Vas Vi mn LL fai Ai LA ! ELA 4 > sf At “al RUE } D ANR AT TA { au A ROC RNCS L Ne LA i CORAN TOE dla ve NÉS Ye 4 Ve OA A TAN R EL [Ra 2 = LE iris RE y «i ea cha 1 144 1h a dr Nr L j! t: jrs d NYCPE 13 wut te Ag) x CA ATOS CE EEE ER ONE CCE : AUTO WE D PE En M EN N the ne tit AA ; A CIO EUR [ ni" AS ed! ! at ns su 1 ur fi (AM jun | MUC 1 } tabs | # fat Fig jui TA eau AT N BNE TAN ÿ \ e SES 1 ReNEAe pe 1e ME HU Nr j à ui st f \ (pe { { fl \ NH MEDAL nas et Aa re PA ape FIRE 1 WMA AY MES 5: f Co Mi pu jh ! Ven un ds X0 His AA ; fi pri] ul ae APR TENUE) ou fi V4 ge jun HU ru 4 14 pra 1 ji ET os + un AA TAER DA tte An FAN al: 4 Ut EU 128 1! di ne HAN in dite f 4 1 be MAN ATEN ‘ l de À DNYAUE { ÿ 444 bi) LE fs [ LA) Lier LA Va 1 tas DU } ê HO 04) HEC vite LE 3 _— VE == 7. LT Se DAS RCE ECS Tea CES 2 a ; , 3 4 î4t 4 tra ; de qi ju Lin (un 1 qe N te) L #5 fi 4 He 1 1 Wir [FAC 4 {y e a We {! a u ne 4 NE ÿ À qi ! Ping to \ à HU us} h RAS NOM ga AU D (ROUE 4 SNETIUTT AL Le UNE ju ï PE Mo Nip h 1188 Foi A 414 An D AU ÿ Le 14! AD ROMAN CAC IOE | sit pa LS 4 tr 6% at Won. 41} ne À if PET ÿ : se . 1 AU on jh GIE ii A, YtS fa W ny | ñ 0 das dt ii ET UE DETTE Ent QU al HR mi 104 yN Us nt Sat pa el 4 ï MUNIE nt . 1 , Min 248) 1e t+ QUE a À + % qi 4 ju 119 4h de } Hi A HU us AE nl JE ; Q WA { nt Ÿ | \ CA ENTRANTS RENE dE AR AE ATAN [pute te ir Lun su UN HT NX TE HAN p+s ARIANE tu po À DES 4 AU j AE di i wi A AN (f sa je 2 6 d 41 A T . Au “ DS Hi 1 { Rat | n “ DATE î 142 sie . HUE A1 ni nes da rt vi MAG ÿ à À Rai té RSA LOIR 7 FA WU UN } A EN naar tiu PRET TE ess Er Vis WXR] 4 H { #, ait pa à AND AAA sd mio w if nt ta PALICIN APN TETE D Pts Yi PaYe ne ue HUE A di . vin MATE Wu Hi fie ï Vus." ANNALES SCIENCES NATURELLES SEPTIÈME SÉRIE © — LOOLOGIE CH EAME ù 1 k. + - us 5 = 3 AE AU L fe 4 A" 1e | +» A p] ï et \ éd * au, Æ. 2 7 ‘4 ‘ tra { D 7e 5er Bt je ANNALES Ta CE) e DES SCIENCES NATURELLES ZOOULOGIE ET PALÉONTOLOGIE COMPRENANT L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L’HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE M. A. MILNE-ED WARDS sb TOME XII PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain, en face de l'École de Médecine ——- 1891 LES CORPUSCULES SENSITIFS ET LES GLANDES CUTANÉES DES GÉPHYRIENS INERMES Par ET, JOURDAN Chargé de cours à la Faculté des sciences de Marseille, Professeur à l’Ecole de médecine. J'ai jugé inutile à propos d’un mémoire qui ne vise qu'un point de l'anatomie des Siponculiens de donner ici une liste complète des travaux qui se rapportent aux représentants de cette classe du règne animal. Je prie le lecteur désireux de connaître la bibliographie de ce sujet de consulter les travaux de Hjalmar Théel (1) et de Julius Andreæ (2), il y trouvera ainsi que dans les livres classiques les indications que J'ai cru inutile de rééditer à la fin de ce mémoire. Après les travaux de Andreæ il semblait nécessaire d’ad- mettre l'existence, à la surface du corps du Sipunculus nudus, de corpuscules particuliers sensitifs. Cette opinion paraît cependant avoir été mise fortement en doute, si l’on s’en rapporte du moins à la phrase suivante du Traité d'anatomie .. (4) Hjalmar Théel, Recherches sur le Phascolion Strombi (Mont.), Stock- holm, 1875. (2) Julius Andreæ, Beitrage zur Anatomie und Histologie des Sipunculus nudus, L, (Zeitschrift für wissénschaftliché Zonlogie, 36, 1882). ANN. SC. NAT; ZOOL. XII, À. — ART. N° {. 2 ET. JOURDAN\. comparée de Carl Vogt et Yung. « Il faut donc admettre, ou que toutes les glandes et loutes les cellules hypodermiques en fin de compte sont en relation avec de fins filaments ner- veux, ce qui ne serait pas insolite, ou que les terminaisons des nerfs dans le tissu cutané de la trompe sont encore in- connues. Mais en tout cas nous maintenons qu’il n’y a pas d'organes terminaux particuliers des nerfs et que MM. Teus- cher et Andreæ ont été induits en erreur, faute d'avoir suffisamment comparé l’organisation entière du tissu hypo- dermique avec les allures particulières influencées par l'accumulation des glandes et les courbures de la surface extérieure » (1). La lecture de cette phrase nous a paru indi- quer la nécessité de nouvelles recherches. Les résultals obtenus par les différents observateurs aboutissent en effet à des conclusions absolument contradictoires. Mes recherches ont porté surtout sur le Sipunculus nudus, je les ai cependant étendues à quelques autres espèces et j'ai étudié dans le même but le Phascolosoma elongatum Kef., l'Aspidosiphon scutatum Mull. et enfin le Phascolion Strombi, Mont.; mais je dois dire dès maintenant que les observations que j'ai pu faire sur ces dernières espèces ne sont pas susceptibles, bien que présentant peut-être quelque intérêt par elles-mêmes, de modifier les conclusions que l’on pouvait tirer de l'étude du Sipunculus nudus seul. Les observations histologiques auxquelles je me suis livré sur les Géphyriens m'ont présenté des difficultés parti- culières provenant des obstacles spéciaux qu'offrent la fixa- tion et la coloration des tissus de ces animaux. Après avoir essayé sans avantages le mélange chromo-acélo-osmique de Flemming, j'en suis revenu à la méthode qui m’a toujours bien réussi chez les autres vers, c'est-à-dire à l’emploi de l'acide osmique injecté dans la cavité périlonéale en solu- tion à 0,50 p. 100. L'animal lué, par ce procédé, était con- ‘servé pendant lplusieurs heures sous une cloche dans les (4) Carl Vogt et Yung,iTrailé d'anatomie comparée, p. 380, Reimwald, Paris. LES GÉPHYRIENS INERMES. | 3 vapeurs de l’acide osmique; lorsqu'il était devenu complè- tement noir, on pouvait le disséquer et les pièces que Je destinais à l’étude histologique étaient plongées dans le bi- chromale d’ammoniaque en solution à 2 p. 100. L’acide osmique ainsi employé est non seulement un agent fixateur, mais aussi un réactif colorant à élections spéciales. [1 colore en gris particulier les éléments nerveux de beaucoup d’Inver- tébrés. Ces propriétés, que j'avais déjà utilisées lors de mes recherches sur les Holothuries, m'ont beaucoup servi dansle cours de mes études sur les Géphyriens ; cette réaction est constante et on peut lui attribuer au moins autant, sinon plus de confiance qu'à l'emploi que l’on fait du chlorure d’or pour les tissus des Veriébrés. Mes pièces ainsi fixées et durcies étaient colorées en masse par le carmin aluné ou le carmin boracique alcoolique ; ces réactifs m'ont suffi pour le Sipunculus nudus, mais pour les autres espèces, j'ai dû colorer mes coupes à l’aide de l’éosine hématoxylique pré- parée suivant la méthode de M. le professeur Renaut. STRUCTURE GÉNÉRALE DES PAROIS DU CORPS DES GÉPHYRIENS INERMES. Je n'ai pas la prétention d'exposer des faits nouveaux en rappelant en quelques mots la structure des parois du corps des Siponculiens. Mais pour faciliter l'intelligence des des- criplions qui suivent, j'ai pensé qu'il était nécessaire de mettre en évidence les points principaux de celte structure. On trouve en allant de dehors en dedans d’abord une cu- ticule lisse chez le Siponcle, à surface chagrinée et irrégu- lière chez les représentants des genres Aspidosiphon, Phas- colosoma, Phascolion. Cette cuticule composée de couches successives offre une apparence striée sur les coupes trans- versales, elle est le produit de la couche immédiatement sous-Jacente et elle présente des épaisseurs variables suivant la région examinée. Je crois inutile d’insister sur sa nalure, le mot cuticule suffit pour exprimer une opinion que tous les anatomistes comprendront. ÊÉT. JOURDAN. re Au-dessous de la cuticule existe une assise irrégulière de cellules serrées les unes contre les autres. Cette assise cor- respond à l’hypoderme des vers annelés ; elle représente en réalité un épithélium externe et la dénomination d’épi- derme me paraît iei encore plus justement appliquée. Les cellules de cette couche sont plus hautes que larges, serrées en palissade; quelquefois même elles s’allongent et s’effi- lent à leur base de facon à donner naissance à de véritables prolongements basilaires qui vont se perdre dans la couche sous-jacente. Cette disposition dont on pourra voir un exemple dans la figure 4 e de la planche qui accompagne ce mémoire à même été décrite comme correspondant à un appareil nerveux sensitif par Julius Andreæ. Carl Vogt et Yung font remarquer que cet état résulte de la pression exercée sur les cellules épithéliales par les glandes voisines ; je me range complètement à l’opinion de ces derniers au- teurs et je crois que l'aspect que l’on a sous les yeux n’a rien de commun avec les véritables terminaisons nerveuses que je décris plus loin. Au-dessous des couches épithéliales on trouve une assise de tissu conjonctif, composée de pelits faisceaux disposés normalement à la surface du corps, plongés au sein d’une substance transparente et incolore qui renferme aussi des cellules du tissu conjonctif et des éléments granuleux jaunes qui ici, comme chez les Holothuries, paraissent faire partie constilutive des couches conjonctives (fig. 1). Pour acquérir une idée nette de la nature vraie du tissu connectif de ces vers il faudrait l’éludier non seulement dans la peau mais aussi dans les autres organes, c’est là un sujet que nous aborderons peut-être plus tard mais qui serait déplacé dans ce mémoire. C'est dans l'épaisseur de celte tunique conjonctive que l'on rencontre sur les coupes transversales les sections des vaisseaux dits hypodermiques qui ne présentent rien de remarquable, si ce n’est l’endothélium vibratile qui tapisse leur face interne, LES GÉPHYRIENS INERMES. 5: Les couches musculaires sous-jacentes se composent de fibres circulaires et de faisceaux de fibres longitudinales dis- posées quelquefois en muscles complètement distincts. Je ne veux pas m'arrêter non plus sur la structure histologique de ces fibres musculaires dont la description serait fort inié- ressante, mais aussi bien difficile sans figure, et je me con- tente de signaler leur disposition générale. CORPUSCULES SENSITIFS DU SIPUNCULUS NUDUS L. Les corpuscules sensitifs du Sipunculus nudus sont dissé- minés partout à la surface du corps de ces vers, sur les par- ties qui sont toujours à découvert aussi bien que sur celle qui porte le nom de trompe et qui est protégée des contacts extérieurs par l'état de rétraction dans lequel elle se trouve habituellement. Ces corpuscules sont en nombre variable suivant les régions, mais ils sont beaucoup plus abondants au niveau de l'extrémité postérieure qui est désignée par quelques auteurs sous le nom de coupole terminale. Cette coupole terminale se distingue du reste du corps par son aspect lisse. Tandis que partout ailleurs les saillies des fais- ceaux des muscles longitudinaux et transverses divisent la surface du corps en espaces quadrangulaires, on ne distingue au contraire, au niveau de la coupole terminale, que desstries longitudinales peu profondes comparables à des sortes de méridiens allant du sommet de la coupole vers ses bords ; c'est là que les corpuscules sont répandus en grand nom- bre, ils sont d'autant plus nombreux qu’on se rapproche da- vantage du sommet, c'est-à-dire de l'extrémité postérieure du corps. Quelle que soit la situation de ces petits organes sensilifs, leur constitution est toujours la même. Ils sont formés de cellules épithéliales qui dérivent évidemment de l’épithélium général des parois du corps et qui se groupent de façon à constituer un corpuscule distinct. Ces corpuscules ont l'aspect général d'un ovoïde irrégu- lier, l'extrémité périphérique de ce corps ovoïde, plus mince 6 ÉT, JOURDAN. que la base, pénètre dans un large pore de la cuticule qui permet aux extrémilés libres de ses cellules constitulives d'arriver jusqu'à la surface tandis que l’autre moitié, celle qui est située sous la cuticule, est plus grosse (fig. 1, 2, 3). Ces organes sensitifs sont logés dans le tissu conjonctif qui les entoure à leur base, mais ils ne possèdent pas une membrane propre; une étude altentive montre qu'ils ont la structure suivante. Au centre du corpuseule on remarque un faisceau de cellules fibrillaires très délicates comparables par leur aspect général aux bâtonnets olfactifs et aux cellu- les centrales des boutons gustatifs des Vertébrés. Ces cellules sont sans doute dépourvues de membrane d’enveloppe et 1l est fort probable que leurs extrémités périphériques en bà- tonnet sont au moins partiellement soudées entre elles, le plus souvent elles forment en effet un faisceau unique qui ne révèle les imdividualités cellulaires qui le constituent que par son sirié longitudinal (fig. 2, #s). Ce faisceau de bâtonnets va se terminer près de la surface de la cuticule au niveau d’une pelite dépression cratériforme; il n’est séparé de l'extérieur que par une mince lame cuticulaire. On distingue au fond de cette petite cupule quelques poils courts qui paraissent souples et comparables plulôt à des formations protoplas- miques qu àdes cilscuticulairesrigides. Les noyaux de cescel- lules sont groupés au centre du corpuscule et près de la base ; ils contribuent par leur présence à l'augmentation de volume du corpuscule à ce niveau. Ces éléments sont sensi- tifs, ils sont entourés et protégés par des cellules glandulaires en massue faciles à distinguer à leur contenu homogène et à leur coloration brun jaunâtre. Les caractères de ces cellules permettent d'établir entre elles et les corps jaunes du tissu conjonctif et aussi avec les cellules des glandes voisines une distinction facile. Les corps jaunes ont, il est vrai, une colo- ration semblable, mais ils sont plus volumineux, nettement et fortement granuleux, enfin tout à fait indépendants de la couche épithéliale, ils font partie de la couche conjonctive. Les cellules des glandes dont nous nous occuperons bientôt LES GÉPHYRIENS INERMES. ‘à 1 ont un contenu clair, tantôt homogène, tantôt granuleux, mais elles ne prennent jamais cette teinte bistre caractéristi- que des éléments glandulaires qui font partie des corpuscules sensitifs. Le noyau de ces cellules est situé dans l’épaisseur du renflement basilaire el ces éléments semblent déverser leur contenu autour des bâtonnets terminaux des cellules sensitives par l'intermédiaire d’un goulot long et étroit. À ces éléments qui dérivent directement de l’épithélium viennent s’adjoindre des cellules transparentes, légère- ment colorées en gris par l’osmium, sans membrane d’en- veloppe, pourvues d'un noyau et occupant par leur situation une place intermédiaire entre le nerf qui arrive à la base du corpuscule et les cellules sensitives du corpuscule. Ces cellules lantôt sont siluées au pôle basilaire de ces boutons sensitifs el alors ils en font partie constitutive (fig. 2, cn), tantôt ils se groupent plus profondément, ne se confondent pas avec le corpuscule et forment une sorte de petit ganglion annexe. On peut considérer ces éléments comme nerveux, leur caractère et leur situation le démontrent. Chaque organe sensitif reçoit à sa base une fibre nerveuse, je ne puis conserver le moindre doute sur ce pont. Il est en effet bien facile de distinguer ce filet nerveux des faisceaux . conjonctifs voisins et tous les anatomistes qui examineront des préparations de pièces fixées à l'acide osmique seront de cet avis. Ces fibres traversent les couches musculaires, for- ment un plexus dans l'épaisseur du tissu conjonctif et vien- nent se terminer au pôle baSilaire des corpuscules. Souvent une fibre nerveuse qui se dirige vers un corpuscule se divise avant d’aboulir et fournit un rameau à un corpuseule voisin ; quelquefois même celte fibre paraît se détacher d’un vérita- ble plexus superficiel. Ces fibres nerveuses sont semblables à celles des autres vers el à celles des Échinodermes (fig. 3, 2) c'est-à-dire qu’elles paraissent peu différenciées si on les com- pare aux éléments nerveux des Vertébrés ; elles sont consti- tuées par une {raînée protoplasmique granuleuse et main- tenues par une membrane d’enveloppe présentant à intervalles S ÉT. JOURDAK. irréguliers des noyaux. Elles permettent d'affirmer que les corpuscules que nous décrivons dans les lignes précédentes sont bien les seuls qui soient sensitifs. Jamais les glandes voisines ne présentent à leur base des filaments semblables. GLANDES GUTANÉES DU Sipunculus nudus L. Il existe à côté des corpuscules sensitifs, et en nombre beaucoup plus grand, des organes glandulaires disséminés sur toute la surface des téguments et appartenant à des types en apparence distincts. Ces glandes sont surtout nombreuses au niveau des téguments dela trompe; les papilles qui héris- sent la peau de cette partie du corps sont formées en grande partie par des groupes de follicules glandulaires. Il semble que, contrairement aux organes sensilifs, leur nombre va de plus en plus en diminuant à mesure qu'on se rapproche de l'extrémité postérieure. On rencontre ces glandes sous des aspects morphologiques variables et le contenu des cellules qui forment ces follicules varie dans des limiles assez grandes, mais il n’est pas dou- teux qu'elles dérivent toujours de l’épithélium général des parois du corps. Tantôt le follicule glandulaire est entière- ment conslitué par de longues cellules cylindriques dont le contenu formé de grains hyalins rappelle les cellules à mucus de l'intestin des Holothuries et de beaucoup d’autres Invertébrés(fig. 4), d’autres fois le contenu de ces cellules, dont la forme générale est peu différente, est homogène et hya- lin; ilest alors constitué par une seule masse vitreuse lais- sant seulement dislinguer un noyau situé à la base de l’élé- ment; quelquefois enfin dans un seul et même follicule, à clé de cellules à contenu glomérulé on en distingue d’au- tres dont le contenu cellulaire forme une seule masse trans- parente. Îl exisle encore une troisième catégorie de glandes dont l’aspect'est bien bizarre. Les éléments qui les consti- tuent ne sont pas sensiblement différents, mais au lieu d’oc- cuper toute la glande ils laissent entre eux au milieu du fol- licule un espace vide, une sorte de chambre. Je n'ai rien vu LES GÉPHYRIENS INERMES. Lu de semblable chez aucun autre Invertébré et l’état de ces pe- tits organes glandulaires n'est pas comparable à ce qui existe dans les glandes séreuses des téguments des Vertébrés tels que les Batraciens et les Poissons. Les éléments glandu- laires ne vont pas se vider chez les Siponcles, dans cet espace commun comme dans la lumière d’un vaisseau excréteur (fig. 5, a, 0). Il semble que les cellules du follicule glandu- laire se sont seulement écartées pour laisser au milieu d’elle un espace vide. Cette disposition se rencontre surtout sur les glandes peu volumineuses n'ayant pas encore acquis tout leur développement, mais on peut (rouver au niveau de la trompe un grand nombre de grosses glandes possédant la même structure et qui sont certainement adultes. Toutes ces glandes se colorent en rose pâle par le carmin aluné employé après l’acide osmique. Les couleurs d’aniline et surtout l’éosine sont aussi pour elles des colorants éner- giques. Malgré la diversité d'aspect de leur structure je pense que ces organes doivent être assimilés aux follicules mu- queux si répandus chez tous les Invertébrés et qu'ils remplissent sans doute les mêmes fonctions. FOLLICULES GLANDULAIRES ET SENSITIFS DU Phascolosoma elongatum Kef. Toute la surface du corps du Phascolosoma est couverte de petites verrues qui diffèrent un peu de volume suivant les régions, mais qui s'étendent même à lasurface de la trompe, où elles sont seulement un peu plus petites. Les coupes trans- versales el longitudinales des téguments de ce Géphyrien montrent que la structure générale des parois du corps est la même que celle du Sipunculus nudus, mais, par suite de l'augmentation d'épaisseur de la cuticule et de l’irrégula- rité de la surface, le nombre et la disposition des follicules cutanés ont été modifiés. Le nombre de ces organes à di- minué, leur volume a augmenté; les éléments glandulaires et sensilifs se sont trouvés réunis en un seul et même fol- licule. Ces follicules se sont enfoncés dans la cutieule et ont 10 ÉT., JOURDAN. constitué, dans l'épaisseur de cette couche, de véritables organes complètement distincts de l’épiderme. Au lieu d'être situés comme chez le Siponele au-dessous de la cuticule au niveau de l’épiderme, ils se sont groupés et étant plongés en- tièrement dans la cuticuleils paraissent plus près de la surface du corps. Il en résulte qu’à un examen superficiel et sur les coupes qui ne passent pas par l'axe (fig. 7) on serait tenté de les considérer comme des formations indépendantes de l’épi- derme ; mais une étude attentive démontre qu'il n’en est rien et que ces corpuscules se rattachent toujours aux couches sous-cuticulaires par un pédicule creux. La constitution his- tologique de ces organes est toujours la même dans ses par- lies essentielles, mais elle varie un peu suivant la région où on les étudie. Chacun d'eux se compose d’une sorte de loge creusée dans l'épaisseur de la cuticule et tapissée par les cellules de l’épiderme aplaties et semblables à celles du reste du corps (fig. 6), le follicule lui-même est formé de deux sortes d'éléments. On remarque d’abord des éléments glan- dulaires gros, ovoïdes ou en massue, remplis de mucus glo- mérulé irrégulièrement, ou constitué en une seule masse granuleuse; quelques-uns de ces grains plus gros que les autres paraissent être des organismes parasites. À côté de ces cellules glandulaires les follicules renferment chacun un groupe de noyaux ayant presque toujours une situation ex- centrique. Ces novaux sont fortement colorés en rouge et appliqués à la face interne des parois du corpuscule (fig. 6, cs). Ils appartiennent à des cellules fibrillaires qui forment iei un corpuscule comparable aux corpuscules sensitifs des Sipon- cles; seulement, au lieu de rester distincts, les deux sortes d’organescutanés du Sipunculus nudus, c’est-à-dire les glandes et les appareils sensitifsse sont ici confondus et sont logés dans la même dépression de la culicule. Ces corpuscules sensi- lifs ainsi mélangés aux éléments glandulaires sont surtout nels au niveau de la trompe. Dans cette région des téguments le nombre et le volume des éléments de sécrétion diminuent, les cellules sensitives constituent une masse qui paraît alors LES GÉPHYRIENS INERMES. id plus importante (fig. 7). Il semble que le corpuscule tend à devenir uniquement sensilif. Les follicules sensitifs et glan- dulaires communiquent avec l'extérieur par un pore qui est quelquefois entouré d’une mince collerette transparente fine- ment découpée, mais il m'a été impossible d'y découvrir quelque chose de semblable aux cils sensitifs des corpuscules du Siponcle. Ainsi queje viens de le dire, ces licules ne sont pas isolés au milieu de la cuticule, ils sont en relation avec les couches sous-jacentes par un pédicule creux et on peut voir les cel- lules épidermiques des parois du corps qui tapissent la face interne de ce petit canal et établissent ainsi un lien entre ces éléments et ceux qui recouvrent la face interne du follicule (Hig. 6, x). Enfin, on trouve, presque toujours, dans la lu- mière de ce canal, un filet nerveux dans les follicules qui appartiennent à la surface générale des téguments, plusieurs dans ceux qui sont situés dans l'épaisseur des parois de la trompe. Ce filet nerveux difficile à suivre apparaît d’abord entre la couche musculaire et l’épiderme, il émerge au ni- veau du point d'implantation du follicule, se recourbe, pénè- tre dans le canal basilaire et, au lieu d’aller se perdre au milieu des grosses cellules glandulaires, s'applique à la face interne des parois du follicule où l'on ne tarde pas à le perdre après un court trajet, 1l est en effet coupé à des hauteurs différentes. Ce résultat est constant et pour ainsi dire fatal, pour qu'il n'en fût pas ainsi il faudrait que ce nerf füt dirigé exactement suivant le plan par lequel passe la coupe. Cette condition n'étant jamais réalisée, il est impossible de voir ses rapports avec le groupe des cel- lules sensitives. Je dois seulement signaler un fait qui me paraît constant et propre à démontrer la nalure sensi- live des éléments fibrillaires groupés en faisceau : je veux parler de la direction que prend ce filet nerveux lorsqu'il a pénétré dans le follicule : on voit que les fibres se diri- gent toujours du côté où se {rouve le faisceau des celluies fibrillaires, et si on ne peut le voir entrer en contact avec ce 12 ET. JOURDAN. faisceau on peut supposer à bon droit qu'il doit aller se per- dre à sa base. La constitution histologique de ce petit nerf ne présente rien de spécial el je crois inutile de répéter ce que j'ai déjà dit à ce sujet à propos du Siponcle. CORPUSCULES SENSITIFS ET GLANDULAIRES DE L'Aspidosiphon scutatum Mur. ET pu Phascolion Strombi Mont. La structure fondamentale des téguments est toujours la même, el il n’v à aucun changement dans le nombre et la disposition des couches; le genre Aspidosiphon est seulement caractérisé au point de vue auquel nous nous placons par l'épaisseur considérable de sa cuticule qui ac- quiert son plus grand développement au niveau des boucliers antérieur ou postérieur. À ce niveau nous remarquons dans l'épaisseur de cette cuticule des nodules colorés en brun jaunâtre sur la nature desquels il est impossible d’avoir une opinion bien arrêtée. Ces nodules qui peuvent être complète- ment emprisonnés dans la culicule ou bien logés dans des fosselles creusées à sa surface ne présentent rien qui puisse les faire considérer comme des élémentsanatomiques vivants. Il faut sans doute voir en eux des produits d’une transforma- tion locale de la cuticule ou bien admettre qu'ils correspon- dent à des globules muqueux logés dans des cryptes de la surface du corps el colorés par la vase dans laquelle vivent ces Animaux. Ces particularités de la culicule que je décris à propos de l'Aspidosiphon parce que c'est chez lui qu’elles paraissent avoir acquis leur plus grand développement ne sont pas pro- pres à ce Géphyrien, elles se rencontrent aussi dans les genres Phascolion et Phascolosoma (fig. 6, x), mais elles sont peu développées et on peut dire que c’est à la présence de ces formations que la peau des boucliers de l’Aspidosiphon scuta- tum doit sa dureté et sa résistance toute spéciale. Ces bou- cliers sont aussi remarquables par l'existence d’un grand nombre de follicules glandulaires qui se sont accumulés là en srande quantité et y ont acquis des dimensions plus considé- LES GÉPHYRIENS INERMES. 13 rables ; les éléments glandulaires ne sont pas mélangés chez l’'Aspidosiphon avec les éléments sensitifs et je dois dire que malgré le grand nombre de coupes que j'ai pratiquées dans les téguments de ce Géphyrien je n'y ai jamais rencontré des corpuscules sensitifs semblables à ceux que je viens de décrire. Les follicules qui existent dans l’épaisseur des tégu- ments généraux de ces vers sont uniquement glandulaires, les éléments sensitifs sont 1c1 distincts et groupés en petits organes que l’on ne rencontre que sur la trompe. Il enrésulte que la surface générale du corps, abritée par les parois des vieux tubes de Serpules ou par les coquilles des Mollusques dans lesquelles ces animaux se logent ne doit présenter qu’une sensibilité plus obtuse; tandis que la trompe qu'il tient le plus souvent en rétraction nous apparait comme une sorte d’organe sensitif très délicat à l’aide du- quel ces animaux peuvent percevoir le contact des corps qui les entourent. Ces corpuscules sensitifs de la trompe de l’Aspidosiphon scutatum sont conslitués par des groupes de petites cellules en bâtonnet. Les extrémités des cellules qui forment ces corpuscules sont logées dans un petit étui cuticulaire qui fait saillie à la surface tandis que les noyaux accumulés à la base du corpuscule sont groupés au niveau de l’hypoderme. Je n'ai pu apercevoir la disposition des filets nerveux et ce n’est que par comparaison avec ce qui existe dans les genres voi- sins que je me crois autorisé à voir dans ces corpuscules des organes sensitifs. La structure et la disposition des organes cutanés glandu- laires et sensitifs du Phascolion Strombi rappellent complète- ment ce qui existe chez le genre Aspidosiphon. La cuticule est seulement plus mince et on n’y remarque pas ces grains chi- tineux ou muqueux qui sont caractéristiques de l’espèce pré- cédente : les glandes paraissent aussi plus nombreuses, mais les corpuscules sensitifs n'offrent aucune différence appré- clable. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE I CORPUSCULES SENSITIFS ET GLANDES CUTANÉES DES GÉPHYRIENS INERMES. Fig. 1. — Coupe transversale des parois du corps d’un Sipunculus nudus au niveau de la base de la coupole terminale. — c, cuticule; e, épiderme ; f, tissu conjonctif sous-épithélial; cj, corps jaune du tissu conjonctif ; g, glande cutanée; cs, corpuscule sensitif; gs, cellules glandulaires du cor- puscule sensitif; n, nerf et cellules nerveuses. Gr. 340. Fig. 2 et 3. — Corpuscules sensitifs des parois du corps du Sipunculus nu- dus montrant en cn le groupe des cellules nerveuses situées à la base du corpuscule ; ns, groupe de noyaux des cellules sensitives; bs, faisceau des fibrilles terminales des cellules du corpuscule; s, cils sensitifs dont la netteté a été un peu exagérée; gs, cellules glandulaires du corpuscule : n, nerf se détachant d’un plexus nerveux sous-épithélial. Gr. 340. Fig. 4. — Follicule glandulaire des parois du corps du Sipunculus nudus. — e, cuticule; e, épithélium à prolongement basilaire; g, cellules glandu- laires. Gr. 340. Fig. 5 a et b. — Glandes unicellulaires des parois du corps du même ver. Gr. 340. Fig. 6. — Coupe au niveau d'un follicule glandulaire des parois du corps du Phascolosoma elongatum, Kef. — c, cuticule; x, dépôts de nature indé- terminée à la surface de la cuticule; e, épithélium des parois du corps; me, muscles circulaires; ml, muscles longitudinaux groupés en faisceaux ; p, épithélium péritonéal; g, cellules glandulaires; cs, groupe de cel- lules sensitives; n, nerf du follicule. Gr. 340. Fig. 7. — Coupe légèrement oblique d’un follicule dé la trompe du même Géphyrien ne passant pas par l'axe. — x, dépôt muqueux ou chitineux à la surface de la cuticule; c, cuticule; g, glande; cs, groupe de cellules sensitives. Gr. 340. OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES SUR LE SYSTÈME NERVEUX ET LES AFFINITÉS ZOOLOGIQUES DES GASTÉROPODES DU GENRE PORCELAINE (CYPRŒA). Par M. E.-L. BOUVIER. Ce court mémoire se compose d’un ensemble de détails précis sur la disposition des centres nerveux et sur le trajet des nerfs des Cyprées ou Porcelaines. Il est topographique avant tout, et offre cette parlicularité de ne contenir aucun fait nouveau d'importance même médiocre. À ceux qui vou- draient connaître tous les traits essentiels et les champs d’innervalion de la Porcelaine, je recommande le travail syn- thélique et comparatif que j'ai publié sur le système nerveux des Gastéropodes prosobranches (1); mais comme les Cy- præidés occupent une place forcément très restreinte dans ce travail, comme, en outre, leur système nerveux n’est re- présenté que dans quelques figures d'ensemble, j'ai pensé qu'il serait utile de développer le texte trop réduit consacré à ces intéressants mollusques, et de reproduire avec une exactitude rigoureuse les parties les plus importantes de l’in- nervation dans ces animaux. (1) E.-L. Bouvier, Système nerveux, morphologie générale et classifica- tion des gastéropodes prosobranches, Ann. sc. nat. (7), t. IIL; Cyprœidés, p. 211 à 229, fig. 52 et 56. 16 E.-L. RBOUVIER. Ces observations complémentaires m'ont été suggérées par la lecture d’un récent mémoire de B. Haller (1); mais elles ne sont pas destinées à répondre aux critiques formulées par cet anatomiste contre mes recherches antérieures sur les Cypræidés. Elles ont pour but principal de pousser d’autres anatomistes à vérifier les travaux de B. Haller et les miens, de manière à éviter des discussions fâcheuses et sans aucun profit pour la science. Comme je l’ai déjà dit dans une note antérieure, je liens mes préparations à l'usage de ces cher- cheurs; elles sont toutes conservées dans les collections du Muséum, et sont, pour la plupart, très fidèlement reproduites dans les figures de la planche (PI. IT) annexée à ce travail (2). J'ai consacré à ces recherches complémentaires les beaux exemplaires de la Porcelaine arabique (Cypræa arabica Lin.) que M. le D' Jousseaume à obligeamment recueillis dans la mer Rouge pour les travailleurs du Muséum. Cette espèce est celle dont j'avais antérieurement décrit le système nerveux avec les seuls détails que comporte un travail d'ensemble. B. Haller a étudié, de son côté, la Porcelaine tortue (Cypræa testudinaria Lin.); mais les divergences qui nous séparent ne liennent certainement pas aux différences spécifiques ; j'ai pu observer, autrefois, nombre d'espèces variées, y compris la Porcelaine tortue, et J'aurais, à coup sûr, signalé les variations de quelque importance si j'avais pu en constater. Au reste, M. le D’ Jousseaume doit me procurer bientôt des ‘exemplaires de cette dernière espèce, et Je m’empresserai de faire connaître les faibles traits anatomiques qui peuvent différencier cette espèce vis-à-vis de la Porcelaine tortue. Disposition générale des centres nerveux (fig. 4). — La dispo- sition générale des centres nerveux a élé exactement indi- quée dans le travail dont J'ai parlé plus haut. Je dirai seule- ment ici, pour mémoire, que les centres cérébroïdes (c), en (4) Beza HaLLer, Die Morphologie der Prosobranchier, gesammelt auf einer Erdumselegung durch die kônigl. italianische Korvette « Vettor Pisani », Morphol. Jahrbuch., 16 B., 2 H. (2) E.-L. Bouvier, Sur le système nerveux des Cyprées, Zool. anzeïger, n° 352, 1890. SYSTÈME NERVEUX DES GASTEÉROPODES. 17 grande partie concrescents sur la ligne médiane, sont aussi concrescents en arrière avec le ganglion palléal correspon- dant; que de la région palléale du ganglion cérébro-palléal droit (C d) se détache la branche sus-intestinale (4) de la com- missure viscérale, laquelle forme bientôt, à gauche, un gan- glion sus-intestinal(S p), en relation avec la partie palléale du ganglion cérébro-palléal gauche (C 4) par le connectif de la zygoneurie gauche (z'); enfin que de ce dernier ganglion se détache, en outre, la branche sous-intestinale (4) de la même commissure, et que, sur celle branche, on trouve, à une assez grande distance à droite, le ganglion sous-intes- tinal (S6). J’ajouterai, enfin, qu’au point où se continuent, en arrière, les deux branches commissurales, se trouve le gan- glion viscéral principal, auquel se joignent parfois, plus en avant sur la commissure, deux autres ganglions viscéraux accessoires. Les centres ganglionnaires antérieurs ne sont pas symétri- quement placés; rejetés à gauche de la ligne médiane du corps, à peu près au niveau du milieu de la fausse branchie, ils sont situés dans la cavité antérieure du corps couchés sur le flanc, pour ainsi dire, le ganglion palléal droit étant au- dessus et un peu en avant du ganglion palléal gauche. C’est ainsi, du moins, qu'on les observe dans les animaux conservés dans l'alcool, à gauche de l’œsophage, en ar- rière de la masse buccale (M) et de la trompe rétractée les connectifs cérébro- palléo-pédieux #, et X, se dirigeant à droite, recouverts par la partie postérieure de la masse buccale, et par la partie antérieure du renflement glan- dulaire de l’æsophage. Il n'est pas douteux que ces cen- tres se déplacent suivant les divers états de contraction de la trompe et du reste de l'animal; mais ils ne peuvent s’éloi- gner beaucoup de la posilion que J'ai indiquée, car ils sont retenus en place par les nerfs du ganglion sus-intestinal qui, aussitôt après leur naissance, plongent à gauche dans les parois du corps, pour se rendre au manteau el à ses organes. Quant aux autres ganglions, leur position doit être à peu ANN. SC. NAT. ZOOL. MIE 2 "ARTS NA 2, 18 E.-L. BOUVIER. près invariable : les cordons ganglionnaires pédieux (fig. 3, P) parcourent le pied d'avant en arrière, et se mettent en rela- tion avec leurs connectifs, à quelque distance en arrière des tentacules, sur le côté droit de la cavité antérieure des corps, dont leur partie renflée n’est séparée que par des faisceaux musculaires assez bien isolés les uns des autres. Le ganglion sous-intestinal se trouve un peu plus en arrière, et se découvre à droite sur les bords de la cavité antérieure, dès qu’on a enlevé les viscères de cette cavité. Enfin, le gan- glion viscéral principal est accolé contre la masse des vis- cères, au fond de la chambre respiratoire, un peu à gauche de la base élargie du rein; il se voil par transparence à tra- vers la mince membrane qui le recouvre. Relations du système nerveux avec l'appareil artériel (fig. 4). — Les relalions du système nerveux avec l'appareil circula- toire sont les mêmes que celles dont j'ai fait mention aulre- fois en parlant du Buccin. L'’aorte antérieure (Ao) est com- prise, en arrière, entre la commissure viscérale en dessus, et l’œsophage postérieur en dessous; elle passe ensuite sous le renflement œsophagien, et en avant, au-dessus de la branche nerveuse sous-inleslinale (4’), entre le ganglion sous- inteslinal et le ganglion palléal gauche; elle traverse ensuile le collier cérébro-pédieux entre les connectifs de aroile et ceux de gauche, émet une branche céphalique, puis plonge dans le pied, où elle forme une artère antérieure et une ar- tère postérieure. Cette disposition, qui est probablement identique chez tous les Prosobranches, présente ici une anomalie, au moins autant que j'ai pu m'en rendre compte. Dans le Buccin, on voit l’aorte antérieure émettre de chaque côté, en traver- sant les colliers antérieurs, une petite artère latérale, qui se dirige en dehors en traversant l’espace compris entre les ganglions cérébroïdes, palléaux, pédieux et leurs connectifs (triangle latéral de Lacaze-Duthiers); J'ai également retrouvé celle disposition dans beaucoup de Prosobranches (Nalices, Cassidaires, etc.), mais ici elle m'a paru faire défaul. J’at- SYSTÈME NERVEUX DES GASTÉROPODES. 19 tribue cette anomalie, dans une connexion d’ailleurs secon- daire, aux rapports intimes qui existent entre les deux connectifs (cérébro-pédieux et palléo-pédieux) de chaque côté, et qui sont presque certainement la conséquence du déplacement à gauche des centres nerveux, et de l’allonge- ment correspondant des connectifs. Sur la forme des centres nerveux. — B. Haller a critiqué la iorme que j'attribue aux centres cérébroïdes, palléaux et pédieux, encore qu'il retrouve, à quelque minulie près, les traits sous lesquels je les avais déerits. C’est ici, plus que partout ailleurs, que les variations spécifiques peuvent exister sans avoir, toutefois, une importance réelle. B. Haller a relevé lui-même des variations individuelles de même ordre dans les divers individus qu'il a étudiés, notamment en ce qui concerne le ganglion palléal gauche (1), le ganglion palléal droit (2) et le ganglion sous-intestinal (3). Je dois dire, cependant, que le ganglion palléal gauche se divise peu profondément en deux moitiés; el que dans la Porcelaine arabique les cordons pédieux ne forment pas, à l’origine de leur conneclif, un renflement ganglionnaire aussi long que celui représenté par B. Haller dans la Porcelaine tortue. Je le répète, du reste, ce sont Îà variations de peu d'im- porlance, spécifiques ou individuelles, qui ne nous instruisent en aucune manière sur l’organisation générale des Porce- laines. Centres cérébroïdes. — Élroitement unis sur la ligne mé- diane, et seulement séparés par un léger étranglement, Les ganglions cérébroïdes (c) émettent des nerfs nombreux, dont J ai donné une description suffisante dans le travail déjà cité. B. Haller n'a pas criliqué celte partie de mon travail, bien que des différences assez importantes distinguent sa des- cription de la mienne. Je ne sais si ces différences, dont quelques-unes ne sont pas sans valeur, tiennent à des varia- (4) Loc. cit., p. 263. (2) Loc. cit., p. 267. (3) Loc. cit., p. 270. 20 E.-L. BOUVIER. ions spéciliques; Je dirai simplement, afin de bien préciser les faits, que B. Haller signale deux nerfs proboscidiens, deux nerfs des téguments céphaliques et un nerf de la mus- culalture buccale ; tandis que j'ai trouvé deux nerfs franche- ment proboscidiens, un nerf labial et proboscidien, un nerf des téguments céphaliques et des muscles rétracteurs de la trompe, enfin un nerf franchement labial. Je ne parle pas, bien entendu, des nerfs acoustique, optique et tentaculaire, car ils sont indiqués dans l’un et l’autre mémoire. | (ranglhions palléaux. — Les ganglions palléaux sont concrescents avec les ganglions cérébroïdes dont ils parais- sent, au premier coup d'œil, former la partie postérieure, bien qu'un léger étranglement les en sépare. Le résultat de cetle concrescence très avancée, c'est que les connectifs cérébro-pédieux et palléo-pédieux de chaque côté semblent naître tous deux du ganglion palléal correspondant ; ils res- tent en contact sur toute leur longueur, mais sont beaucoup moins reliés l’un à l’autre à mesure qu’on se rapproche des cordons pédieux. À son extrémité gauche, le ganglion palléal droit (Cd) se continue dans un gros cordon, qui aboutit bientôt dans le ganglion sus-intestinal (Sp). Ce cordon, qui sert d’origine à la branche sus-inteslinale de la commissure viscérale, ren- ferme à peu près certainement des cellules nerveuses gan- glionnaires; mais je crois qu’au lieu de dire, avec B. Haller, que le ganglion palléal droit est concrescent, par sa pointe, avec le ganglion sus-intestinal (1), il est rationnel de consi- dérer le cordon comme la branche sus-intestinale de la com- missure viscérale, occupée à son origine par des cellules nerveuses plus ou moins nombreuses. Le ganglion palléal gauche (C 4) se rattache, en outre, par un conneclif plus fin, au bord postérieur du ganglion sus- intestinal. Il se forme ainsi un connectif de la zygoneurie gauche (z’) d’une netteté extrême; mais je dois dire, dès à (4) Loc. cit., p. 266, SYSTÈME NERVEUX DES GASTÉROPODES. 21 présen{, que Je n’ai pu observer cet allongement extraordi- naire du connectif dont parle B. Haller (1), et qu'il représente dans la figure 2 de son travail. Dans ces observations nouvelles, comme dans les an- ciennes, je n’ai pu apercevoir, dans la Porcelaine arabique, le fin connectif de la zygoneurie droite que j'avais pu prépa- rer, non sans peine, sur un exemplaire de Cypræn cervus. B. Haller figure à sa place, dans la P. tortue, un gros con- nectif, qui n'aurait certainement pu m'échapper, s’il avait eu ces dimensions, dans la P. arabique. Je ne dis pas, tant s’en faut, que le connectif n’existe pas dans cette dernière espèce ; mais je tiens à faire remarquer que je ne l'ai pas vu, et qu’il doit être plus fin encore, s’ilexiste, que dans la Cypræa cervus. Je n’ai vu partir aucun autre nerf du ganglion palléal droit; je reviendrai sur ce fait important en traitant de l’innervation du pénis. D'après B. Haller, le ganglion palléal gauche donne nais- sance à deux nerfs nuquaux, au premier nerf columellaire, au nerf palléal inférieur gauche et au nerf siphonal. Il peut se faire que je n’aie pas vu les deux nerfs nuquaux, mais j'ai représenté avant B. Haller le nerf columellaire (/), le nerf siphonal ("») et le nerf palléal inférieur (#'). Le premier se détache de l'extrémité droite du ganglion sous-intestinal, ou de la commissure dans son voisinage ; le second à gauche, de la face inférieure du ganglion palléal gauche, et le troi- sième entre les deux. B. Haller ne signale pas le trajet si caractéristique de ce dernier nerf, et c'est pourquoi je me demande si nous nous entendons bien tous les deux quand nous parlons de nerf palléal inférieur gauche. Pour moi, ce nerf (m, fig. 1, etfig. 4), qui est d’une forte dimension, plonge presque immédiatement dans le plancher musculaire de la cavité du corps, se dirige à droite et en arrière à l’intérieur de ce plancher, et atteint bientôt la ligne où le manteau se rattache au pied, à droite et en arrière, à distance assez forte (4} Loc. rit., p. 265, 29 E.-L. BOUVIER. du siphon. Là, ce nerf se ramifie bientôt dans la partie cor- respondante du manteau; mais sa branche principale se con- linue en arrière, pour s’anastomoser avec la branche anté- rieure du nerf palléal droit antérieur et inférieur {m',); tandis que ces branches, les plus avancées en avant, forment un ré- seau nerveux qui se conlinue avec celui du siphon. Le réseau siphonal est formé tout entier par le nerf palléo- siphonal, considéré comme purement siphonal par B. Haller. Ce nerf (fig. 1 et2,m), issu du ganglion palléal gauche, plonge dans les parois antérieures du corps, atteint bientôt la base du siphon, et là envoie quelques-unes deses branches importantes dans le siphon, d’autres en avant dans la parlie gauche et su- périeure du manteau, d’autres enfin en arrière dans la partie gauche et inférieure de ce dernier. L'ensemble de ces bran- ches se divise en un réseau, qui met en relalion indirecte le nerf palléal inférieur gauche (m')avec le nerf palléo-branchial antérieur (v') (qu’on pourrait aussi nommer palléal supérieur gauche), dont je parlerai en m'occupant du ganglion sus- intestinal. J'avais signalé loules ces relations importantes dans mon premier travail, et je suis persuadé que B. Haller les retrouvera sans peine dans la P. tortue. Ganglion sus-intestinal. — Outre le prolongement de la branche sus-intestinale de la commissure viscérale, B. Haller fait naître, du ganglion sus-intestinal, deux troncs nerveux dont le postérieur, le plus faible, est double dès son origine. J'ai observé la même disposilion dans la P. arabique; mais mes observalions ne concordent pas avec celles de B. Haller, en ce qui concerne le trajet et la distribution de ces nerfs. Considérons d’abord le tronc antérieur. D'après B. Haller, il émet trois branches, dont la première, très pelile et incomplètement suivie par l’auteur, se dirige vers le siphon, tandis que la plus forte irait à l'organe olfactif (fausse bran- chie), la troisième formant le premier nerf branchial. Ce nerf branchial, d’après B. Haller, se rend vers la pointe de la branchie, où il forme un ganglion branchial analogue à celui des Rhipidoglosses, avec cette différence, toutefois, qu'il SYSTÈME NERVEUX DES GASTÉROPODES. 23 n'émet que des nerfs branchiaux anastomosés à l’extré- mité de la branchie, un nerf de l'oreillette, et enfin une branche anastomoltique allant au deuxième nerf branchial. Voici maintenant ce que j'ai observé, autrefois comme aujourd’hui, dans la P. arabique (fig. 2). Le tronc nerveux an- térieur (b°) se divise très rapidement en deux branches, dont la postérieure (v), la plus faible, se rend à la fausse branchie. Avant d'arriver au bourrelet central de cet organe, elle émet quelques fins rameaux qui s’y rendent; d’ailleurs, elle ne se termine pas purement et simplement dans le bourrelet, mais on la voit émettre un pelit nerf qui se dédouble ordi- nairement, et va se rendre à la grande courbure de la bran- chie. Ce rameau branchial, issu du premier nerï de la fausse branchie, se voit presque toujours, sans préparation aucune, quand on ouvre et étale la partie gauche du manteau de l'animal. Si bien que la branche nerveuse sur laquelle il a pris naissance nest pas seulement olfactive, comme la décrit B. Haller dans la P. torlue, mais à la fois olfactive et branchiale. L'autre branche (v'), issue du tronc antérieur, est beau- coup plus forte; on la voit passer sous l’angle antérieur de la fausse branchie {4r), puis sous l'extrémité antérieure de la branchie (Br). Mais, au lieu de s'arrêter là pour y former un ganglion branchial, comme le décrit B. Haller dans la P. tortue, elle se continue purement et simplement dans le manteau, parallèlement au bord antérieur, atteignant ainsi, par ses rameaux ultimes, des régions du manteau si- tuées à droite, à une assez faible distance de l'anus (fig. 1, »'). L'observation de ce nerf puissant ne demande aucun travail: toujours, et dans tous les individus que j'ai étudiés, on l’ob- serve par transparence dès qu'on a ouvert le manteau, aussi bien après qu’il a dépassé la branchie qu'avant le point où il l’atteint. Ce nerf, que j'ai appelé palléo-branchial en y com- prenant la branche olfactive issue du même tronc, émet quelques filets nerveux en arrière et beaucoup plus en avant. En arrière, il envoie un filet récurrent, qu’on peut suivre à 24 E.-F. ROUVIER. quelque distance sur le vaisseau efférent de la branchie, près de sa pointe; puis, après avoir dépassé cel organe, quelques ramificalions palléales postérieures, dont la plus voisine de la branchie côtoie les feuillets branchiaux, sans paraître toutefois s’y distribuer (1). Les ramifications antérieures se détachent sur toute la longueur du nerf, depuis le voisinage de son origine jusqu’à sa terminaison; une des premières parait émettre un petil filet destiné à la fausse branchie; mais toutes se ramifient, s’anastomosent entre elles, et for- ment un réseau palléal qui se continue avec celui du siphon. C'est à tort que B. Haller me reproche de n'avoir pas signalé le petit rameau dont j'ai parlé plus haut, et qu'il n’a pu sui- vre lui-même jusqu'au siphon; ce rameau est le premier d’un réseau anastomotique qu’on observera vraisemblable- ment chez tous les Prosobranches, que Lacaze-Duthiers a décrit dans le Vermet (2), et que J'ai décrit et figuré moi- même dans le Buccin (3). Je n’ai observé ni branche auricu- laire ni réseau branchial, et je considère le nerf dont je viens de parler comme un nerf palléo-branchial, beaucoup plus palléal que branchial. Reste à étudier le tronc suivant (4°) qui, bientôt bifurqué, constitue les deuxième et troisième nerfs branchiaux de B. Haller. J’ai décrit ce nerf comme deuxième nerf branchial ; et contrairement à B. Haller qui l’a vu se distribuer unique- ment dans la branchie; je l'ai toujours trouvé beaucoup plus olfactif que branchial; je n'ai même vu partir aucun filet branchial de sa moitié postérieure, et les rameaux bran- chiaux de sa partie antérieure sont peu nombreux et peu importants. Ù | En résumé, des quatre branches nerveuses importantes issues indirectement du ganglion sus-intestinal, la première (1) Dans mon travail déjà cité, je considère ce rameau, parfois dédoublé, comme exclusivement branchial (p. 220); peut-être ai-je eu, à cette époque, des préparations qui me permettaient de le suivre plus loin. (2) De Lacaze-Duraiers, Anatomie et embrvogénie du Vermet, Arn. sc. nüt. (4), 4. XIIT, ÆPL'NL, fig.4° (3) Loc. cit., p. 269. SYSTÈME NERVEUX DES GASTÉROPODES. 25 et la plus importante (v') est surtout palléale et très faiblement branchiale; la deuxième (+) et la troisième (branche anté- rieure de à’) sont olfactives et branchiales; quant à la qua- trième (branche postérieure de 4”), elle m'a toujours paru uniquement olfactive (1). B. Haller décrit, en outre, un autre nerf issu du ganglion sus-intestinal, et destiné à innerver la dilatation glandu- laire œsophagienne. J'ai signalé aussi ce nerf(e') dans mon travail, mais je le considérais et le considère encore comme pariéto-dorsal. Ce nerf a des dimensions assez variables, el il se détache tantôt du ganglion, tantôt de la commissure viscérale, un peu en arrière de ce dernier. Ganglion sous-intestinal (Sb, fig. 1 et fig. 4). — Du gan- glion palléal gauche (C9) au ganglion sous-intestinal (S4), la branche sous-intestinale (4) de la commissure viscérale parcourt un assez long trajet de gauche à droite et d'avant en arrière sur le plancher de la cavité antérieure du corps. Durant ce parcours elle n’émet aucun nerf sauf parfois le nerf columellaire (/) qui, au lieu de partir du ganglion palléal gauche, se réunit fréquemment à la commissure pour l’a- bandonner un peu après. Je n’ai pu observer le nerf périto- néal que B. Haller indique sur la commissure dans celte parlie de son trajet. Le ganglion sous-mntiestinal donne naissance, d'avant en arrière, aux trois nerfs suivants : le nerf palléal inférieur droit (”',), le grand nerf palléal droit (»') (2) et un nerf pa- riétal (à). Le nerf palléal inférieur droit (#',) se confond souvent à son origine avec le suivant; mais le contact ne dure pas longtemps el le nerf acquiert bientôt toute son indépen- dance. Presque superficiel au début, il se dirige d’abord à (1) J’emploie le mot olfactif pour simplifier ; la fausse branchie, ou organe de Spengel, a été considérée comme un organe olfactif, mais ses fonctions sorielles ne sont pas encore nettement déterminées. (2) C’est par erreur que, dans la figure #4, le grand nerf palléal droit, presque contigu à m', est représenté par m!; la lettre m' devrait remplacer la lettre m.. 26 E.-L. BOUVIER. droite et en arrière dans les muscles de cette région du corps; peu à peu il devient plus profond, se bifurque et ses deux branches traversent le muscle columellaire sans lui donner aucun rameau. Les deux branches atteignent bientôt la ligne suivant laquelle le manteau se rattache en dessous au muscle columellaire; la plus antérieure se recourbe en avant pour se conlinuer avec la branche du nerf palléal gau- che inférieur, tandis que la plus reculée en arrière longe le muscle columellaire pour atteindre la dépression palléale située en avant et au-dessous de l’anus. Ces deux branches se ramifient d’ailleurs et forment un réseau qui se continue, d’une part avec celui du nerf palléal gauche inférieur, de l’autre avec celui du grand nerf palléal droit. Ce dernier (#7) est Le plus puissant des nerfs issus du gan- glion sous-inteslinal. Son (rajet dans la couche supérieure du muscle columellaire est presque partout plus rapproché de la surface que celle du nerf précédent, surtout quand on se rapproche de l’anus où il devient alors visible par trans- parence dans le manteau. Ce nerf se dirige plus en arrière que le précédent et, avant d’atleindre le manteau, émet un certain nombre de ramifications dont les plus courtes et les plus ténues, représentées déjà dans mon premier travail (1), sont destinées aux parois sous-Jacentes formées par le mus- cle columellaire, tandis que les autres, moins nombreuses mais plus longues, se rendent dans la masse recto-génilale, les unes sur sa partie externe, les aulres dans sa partie interne qui forme à droite une partie du plafond de la chambre respiraloire. Après avoir atteint le point d'attache du man- teau, le nerf se dirige vers l'anus, passe sous la partie sail- lanle du rectum, soil avant, soil après, se divise en deux branches dont l’une se dirige en dessous vers la région infé- rieure du manteau, tandis que l’autre se continue en dessus dans cet organe. Les ramifications des deux branches se divisent à leur tour el forment un réseau anastomotique (4) Loc. cit., fig. 56. re SYSTÈME NERVEUX DES GASTÉROPODES. 2 continu dont la partie inférieure se continue avec le réseau du nerf palléal inférieur droit, tandis que la partie supérieure se confond avec le réseau du nerf palléo-branchial gauche. « Ainsi s'établit, comme Je le disais dans mon précédent travail, un réseau absolument continu, qui entoure le corps entier sur le bord du manteau. Ce réseau met en relation les cinq nerfs suivants : palléo-siphonal (»), branchio-pal- léal (v'), palléal inférieur gauche (m'), palléal inférieur droit (m'), palléal droit (m'). » Les branches du réseau envoient de fines branches dans chacun des nombreux tentacules, pro- bablement tactiles, qui occupent le bord du manteau (1). Il me reste à signaler maintenant le nerf pariélal droit (7,), issu en dernier lieu du ganglion sous-intestinal; tantôt simple, tantôt double dès son origine, il se voit sans prépa- ralion dès qu'on a découvert le ganglion sous-intestinal; c’est un nerf assez fort qui se dirige à gauche en arrière du nerf précédent, son trajet est peu profond et il se rend aux parois du corps, formées par la partie droite du muscle columel- laire. Telles sont l’origine et la distribution des nerfs issus du ganglion sous-intestinal; il nous reste mainlenant à rappe- ler enquelques motsla description de B. Haller. L’anatomiste allemand signale simplement les deux premiers nerfs que j'ai cités, mais d'après lui aucun d'eux ne se rendrail au man- teau : le premier, celui que j'appelle palléal inférieur droit, se dirige dans le voisinage de la goutlière déférente où 1l se résout tout à coup en ces branches terminales; le second, de beaucoup le plus puissant, se ramifie exclusivement dans le muscle columellaire, à part quelques filets destinés à la glande hypobranchiale. Quant au nerf pariétal droit, B. Hal- ler en conteste l'existence. Il est difficile d'arriver, j imagine, à des résultats plus diamétralement opposés à ceux que J'ai obtenus. (1) J'ai donné, p. 221-222 de mon premier travail, une explication à mon avis rationnelle de la disposition des nerfs palléaux de la Porcelaine; je crois utile d'y renvoyer le lecteur. 28 E.-L. BOUVIER. Ainsi, d’après les recherches de B. Haller sur la Porce- laine tortue, le ganglion sous-intestinal ne prend aucune part à l'innervation de la partie droite du manteau; c’est au gan- elion palléal droit qu'est dévolu ce rôle. B. Haller décrit en avant un tronc nerveux qui prend son origine entre le gan- glion cérébroïde droit et le ganglion palléal du même côté; ec tronc se diviserait en deux branches dont la supérieure serait le nerf palléal droit supérieur, et l'inférieure le nerf palléal droit inférieur. J'ai dit plus haut que je n'avais vu partir aucun nerf, ni du ganglion palléal droit. ni de l'intervalle qui le sépare du ganglion cérébroïde correspondant. La commissure viscérale et ses qanghons. — Un seul gan- glion viscéral est constant chez la P. arabique, c’est celui dont j'ai indiqué plus haut la position en traitant du système ner- veux général de la Porcelaine. Les deux autres (ganglion vis- céral droit situé sur la branche sus-intestinale et ganglion viscéral gauche situé sur l’autre branche) sont variables et peuvent faire complètement défaut. C’est ce que je disais à [rois reprises différentes dans mon travail antérieur (1) et c'est ce que je dois encore répéler aujourd’hui. Je ne vois donc pas pourquoi B. Haller me critique au sujet du ganglion viscéral gauche qui, d’après lui, n'existe pas dans la P. tortue; il suffisait de lire le texte de mon travail pour être convaincu qu'il en est souvent de même dans la P. ara- bique. J'en dirai autant du ganglion viscéral droit, encore que B. Haller le regarde comme existant toujours dans la P. tortue où il aurait une forme très allongée; je n’ai rien vu de semblable dans Le P. arabique, mais j'ai trouvé parfois, sur la branche commissurale gauche, un léger renflement gan- olionnaire à la base du quatrième nerf branchial (4°) et c’est ce renflement que je signalais comme un ganglion vis- céral gauche sans lui attribuer d’ailleurs une constance absolue. Entre le ganglion sous-intestinal et le ganglion viscéral (4) Loc. eit., p. 222 et 223. SYSTÈME NERVEUX DES GASTÉROPODES. 29 constant, la branche sous-intestinale (4) de la commissure viscérale donne naissance à un nerf recto-génital {m',) qui se distribue sur la masse de même nom au niveau de l’extré- mité antérieure du rein. C’est à la base de ce nerf que se trouve le ganglion viscéral droit quand ilexiste, mais le nerf se dédouble fréquemmentet, dans ce cas, on n’observe jamais de ganglion sur la commissure. B. Haller conteste absolument l'existence de ce nerf, mais il décrit par contre un nerf œsophagien qui se déla- cherait de la commissure beaucoup plus près du ganglion viscéral constant. Je n'ai pas aperçu ce dernier nerf dans la P. arabique ; par contre, j'ai observé au point où il est indi- qué par B. Haller quelques filaments nerveux très grêles qui se rendent aux téguments etaux muscles voisins. Ces filaments nerveux ne sont pas signalés dans mon premier travail, ils sont d’ailleurs de très faible importance. Contrairement à mes observations antérieures, B. Haller conteste également l'existence de tout nerf branchial sur la branche commissurale gauche, en arrière du ganglion sus- intestinal et il ajoute que ces nerfs ne sauraient exister « pour quiconque connaît les rapports lopographiques de la branchie et de la commissure (1). » Pour donner une idée aussi exacte que possible des rap- ports topographiques dont parle B. Haller, et pour atteindre la représentation exacte des nerfs dont l'existence est con- testée par B. Haller en raison de cesrapports, J’aireprésenté, dans la figure 5 de la planche annexée à ce travail, une préparation dans laquelle se trouve nettement mise en lumière la disposition de [a branchie au fond de la chambre palléale. Cette figure complétera ulilement la figure d’en- semble que j'ai donnée dans mon premier travail (2) et dans laquelle se trouvait forcément schémalisée toute là partie postérieure de la cavité respiratoire. Dans la figure 5 on a rabattu le lobe gauche du manteau (4) Loc. cit. p.269. (2) Loc. cil., p.56. 30 E.-L. BOUVIER. avec les organes qu'il porte. Ce lobe gauche se rattache par une ligne courbe aux parois du corps: cette ligne est parallèle à la branchie el presque circulaire comme cet organe; d'où il résulte : 1° que la chambre respiratoire forme en arrière et à gauche un cul-de-sac conique (s) assez profond; 2° que la moilié palléale gauche, quand on la rabat comme je l’ai fait, se trouve forcément plissée. Comme je voulais une prépara- ion qui montrât d'une part le cul-de-sac palléal, de l’autre l'extrémité postérieure de la branchie dans ses rapports na- turels, J'ai respecté tout le cône du cul-de-sac, mais J'ai ouvert son toit en le coupant de droite à gauche en même temps que le repli formé sur ce toit par le manteau rabatlu; j'ai écarté en avant et en arrière les lèvres (9 et g') de la plaie et j'ai mis ainsi à découvert le cul-de-sac et Ia partie posté- rieure de la branchie. Voici maintenant le trajet de la branche commissurale gauche()en arrière du ganglion sus-intestinal. Cachée un peu profondément dans les tissus, elle se dirige presque direc-: tement en arrière jusqu’à l'entrée du cul-de-sac, puis, arrivée là, fait un coude assez brusque, devient presque superficielle et se rend ensuile au ganglion viscéral de en décri- vant une courbe peu prononcée. Le ganglion viscéral accessoire gauche quand il existe se lrouve un peu en arrière du coude à l’origine du quatrième nerf branchial (4,). Ce dernier nerf est assez important et se voit par lransparence, sans préparation quand on dispose l'animal comme je l'ai fait dans la figure. Ce nerf se dirige à gauche entre la branchie et le péricarde, se bifurque et son rameau principal au moins se rend à la branchie. En avant du coude se trouve le iroisième nerf branchial (4°) dont le point de départ sur la commissure peul varier beaucoup. Moins important que le précédent, ce nerf s s'engage dans le cul-de-sac sur le plancher duquel on peut Le voir par trans- parence, il atteint de cette manière l’extrémité de la bran- chie qu'il innerve, mais il n’est pas impossible qu'il émette des rameaux pour l'oreillette. Entre les deux nerfs précé- SYSTÈME NERVEUX DES GASTÉROPODES. 31 dents on voit se détacher sur la commissure quelques filets nerveux dont je n'ai pu délimiter exactement le champ de distribution; plus en avant la commissure émet un nerf assez fort que j'ai vu se rendre en arrière dans les parois du corps et à l'origine du manteau, sans suivre toutefois jusqu’à l'extrémité ses dernières ramifications. Ce dernier nerf n’a pas élé signalé dans mon premier lravail, mais tous les autres sont indiqués et l'on voit que, dans la P. arabique, les rapports topographiques de la commissure et de la bran- _chie n'empêchent nullement ce dernier organe de recevoir des nerfs de la branche commissurale. C'est à droite du quatrième nerf branchial que B. Haller place, dans la P. tortue, le ganglion viscéral gauche très allongé et d’ailleurs constant. A sa place je n’ai pu aperce- voir dans la P. arabique que deux ou trois filels nerveux (1) (B. Haller en décrit six) que mon savant contradicteur con- sidère comme des nerfs de la masse viscéro-intestinale tan- dis que je les crois plutôt destinés au cœur; l’un d’eux se trouve, dans certains exemplaires, juste au-dessus de la bifur- cation aorlique et pourrait très bien suivre ce gros vaisseau pour pénéirer dans le ventricule, ainsi que je l’ai observé dans le Buccin. B. Haller décril aussi un de ces nerfs comme allant au ventricule, et je suis à peu près certain qu’il en est de même dans la P. arabique. | B. Haller ne contesle aucun résultat de mon travail relativement au ganglion viscéral; c’est en ce point, en effet, que nous sommes le moins en désaccord. A la place de ses trois nerfs rénaux Je décris un grand nerf réno-cardiaque, dont une branche assez forte, et souvent distincte dès son origine, rampe sur le péricarde; son nerf génital doit pro- bablement correspondre à mon nerf viscéral, enfin le nerf rectal de B. Haller doit correspondre aux deux nerfs 7° et j° (1) Ces filets sont représentés par la lettre j* dans mon premier travail; mais il suffit de jeter un coup d’œil sur le texte pour voir que le nerf 7*,issu du ganglion viscéral, doit être représenté par la lettre 7? dans les deux figures de la Porcelaine (fig. 52 et 56). C’est une erreur de notation qu'il est \ bon de relever ici. 32 E.-L. BOUVIER. dont j'ai parlé dans mon premier travail comme se rendant à la masse recto-génitale et au rein. Je dois ajouter, pour être plus précis, que l’un de ces nerfs m’a paru à peu près exclu- sivement rénal et superficiel, tandis que l’autre, plutôt reclo-génital, remonte en avant parallèlement au rectum. Cordons pédieux (P, fig. 3 et6).— Les cordons ganglionnai- res pédieux de la Cyprée ont été décrits avec une exactitude suffisamment rigoureuse dans mon premier travail pour qu'il me soit permis de ne pas insister ici. [ls se mettent en re- lation avec les connectifs (4,,4,) issus des centres antérieurs (cérébraux et palléaux) en arrière des tenlacules et un peu pro- fondément au-dessous du pénis; de là ils se dirigent en arrière en divergeant d'abord pour converger ensuite vers l'extrémilé postérieure. [ls sont très longs, mais pour juger de leur longueur relative par rapport au pied, il faudrait les observer sur un animal bien étalé. Ils sont fortement renflés en avan! (fig. 6) où 1ls deviennent concrescents sur une assez faible étendue ; en arrière, ils se mettent en relalion par des branches anaslomoliques assez irrégulièrement disposées. C’est, en un mot, la disposition normale des Rhipidoglosses et B. Haller ne conteste pas qu'il en soit ainsi, au contraire. Malheureusement, c’est le seul point sur lequel nous sommes d'accord el ici plus que partout ailleurs peut-être, nous nous trouvons en présence de divergences étonnantes : 1° D’après B. Haller, il y a deux nerfs péniaux dans la P. lortue et ces nerfs auraient leur origine dans le ganglion palléal droit. Je trouve de mon côté que le nerf pénial (fig. 3, i) de la P. arabique prend son origine dans le cordon pédieux droit, un peu au-dessous du point où ce cordon reçoit les connec- Lifs issus de la partie droite des centres antérieurs. Pour ob- server ce nerf on découvrira peu à peu les renflements pédieux antérieurs, on écartera le pénis à droite et on enlèvera cou- ches par couches les paquets musculaires compris entre sa base et les renflements pédieux. Le nerf pénial passe entre deux paquels musculaires successifs ; 1] envoie d’abord une SYSTÈME NERVEUX DES GASTÉROPODES. D. forte branche à l’un d’eux (probablement un faisceau mo- teur du pénis), puis aux téguments voisins de l’organe dans lequel il pénètre enfin. Dans la Porcelaine d'Europe (Trivia europæa) l'innervation du pénis à la même origine (fig. 7, gros nerf parallèle à #,). 2° B. Haller observe dans la P. iortue, à l’origine des. connectifs sur les cordons pédieux, des prolongements ganglionnaires puissants et allongés, d'apparence fusiforme ; « ces renflements ganglionnaires, dit-1l, n’ont pas été vus du tout par Bouvier (1). » Je ne les ai pas vus davantage dans ces nouvelles recherches, je l'avoue, car je ne saurais accorder aux prolongements ganglionnaires coniques sur lesquels viennent aboutir les connectifs l'importance et le développement que leur altribue B. Haller dans la P. tortue. 3° B. Haller décrit sur le cordon pédieux un sillon latéral bien marqué. [1 m'a été impossible d’apercevoir ce sillon, et Je dois ajouter que B. Haller ne l’a pas représenté dans la coupe transversale du pied où figurent les cordons pé- dieux (2). %° B. Haller figure les otocystes dans la position qu’elles occupent chez les Rhipidoglosses, c’est-à-dire à l'extrémité antérieure des cordons, entre les deux renflements fusifor- mes qu'il figure en cet endroit. J’ajouterai qu’il représente des sacs auditifs à contour et à contenu irrégulier et d’ail- leurs en contact sur la ligne médiane. Jamais je n’ai observé, dans la P. arabique, les otocystes au point indiqué par B. Haller. Elles sont situées (fig. 6, 0, sur la parlie postérieure et dorsale des renflements gan- ghonunaires des cordons. Elles sont entourées d’une masse conjonctive intimement unie au névrilème, mais qui n’est pas le névrilème comme je l'avais autrefois indiqué(3), en me ba- sant sur les connexions intimes qui existent entre ce tissu el le névrilème. D'ailleurs les otocystes sont sphériques de (1) Loc. cit., p. 275. (2) Loc. cit., fig. 9, lps, rps. (3) Loc. cit., fig. 52 et p. 217. ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, 3. — ART. N° 2. 34 E.-L. BOUVIER. même que leur otolithe et ne se rencontrent pas sur la ligne médiane; on suit aisément le nerf acoustique (o') jusqu’à la naissance des conneclifs. Je ne parlerai ici ni des nerfs subradulaires que B. Haller signale dans la P. tortue et que je n’ai pas observés dans mon espèce, ni des anaslomoses transversales entre les cordons. J’ai figuré dix de ces commissures et j'ai dit que ce nombre est un minimum voisin du maximum; B. Haller dit que le nombre maximum doit être de 28 environ, mais, je ne sais pourquoi, il n’en représente que 11 dans la figure qu'il donne des cordons pédieux (1). AFFINITÉS ZOOLOGIQUES DES CYPRÉES. Anastomoses palléales et zygoneurie. — En outre des di- vergences de fait qui existent entre les recherches de B. Hal ler et les miennes, il y a des divergences d'interprétation que je veux simplement indiquer ici sans les discuter; elles sont relatives à la nature du pénis, à la signification des ganglions sus-intestinal et sous-intestinal, enfin aux anastomoses pal- léales et à la zygoneurie (2). Toutes ces questions sont complètement traitées dans mon premier travail et il est parfaitement inutile d’y reve- nir au sujet de la zygoneurie; je tiens seulement à bien pré- ciser les divergences qui nous séparent ; pour moi un système nerveux est zygoneure à droite quand le nerf palléal droit issu du ganglion palléal droit se rend d’abord au ganglion sous-intestinal avant de se rendre à son champ de distribu- tion; il est zygoneure à gauche (comme dans la Porcelaine) quand le nerf palléal gauche issu du ganglion palléal gauche se rend au ganglion sus-intestinal avant de se distribuer au (1) Loc. cit., fig. 7 et p. 276. (2) Je ne parle pas, bien entendu, des critiques nombreuses qui me sont adressées par B. Haller au sujet du système nerveux du Turbo, de la com- missure labiale des Rhipidoglosses et des ganglions buccaux des Patelles. Dans ses recherches sur la Porcelaine, B. Haller est revenu sur presque tous les points de ses recherches que j'avais rectifiés dans ma thèse. SYSTÈME NERVEUX DES GASTÉROPODES. 30 manteau. Pour B. Haller au contraire la zygoneurie gauche serait produite par le nerf columellaire droit qui viendrait se juxtaposer au ganglion pleural gauche (en passant par le ganglion sus-intestinal) pour se détacher plus loin de la commissure sous-intestinale; et d'autre part, si j'ai bien compris, la zygoneurie droite serait produite par le nerf columellaire gauche qui viendrait se mettre en ss avec le ganglion sous-intestinal. Je laisse à d’autres le soin de choisir entre ces deux Opi- nions, mais je tiens à rappeler que Brock (1) et tout récem- ment encore [hering (2) ont suivi comme moi la formation progressive de la zygoneurie aux dépens des nerfs palléaux et que ces recherches justifient complètement les miennes. Affinités zoologiques des Cyprées. — B. Haller tient pour vraisemblable le rapprochement que j'avais proposé des Cypræidés et des Naticidés; toutefois il considère la Porcelaine comme une forme plus voisine encore des Rhipidoglosses et il se base pour cela sur différentes particularités anatomi- ques, notamment sur la position des otocystes et sur la pré- sence d'un ganglion branchial à la pointe de la branchie. Malheureusement, j'ai observé des dispositions absolument contraires dans la P. arabique, ce qui enlève pour le moins une partie de leur valeur aux arguments présentés par B. Haller. Au reste je ne Liens pas à insister sur ces fails, car j'ai moi-même signalé le premier les affinités des Porcelaines et des Rhipidoglosses et je les ai placées immédiatement à la suite dans le tableau général qui termine mon premier tra- vail. Seulement, à mon avis, ce serait un tort de vouloir exa- gérer ces affinités. B. Haller suppose, en se basant surtout sur les modifica- lions progressives de la coquille, que les Trivia et notamment la Trivia oculata doivent être des formes plus primitives et (4) J. Brock, Zur Neurologie der Prosobranchier. Zeit. Wiss. Zool., t. XLVIIT, p. 67, 1889. (2) H. von Jhering. — Sur les relations naturelles des Cochlides et des Ichnopodes. Bulletin scientifique du Nord et de la Belgique, t. XX VII, p. 148, 1891. 30 E.-L., BOUVIER. par conséquent plus rapprochées des Rhipidoglosses que les Cyprées. Je ne sais quel est le gastéropode que l’on désigne sous le nom de T°. oculata (1), mais B. Haller aurait pu voir, à la page 224 de mon premier travail, que son hypothèse n’est nullement justifiée par l’étude du système nerveux de la Trivia Europæa. Dans ce mollusque, en effet, les cordons pédieux n'existent plus et on ne trouve à leur place que les renfle- ments ganglionnaires (fig. 7) situés au point d'arrivée des connectüfs ; ces renflements se prolongen! à une faible distance en arrière émeltant des nerfs qui se divisent de plus en plus; en avant ils émettent des nerfs pédieux antérieurs très im- portanis à l’origine desquels pourrait bien se trouver, à droite comme à gauche, un petit renflement ganglionnaire. Les autres parlies du système nerveux sont disposées comme dans la Porcelaine avec celte différence qu'elles sont plus nettes et plus faciles à étudier. Je renvoie pour plus de dé- lails aux observations que j'ai déjà faites sur ces animaux ; mais je liens à répéter ici que les otocystes et le nerf pénial occupent à peu près exactement la même position dans la Trivie et dans la Porcelaine. Arrivé au terme de ce travail, je désire avoir réalisé le but que je me proposais en l’écrivant. Éviter les discussions, laisser hors de cause les hypothèses, mettre bien face à face les observations de B: Haller et les miennes, voilà ce que j'ai voulu, avec l'intention évidente de pousser les anatomistes aux recherches définitives qui mettront fin à ce différend. (4) Loc. cit., p. 293. — D’après Tryon, la T. oculata ne serait autre que la Cyprœa cervus et ce n’est pas ce dernier gasléropode, à coup sûr, que B. Haller a voulu désigner. EXPLICATION DE LA PLANCHE I (1). Organes divers. — a, anus; Ao, aorte antérieure; Br, branchie; br, fausse branchie ; F, pied; L, pénis; M, masse buccale; 0, otocyste ; æ, œil; R, rec- tum ; Si, siphon; t, tentacule; U, manteau. Ganglions. — Cd, ganglion cérébro-palléal droit; Cg, ganglion cérébro-pal- léal gauche ; P, cordons ganglionnaires pédieux; Sb, ganglion sous-intes- linal; Sp, ganglion sus-intestinal. Commissures et connectifs. — h, branche sus-intestinale de la commissure viscérale ; h', branche sous-intestinale de la commissure viscérale; k,, con- nectifs réunissant le cordon pédieux droit au centre cérébro-palléal droit; k>, connectifs réunissant le cordon pédieux gauche au centre cérébro- palléal gauche; z', connectif de la zygoneurie gauche. Nerfs. — b,, nerf branchio-palléal ; b,, b.,, b,, nerfs branchiaux,; d,, nerf pa- riétal droit; e,, nerf pariétal du côté gauche; à, nerf pénial; {, nerf columellaire ; m, nerf palléo-siphonal; m,, nerf palléal inférieur gauche; m', grand nerf palléal droit; m',, nerf palléal inférieur droit; m'2, nerf _recto-génital; 0’, nerf acoustique (2). Fig. 1. — Innervation du bord palléal tout entier. On a ouvert le manteau, étalé ses deux moitiés, détaché Le pied du muscle columellaire, suivant une coupe effectuée au niveau de la ligne d'attache du manteau. Les centres ganglionnaires sont schématiquement représentés. Fig. 2. — Innervation d’une partie de la fausse branchie, de la partie anté- rieure de la branchie et de la moitié gauche et supérieure du manteau. Fig. 3. — Innervation du pénis. Fig. 4. — Les centres nerveux antérieurs dans leur position normale quand on a ouvert la cavité antérieure du corps, supprimé l’œsophage et tiré un peu en avant la masse buccale. On a coupé les connectifs qui unissent les centres cérébro-palléaux droits aux ganglions pédieux. Les renflements antérieurs de ces derniers sont cachés par des paquets musculaires. Fig. 5. — Rapports topographiques de la branchie et de la commissure vis- cérale et innervation de la partie postérieure de la branchie. (Pour l’ex- plication de cette figure, voir Le texte p. 29.) Fig. 6. — Extrémité antérieure des cordons ganglionnaires pédieux de la P. arabique, vue par la face supérieure. Fig. 7. — Ganglions pédieux de la Porcelaine d'Europe (Trivia europæa) vus par leur face supérieure. (1) Je garde la même notation que celle employée dans mon travail sur le sys- tème nerveux des Gastéropodes prosobranches. (2) Dans la figure 1, le grand nerf palléal droit m’ est représenté à tort par la letire m1 située au-dessous de #1. OBSERVATIONS RELATIVES A LA TUBÉROSITÉ QU'ON OBSERVE SUR CERTAINS MAXILLAIRES D'ANTRACOTHERIUM MAGNUM (Cuvier) Par M. H. FILHOL. J'ai eu dernièrement l’occasion d'observer des têtes de sangliers, rap- portées de différentes îles de l'Océanie, et présentant un développement énorme des canines inférieures. L’accroissement anormal de ces dents est dû à ce que les indigènes arrachent les canines supérieures et qu’alors la canine inférieure, ne subissant plus d'usure par suite d'absence de contact avec la dent d’en haut lui correspondant, peut grandir indéfiniment en se courbant de manière à former un cercle presque fermé pouvant servir de bracelet. En mème temps que se fait cette croissance de la couronne, la portion de la dent renfermée dans l’alvéole, refoulée en arrière quand l& dent butte contre la mâchoire, presse sur la paroi externe du maxillaire, finit par la repousser en dehors et détermine ainsi une saillie très accusée. Lorsqu'on examine des maxillaires inférieurs provenant d’Antracothe- rium magnum, on note, sur certains d’entre eux, une tubérosité très forte, située à la face externe du maxillaire, en arrière de la canine. Le fait que ces tubérosités existent ou n'existent pas, suivant les maxillaires que l’on observe, dans une même espèce, me font me demander si, dans les cas où la saillie s’observe, elle ne serait pas due à quelque accident ayant détruit la canine supérieure et si alors il ne se serait pas passé quelque chose de semblable à ce que nous observons sur les sangliers. J’ai fait sauter la paroi externe d’un maxillaire d'Antracotherium magnum ei j'ai constaté une indé- pendance absolue de l’alvéole-et de la cavité de la tubérosité. Par consé- quent il est probable que, chez ces animaux, la tubérosité du maxillaire inférieur était due à des variations individuelles ou plutôt, à notre avis, qu'elle était l'indice d’un sexe différent. NOUVELLES ETUDES SUR LES ZONES LITTORALES Par M. Léon VAILLANT (1). Depuis lessavantesrecherches d'Audouinet Milne-Edwards sur la distribulion des animaux marins dans les parties du rivage successivement couvertes et découvertes par l'effet des marées, de nombreux observateurs, Sars, OErsted, For- bes et Godwin Austern, etc., ont repris cette question el confirmé, de tous points, les premiers résultats acquis par les zoologistes français. En 1870 et 1873, j'ai fait voir que l'habitat de certains animaux fixés indiquait avec précision la limite de zones en lesquelles, d'après la faune, a été par- tagée cette région littorale, la hauteur à laquelle ils s'élèvent pouvant être mise en rapport avec le phénomène des varia- tions des marées dans un lieu déterminé. De nouvelles études, dont les résultats sont ici exposés, viennent confir- mer ce principe. Sans entrer dans un exposé historique de la question, pour lequel on peut consulter le dernier des travaux précédem- ment cités (2), où se trouve une analyse des recherches anté- rieures, je me contenterai de reproduire avec quelques modifications de détail le tableau, qui avait alors été donné, (1) Mémoire lu à l’Académie des sciences dans sa séance du 11 mai 1891. (2) L. Vaillant, Remarques sur les zones littorales {Mémoires de la Société de biologie pour 1871, t. XXIII, p. 165, pl. V, Paris, 1873). 40 L. VAILLANT. résumant ainsi d’une façon synoptique les idées généralement admises dans la division et subdivision des Régions mari- nes. Régions marineset limites théoriques des zones dela région littorale. Hauteurs pour le bourg d’Ault en 4890. Pleine mer max. d’équinoxe.... 102,5 Zone subterrestre Pleine mer min. de vives eaux.. 9 ,2 Ré Sous-zone I... 1e Zone Pleine mer min. de mortes eaux. 7 ,2 D Pto | littO- Sous-zone II.. Niveau moyen de la mer... 5 ,3 ee rale. Basse mer max. de mortes eaux. 3 ,3 É Je Sous-zone IIT. se Basse mer max. de vives eaux.. 1 ,# | Zone sublittorale... ‘Er | Basse mer min. d'équinoxe..... 0 ,# &| Région côtière. | Région abyssale. Ces régions marines seraient donc au nombre de trois: la RÉGION LITTORALE, soumise à l’action du flux et du reflux; la RÉGION COTIÈRE, toujours immergée, mais dans laquelle la pénétration de la lumière solaire donne des conditions biolo- giques rappelant celles dans lesquelles vivent les êtres des régions supérieures littorale ou terrestre et permettant l’exislence des végétaux, tandis que dans la Récion ABYs- SALE, d'après les données actuelles de la science, l'obscurité serait complète. Je renverrai pour plus de détails sur ces dernières régions, qui ne nous intéressent pas directement dans ce travail, à la partie ichthyologique de l'ouvrage sur les recherches faites pendant les campagnes du Travailleur et du Talisman (1). La Région littorale se subdivise elle-même en trois zones : la plus élevée, rarement découverte, ZONE SUBTERRESTRE; la seconde habituellement couverte et découverte, c’est la Zone LITTORALE ; la troisième rarement découverte, ZONE suBLITTOo- (1) Expéditions scientifiques du Travailleur et du Talisman pendant les an- nées 1880, 1881,1882, 1883. — Poissons, par L. Vaillant, p. 8, Paris, 1888. NOUVELLES ÉTUDES SUR LES ZONES LITTORALES. 41 RALE. Enfin la zone littorale peut se partager en trois zones secondaires désignées, à l'exemple d’Audouin et Milne- Edwards, par des numéros d'ordre : la sous-zone Î, ne cou- vrant en entier qu'aux marées de syzygies ou de vives eaux; la sous-zone IT, couvrant et découvrant à chaque marée; la sous-zone III, ne découvrant en entier qu'aux marées de vives eaux. Dans cette exposition systémalique, il nest pas inutile d’en faire la remarque, la netteté des divisions, en ce qui concerne l’étude zoologique, est graduée des plus éten- dues aux plus restreintes dans l’ordre même suivi par leur énumération, c'est-à-dire que les faunes caractérisant les Régions sont plus distinctes que celles des Zones, celles-ci plus que celles des Sous-Zones. Ceci fait comprendre pour- quoi sur des rivages où l’amplitude des marées sera faible, les limites de ces dernières peuvent devenir assez étroites pour qu'elles se confondent et qu’on ne puisse plus apprécier les divisions d’ordre inférieur. Par suite de la gradation même du phénomène pélagique, qui, pour la région littorale, est évidemment la cause déter- minante de l'établissement des zones, il existe sans doute des passages entre les faunules qui caractérisent chacune d'elles, mais en ayant égard à certains animaux, la sensibi- lité biologique de quelques-uns d’entre eux est telle, qu’on est surpris de voir leurs stations en rapport avec des niveaux déterminés, aussi exactement qu’on peut espérer le rencon- trer dans des questions de ce genre, les marées elles-mêmes étant influencées par certaines causes perturbatrices, vent, pression atmosphérique, etc., et présentant aussi des varia- lions suivant les années. Parmi les êtres qui composent la faune de chacune de ces subdivisions, les espèces sédentaires dans le sens strict du mot, c'est-à-dire fixées (1), paraissent susceptibles de fournir (1) Le terme sédentaire, dont on s’est souvent servi, et que j'ai moi-même employé autrefois, dans le sens du mot fixé proposé ici, ne peut en effet ètre pris sans inconvénient, puisqu'il a déjà, en zoologie générale, une signification définie, opposée à celle du terme migrateur ; l'animal fixé au- rait pour contraire l’animal ambulant. 42 L. VAILLANT. le mieux ces renseignements. Celte particularité éthologique s'oppose à ce qu'ils émigrent avec facilité, aussi ne peut-on qu'accidentellement les trouver à un niveau voisin, à moins de conditions toutes particulières et faciles à déterminer, il en sera plus loin donné un exemple; de plus, quand bien même les conditions d'immersion ou d’émersion habi- tuelles seraient pour quelque temps perturbées par les in- fluences météorologiques ou autres, dont il a été question, il ne leur est pas possible de se déplacer, comme lorsqu'il s’agit d'espèces jouissant d'un mode de locomotion plus ou moins facile. Les plantes présentent les mêmes avantages à ce point de vue, mais, je l’ai fait remarquer ailleurs, celle immo- bilité élant en quelque sorte la règle pour ce groupe, elles fourniraient des exemples peul-être moins frappants. Parmi ces animaux à demeure fixe, 1l faut encore faire choix d'espèces répandues, dont la présence puisse être con- statée sur un grand nombre de points. Le Balanus balanoides, Linné, qui m a servi dans de précédentes études, répond on ne peut mieux à celle condition, le Ver qui fait l'objet du présent travail lui est comparable sous ce double rap- port. Ce dernier appartient aux Annélides sédentaires, et dans ce groupe offre, quant à son immobilité stalionnelle, des conditions particulièrement favorables à l’élude, car il creuse sa demeure dans la pierre; si l'animal meurt et disparaît la trace de son séjour sur un point n'en est donc pas moins reconnaissable. D’autres Annélides jouissent de cette faculté de perforer les roches, M. OErsted, M. de Quatrefages en ont fait la remarque, mais 1ls sont loin d’être aussi communs que le Leuccdore ciliatus, Johnston, qu’on rencontre sur tous nos rivages calcaires en abondance inimaginable parliculiè- rement dans la Craie marneuse, qui, de l'embouchure de la Seine à l'embouchure de la Somme, forme nos côtes mari- times sans interruption sensible. Ces animaux vivent réunis en très grand nombre sur un même point, des observalions répétées m'ont permis, par centimètre carré, de reconnaître NOUVELLES ÉTUDES SUR LES ZONES LITTORALES. 43 vingt-cinq à trente demeures, ce qui donnerait 250000 à 300 000 individus par mètre superficiel. On peut juger d’après cela que ces animaux, malgré leur petitesse, deviennent, vu leur quantité prodigieuse, d'actifs agents pour la destruction gra- duelle de ces côtes. Il serait inutile d'entrer ici dans de longs détails sur cet Annélide éludié depuis longtemps avec grand soin par les naturalistes les plus éminents. Au point de vue anatomique et laxinomique les ouvrages de M. de Quatrefages (1) et de Claparède (2) traitent le sujet d’une manière {rès complète, pour l'étude éthologique on peut consulter les notes de M. Ray Lankester (3) et de M. Mac Intosh (4), auxquelles il resterait peu à ajouter. Je me contenterai donc, pour la clarté des faits, d'un exposé rapide emprunté aux travaux de ces savants, travaux dont je n'ai eu qu'à constater la parfaite exactitude. Le Leucodore cilié se présente sous la forme d’un petit ver mesurant à peine 10 à 12 millimètres à l’état normal, car en extension il peut atteindre jusqu'à 18 millimètres. Sa plus grande largeur, vers le cinquième anneau sétigère, est à peine d’un demi-millimètre, cet anneau, un peu plus déve- loppé en longueur que les autres, porte des soies plus fortes et d’une forme différente de celles du reste du corps. La tête est pourvue de quatre points oculiformes et d’une sorte de prolongement médian (Antenne), un peu plus en arrière deux longs cirrhes dorsaux (Tentacules) se voient au-dessus et au niveau de l’orifice buccal. Enfin, comme singularité spéciale, le dernier anneau se dilate en une vérilable ventouse el l’ani- mal s’en sert, à la manière des Sangues, pour adhérer aux COTpS VOISINS. (1) A. de Quatrefages, Histoire naturelle des Annelés marins et d’eau douce, t. II, 17e partie, p. 300, Paris, 1865. (2) Ed. Claparède, Les Annélides chélopodes du golfe de Naples, p. 313, Ge- nève et Bâle, 1868. (3) E. Ray Lankester, On lifhodomous Annelids. — Ann. and Mag. Nat. Hist., London, 4° sér., t. I, p. 233-238, pl. XI, 1868. (4) W.-C. Mac Intosh, On the boring of certain Annelids. — Ann. and Mag. Nat. Hist., London, 4° sér., t, Il, p. 276-295, pl. XVIII à XX, 1868. 44 L. VAILLANT. C’est toutefois sa demeure qui offre le plus d'intérêt. Elle comprend deux parties, l’une creusée dans la roche et qu’on peut désigner sous le nom de partie profonde, l’autre libre, partie extérieure. La première, si on l’examine sur des fragments calcaires abandonnés de leurs hôtes, après la mort de ceux-ci, affecte la forme d’une sorte de fente aplatie, s’enfonçant dans la pierre plus ou moins perpendiculairement, les bords d’ordinaire sont parallèles, les faces légèrement bombées en dedans vers leur milieu, de telle sorte que l’orifice externe ou la coupe, sur un point quelconque de la longueur, offre une forme très caractéristique en huit de chiffre; Le fond est arrondien demi-cercle. Sur le frais une cloison, adhérente au bombe- ment des faces, partage la cavité en deux canaux cylindriques, placés le long des bords de la fente et par suite parallèles à la manière des canons d’un fusil double; la cloison ne s'étendant pas jusqu’au fond de la cavité une communication existe là entre les deux canaux, dont l’ensemble peut être comparé à un tube en U. En dehors l’animal prolonge chacun des canaux par un tube, qui y fait immédiatement suite, c’est la parlie exté- rieure. Celle-ci rappelle les demeures que se construisent bon nombre d’autres Annélides sédentaires, les Sabelles, Térébelles, etc., une substance sécrétée par l'animal, sub- stance muqueuse, suivant l'expression habituellement em- ployée, en forme la base et agglutine des particules caleai- res, argileuses, siliceuses, ces dernières en pelits fragments dont il est facile de constater la présence après l'emploi d’un acide fort, tel que l'acide chlorhydrique, qui fait dis- paraître le carbonate de chaux, de beaucoup le plus abon- dant. La substance muqueuse se continue dans la partie profonde intrapierreuse en premier lieu pour constiluer la cloison, qui renferme, comme la paroi des tubes extérieurs, des particules siliceuses et autres, en second lieu pour former un revêtement à toute la face intérieure du tube, dans ce revêtement on ne trouve, au moins après l’action de l'acide, Lu NOUVELLES ÉTUDES SUR LES ZONES LITTORALES. 49 aucune particule étrangère, il paraît complètement homo- gène et si des bulles de gaz incluses dans l’intérieur le soulè- vent, le fait est habituel après l'emploi du réactif, on voit un double contour net, qui permet d’en apprécier l'épaisseur, égale, d’après mes observalions, à 07,006. La cloison ren- ferme certainement, avec des fragments siliceux, de fines particules calcaires, on peut, avec la pointe d’un scalpel, d’une aiguille à cataracte, sur une section de pierre où se trouvent des Leucodores vivants, en enlever des parcelles, qui, portées sous le microscope, montrent une multitude de granulalions opaques, disparaissant avec effervescence sous l'action de l’acide. Quant au revêtement muqueux pariétal, sa ténuité ne permet de l’examiner que sur des tubes isolés en dissolvant le calcaire d’un fragment de roche où sont logés des Annélides, par suite les matériaux de cette nature, qui s'y lrouveraient, ont en même temps disparu. _ Cet enduit animal de la paroi peut êlre regardé comme remplissant un double but. D'abord, lorsque l’Annélide se meul dans son tube où il monte et descend avec une extrême agilité, faisant passer par l’un des orifices ses deux longs tentacules, qu'il balance constamment en tous sens, ce revêtement protège son corps délicat contre les rugosilés de la roche. D'un autre côté, bien qu’il paraisse fort douteux que l’action chimique soit très sensible pour le creusement du réduit, cependant, la production de l'acide carbonique, résultat de la respiration cutanée, doit déter- miner peu à peu, suivant la remarque de M. Ray Lankester, la solubilisation du carbonate de chaux, transformé en bi- carbonate ; cette action pourrait donc, à la longue, altérer la forme régulière du canal, si celui-ei n’était tapissé de cette couche protectrice. D'après mes observations l’extrémité libre présente une structure un peu différente de celle du reste du parcours dans le tube extérieur. Ce dernier en ce point est, sur une petile longueur, exclusivement conslitué par la substance muqueuse, l’examen direct montre qu’à celle-ci ne s’ajou- 46 L. VAILLANT. tent ni particules calcaires, ni fragments siliceux, cette extrémité transparente offre en conséquence une certaine mollesse et les parois, sous l’effort d'une faible pression venant du dehors, s'appliquent l'une contre l’autre, c’est là un véritable appareil valvulaire ; on doit le regarder comme un moyen de proteclion pour le Ver, dans la de- meure duquel les ennemis, grâce à cette disposition, ne peuvent pénétrer aussi facilement. En se rappelant les oper- cules de formes si diverses, bien connues chez un grand nombre de Serpules, l’ensemble de soies remplissant le même but chez les Hermelles, si on en rapproche certaines modifications de l’orifice externe du tube chez bon nombre de Sabelles et animaux voisins, on reconnaît que la néces- sité de se protéger en défendant l’abord de leur retraite par des moyens en quelque sorte mécaniques, est un fait, si- non général, au moins très habituel chez les Annélides sé- dentaires, d’ailleurs mal armés pour la défense et dont le corps, presque toujours d’une grande mollesse, est avidement recherché comme nourriture par une multitude d'animaux marins. Lorsqu'on détermine sur une certaine étendue de côte la zone habitée par les Leucodores, on voit que comparés aux Balanes, ces êtres s'élèvent toujours beaucoup moins haut. Il faut cependant distinguer les stalions, car quelques- unes d’entre elles peuvent être considérées jusqu’à un cer- ain point comme anormales. Si en etfet, à la limile où ces animaux disparaissent des roches en pointes, sur lesquelles l’eau ne peut se maintenir lors du jusant, on examine un bloc calcaire un peu plus élevé, dont la face supérieure élargie pré- sente, etc’est le cas ordinaire, des excavations produisant de petiles mares permanentes, on trouvera habituellement dans celles-cides Leucodores, landis que sur les parties asséchables du sommet el les parois extérieures du bloc ils manqueront, ne se retrouvant qu’à la base, au niveau précité sur les’ roches pointantes. La différence de niveau des stations, dans le lieu où ces observations ont été failes, ne paraît guère NOUVELLES ÉTUDES SUR LES ZONES LITTORALES. 47 dépasser un mètre et, suivant la hauteur des blocs, on peut trouver tous les intermédiaires. Il est évident que la station sur les roches en pointes offre plus de régularité, c’est donc celle que je regarde comme sfation normale ; l'observation y est en outre plus facile puisqu'il suffit d'en- tamer d’un coup de marteau l'extrémité saillante pour con- stater immédiatement la présence ou l’absence des Leuco- dores. Ceci posé, pour établir le niveau de ce point dans la zone littorale au bourg d’Ault, où ces études ont élé poursuivies, j'ai fait une série d'observations sur la hauteur atteinte par les eaux au moment de la mer étale, en rapport avec un barrage fixe, situé au côlé nord-ouest de la plage des bains et destiné à protéger les falaises par le maintien des ga- lets, que les courants lendent à porter vers Cayeux (1). Ce barrage descend à la mer perpendiculairement à la direction du rivage et son pied en septembre 1890, car l'apport des sables et des galets ou leur retrait peuvent modifier les lieux (1) Ce barrage forme une cloison verticale, qui descend de la falaise en pente douce vers le large, sa partie plane supérieure, ou entablement, ayant une inclinaison d'environ 15° à 20°; le bec de cet entablement, son extrémité inférieure, était en août 1890 à 0,73 environ au-dessus du sable, c’est-à- dire du pied du barrage. Ce dernier est établi au moyen de madriers verticaux soutenus par d’autres madriers en arcs-boutants au côté nord (les galets s’accumulant au côté sud), le tout revêtu de planches et relié par des arma- tures formant étriers au-dessus de l’entablement. Ces étriers au nombre de 38 (ou mieux 34, en comptant pour un seul ceux qui sont très rapprochés) fournissent des points de repère, qui, observés du 17 au 25 août à la haute mer étale du jour, m'ont permis d'estimer l'élévation d’un certain nombre d’entre eux au-dessus du zéro des cartes marines. La mer n’étant jamais absolument calme, une série d’étriers sont couverts et découverts, c’est l’étrier placé au milieu de la série qui a été noté, admettant qu’à ce moment la vague avance autant qu'elle retire. Pour trouver le niveau du pied du barrage, il suffit de connaître la hauteur d’un étrier donné au-dessus de celui-ci et de la déduire de la hauteur de la marée du jour. On obtient les éléments de ce calcul en construisant sur le barrage à partir du bec une série de triangles rectangles, dont l’entable- ment forme pour chacun l’hypoténuse et on mesure le côté verlical; ces triangles étant étagés de telle sorte que l’un commence où l'autre finit, la hauteur du bec, plus la somme des côtés verticaux jusqu’à l’étrier, donnent l'élévation de ce dernier au-dessus du pied du barrage. Trois observations faites dans de bonnes conditions m'ont fourni pour ce point 5%,77, 5,72 et 52,32, d'où. j'ai déduit la moyenne 5,6. 48 L. VAILLANT. d’une année à l’autre, ce pied, dis-je, coïncidait assez exac- tement avec le niveau des roches en pointes percées par les Annélides. | Les observations permettant d'estimer ce niveau comme placé à 5",6 au-dessus du zéro des cartes marines, point adopté dans l'annuaire des marées de M. Hatt, si l’on se reporte au tableau ci-dessus des limites théoriques pour les zones et sous-zones littorales (1), dans lequel une dernière colonne donne le niveau des marées correspondantes au bourg d’Ault en 1890, on reconnaît que ce point répond à très peu près au niveau moyen de la mer, indiqué comme étant de His ds Pour ce qui concerne le Balanus balanoides, précédemment étudié à Saint-Malo sous ce même point de vue, il était in- téressant de rechercher dans cette nouvelle localité, si le niveau supérieur alteint par cet animal était conforme à la règle posée, le régime des eaux, quant à l’amplitude au moins de la marée, étant très différent au bourg d’Ault de ce qu'il est sur la côte nord de Bretagne. Sur le barrage cilé, qui pouvait me fournir les points de repère, ces Crus- tacés s’élèveraient à une hauteur d'environ 8,6, assez voisine du niveau théorique, 9*2, des pleines mers minimums de vives eaux, auquel ils doivent atteindre, d’après les observations précitées. Au bourg d’Ault des études de ce genre offrent, il faut l'avouer, des incertitudes bien plus grandes que dans un port comme Saint-Malo, où, sur bon nombre de points, les ni- veaux sont donnés avec une extrême précision (2). Toute- fois, il serait impossible par la nature même des phénomè- nes, ainsi qu'il a été dit plus haut, de prétendre arriver à une ( (4) Voir page 40. (2) L'heure et la hauteur des marées ont été calculées, en prenant la moyenne des chiffres, peu différents, d’ailleurs, parfois même identiques, donnés dans l’annuaire de M. Hatt, pour le Tréport et Cayeux, localités entre lesquelles est situé le bourg d’Ault. NOUVELLES ÉTUDES SUR LES ZONES LITTORALES. 49 concordance absolue, les chiffres peuvent donc être regardés comme suffisants pour confirmer le principe précédemment établi. ; Ces faits montrent que le Leucodore ciliatus ne peut rester longtemps hors de l’eau et à l'extrême limite supérieure de son habitat normal, car il descend au moins jusqu’à la région côtière, est complètement immergé pendant plusieurs heures à chaque marée, tandis que le Balanus balanoides, à sa limite supérieure également, je l'ai montré ailleurs, reste hors de l’eau plusieurs jours de suite; lorsque la mer le re- couvre, cé n'est même Jamais en ce point que pour peu de temps. L'expérience a d’ailleurs fait voir que ce dernier animal pouvait être conservé dans l’air simplement humide au moins pendant quarante Jours sans périr. On est autorisé à croire que des observations sur les animaux fixés habitant les zones plus profondes fourniraient des remarques analogues, ainsi dans son intéressant travail sur les Éponges perforantes, M. Topsent nous apprend que le Cliona celata, Grant, «ne s’avance guère au-dessus du balancement des marées de syzygie » (1), sa station supé- rieure paraîtrait donc correspondre au niveau des basses mers de vives eaux, c'est-à-dire à la limite des zones littorale et sublittorale. En résumé, 1l résulte de ces recherches que le niveau su- périeur auquel s'arrêtent certaines espèces animales habi- tant nos rivages offre une remarquable concordance avec celui auquel l’eau s'élève dans différents étais des marées. Le Balanus balanoides atteint le niveau des pleines mers minimums de vives eaux, marées de syzygies, où l’on place la limite inférieure de la zone sublittorale; le point où s’é- lève normalement le Leucodore ciliatus répond au niveau moyen d'élévation des eaux; entre ce niveau et celui où s’arrêle le Balanus balanoides, est donc comprise la partie (1) E. Topsent, Contribution à l’étude des Clionides (Arch. zool. expérim., Bisér., t. V dis: p: 12, 1888). ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, À. — ART. N° 3. 50 L. VAILLANT. supérieure de la zone littorale. La mer s’abaissant au-des- sous du niveau moyen d’une quantité égale, ou à très peu près égale, à son élévation au-dessus, on pourrait, par suite, en déduire le niveau des basses mers maximums de vives eaux, c'est-à-dire la limite inférieure de cette même zone. Sans exagérer l'importance de ces observations, trop peu nombreuses encore et ne s’appliquant, on le voit, qu’à une nature de côtes, les côtes calcaires, il est permis de supposer qu'en élendant ces études à d’autres animaux convenablement choisis (1) on arriverait à établir une sorte d'échelle de niveaux, et, sur un point non connu quant au régime de ses marées, des indications assez positives sur celui-ci seraient données réciproquement par la simple con- sidération des êtres habitant le rivage, notions qui pour- raient présenter quelque utilité pralique. Dans l'étude des terrains également, il n’est guère dou- teux qu'on n’oblienne, par l'emploi de cette méthode, cer- laines notions sur le mouvement des mers aux époques géologiques. (1) Des animaux analogues aux Balanes seraient préférables, comme plus indépendants du support, à des êtres perforateurs tels que les Leuco- dores ou les Cliones. SUR LA SIGNIFICATION TAXINOMIQUE DU GENRE EMYS, C. DUMÉRIL Par M. Léon VAILLANT. L'importance qu'attachent les zoologisles à l’établisse- ment d'une nomenclature régulière m'engage à présenter quelques remarques sur la signification qu'il conviendrait d'attribuer dans le groupe des Tortues au genre Emys, que plusieurs herpétologistes contemporains comprennent d’une manière différente de celle adoptée par leurs prédéces- seurs immédiats. En effet, tandis que ceux-ci, Gray, Duméril et Bibron, par exemple, réunissent sous ce nom des Tortues d’eau douce ayant un plastron rigide solidement fixé à la dos- sière par un pont ostéo-squameux, M. Strauch, dans des travaux récents (1862), applique cette même dénomination à la Tortue d'Europe, Testudo orbicularis, Linné, que tous les naturalistes regardent aujourd’hui comme ayant les deux parties de la carapace simplement unies par des ligaments ou du cartilage et présentant une suture transversale du plastron, laquelle permet aux battants antérieur et posté- rieur de se rabattre sur les orifices correspondants pour les clore, au moins en partie. Cette dernière interprétation que j'avais cru ne pas devoir adopter dans l’enseignement du Muséum, en particulier pour un tableau général de la classification des Chéloniens publ'é 52 L. VAILLANT. dans l’année scolaire 1876-1877, a été également rejetée par plusieurs zoologistes des plus compétents, M. Rutimeyer (1874), M. Zittel (1887) entre autres. Toutefois M. Boulenger l'ayant reprise dans ces derniers temps (1), l'autorité légi- time qu'on accorde aux travaux de ce savant me paraît rendre opportun de préciser les raisons historiques, qui me paraissent contraires à cette manière de voir. Tout le monde s'accorde pour attribuer à Constant Du- méril la création du terme Æmys. C’est en 1804, dans son TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE D'HISTOIRE NATURELLE (2), qu'il réunit, sous le nom d'Émydes, toutes les Tortues d’eau douce ; après avoir cité la Molle ou Féroce, la Matamata, la Serpentine, il signale dans les rivières du midi de la France la Jaune et la ‘Bourbeuse. Ces deux dernières appartiennent à une seule. et même espèce, le Testudo orbicularis, Linné. Cette dénomination mise en français n'avait pas la forme scientifique et Alexandre Brongniart, dans son célèbre EssAr D'UNE CLASSIFICATION NATURELLE DES REPTILES, chercha le premier à latiniser ce nom, ce fut malheureusement d’une façon imparfaile, il le conservait tel quel, c’est-à-dire Emydes. L’extrait de ce travail, donné au Bulletin des Sciences par la Sociélé philomathique dès ventôse an VIII (mars 1800), ne mentionne pas ce genre; dans le texte pu- blié in extenso dans les Mémoires de l’Académie des sciences en prairial an XIII (juin 1805), l’auteur indique en note (3) qu’il abandonne un nom antérieurement formé par lui, pour le nom créé par Constant Duméril dans l’ouvrage précité. La compréhension du genre est la même, toutefois des sub- divisions sont indiquées pour grouper plus commodément les espèces. La ZooLoGiE ANALYTIQUE de Constant Duméril porte une date postérieure à l’Essai de classification, celle de 1806. (1) Boulenger, Cutalogue of the Chelonians, Rhynchocephalians and Croco- diles in the British Museum, p. 111, 1889. (2) Page 233, $ 595. (3) Page 611. SIGNIFICATION TAXINOMIQUE DU GENRE EMYS. D3 Dans ce pelit ouvrage, si remarquable pour l’époque à la- quelle il a été publié, le genre £mys, sous une dénomination celte fois régulière, se trouve défini et compris de la même manière (1); la Tortue Matamata est seulement mise à part, formant un genre sous le nom de CAelys. On doit prêter une attention spéciale au ProproMuSs Mo- NOGRAPHIÆ CHELONIORUM de Schweigger, publié quelques années plus tard (2), non seulement parce qu'on peut le considérer comme réalisant un progrès considérable sur les ouvrages antérieurs pour ce qui concerne l'étude systématique de ce groupe des Reptiles, mais encore comme inspiré en grande partie par les recherches faites au Muséum d'Histoire naturelle. L'auteur ayant suivi les cours de cet établissement en 1808 et 1809, époque à laquelle professait déjà Constant Duméril, on peut, sans trop s'avancer, en conclure que nous y trouvons les idées de celui-ci, et pour la question qui nous occupe, le fait aurait une im- portance toute particulière. Non seulement Schweigger admet le genre Chelys, Du- méril, et le genre Trionyx établi par Geoffroy Saint-Hilaire en 1809, mais encore il retire des vrais £mys la Serpentine qui pour lui devient le type d’une division nouvelle sous le nom de Chelydra. Ainsi réduit, le genre ne contient encore pas moins de quarante-quatre espèces (3) qu'il regarde comme suffisamment connues, il en cite trois autres dou- teuses : | (1) Page 76. (2) Le travail présenté à l’Institut en mai 1809 aurait été publié en 1812 dans les Archives de Kænigsberg. Ce texte original, auquel renvoient Du- méril et Bibron (Erp. gen.,t.I, p. 416), ne m'est pas connu, tout ce qui sera dit dans la présente note se rapporle à un petit opuscule, sorte de lirage à part peu modifié, au moins pour le fond, qui, sous le titre de : Prodromi monographiæ Cheloniorum sectio prima et sectio secunda, VI + 58 pages, Regio- montant, 1814; servit de thèse inaugurale de médecine à Schweigger. C'est l'édition à laquelle renvoie M. Boulenger. (3) « On connaît parmi ces dernières (les Émydes à carapace osseuse el dure) près de trente espèces différentes » (C. Duméril, Zoologie analytique, p. 77). 54 L. VAILLANT. Emys melanocephala, Daudin. — planitia, L. Gmelin. — polyphemus, Bartram (1). L’énumération systématique et descriptive faile dans le Prodromus ayant servi de base aux travaux qui l'ont de plus près suivi, il me paraît utile de la reproduire ici. Je modifierai toutefois l’ordre primitif (la série des numéros placés en tête permettrait de le rétablir au besoin), pensant qu'une disposition plus en rapport avec les progrès de la science en facilitera l'étude, j'emprunte cette disposition au travail de M. Boulenger, le plus récent et le plus complet sur la malière (2). | GENUS V. — EMYS, DuériL (3). a. Slerno immobili angulato. 2 Emys scripta, Schæpff. — Chrysemys scripta, Schæpff. 12 — serrata, Daudin. = — — Id 10 — nn Bosc. — == reticulata, Daudin. 22 — picta, Hermann. = — picta, Schneider. 23 — cinerea, Brown. — — cinerea, Bonnaterre. 11 — centrata, Bosc. — Malacoclemmys terrapin, Schæpff. 5 — leprosa, Schæpff, sp. n. — Clemmys leprosa, Schweigger. 47 — pulchella, Schæpff. == — insculpta, Leconte. 21 — caspica, Gmelin. = — caspica, Gmelin. 29 — gutlata, Schneider. 2 — guttata, Schneider. (1) Il n’est guère possible de déterminer ce que peut bien être la seconde espèce, la première serait probablement le Cyclemys amboinensis, Daudin, on doit sans aucun doute assimiler la troisième au Testudo polyphemus, Daudin. (2) Les dénominations admises par M. Boulenger sont placées dans une seconde colonne en regard des noms pris au travail de Schweigger, la synonymie étant donnée avec grands détails dans le Catalogue du British Museum, il sera toujours facile de savoir ainsi quelle espèce est en question. J'admets ici cette nomenclature telle quelle, pour la commodité de l’exposi- tion, bien qu’il puisse y avoir quelques réserves à faire sur la compréhen- sion de certains genres et le nom d’auteur donné à quelques espèces, c'est une discussion qu'il serait inutile d'aborder en ce moment. | (3) Ne sont pas comprises dans ce tableau les espèces suivantes dont la détermination précise ne me paraît pas possible : 1 Emys porphyrea, Daudin. 13 — discolor, Thunberg, sp. n. 4% — lutescens, Mihi. 33 — Hermanni, Mihi. SIGNIFICATION TAXINOMIQUE DU GENRE EMYS. 5 30 Emys Muhlenbergii, Schæpff. — Clemmys Muhlenbergii, Schæpff. 18 — lutaria, Linné. — Emys orbicularis, Linné. 20 — europæu, Schneider. = — — Id. 3 — dorsatu, Schæpff. — Nicoria punctularia, Daudin. 19 — punctularia, Daudin. a — Id. 31 — Spengleri, Walbaum. — — Spengleri, L. Gmelin. 32 — trijuga, Mihi. — — trijuga, Schweigger. 27 Emys Adansonii, Mihi. — Sternothærus Adansonti, Schweigger. 2% — olivacea, Mihi. — Pelomedusa galeata, Schæpff. 25 — galeata, Schæpff. = — — Id. 26 — subrufa, Lacépède. —_ — _ Id. 6 — cayennensis, Mihi. — Podocnemis Dumeriliuna,Schweigger. 9 — Dumeriliana, Mihi. = == — Id. 8 — expansa, Mihi. = — expansa, Schweigger. 28 — longicollis, Schaw. — Chelodina longicollis, Schaw. 4% — nasuta, Mihi. — Rhinemys nasuta, Schweigger. 7 — gibba, Mihi. — Hydraspis gibba, Schweigger. 15 — Geoffroana, Mihi. = — Geoffroana, Schweigger. 16 — planiceps, Schneider. — Platemys platycephala, Schneider. 8. Sterno oblongo, mobili. 42 Emys clausa, Bloch. Citudo carolina, Linné. 43 — virgulata, Daudin. = OO — — Id. 4% — Schneideri, Mihi. | —— Id. 39 — amboinensis, Riche. — Cyclemys amboinensis, Daudin. 41 — Couro, Lechenault. = — — Id. 34 —— Retz, Bosc. — Cinosternon scorpioides, Linné. 35 — scorpioidea, Lacépède. = — —— Id. 36 — pensylvanica, Edward. — — pensylvanicum, L. Gmelin. 37 — odorata, Bosc. = — odoratum, Daudin. Sternothærus nigricans, Donndorff. — — Id. 38 Emys castanea, Mihi. 4x0 — subnigra, Lacépède. Il |] Schweigger, on le voit, répartit les espèces en deux sec- tions suivant qu'elles offrent un plastron anguleux et immo- bile, ou que cette partie de la carapace est au contraire ovale et mobile, c'est ce que Daudin avait déjà proposé dans le second volume de son HISTOIRE NATURELLE DES REPTILES dès 1802 (an X) (1), mais avec beaucoup moins de précision. L'une et l’autre divisions renferment des animaux considérés aujourd’hui comme appartenant à des groupes très distincts : Tortues cryptodères et Tortues pleurodères ; toutefois, c’est (4) T. I, p. 170. b6 L. VAILLANT. là le point capital, le caractère distinctif est convenablement observé, car la section $ ne comprend que des espèces à plastron mobile en totalité ou en partie et s’il n’en est pas de même pour la première, l'erreur s'explique suffisamment, en ayant égard à l’époque où écrivait l’auteur et tenant comple des éléments d'étude dont il pouvait disposer. Dans la section + sont en effet placées trois espèces, auxquelles ne convient pas le caractère du plastron immo- bile; ce sont les : 18 Æmys lutaria, Linné, 20 Æ. europæa, Schneider, toules deux assimilables au T'estudo orbicularis, Linné ; et le : 27 £’mys Adansonü, actuellement Sternothærus Adansoni, Schweigger. | Pour la première espèce l’examen de certains exemplaires peut excuser la méprise, car, même sur le vivant, si l’indi- vidu n’est pas amaigri, la rétraction de la têle et des mem- bres, ainsi que l’occlusion par les battants du plastron, restent toujours incomplètes, surtout par comparaison avec ce qu'on peul observer dans les tortues réellement clausiles; sur le sec la jonction de la dossière et du plastron est telle, qu'il faut un œil exercé et une grande attention pour ne pas se laisser tromper et ne pas croire ces parties réellement soudées, immobiles. Ce sont les raisons qui ont pu induire en erreur les naturalistes de cette époque et Daudin ne plaçail pas non plus la Tortue jaune, ni la Tortue bourbeuse, parmi ses Tortues à boîtes; 1l faut dire cependant que le fait n’était pas entièrement ignoré, car plusieurs années avant ces herpétologistes, Schæpif indiqua non sans restric- tion, ilest vrai, la mobilité du plastron dans cette espèce (1). Quant à l'Emys Adansonü, Schweigger, il le dit lui-même, n'avait pu examiner qu’une dossière sans plastron, ce qui ne permettait pas de ranger avec certitude cette espèce dans une section plutôt que dans l’autre. Ce débris conservé dans les collections du Muséum et qui, pendant longtemps, fut tout ce qu'on connut de ce Chélonien, avait été rapporté (4) Schæpff, Historia Testudinum inconibus illustrata, p. 3, 1792. SIGNIFICATION TAXINOMIQUE DU GENRE EMYS. Gr dubitativement par Duméril et Bibron au genre Pentonyx (1) voisin des Sternothærus, c'est cependant à ce dernier genre qu’appartient l’espèce, aujourd'hui mieux connue. G. Cuvier, dans la première édition du RÈGNE ANIMAL (1817), sans ajouter beaucoup sur ce point à ce qu'avaient fait ses devanciers, limita mieux cependant le genre £mys qu'il attribue à tort à Brongniart. Il indique en effet comme nécessaire une division distincte les Tortues à boîtes, telles que la Tortue à boîte d'Amboine. Le genre Emys aïnsi res- ireint comprend dix espèces, il est à présumer que le mé- moire de Schweigger, dont il n’est pas fait mention, n’é- tait pas encore connu de l’auteur. De ces espèces, deux décrites dans le texte : Testudo europæa, Schneider (= Emys orbicularis, Linné) et Testudo picta, Schæpff (— Chrysemys picta, Schneider) peuvent êlre regardées comme types, les autres étant simplement citées en note, avec des indications bibliographiques qui ne permettent d’ailleurs d’avoir aucun doute sur la signification réelle du plus grand nombre d’entre elles. . La distinction établie par G. Cuvier montre assez que le caractère prépondérant des Emys se tire pour lui de l’im- mobilité des battants du plastron et en fait, sans Lenir compte de quelques doubles emplois, toutes les espèces cilées le présentent sauf deux. De celles-ci l’une est encore le Testudo europæa, cité un peu plus haut, l’autre le Testudo rubescens, Daudin, ou plus exactement le T'estudo pensylvanica, L. Gme- lin (2). C'est par erreur que celte dernière est placée avec les Emys, car Daudin parle expressément, et à plu- sieurs reprises, de la mobilité du plastron chez ce Chélonien, qu'il range parmi ses Tortues à boîtes, ce fait anatomique n’avait pas d’ailleurs échappé à Gmelin, créateur de l'espèce. Dans la seconde édition de 1829, G. Cuvier, profitant celte (1) Erpétologie générale, t. IX, p. 394, 1835. (2) C'est même le terme scientifique qu’emploie Daudin (loc. cit., p. 182), il ne donne le nom de Tortue rougeâtre que pour dénomination vulgaire, selon l'usage à cette époque. 5S L. VAILLANT. fois du travail de Schweigger, porte à 29 le nombre des espèces du genre £mys, toujours compris de même, encore place-t-1l à part quelques Chéloniens sous la déno- mination de Chelodina, Fitzinger ou Hydraspis, Bell. On pourrait encore relever deux ou trois types mis à tort parmi les £mys, mais la grande majorité a le plastron non mo- bile. | Ce qui mérite surtout d’être remarqué, c’est que, dans une note, citant les dénominations proposées pour les Tor- tues à boîte par différents zoologistes : T'errapene, Merrem, Cistuda, Fleming, Kinosternon, Spix, Cuvier ajoute que ce genre lui paraît difficile à limiter puisque parmi les Emys « l'espèce d'Europe et d’autres ont déjà quelque chose de cette mobilité » du plastron. Ceci fait assez voir que l’auteur du Règne animal, moins affirmatif après avoir constaté avec Schæpff le mode de jonction du plastron et de la dossière chez le Testudo orbicularis, Linné, et revenant sur ses idées antérieures, était porté à confondre de nouveau toutes ces Tortues d’eau douce en un seul genre. Cependant d’autres naturalistes, qui viennent d'être cités, adoptant ses pre- mières vues, les avaient formulées d’une manière plus positive et ce sont leurs travaux qu'il convient d'examiner pour éta- blir la signification du genre Emys. Merrem et Fleming seuls doivent nous occuper, car le genre Xnosternon, créé en 1824 par Spix, tout en s'appliquant à des Tortues à boîte, désigne des animaux formant une coupe générique bien dis- tincte pour laquelle cette appellation est à Juste titre con- servée. Merrem se trouve le premier en date. Son ouvrage, VERSUCH EINES SYSTEMS DER AMPHIBIEN, qui est un traité ex professo d'herpétologie, ayant paru en 1820. Les Tortues des eaux douces, dont il est ici question, sont réparties en deux genres, Emys et Terrapene, très nettement carac- lérisés par la disposition du plastron : s/ernum firmum, pour le premier; sternum lobo anteriore aut utroque mobili, pour le second. Dans les Emys, une vingtaine d'es- SIGNIFICATION TAXINOMIQUE DU GENRE EMYS. 59 pèces sont énumérées, parmi lesquelles l’'£Emys picta, Schneider, et un £mys lutaria, Linné, qui, en outre du type, dans la synonymie duquel est cité avec réserves le Testudo or- bicularis, Linné, comprend trois variétés : e Testudo europæa, Latreille (La Jaune, Lacépède). B Testudo lutaria, Daudin (La Bourbeuse, Lacépède). y Testudo caspica, Linné-Gmelin. Les deux premières avec le type répondent à l'espèce Linnéenne précitée; la dernière, au contraire, constitue une espèce d’un genre différent. Celte confusion doit être signalée, comme témoignant de l'incertitude qui régnait à cette époque, quant à la connaissance des espèces de Tor- tues d'Europe, pour des zoologisies dont la compétence ne saurait êlre contestée. Quant au genre Terrapene, sepl espèces sont énumérées, dont une fait double emploi, ce qui les réduirait à six, parmi lesquelles le T'errapene amboïinensis, Daudin, type des Tor- tues à boîte pour Cuvier. En somme, Merrem précise et limite, peut-on dire, les genres (1) établis dans le Règne animal en les définissant d’une maniere scientifique. Il ne paraît pas que Fleming ail eu connaissance de l’ou- vrage de Merrem, bien que son travail soit de deux ans pos- térieur (1822). C’est, comme le titre ParLosopHiCAL Z00LOGY l'indique, un livre où les questions générales tiennent beau- coup plus de place que les études taxinomiques et la classi- fication, au moins en ce qui concerne les Chéloniens, y est succinclement exposée; cependant, comme on a paru, dans ces dernières années, attacher sur ce point une grande im- porlance au travail de cet auteur, il ne semble utile de repro- (1) Je ne pense pas qu’on veuille arguer contre la valeur des coupes pro- posées par Merrem, de ce qu'il Les présente comme n'étant, jusqu’à un cer- lain point, que des divisions du genre Testudo (voir loc. cit., p. 12 et 21). Telle n’a pas été en tout cas l’idée des auteurs qui lont suivi, tels que Fitzinger (Neue Classification der Reptilien, p.6,1826) et Cuvier cité plus haut, lesquels regardent ces groupes comme d'ordre générique. 60 L. VAILLAN#T. duire ici intégralement ce qui se rapporte d’une manière spé- ciale au sujet qui nous occupe. Fleming établit une division des Tortues ou CHELONEA, sui- vant qu’elles ont les lèvres soit cornées, soit charnues. Voiei la traduction du texte pour les premières, en laissant toutefois de côté ce qui se rapporte aux Tortues de mer, comprises dans une section des Tortues à entrée sans couvercle, sec- tion distinguée par sa plaque ventrale (plastron) en parlie cartilagineuse. « À. Lèvres cornées. Entrée de la cavité formée de deux plaques fermée. par un couvercle. 1. Cistupa. — Tortues à boite. Dossière émarginée en avant avec deux échancrures en arrière. Le couvercle est formé par une plaque ayant une jointure carlilagineuse et donne une protection complète aux mem- bres de l’animal, lorsqu'ils sont retirés dans la cavité. Cuvier divise ce genre en ceux qui ont deux couvercles, un à chaque ouverture de la carapace, et ceux qui n’en ont qu'un pour l’orifice destiné à la tête. Entrée sans couvercle. a. Plaque ventrale solide, continue. Tête et pieds capables d’être retirés dans la carapace. La dossière est arrondie, et divisée en compartiments par de larges écailles. Pieds antérieurs avec cinq doigts, et pieds pos- térieurs avec quatre. Les espèces du premier genre vivent à terre, celles du second fréquentent l’eau douce. 2. Tesrupo. — Doigts unis et couverts d’une peau écail- leuse commune, T. græca. 3. Emys. — Doigts palmés. Griffes longues, Testudo eu- ropæa. Extrémités incapables d’être relirées dans la carapace. * 4. CHELONURA. — Queue environ de la longueur de la cara- pace. Dossière carénée, avec un prolongement aigu en arrière, T'estudo serpentina. » SIGNIFICATION TAXINOMIQUE DU GENRE EMYS. 61 IL paraît évident, et le texte en fournit la preuve, que dans cette énumération l’auteur ne s'appuie aucunement sur ses recherches personnelles et ne fait que présenter, sous une forme très peu modifiée, les idées émises dans la première édition du Règne animal. Certaines incorrections rendent le texte obscur, en ce qui concerne la détermination des genres ; ainsi, aucun type n'est cité pour les Cistuda. Quels sont le Testudo græca et le Testudo europæa, seuls indiqués aux genres Testudo et Emys? aucune référence de nom d’auteur n'étant donnée, 1l est impossible de savoir à quoi s’en tenir, puisqu'à celte époque on était loin de limiter convenable- ment ces espèces, la citation de Merrem, pour ce qui est de la seconde, en a donné plus haut la preuve. En résumé, tout ce qu’on peut conclure, c’est que pour Fleming, comme pour Cuvier, le caractère fondamental des £mys est de ne pas avoir le plastron à baltants mobiles. Il paraît donc peu explicable qu'en 1830, dans son Ni1- TURLICHES SYSTEM DER AMPHIBIEN, Ouvrage cependant de même importance que celui de Merrem pour l'étude des Reptiles, Wagler ait cru devoir modifier complètement cette nomenclature. Dansles coupes génériques, qu'il a multiplhiées, avec grande raison pour beaucoup d’entre elles, le genre Emys est défini, comme ayant le plastron fixé à la dossière par des ligaments, avec le lobe antérieur mobile. Les espèces citées sont les suivantes : Testudo europæa, Schæpff. — Couro, Schweigger. — clausa, Schæpff. — virgulata, Daudin. Emys orbicularis, Linné. Cyclemys amboinensis, Daudin. Cistudo carolina, Linné, GE ETS Id. HU C'est-à-dire que sur quatre espèces, en y comprenant un double emploi qu'avait su cependant éviter Merrem (1), lrois appartiennent aux Terrapene de ce dernier auteur; le Lype originel, la Tortue à boîte d'Amboine, y est compris. Quant aux espèces à plastron et dossière solidement sou- (1) Voir loc. cit., p. 28, la synonymie du Terrapene clausa. 62 L. VAILLANT. dés de l’ancien genre Æmys, tel que l’admettait Merrem, parmi lesquelles l’£mys picta, Schæpff, Wagler les place dans un genre nouveau, Clemmys. Pour admettre cette manière de voir, il faut regarder le Testudo europæa, Schæpff, c'est-à-dire le Testudo orbicu- laris, Linné, comme type absolu du genre Emys, en laissant de côté les autres espèces citées par Cuvier et Merrem, ce qui n'est pas admissible. Dès l'instant qu'une coupe générique est définie par un caractère que possèdent une ou plusieurs espèces citées par l’auteur, celles-ci doivent êlre incontesta- blement regardées comme typiques, et non celles qui, ne pré- sentant pas le caractère, ont pu, par erreur, y être intro- duites. Il résulte de cet exposé que, dans l'idée de tous les natura- listes, qui ont les premiers limité le genre Emys, depuis Cuvier, jusqu'à et y compris Merrem et Fleming, ce lerme s’appli- quait à des Chéloniens ayant la dossière solidement unie au plastron, celui-ci d’une seule pièce, sans mobilité. On peut rer encore un argument, non sans valeur, de l’interpréta- tion donnée à cette coupe générique par Duméril et Bibron dans l’E£rpétologie générale ; le premier de ces zoologistes en étant le créateur, son opinion à cet égard peut légitimement être regardée comme d’un grand poids. Si, pour préciser la question, on recherche quelle espèce doit être prise pour iype, c'est l’Emys picta, Schneider, qu'il convient de choisir comme citée et décrite par Cuvier parmi ses Emydes proprement dites, et reproduite dans l’énumé- ration donnée par Merrem. Pour les anciennes Tortues à boîtes, puisqu'on s'accorde généralement à les répartir en deux genres, répondant avec assez d’exactitude aux Cistudes clausiles et bâillantes de Duméril et Bibron, on devrait, aux premières, dont le type est la Tortue d'Amboine, conserver le nom de Terrapene, Mer- rem. Quant aux secondes, Gray ayant, dès 1831, fait emploi du nom Cistuda Fleming, modifié en Cistudo, pour le Testudo orbicularis, en y joignant, 1l est vrai, d’autres animaux qui, SIGNIFICATION TAXINOMIQUE DU GENRE EMYS. 63 à cette époque déjà, devaient être rangés dans le genre pré- cité de Merrem, il serait conservé pour cette espèce comme type. Il faudrait, de plus, distraire de ces deux genres, sous le nom de Cyclemys, Bell, les espèces qui, avec l’Emys dhor, Gray, ont chez l’adulte le plastron uni à la dossière par de simples ligaments, mais privé de suture cartilagineuse trans- versale, ce qui ne permet pas aux battants antérieur et posté- rieur de se mouvoir. Voici en résumé, quel serait le parallélisme à établir entre ces coupes et celles admises par M. Boulenger, les dénomi- nations génériques adoptées par ce dernier sont placées entre parenthèses : Euys, C. Duméril s. str. CHysEumys, ee ; Type : Emys picta, Schæpff. Cyczemys, Bell. (= CYCLEMYS, pars. = = 3; — Cyclemys dhor, Gray. ; — Cistudo orbicularis, Lin. : — Terrapene amboinensis, Daudin. CisTupo, Gray. Euys, TERRAPENE, Merrem. = CYCLEMYS, pars. Sd OBSERVATIONS CONCERNANT LA STRUCTURE DE LA TÊTE DE L’ANTRACOTHERIUM MINIMUM (Cuvier) Par M. H. FILHOL. Dans différentes communications insérées dans le Bulletin de la Société philomatique de Paris, j'ai fait connaître le mode de constitution des séries dentaires supérieure et inférieure de l’Antracotherium minimum (Cuv.), qui jusqu’à présent nous était presque complétement inconnu. Je puis aujour- d'hui accroître les renseignements relatifs à cette même espèce fossile en décrivant une tête trouvée à La Milloque (Tarn-et-Garonne), qui m'a été très obligeamment remise par M. Vasseur, professeur à la Faculté des sciences de Marseille. | La longueur totale de la tête devait être de 0,170. Je ne puis donner qu'un nombre approximatif, parce que la partie antérieure correspondant aux incisives fait défaut, ainsi que la portion supérieure de l’occipital. La hauteur de la tête, mesurée au niveau de la partie médiane du front cor- respondant aux apophyses sus-orbitaires, est seulement de 0",033. Ce nom- bre, rapproché du précédent, montre combien la tête de l’Antracotherium minimum était peu élevée par rapport à sa longueur. Aussi, quand on examine la tête de profil, on est frappé de la grande ressemblance qu’on découvre avec les têtes de Hyopotames trouvées à Ronzon par Aymard. L’ab- sence de barre fait que la tête du petit Antrocotherium est moins allongée que celle des animaux fossiles que je viens de citer, mais toutes les parties correspondant à la série des prémolaires et des molaires, à l’'arcade zygoma- tique et au crâne, sont construites presque absolument de même chez les ani- maux que je mets en parallèle. Je dois pourtant appeler l'attention sur une particularité distinctive. Chez lAntracotherium minimum l'orbite est presque fermé en arrière par les apophyses sus et sous-orbitaires, séparées par un intervalle de 02,004 seulement. Chez les Hyopotames l'orbite est largement ouvert. La crête sagittale est forte et bien détachée. LES GLAUCOTHOËS SONT-ELLES DES LARVES DE PAGURES ? Par M. E.-L, BOUVIER. Le genre G/aucothoé fut fondé par H. Milne-Edwards (1) pour un petit Crustacé symétrique qui paraissait établir le passage entre les Paguriens et les Crustacés fouisseurs du genre Callianasse; il concorde d’ailleurs exactement, comme la plupart des savants l'ont reconnu depuis, avec le genre Prophylax précédemment créé par Latreille (2). Malgré l'identité générique des deux formes, la première fut rangée par Milne-Edwards parmiles Thalassinidés, la seconde parmi les Paguriens, mais l’une et l’autre furent considérées comme représentant des animaux parfaitement adultes et non comme des larves de Crustacés. Philippi (3) décrivit plus tard la zoé des Paguriens, mais ne put la suivre dans ses transformations; Rathke (4) fut plus heureux et nous a laissé sur les métamorphoses des Crus- (1) H. Milne-Edwards, Description des genres Glaucothoe, Sicyonia, Sergeste et Acète, de l’ordre des Crustacés décapodes. Ann. sciences nat.(1), t. XIX, 1830, p. 333. — Histoire naturelle des Crustacés, t. IT, p. 306, 1837. — Le règne animal distribué d'après son organisation (3° édition), Atlas des Crus- tacés, pl. XLIIT, fig. 2. ù (2) Latreille, Le règne animal, distribué d’après son organisation (2° édi- tion), t. IV, p. 18, 1830. — Cours d’entomologie, p. 373, 1831. (3) Philippi, Zoologische Bemerkungen. Archiv für Naturgesch., 1840, p. 184, fig. 7, 8. | (4) Rathke, Zur Entwickelungsgeschichte der Decapoden. Arch. für Natur- geschich., 1840, p. 242. ANN. SC. NAT, ZOOL. XII, D, — ART. N° 5, 66 E.-L. BOUVIER. tacés, et notamment des Pagures, des observations très dé- taillées et très précises qui, depuis celte époque, ont pu être égalées, mais non pas surpassées ; ies divers étais de la zoé sont successivement passés en revue, puis la forme larvaire que Claus désignera plus tard sous le nom de métazoé, enfin une forme plus âgée encore qui, malgré sa faible taille, pré- sentait les caractères essentiels des Glaucothoés. Rathke paraît avoir suivi ces formes successives à partir de l’œuf, mais il ne compare nullement la dernière aux Glaucothoés. Thomas Bell (1), dans son Aistoire des Crustacés podophthal- maires de la Grande-Bretagne, résume le travail de Rathke, sans y ajouter d'observalions personnelles ; mais Dana (2), presque à la même époque, accepte complètement les idées de H. Milne-Edwards et range le genre Glaucothoé parmi les Thalassinidés, dans la famille des Gebidés. En 1864, d'après Claus (3) peut-être, Fr. Müller (4) admet dans le développement des Paguriens l'existence d’un stade glaucothoé, enfin en 1867 Sp. Bate (5), pour la première fois à ma connaissance, essaye d'établir qu’il y a identité absolue entre la forme larvaire postzoéenne des Pagures et les Crus- tacés décrits comme Glaucothoés par Milne-Edwards. La des- cription des formes larvaires successives rappelle celle de Rathke, avec un peu moins de précision peut-être, mais elle (4) T. Bell, À history of the british stalk-eyed Crustacea, 1853, Introduc- tion, p. Liv. (2) J.-D. Däna, U. S. Exploring Expedition (1838-1842) under the command - PCharles Wilkes, vol. XIIT, Crustacea, part. I, 1852, p. 509. (3) Je n’ai pu, en effet, me procurer les deux mémoires suivants de Claus: Jur Kenntniss der Malakostraken. Würzb. nat. Zeitschr., 1861, t. IT. — Ueber len Entwickelungsmoden der Porcellanallawen im Ver gleich Zu den Larven von Pagurus. Marburger Sitzungsberichte, 1867, n° 4. (4) Fr. Müller Für Darwin, 1864, p. 835. (5) Les notes préliminaires de Sp. Bate furent publiées en 1865 dans Rep. brit. Assoc. advw. of Science (p. 5#) et en 1866 dans les Ann. of Nat. Hist. (3), t. XVIL, p. 25. Mais le travail détaillé, avec figures, a été réédité plus tard sous deux titres et dans deux recueils différents : Report of the Committee appointed to explore the Marine Faura and Flora of the South Coast of Devon and Cornwall. Rep. brit. Assoc. adv. of Science,1867, p. 280, pl. I, et Carci- nological Gleanings n° IV. On the Development of Pagurus. Ann. of Nat. Hist. (4), t. II, 1868, p. 114, pl. IX. Les lettres de l'explication des planches ne sont pas toutes représentées dans les figures. LES GLAUCOTHOÉS. 07 est accompagnée de figures qui, malgré leur insuffisance, jettent néanmoins une certaine lumière sur celte question. Toutefois l'argumentation de Sp. Bate n’est pas absolument concluante, car les formes larvaires qu’il décrit ont été re- cueillies au hasard de la rencontre et ne correspondent peut- être pas aux divers stades évolutifs d’un Pagurien déterminé. Claus n’a pas suivi non plus le développement des Pagu- riens depuis l'œuf jusqu’à l'adulte. Dans son système des Crustacés (1) il décrit les stades zoé et métazoé, maïs signale sans le décrire un stade glaucothoé ; dans un travail plus récent (2) il ne fait pas mention de ce dernier stade. Entre la publication des deux travaux précédents de Claus, Faxon (3) représente toutes les formes successives des Pagures, et admet l'identité des Glaucothoés et des larves âgées des Pagures; ce travail, qui est très soigné comme dessins, ne paraît pas se prêter aux mêmes critiques que ceux de Claus et de Sp. Bate, car une partie des figures ont été empruntées à À. Agassiz qui a suivi, sans s occuper d’ailleurs de la com- paraison avec les Glaucothoés, l’évolution de divers Pagures, depuis l'œuf jusqu’au moment où 1ls pénètrent dans une co- quille (4). | Au contraire de Faxon, Czerniavsky (5) paraît avoir suivi complètement l’évolution d’une même espèce, le Diogenes (4) Claus, Untersuchungen zur Erforschung der genealogischen Grundlage des Crustaceen Systems, 1876, p. 55 et 56, pl. VIIL, fig. 14. (2) Claus, Neue Beiträge zur Morphologie der Crustaceen. Arbeïten aus dem zool. Institute Wien , t. VI, 1886, p. 67, pl. VI, fig. 80. Dans ce dernier tra- vail, Claus admet que les métazoés des Galathées ont quatre paires de fausses pattes abdominales et celles de Pagures 2 ou 3 seulement; il fait observer à ce sujet que la figure 14 du travail précédentreprésente en réalité une mé- tozoé de Galathée et qu’il en est probablement de même pour les figures 1 à 3, pl. XII, du travail de Faxon. Je pense au contraire que les figures de Faxon représentent parfaitement des larves de Pagures, car elles res- semblent tout à fait à celles que Sars a représentées plus tard, en ayant soin d'indiquer qu’elles étaient pourvues de quatre paires de pattes abdominales (voyez p. 152 du travail de Sars cité plus bas). (3) W. Faxon, Selections from embryological Monograph. Crustacea. Memoirs Mus. Comp. Zool., vol. IX, n° 1, 1882, pl. XII, fig. 18-30 et pl. XIII, fig. 1-9. (4) A. Agassiz, Instinct? in Hermit Crabs. The american Journal (3), HE X,0.290,4875. (5) Czerniavsky, Crustacea decapoda pontica littaralia, p. 102, 1884. 68 E.-L. BOUVIER. varians; il décrit les deux stades successifs de la zoé, puis une forme pélagique qui correspondrait à la Glaucothoé de Milne-Edwards et qui serait voisine des Callianasses et des Callianides, enfin il compare cette forme glaucothoé à l'a- dulte. Malgré sa brièveté et l'absence de figures, ce travail renferme des renseignements pleins d'intérêt. C’est dans un mémoire récent de Sars (1) qu'il faut cher- cher l’histoire détaillée. et soigneusement suivie du dévelop- pement des Paguriens. Avec toute la précision de Rathke et en donnant des dessins aussi nombreux et aussi clairs que ceux de Faxon, Sars a retracé le développement de trois espèces : l’Eupagurus Bernhardus Linn., le Spiropagurus chiroacanthus Lilljeborg et le Sp. Forbesu Bell. Les phases larvaires sont décrites avec beaucoup de soin, sauf toutefois la dernière, celle qui correspond au stade glaucothoé des autres auteurs; cette dernière se trouve représentée par de bonnes figures, mais le détail des pièces buccales fait com- plètement défaut. D'ailleurs Sars n’emploie nulle part. le terme de glaucothoé, et il désigne le dernier stade figuré sous le nom de « jeune pagure; premier stade post-larvaire. » Miers (2) considère la Glaucothoé comme un pagurien d'un genre particulier : «quoique macrourien, dit-il, et placé par Milne-Edwards et Dana dans les Thalassinidés, il présente beaucoup d’affinités avec le genre Pomatocheles ». C'estaussi l'opinion d'Henderson {3) : « Il est extrêmement probable, dit cet auteur, que nous avons dans les Glaucothoés des for- mes voisines des Paguridés d’un type très primitif, gardant toujours beaucoup des caractères thalassiniens ancestraux. Spence Bate prétend que la Glaucothoé est simplement un stade larvaire de Pagurus (ou d'Eupagurus?) et il appuie sa théorie sur la description et les figures de larves des Crusta- (1) Sars, Bidrag til Kundskaben om Decapodernes Forvandlinger. Arch. f. Mathemat. og Naturv., 1889, p. 446, pl. IL et IL. (2) E.-J. Miers, Account of the zoological Collections made during the Survey of H. M.S. Alert. Crustacea. Proc. Zool. Soc.., 1881, p. 62, pl. VIT, fig. 1-5. (3) J.-R. Henderson, Report on the Anomura.— Challenger, Zool., vol. XXV, 1888, p. 83, pl. IX, fig. 1. LES GLAUCOTHOÉS. | 69 cés, recueillies à la surface des eaux sur les côtes d'Angle- terre; mais cela me paraît insuffisant pour prouver que les spécimens représentent et deviennent des Paguridés à queue molle. La théorie de Spence Bate est rendue improbable par ce fait que les spécimens de Glaucothoé sont extrême- ment rares, tandis qu’on rencontre en abondance des her- mites de petite taille chez lesquels l'abdomen ressemble à celui de l’adulte, en ce sens qu'il est mou et indistinctement sesmenté. Le spécimen du Challenger à toute l'apparence d’un animal adulte et, si l’on juge d’après la nature de ses appendices, doit avoir vécu sur le fond. » Comme Miers, Henderson rapproche les Glaucothoés des Paguriens symé- triques et surtout des Pomatocheles. Telle n’est pas l’opinion de G. Cano. Dans un travail (1) qui à paru après la rédaction complète de ce mémoire, l’au- teur italien, qui traile d’ailleurs accessoirement des Pa- gures, ne signale pas les travaux postérieurs à Spence Bate et adopte sans discussion les conclusions de ce dernier: « Comme on peul s’en convaincre par la description et la figure de l’auteur (H. Milne-Edwards), dit-il, le genre Glau- cothoë n’a aucune raison d'exister parce qu’il représente seulement l’un des stades post-larvaires d’un Pagure. » Ces considérations rétrospectives étaient nécessaires pour mettre en évidence la complexité de la question traitée ici. Les Glaucothoés sont-elles des larves de Pagures? Ont-elles plus d’affinités avec les Thalassiniens qu'avec les Paguriens? Sont-elles pélagiques ou localisées sur les fonds? Enfin les larves paguriennes du stade glaucothoé sont-elles bien réel- lement identiques aux Glaucothoés telles que les ont com- prises H. Milne-Edwards, Dana, Miers et Henderson? Pour étudier ces diverses questions j'ai pu disposer : 1° Duspécimen typique de la Glaucothoë de Péron (Gr. Pe- ront H. Milne-Edwards) de Milne-Edwards; - (1) G. Cano, Sviluppo postembrionale della Gebia, Axius, Callianassa e Calliaxis. — Morfologia dei Talassinidi. Boll. d. Soc. di Nat. in Ma Anno V, fasc. I, p. 26, 1891. 70 E.-L. RBOUVIER. 2° De quatre spécimens de la même espèce recueillis par le Talisman ; 3° De cinq spécimens de la Glaucothoé carénée (GT. cari- nata Henderson), quatre recueillis par M. Chevreux (Ex- pédition de la Melita) et un par le Talisman. Jusqu'ici on ne connaissait que lrois spécimens de Glauco- thoé : un de G/. Perontü H. Milne-Edwards, un de G!/. ros- trata Miers et un de G{. carinata Henderson. Dans tous les spécimens que j'ai eus à ma disposition, les orifices sexuels n'existent pas encore(1) el cependant la plupart des individus mesurent de 18 à 20 millimètres delongueur. Les sillons de la carapace sont parfaitement indiqués, /es écailles ophthalmiques font défaut, les pédoncules oculaires sont séparés à leur base, les fouets antennulaires sont pauci-arti- culés, l’acicule des antennes externes est médiocre, les épi- podites font défaut aux pattes thoraciques et aux appendices buccaux, l’exopodite des pattes-mâchoires antérieures et le palpe des mâchoires de la première paire sont dépourvus de fouel terminal, les branchies portent deux rangées de lamel- les, les doigts des pinces sont mobiles dans un plan oblique par rapport au plan de symétrie du corps, les axes d’arli- culation des pinces avec le carpe el du carpe avec le méropo- dite font entre eux un angle aigu dont le sommet est dirigé en dehors, les pattes de la quatrième paire sont plus ou moins subchéliformes, celles de la cinquième paire sont chéliformes, mais toutes deux sont plus réduites que les au- tres, les premières ont sur le propode une plage rugueuse, unisériée ou mullisériée, et les secondes une plaque ru- gueuse toujours multisériée. L'abdomen a la structure et la symétrie parfaile de celui des Macroures; les /ausses pattes n'existent pas sur le premier anneau, mais on les rencontre, inégalement biramées, au nombre d’une paire sur les quatre (1) Il en est bien probablement de même chez les spécimens de Gl. cari- nata étudiés par Henderson et chez celui de Gl. rostrata étudié par Miers. Les deux auteurs rangent avec doute ces spécimens parmi les mâles, ce qui semblerait prouver qu'ils n’ont ni l’un ni l’autre apercu d'orifices génitaux, LES GLAUCOTHOÉS. 71 anneaux suivants. Les fausses pattes du sixième segment se terminent par des rameaux foliacés, inégaux (l'interne étant un peu plus réduit que l’externe), munis de soies pennées sur les bords et d’une rangée d’écailles qui représentent une plage rugueuse encore rudimentaire (1). Le telson est muni de soies en arrière, comme les lamelles caudales précédentes. L'exposé précédent suffit pour montrer que les Glauco- thoës sont franchement paquriennes et ne présentent que des analogies de forme et de symétrie avec les Thalassinidés. Les caraclères suivants, en effet, semblent tout à fait propres aux Pagures: la brièveté des pattes thoraciques des deux der- mères paires, les plages rugueuses qui ornent leur propode et celles qu’on rencontre sur les bords des rameaux externes de la nageoire caudale, enfin l’allongement des pédoncules an- tennulaires et la réduction singulière des fouets qui les ter- minent. En dehors des traits communs qui viennent d'être signa- lés, les deux espèces de Glaucothoés qui nous occupent pré- sentent des différences dont la signification est du plus haut intérêt. Commençons par la Glaucothoe Peronu. Gette espèce se distingue par son abdomen allongé, grêle, à anneaux séparés par des étranglements; elle n’a pas de rostre, ses yeux sont énormément dilatés et ses fouets antennaires sont ornés de soies assez longues. Mais voici des traits caractéristiques bien plus importants : ses pattes antérieures sont inégales, le bord inférieur de leurs pinces est infléchi, les pattes am- bulatoires sont très allongées et fort grêles, d’ailleurs ter- minées par des doigts longs et arqués; les pattes de la quatrième paire sont, à peine subchéliformes et ne préser - tent qu’une seule rangée d'écailles au propode, celles de ia cinquième paire n’ont qu'une pince imparfaile, à doigts extrêmement courts, comme on l’observe aussi chez les Paguriens du genre Eupagurus, enfin les pattes-mâchoires (1) Dans la Glaucothoé de Péron, ces écailles sont très claires et ne s’aper- coivent aisément qu’à un fort grossissement du microscope. 79 E.-L. BOUVIER. externes sont séparées à leur base par une plaque sternale assez développée. La formule branchiale est la suivante : Pattes fhoraciques. Pattes mâchoires. PT IT Uas.. PORN TT É nb ou C'HRUU 11. I. HORRUTE le Arthrobranchies.... 0 2 2 2 2 2 0 0. Pleurobranchies.... 0 (| 0 0 0 O2) ( : el concorde par conséquent avec celle des £Eupaqurus. Dans les organes internes, les cæcums pyloriques parais- sent manquer complètement, et Le système nerveux présente un degré de dissociation longitudinale assez accusé. Comme chez tous les Paguriens, la chaîne abdominale a ses cordons séparés et présente seulement cinq renflements ganglionnai- res, le premier ganglion abdominal étant confondu avec la masse thoracique. Toutes les paires ganglionnaires de celle dernière masse, sauf celle des appendices buccaux, sont parfaitement distinctes ; celles qui correspondent aux pattes thoraciques 1 et 2, 2 el 3 sont réunies par des connectifs lon- gitudinaux séparés sur la ligne médiane. Sibien qu'en réalité la masse présente trois perforations, une pour l'artère sternale et deux antérieures entre les paires ganglionnaires précé- dentes. C’est, en un mot, un degré de concentration un peu moins avancé que celui qu’on observe chezles Eupaqurus (1). Bien différente est la Glaucothoe carinata. Plus forte et plus trapue, elle à davantage l’aspect général d’un Astacien : l'abdomen est plutôt médiocre. fort, non étranglé au ni- veau des segments qui sont plus larges que longs; le rostre est saillant, les yeux sont peu dilatés et les fouets antennaires paraissent complètement dépourvus de soies. Les chélipèdes sont égaux, leurs pinces sont plutôt ovalaires, non infléchies sur les bords et terminées par des doigts forlement ongui- culés; les pattes suivantes sont médiocres et armées de doigts relalivement courts, celles de la quatrième paire sont neltement subchéliformes et munies sur le propode d’une (1) E.-L. Bouvier, Le système nerveux cles Crustacés décapodes et ses rapports avec l'appareil circulatoire. Ann. sciences nat., Zool. (7), t. VII, p. 89, pl. VII, fig. 6 et 7. | LES GLAUCOTHOÉS. Tai plage rugueuse multisériée ; une plage rugueuse également multisériée se rencontre aussi sur la pince parfaite (LE 4 doigts allongés des pattes de la cinquième paire, enfin les pattes-mâchoires externes sont contiguës à leur base comme dans les Paguriens des genres Pagurius et Clibanarius (1). La formule branchiale est la suivante: | Pattes thoraciques. : Pattes-mâchoires. | CD LL LH LL Arthrobranchies "#0" J D 2 2 0 0 Pleurobranchies.... 0 { (| 1 0 0 4 #a:.0 Elle ressemble absolument à celle des C/ibanarius et diffère. à peine par l'absence de la pleurobranchie postérieure de celle des vrais Pagurius. | L'organisalion interne est aussi très différente de celle si- gnalée plus haut dans la Glaucothoé de Péron. Les cæcums pyloriques sont courts, mais néanmoins fort nets; au nom- bre d’une paire, 1ls forment un tour de spire et mesurent, dans les spécimens que nous avons étudiés, à peu près un demi-millimètre de longueur. Le cœcum rectal ne paraît pas exister. Le système nerveux, franchement pagurien, est bien plus condensé dans le sens longitudinal que celui de la Glau- cothoé de Péron; les centres ganglionnaires pédieux sont encore assez nettement distincts dans la masse thoracique, où l’on n’observe plus d’ailleurs qu’une seule perforation, (1) Voici quelques autres différences moins importantes entre les deux espèces. Dans la Glaucothoé de Péron, l’acicule autennaire est élargie à l’ex- trémité, les fausses pattes abdominales sont grêles et terminées par une branche très allongée, et par une deuxième presque rudimentaire, enfin les deux rames caudales de chaque côté sont assez étroites, Dans la Glau- cothoé carénée, au contraire, l’acicule se rétrécit graduellement de la base au sommet,les fausses pattes abdominales sont plutôt courtes, presque également biramées, l’un des rameaux étant largement foliacé, enfin les deux rames natatoires de chaque côté sont relativement beaucoup plus larges. Observons en passant qu'il y a des différences assez prononcées entre les fausses pattes des spécimens que nous possédons de la Glaucothoé de Péron et celles du spécimen type de Milne-Edwards. Mais il est bien diffi- cile de décider si ces différences sont spécifiques ou simplement dues à l’âge. 74 E.-L. BOUVIER. celle de l'artère sternale. Du reste les deux cordons longitu- dinaux de la chaîne abdominale sont séparés sur toute leur longueur, mais chacun des ganglions qu’elle porte est ma- nifestement double et ne se présente pas sous la forme arrondie qu'on observe dans la Glaucothoé de Péron. Examinons maintenant l’ensemble de ces caractères diffé- renutiels. Ils ne sont pas spécifiques et sont presque tous em- ployés, dans la classification des Pagures, pour la création des genres : formules branchiales, égalité ou inégalité des pinces, situation relative des pattes-mâchoires externes, dis- position des articles terminaux des deux paires de paltes thoraciques postérieures, groupement des centres nerveux, etc., tels sont les principaux d’entre eux. Dans une classifica- tion des Pagures, la Glaucothoé de Péron et la Glaucothoé carénée formeraient deux genres aussi différents au moins que les Sympagurus et les Clibanarius. Bien plus, on peut dire que chacune des deux espèces se rattache très étroitement, si l’on fait abstraction des carac- tères de symétrie qui font la Glaucothoé, à des genres de Paguridés déjà existants. Les Sympaqurus par exemple peu- vent se caractériser de la manière suivante : branchies à la- melles bisériées, formule branchiale d'Eupagurus, pattes antérieures inégales à doigts mobiles dans un plan oblique par rapport au plan de symétrie du corps et infléchis du côté inférieur, pattes ambulatoires grêles et allongées, pattes de la cinquième paire plus ou moins subchéliformes à plage rugueuse unisériée ou multisériée, pattes de la cinquième paire à pinces d'Eupagurus, pattes-mâchoires externes sépa- rées à leur base par une plaque sternale. Tous ces caraclères sont ceux de la Glaucothoé de Péron et l’on peul dire, avec toutes les apparences de la vérité, que la Glaucothoë de Pé- ron est un Sympagurus dont l'abdomen présente encore les caractères macrouriens. | Examinons maintenant les caractères du genre Pagqurus; les pédoncules oculaires sont séparés à leur base, les pattes antérieures sont souvent subégales, à doigts fortement cornés LES GLAUCOTHOÉS. 75 aux extrémités et mobiles dans un plan oblique par rapport au plan de symétrie du corps, les pattes de la quatrième paire sont nettement subchéliformes et munies d’une plage rugueuse multisériée, celles de la cinquième paire se ter- minent par une pince à doigls ordinairement allongés, les paites-mâchoires externes sont contiguës à leur base, les branchies sont à deux rangées de lamelles et groupées comme dans les Pylocheles. Tous ces caractères sont distinctifs de la Glaucothoé carénée (1) et l’on peut dire avec non moins de raison que ci-dessus : la Glaucothoë carénée est un Paqurus, ou ‘une forme voisine, dont l'abdomen présente encore les ca- raclères macrouriens. Conclusion : les Glaucothoés ne forment pas un groupe homogène et l’on peut admettre, d’après tout ce que l’onsait aujourd'hui, qu’i/y a autant de formes de Glaucothoés que de genres de Paguriens. Ce premier point acquis, comparons les Glaucothoés telles que nous les avons décrites ci-dessus aux diverses formes larvaires qui peuvent être considérées comme constituant un stade glaucothoé dans le développement des Pagures. Les larves du stade glaucothoé, décrites et figurées par Sars, sont au nombre de deux (2); l’une appartient à l'Eu- paqurus Bernhardus, l’autre au Spiropagurus chroacanthus ; si l’on fait abstraction de la forme des pinces et du mode d'articulation des doigts (caractères essentiellement va- riables suivant les genres), ces deux larves présentent tous. les caractères que nous avons attribués plus haut à la Glau- cothoé, sauftoutefois les suivants : les écailles ophthalmiques sont bien développées, les appendices du pénultième segment abdominal sont plus grands à gauche qu'à droite et se font remarquer par la faible largeur de leurs rameaux et no- tamment par la réduction extrême du rameau interne. Les (1) Dans la Glaucothoé carénée, toutefois, la branchie réduite des patles de la 5° paire fait défaut ou n'existe pas encore, et c’est par approximation que nous rapprochons celte espèce des Pagurus (s. str.). Mais ceci ne change rien aux résultats de ce mémoire. (2) G.-0. Sars, loc. cit., pl. IL, fig. 27 et 28, pl. IT, fig. 27, 76 E.-L. BOUVIER. mêmes observations au moins en ce qui concerne la rame caudale s'appliquent à la larve glaucothoé décrite et figurée par Spence Bate (1). Ces différences n'existent plus au même degré, on même disparaissent complètement si l'on considère les larves glaucothoé décrites ou figurées par Czerniavsky, par Faxon et par Rathke. Le stade glaucothoé observé dans le Diogenes varians par Czerniavsky (2) est, dit l’auteur, « plus ancien que celui découvert par Sp. Bate chez les Paguridés de la rade de Plymouth. Ceciest prouvé par la comparaison, dans l’une et l’autre larve, des appendices caudaux de la dernière paire; dans la première (celle du Dioyenes varians) ces appendices ont un rameau interne bien développé, armé d’aiguillons et de poils, qui ressemble complètement à l’externe quoique deux fois plus court; dans la deuxième au contraire (larve décrite par Sp. Bate), les appendices de cette paire présen- tent une branche interne rudimentaire inerme. Enfin les branches externes ont une longueur différente dans les deux larves »; elles sont asymétriques dans la larve de Sp. Bale et à peu près symétriques dans la larve du Drogenes varians. Dans la glaucothoé figurée par Faxon (3) la si- militude avec les Glaucothoés précédemment décrites est absolue : la symétrie est parfaite et les écailles ophthalmi- ques sont absentes. Enfin dans les larves décrites par Rathke, la symétrie est complète, mais on peut croire que les écailles ophthalmiques sont déjà développées (4). En résumé, les larves glaucothoé, décrites ou figurées jus- qu'ici, ne sont pas toutes du même âge; les moins développées ressemblent complètement aux Glaucothoés telles que les ont comprises Milne-Edwards, Dana, Miers et Henderson; les plus âgées au contraire ressembleraient tout à fait aux adultes, (Hp. Pate, loc. cit, pemMmpl TI, fig. 3. (2) Czerniavsky, loc. cil., p. 102. La description des larves des Diogenes est écrite en russe; nous devons sa traduction à l’obligeance de M'e Kamenko. (3) Faxon, Loc. cit. pl. XIII, fig. 5 et 6. (4) Rathke, Loc. cit., p. 245 dit en effet: « Auch die Augen waren schon wie bei den Erwachsenen gefornet. » LES GLAUCOTHOÉS. 77 n'était la présence des appendices pairs abdominaux. La larve de Faxon est la plus jeune, viennent ensuite celles de Rathke et de Czerniarvsky; enfin celles de Spence Bate et de Sars qui sont déjà bien plus développées; d’ailleurs ces diverses larves diffèrent entre elles comme les Paguriens des genres auxquels elles appartiennent et ressemblent en cela aux Glaucothoés que nous avons décrites. Maintenant peut-on considérer ces dernières comme con- stituant une forme pagurienne autonome et voisine, comme le voudraient Henderson et Miers, des Paguriens symé- triques ? Je ne le crois pas. Nous ne connaissons pas suffi- samment l’organisation intime des Pomatocheles pour les comparer aux Glaucothoés, mais nous connaissons parfai- lement d’autres formes symétriques comme les Pylocheles, ou presque symétriques, comme les Mirtopaqurus, et nous savons pertinemment qu'il n’y à aucune analogie entre elles et les Glaucothoés. Les Pylocheles, les Mixtopaqurus et probablement aussi les Pomatocheles sont extrêmement voi- sins de la forme ancestrale des Paguriens, comme le prouvent leurs formules branchiales, leurs branchies quadrisériées, les épipodites de leurs pattes-mâchoires antérieures et leur thorax plus ou moins complètement calcifié ; en dehors des caractères communs à tous les Paguriens ils ne ressemblent aux Glaucothoés actuellement connus que par la symétrie de l'abdomen et de ses appendices. On trouvera certaine- ment plus tard des Glaucothoés correspondant aux genres symétriques dont nous venons de parler, mais celles que nous connaissons maintenant sont beaucoup plus voisines, comme nous l'avons vu plus haut, des Paguriens asymé- triques. En condensant les observations qui précèdent nous voyons: 1° que les Glaucothoés considérées comme des formes par- faites par certains carcinologistes sont dépourvues d’orifices sexuels et d’écailles ophthalmiques, caractères qui sont l’un et l’autre larvaires ; 2° qu’elles sont franchement paguriennes et n'ont que des analogies éloignées avec les Thalassinidés ; 78 E.-L. BOUVIER. 3° qu'elles constituent un groupe polymorphe et renferment probablement autant de formes qu’il y a de genres différents de Pagures; 4° que les espèces jusqu'ici connues se rappro- chent beaucoup plus des Paguriens asymélriques que des Paguriens primitifs (Pylocheles, Mixtopaqurus) voisins des ancêtres du groupe; 5° qu’elles présentent absolument tous les caractères essentiels des larves décrites par certains embryologistes sous le nom de glaucothoés. La conclusion s'impose : les Glaucothoés des carcinolagistes sont les larves âgées des Pagqures et chaque genre, chaque espèce de Pagure doit avoir une larve glaucothoé qui lui est propre. J'ai décrit plus haut les glaucothoés d’un Sympagu- rus (Glaucothoe Peronu), et celle des Pagurus ou des formes voisines (G/laucothoe carinata), Rathke a décrit celle des Eupagurus, el Sars celle des Spiropagurus; les autres n’ont pas été étudiées d'assez près pour être rapportées sûre- ment à un genre déterminé. Malgré la conclusion qui précède, l’histoire des glauco- thoés présente encore plusieurs points obscurs. Les glau- cothoés des embryologistes sont toutes de très pelite taille : celles de l'Eupaqurus Bernhardus, quoique pourvues déjà de leurs écailles ophthalmiques, et légèrement asymétriques, ont 4 millimètres de longueur au maximum: celle de Faxon mesurait 2 millimètres et demi de longueur et celle de Rathke un peu plus de 2 lignes. Beaucoup plus grandes sont les glaucothoés qui nous occupent; de l'extrémité des pinces au bout de la queue elles mesurent de 18 à 20 millimètres de longueur ; les spécimens de glaucothoé carénée ont en- viron 3 millimètres de largeur au céphalothorax. Nous croyons que Spence Bate a donné la vraie raison de ces dif- férences évidemment très frappantes et bien faites en appa- rence pour justifier l’opinion soutenue par Miers et par Henderson : « J'imagine, écrivait Sp. Bate, que les glauco- thoés peuvent continuer à muer et à croître pendant tout le temps où une habitation leur fait défaut; j'ai capluré, en effet, des pagures habitant des coquilles ; ils étaient souvem LES GLAUCOTHOÉS. 19 plus petils que celui que j'ai décrit et ils se trouvaient dans un état de maturité plus avancé. » Nous ne savons quelle était la dimension de la glaucothoé capturée par Sp. Bate, mais il est certain que toutes les glaucothoés ne sont pas de même taille et il est fort probable que certains grands pa- gures des mers chaudes ont des glaucothoés plus grandes que celles de pagures de nos mers. Ainsi s'explique la rareté des glaucothoés de grande taille, qui avait si fortement frappé Henderson. Ce sont, pour ainsi dire, des larves moins fortunées que les autres, qui conti- nuent à croître jusqu'au moment où elles trouveront une habitation convenable. Une autre question pour terminer: quel est l'habitat des glaucothoés? Toutes les larves recueillies et décrites par les embryologistes paraissent avoir élé recueillies à la sur- face de la mer et sont, par conséquent, des organismes na- geurs ; c'est du moins le cas de la glaucothoé décrite par Sp. Bate, de celle du Diogenes varians décrite par Czerniavsky et probablement aussi des larves de Faxon et de Sars. La larve du Diogenes varians, dit Czerniavsky, «mène une vie pé- lagique et s'élève la nuit à la surface de la mer. À Suchum, je l’ai pêchée en 1876, le 10 septembre, par des soirées som- bres et jamais avant 10 heures du soir. Elle nageait à la surface de l’eau vers le haut du port du commerce, dont la profondeur varie de 2 à 3 mètres. On la prenait dans des filets en mousseline, en compagnie de nombreuses méga- lopes de crabes. » Les glaucothoés de grande taille étudiées jusqu'ici par les carcinologistes que nous avons cités ont été recueillies dans des lieux très divers : Glaucothoe Peronii. — Type de H. Milne-Ediwards, pro- bablement côtier et asiatique, dans tous les cas n’a pas été recueilli dans les profondeurs. Spécimens du Talisman, Océan Atlantique : 4° un individu recueilli au tropique du Cancer par 930 brasses ; 2° deux in- dividus recueillis à Reo buro, par 1139 brasses; 3° un indi- 80 E.-L. BOUVIER. vidu recueilli au large du cap Blanc, par 1230 brasses. Glaucothoe carinata. — Type d'Henderson, recueilli par le Challenger au large de Twolfold Bay, Australie, pro- fondeur 120 brasses ; fond vase verte. Spécimens de la Melita : 1° deux individus recueillis dans la baie de Gorée, à l’ouest de l’île, coquilles brisées, 15 mè- tres de profondeur, drague; 2° un individu recueilli dans l'Atlantique, latitude nord 17°,02’, longitude O. 18°,59, chalut, profondeur 80 mètres, vase verte ; 3° un individu re- cueilli par la drague à Rufisque, coquilles brisées, 6 mètres de profondeur. Spécimen du Talisman, Océan Atlantique, 140 mètres. Glaucothoe rostrata. — Type de Miers, dragué à Madère de 15 à 50 brasses. Toutes ces glaucothoés de grande taille, on le voit, ont été recueillies à des profondeurs plus ou moins considéra- bles, sauf peut-être le spécimen qui a été décrit par Milne- Edwards sous le nom de Glaucothoé de Péron. Elles diffèrent en cela des glaucothoés de petite laille qui sont pélagiques, ou viennent au moins à la surface de l’eau à cerlaines heu- res de la journée. On pourrait croire au premier abord que ces animaux ne proviennent pas en réalilé des fonds atteints par la drague et qu'ils ont été seulement recueillis par elle au moment où elle atteignait la surface, mais la concor- dance des résultats précédents rend cette hypothèse peu probable et nous aimons mieux admetire que les glauco- thoés, dès qu'elles ont atteint la taille où normalement elles recherchent les coquilles, cessent d’être complètement péla- giques et se rapprochent des fonds (1). Elles sont encore na- (1) Dans la note très intéressante que j'ai déjà citée (Instinct.? in Hermit Crabs) À. Agassiz a montré en effet que, par une série de mues, la jeune larve devient peu à peu asymétrique et acquiert même un abdomen sem- blable à celui de Pagure adulte avant de se loger dans les coquilles. On est par conséquent en droit de supposer que la larve est devenue de moins en moins nageuse, jusqu'au moment où, complètement asymétrique, elle n’a pu que se trainer sur les fonds. Mais ce qui donne surtout de l'intérêt à l'observation d’Agassiz, c’est ce fait que l'abdomen devient mou et asymétrique avant que le jeune choisisse LES GLAUCOTHOÉS. 8i geuses, comme le prouve la persistance el, jusqu'à un cer- ain degré, la forme de leurs appendices abdominaux, mais elles commencent aussi à se servir, pour la marche, de leurs pattes thoraciques. D'ailleurs, si l’on tient compte des re- cherches récentes d'Alexandre Agassiz sur la distribution verticale des faunes, et notamment sur la localisation près des fonds des espèces abyssales nageuses (1), on peut cer- tainement affirmer que les glaucothoés des pagures abyssaux ne s'élèvent jamais à la surface et se contentent de nager dans les eaux profondes; c'est, croyons-nous, le cas pour les glaucothoés de Péron qui sont des larves de Sympagurus et c'est le cas aussi, à coup sür, pour la glaucothoë encore inconnue du pagurien typique des abîmes, le Parapagurus abyssorum. Du reste, aux Paguriens littoraux correspondent des glaucothoés littorales ou sublittorales; c'est ainsi que une demeure, d’où l’on pourrait être tenté de conclure que l'asymétrie et la mollesse de l'abdomen, chez les formes ancestrales, ont précédé le choix d'une habitation et ont, pour ainsi dire, nécessité ce choix. Or nous savons qu'il n’en est rien, car les Paguridés les plus voisins des ancêtres du groupe, les Pylocheles, les Mixtopagurus, etc., ont totalement ou en partie conservé la symétrie et les téguments protecteurs de l'abdomen, ce qui permet de conclure, comme on l’admet généralement aujourd’hui, que c’est à la suite d’une longue adaptation dans des cavités ou dans des coquilles que l'abdomen s’est modifié en devenant mou et asymé- trique. De nos jours, conformément aux lois embryologiques, les Paguriens sy- métriques passent successivement, pendant la série de leurs stades lar- vaires, par les différents états qu'ont traversés leurs ancêtres ; à peu près complètement macroures et bien protégés pendant le stade glaucothoé, ils deviennent rampants, asymétriques et complètement paguriens avant de pénétrer dans les coquilles et celles-ci, dès lors, ne servent plus qu'à la protection de l’animal et à la conservation de son asymétrie. Toutefois le parallélisme n’est pas absolu entre l’évolution de l'individu et celle de son espèce, les Pagures ancestraux étant devenus asymétriques pour avoir ha- bité les coquilles et les Pagures actuels étant déjà asymétriques avant d'entrer dans celles-ci. Il y a là une divergence singulière, bien accusée, et dans tous les cas peu explicable, étant données les connaissances Jusqu'ici acquises. (1) Three letters Alexander Agassiz.. on the dredguig Operatiores « Albu- tross ». (Bull. Mus. Comp. Zool., p. 185-200, 1891). M. Alexandre Agassiz établit dans ces lettres que la faune abyssale reste tout entière localisée près des fonds, et que les espèces nageuses peuvent tout au plus s'élever à une distance maximum de 60 à 100 brasses. ANN. SG: NAT. Z00K X1L, O2" At. NP 5, 82 E.-L. BOUVIER. la glaucothoé carénée, qui est la larve d’un vrai Paqurus (1), se tient près de la côte, ou à des profondeurs moyennes, comme les crustacés adultes qui appartiennent à ce dernier genre. (41) Je répète ici ce que j'ai dit plus haut : les formules branchiales de la glaucothoé carénée et des Pagures vrais sont légèrement différentes; dans tous les cas cetle glaucothoé ne peut être que la larve d’un Pagurus, d'un Clibanarius ou d’un Aniculus, et l’on sait que les paguriens qui appartien- nent à ces genres ne s’éloignent jamais beaucoup des côtes. NOTE SUR LES CRUSTACÉS | DES TERRAINS JURASSIQUES SUPÉRIEURS DU BOULONNAIS Par M. H.-E. SAUVAGE, Dans ses Notes sur les Crustacés jurassiques du bassin du Jura, Etallon a décrit et figuré, sous le nom d’Eryma Babeaui, une espèce trouvée dans les marnes bleues kimmé- ridgiennes de Boulogne-sur-Mer {1); en 1862, Oppell (2) a mentionné la même espèce, d’après la description d’Etallon. M. Henry Woodward (3), en 1875, a fait connaître, sous le nom de Mesochrus Peyton, un autre Macroure prove- nant des marnes à Lingula ovals de la partie supérieure de l'étage virgulien de Boulogne. Ces deux espèces sont, à notre connaissance, les seules qui aient été signalées dans le Jurassique supérieur du Boulonnais. On y a trouvé cependant d’autres espèces; de plus l’'Eryma Babeaur, espèce assez abondante dans cer- laines parties du Kimméridgien, est connu par des exem- plaires beaucoup plus complets que celui qui a été figuré par Etallon. Faire connaître ces espèces est le but de la (4) Loc. cit., p. #1, pl. VII, fig. 4. (2) Palæuntologische Mitthelungen. (3) On some new Macrurous Crustacea from the Kinuneridge clay of the sub. Weulden Boring, Sussey, and from Boulogne-sur-Mer (Q. 3. G. S. t. XXXI, p. 49, pl. VE, fig. 37). 64 H.-E. SAUVAGE. présente notice. Les exemplaires que nous avons pu étudier sont conservés au Musée de Boulogne, où ils ont été donnés par MM. Dutertre Delporte, E. Rigaux, E. Sauvage, Le- blanc et A. Lefebvre ; nous avons eu en communication les Crustacés faisant partie des collections de MM. A. Bétencourt et Beaugrand. Les espèces décrites sont les suivantes : BRACHYURES. Orthomalus araricus, Et. Séquanien supérieur ; couches à Pygurus jurensis. Orthomalus morinicus, n.sp. Portlandien moyen ; couches à Ostrea expansa. MACROURES. Mecochirus Peytoni, Wood. Kimméridgien supérieur ; couches à Lingula ovulis. ; Enoploclythia Edwardsi, n. sp. Kimméridgien moyen ; couches à Ammo- nites caletanus ; Kimméridgien supérieur, niveau du Pygaster macrocyphus. Eryma Leblanci, n. sp. Kimméridgien supérieur; couches à Am. pseudo- mutabilis. Eryma Dutertrei, n. sp. Portlandien moyen; niveau à phosphates. Eryma Beaugrandi, n. sp. Kimméridgien moyen; couches à Am. calelanus. Eryma boloniensis, n. sp. Kimméridgien moyen; couches à Am. caletanus. Eryma Babeaui, Et. Kimméridgien moyen; couches à Am. caletanus. Eryma pseudo-Babeaui, Dolf. Kmiméridgien moyen; couches à Trigonia Rigauxiana. BRACHYURES. Orthomalus araricus, Et. (1). (PL. LV, fig. 43). On trouve assez fréquemment dans les sables et grès de Questrècques et de Wirwigne, couches à Pygurus jurensis, Pygaster umbrella (Astartien), des pinces qui indiquent, à ce niveau, la présence d’une espèce que nous ne pouvons séparer de celle qu’Etallon a décrite comme provenant du Phola- domyen supérieur (Chaiïlles) de Percey. La pince est longue de 23 millimètres, large de 19, épaisse de 9. La face externe est fortement bombée; la face interne est à peine bombée, excepté dans la partie qui cor- respond au pouce; le bord qui correspond à l'index est 4) Loc, cit, p. 16, pl I, fig, 5. pp CRUSTACÉS JURASSIQUES. 89 mousse, arrondi, celui qui répond au pouce est tranchant, oblique, à double courbure. L'index est court, recourbé légèrement vers le pouce ; de même que le bord du poignet, il est épais, arrondi ; son bord interne est de même arrondi et porte quelques grosses dentelures. La surface d’articu- lation du pouce est très large et par suite du peu de déve- loppement de l’index, occupe une grande partie du bord supérieur de la main. La surface d’articulation pour l’avant- bras est assez développée. La face externe de la main est armée, dans toute la partie qui correspond au poignet et vers le bord externe, de tuber- cules assez gros, irrégulièrement disposés, entremêlés de tubercules plus petits; vers le bord externe, les tubercules s'unissent entre eux de manière à former des rides, sur les- quelles se délachent ces tubercules ; vers la surface d’arti- culation du pouce, sur le bord externe du poignet el de l'index, sont des tubercules nombreux, disposés sans ordre, bien plus petits que ceux qui se trouvent sur les autres parties du poignet; l’index est orné de ces petits lubercules, qui se continuent sur la face interne, le long de la surface d’articulation du pouce, devenant plus gros vers le bord externe ; sur le reste de la face interne, on voit des rides irrégulières, irrégulièrement disposées, portant de fins tubercules, peu nombreux. Dans sa description de l’Orfhomalus araricus, Etallon note que « le bord correspondant au doigt libre est arrondi, l'opposant étant tranchant et à double courbure oblique » ; il y a là, sans doute, une erreur typographique, car c’est l'inverse qui se voit. Orthomalus morinicus, n. sp. (PLV fS. 14). Dutertre-Delporte a trouvé à la Tour Crouy, dans les marnes portlan- diennes à Ostrea eæpansa (niveau du Portland sand) la main d'un Crustacé Brachyure que l’on peut rapporter au genre Orthomalus, tel que ce genre a été établi par Etallon. La main est peu épaisse, à bords minces et presque 86 H.-E. SAUVAGE. tranchants, surtout le bord interne; le pouce est court, robuste, à bord épais, très arqué ; l'index est large, épais, à bord fortement concave à son union avec le poignet. La face supérieure de la main et de l'index est ornée de gra- nules fins et inégalement distribués ; des granules plus forts se voient près du bord supérieur et externe du pouce; quel- ques granules assez forts ornent la face supérieure de Ia mam el des doigts ; ces granules sont moins nombreux que ceux de la face supérieure. Longueur de la pince 19 millimètres ; largeur 14; épais- seur de la main 6; largeur du pouce 6,5; épaisseur du pouce 6. Cette espèce diffère de Orthomalus macrochirus, du Kim- méridgien inférieur du Jura, par la largeur du pouce, qui est plus épais, plus trapu ; de O. portlandicus par la pince plus courte, plus trapue, par les granulations plus fortes et plus espacées. L'Orthomalus morinicus appartient à la première section élablie par Etallon « forme plane, peu épaisse. » MACROURES. Mecochirus Prytoni, Woodward. Le genre Mecochirus est, jusqu’à présent, exclusivement jurassique ; il commence dans le Lias inférieur de Tübingue par M. olifex, Quenstedt, se retrouve dans le Callovien du Wurtemberg et de Normandie par le A1. socialis, Meyer, ct par le Mecochirus (Ammonicolax), Pearcei, de Chippenhan; quatre espèces ont été recueillies dans les schistes lithographiques de la Bavière, savoir : M. longimanus, Schl.; M. Bajeri, Germ.; M. brevimanus, Munst., M. dubius, Münst. Le M. Peytoni, Wood, est des couches à Lingules de Bou- logne, à la base des schistes à Ammonites pseudomutatilis, kimméridgien su- périeur. Le Mecochirus Peytoni n'ayant pas été retrouvé à Bou- logne, nous ne pouvons que transcrire la description qui en a été donnée par M. Woodward. | « Ainsi que pour les autres espèces de ce genre remar- quable, les membres antérieurs du M. Peytoni sont de même longueur que le corps tout entier; ils mesurent CRUSTACÉS JURASSIQUES. 81 15 millimètres sur lesquels 18 pour le doigt, 30 pour le prosopode, 5 pour le carpe, 18 pour le mesos, 4 pour l'is- chion et le basilaire, La surface de ce membre est très fine- ment ponctuée. « La carapace, qui est finement granuleuse, mesure 30 millimètres depuis le rostre jusqu’à son extrémité pos- térieure et 14 millimètres de large, depuis la ligne dorsale médiane jusqu’au bord inférieur de la région branchiale. Le rostre est légèrement proéminent. « Les antennes, qui ne sont pas très bien conservées, sont longues et minces. Les segments abdominaux ont 45 mil- limèires de long et environ 10 millimètres de large; leur bord épiméral est falciforme ; ils ont chacun 6 millimè- tres de long et le segment caudal environ 9 millimètres. « Les petits pieds ne sont pas très distincts, mais ils onf 25 millimètres de long. « Par sa taille, cette espèce est intermédiaire entre Meco- chorus socialis, Mayer sp. et Mecochirus Pearci, M'Coy, ayant environ 130 millimètres de long, tandis que la première de ces espèces a 60 millimètres de longueur totale, c'est-à-dire moins que la moitié de la taille de M. Peytoni; la dernière es- pèce, qui atteint 170 millimètres, est robuste en proportion. » M. Woodward est disposé à rapporter au M. Peytoni des fragments de Crustacés provenant d'un sondage dans le SUSSEX. Enoploclythia Edwardsi, n. sp. (PI. IL, fig. 1 à 4). M’Coy a établi un genre Enoploclythia « pour des formes voisines des Eryma, qui posséderaient même de celles-ci la quatrième patte, mais dont le rostre serait plus développé, denté latéralement, et dont la carapace serait garnie de tubercules fortement accentués. Les espèces placées dans cegenreappartiennent au terrain crétacé ; cependant les schistes de Bavière renferment des formes analogues (Münster, Beitr. pl. 8, fig. 1, 2, 6, 7, pl. 10, fig. 1). Les premières établissent le passage aux Eryma. D’un autre côté, M. Quenstedt, pour une forme qui nous parait identique, a créé le genre Pustulina, en même temps qu’il l’a décrite très incomplètement. Il doit être provisoirement réuni à celui-ci(1). » (4 Étallon, op. cit.. p. 32. te H.-E. SAUVAGE. Une espèce voisine du Pustulina suevica, Quenst. se trouve à Boulogne, tant dans les couches à Ammonites caletinus que dans les couches à Pygaster macrocyphus. Nous avons sous les yeux la plus grande partie d'un Crustacé dont les caractères sont bien ceux des Enoplo- clythia, en particulier de l'Enoploclythia Perroni, Etallon, du terrain oxfordien supérieur du Jura (1); d'un autre côté, bien que l’espèce de Quenstedt soit imparfaitement déerile et que la figure laisse beaucoup à désirer, 1l n’est pas dou- teux que l'espèce trouvée à Boulogne ne soit voisine de celle d'Allemagne ; le genre Pustulina doit, dès lors, être réuni au genre Enoploclythia: L'exemplaire que nous figurons sous le n° 2 de la plan- che IL appartient au Musée de Boulogne et a élé recueilli par M. A. Lefchvre. L'espèce est robuste, d'assez grande laille, ayant dû avoir environ 150 millimètres de long. Le céphalo- thorax est assez fortement bombé latéralement, peu large en avant, partagé latéralement par deux sillons profonds, le postérieur bien plus large que l’autre; ces deux sillons sont reliés entre eux vers leur origine par un sillon à double courbure {rès prononcée; le sillon sus-brachial, qui décrit une courbure très marquée, se prolonge assez fortement en arrière. Le rostre est inconnu, mais il devrait être robuste, à en juger par la carène qui le supporte. Le céphalothorax est fortement sculpté. La partie située en arrière du sillon sus-brachial est ornée de pustules arrondies, assez grosses, rapprochées, assez régulièrement disposées en quinconce; ces pustules sont un peu plus fortes sur la saillie qui limite en arrière le sillon sus-brachial. Les tubereules deviennent beaucoup plus gros et moins nom- breux en avant de ce sillon, surtout vers le bord supérieur de la carapace ; vers la partie antérieure, ils devaient former des épines. | Les pattes de la première paire sont très robustes. Le bras (1) Loc tp. 35: pl. NEA CRUSTACÉS JURASSIQUES. 89 est presque aussi long que le poignet, large dans sa partie antérieure, à peine rétrécie dans sa partie postérieure, un peu bombé ; on y remarque quelques granules semblables à ceux de la partie postérieure de la carapace. L’avant-bras a une forme sub-quadrangulaire ; il porte quelques gros tubercules. Le poignet est fortement bombé, principalement du côté de l'index, bien plus long que large, couvert de erosses pustules arrondies, entremélées de pustules plus pelites ; entre les pustules la surface du poignet est rugueuse. Le pouce, courbé en dedans, est un peu plus court que l'index, large à sa base, avec un bourrelet saillant; l'index est un peu courbé en dedans; la surface des doigts est rugueuse et porte quelques grosses pustules. Longueur de la carapace 60 millimètres; largeur maxi- mum 34; longueur du bras 23, de l’avant-bras 13, du poi- gnel 26, du pouce 24, de l’index 26. M. Beaugrand nous a communiqué un autre exemplaire recueilli à Châtillon dans les couches Kimméridgiennes supérieures. Le crustacé est vu par le dos; le céphalo- thorax, long de 75 millimèires, est large en arrière, 43 mil- limètres, puis s’atlénue un peu ; le corps s’atténue régu- lièrement en avant, de manière à se prolonger en rostre. La carapace est forlement bombée en arrière. Les deux sillons que nous avons signalé sur les flancs se prolongent sur le dos : le sillon antérieur, en se réunissant à celui de côté opposé forme une pointe à peine sensible ; le sillon postérieur forme, au contraire, une pointe lrès aiguë. La carapace est ainsi partagée en lrois parlies ; elle est armée de grosses granulations épineuses rapprochées l’une de l’autre ; dans la partie postérieure, les granulations forment des rides rugueuses, La pince est ornée, ainsi que nous l'avons dit (fig. 1, pl. IT). La pince figurée sous lé n° 4 de la planche ITT provient d'un individu de même taille ; elle devait être longue de 50 mil- limèlres, dont 24 pour le poignet ; celui-ci est bombhé, épais de 12, large de 25. Le bord interne est mousse, arrondi, 90 H.-E. SAUVAGE. l'autre bord élant moins épais. L’index est assez fortement recourbé ; le pouce est large à sa base, avec un bourrelet très marqué. Toute la surface du poignet est ornée de gros tubercules de diverses grandeurs, quelques-uns plus petits. L'mdex ne porte que quelques tubercules ; il est armé à sa base de deux épines assez fortes, puis d’épines beaucoup plus petites. Les tubercules sont un peu plus nombreux sur le pouce, qui est armé à son bord de fortes épines. L'espèce diffère de Æ. suevica, Quenstedt, par la main beau- coup plus large. | Eryma Leblanci, n. sp. (BLPIV, 12:00). Lors du percement du second tunnel pour la ligne du chemin de fer de Boulogne à Calais, on a trouvé à la Tour d'Odre, puits n° 1, dans les cou- ches du Kimméridgien supérieur divers débris de Crustacés qui ont été remis au Musée de Boulogne par les soins de M. Leblanc, ingénieur des ponts et chaussées. Ces débris consistent en deux céphalothorax et en un fragment de pince, réunis sur le même bloc. Le céphalothorax est long de 37 millimètres, rostre non compris, large de 19. Toute la surface est couverte dans sa partie postérieure d’une ponctualion assez forte, irrégu- lièrement distribuée, avec des granulalions assez saillantes ; ces granulations sont beaucoup plus marquées dans la partie antérieure du corps, où elles deviennent épi- neuses. | Le rostre qui termine le céphalothorax est assez long. Le bord inférieur du céphalothorax est peu et régulièrement arrondi. Le sillon nuchal est assez large, assez profond ; comme chez les Eryma les plus typiques, de ce sillon part un autre sillon, sillon récurrent, peu marqué. Le céphalo- thorax est assez bombé en avant du sillon nuchal. Le sillon sus-brachial est arrondi à son origine; il se divise vers la moilié de sa longueur ; les deux divisions sont très rap- prochées l’une de l’autre, de telle sorte que l’espace qui les sépare est très faible; ce sillon sus-brachial est d’ailleurs profond ; un sillon peu marqué unit le sillon sus-brachial au CRUSTACÉS JURASSIQUES. 91 sillon nuchal ; au point où le sillon sus-brachial se bifurque, on voit un autre sillon plus profond qui se dirige vers le sillon nuchal, mais sans l’atteindre. | Sur le même bloc se trouve un fragment d pince ; le poignet est allongé, deux fois plus long que large ; toute la surface est couverte de gros tubercules. L'Eryma Thiarriai, Et., du Virgulien blanc supérieur du Jura, a le sillon sus-brachial moins marqué; la pince est proportionnellement plus longue et plus grêle; l’£ryma Thurmanni, Et., du Strombien inférieur, a la pince beau- coup plus courte, plus massive. Eryma Dutertrei, n. sp. (PI. IV, fig. 7 à 12). On trouve dans les assises du Portlandien moyen, couches à phosphate, au-dessus du banc à Limes, une espèce de la taille de l’Eryma Girodi, Et., du Bathonien du Jura, mais bien distincte de cette dernière espèce. Le cé- phalothorax devait avoir environ 55 millimètres de long; sa plus grande largeur est de 24. Sur tous les exemplaires examinés, les deux faces laté- rales convergent assez rapidement l’une vers l’autre, de lelle sorte que le corps est assez comprimé. Le sillon nuchal est profond, assez large; les sillons sus-brachiaux sont moins larges et moins profonds, l’antérieur étant plus marqué que l’autre ; ils sont rapprochés et se prolongent jusque sur la face supérieure du céphalothorax, le PESTE s’'atténuant cependant. La surface est couverle d'une ponctuation assez grosse, irrégulièrement disposée, entre laquelle se trouvent des rides tuberculeuses ; toute la surface du céphalothorax est d’ailleurs finement chagrinée. On recueille dans les mêmes couches des fragments de pinces qui doivent être rapportées à l’Eryma Dutertrei. Le poignet est plus court que chez Eryma Girodi; la longueur est de 15 millimètres, et la largeur de 14, l’épais- seur maximum de 4. Les eus faces sont nent bom- bées, le bombement di beaucoup plus marqué vers l’index. 92 H.-E. SAUVAGE. Le bord qui est continué par ce doigt est mousse, arrondi, tandis que l’autre bord est mince. La pince est plus large en avant qu'en arrière; la surface d’articulation pour l’avant- bras est irès légèrement oblique. Toute la surface du poignet est ornée de tubercules bien saillants, plus gros vers le bord qui supporte le pouce ; sur ce bord les tubercules forment des sortes d’épines mousses ; entre les tubercules, la surface est finement granuleuse. Eryma boloniensis, n. sp. CÉPAILENE. 9; 6). C'est avec quelque doute que nous rapportons au genre Eryma une pince trouvée par M. Beaugrand dans les couches du Kimméridgien moyen de Moulin Wibert; cette pince est, en effet, courte, massive et indiquerait une espèce rentrant dans le genre Macrourites d'Etallon. La pince est d'assez grande taille, 55 millimètres dont 28 pour le poignet; ce dernier a une forme sensiblement carrée, la largeur étant de 27 ; les bords sont presque droits, comprimés ; la pince est d’ailleurs peu épaisse en sa partie médiane, déprimée le long des bords. Les doigts ne devaient pas êlre très longs, si l’on en juge par la courbure et le peu de largeur de l’extrémité de l'index ; le pouce est large à la base. Toute la surface de poignet est ornée de faibles épines, dont la base arrondie forme granulations ; ces gra- nulations sont assez régulièrement disposées en quinconce et séparées. Les ornements des doigts ne consistent qu’en quelques tubercules à la base de l'index; le long du bord interne de l'index et du pouce sont de fortes épines, comme chez les Eryma proprement dits. Eryma Babeaui, Étallon. (PL. IV, fig. 1, 2). Etallon a décrit sous ce nom (1) une espèce de grande taille trouvée par M. Babeau dans les marnes bleues Kimméridgiennes de Boulogne ; l’espèce n’est pas rare dans les marnes du Kimméridgien moyen, niveau à Ammo- nites caletanus, surtout dans les blocs éboulés de la falaise du Moulin- Wibert. (1) Loc! cit., p. #1, pl: NII, fig. 4. CRUSTACÉS JURASSIQUES. 93 La pince est de grande taille, 95 millimètres, dont 64 pour l'index ; les doigts, qui sont longs, subparallèles, sont en même temps un peu aplatis; la partie interne porte des épines qui peuvent atteindre 3 millimètres de long. Le pouce est robuste, très long. Le poignet est peu bombé, une fois et demie plus long que large, la largeur prise au niveau de l'articulation du pouce étant de 21 millimètres. Toute la surface de la pince, la main, aussi bien que les doigts, est couverte de pustules coniques, régulières, partout de même grosseur, disposées irrégulièrement et séparées l’une de l’autre par un intervalle égalant trois ou quatre fois leur diamètre. M. Beaugrand nous a communiqué une pince provenant des mêmes couches, qui diffère du type par le poignet un peu plus allongé, plus étroit. Connaissant les variations sexuelles que l’on observe chez Eryma (Bolina) ventrosa, nous sommes disposés à attribuer cette pince à un mâle, tandis que la pince figurée par Etallon serait d’une fe- melle. Si nous nous en rapportons au nombre des pinces d'Eryma recueillis dans le Kimméridgien moven de Bou- logne, les femelles de £ryma Babeaui paraissent avoir été en plus grand nombre que les mâles. La pince que nous figurons à 41 millimètres de long pour le poignet, la largeur étant de 20; le poignet est un peu rétréci au niveau de l'articulation avec l’avant-bras. Le bord qui porte l'index est mousse, arrondi, mais devient un peu comprimé vers l’index; l’autre bord est moins ar- rondi, les deux faces de poignet convergeant l’une vers l’au- tres; la surface d’articulation pour le pouce est un peu obliquement taillée. Les pustules ont assez grosses, séparées par des espaces irréguliers. | Quenstedt (1) décrit et figure l'Eryma Babeaui; voici ce qu'il dit de cette espèce : « Pince de moyenne taille, grêle et élancée, à doigts longs, à courbure simple. Surface recou- (4) Loc. cit,, p. 42. 94 H.-E. SAUVAGE. verte de petites pustules coniques placées à des intervalles égaux à trois ou quatre fois le diamètre de celle-ci. Sur la face interne de la branche mobile sont insérées des protubé- rances de plus de 2 millimètres de haut. « Outre le moule en plâtre que m'a communiqué M. Étal- lon, j'ai aussi reçu des restes très fracturés qu’il me semble devoir rapporter à la même espèce. J’adresse tous mes re- merciments à M. Bouchard, de Boulogne, qui a bien voulu me communiquer ces restes. » Quenstedt indique comme gisement : argile kimmé- ridgienne, zone du Péeroceras Ocean; il y a erreur, le gise- ment étant le kimméridgien moyen. Eryma Beaugrandi, n. sp. (BLEIV, Mg. 3). M. Beaugrand a recueilli dans les mêmes couches que l'Eryma Babeaui une pince qui indique une espèce voisine de celle-ci, mais s’en distinguant par le poignet relative- ment plus court. La pince a une longueur de 60 millimèe- tres; sa largeur est de 20; les deux bords sont droits. Le poignet est un peu bombé; l'index n’est pas recourbé et porte à sa base quelques épines ; la surface d’atlache du pouce est oblique, assez large. L’avant-bras est court, 13 millimètres, étroit en arrière. Tout le poignet est orné de tubercules saillants, d'autant plus serrés qu'ils ne rap- prochent de l’avant-bras; 1ls sont plus distants dans la par- tie antérieure et on ne voit que quelques tubercules à la base de l'index; vers l’avant-bras, surtout vers la partie externe, les tubercules s'unissent, de manière à former des lignes vermiculées; on voit cette dernière disposition sur l'avant-bras. Eryma pseudo-Babeaui, Dollfus. (PL. IV, fig. 4, 3). Cette espèce, qui a été décrite d'après un exemplaire provenant des cal- caires à Trigonies du Havre (1), a été trouvée par M. Beaugrand dans les (4) La faune kimméridgienne du cap de la Hève, p. 36, pl. I, fig. 4, 2. A CRUSTAUÉS JURASSIQUES. 95 couches à Trigonia Rigauxiana (Kimméridgien moyen) des falaises de Bou- logne. | | Le céphalothorax est long de 54 millimètres, sa plus grande largeur étant de 28. Toute la surface est couverte de gros granules, les granules étant séparés les uns des autres par un intervalle qui varie entre une et deux fois leur diamètre; la surface de la carapace est légèrement vermiculée entre les granulations, les vermiculations re- liant, en beaucoup de points, les granules entre eux; dans la partie antérieure du céphalothorax les granules sont beau- coup plus gros et prennent une forme épineuse; ils sont peu nombreux en ce point. Les sillons sont larges et profonds, aussi bien le supéro- brachial que le nuchal; ce dernier est peu courbé; vers le milieu de sa longueur, il présente en sillon qui sépare la partie antérieure du céphs then en deux mamelons, le supérieur arrondi. La pince décrite par Étallon sous le nom d'£ryma Ba- beaui, indique une espèce de beaucoup plus grande taille que l’Eryma pseudo-Babeau, espèce dont le céphalothorax devait avoir au moins 110 millimètres de long; chez l'Eryma ventrosa, figuré par Étallon, nous voyons, en effef, que le céphalothorax ayant 60 millimètres, la longueur de la pince est de 48 chez la femelle, de 51 chez le mâle. Eu égard à ces proportions relatives, nous rapportons à l'Eryma pseudo-Babeaui une pince recueillie par Dutertre à Moulin- Wibert. Le poignet a 21 de long, 15 de large; les deux bords sont un peu courbes; l'articulation du pouce est obli- que; le pouce est robuste; il en est de même pour l'index; toute la surface de la main est ornée de pustules coniques, régulières, égales, plus serrées que chez Eryma Babeaui, ce qui peut servir à distinguer, outre la taille, les deux espèces ; au lieu d’êlre séparés par trois ou quatre fois leur diamètre, ainsi que l'indique Étallon, les pustules ne sont dis- tants que de une à deux fois leur Us L'espèce décrite par Dollfus sous le nom d’'Eryma 96 H.-E, SAUVAGE. pseudo-Babeaur ne présente pas nettement les caractères du genre, tel qu'il est compris par Oppell. Les Eryma sont caractérisés, en effet, par la présence de deux sillons, le nuchal simple, le sus-brachial double, bifurqué ; chez l'Eryma pseudo-Babeaui le sillon sus-brachial est simple ; il est probable qu'il devait en être de même chez l’Eryma Babeaui dont les pinces ressemblent beaucoup à celle de l’autre espèce. EXPLICATION DES PLANCIIES PLANCHE III Fig. 4 à 4. — Enoploclythia Edwardsi, n. sp. Fig. 1. — Animal vu en dessus; collection Beaugrand. Fig. 2. — Animal vu latéralement; musée de Boulogne; don de A. Lefebyre. Fig. 3. — Pince d’un individu de grande taille. Fig. 4. — Pince d'un individu de plus petite taille, collection Beaugrand. Fig. 5 et 6. — Eryma boloniensis, n. sp.; 7, grossissement d’une ppqué du poignet. PLANCHE IV Fig. 1 et 2. — Eryma Babeaui (Etallon). Pince d’un individu mâle. Fig. 3. — Eryma Beaugrandi, n. sp. Fig. 4 et 5. — Eryma pseudo-Babeaui, Dollfuss. Fig. 6. — Eryma Leblanci, n. sp. Fig. 7 à 12. — Eryma Dutertrei, n. sp. Fig. 8, 9. — Céphalothorax; 10, 11, pinces; 12, grossissement d’une partie du poignet. Fig. 13 — Orthomalus araricus, Étallon. Fig. 14. — Orthomalus morinicus, n. sp. MOEURS ET MÉTAMORPHOSES DE L'EMENADIA FLABELLATA, F. Par le docteur A. CHOBAUT (d'Avignon) En février 1890, je récoltai à Morières (Vaucluse) un certain nombre de nids d’'Odynerus rnidulator Saussure dans le but de suivre les métamorphoses dece curieux hyménoptère, qui, on le sait, bourre ses cellules avec les larves de la chryso- mèle du peuplier (Lina popul, L.). On sait aussi que, pour édifier son nid, il utilise tout simplement la cavité cylindrique du roseau de Provence (Arundo donax) qu'il divise en cel- lules au moyen de minces cloisons de terre (1). Or, l’un des roseaux tombés en ma possession ne contenait que trois cellules avec trois larves jaunâtres ne différant en rien nidesautres cellules ni des autres larves de l'Odynerus ni- dulator et ne présentant absolument rien de particulier au premier abord. Étudiées de plus près cependant, mes larves d'Odynère se trouvèrent plus pâles que celles de l’Odynère nidulateur. De plus, le tampon terminal du roseau, fait de terre gâchée et de fibres ligneuses dissociées chez l’'Odynère nidulateur, se montra ici simplement composé de terre bat- tue. Cette dernière remarque m'a été faite par l'illustre na- turaliste vauclusien, par M.J.-H. Fabre lui-même, lors d'une (4) Voir la belle étude que M.-J. H. Fabre vient de consacrer à cet hymé- noptère dans le 4e volume de ses Souvenirs cntomologiques, paru à la fin de 1890, ANN. SC. NAT. 7Z00L. X11, 7, — ART, N° 6, 98 A. CHOBAUT. récente visite que j'ai eu le plaisir de lui faire (1). Si la simi- litude des nids, la ressemblance des larves nous prouvent que j'avais bien affaire à un Odynerus, l'observation de M. Fabre nous montre qu’il ne s'agissait point de l’'Odynerus rdulator. Quel pouvait donc bien être cet Odynère ? C'est là un genre qui compte actuellement cent cinquante espèces tant en Europe qu’en Algérie. IL est donc bien difficile de me prononcer sans avoir l’insecte parfait sous les yeux. Les environs d'Avignon sont fréquentés par plusieurs espèces d'Odynerus, entre autres par une espèce qui nourrit ses larves avec de pelites chenilles. J'ai quelques raisons de croire qu'il s’agit de cette espèce. L'une des principales est que cet hyménoptère nidifie juste à l’époque de l’éclosion des œufs de l’Emenadie flabellée, c’est-à-dire au mois d’août, tandis que l’Odynère nidulateur niche fin mai et commence- ment de juin. Quoi qu’il en soit, le seul point à retenir pour le moment, c'est qu'il s’agit ici d'un nid d'Odynerus, d'un nid de Guêpe solitaire. Au mois de mai, je fus fort étonné de voir ces trois larves ne pas se transformer en nymphes comme toutes celles de l’'Odynère nidulateur, avec qui je les confondais encore. Pensant à quelque phénomène de sommeil léthargique, comme l'étude des hyménoptères en offre très souvent des exemples, je mis précieusement de côté le tube qui les ren- lermait, afin de savoir ce qu'il en adviendrait. Vers le commencementde juin, mes trois larves m'offrirent un spectacle tout à fait inattendu. À ce moment, elles élaient devenues d’un blanc laiteux, ce qui me semblait présager une nymphose prochaine. Un malin, je les trouvais portant cha- (1) Cette remarque n'est cependant pas rigoureusement exacte, car, ainsi que des recherches récentes me l’ont prouvé, l’Odynère nidulateur ne bouche pas toujours son nid avec de la terre mélangée de fibres ligneuses ; il le ferme souvent avec de la terre seule, quelquefois aussi avec de la terre mêlée à de petits grains arrondis de silex abondants surtout dans la couche la plus externe du tampon. Je dois ajouter aussi que cet hyménoptère ne nidifie pas uniquement dans les roseaux horizontaux des haies de clôture, mais souvent aussi à l'extrémité de roseaux verticalement placés. EMENADIA FLABELLATA. . 99 cune une petite larve parasite collée à leur face ventrale (qui était tournée en l’air), un peu au-dessous de la tête, sur le troisième ou le quatrième anneau. Placée en écharpe sur le corps de sa victime, chacune de ces petiles larves avait la partie postérieure de son corps appuyée sur le côté droit de celle-ci. Nuit et jour, elle en aspirait les humeurs avec une ardeur inimaginable. A travers la peau, on voyail son intestin se gorger par des aspiralions rythmiques, régulières, fré- quentes. Au bout d’une dizaine de jours, elle avait complète- ment vidé sa victime, dont il ne restait plus que la Reau el les mandibules. La larve parasite avait alors à peu près le même volume que la larve dévorée ; elle était apode, sans trace d’yeux, ni d'antennes, avec une bouche sans pièce apparente et semblant disposée pour la succion; elle était blanche, à l'exception d'un trait hyalin longitudinal sur le milieu du dos, formée de treize segments, avec quatre tubercules saillants et poin- {us à la partie dorsale de chacun des trois segments thoraci- ques et des premiers segments abdominaux, ce qui lui donnait un aspect singulier, hideux, repoussant. Je pensais avoir sous les yeux la larve de quelque diptère, d'un Anthrax, par exemple, et je négligeai malheureusement de la dessiner et de l’étudier d’une façon plus complète. Quel ne ful pas mon étonnement quand, trois ou quatre jours après, j'aperçus la nymphe ! C'était, à n’en pas douter, une nymphe d'£Emenadia dont elle reproduisait très exacte- ment la forme. Du 4 au 6 juillet, j’obtins l'insecte parfait. Il s'agissait bien d'une Emenadia, et cette Emenadia était l'E. flabellata K. La loge antérieure du roseau était habitée par un mâle, les deux autres chacune par une femelle. Deux jours après leur éclosion, ils laissèrent échapper de leur anus une abondante liqueur aqueuse et verdâtre, qui était leur méconium et qu’ils me parurent déposer sur la cloison de terre formant le diaphragme antérieur de leur loge. Sous l’action de ce liquide, la barrière terreuse se ramollit 100 A. CHOBAUT. et devient une boue facile à déblayer. A l’état normal, ce doit êlre en ce point de moindre résistance que creusent les pe- lits prisonniers afin de se frayer le passage qui les mènera à la liberté et à l'amour. Une observation plus attentive viendra probablement confirmer cette hypothèse, car ce n’est encore là qu’une simple supposition. Mon bout de roseau avant été largement entamé sur l'un de ses côtés, afin de pouvoir suivre aisément ce qui se passait à l’intérieur, puis, renfermé dans un tube de verre bouché à ses deux extrémités, mes parasites n'avaient rien à faire dans leur loge pour être libres. Aussi se gardèrent-ils bien d'entreprendre aucune tentative de forage contre la cloison de leur cellule. Ils vinrent attaquer les deux bouchons situés aux bouts du tube de verre et s’escrimer à qui mieux mieux des pattes et des mandibules contre cet infranchissable obs- tacle. Tandis qu'ils émiettaient lentement et péniblement la porte de liège de leur prison, j'écrivis, pour lui faire part de ma découverte, à montrès savant maître M. J.-H. Fabre, si connu par ses beaux travaux sur les métamorphoses des Vésicanis et sur les mœurs des Hyménoptères de Provence. Elle l'inté- ressa beaucoup et il m’engagea beaucoup à profiter de celte occasion unique pour étudier ce curieux cas de parasiltisme ab 0v0. C'est sans la moindre espérance de réussite, je l’avoue, que j'attaquai ce problème. La solution m'en fut donnée ce- pendant aussi complète que je l'avais pu désirer. Dans un grand bocal à fond garni d’une légère couche de sciure de bois grossière, bien propre et bien sèche, je plaçai des tiges fleuries du vulgaire panicant des champs (£ryngium campestre), la plante favorite des £menadia, et je pris soin de les changer aussi souvent que possible. C’est dans celte vo- lière en minialure que, le 12 juillet, je lâchai mes trois Emenadia flabellata non encore parvenus à sorlir de leur tube de verre. Durant les quatre journées suivantes, je fus obligé de demeurer loin d'Avignon el dans l’impossibilité de EMENADIA FLABELLATA. 101 m'occuper demes captifs. À mon retour, Je ne trouvai rien de changé dans le bocal. Une des femelles cependant avait per- du l’une de ses antennes. À cette mutilation, je la soupçon- nai d’avoir subi les caresses du mâle. Je ne me trompais pas, car, le 18 juillet, je lui vis effectuer sa ponte. Tout près de la paroi du bocal, elle allongeait l'ex- trémité de son abdomen de trois à quatre millimètres et l’in- troduisait entre les fragments de sciure. Elle paraissait fort affairée, plongeant et replongeant son oviducte toujours à peu près dans le même point. A l’aide d’un petit fragment de papier gommé, que je collai contre la paroi du verre, je notai l'endroit précis où cette ponte venait d'avoir lieu, afin de pouvoir retrouver les œufs plus tard. Quarante-huit heures après, cette femelle mourait. Le mâle, lui, avait achevé son existence à peu près à l’époque de mon retour, c’est-à-dire vers le 16 juillet. Quant à la dernière fe- melle, gardée prisonnière pendant quelque temps encore, elle ne manifesta point l'intention de pondre, n’ayant pro- bablement pas été fécondée, et elle mourut quelques jours après sa compagne. Quelques filaments de moisissure étant venus à se montrer dans le bocal, je pris avec précaulion les fragments de sciure dans lepoint où j'avais vu pondre la femelle et je lestransportai délicatement dans un petit tube de verre. Je n’y trouvai guère que de quarante à cinquante œufs placés irrégulièrement les uns à côté des autres et légèrement adhérents à la sciure au moyen d’une liqueur albumineuse desséchée. Il n’y avait évi- demment là qu'une faible partie de la ponte qui doit se monter à près de cinq cents œufs, comme Rouget l’a ob- servé (1) pour une espèce voisine, le Rhipiphorus paradozus, L., parasite de certaines guêpes sociales ( Vespa vulgaris et V. germanica). Les œufs de l’Emenadia flabellata sont d’un blanc opa- lescent, allongés, oviformes, c’est-à-dire légèrement renflés (4) Coléoptères parasites des guêpes. Mém. Acad. de Dijon, 1873, IT, p. 229-264. 102 A. CHOBAUT. à un bout; ils sont longs d’un peu moins de trois dixièmes de millimètre (0**,28), à peine perceptibles à l'œil nu. Au bout d’une dizaine de jours, ces œufs constam- ment exposés à une température de 20 à 30° C. subirent un changement de coloration : des cercles noirs et transversaux apparurent à leur surface et leur donnèrent une teinte foncée. Le 3 août, je vis, au microscope, un petit être s’agiter sous la pellicule transparente de l’œuf. Le 4% août, j'aperçus un pelit pou tout noir, à peine vi- sible pour mes yeux cependant excellents, qui se promenait sur un mince fragment de sciure où se trouvait justement un certain nombre d'œufs. O bonheur ! j'avais sous les yeux la première larve, le triongulin de l’Emenadie flabellée. En voici une description complète, d'après cet exemplaire et d’après les deux ou-trois autres recueillis les jours sui- vanis. Je pense que l'intérêt de la question m'en fera par- donner l’aridité et la sécheresse. Larve hexapode, longue de trois dixièmes de millimètre (0**,3), ovalaire vue d’en haut, aplatie de haut en bas et recourbée en arc à concavité inférieure vue de profil, avec sa plus grande largeur vers le deuxième sFOMEnt de l’ab- domen, atténuée aux deux bouts, noire vue à l’œil nu, en- fumée avec les bords et les deux extrémités plus foncés à l'examen microscopique. Cette coloration brunâtre en rend la fine anatomie extrêmement difficile. Tête assez volumineuse, ayant sa plus grande largeur près de la base, atténuée progressivement en avant avec l’extré- mité tronquée, légèrement rélrécie en arrière, plus longue que le premier segment thoracique. Antennes insérées près de la base de la tête, formées de trois articles allongés, le dernier constitué par une longue soie. Peut-être existe-t-il un article basilaire et quelque ar- ticle supplémentaire que Je n'ai pu voir. Mandibules étroites, allongées, recourbées en fosse de faucille, bien visibles en avant de l'espèce de museau que forme la tête. EMENADIA FLABELLATA. 103 Palpes maxillaires n'apparaissant sur la figure que HALL Î all! | «Cul El l RW | ne Else ) ni Cas | +, ds à A | TR TD LD TITI III IT TT ET E À UN 1, 6 U OU 5 274533 Fig. 1. 1. — Nid d’Odynerus sp. ? attaqué par l'Emenadia flabellata F. — Trois cellules séparées par des cloisons de terre et construites dans un bout de roseau de Pro- vence horizontalement placé. Dans chaque cellule on voit : en haut et en arrière, les débris de l’œuf suspendus à un mince fil; en bas, la larve d’Odynère en un mince cocon au dehors duquel sont rejetés les restes de l'alimentation et les déjections. Chacune de ces larves d'Odynère est dévorée par la larve secondaire de l'Emenadie placée en écharpe sur le corps de sa victime (£ : 2. — Larve d'Odynerus nidulator Saussure F . Cette larve est figurée avec 15 segments; elle n’en a en réalité que 14. De plus, les stigmates ne sont pas placés à la partie postérieure de chaque segment, mais bien à leur partie anté- rieure. Dix paires de stigmates seulement, en sorte que c’est un des segments médians qui est à supprimer sur la figure. 3. — Triongulin de lEmenadia flabellata (T) 4. — Mandibule de ce triongulin (très grossie). 5. — Une patte du même (très grossie). D CODE de lbihenddie flabellée (+): sous forme d’un article court et arrondi à l'extrémité. 104 A. CHOBAUT. Je n'ai pu voir aucun autre détail dans la têle. T'horax composé de trois segments, le premier un peu pluslong queles autres qui sont égaux entre eux. Ces trois anneaux sont légèrement arrondis surles côtés. Le deuxième est un peu plus large que le premier et le troisième estun peu plus large encore que le deuxième. Au nombre de trois paires, les pattes sont extrêmement robustes. Je n’ai pu voir ni hanche ni trochanter, malgré leur existence certaine. La cuisse est fortement renflée, munie d'épines courtes et noires. La jambe est grêle, cylindrique. Un article unique et très court représente le tarse. Cet article se termine par un ongle très peu recourbé, muni de chaque côté d’une expansion membraneuse semi-cireulaire. C'est là une véritable petile ventouse pouvant servir à la marche sur des surfaces lisses et polies, en tout cas parfaitement consti- tuée pour une fixation énergique sur un objet mobile. Je ne suis nullement parvenu à voir trois ongles comme je m'y attendais, malgré un fort grossissement. C’est donc un trion- gulin avec un seul ongle à chaque patte, en sorte qu'il ne mérite pas du tout ce nom de #iongulin. L'abdomen est composé de neuf segments de longueur à peu près égale, sauf le dernier qui est plus grand que les autres. Le deuxième est le plus large; les suivants vont en diminuant progressivement de largeur. Chacun de ces an- neaux se termine latéralement par un angle aigu en arrière, portant un cil court à son sommet. Le huitième segment porle deux cils ayant une longueur équivalente à celle de quatre segments abdominaux réunis. Le neuvième est bilobé à sa partie postérieure et est muni de deux soies dirigées en arrière qui ont presque la longueur entière du corps. Je n'ai pu voir de stigmates ni sur le thorax, ni sur l’ab- domen. | Je n’ai pas aperçu non plus d'appareil fixateur spécial, si ce n’est peut-être la bifidité du dernier segment abdomi- nal. EMENADIA FLABELLATA. 105 C’est là de beaucoup le plus petit des triongulins jusqu'ici connus. Il se rapproche un peu de celui des Sitaris décou- vert par Fabre, tout en en différant d’une manière extrême- ment sensible. Nous connaissons donc aujourd'hui la plus grande partie des métamorphoses de l'Emenadie flabellée, sur laquelle rien encore n'avaitété publié, pas plus que sur aucune espèce de ce genre, car il faut désormais tenir pour tout à fait inexacte l'observation déjà douteuse de Farines, l’entomolo- giste de Perpignan, qui prétend (1) que la larve de l’Eme- nadia bimaculata F. vit dans les tiges de l’'Eryngium cam- pestre aux dépens de la moelle de cette plante. Mais l'examen attentif de la note de cet auteur, note qui n’est qu'un frag- ment d'une lettre adressée au comte Dejean, semble prouver, comme je le montrerai bientôt dans le Coféoptériste (2), que l’'Emenadie bimaculée est parasite d’un Æumenes, c'est-à- dire d’une guêpe solitaire comme l'Emenadie flabellée, ce qui me paraît extrêmement probable. Au sujet de celte dernière espèce, nous connaissons done maintenant de visu : 1° La ponte; 2° L'œuf; 3° La première larve ou triongulin que l’on peut appeler forme d'acquisition, car c’est à elle qu'incombe la mission d'arriver jusqu'aux vivres; aussi est-elle munie de paltes, d'antennes, de plaques chitineuses dont elle est garnie comme d'une cuirasse, de tout ce qu'il faut en somme pour accom- plir cette tâche périlleuse: 4° La deuxième larve, en forme de possession, qui a pour objet d'emmagasiner et d'élaborer les matériaux de nutrition : c'est seulement une bouche qui aspire, un estomac qui di- gère, un corps qui assimile, presque sans déchets, les sucs (4) Ann. des sc. nat., 1826, VIII, p. 244. (2) Journal mensuel d'entomologie, spécialement consacré aux coléoptères, fondé par M. Georges Chéron et par nous le 1" octobre 1890. Direction à Paris, 30, rue Duret, 106 A. CHOBAUT. de sa victime; aussi a-t-elle perdu ses pattes, ses antennes el ses plaques cornées protectrices; 5° La nymphe; 6° L'insecte parfait. Du premier coup, l’histoire biologique de l’Emenadie flabel- lée se trouve donc assez avancée. Elle n’est point encore complète cependant. Ainsi, comment se fait l’accouplement? Comment le petit pou que nous venons d'étudier pénètre-t-il dans la cellule de l'Odynerus? S'y fait-1l charrier par la mère en s’accrochant à ses poils et en se laissant choir dans sa cellule au moment propice, à l’instar du pou des Méloës ou de celui des Sitaris? Pourquoi attend-il pour attaquer sa victime l’époque où elle va se transformer en nymphe? Dans quel recoin de la cellule se cache-t-1l en attendant de commettre son brigandage? Enfin n'est-il parasite que d’une seule espèce d’hyménoptère? Ne s’altaque-t-il pas plutôt à toutes les espèces de taille suffisante et d'ap- parition favorable du genre Odynerus ou même de la tribu entière des Euménides, c'est-à-dire des guêpes soli- taires ? Un certain nombre de ces questions demandent de nou- velles études. Espérons que l’occasion ne s’en fera point trop attendre et que je pourrai bientôt leur donner la solulion qu'elles réclament. Mais un certain nombre d'autres se trou- vent résolues par les recherches des naturalistes anglais sur une espèce très voisine de celle étudiée ier, sur le Æhapipho- rus paradoxus L. qui est, comme nous l'avons vu plus haut, parasile de certaines guêpes sociales {Vespa vulgaris et V. germanica). Ces recherches, qui datent d’une vingtaine d'années, sont encore peu connues en France, au moins dans ce qu’elles offrent de plus intéressant, je n'en dirai ici que quelques mots, en réservant l’étude complète pour un travail d’en- semble que j'ai entrepris sur les mœurs et mélamorphoses de la famille entière des Rhipiphorides. Le petit lriongulin, issu de l'œuf du Rhipiphorus parado- EMENADIA FLABELLATA. 107 zus, n'a été vu qu'une fois, par le docteur Chapman (1) à qui nous empruntons la plupart des détails qui suivent. Les observations de ce savant offrent le plus haut intérêt. Elles ont été pleinement confirmées d’ailleurs par les recherches de M. Murray (2) qui a publié plusieurs inléressants mé- moires sur le parasitisme de ce coléoptère. Ce petit pou, assez semblable à celui de l'Emenadie flabellée, mais un peu plus gros (1/2 millimètre), se trouvait sur Le corps d’une larve de guêpe encore Jeune. À l'instar de la puce-chique (Pulex pe- netrans) qui, dans certains pays chauds, s’introduit sous la peau de l’homme ; à l'exemple des A hipidius, insectes quiap- parliennent précisément à la famille des Rhipiphorides et qui vivent dans le corps des Blaites ou Cafards; ou encore à celui des Stylopides qui se développent sous les téguments d'un grand nombre d'Hyménoptères adultes, le iriongulin du ARhipiphorus paradoxus pénètre sous la peau de la pelite larve de guêpe probablement à la partie dorsale du second ou du troisième segment. Une fois parvenu dans l'intérieur du corps de sa victime, il commence à en humer les sucs, à s’en gorger, et il ne tarde pas à prendre une taille six à sept fois plus considérable. Les membranes incolores qui relient entre elles les différentes parties de sa cuirasse cornée se disten- dent et permetlent cet accroissement rapide et considérable. À cette période de son développement, il est assez facile à trouver sous la peau du dos de la larve de guêpe, qui, mal- gré cet hôte incommode, continue à se développer et à s accroître. Une fois que celle-ci a atteint sa taille normale, elle s’enferme dans sa cellule de papier, ouverte jusqu'ici pour le passage des guêpes nourricières qui lui donnaient la becquée, et file à sa logelte un couvercle de soie. Mais on voit qu'elle est malade, qu’elle ressent déjà les funestes attentes du parasite logé dans son sein, car ce couvercle ne (1) Some Facts towards a Life History of Rhipiphorus paradoæus. Annals and Magazine of Natural History, vol. VI, 4° série,1870, mémoire XXIX, p. 314- 326, pl. XVI. (2) Note on the Egg of Rhipiphorus paradoæus. Annals and Magazine of Natural History, vol. VI, 4° série, 4870, mémoire XXX, p. 326-328. 108 A. CHOBAUT. présente jamais une épaisseur normale, et c'est ce qui favo- risera plus tard la sortie du Rhipiphorus à l'état parfait. Une fois que la cellule est close, le parasite interne sort du corps de son hôle. Il le traverse d’arrière en avant et vient émer- ger à la face antérieure du troisième segment thoracique, après avoir de nouveau percé la peau de la larve de guêpe. À ce moment, il mue el la vieille dépouille épidermique qu'il abandonne tamponne la plaie béante de sa victime et em- pêche quelque dangereuse hémorrhagie. Sa tête se dirige alors vers celle de sa proie qu’elle harponne solidement au niveau du cou, vers le premier segment thoracique. Elle se met alors en devoir de la sucer et de la vider jusqu’à la der- nière goutte, comme nous avons vu procéder tout à l’heure Ja larve de l'Emenadia à l'égard de celle de lOdynère. Au moment de se transformer en nymphe, à cette époque de re- fonte complète de l'organisme, la larve de guêpe n’est plus en effet qu'une outre remplie d’un suc laileux dont l'absorption complète par simple aspiration est chose extrèmement aisée. Avant d’avoir achevé sa victime, la larve de Rhipiphorus change encore une fois de peau. Puis, son feslin terminé, elle se métamorphose successivement en nymphe et en in- secte parfait. L'Emenadra flabellata procède évidemment d’une manière à peu près semblable, car toul ce que nous connaissons de sa biologie est absolument analogue à celle du Rhipipho- rus paradoæus. Voilà done pourquoi il n'apparaît à l’exté- rieur qu'au moment où sa proie va passer de l’état de larve à celui de nymphe. El c’est caché dans le corps même de sa viclime qu'il attend cette époque favorable. Résumons maintenant la biologie de l’Emenadie flabellée telle qu’elle résulte de mes recherches et de ce qu’on sait au sujet du parasite des Vespa. A la mi-juillet, la ponte a lieu. Les œufs sont déposés dans le sol et recouverts avec un peu de terre. Ils éclosent dans les premiers jours d'août. C’est l'époque de l’approvisionnement des nids de l'Odynère. Le pelit triongulin grimpe dans la toison de l’hyménoptère et EMENADIA FLABELLATA. 109 se fait charrier jusqu à son nid. Là il fait choix d’une cellule et s’y établit. Quand la Jeune larve d’'Odynère a acquis un certain développement, il pénètre sous sa peau et devient ainsi parasite interne. Ce n est qu'au commencement de juin de l’année suivante qu'il apparaît à l'extérieur comme para- site externe. Sous cette nouvelle forme larvaire, il a bientôt fait d'achever sa victime. À la mi-juin il se nymphose. Dès les premiers jours de juillet c’est un insecte parfait qui va s’ac- coupler et confier à sa progéniture le soin de renouveler le cycle si curieux de ses métamorphoses. Pour terminer, je me crois autorisé à tirer de cette étude les quelques conclusions suivantes : 1° Comme les Vésicants, les Rhipiphorides ont deux for- mes larvaires bien différentes l’une de l’autre. Leur pre- mière larve est un véritable triongulin ; quant à la seconde, elle est analogue à celle des autres coléoptères. 2° Les Rhipiphorides ne présentent point le phénomène de l'hypermétamorphose qu’on observe chez les Vésicants. 3° Les Emenadia sont parasites des guêpes solilaires (Ody- nerus, Eumenes, elc.). %° Leur parasitisme, absolument analogue à celui du ARhi- piphorus paradozus, consiste à dévorer entièrement la larve de leur hôte, une fois que celle-ci est arrivée à son complet développement et au moment précis où elle va se iransfor- mer en nymphe, en qualité de parasite externe, après avoir toutefois vécu quelque temps dans l’intérieur de cette larve comme parasite interne, à la facon des Rhupidius ou des Sty- lopides (1). Décembre 1890. (1) Voyez Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1891. -— Séance du 9 février. 110 | A. CHOBAUT. APPENDICE. Depuis l'époque où a été écrite cette note, il m'a été per- mis de faire une nouvelle observation qui prouve bien que l’'ÆEmenadia flabellata est parasite d’un Odynerus. Un amateur parisien d’entomologie, M. Louis Chevalier, qui s'occupe surlout de l'utilité ou de la nocivité des insectes, en visite chez un de ses parents à Entraigues (Vaucluse), y recueillit, sous un hangard, fin août 1889, un volumineux nid de l’hyménoptère que M. Fabre a rendu célèbre sous le nom de Chalicodome des hangars (Chalcodoma pyrenaïca Lep.), et l'emporta à Paris dans le but d'en faire éclore el d'en connaîlre les habitants. L'année suivante (1890), cet observateur en vit successi- vement sortir un certain nombre d'insectes qu'il voulut bien m envoyer à nommer au mois de mai de la présente année. Quelle ne fut point ma surprise en apercevant au milieu de ceux-ci l'£Emenadia flabellata et un Odynerus qui m'était in- connu ! Je tenais à la fois le parasite et sa victime. Mais pour- quoi, va-t-on m'objecter, l’Emenadie est-elle parasite de cet Odynère et non de l’une des nombreuses autres espèces ro- célées par la construction du Chalicodome ? Je vais le dire. Le triongulin de l’Emenadie flabellée éclôt, je viens de l’é- tablir, au commencement du mois d'août. Il ne peut donc êlre parasite que d’une espèce nidifiant dans ce mois de forles chaleurs. Or de toutes les espèces qui habitaient le nid de M. Chevalier et que nous allons passer en revue, seul l'Odynerus à pu approvisionner son nid à celte époque, car toutes les autres s'occupent d’élablir leur progéniture pen- dant le printemps ou la première partie de l'été; je ne con- nais pas Les mœurs de l’'Odynerus crenatus Lep., mais il est bien certain qu'il niche en août. C'est forcé. EMENADIA FLABELLATA. 111 Voici maintenant la liste des espèces sorties de la maçon- nerie du Chalicodome pyrénéen. Les coléoplères ont élé déterminés par moi. Quant aux hyménoptères, je les ai con- fiés à un savant maître, M. J. Pérez, professeur à la Faculté des sciences de Bordeaux, qui, avec la plus courtoise obli- geance, a bien voulu les étudier et les nommer exactement : Chahcodoma pyrenaïca Lep., auteur du nid: Osmia tricornis Latr., collecteur de miel s'étant approprié les vieilles cellules du Chalicodome : Megachile imbecilla Gerst., dans le même cas que le pré- cédent ; Monodontomerus nitidus Smith, parasite des précédents et peut-être aussi des suivants ; Diozys cncta Lep., parasite du Chalicodome ; Leucospis dorsigera L., parasite du même ; Odynerus crenalus Lep., espèce que M. J. Pérez m'écrit avoir obtenue une fois d'un nid de Chalicodoma. — Cet hyménoptère utilise les cellules hors d'usage du Chalico- dome. — Sept à huit exemplaires mâles ; Emenadia flabellata Fabr., parasite du précédent. — Ün mâle et une femelle ; Plinus 6-punctatus Panz., très fréquent dans les vieux nids de tous les Mellifères où sa larve dévore les provisions avariées ; Anthrenus verbasci L. — S'attaque aux vieilles dépouilles des hyménoptères et à leurs cadavres desséchés ; Enfin une belle larve rouge, celle d’un C/erus à coup sûr. C’est le ver rouge des apiculteurs, l’audacieux brigand qui dévore toutes les larves rencontrées sur son passage, aussi bien dans les ruches d’Abeïlles que dans les bâtisses des Chalicodomes ou les roseaux des Osmies, 112 A. CHOBAUT. L'Emenadia flabellata est donc bien parasite des Odynè- res, puisqu'actuellement il a été vu sortir d’un nid d'Ody- nerus établi dans le roseau de Provence et d’un autre nid d’Odynerus installé dans les cellules abandonnées du Chali- codome pyrénéen. Septembre 1891. En août 1890, j'avais mis des triongulines d'Emenadie fla- bellée en présence de larves d'Odynerus nidulator. Or celles- ci ont éclos en mai dernier, sans avoir été attaquées par les poux de Rhipiphoride, qui vivent sur des Odynères à dévelop- pement plus tardif. Octobre 1891, RECHERCHES . SUR LE TN GLANDULATRE Il \UR LE SYNTÈME NERVEUX DES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE, SUIVIES . D'UNE ‘* RÉVISION DES ESPÈCES DE CE GROUPE QUI VIVENT EN FRANCE Par JULES RICHARD. INTRODUCTION. En France, jusqu à ces dernières années, les Copépodes d’eau douce n’ont été l’objet d'aucune étude suivie. A l'étranger, au contraire, de nombreux mémoires ont été pu- “bliés sur ce sujet. Il semble même qu'il doive rester peu de - faits intéressants à trouver, particulièrement en ce qui con- cerne l'organisation de ces Crustacés inférieurs, après les travaux de Zenker, de Leydig, de Hartog, de Rehberg et sur- tout de Claus, pour ne citer que les auteurs principaux cu se sont occupés de cette question. J'ai entrepris depuis plusieurs années déjà l'étude ae spécialement systématique et D onenque des Entomostracés et en particulier des Copépodes, et j'ai remarqué que si les organes de la digestion et de la reproduction sont relative- ment bien connus, nous ne savons que fort peu de chose ou rien sur le système nerveux et sur le système glandulaire de la plupart de ces animaux. C’est pourquoi je me suis ANN. SC. NAT. ZOOL. XI SAP ARTS N° 114 JULES RICHARD. attaché plus particulièrement à l'étude de ces appareils. Je n'ai pas la prétention d’avoir épuisé le sujet; Je pense cepen- dant que les résultats auxquels je suis arrivé ne sont pas dépourvus d'intérêt, et que cet intérêt réside en grande partie dans ce fait que mes recherches n’ont pas porté sur un seul type, mais bien sur la grande majorité des genres connus; de telle sorteque les conclusions auxquelles on est:conduit présentent un véritable caractère de généralité. Et s’il en est ainsi, je me plais à reconnaître que je le dois aux émi- nents professeurs W. Lilljeborg, S. A. Poppe, et G. O. Sars, que je suis heureux de remercier ici et qui ont bien voulu m'envoyer des types rares et très difficiles à se procurer. Ce mémoire est divisé en trois parties. Le système glan- dulaire et en particulier la glande du test font le sujet de la première. Dans la deuxième partie le système nerveux et les organes des sens sont décrits avec détail. Enfin la troisième partie, qui est plutôt une sorte d’ap- pendice, résume l’état de nos connaissances sur la faune des Copépodes qui vivent dans les eaux douces de la France. C’est au Laboratoire de zoologie anatomique de l’École pratique des Hautes Études que j'ai poursuivi mes recherches, sous la direction de M. le professeur À. Milne-Edwards; je le prie d’agréer l’expression de ma vive reconnaissance. Je manquerais à tous mes devoirs et j'irais contre mes propres sentiments si j'oubliais de marquer ici, à S. A. $. le Prince Albert de Monaco et à M. le baron Jules de Guerne, ma profonde gratitude. Les trois hautes personnalités'que je viens de. nommer, et que Je remercie de la bienveillance dont j'ai tant de fois reçu le témoignage, m'ont réellement mis à même d'entreprendre et de mener à bonne fin le présent travail; je le leur dédie de tout cœur. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 115 PREMIÈRE PARTIE RECHERCHES SUR LE SYSTÈME GLANDULAIRE. Je n'ai pas l'intention d'étudier dans ce travail toutes les glandes qu’on rencontre chez les Copépodes d'eau douce (1), mais seulement celles qui s'ouvrent directement à l'extérieur et qui ne se rattachent n1 au tube digestif, ni aux organes de la reproduction. Parmi ces glandes, la plus grande et la plus facile à reconnaître est celle qui est connue depuis longtemps sous le nom de glande du test, bien qu’elle n'ait aucun rapport avec l'enveloppe chitineuse du corps. Sa si- tuation dans le céphalothorax est fixe et sa présence absolu- ment constante. Mais, outre cet organe, il y a, répandues dans les téguments des diverses parties du corps, un grand _ nombre de glandes, s’ouvrant à l'extérieur, comme la précé- dente. Leur nombre et leur situation varient d’une facon souvent considérable. Nous allons étudier successivement ces organes dans les différents types. GLANDE ANTENNALE ET GLANDE DU TEST. Historique. — Zenker (10) a signalé le premier, en 1854, l'existence de la glande du test dans les genres Cyclops et Diaptomus. 1] considéra aussitôt cette glande comme un organe de sécrétion (Absonderungsorgan). D’après lui, elle est située de chaque côté de la tête et formée d’un canal plu- sieurs fois replié sur lui-même, à parois assez réfringentes, et ne présentant de structure cellulaire n1 dans ses parois, ni à son extrémité fermée. Il a observé aussi que le canal (1) Dans tout le cours de ce travail il n’est question, à moins d'indication contraire, que des Copépodes libres d’eau douce; je les désigne simplement sous le nom de Copépodes en différents endroits pour éviter des répétitions. 140 . _ JULES RICHARD. élait rempli d’un liquide incolore. Zenker pense que ce canal s'ouvre à l'extérieur dans le voisinage de la bouche, mais il n'a pu constater ni l’existence, ni la situation exacte de cet orifice. Il donne du reste, à l'appui de sa description, des dessins représentant le canal de la glande du test chez Cyclops et chez Diaptomus. Ces dessins sont inexacts et {rès incomplets, et ne représentent qu'une partie du canal excré- teur. Notons encore l'opinion de Zenker, que la glande du test des Copépodes correspond à celle des Phyllopodes et des Cladocères et aussi à la glande verte des Décapodes. En 1858, c’est-à-dire quatre ans après Zenker, Claus (13) s'occupe de la glande du test sans augmenter nos connais- sances sur ce sujet. Ne pouvant trouver de structure cellu- laire dans les parois du canal ni de différenciation histolo- gique quelconque, il émet l'hypothèse que la glande correspond morphologiquement à un organe unicellulaire. Pour lui, l’analogie signalée par Zenker et Leydig entre la glande de test des Copépodes et celle de l’Argulus et des Phyllopodes n’est pas fondée, parce que la fonction de l'or- gane est totalement inconnue. L'année suivante, Leydig (14) combat l'hypothèse émise par Claus et qui d’après lui peut à peine être prise au sérieux (kaum im Ernste). IL constate pour la première fois la pré- sence de la glande du test dans le genre Canthocamptus, mais il n’a pu voir le parcours complet du canal, ni dans ce genre, ni chez les Cyclops, ni chez les Diaptomus. La figure qu’il donne du canal de la glande chez le Diantomus est très incomplète bien qu'exacte pour certaines parties. Dans son important travail intitulé Naturgeschichte der -Daphniden, paru en 1860, Leydig traite la question plus lon- guement. Il homologue la glande du test à la glande verte des Décapodes, donnant comme raison la similitude de structure. Il remarque en effet que l'organe est constitué par un canal à nombreuses circonvolutions, aussi bien chez les Crustacés supérieurs que chez les Phyllopodes, les Cla- _docères et les Copépodes (Cyclops, : Diaptomus, Cantho- RECHERCHES SUR LES .COPÉPODES LIBRES. D'EAU DOUCE. 117 camptus). « On considère, dit Leydig, comme vraisemblable que le canal s'ouvre à l'extérieur, mais personne n’a constaté le fait avec certitude. Je n'ai pu trouver d’orifice chez Ar- temia pas plus que chez Branchipus, Arqulus, Daphnia, Cyclops… etc., le canal contourné m'a paru plutôt toujours fermé sur lui-même.» En outre, Leydig prétend qu'il est loin d'être démontré que la glande verte de l’écrevisse s'ouvre à l'extérieur, et 1l trouve là un nouvel argument confirmant son opinion précédemment exprimée. Il persiste. à croire que chez tous les crustacés cités plus haut, la glande du test est formée d’un canal replié plusieurs fois et fermé sur lui-même. Je n’ai pas besoin de dire combien une sem- blable opinion est opposée aux idées généralement reçues. Je me borne en ce moment à analyser le travail de Leydig qui rejette aussi l’idée exprimée par plusieurs auteurs que la glande verte de l’écrevisse est le rein de cet animal. « En résumé, dit-il, je dois m'en tenir à mon opinion que le rein de l’écrevisse ne doit pas être cherché dans la glande verte, et que le canal contourné et fermé sur lui-même qu’on ren- contre chez les Phyllopodes, les Daphnides et les Copépodes est l’analogue de la glande verte des Décapodes. » Puis, après avoir dit que la signification physiologique de l’organe en question ne lui paraît pas claire, Leydig se demande si, en définitive, au cas où 1l serait constaté que la glande s’ouvre à l'extérieur, le canal contourné ne correspondrait pas aux tubes enroulés (organes segmentaires) du système aquifère des Hirudinées et des Lombriciens. Comme on le voit, les affirmations antérieures de Leydig sont assez fortement atténuées, voire même contredites dans la fin de son cha- pitré relatif à la glande du test sur laquelle nous sommes ainsi loin d’être fixés. | | | Dans son ouvrage fondamental sur les Copépodes, Claus (19) ne dit que fort peu de chose sur la glande du test, si cen’est qu'il n’a pu constater son existence, n1 chez les Cantho- camptus, ni chez les Calanides marins. Mais il signale sous ce même nom de glande du test, chez les larves de Cyclops 118 JULES RICHARD. et de Diaplomus, un organe tout différent qui n’esl autre chose que la glande antennale ; Claus la signale pour la première fois sans avoir pu lui trouver d’orifice extérieur. Mais la situation de l'extrémité du canal dans le voisinage de la deuxième paire de membres chez les formes larvaires conduit Claus à admettre que ce canal correspond morpholo- giquement aux glandes des antennes postérieures des Gam- marus et des Décapodes. Il affirme que, contrairement à l'opinion de Leydig, la glande verte de l’écrevisse s'ouvre à l'extérieur et, tout en rappelant que la fonction de l’organe n’est pas connue, il remarque que lorsque Leydig s'efforce de démontrer que nous ne devons chercher dans ces organes. aucune fonction comparable à celle d’un rein, il réussit d’au- tant moins à le prouver qu'il compare, à un moment donné, le canal contourné avec les organes segmentaires des Hiru- dinées et les Lombriciens, organes qui sont très vraisembla- blement des organes d’excrétion. À partir de ce moment la queslion de la glande du test est laissée de côté jusqu’à la fin de l’année 1876, époque à laquelle elle est reprise par Claus (21). Comme on va le voir, cet auteur fait connaître des points importants de la struc- ture de l’organe etse refuse à y voir l’homologue de la glande verte des Décapodes. Il montre que la glande du test chez les Copépodes, comme chez les Cladocères, ne consiste pas en un simple tube plus ou moins contourné sur lui-même, mais que la partie principale, glandulaire, de l’organe est une pelite poche revêtue intérieurement de cellules. Claus abandonne ainsi son idée première que la glande du test correspond morphologiquement à une cellule unique. D’a- près lui c’est cette poche qui sécrèle, et le canal n’est qu’une partie accessoire destinée simplement à l'écoulement de la sécrétion. Claus décrit et figure assez exactement la glande et une grande partie du canal efférent, mais il n’a pu suivre ce dernier jusqu’à son extrémité, de telle sorte qu'il ne peut dire où et comment le canal se termine. Il lui paraît toute- fois vraisemblable que les choses se passent comme chez RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 119 divers Copépodes marins, c’est-à-dire que la dernière por- tion du canal entre dans la patie-mâchoire antérieure. Maïs dans aucun: Copépode libre, marin ou d’eau douce, il n'a pu s'assurer de l'existence d’un orifice extérieur et ce n'est que par analogie qu’il est amené à croire que le canal se termine par un orifice simple comme chez les Achtheres et les Lernéopodes. Notons enfin que Claus n’a pu trouver le sac glandulaire chez les Cyclops, et que pour lui la glande du test est destinée à excréter des produits urinaires. Hoek (22), en 1877, ne s'occupe de la glande du test que pour discuter ses homologies avec la glande antennale et la glande verte des Décapodes. Pour lui, la glande du test dérive de la glande antennale et par suite est comparable à la glande verte des Décapodes. Le fait que la glande antennale des larves nauplius s’ouvre à la base des appen- dices de la deuxième paire lui paraît rien moins que prouvé. Ila observé cetle glande dans quatre genres, el comme ceux-ci appartiennent à des familles très différentes, il étend ses conclusions à tous les Copépodes et prétend que le canal de la glande antennale se prolonge bien jusqu’au voisinage des appendices de la deuxième paire, mais qu’il forme là une anse, le canal revenant sur lui-même sans présenter aucune ouverture. Pour Grobben (24, p. 4), l'opinion de Hoek est à priori tout à fait invraisemblable. Il montre le premier que la glande antennale, chez le Cyclops et chez le Cetochilus, est formée d'une partie glandulaire proprement dite et d’un canal plus ou moins long qui s'ouvre à l'extérieur à la base des appen- dices de la deuxième paire. Le même auteur (29, p. 26) montre encore que le canal de la glande du test s'ouvre: aussi à l'extérieur chez un Calanide marin, le Cetochilus septentrionalis, sans toutefois préciser le point où se fait cette ouverture. Fric (32,. p. 501), en 1882, dit simplement ceci : « La glande tubuleuse devient visible d’abord dans le plus jeune Cyclope, et je peux confirmer l’assertion de Zenker con- 120 ‘ JULES RICHARD. e testée par Claus, que son orifice, que j'ai vainement cher- ché moi-même, existe quelque part près de la bouche. Il est sûr que la même glande se trouve chez le genre Can- thocamptus où elle est très évidente sur des individus transparents et dépasse par sa grandeur la même glande des . Cyclopes. ». Fric ne semble pas connaître le travail antérieur (31) de Claus et ne parle pas de la glande anten- nale. Urbanowicz (37, p. 618) se borne à dire ce qui suit : « Chez le jeune Nauplius il y à un rein pair qui a l'aspect d'un canal recourbé en forme d'S et qui paraît s'ouvrir par un double orifice à la base de la première paire d’ap- pendices. » Quant à la glande du test, elle s'ouvre, d’après lui, à la face ventrale dans le voisinage des pattes-mâchoi- res. D’après l’analyse qu'a faite Wrzesniowski de son mé- moire écrit en polonais (38) Urbanowiez n'est pas arrivé à des résultats plus précis. Tandis que Grobben, avant cet auteur, avait très bien vu les orifices et la de nes pale elle -même dont Urbanowiez ne dit rien. Hartog (58) a vu le premier l’orifice extérieur du canal de la glande du test chez un Copépode d’eau douce, mais chez le Cyclops viridis seulement. Cet auleur semble du reste ne pas avoir bien nettement saisi les rapports des diverses parties de l'organe; il n'a pas vu non plus la glande propre- ment dite; suivant lui le canal commencerait en s'ouvrant' dans le cœlome par une portion élargie en forme d’enton- noir. D’après lui encore, la glande antennale et la glande du- test seraient une seule et même glande dont l’orifice extérieur aurait dans la larve nauplius des rapports diffé- rents de ceux qu’elle présente avec les MARRON chez: l'adulte (1). Ainsi jusqu à présent la glande du test n'avait été Re (1) Je laisse complètement de côté les travaux dans lesquels il n'est qu'in- cidemment question de la glande antennale et de la glande du test, comme ceux de Vosseler, de Daday, etc., où l’on ne trouve aucun nouveau renseigne- ment sur la question. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 121 parmi les Copépodes d’eau douce que dans les trois sémes Canthocamptus, Cyclops et Diaptomus chez lesquels Fies na. _élé étudiée que d’une façon très néons | Dans une note préliminaire (64), j'ai indiqué l’année der- nière une partie des résultats auxquels m'ont conduit mes études sur la glande du test, éludes dont je vais rendre compte. Je commencerai par la description de cet organe chez le Diaptomus castor sur qui les recherches ont surtout porté. Il sera facile ensuite de suivre les modifications de la glande dans les autres genres dont la plupart n'avaient jamais été étudiés à ce point de vue. GLANDE DU TEST CHEZ LE Diaptomus castor. Si l’on examine au microscope un Diaptomus castor vi- vaänt, couché sur le côté, on voit (PI. V, fig. 14, A) très facilement un canal contourné sur lui-même, situé dans l'angle que forme du côlé ventral le côté postérieur. du premier segment du corps avec le bord latéral de ce même segment, et situé immédiatement au-dessous de la carapace. Le contour extérieur du canal qui paraît d’abord fermé sur lui-même a la forme d’un triangle à angles arrondis (PI. V, fig. 6, gdf). Le côté le plus rapproché (d/) du : bérd latéral du segment qui contient le canal a une direc- tion parallèle à ce bord, tandis que les deux autres côtés, (de et fgh) qui continuent le précédent, sont obliques : le plus rapproché de la partie antérieure du corps (dc) est beau- coup plus court et moins oblique que le côté opposé (/9h) auquel 1] va se superposer du côté dorsal au point 2. C'est là, avec la portion initiale (abc) qui sort de la glande et qui se trouve dans la partie antérieure du triangle (4d/f), tout ce que l’on peut voir du canal sur l’animal vivant, à un faible grossissement; mais on peut le voir d’une façon très nelte et il est assez étonnant que des observateurs tels que Zenker et Leydig n'aient pas figuré cet aspect aussi exactement que bien des détails beaucoup plus difficiles à voir et dont ils 122 JULES RICHARD, ont donné de très bons dessins. Zenker surtout a donné une figure particulièrement inexacte (10, pl. VI, fig. 13), Leydig. a mieux représenté cette portion du canal (14, pl. IV, fig. 1) bien que d’une façon incorrecte. Le canal dont je viens d'indiquer la situation se trouve ainsi compris entre deux lignes perpendiculaires à l'axe du corps et qui passeraient : l’une, par le point d’articulation du deuxième maxillipède, et l’autre un peu au-dessus de l'origine du premier maxillipède. La plus grande longueur de la figure triangulaire formée par le canal mesure 0"",1 et sa plus grande largeur 0°*,08. Si on poursuit l'examen du canal à l’aide d'un grossis- sement suffisant, de 300 à 400 diamètres, par exemple, on peut s'assurer (PI. V, fig. 6) que le grand côté oblique (/g) du triangle se recourbe, croise le petit côté oblique (cd) et passe sous ce dernier dans une direction (ky) qui lui est à peu près parallèle, pour croiser le côté longitudinal vers le niveau de l’origine du canal, et se dilater sous la glande du test en une sorte d’ampoule (B). C’est en ce point que s’est arrêté Claus. L'examen direct par transparence auquel s’est borné cet auteur ne permet pas en effet d'aller plus loin. Où se dirige le canal? En quel point va-l-il aboulir ? Claus suppose que le conduit de la glande entre dans le premier maxillipède. Il est entrainé à faire cette hypothèse par analogie avec ce qu'il a constaté chez les Calanides marins Dias et Cetochilus. Cette suppo- sition, qui a pour elle beaucoup de probabilités, demandait cependant à être contrôlée par des fails; personne jusqu'à présent n’a montré que l'hypothèse de Claus est vérifiée pour les Calanides d’eau douce. Il s'agissait donc de re- prendre le canal de la glande du test au point où l'avait abandonné cet auteur, et de le suivre jusqu’à son extrémité: Je me suis servi pour cela de deux méthodes différentes : la dissection et la méthode des coupes; toutes les deux m'ont conduit au même résultat. J’ai songé tout d’abord à isoler le premier maxillipède des Diaptomus, espérant trouver RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 193 de suite sur ce membre séparé du tronc l'orifice extérieur du canal. J’opérai sur des exemplaires de 2. castor vivants. Mes premiers essais furent d'abord infructueux. Il est diffi- cile eneffet de détacher le membre du corps juste au point voulu. Tantôt on écrase avec la pointe de l'aiguille la partie basilaire du maxillipède, tantôt on ne réussit à en détacher que la plus grande partie, pendant que la base du membre reste fixée au reste du corps. Cependant on finit, à force d'exercice et de patience, à devenir plus habile et je parwins enfin à détacher assez facilement le maxillipède juste à son articulation. Je vis alors que, dans la plupart des cas, le membre ainsi isolé (PI. V, fig. 8) avait entraîné avec lui une portion de canal en tout semblable à la portion initiale si facile à voir par transparence. Le fragment de canal se montrait toujours sous la forme d’un tube hyalin (/na) lisse, à paroi extrêmement mince, assez résistante cependant et de nature probablement chilineuse. Je remarquai en outre que cette partie arrachée avec le maxillipède présentait presque constamment la même disposition en forme d’anse très développée, à branches peu divergentes de façon à pré- senter l'aspect d’un tube en U ou en V à angle arrondi et à branches peu écarlées. Il était facile de voir en mettant le membre en place que la partie coudée du tube en U était di- rigée du côté de la partie antérieure de l’animal. Il restait à observer, à l’aide de ces indications, le tube en U en place sur l'animal, pour bien établir ses rapports et voir com- ment il se trouve continué par la portion principale du canal. Cela n’est pas chose facile. Le Diaptomus castor, re- commandable pour certaines recherches à cause de sa taille assez grande (il atteint environ 2**,5), ne l’est plus autant lorsque l’on demande une grande transparence. D'autre part le D, cœruleus, qui est le plus souvent hyalin, est d’une taille beaucoup plus faible que le D. castor. En outre, dans les deux cas, la partie du canal qui réunit la portion terminale à la partie iniliale est située trop profondément pour qu'on la puisse bien distinguer à travers les tissus qui la séparent 1924 | JULES RICHARD. de la surface du corps. Je pensai alors que peut-être le canal était partout de nature chitineuse comme il le parais- sait dans sa partie extrême et je songeai à employer le pro-. cédé dont s’est servi Hartog pour étudier le parcours du canal chez le Cyclops. Je traitai donc directement sous le: microscope des exemplaires entiers de D. castor par l’am- moniaque concentrée. Ce réactif, en dissolvant les tissus qui séparent la carapace du canal situé dans la profondeur, permet de voir cette porlion profonde, du moins en parle. Sur l'animal vu de côté et traité comme je viens de le dire on peut voir nettement en place la portion terminale, en forme d’anse, du canal, mais non le raccord de ceite partie: avec le reste de l'organe. Celle portion intermédiaire est en effet extraordinairement mince et délicate, elle est loin d’avoir la résistance qu'offrent les parties extrêmes du canal. L’am- moniaque et l’eau de Javel qui n'altèrent que lentement ces parties exercent une action beaucoup plus prononcée sur la portion du canal qui est située dans la profondeur; Cette partie se raccorde, du côté de la glande proprement dite, par un renflement en ampoule, continué du côté opposé par.un canal recourbé court et étroit (7) qui se réunit bientôt au tube en U. Ce n’est qu'avec beaucoup de peine et après de nombreuses dissections que j'ai pu reconslituer le par- cours complet du canal et raccorder les diverses ie observées séparément. | -. Décrivons maintenant ce parcours d’une facon: complète. ; bé glande proprement dite (PI. V, fig. 6, A) est située dans le repli formé par les faces latérales et ventrale de la carapace ; elle s'étend un peu sous la face ventrale du corps et se trouve placée au-dessous de la portion antérieure de la branche (d/) parallèle au bord latéral du premier segment du corps. Le canal sort de la glande (a) par une partie légè- rement évasée et se rapproche peu à peu de la surface du corps en se dirigeant obliquement de haut en bas sur une très faible longueur, formant ainsi ce que Claus appelle la portion descendante (ab) de l'anneau interne. Il change alors RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 125 brusquement de direction et va obliquement de bas en haut ‘pour former la parlie ascendante (bc) de cet anneau. À l’extré- milé de cétte branche, c'est-à-dire vers le point c, le canal s'enfonce souvent un peu dans là profondeur dans une di- ‘réction normale à la surface du corps, puis revient vers la surface, et de là dans une direction très légèrement oblique de haut en bas vers le bord latéral du segment céphalotho- ‘râcique suivant cd, conslituant ainsi une partie transversale superficielle. Cette dernière se continue en faisant un angle obtus avec elle, par une longue branche descendante (d/) pa- rallèle au bord latéral du premier segment du corps et dont l'extrémité / est la portion du canal la plus rapprochée du bord postérieur de ée segment. Cette portion longitudinale, qui passe à peu près au-dessus de l’origine du canal, forme ‘avec la branche iransversale superficielle ce que Claus appelle la portion descendante de l’anneau externe par oppo- sition à la portion ascendante de ce même anneau. Cette dernière (/g) fait suite à la précédente en formant avec elle un angle aigu et se dirige obliquement de bas en haut ‘suivant fhg, passant ainsi derrière l'anneau interne qu'elle croise en 2, à son extrémité, à peu près au niveau de la ligne, potitilarro à l’axe du corps, qui passerait par loriginé de la branche longitudinale df. | Presque toute la portion du canal décrite jusqu'ici est située tout à fait superficiellement, presque immédiatement ‘au-dessous de la carapace ; la branche ascendante de l’an- “neau externe commence cependant dans sa portion termi- nale à pénétrer légèrement dans la profondeur pour se continuer en un canal plus étroit qué dans les parties pré- cédentes, dirigé à peu près parallèlement à la portion trans- versale superficielle au-dessous de laquelle il est situé, cons- “ituänt ainsi la branche transversale profonde a Re souvent un léger renflement). Celle-cise continue presque en ligne droite (A) croisant ‘la branche longitudinale en passant à peu près au niveau de l'origine du canal et au-dessous, pour se dilater ensuile en 126 JULES RICHARD. une sorte d'ampoule (B) assez grande à paroi très fine el qu'il est extrêmement difficile d'observer intacte. Ce ren- flement est situé sous la glande du test proprement dite. Au sortir de cetle ampoule, le canal devient très étroil et forme une anse petite (4/) mais dont la courbe est assez accentuée et dont le côté eonvexe regarde la partie posté- rieure et interne du corps, de sorte que la première portion de cette anse est située très profondément. La deuxième branche remonte vers la surface du corps en se rapprochant de la face ventrale et se relie par une portion de canal à paroi très délicate à l’anse terminale en forme de tube en U. La portion intermédiaire du canal comprenant l’ampoule et l'anse profonde se trouve située tout entière dans la pro- fondeur des tissus. Quant à l’anse terminale (/mn,) ses deux branches sont contenues dans un même plan à peu près parallèle à la face ventrale et irès rapproché de cette dernière. Elle est très développée ; la première branche (/m) remonte suivant le grand axe du corps vers la partie antérieure de l'animal à peu près jusqu’à la saillie squelettique interne qui donne attache aux muscles maxillaires. En ce point, le canal se recourbe et se continue en formant la deuxième branche (mn) de l’anse terminale et en revenant parallèlement à la première jusqu'au niveau de l'articulation du premier maxillipède ; le canal se recourbe encore en ce point pour pénétrer dans le membre à l’intérieur duquel il s’inflé- chit pour venir s'ouvrir (PI. V, fig.8,n0) sur la facesupérieure, un peu du côté interne, et beaucoup plus près de l’arlicula- üon du membre que du premier prolongement conique muni de longues soies de l’appendice. Cet orifice qui fait déboucher le canal à l'extérieur est très difficile à voir, surtout pour la première fois, parce qu’il se trouve dans un sillon (s) formé par deux lignes chitineuses peu accentuées, divergeant près de l’orifice en se confondant avec les bords de ce dernier, qui ne se fait ainsi remarquer ni par un con- tour nef, ni par un épaississement quelconque de la cuticule. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 127 J'avais songé dès le début de mes recherches à reconnai- tre l’orifice extérieur par un procédé assez particulier. Lorsqu'on laisse macérer dans l’eau des Entomostracés morts, on voit bientôt leur intérieur envahi par.des myria- des de protozoaires qui pénètrent jusqu'aux extrémités les plus délicates des divers appendices. Je pensai à isoler des maxillipèdes de la première paire de Diaptomus se trouvant dans ces conditions. J’espérais ainsi voir quelques animal- cules s'engager dans la portion du canal restée attachée aux membres arrachés, puis sortir par l’orifice. Je mis au prin- temps de l’année dernière un grand nombre de sujets en expérience. J’ai pu voir alors quelques protozoaires pénétrer dans le canal par la déchirure / (PI. V, fig. 8); certains s’a- vançaient même assez loin, mais sur les sept ou huit cas observés, ils s’échappaient toujours par l'orifice qui leur avait donné entrée. Je n’ai pas réussi à recueillir des Diap- tomus castor en nombre suffisant, pendant tout l'été sui- vant, époque à laquelle celte espèce ne se rencontre guère etje n’ai pu reprendre mes observations sur ce sujet qu'au printemps dernier. Je ne fus tout d’abord pas plus heureux que précédemment. Les animalcules engagés dans le canal renonçaient toujours à le suivre Jusqu'à son extrémité. Je pense que la partie plus étroite et recourbée du canal dans l'intérieur du maxillipède ne leur permettait pas d'y cir- culer assez librement. J’essayai alors de fermer l’orifice d'entrée du canal derrière les protozoaires qui y étaient engagés en plaçant sur la portion libre et en travers un fragment de fil ou de poil, qui, par le poids du couvre-objet, étrangle le canal de façon à empêcher les pelits êtres de sortir de ce côté. Cette manipulation qui paraît très simple est très difficile à réussir, pour plusieurs raisons qu'il serait, je crois, oiseux de développer iei et dont les personnes habi- tuées à des opérations analogues se rendront facilement compte. Je n'ai réussi que deux fois à emprisonner ainsi des protozoaires dans le canal. La première fois il ne s’y.en trouvait qu’un seul. Je le vis très longtemps circuler, 128 _ SULES RICHARD. F s'éloigner de l'entrée et y revenir. Après une interruplion dans l’observalion, il me fut impossible de retrouver mon animalcule dans le canal. IL était donc sorti très probable- ment par l’orifice extérieur. Je dis très probablement, parce qu'il peut encore se faire qu'il soit resté, peut-être même qu'il soit mort, dans la partie du canal située à l’inté- rieur du maxillipède, point où la transparence n'est je suffisante pour y distinguer d’une manière précise ce qui s’ 3 trouve, à cause de la décomposition des tissus. Incomplètement satisfait, je voulus faire de nouvelles expé- “riences et je réussis à enfermer encore deux protozoaires à la fois dans le canal. Après une longue observation sans résul- tat, suivie d'une interruplion plus prolongée que je ne le prévoyais, je trouvai tout desséché à mon retour. J'ai dû renoncer depuis à renouveler ces expériences à cause des difficultés qu’elles présentent et surtout à cause du long -temps qu'il faut leur consacrer. | Cette facon de vérifier l'existence de l’orifice extérieur “n’est du reste pas indispensable, puisque l'observation directe la démontre d’une manière absolument certaine. | Nous trouvons donc chez le Diaptomus castor un canal irès développé. J'ai pu mesurer approximativement sa lon- ie dans un À. cæruleus mesurant 1**,60 de longueur et j'ai trouvé qu'elle atteint 0"”,5, soit près d’un tiers de es mal lui-même. Après avoir ainsi reconnu le parcours complet du canal de la glande du test chez le Diaptomus castor, 'il était inté- ressant de rechercher si la même disposition se relrouve, au moins dans ses traits généraux, chez les autres espèces du même genre, car, remarquons-le, l'espèce précédente seule a été étudiée à ce point de vue. J’espérais d’abord que -les variations qui peuvent se produire dans la morphologie extérieure du canal permettraient peut-être de réunir en - groupes distincts les nombreuses espèces connues. Mais la grande uniformité d'organisation qu'on trouve chez les Copépodes dans les formes d’un même genre portait à RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 1929 admettre à priori comme probable une grande similitude dans la disposition de la glande et du canal qui en part. C’esten effet ce qui arrive, autant que j'aie pu m'en assurer. Le fait que la partie du canal visible sur les individus con- servés dans l’alcéol est tout à fait semblable à cette même partie chez le D. castor, donne tout lieu de croire que la partie profonde présente aussi la même disposition que dans l'espèce: précédente. J’ai pu du reste vérifier cette supposi- ton d'une façon plus ou moins complète dans un assez grand nombre d'espèces. Chez le D. cæruleus Fischer, par exemple, que j'ai pu observer bien des fois, la disposilion de la glande du test et de son canal est complètement semblable à celle qu’on ren- contre chez le D. castor. Il est même relativement facile de suivre tout le parcours du canal sur l’animal entier, en trai- tant celui-ci avec précaution, par l’ammoniaque; on peut même arriver à ce résultat sur des exemplaires vivants bien transparents. Les diverses espèces pélagiques, qui sont géné- ralement hyalines, conviendraient certainement très bien pour celte étude. Il est très difficile de voir les parties profondes du canal de la glande dans les spécimens conservés en alcool. C'est malheureusement dans cet état que l’on à à sa disposition la plupart des espèces. En isolant le premier maxillipède sur des animaux ainsi conservés, je n'ai que très rarement réussi à obtenir en même temps une portion de l’anse ter- minale, ce qui est relativement facile chez les Copépodes vivants. Cela ne dépend pas de l'espèce observée puisque des D. castor conservés dans l'alcool m'on donné le même résultat. Cependant quelques rares espèces (D. cœæruleus, D. gracilis Sars, D. graciloïides Lilljeborg, D. salnus Daday, D. laciniatus Lilljeborg) permettent de voir 2n siu les parties profondes de l'organe, après avoir fait subir aux spécimens un traitement spécial, consistant à les faire passer progres- sivement par des alcools de plus en plus forts dans l’éther ou dans le xylol. On reconnaît partout la disposition que j'ai ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, 9. — ART. N°8. 130 JULES RICHARD. indiquée pour le D. castor. Mais celte méthode ne m'a paru convenable que pour vérifier la similitude de la disposition du canal dans les diverses espèces et non pour découvrir le canal lui-même. Je dois dire en effet que j'avais tout d’abord employé ce procédé pour rendre transparents des animaux entiers, mais, dans l'ignorance où j'étais du parcours du conduit glandulaire je n’étais amené par aucune considéra- tion préalable à rechercher la portion terminale du canal vers la face ventrale et bien en dehors du reste de l’organe. Mais beaucoup d'espèces conservées dans l'alcool ne lais- sent pas voir les parties profondes de la glande du test, même après l’action des réactifs indiqués plus haut. La méthode des coupes seule m’a permis de constater que la glande du test chezles Diaptomus suivants : D. amblyodon Marenzeller, D. Alluaudi de Guerne et Richard, D. orientalis Brady, D. Roubaui Richard, et D, Wierzepshu Richard, est en tous points semblable à celle que présente D. castor. Pour un certain nombre d'espèces (D. baccillifer Kôlbel D. denticornis Wierzejski, D. gibber Poppe, gracialis Lilly., D. franciscanus Lilj., D. Eïisent Lllj., D. incongruens Poppe, D. minuitus, D. mirus, D. lobatus, D. Theel, D. oregonensis, D. Trybomi, D.siciloides, D). signicauda Lilljeborg, D. Lillpe- borgi de Guerne et Richard), j'ai du me borner à l’exa- men des parties superficielles de l'organe, le plus souvent parce que le nombre des exemplaires que je possède de cha- cun de ces Copépodes est trop restreint et aussi parce que, chez tous, J'ai reconnu que toute la partie du canal comprise entre son point d'origine et le commencement de la branche transversale profonde présente la même disposition que chez le Diaptomus castor. L'ensemble des résultats obtenus nous démontre que la glande du test présente la même disposition dans toutes les espèces de ce genre. Une application immédiate de cette rè- gle générale peut se faire au cas du Diaptomus A Uuaudi qui s'éloigne beaucoup des autres espèces par des caractères importants de sa morphologie externe, tellement que nous LLéhl Les RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 131 doutions tout d’abord, M. de Guerne et moi, qu’il appartint au genre Diaptomus. Mais l’élude anatomique que j'ai faite de cette forme et en particulier la disposition de sa glande du test montrent que l’on a bien affaire à une espèce de ce genre si répandu. Structure des diverses parties de la glande du test. — 1 nous reste à étudier maintenant la structure de la glande propre- ment dite dont nous connaissons la situation, et celle du ca- nal dont nous avons décrit le parcours complet. Si on coupe un Diaptomus castor presque perpendiculairement à sa lon- gueur on obtient des sections dont une des plus intéressantes est figurée (PI. V, fig. 12). Elle passe par l’origine du canal en même temps que par la portion la plus élargie de la glande proprement dite (A). Nous voyons en a l’orifice du canal dans la glande, en à la section de la branche ascendante interne; en c celle de la branche descendante externe; en d celle de la brance ascendante externe. En e est figurée la section oblique de la branche transversale profonde, dont on voit encore en f la partie qui se trouve sous l’origine du canal. Les sections g et À correspondent aux deux branches de l’anse terminale. On remarque que ces différentes parties du canal sont toutes séparées les unes des autres par un protoplasma uni- formément granuleux pp' dans lequel on ne rencontre pas de cellules différenciées, mais seulement des noyaux » pres- que ronds mesurant environ 0"",004 à 0**,005 de diamètre disséminés çà et là et présentant, outre le nucléole, quelques granulations à leur intérieur. Il semble ainsi qu'on ait un amas de cellules dont les membranes ont disparu et dontil ne reste plus que les noyaux. Quant au canal lui-même, il est constitué par un tube à paroi anhiste extrêmement mince. On peut en isoler des portions en dissolvant les tissus mous par l’eau de Javel ou par l'ammoniaque; il est donc de nature chitineuse. Le diamètre varie de 0**01 à 0*"03, il est cylindrique en certains points (PI. V, fig. 12, c) et comprimé dans d’autres 132 JULES RICHARD. (PL V, fig. 12, 0) en présentant un élargissement (PI. V, fig. 6 r,s,). La branche ascendante externe 4 est en particulier plus large que la plupart des autres parties du canal et sur- tout d’un diamètre plus grand que celui de la branche trans- versale profonde et de l’anse terminale. La glande proprement dite est assez allongée dans le sens du grand axe du corps; sa longueur atteint jusqu’à 0,12. Elle présente une section transversale triangulaire dont la hauteur mesure de 0"*,06 à 0“*,08. Sur la coupe représen- tée (PL. V, fig. 12), l’origine du canal est un des sommets du triangle opposé au côté parallèle à la face ventrale du corps et rapproché de celle-ci. Un des deux autres angles corres- pond à celui que forme la face ventrale avec la portion laté- rale du premier segment du corps, de telle sorte que le côté qui réunit cet angle à l’origine du canal est à peu près paral- lèle à la partie latérale du premier segment. Enfin le troisième angle est très aigu et dirigé vers l'axe du corps. Divers tractus conjonclifs suspendent la glande dans la cavité générale. La coupe précédente en montre deux longitudinaux £, 7, 1l y ena d’autres dont un très marqué à l'extrémité antérieure de la glande. Celle-ci est nettement séparée de la carapace par un intervalle assez considérable, s,s,s rempli de liquide sanguin et qui s'étend aussi bien sur le côté externe que sur la face ventrale. Les parois très minces de la glande sont complètement garnies intérieurement de cellules assez convexes », qu'il est très difficile de bien fixer et qui ne se colorent pas fortement par les teintures. Mais, chez des individus très transparents, vus sur le côté, on peut dans certains cas nettement consta- ter que leur protoplasma présente des tractus plusdenses sé- parant des parties plus fluides, ce qui donne un aspect va- cuolaire particulier (PI. V, fig. 18). On voit aussi quelquefois de rares granulations très petites de couleur jaune brun (PI. V, fig. 16); enfin des cellules présentent, mais peu fré- quemment sur les Diaptomus que j'ai observés, une masse assez volumineuse, de forme assez irrégulière, brunâtre, tan- ” RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 133 dis que la cellule était remplie de liquide sans le réticu- lum que j'ai signalé précédemment (PI. V, fig. 17). Les cel- lules varient assez de forme et de dimensions. Elles sont généralement convexes, rarement aplaties, leur diamètre os- cille entre 0"*,015 et 0**,02 chez le Diaptomus castor. Le noyau presque arrondi est assez volumineux, mais très difficile à voir sur les animaux frais même avec le secours des réactifs. Sur les coupes on le trouve presque toujours dansla région centrale de la cellule et on y distingue quelques granulations. D'après Grobben la glande du test est d’origine mésoblas- tique (24, p. 12). Cela est peut-être vrai pour la glande pro- prement dite seulement, et il est possible que le canal et le protoplasma granuleux qui lentoure proviennent de l’ecto- derme et dépendent de la couche chitinogène qui n’est pas non plus formée de cellules distinctes, du moins chez les Copépodes que j'ai étudiés. C'est, comme l’a montré Rehberg (36, p. 5, pl. Il, fig. 10) une substance granuleuse présentant des noyaux disséminés çà et là. La substance dans laquelle est plongée le canal serait destinée à former à l’in- térieur les parois chitineuses de ce dernier comme la portion périphérique de la couche chitinogène sécrète la cuticule à l'extérieur. | Bien que cela ne soit pas dans l’ordre que j'ai adopté, je dirai dès à présent que dans tous les types qu'il m'a été donné d'étudier, j'ai partout retrouvé la même structure des différentes parlies. Il n’y a que des modifications tout à fail secondaires et peu importantes. L'épaisseur des parois du canal, très faible dans tous les autres Copépodes est au con- traire relativement considérable dans le Poppella (ruernei, comme le montre la figure 13 de la planche V, où l’on voit les sections a, 6, c, d, e, f des différentes parties du canal de la glande. Chez les Cyclops on remarque quelquefois sur les coupes des lacunes qui correspondent aux vacuoles trouvées par Rehberg dans Ja couche chitinogène et qui né contiennent qu'un liquide clair. 134 JULES RICHARD. Nous allons étudier maintenant la glande du test dans les autres genres de la famille des Calanides ainsi que dans ceux qui appartiennent aux Cyclopides et aux Harpaclides. Nous trouverons chez eux des modifications assez accentuées nous permetlant d'arriver à quelques conclusions qui m'ont paru intéressantes. GLANDE DU TEST CHEZ LES AUTRES CALANIDES. On connaît jusqu’à présent dix genres de Calanides d’eau douce, qui sont: Eurytemora, Diaptomus, Broteas, Hete- rocope, Epischura, Poppella, Schmackeria, Osphranticum, Limnocalanus et Bæckella. La glande du test n’a été étudiée que chez les Diaptomus el d’une façon très incomplète comme on à pu le voir précédemment. On n'a signalé sa présence dans aucun des autres genres. Je me suis efforcé de combler cette lacune et d'étudier les varialions que peut présenter cel organe dans les genres énumérés ci-dessus. Je n'ai malheureusement pas eu des spécimens de tous. Le genre Broteas qui ne compte qu’une espèce (B. falaifer Lovèn), n’a jamais été retrouvé depuis 1845, époque à la- quelle Lovèn le décrivit. B. falcifer recueilli près de Port- Natal, se rapproche beaucoup des Diaptomus. Mais nous ne savons rien sur la glande du test de cette espèce, que je n’ai pas eu l’occasion de voir. Îl en est de même pour les deux espèces du genre Bœckella qui sont très mal connues, et qui habitent, l’une le Brésil, l’autre, la Nouvelle- Zélande! Quant à Osphranticum, je n’ai eu en communication que quelques rares spécimens de l'espèce unique du genre (O. /a- bronectum none qui vit dans les grands lacs des États- Unis. Je n’ai pas pu étudier suffisamment la glande du test à cause du petit nombre et du fort mauvais état de conser- vation des exemplaires. D'après ce que j'ai pu voir, le canal paraît être court et peu compliqué (1). (4) Il m'a été impossible d’obtenir des exemplaires bien conservés. Ceux que j'ai eus entre les mains m'ont été obligeamment communiqués par M. S.-A. Poppe. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE 135 Il n’en est pas de même des autres genres chez lesquels - J'ai réussi à voir complètement l'organe en question. Chez eux le canal de la glande du test est beaucoup plus facile à suivre que chez les Diaptomus. J'ai éprouvé beau- coup moins de difficultés, bien que je n’ai pu étudier, la plupart du temps, que des spécimens conservés dans l’alcool. J'ai employé avec succès l’éther et le xylol suivant le pro- cédé que J ai déjà indiqué précédemment. Glande du test dans le genre Eurytemora. — J'ai décou- vert l’année dernière dans les lacs du bois de Boulogne une des espèces de ce genre, Æ. lacinulata Fischer, ce qui m'a permis d'étudier la glande sur des animaux vivants. Elle est siluée dans l'angle que forme du côté ventral le côté posté- rieur du premier segment du corps avec le bord latéral du même segment et immédiatement au-dessous de la carapace. La glande proprement dite offre à peu près la même forme et la même siluation que celle des Diaptomus. Mais le canal qui en sort présente une disposition bien différente. Il se dirige d’abord (ab) obliquement vers la partie antérieure et dorsale du corps (PI. V, fig. 1) en cheminant à une certaine profondeur au-dessous de la carapace et en se rapprochant peu à peu de celle-ci, puis le canal se recourbe en un anneau complet (äcde) dont la première moitié (écd) se dirige vers le côté dorsal, tandis que la deuxième moitié, suite de la pre- mière, se dirige du côté venlral en croisant et en passant par-dessus la première portion ascendante et oblique (abc) du canal. À partir de ce point de croisement le canal forme une anse bien développée (efg) dont la première branche (ef) ascendante se dirige obliquement d’arrière en avant vers la face ventrale; arrivée au niveau de la portion antérieure de l'anneau déjà décrit, la branche se recourbe en arrière et se continue par la deuxième branche (4) de l’anse, se diri- geant d'avant en arrière et obliquement vers le côté dorsal en croisant la portion initiale du canal un peu après sa sortie de la glande. Le canal forme alors un coude dont la convexité est la partie du canal la plus rapprochée du bord 130 JULES RICHARD. postérieur du premier segment du corps. Il remonte ensuite obliquement d’arrière en avant vers la face dorsale, de sorte que cette porlion ascendante (4h), symétrique avec la portion descendante qui constitue la deuxième branche de l’anse (efq), forme avec elle un V dont les branches sont très divergentes et entre lesquelles se trouve la branche ascendante oblique initiale (ab), l'anneau interne (bcde) et la première branche (ef) de l’anse. Arrivé à la hauteur de la portion antérieure de l'anneau interne (bcde) le canal se dirige en droite ligne (#1), presque normalement au grand axe du corps vers le côté ven- tral, en cheminant dans la profondeur au-dessous de l’an- neau interne pour entrer sans autre détour dans le premier maxillipède. Un peu avant de pénétrer dans ce membre, le canal présente un léger renflement ovalaire (7) et dans l’m- térieur du maxillipède il est beaucoup plus étroit et légère- ment recourbé pour s'ouvrir à l’extérieur par un orifice semblable à celut que j'ai décrit chez les Diaptomus et semblablement placé. La disposition du canal est donc notablement différente de celle que présente ce dernier genre, dans lequel l’an- neau (cde) n'existe pas, mais qui possède par contre une por- tion profonde et une anse terminale très développées de sorte qu’en somme, le canal est, relativement à la taille des ani- maux, plus long chez les Diaplomus que chez les Euwryte- mord. | J'ai pu m'assurer que Æ. affinis Poppe et Æ. lacustris Poppe, présentent exactement la même disposition du canal de la glande du test que £. lacinulata. Glande du test dans le genre Heterocope. — Dans les trois espèces connues de ce genre (H. saliens Lillj., 1. appen- diculata Sars, et H. borealis Fischer), j'ai retrouvé aussi une ressemblance complète dans la disposition du canal et de la glande proprement dite. Cette disposition (PI. V, fig. 3), se. rapproche beaucoup de celle que nous ont offert les espèces de Eurytemora. W y a cependant des différences notables. La glande proprement dite est plus rapprochée de la partie RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 137 antérieure du corps chez les Heterocope, de sorte que la plus grande portion du canal est située en arrière de la ligne transversale qui passerait par l'origine du conduit, tandis que le contraire a lieu chez les Eurytemora. La partie initiale du conduit, qui s'ouvre, comme partout, dans la glande par une ouverture («) un peu élargie, descend un peu oblique- ment (4&b) d'avanten arrière vers la face dorsale, puis remonte bienlôt d’arrière en avant (0c) vers cetle même face, à peu près jusqu'au niveau de l’origine du canal, puis se recourbe et va presque directement d'avant en arrière suivant une ligne cd légèrement sinueuse en son milieu. Le canal revient ensuite d’arrière en avant du côté ventral suivantune courbe assez régulière, (de), en passant au-dessus de la portion initiale, à peu près au point où cette portion commence à remonter d'arrière en avant vers la face dorsale. Le canal continue sa marche en avant (e/) de façon à dépasser le niveau de son origine dans la glande, il se recourbe alors du côté ventral pour passer au-dessus de celte origine et de là il décrit une courbe fqh presque régulièrement demi- circulaire qui part ainsi du côté ventral pour aller vers le côté dorsal, remontant de ce côté à peu près jusqu'au niveau de l’origine du canal, en enveloppant presque toute la partie àcde antérieurement décrite. Cette demi-circonfé- rence correspond à la portion extérieure en forme de V du canal des £urytemora, pendant que la boucle #cde allongée dans le sens du grand axe du corps correspond à l’anneau intérieur cde des espèces de ce dernier genre. Le canal va ensuite dans une direction transversale suivant les deux tiers de la longueur du diamètre qui passerait par les extrémités de la demi-circonférence, courant ainsi parallè- lement au bord postérieur du premier segment du corps, en passant sous la portion antérieure de la boucle intérieure bcde, après quoi il remonte suivant une courbe peu accen- tuée (1), en s’enfonçant dans la profondeur, vers la face ven- trale et entre, après s'être légèrement dilaté (7), dans le premier maxillipède. Il se recourbe légèrement à l’intérieur 138 JULES RICHARD. de ce membre pour déboucher à lextérieur exactement comme dans les deux genres précédents. Comme chez les Eurytemora, la plus grande partie du canal est placée très superficiellement, la porlion initiale abc et la portion trans- versale ki) se trouvent seules à une faible profondeur dans les tissus. Il est facile de voir par les dessins, que, proportionnelle- ment, le canal de la glande est plus long chez ÂHeterocope que chez Eurytemora, mais plus court que chez Diaptomus. Glande du test dans le genre Epischura. — Les deux espè- ces qu'il m'a élé donné d'étudier, £. nevadensis Lullj., et E. Nordenskioldi Lilj., présentent la même disposition du canal de la glande du test. Cet organe (PI. V, fig. 4) se trouve dans la même situation que chez les genres précédents et à beaucoup d’analogie avec celui des Æeterocope. La glande proprement dite est seulement un peu plus éloignée du bord latéral du premier segment du corps, de telle sorte que le canal commence en un point situé assez loin de ce bord, dans l’intérieur de la figure formée par la partie la plus externe du canal. De ce point d’origine (a) où il est légère- ment élargi, le canal se dirige d’abord d’arrière en avant en se rapprochant de la surface du corps (ab). Il se recourbe bientôt pour descendre d'avant en arrière (cd) en s’enfon- çant un peu dans la profondeur. En ce point d, il se re- courbe encore d’arrière en avant en se dirigeant vers la face dorsale suivant def, et, après avoir fait un nouveau coude, descend obliquement, suivant / 4h, d'avant en arrière, en formant ainsi une branche descendante interne qui se continue en une branche ascendante interne (1) symétri- que de la précédente et formant avec elle une figure en forme de V dont l’angle est grand et arrondi. Cette bran- che ascendante va obliquement d’arrière en avant du côté de la face ventrale, en croisant un peu avant son milieu l’origine du canal au-dessus de laquelle elle passe. Le canal se continue par une courbe accentuée dont la convexité est dirigée en avant, puis il descend d’avant en arrière sui- RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 139 vant une grande courbe assez régulière qui enveloppe toute la partie du canal précédemment décrite. La partie anté- rieure de cette grande courbe s'enfonce dans la profondeur el correspond à la branche transversale profonde, signalée chez Diaptomus, mais au lieu d’être presque droite, elle est fortement convexe (#/) vers le milieu de sa longueur. Avant d'aboutir dans le premier maxillipède, elle présente deux sinuosilés (/m) rapprochées de la face ventrale. A leur suite le canal forme un coude et entre dans le maxil- lipède. Je n’ai pas pu voir l'orifice extérieur sur l'animal enlier, mais j'ai pu constater, par l’examen des coupes, l'existence dans le maxillipède de la portion extrême du canal. Comme le montrent la description précédente et la figure que je donne de la glande du test chez Æ. nevadensis, la dis- position de cet organe se rapproche beaucoup de celle des Heterocope et, relativement à la taille des animaux, le canal est un peu plus long dans les £pischura. Glande du test dans le genre Poppella. — Ce genre que j'ai établi en 1888 (50) ne compte jusqu'à présent qu’une seule espèce, Poppella Guernei Richard, connue seule- ment à Toulouse dans le canal du Midi. Nous trouvons dans cette espèce une disposition du canal de la glande du test très différente de celle que nous ont présentée tous les genres précédents. Cette disposition (PI. V, fig. 7) est beau- coup plus simpie. Le canal, au sortir de la glande proprement dite (4), présente un coude très court (ab) en se rappro- chant de la surface du test, puis il va en droite ligne d’ar- rière en avant, formant ainsi une petite branche ascen- dante (c). Il se recourbe bientôt du côté ventral pour for- mer une longue branche longitudinale {cd) qui court paral- lèlement au bord latéral du premier segment du corps. Cette proportion descendante, après avoir atteint le double de la longueur de la branche ascendante à laquelle elle est parallèle, se recourbe encore et remonte d’arrière en avant vers la face dorsale suivant une courbe régulière peu accen- 140 JULES RICHARD. tuée (def). De l'extrémité antérieure de cette courbe le canal se continue (/4) transversalement suivant une autre courbe qui passe au-dessus de l’extrémité de la branche initiale ascendante (dc) du canal. Il descend ensuite en s’en- fonçant dans la profondeur (94), jusqu’au niveau de la nais- sance du canal qui se dilate légèrement (2) avant de péné- itrer dans le premier maxillipède dans lequel il se recourbé légèrement avant de s'ouvrir à l'extérieur. L’orifice se trouve au fond d’un sillon, comme chez Diaptomus et les genres précédents, mais ce sillon est un peu plus rappro- ché de la base du maxillipède. La plus grande partie du canal est située immédiatement sous la carapace, la portion terminale seule est située à une profondeur, assez faible du reste, dans les tissus. Glande du test dans le genre Schmackeria. — Ce genre ne compte, comme le précédent, qu'une seule espèce, S. For- besi Poppe et Richard, qui vit dans les eaux douces des environs de Shanghaï. La glande du test présente une dis- position très analogue à celle que je viens de décrire chez Poppella. En sortant de la glande par une partie (PI. V, fig. 5) légèrement évasée le canal forme aussi un petit coude pour se rapprocher de la surface du lest et une branche ascen- danie courte et droite, dc. Mais, au lieu de se recourber du côté ventral, le canal se recourbe alors du côté dorsal et forme une longue branche longitudinale descendante (de) parallèle à la précédente et près de trois fois plus longue. Le canal remonte ensuite du côlé dorsal suivant une courbe régulière (def) peu accentuée, qui devient transversale un peu au-dessus du niveau de l’origine du canal, et se con- tinue obliquement vers le premier maxillipède dans lequel il entre après avoir formé une petite ampoule (7). Je n'ai pas pu voir nettement l’orifice extérieur à cause de l’état assez médiocre dans lequel se trouvaient les exemplaires que j'ai eus, et je ne puis affirmer qu'une chose, c’est que le canal entre dans le premier maxillipède. Il y a tout lieu de croire qu’il existe un orifice extérieur situé au même RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 141 point que chez Poppella. Les deux genres se ressemblent en effet beaucoup par divers caractères et en particulier au point de vue de la disposition de la glande du test. Comme chez Poppella la plus grande partie du canal est située très superficiellement, la partie terminale seule est située plus profondément. Glande du test chez Limnocalanus. — Le canal de la glande du test est peu développé (PI. V, fig. 9). Il est consti- tué principalement par une anse abcd assez grande, dont les deux branches parallèles entre elles sont aussi presque parallèles au bord latéral du premier segment du corps. Elles sont légèrement arquées, en présentant leur conca- vilé du côlé ventral. La première branche, sortant de la glande proprement dite, est très large et son diamètre dimi- nue assez brusquement au point où elle se recourbe (b) pour se continuer du côté dorsal par la deuxième branche bcd. Toute cette anse est superficielle, sa portion recourbée est très rapprochée du bord postérieur du premier seg- ment du corps. À l'extrémité antérieure de la deuxième branche, le canal s'enfonce dans la profondeur, normale- ment à la surface du corps, pendant un trajet {rès court, puis va obliquement et transversalement dans le premier _maxillipède en présentant dans la partie moyenne de sa bran- che transversale profonde une légère dilatation. Le canal se recourbe un peu avant d'entrer dans le maxillipède et il s'ouvre sur la face interne de cet appendice dans un sillon situé en un point très rapproché de la base du membre. Quant au Limnocalanus sinensis Poppe, bien que j'en aie eu à ma disposition un assez grand nombre d'exemplaires, je n'ai pas pu suivre bien nettement le canal. Les deux branches de l’anse paraissent plus écarlées l’une de l’autre et non parallèles. Mais cela tient peut-être à l’élat de macé- ration dans lequel sont les organes internes des spécimens examinés. 149 JULES RICHARD. GLANDE DU TEST CHEZ LES CYCLOPIDES. La famille des Cyclopides n’est représentée jusqu’à pré- sent dans les eaux douces que par le genre Cyclops. Zenker a signalé le premier la présence de la glande du test de chaque côlé du premier segment du corps. Il en donne même une figure (10, pl. VI, fig. 14) très inexacte et très incomplète, mais qui montre bien que cet auteur a reconnu combien le parcours du canal est compliqué chez les Cyclops. Claus a donné (21, pl. [, fig. 6) une très bonne figure repré- sentant la plus grande portion du canal; mais il n’a pu constater avec certitude la présence de la glande propre- ment dite à l’origine du canal, ni celle d’un orifice exté- rieur. Hartog démontra d’une façon péremptoire l'existence de cet orifice chez C. brevicornis Cls (C. viridis), et donna aussi un dessin assez correct du parcours du canal (58, pl. IT, fig. 7). Le canal de la glande du test est assez facile à suivre malgré ses nombreuses circonvolutions, dans les espèces qui sont naturellement transparentes, ou qui le sont deve- nues par suite d’un jeûne prolongé. J'ai pu m'assurer que chez beaucoup de Cyclops, et probablement chez tous, la glande du test présente la même disposition. L’organe occupe à peu près la même situation que chez les Calanides, il est cependant un peu plus éloigné du bord postérieur du premier segment du corps, et la glande proprement dite, moins volumineuse, est située plus profondément, ce qui explique pourquoi Claus qui a observé directement par transparence, sans se servir de la méthode des coupes, n’a pu s'assurer de sa présence. Cependant Hartog qui a em- ployé ce dernier procédé n'a pas reconnu non plus l’exis- tence d’une poche glandulaire. Pour lui, cette poche nexisterait pas, et le canal s’ouvrirait dans la cavité géné- rale par une large ouverlure en forme d’entonnoir. Il n’en est rien, et les coupes montrent nettement que le canal aboutit à une glande fermée qui présente la même structure RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 143 que celle des Calanides; la méthode des sections minces, seule, permet d’arriver à ce résultat et c’est en vain que j'ai essayé de voir directement la glande sur les animaux entiers même après l’action des réaclifs éclaireissants. Quant au canal de la glande, il est extrêmement long, bien qu’il semble occuper peu de place. Il est en effet formé de nombreuses circonvolutions qui se recouvrent les unes les autres, et il est à peu près impossible de décrire son par- _ cours, J'en donne (pl. V, fig. 2) un dessin qui montrera im- médiatement à quel degré de complexité il arrive (1). Malgré cela, il est facile de suivre le canal d’un bout à l’autre, par- ticulièrement chez les Cyclops vernalis qui vivent dans les lacs du Bois de Boulogne et qui sont très transparents. Les Cyclops virids, tenuicornis Cls., strenuus Fischer, Leuckarti Sars, Ayalinus Rebberg, bicuspidatus Claus, serrulatus Fis- cher, daphanus Fischer, m'ont tous présenté la même dis- position du canal de la glande du test. Des deux extrémités du canal, celle qui part de la glande (ab) est la plus rapprochée du bord latéral du pre- mier segment du corps. Cette portion a un diamètre beau- coup plus grand que celui de la partie (no) du canal qui finit dans le premier maxillipède. Cette partie est la conti- nualion immédiate de celle {£/) qui est la plus rapprochée du dos de l'animal. C'est aussi la plus profonde, elle est en effet située au-dessous de toutes les circonvolutions du canal et pénètre dans le maxillipède à l’intérieur duquel le tube chilineux forme une petite ampoule, déjà vue par Hartog (58, pl. LIT, fig. 8), avant de s'ouvrir à l'extérieur. L’orifice est arrondi et marqué par un faible hourrelet chitineux ; il est situé très près de l'articulation à la face interne (58, pl. I, fig. 6). Mais tandis que Claus a fort bien reconnu quelle est celle des deux extrémités qui va dans le maxilli- pède (sans toutefois l’y avoir suivie), Hartog n’a pas bien saisi leurs rapports, quoiqu'il ait étudié l'organe aussi (1) La série des lettres de l'alphabet indique le parcours du canal depuis son origine & jusqu’au point o où il entre dans la patte-mâchoire. 144 JULES RICHARD. bien par transparence que par la méthode des coupes. C'est ainsi qu'il indique dans son texte et dans son dessin (58, page 27, pl. IT, fig. 7) que le commencement a (PL NV, fig. 2) du canal (c'est-à-dire son origine dans la glande) est la portion terminale, tandis que d’après lui l’autre extré- milé qu'il fait arrêter au point 1 dans son dessin (au point o dans le nôtre) s’ouvrirait dans le cæœlome par une ouverture en entonnoir ; or cette portion est, à n’en pas douter, la portion extrême du canal qui aboutit à l’orifice extérieur. L’expli- cation de la figure de Hartog à la page 46 de son mémoire s'accorde avec son texte. Il y a tout lieu de croire que l’au- teur anglais n’a pas très bien su faire accorder les données qui lui étaient fournies d’un côté par les sections minces et de l’autre par l'examen direct. Il a en effet fort bien observé l'extrémité du canal sur les coupes, comme le montre le dessin qu'il donne {58, pl. IIT, fig. 8), tandis qu'il n’a pas vu la portion terminale du canal en l'étudiant par transparence, comme on peut s’en convaincre par l'examen de la figure 7, planche III, de son mémoire (58). Hartog est néanmoins le premier qui ait démontré l'existence d’un orifice exlérieur chez un Copépode d’eau douce. GLANDE DU TEST CHEZ LES HARPACTIDES. Jusqu'en ces dernières années la famille des Harpactides n’était représentée dans les eaux douces que par le genre Canthocamptus. J'ai signalé en 1889 la présence d’une espèce nouvelle du genre PBradya (B. Edwardsi) dans les lacs du Bois de Boulogne et le professeur Lilljeborg m'a écrit qu'une espèce d’Ectinosoma (E. fuscum Lillj.) se trou- vait en Suède aussi bien dans les eaux douces que dans les eaux salées. Il faut peut-êlre aussi regarder comme vivant dans l’eau douce l’A#theyella cryptorum Brady, extrêmement voisin des Canthocamptus et qui a été trouvé au milieu d’al- gues gélatineuses tapissant une voûte humide dans une mine de charbon près de Newcastle. Je ne parle pas de quelques autres genres tels que Mesockra, qui d’après certains auteurs RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 145 semblent vivre dans l’eau douce, mais pour lesquels le fait n'est pas suffisamment établi. Parmi les genres cités plus haut je n'ai eu à ma disposi- tion que des exemplaires des deux premiers. Glande du test dans le genre Canthocamptus. — La glande du test a été signalée pour la première fois dans ce genre par Leydig (14) sans en donner de description ni de dessin. Claus n’a pu la retrouver en 1863 (19, p. 60) et il n'en parle pas dans son travail le plus récent, si ce n’est pour rappeler l’observalion antérieure de Leydig. Fric (32, p. 502) prétend que la glande du test est très évidente chez des individus transparents et qu’elle est plus développée que chez les Cyclops, ce qui est inexect comme nous allons le voir. Fric, ne donne du reste comme les auteurs précé- dents, ni description ni dessin, et quoiqu'il en dise, la glande du test est très difficile à voir, même sur des individus trans- parents; cela tient d'une part à la petitesse des animaux observés et d'autre part aux variations d'éclairage produites par les mouvements de l'animal qui se débat sous la lamelle du porte-objet. [Il m'a été d’ailleurs impossible de rien voir sur les animaux conservés dans l'alcool malgré l’action des réactifs éclaircissants. Je suis arrivé cependant à suivre le canal depuis sa naïis- sance jusque dans le voisinage de la première patte-mâchoire sur des exemplaires vivants de Canthocamptus staphylinus Jurine. L'organe occupe la même situation que chez les autres Copépodes. En sortant de la glande (je n'ai pu m'assurer que par la méthode des coupes de la présence de celle-ci) le canal (PI. V, fig. 10) va droit d'avant en arrière (ab) parallè- lement au bord latéral du premier segment du corps, puis après un assez long trajet, il se recourbe vers la partie an- térieure du corps du côté dorsal et se continue par une por- lion de canal écd un peu oblique vers le côté dorsal, en présentant une sinuosité assez marquée dans sa portion moyenne qui forme avec la branche droite une anse externe très développée. Arrivé au-dessus du niveau de l’origine du ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, AO. — ART. N° 8. 14406 JULES RICHARD. canal, au point d, on voit celui-ci se recourber du côté ventral el former entre la branche descendante ab et la branche ascendante bcd une anse très longue qui atteint presque le point de réunion des deux branches de l’anse externe. La branche ascendante de l’anse externe est parallèle à la branche descendante (de) de l’anse interne, tandis que la branche ascendante (ef) de cette dernière est obliquement dirigée vers la naissance de la branche descendante de la même anse. De là le canal se dirige (/9) presque en droite ligne vers l'articulation du premier maxillipède. La plus grande partie du canal est située très près de la carapace, et ce n’est qu’à partir du commencement de la branche ascen- dante de l’anse interne que le canal s'enfonce peu à peu dans la profondeur. Je n’ai pas réussi à voir aussi bien le parcours du canal chez le C. minutus Cls, mais ce que j'ai observé des parties les plus superficielles me porte à penser qu'il n’y a pas de différence importante avec ce qui vient d’être décrit pour le C. staphylinus chez lequel je n’ai pu voir d'orifice extérieur. Les coupes m'ont seulement montré que le canal pénètre dans la première palte-mâchoire. Quant à la glande propre- ment dite, elle est située comme celle des Cyclops et ne pré- sente rien de particulier; sa petilesse ne permet pas de bien voir les détails de structure. Nous voyons donc le canal de la glande du test présenter chez les Canthocamptus un développement assez considé- rable, mais qui cependant est loin d'atteindre celui qu’on observe chez les Cyclops, comme le prétend Fric. Glande du test dans le genre Bradya. —Le Bradya Edwardsi Richard est la seule espèce qui habite dans l’eau douce, c'est aussi la seule que j'ai pu étudier. Elle présente beau- coup plus de difficultés que les Canthocamptus parce qu'elle est encore plus petite, que sa carapace est très épaisse et fortement colorée en jaune tirant sur le brun. Néanmoins l'examen direct sur le vivant et la méthode des coupes m'ont permis de constater la présence de la glande proprement RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 147 dite et de suivre le canal qui en part jusque vers la première patte-mâchoire. Le canal, en sortant de la glande (PI. V, fig.15), se dirige d'arrière en avant suivant une direction ab presque parallèle à la face ventrale et située plus profondé- ment que la plus grande partie du canal. Après un trajet assez court le canal se recourbe du côté de la surface du corps en se rapprochant de celte dernière, puis se continue en formant une anse très allongée dont les deux branches (bc, cd) sont parallèles au grand axe du corps. Cette anse est située immédiatement au-dessous de la carapace el la portion recourbée (c) qui réunit les deux branches de l’anse est très rapprochée du bord postérieur du premier segment du corps. A l'extrémité antérieure de la branche ascendante (dorsale, cd) de l’anse, le canal s'enfonce d’abord presque normalement (d) dans la profondeur des tissus, puis va obliquement vers la première patte-mâchoire suivant de. Comme chez les Canthocamplus, je n'ai pas réussi à voir l’orifice extérieur. Les coupes, d'autre part, sont le plus souvent déchirées à cause de l’épaisseur de la carapace de telle sorte que je n’ai pas pu m assurer que le canal entre dans la première patle- mâchoire. Nous trouvons donc chez le Pradya Edwardsi un canal très notablement moins développé que chez les Cantho- camptus. GLANDE ANTENNALE. Je serai extrêmement bref en ce qui concerne cet organe, qui a été très bien étudié par Grobben dans les différents types de Crustacés (24) et dont je ne puis que confirmer les résultats. D'autre part je n'ai eu à ma disposition que des nauplius de Cyclops, de Diapiomus et de Eurytemora; la disposition de la glande est à très peu près identique partout. Je la rappellerai seulement en quelques mots. La glande antennale est formée de deux parties : la première (glande proprement dite) est réduite à un groupe de quatre ou cinq cellules assez volumineuses, situé à la base des appendices 148 _ SJULES RICHARD. de la deuxième paire. La deuxième partie est un canal en forme d’anse étroite allongée qui s'ouvre à son extrémité près de la glande proprement dite, à la base des antennes postérieures. Ce canal, très long chez les nauplius des Cyclops, l’est notablement moins dans les deux autres genres. Je renverrai pour plus de détails à l'historique que j'ai donné précédemment et surtout au mémoire de Grobben (24, PI. I, fig. 2), ainsi qu'aux travaux de Claus (19, PL I, fig. 3; pl. IE, fig. 9), et de Harlog (58, PL IT, fig. 9). Ces indications suffiront pour l'intelligence des pages suivantes. REMARQUES GÉNÉRALES. Nous trouvons donc chez tous les Copépodes d’eau douce l'organe désigné sous le nom de glande du test. Partout ilest situé sous la carapace dans la partie latérale et postérieure du premier segment du corps; partout aussi 1l est formé de deux parties bien distinctes : l’une est la glande propre- ment dite, l’autre le canal efférent de cette glande, canal qui s'ouvre (chez toutes les espèces dans lesquelles on a pu voir l’orifice extérieur) à la face interne et supérieure de la base du premier maxillipède, après avoir décrit des circon- volutions plus ou moins nombreuses. Nous avons vu en étu- diant les différents types que la disposition du canal de la glande du Lest varie d’un genre à l’autre d’une manière assez accentuée, landis qu’elle est la même dans toutes les espè- ces d’un même genre. De {elle sorte que l'examen du par- cours du canal chez un Copépode d’eau douce suffit à lui seul pour permettre de décider à quel genreil appartient. Ce caractère, qui n'aurait que peu de valeur chez les Copé- podes marins dont les genres sont extrêmement nombreux, est au contraire très important chez les Copépodes d’eau douce qui ne comptent Jusqu'à présent que quatorze genres. Si, en effet, nous comparons la disposition du canal de la glande du test dans les différents genres des Copépodes non marins, en particulier chez les Calanides, nous remarquons immédiatement une grande ressemblance entre ÂÆeterocope RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 149 et Epischura d'une part, Poppella et Schmackeria d'autre part. Ces rapprochements concordent parfaitement avec. ceux que l’on peut faire en se basant sur d’autres considé- rations. Les caractères lirés de la morphologie externe des appendices et qui sont employés dans la classification des Copépodes nous montrent en effel que Heterocope et Epis- chura sont des genres très voisins, ainsi que Poppella et Schmackeria. | Je n'ai toutefois pas l'intention d'introduire dans la classi- fication les caractères tirés de la disposition du canal de la glande du test; comme nous venons de le voir, cela ne changerait rien à la classification actuelle. Une raison très importante limiterait d'une façon considérable l'emploi de. ces caractères. On a, en effet, le plus souvent à déterminer des spécimens plus ou moins bien conservés dans l'alcool ou dans divers liquides et chez lesquels l'observation du canal de la glande présente ordinairement de grandes difficultés, tandis que les caractères tirés des appendices sont toujours faciles à observer, même sur des spécimens en assez mauvais état de conservation. | Il était cependant intéressant de montrer que les ‘carac- tères fournis par un organe interne concordent avec ceux que donne la morphologie externe des appendices et de re- connaître ainsi la justesse des rapprochements faits jusqu'ici entre les différents genres de Calanides d’eau douce. Les genres Bæckella, Broteas et Osphranticum doivent être laissés en dehors des considérations qui précèdent puisque nous ne savons rien au sujet de la glande du test de ces animaux. Si la concordance entre les deux ordres de caractères indi- qués est générale, comme il le semble, cet organe devra se. montrer chez Broteas très peu différent de ce qu'il est chez Diaptomus et présenter chez l’Osphranticum une disposition irès voisine de celle que nous avons vue chez Limnocalanus. À l’appui des considérations précèdentes, nous pouvons encore citer le cas des Cyclops. Ce genre qui est extrême- ment éloigné de tous les autres, nous présente en effet une 150 JULES RICHARD. disposition de la glande du test très différente de celle que nous avons étudiée dans les autres genres. La glande du test des Copépodes donne encore matière à d’autres considérations fort intéressantes sur lesquelles Grobben (24, p. 15) a le premier appelé l'attention. I] fait justement remarquer que le canal de la glande antennale est beaucoup moins développé chez les Copépodes marins que chez ceux qui vivent dans les eaux douces, et qu’il en est de. même pour le canal de la glande du test. Grobben s’est con- tenté, pour démontrer ce fait, de comparer le long canal des Cyclops et des Diaptomus avec le canal très court et souvent rudimentaire de divers Calanides marins. Je ne puis que confirmer la justesse de cette remarque, et montrer qu'elle est exacte pour les autres genres de Copépodes non marins. Mais on peut aller plus loin et montrer que, d’une façon géné- rale, le canal de la glande est d'autant plus long et compliqué qu'on l’observe dans des genres plus confinés dans les eaux douces. Comme nous l’avons vu en effet, ce sont les Cyclops qui présentent le plus grand développement du canal. Les genres Epischura, Heterocope, Diaptomus, inconnus dans la mer ont aussi un canal très long, tandis que les Eurytemora qui habitent des eaux douces ou saumâtres ont un canal moins long que les espèces des genres précédents. Enfin les Poppella, Schmackeria et Limnocalanus, dont le canal est relativement très court, présentent un facies marin très prononcé, bien que les deux premiers ne soient connus jusqu'ici que dans les eaux douces. Mais il est très probable quele Poppella vitaussi dans les eaux plus ou moins salées de l'embouchure de la Gironde. Le Schmackeria a déjà été ren- .contré à l’embouchure du Whangpoo. Quant au Limnoca- lanus, il vit aussi bien dans les lacs d’eau douce de la Suède et de la Norvège (où 1l est caractéristique de la faune relé- guée) que dans la mer Baltique. De même, les Canthocamptus, formes d’eau douce, nous montrent un canal beaucoup plus développé que celui des Bradya dont toutes les formes, sauf une (PB. Edwards), RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 151 habitent les eaux saumâtres ou franchement marines. Fonction de la glande du test. — Tous les auteurs qui s’en sont occupés admettent qu’elle est destinée à éliminer des produits urinaires et qu'elle joue le rôle de rein. Les granulations et les amas irréguliers plus ou moins volumi- neux que j'ai signalés dans les cellules de la glande res- semblent beaucoup (voir p. 132) aux concrétions urinaires qu’on rencontre chez divers animaux, et il est fort probable que ce sont là des substances qui doivent être éliminées par la glande du test. Néanmoins, comme les auleurs antérieurs, je n'ai jamais vu de concrétions semblables dans le canal lui-même, ce qui fait penser qu’elles sont évacuées à l’état de dissolution. Le canal et la glande sont toujours rem- plis, chez les Diaptomus, d'un liquide hyalin incolore, très rarement jaune et dans lequel on n'observe aucun élé- ment figuré. Il en est de même pour les autres Copépodes. Je n'ai vu qu'une seule fois, chez un Cyclops wridis (PL V, fig. 11), le canal de la glande entièrement rempli d’une sub- stance d'aspect crémeux (A) dans laquelle étaient plongés d'une façon irrégulière de faibles amas (4,0,c,) de petits cor- puscules incolores, réfringents, plus ou moins arrondis, dont je n'ai pas pu reconnaître la nature chimique. Mais ce cas est exceptionnel, et, d’une façon générale, l'organe entier est rempli uniquement de liquide incolore. J’ai cherché à démontrer la nature urinaire du liquide à l’aide des réactifs appropriés. Ces tentatives n’ont abouti à aucun résultat précis. Il est impossible d'isoler la glande et à plus forte raison d’en extraire le liquide à l’état de pureté, de telle sorte que les réactions produites par les tissus enlevés avec la glande masquent toujours celles qui pourraient se. produire sur les substances excrétées étudiées à un état relativement pur. Il est du reste très possible que ces sub- stances (dans un état de solution très étendue) diffèrent de celles que nous connaissons et qu’elles appartiennent au groupe dans lequel se trouve la guanine ou à des produits analogues dont nous ne savons à peu près rien. Qu'on se 152 JULES RICHARD. représente encore les difficultés qu’a rencontrées M. Marchal dans l’étude de la sécrétion de la glande verte des Déca- podes, bien qu'il ait pu recueillir de grandes quantités du liquide de cet organe, et l’on se rendra facilement compte des obstacles beaucoup plus considérables qui se présentent dans l’étude des produits de la glande du test des Copépodes. Malgré notre ignorance relative à la nature chimique du contenu de la glande, la présence de concrétions particu- lières nous autorise à conclure que c’est bien un organe urinaire. Nous avons du reste encore de fortes raisons d'ordre anatomique et d'ordre homologique pour le croire. En effet, ce simple fait que nous avons un sac à parois cel- lulaires très minces plongé dans le liquide sanguin et débou- chant à l'exiérieur par un canal plus ou moins long, suffit pour faire admettre qu’un tel organe est destiné à éliminer des produits de désassimilation; aucune autre fonclion ne s'accorde avec la situation et la structure intime de la glande du test. Celle-ci correspond, comme on le verra plus loin, à la glande du même nom qu’on trouve chez les Phyllopodes et les Cladocères et qui joue le rôle de rein, comme l'ont établi les travaux de divers auteurs, en particulier ceux de Claus et de Grobben (24) (1). Ces arguments ont, à mon avis, une valeur indiscutable et montrent que la glande du test est bien un organe urinaire. Il est bien certain que la glande proprement dite est la partie la plus importante de l’organe que nous étudions. Weissmann, Claus et Grobben pensent qu’elle joue le rôle des glomérules de Malpighi du rein des Vertébrés, le ré- seau capillaire serait remplacé par le sinus sanguin qui entoure la glande du test. Quant au mécanisme même de la sécrétion, si peu connu chez les Vertébrés qui ont été à ce point de vue l’objet de nombreuses recherches, nous ne savons rien de positif sur la façon dont les choses se passent chez les Crustacés inférieurs et il serait hardi d'émettre (1) On trouvera dans l’intéressant mémoire de Grobben la bibliographie de cette question. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 193 sur ce mécanisme des idées bien arrêtées. Toutefois lhypo- thèse la plus simple et la plus vraisemblable me paraît con- sister à admettre qu'il n’y à pas là une simple filtration à travers les parois de la glande, mais que ces parois si minces jouent le rôle de la membrane du dialyseur, laissant tra- verser les substances à excréter dans les cellules de la glande où l'activité spéciale de ces cellules leur fait peut- être subir certaines modifications avant de les laisser éva- cuer par le canal. Le canal de la glande du test joue-t-il un rôle spécial en dehors de sa fonction de conduit déversant à l’extérieur le liquide de l’organe? Voilà une question à laquelle il est difficile de répondre d’une façon positive. Chez beaucoup de Crustacés, le canal de la glande antennale et celui de la glande du test (chez le Leptodora hyalina) est entouré d’un protoplasma divisé en fibrilles parallèles perpendiculaires au canal (Grobben). Nous retrouvons cette structure dans les tubes contournés qui font suite aux glomérules de Malpighi des Vertébrés. D’après la théorie de Bowmann et d’autres, théorie dont la justesse n’est pas démontrée, les parties qui présentent celte structure striée sécréteraient l’urée et l'acide urique, tandis que le glomérule serait sur- tout chargé d'éliminer l’eau plus ou moins chargée de prin- cipes salins. Grobben semble disposé à admettre celte théorie pour les Crustacés. Toujours est-il qu’elle ne s’applique pas au canal de la glande antennale des Cyclops et au canal de la glande du test des Copépodes qui ne présentent jamais la striation transversale dont on vient de parler, comme Grobben l’a constaté lui-même. Peut-être les choses se passent-elles différemment suivant que le canal est ou n'est pas entouré de fibrilles transversales. Mais comme celles-ci ne se rencontrent chez aucun des Copépodes d’eau douce, jJ'incline fortement à croire que, au moins chez ces derniers Crustacés, le canal de la glande n’a guère d'autre fonction que celle de conduire à l'extérieur le liquide de la glande. Et le fait que les parois de ce canal présentent une épaisseur 154 JULES RICHARD. considérable chez le Popella Guerner (PI. V, fig. 13) paraît confirmer cetle opinion, car il semble difficile d'admettre qu’un canal aussi fortement chitinisé dans toute sa longueur puisse servir à autre chose qu'à conduire au dehors le li- quide urinaire. Cependant, il ne faudrait peut-être pas être trop affirmatif en présence des différences considérables que présente dans sa longueur le canal de la glande du test chez les différents genres de Copépodes. Pourquoi les Cyclops ont-ils un canal aussi développé que nous l'avons vu tandis qu’il est très réduit chez le Popella par exemple? La nature du milieu dans lequel vivent les animaux exerce sans doute une action assez forte mais dont nous ignorons com- plètement le mécanisme. Il y a, parmi les Copépodes d’eau douce, des espèces qui vivent accidentellement dans les eaux salées. Contrairement à toutes les autres espèces du genre, qui sont exclusives à l’eau douce, le Diaptomus salinus ne se rencontre même que dans les eaux plus ou moins chargées de sels de l'Algérie, de la Hongrie et de la Russie. Il était intéressant de recher- cher si l'influence de ce milieu spécial ne s’exerçait pas sur la glande du test et si la salure de l’eau n’entraînait pas une diminution dans la longueur du canal de cette glande, comme on pouvait le supposer à priori d’après ce que nous savons de la longueur de ce canal chez les Copépodes d’eau douce. M. le D° Raphaël Blanchard a bien voulu me com- muniquer les milliers de spécimens de Diaptomus salinus qu'il a recueillis dans les eaux saturées (65, p. 80) de sels de la sebkha d'Oran. Contre mon attente, l'examen m'a montré que la glande du test, chez cette espèce, est en tout semblable à celle des espèces du même genre qui vivent dans l’eau douce. Il semble donc que les substances salines dissoutes dans l’eau n’exercent pas d'influence sur la glande du test. Peut-être cela tient-il à ce que les Diaptomus salinus exa- minés ne vivent pas depuis un temps suffisamment long dans le milieu où ils ont été pris. À quels organes des autres Crustacés correspondent res- RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 155 peetivement la glande antennale et la glande du test des Copépodes? Nous avons vu dans l'historique placé en tête de ce chapitre que Zenker et Leydig homologuent la glande du test des Copépodes à cette même glande des Phyllopodes et des Cladocères et à la glande verte des Décapodes, opi- nion que Claus n’accepta pas. Après avoir tout d’abord confondu les deux glandes, cet auteur reconnut dans la suite qu’apparltenant à des segments distincts du corps elles sont morphologiquement différentes. Pour moi comme pour Claus et Grobben, les relations que présentent les orifices avec les appendices montrent nettement que la glande anten- nale des Copépodes correspond à la glande du même nom des Phyllopodes et des Leptosiracés ainsi qu'à la glande verte des Décapodes, tandis que la glande du test est l’homo- logue de celle des Phyllopodes, des Cladocères, de l’Argulus et des Leptostracés; ces deux glandes occupent en effet respectivement la même situation dans tous les Crustacés où l’on a constalé la présence de leurs orifices extérieurs, situés dans le premier cas à la base des antennes de la deuxième paire, et dans le deuxième cas à la base des pattes mächoires de la première paire ou des appendices qui leur correspondent. Hartog (58, p. 28) a émis récemment l'hypothèse qu'on a affaire à l’origine à une seule et même glande dont l’ouver- ture extérieure, qui se fait chez le Nauplius à la base des antennes de la deuxième paire, serait transportée plus bas (glande du test) dans la suite du développement. En un mot les rapports de l’orifice de cette glande unique avec les appen- dices différeraient suivant qu’on considère les Copépodes adultes ou à l’état de Nauplius. Cette hypothèse doit à priori être rejetée comme étant en contradiction avec les lois générales de la morphologie. Mais outre cet argument, nous avons un fait décisif et d’une importance capitale à opposer à la manière de voir de Hartog. Ficker (1) a en effet constaté (1) Zur kenniniss der Entwicklung von Estheria ticinensis Bals. Criv. Sitzb. der k. k. Akad. der Wissensch. Wien., LXXIV, 1876, p. 407, pl. IL, fig. 7. 156 JULES RICHARD. sur lemême individujeune d’un Æstheria ticinensis la présence simultanée de la glande du test et de la glande antennale. Constatons, pour terminer, un fait qui paraît anormal. Nous voyons, chez les Crustacés appartenant aux groupes les plus anciens (Phyllopodes, Copépodes), la glande an- tennale apparaître la première et ne subsister que dans les premiers stades du développement, pour disparaître com-. plètement chez l'adulte où elle est remplacée par la glande du test qui acquiert son développement maximum. La glande antennale, au contraire, se développe de plus en plus chez les Crustacés supérieurs pour atteindre sa plus grande com- plication chez les Décapodes, pendant que la glande du test disparaît complètement. GLANDES UNICELLULAIRES. Outre la glande du test, on trouve encore chez divers Co- pépodes d’eau douce une série de glandes, distribuées en des points très variés du corps (céphalothorax, — abdomen, — pattes, — lèvre supérieure) et qui présentent ce caractère commun principal d'être unicellulaires. Nous les diviserons en deux séries : la première comprendra seulementun groupe de glandes toujours logées dans la lèvre supérieure et dont le produit s'écoule au dehors par un orifice unique situé à la face inférieure de cette lèvre près de l’entrée de la bouche. Ce sont les glandes salivaires; nous leur conserverons ce nom bien que nous ignorions complètement si elles jouent un rôle quelconque dans la digestion des aliments. Comme elles présentent une structure à peu près partout semblable, nous les étudierons simultanément dans les divers types. Dans la deuxième série, nous rangerons toutes les autres glandes unicellulaires qui excrètent toutes des produits de désassimilation spéciaux, probablement les mêmes dans toutes les parties du corps. Leur position et leur nombre élant assez variables, il sera préférable de les étudier dans chaque type séparément (1). (1) Je dois faire remarquer qu’à peu près tout ce qui concerne les glandes RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 157 1° GLANDES SALIVAIRES. La seule description que nous ayons des glandes salivaires chez les Copépodes d'eau douce est la suivante, que nous devons à Hartog (54, p. 25) : « Sur le vivant, elles forment une grande masse, paire, botryoïdale, située sur les côtés externes du labre et de l’épistome. Les cellules ne se voient pas bien sur les spécimens conservés, mais, à leur place, on trouve une paire de sacs membraneux nucléés, dans la même situation, inclinés en arrière et aboutissant sur la ligne mé- diane à la face orale du labre. » Le dessin que donne Hartog (pl. IE, fig. 6) ne nous apprend rien de plus. Chez tous les Copépodes que j'ai observés, j'ai en effet reconnu que les glandes salivaires forment une grosse masse de chaque côté de la lèvre supérieure et que leurs extrémités débouchent par un orifice unique à la face inférieure de cette lèvre. Mais ce que l’auteur anglais dit des glandes elles- mêmes est loin d'être exact. Prenons le type qu'il a étudié, le Cyclops breuicornis (C. viridis) (1). Il faut éviter de s'adresser à des exemplaires dont les ovaires de couleur sombre sont un obstacle pour cet examen. On peut choisir des individus mâles, ou mieux des femelles qui sont de plus grande taille, mais en choisissant les plus tranparentes et autant que possible celles qui sont dépourvues de tout corps étranger. (On voit en effet très sou- vent des exemplaires complètement recouverts d’infusoires ou d'algues parasites.) Il est alors assez facile de voir les glandes sur un Cyclops convenablement choisi et couché sur le dos. On remarque d’abord (PI. VE, fig. 23) les denticula- tions obtuses (aa) qui terminent la lèvre supérieure du côté de la bouche, puis un peu plus haut deux lignes courbes (06) unicellulaires a été observé sur les animaux vivants. C’est cette méthode qui donne les meilleurs résultats, et les coupes sont ici d’un assez faible secours. Peut-être est-ce dû à ce que je n’ai pas pu trouver des procédés satisfaisants pour fixer ces glandes. Mais dans la plupart des cas, l'observa- tion directe donne des indications parfaitement précises et suffisantes. (1) Les Cyclops strenuus et bicuspidatus montrent la même disposition. 158 JULES RICHARD. dont la concavité regarde en arrière et qui sont garnies de cils assez courts et raides. Ces deux lignes sont situées sur deux saillies arrondies entre lesquelles se voit un sillon (s) tout d'abord assez profond. Tandis que le labre est élargi du côté de la bouche, son extrémité opposée devient de plus en plus étroite tout en conservant une épaisseur assez considé- rable, formant ainsi une sorte de talus à dos arrondi. Au- dessous de la rangée de dents du labre, on voit assez souvent (quand les muscles rétracteurs ne sont pas en activité) un petit orifice arrondi (0) très petit, mesurant environ 0"*,006 de diamètre, c’est l’orifice médian impair des glanc *s sali- vaires. Ces dernières occupent tout l’intérieur de lu lèvre supérieure, sauf la partie médiane située au-dessous du sillon dont il a été déjà parlé. Celte portion est réservée au perf impair du labre et aux muscles rétracteurs (mm) de cet organe. Les glandes sont disposées symétriquement de chaque côté de la ligne qui passe par l’orifice et l'extrémité antérieure du labre. Nous pouvons en considérer trois groupes du même côlé de cette ligne. Le premier comprend deux glandes assez renflées (9° 9°), situées dans la saillie surmontée de la ligne courbe ciliée. Elles ont leur extrémité fermée dirigée en haut pendant que l’autre pénètre dans la profondeur pour aller vers l’orifice. Ce sont les plus petites, elles mesurent de 0**05 à 0**°08 de longueur sur 0*",02 de diamètre maximum. Le deuxième groupe se compose de quatre glandes plus allongées, dont l'extrémité fermée est située profondément tandis que l’autre se dirige au contraire un peu vers le haut pour arriver vers l'orifice. Elles sont de plus fortement obli- ques, par rapport à l'axe. Ce sont de longs culs-de-sac, dont le diamètre diminue peu à peu vers l’orifice. Elles mesurent environ 0**10 de longueur (9° q°). Enfin le troisième groupe ne comprend que deux glandes atteignant jusqu’à 0**15 de longueur, et dont le diamètre maximum m'a paru ne pas dépasser 0**,025. Elles sont (9° 9°) parallèles à l'axe, situées profondément contre la face ven- RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 159 trale du cerveau et dépassent quelquefois l'extrémité anté- rieure du labre. Voilà ce que nous trouvons de chaque côté, soit en tout une douzaine de glandes, dont quelques-unes sont très grandes. Les six glandes de chaque côté débouchent pres- que au même point, très près de la ligne médiane, dans une sorte de petite ampoule (ap) dont les parois semblent légère- ment chitinisées et de laquelle part le petit canal (ca) qui aboutit à l’orifice. Toutes les glandes présentent le même aspect. Leur con- tenu el constitué généralement par une multitude de petites vésiculès plus ou moins sphériques, qui remplissent l’inté- rieur de la glande. Ces vésicules assez réfringentes mesurent de 0*®,002 à 0**,005 de diamètre, et sont semblables à celles qu'on observe dans les glandes des paltes natatoires. Chez certains individus ces vésicules sont rares et presque toute la glande est occupée par un liquide incolore peu réfringent, ce qui la rend beaucoup moins facile à observer. La situation de ces glandes ne m'a pas permis de voir leur noyau sur l'animal vivant. Je n’ai pas pu arriver jusqu’à pré- sent à les fixer d'une façon assez satisfaisante pour affirmer d’une façon catégorique qu’elles sont unicellulaires. Maïs le fait est plus que probable, car les coupes ne montrent qu’une membrane extrêmement délicate dans laquelle je n’ai re- connu aucune structure. On voit bien çà et là quelques noyaux, mais ils me paraissent appartenir au tissu con- jonctif environnant. Au reste, tous les caractères de ces glandes sont ceux qu'on observe dans les glandes incontes- tablement unicellulaires des pattes; elles n’en diffèrent que par leurs dimensions beaucoup plus considérables. On peut remarquer, en oulre, que les vésicules réfringentes qu’elles contiennent se comportent de la même façon, vis-à-vis des réactifs (voir plus loin ce qui est relatif aux glandes des pattes des Cyclops) et qu'elles résistent à toutes les manipulations nécessaires pour l'inclusion dans la paraffine, sans se laisser colorer par les divers carmins. Or, les vésicules des glandes, 160 JULES RICHARD. des pattes natatoires et des segments du corps présentent les mêmes phénomènes. Pouvons-nous inférer de si grandes ressemblances que les glandes salivaires ont la même fonc- lion que les autres? Je ne puis rien affirmer à cet égard et je me borne à faire remarquer que, étant donné leur grand développement, ces glandes doivent jouer un rôle important. Chez les eterocope el chez les Diaptomus nons retrouvons la même disposilion générale ainsi que chez le Cantho- camptus staphylinus, c’est-à-dire deux groupes latéraux de glandes dans la lèvre supérieure, aboutissant à un petit orifice médian. | Les coupes nous montrent dans les deux premiers genres, de chaque côté du labre, quatre glandes allongées moins obliques que celle du deuxième groupe chez les Cyclops. J'ai examiné beaucoup de Jiaptomus vivants, mais la coloration intense de la lèvre supérieure et la grande abondance des muscles et du tissu conjonctif ne m'ont pas permis de vérifier d’une façon exacte, par l'observation directe, les résultats donnés par les coupes. Chez l'Eurytemora lacinulata, outre les glandes latérales dont je n’ai pu savoir exactement le nombre {il y en a au moins trois de chaque côté), on trouve encore près de l'extrémité libre du labre, et entre les deux lobes latéraux de ce dernier, deux glandes accolées sur la ligne médiane. À cause de la couleur foncée de la carapace et de la petite taille du Bradya Edivardsi et surtout des nombreuses épines qui recouvrent complètement le labre, je n'ai pas pu voir _les glandes salivaires dans cette espèce sur le vivant. Les coupes d’autre part ne démontrent que l'existence de ces organes sans permettre d'entrer dans plus de détails. Enfin je n'ai pu, à mon grand regret, tirer aucun parti des autres types plus ou moins bien conservés dans l'alcool. En résumé, dans tous les genres étudiés nous trouvons le même plan; et c’est dans les Cyclops qu’on rencontre le plus grand développement des glandes salivaires. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 161 2° GLANDES DES SEGMENTS DU CORPS ET DES APPENDICES. Cyclops. — Chez les Cyclops, les glandes unicellulaires ont été signalées pour la première fois par Fric (31,p. 501). « Elles se trouvent, dit-il, dans la furca et dans quelques parlies du céphalothorax, puis dans les pattes. » Rehberg (53. p. 6), de son côté, constate que ces glandes se trouvent aussi sur les parties latérales au bord postérieur de chaque segment (sans compter les segments abdominaux). Il est en outre le premier à remarquer que les glandes sont en relation avec des nerfs, et donne de ces glandes, chez le C. strenuus, un dessin exact dans la plupart des détails, sauf pour ce qui concerne les orifices. Hartog (54, p. 20) donne sur les glandes unicellulaires de C. viridis les indications suivantes : « Leur présence est constante en certains points. Ce sont des cellules ovales, très vacuolaires, avec un noyau sphé- roïdal situé près de l’extrémité proximale, toujours obliques par rapport à la surface, et s’ouvrant à l'extrémité distale dans la cuticule par un petit pore en forme de fente. Chaque glande reçoit à sa base un filet nerveux qui passe immé- distement avant par une cellule ganglionnaire bipolaire. Dans plusieurs cas j'ai observé dans une large vacuole dépen- dant d’un pore, ou du moins voisine de lui, des concrétions irrégulières. J’ai trouvé ces concrétions d’une façon constante à la base du cinquième segment thoracique dans une série de mâles de cette espèce et je les regarde comme des organes auditifs. « La distribution des plus évidentes de ces glandes est la suivante : Tronc : cinquième segment thoracique, une à la base de chaque appendice, innervée par le ganglion du qua- trième segment; sixième segment thoracique, une paire ventro-latérale, du côté interne de l’orifice génital (innervée par l'élargissement de la chaîne venirale près de sa bifur- cation), Les quatre premiers segments de l'abdomen ont chacun une paire ventrale et (sauf le quatrième) une paire latérale. ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, 11. — ART, N° 8. 162 JULES RICHARD. «Furca: une paire au côté externe, s’ouvrant environ au tiers de la longueur et au moins deux paires vers l’extrémilé, du côté ventral. «Pattes natatoires : une glande à la base de chaque épine de l’exopodite, s’ouvrant à l'extrémité distale, un peu avant l'épine, et une à la base de chaque dent ou soie correspon- dante de l’endopodite. Un point incertain est de savoir si ces organes doivent êlre regardés comme nerveux ou excré- teurs. » | Hartog ne donne qu’une figure relative aux glandes des pattes natatoires. Sur ce dessin (58, pl. I, fig. 9), vérilable- ment trop incomplet et bien inférieur au texte qui lui corres- pond, les glandes sont à peine indiquées, aucun orifice n’est marqué et il en est de même des nerfs dont il est parlé dans le travail. | Je puis confirmer la plupart des faits avancés par les auteurs précédents. Cependant il est un certain nombre de points sur lesquels je ne suis pas d'accord avec eux. C'est ainsi que chez aucun Cyclops je n'ai vu de glandes s'ouvrir sur la tranche des articles des pattes, comme le dit Rehberg. Partout les orifices (même-chez le C. sérenuus) se trouvent sur la large surface des articles et toujours du côté externe (en supposant les pattes étendues le long de l'abdomen). Malgré mes recherches, 1l m'a été impossible de voir une glande se terminer par un canal relativement long et il semble que Rehberg n’a pu voir les véritables orifices, dont aucun n'est marqué sur ses dessins. Chez le C.viridis les quatre premiers segments thoraciques portent de nombreuses glandes unicellulaires à peine entre- vues par Fric et Rehberg, dont Hartog ne dit rien, et qui présentent cependant quelques particularités intéressantes. Elles sont toutes contenues dans la duplicature latérale des téguments, c’est-à-dire dans l’angle formé par la réunion des faces latérales interne et externe (PI. VI, fig. 17) des segments. On n’en trouve point dans les autres parties. Tandis que les glandes des pattes et de l'abdomen sont le RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 163 plus souvent ovoïdes, quelquefois très allongées, celles-ci sont globuleuses ; leurs orifices (0) situés presque toujours à la face interne sont ordinairement arrondis ou un peu ovales, limités par un bord chitineux légèrement épaissi et donnant directement accès dans la glande, sans l'intermédiaire d’au- cune espèce de canal. Leur contenu est clair, généralement peu réfringent; souvent (PI. VI, fig. 14) on y trouve, entourée d’un liquide homogène, incolore, une grosse masse médiane formée à sa périphérie d’une foule de très petites vésicules (v\ plus réfringentes que le reste, disposées sur une assez grande épaisseur, tandis que le centre est moins dense. Ces glandes sont souvent par groupes de deux ou trois. Chez le C. sérenuus, par exemple (PI. VI, fig. 17), nous en trouvons un formé de trois glandes très rapprochées, à la hauteur des maxilles (9), une glande isolée à peu près au niveau des premiers maxillipèdes (9°), un groupe de deux (9°) près des pattes-mâchoires de la deuxième paire et un autre encore plus en arrière (4°). On trouve aussi, dans une situation identique, des glandes semblables, au nombre de deux ou trois dans les trois seg- ments thoraciques qui suivent le premier. La position de ces glandes est telle que je n’ai pas réussi à en voir le noyau ni aucun des filets nerveux qui y aboulis- sent très probablement. On trouve bien facilement à la base du cinquième segment thoracique, outre la glande qui débouche à la base de la cinquième patte, une autre glande qui s’ouvre vers l’extré- mité latérale de ce segment ; mais je n'ai jamais vu sur les individus môles la vacuole à concrétions irrégulières dont parle Hartog et je doute beaucoup qu'il y ait là un organe auditif. Il est regrettable que cet auteur ne se soil pas assuré de la nature calcaire de ces concrétions sur lesquelles nous n'avons aucun détail. Les glandes sont généralement au nombre de deux paires (PI. VI, fig. 21), dans chaque segment de l’abdomen, une paire ventrale (4, at, &), plus ou moins rapprochée de la ligne 164 JULES RICHARD. médiane et une paire latérale (4°). Toutefois il y en a sou- vent davantage. C’est ainsi que chez certains C. vernalis on en trouve jusqu'à six vers le milieu du premier segment et quatre dans le deuxième (PI. VI, fig. 2). Peut-être leur nombre augmente-t-il avec l’âge ou au moment des mues. La furca présente aussi généralement (PI. VE, fig. 21, a’, a°) deux paires de glandes unicellulaires, l’une (4‘) à peu de dis- tance de sa base, s’ouvrant vers le bord externe ; l’autre (a°) plus éloignée à son orifice du côté ventral et très rapprochée de la naissance des soies qui s’insèrent sur l’extrémilé de la furca. On trouve assez souvent une troisième glande, ordi- nairement plus petite que les autres, tout à fait à l’origine de la furca, comme j'ai pu le voir chez certains exemplaires de C. viridis. Les glandes des pattes natatoires(PI. VI, fig.13, «, a, a, a”, ai) sont souvent allongées, plus ou moins piriformes ; tantôt c’est leur extrémité distale qui est renflée, tanlôt c’est leur extré- mité proximale. Toutes les fois que j'ai pu le voir, le noyau assez volumineux (fig. 13 », et PI. VI, fig. 6) se trouvait dans cette dernière portion de la glande ; nous sommes ainsi, Hartog et moi, en opposition avec Rehberg qui dit lavoir trouvé presque toujours au milieu. Les orifices des glandes (PI. VI, fig. 13 0) sont . ordinairement par une sorte de rebord chilineux un peu épaissi, tantôt courbe, tantôt droit, quelquefois assez aigu ; et cela aussi bien pour les pattes que pour l’abdomen. Ces orifices sont toujours situés à l'extrémité distale de la glande et rejetés vers le bord externe de l’appendice. Les glandes elles-mêmes présentent un aspect assez variable, et parais- sent très extensibles; dans une même espèce, on les trouve très réduites, ou au contraire très volumineuses. Dans le premier cas, leur contenu est le plus souvent formé de grandes vacuoles (PI. VI, fig. 13, v, v), très peu réfringentes, ordinairement placées vers l’orifice, pendant que des vésicules plus denses se trouvent reléguées à l’extrémité opposée (1); (1) Le contraire a lieu quelquefois (PI. VI, fig. 10). RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 165 quelquefois même le contenu est réduit à un liquide incolore; la glande devient alors difficile à délimiter et même à trouver, si l'on n’était pas guidé par la situation de l’orifice. C’est dans le cas intermédiaire, où la glande a encore une gros- seur moyenne et où elle est remplie de liquide, qu'il est le plus facile de voir le noyau. Lorsque la glande est volumineuse (PI. VI, fig. 18, gt, 9°), ses parois sont fortement distendues et le contenu est formé de vésicules, assez denses, d'aspect opalescent, pressées les unes contre les autres, ne noircissant pas sensiblement par l'acide osmique. — La cause de ces deux états bien diffé- rents de la glande me paraît résider dans la plus ou moins grande abondance de nourriture. Des Cyclops pris dans un milieu très favorable, à ce point de vue, m'ont montré au début ces grosses glandes gonflées de vésicules denses dont je viens de parler, tandis qu'après un cerlain séjour dans des bocaux remplis d’eau claire les animaux ne présentaient plus que de grandes vacuoles de liquide très peu réfringent PL. VI, fig. 4, g, v). La nature des aliments est peut-être aussi pour quelque chose dans l’élat des glandes. Toujours est-il que les Cyclops qui vivent en pleine eau ont les glandes plus petites et présentant les caractères indiqués précédemment chez les individus mal nourris. _ Pour ce qui est de l’innervation des glandes, il est Le plus souvent impossible de suivre les nerfs qui aboutissent à Pextrémité fermée de ces organes. Cependant chez certains exemplaires assez gros et très transparents de Cyclops viridis et de C. strenuus, je suis arrivé à un résultat satisfaisant. La figure 13 de la planche VI représente la branche externe de la patte de la première paire de C. viridis. On voit un nerf n pénétrer dans celte branche, donner un filet (»') à la glande du premier article et former un petit renflement (cg) composé de trois cellules bipolaires juste avant d'arriver à la glande du deuxième article. Le nerf se continue ensuite du côté interne de cette glande et arrive après un court trajet à la glande (4°) qui s'ouvre près de la base du troisième 166 JULES RICHARD. arlicle, sans présenter de cellule nerveuse sur son trajet. Je n'ai pas pu voir la partie du nerf située entre la glande pré- cédente et la glande moyenne (4°) du dernier article. Mais on voit nettement la portion terminale du nerf, greffée sur celui de la glande moyenne, passer par une cellule bipolaire (cg!) juste avant l’origine de la dernière glande. La situation des cellules bipolaires diffère donc de celle qu'a indiquée Hartog. Mais il n’y a pas de raison de douter des faits avancés par cet auteur et, selon moi, il s’agit de variations absolument sans importance. J'ajouterai que la glande qui s'ouvre vers le milieu du bord externe de la furca reçoit aussi un filet nerveux passant par une cellule bipolaire et que ce filet est un de ceux qui résultent de la division des deux gros nerfs abdominaux continuant la chaîne nerveuse. Je ne puis, d’autre part, que confirmer ce qu'a dit Hartog de l’innervation des glandes latérales du premier segment abdominal (sixième segment thoracique de Hartog) (1). Quant aux autres glandes Je ne suis pas encore arrivé à des résultats assez certains pour en parler dès maintenant. ob Canthocamptus staphylinus. — Le seul auteur qui ait parlé des glandes unicellulaires dont nous nous occupons ici est Rehberg (34, p. 6). Il se contente d’en dire que, con- trairement à ce quise passe chez les Cyclops, ces glandes, chez les Canthocamptus, sont petites el assez disséminées. Cette assertion me paraît complètement inexacte. Du moins sur les nombreux individus que j'ai observés, J'ai constaté l'existence de très nombreuses glandes, volumi- neuses, sur une grande parlie de l'étendue des téguments. Mais les branches des pattes natatoires sont dépourvues de (1) On peut en effet considérer ce segment comme le sixième segment tho- racique; il porte ordinairement sur les côtés trois épines réunies par une lame chitineuse, ce qui correspond à une deuxième patte rudimentaire. Mais ce segment est complètement soudé avec le suivant. Ces deux segments réunis sont partout appelés premier segment abdominal; je conserve ce nom pour éviter toute confusion. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 167 glandes et c'est probablement ce fait qui a amené Rehberg à exprimer l'opinion citée plus haut. Ceci dit, indiquons la situation des glandes unicellulaires chez le C. staphylinus. On en trouve d'abord deux paires à la face dorsale du premier segment du corps. Les deux glandes de chaque paire sont situées de chaque côté de l'axe du corps, assez éloignées de cet axe. Les glandes de la paire postérieure sont globu- leuses, très rapprochées du bord postérieur du premier seg- ment, leur diamètre est d'environ 0**,030. Les glandesde la paire antérieure sont allongées, un peu piriformes, leur lon- gueur alteint0"",052 sur 0**,040 delarge. L'ouverture de cha- cune de ces quatre glandes est dirigée en avant et latéralement. Les orifices des glandes antérieures sont en forme de fente me- surant à peu près 0**,005, ceux des glandes postérieures sont abrités sous une petite écaille triangulaire à pointe obtuse. Le deuxième etletroisième segment thoracique neportent qu'une paire de petites glandes dans leur partie dorsale médiane. Je n’en ai point trouvé dans les segments suivants. L’abdomen est particulièrement bien pourvu de glandes. Le premier segment porte à la face ventrale une masse glan- dulaire considérable occupant presque toute cette face et qui en estréalité formée de nombreuses glandes serrées les unes contre les autres et qui s'ouvrent au dehors sur la ligne transversale et médiane du segment par trois groupes d’ori- fices, un médian et deux latéraux, comptant chacun quatre ou cinqouvertures. Il y a en outre des glandes semblables (4°) de chaque côté du segment où elles s'ouvrent par trois ou quatre orifices. Enfin la face dorsale (PI. VI, fig. 3) est oc- cupée dans sa parlie médiane par des glandes (7') accolées, allongées, atteignant environ les deux tiers de la hauteur du segmentet dont les orifices (0), au nombre de quatre ou cinq, sont assez rapprochés du bord postérieur du segment. En somme, il y a à peu près autant de glandes que d’ori- fices. Je dis à peu près, car il est impossible, lorsque les glandes sont nombreuses et en partie superposées ou étroite- 168 JULES RICHARD. ment accolées, de les compter exactement et il se peut que deux glandes aboutissent quelquefois à une ouverture unique, ce qui arrive chez certains Cyclops (PI. VE, fig. 18). Le deuxième segment abdominal a, comme le précédent, sa face ventrale presque entièrement occupée par des glan- des unicellulaires dont l’ensemble s'ouvre au dehors par trois groupes d’orifices (chaque groupe en compte trois ou quatre), un médian et deux latéraux, placés à peu près sur la même ligne. La face dorsale (PI. VI, fig. 3, B) compte six orifices groupés irrégulièrement dans la partie médiane. Les côtés portent encore chacun trois ou quatre ouvertures. Les deux premiers segments abdominaux ont donc ainsi une sorte de ceinture glandulaire. Le troisième segment {C) porte à sa face ventrale médiane une masse glandulaire volumineuse, beaucoup moins cepen- dant que dans les segments précédents et qu’on reconnaît assez facilement comme formée de deux glandes accolées dont les deux ouvertures sont placées de chaque côté de la ligne médiane assez rapprochées de cette dernière. La face dor- sale montre le même aspect et les glandes latérales sont au nombre de deux de chaque côté. | Quant au quatrième segment (D), il ne montre qu’une paire de grosses glandes latérales, dont chacune s’ouvre à l'extré- mité latérale du segment, un peu dorsalement sous la grosse épine (é) courte et obluse de ce segment. La furca (F) ne présente que deux petites glandes, un peu allongées, l’une, basilaire (4°), s'ouvre du côté ventral vers le milieu du bord externe de la furca, tandis que l’autre (9) s'ouvre à l'extrémité de celle-ci et aussi du côté ventral. Cette dernière est un peu plus grande que l’autre, elle al- teint 0**,025 de longueur sur 0*",011 de largeur. Ainsi que je l’ai déjà indiqué, les articles des pattes nata- toires sont dépourvus de glandes, comme siles branches très étroites de ces pattes ne présentaient pas une place suffisante pour les loger. On trouve, en revanche, dans l’article basi- laire qui porte les deux branches de chaque patte (PI. VI, RECHERCHES SUR LES. COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 109 fig. 24), une grosse glande g qui fait souvent saillie dans l’in- térieur du corps et qui par sa grosseur remplace avanta- geusement les glandes qui pourraient prendre place dans les branches de la patte. Chaque glande, mesurant environ 0°" ,04 de long sur 0**,02 de large, s'ouvre par un petit orifice o en boutonnière d'environ 0**,004 de longueur. Cet orifice, oblique, est situé sur l’article basilaire un peu au-dessus de l'insertion de la branche externe Æ. La même disposition se retrouve exactement dans toutes les paires de pattes, y com- pris celle de la cinquième paire (PI. VI, fig. 1, 9). Il faut remarquer que les nombres que j'ai donnés des orifices pour les segments abdominaux ne sont pas absolus et qu'ils peuvent varier légèrement. J’ai trouvé ces nombres plus petits chez les individus jeunes, ce qui me porte à croire que le nombre des orifices s'accroît aux mues, à mesure que l'animal grandit. Il se peut aussi que quelques orifices aient, dans certains cas, passé inaperçus ; ils ne sont pas toujours faciles à trouver sur des animaux qui ne dépassent guère 1 millimètre de long. ( Les orifices n’ont pas une situation et une direction inva- riables. Chacun d’eux, dans l'abdomen, est situé sous une sorte d'écaille en croissant, chitineuse, à extrémité libre un peu épaissie. Dans un même groupe, les orifices sont diri- gés vers les parties antérieure ou postérieure du corps, d’au- tres ont une direction oblique (PI. VE, fig. 7). Nous sommes ainsi bien loin de l’uniformité qu'on ren- contre dans la situation et la disposition de la glande du test, et dans la position de son orifice; mais ces deux catégories de glandes n’ont pas du tout la même valeur au point de vue morphologique. Chez tous les Canthocamptus que j'ai examinés, les glandes des articles basilaires des patteset celles des segments du corps présentent toujours le même aspect. Elles sont partout rem- plies de vésicules(v) incolores, peu réfringentes, ce qui permel de les distinguer de suite des globules graisseux d’un jaune orangé qu'on voit en assez grand nombre dans le voisinage 170 JULES RICHARD. des glandes. Ces vésicules claires mesurent de 0"*,001 à 0°” ,005 de diamètre ; l’acide osmique ne les noircit pas sen- siblement et l'acide acétique paraît les dissoudre après un temps assez long. Aucune des glandes n’a véritablement un canal ; l’orifice est pour ainsi dire sur la paroi même de la glande dans la cuticule de la carapace. Pradya Ediwardsi. — Chez cet animal la recherche des glandes unicellulaires est extrêmement difficile tant à cause de la petitesse des individus que de la coloration brunâtre du corps tout entier. Néanmoins je crois être arrivé à un ré- sullat à peu près satisfaisant. Voici ce qu’on observe : il y a sur le premier segment du corps, trois paires de glandes latérales, l’une est située à peu près au niveau de la glande du test, la deuxième à la hauteur des maxillipèdes et la troi- sième un peu au-dessous du niveau de l'insertion des anten- nes postérieures. Je n’ai pas vu de glandes dans les seg- ments thoraciques suivants. Le premier segment abdominal porte près de sa base une paire de glandes ventrales, mais très écartées de la ligne mé- diane et, plus en arrière, vers le milieu de la hauteur du segment, une paire latérale. Dans le deuxième segment on ne voit qu’une paire latérale près de labase. Le troisième paraît n’en pointavoir.Le quatrièmen’en possède qu’une pairelatérale s’ouvrant contre le bord postérieur de ce segment et enfin la furca est presque complètement remplie par une glande assez volumineuse qui débouche à l'extrémité de la furca, à la face ventrale et un peu en dehors. L’abdomen ne m’a point mon- tré de glandes dorsales. Ces glandes sont beaucoup plus pe- tes, toutes proportions gardées, que chezles Canthocamptus ; leur contenu est formé de lrès petites vésicules, qui sont plus réfringentes que dans le genre précédent. Comme chez les Canthocamptus, les branches des pattes natatoires ne possèdent pas de glandes, il y en a seulement une assez volumineuse, dans l’article basilaire vers l'extrémité duquel elle s’ouvre au dehors par un orifice analogue à celui que j'ai décrit chez Canthocamptus staphylinus. Nous relrou- RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE.. 171 vons donc dans ces deux Harpactides une grande ressem- blance dans la situation des glandes, en particulier pour celles des articles basilaires des pattes el aussi pour celle des pattes de la cinquième paire. Les différences sont secondaires et ne portent guère que sur le nombre de glandes dans les dif- férents segments du corps. Eurytemora lacinulata.— Diaptomus castor et D. cæruleus. — Les glandes unicellulaires sont {rès rares chez Euryte- mora lacinulata; jen’en ai trouvé qu'une trèspelite au côté ex- terne de l’article basilaire qui porte les deux branches de chaque patte natatoire (PI. VI, fig. 5, 4). Elle débouche (o) près de l’extrémilé du bord externe de l’article, et l’orifice est marqué par une petite écaille chitineuse, arrondie à son bord libre. Le contenu est formé d’un assez grand nombre de petites vésicules peu réfringentes à l'extrémité opposée à l’orifice ; vers l’ouverture, au contraire on ne voit que quel- ques vésicules plus grandes de liquide homogène. Chezles Diaptomus castor et cæruleus, il m'a été impossible de trouver aucune glande unicellulaire, Rehberg est arrivé au même résultat. Ce sont là les trois seules espèces de Calanides d’eau douce qu'il m'a été donné d’étudiersur le vivant. Les autres genres, dont je n'ai que des spécimens plus ou moins bien conservés dans l'alcool, ne m'ont pas permis d'arriver à des résultats certains ; je crois cependant pouvoir avancer que les glandes unicellulaires sont très peu répandues parmi eux, c’est du moins ce qui résulte de l’examen des espèces suivantes : Poppella Guernei, Limnocalanus macrurus, Heterocopesaliens, H.borealis, Epischura nevadensis. Remarques générales. — Chez tous les Copépodes que J'ai étudiés, les glandes unicellulaires ne subissent aucune mo- dification et ne se colorent pas lorsqu'on nourrit les ani- maux de carmin ou d’indigocarmin, même après plusieurs jours, alors que l'intestin est rempli de ces substances. Cependant la fonction excrétrice de ces glandes n'est pas douteuse bien que, pour Hartog, la question de savoir si #72 JULES RICHARD. ces organes sont plutôt nerveux qu'excréteurs ne paraisse pas tranchée. Tous leurs caractères montrent qu'ils sont deslinés à verser au dehors des produits d’excrétion, pro- duits qui n’ont du reste pu être n1 recueillis ni analysés, ce qui se conçoit aisément. Que les glandes reçoivent chacune un filet nerveux, cela n’est pas pour nous étonner, le fait est assez général et cette raison n’est véritablement pas suff- sante pour accorder aux glandes qui en sont pourvues, un rôle nerveux particulier. D’après Vosseler (40 p. 181) les glandes des pattes nata- toires seraient destinées à émettre une sécrélion capable d’exciter les organes de Leydig des mâles, en facilitant ainsi la rencontre des individus de sexe différents. Cette hypo- thèse me paraît bien invraisemblable. Je ne citerai, entre autres, que deux faits qui ne me permettent pas d’accepter cette manière de voir. D’abord les glandes sont aussi déve- loppées chez les femelles qui ont déjà reçu des spermato- phores que chez les autres, ce qui serait au moins inutile puisque chez les Cyclops un deuxième accouplement ne peut avoir lieu. Enfin chez les Diaptomus, il n’y a pas de glandes dans les pattes, et c’est justement chez ces animaux que l’on rencontre des femelles porlant quatre ou cinq spermalopho- res, quelquefois davantage, ce qui exige autant d’accouple- ments avec des individus différents! Comme on le voit par les faits acquis jusqu’à présent, le nombre et le volume des glandes unicellulaires varient con- sidérablement suivant les genres ou les familles. Ces varia- tions ne semblent avoir aucune relation avec la nature du milieu ambiant, puisque nous trouvons parmi les Copépo- des habitant essentiellement les eaux douces des genres, tels que Cyclops et Canthocamptus, chez lesquels ces glandes sont très nombreuses et très développées, à côté d’autres genres, lels que Diaptomus qui n’en possèdent point ou seu- lement un très petit nombre comme chez l'Ewrytemora lacinulata, tandis que des espèces d’un genre très voisin et essentiellement marines (Temora finmarchica el T. ar- RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 173 mata) présentent de nombreuses glandes, comme l’a montré Claus (30). Pour terminer, j'attirerai l'attention sur l'importance de ces glandes chez plusieurs types, importance complètement méconnue jusqu’à présent. Il est évident que lorsque l’on considère une glande isolément, chez les Cyclops par exem- ple, l’idée vient naturellement que ces glandes ont un rôle bien médiocre et bien restreint. Mais si, au contraire, on prend l'ensemble de ces organes, on s'aperçoit immédiate- ment que leur rôle dans l’excrélion est considérable, puis- que une glande unique, correspondant à cet ensemble, dé- passerait de beaucoup, surtout chez les Canthocamptus, le volume de la glande du test. DEUXIÈME PARTIE SYSTÈME NERVEUX HISTORIQUE. Zenker, le premier (10 p. 91), s'occupe du système ner- veux des Copépodes d’eau douce. Ce qu'il en dit est si court que je crois plus utile d'en donner le texte complet que d’en faire une analyse : « Le système nerveux est difficile à reconnaître parce qu'il est caché en partie par les organes placés au-dessus de lui et en partie par l'épaisseur de la portion squelettique ventrale en même temps que par les pattes et leurs soies. Chez quelques beaux exemplaires de C. (Diaptomus) castor, je suis parvenu enfin à l’observer complètement et à le préparer chez un grand C. quadricor- nis. Il se compose d’un grand et large renflement cérébral, de cinq ganglions ventraux correspondant aux paires de pattes et de quelques petits ganglions abdominaux. Les cor- dons qui réunissent ces ganglions sont très rapprochés l’un de l’autre et sont beaucoup plus étroits que les ganglions. 174 JULES RICHARD. Is sont un peu plus larges vers la première paire de pattes que vers la dernière. Les ganglions eux-mêmes sont cachés par le squelette ventral et apparaissent seulement comme des épaississements de la chaîne. J'ai vu aussi des nerfs en par- tir dans la direction des pattes. Les nerfs oculaires parais- sent être extraordinairement courts et délicats. Une paire de nerfs déliés paraît partir du dernier ganglion ventral pour aller dans l’abdomen et former encore un ganglion près de l’anus, au-dessus de l'intestin. «Il y à aussi des nerfs qui entrent dans les antennes, mais on s'expose à de nombreuses erreurs lorsqu'on veut les sui- vre plus loin. — La chaîne nerveuse est jaune chez C. cas- tor, incolore chez C. quadricornis, mais toujours si transpa- rente qu'elle est très difficile à reconnaître. Cependant chez les animaux vivants, la prédominance des fibres sur le né- vrilemme et les renflements ganglionnaires apparaît nette- ment. » Zenker aurait ainsi vu l’ensemble du système nerveux, mais son texte, et le dessin qu’il donne à l'appui (10 pl. VIT, fig. 13) contiennent de graves erreurs. En 1858, Claus (13 p. 15) reproduit la description de Zenker qu'il avoue ne pouvoir confirmer qu’en partie, n’ayant pu malgré l’emploi des réactifs éclaircissants, avoir une no- tion bien nette de l’ensemble du système nerveux. Il n’a pu voir avec certitude, sur des Cyclops très transparents, que la partie de la chaîne située entre le dernier segment tho- racique et le premier segment abdominal. Cette portion, d’après Claus, montre vers son origine un élargissement et donne latéralement deux branches aux pattes rudimentaires et devient de plus en plus étroite, vers l'abdomen. Claus dit aussi avoir vu la même partie de la chaîne dans la même situation, chez À). castor, et aussi, sur l'animal vu de côté, une bande délicate colorée en jaune qui est sans doute la chaîne nerveuse, mais la présence de la carapace et des muscles l’a empêché de pousser plus loin ses observations. Ce qu'il peut toutefois affirmer, c’est la présence d’un gan- RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 175 glion pair ou impair au-dessous de l'œil, ganglion décrit comme cerveau par Zenker et qui est placé contre la partie postérieure de l'œil sans donner du reste de nerf oculaire court. En 1859, Leydig (14 p. 19) s'occupe du système nerveux des Copépodes d’eau douce, mais sans plus de succès que Claus. Il semble avoir quelques doutes sur la véracité des assertions de Zenker dont 1l reproduit aussi le texte. Il est cependant arrivé à voir, surtout chez des individus transpa- rents de À. castor, le cerveau et les commissures qui en par- tent pour entourer l’œsophage; mais il n'a pu les voir se réunir au ganglion sous-æsophagien. Suivant lui, le cerveau _se continue en avant en un fort prolongement impair (nerf optique) qui porte à son extrémité l'appareil visuel. Il affirme que les nerfs oculaires courts dont parle Zenker n’existent pas, partageant ainsi l'opinion de Claus. Leydig n’a rien pu voir de la série des ganglions indiqués par Zenker, il n’a vu qu'un gros nerf médian dans le segment de l’avant-der- _mière paire de pattes. Ce nerf donne à droite et à gauche une branche dans le dernier segment thoracique, puis va dans le premier segment abdominal où 1l se bifurque. Ce nerf joue peut-être le rôle d'une chaîne ventrale à cause de sa grosseur et de sa situation; mais, dit Leydig, il n’y a pas trace de ganglions. Ce tronc nerveux à un aspect pâle et porte, à de longs intervalles, quelques noyaux particu- liers fortement allongés ; Leydig n’a pu décider s'ils appar- tiennent à la substance nerveuse ou au névrilemme. Pour lui, le prolongement du cerveau qu'il a décrit d'abord comme nerf optique a la même structure que le cerveau et est comparable au ganglion optique des Daphnides. L'année suivante (1) Leydig répète ce qui précède et ajoute que la partie centrale du cerveau est formée d'une masse ponctuée entourée d’une couche de cellules ganglion- naires relativement petites. (4) Naturgeschichte der Daphniden, 1860, p. 35. 176 JULES RICHARD. Dans sa monographie (19, p. 39), Claus résume les connais- sances acquises jusqu'alors (1863) sans rien ajouter de nou- veau sur le système nerveux des Copépodes d’eau douce. En 1869, Plateau n'a « réussi à voir que le cerveau et ses dépendances » ainsi que l’origine du nerf anlennaire de l’'antennule et un ganglion optique assez considérable pour chaque œil (20). Fric en 1882(32, p. 499), reconnaît que « la description de Zenker ne répond nullement à la vérité et que cet auteur se laissa séduire à un tel point (probablement par l’ana- logie des Phyllopodes) qu'il se construisit lui-même très en détail, tout le cours de la chaîne ganglionnaire. » D'après Fric, chez l'adulte, « le système nerveux postoral est formé d’une large corde unique de composition fibril- laire, développée par concroissance d'autant de paires de ganglions qu'il y a de segments. Dans les élats plus jeunes, cette corde s’élargil encore plus dans la partie des pattes- mâchoires où le grand nombre de membres rend des observations plus exactes absolument impossibles. La partie entre les pattes-mâchoires et les pattes rudimen- taires répond par conséquent à une concroissance de qua- tre paires de ganglions dont des nerfs forts prennent leur origine des deux côtés. En règle, deux paires de nerfs partent d'un ganglion, dont une descend dans la paire de pattes correspondante, l’autre aux muscles longitudinaux du corps. Entre la troisième et la quatrième paire de pat- tes, la chaîne ventrale se rétrécit rapidement et se pro- longe dans la partie connue Jusqu'à présent, qui se divise bientôt en deux forts cordons ayant leur bout dans la furca. De cette partie, qui est la continuation de la large masse nerveuse, sortent encore quatre paires de nerfs cor- respondant aux deux paires de paites rudimenlaires de la cinquième et de la sixième paire. » Il est regrettable que la courte note de Fric n'ait pas été suivie, comme il l’an- nonçait, d'un mémoire plus étendu, car 1l a « réussi à exa- miner la partie ventrale du système nerveux en détail » RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 177 ainsi que « l’innervation des membres et des muscles. » Rehberg (36, p. 11) est d'avis, avec Leydig, que la chaîne ventrale ne contient point de ganglion. Il donne le premier un dessin assez complet du système nerveux de Cyclops. Mais ce dessin contient, comme le texte, diverses erreurs dont certaines sont fort importantes. Rehberg ne donne du reste que peu de détails sur les rapports des différentes par- ties de la chaîne et sur la structure de celle-ci. Il est néan- moins le premier qui ait donné des indicalions assez préci- ses et J aurai à revenir dans la suite, à diverses reprises sur son travail. | Urbanowicz (37 et 38) a surtout étudié le développement du système nerveux chez le Cyclops. D'après lui, chez le Nauplius, les cordons nerveux se rapprochent et se fusion- nent dans le céphalothorax et dans les segments thoraci- ques libres. Le cordon unique impair qui en résulte chez le jeune Cyclops offre des renflements ganglionnaires corres- pondant aux paires de pattes, mais ces renflements dispa- raissent ultérieurement et il ne reste plus, dans le céphalo- thorax comme dans le thorax, qu’un cordon nerveux ventral dans lequel les cellules nerveuses sont uniformément dis- tribuées. L’abdomen est pourvu chez l'animal, pendant toute sa vie, d’un double cordon nerveux, lequel comporte exclusivement des fibres nerveuses et ne possède point de commissures. Nous devons enfin à Hartog (58) un mémoire important sur le Cyclops brevicornis (C. viridis), et dans lequel cet au- teur étudie le système nerveux de ce Copépode. Il à pour la première fois employé la méthode des coupes, méthode qui lui a permis d'arriver à des résultats beaucoup plus précis et plus nombreux que ceux que l’on possédait jusqu’à pré- sent. Je ne donne pas ici l’analyse du travail de Hartog dont j'aurai à parler souvent dans la suite. Je me borneraiï à faire remarquer que cet auteur n’a étudié qu’une espèce de Cyclops, genre très différent des autres Copépodes d’eau douce. Les figures données par l’auteur anglais ne sont pas ANN. SC. NAT. ZOOL, XII, 12. — ART. N° 8. 178 JULES RICHARD. très démonstratives et aucune d’entre elles ne permet de se faire une idée précise de l’ensemble du système nerveux. J'ai donné au commencement de cette année, dans une note préliminaire (68, p. 212), le résumé des résultats de mes recherches sur le système nerveux du genre Diaptomus. Ce sont ces résultats que je vais exposer avec plus de détails et en les accompagnant de dessins. J'ai pu en outre les com- pléter par de nouvelles études. Il ne m'a pas été possible d'étudier le système nerveux chez presque tous les genres d’eau douce, comme je l’ai fait pour la glande du test. Si ce dernier organe peut être examiné sur des animaux relative- ment mal conservés, il n’en est pas de même pour le système nerveux. Néanmoins j'ai pu étudier plusieurs types el arriver à des conclusions générales. Il est facile de voir par l'historique précédent, que le système nerveux n’a été étudié jusqu’à présent que dans les genres Cyclops et Diaptomus et surtout dans le premier, tandis que nous ne savons presque rien à ce sujet pour le second. Ces deux types étant très différents, il y avait lieu d’en faire une étude comparative; c’est pourquoi je me suis surtout occupé du système nerveux des Déaptomus; je vais le décrire et j'indiquerai ensuite en quoi il diffère de celui des autres Copépodes d’eau douce. SYSTÈME NERVEUX DANS LE GENRE DIAPTOMUS. Lorsqu'on examine un D. castor couché sur le côté, on aperçoit au-dessus de l’œsophage une masse jaune assez volumineuse, qui n’est pas autre chose que le cerveau. À l'extrémité postérieure, cette masse se continue en une partie incolore qui se prolonge en diminuant d'épaisseur jusqu’au sommet de la région céphalique. Au-dessous de l’œsophage, longeant la paroi ventrale, on voit aussi un fort cordon nerveux, coloré en Jaune comme le cerveau, et qui constitue la chaîne ventrale. Ce premier examen fait sur l’animal vivant permet de s'assurer immédiatement que le système nerveux est formé chez les Diaptomus d’un cerveau L] RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 179 et d’une chaîne ventrale. C’est ce qu’avaient déjà vu Zenker et Claus. Si on observe le même animal couché sur le dos, on peut voir en outre les origines des gros nerfs qui vont aux antennes de la première paire, mais les appendices volu- mineux de la bouche, les pattes natatoires garnies de soies ciliées et les diverses portions squelettiques de la paroi ven- trale ne permettent pas, comme l'avaient déjà remarqué les auteurs précédents, de voir le reste du système nerveux, et empêchent d'acquérir des notions plus précises sur sa cons- titution. De plus, chez l'animal vivant, les mouvements répétés et énergiques du tube digeslif produisent des varia- tions d'éclairage très nuisibles à l'observation, même sur les individus dont l’estomac n’est pas rendu opaque par les substances ingérées. D'autre part les animaux morts ou conservés dans les liquides ordinaires, perdent la transpa- rence de leurs tissus. Ces difficultés permettent de com- prendre pourquoi nos connaissances sur le système nerveux des Copépodes d’eau douce sont si incomplètes. La méthode des coupes seule pouvait fournir, alliée à l'observation directe, des résultats satisfaisants. Mais pour utiliser cette méthode il faut préparer les animaux d’une manière spéciale, et la technique à employer varie suivant les groupes qu'on se propose d'étudier. Voici très succinctement celle que j'ai suivie : Fixation. — Après avoir essayé successivement l’emploi de l'acide osmique, du sublimé, de l'alcool absolu et de l'acétate d’urane, je me suis arrêté à l'acide picro-sulfurique concentré dans lequel je remplace simplement l’eau par de l'alcool à 60° environ. La quantité d'acide picrique dissous est un peu plus faible que si l’on employait de l’eau pure, mais cet inconvénient est compensé par la plus grande faci- lité de pénétration due à la présence de l’alcool. Coloration. — Pour colorer les animaux J'ai employé le piero-carmin et surtout le carmin à l'acide chlorhydrique alcoolique ; le bleu de méthylène m'a donné aussi de bons résultats. Les pièces colorées ont été, suivant les méthodes 180 JULES RICHARD. connues, incluses dans la paraffine à 50° environ et débitées en coupes sériées. Un grand nombre de coupes faites à la main ont fourni des préparalions d'ensemble très instruc- tives et très utiles pour l’interprétation des coupes minces longitudinales, sagittales ou transversales. Elles sont surtout indispensables pour suivre les nerfs émanant de la chaîne et dont le parcours est extrêmement difficile et le plus souvent impossible à saisir sur les sections minces. Mes recherches ont surtout porté sur le Diaptomus castor Jurine et sur le D. cæruleus Fischer. Ce sont les espèces de beaucoup les plus communes en France et qu'il est facile de se procurer aux environs de Paris. 2). castor se recommande par sa taille relativement considérable (il atteint jusqu’à 3 millimètres de longueur). Mais il ne se rencontre guère qu’au printemps, dans des eaux de faible étendue, et même dans de simples flaques, comme cela arrive dans les fossés des fortifications, au pont National par exemple, où j'en ai recueill nombre de fois en mars et en avril. D'autre part, D. cœruleus, dont les dimensions n’excèdent que rare- ment 2 millimètres, est un Copépode beaucoup plus trans- parent que D. castor. Il est souvent incolore et permet de voir sur le vivant certains détails que l’on ne trouverait pas chez la plupart des exemplaires de D. castor. Il est aussi beaucoup plus répandu et se rencontre pendant toute la belle saison dans les mares et les étangs des environs de Paris. Outre ces deux espèces j'en ai étudié encore quelques autres, conservées dans l'alcool, et que je citerai lorsqu'il en sera question dans la suite. Abordons maintenant l'étude détaillée des différentes par- ties du système nerveux. On vient de voir que la masse sus-æsophagienne ou cerveau se compose chez le D. castor d’une portion volumi- neuse de couleur jaune, se continuant à sa partie posté- rieure par une autre portion à peu près incolore. La pre- mière (PI. VIL, fig. 19’, 4, 18, 24, cp) constitue le cerveau primaire ou proprement dit, la deuxième est le cerveau se- RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 181 condaire. Le cerveau primaire se présente sous la forme d’une masse irrégulièrement arrondie, impaire, située au-dessus de l'œsophage. Dans sa partie antérieure (PI. VIII, fig. 1), son épaisseur est à peu près égale à sa largeur, mais au fur et à mesure qu’on se rapproche de l’œsophage (PI. VIT, fig. 2, 3), la largeur l'emporte de beaucoup sur l'épaisseur qui varie peu, de telle sorte que la partie postérieure du cerveau paraît comprimée dans le sens dorso-ventral, tandis qu’elle s’étend au contraire fortement vers les côtés du corps. Le cerveau secondaire (PI. VIT, fig. 4, 19, 24, cs) séparé du précédent pendant les premières phases du dé- veloppement (comme dans le Cefochilus étudié par Grobben et comme chez les Cyclops (38), se soude au cerveau pri- maire dans la suite, en se confondant avec la partie pos- térieure de ce dernier au contact duquel il présente son maximum d'épaisseur. Il se recourbe ensuite légèrement en tournant sa convexité vers la paroi dorsale et antérieure de la région céphalique, en diminuant d'épaisseur à partir de sa base. Il se présente ainsi sous la forme d’un fort prolongement impair (PI. VIT, fig. 24, cs) de la partie postérieure du cer- veau primaire. C’est ce prolongement impair que Leydig appelle d'abord nerf optique et qu'il compare ensuite au gan- glion optique des Daphnides. Il est facile de voir que cetle masse n’a aucun rapport avec l'appareil visuel. Elle ne tarde pas, en effet, .en se rapprochant de l’extrémilé céphalique à se diviser en deux troncs nerveux (PI. VII fig. 4, 19°, 24, nf), symétriques par rapport au plan médian dorso-ventral et qui vont à l’organe frontal appliqué contre la paroi de l’extré- milé antérieure du corps et prolongé dans les deux appen- dices aigus qui se recourbent sur la face ventrale du sommet du premier segment. Le cerveau secondaire forme ainsi (PI. VIL, fig. 19), avec ses deux prolongements une sorte de voûte au-dessus de l'extrémité antérieure légèrement aplatie du cerveau primaire. C’est au fond de cette concavité que se trouve l’appareil oculaire (PI. VII, fig. 19' 0). 182 JULES RICHARD. Pour étudier la structure plus intime du cerveau, prati- quons-y des coupes transversales. Une coupe semblable passant par l'extrémité antérieure (PI. VIIL, fig. 1) intéresse aussi le cerveau secondaire ; et nous constatons que ce der- nier (PI. VIIT, fig. 1, aa’) est constitué presque uniquement de cellules nerveuses qui forment en ce point une masse assez considérable. C’est cette apparence seule que présen- tent les coupes passant au-dessus de la précédente et qui n’appartiennent qu'au cerveau secondaire. Les deux troncs nerveux (PI. VII, fig. 4, 19’, 24, nf) qui continuent ce der- nier, se rétrécissent vers le milieu de leur longueur et s’élargissent vers la paroi antérieure de la carapace. Outre les fibrilles, ils contiennent surtout des cellules nerveuses. Ces mêmes coupes transversales et aussi les coupes sagit- tales (PI. VIE, fig. 19°.) nous montrent que le cerveau est re- vêtu à son extrémité antérieure d’une couche assez épaisse de cellules nerveuses au-dessous de laquelle on trouve une masse fibrillaire (PI. VIT, fig. 19’, cp.) qui, en coupe trans- versale (PI. VIIL, fig. 1, 2, ce.), paraît ponctuée et qui ne se colore pas d’une façon intense par les réactifs. Des coupes parallèles à la précédente et pratiquées de plus en plus près de l’œsophage (PI. VIIE, fig. 3) nous montrent nettement que la masse cérébrale est formée d’une couche périphérique (plus ou moins continue et plus ou moins épaisse) de cellu- les nerveuses entourant une masse centrale fibrillaire. Cette couche périphérique est surtout développée sur les parois moyennes ventrale et dorsale du cerveau, à sa partie anté- rieure ; les faces latérales n’ont qu'une couche très mince ou nulle (PI. VII, fig. 2), sauf dans les points occupés par les amas cellulaires d’où partent les nerfs. Nous voyons encore par les coupes transversales que la masse cérébrale atteint vers la base sa largeur maxima et qu'à partir de sa portion médiane la seclion, d'abord légè- rement réniforme, présente une concavité du côté ventral, concavilé (PI. VIII, fig. 3) qui s’accentue de plus en plus lorsqu'on se rapproche de l’œsophage. La partie postérieure RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 183 du cerveau est en ces points constituée surtout par les fibres nerveuses qui se prolongent dans les connectifs péri-æso- phagiens. Pour suivre la direction générale des fibres qui concou- rent à la formation de la masse centrale du cerveau, il est nécessaire de faire des coupes minces longitudinales, paral- lèles à la face ventrale. On peut voir aussi (PL. VII, fig. 18) quatre groupes de fibres. L'un, interne, est formé de fibrilles qui, venant du connectif péri-æsophagien droit, par exemple, vont obliquement vers le côté gauche du cerveau, croisant à la base etsur sonaxe longitudinal, legroupesymétri- que semblable qui vient du connectif gauche. Un groupe moyen comprend des fibres de connectifs qui vont oblique- ment vers la masse cellulaire médiane de l'extrémité anté- rieure du cerveau et qui convergent vers cette masse dans laquelle leurs fibres se croisent probablement, mais je n’ai pu constater le fait avec certitude. Un troisième groupe, plus externe, se dirige vers la naissance du nerf de l’antenne de la première paire du même côté. Enfin un fort groupe de fibrilles transversales forme dans la partie moyenne du cer- veau une sorte de pont à bord postérieur convexe qui réunit les deux moitiés de la masse cérébrale. Nerfs. — Les nerfs qui partent du cerveau sont les sui- vants : 1° Les deux troncs nerveux qui continuent le cerveau secondaire et aboutissent à l'organe frontal. Ils ont été suffisamment décrits plus haut et on aura l’occasion d’en parler plus loin au sujet des organes des sens. 2° Les nerfs oculaires (PI. VIT, fig. 19° et 24 no). — Ils naissent d'une origine commune de l'extrémité antérieure et dorsale du cerveau proprement dit, au point de soudure de ce dernier avec le cerveau secondaire. Ce sont trois nerfs courts, délicats, dont deux sont symé- triques par rapport au plan médian du corps et aboutissent aux deux yeux latéraux en passant entre eux et les nerfs de Porgane frontal. Un nerf oculaire impair se dirige vers la 184 JULES RICHARD. base de l'œil ventral. Bien que leur situation rende leur présence difficile à constater, les trois nerfs oculaires n’en existent pas moins (comme Hartog l’a vu le premier chez les Cyclops) malgré les assertions contraires de Claus et de Leydig. Pour le premier de ces auteurs, l'œil, ou plutôt l'appareil visuel, repose directement sur le cerveau. Pour Leydig, c’est le prolongement impair de ce cerveau, c’est-à- dire le cerveau secondaire qui innerve l'œil en se compor- tant comme un ganglion optique. Nous avons vu qu'il n’en est rien. Zenker n’a pas commis cette erreur, mais je ne pense pas qu'il ait pu voir les nerfs oculaires; du moins, pas plus que Claus et que Leydig, je n’ai réussi à les voir sur les animaux vivants. La méthode des coupes est ici indispen- sable. Il est probable que Zenker, persuadé à priori de l'existence des nerfs oculaïres, et voyant combien l’œil est rapproché du cerveau, à été amené à dire que ces nerfs dont 1l ne donne pas le nombre, paraissent être extraordi- nairement courts et délicats. 3° Nerfs des antennes antérieures. — Une paire de nerfs assez courts et forts partent de la partie antérieure et un peu dorsale du cerveau pour aboutir à la base des muscles mo- teurs des antennes, après s'être divisés en rameaux secon- daires. Un peu au-dessous de l’origine de ces nerfs paraissent sortir de la face venlrale du cerveau les deux gros nerfs (PI. VIT, fig. 4, 18, PI. IV, fig. 2, na!) sensitifs des antennes antérieures. Ce sont les origines deces nerfs que la plu- part des auteurs ont reconnus nettement. En réalité elles ne sont qu'apparentes, on les voit facilement sur des indivi- dus transparents, mais les coupes montrent qu’elles sont si- tuées plus profondément (PI. VIT, fig. 18, e) dans deux amas de cellules nerveuses situés aux extrémités latérales de la base du cerveau. Ces nerfs se dirigent obliquement en avant et pénètrent dans les antennes. A la base de chacune d'elles, le nerf s'étale en une sorte de ganglion, dis- socié en partie et dont des fibres isolées passent chacune RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 185 par une cellule bipolaire avant d'aboutir aux soles et aux organes sensoriels spéciaux du commencement de l’antenne, pendant que les autres continuent le nerf dans toute la longueur de l’appendice, émettant sur leur trajet des fibrilles semblables aux autres soies et aux autres organes de Leydig distribués dans toute l'étendue de l’antenne. Enfin un nerf impair (PI. VII, fig. 22, rm), assez fin, part de la partie médiane de la base du cerveau, à sa face ven- trale, à égale distance des connectifs péri-œæsophagiens ; il se dirige suivant le plan médian dorso-ventral et entre dans la lèvre supérieure en y formant un ganglion assez volumi- neux ; nous l’appellerons le nerf médian impair du labre. Connectifs périæsophagiens. — Immédiatement au-dessous des origines profondes des nerfs des antennes antérieures, les portions latérales du cerveau sont reliées à la masse sous- œsophagienne par deux gros cordons de fibrilles longitudi- nales; ce sont les connectifs péri-æsophagiens (PI. VIT, fig. 4, 18, 19’, f). Ils sont plus épais à leur base que dans le milieu de leur longueur, où ils présentent cependant encore une épaisseur très notable. On trouve dans toute leur éten- due des cellules nerveuses plus ou moins abondantes, mais au côté externe seulement (PI. VIT, fig. 182); ces cellules se groupent en ganglions aux points d’origine des nerfs qui en partent. _ Une première paire de nerfs part (PI. VII, fig. 4, g), au niveau d'un groupe de cellules situé à l’origine des connec- tifs, au-dessous de celle des nerfs des antennes antérieures. Ces nerfs sont grêles et s’en vont perpendiculairement aux conneclifs et en passant au-dessous de l'insertion des an- tennes antérieures, vers les muscles dorsaux du premier segment du corps. Une autre paire sort, au niveau de l’œsophage, d’un ren- flement cellulaire (PL. VIT, fig. 4, 18; PI. IV, fig. 21, na°). Ces nerfs sont très forts, beaucoup moins cependant que ceux des antennes antérieures. Ils se dirigent perpendiculai- rement à l'axe du corps (PI. VIIL, fig. 21, na?) vers les anten- 186 JULES RICHARD. nes postérieures ou de la seconde paire, dans lesquelles ils entrent bientôt après avoir présenté à quelque distance de leur origine un renflement ganglionnaire semblable à celui qui est figuré PI. VIE, fig. 22. À peu près au même niveau, mais situé plus dorsalement, on voit un groupe de nerfs se distribuer, en se divisant, à la base des muscles des anten: nes postérieures. | Les origines des nerfs de ces antennes se confondent pres- que avec celles de deux autres nerfs qui partent de la face ventrale des conneclifs. Ils sont forts et courts (PI. VIH, fig. 21, n/), pénètrent dans la lèvre supérieure immédiate- ment au-dessus de l'ouverture buccale, c’est-à-dire juste au- dessus du point où la lèvre se détache complètement du segment céphalique. Ces deux nerfs, arrivés dans le labre, se recourbent légèrement contre la paroi profonde ou posté- rieure de celui-ci, en se dirigeant l’un vers l’autre et en présentant chacun à leur extrémité rapprochée de la ligne médiane un groupe de cellules nerveuses. Je n'ai pas pu m'assurer que ces deux groupes se fusionnent, mais la pré- sence, sur les coupes et à ce niveau, de quelques cellules nerveuses (PI. VIIE, fig. 21, c2) dans la partie médiane rend le fait probable. Peut-être aussi ces deux groupes se con- fondent-ils avec le ganglion du nerf impair médian du labre. Ces nerfs sont sans doute en relation avec les nom- breux cils qui garnissent les différentes parties du labre et probablement aussi avec les glandes dites salivaires. Après avoir donné naissance aux nerfs précédents les deux connectifs se rapprochent un peu l’un de l’autre au niveau de la paroi postérieure de l’œsophage et sont réunis immé- diatement au-dessous de ce dernier par une forte commis- sure transversale (PI. VIT, fig. 18, 4; PI. VIT, fig. 4, co) qui n’a pas de rapports avec la masse sous-æsophagienne pro- premement dite el qui correspond sans doule à celle qu’on trouve dans la même situation chez beaucoup de Crustacés (Leptostracés, Amphipodes, etc., Décapodes ?) c’est une commissure post-æsophagienne. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 187 - Au-dessous de cette commissure s'étend la chaîne ventrale dans laquelle on peut considérer trois parties : la première (PI. VIT, fig. 4, AB) ou masse sous-æsophagienne, formée de plusieurs ganglions, innerve les divers appendices de la bouche ; la deuxième (PI. VIT, fig. 4, BC) ou masse thoraci- que envoie des nerfs aux pattes natatoires et aux pattes rudi- mentaires ; enfin la troisième (PI. VIE, fig. 4, CD) est le pro- longement de la chaîne dans l'abdomen. Masse sous-æsophagienne. — Elle se présente tout d’abord, à un faible grossissement, comme une bande continue et homogène, large en avant et diminuant peu de largeur jusqu'au niveau du premier maxillipède. Mais si on emploie un grossissement plus fort, et si on observe la chaîne sur un Diaptomus dont on a retranché, par un heureux coup de rasoir, les appendices de la bouche (PI. VIT, fig. 4) assez près de leur insertion, on voit que la masse sous-æsopha- gienne est formée par les prolongements des connectifs périœæsophagiens. Ceux-ci restent un peu écartés l’un de l’autre dans la plus grande partie de la masse vers l’extré- mité de laquelle ils se confondent après avoir convergé graduellement l’un vers l’autre. On voit en outre (PI. IT, fig. 18) que les deux côtés opposés du triangle ainsi formé sont réunis transversalement par trois commissures plus ou moins distinctes et que les connectifs présentent chacun trois renflements ganglionnaires qui leur correspondent. Presque toute la surface des connectifs est revêtue de cel- lules nerveuses qui se groupent pour former les ganglions qui donnent des nerfs aux mandibules, aux maxilles et aux maxillipèdes. Si l’on pratique des coupes transversales dans la masse sous-æsophagienne (PI. VIIL, fig. 4, 5, 6), on cons- tate qu’elle présente dans toute sa longueur une section plus ou moins ovalaire dont le grand axe est parallèle à la face ventrale du corps. Dans toute la partie antérieure, les deux cordons sont chacun, entourés d’une couche de cellules nerveuses aux points où ils ne présentent ni nerfs, ni com- missures. 188 JULES RICHARD. Au niveau d’une commissure (PI. VIII, fig. 4, co), au con- traire, les cellules nerveuses du bord interne sont refoulées, vers la face ventrale plus particulièrement, pour laisser passer les fibres transversales qui réunissent Les deux con- nectifs. Dans sa partie postérieure, la masse sous-æsopha- gienne présente encore une section ovale (PL. IV, fig. 7), mais les deux connectifs qui constituent la chaîne sont confondus. Les nerfs mandibulaires (PI. VII, fig. 4, 18; PL. VII, fig. 4, mdn) se détachent de la chaîne au niveau de la com- missure post-æsophagienne et se dirigent à peu près paral- lèlement à cette commissure vers les mandibules. Il y en a deux paires. La première est formée de deux gros nerfs, de section ovale, qui se détachent de la face ventrale de la chaîne et entrent dans les mandibules en se prolongeant dans les palpes de ces organes après avoir présenté un ren- flement ganglionnaire ovoïde à une assez grande distance de leur origine. Les nerfs de la deuxième paire naissent à peu près au même. niveau que les précédents, mais de la partie profonde de la chaîne et vont tout droit aux muscles moteurs des mandibules. Ils sont assez longs et relativement grêles. Comme les mandibules, les maxilles (PI. VIT, fig. 4, 18; PI. VIIL, fig. 6, #7n) sont innervés par deux paires de nerfs qui naissent au-dessous de la commissure des ganglions mandibulaires, c’est-à-dire un peu au-dessus de l’articula- tion des maxilles. La première paire part des extrémités latérales de la face ventrale. Ce sont deux gros nerfs qui se dirigent obliquement vers les maxilles et qui présentent, avant d'entrer dans ces appendices un gros renflement gan- glionnaire (PI. VII, fig. 22, »gr), dont la situation n’est pas absolument fixe. Il se trouve en effet plus ou moins rapproché de l’origine des nerfs, suivant les individus ; on peut même constater sur un même exemplaire que l’un des ganglions est notablement plus éloigné que l’autre de cette origine. La deuxième paire (PI. VIIL, fig. 22, nr) de nerfs part des par- RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 189 ties plus profondes de la chaîne, comme pour les mandi- bules, et se dirige vers la base des muscles des maxilles. La partie de la masse sous-æsophagienne située au-dessous des ganglions maxillaires diminue peu à peu de largeur. Elle commence par une commissure distincte (PI. VIL, fig. 18, mpc) en arrière de laquelle la masse nerveuse paraît ho- mogène. Les coupes longitudinales montrent cependant ae les nerfs des maxillipèdes antérieurs (PI. VII, fig. 4, mp'n, mp'n; PI. VIT, fig. 18, m'pn) naissent à une assez grande distance en avant de l’origine des nerfs des maxilli- pèdes de la deuxième paire. Les premiers se détachent au-dessous de l'insertion des maxilles ; mais ils sont beaucoup plus grêles et plus longs que ceux de ces derniers, parce que leur point d’origine et situé assez loin en avant des maxillipèdes antérieurs auxquels ils aboutissent en suivant une ligne très oblique par rapport à l'axe de la chaîne. Les ganglions que présentent les nerfs sensitifs sont très petits et très rapprochés des centres ner- veux. Tandis que les nerfs moteurs des antennes posté- rieures, des mandibules et des maxilles se divisent en ra- meaux secondaires presque aussitôt après leur émergence pour innerver les différents muscles, ceux des maxillipèdes ne se divisent que vers leur extrémité. Les pattes-mâchoires postérieures (PI. VIE, fig. 4, mp°n) sont innervées exactement de la même façon que celles de la première paire; leurs nerfs sortent de la chaîne à peu près au niveau de l’inser- tion des premiers maxillipèdes. Au-dessous de l’origine des nerfs des maxillipèdes posté- rieurs la chaîne nerveuse diminue de largeur, et c’est à peu près au niveau de la base des pattes-mâchoires de la deuxième paire qu’elle présente, pour cette région, sa lar- geur minima (PI. VIT, fig. 4, B). C’est en ce point qu'il faut placer la limite de la masse sous-æsophagienne proprement dite, qui n’est séparée du premier ganglion thoracique que par un étranglement peu marqué . Masse thoracique. — Le premier ganglion (PI. VII, fig. 4, 190 JULES RICHARD. gt) est situé un peu au-dessous de l’insertion des maxilli- pèdes postérieurs, c’est-à-dire vers la limite du premier segment du corps. Il est constitué par un élargissement assez peu considérable de la chaîne nerveuse, bien qu’il paraisse plus élargi. Il en est de même des quatre ganglions suivants (PI. VIL fig. 4, gË, g®, gt*). Cela tient à ce que les nerfs antérieurs de chaque ganglion sont très larges à leur base (PI. VIL, fig. 25, »s) qui paraît être une expansion de la chaîne, mais dans laquelle on ne voit que des fibres. Le premier ganglion thoracique innerve particulièrement les pattes nataloires de la première paire. La distance qui sépare le premier ganglion du suivant est relativement très grande, et dans tout cet intervalle, la chaîne ventrale est réduite à un cordon élargi à ses deux extrémités, mais très étroit dans sa portion moyenne (PI. VII, fig. 4, cp'). Cette partie est la plus grêle de toute la chaîne ganglionnaire. Le deuxième ganglion (PI. VII, fig. 4, gt) se trouve au niveau de la réunion des deux premiers segments thoraciques libres, c’est-à-dire un peu en avant de l’inser- tion des pattes de la deuxième paire, qu'il innerve. Le deuxième ganglion (PI. VII, fig. 4, gf°) est séparé du troisième par un intervalle notablement plus petit que dans le cas précédent. Ce troisième ganglion thoracique (PI. TT, fig. 4, 25, 9%), qui fournit des nerfs aux pattes natatoires de la troisième paire, est situé au niveau de la fin du deuxième segment du corps, à peu près à égale distance des origines des pattes de la deuxième el de la troisième paire. Quant au quatrième ganglion (PI. VII, fig. 4, 25, gé) il est encore plus rapproché du troisième que celui-ci ne l’est du second. Il passe sous la limite entre le troisième et le quatrième segment thoracique, assez loin en arrière de l’o- rigine des pattes natatoires de la troisième paire. Comme cela a été dit plus haut, ces quatre ganglions thoraciques ne se montrent que comme de faibles élargisse- ments, cependant nettement visibles, de la chaîne nerveuse. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 191 Mais en arrière du dernier, celle-ci ne présente plus de renflement (PI. VII, fig. 4, 25, gf), elle se prolonge jus- qu’au niveau de l'insertion des pattes de la quatrième paire. De ce point elle envoie des nerfs aux pattes de la cinquième, et se continue par un mince cordon impair dont il va être question plus loin. Bien que la portion de la chaîne comprise entre le quatrième ganglion et l’insertion des pattes de la quatrième paire ne présente pas de renflement, on doit cependant la considèrer comme un cinquième ganglion thoracique, puisqu'elle donne les nerfs des pattes de la cinquième paire. Nous allons montrer du reste que sa struclure confirme pleinement cette manière de voir. Comment sont distribués les éléments nerveux dans le parcours de la chaîne ventrale depuis le premier ganglion thoracique ? Dans la partie plus étroite qui sépare ce dernier de la masse sous-æsophagienne, les coupes transversales nous montrent une section plus ou moins rectangulaire (PL. VIIL, fig. 8) dont le côté ventral est légèrement concave en son milieu. Ce côté, les parties latérales et la portion mé- diane de la face dorsale sont garnis de cellules nerveuses tan- dis que les parties latérales de la face dorsale en sont à peu près dépourvues. Au niveau du premier ganglion, la section devient plus large, les cellules nerveuses de la partie mé- diane de la face venirale, devenues plus nombreuses, s’avan- cent vers l’amas de cellules dorsal et médian, qui, lui aussi, pénètre dans l'intérieur de la chaîne, de telle sorte que la partie fibrillaire, étranglée en son milieu est divisée en deux parlies latérales réunies seulement par les fibres centrales, Comme on l'a vu plus haut, le connectif qui réunit les deux premiers ganglions thoraciques présente vers son milieu la partie la plus étroite de la chaîne. Tandis qu'à ses extré- mités ce connectif présente une section transversale ovale assez développée et dont le grand diamètre mesure 0°*,05 chez un exemplaire de Diaptomus cœruleus, la portion mé- diane de ce connectif devient presque cylindrique (PI. VIF, 192 JULES RICHARD. fig. 9) et ne mesure guère que 0**,023 de diamètre dans le même individu. Ce cordon est, dans toute sa longueur, ex- irêmement pauvre en cellules nerveuses, surtout dans la portion moyenne où il n’en PRÉCÈRIE que quelques-unes disséminées. | Les coupes transversales passant par le deuxième ganglion thoracique présentent une section (PI. VII, fig. 10) plus dé- veloppée dans le sens latéral que dans la direction per- pendiculaire. Le bord ventral est presque droit, tandis que le bord opposé est beaucoup plus convexe et présente dans sa partie médiane un groupe de cellules nerveuses qui s’en- fonce comme un coin dans la masse centrale, qu'il divise avec le groupe médian de cellules du bord opposé, en deux cordons fibrillaires. Les parties latérales du bord dorsal sont presque complètement dépourvues de cellules. Nous retrouvons donc la même structure que dans le premier ganglion thoracique et les deux ganglions suivants (PI. VIII, fig. 12, 13) sont constitués de la même façon. Il n’y a de différences que dans les dimensions, différences assez faibles du reste. C’est ainsi que chez un même individu la plus grande largeur est pour le premier ganglion thoracique de 0°*,06 ; de 0**,052 pour le deuxième ; de 0**,048 pour le suivant ; le quatrième mesure encore 0**,042 tandis que le dernier n’a pas plus de 0°*,032. Les connectifs qui relient le deuxième ganglion au troi- sième (PI. VIIE, fig. 11) et celui-ci au quatrième présentent une structure identique mais assez différente de celle du con- nectif qui relie entre eux les deux premiers ganglions. Ils montrent sur toute leur longueur une largeur assez uniforme et une section à peu près rectangulaire dont l’épaisseur est notablement plus faible que celle des ganglions et dont les faces latérales du bord dorsal sont seules dépourvues de cellules nerveuses. La portion de la chaîne qui fait suite au quatrième ren- flement ganglionnaire est un cordon cylindrique très étroit (0"*,032 de diamètre) dans lequel les coupes transversales RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 193 montrent que la portion fibrillaire ou connective est extré- mement réduite (PI. VIIT, fig. 14) et que toute la partie termi- nale est formée surtout de cellules nerveuses, si bien que les dernières sections (PI. VIIT, fig. 15, 16, 17) contiennent presque exclusivement des éléments cellulaires qui ne font défaut qu'aux points d'émergence des nerfs qui partent de cette extrémité (en particulier ceux des pattes de la cin- quième paire) (PI. VII, fig. 25, apr”; PI. VIIL, fig. 19 46). L’ex- trémité de la chaîne correspond donc bien, malgré l’ap- parence, autant par sa structure que par les nerfs qu’elle fournit à un cinquième et dernier ganglion thoracique. Nerfs de la masse thoracique. — 1 nous reste à voir main- tenant quels sont les nerfs qui partent des ganglions thora- ciques. Il suffira pour cela d'étudier un seul de ces derniers, car tous se comportent de la même façon. Prenons par exemple le troisième ganglion (PI. VIE, fig. 4; PI. VIT, fig. 25, gt). Nous en voyons partir, à la partie antérieure et de chaque côté, un nerf élargi à sa base (PI. VIE fig. 25, ns) et qui se dirige du côté ventral en passant par-dessus tous les autres nerfs, pour entrer dans les pattes de la troisième paire. Dans l’article basilaire de ces pattes il se divise après avoir présenté sur son trajet, immédiatement avant sa divi- sion, un petit groupe de deux ou trois cellules bipolaires, ce qui donne lieu de croire qu'il est de nature sensitive. Outre quelques filets peu importants qui semblent se perdre dans l’article basilaire, il y en a deux qui pénètrent chacun dans une des branches des pattes après avoir passé par un groupe de cellules bipolaires semblable au précédent, en sorte que nous avons une distribution très semblable à celle qu'on trouve chez les Cyclops (PI. VI, fig, 26, ns). Mais je n'ai pas réussi à suivre le filet nerveux de chaque rame de la patte, : ce qui est relativement facile chez les Cyclops. Deux autres paires de nerfs se suivent à une assez grande distance. La première (PI. VI, fig. 25, nm) naît presque au même niveau que la précédente ét innerve les muscles fléchisseurs, c’est-à-dire ceux qui par leur contraction ra- ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, 193. — ART. N° 8. 194 . JULES RICHARD. mènent les pattes vers la partie antérieure du corps, en donnant pour cela des rameaux secondaires. La deuxième paire (PI. VIT, fig. 25, rm), qui a son origine beaucoup plus bas, se divise aussi pour innerver les puissants muscles ex- tenseurs qui jouent le principal rôle dans les mouvements de la natation. Outre ces trois paires de nerfs, qu’on trouve semblablement distribués dans chacun des quatre premiers ganglions thoraciques, il y en à une quatrième dans les trois premiers (PI. VIT fig. 25, nml). Ces nerfs, qui conser- vent dans toute leur longueur le même volume, aboutissent directement, après un parcours moins oblique que celui des autres, aux gros troncs musculaires longitudinaux dorsaux (ou extenseurs) et ventraux (ou fléchisseurs) du corps. Je n'ai pu voir naître du cinquième ganglion et tout à son extrémité que les deux premières paires de nerfs ordi- naires (PI. VII, fig. 25, »pr°). Cependant il ne me paraît pas douteux qu'il y en ait aussi une troisième pour les muscles extenseurs de ces pattes qui se meuvent comme les Ass natatoires. Il faut remarquer qu'aucun abs ner " Étienne dé la masse thoracique ne présente sur son trajet de renflement ganglion- naire semblable à celui qui a été signalé sur les nerfs des antennes et des appendices de la bouche (PI. VILLE, fig. 22). Il faut probablement regarder comme l'équivalent de ce ganglion l’ensemble des cellules bipolaires qui se trouvent sur le trajet des neris de la première paire de chacun des quatre premiers ganglions thoraciques, dans les articles ba- silaires des pattes, et qui forment ainsi une sorte de gan- glion dissocié. Ajoutons en oulre que, comme dans la pre- mière partie de la chaîne ventrale, la première paire de nerfs de chaque ganglion naît de la face ventrale (aux ex- trémités latérales de cette face) tandis que les autres nerfs, spécialement moteurs, ont leurs origines situées dans un plan plus dorsal. | | Portion abdominale de la chaîne nerveuse. — À parti de l'extrémité du Re ganglion da tous VIL, RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 195 fig. 4, 25, cv) située au niveau de l'articulation des derniè- res pattes natatoires, la chaîne ventrale est dépourvue de cellules nerveuses et ne se montre plus que comme un gros nerf impair médian très légèrement aplati et qui reste tel à peu près jusqu’à la fin du premier segment abdominal chez la femelle et jusque vers le milieu du deuxième chez le mâle (PL. VIT, fig. 4, cf). En ce point, le cordon nerveux se dé- double et les deux branches ainsi formées s’écartent de plus en plus et se divisent chacune, vers leur extrémité, en fibres assez nombreuses et divergentes présentant chacune une cellule bipolaire avant de se perdre vers la base des soies de la furca. | Il est beaucoup plus difficile chez les Diaptomus que chez les Cyclops de voir cette partie de la chaîne nerveuse, à cause de la situation plus rapprochée de la ligne médiane des muscles longitudinaux ventraux. Je n'ai pas pu voir de nerfs se détacher du cordon médian dans le premier segment de Pabdomen. Je n'affirmerai pas qu'il n’y en a point; ce qui est certain c’est que l’on ne trouve pas là l’élargissement qui se manifeste chez les Cyclops (PI. VL fig. 21 7°). Nous en avons fini avec ce qui concerce l’anatomie du système nerveux des /aptomus castor et cæruleus. Les autres espèces du même genre qu'il m'a été possible d'étudier (D. amblyodon, D. À Uluaudi et D. Wierzejskü) présentent une disposition identique jusque dans les détails observés, comme je l'ai déjà fait remarquer dans une note préliminaire (68). Système nerveux des autres Calanides d’eau douce. — Je n'ai eu à ma disposition aucune espèce des genres Bæckella et Proteas el des exemplaires trop rares el en trop mauvais état de l'Osphranticum labronectum pour en aborder l'étude. Mais le système nerveux a pu être examiné d’assez près dans les types suivants : Heterocope borealis, Epischura Nordens- hioldi, Eurytemora lacinulata, Poppella Guernei, Limnoca- lanus macrurus.Comme on pouvait s’y attendre, étant donné la similitude de leur organisation générale et de leur genre de vie, le système nerveux de ces types est entièrement sem- 196 JULES RICHARD. blable à celui des Diaptomus. Les différences, quand il y ena, ne méritent vraiment pas d’être signalées, car elles sont faibles à ce point qu’elles ne sortent pas des variations qu’on rencontre dans le genre précédent lui-même, variations qui paraissent même individuelles et qui consistent simplement dans la situation plus ou moins avancée ou reculée des points d’émergence des nerfs de la chaîne et en ce que la partie qui sépare les deux premiers ganglions thoraciques est un peu moins étroite en son milieu que chez les Diaptomus. À cause de l’état de conservation des exemplaires il ne m'a pas été permis de m’assurer que cette similitude se poursuit jusque dans les parties extrêmes du système périphérique, mais l’uniformité de structure du système central et des différentes parties du corps permet de penser que cette similitude est bien complète. Système nerveux des Cyclops. — Chez ces animaux qui diffèrent notablement, à certains égards, des Calanides, nous constatons bien dans le système nerveux quelques diffé- rences, mais elles sont en réalité peu importantes. J'ai étudié particulièrement trois espèces (C. fuscus, C. viridis, C. stre- nuus). Dans toutes, la partie antérieure du système nerveux central jusqu’à la masse thoracique est semblable à celle des Diaptomus. Hartog (58) qui a le mieux étudié ces Copé- podes me paraît ne pas avoir insisté, sur divers points im- portants, d’une façon suffisante, et avoir méconnu la va- leur de quelques particularités intéressantes. Le caractère de la commissure post-æsophagienne en tant que commis- sure lui à échappé; pour lui elle fait partie du « ganglion méta-æsophagien » et il se demande si la courte commis- sure située immédiatement au-dessous de l’œsophage chez les Phyllopodes représente /a partie du gçanghon méta-æsopha- gien séparée du reste du ganglion par les deux perforations qui livrent passage aux muscles rétracteurs de la lèvre in- férieure (58, p. 30). Comme je l’ai déjà dit, cette commissure post-æsophagienne, qui existe chez tous les Copépodes d’eau douce que j'ai étudiés, n’a rien à voir avec la masse RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 197 sous-æsophagienne ; les coupes le montrent nettement. Quant aux commissures qui réunissent les ganglions correspondant aux appendices de la bouche et qui rappellent un peu le système nerveux en échelle des Phyllopodes,Hartog semble s’en être à peine aperçu, car il dit simplement ceci : « The ventral nerve-cord is perforated in the maxillary region by two holes for the retractor muscles of the postoral bar. Most of the fibres constituting the great bulk of the ventral cord are longitudinal, but both vertical and transverse com- missural fibres occur, the latter at short intervals. » (58p. 30). Il semble résulter des termes exprimés à diverses reprises par cet auteur (58, p. 22), non pas que les muscles rétracteurs passent dans l'intervalle situé entre deux commissures, mais que ces muscles per/orent la chaîne ventrale. Ces perforations qui l'intriguent, Hartog les a observées aussi dans les genres Calanus et Diaptomus, et je pense avec lui qu’elles sont communes à l’ordre entier des Copépodes libres. La masse nerveuse thoracique ne diffère de celle qu’on a trouvée chez les Diaptomus qu’en ce que la partie ganglion- naire de la chaîne, contenant des cellules nerveuses, ne dépasse pas le niveau de l’insertion des pattes de la troi- sième paire {très rapprochées de celles de la quatrième) de sorte que ce troisième ganglion doit être considéré comme résultant de la fusion avec ce ganglion primitif des ganglions des quatrième et cinquième segments thoraciques et du pre- mier segment abdominal. On en voit du reste parlir un long nerf (PI. VI, fig. 21, n/) qui va aux téguments du dernier (cinquième) segment thoracique. Mais cette fusion, com- plète pour les éléments cellulaires, ne l’est qu’en partie pour les nerfs, car ce renflement ganglionnaire donne aussi les nerfs de la quatrième paire de pattes. Ce n’est que beaucoup plus loin que les nerfs de la cinquième paire se détachent de la chaîne, et toute la partie de cette dernière qui sépare leur point d'émergence du dernier renflement ganglionnaire se montre comme un simple cordon de structure exclusivement fibrillaire, sans cellules nerveuses, et qui se voit avec une 198 JULES RICHARD. netteté parfaite sur des Cyclops vivants couchés sur le dos (PI. VI, fig. 21, co). C'est ce cordon nerveux qu'ont vu la plu- part des auteurs et qui a sans doule engagé Leydig et Reh- berg à nier la présence de ganglions dans la chaîne ventrale. À peu près à la limite entre le quatrième et le cinquième segment thoracique (PI. VI, fig. 21, r°), le cordon nerveux se dilate, marquant ainsi la place du cinquième ganglion thoracique, mais là non plus il n'y a point de cellules ner- veuses, mais seulement des fibres. De cette dilatation partent deux paires de nerfs, le plus souvent au même niveau, quel- quefois à une certaine distance l’une de l’autre. Les nerfs de Puné;tirès courts{PIf NL. fig. 21 ; PI NID go mm) s’élalent sur les deux gros muscles longiludinaux ventraux qui convergent en ce point, tandis que ceux de l’autre paire (PL VI, fig. 21 ; PI. VIE fig. 1, 7, #°), vont obliquement dans les pattes rudimentaires. Avant d'y entrer, ils présentent un pelit renflement formé de cellules bipolaires (PL. VE, fig. 18, cg‘), el aussi une ou plusieurs cellules semblables dans l’intérieur de l’appendice (PI. VL. fig. 18, cg) aux épi- nes et aux soies duquel ils envoient des filets nerveux très délicats. Aussitôt après la naissance de ces nerfs le cordon ventral continue généralement à être impair, médian, et toujours formé exclusivement de fibres jusque dans le pre- mier segment abdominal où il s’élargit encore sans changer de structure. De cet élargissement (PI. VI, fig. 21 r‘), par- tent des nerfs vers les orifices génitaux latéraux et le receptaculum seminis. À partir de là, le cordon ventral se bi- furque, les deux branches sont d’abord parallèles, pendant un trajet assez variable, généralement jusque vers Île deuxième segment abdominal; puis elles divergent de plus en plus pour se perdre dans la furca après avoir donné de nombreux filets dont les principaux vont aux soies et aux glandes du dernier segment du capes Ce n’est que sur cha- cun de ces filets secondaires qu’on trouve une cellule bipo- laire, mais jamais il n’y a de ganglions dans l'abdomen comme l’a prétendu Zenker. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 199 La partie du cordon nerveux située entre le quatrième segment thoracique et le premier segment abdominal n’est pas toujours unique. Chez le Cyclops strenuus il se produit très souvent dans cetle région une division de la chaîne en deux bandeleltes symétriques. Chez certains individus (Pl. VIT, fig. 1), au point d’où partent les nerfs des paltes rudimen- taires le cordon nerveux se dédouble en deux autres, paral- lèles ou à peu prés jusqu'à la fin du premier segment abdominal et qui à partir de là, divergent comme dans le cas normal. Chez d’autres (PI. VIE, fig. 7), la bifurcation se fait beaucoup plus haut, et les deux branches, très écar- tées à l’origine des nerfs des pattes rudimentlaires, se réu- nissent de nouveau plus tôt que dans le cas précédent ; de sorte qu on a dans le cordon nerveux un grand trou al- longé, s'étendant du milieu du quatrième segment tho- racique au commencement du premier segment abdominal. Hartog a observé un fait semblable (58, p. 30, note) dans un Cyclops et il le rapproche de celui de la perforation de la masse sous-æsophagienne (1). Celte monstruosité (2) semble l’intriguer, car rien n’occupe cette lacune. Le pre- mier cas qui vient d’être rapporté donne une explication toute naturelle de cette simple anomalie. Le cordon nerveux qui se divise toujours à un moment donné dans l'abdomen, a son point de bifurcation reporté seulement plus haut, l’absence de ganglion supprime tout obstacle qui pourrait s’opposer à une division aussi FappRochée de la partie anté- rieure du corps. Les appendices étant en même nombre et offrant à peu près la même situation que chez les Diaptomus, 11 était na- _turel de penser que leur innervation est la même; c’est en effet ce qui arrive. Aucun des auteurs antérieurs ne l’a décrile exactement et complètement. Il est inulile de répéter 1cr ce qui a été dit à ce sujet pour les Diaptomus, car cela s'applique parfaitement aux Cyclops, sauf pour la partie postérieure de (1) Voir plus haut, p. 197. (2) À puzzling monstruosity (58, p. 30, en note). 200 JULES RICHARD. la chaîne qui présente des différences signalées un peu plus haut. Je veux seulement insister sur quelques points. Comme Hartog l’a vu le premier (58, p. 29), il y a un nerf spécial pour les antennes postérieures et qui part des connectifs péri- œsophagiens ; ce n’est pas du tout, comme le pense Rehberg (36, p. 12) une branche du gros nerf des antennes antérieures qui les innerve. Il y a aussi chez les Cyclops les deux gros nerfs courts qui entrent dans la lèvre supérieure et qui ont complètement échappé à l'attention de Hartog. Les renflements ganglionnaires de la chaîne donnent trois paires principales de nerfs qui se comportent exactement comme chez les Diaptomus. 11 y à en outre, dans chaque segment, sauf dans le quatrième, une autre paire de nerfs destinés aux muscles longitudinaux du corps. Nous avons vu que le troisième et le quatrième ganglion thoracique étaient confondus en un seul, mais on y reconnaît cependant très nettement les nerfs qui appartiennent à chacun d’eux. On peut arriver à voir presque toute cetle innervation sur des animaux vivants, bien transparents et vus par la face ventrale, si on s'arrange de façon à faire étendre vers l'abdomen, une ou plusieurs paires de pattes natatoires qui sont au contraire généralement ramenées vers la bouche. Mais des coupes longitudinales un peu épaisses et parallèles à la face ventrale, montrent plus nettement les diverses parties. Il est beaucoup plus facile chez les Cyclops que chez les Calanides de suivre le nerf qui pénètre dans chaque paire de pattes (PI. VII fig. 21) (1). D’après Rehberg (36, p. 12), il y en aurait quatre pour chaque paire; cet auteur compte évi- demment dans ce nombre ceux qui innervent les muscles des pattes, mais qui n’entrent pas dans ces appendices, et ceux qui aboutissent aux muscles longitudinaux du corps (2). Le (1) Voir plus haut, p. 193, ce qui a été dit à ce sujet pour les Diaptomus. (2) Rehberg a figuré d’une facon très inexacte (36, pl. IL, fig. 7) le système nerveux des Cyclops surtout en ce qui concerne la partie abdominale de la chaine où il n’a pas vu les deux longues branches divergentes. Fric avant RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 201 nerf en question fournit des filets aux glandes et aux épines ou aux soies des pattes (PI. VI, fig. 13) (1). Système nerveux des Harpactides. — Jusqu'à présent on ne sait absolument rien du système nerveux des membres de cette famille. Il faut avouer que leur étude est extrêmement difficile. Ce n’est plus ici la rareté des animaux et la difti- culté d'en avoir de vivants qui s'oppose à ce qu’on prenne une connaissance complète de leur organisation. Il est en effet, facile de se procurer à peu près partout le Cantho- camptus staphylinus, qui est le plus grand des Harpactides d’eau douce et qui atteint 1! millimètre de longueur. Mais la petitesse des ces Copépodes, l'épaisseur relativement plus forte de la carapace, surtout chez le Bradya, où les deux difficultés sont réunies; la longueur des pattes natatoires garnies de soies et d’épines nombreuses, rendent l'examen par transparence à peu près impossible. La coloration foncé de la carapace du Pradya et l’abondance des glandes chez les Canthocamptus, viennent encore s'ajouter aux obstacles précédents. Cela nous explique l'absence totale de travaux sur le système nerveux des Harpactides en général. La méthode des coupes est la seule qui puisse donner ici des indications précises, bien que la dureté relative de la chi- tine qui se brise souvent sous le rasoir provoque des déchi- rements dans les coupes, ce qui n’arrive généralement pas pour les autres Copépodes. Jai étudié un représentant de chacun des deux genres d'Harpactides qui vivent en France; ce sont : le Canthocamptus staphylinus Jurine, et le Bradya Edwardsi Richard. À cause des difficultés longuement énu- mérées ci-dessus, je n'ai guère réussi à voir autre chose que le système nerveux central qui, je le dis dès maintenant, est semblable dans les deux types choisis. Ce qui suit s’applique donc à tous les deux. Dans son ensemble, l'appareil nerveux (en particulier le lui (32) était arrivé à des résultats plus exacts sur ce point (Voir l’histori- que, p. 176). (1) Voir aussi, p. 165, ce qui est relatif à l’innervation des glandes. 202 . JULES RICHARD. cerveau) est le même que celui des Diaptomus. 1] s’en écarte cependant par quelques caractères. La fusion des ganglions correspondant aux appendices de la bouche est ici beaucoup plus complète, et l’on ne voit dans cette masse que la commis- sure post-æsophagienne et celle des ganglions mandibulaires; au-dessous, les autres parties sont entièrement confondues. La masse nerveuse thoracique n’est séparée par aucun étranglement de la portion précédente. Tandis que chez les Diaptomus la place des ganglions est nettement (quoique faiblement) marquée par un élargissement de la chaîne et que les deux premiers ganglions thoraciques, en particulier sont séparés par une partie connective longue et grêle, iciau contraire, on ne voit dans la région thoracique qu’une large bande nerveuse, très comprimée dans le sens dorso-ventral, et dans laquelle les cellules nerveuses sont distribuées pres- que partout d’une façon uniforme, comme le montrent clairement les coupes. On n'y trouve pas ces amas de cel- lules, qui, chez les Diaptomus et chez les Cyclops indiquent les centres ganglionnaires. La chaîne se poursuit, avec ces caractères, jusque dans le quatrième segment thoracique. Là elle perd ses éléments ganglionnaires et se continue en un cordon large et aplati, qui, chez le Canthocamptus staphy- linus se bifurque dès son entrée dans le premier segment de l'abdomen où il se comporte comme dans les genres précé- demment étudiés. Cette partie abdominale est la seule qu'il m'a été possible de voir sur un jeune individu vivant, doni les glandes abdominales n'étaient pas encore assez développées pour cacher les parties sous-jacentes; chez le Bradya vivant la coloration de la carapace ne permet pas d'arriver à ce ré- sultat. Je pense que les choses se pass comme chez les Canthocamptus bien que je n’ai pu m'en assurer même par l'examen des coupes. Parmi les nerfs, je n’ai vu que ceux des deux paires d an- tennes qui occupent la même situation que chezles Drapto- mus el les autres Copépodes, et des nerfs partant de la chaîne, mais qui n’ont pu être suivis. | RECHERCHES SRR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 203 Système nerveux sympathique. — Je ne puis à ce sujet que suivre l’exemple de Hartog, d’après qui le système nerveux sympathique est peut-étrereprésenté par lenerfimpair médian qui pénètre dans la lèvre supérieure (nerf et ganglion azygos de Hartog) et qui paraît fournir tout au plus des filets nerveux à l’épipharynx. Remarques générales. — Dans son ensemble, le système nerveux des Copépodes d’eau douce, en particulier celui des "Calanides, paraîl assez semblable à celui des Copépodes ma- rins de la même famille, tel que nous le connaissons d’après les travaux de Claus. Mais il est impossible de savoir d’une facon certaine, si cetle ressemblance se poursuit plus loin et jusque dans les détails. Chez aucun Copépode marin, en effet, ce savant naturaliste n’a pu étudier la structure de cer- taines parties, en particulier celle de la masse sous-æsopha- gienne qui est une des plus intéressantes (commissure post- œsophagienne, etc.). Sur le système nerveux périphérique, Claus ne donne encore que des indications trop peu nom- breuses et trop incomplètes pour donner lieu à des compa- raisons utiles. Mais je suis bien convaincu qu'une étude approfondie montrera chez les Calanides marins, un système nerveux semblable, dans ses traits les plus essentiels, à celui des Crustacés de cette famille qui habitent les eaux douces. Les résultats auxquels est arrivé Claus, d’une part, et l'allure générale uniforme de ces Copépodes, d'autre part, per- mettent de penser que cetle hypothèse sera justifiée. Quant au système nerveux des Harpactides, on ne peut le comparer à celui des espèces de cette famille qui habitent la mer, pour la bonne raison que nous ne savons absolument rien de ce qui les concerne à ce point de vue. … Remarques au sujet des éléments du système nerveux. — Bien que je ne me sois point attaché d’une façon spéciale à l'étude histologique de cet appareil, je crois devoir faire quelques remarques au sujet de certaines particularités. Tandis que Claus et Leydig ont reconnu, au moins en cer- tains endroits du système nerveux central, la présence d’un 204 JULES RICHARD. névrilemme, cette membrane, d’après Hartog (58, p. 31), paraît faire complètement défaut chez le Cyclops (1). Je ne puis en aucune manière partager cette opinion. Il est en effet facile de voir, par les coupes transversales, que tout le système nerveux central est enveloppé d’une membrane extrêmement délicate et dans laquelle on trouve des noyaux allongés et aplatis (PI. VIIL, fig. 30) mesurant environ 0"*,01 de longueur sur 0**,004 de largeur et dont le grand axe est parallèle à celui du corps. Ces noyaux se voient difficilement sur les coupes transversales à cause de leur faible épaisseur, mais 1ls sont très apparents dans les sections longitudinales. Ils ressemblent assez à ceux qu’on trouve dans le tissu con- jonctif de diverses parties du corps et diffèrent considéra- blement de ceux des cellules nerveuses. Je n’y ai point vu de nucléole, mais seulement quelques petites granulations. Le névrilemme se voit assez nettement, particulièrement chez les Cyclops, jusqu’à l’origine des nerfs thoraciques de la cinquième paire, mais je n’ai pas réussi à le voir sur les nerfs qui paraissent nus. Seuls les deux nerfs courts qui aboutissent aux muscles longitudinaux ventraux, dans le qua- itrième segment thoracique (PI. VIT, fig. 1, 7, am), montrent à leur surface les noyaux allongés qui paraissent appartenir au névrilemme, au-dessous duquel on trouve les noyaux arrondis fréquents dans le sarcolemme des muscles de ces animaux. Peut-être, dans ce cas particulier, le névrilemme se continue-t-il avec le sarcolemme? Dans les autres nerfs moteurs, le sarcolemme semble entourer l'extrémité nue du nerf qui se divise en deux ou trois fibrilles au contact du muscle. Dans le système nerveux central, je n’ai point trouvé les cellules multipolaires signalées par Hartog en certains points (4) Remarquons en passant que, pour Hartog (58, p. 21 et 31) les muscles des Cyclops adultes sont dépourvus de sarcolemme. J'ai toujours observé le contraire, et il est très facile de le voir sur les coupes, parce que les prépa- rations par lesquelles passent les animaux ont pour effet d’écarter le sar- colemme de la surface des muscles. Leydig et Claus en ont du reste aussi constaté la présence RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 205 du cerveau, mais seulement des cellules unipolaires sem- blables à celles que j'ai dessinées (PI. VIII, 25, 26) à l’état frais. Elles mesurent en moyenne 0**,015 de longueur; elles sont piriformes et se font remarquer par la grosseur de leur noyau plus ou moins arrondi et qui possède un très petit nucléole souvent à peine plus gros que les granulations parfois assez nombreuses qu'on trouve constamment dans le noyau (1). Celui-ci occupe presque tout l’intérieur de la cellule dont la partie somatique est ainsi très réduite, très pâle sur les animaux frais et dont il est très rare de trou- ver les limites sur les préparations. Sur le trajet d’un grand nombre de nerfs, en particulier de ceux qui vont aux pattes de la cinquième paire, on trouve des cellules bipolaires plus ou moins renflées (PI. VIIT, fig. 27), mais généralement allongées et étroites (PI. VILLE, fig, 29; PI. VII, fig. 26; PI. IF, fig, 18, cg', cg”) dont le noyau pré- sente les caractères de celui des cellules unipolaires. Au milieu des fibres nerveuses très ténues de la chaîne ventrale, il se trouve de chaque côté de la ligne médiane une fibre géante (PI. VIIT, fig. 31) signalée depuis déjà long- temps par Claus (19, p. 43) chez quelques Calanides marins et que cet auteur compare, avec raison Je crois, au faisceau de fibrilles situé au centre des grands tubes nerveux de la chaîne ventrale de l’écrevisse et des Malacostracés. Cette fibre montre en effet (PI. VII, fig. 32) une très fine striation longitudinale, elle mesure chez le Diaptomus amblyodon en- viron 0**,004 de largeur et dans certaines préparations on peut la suivre, sur des coupes longitudinales depuis la nais- sance des conneclifs péri-æsophagiens jusque vers la fin de la masse sous-œæsophagienne. Ce qui complète l’analogie avec les tubes nerveux dont il a été parlé plus haut, c’est l'isolement, très net sur des sections transversales, de cette fibre au milieu du long canal décrit par Hartog (58, p. 30) (1) Ces cellules sont très semblabies à celles qui ont été figurées par M. J. Chatin pour divers animaux (Études d’histologie zoologique sur la forme dite myélocyte, 1890). 206 _: JULES RICHARD. chez le Cyclops et par moi-même (68, p. 6) chez les Diapto- mus, comme une longue lacune canaliforme cylindrique servant à la nutrition du système nerveux. J'avais bien remarqué la présence des grandes fibres sur les coupes longitudinales ; mais ce n’est que depuis, que j'ai reconnu qu’elles correspondent exactement aux lacunes en question et que j'ai neltement vu la situation centrale de la fibre dans ladite lacune sur les coupes transversales. Il arrive la plu- part du temps, dans des sections semblables, qu’une coupe si mince, complètement isolée de la fibre centrale, disparaît dans les manipulations à laquelle elle est soumise, ce qui explique l’erreur de Hartog et la mienne. Ces tubes nerveux (PI. VIITL, fig. 6, 7, etc., /n) mesurent jusqu'à 0°*,012 de diamètre et se trouvent situés contre la face dorsale de la chaîne de chaque côté de l’axe du corps: Le faisceau central de fibrilles occupe-t-il tout le tube sur l’animal vivant, ou se contracte-t-il sous linfluence des réactifs de façon à n'occuper que la partie axiale? Y a-{-il une substance particulière qui le sépare des parois du tube, ou bien y a-t-il un espace rempli de liquide sanguin autour de lui? Ce sont autant de questions auxquelles je ne puis répondre. J’ai voulu simplement attirer l'attention sur ces tubes nerveux qui n’ont pas été reconnus depuis les tra- vaux de Claus (1863) et dont Hartog n'a pas soupçonné la nature. | ORGANES DES SENS. Organe de la vision. — On sait que les Copépodes d’eau douce possèdent un organe visuel impair, situé sur la ligne médiane du corps, un peu au-dessus de la partie antérieure du cerveau. Cet organe considéré longtemps comme un œil unique (d’où le nom de Monocles et de Cyclops donnés à divers Crustacés) a été reconnu par Claus comme formé de trois yeux simples réunis; mais c’est à Hartog (58, p. 33) que nous devons une description exacte et détaillée de cet appareil qu'il a étudié chez le Cyclops brevicornis (C. viridis). RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 207 Comme l'ont remarqué divers auteurs (Claus, Leydig, Plateau, etc.), il est facile de voir les deux yeux latéraux sur l’animal vivant. Ils se présentent comme deux corps globuleux réfringents situés un de chaque côté de la ligne médiane du corps, et enchâssés dans une masse centrale de pigment. Qu’on imagine un coquetier à double cavité, placé horizontalement, et garni de deux œufs. Ceux-ci repré- sentent les deux globes latéraux incolores, le coquetier lui- même représente le pigment. Pour compléter l’ensemble de Porgane, il faut supposer que dans sa portion moyenne el inférieure, le coquetier présente une troisième cavité sem- blable aux précédentes et dont l'axe serait perpendiculaire à celui de ces dernières, et que cette nouvelle cavité est occupée par un troisième œuf représentant l'œil ventral impair. | Quelle est la structure de ces différentes parties? La _ masse centrale pigmentaire (PI. VII, fig. 23, 24, m1) est formé de trois cellules pleines de granulations très fines et d'un rouge vif. Les deux premières sont séparées par une membrane située dans le plan dorso-ventral médian (PI. VII, fig. 23, mm); la troisième est séparée des deux autres par une membrane perpendiculaire à la précédente (PI. VI, fig. 23, mp). Un gros noyau se trouve dans chaque cellule. Quant aux masses globuleuses incolores, en apparence homogènes, on les a comparées au corps vitré et au cristallin des Vertébrés. Les recherches de Hartog établissent défini- tivement la nalure de leur fonction. Si on examine des coupes longitudinales ou transversales de l'œil (PI. VI, fig. 23, 24), on voit immédiatement que chaque sphère eris- talline se divise en un certain nombre (8 à 12) de bâtonnets à peu près cylindriques, un peu atlénués à leur extrémité, rayonnant vers l’extérieur et munis chacun d’un gros noyau situé à leur extrémité distale. Ce sont là évidemment des bâtonnets rétiniens. À l’encontre de ce qui existe généra- lement, chaque bâtonnet n’est pas entouré d’une gaine pig- mentaire, dans une partie quelconque de sa longueur, mais 208 JULES RICHARD. le pigment entoure seulement à sa base l’ensemble formé par la réunion des bâtonnets. En suivant les nerfs optiques (PI. VIT, fig. 24, no), on constate qu'ils n’entrent point dans la masse pigmentaire, mais qu'ils passent à l'extérieur de l'appareil visuel du côté dorsal de chaque œil simple pour se terminer à sa surface (1); de telle sorte que, comme le mon- tre du reste la situation distale du noyau de chaque bâton- net, les éléments rétiniens sont renversés comme dans les yeux marginaux des Pecten et dans celui des Vertébrés. Outre ces parties essentielles de l’organe de la vision, on trouve dans la portion de la carapace située au-dessus de lui, deux espaces circulaires transparents (PL. VI, fig. 25, c,c) plus réfringents que le reste de la chitine, et qui constituent pour chacun des yeux latéraux une cornée qui, pour l'œil ventral, est remplacée par la partie non modifiée de Ja ca- rapace située en avant de lui. Le liquide sanguin dans lequel l’œil est suspendu par des iractus conjonctifs ou par des muscles joue le rôle de liquide intermédiaire dans lequel les rayons lumineux cheminent, sans nouvelle réfraction jusqu'aux éléments rétiniens. Nous avons donc un organe visuel bien plus compliqué qu'on ne se l’imaginait jusqu'aux recherches de Hartog, à qui nous devons de connaître sa structure. La description précédente n’est pour ainsi dire qu'une répétition de celle de cet auteur. Mais je puis ajouter qu’elle s'applique aussi exactement à tous les Copépodes d’eau douce que j'ai étudiés (Diaptomus, Eurytemora, Heterocope, Epischura, Poppella, Limnocalanus et Canthocamptus). Nulle part, nous ne trou- vons trace des variations, quelquefois. assez considérables, qu’on observe chez divers Copépodes marins et qui ont élé étudiées par Claus (19, p. 44) (2). (4) Il n'y a nulle part de ganglion optique comme le croyait Plateau (20, p. 57). (2) Tout récemment, le professeur E. von Marenzeller a bien voulu, sur ma demande, me communiquer la note du professeur Claus intitulée : Uber den feineren Bau des Medianauges der Crustaceen (K. Akad. d. Wiss. in Wien : Sitz. d. math. — Naturw. Classe von 14 mai 1891, Akad. Anz. n° xu.). Les RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 209 Seul, le Pradya Edwardsi se fait remarquer par l’absence totale d'organes visuels, dont je n’ai trouvé aucune trace ni sur les coupes, n1 sur l'animal vivant. Cependant les indi- vidus de cette espèce sont loin d’être insensibles à l’action de la lumière qu'ils semblent plutôt rechercher. J'ai observé plusieurs fois qu'ils vont de préférence vers la paroi la mieux éclairée du bocal qui les contient. Le fait doit probablement s'expliquer par une intensité assez consi- dérable des perceptions dermaloptiques. Ce qui rend très vraisemblable cette manière de voir, c’est peut-être, non pas tant la coloration jaunâtre uniforme du corps que la masse de pigment d'un brun noirâtre qui occupe toute la partie basilaire des antennes de la première paire et qui est sans doute en rapport avec les impressions lumineuses. Je n'ai vu qu'une fois un individu mâle et quelques femelles com- plètement incolores, ce qui s'explique, selon moi, en admet- tant qu'ils arrivaient de la profondeur et qu'ils n’avaient pas encore eu le temps d'acquérir, sous l'influence de la lumière, la coloration qui est particulière à ces animaux. Cette hypo- thèse s'accorde très bien avec les considéralions exposées précédemment (1). Organe de l’ouie. — On ne rencontre chez les Copépodes d’eau douce aucun organe auquel on puisse donner ce nom. Il n’y a pas dans le cerveau ces deux cavités contenant des. concrétions et que Claus a signalées chez les Calanella. Quant à la vacuole trouvée par Hartog à la base du cinquième résultats auxquels est arrivé cet auteur sont très succinctement énumérés et concordent, au moins pour les faits principaux, avec ceux que Hartog a exposés dès 1882 et que je viens de confirmer. Mais je crois que Claus se trompe en n’accordant que six bâtonnets à chaque œil, comme Hartog, j'en ai toujours trouvé au moins huit, et le plus souvent une dizaine. (1) Bien que cela ne fasse pas de doute pour moi, je n'ai pas pu arriver à la certitude absolue que ces animaux habitent la nappe d’eau souterraine qui alimente le puits artésien de Passy. Il est aussi très possible que le nombre des individus amenés ainsi dans les lacs du bois de Boulogne ne soit pas considérable et que ce transport ne se fasse pas d’une facon continue. Pour ce qui concerne la perle plus ou moins complète du pigment oculaire, se reporter à l'excellent travail du Dr Moniez (59, p. 31). ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, 14. — ART. N° 8. 210 : JULES RICHARD. segment thoracique de quelques mâles du Cyclops wiridis (58 p. 33) et qui contient d’après cet auteur des concrétions de nature inconnue, il y a tout lieu de croire (1) que ce n’est pas autre chose qu'une des glandes qu’on trouve en cet endroit. Organe frontal. — Les deux nerfs qui partent de l’extré- milé dorsale du cerveau se terminent dans la région frontale par deux groupes de cellules situés de chaque côté de la ligne médiane. La portion de la caparace qui recouvre cette région porte, symétriquement disposés de chaque côté, deux ou trois poils rigides très fins, courts, à extrémité arrondie ne mesurant guère plus de 0**,02 de longueur (PI. VI, fig. 25, a, a). Ce sont là des appendices très simples et, en apparence du moins, bien peu en rapport avec le développe- ment des éléments nerveux auxquels ils semblent corres- pondre. On trouve une disposition analogue dans les autres tvpes. Le rôle de cet organe est absolument inconnu, aussi bien que chez beaucoup d’autres Crustacés où 1l est beau- coup plus développé (Branchipes, elc.). Sensibilité générale, sotes et organes de Leyda. La sensibilité générale réside dans toute la surface du corps. Les sensations: tactiles sont plus spécialement recueillies par les nombreuses soies ciliées ou lisses des antennes antérieures. Sur ces mêmes antennes, chez tous les Copépodes d'eau douce, à quelques exceptions près, on trouve un nombre très variable d'organes ‘particuliers affec- tant des formes diverses. Ils ont été découverts par Claus (15, p. 235) qui leur à donné les noms de « b/assen Kolben » et de « Cylinder », suivant leur forme, mais ils sont plus connus sous le nom d'organes de Leydig. Les soies ciliées ou lisses, et les organes de Leydig ou bâtonnets sensoriels reçoivent chacun, comme l’a montré Claus, un filet nerveux (1) Voir page 161. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 211 qui passe par une ou plusieurs cellules bipolaires avant sa terminaison. | Laissons de côté les soies simples ou ciliées qui ne varient que dans leur longueur et examinons les autres appendices dans les différents types. Cyclops. — Claus a le premier décrit, et d’une façon exacte, le bâtonnet sensoriel qui est situé sur le douzième arlicle des antennes de la femelle chez C. viridis. Cet organe est formé d’un pédicule étroit, a, fortement chitineux et qui porte à son extrémité un petit corps fusiforme, à (PI VIF, fig. 17), très pâle, à cuticule extrêmement mince. Il mesure environ 0°”,05 de longueur totale; le pédicule est aussi long que la portion terminale. On retrouve un organe sem- blable au douzième article des antennes de la femelle chez tous les Cyclops dont ces antennes comptent dix-sept articles (sauf chez C. fuscus qui en est complètement dépourvu, ainsi que les femelles des espèces qui ont moins de dix-sept articles aux antennes,. Chez les individus mâles, les organes de Leydig sont plus nombreux (il y en a généralement cinq) et plus développés. Ils appartiennent à la partie basilaire des antennes. Le pédieule est ici très court (PL. VITE fig. 21) tandis que la parlie pâle de l'organe est très longue, cylindrique jusqu’à son extrémité qui seule est légèrement conique. Chez le C. viridis, l'organe entier mesure 0”°,108 (le pédicule a 0"",022 et la portion terminale 0**,086, de longueur). Chez le C. serrulatus, Claus a déerit (15, p. 237) une forme particulière, différant de la précédente en ce que l’extré- mité est plulôt élargie et porte un bouquet de filaments extrêmement fins, au nombre de douze ou quinze et dont la longueur peut atteindre la moilié de celle du bâtonnet. Chez le Cyclops fimbriatus on trouve une modification intéressante de deux soies appartenant, l’une au premier, l’autre au sixième article des antennes du mâle. Cette forme particulière brièvement signalée par Fischer (8 p. 95, pl. VIH, fig. 36) paraît ne pas avoir été revue depuis 1853. La pre- 248 JULES RICHARD. mière de ces soies (PI. VIT, fig. 14} forme à sa base un gros renflement ovoïde garni dans sa moitié distale, et seulement à sa face interne de petits prolongements cylindriques, raides, à extrémité arrondie. Le renflement basilaire s’effile brusquement en une soie longue, grêle et lisse. La soie du sixième article (PI. VIL fig. 13) est transformée en un fort prolongement arqué, dont l'extrémité est obtuse, et qui porte le long de son bord interne deux rangées de petits prolongements cylindriques semblables à ceux de la soie précédente. Ces deux appendices ont une chitine épaisse et on n'y remarque aucune partie analogue à la portion termi- nale des organes de Leydig. Il est par suite très probable qu’au point de vue sensoriel elles jouent le même rôle que les soies ordinaires ; mais leur forme semble particulièrement utile pour permettre au mâle de retenir solidement la femelle pendant l’accouplement. Canthocamptus. — Uhez le C. staphylinus les femelles portent, comme l'a montré Claus (15 p. 237) un seul bâton- net sensoriel sur un prolongement conique du quatrième article des antennes antérieures (PI. VIT, fig. 6’). Il diffère peu de ceux qu'on trouve aux antennes des Cyclops mâles. Il est seulement plus grêle et plus long par rapport à la longueur du corps, car 1! atteint jusqu’à 0**,06 (PI. VII, fig. 6’). Chez les mâles, il y a en outre un organe semblable au précédent mais plus petit. Celui que Vosseler (40 p. 180) a signalé au troisième article n’est qu’une courte soie non ciliée. Bradya. — Le B. Ediwardsi ne présente aucun organe sensoriel particulier, mais seulement un fort crochet au troi- sième article des antennes antérieures. Diaptomus.— Imhof (38) a le premier reconnu la présence d’une des formes qu’affectent les organes de Leydig aux arti- cles suivants des antennes antérieures des femelles: 1,2, 3, 5, 7,9, 12,14, 16, 19 et 25. Ces appendices sont formés d’un court pédicule à chiline épaissie, surmonté d’un corps fusiforme très pâle (PI. VIT, fig. 2). Leur longueur est d'environ 0% 023. IL sont moins nombreux chez les individus mâles. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 219 [Il y a encore une modification intéressante de ces appen- dices sensoriels. Cette forme, que je figure PI. VIE fig. 11, a été représentée d’une facon incorrecte par la plupart des auteurs. Vosseler l’a signalée le premier (40, p. 180); mais elle ne se rencontre jamais chez les femelles comme il le prétend. On ne la trouve que sur les articles renflés (quin- zième, seizième, et dix-seplième) de l'antenne droite des individus mâles. Le dix-septième article porte le plus long de ces bâtonnets qui atteignent 0°*,087 de longueur et qui diffèrent beaucoup des précédents en ce que le pédicule est très long, cylindrique, tandis que la partie pâle termi- nale est extrêmement réduite et forme à l’extrémité une petite pointe aiguë presque perpendiculaire au pédicule. La situation exclusive de cette forme d’appendice, dans la partie de l’antenne préhensile qui esi en contact constant avec le corps de la femelle pendant l’accouplement, me paraît de nature à faire croire que ces bâtonnets sensoriels sont destinés surtout à recueillir les sensations particulières au rapprochemement des sexes. La grande irrilabilité que pos- sède seule l’antenne droite du mâle, irritabilité depuis long- temps connue, puisque Jurine en parle en 1820, semble favorable à l'hypothèse que je viens d'émettre. On trouve aussi dans les deux sexes, au huitième article, (et au douzième chez le mâle) un pelit appendice conique irès pelit (PI. VIT, fig. 3) mesurant 0°”",025 de longueur totale, que Nordqvist (48 bis) a à peine entrevu. Ilne le cite en effet que sous le nom de petite épine et ne s’en occupe qu'au point de vue de la systématique; mais si on regarde de près cette prétendue épine, on remarque qu'elle est formée d’une partie basilaire dont la chitine est épaissie et qui corres- pond au pédicule des autres organes de Leydig, tandis que la portion terminale est une petite pointe aiguë, pâle, et sem- blable à celle qu’on vient de signaler dans les organes sensoriels des articles renflés de l'antenne droite du mâle. Ce n’est donc pas simplement une épine ordinaire, mais bien une forme spéciale des organes sensoriels. 214 JULES RICHARD. Eurytemora. — Dansles espèces de ce genre les organes de Leydig présentent à très peu de chose près la même forme (PL. VI, fig. 19) chez le mâle et chez la femelle. Poppe les a le premier signalés sans en donner loutefois de description ni de dessin bien précis. Ils sont, comme ailleurs, formés d'un pédicule étroit, assez long, dont la chitine est épaissie; la partie terminale très pâle est aussi très étroite, pres- que cylindrique et à peu près de la même longueur que le pédicule. L’organe entier mesure environ 0**,03. Ces bâton- nets sensoriels se trouvent répartis chez Æ. lacinulata comme chez les Diaptomus. On trouve en outre, comme dans les espèces de ce dernier genre, les organes spiniformes que J'ai décrits plus haut et dans la même situalion. Schmackeria, Poppella et Limnocalanus. — Les organes sensoriels n’ont été décrits dans les deux premiers de ces genres que toutrécemment. Leur distribulion est à peu près semblable à celle qui a été indiquée chez les Diapiomus, mais il n’y en a que quinze environ à chaque antenne; celle-ci ne compte du reste que vingt-deux articles. Ils sont sembla- blables dans les deux sexes et sont formés (PI. VIE, fig, 9, 15) d’un pédicule court à contours épaissis portant une portion terminale pâle (très grêle chez le Poppella, un peu fusi- forme chez le Schmackeria). Is mesurent environ 0**,04 de longueur totale. Les antennes antérieures portent en outre les pelits orga- nes sensoriels spiniformes comme dans les deux genres pré- cédents; chez le Limnocalanus macrurus 11s se trouvent à la lois au huitième el au douzième article des antennes, comme l’a montré Nordqvist(48 bis, p. 32, note 1). Quant aux autres organes sensoriels chez le Limnocalanus, Nordqvist nous apprend seulement qu'il y en a quelques-uns, sans les figu- rer d’une manière précise. Ils ressemblent beaucoup à ceux du Poppella et du Schmackeria, le pédicule est un peu plus srêle et ja portion terminale est fusiforme (PI. VIL, fig. 6). Ils atteignent à peu près 0°*,05 de longueur totale. Heterocope. — Les appendices sensoriels ont été particu- RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 215 lièrement étudiés par Gruber (22 his, p.5, pl. I, fig. 1 et2)et par Imhof (38) qui distingue avec raison, quatre parties dans chacun d’eux. La première, &, (PI. VIE, fig. 12) moins longue que le reste de l'organe, est plus ou moins cylindrique, à paroi épaisse et réfringente et séparée de la troisième partie par un petit renflement, #, qui ne se voit pas chez les indi- vidus conservés dans l'alcool, et ne se présente alors que commela continuation, mais avec des parois très minces, de la première partie: La troisième, cylindrique, c, a les mêmes caractères que la première et enfin la dernière, d, est, comme dans tous les organes de ce genre extrêmement pâle et affecte la forme d'un bâtonnet arrondi à son extrémité. Les organes sont les mêmes dans les deux sexes et au nombrede dix-sept pour chaque antenne; ils sont distribués à peu près comme dans les Draptomus. Ainsi que l’a remarqué Imhof les dimensions de ces appendices diminuent d'autant plus qu’on se rapproche de l'extrémité libre de l’antenne. J’ai constaté en effet que chez l’ÆHeterocope saliens l'organe sensoriel du premier article mesure 0°°,12 de longueur, tandis que celui du dernier ne dépasse pas 0**,04. Vosseler (40 p. 179) a très bien vu que la structure de ces appendices se simplifie à mesure qu’ils deviennent plus petits. Mais dans celui de l’extrémité de l’antenne il y à, contrairement à ce qu'il dit, une petite portion de l’article basilaire qui subsiste (PI. VIT, fig. 20). Il faut remarquer en effet que ces organes sont for- més de deux articles bien distincts. L'article basilaire cor- respond aux parties décrites plus haut comme la première etla deuxième. Le deuxième arlicle constilue l'organe pro- prement dit, formé, comme toujours, du pédicule à parois réfringentes et de la partie terminale pâle. En dehors de ces organes de Leydig bien définis, on trouve dans les espèces de ce genre, sur les antennes antérieures des appendices plus ou moins longs. Ce ne sont que des soies ordinaires modifiées el on observe tous les passages entre la soie proprement dite et l'organe sensoriel typique. Je repré- senterai seulement la soie & (PI. VIT, fig. 20), qui est située 2106 JULES RICHARD. à côté de l'organe de Leydig de l'extrémité des antennes d’une femelle d’Heterocope borealis. Ces diverses formes qui n’ont pas élé remarquées jusqu'ici nous montrent très nettement que les organes de Leydig ne sont, comme chez beaucoup d’au- tres Crustacés plus élevés, que des soies modifiées. Vosseler (40, p. 178) a observé des faits analogues sur les antennes des Cylops tenuicornis mâles. Epischura. — Tout ce que nous savons jusqu’à présent des organes sensoriels des antennes antérieures se trouve dans la phrase suivante de Forbes : « There are especially prominent sensory hairs on the first and third joints, borne at the tips of long spines » (33, p. 648). Grâce au professeur Lilljeborg, j'ai pu étudier les organes sensoriels des Æ£pischura Nordenskioldi et nevadensis, et, comme je m'y attendais, étant donné la parenté de ce genre avec les AHeterocope, j'ai trouvé des organes de Leydig semblables à ceux de ce dernier genre. Il n’y a en effet que des différences tout à fait secondaires. Je n’ai pas vu, en particulier, de renflement au sommet du premier article. Peut-être y en a-t-il un sur les animaux vi- vants. On ne voit cependant pas à cet endroit une paroi mince et pâle comme chez les Heterocope conservés dans l'alcool. L'article basilaire, a, extrêmement développé dans les pre- miers arlicles de l'antenne (PI. VIE, fig. 8) devient rapidement plus petit (PI. VIT, fig. 6) et disparaît complètement vers le milieu de l'antenne. À partir de ce point, on ne trouve plus que des organes formés d’un pédicule étroit assez long et d’une partie terminale pâle. Tandis que les plus grands or- ganes sensoriels de l'arlicle basilaire mesurent jusqu’à 0°*,15 de longueur, il en est, parmi ceux qui sont dépourvus de cet ar- ticle, qui ne dépassent pas 0"",035. Dans les premiers, l’ar- ticle basilaire a 0**,09 et l'organe proprement dit 0°*,06. Comme chez les Heterocope, on peut voir des passages de la soie biarticulée typique à l'organe de Leydig. Osphranticum labronectum. — Nous trouvons encore iei des organes de Leydig à presque tous les articles des antennes antérieures et semblables dans les deux sexes. Forbes les a RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 217 figurés d'une manière inexacte el n’en dit pas autre chose que ceci : « The antennæ... are very richly supplied with ol- factory clubs (33, p. 645, pl. IX, fig. 4-5). » Ces organes sen- soriels (PI. VII, fig. 7°) sont formés de deux articles bien distincts, exactementcomme dansles Æpischura et les Hetero- cope. Mais l’article basilaire, qui persiste toujours, est moins développé. Le pédicule est proportionnellement plus étroit et la partie pâle terminale, au contraire, plus fusiforme que dans les Epischura. L’organe tout enlier mesure environ 0*®,05 de longueur. Remarques générales. — Nous voyons donc que partout les organes sensoriels des antennes sont formés d’un pédi- cule et d’une partie terminale pâle. Le pédicule est toujours limité par une enveloppe de chitine épaisse et réfringente. La porlion terminale, essentiellement sensorielle, est au con- traire formée d’une culicule extrêmement mince et délicate et a toujours un aspect pâle caractéristique. Chez beaucoup de Copépodes, en particulier chez les Canthocamptus, on voit tout à fait à l'extrémité du bâtonnet un petit point très ré- fringent. [1 paraîl appartenir à la cuticule, car l’ammonia- que ne l’altère pas et on le retrouve sur les individus dont il nereste que la carapace après la destruction, par putréfaclion, de toutes les parties molles. Le contenu de la mince membrane cuticulaire est ordi- nairement une substance pâle, homogène, dans laquelle on ne remarque aucune structure. Cependant sur les animaux encore vivants on voit quelquefois, le long de l’organe, des tractus très minces transversaux (PI. VII, fig. 21) séparés par des intervalles de substance plus claire. On ne distingue rien dans le pédicule, malgré l'emploi des réaclifs, à cause de l'étroitesse et de l'épaisseur de la chitine. Claus a bien vu tous ces détails ainsi que l'innervation des organes de Leydig, dans les types qu'il a étudiés. Il est en effet relativement fa- cile de constater dansles articles des antennes un petit groupe de cellules dont les fibres se dirigent vers les appendices. Dans les espèces où l'organe sensoriel est porté par un fort 218 JULES RICHARD. pédoncule (Heterocope, Enschura, Osphranticum) le petit gan- glhion de l’article correspondant des antennes est dédoublé et un groupe de ses cellules (PI. VIT, fig. 8) se trouve dans le pédonceule lui-même. Comme Claus, je n’ai pu voir comment les fibrilles nerveuses se terminent dans la substance de l'organe, il semble qu'elles s’y perdent insensiblement. On observe encore chez certains Copépodes divers ap- pendices : prolongements hyalins du dernier artiele des an- tennes des Cyclops fuscus, tenuicornis, Leuckark, ete. ; pro- longements de formes variées de l’antépénultième article de l'antenne géniculée d’un grand nombre de Diaptomus. Ce ne sont que des productions ou des expansions culiculaires qui ne sont pas innervées d’une facon spéciale malgré leur développement quelquefois très grand. On ne peut donc pas leur attribuer, comme le veut Vosseler (40, p. 177), une fonction sensorielle particulière. On admet généralement que les organes de Leydig sont destinés à percevoir les sensations olfactives ou gustalives ou les deux à la fois. La vérité est que nous ignorons com- plètement leur rôle ; l’expérimentation pourrait seule nous le faire connaître. Mais les expériences sont à peu peu près im- possibles, comme j'ai eu le regret de leconstater. On ne peut, jusqu’à présent, que faire des hypothèses, et peut-êlreces or- ganes répondent-ils à plusieurs genres de sensaljons ; peut- êlre aussi les différentes formes de ces organes chez le même animal correspondent-elles à des excitations différentes. Je rappelle simplement ici ce que j'ai dit au sujet des organes spéciaux aux arliclesrenflés de l’antenne géniculée des Diap- tomus et l'hypothèse de Vosseler dont j'ai déjà parlé à propos des glandes des pattes des Copépodes, hypothèse que Je ne saurais admettre (1). (là Voir p.172. Tout récemment, Otto von Rath (Zur Kenntniss der Haut- sinnesorgane der Crustaceen. Zool. Anzeiger, n° 366,22 Juin 1891) s’est occupé des soies au point de vue sensoriel, mais je ne vois pas qu'il soit arrivé à des résultats bien différents de ceux qui sont admis depuis Jongtemps au sujet de l’innervation des nombreuses soies de forme et de longueur varia- bles qu’on trouve dans tous les appendices et en différentes parties du corps. Ces soies n’ont sans doute qu’un rôle tactile plus ou moins délicat. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 219 Organes sensoriels des pattes de la cinquième paire. Chez tous les Calanides d’eau douce, on trouve dans l’une des pattes de la cinquième paire {généralement dans la patte gauche), chez le mâle, des appendices de formes variées qui paraissent avoir généralement échappé à l’attention des na- turalistes, en {ant qu’organes sensoriels, el qui, par leur si- tuation, ainsi que par le fait qu'ils sont spéciaux aux mâles, paraissent jouir d’une sensibilité spéciale utilisée, je pense, pendant la copulation. Je ne veux pas donner ici une descrip- tion détaillée des différentes formes qu’on peut observer et je me contenterai de renvoyer aux nombreux dessins conte- nus dans la Revision des Calanides (60) et qui représentent un grand nombre de ces organes. Ils sont formés, chez les Pbrromusei60, PET, fie 92,4: 7,09,:148, 49, 24, 22,127; Re 24) bi066:49 >» PL TL. 403,15, 6,1, etc) et chez le Broteas (60, fig. 43) par des sortes de prolonge- ments hyalins, plus ou moins arrondis, garnis de cils ex- trêmement fins et délicats, assez longs. Ces prolongements, ces espèces de pelotes se trouvent à peu près exclusivement chez les Diaptomus et chez le Broteas au bord interne des deux derniers articles de la branche externe de la patte gauche. D’autres fois on trouve de simples petites sotes ciliées. Chez les Heterocope (60, PI. TTL, fig. 4, 16, 17) et les Epis- chura (60, PI. IF, fig. 17, 23; PI. IV, fig. 3) les cils relative- ment longs, disposés en peigne, occupent le bord interne du dernier article de la patte gauche. Dans lOsphranticum la- bronectum (60, PI. IV, fig. 2) c’est le dernier article de la branche externe de la patte droite qui porte à sa base une saillie arrondie garnie de cils. Chez le Poppella (60, fig. 53) on ne trouve qu'un pelit bouquet de cils au pénultième article de la branche externe de la palle gauche. 2920 JULES RICHARD. TROISIÈME PARTIE LES COPÉPODES D'EAU DOUCE DE LA FRANCE. Dans ce dernier chapitre, je donnerai à la fois l’énumération des Copépodes d’eau douce qui vivent en France et une des- criplion de chacun de ces crustacés. Ces descriptions, aussi courtes que possible, seront néanmoins suffisantes pour dis- ünguer les espèces les unes des autres. Elles ont été établies, sauf trois ou qualre, sur des spécimens que J'ai étudiés. Plusieurs raisons m'ont déterminé à donner cette troisième partie de mon travail : il n'existe aucun ouvrage d'ensemble sur le sujet; j'avais aussi quelques additions, qui m’ont paru intéressantes, à faire aux travaux antérieurs; d'autre part, je suis convaincu que l'étude de ces animaux est très négli- gée chez nous parce que l'attention n'a pas été suffisamment attirée sur eux et que les difficultés bibliographiques sont très grandes ; enfin, il m'a paru ulile de donner à la suite d’un travail anatomique sur ces Crustacés un aperçu général de notre faune. Jusqu'à ces dernières années on ne connaissait en France que les espèces suivantes signalées dans l'ouvrage classique de H. Milne Edwards : Diaptomus castor Jurine, D. Mullen Férussac (espèce méconnaissable), Cyclops vulgaris auet. (nom appliqué à tous les Cyclops observés) et Canthocamptus staphylinus Jurine. On me permettra de rappeler ici que depuis (1}, j'ai été le premier à étudier d’une façon plus com- plète nos Copépodes d’eau douce (44) dont j'énumérais, dès 1887, 14 espèces. Presque aussitôt, le D° Moniez (45) donnait une liste de 16 espèces dont cinq non comprises dans la mienne. Un certain nombre de travaux parurent ensuile sur ce sujet. En 1888 j'avais la satisfaction de décrire une espèce (4) Je dois ajouter que M. le professeur Yves Delage a signalé, en 1882, la présence du genre Cyclops à Roscoff, dans la liste des Crustacés annexée à son mémoire (30). RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 221 nouvelle, d’un genre également nouveau (Poppella Guernei). Enfin la découverte que j'ai faite, l’année dernière, du curieux Bradya Edwardsi montre que l'étude de nos Copépodes est irès intéressante. Je n'ai pas la prétention de donner ici un catalogue com- plet et définitif. Je suis convaincu au contraire qu'il reste beaucoup à trouver, bien que notre faune, avec ses 35 es- pèces, soit beaucoup plus riche que la plupart des autres contrées de l’Europe. Récolle et conservation des Copépodes. — Il suffit de traîner quelques minutes dans l’eau stagnante (simples flaques d’eau ou grands lacs) un filet à papillon en mousseline très fine ou en soie à bluter, pour recueillir ces animaux qui se con- servent parfaitement dans l'alcool à 70° ou 90°. | Remarques au sujet de la détermination des espèces. — I] est presque indispensable de prendre des animaux adultes et surtout des femelles munies d’ovisacs. Les femelles sont presque toujours beaucoup plus nombreuses que les mâles: c'est pourquoi, en parliculier pour les Cyclops, on ne décrit le plus souvent que les femelles dont les mâles ne diffèrent guère du reste que par leurs antennes modifiées pour la préhension. Les mâles des Calanides présentent au contraire de très bons caractères, et l’on rencontre presque toujours les deux sexes réunis. La déterminalion des Cyclops est quel- quefois difficile, et si l’on était tenté de créer une espèce nouvelle, je ferais remarquer qu'on en a décrit 150 au moins (c'est le nombre que j'ai relevé jusqu'à présent). Il est vrai qu'il y en a certainement 100 qui ne sont pas des Cyclops, ou qui font double emploi, ou qu’il est absolument impossible de reconnaître, et dont à priori il ne faut tenir aucun compte. Sur les 50 autres, il y en a, à mon avis, au moins 15 douteux. Il est à désirer que cette question très embrouillée ne se complique pas davantage. C’est pourquoi Je ne dirai rien de quelques formes que j'ai observées, mais dont l'étude n’est pas assez avancée pour me prononcer sur leur identifica- tion. 299 JULES RICHARD. Tout récemment Schmeil (70) a employé dans ses des- criptions un caractère que je laisserai de côté, et qui est tiré de la forme du receptaculum seminis. Ce caractère ne peut être utilisé que sur des individus vivants ou dans un état parfait de conservation. Les caractères utilisés ici sont toujours faciles à trouver et très suffisants. La plus grande partie de l'intérêt qu'offre cette dernière partie, au point de vue faunistique, réside dans ce fait qu’elle résulte des recherches faites en un grand nombre de localités disséminées dans presque loule la France et je ne saurais trop remercier ici les nombreuses personnes (1) qui ont bien voulu me communiquer leurs récoltes ou en faire à mon inten- tion, ainsi que MM. Bolivar, Lilljeborg, Moniez, Nordquist, Poppe, Sars, Schmeil, Vosseler, Wierzejski, pour leur obli- geance à me communiquer des types de comparaison. Les deux tableaux suivants permettront de déterminer très facilement les genres de nos Copépodes d’eau douce. Les descriplions que j'ai données de chacun d’eux sont si suc- eincles que j'ai dûrenoncer à dresser un tableau synoptique des espèces de chaque genre, pour éviter des répélitions. Tableau synoptique des familles. Antennes postérieures sans branche accessoire.... Cyclopides (Cyclops). — — munies d’une branche accessoire. La branche accessoir t rudi ire. - À Re UE dimentaire. Les am | Harpactides (Bradya, tennes antérieures ne dépassent pas le premier ; | Canthocamptus). segment du corps et n’ont pas plus de 8 articles. La branche accessoire est très développée. Les an- tennes antérieures beaucoup plus longues que le | Calanides (Eurytemora, premier segment du corps, formées de 24 ou{( Diaptomus, Popella). 20. AT LICIES CR M ER aude De ee DOTE (1) Je dois en effet de nombreuses récoltes à l’obligeance de MM. Ber- thoule, R. Blanchard, Chevreux, Dollfus, Duchasseint, Eusébio, Girod, Givois, de Guerne, Jullien, de Kerville, R. Martin, S. A. S. le prince Albert de Monaco, Rabot, Émile Richard, Robinet, Roubau, Roussel, Sarrut, Secques, E. Topsent, Moynier de Villepoix. J'ai, de mon côté, recueilli de très nombreux matériaux aux environs de Paris, de Vichy, de Clermont-Ferrand, de Tulle et dans la plupart des lacs de la région du Mont-Dore. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. ' 223 Tableau synoptique des genres de Calanides. toires de la première paire, dans les trois autres paires la branche interne est biarticulée. Pattes de la cinquième paire formées d’une seule branche HORSMEReISexeS 0 UE AE ANAL LL, 2 articles à la branche interne des pattes natatoires de la première paire; dans les trois autres paires la branche interne est triarticulée. Pattes de la ? Diaptomus. cinquième paire formées de deux branches dans | RE RE 0 MEME Ci... / 3 articles à toutes les branches des quatre paires de pattes natatoires. Pattes de la cinquième paire . formées d’une seule branche chez la femelle et de LEIT GLS LÉATAISPRO EMA RARES EE 4 seul article à la branche interne des pattes nata- | Eurytemora. | Poppella. GENRE CYCLOPS. ESPÈCES DONT LES ANTENNES ANTÉRIEURES ONT DIX-SEPT ARTICLES. Cyclops fuscus Jurine 1820 (2). La furea est deux fois plus longue que le segment précé- dent et à peu près 2 fois 1/2 plus longue que large. Elle est fortement et densément ciliée au côté interne. Les rap- ports de longueur des soies de la furca avec celle-ci sont : 14, 33, 70, 98, 50 (1). La soie latérale est insérée à l’extré- mité de la furca. Les antennes de la première paire ont dix-sept articles et atteignent presque la fin du dernier segment thoracique. Les articles 8, 9, 10, 12, 13 et 14 portent à leur bord distal une couronne de petites dents. Les trois derniers portent au côté interne une lame hyaline étroite fortement dentée sur sa dernière moitié dansle dernier articleet lisse dans les deux précédents. Il n’y a pas de bâtonnet sensoriel au douzième article. (1) Le premier nombre représente la longueur de la furca, et les sui- vants celle des soies furcales en commençant par la plus externe. 224 JULES RICHARD. Le deuxième article des antennes postérieures est court et renflé. Les deux derniers sont aussi longs et aussi grêles l’un que l’autre, ce quiest caractéristique pour cette espèce. Dans les patles de la qualrième paire (1), des deux épines apicales de la branche interne, l'interne, grêle, n’alteint que la moitié de la longueur de l’externe qui est irès robuste. Les pattes de la cinquième paire sont biarliculées (PL. KT, fig. 16). Les ovisacs sont d’un brun foncé, toujours appliqués contre l'abdomen. C. fuscus varie de 2*°,5 à 3 millimètres de longueur. [ n’y a aucun doute à avoir sur l'identité de C. fuscus Ju- rine avec C. signatus Koch et C. coronatus Claus. C’est pour- quoi je restilue avec Schmeil, à celte espèce, le nom donné par Ju-ine. Cette forme se distingue immédiatement des autre : même groupe par la structure de ses antennes pos- térieures:'Elle est très répandue partout, et il est pour cela inulile d’énumérer les nombreux points de la France où elle a été recueillie. Cyclops annulicornis Sars 1863 (18). La furca est 1,5 fois plus longue que le segment précédent et un peu plus de deux fois plus longue que large; elle est dépourvue de cils à son bord interne. Les dimensions rela- lives des soies de la furca avec celle-ci sont : 12, 14,58, 83, 37. La soie latérale est insérée à l'extrémité de la furca. Les antennes antérieures ne dépassent guère la fin du troisième segment du corps. Elles ont dix-sept articles et présentent les particularités de celles de C. fuscus et de C. tenuicornis, mais les couronnes des petites épines des arti- cles 8,9, 10, 12,13, 14 sont encore plus fines et la lame hyaline du dernier article est découpée en dents extrêmement fines et délicates dans sa dernière moitié. Il ya un bâtonnet sensoriel au douzième article. Les antennes postérieures sont semblables à celles de (1) Chez tous les Cyclops décrits, les branches de toutes les pattes nata- toires sont formées, sauf indication spéciale, de trois articles. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 295 C. tenuicornis. Il en est de même pour toutes les paires de paltes, mais les soies de ces appendices sont beaucoup plus courtes chez C. annulicornis, en particulier celles du dernier article de la branche interne dans la quatrième paire. La soie distale du bord interne de cet article est rudimen- taire et à peine visible, tandis qu’elle est très développée chez C. tenuicornis. Ce caractère est le plus sûr pour reconnaître des individus conservés dans l'alcool où les cou- leurs disparaissent. C. annulicornis mesure environ 1**,5 à 1°°,8 de longueur, les ovisacs ovales sont appliqués contre l'abdomen. Les antennes antérieures présentent deux ban- des sombres (sur les articles 2-3, et 10-11). Le corps, jaûnâtre, porte des bandes noirâtres sur le thorax et sur l’ahdomen. Cetteespèce a presque toujourspassé inaperçue,#: fondue soit avec C. fuscus, soit avec C. tenuicornis, auxqu:is elleres- semble beaucoup, surtout conservée dans l'alcool. Ce n'est que depuis peu de temps que je l’ai distinguée après avoir examiné des spécimens obligeamment communiqués par le professeur Sars. Je ne connais jusqu'ici, en France, la pré- sence de C. annulicornis qu’à Vichy et à Charenton. Cette espèce est très intéressante, parce qu'elle estinter- médiaire entre C. fuscus et C. tenuicornis, comme on peut s’en convaincre en comparant les descriptions des trois formes. Elle se rapproche toutefois davantage de C. tenui- COrns. Cyclops tenuicornis Claus 1857 (11). La furca est un peu plus longue que chez C. fuscus et trois fois plus longue quelarge. Elle ne présente que quelques cils épars à son bord interne. Les dimensionsrelatives des soies avec la furca sont : 13, 20, 68, 90, 45. La soie latérale est insérée près de l'extrémité de la furca. Les antennes anté- rieures ont dix-sept articles et présentent les mêmes parti- cularités que celles de C. fuscus, avec cette différence que les. couronnes d'épines des articles 8, 9, 10, 12, 13 et 14 sont plus délicates, que la lame hyaline du dernier article n’est ANN. SG. NAT. ZOOL. XII, 15. — ART. N° 8. 2926 JULES RICHARD. pas dentée et qu'il y a ici un bâtonnet sensoriel au douzième article. | Le dernier article des antennes postérieures est beaucoup plus long que le troisième qui est renflé et aussi court que le deuxième. Toutes les pattes sont semblables à celles de C. fuscus, y compris celle de la cinquième paire. C. tenuicornismesure environ de 1*°,8 à 2°*,2 delongueur. Il vit irès souvent avec C. fuscus en un grand nombre de points de la France; c'est en effet une espèce très répandue, mais qu'on ne rencontre Jamais en grande quantité. Les ovisacs sont ovales, de couleur presque toujours blan- châtre (ou légèrement rosée quand les œufs sont près d’éclore), el très écartés du corps, formant avec l'abdomen un angle presque droit. Les individus eux-mêmes sont toujours blan- châtres. Cyclops viridis Fischer 1851 (7). La furca est environ trois fois plus longue que le segment précédent et trois fois plus longue que large. Les segments abdominaux portent à leur bord postérieur une rangée de denticulations obtuses, irrégulières, pâles. Les dimensions relatives des soies de la furca avec celle-ci sont : 12, 8, 50, 75, 20. La soie latérale est insérée au dernier tiers de la furca. Les antennes antérieures atteignent à peine la lon- gueur du premier segment du corps. Elles ont dix-sept arli- cles dont le douzième porte un bâtonnet sensoriel. Les antennes postérieures sont courtes, le dernier article est à peine plus long que le troisième qui égale la longueur du deuxième. Dans les pattes de la quatrième paire, les deux épines apicales de la branche interne sont subégales. Les pattes de la cinquième paire ont deux articles (PI. VI, fig. 4). La taille des individus varie de 2°*°,5 à 4 millimètres. Les exemplaires de grande taille ont été décrits sous le nom de C. gigas par Claus. Ce n’est là qu’une simple variété, RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 227 on ne peut trouver de différences vraiment spécifiques entre elle et le type normal qui est aussi connu sous le nom de C'. brevicornis Claus. Mais il avait été décrit d’une facon très suffisante par Fischer. Cette espèce très commune partout, paraît très variable, la furca en particulier peut s’allonger dans des limites assez grandes. Cyclops strenuus Fischer 1851 (7). La furca est environ 3, 5 fois plus longue que le segment précédent et six fois plus longue que large; elle est longue- ment ciliée dans les deux derniers tiers de son bord interne. Les dimensions relatives des soies de la furca sont : 95, 36, 117, 125, 72. La soie latérale est insérée vers le dernier huitième de la longueur de la furea. Les antennes antérieures ont dix-septarlicles etalteignent la fin du deuxième segment du corps. Elles portent un bâ- tonnet sensoriel au douzième article. Dans les pattes de la quatrième paire, des deux épines apicales de la branche interne, l’interne est deux fois plus longue que l’externe. Les pattes de la cinquième paire sont biarticulées (PI. VE, fig. 8). Les ovisacs sont assez rapprochés de l’abdomen. La cou- leur des individus varie du blanc verdâtre au rouge vif. La . taille varie aussi entre 2 et 3 millimètres. C. sérenuus se trouve très souvent en nombre immense, surtout au prin- temps, dansde simples flaques d’eau. J’en ai souvent recueilli sous la glace. Il est très commun partout. Autour de cette espèce se groupent les deux formes sul- vantes décrites par Sars : C. abyssorum et C. scutifer. Elles n'ont pas encore été rencontrées en France, mais elles sonl si voisines de C. sétrenuus qu'on doit sans doute les considé- rer comme dérivant de cette dernière espèce dont elles ne seraient que des variétés adaptées à la vie pélagique. Cette opinion me paraît fortement appuyée par l'existence d’une variété très intéressante en ce qu’elle présente différents points de ressemblanceavec les €’. scuñfer et C. abyssorum. 228 JULES RICHARD. Cette forme se rencontre en nombre immense dans les lacs de l'Auvergne où elle présente des caractères très nets de pélagicité. Elle est plus élancée et plus grêle que le type; les expansions latérales des deux derniers segments thoraci- ques, bien plus développées que chez C. strenuus, la rappro- chent de C. scutifer. Elle ressemble au contraire davantage à C. abyssorum par les soies de la furca et l'allure générale du corps. Il y a aussi dans les grands étangs de la Brenne une va- riété plus rapprochée que la précédente de C. strenuus qui paraît ainsi tellement variable qu'on ne peut songer à dé- nommer ces formes diverses ; ce serait accroître sans utilité les difficullés déjà grandes, qu'on rencontre dans l'étude des espèces de ce groupe. Il me paraît plus intéressant de signaler les variations que produit sur C. strenuus l’adapta- üion à la vie pélagique. Remarque. — C. strenuus est quelquefois désigné sous le nom de C. brevicaudatus Claus, nom qui ne doit pas subsis- ter, car celui de Fischer, bien antérieur, est appuyé par une description et des figures très suffisantes. Cyclops vernalis Fischer 1851 (8). La furca est près de quatre fois plus longue que le seg- ment précédent et cinq fois plus longue que large. Les di-. mensions relalives des soies et de la furca sont : 55, 22, 125, 175, 42. La soie latérale est placée à peu près au dermier quart de la furca. Les antennes antérieures ont dix-sept articles et atteignent la fin du premier segment du corps. Le bâtonnet sensoriel du douzième article est très grêle. Dans les pattes de la qua- trième paire, des deux épines apicales de la branche interne, l'externe est un peu plus longue quel'interne. Les pattes de la cinquième pairesont bi-articulées (PI. VE, fig. 15). C.vernalis mesure environ 1**,35 de longueur. Les ovi- sacs sont grands, ovales, rapprochés de l'abdomen, violacés, ou rosés si les œufs sont plus développés. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 229 On lrouve quelquefois des exemplaires dont les antennes postérieures ont (soit l’une, soit l’autre, soit les deux à la fois) dix-huit articles au lieu de dix-sept. Ils correspondent au C. elongatus de Claus. C'est encore cette espèce que la plu- part des auteurs désignent sous le nom de C. lucidulus Koch. Mais 1l est impossible de reconnaître l’espèce dans la des- criplion et la figure, tout à fait insuffisantes, de cet auteur, tandis qu'il en esttout autrement pour le texte et les dessins de Fischer. Cette espèce assez rare se trouve surtout au printemps. En France, on la connaît aux environs de Lille (C.e/ongatus Cls. D' Moniez (45), de Vichy, et de Paris. C’est sans doute cette espèce que M. Labbé a signalée aux environs de Laval sous le nom de C. elongatus ? (62). Cyclops bicuspidatus Claus 1857 (12). La furca est cinq fois plus longue que le segment précédent et plus de six fois plus longue que large. Les soies de la furca présentent avec celle-ci les rapports de longueur suivants : 42, 17, 115, 165, 18. La soie latérale se irouve ramenée presque au milieu de la longueur de la furca. Celle-ci présente encore vers la limite de son premier quart une petite échan- crure du bord externe ; Jà s’insèrent quelques petitesépines. Les antennes antérieures ont 17 articles et atteignent à peine la fin du premier segment du corps. Il y a un organe sensoriel au douzième article. Dans les patles de la quatrième paire, des deux épines apicales de la branche interne, l’interne n’atteint pas tout à fait la moitié de la longueur de l’externe. Les pattes de la cinquième paire ont deux articles {PI. VE, fig. 6). C. bicuspidatus mesure environ 1**,5 de longueur. Les ovisacs, allongés, sont assez écartés de l'abdomen. Cette espèce assez peu répandue se trouve, en France, dans les localités suivantes : Vichy, Rouen, Paris, Lille (45), Abbeville, Le Croisic, Vanault-les-Dames (Marne), Montluçon. Briançon, Enghien. 230 JULES RICHARD. IL est intéressant de constater que le €. dicuspidatus peut vivre dans des eaux plus ou moins salées aussi bien que dans l’eau complètement douce. C'est ainsi que J'en ai trouvé un grand nombre dans les récoltes faites par M. Chevreux dans les marais salants du Croisic. Mais tous ces exemplaires n'avaient que 14 articles au lieu de 17 aux antennes anté- rieures, par suite de la non division du dixième en deux et du onzième en trois arlicles, comme le montre la situation du bâtonnet sensoriel qui est placé à l’extrémilé du sixième article (en comptant à parlir del’extrémité libre del’antenne), aussi bien dans le cas où les antennes n'ont que 14 articles que dans celui où elles en ont 17. C’est cette variété dont les antennes ont 14 articles que Schmankewitsch a décrite d’a- bord sous le nom de C. odessanus et qu'il obtint ensuite en élevant dans l'eau salée des C. bicuspidatus. Rehberg, d'autre part, ayant rencontré la même forme, la décrivit à son tour comme espèce nouvelle sous le nom de C. Lelgolandicus. La forme à 14 articles n’est donc qu'une variété et doit être appelée C. bicuspidatus var. odessanus. Mais cette variété ne se lrouve pas seulement dans des eaux salées. Je l’ai retrouvée en assez grande quantité dans une récolte faite encore au Croisic par M. Chevreux et qui est particulièrement intéressante. C’est en effet dans une citerne alimentée par les gouttières d’un toit et à l'obscurité que ces Cyclops vivaient parmi des légions de Daphnia Schædleri Sars, dans de l’eau douce. Ils provenaient sans doute de quelque marais salant des environs et n’avaient pas encore perdu dans le nouveau milieu les caractères qu'ils avaient acquis dans l’eau salée. Remarque. — Cette espèce est souvent désignée sous le nom de Cyclops pulchellus Koch, mais comme pour C. luci- dulus la description et le dessin donnés par cet auteur sont absolument insuffisants. Cyclops Leuckarti Sars 1863 (18). La furca est 1,8 fois plus longue que le segment précédent RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 231 et trois fois plus longue que large. Les soies de la furca présen- tent avec cette dernière les rapports de longueur suivants: 22, 22, 90, 100, 55. La soie latérale atteint la moitié de la soie externe et est insérée un peu au-dessous du milieu de la furca. Les antennes antérieures ont 17 articles et atlei- gnent à peu près la fin du quatrième segment du corps. Le douzième article porte un bâtonnet sensoriel très ténu. Les trois derniers ont une lame hyaline à leur bord interne ; celle du dernier article est dentée dans sa partie distale. Les an- tennes postérieures sont allongées et grêles, les trois derniers arlicles, peu renflés, sont à peu près égaux en longueur. Le bord inférieur de la première patte-mâchoire présente un contour perlé caractéristique, formé par une série de sinuosités et de saillies chitineuses arrondies. Le C. Leuckart présenie seul ce caractère. Des deux épines apicales du dernier article de la branche interne, dans les pattes de la quatrième paire, l’interne est presque aussi grande et aussi robuste que l’externe. Les pattes rudimentaires sont biarticulées (PI. VI, fig. 20). C. Leucharti mesure de 1°*,3 à 1°°,5. Ovisacs ovales, allon- gés et écartés de l'abdomen. C’est une espèce extrêmement répandue. On la rencontre en divers points de la France (Paris, Toulouse, Vichy, ete.). Elle se trouve aussi à Ceylan (Brady); aux environs de Shanghaï. Je l’ai reconnue dans les récoltes faites par le Professeur Max Weber à Sumatra et à Célèbes, et par M. le D' Colin au Sénégal. C’est aussi ce Cyclops que le Pro- fesseur Sars a signalé en Australie. Remarque. — On désigne le plus souvent cette espèce sous le nom de C. simplex Poggenpol (1874). Mais Sars en a donné en 1863 une excellente description. Il est presque cer- lain que c’est bien la forme décrite, d’une facon un peu insuf- fisante, par Claus, en 1859. Le dernier article de la cinquième patte n’a pas une soie unique, comme Claus l'écrit et le figure, mais bien deux soies subégales. 232 JULES RICHARD. Cyclops hyalinus Rehberg 1880 (25). La furca est d’un tiers environ plus longue que le segment précédent et rois fois plus longue que large. Les rapports des soies de la furca avec celle-ci sont: 12, 12, 28, 34, 25. La soie latérale est assez rapprochée du milieu de la furca. : Les antennes antérieures ont 17 articles et atteignent le milieu du deuxième segment du corps. Il y a au douzième article un bâtonnet sensoriel long et grêle. Dans les pattes de la quatrième paire, des deux épines apicales de la branche interne, l’interne est deux fois plus longue que l’externe et s’incurve du côté interne. Les pattes de la cinquième paire ont deux articles (PI. VI, fig. 11). C. hyalinus mesure 0**,85 de longueur environ. Il est connu en France aux environs de Vichy, de Paris, d'Ab- beville, du Blanc, de Briançon, et aussi dans l’Ille-et-Vilaine. ESPÈCE DONT LES ANTENNES ANTÉRIEURES ONT 16 ARTICLES. Cyclops lanquidus Sars 1863 (18). La furca est trois fois plus longue que le segment précédent et cinq fois plus longue que large. Les rapports de longueur des soies de la furca avec celle-ci sont : 25, 9, 50, 70, 5. La soie latérale est insérée un peu au-dessous du dernier tiers de la furca. | Les antennes antérieures ont 16 articles et dépassent à peine le premier segment du corps. Les branches internes et externes des pattes de la première paire et les branches internes des pattes de la deuxième paire sont formées de deux articles seulement. Toutes les autres branches sont triarticulées. Dans les pattes de la quatrième paire, les deux épines apicales de la branche interne ont la même longueur. Les pattes de la cinquième paire ont 2 articles, et res- semblent beaucoup à celles du C. hicuspidatus. C. languidus atteint à peine 0**,9. Les ovisacs sont allongés, peu renflés, assez écartés de l'abdomen. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 233 Cette petite espèce, très rare, n’est connue, en France, qu'aux environs de Vichy où j'en ai trouvé quelques exem- plaires. ESPÈCE DONT LES ANTENNES ANTÉRIEURES ONT 14 ARTICLES. Cyclops insignis Claus 1857 (12). La furca est trois fois plus longue que le segment précé- dent et cinq ou six fois plus longue que large. Les dimensions relatives des soies de la furca avec celle-ci sont : 35, 18, 70, 80, 18. La soie latérale est insérée vers Le dernier cinquième de la furca. Les antennes antérieures ont seulement 14 ar- ticles et atteignent à peine la fin du deuxième segment tho- racique. Les pattes de la cinquième paire sont semblables à celles de C. strenuus. Je ne connais pas cette espèce qui n’a été signalée qu'à Lille par le D’ Moniez (45). On la reconnaîtra de suite au nombre des articles des antennes et aussi à sa grande taille qui atteint près de 4 millimètres. L'aspect général rappelle C’. strenuus. On pourrait croire que c’est une variété de cette espèce, correspondant au C. bicuspidatus var. odes- sanus (voir page 230). Je ne puis que donner l'avis du D' Schmeil qui la regarde comme une espèce parfaitement distincte (70). ESPÈCES DONT LES ANTENNES ANTÉRIEURES ONT 12 ARTICLES. Cyclops pentagonus Vosseler 1886 (42). La furca est 1,3 fois plus longue que le segment précé- dent et 2,5 fois plus longue que large. Les rapports de lon- gueur des soies furcales avec la furca sont: 14, 12, 45, 67,11. La soie latérale est insérée un peu au-dessous du milieu de la furca. Les antennes antérieures ont 12 articles et atteignent 234 JULES RICHARD. environ la fin du troisième segment du corps. Il n’y a pas de bâtonnet sensoriel. Dans la quatrième paire de pattes, des deux épines api- cales de la branche interne, l’interne est deux fois plus longue que l’externe. Les pattes de la cinquième paire n’ont qu'un article (PI. VI, fig. 8\. C. pentagonus ne dépasse guère 0**,9. Les ovisacs ova- laires sont appliqués contre l'abdomen. Les individus présen- tent constamment par tout le corps une teinte bleu verdâtre. J'ai repris le nom donné par Vosseler à cette espèce bien que je sois convaincu qu'elle est identique au C. prasinus, Fischer (16), parce que ce dernier auteur donne deux articles à la patte rudimentaire, tandis qu'il n’y en a qu'un. Cet organe est difficile à voir nettement el l'erreur de Fischer, si (comme cela est probable) erreur il y a, est assez com- préhensible. C. pentagonus est commun aux environs de Vichy, et à Belle-Isle. Il se trouve aussi aux environs de Tulle et de Rouen, où M. Gadeau de Kerville l’a recueilli. C’est sans doute ce Cyclops que M. Labbé a signalé près de Laval sous le nom de C. prasinus? (62). Cyclops serrulatus Fischer 1851 (7). La furca est presque 3 fois plus longue que le segment précédent, et 5 fois plus longue que large. Elle porte le long de son bord externe une rangée de dents assez fortes, bien distinctes. Cette rangée s'étend sur presque toutela longueur de la furca. Les rapports de longueur des soies de la furca avec celle-ci sont : 41, 20, 90, 135, 20. La soie latérale est insérée au dernier cinquième de la longueur de la furca. Les antennes antérieures ont 12 articles et atteignent la fin du dernier segment thoracique. Il n’y a pas de bâtonnet sensoriel. Dans la quatrième paire de pattes, des deux épines apica- les de la branche interne, l'interne est plus longue d’un tiers que l’externe. / RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 239 Les pattes de la cinquième paire n’ont qu’un article, (PI. VE, fig. 19). | C. serrulatus mesure de 1 mill. à 1%%,5. Les ovisacs, allongés, sont pointus aux deux extrémités. Cette espèce est extrêmement répandue partout. Je ne cilerai comme habitat qu'une source d’eau sulfureuse à Enghien, et dans laquelle C. serrulatus vit en assez grand nombre. J'en ai conservé beaucoup, pendant plus d’un an, dans un bocal où l’eau minérale se concentrait de plus en plus par l'évaporation. Ils étaient notablement plus petits que ceux qui vivent dans les conditions normales, mais ils ne m'ont pas présenté d’autres variations. Cette espèce, très bien décrile par Fischer en 1853 (7) est quelquefois désignée sous le nom de C. agilis Koch (6), dont la description et le dessin sont tout à fait insuffisants, aussi bien pour ce Cyclops que pour beaucoup d’au- tres. Cyclops macrurus Sars 1863 (18). La furca est 3 fois plus longue que le segment précédent en environ 8 fois plus longue que large. Elle est lisse à son bord externe, sauf vers son dernier quart où elle porte 3 ou 4 petites épines. Les rapports des soies de la furea avec celle-c1 sont : 60, 20, 90, 130, 33. La soie latérale est insé- rée immédiatement au-dessous des épines du bord externe de la furca. Les antennes antérieures ont 12 articles et dépassent à peine Le premier segment du corps. Il n’y a pas de bâtonnet sensoriel. Pour tous les autres caractères C. macrurus ressemble beaucoup au C. serrulatus dont il est très voisin. Cette espèce, qui mesure environ 1*”,3 de longueur est aussi rare que la précédente est commune. Je ne connais sa présence, en France, qu’à Chaville, dans l'Indre et près d’Abbeville. 230 JULES RICHARD. ESPÈCES DONT LES ANTENNES ANTÉRIEURES ONT 11 ARTICLES. Cyclops ornatus Poggenpol 1874 (1). La furca est de un tiers environ plus longue que le seg- ment précédent et près de 3 fois plus longue que large. Les dimensions relatives des soies de la furca avec celle-ci sont : 10, 10, 30, 38, 12. La soie latérale est insérée au dernier tiers de la furca. Les antennes antérieures ont seulement 11 articles et n'atteignent pas l'extrémité du premier seg- ment du corps. Les pattes de la cinquième paire sont semblables à celles de C. viridis. Les pattes natatoires ont toutes leurs branches formées de 2 articles seulement. C. ornatus n'a été signalé que par le D° Moniez à Lille. Il sera facile de le distinguer immédiatement des autres espèces dont les antennes ont 11 articles, par ses pattes rudi- mentaires biarticulées et par sa taille qui dépasse 2 milli- mètres. Remarque. — Ce Cyclops ressemble beaucoup à un C. viridis qui serait arrêté dans le développement de ses antennes et de ses pattes natatoires. Cyclops diaphanus Fischer 1853 (8). La furca est 2,2 fois plus longue que le segment précé- dent, et 3 fois plus longue que large. Les rapports des soies de la furca avec celle-ci sont : 20, 8, 42, 50, 23. Les soies médianes sont courtes, fortes, densément ciliées. La soie latérale est insérée vers le dernier quart de la furca. Les antennes antérieures atteignent environ les trois quarts de la longueur du premier segment du corps. Elles ont 11 articles et pas de bâtonnet sensoriel. Les branches de toutes les pattes natatoires ont deux articles seulement. Dans la quatrième paire, des deux épines apicales de la (1) Liste des Copépodes, Cladocères et Ostracodes des environs de Moscou (en russe). RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 231 branche interne, l’externe atteint à peu près le quart de la longueur de l’interne. Les pailes de la cinquième paire n’ont qu'un article (PIN E is: 26). C. diaphanus mesure 0"*,8 de longueur. Les ovisacs sont petits et globuleux. Cette espèce est fort rare, je ne connais sa présence, en France, qu'aux environs de Vichy, de Lille (D' Moniez), de Briançon, où le D’ Blanchard l’a recueillie dans un lac de montagne, et près d’Abbeville. Cyclops affinis Sars 1863 (18). La furca est trois fois plus longue que large et un peu plus de deux fois plus longue que le segment précédent. Au-dessous du dernier tiers de son bord externe commence une rangée d'épines dirigées obliquement et transversalement vers [a parlie antérieure du dos de la furca. Les soies de la furca présentent avec celle-ci les rapports de longueur suivants : 12, 12, 35, 85, 8. Les antennes antérieures ont 11 articles; elles sont beau- coup plus courtes que le premier segment du corps. Il n’y a pas de bâtonnet sensoriel. Des deux épines apicales de la branche interne, dans les paites de la quatrième paire, l’interne est beaucoup plus longue que l’externe. Les pattes de la cinquième paire sont uniarticulées (PENTI, fig. 23). C. affinis mesure 0"*,85 de longueur. Les ovisacs sont petits, appliqués contre l'abdomen. Cette espèce n’est connue jusqu'ici, en France, qu'aux environs de Lille où le D° Moniez la signale comme très commune sous le nom de C. pygmæus Sars. L'espèce de Sars porte le nom de C. a/ffinis, et elle est identique avec celle décrite plus tard par Rehberg sous le nom de C. pyg- mæus (25). 238 JULES RICHARD. ESPÈCE DONT LES ANTENNES ANTÉRIEURES ONT 10 ARTICLES. Cyclops phaleratus Koch 1838 (6). La furca est deux fois plus longue que large et deux fois plus longue que le segment qui la précède. Les rapports de longueur des soies de la furca avec celle-ci sont : 12, 8,.32, 100, 10. La soie latérale, très courte, est placée vers le milieu de la furca qui porte en ce point de son bord externe une rangée de fortes épines dirigées transversalement vers la face dorsale. | Les antennes antérieures ont 10 articles et n’atteignent pas la fin du premier segment du corps. Elles ne portent pas de bâtonnet sensoriel. Des deux épines apicales de la branche interne, dans les pattes de la quatrième paire, l’interne est plus de deux fois plus longue que l’externe. Les pattes de la cinquième paire sont formées par un seul article aplati, très court, complètement soudé avec le der- nier segment thoracique par tout son bord proximal. Le bord libre porte trois soies courtes; les deux soies internes sont fortement ciliées; la troisième diverge fortement en dehors (PI. , fig. 12). C. phaleratus dépasse à peine 1 millimètre de longueur. Les ovisacs sont rapprochés de l'abdomen. En France, cette espèce n’est connue qu’à Charenton, où j'en ai recueilli un exemplaire, à Lille (M. Moniez) où elle est au contraire commune, et à Laval (M. Labbé). Remarque. — Cette espèce est souvent désignée sous le nom de C. canthocarpoides, Fischer (7). ESPÈCE DONT LES ANTENNES ANTÉRIEURES ONT 8 ARTICLES. Cyclops fimbriatus Fischer 1853 (8). La furca est 2,6 fois plus longue que le segment précé- RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 239 dent, et 5 fois plus longue que large. Les soies de la furca présentent avec celle-ci les rapports de longueur suivants : 34, 17, 70, 135, 19. La soie latérale s’insère au dernier quart de la furca, qui présente à ce niveau une série d’épines allant du bord externe sur la face dorsale. Les antennes antérieures n’ont que 8 articles et attei- gnent la moitié de la longueur du premier segment du corps. Le cinquième article porte un bâtonnet sensoriel extrême- ment grêle et pâle. Dans les paltes de la quatrième paire, des deux épines apicales de la branche interne, l’interne est près de 3 fois plus longue que l’externe. Les pattes de la cin- quième paire n'ont qu'un article el ressemblent beaucoup à celles du C. affinis. C. fimbriatus mesure de 0%*,95 à 1 mil- limètre de longueur. Les ovisacs sont ovales et rapprochés de l’abdomen. Cette espèce nage indifféremment sur la face ventrale ou sur la face dorsale et souvent en tournant sur elle-même comme les Canthocamptus. Des C. fimbriatus placés sur le porte-objet à peine humide progressent très rapidement, ce que je n’ai vu faire à aucun autre Cyclops; cela tient sans doute aux nombreuses soies fortement ciliées de ses antennes antérieures et qui font de ces appendices très courts et très épais des organes aussi aptes à la reptation qu'à la natation. Ce Cyclops est en effet un très mauvais nageur. Cette espèce, trouvée pour la première fois en France par le D' Girod dans le trop-plein de la source minérale de Sainte-Marguerite (Puy-de-Dôme), est, d’aprèsle D° Moniez, très commune à Lille. Ce même auteur l’a signalée au lac de Gérardmer et à Yvetot. Je l'ai retrouvée dans les récoltes faites par M. Martin aux environs du Blanc. J'ai conservé longtemps des C. fimbriatus de Sainte-Mar- guerite dans l’eau minérale ; ils se reproduisaient très acti- vement malgré la concentration progressive de cette eau par suite de l’évaporation. D'autre partils prospéraient également bien dans l’eaufordinaire. Je n'ai pas trouvé de variations appréciables chez les uns ou chez les autres, sinon des va- 240 JULES RICHARD, riations individuelles qui se présentaient aussi bien chez les individus vivant dans l’eau minérale que chez ceux que j'avais mis dans l’eau douce. ESPÈCE DONT LES ANTENNES ANTÉRIEURES ONT 6 ARTICLES Cyclops Dumasti Joly 1883 (35). Cette espèce très petite doit être mise aux « inceriæ sedis ». Joly l’a en effet très mal figurée et décrite d’une façon tout à fait insuffisante. D’après lui, les antennes antérieures, beaucoup plus courtes que le premier segment da corps auraient 6 articles seulement. Les ovisacs globuleux con- tiendraient un assez grand nombre d'œufs. Cette forme, trouvée dans la glairine des eaux minérales de Luchon, n’est peut-être pas autre chose que C. æquoreus Fischer. Il m’a été impossible jusqu'ici de m'en assurer. Les conditions du milieu donnent à celte vérification un intérêt tout spécial et et il est à désirer que C. Dumasti soit étudié à nouveau de très près. HARPACTIDÆ. Cette grande division n'est représentée en France que par les 2 genres Bradya et Canthocamptus, le premier avec une, le second avec 4 espèces. Toutes les formes indigènes de ce groupe se distinguent à première vue des Cyclopides et des Calanides par leur forme subcylindrique à peine plus large dans la région céphalique qu’à l'extrémité de l'abdomen. Ce sont de très petits animaux {le plus grand dépasse à peine 1 millimètre). Bien que leur détermination soit très déli- cate à cause de la petitesse des individus, de la complexité et de la disposition spéciale de leurs appendices, je pense que les indications que je vais donner permettront de dis- tinguer facilement les unes des autres nos espèces indigènes, je me suis attaché pour cela à opposer des caractères nets et constants. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 241 Bradya Edwardsi Richard 1890 (67). J'ai donné l’année dernière une description complète de ce curieux Copépode aveugle. Je ne la reproduirai pas ici. Les figures ci-après donneront mieux que toute des- cription une idée exacte des différences considérables que présente ce genre avec les Canthocamptus dont il a la forme et l'allure générale. Je ferai seulement remarquer la largeur Fig. 1. — Antennes antérieures ©. Fig. 2. — Branche accessoire des an- tennes postérieures. de ses antennes antérieures; la structure des pattes-mà- choires de la première paire qui rappelle beaucoup plus celles des Calanides que celles des Canthocamptus B. Ediwardsi mesure de 0"”,75 à 0"*,80 de longueur. Ce Crustacé n'est connu jusqu'à présent que dans les lacs Inférieur et Supé- rieur du Bois de Boulogne et aussi dans le petit bassin (très élevé au-dessus du lac Inférieur) où l’eau venant direc- tement du puils artésien de Passy tombe avant de se jeter par une cascade dans le lac Inférieur. La température de l’eau de ce petit bassin dépasse 27°C. ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, 16. — ART. N° 8. 249 JULES RICHARD. On ne connaissait jusqu'ici que 2 ou 3 espèces du gonre Bradya : B. typica Boeck a été recueilli par cet auteur dans le fjord de Christiana par 16 brasses de profondeur, Brady a décrit sous le même nom une espèce trouvée Fig. 3. — Mandibule. Fig. 4. — Palpe de la mandibule. par 20 brasses au large des îles Scilly. Aucun de ces auteurs ne parle de l'appareil visuel de ces Copépodes. Le B. limi- cola Herrick, qui est aveugle comme notre espèce, provient d'une mare d’eau saumâtre protégée par de hautes herbes et située à Ocean Springs (Mississipi). it \ À V, us 1h | 4 Jg.6 Fig. 5. — Maxille et son palpe. Fig. 6. — Première patte-mâchoire Le B. Edwardsi est tout entier coloré en brun jaunâtre, ce qui le rend peu transparent. Le rostre et la partie céphalique médiane sont seuls presque incolores, ce qui permet de constater très aisément l’absence complète du pigment oculaire dans les deux sexes. Ce pigment n’apparaît RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 243 à aucune phase du développement, on ne le trouve pas dans » Fig. 1. — Deuxième patte-mâchoire. Fig. 8. — Pattes natatoires de la deuxième paire. les œufs prêts à éclore pas plus que chez les embryons à partir du moment où ils sortent de l'œuf, Fig. 9. — Pattes de la cinquième | Fig. 10. — Pattes de la cinquième paire ©. paire . Ce Crustacé que l’on peut appeler aveugle, puisque cette 244 JULES RICHARD. dénomination a été appliquée à de nombreux animaux tota- lement dépourvus d’organe visuel (1), présente, en outre de celte particularité intéressante, celle d’appartenir à un genre essentiellement marin, inconnu jusqu'ici sur les côtes de France. Son habitat mérite encore d'attirer l'attention sur lui, et bien que je n’aie pu le démontrer d’une façon caté- gorique, il y a tout lieu de croire qu'il a été amené dans le petit bassin d’eau tiède dont j'ai parlé plus haut, et de là dans les lacs du Bois de Boulogne par les eaux du puits artésien de Passy qui se déversent dans ces lacs. Remarque. — À propos de B. Edwardsi, il n’est pas sans intérêt de noter que, d’après une lettre que j'ai reçue du professeur Lilljeborg, une espèce du genre ÆEctinosoma (E. fuscum Lil), genre très voisin du Bradya, se trouve en Suède aussi bien dans les eaux douces que dans la mer. Canthocamptus staphylinus Jurine 1820 (2). Les antennes antérieures ont 8 articles et atteignent à peu près la fin du premier segment du corps. La branche accessoire des antennes postérieures est biarticulée. Dans les 3 premières paires de pattes, chaque branche est formée de 3 articles. Dans la quatrième paire la branche interne est seule biarticulée. Dans la première paire, la branche externe atteint seulement la fin du premier article de la branche interne dont le troisième article est deux fois plus long que le deuxième. La branche externe est presque deux fois plus courte que l’interne. Des deux grandes soies de la furca l’interne est au moins trois fois plus longue que l’externe. L'opercule anal est garni de dents simples non bifides (PI. V, fig. 3). Une des pattes de la cinquième paire de la femelle est représentée planche IT, figure 1. Cette espèce qui atteint ou dépasse un peu 1 millimètre est très répandue partout. On la connaît en un grand nombre de points de la France. (4) Voir à ce sujet les détails donnés dans la partie plus spécialement anatomique de ce travail, page 09. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 245 Canthocamptus horridus Fischer 1860 (16). Les antennes antérieures ont 8 articles et sont très nota- blement plus courtes que le premier segment du corps. L'extrémité de la branche externe de la première patte at- teint seulement la fin du premier article de la branche interne dont le dernier est près de trois fois plus long que le deuxième. D’après Fischer, les autres pattes ressemblent à celles de la première paire (ce qui est très probablement inexacl). Des deux grandes soies caudales, l’interne est deux fois plus longue que l’externe. Cette espèce, qui paraît assez voisine du C. séaphylinus (dont elle atteint presque la taille) en diffère surtout par la brièveté des antennes antérieures, par les dimensions rela- lives des soies caudales et par ce fait que le bord postérieur et dorsal de chaque segment du céphalothorax est garni d'une rangée de pelites épines, tandis que ce bord est com- plètement lisse chez le C. staphylinus. Le D' Moniez (45) a seul trouvé cette forme près de Lille. Je ne la connais pas et je dois me borner aux indications de Fischer; il n’en existe aucune bonne description. Canthocamptus minutus Claus 1863 (19) Les antennes antérieures ont 8 articles et sont bien plus _ courtes que le premier segment du corps. Les branches des quatre paires de pattes natatoires ont 3 articles, sauf la branche interne de la quatrième paire qui n’en a que deux. La branche externe, dans la première paire, est à peine plus courte que l’interne, son extrémité atteint ou dépasse même le milieu du dernier article de celle-ci. Des deux grandes soies caudales, l’interne esl deux fois plus longue que l’ex- terne. L’opercule anal est garni de dents bifides à leur ex- _ trémité. On ne connaît jusqu'ici cette petite espèce (0°*,65 envi- ron) qu'aux environs de Lille (45) (D° Moniez), de Vichy, de Paris et de Laval (62) (M. Labbé). Je l’ai presque constam- 246 JULES RICHARD. ment trouvée en compagnie de C. staphylinus, mais toujours en petit nombre. Canthocamptus hbernicus Brady 1880 (1). Les antennes antérieures ont 8 articles et atteignent à peu près la longueur du premier segment du corps. La branche accessoire des antennes postérieures est umiarticulée. Les branches de toutes les pattes natatoires ont 3 articles. Dans la première paire, la branche interne est environ deux fois plus longue que l’externe. Les deux derniers articles de cette branche interne sont égaux el très courts, mais le pre- mier est plus long que la branche externe tout entière. Des deux grandes soies caudales l’interne est deux fois plus longue que l’externe. Les dents de l’opercule anal sont simples, non bifides. Celte rare espèce mesure environ 0°”,68. Elle n'était connue jusqu'ici qu'en Islande et en Allemagne où le. D' Schmeil l’a signalée tout récemment (70). En France, elle n’a été rencontrée qu'au Bois de Boulogne où je lai indiqueé l’année dernière (67). CALANIDES (2). Eurytemora lacinulata Fischer 1853 (8). La furca est à peine plus longue que le segment précé- dent, et à peu près 3,5 fois plus longue que large. Le pé- nultième article de la cinquième patte de la femelle (fig. 12) ne porte qu'une petite épine à son bord externe. La cin- quième patte droite du mâle est formée de 4 articles par suite de la division du troisième en deux parties à peu près égales. Le troisième n’est pas du tout renflé à sa base (fig. 11). (4) À monograph of the free and semi-parasitic Copepoda of the British Island, vol. II, 1880. (2) Pour toutce qui concerne les Calanides, on se reportera, pour plusde détails, à la revision des espèces de ce groupe (60). RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 247 Cette espèce qui mesure de 1%%,3 à 1**,5 vit aussi bien dans l’eau douce que dans l’eau saumâtre ou que dans l’eau très chargée de sels. Elle se trouve en France aux environs d'Abbeville (eau douce) ; dans les marais salants de Croisic. J'ai signalé l’année dernière la présence de ce Calanide dans les lacs du Bois de Bou- logne (67). Remarque. — Les antennes antérieures de la femelle sont formées dans cette espèce, comme dans la suivante, de Fig. 11. Fig, 12. 2% articles. Elles ne dépassent pas le céphalothorax. Dans les deux espèces aussi, le dernier segment thoracique s’é- tend de chaque côté en un prolongement aliforme assez grand. Eurytemora affinis Poppe 1881 (28). La furca est deux fois plus longue que le segment précé- dent et sept fois plus longue que large. Le pénultième ar- licle de la cinquième patte de la femelle (fig. 14) porte à son bord externe deux fortes épines et une très petite près de la base. Le dernier article de la cinquième patte droite du mâle (cette patte [fig. 13] est formée de 3 articles) est très renflé à sa base, puis su- bitement très grêle jusqu’à son extrémité. Fig. 13. Fig. 14. Cetle espèce a été recueillie par M. Gadeau de Kerville, en face de Honfleur, dans l'estuaire de la Seine. 248 SULES RICHARD. Diaptomus castor Jurine 1820 (2). Chez la femelle les antennes de la première paire (1) attei- gnent à peine la fin du premier segment abdominal. Ce segment porte de chaque côté un fort prolongement conique légèrement dirigé en arrière et terminé par un petit mu- cron. Dans toutes les espèces suivantes ce mucron est appliqué directement sur les côtés à peine renflés du pre- mier segment abdominal. La figure ci- contre représente une des pattes de la cinquième paire de la femelle. L’anté- pénultième article de l’antenne droite du mâle est complètement lisse ou porte une lame hyaline très étroite arrondie à ses deux extrémités. La branche interne de la cinquième patte droite (PI. VIF, fig. 9, a), est biarticulée, cylindrique et atteint au moins le milieu du dernier article. Le dernier article de la cinquième patte gauche (branche externe) est subglobuleux et terminé par un pro- longement court. D. castor mesure de 2°*,5 à 3",5. Cette espèce est sans doute très répandue en France, on la connaît à Lille, à Yvetot (D' Moniez); près de Rouen; à Vichy, - à Toulouse et dans un grand nombre d’autres localités parmi lesquelles je citerai seulement l’étang des Fonceaux, près de Paris, où j'ai pu recueillir récemment avec M. Hérouard qui m'a indiqué cette localité, des milliers d'exemplaires de ce Calanide. Î Diaptomus Lilljeborgi de Guerne et Richard 1888 (52). Les antennes antérieures, chez la femelle, dépassent peu la fin du dernier segment thoracique. La branche interne (1) Les antennes antérieures de la femelle et l'antenne gauche du mâle ont 25 articles dans tous les Diaptomus énumérés ici. RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 249 des pattes de la cinquième paire est uniarticulée, plus longue que l'antépénultième article de la branche externe et ne porte à son extrémité que des cils très courts. L’anté- pénultième article de l'antenne droite du mâle est com- plètement lisse ou porte une lame hyaline semblable à celle du D. castor. La branche interne de la cinquième patte droite est uniarliculée, très élargie et ne dépasse pas sensi- blement le pénultième article de la branche externe. Le der- nier article de la branche externe de la cinquième patte gauche ressemble beaucoup à ce même article chez le D. castor. D. Lilljeborgi atteint jusqu’à 2°°,5. Ce Diaptomus n'élait connu jusqu'ici qu'aux environs d'Alger. Au mois d'avril dernier, le D' R. Blanchard me communiquait des pêches faites dans les puits des environs d'Antibes. Je n’ai pas été peu surpris d'y reconnaître D. Lilljeborgi, sous une forme un peu différente maïs qui ne présente pas des caractères suffisants pour lui donner même un nom de variété. Peu de lemps après, le D° Daday, de Budapest, m'envovait sa revision des Calanides de la Hon- grie; il se trouve que D. Lulljeborgi y est signalé et juste- _ ment identique à la variété d'Antibes. Diaptomus cœæruleus Fischer 1853 (8). _ Chez la femelle les antennes antérieures atteignent l’ex- trémité de la furca. La branche interne des pattes de la der- nière paire est biarticulée, presque aussi longue que l’antépénultième article de la branche externe et terminée par des cils et deux soies plus courtes que la moitié de la longueur de la branche 1in- terne. L’antépénultième article de l'antenne droite du mâle porte une lame hyaline étroite terminée ge. 61. à l'extrémité distale par un court crochet à pointe mousse (fig. 16). La branche interne de la cinquième patte droite est étroite, uniarticulée et dépasse très peu le pénul- tième article de la branche externe. Le dernier article de la 250 JULES RICHARD. branche externe de la cinquième patte gauche est allongé et terminé par un prolongement digitiforme assez long. D. cæruleus mesure en moyenne de 1°°,8 à 2 millimètres. Celte espèce est au moins aussi répandue que D. castor, on la trouve souvent en troupes considérables dans les eaux d'assez grande étendue (étangs, grandes mares). Elle vit en un grand nombre de points de la France, en particulier aux environs de Paris (Chaville, Meudon, etc.). Diaptomus gracilis Sars 1863 (18). Chez la femelle, les antennes antérieures dépassent de beaucoup le corps entier. La branche interne des pattes de la cinquième paire est uniarticulée et atteint environ la moitié de la longueur de l’antépénultième article de la branche externe. Son extrémité ne porte que des cils très courts. L’antépénultième article de l’antenne droite du mâle porte à son extrémilé un court prolongement obtus de forme plus ou moins régulière. La branche interne de la cinquième patte droite est uniarticulée, légèrement dilatée dans sa portion médiane, et dépasse de beaucoup le milieu du der- nier article de la branche externe. D. gracihis mesure de 1 millimètre à 1*°,5. Il n’est guère connu jusqu'ici en France qu'à Vanault-les-Dames (Marne), où M. de Guerne l’a recueilli, dans les grands étangs du Blanc (M. KR. Martin) et dans l’étang d'Hourtins (Gironde, M. Belloc). Il est très répandu dans les lacs de toute l’Eu- rope. Diaptomus laciniatus Lilljeborg 1889 (60). Les antennes antérieures de la femelle atteignent la fin de la furca. La branche interne des pattes de la cinquième paire est uniarticulée, presque aussi longue que l’antépénul- lième article de la branche externe, elle se termine en pointe mousse avec quelques cils très courts. L’antépénultième article de l’antenne droite du mâle est complètement lisse, sans aucun prolongement. La branche interne de la cin- RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 291 _ quième patte droite est plus dilatée à la base qu’à l'extrémité, uniarliculée et atteint à peu près la fin du dernier article de la branche externe. Ce Calanide mesure environ 1**,8 de longueur. Il est re- marquable par les lobes latéraux des deux derniers segments thoraciques. Ces lobes sont profondément découpés, très divergents et très développés. On ne le connaît en France que dans le lac Chauvet en Auvergne et dans le lac d'Auber (Pyrénées). Diaptomus baccilhifer Kôlbel 1885 (41). Les antennes antérieures de la femelle atteignent la base de la furca. La branche interne des pattes de la cinquième paire est indistinctement biarticulée, terminée par des cils très courts et atteint seulement la moitié de l’antépénultième arlicle de la branche externe. L’antépénultième article de l’antenne droite du mâle porte un pro- longement baccilliforme qui atteint la fin du pé- nultième article de l’antenne (fig. 17). La branche interne de la cinquième patte droite est indistinc- tement biarticulée, dépassant notablement le pé- nultième article de la branche externe sans attein- dre le milieu du dernier. Le dernier article de la branche externe de la cinquième patte gauche est allongé et terminé par un long prolongement digitiforme. La longueur de cette espèce varie de 1**,2 à 2 milli- mètres. D. baccilhfer n’est connu jusqu’à présent, en France, que dans les lacs de Gimont et de Cristol, près Briançon, où le D' R. Blanchard l’a découvert à 2400 mètres d'altitude (60). Fig. 17. Diaptomus denticornis Wierzejski 1887 (43). Les antennes antérieures de la femelle atteignent à peu près la base de la furca. La branche interne des pattes de la cinquième paire est très imdistinctement biarticulée, plus longue que l’antépénultième article de la branche externe, 254 JULES RICHARD. et terminée par des cils irès courts et deux soies un peu plus longues. L’antépénultième article de l'antenne droite du mâle porte souvent une lame hvaline étroite, terminée en pointe à son extrémité distale. Le dernier article de la même antenne se termine par un crochet très distinct. La branche interne de la cinquième patte droite, uniarticulée, est bien plus courte que le pénultième article de la branche externe. D. denticornis varie de 2°*,5 à 3 millimètres. Il se trouve en très grand nombre dans la plupart des lacs de l’Auvergne et dans plusieurs autres des environs de Briançon (D' R. Blanchard). En France, 1l paraît donc être, jusqu'ici, spécial aux lacs de montagne. Poppella Guernei Richard 1888 (50). La furca est allongée, étroite, aussi longue que les deux segments précédents réunis. Les antennes antérieures de la Fig. 18. Fig. 19. femelle atteignent la fin du deuxième segment abdominal, elles sont formées de vingt-quatre articles. Les figures ci- dessus montreront mieux que toute description la structure des pattes dela cinquième paire chez le mâle (fig. 18)et chez la femelle (fig. 19). Par les caractères de ces pattes, le Poppella s’écarte considérablement de tous les autres Calanides d’eau douce aussi bien que parle nombre des segments abdominaux RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 293 chez la femelle qui est ici de 5 (y compris la furca), tandis qu'il n’est que de 4 {avec la furca) chez les Diaptomus et les Eurytemora. Depuis 1888, M. L. Roubau, qui a découvert cet intéres- sant Copépode dans le canal du Midi, à Toulouse, en re- trouve chaque année quelques exemplaires. On ne le connaîl que là. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. Chez aucun Copépode on ne connaissait jusqu'à présent d’une façon complète la glande du test. Elle existe dans toutes les formes d’eau douce. Elle est située partout dans la duplicature du céphalothorax, sur les côtés et près du bord postérieur de ce segment. On y distingue toujours deux par- ties : un sac dont les parois sont revêtues de cellules excré- trices, et un canal chilineux plus ou moins long et plus ou moins contourné, enveloppé de toutes parts par un proto- plasma granuleux contenant d'assez nombreux noyaux. Dans toutes les formes où il a été suivi jusqu’à son extré- mité le canal s'ouvre à l'extérieur d’une facon constante à la face supérieure et interne de la base des pattes-mâchoires de la première paire, très près de l'articulation de ces appen- dices. La description de la glande du test chez le Diaptomus cas- tor est complétée; toute la portion terminale et l’orifice extérieur sont décrits pour la première fois. L'examen d’un grand nombre d'espèces montre que dans ce genre la glande présente une disposition toujours exactement semblable. La glande du test est signalée et décrite dans les genres Eurytemora, Heterocope, Epischura, Poppella, Schmackeria, Limnocalanus, dans lesquels elle n'avait même pas été indi- quée jusqu'ici. Chez les Cyclops le canal ne s’ouvre pas dans [a cavité gé- nérale, comme le pense Hartog. Il y a comme dans tous les genres précédents une glande proprement dite. La glande du test des Canthocamptus dont la présence a 204 JULES RICHARD. . été tour à tour niée et affirmée est décrite pour la première fois, ainsi que celle du Pradya Ediwardsi. La disposition du canal de la glande varie toujours nota- blement et quelquefois profondément dans les différents genres. Mais elle est toujours la même dans les espèces d’un même genre. De sorte que le seul examen de cette dispo- sition permet de déterminer immédiatement à quel genre appartient le Copépode étudié. La similitude entre la disposition et la longueur du canal dans deux genres différents est d'autant plus grande que les deux types sont plus rapprochés dans la classification natu- relle. Les caractères, d'ordre anatomique, fournis par la glande du test, concordent avec les caractères, d'ordre morphologique, des appendices, caractères utilisés dans la systématique à laquelle l'étude de la glande donne ainsi un nouvel appui. | Le canal est d'autant plus long qu'on l’observe dans des genres plus confinés dans les eaux douces. C’est dans les genres dont les espèces vivent dans les eaux saumâtres ou indifféremment dans les eaux douces et dans les eaux salées qu'on trouve le canal le plus court. La glande du test a pour fonction d’excréter les produits de désassimilation qui doivent être éliminés de l’organisme. Ces produits sont presque toujours, dans la cavité de la glande et dans le canal; à l'élat de dissolution. Ce n'est qu'exceptionnellement {Celops) qu'ils se présentent comme éléments figurés, sous forme de granulations. Chez les Jiap- tomus, on voit quelquefois ces produits à l’état de granula- tions ou de concrétions brunâtres dans les cellules de la glande. La glande est suspendue dans le liquide sanguin, situa- tion très favorable pour le bon fonctionnement d’un appa- reil urinaire. C’est la portion active de l’organe, le canal ne paraît pas jouer d’autre rôle que celui de conduire au dehors les produits excrétés. La glande antennale des Copépodes correspond à celle RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 250 du même nom des autres Crustacés. Leur glande du test correspond à la glande du test des Phyllopodes, des Cla- docères, des Argulides el des Leptostracés. L'hypothèse de Hartog, d'après laquelle ces deux organes ne sont à l’origine qu'une seule et même glande, est inad- missible. Les glandes salivaires n avaient été signalées que par Har- tog chez le Cyclops viridis où 1l les a décrites d’une façon ‘très incomplète. Elles existent chez tous les Copépodes ; leur nombre est variable, mais on ne trouve partout qu’un seul orifice médian à la face inférieure de la lèvre supérieure, dans laquelle elles sont disposées symétriquement de cha- que côté. Ce sont des glandes unicellulaires, généralement allongées, souvent de grande taille, et ordinairement rem- plies de petites vésicules peu réfringentes. Elles déversent leurs produits dans une petite dilatation médiane réunie à l’orifice extérieur par un canalextrèmement court. Ces glandes présentent souvent un développement considérable el jouent sans doute un rôle important, complètement inconnu d’ail- leurs, car il n’est pas du tout démontré qu’elles jouent un rôle quelconque dans la digestion des aliments. Les autres glandes unicellulaires ont été étudiées surtout chez les Cyclops par Hartlog et Rehberg. J’ai en particulier poussé beaucoup plus loin l'étude de celles qui se trouvent dans la duplicature des téguments thoraciques et dont les orifices extérieurs avaient échappé aux auteurs précédents. Leur nombre varie suivant l’âge, le sexe et les espèces. Elles sont souvent réunies par groupes de deux ou trois. Les glandes des segments abdominaux et celles des articles des pattes sont généralement ovalaires ; chacune porte à son extrémité distale un orifice unique situé sous une petite écaille chitineuse plus ou moins arrondie à son bord libre. Ces orifices ne se trouvent jamais, contrairement à l’opinion de Rehberg, sur la tranche même des pattes, mais toujours à la même face externe des articles (les paltes étant élen- dues). Ces organes sont en relation par leur extrémité avec 256 JULES RICHARD. des filets nerveux qui présentent sur leur trajet une ou plu- sieurs Cellules bipolaires. Le contenu des glandes présente un aspect variable qui paraît dépendre de l’abondance de la nourriture. Chez les Canthocamptus, bien que Rehberg prétende le contraire, les glandes unicellulaires sont très nombreuses et très développées. Sur le thorax, le quatrième et cin- quième segment en sont seuls dépourvus. Les segments abdominaux sont presque complètement entourés d’une large ceinture de glandes pleines de petites vésicules, inco- lores, peu réfringentes, s'ouvrant dans la cuticule par des orifices, en forme de croissant plus ou moins net, sous de petites écailles chilineuses. i Les pattes nalatoires ne présentent chacune qu’une seule glande volumineuse dans l’article basilaire qui porte les deux rames et qui s'ouvre sur cel arlicle près de la naissance de la branche externe. Chez le Pradya E dwardsi, il y à trois paires de glandes dans le céphalothorax. Dans l'abdomen il n'y a que des glandes ventrales et dorsales, moins nombreuses que dans le genre précédent. Les pattes natatoires ont aussi une seule glande située comme chez les Canthocamptus. Les Calanides sont dépourvus de glandes analogues à celles des autres genres, comme Rehberg l’a reconnu pour le Diaptomus castor. L'hypothèse de Vosseler d’après laquelle les glandes des pattes nalatoires sécréteraient un produit utilisé pour la recherche des sexes doit être rejetée. Toutes ces glandes sont excrétrices. Leur ensemble constitue un organe excréteur important. | Chez le Diuptomus castor le système nerveux n'élait connu jusqu'ici que d’une façon très incomplète. Il se compose d'un ganglion sus-œæsophagien unique ou cerveau et d’une chaîne nerveuse ventrale. Le cerveau est partout formé d’une masse centrale fibrillaire et d'une couche de cellules, périphérique, plus ou moins épaisse, en particulier dans la RECHERCHES SUR LES COPÉPODES LIBRES D'EAU DOUCE. 257 partie antérieure. Il forme du côté dorsal un prolongement impair qui se divise bientôt en deux branches symétriques dirigées en avant. Le cerveau est réuni à la chaîne ventrale par deux gros et courls connectifs périæsophagiens, réunis immédiatement sous l'œsophage par une commissure post- œsophagienne qui n’a aucun rapport avec la chaîne ventrale. La masse sous-œæsophagienne s'étend environ jusqu'au niveau des paltes-mâchoires de la deuxième paire et elle est formée de trois ganglions. On distingue nettement les commissures transversales correspondant aux ganglions mandibulaires et maxillaires. La masse thoracique n’est séparée de la précédente que par un étranglement peu marqué. Celte portion est formée par une bande nerveuse présentant quatre renflements gan- glionnaires peu accentués et correspondant aux quatre paires de paties natatoires. Au niveau de l'insertion des dernières, la chaîne cesse de contenir des cellules nerveuses. Celles-ci sont répandues dans toute l'étendue de la chaîne, mais cependant beaucoup plus abondantes dans les renfle- ments ganglionnaires, tandis qu’elles sont particulièrement rares dans le connectif très étroit qui relie les deux premiers ganglions thoraciques. À la suite du quatrième ganglion la chaîne présente sur une très faible longueur et sans se montrer aucunement élargie un amas de cellules qui est un cinquième ganglion. À partir de là, la chaîne, uniquement formée de fibres, se continue d’abord impaire jusque dans la partie antérieure de l'abdomen, puis se bifurque en deux branches qui arrivent vers la furca en se divisant chacune vers son extrémité en filets nerveux secondaires sans vré- senter nulle part de ganglions abdominaux. Du cerveau partent les deux troncs nerveux qui vont à l'organe frontal; les trois nerfs oculaires ; les gros nerfs des antennes antérieures; et un nerf impair médian qui va dans la lèvre supérieure où il forme un ganglion. Les connectifs périæsophagiens donnent une paire de. nerfs aux muscles dorsaux du céphalothorax; des nerfs aux ANN. SC. NAT. ZOOL. XI LA == ART, N% 9: 208 : . JULES RICHARD. antennes postérieures et deux nerfs qui pénètrent dans la lèvre supérieure où ils forment chacun un ganglion. De la masse sous-æsophagienne partent les nerfs des appendices de la bouche, nerfs moteurs el nerfs sensitifs. Les premiers naissent des faces latéro-dorsales et vont droit aux muscles après s'être divisés; les seconds naissent des faces latéro-ventrales et chaque nerf présente sur son trajet un ganglion plus ou moins volumineux, puis il pénètre dans l'appendice. De chaque renflement thoracique il part une paire de nerfs sensitifs allant droit dans les pattes; deux paires in- nervent les muscles de ces appendices et les muscles propres de chaque segment. Sauf dans le quatrième et dans le cin- quième ganglion thoracique, il y a en outre une paire de nerfs pour les muscles longitudinaux du corps. Chez les autres Calanides (Æeterocope, Epischura, Eur y- temora, Poppella, Limnocalanus) le système nerveux est entièrement semblable à celui des Diaptomus. Chez les Cyclops, le système nerveux a été étudié avec assez de détails par Hartog, mais diverses particularités impor- tantes lui ont échappé. Cet appareil diffère en somme assez peu de celui des Diaptomus. La parlie ganglionnaire de la chaîne ne dépasse pas l'insertion des patles de la troisième paire. Les éléments ganglionnaires des derniers ganglions sont reportés dans le quatrième renflement et les élargisse- ments qu’on voit dans le cinquième segment thoracique et dans le premier segment abdominal ont une structure uni- quement fibrillaire. La bifurcation de la chaîne qui se fait en général dans la partie antérieure de l'abdomen peut dans certains cas se trouver reportée plus haut jusque dans le milieu du quatrième segment thoracique. Le système nerveux des Harpactides, qui n’avait jamais élé étudié, diffère de celui des types précédents par une fusion beaucoup plus grande des ganglions, de telle sorte que, dans la masse sous-æsophagienne, on ne voit guère RECHERCHES SUR LES. COPÉPODES LIBRES D EAU DOUCE. 259 que la commissure post-æsophagienne et celle des ganglions mandibulaires. Les parlies connectives de la chaîne se dis- tinguent à peine des parties plus spécialement ganglion- naires, par une abondance un peu moindre de cellules ner- veuses : 11 n’y a pas, à vrai dire, derenflements ganglionnaires;: dans toute la masse thoracique la chaîne se présente sous la forme d’un large ruban très aplali dans le sens dorso-ventral. Contrairement à l'opinion de Hartog il y a un névrilemme chez les Cyclops et chez Lous les autres Copépodes. Je n'ai trouvé nulle part dans le cerveau les cellules nerveuses mullipolaires signalées par Hartog, mais seule- ment des cellules unipolaires dont le noyau occupe la plus grande partie. Les nerfs sensitifs présentent loujours sur un point de leur trajet des ganglions bien distincts ou dissociés et formés de cellules bipolaires allongées. Chez tous les Calanides et les Cyclops j'ai constaté la présence de grands tubes nerveux dont Hartog a méconnu la nature. Chez tous les Copépodes l'œil présente la structure décrite par Hartog chez le Cyclops. Seul, le Bradya Edwardsi est complèlement privé d’yeux. Il it cependant sensible à l’action de la lumière, grâce sans doute au pigment de la partie basilaire des antennes antérieures, ce qui donne pro- bablement lieu à des perceptions dermatoptiques assez mtenses. Chez aucun Copépode on ne trouve d’organe de l'audition spécial. Ce qui à été décrit comme tel par Hartog n’est pas autre chose qu'une glande unicellulaire. L’organe frontal dont la fonction est inconnue est très peu développé. Les sensations tactiles sont transmises par des soies simples ou ciliées qu'on trouve dans tous les appen- dices et en divers points du corps. Les antennes antérieures présentent dans tous les genres des organes sensoriels particuliers auxquels on attribue généralement des fonctions gustatives ou olfactives, bien qu’on ne sache rien de positif sur leur rôle. 260 JULES RICHARD. J'ai étudié ces organes non seulement dans les genres où ils étaient déjà bien connus (Diaptomus, Heterocope, Cyclops, Canthocamptus), mais encore dans ceux où ils avaient à peine été entrevus (Æ£pischura, Limnocalanus, Osphranticum, Pop- pella). J'ai décrit en outre une nouvelle forme qu'on re- trouve chez la plupart des Calanides. Ces organes de Leydig font complètement défaut chez le Bradya Edwardsi. J'ai signalé en outre dans les pattes de la cinquième paire des mâles des Calanides des formations particulières desti- nées probablement à la perception des sensations spéciales qui accompagnent l'acte de la copulation. Enfin, dans un dernier chapitre, j'ai donné une description très succincte des formes de Copépodes qui vivent en France, et que j'ai été le premier à étudier d'une façon suivie. Cette étude m'a amené à la découverte non seulement de beaucoup d'espèces nouvelles pour notre faune, mais encore de quel- ques types particulièrement intéressants à différents points de vue (Poppella Guernei, Bradya Edwardsi) et nouveaux pour la science. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE . 1806. FÉrussAC (DAUDEBART DE). — Mémoire sur deux nouvelles espèces d'Entomostracés et d'hydracnes (Cyclops mulleri et Cypris reni- formis). — Annales du Muséum d’hist. nat., p. 212-216, pl. XII. 2. 1820. Jurine. — Histoire des monocles qui se trouvent aux environs de Genéve. — Genève. 3. 1825. DE BRÉBIssoN. — Catalogue méthodique des Crustacés terrestres, fluviatiles et marins recueillis dans le département du Calvados. — Mém. de la Soc. linnéenne du Calvados. 4, 1825. Desmaresr. — Considérations générales sur la classe des Crustacés et description de ces animaux qui vivent dans la mer, sur les côtes ou dans les eaux. 5. 1834-1840. Mizne-Epwanrps (H.). — Histoire naturelle des Crustacés com- prenant l'anatomie, la physiologie et la classification de ces ani- maux. 6. 1835-1841. Kocn (C.-L.). — Deutschlands Crustaceen, Myriapoden und Arachniden. — Regensburg. 7. 1851. Fiscner (SEB.). — Beiträge zur Kenntniss der in der Umgegend von | St-Petersburg sich findenden Cyclopiden. — Bull. Soc. imp. des naturalistes de Moscou, 1851, n° IV. 8. 1853. Fiscuer (SEB.). — Même titre (suite). — Ibid., 1853, n° 1. 9. 1853. LizcseBorG (W.). — De Crustaceis ex ordinibus tribus : Cladocera, 16. NL Ostracoda et Copepoda, in Scania occurrentibus. Lund. . 1854. Zenker. — Ueber die Cyclopiden des süssen Wassers. Arch. f. natur- geschichte, XX° année, p. 88-102. . 1857. CLacus (C.). — Das Genus Cyclops und seine einheimischen Arten. — Ibid., XXIIT° année, p. 1-38. 1857. CLaus (C.). — Weitere Mittheilungen über die einheimischen Cyclo- piden. — Ibid., p. 205-210. . 1858. CLaus (C.). — Zur Anatomie und Entwickelungsgeschichte der Co- pepoden. — Ibid., XXIVe année, p. 1-76. . 1859. Levpic (F.). — Bemerkungen über den Bau der Cyclopiden. — Ibid., XXVe année, p. 195-206. 1850. CLaus (C.). — Ueber die blassen Kolben und Cylinder an den Antennen der Copepoden und Ostracoden. — Würzburger naturwiss. Zeitschr., p. 234-240, 1860. Fischer. — Beiträge zur Kenntniss der Entomostraceen. — Ab. d. k. bayer. Akad. d. Wissensch., VIII Bd., IX Abth., p. 1-38. 1862. CLaus (C.). — Untersuchungen über die Organisation und Verwand 262 37, 38. . 1863. . 1863. » HATOC . 1876. LAS TE: . 1878. . 1880. . 1880. . 1880. . 1880. . 1880. "1681. “HIBDL: . 1881. 1682: . 1882. . 1883. . 1883. . 1884. 1884. 188. JULES RICHARD. schaft der Copepoden, — Wurzburger naturw. Zeitschr., III Bd. p. 51-103. SARS (G.-0.). — Oversigt af de Indenlandske F erskvandcopepoder. Forh. i Vidensk. Selskabet 1 Christiana, Aar 1862, p. 1-19. Czaus (C.). — Die freilebenden Copepoden mit besonde rer Berücksichti- gung der Fauna Deutschlands, der Nordsee und der Mittelmeeres. — Leipzig. PLATEAU (F.). — Recherches sur les Crustacés d'eau douce de la Bel- gique, 2€ et 3° partie. — Mém. couronnés et mé m. des savants étrangers publiés par l’Acad. roy. des sciences de Belgique, t. XXIV. CLaus (C.) — Die Schalendrüse der Copepoden. — Sitzungsb. d. k. Akad. d. Wissensch. Wien., LXXIV. Hoer (P.-P.-C.). — Zur Entwickelungsgeschichte der Entomostra- ceen. — Niederl. Archiv. für Zoologie, IV. GRUBER (A.). — Ueber zwei Süsswasser- Calaniden. — Promotions- schrift. Leipzig. GROBBEN (C.). — Die Antennendrüse der Crustaceen. — Arbeiten aus dem Zool. Inst. d. Univ. Wien. u. d. Zool. Station in Triest. ReuBEerG (H.). — Beitrag zur Kenniniss der freilebenden Süsswasser- Copepoden. — Abh. d. naturw. Ver. zu Bremen, VI. REuBERG (H.). — Weitere Bemerkungen über die freilebenden Süss- wasser-Copepoden. — 1bid., VII. REHBERG (H.). — Zwei neue Crustaceen aus einem Brunnen auf Hel- goland. — Zool. Anz., n° 58. Porre(S.-A.). — Ueber eine neue Art der Calaniden-Gattung Temora Baird, Abh. d. naturw. Ver. Bremen, VII. GROBBEN (C.). — Die Entwicklungsgeschichte von Cetochilus septen- trionalis Goodsir. — Arb. Zool. Inst. Wien. u. Zoal, Stat. Triest. Yves DELAGE. — Contribution à l'étude de l'appareil circulatoire des Crustacés Edriophthalmes marins. — Arch. de zool. expérim., vol. IX. CLaus (C.). — Neue Beiträge zur Kenntniss der Copepoden unter besonderer Berücksichtigung der Triester Fauna. — Arb. d. Zool. Inst. Wien u. Zool. Stat. Triest. III. Fric {AL.). — Note préliminaire sur l’ontogénie de nos Copépodes d'eau douce. — Zool. Anzeiger, n° 25. Forges (S.-A.). — On some Entomostraca of Lake Michigan and adjacents Waters. — American naturalist, XVI. Iuxor (0.-E.).— Die pelagische Faunaund die Tiefseefauna der zwei Savoyerseen : lac du Bourget und lac d'Annecy. — Zool. Anzeig., n°10 Jozy (N.). — Études complémentaires sur l'origine et le mode de: formation de la glairine ou barégine dans les eaux thermales sul- fureuses des Pyrénées. — Mém. Acad. des sc., etc., de Toulouse, p. 118-195. ReugerG (H.). — Beiträge zur Nalurgeschichte niederer Crustaceen . (Cyclopiden und Cypriden). — Abh. nat. Vereins zu Bremen, vol. IX, p. 1-18. UnBANOWI CZ (F.). — Zur Entwickungsgeschichte der Cyclopiden. —. Zool. Anz., n° 481, p. 645-619. : UrBanowicz (F.). Pr zyczynek do Embryologii Rakow Widlonogich.. 39. 40. 41. 42. 43. 4k, 45. . 46. 47. 48. 07. 1885. 1885. 1885. 1886. 1887. 1887. 1887. 1887. 1887. 4 . 1888. . 1888. . 1888. . 1888. . 1888. . 1888. . 1888. . 1838. 1888. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 263 (Contribution à l'embryologie des Copépodes). Kosmos polo- nais, 10° année. — Analysé dans les Archives Slaves de Biclo- gie, par Wrzesniowski, vol. I. Poppe (S.-A.). — Die fr eilebenden Copepoden des Jadebusens. — Abh. der naturw. Ver. Bremen IX. Iunor. — Ueber die blassen Kolben an der vorderen Antennen der Süsswasser-Calaniden. — Zool. Anzeiger, VII, n° 197. KoëLzBEL (C.). — Carcinologisches. — Sitz. d. k. k. Akad. Wiss. Wien, XC. VOSSELER. — Die freilebenden Copepoden Wurttember gs und an- grenzenden Gegenden. — Jahreshefte d. Ver. f. Vaterl. Naturk. in Württemberg. WierzEJski. — O krajowych skorupiakach z rodziny Calanidæ. Rozgrawn 1 Spraw. Wydz. matem. przyr. Akad. Umiej. XVI. RicHarD (J.). — Liste des Cladocères et des Copépodes d’euu douce observés en France. — Bull. Soc. zool. de France, XIT. Montrez (R.). — Liste des Copépodes, Ostracodes, Cladocères et de quelques autres Crustacés recueillis à Lille en 1886. — Bull. Soc. zool. de France, XII. Moniez (R.). — Note sur les Ostracodes, Cladocères et Hydrachnides observés en Normandie et description de quelques espèces nouvelles. Bull. Soc. Études scientif. de Paris. Monxez(R.). — Entomostracés et Hydrachnides recueillis par M. Doll- fus (Lac de Gérardmer). Détermination et notes critiques. Feuille des jeunes naturalistes, octobre 1887. RicHarD (J.). — Sur la faune pélagique de quelques lacs d'Au- vergne. G. R. de l’Académie des sciences, 14 novembre et 12 décembre. Norpovist (O0.). — Die Calaniden Finlands. Bid. till Känned. of Finlands Natur och Folk, heft 47. (Finsk. Vet. Soc. Helsing- fors). RicHARD (J.).— Entomostracés nouveaux ou peu connus. — Bull. Soc. zool. de France, XIII, 28 février. RicHARD (J.). — Cladocères et Copépodes non marins de la fuune française. — Revue scientifique du Bourbonnais (mars- avril). GuErne (J. DE) et RicHarD (J.). — Diagnoses de deux Diaptomus nouveaux d'Algérie. — Bull. Soc. zool. de France (juillet). GUERNE (J. DE) et Ricnarp (J.). -— Sur la distribution géographique du genre Diaptomus. — GC. R. Acad. des sciences (2 juillet). VizuEpoix (Moynier DE). — Contribution à l'étude de la faune des eaux douces de la vallée de la Somme (Copépodes et Cladocères). — Société linnéenne du nord de la France, n°° 193, 194, 195. Czaus (G.). — Ueber den Organismus der Nebaliden und die syste- _matische Stellung der Leptostraken. — Arb. zool. Inst. Wienn. zool. Stat. Triest, VIII. Eusëg10 (J.-B.). — Recherches sur la faune des eaux du plateau cen- tral. La faune pélagique des lacs d'Auvergne. — Revue d’Au- vergne. | Kervizce (H.-G. DE). — Les Crustacés de la Normandie ; espèces flu- viales, stagnales et terrestres, première liste. — Bull. Soc. amis d. sc. nat. de Rouen (premier semestre). 264 57 bis. 1883. Iunor (0. E.).— Beiträge zur Kenntniss der Süsswasserfauna der )8. 59. 60. 61. 62. 63. 64. 65. 66. 61. 68. 69. 70. 445 72. 1888. 1889. 1889. 1890. 1890. 1890. 1890. 1890. 1890. 1890. 1890. 1890. 1891. 1891. 1891. JULES RICHARD. Vogesen. — Zoolog. Anzeiger, n° 290. Harroc (M.). — The morphology of Cyclops and the relations of the Copepoda. — Transact. of the Linnean Soc. of London, 2 ser. Zool., vol. V, part. I (July). MoniEz (R.). — Faune des eaux souterraines du département du Nord et en particulier de la ville de Lille. — Revue biologique du nord de la France. GUERNE (J. DE) et Ricnarp (J.). — Révision des Calanides d’eau douce. — Mém. Soc. zool. de France, 1889. RicHaRD (J.). — Entomostracés d’eau douce recueillis à Belle-Ile (Morbihan). — Bull. Soc. zool. de France, 11 février. LABBÉ. — Note sur quelques Crustacés, Rotateurs et Annélides du département de la Mayenne. — Bull. Soc. Et. scientif. Angers, dix-neuvième année, 1889. RicHARD (J.). — Sur les Entomostracés et quelques autres animaux inférieurs des lacs de l’Auvergne. — Rev. des sc. nat. appli- quées, n° 10 (mai). RicHarD (J.). — Sur la glande du test des Copépodes d’eau douce. Note préliminaire. — Bull. Soc. zool. de France, t. XIV (27 mai). GUERNE (J. DE) et RicHarD (J.). — La distribution géographique des Calanides d’eau douce. — Assoc. franc. pour l'avancement des sciences, Congrès de Paris, 1889. BLancHaRD (R.) et RicHarD (J.). — Sur les Crustacés des sebkhas et des chotts d'Algérie. — Bull. Soc. zool. de France, t. XV (juillet). RicHarp (J.). — Description du Bradya Edwardsi, Copépode aveugle nouveau vivant au Bois de Boulogne avec divers Entromostracés dans les eaux alimentées par le puits artésien de Passy. — Mém. Soc. zool, de Franne, III. RicHARD (J.). — Note préliminaire sur le système nerveux de quel- ques espèces de Diaptomus. — Bull. Soc. zool. de France, t. XV (25 novembre). Porre (S.-A.) et RicHarD (J.). — Description du Schmackeria For- besi n. gen. et sp. Calanide nouveau recueilli par M. Schmacker dans les eaux douces des environs de Shanghai. — Mém. Soc. zool. de France, III. SCHMEIL (O.). — Beiträge zur Kenntniss der Süsswasser-Copepoden Deutschlands mit besonderer Berücksichtigung der Cyclopiden. — Inaug. Dissert. Univ. Leipzig. Dapay.— Conspectus Diaptomorum faunæ hungaricæ. — Természe- trajzi Füzetek, XIII, part. 4 (1890). GUERNE (J. pe) et RicHARD (J.). — Entomostracés, Rotifères et Proto- zoaires provenant des récoltes de M. E. Belloc dans les étangs de Cazau et_de Hourtins (Gironde). — Bull. Soc. zool. de France, t'X VI sd. off je lotmtt tate E EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE V N. B. Dans tous les dessins d'ensemble, la suite des lettres de l'alphabet indique le parcours du canal depuis le point a, où il part de la glande proprement dite, jusqu'à son extrémité. L’orifice extérieur est désigné par la lettre o. Fig. 4. — Canal de la glande du test de l’Eurytemora lacinulata. X 360. Fig. 2. — du Cyclops vernalis. X 375. Fig. 3. —= de l’Heterocope saliens. X 360. Fig. 4. == de l’Epischura Nordenskioldi. X 360. Fig. 5. = du Schmackeria Forbesi. X 360. Fig. 6. = du Diaptomus castor. X 170. Fig. 7. — du Poppella Guernei. X 170. Fig. 8. — Patte-mâchoire antérieure du Diaptomus castor avec l’anse termi- nale, /mm, du canal de la glande, montrant l’orifice o situé dans un sil- Jon s. >x< 125. Fig. 9. — Canal de la glande du test du Limnocalanus macrurus. X 3175. Fig. 10. — Canal de la glande du test du Canthocamptus staphylinus. X 400. Fig. 41. — Un fragment du canal de la glande du test d’un Cyclops viridis; a,b,c, granulations réfringentes. X 375. Fig. 12. — Section transversale un peu oblique d'un Diaptomus castor et passant par l’orifice a de la glande du test. x 200. — A, glande propre- ment dite; v, cellules des parois de la glande; a, orifice du canal dans la glande ; a’, portion initiale du canal; b, branche ascendante interne; c, branche descendante externe ; d, branche ascendante externe; e,f, bran- che transversale profonde coupée obliquement; g,h, branche ascendante et branche descendante de l’anse terminale ; pp’, protoplasma granuleux qui entoure le canal; n,n, noyaux de ce protoplasma; 5s,5,s, sinus san- guins délimités par les tractus conjonctifs, tt; td, tube digestif; mm, muscles longitudinaux du corps. Fig. 13. — Section transversale pratiquée dans un Poppella Guernei, mon- trant l'épaisseur des parois du canal de la glande. = 375. Fig. 14. — Dessin d'ensemble montrant la situation des différents organes, en particulier celle de la glande du test, A, chez le Diaptomus castor; c, Cerveau; oc, œil; nf, prolongement du cerveau secondaire; of, organe frontal; éd, tube digestif; ov, ovaire. X 45. Fig. 15. — Glande du test du Bradya Edwardsi. X 750. Fig. 16. — Une cellule de la glande du test avec ses granulations colorées, X 440. 266 JULES RICHARD. Fig. 17. — Une cellule de la glande du test avec sa concrétion brunûâtre. X 380. Fig. 48. — Une cellule de la glande du test avec sa structure vacuolaire. x 490. Les trois figures précédentes représentent la coupe optique des cellules vues sur l'animal vivant, couché sur le côté. Fig. 149. — Un noyau du protoplasma granuleux qui enveloppe le canal de la glande chez le Diaptomus castor, espèce à laquelle se rapportent aussi les figures 16, 17, 18. X 800. PLANCHE VI Fig. 4. — Patte de la cinquième paire d’un Canthocamptus staphylinus ©, munie de sa glande, g. x 400. Fig. 2. — Premiers segments de l'abdomen d’un Cyclops vernalis © , mon- trant les glandes unicellulaires de la face ventrale, a— a. — rs, recepta- culum seminis. X 150. Fig. 3.— Abdomen d'un Canthocamptus staphylinus vu par la face dorsale, montrant les nombreuses glandes des différents segments et de la furcea, ainsi que la disposition des orifices. X 150. Fig. 4. — Patte de la cinquième paire du Cyclops viridis, munie de sa glande, g, qui contient une grosse vacuole; 0, orifice de la glande. Fig. 5. — Une patte natatoire de la troisième paire de l’Eurytemora lacinu- lata ® , montrant la situation de la glande unique, g; 0, orifice de la glande. X 160. Fig. 6. — Patte de la cinquième paire du Cyclops bicuspidatus Q . x 300. Fig. 6". — Noyau d’une glande unicellulaire des pattes du Cyclops vernalis. X 1300. Fig. 7. — Groupe d’écailles chitineuses recouvrant les orifices des glandes de l’abdomen (face ventrale du premier segment) du Canthocamptus sta- phylinus. X 1300. Fig. 8. — Patte de la cinquième paire du Cyclops pentagonus ©. X 275. Fig. 9. — Patte de la cinquième paire du Diaptomus castor SG. X 160. — a, branche interne bi-articulée de la patte droite. Fig. 10. — Une glande unicellu]aire des pattes natatoires du Cyclops viri- dis Œ, montrant les vésicules les plus réfringentes près de l'orifice. X 265. Fig. 41. — Patte de la cinquième paire du Cyclops hyalinus. X 2175. Fig. 12. — Patte de la cinquième paire du Cyclops phaleratus. X 275. Fig. 13. — Branche externe droite des pattes natatoires de la première paire d’un Cyclops viridis; a—a*, glandes unicellulaires; 0, orifices; v, vacuoles ; nu, noyau; n, nerf; cg, cellules ganglionnaires bipolaires. CR 6D, Fig. 14. — Une des cellules unicellulaires globuleuses des côtés du cépha- lothorax du Cyciops viridis. v, masse protoplasmique vacuolaire; 0, ori- . fice de la glande. X 450. Fig. 15. — Patte rudimentaire du Cyclops vernalis Q®. X 275. Fig. 46. — Patte rudimentaire du Cyclops fuscus Q. X 160. Fig. 17, — Partie latéro-ventrale et longitudinale du céphalothorax d’un Cyclops vernalis ® , montrant les glandes unicellulaires, g—g3, isolées ou groupées, ainsi que leurs orifices, 0. {t, tractus conjonctifs réunissant les faces interne et externe de la duplicature du céphalothorax. X 300. EXPLICATION DES PLANCHES. 267 Fig. 18. — Patte de la cinquième paire du Cyclops strenuus ©, montrant les deux glandes, g!,g?, aboutissant au même orifice, 0, ainsi que les nerfs, n1,n?, qui aboutissent à ces glandes. On voit en outre le nerf sen- sitif nÿ des pattes présenter des cellules ganglionnaires groupées, cg!, où isolées, cg?. X 275. Fig. 19. — Patte de la cinquième paire du Cyclops serrulatus ©. X 275. Fig. 20. — Patte de la cinquième paire du Cyclops Leuckarti ©. X 275. Fig. 21. — Abdomen d'un Cyclops viridis ® vu par la face ventrale, mon- trant la partie abdominale, cv,nv, de la chaîne nerveuse, les nerfs n° qui innervent les muscles longitudinaux ventraux; ainsi que la disposition générale des glandes unicellaires, gÿ,a!— d ; rs, receptaculum seminis. X 45. Fig. 22. — Patte rudimentaire du Cyclops affinis. X 275. Fig. 23. — Lèvre supérieure d’un Cyclops viridis, montrant la disposition des glandes salivaires ; aa, denticulations du labre ; bb, les deux lignes de cils ; mm, muscles rétracteurs du labre; s, sillon superficiel ; g'g?, glandes salivaires du premier groupe; g°gf, glandes du deuxième; g'g%, glandes du troisième groupe; ap, réservoir commun où débouchent les glandes; ca, canal impair qui conduit à l’orifice extérieur, o; cette portion inférieure de la lèvre étant supposée en extension. X 250. Fig. 24. — Partie basilaire d’une patte natatoire d’un Canthocamptus sta- phylinus montrant la glande unique g, avec son orifice ovale, 0; v, vési- cules qui remplissent la glande; E, branche externe de la patte; I, bran- che interne. X 400. Fig. 25. — Partie céphalique d’un Cyclops vernalis, vue par-dessus; c,c, cer- cles cornéens; a,a, poils courts de l'organe frontal. X 200. Fig. 26. — Patte rudimentaire du Cyclops diaphanus. X 275. j' PLANCHE VII . Fig. 4. — Partie de la chaîne nerveuse comprise entre le quatrième seg- ment thoracique et le milieu du premier segment abdominal d'un Cyclops sérenuus ; on voit la bifurcation du cordon ventral reportée beaucoup plus haut que dans le cas normal; les deux cordons nerveux b,b restent isolés dans tout le reste de leur parcours; nm, nerfs des muscles longitudinaux ventraux, mm'; n°, nerf allant à la cinquième paire de pattes. X 180. Fig. 2. — Organe de Leydig des antennes antérieures du Limnocalanus mu- CRATUS DC 315. Fig. 3. — Organe sensoriel du huitième article de l'antenne antérieure d’un Diaptomus castor. X 375. | Fig. 4. — Vue d'ensemble du système nerveux central du Diaptomus cas- tor Œ. X 40. — cp, cerveau primaire; cs, cerveau secondaire; 0€, œil; nf, nerf frontal ; na!, nerf de l’antenne antérieure; na?, nerf de l'antenne postérieure ; f, connectif périæsophagien ; AB, masse sous-æsophagienne ; mdn, nerfs mandibulaires ; mœn, nerfs maxillaires ; mpin et mp?n, nerfs des maxillipèdes antérieurs et postérieurs. BC, masse thoracique; gl! — gt, ganglions thoraciques; cv, cordon ventral; eut cordon divisé en deux branches; cg, filets nerveux. F, furca. M1—M, muscles basilaires des appendices. a!,a?, sections des antennes antérieure et postérieure; md, mandibules ; mx, mâchoires; mp!,mp?, maxillipèdes antérieurs et posté- - rieurs; p! —pÿ, pattes natatoires ; ab! — ab5, segments abdominaux. 268 JULES RICHARD. Fig. 5. — Organe de Leydig des antennes antérieures d’un Diaptomus cas- tor © .:X1875. Fig. 6. — Le même, chez l’Epischura nevadensis. X 3175. Fig. 6". — Le même, ab, chez le Canthocamptus staphylinus. s,soie ordinaire. X 360. Fig. 7. — Partie de la chaîne nerveuse thoracico-abdominale d’un Cyclops strenuus ; les deux moitiés cv,cv! s’écartent l’une de l'autre pendant un in- tervalle considérable. X 180. — Mêmes lettres que pour la figure 1. Fig. 7’. — Organe de Leydig de la partie basilaire de l’antenne antérieure d'un Osphranticum labronectum ©. X 320. Fig. 8. — Organe sensoriel du premier article de l’antenne antérieure de l'Epischura nevadensis ; a, article basilaire; b, pédicule; c, portion pâle terminale; cg, cellules ganglionnaires; n, nerf. x< 375. Fig. 9. — Organe de Leydig des antennes antérieures du Poppella Guernei. X 375. Fig. 10. — Appendice intermédiaire entre l'organe de Leydig proprement dit et les soies ordinaires, chez l’Epischura nevadensis. X 375. Fig. 11. — Organes sensoriels spéciaux aux articles renflés de l’antenne droite chez les Diaptomus castor Œ. x 375. Fig. 12. — Organes de Leydig des antennes antérieures de l’Heterocope bo- realis. >< 375. Fig. 43. — Soie modifiée de l'antenne antérieure du Cyclops fimbriatus Œ'. X 379. Fig. 14 — Autre soie modifiée de l’antenne antérieure du Cyclops fim- briatus Œ. X 375. Fig. 15. — Organe de Leydig du Schmackeria Forbesi. X 375. Fig. 16. — Une soie plumeuse des antennes antérieures de l’Epischura ne- vadensis. X 375. Fig. 17. — Organe sensoriel du douzième article de l’antenne antérieure d’un Cyclops viridis. X 375. Fig. 18.— Coupe longitudinale, parallèle à la face ventrale et passant par la partie antérieure du système nerveux: cp, cerveau ; na!, nerf des an- tennes antérieures; e, ganglion de ces nerfs; na?, nerf des antennes pos- térieures; f, connectif périæsophagien; h, ganglions des nerfs des antennes de la deuxième paire; co, commissure post-æœsophagienne ; mdn, nerfs mandibulaires ; mdg et cmd, ganglion et commissure qui leur correspondent; mæn, nerfs maxillaires ; mœd et cmx, ganglion et commis- sure correspondants; mpin, nerfs des premiers maxillipèdes; mpg, gan- glion des maxillipèdes ; æ, œsophage. X 70. Fig. 19. — Organe de Leydig chez l’Eurytemora lacinulata. X 600. Fig. 19°. — Coupe sagittale de la partie antérieure d’un Diaptomus castor. 0, œil; nf, un des deux troncs nerveux qui continuent le cerveau secon- daire, cs; no,, nerf oculaire; cp, cerveau proprement dit; f, connectif périæsophagien ; A, antennes antérieures; 9s, glandes salivaires; mm, muscles du labre; cg, cellules ganglionnaires; æ, œsophage; td, tube digestif. x 130. Fig. 20. — Extrémité de l'antenne antérieure d'un Heterocope borealis ©, montrant un organe de Leydig normal à côté d’une soie très modifiée. X 200. Fig. 21, — Organe de Leydig de l'antenne antérieure d’un Cyclops viridis G X 300. Fig. 22. — Section transversale légèrement oblique de la base du cerveau EXPLICATION DES PLANCHES. 269 d’un Diaptomus castor et montrant la naissance du nerf impair, nim, du labre; gs, glandes salivaires. X 130. Fig. 23. — Coupe transversale un peu oblique de l'appareil visuel du Cyclops fuscus, passant par les trois yeux simples; ocl, ocli, les deux yeux laté- raux; 0cv, œil impair ventral ; pi, masse pigmentaire centrale; mm, mem- brane médiane; mp, membrane perpendiculaire ; n,n, noyaux des cellules pigmentaires latérales; ba, bâtonnets rétiniens; nu, leur noyau distal. X 300. Fig. 24. — Partie antérieure d’un Diaptomus amblyodon, vue par la face ventrale (coupe épaisse). cp, cerveau proprement dit; cs, cerveau secon- daire ; no,no, les deux nerfs oculaires latéraux ; 00,les yeux latéraux; nf, nerfs de l’organe frontal ; nfe, leur élargissement près de la carapace, ca. X 180. Fig. 25. — Vue d'ensemble de l'extrémité de la chaine nerveuse thora- cique du Diaptomus castor. MIM?M*, muscles propres des segments et des pattes; en, chaîne ganglionnaire ; g{— gt, troisième, quatrième et cin- quième ganglion thoraciques; ns, nerf sensitif des pattes; nm,nm!, les deux nerfs moteurs; nml, nerfs des muscles longitudinaux; npr°, nerfs des pattes de la cinquième paire; cv, corde nerveuse non ganglionnaire. X 80. Fig. 26. — Partie basilaire d’une patte de la troisième paire d’un Cyclops vernalis; nm, nerf moteur des muscles de la patte, ns, nerf sensitif, se divisant en branches secondaires, dont certaines présentent sur leur tra- jet des cellules bipolaires, cg — cg? ; ne, nerf de la branche externe; ni, nerf de la branche interne de la patte. X 100. PLANCHE VIII N. B. Les figures 1-19 représentent les coupes faites sur un même individu de Diaptomus castor, à un grossissement uniforme de 350 diamiètres; de facon à permettre de se rendre immmédiatement compte des dimensions relatives des différentes parties de la chaine ganglionnaire. Toutes les figures sont orientées de facon que la face ventrale regarde le bas de la planche. Lettres communes : bb', cellules nerveuses des faces ventrale et dorsale; cc', masse fibrillaire. Fig. 4. — Section de la partie antérieure du cerveau; aa’, couches de cel- lules appartenant surtout au cerveau secondaire ; dd', quelques cellules de la partie tout à fait antérieure. Fig. 2. — Section de la partie antérieure du cerveau pratiquée plus bas que la précédente, et montrant le commencement des nerfs sensitifs na des antennes antérieures; nm, fragment du nerf moteur de ces mêmes antennes. Fig. 3. — Section de la base du cerveau; e, origine des nerfs des antennes antérieures. Fig. 4. — Section passant par là commissure post-æsophagienne ; mdn, nerfs mandibulaires. Fig. 5. — Section pratiquée au-dessous de la précédente, entre la commis- sure post-æsophagienne et celle des ganglions des mandibules. Fig. 6. — Section passant par la partie antérieure des ganglions des maxilles et immédiatement à la partie postérieure de l’origine des nerfs maxillaires, mæn; tn, tube nerveux; n, fibre centrale. ‘+ 270 JULES RICHARD. Fig, 7. — Section à travers la partie de la chaine située entre les nerfs des maxillipèdes de la première et de la deuxième paire. Fig. 8. — Portion connective de la chaîne séparant le premier ganglion thoracique de la masse sous-æsophagienne. Fig. 9. — Coupe de la portion moyenne du connectif qui relie Les deux pre- miers ganglions thoraciques. Fig. 10. Section à travers le deuxième ganglion thoracique. Fig. 41. — Connectif entre le deuxième et le troisième ganglion thora- cique. Fig. 12 et 13.— Sections à travers le quatrième ganglion thoracique. Fig. 14. — Section pratiquée vers la fin de la chaîne ganglionnaire ; partie surtout connective. Fig. 15. — Commencement du cinquième ganglion thoracique, vers le ni- veau de l'insertion des pattes de la quatrième paire. Fig. 16-17. — Cinquième ganglion thoracique ; la partie fibrillaire est ex- trémement réduite. Fig. 18. — Extrémité du cinquième ganglion, à l'origine du cordon a et des nerfs de la cinquième paire de pattes bb". Fig. 419. — Section suivant immédiatement la précédente; les nerfs bb" de la cinquième paire sont séparés l’un de l’autre en même temps que du cordon nerveux «a, uniquement fibrillaire. Fig. 20. — Coupe transversale de la chaîne nerveuse du Cyclops fuscus, cor- respondant à la figure n° 17, x 300. Fig. 21. — Section transversale passant par l’origine des nerfs na? des antennes postérieures a?. æ, œsophage; mm, muscles; sn, coupes des connectifs périæsophagiens ; nl, nerf qui pénètre dans la lèvre supé- rieure en aboutissant à un groupe de cellules ganglionnaires, eng; gs, glandes salivaires. X 135. Chez le Diaptomus castor. Fig. 22. — Ganglion (ngæx) sur le trajet du nerf sensitif des maxilles; nx, nerf moleur. x 138! Fig. 23. — Coupe transversale du deuxième ganglion thoracique chez le Cyclops fuscus et passant par l’origine des nerfs n sensitifs. X 350. Fig. 24. — Coupe transversale passant par l'extrémité postérieure du même ganglion et d’où pr les nerfs n aux muscles D MS dorsaux. X 350. Fig. 25-26. — Cellules nerveuses DIRE du cerveau du Diaptomus cas- tor. X 675. — nu, noyau ; nc, nucléole; gs, granulations secondaires. Fig. 27. — Cellule bipolaire du nerf sensitif de la cinquième paire de pattes. OGHEE Fig. 28. — Cellule nerveuse en apparence apolaire du cerveau d’un Cyclops signatus. X 675. Fig. 29. — Comme figure 27. Fig. 30. — Noyau du névrilemme dans la région thoracique. X 675. Fig. 31. — Fibre nerveuse d’un tube nerveux de la région sous-æsopha- gienne. X 190. Fig. 32. — La même. x 675. CONTRIBUTIONS AU à LA FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET DONNÉES RÉCEMMENT AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE PAR LE PRINCE HENRI D’ORLÉANS Par M. ËÉ. OUSTAEET. Les collections d'histoire naturelle qui ont été recueillies par M. Bonvalot, le prince Henri d'Orléans et le Père Dede- kens durant leur voyage à travers le Turkestan oriental et le Tibet et qui se trouvent actuellement exposées dans une des salles du Muséum d'histoire naturelle enrichiront cet établissement d’une foule de spécimens qui ne figuraient pas encore dans les galeries du Jardin des Plantes. Elles renferment même les types de quelques espèces ou races qui paraissent n'avoir pas encore été décrites. C'est ainsi que parmi les oiseaux dont l’étude m'a été confiée et dont je publierai bientôt le catalogue, je puis signaler d’abord cinq espèces ou races appartenant aux genres Babar, Tro- chalopteron et Pomatorhinus que M. David et moi avions pla- cés dans la famille des Garrulacidés (Oiseaux de la Chine, 1877; p: 182), tandis que M. Sharpe les range actuellement parmi les Timéliidés (Cataloque of the Birds in the British Museum, 1883, t. VII, p. 352). De ces trois genres, les deux premiers sont exclusivement asiatiques et se montrent particulièrement répandus dans la "12 E. OUSTALET. chaîne de l'Himalaya et sur les hautes montagnes du Tibet et de la Chine méridionale, tandis que le dernier, le genre Pomatorhinus, compte aussi quelques représentants dans les îles de la Sonde, à Bornéo, en Australie et à la Nou- velle-Guinée, quoique la grande majorité de ses espèces se rencontre dans les mêmes régions que les Babax et les Tro- chalopteron. Du genre Babax, on ne connaissait, jusqu’à ces derniers temps, qu'une seule forme, que J. Verreaux avait décrite et figurée sous le nom de Pterorhinus lanceolatus et dont nous avons publié, dans nos Osseaux de la Chine (p. 188 etpl. 51), une nouvelle description et une figure sous le nom de Pabax lanceolatus, en en faisant le type d’un genre particulier. Ce Babax lanceolatus, qui est fort commun sur les hautes mon- tagnes de la principauté de Moupin, et qui se rencontre aussi, quoique beaucoup plus rarement, sur les montagnes du Setchuan occidental et du Chensi méridional, a, comme le nom même l'indique, un plumage fortement maculé de taches de forme lancéolée. Le sommet de sa tête est d’un brun roussâtre avec de larges taches d’un brun ferrugi- neux ; son dos, d’un gris olivâtre, est marqué de taches sem- blables à celles du-vertex, mais si larges qu'elles occupent la majeure partie des plumes et ne laissent au bord qu’un liséré gris ; sa queue est brune avec les pennes bordées de gris olivâtre et paraissant rayées transversalement quand on les regardesous un certain jour. Sur les côtés du cou destaches brunes, tirant au marron, se détachent sur un fond blan- châtre et se confondent vers le haut avec une moustache noire partant de la base de la mandibule inférieure, tan- dis que d’autres taches, plus allongées que celles du cou, affectant davantage la forme d’un fer de lance, avec le mi- lieu tirant au noir, et les bords d’un roux vif, marquent les côtés de la poitrine et les flancs. Au contraire, le menton et la gorge sont d’un blanc pur ou légèrement jaunâtre, le milieu de la poitrine n'offre que quelques raies longitudi- nales, à peine élargies vers le bas, faisant suite aux flammèches FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. Dr des parties latérales; le milieu du ventre est dépourvu de taches et les couvertures inférieures de la queue sont d'un gris roussâtre, avec le milieu brunâtre. Les ailes sont à peu près de la même couleur que la queue, les pennes étant brunes, avec des lisérés d’un gris olivâtre au bord des pennes primaires et secondaires et des couvertures alaires; enfin les mandibules sont d’un brun uniforme et les pattes couleur de corne. Le même système de coloration existe chez un oiseau qui a été tué par le prince Henri d'Orléans auprès du village de So (Tibet), le 14 avril 1890 ; toutelois sur ce spécimen le tour des yeux, qui est d'un blanc roussâtre dans les spécimens de Moupin, est fortement teinté de brun noirâtre, comme chez certains Garrulazx, le milieu de la poitrine est complètement envahi par des stries longitudinales brunes faisant suite aux flammèches latérales et la gorge elle-même est finement striée ; le bec et les pattes sont d’une nuance plus foncée que chez le Babax ‘lanceolatus {pique et paraissent aussi plus robustes que chez ce dernier. La queue est également beau- coup plus longue et mesure 0,183 au lieu de 0,133 comme chez le spécimen de Moupin qui a servi de type à la des- cription de J. Verreaux, et les ailes ont 0”,115 à 0*,120 au lieu de 0*,095 à 0*,105. En raison de ces différences j'avais cru pouvoir considé- rer le Babar tué à So comme le type d’une espèce distincte du Babax lanceolatus de Moupin, espèce que j'avais désignée sous le nom de Babax Bonvalot ; loutelois mon opinion à cet égard a été quelque peu ébranlée par l'examen de trois autres Babar, envoyés de Tà-tsién-loû au prince d'Orléans qui les a donnés généreusement au Muséum. Chez ces trois individus, en effet, les parties inférieures du corps ne sont pas beaucoup plus fortement striées que chez les Babar de Moupin ; le tour de l'œil est de couleur claire, ou légèrement rembruni, dans le voisinage de la moustache seulement, et si les ailes et la queue offrent des dimensions plus fortes que chez l'oiseau tué par M. l’abbé David, elles sont cependant ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, 18. —— arT, N° 9 974 E. OUSTALET. moins développées que chez l'oiseau tué par le prince d’Or- léans. En résumé, les Babax de Tà-tsién-loù établissent, à certains égards, une lransition entre le Pabax lanceolatus typique etle Babax Bonvaloti qui demeure cependant assez bien caractérisé pour représenter au moins une race locale, Babax lanceolatus var. Bonvaloti. L'espèce de Trochalopteron que je proposerai d'appeler To- chalopteron Henrici et dont j'ai sous les yeux deux individus tués par le prince d'Orléans à la même date et dans la même localité que le Babar lanceolatus var. Bonvaloti, s’écarte beaucoup plus que ce dernier des formes précédemment dé- crites. Chez le Trochalopteron Henrici le sommet de la têle el les parties supérieures du corps sont en eflet d’un gris cendré légèrement nuancé d’olivâtre et à peine interrompu par des lisérés blanchâtres, qui occupent le bord de quelques plumes el qui sont sans doute destinés à disparaitre par l’u- sure de celles-ci; les lèvres et les joues sont d’un brun foncé, glacé de marron, que limite en dessus un trait blanc for- mant sourcil et en dessous une large moustache.blanche; la gorge, la poitrine et l’abdomen sont d’un gris nuancé d’oli- vâtre et se fondent en arrière dans une belle teinte marron qui s'étend sur les plumes du tibia et sur les sous-caudales ; les ailes sont d’un beau gris, avec des lisérés argentés, pas- sant en avant au roux doré, le long des rémiges primaires dont les couvertures sont marquées de noir; la queue, d’un gris de fer en dessus et d’un gris noirâtre en dessous, offre de larges marques blanches au bout de toutes ses pennes laté- rales et de simples lisérés à l’extrémilé des deux pennes mé- dianes, et les mandibules, de même que les pattes, ont une teinte brunâtre, légèrement orangée, qui devait être beau- coup plus vive avant la mort de l'oiseau. Les dimensions des deux types de l'espèce sont les suivantes: Longueur totale 0,280 et 0*,295 ; longueur de l'aile 0*,110 et 0,115 ; longueur de la queue 0",155 ; longueur du bec (culmen) 0®,117eL0*,118 ; longueur du tarse 0",040 ; longueur du doigt médian, sans l’ongle, 0*,025 ; avec l’ongle,0",034. FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. UNE Par la couleur marron de la région postérieure de l’ab- domen et des sous-caudales le Trochaloptron Henrici rap- pelle le 7. ÆEllioñ dont il diffère d’ailleurs complètement par les teintes de la tête, des parties supérieures du corps et de la queue; par ses larges moustaches blanches il res- semble au Zrochalopteron variegatum el au 7. Blythu, qui ont d’ailleurs le milieu de la gorge d’une teinte foncée et les parties inférieures du corps colorées d’une tout autre façon; en un mot il ne peut, je crois, être confondu avec aucune espèce précédemment connue. En tous cas il ne peut être as- similé au Zrochaloplteron Prjewalski Menzbier (Zhis, 1887, p. 300), qui a été décrit comme étant d'un brun grisâtre, sans bordures ferrugineuses sur les pennes alaires et qui a été considéré, du reste, par M. Pleske (op. cif., p. 135), comme le jeune du Trochalo pteron Elhotr. Une seconde forme de ZTrochalopteron, Trochalopteron Bonvaloti, obtenuele 17 avril 1890 dans une vallée boisée, à Tioungeu, à 3,600 mètres d’allitude, ressemble beaucoup au Trochalopteron Elliot du Setchuan occidental et a, comme lui, la région postérieure de l’abdomen et les plumes sous- caudales colorées en rouge marron vif, les grandes pennes secondaires d'un gris nojrâlre avec des franges de jaune mordoré à la base et de gris clair vers l’extrémité, les rec- trices noirâlres sur la face inférieure, largement marquées de blanc à l’extrémité ; mais sa tête, son dos, les parties inférieures de son corps et le dessous de ses pennes caudales n'offrent pas les mêmes nuances que chezle Trochalopteron El/ioti. Ici, en effet, le front, les joues et la poitrine sont d'un gris roussâtre, sans aucune trace des petiles taches et des lisérés d’un gris nacré qui ornent les plumes du 7rocha- lopteron Elliot ; celle teinte grise devient un peu plus foncée sur le dos et sur les flancs et s'étend en parte sur la queue, dont les pennes médianes sont d’un gris fer en dessus avec des bordures mordorées sur les barbes externes des pennes lalérales. En d’autres termes le Trochalopieron Bonvaloti, qui ne constitue probablement qu'une race loca'e du 7°. J5/- 2706 E. OUSTALET. Loti et qui doit, en conséquence, être appelé plutôt Trocha- lopteron Ellioti var. Bonvaloti, diffère de la forme typique du Setchuan par son plumage plus brillamment coloré et dé- pourvu de points blancs, et par ses ailes un peu plus déve- loppées, mesurant 0",103 au lieu de 0°,095. Un Pomatorhinus que j'avais désigné provisoirement sous le nom manuserit de Pomatorhinus Dedekensi se trouve, par rapport au Pomatorhinus gravivox (A. Dav.) du Chensi méri- dional, dans les mêmes conditions que le Trochalopteron Bonvaloti par rapport au T. Elliot, que le Babax PBonvalon par rapport au B. lanceolatus ; en d’autres termes cette forme, dont le prince Henri d'Orléans a donné au Muséum deux spécimens, pris l’un à Tioungeu, dans la même localité et à la même date que le 7rochalopteron Elliof var. Bonvalou, l’autre à Tà-tsién-loû, par les élèves du collège, constitue probablement aussi une simpie race locale, différant de la forme iypique par des particularités dans les couleurs, le dessin du plumage et les proportions de quelques parties du corps. Ainsi chez le Pomatorhinus gravivor, que M: War- dlaw-Ramsay et M. Sharpe assimilent au Pomatorhinus Mac- clellandi(Jerd.) de l’Assam, les parties supérieures du corps et le dessous de la queue sont d’un brun fortement nuancé de roux olivâtre, le devant du cou et la poitrine portent, sur un fond blanc, des taches lancéolées d’un brun olhivâtre qui vont en diminuant de grandeur et d'intensité du côté de l’abdo- men ; chez les Pomatorhinus Dedekensi les parties supérieures du corps et de la queue sont d’un brun verdâtre beaucoup plus foncé, tirant moins au roux, et la poitrine est marquée de taches très nettes d’un noir aussi franc que chez le Poma- torhinus erythrocnemis (Gould) de l’île de Formose ; en outre dans les oiseaux du Tibet la coloration rousse des flancs pa- raît plus vive que dans les oiseaux du Chensi méridional. En- fin les dimensions ne sont pas tout à fait les mêmes, l'aile mesurant 0",100 au moins, la queue de 0,110 à 0,120, le tarse de 0",038 et le bec (cu/men) 0,034 chez le Poma- lorhinus Dedekensi tandis que les parlies correspondantes FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. | DTA chez le P. gravivox mesurent 0*,090; 0*,010; 0°,36 et 0",052, comme nous l'avons indiqué dans notre ouvrage sur les Oi- seaux de la Chine (p. 183). Le spécimen de Fioungeu-offre des moustachos noires pluslarges et mieux dessinées que les spécimens de Tà-tsién-loû, mais, du reste, la coloration des deux oiseaux est exactement la même. Évidemment les différences que je viens d'indiquer ne dépendent pas du sexe puisque sur une demi-douzaine d'exemplaires de Pomatorhinus gravivox qu'il a eu l’occa- sion d'examiner, M. A. David n'a constaté aucune dissem- blance de plumage entre le mâle et la femelle ; elles sont dues plutôt à une différence d'habitat et caractérisent une race locale qui devra être appelée Pomatorhinus Macclelland var. Dedekensi. Quant au Pomatorhinus gravivox dont je . n'ai pu Jusqu'ici comparer le type avec celui du P. Mac- _clellandi, je ne me permettrai pas de soutenir que c’est une espèce absolument distincte, nettement tranchée, mais, jus-. qu'à preuve du contraire, Je persiste à croire que c'est au moins une race locale, Pomatorhinus Macclellandi var. gra- vIVOX, Car la description. du P. Macclelland donnée par M. Sharpe (Cat. B, Brit. Mus., t. VII, p. 431), d’après le type de l’espèce, provenant de Debrughur (Assam), ne con- corde pas absolument avec celle du P. gravivox que nous avons publiée dans nos Oiseaux de la Chine (p. 183 et pl. 49). Les dimensions des ailes et de la queue sont notamment beaucoup plus faibles chez le P. Macclellandi que chez le P. gravwox. Une autre forme de Pomatorhinus, que j'ai nommée P0- matorhinus Armandi en l'honneur de M. l'abbé A. David et dont le prince d'Orléans a obtenu un spécimen à Aïo (Tibet), dans une vallée boisée, à 3700 mètres d'altitude, le 16 avril 1890, reproduit exactement les traits et le système de co- loration du Pomatorhinus Dedekensi, mais offre des dimen- sions beaucoup plus faibles. Ainsi la longueur totale de l'oiseau n’est que de 0",230 environ, la longueur de l’aile de 0*,850 ; celle de la queue de 0*,105 ; celle du bec (cw/men) 278 E. OUSTALET. de 0",026 el celle du tarse de 0",031. La teinte des parties supérieures du corps est moins claire, d’un brun olivâtre moins nuancé de roux que chez le Pomatorhinus gravwox et les taches de la poitrine sont aussi foncées, quoique moins nombreuses, que chez le P. Dedekensi. Enfin, comme dans celte dernière forme, la teinte rousse des flancs et des sous-caudales est très prononcée et tire au rougeâtre, pres- que aussifortement que chez le P. erythrogenys (Vig.) de la Birmanie anglaise. L'oiseau d’ailleurs paraît adulte et les différences que je viens d'indiquer ne peuvent être attribuées à l’âge. Toutefois je ne crois pas que le Pomatorhinus Armand constitue une espèce distincte, et Je la regarde comme une simple race du P. Macclellandi, race qui devra s'appeler P. Macclellandi var. Armand. Dans son élude sur le genre Pomatorhinus (Ibis, 1878, p. 12), M. Wardlaw Ramsay a déjà fait remarquer, en eflet, que toutes les espèces de ce groupe sont sujettes à des va- riations considérables aussi bien sous le rapport des dimen- sions que sous celui des nuances du plumage. C’est ainsi que nous avons constaté, M. A. David el moi (Oiseaux de la Chine, p. 186), que les Pomatorhinus stridulus (Swinh), lués au Setchuan, avaient la poitrine et la partie supérieure de l'abdomen d’un blanc marqué de quelques taches olive, tandis que d’autres Pomatorhinus pris dans le Fokien ocei- dental avaient la poitrine et les flancs roux vif, avec quelques plumes bordées de blanc. Nous aurions même pu ajouler qu'une femelle tuée à Moupin, le 18 novembre 1869, diflérait d'un mâle lué dans le Selchuan occidental le 30 janvier 1868 par la prédominance de la teinte brune sur la couleur blanche sur la poitrine et les côtés de l'abdomen, les cou- leurs des parties supérieures du corps élant d’ailleurs exac- tement les mêmes dans les deux individus. M. A. David a trouvé parfois, dans la même localité et dans la même saison, des Pomatorhinus à teintes pâles et d’autres à Leintes vives el comme dorées. En présence de ces variations nous n'avions pas cru de- FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 279 voir attacher grande importance aux dissemblances que nous avions remarquées entre les Pomatorhinus du Setchuan et de Moupin qualifiés primitivement du nom de stridulus (Swinh.) et le Pomatorhinus ruficollis (Hodgs.) dont le Mu- séum possédait déjà, à l’époque où nous rédigions notre travail, un spécimen pris par le major Hodgson, sans doute dans la même contrée que les types de son espèce, c’est-à- dire dans le Népaul. Depuis lors M. Wardlaw Ramsay a dé- claré (Zbis, 1878, p. 138) qu’il lui paraissait également tout à fait impossible de séparer spécifiquement les Pomatorhi- nus ruficollis du Népaul des Pomatorhinus du Setchuan ob-. tenus par M. Swinhoe et désignés sous le nom de P. srri- dulus. Cependant, en comparant de nouveau avec les oiseaux tués dans le Setchuan et le Tibet par M. l’abbé A. David, non seulement l’exemplaire donné en 1845 par M. Hodgson, mais encore un autre exemplaire, venant du district de Darjeeling et remis au Muséum, à une date beaucoup plus récente, en 1880, par M. de Souza, je trouve que les Poma- torhinus chinois et tibétains sont de taille notablement plus forte que les Pomatorhinus du Népaul et des frontières du Sikkim. En effet chez ceux-ci la longueur totale de l’oiseau est de 0",160 environ, celle de l'aile de 0,070 à 0",080, celle de la queue de 0°,085, tandis que chez les Pomatorhi- nus du Setchuan occidental et de Moupin, la longueur totale est de 0",190 environ, celle de l'aile de 0°,075 à 0",083 et celle de la queue de 0",085, les dimensions du bec et des pattes étant d’ailleurs à peu près les mêmes chez tous les individus de ces diverses contrées. De son côté M. le lieute- nant-colonel Godwin-Austen à fait observer que les Pomato- rhinus des monts Dafla, dans l’Assam, diffèrent de ceux du Népaul par leurs pattes plus fortes, leur plumage d’une nuance olivâtre beaucoup plus foncée sur le dos et tirant da- vantage au rougeâtre sur plusieurs parties du corps. D'’a- près le même naturaliste ces Pomaïorhinus de l’Assam seraient au contraire semblables à ceux du Darjeeling et conslitueraient avec eux une variété du Pomatorhinus rufi- 280 E. OUSTALET. collis du Népaul et des monts Naga. Je suis donc conduit à me demander si, tout en maintenant l'opinion que nous avons exprimée relativement à l’unité spécifique des Poma- torhinus du type ruficollis, on ne devrait point distinguer, parmi ces oiseaux, plusieurs races locales dont l’une cor- respondrait précisément au Pomatorhinus stridulus de Swinhoe. Le Pomalorhinus erythrogenys nous offre des exemples de varlalions de même ordre. M. Sharpe, dans son Cataloque de Timéladés du Musée britannique (Cat. B. Brit. Mus. t. VIT, p. 431) reconnaît déjà que les oiseaux de cette espèce qui vivent dans le nord-ouest de l'Himalaya ont la gorge grise tandis que ceux qui habitent l'est de l'Himalaya ont la gorge blanche; toutefois il n’admet point l'existence de deux races distinctes, parce que, dit-il, on observe, chez les spécimens du Népaul, des modifications dans l'intensité de la nuance grise de la partie antérieure du cou. Je ferai observer cependant que l’on trouve chez les Pomatorhinus du type erythrogenys, non seulement des différences dans les nuances du plumage, mais encore de grandes différen- ces dans les dimensions. Ainsi sur deux oiseaux non montés et en assez mauvais état qui figurent depuis longtemps dans les collections du Muséum et qui ont été obtenus par le ma- jor Hodgson, sans doute dans le Népaul, je relève les dimen- sions suivantes : longueur totale 0,280 et 0,°285; longueur de l'aile 0*,105 ; longueur de la queue 0",115 et 0*,120; lon- gueur du tarse 0",040; longueur du bec (cu/men) 0°,32; au contraire sur trois spécimens du Sikkim el du district de Dar- jeeling, recus de M. le D’ Harmand ou acquis de M. Gerrard, je trouve : longueur totale 0",220 et 0*,295 ; longueur de l'aile 0*,090 et 0°,97; longueur de la queue 0*,100 et 0,110 ; longueur du tarse 0,033; longueur du bec (cu/men) 0,26 et 0",30. Ces dernières dimensions correspondent presque exactement à celles que M. Sharpe a prises sur un spécimen venant du district du Darjeeling : il semble donc bien établit que les individus provenant de cette partie de FAUNE DE LA CHINE. ET. DU TIBET. 28.1 l'Inde sont constamment de taille plus faible que les Pomato- rhinus du même type provenant du Népaul et représentant sans doute le Pomatorhinus ferrugilatus de Hodgson. | Le Pomatorhinus hypoleucus subit d’une région à l’autre des modifications assez constantes pour que l’on ait dislin- gué de la forme principale, propre aux Monts Khasi, au Cachar et à l’Arakan, deux races, savoir : 1° Pomatorhinus hypoleucus var. /nglisi Hume vivant probablement dans le Sikkim et sur les Monts Garo ; 2° Pomatorhinus hypoleucus var. Tickelli propre au Tenasserim et élevée au rang d'espèce par M. Hume et M. Sharpe. Le Pomatorhinus montanus Horsf. de Java est représenté à Bornéo et dans la presqu'île de Malacca par une forme de plus petite taille, ayant le plumage d’un brun marron plus vif, le Pomatorhinus borneensis Cab. Le Pomatorhinus schisticeps Hodgs. de la région orientale de l'Himalaya prend, dans la région occidentale et septentrio- nale de la même chaîne, les caractères d’une race, de dimen- sions très réduites, le Pomatorhinus schisticeps var. Pinwilli Sharpe, de même que le Pomatorhinus Horsfieldi Sykes des Nilgherries est représenté dans les environs de Khandala et sur d’autres points du sud-ouest de l’Inde par la variété Pomatorhinus Horsfieldi var. obscura Hume. Le Pomatorhinus melanurus BI., de l’île de Ceylan, varie aussi dans des limites assez considérables pour que M. Wardlaw Ramsay ait cru devoir distinguer deux races, que M. Legge cependant s’est refusé à admettre, ayant trouvé, dit-1l, des passages entre les Pomatorhinus de ce type qui ont un plumage roussâtre et ceux qui ont un plu- mage olivâtre, entre ceux qui sont de petite taille et ceux qui se font remarquer par leurs fortes proportions. Les quelques exemples que je viens de citer montrent suf- fisamment que, si certaines espèces de Pomatorhinus qui sont répandues sur une airegéographique continue, présentent des variations graduelles et ne peuvent être subdivisés en plu- sieurs races, d'autres espèces, qui occupent des terres sépa- 2892 E. OUSTALET. rées par une élendue de mer plus ou moins considérable ou des régions distincles d’une même chaîne de montagnes, offrent au contraire des modifications assez tranchées el assez constantes pour que l’on puisse les partager en plusieurs variétés. Quelques-unes de ces variélés n’ont pas été recon- nues par les auteurs modernes, landis que d’autres, plus heureuses, ont été élevées au rang d'espèces, ce qui était évidemment exagéré. J’eslime que, comme cela arrive d’or- dinaire, la vérité est entre ces deux extrêmes et que s’il ne faut pas accorder le Uilre d'espèce à de simples races locales, il importe aussi de ne pas passer celles-ci complètement sous silence en leurs refusant des noms particuliers. [Il y a au contraire, ce me semble, un grand intérêt à faire connaître les modifications dont une espèce est susceptible sous lin- fluence d'un changement dans les conditions extérieures, dans l'habitat, dans l'abondance de la nourriture, etc., car ce sont ces modifications qui peuvent nous éclairer sur la genèse des espèces. Telles sont les considérations qui m'ont délerminé à décrire sous des noms spéciaux quelques-uns des Pomatorhinus, des Trochalopteron et des Babar donnés au Muséum par le prince Henri d'Orléans. Dans un autre mémoire (Description de nouvelles espèces d'oiseaux du Tonkin, du Laos et de la Cochinchine, Bull. de la Soc. oo. de France. 890), j avais déjà fait connaître un certain nombre d'espèces oravitant autour du Dryonastes chinensis et j'avais émis l'idée que plusieurs espèces de ce genre ou du genre (rarrulax dé- crites par divers auteurs ou par moi-même ne pouvaient êlre au fond que des races locales émanant d’un type primitif. disséminé sur une vaste élendue de pays et modifié par de nouvelles conditions biologiques. Or les Dryonastes et les Garrulax paraissent avoir avec les Pomatorhinus et les Tro- chalopteron et les Babax de grandes affinités zoologiques ; ils ont même élé placés par M. Sharpe à la suile de ces der- niers oiseaux, dans la famille des Timéluidés. On est donc en droit d'admettre que la disposition à la variabilité, si marquée chez les Trochalopteron, est aussi l'apanage de beau- FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 283 coup d’autres genres que les auteurs anglais rangent dans la famille des Timéliidés, tandis que, chose remarquable, cette disposition ne s’observe pas chez d’autres oiseaux ha- bitant la même région du globe et soumis à des conditions tout aussi diverses. Parmi les Passereaux qui ont été envoyés au prince Henri d'Orléans, depuis son retour en France, par Mgr Biet, évêque de Diana, el qui ont été Lués aux environs de la mission de Tà- {sién-loù, dans le Setchuan, se {rouvent trois A/cippe que l’on serait au premier abord tenté de rapporter à l’A/cippe ou Proparus vinipectusHodgs., espèce du Népaul et du district de Darjeeling. Toutefois les À /cippe de Tà-tsién-loû se distinguent assez facilement de leurs congénères de l’Inde anglaise pur l'étendue de la raie sourcilière blanche qui, au lieu de com- mencer seulement au niveau de l'œil pour se diriger en ar- rière, part du bec et est par conséquent beaucoup plus longue tout en s’élargissant fortement en arrière. En outre, cette raie blanche, qui est bordée en dessus, du côté du vertex, mais seulement à partir de l'œil, par une raie noire, est neltement limitée en dessous par une teinte brune noirâtre qui occupe les lèvres et se prolonge sur les joues et les oreilles, en arrière de l'œil; les plumes situées entre le bec el l'œil et les plumes auriculaires sont par conséquent beau- coup plus foncées de ton que chez l’A Zcippe vinipectus où elles sont d’un brun châtain ou vineux. Le manteau est d’un brun plus olivâlre, tirant moins fortement au rougeâtre chez les AÀ/cippe de Tà-tsién-loû que chez celles du Népaul dont le Muséum possède plusieurs spécimens ; le dos est d’un gris olivâlre, passant à l'orangé sur les reins, les pennes alaires el caudales sont d'une nuance moins chaude que chez l'A /- cippe vinipectus, les rémiges élant d’ailleurs ornées, comme chez cellte-dernière, de lisérés d’un gris perle. La gorge offre également sur un fond blanc quelques stries longitudinales, mais ces stries sont peu apparentes, plutôt grises que bleuà- tres et les flancs sont lavés de roux olivâtre. Le bec est plus grêle que chez l’A /cippe vinipectus et d’un brun uniforme 284 E. OUSTALET. de même que les pattes, enfin les dimensions des diverses parties du corps ne sont pas celles que M. Sharpe indique (Cat. B. Brit. Mus.,t. VIT, p. 619) pour l’A/cippe vinipectus el que j'ai relevées moi-même sur des spécimens du Mu- séum. La longueur totale du corps étant, en moyenne, de 0",125 chez les À /cippe de Tà-tsién-loù, la longueur de laile est de 0*,062, celle de la queue de 0*,055, celle du bec (culmen) de 0*,009 et celle du tarse de 0°,021. Je rapporte donc ces A/cippe à une espèce nouvelle que je propose d’ap- peler A/cippe (Proparus) Bieti (PI. IX, fig. 2). Dans le même envoi se trouvaient quatre petites Mésanges, tuées aux environs de Tà-tsién-loùû par des élèves du collège et entièrement semblables à un oiseau {ué par le prince d'Orléans à Pendjama (Setchuan) dans un bois, le 6 juin 1890. Ces Mésanges ressemblent beaucoup à l’Acrcdula jouschistos Hodgson (Parus jouschistos, Hodgs. Gray, Zoo. Misc. 1844, p. 13; Acredula jouschistos, H. Gadow, Cat. B. Brit. Mus., 1. VIIT, p. 58), à l'Acredula niveoqularis Moore (Orites? niveoqularis Moore, Proceed. z0ol. Soc. Lond., 1854, p. 140, ex Gould ms.; Acredula glaucoqularis, H. Gadow, op. at., p. 58) et à l'A. /eucogenys Moore (Orites leucogenys Moore, Proceed. zool. Soc. Lond., 1854, p. 139; Acredula leuco- genys, H. Gadow, op. cit., p. 59), mais elles ne peuvent être rapportées à aucune de ces trois espèces himalayennes. Elles ont, en effet, les côtés du vertex d’un noir de jais, comme chez l’Acredula jouschistos, mais les bandes noires descendent sur les côtés de la tête en avant et en arrière de l'œil, comme les bandes d’un brun noirâtre qui occupent la même situation chez l’Acredula niveoqularis ; elles sont sépa- rées en dessus, sur le milieu du vertex, par une bande claire qui part du bec et se prolonge jusque sur la nuque; mais celte zone claire, qui est d’une teinte fauve chez l’Acredula jouschistos, est ici, comme chez À. glaucoqularis, d’un blanc qui passe au fauve en arrière; les couvertures de l'oreille sont fauves et non pas d’une teinte isabelle comme chez l’Acredula jouschistos et l’on remarque, de chaque côlé du FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 285 menton et de la gorge, une bande blanche qui part du bec inférieur, descend obliquement, puis remonte sur les côtés du cou, en forme de demi-collier et vient buter contre le prolongement, la bande noire des côtés de la tête. Rien de semblable n'existe chez l’Acredula jouschistos où les côtés de la gorge sont d’un fauve rougeâtre de même que la poitrine ; au contraire, chez l’A. niveoqularis et chez l'A. leucogenys les joues sont blanches, mais dans la dernière espèce le menton et la gorge sont d’un noir intense et chez l’A. niveo- gularis ces mêmes parties sonthlanches comme les côtés du cou, tandis que chez les Mésanges du Setchuan le menton et la gorge offrent une teinte grise argentée, limitée de part et d'autre par un trait noir qui contraste vigoureusement avec la moustache blanche. Les parties inférieures du corps, qui sont d'un fauve rougeâtre uniforme chez l’Acredula jous- chstos et d’une teinte isabelle un peu rosée chez l'A. niveo- gularis et chez l’A. /eucogenys, offrent chez les Mésanges du Setchuan une teinte d’un roux clair, un peu nuancée de rose et recoupée sur le milieu de l'abdomen par une bande blan- che irrégulière qui ne s'étend pas tout à fait jusqu’au col- lier blanc de la parte inférieure de la gorge. Le manteau est de la même couleur que chez l'A. ouschistos, c'est-à-dire d’un gris olivâtre; en avant et en arrière, à la partie supé- rieure du dos et dans la région sus-caudale, il est fortement nuancé de roux un peu rosé, les cils sont d’un brun grisâtre avec d’étroits lisérés d’un roux clair au bord des rémiges et des franges de même couleur au bord des pennes secon- daires ; les couvertures supérieures sont de la même teinte que le dos, tandis que les couvertures inférieures sont d’un blanc à peine nuancé de fauve très pâle, au lieu d’être fauves comme chez l’Acredula jouschistos. La queue, d’un gris noi- râtre foncé, a ses pennes lisérées de gris, surtout à la base; en outre les rectrices latérales offrent, sur le bord externe et à l’extrémité, des marques blanches allongées. Le bec est d’un noir uniforme et les pattes sont d’un brun rougeâtre foncé. Il ne paraît pas y avoir de différences de plumage 286 E. OUSTALET. entre les sexes. La longueur totale de ces oiseaux est de 0",120 environ ; l'aile mesure 0",060 ; la queue 0",060 ; le bec (culmen) 0",006; le tarse 0%,018; les dimensions sont par conséquent un peu plus fortes que chez l’Acredula jouschistos; la queue notamment est plus allongée. Je proposerai de dési- gner les Mésanges que je viens de décrire sous le nom d’Acre- dula Bonvaloti (PI. IX, fig. 1). Cette espèce forme avec l'Acre- dula jouschistos, Hodgs., du centre et de l’est de l'Himalaya, avec l'A. niveoqularis Moore du nord-ouest de la même chaîne et VA. leucogenys Moore de l'Afghanistan et du Kashmyr, un petit groupe naturel, provenant sans doute d’un même type primitif qui s’est répandu en se différenciant sur la région himalayenne. J'arrive maintenant à d’autres petits oiseaux que Severlzow (Verticalnoe e Goronzotalnoe Respredalenie Turkestanskie Jevotnie, Moscou, 1873), H. E. Dresser (Notes on Swertzoff's Fauna of Turkestan, Ibis, 1873, p. T1) et M. Hume (Sway Feathers, 1814, p. 513) ont successivement fait connaitre sous les noms génériques de Leptopæcile et de Stoliczkna et qu'ils ont rapprochés à la fois des Fauvettes et des Mé- sanges. Ces oiseaux, dont on n'a connu pendant longtemps qu’une seule espèce, Leptopæcile Sopliz, ont en effet, comme M. Pleske l’a parfaitement démontré (Résultats scientifiques des voyages de N. M. Przewalski dans l'Asie centrale, pu- bliés en russe el en allemand; parliezoologique, t. If, Oiseaux, liv. Il, p. 83), des affinités avec les Sylviidés et représentent, jusqu'à un certain point, dans l'Asie centrale, les Fauveltes pitchous (Melizophilus) de l'Europe méridionale, en même temps qu'ils se rattachent, d’une part aux Paridés, de l’autre aux Roitelets, par l'intermédiaire d'une espèce plus récem- ment découverte, Lophobasileus elegans Przew. À la Lepto- pæcile Sophiæ, que M. H. Gadow (Cat. B. Brit. Mus., 1883, t. VII, p. 86) rangeait parmi les Paridés, à la suite des Æe- qulus, est venue s'ajouter la Leplopæcile obscura qui a été décrite par M. Przewalski (Sopisk de lAcad. imp. des Sciences, 1887, LV, p. 80) el par M. Pleske (op. cit., p. 93 FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 287 et pl. VI, fig. 5) d’après des oiseaux lués sur les montagnes du nord-ouest du Tibet, dans les forêts qui bordent les rives de la partie supérieure du Fleuve Bleu ou Dy-tschu. Cette seconde espèce se distingue de la première, d’abord par les proportions des diverses parties de son corps, ensuite et surtout par son mode de coloralion, les parties inférieures du corps étant d’un {on plus riche et plus uniforme, d’un rouge brique à reflets d'un bleu violacé. Aujourd'hui je propose d'inscrire à la suite de la Leptopæ- cle Sophz el de la L. obscura, sous le nom de Leptopæcile Henrici(P1. X, fig. 1) une (roisième espèce dont le prince Henri d'Orléans a obtenu un spécimen le 5 janvier 1890, sur les hauts plateaux du Tibet, à une altitude de 5,000 mètres envi- ron. Dans cetie espèce nouvelle nous trouvons une exagération des caractères de la Leptopæcile obscura qui était déjà revêtue d’une livrée plus foncée que la L. Sophiæ. Ici, en effet, les sourcils clairs ont disparu, la gorge est d’un rouge cuivre à reflets lilas et les parties inférieures du corps offrent à peu près la même tente; le sommet de la tête est rouge brique, la eroupe d'un bleu lilas varié de rouge brique, le dos, les cils et la queue offrant les mêmes couleurs que chez la Leptopæcile obscura. La longueur totale de l’oiseau est de 0,102 ; la longueur de lPaile de 0",050 ; celle de la queue de 0”,051; celle du bec (cu/men) de 0°,007 et celle du tarse de 07,019. Dans les collections rapportées par l’expédition de M. Bon- valot et du prince H. d'Orléans la Leptopæcile Sophia est aussi représentée par deux individus tués l’un à Aktaroma entre Kurla et le Lob-Nor, le 15 octobre 1889, l’autre sur les hauts plateaux du Tibet, dans la région habitée, à 4,890 mètres d'altitude, le 21 mars 1890. Les spécimens examinés par M. Pleske (op. cit., p. 85) provenaient de Zaidam, des monts Tian-Chan, des bords du Tarim, des monts Russki, dans le Turkestan oriental, de Naïd-shin-gol, dans le nord du Tibet, du Koukou-nor, du Kansou, des monts Revenny et des bords de la Chuanche. La Leptopucile Sophia 288 E. OUSTALET. paraît donc être largement répandue dans toute la région compris entre le 44° et le 28° degrés de latitude nord, entre le 80° et Le 100° degré de longitude est. Dans la série d'oiseaux que le prince d'Orléans a recueillie en traversant le Setchuan, j'ai rencontré trois Méliphagidés que, par une détermination trop rapide, J'avais rapporté d'abord au Zosterops simplex Swinh. (/bis, 1865 p. 35, À. David et E. Oustalet, Oiseaux de la Chine, p. 854, n° 134), mais qui en réalité appartiennent à une espèce distincte et probablement nouvelle. La taille des Zosterops de Setchuan est en effet notablement plus faible que celle des Zosterops simplez que J'ai sous les yeux et qui viennent d'Amoy (coll. Verreaux, spécimen obtenu par feu R. Swinhoe et équi- valant par conséquent au type de l'espèce) ou de Moupin (A. David). La longueur total de l'oiseau n’est, en effet, que de 0,095 à 0*,100 au lieu de 0*,115 ; l'aile ne mesure que 0®,052 au lieu de 0*,080, la queue étant longue de 0”,040 et le bec n’a, le long du culmen, que 0*,008 au lieu de 0009. En outre les deux mandibules sont d’un noir uniforme et la mandibule inférieure ne présente pas, comme chez les Zos- lerops simplex, une teinte plus claire à la base; le trait noir entre le bec et l'œil est peut-être encore plus nettement in- diqué que chez les Zosterops d'Amoy, le ph de l'aile est teinté de jaune, la teinte jaune de la gorge descend plus bas que chez le Zosterops simplex et le manteau est d’un vert jaunâtre plus vif et rappelle la nuance que l’on observe chez les Zosterops aureiventer (Hume) de l’île Pinang et chez les Zosterops palpebrosa (Tem.) du Bengale et du Bhoutan. Cependant la teinte des parties supérieures du corps ne tire pas aussi fortement au jaune doré que chez les Z. palpebrosa, où le front et les lores présentent d’ailleurs une couleur jaune, assez éclatante, tandis que chez les Zosterops du Setchuan ces parties sont presque de la même nuance que le vertex. D'autre part il n’y a pas, chez ces derniers oiseaux, sur la ligne médiane de l'abdomen, la raie jaune qui à valu à l’espèce indienne le nom d'awreiventer. FAUNE DELA CHINE ET.DU TIBET. 289 Toutefois c’est à côté de ces espèces, ainsi que du Zoste- rops Grayi (Wall.) des Moluques, du Z. Æveretti (Tweedd.) des Philippines, du Z. albiventer (Hombr. et Jacq.) des îles du détroit de Torres, du Z. crissalis (Gad.) du sud-est de la Nouvelle-Guinée, du Z. citrinella (Bp.) du Timor, du Z. abys- sinica (Guér.) de l’Abyssinie et du Z. madagascariensis (Gm.) de Madagascar et même du Z. capensis (Sund.) de l’Afrique australe que se place l'espèce que Je viens de décrire et que j'appellerai Zosterops Mussoti en l'honneur du Père Mussot, naturaliste zélé, membre de la mission de Tà-tsién-loû. Tous ces Zosterops doivent se rattacher à quelque forme primitive qui s’est répandue sur la moitié orientale de l'Afrique, lesud de l'Asie, la Papouasie et le nord de l'Australie. On remar- quera que j'ai mentionné ci-dessus le Zosterop palpebrosa et le Z. samplexz comme deux espèces distinctes. Je crois, en effet, que dans son Cataloque des Méliphagidés du Musée britan- nique (Cat. B. Brit. Mus., 1884, t. 1x, p. 165) M. H. Gadow a eu tort de réunir sous une même rubrique ces deux formes qui habitent des contrées différentes et qui se distinguent par des caraclères, peu importants 1} est vrai, mais aussi faciles à apprécier que ceux qui séparent les autres espèces admises par le même auteur. Enfin je compléterai la description que nous avons donnée, M. A. David et moi, du Zosterops simplex dans nos Oiseaux de la Chine (p. 85, n° 134) en faisant remarquer que l'oiseau n'a pas, dans toutes les saisons, le manteau d’un vert jau- nâtre. Une femelle adulte, tuée par M. l'abbé A. David à Moupin le 25 avril 1869, offre, en effet, sur la moilié gauche de la région dorsale, une teinte vert jaunâire, semblable à celle du vertex, et sur la moitié droite une teinte grise, bien différente de celle du dessus de la tête et analogue à celle du manteau de Zosterops westernensis (Quoy et Gaim.) et de Z. griseonota(Gr.) de la Nouvelle-Calédonie. Au contraire un mâle tué dans la même localité, à un jour de distance, le 26 avril 1869, montre déjà sur les parties supérieures du corps, les teintes propres au Zosterops simplex. On peut en ANN. SC. NAT. ZOOL. x, 19% — ART, NW 290 E. OUSTALET. conclure, je crois, que la livrée d'hiver comporte, dans tous les cas chez la femelle et probablement aussi dans l’autre sexe, un manteau gris qui passe au Jaune verdâtre par méla- chromatisme. Mais, s’il en est ainsi chezle Zosterops simplex, les choses ne peuvent-elles se passer de la même facon dans d’autres espèces, ce qui conduirait peut-être à considérer certains Zosterops à dos gris comme représentant seulement le plumage d'hiver de Zosterops à dos vert oujaunâtre ? C’est là une hypothèse que je me propose de vérifier, principale- ment en étudiant les Zosterops griseonata et Z. xanthochroa de la Nouvelle-Calédonie dont le Muséum possède une belle série. Après celte digression je passerai au groupe des Fringil- lidés qui occupe une large place dans les collections rappor- tées par M. Bonvalot et ie prince H. d'Orléans et dans lequel je signalerai, à côté de nombreux Carpodacus (Carpodacus ou Propasser thura Bp.;C.roseus Pall. C. pulcherrimus Hodgs. ? C.rubicilloides Przew., C. rhodochlamys Brand, etc.) et d’un spécimen de Pyrrhula subbimalayensis Sh. (Corythus subbi- machalus Bp.) un peu différent de l’exemplaire figuré par Ch.-L. Bonaparte (Wonogr. des Loxiens, pl. 13), et un petit oiseau qui, en raison du mauvais état de la dépouille, ne peut être déterminé avec une entière certitude, mais qui me parait être un Uragus différent des espèces actuellement connues. Chez cet oiseau le dos est, en effet, d’un fauve oli- vâtre marqué de taches longitudinales noires et nuancé de rose sur le bord des plumes ; cette teinte rose devient plus vive et tourne au rouge sur les reins; le front est orné d’un bandeau rouge ; la gorge et la poitrine sont d’un rouge car- min vif, qui va en s’atténuant du côté des flancs, où l’on aperçoit quelques flammèchesnoirâtres ; les ailes sont brunes, avec deslisérés blancs sur le bord des couvertures, les pennes caudales médianes sont d’un noir grisâtre uniforme et les pennes latérales mi-parlies grises et blanches, le blanc acquiérant de plus en plus d'importance sur les rectrices externes, comme chez l'Uragus sibiricus et l'Uragus lepidus FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 291 Les pattes sont brunes et le bec est d’un brun corné. Quoique le spécimen soit, comme je le disais tout à l'heure, en fort mauvais état, j'ai pu relever les dimensions suivantes, géné- ralement plus faibles que celles des espèces précédemment décrites : longueur totale environ 0",130 ; longueur de l'aile 0",070 ; longueur de la queue 0",070 ; longueur du bec (culmen) 0°,007 ; longueur du tarse 0,019. Si, comme je suis porté à croire, cette espèce est nouvelle je proposera de l'appeler ÜUragus Henrici (PI. X, fig. 2). Deux autres Fringillidés, un mâle et une femelle, tués le 21 mars 1890 sur les plateaux du Tibet habité, à une altitude de 4,890 mètres, se rapprochent à certains égards de l’es- pèce que M. Przewalski a décrite et figurée sous le nom d'Onychospiza Taczonowskii ({Voy. en Mongolie, t. A, p. 81, sp. 82 et pl. x1, fig. 1 ; Dawson Rowley, Ornith. Maiscell., 1877, t. IE, p. 290 et pl. ur) et qui a été identifiée plus tard, par M. Sharpe à la Montifringilla Mandell de Hume (Stray Feathers, 1876, p. 488 et 1879, p. 108 ; R. B. Sharpe, Cat. B. Brit. Mus., t. XII, p. 262). Toutefois leur bec est un peu plus étroit et plus allongé et présente une forme particulière qu'on n'observe ni chez les Montifringilla, ni chez les Petronia. Vu de profil il paraît assez régulièrement conique, le bord supérieur s’abaissant obliquement en ligne droite et ne se recourbant que très légèrement vers la pointe, el le bord inférieur, après avoir formé un angle fortement ar- rondi, remontant obliquement en ligne droite à la rencontre du bord supérieur. La mandibule supérieure dépasse nota- blement son antagoniste et la recouvre un peu, comme cela a été figuré pour l’'Onychospiza par M. Przewalski; cependant ses bords sont un peu rentrants, et comme pencés, à peu de distance de la base. Vue en dessus la mandibule supérieure paraît sinueuse latéralement ; elle est d’abord fortement bombée, puis aplatie sur les côtés, ce qui lui donne une forme un peu irrégulière ; on dirait qu'elle s’est racornie, tandis que la mandibule inféricure offre trois pans, savoir une face inférieure légèrement arrondie et deux faces laté- 202 E. OUSTALET. rales aplaties et {erminées en pointe aiguë. Les pattes sont relativement courtes et les doigts robustes. Ceux de devant sont armés d'ongles recourbés et aplatis, plus développés que chez les Perronia et les Montifringilla et le pouce porte un ongle encore plus long, mais moins arqué, que chez l’Ony- chospiza figurée par M. Przewalski. | Les ailes ont leurs rémiges un peu sinueuses du côté ex- terne, mais beaucoup plus allongées que chez l’Onychospiza Taczanowsku et dépassent par conséquent plus fortement les pennes secondaires qui sont coupées carrément el arrivent toutes à peu près au même niveau, comme dans cette dernière espèce. La première rémige paraît manquer sur les spéci- mens que j'ai sous les yeux, la seconde est un peu plus courte que la troisième qui dépasse un peu la quatrième; enswute vient une cinquième penne beaucoup plus courte ; quant aux rectrices, elles sont longues et presque toutes de la même longueur ; la queue est par conséquent moins arrondie que chez l'Onychospiza Taczanowskü, et elle est moins fortement recouverte par les tectrices supérieures et inférieures. Le plumage rappelle à la fois celui des Montifringilla {y- piques et celui des Petronia. La tête et le dessus du corps sont d’un brun terreux, rayé longitudinalement de brun foncé et de roux sur la région dorsale; les côtés de la tête sont d'un brun sale, le menton et la gorge d’un gris noi- râtre mélangé de blanc, la poitrine et l’abdomen d'un blane lavé et brun roussâtre sur les côtés. Les couvertures des ailes sont les unes brunes, les autres d’un blanc pur, avec du noir à la base, et les pennes secondairessont, en majeure parle, blanches avec la tige et la base noires, ce qui dessine sur l'aile deux larges taches blanches, allongées, analogues à celles qu’on observe chez les Montifringilla nivahs. Les plumes axillaires et les couvertures inférieures de l’aile sont blanches, avec quelques petites taches noires, les rémiges d’un brun foncé, avec des lisérés roussâtres en dehors et à la pointe, les rectrices latérales toutes blanches avec la tige noire et quelques maculatures noires à l'extrémité, à partir FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 9293 de la deuxième ou de la troisième penne, les rectrices mé- dianes d’un brun foncé et les deux suivantes blanches avec une bordure brune irrégulière, les couvertures inférieures de la queue d’un blanc à peine lavé de roux, les couvertures supérieures brunes variées de brun noirâtre, de blanc et de roux. Les pattes sont noires dans les deux sexes, mais le bec, noir chez la femelle, passe au jaune par la base de la man- dibule inférieure chez le mâle, absolument comme chez un des Montifringilla Blanford figurés par M. Sharpe (Cat. B. Brit. Mus., Lt. XII, pl. IV). La longueur totale varie entre 0®,170 et 0®,190, la longueur de l’aile est de 0,123 ; celle de la queue de 0,085 ; celle du bec (cu/men) de 0®,115 ; celle du tarse, de'0*,023 ; celle du doigt médian de 0,017 sans l’ongle qui mesure à lui seul 0,007, celle du pouce de 0",008 celle de l’ongle du pouce et 0,013 suivant la courbure. Je proposerai d’'apeler cette espèce, que je crois nouvelle, Eurhinospiza Henrici en en faisant le {ype d’un genre nouveau qui prendra place entre les Montifringilla et les Petro- nia (PI. XI). En même temps je ferai observer que si, comme le dit M. Sharpe, l’Onychospizsa Taczanowsku Przew. est identique à la Wontifringilla Mandell Hume, cette espèce ne doit probablement pas rester dans le genre Montifringilla. Les caractères du bec, des pattes, des aïles et de la queue in- diqués par M. Przewalski sont en ettet notablement différents de ceux des Montifringilla ordinaires. Peut-être faudra-t-il rétablir en faveur de cette espèce le genre Onychospiza ; peut-être aussi faudra-t-1l faire rentrer dans ce groupe la Montifringilla Blanfordi Hume (Stray Feathers, 1876, p. 487 et 1879, p. 108, R. B. Sharpe, Cat. B. Brit. Mus., t. XII, p. 264 et pl. IV). La Monthifringilla Adamsi (Moore ms. ; Adams, Proced. zool. Soc. Lond., 1858, p. 482 et 1859, p. 478, pl. 156; R. B. Sharpe, Cat. PB. Brit. Mus., ti. XIE, p. 261)offre au contraire des affinités étroites avec les Mon- hifringilla nvalis. D'un autre côté d’après les observations de M. l’abbé David la Montifringilla davidiana (Passer ouraten- sis A. David ms.; Swinhoe, Proceed. Zoo. Soc., 1870, p. 430 294 E. OUSTALET. el 1871, p. 386; Pyrgilauda davidiana, J. Verreaux, Nouv. Arch. du Muséum, 1870, t. VI, Pull., p. 40 et 1871, t. VIT, Bull., p. 62, pl. I, fig. 2; Przewalski, Voy. en Mongohe, t. Il, p. 84, n° 148 et Dawson Rowley, Orrith. Miscell., t. VX, p. 292 ; A. David et E. Oustalet, Oiseaux dela Chine, p.339, n° 488, pl. 90), se rapproche beaucoup, par ses mœurs, des Petronia. Elle a, d'ailleurs, le bec plus court, plus épais et plus bombé que les Monnfringilla. — Les Montifringilla Brandti (Bp.), arctoa (Pall.), Gigliolu (Salv.), tephrocotis (Sw. et Richards.) griseinucha (Brandt), se distinguent de la Won- hifringilla nivalis et de la M. Adamsi par leur physionomie générale et par leur plumage ; elles se trouvent groupées naturellement dans le tableau des Wontifringilla dressé par M. Sharpe et méritent fort bien, à mon avis, de constituer un petit genre, sous le nom de Leucosticte proposé par Swain- son en 1831 et maintenu, jusqu à ces derniers temps, par la plupart de ornithologistes. Enfin la Fringillauda ne- moricola de Hodgson (À siat. Researches, 1836, t. XIX, p. 158, David et Oustalet, Oiseaux de la Chine, p. 334 n° 481) et la F, sordida Stolieza (Journ. As. Soc. Beng., 1868, t. XXXVII, p. 63) présentent également certaines particularités qui peuvent leur faire assigner une place distincte, plutôt que de les confondre, comme le fait M. Sharpe (op. cit. p. 267 et 260) avec les Monthfringilla ordinaires. En résumé, je crois qu'il y aurait plutôt avantage à rétablir les genres Onychos- piza, Pyrgilauda, Fringillauda et Leucosticte ramenés par cet ornithologiste distingué au rang de synonymes de Monti- fringilla. D'un autre côté, je voudrais voir les Petronia plus rapprochés des Montifringilla qu'ils ne le sont dans le Cata- logue du Musée britannique, où ils viennent après les Rho- dopechys, les Rhynchostruthus, les Rhodospiza, les Erythros- piza, etc. Suivant moi, en effet, les Montifringilla typiques (M. nivahs,, Adamsi, etc.) se rattachent aux Petronia par l'intermédiaire des Pyrgulauda (P. davidiana, P. ruficollis ? et se rapprochent d'autre part des Alaudidés et parti- culièrement des Calandres (Melanocorypha) par l’intermé- FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 295 diaire des Onychospiza et du nouveau genre Eurhinospiza dont l'espèce unique, Ewrhinospiza Henrici offre dans le cos- tume une analogie singulière avec les Melanocorypha calan- dra. Les Leucosticte offrent déjà fréquemment sur leur plu- mage les tons roses qui dominent chez les Carpodacus et les Erythospiza. Passons maintenant aux Gallinacés. Dans la série d'oi- seaux des environs de Tà-tsién-loûù à laquelle j'ai déjà fait allusion, se trouvent deux Tétraogalles appartenant, je crois, à une espèce non décrite jusqu'ici, espèce que je caractérise- rai de la manière suivante: « Tetraogallus n. sp., Tetraogallo altaico qula cinerea obs- «curiore, corporis lateribus maculs nigris multis virgatis, « caudæque tectricibus inferioribus nigro limbatis aberrans, « Tetraogallo tibetano quiæ colore caudæque tectricibus supe- .« riobus flavogriseis, nec rufis, absimilis. Long. tot. circa « 0°,660 ; a/æ 0°,275 ; caudæ 0",180 ; rostri (culm.) 0°,032; « tarsi 0,054 ; digit med, sine ungue 0",053. » L'un des spécimens que j'ai sous les yeux est évidemment un mâle adulte, car 1l porte à chaque patte un éperon bien développé. Il a le sommet de la tête d’un gris cendré nuancé de brunâtre, la nuque de la même teinte, les parties supé- rieures du corps marquées, sur un fond gris roussâtre, d’une multitude de petitesiransversales en zigzag, de couleur noire, les reins étant en outre ornés de bandes longitudinales d'un blanc jaunâtre, occupant le bord des plumes. Le même sys- tème de coloration se retrouve sur les couvertures supé- rieures des ailes qui sont grises, vermiculées de noir, et bordées latéralement de blanc jaunâtre, Les couvertures supérieures de la queue offrent encore les mêmes raies trans- versales, mais sont dépourvues de bordures claires et s’al- longent au point de cacher presque entièrement le rectrices qui sont noires avec une bordure irrégulière, d’un fauve rougeâtre, à l'extrémité. Les rémiges, d’un gris brunâtre, portent également à la pointe une tache claire, mais plutôt blanchâtre que fauve, et les pennes secondaires sont de plus Le] 296 E. OUSTALET. en plus largement bordées, au bout et en dehors, de blanc jaunâtre, comme les couvertures. Le menton est d’un blanc sale, la gorge d’un gris cendré légèrement nuancé de fauve, avec quelques lisérés bruns au bord des plumes et çà et là quelques marques blanches ; le ventre d’un blanc crème, avec des bordures noires, nettement définies, dessinant des flammèches longitudinales, la région sous-caudale également rayée de noir sur fondblanc, mais plus fortement encore que les flancs. Ce dessin rappelle ce que l’on observe chez le Tetraogallus tibetanus où la gorge est d’ailleurs de couleur blanche au lieu d’être grise comme dans le spécimen que je décris en ce moment. Enfin le bec est d’un jaune de corne; les pattes sont d’un rouge jaunâtre qui devait être beaucoup plus vif durant la vie de l'oiseau, et les ongles d’un noir terne. L'autre spécimen, qui est probablement de sexe diffé- rent, offre le même système de coloration avec des taches irrégulières, assez nombreuses, d’un fauve pâle, sur la gorge. | En résumé, cette espèce, que je nommerai Tefraogallus Henrici, vient se placer entre le 7. fibetanus et le T. altaicus et présente une combinaison de caractères empruntés à ces deux formes. Elle vit à une grande altitude, l’un des indi- vidus qui ont servi de types à ma description, le mâle adulte, ayant été tué par le P. Mussot sur le glacier de Tà-tsién- loù, à 4,000 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans la région où se trouve le Lerwa nivicola. L'autre FERA C (Le .melle (?) vient de Tongolo. | Je ne dois pas omeltre de dire qu'un exemplaire du véri- table Tetraogallus tibetanus a été oblenu par le prince d'Or- léans le 18 avril 1890 à Soutu, dans une vallée boisée du Tibet. Jusqu'à ces derniers temps le Muséum ne possédait qu'un seul et unique individu de cette espèce, acquis à M. Dev- rolle en 1886 et ne portant comme renseignement de prove- nance que cette indicalion vague : «Himalaya ». Le spécimen qui a servi de type à la description de J. Gould est donné FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. Don comme venant du Tibet, mais depuis lors M. T. D. Forsith a obtenu près de Kashgar, dans le Turkestan chinois un exemplaire de T'etraogallus hibetanus, qui, dit-il, est connu des indigènes sous le nom d’U/ar. Nous avons, il est vrai, cilé cette espèce comme se trouvant probablement aux envi- rons de Moupin (Oiseaux de la Chine, p. 391, n° 565), mais comme, malgré tous ses efforts, M. l'abbé A. David, mon sa- vant collaborateur, n’a pu s’en procurer aucun spécimen, je suis conduit à me demander si le Tétraogalle connu des chasseurs de Moupin ne serait pas plutôt le Tetraoqgallus Henrici. Dans celte hypothèse Le Te/raogallus tibetanus se trouverait, en dépit de son nom, plutôt dans le Turkestan chinois que dans le Tibet proprement dit, où il serait rem- placé par l'espèce que je viens de décrire. En terminant cette notice, je crois qu'il n’est pas sans in- térêt de donner la liste des principales espèces qui ont été obtenues ou observées aux environs de Tà-tsién-loû et dans d’autres localités du Setchuan par le prince d'Orléans ou dont quelques spécimens lui ont été envoyés par les soins de Mer Biet, d'autant plus que certaines espèces (celles qui sont marquées d’un astérisque) ne sont pas mentionnés dans nos Oiseaux de la Chine. +1. Accipiter nisus (L.). A. David et E. Oustalet, Oiseaux de la Chine, p. 27, n° 38. Deux spécimens, semblables à ceux qui ont été reçus pré- cédemment par le Muséum de la Chine ou du Japon. Un de ces oiseaux a été tué par les élèves du collège, l’autre par le P. Soulié à Tà-tsién-loù. ; +2. Milvus govinda (Sykes). Oiseaux de la Chine, p. 16, n° 22. Un spécimen, de Taà-tsién-loù, se rapportant au Milous govinda par ses dimensions, mais ayant certainement les rémiges aussi fortement marquées de blanc à la base que certains exemplaires de Milous melanotis T. et Schl., ce qui me porte à croire que les différences des deux espèces ne sont pas aussi netles qu'on l’admet généralement. 298 E. OUSTALET, 3, Gecinus Guerini (Malh.). Oiseaux de la Chine, p. 52, n° 83. Un exemplaire, pris à Tongolo, a la nuque et l’occiput gris, striés denoir, et se rapproche plus, par la coloration de la région postérieure de son cou, du Gerinus canus L. que du G. Guerini de la Chine méridionale et du Chensi. A cer- tains égards ce spécimen établit la transition entre la Gecinus canus el le G. Guerini qui est déjà indiqué par M. Edw. Hargitt (Cat. B. Brit. Mus., t. XVIII, Picidæ, p. 55) comme une formeintermédiaire entre le G. canus et le G. occipitalis. Ilest intéressant de voir le G&. Guerini prendre quelques-uns des caractères de G. canus en s’approchant de l’aire occupée par celte dernière espèce, à travers le Tibet, où, à ma con- naissance, il n'avait pas encore élé signalé. - 4. Cuculus striatus (Drap.). Oiseaux de la Chine, p. 65,n° 105. Plusieurs spécimens de Tà-tsién-loû et d’autres localités du Setchuan. + 5. Alcedo bengalensis (Gm.). Oiseaux de la Chine, p. 74, n° 120. Le prince Henri d'Orléans a observé, aux environs de Tà-tsien-loù, un Marlin-pècheur, presque semblable au nôlre, qui se rapportait sans doute à l’A/cedo bengalensis. : 6. Merops philippinus (L.). Oiseaux de la Chine, p.72, n° 117. Deux spécimens du Setchuan, semblables à ceux que M. AI. Marche a rapportés des Philippines. - 1. Æthopyga Dabryi (J. V.). Oiseaux de la Chine, p. 80, n° 128 etpl. 11. D'après le prince d'Orléans, qui a rapporté deux individus de celle espèce, lÆ#hopyga Dabryi passe à Tà-tsién-loû au moment de la floraison des arbres fruitiers. "8. Zosterops Mussoti (Oust.). Trois spécimens du Setchuan {voir plus haut). 9. Certhia himalayana (Vig.). Oiseaux de la Chine, p.88, n° 138, pl. 14. FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 299 Un Grimpereau de petite taille que M. Bonvalot et Île prince d'Orléans ont observé à Tà-tsièn-loù appartenail pro- bablement à cette espèce. + *10. Buchanga longicaudata (Hay). Un spécimen du Setchuan me semble se rapporter à cette espèce qui a déjà été rencontrée dans l'Himalaya (Cat. Bb. Brit. Mus. t. TT, p. 250) et qui paraît remplacée dans le reste de la Chine par la Buchanga atra var. cathæca Swinh. (Dicrurus cathæcus, Oiseaux de la Chine, p. 108, n° 166.) + 11. Stoparola melanops (Vis.). Oiseaux de la Chine, p. 116, n° 179. Un spécimen du Setchuan. La Sfoparola melanops avait déjà été observée par M. A. David sur les montagnes boi- sées du sud-ouest de la Chine et dans la principauté de Moupin. {+ 12. Ixus xantorrhous (Anders.). Oiseaux de la Chine, p. 141, n° 219 et pl. 45. Deux exemplaires du Setchuan où l'espèce est commune dans les parties montagneuses. + 13. Spizixus semitorques (Swinh). Oiseaux de la Chine, p. 143, n° 223, pl. 47. Je rapporte à cette espèce un exemplaire en mauvais état, venant du Setchuan, où le Spizicus semitorques est commun en toute saison. Je dois faire remarquer cependant que cet oiseau a le sommet de la tête de la même couleur que le dos, c’est-à-dire vert, qu'il ne porte pas de demi-collier et qu'il a le bec un peu plus grêle que les Spizixus semitorques obtenus par M. l'abbé A. David. Peut-être est-ce un jeune. +. 14. Cinclus Pallasi (Tem.) var. Souliei (Oust.). Hydrotata Pallasu, Oiseaux de la Chine, p. 146, n° 227 (part.). Un Cincle, tué à Tà-tsién-loû par le P. Soulié, ressemble complètement à un spécimen obtenu à Moupin par M. l’abbé A. David. Ii a comme le Cincle de Moupin, le plumage d’un brun chocolat, passant au brun plus terne et plus foncé sur les ailes et la queue, et le bec plus grêle que chez un Cincle 300 E. OUSTALET. envoyé du nord du Japon par M. l'abbé Faurie. Sousle rapport de la longueur des ailes, il l'emporte également sur ce dernier spécimen, les ailes mesurant 0,110 au lieu de 0*,105 et les dimensions des autres parties du corps paraissant également plus fortes que celles qui ont été relevées par M. Sharpe sur des oiseaux du Japon. Si l’on rapproche ce fait de cette ob- servation, consignée par M. Sharpe dans son Cataloque des Timéladés du Musée britannique (Cat. B. Brit. Mus., t. VI p. 316) qu'un CGincle tué par M. Maries dans la gorge d’Ichang, sur le Yang-lse-kiang étail aussi plus robuste que les Cineles de Japon et avait le plumage d’un ton plus riche, la couleur brun chocolat s'étendant sur le dos, les couvertures supé- rieures de la queue et les parties inférieures du corps, si l’on se reporte à ce que nous avons dit dans nos Oiseaux de la Chine en parlant des Cincles de Moupin, que nous avions été tentés de rapporter au Cinclus asiaticus, à cause des différences qu'ils présentaient avec les Cincles du Japon, on sera, Je crois, disposé à admettre que les Cincles du Tibet et de la principauté de Moupin appartiennent, sinon à une espèce, du moins à une race du Cinclus Pallasi, race que je désignerai sous le nom de Cinclus Pallasi var. Soulier. C'est peut-être à celte race, plutôt qu’au Cinclus sor- didus, qu'appartenaient les individus observés par M. Przewalski et par M. Pylzow dans le Tibet septentrional et dans les montagnes au sud de Telung-gol (Dawson Rowley, Oran "Misc. 1877, 1. IL°D. 202", B.°Sharpe Cu Re Bri. Mus', V'NT, p.517; Plèske, 02: ct. LI ivre Cet n° 16; David et Oustalet, Oiseaux de la Chine, p. 539, n° 228 bis). Du reste le Cinclus sordidus lui-même, qui se distingue de nos oiseaux par la teinte ardoisée foncée de ses ailes et de sa queue, ne représente probablement, comme le Cinclus Souliei et comme le Cinclus asiaticus (SW.) qu'une race du Cinclus Pallasi, ou plutôt toutes ces formes, les unes de forte taille, les autres plus petites, celles-ci d’un brun assez clair, celles-là d’un brun foncé, plus ou moins varié de gris ardoisé, doivent êlre considérées comme des races déri- FAUNE DE LA CHINE ET. DU TIBET. 301 vées d’un type commun qui s’est répandu depuis l'Himalaya jusqu’au Japon. | D’après une note inscrite sur l'étiquette du spécimen envoyé de Tà-isién-loù, le Cinclus Pallasi var. Souliei est appelé par les Tibétains £sprit des eaux. - 15. Merula Gouldi (J. Verr.). Oiseaux de la Chine, p. 148, n° 230, pl. 39. Un mâle tué à Tà-tsién-loù. Dans une lettre datée de cette ville, le prince d'Orléans avait déjà signalé la présence, aux environs, du Merle de Gould qui a été découvert par M. A. David dans le Setchuan occidental et à Moupin, et quia étéretrouvé par M. Przewalski dans le Kansou (Przewalski, Voy. en Mongolie, 1876, t. IL, p. 62,n°110 ; Dawson Rowley, Ornith. Miscell., t. IL, p. 198. — H. Seehohm, Cat. B. Brit. Mus., IV, p. 260; Pleske, out lv. 1,p. 18, n°12). + 16. Turdus Naumanni (Tem.. Oiseaux de la Chine, p. 153, n° 239. Femelle adulte tuée à Tà-tsién-loù par le P. Soulié. Ce Merle que M. David a tué communément dans le nord de la Chine, a été rencontré par M. Przewalski en Mongolie, dans la vallée de la Chuanche et dans le Koukou-nor (Przewalski, Voy. en Mongolie, 1876, t. IL, p. 59, n° 105 ; Dawson Rowley, Ornith. Miscell., 1. VI, p. 195. — Seebohm, Cat. B. Brit. Mus., t.. V, p. 264 ; Pleske, 09. cf.,t. Il, Livr. 1, p. 6, n° 6. 17. Monticola cyaneus (L.). Oiseaux de la Chine, p. 163, n° 251. _ L'expédition de M. Bonvalot et du prince d'Orléans a rapporté du Setchuan un exemplaire, en plumage de tran- sition, de cette espèce déjà obtenue dans le nord de la même province par M. A. David. + 18. Chimarrhornis leucocephala (Vig.). Chæmarrornis leucocephala, Oiseaux de la Chine, p. 173, n° 263, pl. 24. La collection du prince d'Orléans renferme de nombreux exemplaires de cette magnifique espèce qui habite le Népaul, 302 E. OUSTALET. le Kashmyr, l’Aracan, le Kansou, le Setchuan et d’autres provinces de la Chine occidentale. 19. Grandala cœælicolor (Hodsg). Oiseaux de la Chine, p. 176, n° 266, pl. 31. Le prince H. d'Orléans a obtenu à Tà-tsién-loû un oiseau de cetle espèce qui avait été chassé par la neige des hauteurs voisines el qui élait venu se faire tuer aux portes mêmes de la ville. Pendant l'été la Grandala cælicolor vit sur les cimes des montagnes du Setchuan, du Kansou et de la principauté de Moupin, à une altitude de 4 à 5,000 mètres. * 20. Myiophoneus Eugenii (Hume). Plusieurs Myiophoneus, rapportés de Tà-tsién-loù par M. Bonvalot et le prince Henri d'Orléans, appartienneat, non pas comme je m'y serais attendue au Myiophoneus cœruleus Scop. (David et Oustalet, Oiseaux de la Chine. p. 176, n° 267, pl. 43), qui est répandu sur une grande partie du Céleste- Empire, et qui se retrouve aussi au Tonkin, mais bien au Myiophoneus Eugenii Hume (Stray Feathkers, 1873, p. 475. R.B. Sharpe, Car. B. Brit. Mus., 1883, t. VIL, p. 9), espèce du Tenasserim et du Pégou, dont je puis aussi indiquer la présence dans le Laos. Plusieurs spécimens, dans un magni- fique état de conservalion, envoyés au Muséum par M. le D' Harmand en 1871 et provenant de Bassac et d’Atlopeu, se rapportent également, en effet, à la description du My10- phoneus Eugent ; ils ont le manteau et la tête d’un bleu très foncé, rehaussé par des taches brillantes, le bec jaune avec la région des narines et une partie du culmen d’un brun foncé et les pattes noires. Leurs dimensions diffèrent cepen- dant quelque peu de celles des spécimensdécrits par M.Sharpe, la longueur totale variant entre 0,295 et 0°,325 {11 pouces 18 à 12 pouces), la longueur de l'aile entre 0°,183 et 0°,193 (7 p. 30 à 7 p. 70), celle de la queue entre 0°,132 et 0®,154 (5 à 6 pouces), celle du bec (culmen) entre 0°,025 et 0°,003 ({ pouce à 1 p. 20), celle du tarse entre 0",048 et 0”,050 (environ 2 pouces). Les dimensions d’un oiseau adulle de Tà-{sién-loû ne concordent pas non plus absolument ni avec FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 303 celles des oiseaux du Laos ni avec celles des spécimens du Pégou et du Tenasserim, la longueur totale élant de 0°,330 (13 p. 20), celle de l’aile de 0,184 (7 p. 30), celle de la queue de 0,133 (1 p. 30), celle du bec (culmen) de 0",027 (4 p. 108), celle du torse de 0",048 (1 p. 80). Le bec est aussi moins épais que chez les oiseaux de Laos, la hauteur maxi- mum n'étant que de 0",009 au lieu de 0",011 comme chez ces derniers. Toutefois je ne crois pas qu'il faille attacher grande importance à ces variations et c'est évidemment la même espèce qui est répandue depuis le Tenasserim jusqu’au Laos et au Setchuan, se trouvant ainsi intercalée entre le Myiophoneus Temminchi (Vig.) qui occupe le Tur- kestan, l'Afghanistan, le Kashmyr, le Népaul, le Bhoutan, le Darjeeling et le Myiophoneus cœruleus qui se trouve dans diverses provinces de la Chine et descend jusqu’au Tonkin. Un Myiophoneus lué sur les bords de Ia baie d'Along et donné au Muséum en 1887 par M. le D° Heckel appartient en effet à la même espèce que les Myiophoneus observés par M. l’abbé David; il a de petites taches blanches sur les cou- vertures moyennes des ailes et le bec presque entièrement noir, le bord de la mandibule supérieure et la pointe de la mandibule inférieure étant seuls d’une teinte moins sombre, d’un brun corné. Au contraire chez un jeune Mytiophoneus Eugenu tuée à Tà-tsién-loû, le bec, sans être aussi fortement teinté de jaune que chez l'adulte, offre déjà de larges taches claires sur les mandibules et n’est lavé de brun qu’en dessus et à la pointe. Chez cet oiseau le plumage est d’un noir déjà fortement teinté de bleu d’outremer sur les ailes et la queue, mais on n’observe encore aucune lrace des taches scapulaires bleues et des sortes de gouttelettes brillantes qui ornent l'extrémité des plumes chez l'adulte. Le jeune du Myiopho- neus Eugenii, qui n'avait pas encore été décrit, ressemble donc au jeune de M. Temminchui. + 21. Accentor strophiatus (Hodgs.) Accentor multistriatus (À. David), Oseaux de la Clune, p. 179, n° 271, 304 E. OUSTALET, Un spécimen de Tà-tsién-loù ressemble complètement à un Accentor strophiatus de l'Inde, donné au Muséum par M. de Souza et doit sans doute être rapporté à cette espèce, de même que les spécimens du Setchuan occidental, de Moupin et du Kansou qui se trouvent désignés soit dans nos Oiseaux de la Chine, soit dans les Ornithological Miscel- lanys (1871 t. 11, p. 187) sous le nom d’Accentor multi- trialus. *22. Pomatorhinus Maccllelandi var. Dedekensi (Oust.). Voir ci-dessus et Oiseaux de la Chine, p. 183, n° 276, pl. 49. | + 23. Babax lanceolatus var. Bonvaloti (Oust.) Voir ci-dessus et Oiseaux de la Chine, p. 188, n° 282, pl. 51. _24. Cinclosoma maximum (J. Verr.). Oiseaux de la Chine, p. 196, n° 293. Dans la collection formée par M. Bonvalot et le prince d'Orléans se trouvent deux spécimens de cette grande et belle espèce qui, paraît-il, n’est pas rare aux environs de Tà- tsién-loû et qui avait déjà été rencontré par M. A. David sur les montagnes boisées dela principauté de Moupin, à une al- titude de 3 à 4,000 mètres. "25. Alcippe Bieti (Oust.). Voir plus haut. - * 26. Nemura rufilata (Hodgs.). Un mâle adulte de Nemura tué par le prince d'Orléans à Tongolo, au mois de juin 1891, est identique à un mâle de Nemura rufilata venant de l’Inde et donné au Muséum par M. de Souza et une femelle envoyée de Tà-{sién-loûù par Mgr Biet appartient certainement à la même espèce. M. Pleske (op. cit., LL, livr. 1, p. 77, n° 45) a rapporté également à la Tanthia rufilata, qu'il désigne sous le nom de Nernurarufilata, deux exemplaires obtenus dans le Kansou par le général Przewalski. Enfin je serais disposé à attribuer encore à celte espèce plutôt qu'à la Nemura cyanura (Pall.) un mâle FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 305 tué par M. A. David dans le Setchuan occidental le 29 jan- vier 1869. Cet oiseau porte la même livrée qu’une femelle venant de l'Inde et n’a pas encore revêtu son plumage de noces, cependant ses flancs sont déjà colorés en jaune orangé notablement plus vif que chez la Nemura où lanthia cya- nura (Oiseaux de la Chine, p. 231, n° 335, pl. 28). Je profile de cette occasion pour faire observer que le senre Nemura (Hodgs.), équivalent au genre Janthia (Blyth), me paraît devoir être maintenu à côlé du genre Tarsiger (Hodgs.) au lieu d’être réuni à ce dernier, comme le fail M. Sharpe (Cat. B. Brit. Mus., 1879, t. IV, p. 254), et qu'il ne doit pas non plus être placé parmi les Muscicapidés. M. À. David a remarqué en effet que la Nemura cyanura se rapprochait beaucoup des Gorges-bleues par ses allures el par son chant. + 27. Hodgsonius phœnicuroides (Hodgs.). . Oiseaux de la Chine, p. 234, n° 338. Un exemplaire mâle rapporté du Tà-tsién-loû par le prince d'Orléans est identique aux spécimens obtenus à Moupin, à plus de 3,000 mètres d'altitude, par M. À. David. L'espèce se rencontre en outre dans le Kansou (Przewalski, Voyage en Mongole, t. I, p. 43, n° 69 et Dawson Rowley, Orne. Miscell., t. VI, p.179; Pleske, op. cit., t. IL, livr. 1, p. 69, n° 38), mais elle y est aussi rare qu'à Moupin el sans doule aussi qu'aux environs de Tà-tsién-loû. + 28. Oreopneuste affinis (Tick). Abrornis affinis, Oiseaux de la Chine, p. 273, n° 395; Oreopneuste affinis, 1bid., p.267, n° 386. Un spécimen envoyé de Tà-tsién-loû ressemble beaucoup à des exemplaires de l'Inde (Sikkim, octobre 1873, don de M. Seebohm et Oatacamund, Nilgherries, 3 mars 1883, collection Dawison) que le Muséum possédait antérieurement ; il a Seulement les parties inférieures du corps d’un jaune fauve et non d’un jaune serin, ce qui doit tenir à une diffé- rence de saison; en revanche il est parfaitement identique à deux exemplaires (mâles) qui ont été pris à Moupin dans les ANN. SC. NAT, ZOOL. XII, 20. — ART, N° 9 306 Ë£. OUSTALENT. premiers Jours de mai 1868 et qui onl servi de types à la description de notre Oreopneuste affinis. I en résulte que le Phylloscopus du Tà-tsién-loù doit être rapporté au Phyllos- copus affinis de Tickell, que nous ne connaissions pas alors que nous rédigions, M. David et moi, notre travail sur les Oiseaux de la Chine et que nousavions cité, d’après M. Prze- walski, sous le nom d’Arbrornis affinis Hodgs. comme se trouvant dans le Kansou. D'autre part l'identité des oiseaux de Moupin et de l'oiseau de Tà-tsién-loù démontre que notre Oreopneuste afjinis doit être ramené au rang de syno- nyme de Phylloscopus affinis et non, comme le suppose à tort M. Seebohm (Cat. B. Brit. Mus., t. V, p. 129), au rang de synonyme de la Lusciniola Schwarza Radde. Quant à l'Oreopneuste acanthizoides (J. Verr.) que M. Seebohm (op. cit., p. 65) assimile au PAylloscopus affinis, il est possible, pro- bable même, mais non absolument certain, qu'il doive en effet être rapporté à cette espèce. L'oiseau qui a servi de type à la description de J. Verreaux et à la nôtre et qui a été tué dans le Setchuan, le 20 janvier 1869, par M. labbé À. David, est en effet une femelle, dont la dépouille est en assez mauvais état et ne se prête que difficilement à des comparaisons très rigoureuses avec les oiseaux de Moupin. En tous cas les observations ci-dessus permettent d’é- tendre jusque dans le Setchuan et la principauté de Moupin l'aire d'habitat du Phylloscopus affinis que M. Przewalski rencontra, d’abord dans les montagnes du Kansou,. puis! dans les forêts qui bordent le cours supérieur de la Chuanche, sur le versant méridional du Koukou-nor et sur les contreforts des monts Burchan-Buda. En étudiant les très nombreux spécimens du Phylloscopus affinis rapportés par Przewalski, M. Pleske a été conduit à ranger cette espèce dont 1l a donné une description détaillée, accompagnée d'une figure (op. cit., t. I, Livr. L, pl 3, fig. 5 et livr. Il, p. 115, n° 71), dans le genre Herbivocula et non dans le genre Phylloscopus, comme le fait M. Seebohm. Le genre Æerbivocula de Swinhoe élant considéré par M. Seebohm comme équivalant au genre FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 307 Oreopneuste Swinh. et au genre Lusciniola Gray, on voit qu'en plaçant, comme nousl'avions fait dans nos Oiseaux de la Chine, les petites Fauvetles de Moupin dans le genre Oreopneuste, nous avions, en réalité, assigné à ces oiseaux la place que devait leur donner plus tard M. Pleske. Il est certain, comme le dit cet ornithologiste, que les oiseaux que j'ai sous les yeux ont, de même que ceux du Kansou, la penne bâtarde beaucoup plus développée que chez les Phyl- loscopus proprement dits; ils partagent ce caractère avec les petites Fauvettes de l'Inde que Jerdon a mentionnées sous le nom de Sylvia indica et de Phylloscopus indicus. Reste à savoir si cette particularité est suffisante pour motiver une distinction générique ou subgénérique. | +29. Reguloides superciliosus (Gm.). Oiseaux de la Chine, p. 273, n° 396. Un spécimen, tué à Tà-tsién-loû par les élèves du collège, est exactement semblable à deux exemplaires’ qui ont été donnés il y a deux ans au Muséum par M. H. Seebohm et qui ont été obtenus à Muddapur (Inde) le 9 octobre et le 1” décembre 1878 par M. W. E Brooks. Chez ces trois oiseaux l'aile mesure 0°,056 et 0°,57, la queue 0",40, les dimensions ne sont donc pas plus fortes que celles des Requ- loides supercihosus rapportés des environs de Pékin par M. A. David (Oiseaux de la Chine, p. 274). I n’y a donc pas lieu de rapporter le spécimen de Tà-tsién-loû à une race particulière, comme M. Pleske s’est décidé à le faire pour des spécimens obtenus sur les bords de la Chuanche et sur les montagnes voisines par M. Przewalski. Ces spécimens quisont, paraît-il, de taille plus forte et de couleurs moins uniformes que les Requloudes superciliosus typiques, ont été attribués par DRE Re (on ci, €. P'hvre Il) p. 10) n° 57 elpl. Îl'fe. 5) à la variété décrite par M. Brooks (S/ray Feathers, t. VIH, p. 389, 464 et 481) sous le nom de Requloides Mandeli. Il n’est du reste pas étonnant de trouver en hiver à Tà-tsién - loù un Æeguloides supercihiosus complètement semblable à ceux que l’on voit au printemps et à l’automne aux environs 308 E. OUSTALET. de Pékin el dans la ville même, puisque l'on voil que ces oiseaux vont régulièrement passer la mauvaise saison dans la Chine méridionale, le nord de l'Inde et la Birmanie. - 30. Regulus cristatus var. himalayensis (Blyth). Requlus himalayensis, Oiseaux de la Chine, p. 276, n° 400. Un Roitelel, tué à Tà-tsien-loû par les élèves du collège, appartient à celte forme que je considère maintenant, avec M. H. Gadow (Cat. B. Brit. Mus.,t. VIT, p. 80), comme une simple race du Aequlus cristatus de nos’ contrées. Celle race avait déjà élé rencontrée, quoique rarement, par M. À. David sur les montagnes boisées qui sont au nord du Tchentou et dans la principauté de Moupin et par M. Prze- walski dans le Kansou (Pleske, op. cit., t. I, livre I, p. 101, n° 55). - 31. Parus minor (Tem. et Schl.). Oiseaux de la Chine, p. 278, n° 402. Un spécimen du Setchuan. Le Parus minor avait déjà été rencontré dans la même province, ainsi que dans le Kiangsi, le Tchékiang, le Chensi, la Mongolie et aux envi- rons de Pékin par M. l’abbé David et dans le Kansou par M. Przewalski (Voyage en Mongolie, t. IT, p. 52, n° 84 el Dawson Rowley, Ornith. Misc., 1877, t. VI, p. 187). Dans la principauté de Moupin, d’après M. David, cette espèce est remplacée par le Parus monticola (Oiseaux de la Chine, p. 280, n° 405). 32. Lophophanes spec. Dans une lettre écrite de Tà-tsien-loû, le prince H. d'Or- léans parle d’une Mésange à crête noire qu'il a vue dans celte localité mais dont il n’a pu se procurer de spécimen. Serail-ce le Lophophanes Beavani (Oiseaux de la Clane, p. 285, n° 412) qui porte en effet une huppe noire et qui a été déjà observé par M. A. David sur les frontières du Koukou-nor, dansle Tsinling central et le Chensi méridional? 33. Acredula concinna (Gould). Oiseaux de la Chine, p. 293, n° 423. Un spécimen (mâle) du Setchuan. L'Acredula concinna FAUNE DE: LA CHINE ET DU TIBET. 309 avait déjà été trouvée dans cette province, ainsi que dans d'autres provinces centrales de la Chine et dans la principauté de Moupin par M. l'abbé A. David qui a remarqué que l’es- pèce ne dépassait pas au nord le bassin du Yang-tse-Kiang. “34. Acredula Bonvaloti (Oust.). Voir plus haut. + 35. Ægithalus spec. Le prince d'Orléans a tué à Tà-tsién-loù une petite Mé- sange qui appartient certainement au genre Ægüthalus. Malheureusement la dépouille de cet oiseau, qui est indi- qué comme étant du sexe mâle, a été tellement endomma- gée par le coup de fusil que je ne saurais reconnaître si J'ai affaire à lÆqtéhalus pendulinus Briss., à lÆ4. consobrinus Swinh., à lÆg. castaneus Severtz., à lÆ4. coronatus Severtz.. à lÆg. macronyx Severlz, ou à quelque espèce non décrite. Tout ce que je puis dire, c'est que le plumage des parties supérieures du corps offre une teinte d’un brun marron plus clair que chez la Rémiz ordinaire, que cette teinte passe même au brun fauve sur le dos et au fauve isabelle, légèrement strié de brunâtre, sur les reins el les couvertures de la queue dont les pennes sont brunes, large- ment bordées de blanc jaunâtre, que les ailes ont leurs grandes pennes bordées de roux en dehors et que les parties inférieures du corps, d’une teinte isabelle, offrent quelques petites taches ferrugineuses sur la gorge. En revanche il est impossible de voir quelle était la couleur du sommet de la tête, ce qui serait nécessaire pour une détermination exacle. La longueur lotale de l’oiseau atteint 0",095; l'aile mesure 0,053 ; la queue 0,048 ; les dimensions ne diffèrent donc pas beaucoup de celles de la Rémiz d'Europe el des Rémiz du Turkestan. Peut-être cependant l’exemplaire que Je viens de décrire incomplèlement se rapporte-t-il à lÆgithalus consobrinus Swinh. (Proceed. Zool. Soc. Lond., 1870, p. 133 et 1871, p. 362 ; David et Oustalel, Oiseaux de la Chine, p. 294, n° 424) que M. H. Gadow a assimilée à lÆ'githlus pendulinus 310 E. OUSTALET. (Cat. B. Brit. Mus., t. VIT, p. 67). Cette espèce ou cette race a déjà élé trouvée, en effet, dans le centre de la Chine proprement dile, à Cha-seu, au-dessous d’IHchang ou Ichang, sur les bords du Yang-tse-Kiang, à 850 milles de la mer; elle a d’ailleurs des teintes de plumage qui se rapprochent de celles de notre spécimen. + 36. Motacilla Hodgsoni (Blyth.). Oiseaux de la Chine, p. 298, n° 430. Une jeune Bergeronnette, au plumage gris, avec le ven- tre blanc, les rectrices médianes noires, les grandes cou- vertures et les couvertures moyennes des ailes noires, tuée à Tàa-tsién-loû par le prince d'Orléans, se rapporte certai- nement à cette espèce dont M. l'abbé A. David avait déjà pris quelques spécimens dans le Setchuan, ainsi que dans les rizières inondées du sud de Chensi. Un de ces spécimens, capturés dans le Setchuan occidental, le 30 mars 1870, est un mâle adulte, répondant absolument à la description et à la figure (tête de l'oiseau) publiés par M. Sharpe (Cat. B. Brit. Mus.,t. X, p. 486 et pl. V, fig. 1). Les mêmes caractères, le même mode de coloration se re- trouvent chez deux autres exemplaires, chez deux mâles tués à Moupin le 29 mars et le 17 novembre 1869. L'espèce se trouve donc assez répandue dans les provinces du sud- ouest de la Chine et s'étend d'autre part, à ce que dit M. Sharpe, dans le Tenasserim, l’Assam, le Bhoutan, le Népaul et jusque dans le Turkestan. Le jeune oiseau tué à Tà-tsién-loùû ressemble beaucoup à une Bergeronnette qui a été envoyée du nord du Japon au Muséum par M. l’abbé Faure en 1889 et qui est inconteslta- blement le jeune (encore non décrit) de la Motaclla grands (Sharpe) ou Motacilla lugens (Tem. et Schleg. var. Pallas) ; les seules différences résident dans la teinte des couvertures claires qui sont moins rayées de noir, dans la coloration blanche du bord externe de la base des pennes secondaires et dans la forme du bec qui est plus grêle dans le spécimen du Japon que dans l’exemplaire du Setchuan. FAUNE DE-LA CHINE ET DU TIBET. 311 + 37. Pycnorhamphus carneipes (Hodgs.). Mycerobas carneipes, Oiseaux de la Chine, p.550, n° 497 bis. Le prince d'Orléans a observé et Lué à Tà-tsién-loû et dans plusieurs localités du Tibet quelques Gros-becs au plumage noir et jaune-verdâtre, au bec formidable, qui se rapportent au Pynorhamphus carneipes (Hodgs.), espèce qui est répandue depuis les Monts Altaï jusqu'à l'Himalaya, au Koukou-nor, à l'Ala-shan, aux montagnes du Kansou, mais que M. A. David n'avait pas eu l’occasion de rencontrer dans ses voyages et que nous n’avions citée parmi les Oiseaux de la Chine que d’après les indications fournies par M. Przewalski (Voy. en Mongolie, t. Il, p. 88, sp. 152 el Dawson Rowley, Ornith. Miscell. t. VII, p. 296 + “38. Carpodacus rubicilloides (Przew.). Une femelle de Carpodacus, tuée par le P. Soulié à Tà- tsién-loù et envoyée au prince d'Orléans, répond assez bien à la description et à la figure de cette espèce publiées par Przewalski ( Voy. en Mongolie, &. I, p. 90, sp. 156, pl. XIT, et Dawson Rowley, Ornith. Miscell., t. Il, p. 299, pl. L. Sharpe, Cat. B. Brit. Mus., t. XIL, p. 402). Fr *?39. Uragus Henrici (Oust.). Voir plus haut. » * 40. Sturnus vulgaris var. Menzbieri (Sharpe). Un Étourneau, tué à Tà-tsién-loû par le P. Souké, offre les caractères assignés par M. Sharpe (/4is, 1888, p. 438 et Cat. B. Brit. Mus.. t. XKE, ». 33 et pl. [) à la variété Wen- zhieri de l'Étourneau vulgaire, variété qui se trouve pendant l'été en Sibérie, dans l'Asie centrale et dans le Kashmyr et qui visite en hiver les plaines de l'Inde. L'oiseau de Tà-tsién- loû ressemble du reste beaucoup à un spécimen de Gondah Oudh, donné au Muséum par M. de Souza. M. Sharpe suppose que les Étourneaux du lac Baïkal que M. Przewalski à rencontrés en hiver dans la région de Koukou-nor (Voy.en Mongohe, t. IE, p. 79, sp. 140, et Daw- son Rowley, Ornith. Miscell., t. II, p. 146, sous le nom de Sturnus vulgaris) appartiennent à cette variété qui n'avait 312 E. OUSTALET. pas encore été signalée dans les limites de la Chine. Les Sturnidés que M. David a rapportés de ses voyages se rap- portent tous aux genres Poliopsar, Temenuchus, Gracupica, Acridotheres et Eulabes. 41. Sturnus (Poliopsar) cineraceus (Tem.. Oiseaux de la Chine, p. 361. Pas de différence entre un spécimen tué à Tà-tsién-loù par le P. Soulié et les exemplaires reçus antérieurement du Japon par le Muséum d'histoire naturelle. Le Siurnus cine- raceus avait déjà élé rencontré communément par M. David dans diverses provinces du Céleste-Empire et par M. Swinhoe dans l’île de Formose ; il est indiqué par M. Sharpe comme se trouvant dans la Haute-Birmanie (Cat. B. Brit. Mus., t. XIII, p. 43); mais c'est la première fois. si je ne me trompe, qu'il est signalé sur les confins de la Chine et du Tibet. + 42. Turtur rupicola (Pell.). Oiseaux de la Chine, p. 385, n° 558. Je rapporte à celte espèce largement répandue dans l'Asie centrale et orientale un exemplaire mâle, venant de Tà-fsién-loùû et ressemblant par ses proportions et par le dessin de son plumage, d’une part à un spécimen du Japon, envoyé au Muséum par M. Soller, de l’autre à un spécimen d'Irkoutsk rapporté par M. de Ujfalvy. Chez l'oiseau d'Irkoutsk, qui est également un mâle, la nuque est d’une teinte moins claire, moins nuancée de gris, les bordures rousses des couvertures claires sont moins larges et d’une nuance moins vive et les parties inférieures du corps sont de teintes moins pures que chez l'oiseau du Setchuan, où la gorge est d’une nuance saumonée, la poitrine d’un Jjoh gris vineux passant au rose en arrière el au gris-bleuâtre sur les flancs et les sous-caudales, tandis que sur l’autre spécimen la gorge est d'un blanc jaunâtre, la poitrine d'un gris roussâtre sale, le ventre d’un ton rosé et les couver- tures inférieures de la queue d'un gris pâle. Enfin chez l'oiseau du Japon le dos et la nuque sont d’un brun roussä- FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. 313 tre foncé; les couvertures supérieures des ailes offrent de larges bordures d’un roux pâle où d’un rouge ferrugineux vif, la parlie antérieure de l'aile n'offre pas de tache scapu- laire d’un gris bleu comme chez l’oiseau de Tà-tsién-loù ; les reins el la région sous-caudale sont d’un gris fer très foncé ; la gorge est d'un blanc jaunâtre, la poitrine d’un roux brunâtre sale, le ventre d’un ton plus clair, plus rosé, la région sous-caudale d'un gris blanchâtre. _ D’après la date d'arrivée au Muséum de cette Tourterelle du Japon, je pense qu’elle a été tuée en hiver; je vois d’au- tre part, sur l'étiquette, que la Tourterelle d’'Irkoutsk a élé prise le 17 août,! tandis que la Tourterelle de Tà-tsién-loù a élé tuée au mois de juin. Je crois donc pouvoir attribuer à des différences de saison les légères varialions dans les teintes du plumage que je viens de signaler. En hiver, la livrée est de couleurs assez sombres; au printemps la poi- trine prend des tons plus clairs, l'abdomen passe au gris, des taches scapulaires grises apparaissent, et à la fin de l'été la poitrine se rembrunit, l'abdomen prend une colora- lion rousse el les ailes offrent des teintes grises moins marquées. © *43. Tetraogallus Henrici (Oust.). Voir plus haut. + 44. Lerwa nivicola (Hodgs.). Oiseaux de la Chine, p. 392, n° 566. Cette espèce que, dans une lettre envoyée de Tà-tsién-loùû, le prince d'Orléans signalait comme se trouvant autour de celle ville, est représentée dans la collection donnée au Muséum par plusieurs spécimens, provenant de diverses localités du Tibet. + 45. Ithaginis Geoffroyi (J. V.). Oiseaux de la Chine, p. 401, n° 580, pl. 113. Le prince d'Orléans a observé communément, aux envi- rons de Tà-tsién-loû et de diverses localités du Tibet, celte espèce de Gallinacé, dont plusieurs spécimens figurent dans la coileclion rapporlée par l'expédition el qui avait été 314 E. OUSTALET. trouvé antérieurement dans le Setchuan occidental et dans les pays des Mantzes par M. l'abbé David. Ce dernier voya- geur supposait déjà que les Ithagines de Geoffroy devaient être très répandues dans le Tibet oriental. Elles se trouvent aussi dans la région du Haut-Mékong, à Yer-ka-lo, d'où l'abbé Déjardins en a envoyé des spécimens au Muséum en 1877. + 46. Lophophorus Lhuysii (J. V.). Oiseaux de la Chine, p. 403, n° 583, pl. 110. : Un mâle adulte, envoyé de Tà-tsién-loû au prince d’Or- léans, par les soins de Mgr Biet, est identique aux spéci- : mens du même sexe obtenus à Moupin par M. labbé A: David, qui avait déja indiqué le Lophophorus Lhuysii comme vivant sur les montagnes du Setchuan, sur les cimes du Koukou-nor oriental, et peut-être sur les hauteurs du Yunnan. Comme à Moupin, les Lophophores sont rares aux environs de Tà-tsién-loù. Le prince d'Orléans pense que l'espèce se lrouve dans le Tibet proprement dit et ne se rencontre que dans la région pluvieuse qui borde ce pays. + *47. Tetraophasis Szechenyi (Madarasz). Tetraophasis Desgodinsi, Oustalet, Le Naturaliste, 1886, p. 279. En 1886, j'avais fait connaître, sous le nom de Tetrao- phasis Desgodinsi, un Gallinacé, voisin du T'etraophasis obs- curus (J. V.) qui se trouvait dans nos petites collections d'oiseaux envoyés au Muséum par M. l'abbé Desgodins, missionnaire résidant à Ver-ka-lo, station située sur Le Haut- Mékong, par 29° 2’, 30° de latitude nord; mais tout ré- cemment, ayant pu examiner dans le Musée national de Budapest le type du Tetraophasis Szechenyu décrit en 1885, par M. Jules de Madarasz (Zeitschrift für die gesammte Ornitholoyie, 1884-1886, p. 50; Zôas, 1886, p. 98 et 145, note), j'ai reconnu que mon espèce était identique avec ce T. Szechenyu dont elle devait prendre le nom, en vertu des lois de priorité. C'est donc sous le nom de Tetraophasis Szechenyü que je FAUNE DE LA CHINE ET DU lIBET. 3419 mentionne ici plusieurs spécimens rapportés du Tibet par l'expédition de M. Bonvalot et du prince d'Orléans et trois exemplaires envoyés ultérieurement de Tà-lsién-loû par Mgr Biet. Ce dernier nous apprend que l'espèce est connue des Chinois sous le nom de Tsao-ky et des Tibétains de Tongolo sous ie nom de Ca-kong-long. Je ferai remar- quer d’ailleurs que tous les spécimens du 7”. Szechenyu et du T. Desjodinsi ont été recueillis à peu près dans la même ré- g1on ; M. de Madarasz a fait observer, en effet, que c'était par erreur qu'il avait indiqué primitivement le type du 7. Szechenyu comme venant de Szü-csuan, dans le Tibet orien- al, et que cet oiseau venait en réalité du Tibet central ; d'autre part la station de Yer-ka-lo se trouve dans le centre de Tibet et n’est éloignée que d’un degré suivant la longi- tude et de deux à trois degrés suivant la latitude, de la sta- tion de Tà-tsién-loù, celle-ci se trouvant, d’après la carte de voyage de M. Bonvalot et du prince d'Orléans, publiée par la Sociélé de géographie, à peu près sous le 30° degré de la- titude nord et non, comme l'indique l’atlas de Stieler, au- delà du 30° degré. Dans toute cette région le Tetraophasis Szechenyu remplace le T°. obscurus de Moupin qui est connu des chasseurs du pays sous le nom de Yang-ko-ky (Oiseaux de la Chine, p. 405). Comme je l'ai fait ressortir dans ma description du T°. Desgodinsi, les différences entre les deux espèces résident principalement dans les teintes de la gorge, des flancs, du dos et de la poitrine. + 48. Crossoptilon tibetanum (Hodgs.). Oiseaux de la Chine, p. 407, n° 587, pl. 107. L'expédition de M. Bonvalot et du prince d'Orléans a rapporté une magnifique série de Crossoplilon qui ont été tués dans diverses localités du Tibet et dont quelques-uns portent une livrée grise, d’autres une livrée mélangée de blanc et de gris-bleuâtre, d’autres enfin un costume blanc. Ces derniers, d’après le prince d'Orléans, sont particuliè- rement communs aux environs de Tà-tsién-loû, localité où M. l'abbé À. David avait déjà signalé du reste (Oiseaur 316 E. OUSTALET. de la Chine, p. 407) la présence du Crossoptilon tibetanum. Dans un travail plus étendu j'aurai l’occasion de revenir sur les variations de couleurs que présentent les Faisans oreil- lards récemment donnés au Muséum par le prince d'Orléans et de rechercher si ces variations proviennent de croise- ments entre le Crossoptilon tibetanum (Hodgs.).et le C. auri- (um (Pall.), ou s'ils indiquent que ces deux espèces ne sont pas aussi distinctes qu’on le croyait jusqu'ici. Leur distribu- tion géographique justifie l’une et l’autre hypothèse : le Crossoptilon blanc habite en effet le Setchuan, le Koukou-nor oriental et peut-être le Kansou et vil par conséquent dans le voisinage immédiat du Crossoptilon blanc. - *? 49. Pucrasia Meyeri (Mad.). Le prince d'Orléans a signalé dans une de ses lettres la présence aux environs de Tà-tsién-loù de Pucrasia donl je ne puis indiquer l'espèce avec certitude, n’en ayant aucun spécimen sous les yeux, mais que je suis porté à rapprocher de celle qui a été envoyée de Yer-ka-lo au Muséum, en 1877, par M. l'abbé Desgodins et que, par une erreur regrettable, j'ai désignée (Le Naturaliste, 1886, p. 276), sous le nom de Pucrasia Darwinn, alors qu’elle apparlient à une espèce toute différente, Pucrasia Meyeri Madarasz (bis, 1886, p. 145). - 50. Phasianus decollatus (Swinh.). Oiseaux de la Chine, p. 411, n° 593, pl. 100. - 51. Thaumalea Ambherstiæ (Leadb.). Oiseaux de la Chine, p. 415, n° 597, pl. 103. + 52. Gernioris Temminckii (Gray et Hardw.). Oiseaux de la Chine, p. 415, n° 600. Le prince d'Orléans à eilé ces trois Phasianidés comme vivant dans les forêts autour de Tà-tsién-loû et 1l a donné au Muséum des dépouilles de Ceriornis et de Thaumalea qui con- firment ces renseignements. La présence du Faisan à collier et du Faisan d’Ambherst dans ces passages élait du reste déjà connue, grâce à M. l'abbé A. David qui avait rencontré le Phsianus, decollatus non seulement dans la chaîne de FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. DAT Tsinling, mais encore dans le Koukon-nor oriental, à Moupin et dans le Setchuan et qui avait trouvé le Thaumalia À mhers- hiæ sur les plus hautes montagnes boisées du Setchuan et du Tibet oriental. En revanche le Tragopan de Temmink n'avait pas encore été signalé dans cette région, et dans nos Oiseaux de la Chine nous avons fixé la limite de son aire d'habitat du côté de l’ouest aux frontières occidentales du Chensi. — 53. Ardea leucoptera var. Bacchus (Bp.). Ardeola prasinoceles(Swink.). Oiseaux de la Chine, p. 443, n° 635. Je rapporte à celte variété de l'Ardea leucoptera, qui, d’après M. le D' Reichenow (Syst. Uebers. der Schreitvôgel, Jour. f. Ornithologie, 1877, p. 258, n° 42°) équivaut à l'Ardea Bacchus de Swinhoe {Jbis, 1870, p. 64), deux petits Hérons aux ailes blanches, au ventre blanc, à la tête, au cou et à la poitrine rayés et tachetés de jaunâtre et de brun qui ont été tués à Tà-tsién-loû par le P. Soulié. Ils sont un peu plus petits que le spécimen que nous avons décrit dans nos Oiseaux de la Chine(p. 443), l'aile mesurant à peine 0",200 et le tarse n'ayant que 0°,053 ; mais sous le rapport des dimensions comme sous celui des couleurs ils ne diffè- rent pas d’un spécimen de Kessang (Malacca) donné au Muséum par M. Rolland en 1881. L'Ardea bacchus, ou Ardea prasinoceles, ou Ardea leucop- tera de Schlegel (Muséum des Pays-Bas, Ardezæ, p. 32) a du reste déjà été observé non seulement à Malacca, en Cochin- chine et dans la Chine méridionale, mais pendant l'été sur les rives du Yanglzé jusque dans le Setchuan. D'après Mgr Biet, cette variété de Héron est connue des Chinois sous le nom de Pt h6. -54. Anas boschas (L.). Oiseaux de la Chine, p. 493, n° 710. Un mâle et un jeune mâle de cette espèce, très répandue dans le Céleste-Empire, ont été tués à Taà-tsién-loû par le P. Soulié. 318 E. OUSTALET. 55. Chaulelasmus streperus (L.). Oiseaux de la Chine, p. 499, n° 716. Celte espèce est beaucoup plus rare en Chine que la pré- cédente. Le P. Soulié en a tué un individu à Tà-tsién-loû. 56. Mergus merganser (L.). Oiseaux de la Chine, p. 510, n° 734. Un exemplaire (femelle) de cette espèce de Harle qui des- cend en hiver dans la Chine et la région himalayenne a été pris à Tongolo par un des membres de la mission catholi- que. Cette liste est certainement incomplète et pourra être bientôt, je l'espère, augmentée de nouvelles espèces parmi lesquelles figureront sans doute la plupart de celles que j'ai signalées à Yer-ka-lo, et notamment les Pomatorhinus rufi- colhs ou quelque race de cette espèce, des Auñcilla, la Sitta cæsia var. sinensis, l'Urocissa sinensis, le Tetrastes S'evertzowi, etc. EXPICATION DES PLANCHES. Planche IX, fig. 4. Acredula Bonvaloti. — 2. Aleipe (Proparus) Bieti. Planche X, fig. 4. Leptopæcile Henrici. — 2. Uragus Henrici. Planche XI, Eurhinospiza Henrici. TROIS LEUTRES ADRINSÉES pan Aubranone AGASSIE À L'Hox. Marsuarz Mc DONALD COMMISSAIRE DES PÊCHERIES AUX ÉTATS-UNIS RELATIVEMENT AUX OPÉRATIONS DE DRAGAGES EXÉCUTÉES SUR LA COTE OUEST DE L’AMÉRIQUE CENTRALE, AUX GALAPAGOS, SUR LA COTE OUEST DU MEXIQUE ET AU GOLFE DE CALIFORNIE Sous la direction d'Alexandre AGASSIZ À bord du steamer de la Commission des Pêcheries des États-Unis, l'Albatross, commandé par le Lieutenant Z.-L. Tanner (1). Ï Steamer Albatross, Panama, États-Unis de Colombie, 14 mars 1891. Mon cher colonel Mc Donald, Nous avons terminé hier notre première campagne. Après avoir quitté Panama, nous avons d’abord suivi la roule qui conduit à la Pointe Mala et à l’île des Cocos, de là nous avons navigué vers le sud, puis vers le nord-ouest jusqu’à l’île Malpelo et au retour jusqu'à la ligne de 100 bras- (1) Three Letters from Alexander Agassiz to the Hon. Marshall Mc Donald, United States Commissioner of Fish and Fisheries, on the Dredging Opera- tions offthe West Coast of Central America to the Galapagos, to the West: Coast of Mexico, and in the Gulf of California, in charge of Alexander Agas- siz, carried on by the U. S. Fish Commission Steamer « Albatross », Lieut. Commander Z. L. Tanner, U. S. N., Commanding. — Bull. Mus .Comp. Zool, vol. XXI, p. 185-200, 1891. Traduit par M. E. L. Bouvier. 320 A. AGASSIZ. ses de la baie de Panama. Nous avons, pendant plusieurs jours, traîné le chalut près du plateau continental de la baie. Celte campagne devant plutôt être considérée comme un coup d'essai, je ne puis vous donner mon opinion dé- finitive, mais Je crois néanmoins pouvoir, dans une cer- laine mesure, signaler les probabilités qu’elle nous laisse entrevoir. J'ai retrouvé tout d’abord un grand nombre de mes vieux amis des Indes occidentales. Dans presque tous les groupes d'animaux marins, parmi les Poissons, les Crustacés, les Vers, les Mollusques, les Échinodermes et les Polypes, nous avons capturé les types ordinaires des Indes occidentales ou des mers américaines orientales, et avec eux un grand nombre de formes dont l'aire géographique, qu'on savait déjà très étendue, embrasse aujourd’hui la région orien- lale du Pacifique. Ce résultat pouvait être naturellement prévu, car le district que nous explorons est en réalité un champ nouveau où rien n'avait été tenté jusqu'ici, si ce n'est par l’A/batross lui-même, pendant son voyage sur les côles des deux Amériques. Le Challenger, comme vous le savez, alla du Japon aux îles Sandwich, puis poussa droit au sud vers Juan Fernandez, négligeant ainsi un espace immense dont nous atlaquons maintenant la partie centrale. Autant qu'on peut en juger d'après nos recherches, il paraît très évident qu’il existe, même en eau profonde, sur cette côte occidentale de l'Amérique centrale, une faune impor- tante qui a des représentants similaires dans les Indes occi- dentales, et qui rappelle les temps précrétacés où la mer caraïbe (1) n’était qu'une baie du Pacifique. En réalité il est dans les eaux profondes, et jusqu’à un certain degré aussi dans celles qui le sont moins, un certain nombre de genres qui montrent des affinités beaucoup plus grandes avec la faune du Pacifique qu'avec celle de l'Atlantique ; mais des explorations ultérieures permettront sans doute d'établir (4) La mer des Antilles. OPÉRATIONS DE DRAGAGES. 321 que quelques-uns de ces genres doivent se ranger parmi ceux dont l'aire géographique est très étendue; au reste, une partie suffisamment grande de la faune abyssale témoi- gnera toujours des relations anciennes du Loie avec l'Atlantique L'étude de la faune des abysses, dans le district de Pa- nama, m'a causé quelque déceplion. Celte faune n'est cer- lainement pas comparable en richesse à celle des Indes occidentales ou à celle des mers orientales des États-Unis. Sa pauvreté relative est due, on n’en peut guère douter, à l'absence d’un grand courant océanique semblable au Gulf-Stream, qui charrierait comme ce dernier l’énorme quantité de nourriture nécessaire aux types abyssaux. Dans les régions que nous avons explorées jusqu'ici se rencon- trent les courants du nord et du sud, qui se dirigent en- suite vers l’ouest, formant une sorte de courant qui tourne ensuite à l’ouest ou à l’est, au nord ou au sud, suivant la direction des vents dominants. La masse nutritive qu’en- traîne ce courant est faible, comparée à celle qu'emporte dans sa course le Gulf-Stream. Je fus également très surpris de la pauvrelé de la faune de surface. Sauf dans un cas où, pendant le calme, le steamer traversa un grand espace occupé par des animaux flottants, celte faune fut ordinairement trouvée très pauvre et se composait surtout de Salpes, de Doliolum, de Sagitta et de quelques Siphonophores; contraste frappant avec la ri- chesse de la faune de surface qu’on peut observer, par un jour tranquille, dans le golfe de Mexico près de Tortugas, ou dans le courant principal du Gulf-Stream, quand il s’avance parmi les récifs de la Floride ou sur la côte de Cuba près de la Havane. Grâce aux puissantes irrégularités du fond, nous ne pouvions trainer le chalut qu'avec de grandes dif- ficultés. Quand nous draguions du nord au sud, nous ren- contrions par le travers des plissements sous-marins, et c’est seulement quand nous draguions de l’est à l’ouest qu’il était ordinairement possible de rester à une profondeur par- ANN. SC. NAT. ZOOL. Xi: 24° ART, N°10, 322 A. AGASSIZ. faitement uniforme. Pendant la première campagne, nous avons donné environ cinquante coups de drague et, nous avons en outre, en diverses stations, traîné le filet entre deux eaux. Déjà quand je dirigeais les dragages dans le golfe de Mexico, dans les Indes occidentales et dans la mer des Caraïbes, mon attention avait été attirée par l'énorme quan- tité de restes végétaux qu’on ramène du fond, par moins de 1 500 brasses, au vent de l’archipel des Indes occidentales. Mais dans aucun de ces dragages nous n’étions tombés sur des masses de matières végétales décomposées comparables à celles que nous avons rencontrées dans notre expédition. Nous avons presque toujours ramené à chaque coup une grande quantité de bois noyé, avec des rameaux plus ou moins sains, des feuilles, des graines, et des fruits à tous les états de décomposition. C’est sur une ligne comprise entre le continent et l’île des Cocos que ces apports de matériaux sont surtout importants, et 1l y a là certaine- ment une leçon de choses très pratique, relative à la ma- nière dont cette île a dû s'enrichir des végétaux qui la couvrent. Elle se trouve seulement à 275 milles environ des terres et sa flore, presque identique à celle des côtes voi- sines, dévoile elle-même son origine. Malpelo, au contraire, qui est un roc inaccessible à flancs verticaux, sans terre vé- gétale formée par la désagrégation des roches, est resté relativement stérile, en dépit de sa grande proximité du continent. Les spécimens abyssaux les plus intéressants de ce pre- mier voyage sont des Poissons du groupe des Ceratias, que les naturalistes de l'A/barross m'ont dit n'avoir pas encore rencontrés en decà de la côte occidentale. Les Crus- tacés nous ont donné un type fort remarquable du groupe des Willemæsia. Très frappante est la pauvreté en Mol- lusques et en Echinides; nous avons rapporté néanmoins, dans un coup de drague, des fragments nombreux qui appar- tenaient vraisemblablement à une gigantesque espèce de OPÉRATIONS DE DRAGAGES. 323 Cystechenus que j'espère pouvoir reconstituer. Près de Morro Puercos, par 700 brasses, nous avons eu la bonne fortune de trouver un exemplaire unique de Calamocrinus, représenté par une partie du pédoncule et par sa base qui montre un mode de fixation semblable à celui des Apiocrini- dés fossiles. Les Ophiures étaient mcomparablement moins nombreuses que dans les mers du côté atlantique, où elles paraissent parfois constituer à elles seules la population tout entière du fond des océans. Contraste frappant! les Coralliai- res abyssaux, qui jouent un rôle si important dans la faune profonde des Indes occidentales, font complètement défaut dans la région qui nous occupe. Les Gorgones et autres Alcyonnaires sont également rares. Nous n'avons trouvé que quelques Éponges siliceuses appartenant toutes à des types bien connus. Les Étoiles de mer sont abondantes et aussi bien représentées, par la variété des genres et des espèces, que sur le côté atlantique de l’isthme. Je dois signaler aussi les très nombreuses Holothuries abyssales (Elasipoda) que nous avons obtenues, ainsi qu’une remarquable Actinie des profondeurs, extrêmement voisine des Cérianthes, mais appartenant à coup sûr à une nouvelle famille de ce groupe. Les Annélides abyssales des Indes occidendales étaient re- présentées par leurs types ordinaires ; on les trouvait acci- dentellement arrachées de leurs grands tubes dans la région de la vase verte. Comme nous draguions fréquemment dans la boue à Globigérines la mieux caractérisée, je fus très surpris de ne pas rencontrer de Globigérines vivantes à la surface. En deux occasions seulement, pendant le calme, il nous arriva de traverser quelques points de la surface occupés par des Glo- bigérines et des Orbulines. Üne autre fois le filet nous revint rempli par des masses d’une espèce de Ahabdamina extrè- mement voisine de la À. lineata. Nous n'avons pas trouvé d'algues pélagiques à ces profondeurs. On n’apprendra pas sans intérêt qu’en deux points nous rencontrâmes des lambeaux d'un sable vert moderne sem- 324 A. AGASSIZ. blable, par sa formation, à celui découvert près de la côte orientale des États-Unis, pendant les premiers dragages de la Coast Survey, de Pourtalès et du Blake. M'étant toujours plus ou moins occupé des faunes péla- giques et ayant porté toute mon attention sur leur distribu- tion verticale pendant mes premiers voyages à bord du Blake, j'étais naturellement désireux de concilier, avee mes propres observations, les expériences et les opinions diver- gentes des naturalistes du CAallenger et de la Gazelle. Mur- ray et Studer prétendent l’un et l’autre qu'il existe dans les mers, outre la faune pélagique et la faune des profondeurs, une faune qu'on pourrait appeler intermédiaire, dont les espèces sont tout à fait différentes de celles des deux autres. Je soutenais d'autre part, d'après mes expériences du Blake, qu'une telle faune intermédiaire n'existe pas, mais que la faune pélagique peut descendre, pendant le jour, à une pro- fondeur considérable, pour échapper aux effets de la lumière, de la chaleur et à l'influence perturbatrice des vents; j'ajou- lais même que cette faune de surface, dans les eaux du côté atlantique, — en pleine mer, loin des rivages — ne descend pas beaucoup au-dessous de 150 à 200 brasses. Dans le but de vérifier cette assertion, le D'° Chun, sous les auspices de la station de Naples, entreprit une expédition aux îles Ponza. Le D° Chun se servit d’un filet traînant qui pouvait être fermé par un appareil semblable au propulseur en usage pour notre thermomètre et nos bouteilles à eau. Il traîna son filet à une profondeur de 1400 mètres, si je ne me trompe, mais toujours à une faible distance du continent ou des îles du golfe de Naples, et il se crut autorisé à con- clure que la faune pélagique existe à tous les niveaux Jjus- qu'au fond. Dès cette époque, ces expériences ne me paru- rent pas concluantes et Je résolus de les répéter dans une région franchement océanique, à de grandes profondeurs et à une distance considérable du rivage. J'avais un appa- reil construit par Ballauf, de Washington, et semblable à celui employé par le D'° Chun. Par malheur nous trouvâmes, en OPÉRATIONS DE DRAGAGES. 325 essayant cet appareil, que la pression du filet contre la flè- che du propulseur élait assez grande pour rendre la ma- chine inutilisable ou au moins très peu capable de fonc- tionner avec précision. Grâce à l'ingéniosité du capi- taine Tanner, nous triomphâmes de tous ces obstacles. Un filet fut imaginé qui pouvait être fermé à toute profondeur par un messager; cet appareil fonctionnait à la perfection par 200, 300, 400 et 1000 brasses, et 1l avait en outre le grand avantage de ne rien capturer sur sa route au-dessus du niveau où il avait été traîné. La partie inférieure du sac pouvait être fermée, grâce à un double collier actionné par deux poids que déclanchait le messager. | Nous obtinmes, en traînant le filet à 200 brasses, pen- dant vingt minutes, la même faune pélagique caractéris- tique que nous avions recueillie en pêchant à la surface avec un filet. Nous trouvâämes en outre cinq espèces de Poissons prétendus abyssaux : Scopelus, Gonostoma, Beryx, et deux autres; tous ces poissons avaient été jusqu'ici rame- nés par la drague et considérés comme caractéristiques des eaux profondes. Il y avait aussi un Amphipode particulier, et le jeune de la nouvelle espèce de Willemæsia que j'ai signalée plus haut. Le même filet fut ensuite descendu à 300 et 400 brasses; dans tous les cas la partie inférieure et fermée du sac nous revint vide, tandis que la partie supé- rieure ramena exactement les espèces déjà trouvées à moins de 200 brasses, ce qui démontrait sans conteste que la faune de surface, dans ce district, descend jusqu’à une profondeur de 200 brasses mais non plus bas. Vint en- suite notre unique tentative pour déterminer la nature des êtres qui pouvaient exister à moins de 100 brasses du sol sous-marin; sur un fond situé par 1100 brasses, le filet du capitaine Tanner fut descendu à 1000 brasses; mal- heureusement nous ne pümes atteindre le but exact que nous nous proposions, car la sonde marqua bientôt 1400 brasses de profondeur bien que l'opération n’eût pas duré plus de vingt minutes. Nous ramenâmes néanmoins, 326 A. AGASSIZ. dans la partie fermée du sac, deux espèces de Crustacés, un Macroure et un Amphipode, l’un et l’autre sans analo- gie aucune avec les formes observées jusqu'ici. J'espère continuer ces recherches dans la prochaine campagne et dé- terminer ainsi la limite supérieure des espèces abyssales librement nageuses. — Deux Méduses, d’une espèce con- sidérée comme abyssale, se trouvaient dans la partie supé- rieure ouverte du sac; étant donné leur parfait état de conservation, elles avaient dû être capturées à des profon- deurs relativement faibles. Je puis difficilement exprimer la satisfaction que j'éprouve de voyager sur l’A /aïross pour ces explorations des profon- deurs. Bien que connaissant d’une manière générale les grands avantages que présentait ce bateau, je ne pus com- plètement juger des qualités de son équipement qu'après en avoir usé moi-même. Et songeant au matériel dont j'avais disposé pour mes expéditions antérieures, J'élais agréable- ment frappé par le contraste qu'offrait à mes yeux le luxueux et parfait aménagement de l’A/batross. Le labo- ratoire, par sa distribution ingénieuse et par sa disposition excellente pour les travaux de jour et de nuit, fut pour moi une révélation. L'assistance de MM. Townsend et Miller, pour le choix des spécimens, me fut particulièrement agréa- ble ; elle me permit d'examiner amplement les produits de la pêche pendant qu'on procédait au triage, de relever des notes dans l'intervalle compris entre deux dragages et de donner aussi quelque attention au travail de l'artiste, M. Wes- tergreen. Ce dernier n’a pas perdu son temps, aussi avons- nous pu réunir, durant ce voyage, un nombre considé- rable de dessins coloriés qui donnent une excellente idée générale de l'aspect présenté par les habitants des abysses, quand ils arrivent à la surface. Ces dessins, avec les ani- maux qu’ils représentent, seront employés avec grand profit pour l'exécution des dessins définitifs qui doivent accom- pagner les mémoires des spécialistes chargés de l'étude des différents groupes... OPÉRATIONS DE DRAGAGES. EPA à Nous avions quitté Panama le 22 février, nous y rentrèmes après une absence de vingt jours. IT Albatross, Acapulco, 14 avril 1891. Nous avons terminé notre deuxième campagne d’explora- tions. Après avoir fait du charbon, nous avons quitté Pa- nama pour atteindre la Pointe de Galera où nous commen- câmes nos opérations à travers le courant de Humboldt, afin de prendre une juste idée de la faune sur cette partie de la côte, jusqu’à la hauteur méridionale des Galapagos. A l'exception de trois bons coups, la drague n’a rencontré dans cette région que des fonds relativement pauvres, d’ail- leurs les eaux qui baignent au sud les pentes des Galapagos ne nous donnèrent rien de semblable à la riche faune que j'avais espérée. Traversée par le grand courant du sud qui vient battre les escarpements de l’île et qui charrie à sa sur- face une grande quantité de matériaux nutritifs, la mer qui baigne les Galapagos nous avait paru a priori un milieu des plus favorables pour le développement et la vie d’une riche faune abyssale. Dans les parties les plus profondes du chenal compris entre la pointe de Galera et le côté méridional de l'ile Chatham, nous trouvâmes un grand nombre d’Elasipoda, parmi lesquels plusieurs genres, tels que Peniagone, Batho- dytes et Euphrosine, étaient représentés par de nombreuses espèces. Les Étoiles de mer ne différaient pas notablement de celles recueillies pendant notre première campagne, mais nous trouvâmes en outre quelques charmantes es- pèces de Freyella, d'Hymenaster, d’Astrogonium, d'Aste- rina et d’Archasléridés. Deux beaux coups de filet nous donnèrent une espèce de Cystechenus à test dur, dont plu- sieurs spécimens étaient dans un admirable état de con- servation. Rien d’important ne ful ajouté à nos collections 328 A. AGASSIZ. d'Ophiures, sauf toutefois un lot d'Ophiocreas attachés à une Primnoa, et une Jolie espèce de Sigsbea trouvée sur une Allopora, près du versant méridional de Pile Chatham. Les Gorgones élaient remarquablement peu nombreuses, ce qui est dû sans doute à la nature défavorable du fond exploré. Presque partout, sauf en face des pentes des Galapagos, nous draguions sur un fond vaseux ou formé par de la boue à Globigérines; ce fond, d’ailleurs, était altéré par maints dépôts terrestres el fréquemment couvert par une grande quantité de matières végétales décomposées. Rarement la drague revint à bord sans nous rapporter en masse des détritus qu'accompagnaient fréquemment des troncs, des branches, des rameaux, des graines, des feuilles et des fruits, en beaucoup plus grande abondance que pen- dant notre première campagne. Étant donnée la nature du fond, nos Crustacés devaient naturellement appartenir aux mêmes types abyssaux que ceux précédemment obtenus. Je dois néanmoins men- tionner un coup de drague où se trouvait un bon nom- bre de Nephrops, crustacés que nous n'avions pas encore recueillis. Parmi les Vers, les Maldaniés et les types limicoles étaient extraordinairement abondants en certains endroits: souvent leurs tubes vaseux abandonnés remplissaient le fond de la drague. De très grands spécimens de Trophonta furent également recueillis, avec des Planaires et des Némerliens remarquables par leur brillante coloration (orangé el carmin). Les Mollusques furent très rares et, nouvelle déception, pas trace de Comatules ou d’autres Crinoïdes! Nous n’en trouvâmes même pas en draguant sur la route suivie trois ans auparavant par l’A/batross, près du rivage oriental des Galapagos, quand on se dirige de l’île Chatham à San- Francisco. Nous primes cette direction près de l’île [nfali- gable, espérant arriver dans cetle région à de meilleurs OPÉRATIONS DE DRAGAGES. 329 résultats; mais nos coups de drague ne furent pas plus riches. Non seulement le fond était des moins propres au dragage, mais il était en outre relativement pauvre, et il nous fallut atteindre le grand bassin océanique, entre les Gala- pagos et Acapulco, pour faire de meilleures captures. Là même, elles ne furent Jamais comparables à celles obtenues, par des profondeurs semblables, dans l’Ailantique près des Indes occidentales, ou sur le trajet du Gulf-Stream. Parmi les Poissons, nos formes les plus importantes furent de beaux spécimens de Bathyonus, de Bathybrissa, de Bathypteroides, et quelques individus d’Inops en excel- lent état. Nous avions espéré, d’après la nature du fond, faire une riche récolte d'Éponges siliceuses, mais nous n’en pêchâmes pas beaucoup et je ne pense pas qu'il y ait quelques types nouveaux parmi ceux que nous avons recueillis. La drague a ramené deux fois des Ascidies, au nombre desquelles se trouvait une jolie Corinaseidia blanche et translucide. Parmi les Bryozoaires, la capture la plus importante fut celle de plusieurs beaux spécimens de Naresia parfaitement conservés. Sur la route des Galapagos à Acapulco nous pûmes recueillir un bon nombre de For&minifères dans la vase des profondeurs. En certains endroits, le fond devait être couvert par d'énormes masses d’un Foraminifère arénacé absolument nouveau. Ce Foraminifère forme d'immenses rubans ondulés qui s’attachent au rocher par l’un des bords ou qui restent enfoncés dans la vase ; il paraît se développer en formant des anneaux crescentiformes, irréguliers et plus ou moins concentriques; quand il arrive à la surface, sa couleur est d'un vert olive foncé. Nous avons continué, pendant cette deuxième campagne, nos expériences avec le filet Tanner, dansle but de déterminer les limites inférieures de la faune de surface et pour sa- voir en outre si la prétendue faune pélagique intermé- diaire existe à d’autres profondeurs ou à quelque distance du fond. 330 A. AGASSIZ. Le 25 mars, en un point situé presque à mi-chemin entre le cap San-Francisco et les Galapagos, par 1,832 brasses de profondeur, le filet Tanner fut descendu à une profon- deur comprise entre 1,739 et 1,773 brasses puis traîné dans ces limites pendant un peu plus de vingt minutes; on laissa descendre le messager, opération qui dura sept minutes, après quoi le filet fut hissé à bord. Sa partie inférieure, qui fut trouvée parfaitement close, ne contenait rien sinon quelques fragments de feuilles; elle fut, sans plus de succès, soigneusement lavée avec de l’eau filtrée qu’on prit soin d'examiner ensuite puis de passer au tamis. Mais la partie supérieure et ouverte du filet rcnfermait les mêmes ani- maux de surface qu'avait précédemment recueillis le filet Tanner jusqu'à 200 brasses de profondeur. C’étaient une petite espèce de Sagitta, des Doliolum, des Appendiculaires, une Sagitta géante, un grand nombre de Lucifer et de Ser- gestes et plusieurs espèces de Schizopodes et de Copépodes; deux espèces d’Hypéries probablement parasites d’une Salpe : qui fut aussi trouvée en très grande abondance; plusieurs Calanus finement colorés, quelques Isopodes el des frag- ments attribués à un Beroé, qui mesurait de cinq à six pouces de diamètre. Il y avait aussi des Leptocéphales, plu- sieurs spécimens de Stomias, de Scopelus, de Melamphæs, puis d’autres espèces dont plusieurs, du groupe des Schi- zopodes, avaient été considérées jusqu'ici comme des formes abyssales typiques. Certaines Méduses, qu’on est aussi con- venu de regarder comme abyssales, furent également trou- vées dans la partie supérieure du filet. Je dois mentionner également, comme d’un intérêt tout spécial, un gigantesque Ostracode voisin des Crossophorus, qui à une carapace à demi transparente et qui mesure un peu plus d’un pouce, c'est-à-dire trois fois au moins la longueur du plus grand Ostracode jusqu'ici connu. En deux autres circonstances, ce même Ostracode fut trouvé dans le filet, par moins de 200 brasses de profondeur. En ce point nous avons éludié aussi la faune de surface OPÉRATIONS DE DRAGAGES. 331 avec le filet traînant : les animaux pélagiques furent les mêmes que ceux ramenés par la partie ouverte du filet, depuis le fond jusqu’à la surface, 1l y eut toutefois beaucoup moins d'individus et d'espèces que dans le filet Tanner. Le jour suivant, ce dernier filet fut descendu à une profondeur de 214 brasses; au bout de vingt minutes on fit agir le mes- sager et on hissa ensuite. La partie inférieure du filet revint hermétiquement close; on l’examina dans l’eau filtrée comme auparavant, mais sans trouver trace d'organismes ; la partie supérieure et ouverte du filet renfermait au con- traire de nombreux animaux de surface, bien qu’elle ne fût pas restée plus de huit à neuf minutes en route. Elle con- tenait cette fois, outre les animaux recueillis Les jours précé- dents, un certain nombre d'Hyales et de Criseis. En étu- diant au même point la surface avec le filet traînant, on captura, mais en plus pelit nombre, les mêmes espèces que dans la partie supérieure, plus un grand nombre de cloches et de fragments de Diphyes et de Cristal- loïdes qu'on n'avait pas trouvés avec le filet Tanner. C'est à 290 milles environ des Galapagos, et à peu près à la même distance du cap San-Francisco que cette expérience fut faite; des myriades de Nautilograpsus nageaient à la surface de l’eau et remplissaient littéralement notre filet. En deux autres circonstances, el notamment par 350 milles au sud d’Acapulco (2,232 brasses de profondeur), nous ré- pétâmes la même expérience avec le filet Tanner, et inva- riablement aussi nous arrivâmes au même résultat. Le filel fut aussi traîné à des profondeurs de 100, 200 et 300 brasses el chaque fois on mit vingt minutes avant de faire descendre le messager pour fermer la partie inférieure : à une profondeur de 100 brasses, on trouvait dans cette partie les mêmes animaux que dans celle restée ouverte; à 200 brasses, il n’y avait plus que quelques spécimens d’animaux de sur- face, et à 300 brasses la partie fermée du filet nous revint complètement vide. Le jour suivant on étudia très soigneusement la sur- 302 A. AGASSIZ. face ; le filet fut envoyé à 175 brasses, traîné pendant vingt minutes, puis fermé par le messager. La partie inférieure du filet revint remplie d'espèces pélagiques extraordinaire- ment variées. Enfin le 11 avril, à environ trente milles au sud-est d’Aca- pulco, par un fond de plus de 1,800 brasses, le filet Tanner fut descendu à 300 brasses et fermé ensuite avec son mes- sager. On ne {rouva rien dans la partie inférieure et fermée du filet, mais la partie supérieure contenait une collection ex- trêmement riche d'espèces de surface, parmi lesquelles un grand nombre de Scopelus, de Schizopodes, et de Rhizo- podes, surtout des Collozoum et des Acanthometra. Ces expériences semblent établir d’une manière concluante qu’en mer ouverte, même au voisinage des côles, la faune pélagique de surface ne doit pas descendre au-dessous de 200 brasses, qu'il n'existe aucune faune pélagique intermé- diaire entre cette profondeur et le fond, et que les espèces abyssales librement nageuses ne doivent pas s'élever à une grande hauteur, car nous ne trouvâmes absolument rien à -plus de 60 brasses du fond, en des points où la faune abys- sale était remarquablement riche. Les expériences de Chun sur la distribution de la faune pélagique ont toutes été faites dans la Méditerranée, à une distance relativement faible des côtes, et dans un bassin fermé qui se trouve, comme on sait, dans des conditions physiques toutes particulières. La température de ce bassin est notamment, dans les plus grandes profondeurs, beau- coup plus élevée que celle des eaux océaniques à la profon- deur de 200 brasses, c’est-à-dire à la limite bathymétrique que nous pouvons maintenant attribuer à la faune pélagique de l’Océan. A 200 brasses, nous relevions une tempéra- ture variant de 49 à 53 degrés, tandis que la température de la Méditerranée atteint, comme on sait, environ 56 de- grés à 100 brasses, et reste ensuile constante jusqu’au fond. D'ailleurs, si la température est un des facteurs de la distri- bution bathymétrique, c’est à l'absence de la lumière qu'il OPÉRATIONS DE DRAGAGES. 333 faut attribuer la localisation superficielle de la faune pélagi- que ; iln’ya aucune raison, en effet, pour que les représentants de cette faune ne puissent trouver, à une profondeur plus erande, des conditions de température semblables à celles qu'ils rencontrent dans la zone superficielle qui descend jus- qu à 200 brasses. En arrivant aux Galapagos, au commencement d’un prin- lemps remarquablement pluvieux, je ne pusretenir mon éton- nement en présence de ces îles verdoyantes dont les pentes étaient ornées par des massifs relativement épais de buissons, d'arbustes et d'arbres. Quel contraste avec la description de Darwin, qui représente ces îles, au plus fort de la saison sè- che, comme la suprême expression de la désolation et de l’a- ridité! On voyait bien càetlà, sur les rives, de longues traînées de blocs et de cendres volcaniques avec des cactus épars, des espaces occupés par une bouede mêmeorigine queles cendres, ou un gigantesque champ noir de roches volcaniques, fleuve de lave envoyé vers la mer par quelque ancien cratère ; mais les grandes îles présentaient, sur de vastes étendues, un sol riche et fertile tout à fait propre à la culture. Les tentatives faites à l'ile Charles où l’on voit une plantation abandonnée, et à l’île Chatham où M. Cobos a établi avec succès de grandes plantations de café, du sucre et de fruits tropicaux, et où il élève des troupeaux de bétail, de moutons et d’ânes, qui vagabondent dans de vastes prairies, autour des parties cen- (rales plus élevées de l’île, tout montre la fertilité de ces terres. En fait, elles sont aussi favorablement situées pour la culture que les îles Sandwich ou Maurice, et je ne vois pas pourquoi elles ne donneraient pas à leurs propriétaires, si elles sont bien cultivées, des récoltes aussi rémunératrices que celles qu'on obtient dans ces îles. J'ai reçu de M. Cobos un échantillon du prétendu grès qu'on disait exister à l’île Infatigable. J’étais {rès désireux de voir cette roche, car l'existence d’un grès véritable modifie- rait complètement l'histoire géologique des Galapagos, telle qu'on la comprend actuellement. Mais ce n’était rien qu'une 334 A. AGASSIZ. roche coralligène, bréchiforme ou légèrement oolithique, identique aux formations qu’on voit au fond de la plage dans la baie du Naufrage, à l’île Chatham. J'ai trouvé en cet en- droit un ancien rivage d’origine coralligène, qui forme une plaine en arrière de la rive actuelle ; il se compose en- Hièrement de fragments de coraux, de mollusques et d’autres invertébrés, cimentés en un calcaire oolithique modérément compact qui, décoloré comme on le trouve souvent, ou tirant sur le gris, pourrait être facilement pris pour un grès. Cette roche coralligène est recouverte en outre par un mince revête- ment de calcaire sonore, semblable à celui qui caractérise les récifs coralliaires modernes des autres localités. Dans presque toules les îles existent un certain nombre de grèves formées par des fragments décomposés de coraux et d’autres invertébrés; ces débris sont cimentés ensemble, au niveau des hautes mers ou au-dessous, et constituent les modernes récifs que j'ai décrits plus haut. Les coraux se composent es- sentiellement de fragments de Pocillopora, polypier qui cou- vre des espaces plus ou moins étendus un peu au large des grèves, mais qui ne forme Jamais, comme on sait, de vrais ré- cifs coralligènes dans le district de Panama. Le seul vrai récit coralligène de ce district est (si J'en crois les cartes de l’ami- rauté) celui de l’île Clipperton, à 700 milles au sud-ouest d’Acapulco. Mais, ni à l’île des Cocos, ni aux Galapagos, ni en aucun autre point du district de Panama, nous n'avons pu trouver de récifs coralligènes vrais; si ce n’est quelques champs isolés de polypes constructeurs. Au reste, l'absence de récifs coralligènes dans ce district a élé déjà signalée par d’autres naturalistes, que ce fait avait frappés en raison de la situation équatoriale du district. Dana l’attribue à la basse température des eaux qu'amènent en ces lieux les courants. On sait en effet que le courant de Humboldt vient des régions froides situées au sud, pénètre dans la Baie de Panama, puis se dirige vers l’ouest avec le courant plus froid qui vient du nord, après avoir baigné, chemin faisant, les côtes occidentales de Mexico et de l'Amérique centrale. OPÉRATIONS DE DRAGAGES. 335 D’après les recherches entreprises celte année par l’A/- batross je suis plutôt porté à croire que l’absence de tout récif coralligène, sur la côte occidentale de l'Afrique cen- trale, est due à l’immense quantité de vase qui est arrachée aux flancs des montagnes et des collines pendant chaque . saison pluvieuse, et qui couvre la surface de l'Océan jus- qu'à une distance considérable des côtes. La masse de vase qui se trouve dans la baie de Panama, par 100 brasses de profondeur, est vraiment extraordinaire; d’ailleurs, son influence fâcheuse sur le développement des récifs coralli- gènes doit êlre grandement accrue par le puissant apport de matières végétales décomposées qui se mêle aux dépôts terrigènes. | La direction des courants près des côtes du Mexique, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, nous indique suffisamment l’origine de la faune et de la flore du groupe volcanique des Galapagos. En droite ligne, la côte de l’Équa- teur (pointe de Galera et cap San-Francisco) n’est pas à plus de 500 milles, celle de Costa-Rica se trouve à 600 milles à peine, et le fond, dans toute cette étendue, est couvert d’une couche épaisse de matières végétales. La force des courants est très grande et dépasse parfois 75 milles par jour, si bien que des graines, des fruits, et les masses végétales qui entraînent des reptiles de toutes tailles, laussi bien que d'autres animaux terrestres, n’ont pas à flotter longtemps avant d'être déposés en bon état sur les rives des Gala- pagos. La flore de ces îles, comme on sait, est éminem- ment américaine; leur faune présente d’ailleurs, à beau- coup d'égards, des affinités avec celle du Mexique, de l'Amérique centrale, de l'Amérique du Sud, et même avec celle des Indes occidentales, dont elle tire probablement son origine. Ainsi se trouvent révélées, comme par l'étude des types marins recueillis dans cette campagne, les connexions étroites qui ont existé autrefois entre la région de Panama, la mer des Caraïbes et le golfe du Mexique. J'ai déjà signalé la physionomie de la faune abyssale en 330 A. AGASSIZ. insistant sur les relations que cette faune présente, d’un côté avec les types des mers atlantiques et des Indes occidentales, de l’autre avec ceux du Pacifique. Les faunes occiden- lales et orientales du Pacifique, bien que présentant cer- tains caractères communs très accentués, se font remarquer aussi par des différences frappantes. L'immense étendue sur laquelle s'étendent certains types marins, à travers loute la partie tropicale du Pacifique, peut aisément s'expliquer d’ailleurs par l'existence de deux grands courants équa- toriaux, dont l’un se dirige vers l'occident, l’autre vers l'orient et qui forcément servent à disséminer sur de vastes espaces un grand nombre de Verlébrés et d’Invertébrés marins. M. Townsend a recueilli, aux îles Charles et Chatham, une collection d'oiseaux qui doit être considérée comme très riche, étant donné le peu de temps que nous avons pu con- sacrer à ces îles. Dès que nous aurons atteint Guaymas, 1l me sera possible de vous adresser un résumé plus complet des caractères de la faune abyssale dans la région de Panama, et des rela- tions qui existent entre cette faune et celle de la région des Indes occidentales. [IT Guaymas, 25 avril 1891. Notre troisième campagne, destinée à l'exploration du golfe de Californie, a commencé le 15 avril; après avoir quitté Acapulco, nous avons navigué jusqu'au cap Corrientes sans donner un coup de chalut; la nature du fond, telle qu'elle se trouve indiquée sur les cartes, nous laissait entrevoir, en effet, une faune semblable à celle que la drague avait ramenée près d'Acapulco et sur la route qui sépare cette ville des Galapagos. Nous donnâmes un coup OPÉRATIONS DE DRAGAGES. sep de filet au cap Corrientes, mais sans rapporter rien que de la vase el des malières végétales décomposées. Le mieux était dès lors de continuer notre navigalion vers le golfe de Californie, jusqu'à la hauteur du cap Tres Marias. En ce point, nous donnâmes plusieurs coups de drague qui rame- nèrent quelques Umbellules, des Pennalules, des Trochopti- lum, des Anthoplilum, un bel Antipathe, quelques Coma- tules, un grand Astropecten, quelques jolis spécimens d'Urechinus et de Schizaster, plusieurs Holothuries (Lo- phothenia, Trochostoma, deux espèces d'Elasipoda), enfin quelques fragments de Gastéropodes avec une coquille vide d'Argonaute. Les Crustacés étaient ceux qu'on trouve ordinairement sur les fonds vaseux : des Glyphocrangon, Helerocarpus, No- tostoma, Pentacheles, Nematocarcinus, Nephrops, avec plu- sieurs espèces de Lithodes et de Munida. Nous trouvâmes éga- lement làlestypes ordinaires d’Annélideslimicoles, Halinœcia, Terebella, Maldania et autres formes voisines, avec un petit nombre d'Ophiures, Ophiopholis et Ophiacantha, quelques fragments de Farrea et une énorme Âyalonema du type de l'A. toxeres. Parmi Les Poissons, 11 ÿ avait quelques Macrou- res, des Bathypteroides, des Lycodes et des Malthes. La dra- gue était ordinairement remplie de vase, et avec la vase se trouvait l’accompagnement accoutumé de troncs, de bran- ches, de rameaux et de malières végétales décomposées. Quand on s’avance plus au nord dans le golfe de Califor- nie, la nature du fond matériellement ne change pas, mais la pêche devient beaucoup plus difficile en raison du poids de vase qui est ramené par le filet. Parfois pourtant, nous donnions un coup qui nous dédommageait largement du temps perdu en dragages moins productifs. Deux de ces dragages doivent être signalés d’une manière spéciale, comme étant caractéristiques de la faune abyssale dans le solfe de Californie ; l’un d’eux atteignit 995 brasses, l’autre 1588. Ils nous donnèrent de nombreux Ophiomusium et Ophiocreas, quelques jolis spécimens de Schizaster, un ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, 22, -— ART. N° 40. 338 A. AGASSIZ. nouveau genre voisin des Paléopneustes, puis la même es- pèce de Phormosoma et le même Cystechenus à test dur que nous avions obtenus précédemment sur la route des Galapagos à Acapulco. A côté de ces formes se trouvaient de nombreux spécimens d’un Pourtalesia fort intéressant et voisin surtout du Pourtalesia miranda, le premier type du groupe, celui qui fut dragué par le comte Pourtalès dans le détroit de la Floride. Le dragage le plus profond était particulièrement riche en Holothuries, parmi lesquelles se trouvaient une grande Cu- cumaria blanche, quelques spécimens de Trochostoma, plu- sieurs espèces de Bathodytes, dont quelques-unes se fai- saient remarquer par leur couleur blanche, leur énorme taille et un nombre relativement faible de tentacules ven- traux. Avec ces formes se {rouvaient de nombreux individus d’une Euphronide intéressante. Les Elasipodes ramenés par ce coup de drague attirèrent vivement mon attention : leurs téguments présentaient des variations considérables et pouvaient se modifier, dans les individus d’une seule et même espèce, depuis la plus extrême ténuité jusqu'à une consistance gélatiniforme assezgrande. En lamisant soigneu- sement la vase nous lrouvâmes un grand nombre d’inté- ressants Foraminifères, des Gastéropodes et des Lamelli- branches petits et délicats, des fragments d’une Argonaule et deux espèces de Dentales énormes et ornés de côtes. Parmi les Éloiles de mer, je signalerai notamment une grande Brisinga, une Cribrelle à longs bras, et plusieurs es- pèces d'Astropecten. Les types de Vers accoutumés se ren- contraient aussi dans la vase, à cette profondeur plus grande. Outre un certain nombre de Macruroïdes, nous pûmes récolter un Amphionus rose, un grand poisson noir semblable aux Beryx, une jolie Nettastoma et deux espèces de Lycodes. Les espèces pélagiques ordinaires de Stomias et de Scopelus furent aussi ramenées par le filet. Parmi les Crustacés se trouvait un Joli lot d’Arcturus, de Colossendeis, de Glyphocrangons et un Caridide orné, à la OPÉRATIONS DE DRAGAGES. 339 base de la carapace, d’une tache bleu foncé qui faisait le plus violent constraste avec le cramoisi intense du reste du corps. La couleur bleue est très rare chez les types abys- saux, encore que les gros œufs de certains Macroures des profondeurs soient fréquemment d’une teinte bleu clair. De temps à autre nous capturions dans la drague, el aussi dans le filet Tanner, par des fonds inférieurs à 200 brasses, le même gigantesque Ostracode que J'ai si- gnalé dans une de mes précédentes lettres; avec lui se trouvaient plusieurs spécimens d’Attolla, des fragments d’un énorme Periphylla qui devait mesurer au moins 15 pouces de diamètre, enfin un nouveau type fort Intéres- sant de Bougainvillia, qui présentait la particularité remar- quable d’avoir huit groupes de tentacules CERN et seu- lement quatre canaux chymifères. Nous avons continué nos expériences avec le filet Tanner. Le 16 avril, à environ 120 milles d’Acapulco, nous descendimes le filet à une profondeur de 175 brasses, et après l'avoir trainé vingt minutes environ durant, nous le fermâmes à l’aide du messager. En examinant la partie inférieure du filet, qui revint hermétiquement close, nous trouvâmes qu'elle renfermait exactement la même faune que celle re- cuetllie par le filet de surface au même lieu. Q | En deux circonstances, nous traînâmes le filet par des pro- fondeurs de 800 et de 700 brasses, la profondeur réelle en ces points élant de 905 brasses dans l’un des cas, et de 773 dans l’autre. À la profondeur la plus grande, le fond se re- leva un peu pendant qu'on traînait, si bien que la partie fermée du filet revint en partie pleine de vase fine; pendant le second coup, d’autre part, le filet ne fonclionna pas et revint ouvert, sans doute après avoir cheminé très près du fond, car il contenait un joli spécimen de Nettastoma el quelques Pénéides que nous supposämes être des typcs abyssaux. D'ailleurs, il ne renfermait que les espèces pé- lagiques ordinaires de Sagitta, de Ptéropodes, de Copé- podes, de Schizopodes, de Tuniciers el de Poissons. Ces 240 | A. AGASSIEZ. deux coups de filet furent donnés à peu près vers le milieu du golfe de Californie, à une distance de 50 milles environ au sud-ouest de Guaymas. | Le 23 avril, quelques heures avant d’alteindre Guaymas, nous fimes un dernier essai avec le filet Tanner, qui fut descendu de 500 à 570 brasses, par 620 brasses de profon- deur. On trouva cette fois dans le fond hermétiquement clos du filet un Scopelus, un Pénéide et une Hyale, tandis : que la partie supérieure et ouverte contenait les espèces de surface précédemment oblenues. Mes expériences dans le golfe de Californie, avec le filet Tanner à fermeture automatique, semblent indiquer que dans une mer relativement fermée, et à une petite distance des côtes, il peut y avoir un mélange des espèces de surface avec celles des abysses. Ce mélange n'existe certainement pas en mer, à une grande distance du rivage ; la faune péla- gique de surface descend alors à des profondeurs relative- ment faibles, à 200 brasses environ, c'est-à-dire à la pro- fondeur limite où la lumière et la chaleur ne produisent plus de variations considérables dans les conditions phy- siques de l’eau. La diminution marquée dans le nombre des espèces, au-dessous de 200 brasses, concorde parfaitement avec les résultats acquis par la National Erpedition. Plus je vois l’A /batross, plus je reste convaincu que son vrai domaine est celui des explorations. C’est un bateau marin remarquablement bon, et largement aménagé pour le per- sonne] de spécialistes nécessaire à une expédition lointaine. Le temps viendra bientôt où la Fish Commission voudra continuer hardiment ses explorations, et je ne puis conce- voir, pour un si beau bâtiment, de meilleur usage que l’ex- ploralion d’une zone comprise dans le Pacifique, entre 20° de latitude au nord et au sud de l'équateur, depuis la côte occidentale de l'Amérique centrale jusqu'à l'archipel des Indes orientales. Si l'on peut juger du passé par le présent, je pense que le succès de l’A Zbatross a élé entièrement dû jusqu'ici au zèle, OPÉRATIONS DE DRAGAGES. 341 à l'énergie, à l'intelligence, à la prudence et au dévouement du capitaine Tanner. Jamais le capitaine ne ménage ses peines et il est toujours prêt à mettre la plus grande partie du temps dont il dispose au profit de la mission spéciale dont il est chargé. Il surveille lui-même chaque dragage et il s'assure, avec la plus grande prudence, que rien ne peut détériorer le matériel du bâtiment ou faire gaspiller le temps destiné aux dragages. Il assume entièrement cetite responsabilité qui constitue pour lui une tâche journalière. En jetant un coup d’œil sur le journal de l'A /batross, pendant le voyage de New-York à San Francisco, je suis frappé de l’importance du travailaccompli. Le Congrès rendrait un juste hommage au capitaine Tanner, en faisant le nécessaire pour mettre à l’élude et faire publier, non seulement toutesles richesses qu'il a recueillies durant ce voyage, mais la partie jusqu'à présent restée intacte des immenses colleclions qu'il a réunies dans les mers caraïbes et près de la côte orientale des États-Unis. Je passe sous silence ses explorations dans le golfe et sur la côte de Cali- fornie, sur la côte d’Alaska et dans la mer de Behring ; ila dans chacune d’elles accumulé sans relâche des matériaux fort in- téressants que nul autre équipage n'aurait pu réunir à moins d’être commandé par un autre Tanner. Nous avons atteint Guaymas le 23 avril dans l’après-midi; j'ai quitté le steamer avec regret, mais enchanté des résultais de l'expédition. Permettez-moi, pour conclure, de vous remercier bien cordialement d’avoir mis à ma disposition l’A /bafross pour ce long voyage, et d'avoir obtenu du Président que le bâti- ment fût détaché pour ce service. Je vous enverrai le plus tôt possible un résumé complet de nos recherches, avec le croquis du filet Tanner et une carte détaillée de la route que nous avons suivie. Cambridge, mai 1891. a LT E 19 RÉFLEXIONS SUR LA FAUNE MALACOLOGIQUE DE LA MER ROUGE Par M. le D° JOUSSEAUME. Après les découvertes malacologiques faites dans la mer Rouge par Forskal, Brocchi, Savigny, Laborde, Ehrenberg, Arconati, Mac-Andrew, MM. Issel, Vaillant, Jickeli, Raf- fray, Faurot, Caramagna, etc., je ne pouvais espérer qu'ar- rivant à la suite d’explorateurs aussi dévoués à la science, il me fût encore possible d'élargir le vaste ensemble de leurs découvertes. Aussi avais-je limité le programme que je m'é- tais tracé avant mon départ, à l’étude de la variabilité des espèces et de leur rapport avec celles des autres mers. Ces deux questions ne pouvaient être l’objet d’un examen sérieux sans visiter tous les points accessibles de la mer Rouge ou du golfe d’Aden ; des recherches faites, comme celles des savants et des explorateurs qui m'avaient précédé, dans un espace restreint, tel que le golfe de Suez, Mas- sowa ou le golfe d’Aden, ne m'auraient donné sur la varia- bilté de l’espèce et sur son aire de dispersion que des ren- seignements incomplets. Malgré l'insuffisance des communications, j'ai pu explorer à différentes époques les plages de Suez, Djeddah, Souakim, Massowa, Périm, Obock et Aden, m'arrêlant toujours davan- 344 JOUSSEÈAUME. tage aux deux points extrêmes que je considérais comme les plus importants. Mes exploralions dans ces différentes localités m'ont pro- curé un résultat inverse de celui que j'en attendais. L'étude de la variabilité des espèces et leur rapport avec celle de la faune des mers environnantes ne m'ont donné d’autres ré- sultats que la confirmation de faits déjà connus. Au contraire, mes découvertes en espèces qui n’avaient pas encore été si- gnalées sont importantes et nombreuses. Elles augmente- ront la faune malacologique de la mer Rouge d'environ 200 espèces qui viendront s'ajouter aux 800 déjà connues. La liste que je vais donner des genres dont on n'avait en- core signalé aucun représentant dans la mer Rouge per- mettra de juger du résultat de mes recherches. Gastéropodes : genres Pusionella, Pinaxia, Ovula, Cumia, Retusum, g.n.{ype (Triton retusum), Crepidula, Crucibulum, Cylindrabolla, Acera, Ovella, Digoniaris, Dolabrifer. Lamellibranches : genres Martesia, Tugonia, Tugonella, Lutraria, Crassatella, Sunettina, Savignyarca, Cucullæa, Prasina, Anomia. Brachiopodes : genre Cistella, une espèce nouvelle recueil- lie à Périm et Djeddah. Aucun Brachiopode n’avait encore été signalé dans la mer Rouge. À cette liste viendront se joindre quelques genres nouveaux pour des espèces qu'il est impossible de grouper méthodique- ment dans les genres connus. Aïnsi j'ai créé le genré Sansonia pour une petite coquille qui m'avait été rapportée äe Djeddah par le fils de M. le professeur Sanson, et que j'ai retrouvée depuis dans la même localité. Sa forme est celle d'un petit troque à spire élevée, à parois épaisses, à ouverture circulaire et à périsiome continu, doublé en dehors d'un bourrelet annulaire qui simule une double lèvre. Dans ce genre doit être placée l'espèce représentée à la planche XLVI, figure 5, du Voyage du Challenger. Celte es- FAUNE MALACOLOGIQUE DE LA MER ROUGE. 349 pèce décrite sous le nom de Fossarus tuberculalus a été draguée aux Antilles, à une profondeur de 300 brasses. J'ai reçu de Java une autre espèce du même groupe recueillie dans les sables du rivage ; c’est également dans les sables des roches madréporiques de la mer Rouge que jai rencontré deux espèces de ce nouveau genre. Avant de donner sur la variabilité des espèces le résultat de mes observalions sur les mollusques, le courant philoso- phique qui entraîne actuellement l'étude des sciences natu- relles, m'oblige à une courte introduction. Si je m'en rapporte aux travaux les plus sérieux des natu- ralistes qui se sont spécialement occupés de malacologie, l'espèce serait un groupe d'individus dont la forme est iden- tique, les organes semblables et les éléments constitutifs les mêmes pour chaque organe, caractérisés par des signes particuliers qui n'existent pas sur les individus des espèces voisines. Ce sont ces caractères particuliers que l’on rencontre sur tous les individus d'une même espèce qui permettent d’ar- river, avec facilité el précision, à des groupements métho- diques. Que les espèces ainsi comprises aient des origines diffé- rentes, ou que l’on admette, car l’on peut aller loin avec les théories, les hypothèses et les interprétations, qu’elles pro- viennent d’un germe unique ou qu’elles ne soient que le ré- sultat d’une suite de transformations ; qu'une volonté divine ait présidé à leur apparition ou qu'elles soient sorties du sein de la nature, il n’en existe pas moins entre tous les êtres des différences qui permettent à l'œil exercé du naturaliste de les grouper, et d’ériger une méthode qui permet de trans- metlre à la postérité des connaissances souvent très labo- rleusement acquises. Sans cette méthode naturelle ou conventionnelle, qui donne au mot espèce un sens compris de toutes les personnes qui s'occupent de science, il m'eût élé impossible de faire l'étude 340 JOUSSEAUME. de la faune malacologique de la mer Rouge, et de connaître pour certaines espèces l'étendue de leur variabilité. Parmi les espèces que j'ai recueillies, la petitesse des unes, la rareté des autres, ont réduit à trois cents environ le nombre de celles qu'il m'a été possible d'observer à l’état vi- vant, dans différentes localités. Toutes les espèces peuvent être divisées au point de vue de leur variabilité en espèces stables, variables el intermé- diaires; chez ces dernières la variabilité est si peu accentuée qu'il n'existe aucun doute sur leur unité spécifique, alors que pour les espèces variables l’on pourrait faire des variétés extrêmes des espèces différentes si l’on n'avait pas, pour les relier entre elles, une série d'individus intermédiaires qui permettent de suivre la marche croissante ou décroissante de leurs caractères distinctifs. L'étude de la variabilité des espèces , Intermédiaires ne m'ayant pas paru d'un grand intérêt scientifique, je n’appel- lerai l’attention que sur les espèces stables et variables. Les espèces stables, indépendamment de quelques cas té- ratologiques, peuvent offrir d’assez grandes différences comme dimension et intensité de coloration, mais leur forme, leurs ornements et leur mode de coloration sont toujours semblables. | | Pour quelques familles telles que les Solaruidæ, les quatre espèces que J'ai observées sont stables, d’autres au con- traire telles que les Conidæ, Cypræidæ, Strombidæ, Purpu- ridæ, etc., ont des espèces stables et des espèces variables. Comme exemple d'espèces stables, je signalerai parmi les Cypræidæ la Mauritiana, et parmi les Conidæ le Geogra- phus et le Quercinus que tous les naturalistes connaissent et dont l’aire de dispersion est des plus étendues. Les individus de ces trois espèces ont une si grande ressemblance qu'il serait souvent impossible de séparer ceux que j'ai recueillis dans la mer Rouge des individus de la même espèce recueillis aux îles Maurice, à la Nouvelle-Calédonie et aux Philippines ; leur ressemblance individuelle est si grande qu'il serait im- FAUNE MALACOLOGIQUE DE LA MER ROUGE. 347 possible en les comparant entre eux d’en indiquer la prove- nance. | A côté de ces espèces sur lesquelles on ne peut discerner aucune trace de l'influence locale, il en est d’autres qui va- rient d’une localité à une autre, alors que tous les individus d’une même localité sont semblables. Je puis citer à ce sujet, dans la famille des Conidæ, le Ve- mocanus dont tous les individus de la mer Rouge diffèrent de ceux de l’île Maurice par une coloration moins vive, un dessin plus délicat, une spire moins saillante, un diamètre transversal plus long et le longitudinal plus court, de sorte que le rapport de ces deux diamètres qui est, en général, constant chez tous les individus d'une même espèce, diffère au contraire entre celui des individus de la mer Rouge et celui des individus de cette espèce recueillis à Maurice. [l existe des caractères aussi tranchés sur les individus de la mer Rouge, de l’Aomolocantha fenestrata de Maurice, du Pecten medius de la Nouvelle-Zélande, et du Cassis de la Nouvelle-Calédonie pour lequel j'ai eréé le genre Faurotus. Ces variétés locales sont diversement interprétées par les malacologistes, les uns les conservent comme variétés, les autres au contraire en font une espèce différente. Si comme doctrine ces deux interprétations diffèrent, appliquées aux sciences naturelles, elles conduisent au même but qui est la connaissance des derniers groupes individuels, sans les- quels il serait impossible de déterminer les sujets que l’on veut étudier, d'en indiquer la provenance et de pouvoir les suivre dans leur variabilité. Les espèces stables, très nombreuses parmi les mollusques de la mer Rouge, se trouvent cantonnées dans de petits es- paces souvent très éloignés les uns des autres, dont l'étendue varie entre 10 et 30 mètres carrés. Ce n'est que très rarement que l’on ae certaines es- pèces disséminées sur une étendue plus vaste. Le sol qu'elles choisissent pour se fixer varie suivant les espèces, mais 1l se trouve toujours en si grande harmonie 348 FOUSSEAUME. avec la coloration et l’ornementalion de la coquille, qu'il m'est souvent arrivé de les fouler aux pieds sans les aperce- voir. Ce n’est que par l'étude de leur habitat que j'ai pu me procurer un très grand nombre des individus d’une même espèce. Lorsque j'avais découvert le cantonnement d’une espèce, et que je l'avais épuisé, je cherchais, pour m'en pro- curer d’autres, un terrain semblable placé dans les mêmes conditions. | Pour les espèces qui n’ont pas de coquilles, tels les Nudi- branches, aux brillantes couleurs, les uns cherchent parmi les plantes marines celles qui ont le plus de rapport avec leur forme et la nuance variée de leur manteau, les autres élalent leur corps membraneux sur les blocs de pierres que de larges plaques de Bryozoaires ou autres productions ma- rines bariolent de diverses couleurs. Quelquefois, la teinte uniforme ou diversement colorée du mollusque se fond avec celle du corps sur lequel il se fixe; d’autres fois, au contraire, il ajoute une couleur de plus à la mosaïque vivante qui couvre les rochers. Le mouvement seul d'une de ces plaques colorées indique la présence d’un mollusque. Les coquilles que l’on rencontre à l’état subfossile, dans les plages soulevées, appartiennent aux espèces de la faune actuelle. Les espèces stables, qui sont de toutes celles que j'ai recueillies de beaucoup les plus nombreuses, ressem- blent tellement, sauf la couleur, aux espèces vivantes, que l'on dirait qu’elles sortent toutes d'un même moule. Je ne parle pas ici des plages récentes, formées de sables, de coquilles et de débris madréporiques que la mer rejelle et accumule continuellement au même endroit, mais des plages à couches madréporiques qu’une force inconnue à soulevées d’un seul bloc, à un ou plusieurs mètres au-dessus du niveau de la mer. Les espèces variables, parmi lesquelles nous trouvons le Chicoreus anguliferus, le Tectus dentatus, la Nerita albicilla, la Circinita arabica, présentent une série de variétés presque \ FAUNE MALACOLOGIQUE DE LA MER ROUGE. 349 aussi étendue que celle que l’on observe sur les animaux domestiques. Plusieurs malacologistes considèrent comme espèces un assez grand nombre de ces variétés. Les espèces variables, moins nombreuses que les précé- dentes, ont une aire de dispersion beaucoup plus étendue. Onles rencontre partout où il se trouve, quelles qu’en soient la nature et la couleur, un rocher pour se fixer ou un sable rocailleux pour s’enfouir. Plus la différence entre deux va- riétés est grande, plus la distance de leur habitat est éloi- gnée; cependant il arrive quelquefois de les trouver réunies dans la même localité. L’impression que l’on éprouve en les voyant en place est que les espèces variables, pour se mettre en harmonie avec les corps environnants, modifient leur forme, varient leur couleur, multiplient ou simplifient leurs ornements, afin de se soustraire à la voracité de leurs nom- breux ennemis, dont le nombre est encore augmenté dans läa mer Rouge par l'addition, aux animaux marins, de plu- sieurs espèces d'oiseaux, de serpents et de quelques petits rongeurs qui descendent sur la plage à marée basse, pour chercher parmi les mollusques et les crustacés une nourri- ture que ne peuvent leur procurer les rochers et les plaines arides du littoral. La variabilité chez les mollusques ne porte pas toujours sur les mêmes attributs de leurs enveloppes testacées; tantôt c'est la forme, tantôt la couleur ou les ornements qui varient. Ainsi l’Ostrea Forskali, espèce adhérente aux rochers, conserve sa couleur et présente une variabilité très étendue de forme et d'ornements. Elle est très large, aplatie et à valve inférieure mince et fragile, lorsqu'on la trouve isolée ou disséminée. Cette valve, au contraire, très épaissie et très solide chez les individus agglomérés et pressés les uns contre les autres, prend, par la progression de l’âge, la forme d’un long cornet dont les bords dépassent la valve supérieure. Les ornements très variables de la valve supérieure se trouvent presque toujours en rapport avec les aspérités, le poli du corps sur lequel elles se fixent. 390 JOUSSEAUME. La Columbella nympha, au contraire, qui ne varie pas de forme, présente dans sa coloration une série de variétés si grandes que quelques-unes ontété considérées comme espèces. J'ai retrouvé sur les individus de la mer Rouge les mêmes varialions que J'avais constatées sur les individus de cette espèce recueillis à la Nouvelle-Calédonie. La variabilité sur d’autres espèces, telles que les Patella, s'étend à tous leurs attributs, forme, coloration, orne- ments, etc. Quelque grandes que soient les variations que j'ai observées sur des individus nombreux, elles m'ont toujours paru, pour chaque espèce, enfermées dans des limites que ne pouvait lui faire franchir, ni l'influence des milieux, ni une {ransfor- mation lente et progressive. Ces limites sont si nettement tranchées, que, malgré le très grand nombre d'espèces que l’on a créées chez les mollusques sans matériaux suffisants, ilm'a toujours été facile de les distinguer les unes des autres. J'ajouterai même que sur les douze ou quinze mille espèces que j'ai étudiées, je n'ai jamais trouvé d'espèces intermé- diaires établissant un passage des unes aux autres, et je n'ai vu dans la variabilité des mollusques qu’une propriété parti- culière par laquelle certaines espèces peuvent prendre Îa forme et la coloralion des corps sur lesquels elles se fixent ; ce qui leur permet de vivre sans danger dans des localités d'aspect différent et d’une étendue plus grande. Aussi je ne puis m'expliquer le passage d’une espèce à une autre, sans admettre une cause anormale qui, surgissant brusquement à des périodes indéterminées sur certaius points du globe, ferait dévier la direction vitale que chaque espèce apporte en naissant. Les variétés que j'ai observées chez les mollusques ne portant Jamais que sur les individus d’une même espèce, je les considère comme une propriété dont les a douées la na- ture, pour se soustraire à la destruction. FAUNE MALACOLOGIQUE DE LA MER ROUGE. "SD RAPPORT DE LA FAUNE MALACOLOGIQUE DE LA MER ROUGE AVEC CELLE DES AUTRES MERS. Comparée à celle des autres mers, la faune malacologique de la mer Rouge révèle des faits inattendus, dont la con- naissance pourra servir de jalons à l'étude de la conforma- tion du globe aux périodes reculées de la géologie. La faible distance qui sépare la mer Rouge de la Méditer- ranée, le peu d’élévation d’un sol recouvert dans toute son étendue par du sable de rivage, la présence de grands lacs placés entre ces deux mers comme un trait d'union entre deux lettres, sembleraient indiquer qu’à une époque assez récente un détroit traversant l'isthme de Suez les unissait ensemble. Cette impression a si vivement frappé l'esprit des natura- listes el des géologues qui ont exploré ces lieux, qu'ils ont cherché à appuyer cette impression en assimilant à des espèces de la Méditerranée une vingtaine d'espèces de la mer Rouge. J'ai vainement cherché ces quelques espèces parmi les six cents draguées par Mac Andrew dans le golfe de Suez et celles que J'ai recueillies moi-même dans toute l'étendue de la mer Rouge. Je suis arrivé à me convaincre, par un examen atlentif des travaux qui ont été publiés à ce sujet, qu'il faut attribuer à des erreurs de détermination, ou à des causes accidentelles, les espèces de la Méditerranée quel’on a rencontrées dans la mer Rouge. Pour éviter une erreur de ce genre, j'ai consacré plusieurs jours à la recherche du Donax trunculus vivant, dont j'avais trouvé une valve sur la plage de l’Ataka, et ce n’est que fortuitement que je découvris son habitat chez un restaura- teur de Terreplain qui les faisait venir d'Alexandrie. La valve que j'avais trouvée isolée sur la plage de l’Ataka pro- venait certainement des immondices dont on se débarrasse 349 JOUSSEAUME. en les jetant à la mer dans presque toutes les villes des bords de la mer Rouge. Je ne puis attribuer à une autre cause la présence, sur la plage de Suez, d’une coquille roulée et de petite taille de la Columbella spongiarum. C'est dans les éponges de la Méditerranée, dont on fait usage à Suez, qu elle se trouvait renfermée. À Aden, mes recherches ayant altiré l'attention d'un gar- con de magasin, Je trouvai un jour sur ma table un de mes tubes renfermant sept à huit espèces de la Méditerranée. Après enquête, Je découvris l’auteur de cette gracieuseté, qui me dit les avoir retirées des éponges qu'il avait en maga- sin. L'on peut juger par ce fait combien d'erreurs peuvent être commises à l'insu même de ceux qui les propagent. A celte cause d'erreur viennent se joindre de fausses déter- minations ou assimilations entre des espèces très distinctes, quelquefois si distinctes même qu'elles apparliennent à deux genres différents. Pour la mer Rouge, après avoir passé en revue toules les espèces recueillies par les auteurs qui se sont occupés de cette faune, je ne trouve que le Cardium isthmicum et la Pirenella Caillaudh de la mer Rouge, qui peuvent être rap- prochés du Cardium edule et de la Pirenella conica de la Méditerranée. Il existe certainement entre les individus de l’une ou de l’autre de ces deux localilés des caractères diffé- rentiels qui permettent d'indiquer dans quelle mer ils ont pris naissance; mais rien n'indique qu'ils ne proviennent pas d'une même origine. Quoi qu'il en soit, la Pirenella Caillaudi, répandue dans toute la mer Rouge, présente comme taille, ornement, colo- ration, une série nombreuse de variétés que l’on ne retrouve pas dans la Pirenella conica de la Méditerranée. Quant au Cardium isthmicum, qu'il soit considéré comme espèce distincte ou comme une variété locale du Cardium edule, il n’en offre pas moins, indépendamment de sa forme et de la disposition des côtes qui s’irradient à la surface el qui FAUNE MALACOLOGIQUE DÉ LA MER ROUGE. 353 le distinguent de l'espèce méditerranéenne, une particularité vitale qu’il est intéressant de signaler: Dans un petit lac alimenté par les eaux de la mer qui oc- cupait (car il est aujourd’hui desséché) la pointe de l’isthme qui sépare le canal du golfe de Suez, j'ai trouvé des Cardium isthmicum laissés à sec depuis quelques jours sur un fond vaseux ; ils présentaient un fait analogue à celui que l'on observe dans nos contrées sur les Planorbis corneus qui s’en- foncent dans la vase et ferment leur ouverture d’un ou plu- sieurs épiphragmes lorsque les chaleurs de l’élé ont épuisé l'eau des étangs où ils vivent. Dans ce bassin de Suez, la seule localité du reste où je l'ai rencontré vivant, le Cardium isthmicum, pour se préserver des rayons du soleil ardent de ces contrées, avait comme d'une tente recouvert ses siphons de une à trois ampoules sphériques. Ces petits ballons, d’un gris jaunâtre et d’un vo- lume plus grand que celui de la coquille, adhéraient à l’ex- trémité postérieure de ses bords. Cette enveloppe membra- neuse, d'environ un millimètre d'épaisseur, composée par du mucus desséché, n’a fourni à l’examen microscopique au- cune trace d'organisation. Doit-on attribuer ce fait à l'adaptation ou à la présence, sur tous les individus d’une même classe, d’un organe particu- lier qui n’entrerait en fonction ou dont les manifestations vitales ne se produiraient que sur les individus d’une même espèce, lorsqu'ils seraient soumis, dans des condilions ana- logues, aux mêmes influences? Quelle qu’en soit l'interprétation, il n’en reste pas moins ac- quis à la science que des Lamellibranches peuvent sécréter, comme des Gastéropodes, des épiphragmes pour les préser- ver du froid de l'hiver ou des chaleurs de l’élé. Dans l’atlas où se trouvent représentés les Mollusques re- cueillis par Savigny, pendanl l'expédition d'Égypte, il existe avec les espèces de la mer Rouge un certain nombre d’es- pèces médilerranéennes. La plupart des auteurs qui ont consulté cette admirable ANN. SC. NAT. ZOOL. xXI1, 23, — ART, N° 11 394 JOUSSEAUME. publication ont rapporté ces dernières à la faune de la mer Rouge; il leur suffisait cependant, pour éviler l'erreur, de lire le titre de l'ouvrage : Histoire de l'Égypte. Savigny a laissé trop de preuves de son talent el de sa sa- gacité pour admeltre qu’en faisant l’histoire naturelle d'un pays il n’ait pas recherché, indépendamment des terrestres, les animaux marins des deux mers qui le baignent. Un ouvrage sur l’histoire naturelle dela France, qui sous ce rapport est dans les mêmes conditions que l'Égypte, ne com- prend-il pas tous les êtres vivants qui peuplent la Méditerra- née et l'Océan? Sauf quelques espèces telles que la Smaragdia viridis, Monetaria moneta qui se trouvent répandues dans toutes les mers, Je n'ai trouvé dans les travaux des natura- listes qui ont localisé leurs recherches à la mer Rouge, au- cune espèce de la Méditerranée. Malgré la communication actuellement établie entre ces deux mers par le canal de Suez, aucune espèce de la Méditerranée n a encore pénétré dans la mer Rouge. L'émigration tend à se faire dans le sens opposé, car J'airecueilli à plusieurs kilomètres d'Alexandrie, sur une plage déserte, plusieurs coquilles de l’Aspella has- tula et de la Meleagrina occa, espèces de la mer Rouge qu'au- cun naturalisle n'avait encore signalées dans la Méditer- ranée. | Si, comme jai pu le constater pendant le cours de mes voyages, les Mollusques effectuent de véritables migrations, je ne crois pas que l’on puisse attribuer à une cause sem- blable leur passage à travers l’isthme de Suez. Lorsque d’un point donné les Mollusques envahissent les localités environnantes, c'est ordinairement par une progres- sion lente el de proche en proche. Cependant il arrive souvent que les flots auxquels ils sem- blent s’abandonner volontairement les entraînent en quel- ques heures sur une rive éloignée où ils les abandonnent. Indépendamment de ces deux modes de propagation, j'a- jouterai celle des courants que je considère comme un des plus puissants moyens de dissémination non seulement pour FAUNE MALACOLOGIQUE DE LA MER ROUGE. 395 les Mollusques, mais encore pour un très grand nombre d’autres espèces animales et végétales. - C’est à ces deux derniers modes de propagation qu'il faut attribuer, je crois, l’apparilion dans la mer Méditerranée des Mollusques de la mer Rouge, alors que cette in n’a encore reçu aucune espèce de la Méditerranée. Le flux et le reflux, qui font varier le niveau de la mer Rouge de 2 à 3 mètres, suivant les marées, se font sentir dans le canal de Suez jusqu'aux lacs Amers. Du côté de la Méditerranée, au contraire, le niveau des eaux du ca- nal est toujours plus élevé que celui de la mer; cette différence de niveau peut même atteindre de 20 à 25 mè- tres lorsque le vent d’est chasse devant lui les flots qui, ne trouvant à l’ouest aucun rivage, s’en vont se perdre au loin. ; Le courant qui roule dans la Méditerranée les eaux du ca- nal entraîne certainement les jeunes Mollusques que le flux de la mer Rouge avait rejetés jusqu'aux lacs Amers. C’est, je crois, la seule explication plausible que l’on puisse donner de l’avance qu'ont prise dans leur migration les Mollusques de la mer Rouge sur ceux de la Méditerranée. Les savants qui ont étudié l’isthme de Suez au point de vue géologique sont à peu près unanimes sur l'existence d’un détroit qui aurait relié la mer Rouge à la Méditerranée avant l’époque quaternaire. Loin de partager cette opinion, Je suis arrivé à une con- viction contraire en comparant les subfossiles des terrains de l’isthme de Corinthe aux espèces qui vivent actuellement dans la Méditerranée, et les subfossiles de la mer Rouge aux espèces vivantes de cetle mer. Aussi, au lieu d’un détroit, il est plus probable qu’à l’époque tertiaire les eaux de l'océan Indien étaient séparées de celles de la Méditerranée par tout l’espace compris entrele détroit de Bab-el-Mandeb et la mer Égée, et que les phénomènes volcaniques qui se sont produils sur ce point de la Méditerranée coïncident, comme je viens de le dire, avec ceux qui, par effondrement, dislocation ou 396 JOUSSEAUME. déchirement, ont séparé l'Arabie du continent africain dans toute l'étendue de la mer Rouge. C'est certainement au début de la période quaternaire que se sont produits ces bouleversements, qui d’un côté creusaient la mer Rouge et élargissaient la Méditerranée de l’autre. Ces deux mers ont dû même, à un cerlain moment, n'être séparées l’une de l’autre que par une bande de terre très étroile et peu élevée. L'on peut admettre également, ce qui expliquerait la pré- sence des Cardium edule et de la Pirenella conica dans la mer Rouge, que les eaux des bords marécageux de l’une et l’autre mer se soient réunies superficiellement dans un point déprimé de cette étroite barrière. Mais si cette communication superficielle a existé, elle a dû être rapidement obsiruée par les sables du rivage que ces deux mers ont rejetés de chaque côté du seuil qui les sépa- ralt. Les dépôts continuels et progressifs de ces sables, en fortifiant et élargissant cette barrière, ont formé l’isthme ac- tuel. Celle opinion semble confirmée par les coquilles que l'on y rencontre à l’élat subfossile, qui toutes appartiennent aux espèces qui vivent encore dans l’une ou l’autre mer. Parmi ces subfossiles il existe dans certains endroits un mélange d'espèces marines et fluviatiles, fait qui n’a rien de surprenant puisqu'on l’observe encore de nos jours sur plu- sieurs points du littoral de la Méditerranée et de la mer Rouge. J'ai souvent rencontré dans des étangs marécageux, et sur des plages souvent très éloignées de l'embouchure d’une ri- vière ou d’un cours d’eau, des espèces fluviatiles en très grand nombre mélangées aux marines. La faune malacologique de la mer Rouge est aussi dis- tincte de celle de l'océan Atlantique que de celle de la Médi- lerranée. La plupart des espèces de ces différentes localités n’appartiennent pas au même genre; quant à celles qui se groupent naturellement dans un genre commun, si elles sont nombreuses commeles Columbella, les différences spécifiques FAUNE MALACOLOGIQUE DE IA MER ROUGE. 3)1 sont irès grandes. Si ces différences au contraire sont peu tranchées, les espèces sont très rares dans l’une de ces loca- lités et très abondantes dans l’autre. Ainsi, le genre Byssomya, qui n’est dans la Méditerranée représenté que par une seule espèce, esl très nombreux en espèces dans la mer Rouge; le genre Rissoa au contraire, très rare en espèces dans la mer Rouge, est {rès abondant dans la Méditerranée. La découverte que j'ai faite dans le golfe d'Aden de quel- ques espèces presque identiques à celles de la faune sénéga- lienne, ne modifie en rien l’ensemble des différences que l’on observe entre les faunes de l'Atlantique et de la mer Rouge. Parmi ces espèces il en est deux qu'il est important de signaler, l’une appartenant au Tugonia, l’autre au Pusio- nella, genres dont toutes les espèces que l’on avait recueillies jusqu'à ce jour ne se trouvaient que sur la côte du Sénégal. Il existe cependant à Malacca une espèce du genre Pusio- nella ; mais des caractères qui lui sont propres l’éloignent des espèces sénégaliennes. * Quoique peunombreuses, ces espèces qui se trouvent ainsi localisées sur deux points diamétralement opposés de la côte d'Afrique semblent confirmer l'opinion émise sur l’exis- tence d'une mer saharienne à une époque antérieure à la période quaternaire. Cette opinion est également appuyée par l'étude des Mollusques terrestres du continent africain que le désert du Sahara divise en deux faunes distinctes, non seulement comme espèces, mais encore comme genres. Cette démarcation est si nettement tranchée à l’ouest, que la plaine de sable qui sépare ces deux faunes à opposé à leur mélange une barrière aussi infranchissable que la mer qui l'a précédée. A l’est, au contraire, le sol de l’Abyssinie, avec ses montagnes, ses lacs et ses grands fleuves, offrant des conditions favorables au développement et à la dissémina- tion des Mollusques, on rencontre ensemble, avec ou sans variation, des espèces de la faune nord et sud de l'Afrique, et un très grand nombre de celles de la péninsule arabique. Si jusqu'aux confins de l'Abyssinie l'existence d’une mer 398 JOUSSEAUME. saharienne m'avait paru je ne dirai pas probable, mais cer- taine tant était grande ma conviction, sa pénétration jus- qu'à l’océan Indien me paraissait douteuse. Désirant effacer ce point d'interrogation de ma pensée, Je commençai par Aden les explorations de mon premier voyage, où quelques jours de recherches me permirent de rassembler des espèces de la faune sénégalienne. Encouragé par cette découverte je me rendis à Obock et l’année suivante à Périm avec la con- viction que j'allais trouver dans ces deux localités d’autres espèces du Sénégal. Mes prévisions furent loin de se réaliser, car je ne trou- vai là aucune des espèces caractéristiques de cette faune que j'avais constatée à Aden. L'opinion d’une mer saharienne divisant l'Afrique en deux parties, et mettant en communication l'océan Atlantique et l'océan Indien, se trouve donc confirmée par les deux faunes distinctes des Mollusques terrestres el la présence dans le solfe d’Aden et au Sénégal d'espèces marines semblables. Cette mer, dont les études paléontologiques du Sahara pourront déterminer l’époque, a été fermée à l’est par une digue gigantesque et infranchissable. Lorsque s’est produit le soulèvement du sol en Abyssinie, ce soulèvement n'a dû être, si je puis m'exprimer ainsi, que le contrepoids de l’affaissement du sol dans la mer Rouge; il n’est resté alors du détroit saharien qu'un vaste golfe de l'océan Atlantique, dont on pourra connaître les causes d’atterrissement par l’étude géologique du sol qui se trouve à sa place. L'esprit humain ne pouvant contrôler que les faits à évo- lution rapide, se perd dans l'infini des siècles qui se sont écoulés pendant la période des bouleversements qui ont transfiguré ce point du globe; il est cependant impossible, sans le secours de nombreux siècles, de suivre les plus légers déplacements des éléments qui le constituent. On observe sur les bords de la mer Rouge à côté des plages soulevées, formées de roches madréporiques de plu- FAUNE MALACOLOGIQUE DE LA MER ROUGE. 359 sieurs mètres de puissance, des volcans dans un tel état de conservation qu'il serait impossible, sans l’étude de la trans- formation des couches de cendres et de laves accumulées, de faire remonter à plus d’un siècle l’époque de leur extinc- tion. L’accroissement des roches madréporiques peut se diviser en deux phases distinctes. L'une est formée par l’accumula- tion de madrépores dont les vivants se superposent aux morts. Les vides de cette charpente calcaire sont comblés par des sables riches en Foraminifères et en débris de coquilles, qui adhèrent et se solidifient avec une rapidité surprenante, Ce remplissage devient même en peu de temps plus dur que la partie sécrétée par les madrépores. Le niveau de l’eau est la dernière limite que peut atteindre cette première phase d'accroissement. À partir de ce moment, c’est-à-dire après la disparition de la vie animale, commence une vie nou- velle qui soulève ientement et progressivement au-dessus de l’eau les roches que les madrépores avaient élevés des pro- fondeurs de la mer à la surface. Cette dernière phase d’ac- croissement ne serait, selon moi, que le résultat d’une ac- tion physico-chimique qui doitse développer dans ces masses poreuses dans la constitution desquelles entrent les éléments les plus variés. Cette hypothèse, qui n’est que le résultat de l'observation, serait facile à contrôler en soumettant un bloc de ces roches, dans les conditions où elles se trouvent, à la mensuration à quelques années d'intervalle. À ces soulèvements lents et progressifs ont dû s'ajouter des soulèvements rapides et accidentels dont les volcans se- raient une des principales causes. S'il est possible d'évaluer approximativement, par l’acti- vité de croissance des madrépores, le temps qu'il a fallu à ces roches pour s’élever des profondeurs à la surface de la mer, l’on ne peut avoir, dans l’état actuel de la science, aucune notion sur celui qui s’est écoulé pour produire hors de l’eau les soulèvements que l’on observe. Quoi qu'il en soit, l'apparition du premier madrépore dans 360 JOUSSEAUME. la mer Rouge date de plusieurs milliers de siècles, et nous ne sommes qu'à la période quaternaire, puisque tous les Mollusques que l’on rencontre dans les plages soulevées existent encore à l’état vivant. A l’île Périm on observe des traces qui semblent remonter à une époque encore plus ancienne que celle que je viens de signaler. Sur toutes les parties élevées de cette ile se trouvent ac- cumulés des blocs de laves dont la dureté est telle qu'ils ré- sistent au choc du marteau; leurs arêtes, comme celles d’un galet, ont été usées par un frottement lent et continu. Ces blocs, de forme variable et d’un volume de 30 cenli- mètres à 1 mètre cube, reposent sur une assise irrégu- lière souvent interrompue et juxtaposée de ponce, de sable ou de calcaire. Tout dans cette île, position, aspect du sol, végétaux, ani- maux, indique que la chaîne de montagne qui du côté de l’A- rabie se termine brusquement à Cheïch-Saïd, se reliait à tra- vers le détroit de Bab-el-Mandeb à la chaîne opposée du con- tinent africain; une cause analogue à celle qui a creusé le détroit de Gibraltar et mis la Méditerranée en communica- lion avec l'océan Atlantique. a dû se produire au détroit de Bab-el-Mandeb, et l’île de Périm ne serait sortie de la mer que bien longtemps après. Les blocs de laves usés par les flots qui couvrent sa surface ne seraient que les vestiges de la chaîne de montagne qui traversait le détroit et obstruait l'entrée de la mer Rouge. Avant l'ouverture du détroit de Bab-el-Mandeb, la mer Rouge existait-elle ou n’y avait-il là qu'une dépression de terrain dans laquelle se sont précipitées les eaux de l'océan Indien? Question difficile à résoudre, dont j'abandonne la solution. Tout ce que l’on peut dire actuellement, c’est que la faune de la mer Rouge n’est pas caractérisée par des es- pèces spéciales, ce qui fait supposer que cette mer n’a été peuplée que par l'océan Indien. La faune malacologique de la mer Rouge, comparée à la FAUNE MALACOLOGIQUE DE LA MER ROUGE, 301 faune indo-pacifique, vient appuyer cette opinion; aussi doit-on considérer la mer Rouge comme un grand golfe de l'océan Indien. | Tous les auteurs qui ont étudié la répartition géogra- phique des Mollusques ont signalé le nombre considérable d'espèces communes à ces deux faunes. Ce nombre sera encore largement augmenté par le très grand nombre d'espèces nouvelles pour la mer Rouge que j'ai récol- tées. Je ne doute pas que par de nouvelles découvertes, et lorsque pour chaque espèce on connaîtra son équation de variabi- lité et son aire de répartition à la surface du globe, l’on ne finisse par identifier complètement ces deux faunes. La richesse de la mer Rouge en espèces indo-pacifiques a été loin de me surprendre, ayant toujours considéré les courants comme la cause la plus active de la répartition des Mollusques. Sur les deux continents qui bordent la mer Rouge, les cours d’eau qui, des montagnes environnantes, vien- nent se perdre dans les sables avant d’arriver à la mer, ne peuvent suffire à l’évaporation active et continuelle qui se produit sur l'immense étendue de sa surface. Aussi la mer Rouge, comme une pompe aspirante, attire-t-elle continuel- lement les eaux de l’océan Indien par le détroit de Bab-el- Mandeb. L'on constate également que toutes les localités des océans Indien et Pacifique, qui ont avec la mer Rouge un grand nombre d'espèces communes, se trouvent sur le passage des courants. L'on peut diviser ces espèces en trois groupes : l’un, qui n en renferme qu'un très petitnombre, comprend des espèces de cette partie de la côte Est d'Afrique comprise entre le Cap et Zanzibar; un autre plus étendu est formé d’espèces que l’on trouve à Ceylan et Malacca; enfin un troisième, bien plus important que les deux précédents, comprend des es- pèces des îles Maurice, Bourbon, Nouvelle-Calédonie, Phi- 362 JOUSSEAUME,, lippines et Japon. Toutes ces localités se trouvent sur le passage des grands courants connus. Si les courants profonds ne se dirigeaient pas souvent en sens contraire des courants superficiels, il serait facile de suivre sur une Carte la direction vers laquelle sont entraînés les œufs ou les Mollusques pendant le stade de la vie péla- sienne qui suit leur éclosion. Les localités qu'enlace le circuit des courants, telles que les Moluques si riches en espèces rares, n’ont avec la mer Rouge d'espèces communes que celles dont l’aire de disper- sion s’est étendue jusqu'aux localités qui se trouvent sur le passage des courants. Pour les espèces qui caractérisent leur faune je n’en connais aucune dans la mer Rouge. Si pour la dispersion des Mollusques marins par les cou- rants je n’ai pas de preuves tangibles, j'ai constaté pour les terrestres que la mer pouvait à de faibles distances les passer d’une côte à l’autre. Sur les bords de la mer Rouge lorsqu'il pleut, ce qui est très rare, l’eau tombe avec une telle abondance qu'elle roule en torrent sur les parties dé- clives du sol et entraîne à la mer tout ce qu’elle trouve sur son passage. Lorsque les corps légers de ces alluvions ré- pandues à la surface de la mer sont poussés par un vent fa- vorable vers la côte opposée, le flot qui les a entraînés les jette au loin sur ce nouveau rivage. J'ai trouvé dans des alluvions que la mer avait ballottées plus de vingt-quatre heures, un très grand nombre d'In- sectes et de Mollusques vivants; 1l m'a suffi de placer ces derniers dans un endroit humide pour les voir sortir de leur coquille et se mettre à glisser sur les parois du vase qui les renfermait. Les espèces de petites tailles, celles à coquilles légères et les jeunes individus qui atteignent plus d'un centimètre de longueur, peuvent seuls se maintenir parmi les alluvions au-dessus de la mer et être transportés d’une côte peu éloi- gnée à l’autre. Les deux faunes aussi distinctes des Mollusques terres- FAUNE MALACOLOGIQUE DE LA MER ROUGE. 303 tres du continent africain n'auraient donc pu se maintenir sans mélange, si les contrées où elles se trouvent n'avaient pas été primitivement séparées par une mer d’une très vaste étendue. La répartition et l'habitat des espèces peuvent également conduire à des observations dont on pourrait tirer un résul- tat pratique. Il existe par endroits, dans toute l’étendue de la mer Rouge, une petite Auriculidæ à laquelle mon savant ami, M. Bourguignat, a donné le nom de Laimodonta Letour- neuri. Sur tous Les points du rivage où J'ai rencontré cette espèce vivante et répandue en très grand nombre dans un espace restreint, j'ai constaté qu'une nappe d'eau souterraine ve- nait sourdre à travers le sable ou les interstices des rochers, de sorte qu’il me suffirait, sans le secours d'une baguette magique, d'inspecter les bords de la mer Rouge pour indi- quer l'endroit du continent où il faudrait creuser pour y trouver de l’eau. MU Et A + Var ‘4 ei ñ sat Feet ban Lie rt) à} a Fa pi tit s1r sy ne Ha etes ls ü* AT aviv6 ep à de à: séqua has ri | DU, perd inte |: nb 4 a Re dut 086141 bats E aoénah: k AU 0, RU RS 4 w : EH ñ Fto7ne (RALLE E à téoutdl fe fie ar À EL filoq À | Lea % | Axe AUOT EUR , LR (La É CT 4 à fire “ Lin TT DOTÉGEIILLUE JU RB E dei Jour Er Nb so date rés Hp as ‘if “aitents it { *. SA West 54 PÉRAIET AB FO EES vi L shps Haray at f pers & dt Pne NN" EAN ANR à EUR | 14 MN CU “ #70 Ke Haral RS HAS E Au D robe af Baie 2. HN SOL. TRE UT 1 Ê T4 ji ie L 4 fa er RATE Li LS ARRRATTAUTE AAA IR A 4h eb104 ns à 4420 r'r2351 Ta } F4 TE: ‘16 08 OR 10 Mn » 4 4 ( si à ‘ à (4 À : , RARE TT PAT F5 d ‘re pis d = té er " | Ki +. UR Mel i N re +» , La 4 234 d } À 1 Fe HS 1 j à M) LS * : f # e ë à ns ALU ÿ; LR dé hold n. EL raÿsil 7 1 HS d LA Mr: | LA Lan » 4 *; ter 2 nu drA “ qu: ve Fe | 4 L L TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME ARTICLE n° 4. — Les corpuscules sensitifs et les glandes cutanées des Géphyriens inermes, par Et. Jourdan.............,..,,....,,..., ARTICLE n° 2. — Observations complémentaires sur le système nerveux et les affinités zoologiques des gastéropodes du genre porcelaine (Cypræa), par E.-L. Bouvier..... OS CE de HOOURE TMS POP NoTe. — Observations relatives à la Lubérosité qu’on observe sur cer- tains maxillaires d’Antracotherium magnum (Cuvier), par H. Filhol. ARTICLE n° 3. — Nouvelles études sur les zones littorales, par Léon HANlant 1. ,.... 60 00008 ee 0e 00 0 00000 0 0 ARTICLE n° #. — Sur la signification taxonomique du genre Emys (C. Duméril), par Léon Vaillant............. Le NA and ele AA so à Note. — Observations concernant la structure de la tête de l’Antracothe- Mranremun (Guyier), par Filhol..:.,,.,.4...,,,4..,,,:2. #4 LU ARTICLE n° 5. — Les Glaucothoés sont-elles des larves de Pagures, par E.-L. Bouvier... 000090... ee 0e ee 60e... 209000 ARTICLE n° 6. — Note sur les crustacés des terrains Jurassiques supé- rieurs du Boulonnais, par H-.E. Sauvage................,......,. ARTICLE n° 7. — Mœurs et métamorphoses de l'Emenadia flabellala EI DS 2e Chohaut. 7, .....,,,, 4,50. Me sud ARTICLE n° 8. — Recherches sur le système glandulaire et sur le système nerveux des Copépodes libres d’eau douce, suivies d’une révision des espèces de ce groupe qui vivent en France, par Jules Richard...... 38 39 o1 366 ARTICLE n° 9. — Contributions à la faune de la Chine et du Tibet. Description d'espèces et de races nouvelles d'oiseaux données récem- ment au Muséum d'histoire naturelle par le prince Henri d'Orléans, par E Onstalel-5e ete ; ARTICLE n° 10. — Trois lettres adressées par Alexandre Agassiz à l’Hon. Marsball Mac Donald, commissaire des pêcheries aux États-Unis, relativement aux opérations de dragages exécutées sur la côle ouest de l'Amérique centrale, aux Galapagos, sur la côte ouest du Mexique et au golfe de Californie, sous la direction d'Alexandre Agassiz, à bord du steamer de la Commission des Pêcheries des États-Unis l'Albatros. ME SENTE. is ARTICLE n° 41. — Réflexions sur la faune malacologique de la mer Rouge, par le Dr Jousseaume........ PTT 19 EN] D 319 nn desSenat.z Série | ; Zoot.T.12.PL.1 ü Op 0 000 6 ae oo 9 DT © 0 Eb. Jourdan del Richard 6h. Corpuseutes sensihifs et Clandes cutanées des Cephyrtens 1nermes . Imnp.Lemercer etC Paris fa, Lg: an se ee CA ie ds LE de PT à — A o U 1 La | 4 À nn +15 Dr À à < RÔ Lù : ë Q «QG à È NÈ Èè N a = Le) a » $ ; JS Q ; (SI | qe | he S è ie L $ ü e È £ & . L DS] | d We & R = À ë T À * Per rerveux des Cyprées. 77e Systle Imp. Lemercier &CŸParis. PTS. os LFP Ann.dés St:nat.7!Serte. k Es Se F. Fermant del Împ.Lemercier Paris. ; 7 nopiloct y tia Ediwardsii_5.6E£ ryrma boloniensis 2001 PXIL.PL A Formant del. ImpLemercier Paris. D _ 1.2. Eryma Babeaui-3.F.Beaugrandi_4.5.ÆE.Pseudo Babeauxi- | ® 6.E.Leblanci_7.12.E.Dutertret_ 13. 0rthomalus araricus _ 14.0. Morinicis . mt LT r \ %e # 1 12 Lt , D OU “ = mé dat. | "jai ‘ nu 7 RL am CR éd LR J, Richard del, l y ep odes d'eat douce Î{mp,Lemercrer et € Paris. Pool Lomme 12 21,9. " in x # à ‘ : î | Zootl. Louvre 12, PL.6. “Ann, des Jeienc. nat. 7° Jerce. Rte) NAN) DA sn) ë A) \ ne KA X c) \ SSS À TJ, Richard del, Copepo des d'eatt douce-. 1mp,Llemercier et C?° Zariws. on MERE 6 hs NT ta J, Aicharé del, foot. lome 12,921. 7: COURS BD 9 32 » « D, Copepodes d'eau douce. Znp,Lemererer et l'€ Paris Ann.des Sccenc. ral. 7 e Jerce. | Zool. Tome 12, FL. 8. J,HRichard del, Copepodes d'eatt dottce Pnp,Lemereter et C%° Paris. Zool.TomeXIT PI.9. ne it SRI E £, 0. dei. Nicolet lith Fig. 1- Acredula Bonvaloti 27 2- Alcigiyyre {Proparus) PS /mp.Lemercier, Paris Tnn.des Sc.nat. Fc érte Zool. Tome XII PL10 1 ; 1 * s | | £. 0, del. Mcoletlith. Fig Li _ Leptopæcile. Henrici F ty. ADEME raqus Henrict Imp.Lemercier, Paris. 4 se NN ul RU Far IN 2" 2 ll ny L LOTALD JJ DLVUSOUTY AIT Det cer » N * æ À k 4 } » « 4] | | | | | j | | | | « À À i ? ‘1 L . ’ [A - 1 TR ri Nu Sir LUI 4 0869