue, mais un peu plus grande. Forster la désignait aussi sous le nom de Larus sco- pulinus (8), mais des ornithologistes plus récents l’appellent Larus Pomare (9) et Larus Gouldii (10). (4) Xema Jamesoni, Gould. Birds of Australia, t. VII. Larus scopulinus. Schlegel, Larus, p. 28, Muséum des Pays-Bas. (2) Forster, Descriptiones animalium, p. 106. — Gray, in Diffenbach’s Tre”ls in New-Zealand, t. IL, p. 200. — Schlegel, op. cit. — Buller, Birds of New-Zealand, p. 273. (3) Hutton, op. cit. (the Ibis, 1872, p. 248). £ (4) Larus Novæ hollandiæ, Gray, Voyage of the Erebus and Terror. Birds, p. 18. — Larus scopulinus, Gray, Listof the Birds of New-Zealand and the adja- cent islands (the Ibis, 1862, p. 248). — Larus Jamesoni, Pelzeln. Novara, Vogel, p. 151. (5) Schlegel, op. cit., p. 30. (6) Bruch, Monographische ubersicht der Gattung Larus (Journal für Ornithologie, 1855, t. I, p. 102, pl. 2, fig. 28). (7) Bruch, loc. cit., pl. 2, fig. 27. Dans l'ouvrage de Gould, cette Mouette prend le nom de Xema Jamesoni (Birds of Australia, t. VID. (8) Larus scopulinus, var. mäjor, Forster, op. cit., p. 106. — Schlegel, op. cit., p. 29. (9) Bruch, op. cit. (Journ. für Ornithologie, 1853, t. I, p. 103, pl. 2, fig. 29). — Bruchigavia Pomare, Gh. Bonaparte, Conspectus, t. I, p. 229. (10) Gelastes Gouldii, Ch. Bonaparte, Notes sur les Larides (Revue et Magasin de Zoologie, 1853, série 2, t. VII, p. 18). — Brachigavia Gouldii, Ch. Bona- parte, Conspectus, t. II, p. 218. ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 31 M. Buller a nommé Larus melanorhynchus (1) une autre Mouette à manteau grisâtre et dont le bec est noir, tandis que chez le Larus scopulinus cet organe est d’un rouge vif, mais ce caractère paraît n'être pas constant (2). Les divergences d’opinion qui règnent parmi les ornitho- logistes les plus éminents relativement au Goéland à bec rouge, qui habite la partie américaine de la région antarctique, viennent à l'appui de ce qui a été dit précédemment au sujet de l’abus excessif des distinctions spécifiques et même géné- riques parmi les Larides. En effet, cet oiseau, observé isolé- ment à des âges différents, a été considéré comme constituant deux espèces, et celles-ci ont été rangées dans deux genres ap- partenant à des sous-familles distinctes. Il a été décrit d’abord sous les noms de Larus Scoresbi par Traill (3) et de L. kwma- torhkynchus par King (4); puis, le prince Ch. Bonaparte crut devoir le séparer génériquement des Larus, pour le ranger dans son genre Leucophœus (5), et le mème auteur forma dans une autre section de la famille des Goélands un second genre nouveau pour un Laridien, qu’il appela Procellarus neglec- tus (6); or, il résulte des observations récentes de M. Saun- ders que l'oiseau placé de la sorte très loin du Larus Scoresbu (1) Buller, Ibis, 1869, p. 43. Bruchigavia melanoryncha. Gette désignation spécifique ayant été appliquée précédemment à une autre espèce du même genre, elle a été remplacée par le nom de Larus Bulleri (Hutton, Catalogue of Birds of New-Zealand, Ibis, 1871, p. 41). — Notes on some Birds (Ibis, 1872, p. 38). (2) M. Buller, qui a donné une bonne figure du Larus Bulleri, rapporte que chez quelques individus le bec est d’un brun noirâtre vers le bout, tandis que vers sa base il est d’un rouge pâle (Birds of New-Zealand, p. 271). (3) Traill, Description of a new species of Larus (Mem. of the Wernerian Society, 1823,t. IV, p. 514, pl. 16, üig. 1). (4) On the animals of the straits of Magellan (The Zoological journa;, 1828, t. IV, 103). (5) Gh. Bonaparte, Conspecius Avium, t. II, p. 231. (6) Le genre Procellarus de Ch. Bonaparte ne contient que le Procellarus neglectus, et prend place dans la section des Larinæ, à côté du petit groupe que cet auteur appelle le genre Blasipus (Conspectus Avium, t. II, p. 211) tandis que son genre Leucophœus est classé dans la division des Xemeæ (op. Ci Lt pe 291) 32 ALP. MILNE EDVWVARES,. n’est qu’un jeune individu de cette dernière espèce ; de plus, le Larus Scoresbi ne différerait pas assez du Larus dominica- nus pour motiver son classement dans une section spé- ciale (4). Le Larus Scoresbii ne se trouve pas dans les mers du Nord, conime on aurait pu le supposer d’après le nom du voyageur auquel cette espèce a été dédiée ; 1l habite exclusivement le petit archipel antarctique des Nouvelles-Shetland (2) et les parties adjacentes de l’Amérique australe, notamment les îles Falkland (3), le détroit de Magellan (4), la côte orientale de la Patagonie (5) et de l’autre côté de l'Amérique du Sud, l’île Chiloé (6), ainsi que d’autres stations jusqu’au Pérou (7). Aux îles Falkland, 1l niche souvent dans les mêmes localités que le Larus dominicanus (8). Des considérations fondées sur ie mode de distribution géographique du Larus Belcheri (9) me portent à croire que cette Mouette, tout en fréquentant l’extrémité sud de l’Amé- rique, n’est pas aborigène de cette partie du nouveau continent et appartient à la faune Chilo-Péruvienne plutôt qu’à la faune Magellanique. En effet, elle fréquente la côte occidentale de (4) Saunders, op. cit. (Proceedings of the Zoological Society, 1878, p. 185). (2) Traill, op. cit. (Mem. of the Wernerian Society, t. IV, p. 514). (5) Abbott, Birds of the Falkland islands {the Ibis, 1861, p. 165). — Schlegel, Museum des Pays-Bas, Laridæ, p. 34. (4) King, op. cit., Zool. journal, t. IV, p. 103. (5) Gould, Voyage of the Beagle, Birds, t. LT, p. 142). (6) Pelzeln, Novara, Vogel, p. 151. (7) Peale, United states exploring expedition. Ornithology, p. 337. (8) Abbott, op. cit., p. 16». (9) Le Goéland enregistré sous ce nom par Vigors (Sketches in Ornithology, Zoolog. journal, 1829, t. IV, p. 358. — Beechey’s, Voyage of the Blossom Ornithol., p. 39) a été décrit ultérieurement par Philippi et Landbeck comme une espèce nouvelle, sous le nom de Larus Froebeni (Neue Wirbelthiere von Chile. Archiv für Naturgeschichte, 1861, t. I, p. 292). Il a ensuite été confondu par Cassin avec le Larus fuliginosus de Gould (Voyage of the Beagle, t: IE, p. 141), mais cette dernière espèce ou race locale, qui se trouve aux îles Galapa- gos, parait devoir en être distinguée (Sclater and Salvin, on Neotropical Laridre Proceed. of the Zoolog. Soc, 1871, p: 573 et 575). — Salvin, On the Avifauna of the Galapagos archipelago (Trans. of the Zool. Soc., t. IX, p. 505, pl. 87). — Saunders, 0p. ci. (Proceedings of the Zool. Soc., 1878, p. 182). ARTICLE N° 7. FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 33 l'Amérique depuis le Pérou jusqu'aux environs du cap Horn (1), et elle se montre aussi dans le détroit de Magellan (2), mais son existence n’a été signalée ni aux îles Falkland ni sur la côte est de la Patagonie, et, si son extension s’était faite pro- gressivement du sud vers le nord, on ne concevrait pas pour- quoi cet oiseau serait descendu si bas sur le littoral américain du côté occidental, sans se répandre dans la partie correspon- dante de l’océan Atlantique ; tandis qu’en attribuant à ses mi- grations une direction inverse, on comprendrait comment, en partant des îles Chinchas ou de quelque autre station ana- logue, il ait pu gagner les terres Magellaniques sans les dépasser du côté de l'est. Cette étude montre que les Goélands et les Mouettes de la région antarctique ne présentent rien qui puisse caractériser la faune de cette partie du globe, et que les espèces ou races qui y vivent sont probablement des dérivés des oiseaux du même genre qui abondent dans l'hémisphère nord. $ 3. Les Sternes ou Hirondelles de mer, dont le mode d’organi- sation est encore plus favorable à la rapidité du vol, sont aussi des oiseaux cosmopolites qui se montrent dans les deux hémisphères et qui font le tour du globe. Les ornithologistes classificateurs en distinguent près de 80 espèces; mais en réalité elles ne diffèrent que fort peu entre elles et'leur distri- bution géographique ne jette aucune lumière nouvelle sur les questions dont j'ai à m'occuper ici; je me bornerai done à dire que ces oiseaux, tout en appartenant principalement aux régions chaudes et tempérées, s’avancent très loin vers les deux pôles. Ainsi on les voit d’une part dans les mers du nord et sur les côtes du Kamchatka, d'autre part au cap Horn et jusque dans le voisinage de la terre Louis-Philippe (3). (1) Larus fuliginosus, Cassin, United states exploring expedition. Ornitho- logy, p. 378. (2) Saunders, loc. cit., p. 182. (3) Ross, op. cit., t. IL, p. 420. 34 ALPH. MEILNE HDWARDS. Deux de ces grands voiliers se reproduisent à Kerguelen. L'un, la Sterna vittata (1) se trouve aussi à l'ile Saint-Paul (9) et a été rencontré également dans l'océan Atlantique à Tristan d’Acunha (3) et même près de l’île Sainte-Hélène (4). Il ne dif- fère que très peu de Hirondelle de mer qui est désignée sous le nom de Séerna antarctica (5) et qui fréquente l'ile de la Réunion et les mers de l'Inde (6) amsi que les attérages de la Nouvelle-Zélande (7), où elle est même fort commune. Le second de ces oiseaux est la Serna virquta (8), et 1l est à noter qu’à l’est de l’océan Pacifique ces Hirondelles de mer sont représentées par la Sierna Hirundinacea (9) qui fréquente non seulementles côtes du Chili (10) et le détroit de Magellan (11), mais aussi les îles Falkland (42) et la côte orientale de l’Amé- (1) Wreathed Tern, Latham. — Sierna vittata, Gmélin, Systema nature, t. 1, p. 609. — Saunders, On Sterninæ (Proceedings of the Zoological Sociely, 1876, p. 647). — Sharpe, op. cit. (Philosophical transactions, t. CLXVIIT, p. 113). (2) Pelzeln, Novara, p. 152. — Muséum d'histoire naturelle, collection formée par M. Lantz. (3) Saunders, Laridæ collecied by the ne exæped. Zool., t. I, P: 134. (4) Saunders, loc. cit., p. 647. (5) Wagler, Neue Sippen und Gaitunger der Sangethiere nun Vogel (Isis, 1832, p. 1223). (6) Pucheran, Études sur les types peu connus du Musée de Paris (Hieune et Magasin de Zoologie, 1850, p. 541). (1) Sierna antarctica, Forster, Descriptio animalium, p. 107. — Gray. Voyage of the Erebus and Terror, Birds, p. 19. — Buller, Birds of New-Zealand, p. 283. (8) Cabanis, Journal für Ornithoiogie, 1875, p. 449. — Saunders, loc. cit., p. 646. — Eliott-Coues, op. cit. (United states national Museum, n° 2, p. 17). — Sterna virgata, Sharpe, op. cit. (Philosophicai Transactions, t. CLX VII, p. 112). (9) Cuvier, Muséum de Paris, n° 44 711. — Lesson, Traité d'Ornithologie p. 621. — Sterna meridionalis, Peale, Cassin, op. cit., p. 385. (10) Schlegel, Muséum d'histoire naturelle des Pays-Bas. Sternæ, p. 15. — Pelzeln, Novara, p. 155. (14) Sterna Cassini, Sclater, Catalogue of the Birds of Falkland Islands (Proceedings of the Zoological Society, 1860, p. 391). (12) Pucheran, op. cit. (Revue et Magasin de Zoologie, 1850, p. 559). . ARTICLE N° 7 FAUNE DES RÉGIONS AUSTRALES. 9 rique du Sud Jusque dans le voisinage de Rio-de-Janeiro (1). La Sterne à front blanc ou Sferna frontalis (2) niche en très grand nombre aux abords de la Nouvelle-Zélande (3), et. le Muséum d'histoire naturelle en a reçu des individus, non seulement de cette localité (4), mais aussi de Pile Saint- Paul (5) et de lile Campbell (6). Une Hirondelle de mer qui ne parait différer en rien de la Sierna caspia des mers d'Europe et d'Asie (7) se multiplie à la Nouvelle-Zélande (8) et s'étend sur presque tout le globe, car On la trouve en Australie (9) ,en Cochinchine (10), à Mada- gascar (11), sur les côtes de la mer Rouge (12) et même en Amérique (13). Quelques autres représentants du même type avien fré- quentent aussi diverses autres parties de la région antarctique ou des terres voisines, mais ils sont plus abondants ailleurs et ils ne peuvent être considérés comme appartenant réellement à la faune dont l'étude m'occupe iei. Telle est la petite Sterne à tête noire que plusieurs ornithologistes rangent dans un sous-genre particulier, désigné sous le nom de Séernula. Get oiseau se montre sur les côtes néo-zélandaises (14) et il est (1) Saunders, loc. cit. (Voyage of the Challenger, Zool., t. IN, p. 135). (2) Gray, Voyage of the Ercbus and Terror, Birds, p. 19. — Peale, United states Exploring Expedition. Birds, p. 279. (3) Buller, Birds of New-Zealand p. 281. (4) Voyage de Belligny, 1843, n° 14638 de la collection du Muséum. (5) Voyage de M. Lantz. (6) Voyage de M. Filhol. (7) Pallas, Nova Comment. Petrop., 1769, t. XIV, p. 582. — Gould, Birds of Europa, p. 414. (8) Buller, Birds of New-Zealand, p. 279. (9) Sylochelidon strenuus, Gould, Birds of Australia, t. Vif, p. 22. — Schlegel, op. cit., p. 14. (10) Collection du Muséum d'histoire naturelle, n° 14626%, (11) Gray, Handlist, 1. IT, p. 120. — Schlegel, op. cit., p. 14. (12) Schlegei, op. cit., p. 14. (13) Thalasseus caspius où Th. imperator, Goues, Birds of North America (Proceedings of the Acad. of Philadelphia, 1862, p. 537). (44) Sterna nereis, Buller, Bürds of New-Zealand, p. 284. — Sterna alba, Potis, Birds of New-Zealand (Transactions of the N.Zea- land Institute, 1870, t. UT, p. 106). 36 ALPEH. RIELNE EDVWYAREDS. commun sur celles de l'Australie méridionale (4); mais il est également commun au sud de l’Afrique, dans l'Inde, sur les mers de la Chine (2) et sur celles de l’Europe (3). Enfin la Sterna fissipes de Pallas (4) ou Hydrochelidon leu- coptera (3) visite aussi les côtes de la Nouvelle-Hollande et celles de la Nouvelle-Zélande (6), qui sont si éloignées du centre où elle se reproduit d'ordinaire. En résumé, les Hirondelles de mer, tout en constituant une fraction notable dela faune avienne antarctique, ne présentent aucune particularité importante qui soit de nature à jeter quelque lumière sur l’origine de cette faune. (1) Sternula nereis, Gould, on Australian Birds (Proceedings of the Zoo- logical Society, 1842, p. 140). (2) Gray, Handlist, t. III, p. 121. — Schlegel, op. cit., Sternæ, p. 21. (3) Sterna minuta, Linn. (4) Pallas, Zoologia Rosso-Asiaüca, t. IL, p. 338. (5) Sterna leucoptera, Meisner et Schinz, Vogel der Schweiz, p. 264. — Hydrochelidon leucoptera, Boïe (Isis, 1822, p. 503). (6) Buller, Birds of New-Zealand, p. 287. (La suite paraîtra dans une prochaine livraison.) PUBLICATIONS NOUVELLES ADRESSÉES AUX ANNALES DES SCIENCES NATURELLES, Cétacés du sud-ouest de Ia France, Par M. Fischer, aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle ; in-8°, 220 pages et 8 planches. (Extrait du trente-cinquième volume des Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, 1881.) Nous nous empressons d'annoncer l’achèvement de cette publication faite par les soins de l’une des Sociétés savantes les plus actives de nos départements. M. Fischer s’est livré à une étude très approfondie des Cétacés qui fréquentent nos mers, particulièrement ceux observés dans le golfe de Gascogne, et il a rendu ainsi des services notables à une des parties les plus difficiles et les moins bien connues de la Mammalogie. Ses investigations ont porté principale- ment sur les riches collections appartenant au Muséum de Paris et au Musée d'histoire naturelle de la ville de Bordeaux; il a mis aussi à contribution les pièces ostéologiques conservées dans le Musée d'Arcachon, dans les Musées de la Rochelle, de Rochefort, de Bayonne, ete., et il a tenu grand compte de tous les faits constatés par ses devanciers. La partie de cette Monographie qui traite des Baleines est la plus étendue et la plus importante, Enfin, dans un dernier chapitre, l’auteur s'occupe de la distribution géographique des Cétacés qui fréquentent les mers d'Europe, et il résume de la manière suivante ses obser- vations à ce sujet : Les espèces signalées sur les côtes de la France sont au nombre de 21, savoir : Balæna Biscayenses, Megaptera Boops, Balænoptera rosirata, B. borealis, B. musculus, B. Sibbaldi, Physeter macrocephalus, Hyperoodon rostratus, Xiphius cavirostris, Mesoplodon Sowerbgensis, Dio- plodon Europœus, Steno Santonicus, S. rostratus, Delphinus Delphis, Caly- mene marginata, CG. dubia, Tursiops tursio, Phocæna communis, Orca Duha- meli, Globicephalus melas ct Grampus griseus. Cinq de ces espèces parais- sent ne pas avoir pénétré dans la Méditerranée; ce sont les Megaptera boops, la Banænoptera Sibbaldi, le Mesoptodon Sowerbyensis, le Stena rostratus et la Phocæna communis. Enfin, quatre de ces espèces n’ont été encore vues ni sur le littoral du nord de l’Europe, n1 aans la Méditerranée, ce sont : le Dio- plodon Europœus, le Steno Santonicus, le Galymene margineta et le C. dubia. Dix espèces, qui fréquentent les mers du Nord, manquent sur le littoral océa- nique de la France, et il en est de même pour six espèces méditerranéennes. Notes sur quelques Miammifères fossiles de l'époque miocène, par RE. Fäol, Brochure de 97 pages et 5 planches, in-4°. (Georg, éditeur, à Lyon, 1881.) Ce travail, extrait du troisième volume des Archives du Muséum d'histoire naturelle de Lyon, actuellement en voie de publication, se compose de quatre mémoires. Dans le premier de ces articles, intitulé : Observations relatives à divers Mammifères fossiles, provenant de Saint-Gérand-le-Puy, l'auteur fait connaître diverses pièces ostéologiques recueillies, il y a fort longtemps, par feu Jourdan, mais restées inédites. Elles ont permis à M. Filhol de faire une étude très approfondie de lAmphycion Cemanensis, et du Cephalogale Geoffroyi. Le second article contient des observations relatives au Carnassier signalé par Jourdan sous le nom de Dinocyon Thenardi. Le troisième article porte sur ARTICLE N° 8. 9 PUBLICATIONS NOUVELLES. divers carnassiers fossiles provenant de la Grève Saint-Alban (Isère), savoir : le Machairodus Jourdani, espèce nouvelle, l’Ælurogale intermedia (G. Prio- nodes Jourdan), une Mustella indéterminée, la Lutra Lonteti (espèce nouvelle), l’Herpestes crassus F. (genre Hypoleurus de Jourdan), le Plesictis mutatus K. (genre Diplotherium de Jourdan) et la Viverra leptorhyncha (genre Ichneugale de Jourdan). Enfin, le quatrième article est un mémoire intitulé : Observations relatives aux chiens actuels et aux carnassiers fossiles qui s’en rapprochent le plus. L'auteur pense que les Amphicyons sont les ancêtres de nos Chiens et peut être de nos Ours, tandis que les Cynodiciis seraient les ancêtres de nos Viverra. Recherches sur les Oiseaux fossiles des terrains tertiaires inférieurs des environs de Reims, par M. Lemoine, in-8°. Reims, 1881. M. Lemoine, professeur à l’école de médecine de Reims, a découvert, aux environs de cette ville, un gisement fossilifère très riche ct dont il poursuit l’étude avec beaucoup de zèle. En 1878, il a fait paraître un premier mémoire sur les Oiseaux fossiles de cette localité, et il vient de publier la seconde partie de ce travail. Ses recherches récentes l’ont conduit à distinguer dans l’éocène de cette région deux faunes nettement caractérisées et dont la plus ancienne, qu’il dési- gne sous le nom de Faune Cernaysienne, est particulièrement intéressante. On y trouve des débris d’Arctocyon, de Simædosaure et de Gastornis; c’est principa- lement de ce dernier fossile que M. Lemoine s'occupe dans le second fascicule de son travail, et par l’examen de nombreuses pièces qui lui paraissent appar- tenir à cet Oiseau gigantesque, il est arrivé à en restaurer théoriquement le squelette. Il peut y avoir quelque incertitude au sujet de la détermination de certaines pièces osseuses mises à contribution dans cette restauration, mais quoi qu'il en soit à cet égard, les recherches de ce paléontologiste ne manque- ront pas d’intéresser vivement les onthologistes ainsi que les géologues. M. Lemoine considère les Gastornis comme ayant des analogies soit avec les Odonthornites américains, soit avec l’Archéoptorynx, mais comme ayant les affinités zoologiques les plus grandes avec les Échassiers et les Anatides de l’époque actuelle. Dans un dernier chapitre de son travail, M. Lemoine désigne sous le nom de Remiornis un autre Oiseau gigantesque de la période éocène ancienne dont il décrit et figure diverses pièces osseuses. Ce mémoire est accompagné de nombreuses planches. Mollusques terrestres et fluviatiles du pays des Comalis-Medjourtin, par M. Bourguigmat. Ce naturaliste a publié récemment, à Saint-Germain en Laye, plusieurs opus- cules sur la Malacologie. Celui dont nous venons de donner le titre contient la description des coquilles recueillies par M. Revoil pendant un voyage sur la côte africaine du golfe d’Aden. Deux d’entre elles constituent des genres nou- veaux auxquels M. Bourguignat à donné les noms de Revoilia et de Roche- brunnia. Un second mémoire du même auteur est intitulé : Monographies des genres Pechaudia et Hagenmulleria, suivies de la Description d’une nouvelle Lhotel- leria, etc., trouvées en Algérie par M. Péchaud. Les Pechaudia sont des Physes à coquilles dextres trouvées dans les alluvions du Cheliff. Les Hagenmulleria sont des coquilles microscopiques des alluvions de la côte d'Oran, que M. Bour- guignat rapporte à la famille des Diplommatide. Fe) premier atomes ne TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS LE TOME XII. Recherches expérimentales sur l'excitation électrique des nerfs moteurs et l’électrotonus, par M. CHARBONNEL-SALLE..... ARTICLE N° 1. Recherches anatomiques sur les Mammifères de l’ordre des Chiroptères, par M. ROBIN.........,... dede. se... ARTICLE N° 2. Compte rendu des nouvelles te de M. WaLcoTT rela- tives à la structure des Trilcbites, suivi de quelques consi- dérations sur l'interprétation des faits ainsi constatés, par MAMEMICNE PDWARDS 0e ess cu. ec es ARTICLE, N°09: Publications nouvelles . D RS ia mission ce ee Date ARTICLE N° 4. Troisième note sur les Pa Ero ne du Térébinthe, Lt M.DERBÈS. ARTICLE N° 5. Renseignements sur la multiplication des Huîtres à Arcachon, et l’acclimatation de la Gryphœæa de. sur les côtes de France, par M: Broccui (extrait). .….....:,.... sos mess ARTICLE N°6, Recherches sur la faune des régrons Fes par M. ALPH, MINE D ARD SU (SU) rune ee: die ess ARTICLE N° 7. Publications nouvelles........ PE TO t Se ce. JARTIGÉRANTEO. TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS. ART. ART. BRoGCHI.—Renseignements sur la gions australes (suite)... ..... 1 multiplication des Huitres à Ar- Enwarps (H. MILNE). — Considé- cachon et sur l’acclimatation de rations sur l'interprétation des la Gryphœa angulata sur les faits constatés par M. Walcott, COLE de ÉTANCEs Me. 00 relatifs à la structure des Trilo- CHARBONNEL-SALLE.—- Recherches LES ne ARC expérimentales sur l’excitation Rogin. — Recherches dmctes électrique des nerfs moteurs et sur les Mammifères de l’ordre l'électrotonuse d 1 des Chiroptères ARE MERE à 2 DERBES. — Troisième note sur es \VALCOTT. — Compte rendu des Pucerons du Térébinthe..... 5 observations de cet auteur sur EDwaRDs (ALPH. MILNE). — Re- la structure des Trilobites.... 3 cherches sur la faune des ré- TABLE DES PLANCHES CONTENUES DANS CE VOLUME, Planches 1. Rhéochorde; rhéotome appareil enregistreur. = 2 à 9. Anatomie des Chiroptières. — 10. Siructure du Ceraurus pleurexanthemus. — 11. Structure et restauration du Calymene senaria. — 12. Structure de divers Trilobites. — 13. Pucerons du Térébinthe. Faune des régions australes ; cartes n° 2 et n°3. FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. PARIS. — IMPRIMÉRIE ÉMILE MARTINET, %, RUE MIGNON. RES ph Fes Ann. des Sc nat. 6°Serie Pidault del. 4 RHEOTOME , RHEOCHORDE AOC SP IEIE L fins | a — A E à & | Pa ! = ; Ù = — —=!} _ S $ ie a = RE = = = | APPAREIL ENREGISTREUR QUE tn ORRATSE È a AN (TT QE tu Wan 1 ? { Ç Ô 1 . As À : : É ar : mu ua gi MERE RUE at ! PA DA LIFE TES RP SC NAN ’ F _ Ê Pis ts y ur CREED FRE | Ann. des Sc.nat. 6° Serie Zoo TUE PIE rer (l DT = —— Un = É a — G Il SI E= | 5 = a = || ù TONI NON UT NII IT Î Bidautt del. : RHÉO CHORDE RHEOCTOME : ERA TE Tnt APPAREIL ENREGISTREUR Z: Morieuse. nn.des Se.rnat. 6! Serie. Zoot.TAI F2. A Noël et F AR. del. AMVicolet luth. Anatortie. des Chironteres. Tryo.lemercter et C© S7rue de Sane/ Zool T'XIL PLS. HNoël etHARdel | | Wicolet lit. | Anatornte’ des Chironteres lupLemercier «C5 rue de Seine 02 ; Ann.des Senal C°Serr at. C°Serre Zool.T AI. FL 4. HAR.del Nieotet dif A nadom ie des Chirondere Inplemercier CF 37Tue de Seine”. Ann. des Se.nal. 6" Série’ Zool TXL PS. LA del. Wicolet lith. Anatomie des Chiropteres. {mp Lemercier ct C & Syrue de Seine LD LATI PC 6; Se 2 72 £ C.nut. + A n % Arr. de ” PA ne Mecolet lith AR del. optcres. Analomie’ des {mp Lemercrer a C'é de Saine 57. € AND TUE Ann. des Se.rnat.P°Serte D AHA.R.del. NWécolet Lt. Anatomie” des Ciropthères Ju. Lemercier ét C#rde Jen €]. PTE À Î PU Ann. des Sc.nal. 6° Sérte/ Lool LAIT ZX Woël et H AR. del. Mocolet Lith/ Anatomie’ des Chiropteres. lnplemercre ét C y de Seine 5 fa Ann.des Sc. nat.C6* Série Zool.f'XI1 PL 9. aa A AR. del. NWicolel lt. | Anatornie des Charopteres . Fra lrreéenercier OS r de Srine Ann. des Jetene nat, OF dérie. Zoo, Tome 12,1, 10. 4 3 ÊÈ LE 6 J'fuclire du Crraurus pleureraréhernus Jp, À, Sabnon, Larir - * = el ORDRE DE LA PUBLICATION BOTANIQUE Première série, par MM. AUDOUIN, Ad. BRONGNIART et Dumas. — Zoologie et Botanique réunies. 30 volumes in-8°, 1824-1833. (Épuisée.) Deuxième série, par MM. Ad. BRONGNIART, GUILLEMIN et DECAISNE.— DD volumes ARS ISA Cd ed He 1. 050 te Kroisième série, par MM. Ad. BRONGNIART et DECAISNE. — 90 volumes 184418592202 000 0 ANR 250 fr. Quatrième série, par les mêmes. — 20 volumes, 1854-1863. ....... 950 fr. Cinquième série, par les mêmes. — 20 volumes, 1864-1874. ....... 250 fr. Sixième série, par M. DECAISNE, en cours de publication. L’année.. 25 fr. ZOOLOGIE Première série, par MM. AUDOUIN, Ad. BRONGNIART et Dumas. — Zoologie et Botanique réunies. 30 volumes in-8, 1821-1833.(Épuisée.) Deuxième série, par MM. AUDouIN et H. Mine EDWARDs. — 20 volumes, 1834-1843.......... RE en da 250 fr. Troisième série, par M. H. MiLNE EpwaRrps. — 20 vol. 1844-1853... 9250 fr. Quatrième série, par M. H. MILNE Enwanps. — 20 vol. 1854-1863... 250 fr, Cinquième série, par M. H. MizNE Epwarps. — 20 vol. 1860-1874.. 9250 fr. Sixième série, par MM. H. et Alph. MILNE EbwaRDS, en cours de publienhionT'annee ir: 7 MERE SR ie pe NReRer es de PDO PARIS. — IMPRIMERIE EMILE MARTINET, RUE MIGNON, © SMITHSONIAN INSTITUTION LIBRARIES 2 3 9088 01354 080 U