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MILNE-EDWARDS TOME XVI 148 d/5" PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain, en face de l'École de Médeeine 189% c Li 4 « L " . Di : 0: ANMAUT AR: | … HINSNION : et FO OA HO EAL . ##r, TETE Le. AOF AE RETOUR ET TR EU. Sos AU LIAM IE) EUR MÉDIA J'AFÔ FAT La Su EE €, St x, EN RU LE HIAN PPT ES DUHAMEL TM AR 3 12440 HE ne rap Re ER PONS A M aHHAd | 5h “CHU de AOECEN ni AA IE He “HRIAIN à au AAA ANT : RUE SA AU Logial aie ob | rs | ab ; : ds # Ê RECHERCHES SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS Par M. J. A. CORDIER INTRODUCTION. Depuis longtemps on à cherché dans la splanchnologie des caractères pour la classification, destinés à venir en aide ou à compléter les caractères exterieurs qui furent les premiers et sont encore les plus employés, et il en est d’une grande importance, tels que ceux tirés de l’estomac. Des vues déjà anciennement émises et confirmées depuis ont montré, en effet, que l’organisation de cette partie du canal digestif était étroitement liée au mode de vie de l’animal, et par conséquent à sa conformation générale et aux aptitudes de l organisme tout entier. J'ai entrepris de traiter de l'anatomie comparée de l’ esto- mac dans le groupe zoologique où cet organe présente son maximum de complication, me réservant d'étendre par la suite cette étude aux autres Mammifères, procédant ainsi du composé au simple. Pour la clarté du sujet, j'ai pensé qu'il était préférable de le diviser en deux parties, et d'étu- dier d’abord l'estomac des Ruminants ordinaires ou typiques avant d'examiner celui des Caméliens. L'étude de l'anatomie comparée de l'estomac des Rumi- _nants typiques est loin d’être complète ; iln'y a, en effet, à re- ANN. SC. NAT. ZOOL. ANS À 2 ŸS. A. CORDIEX. later sur ce sujel que quelques tentalives de Garrod en 1878 ; mais on trouve cependant à une époque relativement an- cienne, l'indication de travaux à effectuer dans ce sens, et il convient de rapporter à ce propos une phrase de Pucheran — (Monographie des espèces du genre Cerf, 1851): « Entre les Cerfs proprement dits et les Anlilopes, quelles différences l’anatomie a-t-elle signalées, soit dans l’appareil digestif, soit dans ses dépendances ? Aucune, que nous sachions, si ce n’est l'existence de la vésicule biliaire dans les Ruminants à bois permanents, son absence dans ceux dont les prolonge- ments frontaux sont doués de caducité ». Pour exposer les résullats de ce travail, j'ai cru rationnel d'adopter l’ordre suivant : dans une première partie, l’ana- tomie ordinaire de l'estomac, dont la connaissance est natu- rellement nécessaire pour bien saisir les différences présen- tées par le viscère dans la série, est exposée avec quelque détail ; elle est suivie de l’étude spéciale des échantillons dis- séqués, et en dernier lieu, des résultats de leur comparaison judicieuse, la partie principale du sujet. Chemin faisant, j'expose un certain nombre de points d’analomie descriptive que je pense avoir éclaircis, et qui m'ont été surtout suggè- rés par des observations d'anatomie comparée ; enfin, un cha- pitre spécial est consacré à l'estomac des Caméliens et à ses affinités probables. C’est au laboratoire de zoologie anatomique de l’École des Hautes Études au Muséum que j'ai poursuivi ces recherches, grâce à la direction aussi bienveillante qu'éclairée de mon éminent maître M. le professeur A. Milne-Edwards, et aux pièces souvent fort rares dont il a bien voulu me confier l’élude; qu'il me soit permis de lui en exprimer toute ma reconnaissance. - J’adresse également tous mes remerciements à M. le D' H. Filhol qui m'a guidé dans mes travaux, el mis à ma disposition sa grande compétence dans les questions paléon- tologiques, ainsi qu’à M. le D' Oustalet, qui m'est bien sou- vent venu en.aide dans la déterminalion de mes espèces. DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 3 Enfin, je ne puis oublier les excellents conseils, ainsi que les marques d'encouragement et d'affectueuse sympathie que MM. les D E. L. Bouvier et G. Roché n’ont cessé de me prodiguer. RÉSUMÉ HISTORIQUE DES FUBLICATIONS ANTÉRIEURES. Quoique la littérature relative à l'anatomie comparée de l'estomac des Ruminants ordinaires qui m'occupe surtout, se réduise à peu de chose près au petit mémoire de Garrod, il est nécessaire de jeter un rapide coup d'œil sur les divers travaux d'anatomie descriptive qui ont porté sur le même sujet. Si l'estomac des Ruminants a de très bonne heure attiré l’atten- tion des savants, c’est que ces derniers avaient surtout pour but de se rendre compte du phénomène si intéressant de la ruminalion, problème qui a beaucoup excité leur sagacité et qui n'a été résolu d'une manière satisfaisante que. dans ces derniers temps, à la suite des belles recherches de Toussaint. Aussi, voyons-nous, depuis le milieu du siècle dernier, des anatomisles et des physiologistes célèbres, tels que Dauben- ton, Home, Flourens, Colin, etc., s'occuper très sérieuse- ment de cet important sujet. Depuis le milieu du siècle actuel, on peut remarquer une diminution relative assez marquée dans la fréquence des mémoires, sans doute parce que, d’une façon générale, l'essor donné à l'étude des Invertébrés marins a fait un peu trop délaisser l’anatomie des Mammifères. Les quelques travaux qu'on trouve depuis cette époque sont dus presque en totalité à des anatomistes vétérinaires, et ils ont naturellement porté sur les Ruminants domestiques. Autrefois, au contraire, la splanchnologie des Mammifères était fort en honneur, et dans leurs monographies, les anciens anatomistes ne man- quaient jamais de décrire ou de figurer l'estomac ou quel- que aulre particularité du canal digestif, cæcum, elc.;. ce qui semble montrer qu’ils attachaient une grande impor- tance aux caractères fournis par ces organes ; mais on n'avait 4 3. A. CORDIER. pas encore songé à lirer de leur comparaison des caractères pour la physiologie et la classification. Il est remarquable qu'au fur et à mesure des perfection- nemen{s de la technique, celte question de l’estomac des Ru- minants revient en général à l’ordre du jour à intervalles presque égaux, ce qui montre jusqu à un cerlain point la difficulté de cette étude et l'insuffisance des résultats obtenus. On voit donc aussi combienil était nécessaire d'apporter sur le sujet de nouveaux points de vue, tels que les données fournies par les variations de l’organe dans la série. Depuis que Daubenton a montré les particularités de l’es- tomac du Chameau. on a cherché à déterminer aussi leur véritable signification, mais sans grand succès. Cette bizarre organisation stomacale a été l’objet d’un cerlain nombre de travaux ; en réalité son étnde est très difficile, et les opinions sur la valeur des parties constituantes sont toujours très discutées. | Je pense qu'il est inutile de passer en revue la littérature bibliographique, depuis Aristote jusqu’au siècle actuel; ilest préférable de prendre l'historique de la question au moment où celle-ci entre dans une phase véritablement moderne, et je ne mentionnerai seulement que les travaux fondamentaux et universellement connus de Daubenton. Cet auteur donne une descriplion minutieuse de l’estomac de quelques Rumi- nants ; mais malheureusement ses figures ne sont pas toujours d’une aussi grande exactitude qu'il serait à désirer, et leur orientation est le plus souvent défectueuse ; de sorte qu'il est rarement possible de juger de l’importance relative des parties. | En 1810, parut à l’Académie, alors française de Turin, le premier mémoire véritablement très sérieux sur l'anatomie stomacale des Ruminants domestiques ; on peut le regarder comme la base des travaux d'anatomie descriptive sur le su- jet. Brugnone avait repris les anciennes observations de Peyer et de Chabert, les avait soigneusement contrôlées et augmentées, à tel point que ceux qui lui ont succédé n ont LU DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. J fait que compléter, par l'histologie, ce travail de grosse ana- tomie minutieusement exécuté et presque complet. La tech- nique qu'il emploie consiste à faire macérer les parois stoma- cales dans l’eau tiède, pour dissocier les différentes couches qui la constituent. Aujourd’hui, pour une semblable dissec- tion, on se sert plus avantageusement de la liqueur de Müller, et j'ai eu souvent recours à ce procédé. A part quelques erreurs, Brugnone reconnaît la disposition croisée des plans msculaires, la structure glandulaire de la muqueuse de la caillette (1), et donne la myologie approchée du cardia et de la gouttière. | Home, dans ses « Lectures on the comparative anatomy » (1820), donne quelques figures excellentes d’estomacs disten- dus, suivant ainsi la technique que jai adoptée moi-même après lui; mais on n’y {rouve guère que celui du Lama parmi les Ruminants. Dans les «Philosophical Transactions », il avait repris après Daubenton l’élude de l'estomac du Cha- meau, et en avait donné l'anatomie; de sorte que déjà, à cetie époque (1806), bien des particularités de l'estomac des Caméliens étaient connues. Cuvier ne reproduit guère dans ses Lecons d'anatomie comparée que les observations de ses devanciers; mais 1l donne des détails intéressants sur l’estomac du fœtus du Lama 1 fait notamment la remarque imporlante, el qu’on ne semble pas avoir prise en suffisante considération depuis, que contrairement à ce qui a lieu pour les Ruminants ordi- naires, le développement de la caillefte ne l'emporte jamais sur celui du rumen. Les ouvrages généraux de Carus et de Meckel résument aussi les connaissances sur le sujet qu’on avait à cette époque. Ontrouve ensuite, sur l'estomac des Ruminants, un certain nombre de pelits mémoires et denotes d’observateurs isolés ; malheureusement, ils n’ont pu m'être d’un grand secours (1) Le premier travail spécial sur les glandes stomacales date de 1836 (Sprott Boyd); mais on voit qu’elles avaient été observées auparavant par un grand nombre d'anatomistes. | 6 J. A. CORDIER. pour mon étude d'anatomie comparée, carilsne sont querare- ment accompagnés de bonnes figures. Ne consistant le plus souvent qu'en simples constatations, ces publications n’ont pu me fournir que des indications très générales, et on compren- dra ainsi le peu d'intérêt qu’elles présentent, pour une étude comparative dans laquelle l'adoption d’une technique uni- forme est absolument nécessaire ; j'y consacrerai, du reste, quelques pages après l'étude des pièces disséquées. Rapp et Leukart, en 1845, signalent pour la première fois les particularités de l’estomac des Tragules (1}, et mon maitre, M. le professeur A. Milne-Edwards, consacre une partie de son travail (1864) sur la famille des Chevrotains, à l'étude com- parative de l'estomac de ces Tragules et du Porte-Musc. On accordait alors à la présence ou à l'absence du feuillet, une importance beaucoup plus grande qu’elle n’en a en réalité; je montrerai, en effet, que cet organe ne possède pas cette sorte d'autonomie ou d’unité qu’on lui à accordée jusqu'ici. En 1872, Wilkens, en Allemagne, rajeunit l'étude anatomi- que de l'estomac des Ruminants domestiques, sur laquelle on n'avait presque rien fait depuis Brugnone, en profitant des perfectionnements considérables accomplis dans la technique. IL établit, plus exactement qu’on ne l'avait alors fait, les relations des différentes parties de l’organe avec les viscères voisins, et essaye de traiter du développement de l'estomac. L'histologie a été complétée depuis par d’autres : Ellem- berger « pour le feuillet», ainsi que par Noak et Pauli; elle a profité surtout, pour les glandes dela caillette, des découvertes importantes de Heidenhain, de Rollei, de Ebstein, etc. Cet essai sur le développement de l'organe qu'avait tenté Wilkens fut bientôt repris par un autre vétérinaire, Krazowsky, de Dorpat, dont l’étude embryologique du feuillet a été confirmée par beaucoup de mes observations personnelles ; enfin, Mar- tin, de Zurich, reprit à nouveau, dans son ensemble et tout récemment, l'embryologie du canal digestif des Ruminantis. (1j Elles semblent avoir été vues par Home. DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. T C'est à la Société zoologique de Londres, où se trouvatent accumulés tant de remarquables sujets d'étude, qu’on a «tenté de traiter de l'anatomie comparée de l’estomac dans le groupe des Ruminants ordinaires ; Garrod examina à ce sujet, mais dans une étude très superficielle, un certain nombre d’espèces. On conçoit facilement qu’une des diffi- cultés d’un semblable travail est de rassembler un nombre suffisant de pièces anatomiques. À part les variations dans la complication lamellaire du feuillet, il confirme seulement le résultat déjà annoncé par Carus, Cuvier, Mekel, etc., que la conformalion stomacale est d’une constance remarquable dans la série. | Je dois encore mentionner, à propos des Caméliens et des Tragules, une courte mais sérieuse étude faite tout récem- ment par Boas, de Copenhague ; il considère les premiers comme pourvus d’un immense feuillet, mais cependant ru- dimentaire, et rattache plus heureusement les Tragules aux Ruminants typiques. Toutes nos connaissances d'anatomie comparée se résu- ment donc dans les quelques faits suivants: 1° Les Ruminants ordinaires possèdent un estomac dont la composition est d’une grande constance dans la série; on y trouve toujours les mêmes parties fondamentales dispo- sées de la même façon ; excepté chez les Tragules, où l’on s'accorde à considérer seulement un rudiment de feuillet disparu par régression. 2° La complication lamellaire du feuillet est différente suivant les espèces (Garrod). 3° Les Caméliens ont un estomac différant de celui des Ruminants typiques par la forme et des particularités bien connues (quoiqu'on homologue les cavités des deux viscères pris séparément). 4° D’après Boas, ils posséderaient un grand feuillet occu- pant les deux tiers antérieurs environ de la région intesti- uiforme assimilée à la caillette. L'estomac des Ruminants a élé l’objet d’un certain nombre e 8 J. A. CORDIER. de travaux physiologiques, dont les premiers véritablement remarquables et bien connus sont dus à Flourens (1836). Dans une étude d'anatomie comparée, on se demande sou- vent la raison des dispositifs organiques afin de peser leur véritable valeur; la physiologie ne doit donc pas être séparée d’une science qu'elle est destinée à éclairer, et dont elle reçoit en retour une direction et un contrôle sérieux. Ce sont exclusivement des vétérinaires qui se sont ensuite occupés du fonctionnement de l'organe ; après Flou- rens, il convient de citer Colin et Lemoigne; Toussaint montre que la rumination est un phénomène purement physique lié aux actes respiratoires, et Ellemberger déter- mine le véritable rôle du feuillet, qu'on n'avait encore que soupçonné. Il sera du reste nécessaire de revenir sur tous ces mé- moires, au fur et à mesure que seront traitées les questions dont ils ont été plus spécialement l’objet. PREMIÈRE PARTIE LES RÜUMINANTS ORDINAIRES. 1° ÉTUDE DE L'ESTOMAC SCHÉMATIQUE. L'étude de l'anatomie comparée de l'estomac des Rumi- nants ordinaires exige tout naturellement Ja connaissance parfaite de son organisation générale ou schématique; car on retrouve essentiellement chez tous ces animaux les mêmes parlies stomacales constituantes. Il faut attribuer à ce fait l'opinion déjà ancienne que la constitution de l'organe est d’une constance remarquable dans la série. Les importantes _ DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 9 publications d'anatomie descriplive signalées précédemment, et dont cet organe a été l’objet, me dispensent d'entrer dans beaucoup de détails, ainsi qu'on le comprendra facilement ; je me bornerai donc à indiquer les principaux résultats aux- quels elles ont conduit, en renvoyant, pour plus de détails, aux mémoires originaux. J'exposerai principalement les points qui ont fait l’objet de mes propres recherches, et les résul- tats acquis, surtout par la comparaison des types étudiés ; ces résultats ayant nécessairement échappé aux auteurs qui ne se sont occupés que d'anatomie pure, l'anatomie com- parée venant en quelque sorte montrer, sous un jour nouveau, l’anatomie générale de l’organe. Les dénominations ordinaires des cavités stomacales des Ruminants, et la coutume prise par les auteurs de les décrire séparément, ont l'inconvénient de laisser une tendance de l'esprit à croire à des animaux polygastriques ; et dès le début, je pense qu'il est nécessaire de se mettre en garde contre celte idée. Dans ce mémoire, je m'efforcerai, en effet, de montrer que rien ne justifie cette vue généralement admise et immédiatement en désaccord avec l’ontogénie; on est donc en présence d’une cavité à son maximum de diffé- renciation, et Je décrirai comme telle l'estomac des Rumi- nants. Il est cependant essentiel de faire remarquer que je ne veux pas donner ici à cet organe, une sorte d'autonomie qu'il ne possède point en réalité, puisqu'il n’est lui-même qu'une région en somme assez peu différenciée du tube digestif. Pour des considéralions qui seront développées ulté- rieurement, je me refuse absolument à croire, par exemple, à « l’origine œsophagienne du rumen » ainsi qu’on l’a avancé si souvent; Gegenbaur, dans son Traité d'anatomie compa- rée, est, en effet, à peu près leseul auteur dont l'avis sur ce point soit conforme au mien. Cette manière de voir tendra aussi à établir que tous les autres estomacs composés doivent être considérés de même, malgré cette profonde hélérogénie, qui semble résulter des différences d'aspect et de fonctions existant entre leurs 10 J. A. CORDIER. cavités, el qui frappent tout d’abord. Néanmoins, ces déno- minations universellement connues sont consacrées par l'usage, et sont indispensables pour désigner les différentes régions de l'organe. Le rumen (1), appelé aussi communément la Panse, est ce grand réservoir qui reçoit lout d’abord les matières alimentaires, résultant d’une première et rapide mastication, et qui porte une multitude de papilles sur toute la surface de sa muqueuse. Le réseau ou bonnet, de volume beaucoup moindre que le rumen, lui est contigu, et ses ornements in- ternes sont disposés comme les alvéoles des ruches d’abeilles; le feuillet el la carllette sont les deux autres compartiments, suffisamment bien connus et caractérisés par leurs noms, ainsi que leurs fonctions physiologiques. Quoique la déno- mination d’œsophagienne, donnée par les premiers anato- mistes à la gouttière qui s'étend du cardia à l'entrée du feuillet, à cause de ses relations de continuité avec l’œso- phage, soit, ainsi que nous le verrons, très inexacte, nous devons la conserver, parce qu’elle est aussi consacrée depuis longtemps. | Avant d'entrer dans des détails anatomiques exposés plus loin, il est nécessaire d'indiquer tout d’abord que la paroi stomacale possède la structure générale du tube di- gestif. Elle est alors constituée par quatre {uniques super- posées qui sont de dehors en dedans : une membrane séreuse, deux couches de fibres musculaires lisses et croisées formant la charpente, et enfin une muqueuse avec les orne- ments qui en dépendent, le tout cimenté en quelque sorte par du tissu conjonctif dans lequel se ramifient les vaisseaux el les nerfs. L'œsophage des Ruminants offre des particularités ana- tomiques intéressantes consignées surtout dans le travail de Zander ; il permet à ces animaux, par sa grande dilata- (4) Voir sur la figure que je donne de l’intérieur de l'estomac du Mouton la topographie de l'organe tout entier. DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 11 bilité, d’ingérer des corps de grandes dimensions (1). Aus- sitôt son passage au travers du centre aponévrolique du diaphragme, il s’insère sur le rumen, mais jamais en formant un infundibulum, comme certains auteurs l’ont décrit, en attribuant à cetle disposition un rôle prépondérant dans la ruminalion. À. TECHNIQUE GÉNÉRALE. — Pour se faire une idée exacte de la forme d’un organe splanchnique creux tel que celui qui nous occupe, el des rapports de grandeur et de posi- tion qui existent entre ses parties constituantes, il est ab- solument indispensable de le distendre en l'insufflant. D’après les différences de formes, les rôles mécaniques qui diffèrent également, et par conséquent d’après l'inégalité de la résistance opposée à la pression inlérieure en ses diffé- rents points, on objectera sans doute que l’insufflation dis- tendra inégalement ces derniers ; mais l'erreur que l’on peut ainsi commettre dans l’apprécialion générale est absolument négligeable. Il est facile, en effet, de ramener cette argumentation dans ses limites véritables, en faisant observer que l'élasticité de l'estomac est beaucoup plus faible qu'on ne serait tenter de le penser, et que l’insuffla- tion est toujours forcément modérée, limitée qu'elle est par la moindre résistance du fond de la goultière, et l’état de conservation plus ou moins salisfaisant du viscère. Les rapports de grandeur entre les régions stomacales ne néces- sitent pas non plus une précision absolue. L'estomac est, en effet, la partie du tube digestif qui s’altère le plus rapide- ment (2); et en dehors des affections propres à cet organe, (1) Les Bœufs domestiques sont particulièrement voraces, et les musées d'école vétérinaire possèdent tous de ces objets, en général brillants, tels que couverts de table, grillages, étoffes à couleurs éclatantes, etc...., souvent de très grandes dimensions, avalés par ces animaux, et n'ayant rien d'’ali- mentaire. Ceci montre bien la grande dilatabilité de l'œsophage qui joue dans la rumination un rôle considérable. (2) Cette altéralion de l'estomac est en général beaucoup plus rapide chez les animaux morts de maladies, que chez ceux qui ont été tués, chez les animaux adultes que chez les jeunes, dont l'estomac est le plus souvent 19 3. A. CORDIER. quand il n’est pas prélevé assez à temps. nettoyé inlérieure- ment, el plongé dans des liquides antiseptiques pour en arrêter la décomposition, il se détruit sur de larges surfaces, ou prend une consistance telle qu'une insufflation, même très modérée, est impossible. L'incision que l’on est obligé de faire au rumen chez les animaux adulles pour vider son contenu, nécessite quelques précautions, si l’on veut ensuite la fermer exactement par la suture des deux lèvres; on la pratique toujours dans le sens des fibres du plan musculaire supérieur ; car on a vu que les directions de ces fibres sont croisées dans les deux plans respectifs. Il est inutile de chercher à enlever le contenu du feuillet, du moins chez les grandes espèces ; la nourriture comprimée entre les lames s'imbibe très difficilement de liquide, et on ne réussit le plus souvent qu’à détériorer leur tissu. La caillette, au contraire, qui contient toujours des aliments très divisés et en faible quantité, se vide facilement par le moyen d'un peu d’eau. Il est très regrettable que les anatomistes isolés qui se sont occupés incidemment de l'estomac de certaines es- pèces rares, n'aient pas suivi cette technique; c’est qu'il m'a été le plus souvent impossible, même avec leurs des- criptions, de constater certains caractères qui prenaient pour mon travail une grande importance. Daubenton, par exemple, (dans Buffon) et Pallas ont décrit un certain nombre d’esto- macs de Ruminants, el ils donnent des dessins, d’après nature, de l'organe souvent absolument flasque ou dans des posi- lions qui ne permettent pas de juger, même approximative- ment, de l'importance relative des différentes régions. Home presque vide. La masse alimentaire, que le rumen contient en très grande abondance, accentue sans doute la décomposition par les produits des fermentations surtout anaérobies [telle que la fermentation butyrique], dont elle est le siège. En été, il est rare de pouvoir se procurer de bons échantillons d'étude; l'estomac se détruit avec une très grande rapidité, et il est à remarquer que c’est le plus souvent la portion pylorique de la caillette qui est atteinte la première; le rumen vient ensuite. DE L'ESTOMAC DES. RUMINANTS. 13 est le premier qui ait gonflé, d’une façon constante, les cavités viscérales pour les besoins de ses comparaisons ; il ne figure malheureusement que quelques estomacs composés de Mam- mifères des groupes voisins des Ruminants. B. SITUATION DE L'ESTOMAC EN PLACE. — Quoique la situa- tion de l’estomac dans la cavilé abdominale n’ait que des rap- ports assez lointains avec mon étude d'anatomie comparée, il est cependant nécessaire de la connaître pour l'intelligence de ce qui va suivre. Il n’est pas possible à ce sujet, de donner des indications très précises, à cause non seulement de l’im- portance différente des régions stomacales dans la série des espèces, mais aussi parce que celte importance varie dans des limites très étendues, dans les stades principaux de l’exis- tence. L'état de réplétion plus ou moins considérable de l'organe est aussi bien différent chez les animaux domesti- ques de ce qu'il est chez les animaux sauvages. Chez les premiers, l’alimentation intensive donne lieu, comme nous le verrons, à une véritable dilatation stomacale, et le rumen prend souvent une importance telle qu'il occupe à lui seul plus des deux tiers de la cavité abdominale (1). Il est cependant assez facile de se faire une idée exacte de la situation approximative des différentes régions de l’esto- mac en place. En considérant l’animal dans sa position na- turelle, c’est-à-dire debout, le réseau est situé en avant contre le diaphragme, et en bas sur l’appendice xiphoïde, occupant ainsi la partie la plus déclive, situation en rapport direct avec son rôle aquifère, la gouttière tra- versant en quelque sorte le plafond de sa cavité. Le rumen est comme refoulé dans le flanc gauche de l'animal, où il occupe une position inclinée d’arrière en avant et de gauche à droite, plaçant les vessies coniques dans une situation un (1) On trouve dans les différents traités d'anatomie vétérinaire des détails très précis et très abondants sur la situation de l’estomac en place et ses rapports avec les organes voisins pour chaque Ruminant domestique : Bœuf, Mouton, Chèvre. Ex. : Chauveau et Arloing Traité d'analomie comparée des animaux domestiques. 14 J. A. CORDIER. peu plus élevée que la partie antérieure contiguë au réseau. Le sac droit du rumen est en contre bas, et occupe une situation médiane qui le fait apparaître le premier, quand on ouvre l’animal adulte (1). — Le grand axe du feuillet, consi- déré comme un corps ovoide, coïncide avec le plan de symétrie de l’animal, et il en est à peu près de même de la caillette qui lui fait suite ; mais la partie pylorique s’in- curve fortement vers la gauche pour ramener le pylore vers le hile du foie, situé non loin du cardia. Cette dernière disposition est liée à celle de la veine porte. La grande courbure du feuillet est tournée en haut, c’est-à-dire vers le dos de l’animal, ses lames étant suspendues au plafond et aux parois latérales de cette cavité; la grande cour- bure de la caillette est au contraire tournée vers le bas. L’estomac, tel que je l’ai constamment représenté dans ce mémoire, peul donc être considéré comme se trouvant dans sa position naturelle (vue dorsale), si l’on rapproche la caillette sur le sac droit, de manière à placer le pylore à gauche de l’æœsophage, et si l’on fait tourner le rumen de 60° environ vers la droite, autour du réseau comme point fixe. Le sac gauche, ainsi que Je l’ai dit, occupe une situation plus élevée que le sac droit, l’organe n'étant évidemment jamais aussi gonflé chez l’animal vivant. L’estomac est à demi enveloppé par l'épiploon qui s’at- tache à sa surface, en laissant seulement libres le sac gauche du rumen, le réseau presque tout entier, la moitié droite du feuillet et de la caillette, et recouvre tout le reste. C. VASCULARISATION DE L'ESTOMAC. — La distribution des vaisseaux sanguins à la surface de l'estomac des Rumi-. (4) Dans son grand mémoire, Wilkens s’est longuement occupé de cette question, et a déterminé minutieusement, par une technique spéciale, la situation exacte de l'estomac chez des fœtus de mouton et chez de jeunes agneaux. Il pratiquait des sections transversales sur dès animaux préalable- ment gelés, et ensuite, pour bien fixer le lecteur, il l’entraine dans un voyage quelque peu bizarre à l'intérieur de l'estomac adulte. DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 15 nants a été depuis longtemps décrite (1). Il me suffira de mentionner que les gros troncs artériels sont tou- jours accolés aux veines, et qu'ils tirent leur origine du tronc cœliaque, descendant sur le rumen un peu à gau- che du cardia. Cette dernière région est aussi celle de la veine porte, qui pénètre dans le foie (hile du foie), et qui est formée par la réunion d’un tronc venant de la partie py- lorique de la caillette, d’après la disposition que j'ai déjà in- diquée, et d’un autre plus considérable formé par la réunion des branches satellites des artères. Le tronc cœliaque, fort court, se ramifie aussitôt son arri- vée sur lerumen, en un certain nombre de branches se ren- dant aux principales régions du viscère; l’une d'elles se divise en deux au niveau du réseau, en donnant l’artère de la grande courbure de la caillette et l'artère du feuillet et de la petite courbure de la cailletie; une autre se rend au ré- seau en donnant une branche à la rate (artère splénique). Enfin, le rumen est irrigué par deux gros troncs (artère su- périeure et inférieure du rumen) qui font le tour de cette ca- vité, en passant dans les scissures. On se rendra bien mieux compte de la A de ces vaisseaux sur les dessins de quelques estomacs que j'ai injectés, que par une description sommaire, et on {rouvera d’abondants détails à ce sujet dans les divers traités d’ana- tomie vétérinaire. Les gros vaisseaux effectuent en grande partie leur trajet dans l’épiploon où ils émettent des branches, et courent généralement à une faible distance du viscère. On com- prend alors qu'il soit difficile de pratiquer, sur l’estomac retiré de la cavité abdominale, autre chose que des injections très partielles, et que pour observer la grosse vascularisation, il soit nécessaire d'injecter l'animal par la crosse de l'aorte, en ligaturant cette artère dans la région rénale. Pour mon étude, je n’ai eu la plupart du temps entre les (1) Peyer, 1682, donne déjà une figure de l'estomac des Ruminants avec le cours des artères et, des veines. 16 J. A. CORDIER. mains que l'estomac déjà enlevé de la cavitéabdominable, ne présentant plus que des débris d'épiploon et aucune trace des principales attaches vasculaires. Il m'a été alors impos- sible de suivre très exactement les variations spécifiques du cours des gros vaisseaux, variations auxquelles, du reste, il ne faut pas allacher une importance exagérée; car il est à remarquer que les différences qu'on pourrait observer sont sous la dépendance du développement plus ou moins grand des régions que ces vaisseaux irriguent. La vascularisation générale de l'estomac des Ruminants peut cependant varier dans des limites assez étendues, et j'ai pu observer, par exemple, quelques modifications relatives à l’arlère du réseau (1°. Tandis que dans les grandes espèces, ce tronc passe sous l’æœsophage pour venir se ranufier sur la grande courbure de la cavité, ailleurs, chez les espèces en général de petite taille (Tragules, Corrine, etc.), cette artère s’'embranche directement sur celle du feuillet et de la cail- lelte, en passant au-devant du conduit œsophagien. La rami- fication de ce vaisseau est également sujette à de grandes variations. Développement.—Silon compare l'estomac d’unadulteavec celui d’un animal dans les premières semaines de la nais- sance, on est frappépar la différence qui existe dans le volume relatif des cavités stomacales prisesséparément. Aussi je me hâte de dire que cette remarquable particularité est depuis très longtemps connue. Le rumen, qui l'emporte de beaucoup en grandeur sur le reste des cavités considérées dans leur ensemble, est au contraire trois ou quatre fois moins grand que la caillette chez le tout jeune Ruminant. Cette disposition trouve son explication rationnelle dans le régime lacté que doit subir l'animal dans la première période de son existence extra- ulérine , le rumen ne commençant à se développer que sous l'influence de la nourriture végétale définitive. (1) 3. A. Cordier, Observalions sur la vascularisation stomacale chez les Rumi- nants, etc. (Bullelin de la Soc. philomathique, 8° série, t. V, fasc. I, p. 31). DE L'ESTOMAC DES, RUMINANTS. 17 _ Le rumen commence par l'emporter en grandeur sur le reste de l'estomac, jusqu’au tiers environ de la période fœtale ; puis la caillette prend ce développement exagéré qu'on lui voit jusqu'à un mois ou deux environ de la vie indépendante. Ainsi que je l'ai déja indiqué, Cuvier a le premier montré que ce processus n’est pas applicable aux Caméliens. 9° MYyoLOGIE. Les deux couches musculaires qui entrent dans la cons- titution de la paroi stomacale des Ruminants sont formées de faisceaux parallèles de fibres Æsses, dont la direction générale, pour une couche déterminée, est perpendiculaire à celle de l’autre couche (1). Je n'ai jamais trouvé, en effet, de fibres striées dans l'estomac des Ruminants (2), et j’attribue à des erreurs l'indication de leur présence qu’on trouve dans certains traités ; c’est donc une structure générale très simple sur laquelle il est inutile de s'étendre. Le rumen et le réseau qui doivent servir de réservoirs pour Ja masse alimentaire, et quelquefois pour des gaz sous pres- sion développés par des fermentations anormales (3), pré- sentent une égale épaisseur des deux couches. Dans le feuillet et la caillette, au contraire, dont le rôle conducteur les rap- proche davantage du reste du tube digestif, on constate une diminution dans l'importance de la couche externe lon- gitudinale, aux dépens, en quelque sorte, de la couche interne annulaire. On remarque alors que plus ces deux dernières régions se rapprochent de la forme tubulaire, plus cette différence est accentuée. La paroi pylorique de la caillette est (4) Dans les régions où l’organe se termine en cul-de-sac ou en cône (vessies coniques), cette disposition croisée des deux couches est légèrement altérée; mais elle est nécessitée par la forme elle-même et répond toujours à la même raison mécanique. (2) Noack, qui a fait une étude histologique détaillée du rumen et du réseau, n’a également jamais observé de fibres striées. (3) On trouve dans la Revue des sciences biologiques, 1892, une analyse de Kaufmann, d’un travail de Lungwitz sur les gaz de la météorisation. D'après lui, l'acide carbonique, le formène et l’azote y dominent. ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 2 18 J. A. CORDIER. beaucoup plus épaisse que celle de la partie antérieure de cette cavité; c’est seulement la couche interne annulaire qui concourt à cet épaississement, ainsi qu'à la formation du sphincter terminal. A l'intérieur du rumen se {rouvent trois replis principaux, appelés piliers musculaires, qui semblent limiter certaines régions ou culs-de-sac, d’ailleurs assez imparfaitement ; il suffira de jeter les yeux sur la figure 37, PI. V, pour avoir de leur disposilion une idée plus exacte que n’en donnerait une longue description. Le pilier qui sépare les deux vessies coniques de la portion moyenne du rumen, et dont on peut comparer les deux branches à celles d'un x, est le pilier pos- térieur ; le pilier antérieur, beaucoup plus important que les autres, sépare très incomplètement le sac gauche du sac droit ; ses extrémités s'élendent souvent jusqu auprès des vessies co- niques. Enfin, j'ai appelé repli du col un pilier qui se trouve au voisinage de l’orifice œsophagien. J'ai depuis longtemps reconnu que les trois piliers mus- culaires du rumen, quoique leur forme commune et habituelle soit celle d’un croissant, appartenaient à deux types de structure bien distincts. Tandis que le repli du col et les branches du pilier postérieur sont constitués essentiellement par une prolifération de la tunique interne qui s'accole à elle- même, le pilier antérieur, au contraire, contient les deux cou- ches musculaires jusqu à son sommet. Chez les Tragules, il est vrai, on observe pour le repli du colet le pilier posté- rieur, alors très développés, une indication de la structure du pilier antérieur ; car la tunique musculaire externe s’avance jusqu’à moitié environ de la hauteur totale du repli interne. Ces piliers subissent dans la série des Ruminants des va- rialions morphologiques importantes; c’est ainsi que lors- qu'on voit la forme du pilier antérieur rester toujours constante, celle du repli du col et du pilier postérieur présente tous les intermédiaires, depuis le simple crois- sant à bords minces des Ruminanis supérieurs, jusqu’à l'anneau parfait de l’'Hyæmoschus. J'ai longtemps cherché DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 19 la cause de ces particularités myologiques et morphologi- ques, et le lien qui devait à priori les réunir entre elles; j'expose, dans le chapitre consacré à l’anatomie comparée, comment il conviendrait de les interpréter; elles jettent un jour nouveau sur la synthèse progressive du rumen à parlir des formes éleintes. On remarque, à la base du repli du col et du pilier posté- rieur, que la couche musculaire externe qui n'entre pas dans leur constitution, sauf dans le cas des Tragules que je viens d'indiquer, s'organise en faisceaux beaucoup plus volumi- neux, comme pour assurer en ce point la solidité de la paroi. Dans le but de posséder une idée précise sur les affinités de l’organe avec l'œsophage et le duodénum, il restait, pour étudier complètement la myologie de l’estomac, à voir quelle pouvait être la transition de structure aux confins du viscère. Ensuite, pour bien se rendre compte des relations qui peuvent exister entre les différentes régions ou cavités stomacales, il fallait étudier aussi cette structure au point de passage de ces cavités, c'est-à-dire aux étranglements. Restait enfin la gouttière æsophagtenne dont on n'avait pas bien saisi jusqu’à présent la véritable valeur, et sur laquelle on avait émis les supposilions les plus diverses. J’ai porté toute mon attention sur ce point ; par sa structure comparée, non seulement dans la série des Ruminants, mais encore chez quelques Mam- milères voisins présentant des vesliges de cette gouttière, j'a pu établir la synthèse progressive de sa myologie jusqu'aux Ruminants supérieurs. En effet, 11 n'y a pas que les Ruminants qui possèdent une goutlière à partir de leur cardia. Non seulement on la trouve chez eux avec des degrés de développement pouvant varier depuis la disposition très parfaite qu’on lui connaît chez le Bœuf, par exemple, jusqu'à un état tout à fait rudimentaire, tel qu'on l’observe chez les Tragules ; mais les Pachydermes, les Édentés, les Marsupiaux, pour ne citer que les princi- paux, possèdent aussi une gouttière, atrophiée il est vrai, mais bien caractéristique. 20 J. A. CORDIER. Pour mon étude, j'ai préféré la méthode des coupes sur un estomac de faibles dimensions (chez un animal tout jeune) à la dissection directe sur un adulte, à cause des difficultés qu’elle présente, dissection qui m'aurait aussi obligé à une description minulieuse, toujours moins facilement comprise qu’un dessin convenable. La difficulté était de pratiquer des coupes très étendues et parfaitement conduites suivant un plan de symétrie ; j'ai alors replié convenablement la paroi stomacale sur elle-même, en prenant des points de repère. Il n’est pas nécessaire, du reste, puisqu'il ne s’agit pas ici d’histologie proprement dite, d'avoir recours à des sections très minces, et un examen avec quatre-vingts diamètres, après coloration et différenciation au picro-carmin, suffit dans la plupart des cas. Passage de l’æsophage au rumen. — I était nécessaire pour étudier ce passage, de pratiquer deux coupes diamétra- lement opposées, comme le montre la figure 1’, PI. I; l’une intéressant l’œsophage et la partie médiane du fond de la gouttière, l’autre, l’œsophage également et le rumen. J'ai placé ces deux sections en regard l’une de l’autre dans leur situation respective ; la coupe 2, PI. 1, montre l’amincisse- ment considérable du fond de la gouttière comparé à l’épais- seur de l’œsophage; on s’en rend compte par la cessation insensible de la couche externe longitudinale et striée de l'æœsophage. La couche interne change brusquement d’inclinaison (1) et perd insensiblement sa striation dans la gouttière; enfin la muqueuse prend des caractères spéciaux et s’amincit éga- lement beaucoup. Sur la coupe 1, PI. I, Les flèches indiquent l’endroit où s'arrête la strialion transversale des fibres ; on voit en A la section médiane du repli de la gouttière à son extrémité an- térieure, et en B, un petit bourrelet qu'on peut observer facilement chez certaines espèces, et qui distingue nettement (1) C'est sans doute cette disposition que l’on a décrite sous le nom de « plancher œsophagien » (Lemoigne). FAUSSES 03 DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 2€ l'aspect blanchâtre de la muqueuse de l'æsophage, de l’aspect grisâtre propre au rumen. Dans ce passage, on peut remar- quer que la transition est assez brusque pour une couche déterminée et se fait à des niveaux différents. On peut se rendre également compte de la structure propre de l’œso- phage et du rumen, ainsi que celle du fond de la gouttière (partie antérieure). ? Étude de la gouttière æsophagienne (1). — Les descriptions anatomiques des auteurs (2) sur la structure de la gouttière des Ruminants laissent croire à un organe d’une grande complication; mais en réalité, rien n’est plus simple que d'en concevoir la structure, et dans cette étude d'anatomie comparée, J'ai pu me rendre compte des causes qui avaient amené ces erreurs. Jusqu'à présent, on s’est accordé généralement à consi- dérer la gouttière comme un prolongement de l’œsophage sur la paroi supérieure de l'estomac, et partant de celte idée, on a même avancé qu'il fallait considérer les trois pre- miers estomacs des Ruminants comme produits en quelque sorle par une hernie de l’œsophage à travers sa paroi. Il me sera facile de démontrer que ces vues sont tout à fait inexactes ; il faut considérer l'estomac des Ruminants comme une cavité unique, profondément différenciée, et sa goutlière comme un simple retroussement (schéma À, fig. suivante) de sa couche musculaire interne, de chaque côté d'une bande médiane (le fond de la gouttière). Cette région ne possède plus que la couche musculaire externe qui est transversale ; et 11 en résulte pour elle une moindre résis- tance, si bien qu'elle cède toujours la première lorsqu'on gonfle un estomac d’une facon immodérée. | . En réalité, et c’est un point sur lequel je tiens à insister, parce qu'il a amené la confusion et masqué la simplicité de (4) J.' A. Cordier, Observations anatomiques sur la gouttière æsophagienne de l'estomac de quelques Mammifères (Bulletin de la Société philomathique de Paris, 8° série, t. V, n° 1, p. 59). : - (2) Lemoigne, Pauntscheff, Noak, etc., ont décrit la structure de la gout- tière des Ruminants. ( 99 ; 3. A. CORDIER. la structure, on distingue sur une coupe transversale de la région postérieure un plus grand nombre de couches, et on en a décrit jusqu’à quatre. On vient de voir dans la coupe longitudinale du fond de la gouttière, faite pour étudier le passage de la structure de cette région à l’œsophage, que la partie antérieure, c’est-à- dire celle qui avoisine ce conduit, ne possède qu'une couche Étade inyologique Æ ME doutlere æœosopliadienne. « o Æ S Rchydermes. 4 à à TTteare] 5 a EX S ESA Rumen. Fumuants lyriques Res eat. TS C'aillette. f à 8è î {2 a s musculaire qui est transversale ; il en résultait une diffé- rence de structure suivant la région où l’on coupait la gout- tière, et c'est principalement ce point qui a attiré tout d’a- bord mon attention. La figure demi-schématique ci-dessus montre bien la valeur anatomique des diverses couches constituantes (1). Si nous coupons transversalement la lèvre toujours très basse de la goultière d’un Tragule dans la région postérieure, nous comptons d’abord une musculaire muqueuse mar- (1) Quoiqu'’on ait nié l'absence de cette formation dans le rumen et le réseau, on voit donc qu'elle peut exister. On a accordé du reste à la pré- sence ou à l'absence de ce tissu une importance qu'elle n’a pas en réalité. DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 23 quée 1, existant dans la gouttière de tous les Ruminants (1), puis des débris de la couche interne 2 qui ne s'arrête pas encore d'une manière aussi tranchée que chez les Ruminants typiques, et qui ne s'arrête nullement, comme on voit, dans la gouttière du Pécari, la lèvre tout entière n’étant alors due qu'à un épaississement de la couche interne. La couche externe 3 est la couche normale, et enfin, celle marquée 4, spéciale aux Ruminants ordinaires, qui n’est composée que de quelques rares faisceaux et que j'ai amplifiée à dessein afin de la faire remarquer, représente, comme on peut le voir sur le schéma de gauche, /es restes de la couche longitu- dinale externe et très mince du feuillet, qui vient s’éteindre sur le fond de la gouttière en le renforçant légèrement. Il est nécessaire, en effet, de remarquer que lorsqu'on passe du feuillet au réseau, régions pour lesquelles j'ai indi- qué l'inégalité d'importance des plans musculaires figurés en B, c'est le plan musculaire le plus épais qui se continue dans l’une et l’autre région, et je m'étais demandé précisé- ment ce que devenait la couche externe y, au point de pas- sage avec le réseau. La structure rudimentaire ou atrophiée chez quelques Pachydermes, puis celle un peu plus perfectionnée des Tra- gules, et enfin la structure si caractéristique de la gouttière des Ruminants supérieurs, montrent bien comment s’est constituée cette curieuse disposition anatomique par une sorte de synthèse progressive à partir des formes simples. Les {rois échantillons que j'ai choisis pour ma démonstra- (1) Explication de la figure. — Schéma de gauche B : Coupe théorique, longi- tudinale et médiane du réseau, du feuillet et de la caiïllette, montrant l’im- portance différente des couches musculaires du rumen et du réseau, d’une part ; du feuillet et de la caillette d'autre part, et leur mode de réunion; on voit aussi la constitution du « Pont ». Schéma A : Gouttière (héorique d’un Ruminant typique. — Coupe trans- versale au-dessus (une lèvre seulement). Coupe transversale deta gouttière d’un Tragule (structure intermédiaire). Coupe transversale de la gouttière du Pécari; elle est formée par un simple renflement de la couche interne longitudinale. >x -__ J. A. CORDIER. tion représentent en quelque sorte deux extrêmes et un terme intermédiaire. On peut donc à présent avancer, sans crainte d’être inexact, que le fond de la gouttière des Ruminants typi- ques n’est conslitué véritablement que par la couche ex- {erne du réseau, la couche interne se retroussant en quel- que sorte des deux côtés d’une plage allongée qui est le fond de ce faux demi-canal. Le schéma A montre alors de la facon la plus nette que le rumen ne peut être dû à une hernie à travers la paroi de la gouttière, considérée comme le prolongement de l’æsophage; il est, en effet, superflu de faire remarquer que dans ce cas le fond de la gouttière pos- séderait les deux couches propres de cet œæsophage. Enfin, il faut considérer aussi, quoiqu'on ne doive pas accorder à ce caractère une valeur exagérée, que la gouttière ne pos- sède point les fibres sitriées si caractéristiques de l’œso- phage. | A présent que nous connaissons la structure normale de 1 goultière, demandons-nous comment se terminent ses lèvres aux deux extrémités. En avant, elles se réunissent simple- ment comme on peut le voir sur la figure 27, PI. IE, en cir- conscrivant l’orifice du cardia, et on a déjà trouvé une indi- cation de cette disposition dans la coupe intéressant le rumen et l'œsophage; la section a couyié en effet la lèvre conjonc- tive tout à fait à son extrémité antérieure. En arrière, la disposition se complique un peu, et j'ai été obligé d’a- voir recours à la dissection directe pour compléter ma techni- que des coupes. Chez les Ruminants supérieurs, les deux lèvres se réunissent souvent en un bourrelel continu comme à l’orifice cardiaque, circonscrivant l’orifice du feuillet; mais de ce bourrelet dont nous connaissons la structure, puis- qu’elle ne diffère pas de celle de la lèvre elle-même, se déta- chent deux faisceaux musculaires qui se perdent dans le pont, en affectant une disposition croisée. La lèvre gauche fournit un faisceau qui va à droite el réciproquement. _ En résumé, chaque lèvre se partage postérieurement en PES DE L'ESTOMAC DES : RUMINANTS. 95 deux branches plus ou moins importantes, l’une se réunis- sant à sa congénère de la lèvre opposée pour circonserire l'orifice du feuillet, l’autre se perdant dans la musculature du pont, du côlé opposé à la lèvre dont elle provient. Ces derniers faisceaux ne sont jamais bien importants, surtout chez les espèces où le bourrelet postérieur est volumineux (fig. 27, PL. III), comme s’il existait une sorte de balance- ment entre les deux branches fournies par une même lèvre. Chez quelques Ruminants, ils sont cependant très nettement marqués; on peut observer que l’un de ces faisceaux est toujours beaucoup plus développé que l’autre. : Avant de quitter l’étude de la gouttière œsophagienne, il est préférable que j'indique immédiatement les variations morphologiques de cette région dans la série des Rumi- nants ; quoique rationnellement cette étude se rattache à un chapilre que je consacre à l'anatomie comparée. Chez les Bovidés et les espèces se rapprochant plus ou moins de ce groupe, la gouttière est courle et ses deux lèvres épaisses et charnues sont développées à peu près également dans toute leur longueur. Au fur et à mesure que nous parcou- rons la série des Antilopidés et des Cervidés, elles deviennent flasques et de moins en moins proéminentes. L’extrématé postérieure des lèvres prend de plus en plus d'importance comparativement à la partie antérieure, et chez les Tragules, dont j'ai représenté la gouttière de tous les représentants que J'ai disséqués, on peut voir que cette dernière, d’ailleurs toujours rudimentaire, fait parfois totalement défaut près du cardia. Chez ces Tragules, on remarque aussi des épaissis- sements des lèvres en forme de noyaux près de l’orifice de la caillette (le feuillet manque), et c'est probablement une sorte de sphincter à deux peloles qui peut intéresser la physiologie de la gouttière; on en retrouve également l'indication chez quelques Ruminants inférieurs (fig. 27, PI. I. ( | | Toutes proportions gardées, la longueur de la gouttière est beaucoup plus considérable chez les Tragules et les 26 J. A. CORDIER. autres Ruminants voisins que chezles Bovidés, et on peut dire de suite que cette disposition est liée à l'ampleur du réseau. 1 existe encore ici un rapport inverse évident entre la lon- gueur des lèvres et leur importance, et 1l n’est pas sans in- térêt de rapprocher cette remarque de la disposition de la gouttière incomplète des Tragules, où 1l semble que son état rudimentaire soit dû à son allongement antérieur excessif. Dans cet ordre d'idées, l’état parfait de la courte gouttière des Bovidés serait dû à la petitesse du réseau; mais entre ces deux caractères corrélatifs il est difficile de désigner celui qui est la cause déterminante de l’autre. Chez les Caméliens, nous voyons une disposition assez différente : la gouttière est d’une grandeur exagérée; une lèvre également épaisse sur toute sa longueur est beaucoup plus développée que l’autre tout à fait rudimentaire et qui disparaît aussi totalement près du cardia, ainsi que je l’ai observé chez le Lama. Ce qui semble ressortir le plus nettement de ces faits, c'est que chez tous ces animaux où la goutlière est incomplèle,. elle manque {oujours dans sa partie antérieure immédiate- ment en rapport avec l’œsophage. Le rôle conducteur qu’on lui attribue est ici évidemment nul, et il est probable que ce n'est pas non plus son véritable rôle chez les Ruminants supérieurs. À ce propos, je rappelle les discussions que cette question a soulevées entre les physiologistes vétérinaires, dans le détail desquelles je ne puis entrer, les expériences diverses et les résultats contradictoires qu’elles ont ame- nés (1). Il est superflu de faire remarquer que les Caméliens et les Tragules ruminent parfaitement bien, et que les subs- tances liquides absorbées par les Bœufs, pris comme exem- ple, arrivent directement dans le réseau. Ces considérations d'anatomie comparée peuvent donc ap- porter un appoint nouveau à la connaissance physiologique des fonctions de la gouttière. Si cette dernière servait à La : (1) Ibexiste sur ce sujet un travail récent de Schell. DE L’ESTOMAC DES RUMINANTS. 27 rumination ou à la conduite des liquides dans le feuillet et la caillette, il me semble que la partie antérieure, la plus voisine du cardia, serait la plus constante. Il faut également considérer que la largeur du conduit formé par le rapproche- ment des lèvres de la gouttière, chez les Bovidés eux-mêmes, est beaucoup plus faible que celle de l’œsophage au cardia (les deux calibres ne correspondent pas). Enfin, Toussaint a également montré que la rumination est un phénomène pu- rement physique, pour lequella conformation stomacale sem- ble étrangère, et placé sous la dépendance des mouvements du diaphragme. Région du feuillet. Passage du feuillet à la caillette. — Les auteurs qui ont traité de l'estomac dans les différents groupes des Ruminants, s’accordent à dire que c’est le feuil- let qui est le plus sujet à subir des variations, puisque déjà sa présence est très contestée chez les Tragules. Il était donc bien rationnel de porter tout d’abord mon attention sur les rapports myologiques du feuillet avec les régions voisines. Le passage du réseau au feuillet vient d’être exa- miné ; il reste à voir celui du feuillet à la caïllette. Déjà une première analogie entre ces deux régions est fournie par l'importance relative, mentionnée ci-dessus, des deux plans musculaires qui diffèrent sur ce point de ceux de la paroi du rumen et du réseau; mais après avoir étudié la structure de la cloison séparatrice du feuillet et de la caillette, percée seulement d’une ouverture de communication, j'ai compris immédiatement la valeur anatomique du feuillet. Un examen comparé et superficiel des différentes formes stomacales que j'ai eues les premières entre les mains, m'avait bien vite montré que le feuillet n’occupe pas toujours la même situation par rapport à la caillette. Il s’élait trouvé heureusement que ces pièces (Antilope Kob., Renne) occu- pent les extrémités d’une série pour l'établissement de la- quelle ce caractère joue un rôle important, et c'était le pre- mier résultat de ma technique. Le schéma de la page 86 montre bien ces différentes situations, el on concoit alors 28 J. A. CORDIER. que la cloison séparatrice puisse varier d'importance depuis la forme d'un simple croissant à bords minces, comme chez le Mouton, jusqu’à celle d'une sorte de palette de peintre (fig. suiv.). | TI Es aAun ces . ss de La cloison Séparalrice du Jenillet et de la cailletle. C’est chez une Antilope Kob. du Sénégal, âgée de quel- ques jours, qui me présentait le plus nettement cette der- nière disposition, que j'ai d’abord reconnu la structure de la cloison séparatrice (1); mais j'ai vérifié ce résultat sur d’au- tres échantillons, tels que l’Antilope Nylgaut, Ja Chèvre naine, le Cerf Axis. | 7 (A ) Dans son volumineux mémoire, Wilkens a appelé « Pont » une région mal délimitée comprise entre l'ouverture feuillet-caillette et le réseau; c'est une dénomination assez exacte, étant donné que la grande courbure du feuilletesttoujours tournée vers la région dorsale, etque les lames pendent dans l’intérieur de cette cavité. C’ en alors sur ce «pont » que passent les liquides venus du réseau ou exprimés entre les feuilles. Le pont peut donc être composé Lout entier, comme chez l’Antilope Kob. ou le Bœuf commun, par la cloison séparatrice du feuillet et de la caillette, ou bien comme chez le Renne, entièrement de la paroi externe opposée à la grande courbure du feuillet, avec tous les intermédiaires entre ces deux dispositifs extrêmes. J'ai du reste établi le schéma précédent pour bien faire comprendre cette disposilion, et je me conformerai à la désignation consacrée par Wilkéns en appelant « pont », l'ensemble de ces deux régions dont l'une peut être intérieure (la cloison séparatrice), et l’autre extérieure, étendant ainsi le sens de la première appellation, ce qui n’a du reste aucune importance. :: DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 29 Examinons les coupes axiales dont les direclions sont indiquées dans le schéma précédent par les flèches mar- quées !, 2 el 3, représentées figures 3 et 3°, PL. I, et fig. 6, PI. IT. Elles montrent avec la plus grande évidence que /a cloi- son est formée de quatre couches appartenant deux à deux au feuillet et à la caillette, ce qui ressort immédiatement de leur importance relative et de La direction de leurs fibres (1). Il en résulte donc que le croissant ci-dessus est constitué par l’ac- colement des parois propres des deux cavités, et que la lon- gueur de cet accolement varie comme le montrent surabon- damment les schémas de la page 86. On verra quelles sont les conséquences qui découlent pour l'anatomie comparée de cette disposition et de ce premier caractère. Sur la figure 3, PL I, on pourra remarquer la double invagination de la sé- reuse, qui s’est produite entre les deux surfaces externes mises en rapport, dispositif qui montre que l’accolement n'a pas eu lieu dès le commencement du développement, et qu'il convient de rapprocher des faits embryologiques. D'’a- près ceux-ci, c'est en effet, parmi les cavités stomacales, le feuillet qui se différencie le dernier. Le léger repli (3, schéma précédent) qui s'élève entre la caillette et l'extrémité postérieure du feuillet n'est formé que de tissu conjonctif; mais chez les Bovidés vrais, 1l con- tient une indication de la structure du pont qui se trouve de l’autre côté de l’ouverture de communication. Ce repli postérieur n'existe pas chez les Ruminants voisins du Renne dans la série, et on comprendra mieux sa présence lorsque j'indiquerai, dansle chapitre de l'anatomie comparée, le mécanisme de la séparation du feuillet et de la caillette. Passage de la caillette au duodénum. — L'extrémité py- lorique de la caillette est occupée par un sphincter possé- dant la structure générale qu’on lui connaît chez la plupart des Mammifères, c’est-à-dire qu'il est formé simplement par (1) Il est facile d’après cela de concevoir la direction rayonnante des fibres dans les deux couches de la caillette pour une coupe d'orientation déter- minée. | 30 J. A. CORDIER. un épaississement de la couche musculaire interne de l’es- iomac. On comprendra facilement que l’étude myologique de cette région n’a qu’un intérêl relatif pour mon sujet; ce- pendant, j'ai observé quelques différences dans la forme et la disposition de ce sphincter chez les différents Ruminants que j'ai étudiés, et je les ai consignées dans l’étude particulière des pièces disséquées en décrivant chacune d'elles. Nous avons sur la structure comparée du sphincter pylo- rique, dans la série des Mammifères, une étude de Klaüssner quirelate sa disposition chez quelques Ruminants, et j'ai repré- senté, fig. 8, PL. IT, une coupe longitudinale très réduite, me- née suivant la petite courbure du viscère et montrant la transi- tion des tissus de la caillette à ceux du duodénum. L'épaissis- sement déterminé par le sphincter pylorique est minimum du côté de la grande courbure de la caillette; il est très marqué au contraire du côté de la petite courbure, en pré- sentant en général, de chaque côté de cette ligne médiane, deux régions très voisines où il est maximum; c’est done une sorte de sphincter à deux pelotes plus ou moins parfait. 3° ETUDE DE LA MUQUEUSE. La muqueuse de l'estomac des Ruminanis se compose es- sentiellement d’une couche de tissu conjonctif contenant des capillaires et des terminaisons nerveuses, surmontée d’un épithélium, stralifié pavimenteux dans le rumen, le réseau et le feuillet, glandulaire dans la caillette. Je ne puis entrer dans tous les détails de la structure histologique de cette muqueuse, pour lesquels je renvoie aux ouvrages gé néraux, et en particulier aux mémoires de Noak, de Ellemberger et de Pauli, et j'indique seulement ici les points qui intéres- sent mes recherches. La couche de tissu conjonctif peut contenir, comme on sait, des fibres musculaires associées généralement en une assise plus où moins développée, appelée « musculaire mu- queuse ». Le rumen et le réseau semblent ne pas posséder DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 31 normalement cette musculaire muqueuse ; elle est au con- traire très nette dans le feuillet et la caillette, et on a accordé à ce caractère différentiel une importance sans doute exagérée, car on à vu que la muqueuse de la région de la gouttière possède également une couche musculaire. De plus, la musculature des cloisons cellulaires du réseau n’a aucun rapport avec la musculature pariélale ; elle fait donc partie de la muqueuse, et peut-être conviendrait-il de la considérer comme la musculaire muqueuse en quelque sorte condensée de cette région. Dans les nombreuses coupes que j'ai exécutées pour l'étude myologique du rumen, j'ai aussi quelquefois observé des fragments de couche muscu- laire dans la muqueuse, et chez les animaux adultes, sur- tout ceux qui sont très âgés, on trouve d’une façon constante des fibrilles musculaires à la base des papilles et dans l’in- térieur de ces formations. L’épithélium stomacal dérive comme on sait d’une assise cellulaire primitivement simple, développée ensuite en nom- breuses couches stratifiées : il est resté avec cette dernière structure dans les trois premiers estomacs, et c’esl à ses dépens que se sont formées les glandes de la caillette (1). L'épithélium stratifié pavimenteux est constitué à la base par une assise génératrice reposant sur le « stratum mu- cosæ », surmontée d’autres assises de moins en moins vivantes à mesure qu'on s'approche de la surface. Dans cer- taines régions telles que le voisinage de l’œsophage et le sommet des piliers musculaires, ces dernières couches se confondent en une substance anhiste qui ne se colore plus que par l'acide picrique; c’est donc une couche cornée. L'épithélium du rumen particulièrement se desquame avec la plus grande facilité, el quelques heures après la mort on peut l'enlever par lambeaux comprenant tout ou partie de (1) « Lorsqu'il naît une glande au-dessous d’une surface couverte d'épi- thélium, il part de la face profonde de celui-ci un bourgeon qui s'enfonce dans l'intérieur des tissus ; il pénètre jusqu’à la profondeur où atteindra la glande, et ce n’est que plus tard qu'il s’y produit une cavité. » — Ranvier, Traité d'histologie, p. 190, 2e édit. 52 J. A. CORDIER. son épaisseur. Chez l’animal vivant, les couches les plus su- perficielles {tombent très facilement en deliquium, ce qui avait fait penser aux anciens anatomistes à une sécrétion des trois premières cavités ; mais il n'existe aucune glande dans leurs parois. Ornements de la muqueuse. — Les ornements de la mu- queuse étant d'aspect très différent suivant les cavités slo- macales, ce qui a sans doute contribué à les faire considérer comme aulant d'estomacs distincts, je suis obligé d'étudier séparément les papilles du rumen, les cellules du réseau et les lames du feuillet et de la caillette. Papilles. — La surface tout entière du rumen est garnie de papilles constituées essentiellement par une petite masse grêle et allongée de tissu conjonctif, en général resserrée au point d'attache, et coiffée par l’épaisse couche épithéliale pavimenteuse. Leurs dimensions varient d’un façon assez notable avec les différentes régions du viscère et quelque- fois on en observe de plusieurs formes sur le même animal. Ce mode de répartition est d’une constance remarquable chez toutes les espèces, ce qui nous fait déjà présager que ces petites formalions ont une certaine importance physiologique. Les papilles ne sont que rarement développées à la crête des piliers musculaires, et on observe seulement à cet endroit de petites éminences disposées géométriquement et ressem- blant à un gaufrage; on peut alors se rendre compte que leur arrangement correspond à un maximum de papilles pour une surface minima. La présence en cette région d'un épithélium corné, avait fait penser que ce dispositif est dû à l'usure des papilles par la masse alimentaire, toujours grossièrement divisée du rumen, et on croyait que le sommet des piliers était en quelque sorte râpé. Tout d’abord on peut remarquer que le changement d'aspect entre les parois laté- rales du pilier et son sommet est souvent brusque, ce qui fait déjà soupçonnerl’inexactitude desanciennes suppositions. Le sommet du « repli du col », qui est cependant le plus fatigué par le passage incessant de la nourriture, ne présente DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. + à) généralement pas ce caractère ; mais j'ai aussi observé que l’é- pithélium est déjà corné et la surface râpée chez l'animal qui n’a encore suivi que le régime laclé, et dont les papilles avoisinantes sont cependant déjà bien développées. Chez les Tragules, le sommet des piliers musculaires est garni de papilles filiformes comme sur tout le reste de la surface du rumen, observalion intéressante que je mettrai plus loin à profit. On voit donc en résumé que celle particularité n’est pas due, comme on le pensail, à une cause purement méca- nique. Le « col de la panse » (1) est garni de papilles plus ser- rées et plus longues que partout ailleurs ; elles s’avancent de l’autre côté du repli en forme de croissant {le repli du col) pour passer, ainsi que nous le verrons, dans les cloisons cellulaires du réseau. Les vessies coniques sont aussi garnies de longues papilles, mais déjà moins développées que dans le col, et il est également à remarquer que les parois sto- macales, en rapport avec les flancs de l’animal, possèdent un système papillaire plus riche que celles qui sont en contact avec les viscères avoisinants. | La forme des papilles n’est pas la même chez tous les Ruminants ; mais il ne convient pas d'accorder à ces varia- lions une importance exagérée, car J'ai pu me convaincre, en comparant loutes les formes observées, qu'elles ne consli- luaient que des modifications d’un même type. On peul même dès maintenant avancer que ces modifications trou- vent leur explication naturelle dans les besoins physiologi- ques de l’animal. Le Renne, par exemple, des contrées cir- cumpolaires, présente non seulement un système papillaire très développé, mais encore des papilles d’une forme spéciale (fig. 12, PL. IT). La forme type et la plus habituelle de la papille est une languette dont l'extrémité libre est élargie en spalule, et Je n'ai jamais pu observer de papilles à section parfaite- ment circulaire. Chez le Cariacus Nemorivagus de la Guyane, (1) Nous rencontrons pour la première fois cette expression dans les tra- vaux de Daubenton. Wilkens s'en est aussi constamment servi. ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 3 34 J. A. CORDIELR. l'Hyælaphus Porcinus, par exemple, ces papilles qui parais- sent cylindriques sont néanmoins à section nettement ovale; ces animaux habitent du reste les régions chaudes. Celles des Moultons el des Bœufs sont relativement assez courtes, ovales et aplaties. Toutes ces observations qui trouveront plus loin une expli- cation rationnelle ne sont pas les seules que j'ai pu faire sur les papilles des Ruminants; j'ai consigné sur la régula- rilé de leur disposition ou leur arrangement, leur écarte- ment et leur disparition chez les vieux animaux, d'autres remarques qui ne sont pas sans Intérêt. En un mot, leurs variations comparées permettent d'expliquer les particula- rités de leur structure. Lorsque, dans les mêmes condilions de réplétion, on com- pare le volume du rumen chez une petite espèce domes- tique comme le Mouton, au volume de la même cavité chez un grand Ruminant tel que l’Antilope Nylgaut, on est frappé de les voir presque égaux malgré la taille si différente des deux espèces. Le rumen Cerf dont la taille à l’état adulte est égale à celle du Mouton est presque moilié moins spacieux, et l’on connaîl l'immense développement que prend la panse du Bœuf (1). Cependant je compare encore au Mouton des animaux qui ont vécu à la Ménagerie un temps plus ou moins long, et qui, par conséquent, ont été sans doule soumis aux mêmes causes qui ont amené celte véritable dilatation stomacale des espèces depuis longtemps domestiquées. Cette dilatalion est donc en quelque sorte devenue héréditaire, ou sa production tout au moins rendue très facile par une longue sélection, el si nous compa- rons l'aspect papillaire chez le Mouton et le Nylgaut (2) (4) Tout le monde connaît la sobriété de la chèvre et la délicatesse avec laquelle cet animal, abandonné à lui-même, choisit sa nourriture. Chez un Chevreuil à l’état sauvage, je n'ai pu trouver dans le rumen que quelques débris de glands, et j'oppose ce fait à la quantité de nourriture variant entre 50 et 100 kilogr. qu’on trouve normalement dans la panse du Bœuf. (2) Le Mouflon à manchettes (Ovis Tragelaphus), dont la morphologie sto- macale est presque identique à celle de notre Mouton ordinaire, ele des papilles beaucoup moins espacées. DE L'ESTOMAC: DES RUMINANTS. 0 parfaitement adultes, nous serons aussi frappés par l'écar- tement considérable des papilles du Moulon, comparées à celles du Nylgaut. Cependant chez l'agneau, les papilles naïs- santes sont à peu près normalement espacées, ainsi que nous les trouvons dans les mêmes conditions chez les espèces sauvages. On voit donc à quoi on s'expose, si l’on veut tirer des caractères des rapports de volume présentés par les cavités stomacales chez les différentes espèces adultes, comme on l’a tenté plusieurs fois. Le réseau, le feuillet, la caillelte, quoique moins impressionnés par le mode d’ali- mentation intensive, doivent cependant l’êlre aussi. On con- çoit bien, même sans ces considérations, le peu d'importance qu’il conviendrait d’attacher à cet ordre d'idées. Lorsque l'animal avance en âge, les papilles du rumen subissent des modifications (1) profondes que j'ai obser- vées sur mes échantillons d'étude, et qui doivent amener des troubles digestifs plus ou moins importants. Quand on ouvre le rumen d’un animal à peine adulte, les papilles serrées les unes contre les autres sont d’une régularité parfaite, et ainsi que je l’ai fait remarquer, beaucoup plus développées dans certaines régions telles que le col, qu’en d’autres points de la paroi stomacale. Si l’on examine ensuite un animal {rès âgé, on verra les grandes papilles du col clairsemées, deux ou trois fois plus allongées que chez le jeune, flélries et comme effilochées, et présentant à leur base une torsion qui peut dépasser un tour suivant la phase de l’atrophie. Pour mieux juger de la différence considérable observée dans l'aspect papillaire de ces deux états, j'ai représenté les papilles du col chez une Antilope Beisa très âgée (fig. 11, PI. IP), et à côté, celles encore normales qui recouvrent les parties avoisinantes. Entre ces grandes papilles en voie de dispari- tion, nous trouvons les traces nombreuses d’autres papilles qui sont déjà disparues, et dont la partie basilaire demeure (1) J. A. Cordier, Des modifications subies avec l’âge par les formations de la muqueuse du rumen chez les Ruminants (Bulletin de la Société zoologique de France, t. XVIK, p. 229). 30 J. A. CORDIER. seule comme vestige, recouverte totalement par l'épithélium ordinaire du rumen. Cette particularilé m'avait fait d'abord supposer que ces formations de la muqueuse pouvaient bien se renouveler ; mais une coupe histologique pratiquée dans cette région montre neltement que les choses ne se passent pas ainsi. La surface de cicatrisation est coupée carrément ; l’'épithélium a proliféré et comblé les dépressions inévitables qui se produi- sent lors de la chute, et on peut observer les fibrilles muscu- laires venant en quelque sorte buter la cicatrice ; il ne peut donc rester aucun doute à cet égard. Cette disparition des papilles frappe, moins prématurement il est vrai, le reste de la surface du rumen, et elle semble cette fois déterminée par une cause mécanique, la masse alimentaire toujours très rugueuse agissant par une sorte d'usure. Les papilles du col sont celles qui sont le plus exposées à cette action, et c’est en effet dans cette région que le phénomène se montre avec le plus d'intensité. Chez un Bison ayant vécu trente ans à la ménagerie du Muséum, j'ai pu constater l'absence presque complète de papilles entières ; une Antilope et un bélier également très vieux ont aussi montré ce processus avec la plus grande évi- dence ; mais j'ai pu voir le mêmefait se produire d’une façon moins marquée chez des animaux assez jeunes. Une autre modification qui semble apportée par l’âge chez certains Ruminantsest l'apparition d’une coloration noire plus ou moins intense sur toute la surface du rumen. Chez le Bison dont il vient d’être question, l’épithélium qui se détachait d'autant plus facilement par larges plaques que la muqueuse élait dénudée de papilles, était devenu d’un noir intense sur sa face interne. Le Mouton et le Bœuf ordinaire présen- lent également cetie coloration; je l'ai observée aussi chez le Pécari et dans d’autres espèces, mais je n'ai pu la consta- ter sur des Cerfs et des Antilopes, cependant très âgés, que j'ai eu l’occasion d'éludier. Sa production, localisée seule- ment aux régions pavimenteuses, semble donc être favorisée DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 97 par la domeslicité et n'être point spéciale aux Ruminants. Une coupe histologique (fig 5, PI. 1) montre que seuls les fragments écailleux, qui proviennent chez les vieux animaux de la desquamation superficielle de la couche cornée exlerne de l’épithélium, possèdent celte sorte de pigment noir sur le- quel les réactifs spéciaux (potasse, acide chromique, etc.) sont sans aclion. Cellules du réseau. — Le réseau n’est pas nettement sé- paré du rumen par un étranglement marqué ou par une cloison, comme cela a lieu pour les autres cavités stoma- cales; c’est ce disposilif qui a dû faire naîlre chez un certain nombre d’analomistes, des doutes sur l'autonomie du réseau, quand on considérait qualre estomacs chezles Rumi- nants. Le repli du col ne pouvait être regardé comme la limite entre le rumen et le réseau, puisque les papilles s’a- vancent bien au delà dans cette dernière cavilé, et elles pos- sèdent précisément leur maximum de développement dans celle région. Si l’on examine attentivement leslimiles des deux formalions papillaire et réticulaire,on s'aperçoit que les cloi- sons cellulaires s'abaissent légèrement, se fragmentent en segments de moins en moins longs, dévenant peu à peu des papilles normales. On peut donc avancer que les cloisons inter- aréolaires résultent de la condensation des papilles du rumen ei de leur association en séries linéaires (1). J'ai porté mon attention sur ce point chez toutes les espèces que j'ai disséquées, el je n’ai jamais observé aucune autre dis- position que ce passage plus ou moins brusque d’une forma- tion dans l’autre. J'ai représenté (fig. 10, PI. Il) cette région chez un animal adulte, où la transilion est brusque (pour la commodité du dessin); mais chez cerlains Ruminants jeunes, le passage insensible est encore beaucoup plus probant. La nature de la muqueuse nous amène donc à celte conclusion irréfutable que le réseau doit être considéré comme un cul- (1) J. A. Cordier, Observations anatomiques sur l'assimilution des cavités de l'estomac composé des Ruminants (Comptes rendus des séances de la Société phi- lomathique, 1893, n° 7, p. 6). 38 J. A. CORDIER. de-sac du rumen ; il n’en diffère pasnon plus par sa myologie; depuis que nous connaissons la simplicité de la structure de la gouttière. L'aspect alvéolaire des cellules du réseau est d’une cons- tance remarquable dans toute la série des Ruminanis,; ce sont toujours les mêmes figures géométriques ne différant que par l'étendue et la hauteur des cloisons. Les cellules sont toujours un peu plus profondes dans la région de la grande courbure que sur les confins du viseère, et on remarque, surtout chez les espèces possèdant des cellules très profondes, que les cloisons qui descendent verticalement de la goutlière sont plus marquées que celles qui les traversent. Les pre- mières de ces cloisons viennent s’éteindre dans les fines striations transversales des lèvres. Cette disposition montre nettement le rôle aquifère du réseau ; elle fait ressembler les cellules pariétales, en général quadrilaières, à des nids de pigeon ou à des augets d’une roue hydraulique, et on peut l’observer {rès nettement chez le Bœuf domestique. Les espaces intercellulaires, subdivisés eux-mêmes par des cloisons moins importantes qui naissent à angle droit des premières, sont occupés par de petites papilles souvent cor- nées. La condensation papillaire qui a donné lieu aux cloi- sons du réseau, et sur lesquelles il est toujours {rès facile de la suivre, s'est donc effectuée en quelque sorte aux dépens des papilles englobées, et la structure de ces dernières est iden- tique à celles qui tapissent le rumen. En comparant toutes mes pièces au point de vue de l'im- portance des cellules du réseau, j'ai pu me convaincre qu'il existe une relation générale entre l'ampleur de cette cavité et le développement des cellules à son intérieur. Le Bœuf possède un réseau relativement très peu spacieux; ses cellules sont étroiles et leurs cloisons hautes de deux centimètres au moins chez l'adulte ; les Tragules, le Renne, certaines espèces de Cerfs el d’Antilopes possèdent au contraire un vaste réseau ; mais les cloisons internes sont à peine développées. On de- vine immédiatement que celte disposition est liée à une con- DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 39 dition physiologique importante à réaliser et absolument constante. Ainsi qu’on le voit, il existe donc une sorte de balancement ou de rapport inverse entre le volume de la cavilé et l'importance du développement cellulaire interne, lui-même en rapport direct avec le peu d’étendne des cellules et la hauteur de leurs cloisons séparatrices. La découverte de cette lot abso- lument générale va nous conduire naturellement à une connaissance plus approfondie du rôle physiologique du réseau. Vascularisation du rumen et du réseau — erplication ration- nelle des remarques précédentes. — Dans les quelques généra- lités que j'ai faites au commencement de ce mémoire, j'ai indi- qué rapidement le cours des principaux troncs vasculaires qui irriguent l'estomac. Îl reste à suivre le trajel de leurs ramifi- cations dans la paroi de l’organe, et je vais m'occuper d’abord du rumen et du réseau, remetlant la vascularisation du feuillet et de la caillette après l’étude de la muqueuse de ces deux cavités. Après leur pénétration sous la séreuse, les artères accom- pagnées alorsle plus souvent de deux veines satellites donnent des branches latérales dont les directions, toutes parallèles entre elles, sont réglées par le parallélisme des faisceaux mus- culaires entre lesquels elles cheminent. Quand on observe la pénétration d’une injection colorée dans ces vaisseaux, l'effet qui en résulte est assez remarquable (fig. 9, PL I). Comme la couche musculaire sous-jacente est croisée à angle droit avec la couche externe, les vaisseaux qui ne sont plus accompagnés immédialement par les veines dans cetle partie de leur trajet, changent brusquement de direction en s’enfoncant dans les interslices de la couche inférieure. Ar- rivés dans la muqueuse, ils se résolvent en une sorte de ré- seau dont les branches principales conservent la direction donnée par les faisceaux musculaires voisins. C’est sur ces branches que s’insèrent, en des points équidistants, les petits rameaux qui se rendent dans chaque papille, et on concçoil alors la disposilion presque géométrique de ces dernières. 40 J. A. CORDIER. On voit très bien, surtout chez les jeunes animaux dont les papilles sont encore peu développées, que celles-ci sont si- x luées les unes à la suite des autres et disposées comme en quinconce (fig. 20, PI. III) afin de ne point se gêner dans leur croissance ultérieure. On peut également observer cette disposition au sommel des piliers chez les animaux adultes, et il convient de la rapprocher de celle des cloisons du réseau d'après ce qu'ilen a été dit. Le petit tronc destiné à chaque papille se ramifie abon- damment en formant un lacis {rès serré, disposé à la péri- phérie, el le tout se réunit en un {ronc efférent qui rentre dans la muqueuse à côté du vaisseau ascendant. A la base de chaque cloison du réseau court un tronc vasculaire im- portant, d'où partent des branches ascendantes, réunies toutes entre elles au sommet par un vaisseau parallèle au {ronc basilaire (fig. 21, PI. 111) et occupant ainsi la crête de la cloison (1). (1) Pour étudier la vascularisation capillaire de l'estomac des Ruminants, j'ai pratiqué en ligaturant l'aorte au-dessous du tronc cœæliaque, une injec- tion à la gélatine fortement colorée au bleu soluble, sur un sujet âgé seule- ment de quelques jours. Les veines se sont injectées avec la plus grande facilité par les capillaires, et bien que ce soit un fait à peu près général lors- qu’on emploie la gélatine, ce passage facile montre que le calibre des capil- laires est assez considérable. Une Antilope Nylgaut ayant environ une semaine s’est injectée ainsi com- plètement, peut être aussi à cause de la taille considérable de cette espèce adulte. A ce stade de l'existence, les parois stomacales sont minces et comme transparentes, les plans musculaires et muqueux s’isolent très faci- Jement et les papilles n’atteignent encore en moyenne que 1 millimètre. Cet animal, se rapprochant des Bovidés comme organisation stomacale, possédait les cloisons cellulaires du réseau suffisamment développées pour qu’il soit possible de bien suivre le cours des vaisseaux dans leur intérieur. En détachant ensuite des portions de muqueuse, de couche musculaire ou d'épithélium dans les différentes régions, et en traitant successivement par le picro-carmin et l'acide acétique dilué, je pouvais les observer de champ à des grossissements pouvant aller jusqu’à 120 diamètres. Ce traitement au carmin a l’avantage de faire ressortir admirablement tous les détails de la préparation; l'acide fixe le carmin et éclaircit, et si malgré cette manipu- lation la pièce est un peu opaque, on l’éclaire plus ou moins fortement à l’aide d’un condensateur. | Ce procédé m'a permis de suivre avec la plus grande facilité le trajet des capillaires dans les papilles du rumen, les cloisons du réseau, les lames du feuillet, les espaces interglandulaires de la caillette, etc... Il est surtout DE L’ESTOMAC DES RUMINANTS. 41 Celle dernière disposition vient à l’appui de la condensa- tion papillaire pour la formation des cloisons interaréolaires; car elle résulte de l'association en séries linéaires des syslè- mes vasculaires des papilles, ainsi qu'il est facile de le con- cevoir. Quand les cloisons se résolvent en papilles aux confins du réseau, on peut avoir en effet, ainsi que je l’ai constamment observé, un fragment composé de deux papilles à moitié séparées, et dont les vaisseaux communiquent encore par le sommet, puis un fragment de trois, de quatre, etc., — puis une longue file qui est la cloison elle-même. La vasculari- sation des peliles papilles occupant l’intérieur des cloisons est identique à celle de leurs voisines du rumen. | Après avoir ainsi élabli le fait de la condensalion papillaire du rumen pour la formation des cloisons du réseau, je me suis tout naturellement demandé quelle pourrait êlre laraison physiologique de cette disposilion anatomique ; elle me fut suggérée en observant la grande richesse vasculaire de ces formations. Chez de très jeunes sujets, la muqueuse imjectée complètement comme l'indique la nole ci-jointe, se colore uniformément en bleu intense; celle du réseau est encore co- lorée davantage, et l'examen microscopique montre pour le rumen, par exemple, que cette coloralion est uniquement due aux lacis vasculaires des papilles. Quand on considère l’épaisse couche épithéliale pavimen- teuseet quelquefois cornée à sa surface quirecouvre le rumen etle réseau tout entiers, et qu'on examine lesdifférentes hypo- thèses successivement émises (1) par les auteurs sur les fonc- Lions de leurs ornements internes, on voit qu'avec les données anatomiques et physiologiques actuelles, aucune d’elles n’est précieux pour rechercher et délimiter les régions glandulaires qui pour- ralent passer inaperçues au milieu de surfaces couvertes d’épithélium pavi- menteux, comme par exemple chez le Pécari et les Caméliens; les glandes prennent le carmin et se colorent en rouge foncé, tandis que l'épithélium pavimenteux ne conserve que l'acide picrique et reste jaune. (4 On a attribué successivement aux papilles du rumen les fonctions de sécrétion, d'absorption et de brassage de la masse alimentaire; mais ces suppositions des anciens auteurs, qui ne reposent plus pour nous sur aucune base sérieuse, ont été démenties successivement. 42 J. A. CORNDIER. admissible. Si l’on rapproche des faits qui viennent d’être établis le rôle aquifère évident du réseau, on peut avancer qu'il est infiniment probable que toutes ces papilles ont pour principale fonclion de porter la masse alimentaire à une lempérature fixe, correspondant à une fermentation spéciale pour le ramollissement des parois cellulosiques des végétaux el la mise à nu des substances protoplasmiques ou protéiques. Cette fermentation se fait avec le concours de l’abondante salive des Ruminants, et je rappelle à ce sujet combien peuvent être désastreuses les fermentations anormales du rumen provoquant la météorisation. S'il existe-une condensation papillaire dans le réseau et par conséquent une vascularisation plus intense, c’est évi- demment afin de porter le plus rapidement possible à une lempérature convenable, les liquides froids tombant de la gouttière qui pourraient troublerle processus de la fermenta- tion (1). On s'explique à présent la raison pour laquelle les pa- pilles du col sont si développées, puisqu'elles sont les pre- mières en rapport direct avec la masse alimentaire, et pour- quoi celles qui garnissent les parois du rumen, en contact avec les flancs, sont plus développées que celles des parois en rap- portavec des organes eux-mêmes richement vascularisés, tels que le foie et la rate. Quoiqu'il me soit difficile de donner de ces phénomènes physiologiques une démonstration di- recte (2), l'ensemble de toutes ces observations anatomiques n'est-il pas suffisant pour entraîner, sinon la certitude, du moins une {rès grande probabilité (3)? On m'objectera certai- (1) D'après les traités de physiologie vétérinaire,le Bœuf pourrait absorber en une seule fois jusqu’à 40 litres d’eau; les papilles des Bovidés sont folia- cées et présentent par conséquent une grande surface réchauffante. (2) Je m'étais promis de suivre comparativement le développement des papilles chez des veaux de lait, souvent fort âgés (6 mois et même davan- tage) que l’on sacrifie souvent aux abattoirs, avec celui des animaux de même âge soumis depuis longtemps au régime herbacé; mais je n'ai ii mettre ce projet à exécution. (3\J. A. Cordier, Observations sur la vasculurisation stomacale chez les Rumi- nants et sur une fonction probable des pupilles du rumen et des cloisons cellu- DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 43 nement que le Renne absorbe de la neige comme boisson, et que cependant les cloisons cellulaires de son réseau sont ex- cessivement basses. À cela on peul répondre que l'animal ne peut avaler que de très petiles quantités de neige à la fois, comparativement à la quantilé d’eau ingérée par le Bœuf, et que par conséquent celte neige a déjà pris la température de l’animal lors de son arrivée dans l'estomac. On remar- quera encore le très grand développement du réseau con- formément à la règle que j'ai établie ci-dessus, et qui vient compenser comme toujours l'absence relative des vaisseaux des formations réticulaires. Enfin cette ampleur du réseau est liée à une disposition rapprochant l’estomac tout enlier des formes simples, ainsi que je le montrerai pius lard. Après celte élude sur la morphologie comparée des deux premières cavilés de l'estomac des Ruminants ordinaires, qui a pu éclairer un certain nombre de points de leur physio- logie, il reste à compléter quelques détails et à indiquer quel- ques particularités de la structure des ornements de la mu- queuse. Les papilles du rumen contiennent très neltement, surtout chez les animaux déjà âgés, des fibrilles musculaires ; les cloisons du réseau possèdent une musculature que j'ai re- présentée très réduite (fig. 14, PL. I) chez un Bovidé ; car c’est chez ces animaux que l’on trouve le réseau le moins spacieux et par conséquent les cloisons internes les plus élevées. On voil que cette musculature n’a pas de rapport avec la muscula- ture pariélale, ce qui fait que je la considère comme la mus- culaire muqueuse de celte région ; elle semble être la consé- quence de la condensation des papilles du rumen, et chez les animaux tels que le Renne, le Chevreuil, etc., où les cloi- sons sont à peine marquées, elle est réduite à fort peu de chose. On observe toujours un certain rapport entre la forme des papilles du rumen et celle des cloisons cellulaires du réseau. laires du réseau (Bulletin de la Société philomathique de Puris, 8° série, t. V, p: 31). | : 44 d. A. CORDIER. C'est ainsi que chez le Bœuf commun, par exemple, dont les papilles sontaplaties etcomme foliacées, les cloisons du réseau sont également irès déprimées ; l’Antilope Nylgaut qui pos- sède des papilles plus massives a aussi ses cloisons interaéo- laires plus épaisses. | La condensation à laquelle est soumis, ainsi qu’on le verra bientôt, le réseau des Ruminants ordinaires depuis les Tra- gules jusqu'aux Bovidés, semble avoir son retentissement sur l'épaisseur pariétale ; on vient de voir qu'elle est aussi en rapport inverse avec le développement des ornements in- iernes. Chez les Tragules principalement, les parois du ru- ment et surtout celles du réseau sont assez minces pour qu’on puisse apercevoir, sur l'organe frais et insufflé, les papilles el les cloisons interaréolaires; cette dernière particularité a été signalée par beaucoup d'auteurs. Les parois stomacales des Ruminants supérieurs sont au contraire tellement épaisses, que pour le réseau on a pensé que celte solidité de l'organe avait un rôle prépondérant dans la rejection ali- menlaire qui constitue la rumination. Comme les Tragules ruminent parfaitement, cetle remarque pouvait déjà mon- trer, même avant les travaux de Toussaint, le peu de fon- dement de cetle hypothèse. Muqueuse du feuillet. — Le feuillet est une cavilé stoma- cale trituranle ainsi qu’on en voit d'assez nombreux exem- ples dans la série des Vertébrés ; il est caractérisé par ses lames qui pendent en quelque sorte, de la région de la grande courbure tournée vers le dos de l'animal, dans sa cavité, en convergeant toules vers un axe longitudinal placé au voisinage du pont (Cet axe coïncide avec le trajel suivi par les aliments liquides {schéma de la page 28). Dans sa cavité réniforme, les lames sont disposées longitudinalement les unes contre les autres comme les feuillets d’un livre, ce qui a été l’origine de son nom chez les anciens anatomistes. Je vais indiquer rapidement leur disposition et leur struc- Lure, car l’organe a élé de la part d’Ellemberger (1) l’objet (1) Le feuillet étant la cavité stomacale qui est sujette aux variations mor- DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 45 d’une étude surtout histologique, dans le but de déterminer son vérilable rôle physiologique sur lequel on n'avait encore phologiques les plus grandes, puisque déjà il manque, comme on sait, chezles Tragules et que sa complication lamellaire est assez différente dans la série, en résulte-t-il pour lui une importance moindre que celle des autres cavités stomacales dans la digestion spéciale des Ruminants? Les considérations que j'ai développées à propos de la muqueuse du réseau et qui m'ont fait assimiler cet organe au rumen, montrent que les Tragules possèdent seule- ment deux cavités stomacales, au lieu de quatre que l’on à l'habitude de considérer chez les Ruminants supérieurs: une cavité (le rumen) servant de réservoir propre à la fermentation cellulosique, et une autre, la caillette, uniquement digestive. D'après les observations des naturalistes, la nourri- Lure que recherchent ces animaux est beaucoup plus spéciale et plus choisie que celle qui forme le fond de l'alimentation grossière des Ruminants supé- rieurs. Cette particularité est sans doute en rapport avec l'existence du feuillet, car chez un Tragule que j'ai disséqué, la caillette contenait des grains entiers de maïs, et je n’ai jamais observé pareil fait chez les Rumi- nants de la Ménagerie pourvus de feuillet. Les petites espèces telles que la Corrine, les Nannotragus, les Cephalophus, les Muntjac, nous présen- tent un feuillet qui, pour être bien caractérisé, n’en est pas moins assez rudimentaire au point de vue fonctionnel, puisqu'il n'est composé parfois que de quelques lames primaires. On est donc amené à conclure que la présence du feuillet chez les Rumi- nants supérieurs est nécessitée par leur mode spécial d'alimentation; mais il est probable que cet accessoire est beaucoup moins essentiel, du moins chez certaines espèces, que les autres cavités stomacales. Cependant chez les Bovidés, où il atteint des proportions relativement énormes, et où on peut se convaincre qu’il fonctionne activement, il est probable que sa suppres- sion aurait sur la nutrition de l'animal un effet des plus fâcheux. Pour déterminer le rôle du feuillet, Ellemberger fait subir une sorte d'épreuve hydrostatique comparative à la masse alimentaire que l’on trouve dans les moitiés antérieure et postérieure. Le liquide d’une première éprouvette, où la nourriture provenant de la moitié antérieure est mise en suspension, s’éclaircit infiniment plus vite que celui de l’autre éprou- vette absolument semblable, dans laquelle se trouve le contenu de la moitié postérieure. Dans des expériences physiologiques, le même auteur montre que linnervation du feuillet est spéciale à cet organe; ses contractions sous l'influence d'excitations électriques n’ont aucun rapport avec celles obtenues sur les autres cavités. L’exsiccation est mise en évidence par l'examen du contenu toujours très consistant du feuillet, et je pense qu’elle est simple- ment nécessitée par le râpage qui, sans celte séparation préalable de liquide, serait illusoire. Chez les Bœufs adultes, j’ai quelquefois remarqué des déchirures souvent considérables dans les grandes lames du feuillet; elles sont produites par les corps plus ou moins anguleux avalés par ces animaux particulièrement voraces. Le Bison dont il a déjà été question, avait un feuillet dont certaines lames n'étaient plus représentées que par quelques lambeaux comme effi- lochés ; mais je dois constater que le bord libre était le plus souvent intact, restant comme vestige des lames détériorées. Chez des Bœufs domestiques adultes, les ouvertures ainsi pratiquées dans les lames étaient parfaitement A6 JS. A. CORDIER. fait que des suppositions. Cet important travail montre que le râpage et l’exsiccalion par expression de la masse alimen- laire sont les deux grandes fonctions du feuillet, fonctions alors purement mécaniques. Toute la surface interne de l’organe, aussi bien les la- mes que la paroi, est lapissée de cet épithélium stratifié pavimenteux qu'on à vu dans le rumen el le réseau, dispo- sition de prime abord incompatible avec le rôle sécréteur, d'acide en parliculier, qu'on a été tenté de lui attribuer. Pour une même région, les lames du feuillet ne sont pas toutes d’égale importance : entre deux d’entre elles beaucoup plus développées que les autres, que Garrod a ap- pelées du reste très exactement primaires, sans doute pour rappeler aussi leur apparition prématurée, on trouve une feuille moins élevée ou secondaire, et entre cette dernière et les lames primaires, deux autres encore moins impor- lantes ou fertiaires. On peut même observer chez les Bo- vidés des lames quaternaires, et des rangées linéaires de papilles accolées qui représenteraient des lames de cin- quième ordre, el on se rendra facilement compte de celte disposition sur le schéma de la page 89; mais chez les Ruminants que je rangerai à l'autre extrémité de la série, chaque cycle est beaucoup moins compliqué et peut même se réduire à une seule lame alors primaire. Sur une coupe iransversale du feuillet, toute la périphérie de l’organe est garnie par ces lames; elles acquièrent leur développement maximum dans la région de la grande courbure puisque, ainsi qu'on le verra par la suite, c’est leur importance pré- pondérante en cet endroit qui règle le degré plus ou moins cicatrisées, et je pense que ces observations viennent à l'appui du rôle qu'Ellemberger a assigné définitivement au feuillet. Il serait peut-être intéressant de rapprocher le rôle du feuillet ainsi com- pris, de la position que prennentles Ruminants pendant leur repos; il est à remarquer que ces animaux ne se couchent jamais sur le flanc à la manière des Carnassiers par exemple, le feuillet devant probablement conserver toujours la situation qu'il possède sur l'animal debout. On comprendrait mal, en effet, le rôle d’exsiccation dans le cas où le pont et le canal seraient situés immédiatement au-dessus de la masse à exprimer. | , DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 437 prononcé de cette courbure. Dans la région du pont, au con- traire, elles se réduisent à de simples émergences longitu- dinales, et il existe tous les intermédiaires de grandeur sur les parois latérales du feuillet. Jusqu'à ce jour, on n’a point considéré le feuillet comme dérivant d’un organe cylindrique par le développement pré- pondérant des formations lamellaires sur un seul côté du -viscère; aussi pensait-on que les feuilles s'arrêtent brusque- ment vers le pont, à deux émergences longitudinales que Wil- kens a appelées « lèvres du pont ». Il suffira seulement de jeter les yeux sur la fig. 6, PI. IT) pour se convaincre que ces lèvres ne sont que des lames ordinaires, et qu'il en existe en- lre elles d’autres moins marquées et possédant la même struclure. Chez certaines espèces, ces lèvres sont un peu plus développées que celles qui les avoisinent; cetle parti- cularité a attiré sur elles l’attention et leur a valu leur dé- nomination. Le feuillet étant réniforme, ses lames sont des croissants : les plus grandes s’insèrent en avant jusque dans le fond de la goutlière où elles se continuent souvent dans des papilles dures et cornées, s’abaissant au fur et à mesure que l’on s'éloigne de l'ouverture du réseau. Je dois rappeler à ce sujet que nous avons vu la couche musculaire externe el lon- giludinale du feuillet s’éteindre également sur le fond de la goultière, et il n’est pas sans intérêt de rapprocher ces deux particularités ; elles montrent la structure schématique de l'inserlion à angle droit de deux organes tubulaires de gros- seurs très différentes, et composées de trois couches hétéro- gènes superposées. Les lames s’insèrent d'autant moins loin en avant qu’elles appartiennent à une catégorie d'ordre moins élevé; de sorte que les lames quaternaires, quand elles exis- tent, sont très courtes el n’occupent que la partie médiane du viscère. En arrière, à l’extrémilé postérieure de l'ouverture feuillet- cailletle, les lames s’anastomosent en un bourrelet qui n’est aussi que la partie postérieure du pont, et dont les figures 48 J. A. CORDIER. des pages 28 et 89 rendent {rès bien compte. Nous verrons que dans les espèces où le feuillet se différencie le moins de la caillette, ce bourrelet n'existe pas, et les grandes lames du feuillet se continuent directement dans celles de la petite courbure de la caillette; le pont tout entier est alors un simple croissant à bords très rainces. On irouve souvent, surlout chez les Bovidés, sur les faces latérales des lames primaires, des expansions latérales pos- sédant la même structure que la lame elle-même, et qu’on peut considérer comme résultant de leur ramificalion ; la figure 19, PI. ILE, élablie en vue de montrer la vascularisation lamel- laire, fera bien saisir ce dispositif. Ces formations sont, à n’en pas douter, des lames qui sont restées accolées dans les premiers temps du développement, et qui ont été entraînées ensuile par la croissance très rapide de la lame primaire; la composition du cycle papillaire adjacent reste cependant constante. La moilié antérieure des lames du feuillet est garnie de papilles dures et cornées, dirigées en arrière et développées surtout sur la crête, à laquelle elles donnent l’apparence du tranchant d’une faucille. On pourrait croire, pour une raison analogue à celle qu’on croyait amener l'aspect râpé du som- met des piliers du rumen, que celte inclinaison est due au passage immédiat de la nourriture sur les lames ; mais on l’observe déjà chez les animaux morts en naissant ; c’est donc probablement une modification devenue héréditaire. Quel- quelois, comme chez le Bœuf commun, le Bœuf des stiengs, etc., à la naissance antérieure des lames primaires, ces papilles s'organisent en sortes de bouquets qui les ont fait comparer à des griffes d'oiseaux; on ne les trouve plus chez l'adulte, car elles ont disparu par un mécanisme sans doute analogue à celui que j'ai décrit pour les papilles du rumen. La moitié postérieure des lames possède de petites papilles toujours cornées, ressemblant plus particulièrement à celles qui occupent le fond des aréoles du réseau. Structure des lames. — I] est nécessaire de rappeler d’a- DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 49 bord que les parois du feuillel et de la caillelte possèdent une musculaire muqueuse très développée et très régulière ; c'est elle qui en s’exaltant va former avec une autre couche, qui semble avoir des rapports de conlinuité avec la muscu- lature pariétale, la musculature propre des lames. Lorsqu'on pratique chez un animal jeune une coupe transversale inté- ressant tout un cycle lamellaire du feuillet, on voit la mus- culaire muqueuse, dont les fibres sont dirigées longitudina- lement comme les lames elles-mêmes, s’invaginer jusqu'au sommet des feuilles où elle s’épaissit pour former ce qu'El- lemberger a appelé la volve. Entre ces deux feuillets externes, la musculature centrale coupée longitudinalement, et par conséquent transversale comme la couche pariétale annulaire et interne, n’a aucun rapport de conlinuilé avec celle der- nière ; elle semble s'arrêter avant d’alteindre celle couche. Chez des animaux adultes tels que le Mouton, le contraire semble exister, et c'est l'avis d'Ellemberger ; mais j'ai pu observer que ce rapport musculaire n'existe Le plus souvent que pour les lames primaires et secondaires. Il est donc pro- bable que cetle musculature centrale des feuilles n’est qu'une couche surajoulée à la musculaire muqueuse, en vue du rôle mécanique considérable que joue le feuillet ; car on comprendrait mal, non seulement le développement tar- dif (1), mais encore une telle prolifération de la musculature pariétale du feuillet. Les lames de la caillette en effet, qui n’ont point à jouer ce rôle mécanique, possèdent la même disposition de la musculaire muqueuse; mais la couche centrale fait totale- ment défaut. La direction transversale des fibres de cette dernière semble indiquer qu’elle sert seulement de lissu conducteur pour les {roncs vasculaires, qui se rendent de la paroi dans les feuilles (fig. 19, PL. IT), et à procurer seule- ment à celles-ci une consistance convenable; car tout l'effet dû au passage de la masse alimentaire est supporté par la (4) Voyez la remarque de M. P, Martin, p. 103. ANN. SC. NAT. ZOOL: XVI, 4 50 J. A. CORDIER. musculature externe longitudinale. Nous arrivons donc à cette conclusion que les lames du feuillet, comme celles de la caïllette, les papilles du rumen et les cloisons cellulaires du réseau ne sont que des proliférations internes exclusives de la muqueuse stomacale, organisées en vue de rôles physio- logiques différents et maintenant bien déterminés. Muqueuse de la caillette. — On trouve aussi dans la eail- lelte des lames que j'assimilerai sans peine à celles du feuil- let au point de vue morphologique. Leur consistance est molle et leur rôle consiste à augmenter considérablement la surface glandulaire ; il est bien différent de celui des lames du feuillet, et c'est un exemple remarquable d'une même formation anatomique dont les deux moiliés (antérieure et postérieure) sont affectées à des usages très divers. La disposition de ces lames est identique à celle que nous venons d'étudier dans le feuillet; c'est aussi dans la région de la grande courbure qu’elles sont le plus hautes, et elles s’abaissent graduellement vers la pelite courbure correspon- dant alors au « pont ». Le schéma de la page 89 rend du reste parfaitement compte de cet ensemble. Leur élévation est toujours moindre que dans le feuillet, et chez les Bovidés principalement, nous les trouvons également disposées par cycles, moins compliqués il est vrai, mais néanmoins très caractéristiques. Dans la plupart des autres espèces, on n’observe que des lames primaires avec l’indication seule- ment de lames secondaires. Cette disposition montre que le développement lamellaire de la caillette n'est pas allé aussi loin que celui du feuillet, et c’est chez les jeunes animaux qu'elle s’observe le mieux. Avec l’âge, les lames de la cail- lelte prennent très souvent des anastomoses obliques, sans doule en rapport avec les besoins physiologiques de l’animal ; elles font perdre toute nelteté au premier dispositif, el c'est probablement pour cetteraison que la ressemblance des deux formations voisines n a pas encore atliré l’altention jusqu'ici. Toute la surface de la caillette n'est pas ainsi intéressée par ces lames villeuses; elles s'arrêtent presque toujours DE L'ESTOMAC DES -RUMINANTS. 51 avant d’avoir atteint la région pylorique, qui ne porle en gé- néral que quelques réliculalions, séparée alors de la partie antérieure ou lamellaire par une région plus ou moins éten- due et tout à fait lisse. Cependant on peut observer le pas- sage direct des lames dans les réticulations pyloriques, par exemple chez le Bœuf des stiengs ou du Cambodje. On observe encore plus fréquemment, ainsi que cela a lieu chez l’Antilope Kob, que les lames de la petite courbure s’in- curvent et réunissent entre elles toutes les extrémités de celles de la grande courbure, disposition analogue à celle de l'extrémité postérieure du pont, où viennent s’altacher les grandes lames du feuillet. Dans quelques espèces, l'ouverture de communication du feuillet avec la caillette est garnie de deux lobes latéraux dont l'ensemble est cordiforme ; ces lobes ne sont que les extré- mités des deux lames médianes de la grande courbure qui viennent se terminer à ce niveau et sont fort développées. -— L'épithélium stratifié pavimenteux du rumen, du réseau et du feuillet s’est transformé dans la caillette en un épithélium glandulaire, par un processus aujourd’hui bien éclairci par les histologistes. La présence exclusive de glandes dans celte cavilé slomacale fait regarder généralement la caillette comme l'homologue de l'estomac des animaux monogas- triques ; mais J'ai déjà montré quele plan musculaire connu souslenom de «cravate de suisse » n’existe pas dansla caillette, et ce qu’il faut penser de l'hétérogenéité qu’on a voulu donner à l'estomac des Ruminants. Pas un anatomiste ne songe à considérer l'estomac du Cheval, par exemple, comme un es- tomac composé, et cependant l’épithélium de sa moilié car- diaque est franchement pavimenteux. Edelman, dans une élude qui ne manque pas d’un certain intérêl, a cherché ce que devenait dans la série des Mammi- fères, la petile région de glandes muqueuses qu'on trouve tout à fait au cardia chez l'Homme ; il l’a retrouvée dans la presque lotalité des animaux monogastriques éludiés à ce sujet, mais nullement chez les Ruminants. 5 2 J. A. CORDIER. Tous ces caractères différentiels, joints à celui qui est fourni par la situalion de la caillette en place, différente de celle de l'estomac humain, par exemple, montre bien que les deux organes ne doivent êlre assimilés qu'au point de vue physiologique. La surface loutentière de la caillette est garnie de glandes ; la transition avec l'épithélium pavimenteux du feuillet est brusque, et la ligne de démarcation suit le bord libre de l'ouverture de communication ; mais il est nécessaire de remarquer que souvent l'épithélium pavimenteux s’avance à une faible distance dans la cavité de la caillette. Les coupes réprésentées dans le but d'établir la structure du pont (fig. 3 et 3’, PL. 1) montrent bien cette disposition à laquelle il ne convient pas d'accorder, Je pense, une grande importance; mais elle plaide encore en faveur des affinités étroites qui existent entre ces deux cavités contiguës, morphologique- ment et analomiquement pareilles, mais différentes quant à leur physiologie. Au point de vue histologique, les glandes de la caiïllette, comme celles de l'estomac humain, sont de deux sortes : il en est, localisées dans toute la région antérieure (1), qui sont garnies de cellules bordantes, tandis que les glandes pylori- ques n’en contiennent pas. Celte question de la différenciation des glandes stomacales, aux différents points de vue auxquels on peut se placer, donne encorelieu à de nombreux travaux ; aussi je m'absliendrai d'entrer dans des détails qui m'’en- traineraient fort loin et qui n'ont avec le but principal que je me suis proposé que des rapports indirects. Toules ces glandes apparliennent à la catégorie des glandes en tubes simples etnonramifiés. Sans avoir tout d'abord connaissance (1) Au point de vue de l’histoire pharmaceutique de la présure, je crois inté- ressant de sisnaler un mémoire précoce de Macquart en 1786, à l’Académie des sciences. Ce physiologiste traite par l'alcool concentré le suc gastrique de la caillette des Ruminants ; il en isole une poudre blanche dans laquelle il ne caractérise que du phosphate de chaux; mais il avait certainement isolé en même temps la pepsine de la caillette. DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 18 des travaux récents qui (1) ont eu pour objel leur mode de développement, j'ai fait, par une technique toute différente, et qui est celle que j'emploie habituellement pour l'examen microscopique de la muqueuse, un certain nombre d’obser- valions sur les Ruminants. Elles sont venues confirmer les résullats acquis. Les ouvertures glandulaires de la caillelle sont notable- ment moins considérables que celles de la plupart des glandes appartenant à l'estomac de l'Homme ou des animaux carnas- siers ; aussi il est absolument nécessaire pour les observer convenablement, de recourir à l’emploi de grossissements de trente jusqu’à quatre-vingts diamètres. J'avais tout d’abord remarqué que l’aspectglandulaire chez le fœtus et même chez le jeune animal, est différent du disposilif présenté par l’a- dulte ; ce ne sont plus des ouvertures rondes, mais des cavités de forme très allongée, et chez des fœtus tout à fait jeunes, de simples plages séparées par de légères éminences réliculées. L'âge jusqu'auquel on peut observer ces différences est variable avec les animaux : tantôt au moment de la naissance. les ouvertures glandulaires sont netlement délimilées et rondes ; d’autres fois on peut encore trouver les cavités al- longées à l’âge d’un mois et plus. Il est à remarquer que la portion pylorique de la caillette conserve des ouvertures de cetle forme longtemps après qu’on n'en trouve plus dans la partie antérieure; on retrouve du reste la trace de cette forme de transition pendant toute la durée de l'existence. Il est remarquable que lorsque Home, en 1823, a figuré pour la première fois l'aspect glandulaire de l'estomac humain, il à parfaitement rendu ce caractère sans pouvoir naturellement s’en rendre compte. C’est en effet la fragmentation de ces cavités allongées qui va don- ner naissance aux glandes rondes, et j'ai pu voir, sur la mu- queuse de la caillette d’une pelite Chèvre naine, toutes les phases possibles de cette division. (1) Kôlliker, Laskowsky, Brandt, Sewal, Toldt et Salvioli (1891) se sont occupés de cette intéressante queslion. D4 J. A. CORDIER. Il part du fond un certain nombre de cloisons aussi es- pacées entre elles que l’écartement des grandes cloisons parallèles limitant l’ouverlure allongée, et elles montent progressivement presque jusqu'à la hauteur des cloisons primitives. Chaque ouverlure quadrangulaire qui en ré- sulle épaissit ensuite ses angles et s’arrondit. J'ai repré- -senté (fig. 23, PL. IT) les principaux stades de cette formation progressive sur mes échantillons d'étude ; ces dessins parle- ront beaucoup mieux qu'une descriptiontoujours ennuyeuse ; ils montrent aussi qu’une glande stomacale composée ne diffère point des glandes simples, puisqu'il suffit que les cloisons n’atleignent pas la surface pour qu’on ait à considérer une glande ramifiée. Dans le dessin n° 1, on peut voir que la disposition des premières cloisons est réglée par le cours des principaux troncs vasculaires dela muqueuse ; c’est un carac- tère que nous avons déjà observé pour les formations mu- queuses des trois autres cavités, et principalement du réseau. Certaines parois interglandulaires de la région pylorique se développent beaucoup plus que leurs voisines, et les ouver- tures sont situées au fond de petits vallécules ; c’est du reste une transition avec l'aspect du duodénum où toutes les cloi- sons prolifèrent en véritables papilles. C’est surtout chez la Girafe et le Cariacus que ce caractère s’est montré avec son maximum de netteté, car on pouvait apercevoir ces forma- tions à l’œil nu, et la muqueuse était comme spongieuse. C’est une disposition qui paraît du reste absolument constante chez les Mammifères. Vascularisation du feuillet et de la caillette. — Quoique la vascularisation de ces deux cavités stomacales considérées dans leur ensemble soil assez analogue à celle du rumen et du réseau, il resle cependant à indiquer quelques parti- cularités en rapport avec les formalions spéciales de leur muqueuse. À la base des lames du feuillet et de la caillette court un gros tronc artériel accompagné d'une veine; cet ensemble est comparable à celui qui se trouve à la base des cloisons interaréolaires du réseau ; c’est en effet la meilleure DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 54 disposition pour que le cours des vaisseaux ne soit pas obli- téré par les mouvements du viscère. Pour le feuillet en particulier, des branches parallèles montent de ce tronc vers le bord libre des lames, ainsi qu'on peut le voir dans la fig. 19, PL. IIT; elles cheminent entre les fibres musculaires de la couche centrale qui est transversale, et s’anastomosent avant d'atteindre le sommet. À une faible distance du bord libre des feuilles, la lame tout entière est parcourue, d’arrière en avant, par un vaisseau récurrent de la cailletle ; ses dernières ramifications antérieures se con- fondent avec celles des petits troncs déjà décrits, et celle dis- position fournit un argument de plus en faveur de l’assimi- lation des deux organes. Suivant leur importance, les lames les plus petites ne contiennent généralement que le premier système, c'est-à-dire celui qui a son origine à la base des feuilles. Les papilles du feuillet sont vascularisées comme celles du rumen ; on y trouve par conséquent le même réseau capillaire. L'irrigation interglandulaire de la caillette est assurée par un plexus vasculaire très riche; on trouve à la base de la cloison un tronc principal qui envoie vers la surface un grand nombre de capillaires anastomosés surtout au som- met, ce qui présente au microscope, sur une pièce complète- ment injectée et rendue suffisamment transparente, l'aspect d'une corbeille tressée contenant les cellules glandulaires à son intérieur. 4° ETUDE SPÉCIALE DES PIÈCES DISSÉQUÉES. Une comparaison minutieuse des pièces qui vont être dé- crites nous montrera, dans un chapitre spécial, que l'estomac des Ruminants ordinaires est construit sur un plan unique dans la série, ce qui justifie l’élude schématique précé- dente. Nous ferons dériver tous les types d’une forme sim- ple par complication progressive ; il est donc tout nalurel de commencer par décrire les moins compliqués, afin de pou- 56 J. A. CORDIER. voir bien saisir les liens qui rattachent les extrémités d’une véritable série naturelle. Cetle représentation est d’aulant plus rationnelle qu'elle mettra en relief la plupart des carac- tères, leur solidarité ou leur coordination. On pourra ainsi juger beaucoup mieux de l’ensemble et de l’exaclitude des résultats. L'ordre suivi dans celte descriplion n’est donc point ar- bitraire; mais les différences qui séparent deux termes con- tigus dans la série sont quelquefois tellement faibles, qu'on se trouve fort embarrassé lorsqu'il s’agit de les placer l’un avant l’autre, surlout lorsque les échantillons sont d'âges très différents. Mais on conçoit qu'une précision absolue soit impossible à réaliser, et qu’il ne convient pas, du reste, de lui accorder une importance exagérée. On comprend que dans une étude elle que celle qui nous occupe, il soit difficile d'avoir toujours entre les mains des espèces adultes et de même âge, ainsi qu’à l'abri des variations in- dividuelles parfois importantes, et dont j'ai pu observer la fréquence. Il est donc possible que j'aie commis quelques légères erreurs de détail, sans grand retentissement du reste sur l’ensemble des résullats, ainsi qu’on pourra facilement s’en convaincre. Il est nécessaire de remarquer aussi que l’é- tablissement de la série dont il vient d’être question est in- dépendant des caractères très secondaires qui peuvent exister entre les Cerfs et les Antilopes (vessie conique). En comparant divers échantillons d'une même espèce aux différents âges de l'existence, j'ai pu voir que ses caractères restaient constants, sauf peut-être la grande vessie conique qui peut ne pas encore avoir acquis tout son développement dans les Jours qui suivent la naissance; maisil suffil de connaître celle parlicularilé. On pourra remarquer égale- ment le développement prépondérant de la caillelte pendant la période de l'allaitement. Parmi toutes les pièces que j'ai étudiées, la plus remar- quable et la moins différenciée est sans contredit l'estomac de l'Hyæmoschus. Les Tragules viennent ensuite, puis les DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 071 Antilopes et les Cerfs, et enfin les Bovidés qui possèdent l'or- gane le plus différencié que je connaisse. Hyæmoschus aquaticus. — Échantillon conservé dans l’al- _ cool et provenant d’un animal adulte. — Dans son travail sur la famille dés Chevrotains, mon éminent maïlre M. le profes- seur À. Milne-Edwards a montré les rapports osléologi- ques qui existent entre cet animal et les Suidés, et émis l’o- pinion que ce lype représente, parmi les Moschus, celui qui aurait les affinilés les plus grandes avec les Pachydermes. N'ayant pas eu les viscères entre les mains, il ne put élu- dier l'estomac. Flower, en 1867, en donne une description assez sommaire, et émet l'avis qu'il convient plutôt de re- garder l’Hyæmoschus commé un {ype transitoire entre les Tragules proprement dits et les Ruminants ordinaires pour- vus d’un vérilable feuillet. J'ai représenté avec leurs proportions exactes l'estomac de l’'Hyæmoschus et ceux de la plupart des Tragules, et il est facile de voir que les caractères morphologiques établis plus loin : importance de la grande vessie, ampleur du réseau, etc..., sont bien plus accentués chez l’'Hyæmoschus que chez les Tragules. La région interne du feuillet que j'ai soigneusement examinée à la loupe et dessinée, montre que rien n’aulorise à admettre la présence de cet organe, même rudimentaire. Flower décrit cependant un feuillet rudimen- laire ou plus exactement des indices de cet organe, et c’est précisément sur ce caractère défectueux qu'est basée son opinion. Toules considérations sur les varialions indivi- duelles mises de côlé, je montrerai bientôt la valeur anatomique véritable du feuillet ; il ne convient pas d'ac- corder à l'absence de cet organe l'importance qu'on luia don- née jusqu'ici, el d'en chercher la {race dans l'aspect interne de la muqueuse, mais dans l'apparence extérieure, ainsi qu'on le comprendra très facilement par la suite. Les autres caractères internes viennent se joindre aux caractères externes pour justifier la place que je fais occuper à l'Hyæmoschus, à la base de la série lout entière et des 58 J. A. CORDIER. Tragules en particulier. Dans mon étude d’anatomie com- parée, Je montrerai, en effet, que le repli du col et le pilier postérieur des Tragules sont intermédiaires entre ceux de l’'Hyæmoschus et des Ruminants supérieurs. Les papilles du rumen sont relativement très espacées, filiformes, à extrémité libre légèrement élargie en spatule; les cloisons cellulaires du réseau qui en dérivent sont fort peu développées. Il est à remarquer que les parois stomacales, comme du reste cheztous les Tragules, sont très minces, puisqu'on aperçoit facilement au travers les or- nements internes, ainsi que certains auteurs l'ont depuis longtemps observé. Le pilier musculaire antérieur est à peu près normale- ment développé. Le repli du col que nous voyons en forme de croissant chez les Ruminants supérieurs, est ici complè- tement annulaire et fortement marqué (2 cent. environ dans sa partie la plus large); il est un peu plus élevé, préci- sément à l'endroit où le croissant est aussi le plus large, disposilion remarquable montrant bien les rapports de ces deux cloisons incomplètes. La branche du pilier postérieur entourant la grande vessie est entièrement annulaire et existe seule; la vessie conique gauche n’a pas encore ap- paru. La cailletle intestiniforme porte deux plis longitudi- naux très légers, indices de ceux qui existent en plus grand nombre chez les Ruminants supérieurs. Ils se trouvent natu- rellement dans la région correspondant à la grande cour- bure du viscère, ce qui montre que /e feuillet n'aurait non plus que deux lames s'il existait (page 90). L'échantillon que j'ai disséqué était en état suffisamment bon pour me permettre d’en faire une étude complète; la muqueuse du réseau et de la région du feuillet élait parfai- lement ‘intacte; la goullière œsophagienne a donné lieu à l'étude d'anatomie comparée de la page 22. L’estomac des Tragules en général, en comprenant celui de l'Hyæmoschus, est d’une grande constance dans ses ca- ractères essentiels, et on s’exposerait à de nombreuses re- DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 29 diles, en décrivant minutieusement ce viscère chez tous ces animaux. Les différences qui existent correspondent à un lé- ger degré de perfectionnement; je me contenterai donc de les signaler. Tragulus Stanleyanus. — Depuis les premières observa- tions de Leukart et le travail de A. Milne-Edwards, quel- ques observateurs ont eu l’occasion de revoir et d'étudier la particularité anatomique la plus importante de l'estomac des Tragules, principalement chez le Stanleyanus. Mes observa- lions à cet égard, qui ont porté sur deux échantillons adultes, l’un frais et l'autre conservé depuis longtemps dans l'alcool, ne peuvent donc que venir apporter une vérification de plus pour l'établissement de ce fait anatomique. Le dessin de cet estomac peut donner une idée exacte des caractères externes ; quant aux caractères internes, ils sont fort sem- blables à ceux de l'Hyæmoschus. Les papilles du rumen sont cependant plus massives, et à cèlé des deux petits plis de la caillette, on peut voir qu'il existe l’ébauche de quel- ques autres moins marqués, ce qui montre bien que l’or- gane possède déjà une tendance à l'incurvalion. J'ai repré- senté chez tous mes Tragules l'aspect de la goutlière et de la région du feuillet, et c'est cerlainement chez le Stan- leyanus qu'on a pu trouver les indices internes les plus sé- rieux d'un rudiment de ce dernier organe. La partie pylorique porte quelques légères réliculations et se termine par un sphincter normal. Tragulus Kanchil. — Échantillon frais provenant d'un animal adulle. L'ensemble des caractères, mis en relief par le dessin que je donne @e cetle pièce, montre bien que l’é- chantillon se rapproche davantage de l'estomac des Rumi- nants supérieurs que celui de l'Hyæmoschus. La transilion entre ces deux animaux est bien plus sensible que celle qui existe entre les diverses espèces de Tragules; on se rendra parfaitement compte que l'importance du réseau et de la vessie est bien moins exagérée que chez l'Hyæmoschus. Le rumen commence à se raccourcir et à devenir plus globuleux. 60 J. 4. CORDIER. Il est {rès intéressant de suivre chez ces Tragules la forme de moins en moins massive du réseau; on voit que celle cavilé se spécialise de plus en plus. Comme appui à la discussion à laquelle je me livre à propos de l’absence du feuillet chez ces animaux, il est également curieux d’y sui- vre comparalivement le profil de la caillelle. Sous ce rap- port, on remarque que chez le Kanchil le mécanisme que j'indique plus loin, et qui amène la différenciation du feuillet et de la cailleitte, se dessine ici très nettement; ces proé- minences opposées de la porlion antérieure de celte partie encore franchement intesiiniforme sont en effet très carac- téristiques. Le repli du col et le pilier postérieur se rappro- chent de plus en plus de la forme en croissant, et dans son ensemble l'aspect interne est identique avec celui de la mu- queuse de l'Hyæmoschus. Traqulus Meminna. — Fœtus conservé entier et depuis longtemps dans l'alcool. — Le petit animal que j'ai eu entre les mains présentait déjà toutes les parlicularilés de pelage qui caractérisent l’adulte. Je pense donc m'être trouvé en présence d'un fœtus presque à terme, et :l est regreltable qu'il ait élé aussi avancé en gestation; car j'aurais pu faire quelques observations intéressantes sur le développement de l'estomac chez ces animaux. Malheureusement aussi, la conservation depuis longtemps d’un très jeune animal dans l'alcool, avait donné à l'estomac ainsi fixé à l’état de vacuité et d’une façon tout à fail mauvaise, une consis- tance trop fragile pour qu’il m'’ait élé possible d’en faire une étude aussi complète que je l'aurais désiré. Je m'abstiens donc de donner une description qui pourrait ne pas être tout à fait conforme à celle de l'adulte, et je signale seulement le déve- loppement déjà très considérable de la vessie conique; il semblerait donc que ce développement soit plus précoce chez les Tragules que chez les Ruminants supérieurs. Dans les Ruminants que nous allons à présent rencontrer, nous trouverons toujours un feuillet plus ou moins développé ; DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 61 c'est surtout chez ceux qui forment les premiers termes de la série, que cet organe va se présenter avec la complica- lion la moins grande. Il est à remarquer que c'est chez eux également que nous trouvons les variations individuelles les plus importantes, surtout en ce qui touche le feuillet ; il semble aussi que cet organe diminue d'importance relative avec la taille des animaux. Antilope Cervicapra. — Dans cette espèce, la forme du ru- men rappelle beaucoup celle qui est commune à tous les Tra- gules. Le grand développement de la vessie conique et du ré- seau qui lui est opposé, contribue à lui donner aussi la forme d'S et à rapprocher beaucoup la conformation stomacale de ces animaux appartenant cependant à deux groupes diffé- rents. Extérieurement, le feuillet n’est pas beaucoup plus marqué que la trace que nous en avons vue chez le Tragulus Kan- chil; et sur le dessin que je donne de l’estomac d’un mâle adulte, on pourra voir que l’ensemble de la caillette et du feuillet rappelle assez la disposition intesltiniforme des Tra- gules. Nous allons retrouver ce dispositif aussi accentué chez les espèces suivantes, le Renne en particulier; mais c'est surtout à l’intérieur que l’on trouve un aspecl non moins caractéristique. Il semble que l’on soit en présence d’un feuillel rudimentaire , non seulement par sa petilesse, mais encore par sa complication lamellaire et par sa dilféren- cialion très peu profonde de la eailiette. Les papilles sont longues, aplaties, et leur extrémité libre est légèrement élargie en spatule. Le pilier musculaire anté- rieur est relalivement peu développé ; le repli du col et le pilier poslérieur ne présentent rien de particulier, si ce nest l'apparition commençante de la seconde branche de ce dernier. Les lèvres de la goutlière sont longues et flasques ; les cellules du réseau offrent à peu près l'aspect qui se présente chez le Mouton commun ; cependant les cloisons inleraréolaires sont moins élevées. Des rangées longitudinales de papilles dures el cornées occupent le fond 62 J. A. CORDIER. ‘ de la goutlière dans le prolongement des lames principales du feuillet. Ces dernières sont longues et peu élevées, en rapport du reste avec la forme de la cavité qui les contient ; on y compte une douzaine de cycles seulement dupliqués, et ici on observe d’une facon absolument indiscutable la conti- nuation directe des lames primaires du feuillet dans celles de la caillette qui sont en même nombre. L’accolement du pont n'existe pas, et l’ouverture de com- _municalion des deux organes est telle que l’on passe insensi- blement d’une formation lamellaire et d’une cavité dans l’autre (schéma de la page 86, — type B). La répartition en grandeur des lames est beaucoup plus uniforme sur le pourtour de la caillette que celle que nous trouvons par exemple chez le Mouton commun. Cette disposilion est, ainsi que nous le ver- rons plus loin, liée à la forme générale du viscère. La moitié postérieure de la caillelle est presque entièrement lisse ; il y a exception pour le voisinage du sphincter pylorique garni de deux petits plis circulaires. L’estomac d’un animal âgé seulement de quelques jours, m'a montré que les variations individuelles peuvent être assez importantes, notamment en ce qui touche la complication lamellaire du feuillet. Cet échantillon possédait huit lames primaires seulement ; mais les cycles médians étaient pour- vus de papilles de trois ordres. Si le caractère fondé sur l'importance de la grande vessie conique était lié d’une façon aussi intime au degré plus ou moins grand de complication du viscère que ceux tirés du réseau, du feuillet et de la caillette, on devrait rationnelle- ment placer à la suite le Mouton commun. C’est en effet, après l’Antilope Cervicapra, cet animal qui présente le développement le plus considérable de la vessie conique ; mais les autres caractères lui assignent une place plus élevée ; aussi est-il nécessaire de passer d'abord en revue des pièces moins différenciées. Il est facile de constaler que si, d’une façon générale, l'importance de la vessie conique décroît à peu près régulièrement depuis les Tragules jusqu'aux Bovidés, DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 63 cetle régularité n’exisle guère pour les termes que nous par- courons en ce moment dans la série. Nous verrons par la suite que la vessie conique se bifurque au fur et à mesure que l'organe se complique, et on en a trouvé le premier indice dans l'échantillon précédent. Il est donc nécessaire de considérer la somme des volumes des deux brancheset le balancement qui en résulte ;je pense que la grande vessie (droite) décroît d'importance au fur et à mesure que la petite (gauche) en prend elle-même davantage ; aussi les voit-on devenir égales chezles Bovidés. On conçoit également bien que dans la coordination des caractères, la valeur re- lative à accorder à celui-ci soit moins grande que la valeur attachée, par exemple, au disposilif de l’ensemble feuillet- caillette. | Benne (Cervus Tarandus). — Animal adulte. — Sur le dessin représentant la forme générale de cet estomac, dû à l’obligeance de M. le professeur Pouchel, on remar- quera surtout l'ampleur du réseau, l'étranglement du col, la présence d'une vessie conique gauche assez grande compara- tivement à celle de droite; enfin l’ensemble relativement peu volumineux et très nettement intestiniforme du feuilletet de la caillette. La grandeur du rumen est en réalité moins consi- dérable que la figure ne semble l'indiquer, à cause de sa forme, déprimée fortement de dessus en dessous et comme aplatie, et aussi parce que l’écartement assez considérable sur certains points des papilles internes me porte à penser que l’onest, pour cet échantillon, en présence d’une dilatation stomacale, comme celle qu'on observe d’une façon à peu près conslante chez les animaux domestiques. Quant au ré- seau, très remarquable, il a donné lieu aux observations de la page 43. Les piliers musculaires sont médiocrement développés ; le repli du col est également peu marqué, et j'ai figuré (12, PLIT, el 16, PL. Il) les papilles qui sont d'un type spécial à cette es- pèce, ainsi que les ornements des cellules duréseau. Quoique la hauteur des cloisons intéraréolaires soit presque nulle, on 64 J. A. CORDIER. voit qu’elle est compensée par le développement papillaire assez grand et l'ampleur de la cavilé. La goultière œsopha- gienne est assez courle, peu développée, et offre cette parlicu- larilé d’avoir une lèvre beaucoup plus épaisse que l’autre. Le feuillet, flasque et netlement réniforme, présente ses lames en forme de croissant très mince ou plutôt de faucille ; il existe une douzaine de lames primaires entre chacune des- quelles s’en trouve une autre beaucoup plus petite et une rangée de papilles de chaque côté de cette dernière ; sa com- plicalion lamellaire est donc très peu avancée. L’accolement du pont n'existe pas davantage que dans l'espèce précédente, et on peut faire les mêmes remarques en ce qui concerne l’absence presque complète de différenciation entre le feuillet et la caillelte. Celle dernière est pourvue, dans sa partie an- térieure, d’une douzaine de plis réparlis assez uniformément sur toul son pourtour. La partie pylorique ne renferme que quelqueslégères réticu- lations, et présente deux épaississements longitudinaux symé- iriques au voisinage du sphincier normal. Cervulus Muntjac (Cervule Muntjac) adulte. — Les princi- paux caractères externes que nous offre l'estomac de cette espèce résident dans la faible importance du feuillet et la lorme particulière de la grande vessie conique du rumen; l'extrémité pointue de cette dernière rappelle beaucoup celle que l’on trouve chez le Porte-Musc (figure de Pallas). L'am- pleur du rumen est ici beaucoup moins considérable que chez le Renne ; le réseau reste toujours très grand, mais l’ensemble feuillet-caillette devient un peu moins intestiniforme. A l’intérieur, les papilles sont très rapprochées les unes des autres, allongées et légèrement spatuliformes; les cloi- sons cellulaires du réseau sont peu marquées, mais davan- tage cependant que chez le Renne. L'insertion de l’œso- phage, plusrapprochée qu’à l'ordinaire de l'orifice du feuillet, donne à la gouttière une longueur moins considérable que ne semble l’indiquer l'ampleur du réseau el du col ; aussises lèvres sont-elles à peu près normalemeut développées. A DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 65 partir du cardia jusque dans les grandes lames du feuillet, le fond de la gouttière est garni de papilles dures et cornées, disposées en rangées longitudinales. _ Le petit feuillet, de forme très allongée ne possède dans son intérieur que sept ou huit lames étroiles, séparées entre elles par une autre beaucoup plus petite, ayant en cer- lains points et à ses côtés quelques papilles indiquant l’appa- rition de lames d’un ordre plus élevé ; il est donc seulement dupliqué. L'ouverture feuillel-cailletie est ici très considé- rable, l’'accolement du pont presque nul, et on peut observer, comme précédemment, le passage des grandes lames du feuillet dans celles de la caillette qui sont en même nombre. Ces dernières du reste sont peu marquées et ne s’éten- dent guère que sur la moitié environ de la longueur de la ca- vité ; la moitié postérieure ou pylorique est absolument lisse. Cervulus Reevesi (Muntjac). — Le rumen de celte petite espèce ressemble beaucoup à celui du Renne, et donne lieu aux mêmes observations ; le réseau est cependant moins développé et l’ensemble feuillet-caillette, bien qu'intestini- forme dans son ensemble, présente ce caractère à un degré moindre que chez cet animal. Le feuillet, flasque au tou- cher, indique déjà sa faible complication lamellaire. Intérieurement, les piliers musculaires sont relativement bien développés; les papilles du rumen, courtes et légère- ment déprimées sont arrondies en forme de dômes ; les cloisons cellulaires du réseau sont hautes de quelques millimètres seulement, et nous trouvons une gouttière rudimentaire dont les lèvres très flasques sont beaucoup plus développées dans la région postérieure, disposilif rappelant celui qui est propre aux Tragules. La lèvre droite est aussi plus forte que la lèvre gauche à peine marquée. Nous trouvons dans le feuillet une douzaine de eycles dupliqués, et six lames seulement dans la moitié anté- rieure de la caillette. La différenciation de ces deux cavités n’est pas considérable, car l'ouverture de communicalion occupe environ les deux tiers de la longueur du feuillet; ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, D 66 3. A. CORDIER. l'accolement des parois est également presque nul. La por- tion pylorique est entièrement lisse. Antilope Corina. Échantillon presque adulte. — L'aspect extérieur de ce viscère nous offre surtout à considérer la forme cylindrique de la grande vessie du rumen, un peu analogue à celle de l’Anlilope Cervicapra et du Mouton, mais différente de celle qui est propre aux Cervidés que nous venons d'étudier. Par tous ses caractères, le feuillet est aussi bien parliculier et semble spécial à cette espèce ; au lieu d’être réniforme et allongé, comme celui de la plupart des autres Ruminants, c’est un petit cône dont la base s’attache sur la partie antérieure de la caillette. Cette disposilion contribue à donner à l’ensemble du feuillet et de la cailletie une forme toujours intestinale. La tête de cette dernière est cependant un peu plus globuleuse que celle des échantillons que nous avons rencontrés jusqu'à présent ; le réseau reste toujours très grand. Le pilier musculaire antérieur est seul bien développé ; le repli du col etle pilier postérieur le sont beaucoup moins, el on pourra voir sur le dessin que je donne du passage des papilles du ramen aux cloisons cellulaires du réseau chez celle espèce, les caractères de ces deux formations. C'est également la goutlière de cet animal que j'ai prise comme exemple pour la représenter (fig. 27, PI. IIT); on pourra re- marquer les deux épaississements poslérieurs en forme de noyaux, vestiges probables de ceux que nous voyons former presque lotalement la gouttière des Tragules. Cette prédomi- nance de la portion postérieure sur celle qui est voisine du cardia est un fait absolument général chez les Ruminants ; elle semblerait indiquer la dérivation de la gouttière d’une sorte de sphincter à deux pelotes propre à l’élranglement stomacal le plus marqué et le plus constant, l’orifice du feuillet. La complication lamellaire du feuillet nous donne un exemple de l’embarras dans lequel on se irouve souvent pour apprécier la valeur exacte de ce caractère. Nous trou- DE L'ESTOMAC DES. RUMINANTS. 67 vons une douzaine de lames primaires, et entre deux con- sécutives de celles-ci, quatre ou cinq rangées de papilles ac- colées ; ce feuillet est-il au moins tripliqué ou possède-t-il simplement des lames d’une seule sorte ? il est difficile de se prononcer avec certitude. Les autres caractères du feuillet semblent indiquer une complication peu avancée; l’orifice de communication entre cette cavité el la caillette est encore relativement grande ; cependant l’accolement du pont commence à devenir sensible. La caillette renferme une douzaine de plis occupant la moitié environ de la longueur du viscère ; ils sont séparés de quelques autres petites élévations de à cuir pylorique par une partie entièrement lisse. Chevreuil commun (Cervus capreolus), animal adulte. — - Voici encore une forme stomacale ressemblant bien à celle qui est assez spéciale à tous les Cervidés que nous venons d'étudier. La disposition des deux branches de la vessie conique en mors de pince contraste avec celle que nous allons rencontrer chez ie Mouton commun ; la forme géné- rale du rumen s'éloigne également beaucoup de celle que nous trouvons chez les Tragules, l’A. Cervicapra et même le Mouton. Le Cerf de Reeves nous en a déjà donné un bon exemple. Le réseau est très volumineux; aussi avons-nous comme conséquence les cloisons interaréolaires internes à peine plus marquées que celles du Renne. L'ensemble feuillet- caïllette correspond cependant à un degré un peu plus élevé dé complicalion que chez les espèces précédentes. Les piliers musculaires sont normalement développés et la goullière n'offre rien de particulier; les papilles sont extrêmement serrées et linguiformes. | | Le feuillet possède une douzaine de cycles lamellaires tri- pliqués ; mais les lames de dernier ordre se réduisent presque à des associations linéaires de papilles ; on retrouve exacte- ment douze lames dans la caillette. L'ouverture de commu- nication existant entre ces deux dernières cavités est grande ; 68 JS. A. CORDIER. car elle occupe environ la moilié de la longueur totale du feuillet; l’accolement de leurs parois a lieu sur un espace peu considérable, et les plissements de la région pylorique sont transversaux. Mouton commun (Ovis aries). — Dans mon élude, j'ai sou- vent choisi cet échantillon comme terme de comparaison, à cause de l’extrème facilité avec laquelle on peut se le pro- curer aux différents slades du développement, et ensuile parce qu'il a été également pris comme exemple par la plu- part des auleurs. Sur le dessin que je donne de l'inté- rieur de cet estomac, on pourra se rendre compte de la disposition de tous les ornements internes chez les Rumi- nants ordinaires. Comme caractères spécifiques, on remar- quera l'ampleur du réseau et de la grande vessie, ainsi que la forme de l’ensemble du feuillet et de la caillette. | . Le feuillet présente une douzaine de cycles tripliqués et la caillelle une douzaine également de lames garnissant environ les deux tiers antérieurs. J'ai examiné l'estomac d’un Chabin mort à la Ménagerie; j'ai trouvé surtout une réduction dans l’ampleur du réseau, et une augmentation correspondante dans la hauteur de ses cloisons interaréolaires ; sa forme se rapprochail de celle de l'estomac de la Chèvre. Chèvre naine. Animal âgé de quelques jours. — L’esto- mac de cette petite espèce de Chèvre ressemble beau- coup à celui du Moulon commun; cependant on remar- quera le développement légèrement plus faible du réseau et du feuillet, et surtout la longueur plus grande de la caillette. Les autres caractères sont identiques à ceux que l’on {trouve chez le Mouton. Mouflon de l'Atlas (Ovis tragelaphus). — L’échantillon que j'ai eu entre les mains provenait d'un animal âgé seulement d'environ un mois et demi ; ses caractères n'étaient donc pas encore ceux de l’adulle, el son état de décomposilion avancée ne m'a pas permis d'en prendre la forme extérieure. IL m'a cependant élé facile de le comparer à celui du Mouton avec DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 69 lequel il offre des analogies étroites ; mais il en diffère sur quelques points. Ses formes sont en quelque sorte plus déli- cales, comme chez les animaux sauvagesen général comparés aux espèces domestiques, et semblent indiquer un degré de complication un peu plus élevé. Le réseau, le feuillet et la grande vessie conique sont un peu moins développés, el les ornements des cloisons interaréo- laires diffèrent de ceux qui existent chez le Mouton. La com- plication lamellaire du feuillet est identique ; seulement les plis de la caillette sont en nombre beaucoup moindre, et le repli muqueux qui double l’orifice de communicalion de ces deux cavités n'existe pas. Au voisinage du sphincter pylo- rique, peu développé, et sur la ligne de grande courbure, se trouve un épaississement ovoïde très marqué correspon- dant à une dépression de mêmes dimensions placée immé- diatement au-dessus, sur la même ligne; cette disposition doit être absolument spécifique. Cariacus Nemorivagus (Cerf des bois). Adulte. — Ce qu'on remarque principalement dans la forme de l'esto- mac de ce petit Cervidé, c’est la différencialion extérieure très peu marquée des vessies coniques dont les pointes ter- minales apparaissent seules à l'extrémité gauche du viscère. Cette disposition tranche nettement avec celle que nous venons de voir chez le Mouton; ces animaux représentent les deux formes respectives extrêmes des vessies coniques des Cervidés et des Antilopidés. Le réseau commence à devenir moins grand et ses cloisons interaréolaires augmentent d'importance. À l’intérieur les papilles sont presque cylindriques; le pilier musculaire pos- térieur est assez médiocrement développé ; mais il délimite des vessies d’une certaine capacité. La gouttière (rès courte offre des lèvres un peu moins marquées que chez le Mouton. Le système lamellaire du feuillet et de la caillette est identique à celui de ce dernier animal. A l’extrémité py- lorique se trouve une disposilion un peu analogue à celle qui existe chez le Bœuf, mais exagérée: aussitôt le sphincter qui 70 J. A. CORDIER. est bien développé, le duodénum se renfle en une cavité pourvue de lames muqueuses longitudinales au nombre de six environ. | Cariacus Virginianus. Adulte. — Le rumen de cette es- pèce ressemble beaucoup extérieurement à celui du Renne; mais les deux branches de la vessie conique sont presque égales et le réseau moins développé ; le dispositif de l’en- semble du feuillet et de la caillette assure aussi à cet échan- tillon une place beaucoup plus élevée dans la série. Le feuil- let présente une disposition rappelant un peu celle qui existe chez l’Antilope Corina. Les piliers musculaires sont tous bien marqués; les 1è- vres de la gouttière sont comme celles de l'espèce précédente, et le réseau présente des cloisons remarquablement basses. Le feuillet renferme une quinzaine de cycles lamellaires tripliqués ; il existe seulement huit lames dans la caillette: l'ouverture de communicalion de ces deux cavités est grande el l’accolement de leurs parois vers le pont n’atteint pas le liers de la longueur tolale du feuillet. Les lames de la cail- lette sont fort courtes, et la partie pylorique est garnie de quelques réticulations muqueuses largement espacées. . Hyælaphus Porcinus. — J'ai étudié l'estomac chez deux échantillons de celle espèce, l’un âgé de quelques jours et l’autre adulte, et j'ai pu vérifier la constance des caractères spécifiques à ces deux stades différents de l'existence. Si le faible développement du rumen chez le jeune ne permet pas toujours de bien juger de la forme de celte cavité stoma- cale chez l'adulte, il n’en est pas de même de la caillette à cause de son développement prématuré ; aussi j'ai relrouvé chez l'échantillon qui n'était âgé que de quelques jours, la même forme globulaire de la caillette qui caractérise l'a- dulte. L'augmentation dans la capacité du viscère n’a pas altéré les caractères morphologiques essentiels. | La faible différenciation des vessies coniques indique bien un rumen de Cervidé ; quant au réseau, il est encore bien développé, et on remarquera également le feuillet dont la DE L'ESTOMAC DES . RUMINANTS. 71 partie moyenne correspond sensiblement à la scissure sépa- ralrice du réseau et de la caillette. Celte sorte de crochet de la partie pylorique est également caractéristique ; il est déterminé par la forme particulière de la caillette, et c’est pour une cause analogue qu’on le retrouvera d'une façon constante chez les Bovidés (remarque de la page 80). À l’intérieur, les piliers musculaires sont assez développés ; les branches du pilier postérieur sont à peine marquées, quoiqu’elles délimitent des vessies assez spacieuses. La richesse papillaire esl grande et cette remarque s’appliquait déjà au Cariacus de la Guyane; aussi le rumen de ces deux espèces est-1l relativement peu volumineux. On trouve dans le rumen des assemblages de papilles en séries linéaires comme aux confins du réseau. Les lèvres de la gouttière œsophagienne sont normales; mais les cloisons interaréo- laires du réseau sont basses. Quoique le feuillet soit assez volumineux, sa complica- lion lamellaire n’est pas très avancée ; on irouve douze cycles tripliqués et les lames lerliaires sont fort basses. En examinant la disposition du feuillet et de la caillette, on conçoit bien le faible degré d'accolement du pont ; l'ouver- ture de communication des deux cavités est cependant assez étroite. La partie antérieure de la caïllette est garnie de six grands plis longiludinaux qui se recourbent iransversalement el s'unissent deux à deux avant d'arriver à la région pylorique. Le sphincter se trouve tout à fait au bas de la partie glo- ‘buleuse, c’est-à-dire dans la courbe du crochet que décrit cette portion, et non à son extrémité, comme on pourrait le supposer. É Cerf axis (Cervus Axis). — Échantillon âgé seulement de quelques jours. — On trouve essentiellement chez celle es- pèce tous les caractères morphologiques externes de l'Hyæla- phus Pércinus qui vient d’être étudié. Le dessin que je donne de cet échantillon montre bien lamême forme dela caillelle ainsi que la disposilion analogue des vessies coniques du rumen. 12 F. A. CORDIEL. La situalion respective dù feuillet par rapport à la caillette, ainsi que le développement un peu moins grand du réseau, semblent assigner cependant à cette espèce une place un peu plus élevée. Set A l'intérieur, l’attenlion est surtout allirée par le faible développement lamellaire du feuillet et de la caillette ; la complication est la même que dans l’espèce précédente, mais on ne trouve que neuf cycles au feuillet avec trois lames seu- lement dans la caillette. Il se pourrait que l’on soit ici en présence d’une varialion individuelle ou d’une anomalie dans le développement, ce que semblerait indiquer le faible volume du viscère à cet âge chez une espèce cependant d'assez forle taille. Autant que j'ai pu en juger sur un pareil échantillon, les autres caractères internes sont au moins aussi prononcés que chez le jeune Hyælaphus ; aussi j'aurais vivement désiré pouvoir me procurer l'estomac de l’animal adulte. Cerf de France (Cervus elaphus). — Nous arrivons dès maintenant à des espèces de taille plus grande, etpossédant aussi un estomac beaucoup plus différencié que celui des animaux placés immédiatement à la suite des Tragules. Cetle espèce nous offre un excellent exemple de la facilité avec laquelle la vessie conique peut se diviser en branches moins imporlantes. À ce sujel je rappelle que cette cavité, encore unique chez les Tragules, commence à se diviser avec les espèces les moins différenciées d’Antilopidés. La branche gauche, qui n’appartient pas au sac gauche comme on l'avait cru jusqu’à présent, prend alors de plus en plus d'importance, égalant presque l’autre chez certains Cer- vidés (1) et surtout chez les Bovidés. Ici la vessie principale s’est subdivisée à nouveau, et nous sommes en présence de trois vessies parfaitement distinctes; le dessin donne une idée exacte de ce dispositif. Le réseau est moins développé que chez les espèces qui (1) Les grandes espèces de Cervidés doivent se rapprocher beaucoup des Bovidés au point de vue de la morphologie stomacale. DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 19 viennent d'êlre éludiées; le feuillet nettement réniforme a des dimensions moyennes, et l’on retrouve la partie mé- diane de la caillette, renflée comme dans l'espèce précé- dente avec le même crochet de la partie pylorique. A l’intérieur, les piliers musculaires sont bien développés; on ne peut pas encore juger de l'importance des cellules du réseau ni de la forme des papilles; mais d’après Garrod elles sont longues et cylindroïdes. La gouttière est très courte et présente des lèvres épaisses et charnues ; le fond est occupé par quelques rangées papillaires. Il existe dans le feuillet une complication lamellare un peu plus grande que celle que nous avons trouvée chez les espèces précédentes; le nombre habituel des cycles qui élail jusqu'ici d'une douzaine, est environ de seize tripli- qués, avec l'indicalion, sous forme de quelques papilles, de . lames de quatrième ordre. L'ouverture de communication avec la caillette est petite, et l’accolement du pont a lieu sur le tiers environ de la longueur totale du feuillet. Les plis de la cailletle sont au nombre d’une douzaine seulement; la partie pylorique est presque entièrement lisse. | Bubalis Albifrons ou Blesbock. Adulte. — On peut re- garder cet estomac comme un iype de transilion entre ceux des petites espèces de Ruminants à cornes creuses et des Bovidés proprement dits. Le développement des vessies co- niques esl, dans ce cas particulier, un excellent caractère pour s’en rendre compte ; la vessie droite est moins impor- tante que celle du Mouton, mais elle l’est davantage que chez l'Antilope Beisa que nous allons éludier; le contraire à lieu pour la vessie gauche. Si l’on tient compte de l’efface- ment progressif des vessies au fur el à mesure que l’on s’ap- proche des Bovidés, on comprendra ainsi la loi qui régit leur développement chez les Ruminants en général, et plus particulièrement chez ceux qui possèdent des cornes creuses. La forme du rumen n'offre rien de particulier à noter ; 74 .! J. A. CORDIER. mais le volume du réseau est assez faible; c’est déjà un ca- ractère qui rapproche cette espèce des Bovidés. Le feuillet el la caillette ressemblent beaucoup à ceux du Mouton com- mun. J'ai représenté les papilles ainsi que l'aspect d’une cel- lule du réseau montrant déjà des cloisons assez élevées. Les aulres caractères stomacaux internes sont identiques à ceux qui existent chez le Cerf de France, à cette différence près que la caillette possède ses lames en même nombre que les cycles du feuillet. Alcelaphus Bubalis. Adulte. — Les deux échantillons qui viennent ensuite présentent des analogies étroites; aussi il me suffira de décrire l’un d’entre eux, le Bubale par exemple, en signalant seulement les légères différences pré- sentées avec l’autre, lOryx Beisa. On se rapproche de plus en plus des Bovidés, ainsi qu’on pourra en juger par le dispo- silif de l’ensemble feuillet-cailletle et celui des vessies coni- ques du rumen, par le volume relatif assez considérable du feuillet, volume qui devient au contraire de plus en plus faible pour le réseau. Intérieurement, les papilles sont presque rondes et très inégalement développées dans les différentes régions du ru- men. Les piliers musculaires sont normaux; mais la bran- che droile du pilier postérieur forme un anneau complet, disposition que l’on retrouve également chez l’Antilope Nyl- gaut. Quoique beaucoup moins développées que chez les Bovidés vrais, les cloisons inleraréolaires du réseau présen- tent un caractère que l’on observe aussi chez eux; c'est la prédominance des cloisons verlicales descendant de la gout- üère sur celles qui occupent la partie déclive du viscère. Cetle gouttière est courte, possède des lèvres charnues, tandis que chez l’Ant. Beisa, elle présente des lèvres plus longues el plus flasques. Lié feuillet, identique dans les deux cas, nous offre une quinzaine de cycles tripliqués avec autant de lames dans la caillette. Chez ce Bubale, l'ouverture de communication entre ces deux cavités est étroite, et l’accolement du pont DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 49 assez marqué ; l’'Oryx Beisa présente une ouverlure un peu plus grande. Un espace absolument lisse existe entre l'extrémité postérieure des lames et la porlion pylorique, garnie seulement de quelques replis muqueux. Oryx Beisa. Adulte. — Comme caractères différentiels 1l me resle seulement à signaler la forme aplatie des papilles et la disposition des lames de la caïllette se terminant pos- térieurement comme chez l'Hyælaphus Porcinus. Girafe (Camelopardalis Girafa). Adulte. — Je suis amené à placer en cet endroit l'estomac de la Girafe dont j'ai examiné un échantillon malheureusement en fort mau- vais élat, conservé dans l'alcool. Owen en 1828, Home en 1836, l'ont décrit, et très sommairement après eux Joly et Lavocat, dans leur monographie de 1845; mais j'aurais voulu pouvoir insuffler complètement ce viscère selon la technique que j'ai adoptée ; cela m'a été absolument impos- sible. Autant que l’état de l'échantillon m’a permis d’en juger, l’estomac de la Girafe présente beaucoup d'analogies avec ceux des deux animaux précédents. Le rumen assez déprimé et relativement peu spacieux mon- tre des vessies coniques presque également développées et ne dépassant pas la courbe circulaire des contours; c’est donc à peu près la forme du rumen des Bovidés. Il est garni à son intérieur de papilles allongées, aplaties; la branche droite du pilier postérieur est seule complète. La goutlière œsophagienne de longueur moyenne a des lèvres assez flas- ques; les cloisons cellulaires du réseau sont moins basses que la description de Joly et de Lavocat ne semble l'indi- quer ; Je les ai trouvées tout à fait en rapport avec l’am- pleur même de la cavité qui est de moyennes dimensions. Le feuillet est assez volumineux, pourvu d’une quinzaine de cycles tripliqués, el l'ouverture de la caillette est relative- ment grande; on trouve seulement quelques plis peu mar- qués dans la portion antérieure de la caillette dont les dimen- sions sont elles-mêmes assez restreintes. La portion pylorique est lisse et sa structure comme spongieuse. | | 76 J. A. CORDIER. Antilope Nylgqaut (Portax picta). —- L’élude de l'estomac de celte grande espèce a porté sur un animal mort-né, sur un jeune âgé d’une quinzaine de jours, puis sur un animal adulte. Ces pièces m'ont permis de faire quelques remarques consignées ailleurs sur le développement des régions sto- macales, à des périodes de la vie physiologiquement bien distinctes (au point de vue de la digestion), et de m’assurer de la constance des caractères à ces différents stades de l'existence. x: | J'ai représenté l'échantillon d'âge moyen, car il m'a été impossible de prendre la forme de l’adulle; je n’ai pu que comparer les caraclères internes avec ceux présentés par les jeunes. Dans l'échantillon moyen, le rumen est déprimé de dessus en dessous; la vessie conique n’a pas encore pris le développement qu'elle atleint chez l’adulte. Le réseau est de grosseur moyenne, el on remarque sur la partie inférieure du col, ici très court, une scissure assez marquée qu'on retrouve plus profonde encore chez l’Antilope Kob ; c’est la trace extérieure du repli du col et l'indication de plus en plus parfaite de la spécialisation du réseau. Le feuillet est bien développé ; il atteint chez l'adulte, par rapport à la caillette, les proportions qu'on lui voit chez l’Oryx Beisa. La caïllette est fortement incurvée sur elle-même et présente un léger renflement dans sa partie pylorique. Chez le mort-né, son côté gauche était beaucoup plus développé que le droit, et c'est sans doute une variation individuelle, car le second échantillon ne présentait point ce zygomorphisme. Les papilles du rumen que j'ai pu seulement observer chez l'adulte dans leur entier développement, sont longues d’un centimètre en moyenne, aplaties et légèrement élargies en spatule à leur extrémité libre. On remarque qu'elles sont beaucoup moins serrées les unes contre les autres que chez certains Ruminanis, disposition qui semble tenir à la domes- ticité subie assez longtemps par l'animal à la Ménagerie, et qui est si neltement exagérée chez les espèces où cetle do- mesticilé parfaite leur a fait acquérir une véritable dilata- DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 71 tion stomacale. L'élévalion en hauteur des cloisons cellu- laires du réseau est intermédiaire entre celle qui caractérise les Bovidés vrais et les Antilopes de taille plus pelite. Les piliers musculaires du rumen sont lrès saillants, sur- tout chez les jeunes, car le pilier postérieur forme deux anneaux presque complets. L'animal mort-né ne présentait pas encore celte disposition aussi accentuée, ce qui semble indiquer que le développement des branches du pilier pos- térieur suit en quelque sorte celui des vessies elles-mêmes délimitées par elles. Depuis les Tragules, nous n'avons pas encore trouvé une disposition aussi parfaite du pilier pos- térieur, avec cette différence essentielle cependant que nous sommes ici en présence de deux vessies au lieu de la grande chambre postérieure du rumen de l'Hyæmoschus. Nous voyons donc que l'importance respective des deux portions résullant de la division de cette cavilé primitive- ment unique, tend de plus en plus à s’égaliser au fur et à mesure que l’on se rapproche de l'extrémité supérieure de la série. La gouttière œsophagienne est courte ; ses lèvres moyen- nement développées sont un peu plus forles à l'extrémité du feuillet qu’au voisinage du cardia. Le fond de cette gouttière est occupé par de petits plis longitudinaux qui se hérissent de quelques éminences papillaires au voisinage du feuillet, et se continuent, suivant la disposilion habituelle, dans les grandes lames de cet organe. Les lames primaires du feuillet sont au nombre de 12-14 très développées ; il existe des lames secondaires à peu près moilié moins fortes, des lames terliaires et d’autres plus petiles, de quatrième ordre. L'ouverture feuillet-caillette est relativement considérable ; il en résulle que l’accolement du pont est court (1 cent. 1/2 environ chez l'adulte). La caillette offre dans sa moilié su- périeure seulement, des plis longitudinaux en même nombre que les grandes lames du feuillet, se terminant transver- salement avant d'atteindre la région pylorique, dont 1ls sont séparés par une plage entièrement lisse. Le voisinage du 78 J. A. CORDIER. pylore est seulement garni de quelques légères réticula- tions ; le sphincter est normal. En résumé, par un certain nombre de ses caractères tels que l'importance presque égale des deux branches de la vessie conique, la grosseur et la complication lamellaire du feuillet, cet eslomac se rapproche beaucoup de celui des Bo- vidés vrais dontil va être à présent question. Ils’en éloigne sur- tout par la grandeur anormale de l'ouverture feuillet-caillette, l’épaississement postérieur de la goultière et le nombre des lames primaires du feuillet. D’après la valeur un peu relalive de ces caractères, il faut donc le considérer comme une forme de transition ayant conservé quelques lraces de dis- positions beaucoup plus primitives. #44 Bison d'Amérique (Bos americanus). Femelle très âgée. — Je pense que la comparaison de l'estomac de cet animal avec celui du Bœuf commun peul offrir quelque intérêt, en même temps qu'elle facilitera la description du viscère. Les vessies coniques du rumen sont d'importance presque égale et sont un peu plus développées que chez notre Bœuf domestique. On est ensuite surtout frappé par la petitesse du réseau ; jamais jusqu'à présent je n'ai trouvé celte cavité d’un volume relaiif aussi faible (1/3 en moins que chez le Bœuf). Cependant si l'on considère le développement en hauteur des cloisons interaréolaires, on constate qu'il est moindre que chez le Bœuf commun. Il est vrai que ce dis- posilif, qui semble être une exception à la loi établie précé- demment, est en partie compensé par la petitesse des cellules en surface; il peut être dû également à des conditions physiologiques en rapport avec les mœurs spéciales de ces animaux. PÉTER A l’intérieur du rumen, on ne peut signaler d'autres dif- férences que dans le repli du col qui fait ici presque com: plètement défaut, disposition à rapprocher du volume très faible du réseau. L'âge avancé de l'animal empêche de juger de la forme des papilles, car elles sont presque tota- lement absentes et extrêmement altérées; le rumen toul DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 19 entier possède ici un épithélium coloré en noir intense. Le feuillet renferme cinq sortes de lames comme chez le Bœuf ; mais elles sont au lotal en nombre beaucoup moin- dre, car on ne trouve que seize lames environ d'ordre pri- maire. L'ouverture feuillet-caillette est nolablement plus considérable ; elle présente des replis muqueux analogues à ceux que l’on trouve chez les autres Bovidés et chez le Mouton commun. Les replis de la caillette très élevés sont au nombre d’une dizaine; il existe entre leur région et celle du pylore une certaine zone qui en est dépourvue La partie pylorique est tapissée par des réliculations muqueuses; le duodénum présente des plis longitudinaux qui commencent aussitôt le sphincter normal, c’est un caractère assez spécial des Bovidés. Bœuf des Stiengs où du Cambodje, animal mort-né. — Autant qu’on peut en juger sur un échantillon aussi jeune, cet estomac ne diffère guère de celui du veau que par quelques particularités secondaires. Le réseau semble plus développé; les cloisons interaréolaires sont cependant déjà très élevées et particulièrement hérissées de papilles dures el cornées. Le fond de la gouttière bien ares est occupé par des rangées papillaires longitudinales qui s’ar- rangent en sorles de bouquets ou de choux-fleurs à la nais- sance antérieure des lames dans le feuillet. Ce dispositif existe, mais beaucoup moins accentué chez le veau ordinaire, où il ne tarde pas à disparaître aussitôt que l'animal prend son régime définitif. Le feuillet très développé renferme une vinglaine de cycles à quatre lames accompagnées d’une rangée papillaire, complication un peu moins avancée que chez le Bœuf commun. La cailletle assez fortement incurvée sur elle-même pos- sède deux renflements pyloriques; son ouverture dans le feuillet est garnie postérieurement de deux larges replis mu- queux comme ci-dessus. Les lames de la caillette déjà très haules se continuent sans interruption dans les réticulations de la partie pylorique. 80 J. A. CORDIER. Bœuf commun. — 1] est assez facile de se procurer dans les abattoirs des échantillons provenant de celle espèce do- mestique à divers étals de développement. L'examen com- paratif de l'estomac d'un fœtus à moilié environ de la gestalion, d’un veau de huit jours et d'un adulte, m'ont per- mis de voir que sauf les variations dans l'importance relative des cavités, l'ensemble de leurs caractères reste à peu près constant rehant toute l'existence. On trouvera très ample- ment décrit dans tous les traités d'anatomie vétérinaire, l’es- tomac du Bœuf adulte; la forme extérieure de l’estomac du Bison, que j'ai seule représentée, donnera aussi une idée ap- prochée de celle qui appartient à tout ce groupe des Bovidés. Le rumen, déprimé de dessus en dessous, est extrêmement spacieux ; l’ensemble de ses contours est circulaire et les vessies coniques sont moins développées que chez le Bison ; le réseau est relativement petit et ses parois très . L'ensemble du feuillet et de la caillette paraît assez peu volumineux par rapport au rumen qui offre des propor- lions inusilées. On pourra voir sur le dessin que je donne de celte dernière portion stomacale que le feuillet atteint presque les dimensions de la caillette ; 1l n’est plus réniforme comme chez les Cerfs et les Antilopes, mais il présente l’ap- parence d’un grand sac ovoïde, et sa situation par rapport à la caillette est caracléristique du groupe. Cette dernière est piriforme, et sa région pylorique relativement étroite se re- courbe brusquement ; il est nécessaire de remarquer que cette disposition est liée à la forme globuleuse de la portion antérieure, éloignant en quelque sorte le pylore du hile du foie, au voisinage duquel il doit se tenir à cause de la veine porle. Les papilles du rumen sont aplaties el presque ova- les; c'est une exagération de la forme spatulée qu’on observe fréquemment. Sans être absolument spécial aux Ru- minants à cornes creuses, ce caractère se renconire cepen- dant beaucoup plus souvent chez eux que chez les Cerfs proprement dits. La hauteur des cloisons cellulaires du ré- DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 81 seau peut atteindre deux centimètres et demi; leur bord libre est mince et foliacé. Les piliers musculaires n’offrent rien de particulier; la gouttière bien différenciée possède des lèvres épaisses et charnues, également développées sur toute la longueur. Si l’on consulte les chiffres fournis par les différents auteurs sur la complication lamellaire du feuillet, 1l en ressort nettement que celle-ei est sujette à des variations individuelles importantes; la moyenne est alors de vingt cycles quadrupliqués, avec des rangées de papilles entre les lames de quatrième ordre des cycles médians. L'ouverture de la cailletle occupe environ le tiers de la lon- gueur du feuillet, ce qui est peu considérable, et l’accolement du pont a lieu sur la presque totalité des deux autres tiers. La têle de la caillette seulement est garnie d’une dizaine de grandes lames entre lesquelles on peut observer, chez l'adulte, des plis longitudinaux de second et de troisième ordre net- tement marqués. La région pylorique qui porte toujours des réticulations est séparée de ces lames par une portion entièrement lisse, et la muqueuse du duodénum est aussi plissée longitudinalement. Antilope Kob du Sénégal (Kobus unctuosus), animal âgé seulement de quelques jours. — J'arrive maintenant à l’une des espèces les plus intéressantes parmi celles que j'ai dis- séquées. On peut considérer cet échantillon remarquable comme la réalisation presque parfaite du type vers lequel tend l'organisation stomacale des Ruminants vrais, et par l'ensemble de ses caractères, il occupe l'extrémité “à la série ascendante que nous venons de parcourir. La comparaison de cette pièce avec l'estomac du Mouton, du Renne et d'un Tra- gule m'a donné les premiers indices des caractères de com- plication progressive dont ;’expose le détail dans le chapitre que je consacre à l'anatomie comparée. Ces types forment en quelque sorte les jalons entre lesquels toules les autres es- pèces sont venues s'intercaler. En décrivant cet estomac, je ne fais donc qu énumérer les caractères établis plus loin avec leur degré maximum de perfeclionnement. ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 6 82 J. A. CORDIFR. Sur le dessin que je donne de cet échantillon, on remar- quera surtout le réseau qui est en quelque sorte taillé aux dépens de la cavité du col, et ne s'étend point à droite comme chez les autres Ruminants. Intérieurement il est ce- pendant d'assez grandes dimensions ; de sorte que dans le schéma de la page 94, cette cavité ne serait presque pas représentée. Cette observation nous montre bien que la forme extérieure de l’estomac esl assujettie à des lois spéciales, n'ayant que peu de rapports avec l’organisation de la mu- queuse interne plus spécialement sous la dépendance des besoins physiologiques de la digestion, et il est intéressant de comparer à cette disposition celle que l’on trouve chez le Renne. Extérieurement, le feuillet est très peu apparent; il prend son développement à l’intérieur de la caillette, et il n’est représenté que par une légère courbure de cette région. Il suffit de jeter un coup d’æil sur le dessin de cet estomac pour voir la situation du feuillet par rapport à la caiïllette et la forme globuleuse de la partie antérieure de cette dernière ; c'est bien là l’exagération des caractères des Bovidés; la partie pylorique est aussi forlement repliée sur la partie an- térieure de la cailleite. J'aurais vivement désiré examiner l'estomac d’un adulte pour le comparer avec cet échantillon ; mais je n’ai pu me procurer celte pièce. Je pense cependant que celle que j'ai eue entre les mains est plus démonstrative, n'ayant pas encore été soumise à l’action de l'alimentation végétale. Les ornements de la muqueuse ne sont pas encore assez développés pour que je puisse les décrire d’une façon pré- cise; cependant leur aspect à la loupe est semblable à ce qu’on peut observer chez l’Antilope Nylgaut de même âge. Les piliers musculaires sont proéminents, et le réseau présente la curieuse disposition que j'ai déjà signalée. Il s'étend à l’intérieur du col jusqu’à l'entrée du sac gauche, dont il est séparé par le repli que nous trouvons d'ordinaire beaucoup plus loin vers l'entrée du feuillet, occupant en lar- DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 83 geur la moilié inférieure du col, la moitié supérieure de cette porlion cylindrique étant garnie de papilles. Les cloi- sons interaréolaires et les lèvres de la gouttière sont bien développées. Ainsi qu'on le conçoit sans peine, l'accolement des parois du feuillet avec celles de la caillette comprend le pont lout entier. Le feuillet renferme une quinzaine de cycles quadru- pliqués (c'est donc bien un feuillet de Bovidé); l'ouverture qui sépare cette cavité de la caillette occupe un peu plus du tiers de la longueur totale du pont et n'offre rien de parlicu- lier. On peut compler huit grandes lames dans la caillette, nombre moitié moindre que celui qui représente les cycles du feuillet. Ces lames ne dépassent pas en longueur les deux liers environ de celle de la cavité tout entière, et sont séparées des réticulations pyloriques par une portion entiè- rement lisse. | La forme globuleuse du rumen, l’absence extérieure presque complète du réseau et la situation caractérislique du feuillet, ont pour effet de diviser l’estomac en trois régions dislincles par deux étranglements, et donnent à ce remarquable échantillon la place la plus élevée dans la série au point de vue de la complication progressive de l'estomac à partir des formes simples. J'ai examiné en dernier lieu l'estomac d’un fœtus de Ga- zelle de Sæmmering assez peu développé en gestation. Autant que cel échantillon a pu me permettre d’en juger, celte es- pèce doit prendre place au voisinage du Mouton commun dans la série. | S4 . A. CORDICR, ANATOMIE COMPARÉE. Après avoir parcouru toute la série d'échantillons qui vient d’être décrite, on esl surtout frappé par l’état constant de la composition schématique de l'estomac des Rumi- nants. La fixité des dispositifs qu'on y rencontre est telle qu'à première vue, il est assez difficile de saisir quelque dif- férence anatomique, souvent même entre deux termes fort éloignés dans la série naturelle, dont on comprendra bientôl l'établissement. Aussi, parmi les caractères qui vont êlre exposés, les différences morphologiques tiennent-elles une large place, étant surtout le résultat de la technique que j'ai adoptée. Fer | Le plan général sur lequel est construit l'estomac des Ru- minants ordinaires, dont le mode spécial de digestion carac- térise le groupe, est en effet d’une fixité remarquable, en rapport avec son importance physiologique. Nous sommes toujours en présence des mêmes cavités fondamentales, avec les mêmes ornements internes, et si le feuillet manque chez les Tragules, on verra que l'importance attachée jusqu'ici à ce caractère est exagérée. Les anciens anatomistes avaient déjà remarqué cette umité de plan; mais le mémoire de Gar- rod est venu lui donner une sorte de consécration. Cet auteur n’a vu en effet, comme caractère différentiel, que celui de la complication lamellaire du feuillet; on pensait qu'il est unique et on n’en comprenait pas la véritable signification. On ne peut l'utiliser pour la classification et, ainsi qu’on l’a- vait depuis longtemps remarqué sur les espèces domestiques, il est sujet à des varialions individuelles importantes. Loin d’être un embarras pour une étude comparative comme celle qui nous occupe, où il semble à priori que des DE L'ESTOMAC DES : RUMINANTS. 89 différencialions profondes doivent rendre celle dernière beaucoup plus facile, la fixité dans la composition schémati- - que est au contraire très précieuse. Elle fournit en quelque sorle un caractère dominateur qui rend beaucoup plus cer- taine la coordination des caractères secondaires. | Parmi mes premiers échantillons d'étude, ils’en est trouvé deux qui m'ont mis sur la voie de différences non encore signalées. Ainsi que je l’ai exposé à propos de l’Antilope Kob, j'avais pensé un instant que cet animal etait dépourvu de feuillet ; car cet organe n’est guère visible sur le jeune, ainsi que le montre le dessin que j'en ai pris. Il semble occuper en quelque sorte un coin de la partie antérieure dela caillette, et cependant il est fort bien développé, comme il convient du reste à un Bovidé. Cette particularité venant immédiate- ment après une remarque analogue faite sur le Renne, où au contraire le feuillet et la caillette presque cylindriques sont situés comme bout à bout, me donna la première notion d’un caractère fondé sur la situation du feuillet par rapportà la cail- lette(1). Quelques autres échantillons, tels que le Mouton com- mun, me montrèrent alors de la façon la plus évidente un cer- tain nombre de passages insensibles entre ces deux formesqui, par hasard, occupent les deux extrémités d’une sérieoù sont ve- nus s'intercaler la plupart des Ruminants ordinaires connus. Restait à se rendre un compte exact de la disposilion ana- tomique qui préside à ce changement dans la situation des deux organes, et j étudiai alors naturellement leur mem- brane séparatrice. Cette étude, exposée tout au long à propos de l'anatomie générale du viscère, montra très nettement la relation existant entre la longueur de l’accolement du « pont » et la siluation respective des deux cavités. Chez le Kob, l’accolement comprend à lui seul la totalité de ce « pont »; {tandis que chez le Renne, il n'existe pour ainsi dire (1) J. A. Cordier, Sur l'anatomie comparée du feuillet de la caillette dans la série des Ruminants (Comptes rendus hebdomaduires des séances de l'Académie des sciences, 2° sem, 1892, p. 744), S6 J. A. CORDIER. pas. J'ai pensé qu'une figure schématique serait de beau- coup préférable à une description toujours plus ou moins facile à saisir complètement, et j'ai représenté en B et en D ces dispositions, avec une autre, C, qui leur est intermédiaire (Mouton). La direction des flèches montre avec la plus grande évidence de quelle façon ont pu se différencier le feuillet et la caillelle des Ruminants ordinaires, à partir de la forme simple À, qui peut être considérée comme représentant la caillette intesliniforme des Tragules. La topographie com- parée des ornements internes de ces deux cavilés considérées séparément viendra plaider encore en faveur de leur assimi- lation, et achever d'établir solidement la valeur anatomique vérilable du feuillet. Il est facile de voir que dans la forme elle-même du feuillet et de la caillette, il y a également d’autres éléments remarquables. Chez les Bovidés (en D), on voit un grand feuillet à profil globulaire; la tête de la caillette présente une forme analogue, tandis que chez le Renne (en B) ces deux cavités sont élroites, allongées, intesliniformes. Le schéma ci-dessus représente des contours exacts; on peut DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 87 donc bien se rendre compte de l’imporlance relative des parlies. _ Ce premier point établi, on devine immédiatement que le degré d’accentualion des deux courbures inverses (les grandes courbures), est déterminé, ou plus exactement est en rapport direct avec les deux développements lamellaires qui occupent ces régions viscérales. Nous voilà donc déjà en possession d’une série de trois caractères parfaitement coordonnés; j'insiste spécialement sur ce dernier point. Chaque fois, en effet, que nous aurons un feuillet allongé et fortement réniforme, nous trouve- rons comme conséquence de cette disposition : 1° l’allon- gement de la caillette; 2° l’accolement du pont peu consi- dérable, correspondant avec le degré de cet allongement et directement en rapport avec la situation respective des deux cavités ; 3° l’abaissement des lames du feuillet et de la cail- lette, d'autant plus accentué que les deux autres caractères le seront eux-mêmes davantage. Il est cependant encore nécessaire de faire dériver des deux dispositions extrêmes deux autres caractères, Loujours solidaires des premiers: En effet, on peut voir que plus on se rapproche de la disposition présentée par le Renne, plus l'ouverture de communication feuillet-caillette est considé- rable, et plus le repli qui limite postérieurement le feuillet au bas de cette ouverture s'abaisse. Ensuite, plus les lames du feuillet sont courtes et élevées, et plus la complicalion la- mellaire est grande ; il convient d'accorder à cette dernière, conjointement avec la hauteur des feuilles, l’action principale agissant sur le degré d’accolement du pont; mais ce sont là encore des rapports de cause à effet entre lesquels il est diffi- cile de se prononcer d’une façon absolue. Je puis me résumer dans le petit tableau ci-joint ; l’un quel- conque des caractères coordonnés qui y sont contenus nous permettra d'affirmer, non seulement la présence des autres, mais encore de déterminer a priori leur degré d'importance et le sens de leurs variations. 88 3. A. CORDIER. FEUILLET SITUÉ PRESQUE BOUT A BOUT AVEC LA CAILLETTE (disposition D). Feuillet Caiïllette Accolemerit |[Lameslongues| Ouverture allongé, plat | allongée du pont et basses. feuillet- et et intestini- | presque nul. | Complication |caillette large. réniforme. forme. lamellaire Repli faible. postérieur nul ou presque nul. FEUILLET SITUÉ AU MÊME NIVEAU QUE LA CAILLETTE (disposition D). Feuillet court Caïllette Accolement [Lames courtes| Ouverture et courte comprenant| et élevées. feuillet- globuleux. et tout ou Complication caillette globuleuse. |la plus grande] lamellaire étroite. partie très grande. Repli du pont. postérieur élevé. De ces résullats au mécanisme de la formation phylogéné- tique du feuillet et de la caillette, il n'y a qu’un pas. Chez les Tragules, où, comme nous savons, le feuillet manque, la dis- posilion est beaucoup plus simple encore que chez le Renne : la caillette est en quelque sorte cylindrique (fig. A, schéma précédent). La cavité postérieure de l'estomac des Caméliens, qu'on a assimilée à la caillette, estégalementintestiniforme, et javais pensé tout d’abord qu’il fallait la rapprocher, à ce point de vue, defla caillette des Tragules ; mais j'ai reconnu depuis qu'on ne devait pas meltre en parallèle ces deux cavités ayant quelques rapports morphologiques qui m'avaient frappé, mais qui se différencient profondément au point de vue anatomique général. Revenons un instant aux formations lamellaires du feuillet et de la cailletie dont nous connaissons bien la structure ainsi que la disposilion ; il me reste à montrer leur identité morphologique (1). Dans la caillette de beaucoup de Ruminants placés dans la (1) J. A. Cordier, Sur l'assimilation du feuillet à la raillette des Ruminants au point de vue des formations de leur membrane muqueuse (Comptes DEL 4 de l’Académie des sciences, 2° semestre 1892, p. 1088). LE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 89 série au voisinage du Renve, on ne trouve que des lames longitudinales d’une seule sorte. Sur une coupe {rans- versale, on les voit s’abaisser graduellement de la région de la grande courbure vers celle de la petite, absolument comme dans le feuillet. Cette disposition est surtout évidente chez le jeune animal, où des anastomoses {ransverses et obliques, acquérant parfois l'importance des véritables lames, et déter- minées par l’activilé digestive, ne se montrent pas encore comme chez les animaux tout à fait adultes. Au fur et à mesure que l’on se rapproche des Bovidés, on voit apparaître entre ces lames principales ou primaires, d’autres lames moins éle- vées et plus courtes, ainsi que nous l’avons vu pour le feuillet: chez ces derniers animaux, on peut observer des lames de troisième et même de quatrième ordre. Pour mieux faire saisir cetle disposition, j'ai représenté dans la figure ci-dessus une coupe totale du feuillet et une autre de la caillette chez un Bovidé, placées à côté l’une de l’autre et supposées faites dans la région indiquée par les flèches. On peut voir que les grandes lames de la caillette, quoique leur hauteur soit moindre que celles du feuillet, el leur ensemble plus régulier (leur rôle physiologique étant tout différent) sont disposées de la même façon et séparées de même par des lames moins élevées. La complication lamellaire de la cailletle est toujours moins avancée que celle du feuillet, el j'avais remarqué de- puis longtemps que le nombre des lames primaires de ce 90 J. A. CORDIER. dernier organe est le même que celui des grandes lames de la caillette, ou tout au moins, ainsi qu’on a pu le remarquer dans le chapitre précédent, dans un rapport très simple avec lui. Quand, en effet, cette exception existe, ces lames de la caillette sont toujours représentées par la moitié ou le tiers des grandes lames primaires du feuillet, ce qui semble montrer que celles-ci ne possèdent pas toutes non is la même valeur. Cette règle générale ainsi établie m'a permis ne de fixer avec Ha le nombre des cycles lamellaires du feuillet, lorsqu'il était difficile de le déterminer d’une façon précise. Elle tranche encore des questions controversées analogues à celle qui se présente pour le Porte-Muse, où elle montre que le feuillet de cet animal possède 12 lames pri- maires et autant de secondaires, et non 24 lames primaires comme on le croyait, nombre qui n’est atleint que chez cer- tains Bovidés. Le feuillet du Porte-Musc n'a certainement qu'une douzaine de lames primaires, et c’est un nombre que l’on retrouve à peu près constant chez la plupart des Cervi- dés; aussi semblait-il bien extraordinaire, de prime abord, que cet animal en possédât un aussi grand nombre. Enfin, si l'on considère que les Tragules ne présentent en général que deux lames, dans une région de leur caillette intestiniforme correspondant à celle de la grande courbure chez les Rumi- nants plus élevés en organisation, je pense que l’on doit en conclure que le feuillet, s’ilexistait, n’auraitnon plus que deux feuilles. On comprend bien qu'il ne pourrait fonctionner dans un état aussi rudimentaire, et c'est probablement pourquoi il n'existe pas; car on le voit apparaître brusquement, pour la première fois, dans un état suffisant de développement, chez le Porte-Musc et chez quelques petites espèces de Cervidés et d'Antilopidés. On pense généralement, d’après Flower, que Les Tragules ont un rudiment de feuillet que pour ma part, malgré une attention soutenue, je n'ai jamais pu observer; mais on voit que le fait n’aurait rien d'impossible. J'ai figuré celle région DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 91 chez la plupart des Tragules et l'Hyæmoschus, et on voit qu’on ne peut lui donner le nom de feuillet, dont elle n’a #2 . l'aspect si caractéristique ni les fonctions ; de plus, son épi- thélium est glandulaire au lieu d’être pavimenteux. Je pense que chez ces animaux, il ne faut pas chercher le rudiment de feuillet dans l’aspect interne qui ne rappelle nullement la disposition si caractéristique de cet organe, même chez les espèces de Cervidés les moins différenciées, mais plutôt dans le renflement, parfois assez marqué, de cetterégion bien facilement visible sur les dessins que je donne de l'estomac de ces animaux ; on pourra même se rendre compte du rap- port qui existe déjà entre ce renflement et la légère convexité diamétralement opposée (T. Kanchill)}, premier indice de la formalion du feuillet. J'insiste sur ce point pour montrer surtout que la valeur différentielle {très grande qu'on a ac- cordée à la présence ou à l'absence de cette cavité chez les Ruminants ordinaires, perd énormément de son imporlance par les considérations ci-dessus. Les lames de la caillette sont en forme de croissant comme celles du feuillet ; leur porlion médiane qui est aussi la plus élevée, occupe la région la plus courbe du viscère, et il n’est pas non plus jusqu'aux lèvres du pont quin'’aient leurs corres- pondantes dans la pelite courbure de la caillette, ainsi qu'on peut le voir sur la figure schématique précédente. Enfin, chez bon nombre d’espèces se rapprochant du Renne au point de vue stomacal, dans lesquelles le repli poslérieur du pont n'existe pas, et où l'ouverture feuillel-caillette est très grande, on observe avec la plus grande facilité le passage direct des deux formations lamellaires l’une dans l’autre. Il est néces- saire de se rappeler que chez ces animaux, dont le feuillet et la caillette sont presque intestiniformes, el situés comme bout à bout (la hauteur des lames élant en rapport direct avec le degré de la courbure où elles prennent place), la ré- parlition lamellaire est, à ce point de vue, beaucoup plus uni- forme sur tout le pourtour du viscère que cela n'a lieu, par exemple, chez les Bovidés: 99 J. A. CORDIER. Il n’est pas sans intérêt non plus de rapprocher de ces faits une remarque de Krazowsky, qui observa que dans les premiers stades du développement des lames, ce sont les lèvres du pont qui sont d’abord les plus hautes, contrai- rement à ce qui existe comme on sait chez l'adulte. Il est pro- bable qu’elles sont la continuation directe des lames de la grande courbure naissante de la caillette alors plus dévelop- pées, el que nous relrouvons précisément au nombre de deux chez l'Hyæmoschus par exemple; ce n’est qu'un peu plus tard que les formations lamellaires deviennent prépondérantes aux points diamélralement opposés du viscère. St 3 FRE En résumé, de cet ensemble d’analogies ou plutôt d'iden- tités dans les caractères des deux organes, il résulte claire- ment que le feuillet et la caillette dérivent d’une seule et même partie intectiniforme, et que c'est la formation des deux systèmes identiques de lames, en des points diamétra- lement opposés [antérieurement pour le feuillet et postérieu- rement pour la caillelte|, qui a créé leur séparation et leur différenciation, en amenant l’accolement du pont. Les figures ci-dessus montrent ce processus de complication progressive avec la plus grande évidence et beaucoup mieux qu'une description ne peut le faire. L'action plus ou moins pro- noncée de ces deux systèmes agissant en sens inverse, el amenant l’inflexion en forme d'S de l'organe cylindrique primüif, a aussi pour effet de raccourcir les deux portions résultantes, ainsi qu'il est facile de le voir. Il est remar- quable que ce raccourcissement progressif, qui semble cor- respondre à une diminution dans la capacité du viscère, soit compensée, en quelque sorle, par laugmentation des surfaces internes résultant du développement des lames. | Après avoir ainsi mis en lumière’le mécanisme de la for- mation phylogénétique du feuillet et de la caillette, 1l me reste à montrer que toules les formes du rumen observées DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS, 93 chez les Ruminants ordinaires se relient entre elles d’une façon non moins simple, par un processus offrant beaucoup _d'analogies avec le premier (1). Lorsqu'on considère celte vaste poche dans les divers groupes des Ruminants ordinaires, on reconnaît qu'entre la forme globulaire que cet organe possède chez les Bovidés, et la forme très allongée qui s’observe chez les Tragules, il existe tous les intermédiaires chez les Cerfs etles Antilopes. Si l'on examine quelles sont les régions de l'organe les plus variables, on s'aperçoit facilement que la vessie conique droite ou grande vessie, développée au maximum chez les Tragules, diminue progressivement d'importance chez les Cerfs et les Anlilopes, pour être à peine indiquée chez les Bovidés. Le réseau qui lui est diamétralement opposé, subil une transfor- mation en tout point parallèle : développé au maximum chez les Tragules, il diminue aussi progressivement de volume jusqu'aux Bovidés (2). Le Bœufordinaire présente un réseau de dimensions relatives assez faibles ; mais chez le Bison ces dimensions sont encore beaucoup moindres, et enfin j'ai montré en décrivant l'estomac de l’Antilope Kob, que le réseau de ce remarquable Bovidé fait presque totale- ment défaut au point de vue morphologique, quoique inté- rieurement normalement étendu. Il rentre en quelque sorte dans l’intérieur du rumen qui est dans ce cas parfaitement globulaire et sans vessies extérieurement apparentes, au moins à l’état jeune. J'ai représenté dans la figure suivante les contours exacts des -estomacs de l’'Hyæmoschus aquaticus qui possède parmi les Tragules la forme cæcale du rumen la plus marquée, puis une forme transitoire dans le groupe des Cerfs et des Antilopes, l’Antilope ceruicapra, et enfin le Bœuf commun, pour faire mieux saisir ces transformations morphologiques. (1) J. A. Cordier, Sur l'anatomie comparée du rumen et du réseau chez les Ruminants (Comptes rendus de la Société philomathique, 1893, n° 10, p. 8). (2) Je rappelle à ce sujet la loi du rapport inverse entre la grandeur du réseau et l'élévation de ses cloisons cellulaires, établie lorsque j'ai traité de: cet organe. 94 J. A. CORDIER. On peut voir que le développement progressif du sac gauche aux dépens du sac droit et le raccourcissement du viscère en sont les conséquences immédiates. J'aurais pu figurer Sac dauc FPE he Cervidés t A rdlopudes "ondes. Tragules l'estomac de l’Antilope Kob à la place de celui du Bœuf ; mais celte série est beaucoup plus instructive, et il suffit de RE Le pére des formes Times PA Loic L se reporter à la description el au dessin que j'ai donné de l'estomac du Kob, et le comparer à celui des Tragules, pour se convaincre que sans la présence des types intermédiaires, DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 95 ileût été impossible d'établir une comparaison entre ces deux formes extrêmes. La recherche du mécanisme qui préside à ce processus était donc lout indiquée; ce mécanisme est facile à con- cevoir et se {rouve lié à une particularité importante de la structure de ces grandes avancées internes du rumen. Il suffit de jeter les yeux sur cette seconde figure schémalique pour le deviner immédiatement. Je rappelle à ce sujet les remarques que j'ai faites dans la description anatomique des piliers. Tandis que le repli du col mm et le pilier postérieur 7 sont constitués seulement par une invagination de la couche musculaire interne chez les Ruminants supérieurs, ainsi que le montre la figure 2, le pilier antérieur p contient les deux couches musculaires accolées jusqu'à son sommet. Chez les Cerfs, les Antilopes et les Bœufs, Le repli du col a la forme d’un simple croissant M’ quelquefois peu marqué; chez les Tragules, au contraire, les deux branches du croissant se rejoignent, consliluant une cloison percée en son centre d'un grand trou circulaire excentrique M, et chez l’'Hyæmoschus, ces parois annulaires devenant très larges, le centrage est parfait. Pour ces derniers animaux, con- trairement aux Ruminants supérieurs, la couche musculaire externe entre également dans le repli du col et jusqu'à moitié environ de sa hauteur ; toutes ces remarques s’appli- quent également au pilier postérieur et s'expliquent natu- rellement ainsi qu'il suit. Il convient de faire dériver le rumen des Ruminants ordi- naires d'une sorte de cæcum allongé (fig. 1) qui a dû exister tel chez des espèces éteintes et qui ressemblait par sa forme au cæcum vérilable existant plus bas dans leur tube digestif. Il élail divisé en trois chambres A,B,C, par de vrais étranglements formés par les deux couches mus- culaires ensemble, ainsi qu’on le conçoit facilement : puis la couche externe s’est retirée pelit à pelit, ainsi qu’en témoignent les Tragules, et la couche interne a fini par 96 J. A. CORDIER. former seule le repli du col et le pilier PASiériegen des Rumi- nants supérieurs. Au fur et à mesure de la complication, l’invagination p (fig.,2) a donné naissance au pilier antérieur, conservant indéfiniment sa structure ; elle a eu son retentissement sur la paroi opposée en amenant l'inflexion en forme d'S déjà si caractéristique du rumen des Tragules. Il faut remarquer que ce processus est semblable à celui qui amène l’accole- ment du pont chez les Ruminants supérieurs ; mais il est certainement plus précoce et plus primilif dans le dévelop- pement, puisque le pilier antérieur apparaît déjà très élevé chez l'Hyæmoschus, et qu'ensuite il ne varie plus guère d'im- portance. Nous arrivons ainsi très simplement à la consli- tution du rumen des Tragules, el conséquemment à celle de cet organe chez les formes les plus différenciées et les plus compliquées, telles par exemple que l'estomac de l’Antilope Kob. Tous ces faits si intéressants sont laissés dans l’ombre par les {ravaux embryologiques. À cette genèse si simple vient cependant s'ajouter la légère complication suivante : la chambre C se divise chez. les Antilopidés et les Cervidés seulement, c’est-à-dire chez tous les Ruminanis ordinaires, à l'exception des Tragules,en deux vessies coniques d'importance très différente, la pelite. étant en quelque sorte un bourgeon de l’autre, né à sa base. La vessie conique droite reste toujours très grande compa- rativement à la vessie gauche ; cependant chez les Cervidés, le Bubale à front blanc el les Bovidés en général, elles ac- quièrent presque la même importance. Elles sont délimitées par des piliers semblables formant, ainsi que je l'ai exposé, comme les deux branches d’un x, et j'ai pu voir des indices de la seconde, indiquant par conséquent l'apparition de la vessie gauche chez le Tragulus Kanchill. Les dénominations de sac gauche et de sac droit du rumen ne peuvent donc servir qu'à la topographie de ds chez les Ruminants supérieurs. . Nous avons pu voir que les eslomacs des Tragules présen- DE L'ESTOMAC DES. RUMINANTS. 97 tent entre eux des analogies étroites; mais si l’on revient à l'observation consignée dans le mémoire de Pucheran, en cherchant s’il existe, au point de vuestomacal, des caractères différentiels entre les Ruminants à cornes creuses et ceux dont les prolongements frontaux sont doués de caducité, on pourra remarquer, quelques légères différences. Elles sont, je crois, d’une trop faible importance pour pouvoir être utilisées dans la classification; mais elles sont suffisantes pour distinguer, dans la plupart des cas, les estomacs de ces deux groupes d'animaux voisins. Il ne peut être question de caractères internes, mais seule- ment de différences dans la forme du rumen, et je ren- voie un instant aux observations de la page 62. On a cer- tainement remarqué que les Ruminants à cornes creuses, qui prennent place dans la série au voisinage du Mouton, possè- dent une vessie conique droite beaucoup plus développée que celle des Cervidés, et que la branche gauche est toujours extrêmement petite. Chez ces derniers animaux, au contraire, les deux vessies tendent à s’égaler : la vessie droile diminue beaucoup d'importance, sans doute à cause du développement de la branche voisine, et il en résulle un dispositif en mors de pince, qu'on n’observe pas chez les Antilopes. De plus, l'extrémité de la grande vessie se termine par une sorte de petile corne pointue très caractéristique, et que l’on trouve notamment dans la figure que donne Pallas de l'estomac du Porte-Musc; la vessie droite des Antilopes se termine au contraire en dôme. Ces faits ne détruisent en rien l'harmonie des aulres caractères, car 1l est nécessaire de considérer, non pas seulement la vessie conique droite à l'exclusion de la gauche, mais l’ensemble de ces deux cavités qui rentre dans la loi générale établie plus haut. Quoique très réduile, la vessie conique des Bovidés offre les caracières morphologiques de celle des Anlilopidés; elle tend à disparaître, puisque l’estomac de ces Bovidés cor- respond, par l'ensemble de tous les autres caractères, à un degré beaucoup plus grand de différenciation. Sous ce ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 7 98 J. A. CORDIER. rapport, les grandes Antilopes telles que le Nylgaut, lOrvyx Beisa, l’Alcelaphus Bubalis, sont des Bovidés vrais dont elles se rapprochent encore bien davantage par le dispositif du feuillet et de la caillette. Il est essentiel de faire remarquer que la grande vessie des Bovidés n’a pas plus d'importance que celle des Cervidés, même les moins différenciés. [Il semble que si l'on prend comme terme de comparaison l'ensemble des caractères fournis par la portion feuillet- caillette, le rumen des Cervidés corresponde à un degré de différenciation plus élevé FU celui des Antilopidés en général. On voit donc, en résumé, que le caractère fourni par la forme et le HE SIO) pete des vessies coniques, entre les Ruminants à cornes creuses et ceux qui possèdent des bois caducs, est d'autant plus différentiel que l’on s'éloigne da- vantage des Bovidés. Tous les caractères de complication établis ci-dessus se lient entre eux intimement, ainsi qu’on le conçoit, et sauf peut-être celui de la vessie conique, ils sont très remarquable- ment coordonnés ; l'établissement de l’un des principaux d’entre eux permet de juger facilement de la valeur et de l'importance des autres. Quand nous verrons, par exemple, une grande ampleur du réseau, nous trouverons, le plus sou- vent aussi, très grande la somme des volumes des vessies ; le feuillet sera déprimé et non globuleux, l’accolement du pont presque nul, et la caillette allongée et intestiniforme (fig. des pages 86 et 94). À l’intérieur, nous trouverons le repli du col et le pilier postérieur bien développés, la gout- lière le plus souvent longue et: peu spécialisée, la complica- tion lamellaire du feuillet et de la caillette peu avancée, et leur ouverture de communication très large, etc... Je pour- rais aussi prendre un exemple à l'inverse du premier, et pour me récapituler, J'ai mis tous ces caractères dans le petit ta- bleau suivant. Celui de la forme du rumen étant pris comme exemple, le signe + indiqué une variation dans le même sens et proportionnelle, le signe — une variation dans le sen- DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 99 opposé, mais toujours en rapport avec les autres comme im- portance relative : lAmipienr du réseau — .:22 a pre - \ Caractères PENoluie des-vessies "RER | morphologiques | Développement du feuillet + ...... bass). ou externes. Accolement du pané + .....-2222."-. (Inflexion + Grande courbure du feuillet et de la cail- Situation PTE ettehshamisgu. de it is us ie MORE bout à bout ie Allongement de l'ensemble feuillet - cailk-}] des glo-. LEE Re AE sseseseseeseseeseseess F7 cavités—.) Sibiire Développement du pilier postérieur et du repli Does du:col — ........ mannmrséensesessesssees Importance des cloisons cellulaires du ré- rumen. : Mi SÉRIE eeteeseeeesieeesesssee Caractères | Longueur de la souttière —...........,. internes, Degré de développement de la gouttière + .. leur Complication lamellaire du feuillet et de la! importance —.. nadletiett sh comthsbint cela ad se | Ouverture de communication feuillet-cail- lette — de delete) 2e d'a da à « 9 de € se à en die « we Me v - Entre les échantillons types que j'ai choisis spécialement pour mon étude comparalive, sont venues s’intercaler {outes les autres espèces que j'ai examinées, formant ainsi une série naturelle allant de l’'Hyæmoschus à l’Antilope Kob. Nulle part nous n'y trouvons de transition brusque, si ce n’est pour la présence ou l'absence du feuillet ; mais J'ai disserté longuement sur le peu d'importance à ordd à à Ce carac- tère. La classification des Ruminants ordinaires en groupes bien séparés n’a donc que fort peu à attendre de la conforma- tion stomacale, et s’il est logique de considérer les formes compliquées comme les plus parfaites, l’épithète de Rumi- nants supérieurs (1) et inférieurs que j'ai quelquefois em- ployée est par là même justifiée. Il ne s’agit évidemment que des deux extrémités de la série nalurelle dessinée dans les planches annexées à ce travail, el sur laquelle on pourra se rendre compte — de visu — au moins du sens des varia- tions morphologiques. Ainsi qu'on pouvait jusqu'à un certain point le prévoir, (1) Ces résultats sont absolument d'accord avec les données paléontolo- giques. 4100 J. A. CORDIER. l'estomac des Ruminants ordinaires possède une importance physiologique bien trop considérable, pour que des varia- tions, elles-mêmes de quelque importance n'aient pas un retentissement fâcheux sur ce mode si particulier de digestion et si caractéristique du groupe. Mais cetle constance remar- quable de l'organe me permeltra d’être beaucoup plus affir- matif au sujet des affinités, jusqu à présent obscures, de l'estomac des Caméliens. En terminant ce paragraphe, 1l me reste à appeler l’atten- ion sur une remarque de Bergmann et Leuckart, au sujet d'un certain rapport direct observé par ces anatomistes entre le volume du feuillet et la taille des espèces. Pour eux, si les Tragules n’ont pas de feuillet, c’est que leur taille exiguë ne permet pas la présence de cet organe ; d’autres anatomistes font intervenir le mode de nourriture ; mais nous voyons clairement à l'heure acluelle ce qu'il faut penser de ces suppositions. On remarquera cependant que l’obser- valion de Bergmann n’est pas sans fondement ; car si nous jetons les yeux sur la série naturelle établie ci-dessus, nous . voyons que, sauf de rares exceptions, les espèces qui y sont représentées sont à peu près de taille uniformément crois- sante, depuis les Tragules jusqu'aux Bovidés. On se rend à présent parfaitement compte de quelle utilité ce petit groupe des Tragules a été pour mon étude, et sur- tout cet estomac del'Hyæmoschus, d’une simplicité de formes si remarquable. Ilest évidemment le moins compliqué parmi ous ceux des Ruminants connus, et je l'ai placé, pour celte raison, à la base de ma série ascendante. A partir de ce type, nous avons vu l’estomac prendre des caractères de complica- tion et de perfectionnement que nous avons trouvés avec leur maximum de nelteté chez les Bovidés. L’ampleur du réseau, la forme de la caillette, la structure différentielle des piliers musculaires, elc..., nous ont permis d’entrevoir quel pouvait être l'estomac type ayant sans doule appartenu à des espèces éteintes, et d’où sont dérivés progressivement ceux de nos Ruminants actuels. DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 101 Après celte étude, en quelque sorte phylogénétique de l’es- tomac des Ruminants ordinaires, il vient tout nalurellement à l'esprit de jeter un coup d’œil sur l’histoire de son déve- loppement embryologique, afin de juger, non sans un certain intérêt, des concordances et des divergences de ces éludes. En réalité, l’ontogénie de l’organe vient bien vérifier ou con- firmer quelques-unes de mes observations; mais bien qu'elle ait été l’objet de quelques travaux très étudiés, ses résultats n'ont pour la plupart que peu de rapports avec les miens. Ce sont en quelque sorte des résullats d’un autre genre ; j'aurais vivement désiré, par exemple, pouvoir suivre la for- mation qui amène l’accolement du « pont », et celle du même ordre, entièrement comparable, mais certainement beaucoup plus primitive, qui donne naissance au pilier antérieur du rumen; mais je n'ai rien trouvé qui ail quelque rapport avec ces fails. Voici du reste une analyse rapide de ces travaux : Après les essais de Wilkens en 1872, le premier mémoire que l’on trouve est de Krazowsky, de Dorpat ; cet excellent travail porte spécialement sur le développement du feuillet. L'auteur opère sur des embryons de Mouton, sur lesquels a priori, il ne pouvait observer l’accolement du « pont », puis- qu'il est déjà fort peu considérable chez cet animal adulte. Il trouve que ce pont résulte de l’aplalissement suivant une génératrice, d'un organe primitivement cylindrique, que ses lèvres sont d’abord plus développées que les lames primaires du feuillet (le développement de ces dernières n'ayant lieu qu'ultérieurement), et que le feuillet, quoique ébauché de bonne heure, ne se différencie que très tardivement de la caïllette avec laquelle, suivant lui, il a d'abord les rapports les plus étroits. Ces observalions sont donc dans le même sens que les miennes. Krazowsky donne à l’ébauche pri- mitive du feuillet une grande longueur, et d’après l’assi- milation que j'ai établie avec la caillette, au double point de vue de leur morphologie et de leurs formations muqueu- ses, il est cerlain qu'à ce stade de l'existence, il n’y a encore qu'une seule et même cavité, la séparation n'ayant 402 J. A. CORDIER. pas encore’eu lieu. Ce sont les deux développements lamellaires, agissant en sens inverse en deux régions diffé- rentes de ce tuyau, qui vont amener l’accolement du pont, ainsi que je l’ai surabondamment établi. À ce stade, il ne s’agit encore d'aucune différenciation épithéliale ; ce n'est qu'à partir du tiers ou de la moitié de la gestation, que les premiers rudiments des glandes apparaissent. — L’auteur montre également que le développement des lames d’impor- tance différente a lieu successivement en commençant par les grandes, et justifie ainsi les dénominations de primaire, secondaire, tertiaire, etc... que Garrod venait de leur donner, suivant le degré de cette importance. II fait aussi remarquer que sur ce point 1l est d'accord avec ce qu’on savait à celte époque sur la phylogénie du feuillet; car Garrod venait éga- lement de montrer la variabilité dans la constitution lamel- laire de cetorgane, et sa simplicité chez les formes les moins différenciées (Moschus, Nannotragus, Cephalophus, ete…..). Krazowsky fait encore quelques remarques au sujet du: développement des aulres cavités stomacales. L’estomac, en général, résulte d’une dilatation non brusque de l’œsophage, ce qui en fait une cavité primitivement unique, puis un déve- loppement unilatéral a lieu qui donne naissance à une sorte de petit cul-de-sac, absolument en concordance avec la genèse que jai développée plus haut. A partir de ce mo- ment, un certain nombre de rolations ou de changements de position très complexes, dans le détail desquels je ne puis entrer, se produisent, et l’auteur s’arrêle en ce point. Stoss reprend ensuite le sujet en opérant toujours sur des embryons de Mouton; ses résultats, consignés dans le mé- moire suivant, se rapportent surtout à l’inlestin et aux.pre- miers stades de l'estomac ; ils confirment ceux de Krazowsky: M. Paul Martin, de Zurich, a repris tout récemment l'étude du développement du canal digestif des Ruminants, mais cetle fois avec des embryons de Bœuf. Cet auteur continue l’embryologie du rumen au point où l’a laissée Krazowsky, en donnant les raisons des déplacements compliqués du DE L'ESTOMAC DES . RUMINANTS. 103 viscère pendant sa croissance. Entre autres remarques, 1l observe que la musculalure centrale des jeunes lames du feuillet ne prend pas tout d’abord les colorations comme celle de la paroi, ce qui vient à l'appui de l'opinion que je me suis faite, qu'il faut regarder celle musculature comme uné dépendance de la muqueuse, et non comme une proli- fération interne de la couche annulaire pariélale. Parmi ces résultats fournis par les études embryologiques, on remarquera surlout la spécialisation relativement lardive du feuillet par rapport aux autres cavités stomacales ; mais il est également nécessaire de considérer que l'estomac en général se différencie de très bonne heure, et avec une grande rapidité. Wilkens, à ce sujet, avait déjà signalé quele développement du feuillet était tellement avancé dans les embryons les plus jeunes qu'il à examinés, que les lames étaient toutes indépendantes. Celle rapidité de différencia- tion, à une période très peu avancée de l'existence, est cer- lainement un grand obstacle pour suivre avec la précision désirable toutes les phases du développement. On compren- dra bien que l'étude morphologique précise des parois relativement épaisses et non différenciées, d’une cavité d’un aussi faible volume que le feuillet ou le rumen d’un embryon de Mouton, ne mesurant lui-même que 2 ou 3 centimètres, n'est pas chose facile, surtout si l’on pense que la différen- ciation n’atteint que très lentement, et dans la suite, le degré de nettelé qu’on lui connaît chez l'adulte. Si l’on ajoute à ces considérations la difficulté, sinon l'impossibilité de se procurer des pièces aux phases caractéristiques el précises de cette évolution rapide, et l'incertitude de l’em- bryologiste sur l’âge exact de son échantillon, on s'expliquera que les résultats de ces travaux, quoique très intéressants, ne peuvent vérifier que quelques traits généraux du développe- ment phylogénétique. Théoriquement il eût fallu opérer sur de grandes quantités de pièces d’âge très peu différent ; en- core n’eût-on pas élé à l'abri des varialions de développe- ment individuelles. 104 J. A. CORDIER. Je dois ajouter ici une remarque que j'ai faite au cours de mon étude au sujet du développement de la grande vessie conique : celle-ci n’acquiert toute son importance qu'à un stade peu éloigné de la naissance, et c’est alors ce cul-de- sac comme replié et constituant le rumen, dont nous con- naissons maintenant la genèse, qui se complète le dernier. M. P. Martin n'aurait pas pu observer le développement de la grande vessie conique, d'abord pour cette raison qu'il a lieu seulement à la fin de la période fœtale, et ensuite parce que le Bœuf adulte présente cette vessie avec son minimum de grandeur. On voit aussi combien il serait intéressant d'observer sa croissance chez des espèces qui la présentent au maximum {els que les Tragules. Quoique les notes d’observateurs isolés sur l’estomac de quelques Ruminants ordinaires n’aient pu être pour moi de quelque utilité dans l'établissement des principaux points de mon travail, pour des raisons faciles à comprendre, cer- taines d’entre elles fournissent des indications générales au moyen desquelles j'ai pu, par induction, assigner la place approximative de l'organe dans la série de mes pièces dissé- quées. Je dois en ienir compte pour êlre aussi complet que possible, et je vais les passer rapidement en revue. Parmi les estomacs de Ruminants rares ou peu connus, le plus intéressant, et en même temps celui qui a le plus attiré l’altention des anatomistes, est certainement celui du Porte-Musc. Jusqu'en 1864, époque à laquelle M. le profes- seur À. Milne-Edwards publia les résullats de ses remar- quables études sur la famille des Chevrotains, les affinités de ce petit groupe de Moschidés étaient en effet restées très obscures, et l'estomac pouvait fournir des caractères de première valeur. Avant la description de Daubenton, déjà Pallas, au siècle dernier, en donne un assez bon dessin, com- menté et vérifié surtout par Flower en 1875, et par Garrod un peu plus tard. Il semble résulter de l’analyse des mémoires de ces diffé- DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 105 rents auteurs, que l'estomac du Porte-Musc prend place dans la série immédiatement après ceux des Tragules, quoi- que cependant il réponde à un degré de complication et de perfectionnement notablement plus élevé, même si l’on met à part l'apparition du feuillet, dont nous pouvons apprécier maintenant la valeur anatomique exacte. Cet estomac offre beaucoup d’analogies avec celui du Renne; mais la vessie conique est notablement plus développée : elle possède cette forme de corne qu'on lui voit seulement chez les Cervidés. Le rumen, moins globuleux et plus allongé que chez le Renne, est très nettement courbé en S, comme chezles Tra- gules et quelques espèces de Ruminants {ypiques telles que la Corrine. Le réseau est très volumineux; le feuillet, allongé et assez développé, se trouve presque dans le prolongement de la caillette nettement intestiniforme. La valeur exacte et l'interprétation de tous ces caractères nous sont à présent suffisamment bien connues pour ne pas nécessiter de ma part de nouvelles explications. Comme il convient à un réseau très ample, ses cloisons cellulaires sont fort basses, et d’après la description de Flower, je” puis maintenant, je crois, {rancher la question relative à la complication lamellaire du feuillet. Jusqu'à présent, en effet, on avait compté tantôt 19, tantôt 21, ou même 2% lames, et on n'était pas d'accord sur la question de savoir si elles étaient toutes primaires, ou si le feuillet est dupliqué, car Garrod avait signalé l'alternance de lames d'importance quelque peu différente. Ce désaccord entre les auteurs montre bien, non seulement la difficulté de con- naître exactement le nombre des cycles du feuillet (1), mais aussi le peu de valeur qu'il convient d'accorder à ce carac- ère ainsi compris. Les remarques faites à propos du rap- port existant entre le nombre des grandes lames de la cail- (1) C’est cependant sur ces formes simples de feuillet que le nombre exact des cycles est le plus facile à établir; car les lames ne s'abaissent pas pro- gressivement comme chez les Ruminants supérieurs; elles cessent assez brusquement, 106 J. A. CORDIER. letle et du feuillet considérés séparément, font voir que ce dernier est bien véritablement dupliqué. Le nombre total des lames, 24, doit être le chiffre exact (12 primaires), toutes varialions individuelles mises de côlé, car nous re- trouvons précisément 12 lames dans la caillette, ne: qui est à peu près normal. Il est encore un point sur lequel je veux insister 101. Flower a décrit une pelite plage, apparemment glandulaire; située au fond d’une sorte de logette et placée, à ce que je puis en juger par la description de cet auteur, à un en- droit qui doit être très voisin du col. Garrod, qui a disséqué depuis un autre estomac du même animal, et dont l’atten- lon sur ce point avait élé atlirée par la remarque de Flower, n’a pu rencontrer trace de ces glandes, qui n'ont pas été vues non plus par Pailas, Daubentonet par M. le professeur À. Milne-Edwards beaucoup plus récemment. Il est cependant très regreltable que celte disposition n'ait pas été étudiée de plus près ; car si le fait avancé par Flower est exact, il ac- quiert une importance véritablement considérable; c’est qu'on pourrait considérer, en effet, cette poche comme une réapparition momentanée, ou un vestige probable de produc- lions analogues aux poches à eau des Caméliens, ayant existé chez des formes éleintes. Crisp avait déjà signalé une disposilion analogue chez l’Antilope Saïga; mais dans une note ultérieure, il a semblé la démentir; de sorte que celle observation, si intéressante quand on la rapproche de la précédente, perd toute sa valeur. Par des considérations d’un autre ordre, je suis amené à penser que ces anatomistes ont dû être induits en erreur par des apparences dues à des proliférations épithéliales que j'ai moi-même souvent observées. Je crois néanmoins utile, pour des travaux ultérieurs, d'appeler l'altention sur la véritable valeur que peuvent présenter des particularilés anatomiques qui de prime abord ont semblé oiseuses. Murie, en 1870, donne quelques détails sur l'estomac de l'Antilocapra americana qui paraît offrir beaucoup d’ana- DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 107 logies avec celui du Mouton. Il observe aussi dans le col du rumen des produclions qu'il avait crues tout d'abord glandu- -laires; mais il reconnaît ensuile que ce ne sont que des « aggloméralions de papilles ». Il convient de rapprocher la présence de ces productions du processus de la chute des papilles du col décrit plus haut. En 1876, Garrod examine l'estomac d'un petit Cervidé voisin des Chevrotains proprement dits, le ZLophotraqus Michianus ; 1 dit qu'il n'a trouvé nulle trace de la glande spéciale indiquée par Flower. La description qu'il donne semble rapprocher cet animal du Porte-Musc, au point de vue stomacal ; mais il s'en éloignerait déjà légèrement par la complication lamellaire de son feuillet tripliqué. On trouve dans le tableau qui accompagne le mémoire de Garrod (1877), quelques renseignements sur l'importance des cellules du réseau et la complication lamellaire du feuillet de plusieurs Ruminants ordinaires que je n'ai pu me procurer. D’après la coordination des caractères établie ci-dessus, on pourra à la rigueur assigner la place approximative de ces animaux dans la série. Je rappelle, à ce sujet, que l’abaissement des cloisons cellulaires du ré- seau est en rapport inverse avec l'ampleur de cel organe, et par conséquent avec la forme générale du rumen. Toutes variations. individuelles étant mises de côté, il est encore nécessaire de faire remarquer que j'ai souvent considéré une unité de moins par cycle lamellaire du feuillel, ce qui n'a pas du reste une importance exagérée. Ainsi que j'ai pu l'établir en étudiant les pièces que j'ai examinées après lui, Garrod compte constamment comme lames les séries linéaires de papilles que l’on rencontre souvent entre les lames de dernier ordre du feuillet. 108 J. A. CORDIER. DEUXIÈME PARTIE LES CAMÉLIENS. Résumé hastorique succinct. — La découverte des par- ticularités de l'estomac du Chameau est déjà très ancienne. Perrault, dans les Mémoires de l'A cadémie des sciences, les décrit avec une certaine précision; mais il élait réservé à Daubenton de terminer une monographie à l’exactitude de laquelle on ne peut rien reprocher. Les faits relatés par cet auteur furent examinés de nou- veau par Sir Everard Home (Philosophical Transactions) et re- produits dans ses Lectures on the comparative anatomy; V'as- sistant de Buffon, dit-il, n’a rien omis. On considérait alors cinq cavités, ou plus exactement cinq estomacs (deux de po- ches à eau, le rumen, le réseau et la caïllelte). Home examine aussi, et pour la première fois, l'estomac du Lama; il cons- late qu'il est construit sur le même plan que celui du Chameau. Cuvier, en décrivant l'estomac d’un fœtus à terme de cet animal, fait la remarque très importante, et qu'on n'a pas prise en suffisante considération, que contrairement à ce qui se passe dans cetle période de l'existence chez les Ruminants ordinaires, le rumen l’emporte toujours de beau- coup en grandeur sur la caillette. | Knox, en 1831, décrit de nouveau l’estomac du Lama; il porte principalement son attention sur les poches à eau, en complétant sur ce point la description de Home; il en fait alors des dépendances du rumen, et ne considère plus que irois estomacs au lieu de cinq. Dans un autre mémoire sur la Lama, Meyer, treize ans plus tard, considère toujours quatre cavités; il est plus affirmatif en ce qui concerne la troisième, et la fait correspondre au feuillet des Ruminants ordinaires. DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 109 Du reste, probablement parce que les Caméliens prennent place dans les Ruminants, tous les auteurs précédents assi- milent, ou du moins cherchent à assimiler les cavités de l'estomac de ces animaux avec celles des Ruminants ordi- naires. Ils considèrent comme feuillet, soit une très grande portion de la caillette, soit, au contraire, une région toute pelite à l'extrémité de la goullière, pourvue d’épithélium pavimenteux et de quelques réticulations muqueuses. En 1844, parut à l'Académie impériale de Saint-Péters- bourg, un nouveau mémoire sur l'anatomie de l'estomac du Lama, beaucoup plus considérable et bien plus complet que ses devanciers; Brandt donne des délails plus précis que Cuvier sur la situalion de l'estomac en place ; la morpho- logie et l'anatomie générale de l'organe sont poussées aussi loin que possible pour cette époque. Dans ce travail véritable- ment excellent et fondamental, l’auteur découvre les glandes qui tapissent le fond des poches à eau, les observe dans le réseau, et assimile très justement ces deux régions contiguës. Les glandes ont élé mentionnées depuis par Wedl et Müller el par d’autres auleurs, puis de nouveau décriles en 1885 par Pilliet. Tout récemment, Boas, dans le simple but, dit-il, de s’as- surer si ce qu on à dit au sujet du feuillet des Caméliens est bien vrai, examine à nouveau cette queslion controversée el si délicate. Il découvre la localisation des glandes de cette pseedo-caillette, et d’après ce caractère, affirme avec Meyer que les deux tiers antérieurs environ de la partie inleslini- forme correspondent au feuillet. Pour lui, l'estomac des Caméliens représente un état en quelque sorte plus primitif du viscère, tel qu'on le connaît chez les Ruminants ordi- naires. Il me reste à montrer (1) que toutes ces vues, quoique résultant d’études remarquables, sont inexactes, et que si, au lieu de s’efforcer de trouver des analogies vers les (1) J. A. Cordier, Übservalions d'anatomie comparée sur l'estomac des Camé- liens (Bulletin de la Société zoologique de France, t. XVIIT, p. 75). 110 J. A. CORDIER. Ruminants ordinaires (où il n’en existe véritablement que de lointaines), on considère les Pachydermes, on en trouve celte fois qui sont étroiles et frappantes, et ne laissent aucun doute dans l'esprit. Les Caméliens seraient donc des Ruminants possédant l'organisation stomacale des Pachy- dermes ; le caractère de l'estomac les plaçant cependant, en quelque sorte, à la frontière des deux groupes, si l’on tient à conserver et à considérer quelques lointaines analogies. Le nombre et l'importance des travaux qui ont eu l'es- tomac des Caméliens pour objet, l'autorité des auteurs qui se sont occupés de cette question, montrent surabondamment toute la difficulté d’une semblable étude. Le résumé biblio- graphique qui vient d'être exposé montre déjà, en effet, par les divergences d'opinions des anatomistes, que les nom- breuses tentatives d’assimilation qu’on s’est efforcé d’établir jusqu'à l'heure actuelle n'ont pas élé suivies de résultats bien positifs. On voit cependant que les cavités constiluantes, dans les deux cas, portent les mêmes noms, et la raison de ‘cette homologation établie par les anciens anatomistes est facile à concevoir, à une époque où l’on croyait le phéno- mène de la rumination en rapport direct avec la constitu- tion de l'estomac. Il est superflu de faire ReRARGES que Fe Caméliens ruminent DE Te On. a Se rumen un grand sac où aboutit l'æsophage, réseau, une région de ce sac dont l’aspect interne et les fonctions aquifères semblent la rapprocher du réseau des Ruminants typiques ; enfin caillette, une partie intestiniforme renflée aux deux extrémités, et que l’on pensait être la seule région glandulaire ou digérante du viscère. Quant à la pré- sence du feuillet, on a vu qu’elle a passé par toutes les fluc- tuations d'opinions très controversées, et qu'elle a été un sujet de discussion interminable entre les anatomistes. — Maintes fois des doutes et des arguments très sérieux s'é- taient élevés contre l’assimilation primitive (1); de sorte (1) Owen, Gegenbaur, mettent nettement en doute l'existence du feuillet DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 111 que la question élait grosse d'incerlitudes, ainsi qu’on le comprendra. Il a suffi de placer à côté l’un de l’autre les estomacs d'animaux appartenant au groupe des Chameaux et à celui des Ruminants ordinaires pour montrer, à première vue, des différences considérables. L’estomac des Caméliens présente, en effet, des caractères extérieurs lellement diffé- rents de ceux des Ruminants typiques, que la première opi- nion résultant d'une comparaison superficielle, est déjà qu'il ne peut exister que de lointains rapports entre les deux organes. La forme du rumen, la présence inexpliquée des poches à eau, la forme de la caillelte, l'insertion de l’œso- phage ainsi que la situation en place de l’estomac, étaient autant de caractères différentiels s'opposant à une assimila- tion facile. L'unité de plan constatée dans l’organisation stomacale des Ruminants ordinaires existe également chez les Camé- liens ; il n’y aurait chez ces Mammifères que des variations très peu importantes, ainsi que j'ai pu en juger en compa- rant les descriptions des auteurs, et par les pièces sèches des collections. J’ai eu à ma disposition l'estomac d’une femelle adulte de Lama tuée accidentellement à la ménagerie du Muséum, en excellent élat de fraicheur par conséquent, et c'est sur cet échantillon que j'ai étudié l’organisation sto- macale des Caméliens. Après des descriplions aussi étendues que celle de Brandt, je ne m'étendrai pas très longuement à mon tour sur tous les détails de cet organe, et je me bor- nerai à indiquer seulement les sons intéressant mon étude comparative. On peut voir facilement sur le dessin que je donne de l'estomac du Lama, que déjà l'orientation de l'organe est toute différente de celle qui existe chez les Ruminants ordi- naires. Si nous prenons l'estomac du Bœuf comme terme de comparaison, à cause de sa taille et de la forme globu- laire de la panse, nous verrons qu'extérieurement le rumen des Caméliens; ils émettent l'avis que cet organe doit être le produit d'une différenciation récente, tant phylogénétique qu'ontogénétique. 112 J. A. CORDIER. ovoïde du Lama ne présente ni les scissures ni les vessies que nous trouvons chez le Bœuf. Le Lama possède en outre deux régions de poches à eau faisant fortement saillie, et on sait que cette parlicularité est entièrement spéciale aux Caméliens. Les parois du rumen sont également très minces, comparativement à celles si épaisses que nous trouvons chez le Bœuf; mais ce sont surtout les régions des poches qui offrent une minceur remarquable ; peut-être céderaient- elles sous l'effort des gaz, si les Chameaux se méléorisaient comme les Bœufs. Le réseau conique du Lama n’est nullement comparable, ni comme forme, ni comme situation à ce que nous con- naissons de cetle cavité chez les Ruminants ordinaires, et l'insertion de l'æsophage n’a également aucun rapport avec la disposition que nous avons vue si constante chez ces der- niers animaux. Ce réseau des Caméliens se continue direc- tement, après un étranglement placé à son extrémité pointue, dans une partie intestiniforme fortement renflée aux deux extrémités, qui n’a rien non plus de la morphologie de la caillette chez les Tragules, à laquelle 1l semble qu’on pouvait de prime abord la comparer. Nous voyons nettement que la disposition si constante du réseau des Ruminants ordi- naires, à l'extrémité droite du rumen, et qui porte vers sa base l'insertion du feuillet, est tout autre que celle qui vient d’être décrite chez les Caméliens. Dans une vue plus générale, du reste, 1l est impossible de faire dériver l'estomac des Caméliens d’un organe en cæcum, ainsi que je l’ai établi pour les Ruminants ordinaires ; et pour ajouter à cette profonde hétérogénie, il convient encore de placer ici l’observation si intéressante de Cuvier. Intérieurement, on ne trouve aucune trace de papilles ; ce caractère est d'une constance absolue chez les Ruminants typiques, et par la même d’une importance plus grande qu'on ne serait tenté de le penser. Au sujet de ces formations chez les Ruminants ordinaires, j'ai montré quelle pouvait êlre leur importance dans la digeslion, et si l’on ajoute à DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 113 ce caractère celui qui est fourni par la présence de régions glandulaires très étendues dans ce rumen des Caméliens, on doit conclure qu’au point de vue physiologique, la diges- lion slomacale de ces animaux doit s'éloigner notablement de celle des Ruminants lypiques. On trouve dans l’étude de Brandt sur l'estomac du Lama, que les ornements internes du réseau offrent « wne res- semblance incontestable avec les parties cellulaires de la panse ». Sans avoir eu tout d’abord connaissance de cette intéressante assimilation, j'avais fait la même remarque et comparé la structure analomique proprement dite de la partie cellulaire du réseau à celle des régions des poches, aussi j'ai éprouvé une cerlaine salisfaction d’'êlre d'accord sur ce point avec le célèbre naturaliste russe. Comme aspect, les cellules du réseau du Lama rappellent bien celles du Bœuf; la musculalure est aussi très sem- blable dans les deux cas; mais chez les Caméliens elles sont tapissées des mêmes glandes que la région adjacente des poches, au lieu d'être revêtues d’épithélium pavimenteux comme chez les Ruminants ordinaires. Il est vrai qu'il ne convient pas d'accorder à ce caractère, tiré de la nature du revêtement épithélial, une importance exagérée ; mais 1l faut bien lui reconnaître une certaine valeur au point de vue comparalif. La structure schémalique des deux régions de poches à eau du rumen est très comparable à celle des cellules du ré- seau, qui n’est lui-même, du reste, que l’extrémité antérieure de la région la plus importante de ces poches. Il faut ce- pendant faire remarquer que les brides musculaires sépa- ratrices ont un rapport bien établi avec la musculature pariétale. Après avoir ainsi comparé les ornements internes des réseaux respeclifs du Lama et du Bœuf, el pesé leurs carac- tères communs ef différentiels, demandons-nous s'il y a lieu d'assimiler ces deux formations, et de considérer le réseau des Caméliens comme l’homologue du réseau des Ruminants ANN. SC. NAT. ZOOL, à XVI, 8 114 J. A. CORDIER. iypiques. Cette assimilation aurait évidemment pour résultat d'établir l’équivalence entre les poches à eau et les cellules du réseau des Ruminants ordinaires, dont elles paraissent en effet avoir absolument le rôle physiologique. Dans l’affir- malive, ce serait évidemment un point de rapprochement entre ces deux groupes zoologiques; mais, quoique ]j avoue ne point trouver d'arguments assez sérieux pour trancher cette question, 7'inchne cependant à penser que la parenté de ces deux formations n'existe pas où est extrémement loin- laine (1). | Les glandes découvertes par Brandt, éludiées histolo- giquement par Pilliet, qui tapissent le fond et les parois latérales des poches, sont très courles, puisque déjà cette région de la paroi est fort mince. Elles ne sont point pourvues de cellules bordantes comme les glandes de l’es- tomac cardiaque des animaux monogastriques, et nous ne . savons rien sur la nature de leur sécrétion. 11 est probable cependant que cette dernière est simplement muqueuse, et il convient peut-être d’assimiler ces régions glandu- laires à celles, apparemment de même nature, qui avoisinent l’æsophage chez beaucoup d'animaux monogastriques et étudiées dans la série des Mammifères par Edelmann. Cel auteur n'ayant cerlainement pas eu connaissance des glandes découvertes par Brandt, avail cru pouvoir déduire par analogie que les Caméliens ne possédaient point dans leur estomac de région correspondant à celle qu'il étudiait spécialement, et dont il avait constaté l'absence chez les Ruminants ordi- naires. Quoique son étude soit d'un grand intérêt, on voit donc qu'il a pu être induit en erreur. Le premier renflement de cette portion intestiniforme, élargie à ses deux extrémités, et assimilée à l’ensemble du (1) Au lieu de rapprocher le réseau du Bœuf des poches du Lama, si nous élablissons la comparaison entre le Lama et le Renne ou quelque autre espèce de Cervidés ou d’Antilopidés, celle-ci sera beaucoup moins avanta- geuse: de plus, il est impossible de faire dériver les cloisons cellulaires très développées du Lama, de papilles assemblées en séries linéaires comme pour les Ruminants typiques, puisque ces papilles sont totalement absentes, DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 115 feuillet et de la caillette des Ruminants ordinaires, possède une muqueuse lisse, tapissée des mêmes glandes que nous - venons de voir dans le rumen; mais elles sont un peu moins courtes. Chez le Chameau, on trouve cependant quelques petits plis réticulés que l’on a également regardés comme un vestige de feuillet. À l’intérieur de cette première partie, l'extrémité du fond de la gouttière, dont l’épithélium est tou- jours stratifié pavimenteux, et qui porte quelques plissures longitudinales, vient se terminer dans une petite région élar- gie en demi-cercle. On a voulu voir aussi dans cette portion un rudiment de feuillet, de sorte que si l’on ajoute l’o- pinion de Boas, on verra que successivement {rois régions stomacales différentes ont été assimilées à cet organe. La partie cylindrique moyenne est intérieurement garnie, sur tout son pourtour, d’un certain nombre de plis longitu- dinaux très bas et régulièrement espacés, dans lesquels on a cru reconnaître les lames d'un immense feuillet imparfait. Cette disposition rappelle évidemment les plis longitudinaux de la caillette des Ruminants ordinaires, mais il ne faut pas y voir un sérieux élément de rapprochement. Nous savons en effet que la caillette intestiniforme des Tragules ne possède que deux ou trois pelits plis dans la région qui deviendra la grande courbure chez les Ruminants supérieurs, et non pas une série de plis uniformement répartis. On se heurte donc tout d'abord à une différence essentielle. Chez Je Chameau, les plis sont beaucoup plus épais et moins longs relativement que pour le Lama. La région tout entière pos- sède les mêmes glandes dépourvues de cellules bordantes, que neus avons vues jusqu'ici; cependant je pense qu'il n’en est pas tout à fait de même pour le Chameau, au moins dans la partie postérieure ; car on en voit de très nettes sur une coupe transversale d'un de ces plis que je possède en bon élalt. La muqueuse du renflement postérieur est lisse, à part quelques légères réticulations pyloriques ; elle est tapissée de longues glandes à cellules bordantes, analogues par consé- 116 3. A. CORDIER. quent à celles de l'estomac cardiaque des animaux mono - gastriques, ce qui monire que nous sommes seulement ici en présence du véritable estomac digérant, tel qu’on à l'habitude de le concevoir. ILest nécessaire de remarquer que Sa forme n'est nullement celle de la caillette, des Ruminants typiques, el aprèsces considérations, je pense que l'on est en droit de conclure, d’une façon générale, que l'estomac des Caméliens est totalement différent de celui des Ruminants ordinaires. ixaminons maintenant comparativement l'estomac des Caméliens, et celui du Lama en particulier, avec celui d’un pelit Pachyderme dont la complication stomacale, découverte par Daubenion, avait fait soupçonner une certaine parenté avec celle des Ruminants. J'ai eu la bonne fortune de pouvoir éludier, aussi complètement que possible, l’estomac du Pécari à collier (Dicotyles torquatus) en excellent état de fraicheur. Le dessin d'ensemble de Daubenton donne une idée assez inexacte de sa vérilable forme, car le viscère incomplètement insufflé se trouve mal orienté; quant à la représentalion de la muqueuse, elle manque également d’exaclitude, ce qui est bien excusable pour l'époque. Sur la figure que je donne de cet estomac, on peut voir qu'il est formé d’un ensemble de trois cavités, dont la supérieure possède la forme d’un bour- relet terminé en pointe à ses deux extrémités libres, et dont l'inférieure, rétrécie et comprenant la portion pylorique du viscère, se trouve à l'extrémité opposée de la cavité mé- diane qui est globuleuse. La très faible épaisseur de la première cavité (bourrelet su- périeur) et sa flaccidité comparée au reste de la paroi stoma- cale, m'ont tout d’abord rappelé la particularité si caracté- rislique des poches à eau. L'insertion de l'œsophage est également comparable au même dispositif de l'estomac des Caméliens, si nous nous rappelons la différence qui existe sur ce point avec les Ruminants ordinaires. Intérieurement, les cavités sont séparées incomplète- ment par des étranglements comme chez les Ruminants DE L'ESTOMAG DES RUMINANTS. , 117 en géncral; mais si l'on étudie la répartition glandulaire, alors on trouve des analogies topographiques lr'appantes avec l'estomac des Cariéliens. La muqueuse tout entière de la cavité supérieure (ou anté- rieure) est fapissée des mêmes glandes courtes que celles qui Sarnissent les poches à eau. La porlion globuleuse, au con- traire, portant l'insertion de l'œsophage est recouverte d'épi- thélium parvimenteux sans papilles, comme la muqueuse du rumen des Caméliens ; mais elle contient une plage glandulaire en forme de croissant, entourée de toute part par l'épithélium stratifié, dont elle est séparée par un légerbourrelet très carac- téristique, et déjà figuré par Daubenton. Sur la figure que cet anatomiste donne de l’intérieur del’estomacdu Pécari collier, les deux plages glandulaires communiquent entre elles par un pelitisthme resserré; mais dansl'échantillon que j'ai disséqué, ces deux régions étaient séparées par un espace de deux centi- mètres. Ces nouvelles glandes sont encore identiques aux pre- mières, el si l’on examine la muqueuse de champ à un grossis- sement de 80 diamètres, par le procédé qui m'a servi à étudier celle des Ruminants ordinaires, on aperçoit, dans les deux régions, de légers tractus pavimenteux (surtout {rès nets en coupe lransversale), ébauche probable des cloisons. Cet ensemble de particularités ne laisse aucun doute sur l'assimilation qu'il convient de faire de ces deux plages glandulaires avec les deux régions de poches à eau de l'estomac des Caméliens. On remarquera, en effet, que non seulement les glandes sont identiques, mais encore que l'analogie se poursuit dans l'étendue respective des plages glandulaires. Il convient done d’assimiler la première et la seconde cavité stomacale au rumen des Caméliens, la première représentant l'amas le plus considérable des poches à eau, l’autre, le rumen avec son petit amas. j Nous trouvons à parlir du cardia, jusqu’à l’étranglement li- mitrophe de la troisième cavilé, une gouttière œsophagienne bien nelle, comprise dans l'étude générale de la page 21; 118 | J. A. CORDIER. ses lèvres, quoique peu développées, ne laissent aucun doute sur sa nature ; ce caractère est donc commun avec les Caméliens. La région couverte d'épithélium stratifié pavi- menteux s’avance à un centimètre environ au delà de l'étranglement postérieur, puis commence, à ce niveau, dans la troisième cavité, une nouvelle région de glandes sans cellules de bordure. Elles sont plus longues que celles du rumen, et nous reconnaissons immédiatement les caractères des deux premières porlions de la caïllette des Caméliens. En ce point de la comparaison surgit cependant une légère difficulté : c'est que je n’ai pu découvrir de cellules bor- dantes dans les glandes de toute cette région jusqu’au pylore; dans tous les cas, si elles existent, leur localisation doil être très restreinte, car elles auraient échappé à une recherche minutieuse. L'animal présenterait donc celte anomalie d’être dépourvu de ces glandes qu'on regarde habituellement comme sécrétrices des acides. Les proliférations des cloisons inter- glandulaires vers le pylore indiquent cependant que la parlie postérieure de celte région est bien homologue de la portion pylorique de l'estomac. Au point de vue stomacal, le Pécari n’est pas un type en quelque sorte isolé à la frontière des deux groupes; l'estomac de l’Hippopotame, du Sanglier et des Suidés en général, présente avec celui de cet animal de grandes analogies de conformation. On peut concevoir en parüiculier celui du Sanglier, si l’on supprime les étranglements qui existent chez le Pécari, et si l’on remplace toute la portion épithé- liale parvimenteuse par les glandes à cellules de bordure (circonstance à rapprocher de leur absence chez ce dernier animal). La corne antérieure présentée par l'estomac du San- glier est extrêmement caractéristique; car nous la retrou- vons dans une de celles du Pécari, et les glandes internes de cette région sont identiques dans les deux cas. Je me propose du reste de revenir sur ces faits intéressants dans un pro- chain mémoire. L'assimilation que j'ai établie ci-dessus entre les poches à DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 119 eau des Caméliens et les régions glandulaires du rumen du Pécari, fait tout naturellement douter de la fonclion aquifère jusqu'alors assignée à ces poches et donne un grand poids à une hypothèse émise dès 1844 par Meyer qui, comme moi, les a trouvées bondées de nourriture chez un animal fraiche- ment tué. La présence des glandes semble déjà indiquer que celte fonction aquifère ne serait que surajoutée. Meyer fait aussi judicieusement remarquer que par la situation même de ces poches, placées plus ou moins obliquement, au lieu d'occuper la région la plus déclive. comme le réseau des Ruminants ordinaires, l’eau ne peut y parvenir ni y séjourner facilement. Je dois faire en outre observer que seules, sur l'animal debout, la région du réseau et la moilié adjacente de l’amas de poches se trouvent situées sous la gouttière, et que probablement c’est seulement dans ces endroits qu'on a observé du liquide; de plus, le petit amas de poches, par sa situation même, indique suffisamment que l’eau ne peut pas facilement y parvenir. CONCLUSIONS Si l'on se reporte au résumé de nos connaissances sur l'estomac des Ruminants, qui figure au commencement de ce mémoire, On pourra se convaincre que, bien qu'ayant été l’objet de nombreux et importants travaux, tant anatomiques que physiologiques, l'étude de cel organe si remarquable à tous égards était encore bienincomplète. Entre autres lacunes à combler, son anatomie comparée laissait beaucoup à faire, et il était à prévoir qu'elle apporterait sur cette importante question une lumière toute nouvelle ; en particulier, la phy- siologie de l'organe a bénéficié d'observations précises. La struclure comparée de la gouttière œsophagienne, par exemple, a montré la véritable valeur anatomique de cet organe jusqu'alors incompris, et mis en relief son dévelop- pement phylogénélique. Cette goultière n’est point la conli- nuation de l’æsophage sur la paroi stomacale, comme on le 120 J. A. CORDIER. pense généralement, el son atrophie presque entière dans quelques cas laisse à penser qu’elle ne joue pas un rôle actif dans la ruminalion. Il ressort aussi de la structure et des varialions morpholo- giques des papilles du rumen et des cloisons cellulaires du réseau dans la série des Ruminants typiques, que leur fonc- lion probable est de régulariser la tempéralure dans les fer- mentations stomacales. J'ai aussi indiqué par quel méca- nisme disparaissent chez les vieux animaux ces formations muqueuses. | Entre autres points de délail, l’analomie descriptive a été complétée par la détermination des rapports de l’organe avec l’æsophage et le duodénum, la vascularisation générale, le développement glandulaire, etc... La structure différentielle jusqu'alors inconnue des piliers musculaires, celle de la gouttière œsophagienne, du pont, elc., ont fourmi l’explica- tion des varialions morphologiques. L'étude comparative de l'estomac des Ruminänts typi- ques, qui constituait le sujet principal de mes recherches, a amené un cerlain nombre de résultats importants : Elle a révélé d’abord l'existence de toute une série de ca- ractères coordonnés, qui a permis d’entrevoir quelle a pu êlre la simplicité du viscère type, d’où sont dérivés par com- plication progressive ceux de tous les Ruminants ordinaires connus. Celle forme primilive a son analogue dans le cæcum qui existe plus loin sur le tube digestif; elle laisse concevoir avec la plus grande netteté le mécanisme simple par lequel elle s’est adaptée au rôle particulier qu'elle remplit actuel- lement. La iransformalion progressive du rumen est iden- tique à celle de l’ensemble feuillet-cailletie ; mais elle est beaucoup plus primitive dans le développement. | D’après le degré de leur différenciation stomacale ainsi comprise, {ous les Ruminants typiques ont été classés en une véritable série naturelle allant de l'Hyæmoschus, la forme la plus simple observée, jusqu'aux Bovidés, en passant par les Tragules proprement dits, les Cerfs et les Antilopes. DE L'ESTOMAC DES RUMINANTS. 121 Le faible développement de la grande vessie du rumen des Cervidés, comparé à la disposition qui existe chez les Antilo- pidés, et sa terminaison en forme de pointe assez caractérisli- que, ne me semblent pas constituer une différence suffisante pour qu'on doive y accorder une grande importance. Effec- tivement, l'absence, dansla conformation stomacale, de carac- tères absolument tranchés entre ces groupes de Ruminants typiques,est en accord parfait avec l'importance physiclogique de l'organe si spécial aux animaux qui nous occupent. La connaissance de la véritable valeur anatomique du feuillet constiluait un des problèmes dont la solution était le plus à désirer, car celte question a bien souvent occupé les zoologistes, dont l'attention sur ce point avait été attirée par la pénurie des caractères différentiels entre les divers groupes des Ruminants ordinaires. La morphologie comparée des ornements internes de celle cavilé avec ceux de la caillette, ainsi que les variations de leur cloison séparatrice dans la série, ont révélé des analogies remarquables entre ces deux organes. Elles ont montré, de la façon la plus évidente, qu'ils dérivent d’une même portion cylindrique, par suite de développements lamellaires identiques, ayant amené deux inflexions en sens inverse, et leur différenciation consécutive. La partie anté- rieure (le feuillet) s'est adaptée. au rôle mécanique qu'elle avait à remplir, tandis que l’autre est demeurée plus rudi- mentaire. Cette genèse du feuillet prouve que l'organe est absolument spécial aux Ruminants ordinaires, dans la série desquels il apparaît brusquement, dans un état de perfeclion lui permettant de fonctionner ulilement, mais aussi que l'importance altribuée à son absence chez les Tragules est très exagérée. L'examen comparatif des ornements internes du réseau a élabli également la loi du rapport inverse, qui existe entre l'ampleur de cette cavité et le développemeut en hauteur des cloisons interaréolaires. Ces dernières augmentent de plus en plus d'importance au fur et à mesure que la cavité 122 3. À. CORDIER. devient moins spacieuse, c'est-à-dire à mesure que l’on avance dans la série. | La question si controversée et si délicate de l'estomac des Caméliens a été entièrement transformée. Les affinités de l'organe étaient restées jusqu'à présent très obscures, malgré les nombreux travaux dont il a été l’objet, et il faut en recher- cher la cause dans les rapprochements que l’on a cru devoir établir entre l'estomac des deux groupes principaux de Ruminants. Jusqu’aux recherches de Toussaint, on croyail, en effet, que l'estomac joue le principal rôle dans la rumina- tion. | Ces travaux ont eu néanmoins pour résultat de nous faire parfaitement connaître tousles détails de la structure de l’es- tomac des Caméliens ; mais l’assimilation avec les Ruminants ordinaires s’est toujours heurtée à des difficultés de pre- mier ordre; de là des doutes que je pense avoir levés com- plètement. Au lieu de chercher, en effet, des ressemblances vers les Ruminants ordinaires, avec lesquels il n’en existe véritable- ment que de lointaines, si l’on compare l'estomac des Camé- liens avec celui des Pachydermes, et particulièrement du Pécari, alors on trouve des affinités étroites et naturelles rapprochant beaucoup, au point de vue stomacal du moins, ces deux classes d'animaux. Tels sont, brièvement exposés, les principaux résultats immédiats auxquels cette étude m'a conduit. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE . AEMYLIANUS Jon. — Naturalis de Ruminantibus historia. Venetiis, 122 pages. | . PEYER. — Ceratographia considerata, Mericologia sciagraphic, rupica- prarum cornua perennia. . DAUBENTON. — Observations sur l'animal qui porte le musc et ses rapports avec les autres animaux (Mémoires de l’Académie des sciences). BurFoN. — Histoire naturelle des Mammifères. . Pazras. — Specilegia zoologica. . MacouarT. — Mémoire sur le suc gastrique des animaux ruminants (Journal de physique, t. XXXIIT). . 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SALVIOLI, — Quelques observations sur le mode de formation et d'accrois- sement des glandes de l'estomac (Archives italiennes de biologie). ELcreuBerGer, — Histologie u. Physiologie des Hausäugethiere. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE I (Anatomie microscopique). Fig. 4, 1° et 2. — Coupes longitudinales montrant le passage de la struc- ture de l’æsophage à celle du rumen (Antilope Nylgaut jeune). 1, coupe intéressant l’æœsophage et le rumen; 2, l’œsophage et le fond de la gout- tière ; 1’, schéma de leur orientation. A, la gouttière coupée à l’extrémité antérieure de son trajet ; B, bour- relet silué aux confins des deux aspects différents de la muqueuse de l’æsophage et de celle du rumen ; a et b, flèches indiquant le passage brusque de la musculature lisse à la musculature striée; c, papilles nais- santes du rumen ; e, épithélium stratifié pavimenteux; à, lissu conjonctif de la muqueuse; j, tissu conjonctif général; m couche musculaire in- terne ; n, couche musculaire externe ; s, séreuse; n’ (fig. 2), couche mus- culaire unique formant le fond de la gouttière ; h, musculaire muqueuse striée de l’æsophage ; g, limite inférieure de la striation; f, épithélium corné. Fig. 3. — Coupe longitudinale montrant l’accolement du pont (Cerf axis). Mêmes lettres que précédemment ; g, couche glandulaire de la caillette ; m n’, ses couches musculaires. Fig. 3° — Extrémité postérieure de la même coupe chez la Chèvre naine. Fig. 4. — Coupe transversale très réduite d’une cloison interaréolaire du réseau (Bison). À, musculature propre (les couches supérieures de l’épi- thelium sont cornées) ; le reste des désignations comme ci-dessus. Fig. 5. — Coupe dans l’épithelium naturellement coloré du rumen du Bison. PLANCHE U (Anatomie microscopique). Fig. 6. — Coupe transversale montrant l’accolement du pont (Chèvre naine). Mèmes lettres que précédemment; f, coupe transversale des lames du feuillet vers le pont ; p, lèvres du pont. Fig. 7. — Coupe transversale (partie moyenne) d'une lèvre de la gouttière œsophagienne d’un fœtus à terme de Mouton. C, structure du réseau; D, le fond de la gouttière ; L, ia lèvre ; d, musculaire muqueuse ; mêmes lettres pour le reste que ci-dessus. Fig. 8 — Passage de la caillette au duodénum (sphincter pylorique). F, structure du duodénum ; G, structure de l'extrémité pylorique de la cail- lette ; M, épaississement de la couche musculaire interne constituant le sphincter (musculature lisse) ; mêmes lettres que ci-dessus. Fig. 9. — Dissection d’un fragment du rumen injecté pour montrer la vas- cularisation. s, séreuse ; n, couche musculaire externe; m, couche muscu- laire interne ; à, muqueuse; a, tronc artériel; b, tronc veineux; c, capil- laires. Fig. 10. — Passage des papilles du rumen aux cloisons cellulaires du réseau (Antilope Corrina). Fig. 11. — À, papilles du rumen en voie de disparition chez l’Anlilope Beisa; B, papilles voisines encore normales. Fig. 12. — Papilles du Renne. EXPLICATION DES PLANCHES. 127 Fig. 13. — Papilles de l’Antilope Blesbok {Bubalis allifrons). Fig. 14. — Aspect d'une cellule du réseau (Antilope Blesbok), grandeur nalurelle. PLANCHE II. Fig. 16. — Aspect d’une cellule du réseau (Renne), grossi. Fig. 17. — Aspect d'une cellule du réseau (Hyælaphus Porcinus), grossi, fragments. Fig. 18. -— Aspect d’une cellule du réseau (Ovis Tragelaphus), grossi, frag- ments. Fig. 19. — Demi-schéma montrant la vascularisation des lames du feuillet. 1, lame primaire ; 2, lame secondaire; a, branche récurrente de la caillette ; b, bord libre; €, bifurcation des lames. Fig. 20. — Vascularisation de la muqueuse complètement injectée du ru- men, revêtue de papilles naissautes, chez l’Antilope Nylgaut âgée de quel- ques jours. Fig. 21. — Vascularisation de la muqueuse du réseau injectée de même (Antilope Kob, très jeune). Fig. 22. — Vascularisation d’une lame du feuillet (Antilope Nylgaut ci- dessus). Fig. 23. — Aspects glandulaires de la caillelte pour montrer le processus de formation des glandes. 1, fœtus de Mouton, 2/3 de gestation environ; 2, Bœuf du Cambodje mort-né; 3, Chèvre naine, 15 jours environ. Fig 24, 25, 26. — Différents aspects de la goultière œæsophagienne el de la parlie antérieure de la caillette chez l’Hyæmoschus (24), le Tragule de Stanley (25) et le Tragulus Kanchil (26). Fig. 27. — La goutltière normale (Ant. Corrina). On voit encore des ves- tiges des dispositions précédentes dans les épaississements en forme de noyaux, — parlie postérieure des lèvres. PLANCHE IV. Fig. 28. — Estomac de l’'Hyæmoschus aquaticus adulte, 1/6 environ dimen- sion naturelle. Fig. 29. — Estomac du Tragulus Stanleyanus adulte, 1/4 environ dimen- sion naturelle. Fig. 30. — Estomac du Tragulus Kanchil, adulte, 1/3 environ dimension naturelle. Fig. 31, — Estomac de l’Antilope cervicapra, adulle, 1/8 environ dimen- sion naturelle. , Fig. 32. — Estomac du Cervus Turandus (Renne), adulte, 1/16 environ dimension naturelle. Fig. 33. — Estomac du Cervulus Reevesi, adulte, 1/5 environ dimension _ naturelle. Fig. 34. — Estomac du Cervulus Muntjac, 1/7 environ dimension naturelle. Fig. 35. — Estomac de la Gazella Corrina, adulte, 1/5 environ dimension naturelle. PLANCHE V. Fig. 36. — Estomac du Cervus capreolus (Chevreuil), adulte, 1/6 environ dimension naturelle. 128 J. A. CORDIER. Fig. 37. — Aspect intérieur de l'estomac du Mouton commun (moitié infé- rieure, coupé dans le plan de la figure), montrant la disposition des piliers musculaires, des lames du feuillet et de la caillette, etc. A, pilier musculaire antérieur formé par les deux couches pariétales accolées ; B, repli du col, et D, pilier postérieur (branche droite) ; ils sont constitués par la couche musculaire interne seulement; d, branche gau- che du même pilier ; V, vessie conique droite; V’, vessie gauche ; G, sac gauche du rumen; H, sac droit; E, col de la panse; R, réseau; F, feuillet ; €, Caillette; æ, y, z, lames primaire, secondaire et tertiaire du feuillet: L, lames de la caillette ; P, pont de Wilkens, À, accolement du pont; R, grande courbure de la caillette ; y, petite courbure; r, réliculations pylo- riques ; s, sphincter pylorique (la gouttière ne peut être figurée ici). Fig. 38. — Estomac du Cariacus Nemorivagus, adulte, 1/7 environ dimen- sion naturelle. Fig. 39. — Estomac du Cariacus Virginianus, adulte, 1/8 environ dimen- sion naturelle. Fig. 40.— Estomac de l’Hyælaphus Porcinus, adulte, 1/6 environ dimen- sion naturelle. Fig. 41. — Estomac du Cervus Elaphus (G. de France), mort-né,. 1/3 envi- ron dimension naturelle. Fig. 42. — Estomac du Cervus Axis, 8 jours, 1/3 environ dimension nalu- relle. Fig. 43. — Estomac du Bubalis albifrons, adulte, 1/10 environ dimension naturelle. PLANCHE VI. Fig. 44. — Estomac de l’Alcelaphus Bubalis, adulte, 1/16 environ dimen- sion naturelle. Fig. 45. — Estomac de l’Oryx Beisa , adulte, 1/12 environ dimension natu- relle. Fig. 46. — Estomac de l'Antilope Nylgaut, 15 jours, 1/3 environ dimension naturelle. Fig. 47. — Estomac du Bos americanus, adulte, 1/30 environ dimension naturelle. Fig. 48. — Estomac du Kobus unctuosus, 10 jours, 1/3 environ dimension naturelle. Fig. 49. — Profil du feuillet et de la caillette du Bœuf commun. Fig. 50. — Estomac de l’Auchenia Lama, femelle adulte, 1/20 environ dimension naturelle. OE, œæsophage; A, rumen; B, extrémité inférieure de la grande région des poches; c, petite région des poches; r, réseau (la goultière se termine à l'étranglement M); D, portion antérieure de la caillette ; F, région assimilée au feuillet avec D; E, portion postérieure (elle correspond à la caillette proprement dite — glandes à cellules bor- dantes). Fig. 51. — Aspect de la grande région des poches du même estomac. À, traces de l’attache de l’épiploon. Fig. 52. — Estomac du Pécari (Dicotyles torquatus), 1/6 environ dimension naturelle. A, grande région glandulaire muqueuse ; B, rumen proprement dit (équival.), il contient une seconde région glandulaire muqueuse ; C, cail- lette (équiv. ?). OBSERVATIONS CONCERNANT QUBQUES MAMMIPÈRES BONES NOUVEAUX DU QUERCY Par M. H. FILHOL. Les renseignements que nous possédons sur les Édentés ayant vécu en Europe durant la période Oligocène, sont en- core à l'heure actuelle très limités. La présence d'animaux de cet ordre a été mentionnée en 1875, au milieu de la faune ensevelie dans les poches à phosphate de chaux du Quercy, par M. Gaudry. En 1876, P. Gervais reprit ces premières observations et les compléta. Le premier de ces savants avait rapporté au genre Ancylotherium, caractéristique des dépôts de Pikermi en Grèce, que l’on croyaitalors appartenir au groupe des Édentés, quelques phalanges bifides, tout en signalant des particularités de structure qui leur étaient propres. P. Gervais attribua aux différences, si soi- gneusement notées, une importance plus grande que ne l'avait fait M. Gaudry; il crut qu’elles correspondaient à des caractères génériques et il nomma Sch#zotherium l'animal dont provenaient les os du pied retrouvés. En étudiant une grande série d’ossements que j'avais peu à peu constituée durant ces dernières années, en visitant à diverses reprises les gisements de phosphale de chaux du Quercy, j'ai remarqué plusieurs pièces du squeletle dont les unes pourraient provenir d'Edentés, alors que d’autres ont ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, ] 130 H. FILHOL. sûrement appartenu à quelques-uns de ces animaux. Si ces premières observations venaient à être confirmées par de nouvelles découvertes, contrairement à tout ce qui nous était permis de supposer jusqu’à présent, la faune des Édentés ayant vécu en France durant l'Oligocène aurait été com- posée de genres nombreux, dont quelques-uns nous révéle- raient des affinités zoologiques absolument inattendues en- tre les faunes du Nouveau et de l’Ancien continent. Au moment où je faisais ces premières constalations, j’es- pérais êlre assez heureux pour rencontrer dans les collec- tions formées par des amaleurs ou dans celles préservées dans divers musées, de nouveaux échantillons permettant de mieux discuter les faits que je me trouvais appelé à re- connaître. Mais, malheureusement, les espérances que j'a- vais conçues ne se sont pas réalisées, et d'autre part, depuis cette époque, il n’a pas élé recueilli, à ma connaissance, dans les gisemenis du Quercy de pièces nouvelles pouvant permettre de se montrer affirmatif au sujet de cerlaines affinités que je croyais entrevoir. Pourtant l'intérêt qui ré- sulterait, pour les sciences paléontologiques, de la confirma- lion des premiers faits que j'ai observés, serait tellement grand, que je crois devoir porter ceux-ci à la connaissance des Paléontologistes, pensant que leur attention une fois mise en éveil, il s’en trouvera peut-être quelques-uns parmi eux qui, au moyen de documents inédits, nous fixeront d’une manière définitive sur un point important de la distri- bution ancienne de certains Mammifères à la surface de la LGEFCS CL. Je rappelerai, tout d’abord, que c'est au sein de poches profondes, creusées dans les calcaires jurassiques et rem- plies par des dépôts de phosphate de chaux et par des ar- giles sidérolithiques, que l’on découvre dans le Quercy des restes admirablement préservés de Mammifères, d'Oiseaux, de Reptiles. Ces gisements, très nombreux, sont disséminés sur un vasle espace, comprenant une grande partie des départe- MAMMIFÈRES DU QUERCY. 131 ments du Lot, du Lot-et-Garonne, de l'Aveyron. Les ani- maux dont ils contiennent les débris appartenaient à des genres variés, et fait très remarquable, quoique les poches paraissent avoir été remplies à une même époque, plu- sieurs d’entre elles sont caractérisées par la présence de formes absolument particulières. Ces localisations sont évi- demment la conséquence des conditions locales qui, ancien- nement, régissaient l'habitat et la distribution des animaux. Là où l’on rencontre en abondance des Lémuriens devaient exister des bouquets de bois, là où gisent par centaines les restes de Ruminants se trouvaient des prairies, là enfin où se sont accumulés les restes de certains Ongulés, tels que les Palæotherium, les Paloplotherium, les Diplobune, il y avait de grands étangs aux rives marécageuses. Par consé- quent c’est au niveau des points où les divers genres, les di- verses espèces vivaient en quelque sorte cantonnées, qu’on retrouve aujourd'hui leurs restes. Si l’on veut bien tenir compte de ces faits, on comprendra pourquoi, malgré que ies recherches datent de plus de vingt ans, nous ne sommes pas encore fixés d’une manière définitive sur la totalité des éléments qui constituaient la faune ayant vécu sur le plateau du Quercy, et pourquoi la découverte, que l’on fait d’une ma- nière incessante, de nouvelles poches de phosphate entraine nécessairement avec elle celle de nouveaux genres fossiles. Nous ne devons donc pas être surpris de voir se révéler tout d'un coup un groupe entier d'animaux qui jusqu’à présent avaient échappé à nos observations. Des conditions de vie particulière avaient restreint l'habitat de ces derniers en des points limités où nous les retrouvons aujourd'hui. Par conséquent tant que dans le Quercy on exploitera de nouvelles poches, nous devrons concevoir l'espérance de voir s’accroîlre nos connaissances paléontologiques. C’est au sein de gisements situés aux environs de Bach, de Mouillac et de Larnagol, qu'ont été découverts les quelques ossements dont je vais donner la descriplion. Les Édentés actuels se trouvent être réparlis tant sur 139 H. FILHOL. l'Ancien que sur le Nouveau continent, leurs genres étant spéciaux à l’une ou à l’autre de ces parties du monde et y possédant une distribution géographique toute particulière. Je dirai tout d'abord que je crois avoir constaté la pré- sence dans le Quercy de représentants des Édentés propres à l’Ancien continent. Ceux-ci sont les Pangolins et les Orycté- ropes, les premiers répartis depuis la Chine jusqu'au Niger, et les seconds confinés dans l'Afrique où ils s'étendent du Cap à l'Éthiopie. Un humérus trouvé à Bach m'a paru avoir de très remarquables analogies avec celui des Pangolins (fig. 1). Je l'ai fait représenter de grandeur nalurelle, vu par ses faces antérieure et postérieure. Cet os est remar- quable par sa brièveté, par sa force ainsi que par l'élargissement de son extrémité infé- Fig. 1-2. — Necromanis Quercyi (H. F.), grand. . : nat. (Collection H. Filhol.) rieure. Ces divers ca- ractères m'avaient tout d'abord fait supposer qu’il pouvait provenir de quelque Car- nassier nageur, voisin des Loutres. Mais dans les Lutra, les Lutrictis, Vhumérus est beaucoup plus arqué, la saillie del- toïdéale plus forte et plus bombée en avant, alors que l’extré- mité inférieure est bien moins étalée, son bord externe des- cendant presque verticalement pour rejoindre l’épicondyle au lieu d’être convexe comme sur notre échantillon. Je ferai observer d'autre part que le condyle huméral est globuleux, très en saillie sur le fossile que nous étudions, tandis qu'il est effacé sur les Lutra et les Lutrichis. Il n'existe donc aucune analogie entre les animaux que nous venons de comparer. MAMMIFÈRES DU QUERCY. 133 Tout au contraire si on met en parallèle l’'humérus trouvé dans les phosphoritesaveccelui d’un Mans (fig.3),onestfrappé de la ressemblance générale existant entre ces deux pièces osseuses. Ainsi on constate que les proporlions relatives des diverses parties de ces os sont sensiblement les mêmes. La crêle delloïdéale se contourne de la même manière et s’é- largit d'une façon semblable dans sa portion supérieure. L'élargissement de l’humérus dans sa parlie inférieure s'effectue sur l’ani- mal fossile comme sur l’animal vivant et la forme de son bord externe à ce niveau esl identique. La courbure du corps de l'os el la projection de la tête en arrière de ce dernier n'offrent également pas de différence. La tu- bérosité externe est brisée sur notre échantillon, mais par la portion de son bord supérieur qui a subsisté, on voit qu'elle ne devait pas posséder un développement supérieur à celui qu'elle à sur les Manis. La tête est un peu moins large (fig. 2), moins ar- rondie sur le genre fossile qu'elle ne l'est sur le genre vivant, et la tubé- rosilé interne y est moins accusée. Quant à ce qui est relatif à l’ex- AS 00 F ti trémité inférieure, on remarquera que le condyle est détaché et de forme globuleuse sur les deux os, alors que la trochlée a sensiblement la même inclinaison et le même développement par rapport à la partie précé- dente. Seulement nous devons faire observer que son bord est convexe sur l'animal fossile, tandis qu'il est, en partie, concave sur le Manis. L'épitrochlée diffère pas mal dans sa disposition sur les animaux que nous comparons. Ainsi sur le Manis (fig. 3) elle se délache presque au niveau du bord supérieur de la 134 H. FILHOL. trochlée, tandis que sur notre fossile, son origine a lieu tout près du bord inférieur. Elle se projette fortement en dedans sur les deux animaux, et la bride osseuse limitant le canal cubital vient se perdre de la même manière sur sa face an- térieure, disposition qu’on n’observe pas sur l’Oryctérope. On voit par cette description combien, par ses caractères gnéraux, l'hu mérus que j'ai découvert se rapproche de celui des Pangolins et comment l’on est conduit à supposer qu’il provient d'un Édenté aujourd’hui disparu. Les quelques par- Ucularilés distinctives que j'ai soigneusement indiquées ne sauraient, je crois, l'emporter sur les ressemblances généra- les et faire modifier l'opinion à la- quelle j'ai cru devoir m'arrêter. C'est également des Manis que de- vait se rapprocher un autre Édenté, dont la partie antérieure de la têle a été découverte dans une poche à phos- phate de chaux des environs de Lar- nagol avec de nombreux restes d’A Wa- pis, de Necrolemur, de Cebcchærus (une tête complète), de Paloplotherium, de Hyænodon. On a trouvé en abondance dans la même localité des ossements et des débris d'œufs d'Oiseaux. | La pièce que je fais figurer com- prend toute la partie antérieure du crâne et les os nasaux. Malheureuse- ment il n'a rien subsisté de la voûte e s palatine et nous ignorons dès lors s’il Fig. 4. — Leptomanis Ed- Y avait des dents. Hope Fran (Gollec- Malgré cet état d’imperfection. notre échantillon nous permet de constater des faits zoologiques du plus haut intérêt. Il nous montre, associés sur un même animal, des caractères propres aux Pangolins de l'Ancien continent et aux Mir- mécophages du Nouveau. Ainsi les os propres du nez sont . MAMMIFÈRES DU QUERCY. 135 allongés comme chez les Fourmiliers américains et la fosse temporale est en même temps construite comme sur ces Édentés (1). Mais si l’on observe les rapports qu’affectent les nasaux avec les os frontaux, on constate que leur union s’effectuait comme sur les Pangolins (2). En effet chez les Tamanoirs, l'extrémité antérieure du frontal s’avance sous la forme d’une pointe entre les extrémités supérieures des nasaux, tandis que sur les anis, ce sont ces derniers os qui pénètrent dans une échancrure du frontal. C’est cette der- nière disposition qui tend à se réaliser sur notre Édenté des phosphorites, mais elle s’accomplit à un degré bien moin- dre qu’elle ne le fait sur le genre vivant. Par conséquent nous nous trouvons en présence de restes d’un animal apparte- nant sûrement au groupe des Édentés, possédant associés des caractères dont certains sont par- ticuliers aujourd’hui à des Éden- tés américains, tandis que d’au- tres le sont à des Édentés africains et asiatiques. A côté de ces genres, dont les ù LA = ER Ra Fig. 5. — Humérus d’Oryctérope, affinités dominantes étaient avec OR nohe). les Manis, il m'a paru en vivreun Fig. 6. — Humérus du Palæoryc- °, r toropus Quercyi. Gr. nat. (à autre allié aux Oryctéropes. La jte) (collection H. Filhol. seule pièce que je possède est un humérus que je fais représenter de grandeur naturelle. Jai fait reproduire d’autre part, à côté de cet os, un humérus d'Oryctérope, très réduit, ce qui rendra la discussion qui va suivre plus facile à saisir. L'humérus du genre fossile diffère de celui du genre actuel par le moindre développement de son extrémité supérieure. Ainsi, tandis que sur l’Oryctérope les tubérosités externe et (4) Cuvier, Recherches sur les Ossements fossiles. PI. CCX, fig. 2. (2) Id. PI. CCIX, fig. 2, 1561 : H. FILHOL. interne, entre lesquelles passe la gouttière bicipitale, sont très détachées, ces mêmes saillies s’effacent sur notre fossile. La surface correspondant à la crête deltoïdéale est plus li- mitée, plus plane, sur le genre éteint que sur le genre vivant. Comme onle voit, les dissemblances existant au point de vue de la structure de la partie supérieure des pièces osseuses que nous comparons l’une à l’autre, sont grandes et l’on est surpris, lorsque l’on passe à l'examen de la partie inférieure, de ne cons{ater au contraire que des ressemblances. En effet l'os en ce point s’élargit d’une semblable facon, le condyle est, globuleux, saillant, la trochlée a la même inclinaison, l’épi- trochlée a les mêmes rapports avec cette dernière parlie el elle a la même structure, les mêmes relations avec l’arcade osseuse limitant le canal cubital. C’est tout cet ensemble de caractères identiques qui me fait présumer que l’humérus trouvé à Mouillac aurait pu appartenir à un animal voisin des Oryctéropes. J'arrive maintenant à l'examen d’une pièce qui, si les sup- positions auxquelles j'ai été amené à son sujet sont exactes, aurait une bien plus grande importance au point de vue de la Zoologie ancienne que les précédentes. Elle nous révéle- rait, en effet, l'existence en France d'Édentés à peau ossifiée, quijusqu'à présent avaient élé con- sidéréscommeessentiel- lement caractéristiques des faunes américaines. C'est dans le gisement où a été trouvée la por- Fig. 7. — Necrodasypus Galliæ (H. Filhol). à Gr. nat. (Collection H. Filhol.) tion de tête de Leptoma- nis décrite plus haut, qu'a été rencontré le fragment de carapace dont je donne la représentation (fig. 7). La taille de l’animal dont provient ce débris devait être assez réduite. L'ornementation de plaques engrainées qui le MAMMIFÈRES DU QUERCY. 147 constituent est des plus délicates. Chacune d'elles a un con- tour généralement hexagonal et une surface supérieure ou externe conique garnie depuis la périphérie jusqu'au sommet de cercles concentriques de petites granulations. Celles-ci paraissent d'autant moins accusées, d'autant moins déta- chées, qu’on les considère en un point plus élevé de la saillie qu'elles ornent. La figure que je donne de cinq de ces pla- ques grossies permetlra de bien se rendre compte de diver- ses dispositions que je fais connaître (fig. 8). L'aspect tout particulier de cet échan- tillon m'a rappelé, dès que je l’ai eu entre les mains, la carapace des Glyptodontidæ, celles des Dasypodidæ. Mais la présence en Europe de formes animales correspondant à celles que nous avons considérées jusqu’à ce jour comme essentiellement propres 3 Fig. 8. — Portion de aux faunes actuelles et fossiles du Nouveau (arapace de Necro- continent, élait un fait si surprenant, si dasypus Galliæ, inattendu, que je ne devais considérer °° comme exacle ma première impression qu'après avoir épuisé tous les moyens d'analyse devant en amener la justi- fication. Je me suis occupé en premier lieu de savoir s’il n'existait pas de Reptiles dont le crâne ou une portion du corps fussent protégés par de semblables plaques, et je n’ai rien trouvé qui rappelât, même de trèsloin, les parlicularités de structure offertes par mon échantillon. L'organisation de la carapace des Chéloniens est si différente de celle de la pièce que J'avais découverte, que je ne pouvais longtemps sup- poser, que j'élais en présence d’un débris provenant d’un animal de cet ordre. Je me {rouvai donc ramené à songer à un Mammifère à revêlement cutané ossifié, et alors s’imposait la recherche de la structure histologique de la plaque décou- verte. À ce sujet, je dirai toul d’abord que des préparalions microscopiques de plaques osseuses provenant de divers Reptiles, misestrès obligeamment à madisposition, au Mu- séum d'histoire naturelle, par M. Vaillant, m'ont permis de 138 I. FILHOL. constater une structure différente de celle que j'observais sur mon fossile. Les ostéoplastes n'avaient pas la même forme, ils étaient plus allongés et RD LT RE We l’ensemble des prépa- de MT SUR QT ee A nee : j Ty CR Ÿ & 4 2% Ÿ rations rappelait plus x & X LA K ÈS Fe 24 / Y - FSC ] Ï 1 Lu 4 pe LE EN la dentine que ie lissu RS STE Mal ANS osseux propre. Toutau contraire, quand j'ai mis en parallèle deux lamelles, l’une prise dansl’épaisseur demon échantillon et l’autre dans la peau d’un Tatou, jai conslaté _ uneressemblance pres- que absolue entre les deux préparations. Évidemment, par suite de la fossilisation qui n’a pas préservé tous les élé- mentsconslitutits,] ob- servais moins d'ostéo- plastes sur la carapace fossile que je n’en dé- couvrais sur celle de l'animal actuel que je lui comparais, mais ceux qui avaient été préservés avaient la même forme et sensi- blementla mêmegran- deur. J’ai fait dessiner, sous un même grossis- sement, deux portions Fig. 10. — Section de la carapace d’un Tatou. de mes préparations. Je mets en regard les deux figures que j'ai obtenues; on appréciera ainsi facile- NS 55: Fig. 9. — Section de la carapace du Necro- dasypus Galliæ. MAMMIFÈRES DU QUERCY. 139 ment combien sont grandes Les ressemblances que je signale. Sur la section provenant du Necrodasypus Galliæ, on remarque la trace de fractures et l’envahissement en certains points des espaces libres qui en ont été la conséquence, par du carbonate de chaux apparaissant avec une teinte grise el un aspect finement granulé. Cette substance minérale s’est également introduite au niveau des suturesraltachantles unes aux autres les petites plaques dont l’ensemble constituait la carapace. Nous voyons alors que ces points d'unionavaient la même forme, la même disposition que sur les Dasypodidés. lis se présentaient sous la forme de li- gnes brisées se ter- minant par des som- mets plus ou moins anguleux, ainsi que le montre la figure que j'en donne (fig. 11). Fig. 11. — Section de la carapace du Necrodasypus On comprendra Galliæ passant par une des sutures reliant deux maintenant com - plaques l’une à l’autre. L'espace séparant les deux d plaques est comblé par du carbonate de chaux. ment, en présence de tant de points de ressemblance, les uns concernant l'apparence extérieure, les autres la structure intime, J'ai été, degrés par degrés, conduil à m'’arrêter, au sujet de la pièce trouvée à Larnagol, à l’idée qu’elle provenait très probablement d'un Mammifère à peau ossifiée, qui aurait élé en Europe le représentant de ceux qui ont vécu el qui vivent encore sur le Nouveau Monde. J'aurais beaucoup désiré avoir d’au- tres pièces venant confirmer ces premières présomptions avant de les faire connaître, mais, comme je le disais au début de ce travail, c’est en vain que j'ai attendu pendant trois ans. Aussi je me décide à porter à la connaissance 140 HU. FILHOL. des Paléontologistes les faits que j'ai été à même de cons- tater, pour qu'ils les discutent et qu'ils apprécient si les Fig. 12. — Tibia trouvé dans un gisement de phosphorite des en- virons de Mouillac. Gr. nat. (Coll. H. Filhol.) conclusions qui m'ont paru découler de leur observation sont réellement exactes. Je signalerai, d'autre part, quelques pièces du squelette qui pourraient égale- ment avoir appartenu à des Édentés. Un libia provenant des environs de Mouillac m'a paru rappeler, par sa brièveté et l'élargissement considérable de ses extré- milés supérieure et inférieure, celui des Pangolins. Ce qui reste de sa portion su- périeure, tant par la forme des surfaces articulaires que par celle de leurs rap- ports et de leur développement relatif, indique une similitude presque absolue avec cet animal. Le corps de l'os était différent en ce que la crête tibiale était plus accusée, plus détachée, plus ru- gueuse, alors que sa face postérieure pré- sentait dans ses deux tiers supérieurs un profond sillon. L'extrémité inférieure est seulement préservée, comme on le verra par la figure que j'en donne dans ses quatre cinquièmes externes, la porlion correspondant à la malléole interne ayant été brisée. Son élargissement élait considérable. La facette arliculaire pour Fig. 12 bis. — Extrémité inférieure du tibia re- présenté figure 12. Gr. nat. le péroné, si développée chez les Pango- lins, est réduite et disposée plus verticale- ment. Quant à ce qui esl de la surface astragalienne, elle présente à la portion interne de son bord antérieur une forle encoche qu'on ne retrouve pas sur les Manis. En présence de caractères duflé- rentiels si importanis, on ne saurait, je crois, rapprocher MAMMIFÈRES DU QUERCY. 141 sûrement l’un de l’autre les animaux que je compare, et la pièce que je fais connaître doit rester une pièce d'attente. Il en est de même d’un fémur mutilé provenant des carrières de phosphate de chaux de Mouillac, dont il me semble impossible en ce moment de pré- ciser l’origine. L'animal dont il provient était presque adulte, car les sutures de ses épiphyses sont à peine marquées. Il existe un troisième trochanter, placé très bas, et l'extrémité inférieure, très développée également d'avant en arrière, ne présente pas de gouttière intercon- dylienne. Par conséquent cette partie est construite comme sur l'Homme, comme sur les Singes les plus élevés. On ne saurait songer à rapprocher cet os de celui qui lui correspond sur les Palæo- therium, les Paloplotherium, le troisième trochanter élant placé trop bas et les surfaces condyliennes étant absolument différentes. C’est ce même caractère qui distingue notre os de celui des Édentés, tels que lOryctérope, le Pangolin, le Tatou, etc., chez lesquels on observe toujours une gouttière rotulienne. Le col et la tête du fémur faisant défaut, il est impossible de tirer quelques renseigne- ments de l'étude de l'extrémité supé- rieure. Fig. 14. — Fémur trouvé » he z dansune poche à phos- J'ai recueilli, en même temps que les phate de chaux des diverses pièces dont il vient d’être parlé, environs de Mouillac. ; Gr.nat.(Coll. H.Filhol. quelques phalanges bizarres par leurs formes, et possédant le caractère de bifidité qu'on observe sur certains genres d'Édentés. (fig. 15). * Les phalanges représentées à droite et à gauche nous Fig. 13. — Extrémité inférieure de tibia de Pangolin. Gr. nat. 142 H. FILHOL. paraissent provenir d'Édentés de petite taille, mais il n’en est pas de même de celle figurée dans leur intervalle. Celle- ci provient certainement d'un pelil Pachyderme à phalanges rappelant un peu par leur élargissement celle des Rhino- céros. Sa régularité parfaite montre de la manière la plus nette qu'elle a fait parle d'un doigt médian, et que l'animal auquel elle appar- lenait était tri ou pentadac- tyle. La bifidité des phalan- ges ne saurait donc d’une part servir à caractériser les Fig. 15. — Phalanges trouvées dans les Édentés. et d'autre part, elle gisements de phosphorite du Quercy. n’a pas élé limitée durant Gr. nat. (Coll. H. Filhol.) les temps anciens à ces Pa- chydermes singuliers qui constituent la famille des Chalico- théroïdés. Une nouvelle preuve de ce fait est fournie par une autre phalange provenant de gisements de Larnagol, également très étrange par la forme qu’elle possède (fig. 16). J'arrive maintenant à parler de pièces osseuses extrêmement remarquables, qui ont été trouvées dans les poches à phos- phorite des environs de Bach et qui jettent une grande lumière sur l'origine des Chali- cotherium, des Macrotherium, ayant vécu sur l'Ancien continent durant l’Oligocène et le Miocène. Ces pièces consistent en une Fig. 16. — Phalange FA: ; M trouvée dansungi- Série de mélacarpiens et de métatarsiens sementdephospho- frouvés séparément, à des époques irès rite de Larnagol. ,, . É (Coll. H. Fühol) éloignées les unes des autres, dans des chantiers différents. Par conséquent celles que j'ai assemblées, et qui, comme on le verra par l'inspection des figures que j'en donne, se joignent pourtantentre elles d’une manière presque parfaile, ne proviennent pas d’un même animal. J’ai mis plusieurs MAMMIFÈRES DU. QUERCY. 143 années à recueillir des échantillons qui puissent se rappro- cher et donner une idée exacte de la patte qu’ils contri- buaient à former. À première vue, l'examen des surfaces arliculaires infé- Fig. ln — Métacarpiens de Schizotherium priscum (P. Gerv.). (Coll. H. Filhol.) Réduits. rieures ne laisse aucun doute sur la famille à laquelle appar- tenaient les animaux dont proviennent ces restes. IL est évident qu’on est en présence de débris de Chalicothéroïdés. Mais si on pousse plus loin l'observation et qu'on étudie les surfaces articulaires supérieures, on est amené à recon- 144 H. FILHOL. naître que la patte de devant était beaucoup plus compliquée que ne l'était celle des Wacrotherium, des Chalicotherium. En effet, on remarque que le quatrième doigt porte à sa partie supérieure une grande facette de forme oblongue, destinée à se meltre en rapport avec un cinquième doigt. D'autre part, à la partie supérieure externe du deuxième métacarpien, au-dessus d’une saillie osseuse, on trouve une autre facette pour un premier doigt, car nous ne pouvons supposer que ce soit le trapèze qui se contourne en dehors et se rabatte pour arriver à se mettre au contact de celle por- tion articulaire. Seulement, la saillie osseuse que nous ve- nons de signaler ne permettant pas au premier doigt de se porter en bas parallèlement aux autres, il en résulle qu'il devait être dirigé en dehors, et très probablement que ses proporlions étaient forts réduites. Dans le Macrotheriun de Sansan, on constate que c’est le quatrième doigt qui est le plus développé et le second le plus réduit, tandis que sur l’animal des phosphorites, c'est le troisième qui est le plus fort. Mais nous ne saurions affir- mer que cette disposition soit exacte, les différents métacar- piens n'ayant pas été découverts ensemble. Pourtant nousre- trouvons la même disposition sur une seconde patte que nous avons pu reconstituer, el d'autre part, étant donné le nombre des doigts, nous devons supposer que les second, troisième et quatrième métacarpiens étaient moins différenciés dans leurs proportions qu'ils ne le sont sur le Macrotherium. A quel animal a appartenu celle patie à structure si complexe? Il nous semble que les découvertes faites anté- rieurement permettent derépondre aisément à cette question. Dès 1875, comme nous le rappelons au début de ce mémoire, M. Gaudry a appelé l'attention des Paléontologistes sur des phalanges onguéales bifides trouvées dans les phosphorites. Il les a rapprochées de celles des A ncylotherium de Pikermi, tout en montrant qu'elles en différaient par de nombreux caractères. Quelque temps après, P. Gervais décrivit sous le nom de Schizotherium priscum, l'animal MAMMIFÈRES DU QUERCY. 145 dont provenaient ces débris. Les Schizotherium auraient appartenu, d’après lui, au groupe des Édentés. Ce sont d'autre -parl les métacarpiens dont je parle que j'avais rapporté en 4880 à un Édenté que je désignais par l'appellation de Limo- gnitherium (1). La structure des phalanges trouvées par M. Gaudry indi- quail évidemment l'existence d'animaux à métacarpiens et mé- tatarsiens ayant des articulations inférieures construitessur le modèle de celles des Macrotherium et des Ancylothertum. Or les os du métacarpe que nous faisons connaître correspon- dent parfaitement à l’idée que nous arri- vions à nous faire de ceux que devait pos- séder le Schizotherium, et | ajoulerai que le rapprochement que nous pouvons ainsi soupconner, devient encore plus probable par suite de ce fait, que dans les gisements où ont été trouvés les os des pattes dont nous nous occupons, on a rencontré des phalanges onguéales F8: 18 — Extrémité ; ; inférieure de métatar- et des première et deuxième phalanges sien de Schizotherium de Schizotherium figurant actuellement 27607 vie par sa 2 ace postérieure. dans mes collections. De l'identité générique que les découvertes accomplies à Sansan m'ont conduit à démontrer, entre le Macrotherium et le Chalicotherium de cettelocalité, ilrésulte que ces Pachydermes dont les pattes avaient été transformées par suite d’adapta- tions spéciales, d’une manière telle qu’elles étaient arrivées à rappeler celles de certains Édentés, possédaient un système dentaire offrant des particularités distinctives. Or, dans les gisements où ont été rencontrés les os des pattes dont nous nous occupons, il a été trouvé des portions de mâchoires supérieures et de mâchoires inférieures que j'ai soigneuse- ment recueillies, et qui appartenaient à cette espèce de (1) Comptes rendus hebd. Acad. des sc. de Paris, ANN. SC. NAT. ZOOL. | XVI, 10 146 N H. FILHOL. Chalicotherium que M. Gaudry a fait connaître sous le nom C. modicum. Par conséquent, nous sommes conduits, étant donné l’état actuel de nos connaissances scientifiques, à rap- procher les uns des autres tous ces débris et à les considérer Fig. 19.— Métatarsiens de Schizotherium priscum (P. Gerv.). (Coll. H. Filhol.) Réduits. comme devant provenir d’un même animal, d’un Calicothé- roïdé : le Schizotherium qui, au lieu d’avoir trois doigts à sa patte de devant comme les Chalicothéroïdés du Miocène, “en avait cinq. Les Chalicothéroïdés européens seraient donc descendus de Périssodactyles, ainsi que nous avions été con- duit à le prévoir par nos. découvertes antérieures, et leur tr À MAMMIFÈRES DU QUERCY. 147 patte de devant, complexe durant l’Oligocène, s’est simpli- fiée durant les temps géologiques qui ont séparé cette période de celle du Miocène moyen. Ce premier fait établi, il devenait très intéressant de sa- voir comment élait construite la patte de derrière. Présen- tait-elle les mêmes caractères de structure primitive? Tout semblait le faire prévoir, et pourtant il n’en était pas ainsi. J'ai fait représenter trois métatarsiens qui s’assemblent assez bien et qui montrent qu’alors que le membre & devant était pentadactyle, le membre dé derrière s'était transformé et étail devenu tridactyle. En effet, en ce qui concerne l'absence absolue dü cinquième doigt, ilne saurait y avoir aucun doute. La figure que je donne de l’éxtrémité supérieure du quatrième métatarsien, vu par sa face externe, ne pré- sénte aucune trace d’articulation. Quant à l'extrémité externe du second métatar- Fig. 20. — Extrémité sien, elle a malheureusement été éraflée ne fes par la pioche de l’ouvrier qui l’aitrouvée, de zotherium priscum. telle manière qu'elle offre une cassure, fa- cile à voir sur nos figures, pouvant être prise pour une sur- face articulaire. Mais sur un autre métatarsien, faisant partie de mes collections, l'extrémité supérieure est admirablement préservée, et elle ne porte aucune trace de surface articu- laire (fig. 20). Le Schizotherium était donc un Chalicothéroïdé à ate an- térieure à cinq doigts, à patte postérieure à trois doigts. L'évolution qui devait amener la réalisation des formes miocènes de ce groupe à trois doigts en avant et en er avait donc commencé à se RER. Je n’ai pas besoin d’énumérer les différences existant entire les extrémités supérieures des métacarpiens et méta- tarsiens de Schizotherium, comparées à celles du Macrothe- rium de Sansan, elles ressortent naturellement de l’examen 148 H. FILHOL. _des figures très exactes que je donne. On est frappé, quand on considère la patte de devant, des caractères très larges, susceptibles d’adaptations multiples qu’elle possède. L’exa- men de la patte de derrière évoque, au contraire, le souvenir étrange des Anoplothéridés. Le développement en longueur de ses métatarsiens était bien plus considérable que ne l'était celui des mêmes os chez le Macrotherium. Je donne dans les tableaux suivants les mesures relatives aux divers os que J'ai fait figurer : Métacarpiens. 2e Métac. 3e Métac. 4 Métac. Mhnsdeur Maximum. .-...,:....0 0,115 0,130 0,126 Diamètre antéro-postérieur, maxi- mum de la surface articulaire supérieure. .... SEM: SARA 0,021 0,025 0,022 Diamètre transverse maximum de HAnEME DATE... 202 --.. ee. 0,019 0,021 0,019 Diamètre transverse maximum de l'extrémité articulaire inférieure. 0,023 0,021 0,022 Diamètre antéro-postérieur maxi- mum de la même partie........ 0,025 0,027 0,023 Métatarsiens. 2e Métat. 3° Métat. 4e Métat. Longueur maximum............. 0,075 0,118 0,116 Diamètre antéro-postérieur maxi- mum de la surface articulaire su- PÉTIQUTES-EL- A m-pe-bree-esct 0,020 0,027 0,027 Diamètre transverse maximum de la même parlie er. CPP 22 CE 0,011 0,026 0,023 Diamètre transverse maximum de l'extrémité articulaireinférieure. 0,019 0,024 0,023 Diamètre transverse antéro-posté- rieur maximum de la même par- tie. ADICAMMONTESNT MATE HE 0,023 0,029 0,030 Je ferai remarquer qu'il existe dans les dépôts de phos- phorite des restes d’un Schizotherium beaucoup plus grand que ne l'était le Sck. priscum. Un troisième métacarpien, que je possède, mesure en effet 0,175 de longueur au lieu de 0,150. Je compléterai ces observations relatives aux quelques animaux nouveaux, que j'ai recueillis dans les Phosphorites, MAMMIFÈRES DU QUERCY. 149 en appelant l'attention sur une portion antérieure de maxil- laire supérieur de Bachitherium medium, qui prête à de très _insfructives constatations. J'ai fait reproduire cette pièce (fig. 21), vue de profil, et d'autre part j'ai fait dessiner sa face inférieure, de grandeur naturelle. Onest frappé, à première vue, lorsqu'on examine cet échan- tillon, par l’absence d’incisives, en même temps que par l’al- longement de la partie antérieure de la face, quiestabsolumentsem- blable à celui que nous observons sur les Ru- minants actuels. IL y avait en arrière de l’es- pace dépourvu d’inci- sives une pelite canine séparée, par unelongue barre, delaprémolaire. Or, si l'on veut bien se F souvenir que chez les À Bachitherium il existe Fig. 21. — Portion antérieure de face de Bachi- un canon à la patte de #nerium medium (H. Filhol). (Coll. H, Filhol.) derrière et à la patte de devant, que les métatarsiens et métacarpiens latéraux sont reportés en haut et en arrière de cet os, où on les trouve soudés et complètement atrophiés, on est conduit à reconnaître qu à l’époque oligocène, tant par ses pattes et par ses dents, que par l’absence d'incisives au maxillaire supérieur, le Ruminant était constitué. Par conséquent, nous sommes amené à conclure que c’est dans des dépôts d’une époque beaucoup plus éloignée que nous ne le suppo- sions, qu'il faudra aller chercher les ancêtres des premiers Ruminants. Les diverses observalions consignées dans ce mémoire mon- trent donc que l’évolution était beaucoup plus avancée durant l'Oligocène que nous ne le supposions, et que certaines formes 150 H. FILHOL. animales, très remarquables par la grande série des mo- difications qu’elles avaient dû subir avant de se constituer, telle que celle des Édentés et celle des Ruminants, existaient déjà. D'autre part, en ce qui concerne les premiers de ces animaux, la distinction existant actuellement au point de vue de leur répartition géographique n’avait pas lieu, des genres à peau ossifiée semblant avoir vécu sur l’ancien comme sur le nouveau continent. Enfin ces Pachydermes étranges, qu'on nomme Chal- cotherium, Macrotherium, ont tiré, en Europe, leur ori- gine de Périssodactyles, chez lesquels les extrémités des membres étaient plus compliquées et remarquablement moins adaptées. OBSERVATIONS RELATIVES AUX OSSEMENTS D'HIPPOPOTAMES TROUVÉS DANS LE MARAIS D’AMBOLISATRA A MADAGASCAR Par M. GRANDIDIER, membre de l’Institut, et M. le Dr H. Ficzuou, Dans une note présentée à l’Académie des sciences de Paris, le 14 décembre 1868, par M. H. Milne-Edwards, l’un de nous annonçait (1) que durant le cours de fouilles entre- prises dans le marais d’Ambolisatra, situé sur la côte sud- ouest de Madagascar, il avait découvert les débris d’en- viron cinquante Hippopotames, mêlés à des os d’Æpyorns et d’autres animaux d'espèces éteintes. L'existence d’un Pachyderme appartenant à un genre afri- cain (G. Hippopotamus), celle que nous avons constatée de- puis d'un Ruminant appartenant au groupe des Zébus, venaient modifier profondément les idées que l’on pouvait concevoir sur la faune mammalogique ancienne de l'ile de Madagascar. A l'heure actuelle, en effet, les Mammifères de cette terre se rapportent uniquement à des types spéciaux et l’on ne voit figurer parmi eux aucun des grands Herbi- vores qui contribuent à donner à la population zoologique de l'Asie et de l'Afrique ses caractères les plus saillants. On aurait pu dès lors supposer qu'il devait en avoir été toujours (4) M. Grandidier. 152 GRANDIDIER ET H. FILHOL. de même, mais les découvertes accomplies à Ambolisatra sont venues modifier l'opinion des naturalistes à cet égard. Depuis cette époque, des recherches accomplies dans l’in- térieur de l’île de Madagascar ont amené la découverte de divers ossements d'Hippopotames, dont une partie a donné lieu, de la part de M. G. À. Guldberg (1), à une savante description. Enfin tout dernièrement, M. Forsith Major a entretenu la Société Royale et la Sociélé zoologique de Londres de l'existence ancienne, à Madagascar, de genres disparus de Lémuriens, surpassant de beaucoup, par leur taille, tous ceux qui y vivent actuellement, et dont un diffère d’une manière très importante par les caractères de sa dentition. Le grand ouvrage que l’un de nous consacre à l'étude générale de Madagascar, doit comprendre un volume spé- cial desliné à contenir l'exposé de tous les faits relalifs à la paléontologie de cetle île. Plusieurs planches sont même déjà préparées dans ce but; elles concernent plus particulièrement l’ÆHippopotamus Lemerlei. Les documents auxquels elles se rapportent ayant de l'importance et leur description pouvant présenter une certaine utilité au moment où l’on se préoccupe de faire de nouvelles fouilles dans la localité dont elles proviennent, il nous a paru profitable pour la science de ne pas retarder davantage leur publication. L’explication des faits qu’elles permettent de constater, sera très courte. Elle se rapportera seulement aux caractères généraux de l’Hippopotamus Le- merlei. Tous les points de détail concernant cette espèce seront considérés dans le travail définitif. Nous ajouterons, d'autre part, que nous comptons, d'ici à peu de temps, pou- voir, grâce aux nombreux matériaux don{ nous disposons, arriver à restaurer un squelette de l’'Hippopotame subfossile de Madagascar. Quant à ce qui concerne certains genres dis- parus, associés à l’Hippopotamus Lemerlei, dont nous avons (1) G.-A. Guldberg, Undersogelser over en subfosil flodhest fra Madagascar. — Christiania. Videnskabsselskabs Forhandlinger, 1883, n° 6. OSSEMENTS D'HIPPOPOTAMES. 153 des restes très intéressants, nous attendrons, pour en par- ler, d’être plus éclairés que nous ne le sommes encore à _lheure actuelle sur les découvertes dont M. Forsith Major vient d'entretenir le public scientifique. Nous espérons que ce savant paléontologiste ne tardera pas à faire représenter les documents d’une si grande valeur qu'il possède, et nous nous hâterons alors de faire connaître les nôtres. Les ossements d'Hippopotame découverts à Ambolisatra étant extrêmement nombreux (ceux dont nous disposons se rapportent à cinquante sujets de tous les âges), leur état de préservation étant aussi parfait que possible, il en résulte que l’espèce particulière à laquelle ils appartenaient (4. Mer- dei Grand.), peut être faite d’une manière très appro- fondie. Plusieurs tètes, presque complètes, ont été retirées de la vase au milieu de laquelle elles se trouvaient enfouies. Elles ont appartenu les unes à des sujets n’avant encore pas atteint tout leur développement, les autres à des individus complè- tement adultes. On trouvera une des premières figurées sur nos planches VIT, VITE, IX, et une des secondes sur les plan- ches XI, XIT. Sur la planche X, on a représenté une voûte palatine, avec les diverses dents qu’elle supporte. Elle fait partie d’une tête dont toute la face inférieure est admirable- ment préservée. L'ensemble de ces divers échantillons permet de bien se rendre compte des caractères de la dentition, et ‘l’autre part la présence, sur certains d’entre eux, de sutures rattachant les uns aux autres les divers os du crâne, rend possible, au point de vue de la structure crânienne, une comparaison avec les têtes d'animaux vivants du même genre, recueillies dans différentes localités, en même temps qu'avec celles d'animaux de genres voisins. Lorsqu'on examine une grande série de têles d'Hippopo- tames actuels, telle que celle que possède le Muséum d’his- toire naturelle de Paris, on est frappé des différences exis- tant dans le développement relatif ainsi que dans les 154 GRANDIDIER ET H. FILHOL. rapports de différents os de la face. Ce sont particulière- ment les nasaux, l’intermaxillaire, le frontal, le lacrymal, le malaire, qui présentent ces modifications. Celles-ci s’ob- servent sur des animaux provenant de localités différentes. Mais pourtant, comme nous aurons l’occasion de le montrer dans la suite de ce travail, il en est qui ne sauraient être considérées comme caractéristiques d'espèces ou de races, car si l’on vient à pouvoir étudier plusieurs têtes recueillies dans une même région, on en découvre sur lesquelles on ne les rencontre plus. Nous ne parlons, bien entendu ici, que d'échantillons provenant d'individus complètement adultes, la variabilité dans la structure crânienne étant poussée à un très haut point chez les jeunes Hippopotames actuels. L’Hippopotamus Lemerlei était de taille très réduite. Ainsi la tête figurée sur la planche X et qui certainement a appar- tenu, comme en témoigne la dentilion, à un sujet très adulte, mesure seulement, suivant sa face inférieure, depuis un point correspondant sur la ligne médiane, au bord anté- rieur des incisives internes, jusqu’au bord du trou occipital : 0,046. Ce nombre doit être décomposé de la manière sui- vanle : Espace compris entre le bord incisif et le bord postérieur de la voûte palatine................ 02,35 Espace compris entre le bord postérieur de la voûte palatine et le bord antérieur du trou OECIATALS. 5 vero CRE Om,11 Le rapport existant entre ces deux nombres (le second servant de diviseur) est de 3,18. Par conséquent, toute la portion du crâne située en arrière de la voûte palatine est remarquablement peu développée sur l’Hippopotame de Madagascar. Sur une autre tête, nous trouvons des nombres très voisins des précédents : 36 et 10, ce qui donne comme rapport 3,6. Il nous a paru intéressant, en présence du développement de la voûte palatine, de rechercher quelle était son étendue sur des Hippopotames actuels provenant de localités mul- . OSSEMENTS D 'HIPPOPOTAMES. 155 tiples et de voir ainsi duquel d’entre eux, par ce caractère, se rapprochait notre fossile. Nous transcrivons le résultat . des mensurations auxquelles nous nous sommes livrés. Hippopotame du Gabon : longueur de la face inférieure de la tête, 0,57; longueur de la voûte palatine, 0,45 ; espace compris entre le bord palatin postérieur et le trou occipi- tal, 0,13; rapport entre ces deux nombres, 3,46 (1). Hippopotame du Gabon : longueur de la face inférieure de la tête, 0,51; longueur de la voûte palaline, 0,039; es- pace compris entre le bord palatin postérieur et le trou occipital, 0,012; rapport entre ces deux nombres, 3,25 (2). Hippopotame de l'Ouest africain (Congo) : longueur de la face inférieure de la tête, 0,57; longueur de la voûte pala- tine, 0,43; espace compris entre le bord palatin posté- rieur et le trou occipital, 0,14 ; rapport entre ces deux nom- bres, 3,07 (3). Hippopotame de Zanzibar (la dernière molaire se ie de l’os maxillaire) : longueur de la tête suivant sa face infé- rieure, 0,53 ; longueur de la voûte palatine, 0,39 ; longueur de l’espace compris entre le bord palatin postérieur et le bord antérieur du trou occipital, 0,14; rapport entre ces deux nombres, 2,78 (4). Hippopotame de Zanzibar (la dernière molaire encore ca- chée dans l’os maxillaire) : longueur de la tête suivant sa face inférieure, 0,48 ; longueur de la voûte palatine, 0,35; longueur de l’espace compris entre le bord palatin posté- rieur et le bord antérieur du trou occipital, 0,13; rapport entre ces deux nombres, 2,69 {5). Hippopotame provenant des possessions hollandaises afri- caines : longueur de la tête suivant sa face inférieure, 0,48; longueur de la voûte palatine, 0,35 ; longueur de l’espace compris entre le bord postérieur de la voûte palatine et le ) Col. du Muséum de Paris, 1890, n° 71. ) _ 1868, n° 85. 1 ” 1885, n°671. Frs *1883, n° 2149. (5) 1d., 1883, n° 220. (1 (2 (3 (4 156 GRANDIDIER ET H. FILHOL. bord antérieur du trou occipital, 0,13; rapport entre ces deux nombres, 2,69 (1). Hippopotame du Nil (la dernière molaire se dégage de l'os maxillaire) : longueur de la tête suivant sa face inférieure, 0,50; longueur de la voûte palatine, 0,36 ; longueur de l’es- pace compris entre le bord postérieur de la voûte palatine et le bord antérieur du trou occipital, 0,14; rapport entre ces deux nombres, 2,57 (2). On voit par les nombres précédents la grande différence qui semble exister, d’après les échantillons que nous avons pu observer, dans le développement relatif des parties anté- rieure et postérieure de la face inférieure de la tête, car avec un Hippopotame du Gabon nous trouvons le rapport de 3,46, et avec un Hippopotame du Nil le rapport de 2,57 seulement. Or, si l’on veut bien se souvenir que l’Hipp0po- tamus Lemerlei nous a fourni comme rapports, 3,6 el 3,18,1l en résulte que, par un de ses spécimens adultes, il présente une plus grande réduction de la portion de la tête située en arrière de la voûle palatine, que tout Hippopotame vivant, alors que, par un autre spécimen dont le développement n'est pas terminé, il se rapproche de l’Hippopotame du Gabon. Il existe donc là une particularité de structure paraissant jusqu'à présent, d’après les échantillons dont nous avons pu disposer, propre à l’Hippopotame de Mada- gascar. La face supérieure de la tête présente également des ca- racières tout à fait spéciaux, que nous n'avons pu retrouver sur aucun des Hippopotames vivants ou fossiles. Les nasaux de l’Aippopotamus Lemerlei étaient allongés et d'après ce qui en a subsisté sur nos divers échantillons. il semble que leur extrémité antérieure ait dû posséder la forme, le développement relatif, par rapport aux divers autres os de la face, qu'on observe sur tous les Hippopotames. Mais il n’en était pas de même de leur extrémilé supérieure, dont (1) Laboratoire de zoologie anatomique du Muséum. (2) Id = ë OSSEMENTS D HIPPOPOTAMES. 197 la forme el les rapports paraissent concourir de la manière la plus importante à caractériser cette espèce disparue. On voit sur la tête représentée pl. VIIL, que l'extrémité su- périeure de ces os élait modérément élargie, presque recti- ligne sur les bords latéraux ainsi quesurles bords supérieurs. Il résulte de cette disposition que, par leur assemblage, ils constituaient une sorte de promontoire rectangulaire, pé- nélrant dans une échancrure de même forme, entaillée dans la partie antérieure du frontal {1). Or nous n'avons retrouvé celte disposition sur aucune des têtes d'Hippopoltames que nous avons comparées à celles recueillies à Madagascar. Nous avons pu constater, d'autre part, que l’union du fron- tal avec les nasaux se faisait de facon fort diverse sur les Hippopotames actuels, et enfin que sur des animaux de ce genre, provenant d’une même localité, elle ne se montrait pas toujours semblable. La portion supérieure des nasaux dans une tête prove- nant d’un individu tué sur le Nil, et assez avancé en âge (la dernière molaire supérieure se dégage), s’élargit considéra- blement, s'étale en quelque sorte, et 1l résulte de ce fail que la partie terminale du bord externe de ces os, au lieu d’être dirigée directement d'avant en arrière, est fortement oblique de dehors en dedans et de bas en haut. D'autre part, la su- ture fronto-nasale se fait suivant une ligne courbe, naturel- lement très étendue d’après la disposition que nous venons d'indiquer. Cet élargissement des nasaux dans leur partie supérieure entraîne nécessairement des différences dans l'étendue et la forme de la suture avec le lacrymal. Sur l’AHippopotamus Lemerlei (PI. VIN), cette suture est sensiblement rectiligne et un peu oblique de bas en haut et de dedans en dehors. II n’en est plus ainsi sur l'Hippopotame du Nil, où par suite de l'élargissement brusque du frontal dans sa partie supé- rieure, la ligne de suture se creuse et arrive dans sa partie (1) M. G.-A. Guldberg a également appelé l'attention sur ce mode d’agen- cement des os de la face. 158 GRANDIDIER ET H. FILHOL. moyenne à offrir une concavité marquée, regardant en de- hors. En résumé, sur l'Hippopotame du Nil la suture fronto- nasale est très étendue transversalement et elle se fait sui- vant une ligne courbe surbaissée. | - Sur un Hippopotame du Mozambique (1) on trouve une dis- position rappelant celle propre à l’'Hippopotame du Nil; seu- lement l'élargissement des nasaux dans leur partie supé- rieure est encore plus exagéré. De la partie externe de chacun de ces os se détache, en forme de pointe aiguë, un prolongement osseux pénélrant dans une encoche profonde creusée dans le frontal. Cet arrangement fait prendre à la portion supérieure des nasaux réunis la forme d’un T. Sur les Hippopotames du Gabon nous n’avons rien observé qui rappelât la singulière disposition que nous venons de si- gnaler. Les nasaux s'élèvent davantage (2) sur un de nos échantillons, alors que le sommet de leur suture constitue une pointe aiguë. Le bord supérieur compris entre ce point et les bords latéraux ne se présente pas sous la forme d’une ligne courbe comme dans le cas précédent, mais bien sous celle d’une ligne droite oblique de haut en bas et de dedans en dehors. Par conséquent, si l’on réunit l’un à l’autre par une ligne transversale les points où les bords supérieurs des nasaux viennent rejoindre les bords latéraux internes des la- crymaux, on à au-dessus de cette ligne une surface nasale triangulaire, à sommet supérieur, sur l'Hippopotame du Ga- bon, une surface à bord supérieur arqué sur les Hippopo- tames du Nil et du Mozambique, et une surface quadrilatère sur l’Hippopotamus Lemerlei. Seulement nous ferons remar- quer que sur un second Hippopotame provenant du Gabon (3), la forme triangulaire, que revêtent les nasaux dans leur partie supérieure, est beaucoup moins accusée, et que leur disposition est intermédiaire à celle existant sur le premier (4) Col. Muséum, 1890, n° 72. PET RS ASOD de (3) Id.. 1868, n° 85. OSSEMENTS D'HIPPOPOTAMES. 159 échantillon et sur l’Hippopotame du Nil. Ils se terminent en pointe à leur extrémité supérieure, mais leur bord supérieur, - au lieu d’être rectiligne, devient légèrement convexe en de- hors. Sur un Hippopotame provenant du Congo, nous retrou- vons une disposition offrant beaucoup d’analogie avec celle que nous venons de signaler. Les bords supérieurs des na- saux sont légèrement courbés, et ceux-ci se terminent en pointe arrondie à leur partie supérieure (1). Sur une autre tête d'Hippopotame du Congo (2), rapportée durant Le cours de la même expédition, on trouve une structure tout à fait différente, rappelant de la manière la plus remarquable celle constatée sur l’Hippopotame du Nil. Par conséquent des Hippopotames pris dans une même région peuvent différer beaucoup les uns des autres par la forme de la suture fronto- nasale. Nous ajouterons que dans le cas dont il s’agit, on ne saurait faire intervenir l’âge comme pouvant être la cause de ces différenciations, car les deux sujets que nous com- parons l’un à l’autre étaient adultes. La suture fronto-nasale des Hippopolames de Zanzibar est triangulaire, à bords convexes. L’élévation du sommet de la suture, par rapport à la portion la plus élargie des os nasaux, varie. Ainsi elle est considérable sur un des sujets que nous observons (3), alors qu’elle l’est beaucoup moins sur un second (4). Quelles que soient les variations survenant dans la forme de la suture fronto-nasale que nous puissions observer entre les Hippopolames, il ne résulte pas moins de l'étude pré- cédente, qu'aucun Hippopotame actuel, parmi ceux dont nous avons pu examiner les têtes, n’offre une disposition de la suture du frontal avec le nasal, semblable à celle que l’on constate sur l’ÆHippopotamus Lemerlei. (1) Col. Muséum, 1885, n° 671. (2) Id., 1885, no 672. (3) 1d., 1883, n° 219. (4) Id., 1883, n° 228. 160 GRANDIDIER ET H. FILHOL. Si, après avoir examiné la manière dont les deux os pré- cédents s'unissent, on recherche les rapports qu'ils affectent avec le lacrymal, on découvre encore des caractères tout à fait propres à l'Hippopotame de Madagascar. La suture naso-lacrymale, sur cette espèce, est étendue et elle se présente sous la forme d’une ligne presque droite. D'autre part on remarquera, en se reporlant à notre figure de la planche VIIT; qu’au niveau de son extrémité inférieure existe à droite et à gauche une petite pièce osseuse indépen- dante, comprise entire le nasal, le lacrymal et le maxillaire supérieur. IL était intéressant de rechercher si cette pièce osseuse se retrouvait sur les Hippopotames actuels ou si elle était carac- téristique de l'espèce de Madagascar. D'autre part l’on devait se demander à quoi elle correspondait. Élait-ce un débris du pré-maxillaire, quiserait resté engagé au milieu des os de la face comme un témoignage de l'importance considérable qu'aurait eue cet os dans la forme ancestrale des Hippopo- tames, ou bien n'était-ce pas une dépendance du frontal, qui se serait avancé très loin dans les formes primitives? Telles étaient les deux questions qu’on était en droit de se poser. L'examen de tous les crânes adultes, et nous en avons étudié plus de vingt, renfermés dans les collections du Muséum de Paris, ne nous a pas fait découvrir une seule: tête d'Hippopotame possédant la pièce osseuse si caractéris- tique de l’Aippopotamus Lemerlei. Nous avons songé alors à examiner des crânes de jeunes sujets et nous n'avons pas tardé à trouver sur certains d'entre eux des particularités tout à fait remarquables, jetant une vive lumière sur la question que nous nous étions pro- posé de résoudre. | En effet, sur une tête d’un très jeune Hippopotame du. Sénégal, on remarque, à droite entre le lacrymal et le na- sal correspondant, une longue pièce osseuse, d'une faible: largeur, séparant complètement ces deux os (1). (1) Col., Muséum n° 2213. La figure est moilié de la grandeur naturelle. OSSEMENTS D'HIPPOPOTAMES. 161 C'est bien, comme on pourra s’en assurer en examinant la figure que nous donnons, d’un os intermédiaire qu’il s’agit et non du lacrymal, ce que l’on pourrait supposer en songeant que sur certains Hippopotames du Sénégal et du Gabon, cet os encaissé entre les nasaux et le malaire n'ar- rive pas à atteindre l'orbite et à participer à la constitution de son pourtour (fig. 1). Sur le côté gauche, la pièce osseuse intermédiaire ne se présente pas avec le même aspect. Elle ne possède plus la forme rectangulaire qu’elle revêt du côté droit. Elle paraît, Fig. 1. — Portion de la face d’un très jeune Hippopotame du Sénégal. en quelque sorte, étranglée en son milieu par une sorte de promontoire osseux se détachant du bord interne du lacry- mal. Il semble donc qu'il y ait une tendance par suite de l'accroissement de ce dernier os à une division de la pièce osseuse que nous considérons. Maintenant, si on vient à porter son attention sur la partie située au-dessus du point étranglé, on constate qu’elle est singulièrement réduite par rapport à la partie qui lui correspond du côté opposé. Par conséquent on est en droit de conclure de ces faits : 1° qu'il existe chez de très jeunes Hippopolames une ‘pièce osseuse intermé- diaire au nasal et au lacrymal; 2° que par suite du dévelop- ANN. SC. NAT. ZOOL. | 4; 2: 162 GRANDIDIER ET H. FILHOL. pement, le lacrymal comprime cet os dans sa portion mé- diane et tend à le diviser en deux parties, une inférieure, correspondant à celle que nous retrouvons sur l’Hippopota- mus Lemerlei, et une supérieure qui, par suite de la com- pression qu'elle ne cesserait de subir durant l'accroissement du lacrymal, finirait par disparaître ou se confondrait avec le frontal. La confirmation de ces présomptions nous a élé fournie de la manière la plus nette par une seconde tête d'Hippopo- tame du Sénégal, faisant partie des collections du Muséum de Paris (1). Elle provient d'un individu beaucoup plus avancé en âge que ne l'était celui dont nous venons de parler. Nous faisons reproduire, moitié de grandeur naturelle, toute la partie correspondant à la région dont nous éludions le mode de constitution (fig. 2). Sur la portion droite de cetle tête, on constate au point de contact du lacrymal, du nasal et du jugal une loute petite pièce osseuse, disposée absolument comme sur l’AHippopo- tanus Lemerlei elunie par une suture dentelée au lacrymal. Quant à ce qui est de la portion supérieure, qui primitive- ment la raltachait au frontal et qui étail en voie de dispari- tion sur le premier de nos échantillons, il n’en existe plus de traces, elle paraît s'être réunie avec cet os, qui se. pro- longe très en avant. On est dès lors obligé de se demander pourquoi on ne retrouve pas une disposition semblable sur les têtes d'Hip- popotames adultes. L'examen de la portion gauche de la tète nous permet de répondre à celte question. En effet, on n’observe pas sur elle le restant de l’os intermédiaire qu’on constate du côté opposé, et l’on est dès lors amené à conclure que probablement, par suite de l'accroissement de la face, cet os se soude si intimement avec le lacrymal qu'on n’en trouve plus de traces, et cela de très bonne heure. Quant {4) Col., Muséum n° 2211. OSSEMENTS D'HIPPOPOTAME. 163 à la portion de l’os intermédiaire, réunie au frontal du côté opposé, elle semble n'avoir pas existé, cet os ne four- . nissant pas de prolongement. Par conséquent, du côté droit, los intermédiaire s’est soudé en totalité au bord interne du lacrymal, car il n’est pas probable qu'il ait disparu par suite de compression, ou qu’il ne se soit pas développé. Fig. ?. — Portion de la face d’un jeune Hippopotame du Sénégal. Quant à ce qui est de la valeur qu'il faut attribuer à cette pièce osseuse, parmi les os de la face qui l’environnent, il nous paraît, d'après l'étude de la première pièce que nous avons fait connaître, qu’on doit la considérer comme une dépendance du frontal. Si l’on veut bien se souvenir de la forme que possede cet os sur le Chæropsis Liberiensis, on ne sera pas surpris de la signification que nous sommes amenés à reconnaître à la pièce osseuse dont nous nous occupons. Ainsi, chez ce Pachyderme, « la cavité orbitaire est peu profonde; elle ne présente pas en dessous une voûle sourcilière, comme chez l'espèce du Sénégal. L’os lacrymal qui chez cette 164 GRANDIDIER ET MH. FIEHOL. dernière se trouve être exclu du cadre orbitaire par le rapprochement du frontal et du malaire, sépare ici ces deux os comme chez la plupart des autres mammifères; cependant ilne se joint point à l’os nasal, car le frontal se prolonge beaucoup en avant, de telle sorte qu'il dépasse le bord antérieur de ce dernier et s’articule avec l’os maxil- laire dans une étendue assez considérable. Cette suture des- cend obliquement en arrière, de façon à se continuer direc- tement avec la suture maxillo-lacrymale, qui à son tour prolonge régulièrement la courbe décrite par la suture maxillo-malaire (1). » Cette intrusion de la partie antérieure du frontal entre le lacrymal et le nasal correspond de la manière la plus pré- cise à ce que nous observons sur un des jeunes Hippopo- iames du Sénégal(2). Seulement sur celui-ci la partie osseuse interposée ainsi a conservé son indépendance, et elle semble dès lors représenter un vrai pré-frontal. Le lacrymal de l’Æippopotamus Lemerlei entre pour une part accusée dans la constitution de l'orbite. Nous avons déjà rappelé qu'il n’en était pas ainsi sur des Hippopotames du Sénégal ainsi que sur certains Hippopotames du Ga- bon. Au point de vue des rapports de cet os avec la cavité orbitaire nous ferons remarquer qu'ils sont plus ou moins étendus suivant les sujets qu’on observe, alors même que ceux-ci proviennent d'une même localité. Ainsi, sur un crâne d'Hippopotame du Congo, nous constatons que le la- crymal dans sa partie externe s'effile en quelque sorte en dehors sur une étendue d’un centimètre et demi, pour arri- ver à n’entrer dans la constitution de la cavité orbitaire que sur une étendue de trois ou quatre millimètres. Ce fait nous montrerait déjà de quelle façon se sont peu à peu modifiés les rapports existant entire les divers os de la face dont nous (4) A. Milne-Edwards, Recherches pour servir à l'Histoire naturelle des Mam- mifères. (2) Fig, 2: OSSEMENTS D'HIPPOPOTAME. 165 nous occupons, car 1l permet de constater un terme de pas- sage des plus remarquables entre l’état où le lacrymal contribue à former le pourtour orbitaire et celui où il n’en- tre plus dans la constitution de cette cavité. Mais il est pos- sible de faire à ce sujet des observations encore plus con- cluantes, montrant qu'on ne saurait tirer aucune valeur au point de vue des diagnoses spécifiques de la participation ou de la non-parlicipation du lacrymal dans la constitution du pourtour de l'orbite. Ainsi, si l’on veut bien se reporter à notre figure 1, l’on remarquera que le lacrymal du côté gauche s’avance jusqu'au bord de l'orbite, tandis que du côté opposé 1l en est empêché par la jonction du jugal et du frontal. Nous avons insisté sur ces disposilions anatomiques si singulières parce qu’elles montrent, d’une part, combien sont grandes les variations pouvant survenir dans le mode de constitution de la face des Hippopotames, el d'autre part parce que, en se plaçant à un point de vue général, elles indiquent d’une manière surprenante l'étendue des modifica- tions osseuses susceplibles d’apparaître dans un même genre de Mammifères. Enfin il résulte de nos observations, que le type ancestral des Hippopolames devait avoir un pré-frontal libre ou soudé au frontal, et que le lacrymal faisait partie consituante du cercle orbitaire. Par ces caractères, l'A1p- popotamus Lemerlei se rapprochait plus des formes primi- tives de ce genre que ne le font les Hippopolames actuels, chez lesquels ces particularités ancestrales ne sont sus- ceptibles d’être notées que sur des sujets dont le dévelop- pement est fort peu avancé et chez lesquels elles s’effacent par suite de l'accroissement considérable que prend le jugal. Sur l’Hippopotamus Lemerlei, la suture du bord antérieur de cet os, ainsi que celle du bord antérieur du lacrymal avec le maxillaire supérieur, se font sensiblement au même niveau (PI. VIT et PI. VIT). Celle du lacrymal, dans sa partie interne (PI. VIT), s'avancerait même un peu plus que ne le fait 166 GRANDEDIER ET MH. FILHOL.. celle du jugal. Nousavons retrouvé une disposition semblable sur un Hippopotame du Mozambique (1), mais elle n'existait pas sur des Hippopotames du Gabon, chez lesquels la partie antérieure de la suture du jugal avec le maxillaire supérieur se faisait plus en avant que celle du lacrymal (2). Sur des Hippopotames du Congo (3), l'union du jugal avec le maxil- laire supérieur a lieu encore plus en avant du lacrymal, et c’est cette même disposition que nous avons retrouvée sur THippopotame du Nil, et c'est celle qu’on constate sur la portion de tête de jeune Hippopotame du Sénégal, repré- sentée par notre figure 2. Il semblerait donc qu'on peut tirer quelque profit, au point de vue des diagnoses, des disposi- tions différentes que nous venons de signaler, mais pourtant encore dans ce cas, comme dans ceux que nous avons envi- sagés précédemment, 1l n’en est point ainsi, et des Hippo- potames capturés dans une même localité présentent dans l’union des os de la face que nous observons des rapports tout à fait opposés. Aïnsi, sur une tête d'Hippopotame pro- venant de Zanzibar (4), la suture du maxillaire supérieur avec le lacrymal et le jugal se fait sur une même ligne, comme chez l’Hippopotame de Madagascar et celui du Mozambique. Mais sur une deuxième tête provenant de la même localité, le jugal s’avance beaucoup en avant du lacrymal (5), prenant ainsi la disposition que nous avons signalée sur les Hippo- potames du Gabon, du Congo, du Sénégal, du Nil. On ne saurait invoquer, pour expliquer ce fait, un développement encore incomplet, car les deux têtes rapportées du Congo proviennent de sujets sensiblement du même âge. Cette tendance extrême à des variations chez les Hippopo- tames se retrouve encore dans le mode d'union du frontal avec le bord supérieur du lacrymal. Ainsi, tandis que sur la plupart des têtes que nous avons observées, la suture (4) Loc. cit., 4890, n° 72. (2) Id., 1890, n° 71 et 1868, n° 85. (3) Id., 1885, n° 671 et 672, ) (4) Id., 1883, n° 220. (5) Id.. 1883, n° 219. OSSEMENTS D'HIPPOPOTAMES. 167 lacrymo-frontale se fait comme sur l’Hippopotamus Lemerlei _ (PI. VID), suivant une ligne légèrement ondulée, présentant - de fines denticulations, sur deux Hippopotames, l’un du Gabon, l’autre de Zanzibar, il n’en est plus ainsi ; chez Île premier d’entre eux (1), le bord supérieur du lacrymal pos- sède trois énormes denticulations qui pénètrent dans de profondes encoches entaillées sur le bord du frontal. Un autre Hippopotame du Gabon n'offre rien de sembla- ble (2). Sur un Hippopotame de Zanzibar (3), le bord anté- rieur du frontal offre une découpure profonde, une sorte de golfe, occupé par un puissant prolongement du lacrymal, et de même que dans le cas précédent on ne retrouve pas cette disposition sur une seconde tête ayant pourtant la même provenance (4). Les orbites de l’'Hippopotamus Lemerlei sont peu saillantes en dehors et les apophyses post-orbitaires et jugales sont courtes. Il résulte de cette disposition qu’un sixième du cercle orbitaire reste ouvert. L'ouverture plus ou moins grande du cercle orbitaire sur les Hippopotames actuels nous a paru essentiellement va- riable, et nous ne croyons pas qu’on puisse en tenir compte pour les distinguer. Nous rappellerons à ce sujet qu'un Hip- popotame de Zanzibar (5) nous a présenté une disposition presque absolument semblable à celle que nous avons indi- quée pour l'Hippopotamus Lemerlei. Ce sont presque encore les mêmes rapports des apophyses jugale et post-orbitaire qu'on retrouve sur un Hippopotame du Congo (6), alors que sur un autre animal du même genre, capturé dans la même localité, les deux apophyses arrivent à se mettre en contact, fermant ainsi complètement le cercle orbitaire. Quant à ce qui est de la saillie de l'orbite et de sa direction ) Loc. cit., 1888, n° 85. ) 1d., 1890, n° 71. ) Loc. cit., 1883, n° 220. ) Id., 1883, n° 215, ) Id., 1883, n° 220. ) ( ( ( ( ( (6) 14., 1885, n° 672. 1 2 3 4 5 6 168 GRANDIDIER ET H. FILHOL. plus ou moins antérieure, de l'élévation de son bord supé- rieur, elle nous à paru être en rapport avec l’âge et le sexe des individus. C’est sur de vieux mâles que nous avons tou- jours vu l'orbite avoir une direction presque antérieure, alors que son bord supérieur très épaissi était considérable- ment élevé. Le front de l’Aippopotamus Lemerlei (PI. VII) était assez large, creusé dans sa portion médiane. Il avait par consé- quent la forme qu’on retrouve sur les Hippopotames et non celle si caractéristique du Chæropsis. Les crêles temporales assez saillantes (PI. VII) élaient légèrement pliées en S et elles se réunissaient pour former une courte crête sagittale, bien délachée du crâne (PI. VIT). Les arcades zygomatiques étaient, dans leur partie poslé- rieure, dirigées obliquement de dedans en dehors et d’ar- rière en avant, puis elles prenaient une direclion opposée (PI. VII). Elles étaient très peu saillantes dans leur porlion antérieure par suite du faible développement du jugal. Ilen résultait que, dans toute leur étendue, leur face externe re- gardait directement en dehors. Les fosses temporales qu'elles limitatent étaient hautes, peut-être plus qu’elles ne le sont sur les Hippopotames actuels. Lorsqu'on considère la tête par sa parlie supérieure on voit, ainsi que l’a signalé M. Guldberg, que la partie la plus ré- trécie du crâne est plus large que ne l’est la porlion la plus étranglée de la face, caractère qu’on n’observe ni sur les Hippopotames ni sur le Chæropsis. Si, quittant l'examen de la face supérieure du crâne, nous passons à celui de sa face postérieure, nous ferons observer tout d’abord (PI. XIIL, fig. 2) que celle-ci, élevée et ar- rondie dans sa partie supérieure, était parcourue dans sa parlie médiane par une crête occipitale assez courte et de forme ovalaire. Les parties situées de chaque côté de cette saillie étaient concaves. Le trou occipital, très large, était disposé en forme de cœur dans sa partie supérieure. Les condyles, bien détachés, OSSEMENTS D'HIPPOPOTAMES. 169 ne présentent ni dans leur développement ni dans leur forme de caractères particuliers, différents de ceux qu'on observe sur les Hippopotames actuels. Chez ceux-ci la face posté- rieure de la tête ressemble beaucoup par son ensemble à celle de l’Æippopotamus Lemerlei. La configuration de son con- tour paraît très variable, et il n’est aucune des formes que nous lui avons vu posséder qui puisse être considérée comme caractéristique d'animaux de ce genre vivant dans une loca- lité déterminée. Les apophvses jugulaires et styloïdes avaient sur l'espèce de Madagascar la forme et le dévelop- pement que nous leur irouvons sur les autres Hippopotames vivants. Nous avons déjà parlé de la face inférieure du crâne en indiquant les rapports qui existaient entire la longueur de la portion palatine et celle de la région qui lui fait suite. Au point de vue de la forme de Ja voûte palatine, nous n’avons à appeler l'attention que sur une particularité nous ayant paru être moins accusée sur les Hippopolames actuels, que nous avons examinés, que sur notre fossile. Quand on considère la largeur de la voûte palatine dans sa partie postérieure et dans sa partie antérieure, cette der- nière paraît plus considérable sur l'Aippopotamus Lemerlei. Les nombres suivants relevés sur trois sujets adulles accu- sent nettement le fait que nous signalons : Largeur de la voûte palatine au niveau de l'extrémité interne de la dernière molaire, 0,040 — 0,040 — 0,036 Largeur de la voûte palatine au niveau de la partie in- terne de la deuxième prémolaire, 0,049 — 0,047 — 0,044 Sur les Hippopotames actuels, nous avons noté un moindre élargissement et même, sur certains d’entre eux, celui du Nil par exemple, un rétrécissement au niveau de la deuxième molaire. La portion de la voûte palaline qui se trouve en arrière d’une ligne passant par le bord postérieur des deux dernières molaires, nous à paru avoir, d’une manière générale, le même développement sur l'Hippopotame de Madagascar que 170 GRANDIDIER ET H. FILHOL. sur les Hippopotames actuels. L’étendue de cette partie est de 0,038, 0,040 et 0,042 sur trois Hippopotamus Lemerlei bien adultes. Au niveau de la canine supérieure, le maxillaire s’élargit considérablement pour supporter cette dent. Il donne ainsi naissance à une sorte de grosse tubérosité (pl. VIIL, IX). Cette disposition, comme l’a fait remarquer M. Guldberg, est propre à l’Æippopotamus Lemerlei (1). Il en est de même de celle que présentent les prémolaires antérieures, situées sur le bord du maxillaire, en arrière de la tubérosité, et non en dedans de lui et de cette saillie, comme sur les Hippopotames actuels. Le maxillaire inférieur (pl. VID de l’Aippopotamus Lemer- lei a les plus grandes ressemblances avec celui des Hippo- polames vivants. Son corps, dont la hauteur va en diminuant d’arrière en avant, s’élargit de la même manière dans sa portion antérieure pour supporter les canines et les incisives. L’angle mandibulaire se détache moins sur certains Hip- popotames actuels et il se contourne assez fortement en avant. L’apophyse coronoïde est peu élevée et elle affecte avec le condyle des rapports rappelant ceux que nous cons- talons sur les Hippopotames vivants de nos jours. Nous pourrions entreprendre, au point de vue des rèssemblances et des différences existant entre l’Hippopotame de Mada- gascar et ceux des diverses régions, un parallèle détaillé, mais il n’en résulterait qu’une seule conclusion, c'est que pour cette partie du squelette, comme pour celles dont nous avons eu déjà à nous occuper, il existe des variations très étendues, concernant non seulement des animaux provenant de localités diverses, mais encore ceux qui ont élé recueillis dans une même région. | | Les principales dimensions relatives au maxillaire inférieur de l’Hippopotamus Lemerlei sont résumées dans le tableau (1) Cette disposition est très apparente sur la tête représentée pl. XI par M. G.-A. Guldberg, qui est mieux préservée à ce niveau que ne le sont celles dont nous disposons. OSSEMENTS D'HIPPOPOTAMES. 171 suivant. Nous n'indiquons pas celles concernant la branche montante, parce que celte partie du squelette n’a subsisté que sur l'échantillon figuré sur notre planche VIT et que celui-ci provient malheureusement d’un sujet dont le déve- loppement n'était pas encore terminé. No1 (figuré ‘ N°3 ‘ N°5 pl. Vi). F2 (vieux.) ms Largeur au niveau des canines. 0,170 02,207 0 ,216 0 ,166 0,216 Largeur en avant de la première DR laire--..-........., 0: 1,068’ 0::,072%% 0 ,073:5 1,062, (',071 Largeur en arrière de la der- 7 A EPL. 0 ,099 O0 ,102 O ,097 Longueur de la symphyse..... A0 ON TO 0NEDLZ . O.,602.7 0,410 Hauteur en avant de la première more ste 0 ,048 0 ,067 0 ,0:3 0 ,059 O0 ,072 Hauteur en avant de la dernière T2. 0° ,090 ‘#0 ,100 ° 0 ,080° 0 ,095 Espace occupé par les incisives. 0 ,075 0 ,092 O0 ,104 0 ,089 O0 ,098 Diamètre transverse de l’alvéole de la première incisive...... (PO OO 02 OMOLG 0,022 Diamètre transverse de la se- + condemneisives.. 0.1... OeOi. Où 022" 011.045: 0,452 0ù.,049 Diamètre transverse de laliéole de Itieanimeir Ji 0230 TIL LL OO TGS rO 5080 41588 0 ,036 Le système dentaire ne nous a pas paru présenter dans le mode de structure et de développement des divers éléments qui le constituent, de particularités spéciales, comparé à ce- lui des Hippopotames actuels. La disparition des premières prémolaires, l’évolution tardive de la dernière molaire, avaient lieu sur les Hippopotames de Madagascar, comme elle a lieu sur ceux de ces animaux vivant aujourd’hui. Le mode de structure des molaires était sensiblement le même et nous n'avons pu apercevoir dans le groupement la forme des éléments constituant ces divers organites de caractères permettant de distinguer l’ÆHippopotamus Lemerlei. Les pro- portions en volume sont seules différentes. Les incisives possédaient les mêmes grandeurs relatives. Les canines, plus fortes sur certains sujets, qui devaient être des mâles, se projetaient en dehors, comme sur nos Hip- popotames, et leur ornementation, la plicature de leur émail 479 GRANDIDIER £€T H. FILHOL.. avaient la plus grande analogie avec celle que nous cons- tatons sur ces animaux. Nous avons réuni dans le tableau suivant ies mesures rela- lives aux molaires et aux prémolaires supérieures. Elles ont été évaluées sur des sujets bien adultes, sur lesquels, comme on pourra le constater, elles avaient presque toutes subsisté. Mesures relatives aux molaires et aux prémolaires supérieures. N1 Ne 2 No 3 she molaire: Lonsueur- 24-66 UE 0,039 0,036 0,038 Largeur (lobe antérieur). 0,038 #°°27/0/059 DEAN Lonsuenr Re ARE RS 0,034 0,033 0,034 Larsen tiofhs : PERLES 0,036 0,035 0,034 12 — Loncuüebe..4.2.1. 2m Et 0,029 0,028 0,026 LArÉeUrTÉ ER -e pe 0,028 0,028 0,025 4n6 prémolaire loneuens:. : 13207100" 0,023 0,023 : 0,021 Lanceure. rase. fief 0,023.: .0,022 20,022 zme — Longueur. .... Rat: 0,027 0,022 207 Largeur EE REA 0,018. -0,047,070m 2me ÉOnSUELRELS SAUT 0,026 0,023 0,022 Parcours. He 0,016 0,014 0,014 Il résulte de l'examen du tableau précédent que sur l’Æip- popotamus Lemerlei, adulte, les molaires sont presque aussi larges qu'elles sont longues. Quelquefois même elles sont plus larges que longues, c’est là un caractère important sur lequel nous aurons plus loin à revenir. Ce caractère se re- trouve sur la quatrième prémolaire, mais il disparaît sur les suivantes. Quant au rapport existant entre l'élendue de l’espace occupé par les prémolaires, il varie sur les échan- tillons que nous venons de signaler entre 1,25 et 1,30. Le nombre correspondant à l’espace relatif aux prémolaires a servi de diviseur dans cette recherche. Les mensurations concernant les molaires et les prémolai- res inférieures sont assez difficiles à établir par suite du man- que d’un grand nombre de dents sur les divers échantillons d'AHippopotamus Lemerlei, dont nous disposons. Nous trans- crivons les mesures relatives aux échantillons les De. com- plets ou les plus caractéristiques. _OSSEMENTS D'HIPPOPOTAMES. 173 Mesures relatives aux molaires et aux prémolaires inférieures. N°1 No% N°3 No% Ne5 sonore. sLongueur. 2.2. à à. sh 0,057 0,057 0,058 0,061 0,059 Largeur (maximum)...... 0,028 0,027 0,031 0,030 0,029 2e — BOReUeURA IN EMULE) 0,052 ° 0,026 : 0,027:0 411: 0,028 Largeur (maximum)...... 0,030..,0,02641,0,026, 122.1, 0,027 tre — RODOUPUE. 2 ce dci © de sé ON LS En ce Largeur (maximum)...... RE ne nt LR LEA 4° prémolaire. Longueur............. 0:028 : METTENT Earvetr: (maximum). (00494 ae En" 3e — PARENTS. Mas se de PORT LE ONE Parceue (magnum) : ::11: 0,048. ur 05:18 ro Tree 0! 2 — Loneueuein ren. | HORS. nr. Largeur (maximum)! . 20,01% 79.040. dre — Eongueur. ROBIEN Pit AL ITR RTE larsaûr (maximurm})es4) 1:20). 2 La première prémolaire, tombant de très bonne heure, il nous a été impossible d'évaluer ses proportions. On remarquera qu’en ce qui concerne les molaires, la troisième de ces dents possède à peu près en largeur la moi- tié de sa longueur, tandis que les deuxième et troisième molaires sont ou aussi longues que larges, ou presque aussi longues que larges, caractère que nous avons vu exister sur les molaires supérieures. Les prémolaires sont au contraire plus longues qu'elles ne sont larges et cette particularité est beaucoup moins accusée sur la quatrième de ces dents qu'elle ne l’est sur la troisième, caractère également en rapport avec ce que l’on observe à la mâchoire supérieure. Sur une grande série de maxillaires, l’espace occupé par les trois molaires et les trois dernières prémolaires, nous a paru varier entre 0,187 el 0,208. Au point de vue de l'étendue en longueur des deux der- nières molaires, nous ferons observer que, sur des sujets très vieux, la plus reculée de ces dents pénètre en quelque sorte par son bord antérieur dans la dent qui la précède. Le bord postérieur de celle-ci, au lieu de rester convexe, ainsi qu'il l’est primitivement, se creuse, et il finit par offrir une forte 174 GRANDIDIER ET El. FILMOL. concavité postérieure. Il faut tenir compte de cette parti- cularité dans les mensurations. Nous ferons remarquer également que les mensurations que nousavons données ont toutes été évaluées sur des sujets chez lesquels les dents étaient complètement dégagées de leurs alvéoles. Cette observation a de l'importance, parce que si on n'agissait pas comme nous l'avons fait, les dents d'Hip- popotames étant moins larges dans leur portion moyenne qu'elles ne le sont à leur base, on serait exposé à commettre des erreurs en ce qui concerne l'évaluation de leur diamètre transverse maximum. Les caractères relatifs aux principales parties du squelette ont été antérieurement signalés. Nous rappellerons qu'en ce qui concerne la colonne vertébrale, le caractère le plus remarquable de l’Æippopotamus Lemerlei est de posséder, ce que l’on n'observe sur aucun autre animal, un atlas dont le trou vertébral est partagé par un anneau semi-circulaire et concentrique à l’arc supérieur de cette pièce osseuse: Cette disposition ne s'observe que sur des sujets probablement très avancés en âge. Dans la plupart des cas on ne constate que deux pointes osseuses, portant des parties latérales et: s’avançant plus ou moins l’une vers l’autre. Elles sont évidem- ment reliées primitivement l’une à l'autre par du tissu fibreux et ce n'est que peu à peu que ce dernier finit par être en- vahi par des éléments osseux. C'est en vain que nous avons recherché surles atlas d' Hippopotames conservés au Muséum de Paris quelque indice d’une semblable disposition. L’apophyse odontoïde de l’axis est pointue et elle porte une facette articulaire en dessous. Les autres vertèbres, sauf leurs dimensions moindres, sont semblables à celles des Hippopotames. Le bassin n’est pas très développé. Les mensurations suivantes se rapportent à un exemplaire des plus grands et des mieux préservés que nous possédions. , Hongueur «mastmum .. . 12:10 13.1... Dose mms S NES CET 0,400: Largeur maximum de la partie iliaque................ 0,250 OSSEMENTS D'HIPPOPOTAMES. 175 Distance comprise’entre la partie la plus antérieure du bord iliaque et le bord antérieur dela cavité cotyloïde. 0,220 Distance comprise entre le bord postérieur de la cavité cotyloïide et le sommet de l’ischion.................. 0,150 . Diamètre antéro-postérieur de la cavité cotyloïde...... 0,053 Diamètre transverse de la même cavité............... 0,049 Diamètre antéro-postérieur du trou obturateur........ 0,085 Diamètre vertical du même orifice...........:......, 0,056 Le membre antérieur ressemble beaucoup par sa configu- ration générale ainsi que par les rapports qu’affectent entre elles les diverses pièces osseuses qui le constiluent, à celui des Hippopotames actuels. Ainsi l’omoplate a le même mode de constitution. Comparé à celui du squelette de l'Hippopotame du Sénégal, figuré par de Blainville dans son Ostéographie, il apparaît comme ayant un semblable développement des fosses sus- et sous-épineuses, un sem- blable épaississement dans sa partie moyenne de la crête séparant ces deux parties. L'’acromion est moins saillant, moins détaché. Quant au bord postérieur, il est sur nos échantillons remarqua- blement plus concave en même temps que plus réduit, rela- tivement au bord antérieur mesuré en ligne droite. Ce dernier comparé au bord interne est plus court sur l’Æippo- potamus Lemerlei que sur l'Hippopotame du Sénégal. Hipp. du Sénégal. Hipp. Lemerlei, Longueur du bord supérieur...... 0,305 0,190 _— antérieur...... 0,375 0,240 — postérieur..... 0,350 0,200 L'humérus est construit comme l’est celui des Hippopo- tames actuels, et les divers rapports existant entre sa lon- gueur et ses largeurs supérieure et inférieure se rappro- chent beaucoup de ceux qu'on constate sur l'Hippopotame du Sénégal. Hipp. du Sénégal. Hipp. Lemerlei, Longueur maximum....... ARE de 0,455 0,280 Largeur de l'extrémité supérieure. 0,140 0,095 at — inférieure. 0,145 0,087 Rapport entre la longueur et la lar- geur de l’extrémité supérieure.. 3,21 2,94 Rapport entre la longueur et la lar- geur de l'extrémité inférieure. 3,13 3,21 176 GRANDIDIER ET H. FILHOL. Le radius et le cubitus sont soudés ensemble comme sur les Hippopotames vivants, et nous retrouvons en ce qui concerne le développement en longueur et en largeur de ces os des rapports très voisins de ceux que nous constatons sur ces derniers animaux. Quant à ce qui concerne la forme des surfaces articulaires elle est la même sur l'espèce éteinte que sur celle vivant maintenant. Nous ferons seule- ment remarquer que, suivant les sujets observés, on cons- late chez l’Hippopotamus Lemerlei que la surface cubi- tale articulaire inférieure s'étend plus ou moins vers la surface articulaire radiale. Quelquefois ces deux parties sont absolument indépendantes l’une de l’autre, alors que d’autres fois elles se joignent, enfin on remarque qu'il existe toute une série d'états de passage entre ces deux dispo- sitions. l Nous ferons observer relativement à l'intervalle séparant le radius du cubitus, dans la portion moyenne de ces os, intervalle sur lequel M. Guldberg a appelé l'attention, qu'il est essentiellement variable. Hipp. du Sénégal. Hipp. Lemerlei. Loncueur maximun. "7. Ave 0,405 0,265 Largeur de l’extrémité supérieure. 0,110 0,074 Rapport entre ces deux dimensions 3,68 3,98 Les proportions relatives entre la longueur de l’humérus et celle du radius et du cubitus réunis ne devaient différer que très peu de celles de l’Hippopotame du Sénégal. Les deux pièces dont nous avons étudié les dimensions sont les plus grandes qui fassent partie de la collection dont nous disposons, elles s'adaptent bien ensemble, mais pourtant rien ne prouve qu elles proviennent d'un même sujet. Hipp. du Sénégal. Hipp. Lemerlei. L'oncueur dé PhUMErUSEE........ 0,455 0,280 Longueur du cubitus et du radius SOIENT RE 0,405 0,265 Rapport entre ces deux dimen- SSIONS ARE Le 6 D CRAN 7. 1212 1,05 Les différents os de la palte antérieure étaient développés, OSSEMENTS D HIPPOPOTAMES. 177 comme le sont ceux des Hippopotames actuels et leurs formes, leurs modes d’union ne nous ont paru présenter rien de caractéristique chez l’Hippopotame de Madagascar. Le fémur possède dans sa partie supérieure des variations de forme qui sont évidemment en rapport avec l’âge plus ou moins avancé des sujets dont ils proviennent. Ainsi, tantôt la tête du fémur portée sur un col très long dépasse de beaucoup le bord supérieur du grand trochanter, tantôt ces deux saillies sont sensiblement sur un même plan, ainsi qu'on peut le constater sur notre planche XIV. On ne sau- rait considérer ces différences comme susceptibles d’indi- quer des distinclions génériques ou spécifiques, car, entre les formes extrêmes, on observe, dans notre collection, toute une série d'échantillons établissant les passages les plus gradués. Les mesures relatives au fémur sont les suivantes : Hipp. du Sénégal. Hipp. Lemerlei Longueur maximum du fémur me- Hurée en dedans. ....:........: 0,490 0,315 Longueur maximum de l'extrémité RRETIQUTE. SEL... .......... 0,190 0,113 Largeur de l'extrémité inférieure. 0,150 0,092 Rapportentre la longueur et la lar- geur de l’extrémité supérieure. 2,67 2,83 Rapport entre la longueur et la lar- geur de l'extrémité inférieure... 3,26 3,90 Le tibia de l’Æippopotamus Lemerlei était court, trapu, comme l’est celui des Hippopotames vivants. Le péroné se soudait à lui dans sa partie supérieure (PI. XV). L’extrémité inférieure est remarquable par la grande variété de formes qu’elle présente. Sur certains tibias, comme celui que nous avons fait représenter sur notre planche XV, on aperçoit (fig. 2) au niveau du bord antérieur une encoche très accu- sée. Si l’on regarde l'extrémité inférieure de face, on re- marque (fig. 1) qu’elle correspond à une dépression, péné- trant vers l’intérieur, et empiétant considérablement sur la surface articulaire. La porlion antérieure de cette dépres- ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 12 178 GRANDIDIER EX EH. FILHOL. sion est étroite, tandis que sa portion postérieure se renfle, constituant une sorle de golfe, se ratlachant par un goulet étroit au bord antérieur. Sur d’autres tibias, on ne note rien qui rappelle la dis- position précédente et la surface articulaire inférieure n'offre, comme sur les Hippopotames vivants que nous avons étu- diés, aucune interruption. On serait porté par conséquent à voir dans ce fait une particularité propre à l’Hippopotamus Lemerlei, mais de même qu’en ce qui concerne les rapports du grand trochanter avec la tête du fémur, l’examen d’une grande série de pièces osseuses prouve qu'il ne s'agit encore là que de variations individuelles. En effet on peut très facilement constituer avec les divers éléments de notre colleclion une série de tibias présentant, entre les deux dispositions que nous avons signalées, tous Les élats intermédiaires possibles. Les dimensions du tibia sont les suivantes : Hipp. du Sénégal. Hipp. Lemerlei. Longueur maximaih.......... 0,365 0,230 Largeur maximum de l'extrémité superieure. GRAS: a. 0,165 0,097 Largeur maximum de l'extrémité IUTÉTIEUTÉ, 2 02 SIRET 0,099 Rapport entre la longueur et la lar- geur de l'extrémité supérieure. 2,21 2,37 Rapport entre la longueur et la lar- geur de l'extrémité inférieure... 4,05 3,71 La recherche du rapporl existant entre la longueur du fémur et celle du tibia fait découvrir chez l'Hippopotame du Sénégal et l’'Hippopotame de Lemerle des nombres presque pareils. Hipp. du Sénégal. Hipp. Lemerlei, Longueur du fémur....:........ 0,490 0,315 Longueur du Gba me AIS. 0,365 … 0,230 Rapport entre ces deux dimen- ST DER PL or 0 a 1,34 1,36 Si l’on évalue le rapport existant d’une part entre la longueur de l'humérus et celle des os de l’avant-bras OSSEMENTS D HIPPOPOTAMES. 179 réunis, et d'autre part celle du fémur et du tibia sur l’Hippo- potame du Sénégal et sur celui de Madagascar, on irouve des nombres presque identiques et par conséquent nous sommes amenés à conclure que l’allure de ces deux animaux devait beaucoup se ressembler. Hipp. du Sénégal. Hipp. Lemerlei. Longueur du bras et de l’avant- Bras nus." . LOL 0,850 0,545 Longueur de la cuisse et de la MD ÉMIS: Le res sions de à 2 «2 0,855 0,545 Rapport entre ces deux membres. 1,005 1 On remarquera que chez les Hippopotames que nous comparons les longueurs des membres antérieur et posté- rieur moins les pattes, sont égales ou, à quelques millièmes près, presque égales entre elles. L'examen des différents os entrant dans la constitution de la patte postérieure ne nous à révélé aucune particularité que l’on puisse considérer comme particulière à l'Hippopo- tame de Madagascar. Nous venons d'exposer les principaux faits concernant les diverses pièces du squelette de l’Aippopotamus Lemerlei, il nous reste maintenant à rechercher si tous les ossements d'Hippopotames trouvés à Ambolisatra présentent les mêmes caractères ou s'ils ne décèlent pas la présence de va- riétés ou d'espèces différentes. C'est là une queslion très délicate, très difficile à résoudre, comme on le verra par la discussion qui va suivre. Si l’on compare la tête d'Hippopotame représentée sur nos planches XI, XII et XIIE, figure 1, à celle figurée sur nos planches VIT, VITE, IX et XIIT, figure 2, on note à première vue des caractères fort dissemblables. Ainsi sur les têtes vues par leur face supérieure, on cons- late que celle représentée sur la planche XI a le bord orbi- taire supérieur beaucoup moins étendu et plus convexe que ne l'a celle figurée sur la planche VIIT. La portion du bord orbitaire interne et inférieur constituée par le lacrymal et le 180 GRANDIDIER ET H. FICHOL. jugal est beaucoup plus grande sur la première de ces pièces qu'elle ne l’est sur la seconde. L’apophyse sus-orbitaireest en même temps plus convexe, plus contournée en dehors et en dedans. Enfin on reconnaît que le front est beaucoup moins concave entre les orbites et que la petite saillie qui apparais- sait sur la tête reproduite sur la planche VIII, immédiate- ment en avant de l’origine de la crête sagittale, a pris un puis- sant développement. L'accroissement de cette saillie n’a pourtant rien de comparable avec la voussure du front du Chæropsis. Les crêtes temporales sont également très différentes. Celles représentées sur la planche VIIT sont, ainsi que nous l'avons signalé, un peu pliées en forme d’S. Celles correspon- dant à la tête de la planche XI sont beaucoup moins con- tournées dans leur extrémité externe et elles sont en même temps moins concaves dans leur portion externe et beau- coup plus obliques en arrière. Les arcades zygomaliques sont plus transversales dans leur partie postérieure, sur la tête de la planche VIIT, qu’elles ne le sont sur celles de la planche XI. On remarquera enfin que le jugal à peine saillant dans sa partie antérieure sur la pre- mière de ces pièces, prend un puissant développement sur la seconde, constituant une forte voussure en avant du bord orbilaire. Quand on examine les mêmes têtes par leur face postérieure, cerlains des caractères différentiels quenous ve- nons de signaler s’accusent encore plus clairement. La tête de la planche VIIT correspond à la figure 2; celle de la planche XI à la figure. 1. On sera frappé de la grande dissem- blance existant entre ces deux figures. Ainsi sur la première le bord supérieur de la crête occipitale s'élève beaucoup au- dessus du front et des crêtes temporales. C’est une disposi- tion tout opposée qu'on note sur la figure 1 où l’on aperçoit le front et les crêtes temporales s’élevant au-dessus du som- met de l’occipital. D'autre part on voit, malgré les quelques fractures qui existent, que le contour de Tl'occipital n'est pas le même et OSSEMENTS D’'HIPPOPOTAMES. 181 qu'il existe un bien plus grand développement transversal de la face postérieure de la têle représentée sur la figure 1, . que sur celle de la figure 2. La crête occipitale, en forme d'’ovale allongé et appointie à son extrémité supérieure de la figure 2, n'a plus la même disposilion sur la figure 1. Enfin, la forme du trou occipital est complètement différente, ainsi que celle des condyles, placés sur les parties latérales. En présence de dissemblances aussi accusées, la première impression que l’on éprouve est qu’on se trouve en présence de deux espèces différentes. Pourtant il ne faut pas perdre de vue que la tête représentée sur les planches VIT, VIE, IX et XIII, figure 2, provient d’un sujet encore jeune, ainsi que l’accusent la persistance des sutures des divers os de la face et l’état de la dentition, tandis que la têle reproduite sur les planches XI, XII et VII, figure 1, a appartenu à un individu vieux. Il fallait donc rechercher sur les diverses têtes ou portions de têtes dont nous disposions si les caractères différentiels, que nous avons successivement énumérés, se montraient d’une manière persistante. Or nous avons constaté, tout de suite, qu'il n’en était pas ainsi, et sur plusieurs faces poslé - rieures de crânes que nous avons examinés, nous avons trouvé des formes multiples, nous conduisant graduellement de celle représentée sur notre planche XIII, figure 2, à celle de la figure 1 de la même planche. Nous ajouterons que nous avons noté sur tous ceux de ces échantillons sur lesquels subsistaient des molaires, le caractère propre à ces dents sur l’Hippopotamus Lemerlei, c'est-à-dire que la longueur de ces organites égalait presque leur largeur. Quant aux dimen- sions relatives des têtes, elles ne présentaient que des écarts faibles, dus certainement aux âges divers des animaux dont elles proviennent. Nous avons été ainsi conduits à con- sidérer la tête reproduite sur les planches VIT, VIII, IX et XII, figure 2, comme provenant d’un Æippopotamus Lemer- lei jeune, et celle des planches XI, XII et XII, figure 1, 182 GRANDIDIER ET H. FILHOL. comme ayant apparlenu à un sujet de la même espèce, vieux. Au point de vue de la taille on distingue, parmi les têtes recueillies à Ambolisatra, des exemplaires beaucoup plus grands les uns que les autres. Les premiers au lieu d’être courts et massifs sont plus allongés. C'est un de ces exemplaires dont la voûüle palatine est reproduite sur la planche X. La face est malheureusement très abimée ou même ab- sente sur tous les échantillons de cette forme dont nous dis- posons, el nous ne pouvons dès lors rechercher si elle était construile comme l'était celle figurée sur la planche VIT. La région occipitale n'offre aucun caractère particulier. Le dé- veloppement de la voûte palatine par rapport à la portion de la base du crâne qui lui fait suite est le même que sur l’Aip- popotamus Lemerlei. D'autre part, fait auquel nous aitachons la plus grande importance, les molaires ont les mêmes pro- portions que sur les têtes plus courtes. On se rendra compte de ce fait, en comparant les mensurations inscrites sous la désignation n° !, dans le {ableau que nous donnons plus haut, à celles désignées par les n° 2 et 3. Le n° 1 correspond à la têle allongée représentée sur la planche X, tandis que les autres se rapportent à des têtes plus trapues, semblables à celles figurées sur les planches VIT et XT. En présence de ce caractère si parliculier de la dentition nous ne pensons pas qu on puisse séparer spécifiquement les deux formes que nous signalons. Nous sommes plutôt por- tés à supposer que les différences observées sont l’indice de variétés ou mieux de sexes divers, et cela d'autant plus que sur d’autres têles, dont nous allons maintenant parler, on ne trouve plus les caractères dentaires si dislinclifs de l’Æi- popotamus Lemerlei. En examinant les têtes d'Hippopotames d’Ambolisatra, à forme allongée, notre attention s’est arrêtée sur certaines d’entre elles dont les dents nous ont paru posséder des di- mensions toul à fait différentes de celles de l’Æippopotamus OSSEMENTS D HIPPOPOTAMES. 183 Lemerlei. Les molaires supérieures au lieu d’être aussi lon- gues que larges possédaient un diamètre antéro-postérieur plus grand que leur diamètre transverse. Afin qu’on puisse bien apprécier la différence que nous signalons, nous ins- crivons comparalivement les mensurations prises sur la têle allongée de l'Hippopotamus Lemerlei précédemment dé- signée par le n° 1 et celles évaluées sur deux autres têtes d'Hippopotames, à forme également allongée, trouvées dans la même localité. Hipp. Lemerlei. Hipp. ? Hipp. ? Ne 1 (Gg. pl. X). Ne 1. N°2. 3e molaire. Longeur....,........ 0,039 0,037 0,038 Earsount. : 4 I à 0,038 0,031 0,029 2e — 1 13 EL AM AE 0,034 0,033 0,036 Hargeur! leu 094.138 0,036 0,028 0,028 dre — Fongueuri.. 421 11 0,029 ARTE 0,024 Larsen eh à A LA 1 4 Ag 2 DS 0,022 4e prémolaire, Longueur......... 0,023 0,023 0,021 Éarseur. 4.1.2 0,023 0,018 0,022 ALL — Longueur es. 0,027 0,023 0,025 Lärseug. € J1r1YL0 0,018 0,015 0,016 22 — ÉQUENEUL ET. . : 4e 0,024 D IR SANE ES ARS 2 0,016 NI LS SORT s En présence de différences aussi importantes que celles qu'accusent les nombres précédents, il nous paraît impos- sible de réunir sous un même nom spécifique les deux formes d'Hippopotames trouvées à Ambolisatra. Nous ferons remarquer que les mensurations précédentes ont élé prises sur des sujets dont les dents élaient toutes al- térées par l'usure, et que par conséquent leur évolution était suffisamment faite pour que les pointes du compas, ser- vant à les mesurer, portassent bien sur leur collet. Nous ne pouvons, malheureusement, pas donner de ren- seignements sur la face supérieure de la tête, complètement abîmée sur tous nos échantillons. Les proportions relatives de la voûte palatine et de la partie de la base du crâne lui faisant suite seraient diffé- rentes si nous nous en rapporlions au seul exemplaire com- plet de la seconde espèce, que nous possédons. Nous avons vu que sur l’Hippopotamus Lemerlei le rap- 184 GRANDIDIER ET II. FILHOL. port existant entre ces deux régions était de 3,6 et 3.18. Sur l’Hippopotame que nous faisons connaître, la longueur de la voûte palatine est de 0,47 et celle comprise entre son bord postérieur et le bord inférieur du trou occipital de 0,10. Le rapport est donc de 4,7. Ce nombre est très éloi- gné de celui qui nous a paru le plus élevé sur les Hippopo- tames vivants 3,46 (Hipp. du Gabon.) et il est fort différent de celui que nous trouvons sur l’Aippopotamus Lemerlei. La réduction de la portion postérieure de la tête serait donc tout à fait caractéristique de la seconde forme d’Hippopo- tame dont nous nous occupons, et c’est pour rappeler l’allon- gement comparatif énorme de la voûte palatine, que nous proposerons de désigner l’espèce qu'elle constitue par l’ap- pellation d’Æippopotamus leptorhynchus. Étant donnée la différence que nous avions constatée dans la dentilion supérieure entre les Hippopotamus Lemerler et leptorhynchus, nous nous sommes préoccupés de recher- cher s'il n'existait pas parmi les nombreux maxillaires d'Hippopotames d'Ambolisatra dont nous disposions, quel- ques exemplaires supportant des molaires longues et étroites comme l’étaient celles de la mâchoire supérieure. Plusieurs mandibules de sujets adultes et vieux nous onl, en effet, offert les particularités que nous nous préoccupions de re- trouver, et nous transcrivons dans le tableau suivant les mesures relatives aux diverses dents inférieures de l'A2ppo- potamus leptorhynchus, en les mettant en parallèle de celles que nous avons constatées sur les exemplaires n° 1 et 2 de l’'Hippopotamus Lemerlei. Hipp. Le- Hipp. Le- H.lepto- Hipp. lepto- merlei. merlei. rhynchus. rhynehus. Noa N°2: Nat. NPp2: 3° molaire. Longueur ....... 0,057 0,057 0,050 0,059 LATÉOUE: ane 0,028 0,027 0,023 0,025 2e — Longueur ..... 1: 110,032 0,026 0,029 0,032 Larceur, + 262 0,030 0,026 0,022 0,024 1e 1 ="MNDengueurs. PAR DE 0,029 0,029 AS. Largeur, "011.258 ONE 0,028 0,019 «NE 4e prémolaire. Longueur..... 0.028. rond cer: rt SRATÉRE | LATÉeUF 7 em TDORD PRET Se - Pers OSSEMENTS D'HIPPOPOTAMES. 185 3° prémolaire. Longueur..... 1 : P' 1 SRRIERE RER 0,023 17 Largeur.. 0,015 ns 0,045, Nha ne 2, "= Longueur..... 0,024 DE. OT ee Laréeur. 2 0,014 rs À RER Nous nous sommes également préoccupés de rechercher parmi les nombreuses pièces du squelette dont nous dispo- sions, s’il n’en existait pas quelques-unes qui fussent dissem- blables entre elles. Or, au milieu, de la grande variélé de formes que nous avons été appelés à constater, nous n’en avons pas reconnu qui puissent être considérées comme appartenant plutôt à l’une qu’à l’autre des deux espèces. Les caractères des ossements fossiles découverts à Am- bolisatra, élant précisés comme nous venons de le faire, il reste à rechercher s'ils ne correspondent pas à ceux ren- conirés dans l’intérieur’ de Madagascar, ou bien s'ils en diffèrent. Grâce aux descriplions très précises de M. G.-A. Guldberg et grâce aux figures si nettes qu'il a fait dessiner, il est facile d'aborder ce parallèle. Nous ferons remarquer tout d'abord que la taille des Hip- popotames d’Ambolisatra était la même que celle de ceux de ces animaux provenant des marais de l’intérieur de l’île. La têle représentée par M. G.-A. Guldberg mesure suivant sa face inférieure 0,416. La longueur de celles que nous possédons oscille entre 0,38 (1) et 0,46 (2). La ligne de profil du crâne, à partir de l’espace imter- orbitaire, s'abaisse régulièrement, chez ces divers animaux, jusqu’à l'extrémité antérieure de la face, caractère que M. G.-A. Guldberg a signalé comme particulier aux Hippopo- tames de Madagascar. La largeur du crâne, dans sa partie la plus rétrécie, l'emporte sur celle de la face au niveau du point où celle-ci est le plus comprimée, chez les Hippopotames d’Ambolisa- tra comme sur ceux de l’intérieur. (1) Sujet encore jeune. PI. VII. , (2) Sujet très adulte. PI. X. 186 GRANDIDIER ET H. FILHOL. Le front entre les orbites est également déprimé de la même façon. | La saillie du maxillaire supérieur au niveau des canines est disposé de la même manière et possède le même déve- loppement. Les premières prémolaires supérieures occupent par rap- port au bord alvéolaire et à la canine la même disposition. La forme des diverses autres parties de la tête, celle du maxillaire inférieur, se trouvent être les mêmes sur les ani- maux que nous comparons. Si l'angle mandibulaire paraît plus détaché, plus recourbé en avant sur la pièce figurée par M. G.-A. Guldberg, comparé à celui faisant partie de l'échantillon représenté sur notre planche VII, cela tient seulement à l’âge fort différent des sujets, car nous retrou- vons une disposition semblable sur des maxillaires de mâles adultes faisant partie de nos collections. Il en est de même de ce qui concerne les rapports du condyle articulaire et de l'apophyse coronoïde. Il ne nous paraît pas, en présence d’un ensemble aussi grand de caractères identiques, qu'il puisse y avoir le moin- dre doute sur l'identité existant entre les Hippopolames des marais d'Ambolisatra et ceux des marais de l’intérieur de l’île. Il reste à savoir à laqueile des deux formes, que nous avons signalées, se rapporte l'Hippopolame décrit par M. G.-A. Guldberg. L'examen des figures qu’il donne ne per- met aucun doute à ce sujel. Les molaires étant aussi longues que larges, il s’agit évidemment de l'Æippopotamus Lemerlei, conclusion que prévoyait de son côlé, à la fin de son travail, le savant naturaliste que nous venons de citer. Le nom d’Aippopotamus Lemerlei (Grand.), étant antérieur à celui d'Aippopotamus madagascariensis, proposé par M. G.-A. Guldberg, devra donc désigner l’espèce que nous venons de décrire. La formation géologique dans laquelle ont été {rouvés les ossements d'Hippopotame sur les caractères desquels nous venons d'appeler l'attention est évidemment de date récente. OSSEMENTS D'HIPPOPOTAMES. 187 Pourtant on pouvait se poserla question suivante: A l’époque où vivaient à Madagascar les énormes Lémuriens signalés par M. Forsith Major, les Hippopotamus Lemerlei et leptor- hynchus, les Zébus, l'Homme avait-il déjà pris possession de celte grande terre? Une pièce trouvée dans le marais d’'Am- bolisatra permet de répondre avec certitude à celte ques- lion. Nous l’avons fait reproduire sur la planche XIV. Elle consisie en un fémur portant sur sa face antérieure et sur sa face postérieure deux entailles profondes. Étant donné, comme on pourra le constater en se rappor- lant à la planche XI, que les Hippopotames d'Ambolisatra devaient se livrer entre eux de nombreuxetterribles combats, amenant de véritables défoncements de leurs parois crà- niennes, on devait tout d’abord rechercher si les deux en- tailles, dont nous venons de parler, n'avaient pas été produites par quelque morsure. Or il suffit d'examiner la forme ovalaire des deux dépressions, et de constater que leurs surfaces sont absolument lisses, polies, pour reconnaître im- médiatement qu’il ne saurait être question d’un accident, mais bien d'un travail humain. Quel était Le but que pour- suivaient les Hommes primitifs qui se sont livrés à cet ou- vrage? Il est impossible de le dire, mais leur œuvre n'en est pas moins indiscutable. Nous sommes donc amenés à conclure, qu’alors que vi- vait à Madagascar une population animale, se rapprochant par certains de ses éléments de celle propre à l'Afrique, qu'alors qu’existaient de gigantesques Lémuriens, l'Homme s'élait déjà établi sur l’île de Madagascar, et que c’est sous ses yeux el probablement par suite de son action qu'ont dis- paru fous ces genres, dont des débris sub-fossiles nous réve- lent seulement la présence ancienne. Les Édentés colossaux de l'Amérique du Sud ont été vus par l'Homme, les Dinor- nis de Nouvelle-Zélande, les Marsupiaux énormes de l’Aus- tralie l'ont élé aussi, et à Madagascar il a pu contempler les Megaladapis el les Æpyornis. L'action, absolument inexpli- cable encore, qui a agi sur certains organismes, au début de 188 GRANDIDIER ET H. FILHOL. la période actuelle, et qui les à amenés à acquérir des pro- portions que nous ne retrouvons plus sur les animaux vi- vant aujourd’hui dans les mêmes régions, s’est étendue sur tout le pourtour de l'hémisphère austral. Et nous ajouterons, qu'il nous semble bien probable que des recherches à entre- prendre dans les cavernes du sud de l'Afrique, dans celles du Transvaal et du Natal où elles sont particulièrement nom- breuses, amèneront aussi, dans ces régions, la mise au jour d'ossements provenant de Mammifères ou d’Oiseaux de très grande taille. Ce qu'il ya de surprenant lorsqu'on considère les Hippopo- tames de Madagascar, c’est qu'alors que des actions de mi- lieux sollicitaient certains organismes et leur faisaient ac- quérir une énorme puissance, elles n'avaient aucune action sur d’autres, qui tout au coniraire possédaient une tendance à dégénérer, Ne serait-ce pas un indice que celles-ci n'étaient pas autochtones et qu'elles auraient été apportées par l'Homme? Ne se serait-il pas passé pour les Hippopotames, ce qui s'est passé pour ceux de nos Cerfs, qui transportés en Corse, soumis aux influences d’un climat marin, n’ont pas lardé à dégénérer, à un point tel qu'ils paraissent des nains à côté de leurs ancêtres continentaux? Ou bien les Hippopo- tames de Madagascar, n’étaient-ils pas un rameau du genre auxquels ils appartiennent, établi depuis longtemps sur cette terre et ayant acquis une fixité de caractères tels qu'ils n’é- taient plus susceptibles de modifications? Ce sont là des questions bien intéressantes, mais qu'on ne saurail que poser en ce moment. Leur solution dépend des découvertes, qui seront accomplies dans la même région, et nous avons tout lieu d'espérer que, sous l'influence d’une active civilisation, elle ne tardera pas à nousêtre révélée (1). (4) Les têtes d'Hippopotames actuels dont nous avons exposé les carac- tères, font partie des collections d'anatomie comparée du Museum de Paris (coll. publique et coll. du Laboratoire). Elles ont été mises obli- geamment à notre disposition par M. le pros eus Pouchet et par son assistant M. Bauregard. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE VII, Vue de profil d'une tête de jeune Hippopotamus Lemerlei. (Figure réduite ; longueur naturelle de la tête, 0,038, du bord postérieur du condyle au bord antérieur de l’alvéole de la canine.) PLANCHE VIII. Tête représentée sur la planche précédente et vue par sa face supérieure. (Même réduction.) PLANCHE IX. Vue de la même pièce par sa face inférieure. (Même réduction.) PLANCHE X. Voûte palatine d'Hippopotamus Lemerlei adulte. (Figure réduite; grandeur naturelle, 0,035.) PLANCHE XI. Tète de vieil Hippopotamus Lemerlei, vue par sa face supérieure. (Figure réduite ; grandeur naturelle, 0,039 de l'extrémité antérieure de la pièce représentée au bord extérieur du condyle occipital.) PLANCHE XII. Tête représentée sur la planche précédente vue par sa face inférieure. (Même réduction.) PLANCHE XIII. Fig. 1. Face postérieure de la tête d’Hippopotamus Lemerlei, reproduite sur les planches XI et XIL. (Figure réduite; grandeur naturelle, 0,118.) Fig, 2. Face postérieure de la tête représentée sur les planches VIT, IX et X. (Figure réduite ; grandeur naturelle, 0,128.) PLANCHE XIV. Fig. 1 et 2. Fémur d'Hippopotamus Lemerlei, présentant sur ses faces anté- 190 GRANDIDIER ET H. FILHOL. rieure et postérieure des entailles faites par la main de l’homme. (Fig. réduite; grandeur naturelle du sommet du grand irochanter au bord in- férieur du condyle externe, 0,32.) PLANCHE XV. Fig. 1, 2, 3, 4. Tibia d'Hippopotamus Lemerlei, vu par ses faces antérieure et postérieure, ainsi que par ses extrémités supérieure et inférieure. (Fi- gures réduites; grandeur nalurelle de la figure 1, 0,224.) CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA FAMILLE DES GALATHÉIDES Par MM. A. MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. Depuis l'époque, éloignée à peine de vingt ans, où les natu- ralistes ont pu explorer pour la première fois les abîmes de la mer, les collections zoologiques se sont accrues d’une multitude d'êtres jusqu'alors ignorés, qui ont offert aux cher- cheurs le champ d'investigation le plus vaste et le plus inté- ressant qu'on puisse imaginer. Tous les groupes du règne animal n'ont pas également bénéficié de ces mémorables découvertes ; de même que les animaux des continents se localisent suivant les besoins dans l'air, sur le sol ou dans les eaux douces, de même les animaux marins pré- sentent une organisation assez diverse qui permet aux uns de vivre dans les abîmes, aux autres de se confiner exclusivement près des côtes ou à la surface des eaux. Ces derniers sont suffisamment connus dans leur ensemble depuis longtemps et leur nombre n’a été que peu accru par les campagnes d'exploration sous-marine ; mais les autres se sont augmentés d’un contingent nouveau d’une telle im- portance que leurs cadres anciens ont été rompus et qu'il a fallu songer à reprendre complètement leur histoire. Il n’est peul-être pas, dans lout le règne animal, de famille plus instructive à ces divers points de vue, que celle des Gala- théidés ; répartis jusqu'ici dans les trois sous-familles des 192 MILNE-ED WARDS et E. L. BOUVIER. Ægléinés, des Porcellaninés et des Galathéinés, ses repré- sentants offrent aux naturalistes des exemples de localisation remarquable : les Ægléinés habitant exclusivement les eaux douces, les Porcellaninés les rivages de la mer, tandis que les Galathéinés s’enfoncent davantage dans les eaux des océans. Or, l’histoire des deux premières sous-familles n’a pas été sensi- blement modifiée par les découvertes qui résultent des ex- ploralions sous-marines, mais il en a été tout autrement de la troisième, dont l'importance a plus que doublé, et l’on a même dû former une autre sous-famille, celle des Diptycinés, pour tout un groupe très homogène de formes nouvelles exclusivement adaptées à la vie des profondeurs. Voici, du reste, abstraction faite des Ægléinés et des Por- cellaninés, le résultat numérique des additions, en genresou en espèces, qu'on à faites à la famille des Galathéidés depuis environ vingt ans, c'est-à-dire depuis l’époque où les grandes campagnes de dragages ont commencé. Elle comprenait alors les quatre genres Æqlea, Galathea, Munida, Pleuroncodes, dont les trois derniers formaient à eux seuls la sous-famille des Galathéinés ; depuis, celte dernière s'est enrichie de cinq genres nouveaux : Galacantha, Munidopsis, Galathodes, Elas- monotus et Orophorhynchus, à côté desquels il faut placer les trois genres Ptychogaster, Diptychus el Eumunida, qui cons- tiluent la sous-famille nouvelle des Diptycinés. Les genres Galatheaet Pleuroncodes,quicomprennent surtout des espèces subcôtières, comptent actuellement 33 espèces environ, dont 5 seulement proviennent de dragages en eau profonde ; mais les espèces du genre Munida se chiffrent par 39 au lieu de 7, et les autres genres de création récente ne com- prennent pas moins de 88 espèces nouvelles, si bien que sur les 162 espèces que comple à l'heure actuelle la sous-famille des Diptycinés et l’ancienne sous-famille des Galathéinés, 125 habitent les eaux profondes et sont restées inconnues jus- qu’au jour où des engins perfectionnés sont allés troubler pour la première fois les vastes espaces du fond des mers. Les travaux publiés jusqu'ici sur ces formes nouvelles sont LES GALATHÉIDÉS. 193 tous purement descriptifs, et laissent de côlé, ou à peu près, les généralités relatives à la famille tout entière ; les décou- vertes récentes nous permettent aujourd'hui d'entreprendre cette étude dont l'intérêt ne peut faire l’objet d'aucun doute. Ayant eu à notre disposition, d’une part les collections du Muséum, de l’autre celles recueillies par le Blake, le Hassler, le Travailleur, le Talisman et l’' Hirondelle, nous avons cru posséder les éléments suffisants pour donner, sinon une his- loire complète, au moins une esquisse très suffisante de la famille. Tous les genres, et près de 70 espèces, pour la plu- part abyssales, ont élé soumis à une étude minulieuse, dont les détails seront publiés ailleurs, mais dont l’ensemble forme à lui seul la substance même du travail qu'on va lire. Ce tra- _vail présente beaucoup de lacunes que nous n'avons pas tenté de dissimuler, et qui sans doute disparaîtront peu à peu à mesure qu'on connaîtra mieux la population des abysses ; tel qu'il est, nous pensons toutefois qu'il peut être utile, et c’est pourquoi nous le présentons aujourd’hui aux zoologistes. Il CARACTÈRES ADAPTATIFS ET CARACTÈRES HÉRÉDITAIRES Les Galathéidés sont, comme les Paguriens, des Crusta- cés essentiellement plastiques où les influences adaplatives ont agi avec une grande intensité. Mais tous les organes n'ont pas élé également sensibles à ces influences ; les uns ont conservé les caractères qu'ils avaient chez les formes les plus primitives de la famille, d’autres ont évolué dans des direc- tions diverses, mais d’après des processus généraux qui sont le propre des Crustacés décapodes, d’autres enfin ont été soumis à des règles d'adaptation plus particulières et d’ail- leurs spéciales aux Galathéidés. [Il est nécessaire d'établir un départ entre ces trois ordres de caractères, et surtout de bien déterminer le rôle et la nature des phénomènes adapla- tifs, si l’on veut comprendre clairement l’histoire intime de cette très intéressante famille. Les appendices céphaliques. — Ge sont les appendices ANN. SC. NAT. ZOOL. XvI, 43 194 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. céphaliques, particulièrement les yeux et les antennules, qui, chez les Galathéidés, ont surtout ressenti l'influence de l’a- daptation au genre de vie et au milieu ambiant. Les pédoncules oculaires, et les yeux qui les terminent, ne présentent que des caractères normaux dans la sous-famille des Ægléinés et dans celle des Diptycinés, abstraction faite des Æumunida. Ce fail n’a rien que de très naturel en ce qui concerne les Ægléinés, animaux d’eau douce qui reçoi- vent par conséquent, avec une grande intensité, les rayons lumineux ; mais les Diptycinés vivant à des profondeurs comprises entre 160 et 1340 mètres, c’est-à-dire dans des régions sous-marines où n'arrive que peu ou pas la lumière du dehors, on doit expliquer chez eux, comme chez les Pagu- riens abyssaux, le développement des yeux, c’est-à-dire en admettant,conformément à tousles faits jusqu'ici connus, que les abîmes de la mer ne sont pas plongés dans une obscurité complète, mais qu'ils sont éclairés par la lumière douce et tranquille des animaux phosphorescents (1). Cette explication ne suffit plus lorsqu'il s’agit de la sous- famille des Galuthéinés et des Eumu- nida, parce que toutes les transforma- tions et tous les degrés d’atrophie que peut subir l'appareil visuel des Crusta- cés décapodes, paraissent s'être con- centrés dans ces groupes. Les Gala- thea, qui sont les formes subcôtières du groupe des Galathéinés, et les Porcel- laniens qui en sont les formes côtières, ont des pédoncules oculaires et des yeux (fig. 1, Galathea rostrata) qui rappellent à tous égards ceux des Ægléens et des Diptyciens, ce qui est d’ailleurs tout à fait naturel, ces animaux habitant tous des fonds où pénètre la lumière du jour. Il est plus étonnant déjà de voir les yeux des P/ewron- (1) A. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, Observations préliminaires sur les Paguriens recueillis par les expéditions du Travailleur et du Talisman (Ann. des sc. nat., sér. 7,t. XIII, p. 193, 1892). LES GALATHÉIDÉS. 195 codes et des Munida se dilater dans des proportions lout à fait étranges et présenter une surface cornéenne susceptible - d'explorer des horizons très étendus (fig. 2, Munida stimp- soni) ; ces animaux habitent des profondeurs beaucoup plus grandes que les Galathées, et on ne saurait douter que cette condilion n'ait influé sur le développement de leurs yeux ; mais comment expliquer alors la dilatation bizarre d’un organe qui a gardé des proportions ordinaires chez les Diptyciens, animaux dont les préférences bathymétriques ne diffè- rent aucunement de celles des Mu- nida ? Comment expliquer surtout la disparition de la rétine et la cécité complète qu’on observe chez tous les Galathéens non flagel- lés, c’est-à-dire chez les Galacantha, Munidopsis, Galathodes, Elasmonotus et Orophorhynchus, animaux presque exclusi- vement abyssaux, qui paraissent rechercher surtout les pro- fondeurs de 900 à 1900 mètres, et qui atteignent parfois les dernières limites où la vie continue à se manifester ? Pour- quoi ces animaux ne sont-ils pas doués de la vue comme les Diptychus et comme les Paguriens des mêmes niveaux? Pour- quoi aussi ne se font-ils pas remarquer par une dilatalion de la cornée plus grande encore que celle qu’on observe chez les Munida ? On ne peut répandre d’une manière satisfaisante à ces diverses questions qu'en supposant aux Galathéinés et aux Eumunida des habitudes très différentes de ceiles des Dipty- cinés. Cette hypothèse est corroborée par tout ce que l’on sait des mœurs de ces divers animaux : les Galathéinés, dont on connaît exactement l'habitat, se tiennent en effet sous les pierres ou cachés dans les anfractuosités étroites et pro- fondes des rochers; tous les Diptycinés, au coniraire, dont on a observé les habitudes (à l'exception des Eumunida), vivent sur le fond lui-même, accrochés par leurs appendices 196 MILNE-EDWARDS et E.-L. RBOUVIER. aux rameaux des colonies arborescentes de polypes hydraires et de coraux. Si l’on élend aux Eumunida et à tous les Gala- théinés ce que l’on sait de quelques-uns de ces animaux, et aux Dypticinés des genres Diptychus et Ptychogaster ce que l'observation nous a révélé de certains Diptychus ; sion admet, en d'autres termes, que les Péychogaster el les Dip- tychus, c'est-à-dire les Diptycinés grimpeurs, se tiennent dans des espaces libres où circulent librement les rayons lumineux quelle que soit leur origine, et que les Gala- théinés et les £umunida, qui sont des animaux marcheurs, recherchent les coins retirés et les réduits couverts où règne une demi-obscurité, sinon l’obscurité complète, les con- iradictions que nous avons relevées plus haut disparaissent alors et se résolvent d’elles-mêmes: les Galathées et les Porcellaniens d'un côté, les Diptyciens de l’autre, ont des yeux normalement développés, parce qu’ils reçoivent les uns et les autres une quantité de lumière suffisante, soit que cette lumière arrive du dehors et pénètre en s’atténuant dans les trous, comme c’est le cas pour les Galathées et les Porcellaniens qui fréquentent les rivages et la région sub- côtière, soit qu'elle vienne directement du dehors ou des animaux phosphorescents qui la produisent, comme c’est le cas chez les Dipiycinés grimpeurs. Les Wunida et les Eu- munida se trouvent très sensiblement aux mêmes profon- deurs que les Diptycinés grimpeurs, mais leur genre de vie étant plus caché, ils ne reçoivent pas directement la lumuère qui suffit à ces derniers, etleurs yeux se développent d'autant pour la mieux utiliser. Celte dilatation des yeux alteint des proportions énormes et peut passer sans contredit pour un des caractères les plus frappants des Munida ; elle leur per- met de se contenter des faibles rayons qu’envoie, au fond de leurs refuges, la lumière déjà très affaiblie qui éclaire direc- tement les Diptycinés grimpeurs. Lorsqu'on dépasse les fonds de 400 mètres, c’est-à-dire ceux qu’affectionnent surtout les Munida et les Eumunida, la phosphorescence éclaire seule et remplace les rayons LES GALATHÉIDÉS. 197 éteints du dehors; celte lumière doit d'abord avoic une in- tensité assez grande, étant donnée la grande quantité d’ani- maux phosphorescents qu'on trouve dans les profondeurs moyennes, mais peu à peu cette lumière elle-même diminue avec le nombre des animaux qui la produisent, et l’on arrive aux abysses de 4000 mètres et au delà que doivent éclairer bien vaguement les rares animaux de ces régions. Que ces lueurs suffisent aux yeux d'animaux vagabonds comme les Paguriens, ou grimpeurs comme les Diplycinés, on le com- prend encore, mais ce qu'on ne comprendrait guère, c'est qu'une quantité de lumière aussi faible pût utilement servir encore à des espèces craintives et cachées comme les Gala- théens. La dilatation exagérée des yeux, qui a pu suffire à ces animaux tant qu'ils recevaient quelques rayons du dehors, ou la lueur encore intense des fonds les plus phosphorescents, cette dilatation, disons-nous, finit par perdre toute efficacité et le Crustacé devient irrémédiablement aveugle. C’est ce que l’on observe, comme nous l’avons dit plus haut, chez toutes les formes.les plus abyssales de la tribu, c’est-à-dire dans tout le groupe des Galathéens sans fouet (Galacantha, Mu- nidopsis, Galathodes, Elasmonotus, Orophorhynchus),animaux qui recherchent pour la plupart des fonds de 1000 à 2000 mètres. — Cette influence de la profondeur sur les Galathéens s’est fait sentir de deux manières, soit par une réduction considérable des pédoncules oculaires et de la cornée quiles termine, soit par l’atrophie pure et simple de la rétine et des cornéules de là cornée. Le premier mode, le moins fréquent des deux d’ailleurs, se manifeste avec une évidence très grande dans la Munida maicrophthalma, espèce qui se trouve par des niveaux de 1000 brasses, et dont les yeux sont si réduits qu'on pour- rait presque, à juste titre, la considérer comme aveugle; il est vraisemblable que ce mode a dû conduire à des espèces tout à fait aveugles, comme certains Mumidopsis et Elasmo- notus dont la surface cornéenne devient très pelite, mais nos connaissances sur les affinités des genres et des espèces sont 198 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER, encore trop peu étendues pour qu'il soit possible d’aborder une analyse de cette nature. Le deuxième mode nous paraît de beaucoup le plus répandu, et nous montre que les Gala- théens aveugles se rattachent au genre Munida par l’atrophie pure et simple des parties sensibles de l'œil. Ce sont, en effet, des espèces à cornée remar- quablement dilatée, comme la Gala- cantha spinosa (fig. 3) et la Munidopsis Talismant qui se rangent parmi les formes les plus primitives des Gala- théinés aveugles; et l’on serait tenté de les rapporter aux Munides, si les épines sus-orbitaires qu’on observe dans ce dernier genre n'avaient déjà com- plètement disparu. Peu à peu, dans ce nouveau groupe, on voit s’atténuer pro- gressivement le diamètre de la cornée (Munidopsis robusta, M. reynoldsi, etc.) qui, étant devenue inutile, finit par se réduire beaucoup (Æ£/asmonotus et Oro- phorhynchus), et parfois même perd complètement la plu- part de ses caractères (Mumidopsis spinoculata, Elasmonotus squamosus). Ayant perdu les propriétés sensorielles qui les caractérisent, les pédoncules oculaires s'adaptent à des fonctions tout autres, et arrivent à se transformer en armes défensives analogues aux saillies résistantes et solides qui se rencontrent plus ou moins nombreuses sur les différentes parties du test. L'arceau ophthalmique sur lequel ils sont implantés perd sa mobilité en se soudant aux parties voi- sines (la plupart des Galathéens aveugles), puis ils se soudent eux-mêmes par la base à cet arceau (Munidopsis antomi, Orophorhynchus marionis), enfin ils font corps peu à peu avec le rostre lui-même, et deviennent alors une dépen- dance de l'appareil frontal (Elasmonotus squamosus, Oro- phorhynchus Parfaiti, fig. 4, etc.). En même temps se déve- Fig. 3. LES GALATHÉIDÉS. 199 loppe sur les yeux une saillie épineuse qui, en grandissant, devient semblable à une dague emmanchée; cette saillie apparaît d’abord, sous une forme très rudimentaire, dans l’échancrure supérieure de la surface cornéenne (Wunidopsis media, M. serratifrons, etc.) ; à mesure qu’elle s’allonge et prend la forme d’une épine (Munidopsis antoni (fig. 5), M. Fig. 4. aculeata), elle se déplace soit en avant, soit latéralement, et finit même par occuper le centre de la surface cornéenne (Munidopsis spinoculata). Ces phénomènes adaplatifs attei- gnent le maximum de leur intensité dans la plupart des espèces du genre Orophorhynchus, et notamment dans l'O, hoidus (fig. 12, p. 208) : efficacement abrités sous un large rostre, les pédoncules oculaires de cette espèce se soudent à ce rostre lui-même, ainsi qu'à leur arceau ophthalmique, d’ailleurs tout à fait ankylosé; leur surface cornéenne est très réduite, son échancrure a persque disparu, et l'on observe sur son bord interne une épine dirigée en avant qui complète les modifications si bizarres qu'ont subies les pédoncules. Ainsi, les Galathéens et les Eumunida à la fois souffrent et profilent du genre de vie retirée qu'ils ont choisi : ils en profitent, parce qu'ils trouvent dans leurs retraites un abri contre beaucoup de leurs adversaires; ils en souffrent, parce qu'ils ne bénéficient qu'incomplètement de la lumière am- biante, et qu'ils finissent même par devenir aveugles. [ls ï 200 MILNE-EDWALRDS et E.-L. BOUVIFR. jouissent d’un abri protecteur comme les Paguriens, mais ne pouvant se déplacer avec cet abri, ils restent plongés dans une obscurité parlielle ou complèle, qui paralyserait certainement leurs movens d’altaque et de défense, s'ils n'étaient doués d'organes sensoriels accessoires vraisembla- blement propres à explorer le milieu retiré où ils vivent. Ces organes à peine connus, et considérés jusqu'ici comme dénués d'importance, sont en fait essentiellement caracté- ristiques des Galathéinés et n'existent même pas chez les Eumunida. Is se composent d'une rangée de soies (fig. 6, s, Munida afjinis) qui occupe le bord antérieur du dernier article des pédoncules antennulaires, et qui s’interrompt un peu en dessus, très largement en dessous. Les soies sont ordinairement très grandes et attei- gnent parfois la longueur du fouet su- périeur des antennules; presque tou- jours ornées de barbules latérales, elles forment par leur ensemble, au- tour des deux fouets antennulaires, une sorte de capuchon à claire-voie qui s'ouvre largement en avant et en dessous, el qu présente une fente lon- gitudinale étroite du côté dorsal. Ces soies existent déjà chez les Galathées, c’est-à-dire chez les espèces subcôtières les plus primitives de la sous-famille, elles apparaissent d’ailleurs dans ce genre, et toules les espèces sont loin d’en être pour- vues ; mais on a constaté leur présence chez toutes les espèces bien observées du genre Munida, et, à part une ou deux exceptions (Munidopsis abbreniata, Elasmonotus squamosus), chez tous les Galathéinés aveugles que nous avons étudiés; il est très rare qu’on les trouve à un état plus ou moins rudimen- taire, comme nous l'avons observé chez quelques Porcella- niens et dans deux espèces de Galacantha. Fig. 6. LES GALATHÉIDÉS. 201 Cherchons maintenant la raison d’être et le rôle de ces soïes antennulaires accessoires chez les Galathéinés. Unepremière interprélation serait de voir dans ces organites des forma- lions propres aux espèces aveugles et destinées à compenser, par une sensibilité accessoire plus grande, et probablement tactile, la perte de la vue. Cette hypothèse n’est pas dénuée de fondement, maiselle est insuffisante, parce qu’elle n’explique la présence des soies ni chez les Porcellanes, ni chez les Munides, ni chez les Galathées qui en sont pourvues. On ne saurait davantage prétendre que ces soies sont adaptées à quelque fonction abyssale, car on les trouve chezles espèces côlières (Porcellanes), comme chez celles des abîmes (Gala- théinés aveugles), et d’ailleurs elles font toujours et absolu- ment défaut chez les Diptycinés, animaux qui habitent des profondeurs aussi grandes que les Munides et que beaucoup de Galathéinés aveugles. Pour nous, les soies antennulaires accessoires sont la conséquence du genre de vie caché et presque souterrain que mènent les Galathéinés. Réfugiés dans des retraites protectrices, mais toujours plus ou moins obscures, Ces animaux se trouveraient placés dans des condi- tions vitales singulièrement désavantageuses, s'ils n'étaient capables d'explorer quand même, aussi parfaitement que possible, le milieu reliré où ils vivent, et c’est aux soies antennulaires accessoires que serait dévolu ce rôle. Ces soies, qui n'existent pas chez les Macroures, se sont déve- loppées peu à peu, mais très irrégulièrement, chez les Gala- thées, qui sont les formes les plus voisines des Macroures ; elles sé sont transmises ensuite par hérédité, d’une part aux Galathéinés des profondeurs (Munida, espèces aveugles), de l’autre aux formes côtières, c’est-à-dire aux Porcellaniens. Elles sont certainement plus utiles aux animaux du premier groupe qu'à ceux du second, et aux Galathéinés abyssaux qu'aux Galathées proprement dites, comme le prouve d’ail- leurs leur fréquence beaucoup plus grande, mais elles sont uliles dans les deux cas, el c’est pour cela sans doute que nous les retrouvons presque toujours chezles Porcellaniens. 202 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. Ainsi s'expliquent, à notre avis, les variations frappantes que présentent les yeux et les antennules dans les différents groupes de la famille des Galathéidés. La présence presque constante de poils antennulaires, de même que le développe- ment exagéré ou l’atrophie complète des yeux chez certains Galathéinés, nous paraissent être la conséquence du genre de vie de ces animaux el non de leur habitat plus ou moins abys- sal. Que les soies antennulaires accessoires, avec leurs pro- priétés tactiles, soient d'une utilité très grande pour les espèces aveugles, on n’en saurait douter, mais c’est bien certainement donner de tous ces faits une interprétalion trop étroite que de considérer, avec M. Henderson, le développe- ment de l’appareil tactile comme une conséquence probable dela cécité chezles Galathéens aveugles (1). Au reste M. Hen- derson n'ayant pas étudié les soies antennulaires acces- soires, ne pouvait être mis sur la voie d’une explication plus générale, et il s’est contenté d'attribuer ce pouvoir tactile compensateur aux longs fouets antennaires que présentent quelques espèces aveugles, sans chercher son équivalent chez les nombreuses espèces, également aveugles, où ils sont mé- diocres ou très réduits. En dehors descaractères adaptatifs sur lesquels nous venons d'insister, les Galathéinés présentent un certain nombre de caractères héréditaires qui varient suivant les groupes, mais qui sont tous d’un haut intérêt pour la détermination des affinités de la famille. Les Ægléinés diffèrent de tous les autres Galathéidés par la présence d’écailles ophthalmiques, par l’article basilaire peu renflé de leurs antennules, de même que par le fouet supérieur étroit, muni desoies courtes et formé de très nombreux articles, des mêmes appendices (fig. 7, Æglea levis) ; ces caractères sont propres aux Pagu- riens et montrent que les deux groupes ont une origine commune. Ils sont d’ailleurs accompagnés de caractères franchement macrouriens, parmi lesquels il faut citer la (4) J. R. Henderson, Anomura, Challenger, Zool., vol. XXVII, p. 148, 1888. LES GALATHÉIDÉS. 203 présence d’un acicule mobile rudimentaire sur les pédon- cules antennaires et l'indépendance absolue du troisième article des mêmes pédoncules vis-à-vis du deuxième; ces deux caractères se rencontrent également chez les Diply- cinés (fig. 8, Eumunida picta : a, acicule), où ils s’exagèrent même, grâce au développement en général beaucoup plus grand de l’acicule; ils disparaissent au contraire complète- ment chezles Galathéinés (voir fig. 4 et 5, p. 199) et c’est tout au plus si, chez quelques espèces primilives de cette sous- famille (Galathea squamifera, G. dispersa) (1), on observe encore, en avant du second article, un acicule des plus rudi- mentaires. La carapace. — L'influence de l’adaptation se fait sentir sur la carapace comme sur les appendices céphaliques, mais ses effets sont ordinairement plus vagues et, dans tous les cas, moins faciles à interpréter. Il semble pourtant qu'il y ait une relation entre le genre de vie et l'habitai de l’animal d’une part, de l’autre entre lesornements de la carapace et des dif- férentes parties du corps : les Galathéinéset les £umunida se distinguent par leurs lignes ciliées parallèles, les Diptycinés proprement dits par leur test brillant et lisse, les Ægléinés par un revêtement chitineux simplement marqué de fines (4) J. Bonnier, Les Galatheidæ des côtes de France (Bulletin scient. de la France et de la Belgique, sér. 3, t. I, 4888, p. 60). 204 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER, poncluations. Ces caractères sont suffisamment constants el tranchés pour qu'on puisse les considérer comme le résul- tat de phénomènes adaptatifs divers, dont la nature exacte nous est complètement inconnue. Une influence beaucoup plus générale, parce qu'elle est indépendante du groupe zoologique et jusqu'à un certain point du genre de vie, est celle qu’exerce la pression de l’eau, c'est-à-dire le niveau bathymétrique, sur les animaux des profondeurs. Plus les espèces sont abyssales, plus leur test est épais et calcifié; c'est ce qu’on observe avec une grande évidence chez les Diptychus, et beaucoup mieux encore dans la longue série des Galathéens aveugles. Toutefois la calci- fication du test paraît être soumise à d’autres influences que la profondeur, parce qu'elle varie assez brusquement avec les caractères zoologiques : c’estainsi que les Munida, les Eumu- nida et les Ptychogaster, animaux qui habitent fréquemment les mêmes niveaux que beaucoup de formes àtégumentsépais- sis, ne présentent jamais qu'une faible calcification de leur test. Chez les Prychogaster, la calcification devient même aussi faible que possible, et la carapace translucide dissimule très incomplèlement les organes qu’elle abrite; ces animaux sont pourtant voisins des Diptychus, dont la carapace est calcifiée et porcelanée, mais leurs épines membraneuseset leurs appendices démesurément allongés semblent indiquer un genre de vie spécial, auquel serait contraire la dureté du test. | En même temps qu'ils acquéraient par adaptation les carac- tères précédents, les Galathéidés ont été soumis à la loi d'évolution. générale, d’après laquelle les Crustacés déca- podes rampants semblent s’acheminer versie type brachyure comme vers la forme définitive et la plus parfaite du groupe. Cette évolution se fait sentir sur la carapace par un aplatisse- ment plus ou moins notable, dont un des résultats est d’aug- menter le diamètre transversal des chambres branchiales, qui gagnent en largeur ce qu’elles perdent dans le sens ver- tical. Ce caractère ne se manifeste pas avec un égale intensité LES GALATHÉIDÉS. : 205 dans toutes les formes de la famille, et il doit même s'atté- nuer sensiblement chez beaucoup d'espèces aveugles ; il atteint _ son développement maximum chez les Porcellaniens, qui doivent en partie à la largeur et à l’aplalissement de la cara- pace leur grande ressemblance avec les Crabes, et qui en pro- fitent pour se blotlir ou s’embusquer sous les pierres el dans les fentes des rochers. C'est aussi à des phénomènes progressifs d'évolution qu'il faut rapporter l’arrangement et les modifications que subis- sent les aires, les sutures et les lobes à la surface de la cara- pace. La ligne de suture la plus accentuée des Galathéidés est la /2gne anomourienne (linea anomourica, [, fig. 9, Pty- chogaster formosus), ainsi nommée par M. de Haan, parce qu'elle ést un des caractères les plus frappants des Dé- capodes anomou- res. Cette ligne a son origine au fond de l’échancrure profonde que pré- sente en avant, au- dessous de l’angle externe du front, le bord antérieur des flancs; elle se dirige en arrière paralièlement aux bords laté- raux de la carapace, et alteint, quand elle est complète, soit la partie postérieure du bord inférieur des flancs, soit le bord postérieur de la carapace. C’est un caractère spécial aux Anomoures, et on ne le trouve même pas encore chez les formes les plus simples du groupe, telles que les Paguriens du genre Pylocheles ; ilse présente chez tous les Galathéidés, mais la partie antérieure de cette ligne, comme l’a observé à juste titre M. Boas, existe seule chez les Ægléinés, qui res- semblent par conséquent à ce point de vue aux Paguriens primitifs du genre Mirtopagurus. Les lobes et la ligne de suture de la carapace, chez les Anomoures, ne paraissent pas avoir fixé suffisamment l’atten- 206 MILNE-ED W ARDS et E.-L. BOUVIER. lion des naturalistes, et leur étude a été particulièrement négligée dans le groupe qui nous occupe. Aussi les diver- gences existent-elles, nombreuses et fréquentes, entre les divers auteurs : M. Bonnier (1) regarde comme hépatiques (L, fig. 10, 11, 13 et 15), des lobes que M. Boas (2) figure en dehors de la suture cervicale ; et que l’un de nous (3), suivi en cela par M. Henderson(4), considère comme des lobes bran- chiaux antérieurs, délimités par un sillon accessoire (f, fig. 10 et 5) issu de la bifurcation de la suture cervicale (s, fig. 10 et 5). Notre intention n’est pas de traiter accessoirement, dans ce Mémoire, une question délicate entre toutes, et qui réclame encore de nombreuses recherches com- paratives, mais nous tenons à dire pourquoi nous ne croyons pas qu'il soit possible de considérer comme des lobes hépatiques les deux régions ci-dessus menlion- nées. Ces lobes, en effet, sont par- faitement représentés chez les Paguridés et chez les Ægléinés (L, fig. 10, Æglea levis), sous la forme de régions allongées et vaguement losangiques situées tout entières du côté dorsal et placées en arrière des deux lobes (H, fig. 10, 11 et 15) plus ou moins distincts que tous les naturalistes considèrent comme hépaliques; bien plus, dans ces deux groupes, la sulure cervicale est indiquée, sur la face inférieure de la carapace, par une saillie irrégulière qui n'existe pas sur la branche de bifurcation, et comme cette saillie passe tou- jours en avant des lobes, ceux-ci ne peuvent dès lors être Fig. 10. (1) J. Bonnier, Loc. cit., p. 76 et figures. (2) Boas, Studier over Decapodernes Slægskabsforhold (Vid. Selsk. Skr., 6 Rœkke, nat. og mat. Afd. 1, 2, pl. IV, fig. 145, 1880). . (3) A. Milne-Edwards, Dragages du Blake ; Etudes préliminaires sur les Crustacés (Bull. Mus. Comp. Zool., vol. VIE, p. 52. 55, 1880). (4) J. R. Henderson, loc. cit., nombreuses diagnoses d’espèces. LES GALATHÉIDÉS. 207 considérés comme hépatiques. Ce qui s’applique aux Pagu- ridés et aux Ægléinés peut s'appliquer aussi aux Galathéens _ (fig. 5 p. 199)el aux Ewmunida, avec cette différence que les lobes descendent sur les flancs jusqu’à la ligne anomou- rienne et que le bourrelet de la face inférieure se rencontre parfois, avec un certain développement, sur la branche émise par la suture. Les Diptycinés diffèrent de tous les autres membres de la même famille par leurs sillons et par leurs lobes peu distincts, mais la disposition fondamentale est essen- tiellement la même, et le seul fait important à signaler est le grand développement des deux lobes (I, fig. 11, Diptychus rubro-vittatus) qui viennent se mettre en rapport avec la partie antérieure de l’aire cardia- que. Si les deux lobes ne peuvent, en aucune facon, être considérés comme hépatiques, nous ne croyons pas davantage qu’ils appartiennent exclu- sivement aux régions branchiales. Les Diptychus et les Ptychogaster nous montrent, en effet, avec une grande netteté, la ligne de démarcation qui sert de limile aux aires branchiales, et cette ligne se réunit en arrière avec la branche postérieure de la suture cervicale; bien plus, les espèces transparentes des deux genres permettent aisément d'étudier les parties sous-jacentes, et ces parties se com- posent essentiellement de muscles qui s’insèrent sur les téguments chilineux des lobes. Chez les Galathéinés, une dis- section, même superficielle, met également en évidence des faisceaux musculaires; chez les Ægléinés et chez les Pagu- ridés il en est encore de même, mais les muscles sont plus pressés, quoique moins nombreux. Dans tous les cas, ces lobes servent plus ou moins complètement de toit aux cham- bres branchiales, et à ce point de vue peuvent conserver Fig. 11. 208 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. leur nom de lobes branchiaux antérieurs ; mais ils ont en même temps des rapports étroits avec la musculature du corps, et présentent en cela des analogies assez frappantes avec les aires gastriques et hépatiques. Les deux lignes qui séparent, de chaque côté, les régions branchiales de l’aire cardiaque, présentent leur maximum de nettelé chez les Ægléinés (fig. 10, p. 206), où elles encadrent le polygone allongé qui constitue l’aire cardiaque propre- ment dite (C); les régions branchiales (B) sont en outre par- courues, dans la même sous-famille, par une ligne transver- sale supplémentaire qui présente des analogies éloignées avec les lignes branchiales réticulées des Paguriens. Chez les Diptycinés (fig. 11, p. 207), les deux lignes branchio-car- diaques sont nettes, quoique très peu profondes, souvent elles se rapprochent beaucoup et parfois même se touchent presque vers le milieu de l'aire cardiaque, qu'on trouve par le fait divisée en deux par- lies par un élranglement, comme on l’observe aussi dans de nombreux Paguriens. Chez les Galathéinés les lignes branchio-cardiaques sont vague- ment indiquées, et paraissent se ren- contrer sur la ligne médiane, en avant du bord postérieur, puisque l'aire cardiaque se termine en pointe en avant de ce bord. Chez toutesles espèces de ce groupe, l'aire cardiaque s’élargit beaucoup en avant; chez les Munides et la plupart des espèces aveugles, elle se creuse, en arrière de la région gas- trique, d’une profonde échancrure transversale (fig. 12, Orophorynchus lividus). Dans l'Orophorhynchus Par/faiti, les parties comprises entre cetle dépression et les lobes bran- chiaux antérieurs sont séparées des parties voisines par des sillons et forment une paire de lobes distincts, qu’on pourrait appeler lobes branchiaux internes (K, fig. 13), parce qu'ils ee PE LES GALATHÉIDÉS. 209 nous paraissent plus franchement appartenir aux régions branchiales qu’à l'aire cardiaque. Dans la même espèce, et à un degré beaucoup moindre chez beaucoup d’autres Gala- théinés, des sillons issus de différents points de la suture cer- vicale délimitent dans l'aire gastrique des lobes pairs ou impairs (fig. 12, p. 208), auxquels on ne peut guère appliquer les noms que H. Milne-Edwards a proposés chez les Paguridés. Cer- tains Porcellanidés présentent des sillons et des lobes nombreux, d’autres en sont presque dépourvus. Les homologies de ces parties ne pourront être éludiées avec fruit que dans un travail d'ensemble sur tous les Crustacés anomoures. L’aire hépatique (H, fig. 5, 10, 11) est limitée en dedans par un sillon qui part de la suture cervicale et qui aboutit entre le rostre et l'angle antéro-latéral de la carapace ; elle empiète à la fois sur le front et sur les flancs. Grâce à ces relations, qui sont parfaitement nettes chez la plupart des Galathéinés, on peut, dans les cas douteux, déterminer exactement la position de l'angle externe du front, commeil est facile de s’en convaincre par une étude rapide de l’Orophorhynchus aries. Si les homologies que nous avons établies précédemment sont exactes, et si les Ægléinés sont soumis aux mêmes lois mor- phologiques que les Galathéinés, on devra considérer comme un angle antéro-externe simplement apparent, le lobe aigu et saillant (0, fig. 10, p. 206) qui limite en dehors la cavité orbitaire chez les Ægléinés, et attribuer au front la partie des bords latéraux qui s'étend entre ce lobe et la première échancrure latérale de la carapace (fig. 10, p. 206, échan- crure de a). Chez l'Orophorhynchus lividus, au contraire, l'angle externe vrai (4, fig. 12, p. 208) est situé tout à fait à côté de l'œil, et l’angle externe apparent (4, fig. 12, p. 208) se trouve rejeté beaucoup plus loin en dehors el en arrière. ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 14 240 MILNE-ED WARDS et E.-L. BOUVIER. L'aire frontale est parfaitement délimitée chez les Munida (fig. 2, p. 195), où elle est creusée d’un profond sillon trans- versal en arrière duquel se trouve presque toujours, sur l'aire gastrique, une série d’'épines souvent très inégales. Dans les Galathéens, les Porcellaniens et la plupart des espèces aveugles, la ligne d'épines existe seule ou est simplement indi- quée par une saillie de la région gastrique. Chezles Diptycinés, cette ligne est le plus souvent moins distincte encore; enfin, chez les Ægléinés cette ligne se retrouve encore, munie d’as- pérités, à droite et à gauche de la saillie médiane du rostre. La présence d’un rostre très développé est un caractère qui rapproche beaucoup les Galathéidés des Macroures du groupe des Astacidés, et qui les éloigne des Paguriens. C'est chez les Diptychus (fig. 11, p. 207) et les Æglées (fig. 10, p. 206) que ce prolongement du front présente le plus de ressemblance avec celui des Astaciens, en raison de sa lar- geur, de sa forme triangulaire et de ses bords non découpés. Il se complique beaucoup ou change de forme, comme on le verra plus loin à l'étude des genres, et devient large et à peine saillant chez les Porcellaniens. La forme et les ornements de la carapace restent souvent sensiblement constants dans chacun des groupes de la famille des Galathéides, et ils sont précieux pour reconnaître les affinités que présentent entre elles les diverses formes de la famille ; aussi sont-ils constamment employés, suivant leur importance, pour délimiter les tribus, les genres ou les espèces. L’'abdomen.— La calcification du test, la présence de lignes ciliées, le développement de dents ou d’épines abdominales, sont des caractères adaplatifs qui sont dus, sur l'abdomen, aux mêmes causes que sur la carapace ou d’autres parties de test; il n'y a donc pas lieu d'insister. Les anneaux de l'abdomen sont bien développés, et tous, à l'exception du premier et du dernier, sont munis d'é- pimères très allongés. Ces caractères macrouriens, qui se rencontrent même chez les Porcellanes, se modifient de di- - pas élé modifiée dans sa forme LES GALATHÉIDÉS. :: : 211 -verses manières suivant le genre de vie et le degré d’évolu- on de l'animal. Les arceaux abdominaux sont très convexes, el forment, appliqués contre le thorax, une sorte de chambre incubatrice bien close chez les Diptychus et les Ptychogaster ; ils sont beaucoup plus déprimés chez les £umunida, chez les Ægléinés et dans la plupart des Galathéens, enfin ils de- viennent presque plats chez les Porcellaniens et ne contri- _buent pas à épaissir beaucoup le corps de ces animaux. Tous les anneaux de l'abdomen, quels qu’ils soient, renferment des muscles encore puissants, qui s’atténuent déjà beaucoup chez les Diptycinés et qui disparaissent en grande partie chez les Porcellaniens. Ces variations dans le volume des muscles sont le résultat du genre de vie de l'animal ; les Galathéens battent encore l’eau avec leur queue, mais les Porcellaniens et les Diptycinés grimpeurs ne s’en servent guère que pour abriter leurs œufs, les premiers se contentant de camper sous les _pierres, et les seconds de se suspendre aux rameaux des co- lonies d'Hydraires. [lest probable que les Zurnunida diffèrent en quelques points, dans leurs habitudes, des Galathées et des Munides, car leur nageoire caudale (fig. 14, £. picta) res- semble à celle des Diptycinés grimpeurs. La nageoire des Dyp- tycinés ayant perdu ses fonc- tions motrices n'a cependant Fig. 14. et est restée semblable à celle des Macroures ; mais, afin de mieux permettre à l'abdomen de remplir ses fonctions de chambre incubatrice en s’appli- quant étroitement sur le thorax, elle s’est repliée tout entière contre les segments abdominaux précédents chez le mâle, en avant des œufs chez la femelle, si bien qu'on ne l’apercçoit pas sur l'animal, qui paraît de prime abord dépourvu de sa nageoire. Dans la position nouvelle qu'elle à prise, celle-ci devient immobile et comme telle est soumise aux lois de régression qui. frappent les organes sans fonclion active; 212 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. aussi la voit-on décroître peu à peu et présenter notamment des dimensions beaucoup plus réduites chez les Diptychus à évolution avancée (Diptychus dépourvus d’épines) que chez les Ptychogaster et chez les Eumunides. L'abdomen conserve des fonctions encore assez actives chez les Galathéens; aussi sa nageoire caudale, qui peut frapper l'eau avec force, perd la rigidité qu’elle présente chez les Macroures et devient beaucoup plus flexible, grâce aux nom- breuses lignes de suture qui traversent le telson (fig. 15, Ga- lacantha spinosa). La même organisation persiste encore chez les Porcellaniens, mais elle ne paraît plus avoir d'utilité et c'est un simple vestige qui témoigne des affinités de ces animaux avec les Ga- lathéens. | La nageoire caudale des Ægléinés ressemble beaucoup à celle des Gala- théinés et doit probablement jouer un rôle analogue ; toutefois il n y a qu’une seule ligne de suture sur le telson, et cette ligne est dirigée dans le sens de la longueur. Les appendices buccaux et thoraciques. — Les appendices buccaux, dans leurs traits essentiels, présentent des modifica- tions lentes et progressives dont la marche paraît être placée, bien plus sous la dépendance d’une loi générale d'évolution, que sous celle d’influences adaptatives proprement dites. Certains de ces appendices ne varient même presque pas dans cette famille et ressemblent complètement à ceux des Paguroïdes et beaucoup à ceux des Astaciens : telles sont notamment les mâchoires antérieures qui se distinguent seu- lement par l'absence de fouet sur le palpe et par la saillie assez nette de leur exopodite ; telles sont aussi les mâchoires de la 2° paire, qui se font remarquer surtout par la forme tronquée du lobe postérieur de leur exopodite. Les pattes- mâchoires de la 2° paire sont également assez constantes dans leur forme : elles ressemblent presque complètement LES GALATHÉIDÉS. 213 à celles des Paguridés et ne diffèrent de celles des Astaciens que par l’atrophie complète de leur épipodite. L'exopodite (e, fig. 18, p. 214) des pattes-mâchoires moyennes et postérieures est peu variable dans les divers groupes de la famille, mais celui des pattes-mâchoires anlé- rieures l’est beaucoup plus, en ce sens que tantôt il se ter- mine par un fouet (fig. 16, Diptychus nitidus, var. concolor, f) Fig. 16. comme l’exopodite des Astacidés, des Thalassinidés et des Paguriens, tantôt il en est au contraire dépourvu (fig. 17, Munidopsis sigsbei). La disparition du fouet ne s’observe que chez les Galathéinés à évolution très avancée, c’est-à-dire chez les espèces aveugles ; il se confond avec l’exopodite et peut-être même disparaît parfois chez les Porcellaniens, où il se présente fréquemment sous la forme d’une saillie termi- nale assez large qui se sépare plus ou moins brusquement, mais sans articulation, de l'extrémité antérieure de l’exo- podite. D'ailleurs le fouet, quand il existe, ne se compose jamais que d’une seule pièce, et en cela diffère beaucoup du fouet articulé des Astacidés et de la plupart des Paguriens. Entre les Galathéens sans fouet et les Galathéens flagellés, les formes intermédiaires font jusqu'ici défaut, aussi ce ca- ractère présente-t-il une grande importance pour diviser la sous-famille des Galathéinés en .tribus ou en groupes de moindre valeur. Les épipodites (E, fig. 16 et fig. 17, fig. 18 et fig. 19, p. 214) 242% MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. des pattes-mâchoires et des appendices thoraciques présen- tent des variations bien plus nombreuses et surtout, pour la plupart, bien plus progressives. Ces appendices font défaut, comme on sait, sur les pattes postérieures de tous les Crus- tacés décapodes, et ne se rencontrent, chez les Galathéidés, ni sur les pattes thoraciques de la 4° paire, n1 sur les pattes- mâcboires moyennes, c’est-à-dire qu'ils n'existent jamais sur des appendices où on les observe à peu près normale- ment chez les Astacidés. Chez tous les Galathéens sans excep- tion, et chez les Ægléinés, il existe un épipodite bien déve- loppé sur les pattes-mâchoires antérieures (fig. 19, Æg/ea lævis), quelquefois même cet organe foliacé se retrouve, avec des dimen- sions un peu plus faibles, chez cerlains Porcellaniens (Porcellana rupicola, d’après M. Boas); chez les Galathéens (fig. 18, Munidopsis sigsbei) on trouve éga- lement toujours un épipodite sur les pat- tes-mâchoires posté- Fig. 18. Fig. 19. rieures, on n’en voit plus que des traces presque imperceptibles chez les Ægléinés, et ces traces disparaissent elles-mêmes complètement chez les Porcella- niens. Quant aux épipodites des pattes thoraciques, ils sont localisés, quand ils existent, sur les trois paires de pattes antérieures, el se retrouvent tantôt sur toutes ces pattes, tantôt seulement sur la première, ou parfois aussi sur la seconde d’entre elles, l’atrophie. des épipodites thoraciques se faisant régulièrement d'avant en arrière. Les épipodites thoraciques, dans un état plus que rudimentaire, paraissent. se retrouver encore sur les trois paires de pattes antérieures: de l’Æqlea lævis ; dans les autres groupes de la famille 1ls me sont connus que dans la tribu des Galathéens; et dans cette LES GALATHÉIDÉS. PA à à tribu, chez certaines espèces seulement des genres Gulathea, Galacantha, Munidopsis et Orophorkynchus; on ne connaît pas d’épipodites thoraciques chez les Munida, mais comme les Galacantha, et indirectement les autres Crustacés aveu- gles paraissent dériver de ce dernier genre, 1l est probable que cerlaines espèces de Munides en sont ou en ont été pour- vues. Les Diptycinés sont, de tous les Galathéidés, ceux qui s’éloignent le plus des Macroures par l’atrophie de leurs épipodites : ces organes font défaut ou sont très rudimen- taires sur tous les appendices chezles Diptychus (E, fig. 16, p. 213) et les Ptychogaster ; ils sont réduits mais bien repré- sentés sur les pattes-mâchoires de la première paire chez les Eumunida, qui, à ce point de vue, ressemblent tout à fait aux Paguriens primitifs et beaucoup aux Ægléinés. De ce qui précède, il résulte que la valeur systématique des épipodites est très variable suivant les appendices que l’on considère ; plus 1l y a d’épipodites, plus sont prononcées les ressemblances avec les Macroures, mais tous ces appen- dices sont loin d’avoir la même valeur systématique. Les plus importants sont ceux des pattes-mâchoires postérieures : ils n'existent que chez les Galathéens, ils sont tout à fait rudimentaires chez les Ægléinés, ils font complètement défaut chez les Diptycinés et les Porcellaniens. Viennent ensuite les épipodites des pattes-mâchoires de la première paire : qui se rencontrent chez tous les Galathéens, font défaut chez les Diptycinés des genres Ptychogaster et Dip- tychus, et se présentent à un élat de médiocre développement chez certaines Porcellanes, chez les Ægléinés et chez les Dyp- ticinés du genre Euwmunida. En dernière ligne arrivent les formations épipodiales des appendices thoraciques; elles sont localisées chez les Galathéens, mais leur apparition est trop irrégulière dans cette tribu pour qu’elles permettent de créer des groupes secondaires naturels, et elles ne peuvent servir dès lors qu'à différencier les espèces. | On peut aussi constater, dans les appendices, un certain nombre de caractères héréditaires qui ont élé plus ou moins 216 MILNE-ED WARDS et E.-L. BOUVIER. modifiés par les influences adaptatives. Nous citerons au pre- mier rang les dents mandibulaires qui, en général bien déve- loppées chez les Astacidés, se retrouvent avec des dents plus aiguës chez les Ægléinés, les Diptycinés et les Pétychogaster (fig. 20, Pé. formosus), landis qu’elles disparaissent à peu près complètement chez les Eumunides (». fig. 8, p. 203) et chez tous les Galathéinés. A cette preuve nouvelle des grandes ana- logies adaptatives qui existent entre les Eumu- nides et les Galathéinés, il convient d’en ajou- ter une autre, non moins péremploire, tirée de l’étude des appendices thoraciques. M. Boas a depuis longtemps appelé l'attention sur les variations intéressantes que présentent, chez les divérs Décapodes, les axes d’articulation Fig. 2. des articles contigus des pattes thoraciques, et notamment des pailes antérieures, et il est arrivé à celte conclusion que, chez les Galathéidés « les axes 6-7 et 5-6 de la première paire font entre eux des angles aigus et obtus (comme chez le Homard) qui ne diffèrent pas beaucoup de 90° », tandis que les axes 5-6 et 4-5 « font entre eux des angles aigus et obius différents des angles à peu près droits que font entre eux les mêmes articles chez le Homard ». Cette règle s'applique en effet, avec des varia- üions très étendues (angles 6-7 et 5-6, 5-6 et 4-5, très aigus chez les Porcellanes, presque droits chez les Munides) aux Galathéinés côtiers ou sub-côtiers qu'avait pu étudier M. Boas, mais elle s'étend aussi à toutes les espèces aveu- gles et aux Diptycinés du genre Æ£umunida; quant aux Di- ptycinés grimpeurs (Diptychus, Plychogaster), leurs axes d’articulation sont très différents : les axes 7-6 et 6-5 font entre eux un angle à peu près droit et les axes 6-5 et 5-4, presque parallèles, un angle très aigu ouvert en dedans. Si l’on observe que la face externe des pinces des Diptychus et des Ptychogaster devient à peu près entièrement dorsale, el que les axes 6-5 et 5-4 sont eux-mêmes sensiblement LES GALATHÉIDÉS. 217 horizontaux, on verra que les pattes antérieures de ces ani- maux peuvent replier complètement leurs articles dans un _ plan vertical, qu'elles sont par conséquent plus propres à accrocher l'animal aux branchages sous-marins qu'à se replier vers la bouche pour y retenir et y broyer la nourri- ture, et qu'il y a dès lors quelque utilité, pour ces animaux, de posséder des mandibuies fortement accusées. Chez les autres Galathéidés, au contraire, la face externe des pinces est un peu inclinée en dehors, l'articulation 6-5 permet aux pinces de se diriger en bas et en dedans, l'articulation 5-4 permet au carpe de se diriger en bas el en dehors, si bien que les mouvements combinés de ces divers articles sont plus variés que ceux des Diptycinés et par conséquent plus propres à Jouer un rôle actif, si bien que l'animal peut non seule- ment errer librement sur le fond, mais aussi, peut-être, sup- porter sans inconvénient l’atrophie des dents mandibulaires. Un autre caractère, sur lequel nous voulons aflirer l’aiten- lion, est la présence d’épines chitineuses mobiles (e, fig. 21) sur le bord inférieur du propodite des pattes ambulatoires proprement dites, chez tous les Gala- théidés. Ces épines, sur lesquelles on n’a pas jusqu'ici atliré l'attention, ne sont point une formation spéciale à cette famille ; on les observe déjà, très nom- breuses, chez certains Astacidés et no- tamment chez l'Écrevisse, mais elles ne sobservent nulle part avec la même généralité et le même développement que chez les Galathéidés. Ce sont encore les espèces grimpeuses{fig. 21, Diptychus nitidus, var. concolor) qui en sont le plus richement pourvues, et peut-êlre ne sont- elles pas inutiles aux mouvements qu’'exé- cutent ces animaux; elles sont plus rares et plus courtes au contraire chez les autres Galathéidés, mais on les rencontre Fig. 21. 218 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. toujours, même chez les Porcellanes, où elles se réduisent parfois à deux faibles spinules à peine saillantes placées sur l’angle antéro-inférieur du propodile. Elles subsistent sans doute par simple atavisme chez la plupart de ces animaux, mais le développement qu'elles présentent chez les Diptv- cinés grimpeurs prouve qu'elles peuvent également subir des influences adaptatives. Le plancher slernal sur lequel s’insèrent les appendices thoraciques post-buccaux est sujet à des modifications qu’il est utile de signaler ici. Chez les Galathéinés, chez les Ægléinés el à un moindre degré chez les Eumunida, la ré- gion buccale du sternum est extrêmement étroite et presque complètement dissimulée par les pattes-mâchoires, surtout par celles de la dernière paire, qui sont contiguës à leur base. Chez les Diptycinés grimpeurs, au contraire, cette partie se distingue aisément quand on étale en avant les pattes-mâchoires postérieures ; celles-ci sont éloignées l’une de l’autre à leur base et dissimulent en partie le sternum buccal, qui est large, très obliquement situé et qui présente suivant son axe une carène saillante bien développée. On sait que des différences de même ordre existent chez les Paguridés et servent, dans ce groupe, à caractériser les genres. Ce sont là, d’ailleurs, les seules analogies importantes qu'on puisse signaler entre le sternum des Paguriens el celui des Galathéidés. Chez ces derniers, en effet, les pattes ne sont jamais contiguës à leur base, ou au moins très rappro- chées, comme on l’observe chez les Pagures normaux ; comme chez les Crabes, au contraire, elles sont séparées par un large plastron sternal dans l’axe duquel on aperçoit partout, sauf chez les Ægléinés (fig. 30, p. 240), les traces d’un sillon longitudinal irrégulièrement profond. Ce plastron n'est jamais tout d’une pièce: son segment postérieur tantôt s’atrophie comme chez les Diptycinés, tantôt persiste et conserve tous ses caractères macrouriens, mais s’isole et devient libre comme on l’observe chez tous les autres re- présentants de la famille (4, fig. 30, p. 240). UE. LES GALATHÉIDÉS. 219 : Les branchies. — Les branchies des Galathéidés ressem- . blent à celles des Brachyures et de la grande majorité des Paguriens : leur structure est très simple, chacune d’elles se composant d'un axe sur lequel sont groupées deux ran- gées de lamelles (fig. 22, Munidopsis sigsbei) assez larges et ordinairement tronquées à leur extrémité. Les branchies des Ægléinés font seules ex- ception à celte règle ; | elles sont formées de | filaments longs, quadri- \ MAY ! 0 Û sériés (fig. 23, -Zglea lævis) comme ceux des ne Paguriens primitifs, et se rapprochent ainsi beaucoup des branchies des Astacidés. La formule branchiale des Galathéidés est également du même type que celle des Astacidés, dont ellé dérive par l’atrophie pure et simple de l’arthrobranchie des pattes-mà- choires moyennes, de la pleurobranchie des pattes-mà- choires poslérieures et de.celle des pattes de la première paire. Cette formule branchiale se rapproche plus encore de celle des Paguridés, mais elle est beaucoup moins variable, et c'est tout au plus si, chez les Ægléinés et les Eumunides, on voit se réduire beaucoup et devenir rudimentaires les deux arthrobranchies des pattes-mâchoires postérieures. La formule branchiale des Galathéidés, qui est aussi celle des Paguriens primitifs, peut se représenter de la manière suivante : Fig. 22. Fig. 93. Pattes thoraciques. Pattes mächoires. nn - UE V IV III IL I III Il I Pleurobranchies. 1 1 1 1 0 0 0 0 Arthrobranchies. 0 2 2 2 2 2 0 0 . Chez les Diptycinés les arthrobranchies paraissent avoir abandonné la membrane basilaire qui le porte, el sont situées sur les flancs (1) ; en fait, ce sont de vraies arthrobranchies de- (1) Bonnier, loc. cit., pl. XIV, fig. 6. 220 MILNE-ED W ARDS et E.-L. BOUVIER. venues pleurales, car on les trouve chez l'embryon dans leur position normale à la base des appendices, et c’est peu à peu qu'une calcification partielle de la membrane articulaire les entoure, les isole, et les rattache directement aux flancs (1). Au reste la morphologie comparée de l'adulte suffit large- ment pour faire comprendre les divers stades du processus: chez les Ptychogaster el les Eumunida, qui sont les deux formes les plus primitives de la sous-famille, les arthrobran- chies des pattes antérieures ne sont pas encore isolées, mais une saillie calcifiée issue des flancs s’avance déjà sur la membrane basilaire et tend à les enfermer comme dans un ilot de chitine ; chez les Eumunides même, la membrane arti- culaire des arthrobranchies postérieures est envahie de la même manière par un arceau calcifié qui s’avance d'avant en arrière ; seulement l’arceau ne dépasse guère la base de l’arthrobranchie antérieure, qui devient en partie pleurale, tandis que la postérieure conserve à peu près entièrement ses caractères d’arthrobranchie. Chez les Diptychus, toutes les arthrobranchies sont frappées d'isolement, sauf celles des pattes-mâchoires antérieures. Le déplacement subi par les branchies des Diptycinés n'est évidemment pas héréditaire, comme le montre d'’ail- leurs l’'embyogénie ; c’est un caractère acquis, mais nous ne saurions indiquer à quelle influence adaptative il est dû, bien que cette influence soit évidemment une de celles qui sont communes à tous les Diptycinés. On sait seulement que cette disposition bizarre coïncide avec l’atrophie totale ou très avancée de tous les épipodites et avec le reploiement de la nageoiïre caudale sous l'abdomen, mais nous ne crovons pas qu'il soit possible, pour le moment, de dire s’il existe des relations de cause à effet entre ces deux ordres de caractères. Caractères sexuels. — Les caractères sexuels des Gala- théidés sont de deux sortes : les uns relatifs aux appendices (1) E.-L. Bouvier, Sur le développement embryonnaire des Galathéidés du genre Diptychus (Comptes rendus, Acad. des sciences, t. CXIV, p. 767, 1892). LÉS GALATHÉIDÉS. | 291 abdominaux, les autres aux différences que présentent, sui- . vant les sexes, les diverses parties du corps. Les premiers sont les plus importants el les plus constants, et c’est sur eux que nous allons d’abord attirer l'attention. Les appendices abdominaux, à l’exception des fausses pattes biramées de la nageoire caudale, présentent des variations considérables suivant les sexes et aussi suivant les groupes. Ceux de la femelle sont plus constants, plus uniformes que ceux du mâle ; ils se composent, chez presque tous les Gala- théinés, de 4 articles (fig. 24, «, b,c, d, (ralacantha spinosa) successifs (1) dont l’avant-dernier (c) est considéré à juste titre par M. Boas, comme un endopodite, et le qua- | trième (d) comme l’appendice interne de cet | endopodite. Dans les deux autres sous-familles, | L les fausses pattes de la femelle ne comptent que \ Nr 3 articles, dont le dernier pourrait, d’après ce qui précède, être assimilé à un endopodite dé- pourvu d'appendice interne. Cette interprétation paraît absolument logique, quand on considère les fausses pattes des Diptychus ; mais dans les Eumunides, les Pfychogaster et les Ægléinés, il n’en est plus tout à fait de même : l’article basi- 4 laire très allongé fait un coude brusque à quelque distance de son extrémité, et paraît être formé par les 2 arti- cles moyens qui se seraient intimement fusionnés au coude ; ce n'est là, peut-être, qu'une apparence, mais si cette appa- rence correspondait à la réalité, les fausses pattes des D'p- tycinés et des Ægléinés seraient construites sur le même type que celles des Galathéinés, et la signification des articles, dans les deux cas, serait vraisemblablement la même. Il ny a jamais de fausses pattes sur le 1* segment abdominal chez les femelles. Les 4 segments suivants por- tent au contraire une paire de fausses pattes chez presque (1) L’article basilaire, très réduit, n’est pas signalé par M. Boas (loc. cit., pl. V), qui désigne sous le nom de pédoncule, et indique par la lettre se l’article allongé qui suit. 222 MILNE-ED WARDS et E.-L. BOUVIER. tous les Galathéens, chez les Eumunides, chez les OEgléinés, el chez le Prychogaster formosus, c'est-à-dire chez le Dipty- cien qui ressemble le plus, à tous égards, aux Macroures. Ces fausses pattes ont un développement un peu différent suivant les groupes ; chez les Ægléinés elles décroissent en longueur d'avant en arrière et sont toutes quatre vraisem- blablement ovifères. Chez les Zumunida, la 1° est sensible- ment plus réduite que les autres, mais doit aussi, comme elles, porter des œufs; la 2° est la plus grande de toutes, la 3° est un peu plus réduite, et la 4° davantage encore. Chez les Galathéens, la disposition est la même que celle des Eumu- nides, mais la 1° paire se réduit beaucoup, et à part quel- ques rares exceptions (Wunida longipes), elle cesse d’être ovifère; souvent même elle se réduit à un stylet articulé ou non chez les espèces aveugles, où parfois elle n’est même plus représentée que par sa base d'implantation. Chez les Porcellaniens, cette paire disparaît complètement, et l’atro- phie peut atteindre la paire suivante, qui très souvent dis- paraît ou reste rudimentaire, mais parfois cependant persiste et porte même des œufs (Porcellana longicornis, P. platyche- les). Le Ptychogaster formosus est de tousles Diptycinés grim- peurs celui qui, à ce point de vue, se rapproche le plus des Galathéinés; il a 4 paires de fausses pattes, qui sont toutes quatre ovifères, mais celles de la 1" et de la 2°° paires sont plus réduites que les autres; ces deux paires disparaissent déjà chez le PF. spinifer, où l’on ne voit plus que leur base d'implantation, et font entièrement défaut chez tous les représentants du genre Diptychus. Les œufs des Diptycinés étant peu nombreux et irès gros, M. Bonnier attribue, non sans raison, la disparition d’une partie des fausses pattes ovifères, à cette réduction dans le nombre des œufs. Les fausses pattes des mâles sont de deux sortes : les unes jouent un rôle dans l'acte de la reproduction, les autres sont de simples appendices témoins qui rappellent par atavisme ceux des Macroures, et qui disparaissent même complète- ment dans un grand nombre de Galathéidés. — Les fausses LES GALATHÉIDÉS. 298 patles sexuelles sont en général au nombre de deux paires; . elles ressemblent d’une manière frappante à celles des Pa- guriens primilifs (Pylocheles, Mirtopagurus) el se composent comme elles de trois articles (4, 6, c. fig. 25 et 26) : le 1° (a) de ces arlicles n’a pas été signalé Jusqu'ici et reste parfois rudimentaire (1); le suivant (4) correspond au pédoncule décrit par M. Boas et le dernier (c) à l'endopodite ou rameau interne; ce dernier article est foliacé, excavé en cuiller et plus ou moins tordu en spirale; dans les fausses paites sexuelles de la 2° paire, il est accompagné à sa base par un court bourgeon (e, fig. 26, Munidopsis antoni) qui repré- sente le rameau externe très développé des Astacidés. Ces deux paires de fausses pattes sexuelles se rencontrent chez tous les Galathéens et chez tous les Diptycinés grim- peurs; celles de la 1” paire font défaut chez la plupart Fig. 25. Fig. 26. des Porcellaniens et les deux paires s’atrophient complètement l’une et l’autre chez les Ægléimés et chez les Diptycinés marcheurs (Æ£ununida). Dans un Galathéen aveugle, l’'Orophorhynchus aries, les fausses pattes sexuelles perdent leur forme normale et se réduisent à deux stylets assez allongés. Les trois paires suivantes de fausses paltes des individus (1) Cet article, qui représente un coxopodite, est bien évident à la base de tous les appendices abdominaux des Macroures ; il est également constant à la base de tous les appendicés abdominaux des Galathéidés, quand ces appendices ne sont pas trop atrophiés, et on le trouve même à l’origine des appendices biramés de la dernière paire, où il est représenté par une ou deux tiges chitineuses mobiles, enchässées dans la membrane de la face ven- trale. On l'observe très aisément à la base de tous les appendices abdomi- naux dans les grands spécimens de Munida bamffa, et il ne s’atrophie guère, dans cette espèce, que sur les fausses pattes sexuelles antérieures (fig. 25, Galacantha rostrata). 294 MILNE-ED WARDS et E.-L. BOUVIER. mâles occupent le 3°, le 4° et le 5° anneau de l'abdomen; elles se composent, chez les Galathéens flagellés (a, fig. 27, Munida stimpsoni), d'un article basilaire très réduit, d'un second article allongé et aplatien lame (6), qui représente le pédoncule, enfin d’un article terminal {c) inséré en dehors sur le bord inférieur du précédent, el qui répond à l’endo- podite ou rameau interne; à cet article en fait souvent suile un autre, que M. Boas regarde comme l’appendice interne du ra- meau interne. Chez les Galathéens aveugles ces appendices se réduisent à des stylets rarement composés de plusieurs articles (fig. 28, Galacantha rostrata) et quelquefois tout à fait rudimen- taires; dans l’Orophorhynchus li- vidus, toutefois, et dans quelques autres espèces, 1ls sont encore un peu foliacés, comme chez les Ga- lathéens flagellés; dans l'Or. Par fa, 1s sont grands, forts, non rig. 28. loliacés et présentent un rameau interne plus long et plus fort que celui des Galathées. Chez les Diptycinés grimpeurs et chez les Ægléinés, les fausses pattes non sexuelles du mâle sont réduites à l’élat de bourgeons ou de stylets peu saillants ; chez les Æumunida, la base d'implantation de ces appen- dices reste seule évidente; enfin, chez les Porcellaniens, ces traces elles-mêmes disparaissent à peu près complètement. A côté des caractères sexuels précédents, qui sont essen- tiellement normaux et tout à fait constants, nous devons en citer d’autres beaucoup moins importants, parce qu'ils sont éminemment variables. Ces caractères sont de nature très diverse, et affectent, suivant les espèces, tantôt le rostre, tantôt les yeux, parfois les acicules, parfois aussi la carapace ou le plastron sternal, le plus souvent les appen- dices antérieurs et notamment les pinces. Le rostre du mâle LES GALATHÉIDÉS. 295 est parfois plus allongé que celui de la femelle (/iptychus mti- dus, D. rubro-vittatus, Eumunida picta, Munidopsis simplex), mais il peut être aussi plus court (Munidopsis antoni, Munida spinosa) ; il présente ordinairement la même courbure, mais il est quelquefois pourtant moins infléchi vers le haut (u- nidopsis sigsbei, M. spuuifer, M. simplex, elc.); dans certains cas, l’épine oculaire est très réduite chez le mâle et très développée chez la femelle (Wunidopsis reynoldsi) ; dans d’autres, l’acicule de la femelle se réduit et celui du mâle parait s'allonger d’autant (Diptychus rubro-vittatus); enfin, dans une espèce (Munidopsis antoni), nous avons pu observer sur la face sternale de la femelle deux paires de carènes transversales qui n’existaient pas chez le mâle. Fréquemment plusieurs de ces caractères sont réunis dans la même espèce : c'est ainsi que les mâles de la Munidopsis simplex se dis- ünguent des femelles par leur rostre plus long, moins in- fléchi, et par leurs pattes antérieures plus longues et plus grêles; c'est ainsi encore que les mâles de Munidopsis antori se font remarquer par leurs épines gastriques plus longues et plus nombreuses, par leur rostre plus court et par la disparition des deux carènes transversales qui carac- térisent les femelles. Les variations des pattes antérieures, quoique les plus fréquentes de toutes, sont également très diverses fréquemment ces patles sont plus longues chez le mâle que chez la femelle (Galathea intermedia, G. rufipes, etc.), mais elles sont parfois aussi plus courtes (Ptychogaster formosus, Elasmonotus longimanus); fréquemment aussi elles sont plus fortes (la plupart des Galathées, beaucoup de Munida, Muni- dopsis sigsber, M. spinifer, M. erinacea, Plychogaster formo- sus, etc.), mais dans quelques cas cependant plus grêles (Elasmonotus longimanus, Munidopsis simplex, elc.); enfin, l’une des pinces du mâle, parfois même toutes les deux à la fois, sont plus larges que celles de la femelle, el présentent entre les deux doigts un hialus basilaire (fig. 29, Muni- dopsis sigsbei) dans lequel font saillie deux dents obluses du ANN. SC. NAT. ZOOL, XVI, 15 296 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. doigt immobile el une dent correspondante du doigt mobile Ce dernier caractère est celui qui a surtout frappé jus- qu'iciles naturalistes, notamment M. Bonnier{1), qui l’a consi- déré, chez les Galathées de nos côtes, comme une des par- ticularités morphologiques les plus essentielles du mâle; pourtant il n'est ni plus sûr ni moins variable que les carac- tères précédents, car les espèces ne sont pas rares où les doigis du mâle comme ceux de la femelle, sont dépourvus de hiatus et de tuber- cules (Munidopsis simplex, Elasmonotus longt- manus, elc.). Tous ces caractères présentent les variations les plus étonnantes, dans un même genre et Jusque dans une même espèce, pour peu que l’on considère un nombre assez considérable d’indi- vidus. A l'appui de celte opinion, nous pourrions relever les observations que nous avons faites sur un grand nombre d'espèces ; nous nous con- tenterons d'en citer deux, choisies parmi les espèces où les mâles paraissent le plus typiques : la Galathea agassiai etla Munida curvimana. — | Dans la Gal. agassizi les mâles sont en moyenne Ur plus grands que les femelles, leurs pattes sont Fig. 29. aussi généralement plus longues el plus fortes, enfin une de leurs pinces s’élargit sensiblement et présente un hiatus dans lequel font saillie deux tubercules. Voilà du moins ce que l’on observe chez les mâles les mieux caractérisés, surtout quand ils sont de grande taille; mais on s'aperçoit bien vite, quand on étend les recherches à de nombreux individus, que beaucoup de mâles, même les “plus grands, ne présentent jamais de hiatus, que beaucoup de femelles ont des pinces larges et un hiatus comme les mâles les plus différenciés, enfin que, parmi les spécimens mâles de moyenne taille, les individus à pinces ordinaires HT. Bonnter, or. Mel. Mon; LES GALATHÉIDÉS. 297 prédominent, maïs que quelques-uns pourtant ont déjà le - hiatus et les tubercules des individus plus âgés. — Dans la Munida curvimana, dont nous avons pu observer une cen- laine de spécimens de toutes tailles, les variations ne sont pas moins frappantes. Chez les mâles les plus développés et, en apparence, les plus normaux, chaque pince présente un hiatus, el sur le doigt mobile un lubercule, mais le hiatus est toujours beaucoup plus grand dans l'une des deux pinces que dans l’autre. Or il n’est pas rare de trouver des femelles présentant une disposition semblable, et quelquefois même, comme cerlains mâles, un hiatus également développé sur les deux pinces; inversement, il est des mâles adultes chez lesquels les deux pinces sont absolument dépourvues de hiatus, comme dans les femelles les mieux caractérisées. — Ine serait pas difficile d'étendre ces observations aux espèces les plus communes de nos côtes : nous avons pu nous con- vaincre qu'il est impossible, au premier abord, de distinguer les mâles de Galathea dispersa des femelles, qu’il en est de même très souvent pour les spécimens de G. intermedia et de Munida bam/ffia, enfin que les femelles de grande taille de (ralathea strigosa présentent un hiatus et un tubercule comme les mâles, mais que ce tubercule et ce hialus sont moins développés. En résumé, les caractères sexuels que nous avons exami- nés dans la seconde partie de ce paragraphe sont essentielle- ment variables : ils ne s'étendent ni à un groupe, ni à un genre toul entier, et 1l est même bien difficile d'affirmer qu'il en est de conslants pour tous les individus adultes d'une même espèce. Beaucoup d'espèces ne présentent jamais de différences sexuelles, quels que soient l’âge et la laille des individus ; d’autres au contraire en présentent généralement, mais ces différences s’affirment avec l’âge, et c'est ordinai- rement chez les spécimens de grande taille qu'elles sont le mieux caractérisées. Généralement les mâles sont plus grands que les femelles, fréquemment aussi, l’une des pinces du mâle présente un hialus et des tubercules; mais il n’est 2928 MILNE-EDWARDS et E.-L ROUVIER. pas rare de voir des femelles ressembler à ces mâles, quoi- que avec des hiatus plus restreints, et des mâles dépourvus de hiatus comme les femelles. Ces varialions, qui existent souvent dans une même famille, ont été signalées par M. Henderson chez les mâles de Â7. miles el sont considérées par lui comme des phénomènes de polymorphisme; en fait, elles sont tout aussi fréquentes chez les femelles que chez les mâles dans de nombreuses espèces, el ces cas de pré- tendu polymorphisme se limitent pour nous à de simples variations individuelles. Mais ces variations suffisent pour montrer que les caractères sexuels accessoires n’ont pas l'importance physiologique qu'on avait tenté de leur at- tribuer. Coloration. — Les Galathéidés hittoraux ou subcôliers re- vêtent les couleurs les plus diverses comme les Paguriens des mêmes niveaux, mais aux teintes multiples et aux bario- lages que présentent très souvent ces derniers, ils préfèrent des livrées plus uniformes, où s’harmonisent les diverses nuances d’un {rès petit nombre de couleurs el parfois d’une seule, Vivant plus près du rivage que les autres Galathéidés, les Porcellaniens ont aussi une coloration plus variée et plus vive, et peuvent s'approprier toutes les couleurs du prisme y compris la couleur verte, qui est de toutes la plus rare dans la famille des Galathéidés. Ce sont toutefois les teintes rou- geâtres qui paraissent prédominer, et ce sont les seules dont se parent les espèces de nos côtes, parfois avec des tons légèrement violacés, comme on l’observe assez fréquemment dans certains individus de Porcellana longicornis, «espèce dont la livrée peut subir des variations assez étendues. Ces mêmes couleurs, rougeûtres et violacées, souvent addi; tionnées d’une nuance brune, sont aussi les plus fréquentes et se rencontrent même presque exclusivement chez les Galathées, c’est-à-dire chez les représentants de la famille dont l'habitat se rapproche le plus de celuides Porcellanes : le rouge ou le brun agrémentés de violacé, de bleu ou.de jaune clair relèvent seuls, de leur éclat, les tégumentsides LES GALATHÉIDÉS. 299 Galathées de nos côtes : il paraît en être de même chez les espèces tropicales ou des autres mers lempérées du globe ; pourtant, d’après Haswell, la Ga/athea deflexifrons serait sim- plement d'un pourpre foncé (1) et, d’après Dana, la Ga/athea wiliensis serait blanchâtre et à peu près incolore (2). Les Æglées ne paraissent pas différer beaucoup, par leur colo- ralion, des Galathées ; elles seraient brunes d’après Nico- let (3), mais si l’on en croit E. von Martens (4), cette teinte brune serait nuancée de violet, car on observe encore des traces de celte couleur chez les spécimens conservés depuis peu de temps dans l'alcool. Avec les Munida, nous arrivons aux Galathéidés qui attei- gnent et souvent même dépassent les niveaux de 400 mètres, et qui peuvent habiter, par conséquent, des fonds où ne pé- nètre aucun rayon lumineux venu du dehors. Chez ces animaux les diverses nuances du rouge paraissent persister seules, accompagnées parfois de taches violacées comme on l’observe souvent sur les individus les moins abyssaux de le M. bamffia, et comme l’un de nous l'a observé toujours sur les M]. sancti-pauls du Talisman. Les Diptyciens qui habitent à des profondeurs semblables ou légère- ment plus grandes ont aussi la même couleur : le Diptychus rubro-nittatus «est d'un beau rose pourpré, rayé longitudi- nalement de bandes plus claires sur les pinces » (5), le D. mitidus, var. concolor est d'un rouge un peu pâle avec une légère nuance violacée sur la carapace, le P{ychogaster formosus est d’un rouge sang très vif et sensiblement uni- (1) Haswell, Catalogue of the australian stalk and sessile-eyed Crustacea, p. 163, 1882. (2)J. D. Dana, United States Exploring Expedition, vol. XIII, Crustacea, part [, p. 481, 1852. (3) Nicolet, Crustaceos, in Historia fisicu y politica de Chile, Zool., t. I, p. 200, 1849. (4) Ed. v. Martens, Sudbrasilische Süss-und Brackwasser Crustaceen nach dem Sammlungen des D'Reinh. Henzel. (Arch. für Naturgesch., Jahrg. 35, p. 14, 1869). (5) A. Milne-Edwards, fiapport sur la faune sous-marine dans les grandes profondeurs de la Méditerranée et de l'océan Atlantique, p. #1. (Archives des } Missions scientifiques et littéraires, sér. 3, £. IX, 1882, 230 MILNE-ED W ARDS et E.-L. BOUVIER. forme, enfin l'£wmunida picta présente la même couleur fondamentale que l'espèce précédente, mais cette couleur, qui est lavée de jaune sur la carapace et sur la moitié ter- minale des pattes ambulaloires, s’atlénue beaucoup sur les deux tiers postérieurs de l’abdomen, où elle est remplacée par une teinte rose pâle, sur laquelle s'aperçoivent cà et là quelques siries transversales de couleur orangée. La partie la moins colorée -de l'abdomen des Eumunida est précisément celle qui, repliée contre le sternum, resle eu contact avec les fonds sous-marins, et reçoit par consé- quent moins de lumière que toutes les autres. Entre l’atté- nualion des couleurs vives et l’habilat, chez les formes que nous étudions, existent en effet des relations étroites, que rend singulièrement frappantes l’étude comparée des es- pèces abyssales aveugles et des espèces côtières. Les pre- mières vivent, comme nous l'avons dit plus haut, en des lieux où ne pénètrent, ni les rayons du dehors, ni ceux qu'émet- tent autour d'eux la plupart des animaux sous-marins ; aussi les voit-on perdre progressivement, à mesure qu'elles s'adaptent de mieux en mieux à ce genre de vie particulier, les vives couleurs rouges ou violacées des espèces mieux éclairées qu’elles. Les Galacantha, qui sont les plus voisins de ces dernières,sont d’une belle Leinte orangé vif, quis’atténue beaucoup sur l'abdomen et sur la partie médiane de la ca- rapace (1). Assez semblable, mais beaucoup moins pro- noncée est la coloration des peu nombreuses Munidopsis étu- diées jusqu'ici à ce point de vue : la M. Talismani? et la M. acuta du Talisman, la M. styhrostris de l'Investigator. Toutefois, dans celle dernière espèce, l’orangé se nuance déjà d’une teinte rose qui prédomine chez divers autres (4) Telle était du moins la couleur relevée par l’un de nous, sur le wi- vant, sur des Gal. rostrata recueillis par le Talisman ; la même espèce, dans le Pacifique, serait de couleur rouge avec des tons jaunâtres plus pâles sur le milieu de la carapace (Faxon, Albatross Crustacea, Bull. Mus. Comp. Zoël., vol, XXIV, n° 7, p. 180), tandis qu’une espèce voisine de la mer des Indes, la Gal. ureolata, serait de couleur orangé laiteux (Wood-Mason. In- vestigator, Ann. and Mag. nat. Hist., 1891, p. 200). On ne connaît pas la coloralion de la G. spinosa. LES GALATHÉIDÉS. 234 Galathéens aveugles, chez le Galalhodes tridentatus, nolam- ment, où elle est d’un ton plutôt foncé (1), et chez la Munidopsis antoni où elle devient pâle et laiteuse. Chez les Orophorhynchus, c'est-à-dire chez les Galathéens aveugles les plus éloignés des Munida et des Galathées, les tons pâles et laiteux sont la règle, tantôt agrémentés d’une teinte rose très faible comme dans les Orophorhynchus du Talisman (0. parfaiti, O. lividus), tantôt absolument purs comme dans l'O. edwardsi de l'Investigator et dans la Munidopsis ciliata, espèce qui se rapproche déjà beaucoup des Orophorhynchus (2). 11 en est vraisemblablement de même des Ælasmonotus. Chez toutes ces espèces, d’ailleurs, les yeux ont perdu leur pigment noir et leurs éléments sensoriels ; ils ont pris une teinte jaune ou orangée, comme la carapace, et conservent même cetle teinte chez les formes où toute co- loration à disparu. En résumé, au point de vue de la coloration, les Gala- théidés se divisent en deux groupes, ceux qui peuvent per- cevoir les impressions lumineuses, et ceux qui ont perdu cette faculté. Les premiers vivent, soit à des niveaux où pénètrent les rayons lumineux du dehors, soit dans des régions plus profondes vaguement éclairées par les phos- phorescences sous-marines ; dans ce dernier cas, tantôt ils sont baignés par les rayons phosphorescents, commeles Dip- lyciens grimpeurs (Diptychus el Ptychogaster) et peul-être les marcheurs(Æumunida), lantôtils sont cachés dans des trous et n’en reçoivent qu'une faible partie (Munides abyssales) ; dans l’un et l’autre cas la quantilé de lumière reçue est toujours assez grande pour impressionner l'œil, qui reste fonctionnel, el elle est assez grande aussi pour donner aux léguments une pigmentation plus ou moins intense. Pour peu que cette lumière diminue encore en intensité, elle cesse d’être sensible aux Galathéens cachés dans des trous, et alors ces animaux deviennent aveugles et perdent de plus (1) A. Milne-Edwards, loc. cil., p. 40. (2) Wood,-Mason, loc. cit., p. 201-202. 2232 MIELNE-ED WARDS et E.-L. BOUVIER. en plus leur coloralion, qui finit par totalement disparaître. Nous ne croyons pas, d’ailleurs, que chez ces derniers ani- maux, la disparition progressive des couleurs ait pour cause unique l'obscurité où ils vivent : si l’on observe d’une part que certaines Munides colorées en rouge vif présentent exac- lement le même habilat que des espèces aveugles peu colorées, si l'on ajoute, d’ailleurs, que parmi les espèces aveugles des mêmes fonds, certains (éalacantha) onl encore une coloration assez intense, tandis que d’autres {O7'0opho- rhynchus hvidus) sont à peu près complètement décolorés, on est porté à croire que la faculté visuelle d'un côté, et l’hérédité directe de l’autre, ne sont pas sans influence dans ces modifications. Les couleurs ne sont pas un ornement inulile chez les animaux et tout porte à croire qu'elles se dé- veloppent surtout chez les espèces qui peuvent les percevoir ou au moins les utiliser pour leur profit; mais tout porte à croire aussi, que les couleurs ne disparaissent pas brus- quement chez les espèces où elles ne peuvent jouer aucun de ces deux rôles, et qu'elles y persistent d’abord par hérédilé, pour s’atrophier ensuite de plus en plus, comme on l’observe d’ailleurs, avec une grande évidence, dans la série tout entière des Galathéens aveugles. Développement. — Rien n’est plus variable que la dimen- sion des œufs chez les Galathéidés ; ceux des Galathées, des Munides et des Porcellanes sont nombreux et atteignent rare- ment, en général, plus d'un demi-millimètre de diamètre; les œufs des espèces aveugles ont des dimensions diverses, mais - ordinairement supérieures aux précédents; enfin, les œufs des Diptychus et des Piychogaster, les seuls qui soient connus dans la famille des Diptycinés, ont souvent 2 milli- mètres de diamètre, et ne se trouvent jamais qu’en très petit nombre dans la chambre incubatrice de l’abdomen. Le volume des œufs augmentant avec la quantilé de ma- ière nulrilive qu'ils renferment, et cette malière nutritive élant employée lout entière au développement de l’em- bryvon, on doit s'attendre, d’après ce qui précède, à voir les LES GALATHÉIDÉS. 233 Galathéidés naître avec une taille d'autant plus grande et _ souvent même, dans une certaine mesure, à un stade d'autant plus avancé, qu'ils ont des œufs plus gros. C’est ce que paraissent établir, en effet, les observalions mal- heureusement trop peu nombreuses qu'on possède sur le développement de ces animaux. Chez les Porcellanes, d'après les travaux de Fritz Müller (1) et de M. Claus (2), les larves issues de l'œuf seraient des zoés encore très jeunes, où n’exisleraient encore, ni les pattes-mâchoires postérieures, ni les appendices qui les suivent. D’après les recherches de M. Boas (3), récemment confirmées par M. G. O. Sars (4), les Galathéens flagellés, c’est-à-dire les Galathea et les Mu- rida, subissent un léger retard dans l’éclosion, et présen- tent déjà, en naissant, des pattes-mâchoires poslérieures, d’ailleurs réduites chacune à un simple bourgeon recourbé ; il en est de même chez la Porcellana (Polyonyx) macrocheles, d’après les très précises recherches de M. Faxon (5). Nos connaissances sur le développement des Galathéens non fla- gellés, c'est-à-dire des espèces aveugles de la famille, quoique limitées aux recherches de M. Sars (6) sur le Gralathodes tridentatus, nous permettent de constaler un re- tard bien plus prononcé encore dans l’éclosion : les larves, après leur sortie de l'œuf, sont en effel des métazoés typi- ques, dans lesquelles les pattes-mâchoires postérieures, déjà bifurquées, ont un exopodite pourvu de soies et dis- posé pour la natation; les 5 paires de pattes thoraciques sont à l’élat de bourgeons uniramés, longs et immobiles; et, sur l’abdomen, des tubercules représentent des fausses pattes à l’état le plus simple. Cette forme larvaire corres- (1) Fritz Müller, Die Verwandlung der Porcellanen (Archiv f. Naturg., 1862). (2) C. Claus, Untersuchungen zur Erforschung der genealogischen Grund- lage des Crustaceensystems, p. 57, 1876. (3) J. E. V. Boas, loc. cit., p. 198. (4) G. 0. Sars, Bidrag til Kundskaben om Decapodernes Forvandlinger (Archiv. f. Mathemat. og Naturv., 1889, p. 170-184, pl. 5 et 6). (5) W. Faxon, Selections from embryological monogranhs; Crustacea (Mem. Mus. comp. Zoôl, vol. IX, n° 1, 1882, pl. XI, fig. 10). (6) G. O. Sars, loc. eit., p: 162-170, tab. &. 234 MILNE-ED WARDS et E.-L. BOUVIER. pond au stade Mysis des Macroures, mais il en diffère es- sentiellement par la simplicité et par l’immobililé des paltes thoraciques. Chez les Diptycinés, d’après les recher- ches que l’un de nous a récemment effectuées (1), le déve- loppement embryonnaire s'étend plus loin encore; il com- prend tous les stades larvaires, et les jeunes n’abandonnent les membranes de l’œuf qu'après avoir acquis les caractères morphologiques essentiels de l’adulte. Ces curieuses différences se font trop sentir à l’inté- rieur d'une même sous-famille pour qu'on puisse les aitri- buer à l’'hérédité ; elles ont vraisemblablement pour cause des phénomènes adaptatifs dont la raison nous est inconnue, mais qu'on peut hypothétiquement attribuer, soit à l'habitat plus ou moins abyssal des divers Galathéidés, soit à l'in- fluence directe du genre de vie de ces animaux. La seconde hypothèse rend compte des différences qui existent, au point de vue du développement, entre les grou- pes de la famille, mais elle n’explique pas comment des influences irès diverses ont eu toutes pour résultat de pro- longer le développement embryonnaire ; la première con- corde bien, au contraire, avec tout ce que l’on sait de l’em- bryogénie des Porcellanes, des Galathées et des Munides, mais elle ne rend pas compte des différences qui existent, au point de vue du développement, entre les Munida, les (ralathodes et les Diptychus, animaux qui, très sensible- ment, recherchent les mêmes profondeurs. En fait, aucune des deux hypothèses n’est inadmissible, et peut-être même toutes deux renferment-elles une part de vérité. Il est dési- rable que des recherches nouvelles viennent jeler quelque lumière sur ce point, encore bien obscur, de la biologie des êtres ; pour être frucltueuses, ces études devraient s’éten- dre, non seulement au plus grand nombre des Galathéidés, mais aussi aux formes voisines plus ou moins abyssales. À ce point de vue, les Paguriens seront parliculièrement inté- (1) Bouvier, loc. ct. LES GALATHÉIDÉS. 235 ressants à connaitre, et tout ce que l’on sait sur le volume . de leurs œufs, permet de croire qu’on trouvera, dans le déve- loppement embryonnaire de ces animaux, des différences analogues à celles qu'on observe chez les Galathéidés. Le développement embryonnaire des Galathéidés a étésuivi, par l’un de nous, chez les Diptychus, el ressemble à peu près complètement à celui de l'Ecrevisse, tel qu'il a été décrit par M. Reichenbach (1); les formes embryonnaires les plus jeu- nes sont identiquement les mêmes, et c’est vers la fin de l’évolution seulement que s’affirment les différences entre les embryons des deux lypes. Ces embryons, comme les larves des Galathéinés, présentent tous les caractères macrouriens, qui disparaîlront plus tard chez l'adulte : acicule antennaire très développé, dents mandibulaires nombreuses chez les larves, appendices thoraciques dela dernière paire non diffé- renciés, elc. Mais la carapace, au lieu de porter en arrière les prolongements allongés qu'on observe chez les larves de Galathéens flagellés et des Porcellaniens, est arrondie el inerme comme celle des larves de Galathodes ; en outre. le rostre est encore moins développé que dans ce dernier genre, et il ne peut êlre comparé, n1 à celui des Galathées, ni à celui des Munides, encore moins au rostre démesurément allongé des Porcellanes. Il CARACTÈRES ET CLASSIFICATION DES GALATHÉIDÉS Caractères généraux de la famille. — Les Galathéidés se rapprochent des Paguriens et se distinguent des autres Ano- moures (Hippidés), d’abord par la dimension du thorax, qui n’est pas plus long que l’abdomen, ensuile par les caractères essentiels de cet abdomen, qui est encore volu- mineux et qui présente loujours, sur son avant-dernier seg- ment, une paire d’appendices biramés ordinairement fonc- (1) H. Reichenbach, Studien zur Entwicklunggeschichte des Flusskrebses (Abhand!. Senckenberg. Naturforsch. Ges. Frankfurt a. M., B. 14, 1886). 236 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. ionnels et de dimensions assez considérables. L'abdomen des Galathéidés est toujours symétrique comme celui des Paguriens du genre Pylocheles, mais il se replie plus ou moins complètement sur lui-même, à la facon de celui des Crabes, et les deux branches terminales de ses appendices biramés, plus lamelleuses encore que celles des Pylocheles, viennent se placer sur les côtés du telson, et constituent avec lui une large nageoire caudale. Les branches latérales de celte rame ne présentent jamais les aires rugueuses, for- mées d’une multitude de petites écailles cornées, qui per- metlent aux Paguriens de retenir leurs ambulantes de- meures ; elles seraient d’ailleurs inutiles à des animaux qui, comme les Galathéidés, errent sans abri sous les pierres, ou se dissimulent dans les branchages serrés des colonies sous- marines de polypes. N’élant point logés dans d’étroites cavités, les Galathéidés n’ont point subi les déformations bizarres des Pagures, et ils ont par suite conservé, plus que ces derniers, des caractères macrouriens normaux : la cara- pace est calcifiée dans toute son étendue et parfois très épaisse; l'abdomen n’est jamais mou, ne loge que peu d’or- ganes, et ressemble à celui des Macroures par le développe- ment ordinaire de ses épimères et de ses terga; enfin le plastron sternal est loujours large, et rappelle à beaucoup d’égards celui des Paguriens libres du genre Ostraconotus (1). Les Galathéidés se rapprochent des Paguriens, non seu- lement par les caractères essentiels de leur abdomen, mais aussi par la forme de leurs appendices buccaux, et par leur formule branchiale qui est la même que celle des Paguriens les plus primitifs, les Pylocheles et les Mirtopaqurus. Cette formule branchiale, qui comprend 4 pleurobranchies et 5 paires d’arthrobranchies (voir page 219), est absolument invariable dans toute l'étendue de la famille. Les branchies sont le plus souvent constituées par deux rangées de (1) A. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, Description des Crustacés de la famille des Paguriens recueillis pendant l'expédition du Blake (Memoirs of the Museum Comp. Zoël., vol. XIV, n° 3, 1893). LES GALATHÉIDÉS. 237 lamelles comme chez la plupart des Paguriens, mais elles peuvent parfois aussi (Ægléinés, fig. 23, p. 219) se composer de quatre séries de filaments, el ressembler dès lors à celles des Paguriens primitifs des genres Mixrtopagurus, Pylocheles et Parapagurus (1). En dehors des homologies ou des dissemblances qui pré- cèdent, les Galathéidés présentent un certain nombre d’au- tres caractères qui les distinguent généralement bien des Paguridés : les bords latéraux de la carapace sont ordinai- rement accentués, le front est armé toujours d’un rostre très saillant, les écailles ophthalmiques sont presque toujours nulles, les pédoncules oculaires sont courts et souvent très forts, l'article basilaire des pédoncules antennulaires est renflé et fréquemment épineux, les palies antérieures sont symétriques ou peu asymétriques, les pattes thoraciques pos- térieures, quise terminent par des pinces à doiglscourts,sont seules réduites et grêles, le telson présente une ou plusieurs lignes de suture, enfin le 6° segment abdominal des larves se sépare fort lard du telson, et ses appendices, au lieu d’apparaître les premiers sur l'abdomen comme chez les Pa- gures, se développent au contraire après tous les autres (2). Sous-fanulles des Galathéidés. — Par leur aspect général, comme aussi par beaucoup de leurs caractères anatomiques et morphologiques, les Galathéidés rappellent les Macroures marcheurs du groupe des Astacidés et se raltachent vrai- semblablement, dans ce groupe, à la même forme que celle dont sont issus les Paguridés. L'élude comparée des Pylo- cheles et des Galathéidés primitifs (Galathea, Ptychogaster, Æqlea) montre que les deux groupes étaient au début assez peu différents l’un de l’autre, mais qu'ils ont néanmoins évo- lué différemment dès l’origine, les Paguridés en abrilant leur abdomen dans des cavités ou dans des coquilles qui l'ont (1) E.-L. Bouvier, Sur les branchies des Paguriens(Annales se. nal., série 7, t. XI, p. 402, 1891). (2) W. Faxon, Selections from embryological monographs; Crustacea (Mem. Mus. Comp. Zoël., vol..IX, n° 1, 1882, pl. XII, fig. 27, pl. XIIK, fig. 40-14). 238 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. rendu mou el asymétrique, les Galathéidés en repliant cette parlie du corps contre leur sternum, et en revêtant ainsi plus ou moius l'apparence des Crabes. Dans l’un et l’autre cas, d'ailleurs, l'abdomen a subi une régression; plus encore que chez les autres Décapodes marcheurs, il a perdu ses fonctions primitives qui en faisaient un organe de natation, etcette régression progressive va s’accentuant de plus en plus dans ce groupe à mesure qu'on se rapproche des Crus- tacés brachyures. C'est à leur genre de vie et à leurs affinités avec la même forme primitive de Crustacés macroures que les Galathéidés doivent, sans doute, cet air de famille et tous ces caractères communs que nous avons signalés plus haut. Mais, en s’é- loignant par adaptation des Macroures dont ils dérivent, Hs ont très inégalement conservé les caractères essentiels de ces derniers, else sont par cela même divisés en plusieurs groupes ou sous-familles qui acquéraient en même temps, grâce à des phénomènes d'adaptation secondaires, des caractères particuliers. Ces sous-familles sont au nombre de trois. La première à pour type le genre Galathée, et sera désignée sous le nom de sous-famille des Galathéinés : la position des branchies el celle de la rame caudale sont restées les mêmes que chez les Macroures, le dernier sternile thoracique existe encore, les fausses pattes abdominales persistent en tolalilé, au moins dans tous les représentants mâles les moins brachyures de la sous-famille, ilen est de même de certains épipodites, enfin les œufs sont de petite taille et les jeunes naissent à l’état de zoé ou de métazoé. À côté de ces caractères, presque tous macrou- riens, il faut citer un cerlain nombre de caractères adapta- tifs : l’atrophie ou la soudure du troisième arlicle des pédon- cules antennaires avec le précédent, la disparition ordinai- rement complète de l’acicule, la présence presque constante d’une rangée de soies accessoires sur le bord antérieur du dernier article des pédoneules antennulaires, l'absence constante de dents sur les mandibules, et la subdivision du tel- LES GALATHÉIDÉS. 239 son en {rois paires de lobes entourant un lobe impair central. La deuxième sous-famille a pour type le genre Diptychus, et recevra en conséquence le nom de sous-famille des Depty- cinés. Les caractères macrouriens transmis y sont tout autres que ceux de la sous-famille précédente : les pé- doncules antennulaires sont toujours dépourvus de soies sériées sur le bord antérieur de leur dernier article, les pé- doncules antennaires se font remarquer par la présence constante d’un troisième article libre et d’un acicule, les mandibules sont armées de dents, au moins dans beaucoup de représentants du groupe, enfin la nageoiïire caudale res- semble beaucoup à celle des Macroures, et c’est tout au plus sil'on y observe, soit une suture transversale, soit deux su- tures disposées à angle droit. Les caractères adaptatifs sont également très différents de ceux des Galathéens: les arthro- branchies remontent presque toutes sur les flancs et devien- nent semblables à des pleurobranchies, les épipodites dis- paraissent à peu près complètement, le dernier sternite thoracique est presque toujours atrophié, les fausses pattes abdominales disparaissent en totalité ou en partie, la nageoire caudale se réfléchit contre les segments précédents de l’ab- domen, enfin les œufs sont gros, peu nombreux et vraisem- blablement donnent loujours naissance à des jeunes sem- blables à l’adulte. La lroisième sous-famille est celle des Ægléinés, et se trouve constituée par le seul genre Æ'glea. Elle se rapproche plus que toutes les autres des Paguriens: les pédoncules antennaires ont cinq articles comme ceux des Diplycinés et des Paguridés, la ligne anomourienne émet une branche verticale qu'on observe chez de nombreux Pagures, les bran- chies sont constituées par quatre rangées de filaments (fig. 23) et ressemblent tout à fait à celles des Pylocheles, les écailles ophthalmiques existent avec le même développement el presque la même forme que dans ce dernier genre, la cornée présente en dessus une profonde échancrure, le premier arlicle des pédoncules antennulaires est peu dilaté 240 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIKR. et inerme comine chez les Paguriens, l’article terminal est dépourvu de soies sériées, et les fouets terminaux, surtout le supérieur, sont étroits, mulliarticulés ef ornés de poils sen- sitifs toujours très courts (fig. 7, p. 203); les patles-mâ- choires antérieures, avec leur épipodite médiocre, ressem- blent à s’y méprendre à celles des Pylocheles; bien plus, les lignes d'ornement de la carapace rappellent singulièrement celles des Pagures, et limilent notamment des aires bran- chiales antéro-internes (I, fig. 10, p.206) qui nous parais- sent absolument identiques dans les deux groupes. Les Ægléinés ont des dents mandibulaires comme les Dipty- cinés, mais ils présentent, sur les paltes- mâchoires postérieures et sur un cerlain nombre de pattes thoraciques, des épi- podites réduits à l’état de bourgeons très rudimentaires: le dernier sternile thora- cique (#, fig. 30) et le premier sternite abdominal sont bien développés; quoi- qu’elle présente une ligne de suture lon- gitudinale, la nageoiïre caudale ressemble àcelle des Macroureset neserepliejamais contre les segments précédents, les Fig. 30. arthrobranchies restent sur lamembrane basilaire des appendices, mais celles des paltes-mâchoires postérieures se réduisent à de sim- ples bourgeons, enfin le sternum triangulaire est dépourvu de toule trace de sillon médian longitudinal. Le premier seg- ment abdominal et le telson sont seuls dépourvus d’appen- dices chez la femelle, mais le mâle n'a pour fausses pattes que celles de la nageoire caudale, et la copulation s'effectue chez ces animaux à l'aide d’une paire de tubes sexuels (£, fig. 30) qui ressemblent, par leur position comme par leur forme, à ceux des Paguriens du genre Cenobita. Après avoir signalé certains caractères communs aux Ægléinés et aux Paguridés (articles des pédoncules an- tennaires, branche verlicale de la ligne anomourienne), LES GALATHÉIDÉS. 241 M. Boas (1) observe que le genre Æglea se rattache « bien moins étroitement aux Galathées que le genre Porcellana »; cela est vrai, mais il faut ajouter que les Ægléinés, comme les Diptycinés d’ailleurs, ne présentent avec les Galathéi- nés que de simples ressemblances de famille, et qu'ils ne sau- raient en aucune façon se rattacher à ce dernier groupe.Quand on essaye de comparer les trois sous-familles, on est frappé par les oppositions qu'elles présentent et on se rend aisément compte qu'elles ne dériventenaucune façonles unes des autres. Il est facile de concevoir les Diplycinés comme des Galathées dont les arthrobranchies seraient devenues pleurales, et dont l’éclosion aurait élé retardée par cerlains phénomènes d’adap- tation; mais comment concevoir que les Diptycinés aient pu recevoir des Galathées les antennes, les dents mandibulaires, et la nageoiïre caudale macrourienne quin’existent déjà plus chez ces derniers? Et si les Ægléinés dérivaient directement des Galathées, comment pourraient-ils posséder les nombreux caracières paguriens qui font défaut à ces dernières? S'il s’a- gissait d’un seul trait d'organisation, on pourrait peut-être invoquer l’atavisme, comme a cru pouvoir le faire M. Boas pour les branchies des Æglées, mais quand il s’agit d’une série tout entière de caractères, l'explication par l’atavisme n'a plus aucune valeur, et comme c’est précisément le cas dont 1l s’agit ici, nous en arrivons à conclure que les trois sous-familles sont indépendantes et qu'elles dérivent toutes, chacune suivant un mode d'adaptation parliculier, de la forme macrourienne primitive qui s’est séparée des Paguriens pour donner les Galathéidés : les Galéthéinés ont conservé cer- lains caractères macrouriens de celte forme, les Diptycinés en ont conservé d'autres; quant aux Ægléinés, ils se sont appropriés surtout de nombreux caractères paguriens et diffèrent à cet égard de tous les autres Galathéidés. Il nous semble bien difficile de combattre sérieusement la classification précédente, et M. Henderson (2), qui seul, (1) 3. V. Boas, Loc. cit., p. 196. | (2) J. R. Henderson, loc. cit., p. 116. ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 16 249 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIFR. jusqu'ici, a pu faire une élude comparée des Galathéidés côtiers et abyssaux, semble l'avoir entrevue, puisqu'il sé- pare ses Galathodea en deux divisions, dont l’une corres- pond exactement à nos Diptycinés et l’autre à nos Gala- théinés. C’est là, d’ailleurs, le seul point de ressemblance en- tre la classification de M. Henderson et la nôtre : au lieu de considérer, à l’exemple de nombreux naturalistes, les Porcellaniens comme des animaux intimement unis aux Ga- lathées, M. Henderson les sépare au contraire en une section distincte, celle des Porcellanodea, et il réunit tous les autres Galathéidés, dans la section opposée des Galathodea.M.Hen- derson ne fait aucune mention des Æglées, mais beaucoup de naturalistes ont insisté sur la position zoologique de ces animaux : Leach(1) les rangeait dans la famille des Gala- théidés, mais les rapprochait plus des Galathées que des Por- cellanes; H. Milne-Edwards (2) les classait avec les Porcella- nes dans les Anomoures, laissant les Galathées dans le groupe des Macroures ; Dana (3) et Slimpson (4) faisaient des Gala- théidés et des Ægléidés deux familles distinctes du sous-ordre des Anomoures, enfin M. Boas (5) sans donner de classifica- lion précise, a réuni les Æglées aux Galathéidés, et exac- tement indiqué, comme nous l'avons vu précédemment, les affinités de ces animaux avec les Galathées et avec les Por- cellanes. Étant donnés les nombreux caractères communs qui exis- tent entre les Galathéidés et les Paguriens, étant données d'autre part les homologies frappantes qui rapprochent les Ægléinés de ces derniers animaux, il est impossible de ne pas conclure, avec M. Boas, queles deux familles se rattachent aux Macroures par une forme intermédiaire commune. Le (4) W. E. Leach, Galatéadées, in Dicé. sciences naturelles, t. XVIIL, p. 49, 1821. (2) H. Milne-Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. Il, p. 258, 1837. (3) J. D. Dana, United States Exploring Expedition, Crustacea, part I, p. #16, 1852. | 2 (4) W. Slimpson, Prodromus descriptionis animalium evertebratorum, etc. (Proceed. Acad. natur. Sciences, Philadelphie, p. 76, 1858). (9) 3 EV."Boas; "oc. cul. p. 196: VW LES GALATHÉIDÉS. 243 l même savant a montré, avec une grande évidence, que cette forme devait se rapprocher beaucoup aussi des Thalassi- niens du genre Axiws, mais qu’en raison de certains carac- | tères plus franchement macrouriens des Galathéidés (cornée en général bien développée, articulations diverses des pattes thoraciques antérieures semblables à celles des Astaciens et différentes par contre de celles des Thalassiniens, grands épi- mères abdominaux, etc.), elle ne pouvait « dériver directement d'aucun Thalassinien connu, mais bien d’une forme qui en était très voisine » el qui se rattachait comme elle aux Asta- ciens(1). Des recherches ultérieures nous feront peut-être connaître celte forme intermédiaire ou quelque espèce voisine ; en attendant, il nous suffit d'indiquer quelles sont les affinités réelles, prochaines ou éloignées, de la famille des Galathéidés et celles, représentées dans le schéma ci-joint, Astacidés | | | Thalassinidés | | | Paguridés Diptycinés Ægléinés Galathéinés des trois grands groupes qui la constituent. Nous allons maintenant passer à l'étude de ces groupes, en laissant de côté celui des Ægléinés, sur lequel nous possédons dès main- tenant des données suffisantes, et qui d'ailleurs, en raison (M) SE V. Boas, loc. cil., pe 241: 244 MIENE-ED WARDS et E.-L. RBOUVIER. de sa localisation dans les eaux douces, ne se (trouve pas représenté dans les animaux de dragages soumis spéciale- ment à notre étude. 1° Sous-famille. — Les Galathéinés. Les Crustacés de ce groupe ont conservé, comme nous l'a- vons dit plus haut, un certain nombre de caractères ma- erouriens très évidents : les arthrobranchies sont restées à leur place sur la membrane basi- À laire des appendices, la rame caudale, très large, s'applique sur le thorax et \ ne se replie pas sur les segments ab- an \ S dominaux précédents, le dernier ster- de 49 num thoracique est bien développé se x. (a, fig. 31, Munidopsis sigsbei), quoi- que indépendant comme dans tous les on PSS É Galathéidés où il existe, les mâles sont 7 presque loujours pourvus d’une paire @& | de fausses pattes sur le second seg- ‘UOSIOPUIF PSOWDNDS *Jÿ = < Œ n ‘UOSIOPUIF 2)0pPAOOIUIAS “JU = *SPACMPH-OUIIN *V S2d26u07 ‘x ‘UOSIOPUIH 2UPVWAOU * JU “ds ‘AOU Dyvuuviad ‘H -UOXPA 25290 ‘NU *(xn94 saj ossed9p Sairvu -uoqjue so[nouopad sop **onbrrses ox] | 9[91]1 10, NP NO 53 np 2p nait 91 ans | auxejurourd9 7'syin09 944 oiredurt aurd9 auf { -SOI 49 Sa1reJIqIO-SNS sau | "'t*+--solleuuoque Saut sansuor xnoq \ ° sol e ouido ansuor au Juamoinos 212UU9JU do anSuor oun 149 ‘sonberpito seurda.p no sommuids 9p oupipou 9[PUIPNJISUO] 298 UPI auf] ersete--onbrijseS 94IP[ 9P NoI[IU of ANS o41edut autd9,p seq tete soNutiSs 0p noI] ne SeJNuIds 2p SoQUIO 99vdP189 EI 9P SOIN SOUSIT , “SJUOI9JIp XNBOA | -IU S9P © SaIN9I | cesser. tee On DI]508 9Ù1e POP ANNSUO] e[ 27007 ans sapnurds op ourediur o98ue1 auf] -gque sonbrases | anberpieo seurdo sanarsnçd no oun Lui © = © S " n =" ® n D» sourd9,p surow ES Fe 6 . 6 . 5 © oquosqe srojsed ‘ouredut onbrrjses ourd9 auf |ne ‘soued xnoq 5 5 | ue *S2SN9] E à *tt***9[P9IAI9O 9INJNS “hurds ape dur \&E 2] 9P UOIJP24nJIG P[ 9P **‘JRaIWOopr JUoU uou on de . 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RBOUVIER. atteindre des niveaux très bas, comme notre M. bamffia, par exemple, qui se trouve fréquemment par 20 mètres de profondeur, et qui peut descendre au-dessous de 1,300. M. Henderson observe d'ailleurs, à juste titre, que les repré- senlants du genre abondent surtout entre 100 et 300 bras- ses anglaises, mais qu'ils peuvent descendre beaucoup plus bas et même dépasser 1,000 brasses; parmi ces espèces abyssales du genre, il faut citer la A7. stimpsoni qui atteint 1,105 brasses de profondeur, et la 7. microphthalma qui des- cend jusqu'à 1,030 brasses. Les représentants de ce genre sont rares dans les eaux occidentales de l'Atlantique (6 espè- ces); ils sont nombreux, au contraire, dans les Antilles (12 es- pèces) et surtout dans les mers sudo-pacifiques (23 espèces). Le genre Munida est actuellement représenté par trente- deux espèces dont beaucoup, malheureusement, ont élé très incomplètement étudiées. Dans le tableau synoplique que nous donnons plus haut, nous laissons de côlé loutes ces dernières, pour nous occuper exclusivement de celles qui ont été décrites par M. Henderson à la suite des dragages du Challenger, par M. Faxon d’après les recherches de l'A lbatros, par M. Smith, enfin de celles qui ent été recueil- lies par le Blake, le Hassler, le Travailleur, le Talisman, l'Hirondelle et que nous avons éludiées avec beaucoup de soin. Comme les Munides se distinguent essentiellement des Galathées par la présence presque constante d’épines abdo- minales, et comme d’ailleurs certaines espèces se rapprochent des Galacantha par l'existence d'épines impaires, gastriques et cardiaques, nous avons formé une série de groupes où ces caractères sont ulilisés, et où l’on passe progressivement, des espèces dont l’armature épineuse est très réduite, à celles où elle devient très compliquée. Pour les subdivisions secondaires, nous avons utilisé des caractères accessoires tirés encore de l’armature épineuse, el que nos études nous ont fait connaître comme suffisamment constants. On re- connaîtra peut-être que ce classement est loin d’être mau- vais, puisqu'il nous à permis, non seulement de donner LES GALATHÉIDÉS. 259 en abrégé une idée assez nelte de l’évolution du genre, mais aussi de réunir des formes réellement très voisines, et qu'il est souvent très difficile de distinguer (M. miles et M. valida ; M. sancti-pauli et M. militaris, elc.). DEUXIÈME SECTION. — Les Galathéens Non Flagellés. Les Crustacés de ce groupe sont caractérisés par de nom- breux et importants caractères, parmi lesquels nous citerons au premier rang : la disparilion du fouet de l’exopodite des pattes-mâchoires (fig. 17, p. 213), la transformation des trois fausses paltes postérieures du mâle, qui échangent presque toujours leur forme lamellaire contre celle de simples baguettes, la soudurefréquente de l’arceau ophthalmique avec les parties voisines (fig. 4, p. 199), l’atrophie des cornéules de l'œil qui cesse d’être un organe de vision, la calcification exagérée du test qui devient dur et épais, enfin la disparition progressive plus ou moins complète des lignes ciliées (fig. 13, p. 209) qui ornaient la carapace dans les animaux de la section précédente. D’après les recherches de M. Sars sur le (alathodes tridentatus, les jeunes naissent au stade mélazoé et sont munis en conséquence de tous leurs appen- dices (1). La disparition du fouet de l’exopodite des maxillipèdes antérieurs, l’absence presque constante d’épipodites sur les pattes thoraciqnes, la transformation et la réduction des fausses pattes non sexuelles, tout nous prouve qu'avec cetle tribu, nous nous éloignons de plus en plus des formes pri- milives de la famille. Nous assistons en même lemps à une accentualion progressive des caractères adaptatifs propres à la vie abyssale chez ces animaux : le test s’épaissit, les veux cessent d’être des organes fonctionnels, l’arceau ophthal- mique perd toute autonomie, el les pédoncules oculaires, qui s’arment parfois d’une épine, deviennent de simples organes (4) G. O. Sars, loc. cit., tab. k. 260 MELNKH-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. défensifs, ils finissent même, chez les formes les plus modi- fiées, par devenir immobiles en se soudant à leur arceau et au rostre. Comme on devait s’y attendre, les soies antennu- laires prennent un développement extrême dans ce groupe, qui se localise dans les profondeurs, et c’est à peine si nous connaissons une espèce qui en soit réellement dépourvue. Comme la section précédente, celle-ci peut se diviser natu- rellement en deux groupes caractérisés par leur aspect géné- ral, qui est dû, dans le premier à la présence constante d’épines, au moins sur l'angle antéro-laléral de la cara- pace (fig. 5, p. 199), — dans le second, à la réduction plus ou moins prononcée de l’armature épineuse de la carapace, notamment à l'absence complète de toute épine sur l’angle antéro-latéral (fig. 13, p. 209). La forme de l’angle antéro-latéral de la carapace joue, en effet, un grand rôle dans la caractéristique des Galathéidés; chez les Galathea, Munida et Pleuroncodes, c'est-à-dire chez les formes les plus typiques et les plus primitives de la famille, il est toujours armé d’une épine assez longue, même dans les espèces où toute autre armature épineuse disparaît ; il est donc naturel de considérer la disparition de ce carac- tère comme le signe d’une variation importante des Gala- théens, et par conséquent comme le plus propre à servir au fraclionnement de la section qui nous occupe. Si l’on observe, d’ailleurs, que les espèces dont l'angle antéro-latéral est dépourvu d'épine, sont aussi celles qui ont la forme la plus lourde, l’armature épineuse la plus réduite, l’aspect le moins galathéiforme, en un mot, de tous les représentants de la tribu, on conviendra que le caractère dont nous signalons l’importance a une valeur systématique bien supérieure à celui qui nous a servi, dans la section précédente, à séparer les Pleuroncodes, des Galathées et des Munides. Les deux groupes de la tribu étant ainsi limités, il nous reste à déterminer les genres qui les constituent. Pour le premier groupe, le choix des caraclères génériques ne présente aucune difficullé, pour peu que l’on ait soigneusement comparé LES GALATHÉIDÉS. 261 ses nombreuses espèces, non seulement entre elles, mais avec celles de la précédente section. La forme et les orne- ments du front, qui ont permis aux zoologistes d'établir, dans cette dernière, les deux genres naturels Galathea et Munida, jouissent de la même importance générique dans le groupe qui nous occupe, et permettent de le diviser en trois genres aussi naturels que ces deux derniers, malgré l'opinion contraire d’un grand nombre de zoologistes. Dans le pre- mier de ces genres, auquel l’un de nous a donné le nom de Galacantha, le rostre est presque horizontal dans sa moitié basilaire, et se relève ensuite assez brusquement en devenant sensiblement plus grêle (fig. 3, p.198). Dans le second genre, qui a reçu de M. Whiteaves, le nom de Munidopsis, le rostre esi grêle comme dans le genre précédent, et souvent même il s’incurve un peu vers le haut, mais jamais il ne présente celte ligne d’in- flexion brusque et ce rétrécissement qui sont un des traits essentiels du genre Galacantha (fig. 5, p. 199). Le troisième genre, enfin, pour lequel nous conser- verons le nom de Galathodes, se dis- tüingue par un rostre large, plat, un peu caréné, qui se rélrécit brusquement en avant et forme une pointe lerminale, limitée à sa base par deux denlicules aigus (fig. 32, Gœalathodes tridentatus). Le genre Galacantha est, de tous, le plus étroitement lié à la section précédente, parce qu'on observe dans tous ses représentants des épipo- dites bien développés sur les pattes thoraciques et une surface cornéenne plus ou moins dilatée. Il est d’ailleurs bien difficile, dans l’état actuel de nos connaissances, de préciser davantage les affinités du genre Galacantha : la présence d’épipodites sur les appendices thoraciques semblerait indi- quer des affinités surtout étroites avec le genre Galathea, mais l’ensemble de tous les autres caractères, el laspect général sont lrès semblables à ceux des Wunida, et c'est de 262 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. ce dernier genre qu’on devra cerlainement rapprocher les Galacanthes si l’on parvient à démontrer, comme c’est pro- bable, l’existence d’épipodiles thoraciques chez quelques Munides vivantes ou fossiles. Si les affinités précises du genre Galacantha sont encore incerlaines, on connaît assez bien, par contre, celles des deux genres Munidopsis el Galathodes. Les Munidopsis sont desGalacanthes modifiées où le rostre perd son coude brusque, et où disparaissent progressivement les divers épidodites du thorax. Quant aux Galathodes, malgré leur ressemblance avec les Galathées, ils nous paraissent dériver directement des Munidopsis, par l'intermédiaire d'espèces telles que le G. trifidus Hend., où le rostre s’élire et ne possède plus que de faibles denticules. Le deuxième groupe de la tribu renferme deux genres qui représentent, dans la tribu, le terme extrême des variations du type galathéide : les épipodiles thoraciques n'existent ordinairement plus, l’armature épineuse de la carapace et ses lignes disparaissent progressivement ou sont remplacées par des granules, la carapace elle-même acquiert une forme tout à fail particulière, l’arceau ophthalmique devient de plus en plus indistinct, les pédoncules oculaires perdent très souvent leur mobilité et, chez les espèces les plus modifiées du groupe, se soudent au rostre et semblent faire alors parlie intégrante de la région frontale. Ces variations se manifestent d’ailleurs sous deux formes, qui caractérisent chacune l'un des deux genres du groupe. Dans le genre Elasmonotus, le rostre s’allonge de Lu y CHUpÈNE plus en plus sans cesser d’être large, au moins dans sa partie basilaire, dont les bords sont le plus souvent presque parallèles, les pédoncules ocu- laires sont mobiles et ordinairement assez longs, l’abdomen est armé de fortes dents ou de bourrelets transversaux, la carapace tend à devenir quadrangulaire, et ses bords latéraux arrondis, Fig. 33. x Ëel LES GALATHÉIDÉS. 263 sont à angle droit avec le front, et forment une sorte de bourrelet arrondi qui surplombe les parties voisines de la carapace (fig. 33, Æ. armatus). Dans le genre Orophorhyn- chus, au contraire, le rostre tend bien plus à s’élargir qu'à s’allonger, il devient de plus en plus largement triangu- laire, envahit une grande partie de la région frontale, et recouvre plus ou moins complètement les pédoncules ocu- laires; ces derniers se réduisent beaucoup et se soudent le plus souvent au rostre el à l’arceau ophthalmique; l'abdomen est large et fréquemment inerme, la carapace est presque toujours plus large en avant qu’en arrière, et n’est d’ailleurs jamais quadrangulaire; sa face dorsale, enfin, chez les espè- ces les plus caractéristiques du genre, forme avec les flancs un angle plus ou moins aigu, dont le sommel est occupé par les bords nets el tranchants de la carapace (fig. 34, O. aries). Les deux genres nous parais- sent se rallacher directement aux Munidopsis par un cerlain nom- bre d’espèces intermédiaires : ils doivent êlre considérés comme le résultal, suivant deux modes différents, de variations progressives qu'ont subies les Munidopsis; ces modifications ont conduit à deux formes génériques, qui diffèrent cerlainement plus entre elles et du genre Munidopsis, que les Munida de certaines Galathées, et les Pleuroncodes de certaines Munida. Tels sont les éléments essentiels de notre classification des Galathéens flagellés : l'aspect de la carapace et la forme du rostre, qui fournissent des caractères génériques excellents pour subdiviser en genres (Munida, Galalthea el Pleuronco- des) la première section de la tribu, nous paraissent en fournir de tout aussi bons pour subdiviser la seconde. II est vrai qu'il existe des formes intermédiaires entre les genres ainsi créés, mais n'en existe-t-il pas aussi entre les trois genres de la première section? et n’est-ce pas le sort de tous les caractères naturels et importants de varier progressi- Fig. 34, 264 MILNE-EDWARDS et E.-L. ROUVIER. vement et, pour ainsi dire, avec mesure, de manière à donner des types très différents les uns des aulres, mais cependant réunis entre eux par un plus ou moins grand nombre d’in- termédiaires? Établir des genres, c’est précisément choisir ces formes types qui correspondent à un degré d’évolulion très caractéristique, et c’est grouper autour de ces formes toutes les espèces qui s’en rapprochent à un degré plus ou moins frappant. Quant aux espèces criliques, ce sont sans contredit les plus intéressantes de ioutes, non point parce qu'elles exercent plus que toutes aulres la sagacité du natu- raliste, mais parce qu’elles lui permettent de relier entre eux les chaînons, trop souvent interrompus, qui unissent entre eux les différents êtres. Si nous insistons sur les groupements génériques qui pré- cèdent, et sur les raisons qui nous ont permis de les justifier, c'est dans le but de fixer définilivement une classification qui est restée jusqu'ici flottante, parce qu'elle avait élé trop rapidemeni esquissée. C'est à l'issue des dragages du Blake qu’elle-fut proposée par l’un de nous, dans un travail préli- minaire, oùétaient décrites, en quelques lignes, les formes les plus intéressantes recueillies pendant cette mémorable campagne (1). Dans aucune famille, les formes nouvelles ne furent plus nombreuses que dans celle des Galathéidés, el dans la famille des Galathéidés la section qui nous occupe se distinguait au premier rang. Réduile jusqu'alors à une seule espèce, la Munidopsis curvirostra de Whiteaves, elle en compta du coup jusqu’à vingt-deux, et acquit par suite une importance presque égale à celle des autres Galathéens réunis. Ces espèces élaient fort différentes les unes des autres, mais un examen attentif permit d'y reconnaître quatre formes différentes, c'est-à-dire quatre genres auxquels fu- rent attribués les noms de Galacantha, Elasmonotus, Oro- phorhkynchus et Galathodes ; ce dernier a été remplacé depuis par celui de Mumidopsis qu'avait antérieurement proposé (4) A. Milne-Edwards, Études préliminaires sur les Crustacés du Blake (Bull. Mus. comp. Zoûl., vol. VIII, n° 1, 1880). LES GALATHÉIDÉS. 265 M. Whiteaves. Comme nous l'avons vu précédemment, ces genres, surtout les deux derniers, se relient entre eux et aux précédents par un cerlain nombre d'espèces intermé- diaires dont la position systématique ne pouvail guère être déterminée dans une étude préliminaire, nécessairement trèsrapide. Aussi plusieurs espèces, qui doivent être rappor- tées au genre Munidopsis, furent-elles rangées parmi les Elasmonotus ou les Orophorhynchus (Or. nitidus, spinocu- latus, etc.), et ce n'est pas là, bien certainement, une des moindres raisons qui ont porté plusieurs naturalistes à supprimer quelques-uns de ces genres. C’est M. Smith qui s’engagea le premier dans cette voie, identifiant les Ga/acantha et les Munidopsis (1), parce que, d’après lui, ces deux genres seraient intimement reliés l’un à l’autre par une espèce intermédiaire, qu'il appela d'abord Galacantha baird, et plus tard Munidopsis bairdi. Cette tentalive de réforme n’était pas heureuse et n’a du reste été acceplée par aucun naturaliste. La À. bairdi, en effet, n’est point une (ralacantha, mais une Munidopsis des plus caracté- risées, qui n'offre pas tous les caractères intermédiaires qu'a cru y trouver M. Smith; ces caractères eussent-ils existé d'ailleurs, on pouvait tout simplement en conclure que les deux genres apparliennent à une même série évolutive, et non qu ils doivent être réunis en un seul. Au reste, M. Smith ne parait pas s'être rendu compte des principes essentiels de la classification des Galathéidés ; il est vrai, comme il l’ob- serve, que les appendices buccaux et les branchies sont iden- liquement les mêmes dans les Galacantha et les Munidopsis, mais ces caractères ne servent pas à délimiter les genres dans la famille des Galathéidés, ils permettent d'y constituer des tribus et des sous-familles, mêâis non des genres. Pour tous les zoologistes, les caractères génériques des Galathéidés ont (4) S. L. Smith, On some new or little known decapod Crustacea, etc. (Pro- ced. U. S. nat. Mus. T. VII, p. 493, 1885) et Report on the decapod Crustacer of the Albatross dredgins (Report ofthe Comm. of Fish and Fisheries for 4885, p. 40, 1886). 266 MILNE-ED WARDS et E.-L. BOUVIERK. été Lirés jusqu'ici de la forme du rostre, de l’aspect général de l'animal, etc.; ce sont ces caractères qui distinguent les (ralacantha des Munidopsis, et ils permettent de délimiter irès suffisamment les deux genres. Nous ne croyons pas que M. Smith ait été plus heureux, quand il a proposé de créer, pour une nouvelle espèce de Galathéidés, le genre Ano- plonotus (1); VA.politus qu’il a figuré et décrit, nous paraît, comme à M. Henderson, posséder la plupart des caractères essentiels des ÆZ/asmonotus, el nous serions fort étonnés si l'examen des individus de cette espèce ne venait pas confir- mer nos interprélalions. Dans son grand travail sur les Anomoures du CAallenger, M. Henderson (2) combat les innovations de M. Smith, rela- tives aux Anoplonotus el aux (ralacantha, il conserve les genres (ralacantha, Munidopsis et Elasmonotus, mais il croit devoir réunir aux Munidopsis les espèces du genre Oropho- rhynchus. Celte manière de faire ne nous paraîl point logi- que ; le genre ÆE/asmonotus, comme tous les genres de Galathéidés, est un genre purement morphologique, mais les Orophorhynchus {ypiques sont ausst différents des Munidopsis normaux que des espèces les plus caractéristiques du genre Elasmonotus ; 1 y a là, comme nous l'avons dit plus haut, deux formes bien caractérisées, très différentes des Muni- dopsis, et l’on ne saurait refuser à l’une la valeur générique qu'on accorde à l’autre. Dans un travail préliminaire sur les Crustacés recueillis par l'A /batros durant sa dernière campagne, M. Faxon sim- plifie plus encore la classification des Galathéens, et ne forme plus, pour toutes les espèces aveugles, que les deux genres (ralacantha et Munidopsis, ce dernier genre compre- nant à la fois les Galathodes (Munidopsis), Elasmonotus et Orophorhynchus du groupement primitif. Bien qu'elle soit plus logique que celle de M. Henderson, celte simplification (4) S. I. Smith, Preliminary Report on the Brachyura and Anomura, ete. (Proceed U. $. nat. Museum, vol. VI, p. 50, 1883). (2) J. R. Henderson, loc. cit. LES GALATHÉIDÉS. 267 ne l’est pas encore assez, parce qu’elle aurait dû s'étendre au genre Galacantha lui-même ; il est trop clair, en effet, pour qui envisage la série des formes du groupe, que les Ga- lacantha diffèrent moins des Munidopsis que la plupart des Elasmonotus et des Orophorhynchus. Mais si la suppression du genre Galacantha et l'extension du genre Munidopsis à toutes les espèces aveugles sont la conséquence nécessaire des modifications introduiles par M. Faxon, on se trouve dès lors en présence d’un système de classification où nos caractères de tribus (fouet de l’exopodite des maxillipèdes antérieurs, modification des fausses patles sexuelles du mâles, etc.), deviennent de simples caractères génériques, et où les caractères génériques employés à juste tilre par tous les auteurs dans la classification des Galathéidés (forme du rosire, du front et de la carapace), sont considérés comme dépourvus de la valeur qu'on leur attribuait. Un pareil système, s’il était adopté, ne conduirail à rien moins qu'à revenir au grou- pement proposé par Fabricius, pour lequel les Munida et les (ralathea étaient confondues dans le seul genre Galathée, et à réunir sous une même dénomination les trois genres Dypti- chus, Ptychogaster et Eumunida qu'ont créés récemment les zoologistes. Ainsi réduite à trois grands genres, la famille des Galathéidés pourrait être à coup sûr envisagée d'un coup d'œil très rapide, mais ce coup d'œil serait des plus super- ficiels, etne donnerait aucune idée de ce groupe éminemment plastique, où la nature semble s'être plu à faire varier les adaptations et à multiplier les formes. Le rôle des naturalistes est précisément de caractériser ces formes, de montrer la place qu'elles occupent dans le groupe, de chercher les espèces qui les relient entre elles, de manière à donner une image aussi fidèle que possible de la famille tout entière et des modifications diverses qu'elle a subies dans le cours de son évolution. 268 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. Galacantha À. Milne-Edwards. Galacantha, A. Milne-Edwards, Bull. Mus. Comp. Zoël., vol. VIIL, n° 1, p. 2, 1880. Les très intéressants Crustacés de ce genre (fig. 3, p. 198) se reconnaissent aisément à leur roslre : celui-ei est étroit en avant, aigu et se divise en deux portions, l’une basilaire et presque horizontale qui se continue avec le front, l’autre terminale qui se relève brusquement et assez fortement vers le haut; la partie basilaire se prolonge en arrière sur la région gastrique et présente parfois en avant deux spinules, l’une à droite, l’autre à gauche; la partie terminale est beaucoup moins forte dès son origine, elle se rétrécit brus- quement et se termine en pointe aiguë assez courte. Le bord frontal a une direction un peu oblique, il est complè- tement inerme, et se termine à l’épine antéro-latérale qui est toujours très forte, et qui se dirige plus ou moins en avant et en dehors. La partie orbitaire du front est inerme et très réduile, parce qu’elle est envahie, presque jusqu'aux yeux, par les pédoncules antennaires qui sont ordinaire- ment gros, et surtout par leur article basilaire. La cara- pace est plus large en avant qu'en arrière et ses bords la- téraux sont {rès nettement indiqués, dans leur moitié antérieure, par une série d’épines, surtout par une très grosse qui se trouve sur la région branchiale antérieure, en arrière de l’épine antéro-latérale. Au reste, les épines grandes et fortes sont un des caractères du genre ; la plus développée occupe la partie postérieure de l’aire gastrique, et se dirige vers le haut, en se recourbant un peu en avant ; c’est la première et la plus grande d'une série impaire qui se continue sur l'aire cardiaque, et qui se retrouve encore sur les anneaux antérieurs de l'abdomen. Les deux épines gastriques antérieures, si fréquentes chez les Munida, existent ici encore avec un plein développement, mais les lignes ciliées ont disparu, et à leur place se trouvent, sur- tout sur les aires branchiales, des tubercules plus ou moins LES GALATHÉIDÉS. 269 forts qui se terminent parfois en pointe aiguë. Les sillons de la carapace sont un peu moins dislinets que ceux des Munida ; toutelois l'aire cardiaque est mieux caractérisée que dans ce dernier genre, et elle présente en avant une vaste surface déprimée et unie. Les doigts des pattes ambulatoires sont arqués, assez longs, et présentent sur leur bord infé- rieur une rangée de très fins dentlicules. Dans les deux espèces que nous avons étudiées, l’article terminal des antennules est orné d’une rangée peu fournie de soies accessoires simples, et l’on observe des épipodites bien développés sur les trois paires de pattes thoraciques antérieures ; ces caractères sembleraient indiquer des affini- tés étroites avec les Galathées les plus typiques, c’est-à-dire avec celles où font défaut les soies antennulaires et où sont nombreux les épipodites thoraciques. Toutefois, étant donnés la forme générale du corps et du rostre, la dilatation de la cornée dans cerlaines espèces, ainsi que les ornements de la carapace, nous avons peine à croire que les Galacantha ne se rattachent pas plus directement aux Munides qu'aux Gala- thées. La question Jusqu'ici reste encore indécise, mais elle nous paraîtrail définitivement tranchée si, comme nous l'avons dit précédemment, l'on arrivait quelque. jour à connaître, ce qui n’a rien d'impossible, des Munides où existeraient des épipodites sur les pattes thoraciques et où feraient défaut les soies antennulaires. Le genre (ralacantha a été adopté par tous les naturalistes, sauf par M. Smith qui a voulu le réunir au genre Munidopsis en se fondant sur les caractères d’une espèce, la M. bairdi, qu'il considérait comme intermédiaire entre les Ga/acantha et les Muridopsis. Nous avons déjà dit plus haut ce que nous pensions des espèces intermédiaires et comment leur con- naissance doit servir, non point à détruire les genres, mais à montrer leurs affinités relatives : nous ajouterons d’ailleurs que la M. bairdi ne présente aucun des caractères essentiels que nous avons assignés plus haut au genre Galacantha, que c'est une véritable Munidopsis dépourvue d’'épipodites sur les 270 MILNE-EDWARDS et E- L. BOUVIER. pattes thoraciques, et qu'il n’y a dès lors aucune raison pour supprimer le genre Galacantha. Les espèces connues de ce genre sont jusqu'ici au nombre de quatre, dont l’une, la G. rostrata À. Milne-Edwards, paraît se trouver dans toutes les mers tropicales et subtro- picales du globe, sauf peut-être dans la mer des Indes, où elle est représentée par la G. areolata Wood-Mason, qui n’est probablement qu’une variété de l'espèce. Les autres espèces sont au contraire assez étroitement localisées, et habitent, l’une, la mer des Antilles (G. spinosa A. Milne-Edwards), l’autre, les eaux américaines du Pacifique parcourues par l'A lbatros (G. diomedeæ Faxon). Toutes ces espèces sont éminemment abyssales, l’une d’elles seulement, la G. spinosa, remonte jusqu'à 550 mètres de profondeur, les autres ne commencent pas à se rencontrer à moins de 1,100 mètres et la plupart des spécimens se trouvent même entre 1,800 et 3,000 mètres de profondeur : la G. diomedeæ descend jusqu'à 3,400 mètres. Les espèces du genre se distinguent aisément par la na- ture et la disposition des ornements épineux qui ornenl les diverses régions du corps, et notamment la carapace. Elles sont toutes très voisines les unes des autres, et l'expérience nous ayant appris que l'une d'elles, la G. rostrata, peut subir des variations très élendues, nous pensons qu'il y aura lieu de comparer minutieusement la G. diomedeæ, et surtout la G. areolata, aux deux autres espèces déjà connues, afin de savoir si elles ne représenteraient pas de simples variations de ces dernières. En attendant on peut présenter comme il suit, le tableau synoptique des quatre espèces qui composent aujourd’hui le genre | Épine gastrique impaire très grande, arquée; carapace ornée de gros tubercules spini- HHPMES, G. spinosa A. Milne-Edw. Epine gastrique mé- diocre ; carapace ornée | de tubercules squami- formes sétifères....... (G. diomedezæ Faxon. Rostre dépourvu de spi- nules latérales, au point de courbure; épine laté- rale antérieure beaucoup plus grande que la posté- TAGNTE PI EURE RURNE LES GALATHÉIDÉS. JP Rostre armé d’une paire de spinules au point de | Carapace ornée de gra- . courbure ; épine latérale \ nüles forts 4221 447.4 G. rostrata A. Milne-Edw. antérieure ordinairement } Carapace plus grossiè- plus petite que la posté- ! rement granuleuse.... G. areolala Wood-Mason. MED). 3 his sac Munidopsis Whileaves. Munidopsis, Whiteaves, Amer. Journ. Sciences (3), vol. VII, p. 212, 1874. Munidopsis (in parte), J.R. Henderson, Anomoura, Challenger, Zool., vol.XX VIT, p. 148, 1888. Munidopsis (in parle), W. Faxon, Bull. Mus. Comp. Zoül., vol. XXIV, p. 181. Galathodes (in parte), À. Milne-Edwards, Bull. Mus. Comp. Zoël., vol. VIIF, n° 1, p. 58, 1880. Les affinités des Munidopsis avec les Galacantha sont in- contestables, et l’on peut considérer, à vrai dire, le premier genre comme dérivant du second : 1° par quelques modifi- cations dans Je rostre, qui cesse de se relever plus ou moins brusquement à son extrémité, et qui se rétrécit graduelle- ment de la base au sommet; 2° par la suppression ou la réduc- tion extrême des grandes épines impaires qui occupent la ligne médiane du test, el notamment par la disparition de la grande épine gastrique, qui donne un aspect si parliculier aux représentants du genre Galacantha (fig. 5, p. 199). Ces diffé- rences sont essentielles et juslifieraient à elles seules la sépa- ration des deux genres; nous ajouterons cependant que les pédoncules antennaires des Munidopsis sont moins forts que ceux des Galacanthes, et qu'entre les pédoncules oculaires el leur base se trouve une surface fronto-orbitaire assez vaste, sur laquelle on voit assez fréquemment s'élever une épine, comme dans certaines espèces du genre Munida. Les bords la- téraux de la carapace présentent des variations extrêmes au point de vue de leur armature épineuse; on peut dire, toutefois, qu'ils sont plus souvent arqués que droilset, qu'à part une ou deux espèces où elle devient presque quadrangulaire, la ca- rapace est plus étroite en avant que vers sa partie postérieure. Elle présente d’ailleurs, sur sa face dorsale, des ornements très variés, tantôt des épines comme dans les Galacantha, lantôt 9P7a MILNE-EDWARDS et E-.L. RBOUVIER. des lignes ciliées comme dans les Munida; mais les lignes ciliées, quand elles existent, ne possèdent jamais la lon- gueur et la continuité qu'elles offrent dans ce dernier genre, elles se fragmentent beaucoup, parfois prennent la forme de squames ou même disparaissent complètement, laissant la carapace complètement dénuée de tout ornement. Les lignes de suture subissent des variations pour ainsi dire parallèles aux précédentes : très distinctes quand la carapace a des ornements nombreux, elles deviennent vagues et se confon- dent de plus en plus, à mesure que ceux-ci s’atténuent ou dis- paraissent ; toujours, pourtant, on aperçoit une dépression dans la partie antérieure de l’aire cardiaque, comme dans le genre (ralacantha, et toujours aussi, comme dans ce der- nier genre, la carapace est assez régulièrement convexe dans le sens longitudinal comme dans le sens transversal. L’atlénuation et la disparition progressive des ornements et des sillons de la carapace nous prouve, qu'avec ce genre, nous nous éloignons de plus en plus du lype des Galathées. C'est ce que montre aussi l'étude des caractères adaptatifs du groupe et notamment des pédoncules oculaires, qui sont bien plus modifiés dans ce genre que dans le précédent : dans cer- taines espèces, les pédoncules sont encore allongés, libres et un peu dilatés au sommel comme dans les Ga/acantha, mais le plus souvent ils se réduisent en longueur, ils s’arment d’une épine dans la région cornéenne, qui peut même pré- senter des rugosités enfin, dans quelques espèces (M. antoni, M. milleri), les pédoncules se soudent à leur arceau ophthal- mique, et deviennent comme lui complètement immobiles. Ces caractères d'adaptation sont en conformité parfaite avec ceux tirés de l’étude des soies antennulaires : celles-ci sont très développées et plus ou moins richement munies de barbules dans les espèces que nous avons étudiées; toute- fois les soies antennulaires de la M. serratifrons et de la M. Sharreri sont simples comme celles des Galacanthes, et disparaissent même complètement dans la A. abbremata qui se range, on le verra plus loin, parmi les rares espèces LES GALATHÉIDÉS. 273 de Munidopsis où s'observent trois paires d’épidodites tho- raciques, comme chez les Galacantha. Tous ces caractères adaptalifs sont en rapport étroit avec l'habitat de ces animaux, qui est essentiellement abyssal. Si quelques espèces peuvent remonter jusqu'à 155 mètres de profondeur (M. tanneri Faxon), et par conséquent à des niveaux où l'on n'a trouvé jusqu'ici aucun Galacantha, ils peuvent par contre descendre dans des régions beaucoup plus profondes, et certaines espèces doivent même compter parmi les formes marines les plus abyssales de toutes : c’est ainsi que la 27. antont à élé draguée dans l’Atlantique orien- tal par plus de 4,000 mètres de profondeur, et que la M. reynoldsi atteint dans les Antilles le niveau de 2,376 bras- ses, c’est-à-dire 4,300 mètres environ de profondeur. Au resle, si nous passons de ces niveaux extrêmes aux pro- fondeurs les plus communément habitées par les représen- lants du genre, nous trouvons que c'est entre 1,000 el 2,500 mètres qu'on a constaté jusqu'ici le plus grand nombre de ces derniers. Les Munidopsis sont répandues dans toutes les mers tropicales ou suhtropicales ; une espèce, toutefois, découverte par le Challenger, dépasse assez sensiblement les zones tropicales; c'est la 27. subsquamosa Hend., qui a été draguée au large de Yokohama; quant à la M. rrifida Henderson, qui provient du canal Sarmiento, au sud de la Patagonie, ce serait de toutes les espèces la plus voisine des pôles, mais elle n’appartient pas à ce genre et l’on doit, suivant nous, la ranger dans le suivant. Les affinités des Munidopsis avec les Galacanthes ne sont pas douteuses, maisnousne croyons pas qu'on puisse regarder, avec M. Smith, la A. bairdi comme aussi voisine des Gala- cantha que des Munidopsis. Cette espèce a bien le rostre re- levé vers le haut, comme beaucoup d’autres espèces du genre, mais sans le coude brusque et sans le rélrécissement rapide de l'extrémité qui caractérise les Galacanthes. Quant aux puissantes épines impaires qui sont le propre des Ga- lacantha, elles font complètement défaut dans la M. bairdi, ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 18 274 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. et c’est à peine si l'on trouve sur la région gastrique une pelite épine impaire, qu'on ne saurait en aucune façon comparer aux puissantes épines gastriques des Galacanthes. Qu'il y ait des affinités entre celte espèce et certaines Gala- canthes, notamment la G.diomedeæ, nous n’en disconvenons pas, mais nous croyons, avec M. Henderson, que la position générique de la M. bairdi n'est en aucune facon indécise. Le genre Munidopsis est certainement un des plus répandus dans les abîmes de la mer, el son histoire ne commence guère qu'avec celle des grandes explorations sous-marines. La première espèce, décrite en 1874 par M. Whiteaves, sous le nom de M. curvirostra, fut draguée à l'embouchure du fleuve Saint-Laurent, et fut plus tard retrouvée, en divers points, dans les eaux qui baignent la côte orientale de l’'Amé- rique du Nord. En 1880, 10 espèces nouvelles, draguées par le Blake dans la mer des Antilles, furent décrites par l’un de nous, et vinrent donner à ce genre une réelle importance. Depuis, M. Smith a signalé 3 autres espèces localisées dans les mêmes eaux, le Cal/lenger en à découvert 6 au- ires, M. Wood-Mason 2, enfin M. Faxon vient de don- ner les diagnoses de 10 espèces nouvelles qui ont été draguées par l'A/batros durant sa dernière campagne. Si, à ces espèces, on en ajoute 3 qui proviennent des dragages du Travailleur et du Talisman, on arrive à un total de 34 espe- ces, dont aucune n'élail connue il y a vingl années. Parmi ces espèces, 17 se trouvent dans le Pacifique, 12 dans l’Atlan- tique occidental et 4 seulement dans l’Atlantique oriental. Toutes se distinguent assez facilement les unes des autres par leur armature épineuse, la forme de leur rostre, les caraclères des maxillipèdes externes et les dimensions des pinces, qui sont chez certaines très allongées, chez d'autres très courtes. Mais il est des caractères qui nous paraissent dominer les précédents, et qui permettent de diviser ce genre en un certain nombre de groupes ou de sous-groupes assez naturels : au premier rang de ces caractères il v a lieu de placer, croyons-nous, la forme du rostre, qui est tantôt *Sa[ra *SPALMPA-OUTN *V 229DU240 "J / "7" "Ar [N00 ouldo,p seq | ‘outdo ounp -yer sourda “HOXPJ 22288D0D JO‘ ""*"""aare1Nn90 ourd9 ouf | WE [PFUOI PIOG S2JIOJ 0p S01 > ‘UJluS 1P1DQ ‘HN ; DE "+ "PJMPBINOD ourd9 red sInotsnd Tr oun ‘oJPJUOI; o41eIqo aurd9,p $seq aUTAUT n0 an, p 91e NN ‘SPIPMPM-OUIIN *V 42/eu2ds :ÿ 1°" "7" tt" ""oAeno0 outd9,p IeJUOIF pA0Y | 19 a$uoqe sed ‘ojejquoiy odteJrquo ouido ouf latex oxsou L . L l'anndo's CT SR MTS. 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Les Crustacés de cette tribu ont été longtemps considérés comme des Crabes el rangés comme tels parmiles Brachyures; M. Claus, il y a peu d'années, séparait même complèle- ment les Porcellaniens des Galathéens, ilrangeait ces derniers parmi les Macroures, entre les Langoustes et les Thalassi- niens,elil plaçaitles Porcellaniens à la base du groupe des Bra- chyures, dans la section hétérogène des Notopodes, à côté des 288 MILNE-EDWARDS et E.-L. ROUVIKR. Lithodes, des Dromies et des Dorippes({1). Les élroites affinités des Porcellaniens avec les Galathéinés ont été signalées par H. Milne-Edwards (2) qui, rangeant ce dernier groupe parmi les Macroures, reconnaît qu'il établit Le passage entre les Ano- moures el les Macroures, et qu’ « il se rapproche surtout des Porcellanes, dont il se distingue cependant par le grand dé- veloppement qu'offre l’abdomen ». Avant H. Milne-Edwards, plusieurs naturalistes avaient soupçonné très exactement les affinités des deux groupes, et Leach (3), suivi en cela par Latreille (4) et par Risso (5), les range même dans la famille des Galathéidés. Plus tard de Haan (6), en assignant au groupe des Anomoures une juste limite, a séparé les Porcellanidés des Galathéidés, mais en montrant les affinités qui les ratta- chent. Dana (7) a également enirevu ces affinités, mais il a réuni les Galathéidés aux Ægléidés dans son groupe des Ano- moures inférieurs, qu'il rattache aux Macroures, et il range les Porcellanidés parmi les Anomoures moyens. Miers (8), M. Targioni-Tozzetti (9) et quelques autres ont adopté depuis la classification de Dana, mais plus récemment M. Boas (10), M. Bonnier (11), M. Henderson (12), M. Claus dans la dernière édition de son Traité de zoologie (13) etla plupart (1) C. Claus, Traité de Zoologie, traduction française de Moquin-Tandon, ” 1885, p. 749. (2) H. Milne-Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. IT, p. 270, 183%. part. I, p. 54, 1852. (8) E. J. Miers, Catalogue of the stalk and sessile-eyed Crustacea of New Zealand, 1876. (9) A. Targioni-Tozzetti, Crostacei Brachiuri e Anomouri in Zoologia del Viaggio intorno al globo della R. pirocorvetta : Magenta, 1877. (40) J. E. V. Boas, Sfudier over Decapodermes Slægtskabsforhold (Vidensk. Selsk, Skr., 6R., Afd. I, 2, p. 124-127, 1880). (14) J. Bonnier, Catalogue des Crustacés malacostracés recueillis dans la baie de Concarneau (Bull. scient. du Nord et de la Belg., sér. 2, t. X, p. 241, 1887). (12) J. R. Henderson, Anomura, Challenger, Zoolog., vol. XXVIL, p. 103- 115, 1887. (13) C. Claus, Lehrbuch der Zoologie, 5t° Aufl., p. 54, 1893. LES : GALATHÉIDÉS. 289 des carcinologistes sont revenus à l’idée de Leach, et rangent les Porcellaniens dans la famille äes Galathéidés. M. Henderson est le seul naturaliste qui ait eu, jusqu'ici, l'occasion d'étudier les Galathéidés abyssaux dans leur en- semble, et d'établir la classification d’une famille que tous les autres zoologistes n'avaient que très incomplètement connue. La classification de M. Henderson diffère en de nombreux points de la nôlre, mais surtout en ce que les Porcellaniens y forment une seclion spéciale, celle des Porcellanodea, et sont séparés complètement de la section des Galathodea, qui renferme tous les autres Galathéidés. Ce n’est pas sans raison qu’on a voulu ranger les Porcella- niens parmi les Crabes: ils ont de ces animaux la carapace aplatie et très développée transversalement, les fouets anten- naires réduits, les maxillipèdes comprimés et larges, enfin et surtout l'abdomen mince et presque dépourvu de museles, qui se replie sous le sternumet disparaîl à peu près complè- tement du côté dorsal. Malgré leur ressemblance extérieure avec les Crabes, les Porcellaniens possèdent tous les carac- tères généraux des Galathéidés et, comme on l’a vu précédem- ment,ne formentqu'unetribu de la sous-famille de Galathéinés. Ils se distinguent des Galathéens, c'est-à-dire des autres re- présentants de la sous-famille, non seulement par les carac- tères précédents qui les rapprochent des Crabes, mais par tout un ensemble de particularités morphologiques qui font de cette tribu une des plus homogènes du règne animal. La carapace est fréquemment dépourvue de lignes ciliées, et plus souvent encore de sillons profonds et de lobes bien distincis ; ses bords latéraux, tantôt presque droits, tantôt {rès arqués, se distinguent généralement peu du bord frontal, même quand ils se terminent en avant par une épine ou par un lobe aigu, comme dans la plupart des Galathéens. Le front est très large, et décrit une courbe plus ou moins régulière qui fait naturellement suile aux bords latéraux ; il existe gé- néralement des cavités orbitaires à droite et à gauche du rostre, qui estinfléchi vers le bas, très large, souvent tronqué ANN. SC. NAT. ZOOL. xXvi1, 49 290 MILNE-ED WARDS et E.-L. BOUVIER. ou subtronqué, parfois même échancré, et presque toujours muni d'une paire de dents sus-orbitaires situées au-dessus et un peu en dedans des yeux. Ces derniers existent toujours mais alteignent rarement le développement qu’ils ont chez les Galathées; ils sont situés à l'extrémité de pédoneules oculaires, courts, très écarlés, rarement un peu dilalés er avant, qui tantôt sont très saillants en dehors du front (Pe- trolisthes) el à un moindre degré (Pachycheles), tantôt au contraire ne laissent guère dépasser que les yeux (Porcel- lana). Les pédoncules antennulaires sont insérés en dessous et en dedans des yeux et leurs articles basilaires se touchent fré- quemment sur la ligne médiane ; ils sont très dilatés latérale- menl,inermes ou armés en avant de lobes aigus peu saillants ; les arlicles suivant sont courts, et se replient en dedans des précédents; le dernier est presque loujours armé sur son bord antérieur d’une rangée de soies accessoires. L'article basi- laire des antennes externes esl grand, très élargi eten partie caché par la parlie antérieure des flancs de la carapace; les arlicles suivants sont grêles et courts ; ils passent dans une échancrure comprise entre la carapace etles flancs, etse diri- gent en avant et beaucoup en dehors; le fouet est grêle, court etse dirige dans lemême sens queles pédoncules. Les ap- pendices buccaux ne diffèrent pas sensiblement de ceux des Galathéens ; les mandibules toutefois sont plus réduites, l’épi- poditedes patles-mâchoires postérieures fait toujours défaut, et celui des pattes-mâchoires antérieures est réduit ou nul. Lespattes-mâchoires externesse font d’ailleurs remarquerpar l’aplatissement de leurs articles basilaires, et par la série de très longues soies qui ornent en dedans leurs articles termi- naux ; l’ischiopodite est, de tous leurs articles, le plus déve- loppé, il constitue une large plaque, et la ligne denticulée se trouve vers le milieu de sa face supérieure ; le méropodile porte à sa base un lobe saillant contre lequel vient s'appli- quer, en se repliant, l’article suivant; les deux autres articles ne présentent rien de particulier. Pattes et branchies sont LES GALATHÉIDÉS. 291 semblables à celles des Galathéens, toutelois les pattes sont plus courtes et plus fortes; l’angle que font entre eux les axes d’articulation 7-6 et 6-5 est plus aigu, en outre l'axe 6-5 est moins éloigné de la verticale, de sorte que le pouce peut se replier dans un plan presque horizontal, et appliquer intimement son bord externe, souvent déprimé, contre le bord interne également déprimé du carpe. Le sternum des pattes thoraciques postérieures est une baguette chitineuse calcifiée, qui est séparée du plastron sternal. L’abdomen est large, mince et presque dépourvu de convexité ; 1l s'applique presque entièrement contre Le sternum; sa nageoire caudale est bien développée et ne diffère pas de celle des Galathéens. Les appendices abdominaux ressemblent à ceux de ces derniers, mais ils sont moins nombreux ; le mâle a le plus souvent une paire de fausses pattes sur le deuxième segment, mais il est parfois aussi absolument dépourvu de tous les appen- dices abdominaux, à l'exception de ceux qui constituent la rame caudale (beaucoup de Pachycheles : P. ackleyanus A. M.-Edw., P. monhferus À. M.-Edw., mais non tous); les femelles sont souvent pourvues de trois paires de fausses paites ovifères qui sont situées sur les segments 3, 4 et 5 de l'abdomen (Porcellana platycheles, P. longicornis, Petrôlis- thes sexspinosus Gibbes, Pachychetes ackleyanus À. M.-Edw., P. rugimanus A. M.-Edw., elc., elc.), mais les pattes de la première paire se réduisent ordinairement plus ou moins, et parfois même disparaissent (Porcellana rupicola d’après M. Boas, Petrohsthes hirtipes Lock., Pachycheles rotundus Lock.) ce qui a fait dire à beaucoup d'auteurs que les Porcel- laniens femelles n'avaient que deux paires de fausses pattes sexuelles. Les larves de Porcellanes sont munies d’une épine fron- tale démesurément allongée, et de deux épines céphalotho- raciques postérieures également très longues. Le développe- ment des Porcellaniens a été étudié par Fritz Müller (1), par (1) Loc. cit., p. 194. 292 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. M. Claus (1) et par M. Faxon (2). Fritz Müller a montré que les Porcellanes ressemblent énormément aux mégalopes des Crabes, qu’elles naissent à l’état de zoés dépourvues de maxil- lipèdes postérieurs, et passent à l’état de métazoé. M. Claus a confirmé les observations de Fritz Müller et insisté sur les analogies que les jeunes zoés présentent avec celles des Crabes, notamment sur l’absence des pattes-mâchoires pos- térieures, et sur la délimitation du sixième segment abdomi- nal qui n’est pas encore séparé du telson. Depuis M. Faxon a montré que les zoés naissantes de Polyonyx macrocheles sont munies de paltes-mâchoires postérieures uniramées et immobiles comme celles des Galathées, et mis de la sorte en évidence, les analogies que les Porcellaniens présentent avec ce dernier genre. Les divergences qui existent entre les re- cherches de M. Faxon et celles de M. Claus nous font penser que tous les Porcellaniens ne naissent pas exactement au même stade, et que, suivant les espèces, leurs formes lar- vaires se rapprochent plus ou moins de celle des Galathées. On sait, du reste, qu'au point de vue de l’organisation, tous les passages existent entre les deux groupes, et d’autre part, nous avons pu observer des différences extrêmement impor- tantes dans le volume des œufs des Porcellaniens que nous avons étudiés. Avec leur rostre large et court, leurs antennes réduites, leurs maxillipèdes externes aplatis, leur carapace dépri- mée, leur abdomen foliacé, presque dépourvu de muscles el muni seulement d’un petitnombre d’appendices, les Porcel- laniens se présentent à nous comme des formes très éloi- gnées des Macroures, beaucoup plus que les autres Galathéens dont ils descendent. Comme beaucoup sont flagellés (3) et comme ils sont tous pourvus d’yeux, il ne saurait êlre (1) Crustaceensystem, p. 31. (2) Loc. cit., pl. XIIL, fig. 10-14. (3) Le fouet exopodial des maxillipèdes antérieurs paraît faire défaut chez les Porcellaniens, mais ce n’est là, bien souvent, qu’une simple apparence, et nous croyons que dans la plupart des cas, sinon toujours, il s’est tout simplement élargi et confondu avec l'extrémité de l’exopodite. On peut LES GALATHÉIDÉS. 293 question de les faire dériver des Galathéens aveugles, mais on est en droit de se demander quels sont, de tous les Ga- lathéens flagellés, ceux qui ont pu servir de point de départ aux Porcellaniens. Les Munida et les Pleuroncodes, avec leur rostre styliforme et infléchi vers le haut, avec leurs yeux dilatés et leur front peu oblique el très distinct des bords latéraux de la carapace nous paraissent s'éloigner des Porcellaniens beaucoup plus que les Galathées. Chez les Porcellaniens, en effet, le rostre est large, infléchi vers le bas, souvent creusé en goutlières, et muni de plusieurs paires de dents sur les bords comme chez les Galathées (Porcellana ocellata Gibbes, P. sigsbeiana A. M.-Edw., Pe- trohsthes sexspinosus Gibbes), le front est également très oblique comme chez ces dernières, et se sépare moins net- tement encore de la dent aiguë antéro-latérale quand elle existe, 1l y a généralement une cavilé orbilaire comme chez les Galathées, mais cette cavité est plus dislinctement observer tous les passages entre les espèces où le fouet est encore parfaite- ment distinct, et celui où on ne saurait indiquer ses limites. M. Boas, dans son beau travail sur les affinités des Crustacés décapodes, a représenté les maxillipèdes antérieures de la Porcellana rupicola et de la P. cristata (tab. IL, fig. 62, 63), et dans tous on voit la partie terminale de l’exopodite se rétrécir et se distinguer assez nettement de la portion basilaire. Il y a là, très évidemment, l'indication d’un fouet que nous avons, pour notre part, trouvé plus indépendant encore dans diverses espèces des côtes américai- nes : dans la Porcellana sigsbeiana, cette partie terminale rétrécie se sépare de la partie basilaire par deux étranglements très évidents, dans la P. stimpsoni, non seulement les deux étranglements existent, mais ils nous ont paru correspondre à une ligne d’articulation ; chez les Pachycheles les étranglements n'existent plus, mais la partie terminale de l’exopodite du P. moniliferus est longue et étroite, et d'apparence tout à fait flagelli- forme, tandis qu’elle est aussi large que l’exopodite, et se fusionne complè- tement avec lui dans le P. rotondus. Dans cette dernière espèce, comme dans le Petrolisthes hispidus et dans le P. seæspinosus, l'exopodite paraît simple et très allongé ; dans les Porcellanes de nos côtes (Porcellana longicornis, P. pla- tycheles), il est déjà plus large, plus court, et l’on peut se demander si, dans ces espèces, le fouet ne s’est pas tout simplement atrophié; enfin, dans deux ou trois espèces de la mer Rouge, qui nous ont élé communiquées par M. le D" Jousseaume, l’exopodite est plus court encore, et l’atrophie du fouet parait presque vraisemblable. Il y a là, croyons-nous, matière à re- cherches intéressantes, et peut-être trouverait-on, dans cette voie, le moyen de déterminer les relations naturelles que présentent entre eux les divers Porcellaniens, 29% MILNE-EDW ARDS ét E.-L. BOUVIER. limitée, enfin les pédoneules oculaires ne sont pas dilatés en avant et ressemblent à tous égards. sauf les dimensions qui sont plus faibles, à ceux des Galathées. Les Petrolisthes, el notamment les diverses espèces de ce genre citées plus haut, nous paraissent se rapprocher des Galathées beaucoup plus que les Pachycheles et les Porcellanes proprement dites, ils ont d’ailleurs les antennes et les pédoncules oculaires plus longs et plus forts, ce qui rend les analogies plus frappanies. Grâce à sa carapace allongée et à ses pattes antérieures lon- gues et grêles, la Porcellina stellicola Fr. Müller parail se rapprocher davantage encore des Galathées. En résumé les Porcellaniens doivent êlre considérés comme des Galathés qui sont restées à peu près exclusive- ment côtières et qui se sont adaptées à un genre de vie plus reliré, grâce auquel se sont développés leurs caractères les plus saillants, et notamment leur ressemblance avec les Cra- bes. Cachés sous des pierres quelquefois très plates, ou en- foncés dans des anfractuositées singulièrement étroites, les Porcellaniens se sont aplatis, pour ainsi dire, afin de pouvoir se déplacer librement dans les retraites basses qu'ils ont choi- sies. Ces déplacements paraissent d’ailleurs être assez res- treints, car ces animaux sont mieux armés pour saisir une proie que pour se livrer à la course ; à ce point de vue, on peut dire qu'ils diffèrent des Diptyciens plus que tous les autres Galathéidés, car aucun d’eux ne mène une vie plus souterraine el aucun d’eux ne peut, plus directement, rame- ner ses pinces dans la direction des appendices buccaux. Au reste, les mouvements des pinces sont limilés comme ceux de l'animal lui-même: ils sont restreints dans le sens vertical, mais ils sont faciles et développés dans le sens horizontal, comme il convient à un animal qui passe sa vie à se glisser dans des fentes très étroites. C’est grâce à ce genre de vie tout à fait spécial que l'abdomen s’est réduit en épaisseur el a perdu presque tous ses muscles : les autres Galathéens, se cachant dans des retrailes assezspacieuses, ulilisent.encore cette partie du corps pour produire des mouvements brusques LES GALATHÉIDÉS. 293 et se déplacer ; chezles Porcellaniens, tout déplacement de celte nalure se trouve rendu très difficile, et l'organe ne servant plus au mouvement, ses muscles se sont atrophiés. Quant à l’atrophie d’une partie des fausses pattes abdomi- nales, il faut l’altribuer à une autre cause : spécialement des- tinées à la natalion, comme le prouve l’histoire des Décapodes nageurs, ces fausses pattes ont perdu leur utililé chez les Décapodes marcheurs, et ne se retrouvent chez certains d'entre eux qu’à l’état de reste plus ou moins développé et souvent sans fonction ; elles sont destinées à s’atrophier peu à peu et à disparaîlre par degré, mais certaines d’entre elles persistent toutefois pour porter les œufs ou pour servir à l’ac- couplement. Les Porcellaniens sont répandus dans toutes les mers du globe, mais ne se rencontrent en abondance qu’au voisinage de la côte ou sur la côte elle-même, dans la limite du jeu des marées. Des deux espèces de nos côtes, l’une, la Porcellana platycheles, se localise dans ce dernier niveau, tandis que l’autre, la Porcell. longicornis, descend un peu plus bas et peut atteindre des fonds de 15 à 20 mètres. Il est rare que l’on rencontre les Porcellaniens au-dessous de 50 mètres et plus rare encore qu'ils descendent plus bas; la P. sigsberana A. M.-Edw., draguée par le Blake dans la mer des An- lilles, atteint pourtant 215 mètres de profondeur et la Por- cellana robertsonidu Challenger,108 mètres. Habilant une zone où pénètre facilement la lumière, ces animaux n'ont, comme les Galathées, que des yeux médiocrement développés; mais les retrailes plus étroites qu'ils habitent ne permettant pas à leurs antennes de se bien développer, ils ont par contre, plus fréquemment que les Galathées, des soies antennulaires bien accusées. Sur dix espèces de différents genres que nous avons étudiées, une seule, la Porcellana ocellata Gibbes, en est complètement dépourvue. M. Slimpson (1) a divisé la tribu des Porcellaniens en (4) W. Stimpson, Prodromus descriptionis animalium evertebratorum, etc. (Proceed, Acad. natural Science, 1858, p. 65). Dans ce travail, Sümpson 296 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. deux groupes d’après la position et le développement de l'arti- cle basilaire des antennes externes ; dans le premier groupe cet article nous paraît analogue à celui des Galathéides, il est assez réduit, libre et n’atteint pas le bord antérieur de la carapace — dans le second, il est beaucoup plus développé, dépasse plus ou moins le bord antérieur de la carapace etentre en contact avec ce bord. Le premier groupe nous paraît êlre le plus primitif et par conséquent le plus voisin des Galathées, il comprend les genres Petrolisthes el Pisosoma, ainsi que le genre Petrocheies plus récemment créé par Miers, — le second comprend l’ancien genre Porcellana de Lamarck, le genre Porcellanella de White, avec les cinq genres ARaphidopus, Pachycheles, Megalobrachium, Minyoce- rus el Polyonyx qu’a créés Stimpson. Nos études détaillées sur la famille des Galathée ne s'élant pas étendues aux Porcellaniens, nous n'insisterons pas davantage sur les Crustacés de ce groupe. 2 Sous-famille. — Les Diptycinés. Les Galathéidés de la sous-famille des Dypticinés présen- tent des caractères mixtes, les uns héréditaires qui les rap- prochent beaucoup des Cruslacés macroures, les autres acquis ou adaptatifs, quiles éloignent au contraire beaucoup des Crustacés de ce dernier groupe: Les caractères macrouriens de ces animaux sont nombreux et des plus significatifs : les yeux sont bien développés et l’arceau ophthalmique, quoique réduit, est toujours mobile (fig. 9, p.205 et fig. 11, p.207); les antennules sont dépour- vues desoies sur le bord antérieur de leur pédoncule, les pé- poncules antennaires se composent de cinq articles et sont armés d’un petit acicule, les mandibules sont fréquemment munies de dents calcifiées, l’exopodile des pattes-mâächoires antérieures se termine par un fouet ordinairement bien déve- loppé (fig. 16, /, p.213), lespaltes-mâchoires externes sontsé- classe les Porcellanes dans le groupe des Anomoures schizosomes, qui com- prend aussi les Galathées, mais il les sépare complètement de ces dernières. LES GALATHÉIDÉS. j 297 parées à leur base par un intervalle parfois très grand, le front est le plus souvent fort étroit, le telson, enfin, est loujours assez simple, el ne présente jamais les multiples subdivisions qu’on observe dans les espèces de la tribu des Galathéinés (fig. 14, p. 211). Si, par les caractères précédents, les Diptycinés se rappro- chent plus des Macroures que tous les autres Galathéidés, ils s’en éloignent beaucoup par ceux qui suivent, et qui té- moignent d'un degré d'évolution très avancé : res épipodites n'existent pas plus sur les pattes thoraciques que sur les patles-mäâchoires postérieures, il est même {rès rare qu'ils présentent un cer- tain développement sur les pattes-mâ- choires de la première paire ; les arthro- branchies sont régulièrement modifiées dans leur position, presque toutes aban- donnent la membrane basilaire des ap- pendices et remontent sur les flancs où elles ressemblent à des pleurobranchies normales ; le dernier sternum thoracique s’atrophie le plus souvent complètement, les fausses pattes abdominales disparais- sent en totalilé ou en partie, la mâchoire caudale se réfléchit en dessous contre les segments abdominaux précédents, les œufs, enfin, deviennent très gros et donnent naissance, non plus à des zoés ou à des métazoés, comme ceux des autres Ga- lathéidés, mais à des jeunes qui présentent déjà, dans le genre Diptychus au moins, tous les caractères de l’adulte. Ces caractères, de nature si différente, rendent fort difficile l'étude des affinités des Diplycinés. Si les caractères acquis ou adaplatifs existaient seuls, on pourrait, à juste litre, con- sidérer les Crustacés de celte tribu comme des Galathéinés modifiés d’après des lois qui leur sont propres, et celte inter- prélalion concorderait à merveille avec l'aspect général de cerlains d’entre eux, les Ærumunida nolamment (fig. 35, 298 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. E. piclta), qui ressemblent étrangement à des Munida, c'est- à-dire à des Galathéinés tout à fait typiques ; mais les carac- tères macrouriens que nous avons relevés plus haut ne per- meltent pas d'accepter une pareille hypothèse, parce qu'ils font tout à fait défaut aux Galathéinés, même à ceux qui se rapprochent le plus, à lous égards, des Crustacés macrou- riens. Comme on s’éloignerait d’ailleurs de la vraisemblance en supposant que ces caractères, si nombreux et si impor- tants, sont le résultat d’un retour atavique aux formes ma- crouriennes primitives dont sont issues les Galathéinés, il y a lieu d'admettre, comme nous l’avons dit précédemment, que les Galathéinés d’un côté, et les Diptycinés de l’autre, ont puisé leur origine dans une même forme de Crustacés macrouriens, el qu'ils ont évolué ensuite dans deux direc- tions fort différentes, les uns (Diptycinés) conservant à divers degrés les antennules, les antennes, les mandi- bules, etc,, du type primilif, mais faisant subir de pro- fondes modifications aux appendices et aux branchies de ce Lype; les autres (Galathéinés), conservant les branchies et les appendices de la forme macrourienne commune, mais modifiant par adaptation les antennules, les antennes, la nageoire caudale et plusieurs autres organes caractérisliques de celle forme. La sous-famille des Diptycinés comprend les trois genres : Ptychogaster, Diptychus et Eumunida.Les affinités des Ptycho- gaster et des Diptychus sont évidentes, comme nous le verrons plus loin, et l’on doitmême considérer les Diptychus comme des Prychogaster dont l’armature épineuse s’est réduite et dont les paltes sont devenues plus courtes; on peut même ajouter que les Péychogaster sont plus voisins du type pri- mitif que les Diptychus, non seulement, parce que toutes leurs arthrobranchies thoraciques ne sont pas devenues pleurales, mais aussi parce que, dans une espèce, le Pr. for- mosus, les appendices abdominaux de la femelle sont encore presque tous bien développés. Mais les affinités du genre Eumunida restent encore indécises; avec leurs longues LES GALATHÉIDÉS. 299 épines frontales, et les lignes slriées de la carapace qui les font ressembler si fort à des Munida, les Crustacés de ce dernier genre ne rappellent guère les Diptychus ou les Plychogaster, et nous croyons qu'il faut former pour eux, dans la sous-famille des Diptycinés, une tribu spéciale. Les deux tribus de la sous-famille ont eu certainement la même origine, comme le prouvent l'existence dans toutes deux de nombreux caractères macrouriens: mais les animaux qu'elles renferment ont dû diverger dès l’origine et s’adap- ter à des genres de vie très différents; les Æumunida sont restés marcheurs el ont adopté dans une certaine mesure le genre de vie des Galathéinés, les Dipéychus et les Pty- chogaster au contraire, sont devenus grimpeurs et onl acquis, en conséquence, des caractères forts différents de ceux des Eumunida. La division de la sous-famille en deux tribus et en {rois senres est exposée dans le tableau suivant : 1'e TriBu. — Diplyciens. Pas d’épines sus orbitaires, | Carapace épineuse, pattes grè- Plychogaster. pas de lignes striées, sur | les et très longues........... A. Milne-Edwards. la carapace; rostre plus { Carapaceinerme ou simplement ou moins large, mandi- | spinuleuse en dessus, pattes Diplychus bules dentées........,.... de longueur médiocre........ A. Milne-Edwards. 2° Trisu. — Eumunidiens. Deux paires d’épines sus-orbitaires, des lignes ciliées sur la carapace ; rostre grêle, doigts des pattes ambulatoires peu Eumunida HRUDÉS INANGIDUIES IMÉTINES. . « & ee 24» » à vote on eme s a 0 se a eve o = S. E. Smith. Les Crustacés de cetle sous-famille sont localisés dans les mers tropicales et subtropicales. Ils n’habitent jamais les côtes, mais ne paraissent pas descendre dans les abimes de la mer; tous ceux que l’on connaît jusqu'ici sont réparlis entre 100 et 2000 mètres de profondeur. TRIBU DES DIPTYCIENS. Les Crustacés de cette tribu se reconnaissent aisément àleur test lisse, parlois orné d'épines, mais toujours dépourvu de lignes ciliées, à leur rostre assez large, au moins à la base, 300 MILNE-EDW ARDS et E.-L. BOUVIER. et privé d’épines sus-orbilaires, à leurs yeux peu dilatés et à la forme de leur sternum post-buccal qui est obh- que, muni d'une crête longiludinale, et qui sépare très largement les pattes-mâchoires des différentes paires. L’ar- üicle basilaire des pédoncules antennulaires est médiocre el orné d’épines plus ou moins fortes, les mandibules sont armés de dents calcifiées, le sternum thoracique postérieur fail presque loujours défaut ; on ne lrouve pas d'épipodite sur les maxillipèdes antérieurs, enfin on observe toujours, chez le mâle, deux paires de fausses pattes sexuelles. Ces animaux vivent parmi les colonies arborescentes de polypes hydraires, aux rameaux desquelles ils grimpent et s'accrochent à l’aide de leurs appendices thoraciques. A cel effet, les divers articles des pattes antérieures sont doués de mouvements faciles dans un plan vertical, grâce à la position horizontale des axes d’arliculation 6-5 et 5-4; les doigls des pattes ambulatoires sont ordinairement recourbés en griffes, très denticulés et les propodites de ces mêmes pattes pré- sentent de nombreuses épines mobiles qui permettent à ces animaux de se fixer aisément aux rameaux qui les supportent (fig. 21, p.217). En raison des mouvements faciles qu'elles présentent dans un plan vertical, les patles antérieures se dirigent vers la bouche avec assez moins de facilité que chez les Galathéens, et c’est cela, peut-être, qui permet d’ex- pliquer, chez ces animaux, le puissant développement des dents mandibulaires. L’abdomen de ces Crustacés est toujours assez fortement convexe et musculaire ; il présente des épimères très longs, souvent aigus, qui délimitent, quand cette partie du corps se replie contre le {horax, une chambre incubatrice assez bien close. Les œufs sont gros, peu nombreux, et donnent naissance à des jeunes semblables à l'adulte. On a vu plus haut, comment celte tribu se divisait en deux genres. LES GALATHÉIDÉS. 301 Piychogaster A. Milne-Edwards. _ Ptychogaster, A. Milne-Edwards, Bull. Mus. Comp. Zoôl., vol. XII, n° 1, p- 63, 1880. Ptychogaster, J. R. Henderson, Anomoura, Challenger, Zool., vol. XXVII, p. 170, 1888. Les Ptychogaster (fig. 9, p. 205) se distinguent des autres Diplyciens par leurs appendicesthoraciques qui sont épineux, grêles et démesurément allongés, par leur rostre triangulaire dont la partie terminale longueet grêle s’étend progressivement en une base de plus en plus large, par leur carapace épineuse, par les épimères aigus et très allongés de leur abdomen, enfin par la profonde échancrure latérale qui correspond de chaque côté à la ligne de suture transversale du telson. Les régions de la carapace sont en général bien distinctes, sur- tout la région cardiaque et la région gastrique qui sont très convexes. Les flancs sont dilatés et dépassent latérale- ment la surface dorsale avec laquelle ils se continuent gra- duellement sans aucune limite bien sensible, comme dans les Pleuroncodes ; ils sont d’ailleurs peu étendus et laissent complètement à découvert les articles basilaires des appen- dices thoraciques. Les pédoncules oculaires sont assez larges et plus ou moins dilatés en avant; les antennules sont longues et les fouets antennaires sont médiocres ou courts; les pattes-mâchoires postérieures sont très allongées et se font remarquer par la longueur de leur propodite, enfin les arthrobranchies, au moins dans les espèces que nous avons étudiées, deviennent toutes des arthrobranchies pleurales, sauf celles des pattes-mâchoires externes et des pates de la 4" paire, quirestent implantées sur la membrane basilaire des appendices. Les mâles sont armés d’une paire de fausses pattes sexuellessur chacun des deux premierssegments abdominaux, et ne présentent que des slylets tout à fait rudimentaires sur les trois anneaux suivants. Il n’y a pas d’appendices sur le 1* segment abdominal des femelles et parfois même (P4. spinifer) 1 n'y en a pas davantage sur le 2"° et sur le 5"° seg- 302 MILNE-ED'WARDS et E.-L. BOUVIER. ments; dans d’aulres cas (PE. formosus) ces deux der- niers anneaux sont munis chacun, comme les anneaux 3 et 4, d’une paire de fausses patles ovifères biarticulées, Bee cas le nombre des fausses pattes sexuelles s'élève de 2 à 4 À ce de vue, le P£. formosus présente des caractères plus macrouriens que les autres espèces du genre, et comme tel doit se placer au premier rang de la tribu; il rappelle d’ailleurs les Macroures, et s'éloigne des autres Diplyciens, par la présence d’un slernum thoracique postérieur indé- pendant, aussi bien développé au moins que celui des Galathéens. Cette pièce paraît aussi exister dans le Pr. milne- edwardsi, qui est une espèce très voisine de la précédente, mais elle n'existe plus dans le P4. spuufer, et elle doit cer- tainement faire également défaut dans le Pf. /æris, qui s'é- loigne encore plus du P£. formosus que le PH. spuufer. La persistance de cette pièce sternale, de même que celle des pattes ovifères 1 et 4 de la femelle, pourraient servir de caractères excellents pour répartir les Pfychogaster en plusieurs groupes. Mais comme ces caractères n’ont pas été relevés par M. Henderson, dans la diagnose qu'il a _donnée des 2 espèces recueillies par le Challenger, on peut s’en tenir à ceux lirés de l’armature épineuse, et donner des 4 espèces jusqu'ici connues le tableau synoptique suivant : ie armést. Anerme 4/0 QUE :s hs. SU COOES REAe A. Milne-Edwards. Pattes-mâchoires externes, armées de den- ticules aigus sur le bord externe du pro- Pt. milne-edwardsi podite:y 2e rois. eo Aire Henderson. latte Abdomen et | Pattes -mâchoires externes à propodite Pé. formosus épines. La série d'épines qui occupe la place des | bords latéraux de la carapace est continue P6. spinifer Abdomen , d'avantiés @iribre ..2..(L6 LOI SALE A. Milne-Edwards. inerme. La série d’épines qui occupe la place des | bords latéraux de la carapace est réduite P4. lævis à sa impihéiantérieures : 74€ LeLROMR AE Henderson. Par leurs caractères macrouriens, qui sont encore nom- breux, les deux espèces du premier groupe, et surtout la LES GALATHÉIDÉS. 303 première, doivent êlre considérées comme élant, de tous les Diptyciens, ceux qui se rapprochent le plus de la forme commune dont paraissent être issus tous les Galathéides : ces deux espèces n'ont pas encore, comme le 4. spinifer, les doigls très arqués et assez courts qui sont l’apanage de nombreux Diptychus; sous ce rapport, ils ressemblent assez aux Eumunida, avec lesquels les P/ychogaster présentent d’ailleurs, comme nous le verrons plus loin, des affinités assez grandes. Quoique. peu riche en espèces, le genre Pychogaster est répandu dans loutes les grandes régions océaniques au globe; deux espèces de ce genre ont été trouvées par le Chal- lenger, l'une dans le Pacifique, entre la Nouvelle-Guinée et l'Australie (Pf. læws), l’autre au sud de la Patagonie (Pt. milne-edwardsi) ; la troisième espèce (P4. spinifer), ap- partient à la mer des Anlilles où elle fut trouvée par le Blake, enfin la quatrième a été recueillie par le Talisman dans les eaux occidentales de l'Atlantique, depuis la latitude de Rochefort jusqu'à celle du Cap Bojador (Pt. formosus,. Ces Crustacés n'habitent pas des eaux {rès profondes, on n’en connaît pas Jusqu'ici au-dessus de 230 mètres ni au- dessous de 1,480. Diptychus À. Milne-Edwards. Diptychus, A. Milne-Edwards, Bull. Mus. Comp. Zoël., vol. VII, n°1, p. 63, 1880. Uroptychus, J. R. Henderson, Anomura, Challenger, Zool., vol. XXVII, p. 170, 1888. Les Diptychus doivent être considérés comme les repré- sentants les plus modifiés d'un groupe évolutif dont les Ptychogaster représentent les premiers termes; il existe, à vrai dire, tous les passages entre les deux genres, et l’on ne rencontre guère, dans la grande famille des Galathéidés, de formes voisines qui se rattachent plus intimement l’une à l'autre. Nous avons vu que les Péychogaster les plus pri- mitifs se font remarquer par une puissante armature épi- 304 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. neuse, par des fausses palles ovifères au nombre des quatre, par un slernum thoracique correspondant aux patles de la 5° paire, enfin par des rudiments, à peine sensibles, il est vrai, d’un épipodite sur les pattes-mâchoires antérieures. À mesure que disparaissent les épines abdominales chez les Ptychogaster, disparaissent aussi deux paires de fausses pattes ovifères, le sternum thoracique postérieur et jusqu'aux tra- ces des formations épipodiales ; ces caractères négatifs sont parfaitement accentués dans le PF. spinifer des Antilles, mais ils ne sont pas propres à cette dernière espèce, et devien- nent, au contraire, l'apanage de tous les Diptychus. Us sont d’ailleurs accompagnés, chez ces derniers, de caractères qu'on n'observe pas dans l’espèce précédente, et qui permet- tent de différencier suffisamment les deux genres : le rostre (fig.11,p.207)n'est plusélroil et aciculiforme en avant, comme dans les Pfychogaster, 1 est parfaitement triangulaire et rappelle à beaucoup d’égards celui de la Galathea rostrata, les régions de la carapace disparaissent plus complètement encore que dans le Pf. lævis, les bords latéraux sont mieux indiqués que dans cette dernière espèce, les flancs sont rarement bombés et forment un angle faiblement aigu avec la surface dorsale, les pédoncules oculaires ne sont pas sensiblement dilatés en avant, les antennules sont plus cour- tes que celles des Péychogaster et les fouets antennaires sont plus réduits encore, les pattes-mâchoires postérieures sont plus écartées à leur base, toutes les arthrobranchies, sauf celles des maxillipèdes postérieurs, sont réduites à l’état de branchies pleurales, le telson ne présente que de faibles échancrures aux deux extrémités de la ligne de suture qui le divise transversalement en deux parties, enfin la carapace est fortement calcifiée, et diffère en cela de la carapace beaucoup plus mince des Pfychogaster. Tous les autres caractères sont communs au genre Diptychus et aux Ptychogaster dont l’abdomen est inerme. Les appendices des Diptychus sont en général plus courts et plus robustes que ceux des Ptychogaster, leur carapace LES : GALATHÉIDÉS. | 305 est lisse comme celle de ces derniers, mais moins épineuse -et souvent même armée seulement des deux épines an- téro-lalérales, les épines font également défaut sur les appendices, enfin les doigts des pattes ambulatoires (fig. 21, p.217) sont en général plus courts, moins comprimés latéra- lement et plus fortement armés que ceux du PF. spinifer. Ces derniers caractères sont importants, mais ils sont loin d’être invariables comme ceux qui précèdent, et l’on connaît des Diptychus où ils sont bien peu différents de ceux des Pty- chogaster : le D. gracilimanus, qui est une espèce presque inerme, a des pattes grêles et très longues; le D. spénosus a des appendices plus courts et plus robustes, mais de nom- breuses épines se rencontrent sur ces appendices, et des épines plus longues encore forment une rangée irès régu- lière sur le bord de la carapace ; des épines ou des spinules serrées se rencontrent sur toutes les parties du corps dans le D. rugosus, qui ressemble d'ailleurs aux P{ychogaster par ses aires branchiales renflées, et par les doigls peu arqués de ses pattes ambulatoires, enfin le D. pubescens de l'A {batros, se fait remarquer par ses appendices allongés el spinuleux, par les épines qui ornent sa région gastrique, et par la ran- gée de spinules que présentent les bords latéraux de sa carapace. Le genre Diptychus comprend de nombreuses espèces qui peuvent se diviser naturellement en deux groupes, suivant que la carapace est inerme ou munie d’un plus ou moins grand nombre de spinules ou d’épines, abstraction faite, bien entendu, de l’épine marginale antérieure, et du denti- cule aigu qu’on observe fréquemment sur le bord externe de l'orbite. Cette division en deux groupes ainsi que les carac- tères des espèces, sont exposés dans le tableau suivant : ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI. 20 MILNE-ED WARDS et E.-L. ROUVIER. 306 ‘(Leuer10 jury) *AOU 40709U09 ‘IPA *(enbyroeq) ‘UOXP] S1/P]U9pP1990 ‘JPA } SPIPMPH-UTA ‘V SAP ‘SPICMPH-OUTTIU ‘Y 42/voun *q *UOSI9PU9H s2220d ‘q *UOSISPU9H S2774/SN0 ‘UOSI9PUIT SNUDWI10046 *SPAPMPA-OUIIN *V S72/07710-01qnu *SPIPMPA-OULIN *V S22DWUD ‘UOSI9pPU9H S29na40d ‘UOSJOpuor S21Durbunuaurds ‘UOSI9PUOH S2/DJU9p147 *SPABMPA-OUIIN “V S22P9W4OIUL *UOXPA S7//2Q *AOU snSou1ds ‘a ‘4 ‘UOSJOpUIT S2UP1su2 ‘UOXEJ SU20s2qnd *SPIPMPA-SUITN ‘V s2S0n4 ‘q \, 245 . ë = # *La/1oun ‘{ NP M2 ® o1qe[queS a[nor9e nn sa dnoonvaq op quessedop ousoy| # | 5 m ê @ © ER DE one De à A nee Eee ss le US SAT | “uv somonopod sp sy e+ Sop NUSAIU Ne s99}e]p S9nomaque so7jeq | -UE Sa[n9uopad s9p 9q1u -S9ALEn90 1æ Déouioor S9OUI S9P NPYAIU NE |-91JX9,] ‘INPJ US JU] d 12" £ | ‘ S9[N9U0p9d | © S / soedeuer) sosie] snjd dnooneoq saanorgque soyjeq / ‘sed queuSroqqe,u opnoroy so nod CEA Mens ls se ne yes + OT DO OT quessed9p ° = 9[ ANS SNSIR SO[NOIJUOP 9P S2QUUE 79 ‘Soxieuu9aque sapnouopod 39 71n09 E ‘s21945 nod ‘saJ901potu saanorigque s97}84 ? SP 9HIU941)X9,[ juoweq |‘2S1PI 211S0Y ® PUR See rs te de CES te OHILT OUT -ISU9S JUeUS19778 2[NO19Y a 4 sojea8 so ‘sonSuoy saanarmaque s9]1ed El EU SRE ES ee COUR SUD A Ut re sajrjod op soguio sexnomgque s97jed ‘9jou94o 91501 ‘SpPioQ So] ans 9pjou9419 o9edeuen | ON nt ne «un 25 "ei RO LITE ID oun| “20Rde189 ®J op { Sagu21019 Sa4 quos sonberpieo-oryouraiq saut] S9T SpIOU Se] | "SpI0q | tresse" "QuPIPOU oUSIf [ Ans enbsard Ins Say NS Juomquoouor os Ssonberpivo-orqouriq sousip S97 / samnurids sojduwis 2q FRS 9p **‘°°* Sauout JuauwoJerduo9 said nod B = ge ge à e 49 ‘So[gis ‘sonduot saanoroque so7jeq [5 © © sa[norjuep Roue. *‘OITPUUJQUE AJNOUOP | Boge sf ‘‘""""-.-90ede4 syuessind 9p 19 -9d NP 9HU9A1X9 see A7 2 2# sourd 825 9! -V9 EI 9p Spioq Sa[ | Some seu sopnurds Juvusta}}e, u oMory |. PS290Ie OT ET É) ins SNSIE S9[N91JU9 P ““aresaop en SJRUUQUE SUOUOP | Horroque s011e4 Rd -T— syuessimd 9p no 908] ®[ é -2dnpoyuouxe nod Fes 8 8 so98uoyje sourd soq In6 oUrIQuI Le un quessedop ann Y ie ooederen | 755 *‘QJU0pA}. 21/8041 ‘XNEUISIEUI S9[N9TJUOP SJAOJ 9 ee GE et es eee Des AS + LE n0.0 2 RO TT buro ***:***-soulda,p no SpIOQ S9S 4ns 99ede1e no o47enb © JInp94 je JANO9 s91 ni A x | sornurds _eP ess jo o9edeueo EE trtrtrttt"e0edenrs } -SUEA opouez ojduis | ej ap ajesxo SITES 9e AEIe e[ anb Suor issne said eun,p ‘A[PSAOP 997 PI] { 9907 I ne | "oqueosoqnd aoedere) | n5d e aJeuuoque Jon04 } Ans ‘oguae 99edere) | sepnurds sap ‘sou1d9,p no sopnorquep op SJI9AUOO JUOWUIOION s991puodde 39 o9edere no sourde so LES. GALATHÉIDÉS. 307 Dans le tableau précédent, les diverses espèces du genre - sont rangées dans l’ordre décroissant de leurs affinités avec les Ptychogaster. Beaucoup d'espèces du dernier groupe sont extrêmement voisines les unes des autres, et nous croyons même, comme semble l'indiquer M. Henderson, que le D. australis n’est qu'une variété du D. gracilimanus. Mais nous ne pensons pas, avec M. Faxon, qu'il y ait lieu de réunir dans une même espèce le D. austrahs et le D. ni- tidus : les patles antérieures du D. ratidus sont loin d'être grêles comme celles du 2). austrahs, et l'on a vu d’autres part que l’acicule antennaire est beaucoup plus court dans la première espèce que dans la seconde. Les Diptychus sont répandus dans toutes les mers tropi- cales et subtropicales du globe ; ils atteignent parfois les ré- gions tempérées, comme le D. mtidus var. concolor que le Talisman a recueilli au large de Rocheforl, ou comme le D. insignis que le Challenger dragua au voisinage de l’île du Prince-Edouard ; une espèce atteint seule des régions déjà plus rapprochées des pôles, c’est le D. parvulus qui pro- vient des eaux méridionales de la Patagonie. Le genre est représenté par de nombreuses espèces dans le Pacifique et dans la mer des Anüilles, par deux seulement dans l’océan Atlantique (D. nitidus var. concolor et D. rubro-vittatus), et par une seule dans la mer des Indes (2. insignis). Une seule espèce paraît êlre cosmopolite, c'est le D. nitidus des An- tüilles, qui est représenté par la var. occidentalis dans le Pa- cifique oriental, et par la var. concolor au large des côtes occidentales de l’Europe et de l'Afrique. Le D. nitidus est également la seule espèce du genre qui présente une distri- bution bathymétrique assez élendue; on le {rouve, en effet, entre 160 et 1,335 mètres de profondeur, mais les au- tres espèces sont localisées dans des zones moins éten- dues, et le plus grand nombre habitent des profondeurs moyennes de 350 à 900 mètres. Des 17 espèces qui consli- tuent actuellement le genre, 10 habitent l'océan Indo-Paci- 308 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. fique, 6 la mer des Antilles et 2 seulement les eaux orientales de l’Atlantique. TRIBU DES EUMUNIDIENS. Les Crustacés de cette tribu sont évidemment adaptés à un genre de vie tout à fait différent de celui des Diptyciens ; au lieu de vivre accrochés aux corps sous-marins arborescents, ils doivent certainement se Lenir sur le fond, où ils recherchent peut-être les niches étroites et les an- fractuosités qui servent d’abri aux Galathéens; c’est là, du moins, ce que l’on peut déduire de l’ensemble de tous leurs caractères adaptatifs, qui les font étrangement ressembler aux Galathéens typiques, et notamment à ceux qui habitent la même profondeur, les Munida. La tribu se composant du seul genre Eumunida, ses carac- tères se confondent avec ceux de ce genre. Eumurida S.-I. Smith. Eumunida, S. I. Smith, Proc. U., S. Nat. Mus., vol. VI, no 1, p. 44, 1888. = vu Jet Henderson, Anomura, Challenger, Zoology, k: XX VII, p. 168, 1888. Les Eumunida sont les sosies des Munida : la forme et les ornements de la carapace sont les mêmes (fig. 35, p.297), les appendices thoraciques sont identiques, les pédoncules ocu- laires sont courts et semblablement renflés en avant, les mandibules sont à peu près inermes dans les deux genres (fig. 8, p. 203), l'abdomen présente les mêmes sillons {rans- versaux, le rostre et les épines sus-orbitaires sont tout à fait du même type, il est impossible, enfin, de rêver deux êtres plus semblables d'aspect et, vraisemblablement, mieux adap- tés aux mêmes conditions vitales. Mais ces ressemblances sont purement extérieures et servent à dissimuler deux or- ganismes en réalité fort différents. Si les Munida peuvent passer à juste litre pour les Galathéens les mieux caraclé- risés, les Eumunida sont aussi franchement diptyciens que les PE En et cela suffit pour montrer combien sont LES GALATHÉIDÉS. 309 superficielles les analogies frappantes que nous avons signa- Jées plus haut. A cerlains égards, les Eumunida paraissent se rapprocher beaucoup des Ptychogaster, el présentent même des carac- tères plus macrouriens que ces derniers : leur telson a les mêmes échancrures latérales (fig. 14, p. 211), mais 1l est plus grand et, chez certains individus, ne se replie même pas sous l'abdomen; les arthrobranchies des pattes antérieures restent sur la membrane basilaire comme celles des Pfycho- gaster, mais l’arthrobranchie postérieure de l’avant-dernière - patle thoracique présente presque la même disposition ; l’article basilaire des pédoncules antennulaires esl moins dilaté et tout à fait inerme (fig. 8, p. 203); enfin les pattes- mâchoires antérieures sont munies d’un épipodite réduit, mais qui n'est plus rudimentaire comme celui du P#4. /or- mosus. A côté de ces caractères qui semblent ranger les Eumu- nida parmi les formes les plus macrouriennes de la sous-famille, il en est d'autres qui les éloignent au contraire beaucoup de ces for- mes, et qui indiquent un état d’évo- lution desplus avancés : les pattes- mâchoires postérieures sont assez courtes et très rapprochées à leur base, le slernum des pattes thora- ciques poslérieures fait complè- ‘lement défaut (fig. 36, £. picta), tous les appendices abdominaux disparaissent chez le mâle, à l’exceplion de ceux qui con- slituent la rame caudale, enfin les deux arthrobranchies des maxillipèdes externes disparaissent complètement ou se réduisent à deux bourgeons rudimentaires. Bien que ceslrois séries divergentes de caractères ne soient pas faites pour rendre facile la recherche des affinités des Eumunida, nous croyons qu’en interprétant logiquement 310 MIENE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. chacune d'elles, on peut arriver à fixer assez bien les rela- lions zoologiques des Crustacés de ce genre. Les caractères de la deuxième série, et ceux qui sont communs à la sous- famille tout entière, semblent prouver sans conteste que les Eumunida el les Ptychogaster se rattachent à la même forme primilive ; les caractères de la troisième série, comparés à ceux des Péychogaster et des Diptychus, montrent que les Eumunidiens se sont séparés de bonne heure des Diptyciens, et qu'ils ont évolué à part dans une direction toute parti- culière ; enfin, ceux de la première série nous indiquent la voie dans laquelle s’est produite l’adaptalion chez ces ani- maux el comment ils ont acquis, en même temps que les caractères morphologiques les plus frappants des Munides, quelques caractères qui leur sont propres, tels que l’épine sus-orbitaire accessoire, et l’épine plus réduite qui se dirige en avant sur chacun des angles antérieurs du second segment abdominal. Le genre Ewmunida renferme deux espèces qui se distinguent l’une de l’autre par les caractères de lar- mature épineuse : Deux paires d’épines gastriques, pas d’épines hépatiques, yeuxiresediiatéste. 2e EN: CURE Re SENe (EERUR E. picta Smith. Trois paires d'épines gastriques, pas d’épines hépatiques, VéUXATÉS DEL MMAIESE ARS EEE ÉRRON E M R SEAT E. smithi Henderson. La seconde espèce a été recueillie par 140 brasses de profondeur, dans les eaux océaniennes, entre la Nouvelle- Guinée et l'Australie, la première a un habitat beaucoup plus vaste: elle a été signalée au sud-est des États-Unis, par. M. Smith, au niveau de 150 brasses anglaises environ, et elle a élé retrouvée par le Talisman, entre 200 et 600 mètres, au large du cap Bojador et aux îles du Cap-Vert. Nous avons condensé, dans le tableau qui fait suite, tous les caractères essentiels des divers groupes et des genres qui constituent la famille des Galathéidés; à ce tableau nous avons cru utile de joindre un schéma dans lequel sont repré- sentées les affinités probables que présentent, entre eux et avec les formes les plus voisines, les divers Galathéidés. LES GALATHÉIDÉS. 311 Schéma résumant les affinités probables des divers Galathéidés. Astacidés Thalassinidés Ptychogaster Galathea Ægléinés Eumunida Diptychus Munida Pleuroncodes Galacantha Munidopsis ‘db Porcellaniens PAU Elasmonotus Orophorhynchus SO10S 9p Sona -anodop sou knSv,{ 9psoçnu -UDJUE SOpP :S941 -IU[N4TpuUUu SIUop S0p Jo sonbrueyqudo so( ‘o[uuipnyi8 30111009 ‘uOfaunjns oun vd sa401 Xnop UO 9SIAIP OS =[9 7 sarpodrd ‘9,p Sonaunod Op Ssoinort)} -UU Sa110U9Tu =S9]}U4 ‘o[ep =NV9 AUCAI CI OP [99 9p uor} -do9x9,1 v ‘50 -Jud sossnvy 9p snaanodop so] tu ‘oddo1o19p uorq onbrova -Ot} nus HOIUIOPS0PNJ1S ju 9 Wofuuuiou JTUPNLO 911008 -CU J2 SOI =UB CON} NITTO AATINVAI-SNOS 4€ -nuuoqur So[no| un JUauauva sg} ‘asu(| An9] -UOpod, Sp outt] | + s09q4899 soanomaysod soarogo -ISUQ 9p0mue : So4| -u-s07ed'soanongque s911049 -MJIqMO-sns Sou|-pu-soy}ud say ans soypodido p n -1d9,p sourd g op|sed ‘sogquop sopnqipuew ‘sou 19 owMOJITAYS 04} -1do,p que souremnuuoque so] SOA UMP 9QUME|_nouopod Sop aMU]ISE pour ‘0910 souS|| ‘oxrvn8uera oas04 t ‘Soateytq SOSNIQUOU 9P|-10-sn8 sou1d9,p 19 So9ITIO sous oguao oovduue) |-17 op onaanodop oovdearr) SNHIGINANN NUIUL 08 "SNHTOALATA QUIHE of oo 2 — ’souuaÂou sanopuoyoid Sp XNUWIUY ‘OJINPE, % Sojquiqueos sounof Sop JUEUUOP XN9IQuUOU nod Jo s018 Ssyn) ‘SO[JOUE] 0p S098UEI XNOP ER SOIHOULIY ‘O[USA0A Suvi} 91npns oUn ALÉ s9{O7 Xnop uo snyd ne NO} 9SIAIP UOSIOZ ‘05 NP JOUHSIP SAnoIfIe,p 159 OjHIUE of O[ JUOP ‘Saireuuoque sonouop -94 so Ans ojnoroe un’ Jo sopnqipueu op ans SJU9P S9p SIUU SOITOSSO20 SeAI[NUUOUE sJ10d iu ‘sonbruquq}ydo sojrteoo IN ‘saprpodido p Sonainodop soinongjsod souroyovu-s07peq “grqdouv qjuowosreurpio onbrovouyy wnuroys JIM * SJUoporaid xneurwopqr sjuowusos So] ans o91dor ojepnro ou0o8eu ‘sojumord Sonto410p jatdnd ej anod sorqouviqoaqiry SINIDALAdIA HATNVAI-SN08 0% naanodop onbsoad ‘QOUI[OJ U2WOpAY 'SOI0S SonSuor s94} 9p SOQU10 }9 ‘SAUT s9a7 Spioq Sor ans ey1podoryost & ‘oy1p -0didop sonaunod “"9P SadIOoyuu = 50770 sono n9s0d ‘JUOUWY CAFE] 9YEIIP J9 OUMOur Sourv] -AUUDJUE S91NIU0p -od o19rar ‘ o9ddopoaop U9I( 9710 * [NU no S0p ouvrisv( OUTUJUOWIPNA ua “OIUI-0419q0e [Fu R j9 JUyIIeS mod ox -s01 © ‘oyurd ‘oSar] SQ41] oovderrr SNYINVTTH9HOd ATIUL 0% "SINOUAEU 79 SUB ‘SQ0ZUJpU Sp % NO S90Z SOp L OJULSSIEU JUCUUOP SJN) ‘SOJIOU, 2p S0QAUUA Z L SOIpOULA ‘JUUISIPUL 29e —[9U,p SnAINOdOP JUoWoIEUTpAO soxreuuoque so[nouopyd { SOJIB[NUTOIUL SO[NOUOPE sp ajoraeoop np ANANOQUE pPAO( Of ANS SOMOSSODOU SO1OS 9p 99SUvI un juoAnos snJd 97 ‘soarenqipuvu Squop qu ‘sonbiueuyjqdo soyyreoo INR pRaU00 oqoy un juranoquo SO] 9p sont srouy op esodw0 UOST9J, *oSE4 ana] PT bit op o4rvd oun,p Suiouwu ne snaanod soyeuu ( jouts1p uo1q onbrovaouyy wnuroys JOIUMOP : SOPNAIS JUOUOEUTOU O[UpuE) o11098vu Jo SOTUOULAIOU}AY Son#1}u09 saanonsod so] ‘so1podido p sotunuwu juoanos Sainon9)s0d 49 samoraque SO4IOHIÇUL-S078 ‘SOpponxos soJjud sossue] -t9 Li 9pP XNUAI| -LO CI 9p Xi 90 Spiog Spa > ‘nâre srojard| ——— out ‘ons ‘uorxopui U PAO [OI juow|sarqistA juos|oouy U[ op juoaudos os sl onbsnaq suvs|-onbenxq 3 S9pUuax sou) “10479 oa750 y} ou ae” SO'T ST Te … “IE € Q av -uv14 ‘quid ‘08 ‘ SNSSOP U9 SoJqisrA tu sat] AU] 91JS0Y Souv]} JUOL IH JUOS OÙ OUR]; 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BOUVIER. Ill DISTRIBUTIONS GÉOGRAPHIQUE ET :BATHYMÉTRIQUE DES GALATHÉIDÉS Distribution bathymétrique. — IX] n’est pas, dans tout le règne animal, de famille qui présente plus de variété dans la distribution bathymétrique que celle des Galathéidés : elle a des représentants à tous les niveaux, depuis la surface de l'Océan jusque dans ses abîmes, depuis les eaux profondes des rivières jusqu’à la zone littorale où la marée apporle chaque jour et emmène son flot. Les Galathéidés d’eau douce sont représentés par les Ægléinés; ils ont un grand intérêt au point de vue zoolo- gique, bien que leur groupe se réduise peut-être à une seule espèce, mais leur distribution bathvmétrique n’est pas inté- ressante, el tout ce que l’on peut en dire, c’est qu'ils dérivent certainement de Crustacés marins assez voisins des Pa- guridés. Les Galathéidés de surface sont moins nombreux encore, et paraissent ne comprendre que la seule Wunida (Grimothea) gregaria, dont les groupes pressés colorent parfois en rouge la surface des eaux dans le détroit de Magellan, encore n’est-on exactement fixé ni sur la signification zoologique, ni sur l'habitat de cette espèce. M. Henderson (1) la consi- dère comme une espèce autonome, Miers (2) voit plutôt en elle le stade jeune et pélagique de la Munida subrugosa, enfin M. Filhol nous dit avoir recueilli au fond de la mer, en Nouvelle-Zélande, une espèce très voisine de la précédente, la Munida (Grimothea) novæ-zelandiz. Quoiqu'ilensoit,les Galathéidés pélagiques appartiennent à la sous-famille des Galathéinés et, au point de vue de leur ha= bitat, diffèrent considérablement des autres Crustacés de ce eroupe, qui sont tous des animaux de fond et essentiellement (1) J. R. Henderson, loc. cit., p. 124. (2) Miers, Catal, New Zealand Crust., p. 168, 1876. LES GALATHÉIDÉS. . 845 marcheurs. Ces dermiers, à leur tour, sont loin de rechercher tous les mêmes niveaux, ils se sont partagésles profondeurs de l'océan, depuis la côte jusque dans les abysses, chaque niveau étant pour ainsi dire peuplé par des formes qui lui sont à peu près exclusivement spéciales. Nous avons constaté des faits identiques chez les Paguriens, mais leur signification est tout autre chez les Galathéidés. Si l’on jette un coup d'œil sur le tableau ci-joint, qui ré- sume assez bien ce que l’on sait de précis sur la distribution bathymétrique des Galathéidés, on voit que les divers grou- pes de la sous-famille ne sont pas indifféremment localisés à tel ou tel niveau. Les Porcellaniens habilent presque tous la côte et c’est à peine si, dans celte tribu où les espèces sont si nombreuses, trois ou quatre s’aventurent à des profondeurs situées au delà de 50 mètres. Dans le genre Galathea, les espèces vraiment côtières sont déjà {rès rares, et la plupart recherchent les fonds compris entre le littoral et 50 mètres; au delà, les Galathées deviennent de plus en plus rares, mais on en rencontre encore beaucoup au delà de 100 mètres, et 4 d’entre elles peuvent même vivre de 500 1,000 mètres. Les Munida se plaisent précisément dans les profondeurs médiocres, de 500 à 1,000 mètres surtout, où les Galathées n'envoyaient encore qu'un très petit nombre de représen- tants; les espèces côtières du genre sont d’une rareté extrême, mais les espèces sub-abyssales font déjà leur appa- rition et l’une d'elles, la Munida slimpsont, dépasse même la profondeur de 2000 mètres. Cette désertion de la côte, suivie d’une exode vers les grands fonds, se manifeste bien plus encore chez les Galathéens non flagellés ; ces animaux, qui sont tous aveugles, ne remontent jamais au-dessus de 200 mètres, et se rencontrent même rarement au-dessus de 500 mètres; c'estentre 1,000 et2,000 mètres qu'ils paraissent avoir trouvé leur niveau de prédilection, plusieurs d’entre eux s’aventu- rent même bien au delà, deviennent franchement abyssaux, et se retrouvent encore au delà de 4,000 mètres. En comparant les données qui précédent à celles que nous md “SANIATIY ‘S9PISUIVIUN Saoaip sep onbrrowAyIeq uoranquistp I 9p enbrdou£s nveTqeL *Sn0 °va[3 "EpLUnunz —* *SANOUOEIL ss... Sos... ‘snsowu y -dOJ ‘id Q = Où 8 à :19} *snuoñjdiq | -Se£0u9Â14 Rd “snow I, ‘SANIDA LdI TT —— mm" "(uC ter) ISpjoufoi ‘I "(w0 10%) “(nCG) 110} -Jed ‘0 .... 0 ...... ....... ……... s le. 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Le genre Galathea, que des considérations zoologiques nous ont fait considérer comme le plus primitif de la sous-famille, occupe justement des niveaux bathymétri- ques intermédiaires entre ceux où sont localisés les genres ou les groupes auxquels il a donné naissance ; par ses espèces côtières ou subcôtières, il partage l'habitat des Porcellaniens, par celles qui descendent au-dessous de 100 et même de 500 mètres, ilnous conduit dans les régions qu'affectionnent les Munida, el où commencent à se rencontrer quelques Gala- théens aveugles, c’est-à-dire des Crustacés directement issus des Munides. Ainsi, au point de vue de la distribution bathy- métrique, l’évolution des Galathéens s’est effectuée suivant deux directions différentes, dont le point de départ élait la la zone sublittorale habitée par les Galathéens : en rétrogra- dant vers la côle, certaines Galathées, sans doute déjà plus ou moins côtières, ont donné naissance à la tribu des Por- cellaniens ; en s’avançant au contraire du côté du large, d’autres espèces, moins sensibles aux grandes pressions, ont servi de point de départ aux Munida, qui se sont, à leur tour, de plus en plusrapprochées des grands fonds, en même temps qu'elles conduisaient aux Galacantha, aux Munidopsis et à tous les autres Crustacés aveugles. Cette conclusion des études qui précèdent, peut se résumer sous la forme suivante, qui mettra mieux en relief son importance : Les Galathéinés des profondeurs sont exclusivement représentés par une partie importante des espèces les plus éloignées des formes macrou- rienhes (Galathéinés aveugles); à mesure qu'on se rapproche des côtes, ces espèces font place à d'autres moins éloignées des formes primitives et, dans la zone sublittorale, sont rempla- cées par les Gralathées qui sont les plus voisines de ces formes: dans celle même région se rencontre déjà l'autre partie des espèces les plus éloignées des formes macrouriennes (Porcella- niens), e{ ces espèces prédominent el deviennent de plus en plus nombreuses à mesure qu'on se rapproche de la côte. 318 MILNE-CDWARDS et E.-L. BOUVIER. Ces conclusions sont indiscutables et pourtant diffèrent autant que possible des conclusions suivantes, non moins légitimes, d’ailleurs, que nous avions formulées d’abord dans notre étude sur les Paguriens du Plake, et plus tard sur ceux du Travailleur et du Talisman (1) : « La faune pagu- rienne des profondeurs, disions-nous dans ces deux travaux, _est surtout constituée par des espèces plus ou moins voisines des formes macrouriennes, ces espèces disparaissent progressi- vement à mesure qu'on se rapproche des côtes, où elles font place à d'autres très éloignées des formes primitives. » Il est impossible d'arriver à des résultats plus diamétralement op- posés, et ceci nous montre avec quelle prudence il faut s'avancer dans la voie de la généralisation, quand on étudie les animaux des abysses. En dehors de la publication du Challenger, nous ne savons encore rien de précis et de détaillé sur ces êtres, et toutes les considérations générales qu'on à émises sur eux reposent sur un examen trop super- ficiel pour être sérieusement élablies. Serons-nous du moins capables d’en formuler de meilleures quand tout sera ter- miné ; ce n’est pas certain, comme le prouve la comparaison que nous avons faite plus haut des résultats acquis pour les deux familles. Mais c'est déjà quelque chose de pouvoir constater son ignorance, et si l'étude approfondie des divers groupes ne conduit qu'à des résultais discordants, nous aurons du moins la conviction qu'il reste des lacunes à com- bler, et que la période des campagnes d’exploralion sous- marine ne doit pas encore être close. Au point de vue de la distribution bathymétrique, les Diptycinés sont loin d'offrir le même intérêt que les Gala- théinés : ce sont tous, en effet, des animaux de fond, el tous aussi habitent des profondeurs moyennes. Une seule espèce, le Diptychus tridentatus, paraît remonter au-dessus de 50 mè- (4) A. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, Observations préliminaires sur les Paguriens recueillis par les expéditions du Travailleur et du Talisman (Annales sc. nat. Zool., sér. 7, vol. XIII, p. 195, 1891). — Description des Crustacés de la famille des Paguriens recueillis pendant l'expédition du Blake (Memoirs Mus. Compar. Zool., vol. XIV, n° 3, p. 9, 1893). LES GALATHÉIDÉS. 319 tres, toutes les autres sont localisées entre 200 el 2,000 me- tres, et la plupart d’entre elles ne descendent même pas au- dessous de 1,000 mètres. Les divers genres de la sous-famille ne sont nullement caractérisés par une distribution bathy- métrique spéciale, et les Diptychus, bien qu'issus directement des Ptychogaster, habitent exactement les mêmes niveaux que ces derniers. Ce résultat mérile d’être mis en relief, ne fûl-ce que pour montrer les différences fondamentales que pré- sente la distribution bathymétrique dans les trois groupes voisins des Diptycinés, des Galathéinés et des Paguridés. On n'a pas trouvé jusqu'ici, chez les Galathéides, des espèces à distribution bathymétrique très étendue, comme le Parapagurus pilosimanus, Pagurien qui remonte jus- qu'à 500 mètres el qui descend au-dessous de 4,000 mètres. Ce sont la Munidopsis curuirostra el la Munida stimpsoni qui présentent, sous ce rapport, le plus d’analogie avec le Para- pagurus pilosimanus; la première se rencontre à tous les niveaux, depuis 136 mètres jusqu'à 2,340 mètres, et la se- conde depuis 152 mètres jusqu'à 2,011 mètres. Viennent en- suite trois espèces des mers européennes : le Galathodes tri- dentatus, qu'on trouve entre 150 et 1,480 mètres, notre Munida bamffia qui remonte à 20 mètres et descend jus- qu'à 1,360, puis le Diptychus nitidus, espèce cosmopolite, que le Blake a dragué dans les Antilles par 160 mètres, et que le Talisman a retrouvé depuis, au large de Rochefort, par 1,480 mètres de profondeur. L'influence de la profon- deur sur les caractères morphologiques de ces animaux est difficile à apprécier, parce qu'elle nécessite l’examen de nombreux individus recueillis à des niveaux très divers. Pour la Munida bam/ffia, dont nous avons pu faire une étude très complète, nous avons observé que des spécimens de l’espèce typique peuvent se trouver à toutes les profondeurs, depuis 20 mètres jusqu’à 1,360, mais qu'ils sont d'autant plus abon- dants qu'on se rapproche davantage de la surface. Les indi- vidus à pinces grêles, qui plus ou moins directement appar- tiennent aux diverses variélés de l'espèce, et notamment à la 390 MILNE-EDWARDS et E.-EL. BOUVIER, variélé tenuimana (Munida tenuimana de M. G.-0. Sars), ne remontent jamais au-dessus de 400 mètres, et doivent être considérés, par conséquent, comme plus sensibles que les autres aux influences bathymétriques. Ce sont ces mêmes influences, combinées au genre de vie tout spécial que mènent les Galathéens, qui ont produit chez les Munides la dilatation des yeux et, chez les espèces non flagellées, l’atrophie de ces organes. Ces intéressants effets de l’adaptalion ont été longuement étudiés dans un des pre- miers chapitres de ce Mémoire. Distribution géographique. — Des représentants de la famille des Galathéidés se rencontrent dans toutes les mers du globe, sauf dans les régions polaires, où on ne parait pas en avoir signalé jusqu'ici. Les espèces les plus septen- trionales sont, dans l'Atlantique : les diverses Galathées de nos côtes qui remontent toutes jusqu'en Norwège et allei- gnent même parfois les îles Lofoten (Ga/athea nexa) et le cap Nord (G. dispersa), le Galathodes tridentatus que M. G.-0. Sars signale aux îles Lofoten et à Hardenger, enfin la Munida bamffia qui ne paraît pas dépasser le 65° degré de latitude nord. Dans l'Atlantique occidental et dans le Pacifique, les Galathéidés paraissent remonter moins loin vers le nord. Parmi les espèces les plus septentrionales de ces deux régions du globe, nous signalerons, dans l'Atlantique, la Munidopsis curvirostra qui se trouve jusqu’à l'embouchure du fleuve Saint- Laurent, c'est-à-dire jusqu’au 45° degré de latitude nord, dans le Pacifique la Galathea pubescens Simpson qu'on à signalée dans le port d'Hakodadi, la G@. subsquamata Stimpson qui se trouve, avec la précédente, sur les côtes de l’île Ousima, enfin la G. grandirostris Simpson, la G. japonica Süimpson, toutes deux de l’île Kagosima au Japon. Dans l'hémisphère sud, les régions sérieusemnt explorées sont moins rapprochées du pôle que les régions connues de l'hémisphère nord, aussi voit-on la latitude australe des Galathéidés être inférieure à leur latitude boréale : le Diptychus parvulus, Ve Ptychogaster milne-ediwvardst, le LES GALATHÉIDÉS. 321 Galathodes trifidus et l'Elasmonotus quadratus habitent les régions les plus polaires de la Patagonie, et la dernière se rencontre même jusque dans le détroit de Magellan, c'est- à-dire sous le 53° degré de latitude sud ; dans les mêmes eaux se rencontre également, en grande abondance, la Wuni- da subrugosa que M. Filhol a également signalée à l’île Camp- bell (Grimothea novæ-zelandiæ), c'est-à-dire presque sous la même latitude ; plus à l’est et un peu plus au nord il faut si- gnaler la Munida sancti-pauli que le Challenger a draguée près de l’île Saint-Paul, la Munidopsis subsquamosa des îles Marion et Crozet, enfin le Diptychus insignis qui habite les parages de l'île du Prince Edouard. Parmi ces dernières espèces, certaines ont une distribution géographique {rès étendue, telle est la M. subsquamosa qui s'étend à travers le Pacifique tout enlier, depuis la Patagonie et les îles Marion el Crozet jusque dans les eaux du Japon (Challenger). Les deux immenses bassins océaniques situés en decà el au delà du Nouveau-Monde ; l'océan Atlantique d’un côté, la mer Indo-pacifique de l’autre, donnent asile aux mêmes genres de Galathéidés, sauf aux P/euroncodes qui paraissent localisés dans la région du Pacifique. Comme il serait peu rationnel de supposer que les types de ces deux bassins se soient uniformisés à la suite d’un mélange des faunes qui s’ef- fectuerait, au nord el au sud, par les détroils subpolaires, on est conduit à admettre, — ou bien que les Galathéidés ontsubi exactement et de la même manière les influences adaptatives à droite et à gauche du détroit de Panama, depuis que ce détroit s’est transformé en isthme, —ou bien, ce qui paraît bien plus rationnel, que la séparation des deux bassins s’est effectuée à une époque relativement récente, où s'étaient déjà dessinés tous les genres actuels de la famille. Ce qu'il y a de certain, c’est que depuis l’époque où la séparation s’est établie, des différences (rès sensibles, mais toutes purement spécifiques, se sont produites entreles habi- tants des deux mers, sinon dans tous les groupes marins du règne animal, au moins dans les Paguridés et les Gala- ANN. SC. NAT. Z00L. xvI, 21 J22, MILNE-CDWARDS et E.-L. BOUVIER. théidés, familles sur lesquelles nous possédons maintenant des données assez étendues. En ce qui concerne les Pagu- ridés, ce fait n'est pas moins frappant pour les espèces abyssales que pour les formes franchement côtières. Dans son étude préliminaire sur les Crustacés recueillis par |A /6a- tros dans le Pacifique, entre les îles Galapagos et le golfe de Californie, M. Faxon signale un assez grand nombre de Paguriens qui appartiennent aux mêmes genres que ceux de la mer des Antilles, et notamment aux Pylopagurus, mais les espèces signalées, ou bien sont toutes différentes de celles que le Élake à trouvées de l’autre côté du détroit, ou bien sont les formes représentatives de ces dernières ; quant aux espèces côtières, elles offrent, comme l’un de nous l’a récemment montré (1), des variations de même ordre que les précédentes, et il n’est pas rare de rencontrer dans le Pacifique des formes représentalives, parfois si voisines de leurs congénères caraïbes, qu'onles considérerait, àcoupsür, comme de simples variétés de ces dernières, si elles vivaient dans les mêmes eaux. Chez les Galathéidés, on peut faire des observations de même nature : à part deux espèces cosmo- polites, la Munida microphtalma et la Galacantha rostrata, Les espèces côlières, aussi bien que les formes abyssales jusqu'ici connues, sonttoutes différentes à droiteet à gauche du détroit, mais les formes représentatives ne sont pasrares, et quelques- unes même, comme le Diptychus nitidus var. occidentalis de M. Faxon, se réduisent à de simples variétés. Tous ces fails sont intéressants parce qu'ils permettent de fixer, dans une certaine mesure, l'époque où a dû s’effectuer la formation de l’isthme de Panama et la séparation des deux bassins océaniques. Les différences qui séparent les espèces, de partet d’autres du détroit, prouvent d’une facon incontes- table, non-seulement que les Galathéidés ont varié dans des sens différents, dans le Pacifique et dans la mer des Antilles, (1) E. L. Bouvier, Paguriens recueillis par M. Diguet sur le littoral de la Basse Californie (Bulletin Soc. philomath. de Paris, sér. 8, t. V, p. 18-25, 1892). LES GALATHÉIDÉS. 323 depuis qu'ils cessent de fréquenter les mêmes eaux, mais en outre que les espèces issues de ces variations sont localisées dans le bassin où elles se produisent et,à part quelques excep- lions qui nous sont offerles par les espèces cosmopolites, ne passent point de l’un à l’autre. Ce qui est vrai pour les espèces doit l'être évidemment pour les geures, qui sont le résultat de varialions bien plus régulières et bien plus continues, el comme ces genres sont les mêmes dans le bassin du Paci- fique et dans celui de l'Atlantique, nous sommes conduits à penser qu'ils existaient déjà à l’époque où s'est formé l'isthme. Depuis lors jusqu'à nous, des différences se sont introduites entre les faunes des deux mers, mais comme ces différences sont purement spécifiques, et souvent même con- duisent à des formes représentatives ou à de simples variétés, il faut croire que la date de la séparation des deux mers est relativement récente et ne remonte pas à l’époque précré- tacée, comme l’admet M. Agassiz (1) et comme nous étions portés à l’admetire nous-mêmes (2), d’après cet auteur, àune époque où nous ne connaissions pas, comme aujourd'hui, ie détail des récoltes faites dans le Pacifique par l’A/batros. Entre Les deux régions extrêmes de l'Atlantique; la région américaine d’un côlé, la région africo-européenne de l’autre, ce n'est pas une barrière de montagnes, mais bien une pro- fonde dépression qui s’oppose au mélange des faunes. Cette dépression, qui attemt de 3000 à 4000 brasses anglaises, est loin d’être bien régulière, mais elle s'oppose actuellement presque partout au passage des Galathéidés, puisque ces animaux sont incapables d'atteindre de pareilles profondeurs C’est donc une barrière réellement infranchissable, pour la plupart des espèces marcheuses, qui sépare nos côtesel celles (4) A. Agassiz, Three Letters on the Dredging Operations off the West Coast of Central America to the Galapagos, to the Coast of Mexico, and in the qulf of California, by the « Albatross » (Bull. Mus. Comp. Zoûl., vol. XXI, p. 186, 1891. Traduction francaise dans les Ann. des sc. nat., ser. 7, t. XII, p. 319, 4) A Milne-Edwards et E. L. Bouvier, Observations préliminaires sur les Paguriens recueillis par les expéditions du Travailleur et du Talisman (Ann, sc: nat., sér. 7, t. XIII, p. 203, 1892). 324 MILNE-ED WARDS et E.-L. BOUVIER. de l'Amérique, mais elle est loin d’être comparable à celle qu'établit entre le Pacifique et l'Atlantique le continent amé- ricain; cette dernière, en effet, a la longueur du continent lui-même, l’autre est entrecoupée par une ligne continue de fonds compris entre 1000 et 2000 brasses, qui va pres- que directement des Antilles aux Açores, et qui se con- tinue avec les fonds littoraux d'Europe à la hauteur du golfe de Gascogne. C’est par là certainement que se sont ré- pandues, des Antilles dans les eaux africo-américaines, un petit nombre d'espèces subabyssales, la Galathea agassiai, la Munida iris et V Eumunida picta qui toutes ont été trouvées par le Blake dans les Antilles, et par le 7w/isman au large des côtes sahariennes, et qu’on rencontrera vraisemblable- ment dans toute la ligne de hauts fonds que nous avons signalée. D'ailleurs comme aucune interruption n'existe, en- tre l'Amérique du sud et l'Afrique, dans les grands fonds de l'Atlantique, on doit s'attendre à trouver, au sud de l’é- quateur, une faune très différente dans ces deux régions, et c'est ce que l'étude des Galathéidés, comme celle des Paga- res, fail ressortir avec l'évidence la plus grande. En dehors des trois espèces précédentes, et des trois espè- ces cosmopolites que nous avons déjà citées, tous les Gala- théidés sont différents à l’est el à l’ouest de l'Atlantique, et c'est à peine si quelques-uns (Ga/athodes tridens et G. triden- tatus) peuvent être considérés comme des formes repré- sentalives. Quant aux genres, ils sont absolument les mêmes, el à cet égard 1l existe une différence profonde entre les Galathéidés et les Paguridés, ces derniers étant représentés dans les eaux américaines de l’Atlantique par quinze genres, et par sept seulement dans les eaux africo-européennes. Ces différences entre deux groupes très voisins s'expliquent, croyons-nous, par les habitudes très différentes des animaux de ces deux groupes: les Galathéidés, habitant pour la plu- part les grandes profondeurs, ont pu passer aisément d'un côté à l’autre de l'Atlantique en utilisant les parties les moins profondes de cette mer ; mais pour la plupart des Paguriens, 2 # GALATHEIDES. LES *SPu2q deo np pou ny ‘(soja CO)1) S9(97) deo np PIoN "SAT 668 ‘U 0097 e C6F 9P “Haut OST -288 0 ‘SJQU 06 () ‘soste8nJiod 59) "S91Jaut S90T |-09 Sop 2848I nY *S24{97) "AJaUu ORFI-CHI ie NP 254P] NV “SAINS Y ‘SalJQu LIL | S9P 9948] NY ‘(S9IJQUI 0841) “AQU 1601-6066 | ‘ou$so107 eT ‘SOTIQUI O9ET E SO1JQUI 03 9P *0,9 ‘OU0[99484 ‘ou801079 PT "IJaut 009 ‘2709 ‘[P8n)10q4 "019 ‘SonSUI[IAG Safi "S91JQU 06-07 |‘XIPETD ‘9TINISY "S9H}QU OO0I E UOJTAUS ‘JQUu 08 b ‘S21]Qu LS ‘9109 |UNUUWO)9 Z9855Y “SOIJQUL CZ&-CT -XIPEO RE PES SASIY9 OA SHNAANOAOUA | sy10K0vASA SALON ’ 0 0 G)LCENUN 0 0 ‘A[TOSIEN "270 ‘orooe{y‘uo] NOT, ‘2][IOSICI aUNUMO9 Z9SSY ‘039 ‘onbr}er1pY ‘aITeSIEN 6 JUNUUMO9 Z2SSY ‘I98[V ‘O198] “IUO4 “a[IT2SI8 IN AANVUMALIAIN 0 # ‘(Sa1jaur 0851) J1079u90Y 9P ‘II Où V 0 "(Sa1J9 ut 08r1) JIOJ9U90 9pP 2HJP[ NE "A OUR V 0 0 0 0 0 ‘(So4jaux 08#1) JI0J9U90Y 9P DHL NE MOSS V 0 0 0 ‘]10J949 -0Y 9P 9540] ne "HO008 V 0 "O1PI 79SSV 0 ‘0,9 ‘uUOu9 -VIIY,P 9941] ‘NPAUIRIUO") -yynom[q ‘999 ‘SOpPA "PI -[89 ‘au30/nog ‘299 ‘UOU2P9 -IV,P 9541] ny ra "2}9 ë ‘on'T ‘ous0[nog "PI "PI °2]9 ‘JSPPA aUntUt09 z98SV |-JUIES ‘oU50[N04 “AN9OISVO = aq "HHONVN 44109 sonbseq'aoïd SP 9910] NY ‘JI9A -de) np sal ‘PI ‘ou509 “Jopelog de)|-se9 9p 9709 "ATIOSIE TT ‘25n)10q np 9$1e, ny “4opefog den |-uojojot sa] *501INSVY S2Pp 9510] nY ‘PI oU509 ‘o[[osieN |-sen 9p 27109 “Jopefog den | ‘o8omion ‘PI ‘PION de) "SAIIBUP) *289MION 0 *U90JO"T SOI] "PI "PI *S9109Y ‘JI9A -den) np sa] | ‘289mioN ‘ans *AHON TT, 2 —— "SANAYLXA SHANLILV'TI -B}}IA-01qni —PUI ewuey}qdodoru JS 7 mn *sn} *snpryru sny943drq ‘SNSOUIO] 19S2#04941q *SIUOTI snyou{y10oqdo1( “MueIIPA SNJOUOUSE]A ‘sn}2}U9PII} S0poy}e|en “Ip sIsdopranyy ‘pyeuir19d "CIJUEG EPIUNIN ‘PSOS IS “bSsIadSIp — "PXOU “edayruenbs ‘BIPAUIOAUI PAUJP[LI 326 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. ces espèces d'isthmes sous-marins sont encore situés à des niveaux trop bas, pour que la plupart des Paguriens aient pu les franchir, et les animaux de ce groupe sont restés isolés au voisinage des deux rives de l'Océan Atlantique. Quoique bien représentés à l’est et à l’ouest de l’Atlantique, les Galathéidés ne paraissent pas êlre répandus dans ces deux régions avec la même richesse de formes. En Amérique, les espèces abyssales prédominent et les côtières sont re- lalivement rares : on y compte 7 espèces de Diptyciens, 22 Galathéens aveugles, 12 Munides et 2 Galathées seule- ment ; dans les mers africo-européennes, on signale seule- ment 4 Diptyciens, 10 Galathéens aveugles, 7 Munides, mais le nombre des Galathées n'est pas inférieur à 8. Des différences de même nature, paraissent aussi exister entre les Galathéidés indo-pacifiques et ceux de l'Atlantique con- sidérés dans leurensemble : on compte 15 Diplyciens indo- pacifiques contre 9 dans l'Atlantique, 20 Galathéens non flagellés seulement contre 31, mais par contre 46 Gala- théens flagellés contre 25. En résumé, les Munides et les Galathéens aveugles paraissent prédominer dans les An- tilles, les Galathées dans les mers d'Europe, les Galathéens flagellés et les Diptyciens dans les mers indo-pacifiques. Ces résultats seront vraisemblablement modifiés par les recher- ches ultérieures, mais on peut croire qu'ils donnent une idée générale assez exacte de la distribution géographique des Ga- lathéidés. Quelques mots pour terminer sur les Galathéidés d'Europe, et tout particulièrement sur ceux des mers de France, abs- traction faite des Porcellaniens dont nous n'avons pas fait l’élude approfondie. Les espèces jusqu'ici connues dans les mers européennes élaient peu nombreuses et sont toutes dé- crites, à l’exceplion d’une seule, le Galathodes tridentatus Esmark, dans la monographie de M. Bonnier; ce sont les Galathea intermeda, G. dispersa, G. nexa, G. squamifera, G. strigosa, la Munida bamffia et le Diptychus rubro- rittatus. À ces espèces, qui remontent presque toutes assez LES GALATHÉIDÉS. 321 près de la côte, il faut en ajouter sept autres plus aby- ssales qui parviennent des dragages du Travailleur et du Ta- lisman. Ces espèces sont : le Diptychus nitidus, la Munida microphihalma et la M. perarmata, le Ptychogaster formosus, l’Elasmonotus vaillanti, V'Orophorynchus marionis el la Mu- nidopsis media. Toutes ces espèces appartiennent à la faune française à l’exception de trois: le Diptychus rubro-vittatus l’'Elasmonotus vaillant et la Mumidopsis media qu'on ne connaît pas jusqu'ici en dehors des eaux portugaises ou es- pagnoles ; elles se rencontrent presque toutes dans le golfe de Gascogne, mais beaucoup manquent dans la Méditerranée, comme on pourra s’en convaincre par l'examen du tableau qui précède, et dans lequel sont indiquées la distribution géographique et la distribution bathymétrique de toutes les espèces des eaux européennes. NOTE SUR LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT DE LA SARDINE Par M. GEORGES ROCHÉ. Depuis quelques années deux opinions ont été soutenues en ce qui concerne les condilions dans lesquelles s’ac- complit le développement de la Sardine. M..G. Pouchet a admis, d'une part, que l'œuf de cel animal est plus dense que l’eau de mer et que les premiers stades de la vie de l'individu se passent dans les profondeurs océaniques, « à deux ou trois cents milles de nos côtes » peut-être? Aucune corrélation, suivant cet auteur, ne peut être trouvée entre le développement des organes génitaux de la Sardine et la présence des bancs de cette espèce dans les eaux littorales. Son opinion se base, du reste, sur ce fait qu'il n'a jamais pu se procurer, soit par lui-même soit par l'intermédiaire de pêcheurs bretons, d'œufs, d'alevins ou même de jeunes individus ayant moins de 10 centimè- tres de longueur. Ses recherches ont été faites à Con- carneau. A Marseille, au contraire, M. Marion recueillit des œufs et des alevins pélagiques de Sardines qu’il put con- server et se faire développer dans un aquarium, durant quelques jours. D'ailleurs, en Méditerranée, avec des filets spéciaux, les pêcheurs capturent, tout près de terre, de NOTE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA SARDINE. 329 Menton à Saint-Raphaël, au printemps de chaque année, des quantités innombrables de petits poissons qu'ils appel- lent, dans leur ensemble, « poutine » el qui sont des jeunes de Sardines, d'Anchois, etc. Suivant la taille de ces petits animaux, qui diffère avec l’époque où se pratique leur pêche, varie également leur aspect et leur revêtement dermique. Aussi, les gens de mer distinguent-ils la poutine nue, la poutine vêtue et les Sardinettes, suivant que les écailles sont plus ou moins développées et les dimensions des ani- maux plus ou moins considérables. Il paraissait donc exister de profondes dissemblances entre les conditions de développemeut de la Sardine océanique et de la Sardine méditerranéenne. Cependant, poursuivant au laboratoire de Plymouth, des recherches sur ce sujet, M. J. Cunningham put recueillir, dans les eaux anglaises litlorales, de jeunes Sardines et des œufs pélagiques qu'il reconnut pour ceux de l'espèce qui nous occupe. De plus, il vérifia, en mer, ce fait que l'œuf de Sardine — non fécondé, il est vrai, — est flottant. Ses tra- vaux ne paraissent pas avoir convaincu M. G. Pouchet. Avant entrepris, dans le golfe de Gascogne, quelques re- cherches sur les pêches maritimes aux filets trainants, j'ai pu me procurer dans les récoltes faites avec la grande senne, utilisée sur les plages du bassin d'Arcachon, des jeunes de Sardines (dont la longueur variait de 37 à 54 mil- limètres. Cette première observation fut faite en juillet 1893. Au mois d'octobre suivant, et avec le même engin, employé dans la baie de Douarnenez, j'ai obtenu des Sardines dont la longueur oscillait entre 40 et 65 millimètres; enfin, en novembre, aux sables d'Olonne, le chalut à crevettes traîné à un mille et demi de terre, par des fonds de 12 à 15 mè- tres m'a fourni des Sardines ayant 52 à 66 millimètres de longueur. L'ensemble de ces observations faites en différents points du golfe de Gascogne nous montre que, dans cette région 330 __ GEORGES ROCHÉ. maritime, comme en Méditerranée, la Sardine passe une grande partie de son développement postlarvaire dans les eaux litiorales et sublittorales. En outre, nous trouvons là une confirmation des recherches de MM. Marion et Cunningham. D'ailleurs, nous ne devons pas oublier qu'en avril et mai, sur les côtes bretonnes, l’on pêche en grandes quantites des sardines dites « de dérive » dont le plus grand nombre ont les œufs arrivés à maturité parfaile. Les jeunes animaux que j'ai observés paraissent provenir — étant donnée la ra- pidité de croissance que l’on reconnaît à l’espèce — de pontes effectuées du commencement d'avril à la fin de juin. En dehors de la période annuelle de la grande pêche de la sardine dite « de roque » celte espèce fait de fréquentes apparitions en bancs serrés dans les eaux océaniques super- ficielles, durant l'hiver. D'autre part on trouve constamment de ces individus dans l'estomac des poissons chasseurs capturés au grand chalut ou même dans les petits chaluts traînés à la côte. Nous pouvions donc avoir de sérieuses pré- somptions que la Sardine ne s’éloignait jamais très au large. La présence dans les eaux littorales et sublittorales de très jeunes animaux nous démontre qu'à loules les époques de son existence, cette espèce vil sur notre plateau continental ou dans les eaux qui le surmontent, non loin des côtes, dans le golfe de Gascogne comme dans les autres régions marines. Est-il possible d'induire de ces considérations que les en- gins {raînants peuvent exercer une action nocive sur la conservation de cette espèce ? Peut-on attribuer, à l'usage de ces engins, les irrégularités constatées depuis quinze ans, sur nos côtes de l’ouest, dans la production de la Sardine? Une conclusion affirmative serait prématurée. Il est néces- saire pour juger de telles questions de les examiner à beau- coup d’autres points de vue que celui sur lequel mon atten- lion a élé occasionnellement appelée. SUR LA CLASSIFICATION GÉNÉRALE Par M. LÉON VAILLANT. La classification des Chéloniens, depuis une vingtaine d’an- nées a été l’objet d’importanis travaux, 1l suffit de citer les noms de MM. Strauch, Cope, Dollo, Boulenger, Baur, pour montrer avec quelle compétence et quelle aulo- rité a été traitée la question. Cependant, et bien que les bases de cet arrangement systématique aient été singulière- ment modifiées, il s’en faut que la discussion puisse être considérée comme close, à en juger par les divergences d'appréciation qu'on constate entre plusieurs de ces savants zoologistes, le sujet présente, il est vrai, des difficultés qu'on ne semble pas être encore près de résoudre. Dans l'étude taxinomique d’un groupe du règne animal, il ne s’agit pas simplement d’une sèche question de nomen- clalure devant conduire à la détermination des espèces, mais d'exprimer par l’arrangement méthodique les rapports réei- proques de celles-ci, de telle sorte que ce simple énoncé fasse saisir la subordination des caractères, l’enchaîinement natu- rel des êlres. En se plaçant à ce point de vue le zoologiste doit faire appel aux notions non seulement anatomiques et morphologiques, mais encore à la physiologie, à l’histoire 332 LÉON VAILLANT. du développement, aux faits que nous révèle la paléontolo- gle, cherchant toutefois à résumer les conclusions dans des caractères objectifs lirés des premières de ces notions, surtout de la morphologie péur les rendre plus accessibles. Cette dernière considération est secondaire en elle-même, mais son importance pratique n'échappera à aucun de ceux qui, à un degré quelconque, ont abordé l’élude de ces pro- blèmes. Cet enchaînement naturel est plus ou moins aisé à saisir suivant les groupes. Une première difficulté, purement ma- térielle, en quelque sorte, vient de la multiplicité plus ou moins grande des espèces et des genres, laquelle rend dans bien des cas les comparaisons très ardues. Sous ce rapport les Torlues constituent ce qu'on pourrait appeler un groupe de moyenne difficulté, car il ne comprend guère plus de deux cents espèces, réparties dans quarante à cinquante genres. En ce qui concerne les espèces vivantes, ajoutons, suivant la remarque faite par M. Boulenger, que cet Ordre des Chéloniens doit être regardé, parmi les Vertébrés à sang froid, comme l’un des plus complètement connus, après les Emydosauriens ou Crocodiles, et qu'il nous réserve, très probablement, peu de surprises pour l'avenir en tant que découverte de types nouveaux. La facilité de préparation de ces animaux pour les Musées où, à l’état sec, ils forment des collections faciles à conserver, commodes pour l’étude, d’un aspect agréable, n’est certainement pas étrangère à ce résultat, elle a de plus favorisé partout la conservation des exemplaires typiques, chose inappréciable pour fixer la valeur réelle des espèces. Un second obstacle pour établir cet enchaînement naturel résulte de la difficulté plus ou moins grande qu'onrencontre à reconnaître l'élévation réciproque des êtres et déter- miner quels sont les caractères susceptibles d'indiquer la perfection organique relative de chacun d'eux, afin d’en dé- duire le rang qu'il convient de leur assigner entre les espèces analogues. La question devient ici très délicate, CLASSIFICATION GÉNÉRALE DES CHÉLONIENS. 333 cette supériorité comparative étant en somme d'appréciation, puisque, dans chaque cas particulier, on peut considérer l’être pris en lui-même, comme parfait dans sa sphère d'activité biologique. Toutefois, on le sait, cette restriction de théorie, dans la pratique disparaît devant celte vue générale que la complication de l'organisme donne légitimement une preuve de supériorité, à raison de la division du travail qu’elle intro- duit dans les fonctions. Ceci peut être d'un grand secours en faisant regarder comme plus élevés les êtres, qui se rap- prochent sous quelques rapports d'un groupe supérieur. C’est dans le même but qu'on a pu faire intervenir des conditions générales d'existence, de nature à indiquer, à priori, le perfectionnement plus ou moins grand de l’orga- nisme. Dans ce sens, Ampère a posé en principe que, toutes choses égales, les animaux terrestres sont plus élevés que les animaux aquatiques, appuyant cette vue soit sur la considération des Embranchements Cuviériens, soit sur celle des Ordres et chez les Articulés et surtout chez les. Vertébrés, montrant que dans chaque groupe l'élévation organique se trouve directement en rapport avec le nombre des espèces terrestres. Lorsque par les considérations précédentes ou l’une d'elles, on parvient, dans un ensemble, à déterminer les êtres supé- rieurs, Ceux au contraire qui occupent les derniers rangs, il devient en général facile, entre ces deux extrêmes, de gra- duer, suivant leurs affinités, les autres termes. Ainsi chez les Emydosauriens, si proches des Chéloniens, on établit un en- chaînement naturel, des plus terrestres, les Jacaretingas ou les Alligators, aux plus aquatiques, les Gavials, en disposant les différentes espèces entre ces extrêmes, si non en série régu- lière, au moins avec des rameaux divergents ou paralléli- ques peu nombreux, lout le monde s'accordant d’ailleurs aujourd’hui à ne pas regarder la disposition seriale comme réalisable, Enfin plus récemment a été introduite dans ces questions une considération nouvelle, celle de la notion, peut-on dire, 334 LEON VAILLANT. absolue du type, c’est-à-dire des êtres offrant, dans un en- semble donné, l’exagération en quelque sorte ultime, la spé- cialisation la plus complète, des caractères du groupe. Tels sont par exemple en Ichthyologie, les Acanthoptérygiens, lesquels, tout en présentant des signes évidents d’infériorités par rapport à d’autres Sous-Classes, méritent cependant d’é- tre regardés comme les plus Poissons d’entre les Poissons. Cette constatalion de l'hypertype désigne naturellement un chaînon terminal de la série ou mieux d’une série. Malheureusement en ce qui concerne les Chéloniens il ne paraît pas possible, dans l’étal actuel de nos connaissances, d'employer d’une façon entièrement satisfaisante aucun de ces fils conducteurs, au moins pour la totalité de l'Ordre. Le groupe est des plus homogènes et il serait difficile d'indiquer une espèce ou un ensemble d'espèces clairement désignées comme prééminentes. En s’aidant, à la vérité, de la comparaison avec l'Ordre des £mydausauria, lequel tout en étant voisin des Tortues offre des caractères non douteux de supériorité, par exemple en ce qui concerne l'appareil circulatoire, 1l faut admettre avec Fitzinger, comme je l'ai rappelé ailleurs (1), que de tous les Chéloniens, les 7rionyx sont ceux qui se rappro- chent le plus des Crocodiles, soit qu’on ait égard à la dispo- sition de la carapace, formée d’une dossière et d’un plas- tron lâchement unis par des parties molles, soit qu’on compare la composition de celte dossière, avec le bouclier dorsal de différents Téléosaures. Ces analogies, quoique superficielles jusqu'à un certain point, mérilent cependant d'être prises en considération, mais n’apporltent qu'un faible secours, car élant admis que ces Tortues molles se placeraient en tête de série, le terme opposé extrême reste à déterminer et rien jusqu'ici n'indique nettement quel il peut être. La considération de l'habitat dans ce cas spécial ne donne (1) L. Vaillant, 1877, p. 58. CLASSIFICATION GÉNÉRALE DES CHÉLONIENS. 339 pas d'indications satisfaisantes. C’est d’après lui, sans doute, que les zoologistes, Duméril et Bibron, Gray, entre autres, ont autrefois conçu leurs diverses classifications plaçant en iête les Tortues de terre (Chersites des premiers de ces auteurs), les Tortues de mer (Thalassites) au dernier rang comme le plus essentiellement aquatiques, car elles ne pa- raissent quitter l’eau que pour la ponte et c’est proba- blement à cette circonstance qu’il faut attribuer ce fait que pour le Dermochelys coriacea, Linné, on ne trouve dans les collections que des individus soit très jeunes, à peine sortant de l'œuf, soit au contraire très âgés, sans qu’on connaisse d'état intermédiaire, ce qui paraît inexplicable si l’on n’ad- mel pas que pendant toute cette période de leur existence ces animaux tiennent la pleine mer où ils ne peuvent être que difficilement rencontrés et capturés. Mais même en ne parlant pas des Élodites pleurodères, ni surtout des Pota- mites ou Trionychidæ, groupes qui s'intercalent d’une façon peu naturelle dans une série ainsi conçue ou s’y relient assez mal, on peut regarder comme au moins assez contes- table, la prééminence ainsi accordée aux Tortues de terre, lesquelles sous le rapport soit des organes des sens, soil des organes de la locomotion, sont loin de paraître mieux douées qu'une Cistude, une Emyde ou une Chélydre. Quant à décider d'autre part quel est l’hypertype du Ché- lonien, l’étude des animaux adultes, non plus que les consi- déralions embryogéniques ou paléontologiques ne nous apportent aucune solution absolument claire; toutefois les Testudo avec le développement si complet de la cara- pace, leur apparition relativement tardive dans la série des temps géologiques, en seraient, jusqu'à un certain point, le plus près, mais ceci ne donne guère plus que la nolion d’une fin de série. En résumé les bases nous manquent pour élablir celte subordination, et la paléontologie, en nous montrant, jus- qu'à plus ample informé, les Tortues pleurodères comme les plus anciennes, n'apporte, au dire des auteurs les plus 336 LEON VAILLANT. compétents (1), que peu de lumières, soit sur l'enchaînement naturel du groupe, soit sur ses affinités avec les groupes Voisins. Force est donc de se contenter, dans l’état présent de nos connaissances, de poursuivre la réunion des genres en Familles naturels et d'éludier les rapports de celles-ci comme j'ai déjà tenté autrefois de le faire (2). Cependant depuis celte époque les progrès de la science ont montré qu'il était nécessaire de modifier la compréhension et la valeur de ces groupes, c'est ce que je voudrais indiquer ici brièvement. Laissant aujourd'hui le côté historique de la queslion, J'espère pouvoir y revenir dans un travail plus étendu sur l'ensemble de l'Ordre des CHeLoxrA, il est facile à pre- mière vue d'établir dans celui-ci, deux divisions pri- maires, auxquelles sera donné le rang de Sous-Ordres, d’une part, les Trionyx et genres voisins, d’autre part tout le reste des Tortues. Déjà M. Baur (1887) a fixé l'attention sur ce point en proposant de partager les TESTUDINATA, comme il les appelle, en DracosroibEa, répondant au premier Sous- Ordre, et PARADIACOSTOIDEA, au second. On peut critiquer ces dénominations, et leur auteur même a proposé (1889 de changer le nom DracosToipEA, qui conviendrait égale- ment, paraît-il, aux Tortues pleurodères{3) en celui de Cri- LOTÆ. Îl semble même que, depuis, il ait peut-être abandonné cette manière de voir : {out au moins, dans un travail ulté- rieur (1890) où sont donnés les caractères osléologiques, qui permettent de distinguer les grandes sections des Chéloniens, il énumère quatre Sous-Ordres : AMPHICHELYDIA (composé exclusivement d'espèces fossiles), PLEURODIRA, CRYPTODIRA, CHitorÆ; sans indiquer de groupement d'ordre supérieur. (4) « Les fossiles trouvés jusqu’à présent ne répandent pas une bien vive lumière sur l'origine et la phylogénie des tortues » (Zittel, Traité de Paléon- tologie, trad. franc, t. IL, p. 541, 1893). (2) L. Vaillant, 1877, p. 54. (3) M. Baur ne donne nulle part, à ma connaissance, l'explication étymo- logique de ces mots hybrides. Ils signifient, je suppose, que les pièces osseuses costales s'unissent ou non en travers du dos au-dessus des vertèbres. CLASSIFICATION GÉNÉRALE DES CHÉLONIENS. JA Dans celui de nos Sous-Ordres où se trouve le grand nombre des CHeLoniA, le squelette présente au rachis une arliculation cervico-dorsale dans laquelle les centrums entrent pour une part importante, les zygapophyses ne jouant qu'un rôle comparativement secondaire; ce mode d'union permet des mouvements de flexion, d'extension, d’ab- duction et, par suite, de circumduction. [lserait évidemment facile d'augmenter le nombre de ces caractères analomi- ques, mais dans le présent exposé je crois inutile de m'y ap- pesaniir, le sujet ayant été traité avec tous les développements qu'il comporte par M. Boulenger et M. Baur dans ces der- niers temps. Ces Tortues, comme caractère morphologique, ont la dossière etle plastron continus, unis par suture serrée, osseuse ou ligamenteuse et, à l'exception des Dermochelys, toutes offrent une série complète de pièces marginales for- mant une bordure limbaire continue, en rapport avec les côtes ou les pièces costales, ce qui m'avait engagé, depuis longtemps, dans mes cours, à désigner ce Sous-Ordre sous le nom de CrasPepora (1), groupe qui correspondrait à la division des ParacosToipEA de M. Baur. La nombreuse série des genres qui le composent, peut, également par des différences analomiques accompagnées de caractères morphologiques, se subdiviser très neltement en deux Tribus. Chez les uns en effet, EUcHELONINA, les zygapophyses cer- vicales, surtout aux vertèbres postérieures, sont disposées plus ou moins verticalement de manière à ne rendre facile que le mouvement de flexion et d'extension, lequel est commandé encore, par la forme transversalement allongée des surfaces articulaires aux centrums des dernières vertè- bres du cou, par la présence assez générale sur ces surfaces, de doubles têtes et de doubles cotyles formant des articula- tions ginglymoïdes, dont le nombre varie de une à trois. Cette disposition ne permet ici le reploiement du cou que (4) Kodoredew, bordure. ANN. SC: NAT. ZOOL. È XVI, 22 338 LEON VAILLANT. dans le plan vertical, ce qu’on a souvent désigné, pour l’en- semble, sous le nom de Cryptodérie, mais cette expression doit, je pense, être limitée à un cas plus particulier, comme il sera dit dans un instant. Ces Chéloniens ne présentent qu'exceptionnellement une plaque épidermique intergulaire (quelques Tortues de mer, parfois les Platysternum), et dans ce cas des plaques sterno-marginales séparent les plaques de la dossière de celles du plastron. La composition des centrums, aux vertèbres cervicales, permet de distinguer deux Sous-Tribus parmi ces EucHELo- NINA. La première, CRYPTODERINEA, se caractérise anatomique- ment par la présence de deux vertèbres amphicyrtiennes, dont l’une occupe toujours le huitième rang, l’autre d’or- dinaire le troisième ou quatrième. Le cou et la tête peuvent, en général, se retirer complètement dans la carapace. Les plaques du plastron sont toujours en contact direct avec les plaques marginales (excepté Platysternum). Trois familles Testudinidæ, Emydidæ, celles-ci assez difficiles à distinguer l’une de l’autre, enfin les P/atysternidæ, composent ce groupe. Dans la seconde Sous-Tribu nous ne trouvons qu’une seule vertèbre amphicyrtienne, placée plus ou moins en avant, disposition anatomique que j'ai désignée sous le nom de Phanérodérie; dans le plus grand nombre des cas, non toujours cependant, le reploiement du cou n’est qu'impar- fait ou nul, une portion plus ou moins grande de cette par- lie restant à découvert, lorsque l'animal cherche à s’abriter sous la dossière, ce terme ne doit donc pas être pris dans le sens étroitement élymologique, remarque applicable d’ail- leurs à toutes les dénominations du même genre en vertu de l’axiome : naltura non fecit saltum. Ces Tortues offrent toujours des plaquesépidermiquesintercalées entre les plaques marginales et les plastrales, soit par le développement des plaques axillaire et inguinale, qui arrivent au contact, soitpar l'adjonction de plaques costo-marginales; très ordinairement aussi la composition du plastron épidermique se simplifie CLASSIFICATION GÉNÉRALE DES CHÉLONIENS. 339 et l’on ne trouve plus que onze plaques ou moins encore. _ Celte Sous-Tribu des PHANERODERINEA renfermerait les Fa- milles des Emysauridæ (y compris les Cinosternidæ et Stauro- typidæ), Dermatemydæ, Chelonidæ, Sphargidæ. C'est à elle aussi, peut-être qu'appartiennent les Carettochelydidz, encore imparfaitement connus. La seconde Tribu des CraspeporA serait celle des CHELY- DINA. Ici la disposition des zygapophyses cervicales est telle, que les mouvements de latéralité, ou si l’on veut d’abduc- tion, seuls sont faciles, les articulations des centrums se font par diarthrodie sphérique, sans qu'il existe jamais entre eux d’articulations ginglymoïdes. Il en résulte que le reploie- ‘ment du cou, pour abriter plus ou moins celte partie et la tête sous la carapace, a lieu suivant un plan horizontal, Pleurodérie, ce reploiement, au moins pour les espèces ou la région cervicale est peu allongée, se fait à droile ou à gauche d’une façon indifférente. Quant au caractère mor- phologique à citer, ce seraitla présence constante d’une pla- que intergulaire, jointe au contact direct des plaques mar- ginales et plasirales. Cette Tribu ne comprend qu’une Sous-Tribu renfermant les deux familles des Pelomeduxidæ et Chelydidæ. Ces deux groupes montrent dans la série de leurs vertèbres cervicales une disposition articulaire rappelant ce qu'on rencontre dans les Sous-Tribus précédentes, les espèces de la pre- mière Famille n'ayant qu'une seule vertèbre, la deuxième, amphicyrtienne, tandis que celles de la seconde en offrent deux, la cinquième et la huitième. Chez celles-là, le cou s’abrite entièrement sous la dossière, chez celles-ci, il reste toujours en partie à découvert, mais cette différence physio- logique tient ici au développement de la région cervicale, par suite de l'élongation des centrums dans la Famille des Chelydidæ, plutôt qu'au mode d’articulation des vertèbres, el le fait a, par suite, une moindre importance générale, exemple de la valeur taxinomique variable que peut présen- ter un ordre de caractères dans des groupes mêmes voisins. 340 LEON VAILLANT. Enfin les Trionyr el les genres qui s’y rattachent, se dis- tinguent des Tortues craspédotes par la disposition de leurs vertèbres cervicales, toutes opisthocæliennes, sauf la première amphicælienne et la dernière, qui présente avec la première dorsale un mode d’articulation unique jusqu'ici chez les vertébrés et sur lequel j'ai appelé l'attention en 1879. La Jonction ayant exclusivement lieu par les zygapophyses, le mouvement de flexion, seul possible avec une extension limitée, ramène en contact les faces inférieures des deux centrums (1); aussi, malgré l’excessive longueur du cou, le reploiement sous la dossière, suivant un plan vertical, est-il cependant plus complet que chez aucune autre des Tortues désignées comme cryptodères, mais résulte d’une disposition mécanique très différente, dans laquelle n’entrent pas de vertèbres amphicyrliennes; c'est ce que j'ai depuis longtemps désigné, dans les cours du Muséum, sous le nom d'Ophiodérie (2). À ce caractère anatomique se joignent des particularités morphologiques, dont l’une des plus frap- pantes, qui a fait nommer ces Reptiles: Tortues molles, est d’avoir aux bords de la carapace un limbe cutané flexible, la dossière et le plastron osseux n’étant réunis que d'une façon médiale. Les pièces marginales manquent le plus souventou ne sont qu'incomplètement représentées par des osselets isolés, sans connexion awec les côles ou les pièces costales et n’occupant qu’une petite partie du limbe, ce qui les fera distinguer sous le nom de MEcrasPeporA (3). Ce Sous-Ordre, des plus naturels, ne comprendrait qu'une famille, celle des Trionychidæ et, par suite, qu'une Tribu et une Sous-Tribu, en établissant le parallélisme des divisions, comme l'indique le tableau récapitulatif ci-contre, où la disposition dichotomique peut précisément faire saisir les affinités croissantes des quatre Sous-Tribus, la dernière étant (1) Voir en particulier, L. Vaillant, 1880, pl. 30, fig. XIII bis, et pl. 51, fig. XV bis. (2) ’Ovicdercs, qui a le cou d’un serpent. (3) Mr, non; K:4osedcv, bordure. CLASSIFICATION GÉNÉRALE DES CHÉLONIENS. 341 plus distincte des trois autres que celles-ci ne le sont enire elles, et de même pour la troisième comparée aux deux premières. OrDre. CHELONIA. Sous-Ordres. Tribus. Sous-Tribus. Familles. I : 1. Testudinidæ. Cr toderinea FA UTe . PASSE ur / 3. Platysternidæ. Euchelonina... . 4. Emysauridæ. | | 1. \ 5. Dermatemydidæ. I. | Phaneroderinea..….. ) : Sr ions li Craspedota. | MENT Il. III. (_ 9. Pelomedusidæ. \ Chelydina....... Pleuroderinea...... | 10. Chelydidæ. IT. II. IV. Mecraspedota. Trionychina..... Ophioderinea..,.... | 11. Trionychidæ, La disposition sériale des Familles dans ce tableau est évidemment fautive au point de vue de l’enchaînement naturel, car on remarquera au premier coup d'œil, que les deux groupes pouvant à la rigueur être considérés comme les plus parfaits, d’après ce qui à été dit plus haut, en sont les termes extrêmes. Pour exprimer ces rapports d’une façon moins défectueuse, il faudrait, autant qu'on en peut juger, regarder comme occupant les degrés inférieurs de l'Ordre des Chéloniens, les dernières Familles des PHANERODERINEA, c'est-à-dire les Tortues marines et en particulier les Sphar- gidæ, une suite de transitions assez bien graduées permettent de passer de ce terme aux CRYPTODERINEA. Des groupes supérieurs des PHANERODERINEA, versles Dermatemydidæ, se détacheraient deux branches, d’une part les PLEURODINEA, d'autre part les OPHIODERINEA, ces derniers étant le type d'organisation le plus élevé du groupe. Cette classification n'est en somme que le développement des principes établis en 1880 dans un mémoire sur la dispo- sition des vertèbres cervicales chez les Chéloniens, auquel il a été renvoyé plusieurs fois dans le cours du présent travail. Les conclusions que je formulais à cette époque et que les 349 LÉON VAILLANT. recherches ultérieures de M. Boulenger, de M. Baur et autres zoologistes, ont confirmées, me paraissent, à l'heure actuelle, assez bien établies pour permettre d’en généraliser l'emploi en taxinomie, comme je propose ici de le faire. L'une des principales différences de la présente disposition comparée à quelques-unes des classifications proposées dans ces derniers temps, notamment celle de M. Cope, adoptée par M. Dollo et M. Boulenger, est relalive à la suppression du Sous-Ordre des ATHECzÆ, comprenant le genre Dermochelys, Blainville. Il n'occuperait plus que le rang de Famille, sous le nom de Sphargidæ, parmi les Phaneroderinea. En cela, je ne fais que me ranger à l’avis de M. Baur, lequel (1) me pa- raît avoir parfaitement montré, que ces Tortues ne devaient pas être séparées des autres Thalassites, auxquelles cet au- teur les réunit sous le nom de Pinnatla, en s'appuyant sur l'examen du squelette. L'étude d’autres appareils, en particu- lier la présence de papilles cornées dans l’œsophage, fait si- gnalé dès 1838 par Temminck et Schlegel, viennent encore à l’appui de cette manière de voir et s'ajoutent aux considé- rations ostéologiques, lesquelles, malgré leur importance légitime, ne peuvent justifier la faveur exclusive qu’on semble trop souvent leur accorder aujourd’hui. Un second point, qui demande peut-être explicalion comme en désaccord avec des idées généralement reçues est la réunion dans cette même Sous-Tribu des PHANERODERINEA de Familles au premier abord assez différentes, les unes à doigts libres, Emysauridæ, Dermatemydidæ, les autres présentant une immobilité complète de ces mêmes parties transformées en une rame de nature particulière, il s’agit des Chelonidæ et des Sphargidæ. Mais on remarquera que cette réunion peut, en somme, être regardée comme de même ordre que celle admise depuis longtemps entre les Emys et les T'estudo, ces derniers ayant, ainsi que les Tortues de mer, les doigts immobiles, empâtés en quelque sorte dans les parties molles (4) G. Baur, 1889 et 4890. CLASSIFICATION GÉNÉRALE DES CHÉLONIENS 343 et la peau. Bien que la conformation définitive du membre conduise dans l’un et l’autre cas à deux instruments très peu semblables, personne ne peut voir là autre chose qu’une adaptation fonctionnelle, donnant un organe destiné, suivant les besoins. soit à la natation, soit à la locomotion terrestre. Seulement, chez les CRYPTODERINEA la liaison des deux Familles est, on peut dire, tangible, car il est très malaisé de les distinguer l’une de l’autre, le nombre des articulations ginglymoïdes à la région cervicale paraissant être le seul caractère positif, en y joignant, dans certains cas, la disposi- tion de la plaque sus-caudale simple ou double, encore la coïncidence du second de ces caractères avec le premier ne paraît-elle pas toujours être exacte. Chez les PHANERODERINEA, au contraire, l’hiatus existe absolu. | Le curieux Carettochelys de la Nouvelle-Guinée servirait-il de trait d'union dans ce groupe, comme cela se trouve indi- qué, sous toutes réserves, sur le tableau ci-dessus? L'avenir nous éclairera, mais en attendant, onne peut faire à ce sujet que des hypothèses plus ou moins plausibles. Comme le re- marque très justement M. Baur, dans un intéressant mémoire sur les affinités probables de ce genre, tant qu’on ne connai- tra pas pas la disposition des vertèbres cervicales, la question restera indécise (1). Malheureusement, sur le spécimen, encore unique, du Musée de Sidney cette partie du squelette fait défaut, l'individu ayant été ulilisé pour l'alimentation par les voyageurs, qui l’avaient capturé, d’après les rensei- gnements fournis par M. Ramsay à M. Baur. La première vertèbre dorsale donnerait de précieux éclaircissements, toutefois je n'ai pu encore savoir de l’éminent zoologiste de Sidney, si elle avait mieux échappé à la destruetion que les vertèbres précédentes. Étant admis que la disposition parti- culière de l'articulation cervico-dorsale distingue absolument les Tortues ophiodères, c’est-à-dire les Trionychidæ, des autres Chéloniens, la conformation du centrum de la pre- (4) G. Baur, 1891, p. 632. 344 LEON VAILLANT. mière dorsale jugerait le point de savoir si les Carettochelys doivent être maintenus parmi les CrAsPEDOTA ou appartien- nent aux MECRASPEDOTA. M. Baur incline à croire que les affinités du genre sont plutôt avec ces derniers, les Trionyx, j'avoue que la brièveté du cou m'empêche, jusqu'à plus ample informé, d'admettre que le mode d’articulation cervico-dorsale propre à ceux-ci puisse se rencontrer chez l’intéressante Tortue de la Nouvelle Guinée, aussi, à moins de supposer une combinaison articu- laire nouvelle, qu'il est difficile d'imaginer en l'absence de données anatomiques positives, doit-on, d’après cette notion morphologique connue, regarder comme plus probable la présence d’un mode d’articulation analogue à celui des CrAs- PEDOTA. Comme il résulte d’ailleurs des observations faites que le cou n'était pas rétractile, on est induit à penser que la disposition des vertèbres cervicales a toute chance de se rapprocher de celle connue chez les PHANERODERINEA. Ajou- tons, et M. Baur lui-même, en plusieurs endroits du travail précité, y fait allusion, que les rapports du genre Carelto- chelys avec les Dermatemys ne sont pas moins frappants, ils priment même de beaucoup, à mon avis, ceux que l’on découvre avec les Trionyr (1). | La valeur attribuée aux différents groupes, telle qu’elle se trouve sur le tableau, est-elle en rapport avec l'importance des caractères sur lesquels ils sont établis? La question est difficile, sinon même impossible, à résoudre dans l’état ac- tuel des principes de la taxinomie, car sur ce point règne le plus complet arbitraire, cetie valeur relative étant jusqu'ici de pure appréciation. La tendance actuelle, pour ne pas dire la mode, est de multiplier les coupes d'ordre supérieur, en particulier les Familles. C’est en inclinant dans ce sens que (1) Ces Trionyx et les Dermatemys offrent entre eux une similitude frap- pante dans l’aspect extérieur, lorsqu'on les observe à l’état vivant, M. Bo- court (Mission scientifique au Mexique. Reptiles, p. 18) en a fait la remarque. Cette ressemblance se prononcerait dans un autre sens chez les Carettochelys, aussi les trois genres peuvent être regardés comme présentant de grandes analogies de faciès. CLASSIFICATION GÉNÉRALE DES CHÉLONIENS. 349 j'ai cru devoir en admettre onze (1), mais un certain nombre d’entre elles pourraient être regardées comme de moin- dre valeur et j'avoue que j'aurais grande tendance, par retour. à des idées plus archaïques, à regarder comme représen- tant les Familles réelles, les quatre groupes désignés comme Sous-Tribus, lesquels forment des coupes incomparablement plus naturelles. BIBLIOGRAPHIE Baur (G.). 1886. — Osteologische Notizen über Reptilien (Zool. Anzeïg., t, IX, p. 685-690). In. 4887. — Osteologische Notizen über Reptilien. Forsetzung II (Zool. Anzeis. t. X, p. 96-102). In. 1889. — Die systematische Stellung von Dermochelys Fe | (Biologischen Centralblatt, 1. IX, p. 149-191). 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In. 1880. — Mémoire sur la disposition des vertèbres cervicales chez les Chélo- niens (Ann, sc. nat., 6e série, t. X, art. n° 7, 106 pages, pl. XXV à XXXI). (1 ) Cette manière de faire a aussi l'avantage, pour le cas particulier, de mieux fixer la compréhension des groupes, ces Familles étant celles admises par M. Boulenger dans le Catalogue du British Museum (1889), ouvrage devenu classique, qui se trouve dans toutes les mains. - 5 un st Re "RETOUR pi F 149 ni raihé. 1üs tt FORTE dé batiiors Tea fs 4e Ve “helps Ya MS dog Eur fi À » nur: $ »/ 72 Hétaon et als eifuruns'e fer ? citatte ae ë St ui Li es sb ni A | DRE | À ‘d Ë PA COIN REX" RE SOrHO: 5 THE | de RAR ; er RE à tel se db » Fo ; R ï 5 ù - PS : | or LUN À A EN PRO à LAS Be TOME TS DoUsÉ 5 ETCE f cran | Le 4: ti L Ati dia à Fe a det HIHAAS UE LE | 11 (RAR td £ . sa ons ust È Jar Wie cn ms À * F A1 cl de h 95 se 1e non. se s , LT 1 ras 7 4 s EN E Lou Ce FETES 41 75 Ë à LU QE LA LE NN aa a 0 E e GREE SE iintes tar 5 de ' th me + * LM triosé si vert. | “DEEE EF : ER, QT 24 k » hs 2 o h eg co: + ea WA A NES nt, LÉ À w AE Y 12 1À € D si 5 & té Mn : 'NONET IS Œ QE .E Nes M ener IG E) SREOUE RE ee ie sis RTE. 186467 ILES 2 DE \! CNE y S ne ne re , F DE | : LT + Fa 1! “à + us z43€ Jp 1x Fr auna cm) NL ait FACE %o ER à me. 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Che cp: 1e ER: mi : TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME Recherches sur l'anatomie comparée de l'estomac des Ruminants, par CE ee 0 se dure deu e ae meer se ea Observations concernant quelques Mammifères fossiles nouveaux du a NE: Hi, Pol... ARR, 2 LOC. …. 220 Observations relatives aux ossements d’Hippopotames trouvés dans le marais d'Ambolisatra à Madagascar, par M. Grandidier, membre de net. le De H, FÜRO:.: 22402... ER Su ed Considérations générales sur la famille des Galathéidés, par MM. A. DR RAA UNNICL EE DOUVIEr, 4... 1.000 40 2 à alone cc à -2à Note sur les conditions du développement de la Sardine, par M. Georges 7 ue M. 20 de. RO DORE f PR ic CE Essai sur la classification générale des Chéloniens, par M. Léon Vaillant. TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS Corner (J.-A.). — Recherches sur l'anatomie comparée de l’estomac dE era cos codecs se. de nos FizHoL (H.). — Observations concernant quelques Mammifères fossiles DONNER RCE CN nude ads voue tne GRANDIDIER et Dr H. Fiznoz. — Observations relatives aux ossements d'Hippopotames trouvés dans le marais d’Ambolisatra à Madagascar. Miine-Enwanrps (A.) et Bouvier (E.-L.). — Considérations générales sur Re CCR De ns ce toler suceuse 0 Rocné (Georges). — Note sur les conditions du développement de la PE D as « à old à oo 039 die aa pause oo VAILLANT (Léon), — Essai sur la classification générale des Chéloniens. 191 328 333 328 333 TABLE DES PLANCHES ET DES FIGURES DANS LE TEXTE CONTENUES DANS CE VOLUME Planches I à VI. — Anatomie comparée de l’estomac des Ruminants. Planches VII à XV. — Ossements d'Hippopotames. Pages 132 à 149. —- Figures des Mammifères fossiles nouveaux du Quercy. Pages 161 et 163. — Ossements d'Hippopotames. Pages 194 à 297. —_ Les Galathéidés. 7630-94. — Consei. Imprimerie CRrEré. Ann. des De Zool. TAVZ 71 1. , erce. nat. 7°S aa atérmmmume — TES Gé reparer SE des In p *"Lemercier, Paris Lüchard Ëith. d'après Cordier. G Masson, Edit. Paris. Î 4 An. es Sc nat.7*Serte. Zool.T XVI. PL2 SELS ASS Là 6080 CC CIS CÈC A @ are RO TER Rap STE YÉ CCS | cp . CES Aichard Lith. d près Cordier Le ré - & des Imp'Ÿ Lemercier, Paris Zool ZAVT P1.3 DURE EPSRRNES 3 > > ALTE ET Ace LS AE re SOUPE ES bre ETRTÈETE 7 < us 42.0 HA L cs NE D tags > DENT + & & Pr 2 27 Et Ps D22- 2 pp L "| A LG TC D NE et CARTE, Fichard Lit. Cordier del G.Masson Edit. Parés SEdes Amp Lemercier Paris. Zoo. TXT. PL 4 Richard lith. __ Cordier del. : GMainors, HAst: Phirés. Sdes Imp'$ Lemercier, Paris. st s TRACE Sc.rat.7*Serte. Zool.Z WT. PL. S. : Æichard lith. __ Cordier del. GMasson Edit. Paris. S'Ëdes Imp'® Lemercier, Paris. Zoot.T'AVZ PL. 6. Aichard lith. _— Cordier del. G. Masson, L'dit. Paris. SEdes ImpitS Lemercier, Pris. + ’ + À ne? ? * ( - La L 1 n': - . L . l L f | F i r « + à j <ÿ r, Ô in t pi} à ne Wu à < 4 ‘ 3 [A a, - LA L'- ; . ‘ ‘ # p ù . é LA a” NY , 4 À \, ( » rte A LA D in M ne, Lu 4 } ni A Ne d à on FA 14 EU il Ji U R k, er 22 Ann. des Saenc nat. Zool. 7° Série. Tome XVJ PL, VIT. Noel lith oel lith. Imp. Becquet fr. Paris. Hippopotamus Lemerlei. fs 0 EE Pen À DS ALANERSIS SRAURRRS ” A TC 40 L UT. ; 7 1 ‘ { ? « @ L F » ; t J r " ks : £ y j 4 ! } d — “ } { , : À | L Q LA # | hu L La \ F. Ê \ l , " sea) td 6 m0 Û j t . ÿ = l D L Æ Pa el . = L [ z {| M î LS ARE : t * UUr ' FU" KW À d J K L û r “a if . Û [ue té À F ke ' \ * À LU sl 4 ) y y OO à ue | LA, ? 1 | l L ï 4 ; TN 1 ut Y d : ï KR 4 ' Pal La 1 . + è ” ‘ À un 2 4 LT 0 "a ‘ w À ’ IN LS LE , l ‘ v af \ L n re 1 [! : 1°, 0 . > d  | + \ oi Ta Pr. ' AL nl x DA 4 LP 4 Pr Û F] x Dur LR L + u 1 ll L (1 cs Le : \ 1 1 V r« ts ” ï LI } 4 [l 1 M » ï 4 ï L 1 L ï { PA « Lente À Zoo! Z°Serie. Tome XVT PL. VII al. Ann. des Saenc: Il Imp. Becquet fr, Paris: Noel lith. Pl Zool. ZFSérie. Tome XV1 PL IX. Arn. des Screnc nat Ïmp Becquet fn: Paris. Noel lith. Lemerlei. Hippopotamus e PS , g: TT ne re OT ÿh PAM ETLERE AVE +] L t , À f ' 1 ak < L + F t : f : ; l * L C4 # & î ’ L { 4 Ann. des Saenc.nat. Zool. Z° Série. Tome XVI PA Noel lith. Hippopotamns Lemerlei. Imp Becquet Fr. Panis. = J | | f = 4 -# 7 A: : G .. è Pare ARE. L Y < | “à À - { = % \ ' 1 a À 4 4 | d + < a ' À k s Ann. des Scienc nat : Zool. 7*Série. Tome XV PJ XI Imp. Becquet fr Paris. Noei lith. Lemerlei. Hippopotamts D. LUN d 2er LA = 2 - + Le A \ = { = 14% £ Ü L = 5 * “a } È ze RUE Te JM ; à = = » » 1 < “ . # CS t Fi RU VAT w Qi TILL Lt j sel | CA “ 2 PE PNR EL | ue sungattst XVI PL XI ome À CII, 1 1 e Zoo1.7 Ann. des Saenc.nat np Becquetir Paris. Noel lith. ï. Lemerle Hippopotam us EH. RC ERA] AURS \ DATE LQRL In LRU À, to k P 7 l L! { À = 1 . : . « 4 ÿ « } 0 ' 17 à { : \ Î ; = LA £ ‘ | : 1 7 ; « À ÿ 12 de à y ; a À ÿ l : 4 E A Tao : 2 à j 2 FA En Lt, PR om wo! Zool. 7°Série. Tome XVI PLAN Ann. des Screnc.nat Ip Becquet fr. Pan. Hippopotamus Lemerlei. PET 17 on A > he À * | | o 1 * . Le i € n + s J Wi . t + 2e ‘ r w ‘ | up = 2 Ü “ ? 1 } 1 f ; . Fe 1 Zoo. 7° Serie. Tome XVI PLAIV. Ann. des Saenc nat. ! Imp Becquet fr. Paris. Noel lith. JO UINUE Lemerlei. Ann. des Screnc.nat. Zool. 7° Série, Tome XVI PL XV Noel lith. E Imp. Becquet fr. Paris: Hippopotamus Lemerlei. Î k à SMITHSONIAN INSTITUTION LIBRARIES LULU 3 9088 01354 0901