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JEAN BOUNHIOL,, LICENCIÉ ES SCIENCES PHYSIQUES ET ES SCIENCES NATURELLES, DOCTEUR EN MÉDECINE, CHEF DES TRAVAUX ZOOLOGIQUES A L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DES SCIENCES D’ALGER INTRODUCTION Les recherches, dont les résultats sont consignés dans le présent travail, ont été faites en partie à Alger, au labo- ratoire de zoologie- de l’École supérieure des Sciences, en partie au laboratoire marilime du Muséum, installé dans l’ilôt de Tatihou, près de Saint-Vaast-la-Hougue. Pour les entreprendre, il fallait avoir, en premier lieu, la possibilité de se procurer facilement des types nombreux et variés d’Annélides; il fallait, en outre, disposer d’un certain nombre d'instruments indispensables. La première condition était fort mal remplie à Alger où la mer, sans marées, rendait inaccessibles toutes les espèces de fond. La présence des espèces pélagiques est extrême- ment incertaine, irrégulière et fugace et j'ai passé deux ans sans pouvoir les étudier convenablement. Il ne me restait comme ressource à peu près unique que ANN. SC. NAT. ZOOL. > AL dE 2 JEAN BOUNHIOL. le Spirographis Spallanzani qui foisonne dans le port sur la coque des chalands et des bateaux depuis longtemps immobiles et sur les vieux morceaux de bois flottants. J'avais là des matériaux de travail peu variés, mais sura- bondants, inépuisables et toujours facilement accessibles. À Tatihou, au contraire, j'ai rencontré une faune anné- lidienne d’une richesse et d'une variété admirables. Toutes les espèces que j y ai étudiées pouvaient être pêchées à marée basse, les unes à n'importe quelle époque, les autres pen- dant les grandes marées seulement, toutes commodément. Il n'y a que quelques rares espèces de fond (Chætopterus Drome Polycirrus hematodes et P. aurantiacus) dont il ne m'a pas été possible d’avoir un nombre d’ SET, aussi grand que je l’eusse souhaité. Les instruments dont j'avais besoin, très simples, bien qu'un peu spéciaux pour un laboratoire de zoologie, n’exis- taient ni au laboratoire de zoologie de l'École des Sciences d'Alger, ni à Tatihou; mais j'ai rencontré un peu par- tout une bienveillance, une bonne volonté et des sympathies précieuses dont l’aide efficace a rendu possible l’achève- ment de cette étude. J’adresse à M. Edmond Perrier, directeur du Muséum d'Histoire naturelle, mon éminent Maître, l'expression de ma reconnaissance pour l'accueil bienveillant que j'ai toujours trouvé auprès de lui, et je le prie de vouloir bien accepter la dédicace de ce travail. _ Au laboratoire maritime du Muséum que M. Edmond Perrier a installé et dont l'importance No HUE croît tous les jours, grâce à son active vigilance, j'ai trouvé des conditions de travail particulièrement en n'existant guère ailleurs, aussi bien au point de vue zoologique qu'à celui de la vie matérielle. M. Malard, chef des travaux scientifiques du laboratoire, a été d’une obligeance parfaite et je le remercie bien sincère- ment de toute la peine qu'il a bien voulu se donner pour me procurer instruments et animaux. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 3 Les grands laboratoires ne sont pas seulement utiles par les nombreux et puissants moyens d'action dont ils dis- posent. Ils ont encore l’inappréciable avantage de mettre les travailleurs en relation les uns avec les autres. J'ai eu, pour ma part, la bonne fortune de rencontrer à Tatihou M. Fauvel, professeur de zoologie à l'Université catholique d'Angers, dont la compétence faunique et biologique sur Îes Annélides de Saint-Vaast m'a été du plus grand secours. Je lui dois la capture de quelques types que je n'avais pas pu me procurer jusque-là et la détermination de presque toutes les espèces sur lesquelles j'ai expérimenté. Je le prie de recevoir mes remerciements et l'assurance de ma bien vive sympathie. A Alger, je me suis trouvé, au début, dans une pénurie de matériel à peu près complète. Je suis allé frapper à la porte des laboratoires voisins pour rassembler les quelques instruments qui m'étaient indispensables et j'ai suppléé de mon mieux à ceux qui me manquaient absolument. Je suis heureux de pouvoir dire aujourd’hui ma gratitude aux bonnes volontés qui me furent accueillantes et serviables. M. le professeur Viguier a bien voulu me fournir des produits chimiques et acquérir, pour le laboratoire de l'École des Sciences, un certain nombre d'instruments. L'inépuisable obligeance de M. le professeur Thomas et sa remarquable habileté de souffleur de verre m'ont tiré bien souvent d’embarras; je lui dois la construction de trompes délicates, à débit très faible, et d’élégants appareils très démonstratifs que je ne pouvais ni fabriquer moi- même, ni faire exécuter à Alger. M. le professeur Ficheur a bien voulu me prêter et laisser transporter au laboratoire de zoologie une balance de pré- cision qui me manquait. M. le professeur Muller, en de nombreuses circonstances, a mis à ma disposition toute une verrerie chimique. Je ne veux pas clore cette liste avant d’y avoir inscrit le nom de mon excellent collègue et ami, M. Foix, Chef des 4 JEAN BOUNHIOL. Travaux de Chimie, qui a bien souvent médité avec moi sur les difficultés expérimentales qui se présentaient et m'a aidé à les surmonter. J’adresse à tous mes remercîiments reconnaissants. En dehors de quelques lacunes légères que les circons- tances m'ont contraint de laisser, cette étude forme un tout assez complet, pouvant se suffire à lui-même. Mais, par delà les Annélides, elle soulève aussi des questions d’ordre plus large, intéressant la Biologie générale. Ces questions, Sinpienen amorcées, exigent des recherches particulières que je n'ai PES je entreprendre concuremment avec celles- ci, mais que j espère pouvoir aborder bientôt. Alger, le 20 février 1902. PREMIÈRE PARTIE État de la question. — Considérations générales. En dehors des Vertébrés, qui ont surtout servi de champ d'expériences à la Physiologie humaine, il n'existe pour ainsi dire pas de Physiologie comparée. : Sur les animaux inférieurs, on n’a encore, à ce point de vue, que des jalons, des faits isolés et disparates. On ne sait pas de quoi se nourrissent la plupart d’entre eux, ni quelle est leur chimie digestive; on ne sait rien sur l’acti- vité et l'intensité de leur respiration, sur les produits qu'ils sécrètent ou excrètent; on ne connaît pas toujours l’époque de leur reproduction, on ne sait presque jamais la durée de leur vie normale, on ignore les phénomènes biologiques par lesquels se traduisent chez eux la vieillesse et l’usure vitale. Et je ne parle là que de choses très simples. Voici longtemps déjà que le maître éminent qu'est le professeur Giard s'efforce de donner aux études biologiques toute leur signification et toute leur ampleur. Cette impul- sion a été féconde en résultats. Mais l'observation des phéno- mènes de la vie exige une patience longuement persévérante et l’expérimentation physiologique n’est pas toujours facile à réaliser. C’est pour cela que, en dehors de quelques essais, récents pour la plupart, il a été si peu tenté dans cette voie. En ce qui concerne spécialement les Annélides, on peut considérer l'anatomie, le développement, la classification 6 JEAN BOUNHIOL. comme parfaitement connus dans leurs lignes fondamen- tales ; seules, des questions de détail restent à élucider. Au point de vue physiologique, au contraire, il n’existe pres- que rien de précis, rien de démontré ou de mesuré, et, parmi toutes les fonctions organiques, l’une d'elles est ici plus particulièrement mal connue. Je veux parler de la fonction respiratoire. Le siège de cette fonction est encore mal Abu et discuté. C'est que, en effet, les organes respiratoires des Annélides sont rarement Loi bles de famille à famille et même de genre à genre, d'espèce à espèce. Typiquement, les branchies des Vers annelés sont des expansions tégumentaires de la partie dorsale de la rame dorsale des parapodes. Mais sous le même nom de bran- chies, on désigne aussi les panaches céphaliques des Tubi- coles, les filaments des Cüratulidæ, les organes anangiés des Sigahonidæ, et bien d’autres organes d'aspect, de situa- tion et de constitulion anatomique variés, impossibles à homologuer. Les auteurs qui se sont spécialement occupés des Annélides n'ont abordé qu'accessoirement les questions physiologiques, et sans leur donner, d’ailleurs, de solution satisfaisante. Un rapide coup d'œil sur leurs travaux permet de s’en assurer. De Quatrefages écrivait, en 1868 : « Dans aucun autre groupe du Règne animal, l'appareil respiratoire ne paraît avoir moins d'importance que chez les Annélides. Il se montre très développé ou complète- ment atrophié dans des espèces voisines sous tous les autres rapports. » De Quatrefages et, avec lui, H. Milne-Edwards, regardait comme servant à la respiration du sang « les mamelons accessoires du pied de certaines espèces abranches, mame-, lons sur lesquels on voit des réseaux sanguins exception- nellement fins et serrés », aussi « les plaques rouges qu’on rencontre au pied des Clyméniens ». RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 7 Le tube digestif, soit dans son entier, soit par quelques- unes de ses parties, lui semblait aussi « pouvoir intervenir activement dans les actes respiratoires ». Et, il citait à l’appui de cette hypothèse, le cas de certains Syllidiens ava- lant à la fois des quantités d’eau relativement considérables qui séjournent dans la portion antérieure de l'intestin. Il ajoutait, enfin, que chez tous les Annélides, même chez ceux où l’appareil branchial est le plus développé, « la peau paraît jouer un rôle très réel dans la respiration ». En ce qui concerne le liquide cœlomique, il faisait une énumération parallèle des branchies Iymphatiques aux- quelles il refuse la constitution anatomique des branchies vraies, puis.« des autres organes qui servent bien probable- ment à la respiration du liquide de la cavité générale, comme les cirres préhensiles des Hermelles, et ceux des Terebelles, et encore « la cavité des pieds qu'il regarde comme devant jouer un rôle considérable chez tous les Annélides dans la respiration du liquide cavitaire », parce qu'il a presque toujours constaté, à la base des pieds, des cils vibratiles et une peau fort mince par places. Chez tous les Annélides enfin, et surtout pour les petites espèces, il regarde la respiration du liquide cœlomique comme devant s'effectuer par l'intermédiaire de toute la peau. Presque à la même époque, et un peu plus tard, Clapa- rède écrivait sur les Aphroditiens : « Les prétendus cirres dorsaux des Sigalionides sont des branchies armées d’une grande frange de cils vibratiles. Sans doute, ce sont des branchies Ivmphatiques, mais, sauf l'absence de vaisseaux, elles ressemblent parfaitement aux branchies des Spio- diens. À côté de ces branchies, on trouve dans la règle des mamelons ornés d’une frange de cils dont la signification m'échappe. » Sur les Euniciens, à propos du cirre dorsal du S/auro- cephalus Chiajü, il ajoutait : «Je ne pense pas qu'on puisse hésiter à considérer ce cirre comme une branchie, d'autant 8 JEAN BOUNHIOL. moins que son côté dorsal est couvert de cils vibratiles. Sans doute, ce ne sont pas là les seules localisations de la fonction respiratoire. L’oxygénation du sang à aussi vrai- semblablement lieu dans les réseaux des côtés des segments, et de Ja base des rames pédieuses. » À côté de ces obscurités, de ces incertitudes, que trou- vons-nous chez les auteurs contemporains? M. Cuénot, qui a longuement étudié le sang, et le liquide cavitaire des Annélides (1891), croit que chez les Phyllo- dociens, Aphroditiens et Syllidiens, groupes à sang inco- lore, et, d’ailleurs, manquant d'organes respiratoires diffé- renciés, « l'appareil vasculaire perd sa fonclion respira- toire, contient le même liquide que la cavité générale, et n’a guère d'autre rôle que de répandre les produits de la digestion. Chez les Aphroditiens, si cet appareil est tel que M. Jacquet le décrit, on peul le considérer comme n'ayant plus aucun rôle physiologique. » Et plus loin : « Le liquide cavitaire respire par l'intermédiaire de branchies lymphatiques (Sigalion), et le plus souvent à travers la peau. » M. Malaquin, dans son travail publié en 1893 sur les Syllidiens, émet, de son côté, quelques hypothèses respira- toires : « Les points où la respiration par la peau peut le mieux s'effectuer paraissent surtout localisés dans les parapodes. Très souvent, en effet, il s’y trouve soit des champs vibra- tiles, soit des mouchets de cils; en outre, l’épiderme y est quelquefois très mince. » Et ailleurs, il ajoute : « La respiration ne s'effectue pas seulement par la peau. Comme je l'ai décrit plus haut, les Syllidiens avalent de l’eau en quantité considérable ; la respiration pourrait donc s'effectuer par l’épithélium intestinal. Je pense que les cæcums ventriculaires, quand ils existent, pourraient jouer un rôle plus considérable dans ce sens. Ce sont, comme nous l’avons vu, des réservoirs d’eau ; lorsqu'ils sont dis- tendus, leurs parois ciliées deviennent très minces, et l’on RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 9 comprend que cette disposition ne peut que faciliter les échanges respiratoires. » Enfin, et pour résumer les connaissances actuelles sur la respiration des Annélides, je rapporterai ce qu'en dit Edmond Perrier dans son Traité de Zoologie (1897). Il admet la très grande et très générale importance de la respiration tégumentaire ; il pense que les cirres en se modifiant plus ou moins « peuvent tenir lieu d'organes respiratoires, comme c'est le cas pour les cirres aplatis en lames foliacées des Myrianidæ, des Phyllodocidæ et des Lysaretinæ. » Il reconnaît, du reste, l'extrême difficulté qu’il ÿ à, chez beaucoup de Polychètes, à distinguer les cirres des organes qu'on peut regarder comme de véritables branchies. A l'égard des branchies lymphatiques, il s'exprime ainsi : « Le nom de branchies n’est appliqué que par une sorte d'abus de langage à certaines expansions tégumen- taires d’Annélides dépourvus d'appareil circulatoire. On pourrait, ajoute-t-il très justement, désigner ces branchies sous le nom de branchies cœliaques; le nom de branchies lymphatiques ne saurait, en effet, leur convenir, puisque le liquide de la cavité générale n’est pas ici seulement de la lymphe, mais cumule les fonctions de la Ilymphe et du sang. » Ainsi qu'on vient de le voir, la respiration des Anné- lides n’est traitée chez tous les auteurs qu’à l’aide d'hypo- thèses variées, quelquefois contradictoires, et, depuis De Quatrefages et Claparède, la question ne paraît pas avoir avancé. C’est toujours de la Physiologie purement intuitive. La raison en est peut-être dans la complication consi- dérable introduite, dans les phénomènes respiratoires des Annélides, par l’existence de deux liquides nourriciers : le sang et le liquide de la cavité générale, et aussi par le polymorphisme extraordinaire des organes de la respira- tion. Ce polymorphisme est tel qu'Edmond Perrier se trouve dans l'obligation de définir les branchies des Anné- 10 JEAN BOUNHICOL. lides « toute expansion tégumentaire suffisamment vascula- risée pour jouer un rôle dans la respiration ». Il y a, d'ailleurs, toutes les combinaisons et tous les intermédiaires possibles entre l'existence, isolée ou simul- tanée, d’un appareil circulatoire contenant du sang coloré ou non, d'un liquide cavitaire incolore ou coloré, de branchies sanguines ou cœliaques, et l'absence totale de sang et d’ap- pareil circulatoire, de branchies d'aucune sorte. Devant cette complexité considérable, un certain nombre de questions se posent tout d’abord : Est-il bien vrai que tout ce qu’on a appelé branchies soit des branchies en effet ? Quel est au juste le rôle des branchies cœliaques et la fonction du liquide cavitaire? Que faut-il penser de l'aptitude respiratoire de l'intestin des Syllidæ, des cirres foliacés des PAyllodocidæ, des filaments préhen- siles des Cirratulidæ et des Terebellidæ ? A côté de ces questions, constituant ce qu’on pourrait appeler des problèmes respiratoires qualitatifs, il m'a paru intéressant de soulever et d'étudier ce que j'appellerai par opposition des problèmes quantitatifs. Ceux-ci sont destinés à fournir des renseignements précis sur l’activité respiratoire des divers types d’Annélides, et sur les relations de cette activité avec les dimensions du corps, avec l’habitat et le genre de vie, avec la maturité sexuelle et les métamorphoses, avec quelques milieux accidentels artificiellement reproduits, avec, d'une manière générale, les diverses conditions phy- siques et biologiques. A toutes ces questions, j'ai cherché des réponses. Le présent travail en établit un certain nombre, les autres seront poursuivies dans des recherches ultérieures. Pour la commodité et la clarté de l'exposition, j'ai réuni dans une Première Partie toutes les questions générales de méthodes, de procédés, de dispositifs expérimentaux. Une Deuxième Partie est consacrée à la discussion et à l’in- terprétation des résultats. Enfin, dans une Troisième Partie, seront placés une rapide comparaison des résultats trouvés RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 11 chez les Annélides avec ceux connus chez les autres ani maux, et un Résumé général. Il Quelques considérations physico-chimiques sur l’eau de mer, milieu respirable des Annélides Polychètes. Le problème posé comme il vient d'être dit, l’expérimen- tation physiologique seule était capable d'en fournir la solution. Cette expérimentation devait porter sur deux éléments principaux : les animaux et le milieu respirable, c’est-à-dire l’eau de mer. Mais les animaux pouvaient-ils s’y prêter sans dommage ? Et d'autre part, le milieu était-il stable et n’offrait-1l pas des particularités physico-chimiques dont il faudrait tenir compte ? Telles sont les deux questions qui me préoccupèrent tout d’abord. A l'égard des animaux, trois ordres de considérations me firent immédiatement supposer que leur étude expérimentale serait réalisable et féconde. Les Annélides sont des animaux qui, dans l'immense majorité des cas, vivent bien et fort longtemps en captivité dans de simples récipients ouverts à l'air libre. De Quatrefages et Claparède ont conservé ainsi un très grand nombre d'espèces sans prendre d'autre précaution que de remplacer de temps en temps par de l’eau douce les pertes que l'évaporation faisait subir à l’eau de mer. Soulier, Gravier, Fauvel, et tous les auteurs qui ont spécialement observéles Annélides, ont constaté les mêmes faits. Fauvel a gardé des Annélides, plus d’un an, en vase fermé et il à vu 12 JEAN BOUNHIOL. des Néréis se transformer paisiblement en Hétéronéréis sans la moindre perturbation et à l’époque réglementaire. J'ai, à cet égard, observé toutes les espèces sur lesquelles ont porté mes expériences, et, à part quelques rares cas de fragilité et d’acclimatation difficile — chœtopterus en parti- culier — tous mes animaux vivaient très bien dans l’eau de mer non renouvelée, mieux encore dans l’eau de mer renou- velée de temps en temps, et, pour ainsi dire indéfiniment, dans de l’eau de mer non renouvelée mais constamment aérée. — Dans le cas le plus longuement suivi, les animaux étaient parfaitement vigoureux au bout de six mois. Une autre circonstance remarquable, et, d’ailleurs, bien connue, est la facilité avec laquelle les Annélides mutilés réparent leurs pertes de substance. Tous ceux qui ont récolté ces animaux ont remarqué la différence de coloration qui existe généralement entre les tissus primitifs etles tissus récemment bourgeonnés. Cette particularité m'a permis d'utiliser fructueusement les procédés précis et démonstra- tifs de la vivisection et de tenter toute une série nouvelle d'expériences. Enfin, — élcelte dernière circonstance peut être considérée comme une conséquence de l'extraordinaire vitalité de ces animaux ,— les Annélidesrésistent remarquablement à l'in- toxication chimique et aux changements chimiques du milieu respirable. A part les réaclifs acides vis-à-vis desquels, ainsi que De Quatrefages l'avait déjà observé, les Annélides réa- gissent violemment, des modifications chimiques, même considérables, de leur milieu respirable, leur sont parfai- tement indifférentes. Ceci m'a permis de ne pas tenir comple de variations chimiques légères, telles, par exemple, que l'addition de quelques gouttes de Phénolphtaléine rougie à la soude ou à la chaux, et d'étudier méthodiquement les variations profondes telles que : diminution ou aug- mentation graduelle de Ia salure, oxygénation plus active, etc. Le premier point est donc élucidé : les Annélides se RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 13 prêtent remarquablemont à l’expérimentation la plus étendue et la plus variée. Le second point relatif à l’eau de mer était, « priori, plus incertain. C'est que l’eau de mer, en effet, présente une complexité chimique considérable et qu’elle est le siège d’équilibres chimiques incessamment variables. Avant d'aller plus loin, il est indispensable d’avoir sous les yeux les chiffres donnant la composition des gaz contenus dans l’eau de mer nor- male. Un grand nombre d'auteurs ont analysé l’eau de mer. Ils ont trouvé, par litre, une quantité de substances solides (chlorures, sulfates et carbonates principalement) oscillant. autour de 36 grammes pour l'Atlantique, et de 38 grammes pour la Méditerranée. Les résultats trouvés pour les gaz sont bien moins concordants. Morren |[1844|, puis Lewy 1846) ont hip l'ébullition pour extraire les gaz de l'eau de mer. Lewy trouve que la composition du gaz total ainsi obtenu n’est pas la même la nuit que le jour et varie avec l’état nuageux ou lumineux de l'atmosphère. Il trouve en moyenne pour l'Atlantique 20 centimètres cubes de gaz par litre, répartis comme suit : (OUR PRE ARR LE i8 p. 100 environ. DATA PA en ne 33 — JA EE EE REA CRE UE TER 49 _ Carpenter donne comme masse gazeuse totale, pour l’Atlan- tique, 22 à 30 centimètres cubes par litre, ainsi composée : Par 1568 mètres. Surface. de fond. DIS AR E LC DC RER 20,84 p. 100 48 3 p. 100 (DRE abonner So En 25 — 17 — Me | PA U RAT 54,21 — NES Jolvet et Regnard [4877] ont utilisé la pompe à mercure et distinguent, dans leur étude, les gaz simplement dissous 14 JEAN BOUNHIOL. pouvant être dégagés par le vide et la chaleur seuls, et les gaz combinés (anhydride carbonique se dégageant de l’eau après l’addition d’un acide). [ls trouvent ainsi pour l’eau de surface : Gaz de l’eau de mer rapportés à 1 litre d’eau. GAZ LIBRES. combiné. Croisic (septembre). Dieppe (octobre). Concarneau (août). (102 RUE 5,66) 22 p. 100 Dites HOLPAE 5,44 Que ,43 JA — A ANA Le 13,33 BOUT Cette composition varie relativement peu suivant les loca- lités et suivant l’état lumineux de latmosphère, mais varie sensiblement avec la profondeur où l'oxygène et l’azote paraissent diminuer et l’anhydride carbonique augmenter beaucoup. Je ferai remarquer, avant d'aller plus loin, que l’anhydride carbonique que Jolvet et Regnard rangent dansles gaz libres, simplement dissous, n'existe pas, en réalité, dans l’eau de mer, à l’état de simple dissolution physique. Il n’y a point de CO? libre dans l’eau de mer : une partie est fortement com- binée (carbonates neutres), l’autre partie est faiblement com- binée (bicarbonates instables). Ceci résulte de recherches récentes, excellemment exposées par J. Thoulet [1890|, et à qui j'emprunte les considérations qui vont suivre. M. Tornoë a trouvé, en effet, que la quantité totale de CO? recueillie dépasse celle qui est nécessaire pour saturer, à RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 15 l’état de carbonates, les bases évaluées par le dosage à la soude. Comme, d'autre part, la réaction de l’eau de mer est très nettement alcaline, il ne peut y avoir d'anhydride car- bonique libre et l'excès de celui-ci ne peut exister qu’à l’état de bicarbonates. Par de très nombreuses analyses, M. Tornoë a, d’ailleurs, reconnu que la proportion de CO? afférente aux carbonates est remarquablement uniforme tandis que la portion correspondante aux bicarbonates présente, au con- traire, des irrégularités assez grandes, atteignant 8 mil- ligrammes par litre. En moyenne, il a trouvé que la teneur en C0? de l’eau de mer pouvait être représentée, par litre, par les chiffres suivants : 52%8r,78 correspondant aux carbonates el 438,64 correspondant aux bicarbonates. Ce qui, en volume, à 15° et à la pression atmosphérique, correspond environ à : 29emc,3 pour les carbonates el 24cmc,2 pour les bicarbonates. Ces résultats sont très notablement différents de ceux trouvés par Jolvet et Regnard. De son côté, M. Dittmar, après de nombreuses analyses exécutées sur les échantillons du Cha/lenger, conclut que l’eau de l'Océan, quelles que soient la profondeur et la localité d'où elle provient, contient des bases en excès, c’est-à-dire en quantité plus grande que n’en peuvent saturer les acides dosés dans l'échantillon. Ces bases en excès sont à l’état de carbonates neutres et, en outre, sont combinées avec un excès d'acide carbonique qui, dans la majorilé des cas, est inférieur — parfois égal et très rarement supérieur — à la quantité exigée pour produire des bicarbonates. De l’ensemble de ces résultats se dégagent nettement les considérations suivantes : a) L'acide carbonique de l’eau de mer est tout entier 16 JEAN BOUNHIOL. combiné, une partie l’est stablement, l’autre faiblement. b) La proportion de CO? fortement combinée est cons- tante, celle faiblement combinée est, au contraire, assez variable; elle augmente, en particulier, avec la profondeur, sans aller toutefois jusqu’à dépasser la quantité nécessaire à la transformation de tous les carbonates neutres en bicar- bonates. Je n'avais donc à me préoccuper ni de l’acide carbonique fortement combiné, puisque cette quantité est constante, ni des variations dues à la profondeur puisque j'ai toujours opéré avec de l’eau de mer superficielle. Je n'avais à envisager que les variations de CO? faiblement combiné, les variations de l’oxygène et de l'azote dissous étant peu consi- dérables et pouvant être négligées, surtout dans des opéra- tions faites pendant la même saison et à température sensiblement uniforme. Il ne me restait qu'à savoir comment se comportent ces bicarbonates instables dans une masse déterminée d’eau de mer à la température de 18 à 21°, quand des animaux Y vivent et quand un courant d’air la traverse. L'équilibre chimique dans un volume déterminé d’eau de mer ordinaire dépend uniquement de la température et de la pression propre de l’anhydride carbonique dans l'air. Celle-ci est sensiblement constante et égale à 0,000 3 d’at- mosphère. D'autre part, à des températures de 18 à 21°, la tension de dissociation des bicarbonates est environ de 0,000 5; il y aura donc à cette température diffusion lente de CO? par la surface libre jusqu à ce que la tension propre de C0? dans l’atmosphère située au-dessus de cette surface libre soit devenue 0,000 5. Ces prévisions sont théoriques. En réalité, la diffusion de CO? est extrêmement lente et l'équilibre n’arriverait à se produire qu'au bout d’un temps très long. Si des animaux vivent dans cette eau de mer, il y aura évidemment diffusion plus grande de CO? mais ici encore cette diffusion sera si lente que l’anhydride carbo- nique s’accumulera rapidement dans l’eau. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES.. 17 Si un courant d'air ordinaire traverse de l’eau de mer seule, les conditions de diffusion seront très approximative- ment les mêmes que dans le premier cas, sauf augmen- tation, facile à prévoir et à calculer, due à l’accroissement de la surface diffusante. Mais si cet air est préalablement privé de son anhydride carbonique, la dissociation des bicarbonates se trouve notablement accélérée ; elle n’est pas, d’ailleurs, totale ou, du moins, elle n'a jamais été totale au bout d’un temps égal à la durée maxima de mes expériences. Dans ces conditions, si l'acide carbonique était simplement dissous, le passage d’un courant d’air décarboniqué provoquerait rapidement son départ tolal. Cet état de combinaison introduit donc une incertitude relativement à la quantité de CO? pouvant être entraînée dans des conditions déterminées, puisque la loi suivant laquelle se produit la dissociation n’est pas une loi simple. Si, maintenant, des animaux respirent dans de l’eau ainsi aérée par de l'air décarboniqué et qu'on veuille mesurer l’'anhydride carbonique entraîné, l'incertitude sera plus grande encore, la quantité de CO? mesurée correspondant à une somme dont les diverses parties ne peuvent pas être évaluées séparément. IL est visible à présent que, pour éviter ces perturbations et écarter ces causes d'erreur, il suffit de faire passer dans l’eau où vivent des animaux, un courant d’air ordinaire. De cette manière, l’anhydride carbonique produit par la respiration sera seul entrainé (la dissociation des bicarbo- nates n’intervenant pas sensiblement) et s’ajoutera simple- ment à celui que l'air contenait initialement. L’erreur par excès se trouve ainsi évitée. Avec un débit gazeux convenable, qui empêchera l'accumulation de CO? dans l’eau, on pourra toujours éviter l'erreur par défaut. L’oxygène consommé est, d’ailleurs, incessamment récu- péré aux dépens de l'air qui passe. J'ai vérifié ce fait très souvent au moyen de dosages de l'oxygène de l’eau pratiqués ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI 2 18 JEAN BOUNHIOL. avant et après de longues expériences. Ces dosages élaient effectués par la méthode de Schützenberger, basée sur l'em- ploi de l’hydrosulfite de soude, et la quantité d'oxygène dissous fut trouvée très sensiblement constante. Ce procédé a donc l’avantage de maintenir les bicarbo- nates de l’eau de mer et l'oxygène dissous dans un équi- libre à peu près parfait pour la température de l'expérience, et de laisser ainsi au milieu respirable une composition constante et ses propriétés normales. TL Méthodes et dispositifs expérimentaux. $S 1. — Hisrorique. Un certain nombre de méthodes ont été imaginées pour étudier la respiration des animaux aquatiques. Je ne cite que pour mémoire les premiers tâtonnements, les premières tentatives de Davy en 1799, de Spallanzani en 1803, de Provençal et Humboldt en 1809 et j'arrive tout de suite à l'époque contemporaine. En 1870, Gréhant utilise la pompe à mercure pour extraire avec précision Les gaz de l’eau; il étudie des poissons respirant dans un volume déterminé d’eau douce et mesure les gaz de cette eau avant et après l'expérience. Mais les poissons ainsi étudiés respiraient dans une atmosphère liquide confinée et asphyxiaient partiellement. Les chiffres obtenus ne correspondent donc pas au régime respiratoire normal de ces animaux et n’ont, de ce fait, que peu d'in- lérel Quinquaud, en 1877, dose chimiquement l'oxygène de l'eau par l'hydrosulfite de zinc avant et après y avoir laissé séjourner des poissons. Il ne mesure pas l’anhydride car- bonique produit. Il constate seulement que la consommation d'oxygène est proportionnelle au temps, et que la puissance RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 19 relative du travail respiratoire chez les Poissons diminue avec le poids, sauf chez les animaux dont le poids est infé- rieur à 500 grammes, auquel cas elle est, au contraire, plus considérable. A peu près à la même époque, Jolyet et Regnard imagi- nent un appareil fort ingénieux, où les conditions biolo- giques normales sont respectées, et permettant de faire des expériences fort longues. La méthode consiste essentiellement à aspirer l’air situé au-dessus du liquide où vivent les animaux, à travers une solution de potasse qui lui enlève son anhydride carbonique et à le refouler ensuite dans la masse liquide, la différence de pression étant chaque fois compensée par l’arrivée d’une quantité équivalente d'oxygène pur contenu dans un vase jaugé. L'air de l'appareil était analysé par la méthode eudiométrique, l’anhydride carbonique retenu par la potasse était extrait avant et après l'expérience par la pompe à mer- cure en présence d’un acide. Les gaz de l’eau étaient mesurés dans les mêmes conditions, également au moyen de la pompe à mercure; l'oxygène absorbé était évalué par différence entre le volume primitif et le volume restant dans le récipient jaugé qui le contenait. Cet oxygène était obtenu pur par la décomposition de l’eau par la pile. La méthode permettait de calculer, pour chaque animal et pour chaque expérience, l'oxygène consommé et l’anhydride carbonique produit dans des conditions biologiques aussi rapprochées que possible des conditions normales. Au point de vue théorique, la méthode de Jolvet et Regnard est irréprochable. Pratiquement, elle a de graves défauts. Elle est extrêmement compliquée et nécessite une installation fixe, très coûteuse, dans un laboratoire supérieu- rement outillé. Les mesures y sont longues et pénibles, l'appareil, ou plutôt les nombreux appareils, dont on a besoin ne sont pas transportables commodément et ne permettent pas d'étudier les animaux sur place, en des endroits différents. 20 | JEAN BOUNHIOL. En 1884, MM. G. Bonnier et Mangin ont étudié la res- piration des Champignons en atmosphère confinée et en atmosphère renouvelée. Dans ce dernier cas, le passage de l’air était provoqué par un aspirateur et l’anhydride carbonique était évalué analytiquement par la méthode des liqueurs titrées. Un_peu plus tard, Arloing [1886! étudie la respiration aérienne de petits animaux, en aspirant, avec une trompe, de l'air préalablement privé de C0”, renouvelant inces- samment l'atmosphère du récipient fermé où respiraient les animaux. Il absorbait ensuite par la potasse l’anhydride carbonique ainsi produit. Mais le débit de l’appareil était forcément considérable, rapide, et incompatible, par consé- quent, avec une absorption chimique complète. Au moyen d’une seconde trompe aspiratrice, il établit une dérivation sur le courant principal et absorba ainsi une partie seule- ment de l’anhydride carbonique. Cette circonstance nuisait évidemment à la sensibilité et à la précision de la méthode. Bataillon 1891-96|, dans un certain nombre de recherches successives, s’est occupé des phénomènes respiratoires qui se passent pendant les métamorphoses des Amphibiens anoures, pendant les premiers stades du développement de l’œuf et des embryons de Téléostéens et d'Amphibiens. Il s’est adressé à diverses méthodes. Dans un cas, il à disposé un certain nombre d’embryons d’Amphibiens dans un grand récipient contenant des quantités d’eau douce et. d'air relativement considérables, et, toutes les vingt-quatre heures, il faisait passer par refoulement une partie de cet air sur des tubes absorbants dont l'augmentation de poids lui donnait l’anhydride carbonique produit. Le confinement, l'absorption ne portant que sur une prise d'essai de l'atmosphère du récipient, étaient autant de causes d'erreur. Dans un autre cas, il s’est servi d'une trompe aspirant un air privé de CO? à l’arrivée, et abandonnant à la sortie l'anhydride carbonique entraîné, dans de l’eau de baryte. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 24 Il à aussi utilisé la méthode dite des virages, basée sur d'emploi de la phénolphtaléine. Ce réactif est un diphénol dérivé du triphénylméthane et possède une fonction d'acide faible. Le réactif lui-même en solution alcoolique est par- faitement incolore, tandis que ses sels sont tous colorés en rose intense. Ces sels sont, d'ailleurs, décomposés par tous les acides forts et moyens, même par C0?, — avec lequel cependant il se produit un partage, — et leur solution redevient incolore. Quelques gouttes d'une solution de phtaléate de Na ou de Ca suffisent à colorer un très grand volume liquide et peuvent servir à indiquer d'une manière précise l'apparition dans ce liquide d'une réaction acide, par la décoloration presque immédiate de la masse. Ceci posé, si l’on ajoute un peu de phtaléate rose de Na à de. l’eau de mer, les premières gouttes sont décolorées par l'acide carbonique des bicarbonates instables, celui-ci se combinant fortement avec la soude jusqu'à ce qu'il soit totalement absorbé. À ce moment, un excès de phtaléate colorera l’eau en rose. Je fais remarquer que, dans une eau de mer ainsi préparée, il n'existe plus d'acide carbonique faiblement combiné et que sa composition se trouve ainsi légèrement altérée. Quoi qu'il en soit, si des animaux vivent et respirent dans de l’eau de mer ainsi colorée, il arrivera un moment où l’anhydride carbonique de leur respiration saturera la légère alcalinité du phtaléate rose introduit. À ce moment, la décoloration, le virage se pro- duira. Et si l’on prend, comme mesure de l’activité respira- toire, le temps mis par l'animal pour virer un volume déterminé d’eau de mer colorée avec une quantilé également déterminée de phtaléate de sodium, on aura un moyen très commode et très simple de comparer l’activité respiratoire d'animaux différents ou les variations de celle d’un même animal, placé dans diverses conditions. Bohn |1898| s’est également servi de cette méthode pour étudier les modifications des échanges respiraloires chez les Crustacés. 22 JEAN BOUNHIOL. Elle est certainement d’une commodité précieuse, mais elle n’est pas précise et ne peut pas servir à faire des mesures. Elle ne peut que donner des renseignements approximatifs, permettant des comparaisons générales. Et ceci, pour plusieurs raisons. L'activité respiratoire est bien proportionnelle, toutes choses égales d’ailleurs, à la quantité d’anhydride carbo- nique qu’elle produit, mais il ne s'ensuit pas que, en vase clos, dans une atmosphère liquide limitée, cette activité soit une fonction simple du temps nécessaire à l'obtention du virage. C'est que, en effet, dans cette atmosphère liquide limitée, la provision d'oxygène qui v est contenue, n'est jamais récupérée au fur el à mesure de sa consom- mation par l'animal et que l’asphyxie doit intervenir nécessairement. Or, des animaux, même très voisins, ne réagissent pas de la même facon dans ces conditions anormales; les uns s’accommodent fort bien d’une asphyxie partielle et conti- nuent à vivre d’une respiration diminuée; les autres, tom- bent plus ou moins rapidement dans une sorte d'état coma- teux, où, bien longtemps avant la mort, s’établissent des fermentations productrices d’anhydride carbonique. Toutes ces circonstances, ainsi qu'on le voit, entachent la méthode d’une grande incertitude. Le milieu respiratoire n’est pas normal et, suivant les cas, sans qu'on puisse, d’ailleurs, rien prévoir à cet égard, on aura une respira- tion ralentie, inférieure à la normale, ou bien l'apport gravement perturbateur des fermentations asphyxiques ou pré-asphyxiques. Telles sont les principales méthodes déjà employées pour l'étude de la respiration des animaux aquatiques ; elles ont toutes des avantages et des inconvénients. Je vais mainte- nant exposer Éelle qui m'a permis de mener ce travail à bonne fin. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 2 $ 2. — MÉTHODE ET DISPOSITIFS ADOPTÉS. Les Annélides sont généralement des animaux de petite taiile. Pour apprécier et comparer leur activité respiratoire, il fallait donc se servir d’une méthode précise et sensible, comparable, à ce point de vue, à la méthode de Jolyet et Regnard. Mais les appareils de ces auteurs sont inamovibles, compliqués et coûteux, et il fallait immédiatement aban- donner l’espoir de leur installation, aussi bien à Alger qu’à Tatihou. J'ai cherché un procédé plus pratique, réalisant ces trois conditions : précision, respect des conditions physiologiques normales, commodité et mobilité. L'acte respiratoire comprend l'absorption de l'oxygène nécessaire à la totalité des combustions organiques et l’excrétion de l’anhydride carbonique seul. Ces combustions aboutissent à la formation de produits nombreux. L’anhydride carbonique n’est que l’un de ces produits, mais c’est le produit respiratoire proprement dit — les autres sont éliminés par ailleurs — et, dans les conditions normales, pour un animal donné, la quantité de CO? produite est proportionnelle à son activité respiratoire et peut servir à la mesurer. Ce gaz est, d’ailleurs, facile à absorber totalement par la voie chimique et son évaluation peut, à l’aide d’une bonne balance, être faite avec une grande précision. Or, un courant d'air, traversant avec une vitesse conve- nable, une masse d’eau de mer où vivent des animaux, entraîne l’anhvdride carbonique produit et remplace incessamment l'oxygène disparu. La composition chimique du milieu demeure donc constante, les conditions normales sont respectées, et il suffisail de trouver le dispositif expéri- mental capable de déterminer le passage de ce courant d'air convenable. Deux moyens pouvaient être employés dans ce but : le refoulement ou l'aspiration. 24 JEAN BOUNHIOL. _ Le refoulement avait l'inconvénient d’être un procédé intermittent et de donner naissance à des fuites par la dis- tension des joints de caoutchouc. L’aspiration était préférable. La difficullé était de réaliser une aspiration optima, à peu près exactement caleulée d’après la résistance totale à surmonter, donnant un débit gazeux suffisant pour alimenter largement la respiration des animaux, et cependant compatible avec une absorption chimique complète. J'ai utilisé les divers modèles de trompes à eau existant dans le commerce; tous donnaient une aspiration trop rapide. J'ai alors employé des régulateurs variés qui n'ont pas donné de résultats satisfaisants. Il fallait des trompes à débit et à aspiration très faibles. M. le professeur Thomas, à qui je ne saurais trop redire ma gratitude, voulut bien mettre à mon service, son grand talent de verrier, et me fabriquer, pour ainsi dire sur mesures, un certain nombre de ces instruments. Je me suis servi aussi, quand je ne disposais pas d’une pression d’eau suffisante, d’aspirateurs à chute, très com- modes et dont l'action peut être parfaitement réglée par la longueur et le diamètre du tube de chute. Après de longs tàtonnements et l'étude parüiculière d’un nombre considérable de dispositifs différents, je me suis arrêté à l'appareil très simple suivant : L'aspiration est produite par une trompe de 8 centimètres de longueur totale, et dont le tube central a moins d'un millimètre de dia- mètre intérieur à son extrémité (fig. 1), ou par un aspirateur formé d'une éprouvelte renversée dont le bouchon est traversé de trois tubes : l’un (a) amenant l'eau qui se déverse par le tube central (0) à extrémité biseautée, en entraînant des bulles d'air, et un dernier tube {c) par lequel se fait l’arrivée de l'air aspiré (fig. 2). Le tube de chute a 1°,50 de longueur. Five: RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 25 L'air ainsi aspiré est puisé au dehors et arrive dans le bocal, contenant l’eau de mer et les animaux en expé- rience, par une pointe convenablement effilée. Celle-ci déter- mine, au sein de la masse liquide, la production d’un grand nombre de petites bulles desti- nées® à augmenter le plus possible l'étendue de la surface diffusante. Viennent ensuite, un grand tube à ponce sulfurique suivi d’un petit tube témoin à Ca CP, pour dessécher l'air à sa sortie de l’eau, puis deux barbotteurs à potasse concentrée el un tube à cristaux de baryte humide (méthode du professeur A. Gautier) absorbant totalement l’anhydride carbonique. Pendant ce passage, l'air se charge d’une certaine quantité de vapeur d’eau qu'il restitue dans un tube à chlorure de calcium suivi éga- lement d’un tube témoin à CaCF et d’un dernier barbotteur témoin à l’eau de baryte. À la sor- tie de la trompe ou de l’aspirateur, l'air peut êlre recueilli dans un récipient jaugé ou dans un gazomètre et mesuré exactement (fig. 3). L'augmentation de poids de l’ensemble des tubes compris entre les deux témoins, repré- sente le poids de l’anhydride carbonique pro- Fig. 2. venant de la respiralion des animaux, augmenté de celui que contenait normalement le volume d'air qui a traversé l'appareil. Celui-ci peut être calculé facilement ou mesuré directe- ment par une expérience à blanc faite dans les mêmes conditions que l'expérience positive. J’ai ulilisé les deux moyens, d’ailleurs parfaitement concordants. Comme accessoires, il suffisait d’avoir une balance de précision. Je «me suis servi à Alger et à Talihou d’une balance apériodique donnant le vingtième de milligramme. J'ai fait de nombreuses expériences préliminaires pour déterminer le débit optimum. 26 JEAN BOUNHIOL. L’absorption complète de l’anhvdride carbonique ne pouvait se faire que pour une vitesse ne dépassant pas, en moyenne, 2 bulles par seconde, soit 120 bulles par minute, dans les tubes absorbants. C'était là une limite supérieure que je ne pouvais pas dépasser. Serait-elle suffisante pour La E MorevCR Fig. 3. assurer la parfaite aération de l’eau de mer ? Des opérations répétées m'ont permis d'établir que pour chaque animal, ou groupe d'animaux en expérience, et pour une surface diffusante déterminée, il existait toujours un débit gazeux minimum au-dessus duquel la quantité de CO? produite dans l'unité de temps restait indéfiniment constante. — (La surface diffusante est représentée, à chaque instant, par la surface libre de l’eau dans le bocal, augmentée de la somme des surfaces des bulles gazeuses qui traversent cette eau.) — J'avais là une limite inférieure, variable avec les divers animaux, mais quin'a jamais atteint la limite supé- rieure de 120 bulles par minute. Au-dessous de cette limite inférieure, il s’établissait généralement un régime perma- nent, caractérisé par la constance du poids de CO? produit dans l’unité de temps, ce poids étant inférieur, en valeur absolue, à celui recueilli dans le cas précédent. La limite inférieure du débit, déterminée ainsi que je RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 971 viens de le dire, a varié, suivant les animaux, entre 50 et 80 bulles par minute. Dans la marge comprise entre cette limite inférieure et la limite supérieure de 120 bulles par minute, les animaux respiraient avec l’activité maxima, et j'avais vérifié, d'autre part, que la teneur de l’eau de mer en oxvgène, et en anhydride carbonique se maintenait sensiblement constante. Le débit gazeux, exprimé en bulles, représentait un volume de 850 centimètres cubes à 2 litres et demi par heure traversant l'appareil. Au point de vue chimique, j'étais donc autorisé à dire que les animaux respiraient dans des conditions physiolo- giques normales. Restaient les conditions physiques de tem- pérature, de pression et de lumière. La température à laquelle j'ai opéré à toujours été la température ambiante du laboratoire où je me trouvais. Comme j'étais à Alger en hiver et à Tatihou en été, cette température s’est trouvée sensiblement uniforme dans toutes. mes expériences — qui demeurent toutes compa- rables à ce point de vue — et comprise entre 17 et 21°. Ces chiffres n'ont rien d’excessif pour les Annélides qui résistent à des températures supérieures à 30 ou 35° dans les flaques d’eau chaulfées par le soleil à marée basse. J'aurais souhaité vivement faire une étude méthodique de l'influence de la température, mais cela m'a été not sible, faute d’une étuve réfrigérante. [est certain que la température moyenne de l’eau de mer est inférieure à la température de mes expériences. D'autre part, autant que j'ai pu m'en assurer, l'élévation de la tem- pérature produit une dissociation plus active des bicar- bonates de l’eau de mer et accélère aussi les échanges respi- ratoires. Il est donc probable que mes résultats sont, de ce chef, légèrement trop forts. Mais, j'y insiste, ils n’en restent pas moins tout à fait comparables entre eux. Toutes mes mesures ont été faites à une pression infé- rieure à la pression atmosphérique puisque j'opérais par 28 JEAN BOUNHIOL. aspiration. Mais, ici encore, je ferai remarquer que cette pression était très peu différente de la pression normale et que l'influence de cette différence est absolument négli- geable. La pression dans le bocal où vivaient les animaux était égale à la pression atmosphérique diminuée du poids d’une colonne d’eau de mer dont la hauteur a varié, suivant les cas, de 8 à 20 centimètres. Ces colonnes d’eau de mer représentent une fraction d’atmosphère variant entre 1/129° et 1/51°, et les variations de pression qu'elles intro- duisent sont de l'ordre des varialions normales, spontanées de la pression atmosphérique. Il n'ya donc pas eu, à proprement parler, de perturbation pour toutes les espèces de surface ou pour celles dont l’habi- tat se trouve découvert à marée basse. Cependant, pour les espèces de dragage qui habitent des fonds plus ou moins considérables, il est évident que, dans le bocal à expérience, elles se trouvaient dans des condi- tions de pression très différentes de celles où elles se trou- vent normalement. Il est même possible d'expliquer par un changement brusque dans le régime des pressions où vivent ces animaux, la fragilité relative de quelques-uns d’entre eux, quand on essaie de les faire vivre sous la pression atmosphérique. Les Chœtoptères vivent à peine quelques jours malgré l’aération intense et le renouvellement de l’eau où on les place. Les Aphroditles vivent plus longtemps, mais elles n’en dépérissent pas moins au bout de deux ou trois semaines. Les Micolea venustula et les Polycirrus meurent également assez rapidement. Une seule espèce de fond, l’Hermione hystrir, s'est très bien acclimatée et était parfaitement active et bien portante après plus de trois mois et demi de captivité. Je n'ai pas pu aborder l'étude systématique des pressions supérieures à la pression atmosphérique faute d’un dispositif expérimental convenable. _ La lumière ne paraît exercer aucune influence sur la RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 29 respiration des Annélides. Je n'ai étudié son action que sur le Spirographis ; elle s’est montrée si manifestement nulle que j'ai jugé inutile d’y soumeltre les autres espèces. De longues séries de déterminations de jour et de nuit n'ont point donné, dans la quantité d’anhydride carbonique pro- duit, de différences appréciables. Les diverses lumières colorées n’ont pas non plus d'action particulière. Des bocaux colorés en jaune, rouge, vert, bleu n'ont aucunement modifié les résultats. Après tous ces essais préalables, après toutes ces mesures préliminaires, il m'était permis de croire que les conditions expérimentales dans lesquelles je m'étais placé représen- taient quasi rigoureusement les conditions biologiques normales. J’ajouterai que, pour les espèces vivant dans le sable ou rampant sur des rochers, je garnissais le fond du bocal d’une certaine quantité de sable ou de débris de rochers récoltés en même temps que l'animal corres- pondant. Il était nécessaire de justifier la méthode pour légitimer l'ensemble de tous les résultats numériques qu'elle a fournis et n'avoir plus qu’à interpréter ces résultats en toute sécurité. Cette méthode permet d'obtenir des renseignements très précis sur l'excrétion carbonique et par conséquent sur l'intensité respiratoire qu'elle mesure. Mais elle ne donne aucune indication sur la quantité d'oxygène consommé. Au point de vue spécial de la respiration, 1l y aurait certai- nement intérêt à connaître cette dernière. La consomma- tion d'oxygène donne la mesure de l’activité des oxyda- tions générales et est plus étroitement en rapport avec la nutrition, au sens le plus large du mot, et avec la désassi- milation. Cet oxygène reparaît, en effet, dans la totalité des produits de cette désassimilation. L’anhydride carbonique n'étant qu’une partie de cette désassimilation et contenant d’ailleurs son propre volume d'oxygène, on comprend que le volume d'oxygène consommé doive être toujours plus 30 JEAN BOUNHIOL. grand que celui de l’anhydride carbonique produit, c'est-à- 9 1 dire que le rapport — soit toujours plus petit que l'unité. (8) Mais si l’anhydride carbonique ne contient qu’une fraction de l'oxygène ainsi utilisé, cette fraction est-elle constante? Les résultats obtenus par Jolyet et Regnard montrent qu'elle varie suivant les animaux, suivant l’état de diges- lion ou de jeûne, suivant Ia taille de ces animaux; mais pour un animal donné, de poids déterminé, dans des conditions biologiques déterminées, elle est très sensiblement cons- tante. 11 s'ensuit qu'en comparant tous les animaux, à égalité de taille, à égalité de conditions biologiques, les 2 variations observées de seront dues uniquement à Ja différence d'organisation. Jolvet et Regnard ont comparé à cet égard des animaux très différents tels que des Poissons, des Crustacés, des Mollusques et n’ont pas trouvé, d’ailleurs, 2 0 ee i pour des variations considérables. Si on s’en tient à la comparaison d'animaux d’organi- sation très voisine, appartenant à un groupe relativement très homogène comme celui des Annélides, on pourra ‘(2 admettre que —— est constant dans tout le groupe à égalité (8) de taille et de conditions biologiques. J'ai d’ailleurs tenté de mesurer l'oxygène consommé. Jai essayé de l’absorber chimiquement à froid par l'acide pyro- gallique et Ia potasse dans des barbotteurs placés à la suite de l'ensemble des Lubes déjà énumérés. Le débit peu rapide de mon appareil se prêtait assez bien à l'absorption. Mais l'absorption chimique de l'oxygène, dans ces conditions, est bien moins parfaite que celle de l’anhydride carbonique et je n'ai pu obtenir une précision suffisante. Cependant, j'ai pu avoir quelques indications. Je faisais deux expériences l’une à blanc, l’autre avec les animaux et dans les mêmes conditions. Je recueillais chaque RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 1 fois le gaz qui s’échappait de la trompe. L'augmentation de poids des tubes à pyrogallate donnait l'oxygène absorbé, lequel, évalué en volume, et ajouté au volume du gaz recueilli représentait le volume total de l'air ayant traversé l’ap- pareil. J'ai vérifié ainsi qu'il était possible d’absorber les trois quarts environ de l'oxygène. Dans le cas de l'expérience positive, il devait y avoir moins d’oygène dans l'air de l'appareil puisqu'une petite partie était utilisée dans la respiration des animaux, mais la différence était très faible et ne pouvait pas être évaluée par ce procédé avec une précision suffisante. Le cuivre au rouge absorbe totalement l’oxygène de l'air. Je conlinuerai ces recherches en utilisant ce corps que j'in- troduirai dans des tubes spéciaux, pouvant être commodé- ment pesés. Si l'absorption de l'oxygène est totale dans les deux cas et que je recueille à la sortie de la trompe de l'azote pur, des différences, même très faibles, dans les quantités absorbées seront décelables à la balance. La mé- thode, ainsi complétée, conservera toute sa précision et sa simplicité, et pourra être absolument opposée à celle de Jolvet et Regnard dont elle n'aura pas les inconvénients. DEUXIÈME PARTIE Préliminaires. Je me suis efforcé d'étudier dans le groupe considérable des Annélides Polychètes, toutes les espèces qui pouvaient présenter, au point de vue spécial de la respiration, des parti- cularités intéressantes. Ainsi que je l'ai montré plus haut, les types respiratoires sont iei extrêmement nombreux et je me suis attaché à n'omettre aucun type important. Quel- ques espèces, que je me proposais d'introduire dans mes séries, mont cependant échappé. Ce sont là de légères lacunes que les circonstances me permettront sans doute de combler bientôt. À Alger, je n’ai expérimenté que sur le seul Spirograplhis Spallanzsanii qui se trouve en abondance sur les vieux chalands immobiles, et aussi sur quelques Néreis vivant dans les touffes de Bugules et d'Hydraires qui poussent sur les bois flottants du port. Toutes les autres espèces me sont restées inaccessibles. L'absence de marées, la nécessité de draguer pour capturer le moindre animal de fond ont été des obstacles matériels péremptoires. J'espérais pouvoir étudier quelques espèces pélagiques, l’A/ciope candida en parliculier, mais les deux hivers qui viennent de s'écouler ont été tellement pluvieux qu’il m'a été impossible d'en rencontrer. A Tatihou, au.contraire, j'ai pu faire, en deux étés, une RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. a) très belle récolte de matériaux. La faune annélidienne y est infiniment riche et variée et presque toujours très facile- ment accessible à marée basse. J’ai retrouvé dans la Manche le Spirograplus Spallanzanti qui n'existe pas dans les envi- rons immédiats de l'île de Tatihou, mais qui se trouve à Cherbourg où Fauvel l’a signalé le premier. Le baron de Saint-Joseph l’a également signalé au Croisic. A Saint- Waast la Hougue, la faune annélidienne est d’une grande richesse et c’est là que j'ai récolté les espèces dont l'étude a fourni le plus grand nombre des résultats consignés dans ce travail. J'aurais seulement souhaité avoir un nombre plus grand d'exemplaires de Chælopterus et deux espèces de Polycirrus, le Polycirrus hematodes et le Polycirrus aurantiacus que je n'ai pu me procurer. Telle que j'ai réussi à la réaliser, l’expérimentation a porté sur 15 familles, 26 genres et 29 espèces répartis comme suit : Famille des Nereidæ. Perinereis cultrifera, Grube. a: Forme atoque. Nereis irrorata, Mgr. RAR ch — hétéronéréidienne. Nereis diversicolor, Müller. Famille des Phyllodocidæ. Phyllodoce laminosa, Say. Eulalia viridis, Müller. Eteone foliosa, Qfs. Famille des Aphroditidæ. Hermione hystrix, Sav. Aphrodite aculeata, Langh. Lagiscu extenuata, Grube. Sigalion squamatum, Delle Chiaje. Famille des Glyceridæ. Glycera convoluta, Kef. Glycera gigantea, Qfs. ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 3 e JEAN BOUNHIOL. ! Famille des Nephtydæ. Nephthys Hombergii, Aud.-Edw. Famille des Eunicidæ. Marphysa sanguinea, Montag. Lysidice ninetta, Aud.-M.-Edwards. Lumbriconereis impatiens, Clp. Famille des Spionidæ. Nerine cirratulus, Clip. Famille des Chœæœptoteridæ. Chœtopterus variopedatus. Famille des Opheliidæ. Travisia Forbesii, Johnst. Famille des Arenicolidæ. Arenicola marina, Langh. Famille des Maldanidæ. Clymene lumbricoides, Qfg. Famille des Cirratulidæ. Cirratulus cirratus, O. F. Müller. Audouinia tentaculata, Mont. Famille des Flabelligeridæ. Stylarioides plumosus, O. F. Müller. Famille des Terebellidæ. Amphitrite Edwardsii, Qfg. Amphitrite gracilis, Grube. Terebella lapidaria, Kähler. Famille des Serpulidæ. Sabella pavonina, Say. Spirograghis spallanzanti, Ren. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 3 Toutes les opérations avec ces divers animaux ont été faites avec les précautions générales déjà indiquées et sur lesquelles je ne reviendrai pas. Elles ont porté sur des périodes fort longues, surtout pour les espèces à respiration peu intense, de manière à obtenir une précision plus grande. Leur durée a varié, suivant les cas, entre neuf et cent douze heures et demie; la durée ordinaire oscillait entre vingt- quatre et quarante-huit heures. L'activité respiratoire est représentée pour tous par la quantité d’anhydride carbonique produit dans l’unité de temps; et, pour rendre les chiffres ainsi obtenus plus compa- rables, je les ai ramenés à l’unilé de poids. J'ai obtenu ainsi un coefficient d'activité respiratoire qui n’est pas autre chose que le poids de CO? produit par heure et par gramme d'animal. J’appellerai : ce coefficient, pour éviter des répé- titions et des longueurs. Mais les phénomènes respiratoires sont liés à un nombre si grand de circonstances que la simple comparaison de ces coefficients bruts ne serait que peu instructive. Pour en tirer tout le bénéfice qu'ils comportent, il faut grouper les résultats en séries et examiner à part les relations de l’acti- vité respiratoire avec chacune des circonstances anato- miques, biologiques, physiques qui peuvent avoir quelque rapport avec elle. L'analyse, ainsi minutieusement faite, permettra de mettre en évidence, et même de subordonner les uns aux autres, les divers facteurs qui interviennent réellement dans les phénomènes respiratoires. Je tenterai ensuite une syn- thèse générale. Le facteur le plus général qui intervient tout d’abord dans les variations de l’activité respiratoire d’une même espèce est l'influence de la taille, du poids total du corps. Les différences observées sur des échantillons d’une même espèce mais de taille différente peuvent être d'un ordre plus grand que les différences résultant de la comparaison, à poids égal, d'espèces très diverses. De là, la nécessité d’étu- 36 JEAN BOUNHIOL. dier premièrement ce facteur général. De là encore, une seconde nécessité : dans les comparaisons d'espèce à espèce, pour être sûr que les différences observées sont bien dues à la différence d'organisation, il ne faudra comparer que des exemplaires ayant approximativement le même poids. J'exposerai donc, en premier lieu, les variations de p qui sont sous la dépendance de la taille. Les relations particu- lières de l’activité respiratoire avec les divers facteurs bio- logiques seront ensuite étudiées dans l'ordre suivant : Influence du développement et de la complication plus ou moins grande des appareils respiratoire et circulatoire. Influence de la maturité sexuelle et des métamorphoses. Influence de l'habitat et du genre de vie. Influence de quelques milieux accidentels ou artificiels. Phénomènes asphyxiques. Coup d’œil d'ensemble. IT Influence générale de la taille sur la respiration des Annélides. Sur les divers types, les variations dans les dimensions et le poids du corps n’ont point pour conséquence des variations toujours de même ordre dans l’activité respira- toire; mais, d’une manière tout à fait générale, l'influence de la taille est manifeste chez tous. J'ai expérimenté sur un animal seul quand il était de taille suffisante, et sur un nombre d'autant plus grand d'animaux semblables que l’espèce était plus petite. Dans ce dernier cas, je prenais la moyenne pour avoir le poids d’un individu isolé. J'ai ainsi obtenu les résultats suivants : RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 34 Valeurs de : en Poids milligrammes Espèces. eu grammes. (CO? par gramme-heure.) Aphrodite aculeata........ 30,85 0,013 Hermione hystrix ......... 4,21 0,12 Nereis irrorata............ 0,93 0,4% RE ME Re 0,5 1,53 Glycera gigantea.......... 13,0 0,09 —_ 3,85 0,37 , Glycera convoluta......... 0,312 1,2% Nephthys Homberqii....... 1,43 0,58 7, PIN SRRRRRRRE » 4 10e 0,86 — REX: 0,89 4,01 Tete 0,39 1,123 MAR NÉE 0,122 1,95 Audouinia tentaculata..... 24 0,09 AR MORE A 1,27 0,11 ER MR TVQ Lt ER 0,96 0,13 Amphitrite Edwardsii..... 26,33 0,02 2 PRE 74 PRES 14,81 0,0% NN TER TE 13,07 0,05 Amphitrite gracilis ....... 0,19 4,5 RE RE re 0,096 1,87 Terebella lapidaria........ 0,154 3,1 MS: 2e 0,1 3,6 NL LT. MR ene 0,096 Srul STAND NE ar 0,077 4,02 Sabella pavonina.......... 6,5 0,14 SR SS 4,36 0,3 Spirographis Spallanzanu.. 14,6 0,08 de 6,0 0,09 Lu 4,8 0,22 LE 3,15 0,3 se 2,3 0,34 — il 1,1 La simple inspection de ce tableau montre immédiate- ment trois phénomènes généraux bien nets : 1° Chez toutes les espèces, le coefficient respiratoire baisse quand le poids augmente et vice versa. ". 38 JEAN BOUNHIOL. 2° Au delà d’un certain poids, 6 grammes environ pour la plupart des espèces, & varie peu ou, du moins, diminue lentement quand le poids augmente. 3° Au contraire, pour des poids inférieurs à 2 grammes et 1 gramme, et toujours d’une manière assez générale, P eroit très rapidement quand le poids diminue. En inserivant sur l’axe des abcisses les valeurs succes- sives du poids en grammes et en portant en ordonnées les valeurs correspondantes de + en dixièmes de milligramme re Co LS) Ÿ Milligrammes. N \ N © È o ES : re -D1 Ÿ è + — © 2 É- ", z à & 0,2 Î = ni mi HUE ie RER du LI | OA PAR 2 NOR NOT CET ON OM O TONI L2 NT SEE LRO Poids en grammes. Æ. MORIEV, CR Fig. 4 on obtient des courbes sur lesquelles apparaît encore plus clairement la réalité de ce qui précède. L'influence de la taille est surtout considérable nour les animaux de poids faible. Parmi les espèces étudiées, il n'y a guère que l'Audouinia tentaculata dont le coefficient respi- RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 39 ratoire varie assez peu et qui, d’ailleurs, est peu élevé en valeur absolue. Il est de beaucoup inférieur, dans tous les cas, à la valeur qu’il acquiert, pour les autres espèces, chez les exemplaires de taille correspondante. Il sera donc de la plus haute importance de comparer à poids égal foutes les petites espèces. Au contraire, pour les espèces de poids relativement considérable comme iles Amphitrites, les Aphrodites, les grandes Glycères et les grands Spirographes, cette condi- tion sera bien moins indispensable et pourra être négligée ou, du moins, n’être qu'approximalive, s’il n’a pas été possible de la réaliser exactement. Les Spirographis de 6 grammes à 145,6 ont en effet presque le même coefficient respira- toire 05,08 et 05°,09. Pour des Amphitrite Edwards de poids compris entre 278,33 et 135,5, b varie de 05,02 à 08,05. Le résultat de la comparaison sera évidemment moins rigoureux dans ce cas, mais le sens général des variations de ? pourra n'être point masqué ou modifié. Il est possible de faire encore une autre remarque inté- ressante. À une différence de poids déterminée ne corres- pond pas une même différence dans la valeur de + chez les diverses espèces. Les augmentations ou diminutions du poids n'influencent pas de la même manière la marche correspon- dante de o quand on passe d’un animal à un autre. En d’autres termes, la loi de varialion de » en fonction de la taille n’est pas la même pour tous les types. C’est ainsi par exemple qu’on observe les différences suivantes : Différences Différences Espèces. de poids. correspondantes de o. ge. milligr. Audouinia tentaculata..... 1,13 0,04 Spirographis Spallanzanit. . 0,6 0,76 Nephthys Hombergü....... 1,0% 0,54 Terebella lapidaria........ 0,077 0,92 Ces résultats peuvent être rendus plus apparents au moyen d'un schéma très simple (fig. 5). Dans cetie figure, 40 JEAN BOUNHIOL. les variations du poids sont représentées par des longueurs horizontales, les variations de + par des longueurs verti- cales, toutes comptées à partir de la même origine, et la marche de & est représentée Ho dans ep eu par la ligne joignant les extré- à Lo Fu ci 1 — F : S mités des lignes précédentes D où || (Es D =. ë 1 C'est, en somme, la super- a : LI . à ___ position de quatre fragments : LE Se | EN T1 de courbes de la figure 4. L c . . & rrdraiaNe | Cette représentation n’est, d’ail- à 20304 05 0007 0809 1 1112 = { MR mn GUESS ONSIBIOneNUESABIE Fig. 5. qu'en prenant, comme je l'ai fait, les chiffres servant à la construire entre des limites très restreintes. Les dimensions et le poids du corps constituent donc un facteur général qui intervient dans la respiration de tous les Annélides. Son influence est variable suivant les cas et, pour ne pas avoir à en tenir compte dans l’étude des facteurs particuliers d'organisation, d'habitat, etc., il suffira de ne comparer que des animaux sensiblement de même poids, surtout pour les petites espèces. III Influence de la complication et du développement plus ou moins grands des appareils respiratoire et circu- latoire sur la respiration des Annélides. Pour aborder fructueusement cette complexe étude, j'ai dû grouper les animaux de manière à me placer, pour chaque détermination expérimentale, dans des conditions bien définies. C’est ainsi que j'ai été amené à établir et à étudier séparément les catégories suivantes : RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 41 a. Animauxn'’ayant pas { Liquide cavitaire inco-\ d'appareil circula-). lore............... Polycirrus aurantiacus. toire ni d’appareil ) Liquide cavitaire co- | Polycirrus hematodes. respiratoire ....... GE ARLON EE ER RRAEE / Liquide cavitaire co- ICS ANR REAER Glycera convoluta. latoire, un a il DEEE Glycera gigantea. b. Pas d'appareil circu- respiratoire . ...... Aphrodite aculeata. Lagisea extenuata. Eteone foliosa. Phylloduce laminosa. Eulalia viridis. incolore. c. Un appareil circula- toire, pas d'appareil FSpITalOITe EN \ _— | : Hermione hystrix. Chætopterus variopedatus. ; De ninetta. Lumbriconereis 1mpatiens. | { Ner eis irrorata. l Clymene lumbricoides. ) Sigalion squamatum. | Rérante Ncphthys Hombergii | ” l Marphysa sanguinea. Spirographis Spallanzanii. Sabella pavoninu. Nerine cirratulus. Travisia Forbesii. Arenicola marina. Cirratulus cirratus. Audouinia tentaculata. Amphitrite gracilis. Amphürite Edwardsii. d. Un appareil cir- culatoire et un) appareil respi- AOITe 7-10 Liquide cavitaire Séden- incolore. taires. Sang coloré. Liquide cavitaire co- \ loré Terebella lapidaria. La première catégorie devait, dans le cadre primitif de cette étude, être représentée par deux types que je n'ai malheureusement pas pu me procurer : le Polycirrus auran- liacus qui n’a ni appareil circulatoire, ni appareil respira- toire différenciés et dont le liquide cœlomique est incolore, et le Polycirrus hemalodes qui se trouve dans les mêmes conditions mais dont le liquide cavitaire contient des hématies. Ces deux espèces n'existent pas à Alger, ou, du moins, je 42 JEAN BOUNHIOL. ne les ai pas rencontrées et M. Viguier ne croit pas les avoir vues non plus. Elles existent à Tatihou où on les ren- contre quelquefois sur les coquilles perforées et les pierres ramenées par la drague. J'y ai vu une fois un exemplaire de Polycirrus hematodes à moitié asphyxié et que je n'ai pas pu faire vivre. Les Polycirrus sont, d’ailleurs, des animaux de petite taille et il est nécessaire d'opérer sur plusieurs exemplaires à la fois dans la détermination du coefficient respiratoire. Un seul exemplaire, trouvé par hasard, n'est utilisable que si on peut le faire vivre jusqu’à la venue de nouveaux individus auxquels on le joindra. Dans un prochain séjour à Tatihou j'espère, d’ailleurs, pouvoir étudier complètement ces deux types intéressants. Voici maintenant les résultats numériques enregistrés pour les animaux des autres catégories. co? Espèces Poids par gramme-heure. en grammes. en milligr. Pas d'appareil circula- k toire; un appareil } Glycera gigantea........ 13,0 0,69 respiratoire ; des hé- RUN ON ORAN 3,85 0,37 maties dans le cœ-\ Glycera convoluta ....... 0,312 1,24 ONE Sama n A ans oo tan Aphrodite aculeata...... 30,89 0,0i3 Han N an Hermione hystri. "Ce EN"? 0,12 d'a Le en Lagisca extenuata....... 0,09 0,56 " AE nt L Li Eteone foliosa........... 0,05 2,0 QUE, Sa08 Et 7 | Phyllodoce laminosa. 0,48 0,52 quide cavitaire in | lie viridis 0,23 0,52 x 21 AA AL 0 EEE = 9,22 Polo eee Chæœtopterus variopedutus 3,95 0,06 MINGRAS CORTE DS UNE 0,93 0,44 Un appareil circula- D ec le 0,5 1,53 toire; pas d'appareil | Perinereis cultrifera . . . 1,25 0,27 respiratoire; sang Lysidice ninetta......... 0,13 2,12 rouge; liquide cavi- A AMAR 0,35 1,83 taire incolore ..... | Lumbriconereis impatiers. 3,61 0,68 \ Clymene lumbricoides.... 2,27 0,08 Un appareil nil ire Ua app Sigalion squamatum ..... 0,321 0,51 respiratoire; sang \ INCOÏOTE CL EEEEREPE RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 43 Co? Espèces Poids par gramme-heure. en grammes. e en milligr. 1: Nephthys Hombergii..... 1,13 0,58 | Marphysa sanguinea..... 2,617 0,98 Travisia Forbesii........ 0,28 0,74 Nerine cirratulus........ 0,36 0,92 Spirographis Spallunzanii. 6,0 0,09 Un appareil circula- — IDE 4,8 0,22 (toire; un appareil — Mon DES 0,34 respiratoire ; sang e Le MEET 171 coloré; liquide ca- | Sabella pavonina........ 6» 0,14 vitaire incolore... Et UE LPS 4,365 0,3 Arenicola marina........ 3,65 0,15 Cirratulus cirratus...... 0,42 1,33 RNA LR Er: 0,23 1,86 Amphitrite gracilis...... 0,19 41,5 a 0,096 4,87 Un appareil circula- toire; un appareil } Terebella lapidaria. ..... 0,154 3,1 respiratoire ; sang AR A ere 0,096 SATA et liquide cavitaire NA ME RAT RES 0,077 &,02 colorés us Ne La lecture attentive de ce tableau permet de faire toute une série de remarques. a. — Les espèces dépourvues d'appareil circulatoire, mais possédant des hématies dans le cœlome, se comportent physiologiquement comme en ayant un à sang coloré. Une Glycera gigantea pesant 38,85 respire autant (0"#,37) qu'une Sabella pavonina(0"s",3) de poids semblable (45,36), et plus qu'une Arenicola marina (0°#,15) encore de même poids (35°,65). Comme corollaire naturel, ces mêmes espèces doivent respirer plus activement que celles à sang incolore. Et en effet, une (r/ycera convoluta de 05,312 dégage 1°8",24 de CO* par gramme-heure, tandis qu'un Sigalion squamatum de 05,321 n'en dégage, dans les mêmes conditions, que 0"£",51 et qu'une £ulalia viridis de 08",23 n’en dégage que 0"5,52. Il apparaît donc déjà que les espèces à sang incolore peuvent être considérées, au point de vue physiologique, 44 JEAN BOUNHIOL. comme ne possédant que du liquide cœlomique et que les hématies jouent un rôle capital dans la respiration des Annélides. b. -— Ceci ressort encore bien plus neltement de la com- paraison directe des types à sang incolore avec les types à sang coloré. Une Lagisca extenuala pesant 0,09 a un coefficient respiratoire de 0"8°,16, tandis que celui d’une Lysidice ninetta de 08,13 est de 2°8,72 et celui d’une Amplatrite gracilis de 05,096 est 1°s",87. Une Phyllodoce laminosa pesant 05,48 respire relative- ment peu (o — 0,52) par rapport à une MNereis irrorata de même poids (05,5) et à un Cirratulus cirratus de 05,42 qui ont pour coefficients respectifs 1,53 et 1,33. Un Sigalion squamatum de 05,321 accuse un coefficient de 0,51; une Lysidice ninetta de 05,55, une Nerine cirra- tulus de 05,36 et un Cuwratulus cirratus de 05,42 accusent respectivement les chiffres suivants : 1,83 — 0,92 — 1,33. c. — Parmi les Annélides à sang incolore, on peut se demander si l’existence ou l’absence de branchies constitue une circonstance importante, capable d'influencer profon- dément l’activité respiratoire. Il suffit pour s’en assurer de comparer, à poids égal, le Sigalion squamatum qui a des branchies avec les Phyllodocidæ (Phyllodoce laminosa et Eulalia viridis) qui n’en ont pas, mais dont les parapodes peuvent en tenir lieu ; on trouve trois coefficients très sem- blables : 0,51 — 0,52 — 0,52. Une espèce très voisine du Sigalion squamatum, la Lagisca extenuata ne possède pas de branchies non plus. Son coeffi- cient respiratoire est 0,56 mais comme son poids est ici très faible (05,09) il est probable que » serait inférieur à ce chiffre pour un poids de 05,321 égal à celui du Sigalion Squamalum. Tous ces faits sont parfaitement nets. On peut les inter- préter de la façon suivante : Les branchies, d'ailleurs anan- gtées, des espèces à sang incolore, ne sont point des branches. Ce sont de simples replis cutanés sur lesquels, à égalité de RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 45 surface, les échanges respiratoires ne sont pas plus actifs que sur les plages voisines du tégument. Ces replis aug- mentent simplement la surface respiratoire générale, comme d’ailleurs les parapodes foliacés des Phyllodocidæ, sans qu'on puisse leur attribuer une localisation quelconque de la fonction respiratoire. Du reste, les divers PAyllodocidæ ne présentent pas un égal développement de leurs parapodes et la réduction de ceux-ci doit correspondre, à poids égal, à une diminution du coefficient respiratoire, lequel serait simplement proportionnel à la surface totale des téguments. Et en effet, l'Euwlalia viridis à égalité de poids accuserait une légère diminution de ? sur la Phyllodoce laminosa dont les parapodes sont plus développés. On peut encore conclure de là que le sang incolore con- tenu dans l'appareil circulatoire rudimentaire des Aphroditidæ, des Phullodocidæ, des Chœtopteridæ n'est pas du sang physiologiquement comparable à celui des espèces pourvues d'hémalies. Cet appareil circulatoire n'a pas de rôle res- piratoire et il ne doit servir vraisemblablement qu’à répandre, à disséminer les liquides élaborés par la diges- tion. Le liquide qu'il contient ne diffère pas physiologi- quement du liquide de la cavité générale. Cuénot était, d’ailleurs, déjà arrivé à cette conclusion dans son étude sur le sang de ces animaux. Si le sang manque, le liquide cœlomique n’exerce, vis-à-vis de celui-ci, une véritable suppléance que lorsqu'il revêt ses propres caractères physiologiques, c’est-à-dire quand il contient des hématies. Alors, l’activité respiratoire correspondante est parfaitement comparable à celle des animaux possédant du sang vrai, contenu dans un système circulatoire différencié. En dehors de ce cas spécial, il n'y a pas, à proprement parler, de suppléance ; il ÿ a, au con- traire, des différences considérables entre l'intensité respi- ratoire des animaux à sang coloré et celle des animaux qui n’ont que du liquide cœlomique, avec ou sans vaisseaux. Le liquide cavitaire se manifeste avec des propriélés respira- 46 JEAN BOUNHIOL. toires très inférieures à celles du sang et, quand il existe seul, la respiration de l'animal devient beaucoup plus faible. d. — Dans le cas des animaux possédant du sang rouge ou vert, riche en hématies, que devient maintenant le rôle des branchies? En se reportant au tableau général placé plus haut et en comparant, à poids égal, des espèces voisines, les unes mu- nies de branchies, les autres abranches, on peut faire déjà quelques remarques intéressantes. Il faut prendre ici des espèces assez voisines, car, pour des espèces très différentes, la complication plus ou moins grande de l'appareil cireu- latoire pourrait intervenir activement. Une Lumbriconereis impatiens du poids de 34,61 à un coefficient de 0,68 ; elle possède un appareil circulatoire semblable à celui de la Marphysa sanguinea, mais ne possède point de branchies comme cette dernière espèce. Un exemplaire de celle-ei pesant 28,617 à donné 0,98 comme coefficient. Si on consi- dère que ce coefficient aurait été plus faible pour un poids plus grand, tel que celui de la Lumbriconereis, on pourra conclure que la différence n'aurait pas existé ou aurait été très faible, én plus ou en moins, et par conséquent négli- geable. La présence ou l’absence des branchies semble donc influencer assez faiblement la respiration de deux formes voisines, semblablement vascularisées. Mais allons plus loin et examinons maintenant, d’une manière plus spéciale, les espèces qui possèdent à la fois un appareil circulatoire et un appareil respiratoire. L'étude des animaux précédents a montré l'influence pré- pondérante du sang coloré. Tous ceux qui restent à exa- miner en possèdent. Il est donc permis de penser que, pour ceux-ci, les différences respiratoires dépendront, dans une grande mesure, de l'irrigation plus ou moins abondante, de la vascularisation plus ou moins riche des tissus, c'est- à-dire de la complication plus ou moins grande de l'appareil circulatoire. Il existe même une espèce (Terebella lapidaria), qui, RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. LA 0 de ce côté, paraît singulièrement favorisée puisqu'elle pos- sède des hématies à la fois dans le sang et dans le liquide cavitaire et dont les échanges respiratoires doivent être, par conséquent, remarquablement actifs. Le tableau général ci-dessus justifie, d’ailleurs, pleinement ces prévisions, les élargit, et les complète. La Terebella lapidaria n'existe pas à Tatihou, mais, grâce à l’obligeance de M. Fauvel, j'ai pu la récolter dans les schistes fissurés du port de Cherbourg. Cette espèce pré- sente une particularité remarquable et, d’ailleurs, unique parmi les Annélides. Elle possède des hématies chargées d'hémoglobine à la fois dans le sang et dans le liquide de la cavité générale. Il était donc à prévoir que sa respiration serait très active et, en effet, elle est deux fois plus intense environ que celle de l’Amphitrite gracilis à taille égale. Ces deux espèces sont d'ailleurs très voisines comme organisalion ; leurs branchies sont semblables ; elles ont le même habitat et on les rencontre fréquemment dans la même fissure de rocher. Elles sont donc tout à fait com- parables, et l'écart considérable qui existe entre leurs coef- ficients respiratoires (1,87 à 3,71), est bien dû à la présence d'hématies supplémentaires dans le cœælome. Un phénomène qui est peut-être la conséquence de la remarquable intensité des échanges organiques chez la Terebella lapidaria, c’est sa très grande vitalité. Elle vit en captivité, bien mieux et beaucoup plus longtemps que l’'Amphitrite gracilis, à la condition qu'on lui fournisse de l'oxygène en abondance. Au moyen de ses filaments préhen- siles, elle s'entoure rapidement, en une heure ou deux, d’un tube formé de grains de sable agglutinés par du mucus. ‘Mais, précisément à cause de sa consommation d'oxygène relativement considérable, elle est assez sensible à l'asphyxie et meurt dans l’eau non aérée au bout d’un temps assez court. Par ordre de complication décroissante de l'appareil circulatoire, on peut ranger les autres Sédentaires à peu près dans l’ordre suivant : 48 JEAN BOUNHIOL. Amphatrile gracilis, Cirratulus cirratus, Sabella pavonina, Arenicola marina, Nerine cirratulus. Malheureusement, ces divers animaux ne sont pas de même taille. Le Cirratulus cirratus (08,23) peut être com- paré à l’Amphitrite gracilis (08,19) à taille sensiblement égale. Il a comme lui un coefficient respiratoire élevé (1,86). La Sabella pavonina possède un système circulatoire assez complexe, bien que déjà réduit par rapport à celui des espèces précédentes. Le plus petit exemplaire sur lequel j'ai opéré pesait 45,365. Son coefficient respiratoire a été 0,3 mais il aurait été beaucoup plus élevé pour un exemplaire ne pesant qu'une fraction de gramme, et, en consultant la courbe figure 4, page 38, on peut l’évaluer avec assez de vraisemblance à 1,1 environ. L’Arenicola marina est encore assez richement vascularisée; pour un poids de 35,65, e atteint 0,15. La diminution s’accentue par rapport à la Sabella pavonina. Enfin la Nerine cirratulus, pour un poids de 05°,36, ne dégage que 0"#,92 de CO? par gramme-heure, ce qui, pour un animal de 3 ou 4 grammes équivaudrait à peu près à 05,1 ou même moins. Tous ces animaux ont un appareil circulatoire bien dif- férencié et du sang coloré. Leur respiration est très active avec une tendance nette à augmenter d'intensité quand la richesse vasculaire des tissus augmente. Parmi les Annélides errants, la même constatation s’im- pose par la comparaison de la Marphysa sanguinea dont l'appareil circulatoire est très développé et de la Nephthys Hombergi qui en possède un plus rudimentaire. Les deux animaux n'ont pas tout à fait la même taille, mais la diffé- rence est légère et permet d'évaluer pour la Nephthys Hom- bergü très approximalivement le coefficient correspondant à un poids de 25,617 qui est celui dela Marphysa sanguinea. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 49 On obtient ainsi pour » les deux valeurs 0,98 et 0,3 qui sont parfaitement démonstratives. Ces résultats n’ont rien que de très compréhensible et étaient, du reste, ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, faciles à prévoir. Mais il en va tout autrement si, chez les mêmes animaux, on considère, à égalité de vascularisation, les divers états de développement de l'appareil respiratoire. Et d’abord, chez tous ces animaux pourvus de branchies souvent très hautement différenciées, la fonction respi- ratoire est-elle exclusivement localisée sur ces organes? J'ai pris tous les types de grande taille où les branchies étaient bien développées et j'ai essayé de rendre visible l’action respiratoire de la branchie seule. Je me suis adressé pour cela aux divers réactifs colorimétriques usités en acidi- métrie et à la méthode des virages. Deux réactifs m'ont surtout rendu de grands services. Ce sont la phénolphtaléine, déjà employée par un grand nombre de physiologistes, et le bleu C4 B ou bleu-coton, bien connu des chimistes qui l'utilisent pour mettre en évidence la troisième fonction acide de l’acide phosphorique ordinaire, et quiest, je crois, bien moins usité en physiologie. Celui-ci a cependant de grands avantages ; le virage est pour lui également très net et très rapide. Il passe d’un rouge vineux, très pâle en solution étendue et alcaline, à un magnifique bleu foncé d’une puissance colorante considérable par l’action d’un acide quelconque. C’est le réactif des fonc- tions acides très faibles. La phénolphtaléine en présence d'une base forte et de l’acide carbonique donne lieu à un partage de la base. Avec le bleu-coton, la réaction est totale et brusque; elle est donc très sensible, mais cette sensibilité même devient un défaut parce qu’il faut opérer à l’abri de l'air dont l’'anhydride carbonique suffirait à introduire dans son action des perturbations notables. Une autre difficulté de son emploi, c’est sa préparation, qui est délicate. Dans le commerce on ne trouve que le bleu pouvant servir à la teinture et conservant une fonction acide ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, À 90 JEAN BOUNHIOL. très faible. Ce n’est qu’en saturant exactement cette fonction acide qu'on oblientle bleu-rouge vineux, c'est-à-dire le réac- üf lui-même. Je me suis toujours servi, pour effectuer cette saturation, d’une solution titrée de soude. Si on introduit un excès de soude, la sensibilité du réactif devient quelque chose de très variable et il est, d'autre part, important quil soit toujours identique à lui-même. Avec l’un ou l’autre de ces deux réactifs j'ai expérimenté sur l’Amphitrite Edivardsi, V Audouinia tentaculata, V Areni- cola marina, la Sabella pavonina et le Spirographis Spallan- zanu. Amplatrite Edivardsu. — Tous les représentants de cette espèce, que j'ai trouvés dans les sables vaseux à zostères dé Tatihou, étaient des animaux de très grande taille, pouvant atteindre 40 centimètres de longueur. Placés dans une cuvette à larges bords dont le fond était recouvert d’une couche de sable, ils ne tardaient pas à s’entourer d’un nouveau tube. Leurs filaments préhensiles, étalés de tous côtés, ramenaient incessamment des grains de sable autour du corps oùils étaient agglutinés par une sécrétion muqueuse assez abondante. En prenant la précaution de renouveler l’eau de temps en temps ou de l’aérer on pouvait les con- server très longtemps. Pour l'expérience, un animal était introduit dans un tube de verre en U de diamètre sensiblement égal à celui de son tube naturel et contenant de l’eau de mer phtaléinée. Le tout était plongé dans un bocal de dimensions convenables et contenant aussi de l’eau de mer sensibilisée. Au bout de cinq à huit minutes, l’eau du tube était décolorée au niveau des branchies et des filaments. Pendant ce temps, l'animal par des renflements propagés Le long de son corps à la facon d’une onde, brasse l’eau de son tube, puis se retourne bout pour bout, de manière à mettre sa partie antérieure dans la branche du tube occupée par sa partie postérieure et inversement. La décoloration de l’eau du tube est com- plète au bout de quinze minutes. 2 RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. o1 Le même animal, privé de branchies, et remis en expé- rience après que l’hémorragie a cessé, décolore l’eau d’abord au niveau de ses filaments céphaliques, puis la décoloration se fait en masse et lentement sur toute la longueur occupée par l'animal: elle est terminée au bout de vingt-cinq minutes. Enfin, dans une troisième opération, le même animal, privé à la fois de ses branchies et de ses filaments céphali- ques, produisait le virage en trente-cinq minutes environ. Cette série est trèsnette. Elle nous apprend que l'Amphi- trite Ediwardsii ne respire pas seulement par ses branchies, elle respire aussi manifestement par toute l'étendue de sa surface cutanée et par ses filaments céphaliques. Ceux-ci interviennent en ajoutant à la surface du corps leur propre surface, qui est considérable. D'ailleurs, les animaux, ainsi privés de leurs branchies, continuent à vivre parfaitement. Audouinia tentaculata. — Un animal, introduit dans un tube de verre de diamètre convenable, plongeant dans de l’eau de mer sensibilisée, produit le virage au bout de deux mi- nutes environ et sur toute la hauteur du tube occupée par lui. Après la section de tous ses filaments, le virage se manifeste presque aussi rapidement. La mutilation est d’ailleurs, iei encore, parfaitement supportée, et les animaux vivisectés continuent à vivre indéfiniment. La peau a donc chez cette espèce, comme chez l'espèce précédente, un rôle respiratoire considérable. Avec l’Arenicola marina et la Sabella pavonina on peut faire les mêmes constatations, quant à la participation des téguments à l'acte respiratoire. Mais on n'obtient ainsi que des indications qualitatives. Spirographis Spallanzanii. — Pour ce dernier animal, j'ai imaginé un petit appareil qui permet de recueillir des indi- cations déjà plus précises. J'en dois la construction à l’habi- leté et à l’obligeance de M. le professeur Thomas. L'animal sur lequel doit porter l’expérience est extrait de son tube. Il est introduit dans un tube de verre sensiblement D2 JEAN BOUNHIOL. de même diamètre et perforé, en outre, de nombreux trous disposés en séries alternantes le long de plusieurs généra- trices. Ce tube est soudé au centre de la base d’une ampoule de verre à peu près conique et dont le sommet est muni d’une tubulure qui peut être bouchée (fig. 6). Le tube est enfoncé dans un bouchon dont on ferme une sorte d’é- prouvette qui lui sert de manchon; le manchon et l’ampoule supérieure sont de même volume. On les remplit très exactement avec de l’eau de mer phta- léinée. L'animal sert de bouchon entre l’ampoule et le tube et intercepte toute communication entre les deux étages de l'appareil. Un petit tube latéral permet au liquide de l'étage inférieur de se déplacer plus ou moins sous l'influence des mouvements du corps de l'animal. L'eau de mer de l’ampoule sert donc exclusivement à la respiration de la branchie; l’eau du manchon entretient exclusivement la respiration de la peau, à laquelle elle parvient par les nombreuses perforations du tube central. Les mouvements de l'animal dans ce tube brassent, d’ailleurs, incessamment la masse liquide et renou- vellent les contacts. Dans ces conditions, on observe que l'étage inférieur de l'appareil est bien plus rapidement décoloré que l'étage supérieur, et, comme les volumes liquides sont égaux, on peut déjà conclure que la respiration cutanée estici, non seulement réelle, mais prépondérante. L'expérience porte sur un animal sain, normal, non vivisecté et rend parfaitement visibles, en les isolant, les participations de la branchie et de la peau à l'acte respiratoire total. Toutes ces expériences qualitatives, entachées des causes d'erreur que j'ai signalées plus haut, ne peuvent fournir que des indications générales. J'ai essayé de serrer de plus ch 5 a ît * H RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 5e près ces phénomènes et de mesurer la part qui revient à la respiration cutanée dans tous les cas. J'ai commencé par m'’assurer que tous les animaux vivi- sectés continuaient à vivre dans de bonnes conditions. Je les ai gardés fort longtemps en captivité dans cet état. Jai voulu prévenir une objection qui aurait pu m'être faite à ce sujet. Il aurait pu se produire une perturbation dans la respiration de l’animal par la seule action du traumatisme, indépendamment de la privation de l'organe, comme cela se passe fréquemment chez les Vertébrés vivisectés qui, sous les apparences d’une santé continuée sans modifications, présentent, après cerlaines opérations, des perturbations physiologiques assez importantes. Ce qui se passe pour les Vertébrés pouvait se passer aussi pour les Annélides bien que, « priori, dans le cas actuel, la chose fût peu vraisemblable. J’ai donc mesuré le coefficient respiratoire des animaux vivisectés, tout de suite après l'opération et aussi un certain temps après. Je n’ai le plus souvent trouvé aucune différence appréciable, même en faisant des déterminations nombreuses. D’autres fois, j'ai trouvé des modifications, mais, quand elles se manifestaient, elles ne pouvaient être expliquées par l'effet du traumatisme et s'interprétaient, d’ailleurs, facilement. J'ai fait des mesures comparatives de bo sur les animaux suivants normaux et vivisectés. Éspèces. Poids en grammes. o. en milligr. Amplitrite Edwardsii..... SR HO ni nn Audouinia tentaculuta.... ee À a Li nu a Arenicola marina ........ Sonsle Ë é | : Nos Sabella pavonina.......…. one IAE ae de Spirographés Spallansant. Viet (25 Où 94 JEAN BOUNHIOL. Dans ce tableau, le coefficient respiratoire des animaux vivisectés a été calculé sur le poids du corps abranche. La privation des branchies entraîne, comme on le voit, une diminution de l'intensité respiratoire, variable suivant les types étudiés, réelle chez tous. La perturbation ainsi introduite est considérable chez l'Amplatrite Edwardsi; elle représente plus des trois quarts du coefficient normal qui tombe de 0,1 à 0,024. Chez l’Arenicola marina elle réduit ce même coefficient des deux tiers. Au contraire, chez la Sabella pavonina dont le coeffi- cient passe de 0,3 à 0,22, chez l’Audouinia tentaculata (0,12 à 0,09) et chez le Spirographis Spallanzanii (1,1 à 0,75), la diminution produite n'est que d’un quart environ et elle est relativement très faible. Tous ces animaux ont donc une respiration mixte, à la fois cutanée et branchiale, ainsi que l'avaient déjà montré les expériences qualitatives citées plus haut. Chez les uns, dont les branchies sont forlement vascularisées, c’est la respiralion branchiale qui est prépondérante ; chez les autres, c'est, au contraire, la respiration tégumentaire qui prédomine. Déjà, chez les espèces des groupes précédemment étudiés, on à vu que la peau est le siège exclusif des phénomènes respiratoires, et que les organes plus ou moins désignés chez eux sous le nom de branchies, ne se distinguent pas physiologiquement du reste des téguments. Celte importance capitale de la respiration cutanée per- siste jusque dans les types supérieurs et ne s’amoindrit que chez quelques espèces où l’appareil respiratoire acquiert son maximum de vascularisation. Du reste, la démonstration de ce qui précède a été poussée plus loin encore en ce qui concerne particulièrement le Spirographis Spallanzanii. S'il est vrai qu'un animal appartenant à cette espèce conserve une activité respiratoire égale aux trois quarts de son activité respiratoire normale, quand on le prive de sa RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 55 branchie, ilsemble que la respiration d’un animal identique, privé de l’usage de sa peau, ne doive plus être que le quart de cette même respiration normale. J'ai voulu vérifier cette sorte de réciproque, et, pour sup- primer la respiration cutanée, j'opérais de la façon suivante : J'extrayais avec précaution un animal de son tube que je l'obligeais à quitter progressivement par une pression modérée et cheminante sur son extrémité postérieure. Je l’essorais aussi complètement que possible avec du papier buvard, puis je l’enduisais copieusement de vaseline en ne respectant que la branchie; je remplissais de vaseline le tube évacué par l'animal et je l’enfonçais de nouveau dans ce tube de manière qu’il y eût, entre la peau et la paroi du tube, une couche de vaseline continue et compacte, empê- chant l'accès de l’eau sur toute sa hauteur. Cette dernière opération n'était pas très commode. Il fallait amorcer la rentrée de l’animal sur un centimètre ou deux et attendre que celui-ci se décide à continuer; de temps en temps, je profitais d’un amincissement local de son corps pour l’obli- ger à enfoncer de quelques millimètres de plus. Une fois l’opération terminée, je le remettais dans le bocal à expé- rience et je déterminais dans ces nouvelles conditions son coefficient respiratoire. Bien évidemment, son coefticient normal avait été mesuré préalablement. L'animal, préparé comme il vient d’être dit, ne pouvait respirer que par sa branchie, la peau n'étant pas mouillée par l’eau de mer et celle-ci, du reste, ne pénétrant pas dans son tube. Il est à remarquer que, dans ces conditions, il ne rentrait jamais sa branchie qui demeurait constamment et complètement étalée, malgré l'agitation de l’eau et les secousses imprimées au bocal. En temps ordinaire, au con- traire, il la rélractait dans son tube au moindre choc et restait souvent fort longtemps sans l'utiliser. Sa peau suffi- sait alors largement à ses besoins respiratoires. L'usage de celle-ci suspendu, la branchie demeurait sa seule ressource et il l’utilisait d'une façon permanente, obligatoirement. 06 JEAN BOUNHIOL. La détermination du coefficient respiratoire, dans les deux parties de l’expérience, portait sur le même temps (vingt-cinq heures). Le coefficient normal étant 0,454, celui trouvé dans la respiration branchiale seule ne fut plus que 0,11. Il avait donc baissé de plus des trois quarts, ce qui, comme on le voit, concorde parfaitement avec le résultat de la vivisection. Pour donner plus de précision et de rigueur à cette concordance remarquable, j’ajouterai que l’animal débar- rassé de sa vaseline et placé dans un autre tube naturel frais, a accusé, vingt-quatre heures après, un coefficient respi- ratoire de 0,48. La vaseline n’a donc pas eu d’action toxique et n'a introduit dans les phénomènes à mesurer aucun nou- veau facteur. On peut se demander encore ce que devient Le coefficient respiratoire d’un animal vivisecté, quand on continue à le suivre pendant longtemps. Il y a eu, à ce point de vue, des différences suivant les espèces considérées. Chez les espèces à respiration branchiale très active telles que l’Amplhitrite Edwards et V'Arenicola marina la valeur de ? restait faible et à peu près constante pendant très longtemps, jusqu'à ce que les branchies aient commencé à se régénérer. Ceci écarte absolument l'hypothèse d’une influence perturbatrice quelconque due au traumatisme considéré en lui-mème. Chez les espèces à respiration branchiale peu active, au contraire, telles que le Spirographis Spallanzant,le coefti- cient respiratoire se relève rapidement et revient au chiffre normal au bout de quinze à vingt-cinq heures. Les variations de », après la section de la branchie, sont, d’ailleurs, très apparentes sur une courbe où les valeurs du coefficient respiratoire sont portées en ordonnées et les valeurs du temps en abcisses (fig. 7). La part respiratoire de la branchie étant peu importante, l'animal arrive très bien à compenser ce léger déficit. Par quel mécanisme exact cette compensation s’opère-t-elle ? RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 97 Il est probable que la vitesse circulatoire doit augmenter dans ce cas, puisque les mêmes échanges gazeux finissent par se produire à travers des surfaces respiratoires diffé- rentes. Chez les animaux possédant du sang coloré et un appareil circulatoire différencié, on est donc amené à considérer o 24 48 72 , 96 Temps enr heures. EJI Cr = LEE deux variétés de branchies très différentes au point de vue physiologique : Les unes sont particulières aux types les plus élevés en organisation, comme la Marphysa sanguinea chez les Errants, l’Amplutrite Edivardsu et V Arenicola marina chez les Séden- taires. Dans la respiration totale, mixte, que nous avons reconnu exister dans tous les cas, elles assurent la plus grande partie de l'excrétion carbonique. Ce sont des bran- chies vraies, au sens physiologique du mot. Les autres ne manifestent qu'une activité respiratoire faible, laquelle représente une petite partie seulement de l'activité totale. Ces branchies ont d'ailleurs une grande surface et augmentent d'autant la surface générale des téguments. Ces considérations permettent de penser que l’activité respiratoire de ces organes est, à surface égale, du même ordre, ou même d'ordre plus faible, que l’activité cutanée. // n'y a donc aucune spécialisation de la fonction sur eux el, physiologiquement, ce ne sont pas des branchies. Ces organes sont cependant très différenciés et ont un aspect bien spécial. Cette différenciation n’est compatible qu'avec une fonction particulière, bien définie. Quelle est cette fonction? 08 JEAN BOUNHIOL. Si on examine altentivement un Céralulus cirratus ou une Awdouinia tentaculata placés dans un eristallisoir sur fond de sable, on ne tarde pas à voir l'animal se servir activement de ses filaments tentaculaires pour déplacer les grains de sable, les attirer à lui et s’en recouvrir plus ou moins. Ces filaments ont été distingués par les anatomistes en deux catégories, suivant qu'ils contiennent un simple cæcum vasculaire ou une anse vasculaire complète. Les premiers sont appelés filaments lentaculaires, les autres branchies. Or, l’animal se sert indifféremment, comme organes préhensiles, des uns et des autres. L'expérimentation nous a montré, d'autre part, que le rôle respiratoire de ces soi-disant branchies est très faible et correspond simplement à une augmentation de la surface tégumentaire. La définition anatomique des branchies des Cirratulidæ n'est donc pas confirmée par lexpérimentation physiologique. Ce sont de simples organes préhensiles, tout comme les filaments préhensiles dont on avait cru pouvoir les distinguer. Ces organes, grêles, filamenteux, possédant la même fonction de préhension, se retrouvent très abondants sur le protoméride des T'erebellidæ et aussi sur le protoméride des Amplharetidæ, des Amphitecnidæ, ainsi que sur les para- podes du deutoméride des Sabellaridæ. Chez les Terebellidæ et chez les autres familles qui viennent d’être citées, ces filaments préhensiles augmentent notablement la surface du corps de l’animal, et respirent au même titre que le reste de la peau. On s'explique très bien alors que la privation de ces filaments, entraînant pour l'animal une diminution de sa surface, entraîne aussi une diminution correspondante de son activité respiratoire. Un certain nombre d’auteurs, Edmond Perrier entre autres, croient que les branchies céphaliques des Serpulidæ ne sont pas autre chose que des filaments tentaculaires mo- difiés. L'expérience nous a montré que ces organes céphali- ques n'étaient pas des branchies; ce sont donc vraisembla- blement de simples tentacules, possédant, tout comme leurs RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 59 correspondants des familles précédentes, une fonction de préhension. Et, en effet, une observation patiente et atten- tive du Spirographis, vivant en captivité, m'a parfaitement convaincu de la réalité de cette fonction. L'organe s'est modifié 1c1; il n'a plus l'aspect filiforme qu'il présentait initialement. L'animal est plus étroite- ment sédentaire que dans le cas des Cirratulidæ et des Terebellidæ.W habite un tube qu'il ne peut ni quitter ni refaire, el ce tube est soudé, fixé lui-même à un support. J'avais souvent remarqué que l'animal en dehors de toute espèce de choc, de secousse, d’excitation quelconque, con- tractait brusquement son panache céphalique sans cause apparente et le rentrait dans son tube, pour l’étaler de nou- veau quelques instants après. J’ai fini par m'assurer que c'était là un moyen de capturer les petits Copépodes ou Amphipodes passant à sa portée. Le panache se referme sur eux, les emprisonne vivement, les agglutine et les amène au fond de l’entonnoir spiralé où se trouve la bouche. Il existe d’ailleurs, le long de ce panache, chez un grand nombre d'espèces de Serpulidæ, une sorte de rigole ciliée aboutissant à la bouche et y conduisant d’une façon permanente les petites particules organiques en suspension dans l’eau; la contraction brusque et violente de tout l'appareil n'est utilisée que d’une façon intermittente, pour la capture des grosses proies. A. Soulier avait déjà admis chez le Spérographuis Spallansanu que la branchie possédait une fonction préhen- sile, superposée à la fonction respiratoire. Ces organes de préhension, très développés, sont en relation avec le genre de vie des Serpulidæ chez lesquels se trouve précisément atteint le maximum de sédentarité. Ce ne sont donc là aucunement des branchies. Comme dans le cas des filaments des Coratulidæ et des Terebellidæ, ils augmentent simplement l'étendue de la surface tégumentaire et ajoutent leur action à celle du reste de la peau. Ainsi qu’on le voit, un grand nombre d'organes consi- 60 JEAN BOUNHIOL. dérés, jusqu'à maintenant chez les Annélides, comme spécia- ‘lement respiratoires, c'est-à-dire comme des branchies, ne justifient point cette dénomination. Cela tient évidemment à ce qu'on n'avait jamais cherché à élucider leur fonction exacte. On avait attaché la plus haute importance à leur situation, à leurs détails anatomiques (ciliation, vasculari- sation, minceur, etc.), et on avait fait simplement de Ja physiologie intuitive : On avail attribué une fonction respira- toire spéciale à tout organe qui se présentait avec des circons- tances anatomiques plus ou moins favorables à l’osmose. De Quatrefages avait même essayé de donner une défimition anatomique générale des branchies des Annélides, et on sait que cette tentative tomba d'elle-même devant les faits. Leur situation et leur dépendance sont extrêmement variables et ne permettent pas de les homologuer. Leur conslitution anatomique, très variable aussi, ne permet pas davantage de les caractériser et de les reconnaitre. L’expérimentalion physiologique a eu l'avantage de pré- ciser, dans le nombre considérable d'organes hétéroclites, indifféremment appelés branchies, ceux qui étaient vraiment et spécialement respiratoires. Tout le reste, c’est de la peau, du tégument banal, peu ou point différencié histologique- ment, non spécialisé physiologiquement. Une branchie, au point de vue physiologique, doit centra- liser, monopoliser, d’une manière, ou exclusive ou tout au moins considérable, la fonction respiratoire d'un animal. A défaut d'autre définition possible, je donnerai cette défini- tion physiologique des organes respiratoires des Annélides : Les branchies des Annélides sont des organes pectinés ow ramaifiés, tantôt situés sur les divers mérides du corps (Eunicidæ Arenicolhidæ), tantôt exclusivement céphaliques (Terebelhdæ ), toujours fortement vascularisés et dont l'activité respiratoire propre est considérable (trois quarts et plus de la respiration totale), par rapport à celle des téquments (un quart de la respi- ration totale). En appliquant cette définition à tous les types étudiés et RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 6 plus généralement à tout le groupe, il m'est permis mainte- nant de formuler les conclusions suivantes, qui serviront de résumé à cette longue étude : I. — D'une manière tout à fait générale, les Annélides respirent par la peau el n’ont point d'organes respiratoires différenciés. IT. — Cependant, chez quelques types élevés (Æunicidæ, parmi les Errants, Terebellidæ, parmi les Sédentaires), il se différencie des branchies où la fonction respiratoire se localise d’une facon intense et efficace. Celte locaiisation n'est, d’ailleurs, jamais exclusive, la respiralion tégumen- taire existant dans tous les cas. II. — Les organes appelés branchies chez les Caratulidæ et les Serpulidæ ne sont pas des branchies; ce sont des organes préhensiles. IV. — Les organes désignés sous le nom de branchies lymphatiques ou cœliaques, chez les espèces à sang incolore n’ont aucun rôle respiratoire particulier. V. — Le liquide de la cavité générale possède une apti- tude respiratoire très inférieure à celle du sang coloré, il n'acquiert les propriétés respiratoires du sang que lorsqu'il contient, comme ce dernier, des hématies chargées d’hémo- globine. VI. — Les espèces à sang incolore peuvent être consi- dérées physiologiquement, comme ne possédant que du liquide cœlomique. J'ajouterai en appendice, à la fin de ce chapitre, l'exposé rapide des expériences que j'ai entreprises pour vérifier si l'intestin des Annélides possédait des propriétés respiratoires. Je n’ai eu à ma disposition que des Syllidiens de trop petite taille, et je me suis surtout adressé à des Néréis de dimen- sions convenables, aussi transparentes que possible et pou- vant être facilement examinées au compresseur. Les phénomènes digestifs s’accompagnent chez tous les 62 JEAN BOUNHIOL. animaux où ils sont bien connus, d’une sécrétion acide de la part de l'organe digérant. Ce milieu acide où se fait la digestion est dû à la présence d’wxr acide fort, existant à l’état libre. Le Dantec à vérifié qu'il en était ainsi dans la digestion intravacuolaire des Protozoaires, et on peut, sans trop s’aventurer, conclure provisoirement, jusqu'à vérifica- lion expérimentale, qu’il doit encore en être ainsi chez les Annélides. On peut donc admettre que le critérium, permettant de reconnaitre un acte digestif, est une sécrétion d’acide fort. D'autre part, un acte respiratoire, quel qu'il soit, aboutit à une sécrétion d'acide carbonique, c’est-à-dire à une sécré- tion d'acide moyen. Il existe, d’ailleurs, des réactifs colori- métriques fort sensibles, spéciaux à chacune des fonctions acides forte, moyenne, faible, et permettant de les distin- ouer aisément. Parmi ceux caractéristiques de la fonction acide forte, je citerai l’alizarine sulfo-conjuguée employée par Le Dantec, l'acide rosolique, l’orange Poirrier n° 3. La fonction acide moyenne est décelée par la phénolphtaléine, la fonction acide faible par le bleu-coton ou bleu C4B. Si on examine un animal transparent au compresseur dans -de l’eau de mer sensibilisée successivement avec des réactifs colorimétriques convenablement choisis, on pourra déter- miner de quelle nature sont les sécrétions acides intesli- nales. Si l’une des parties de l'intestin, non sensible à l'orange n° 3, décolore, au contraire, la phénolphtaléine avalée, on pourra conclure avec une quasi-certitude que cette partie respire et ne digère pas. Avec les Néréis je n'ai pu obtenir aucun résultat dans ce sens. Peut-être le phénomène existe-t-il chez les Syllidiens et leur est-il spécial? Il n'aurait rien d’impossible ni de bien étonnant en soi. [lexiste déjà chez un certain nombre d’ani- maux inférieurs à l’état adulte ou à l’état larvaire, et chez tous les Chordés il devient la règle. Il y a là, en ce qui con- cerne les Syllidiens, en particulier, une intéressante vérifica- tion à poursuivre. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 63 IV Modifications de la respiration des Annélides pendant la maturité sexuelle et les métamorphoses. La maturité sexuelle est accompagnée chez la plupart des Annélides d’un certain nombre de phénomènes biolo- siques remarquables. Extérieurement, l'aspect change profondément. Le volume d’un individu mûr est considérablement augmenté; l’ac- croissement porte surtout sur le diamètre qui peut devenir 2, 3 et 4 fois plus grand que chez l'individu stérile. La coloration des téguments change et prend une teinte carac- téristique. Cette teinte est en général plus claire que la teinte habituelle de l'animal. C'est ainsi que la Mereis irrorata devient blanchâtre, l’'Audouinia tentaculala passe du brun au jaune ocreux, la Lysidice ninetta du bran rougeâtre foncé au violet grisâtre. Les modifications internes ne sont pas moins impor- tantes. Les éléments sexuels, produits par l’épithélium péri- tonéal, se développent dans la cavité générale. Ils s’entourent rapidement d'amibocytes chargés de graisse et, au fur et à mesure que les œufs ou les spermatozoïdes grossissent, la graisse etlesamibocytes eux-mêmes sont absorbés et digérés. Souvent, le processus va plus loin encore et les amibo- cytes, par une véritable phagocytose, dévorent tous les tissus, le tube digestif lui-même, au profit des éléments génitaux qui s’en nourrissent. La maturité complète atteinte, l'animal n'est plus qu’un sac à œufs ou à spermatozoïdes, dont la rupture mettra ceux-ci en liberté. Le plus souvent cependant, l'évacuation des produits sexuels se fait par les néphridies qui subissent aussi à ce moment un certain nombre de modifications. Dans le premier cas, l’animal ne survit pas à la ponte; dans le second, il se dégonfle, pour ainsi dire, et son 64 JEAN BOUNHIOL. volume diminue énormément ; il présente alors un aspect très amaigri, plus ou moins flasque, avec tous ses lissus amincis, réduils, et un liquide cavitaire extraordinaire- ment pauvre en amibocytes. La cavité générale, immédiatement après la ponte, se remplit de nouveau de liquide. Ce liquide est, soit de l’eau absorbée et filtrée par osmose à travers le tube digestif, soit de l’eau introduite directement par les néphridies. Puis, les amibocytes se reforment, et, au bout de quelques jours, l'animal a repris sensiblement son aspect ordinaire. Tous ces phénomènes si particuliers et, d’ailleurs, bien connus, essentiellement liés à la reproduction, à la conser- vation de l'espèce ne vont pas sans des perturbations graves apportées dans la vie de l'individu. Ces perturbations peu- vent aller jusqu à la mort du générateur au moment de la ponte. Dans le cas ordinaire, elles ne vont pas jusque-là. Longtemps avant la ponte, la nutrition de l’animal est ralentie, presque complètement suspendue ; celui-ci perd son activité, s'immobilise, s’enferme, si c’est un Errant, dans une sorte de retraite provisoire qui est quelquefois un tube comparable à celui des Sédentaires. J'ai pensé que la respiration devait être modifiée elle aussi et j'ai cherché dans quel sens et de combien elle l'était. Je me suis trouvé à Tatihou au moment où il était possible de récolter des individus mûrs de quelques types. J'ai pu ainsi étudier les formes suivantes : Lysidice ninetta. Audouinia tentaculata. Cirratulus cirratus. Nereis wrorata. Pour cette dernière espèce, la période de maturité sexuelle est caraclérisée non seulement par les transfor- mations générales, externes el internes, que je viens d’énu- mérer, mais encore par un changement de forme, par une véritable métamorphose. Ce nouveau phénomène, désigné RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 65 sous le nom d'épigamie ou épitoquie, est commun à un certain nombre d'espèces de Sylidæ, d’Hesionidæ, de Cirra- tulidæ et surtout de Nereidæ où il est extrêmement fré- quent. La MNereis irrorata peut être, d’ailleurs, considérée comme le type des espèces à métamorphoses. Je vais exposer d’abord les résultats obtenus dans l étude de la maturité sexuelle chez les espèces sans métamor- phoses. On aurait pu s'attendre, avec quelque vraisemblance, à trouver, au moment de la maturité sexuelle, une diminution de l’activité respiratoire, se produisant parallèlement au ralentissement de la nutrition générale et de l’activité des mouvements. Il n’en est rien. Le coefficient respiratoire a été soigneusement mesuré successivement avec des exem- plaires mûrs et des exemplaires stériles de la même espèce et les résultats numériques obtenus, consignés dans le tableau ci-dessous : Poids e en Espèces. en grammes. milligrammes. Ja DÉÉDIES EE 0,13 2,12 Lycidice ninelia. RON | Nr AMs SU 0,33 2,68 DER tas HOME ere 0,23 1,27 her CRAQUE es NET SN AN PEREN LS 0,43 1,33 ET VISLÉTIES 20e AU 4,27 0,11 Audouinia tentaculata .... Ni AUS CE 1,12 0,14 Ainsi qu'on le voit, l’activité respiratoire ne diminue pas pendant la période de maturité sexuelle. Bien au contraire, elle manifeste une tendance assez nette à l’augmentalion. Parmi les animaux mûrs, je n'ai pas observé de différences entre les mâles et les femelles. Pour la Lycidice ninetta le poids moyen des animaux mürs est supérieur à celui des stériles, et il est facile de voir que si les premiers avaient eu le poids plus faible des seconds, leur coefficient respi- ratoire aurait été plus élevé. Cette espèce n’introduit donc aucune discordance dans les résultats fournis par les deux autres. Chez toutes, .il y a manifestement une augmentation ANN. SC. NAT. ZOOL. AVE D 66 JEAN BOUNHIOL. de l’excrétion carbonique. Comment interpréter ce fait? Une première hypothèse consisterait à admettre que la quantité d'oxygène consommé par l'animal n'augmente pas proportionnellement à l'augmentation de l’anhydride car- 2 bonique produit, c’est-à-dire que le quotient Ton s'accroil. En d’autres termes, il y aurait asphyxie plus ou moins considérable, et l’animal, en état de maturité sexuelle, aurait sa vitalité plus ou moins fortement diminuée. Or, il n'en est pas ainsi. Plus que jamais, il à besoin de toutes ses ressources pour mener à bien le développement des pro- duits sexuels. Sa vitalité se trouve concentrée en quelque sorte; elle n’offre point de nombreuses manifestations exté- rieures, mais elle est employée très activement à d'impor- tantes opérations internes : autodigestion des tissus, proli- fération considérable de l’épithélium péritonéal, nutrition intense et accroissement des éléments génitaux. Cette explication n’est donc pas admissible. Il est infini- ment plus vraisemblable de supposer que la consommation d'oxygène augmente avec l’excrétion carbonique et qu'il ne s’agit point d’une asphyxie mais bien d’une activité plus grande des échanges respiratoires. L'oxygène est, en effet, le seul aliment que l'animal ne puisse pas puiser en lui-même et qu'il soit obligé d'em- prunter au milieu extérieur pour subvenir à l'élaboration de ses œufs. La fonction respiratoire, à l'opposé de toutes les autres fonctions de l’organisme générateur, ne peut pas être suspendue ou diminuée. C'est elle qui assure, par l’in- termédiaire du liquide cœlomique, les échanges gazeux dont les éléments sexuels sont le siège et qui sont indispensables, d’ailleurs, à leur développement. L'animal possède bien, pour nourrir ses œufs ou ses spermatozoïdes, des réserves plastiques, mais il ne possède pas de réserves d'oxygène pour les faire respirer et l’expérience montre que ceux-ci respirent plus activement que les éléments constitutifs de ses propres tissus, puisque + augmente. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 607 J'ai rencontré le même phénomène, plus accentué, chez les espèces épitoques. La Nereis wrorata commence à se transformer à la fin du mois d'août; elle fabrique de véritables tubes où elle vit d’une vie presque complètement sédentaire. On trouve alors, dans les vases à Zostères, des tubes muqueux, quelquefois transparents, où l’animal apparaît avec une coloration blanchâtre, d'un blanc gras, accusant la boursouflure de la partie moyenne et postérieure du corps, bourrée de produits génitaux. Un peu plus tard, les yeux se développent énor- mément, les parapodes poussent une rame dorsale où apparaissent des bouquets de soies natatrices en forme de longues palettes, et, vers le milieu de septembre, la trans- formation est terminée. Dans les tubes, au lieu de Nereis longues et minces on trouve les formes mûres, courtes, épaisses, comme ramassées, avec leurs soies spéciales : ces formes si particulières ont été désignées sous le nom d’Heteronereis. L'Heteronereis mâle est différente de l'Hete- ronereis femelle; la première est, dans le cas actuel, plus courte et d'une teinte plus claire ; ses longues soies lui font une double bordure latérale rouge orangé. On admet généralement que les Heteronereis, immédiate- ment après la transformation, acquièrent une extrême mo- bilité, deviennent nageuses et que leur vie, très active, contraste avec la vie rampante, quasi sédentaire de la forme atoque. C’est là une notion classique qui ne me paraît pas mériter, dans tous les cas, la créance qu’on lui accorde sans vérification. Pour ma part, je n’ai jamais rencontré les Heteronereis de ÂNereis irrorata nageant. Je les ai tou- jours trouvées dans la vase à Zostères et enfermées dans les mêmes tubes où vivait la forme ordinaire avant la trans- formation. Ces mêmes Heteronereis, placées dans de larges bocaux aérés, sur une épaisse couche de sable, s’enfouissent immédiatement et ne nagent jamais. Je ne les ai vues quitter leurs galeries que la nuit, comme, d’ailleurs, la forme stérile, chez les autres espèces ayant le même habitat. Je 68 JEAN BOUNHIOL. crois que, en ce qui concerne la Nereis iyrorata tout au moins, la transformation génitale ne s'accompagne que de changements faibles, ou même nuls, relativement à l’activité générale et au genre de vie. | M. Fauvel, qui a longuement observé les Annélides, eroit également que cette notion du brusque changement d’allures au moment de la métamorphose n’est pas le plus souvent conforme à la réalité des choses. Quoi qu’il en soit, j'ai successivement mesuré, dans les mêmes conditions, le coefficient respiratoire de la Mereis irrorata aloque, de la forme hétéronéréidienne mâle et de la forme hétéronéréidienne femelle correspondantes, et voici les chiffres recueillis : Poids e en Espèces. en grammes. milligrammes. Nero as lEnTIRARECERRERERNE 0,50 1,93 RL TE ee RCE LT 0,93 0,44 PÉLERONER CIS NET NACRE 0,43 2,04 HELERONERCISMEMELE MERE RER 0,79 1,38 Ces divers coefficients ont été obtenus avec un nombre d'exemplaires suffisant, dans chaque cas, pour donner le même poids total, 5 grammes environ. L'erreur relative dans les mesures est ainsi uniformisée. On voit immédiatement que la forme hétéronéréidienne mâle accuse, à poids à peu près égal, une augmentation de 2,04 — 1,53 — 0,51 sur la forme stérile, soit très sensi- blement une augmentation de un tiers du coefficient res- piratoire de celle-ci. La forme hétéronéréidienne femelle montre également une augmentation de 1,38 —0,44— 0,94 sur la forme atoque. Mais ici l'égalité de poids n'est pas réalisée et il faut en tenir compte. Une MNereis irrorata stérile, pesant 08,79 seulement, aurait un coefficient respiratoire d'environ 0,95 ou 0,98 et la différence n'est plus alors que 0,43 ou 0,40. Elle représente encore approximativement un tiers du coefficient primitif. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 69 De ces expériences on peut conclure que, chez les espèces à métamorphoses, l’activité respiratoire, pendant la maturité sexuelle, est encore plus fortement augmentée que dans le cas des espèces sans métamorphoses. Elle augmente ici d’un tiers environ de sa valeur. Le phénomène est d’ailleurs très net dans les deux cas, et, dans Îes deux cas encore, le sexe ne parait pas intervenir; les mâles et les femelles le présentent au même degré. L’explication la plus plausible qu’on puisse en donner consiste à admettre que le développement des produits sexuels exige, avec l’utilisation totale des réserves accu- mulées par le générateur, une importante consommation d'oxygène, laquelle ne peut être alimentée que par une respiration générale plus active. V Relations de l’activité respiratoire des Annélides avec l’habitat et le genre de vie. Les Annélides ont des habitats très divers et des genres de vie très différents. La subdivision immédiate des Poly- chètes en Errants et Sédentaires est basée sur ces différences. Mais parmi les Errants tous ne sont pas errants au même degré; les uns sont nageurs, pélagiques et réalisent, si je puis m'exprimer ainsi, le maximum d’errance? d’autres sont rampants, vivent sur les rochers, dans les touffes d'algues ou de bryozoaires; d’autres sont plus ou moins constamment enfouis dans le sable; d’autres, enfin, se creu- sent des galeries temporaires dans l’enduit argileux garnis- sant les fissures des rochers ou dans les vases à zostères. De la même manière, il y a, parmi les Sédentaires, des formes relativement mobiles et voyageuses, d’autres habi- tant des galeries dans le sable ou la vase, mais pouvant abandonner ces galeries pour en creuser de semblables 70 JEAN BOUNHIOL. ailleurs; d’autres complètement fixées, habitant des tubes fabriqués par l’animal lui-même. J'ai pensé qu'il serait intéressant de savoir s’il existe une relation entre l'activité respiratoire d’une part, et l’activité générale des mouvements de l’autre. La méthode à suivre dans cette étude consiste à comparer, à égalité de poids, des animaux très voisins comme organisation, ne présentant de différences que dans le genre de vie. Mais ces conditions sont très difficiles à réaliser et j'ai dû me con- tenter de conditions approximatives : Dans la série des Errants, on peut ranger quelques types par ordre d'activité générale décroissante : Alciope candida comme type nageur, PAyllodoce laminosa ou Eulalia viridis comme type rampant, Nephthys Hombergu comme type habitant le sable, et Nereis irrorata ou Nereis diversicolor comme types construisant dans le sable et dans les vases à zostères de véritables tubes. Ces animaux ont tous une organisation simple, bien que légèrement diffé- rente, et leur comparaison, à poids égal, fournit les chiffres suivants : Poids o en Espèces. en grammes. milligrammes. Alciope candida, pélagique.............. » » Phyllodoce laminosa, rampant........... 0,48 0,52 Bla ons eanpan terre EPP 0,23 0,52 Nephthys Hombergii, ensablé............. 1,43 0,58 — SR A RENNR AR 0,89 1,04 — ANS AA 0,39 1,42 Nereis irrorata, galeries dans le sable... 0,93 0,44 — — Le 0,85 1253 Nereis diversicolor, — SRE 0,93 0,77 Dans cette série, le premier terme, qui aurait pu être très instructif, manque malheureusement. Une PAyllodoce lami- nosa de 08,48 possède un coefficient respiratoire représenté par 0,52 et une Jereis irrorata du même poids (05,50) un coefficient de 1,53; une £ulalia wiridis de 0,23 accuse pour e RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 71 une valeur de 0,52 et une Nereis diversicolor du même poids (08,22) donne 0,77. Le résultat semblerait paradoxal si on ne considérait que le genre de vie mais il ne faut pas perdre de vue que les PAyllodocidæ n’ont que du sang incolore, tandis que les Nereidæ possèdent du sang rouge. Ceci ne donne donc aucune indication utile. Dans la série des Sédentaires, on peut considérer égale- ment quelques types d'habitat différent. Poids oe en Espèces. en grammes. milligrammes. Nerine cirratulus....... Ensablés peu SE Rs 0,36 0,92 Travisia Forbesii....... dans du sable très propre. ( 0,28 0,74 Amphitrite gracilis No Fissures de rochers........ 0,19 1,5 Spirographis Spallanza- É ë h . P c MAbEMIRER ME ATETERRES 15% 474 Mais, ici encore, les différences d'organisation sont trop considérables pour qu'on puisse tirer de ces chiffres une conclusion ferme. En comparant directement les formes errantes aux formes sédentaires et les espèces de fond aux espèces de surface, on obtient : Poids gen Espèces. en grammes. milligrammes. Marphysansanaqnente errant SRE.) RUE. 0 2,617 0,98 Arenicola marina ...... & : ME : - 3,65 0,15 Sptrographis spallanza- | Sédentaires.......:... +.) 979 0 34 .. +) 1 NUE SEE RES ERA Chœonteruss none honda à A 3,95 0,06 LOS UE Ace Aphrodite aculeata...... RONA AA: RENNAIS Re 30,85 0,013 Amphitrite Edwardsi.... Surface.................s. 26,33 0,02 Hermione hystrit....... HON AP 2) A RAR EP ERRRErAS 4,21 0,12 Sabella pavonina....... SURIACO RTE TE UE 4,36 0,3 On arriverait peut-être à des résultats plus précis en 72 JEAN BOUNHIOL. opérant sur un grand nombre d'espèces voisines au point de vue anatomique et présentant cependant quelques diffé- rences d'habitat. Les familles des Aphroditidæ, Phyllodocidæ Nereidæ, Terebellidæ, Serpulidæ, considérées isolément, pourraient donner, à ce point de vue, des types assez variés. Il est donc très difficile de démêler exactement, parmi tous les facteurs biologiques dont il faut tenir compte dans la respiration des Annélides, la part d'influence qui revient au genre de vie. Il n’est pas possible de se prononcer en ce moment, mais la question ne paraît pas insoluble. Bien plus facile est, au contraire, l’étude de certaines circonstances accessoires qui sont en relation étroite avec le genre de vie comme, par exemple, l'influence des marées, la possibilité d'une respiration aérienne, le rôle du tube chez les tubicoles. Ici, l’expérimentation peut être appliquée directement sur le même individu dans différentes conditions parfaite- ment déterminées, et il est à prévoir qu'elle fournira des résultats précis. | a) Régime respiratoire à marée basse. — Un grand nombre d'espèces littorales se trouvent découvertes plus ou moins longtemps à marée basse. Les espèces rampantes se trouvent à peu près comple- tement à sec, les espèces, vivant dans le sable ou la vase, sont privées d’eau pendant plusieurs heures ; le sable est essoré plus ou moins parfaitement et n'offre plus qu'une humidité faible, non renouvelée. Je me suis demandé si leur respiration ne subissait pas, de ce fait, une perturbation appréciable, pouvant être mesurée. Pour m'en assurer, j'ai opéré de la façon suivante : Dans une première expérience, les animaux étaient étu- diés avec un fond de sable ou avec des fragments de rochers recouverts d’eau de mer. Ils s’enfouissaient dans le sable, y creusaient des galeries ou rampaient à la surface des pierres. La pesée correspondante faite, l’eau était siphonée Le plus RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 13 exactement possible, sans ouvrir le bocal. Les animaux restaient dans le sable humide ou rampaient sur les pierres humides et vivaient exactement dans les conditions où ils se trouvent à marée basse. Le courant gazeux était rétabli avec la même vitesse que précédemment. Cette fois, l'absence de la résistance opposée par l’eau au passage de l'air, nécessitait un petit réglage correcteur, facile à réaliser, d’ailleurs, au moyen d'une ou deux pinces placées sur le tube de caoutchouc aspirateur. Dans les deux cas, la durée de l’expérience était la même. Dans ces conditions, j'ai obtenu les chiffres suivants : Poids pen Espèces. en grammes. milligr, RE” Sur fond de sable, dans l’eau de mer. 0,44 Nereis irrorata...... ; ASC SRE Se 0,30 CR A Ra EE Sur fond de sable, dans l’eau de mer. 0,51 J 1 ; 7 AT SCC PRET ESA 0,56 Sur fond de sable, dans l’eau demer. 1,24 Glycera convoluta.... 0,312 à AISCCR EMI EME 125 > Are eee (CDANSE Me TerNTe RÉNALE ARS UE MERS 0,52 Eulalia viridis...... 0,23 ne Fu L'ENT dle mer o AUS CET A EE PEUR ER RUTE NAN MES DEAR EC R 0,59 ! : : Dinsnleauidemer Re ENeMAEE ON ñ ñ à DIS FÉPADANIS GONE CRUE A ÉCRAN AE Sp LAN LAS PRANRRE Dr: Le 0,32 ee è Dansiléautdermer RARE ee De RCE que |A SOC AAA MON ANR aan 2,81 Aïnsi qu'on le voit, les différences sont faibles et le régime respiratoire à marée basse est peu différent du régime ordinaire. Il à cependant une légère tendance à l'accélération qui se manifeste d’une manière très générale. À quoi altribuer ce phénomène? Faut-il voir là un commencement d’asphyxie accompagné d'un dégagement de CO? plus grand que normalement, ainsi que cela se produit toujours en pareil cas? Cette explication pourrait, à la rigueur, s'appliquer aux espèces vivant dans le sable. L'eau qui y est retenue à marée 14 JEAN BOUNHIOL. basse, et qui, d’ailleurs, ne se renouvelle pas, est manifes- tement insuflisante pour assurer, pendant plusieurs heures la respiration des animaux. Il y aurait là une asphyxie par- tielle, une sorte de gêne respiratoire temporaire, suppor- tée périodiquement, à chaque marée basse, par les espèces ensablées. J'ai vérifié, du reste, expérimentalement, que le coefficient respiratoire reprenait très sensiblement sa valéur primitive en remeltant de l’eau dans le bocal. La même explication n’est plus aussi vraisemblable dans le cas des espèces qui rampent à la surface des rochers. Dans l'intervalle des pleines mers il y a bien, surtout au début, une certaine humidité sur ces rochers, dans les fissures, dans le tapis des végétalions diverses dont ils sont géné- ralement recouverts, mais l'insuffisance de l’eau ainsi retenue serait encore plus grande que précédemment et devrait se traduire par une asphyxie plus accentuée. Or, il n’en est pas ainsi, chez les espèces que j'ai étudiées tout au moins. De plus, les Æuwlalia viridis, Phyllodoce laminosa, Peri- nereis cultrifera se déplacent très activement à marée basse. Elles rampent à l'air libre, quelquefois très sec, et ne paraissent pas souffrir le moins du monde de cette nécessité; elles ne paraissent pas non plus rechercher particulièrement les fissures les plus humides et vont indifféremment sur les dépressions et les saillies du rocher. L'interprétation pré- cédente ne peut plus leur être appliquée et il faut en chercher une autre. Je pense qu'on pourrait admettre, pour ces espèces, l'existence d’une respiration aérienne directe à travers la peau humide. La proportion de l’oxygène dans l’air étant, à volume égal, beaucoup plus considérable que la propor- tion d'oxygène dissous dans l’eau, l'animal absorberait, par unité de temps, une quantité d'oxygène plus grande. Les oxydations organiques seraient légèrement accélérées et se traduiraient en particulier par un dégagement plus grand d'anhydride carbonique. Il se passerait là quelque chose RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 15 d’analogue à ce qui se produit quand on fait respirer, à un même animal, successivement de l’air ordinaire et de l'oxy- gène pur. Du reste, l'existence d’une respiralion aérienne directe, par l'intermédiaire de la peau, me parait infiniment pro- bable, sinon certaine, chez un grand nombre d'espèces d'Annélides. L’Eulalia viridis, en particulier, respire fort bien et vit très longtemps dans un bocal vide dont les parois sont sim- plement humides. J'en ai conservé ainsi pendant plusieurs semaines sans les remettre dans l’eau. La Marphysa sanguinea vit également très bien sur une légère couche de sable humide dans un bocal aéré par un courant d'air continu. Il est certain que, dans ces cas particuliers, il ne s’agit plus d'une accommodalion transitoire et de peu de durée, à an mode d'existence anormal. La quantité d’eau non renouvelée, représentée par l'humidité des parois du bocal et du sable, est infime et il faut nécessairement que l'animal puise l'oxygène qui lui est indispensable en dehors de cette eau, c’est-à-dire dans l'air, directement. | b) Æüle du tube chez les Sédentaires. — Parmi les Anné- lides Sédentaires, cerlaines espèces vivent dans des tubes simplement creusés dans le sable ou la vase, d’autres sécrètent des tubes indépendants, muqueux, plus ou moins consistants, quelquefois calcaires et ayant toujours une paroi propre. | Le type de ces tubes est le tube en u de l’Amphitrite Edwardsu, pour la première catégorie, et le tube du Spiro- graplhis Spallanzanii, pour la seconde. J'ai cherché quelle pouvait être l'influence de ces tubes sur le mode respiratoire de l’animal et si leur existence n’introduisait pas des nécessités physiologiques spéciales, une sorte de mécanique respiratoire particulière. J'ai fait, dans ce but, quelques expériences que je vais maintenant rapporter. 76 _ JEAN BOUNHIOL. J'ai d’abord étudié l’Amphitrite Ediwarsu. En introduisant un animal de belle taille dans un tube de verre de même diamètre que son tube naturel, j'ai pu me rendre compte que l’animal jouit, dans son tube, d'une mobilité très grande : il peut se retourner bout pour bout avec la plus grande facilité ce qui permet de supposer qu'il n’y à pas, dans le tube naturel, un orifice céphalique ni un orifice caudal spéciaux. Il développe des renflements locaux qui se déplacent le long de son corps et produisent ainsi l'effet de coups de piston successifs aspirant ou refoulant l’eau du tube et renouvelant ainsi l’atmosphère liquide qui le baigne. Ce moyen n’est pas suffisant pour assurer à l’animal un renouvellement assez fréquent de l’eau nécessaire à sa res- piration. Un individu mis en expérience dans un tube de verre étanche, ouvert aux deux bouts et suspendu au milieu d’un volume d’eau de mer considérable (6 litres), aérée, d’ailleurs, comme d'habitude, a asphyxié très rapidement. Le coefficient respiratoire, mesuré, montrait parfaitement cette asphyxie. J'ai répété l'expérience avec un tube de verre semblable au précédent, mais percé, ainsi qu'une écumoire, d'un grand nombre de trous. L'animal a vécu dans de bonnes conditions et son coefficient respiratoire était à peu près égal à celui obtenu en le plaçant sur un fond de sable où il s’entourait d'un tube formé de sable agglutiné. J'ai conclu de ces expériences que le tube naturel de l'Amphitrite n'était pas un tube étanche, qu'il était très perméable et que l’eau s’y renouvelait, non seulement par des courants allant d'un orifice à l’autre, mais aussi par imbibition directe et par toute sa surface. Comme conséquence, facile à comprendre, de cette par- ticularité, le tube doit se vider complètement à marée basse et ne doit posséder à ce moment que l’humidité générale du sable ambiant. L'animal n'a donc point une réserve d’eau dans les parties profondes de son tube, pour y attendre la et RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. EN 7 prochaine submersion, comme le veut l'explication classique. La zone habitée par cette espèce est assez basse et ne découvre complètement qu'aux grandes marées, pendant un temps relativement court. S'il y avait alors une réserve d’eau dans le fond du tube, l'animal sy cantonnerait. Les grandes dimensions de son tube (1,30 à 1°,50 de longueur totale) et l’activité relativement faible de sa respiration, permettent de supposer que la réserve ainsi conservée serait suffisante. Expérimentalement, du reste, un animal, placé dans un tube de verre étanche, contenant 100 centimètres cubes d’eau, y vit trois ou quatre heures sans chercher à s'évader. Dans les conditions naturelles, il devrait donc pouvoir attendre, au fond de son tube, le retour de l’eau. Or, on observe le phénomène inverse. Pendant les grandes marées, quand les prairies de z0s- tères, habitat de prédilection des Terebelles, sont décou- vertes, on les voit très fréquemment sortir par l’un des ori- ficesde leur tube. M. Malard avait déjà observé le phénomène et me l'avait signalé à mon arrivée à Tatihou. Ces animaux sortent le plus souvent leur extrémité pos- térieure, mais J'en ai vu aussi qui sortaient leur extrémité antérieure avec leurs filaments céphaliques. Dans les deux cas, cette sortie indique chez l'animal une gêne respiratoire considérable, gêne à laquelle il cherche peut-être à remédier par une absorption directe de l'oxygène de l'air. Cette ab- sorption n'est pas aussi évidente que dans le cas des espèces rampantes. Un animal, à sec, sur fond de sable humide, dans un bocal aéré, vit, pendant quelques heures, dans des condi- tions à peu près normales mais il ne tarde pas à présenter des signes manifestes d'asphyxie, qui aboutissent à la mort au bout d'un temps compris entre quarante-huil et soixante- huit heures. | L'Amphitrite Edwarsi n'habite probablement pas son tube d’une manière absolument permanente ; elle doit l’aban- donner plus ou-moins complètement, surtout la nuit, et 18 JEAN BOUNHIOL. nager librement dans l’eau pour le réintégrer ensuite. Je n’ai pas observé le fait chez l'A mphitrite Edwarsi mais je l'ai observé très fréquemment chez l’Arericola marina qui vit très bien dans une épaisse couche de sable recou- verte d’eau de mer aérée. Ce dernier animal creuse des galeries où il reste tapi pendant le jour. La nuit, il quitte son tube et nage avec une grande activité. L'Awdouwnia tentaculata présente des particularités semblables. IL est vraisemblable que les tubes, creusés dans le sable ou la vase, par les Annélides Sédentaires, sont des refuges temporaires qu'ils abandonnent la nuit pour vivre d’une vie plus active. Ils s’y abritent le jour et v respirent, grâce à la perméabilité de leurs parois, et aussi, grâce aux courants liquides provoqués par les mouvements du corps. Le Spirographis Spallanzant, que j'ai également étudié à ce point de vue, habite un tube assez résistant, sécrété par l’épiderme, et qu’il ne peut ni abandonner, ni reconstruire quand on l’en extrait artificiellement. Ce tube est conique et ouvert aux deux extrémités. Il est fixé par l'extrémité effilée contournée en un tortillon à peu près plan qui adhère au support (bois flottant, pierre, etc.) sur lequel s’est. developpé le jeune Spirographis. Le tube s’élargit alors, devient sensiblement cylindrique et s’allonge perpendiculairement au plan du tortillon de fixation. Un tube et son animal, détaché de son support, et intro- duit dans un bocal plein d’eau de mer, se répare et se soude sur le fond du bocal en quelques heures. Le tube nouvelle- ment sécrété est transparent et élastique. Un tube déjà soudé, raccourci artificiellement par l’extré- mité supérieure, ne se répare pas du côté mutilé; l’animal allonge son tube du côté postérieur et sécrète une sorte de pointe transparente appliquée étroitement dans l'angle formé par le fond du bocal avec sa paroi verticale. Dans un tube de verre, de mêmes dimensions que le tube naturel, on remarque, chez le Spirographis, la production de deux sortes de mouvements : d’abord une série de con- RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 79 tractions et de renflements ondulatoires assez vifs, produi- sant dans le tube une circulation d’eau intense, circulation activée encore par le mouvement des cils du sillon coprago- gue; puis, des mouvements de contraction brusque de la moitié antérieure du corps, qui se raccourcit violemment et provoque la rentrée rapide du panache, sous l'influence du moindre contact, du moindre ébranlement et aussi sans influence appréciable. J’ai montré que ces derniers mouve- ments étaient en relation avec la préhension, mais on com- prend qu'ils puissent aussi contribuer, comme les premiers, à renouveler l’atmosphère liquide du tube. | L'animal ne quitte jamais spontanément son tube. Cepen- dant, dans une eau de mer non renouvelée, on observe les phénomènes suivants : au début, le panache céphalique reste replié et enfermé; puis il s'étale pendant des périodes de plus en plus longues. L’oxygène de l’eau commencant à s’'épuiser, le panache ne rentre plus, et, si l’asphyxie aug- mente, la partie antérieure sort de son tube, le corps tout entier finit par suivre et par tomber, nu, au fond du bocal. Il semble que, dans une atmosphère liquide appauvrie, les courants, produits dans l’intérieur du tube, ne suffisant plus à assurer la respiration, l’abandon de ce tube repré- sente une ressource ultime que l'animal utilise pour mettre toute sa surface tégumentaire en contact immédiat avec la plus grande masse possible du milieu respirable. En dehors de cette nécessité, le Spirographis Spallanzanu n’abandonne jamais son tube. Il vit remarquablement bien dans un bocal d’eau de mer aérée parle passage d’un courant d'air continu. Son panache préhensile reste étalé ou enfermé d'une façon tout à fait irrégulière et il est à prévoir que cette circonstance doit donner à l'intensité respiratoire une certaine inconstance. La surface générale du corps est, en effet, différente dans les deux cas. L'expérience a, d’ailleurs, vérifié cette prévision. Un animal nu vit parfaitement pendant un jour ou deux; son coefficient respiratoire, déterminé tout de suite après 80 JEAN BOUNHIOL. l'extraction, se montre très constant et proportionnel au temps; des pesées faites de deux heures en deux heures donnent des résultats indéfiniment concordants. Au con- traire, des pesées successives pratiquées dans les mêmes conditions avec l'animal pourvu de son tube accusent quelques différences. J'ajoute qu'en opérant sur un temps assez long, on obtient un résultat très sensiblement égal à celui que donne l'animal nu. L'irrégularité introduite par la présence du tube n’est donc sensible que sur des périodes courtes. Tous les représentants dela famille des Serpulidæ doivent, très probablement, avoir un régime respiratoire semblable à celui du Spirographis Spallanzantüi. La plupart des tubes qu’ils habitent sont ouverts aux deux extrémités ; ceux qui n’ont qu'une seule ouverture sont perforés latéralement et munis de trous plus ou moins nombreux grâce auxquels des courants liquides actifs peuvent s'établir autour des tégu- ments. Les trous que présente le tube calcaire du Pomato- ceros triqueter n’ont certainement pas d’autre rôle. Les tubes qui n’ont qu'un seul orifice apparent doivent être le siège de doubles courants ou posséder une perméabilité assez grande. VI Relations de l’activité respiratoire des Annélides avec quelques milieux respirables anormaux. Les .Annélides qui habitent les zones profondes, situées notablement au-dessous de la limite des plus basses marées, vivent dans des conditions physico-chimiques de tempéra- ture, de lumière, d’oxygénation et de salure à peu près constantes. Il en est tout autrement des espèces plus superficielles qui sont exposées, à ce point de vue, à des variations sen- sibles, quelquefois considérables. Des pluies violentes, une RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 81 longue évaporation, peuvent modifier localement la salure et on sait avec quelle rapidité meurent les animaux pélagiques à la suite des ondées brusques. Les zones littorales, très élevées, formées de vases ou de sables habités par des Anné- lides se trouvent dans des conditions tout aussi variables que la surface même de l’eau. J'ai voulu savoir si des change- ments de salure, en plus ou en moins, et aussi des change- ments dans l’oxygénation de l’eau, introduisaient quelque perturbation dans le régime respiratoire. Il existe, d’ailleurs, dans la nature, certaines espèces par- faitement adaptées à l’eau saumâtre et même à l’eau sursa- lée (marais salants) et il était intéressant de chercher aussi si ces adaptations avaient comme conséquence une modifi- cation durable de l’activité respiratoire. M. G. Ferronnière a rencontré au Croisic des espèces adaptées à l’eau saumâtre ou à l’eau sursalée et ayant subi de ce fait des modifications anatomiques appréciables ; ce sont, du reste, les mêmes animaux qui s'adaptent avec le plus de facilité dans un sens et dans l’autre (Nereis diver- sicolor). J'ai étudié la question expérimentalement. À priori, il était évident que la faculté d'adaptation à des milieux anor- maux existerait à peu près exclusivement chez les espèces liltorales et, parmi celles-ci, chez les espèces de la zone la plus élevée. C'était par conséquent sur ces seuls ani- maux que la nouvelle expérimentation, très spéciale, serait praticable et instructive. J’ai opéré sur les quatre espèces suivantes : Nereis diversicolor, Eulalia viridis, Nephihys Homberqu, Spirographis Spallanzani, et je vais exposer les résultats successivement obtenus avec : | 1° L’eau saumâtre ; ANN. SC. NAT. ZOOL. xvi, 6 82 JEAN BOUNHIOL. 9° L'eau sursalée. L'étude de l’eau suroxygénée et de l’eau insuffisamment oxygénée sera exposée au chapitre suivant. 1° Eau saumätre. — La méthode que j'ai suivie est très simple. Après avoir mis en expérience, dans les conditions normales, l'animal à étudier, et mesuré le coefficient respi- ratoire normal, je retirais une partie de l’eau de mer où il se trouvait et j'introduisais une quantité égale d’eau distil- lée de manière que le mélange résultant, de même volume, contint 9 dixièmes d’eau de mer et 1 dixième d’eau douce. L'opération se faisait sans déboucher le bocal, par simple aspiration et sans déranger l'animal quand il n’habitait pas le sable; dans le cas contraire, le bocalétait agité fortement de manière à rendre le mélange homogène. Je mesurais, au bout de vingt-quatre où quarante-huit heures, le nouveau coefficient respiratoire et je continuais ainsi en augmentant chaque fois de 1 dixième la proportion d’eau douce introduite. J'enlevais chaque fois un volume du melange tel qu’en le remplaçant par de l’eau distllée, cette condition fût réalisée. La densité des mélanges successifs ainsi obtenus était soigneusement prise chaque fois et ramenée à 0°. L'eau douce que j'ai utilisée à Tatihou était de l’eau de pluie. A Alger, c'était de l’eau distillée. L'espèce qui m'a fourni les résultats les plus complets est la Nereis diversicolor qui possède une plasticité remarquable et s'adapte très rapidement, en douze jours dans le cas actuel, à l’eau douce pure où elle continue à vivre aussi bien que dans l’eau de mer ordinaire. Voici, du reste, la série des coefficients respiratoires me- surés en procédant comme je viens de l'indiquer, avec dix- huit animaux placés sur fond de sable, pesant ensemble 38,93 ce qui donne 05,21 pour le poids moyen d'un animal. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 83 Nereis Diversicolor. Milieux. Densité à Qo. ge. Eau de mer normale (Manche).... .... 1,0251 0,65 9/10 eau de mer, 1/10 eau distillée.....…. 1,0225 0,58 8/10 £; 2/10 AIDE Le 1,0199 0,76 7/10 — 3/10 Dr 114. Lis ce 1,0173 0,35 > à — SR an 1,0173 0,58 6/10 CAPE gs ds à 1,0147 0,29 5/10 Æ 5/10 maps) pue 1,0122 0,66 4/10 2e 6/10 se Las 1,0100 0,40 3/10 = 7/10 et ANT Er, 1,0073 0,55 2/10 La 8/10 LD AIR 1,0046 0,73 1/10 2 9/10 AR AN 1,0019 0,63 HU IS IEC EUR PR a 1 0,66 Ces mêmes résultats peuvent être aussi présentés très commodément sous la forme d’un graphique (fig. 8). = NO APE EN ZEN S C7, COMENT OMN 10N A Pz2 NS Temps en, jours. 1 Oo 1 Zo 1 Lo 1 Go 1 Ho 1 Go 1 Ho 1 Go 1 o 1 Go \ Ho 1 1 1 1 Froportion d'eau douce. Fig. 8. Sur le tableau ou sur la courbe, il est très facile de voir que le coefficient respiratoire reprend, dans l’eau douce, la valeur qu'il avait dans l’eau de mer, après être passé par une série de valeurs intermédiaires. Il est à remarquer qu'après chaque nouvelle addition d’eau douce, la respiration de l'animal éprouve une pertur- bation qui se traduit le plus souvent par une diminution de son intensité, quelquefois par une sorte de réaction augmentative, peut-être asphyxique. Ces phénomènes sont dus à la rapidité trop grande avec laquelle les étapes successives étaient franchies. La per- turbation nouvelle survenait avant que la précédente fût 84 JEAN BOUNHIOL. éteinte. En insistant un plus long temps sur le même milieu à 3 dixièmes d’eau douce, le coefficient respiratoire remonte aussitôt. D'une manière générale, il remontait après être des- cendu ou descendait, après une réaction ascensionnelle, et avait, dans tous les cas, une tendance manifeste à se rapprocher de sa valeur normale, qu’elle a atteint pour les mélanges à 3 dixièmes, 5 dixièmes, 9 dixièmes d’eau douce et qu’elle a conservé dans l’eau douce pure. Après l’expé- rience, j'ai longtemps conservé les animaux dans l’eau douce aérée comme d'habitude. Ils avaient creusé des galeries dans le sable et y vivaient fort bien. Avec la Nephthys Homberqu, Vacclimatation a été moins parfaite et n’a pas pu être poussée jusqu’à l’eau douce. Quand la proportion de 6 dixièmes d’eau douce a été atteinte les animaux ont commencé à sortir partiellement du sable, dans lequel ils vivaient auparavant très bien. A 7 dixièmes l’un d'eux, celui qui possédait la plus grande taille, est tombé: dans un état comateux et à été retiré du bocal. A 8 dixiè- mes les autres souffraient visiblement et l’expérience a été clôturée. Il est probable qu'avec des transitions ménagées et plus longuement établies, elle eût pu être continuée jusqu au boul sans dommage pour les animaux. Ceux-ci, remis brusquement dans l’eau de mer normale, ont tous, sans excepter l'individu de grande taille moins résistant que les autres, récupéré en deux ou trois heures la vivacité de leurs mouvements et repris les apparences de la santé la plus parfaite. Leur coefficient respiratoire, mesuré un, deux, et trois jours après, était normal. Pendant l'expérience, ils avaient vécu sur fond de sable, leur habitat ordinaire, comme dans le cas des Nereis diversi- color. Le bocal était soigneusement agité après chaque addi- tion d’eau douce pour que le liquide baïignant le sable fût exactement le même que celui qui se trouvait au-dessus. Il y avait en expérience 10 animaux pesant ensemble 55,911 (poids moyen d’un animal: 05,391). Les pesées étaient faites RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 85 toutes les vingt-quatre heures environ et ont donné les résultats numériques ci-dessous : Nephthys Hombergii. Milieux. Densité à 0e. ge. Eau de mer normale (Manche).......... 1,0251 1,12 9/10 eau de mer, 1/10 eau douce........ 1,0225 0,89 8/10 Li ANNUAIRE N 1,0199 1 1/10 — 3/10 NOR TER 4,0173 0,53 6/10 ES 4/10 2 PR CL 2 1,0147 0,79 5/10 LE 5/10 PORT EN ER 1,0122 0,49 4/10 — 6/10 NU IEEE 1,0106 4,02 3/10 24 7/40 SL ON 1,0073 0,79 2/10 æÆ 8/10 Ale de 1,0046 0,94 La courbe correspondante (fig. 9) est tout à fait compa- rable à la précédente. Elle montre aussi très nettement, de N SJ C\ pe ex rlliqrarunes TT i2s I PNA RE M RE RO A to tee? Ternps er Jours. © ko EN ONEES | 0 |! %o | o | To | So! Froportion d'eau douce’. Fig. 9. (S) M la part du coefficient respiratoire, une tendance constante au relèvement vers la valeur normale, au milieu des perturba- Lions successives. La Nephthys Homberqi, comme la Nereis diversicolor, avec moins de facilité cependant, est donc capable de s'adapter à la vie en eau saumâtre. Je n'ai pas pu vérifier si cette adaptation était parfaite et durable. Il aurait fallu, pour cela, prolonger les expé- riences pendant un temps considérable. Cela est néanmoins 86 : JEAN BOUNHIOL. certain pour la MNereis diversicolor que l’on rencontre par- faitement et complètement adaptée sur les côtes basses dans les lagunes saumâtres à l'embouchure des rivières. Cela est moins sûr pour la Nephthys Homberqü. Cependant, il existe, chez cette dernière espèce, une faculté adaptative réelle qui luia permis expérimentalement de résister plus de onze jours à des milieux fortement saumâtres. Dans la nature, cette faculté est d’ailleurs expliquée par son habitat. La zone des sables où on larencontre ordinairement est, en effet, sujette à des changements de la salure. Pendant la saison des pluies, ce sable est périodiquement et abondamment imbibé d’eau douce à mer basse ; l’eau de ruissellement le lave fréquem- ment, et les animaux qui l’habitent ont dû s'adapter à ces conditions spéciales pour supporter, sans en souffrir, les per- turbations momentanées et attendre le retour des conditions habituelles. La troisième espèce d’Annélides errants dont J'ai essayé de déterminer expérimentalement la plasticité respiratoire adaptative est l’Æ£ulalia viridis qui vit à la surface des rochers de la haute zone littorale. A toutes les marées, ces rochers se trouvent découverts et exposés à la pluie et au vent. Cela m'avait fait supposer que cette espèce devait présenter, comme les deux précédentes, une certaine indifférence vis-à- vis des changements de salure. Mais l'expérience n’a pas confirmé cette hypothèse. L’£wlalia viridis a manifesté une grande intolérance vis-à-vis de l’eau saumâtre, comme d’ail- leurs vis-à-vis de l’eau sursalée. C’est ainsi que douze animaux, dont le poids moyen était 0,207 et de coefficient respiratoire normal égal à 1,40, ont donné lieu à une réaction immédiate très vive dans l’eau saumâtre à un dixième d’eau douce. Le lendemain l’un d'eux était éclaté, Les téguments ouverts en plusieurs points. L'eau était, en outre, colorée en rose, et le coefficient respira- toire, augmenté (1,84), accusait l'existence de fermentations anormales. Le pigment vert jaunâtre des animaux avait été atlaqué et partiellement dissous par l’eau saumâtre, puis RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 87 avait pris une coloration rose, très probablement par oxy- dation, J'ai alors observé plus attentivement les Zulalia viridis à marée basse et j'ai pu constater que ces animaux, doués d’une agilité assez grande, ne s’exposent jamais à la pluie ni à l’action directe des vents trop humides; ils se réfugient dans les crevasses couvertes, dans les excavations en retrait et du côté opposé à celui exposé au vent ou mouillé par la pluie. Parmi les Annélides sédentaires, j'ai étudié à Alger le Spirographis Spallanzanii dont les panaches élégants s’éta- lent souvent à moins de 20 ou 30 centimètres de la surface. A cette faible profondeur, l'animal peut subir l'influence des ondées violentes qui dessalent la surface de l’eau. Un animal de 145,6 dans un bocal contenant 5300 cen- timètres cubes d’eau de mer a donné les chiffres successifs suivants : Spirographis Spallanzanii. Milieux. Densilé à 0e. CÈ Eau de mer normale (Méditerranée)...... 1,0282 0,080 9/10 — L'HADIEAMTONCeLEEErEE 1,0256 0,050 8/10 ee 2/40 AN re 1,0230 0,080 7/10 Æ 3/10 NET en Poe 1,0204 0,057 6/10 — 4/10 AM ENS ES 1,0178 0,12 5/10 Li 3/10 Le ANR 1,0152 0,14 Le Spirographis Spallanzanti peut done s'adapter à l’eau saumâtre et y vivre parfaitement jusqu'à la proportion de 5 dixièmes d’eau douce. La courbe représentative (fig. 10) montre que le coefficient respiratoire varie peu et qu’il tend à revenir au chiffre normal. A partir de la proportion de 5 dixièmes d’eau douce, il y a une tendance ascen- sionnelle due vraisemblablement à un commencement d’as- phyxie. À ce moment, d’ailleurs, l’animal s'est autotomisé et a détaché son panache préhensile. L'autotomie, chez les Annélides, est très fréquente et est utilisée par eux chaque fois qu'ils se trouvent dans de mauvaises conditions d'existence. La partie ainsi sacrifiée 88 JEAN BOUNHIOL. meurt en général, mais cela permet au tronçon céphalique, débarrassé d’une partie dont il n’a plus à assurer la nutri- tion, de continuer à vivre plus longtemps. Le fragment du 0,14 S N nülligrammes N © S © per o 7 2 3 L DA CU N7 CNT Ternps en, jours, \ Oo | @ 1 © 140 | Fo 1 Ho \ Go | Ho | Proportion d'eai douce’. EM, CR a 7 Fig. 10. corps dont l'animal se débarrasse, ainsi que d’un inutile parasite, est, en général, un fragment caudal plus ou moins long; c'est, dans tous les cas, le fragment le moins utile, celui dont la privation atteindra le moins la vitalité géné- rale. Dans le cas actuel, c’est le panache céphalique qui est sacrifié de préférence et ceci est une confirmation indirecte de son inutilité respiratoire que j'ai déjà établie expérimen- talement. La réspiration est, en effet, la fonction la plus impérieusement nécessaire à la conlinuation de la vie en général. Si le Spirographis Spallanzsanii avait possédé, dans son appendice céphalique, un organe respiratoire important, son absence, au lieu de lui permettre de résister plus facile- ment et plus longuement à des conditions momentanément mauvaises, aurait, au contraire, gravement et immédiate- ment compromis sa vitalité. Le fait n’est, d’ailleurs, pas isolé parmi les Sabellidæ et je me bornerai à citer l'exemple du Dasychone bombyx, observé par M. Malard à Tatihou, qui, au moindre choc, à la RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 89 moindre alarme, rejette violemment ses deux appendices préhenseurs. Au contraire, même dans les plus mauvaises condilions d'existence, je n’ai jamais vu l’autotomie des branchies se produire chez les espèces à branchies vraies comme l’Amphi- trite Ediwardsi. De ce qui précède, il ressort donc nettement que cer- taines espèces, exposées par leur habitat à des diminutions plus ou moins brusques de la salure, s'adaptent assez rapi- dement à ces nouvelles conditions d'existence et que leur régime respiratoire revient à son équilibre primitif après quelques oscillations peu étendues. Il est à supposer que ce qui est vrai pour des diminutions de la salure est vrai encore pour des concentrations de l’eau de mer dans les mêmes limites, et c’est ce second cas que je vais examiner maintenant. 2° Eau sursalée. — J'ai composé, paralièlement à la série des milieux saumâtres, une série de milieux sursalés corres- pondant à une évaporalion de 1/10, 2/10, 3/10, etc., du volume primitif de l’eau de mer. J’opérais comme dans le cas précédent avec le même volume liquide et j'introduisais chaque fois un poids de sels de mer préalablement calculé de manière que la teneur totale en sels du liquide obtenu correspondit exactement à celle d’une eau de mer concentrée de 1/10. L'opération était faite sans déboucher le bocal. Les sels à introduire étaient dissous dans un peu de liquide aspiré du bocal et le tout était réintroduit par le même moyen. Les sels employés étaient obtenus à Alger par éva- poration directe de l’eau de mer. A Tatihou, je me suis servi d'un mélange artificiel convenablement préparé. Dans ce dernier cas, j'ai commencé par vérifier que l’eau de mer artificielle, fabriquée avec ce mélange, n'étail point toxique pour mes animaux et n'introduisail dans leur respiration aucune perturbation notable. J'ai expérimenté ainsi sur les mêmes animaux que précé- 90 JEAN BOUNHIOL. demment. J'ai supposé, en effet, que la plasticité adapta- tive pourrait s’exercer chez eux dans un sens comme dans l’autre. L'expérience a vérifié cette prévision, mais, d’une façon générale, l'adaptation dans l’eau sursalée à été moins parfaite que dans l’eau saumâtre. Il faut, sans doute, chercher la raison de ce phénomène dans la rareté relative des milieux sursalés dans la nature et dans l'extrême pauvreté de leur faune. Les marais salants, qui sont le type des eaux sursalées, ne renferment que quelques espèces particulièrement résistantes et tolé- rantes comme la ÂNereis diversicalor que M. Ferronnière y à rencontrée avec quelques légers changements morpholo- giques. Il n’y existe plus guère d’autres Annélides. L'adapta- tion de la Vereis diversicolor a dû être, du reste, très longue et très lente. Aucune des autres espèces de la zone littorale élevée ne se trouve exposée à des augmentalions brusques de salure comparables aux diminutions subites survenant à la suite des pluies violentes. Vis-à-vis de la nécessité de vivre en eau plus où moins saumâtre, ces animaux possèdent une plasticité qu'ils peuvent mettre immédiatement en jeu, dès que cette nécessité se présente, et l'expérience à mis parfaite- ment cette propriété en évidence. Mais la nécessité de vivre en eau sursalée ne se présente jamais inopinément pour eux dans la nature et, de ce côté, leur élasticité organique n'est pas exercée. Pour la mani- fester expérimentalement dans ce sens, il aurait fallu des périodes de temps considérables et des transitions très nombreuses dans la succession des milieux nouveaux. Aussi, dans une série rapide de milieux sursalés, sem- blable à la série des milieux saumâtres, il faut s'attendre à trouver les animaux un peu rétifs et intolérants en dehors de la Nereis diversicolor. Leur plasticité adaptative se manifeste cependant, mais elle est plus lente, moins complète et cesse rapidement quand la salure atteint de trop fortes proportions. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 91 Avec dix-huit Nereis diversicolor pesant ensemble 42,12 (poids moyen d’un animal : 05,22) et placées sur un fond de sable avec 1 500 centimètres cubes d’eau de mer, j'ai obtenu les résultats suivants : Nereis diversicolor. Milieux. Densité à 0°. CE Eau de mer normale (Manche)......... 1,0251 0,70 mt 1 concentrécider} HD PP 1,0277 0,55 ne ne de 2110. (LP 1,0307 0,51 ee = + ID LE. 1,0325 0,70 — — CENDRES Le à 1,039% 1,06 Li AE des TOME 1,0456 0,96 = 2 TE GO. AE 1,0563 0,68 Les pesées étaient faites toutes les vingt-quatre ou vingt- cinq heures et les diverses étapes se trouvaient par consé- quent à peu près également espacées. La courbe corres- pondante (fig. 11) montre l'existence, chez cette espèce, d’une accoutumance assez ra- pide à l’eau sursalée, jusqu’à la concentration correspon- dant à une réduction des 6/10 rh a TT To de l’eau de mer ordinaire. RE M RO A D Le coefficient respiratoire CHAT normal se retrouve pour des 7 concentrations de 3/10 et 6/10 et la courbe oscille légère- ment de part et d'autre de cette valeur normale. Pour des salures plus fortes, les animaux en expérience ont manifesté un malaise évident. Ils sortaient partiellement du sable et leur mobilité était très diminuée. A chaque nouvelle introduction de sels, le sable était agité comme dans le cas de l’eau saumâtre. Il est possible, 1l est même probable que si, à partir du moment où une certaine intolérance à commencé à se mani- fester, j'avais pu insister longtemps sur l’eau d’une certaine [F TAUAIRE e1] Ni p ex rruUEgr armes S G 92 JEAN BOUNHIOL. concentration avant de passer à une concentration légère- ment plus élevée, je serais arrivé à reculer les limites de cette intolérance et à obtenir une adaptation plus complète. Avec la Nephthys Hombergii, expérimentée dans les mêmes conditions, l'intolérance a commencé à se mon- trer pour une concentration de 3/10. Elle n'a fait que croître pour les additions de sels successives et j'ai dû inter- rompre l'expérience après avoir atteint la concentration de 5/10. À chaque nouvelle introduction de sels, les ani- maux s'agitaient vivement puis tombaient dans une immo- bilité complète. Deux ou trois ont, à la fin, dévaginé leur trompe et le coefficient respiratoire est devenu nettement asphyxique, sans tendance à revenir au chiffre normal. Sept animaux pesant ensemble 65,59 (poids moyen d’un animal : 05,94) ont donné suecessivement les chiffres sui- vants : Nephthys Hombergü. Milieux. Densité à 0o. ge. Eau de mer normale (Manche)........ 4,0251 0,98 — CONCERNÉES PR PERS 1,027% 0,94 ANUES Se TA AO ES 1,0307 1,01 2 Re et ed 1,0325 1,07 na A UE 1,0395 1,22 — — MA UUS 20080 de 1,0456 1795 Il y a là une tendance continue à l’asphyxie qui est tout aussi apparente dans la courbe représentative correspon- dante (fig. 12). La Nephihys Homberqu s'adapte donc difficilement à la vie en eau sursalée. Sa respiration, tout au moins, n'y con- serve point ses allures normales. Peut-être, des transitions plus ménagées et une expérimentation plus longuement suivie auraient pu, ici encore, donner des résultats positifs plus satisfaisants. Il est certain, dans tous les cas, que l’adap- talion respiratoire, si elle se fut produite, aurait été fort longue à s'établir. Le Spirograplus Spallanzant n’a pas donné lieu non plus à une accoutumance bien sensible. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 93 Un animal de 45,8 et ayant 0,22 pour coefficient respira- toire normal, placé dans de l’eau de mer concentrée de 1/10 (densité 1,0308) n'a plus dégagé que 0,12 d’anhydride carbonique par gramme-heure et n'a jamais pu remonter à son taux respiratoire normal. I] était assez vigoureux au début et réa- gissait très bien au choc. A partir d’une concentration de 3/10 il a cessé de réagir et n'a presque plus respiré. La respiration des Annélides est donc nettement influencée par les changements de salure de l’eau. Les espèces littorales pour les mers à marées, les espèces vivant près de la surface pour la Méditerranée, sont seules exposées à des variations naturelles et plus ou moins brusques de la composition de l’eau. La diminution de la salure par l’action des pluies, des eaux de ruissellement, des rivières, etc., est la perturba- tion la plus fréquente que ces animaux aient à supporter; c'est aussi celle vis-à-vis de laquelle ils résistent le mieux et à laquelle ils s'adaptent le plus rapidement. Ces varia- tions, reproduites expérimentalement, ont montré que, pour ces espèces littorales ou de surface, le coefficient respiratoire subit un certain nombre d’oscillations autour de sa valeur normale, mais qu'il y revient au bout d’un temps assez court. Ce phénomène s’observe nettement jusqu'à une salure minima, variable avec la tolérance particulière de chaque espèce, et qui peut aller jusqu’à l’eau douce pure pour la Vereis diversicolor. L'Eulalia viridis représente cependant une exception à cette règle. L'augmentation de la salure s'observe plus rarement, surtout d’une manière brusque, et les perturbations dans ce 14 US N ù LE TS T Q ert rultigr S F OT te 1 2 (6) L 5 6 Jemps en jours. 1 Zo 1 0 1 So 1 Fo 1 oO Cneerutr atiort. Fio 1? (s) 9% JEAN BOUNHIOL. sens compromettent plus gravement que les précédentes la vitalité des mêmes espèces. Expérimentalement, il n’y a guère d'adaptation possible que pour la Nereis diversicolor. Les autres s’adapteraient peut-être à de légères augmenta- tions de la salure, mais au bout d’un temps fort long et en passant par des transitions nombreuses. En dehors de ces conditions, l’asphyxie survient rapidement. Il est, du reste, à remarquer à ce point de vue que l’eau de la Méditerranée représente par rapport à l’eau de la Manche une eau de mer concentrée de près de 2/10. L’augmenta- lion de salure correspondante dépasse donc la limite de tolé- rance expérimentale du Spärograplhis Spallanzanu. Cependant, cette espèce existe à la fois sur les côtes de la Manche et dans la Méditerranée. Cela revient à dire que le Spirographis de Cherbourg, transporté brusquement dans la Méditerranée y respirerait ou peu ou point. C’est que le temps est un facteur extrêmement important, auquel on ne peut pas laisser la place qu'il faudrait, dans la reproduction expérimentale des phénomènes biologiques. Quoi qu'il en soit, les résultats trouvés ici sont des résultats approchés par défaut; les limites d'adaptation respiratoire observées sont des limites plutôt inférieures, qui se trouvent mani- festement dépassées dans la nature. VII Phénomènes asphyxiques. Les phénomènes respiratoires ont été assimilés pendant longtemps à de simples combustions ou oxydations siégeant dans l'intimité des tissus. L’oxygène, véhiculé par le sang, passait osmotiquement à travers la paroi des capillaires, atteignait les divers protoplasmes cellulaires, les pénétrait à l’état de dissolution et les oxydait en donnant naissance directement aux composés variés que l'organisme élimine RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 95 ensuite : urée, sels minéraux, eau, anhydride carbonique, etc. L'anhydride carbonique produit se diffusait à l’état dissous en sens inverse de la diffusion de l’oxygène ; il était appelé, en quelque sorte, par une diminulion de tension propre, depuis son lieu de production jusqu’à l'air libre à travers la paroi des capillaires et le sang. C'étaient, là, la continuation et le développement des idées de Lavoisier. Mais des expériences montrèrent que des substances éminemment oxydables comme l'acide pyro- oallique, le phosphore, traversaient l'organisme sans avoir été oxydées. Les propriétés oxydantes du sang rouge retiré de l'organisme étaient d’ailleurs assez faibles. Schmiedeberg montra que l'alcool benzylique et l’aldé- hyde salicylique ne sont pas oxydés par le sang extrait des vaisseaux, mais sont, au contraire, totalement oxydés dans le sang auquel on fait traverser les vaisseaux d’un organe séparé du corps. L'action oxydante du sang parais- sait donc subordonnée à une action propre des tissus. Cette action parliculière n’est pas, du reste, liée à la vie ou à l’intégrité des éléments anatomiques. L’extrait aqueux des tissus, même après coagulation par l'alcool, possède encore le pouvoir oxydant vis-à-vis de l’alcool benzylique et de l’aldéhyde salicylique, tandis que ce pouvoir est absolument détruit par l’ébullition. On reconnaît là l'allure caractéristique de l’activité des ferments solubles. Les tissus sécrètent des ferments dont l'activité chimique s’interpose entre l’oxyhémoglobine et les protoplasmes pour donner naissance à une foule de com- posés intermédiaires instables, lesquels aboutissent finale- ment à la production des excrétions d’oxydation. Les phénomènes intimes de la respiration doivent donc être assimilés, non pas à une oxydation directe, impossible à pro- voquer en dehors de l’organisme, mais à une véritable fer- mentation, parfaitement réalisable indépendamment de lui. Ces notions étaient indispensables à rappeler pour délinir l’asphyxie et aborder son étude chez les Annélides. 96 JEAN BOUNHIOL. L'asphyxie, d'une manière tout à fait générale, sera toute perturbation d’une certaine durée dans les fermentations respiratoires. Dans le cas d’une durée relativement courte, l'asphyxie sera temporaire; dansle cas d’une durée indéfinie, elle sera permanente et aboutira à la mort. En dehors des milieux toxiques ou irrespirables, l’asphyxie peut être provoquée, sur des animaux sains : 1° Par la privation complète du milieu respirable ; 2° Par des altérations profondes dé ce même milieu. Le milieu respirable des Annélides étant l’eau de mer, les diverses altéralions qui peuvent l’atteindre portent sur les substances salines ou sur les gaz qu’elle tient normalement en dissolution et se répartissent naturellement dans les quatre catégories suivantes : Suppression ou diminution de la salure ; Exagération de la salure ; Accumulation de l’'anhydride carbonique ; Absence ou insuffisance de l'oxygène. Le type asphyxique le plus complet et le plus parfait est évidemment fourni par la privation totale du milieu respi- rable. C’est celui auquel il faudra rapporter et comparer tous Les autres types de l’asphyxie partielle. Pour le réaliser expérimentalement j'ai placé un animal à sec dans le bocal de mon appareil habituel et j'ai suivi les variations de son coefficient respiratoire jusqu'à la mort définitive. J'ai choisi pour cela une espèce possédant des branchies bien développées et un système circulatoire con- tenant des hématies. L’Amplatrüe Edwardsu remplissait parfaitement ces conditions. Un exemplaire très vigoureux, déjà enfermé dans un nouveau tube de sable agglutiné, pesant 135,07, fut placé sur fond de sable et dans l’eau de mer ordinaire. Au bout de vingt-quatre heures et après avoir mesuré son coefficient respiratoire, J'ai siphoné l’eau sans déranger l’animal. Celui-ci s’est irouvé à sec sur le sable humide. Pendant les vingt heures suivantes le coefficient respiratoire s’est RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 97 maintenu constant (0,05). Après une nouvelle période de vingt heures, il avait baissé beaucoup (0,01) et dix-neufheures après il avait exagérément augmenté (0,35). À ce moment, l'animal était à peu près mort, il ne réagissait plus et il s'était produit des extravasations du sang et du liquide cœlomique qui avaient imprégné le 3 sable autour de lui. La courbe représentative de ces résultats est extrêmement intéres- 3 sante (fig. 13). Elle montre d'abord que l'animal, pendant un certain temps, arrive à alimenter sa respira- tion par l'intermédiaire de la faible : quantité d’eau mouillant sa propre surface, le sable ambiant et le tube de nouvelle formalion. Dans une seconde période, les échanges respira- toires se ralentissent de plus en plus. Dans une troisième phase, sur- viennent des fermentations anormales et des phénomènes chimiques se pro- duisant soit dans le sang, soit dans les tissus. La même suite de phénomènes, ou des phénomènes très semblables, se rencontrent chez tous les animaux aquatiques et aériens où l’asphyxie a été étudiée. Bien mieux, ces phénomènes se produisent, en dehors des animaux. dans l’asphyxie des végétaux. C’est ainsi qu’une racine de betterave, par exemple, placée dans une atmosphère confinée, respire d'abord normalement jusqu'à ce que l'oxygène qui y est contenu soit à peu près consommé. : À ce moment, l’asphyxie intervient et des réactions chi- miques anormales se manifestent; dans l'exemple cité, ANN. SC. NAT. ZOOL. XVISUT er rrulligrarnmes. ( Ÿ Temps en, jours. Fig. 13. 98 . JEAN BOUNHIOL. c'est la fermentation des réserves sucrées donnant lieu à un nouveau dégagement d’anhydride carbonique. MM. Bonnier et Mangin ont montré l'existence de phénomènes identiques dans la respiration des champignons. Chez ces végétaux, les fermentations asphyxiques dégagent une certaine quan- tité d'hydrogène. On peut donc considérer le type asphyxique représenté par la figure 13 comme un type très général d’asphyxie. Il constitue la règle ordinaire, et les Annélides paraissent s’y conformer parfaitement. Chez eux, l’asphyxie paraît s'ac- compagner d’une légère production d'hydrogène phosphoré, facilement reconnaissable à son odeur. On vient de voir, dans le précédent chapitre, comment les changements de salure influençaient la respiration des Annélides. Dans l’eau saumâtre, un certain nombre d'espèces littorales s'adaptent plus ou moins rapidement et finissent par y respirer assez bien. Dans l’eau sursalée, au contraire, à part la Mereis diversicolor, toutes les espèces asphyxient rapidement dès que la concentration correspond à une réduction de 3/10 du volume primitif. Cette asphyxie se produit, du reste, d’après un processus semblable à celui qui vient d'être indiqué. Sur la courbe de la figure 12, rela- tive à la Nephthys Homberqü, on retrouvera le léger abaisse- ment initial, suivi de l’ascension terminale du coefficient respiratoire. Mais ces manifestations ont été déjà passées en revue et Je n'y reviendrai pas. Il me reste maintenant à examiner l’action des deux autres causes d’asphyxie : l’accumulation de l’anhydride carbonique et la privation plus ou moins complète de l'oxygène. La proportion d’anhydride carbonique faiblement com- biné normalement dans l’eau de mer à l’état de bicarbonates est relativement peu considérable (24 centimètres cubes environ par litre). La quantité de ce même composé produite par la respiration normale d’un Annélide dans un volume. liquide donné est également faible. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 99 Cet anbydride carbonique qui, dans les conditions nor- males, c’est-à-dire à dose très faible, n’est pas toxique pour l'animal, peut-il le devenir à doses élevées? Pour le vérifier, j'ai placé un groupe de Spirographis dans un bocal convenable plein d’eau de mer et j'ai établi Le débit d’air nécessaire à leur respiration normale ; j'ai fait arriver, en même temps, dans l’eau de mer, un courant d’anhydride carbonique pur de manière que, dans le volume gazeux total traversant l’eau, l’aération primitive fût respectée. L'eau s’est chargée d’une quantité d'anhydride carbonique voisine de la saturation, pour la température el la pression de l'expérience qui a duré soixante-dix heures. Les animaux ont vécu aussi parfaitement que dans les conditions habi- tuelles et n'ont pas montré la plus légère perturbation. J'ai recommencé cette expérience en faisant barbotter un courant de CO* pur, à travers de l’eau oxygénée alcalinisée où ce gaz se chargeait d'oxygène en quantité plus que suffi- sante pour assurer la respiration des animaux. Le mélange gazeux ainsi obtenu traversait l’eau de mer à une vitesse convenable et jamais les animaux, même entassés inteution- nellement dans une masse liquide restreinte, n’ont manifesté le moindre malaise. L’anhydride carbonique n’est done point toxique pour les Annélides. À la dose maxime qu'il soit possible de leur appliquer, c’est-à-dire presque à saturation de l’eau de mer, ces animaux vivent aussi bien que dans l’eau ordi- naire, si les autres conditions de salure et d’oxygénation restent normales. Ceci va me permettre d'établir immédiatement la cause de l’asphyxie en atmosphère liquide confinée. Dans un bocal, fermé, exactement rempli d’eau de mer ordinaire, sans contact avec l’air, la durée de la résistance des Annélides à l’asphyxie varie avec le volume du liquide et aussi avec les espèces, mais elle ne dépasse pas dans la grande majorité des cas trente-six à quarante-huit heures, surtout pour les Sédentaires. Au bout de ce temps, l’eau 100 JEAN BOUNHIOL. du bocal, analysée, contient une proportion d'anhydride carbonique à peine plus élevée que la proportion ordinaire, et, dans tous les cas, très éloignée de celle qui aurait été nécessaire pour saturer le liquide en expérience. Au con- traire, l'oxygène a presque complètement disparu. Ces faits sont parfaitement concluants. Pour une salure constante et normale, l'accumulation de l’anhydride carbo- nique n'intervient pas comme cause perturbatrice de la res- piration des Annélides, et la privation d'oxygène est l'unique facteur asphyxique. L'absence de nocivité de l’anhydride carbonique vis-à-vis des Annélides n’a rien qui puisse surprendre. Ces animaux habitent, en effet, fréquemment des vases en perpétuelle fermentation organique, dégageant abondamment de l’anhydride carbonique, des sulfhydrates alcalins, des car- bures d'hydrogène, etc. La présence de tous ces composés est parfaitement tolérée et la riche faune annélidienne de Saint-Vaast-la-Hougue est surtout cantonnée dans les vases à Zostères, noires et odorant mal, où se rencontrent côte à côte les types les plus variés d’Errants et de Séden- taires. J'ai essayé d'étudier aussi, dans des expériences précises, non plus l’asphyxie brutale el totale, mais seulement la gêne asphyxique ; non plus les effets de Ia privation complète d'oxygène, mais ceux d’une oxygénalion insuffi- sante. Un type d’Annélide Errant, la Nephthys Hombergü et un type de Sédentaire le Spirographis Spallanzanü, ont été expérimentés à ce point de vue. J'ai mis quatre Nephthys, pesant ensemble 5,7, sur fond de sable dans le bocal ordinaire avec Le débit gazeux normal. il passait dans ces conditions 2 900 centimètres cubes d'air, par heure, à travers l’eau de mer. Le coefficient respiratoire, mesuré, donne 0,58. En réduisant le débitgazeux à 500 cen- timètres cubes d’air seulement par heure, il tombe à 0,39. Il y a évidemment asphyxie relative et ceci correspond à RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 101 la période de début de l'asphyxie complète (fig. 13). On pourra objecter ici que l’abaissement du coefficient respiratoire est dù non seulement à la diminution dans l’apport d'oxygène mais encore à l'entrainement mécanique insuffisant de l’anhydride carbonique produit. Celui-ci, on l’a vu, n’est pas toxique, mais j'ai voulu le montrer ici encore. J’ai alors installé sur le tube d'arrivée de l'air un barbotteur à eau oxygénée qui, en solution alcaline, est instable et abandonne peu à peu son oxygène. Le débit demeurant toujours à 500 centimètres cubes par heure, la proportion d'oxygène fournie devenait plus considérable tandis que l'entraînement mécanique de l’anhydride car- bonique demeurait le même. Dans ces nouvelles conditions, le coefficient respiratoire remontait immédiatement, à la pesée suivante, à 0,56, sa valeur primitive. Le Spirographis Spallanzanii m'a donné des résultats abso- lument semblables. Un animal de 6 grammes, avec une aération de 1595 centimètres cubes par heure, accuse un coefficient respiratoire normal de 0,09. L'aération Lombant à 288 centimètres cubes, le coefficient respiratoire n’est plus que 0,07. Avec ce dernier débit gazeux et l’adjonetion d’un barbotteur à eau oxygénée, o remonte à 0°®,10 et s'y main- tient pendant plusieurs périodes de vingt-quatre heures, jusqu’à l'épuisement du volume d’eau oxygénée employé (100 centimètres cubes). A la fin de l’expérience, l’eau oxy- génée qui contenait au début douze fois son volume d’oxy- gène, n'en contenait plus que deux volumes. L'animal était d’ailleurs très vigoureux et aurait continué à vivre indéfi- niment. [1 semble même, dans le cas actuel, que loxygéna- tion introduite ait été supérieure à loxygénation normale par l'air ordinaire et que la respiration de l'animal en ait été suractivée. Dans l’asphyxie partielle, comme dans l’asphyxie com- plète, la quantité d'oxygène, contenue dans l’eau à l’état de dissolution, intervient seule. Dans une eau de mer normale où les conditions de température, de pression et de salure 102 JEAN BOUNHIOL. seront maintenues constantes, l’asphyxie des Annélides est uniquement fonction de la quantité d'oxygène dont ils disposent. Dans l'étude de l’asphyxie partielle chez le Spurographis Spallanzanii j'ai trouvé un phénomène qu'il me paraît inté- ressant de signaler. Au lieu de diminuer brusquement et considérablement l’aération, comme dans les expériences précédentes, si on la diminue par échelons successifs, on obtient les résultats suivants : Pour une valeur donnée du débit gazeux, inférieur au débit nécessaire, le coefficient respiratoire, après avoir acquis une certaine valeur correspondante, un peu inférieure à la nor- male, se maintient constamment à cette valeur tant que le débit n’est pas modifié. Pour un nouvel affaiblissement de ce débit, b prend une nouvelle valeur un peu plus faible et demeure constant tant que l'aération n’est pas changée. Les choses continuent ainsi jusqu'à un débit minimum pour lequel » ne se maintient plus constant. Il continue alors à baisser beaucoup et l'asphyxie s’accuse bientôt complète par l’ascension brusque et indéfinie du coefficient respiratoire. Cette respiration variable, cette asphyxie par échelons est surtout très marquée chez les Syirographis de petite taille dont le coefficient respiratoire est relativement élevé et présente, entre deux élapes consécutives, des différences. plus apparentes. Je n'ai pas eu le temps de vérifier, chez d’autres espèces, l’existence de phénomènes semblables. Il est probable cependant que ce fait n’est pas isolé parmi les Annélides. Il montre, en tout cas, que le Sparogra- plis Spallanzani s'adapte parfaitement à une asphyxie par- tielle, qu'il peut supporter sans inconvénient pendant long- temps. Il s’accommode fort bien d’une oxygénation insuffisante. Sa respiration en est simplement ralentie, diminuée d'intensité, et les limites entre lesquelles peut se faire cette adaptation sont très étendues. Au-dessous de ces limites, l’asphyxie complète, avec sa marche ordinaire, se produit. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 103 Ainsi qu'on le voit, il est de la plus haute importance, dans l’étude de la respiration normale des Annélides, d’éli- miner la possibilité de ces phénomènes asphyxiques qui peuvent influencer fâcheusement les résultats et les déna- turer plus ou moins. Dès le début de ce travail, j'ai été arrêté par cette difficulté. Ma méthode a été faite patiem- ment, modifiée et longuement contrôlée sur le Spirographis que je pouvais avoir tous les jours en abondance. J'ai été amené ainsi à chercher, pour un volume d’eau de mer donné, une limite supérieure de l’aération, au-dessus de laquelle le coefficient respiratoire fut indéfiniment constant. Cette limite, que j'ai toujours déterminée préalablement, chez toutes les autres espèces, s’est montrée variable suivant la taille de celles-ci; ellen’ajamais été toutefois incompatible avec l'absorption chimique complète de l’anhydride earbo- nique dans les barbotteurs. x x Je ne veux pas clôturer ce chapitre sans dire un mot d'un phénomène dont je me propose de vérifier l'existence chez les Annélides et qui est en relation assez étroite avec une forme particulière de l’asphyxie. Je veux parler du phéno- mène signalé par Giard et désigné par lui sous le nom de calcification hibernale. Récemment, Bohn en a montré, chez les Crustacés, un cas particulier fort intéressant. Aux approches de la mau- vaise saison, vers la fin d'octobre, les Crabes dégagent peu d'anhydride carbonique et leur activité respiratoire baisse. En même temps, ils en absorbentune certaine quantité qu'ils empruntent à l’eau de mer et qu'ils utilisent pour fabriquer le carbonate de calcium de leur carapace calcaire ; cette der- nière quantité peutmême être supérieure, en valeur absolue, à la quantité que dégage leur respiration. Celle-ci semble alors, à côté d’une certaine absorption d'oxygène, produire aussi une absorption ou, si l’on veut, un dégagement négatif d’anhydride carbonique. 104 JEAN BOUNHIOL. Ce phénomène n'avait pas été analysé expérimentalement, mais on peut rapprocher de lui un fait bien connu des éleveurs d’écrevisses. Ces derniers savent, en effet, que les écrevisses ne prospèrent que dans des eaux fortement cal- caires, surtout à l’automne, et mettent, à cette saison, des blocs de calcaire tendre et de marnes calcaires dans les canaux d'élevage. Quoi qu'il en soit, Bohn lui donne comme pointde départ une sorte d’asphyxie interne, une sorte d’accumulation, de rétention de l’anhydride carbonique dans le sang et les tissus. Je me suis demandé si les Annélides tubicoles qui sécrètent un tube calcaire ne présentaient point de phéno- mènes analogues; il serait intéressant de savoir : 1° Si la fabrication de leur tube calcaire est continue ou si elle est plus particulièrement active à certaines saisons. 2° Si, dans l’un et l’autre cas, cette sécrétion calcaire ne détermine pas la production d'échanges gazeux particuliers entre l’animal et l’eau de mer, échanges pouvant se super- poser à ceux de la respiration normale et modifier pius ou moins l'allure de celle-ci. La calcification hibernale paraît être un phénomène assez général, et il est très possible que les Annélides à tube cal- caire en offrent un nouvel exemple. VII Coup d'œil d'ensemble sur la respiration des Annélides. Avant d'aller plus loin, il m'a paru utile de réunir dans un chapitre spécial, sous une forme aussi concise el aussi claire que possible, les principaux résultats établis au cours de cette seconde partie. Ce rappel rapide permettra de suivre avec plus de facilité les comparaisons de la Troisième Parlie à laquelle il servira d'introduction. Tous les résultats que j'ai obtenus sont tirés, en dehors RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 105 d’un certain nombre d'expériences qualitatives, de mesures respiratoires quantitatives directes, effectuées sur un grand nombre de types d'Annélides Polychètes, dans des conditions physiques et biologiques parfaitement déterminées. Le facteur respiratoire le plus général et le plus important est représenté par les dimensions du corps, la taille des ani- maux. Les variations, que ce facteur introduit dans la res- piralion des diverses espèces, sont considérables et peuvent être d’un ordre plus grand que les variations observées, à taille égale, chez des espèces d'organisation très différente. Il y à, pour ainsi dire, autant de coefficients respiratoires que d'individus, même de la même espèce; et il est absolument impossible de tirer aucun enseignement de la comparaison des coefficients mesurés, si ce facteur capital n’est pas préa- lablement éliminé, c’est-à-dire si on ne compare pas les divers animaux à égalité de poids. On peut admettre, d’ailleurs, que l'égalité de poids, pour deux individus distincts, représente sensiblement l'égalité de taille, c'est-à- dire de dimensions et de surface, les Annélides étant des animaux de forme semblable, d’une manière très générale. Le facteur qui apparaît ensuite comme jouant un rôle prépondérant dans la respiration de ces animaux, est la pré- sence d’hémalies dans le sang ou dans le cœlome. Ces héma- ties contiennent de l’hémoglobine ou de la chlorocruorine, substances protoplasmiques avides d'oxygène qu'elles retiennent à l’état de combinaison instable. Elles augmen- tent l’oxydabilité des liquides nourriciers et concourent puis- samment à activer les échanges gazeux respiratoires. L’ex- périence montre en effet : 1° Que le maximum d'activité respiratoire se trouve réalisé chez les animaux contenant des hématies à la fois dans le sang et dans le liquide de la cavité générale (Terebella lapi- daria). 2° Que les animaux n'ayant point d'appareil circulatoire différencié, mais possédant des hématies dans le liquide cavitaire, ont une activité respiratoire comparable à celle 106 JEAN BOUNHIOL. des espèces. ayant un appareil circulatoire, contenant du sang coloré (Glyceridæ). 3° Que l'intensité respiratoire minima se manifeste indif- féremment chez les formes à sang incolore ou n'ayant que du liquide cœlomique incolore. La capacité d’absorption du sang ou du liquide cavitaire vis-à-vis de l'oxygène, est, dans ce cas, très inférieure à celle que possèdent ces mêmes liqui- des dans lesquels existent des hématies, et le sang incolore, physiologiquement, n’est pas du sang (Aphroditidæ, Phyllo- docidæ). La plupart des organes, désignés sous le nom de branchies, n'ont point de rôle respiratoire particulier, aussi bien chez les espèces à sang coloré que chez celles à sang incolore. Ce sont tantôt de simples diverticules cutanés augmentant sim- plement la surface respiratoire des téguments, sans aucune spécialisation de la fonction (Sigalionidæ, Nephthydeæ) ; tantôt des organes différenciés pour l’accomplissement d’autres fonctions, comme la préhension et le tact (Cirratulidæ, Ser- pulidæ). Les vaisseaux qu’on y rencontre sont des vaisseaux nourriciers et les cils qui s’y trouvent aussi parfois sont en relation avec la préhension des légers corpuscules organiques en suspension dans l’eau. La respiration tégumentaire esl la respiration typique, fondamentale, des Annélides, commune à toutes les espèces sans exception. Il existe cependant, chez quelques lypes supé- rieurs, d'ailleurs peunombreux, des branchies ayant un rôle respiratoire notable, supérieur à celui de la peau (£unicidæ, Arenicolidæ, Terebellidæ). Ces cas sont l'exception. En règle générale, on peut dire que les Annélides n’ont pas d'organes respiratoires proprement dits. L'existence absolument constante, presque exclusive, de la respiration cutanée, permet de se rendre compte de l'influence capitale et générale de la taille, c’est-à-dire de la surface totale du corps sur l’activité respiratoire de toutes les espèces du groupe. Tels sont les facteurs principaux de la respiration chez les RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 107 Vers annelés Polychètes. Il en est d’autres, moins impor- tants, qui peuvent exercer leur action soit d’une Rp inter- mittente, soit d’une façon continue. Parmi les premiers, je rappellerai l'influence de la matu- rité sexuelle avec ou sans métamorphoses, qui, chez tous les cas étudiés, a provoqué un accroissement sensible de l’inten- sité respiratoire. La Nereis irrorata, au moment de sa méta- morphose, présente des échanges respiratoires augmentés du tiers de leur valeur ordinaire. Parmi les seconds, se placent l'action de l'habitat et du genre de vie en général et, plus spécialement, l'influence des marées chez les espèces littorales et Le rôle du tube chez les Sédentaires. Le régime respiratoire à marée basse, bien que peu diffé- rent du régime ordinaire, offre cependant une tendance nette à l'accélération. Cette accélération est due, très probablement, à l'existence d’une respiration aérienne directe fonctionnant temporairement, à chaque marée basse. L'existence du tube nécessite, chez les Sédentaires, un renouvellement incessant de l'atmosphère liquide qu'il ren- ferme. Ce renouvellement est assuré par des mouvements de piston aspirant et foulant, exécutés par l'animal, Il est assuré, en outre, par la perméabilité des tubes creusés dans le sable, pour les espèces qui y habitent, par le mouvement des cils du sillon copragogué et les contractions brusques de l’ap- pareil préhenseur, chez les espèces qui sécrètent un tube indépendant. Il existe enfin une troisième catégorie d’influences pouvant modifier, dans certains cas, l’activité respiratoire des Anné- lides. Ces influences sont celles qui peuvent changer acciden- tellement la composition du milieu respirable (dessalement ou concentration de l’eau de mer). Les espèces, exposées à ces changements du milieu, s'adaptent assez rapidement aux milieux ainsi modifiés et leur activité respiratoire y reprend, après quelques oscillations, sa valeur normale. Cela est vrai surtout pour l’eau saumâtre. Dans l’eau sursalée, il n’y a 108 JEAN BOUNHIOL. guère que la Vereis diversicolor dont l'adaptation soit certaine et durable. L'asphyxié chez les Annélides, vivant dans l’eau de mer ordinaire, reconnaît pour cause unique le manque d'oxygène. L'anhydride carbonique n’a aucune influence nocive ou simplement perturbatrice, à aucune dose. L’asphyxie totale, aboutissant à la mort, au bout d’un temps plus ou moins long, présente typiquement une période d’abaissement, suivie d’une période d’ascension du coefficient respiratoire. Ce dernier phénomène est dû àun dégagement excessif d'anhydride carbonique, provenant de fermentations anormales asphyxiques ou préasphyxiques. L'asphyxie partielle, la gêne respiratoire simple, est diver- sement supportée par les différents types. En général, le coefficient respiratoire baisse et présente le plus souvent une tendance au relèvement. Si l'état asphyxique se pro- longe trop, l’abaissement s’accentue de plus en plus et se continue par l'ascension finale. Cependant le Spirographis Spallanzanii supporte parfai- tement uneasphyxie relative, même considérable. Il s'adapte à l’oxygénation insuffisante, comme la Nereis diversicolor s'adapte à l’eau douce et à l’eau sursalée, et son coefficient respiratoire, dès que le régime permanent estétabli, prend une série de valeurs constantes pour une série parallèle d’oxygénations déterminées. Ceci ne se produit, bien entendu, que tout autant que la quantité d'oxygène fournie ne descend pas au-dessous d’une valeur minima, auquel cas l’asphyxie se complète et aboutit à la mort. TROISIÈME PARTIE Quelques considérations sur la respiration comparée des Annélides et des autres animaux aquatiques. La respiration des Annélides, maintenant débarrassée des . obscurités, des hypothèses nombreuses, des complications entassées, comme à plaisir, apparaît plus claire et plus simple, mieux précisée, au triple point de vue de sa loca- lisation, de son intensité et de ses variations. Elle n’est point localisée, sauf exceptions rares, dans des organes spéciaux; elle se fait par la peau, par toute la peau, avec toutes ses dépendances et tous ses replis. Comme conséquence, on concoit fort bien que son inten- sité, soit plus ou moins proportionnelle à la surface exté- rieure totale des animaux et comme, à poids égal, les petits individus ont une surface beaucoup plus considérable que les grands, l'influence dominante et générale de la taille se trouve immédiatement expliquée. Les deux liquides nourriciers des Annélides, sang et liquide cæœlomique ne se distinguent pas physiologiquement, au point de vue de l'aptitude respiratoire, s'ils sont tous les deux incolores ou tous les deux chargés d'hématies. La présence des hématies contenant des protoplasmes chimiquement différenciés (hémogiobine, chlorocruorine), augmente, d’ailleurs considérablement, leur capacité d’ab- 110 JEAN BOUNHIOL. sorplion vis-à-vis de l'oxygène, et par conséquent leur puis- sance oxydante. Les Annélides Polychètes sont des animaux aquatiques marins et vivent à côté d’une infinité d’autres animaux très différents. La respiration de tous ces animaux n’a pas été étudiée, mais on a, sur un certain nombre d’entre eux, quelques données précises. Je vais maintenant utiliser celles-ci, et chercher si les Annélides Polychètes méritent, au point de vue respiratoire, une place particulière parmi les autres animaux aquatiques. Je me servirai surtout, dans cette étude, des résultats publiés par Jolyet et Regnard. Ces auteurs ont donné un certain nombre de mesures volumétriques concernant des animaux très variés. Les conditions physiques de tempé- rature et de pression de leurs expériences sont très voisines des conditions correspondantes où je me suis placé moi- même. Les conditions biologiques normales sont respectées dans les deux cas. Il suffira, pour pouvoir faire une étude comparative de leurs mesures volumétriques, de les trans- former en mesures pondérales. J'ai donc calculé, d’après les chiffres du travail de Jolvet et Regnard, le poids d’anhydride carbonique dégagé par leurs animaux; j'en ai déduit un coefficient respiratoire comparable à celui de mes Annélides. J’ai noté le poids moyen d’un animal, toutes les fois que l’expérience portait sur plusieurs exemplaires réunis, et j'ai disposé le tout sous forme de tableaux analogues à ceux que j'ai déjà commo- dément utilisés bien souvent. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 111 Coejficients respiratoires (9 — CO? en milligr. par gramme-heure) de divers animaux aquatiques (calculés d'après Jolyet et Regnard). 1° ANIMAUX D'EAU DOUCE. Poids moyen d'un Espèces. animal. CE gr. milligr. Pancher(CyDA UNE) EN 222,5 0,06 Cyprins (Cyprinus auratus).......... 22:09 0,06 2 A et 39,3 0,06 Be bé | S NRMIERE. 130,0 0,03 2 PT MIE RTE 111,2 0,05 È ET NA 82,5 0,04 Anguilles (Mur. anguilla)........... 51,2 0,06 ue SE AN 0 2 112,0 0,03 Vairons (Cyp. phoxinus) ............ 4,84 0,22 ASÉACUS TUUIQUUS APE ENENE ENS TR 31,2 0,06 : T4 ÿ Crevettes de ruisseau (Gammar.pulez). . 0,18 ANOIGÉRERAU RME Rte TRE 42,0 0,05 Hirudo officinalis (à jeun)............ 2,2 0,03 — (en digestion)...... 2,2 0,07 20 ANIMAUX MARINS. NEUTRE ROMANS RE CR cer nt ne 390,0 0,27 LA Ep GP RENTE VEN Le AM 27,8 0,21 Dorades (SD aurLEusS) ONE" 75,0 0,17 Grondin (Trigla irundo)............. 350,0 0,13 Consres (Mur COngGer) EE ENT 545,0 0,008 5 PES SRE 148,3 0,098 Torpilles (Rata torpedo)...........:. 315,0 0,054 e EE AR EC PE 410,0 0,0522 SOIESUBIEUEE SOLE) Ne er: 185,0 0,111 Purbo(Pleur Emarimus)i. 2... 320,0 0,096 Squale roussette (Sq. catulus)........ 440,0 0,087 DR ETEUULE SR A inde nt 10,4 0,128 - 395 Crevette (Palemon squilla)........... Ra 0,182 Crabe tourteau (Cancer pagurus)..... 470,0 0,172 Homard (Homarus vulgaris). ......... 315,0 0,108 Langouste (Palinurus quadricornis)…. 520,0 0,074 OCLOPDUS OUTRE ET 2310,0 0,074 ARR PAS 2300,0 0,054 Cardium edule ) 10,7 0,024 Mytilus edulis { pesés avec la coquille. 25,0 0,048 Ostræa edulis \ 49,5 0,020 : : 900 ; Asteries (Asteracanthion rubens)...... 0,046 112 JEAN BOUNHIOL. Ces résultats, présentés sous cette forme, permettent de faire une première remarque intéressante : en valeur absolue et indépendamment de toutes les conditions d'organisation de taille, d'habitat, etc., l’activité respiratoire des animaux aquatiques est, d’une manière générale : 1° Peu considérable ; 2° Assez uniforme. Si on la compare, en effet, à l’activité respiratoire des animaux possédant une respiration aérienne, elle représente une production d’anhydride carbonique, et une consomma- tion d'oxygène assez faibles. Les valeurs du coefficient respiratoire des animaux aqua- tiques sont de l’orde des centièmes ou des dixièmes de millisrammes; en évaluant parallèlement pour les ani- maux aériens l’anhydride carbonique dégagé par heure et par gramme d'animal, on trouve les valeurs moyennes dep suivantes : e en milligr. ÉTAT HA UNE ARR Re RAT CE PR 2,81 x (Poulet Tasse PE ee 21,96 Disease ViMoimeauss AE A anRE EUR AUR 230,00 HOME LEUR NAN EEE NSArE 6,46 Veau ... ARRIRIS Se ERP RENE MERS Vtt ed 4e 7,8 Mammifères. re LADA te ER AR TE ce 14,00 ODA SA NES RE tee SE 22,00 Ces chiffres sont de l’ordre des milligrammes, des centi- grammes et même des décigrammes pour les oiseaux de petite taille. En gros, on peut dire que la respiration des animaux aquatiques est environ de dix à cent fois moins active que celle des animaux aériens. Cela s'explique, ainsi que l’ont déjà fait remarquer Milne-Edwards et, après lui, Jolyet et Regnard, par la pauvreté en oxygène du milieu respi- rable aquatique. Un litre d’air contient 210 centimètres RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 1e cubes d'oxygène, tandis qu’un litre d’eau n’en contient en dissolution que de 3 à 10 centimètres cubes, c’est-à-dire soixante-dix à vingt et une fois moins. Les animaux aqua- tiques sont dans les conditions d'animaux aériens vivant dans une atmosphère très pauvre en oxygène; ils pos- sèdent, par rapport à ceux-ci, une respiration diminuée, atténuée. J'ajoute que cette respiration, faible généralement, l’est encore uniformément. Les différences d'organisation, même considérables, ne créent pas ici de grandes différences dans l’activité respira- toire. En d’autres termes, les conditions générales de la respiration aquatique sont déterminées surtout par le milieu, et ceci n’a rien que de très facile à prévoir. C’est ainsi qu'un Cyprin doré de 395,5, une Écrevisse de 315°,2, et un Axoloth de 42 grammes, animaux d'organisation absolument divergente, possèdent comme coefficients respi- ratoires respectifs : 0,06 — 0,06 — 0,05 —, c'est-à-dire sensiblement la même valeur. C’est ainsi encore qu’un Grondin (Trigla hirundo) de 350 grammes, et un Homard de 315 grammes, et une Sole de 185 grammes, dégagent respectivement 0,13 — 0,108 — 0,111 d’anhydride carbo- nique par gramme-heure. Dans ce cadre général de la respiration aquatique, quelle est la place qu'occupent les Annélides? C’est ce que je vais examiner maintenant. En se reportant aux tableaux page 37 et page 42, il est facile de constater d’abord que leur activité respiratoire, d’une facon générale, est bien comprise dans les limites ordinaires déjà connues de la respiralion aquatique. Cepen- dant, elle atteint, pour les très petites espèces, des valeurs élevées, non Encore constatées chez les autres animaux aquatiques. De plus, le type respiratoire paraît iei bien moins uni- forme, et la quantité d’anhydride carbonique, produite par ces animaux, oscille entre 0"8,013 et 4°5°,02, c’est-à-dire ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 8 114 JEAN BOUNHIOL. entre le centième de milligramme et un nombre entier de milligrammes. Il est juste d'ajouter que l'étude respiratoire quantita- tive des autres animaux aquatiques est bien incomplète, et que les résultats de Jolvet et Regnard n'’intéressent qu'un nombre restreint de types, tous de taille assez grande. Il est possible qu’en étudiant, à ce point de vue, la respiration de très petites espèces de Poissons, de Crustacés, de Mol- lusques, etc., on la trouve plus intense. Dans l’état actuel de nos connaissances, il n'en est pas moins remarquable de voir les Annélides posséder une acti- vité respiratoire considérable, et, suivant les types, capable de varier entre des limites très étendues. À poids comparable, les Annélides ont, en effet, une respi- ralion plus intense que celle des Mollusques et des Crus- tacés, presque égale à celle des Poissons. Une Glycère de 13 grammes dégage 08,09 de CO? par gramme-heure, tandis qu'un Syngnathe de 105,4 n’en dégage que 0“ ,128. Celte intensité, aussi bien que les variations très éten- dues qu’elle peut présenter, ne paraîtront pas surprenantes. si l’on songe à la grande diversité d'organisation sanguine et circulatoire existant chez les Annélides. Cette diversité n'est peut-être réalisée dans aucun autre groupe du règne animal. | Enfin, il ne faut pas oublier non plus que les Anné- lides sont, dans la série zoologique, parmi les rares êtres possédant du sang comparable au sang des Vertébrés, c'est- à-dire contenant des protoplasmes différenciés, facilement oxydables, doués de propriélés chimiques particulièrement actives. Les expériences de Jolvet et Regnard montrent parfaite- ment l'influence de la taille sur la respiration des animaux de tous les groupes où elle a été étudiée. Cette influence est plus difficile à expliquer que dans le cas des Annélides. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 115 Les Poissons possèdent bien une respiration cutanée faible, d’après Quinquaud, mais pour les Crustacés décapodes à carapace épaisse, cette respiration paraît devoir êfre moins efficace. Il est possible cependant que la surface générale des téguments intervienne encore dans l'accroissement de l’activité respiratoire quand la taille diminue. Du reste, ces variations sont ici de bien moindre impor- tance que dans le cas des Annélides. Entre deux Poissons marins, l’un de 350 grammes, l’autre de 75 grammes, c'est-à-dire pour une différence de poids de 175 grammes, on n’observe qu'une différence de 0,04 entre les coefficients respiratoires correspondants. Entre deux autres d’eau douce pesant l’un 130 grammes, l’autre 5 grammes, c’est-à-dire pour une différence de poids de 125 grammes, on observe seulement une différence de 0,17 entre les coefficients. Chez les Crustacés marins, le phénomène n’est pas bien net. Les Crevettes ne respirent pas plus activement que le Crabe Tourteau de taille beaucoup plus considérable. Chez les Crustacés d’eau douce, au contraire, l'Écrevisse respire moins que les Gammares de ruisseau de taille plus faible. Chez les Annélides, le tableau page 37 montre des différences beaucoup plus considérables, pour des varia- tions plus faibles de la taille. C'est ainsi qu'entre une Amplatrie Ediwardsü, de 265,33 et une Amplatrite gracilis de 0,096, il existe une différence de 1,87 — 0,02 = 1,85 dans le coefficient respiratoire. Entre un Spirographis de 14 grammes et un autre de 1,7, il existe une différence de 1,1 — 0,08 — 1,02 dans les coefficients. Pour les Gly- cères, à une différence de poids de 13 — 3,85 — 9,15, cor- respond une différence de 0,37 — 0,09 — 0,28 pour ». IL est probable que ces variations de l’activité respira- toire avec la taille doivent être attribuées chez les animaux marins à une certaine participation des téguments à la respiration générale ; elles sont légères pour une partici- pation cutanée légère. Chez les Annélides, au contraire, on 116 JEAN BOUNHIOL. a vu qu'elles étaient considérables à cause de l’importance prépondérante des échanges respiratoires dermiques. Un autre phénomène général, qui se dégage nettement de l’ensemble de ces résultats, c'est que l’activité respira- toire des animaux marins est plus grande que celle des animaux semblables habitant l’eau douce. On y voit, en effet, que les poissons de mer,les Crustacés marins res- pirent avec plus d'énergie que les Poissons et les Crustacés d’eau douce. Un Mulebrre"" de 2757,8 produisant 08,21 de C0? par gramme-heure Un OMpEneECerE 338r,0 produit Oms,06 — Une Dorade...... 58°,0 produisant Omer 17 — Un Cyprin. ...... 825",0 produit Omsr,04 — Un Congre NOR 1485r,0 produisant 02,098 _ Une Anguille..... 11287,0 produit Oer,05 — Un Homard...... 3155",0 produisant 0s",108 — Une Écrevisse.... 3187,0 produit Omer, 06 — Dans les exemples que je viens de citer, il est impossible d'invoquer une différence notable d'organisation ni une cause intrinsèque quelconque, pour expliquer ces diver- gences. IL n’y a là qu’une simple influence de milieu. L'eau de mer possède des propriétés respiratoires plus actives que l’eau douce. À quoi peut-on attribuer ces propriétés spéciales ? Y a-t-il dans l’eau de mer une plus forte pro- portion d'oxygène dissoute ? Les analyses donnent, par litre d’eau douce, 4 à 8 centimètres cubes d'oxygène, c’est-à-dire une quantité correspondante à celle qu'on trouve aussi dans l’eau de mer, ce qui, «a priori, était presque évident. On ne peut qu'invoquer, comme dernière hypothèse, une action stimulante spéciale, peut-être due à la présence des sels minéraux en dissolution. RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 117 Quelle qu'en soit la cause, il n’en est pas moins certain que les animaux d’eau douce sont, par rapport à leurs congénères marins, des types à respiration ralentie. Il est à remarquer enfin que, dans un même groupe d'animaux, les formes marines représentent toujours les formes primitives, ancestrales; les espèces d’eau douce sont des espèces secondairement adaptées, des espèces dérivées. Ces faits expérimentaux peuvent être rattachés à d’autres faits fournis par l'observation directe. On sait, en effet, que la pisciculture d’eau douce est chose infiniment simple et facile à réaliser, tandis que la pisciculture marine n'a encore donné aucun résultat appréciable. Fabre-Domergue à Concarneau a bien réussi à obtenir quelques embryons de Sole; Malard à Tatihou a bien oblenu une ponte de Turbot, mais embryons et œufs n’ont jamais pu évoluer complètement. Les Poissons adultes eux-mêmes, meurent assez rapidement en captivité. Je crois que ces faits sont liés à la grande activité respi- ratoire des animaux marins, activité en rapport avec un renouvellement incessant et une aération considérable de l’eau de mer, conditions toujours fort mal réalisées en capti- vilé. Les poissons marins en captivité ne meurent pas d’ina- nition, puisqu'on les nourrit surabondamment; ils meurent tous par asphyxie plus ou moins rapide. J'en dirai autant des Crustacés. L'élevage de l'Écrevisse est la chose la plus simple du monde. L'élevage des Déca- podes marins, à commencer par le Homard dont l’organi- sation est très voisine de celle de l'Écrevisse, a toujours échoué. Les Vers eux-mêmes n'échappent point à cette règle. En juxtaposant quelques-uns des résultats de mes expériences à ceux de Jolyet et Regnard pour les sangsues, on constate que : . 118 JEAN BOUNHIOL. Une Sangsue...... de 2sr,2 dégeant 0w:",03 de CO? par gramme-heure Un Spirographis..… 28",3 dégage 08,34 — 2 TUNER NUE 30 its Une Sabelle....... 48r,36 — Omer,30 — Une Glycère....... 387,85 — Omsr,37 — Une Hermione .... Ler,21 — Omer 12 — Une Marphyse..... 287,61 — Omsr,98 — Une Arenicole..... 387,6 —. Oùsr,15 — Je rappelle encore que, pour cette classe d'animaux, il est infiniment plus facile de conserver en captivité des sangsues que des vers marins. Ceux-ci vivent bien et fort longtemps, mais à la condition que l’eau de mer, dans laquelle ils se trouvent. soit abondamment et constamment aérée, circonstance dont on n’a pas à se préoccuper pour les sangsues. Les animaux d’eau douce sont donc, par rappport à leurs congénères marins, des animaux à respiration ralentie, et je suis convaincu que cette règle se vérifierait dans tous les cas, si on connaissait quantitativement la respiration des formes d’eau douce et des formes marines dans chaque groupe. Au point de vue de la Biologie générale, ce phénomène pourrait présenter une grande importance. Au point de vue pratique, il expliquerait les insuccès de la pisciculture marine, et indiquerait la voie nouvelle dans laquelle elle doit s'engager pour aboutir à des résul- tats meilleurs. Puisque les animaux marins ont besoin - d’une aération considérable, il faudrait chercher une instal- lation permettant de réaliser pratiquement le brassage incessant, et l’aération intense d’une grande masse d’eau. Cette aération a d’ailleurs une double action. Non seule- ment, elle restitue à l’eau l’oxygène consommé par la res- piration des animaux qui y vivent, mais encore elle oxyde, dissout, détruit, tous les déchets organiques et est un agent puissant d'épuration. x * x La concordance générale des résultats de mes expé- RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 119 riences avec ceux tirés des expériences de Jolvet et Regnard, la faiblesse à peu près uniforme de la respiration des ani- maux aquatiques, me permettent de donner une nouvelle et dernière justification de la précision de la méthode que J'ai employée. Sa simplicité et sa commodité étant admises, la plus grande difficulté de son emploi consistait dans la néces- sité de concilier le débit gazeux lent, exigé par l’absorplion chimique, avec une aération de l’eau de mer suffisante pour entretenir largement la respiration des animaux. Il était très important, d’ailleurs, d'opérer sans régulateur, sans dérivation d'aucune sorte, pour pouvoir mesurer avec précision le volume gazeux traversant l'appareil dans un temps donné. Si la respiration des Annélides, plus intense, avait demandé une aération plus rapide, un débit gazeux plus considérable, la méthode aurait été inapplicable. Au début, j'ai longtemps tâtonné pour chercher si cette aération maxima que l’appareil pouvait fournir, était suffi- sante pour entretenir la respiration de mes animaux. L'expérience me montra quelle était non seulement suffi- sante, mais qu'il existait même toujours une certaine marge entre ce débit maximum et le débit minimum au-dessous duquel le coefficient respiratoire n’était plus constant. La comparaison de mes résultats avec ceux obtenus par Jolyet et Regnard, au moyen d'une méthode très différente, montre, avec la plus grande netteté, que la méthode que j'ai employée dans l'étude des Annélides pourrait être fruc- tueusement appliquée à celle de la respiration de tous les animaux aquatiques marins ou d’eau douce. _ J'ajoute qu'elle pourrait être complétée sans rien perdre de sa précision, de manière à fournir à la fois le poids d’anhydride carbonique produit, et le poids d'oxygène con- sommé. Voici, d’ailleurs, le dispositif que je me propose de lui ajouter dans ce but. _ A la sortie des tubes absorbants, l’air passera dans un système de trois tubes en verre vert, étroitement accolés ‘ 120: | JEAN BOUNHIOL. en faisceau prismatique de 25 centimètres de long environ, et réunis deux à deux par des tubes de communication, de manière à ne former qu’un seul tube continu replié deux fois sur lui-même, et rempli de tournure de cuivre. Le cuivre au rouge absorbe totalement l'oxygène d’un mé- lange gazeux circulant avec la vitesse ordinaire des bar- botteurs à potasse. Les tubes à cuivre seront placés dans une grille courte ordinaire, le tout sera relié au reste de l'appareil par un tube assez long, et séparé de lui par un écran empêchant le rayonnement d’échauffer le bocal à expérience. La nouvelle résistance ainsi introduite est insi- gnifiante, et ne nécessitera aucune modification de l’aspi- ration. Le faisceau de tubes à cuivre pourra être facile- ment taré et, étant donné la très grande constance de la composition de l’air atmosphérique, une seule expérience à blanc donnera à la fois sa teneur en anhydride carbo- nique el en oxygène, et pourrait servir pour toute une série d'expériences positives. Celles-ci fourniraient immé- diatement, par simple différence, les poids d’anhydride carbonique respiré et d'oxygène absorbé par les animaux. De ces poids, on tirerait facilement les volumes gazeux cor- respondants, pour la température de l'expérience. On aurait le volume gazeux total, ayant traversé l'appareil en les ajoutant au volume gazeux recueilli à la sortie de la trompe. Ce gaz recueilli, analysé, permettrait de s'assurer, une fois pour toutes, que l'absorption de l'oxygène est bien totale dans tous les cas. Étant donné la faible intensité respiratoire des animaux aquatiques, les différences à mesurer dans l'absorption de l'oxygène seraient très petites, mais cette absorption étant complète dans tous les cas, elles pourraient certainement être enregistrées avec exactitude par la balance. On pour- rait enfin, pour diminuer l'erreur relative, opérer sur une période de temps très grande, la plus grande possible. Celte méthode, ainsi complétée, permettra d'aborder mé- thodiquement l'étude quantitative de la respiration aqua- RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 121 tique, et pourra devenir une méthode très générale et très précise, très simple et très commode, capable de rendre les plus grands services. Il Résumé général. La respiration est une fonction double. Elle assure, d’une part, l'alimentation de l'organisme en oxygène, qui est l'aliment gazeux le plus impérieusement et le plus immé- diatement nécessaire à la continuation de la vie. Elle pré- side, d'autre part, à l’excrétion de l’anhydride carbonique. Cette excrétion, caractéristique de l'acte respiratoire, est constante pour un même animal placé dans des condi- tions déterminées et peut être prise comme mesure de son intensité. La mesure respiratoire, adoptée dans ce travail sur les Annélides Polychètes, est le poids, en milligrammes, d’an- hydride carbonique produit par heure et par gramme d'animal. J'ai appelé cette mesure coefficient d'activité res- piratoire. Pour l’évaluer, j'ai préféré aux méthodes volumétriques ordinaires une méthode en poids sur les détails de laquelle je ne reviendrai pas. Je rappellerai seulement qu’elle réunit ces trois sortes d'avantages : Respect des conditions biologiques normales ; Précision et sensibilité ; Simplicité et commodité. Les conditions physiques de température et de pression dans les expériences sont très sensiblement les conditions ordinaires; elles ont été, dans tous les cas, toujours les mêmes. | La stabilité chimique du milieu respirable a été soigneu- sement maintenue. Les dispositifs expérimentaux ont été 122 JEAN BOUNHIOL. réglés de telle sorte que le coefficient d'activité respira- toire atteigne sa plus grande valeur possible et s'y main- tienne. C’est cette quantité constante, calculée sur de lon- gues périodes de temps, pour un grand nombre de types d'Annélides et dans des circonstances variées, mais tou- jours parfaitement définies, qui a servi de base à toutes les discussions de cette étude. La précision de la méthode était liée à l’approximation réalisable dans l'absorption de l’anhydride carbonique. Or, cette absorption était totale, grâce à l'emploi des tubes à cristaux de baryte humide du professeur A. Gautier. - Sa sensibilité avait, comme limite, la sensibilité même de la balance servant à effectuer les pesées. Celle dont je me suis servi était apériodique, et donnait, par conséquent, des équilibres rapides ; elle permettait de lire le dixième, et d'évaluer le vingtième de milligramme, c'est-à-dire, en volume, le quarantième de centimètre cube environ. Cette sensibilité est au moins égale, sinon supérieure, à celle des méthodes volumétriques les plus perfectionnées. La méthode est enfin simple et commode. Elle une demande, en dehors d’une balance de précision, qu'une trompe aspirante convenable, une série de tubes absorbants et quelques récipients. Ces divers instruments sont faciles à trouver dans tous les laboratoires ; ils peuvent, d’ailleurs, être commodément transportés et installés partout. Utilisée, comme elle l’a été dans ce travail, elle permet de déterminer quantitativement, et de comparer l’excrétion respiratoire des animaux aquatiques. Mais ce ne sont pas les seules indications qu’elle puisse donner. J'ai montré à la fin du chapitre précédent comment, par l’adjonction d’un dispositif approprié, elle pourra servir à mesurer aussi, dans les mêmes conditions de précision et de sensibilité, les quantités d'oxygène absorbées, et fournir, par conséquent, des notions plus complètes sur la nutrition générale. La faible intensité des échanges respiratoires, commune à tous les animaux vivant dans l’eau, rend son applicalion RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 123 possible dans tous les cas, et en fait une méthode très géné- rale de recherches. L'étude méthodique de la respiration des Vers Annelés Polychètes a permis de substituer à une Physiologie pure- ment intuitive, une Physiologie positive basée sur l’expé- rience, de remplacer l'hypothèse parle fait. Il en est résulté cette double conséquence générale : 1° Réduction considérable du nombre des organes sup- posés respiratoires ; 2° Détermination et subordination précises des divers facteurs biologiques qui interviennent réellement dans les phénomènes de la respiration. Les divers résultats partiels ont été exposés en détail dans la deuxième partie de ce travail, et rassemblés dans le chapitre VIIT, qui la termine. Je me bornerai à les rap- peler rapidement. Il n’y a pas, dans la règie, d'organes particuliers spéciali- sant la fonction respiratoire chez les Annélides. Chez tous ces animaux, la respiration s'effectue à travers la peau. Cette respiration cutanée est absolument générale; elle est Île plus souvent unique et exclusive; quelquefois, elle se super- pose à une respiration branchiale proprement dite. Un grand nombre d’expansions tégumentaires peu ou point vascularisées respirent au même titre, ni plus, ni moins activement que le reste de la surface Dao Ces organes ne méritent pas plus le nom de branchies que ne le méritent les parties minces et plates d’un Siphonophore ou d’une Méduse, les lobes ciliés d’une larve véligère ou les ambulacres d’un Oursin. Ce nom de branchies, physio- logiquement impropre, ne doit.pas leur étre conservé. Parmi ces organes, quelques-uns ne paraissent avoir aucune fonction particulière (Sigalionidæ, Nephthydæ). D'autres’ sont nettement des organes préhenseurs (Cirratu- hdæ, Serpulidæ) comparables au lophophore et aux tentacules 124 JEAN BOUNHIOL. des Bryozoaires, aux bras des Brachiopodes et représentent des organes adaptatifs, étroitement liés à la vie sédentaire et fixée. Les branchies vraies, très vascularisées, efficacement spé- cialisées, dont l’activité propre représente les trois quarts au moins de l’activité respiratoire totale, sont rares, et ne se rencontrent que chez les types les plus élevés d'Errants (Eunicidæ), et de Sédentaires (Arenicolidæ, Terebelhidæ). Les facteurs respiratoires, c'est-à-dire toutes les circon- stances capables d’influencer l’excrétion carbonique peu- vent se grouper de la manière suivante : Î Physiques : lumière, température, ression. permanents. Poe : D - An inde } Anatomiques : taille, organisation. PAT PATTERN EE | \ Biologiques : habitat, genre de vie. | Q Q . 2 LA \ transitoires. | Maturité sexuelle, métamorphoses. Diminution ou augmentation de la Facteurs accidentels............... salure. La lumière, blanche ou colorée, n’a pas d'action sur la respiration des Annélides. L'étude des températures autres que la température de l'été à Tatihou. et de l'hiver à Alger {17° — 21°), n’a pas pu être faite faute d’une étuve réfrigérente. . Celle des pressions supérieures à la pression atmosphé- rique n’a pas été possible non plus, parce qu’elle nécessi- tait un outillage expérimental que je n'avais pas. Parmi les facteurs anatomiques, dont dépend l’activité respiratoire des Vers Annelés, la surface générale des tégu- ments, les dimensions du corps, la taille occupe le premier rang. De l'importance capitale de ce facteur découle la nécessité de comparer les diverses espèces seulement à éga- lité de poids. Un autre, d'une importance également considérable, est représenté, non pas par l'existence d’un appareil circula- toire différencié, mais par la présence d'hématies chargées RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 125 d’albuminoïdes avides d'oxygène dans cet appareil circula- toire, ou dans le cœlome, ou dans les deux à la fois. Le sang incolore n’a pas d'aptitude respiratoire plus grande que le liquide de la cavité générale incolore comme lui (Aphroditidæ, Phyllodocidæ). Le liquide cœlomique, chargé d'hématies, acquiert des propriétés absolument comparables à celles du sang dans les mêmes conditions (G/yceridæ). Le liquide cœlomique incolore possède vis-à-vis du sang coloré une aptitude respiratoire très Imférieure. Chez les espèces vivant dans la zone littorale des mers à marées, le régime respiratoire à marée basse est un régime accéléré. L'expérience et l'observation directe, s'accordent pour expliquer ce fait par l'existence, chez ces animaux, d’une respiration aérienne directe, capable d'assurer lPali- mentation oxygénée transitoirement et quelquefois pendant un temps très long (Perinereis cultrifera, Marphysa sanqui- nea, Phyllodoce laminosa, Eulalia viridis, etc.). Parmi les espèces sédentaires qui creusent des tubes dans le sable ou dans la vase, il en est qui renouvellent l’eau de leur tube par des renflements ondulatoires de leur corps, et aussi par imbibition directe des parois du tube qui est perméable. Ces espèces peuvent, d’ailleurs, quitter leur tube pendant la nuit, nager librement et le réintégrer ensuite. | | Les Sédentaires à tube indépendant ne quittent jamais ce tube en général; ils entretiennent des courants con- tinus dans leur tube, soit par les mouvements lents du corps, soit par l’activité des cils du sillon copragogue, soit par des contractions brusques de leur partie antérieure. Leur tube est souvent ouvert aux deux bouts (Spirogra- phis), ou présente des perforations nombreuses (Pomato- ceros triqueler), ou possède une partie perméable (A mpha- retidæ). Chez le Spirographis, et vraisemblablement chez tous les Serpulidæ, la faculté que possède l'animal de ren- trer sa partie antérieure et d'utiliser, suivant les moments, 126 JEAN BOUNHIOL. des surfaces respiratoires différentes, introduit une légère irrégularité dans le régime respiratoire, quand celui-ci est considéré pendant un temps trop court. Cette irrégularité disparait, du reste, en opérant sur l'animal nu. À l'inverse de toutes les autres fonctions organiques qui sont suspendues ou ralenties, chez les Annélides, au mo- ment de la maturité sexuelle, /a respiration devient plus active. Chez les espèces à métamorphoses {(Nereis irrorata), l'intensité respiratoire augmente du tiers de sa valeur. n’y a aucune différence déterminée par le sexe ; les mâles et les femelles se comportent pareillement. Les espèces de la haute zone littorale, qui sont exposées à des changements brusques de salure, présentent, vis-à-vis de ces perturbations du milieu respirable, une certaine élasticité adaptative. Le coefficient respiratoire, après quel- ques oscillations, manifeste une tendance très nette à reprendre sa valeur ordinaire. L'animal, au bout d’un cer- tain temps, respire dans le nouveau milieu comme dans l’ancien ; les limites de cette adaptation sont irès étendues chez certains types (Nereis diversicolor), vis-à-vis de l’eau saumâtre comme vis-à-vis de l’eau sursalée. Elles sont au contraire plus restreintes chez d’autres, surtout vis-à-vis de l’eau sursalée (Nephthys Hombergü, Spirographis Spal- lanzanii). L'asphyxie des Annélides est toujours produite par le manque d'oxygène. L'anhydride carbonique introduit à haute dose dans l’eau de mer, concurremment avec une pro- portion d'oxygène suffisante, n’est. pas toxique et n'in- fluence pas l’activité respiratoire. La marche générale de l’asphvxie, complète et rapide, comprend une période d’abaissement du coefficient respi- ratoire suivie d’une période d’ascension. Quand la priva- tion d'oxygène n'est que partielle, il s'établit un nouveau régime respiratoire permanent auquel en succède un autre pour une nouvelle diminution de l’oxygénation. C’est le type de l’asphyxie par échelons, qui se termine, d’ailleurs, RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 94007 comme dans le cas précédent, par l’ascension finale du coeffi- cient respiraloire, lorsque la quantité d'oxygène fournie devient trop faible. La sécrétion du tube calcaire des Serpulidæ, est peut-être liée à des modifications temporaires, plus ou moins grandes, du régime respiratoire. Il est possible qu’elle constitue un cas particulier du phénomène général de la calcification hibernale de À. Giard. x * # Par rapport aux autres animaux aquatiques, les Anné- lides possèdent une activité respiratoire relativement élevée. Ce fait s'explique un peu par la taille généralement petite, et surtout par l'existence chez ces animaux de proto- plasmes respiratoires différenciés, avides d'oxygène, com- parables, physiologiquement et chimiquement, à l’hémoglo- bine des Vertébrés. La comparaison de l'intensité respiratoire des Vers Annelés avec celle des autres animaux aquatiques permet de signaler chez les premiers une grande variabilité de cette intensité suivant Les tvpes. Les seconds paraissent res- pirer uniformément, d’une manière presque indépendante de leur organisation, au moins dans les cas actuellement connus. Un dernier et très important phénomène, que celte étude comparative ma permis de mettre en évidence, consiste dans la différence considérable existant, pour un même groupe d'animaux, entre les types marins et les types d’eau douce. Les espèces d'eau douce sont, par rapport aux espèces marines voisines, des animaux à respiration ralentie. Ce phénomène, d’après les mesures actuellement faites, parait très général et son importance biologique n'échappera point. Il est impossible qu'il n’y ait là qu'un fait fortuit et isolé. Chez des animaux aussi différents que des Pois- sons, des Crustacés et des Vers, il se manifeste, en effet, 128 JEAN BOUNHIOL. avec la même évidence. Les différences observées ne sont pas, d’ailleurs, faibles et incertaines. L'activité respiratoire des animaux marins est au moins double, souvent triple et quadruple, quelquefois décuple de l’activité correspondante des animaux d'eau douce. Ce phénomène remarquable permet d'expliquer pour- quoi les animaux d’eau douce s’accommodent en captivité d’un renouvellement peu fréquent, et d’une aération peu. intense de l’eau, tandis que les animaux marins, asphyxient rapidement dans les mêmes conditions. Il permet de com- prendre pourquoi la pisciculture marine a été vainement tentée alors que la pisciculture d’eau douce donne d’excel- lents résultats. Il donne, dans cette branche des applications économiques, une indication de la voie nouvelle à suivre et des perfectionnements à réaliser. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE Je n'ai pas voulu dresser ici une liste bibliographique complète de tous les ouvrages traitant des Annélides. J'ai voulu indiquer simplement les travaux ayant une relation plus ou moins directe, générale ou spéciale, avec mes propres re- cherches. Ceux ayant trait aux méthodes générales d'observation et de mesure Sont groupés à part; ceux intéressant également la physio- logie respiratoire des Annélides viennent ensuite et sont rangés, comme les premiers, par ordre chronologique. 1809. Provexçar et HumBounr, Recherches sur la respiration des Poissons (Mé- moires de physique et de chimie de la Société d’Arcueil). 1845. Morren, Sur les variations de l'oxygène dissous dans l'eau, considérées comme pouvant amener rapidement la mort des Poissons (C. R. Académie des Sciences). 1872. GRÉHANT, Sur la respiration des Poissons (GC. R. Acad. des SC.). 4872 b. GRÉHANT, De l’asphyxie et de la cuuse des mouvements respiratoires chez les Poissons (CG. R. Acad. des Sc.). 4877. Quixquaur, Nouvelles lois relatives à la respuration des Poissons (G. R. Acad. des Sc.). 5 1877. Jocver et RecNarn, Recherches physiologiques sur lu respiration des ani- maux aquatiques (Arch. de physiologie normale et pathologique). 1884. Gasron Bonnier et L. Mawaix, Recherches sur la Respiration et la Trans- piration des Champignons (Ann. des Sc. Nat. Bot., t. XVIL. 1886. ArLonc, Appareil destiné à mesurer C02 dans la respiration aérienne des petits animaux (Arch. de physiol.). 1886. GRÉHANT, Expérience de Priestley répétée avec des animaux et des végé- taux aquatiques (G. R. Acad. des Sc.). 1890. Cu. Ricuer, Rapport entre lu surface du corps et la respiration des ani- maux respirant dans l'air (Arch. de physiol.). À 1890. J. Tuourer, Océanographie (Revue maritime et coloniale, mars 1890). 1891. Bararrcon, Recherches anatomiques et expérimentales sur la métamor- phose des Amphibiens anoures (Thèse de Paris, 1891). 1896. In., La courbe respiratoire de l'œuf de Poisson et la mécanique de l’ex- tension du blastoderme (C. R. Acad. des Se.). 1896. In., Évolution de la fonction respiratoire chez les embryons d'Amphibiens et de Téléostéens (CG. R. Soc. biol.). ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 9 130 JEAN BOUNHIOL. 1898. G. Bonx, Absorption de CO? par les Crustacés (G. R. Soc. hiol., 10° sé- rie, V, 1008, 5 nov.). 4898. In., Variation des échanges respiratoires chez les Crustacés, avec saison, habitat, taille (G. R. Soc. biol., 10° série, V, 1011, 5 nov.). 1898. A. GauTIER, Sur une méthode d'absorption totale de l’'anhydride carbo- nique de l'air (G. R. Acad. des Sc.). 1898. À. Grarp, De la calcification hibernale (G. R. Soc. biol., t. V). 4837. H. Mirne-Enwanps, Recherches pour servir à la circulation du sang chez les Annélides (Ann. des Sc. nat., 2° série, t. X). 1838. Grue (En.), Zur Anatomie und Physiologie der Kiemenwürmer 4 Kæ- nisberg. 1844. De Quarreraces, Observations générales sur le phlébentérisme, organisa- tion des Pycnogonides (G. R. Acad. des Sc. Paris, t. XIX, 2° semestre, 1844). 4845. In., Sur le phlébentérisme (Ann. des Sc. nat. Zool., 3° série, t. IV). 1864. CLaPAREDE, Glunures zootomiques parmi les Annélides de Port-Vendres (Mém. Soc. Phys., HN. Genève, t. XVII). 1865. De Quarreraces, Histoire naturelle des Annelés marins et d’eau douce. 1868. CLaparEDe, Annélides Chétopodes du golfe de Naples (1"*° partie). 4870. Iv., Annélides Chétopodes du golfe de Naples (Supplément, Genève). 1873. Secenka (E.), Das Gefassystem der Aphrodite aculeata (Niederl Archiv für Zool., t. I). 4873. CLaPpaREDE, Recherches sur la structure des Annélides sédentaires. Ge- nève. 4875. A.-E. Marion, Sur les Annélides de Marseille (Rev. des Sc. nat., 10° sé- rie, 1875). 1878. RorrEesron, The blood corpuscules of Annelides (Journ. of anat. and Physiology, vol. XII). 1885. M. Jacquer, Recherches sur le système vasculaire des Annélides (Mitth. aus d. Zool. Stat. zu Neapel, t. VD. 1885. À. WiRen, Om circulations- oh digestions organen hos Annelider (Svensk. vet. Akad. Handlg. NF., vol. XXI, 4° part.). 1886. Harker, On the coloration of the anteria segments of the Maldanidæ (Nature, vol. XXXIL). 4886. Vicuier, Études sur les animaux inférieurs de la baie d'Alger, IT. — Re- cherches sur les Annélides Pélagiques (Arch. de Zool. exp. et gén., 2 série, taV). 1887. E. Meyer, Studien über der Korperbau der Anneliden, 1 (Mitth. aus d. Zool. Stat. zu. Neapel, vol. VIP). 1888. In., Studien uber der Korperbau der Anneliden Il (Mitth. aus d. Zool. Stat. zu. Neapel, vol. VII). 1891. Guénor, Etude sur le sang et les glandes lymphatiques (2° partie, Inver- tébrés ; Arch. de Zool. exp., 2°-série, t. IX). 1891. SouLier, Études sur quelques mens de l'anatomie des Annélides tubicoles de lu région de Cette (Montpellier). 4892. Grirriru, Sur la composition de la Chlorocruorine (G. R. Acad. des Sc. de Paris, 30 mai 1892). RESPIRATION DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 131 1893. A. Maraquix, Recherches sur les Syllidiens (Mém. Soc. scient. et arts de Lille). 4895. Pierre Fauver, Contribution à l'histoire naturelle des Ampharétiens français (Mém. Soc. nat. scient. Nat. et Math. de Cherbourg, t. XXIX). 1895. In., Influence de l'hiver 1894-1895 sur la faune marine (CG. R. Acad. des Sc. de Paris, 9 sept. 1895). 1896. In., Catalogue des Annélides Polychètes de Suint-Vaast-la-Hougue (Bull. Soc. Linn. de Normandie, 4° série, t. IX). 1896. Cnarces GRavier, Recherches sur les Phyllodociens (Bull. scient. de la France et de la Belgique, t. XXIX). 1897. Arwipsson, Zur Kenntniss der Gattungen Glycera und Goniada (Bichang Voll k. Svensk. vet. Akad. Handlg). 1897. E. Perrier, Traité de Zoologie, fase. IV). 1897. P. Fauvec, Recherches sur les Ampharétiens (Bull. scient. de la France et de la Belgique, t. XXX). 1899. Darsoux, Recherches sur les Aphroditiens (Thèse de Paris). 1899. Cm. Graver, Contribution à l'étude des Annélides Polychètes de lu mcr Rouge. Famille des Lycoridiens (Bull. du Mus. de Paris, t. V). 1900. In., Contribution à l'étude des Annélides Polychètes de la mer Rouge (Nouv. Arch. du Mus., 4° série, t. Il, fasc. 2). 1900. Bercn, Beitrage zur Vergleichenden Histologie über den Bau der Gefässe bei der Anneliden (Anat. Hefte, 1 Abth., 45 Hft... et 49 Hft.). 1901. P. Fauvec, Les variations de la Fuune marine (La Feuille des Jeunes naturalistes). ; 4904. G. FERRONNIÈRE, Etudes sur la Fuune supralittorale (Thèse de Paris). 1901. J. Bouxmor, Recherches expérimentules sur la respiration des Annélides. Étude du Spirographis Spallanzanii (C.R. Acad. des Se., 3 juin 1901). TABLE DES MATIÈRES Pages INTRODUCTION. ARC 0 NET TARN ce er RE PSE 1 PREMIÈRE PARTIE. 1. État de la question et considérations générales................ 5 IL. Quelques considérations physico-chimiques sur l’eau de mer, mi- lieu respirable des Annélides Polychètes...........:......... 11 II. Méthodes et dispositifs expérimentaux. ................... 18 APISLOFIQUe AA ACER Mer. Re M AAPERR RTS EL RRER 18 2 iMéthoderetdispositiisdoplés CPC REP EE EL P EPP 23 DEUXIÈME PARTIE. LPrelimminaires: 2e PARA MOTS RE RER VAT Rene 32 Il. Influence générale de la taille sur la respiration des Annélides.. 36 Ill. Influence de la complication et du développement plus ou moins grands des appareils respiratoire et circulatoire sur la respira- tion des Annélides: #2 0P RSA Ut AMAR ASS 40 IV. Modifications de la respiration des Annélides pendant la matu- rité sexuelle et les métamorphoses. ......................... 63 V. Relations de l’activité respiratoire des Annélides avec l'habitat elle senre de Miesi is AS NE tree Enr PRE ST ERE 69 aNRESimerespiraltoinen na bASSe ERP EEE Pr 12 brRoôle du tube cCheziles Sédentaires PEREEE CRAN 75 VI. Relations de l’activité respiratoire des Annélides avec quelques milieuxrespirablesan orme PERCEPECPE EE EC ES 80 10 SAUMALT EM ARIANE AMEN EUR EURE MENT St 82 DA AU SUrS ae 6 AMEN AURAS TR ARE A a ME EAP 89 VIl: Phénomenes aSphYXIQUeES 2 RAA SERRE PANNES UE NS 9% VIII. Coup d'œil d'ensemble sur la respiration des Annélides....... 104 TROISIÈME PARTIE. I. Quelques considérations sur la respiration comparée des Anné- lides et des autres animaux aquatiques... ..... 109 NRÉSamMÉISÉNEra le 2 RO PRESS ee 121 Indexbiblopraphique 1,7 PRRREPSARRERE "CE 129 LA TACHYGÉNESE ACCÉLÉRATION EMBRYOGÉNIQUE, SON IMPORTANCE DANS LES MODIFICATIONS DES PHÉNOMÈNES EMBRYOGÉNIQUES : SON RÔLE DANS LA TRANSFORMATION DES ORGANISMES. Par MM. EDMOND PERRIER et CHARLES GRAVIER . HISTORIQUE. — DÉFINITIONS Objet et limites du mémoire. — Le sujet que nous nous proposons de traiter ici est d’une importance primor- diale, parce qu'il touche à toutes les branches de l’embryo- génie, qu'il intervient également à un haut degré dans les modifications que les formes extérieures et l’organisation des êtres vivants, animaux ou végétaux, ont subies, enfin, quil a été l’origine de procédés évolutifs en tête desquels il faut placer l'apparition de la génération sexuée elle-même. La considération de ce que nous appelons la tachygénèse introduit tout au moins dans la science, nous espérons le démontrer, un moyen de coordonner scientifiquement et méthodiquement les phénomènes embryogéniques, de les enchaîiner les uns aux autres dans un ordre déterminé et rigoureux duquel les explications jaillissent, pour ainsi dire, comme d'elles-mêmes, et de préciser nettement la valeur des documents que l’embryogénie fournit à la recherche des enchaînements généalogiques des formes vivantes. 134 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. Nous n’avons pas l’intention de réunir ici tous les faits qui relèvent d’une aussi vaste discipline; il serait nécessaire, pour cela, de reprendre à peu près tout ce qui à été écrit sur l’embryogénie, de coordonner autrement toutes les données qui ont été recueillies, de critiquer d’un nouveau point de vue toutes les conclusions qui ont été lirées de leur coordination partielle, pour en élaguer une bonne part et assigner aux autres la place réelle qu’elles doivent occuper dans l'édifice embryogénique méthodiquement reconstruit. Nous nous sommes simplement efforcés de rassembler dans des chapitres distincts, les faits les plus significatifs qui correspondent aux diverses faces sous lesquelles cette grande question de la tachygénèse peut être considérée ; nous avons espéré construire ainsi une trame sur laquelle chacun pourra facilement placer les faits ana- logues que nous avons dû négliger, pour laisser plus nette- ment apparentes les grandes lignes de notre sujet. Insuffisance des essais de groupement des phéno- mènes embryogéniques tentés Jusqu'ici, impropriété et caractère artificiel des termes cénogénie et palin- génie, embryogénie condensée et dilatée. — Tous les embryogénistes savent que les phénomènes de développe- ment s’accomplissent d’une façon fort différente chez des animaux voisins, non seulement lorsque les conditions de développement sont elles-mêmes différentes, comme chez les Palæmonetes d’eau douce et les Palæmonetes marins [Boas, Giard (1)}, l’Alphæus heterocheles et V'Alphæus Saulcyi [W.K. Brooks et F. H. Herrick (2)}, mais aussi lorsqu'elles sont en apparence identiques, comme on le voit, par exemple, chez les diverses espèces de Balanoglossus [Bate- (4) Boas, Ueber den ungleichen Entwicklungsgang der Salzwasser und der Suesswasserform von Palæmonetes varians (Zool. Jahrbuch, t. IV, 1889, p- 793-884). — A. Giard, De l'influence de l'éthologie de l'adulte sur l'onto- génie du Palæmonetes varians Leach (CG. R. de la Soc. de biol., 9° série, t. 1, 1889, p. 326-328). (2) W. K. Brooks and F. H. Herrick, The Embryology and Metamorphosis of the Macroura (Johns Hopk. Univ, Gireul., vol. XI, 1892, n° 97, p. 65-71) LA TACHYGÉNÈSE. 135 son, Spengel, Morgan (1)}, et chez divers groupes de Tuni- ciers [ Diplosomoïdes Lacazu, Lahille (2)|, etc. Ces différences ont élé relevées depuis longtemps, et des mots ont été créés pour opposer les uns aux autres les cas où elles étaient en quelque sorte poussées à l'extrême. Hæckel (3), en effet, distingue deux formes d’ontogénie : 1° La palingénie (de makyyevecia, ac, renaissance, retour à une nouvelle vie, rétablissement d’une chose dans son état primitif), dans laquelle les formes revêtues successivement par la série des ancêtres sont reconnaissables au cours du développement de l'être considéré; ce serait le résumé ontogénique ou la courte récapitulation de l’histoire de la forme ancestrale : 2° La cénogénie (de xuv6c, nouveau, récent), dans laquelle le développement palingénésique est masqué, à une époque plus ou moins précoce, par une adaptation secondaire à des conditions spéciales d’existence de l'embryon ou de la larve et qui ne serait pas héritée de la série des ancêtres (4). Chez l'Homme, Hæckel considère comme processus palin- (1) W. Bateson, The early stages in the Development of Balanoglossus sp. ind. (Quarterly Journ. of Microsc. science, 1884, vol. XXIV, p. 207-235, pl. XVII-XXI). — The later stages in the Development of Balanoglossus Kovalevskyi with a suggestion on the Affinities of the Enteropneusta (Quarterly Journ. of microsc. Science, 1875, vol. XXV, Suppl., p. 81-122, pl. IV-IX). — Continued Account of the later stuges in the Development of Balanoglossus Ko- valevskyi, and of the Morphology of the Enteropneusta (Quarterly Journ. of microsc. Science, 1886, vol. XXVI, p. 512-533, pl. XXVLI-XXXID. — T. H. Morgan, The Development of Balanoglossus (Journ. of Morphology, 1894, vol. IX, p. 1-86, pl. I-VI). — J. W. Spengel, Die Enteropneusten des Golfes von Neapel und der angrenzenden Meeres-Abschnitte (Fauna und Flora des Golfes von Neapel, XVIII Monographie, 1893, 758 p., 37 pl.). (2) F. Lahille, Recherches sur les Tuniciers des côtes de France (Toulouse, 1890, 328 p., 176 fig.) (3) E. Hæckel, Die Gastrula und die Eifurchung der Thiere (Jenaische Zeit- sch. für Narturwiss., 1875, Bd IX, p. 402-508, Taf. xix-xxv). (4) « Von diesem kritischen Gesichtspunkte aus betrachtet wird die gesammte Ontogenie in zwei verschiedene Haupttheile zerfallen; erstens Palingenie oder « Auszugsgeschichte » und zweitens Cenogenie oder « Fäls- chungsgeschichte ». Die erstere ist der wahre ontogenetische Auszug oder die kurze Recapitulation der alten Stammesgeschichte ; die letztere ist gerade umgekehrt eine neuere, fremde Zuthat, eine Fälschung oder Ver- deckung jenes Auszuges der Phylogenie. » (Loc. cit., p. 409.) 136 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. génésiques transmis par hérédité : la séparation des deux feuillets primaires, la présence d’une corde dorsale entre la moelle épinière et le tube digestif, la formation du crâne primitif cartilagineux, des reins primitifs, des vésicules cérébrales primitives, etc. ; et comme processus cénogéné- siques dus à l’adaptation aux conditions d'existence de l'œuf et de l'embryon : la formation du vitellus nutritif et des enve- loppes de l’œuf, de l’amnios et de l’allantoïde, la fermeture ) 1 tardive de la paroi du ventre et de celle de l'intestin, etc. Chez les Crustacés, Hæckel rapporte à la palingénie : la constance de la forme Nauplius dans le développement des divers ordres de cette classe d'animaux, l'œil frontal impair, les trois paires de pattes natatoires, etc., et à la cénogénie : la segmentation partielle etla formation d’un vitellus nutritif 5 lo chez la plupart d’entre eux, la courbure de l’embryon à l'intérieur de l’œuf, la production de ces formes larvaires si particulières, qui n’ont rien à faire avec les formes ances- trales et sont uniquement dues au combat pour la vie, que les larves dont l'existence est indépendante ont à soutenir, etc. Hæckel avait déjà indiqué en 1874 la différence entre la palingénie et la cénogénie (1), quoique ces deux dénomina- tions n'aient été créées qu'en 1875. Pour la morphologie générale et surtout pour la phylo- génie, la palingénie a une tout autre importance que la cénogénie, en revanche, celle-ci offre plus d'intérêt au point de vue physiologique que la palingénie. Giard (2) a de même distingué d’abord sous le nom (4) « Die Keimform wiederholt durch Vererbung die entsprechende Stammform », formule de la palingénie. « Die Keimform hat sich durch Anpassung von der entsprechenden Stammform entfernt », formule de la cénogénie (E. Hæckel, Anthropogenie oder Entwickelungsgeschichte des Menschen, 1874, p. 626). (2) A. Giard, Purticularités de reproduction de certains Échinodermes en rapport avec l'éthologie de ces animaux (Bull. scient. du département du Nord, 1878). Les mots « embryogénie condensée » ont été imprimés pour la première fois à propos de la suppression de la queue des larves chez certaines Molgules, dans les Notes sur quelques points de l’embryoyénie des Ascidies (Association française pour l'avancement des Sciences, 1874, Congrès de Lille) où il est question du développement d’une Molgule, exposé LA TACHYGÉNÈSE. 137 d'embryogénies condensées les modes directs de développe- ment, et il a été ainsi amené à leur opposer des embryogénies dilatées comme une sorte de contre-partie toute naturelle. Une première remarque à faire, relativement à ces divi- sions, c’est que les deux catégories distinguées par Hæckel ne sont pas équivalentes; celles de Giard, pas davantage. La palingénie de Hæckel comprend les types d’embryo- génie définis par la loi de Serres, suivant laquelle l’'embryo- génie d’un animal ne serait que la répétilion rapide de ses formes ancestrales; dans la cénogénie, s'accumulent indif- féremment toutes les embryogénies déformées, en quelque sorte, toutes celles dont les processus palingénésiques sont .troublés par des phénomènes secondaires, quels qu'ils soient. Dans le système de Giard, les embryogénies condensées sont celles où le développement est direct ou à peu près; les embryogénies dilatées sont toutes les autres, quelle que soit la raison de la route plus longue suivie par le développement. Cela suffit à indiquer que ces dénominations ne corres- pondent à aucune conception générale des causes modifica- trices des phénomènes d’embryogénie, à aucune coor- dination graduelle et scientifique de ces phénomènes. La palingénie réunit un ensemble de cas qui présentent cette caractéristique commune de reproduire d’une manière plus ou moins abrégée l’histoire de la forme ancestrale; les em- bryogénies dilatées de Giard, dans lesquelles cette histoire est parcourue d'une façon particulièrement lente mais peut aussi être altérée par des interpolations diverses sans lien avec elle, rentrent en partie dans cette catégorie, mais res- sorlissent à l'autre le plus souvent. Entre la cénogénie et les embryogénies condensées, la concordance n’est pas plus en détail dans la Deuxième Étude critique des travaux d'embryogénie relatifs à la parenté des Tuniciers et des Vertébrés (Archives de Zoologie expérimen- tale et générale, t. [, 1872, p. 397-428). — Sur le developpement comparé des types marins et d’eau douce (Rev. scient., 3° série, 1889, n° 21, p. 649). — Sur la formation des organes pur enterocælie et par schizocælie. Signification de ces processus (G. KR. de l’Acad. des Sc., 13 janv. 1890). 158 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. grande qu'entre la palingénie et les embryogénies dilatées. Quoi qu'il en soit, la cénogénie, au sens où l’a entendue Hæckel, ne peut en aucune façon être assimilée à la tachy- genèse, telle qu'elle sera définie plus loin, et les embryogé- nies condensées de Giard n’en représentent que les consé- quences extrêmes. Les nomenclatures de Hæckel et de Giard, sans être opposées, ne sont donc pas superposables; elles sont par cela même insuffisantes. Cette insuffisance tient surtout à ce que Hæckel et Giard ont voulu classer des phénomènes nombreux qui s’enchaînent d’une manière continue en deux calégories opposées, mais dont ils ne définissaient nette- ment qu'une seule. Or, la catégorie bien définie par chacun de ces savants cemprend justement les cas extrêmes de la catégorie que l’autre ne définit que par exclusion; il en résulte que les phénomènes réunis par l’un d'eux dans la catégorie définie par exclusion sont répartis par l’autre entre ses deux catégories opposées. Un tel état de choses, une _ pareille opposition apparente entre des phénomènes en réa- lité continus interdisent tout essai d'explication, alors même que la continuité des phénomènes ainsi violemment séparés serait admise même par ceux qui ont opéré leur disjonction. Sans doute on a toujours considéré ces classificalions utiles à un certain moment, comme éminemment provisoires ; mais on s'en contente faute de mieux, sans s’apercevoir qu’elles faussent, rendent impossible ou stérilisent l’inter- prétation des phénomènes embryogéniques ; nous proposons de les remplacer par une méthode plus précise, dont l’un de nous (1) à fait l’épreuve. Cette méthode consiste simple- ment à tenter de grouper les faits dans l'ordre même de leur dérivation et à préparer ainsi leur explication. Il esl nécessaire pour cela de bien établir quels sont les phé- nomènes initiaux de l’embryogénie, d’ordonner les autres suivant le degré d'écart qu'ils présentent relativement à ces (4) Edmond Perrier, Traité de Zoologie. LA TACHYGÉNÈSE. 139 phénomènes initiaux et de chercher si quelque règle générale se dégage de cette coordination. Loi de Serres; embryogénies normales ou patrogénies: leurs caractères.— Tousles embryogénistes sont d'accord sur les phénomènes iniliaux de l’'embryogénie. En tradui- sant dans le langage transformiste la proposition d'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire et de Serres (1) : « L’organogénie humaine est une anatomie comparée transiloire, comme à son tour l'anatomie comparée est l'état fixe et permanent de l'orga- nogénie de l’homme (2); » on peut dire avec Fritz Müller (3) et Hæckel que l’ontogénie d'un organisme n'est qu'une répétition abrégée de sa généalogie. On remarquera que déjà les mots embryogénie dilatée sont en contradiction formelle avec cette proposition. Une ontogénie élant, par essence, la répétilion accélérée des formes qu'ont traversées les ancêtres de l’orga- nisme considéré, on ne peut comprendre comment elle peut être dilatée; le mot est malheureux et doit être abandonné. (1) «.… On voit d’abord la forme transitoire des embryons supérieur: . revêtir fugitivement et en passant les attributs organiques et permanents des animaux inférieurs; de plus, l’organisation permanente de ces der- niers dessine dans ses degrés successifs de perfection toutes les phases em- bryonnaires de celui d’entre eux qui se rapproche le plus du dernier des vertébrés; de sorte que, pour eux aussi, les coupes diverses de leur zoolo- gie ne sont en quelque sorte que l'échelle graduée de leur organogénie » (E.-R.-A. Serres, Précis d'anatomie transcendante appliquée à la physiologie, 1849, t. I, p. 19). (2) E.-R.-A. Serres (Loc. cit., p. 90). Dix ans auparavant (Recherches d'ana- tomie transcendante et pathologique. Théorie des formations et des déformations organiques, appliquées à l'anatomie de Ritta-Christina et de la duplicité mons- trueuse (Paris, 1832, p. 9), Serres avait exprimé le même principe sous cette forme : « L’embryogénie de l’homme reproduit ainsi d’une manière tran- sitoire et passagère, l’organisation fixe et permanente des êtres qui occupent les divers degrés de l'échelle animale. » (3) F. Müller, Für Darwin, 1864 (Trad. F. Debray, Bull. scient. du dépar- tement du Nord et des pays voisins, 2° série, 5° année, 1882, p. 354-382, 418- 462; 1883, p. 10-47). « L'histoire ancestrale de l'espèce sera conservée dans l'histoire de son développement, d’autant plus complètement que la suc- cession des stades de jeunesse qu'elle parcourt d’un pas uniforme sera plus longue, et d’une facon d'autant plus fidèle que la manière de vivre des jeunes s’éloignera moins de celle des adultes, que les caractères des stades particuliers de jeunesse paraïitront moins résulter soil d’un trans- port d’une époque postérieure à une époque antérieure de la vie, soit d'une acquisition indépendante. » (Loc. cit., p.35.) 140 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. Il y a d’ailleurs peu d’ontogénies reproduisant fidèlement la succession des types ancestraux qui ont précédé celui qu’elles tendent à réaliser. Une telle ontogénie, si elle existait pour une espèce donnée, serait l’ontogénie à laquelle il fau- drait comparer toutes celles de la même série généalogique, pour savoir dans quelle mesure elles ont été modifiées; aussi devrait-elle être considérée comme l’ontogénie normale ou patrogénique (de rare, res père; yevvéo engendrer) (1) ; ce serait essenliellement la palingénie de Hæckel; mais ce der- nier mot est mal défini, car il laisse supposer que dans ce type d’ontogénie les formes anciennes sont seules repro- duites, les formes récentes appartenant à la cénogéme, et, d'autre part, nous ne savons pas à quel moment, dans le système de Hæckel, une ontogénie cesse d’être une palingénie pour devenir une cénogénie. L'ontogénie normale où patrogénique est au contraire facile à définir : c’est celle où toutes les formes ancestrales sont reproduites dans l’ordre chronologique de leur succession. Nous le répétons, une telle ontogénie est un type idéal pri- mitif qui n'a probablement jamais été rigoureusement con- servé, el comme la paléontologie ne nous a pas davantage révélé les restes des formes ancestrales de chaque espèce, il semble au premier abord illusoire de rechercher quel a pu être dans chaque groupe zoologique ou botanique, le type embryogénique normal, le type patrogénique. L'examen des faits montre que le problème peut être ce- pendant serré de plus près qu'on ne pourrait le supposer & priori. I est, en effet, tout d'abord évident que la loi de Serres n'aurait jamais été énoncée si des phénomènes de pa- trogénie n'avaient caractérisé d’une manière évidente un grand nombre d’ontogénies. Il est donc permis de se deman- der quelles sont, parmi ces ontogénies, les plus primitives. Une première remarque restreint tout d’abord les recher- ches. Une ontogénie véritablement patrogénique ne reproduit (1) E. Perrier, Rapport sur le prix Serres (CG. R. de l’Acad. des Sc., t&. CXXII, 1896, p. 1151-1159. LA TACHYGÉNÈSE. 141 qu'une série de formes ancestrales adultes, ayant mené une vie indépendante ; il est donc évident que toutes les formes em- bryonnaires dont elle est composée doivent être susceptibles de se mouvoir et de se procurer elles-mêmes leur nourriture. Les ontogénies dans lesquelles l'embryon éclot d’une façon précoce et où tout le reste du développement s'accom- plit en liberté, sont donc les seules parmi lesquelles on ait chance de rencontrer le type normal de chaque groupe, s'il existe. Or, de telles ontogénies sont fréquentes ; de plus elles ne sont pas réparties d’une façon quelconque et l’on peut énoncer cette règle : « Dans chacune des grandes séries du Règne animal, ‘ ordonnées suivant la complication croissante des organismes qu’elles contiennent, les types inférieurs ont, en général, une éclosion précoce et des formes embryonnaires libres et actives. » Les espèces lacustres et les espèces terrestres étant des formes terminales de séries marines, où, comme nous le verrons, l’ontogénie a presque toujours été modifiée, c’est sur- tout, mais non exclusivement cependant, parmi les animaux marins que ces ontogénies à embryons toujours libres et actifs se rencontrent. La règle, d'autre part, n’a une significa- tion importante que si les séries dont 1l s’agit sont bien de véritables séries naturelles, des séries en quelque sorte généa- logiques, dont tous les membres peuvent être considérés comme issus les uns des autres ou de parents communs ; alors, l’ordre dans lequel ils sont disposés dans la série représente l’ordre même de leur descendance. Comme le pensait déjà Cuvier, mais pour d’autres motifs, l'anatomie comparée et la paléontologie doivent fournir les seules bases de ces séries. Puisque l’ontogénie d’un animal n’est que sa généalogie abrégée, c’est, avant (out, dans la généalogie de chaque forme, dont les bases sont fournies par l’anatomie comparée et la paléontologie, que l’embryo- génie doit chercher ses explications; la faire intervenir dans la constitution des séries naturelles du Règne animal, ce serait s’exposer à tous les cercles vicieux, et prétendre, comme 142 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. on le fait implicitement d’une manière générale, comme l'ont faittous ceux quionttenté des classifications embryogéniques, comme les naturalistes de valeur l'ont fait parfois explicite- ment, fonder l’anatomie comparée sur l’embryogénie (1), c'est prendre les choses à rebours et renoncer d'avance à toute explication des formes vivantes basée sur l'hérédité. Enfin, ces séries doivent être complètes et non pas arbitrairement coupées comme sont, par exemple, toutes celles des classi- fications qui opposent les Vertébrés aux Invertébrés, d’où ils dérivent si manifestement ; elles doivent commencer par des formes simples, facilement explicables, à partir des- quelles l’organisation se complique, — sauf les cas de dégradation qui doivent être eux-mêmes élucidés — et non par des formes complexes et inexpliquées, comme toutes les séries qu'on a essayé de construire autour de prétendus types plus ou moins arbitrairement choisis. Ces séries généalogiques se réduisent à cinq, comprenant : 1° Les ProrozoAIREs. 2° Les ÉPoxGEs. | 3° Les Pozypes (Hydroméduses, Acalèphes, Coralliaires). 4° Les ArraroPones (Acères, Cératophores). 5° Les Népariptés (Lophostomés, Monomérides, Annelés, Plathelminthes, Cténophores, Entéropneustes, Échino- dermes, Mollusques, Provertébrés, Tuniciers, Vertébrés). Laissant de côté les Protozoaires unicellulaires ou homo- cystiques, c’est-à-dire formés par l'association d'éléments tous semblables entre eux (Monobia, Myxastrum, Dino- bryon, Protospongia, Epistylis, Carchesium, Zootham- nium, etc.), nous voyons les Éponges calcaires et les Hydroméduses nager dès l’état de bastula; les Hydromé- duses ne constituer d’abord que le premier rameau de leur corps et produire ensuite les autres successivement; parmi les Arthropodes, les plus anciens des Acères, les Trilobites, former presque tous leurs segments un à un après la (1) L. Roule, L’anatomie comparée des animaux basée sur l’embryogénie (Paris, 1898. Masson et Cie, édit., 2 vol.). LA TACHYGÉNÈSE. 143 naissance et actuellement tous les Crustacés inférieurs ou Entomostracés, les Nébaliidés, quelques Schizopodes (Æ£u- phausia), et les Décapodes primitifs (Penæus) naître à l’état de nauplius. De même, les Lophostomés et les Polychètes errants, les Géphyriens armés, les Entéropneustes, les Échinodermes naissent soit à l'état de trochosphère (ou trochophore), soit à un état voisin qui se retrouve même chez les Mollusques primitifs tels que les Chitons. IL y à donc déjà une présomption que tous ces animaux présentent une ontogénie rapprochée de l’ontogénie normale ou patrogénique. Embryogénies adaptatives ou armozogénies; armozo- génies libres et patrogénies. — Se développer librement et rechercher soi-même sa nourriture sont des conditions nécessaires que doivent remplir les formes embryonnaires successives d’un même animal pour constituer une ontogénie patrogénique. Mais ces conditions ne sont pas suffisantes pour donner aux embryons qui les pré- sentent un caractère an- cestral. Certains embryons libres — cela arrive sur- tout chez ceux qui mènent une existence pélagique — présentent soit une forme du corps tout à fait inutile pour conduire de la forme initiale à la forme ; .,e pe 7e Fig. 1. — Pilidium très avancé dans son définitive [Pilidium des développement, avec une touffe apicale de Némertes (fig. 1) Tornaria cils, et présentant dans son intérieur la L Némerte. — 0e, æsophage ; D, tube diges- des Balanoglosses (fig. 2 tif; Am, enveloppe amniotique ; R, ébauche se 5 Aupiate de la trompe de la Némerte; So, organe et3), Bipinnaria desEtoiles latéral (d’après Bütschli). k de mer (fig. 4), etc.|, soit des organes tout à fait transitoires qui ne servent qu’à l'embryon, pendant une certaine période de son existence, 144 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. pour disparaître ensuite [bras des Brachiolaria des Étoiles Fig. 2. — Tornaria, larve de Balano- Fig. 3. — Tornaria vue de profil glossus, vue par la face dorsale (d’après (d’après Metschnikoff). — O, bouche; Metschnikoff). — C, cœur ; W, ébauche À, anus ; S, pôle apical;, W, ébauche de l'appareil aquifère; P et P', sacs de l’appareil aquifère. péritonéaux. de mer, des Pluleus des Oursins et des Ophiures (fig. 5 et 6), Fig. 4. — Larves Bipinnaria d'une Étoile de mer (d’après J. Müller). — A droite, larve jeune ; M, estomac; À, anus, F, rosette ambulacraire avec le canal cilié s'ouvrant dans le pore dorsal; S, tube hydrophore; S{, première ébauche du squelette. — À gauche, larve plus âgée avec la partie marginale de l'Étoile de mer complétement fermée. des larves de certaines Planaires(£wrylepta)|, et qui peuvent LA TACHYGÉNÈSE. 145 Fig. 5. — Larve Pluleus de Strongy- Fig. 6. — Larve Pluteus d'un Spatangide locentrolus lividus vue par la face ven- ‘avec le bâtonnet apical S£ (d'après trale. —We, épaulettes ciliées; O, bou- J. Müller). che; À, anus (d’après E. Metschnikoff). indifféremment, dans les espèces voisines, prendre ün grand développement ou man- quer tout à fait, de sorte que l'aspect de l'embryon change complètement (comparer les embryons du type Prachiolaria de l’Asterias Forbesi avec les embryons à développe- ment direct de l’Asterius spuabilis). De (els em- bryons peuvent fort bien ne pas représenter des formes ancestrales. Bien que les embryons des formes dont les an- cêtres ontsuccessivement OA Fig. 1. — Stade Nauplius de Penæus vu par la face dorsale. — 4'et 4”, antennules et an- tennes; Mdf, mandibule (d'après Fr. Müller). mené plusieurs genres de vie, possèdent souvent des organes ANN. SC. NAT. ZOOL. xvi, 40 146 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. transitoires externes qui sont parfaitement ancestraux (le velum des larves de Gasléropodes et de Lamellibranches, par exemple), il y a cependant des cas où ces organes transi- toires de l'embryon résultent d’une adaptation momentanée de celui-ci à des conditions d'existence qui lui sont propres, Fig. 8. — Larve Elaphocaris d'un Sergesles. — Les épines secondaires sont ordinairement moins nombreuses; leur nombre varie suivant les espèces (d’après S. Bate). que les ancêtres n’ont jamais subies (cénogénie de Hæckel). Ces organes n’ont pas plus été représentés chez les ancêtres adulles de ces animaux que le placenta des embryons des Mammifères ou leur cordon ombilical ne l’étaient chez les précurseurs de ces Vertébrés; iis modifient momentanément l'aspect de l'embryon sans influer sur son évolution ulté- rieure ; ils allongent la route que l'embryon devrait suivre LA TACHYGÉNÉSE. 147 dans une ontogénie patrogénique pour arriver à l’état adulte, et c’est dans ce cas qu'il serait quelquefois possible de parler, avec M. Giard, d'une embryogénie dilatée; malheureusement, des organes dus à ce même processus viennent, comme le placenta des Mammifères justement, s'annexer à des em- bryons dont le développement est cependant très « condensé », quand on ne considère que les parties utilisées pour la formation du corps de l'adulte. Ce sont là, en réalité, si l’on veut employer une dénomination exacte, des on{ogénies adaptatives, ou, si l’on veut se servir d’un mot unique, des ar- mozogénies (1), et l’on en peut distinguer de deux sortes : les ar- mozogénies libres ou cinotrophiques, danslesquelles l'embryon est libre et actif, etles armozogénies ootrophiques,où l'embryon évolue sous les enveloppes de l’œuf. Les premières seraient seules susceptibles d'être confondues avec des patrogénies. Les patrogénies cinotrophiques peuvent être naturelle- ment aussi variées que les conditions d'existence des em- bryons où des larves; elles sont caractérisées par l'apparition d'or- ganes défensifs |épines des Nauplius (fig. 7), des embryons du type Elaphocaris (üg.8), des Sergestes, des Zoë (fig. 9), des Porcel- lanes et des Crabes|, ar des caractères mi- Fig- 9% — Larve Zoë d'un Crabe (Thia) après la D £ première mue. — À, antennule; 4”, antenne; méliques comme la ZS, pointe dorsale ; Xf'et Kf”, les deux paires de pattes fourchues, correspondant à la première transparence du COTPS etàla seconde paire de pattes-mâchoires. et la bizarrerie de ses formes chez les embryons pélagiques [Phyllosoma des Pacwurinz (fig. 10), trochosphère des Po/ygordius (fig. 11), Pilidium des Némertes (fig. 1), Ac/inotrocha des Phoronis (1) De äpuitw, adapter; yewäw, engendrer. — E. Perrier, Rapport sur le prix Serres (C. R. de l’Acad. des Sc., t. CXXIIT, 1896, p. 1151-1159). 148 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. (fig. 12), Tornaria des Balanoglossus (fig. 2 et3), Bracholaria et Fig. 10. — Larve Phyllosome de Scyllarus. — a, antennules ; 4’, antennes déjà transformées en écailles; o, pédoncule oculaire; jf, foie; py, ps, ps, les deuxième, troisième, quatrième pattes thoraciques; p, second maxillipède; le premier et le dernier maxillipèdes sont brisés; la cinquième patte thora- cique est simple et petite; À, céphalon; B, péréion, C, abdomen réduit avec des rudiments de pléopodes (d’après S. Bate). Bipinnaria des Étoiles de mer (fig. 4); Pluteus des Ophiures His. 11. — Trochosphère, larve de Poly- Fig. 1?. — Actinotrocha, larve de gordius (d'après B. Hatschek). — O, Phoronis. — $S, portion inférieure bouche ; 4, anus ; XN, rein céphalique ; du corps; D, tube digestif; Lé, Ms, mésoderme ; Sp, plaque apicale ; Prw, tentacules larvaires. couronne ciliée préorale ; Pow, couronne ciliée postorale. et des Oursins (fig. 5 et 6), etc.|; par des dégradations para- LA TACHYGÉNÈSE. 149 sitaires comme on le voit sisouvent chez les larves d’Insectes : enfin par la formation d’annexes protectrices, mais ces der- nières se rencontrent surtout chez des formes dont le déve- loppement n’est pas libre et qui n'appartiennent pas, en conséquence, au cadre des ontogénies patrogéniques. Par cela même qu'elles sont caractérisées par des modifications temporaires et pour ainsi dire accidentelles de l'embryon, les ontogénies adaplatives n’ont qu'une importance secon- daire. Leur coexistence avec les caractères essentiels à réaliser chez l'animal adulte, révèle simplement, chez l’em- bryon, la permanence de certaines forces ou de certains agencements matériels qui le conduisent à un but déterminé, malgré les déformations que peuvent lui imposer les cir- constances dans lesquelles il se développe. Ce sont ces forces ou ces agencements matériels permanents qui constituent, en somme, ce que nous nommons l'érédité. Définition de la tachygénèse ; accélération embryogé- nique. — Il est difficile de caractériser d’une manière générale les modifications adaptatives des embryons, en raison de leur polymorphisme même ; mais on les reconnait assez bien à la liaison intime qu'elles présentent avec les conditions d'existence de l'embryon, et aussi à leur peu de constance dans les espèces d'un même groupe. Quand on les a écartées, on constate, entre les ontogénies libres ou ontogénies cinotrophiques (de xwvéw, se mouvoir, +poon,ns, nourriture) des animaux d’une même série, des différences d’un autre ordre qui ont une importance toute particulière ; ces ontogénies cinotrophiques, en effet, se relient graduelle- ment aux ontogénies dans lesquelles l'embryon captif dans les enveloppes de l’œuf, incapable de mouvements étendus, se nourrit simplement, jusqu à la complète formation de son corps, des réserves accumulées dans l’œuf (onfogéntes ootro- phiques). Les différences en question résident essentiellement dans la rapidité croissante avec laquelle s’accomplissent la segmentation de l’œuf, la différenciation de l’exoderme, de l’entoderme et du mésoderme, la formation des mérides 150 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. constitutifs du corps, celle des différents organes ou systèmes d'organes, de telle sorte que, dans chaque classe du Règne ani- mal, par exemple, on pourra déterminer une ontogénie cinotro- phique présentant le maximum de lenteur, qui se rencontrera, en général, dans les formes inférieures de la classe, sera la plus rapprochée de l'oniogénie patrogénique ou normale des formes primitives du même groupe, el à partir de laquelle toutes les autres pourront étre disposées suivant l'ordre de rapidité croissante de formation des diverses parties du COrpS. Nous ne saurions trop le faire remarquer, la proposition que nous venons d’énoncer n’est ni une hypothèse, ni une abstraction; elle est essentiellement concrète; c'est l'expres- sion d’un fait dont pourront se rendre compte tous les naturalistes familiers avec l’embryogénie générale. L'un de nous (1) a pu grouper sans difficulté, d’après cette méthode, tous les faits embryogéniques essentiels, relatifs à chaque classe du Règne animal. Dans toutes les classes du Règne animal, 1l anse donc une cause ou un ensemble de causes accélératrices des phénomènes émbryogéniques. A cette cause ou à cet ensemble de causes pour le moment incomplèlement connues, nous donnons le nom de {achy- genèse (de rax, rapide) et aux résultats de l'accélération embryogénique qu'elle produit celui de tachygénies. Les embryogénies condensées de Giard ne sont pour la plupart que des tachygénies poussées à un degré suffisant pour faire un contraste frappant avec les ontogénies cinotrophiques les plus lentes. Tandis que les expressions cénogénies, embryo- génies condensées font naître dans l'esprit et expriment incon- testablement l’idée d’une opposition aux palingénies dans le système de Hæcke]l, aux embryogénies dilatées dans celui de Giard, la tachygénèse doit être entendue comme une (4) Edmond Perrier, Traité de Zoologie, p. 175, 567, 643, 632, 670, 740, 831, 937, 1091, 1206, 1398, 1456, 1479, 1521, 1603, 1708, 1755, 1788, 1832, 1880, 1909, 1924, 2058, 2243, 2563, etc, LA TACHYGÉNÈSE. 151 force sans cesse agissante, ayant déterminé, à partir des ontogénies patrogéniques, une série continue d’ontogénies de plus en plus accélérées, dont les résultats, quels qu'ils soient, sont désignés sous le nom de tachygénies. Cette conception a pour conséquence la substitution à une classification arbitraire, disjonctive, superficielle, inféconde et toute d'opposition des phénomènes d'embryogénie, d’une méthode générale de coordination permettant de faire ressortir, par une sériation continue, les liens que présentent entre elles les ontogénies des animaux d’une même série généalogique ; de déterminer les transformations que subit le mode de déve- loppement des parties du corps et des organes à mesure que l’action de la tachygénèse devient plus intense ; de relier entre eux nombre de phénomènes qui semblaient isolés ; de mettre en évidence la véritable nature de beaucoup de faits mal interprétés et de préparer ainsi, d’une manière en quel- que sorte méthodique et continue, une solution de plus en plus approchée des problèmes embryogéniques ; c'est, en fait, le but vers lequel doit tendre toute méthode vraiment scientifique. Latachygénèse,mode constant d'action de l’hérédité.— Quelle que soit sa nature, la tachygénèse doit être considérée comme une des qualités de l’hérédité ou, si l’on aime mieux, commeune des conditions, suivant lesquelles s'exerce l’action de cet ensemble plus général de causes mal connues, mais certainement déterminables, au moins en partie, auxquelles nous donnons ce nom d’hérédilé. En fait, l’hérédité est la propriété que possèdent les substances protoplasmiques des éléments reproducteurs, de se substituer aux causes de modifi- cation qui ont agi sur les ancêtres de l'organisme auquel ces éléments appartiennent, de manière à reproduire en l'absence de ces causes, les caractères qui leur sont dus. Aux causes pri- miiives quiont lentement agi pour provoquer l'apparition de certains Caractères chez un organisme, l’hérédité substitue, si l'on veut, des causes actuelles, les unes extrinsèques, les autres intrinsèques dont le mode de combinaison est dû 152 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. sans doute aux causes primitives, mais qui agiront actuelle- ment, indépendamment de celles-ci (1). L’hérédité établit donc une discordance entre les carac- tères des organismes et les causes originelles de ces caractères ; elle ne tient plus compte du temps qu'il a fallu à ces causes pour se succéder ou pour agir; C'est ce qui permet à l’œuf fécondé de reconstituer en quelques semaines l’œuvre d'un grand nombre de siècles, en mettant à l'accomplir un temps variable suivant des conditions nouvelles, parmi lesquelles comptent, sans doute, les conditions d'alimentation des substances protoplasmiques dont il est composé; mais ces conditions ne sont pas les seules et ne suffiraient pas à expliquer le caractère le plus remarquable de la tachygé- nèse : la rapidité croissante des phénomènes essentiels de la constitution du corps à mesure que l'organisme s'élève. Généralité et importance de la tachygénése; la ta- chygénèse dans le Règne végétal. — La tachygénèse élant un mode d'action de l’hérédité inséparable de l’hérédité elle-même, une de ses propriétés essentielles, pour ainsi dire, doit se rencontrer dans le développement des plantes, aussi bien que dans celui des animaux. C’est, en effet, ce qui à lieu, et son action apparaît même iei avec un relief qui fera comprendre toute son importance. Au point de vue de la reproduction, les plantes ont traversé les étapes sui- vantes : 1° La reproduction est asexuée. 2° La reproduction sexuée apparaît et, dans des conditions déterminées, se superpose à la reproduction asexuée; ces deux modes de reproduction demeurent sous l'influence de conditions extérieures (la plupart des Thallophytes). 3° La reproduction sexuée et la reproduction asexuée se (1) C'est l'erreur de l’école d’embryologistes dite des causes actuelles (Yves Delage, La structure du protoplasma et les théories sur l’hérédité et les grands problèmes de la biologie générale. Paris, 1895, p. 771-796), de s'arrêter à ces causes et de ne pas voir que les caractères dont elles déterminent l'apparition dans l'embryon ont été créés tout autrement dans la série de ses ancêtres. LA TACHYGÉNÈSE. 153 succèdent régulièrement, sans lien immédiat avec les condi- tions extérieures (Muscinées, Cryptogames vasculaires). Chez les Cryptogames vasculaires, les spores asexuées sont portées par un appareil végétalif volumineux; devenues libres, elles produisent un appareil végétatif de petite taille, mais très grand par rapport à elles, le profhalle, sur lequel prennent naissance les éléments sexués. Le même prothalle porte des archégones dans lesquelles se forment les éléments femelles, des anthéridies où se développent les éléments mâles (Crypto- games vasculaires homosporées). 4° Les spores demeurant identiques entre elles, les arché- sones et les anthéridies sont produites par des prothalles différents; les prothalles sont sexués, mais demeurent de dimensions normales {certaines Prêles). 5° Les spores productrices de prothalles femelles et les spores productrices de prothalles mâles se différencient; les premières, plus grosses, sont des macrospores ; les secondes, plus petites, des microspores. Les prothalles se réduisent au point de demeurer enclus dans la spore qui les a produits; la phase de la végétation sexuée se réduit considérablement. (Cryptogames vasculaires hétérosporées). 6° La macrospore ne quitte plus l’archégone dans lequel elle s'est formée; le prothalle femelle ne quitte plus la spore qui le contient; la fécondation s’accomplit sur le végétal même qui a produit la macrospore. 1° La macrospore cesse de se différencier; il se produit directement dans le macrosporange, qui prend désormais le nom d'ovule, un prothalle inclus dit endosperme dans lequel les archégones sont réduites à une oosphère couronnée d'une rosette de cellules (corpuscules). Le prothalle mâle se compose uniquement de deux cellules qui demeurent incluses dans la microspore désormais dénommée grain de pollen ; V’'anthéridie est réduite à une cellule mère d’anthérozoïdes. La plante CRYPTOGAME VASCULAIRE sf devenue une PHANÉROGAME GYMNO- SPERME. 7° L’endosperme se réduit à six cellules complètes et au 154 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. double noyau du sac embryonnaire; il n’y a plus de corpus- cules, mais une seule oosphère; le grain de pollen se sim- plifie lui-même. La GYMNOSPERME est devenue ANGIOSPERME. 8° Enfin le macrosporange lui-même, l’ovule, paraît se réduire, s'arrêter à une période plus ou moins précoce de son développement (LoranraAcées et autres INséMNÉES de Van Tieghem) (1). La tachygénèse est ici non seulement évidente, mais encore elle apparaît comme l’ouvrière qui a créé,en somme, les grandes divisions du Règne végétalet qui continue à les modifier. Il est vraisemblable que sous la forme particulière, fréquemment observable chez les animaux ramifiés, et désignée en 1881 par l’un de nous sous le nom d'accélération mélayénésique (2), elle a tiré les fleurs verticillées des fleurs hélicoïdes, qu’elle a contribué à réduire le nombre des parties de la fleur, transformé les dialypétales en gamopé- tales, créé l’inflorescence spéciale des Ombellifères et des Composées, limité à un an la durée de la vie de nombreuses Angiospermes, etc. L'examen attentif des faits permet de constater son inter- vention aux divers stades du développement des végélaux les plus différents. Ainsi G. Chauveaud (3), étudiant les phases successives du développement du Haricot, a montré que l'accélération de développement s’accentue à mesure qu'on s'éloigne de la racine, qu'avant d'atteindre les cotylédons, on observe la suppression plus ou moins complète du mé- taxylème, que cette accélération se poursuit dans toutes Les parties aériennes, tiges et feuilles. Par suite, « la structure de la feuille doit être considérée (1) Ph. van Tieghem, L'OŒuf des plantes considéré comme base de leur clas- sification (Ann. des Sc. nat., 8° série, Bot., t. XIV, 1901). (2) Edmond Perrier, Les colonies animales et la formation des organismes, 207 (3) G. Chauveaud, Sur le passage de la structure primaire à la structure secondaire dans le Haricot (Bull. du Mus. d’hist. natur., 1901, p. 23-26, avec 4 figures). LA TACHYGÉNÈSE. 155 comme une acquisition plus ou moins tardive dans l’évolu- ton de la plante vasculaire. En la prenant comme point de départ, on ne saurait donc expliquer la constitution de la tige et surtout celle de la racine. » Chez une monocotylédone, le Trocart (Triglochin), le même botaniste (1)a mis également en évidence l'accéléra- lion qui se manifeste dans les premières phases du déve- loppement. En outre, G. Chauveaud (2) observant le passage de la position alterne à la position superposée de l'appareil con- ducteur dans le cotylédon de l'oignon, a montré que les « diverses phases de ce passage, bien espacées à la base du cotylédon, se raccourcissent au fur et à mesure qu'on s'élève vers son extrémité, et l'accélération devient si grande, que, dès la base de la première feuille, ce sont les vaisseaux cen- trifuges qui apparaissent les premiers. » Chez le Thuia, le liber est formé, à l’origine, de tubes à parois minces sans aucune différenciation, puis de tubes offrant de petites plages criblées qui conduisent peu à peu aux premiers tubes criblés. Il en est ainsi dans la radicule, dans toutes les radicelles, dans l’axe hvpocotylé et dans les cotylédons. G. Chauveaud (3) a fait remarquer qu'à mesure qu'on s'éloigne de la radicule, on observe une réduction progressive qui correspond à une accélération dans le déve- loppement, celle-ci se traduit par une différenciation de plus en plus précoce des éléments précurseurs, « de telle sorte qu'au-dessus des cotylédons, les phases primitives du développement du liber paraissent supprimées ». (1) G. Chauveaud, Sur le passage de la disposition alterne des éléments libériens et ligneux à leur disposition superposée dans le Trocart (Triglochin) (Bull. du Mus. d'hist. nat., 1901, p. 124-130, avec 12 figures). (2) H., Passage de la position «lterne à la position superposée de l'apnareil conducteur, avec destruction des vaisseaux centripètes primitifs, dans le coty- lédon de l'Oignon (Allium cepa) (Bull. du Mus. d'hist. nat., 1902, p. 52-60, avec 10 figures). (3) Id., Développement des éléments précurseurs des tubes criblés dans le Thuia orientalis (Bull. du Mus. d’hist. nat., 1902, p. 447-454, avec 6 figures). 156 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. Ces quelques exemples, entre tant d’autres que la bota- nique pourrait fournir, suffisent pour donner une idée de l’importance de l'accélération embryogénique dans le Règne végétal. La tachygénèse ne modifie donc pas seulement le mode de développement des organismes ; elle est susceptible de créer des organismes nouveaux, elle est une cause permanente de modification de ceux-ci, et lorsque Henri Milne-Edwards et d’autres naturalistes se sont demandé si des organismes nouveaux ne pouvaient pas avoir des monstruosités pour origine, ils n'auraient certainement pas répondu négative- ment à cette question, si la notion de la tachygénèse avait pu se présenter à leur esprit. Ce qui précède sera justifié par l'étude plus approfondie que nous allons faire de la tachygénèse et de ses effets dans le Règne animal. IL LA TACHYGÉNÈSE ET LE DÉVELOPPEMENT DES PARTIES CONSTITUTIVES DU CORPS Constitution fondamentale du corps des animaux; mode de formation patrogénique du corps. — Le corps des Éponges, des Polypes, des Bryozoaires, des Ascidies composées est manifestement formé de parties identiques entre elles, ou tout au moins analogues, qui naissent succes- sivement les unes des autres, comme les rameaux d’une plante, et se placent latéralement par rapport aux parties d'où elles proviennent, avec lesquelles elles font un angle variable. De même, le corps des Arthropodes et celui des Vers annelés sont non moins manifestement composés de parties similaires entre elles, naissant aussi successivement et sou- vent par la division de celles qui existaient déjà, mais qui, au lieu de se placer latéralement par rapport aux parties préexis- tantes, se disposent dans la même direction linéaire, ce qui revient à dire qu'elles font avec elles un angle constant de 180°. Nous avons proposé une nomenclature uniforme pour désigner les rameaux du premier type d'organisme, les segments du second et nous leur avons donné le nom de mérides (1) qui peut facilement entrer en composition comme dans les expressions spongioméride, hydroméride, bryomé- ride, arthroméride, trochoméride, qui conviennent respecti- vement aux mérides constitutifs des Éponges, des Hydromé- (1) Hæckel a employé dans un sens plus vague le mot personne el, dans un sens plus restreint, les mots antimère et métamère qui ont le même radi- cal que le mot méride, mais ne permettent pas l'isolement de ce radical. 158 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. duses, des Brvozoaires, des Arthropodes, des Vers annelés. Quand des mérides demeurent associés, ils constituent un zoïde. De même que dans unzoïde, ils peuvent se différencier de manière à faire naître entre les parties de celui-ci une certaine solidarité, de même des zoïdes peuvent s'associer à la façon des mérides, et ils constituent alors un déme(1). Dans certains dèmes, ceux de quelques Siphonophores, par exemple, des sroupements de zoïdes peuvent même se former et acquérir une individualité complète, ce sont alors des démules. Les mots zoïdes et dèmes entrent en composition aussi bien que le mot méride et permettent de dire un coralliozoïde, un bryozoide, un coralliodème où un zoanthodème, un helmin- thodème, un ascidiodème, expressions qui, au point de vue morphologique, ont loute la précision et toute la clarté désirables, sans avoir rien cependant de barbare, ni même d'inattendu, puisque certaines d’entre elles ont déjà été em- ployées (Lacaze-Duthiers). A l’état adulte, il n'existe aucune différence essentielle entre les modes de constitution du corps des animaux appar- tenant aux groupes que nous venons d'énumérer; 1l serait par conséquent absurde de supposer que les parties qui les composent n’ont pas la même origine ou présentent, sui- vant les cas, une signification morphologique différente. Or, chez la plupart des Polypes, des Bryozoaires et des Tuniciers, chez les Arthropodes et chez les Vers annelés inférieurs, cette origine et cette signification morphologique sont très claires. L'œuf forme directement un premier méride, l’ooméride. Quand celui-ci est complètement développé, il se constitue à ses dépens un, rarement plusieurs bourgeons destinés respec- tivement à devenir aulant de mérides qui ne sont qu'indirec- tement issus de l’œuf et que nous appellerons des 4/astomé- rides. La répétition du bourgeonnement sur les blastomérides de divers ordres, conduit à la formation plus ou moins (1) Le mot cormus de Hæckel s'applique, d’après la définition même, tan- tôt à des zoïdes, tantôt à des dèmes; ainsi un cormus d'Hydres ou de Bryo- zoaires est un Zoïde; un cormus de Coralliaires ou d’Ascidies est un dème. LA TACHYGÉNÈSE. 159 lente d'un zoïde, qui peut s'élever au rang de dème par la différenciation, le groupement particulier, les adaptations réciproques de ses divers mérides; le dème se trouve alors naturellement scindé en zoïdes dont l'autonomie peut aller jusqu’à la séparation complète et spontanée. Quand les choses se passent ainsi, l’ontogénie peut être considérée comme pa- trogénique. Il est déjà rare, à la vérité, que la différen- cialion, le groupement et les adaptations réciproques des mérides qui conduisent à la formation de dèmes s’accom- plissent après que les mérides ont revêtu une forme initiale qui se modifie ensuite; les formes spéciales des mérides diffé- renciés et leur groupement sont le plus souvent réalisés d'emblée. Cependant chez un certain nombre de polypes, les mérides reproducteurs où gonomérides ne revêtent leur forme spéciale qu'après avoir acquis d’abord la forme com- mune à l’ooméride et aux mérides nourriciers ou gastromé- rides (Eudendrium ramosum, E. capillare, etc.). Dans d’autres cas, au contraire, le bourgeonnement est accéléré au point de se manifester sur l’ooméride bien avant qu'il n’ait atteint sa forme définitive, parfois même avant son éclosion (voir le paragraphe consacré aux Tuniciers); et ses processus peuvent alors se modifier au point d'avoir créé, chez d’ex- cellents esprits, les plus grandes incertitudes sur la nature des phénomènes qu'ils observaient. À cette accélération du bourgeonnement, l’un de nous a donné le nom d'accélération métagénésique (1). On en peut constater les effets dans les groupes les plus différents du Règne animal. La tachygénèse chez les organismes ramifiés. — Les belles études de Hæckel sur les Éponges calcaires avaient lancé la Morphologie des Éponges dans une voie d’où elle est peut-être prématurément sortie, en raison des diffi- cultés que présentait déjà chez les Éponges calcaires la détermination rigoureuse des spongiomérides que Hæckel ramenait à son type O/ynthus. La méthode morphologique (1) E. Perrier, Les colonies animules, 1881, p. 276. 160 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. de Hæckel, légèrement modifiée n’a pas élé cependant sans donner quelques résultats intéressants, même pour l'intelli- gence de la structure des Eponges les plus massives (/héo- Fig. 13. — 1, phylactocarpe de Lylocarpus bispinosus: d, d', dactylothèque ; h, h', gastrothèques; g, gonangium; p, rameaux modifiés qui protègent le gonangium. — ?, phylactocarpe de Cladocarpus dolichotheca: d, dactylo- thèques ; L, gastrothèques ; p, rameaux stériles ; g, gonangium; cæ, phylacto- gonium. — 3, corbule ouverte d'Aglaophenia allenuata: h, d, d', comme ci- dessus ; p, lames libres de la corbule ; d”, dactylostiques du rameau principal. — #4, corbule fermée d'Aglaophenia filicula: mêmes lettres que ci-dessus; pl, lames adhérentes de la corbule (d’après Allman). rie du Rhagon de Lendenfeld). Les spongiomérides sont en- _core trop difficiles à définir, l'étude de l’embryogénie et de la morphologie des Eponges est encore trop peu avancée LA TACHYGÉNÈSE. 161 pour que nous puissions tirer de l'étude de ces animaux des résultats saisissants au point de vue qui nous occupe. Il en est tout autrement dans la classe des Hydromérides. Là, les mérides revêtent dans un même zoïde des formes di- verses et déterminées pour chaque espèce; ils affectentsouvent des modes de groupement constants qui les réunissent soit en organes incapables de mener une vie indépendante |[pAy- lactocarpes des Lytocarpus bispinosus, Cladocarpus dolicho- theca, etc., corbules des Aglaophernia attenuata, À. filicula, etc. (fig. 13)|, soit en véritables organismes capables de s’isoler, les méduses. Les méduses sont, avec l’hydrodème qui les produit, dans les mêmes relations que la fleur par rap- port aux plantes phanérogames. Le mode de constitution d'une méduse adulte, abstraction faile de toute autre consi- dération, ne peut laisser aucun doute sur l’origine d’un sem- blable organisme : c’est un polype nourricier (gastrome- ride), entouré d’un verticille de quatre polypes préhenseurs (dactylomérides) reliés entre eux par une palmure constituant Fig. 14. — Bourgeons médusoïdes de l’Octorchis (Campanopsis) campanulatus. — À gauche, bourgeon jeune, à droite, bourgeon plus avancé. Kk, noyau du bourgeon ; K, capsule d'enveloppe exodermique ; Ek, exoderme; En, revêtement entodermique de la cavité vasculaire. l’ombrelle de la méduse. Ceci est l’expression d’un fait et l’on s'explique facilement, par les considérations physio- logiques les plus simples (1), comment une méduse à pu (1) E. Perrier, Traité de Zoologie, p. 629. ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI 162 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. être réalisée sur un hydrozoïde. Il n’y aurait certainement pas eu de discussions à cet égard, si les embryogénistes n'étaient intervenus (1). Dans la grande majorité des cas, en effet, les médusesse forment à l’intérieur d’une enveloppe qui condamne tous leurs organes à l’inaction (fig. 14 et 15). Ce mode de formation n’a manifes- tement rien de patrogénique, rien non plus d’adaptatif. Les arguments qu'on à voulu en tirer quant à l’origine des méduses, sont par cela même sans valeur. Si l’on considère, au contraire, ce développement comme un effet de la tachygénèse, on peut en déduire, comme nous le verrons plus tard, des renseignements PEN Es. «on so AY : re oo» & 0 Fig. 15. — Phase plus avancée du développement d’un bourgeon médusoïde d'Octorchus. On voit le tube gastrique Mr, deux vais- seauxradiaires avecles gros bour- relets tentaculaires et l’ébauche des quatre tentacules accessoires, ainsi que les vésicules auditives Of. Dans la cavilé centrale, des sphérules de taille diverse sont précieux relativement aux phé- nomènes que celle-ci est suscep- tible de provoquer. Le caractère tachygénétique mises en mouvement par les cils ‘) à 1e = baies des aret des méduses s'accuse d’ailleurs par ce fait que beaucoup d’entre elles, comme les hydromérides d’où elles proviennent, ont conservé la faculté de bourgeonner. Chez les Leptoméduses, le bourgeonnement a lieu sur‘les canaux gastro- vasculaires (Thaumantias) où sur les poches stomacales (Æyenthesis, Gastroblasla) et donne alors naissance à un gamoméride; chez les Anthoméduses, il se produit, suivant les espèces, (4) Ainsi, pour W. K. Brooks (The Life History of the Hydromedusæ. À Dis- cussion of the origin of the Medusæ and the significunce of metagenesis (Me- moirs of Boston Soc. nat. Hist., vol. ILE, 1886, p. 359-430, pl. XXXVII-XLIV), l'ancêtre des Hydroméduses aurait été une simple hydre nageante,sans stade médusiforme, mais vraisemblablement capable de bourgeonner. Plus tard, après s'être fixée, cette larve aurait donné naissance à deux espèces de bourgeons, dont les uns se seraient transformés en méduses, les autres en polypes hydroïdes. Enfin, se seraient montrées les méduses libres, après la régression de cette seconde catégorie de bourgeons. LA TACHYGÉNÈSE. 163 dans les points les plus variés : sur le manubrium (Lizzia, Rathkea, Sarsia, ete.), à la base des tentacules (Codonium, Corymorpha, Syncoryne (fig. 16), sur le bord ombrellaire (Eleutheria, ete.) ; dans ce groupe cest non plus un méride qui se forme, mais presque toujours directement une méduse. Chun (1) qui a éludié d’une manière appro- fondie le bourgeonnement du manubrium des méduses de la famille des MarGELIDÆ (Rathkea, Lissia) à fait con- naître la disposition cyclique très régulière de ces bour- geons et leur origine unique- ment exodermique. Cette formation directe des mé- duses, leur origine purement : 4 Fig. 16. — Méduse de Syncoryne portant exodermique, supposent évI- des bourgeons médusoïdes à la base demment une action éner- ‘euflée des tentacules marginaux (d’a- près Allman). gique de la tachygénèse, etil y à lieu de se demander si les gamomérides apparents des Leptoméduses ne sont pas des méduses atrophiées. La formation d’une méduse suppose l'existence préalable d’un hydrozoïde qui élabore en quelque sorte ses éléments constitutifs. Les méduses, pour se développer, et aussi parce qu'elles contiennent les éléments génitaux, attirent àelles une part considérable de substances nutritives élaborées par les gastromérides. Si la tachygénèse provoque leur formation, elle doit déterminer, par compensation, un avortement graduel de rade L'hydrozoïde se réduit effecti- vement à un seul gastroméride qui produit directe- ment des méduses chez la Cunoctantha octonaria (2), les S (4) G. Chun, Cœlenterata, Bronn's s Thierreich, Il, 2, 1897. (2) Mac Crady, Of Oceania (Turritopsis) nutricola nov. sp. and the embryo- 164 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. Cunina rubiginosa et proboscidea (1); l'hydroméride ini- tial se réduit encore plus chez les Cuninu, parasites des À 1 Lit Fig. 117. — Scyphistome à seize tentacules, faiblement grossi. — Gw, bourrelels gastriques. GerYonupÆ (2); il semble constituer le gastroméride même de la Méduse chez les Æcinipz, les PEGANTHIADZ et logical history of «a singular Medusan larva found in the cavity of ils bell (Proceed. of the Elliot Society of natural history, 1857, p. 1, pl. VD). (1)E.Metschnikoff, Vergleichendeembryologische Studien:1,Entodermbildung der Geryoniden ; 2, Ueber einige Stadien der in Carmarina parasitirende Cunina (Cunoctuntha Hæckel) (Zeitsch. für wissench. Zool., vol. XXXVL, p. 433-458, pl. XXVIIL, 1882). — Embryologische studien an Medusen. Ein Beitrag zur Geneulogie der Primitiv-Organe (Wien, 1886, 159 p., 10 fig., atlas avec 12 pl.). (2) A. Korotneff, Cunoctantha und Gastrodes (Zeitsch. für wissensch. Zool., Bd LXVII, 1888, p. 650-657). — Zoolugische Paradoxen (Zeiïtsch. für wis- sensch. Zoologie, Bd LI, 1891, p. 613-628, & XXX-XXXIF. LA TACHYGÉNÈSE. 165 les AGLAuRIDÆ (1), où ne se montre que tardivement la substance gélatineuse de l’ombrelle de la méduse ; enfin, au cours même de la segmentation, la substance gélatineuse se produit et la méduse se caractérise par conséquent d’em- blée chez les GeryonipÆ. La tachygénèse fait ainsi appa- raître un groupe nou veau de méduses à développement direct, celui des TRACHYLINA, mani- festement issues des Hydro- méduses, où la méduse était en quelque sorte la fleur d’un hydrodème. Les Tra- Fig. 18. — Commencement de la stro- Fig. 19. — Strobile se divisant en Ephy- bilation du Scyphistome. rules (larves d'Acalèphes). CHYLINA conduisent aux grandes méduses qui forment la classe des Acalèphes et dont le développement rappelle le leur. Le scyphistome des Acalèphes (fig. 17, 18, 19) n’est, en effet, qu'une méduse directement développée, encore dépourvue de substance gélatineuse et que l'on pren- drait pour un hydroméride, n'étaient ses quatre cordons gastriques (catammes), le nombre constant de ses tentacules (4) E. Hæckel, Das System der Medusen ; 1, Die Craspedoten (Lena, 1879-1880). 166 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. et le fait capital qu'il donne des méduses par simple scissi- parité. Cette erreur souvent commise a fait, de la scissiparité des seyphistomes, un argument que l’on à cru décisif en faveur de l’équivalence des hydromérides el des méduses ; on avait seulement oublié d'établir l’équivalence d’un Fig. 20. — Sarsra avec un triple manubrium régénéré (d’après G. Hartlaub). hydroméride et d’un scyphistome. C’est par une faute d'interprétation du même ordre que Metschnikoff (1) et P. E. Müller (2) ont été amenés à considérer les Siphono- (1) Elias et Ludmila Metschnikoff, Matériaux pour l'étude des Siphono- phores et des Méduses [C. R. de la Soc. des Amis des sciences de Moscou (en russe). Moscou, 1870-1871, vol. V]. (2) P. E. Müller, Jagttagelser over nogle Siphonophorer (Naturh. Tids., 3° série, vol. VIT, 1870-71, p. 261-332 et 541-547, pl. XI à XIII). LA TACHYGÉNÈSE.: 167 phores comme dérivant de méduses à manubrium allongé et bourgeonnant, semblable à celui des Sarsia et dont l'ombrelle se serait retournée. Hæckel (1) partant du même point de vue a imaginé la fameuse Medusom-Theorie, d'après laquelle les Siphono- 1 l f } 1 Fig. 21. — Triple manubrium régénéré de Sarsia ; au-dessus de la séparation des trois manubriums, on voit une sorte d'appendice tactile rétraclile. Détaché de l'ombrelle, ce manubrium multiple put vivre encore neuf semaines, d’une manière indépendante (d’après C. Hartlaub). phores seraient des colonies de méduses plus ou moins avortées. La larve (Siphonula) se transformerait en une méduse dont l’ombrelle deviendrait le flotteur et serait l'individu fondateur de la colonie. Sur le manubrium, (1) Ernst Hæckel, System der Siphonophoren auf phylogenetischer Grundlage entworfen (Jenaische Zeistchrift für Naturw., Bd XXIL, 1888, p. 1-16). 168 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. bourgeonneraient les individus de seconde génération, dont le groupement constituerait les démules ou cormidies ; les sgonozoïdes de ces dernières donneraient naissance à des individus sexués de troisième génération. Les très intéressantes observations de CI. Hartlaub (1) sur une Sarsia à triple manubrium régénéré (fig. 20 et 21) ont un moment semblé fournir un point d'appui à cette théorie; mais les nombreuses anomalies du même ordre des organes régénérés enlèvent toute solidité à ce point d’appui et nous avons vu que le bourgeonnement de méduses sur d’autres méduses est un simple fait de tachygénèse. Aussi la Medusom- Theorie est-elle aujourd'hui à peu près complètement aban- donnée (2). Hæckel a d’ailleurs été conduit par sa théorie à attribuer une origine double aux Siphonophores : tandis qu'il rattache les Siphonanthes aux Anthoméduses, il fait dériver les Disconanthes des Trachyméduses. Mais Chun (3) et Claus(4) ont montré que, chez les individus adultes, rien ne justifiait cette manière de voir; et de plus, d’après Les observations de Bedot (5) qu'il serait fort désirable de compléter, la larve des Disconanthes de Hæckel ne paraît pas différer sensible- ment, au début, de celle des Siphonanthes ; elle se compose- rait d’un flotteur, d'un gastroméride et d’un dactyloméride. Chun, qui a si fortement contribué à étendre nos connais- sances sur les Siphonophores, a montré en outre que la tige sur laquelle se produisent les démules correspondait, non pas à un manubrium comme le voudrait l'hypothèse de Metschmikoff, de P. E. Müller et de Hæckel, mais à un (1) CI. Hartlaub, Ueber Reproduction des Manubriums und dabei auftre- tende siphonophorenähnliche Polygastrie (Verhand. deuts. zool. Gesellsch., 6 Vers., 1896, p. 182-191, 4 fig.). (2) A. Lameere, L'origine des Siphonophores (Bruxelles, P. Weissenbruch, in-8°, 4902). (3) G. Chun, Ueber den Bau und die morphologische Au/ffassung der Sipho- nophoren (Verhand. deutsch. Zool. Gesellsch.,7 Vers., 1897, p. 48-111, 29 fig.). (4) G. Claus, Zur Beurtheilung des Organismus der Siphonophoren und deren phylogonetischer Ableitung. Eine Kritik von E. Hæckel's sogenannter Medusom- Theorie (Arb. Zool. Inst. Wien, vol. VIII, 1889, p. 159-174). (5) M. Bedot, Note sur une larve de Vélelle (Revue suisse de Zoologie, t. IL, p. 463-466, 1 pl., 1894). LA TACHYGÉNÈSE. 169. x stolon aboral analogue à celui que présentent les Cunina. Bien qu'il eût distingué les cénogénies et les palingénies, Hæckeln’a pas pensé que le premier hydroméride d’un Sipho- nophore pouvait, avant même de s'achever, donner nais- sance, par tachygénèse, à une Méduse (1); c’est ce qui a lieu ir snemmre D Ë # f g RET Fig. 22. — Margelopsis Hæckelii avec des larves d'hydroïdes se’développant sur le manubrium (d’après C. Hartlaub). et ce qui enlève toute utilité à son hypothèse. D'ailleurs les méduses produisent par bourgeonnement soit des gamomé- rides, soit des gamozoïdes el non pas un mélange de toutes les formes d’hydromérides comme c’est le cas pour les (1) E. Perrier, Les Colonies animales et la formation des organismes, p. 267. — Traité de Zoologie, p. 670. 170 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. Siphonophores.On ne connaît qu'une exception à cette règle. Les Nemopsis trouvés en divers points du globe, à la surface des mers, bourgeonnent des méduses du genre Margelopsis entre leurs deux cercles de tentacules. Sur leur manubrium les Margelopsis (fig. 22 et 23) peuvent, à leur tour, bour- geonner de nouveau des Vemopsis (1). Donc le fait qu'un Fig. 23. — Hydroide de Margelopsis Hæckelii dans son attitude normale, flottant le pôle oral dirigé vers le bas (d’après C. Hartlaub). gastroméride peut être le point de départ d'un hydrodème constilué, comme les Siphonophores typiques, par l’associa- tion d'hydres et de méduses, se trouve nettement établi, ce qui rend tout à fait inacceptable la théorie de l’origine médusaire des Siphonophores. Le genre Hydrichthys (2), qui participe à la mobilité du (1) CI. Hartlaub [Zur Kenntniss der Gattungen Margelopsis und Nemopsis. Vorläufige Mittheilung, Nachr. Ges. Wiss. Gôttingen Math. Phys. KI. Heft 2, 6 p.. 4 fig., 1889. (2) JS. W. Fewkes, À hydroid parasitic on a fish (Nature, vol. XXVI, 1888, p. 604-605). LA TACHYGÉNÈSE. 171 poisson (Seriola sonata, Cuvier) sur lequel il vit en commen- sal, et prend l'aspect d’un Siphonophore avec ses gonomé- rides et ses dactylomérides, parle dans le même sens. Il ressort de l'observation de Hartlaub, d'autre part, la confirmation que, siles méduses bourgeonnantes ne donnent naissance qu à de nouvelles méduses, c’est bien le résultat d’une accélération embryogénique. Cette accélération est un phénomène normal, tandis qu'on ne s'explique pas pour- quoi, si une méduse trachyline, animal à développement très accéléré, comme nous l’avons vu, élait le point de départ des Siphonophores, ses bourgeons dégénéreraient pour don- ner naissance à des hydromérides. L'histoire des Hydrocoralliaires telle que l’a exposée Mose- ley (1) démontre, malgré l'opinion contraire de l’éminent observateur, que les Coralliaires sont issus des Hydromé- duses et donne toutes les étapes du passage d’un groupe à l’autre (2). Ainsi que nous l'avons expliqué, l’'embryogénie ne peut rien contre ces données de l’anatomie comparée qui sont fondamentales. mais elle laisse planer sur elles quelque défiance tant qu’on n’a pas expliqué comment à dû s'accomplir cette dérivation. La notion de la tachygénèse, précisée comme nous venons de le faire pour l'histoire des méduses, conduit tout naturellement à penser qu'une fois réalisé par le groupement d'un certain nombre de dactylo- mérides autour d’un gastroméride, le polype coralliaire a dû arriver à se développer directement à partir de l'œuf, à la facon des Acalèphes ; et toute contradiction entre la phylo- génie et l’ontogénie est ainsi supprimée. Les recherches de Hickson (3) sur la reproduction chez (1) H. N. Moseley, Report on the Hydrocorallinæ (The voyage of EH. M.S$. « Challenger », 1881, vol. Il, p. 11-101, 209.230, 14 pl.). (2) E. Perrier, Les colonies animales et la formation des organismes, p. 275- 326, et Traité de Zoologie, p. 740. (3) S.J. Hickson, On the seæual cells and the early stages in the development of Millepora plicata (Philosoph. Transactions, 1889, vol. XIX, p. 193-204, pl. XXXVIL-XXXIX). — On the maturation of the ovum and the early stages in the development of Allopora (Quarterly Journal of microse, Science, 1890, 172 . ED. PERRIER et CH. GRAVIER. les Hydrocoralliaires, exposées dans une série de publica- tions des plus remarquables, sont venues corroborer encore cette opinion en montrant comment les organes génilaux des Coralliaires étaient amenés à pousser sur les parois des loges. Les Hydrocoralliaires se multiplient, en elfet, à l’aide de méduses, mais de méduses à ombrelle rudimen- taire. De telles méduses sont fréquentes chez les Hydraires ordinaires; on ne peut les comprendre que comme des méduses dégénérées par suite de la tachygénèse des élé- ments génitaux qu'elles contiennent. Ces mé- duses se forment d’ail- leurs comme les autres. Hickson a constaté que, chez les Millépores qui sont monoïques, les éléments sexuels formés dans le cæœnosarque émi- grent dans un méride voisin qui se transforme Fig. 24. — Coupe verticale «le la couche super- C ficielle vivante décalcifiée d'une Millepora en une méduse Abe nodosa, passant par un dactyloméride. — bouche, tentacules, ni Z, dactyloméride ; e, couche superficielle de : l’'exoderme; «a, espaces occupés par la velum. Cette transfor- matière calcaire; b, canaux; o, section d’un mation dans un hvdro- canal (d'après Moseley). : L Re ï dème d’un méride, tan- tôt el le plus souvent un dactyloméride (fig. 24), tantôt un gastroméride en une méduse, provoquée par la pénétration vol. XXX,p.579-598,2fig., pl. XXX VII). — The medusæ of Millepora Murrayi and the gonophores of Allopora and Distichopora [Quart. Journ. of microse. Science (n. s.), 4891, vol. XXXIL, p. 375-407, pl. XXIX et XXX]. — On the meaning of the ampullæ in Millepora Murrayi (Report 60, Meet. brit. Assoc. Adv. Sc., 1891, p. 863-864). — On the medusæ of Millepora and their rela- tion to the medusiform gonophores of tre Hydromedusæ (Proceed. Cambridge phil. Soc.. 1892, vol. VII, p. 147-148. — The early stages in the development of Distichopora violacea, with a short essay on the fragmentation of the nucleus (Quart, Journ. of microsc. Science, 1893, vol. XXXV, p. 129-158, 1 pl.). - The medusæ of Millepora (Proceed. of the royal Soc. of London, vol. LXVI, 1899, p. 6-10, 40 fig.). LA TACHYGÉNÈSE. 173 à son intérieur de cellules génitales, met en évidence la plasticité de ces organismes et offre un très grand intérêt au point de vue de la morphologie générale. Les méduses femelles (fig. 25, 26 et 27) meurent aussitôt après avoir pondu leurs œufs : au point de vue physiologique, ce sont des organes génitaux qui ne se détachent de l'individu qui les a produits qu’au moment où les œufs parvenus à maturité doivent être évacués. Un pas de plus dans la tachygénèse, l’'ombrelle de la méduse cesse de se former et le gamozoïde SE. End umb. Fig. 25. — Méduse femelle de Millepora à l'état de maturité en coupe longitu- dinale. — umb.. ombrelle; m.u., bord renflé de l'ombrelle ; Sé., cavité gastrique ov., ovule ; End., endoderme ; Z, zooxanthelle (d'après S.-J. Hickson). tombe à l’état de simple sac, comme celui qui se développe sur les cloisons des loges des Coralliaires. La place des Coralliaires à la suite des Hydroméduses, et non avant elles, se trouve ainsi fixée. Mais, il y a plus, la tachygénèse montre encore comment a pu dériver de la sous-classe des Hexacoralliaires, celle des Alcyonnaires, si remarquable par le nombre constant et réduit des parties dont les polypes sont constitués, ce qui est en général le caractère des groupes terminaux d’une série. Les Hexacoralliaires traversent tous un stade à huit cloi- 174 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. sons (1) auquel ils s'arrêtent quelque temps afin de régu- lariser leurs loges qui n’ont pas encore, à ce stade, revêtu Fig. 26. — Méduse femelle de Millepora à l’état de maturité en coupe trans- versale. — umb., ombrelle; Sé., cavité gastrique ; ov., ovule ; Z, zooxanthelle (d’après S.-J. Hickson). leurs caractères particuliers; c’est le stade £dvardsia de Haddon, de Mac-Murrich et de Boveri (2). (1) H. Milne-Edwards et J. Haime, Histoire naturelle des Coralliaires ou Polypes proprement dits. Paris, 1857. — H. de Lacaze-Duthiers, Développe- ment des Corulliaires. Actiniaires sans polypiers (Arch. de Zool. expériment., t. [, 1872, p. 289-396, pl. XI-XVI). — Développement des Coralliaires. 2e Mé- moire. Actiniaires à polypiers (Astroïides) (Arch. de Zool. expériment., t. I, 1873, p. 269-348, pl. XII-XV). (2) À. GC. Haddon, Revision of the british Actiniæ (Trans. of the Roy. Dublin Society, t. IV, 1889, p. 297-361, pl. XXXI-XXXVII. — J. PI. Mac Murrich : 1, Contributions on (he Morphoioou of the Actinozoa; 2, On the development of the Hexactiniæ (Journ. of Morphol. Boston, t. IV, 1891, p. 303-330, pl. XIIL); 3, The phylogeny of the Actinozoa (Id., t. V, 1891, p: 125- 416%, 4 fig., pl. XI). — Th. Boveri, Ueber Entwickelung und Verwanditschafts- bezichunyen der Actinien (Zeitsch. für wissensch. Zool., Bd XLIX, 1890, p. 461- 502, pl. XXI-XXIH). LA TACHYGÉNÈSE. 47 Les Hexactiniaires passent alors d’un coup de huit à douze cloisons; les cloisons nouvelles apparaissent par couples, de chaque côté du plan de symétrie de ces animaux. A partir de ce moment, les cloisons se développent par paires dans les interloges, de sorte qu’il s’en produit d’abord six paires, puis douze, puis vingt-quatre, etc. Les cloisons d’un même cycle se montrent presque en même temps et offrent les mêmes dimensions ; l'animal présente ainsi toute on Fig. 217. — Évacuation des œufs chez les méduses femelles de Millepora, après leur libération. Ces méduses, dépourvues de tentacules, présentent sur le bord de l’ombrelle quatre ou cinq bouquets de nématocystes (d’après S.-J. Hickson). l'apparence d’une symétrie hexaradiée. Mais par un phé- nomène fréquent de tachygénèse, certaines paires d’un cyele donné peuvent se développer plus rapidement que leurs congénères et prendre les mêmes caractères que les cloisons d'un cycle précédemment formé; l'animal perd alors sa symétrie apparente hexaradiée. Comme Faurot (1) l’a mon- tré, c’est par ce processus que la symétrie devient décara- diée chez la Tealia felina, que d’après Mac Murrich (2), elle (4) E. Faurot, Éluues sur l'anatomie, l'histologie et le développement des Actinies (Arch. de zoologie expérim. et générale, 3° série, t. IE, 1895, p. 43- 262, 12 pl., 29 figures dans le texte). (2) J. Playfair Mac Murrich, The Actiniaria of the Bahama Islands, West Indies (Journal of morphology, Vol. IT, 1889, p. 1-80, pl. I-1V). 176 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. est octoradiée chez l’Aipfasia annulata, qu'elle est parfois pentaradiée chez certaines espèces de Sagarha, notamment chez la Sagartia (Cylista) punctata, d’après Carlgren (1), etc. La tachygénèse explique aisément, comme on le voit, les anomalies de ces genres que R. Hertwig (2) a proposé de réunir sous le nom de Paracrniæ. Cette famille hétérogène ne saurait évidemment être maintenue, comme Mac Murrich et Ed. Van Beneden (3) l'ont judicieusement fait remarquer. Les Alcyonnaires ébauchent comme les Hexactiniaires des cloisons nouvelles (4), mais ces cloisons se résorbent rapi- dement, il ne reste que les huit cloisons du stade de régula- risation. On ne peut découvrir d'autre cause à cet arrêt de développement que la précocité du bourgeonnement (5). du jeune Alcyonnaire enrayé dans son propre développe- ment par cette précocité même, œuvre de la tachygénèse. La tachygénèse a ainsi provoqué l’apparition d’une sous- classe nouvelle de polypes. De l’étude que nous venons de faire, se dégage déjà l’im- pression que la tachygénèse des bourgeons ou accélération mé- lagénésique se produit surtout lorsque les mérides issus de ces bourgeons sontsolidarisés ou, en d’autres termes, forment un zoïde, dont toutes les parties sont physiologiquement dépendantes les unes des autres, le zoïde ayant lui-même une individualité propre relativement aux parties voisines. Chez les Bryozoaires, où ce cas est très rarement réalisé, on (1) O. Carlgren, Studien über nordische Actinien (Svenska Akad. Handl., XXV Bd, 1893, 148 p., 10 pl., fig. dans le texte). (2) R. Hertwig, Report on the Actiniaria dredged by H. M. S. Challenger, t. XXVI, 1888, p. 1-136, 14 pl. (3) Ed. van Beneden, Les Anthozouires de la « Plankton-Expedition », 1898, 222 p., 16 pL., 1 carte, 50 fig. dans le texte. (4) à À S. Marion, Documents pour l’histoire embri yogénique des Alcyonnaires (Annales du musée d'histoire naturelle de Marseille, 1883, t. 1, mém. n° 4, 50 p.,5 pl. (5) H. de Lacaze-Duthiers, Sur le développement des Pennatules (Pennatula grisea) et les conditions biologiques que présente le laboratoire Arago pour les études zoologiques (G. R. Acad. des Sc. Paris, t. CIV, 1887, p. 463-469). — H. Jungersen, Ueber den Bau und die Entwickelung der Colonie von Penna- tula phosnhoren L. (Zeitsch. für wissensch. Zool., vol. XLVII, 1888, p. 626- 649, pl. XXXIX). LA TACHYGÉNÈSE. 177 constate déjà cependant des phénomènes de tachygénèse dans l’évolution des statoblastes des Phylactolèmes qui pro- duisent presque simultanément plusieurs bryomérides, jus- qu'à dix-sept chez le Cristatella mucedo, comme l'ont montré les recherches déjà anciennes d’Allman (1) et celles plus récentes de Davenport (2). L’accélération mélagénésique est des plus manifestes dans ce groupe. Ainsi F. Braem (3) a montré récemment que chez Plumatella fungosa, à un stade très précoce, l'embryon forme, par invagination, près de son point de fixation sur l’oécie, deux bourgeons presque contemporains qui sont les deux centres d'évolution d’où naît la colonie tout entière. Dans l'embryon, ces bourgeons sont normalement suivis, peu de temps après, d’un troisième, d’un quatrième et même d’un cinquième bourgeon qui prolifèrent à leur tour, de sorte que toute la colonie, avec ses statoblastes et ses pro- duits sexuels se développent aux dépens des deux bourgeons primaires. Wesenberg- Lund (4) a observé des faits analogues chez d’autres Bryozoaires d’eau douce. Ces doubles bourgeons, qui apparaissent de si bonne heure dans le cours du développement, et presque en même temps, peuvent exceptionnellement se souder à l’origine, chez des formes qui, dans la règle, sont solitaires ; c’est ce qu'a constaté dernièrement Nickerson (5) chez le Lozosoma Davenporti. La tachygénèse dans le bourgeonnement chez les Tuniciers. — L'étude de l’accélération métagénésique est (1) G. JS. Allman, À Monograph of the fresh-water Polyzoa, t. VIE, 119 p., 11 pl., Ray Society, London, 1856. (2) CG. B. Davenport, Observations on budding in Puludicella and some other Bryozoa (Bull. of the Mus. of compar. Zoül. at Harward College, t. XXIT, 1891, n° 1, p. 1-114, 3 fig., pl. I-XII). (3) F. Braem, Die geschlechtliche Entwickelung von Plumatella fungosa (Zoo- logica, Stuttgart, 1897, Heft 23, 96 p., 9 fig., 8 pl.). (4) G. Wesenberg-Lund, Biologiske Studier over Ferskvandsbryozoer (Vid. Meddel. nat. For. Kjôbenhavn, 1897, 8 Aarg., p. 252-363, IXXXVI, 5 pl). (5) W.S. Nickerson, Double Loxosomæ (American Naturalist, vol. XXXIV, p. 891-895, 6 fig., 1900). ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 12 178 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. d’aulant plus intéressante chez les Tuniciers qu’il ne s’agit plus ici de mérides produisant par bourgeonnement d’autres mérides, mais d’organismesayant eu le rang dedèmes, formés par bourgeonnement linéaire et qui produisent par bour- geonnement latéral d’autres dèmes semblables à eux. Tout porte effectivement à penser que les Tuniciers descendent de Vertébrés qui, après s’êlre constitués par bourgeon- nement linéaire, auraient perdu, par suite de la fixation au sol, leur segmentation primitive, se seraient simplifiés, et, par l'effet de cette simplification, auraient acquis le pouvoir de bourgeonner latéralement. Il s’agit donc de tout autre chose que ce que nous offrent les Hydroméduses et les Bryozoaires ; et cependant l'accélération métagénésique se présente sous le même aspect. Les larves de BorryYLuibz (1) commencent à bourgeonner, avant leur éclosion, et c’est la paroi même du sac péribran- chial qui est l’origine des bourgeons. Elles sont encore dans l'organisme maternel, qu'il se forme, en effet, en des temps très rapprochés l’un de l’autre, deux bourgeons dont le droit seul se développe, l’autre étant gêné par la disten- sion qu'impose à la paroi de la cavité péribranchiale l’anse intestinale située, elle aussi, à gauche. Les bourgeons de second ordre et des ordres plus élevés commencent de la même manière et apparaissent à un stade relativement plus précoce sur ceux qui leur donnent naissance. Cette blastogénèse se poursuit avec une rapidité surpre- naute. Ainsi Pizon a constaté que du 1° février au 8 mai, (quatre-vingt-dix-sept jours), huit générations s'étaient suc- cédé dans diverses colonies dont il a suivi l’évolution. La plus petite qui comptait 12 adultes au 1° février en avait 182 au 12 mai. Une autre colonie avec 82 individusau 1°” février, en avait 610 à la cinquième génération, vers le 1° avril ; sa (4) A. Pizon, Histoire de la blaslogenèse chez les Botryllidés (Ann. des Sc. nat., Zool., 7° série, t. XIV, 1893, p. 1-386, 4 fig., pl. I-IX). — Études biolo- . giques sur les Tuniciers coloniaux fixés (Bull. de la Soc. des sciences natu- relles de l’ouest de la France, t. IX, 1899, p. 1-55,16 pl. ; t. X, 1900, p. 1-70, 2 pl., 3 fig. dans le texte). LA TACHYGÉNÈSE. 179 surface avait presque quadruplé. L'existence de l’oozoïde, fondateur de la colonie est fort courte ; dansle genre Botryllus, la vie pélagique dure deux jours et quelques heures, la vie sédentaire un jour; la période de régression trois jours. Chez les Disrominz (1), les D one ), les Pozvczr- _NIDÆ (3), la larve constitue, en se développant, un organe He bourgeonnement, le sac épicardique, de telle facon qu'on peut considérer le bourgeonnement comme déjà com- mencé chez elle au moment de l’éclosion; cependant chez les Clavelina, c'est seulement après la fixation de la larve que des bourgeons latéraux se caractérisent, de sorte que le bourgeonnement proprement dit ne commence, comme cela paraît normal, qu'après que l'animal bourgeonnant: a achevé son développement personnel. Chez les Perophora et les Ecteinascidia, il n’y aurait pas, d’après Lefevre (4) de tube épicardique, les divers organes, péricarde, ganglion, organes sexuels proviendraient de cellules sanguines ami- boïdes libres et de cellules dérivant directement de la vési- cule endodermique. Le bourgeonnement serait ici moins localisé, moins concentré que chez les Clavelines. Chez les PozycuinipÆ, le tube épicardique ne produit plus de bour- geons latéraux; la région postérieure du corps, ici très allongée (post-abdomen), détache un segment libre à son extrémité ; chaque fragment devenant un bourgeon (5). Les fragments cessent de s’isoler chez les Salpes et simultané- ment se développent en Salpes nouvelles formant de lon- (1) C. Julin, Recherches sur la blastogénèse chez Distaplia magnilarva et D. rosea (C. R. du II: Congrès international de Zoologie. Leyde, 1895, p. 507- 524, 13 fig.). (2) E. van Beneden et Julin, Recherches sur la morphologie des Tuniciers (Arch. de biol., 1886, vol. VI, p. 237-476, pl. VII-XVI)- (3) G. Maurice et Schulgin, Embryogénie de l'Amaræcium proliferum (Asci- die composée), Ann. des Sc. nat., Zoologie, 6° série, t. XVII, 4884, pl. I-XIV. (4) G. Lefevre, Budding in Perophora (Journ. of Morph., Boston, vol. XIV, 1899, p. 367-424, pl. XXIX-XXXII. — Budding in Ecteinascidia ae Anzeiger, Bd XIIL, 1897, p. 473-283, 6 fig.). (5 fe Kovalevsky, Ueber die Hnospung der Ascidien {Amaroucium prolife- rum et Didemnum styliferum) (Arch. für mikrosk. Anatomie, 1874, t. X, p. 441-470, pl. XXX et XXXI). | 4 150 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. gues chaînes (fig. 28 et 29) où les individus sont cependant de plus en plus jeunes de l’extrémité libre de la chaîne à sa base. Chez les Disrominz et les DorronipÆ, cette sépa- ralion a lieu pendant la phase de liberté de la larve, quand le tube épicardique est encore très court; il se produit ainsi des bourgeons qui n’évoluent pas. Ce sont seulement les bourgeons for- més après la fixation de la larve qui se développent. Mais ils évoluent d'emblée sans qu'un stolon génitalifère se soit auparavant constitué. Fig. donne etanede Les choses vont plus vite encore chez tenue dans la tunique les Dibemnipx. Deux bourgeons nés de deloooide eue AT Goux régions différentes prennent part lia democratica mucro- nata. — Nu, nucléus simultanément à la formation d’un entouré par la jeune x ne “ : UE chaîne ou stolon proli- meme ascidiozoïde qui peut ainsi se aus Sp (d'après Grob- Constituer très rapidement ; les larves des Diplosoma produisent ces bour- geons alors que les parties d’où ils dépendent sont elles- : \ à, HA À (o ÿ 1 €n À à I ; a | | ù CP Fig. 29. — Stolon de Salpe dans lequel tous les blastozoïdes sont censés avoir gardé leur position initiale. — I, II, III, les groupes de blastozoïdes de même degré de développement : s, stolon; ÿg, ganglion nerveux; a, bouche; b, pharynx, es, endostyle; A, cœur; ec, estomac; ?, intestin; o, œuf; ce, cloaque; e, orifice efférent (d’après Brooks). mêmes en voie de formation (1), si bien que deux jeunes ascidies semblent se former simultanément dans l’œuf (4) E. Perrier et A. Pizon, L'embryon double des Diplosomidés et la tachy- génèse (G. R. Acad. des Sc., t. CXXVIL, 1898, p. 297-301). LA TACHYGÉNÈSE. 181 (fig. 30). Faute d’une notion exacte de ce que peut faire la tachygénèse, Salensky (1) a considéré cet œuf comme produisant simultanément deux individus par une sorte de scissiparité de l'embryon, tandis que Caullery (2), qui a cbd Fig. 30. — Schéma d'une larve adulte de Diplosoma. — bro, brb, branchie de l’oozoïde et du blastozoïde ; prg, pro, prb, sacs péribranchiaux de l'oozoïde et du blastozoïde; cog, cod, cbg, cbd, tubes épicardiques; im, anastomose des deux intestins is, 4b; eo, eb, les deux estomacs ; em, leur anastomose ; p, son diverticule; vs, vésicule sensorielle; », ganglion du blastozoïde; qg, queue (figure combinée par Pizon). bien vu cependant qu'il s'agissait d’un bourgeonnement précoce, n'a cru pouvoir expliquer la formation de cette (4) W. Salensky, Beiträge zur Entwicklungsgeschichte der Synascidien. I. Ueber die Entwicklung von Diplosoma Listeri (Mith. der Zool. Station zu Neapel, 1894, p. 368-474, pl. XVII-XX, 1 fig.). (2) M. Caullery, Sur la morphologie «le lu larve composée d'une Synascidie (Diplosomoides Lacazii Giard), C. R. Acad. des Sc., t. CXXV, 1897, p. 54-57. 182 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. sorte de monstre double normal, que par un mécanisme ingénieux d'échanges de viscères entre les deux embryons, sans équivalent dans le Règne animal, échange que l'obser- vation directe n’a pas confirmé. Le terme de cette série si remarquable de phénomènes est fourni par le développement des Pyrosomes (1) dans lequel 2 1 Fig. 31. — Embryogénie des Pyrosomes. — 1, le premier ascidierme : e, oozoïde; a', a’, a”, a’, les quatre premiers blastozoïdes encore en série linéaire; el, demi-cercle cellulaire mésodermique. — ?, phase plus avancée où les quatre blastozoïdes primaires s’enroulent autour du vitellus : N, vésicule nerveuse ; A, orifice afférent; XZ, cloaque; z, vitellus putritif. — 3, coupe trans- versale à travers l’un des blastozoïdes de la figure 1 : pe, sacs périthoraciques ; en, branchie dans la région endostylaire ; d, région opposée; », téguments. disparaît la forme larvaire primitive libre, le {éfard qui, d'ordinaire, après avoir nagé quelque temps, se fixe et se change en ascidie. L'embryon qui tient lieu de celte larve ne sort même (1) T. H. Huxley, On the Anatomy and Physiology of Salpa and Pyrosoma: (Phil. Trans., part. I, p. 567, et Proceed. of the Royal Society London, vol. VI, p. 37, 1851). — Onthe Anatomy and Development of Pyrosoma (Trans. Linn. Soc., vol. XXIIL, 1859, p. 193-250, pl. XXX et XXXI). — A. Kova- levsky, Ueber die Entwickelungsgeschichte der Pyrosoma (Arch. für mikrosk. Anat., vol. XI, 1875, p. 597-635, pl. XXXVII-CLI). — W. Salensky, Bei- träge zur Embryonalentwickelung der Pyrosomen (Zool. Jahrb., morph. Abt., vol. LV, 1890, p. 424-477, pl XXVI-XXVIIL, et vol. V, 1891, p. 1-98, pl. I-VID). LA TACHYGÉNÈSE. 183 Jamais de l'œuf; il s’y résorbe après avoir produit posté- rieuremen( une sorte de bourgeon complexe que trois sil- lons transversaux divisent en quatre segments dont chacun devient un ascidiozoïde (fig. 31). L'’œuf semble ainsi avoir formé d’un coup une colonie de quatre ascidiozoïdes qui demeurent unis toute leur vie et sont le point de départ d’un nouveau Pyrosome. Ces faits sont d’une particulière éloquence; ils nous montrent comment, chez les animaux ramifiés, même lors- que les parties constitutives du corps sont aussi distinctes et autonomes que les ascidiozoïdes d’un Pyrosome, plusieurs zoïdes peuvent arriver à se former dans l’œuf par une simple accélération des phénomènes de bourgeonnement {1). (1) Ces phénomènes de tachygénèse s’accompagnent chez les Tuniciers de migrations des éléments sexuels très significatives au point de vue du mode de formation des organismes complexes. Ainsi, chez les Botrylles, des connexions persistent entre des individus de trois générations successives constituant normalement un ascidiodème (fig. 32). Les œufs ne parviennent à maturité que dans un bourgeon de seconde génération par rapport à l'individu qui les a produits. Il n’en est pas de même des spermatozoïdes qui se développent complètement au lieu même où ils ont été formés. Il résulte de là, si toutefois on peut s'exprimer ainsi dans un cas de repro- duction asexuée : 1° Que chaque ascidiozoïde contient trois sortes d'œufs : a) ceux qui achèvent leur développement à son intérieur et qu'il tient de son grand- père ; b) ceux qu'il reçoit de son père, auxquels il ne sert que d’hôte inter- médiaire, et qu'il passera à ses fils; c) ceux qu'il engendre lui-même, et à la maturité desquels ses petits-fils assisteront. 20 Que les spermatozoïdes d’un ascidiozoïde ne fécondent que les ovules produits par le grand-père. Des faits du même ordre s’observent chez un certain nombre de Tuni- ciers, notamment chez les formes pélagiques, comme les Salpes et les Py- rosomes, ainsi qu’on le verra plus loin. Il n’est pas sans intérêt de remarquer ici que les éléments sexuels femelles, chez les Tuniciers, semblent échapper à l’action de la tachygé- nèse qui affecte si fortement l’évolution des ascidiozoïdes. La migration des éléments sexuels n’est d’ailleurs pas le privilège des Tuniciers. Ainsi, chez certains Bryozoaires (Bowerbankir, Farella, etc.), le polypide producteur de l'œuf meurt dans sa loge; celle-ci bourgeonne un second polypide, dans la gaine tentaculaire duquel pénètre l'œuf du parent. + De même, chez les Spongiaires et la plupart des Polypes hydraires, les éléments femelles tout au moins n'arrivent à maturité qu'après avoir cheminé plus ou moins longtemps dans le spongiodème ou l'hydrodème, 18% ED. PERRIER et CH. GRAVIER. La tachygénèse chez les animaux segmentés. — L'absence de la notion de la tachygénèse a Jelé le plus grand trouble dans l'esprit des zoologistes relativement à la signi- fication des segments du corps, si évidents chez les Arthro- podes et les Vers annelés, et qu'on retrouve, avec un degré plus ou moins grand de netteté, chez tous les ani- par exemple, comme l'ont montré les recherches de A. de Varenne (*), dont les résultats ont été fort étendus par A. Weismanu (*). Chez un Polype hydraire gymnoblastique, le Monobrachium parasiticum Merej- Fig. 32. — Jeune démule de Botryllus violaceus formé par le blastozoïde B;, né de l’oozoïde et destiné comme lui à se résorber avant d'arriver à l’état adulte; de ses deux blastozoïdes B;, porteurs chacun de deux bourgeons By. — i, intestin; e, estomac; Vp, vaisseau périphérique; &, ampoules vasculaires (d’après Pizon). À kowski, qui vit en commensalisme avec une Tellina, J. Wagner (**) a montré que les cellules sexuelles nées de l’hydrorhize n'atteignent le terme de leur développement que dans les canaux radiaires de la Méduse qui représente la forme sexuée de la colonie. (*) A. de Varenne, Recherches sur la reproduction des Polypes hydraires (Arch. de zoologie expérimentale et générale, t. X, 1882, p. 611-710, pl. XXIX-XXX VIII). (**) A. Weismann, Wie Entstehung der Sexualzellen bei den Hydromedusen. Xena, 1883, 295 p., Atlas 24 pl., fig. dans le texte). - (*) J. Wagner, Recherches sur l’organisation du Monobrachium parasiticum Merejkowski (Arch. de biol., t. X, 1890, p. 213-309, pl. VIIL et IX). LA TACHYGÉNÈSE. 185 maux à symétrie bilatérale dont l’organisation est quelque peu compliquée. Les séries diverses de formes ramifiées, étudiées dans le paragraphe précédent, commencent toutes par des formes simples fixées. Ces formes simples possèdent la faculté de bourgeonner, et, comme les végétaux qui vivent également fixés, elles bourgeonnent latéralement; c'est par leur bourgeonnement latéral que leur corps ramifié se constitue. Les formes libres auxquelles elles aboutissent ne sont que des parties détachées de corps fixés (Leptomé- duses et Anthoméduses) ou des produits de la tachygénèse (Narcoméduses, Trachoméduses, Acalèphes, Siphonophores, Pyrosomes, Barillets, Salpes, Appendiculaires). Cette notion si claire a été troublée à plusieurs reprises, par l’idée a priori que les formes primitives étaient toutes pélagiques (1), ce qui a conduit à faire descendre les Hydres des Méduses, les Ascidies des Appendiculaires, des Salpes et des Barillets. Mais cette généalogie à rebours est tout à fait contraire au principe fondamental de la patrogénie qui nous montre les premières Méduses naissant sur des hydro- dèmes fixés, les Barillets et les Salpes présentant dans leur jeune âge, des caractères analogues à ceux des Ascidies et qui disparaissent plus tard. La considération de la tachygénèse montre d’ailleurs comment les formes fixées ont donné naissance aux formes libres (2), ces dernières conservant, (1) Cette idée, en ce qui concerne les Tuniciers, émise par divers ascidio- logues, notamment par W. A. Herdmann (Report on the Tunicata, Challen- ger Reports, part. I, vol. VI, 1882; part. Il, vol. XIV, 1886; part. III, vol. XXVIT, 1888), par M. Lahille (Recherches sur les Tuniciers des côtes de France Toulouse, 1890, etc.), a été développée d'une manière séduisante par Will. K. Brooks, dans sa belle monographie des Salpes [The genus Salpa, a Monographie (with a supplementary paper by Maynard M. Metcalf). Mem. Biol., Lab. John Hopkins Univ., vol. Il, 1893, 396 p., 28 fig., 57 pl.]. (2) Dans leur excellent traité d'embryogénie, E. Korschelt et K. Heider (Lehrbuch der vergleichenden Entwicklungsgeschichte der wirbellosen Thiere, t. Il, 4893, léna), comme l’un de nous l’avait fait dès 1881 (Les colonies ani- males et la formation des organismes, p. 378-401), regardent les formes ances- trales des Tuniciers comme des animaux fixés dès l’origine. La tunique cellulosique, l'hermaphrodisme, l'absence de trace de segmentation seraient des acquisitions dues à la vie sédentaire. Les formes solitaires seraient les plus primitives. Les Pyrosomes se rattacheraient aux Synascidies, 186 ED. PERRIER et CH, GRAVIER. dans cette nouvelle existence, des caractères acquis durant . la période de fixation et essentiellement liés à ce dernier genre de vie; c’est, sans aucun doute, la difficulté de com- prendre ce retour à la liberté, en l’absence de la notion de tachygénèse, qui avait fortifié l'hypothèse tout à fait gratuite que les formes primitives étaient nécessairement pélagiques. Ceci posé, il se trouve que toutes les formes primitives d'animaux ramifiés sont fixées, toutes les formes primitives des séries d'animaux segmentés sont, au contraire, libres. Dans ces dernières séries, les animaux fixés sont même tout à fait l'exception (Cirrhipèdes, Brachiopodes, Tuniciers) et. leur fixation est habituellement tardive. Il y à donc tout lieu de penser que le type des animaux segmentés est lié à la mobilité, comme le type des animaux ramifiés est lié à la fixation. D'autre part, il n’y a aucune raison d'admettre que la faculté de bourgeonner commune aux mérides de toutes les formes fixées, manque à ceux des formes libres. Nous avons montré toutefois (1) que la loco- motion dans une direction déterminée, d’un méride symé- trique, à pour conséquence d'orienter à 180° les bourgeons qui ne sont pas utilisés pour la locomotion, et de produire, par conséquent, un organisme segmenté. Sans doute, d’autres causes peuvent déterminer un arrangement linéaire de parties similaires, puisque cette disposition est réalisée par certaines tiges de végétaux (Équisétacées, Graminées), par de nombreux Polypes (Antennularia, Sertularia, Strobiles des Acalèphes, Mezrronipx, Isipx), Bryozoaires (Crisipæ), Ascidies (PozycuinipÆ), etc.); mais pour n'être pas nécessaire, la cause que nous venons d’attri- dont ils représentent des colonies flottantes pourvues d’un cloaque com- mun.; ils constitueraient un terme de transition entre celles-ci d’une part, les Barillets et les Salpes d'autre part. Quant aux Appendiculaires, ce seraient des larves parvenues à l’état de maturité sexuelle et provenant d’ascidies déjà fixées. E. Perrier a discuté une fois de plus la question et apporté de nouveaux arguments à l’appui de cette thèse dans son Traité de zoologie, p. 2171-2175. (1) E. Perrier, Les colonies animales et la formation des organismes, p. #1#, 1881. — Traité de zoologie, p. 37, 1893. LA TACHYGÉNÈSE. 187 buer à la structure segmentaire du corps des animaux mobiles suffit à la produire. Si elle est réelle : 1° Les segments doivent présenter leur maximum d'in- dépendance dans les formes inférieures de chaque série. 2° Ils doivent, dans ces formes, se produire successive- ment, un à un. 3° Ils doivent être à peu près identiques entre eux et en nombre indéterminé. 4° Dans les types supérieurs, la tachygénèse doit amener leur formation de plus en plus rapide et presque simultanée en même temps que la réduction et la fixité de leur nombre. Ces propositions sont strictement confirmées par tout ce que l’on sait du développement des trois séries d'organismes où la segmentation est le plus accusée : les Arthropodes, les Vers annelés et les Cestoïdes. L'indépendance des segments ne va pas chez les Arthro- podes jusqu’à la possibilité de s’isoler les uns des autres, ce qu explique suffisamment la gaine continue de chitine qui les maintient unis entre eux; mais cette indépendance s’accuse chez les formes inférieures des Vers annelés par leur faculté de se multiplier par scissiparité spontanée | Cre- NODRILIDÆ (1), Syzuipæ (fig. 33), Filograna, Salmacina, Naïdomorpha] ou de reconstituer de nouveaux individus à (1) Cette indépendance des segments est particulièrement remarquable chez le Ctenodrilus monostylos (— Monostylos prolifer Vejdovsky — Zeppe- linia monostylos Vaillant), découvert et étudié par M. Zeppelin (Ueber den Bau und die Theilungsvorgange des Ctenodrilus monostylos, n. sp. Zeitsch. für wiss. Zool., Bd XXXIX, 1883, p. 615-652, 2 pl.). Immédiatement en arrière d'un dissépiment, il se fait un étranglement qui, en s'accentuant graduellement, aboutit à la séparation de deux parties, dont l’une com- prend la partie antérieure du corps, l’autre le reste. La première se reforme un anus, la seconde une bouche. Le même mode de division peut se continuer pour chacun des tronçons, de façon à donner lieu à des frag- ments qui se réduisent parfois à un seul segment, et qui doivent se refaire une bouche et un anus après la séparation. Ici, la division n’est pas pré- cédée par un bourgeonnement qui prépare la rupture comme c'est géné- ralement le cas chez les animaux qui présentent des phénomènes ana- logues de scissiparité. Les deux parties qui se séparent peuvent se comporter de manières différentes : l’une d'elles peut se diviser à nouveau, alors que l’autre se borne à régénérer ce qui lui fait défaut. Chaque tronçon, uniseg- menté ou non, se comporte comme un individu indépendant. 188,1 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. l’aide de leurs fragments lorsqu'ils viennent à être acciden- \TITER À NUE 9 \\t \ wi \\ Z KE € K et PE WA PER? Cp [lt Ÿ RS, PU &S V jé AARNTE d SNL AN Tan S6G . Fig. 33. — Myrianida fasciata. — 1. Souche portant à son extrémité postérieure une chaine de 29 blastozoïdes sexués. — ?. Blastozoïde sexué mâle (Poly- bostrichus). — 3. Blastozoïde sexué femelle (Sacconereis). — am, antenne médiane ; al, antennes latérales ; p, palpes: ap, antennes latérales postérieures ; 0 0 . 2 . Û PEER YY , JEUX; ct, cs, Cl, cirres tentaculaires ; cp, cirres terminaux; 50, sac ovigère (d’après A. Malaquin). tellement brisés (Lumbriculus, Euaxes) ou de régénérer les parties mutilées de leur corps (Oligochètes et Polychètes). LA TACHYGÉNÈSE. 189 C'est la seule différence essentielle entre les séries des Arthropodes et des Vers. Dans toutes deux, les formes inférieures ont des segments semblables et nombreux [Phyllopodes, Myriapodes, Poly- chètes errants (1), Lumbricimorphes|; dans toutes deux, les formes inférieures éclosent réduites à un petit nombre de segments [Nauplius (lg. 34) des Crustacés] ou même à un seul (Trochosphère des Polychètes errants), et les segments : / nouveaux se forment successivement un à un 4 d’abord, puis plus ou moins rapidement, jamais À] FES A Wie : Fig. 34. — Stade Nauplius de Penæus vu Fig. 35. — Embryon de Polygordius. par la face dorsale. — 4’et 4”, antennules — Sp, plaque apicale; Prw, cou- et antennes; Mdf, mandibule (d’après ronne ciliée préorale ; O, bouche; Fr. Müller). Pow, couronne ciliée postorale; Ms, mésoderme; À, anus; ÆN, néphridie céphalique (d’après B. Hatschek). cependant simultanément ; il est toujours facile de constater que les segments sont de plus en plus jeunes, à mesure que l’on se rapproche de l'extrémité postérieure du corps, et que le plus jeune est en contact immédiat avec le segment postérieur ou telson qui est toujours formé le second. Chez toutes deux, le nombre des segments est indéterminé chez les formes inférieures, mais il tend à se fixer chez (1) Près de 500 segments chez certains Syllidiens (Tripanosyllis ingens H. P. Johnson, Syllis longissima Gravier), près de 900 chez certains Euni- ciens (Eunice Kinbergi Ehlers), etc. 190 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. les formes supérieures (21 par exemple chez les Mala- costracés, 20 environ chez les Insectes, etc.) où leur indé- pendance se manifeste cependant encore par la faculté qu'ils ont de revêtir des caractères propres suivant les fonctions que leur assigne leur rang et de se grouper en régions distinctes : téle, thorax, abdomen. Ces régions peuvent se comporter comme des individualités distinctes, au point que les segments nouveaux peuvent se former à l'extrémité postérieure de chacune d'elles (nombreux Crus- tacés décapodes, certaines Annélides tubicoles); elles ont, d’ailleurs, quelquefois pour origine la formation arrêtée par la tachygénèse des éléments génitaux, d’un véritable individu sexué pourvu de caractères sexuels différents de ceux de la souche (épigamie des Payzzopocinx, Neremdx, Eunicz, SYLLIDÆ, HESIONIDÆ, GLYCERIDÆ, CiRRATULIDÆ), comme le démontre l’étude comparative des phénomènes de schizo- gamie, de blastogamie et d'épigamie dans la famille des Syllidiens (1). La constitution métamérique du corps se conserve avec des caractères très nets chez les Vertébrés; on en trouve des indices chez les Vers plats [Trématodes : Sichoco- tyle, Dactylocotyle (fig. 36), ete.; Cestodes ; Turbellariés : Procerodes seÿmentatus) (fig.37)], chez les Mollusques (Carro- (1) A. Malaquin, Recherches sur les Syllidiens (Mém. de la Soc. des sciences et arts de Lille, 1893). Récemment, G. Pruvot (*) a émis l’idée que l’origine de la stolonisation chez les Syllidiens serait à rechercher dans les phénomènes d’épigamie ou d’épitoquie, liés eux-mêmes au développement des organes génitaux. Edmond Perrier (*) a fait observer à ce sujet que la stolonisation se produit chez les Naïidomorphes, Lombriciens d’eau douce chez lesquels on n’observe aucun phénomène d’épigamie. Bien plus, la stolonisation ne se montre chez ces animaux que pendant le temps où l’animal est asexué. La stolonisation est donc ici indépendante de l’épigamie et de la reproduction sexuée, dont elle est même l’antagoniste. Par tachygénèse, le développement des organes génitaux se superpose chez les Syllidiens à la stolonisation. L'épigamie est ici, non un phénomène initial, mais un phénomène terminal. (*) G. Pruvot, Sur l’évolution des formations stoloniales chez les Syllidiens (C. R. Ac. des Sc., séance du 17 février 1902). (**) Edmond Perrier, Sur l'origine des formations stoloniales chez les Syllidiens (C. R. Ac. des Sc., séance du 24 février 1902). LA TACHYGÉNÈSE. 191 NID) (fig. 38); c'est dire qu’elle peut être étendue à toute la Fig. 36. — Octobothrium (Dactylocotyle) pollachii. — B, bouche; V, ventouse buccale; ph, bulbe; 1, intestin; vg, vitel- logène ;od, od', deux parties del'oviducte; vd, vitelloducte; o, ovaire ; of, ootype; ch, boucles chitineuses fixatrices ; P, parapo- des postérieurs; T, testicules métamé- ridés; cp, poche copulatrice ; U, matrice; e, orifice de ponte (d’après van Beneden). TP 7 7 EPÉ A 2, EE D NE E Se tres ILES, © L Fig. 31.— Organisation du Procerodes segmentatus. — a, branche anté- rieure du tube digestif; o, œil; g- ovaire ; e, cerveau, /, troncs longi- tudinaux du système nerveux; n, nerfs ; t, branche antérieure de l'intestin ; r, ramifications latérales de l'intestin principal ; p, branches postérieures de l'intestin; £, testi- cules ; ov, oviducte ; #, trompe; d, dissépiments ; v, vitellogène; n#, perfs de la trompe; g{, gaine dela trompe; sn, pénis; al, atrium génital; al, glande del’albumen ; k, orifice génital; f, canaux déférents (d’après A. Lang). longue série des Artiozoaires, abstraction faite des formes 192 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. simples originelles. C’est un phénomène trop général, en tout cas, et trop remarquable pour que les naturalistes, après l'avoir constaté, n’en aient pas cherché l'explication. Aucune des hypothèses qui ont été faites à ce sujet n’explique la série de faits qui s’enchaînent si naturellement quand on les considère au point de vue où nous sommes placés, et l’on peut s'étonner que l'accord n'ait pas été rapidement fait sur cette question. Il y a, à cela, plusieurs causes relevant toutes de l'absence de méthode qui sévit si singu- lièrement sur des sciences dont l'unique but a été si longtemps la recherche de la « méthode naturelle » ; mais la mécon- naissance de la tachygénèse a été la cause principale de ces divergences. La métaméridation du corps se manifestant chez les Vertébrés et Arthropodes concur- Fe de remment avec un haut degré de solida- g risation des parties, il en résulte que ses unités constituantes disparaissent devant l’individualité si haute de celui-ci. En conséquence, on considère le corps de ces animaux comme une unité initiale, fondamentale qui, par une vague raison de perfectionnement physiologique, ou pour des raisons mécaniques moins évidentes encore, se serait subdivisée. De même que les Arachnides, les Crustacés édri- ophthalmes, les Astacides et les Insectes, les Vertébrés naissent, munis de tous les segments de leur corps ; comme au cours de leur ontogénie, l’exoderme et l’entoderme demeu- rant continus, semblent par cela même affirmer l'unité de leur corps, dont le mésoderme seul se divise en segments, on a cru trouver dans ces ontogénies la démonstration de cette unité fondamentale du corps. Mais toutes les fois que les bourgeons ne se délachent pas du corps chez les Polypes, l’exoderme et l'entoderme demeurent continus; il s’agit bien cependant ici d'un bourgeonnement typique; d’autre part, les ontogénies auxquelles il est fait appel sont des onto- LA TACHYGÉNÈSE. 193 génies manifestement affectées de tachygénèse, elles se relient par une série ininterrompue d’intermédiaires aux embryogénies patrogéniques, où les segments se forment un à un et où la segmentation s'étend rapidement à tous les feuillets (Syzunx, NerziDÆ, Ophryotrocha). La production, par addition successive en avant dutelson. et par bipartition de celui-ci, de segments nouveaux équiva- lents à des bourgeons, reste le procédé fondamental de formation du corps; la localisation momentanée de la méta- méridation dans le mésoderme, la formation simultanée d'un certain nombre de segments sont de simples faits de tachygénèse qu'il n’y a pas li d’opposer au mécanisme fon- damental de la constitution du corps des animaux segmentés. Les théories physiologiques et mécaniques de la métaméri- dation perdent, ainsi, la seule base morphologique sur laquelle elles pouvaient s'appuyer, car elles sont, d'autre part, incapables d'expliquer les traits généraux de l’onto- génie des animaux segmentés. On a tenté de substituer à la théorie de la métaméridation l'hypothèse d’une sorte de strobilation analogue à celle que l’on observe chez les Ténias et celle d’un recoupement des couches musculaires dû aux ondulations du corps de l’ani- mal; ces théories ont plus ou moins séduit un certain nombre de naturalistes (1). (1) Sans faire intervenir d'une manière aussi fondamentale l’action des organes génitaux, Ÿ. Delage (*) admet, à l’exemple d'Edouard Mever, que les mouvements ondulatoires ont pu faire apparaitre la métamérie des Annélides, qui « fort probablement serait le résultat, non d’un bourgeon- nement, mais d’un certain mode d’accroissement combiné à une influence biomécanique qui a son origine dans les conditions de vie de l'animal ». Sans insister sur ce que le bourgeonnement linéaire, tel que nous l'avons défini, rentre sans peine dans cette très élastique définition, nous ferons remarquer que la trochosphère a conservé encore sa. forme primitive et tous ses caractères généraux, tant chez les Polychètes que les Géphyriens, qu’elle présente déjà, en avant du pygidium, une zone segmentée très nette. Quiconque a observé de telles larves ne songerait à attribuer cette segmentation précoce à des mouvements ondulatoires ; la «cause actuelle » ne parait pas être ici d’une évidence frappante. Y. Delage fait en outre (*) Y. Delage, La conception, POEDIAUE des élres (Revue scientifique, vol. X, 1896, p. 641-653, 14 fig.). : ANN. SC. NAT. ZOOL,. j xVI, 43 19% ED. PERRIER et CH. GRAVIER. Ed. Meyer (1), par exemple, à qui on doit de fort beaux travaux sur les Annélides, considère ces animaux comme dérivant de Turbellariés pélagiques, puissants et rapaces. La métaméridation serait due, d’après cet auteur, au mou- vement ondulatoire qui aurait morcelé les masses génitales primitivement continues. Les glandes génitales ainsi sépa- rées auraient formé des centres métamériques autour des- quels se seraient groupés les autres organes. Or, chez certains Vers anneléstypiques, comme les Phyllodociens (2), la méta- méridation, aussi nette à l'intérieur qu’à l'extérieur, affecte tous les organes, sauf l'appareil sexuel. La métaméridation des glandes génitales n’est donc pas primordiale; elle est remarquer que le péritoine et ses dérivés se forment aux dépens du mésoderme qui se montre d’abord au voisinage du blastopore, que, par conséquent, les segments moyens auraient une peau, des vaisseaux, un intestin leur appartenant en propre, tandis que leur péritoine, la plupart de leurs muscles, leurs organes segmentaires et leurs glandes génitales proviendraient du segment terminal. A cet argument que l’auteur considère comme sans réplique, on peut opposer, — en admettant que la bande mésodermique qui commence à bourgeonner près du blastopore appartienne bien tout entière au pygidium, — que lorsqu'il se forme des chaînes d’Autolytus, de Myrianis, de Chætoyaster ou de Naïs, les individus destinés à se détacher sont formés exactement par ce procédé et ont aussi emprunté leur mésoderme au telson de la souche, ce qui ne les prive en aucune façon de leur individualité propre. - Plus récemment, V. Ariola (*) a soutenu que la métamérie des Cestodes n’est pas primaire, mais acquise, c’est-à-dire produite pendant la vie parasitaire. Chez l’Amphicolyle, fait-il remarquer, chaque appareil repro- ducteur occupe un espace correspondant à trois ou quatre divisions extérieures ou proglottis. Il y a là simplement un cas de « double métamé- ridation », analogue à celui qu’on observe chez les Hirudinées (Voy. plus loin, p. 203), qui sont cependant incontestablement des vers métaméridés typiques. Le défaut de concordance entre la segmentation extérieure et les organesgénitaux du Diplogonoporus, chezlequel on observe un double appareil reproducteur hermaphrodite dans chaque anneau, n’est pas un argument plus probant en faveur de la thèse de l’auteur. Le cas n’est pas isolé; on constate parfois deux paires de testicules dans le même segment chez la sangsue mé- dicinale. On peut noter le même défaut de concordance entre la segmentation extérieure et les néphridies chez certains Capitelliens et chez quelques Oligochètes (Voy. p. 245) qui sont des animaux nettement métaméridés. (1) Ed. Meyer, Die Abstammung der Anneliden. Der Ursprung der Metamerie und die Bedeutung des Mesodermes, Biol. Centralblatt, Bd X, 1890-91, p. 296-308. (2) Ch. Gravier, Recherches sur les Phyllodociens, Bull. scient. de la France et de la Belgique, t. XXIX, 1896, 8 pl. (*) V. Ariola, La métamérie et la théorie de la polyzoïcité chez les Cestodes (Revue générale des sciences pures et appliquées, 13° année, 1902, n° 10, p. 471- 416, 4 fig.). mu LA TACHYGÉNÈSE. 195 liée, en réalité, à celle de l'appareil circulatoire. Mais outre que l’on n’observe aucune concordance entre ia longueur des segments du corps et celle de ses courbures pendant la natation, G. Bohn (1) a démontré que c'était non pas la natation, mais la reptation du Ver qui était liée à sa méta- méridation et que la métaméridation avait été non pas la conséquence, mais la cause du mode de locomotion de l’ani- mal. Elle est d’ailleurs entretenue ensuite par ce mode de locomotion; quand les dissépiments cessent d’être utilisés pour la produire, ils disparaissent par défaut d'usage comme dans la région moyenne du corps des Arénicoles et le corps tout entier des Géphyriens et des Arthropodes. La théorie de la métaméridation due à A. Sedgwick (2) et à Caldwell (3), étendue par F. Houssay (4) aux Vertébrés, qui considère la segmentation comme le résultat de l’ac- croissement de volume, est impuissante à expliquer nombre de faits, notamment le bourgeonnement qui joue un rôle capital dans l’histoire des Cœlentérés et des Vers annelés. Cette théorie a été adoptée par d'assez nombreux zoologistes à cause de son allure mathématique. Mais l'introduction du langage et des méthodes mathématiques dans l’étude des phénomènes biologiques procure souvent des solutions qui n’offrent que l'apparence de la précision et l'illusion de la simplicité. Le fait que le volume croît proportionnellement au cube du rayon, la surface seulement proportionnellement au carré chez un animal en voie de croissance, point de départ de la théorie de Sedgwick et de Caldwell est indiscutable; mais les conséquences s’en font sentir dès que l’œuf com- mence à grandir. C’est appliquer trop tard la théorie que de (1) G. Bohn, Sur la locomotion des Vers annelés (Vers de terre et Sangsues), Bull. du Muséum d'Hist. nat., t. VIL, 1901, p. 404-411. (2) A. Sedgwick, On the origine of melameric segmentation and some other morphological Questions (Quart. Journal of microsc. Science, vol. XXIV, 1884, p. 43-82, 2 pl.). {3) Caldwell, Blastopore, mesoderm and metameric segmentation, id., vol. XXV, 1885, p. 15-28, 1 pl. (4) F. Houssay, Études d'embryologie sur les Vertébrés, Arch. de zool, expér. et générale, 3° série, t. L, 1893, p. 1-94, 5 pl. 196 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. l'utiliser seulement pour l'explication du mécanisme de la métaméridation. Pourquoi les Vers devraient-ils attendre qu’ils aient acquis une certaine taille pour se segmenter, quand ils sont obligés de le faire à l’état de plastides? D'ailleurs, ainsi que cela a été signalé par l’un de nous, dès 1881, et développé également par Korschelt et Heider dans leur Traité d'embryologie, Vontogénie des animaux segmentés, est absolument contraire à toutes les théories de la métaméridation autres que celle du bourgeonnement. Jamais, en effet, la mélaméridation ne se montre tardive- ment et comme conséquence du fonctionnement d’autres organes; elle précède, au contraire, tous les phénomènes de distribution des organes et les détermine ; c'est elle qui est le phénomène primiif et qui est — on ne saurait trop le répéter — le mécanisme même de la formation du corps. Si l’embryogénie est la répétition de la phylogénie, il ne saurait subsister aucun doute que les animaux segmentés primitifs se sont bien formés par l'addition suecessive de segments à un corps représentant lui-même au début un segment unique ou ooméride, d'où le nauplius et la tro- chosphère sont dérivés. On peut donc conclure avec assurance que /a métamérida- lion est le résultat d'une blastogerèse rectiligne. L'étude com- paralive du bourgeonnement chez les C/avelina et les Perophora d’une part, chez les Pozycunipz et les Salpes d'autre part, nous a montré comment un tel bourgeonnement en ligne droite pouvait se substituer au bourgeonnement latéral. Les deux coexistent chez les Bryozoaires, chez quelques Annélides (Syllis ramosa, Trynanosyllis ingens et Trypanosyllis gemmipara) et nous aurons à faire appel à ce phénomène important, lorsque nous aurons à expliquer l’organisation des Échinodermes. La Syllis ramosa trouvée dans les] canaux de diverses Hexactinellides, et décrite par W. C. Mac-Intosh (1), offre (1) W.-C. Mac-Intosh, Report on the Annelida Polychæta, the Vo oyage of H. M. S. « Challenger », vol. XIL, 1885. LA TACHYGÉNÈSE. 197 un curieux exemple de bourgeonnement latéral avec stolons sexués présentant, chez le mâle comme chez la femelle, les caractères de l’épigamie la plus nette (soies natatoires, accrois- sement des yeux, etc.). Le genre d'existence de ce Syllidien ressemble, du reste, singulièrement à celui des organismes fixés, qui prennent presque toujours la forme ramifiée. Ce mode de bourgeonnement, étudié d’une façon plus appro- fondie par A. Oka{1),est, à un certain point de vue, une mani- festation de l'indépendance relative des segments du corps. Le cas signalé récemment par H. P. Johnson (2) est peut- être plus singulier encore. Un individu d’une première espèce, Trypanosyllis ingens nov. sp., recueilli à Pacific Greve (Californie), qui mesurait 13 centimètres de long, 6 millimètres de large, avec 476 segments, portait une trentaine de bourgeons fixés au voisinage de l’extrémité postérieure et remplis d’ovules. Un individu d’une seconde espèce, Trypanosyllis gemmi- para nov. sp. (de Puget Sound), ne portait pas moins de cinquante bourgeons à tous les stades de développement (fig. 39 et 40), formant une touffe compacte, fixée sur la face ventrale; treize d’entre eux, plus développés, avec chacun de vingt à vingt-huit segments mesurant 2*°,5, en moyenne, avec un prostomium très réduit, muni de deux yeux très déve- loppés, étaient remplis de spermatozoïdes. Tous ces bour- geons étaient localisés sur une zone très limitée, laissant en arrière d'elle trente-trois segments très réduits en largeur, comme dans une extrémité régénérée, contenant également des spermatozoïdes. L'auteur ne peut affirmer si la zone de prolifération, d’ailleurs étroite, s’étendait sur un ou plusieurs segments. Aucune des ramifications n'était pourvue de ces soies natatoires qu’on observe d'ordinaire sur les bourgeons sexués des Syllidiens. Johnson compare ces bourgeons (1) A. Oka, Ueber die Knospungsweise bei Syllis ramosa Mac-Intosh, Zool. Anzeiger, 1895, t. XVII, p. 462-464, 4 fig. (2) H.-P. Johnson, Collateral Budding in annelids of the genus Trypanosyllis, the American naturalist, vol. XXXVI, 1902, p. 295-315, 17 fig. 198 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. sexués sans tube digestif (?), sans soies natatoires des Trypa- nosyllis, aux fragments du fameux Palolo, dont Ehlers (1) a fait connaître la véritable signification (2). Le lien qui existe ici entre la formation des éléments sexuels el le bourgeon- nement — puisque les cellules génitales sont localisées dans les ramifications — ne peut être attribué à l'influence —_—— 4 C l S} A D. E AR Se QE & p sas s de CL RC , CS DAS © S A seat DAT ES 2 —— se SE Co «SE S & @Y: ÿ 7 Q Ÿ e DO TIEE d LCR SE Fe 0/07 e Ê. FE IR G D e - po ES ne RS ‘ | ? S? mn. ou ER RE ET > PRE LR À HSE TÈE : SUTTCRSE à à é #7 Ac re ) Fig. 39. — Bourgeonnement chez le Trypanosyllis gemmipara, face dorsale. Dans la région caudale rétrécie de la souche, on distingue la partie postérieure ciliée de l’intestin (a/.c.) et l’anus A (d’après H.-P. Johnson). de l'habitat. Les deux espèces en question, quoique d’allure plus lente que la plupart de leurs congénères, ne paraissent rien présenter d'anormal au point de vue biologique. Le (1) E. Ehlers, Ueber Palolo (Eunice viridis Grube, Nachr. der K. Gesells. der Wissench. zu Gôttingen, mat. phys. Klasse, 1898, pl. XIV). (2) O. Viguier (Sur la valeur morphologique de la tête des Annélides, Ann. des Sc. natur., Zool., 8° série, t. XV, 1902, p. 281-310, pl. IX) fait très judi- cieusement remarquer que l'absence de tube digestif dans les stolons sexués est invraisemblable; l’évolution des cellules génitales dont ces sto- lons sont bourrés serait inexplicable. LA TACHYGÉNÈSE. 199 bourgeonnement est un phénomène d'adaptation que nous montrent les autres Syllidiens schizogames el qui est de même nature que la localisation des éléments génitaux dans les Méduses chez les Polypes hydraires. I y a lieu de remarquer que la zone de prolifération est reculée à une limite inconnue chez les autres Syllidiens : Fig. 40. — Bourgeonnement chez le Trypanosyllis gemmipara, face ventrale. On 5 5 U1 0] g / peut remarquer, surtout dans la partie gauche de la figure, le nombre consi- dérable des bourgeons (d’après H.-P. Johnson). l'animal a en tout trois cents segments chez la 7rypanosyllis gemmipara, et la zone de prolifération ne laisse entre elle et le pygidium que trente-trois segments. L’exubérance du bourgeonnement sur cette zone compense l'exiguité des stolons sexués qui se détachent à maturité. Quoi qu'il en soit, il semble que ce bourgeonnement latéral en relation avec l’évolution des produits sexuels est 200 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. tout à fait distinct des cas de régénération ou d'hétéromor- phose qui ont été signalés, tant chez les Polychètes que chez les Oligochètes par divers auteurs, notamment par de Saint-Joseph (1), E. A. Andrews (2), H. Friend (3), M. Caullery et F. Mesnil (4), etc. La tachygénèse et les diverses sortes de métamérida- tion. — La considération de la tachygénèse permet encore d'éliminer des objections d’une autre nature par lesquelles on a tenté de restreindre la portée et la généralité du phé- nomène de la métaméridation. Pour certains naturalistes, il y aurait plusieurs sortes de métaméridation : 1° La métaméridation complète des Vers annelés, où les segments du corps sont séparés les uns des autres par des cloisons transversales ; 2° La métamér ns extérieure 4. Arthropodes, où ces cloisons font défaut et qui semble n'intéresser en consé- quence que la paroi du corps; 3° La derni-mélaméridation des Vertébrés qui n'affecte que la région dorsale du corps; ° La double métaméridation des Hirudinées, dans laquelle des segments comparables à ceux des Vers annelés sont recoupés par des sillons qui n’intéressent plus que les téguments ; 5° La métaméridation discordante, dans laquelle les parois du corps et les organes internes présentent une disposition mélamérique différente, comme cela a lieu pour les fentes branchiales et les segments musculaires de l’'Amphioxus ; 6° La méfaméridation secondaire qu'offrent des organes métamériques issus d’une ébauche qui ne l'était pas, comme (1) De Saint-Joseph, Les Annélides polychètes de Dinard, Ann. des Sc. nat., 7° série, t. [, 1886. (2) E.-A. Andrews, Bifurcated Annelids, The American naturalist, vol. XXVI, 1892, p. 795- 133, pl. XXI; Some abnormal Annelids, Quarterly Journal of microse. Science, vol. XXXVE, 1894, p. 435-460, pl. XXXIL-XXXIV. (3) H. Friend, « Hare-lip » in Ear thworms, Nature, vol. XLVII, 1893, p. 316-317. (4) M. Caullery et F. Mesnil, Sur un cas de ramification chez une Annélide (Dodecaceria concharum OËrsted), Zool. Anzeiger, t. XX, 1897, p. 438-440, 3 fig. LA TACHYGÉNÈSE. 201 le système néphridien ou les organes de la ligne latérale de divers Poissons: 7° La fausse métaméridation qui s’observe lorsque des organes se répèlent régulièrement à la surface ou à l’inté- rieur d'un corps qui n’est pas lui-même métaméridé, comme les cercles d’épines de beaucoup de Nématodes et de Tréma- todes, les cérames des Chitons, les branchies des Éolidiens, les séries de dents de la radula des Mollusques, les diver- ticules du tube digestif des Planaires dendrocèles, les orifices respiratoires des Balanoglosses, les organes génitaux parié- taux de certaines Ascidies (Culeolus, Styela plicata et cano- poides), les rangées de trémas de la branchie de presque toutes les Ascidies ; 8° La métaméridation appendiculaire qui porte sur les appendices d’un corps métaméridé ou non, comme cest le cas pour les appendices de tous les Arthropodes, le lobe céphalique des Glycères, les antennes et les cirrhes de quelques Polychètes (Syllidiens, Euniciens, etc.). Ces distinctions paraissent au premier abord parfaitement justifiées, et l'attribution de certains traits d'organisation à l’une ou l’autre de ces catégories a fourni matière à des dis- cussions d'autant plus vives, que de leur solution dépendait celle de problèmes plus importants, comme celui de la pa- renté des Mollusques ou des Vertébrés avec les Vers annelés. IL est facile d'établir qu'entre ces divers types de méta- méridation, les différences sont plus apparentes que réelles. [. — En premier lieu, dans la métaméridation complète des . Vers annelés, la métaméridation extérieure des Arthro- podes, la demi-métaméridation des Vertébrés, le lieu et l’ordre d'apparition des segments nouveaux est exactement le même, ce qui rend déjà très vraisemblable que les seg- ments, dans les trois cas, ont la même signification; mais, de plus, le mésoderme prend exactement la même part à la constitution des segments. IL. — La segmentation des embryons d’Arthropodes est tout aussi complète d’abord que celle des Vers annelés. Le 202 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. cas des Isopodes est particulièrement intéressant à ce point de vue. A un stade précoce du développement, il existe chez eux, à l'extrémité postérieure du corps, en voie de croissance, de grandes cellules analogues à celles qu'on observe chez les Annélides, ies Mollusques, divers Arthro- podes et l’Amphioxus. Ces cellules dites té/oblastes (1) pro- duisent des rangées de cellules plus petites ; elles se divisent ici en deux groupes : un groupe intérieur (mésoblastes) qui donne les cellules du mésoderme et un groupe extérieur (ectoblastes), d'où naissent les plaques nerveuses et l’ecto- derme ventral(2). Or J. PL. Mac-Murrich (3) a montré que les mésoblastes se divisent toujours exactement seize fois, les ectoblastes trente-deux fois avant de se résoudre en cellules plus petites. Les seize groupes de cellules ainsi formées engendrent les seize segments mélanaupliens, situés en arrière de la deuxième maxille. En d’autres termes, chaque simple division des mésoblastes et chaque double division des ectoblastes forme un tout destiné à devenir un segment unique. Il est difficile d'imaginer une segmentation plus précoce et plus complète; elle s’accuse d'ailleurs dans des organes franchement internes chez les Arthropodes primitifs, les organes génitaux des Thysanoures (Voy. fig. 61, 62, 63, p. 235, 236, 237), des Pédiculides, des Phasmides, par exemple. La disparition des dissépiments chez les Arthropodes peuts’expliquer, nous l’avons dit, comme chezles Arénicoles et les Géphyriens par leur inutilité dans la locomotion. IT. — La demi-métaméridation des Vertébrés n’est très franchement, de son côté, que le résultat de la tachygénèse. Effectivement, chez l’Amphiorus dont l'identité de type avec (1) Wilson, The germ-bands of Lumbricus, Journal of Morphology, vol. I, 1887, p. 183-192, pl. VIL (2) On peut remarquer l'analogie que présentent ces faits avec la distri- bution des cellules initiales du méristème terminal des Cryptogames vas- culaires et des Phanérogames. (3) J. PI. Mac-Murrich, Embryology of the Isopod Crustacea, Journal of Morphology, vol. XI, 1895, p. 63-154, pl. V-IX. LA TACHYGÉNÈSE. 203 les Vertébrés ne saurait être contestée, la métamérie de l'embryon commence par être complète, et c’est tardivement que la partie ventrale des métamérides mésodermiques se transforme en une cavité continue, la moitié dorsale de- meurant seule métaméridée. Si cette disposition apparait d'emblée chez les embryons des Vertébrés, c’est par défini- tion même, en quelque sorte, un phénomène de tachygénèse. qui laisse intacte l'identité primitive de la métaméridation des Vers annelés et des Vertébrés. Ainsi disparaît une des objections les plus sérieuses à la parenté de ces deux groupes d'organismes. On ne saurait arguer que, chez l’'Amphiorus, les métamères de droite ne correspondent pas à ceux de gauche, comme chez les Vers annelés et les Vertébrés; car le phénomène n'est pas rare chez les Vers annelés et s’ex- plique chez l’Amphiozus par la torsion que présente à un certain moment la larve de ces animaux, torsion dont la signification est justement de première importance, pour l'intelligence du type Vertébré (1). IV. — La double métaméridation des Hirudinées (2) s'explique parfaitement si l’on compare le corps de ces animaux à celui des Myrianides, des Naïs et autres Chéto- podes gemmipares. La disposition des organes sensitifs montre que chaque segment complet est une véritable (1) E. Perrier, Traité de zoologie, p. 2165. (2) Chez les Hirudinées, les segments séparés par des constrictions régu- lièrement espacées ne sont pas rigoureusement semblables entre eux. Cer- tains d’entre eux présentent des organes sensoriels signalés et étudiés en premier lieu par G.0.Whitman (The Leeches of Japan, Quart.Jfourn. of microsc. Science, vol. XXVI, 1886, p. 317-416, pl. XVII-XXTI). Ces segments sensitifs sont séparés l'un de l’autre par un nombre déterminé — mais variable d'un genre à l’autre, et d’une région du corps à l’autre — de segments indiffé- renciés; chacun d’eux est le premier méride du zoïde qui s'étend jusqu’au méride sensitif suivant. La composition de ces zoïdes chez les différents types d’'Hirudinées a été particulièrement mise en évidence par les travaux de S. Apathy (Analyse der äussere Kôrperform der Hirudinen, Mitth. aus der Zool. Stat. zu Neapel, t. VIIL, 1888, p. 153-232, pl. VIT et IX) et de Raphaël Blanchard (Courtes notices sur les Hirudinées, Bull. de la Soc. zool. de France, 1892-96, t. XVII, XVIII, XIX, XXI ; Mém. de la Soc. zool. de France, t. V,1892; t. IX, 1896. — Hirudinées de l'Italie continentale et insulaire, Boll. Mus. zool. anat. comp., Torino, vol. IX, 1894, 84 p., 30 fig.). 204 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. semme comparable à celles qui, chez ces animaux, se détachent pour former autant d'individus distincts (fig. #1 et 42). Chez les Hirudinées, la tachygénèse a provoqué la formation précoce et presque simultanée de ces gemmes qui ne se sont pas séparées et constituent par leur ensemble les régions moyenne et postérieure du corps de l'animal, la région antérieure demeurant composée de segments simples ou peu recoupés comme chez les Vers gemmipares. Des Fig. 41. — Schéma de l'extrémité antérieure de l’Hemiclepsis marginala. — 1, face dorsale ; 2, face ventrale : n, orifice néphridien. Entre les mérides 27-28, orifice mâle; entre les mérides 29-30, orifice femelle. Les chiffres arabes numé- rotent les mérides; les chiffres romains, les zoïdes (d’après Raphaël Blanchard). phénomènes analogues s'observent chez certains Polychètes, notamment chez les Glycériens et les Ophéliens, où l’exo- derme de chaque segment est divisé en deux ou trois segments secondaires. Comme la division des segments dans les gemmes commence toujours par l’exoderme, on peut voir là également l'indication d’un commencement de formation de gemmes, dont ia double segmentation des Hirudinées ne représente qu'un stade plus avancé. Cette subdivision des segments permet peut-être d’expli- quer les phénomènes d’alternance dans la morphologie des segments que l’on constate chez les Aphroditiens, parmi les Polychètes, et les Scolopendres, parmi les Myriapodes et dont LA TACHYGÉNÈSE. 205 la diplopodie des lules pourrait être une autre forme, si elle n’est pas simplement une modification de la bifurcation primitive des pattes de Crustacés. Il est bien évident d’ailleurs que tous les métamérides du corps d'un animal segmenté devaient avoir originai- rement la faculté de bourgeonner, la localisation de cette faculté au pénultième segment étant, comme nous l’avons expli- qué, une conséquence de la locomotion. V. — La mélaméridation discordante est, en général, précédée par une phase où il y à concordance absolue entre les nombres des parties métaméridées. Ces parties deviennent plus tard indépen- dantes, et il peut arriver que les unes se multiplient plus rapidement que les autres, c'est ce qu'on observe pour les segments du corps d’une part et, d'autre part, les fentes branchiales de l’Am- phioxus, les néphridies des Marsipobran- ches, des Sélaciens, des Cœcilies, etc. La discordance est doncle résultat d’une tachy- génèse dont l’action à été inégale sur les diverses parties de métamérides qui ont subi au préalable une disjonction; c'est un simple accident de développement d’un corps normalement métaméridé. VI. — Il en est de même de la métamé- ridation secondaire. Le passage de ce mode de métaméridation à la métamé- ridation primaire est clairement indiqué dans le développement des deux séries de fentes branchiales de l’Amphiorus Fig. 42. — Les deux extrémités du Cyslo- branchus fasciatus. — Les chiffres ro- mains désignent les zoïdes du cou et de la région moyenne ; les chiffres arabes, les vésicules con- tractiles latérales (d'après Raphaël Blanchard). (fig. 43). Les fentes branchiales gauches se développent successivement au moyen d’ ébauches indépendantes 206 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. et arrivent ainsi parfois jusqu'au nombre de quatorze, correspondant à autant de métamérides; c'est une méta- méridation primaire des plus caractérisées ; plus tard, cinq Fig. 43. — Trois stades successifs de la formation des fentes bran- chiales primitives et de la cavité péribranchiale chez les larves d’Amphioxus. — C est la plus jeune larve; B, la plus âgée. — c, fossette prébuccale : b,bouche; r, épipleures; f, fentes bran- chiales ; a, anus (d’après Willey). à sept de ces fentes se fermeront, le nombre total demeurant neuf, le plus souvent huit, quelquefois sept; les fentes branchiales de droile se constituent au con- traire presque simultanément aux dépens d’une ébauche con- tinue et leur nombre est d’em- blée de huit. C’est le type de la mélaméridation secondaire. On ne saurait mettre en doute cepen- dant que les deux séries de fentes soient parfaitement homologues, et que le second procédé de déve- loppement soit plus rapide que le premier. L'histoire des fentes bran- chiales de l’'Amphioxus démontre simplement que la métamérida- lion secondaire dérive de la méta- méridation primaire par tachygqé- nèse ou encore que des organes primitivement issus d'ébauches distinctes, métamériquement dis- posées peuvent se développer, par tachygénèse, aux dénens d'une ébauche continue quise fragmente ou produit des bourgeons latéraux. Ce second mode de tranformation est indiqué dans le développement du rein des Sélaciens, que de nombreux travaux, ceux de J. Rückert(1) et de J. W. van (1) J. Rückert, Ueber die Entstehung der Excretions-organe bei Selachier Arch. für Anat. und Physiol., Anat. Abth., 1888, p. 205-278, pl. XIV-XVI). ÿ P î LA TACHYGÉNÈSE. 207 Wijhe (1) en particulier, nous ont fait connaître. Les premiers tubules néphridiens se développent suivant le type métamérique normal; ils se soudent les uns aux autres par leur extrémité fermée produisant un tube lon- gitudinal qui s’allonge et sur lequel viennent se greffer les autres tubules, ce qui détermine une métaméridation secondaire du tube; mais, en raison de la rapide multipli- cation des tubules, la métaméridation est souvent discor- dante ou même totalement absente. En multipliant lestubules, la tachvgénèse a fait ainsi disparaître la métlamérie. Chez la plupart des Poissons, des Batraciens et chez tousles Vertébrés supérieurs, le type tachygénétique du développement s’est substitué au type patrogénique et la métamérie fondamen- tale du système néphridien a complètement disparu. Ce même type tachygénétique s’observe dans le dévelop- pement des organes de la ligne latérale dont la métamérie bien que secondaire ne perd rien par ce fait, quoi qu'on en ait pu dire, de sa valeur démonstrative, au point de vue de la constitution segmentaire du corps des Vertébrés (2). VII. — L'existence des phénomènes de fausse métaméri- dation ne saurait être contestée. Les rayures du Tigre et du Zèbre, bien que se répétant irrégulièrement, n’ont très vrai- semblablement rien à faire avec la segmentation du corps; la répétition des mêmes taches sur toute la longueur d’une penne d’Argus ne signifie nullement que cette penne soit articulée. Bien qu il soit de plus en plus vraisemblable que Les (4) J. W. van Wijhe, Ueber die Mesodermsegmente des Rumpfes und die Entwicklung des Excretionssystems bei Selachiern (Arch. für mikrosk. Ana- tomie, Bd XXXIIL, 1890, p. 461-516, 3 pl.). (2) Nos connaissances sur les organes de la ligne latérale chez les Pois- sons se sont singulièrement accrues, grâce aux travaux de Ph. Allis, Gui- tel, Collinge, F. Leydig, F. J. Cole, etc. Ce dernier auteur, dans son tra- vail Le plus récent à ce sujet (Observations on the structure and Morphology of the craniai nerves and Lateral sense Organs of Fishes ; with special reference lo the genus Gadus, Trans. of the Linnean Society, London, vol. VII, 1898, p-. 115-221, pl. XXI-XXIIT), soutient que les organes latéraux des Poissons et des Batraciens ne sont pas homologues à ceux des Annélides, qu'ils n'ont rien à faire avec la segmentation; il pense que les ancètres des Ver- tébrés n'avaient vraisemblablement point d'organes sensoriels segmen- taires à la surface du corps. 208 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. Mollusques descendent des Vers annelés (1), le détour par lequel les Eolidiens sont redevenus vermilormes est trop long pour que, malgré leur fréquente disposition méla- mérique, on puisse attribuer à leurs branchies dorsales un rapport avec la segmentation primitive du corps; mais déjà, les cérames des Chiton semblent bien exprimer une véritable métaméridation et il pourrait très bien en être de même des ceintures épineuses de divers Nématodes el Trématodes, et des dispositions métamériques qui sont indiquées dans l'appareil circulatoire des Némertes, le tube digestif et les glandes génitales de nombreux Trémalodes et Turbellariés, les glandes génitales de diverses Ascidies. En raison de la simplicité que présentent souvent les organes de relation, de circulation et parfois dé digestion, des Turbellariés, on a quelquefois considéré ces Vers plats comme des formes originelles, d'où on pourrait faire dériver les Polypes hydraires, les Cténophores (2)et par eux, (1) E. Perrier, dans ses Colonies animales, a fait remarquer dès 1881 la ressemblance frappante qui existe entre l’armature pharyngienne des Euniciens et la radula des Mollusques. Reprenant cette donnée, P. Pelseneer, à qui on doit de très importants travaux sur les Mollusques, rappelle dans un récent mémoire (/techerches morphologiques et phylogénétiques sur les Mollusques archaïques, Mém. cour. de l’Acad.des sc. de Belgique, t. LVIL, 1900, 112 p., 24 pl.) que les plus proches parents des Mollusques sont à rechercher chez les Annélides Polychètes, et il fait remarquer à ce sujet que, chez les Euniciens, on trouve un pha- rynx musculeux rétractile avec une armature chitineuse et une innerva- tion spéciale. (Des caractères du même ordre s’observent d’ailleurs chez d’autres Polychètes, notamment chez les Néréidiens et chez les Glycériens). H. Heath (The doom of Ischnechiton, Zool. Jahrb., Abth. Morph., Bd XII, 1899, p. 567-656, 5 fig., pl. XXXI-XXXV) va plus loin et cherche à homologuer les parties antérieures du corps des Chitons et des Annélides ; pour lui la tête de l’Annélide correspond, chez les Chitons, à la région for. née par la trompe, la première cérame et le sillon du manteau englobant les yeux. (Nous verrons plus loin, d’ailleurs, comment le Chiton étant incon- testablement un. animal segmenté, les autres Mollusques en sont dérivés.) L. Plate (Die Anatomie und Phylogenie der Chitonen, Zool. Jahrb., Suppl. 1897, p..1-243, Taf. 1-12, 7 fig. ; 4, Suppl. 1894, p. 15-216, Taf. 2-11; Nach- trage:zum Theil B, Fauna Chilensis, 1901, Bd Il, Hft. 2, Taft. D, p- 281- -285, p. 586-600) n'admet pas que les Mollusques descendent d'ancêtres sem- blables aux Euniçiens, mais pense que les deux groupes dérivent d'animaux turbellariformes, comme-Lang et Ed. Meyer. (2) A. Kovalevsky, Ueber Cœloplana Metchnikovi (Zool. Anz., vol. III, 1880, LA TACHYGÉNÈSE. 209 peut-être, les Acalèphes, les Mollusques (von Jhering) (1). les Vers annelés (A. Lang), puis, par ces derniers, les Arthro- podes et les Vertébrés. C’est tout une généalogie nouvelle du Règne animal. Malheureusement, cette généalogie prête à bien des critiques (2). 1° Les Turbellariés ne sont pas aussi simples qu'ils le paraissent; leur appareil excréteur et surtout leur appareil cénital présentent des complications qui excluent l'idée d'organismes primitifs, mais qui font naître l’idée qu'on pourrait bien se trouver en présence d'organismes modifiés par le parasitisme et issus des Trématodes. 2° Les Polypes hydraires sont bien moins complexes que les plus simples des Turbellariés et il n y a aucune raison d'assimiler même leurs larves à des Turbellariés. 3° Les Mollusques ont très vraisemblablement pour origine des animaux segmentés; c'est donc par les animaux seg- mentés qu'ils dériveraient des Turbellariés, comme les Ver- tébrés ; la question de l’origine de ces animaux est dès lors ramenée à celle-ci : les animaux segmentés peuvent-ils prove- nir d’un simple recoupement du corps d'animaux qui pri- . 140). — A. Korotneff, Ctenoplana Kovalevskyi (Zeitsch. für wiss. Zool., vol. XLUIT, 1886, p. 242-251). (4) H. von Jhering, Vergleichende Anatomie des Nervensystems und Phylo- genie der Mollusken, Leipzig, 1877. — A. Lang, Die Polycladen (Seeplanarien) des Golfes von Neapel (Fauna und Flora des Golfes von Neapel, XI, 1884, 688 p., 39 pl., 54 fig. dans le texte). (2) Ainsi que M. Edmond Perrier l’a indiqué dans son Traité de Zoologie (p. 1860), la manière de voir de A. Lang concernant la parenté des Cténo- phores et des Turbellariés tend à être de plus en plus abandonnée aujour- d'hui ; on s'accorde à reconnaitre que les similitudes entre les jeunes Cælo- plana et Ctenoplana et les Turbellariés ne sont, en somme, que des phé- nomènes de convergence dus à la reptation. En outre, ainsi que Y. Delage et E. Hérouard le font remarquer (Traité de Zoologie concrète, Il, Cœlentérés, 1901), rien, chez les Cténophores, ne représente les néphridies si caracté- ristiques des Vers. Cependant, H. Eisig (Zur Entwickelungsgeschichte der Capitelliden, Mitth. der zool. Station zu Neapel, Bd XIII, 1898, p. 1-292, Taf. 1-9) qui pense reconnaître une disposition radiaire dans certaines ébauches de la larve, persiste à faire dériver les Annélides des Cténophores. Pour cet auteur, les Turbellariés, ancêtres directs des Annélides, avant d'avoir atteint le stade trochophore typique, se seraient détachés de la forme souche semblable aux Cténophores. ; ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 14 210 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. mitivement étaient continus? Nous avons exposé précédem- ment les raisons morphologiques, physiologiques etembryo- logiques qui s'opposent à ce que l’on puisse accepter cette manière de voir. Mais certains Vers plats présentent soit une métaméridation incontestable (Procerodes segmentatus, étudié par A. Lang) (1), soit des indi- cations plus ou moins évidentes de ce mode de constitution du Fig. 44. — Diplosoon paradozum, COrps|ventouses du Sfichocotyle, adulte. — 0, bouche(d'après El Larapodes ettesticules des Dac- ler). tylocotyle, annulation régulière du corps des Temnocephala, Apoblema, Plectanocotyle, des jeunes Udonella, Pteronella Diplozoon (fig. 44 et 45), cein- tures ciliées des larves et commissures du tube digestif des Fig. 45. — Deux jeunes Diplozoon à l’état de Diporpa en train de se souder l’un à l’autre. — O, bouche; Z, saillie dorsale et G, ventouses ventrales par lesquelles s’accomplit lasoudure ; H, appareil adhésif postérieur (d’après E. Zeller). Polyslomum, segmentation des larves de Diplozoon, commissures annulaires con- stantes du système nerveux, branches latérales du tube digestif des Dendro- cèles, etc.|. La parenté des Vers plats et des Vers annelés serait donc parfaite- ment admissible, si l’on pouvait montrer comment la filiation a pu s'établir. C’est ce que la considération de la tachygénèse permet encore de comprendre, à la condition de considérer les Trématodes et les Turbellariés non plus comme des formes originairement simples, mais comme des formes simplifiées ou, si l'on aime mieux, dégénérées. Les Sangsues, les Myzostomidés (fig. 46) montrent comment on peut passer des Vers chétopodes aux Vers parasites mu- (1) A. Lang, Der Bau von Gunda segmentata und die Verwandtschaft der Plathelminthen mit Cœlenteraten und Hirudinen (Mitth. der Zool. Stat. zu Neapel, Bd II, 1882, p. 187-251, 3 pl.). LA TACHYGÉNÈSE. JA nis de ventouses, comment la cavité générale peut s'oblitérer, comment, par conséquent, les caractères essentiels des Trématodes peuvent être réalisés (1). Le parasitisme ayant pour conséquence d’annihiler, pour el C10 Fig. 46. — Figure schématique représentant l’organisation d'un Myzoslomum. — ph, pharynx: c;—c;,, cirres marginaux; B, bouche; p;—p;, parapodes; v, ventouses; ?, ramifications du tube digestif, Æ, estomac; R, rectum ; 0, ovaire; 4, orifice femelle; c/, cloaque; é, testicule ; ©, orifice mâle; KN, chaîne nerveuse (d’ après L. von Graf). ainsi dire, l'appareil locomoteur dans lequel la métaméri- dation est principalement exprimée, d’atrophier les muscles (1) Parmi les Polychètes, certains Amphinomiens qui mènent une vie plus ou moins sédentaire, comme les Hipponoe, au corps fusiforme, aplati, muni de soies ventrales en crochets bifides, plus encore, le genre Spinther, étudié d'une manière approfondie par L. von Graff (Die Annelidengattung Spinther, Zeitsch. für wiss. Zool., t. XLVI, 1888, p. 1-67, pl. I-IX), dont la physionomie rappelle de si près celle des Myzostomes, fournissent comme l’un de nous l’a indiqué (Ch. Gravier, Contribution à l'étude des Annélides Polychètes de la mer Rouge, 2° partie, Nouvelles Archives du Muséum, 4° série, t. ILE, fasc. 2, 1901, p. 149-268, 4 pl., 123 fig. dans le texte) des termes de passage entre les Chétopodes et les Vers parasites. 21% ED. PERRIER et CH. GRAVIER. et le système nerveux, la disparition de la segmentation externe est la conséquence nécessaire du phénomène. Elle peut encore s’accuser au cours de l’ontogénie (Polystomum, Diporpa, etc.), mais la tachygénèse tend à la faire dispa- raître même dans ces conditions. Son absence, du moment qu'elle est prévue, ne saurait être une objection à l’explica- tion qui esl ici donnée de l’origine des Trématodes, dont les Turbellariés ne sont eux-mêmes que des formes ayant recon- Fig. 47. — Jeune Echiurus vu par la face ventrale. Fig. 48. — Bonellia viridi , — SC, collier nerveux à l’intérieur du lobe pré- femelle (d’après Lacaze- buccal; O, bouche; BS, chaîne ventrale; H, la Duthiers). paire antérieure de soies;, À, anus précédé de deux cercles de soies (d’après B. Hatschek). quis leur liberté, et qu'on peut d’ailleurs considérer comme des sortes de parasites externes, d'animaux fixés tels que les Éponges, les Polypes coralliaires ou les Ascidies composées. L'histoire des Géphyriens montre d’ailleurs toutes les étapes de la disparition de la métaméridation, non plus chez des animaux parasites, mais chez des animaux sédentaires, vivant à demeure dans les trous qu'ils se sont creusés et où ils n’effectuent que des mouvements très limités. Chez ces animaux, l’on ne trouve pas de cloisons internes; les Zchiu- rus (fig. 47) ont encore en arrière des couronnes de soies LA TACHYGÉNÈSE. 24 locomotrices et une paire de soies antérieures; les Bonel- lia (fig. 48) ont une paire de soies locomotrices ; les Sipux- cuLIDÆ en ont à l'état jeune, pas à l’état adulte; les Paoro- NIDÆ n'en ont à aucune époque. L'’ontogénie s'accélère dans ce même ordre. Le méso- derme (fig. 49 et 50) des embryons d'Echiurus (1) et de Ponellia (2) se divise momentanément en un grand nombre de méta- mères qui rappellent ceux des embryons de Polychètes à ontogénie très accélérée ; on ne voit plus rien de sem- _ blable chez les Sipuncu- lus (3), dont les trois paires de soies locomotrices accu- sent encore cependant, par leurdispositionetleurmode Fig. 49. — Embryon d'Echiurus. — SP, , 4e ; UE plaque apicale; Prw, couronne ciliée d apparition, la métaméri- préorale ; Pow, couronne ciliée postorale ; Fate EN ANNEE Ne Sr en des Phoronis (4) est telle- ment accéléré que l'embryon produit presque en même temps son propre tégument el le tégument futur de l'adulte (fig. 51) : ce dernier est d’abord un sacinlerne qui se dévagine brusquement en même temps qu'y pénètre le tube digestif ; (1) B. Hatschek, Ueber Entwickelungsgeschichte von Echiurus und die syste- matische Stellung der Echiuridæ (Gephyræi chætiferi) (Arb. der Zool. Stat. Triest, t. IT, 1880, p. 45-79, pl. IV-VT). (2) A. Rietsch, Études sur les Géphyriens armés ou Echiuriens (Recueil zool. suisse, t. IT, 1886, p. 313-515, pl. XVII-XXIT. (3) B. Hatschek, Ueber Entwickelung von Sipunculus nudus (Arb. d. zool. Instit., Wien, V, 1883, p. 61-140, pl. IV-IX). (4) A. T. Masterman, On the Diplochorda : 1, The Structure of Actinotro- cha; 2, The Structure of Cephalodiscus ; 3, The early development and anatomy of Phoronis Buskii Mac Intosh (Quart. Journ. of microsc. Science, vol. XL, 1897, p. 281-366, pl. XVII-XXVI; vol. XLII, 1900, p. 375-418, pl. XVIIT- XXL). — L. Roule, Étude sur le développement embryonnaire des Phoroni- diens (Ann. des Sc. nat., Zool., t. XI, 1900, p. 51-249, pl. II-XVI). 214% ED. PERRIER et CH. GRAVIER. l'anus d’abord terminal devient brusquement dorsal par ce procédé d'une tachygénèse si intense. Il résulte de ces faits : 1° que si l’on admet la loi de Serres, il faut également ad- mettre que les Géphyriens descendent des Vers annelés et Fig. 50. — Face ventrale plus grossie du même embryon pour montrer la ban- delette mésodermique et sa métaméridation. — SC, commissure œsopha- gienne ; Dsp, dissépiments des métamères antérieurs du tronc; MS, bandelette mésodermique; À, anus; VG, chaîne nerveuse, KN, pronéphridies (d'après B. Hatschek). ne sont nullement, comme on l’a dit encore récemment, un tronc primitif duquel une foule de formes auraient divergé (1); (1) Y. Delage et E. Hérouard (Traité de zoologie concrète, t. V, Les Ver- midiens, 1897) considèrent les Géphyriens comme le point de départ de tous les « Vermidiens ». Les Échiurides — par l'intermédiaire du Ster- naspis, que ces auteurs incorporent aux Géphyriens comme le faisait autrefois de Quatrefages — auraient donné naissance aux Annélides. Les Sipunculides, par les Phoronis, se rattacheraient aux Bryozoaires qui, eux- mêmes, seraient apparentés d’une part aux Brachiopodes, d'autre part aux Rotifères, et par ceux-ci aux Gastrotriches, aux Échinodères, aux Chéto- gnathes et finalement aux Nématodes; enfin, en troisième lieu, aux Rhab- dopleura et Cephalodiscus qui conduisent (?) au Balanoglossus et aux Chor- data (?). A. T. Masterman a réuni sous le nom de Diplochorda les genres Pho- ronis, Rhabdopleura et Cephalodisceus; les Diplochorda avec les Hemi- chorda (Balanoglossus) forment le groupe des Archichorda, d’où seraient dérivés les Urochorda (Tuniciers), les Cephalochorda (Amphioxus) et les Euchorda (Vertébrés). L. Roule nie toute affinité entre les Phoronis et les Balanoglosses ; il admet, en revanche, dans les premiers stades du déve- LA TACHYGÉNÈSE. 245 2° que des animaux primitivement segmentés sont suscep- tibles de ne plus présenter au cours de leur ontogénie aucune trace de segmentation; 3° que beaucoup de répéti- tions de parties qu’on à pu considérer comme n'étant qu'une fausse métaméridation, dépendent d’une véritable métamé- Fig. 51. — Formes successives des Phoronis. — 1, jeune larve Ac{inotrocha, l’époque de la formation du sac destiné à être dévaginé pour former la paroi du tronc : b, bouche; {, tentacules ventraux; au-dessous d'eux, le sac évagi- nable; v, estomac; l', tentacules dorsaux: a, anus avec sa couronne vibratile. — ?, larve de Phoronis après l'évagination : £, {', tentacules; æ, œsophage; a, anus ; e, estomac; 1, intestin désormais contenu dans le sac évaginé. — 3, jeune Phoronis: {, tentacules; cv, canal sous-tentaculaire; @, anus; e, estomac; à, intestin ; v,, canal dorsal; v,, canal latéral (d'après Metschnikoff). ridation et doivent être, pour cette raison, soigneusement étudiées et relevées. Des considérations semblables à celles que nous avons développées relativement aux Trématodes, permettent de considérer les Nématodes comme des Arthropodes dégradés loppement des Phoronis, quelque rapprochement avec les Vertébrés. Ces manières de voir auxquelles la morphologie ne fournit pas le moindre appui seront discutées plus loin. — A. Conte et C. Vaney (Contributions à l'étude anatomique du RaaBpopceura Normani Allm., C. R. Ac. des Sc., 1902) ont montré que la prétendue notochorde du Rhabdopleura n’est autre chose que l’extrémité antérieure du pédoncule. 216 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. par le parasitisme et chez qui la tachygénèse a fait disparaître toute trace de métaméridation au cours de l’ontogénie. :Maupas (1) a montré que chez des Nématodes appartenant à cinq genres différents (Cephalobus, Rhabdtis, Leptodera, Angiostoma, T'ylenchus) qui vivent dans des conditions très diverses, l’évolution présente constamment cinq stades séparés par quatre mues. À chaque mue. le tégument se renouvelle complètement, l’ancien est rejeté et l'animal tombe dans un état de léthargie dont la durée varie avec celle de la vie larvaire. Ces mues correspondent chacune à un état de développement bien défini, à tel point que l'exa- men des organes, et en particulier celui des glandes géni- tales, permet d'indiquer à quel stade se trouve un animal déterminé, et de dire par conséquent, le nombre des mues effectuées et de celles qui doivent se produire encore. Ces mues d'évolution, qu'il ne faut confondre avec les mues et desquamations saisonnières, sont identiques à celles que présentent les Arthropodes. Chez la plupart des Lépi- doptères hétérocères, on observe de même quatre mues d’accroissement suivies de deux autres mues qui accom- pagnent les métamorphoses correspondant à la nymphose et à l’état parfait. De plus Conte (2) a observé chez les Néma- todes une régression de l’endoderme larvaire analogue à celle qu'ont signalée divers auteurs qui ont étudié les méta- morphoses chez les Holométaboliens : Heymons chez les Orthoptères, Lécaillon chez les Chrysomélides, et aussi à celle que Reichenbach a fait connaître chez l'Écrevisse, etc. Enfin E. Perrier et Künckel d'Herculais (3) ont montré que les pseudochrysalides des Cantharidiens découvertes par Fabre correspondent, non à une Æypermétamorphose, (4). E. Maupas, La mue et l'enkystement chez les Nématodes (Arch. de zool. expérim. et génér., 3° série, t. VII, 1899, p. 563-628, pl. XVIXVII). (2) A. Conte, Contributions à l’embryogénie de Némutodes (Ann. de l'Université de Lyon, nouv. série, fasc. 8, 1902, 133 p., 137 fig. dans le texte). (3) J. Künckel d'Herculais, Observations sur l'hypermétamorphose ou hypnodie chez les Cantharidiens. — La phase dite de pseudo-chrysalide, considérée comme phénomène d'enkystement (Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, t. CXVIIL, 1894, p. 360). LA TACHYGÉNÈSE. DUT mais à un simple phénomène d’enkystement qui se produit, comme chez les Nématodes, à la fin du second stade de déve- loppement. Tous ces faits concordants affirment les affinités des Arthropodes et des Némathelminthes, pressenties par Clapa- rède et par Bütschli, précisées par Edmond Perrier qui a réuni tous ces animaux dans une même série (CHITINO- PHORES) (1). On ne saurait objecter à cette manière de voir le fait que la cuticule des dépouilles exuviales des Nématodes est soluble dans l’eau. La chiline n’a pas une composition uniforme; celle des Crustacés, imprégnée de calcaire, n’est pas identique à celle des Insectes. Du reste, l'enveloppe kystique des Nématodes acquiert la même résistance que la plupart des autres substances chitineuses: elle peut séjourner des mois dans l’eau sans s’altérer. Dans une autre direction, l’histoire des Géphyriens laisse voir comment les Mollusques, dont les Chitons attestent la parenté avec les Vers annelés, ont pu perdre eux aussi, toute métaméridation apparente, même au cours de leur ontogénie, quoique leur évolution commence exactement comme celle des Annélides polychètes. En présence de ces faits, comment ne serait-on pas frappé de la clarté que cette conception si simple de la tachygénèse jette sur les rapports des groupes les plus variés du Règne animal et comment pourrait-on méconnaitre sa fécondité ? VITE. — La métaméridation appendiculaire elle-même n’est peut-être pas aussi éloignée qu’elle le semble au premier abord d’une métaméridation vraie. Quelle est, en effet, la significa- tion des appendices des Arthropodes ? Si l'on considère que chez les Pycnogonides, des diverticules du tube digestif pénètrent dans les pattes, et qu’il en est de même pour certains types, des organes génitaux; que, chez toutes les Araignées, l'estomac envoie de même un diverticule vers (1) Edmond Perrier, Traité de zoologie, p. 1345. 218 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. la base de chaque appendice, on sera amené à penser quil n'y à pas absurdité à se demander si ces appendices n'étaient pas primitivement des bourgeons latéraux qui ont été adaptés à la marche, comme les tentacules des polypes hydraires, susceptibles d’être remplacés par des Méduses (Coryne), sont des bourgeons subordonnés à un bourgeon principal, adaptés à la préhension, mais de même nature que ceux qui évoluent en individus distincts. Dans cette hypothèse, les appendices des Articulés ne feraient que répéter la métaméridation même du corps qui les a produits. De cette discussion, il résulte, en somme, que la métamé- ridation doit être considérée comme le mode fondamental de complication des organismes bilatéraux et que ceux de ces organismes qui semblent y échapper s'y laissent facile- ment ramener, quand on tient compte de l’action simpli- ficatrice de la tachygénèse. III LA TACHYGÉNÈSE DANS LE DÉVELOPPEMENT DES ORGANES Modes d'action de la tachygénèse dans le développe- ment des organes. — En raison de l'indépendance relative que conservent les uns vis-à-vis des autres les organes d'un même méride, la tachygénèse peut les affecter différemmen. et déterminer des phénomènes qui, tantôt masquent d’une façon plus ou moins complète la véritable nature des organes sur lesquels ils ont porté, tantôt déterminent l’appari- tion de dispositions organiques nouvelles d’une importance considérable. La tachygénèse agit encore ici comme un élément de modification des organismes. ce que nous lui avons déjà vu faire lorsqu'elle portait sur les modes de formation des mérides ou des zoïdes d’un organisme. Son action consiste essentiellement : 1° A faire apparaître d'emblée avec leur forme et à leur place définitive des organes qui ont subi au cours de l’évolu- tion phylogénétique une transformation ou un déplacement que l’ontogénie répète encore dans un certain nombre de cas. 2° À faire apparaître en une seule pièce des organes qui se sont constitués phylogénétiquement par la soudure d'organes voisins verticillés, symétriques ou métamériques. 3° A détacher des organes qui doivent subir une trans- formation au cours de la vie, des bourgeons dormants qui les doublent, grâce auxquels les organes disparaissent au lieu de se transformer et sont remplacés par d’autres qui présentent immédiatement la forme précédemment réalisée par des modifications successives de l’organe primitif. 4° Ces bourgeons une fois constitués, à les faire se dévelop- per avant la déchéance de l’organe primitif, et à yamener gra- 220 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. duellement la formation simultanée des organes primitifs et desorganes de remplacement, de sorte que les deux systèmes se superposent et peuvent devenir également permanents. 5° À supprimer les organes primitifs pour faire apparaître d'emblée ceux qui devaient d’abord les remplacer. Nous signalerons successivement quelques cas de chacun de ces divers modes d’ac- tion qui peuvent s'ob- server isolément ou si- multanément chez un même type ou chez les différents animaux d'un même groupe. Les trois derniers modes coexis- tent dans le développe- ment des néphridies des Versannelésetdu rein des Vertébrés (Voy. p. 241). Organes apparais- sant par tachygénèse, avec leur forme et à ieur place définitive. — Que des organes, Fig. 52. — Nauplius de Cyclops. — a’, anten- dont la forme n'a été réa- pule; a”, antenne "md, mandibule; 0, œil ,. , TER nauplien ; al, glande antennaire; ds, diver- lisée phylogénétiquement ticules de l'intestin avec cellules excrétrices qu'à la suile d’une longue (d'après Claus). élaboration, apparaissent d'emblée avec cette forme, sans qu'aucune action apparente l'ait déterminée au cours de l’ontogénie, le fait rentre, pour ainsi dire, dans la définition de l'hérédité, et paraît absolu- ment banal. L'action de la tachygénèse se manifeste cependant claire- ment dans ce phénomène; c’est ainsi que chez tous les Entomostracés (fig. 52) et quelques Malacostracés (Eu- phausia, Penœus, fig. 53) les antennes et les mandibules revêtent tout d'abord l'aspect de pattes, tandis que chez la plu- LA TACHYGÉNÈSE. 291 part desautres Arthropodes cératophores, elles ne passent pas par cestade primitif, et l’on trouve tout naturel qu'il en soit ainsi. On ne s'étonne pas davantage que les pattes des Verté- brés marcheurs ne traversent pas la forme de nageoires, les ailes des Oiseaux, celle de pattes ambulatoires, que les pattes digitigrades des Oiseaux et de nombreux Mammifères ne présentent pas, au début, la disposition des pattes planti- grades d’où elles proviennent, ni que la couronne des dents des Mammifères carnas- siers ou herbivores revète de suite la forme tran- chante ou plane qu'elles n'ont acquise phylogéné- tiquement que par le mode d'usure de dents primitivement larges et à couronne tuberculeuse. La tachvgénèse est ce- pendant intervenue là, comme dans le cas des appendices antérieursdes Entomostracés, mais :il Fig. 53. — Stade Nauplius de Penæus vu parla faudrait exposer presque face dorsale. — 4’ et 4”, antennules et an- : tennes ; Mdf, maudibule (d’après Fr. Müller). toute la morphologie du squelette externe et du squelette interne pour relever tous les cas analogues à ceux que nous venons de citer: il serait d'ailleurs extrêmement intéressant de rechercher, tant au point de vue physiologique qu'au point de vue histologique, comment les étapes successives de ces tachygénies ont été parcourues. L'apparition dans leur situation définitive, d'organes qui se sont déplacés au cours de générations successives et qui se déplacent encore dans certaines espèces, au cours de l’onto- génie, est manifestement un cas du même genre que les pré- cédents et nous n’y insisterions pas, si, faute d’avoir connu la tachygénèse, le mode d'apparition d'organes d'ailleurs mani- 222 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. festement homologues u’avait été invoqué contre leur homolo- gie. C’est ce qui est arrivé pour les chélicères des Arachnides et les premières antennes des Arthropodes cératophores. La position des chéli- cères chez les Arachnides adultes, l’origine cérébrale des nerfs qui s y rendent, conduisent à penser que ces appendices représen- tent les premières antennes des Cératophores (fig. 54) : c'est, à parler clairement, ce que l’on veut dire quand on prétend que ces organes sont homologues |E. Blan- chard (1), Lendl (2)|. Rien ne peut prévaloir contre cette donnée de l’analo- mie comparée (3). On a nié cependant que cette conclusion fût exacte en faisant remarquer que les chélicères naissent sur la face ventrale des embryons d’Arachnides (fig. 54), tan- 4 Fig. 54. — Embryon du Scorpion (Euscorpius italicus). — 1, embryon à dix segments vu par sa face ventrale : si, stomodæum; gi, ganglion nerveux du segment des ché- licères ; ng,gouttière neurale ; cau, segment caudal. — ?, embryon beaucoup plus avancé; ci, invaginations cérébrales; sé, stomodæum ,; ng, gouttière neurale; VIIT, première ébauche des peignes:; IX à XII, ébauches des appendices précurseurs des poumons. — 3, coupe plus grossie dans la région céphalique de cet embryon, pour montrerles invaginations cérébro-optiques ci (d'après Laurie). dis que les antennes nais- sent souvent du côté dorsal |Balfour (4), (1) E. Blanchard, Organisation du Règne animal. Arachnides. Paris, 1860. (2) A. Lendl (Ueber die morpho- logische Bedeutung der Gliedmassen bei den Spinnen, Math. und naturwiss. Berichte aus Ungarn, Bd IV, 1886, p. 95-100) a parfaitement reconnu l'ho- mologie des chélicères des Arachnides et des antennes des Cératophores. (3) Perrier, Les colonies animales et la formation des organismes, p. 524. (4) F. M. Balfour, Treatise on comparative Embriology, vol, I. London, 1880, 492 p. LA TACHYGÉNÈSE. 293 Packard (1), etc.]. Mais il a été établi que, chez beaucoup d'embryons de Cératophores, les antennes naissent réelle- ment sur la face ventrale (fig. 55, 56, 57) el émigrent ensuite du côté dorsal (2). S'il arrive, dans le même groupe, que les antennes naissent directement à leur place définitive, c'est manifestement sous l’action de la (achygénèse et il n’y a plus dès lors d'objection contre l'identification des chélicères Fig. 55. — Cinq stades du développement de l’'Hydrophilus vus par la face ventrale. — «a et b, points où le blastopore se ferme; af, bord du pli de l’amnios;, af’, pli postérieur de l'amnios; af”, pli antérieur de l'amnios; an, antenne; es, segment terminal; g, invagination en forme de fossette correspondant à la cavité amniotique ; k, lobe céphalique; 7, invagination en forme de rigole longitudinale médiane; s, partie de la bandelette germinative recouverte par l’amnios (d'après Heider). des Arachnides et des antennes des autres Arthropodes. Il serait facile de trouver dans une foule de mémoires d’em- bryogénie, de fausses objections analogues contre des inter- prétations exactes fournies par l'anatomie comparée. Faute, nous le répétons une fois de plus, d’avoir présente à l'esprit (1) A. S. Packard, Zoology for Students and general Readers. New-York, H. Holtand C°, 1879, 719 p. (2) A. Weismann a fait remarquer dès 1863 (Die Entwickelung der Dipteren im Ei, nach Beobachtungen an Chironomus sp., Musca vomitoria und Pulex canis, Zeitsch. für wiss. Zool., Bd XIII, 1863) que les antennes naissent en arrière de la bouche, et qu'elles se déplacent ensuite pour se fixer défi- nitivement en avant de cet orifice. Les observations de ce savant zoolo- giste ont été confirmées par celles de Gruber sur l'Hydrophilus, le Stenobo- thrus, l'Hylotoma, etc., de Nusbaum sur le Meloë, de Wheeler sur le Dory- phora, de Carrière sur le Chalicodoma, de Heider sur l'Hydrophilus, etc. 224 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. la notion de la tachygénèse, on n’a pas compris que le fait pour un organe de naître à sa place définitive ne prouve rien quant à son origine première, et que les objections fournies par l’embryogénie sont ici sans valeur contre les données positives fournies par l'anatomie comparée et par l'application du principe des connexions. Nousaurons à faire, dans lepara- Fig. 56. — Embryons d'Hydrophilus avec les ébauches des appendices du corps. — «a, anus; an, antenne; g, ébauche de la chaîne ganglionnaire ventrale; m, bouche; #14, mandibule; mx, et mx;, première et seconde mâächoires; p!, p?, p5, pattes thoraciques; p*, p5, pT, p°, appendices rudimentaires des premier, second, quatrième et sixième seoments de l'abdomen ; s/{, stigmates ; vk, partie antérieure de la tête (d’après Heider). graphe suivant, des remarques absolument du même ordre. Soudure tachygénétique d'organes verticillés, symé- triques ou métamériques. — |. Organes verticillés. — Des appendices ou des organes verticillés, symétriques ou métamériques, de même nature, peuvent être amenés, par suite du développement qu'ils prennent, à se rencontrer et à se souder sur une partie de leur étendue. Il arrive alors très fréquemment qu'au cours du développement embryo- génique, la partie commune résultant de la soudure se forme la première et que les parties demeurées indépendantes LA TACHYGÉNÈSE. 295 poussent sur elle. On est alors porté à penser que la partie ontogénétiquement formée la première était aussi la pre- mière généalogiquement, et l’on commet la même erreur que lorsque l’on considère la métaméridation comme résultant du recoupement d’un corps primitivement continu. Fig. 517. — Deux stades du développement du Melolontha. — A. Stade le plus jeune avec huit paires d’appendices abdominaux (al—af). — B. Stade plus avancé, avec bandelette germinative très élargie. — ai, appendices du premier segment abdominal (en B, élargis en forme de sacs); a$, appendices du huitième segment abdominal; an, anus; at, antenne; bg, chaîne nerveuse ventrale, g, cerveau; /, lèvre supérieure; m, bouche; md, mandibule; mx, mx’, première et seconde mâchoires; p!, p?, p°, première, seconde et troisième paires de pattes thoraciques ; s, cordons latéraux de l’ébauche de la chaîne ventrale; sf, stigmates ; x, point d'attache de l’appendice sacciforme du premier segment abdominal (d'après Graber). Seulement, l'erreur est, en général, plus facile à redresser, parce que l’état primitifse trouve d'ordinaire caractérisé d’une façon indiseulable par le mode de formation des organes con- sidérés dansles types inférieurs; tout renversement des don- nées devient ainsiimpossible. Le faits’observe aussi bien dans le Règne végétal que dans le Règne animal. Dans son traité d'or- ganogénie de la fleur, Payer (1) a cité des exemples nombreux (1) J.-B. Payer, Traité d’organogénie comparée de la fleur. Paris, 1857, 2 vol., texte et atlas. ANN. SG. NAT. ZOOL. XVI 226 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. de calices gamosépales (£rythrochiton brasiliense, pl. XXI, fig. 18; Frankenia pulverulenta, pl. XXXIIE, etc.), de corolles gamopétales {Wicotiana rustica, pl. CXXXIT, fig. 11; Erica cylindrica, pl. CXVIIL, fig. 14, etc.), de pistils gamocarpelles (Sparmannia africana, pl. V, fig. 10,13, 15, Lilium perenne, pl. XILL fig. 11,12, 13, Melianthus major, pl. XVILL, fig. 10, 11, 12, etc.), apparaissant sous forme d’une couronne sur laquelle ne se dessinent que tardivement les indenta- tions terminales. On aurait pu en conclure que les tuniques flo- rales étaient primitivement continues et que les sépales, les pétales, les carpelles mêmes, nesont que le résultat de fissures pratiquées dans ces tuniques le long d’un certain nombre de méridiens. Toute la généalogie de la fleur, toute sa mor- phologie protestentheureusement contrecette interprétation, remettent les choses au point, précisent par conséquent le mode d'action de latachygénèse et rendent plus évidentes les erreurs identiquescommises en d’autres cas, notamment dans le cas particulièrement important du prétendu recou- pement qui aurait produit la métaméridation. L'un de nous a expliqué ailleurs les raisons morphologiques (1) toutes pa- reilles à celles qui ont conduit à la morphologie de la fleur, pour lesquelles les Méduses doivent être considérées comme résultant de la soudure par leur base de quatre dactylomé- rides disposés en verticille autour d’un gastroméride (2), la (1) E. Perrier, Les colonies animales et la formation des organismes, p. 271, G. Masson, 1881, et Traité de zoologie, p. 588 et 629, G. Masson. Paris, 1893. (2) Cette conception éveille immédiatement le souvenir de faits très intéressants étudiés par G. Brook (*) chez les Antipathaires et qui confirment d’une manière remarquable la théorie des Coralliaires exposée en 1881 dans les Colonies animales. Le zoïde, chez ces animaux, possède six cloisons primaires dont deux perpendiculaires au plan de symétrie défini par l’orifice buccal allongé, et qui seules contiennent les éléments génitaux; les six ten- tacules sont typiquement disposés en cercle autour de la fente buccale. Mais, chez certains genres que Brook a réunis dans la tribu des Scaizopa- THINZ, le zoïde se disloque en trois parties pourvues chacune de deux tenta- cules, la médiane est la région nourricière, c’est le gastroméride ; Les deux latérales, où se confinent les cellules reproductrices sont les gamomérides. Le gastroméride peut ètre séparé par un espace considérable de chacun des (*) G. Brook, Report on the Antipatharia collected by H. M. S. Challenger, vol. XXXII, 1889, p. 1-222, 15 pl., fig. dans le texte. LA TACHYGÉNÈSE. DO partie soudée constituant l’ombrelle de la Méduse (1). Il s’agit ici d'un cas exactement analogue à celui des fleurs gamopétales. On a essayé de tirer contre les conclusions de la morphologie une objection du fait que l’ombrelle se forme — d’ailleurs par un procédé éminemment tachygénétique — avant les dactylomérides qu'elle supporte et que l’on consi- dère comme les tentacules marginaux de la Méduse. La notion de la tachygénèse enlève toute importance à cette objection. Ceci est capital; nous avons montré précédemment, en effet, qu'en partant du mode phylogénétique de forma- lion que nous avons assigné aux Méduses et en faisant intervenir la tachygénèse il était facile de comprendre : 1° comment elles s'étaient constituées sur un hydrodème ; 2° comment certaines d’entre elles étaient arrivées à se dé- velopper directement; 3° comment les Acalèphes, après avoir perdu leur manubrium simple, étaient amenées à se reconstituer un manubrium tétramérique(2). Ceci fait, rien d’obscur ne demeure plus dans les relations des Méduses Craspédotes avec les Hydraires, dans celle des TRACHYLINA avec les Craspédotes, dans celles des Acalèphes avec les TracayziNa, et il devient impossible de soutenir, comme on l’a fait à diverses reprises, que les Méduses sont des orga- nismes primitifs qui ont, par dégénérescence, donné nais- deux gamomérides correspondants, comme dans le genre Bathypathes, par exemple, mais on peut observer tous les intermédiaires entre ce cas extrème et celui où les tentacules forment une rosette circulaire autour du gastro- méride-central, de sorte qu'on peut assister dans cet ordre des Antipathaires à la synthèse du zoïde tel qu'il est réalisé chez le genre Cirripathes, par exemple. Le genre Parantipathes établit d’ailleurs la transition entre la tribu des Scnizoparinæ et celle des ANTIPATHINE. (1) T. H. Huxley avait nettement vu, dès 1859, l'homologie frappante entre la portion distale d’un hydroméride normal et le manubrium de la Méduse (The oceanic Hydrozoa, a Description of the Calycophoridæ and Physo- phoridæ observed during the Voyage of H. M.S. « Rattlesnake » in the years 1846-50. London, 1859, 143 p., 12 pl. et fig. dans le texte). Voy. aussi à ce sujet : G. J. Allmann, A monograph of the Gymnoblastie or tubularian Hy- droids (in two parts), 1881, 450 p., 23 pl.; Report on the Hydroida (The Voyage of H. M. S. «Challenger »), in two parts, 1883-88, 55 p., 20 pl.; 90 D; 39 pl. — E. Hæckel, Das System der Medusen Denksch. der med.-naturw. Gesellsch. Jena, 1879, XXVI, 672 p., atlas, 46 pl. (2) E. Perrier, Traité de zoologie, p. 640. 228 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. sance aux Polypes hydraires (1), ou ont produit par bour- geonnement les Siphonophores (2). Les seuls arguments que l’on pouvait faire valoir en faveur de cette dernière théorie élaient tirés, en effet, de l'existence de Méduses à dévelop- pement direct, et de l’unité morphologique que leur mode de développement semble impliquer chez les Méduses, unité qui, en l'absence de la notion de la tachygénèse, conclut à les comparer chacune à un polype hydraire et à faire écarter l’idée qu’elles puissent résulter de l’association de cinq hydromérides devenus solidaires. Comparer une Méduse à un Hydroméride, c'est commettre une erreur analogue à celle que commettrait un bota- niste qui comparerait une fleur gamopétale à une feuille, sous prétexte que sa corolle naît d’une seule pièce, et qui souliendrait en outre qu'une feuille n'est qu'une fleur dégé- nérée. En fait, la Méduse, en l'absence de la notion de la (4) W. K. Brooks (The Life History of the Hydromedusæ : A discussion of the origin of the Medusæ, and of the Significance of Metagenesis, Mem. Boston Soc. N. H., vol. IL, 1886,p. 359-430, pl. XXXVII-XLIV) s’est fait le champion convaincu de cette théorie. Pour lui, l'ancêtre des Hydroméduses serait une simple Hydre ou une Actinulanageante, se multipliant par bourgeonnement et qui se serait transformée peu à peu en une Méduse non affectée de géné- ration alternante. Plus tard, cette forme larvaire se serait fixée, soit comme parasite sur d’autres Méduses, soit comme semi-parasite sur des Algues flottantes, tout en continuant à se multiplier par bourgeons exclusivement médusogènes. Plus tard encore, la larve fixée aurait donné naissance à deux sortes de bourgeons, les uns médusogènes, les autres, polypigènes. C’est en somme, l'application aux Polypes hydraires de la théorie que le même auteur à étendue plus tard aux Tuniciers, et d’après laquelle les formes ancestrales seraient pélagiques Pour W. K. Brooks, les phénomènes dits de génération alternante se- raient donc secondaires chez les Méduses; Claus et Bühm avaient déjà exprimé la même opinion. Carl Vogt (Sur un nouveau genre de Médusaire sessile, Lipkea ruspoliana GC. V., Mém. de l'Inst. nat. génevois, 1887, t. XVIL, 53 p., pl. X-XI) admet également que les formes nageantes libres sont les plus anciennes. La régression, déjà indiquée chez les Lucernaires, serait surtout marquée chez les Hydroméduses. Mais il manque à toutes ces théories l'explication de la Méduse primitive qui ressort si simplement des rapports que nous avons indiqués entre les Méduses et les hydrozoïdes des Polypoméduses, et de plus rien, ni dans la morphologie, ni dans l’'embryogénie ne leur fournit d’argu- ment décisif. Tout s’enchaine au contraire sans lacune en suivant les faits dans l’ordre où nous les avons exposés et aucune explication ne fait défaut. (2) Voy. p. 167 la bibliographie relative à cette question. LA TACHYGÉNÈSE. 299 tachygénèse, étant difficile à expliquer pour les embryogé- nistes, parce qu'ils considèrent implicitement l’embryogénie comme toujours patrogénique, ils se lirent d'affaire en se donnant la Méduse comme organisme primitif et cherchant à en déduire par dégénérescence la longue série des Polypes hydraires. Il est toujours facile, en effet, de faire dériver un organisme simple d’un organisme complexe ; mais cela n’est permis qu’à la condition qu'on ait, au préalable, expliqué physiologiquement l'organisme complexe; c’est ce dont ne se sont pas embarrassés les auteurs de la théorie médusaire des Polypes hydraires, ni ceux qui ne voient dans la Méduse qu'un Polype hydraire modifié, théorie dont nous avons montré à plusieurs reprises l'insuffisance. IL. Organes symétriques. — La question de la nature da labre des Insectes, résolue par les comparaisons morpholo- giques, a été, comme les précédentes, obscurcie de nouveau par les embryogénistes, toujours parce qu'ils ont supposé aux données qu'ils recueillent une puissance de démonstration qui serait réelle si l’embryogénie était toujours patrogénique, mais qui l’est seulement dans ce cas et qui est complètement annulée par la tachygénèse, de telle sorte qu’en cas de conflit entre les données fournies par l’anatomie comparée et celles que procure l'embryogénie, c'est toujours celles-ci qui doivent èlre considérées comme sans importance. Or, tous les mor- phologistes qui ont cherché à déterminer par les méthodes de l'anatomie comparée la nature du labre des Insectes (1) sont arrivés à cette conclusion que le labre, comme la lèvre (1) J. Chatin, Morphologie comparée des pièces maxilluires, mandibulaires et labiules chez les Insectes broyeurs, 1 vol., 218 p., 8 pl, 1884. — Recherches morphologiques sur les pièces mandibulaires, maxillaires et lubiales des Hymé- noptères, 1 vol., #1 p., 2 pl, 1887. — Sur la dualité du labre des Insectes (Bull. de Ia Soc. philom., 1888, t. XII, p. 49-51). — La mächoire des Insectes, 1897, 202 p., 40 fig. Les recherches de J. Chatin chez les Insectes les plus divers, tant chez les Broyeurs, que chez les Lécheurs et chez les Suceurs, ont démontré la dualité primordiale du labre, malgré son apparente unité. E. Blanchard avait insisté sur la constitution du labre qu'il considérait comme le résultat de la soudure de deux pièces symétriques ; la suture médiane, indice de la dualité originelle, est encore discernable, même chez les Insectes dont le labre est très réduit. 230 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. inférieure, résultait de la soudure de deux appendices pri- mitivement indépendants et symétriques, représentant sans doute l’une des deux paires d'antennes des Crustacés, progé- niteurs incontestés des Insectes, chez qui elles semblent faire défaut. L’embryogénie nous montre, au contraire, le labre naissant comme une pièce impaire; c'est ce que la tachygénèse devait théoriquement amener, et cela ne signifie rien, par conséquent, quant à l’origine phylogénétique du labre. La même observation s'applique à une foule d'organes impairs issus de la soudure d'organes primitivement pairs. IT. Organes métamériques. — a. Nageoire des Sélaciens. — La faible importance du mode d'apparition des organes, quand leur développement est affecté de tachygénèse, appa- raît plus clairement encore dans la facon dont se développent les nageoires chez les Sélaciens. On sait que les rayons carti- lagineux des nageoires paires de ces animaux étaient primi- tivement strictement métamériques (1), qu'ils apparaissent encore ainsi dans tous les cas qui ont été étudiés, et que les doigts des Reptiles (2), des Oiseaux et des Mammifères (3), ne (1) A. Dohrn, Studien zur Urgeschichte des Wirbelthierkôrpers : VI, Die paa- rigen und unpaarigen Flossen der Selachier (Mitth. der Zool. Stat. zu Neapel, vol. V, 1884, p. 102-195). (2) J. F. van Bemmelen, Over den oovsprong van de voorste ledematen en de tongspieren bij Reptilien (Konink. Akad. van Wetensch. te Amsterdam, Afdeel Natuurk., 1888, p. 202-205). (3) R. Wiedersheim, Das Gliedmassenskelet der Wirbellhiere (Mit beson- derer Berücksichtigung des Schulter- und Beckengürtels bei Fischen, Am- phibien und Reptilien. Jena, 1892, 266 p., 40 fig., 17 pl.). C. Rabl [Théorie des Mesodermes (Fortsetzung), Morph. Jahrb., Bd XIX, 1892, p. 65-144, 4 fig., pl. IV-VIT] considère comme sans fondement la théorie de A. Dohrn, d’après laquelle les nageoires impaires des Sélaciens auraient été constituées à l’origine par des rangées d’appendices segmen- taires. Les résultats de ses recherches semblent parler en faveur de la théorie de J. K. Thacher (Median and paire fins, a contribution to the history of Vertebrate limbs, Trans. Connect. Akad., vol. III, 1878, p. 281-310. — Ventral fins of Ganoids, id., vol. IV, p. 233-242) et de S. G. Mivart (Notes on the fins of Elasmobranchs, with consideration on the nature and homologues of Verte- brate limbs, Trans. of the Zool. Soc. London, vol. X, 1879, p. 439-484), d’après laquelle les nageoires impaires proviennent de l’évolution d’un pli médian continu, les nageoires paires étant d’ailleurs homologues. S. Mollier (Zur Entwickelung der Selachierextremitäten, Anatom. Anzei- ger, 7, Jahrg., 1892, p. 351-365), est arrivé à des résultats qui concordent avec ceux de C. Rabl. LA TACHYGÉNÈSE. 231 sont eux-mêmes que les parties demeurées indépendantes de cinq organes métamériques, soudés à leur base, mais qui présentent dès le début une disposition métamérique, comme des rayons de Sélaciens. On ne saurait douter que les rayons sont homologues chez tous les Sélaciens ; on ne saurait nier non plus leur nature métamérique ; cependant, à chez les Scyllium, toute la partie carti- À lagineuse de la nageoire apparaît sous la l #1 forme d'une seule plaque qui se recoupe | M ensuite par des fissures longitudinales.Ces |} Le ) fissures ne se formant pas chez les Scym- À 57 nus, toute la partie basilaire delanageoire | Lo Li demeurereprésentée parune seule plaque, au lieu de se diviser comme d'habitude en pro-, méso- et métapteryqium. L'état tem- poraire déterminé par la tachygénèse chez les Scyllium est ici devenu permanent || et la tachygénèse apparaît, une fois de \ plus, comme une cause de transforma- tion des organismes, inhérente au mode À 1l même de fonctionnement de l’hérédité. b. Fentes branchiales de lAmphioxus. — La tachygénèse est prise, en quelque : sorte, sur le fait dans le mode de déve- loppement des fentes branchiales pri- maires et secondaires des larves d'Am- phiorus (fig. 58, 59 et 60). Arrivées à une certaine période de leur dévelop- pement, ces larves, jusque-là symé- triques, prennent une asymétrie de plus en plus marquée : leur bouche est située sur le côté gauche du corps, ainsi quela LR fossette olfactive et l'anus. La région du SA N corps postérieure à la bouche est au Die < Toni 2 pÉT Amphioxus lanceolalus. — C, cirres buccaux ; KXS, branchies ; L, foie; À, anus; N, bourrelet glandulaire longitudinal; P, pore du sac branchial; Ov, ovaire ; Ch, corde dorsale; RM, moelle épinière. gs! 8! À ee 239 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. contraire comme tordue, de manière à ramener du côté droit les deux séries de fentes branchiales dont la supérieure restera Fig. 59. — Trois stades successifs de la formation des fentes bran- chiales primitives et de la cavité péribranchiale chez les larves d’Amphioxus. — C est la plus jeune larve ; B, la plus âgée. — e, fossette prébuccale ; b, bouche ; r, épipleures; f, fentes bran- chiales ; a, anus (d’après Willey). à droite, tandis que l’inférieure est destinée à passer à gauche, lorsque la larve réparera son asy- métrie pour arriver à la symé- trie presque parfaite de l'animal adulte. On s’explique facilement cette torsion de la larve si l’on admet qu'elle représente un état ancestral durant lequel le futur Ampliorus ayant sa bouche du côté gauche, vivait couché sur le côté. Dès lors, les fentes bran- chiales gauches se trouvaient masquées et la puissance respi-, ratoire réduite de près de moitié; afin d’atténuer les conséquences de cette réduction, l’animal de- vait nécessairement tordre sa région branchiale pour ramener le plus possible à droite ses fentes branchiales gauches et les démasquer, comme les Poissons pleuronectes tordent leur tête pour ramener sur le côté libre de leur corps l'œil situé sur le côté appliqué sur le sol (1). Plus (1) Chez les poissons plats, le déplace- ment de l’œil migrateur peut se faire de deux façons : 1° il peut traverser direc- tement la tête, comme J. J.S. Steenstrup l’a décrit le premier chez les Plagusia; 20 il peut rester superficiel et contourner la tête. De ces deux processus, qu'Alexandre Agassiz (*) fit connaître avec précision en 1878, le premier (*) Alexander Agassiz, On the young stages of osseous fishes. Il, Development of the flounders (Proceed. of the american Academy of arts and sciences, vol. XIV, 1878, p. 1-5, 8 pl.). LA TACHYGÉNÈSE. 233 tard l’Amphiorus, s’enfonçant dans le sable, reconstitue sa symétrie bilatérale primitive. Mais l’hérédité reproduit transitoirement, bien qu’elle soit devenue inutile, l'attitude qua, pendant une certaine période de lemps, était devenue habituelle chez l'ancêtre de l'Amphiorus parce qu'elle lui o 0 fl on ” D) Fig. 60. — Extrémité antérieure d’un jeune Amphioxus. — N, moelle épinière; y, tache pigmentaire; cd, corde; fn, fossette préorale; gl, endostyle; ob, orifice interne; 0e, orifice externe de la glande claviforme; f, fentes bran- chiales situées à droite et vues par transparence (d'après Willey). était avantageuse (1). Quoi qu'il en soit, dans cette torsion, la série des fentes branchiales droites est refoulée vers la s'effectue le plus rapidement. Entre les deux, il existe des intermédiaires qui ont été signalés notamment par Schiôdte, E. Ehrenbaum et T. Ishikawa. Le mécanisme intime de la migration de l’un des yeux à travers la tête a été récemment étudié d’une manière approfondie par S. R. Williams (*). Ce naturaliste a montré qu'on observe tout d’abord une rapide résorption du cartilage supraorbitaire provoquée, sans doute, par la pression exercée par l’œil qui abandonne sa position originelle ; celui-ci pénétrant dans le vide ainsi créé se trouve transporté sur la face opposée à celle qu'il occu- pait au début, grâce à l'inégalité de croissance des cartilages faciaux des deux côtés ; dans ce processus tachygénétique, l'œil décrit un arc d'environ 120°, dont les trois quarts, chez le Pseudopleuronertes americanus sont parcourus en trois jours. (1) E. Perrier, La fixation héréditaire des attitudes avantageuses, Verhandi. V. Internat. Zool. Congrès, p. 336-338. — Cette conservation par l'hérédité des attitudes avantageuses prises à un certain moment par les ancêtres d’un animal a joué dans l’évolution des organismes ou dans la détermination des phénomènes de leur ontogénie un rôle plus important qu’on ne l’ima- gine et que nous espérons mettre en relief dans un prochain mémoire. Elle est d’ailleurs une conséquence directe du principe de Lamarck. (*) S. R. Williams, Changes accompanying the migration of the eye and obser- valions on the fractus oplicus und teclum opticum in Pseudopleuronecles ameri- canus (Bull. of the Museum of comparative Zoôlogy, vol. XL, 1902, p. 1-57,5 pl.). 234 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. ligne médiane dorsale par la série de fentes branchiales gauches et, en raison de l'apparition précoce des replis épipleuraux, elle est gênée dans sa formation par la pré- sence du repli épipleural droit; la formation des fentes branchiales qu'elle comprend est par suite retardée, mais ce retard est compensé par la tachygénèse (1). Tandis que les futures fentes branchiales gauches se forment successive- ment à peu près sur la ligne médiane du corps, émigrent du côté droit, et possèdent chacune une ébauche distincte, les futures fentes branchiales droites se forment d'emblée à la place qui leur est assignée par la torsion de l'animal ; elles se constituent aux dépens d’une ébauche continue qui se fragmente d’un coup en autant de parties qu'il y a de fentes branchiales gauches formées. Ainsi, deux sortes d'organes primitivement symétriques, destinés à le redevenir, dont l’'homologie absolue ne saurait être contestée, se forment ici d’une façon fort différente : ceux de gauche, d’après les idées le plus répandues, présenteraient une vraie métaméri- dation, ceux de droite une métaméridation secondaire seulement. Cela est évidemment inadmissible el montre bien à quel degré est illusoire, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, cette prétendue distinction des deux métaméridations. Le mode de formation des fentes bran- chiales droites n'est manifestement qu'une transforma- tion tachygénétique du mode de formation patrogénique des fentes branchiales gauches. Il s'ensuit que la #achy- génèse peut transformer une série d'ébauches distinctes en une ébauche continue qui se segmente ullérieurement, et que la continuité d’une ébauche n’est nullement une preuve que (1) E. Ray-Lankester et A. Willey, The Development of the atricl Chamber of Amphioxus (Quart. Journ. of microsc. Soc., vol. XXXI, 1890, p. 445-466, 4 pl.). — E. W. Mac Bride, The early development of Amphioæus (Quart. Journ. of micros. Sc.,n. s., vol. LX, 1898, p. 589-613, pl. XLIHI-XLV). — Id. Further Remarks on the Development of Amphioxus (Id., n. s., vol. LXIIT, 1900, p. 351-366, pl. XVII. — R. Legros, Développement de la cavité buccale de l’Amphioæus lanceolatus. Contribution à l'étude de la morphologie de la tête (Arch. d’anat. microsc., vol. I, 1898, p. 508-542, pl. XXI-XXIII; vol. Il, p. 1-44, pl. IT. LA TACHYGÉNÈSE. 239 les organes métaméridés qu'elle fournit ne présentaient pas une métaméridation primitive. c. Organes génitaux des Insectes primitifs. — Le mode tachygénétique de formation que nous venons de con- stater dars les fentes branchiales droites de l’Amphiorus permet d'expliquer un certain nombre de dispositions qui se trouvent réalisées, notamment chez les Insectes, Fig. 61. — Appareil génital mâle des Thysanoures. — 1. Appareil génital mâle de Lepisma avec les testicules nettement métaméridés. — 2. Appareil génital mâle de Machilis; les testicules sont encore latéraux et séparés, mais ne correspondent plus aux segments. — 3. Appareil génital mâle de Japyx:; il n'y a plus qu’un tube testiculaire indivis de chaque côte : {/, testicules ; cd, canal déférent; vs, vésicule séminale ; ce, canal éjaculateur (d’après Grassi). et qui méritent de nous arrêter un instant. Nous avons vu des organes primilivement métaméridés et indépendants naître d'une ébauche longitudinale commune. Ici, cette ébauche s’est ensuite divisée : imaginons qu’elle ne le fasse pas, les organes auxquels elle donnera naissance seront unis par un connectif longitudinal, ou cesseront d'être dis- tincts et garderont l'aspect d’une bandelette longitudinale. 236 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. Les deux cas se rencontrent dans les glandes génitales des Insectes. Chez les Insectes primitifs (fig. 61, 62, 63), les Thy- sanoures (1), les Pédiculides, les Phasmides, les glandes géni- tales femelles présentent une disposition nettement métamé- ridée, mais sont unis par un connectif longitudinal qui leur Î Fig. 62. — Appareil génital femelle des Thysanoures. — 1. Appareil génital femelle d'un jeune Japyx. — ?. Appareil génital femelle d’un jeune Lepisma. — 3. Appareil génital femelle de Campodea. Dans les deux premières formes, les ovaires sont nettement métaméridés; ils sont remplacés par un tube ovarien unique dans la troisième ; ov, ovaires ; 4, oviductes (d’après Grassi). sert de canal excréteur. Chez les formes supérieures, ce canal se raccourcit et prend la forme d’une sorte de bassinet sur lequel sont implantées des glandes génitales ou gaines ovigères dont le nombre s’est considérablement accru. Il y a encore des testicules métaméridés chez les Lepisma et les (1) B. Grassi, 1 progenitori dei Miriapodi e degli Insetti. Memoria VII. Ana- tomia comparata dei Tisanuri e considerazioni generali sull’organizzazione degli Insetti (Atti Accad. Lincei Mem., vol. IV, 1888, p. 543-606, 5 pl.). — N. B. Nassonow Morphologie des Insectes les plus inférieurs, Lepisma, Campodea et Lipura (en russe) (Mém. de la Soc. impér. d’Anthropologie et d'Ethnogra- phie de Moscou, t. LIT, 1887, p. 15-85, 68 fig., 2 pl.). LA TACHYGÉNÈSE. : 234 Machilis ; ils sont remplacés par un tube indivis chez les Japyx et divers autres Insectes ; ce tube peut à son tour être remplacé par une glande plus ou moins lobée. Le sys- tème trachéen et le système nerveux prêtent à des observa- tions analogues ; dans tous ces cas, la tachygénèse tend à dé- truire la correspondance méta- mérique primitivement rigou- reuse des parties. La tachygénèse dans le dé- veloppement du système néphridien des Vertébrés et des Vers annelés. — I. L'histoire du développement du système néphridien des Vertébrés présente des faits plus intéressants encore et plus significatifs. On sait que chez l'Amphiorus, les conduits né- phridiens se répètent métamé- Fig. 63. — Appareil génital femelle de . sue Lepisma saccharina adulte. — ov, miquementdans toute aTÉSION EN res cMbartie de loviducte hénemale denénimal ta 640NNSonreepondsn suscite insectes ; od, oviducte ; vg, vagin; et 65) et sont complètement rs, poche copulatrice; gg, glandes 7 annexes; M”, muscles; n, chaîne indépendants les uns des au- nerveuse (d’après Nassonow). tres (1). C’est là l’état primitif; l'infériorité de l’Amphioxus ne permet pas d’en douter. Les canalicules néphridiens se développent encore ainsi chez le Bdellostoma Stouti, chez la Myxine (Maas) (2) et le Petromy- (4) Th. Boveri, Die Nierencanälchen des Amphioxæus. Ein Beitrag zur Phylo- genie des Urogenitalsystems der Wirbelthiere (Zool. Jahrb. Abt. für Morphol., vol. V, 1892, p. 429-510, pl. XXXI-XXXIV, 5 fig.). (2) G. CG. Price, Development of the Excretory Organs of a Myxinoid, Bdel- lostoma Stouti Lockington (Zool. Jahrb. Abt. Morphol., Bd X, 1897, p. 205- 226, pl. XVI-XVID. — W. Felix, Die Pricesche Arbeit « Development of the Excretory Organs of a Myxinoid, Bdellostoma Stouti Lockington » und ihre Be- deutung für die Lehre von der Entwickelung des Harnsystems (Anat. Anzei- ger, Bd XIIL, 1897, p. 570-599, 11 fig.). — O. Mass, Uber Entwicklungstadien 238 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. zon (Hatta) (1). Mais il n’en est plus de même chez les Séla- ciens et chez les Batracieus apodes. Un petit nombre de tu- É 0 € d’ A a Fig. 64. — Un tube néphridien gauche de l’Amphioxus. — n, orifices cœlomiques de la néphridie; à, fente branchiale; À, cloison, a, a', languettes pharyn- giennes; c, cils de l’orifice atrial de la néphridie; 0, un orifice; {, tube néphridien ; /, cellules à filament (d’après Boveri). bules néphridiens transversaux se développent d’abord d’une manière indépendante (2). Ces tubules se soudent par leur der Vorniere und Urniere bei Myxine (Zool. Jahrb. Abth. Morph., Bd X, 1897, p. 473-510, pl. XXXVIU-LXT). L'appareil excréteur et surtout les limites respectives du pronéphros et du mésonéphros ont été chez les Mytine qlutinosa l'objet de recherches et de discussions de la part de Semon et de Spengel. R. Semon : 1. Das Excretionssystem der Myxinoiden in seiner Bedeutung für die morphologische Auffassung des Urogenitalsystems der Wirbelthiere (Fest- schr. Gegenbaur, Leipzig, BdIIT, 1897, p. 167-192, 2 pl.).— 2. Das Excretions- system der Myxinoiden (Anatom. Anzeiger, Bd XIII, 1897, p. 127-137). — 3. Vorniere und Urniere (Id., p. 260-264). J. W. Spengel: 1. Die Excretionsorgune von Myxine (Anat. Anzeiger, Bd XIII, 1897, p. 49-60, 4 fig.). — 2. Semon's Schilderung des Mesonephros von Myxine (Id., p. 211-216). (1) S. Hatta, Preliminary Note on the Development of the Pronephros in Petromyzon (Annot. zoolog. Japon, Tokyo, vol. I, 1897, p. 137-140). (2) Semon, Studien über den Bauplan des urogenitalsystems der Wirbel- LA TACHYGÉNÈSE. 239 extrémité opposée à l’entonnoir en un tube longitudinal, qui s’allonge vers la partie supérieure du corps. En même temps, se forment d’une manière indépendante de nouveaux tubules qui viennent successivement s'ouvrir dans son intérieur. Il est clair, d’après ces faits que le tube collecteur longitudinal est un or- gane secondaire et que la facon dont l'utilisent les nouveaux tubules est un mode tachygénétique. Contre ce fait acquis, rien ne saurait préva- loir ; il n en est pas moins vrai que, désormais, le tube collecteur va pa- raître l'organe fonda- mental dont la formation P£, 6... Peur slomémules néphvidiens de préalable semble néces- v, vaisseaux afférents du glomérule; m», à 3 glomérule; nph, néphridie, ce, vaisseau saire à celle des tubes squelettique d’une cloison; e, e', vaisseaux M porn à dits qui doivent l’uti- liser par la suite; si, faute de prêter attention à la tachygénèse, on se laisse prendre à ce piège, toutes les inter- prétations du mode de formation des organes néphridiens thiere. Dargelegt an der Entwicklung dieses Organsystems bei Ichthyophis glu- tinosus (Lena, Zeitsch. für Naturw., Bd XXVI, 1891, p. 89-203, 14 pl.). D’après À. Brauer (Zur Kenntniss der Entwickelung der Excretionsorgane der Gymnophionen, Zool. Anz., Bd XXIIE, 1900, p. 353-358), qui a étudié le développement de l'organe excréteur chez l’'Hypogeophis, et qui est arrivé à des résultats quelque peu différents de ceux de Semon, les canalicules des reins antérieurs (Vorniere) seraient des diverticules de la partie ven- trale du mésoderme segmenté (Nephrotom). Les entonnoirs péritonéaux ne se montrent que plus tard, au point de jonction du « nephrotom » et de la cavité générale. Le mésonéphros (Urniere) se développe de la même façon. Le pro- et le mésonéphros sont les parties homodynames d’un même système. Quant aux reins accessoires (Nebenniere), ils n'ont rien à faire avec le pronéphros (Vorniere); ils se développent comme deux bour- geons pairs de la paroi du corps. 240 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. vont se trouver renversées et la morphologie de ces organes paraîtra contradictoire ou inintelligible. C’est ce qui n’a pas manqué d'arriver. Étant donné l’avance prise par l’ébauche de formation du canal collecteur, on comprend que celui-ci puisse se constituer alors qu'il n'existe encore qu'un seul tubule néphridien. Par suite de la simplicité de la disposition ainsi réalisée, 1l semblera, en suivant la pente dont nous signalions tout à l'heure le danger, qu'on se trouve en présence d'une disposition tout à fait primitive; on affirmera que le rein des Vertébrés était primitivement constitué par un tube longitudinal terminé en avant par un pavillon vibralile et s’ouvrant en arrière à l’extérieur ; on en con- clura que l'appareil rénal n'était pas primitivement méla- méridé, que la métaméridation du rein chez les Sélaciens et les Batraciens apodes n’est qu'un phénomène secondaire, sans importance, que le Vertébré ne présente lui-même qu'une métaméridation secondaire, et on retombera finale- ment sur la théorie stérile de la métaméridation par recou- pement. Le malheur est que le prétendu système néphridien primitif ne se montre que chez les Poissons osseux. animaux relativement récents, aussi éloignés des types primitifs des Poissons que les Oiseaux peuvent l'être des Reptiles, et dont tout le développement est affecté de la tachygénèse la plus intense, tandis que le type néphridien franchement méta- méridé, celui qu'on observe déjà chez les Vers annelés, est justement celui de l’Amphioxus, des Myxinoïdes, parmi les Poissons marsipobranches, des Sélaciens et des Batraciens apodes, tous Vertébrés très anciens et très primilifs; la mélaméridation de l'appareil néphridien des Sélaciens et des Batraciens apodes a si bien, chez ces animaux, un ca- ractère ancestral (1) que, conformément à la loi de Serres, (1) H. C. Redeke (Kleine Beiträge zur Anatomie der Plagiostomen, Tijdschrift Nederl. Dierk. Ver. (2) Deel 6, 1899, p. 119-136, pl. IV et V) a insisté récem- ment sur le caractère primitif du système urogénital des Holocéphales, chez lesquels chaque segment rénal possède encore plus ou moins nette- ment son propre canal excréteur ; ces canaux ne sont pas fusionnés l’un LA TACHYGÉNÈSE. 2/1 elle se montre très nette chez les embryons et chez les jeunes, pour s’effacer ensuite plus ou moins par suite de la muilti- plication des canalicules rénaux. Tous ces faits sont con- traires à l'hypothèse qui attribue au pronéphros des Téléostéens un caractère ancestral; un tel pronéphros laisse complètement inexpliquées les dispositions que pré- sentent les Vertébrés primitifs ; tout est clair, au contraire, et confirme l'arbre de succession généalogique des Ver- tébrés, si l’on coordonne les phénomènes, comme nous l'avons fait au début de ce paragraphe, en s’aidant de la notion de la tachygénèse. IT. La considération de la tachygénèse permet encore de relier entre eux, d’une facon simple, les rapports si com- plexes que présentent les néphridies avec l’appareil génital chez les Vers annelés. Dans ces rapports on constate les états suivants : a. La néphridie sert, au moment de la maturité sexuelle, à l'évacuation des éléments génitaux, sans subir aucune transformation (beaucoup de Polychètes errants). 6. La néphridie se modifie graduellement pendant le développement des organes génitaux. Ces modifications sont plus où moins profondes; elles peuvent n'affecter que le pavillon terminal qui se dilate en tous sens, s’évase for- tement pour recevoir les ovules et les spermatozoïdes ; elles peuvent aussi s'étendre à la néphridie tout entière, le canal néphridien participant, dans certains cas, à la croissance du pavillon (Polygordius, Syiriniexs, SpionibtExs), tandis que, dans d’autres, il s’atrophie à mesure que le pavillon se développe. Chez plusieurs espèces de Dasybranchus le phénomène se produit successivement d'avant en ar- rière, et à mesure que le pavillon génital se développe, la néphridie correspondante s’atrophie, de sorte que, dans le même individu, on trouve d'avant en arrière des pavil- lons génitaux isolés, des pavillons génilaux liés à des avec l’autre dans la région postérieure du système, dans lequel il ne s'est pas encore différencié du rein génital (Geschlechtsniere). ANN, SC. NAT. ZOOL. XVI, 16 242 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. néphridies bien développées, des néphridies à petit pavillon. c. Chez les gemmes d'Awtolytus et les Myriams, les AMPHINOMIENS, les Pozvnoïniens, les Ophiodromus, les pavil- lons acquièrent d'emblée leur forme agrandie et très proba- blement aussi chez la plupart des Polychètes tubicoles dont les néphridies, en nombre extrême, ont toujours un immense pavillon. | d. La néphridie ne suffisant plus à elle seule à la fonc- tion rénale et à l'évacuation des produits génitaux, il se fait, à l’époque de la maturité sexuelle, un organe spé- cial, le pavillon génital. Ce pavillon, peut, à son tour, ser- vir de véhicule aux cellules reproductrices et, suivant les cas, se comporter de manières différentes vis-à-vis de Ia néphridie (1). Chez les Alciopidés, l’orifice externe de l'organe seg- mentaire donne accès dans une cavité du sac népbridien. où débouche un canal qui va se terminer en cul-de-sac dans la région postérieure du segment immédiatement pré- cédent. Ce canal aveugle présente à son extrémité des fais- ceaux de cellules pourvues d’un long tube et d’un flagel- lum, toutes spéciales aux néphridies des Polychètes et que l'auteur appelle, à cause de leur forme, des « soleno- cytes » correspondant aux flammes vibratiles des Rotifères, des Plathelminthes et des Némertiens. Dans les segments les plus antérieurs, ces néphridies seules existent; mais, plus en arrière, chez les animaux encore éloignés de l’état de maturité sexuelle, on observe des poches septales pro- fondes ; ce sont les entonnoirs génitaux encore impar- faitement développés. Chez les animaux sexuellement mûrs, chacune de ces poches s'accroît beaucoup en tous sens, se couvre de cils très longs et très denses; puis son extré- mité aveugle se fusionne presque sur la moitié de son (4) E. S. Goodrich, On the Nephridia of the Polychæta. Part I, On Hesione, Tyrrhena and Nephthys (Quart. Journ. of microscop. Science, vol. XL, 1897, p- 185-195, pl. VI-IX). — Part. Il, Glycera and Goniada (Id., vol. XLI, 1898, p- 439-457, pl. XXXIEXXXV).— Part I, The Phyllodocidæ, Syllidæ, etc., with Summary and Conclusions (Id., vol. XLIIL, 1900, p. 699-748, pl. XXXVII-LXIL). LA TACHYGÉNÈSE. 943 étendue avec le canal néphridien voisin, dans lequel elle vient finalement s'ouvrir. Le processus est le même dans les deux sexes. .. Chez les Phyllodociens, comme l’un de nous l’a constaté, [Ch. Gravier (1)], les Nephthydiens, les Glycériens, la né- phridie, proprement dite, simple ou ramifiée dans une masse spongieuse (Glycériens), présente également une extrémité aveugle, ramifiée qui, au moment où les éléments repro- ducteurs achèvent leur évolution, se fusionne avec l’enton- noir génital qui en est primitivement indépendant. Chez le Dasybranchus qgajolæ, le pavillon génital con- serve son indépendance vis-à-vis de la néphridie qui dis- paraît peu à peu et constitue un organe nouveau. Enfin, dans un dernier stade, le pavillon génital, au lieu de se substituer à la néphridie, coexiste indéfiniment avec elle. Par adaptation réciproque des éléments génitaux et des néphridies, on passe naturellement de l’état & à l’état #;; l’état c résulie d’une simple accélération de cette adapta- tion; c'est un fait normal de tachygénèse. Les diverses formes de l’état d reproduisent presque exactement les phé- nomènes tachygénétiques qui ont conduit aux métamor- phoses des Insectes. La transformation des organes est gé- néralement obtenue par la multiplication et la spécialisa- üon d'éléments indifférenciés qui sont primitivement dissé- minés parmi les éléments déjà différenciés et qu'ils doivent, en partie, remplacer. Ces éléments se groupent d’abord en nids dans l'organe qui doit se modifier; puis les nids se rassemblent en formant une région indifférenciée; plus tard. au cours même du développement de l'organe, les éléments indifférenciés se mettent à part, formant dès les premières phases de l’évolution un bourgeon ou histoblaste distinct; enfin la tachygénèse poursuivant son œuvre, le bourgeon arrive à se développer simultanément avec l'organe primi- (4) Ch. Gravier, Recherches sur les Phyllodociens (Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, t. XXIX, 1896, 8 pl.). 24% ED. PERRIER et CH. GRAVIER. tif, et forme un organe nouveau qui revêt d'emblée la forme définitive, peut laisser subsister à côté de lui l’organe pri- mitif ou se développer assez vite pour déterminer son avor- tement et se substituer à lui. Tout s'explique dans l'his- toire des néphridies et des canaux vecteurs de l'appareil sénital des Polychètes si lon admet que le pavillon génital est non pas un organe indépendant originairement de la néphridie mais le produit d'un histoblaste de remplace- ment. C’est seulement faute de la notion de la tachygénèse que Cosmovici (1) et Goodrich ont été conduits à en faire un organe primitif, comme la néphridie elle-même, mais dont l’origine, dans leur conception, demeure parfaitement inexpliquée. La localisation des glandes génitales dans certains seg- ments n'est, chez les Vers annelés, qu'un phénomène secon- daire; elle n'existe pas encore chez certaines formes pri- mitives de Polychètes, les Phyllodociens, par exemple. Tous les segments sont fondamentalement identiques, et une modification produite chez quelques-uns d'entre eux sous l'influence de certaines conditions doit, en vertu du mode d'action de l’hérédité, avoir une tendance à appa- raître chez tous. Il pourra donc se produire des bourgeons de remplacement des néphridies, aussi bien dans les seg- ments stériles que dans les segments sexués, et si la tachy- génèse détermine le développement simultané de tous ces bourgeons, on arrive au cas des Capitella, chez lesquelles Les néphridies se localisant dans les treize premiers segments abdominaux, le nombre des paires de néphridies, dans cette région, va en croissant de deux à six par segment. Les faits présentent, du reste, une beaucoup plus grande (4) L. G. Cosmovici, Glandes génitales el organes segmentaires des Anné- tides Polychètes (Arch. de Zool. expérim. et générale, t. VIII, 1879-80, p. 233-372, pl. XIX-XX VIII). (2) H. Eisig, Monographie der Capitelliden des Golfes von Neapel und der angrenzenden Meeresabschnitte nebst Untersuchungen zur vergleichende Anuato- mie und Physiologie (Fauna und Flora des Golfes von Neapel, 16. Moncgr. 1887, 906 p., 37 pl.). LA TACHYGÉNÈSE. 245 neltelé chez les Oligochètes que chez les Polychètes. Chez les Æolosoma, les néphridies des segments génitaux servent de canaux vecleurs aux éléments reproducteurs. Chez les autres Oligochètes d’eau douce, les néphridies des segments géni- taux disparaissent au moment de la reproduction et sont remplacées pardesnéphridies nouvelles, constituées de toutes pièces el revêtant d'emblée une forme adaptée à leur nouvelle fonction. C’est justement le stade qui fait défaut jusqu'ici chez les Polychètes, tandis que chez les Oligochètes, manque le stade de transformation des néphridies primitives qu'on observe chez un certain nombre de Polychètes. Si mainte- nant, par tachygénèse, les ébauches productrices des néphridies génitales se développent de plus en plus tôt, sans attendre la disparition des néphridies primitives, ce qui est fréquent dans l’histoire des organes de remplacement, ces néphridies génitales peuvent arriver à coexister d’une manière permanente avec les néphridies excrétrices; c’est justement ce qu'on observe chez les Lombriciens terrestres et les Sangsues dont les segments génitaux sont pourvus chacun des deux sortes de néphridies, qu'on peut appeler les néphridies excrétrices et les néphridies génitales. Ce même processus pourra conduire, comme chez les Capitella, à la coexistence de deux ou plusieurs paires de néphridies dans un même segment, ce qui est réalisé chez les Brachy- drilus Benham (1), ainsi que chez un autre Oligochète aus- tralien décrit par Fletcher (2) et pour lequel Beddard (3) à proposé le nom de 7rinephrus. Si maintenant, au lieu de séparer les observations faites sur les Polychètes et celles concernant les Oligochètes, on les dispose dans une même série, comme on y est autorisé par la très proche parenté de ces animaux, on voit qu'aucun des stades prévus par la ) W. B. Benham, Note on a new Earthworm (Zool. Anzeiger, t. XI, 1888, P- 72-15). (2) d. J. Fletcher, Notes on australian Earthworms (Proc, of the Linn. Soc. N.S. Wales, vol. III, 1889, p. 1521-1558). (3) F. E. Beddard, Oligocheæeta (Earthworms, etc.) and Hirudinea (Leeches) (The Cambridge natural history, vol. II, 1896, p. 345-108). 226 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. tachygénèse ne fait défaut, ce qui rend très vraisemblable que c’est bien à elle qu'est due la superposition de deux ou plusieurs paires de néphridies dissemblables d’abord, sem- blables ensuite, dans un même segment des Vers annelés. Il est probable d’ailleurs que dans les deux classes des Poly- chètes et des Oligochètes, les phénomènes se sont développés parallèlement, et on peut espérer trouver dans les deux groupes les séries complètes ; il n’y a pas lieu de se préoc- cuper des Hirudinées qui ne sont qu'une modification des Oligochètes. IT. L'adaptation des néphridies au transport des éléments génitaux, leur transformation dans ce but, d’abord tempo- raire, puis définitive, la différenciation de deux sortes de néphridies d’abord exclusives l’une de l’autre, puis leur superposition, phénomène si frappant chez les Vers chéto- podes, ont leurs correspondants, dus aux mêmes causes, dans le développement et la transformation du système uro- génital des Vertébrés. Le système néphridien, dont nous avons précédemment décrit la formation, se développe chez tous les Vertébrés et constitue chez eux le rein précurseur ou pronéphros. Plus tard, un second système de canalicules se développe d’une manière indépendante constituant le rein priminif ou mésonéphros. Le fait que les premiers de ces canalicules peu- vent coexister dans un même segment avec les canalicules pronéphridiens (Sélaciens, Ichthyophis) et que la disparition des canalicules pronéphridiens suit de très près ou précède ieur apparition, les caractérise comme des canalicules de remplacement. C’est justement une partie de ces tubules de remplacement qui sont employés comme canaux vecleurs des glandes génitales ; nous nous trouvons donc exactement dans les mêmes conditions que chez les Vers chétopodes. Ces tubules peuvent d’ailleurs produire à leur tour des tu- bules secondaires par une sorte de bourgeonnement, de manière qu'à chaque segment du corps (myoméride), peu- vent correspondre cinq ou six tubules, et que leur disposi- LA TACHYGÉNÈSE. 247 tion métamérique primitive, constatée chez tous les Poissons, les Batraciens apodes, les Reptiles (Hoffmann) (1) et les Oi- seaux (Sesgdwick) (2), arrive à être complètement masquée. Prenant l'avance sur les tubules transversaux, le canal col- lecteur s’allonge rapidement ; les tubules pronéphridiens qui devaient s'ouvrir à son intérieur et qui sont destinés à disparaître, cessent de se former sauf à son extrémité an- térieure, leur nombre va se réduisant des Marsipobranches aux Sélaciens et de ceux-e1 aux Téléostéens ; en revanche, par suite de la précocité de leur propre formation, les tu- bules du mésonéphros qui auraient dû acquérir un canal collecteur spécial s'ouvrent dans le canal collecteur existant déjà; tous ces faits relèvent de tachygénèse; mais l’héré- dité intervient pour rétablir les choses ; par des procédés qui impliquent une rapidité variable de développement, le canal unique du pronéphros se dédouble longitudinalement en deux autres canaux dont l’un, le canal de Miller, demeure en continuité avec ce qui reste antérieurement du pronéphros, tandis que l’autre, le canal de Wolf, demeure seul en connexion avec les tubules du mésonéphros; la signification des deux canaux de Müller et de Wolf (3) paraît ainsi bien claire : le canal de Müller représente le canal (1) GC. H. Hoffmann, Zur Entwickelungsgeschichte der Urogenitalorgane bei den Replilien (Zeitsch. für wissensch. Zool., Bd XLVIII, 1889, p. 260-300, pl. XVII-XVII). (2) A. Sedgwick : 1. Development of the Kidney in its relation to the Wolffiar body in the chick (Quart. Journ. of microsc. Science, vol. XX, 1880, p. 146- 166, 2 pl.). — 2. On the development of the structure known as the « Glomerulus of the headkidney » in the Chick (Proc. of the Cambr. Philos. Soc., t. III, 1880, p- 3-6). — 3. On the early development of the anterior part ofthe Wolffian duct and body in the chick, together with some remarks on the excretory system of the Vertebrata (Quart. Journ. of microse. Science, vol. XXI, 1881, p. 432-468). (3) Le développement du canal de Müller chez les Amniotes est encore, malgré de très nombreuses recherches, l’objet de bien des controverses. D’après certains auteurs (Waldeyer, Braun, Janosik, Wiedersheim, Hoff- mann, etc.), ce canal, chez les Mammifères, les Oiseaux et les Reptiles, serait une néoformation tout à fait ifdépendante du canal du mésoné- phros. Les recherches de A. Sedgwick sur le Poulet semblent bien établir cependant que les choses se passent chez les Amniotes comme chez les Anamniotes. Quoi qu'il en soit, ces discussions n’altèrent en rien la théorie qui est exposée ici. 248 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. collecteur des néphridies primitives purement excrétrices : le canal de Wolf est le canal collecteur des néphridies de remplacement, des néphridies génitales; il correspond aux canaux déférents des Oligochètes terricoles. Seulement, la tachygénèse agissant également sur tous les segments homonomes, il s’est développé presque chez tous des néphridies de remplacement, et partout aussi, les néphri- dies primitives se sont résorbées ou ont avorté ; il en résulte que le mésonéphros se substitue, même au point de vue excré- teur, au pronéphros; l'étendue de la glande génitale étant d’ailleurs limitée, le mésonéphros se divise en deux parties: le rein génital etle rein urinaire. Le premier ne reste en rapport avec les glandes génitales que chez les mâles etil subit chez les Amniotes une régression profonde ; le second, souvent désigné sous le nom de »nétanéphros, devient le rein définitif des Amniotes. Il semble que les canalicules du rein génital, suffisants pour permettre le passage des spermatozoïdes, soient devenus, peut-être par suite d'un accroissement de volume des œufs, insuffisants pour le passage de ceux-e1; ils empruntent dès lors le nouveau canal collecteur du pro- néphros ou canal de Müller. dont la persistance chez les femelles est ainsi justifiée. Dans ses grandes lignes, le développement de l’appareil urogénital des Vertébrés, si étrange et si inintelligible en apparence, se déroule donc dans une logique parfaite ; 1l est calqué, avec une accélération et une exagération considéra- bles des phénomènes, sur celui des Chétopodes dont la tachy- génèse nous a précédemment fait comprendre tousles détails. IV LA TACHYGÉNÈSE ET LA MORPHOLOGIE DES LARVES Formes larvaires dues à la tachygénèse. — Le propre de la tachygénèse est de faire apparaître d'emblée, dans le cours du développement, des caractères dont la réali- sation phylogénétique a dû demander une longue élabo- ration. Ces caractères peuvent être positifs ou négatifs; ce sont, dans le premier cas, des parties qui semblent construites en vue d’un usage déterminé, ce qui a fourni au finalisme ses arguments les plus puissants: dans le second, des dispositions ou des organes qui font défaut. Lorsque, dans un groupe zoologique donné,des dispositions particulières sont supprimées, des organes ou des parties d'organes cessent de fonctionner et manquent chez l'adulte, il arrive encore fréquemment que ces dispositions, ces organes ou parties d'organes se montrent par répétition patrogénique, jusqu'à un certain âge, chez les embryons d’un certain nombre de représentants du groupe, mais finissent, en vertu de la tachygénèse, par ne plus apparaître chez d’autres. C’est ce que nous avons déjà signalé pour la méta- méridation. Faute de la notion de la tachygénèse, cette absence à paru à certains naturalistes un fait capital qui les a conduits par exemple à dissocier la classe des Géphyriens et à séparer complètement les Géphyriens armés des Géphyriens inermes (1); bien que parmi les Géphyriens (1) A. de Quatrefages, Histoire naturelle des Annelés marins et d’eau douce. 1, Annélides et Géphyriens (suites à Buffon). Paris, 1865. B. Hatschek [1. Ueber Entwickelungsgeschichte von Echiurus und die sys- tematische Sfellung der Echiuridæ (Gephyrei chætiferi), Arb. d. zool. Inst. Wien, t. IL, 1880, p. 45-78, pl.IV-VI). — 2, Ueber Entwicklung von Sipunculus 250 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. inermes, les Siponcles présentent des soies embryonnaires qui font complètement défaut aux PAhoronis (1). De même, les pattes abdominales | Campodea (fig. 66), Machilis, cer- tains Staphylins|, qui font défaut chez presque tous les In- sectes, se montrent chez les embryons d’un certain nombre d’entre eux |Phyllodromia, Mantis, Gryllotalpa, Bombyx, Lasiocampa, Smerinthus, Æcanthus, Anurophorus, Hy- drophilus (fig. 67), Melolontha, Lina, etc.| et manquent chez les autres. Le développe- ment des néphridies, dans les types où le nombre de ces organes est réduit, a donné lieu à de nombreuses conslatationsanalogues. Mais le fait de cetordre le plus intéressant est fourni par les larves des Bryozoaires. On sait que chez les Bryozoaires ectoproctes, l’in- testin est en quelque sorte caduc et disparaît périodiquement pour être bientôt remplacé D A par un/autre. lsnit/de la que npreu Campodea fragi- Corps ou cystide, a une persistance beau- “e Joe se coup plus grande que les viscères, si bien tes; P, pattes; P, que ces derniers sont périodiquement régé- pattes rudimen- taires abdomi- nérés par elle. En comparant entre elles les nes (Caps Pal Jarves de Bryozoaires parvenues à maturité - men. | Ï 1 c'est-à-dire au moment où elles vont se fixer, on assiste à la suppression graduelle de leur tube digestif et à leur réduction au ecystide. Le tube digestif est, en effet, complet chez les larves des Entoproctes (fig. 68); il est déjà un peu réduit, quoique bien différencié, chez les larves dites Cyphonautes des Hypophorella, Alcyonridium albidum, Mem- nudus (Id.,t. V,1883,p. 61-140, 6 pL. et 1 fig. dansle texte)| sépare également les Echiurimorpha des Sipunculimorpha, et considère les premiers comme formant un ordre intermédiaire entre les Oligochètes et les Polychètes. (1) Parmi les Echiurimorpha, les genres Hamingia Danielssen et Koren, et Saccosoma Danielssen et Koren sont dépourvus de soies ; ils ne peuvent donc être décrits comme armés ou comme sélifères, ainsi que le sont les genres dont ils ne peuvent être séparés. LA TACHYGÉNÈSE. 294 Fig. 67. — Développement de l'embryon de l'Hydrophilus piceus. — Tous les embryons, sauf à, sont vus par la face ventrale. — «. Les bords de la bandelette primitive se relèvent de facon à former une gouttière ou sillon primitif Gg. — b. Les bords se sont dejà soudés au milieu. — c. La gouttière est presque entièrement transformée en tube. — d. Le repli caudal des membranes embryonnaires s'étend au-dessus de l'extrémité postérieure de la gouttière transformée maintenant en tube, et s’avance d’arrière en avant; Am», amnios. — e. Les membranes embryonnaires ont presque complètement recouvert la bandelette. — f. La bandelette est maintenant divisée en 17 métamérides et est complètement recouverte par les membranes embryonnaires; X{, lobes pro- céphaliques ; À, antennes. — g. La bandelette s'étend sur toute la longueur de la face ventrale. On apercoit la lèvre supérieure bilobée, les antennes 4, les mâchoires et les pattes; le septième métaméride porte aussi des rudiments de membres. Les métamérides abdominaux présentent aussi de petites invagi- nations arrondies (rudiments de trachées), Un sillon longitudinal s'étend de la bouche à l'anus. — . La bandelette primitive recouvre toute la face ventrale de l'œuf. Les orifices des invaginations (stigmates) sont devenus très petits. Le premier méride abdominal porte encore des membres rudimentaires. Les ganglions de la chaîne ventrale sont ébauchés. Md, Mx', Mx'', pièces de l’arma- ture buccale; Af, anus. — ÿ. Embryon vu par la face dorsale. La plaque dor- sale s’est transformée en un tube; Oe, orifice du tube. — k. Embryon un peu avant l’éclosion (d’après Kowalevsky). 252 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. branipora (fig. 69) ; il est encore bien reconnaissable chez la larve d'A /cyonidium polyoum ; il se réduit à une simple poche chez les larves de Pherusa, de Flustrella (fig. 70) et d'Eu- cratea ; n’y en à plus de trace chez les autres larves; celles Fig. 68. — Développement de la Pedicellina echinata. — 1. Blaslula, dont le côté entodermique En est aplati; Ec, exoderme; FA, cavité de segmentation. — ?. Coupe optique d’un stade plus avancé ; Ms, une des deux cellules primi- tives du mésoderme. — 3. Coupe optique d’un embryon plus âgé; 0e, æso- phage; Af, rudiment du rectum; En, entoderme; Dr, organe aboral. — 4. Coupe optique d’une jeune larve; À, vestibule; 0e, œsophage; 4, rudiment du rectum; HD, intestin; KXn, organe dorsal. — 5. Jeune larve libre; mêmes lettres; en outre : N, néphridie; L, plaque glandulaire de l'estomac (d’après B. Hatschek). des Bryozoaires d’eau douce se réduisent enfin à un simple ovoïde creux et cilié extérieurement. Le même processus qui fait apparaître d'emblée, au cours du développement, certains caractères phylogénétiques peut, dans quelques cas, faire disparaître des stades normaux, absolument typiques pour un groupe déterminé. Ainsi, Pelseneer (1) a signalé un curieux cas de tachygénèse chez (1) P. Pelseneer, La condensation embryogénique chez un Nudibranche (Tra- vaux de la Station zoologique de Wimereux, t. VII, 1899, p. 513-520, pl. XX VII) (Miscellanées biologiques dédiées au professeur A. Giard, à l’occasion du 25° anniversaire de la fondation de la Stalion zoologique de Wimereux, 1874-99). LA TACHYGÉNÈSE. DAS 5 un Nudibranche, le Cenia Cocksi. Ce Mollusque éclot avec la forme de l'adulte, sans larve nageuse. A. Vayssière (1) a découvert un second fait du même ordre. Chez la Pelta coronata, le stade véligère manque également, le jeune Fig. 69. — Coupe optique d’un Cyphonautes (larve de Membranipora ou d’Alcyo- nidium atbidum) complètement développé. — va, chambre antérieure du vestibule ; /,, point où la bande ciliée postérieure cop se réunit à l’arceau vestibulaire av; vp, chambre postérieure ou anale; r, rectum; ad, organe adhésif; ma, muscle adducteur des valves; ex, exoderme; es, estomac; gl, cellules mésodermiques bourrées de granules réfringents; ob, organe aboral; cog, valves chitineuses; 07, entrée de l'œsophage; 72n, tractus musculo-nerveux ; ph, pharynx; q, cornes de l'organe adhésif; pi, organe piriforme ; coa, bande ciliée antérieure se prolongeant jusqu’en J,; fa, fossette antérieure; fc, gouttière ciliée de l'organe piriforme, pl, plumet vibratile (d’après Prouho). abandonne les enveloppes de l’œuf avec l'aspect de l'animal adulte. Le velum n'est plus représenté que par une rangée de cils au blastopore. Ces faits sont tout à fait excep- tionnels chez les Opisthobranches : ainsi chez une forme très voisine des Cenia, la Limapontia capitata, le développement ne présente pas ce caractère; il offre un stade véligère normal, avec coquille nautiliforme. Ils deviennent, au con- traire, la règle chez les Gastéropodes d’eau douce (2). (1) A. Vayssière, Note sur un nouveau cas de condensation embryogénique observé chez le Pelta coronata, type de Tectibranche (Zool. Anz., Bd XXII, 1900, p. 286-288). (2) Certains naturalistes considèrent les formes larvaires, même les mieux caractérisées et les plus constantes dans un groupe zoologiaue 254 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. Organes larvaires nouveaux dus à la tachygénèse. — Si la tachygénèse supprime des organes qui, patrogéni- | quement, devraient ap- paraître chez les em- bryons, elle peut aussi être la cause détermi- nante de la formation d'organes qui sont dus à ce qu'au cours du dé- Fig. 10. — Vue latérale d’une larve de Flustrella veloppem ent certaines hispida. — Av, extrémité antérieure; pi, or- , - 3 . gane piriforme ; ma, muscle adducteur ; s, sac resions u Corps pri interne (disque adhésif) ; mlt,muscleslatéraux mitivement de même transversaux ; c, couronne ciliée; 47, extrémité postérieure ; mp, muscles pariétaux ; &, organe étendue, mais entre les- aboral; mn, tractus musculo- nerveux ; »{, quelles il s’est phy- muscles longitudinaux (d'après Prouho). : ; logénétiquement établi une disproportion, deviennent très rapidement inégales. Comme les autres organes n'ont pas éprouvé la même modi- important, comme déterminées uniquement par la vie larvaire et dépourvues de toute signification phylogénique. Ainsi, F. Houssay (*) pense que la trochophore se transforme en Annélide, grâce à une métabolie dont le déterminisme lui parait résider « dans l’entrave apportée aux change- ments évolutifs par l’adaptation trop juste de la forme larvaire à son milieu ». La trochophore serait « une adaptation très précoce qui a arrèté la forme et l'a empêchée de subir son évolution normale ». Or, chez les Polychètes, en général, la trochophore ne semble nullement être une entrave à la marche de l’évolution; elle conserve longtemps sa forme et ses caractères généraux, après que la métaméridation s'est nettement manifestée en avant du pygidium; certains de ses caractères larvaires, comme les ceintures ciliées, persistent même chez l’adulte, ainsi que l’un de nous l’a signalé chez les Phyllodociens(*) et sont reproduits sur chaque segment chez l’Ophryotrocha puerilis, la Nerilla antennata, etc. ; son adapta- tion au milieu, précoce sans doute, mais non « trop juste » n’est la cause d'aucun arrêt; on ne voit pas quelle perturbation cette larve vient apporter dans le développement de l’'Annélide. Pour le même auteur, le: Nauplius correspond simplement à un temps d'arrêt dans l’évolution normale. Le fail qu'il est constitué toujours et seulement de trois segments, qu'il se retrouve dans l'embryogénie de Crustacés qui diffèrent si fortement les uns des autres à l’état adulte, que l’évolution de ses appendices offre une constance absolue, indique cependant (*) F. Houssay, La forme el la vie, essai de la méthode mécanique en zoologie. Paris, 1900. Schleicher frères, éditeurs, 924 pages, 782 figures dans le texte. (**) Ch. Gravier, Recherches sur les Phyllodociens (Bull. scient. de la France et de la Belgique, 8 planches, t. XXXI, 1896). LA TACHYGÉNÈSE. fication de croissance, les parties à replient de diverses facons, de ma- nière à ne pas gêner le jeune animal, et prennent ainsi l'aspect d'organes spéciaux dont l’interprétation paraît au premier abord fort difficile. Le développement des Clavelines parmi les Tuniciers, celui des PAo- ronis parmi les Géphyriens, présentent deux cas de ce genre produits par la tachygénèse, dans des conditions bien différentes, et par cela même d'autant plus intéressants. Les larves des Tuniciers se fixent, comme on sait, par leur extrémité antérieure (fig. 71); leur bouche est alors tout près de l'obstacle contre lequel à eu lieu la fixation et qui res- treint singulièrement le champ d’ac- lion des cils vibratiles de la branchie, seuls organes capables d'attirer vers que cette larve ne présente pas seulement un intérêt de curiosité. Si on lui attribue une si- gnification phylogénique, les choses s’expli- quent; si on la considère comme due à un simple temps d'arrêt, on est obligé, à cause de sa fréquence — non fortuite — dans l’évolu- tion de types très divers, de faire intervenir des causes inconnues et même insoupeonnées. C'est substituer à une interprétation en accord avec les données acquises, une hypothèse gra- tuite qui n’a aucune valeur explicative. Que bien des formes larvaires soient excep- tionnellement adaptatives et sans intérêt au point de vue phylogénique, personne ne le con- teste; nous avons même appelé armozogénies les embryogénies où des adaptations tempo- 255 croissance rapide se Fig.711.— Jeune Cionainlesli- nalis peu de temps après la fixation, vue du côté droit. — q, queue en voie de résorption surmontée du reste de la tunique caudale ; æ, œsophage; à, orifice péribranchial droit et au-dessous de lui, poin- tillées, les deux fentes bran- chiales primitives encore fermées ; n, vésicule ner- veuse supportée par le tube nerveux qui communique encore en avant avecle sac branchial ; a, une des inva- ginations cloacales; b, bouche ; en, endostyle; p, pédoncule fixateur; br, branchie ; ?, rudiment de l'intestin; g, ébauche du corps réfringent; e, esto- mac (d’après Willey). raires de l'embryon apparaissent et peuvent tenir la sie grande place ; mais, que toutes les formes larvaires se soient intercalées accessoirement dans l’ontogénie, dont elles troubleraient les phénomènes normaux, c'est là une manière de voir qui est actuellement tout à fait inadmissible. 256 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. l'animal les aliments pulvérulents et l’eau aérée dont il a besoin. Le plus souvent la jeune larve bascule pour ainsi dire autour de son point de fixation de manière à porter ses deux orifices buceal et anal _ à l'opposé de l'obstacle (fig. 72 et 73). Comme la plupart des animaux qui se fixent à l’état Fig. 72. — Jeune Cionaayant déjà tourné Fig. 73. — Jeune Ciona ayant accompli de 90° vue du côté gauche. — Mêmes toute sa rotation. — Mêmes lettres ; lettres que dans la figure précé- ge, rudiment du cerveau; cg, extrémité dente; fi, f2, première et seconde supérieure de la deuxième partie appa- fentes branchiales ouvertes; entre raissantà travers l’invagination locale : elles, apparaît le sac péribranchial bp, arc cilié;, £, tentacules ; b, orifice gauche encore très limité et s'ouvrant afférent: sur l'intestin, commencent au dehors par l’orifice &« (d’après à s'étendre les branches de l’organe Willey). réfringent (d’après Willey). de larve se fixent de même par leur extrémité antérieure, ce qui est tout naturel, puisque c’est la région qui, dans leur mode habiluel de locomotion, rencontre la première l'obstacle, tous ces animaux se trouvent, après la fixation, dans les mêmes conditions et effectuent par conséquent une #élamorphose rotative analogue. Cette métamorphose LA TACHYGÉNÈSE. 257 est réalisée normalement par une rétraction de la paroi du corps dans la région qui se rapproche de l’obstacle, une élongation de celte paroi dans la région qui s’en éloigne. La tachygénèse doit donc amener une croissance plus rapide de cette dernière, qui, pour se loger sous la tunique de la jeune larve, se replie à l’intérieur du corps, el se déploie au moment de la rotation dont elle abrège la durée d'autant. Les Phoronis ne sont pas fixés. mais habitent dans des tubes. Chez les animaux qui vivent dans ces conditions ou dans des conditions analogues, lévacuation des ma- tières fécales n’est facile que si l'anus se rapproche de l’orifice du tube et par conséquent de la bouche. L'animal a pu y parvenir F5 ©. ere Annie graduellement par la contraction l'introduction du tube digestif : dans le sac évaginé. — Lt, constante de ses museles suivant là fentacules sous le lobe pré- ligne ano-buccale et leur relâche- à ment suivant la ligne opposée.Cette laire évaginé où le tube diges- attitude habituelle a eupourrésultat Lépine CSP De d'amener un raccourcissement per- manent héréditaire de la ligne qui va de la bouche à l'anus, tandis que la ligne opposée s’est allongée au maximum, de manière à permettre au corps de former une sorte de stbbosité en doigt de gant dans laquelle ont pénétré tous les viscères. Chez les larves de Phoronis qui sont connues sous le nom d’Actinotrocha, la partie ventrale du tégument qui doit s’allonger ainsi le fait très rapidement el s’invagine à l'intérieur du corps. Tant qu’elle est invaginée, la bouche et l'anus de la larve sont aux deux extrémités du corps; mais bientôt,elle se dévagine formant un sac externe dans lequel pénètre à son tour le tube digestif (fig.74). L'extré- mité du sac, qui est très long, devient l'extrémité postérieure ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 17 258 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. du corps, et de ce fait, l'anus se trouve brusquement reporté en avant, près de la bouche. La tachygénèse explique donc très simplement (1) le mécanisme de cette métamorphose qui à toujours paru si extraordinaire. Peut-être, le sac in- terne des larves de Bryozoaires est-il un organe analogue au pli des Clavelines. Discordance entre les caractères réalisés chez les larves et le genre de vie qui les a produits. — On re- marquera que, dans les deux cas que nous venons de citer, la tachygénèse a eu pour conséquence de provoquer l’ap- parition d’un caractère tout à fait en dehors des conditions ERA SK À es Fig. T5. — Larve de Cystodites durus. — pe, prolongements exodermiques autour d’un anneau; en, endostyle; À, orifice afférent; B, branchie; vs, vésicule sensorielle; E, orifice efférent ; :, intestin; e, estomac se détachant en blanc sur le vitellus v; g, queue (d’après Lahille). qui l’ont déterminé. Sans doute, cela est absolument con- forme à la définition même de l'hérédité; mais lorsqu'un caractère nouveau est la conséquence d'un changement dans les conditions d'existence des ancêtres d’un animal et que ce changement se produit encore dans son évolution ontogénétique, l'hérédité tout en se substituant aux causes déterminantes de ce caractère, laisse souvent subsister une concordance entre le moment où la larve change de genre de vie et celui où apparaît Le caractère nouveau. C’est (1) E. Perrier, Rapport sur le prix Serres (Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. CXXIIL, 1896, p. 1151-1159, LA TACHYGÉNÈSE. 259 ainsi que chez les Ascidies simples, la métamorphose rota- tive ne se produit qu'après la fixation ; cependant, chez les Clavelines, le pli qui la prépare se produit bien avant, de telle sorte que, sans la notion de la tachygénèse, on serait amené à dire qu'il se produit ex vue de cetle rotation. Les choses allant plus vite encore chez les Ascidies composées, toute concordance entre la fixation de la larve et son chan- gement d'orientation disparaît; le sac branchial complète- ment développé dans la larve, avant sa fixation, a déjà accompli, lorsqu'elle éclot, la moitié de sa rotation (fig. 75). Si l’action de la tachygénèse ne pouvait être ici suivie pas à pas, si l’on ne connaissait que Le développement des Asci- dies composées, on ne pourrait supposer qu'il y ait eu un lien quelconque entre l'orientation de leur sac branchial réalisée d'emblée chez la larve nageuse et la fixation qui ne s'effectue que plus tard. Il serait facile de réunir un grand nombre de discordances semblables, graduellement réalisées dans les groupes les plus variés du Règne animal. L. Echinodermes. — Cette discordance due à la tachy- génèse à empêché jusqu'ici de saisir le véritable sens des phénomènes si singuliers en apparence du développement des Échinodermes. La plupart des auteurs, et en particulier Bather (1), pen- sent que les arguments tirés de l’anatomie comparée, de l’embryogénie et de la paléontologie démontrent que les Échinodermes ont dû passer par un pe/matozoic stage, pendant lequel l’animal était fixé par une région de la paroi du corps voisine de la bouche; les autres orifices s’ouvrant sur la. face opposée et présentant une tendance marquée vers l'extension radiaire pentamérique. E. W. Mac Bride exprime aussi l'opinion, à la suite de la description du dévelop- pement de l’Asterina gibbosa (2) que l'ancêtre des Échino- (4) F. A. Bather, The Echinoderma (A Treatise on Zoology, edited by E. Ray-Lankester, part III, 1900). (2) E. W. Mac Bride, The development of Asterina gibbosa (Quart. Journ. of microsc. Science, n. s., vol. XXXVIIL, 1896, p. 389-411, pl. XVIII-XXIX). 260 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. dermes était un animal fixé et l’un de nous l’admettait encore en 1881 (1). Mais cette hypothèse de l’ancêtre pelmatozoïque fixé ne tient qu'imparfaitement compte de l’embryogénie si constante des Échinodermes. D’après les données de celle-ci, ces ani- mauxauraient traversé le type phylogénétique Dipleurula que l'on retrouve plus ou moins altéré dans les formes larvaires diverses des Echinodermes actuels. L'animal était alors marin; son axe antéro-postérieur étant parallèle au fond sur lequel il se déplacait, la bou- che était antérieure et ventrale, l'anus postérieur et ventral également. Entre les deux, s’étendait un tube digestif rectiligne, avec peut-être une dilatation stomacale médiane. De chaque côté, il existait deux vésicules entérocéliques, l’une antérieure, l’autre postérieure, provenant de l’archenteron. Chaque Fig. 16. — Larve pen- Vésicule antérieure, pourvue d’un di- roger verlicule, débouchait au dehors par un avec une touffé api cale de cils, des cein- pore dorsal. Les deux pores dorsaux D étaient peut-être fusionnés. L'épithé- a da Jium exodermique était probablement cilié; le lobe préoral présentait un organe sensoriel longuement cilié, et en rapport immédiat avec les centres nerveux sous-jacents. Les cellules méso- dermiques avaient une tendance à la sécrétion de carbonate de calcium cristallisé. Tous les embryologistes, en effet, s'accordent à recon- naître que la larve primitive des Échinodermes, dite /arve pentatroque (fig. 76), était fondamentalement un organisme d'une symétrie bilatérale parfaite (Dipleurula), à bouche et anus terminaux, traversé par cinq ceintures régulières (1) E. Perrier, Les colonies animales et la formation des organismes, p. 619. LA TACHYGÉNÈSE. 261 de cils vibratiles, c'était donc un Ver annelé, mais un Ver courbé en C, attitude si fréquente chez ces animaux. Or, cel animal symétrique poursuit son développement, et cela dans tout l’embranchement, de telle façon que son côté droit devienne la face dorsale de l'animal définitif et que son côté gauche en devienne la face ventrale. Ce changement d'orientation au cours du développement est absolument caractéristique des Échinodermes; c’est un trait trop essentiel de leur ontogénie, pour qu'il n'ait pas une signification patro- génique. Dès lors, force est bien de conclure, à moins de renier la loi fondamentale de l'Embryogénie, la loi de Serres, que les Échinodermes étaient primitivement des Vers annelés, que ces Vers, après avoir été nageurs, sont tombés au fond de l’eau, et y sont demeurés, par suite de leur forme en C, couchés sur le côté (1). Cette attitude pleurothétique si fréquente dans le Règne animal (Lamellibranches monomyaires, Poissons pleuronectes, Amphiorus, elc.) a été le point de départ de leur développement dissymétrique. Ils ont dû, en effet, rame- ner leur bouche vers le sol, leur anus du côté opposé, les deux orifices du tube digestif arrivant ainsi à être placés aux deux extrémités d’un axe vertical. Ce résultat n’a pu être obtenu que par une double torsion qui a rendu forcément l’animal dissymétrique. Cette dissymétrie, cette torsion se retrouvent, dans le mode de développement des sacs péritonéaux de la larve et précèdent l'attribution respective du côté droit et du côté gauche de la larve à la face dorsale et à la face ventrale de l'adulte (fig. 77). Tout ceci se déduit rigoureusement, et sans autre alterna- tive possible, des faits observés et des principes universel- lement acceptés de l’'embryogénie. Malheureusement, lalarve des Échinodermes ne devient jamais ni rampante, ni pleu- rothétique ; c'estau cours de sa vie pélagique qu’elle présente (4) La fixation a été un phénomène exceptionnel qui ne se rencontre que chez les Blastoïdes,les Cystidés et les Crinoïdes et n’a pas été la cause dela torsion. Tout au plus aurait-elle pu produire une rotation autour d’un axe horizontal comme celle qu'on observe chez les Bryozoaires, les Cirripèdes et les Tuniciers. 262 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. les phénomènes de dissymétrie et de changement d’orienta- tion caractéristiques du groupe.ll n’y a aucune relation entre le genre de vie qu’elle mène et ceschangementsinexplicables, étant donné ce genre de vie. On se résigne donc au mystère ; 5) !, Fig. 11. — 1. Schéma d’une Dipleurula d'Étoile de mér vue du côté gauche. — 2. Dipleurula un peu plus jeune vue de dos. — 3. Schéma de la partie inférieure d’une Bipinnaria après la formation du {cercle ambulacraire. — 4 et 5. Deux états de développement de l’hydrocèle d’une Holothurie. À, anus; B, bouche; œæ, œsophage; e, estomac; à, intestin; ea, entérocèle antérieure ; ep, entérocèle postérieure; h, hydrocèle ; m, orifice aquifère, origine du madréporite, faisant communiquer l’entérocèle antérieure et, par son intermédiaire, le tube hydro- phore avec l'extérieur; o, orifice du tube hydrophore dans l’entérocèle anté- rieure; *, tube hydrophore; a, anneau ambulacraire; 7, canaux radiaux; t, dans la figure 5, tentacules; é,, 2, ta, 4, dans les figures 1 et 2, rudiments des plaques terminales (d’après Bury) (1). on ne songe plus à recourir aux principes et l’on cherche sans aucun guide, au hasard, parmi les formes anciennes que la paléontologie a pu retrouver, quelque ancêtre commun aux Échinodermes(2), ancêtre qui reste lui-même inexplicable et (1) H. Bury, Studies in the Embryology of the Echinoderms (Quart. Journ. of microsc. Science, n. s., vol. XXIX, 1889, p. 409-449, pl. XXXVII-XXXIX). (2) Ce « Pelmatozoic ancestor », dont il est question plus haut (p. 259), tire en effet son nom des Pelmatozoa (Leuckart) qui comprennent les Cysti- dea, les Blastoidea, les Crinoidea, les Edrioasteroidea, tous animaux fixés (au moins dans le jeune âge) et presque tous fossiles. LA TACHYGÉNÈSE. 263 dont les titres au rôle qu’on lui fait jouer demeurent tout à fait contestables. La discordance entreles conditions d'existence des larves d'Échinodermes et leur dissymétrie, le fait que, d’abord symétriques, elles deviennent dissymé- triques dans un milieu qui est lui-même parfaitement homogène, avertit cepen- dant que cette dissymétrie est un phénomène éminem- ment patrogénique, rappel d’un genre de vie ancestral aujourd'hui disparu et sur lequel nous n'avons pas le choix. L'histoire des Asci- dies composées nous mon- tre comment ce genre de vie Fig. 18. — Larve Pluteus d'Echinus miliaris, ancestral peut, par tachygé- âgée de 94 heures, vue de profil (d’après re Selenka). — 0, bouche; a, anus (bouche nèse, être éliminé de l’on- de la gastrula); x, intestin antérieur, B, togénie, et lève les difficul- intestin moyen; y, intestin terminal; 2p, entérocèle droite ; vp', entérocèle gauche, tés qui ont empêché lesem- quise divise plus tard en hydrocèle et en 5 ô sacpéritonéal gauche ; L, orifice de commu- bryologistes de lire dans nication entre l'intestin moyen et l'intestin l’ontogénie des Echinoder- antérieur; î, orifice de communication en- ER ÿ tre l'intestin moyen et l'intestin terminal. mes l’histoire des change- ments quise sont produits dans leurs genres de vie successifs et que cette ontogénie nous raconte pas à pas. Il n’est même pas très difficile de comprendre comment les diverses formes de larves ont été tirées du Ver pentatroque q primitif. Ce Ver était pélagique (1) : il est caractérisé par un (4) H. Bury (The Metamorphosis of Echinoderms (Quart. Journ. of microsc. Science, n.s., vol. XXXVIIE, 1895, p. 45-135, pl. ILL-IX) n'accepte pas les théories de ses prédécesseurs (Semon, Bütschli, Mac Bride) concernant la phylogénie des Echinodermes. Il n’admet pas davantage que ces animaux dérivent d’une forme fixée pelmatozoïque. Pour lui, l'ancêtre de l’embran- chement, à symétrie bilatérale, était un être rampant, dont la bouche ven- trale, située probablement au fond d'un atrium, était entourée de cinq ten- tacules. Mais d’où provenait cet être lui-même ? 264 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. développement de sa face dorsale, considérable par rapport à sa face ventrale; la disproportion estencore assez faible chez les Étoiles de mer pour que la forme de la larve puisse être ramenée à celle de la lettre C (Pipinnaria, fig. 79), mais il se produit dans d’autres types une bosse dorsale tellement proéminente, que la larve qu'on désigne alors sous le nom de Pluteus prend chez les Oursins (fig. 78) et les Ophiures, Fig. 19. — Larves Bipinnaria d’une Étoile de mer (d’après J. Müller). — A droite, larve jeune ; M, estomac; À, anus ; V, rosette ambulacraire avec le canal cilié s’ouvrant dans le pore dorsal; S, tube hydrophore ; S/, première ébauche du squelette. — A gauche, larve plus âgée avec la partie marginale de l'Étoile de mer complètement fermée. : pourtant bien éloignés les uns des autres, la forme d'une: pyramide dont le sommet correspond au pôle dorsal de l'ani- mal ; une larve de cette forme, comme une larve recourbée en C, tombant au fond de l’eau se couche naturellement sur le côté. La chute est déterminée parle dépôt de calcaire dans lestissus qui estun autre caractère général des Échinodermes. Quant au développement de la face dorsale, on pourrait déjà l'expliquer par la tendance qu'ont tant d’Arthropodes et de Vers à se courber en arc, mais l'animal étant pélagique, il est peut-être plus naturel de supposer qu'il nageait le LA TACHYGÉNÈSE. 265 dos en bas, comme le font encore tant d'animaux, les larves de Mollusques, les Mollusques ptéropodes, et fréquemment certains Vers pélagiques à l’état de maturité sexuelle (Néréi- diens, Syllidiens, ete.). Ce mode de locomotion affecte à ce point certaines de ces formes sexuelles que de leurs yeux si développés, deux sont reportéssur la face ventrale et prennent une taille plus considérable que les yeux dorsaux (1). Ce serait dès lors la pesanteur, agissant sur un animal dont les moyens de locomotion sont encore assez puissants pour le maintenir à fleur d’eau, qui aurait déterminé la gibbosité dorsale. L'animal tombé au fond, chacun deses segments aurait bour- geonné latéralement, et ainsi se serait produit un animal à cinq rayons voisin des Étoiles de mer, d’où il est facile de faire dériver tous les autres types. Chez les Crinoïdes et les autres Échinodermes fixés, la fixation au sol par l'extrémité anté- rieure de la larve ne saurait entraîner aucune dissymétrie de celle-ci; cette dissymétrie était déjà réalisée au moment dela fixation et la fixation, postérieure à la réalisation du type échinoderme, n’a fait que compliquer la métamorphose plewro- thétique d’une métamorphose rotative, commune à tous les animaux fixés. Bien que cette /héorie des Échinodermes ne rentre qu'en partie dans notre sujet, nous avons tenu à en donner, à titre d'exemple, les traits principaux, afin de montrer combien sont précises les inductions qu'impose une application rigoureuse des principes, combien sont simples les causes auxquelles l’application de ces principes permet d'attribuer la réalisation des formes qui semblent les plus difficiles à expliquer. Sans doute, nous ne pouvons pas vérifier directement ces inductions généalogiques et, par là, ce travail de reconstitution du passé peut paraître « puéril » à certains esprits. Mais si ce travail s’appuie unique- ment sur des faits et des principes incontestés, si, répété sur (1) Ch. Gravier, Contribution à l'étude des Annélides polychètes de la mer Rouge, 1"° partie. (Nouv. Arch. du Mus., 4° série, t. II, fasc. 11, 1900, 6 pL., 185 fig. dans le texte. — Sur une singulière forme hétéronéréidienne du golfe de Californie, Bulletin du Muséum d'Histoire naturelle, t. VII, 1901, p. 177- 182, avec 10 figures dans le texte.) 266 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. les groupes zoologiques les plus variés, il nous conduit toujours à attribuer leur origine à des causes simples, Fig. 80. — Sporasterias spirabilis Bell, vue par la face ventrale et montrant les jeunes fixés à la mu- queuse stomacale de manière à masquer la bouche (grandeur naturelle). naturelles, dontl’ac- tion est facile- ment intelligible, si les conséquences de nos inductions, à défaut de ces induc- tions elles-mêmes, se trouvent cons- tamment vérifiées : si des dispositions organiques,des phé- nomènes embryogé- niques, jusque-là incompréhensibles, setrouvent prévus el expliqués, un jour considérable est projeté sur l’origine des formes vivantes, la zoologie prend le caractère d’une science explicative et, tant au point de vue philosophique qu'au point de vue scientifique propre- ment dit, ce résultat est de a $ >= ceux qu'on n’a pas le droit de négliger. | La tachygénèse intervient d'ailleurs d’une autre façon dans l’ontogénie des Échi- nodermes, lorsque ceux-ci attachent leurs œufs sous Fig. 81. — Couvée de Sporasterias spirabilis les pierres comme l'Aste- rina gibbosa, lorsqu'ils de- viennent incubateurs, comme beaucoup d'Étoiles de mer | Sporasterias spirabilis (fig. 80, 81), PreRAsTERIDÆ, etc.]|, (grossie). d'Oursins et d'Holothuries ; les formes larvaires disparais- sent et le développement est alors presque direct. LA TACHYGÉNÈSE. 267 Il. Mollusques. — Des phénomènes analogues à ceux qu'on observe dans le développement des Échinodermes se retrouvent dans celui des Mollusques gastéropodes. En même temps qu’un enroulement hélicoïdal de leur coquille, ces animaux présentent une dissymétrie profonde de la partie enroulée de leur corps; la torsion porte également sur la chaîne nerveuse viscérale, dont la moitié droite se rabat au-dessus de l'intestin, de manière que le connectif longitudinal qui lui correspond, en passant au-dessus de l'intestin, croise le connectif gauche demeuré au-dessous, mais dirigé obliquement, d’avant en arrière et de gauche à droite (fig. 82). On a longtemps constaté ces dispositions singulières, sans chercher à les expliquer; elles ne trouvent d’ailleurs leur raison d’être dans aucune nécessité actuelle. On est donc amené à chercher leur explication dans le passé des Mollusques. Si l’on suit pas à pas l’embryogénie de ces animaux en l’interprétant à la lumière de la loi de Serres, la reconstitution de ce passé s'impose en quelque sorte et tout devient clair dans l’histoire des Gastéropodes. Les faits sur lesquels cette reconstitulion s'appuie sont les suivants : 1° Les plus anciens des Mollusques paraissent être les Chitons (1); leur organisation rappelle de très près celle (1) La plupart des auteurs qui ont tenté une explication de l’asymétrie et de l’enroulement des Gastéropodes, notamment J. W. Spengel (*), 0. Büts- chli(”)l’admettent. Paul Fischer et E. L. Bouvier (***) reconnaissent avec les auteurs précédents que la forme ancestrale unique des Mollusques était symétrique et dibranchiale, maïs qu’elle aurait donné naissance d’une part aux Amphineures qui auraient évolué séparément en conservant la symétrie originelle et, d'autre part, aux autres groupes du même embranchement. Dans un très récent mémoire que E. L. Bouvier et H. Fischer (***) ont (*) J. W. Spengel, Die Geruchsorgane und das Nervensystem der Mollusken (Zeitsch. für wissensch. Zool., Bd XXXV, 1881, p. 333-383, 2 fig., 3 pl.). (**) O0. Bütschli, Bemerkungen über die wahrscheinliche Herleitung der Asymme- trie der Gastropoden, spec. der Asymmetrie im Nervensystem der Prosobranchialen (Morphol. Jahrb., Bd XII, 1886, p. 202-222, pl. XI, 12 fig.). (***) P. Fischer et E. L. Bouvier, Recherches et considérations sur l'asymétrie des Mollusques univalves (Journ. de Conchyologie. Paris, t. XXXII, 1892, p. 117-207, pl. I-I). (**) E. L. Bouvier et H. Fischer, L'organisation et les affinités des Gastéropodes primitifs d'après l'élude anatomique du Pleurotomaria Beyrichii (Journ. de Con- ehyliologie, t. L, p. 117-272, 6 pl., fig. dans le texte 1902). 268 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. des Vers annelés; les Gastéropodes qui les suivent (P/ewro- tomaria, Fissurella, Halotis) n'en diffèrent essentiellement Fig. 82. — Schéma de la disposition des organes principaux chez un Gastéropode ancestral hypothétique (A, B) et chez un Prosobranche diotocarde homo- néphridé primitif (C). — C, coquille; €, tentacules ; P, pied; gpl, gouttière palléale ; cp, cavité palléale; br, branchie; b, bouche; à, anus; p, péricarde; v, ventricule ; o7', oreillette ; >, rein; p, canal réno-péricardique ; ge, ganglions cérébroïdes; gp, ganglions pédieux; gpa, ganglions pleuraux; gv, ganglions viscéraux; gsp, ganglion superinteslinal; gsb, ganglion subintestinal. Le cône formé par la coquille est ici représenté très aplati, mais il devait être, au contraire, primitivement très long; sans cela, les phénomènes de rotation inverse seraient inutiles (d'après Lang, complété par Rémy Perrier). que par l'apparition d’une véritable hernie dorsale des viscères, hernie qui s’enroule en hélice ; 2° Toutes les larves actuelles des Mollusques sontnageuses ; tout récemment publié, ces auteurs admettent que la forme primitive des Mollusques « est, comme l'avait déjà indiqué l’un de nous au Congrès z00- logique de Berlin en août 1901, une forme chitonidienne, avec une sole pédieuse aussi large que le corps » ; elle possède plusieurs branchies et pré- sente un anus « médian et postérieur. Les Chitonidés restent à ce stade. » LA TACHYGÉNÈSE. 269 3° Toutes nagent avec le dos tourné vers le sol; 4° Tous les Mollusques pélagiques nagent encore de cette facon (Hétéropodes, Ptéropodes) ; 5° Un grand nombre de Mollusques primitifs avaient une coquille conique et droite { Tentaculites, Orthoceras, ete.) ; 6° Les Mollusques anciens étaient très souventsymétriques par rapport à un plan (Bellerophon, Naunibzx, etc.) et enroulés non en hélice, mais en spirale ; 1° L’enroulement des Nauribæ s'effectue & l'opposé de la direction des branches, comme s'il s'agissait de les dégager, c’est-à-dire que l'extrémité de la partie enroulée est tournée en avant ; 8° L’enroulement primitif des larves de Fissurelles s’effec- tue dans le même sens que celui des Nauribx; il est suivi d'une torsion de la base de la partie enroulée, ce qui con- duit à une asymétrie très précoce dans le développement de cette coquille spiralée à l’origine (1) ; 9° En général, dans le développement des Gastéropodes, la phase d’enroulement spiral antérieur paraît sautée: elle est en réalité combinée avec la phase de torsion latérale, de manière que les deux se confondent. Si l’on ne tient compte que de l’état actuel des Mollusques gastéropodes, ces phénomènes d’enroulement et de torsion sont inintelligibles ; si l’on cherche à grouper les faits que nous venons de rappeler en les coordonnant à l’aide de notions générales que nous fournissent la paléontologie, on arrive à se représenter le Mollusque qui fait suite aux CaiToNiDÆ comme présentant un cône dorsal, droit, vertical (Tentacuhies, Conularia, Orthoceras, etc.), et plongeant dans le liquide ambiant, la pointe en bas. Un semblable cône ne pouvait effectivement pousser en sens inverse de l'action de la pesanteur; pour un animal flottant, il n était qu'un faible embarras; il devait au contraire fortement gèner la respi- (i) L. Boutan, Recherches sur l'anatomie et le développement de la Fissurelle, (Arch. de zool. expérim. et gén., 2° série, t. IL bis, 1885, 4° mém., 173 p., pl. XXXI-XLIV). 270 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. ration chez un animal nageur à branchies postérieures, tels que le sont les Nautiles et tous les Mollusques céphalo- podes. L'animal en a atténué les inconvénients en l’incli- nant à l'opposé des branchies pour les dégager, ce qui a dû être le point de départ de l’enroulement en spirale. Tout s’est borné là chez les Mollusques nageurs, même chez les Gastéropodes tels que les Bellerophon qui paraissent avoir été des Gastéropodes diotocardes, nageurs, encore symé- triques, précurseurs des Fissurelles et des Pleurotomaires et non pas, comme on l'écrit souvent, des Ptéropodes, ce Fig. 83. — Larve de Rissoia, dont Fig. 84. — Larve d'Atlanta. — vw, v', voile le voile est encore très développé, quadrilobé ; op, lobe operculigère du pied; malgré les dimensions déjà lt, tentacules ; o, œil; of, otocyste (d’après atteintes par le pied muni d'un Gegenbaur). épipodiuin (d’après Lovén). qui est impossible, les Ptéropodes n'étant que des Opistho- branches, c’est-à-dire des Gastéropodes récents, adaptés à la natation. Les Bellérophons avaient sans doute quelque ressemblance avec les larves actuelles de Gastéropodes (Hg. 83, 84, 85); ces dernières passent, à un certain moment, de la vie pélagique à la vie rampante : il est bien vraisemblable qu’il en a été de même du Gastéropode ancestral ; si l’on considère l’organisation des larves des Gastéropodes, la marche de leur développement, l’anatomie comparée d'une part, la loi fondamentale de l'embryogénie d'autre part, les conclusions qui s'imposent sont les sui- vantes : 1° Les ancêtres des Mollusques étaient des Vers annelés, LA TACHYGÉNÈSE. 271 dont les Citons (fig. 86) sont les plus proches parents et qui étaient caractérisés par la réunion, dans la région pos- térieure du corps. des cenires d'impulsion de l'appareil circulatoire et des réservoirs de l'appareil rénal ; 2° Les précurseurs des Mollusques étaient rampants ; ils oni eu pour successeurs, comme l’indiquent les caractères constanis des diverses lar- ves, des formes aptes à se maintenir le dos en bas, près Fig. 85. — Larve de Cavolinia triden- Fig. 86. — a, trochosphère de Chiton tata. — Ms, voile buccal; P, pied; cinereus, avant l’éclosion. — D, em- P',parapodies ou nageoires ; À, anus; bryon plus âgé, dont la face dorsale Md, estomac ; M, muscle rétracteur est déjà divisée en segments corres- (d’après H. Fol). pondant aux cérames (d’après Lovén). de la surface de l’eau. L'action de la pesanteur a déterminé, dans ces conditions, la formation d’une hernie dorsale du tube digestif, refoulant les téguments. Cette hernie est d’une trop grande constance pour n'avoir pas un caractère héréditaire ; 3° Chez les Mollusques rampants, le cône dorsal, constam- ment refoulé en arrière, devait, même enroulé en spirale en avant, masquer l’orifice branchial pendant la locomotion : l'animal à dû faire tous ses efforts pour ramener cet orifice vers sa région antérieure ; de Jà, la torsion de la base du cône (fig. 87) démontrée par la disposition du système ner- veux, l’enroulement en hélice à sommet postérieur et l'avortement de la moitié des viscères (1). Toutes ces conclusions résultent de l'application rigou- (1) A. Lang {Versuch einer Erklärung der Asymmetrie der Gasteropoden (Vierteljähr. Naturforsch. Gesellsch. Zürich, 36 Jahrg, 1891, 33 p., 22 fig.) 272 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. reuse de principes universellement reconnus. Grâce à cette application, le Mollusque se trouve expliqué par deux changements successifs dans le mode de locomotion. l’action de la pesanteur, la recherche par l'animal d’une attitude lui permettant de concilier son bien-être avec la présence d’une partie de son corps produite lorsqu'il faisait usage d’un mode de locomotion graduellement abandonné, partie qui s'est elle-même peu à peu modifiée, à mesure que le mode nouveau de locomotion devenait plus constant. Ces causes s’est appliqué à démontrer que la cause de l’asymétrie des Gastéropodes doit ètre recherchée dans la transformation de leur pied en un vaste organe de reptation, et dans Le recouvrement contemporain du corps par une coquille. E. Korschelt et K. FHeider (Lehrbuch der vergleichenden Entwicklungsges- chichte der wirbellosen Thiere. Iléna, 1893) font remarquer que l’asymétrie normale des Gastéropodes cède la place à une quasi-symétrie chez les formes adaptées à une vie nageuse libre, comme les Ptéropodes. Certaines formes rampantes (Onchidium, Limacidæ, Nudibranches) peuvent également récupérer, en grande partie, la symétrie primitive; chez ces animaux, la coquille est absente ou rudimentaire, ce qui, d’après ces auteurs, mettrait en évidence le rôle important joué par cet organe dans les processus de torsion chez les Gastéropodes. En vérité, ces animaux redeviennent symé- triques parce que leur hernie dorsale avorte et que c’est essentiellement la partie dissymétrique du corps. A. Amaudrut (La partie antérieure du tube digestif et la torsion chez les Mollusques Gastéropodes. Ann. des Sc. nat., Zool., 8° série, t. VIL, 1898, p. 1-288, 66 fig., pl. 1-X) remarque avec P. Pelseneer (Recherches sur les Opis- thobranches, Mém. cour. de l’Acad. roy. de Belgique, t. LIT, 1894, 157 p., 6 fig., 25 pl.) que les théories de Spengel et de Bütschli ne sont pas d'accord avec les données embryogéniques. Il fait observer en outre que la partie an- térieure du tube digestif des Gastéropodes présente toujours une torsion de , 1802; pour lui, le stade Prosobranche aurait été réalisé, à partir de la forme ancestrale symétrique, par deux mouvements bien distincts: 1° flexion ven- trale d’arrière en avant, quifait prendre au tube digestif la forme d’un U; 2° torsion de la branche supérieure de l’U,c’est-à-dire de la région qui corres- pond actuellement à la cavité antérieure du corps. C'est le besoin de respirer (E. Perrier, Traité de zoologie, 1897) qui provoquerait chez l'animal l'effort né- cessaire pour dégager l’anus et Les branchies de la position défavorable dans laquelle les place le développement de la région postérieure du pied. Par accé- lération embryogénique, les deux phases du phénomène (flexion ventrale et torsion latérale) auraient empiété l’une sur l’autre. L'accélération de crois- sance du côté gauche du corps est la conséquence de la torsion au lieu d'en ètre la cause, contrairement à l'hypothèse de Bütschli; la chute de la coquille serait aussi la conséquence et non la cause (théorie de Lang) de la torsion. H. Simroth (Ueber die mügliche oder wahrscheinliche Herleitung der Asym- metrie der Gastropoden, Biol. Centralbl., Bd XVIII, 1898, p. 54-63, 695-696) attribue la torsion asymétrique des Gastéropodes à l'existence chez les plus anciens de ces animaux d’un organe copulateur asymétrique (!). vis LA TACHYGÉNÈSE. 273 de modification sont simples, naturelles, de onde de celles que l'observation de ce qui se passe sous nos yeux permet d’invoquer seules, si l’on ne veut pas se lancer dans le mystère des forces moléculaires et des cau- ses occultes. Le seul ob- stacle à ce que tous les naturalistes s’y rallient, cest que l'embryogénie ne répète pas une à une toutes les phases de l’é- volulion hypothétique, que la corrélation entre les phases subsistantes et les conditions qui les ont produites n’est plus ac- tuellement évidente et que le Gastéropode mo- notocarde est réalisé d'emblée avec toutes ses dissymétries. Mais c’est là l'essence même de la tachygénèse et c'est elle, ou ne saurait trop le ré- péter, qui enlève toute valeuraux objections que l'on oppose, au nom de l’'embryogénie, aux con- clusions formelles de l’a- Fig. 87. — Figures schématiques montrant les phases successives du mouvement de torsion inverse (mouvement en sens opposé à celui des aiguilles d'une montre) qui a amené la chiastoneurie chez les Prosobranches. — e, ganglions cérébroïdes ; 7, ganglions pleuraux ; p, ganglions pédieux ; sb, ganglion branchial primitivement gauche arrivant à être sub- intestinal; s, ganglion branchial primiti- RTS droit arrivant à être supra-intestinal ; branchies accompagnées chacune d’ une ete qui arrive à changer leur position ; o, oreillette; v, ventricule; 7, rectum (d'après Lang). natomie comparée. Il est à noter d’ailleurs que les Dentales ont une larve plus vermiforme encore (fig. 88) que celle des Oscabrions ; que la trochosphère est manifestement la forme initiale des larves des Mollusques ; que les Pulmonés ont des néphridies transitoires morphologiquement placées en avant des néphridies’définitives, comme les Vers ANN. SC. NAT. ZOOL. annelés et que XVI, 18 k Pi 2 6 ANT 97% ED. PERRIER et CH. GRAVIER. lous ces traits peuvent être considérés comme autant de persistances d’un mode de développement patrogénique que: la tachygénèse a ensuite modifié. | A ce point de vue d’ailleurs, une embryogénie compara-— tive et très détaillée des Gastéropodes diotocardes, des. 9 ci M2 s) an Fig. 88. — 1. Embryon polytroque de Dentalium tarentinum ; k, touffe antérieure- de cils; Z, les six ceintures ciliées; m”, invagination préconchylienne. — 2. Larve véligère de Dentalium tarentinum; les ceintures ciliées se sont. rapprochées et confondues en un disque cilié, le voile /; c, coquille; "”, orifice. postérieur du manteau (d’après Lacaze-Duthiers). Ténioglosses les plus anciens et des Lamellibranches pri- milifs (Solénomyes, Nucules, Arches), serait sans doute fort instruclive. La tachygénèse cause de changement dans le genre de vie des animaux. — Si la tachygénèse établil, dans. certains cas, une discordance entre les caractères d’un animal et le genre de vie qui les a déterminés chez ses ancêtres, elle est capable aussi de forcer certains animaux à changer de genre de vie; c’est à elle, en effet, que l’on doit, sans aucun doute, le groupe si intéressant des Tuniciers péla- oiques. Quand l’accéléralion embryogénique est poussée assez loin pour que les caractères extérieurs de la larve, encore conservés chez les Ascidies composées, cessent d'être réalisés, l’Ascidie, à son éclosion, peut avoir dépassé la ‘LA TACHYGÉNÈSE.. Fe 275 phase où elle possède des organes de fixation: €’est ce: qui arrive déjà à certaines Molgules qui se développent directement sans passer par la phase de têtard, et à propos. desquelles A. Giard (1) à écrit pour la première fois les. mots alors suffisants d'embryogénie condensée. La Molgule se développe au fond de l’eau; mais des Tuniciers de plus. luble poids, relativement à l’eau ambiante, gagneront la surface de la mer et mèneront dès lors une existence péla- gique ; c'est le cas des Pyrosomes, des Dociocinæ et des. Salpes. Tout dans l’organisation de ces animaux, dans leur. embryogénie surtout (comparer les deux embryons de la ligure 90), affirme leur parenté avec les Ascidies, dont les. caractères sont incontestablement dus à l’immobilité à laquelle leur fixation au sol les a condamnées. Les Pyrosomes sont encore de vraies Ascidies; les Do/io- lums s'en éloignent un peu plus, maisleur larve qui a conservé: la queue du têtard (fig. 89), indique clairement leur parenté; et ces animaux ne sauraient être séparés ke 4 Fig. 89. —Larvede Doliolum.— a, vésicule- des Salpes. Il est donc bien exodermique faisant suite au corps- clair que ces organismes ne SUR sont des Tuniciers primi- livement fixés, revenus à la vie pélagique. Il est même pos- ‘sible d'affirmer, d’après leur mode de bourgeonnement. qu'ils proviennent d’Ascidies composées voisines des DInEM- NIDÆ (fig. 90), des Disrouinx et des Pozycunipx. Les Appen- diculaires sont vraisemblablement, au contraire, des larves. permanentes, légèrement modifiées d’Ascidies simples. Cependant, en l'absence d’une notion qui permiît de: comprendre comment des animaux pélagiques avaient pu dériver d'animaux fixés, en présence de celte idée pré- conçue que les animaux primitifs étaient tous pélagiques, ce qui est d'ailleurs absolument inexact, on a été conduil . (4) A. Giard, Sur la structure de l'anpendice caudal de certaines larves d'As- cidies (G. R. de l’Acad. des Sc., t. LXXVIIT, 1874, p. 1860). 276 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. à considérer les Appendiculaires comme les formes pri- mitives des Tuniciers (1, à leur donner pour descendants successivement les Doliolums, les Salpes, les Pyrosomes, les Ascidies composées et enfin les Ascidies simples. TES D A7 CNE | Fig. 90. — Figures comparatives établissant l'ana!ogie de développement des Salpes et des Didemniens. — 1. Schéma d’une larve de Didemnien. — 2. Schéma d'un jeune oozoïde de Salpe. — Dans les deux figures la position des deux orifices a été un peu modifiée de manière à rendre la comparaison plus frappante; le trait noir indique les parties d'origine entodermique; le double trait, les parties d'origine exodermique. — à, bouche, o, orifice de la glande hyponeurale; n, ganglion nerveux; /, fentes branchiales de la Salpe qui envahissent toute la paroi branchiale et la font disparaître, sauf l'endostyle et le tube épibranchial, mais correspondent aux trémas { de la branchie br de l'Asciuie; cl, cavité cloacale, e, orifice etlérent: e/, éléoblaste de la Salpe correspondant à la queue ch de l’Ascidie ; 4, intestin; vs, vésicule sensorielle; m, moelle; ed, endostyle (d'après Salensky). C’est un renversement complet de l'arbre généalogique des Tuniciers, dont les modifications deviennent alors inintelli- gibles, tandis que dans l'hypothèse inverse tout est clair, pré- (1) C’est surtout W. K. Brooks, dans sa remarquable monographie des Salpes, qui a exposé en détail la généalogie des Tuniciers en prenant comme point de départ les Appendiculaires (The Genus Salpa, « Monoyra- phie, with a supplementary paper by Maynard M. Metkal. Mem. of the biol. Labor., J. Ilopk: University, Il, 1893, 396 p., 28 fig., 57 pl.). EN TACHYGÉNES LE fn Les DTA cis et facile à expliquer parles considéralionsles plus simples. Les récentes études de l’un de nous [Gravier (1)] sur les Cérianthaires donnent un exemple frappant de ces adapla- tions paradoxales, en apparence d'animaux sédentaires à la vie pélagique. Les Cérianthes habitent normalement un tube muqueux sécrété par l'animal, bourré de nématocystes et épaissi par des éléments étrangers empruntés aux fonds boueux dans lesquels il est enfoncé. Mais, les larves de ces animaux sont toutes pélagiques; par tachygénèse, les larves de certaines espèces deviennent adultes sans abandonner ce senre de vie et il se constitue ainsi des espèces pÉRENE de Drioathes. La tachygénèse et les métamorphoses des Insectes. — Les trois phases si nettement séparées du développement de la plupart des Insectes ont, depuis longtemps, frappé les observateurs, et sont souvent regardées comme caractéris- tiques de ces Arthropodes. Ces mêmes phénomènes se retrouvent cependant chez d’autres animaux bien différents, à tous égards, des Insectes. Aïnsi, L. Roule (2) a montré que chez les Phoronis, sédentaires et tubicoles à l'état adulle, la singulière larve actinotroque subit, pendant sa métamorphose, une véritable nymphose avec histolyse et histogénèse (3); c'est une transformation de même ordre que celles des Insectes. Entre l’Actinotroque pélagique, la pupe à laquelle elle donne lieu et le Phoronis fixé, il y a presque autant de différence qu'entre ie Ver blanc, la nymphe et l’état parfait chez le Hannelon, par exemple. L'évolution des Bryozoaires offre également des faits com- parables à ceux dont il vient d’être question. (1) Ch. Gravier, Sur un Cérianthaïire pélagique adulte (Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, 1902, séance du 13 octobre). (2) L. Roule, Etude sur le développement embryonnaire des Phoronidiens (Ann. des Sc. nat., Zool., 8° série, t. XI, 1900, p. 51-249, pl. I-XVI). (3) G. Vaney et A. Conte, Sur des phénomènes d'histolyse et d'histogénèse accompagnant le développeinent des Trémalodes endopurasites de Mollusques terrestres (Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, 29 avril 1901) ont signalé chez certaines Cercaires des phénomènes d'histolyse et d'histo- génèse rappelant ceux que l’on observe chez les Insectes. 278 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. Toute l'histoire si intéressante de la vie des Insectes tourne autour de cette notion que ces animaux ont subi, au cours des temps, une abréviation considérable de la durée de leur vie. À l'heure actuelle, de l’éclosion jusqu'à la ponte, la plupart d’entre eux ne vivent pas plus d'une année ; beaucoup d’Hyménoptères et de Diptères ont même une existence limitée à quelques semaines et cette existence est divisée en deux périodes inégales : dans la première où l'alimentation est intensive, l’animal est dit à l’état de larve; dans la seconde, où la fonction de reproduction domine, parfois à l’exclusion de la fonction d'alimentation (Éphé- mérides, Phryganides, Hémérobides, Tinéides, Bombycides, Mousliques mâles, etc.), l’Insecte est dit Znsecle parfait. Entre les deux, se place une phase de transition souvent très courte, sans importance morphologique, la période nym- phale au cours de laquelle se prépare la transformation de la larve en insecte parfait. Chez les Eunévroptères, Coléoptères, Hyménoptères, Lépidoptères, Diptères, une quinzaine de jours suffisent à cette opération. Pour la plupart des Ento- mologistes, l'existence larvaire, affectée d’ailleurs par de nombreuses adaptations parasitaires, compte peu; elle est considérée comme une sorte de continuation de la période embryonnaire qui tend sans cesse vers la réalisation de l’orga- nisme véritablement important, pour lequel, en raison même de cette conception, on a choisi le nom d’/nsecte parfait. C'est cependant la vie larvaire qui, chez les Insectes, est de beau- coup la plus longue. Elle paraît durer dix-sept ans chez la Cicada septemdecim d'Amérique, dont la vie reproductrice dure à peine une saison (fig. 91); elle atteint trois ans chez un assez grand nombre de gros Insectes de nos pays(Lucanus cervus, Cerambyx heros, etc.). Au contraire, l’état parfait peut ne durer que quelques heures chez beaucoup de Phryganides, Éphémérides, etc., et sa durée ne dépasse une saison que dans des cas tout à fait exceptionnels. Il y a donc lieu dese demander si ce prétendu éfaf parfait correspond à l’état nor- mal des autresanimaux ous'il n’est pas l'équivalent de l’état de : LA TAGHYGÉNÈSE. és 279 Là «surdéveloppement » qu’on observe à l'époque dela reproduc- 4ion chez un grand nombre d'animaux et quine dure que pen- dant cette période : cetétat aété désigné chezles Vers annelés où il est assez commun (Syllidiens, Hésioniens, Néréidiens, Fig. 91. — Cicada septemdecim. — a, larve à longues antennes et à pattes propres à couper et à fouir; b, nymphe; c, adulte mâle dont on voit en Ty l'appareil musical {d’après Packard). Phyllodociens, Euniciens, Glycériens, Cirratuliens, etc.) sous de nom d'épiqamie ou d’épitoquie (1) ; il se retrouve chez les Lombriciens et les Sangsues; on l’observe chez le Triton à crête, parmi les Batraciens ; il constitue la robe de noces de divers Poissons (Lamproies, Épinoches, Macropodes, etc.) et d’un assez grand nombre d’Oiseaux. Dans ce cas, l’abré- viation de la vie porterait uniquement ou principalement sur la période de la vie de l’Insecte qui suit la première reproduction, et les formes larvaires agiles seraient les véri- tables formes normales de ces animaux. L'état parfait des Insectes est, en effet, caractérisé, comme (1) IL est à noter que l’apparition de ces caractères épitoques.ou épigames marque chez la plupart des Vers annelés, et peut-être même chez tous, la in de la vie. Elle coïncide, en effet, ou peu s'en faut, avec la maturité sexuelle; les éléments reproducteurs remplissent alors la cavité générale. Le tube digestifse réduit à un tel point qu'il peut devenir à peine discernable -dans les coupes et n’est plus fonctionnel ; la musculature longitudinale dis- parait presque complètement. L'animal, qui ne peut plus désormais se nourrir, n'est plus qu’un sac à ovules ou à spermatozoïdes dont l’évacua- tion est le terme de la vie. Ces faits sont à rapprocher de ceux qu'on observe -chez les Insectes dont l'existence à l’état parfait est de courte durée. 280 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. tous ceux que nous venons de rappeler, par le développement que prennent les organes sensitifs, les appendices locomo- teurs, les appareils accessoires d’ornementation et surtout par un éclat exceptionnel du coloris, le tout coïncidant avec le développement des glandes génitales. Cet état tran- sitoire chez les Vertébrés ne paraîtrail définitif chez les Insectes que parce que ces derniers ne se reproduisent, en général, qu'une seule fois et meurent aussitôt après. En diminuant l'importance de l’état parfait, cette conception atténuerait par cela même l'importance au point de vue de la Zoologie générale des phénomènes qui s’accomplissent durant la période nymphale; elle ne la supprimerait pas. Les Insectes présentent d’ailleurs dans leur histoire des faits qui montrent d'une manière non équivoque que leur état parfait a été autrefois de plus longue durée; on ne pourrait s'ex- pliquer sans cela ni la variété de coloris des ailes des Papil- lons, ni son développement général si bien étudié dans ce recueil même par M”° la comtesse de Linden (1), ni les adaptations si nombreuses et si précises de leurs organes buccaux et de leur armure génitale, ni surtout les instincts merveilleux dont beaucoup de femelles font preuve. Il semble donc que l’Insecte parfait soit le résultat d’une lente évolution dont le type le plus primitif quoique déjà très modifié nous serait offert par le développement des Éphémérides et qui se serait graduellement accélérée. Le raccourcissement aurait porté sur les deux périodes extrêmes de la vie de l'animal, mais principalement sur la dernière. Cette abréviation n’a pu être réalisée que par l'effet de la tachygénèse qui a exercé son action d'une manière quelconque pendant tout le temps que les saisons sont demeurées mal définies diminuant aussi bien la durée de la période larvaire que celle de l’état adulte. (1) Comtesse Marie von Linden, Le dessin drs ailes des Lépidoptères. Recherches sur son évolution dans l'ontogénèse et lu phylogénèse des espèces, son origine et sa valeur systématique (Ann. des Sc. nalur., Zool., 8° série, t. XIV, 1901, p. 1-144, 13 pl). — Id., Morphologische und physiologische Ursachen der Flügelzeichnung und Färbung der Insekten, mit besonderer Berücksichtigung der Schmetterlinge (Verhandl. des V. Intern. Zool. Congr., 1901, p. 831-839). LA TACHYGÉNÈSE. | 281. L'intervention des saisons à eu pour elfet de faire dis- paraitre tous les Insectes dont les larves n'étaient pas assez abritées pour passer plusieurs hivers sans être incommodées par le froid ou la pluie, tous ceux qui, à l’état parfait, n'avaient pas lrouvé moyen de se mettre à l'abri, comme les Termites, les Abeilles ou les Fourmis, et surtout enfin tous ceux chez qui la tachygénèse n'avait pas été assez intense pour leur permettre d’éclore, d'accomplir toute leur croissance et d'arriver à l’état adulte dans l’espace d’une année. L'hiver les a empêchés de survivre à la première reproduction. C'est ainsi que la durée de l’état parfait s’est trouvée limitée à une seule période génitale, que la croissance de l'Insecte a été close au moment où a été acquis cel état et que la mue à la suite de laquelle il a été réalisé s'est trouvée ètre la dernière. La tachygénèse n'aurait sans doute pas produit ce résultat à elle seule; elle s’est bornée à faire tenir en une saison le temps mis par l’Insecte à arriver à sa première reproduction; c'est l'hiver qui a supprimé l'Insecte après l’accouplement et la ponte. La localisation si frappante de la période de transfor- mation entre la dernière et l’avant-dernière muc a été, au contraire, graduellement réalisée. Cette localisation n'existe. en effet, ni chez les Thysanoures, ni chez les Pédiculides, ni chez les Éphémérides (fig. 92); chez les autres Insectes à mélamorphoses incomplètes, les fourreaux des ailes n’appa- raissent qu'à l’avant-dernière mue, mais les organes géni- laux ont déjà atteint des degrés variables de développe- ment (1); de sorte que c’est seulement chez les Insectes à métamorphoses complètes que l’on peut considérer la loca- lisalion comme réalisée. Il y a là, dans l’évolution des organes génitaux, un retard éminemment favorable à la croissance rapide de la larve, qui peut être considéré comme un des (4) L. Will, Entwickelungsgeschichte der viviparen Aphiden (Zool. Jahrb., Morphol. Abth., Bd IT, 1888, p. 201-286, pl. VI-X). — R. Heymons, Die Entwicklung der weiblichen Geschlechtsorgane von Phyllodromia (Blatla) ger- manica L. (Zeitsch. für wissensch. Zool., Bd, LIIL, 1891, p. 434-536, pl. XVII-XX). ! 282 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. mécanismes généraux grâce auxquels la tachygénèse est réa- lisée. Au lieu de se disputer les aliments et de croître péni- blement et lentement tous ensemble, les éléments soma- tiques se nourrissent d’abord sans concurrence et évoluent à JN À Ÿ, Fig. 92. — Larve de Closopsis, grossie, pour montrer les sept paires de lames branchiales, Xt. — Tk, l’une des lames branchiales, grossie et isolée. rapidement, puis vient le tour des produits génitaux et des ébauches destinées à former les organes nouveaux, caracté- ristiques de l'Insecte mûr pour la génération, qui profitent des éléments larvaires et de leurs réserves pour se nourrir abondamment etégalement sans concurrence. Leur évolution EA) TACHYGÉNÈSES "LE OX 283: s'effectue aussi très rapidement, de sorte qu'il y a en défini- tive gain de temps sur l’ensemble de l'opération. Ce gain est d'autant plus important, que ce sont, en quelque sorte, les convives de la première table qui font les frais du repas de ceux de la seconde, et que le travail de l'alimentation exté- rieure qui devrait se faire pour tous les éléments, s'ils évoluaient ensemble avec la même activité, se réduit à pour- voir à la nutrition des éléments larvaires. Cheztousles animaux pourvus d'un gros vitellus, le déve- loppement se produit de même en plusieurs étapes : les viscères d'abord, les membres ensuite; le fait est particu- lièrement frappant chez les Batraciens qui naissent apodes. La localisation, entre les deux dernières mues, des phéno- mènes de transformation nest pas d’ailleurs si brusque qu'elle ne permette de suivre le mécanisme grâce auquel le maximum de vitesse dans la transformation est réalisé. Chez les Insectes à métamorphoses incomplètes, la destruction des éléments usés et leur remplacement s'effectuent graduelle- ment et prennent seulement au moment des mues un sur- croît d'activité. Chez les Insectes à métamorphoses com- plètes, on peut établir, en examinant les diverses parties du corps, toute une série de procédés de plus en plus rapides de transformation, suivant que les organes doivent être de plus en plus profondément modifiés. Les cellules régénératrices des muscles de l'intestin moyen sont isolées el éparses entre les fibres de ces muscles; celles de l'épithélium interne se groupent déjà en nids entre la couche musculaire et l’épithélium lui-même. En avant du gésier, à la naissance du conduit excréteur des glandes salivaires, en arrière de l’orifice des tubes de Malpighi, les cellules de remplacement forment des anneaux qui régéné- reront respectivement l’œsophage, les glandes salivaires, l'intestin postérieur; quatre plages cellulaires (deux ven- trales, deux dorsales) se lrouvent de même à la base des anneaux de l'abdomen. Dans le thorax et dans la tête, les cellules de remplacement se développent en formant de 984 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. pelits sacs nommés histoblastes (Künckel) ou disques ima- ginaux (Weismann), en nombre constant pour chaque région (fig. 93,94 et 95), soit aux dépens de l’hypoderme, soil sur la couche cellulaire des trachées, soit sur le névrilemme. Ces poches constituent de véritables organes dont la fonetion est de reconstituer entièrement les parties dans la région où elles se développent. On passe ainsi graduellement des cellules Ho G2 COPA Fig. 93. — Coupe transversale d'une Mouche, au niveau du quatrième anneau. — ch, enveloppe chitineuse; ep, membrane cellulaire (épithélium) ; Dm, mus- cles longitudinaux ventraux; sm, muscles longitudinaux latéraux; 7/m, mus- cles longitudinaux dorsaux; sm, muscles sagittaux; 0e, œsophage, Æ, corps adipeux; Tr, troncs trachéens longitudinaux; chD, chD,;, intestin grêle; oG, ganglion sus-æsophagien (cerveau); PM, chaîne ventrale ; AU, disques imagi- naux des yeux; B et F1, disques imaginaux des pattes et des ailes (d'après V. Graber). éparses aux nids de cellules, de celles-ci aux plaques et aux anneaux de remplacement, et enfin de ces derniers aux poches histoblastiques, ou disques imaginaux résultant de .la prolifération sur place de cellules exodermiques. Ces élé- ments de remplacement n'apparaissent pas seulement au moment où les éléments larvaires vont être détruits ; ils se constituent bien avant, et l’on peut les disposer en série suivant la précocité de leur apparition jusqu'au moment où ils se montrent dès la période embryonnaire (Musca) ; l'action graduée et continue de la tachygénèse apparaît ici avec la plus entière évidence, et le mécanisme histologique LA TACHYGÉNÈSE. . 2835 qui permel de la réaliser s'explique pour ainsi dire de: lui- même par la rapidité croissante de la multiplication, en des points déterminés, des cellules de remplacement. Cette mulliplication est d’ailleurs favorisée par la sup- pression de la résistance que les éléments musculaires, Fig. 94. — Représentation schématique de la place des disques imaginaux chez la larve (A) et la pupe (B) de Musca. (Les ébauches des ailes ne sont pas indiquées) as, œil ; af, ébauche de l'antenne; b,,b:,03, ébauches des trois pattes thoraciques; bg, chaine nerveuse ventrale; 9, cerveau; , dépendance (?) du cerveau, in, membrane enveloppant les appendices thoraciques ; 0, orifice de communication du pharynx et de la cavité dépendant du cerveau; æ, œso- phage; p, pharynx; », ébauche de la trompe; ss, disque froutal; sé, pédicule d'attache de la membrane enveloppant les appendices des pattes à l’hypo- derme; 1, I, IT, premier, second et troisième segments thoraciques (d’après van Rees, in Korschelt et Heider, Traité d’embryogénie comparée des Inver- tébres). glandulaires et épithélaux opposaient aux phagocytes lors- Î qu'ils étaient jeunes et actifs (1) ; les phagocytes, en général, se nourrissent de ces éléments usés, les font disparaître en se bourrant eux-mêmes de substances de réserve, deviennent inactifs et servent à leur tour à l'alimentation et à la mul- tiplicalion des jeunes éléments des histoblastes quand ce ne sont pas ceux-ci qui se nourrissent directement des produits (1) C'est-à-dire, sans doute, non encombrés de matériaux de déchet et riches en substances protoplasmiques actives. 286 ED. PERRIER :et CH. GRAVIER. de la dissolution ‘de leurs prédécesséurs. Des recherches récentes ont d'ailleurs montré que dans certains cas, en particulier dans l’histolyse musculaire, chez les Batraciens comme ‘chez les Insectes, l'intervention des phagocytes Fig. 95. — Schéma des transforn ations à l’intérieur de la pupe de Musca, avant l’éclosion. — as, yeux ; at, ébauche des antennes; b,, b9,b3, rudiments des trois pattes thoraciques ; bg, chaîne nerveuse ventrale ; 4, cerveau; Æ, vésicule cépha- lique (provenant de la fusion du pharynx (?) et de la dépendance (?) du cer- veau); æ, œsophage ;7, ébauche de la trompe; ss, disque frontal; I, II, Ill, pre- mier, second et troisième segments thoraciques. (d’après Kowalevsky et van Rees, in Korschelt et Heider, Traité d'embryogénie comparée des Invertébrés). était plus limitée qu'on ne l'avait d’abord pensé [Bataillon, Pérez (1). | L’abrévialion tachygénétique de la période larvaire ou, toul au moins, de la partie de nutrition active de cette pé- riode, apparaît avec une particulière évidence dans le phé- _ (1) E. Bataillon, Recherches anatomiques et expérimentales sur la métamor- phose des Amphibiens anoures {Ann. de l’Université de Lyon, 1891, £. II, 123 p., 6 pl.). — À propos du dernier travail de M. Metschnikoff sur l’atrophie des muscles pendant la métamorphose des Butraciens (C. rendus de la Soc. de biol., 14892, p. 185-188). — Quelques mots sur la phagocytose musculaire, à ‘propos de la réponse de M. Metschnikoff à ma critique (GC. rendus de la Soc. de biol., 1892, p. 282-283). Ch. Pérez, Contribution à l'étude des mélamorphoses (Bull. scient. de la France et de la Belgique, t. XXXVII, 1902, p. 195-427, pl. X-XII, 32 fig. dans le texte). D'AVEA EACHNGÉNESESL I 2817 nomèëne dit des Aypermétamorphoses. Lorsque ce phénomène fut observé pour la première fois par J.-Henri Fabre (1). chez le Sitaris humeralis (fig. 96), il se présentait dans des conditions qui le rendaient absolument inintelligible. D'œufs pondus en automne naissent, chez ce Coléoptère, des larves campodéiformes, les Trionqulins, qui passent l’hiver sans manger, et sont transportées vers le mois de mai dans des nids d'Anthophores de l’année; là, elles deviennent, dès la premièremue, des larves mélolonthoïdes qui se nourrissent Fig. 96. — Hypermétamorphoses du Sitaris humeralis.— a, larve campodéiforme ou triongulin; b, première larve mélolonthoïde; c, pupe; d, seconde larve mélolonthoïde et e, nymphe, toutes deux nécessairement contenues dans la pupe (d’après Fabre). de miel et subissent plusieurs mues successives. A la dernière mue, la peau se détache simplement pour former une pupe en tout semblable à celle qui enveloppe les nymphes de la Mouche de viande : toutefois la peau durcie de la pupe (.ypno- thèque de Künckel) (2) contient au lieu d’une nymphe une larve mélolonthoïde; celle-ci, au bout de deux jours, éprouve (1) J.-H. Fabre, Mémoire sur les hypermétamorphoses des Méloïdes (Ann. des Sc. nat., 4° série, L. VIL, 1857). — Souvenirs entomologiques (Études sur l'instinct el les mœurs des Insectes, sept séries. — Beauregard, Les Insectes vésicants, 1 vol., 1890. — G.-J. Romanes, L'intelligence des animaux (Trad. franç., avec préface d'Edmond Perrier. Paris, Alcan, 1887, 2 vol.). (2) J. Künckel d'Herculais, Les Insectes, édition francaise de Brehm, 3 2 vol., 1882. — Note sur les habitudes lurvaires des Mylabres (Ann. Soc. entom. de France, t. X, 1890, 3° trim.; Bull., p. 174-175). — Les parasites 288 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. la mue qui la transforme en nymphe; mais la nymphe demeure dans le tégument de la pupe, comme celle-ci dans le tégument larvaire sous lequel elle s’est formée; l’éclosion se fait en août; tout le développement a eu lieu au cours de la belle saison ; l'intervention de l’hypnothèque est absolu- ment inexplicable si l’on considère ce cas isolé du Sitaris. Il n’en est plus de même si on en rapproche ce qui se passe chez les formes voisines. Les £picauta, Macrobasis, Henous, Mylabris, Cerocoma, Cantharis, Meloe, Stenoria traversent les mêmes phases que les Siaris ; mais ici l'explication de l'hypnothèque est évidente (1); la deuxième larve mélo- lonthoïde passe tout l'hiver à son intérieur, la quitte au printemps, reprend sa vie active et, au bout d’un certain temps, se change en nymphe sans rien présenter de parti- culier, l’'hypnothèque est donc simplement un mode d’hiber- nation. Du premier au dernier des genres énumérés, le temps qui sépare l'apparition de la deuxième larve hors de l’hypnothèque de sa transformation en nymphe se raccourcit graduellement. La seconde larve cesse déjà d’éclore chez les Aleloe et les Stenoria ; chez les Sitaris, enfin, l’époque de la formation de la pupe est transposée au printemps ou à l'été, et rien n'indique plus son origine première; les jeunes pas- sent l'hiver soit à l’état de larve mélolonthoïde {S. colletiæ), soit à l’état de triongulin (S. Awumeralis) ; le développement, d’abord réparti sur deux ans, est raccourci de manière à ne plus tenir que dans une seule année. Il est probable que le cocon dans lequel s’enferment les larves mélolonthoïdes de Mantispa, pour se changer en nymphe, a une signification analogue à l'hypnothèque des Coléoplères vésicants. _ La tachygénèse et les générations asexuées chez divers groupes d’Invertébrés. — On a rassemblé sous le \ des Acridiens. Développement et hypermétamorphoses des Mylabres (Comptes rendus de la Société de biolog.e, 9° série, t. IL, 1890, p. 583). — Observations sur l'hypermétamorphose ou hypnodie chez les Cantharidiens. La phase dite de pseudo-chrysalide, considérée comme phénomène d'enkystrment (Comptes ren- dus de l’Académie des Sciences, t. CXVIIL, 1894, p. 360). . (1) E. Perrier, Traîté de zoologie, p: 1220. LA TACHYGÉNÈSE. 289 nom de génération alternante (1) tous les cas dans lesquels les individus appartenant à une série de générations succes- sives, se réduisant le plus souvent à deux, sont dissemblables. La généra- tion alternante ainsi comprise à élé constatée chez les Polypes (Hydres et Méduses), les Vers annelés, les Tré- matodes, les Cestodes, les Salpes, les Dorroupz, et, d'aprèsla définition pré- cédente, on peut tout aussi bien com- prendre les Pucerons dans cette énu- mération. En se plaçant au point de vue téléologique, il y a entre ces phé- nomènes une certaine unité, et comme ils apparaissaient dans des groupes très éloignés les uns des autres, avec une identité apparente de mécanisme et de résultat, Henri Milne-Edwards a essayé de démontrer qu'elle n’était pas l'ex- ception, mais bien la règle dans Île Règne animal, sinon dans les deux Règnes. Cetle conviction est encore partagée, parmi les embrvogénistes actuels, par Beard (2), par exemple. Outre qu'il serait étrange que la repro- duction de tous les organismes eût été grevée d'une aussi inintellisgible com- plication, 1l est facile de se rendre compte que dans les groupes où elle se présente, Îàa génération allernante (1) M. Steenstrup, Ueber den Generations- wechsel, Fror. Tägsber., n° 319 (Zool., Bd 1), 1851. Fig. 97. — Gyrodactylus ele- gans. — v, prolongements tentaculiformes de l’extré- mité antérieure; B, bouche, vg, vitellogène : c,, ©, cro- chets de deux embryons internes; O, ovaire; T,tes ticule:; V, grands crochets fixateurs; s, parapodes armés chacun d'un crochet du disque fixateur; pv, pavillons néphridiens: ph, pharynx (d’après Wagner). (2) J: Beard, On a supposed Law of Metazoan Development, Anat. Anz., 1892, 8 Jahrg., p. 29-9 : HEAR 22-29. On the Phenonunua of Reproduction in Animal and Plants, on antithetic Alternation of Generation, and on the Conjugation of the Infusoria, Anat. Anzeiger, 1895, 11 Jahrg., p. 234-255,.5 fig. ANN. SC. NAT. ZOOL, XvI, 19 ‘290 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. relève de causes simples, différentes d’un groupe à l’autre, -et n'ayant en conséquence rien de ce qu’il faut pour réeir la reproduction de tous les êtres vivants. En ce qui concerne les Trématodes en particulier, la génération allernante est le résultat évident de la tachygénèse. La plupart des Trématodes dont le parasitisme demeure externe {Polystomum, Diplozoon, Trisloma, etc.), ne pré- sentent aucune particularité importante de développement. Déjà chez les Gyr . (1), parasites des branchies des ‘Fie. 98. — 1. Miracidium (Larve) de Diplo- Kig. 99. — a. Miracidium de Clado- discus subclavatus; D, sac digestif; Ex, cœlium hepaticum, en extension. — tronc néphridien. — 2. Mairacidium de b. Le même contracté; D, bouche; Monoslomum mutabe contenant une rédie Ex, néphridie; Ov, cellules génitales R; p, taches pigmentaires (d’après von (d’après Leuckart). Siebold). Poissons d'eau douce, on observe jusqu’à trois embryons emboîtés l’un dans l’autre, à l’intérieur des individus adultes (fig. 97); 1l y a là un fait typique de tachygénèse ; lous ces ‘embryons sont d’ailleurs identiques entre eux. Les choses vont beaucoup plus loin chez les Trématodes (1) R. G. Wagener, l’eber Gyrodactylus el: gans vor Nordmann (Arch. für Anat. und Physiol., 1860, p. 768-798, pl. XVILet XVII). — L. Kathariner, Die Gattung Gyrodactylus von Nordmann (Arb. d. Zool. Inst. Wurzburg, Bd X, p. 125-164, pl. VIT-IX). — Th. von Siebold, Helmintologische Bei- +râge (Arch. für Naturgesch., Bd 1, 1835, p. 45-85, pl. D). — R. Leuckart, Zur Entwicklungsgeschichte des Leberegels (Arch. für Naturg., Bd XLVIL, 1882, p. 80-119, 1 pl.). — A.P. Thomas, The life-history of the liverfluke {Distomum hepaticum) (Quart. Journ. of microsc. Science, vol. XXIIL, 1883, p. 99-133, 2 pl.).. | We LA TACHYGÉNÈSE. 291 parasites internes, mais peuvent être sériées de la même facon. Les AsPIDOCOTYLEA ont un développement direct, au cours duquel ils se bornent à changer d'habitat sur le même hôte. Les HoLosrombz naissent sous la forme d'un embryon cilié qui va s'enkyster dans un pre- mier hôte en éprouvant une métamorphose; l’ani- mal atteint l'état adulte dans un second hôte qui a mangé le premier; il n°y Fig. 100. — Cercaire de Clado- Fig. 101. — Rédies du Cladocælium hepaticum. cœlium hepaticum (d'après — 1. Jeune rédie à long tube digestif ne Thomas). contenantencore que des germes à deux degrés de développement. — 2. Rédie plus âgée, à court tube digestif, rempli de cercaires adultes ; ph, pharynx; e, ?, intestin; 9m, moignons; q, queue; €, cercaires (d'après Leuckart). a là rien encore de bien particulier. Mais les choses se com- pliquent dans les autres familles. L’œuf donne naissance à un embryon cilié ou miracidium (fig. 98 et 99) qui produit à son intérieur ou se transforme directement en une sorle de sac dit sporocysle. Dans ce sporocyste, naissent des orga- nismes nouveaux qui peuvent être soit de jeunes Distomes 299. ED. PERRIER ét CH. GRAVIER. pourvus d’une queue Servant à la natation, les cercaires (fig. 100), soit des sporocystes nouveaux (Disiomum cyq- noides) donnant naissance à des cercaires, soit des corps pourvus d’une queue accompagnée de deux moignons de membres, les rédies (fig. 101, 102 et 103). | Les rédies peuvent aussi naître directement dans les spo- rocystes primitifs ; elles peuvent engendrer tout de suite des cercaires, ou produire d’abord de nouvelles rédies qui Fig. 102. — Développement de rédies dans les sporocystes du C/adocælium hepa- ticum. — 1. Sporocystecontenant des cellules-germes et des germes g, à divers degrés de segmentation. — ?. Le même avec des germes plus avancés g et une rédie complète. donnent ensuite naissance aux cercaires. Le fait que dans dans ces générations successives, des cercaires peuvent remplacer des rédies, des rédies remplacer des sporocystes, prouve que.les cercaires, les rédies et les sporocystes ont la même signification ; leur organisation présente exactement le même type; l'identité fondamentale est donc évidente ; à quoi tiennent les différences ? | É On remarquera tout d’abord que du sporocyste à la rédie, de la rédie à la cercaire, les organes internes pro- gressent peu à peu vers la forme qu'ils affectent chez le Trématode adulte. Le sporocyste esl très dégénéré par rapport au miracidium ; c’est là, pour une certaine part, OUNEMEMER TACHNGÉNESE LI EN 293 une conséquence du parasitisme qu'il pratique à l'intérieur même des tissus de son hôte ; mais l'effet du parasitisme est aggravé par le ere, précoce, à l’intérieur du sporocyste, d'éléments indifférenciés que l’on peut consi- dérer soit comme des œufs parthénogénétiques, soit comme des cellules germinatives, capables d'évoluer direc- tement (Voy. plus loin), et qui produisent soit de nouveaux sporocysles, soit des rédies, soit des cercaires. Ce développement précoce des œufs parthénogénétiques dans le sporocyste est un phénomène de tachygénèse, limité aux éléments reproducteurs ; la division répélée de ces éléments qui aboutit à la formation de rédies en est un autre. Les rédies sont, comme les sporocystes, enrayées dans leur ; évolution progressive par le développement %, ie on. hâlif de leurs éléments parthénogénétiques; rocystes avec o ; 2 rédies R du C{a- mais elles ne présentent pas l’intense dégra- Gocœtium he- dation due au parasitisme de ces derniers. pus nee près Leuckart). Chez les Monostomum mutabile (Noy.fig. 98, p. 290) et Jlavum, qui vivent dans les cavités thoracique ou oculaire de divers oiseaux aquatiques, il se développe déjà une rédie à l’intérieur de l'embryon cilié ou muracidium, qui quitte l'enveloppe de l’œuf dans l'utérus maternel; la tachygénèse nous permet de passer de ce cas à celui des Cestodes. Il y a de fortes raisons, en effet, pour assimiler l'embryophore cilié des Cestodes, qui vivent dans des ani- maux aquatiques durant leur phase cystique, au miracidium des Trématodes, miracidium dans lequel se développerait de très bonne heure un embryon hexacanthe (fig. 104) qui produirait, à son tour, le Cestode par bourgeonnement. La tachygénèse continuant son action, l’embrvyophore se réduit à quelques cellules chez les Cestodes dont la larve cystique vit chez des animaux terrestres; et ces cellules demeurent sous les enveloppes de l'œuf. _ On peut encore rapprocher de l’histoire des singulières 294 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. formes larvaires des Trématodes loute une série de faits des plus surprenants offerts par le développement des Hyménop- tères parasites et étudiés récemment par P. Marchal (1). Le Synopeas rhanis pond un œuf dans les très jeunes larves de la Cecidomya (Perrisia) ubmariæ. Des quatre noyaux provenant d’une double bipartition de la vésicule ger- minative, l’un s'isole en s’en- tourant d'une sphère proto- plasmique et servira seul à former l'embryon; les autres se mulliplient dans la masse granuleuse commune qui cons- titue à l'embryon une enve- loppe protoplasmique. Lorsque la larve est complètement for- née, cette enveloppe se dissocie en masses séparées contenant les noyaux eux-mêmes en pleine dégénérescence, et ces masses Fig. 104 — a, œuf et oncosphère t0mbent avec la larve d'Hymé- de Tænia solium; 6, œut et onco- noplère dans la cavité générale sphère d’un Hymonolepis ; ce, onco- AE sphère de Bothriocephalus dans de la larve parasilée. Marchal ne (d'après Leu- assimile l'enveloppe protoplas- mique des embryons de Synn- peas à l’'amnios des embryons des autres Insectes. Iei cet amnios serait le vitellus lui-même, abstraction faite de la partie qui entoure le noyau unique, véritable œuf de seconde formation, et l'embryon, au lieu de se caractériser tardivement à sa surface, s’en séparerait d'emblée, les éléments blastodermiques s’isolant dès la seconde et peut- être dès la première segmentation. En admettant l'inter- prétation de Marchal, il y aurait là déjà une tachygénèse des plus intenses. (1) P. Marchal, Recherches sur le développement des Hyménoptères parasites, 1902. : -LA TACHYGÉNÈSE. ru 295 Le Polygnotus minutus est parasite de la Cécidomye des-- tructive et de la C. de l’avoine. Dans l’œuf, la division rapide de la vésicule germinative conduit à la formation. d’une vingtaine de noyaux qui se rassemblent en une masse: müriforme dont tous les éléments sont encore strictement semblables entre eux. C’est seulement à ce moment que les. noyaux qui occupent la périphérie de cetle masse, se carac- térisent comme des noyaux amniotiques : au nombre de- douze à quinze, ils grandissent et finissent par devenir cinq fois plus gros que les noyaux embryonnaires qui occupent la partie centrale de la masse et dont la mulliplication est au contraire rapide. La différenciation de l’amnios est done ici plus tardive que dans le cas précédent; mais si la tachy- génèse a agi moins énergiquement sur le développement de l’amnios, elle prend sa revanche en ce qui concerne les- embryons. La masse embryonnaire ne s'organise pas, comme c’est la règle chez presque lous les animaux, en un embryon unique : elle se dissocie en quatre ou cinq sphères. creuses, véritables Ülastula, qui grandissent par la multi- plication de leurs cellules et se divisent à leur tour : il se. forme finalement dix à douze blastules qui deviennent chacune un embryon complet. Chaque œuf d'un Po/ygnotus donne ainsi naissance à une douzaine d’embryons. Toute la série de phénomènes que nous venons de résumer, s'exagère en quelque sorte dans le développement de l’Encyrtus fuscicollis. Celui-ci pond, au mois de juillet, un œuf dans un œuf de l’Hyponomeute du fusain. On re- trouve plus tard dans la cavité générale de la Chenille l'œuf du parasite, qui a pris l'aspect d'un cylindre, toujours enve- loppé d'une membrane épithéliale. Dès que, dans cet œuf, la vésicule germinative s’est segmentéé en cinq ou six noyaux, l’un d’eux présente déjà un aspect tout différent des autres : il est beaucoup plus gros, lobé et d'apparence amiboïde : c’est manifestement un noyau amniotique; mais. il demeure unique et se désagrège tardivement. Les autres. sont des noyaux embryogènes qui forment en se multipliant 296 ED. PERRIER ct CH. GRAVIER. de petites morules susceptibles elles-mêmes de se diviser : un même œuf produit ainsi plus de cent embryons. La tachygénèse a ici déterminé une différenciation des plus pré- coces d’un élément d’où devrait dériver l’amnios, mais l’amnios lui-même ne se forme pas; encore par tachygénèse, Ja phase du développement qui lui correspond et qui pré- cède la formation de l'embryon est presque entièrement sautée. Quant à l’étui membraneux tubulaire qui enveloppe l'œuf et que Bugnion (1), puis Marchal (2) avaient pris pour l’amnios de l'embryon, ce dernier auteur a plus tard reconnu que c'était à une membrane adventice fournie par la chenille parasitée, exemple de l’adaptation réciproque du parasite et de son hôte. Le fait qu'un même œuf de Polygnotus où d'Encyrtus produit plusieurs embryons est unique jusqu'ici dans le règne animal; à la vérité un certain nombre d'animaux bourgeonnent dans l’œuf, de sorte que celui-ci paraît donner naissance également et d’un seul coup à plusieurs individus (Lophopus, Cristatella, Pyrosoma, etc.) ; mais il n’en a, en réalité, produit qu’un seul qui a bourgeonné à son tour d’une façon très précoce. Il y a très loin de ces organismes coloniaux aux Polygnotus et aux Encyrtus. Le cas des em- bryons de Lombrics se divisant dans l’œuf en deux autres est plus voisin. Expérimentalement, on s’est approché davantage des phénomènes naturels observés par Marchal, lorsqu’en dissociant les blastomères d’un œuf en voie de segmentation, on à obtenu de chacun d'eux un embryon. Cette faculté des blastomères d'évoluer séparément est ici mise en jeu spontanément, favorisée peut-être par les facilités de nutrition que le parasitisme accumule autour des blastomères isolés. Dans la formation des Cercaires et (1) E. Bugnion, Recherches sur le développement post-embryonnuire, l’ana- tomie et ies mœurs de l'Encyrtus fuscicollis (Recueil zoologique suisse, t. V, fasc. 3 et 4, 1891, p. 435-534, pl. XX-XXV). : (2) P. Marchal, Lu dissociation de l'œuf en un grand nombre d'individus distincts et le cycle évolutif chez l'Encyrlus fuscicollis ones e) (G. R. de J'Acad. des Sc., t. CXXVI, 1898, p. 662-664). LA MACHYGÉNESEJ NH Lx 297 des rédies des Distomes, il y à des phénomènes analogues de dissociation, mais les éléments initiaux ne sont pas iei des œufs proprement dits et ils sont encore contenus à l'inté- rieur de leur progéniteur. Le développement polyembryon- naire étudié par Marchal, observé également par A. Giard (1), chez le Liomastix truncatellus et auquel Brandes (2) a pro- posé de donner le nom de (Germinogonie, n'est donc pas un phénomène tout à fait à part et qu'on ne puisse grouper en série avec d’autres ; il est particulièrement propre à nous édifier sur l’équivalence des éléments issus des premières segmentations de l'œuf. La forme sous laquelle la tachygénèse manifeste son ac- lion chez les Trématodes se retrouve dans la classe des Hydroïdes. On sait que les éléments génitaux de beaucoup de ces animaux sont conduits à maturité par des méduses. Dans un grand nombre de cas, la Méduse se réduit (3) à son manubrium et à un rudiment d'ombrelle et de ten- lacules; c’est ce que P. J. van Beneden (4) nommait un atrophion. L'atrophie de l’ombrelle et de ses dépendances est due ici, comme celle des rédies et des sporocystes à une apparition trop précoce ou à une trop grande multiplicité (1) A. Giard, Sur le développement de Litomastix truncatellus (Bull. de la Soc. entomol. de France, 1898, p. 127-129). (2) G. Brandes, Germinogonie, eine neue Art der ungeschlechtlichen Fort- pflanzung (Zeitsch. für Naturwiss., 1898, IIL, p. 420). (3) Nulle part, la réduction n'est poussée plus loin que chez les Méduses des Millépores qui, dépourvues de tentacules, ont pour unique rôle d'éva- cuer les trois ou quatre œufs qui se développent à leur intérieur. La vie de ces Méduses ne dure que quelques heures; leurs mouvements sont très lents; presque aussitôt après leur libération, on voit les œufs isolés ou en partie soudés s’étirer pour s'affranchir de la Méduse qui les enveloppe ; ils reprennent aussitôt leur forme sphérique et sont doués d’une certaine mobilité. « Having discharged themselves in this way, dit Duerden (*) the Medusæ shrunk up and their mission was apparently enden. The whole process, liberation of the Medusæ and extrusion of the spheroidal bodies, was completed in five or six hours. » (4) P. J. van Beneden, Recherches sur la faune littorale de Belgique (Polypes) (Mém. de l’Acad. roy. de Belgique, vol. XXXV, 1867, 207 p., 18 pl.). :.(‘) JE. Duerden, Zoophyte collecting in Bluefields Bay (Journ. of the Institute of Jamaica, March 1899): — S. J. Hickson, The Medusæ of Mi/lepora (Proc. roy. Soc. . Loudon, vol. LXVI, p. 3-10, 10 fig.). 298 ED. PERRIER et CH: GRAVIER. des éléments génitaux; si là formation et la croissance de ces éléments n'avaient pas subi une accélération, la méduse serait devenue adulte et se serail détachée avant qu'ils ne soient mûrs, comme cela arrive d'habitude. La hehisense permet d'expliquer de même la formation [23 Fig. 105. — Figure demi-théorique destinée à montrer l'origine des parties dans le bourgeonnement entéro-épicardique des Didemnum. — 1. À, orifice afférent encore clos; er, endostyle ; æ, œsophage; ba, bourgeon stomacal; e, estomac; c, cœur; de, tubes épicardiques soudés à leur extrémité supérieure pour cons- lituer le bourgeon branchial bb; br, bourgeon rectal; r, rectum ; E, orifice affé- rent ; B, branchie. — 2. Figure demi-théorique représentant une phase ulté- rieure du développement. Mêmes lettres ; le bourgeon ba a donné l'ébauche de l'estomac be et de l'intestin bi qui s’unira plus tard, comme l'indique le pointillé, à l’ébauche rectale, bæ, bourgeon œsophagien qui se soudera, comme le montre le pointillé, au bourgeon stomacal; fe, té, tubes épicardiques du jeune blasto- zoide ; ab, orifice afférent encore fermé du blastozoïde ; B', branchie du blasto- zoïde (fiyures comb.nées par Ed. Perrier et Pizon). des gonomérides et aussi les caractères du manubrium des Méduses, souvent dépourvu de tenlacules ou n’en possé- dant que de rudimentaires et qui sont, par conséquent, à l'égard des Polypes hydraires du type des gastr omérides, de ailes atrophions. Mais ici, il ne faut plus incriminer le LA TACHYGÉNÈSE. 299 développement des éléments génitaux, mais plutôt celui des gamomérides ou des gamozoïdes qui les contiennent ; c’est un bourgeonnement précoce et non une production hâtive d'éléments génitaux qui amène l’arrêt de développement. Ce même bourgeonnement hâtif est cause encore que les ascidiozoïdes chez les Ascidies composées, demeurent tou- jours de petite taille et n'acquièrent souvent que quatre ou même trois rangées de trémas branchiaux (DIDEMNIDZ, fig. 105). Enfin il y aurait lieu de rechercher si la tachygénèse des éléments génitaux n'est pas pour quelque chose dans l'état atrophique ou infantile auquel sont condamnées beau- coup de femelles d’'Insecles, d'Oiseaux et de Mammifères; mais ici, la question se complique de celle de l’origine des caractères sexuels et des conditions dans lesquelles les sexe mêmes se sont produits. Le fait que tous les organes ne se développent pas avec la même vitesse est fécond en conséquences. Étienne Geoffroy- Saint-Hilaire l'avait déjà signalé ; il s’en sert pour expliquer ce qu'il appelait le balancement des orqanes (1); de même que l'avortement de certains organes lui permet d'expliquer les changements que l’on peut observer dans les connexions des organes entre eux. La formation précoce des organes génitaux à été désignée sous les noms de progenèse (2) dans les cas ordinaires, sous celui de pédogenèse (3), lorsqu'elle se manifeste durant la période larvaire, et le fait que le déve- loppement de certains organes peut être avancé, celui de (1) E. Geoffroy Saint-Hilaire, Philosophie anatomique, 1818. (2) A. Giard, Sur la progenèse (Bull. scient. de la France et de la Bel- gique, t. XVIII, 1887, p. 23; travaux du laboratoire de Wimereux, t. V, 1887, p. 212). Giard a très justement fait remarquer que la dissogonie de C. Chun (Die Dissogonie, eine neue Form der geschlechtlichen Zeugung, Festschr. Leuckart, 1892, p. 77-108, 3 fig., pl. IX-XII), n’est qu un cas parti- culier de progenèse. (3) Le nom de pédogenèse a été créé en 1864 par C. E. von Baer, dans un rapport en russe où il propose, pour le prix Demidow, le mémoire de N. Wagner qui avait découvert que certaines larves de Diptères (Cecido- mya) sont capables de produire à leur intérieur de nouvelles larves. 300 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. certains autres retardé, utilisé déjà par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire pour montrer comment peut être modifié le plan de structure qu'il croyait commun à tous les animaux, a reçu de A. Giard, qui a bien mis ces phénomènes en évidence chez les Ascidies, le nom d’Aéférochronie (1) ; il s'agit ici de faits qui touchent manifestement de très près à la tachygénèse. partielle que nous avons indiquée dans ce paragraphe. (1) À. Giard, Sur les hétérochronies embryonnaires (Arch. de Zool. expéri- mentale et générale, t. [, 1872, p. 422). — Principes généraux de biologie, MD EU - V: LA TACHYGÉNÈSE DANS LE DÉVELOPPEMENT DES FEUILLETS BLASTODERMIQUES, DES TISSUS ET DES ÉLÉMENTS GÉNITAUX. Tachygénès: dans le développement des feuillets blastodermiques et des organes qui en dépendent. — Les processus généraux du développement des feuillets blastodermiques et ceux de la formation des organes qui en dépendent ne sont pas d’une grande complication, et les diffé- rences que l’on observe entre eux s'expliquent très simplement par la tachygénèse. Ce point a été déjà mis en lumière par A. Giard (1) et a été repris à nouveau par l’un de nous dans le rapport sur le prix Serres pour 1896 (2). Il est facile de se rendre compte de la façon dont la tachygénèse agit ici, en comparant entre eux lesimodes pig. 106. — Phase de blastula de formation les plus importants PR PARUS EE des feuillets blastodermiques. Dans les cas les plus simples, la segmentation de l'œuf aboutit d’abord à la constitution d’une sphère creuse, dont la paroi est formée d’une seule assise de cellules toutes semblables (1) À. Giard, Sur la signification du Prostome et du Blastopôre, et sur la parenté des Rotifères avec les Mollusques et les Annélides (Assoc. frané. pour l'avancement des Sciences, Congrès du Havre, sect. de Zoologie, 5° séance, 30 août 1877). — Sur l’embrycgénie des Ascidies du genre Lithonephriu (C. R. de l’Acad. des Sc., t. XCII, 1881, p. 1350). — Sur la formation des organes par enlerocæle et par schizocælie. Signification de ces processus (Id., 1890). - (2) Ed. Perrier, Rapport sur le prix Serres (C. R. de l'Acad. des Sciences, t. CXXIIE, 1896, p. 1151-1159). 302 ED. PERRIER et CH. GRAVIER, entre elles. C’est la bastula (fig. 106). L'animal peut éclore à cette phase ; la astula est alors ciliée, et nage à l’aide de ses cils vibratiles. Il est à peu près impossible que tous les cils aient exactement la même activité; la #/astula nage donc, en général, en conservant la même orientation; il en résulte que l'axe qui passe par le pôle dirigé en avant tend à s allonger, de sorte que la blastula prend une forme ellipsoïdale et présente un pôle antérieur et un pôle postérieur. Le pôle anté- Fig. 107. — Embryon de Sycandra Fig. 108. — Larve Amphiblastula de Sycan- raphanus où les longues cellules dra raphanus présentant un hémisphère claires entodermiques et les grosses formé de cellules flagellifères entoder- cellules sphéroïdales exodermiques miques et un hémisphère de grosses cel- sont déjà différenciées, avant l’éclo- lules granuleuses exodermiques (d'après sion. F. E. Schulze). rieur est physiologiquement le pôle moteur ou p/e ciné- lique; en raison de l’activité de leurs cils, les réserves contenues dans les cellules qui l’avoisinent sont rapide- ment consommées, tandis qu'elles demeurent presque in- tactes dans les cellules du pôle postérieur qui peut dès lors recevoir le nom de pôle nourricier ou péle trophigue (fig. 107,108 et 109). La différence extérieure entre les cel- lules des deux pôles peut être, dans le même groupe zoolo- gique, très faible (Ascel{a) ou au contraire extrêmement apparente (Sycon); les cellules actives du pôle cinétique sont, en effet, cylindriques et munies chacune d’un long (1) F. E. Schulze, Untersuchungen über den Bau und die Entwicklung der Spongien (Sycandra raphanus) (Zeitsch. für wiss. Zool., suppl. au tome XXV, 1875, p. 247-280, pl. XVIII-XXI). — Die Metamorphose von Sycandra rapha- nus (Id., vol. XXXI, 1878, p. 262-295, pl. XVII-XIX). LA TACHYGÉNÈSE. 303 flagellum chez les Sycon, celles du pôle trophique sont au contraire sphéroïdales dite amplhiblastula.Les blastula peuvent se fixer ou demeurer li- bres. Lorsqu'elles se fixent, elles le font na- turellement par leur pôle cinétique; elles ne peuvent évidem- ment s'attacher à un corps que par le pôle qu'elles dirigent vers lui. Dès lors, la calotte trophique de lem- bryon demeure exté- rieure, tandis que la et sans cils: une telle larve est Fig. 109. — Larve libre de Sycandra raphanus, dont la couche de cellules flagellifères s’est invaginée dans la couche de cellules granu- leuses. — a, cellules flagelhfères; c, cellules granuleuses de l’exoderme; b, couronne de cellules granuleuses marginales formant le bord de la bouche de la gastrula (d’après F. E. Schulze). calotte cinétique demeure appliquée contre l’obstacle, ou, si la fixation n’a lieu que par la couronne qui sépare les deux calottes, s'invagine à l'intérieur de la calotte trophique (fig. 110). Le feuillet interne ou entoderme est et ne peut être constitué que par lacalotte cinétique, dont les éléments im- priment en quelque sorte leur forme aux éléments deschambres ciliées si caracléris- tiques des Éponges adultes. Lorsque la blastula Fig. 110. — Coupe verticale d’un embryon de Sycandra raphanus après l’invagination. — ex, exoderme à cellules granuleuses devenues amiboïdes ; er, entoderme formé par les cellules claires ciliées, invaginées; &, cavité de la gas- trula ; d, cellules marsinales amiboïdes, bordant la bouche de la gastrula et fixant la larve sur les corps étrangers (d'après F. E. Schulze). ne se fixe pas, la calotte trophique, en raison des réserves qu’elle contient et de l’inactivité des cellules qui la consti- 304 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. tuent, est le lieu de formation des nouveaux éléments. Ces éléments peuvent se détacher isolémeñt (Échinodermes) et flotter plus ou moins longtemps dans la cavité de seg- mentation (fig. 111); mais, en général, probablement sous l'influence des courants qui s’établissent nécessairement entre la région trophique et la région cinétique, qui est essentiellement une région de consommation, la calotte trophique s’invagine dans la calotte cinétique et constitue dès lors l’entoderme. La blastula se transforme ainsi en gastrula (fig. 112), et ( | À He Fig. 111. — Stade blastula de S{rongylocentro- Fig. 112. — Formation du mésen- lus lividus montrant l’émigration des cel- chyme dans la gastrula d'Ante- lules du mésenchyme (d’après Korschelt). don rosacea (d’après Bury). V'orifice postérieur qui résulte de l'invagination de, la calotte trophique dans la calotte cinétique est désignée sous le nom de #/astopore. On ne saurait trop insister sur l'erreur qui à fait prendre le blastopore pour une bouche prinui- live ayant fonctionné comme telle, de sorte qu’à un certain moment, sans qu'on puisse diré pourquoi, presque tous les Arliozoaires se seraient retournés bout pour bout. C'est à cette idée fausse, que le blastopore a pu être une bouche primitive, qu’il faut attribuer les efforts des embryogénisies pour déterminer ce que devient ce blastopore et essayer d'établir qu'il prend part, dans certains cas, à la formation de la vraie bouche. Cela n'arrive jamais que dans des cas où la tach ygénèse est très intense et par une voie très détournée. Quoi qu’il en soit, on voit que suivant l’époque à laquelle LA TACHYGÉNÈSE. 305 se fixera la O/astula où l’amphiblastula les cellules locomo- trices de la calotte cinétique pénétreront à l’intérieur de la calotte trophique ou lui formeront un revêtement. Ce der- nier cas est de beaucoup le plus fréquent, puisqu'il est de l'essence des animaux d'être libres, il en résulte que les cellules de l’exoderme qui continuent d’ailleurs à servir à la locomotion, conservent le plus souvent les caractères des cellules de la calotte cinétique. Mais ces caractères déjà développés chez la O/astula n'ont rien à faire avec la situa- tion interne ou exlerne que les cellules de la calotte ciné- tique prendront plus tard relativement à celles de la calotte trophique et qui ne sont, par conséquent, en aucune façon. un signe distinctif soit de l’exoderme soit de l’entoderme. C’est ce dont Delage n'a pas tenu compte lorsqu'il a énoncé cette proposition constituant un évident paradoxe et d’ail- leurs contradictoire dans ses termes mêmes, que les Éponges étaient des animaux dont l’exoderme était interne et l’entoderme externe, des animaux retournés, pour ainsi dire, ce qu’il a simplement traduit en grec en leur donnant la dénomination d'Énantiozoaires (Evavr1oc, inverse). Les faits invoqués par Delage et Hérouard à l'appui de leur thèse d’une prédestination exodermique de la calotte trophique relèvent simplement de la tachygénèse. IL est, en effet, normal qu'elle détermine l’invagination de la ca- lotte cinétique dans la calotte trophique avant la fixation comme cela peut avoir lieu chez les Sycandra; et si un re- tard dans la fixation de la b/astula ou plutôt une proliféra- tion précoce des cellules de la calotte trophique fait pénétrer quelques-unes de ces cellules dans la cavité de la blastula, la seule loi d’hérédité suffit à expliquer qu’elles repassent ensuite à l'extérieur, comme l’a vu Minchin chez la Leu- cosolenia reticulum (1). Il est évident d’ailleurs que leur situa- tion habituellement exlerne doit leur avoir communiqué (4) E. A. Minchin, Notes on the larval and postlarvul development of Leuco- solenia variabilis with Remarks on the Development of other Asconidæ (Pro- ceed, of the Royal Society, vol. LX, 1896, p. 42-52, 7 fig.). ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 20 306 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. un tropisme particulier, ne füt-ce, par exemple, qu'à l'égard de l’oxygène, tropisme qui détermine leur migration. Après avoir critiqué les opinions de Delage et Hérouard sur la valeur morphologique de l’exoderme et de l’ento- derme, on ne peut d’ailleurs que se rallier, au point de vue physiologique, à ce que ces auteurs disent fort judicieu- sement à propos du développement des Bryozouires : « Les termes ectoderme et entoderme n'ont qu'une valeur rela- live et ne correspondent nullement à des objets réels fon- damentalement distincts (1). » Absence de prédestination des feuillets; substitution fréquente d’un feuillet à l’autre par tachygénèse. — 1. — Il résulte de ce qui précède que, contrairement à une opinion à laquelle se laissent fa- cilement aller lesembryologistes, la calotte cinétique et la calotte trophique de la blastula n'avaient pas au début de prédestination particulière, que les différencia- tions qu'elles présentent ne sont nullement liées à ce que la calotte cinétique est destinée à former l’entoderme et la calotte tro- phique, l’exoderme. L’entoderme peut, une fois formé, continuer à donner nais- Fig. 113. — Différentes phases de sance à des cellules isolées qui la séparation des entérocèles de , . sas l'intestin primitif (d'après Selen- S ajoutent à celles contenues déjà SAR ou dans la cavité de segmentation et a, intestin antérieur ; D aiearn constituent avec elles le méso- nine: a “© derme (Échinodermes): c'est là un procédé primitif ; le plus sou- vent, près de l’orifice d’invagination, sur le futur côté ven- tral de l'animal, deux grosses cellules se détachent de l’entoderme, et, par une division répétée tant de ces grosses (1) Zoologie concrète, V, les Vermidiens, 1897, p. 60. E LA TACHYGÉNÈSE. 307 cellules que des cellules filles, le mésoderme somatique se constitue. Cette différenciation précoce et cette division régu- lière des initiales mésodermiques sont évidemment des phé nomènes de tachygénèse; on les observe surtout chez les Vers annelés et les Mollusques. La formation du mésoderme peut être encore plus rapide. Au lieu d'être le résultat de la division d'une initiale mésodermique placée au voisinage du blastopore, le mésoderme se détache latéralement de l'entoderme et sur une assez grande élendue, soit quil apparaisse sous forme de diverticules, soit que deux sillons latéraux symétriques l'isolent graduellement (fig. 113). Fig. 114. — Formation du mésoderme chez la Paludina vivipara. — 1. Embryon vu de profil. — 2. Le même vu de face. — b, blastopore:; d, cavité gastrique primitive; c, diverticules de l’entoderme destinés à former le mésoderme ; f, cavité d’invagination ; v, cellules de la ceinture ciliée (d’après d’Erlanger. Comme ce mode de formation du mésoderme se manifeste chez des animaux que rien dans leur organisation définitive ne rapproche les uns des autres, il est bien manifeste qu’il s’agit ici, non de l'indication d'une parenté généalogique entre des animaux que tout sépare et quoiqu’on en ait fait quelquefois un groupe spécial, sous le nom d’entérocéliens, mais d'un simple processus de tachygénèse. La formation d’un mésoderme entodermique est la règle chez les Chéto- gnathes, les Brachiopodes, les Entéropneustes, les Echino- dermes, les Tuniciers, les Vertébrés; elle se montre aussi, parmi les Mollusques, chez la Paludine (fig. 114). Ce dernier fait important ; tous les autres Gastéropodes ayant un 308 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. mésoderme procédant de chaque côté d'une initiale, il démontre que le second procédé est manifestement dérivé du premier. Il peut arriver d’ailleurs que les deux ébauches soient pleines au moment où elies se détachent de l’ento- derme et se caractérisent par Là plus rapidement. Il. — Les cellules qui constituent la blastula sont, à l’ori- gine, toutes semblables entre elles; une première différen- ciation commence à s'établir par le fait même du mouve- ment de la larve à l’intérieur du milieu où elle vit. Les éléments de la calotte anlérieure ou cinétique prennent des caractères différents de ceux de la calotte postérieure ou trophique. Lorsque celle-ci s’est invaginée à l’intérieur de la première, les conditions d'existence ne sont plus les mêmes pour chacun des feuillets ainsi constitués. L’exo- derme en contact permanent avec le milieu extérieur, subira directement toutes les excitations dont ce milieu est l’ori- gine, et c'est à ses dépens que se forment l’épiderme et ses nombreux dérivés (poils, plumes, glandes, etc.) ; d'autre part, il donne naissance au système nerveux el aux parties essentielles des organes des sens. L’entoderme sera prinei- palement en rapport avec les corps étrangers introduits dans l’organisme et en particulier avec les aliments ; c’est le feuillet nourricier, d’où proviennent le tube digestf et ses annexes (glandes digestives, poumons, etc.). Quant au mésoderme, dont la formation a toujours un caractère essentiellement adventif, il participe à la fois de l’un et de l’autre des deux feuillets extrêmes ; les organes qu'il édifie ont le plus généralement des rapports très étroits avec ceux qui proviennent de l’évolution de l’entoderme ; d’autre part, il est capable de produire des glandes, tout comme l’exoderme. L’exoderme et l’entoderme ont donc réellement dans la for- mation des organes un rôle commandé par leurs positions res- pectives; mais ils ne sont pas si strictement attachés à ce rôle, que des organes cessent nécessairement d’être comparables, si les feuillets fondamentaux n’interviennent pas de la même façon dans leur production. La théorie de la prédestination LA TACHYGÉNÈSE. 309 des feuillets, développée surtout par les frères Hertwig (1), a cependant exercé une influence considérable sur les recherches embryogéniques entreprises depuis une vingtaine d'années. Les naturalistes se sont appliqués, avec un soin extrême, à rechercher le feuillet d’où dérivaient les divers organes dont ils étudiaient le développement. Il était admis comme un dogme jusqu'en ces derniers temps qu'un feuillet donné était l’origine d'organes bien déterminés, et récipro- quement qu'un certain organe s’édifiait toujours aux dépens d'un feuillet et ne pouvait avoir d'autre origine. De nom- breux travaux ont fortement ébranlé la théorie de la spéci- ficité des feuillets. LUE. — 4.— Ainsi Heymons (2) chez les Orthoptères (For- ficulides, Blattides, Gryllides), a montré que l'intestin moyen ne provient pas de l’entoderme mais de l’exoderme. Dans les considérations générales qui terminent son travail, il dit qu'on ne doit plus attacher une importance fonda- mentale aux deux feuillets primaires, attendu que beau- coup de Métazoaires peuvent se passer de l'un de ces feuillets. Pour lui, les feuillets germinatifs sont « biszu einem sewissen Grade indifferente Zellengruppen (3) ». Lécaillon (4) a démontré également que chez les Chryso- mélides, le tube digestif tout entier est d’origine exoder- mique ; l’'entoderme se borne à digérer le vitellus nutritif et disparaît ensuite. Pratt (5) a fait des observations ana- (1) O. et R. Hertwig, Die Cœlomtheorie. Versuch einer Erklärung des Mit- tleren Keimblattes (Jenaische Zeitschrift, Bd XV, 1881, p. 1-150, 3 pl.). — Stu- dien zur Blättertheorie (lena, Fischer, 1882, 4 pl.). (2) Heymons, Die Embryonalenfwicklung der Dermapteren und Orthopte- ren, unter besonderer Berückhsichtigung der Keimblätterbildung monogra- phisch bearbeitet. Tena, 1895, 136 p., 33 fig., 12 pl. (3) Voy. Edmond Perrier, Les colonies animales et la formation des orga- nismes, p. 707 et suiv. (4) Lécaillon, Recherches sur l'œuf et sur le développement embryonnaire de quelques Chrysomélides (Arch. d'Anat. microsc., 1898, 230 p., figures dans le texte, 4 pl.). (5) H. S. Pratt, The embryonic History of Imaginal Dises in Melophagus ovinus L., together with on Account of the earlier Stages in the Development of the Insect (Proceed. Bost. Soc. nat. Hist., vol. XXIX, 1900, p. 241-272, nes, Dis) 4 310 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. logues sur le Melophagqus ovinus. Les études de Vaney (t) sur deux autres Diptères, le Gastrophilus equi et le Tany- pus (sp. ?) ont établi que les disques thoraciques et abdomi- naux sont d’origine exodermique, tant dans la partie épi- théliale que dans le mésenchyme de ces disques; ce dernier donne naissance aux muscles et aux trachées. On peut donc aujourd’hui, d'après les résultats obtenus chez les Orthoptères, les Coléoptères et les Diptères, consi- dérer les disques imaginaux thoraciques et abdominaux comme ayant une origine exodermique, conformément aux vues exprimées dès 1875 par J. Künckel d'Herculais (2) et Ganin (3) et plus tard par van Rees (4). A. Kovalevsky (5) pensait que les {rois feuillets avaient chacun leur ébauche dans les disques imaginaux. Il n’est pas sans intérêt de rappeler ici que c’est J. Künckel d’Herculais qui, le pre- mier, dès 1875, montra nettement l’origine épidermique des disques imaginaux, dans sa magistrale étude sur les Volu- celles; il mit également en évidence ce fait important : que ces organes doivent avoir la même signification chez tous les Insectes et que chezles Muscides, ils présentent cette particu- larité d’être situés en profondeur, loin de l’épiderme auquel ils sont rattachés par un fin pédicule. Il proposa pour les désigner le nom d’Aistoblastes qui a le mérite d'exprimer (1) C. Vaney, Contributions à l'étude des larves et _des métamorphoses des Diptères (Ann. de l’Univ. de Lyon, nouv. série, fase. 9, 1902, 171 p, 4 pl.). (2) J. Künckel d’Herculais, Recherches sur l'organisation et le développement des Volucelles. Paris, G. Masson, 1875-1881. (3) M. Ganin, Mutériaux pour servir à l'histoire du développement post- embryonnaire des Insectes (en russe) (Soc. des Médecins et des Naturalistes de Varsovie, 76 p.,4 pl.). — Travail résumé par Hoyer : Protocolle der Sitzun- gen der Section für die Zoologie und vergleichende Anatomie der f. Versammlung russischer Naturforscher und Ærtzte in Warschau im September 1876 (pour le Mémoire de Ganin, Voy. p. 386-389), in Zeitsch. für wissensch. Zoologie, Bd XXVIIL, 1877, p. 385-419. (4) J. van Rees, Beiträge zur Kenntniss der inneren Metamorphose von Musca vomitoria (Zool. Jahrb., Bd I, 1888, p. 1-134, 10 fig. dans le texte, 2 pl.). (5) A. Kovalevsky, Beiträge zur Kenntniss der nach embryonalen Entwick- lung der Musciden (Zeitsch. für wiss. Zoologie, Bd XLV, 1887, p. 542-594, 5 pl.). LA TACHYGÉNÈSE. 311 brièvement leur nature et leur fonction, et qui est préférable à tous égards à celui de « disques imaginaux », attendu que la forme de ces masses embryonnaires est très variable; la plupart d’entre elles sont fort peu discoïdes. D'autre part, A. Conte (1) a constaté que chez les Néma- todes parasites, l'intestin est reconstitué par des éléments d’origine probablement mésodermique. Dans son étude du développement du Lo/igo, Faussek (2) a élabli la reconstitution de l'intestin moyen aux dépens du mésoderme. Dans le chapitre VI qui termine son impor- tant travail, cet auteur fait une étude critique des travaux des embryologistes, concernant la dégénérescence et la régé- nération de l’entoderme dans les divers groupes du règne animal. Il rappelle à ce sujet les travaux de Kovalevsky et de Marion qui avaient constaté chez les Alcyonnaires « une véritable identité physiologique des deux feuillets »; de Wilson sur la Æenilla et la Manicina; de Lang sur la Discocelis tigrina ; de Bobretzky sur la Nassa mutabilis, de : Brauer sur le Scorpion, de Reichenbach sur l'Écrevisse, etc. b.— Bien que le bourgeonnement ne puisse être identifié de tous points au développement normal, à partir de l'œuf, il n’en n’est pas moins vrai qu'au point de vue de la spéci- ficité des feuillets, les deux phénomènes sont étroitement liés l’un à l’autre ; les arguments spécieux qu'ont fait valoir les partisans de l'intangibilité de la théorie des feuillets ne résistent pas à l'examen impartial des faits. Chun (3\ a montré que chez la Aathkea octopunctata et la Lizzia Claparedu, les bourgeons qui se développent sur le manubrium ont une origine exclusivement exoder- mique. Chez les Annélides, l’exoderme peut régénérer tous (1) A. Conte, Contributions à l’embryologie des Nématodes (Ann. de l'Univ. de Lyon, nouv. série, fasc. 8, 1902, 133 p., 137 fig. dans le texte). (2) V. Faussek, Untersuchungen uber die Entwickelung der Cephalopoden (Mith. zool. Stat. zu Neapel, Bd XIV, 1900, p. 83-237, 11 fig. dans le texte, 1. VI-X). k (3) G. Chun, Atlantis. Biologische Studien uber pelagische Organi*men. 1 Ca- ditel. Die Knospungsgesetze der proliferende Medusen (Bibl. Z., Chun et Leu- ckart, 19 Heft, 1895, p. 1-52, 4fig., pl. I-IL). 212 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. les organes qui, chez l'embryon, proviennent des divers feuillets germinatifs. Chez les Bryozoaires, l'œuf, d'où dérive le premier individu de la colonie, donne naissance, au cours de son développement, à l’exoderme, au mésoderme et à l’entoderme du bryozoïde correspondant. De cestrois feuil- lets, le premier seul se continue à travers les ramifications de la colonie, de sorte que les bryozoïdes qu'il produit par bourgeonnement sont tout entiers exodermiques. Chez les Tuniciers coloniaux, les faits sont plus curieux encore. D’après Hijort, chez les Botryllus, lous les organes du blasiozoïde naissent de la vésicule interne du bourgeon, en continuité avec le sac branchial de l’oozoïde; ce sac étant d'origine exodermique, il en résulte que tout le bourgeon est d’origine exodermique (1). Par contre, chez les Po/y- clinuin, tous les organes du bourgeon dérivent de l’épicarde qui, au début, n’est qu'une invagination de l'intestin et est par conséquent entodermique. Tous les organes im- portants du bourgeon sont donc ici entodermiques (2). Les métamorphoses des Insectes et le bourgeonnement des Bryozoaires, phénomènes dans lesquels la tachygénèse inter- vient à un si haut degré, semblent indiquer qu'il faut attri- buer à son action le transfert à l’exoderme de fonctions habi- tuellement exercées soit par l’entoderme et le mésoderme, soit par l’exoderme et les deux autres feuillets. Les histo- blastes des Insectes sont en effet des replis exodermiques ; mais ils ne se bornent pas à reconstituer l’épithélium chiti- nogène {.ypor/erme des auteurs); ils reconstituent également les muscles de la paroi du corps qui sont habituellement mésodermiques. Chez les Bryozoaires, l’exoderme constitue non seulement les muscles, mais aussi le tube digestif qui est habituellement d’origine entodermique. Il est à noter d’ailleurs que lorsque le mésoderme est cons- (1) D’après Pizon, le sac branchial chez les Botryllus est d’origine endo- dermique. (2) J. Hjort, Beitrag zur Keimblätterlehre und Entwivklungsmechanik der Ascidienknospung (Anat. Anzeiger, Bd X, 189%, p. 215-219, 5 fig.). LA TACHYGÉ\NÈSE. 31 titué par des replis de l'entoderme, ce dernier peut être con- sidéré comme ayant indirectement produit tous les tissus dont la formation revient habiluellement au mésoderme. C’est ce qui est en particulier bien évident chez les Échi- nodermes, où non seulement les muscles, les glandes géni- tales, les canaux absorbants, l’appareil ambulacraire, mais le système nerveux du calice et de l’axe des bras des Cri- noïdes sont d’origine nettement entodermique (1). Or les Échinodermes sont des animaux à métamorphoses, à tachy- génèse intense, par conséquent, comme les Insectes et les Brvozoaires. Bien qu'il ne soit pas possible d'admettre, — comme Faus- sek et Saint-Rémy (2) l'ont fait remarquer, — la définition purement physiologique du feuillet germinatif, telle que F. Braem (3) l'a proposée, il est certain qu'on ne peut plus conserver aujourd'hui pour le Règne animal tout en- tier, la notion du feuillet, telle que O0. Hertwig l’a exposée dans son traité d'embrvogénie des Vertébrés. Les feuillets doivent être caractérisés par leur situation et non par leurs fonctions ou leurs caractères histologiques : autrement, on se condamne à des embarras inextricables. Les deux feuillets peuvent se remplacer l’un l’autre ; ainsi, la nutrition de l'embryon qui échoit d'ordinaire à l’ento- derme peut être assumée, dans Le cas où celui-ci disparaît à un stade précoce, par un épithélium d’origine exodermique. On doit admettre avec V. Faussek «qu'entre les feuillets germinatifs, il n'existe aucune différence physiologique et histogénique importante ». Il est à noter d’ailleurs que les deux feuillets primaires conservent leurs caractères et leurs fonctions dans la (1) Edmond Perrier, Mémoire sur l'organisation et le développement de la Comatule (Antedon rosaceus). — Nouvelles Archives du Muséum d'histoire naturelle (2° série, t. IX, 3° série, t. I et LL, 1887-1890). (2) D' Saint-Rémy, La valeur morphologique des feuillets germinatifs (Rev. gén. des Sc. pures et appliquées, 1901, t. XII, p. 578-582). (5) F. Braem, Wus ist ein Keümblatt? (Biol. Centralbl., Bd XV, 1895, p. 427-443, 466-476, 451-506, 3 fig.) 314 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. plupart des types primitifs des divers embranchements, de sorte que la substitution d’un feuillet à l’autre, au cours du développement des formes les plus évoluées, apparaît comme un processus d'accélération embryogénique. IV. — Les divers processus de formation du mésoderme se retrouvent dans la genèse d’un très grand nombre d'organes. Très souvent, c'est par la pénétration des élé- ments des parois d’une cavité à l’intérieur de celle-ei que les organes nouveaux se forment. Cette pénétration ne peut guère avoir lieu que par les pro- cédés suivants, auxquels on peut convenir de donner des noms appropriés (1). 1° Les éléments quittentisolément la paroi pour s’enfoncer dans la cavité; c’est la sporadobythie (orooés, ddocs, épars, dispersé ; fuhifw, icw, enfoncer). 2° La paroi se fend, par division tangentielle de ses élé- ments, en une couche superficielle et une couche profonde qui s'isole plus ou moins; c'est l’hyménobythie (iuv, &oc. membrane). 3° Une partie de la paroi s'invagine dans la cavité ou, si la paroi est intérieure par rapport à la cavité, s'évagine pour pénétrer dans celle-ci; c’est la physobythie (oïouyé, vyyoc, ampoule, vésicule). 4 L’invagination est remplacée par la formation d'un bourgeon solide ; c’est la s{éréobythie ou soreusie (Giard) (co, urne ; oresecc, solide). On peut admettre que l'accélération embryogénique va en croissant du premier au dernier de ces procédés (2). Le fait (1) Ed. Perrier, Rapport sur le prix Serres (C. R. de l’Acad. des Sc., 1896, t. CXXIIL, p. 1151-1159). (2) A. Giard a déjà indiqué le fait pour les deux derniers procédés [Sur la formation des organes par entérocælie et schizocælie. Signification de ces pro- cessus (G. R. Acad. des Sc., 13 janv. 1890)]. Il a énoncé ainsi la loi à laquelle l'ont conduit ses recherches embryogéniques : Lorsque, dans le développement d'animaux voisins, un organe prend naïs- sance, tantôl par invagination ou reploiement d'un feuillet cellulaire (processus Wolffien), tantôt par formation d’une masse cellulaire pleine qui, plus tard, peut se cliver ou se creuser d’une cavité, ce deuxième mode de formation doit étre considéré comme une condensation du premier. LA TACHYGÉNÈSE. 315 que chez les Poissons osseux, la stéréobythie remplace dans le développement de la plupart des organes le processus de la physobythie offert par les Poissons primitifs, les Sélaciens, par exemple, suffit à montrer que le premier de ces processus embryogéniques est effectivement plus récent que le second. : L’inversion apparente des feuillets blastodermiques chez les Rongeurs, étudiée par M. Mathias Duval (1), s'explique par un phénomène de tachygénèse. Si l'on fait application de ces données au développement des méduses, par exemple, on s'aperçoit bien vite qu'il ya là des phénomènes évidents de tachygénèse s'opposant à ce que l’on puisse déduire quoi que ce soit de leur mode de formation, quant à leur origine morphologique : 1° la sous- ombrelle et l'enveloppe de la Méduse sont, en effet, le résullat d’une stéréobythie de l’exoderme; 2° une cavité creusée dans le bourgeon stéréobythique donne à la fois nais- sance à la cavité dela sous-ombrelle et à la fente qui sépare l’ombrelle de son enveloppe. Si l’on s’en tenait à un tel pro- cessus embryogénique pour expliquer la Méduse, elle demeurerait éternellement inintelligible. Dans ses recherches sur la structure des os des Poissons, P. Stephan (2) a nettement indiqué l'intervention de la tachygénèse dans l'édification de ce issu osseux. « Le phénomène qui remplace un os très grossièrement fibreux par un autre finement fibrillairé, c’est-à-dire une partie à éléments ossifiés quand ils sont déjà bien différen- ciés, par une autre dont les éléments ossifiés ont atteint un stade peu avancé, ce phénomène indique une progression dans la précocité de l’ossification, qui arrête toute différen- ciation ultérieure de la substance fondamentale. C’est là une tendance de même nature que celle qui amène la diffé- (1) M. Duval, Le Placenta des Rongeurs (Journal de l’Anat. et de la Physiol. de l’homme et des animaux, Pouchet, 27° ann., p. 24-73, 344-395, 515-612, 28° ann., p. 58-98, 333-453, 16 pl., 1891-1892). (2) P. Stephan, Recherches histologiques sur la structure du tissu osseux des Poissons (Bull. scient. de la France et de la Belgique, t. XXXIII, 1900, p. 283-431, 8 pl.). 316 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. renciation précoce des organes, dans le cours du dévelop- pement embryogénique, c'est-à-dire que ce qui a été appelé accélération embryogénique. On pourrait lui donner le nom d'accélération histogénétique. » On peut rapporter à un phénomène du même ordre la formation de cette première substance osseuse homogène des très jeunes poissons. Il est vraisemblable que cet os embryonnaire est le résulfat d'une accélération histogéné- tique, qu'il représente par conséquent une substance conjonctive ossifiée avant d’avoir atteint une certaine diffé- rencialion. Stephan a bien mis en évidence celte action tachygéné- tique dans l’évolution des pièces osseuses dans le même groupe (dents, écailles, parties profondes du squelette), depuis les formations primilives pleines,massives, jusqu aux os plus parfaits dans lesquels une néoformation donne naissance à des canaux de Havers. L'évolution des dents chez les Mammifères offre égale- ment à considérer de très intéressants phénomènes de tachygénèse. Ainsi, P. Adloff (1) a constaté que chez les Rongeurs, notamment chez les Sciuromorphes, certaines dents présentes chez l'embryon font défaut chez l'adulte. Chez plusieurs types de même ordre, cet auteur a constaté l'existence d’une dentition antérieure à la dentition de lait et celle d’une autre postérieure à la dentition permanente. Les molaires ne différeraient pas essentiellement des dents de lait, mais proviendraient de la fusion de deux dentitions. Le « diphyodontisme » des Mammifères placentaires aurait son origine dans le « polyphyodontisme » des Reptiles. R. Dewoletzky (2) est arrivé à des conclusions analogues par l'étude du développement des dents chez les Marsupiaux. Les ébauches rudimentaires de dents « linguales » et de (1) P. Adloff, Zur Entwickelungsgeschichte des Nagethiergebisses (Jenaische Zeitschr. für Naturwiss, Bd XXXII, 1898, p. 347-410, 4 fig. Taf. 12-16). (2) R. Dewoletzky, Offene Fragen aus der Geschichte der niederen Säüger (Jahrb. Realgymn. Môüdling, 1898, 26 p.). LA TACHYGÉNÈSE. SANTÉ dents « labiales » indiquent, d’après cet auteur un nombre indéterminé de dentilions, dont une seule parvient à son complet développement. Les résultats obtenus par l’auteur témoignent de la participation de plusieurs dentitions à la formation des molaires. Ces phénomènes successifs de transformation du mode de développement sont particulièrement intéressants dans l’histoire du développement du système nerveux. Le système nerveux à essentiellement une origine exodermique. Chez les Polypes, il n'arrive que rarement à se constituer de véritables organes nerveux; le processus de sa formation est sporadobythique. La sporadobythie est encore conservée dans la constitution des ganglions cérébroïdes des Vers anne- lés, tandis que la chaîne nerveuse se forme par hyméno- bythie ; la plupart des ganglions des Mollusques sont dus soit à une physobythie, soit à une stéréobythie. Enfin, la physobythie devient le mode général de formation du sys- tème nerveux chez les Tuniciers et les Vertébrés, c’est-à- dire chez les animaux pourvus d’une corde dorsale ou Pha- nérocordes. Ceci n’est pas une simple coïncidence; il y a entre l’apparition de la corde dorsale, la tachygénèse du mésoderme et celle du système nerveux qui, tous deux, chez les Phanérocordes, se forment par physobythie, des liens étroits, de sorte que l’on peut dire que c’est à la tachygénèse qu'est due la réalisation du type Vertébré, dont le type Tunicier n’est qu'une déformation : c’est ce que nous allons essayer de démontrer. Origine des Vertébrés (1).— On sait quelasegmentation du corps des Vertébrés, la disposition fondamentale de leur tube digestif, de leur appareil circulatoire et de leur appareil néphridien sont des caractères vraisemblablement hérités des Vers annelés, et que les Vertébrés diffèrent surtout de ces animaux par le renversement de leur attitude, et par l'existence d’une corde dorsale entre le système nerveux et (1) Ed. Perrier, L'origine des Vertébrés (G. R. del'Acad. des Sc., t. CXXVI, 1898, p. 1479-1486). 318 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. le tube digestif. Il est facile d'établir la proposition sui- vante : 1° Lerenversement d'attitude est dû au grand développement et à la tachygénèse du système nerveux. — 2 La production d'une corde dorsale est due aux conditions tachygénétiques de la formation tout à la fois du système nerveux et du méso- derme. En effet, l’ébauche primitive du système nerveux con- siste dans la différenciation et l'invagination, par des procédés variables dans le détail, d’une vaste plage qui s'étend presque d’un pôle à l’autre de l’embryon et com- prend dans son étendue, tout à la fois la région où devra se constituer l’invagination buccale et le blastopore. La parte invaginée se transforme en un tube nerveux continu d'une extrémité à l’autre du corps. C’est ce tube formé très préco- cement et non letubedigestif que rencontrerait l’invagination buccale, si elle venait à se montrer. Elle cesse de se produire, et c’est très probablement une fente branchiale latérale qui remplira les fonctions de bouche (1). De la sorte le futur ver- tébré se trouve amené d’abord à se coucher sur le côté du corps pour manger, puis à tourner vers le sol la face opposée à la face neurale. L'histoire embryogénique de l’Amphiorus quoique déjà modifiée par la tachygénèse, montre nettement comment le Provertébré devenu pleurothélique, est en même temps devenu dissymétrique, et comment sa symétrie s’est rétablie secondairement, la bouche redevenant médiane, mais anti- neurale. La bouche devant être nécessairement appliquée contre le sol quand l'animal cherche sa nourriture ou mange, c'est-à-dire durant ses occupations habituelles, le Vertébré a été ainsi amené à tourner vers le sol sa face anti- neurale, c’est-à-dire à prendre une attitude exactement inverse de celle du Ver annelé ancestral. (4) Van Vijhe, Ueber Amphioœus (Anat. Anzeiger, 8 Jahrg., 1893, p. 152- 172). — A. Dohrn, Der Ursprung der Wirbelthiere und das Princip des Func- tionswechsels, Lepzig, p. 1-15, 1875. LA TACHYGÉNÈSE. 319 Il n’y a rien de commun entre ces changements pAysic- logiques d’attitude et l'inexplicable retournement bout pour bout imaginé par ceux qui, prenant le blastopore pour une bouche primitive, ont été conduits à voir dans le canal neurentérique une sorte d’œsophage primitif qui aurait conduit dans un tube digestif exodermique, devenu plus tard le système nerveux (1). Le blastopore, nous l'avons dit, n’a jamais été une bouche par la bonne raison Fig. 115. — Coupes transversales de deux embryons d’'Amphioxus, montrant deux phases successives de la formation du système nerveux, du mésoderme et de la corde dorsale. — n, plaque nerveuse; cd, cellules de la corde ; me, évagi- nations mésodermiques ; ec, exoderme; ef, entoderme (d'après B. Hatschek). que sa position est nécessairement postérieure ; le système nerveux na jamais été un tube digestif, et l'existence d'un canal neurentérique est une conséquence directe de la tachygénèse du système nerveux. Si, maintenant, l’on cherche à déterminer comment s’est constituée la corde dorsale, on reconnaît que chez l’Am- phiozus, les Tuniciers et les Vertébrés primitifs, tout au (4) W. H. Gaskell, Address to (he physiological section on : « The origine of Vertebrates » (British Assoc. for the Adr. of Sc., Meet. in Liverpool, 1896, 31 p., 9 fig.). — On the origin of Vertebrates, deduced from the Study of Am- mocætes. 1, The origin of the Brain; 1, The origin of the Vertebrate cranio- facial skeleton (Journ. of Anat. and Physiol., vol. XXXIL, p. 513-581, 7 fig. ; vol. XXXIL, p. 154-188, 6 fig., 3 pl.). 320 ED PERRIER et CH. GRAVIER. moins, la région de l’entoderme qui la forme présente des rapporls morphologiques très précis. Elle est placée exacte- ment au-dessous de la plage exodermique qui constitue l'ébauche primitive du système nerveux et entre les deux ébauches entodermiques du mésoderme (fig.115).Qr, ces trois régions sont trois régions d'accroissement rapide qui puisent dans la plage entodermique, avec laquelle elles sont en rap- port, tous leurs matériaux nutritifs. Les cellules de cette plage sont donc rapidement vidées, entrent en mortüfication après quelques transformations secondaires, soit de la plage qu'elles forment, soit de leur propre constitution, et c’est cette plage mortifiée dont l'existence est la conséquence directe de la formation tachygénétique de l’exoderme et du mésoderme qui devient la corde dorsale. Tout le Vertébré se trouve donc expliqué; c’est encore un type organique créé en quelque sorte par la tachygénèse, liée pour une part elle-même à l’exagération des dimensions relatives du système nerveux. Y. Delage et Hérouard (1) ne veulent pas admettre ce déterminisme concernant la mortification des cellules de la plage d'où provient la corde dorsale; mais ils ne donnent de leur opinion aucune raison plausible. Le fait de la disparition de toutes les réserves de la corde et de leur régression est d’ailleurs incontestable. Il est inutile d’ajouter que les prétendus Prochordés et Céphalochordés auxquels ils essayent de rattacher les Verté- brés sans pouvoir expliquer d’ailleurs comment ils ont été constitués, ni comment ils ont pu donner naissance aux Vertébrés, sont aujourd'hui de plus en plus abandonnés. Tachygénèse dans la segmentation; examen des bases de la théorie du plasma germinatif de Weismann. — La segmentation totale et égale de l'œuf aboutissant à une blastula à large cavité qui devient une gastrula par invagina- tion de sa calotte postérieure dans sa calotte antérieure, paraît bien être le mode primitif de segmentation et de développe- (1) Y. Delage et E. Hérouard, Traité de zoologie concrète; VIII, les Pro- cordés, 1898. LA TACHYGÉNÈSE. 324 ment, chez les Artiozoaires tout au moins. Les divers autres modes de segmentation semblent bien dérivés de celui-là et n’en être que des modifications tachygénétiques. La discus- sion de ces modifications serait à la fois fort longue et sans grand intérêt pour la question qui nous occupe. Mais l'enquête Fig. 116. — Segmentation chez une Nereis. Exemple d’une segmentation inégale à l'origine et dont les éléments ont une destination indiquée à un stade très précoce. — À, stade à deux cellules (avec gouttelettes d'huile à leur intérieur). — B, stade à quatre cellules. Le plan du second clivage correspond au futur plan médian. — C, même stade, vu du côté droit. — D, stade à huit cellules. — E, stade à seize cellules. Les cellules { donnent naissance à la ceinture ciliée (prototroque) de la larve; la cellule X, à la chaîne nerveuse ventrale; les cellules D, aux bandes mésodermiques, aux cellules germiuatives et à une par_ tie du tube digestif. — K, stade à vingt-neuf cellules, vu du côté droit; p, an neau de celluies qui forment la ceinture ciliée de la larve (d'après E. B. Wilson). soigneuse, faite récemment par divers embryologistes sur le sort des blastomères, successivement issus les uns des autres par bipartilion, a conduit à des résultats importants au point de vue de la tachygénèse. C’est à elle qu'il faut attri- buer successivement : 1° l'orientation précoce de l'embryon dont l'extrémité antérieure, l'extrémité postérieure, la face ANN. SC. NAT. ZOOL, XVI, 21 222 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. dorsale et la face ventrale arrivent à être déterminées dès les premiers stades de la segmentation; 2° la disposition régu- lière et symétrique des blastomères; 3° leur apparente prédestination (1), résultant de ce que leur nombre et leur arrangement demeurent constants à chaque stade (fig. 116), de sorte que les mêmes organes ou les mêmes régions du corps naissent finalement de blastomères déterminés. C'est à cette dernière catégorie de faits que se rattache l'isolement précoce, chez certains animaux de petite taille et à développement très rapide (Daphnies, Pucerons, Roti- fères, Nématodes, etc.), du blastomère qui doit donner naissance aux glandes génitales (fig. 117). Cette spécialisa- tion est pour ainsi dire la condilion de la formalion et de l'activité précoces des organes génitaux dont ces animaux si souvent parthénogénétiques fournissent le plus frappant exemple. Elle est la conséquence d’une lachygénèse intense agissant principalement sur les organes génitaux et rentre dans une catégorie très générale de phénomènes qui ne portent pas seulement sur ces organes. Les remarquables expériences de Driesch, de Boveri, de Roux, Morgan, Loeb, Wilson, etc., ont montré qu'il n'ya dans l'œuf aucune localisation cytoplasmique en relation avec des parties déterminées de l'adulte, puisqu’un frag- ment d'œuf peut donner naissance à une larve complète, et ce, chez des animaux appartenant à des embranchements très différents : Cœlentérés, Échinodermes, Tuniciers, Amphi- biens et Poissons. C'est pour n'avoir pas saisi ce lien que Weismanp a élé conduit à formuler cette théorie de la continuité du plasma germinatif qui a fait en Allemagne et sur quelques (4) L. Chabry, Contribution à l'embryologie normale et tératologique des As- cidies simples (Journ. de l’Anat. et de la Physiol. de l’homme et des ani- maux, 1887, t. XXII, p. 167-319. — VW. E. Castle, The early Embryology of Ciona intestinalis (Bull. of (he Museum of comp. Zool. at Haward College, vol. XXVIL, 1896, p. 203-280, 13 pl. — E. B. Wilson, The Cell-Lineage of Nereis. A contribuéion lo the Cytogeny of the Annelid Body (Journ. of Mor- phol., vol. VE, 1892, p. 361-470, 8 fig., pl. XV-XX). LA TACHYGÉNÈSE. 393 esprits en France une si grande impression. Le fait que la cellule initiale de l’ap- pareil génital s'isole .::: @ù chez quelques formes eo #0. > x Myers * at _._— à embryogénie très Émis SNS" accélérée dès les pre- miers stades de la seg- mentation n’est nulle- ment une preuve quil existe un plasma for- matifetun plasma qer- minalif, l’un ne don- nant naissance qu'à des parties essentiel- lement éphémères, l'autre, éternel, prési- dant à l’arrangement des éléments consti- tués par le plasma for- matif, soustrait aux actions extérieures qui peuvent s'exercer sur les corps, et con- servant à travers les milieux les plus di- vers, l'intégrité des formes spécifiques + Fig. 117. — Coupe sagittale dans la région abdomi- C'est simplement une 2alede la bandelette germinative de Phyllodromia LR 4 . germanica après la formation des segments primi- indication du degré tifs.— 1-71, les sept premiers segments abdominaux: RENE du huitième segment abdominal (8) au dernier (es), extrème auquel est s'étend la partie de la bandelette germinative parvenue la tachygé- repliée sur la face ventrale ; am, amnios ; c, diver- ticules du cœlome ; d, vitellus nutritif; gz, cellulea nèse de I appareil GE génitales, situées en partie dans les dissépiments, nital dans les formes partie dans la paroi ou à l’intérieur des seg ARE ments primitifs (d’après Heymons). tachygénétiques, en vertu des règles mêmes de l’hérédité. Loin de fournir un argument contre l’hérédité, ainsi que le pensait Weismann. 394 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. ce fait est, au contraire, une conséquence de la façon dont s'exerce normalement l’hérédité. Là encore, la notion de la tachygénèse suffit à expliquer un processus qui paraît assez surprenant, en l'absence de cette notion, pour avoir donné naissance à toute une vaste théorie qui a malheureu- sement le défaut de reculer les explications, de buter sou- vent contre les faits et de ramener la biologie à une allure métaphysique tout à fait contraire à celle qui à été si féconde dans les autres sciences. Dans son excellent ouvrage sur la cellule, E. B. Wil- son (1) a mis clairement en évidence les points faibles de la théorie de Weismann, dont il admire l'ingéniosité, mais dont il critique le caractère métaphysique. L'hypothèse de Roux qui lui sert de base, la division qualitative du noyau, grâce à laquelle chaque noyau reçoit une chromatine spéci- fique qui fixe le sort de la cellule correspondante, et donne à cette dernière un pouvoir particulier de « self determina- tion » ou de « self differentiation », conduit, dans l’appli- cation, à une complication absolument inconcevable. Il est curieux de remarquer avec Wilson que c’est Roux lui- même qui a contribué le plus à en démontrer l’inanité (2). Lorsqu'il étudia le développement d’un blastomère séparé de son congénère, au stade 2 de la segmentation de l’œuf de la Grenouille, il constata que le demi-embryon finit par récupérer les parties manquantes qui, normalement, pro- viennent de Ja division du second blastomère (fig. 118). Les très curieuses expériences de H. Driesch et de E.-B. Wilson (fig. 119) sur l'influence de la pression dans le mode de segmentation de l'œuf (Échinodermes, Nereis), sont tout aussi démonstratives, dans un autre ordre de fails, contre (1) E. B. Wilson, The cell in development and inheritance, 2° édition, 1902, New-York, The Macmillan Company. (2) W. Roux, Beiträge zur Entwicklungsmechanik der Embryo. Ueber die Künstliche Hervorbringung halber Embryonen durch Zerstérung einer der beiclen ersten Furchungshugeln, sowie über die Nachentwickelung (Postgenera- tion) der fehlenden Korperhälfte, Arch. Path. Anat., Bd. CXIV, p. 113-154, 246-291, Taf. IL, LT. LA TACHYGÉNÈSE. 325 l'hypothèse de Roux qui est encore démentie par les expé- riences sur la « mérogonie » de Boveri el de ses successeurs, © 9 00 a vo © o| o o o A) 0° © Fig. 118. — Demi-embryous de Grenouille (en section transversale) provenant de la multiplication de l’un des deux premiers blastomères; le second blastomère étant tué aussitôt après la première bipartition de l'œuf. — A, demi-blastula (le blastomère mort est situé à gauche). — B, stade plus avancé. — C, demi- têétard avec le repli médullaire et la plaque mésodermique; régénération de la moitié manquante. — ar, cavité archentérique; c.c., cavité de segmentation, ch, notochorde; m.f., repli médullaire; ms, plaque mésodermique. (D’après Roux.) et surtout par les nombreux faits de régénération connus, tant chez les animaux que chez les végétaux. De nombreuses expériences pratiquées sur les œufs les plus divers ont montré qu’un blastomère isolé peut engen- 326 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. drer un embryon complet, parfois de dimensions réduites, comme s'il provenait d'un œuf de taille inférieure à la Fig. 119. — Modifications de la segmentation par l'effet de la pression, chez une Nereis. — A,B, stades normaux, à quatre et à huit cellules. — GC, trochophore (trochosphère) normale, avec quatre cellules entodermiques. — D, stade à huit cellules provenant d'un œuf aplati; les œufs ainsi traités donnent naissance à des trochophores pourvues de huit cellules entodermiques au lieu de quatre. Les chiffres indiquent les clivages successifs. (D’après E.-B. Wilson). normale. Les plus curieuses de ces expériences sont dues à Zoja (1) sur les Polypes des genres Clylia et Laodce. (1) R. Zoja, Sullo sviluppo dei blastomeri isolali dalle uova di alcune Meduse (e di altri organismi) (Arch. für Entwicklungsmech., Bd I, p. 578-595, pl. XXI- XXIIL; Bd I, p. 1-37, pl. 1-IV). : LA TACHYGÉNÈSE. SEAT | Ce zoologiste a obtenu des embryons parfaits non seulement avec les blastomères du stade à 2 et à 4 cellules, mais encore à 8 et à 16 cellules. Dans ce dernier cas, l'embryon nain n'atteint que le seizième de la taille normale. Ces expériences démontrent que les premières divisions, {out au moins, ne séparent, ni dans le noyau, ni dans le cytoplasme, des matériaux de « qualité » différente, puisque chacun des blastomères est capable de donner naissance à un embryon complet, et contient, par conséquent, toutes les parties essentielles pour aboutir à un tel développement. L'isolement des blastomères et leur développement, soit en embryons complets, soit en parties d’embryon sont d’ailleurs des phénomènes qui sont très fréquemment réa- lisés naturellement, comme processus tachygénéliques, et poussés à un degré de perfection que l’expérimentalion ne saurait atteindre. Ils apparaissent avec toute leur netteté dans les cas si intéressants relatifs au développement des Hyménoplères parasites étudiés par M. Marchal et par M. Giard, mais on les retrouve accompagnés de circonstances accessoires qui les masquent plus ou moins complètement dans un grand nombre d’autres cas. Chez les Cladocères (Moina rectirostris, Leplodora hya- lina, etc.), l’un des blastomères issus de la cinquième segmentalion sisole déjà pour constituer les organes génitaux. Comme les éléments de ces glandes proviennent de la division de ce blastomère, qu'ils ne sont le siège d'aucune différenciation spéciale et qu'ils évoluent pendant toute la belle saison, sans aucune fécondation préalable en nouveaux individus, ces individus peuvent être évidem- ment considérés comme résultant du développement de blastomères isolés. Ce qu’on nomme, dans ce cas, parthéno- génèse n'est que la conservation par les blastomères de la faculté d'évoluer en embryons. On observe de même une différenciation très précoce de l'élément qui devra former les glandes génitales chez les Pucerons et les Rotifères, de sorte que la parthénogénèse de ces animaux doit proba- 328 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. blement recevoir la même interprétation que celle des Cla- docères et se rallacher par conséquent directement à la tachygénèse. Il en est de même de la pédogénèse des larves chez les Cécidomyes où la précocité de la séparation des initiales génitales à été constatée, et dès lors il devient vraisemblable que le développement des Cercaires dans Îles Rédies, des Cercaires ou des Rédies dans les Sporocystes des Trématodes digénèses, celui d’embryons emboilés les uns dans les autres chez les Gyrodactylus où de Rédies à l’inté- rieur du miracidium du Monostomum mutabile rentrent dans le même cycle de phénomènes. Mais l'isolement précoce des initiales des glandes génitales peut être également constaté dans un assez grand nombre de cas, sans que pour cela la parthénogénèse apparaisse (1), chez divers autres animaux appartenant aux groupes les plus variés, des Éponges (Maas), des Scorpions (Brauer), des Phalangium, des Crustacés (Cyclops, Lernæa), des Nématodes (Ascaris, Strongylus), des Insectes (Chironomus, elc.), des Vers (Sagitta), des Cépha- lopodes, divers Sélaciens (Pristiurus, Seyllium, Raja); 4 est probable qu'on le retrouvera dans bien d’autres cas. Les cellules germinatives (germ-cells de Beard) issues d’un blastomère de bonne heure isolé ne demeurent pas néces- sairement rassemblées; elles peuvent se séparer, se loger dans les régions du corps les plus diverses, se déplacer par des mouvements amiboïdes; beaucoup semblent disparaître sans se développer ; la plupart gagnent peu à peu une région déterminée où elles seront l’origine des ébauches génitales. Nous aurons tout à l'heure à revenir sur les consé- quences de ce mode d'évolution manifestement tachygé- nélique des glandes génitales. Les blastomères dissociés naturellement n’évoluent pas toujours de manière à produire un embryon tout entier. (1) J. Beard, The morphological continuity of the germ-cells im Raja bates (Anatomische Anzeiger, vol. XVIIL, 1900); — The germ-cells of Pristiurus (Ibid., vol. XXI, 1902); — The track of heredity in plants and animals (Transactions of botanisch Society of Edinburgh, Januar 1902). LA TACHYGÉNÈSE. 329 On sait que les œufs des animaux se développent très souvent parmi d’autres éléments dont ils ne se distinguent pas tout d’abord et qui sont souvent utilisés, soit pour les nourrir (vitellogène des Vers plats), soit pour leur former un follicule, soit pour constituer les conduits génitaux. Chez les Tuniciers ces éléments secondaires fournissent à l’œufune enveloppe mais ne cessent pas de se multiplier et pénètrent dans le vitellus qu'ils continuent à digérer au profit de l’em- bryon. Sile développement de celui-ci s’accélérait, la multi- plication des éléments secondaires demeurant active, il est évident que les éléments nés de cette multiplication s’intro- duiraient à un premier stade d'accélération, non plus dans le vitellus encore indifférencié, mais entre les blastomères ; qu’à un second stade, ils pénétreraient dans les ébauches des organes de l'embryon dont ils reproduiraient l’arran- sement et l'on comprend qu'à un troisième stade, si la multiplication des cellules folliculaires était poussée au maximum, en détournant à leur bénéfice la nourriture des- tinée à l'embryon, ces cellules retarderaient au profit de leur propre multiplication, les divisions des blastomères qui pourraient dès lors se trouver fort peu nombreux à un moment où les éléments secondaires se seraient assez mul- tipliés pour construire à eux seuls une véritable ébauche d'un faux embryon contenant dans ses diverses parties de rares blastomères disséminés. C'est ce qui arrive chez les Salpes (1); la multiplication des éléments secondaires s'arrête à un certain moment; celle des blastomères devient au contraire active; à mesure que ces éléments se multi- plient, ils digèrent les parties des faux embryons dans les- quelles ils étaient plongés; chaque blastomère se comporte alors comme s'il était prédesliné à construire une partie du corps du jeune animal, comme s’il était demeuré en con- tact avec les autres blastomères où encore éomme s’il était un des éléments indifférenciés qui régénèrent les parties (4) W.-K. Brooks, The genus Salpa (Memoirs of the biological laboratory of the John Hopkins University, Baltimore 1893). 330 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. accidentellement enlevées à un animal. Chabry a montré effectivement que chez les Ascidies chaque blastomère avait, à partir d'un certain moment, un rôle déterminé dans lequel il ne pouvait être suppléé. Cette prédestination apparente est un fait d’'hérédité tachygénétique. Origine des éléments sexuels; intervention de la tachygénèse dans la réalisation des éléments mâles. — Avant d'essayer de montrer comment la tachygénèse est intervenue dans le développement et la différenciation des éléments génitaux, il est nécessaire de rappeler qu'elle se manifeste d’une manière très nelte dans le mode de mul- tiplication des éléments anatomiques soit isolés, soil groupés en organisme, et que les divers modes de segmentation de l'œuf ne se distinguent des différents procédés de division des éléments anatomiques que parce que les phénomènes sont ici compliqués et déformés par la présence d’un vitellus nutritif plus ou moins volumineux. Il est évident que le mode le plus lent de division des éléments anatomiques est la bipartition pure et simple et, puisqu'il est tout naturel qu'un élément anatomique atteigne tout son développement avant de se diviser, on est conduit à penser que c’est aussi le plus pri- mitif; mais la biparlition ne s’accomplit pas elle-même tou- jours de la même manière ; elle est le plus souvent accom- pagnée de curieux phénomènes de caryocinèse, c'est-à-dire de transformation et de déplacement des parties du noyau, auxquels prennent part les sphères attractives, les jila- ments achromatiques, les corpuscules chromaliques où chro- mosomes. En général, 1l n'existe dans chaque élément, au moment de la bipartition, qu’une seule sphère attractive, dont le dédoublement est le premier acte des phènomènes de caryocinèse. Mais ce dédoublement peut s’opérer aussi au moment même de l'individualisalion de l'élément, de sorte que celui-ci contient dès le début deux sphères attrac- tives qui n’ont plus qu'à se déplacer pour donner le signal de la division. IT y a donc ici une tachygénèse manifeste. La division du travail physiologique que nous voyons s'établir LA TACHYGÉNÈSE. 391 dans les œufs d'Zncyrtus (p. 295) entre un noyau nourricier, le noyau amniotique de Marchal, et un noyau de multiplica- tion semble indiquer aussi l'intervention de la tachygénèse dans la séparation chez les Infusoires du noyau unique des plastides ordinaires en deux autres dont on peut dire que l’un est nourricier, actuellement fonctionnel, et sujet à un renou- vellement périodique, tandis que l’autre semble demeurer au repos dans l'intervalle des périodes où 1l fonctionne comme moyen sexuel et persiste en partie dans la série des généra- tions successives d’Infusoires. D'autre part, les phénomènes dits de caryocinèse s’accomplissent avec une régularité trop mathématique pour qu'on puisse admettre qu'il s'agisse là de phénomènes tout à fait primitifs. La forme presque constante des chromosomes pour une espèce donnée, leur égale biparlition, leur répartition en même nombre entre les deux éléments qui résultent de la division d'un élément préexistant, leur persistance en nombre constant, qui en est le résultat, dans tous les éléments d’un même organisme et, qui plus est, dans tous les éléments de tous les organismes d’une même espèce, ont toute l'allure de nee qui ont été graduellement combinés et dont le mode actuel de réali- salion, si frappant par son étonnante précision, est la consé- quence d’une tachygénèse. Il est bien vraisemblable qu’un certain nombre des étapes qui ont été parcourues pour y par- venir, sont encore conservées et qu'une comparaison atten- tive les fera retrouver. On possède déjà quelques indications dans ce sens. Il y a des organismes dont les plastides possèdent de très nombreux chromosomes ; il y en a, par exemple, jusqu'à 168 chez l'A r{emia A Il peut arriver que dans ces espèces à chromosomes nombreux, le nombre des chro- mosomes, au moins dans les cellules du corps, soit variable ; il oscille, par exemple, entre 36 et 80 chez le lapin (1). Note sommes Ici en présence de phénomènes analogues à ceux qu’on observe cheztousles organismes : le one des parties (1) H. Winiwarter, Le corpuscule intermédiaire et le nombre des chromoso- mes du Lupin (Arch. de Biol., t. XVI, 1899, p. 685-707, pl. XXIX). 3932 ED. PERRIER ct CH. GRAVIER. est d’abord considérable et quelconque, puis variable dans certaines limites, enfin, il se réduit et devient fixe. On remarquera d'ailleurs que les cellules germes étant, par leur nature même, des cellules indifférenciées échappent, quant à leur constitution générale, à toute adaptation et qu'il n'est pas étonnant dès lors que, même chez des formes organiques supérieures, elles puissent sinon conserver, du moins revenir à un état toul à fait primitif. La fixité du nombre des chro- mosomes, liée à la réduction de leur nombre qui peut des- cendre à quatre ou même à deux {variétés bivalente et mo- novalente de l'Ascaris megalocephala), est non pas un phéno- mène primilif, mais un résultat acquis et fixé par l’hérédité sous sa forme tachygénétique. Il est évident d’ailleurs que les substances constituant le ruban chromatique sous ses états divers et celles qui forment le cytosarque, en raison même de l’individualité qu’elles conservent et de ce qu’elles sont les unes et les autres vivantes, doivent être considérées comme étant à l’état de symbiose. Dans les éléments anatomiques où leurs relations n'ont pas été fixées d’une facon absolue par l’ensemble de causes que, dans notre ignorance actuelle, nous comprenons sous la dénominalion d’hérédité, une foule de circonstances pouvant favoriser l’évolution de l’une ou de l'autre de ces catégories de substances, augmenter ou dimi- nuer, par exemple, le nombre des chromosomes, faciliter leur dédoublement ou l’enrayer, sans que pour cela les propriétés fondamentales du plastide soient modifiées. Ainsi s'explique que dans plusieurs espèces, le nombre des chromosomes puisse être indifféremment x ou 2 n, par exemple 84 ou 168 chez l’Artemia salina, 2 ou 4 chez l’Ascaris meqgalocephala. L'existence dans une même espèce de deux variétés l’une à », l’autre à 2» chromosomes, n’a rien à faire avec la réduction chromatique constante que l’on observe dans les cellules sexuelles de tous les organismes ; mais les remarques que nous venons de faire n’en trouveront pas moins leur application plus loin quand nous aurons à nous occuper de l’origine et des propriétés de ces cellules. LA TACHYGÉNÈSE. 333 Si la tachygénèse fait sentir son action dans la constitution des éléments anatomiques tels que nous les connaissons, elle intervient aussi dans leur mode de mulliplication. D’après ce que nous venons de dire de la symbiose des substances nucléaires et des substances du cytosarque, il est bien pos- sible qu'à l'origine, les premières se soient multipliées à l'intérieur des secondes sans entraîner la séparation de la masse en plastides distincts innucléés et en constituant ce que les botanistesnommentdes plasmodes; beaucoup d’Algues (Siphonées) et de Champignons (plasmodes des Myxomyceètes) et même certains Protozoaires (Foraminifères) semblent être demeurés à cet état primitif. Mais la bipartition simultanée du noyau et du cytosarque est le procédé constant à l’aide duquel s'édifie, au moins à partir d’un stade très précoce, le corps de tous les organismes. Lorsqu'un autre mode de for- mation des éléments apparaît chez eux, comme c’est le cas pour les noyaux du sac embryonnaire des Phanérogames, pour la segmentation du vitellus des Arthropodes, il ne sau- rail plus être question de la répétition par l’embryogénie d’un état primitif, mais d’une simulation de cetétat, momen- tanément réalisée par suite d’une division particulièrement rapide, et par conséquent tachygénétique, des noyaux, condui- sant, soit à la production simultanée d’un grand nombre de plastides, soit, comme c’est le cas pour les muscles striés à une rapide et haute différenciation du cytosarque du plas- tide. Ce phénomène peut se présenter aussi bien chez les plastides isolés que chez les plaslides associés. C’est ainsi que les Acfinosphærium parmi les Héliozoaires, de nombreux Radiolaires, les Opalina parmi les Infusoires où la scissipa- rité par bipartition est la règle, sont plurinucléés et qu'une division rapide des noyaux suivie de la formation simultanée d'un grand nombre de spores est substituée à la scissiparité par bipartition chez l’'Holophrya(Ichthyophthirius) mulhfils. La division précoce des noyaux est également accompagnée en même temps de la production rapide des Spores chez les Radiolaires ; le cas de la Salinella d’abord uninucléée et 334 ED. PERRIER ét CH. GRAVIER. unicellulaire qui, sans changer de forme, devient pluri- nucléée, puis pluricellulaire rentre manifestement dans les effets ordinaires de la tachygénèse. Ces effets se manifestent d’une façon particulièrement féconde en conséquences chez les Sporozoaires de l’ordre des Coccidies et de l'ordre des Hémosporidies. Ces Protozoaires parasites, pendant une parlie de leur existence tout au moins, des éléments anatomiques, présentent deux cycles évolutifs, correspondant, en général, l’un à la multi- plication du parasite dans son hôte, dont il arrive ainsi à infecter un nombre de plus en plus grand de cellules, l’autre, à la propagation du parasite d’un hôte à un autre. On ne saurait invoquer ici, bien entendu, aucune prédestination, mais simplement une adaptation à des conditions d'existence déterminées de phénomènes d’un ordre plus général, cor- respondant aux différents modes de nutrition et de multi- plication dont un plastide, quel qu'il soit, est susceptible. L'histoire des Volvocinées nous montre effectivement des faits analogues à ceux que nous offrent les Sporozoaires, mais qui sont chez ces algues libres et nageuses dégagés de tout parasitisme, de toute migration, de toute affectation à des modes spéciaux d'existence. Chez les Sporozoaires, on voit donc, dans un premier cycle, le plastide primitivement unique qui constitue le para- site, se multiplier d’abord simplement en divisant son noyau un grand nombre de fois, après quoi son eylosarque se segmente en autant de fragments qu'il s’est formé de noyaux. Chaque fragment emporte un noyau et constitue ainsi un jeune Sporozoaire, qui gagne une autre cellule. Ce mode de multiplication, d’après ce que nous avons dit des Infusoires, est déjà tachygénétique. Le Sporozoaire se multiplie ainsi un certain nombre de fois, il est alors à l’état de Schizonte. Mais l’évolution du Schizonte suit, à partir d’un certain moment ou dans des circonstances déter- minées, une autre direction. Au lieu dese diviser, le noyau semble s’employer à l'alimentation du cytosarque qui gros- LA TACHŸGÉNÈSE. 3939 sit beaucoup et dans lequel s'accumulent des réserves très apparentes sous forme de granulations. A ce travail, le noyau use une partie de sa chromatine qui est éliminée. Au contraire, la division des noyaux s'accélère chez d’autres Schizontes lorsqu'ils sont arrivés à l'état adulte; ceux-là n’accumulent pas de réserves, et il semble même que l’active division de leurs noyaux ait eu lieu aux dépens de la vitalité du cytosarque, car les noyaux se portent à la périphérie du plastide, s'y entourent d’une mince couche de protoplasma, tandis qu'au centre demeure une masse résiduelle de cytosarque qui ne tarde pas à se dissoudre. Les petits éléments, souvent pourvus d’un fouet vibratile. qui se sont ainsi formés, deviennent libres. Il est probable qu'à la suite de la division répétée du noyau primitif, ils ne contiennent qu'une quantité de chromatine, el peut-être de cytosarque, trop faible pour pouvoir s’alimenter par eux- mêmes. Ces éléments se distinguent par une suractivité des sub- slances nucléaires qui épuisent le cytosarque; les premiers sont, au contraire, caractérisés par la paresse du noyau qui s'use à fabriquer des réserves qu'il n'utilise pas (1) ; il se crée ainsi deux états pour ainsi dire complémentaires, mais également incapables de continuer à évoluer iso- lément. L'union des deux sortes d'éléments reconstitue un élément non seulement complet, au point de vue de la quantité de chromatine, mais pourvu de réserves lui permettant de résister à des circonstances défavorables, qui auraient été fatales aux éléments normaux, et qui est, par conséquent, tout à fail apte à franchir, soit par lui-même, soit par des produits de sa division, l'étape par laquelle se fait la contamination d’un autre individu. On considère généralement comme un (1) On peut également admettre que le noyau usé ne fonctionne plus et laisse s’accumuler dans le cytosarque des réserves qu'à l’état jeune il détournait à son profit; il y aurait lieu d'examiner soigneusement les deux alternatives. 336 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. œuf le gros élément pourvu de réserves, comme des sperma- tozoïdes, les petits éléments mobiles; l'union des deux élé- ments est regardée comme une /écondalion suivie de repro- duction sexuelle. L'emploi de ces termes est sans doute ici prématuré. Pour obtenir l'élément mobile du Sporozoaire, il a suffi d'accélérer la division déjà rapide des noyaux du Schizonte ; les vrais spermatozoïdes des animaux supérieurs ont été obtenus par une autre vole; mais tout ce que nous venons de dire est une préparation naturelle à la solution de cette question, si mystérieuse pendant longtemps, de l’origine des éléments sexuels et de celle des sexes. C'est un fait qui semble aujourd'hui bien acquis que l'œuf d’une part, le spermatozoïde de l’autre procèdent des éléments reproducteurs asexués que l’on observe si fré- quemment dans les formes inférieures des deux règnes et dont les spores des Algues et des Champignons, les œufs parthénogénétiques des Rotifères, des Diptères, des Pucerons sont le type. Dans la série de ces éléments, on trouve des transitions graduées soit vers Le gamète femelle, soit vers le gamète mâle, ces formes gardant également d’ailleurs leur facullé reproductrice. Chez les animaux, on n’observe pas comme chez les Champignons et chez les Algues, de termes intermédiaires entre l’isogamie la plus complète et l’hétéro- gamie la plus caractérisée. Même chez ceux qui sont le moins élevés en organisation, l’hélérogamie est presque la règle générale. Il est de plus bien établi qu'au moment de leur union l'œuf et le spermatozoïde sont morphologiquement équi- valents. Ils diffèrent cependant relativement l’un de l’autre par quelques propriétés essentielles. L'œuf est de grande taille, immobile, pourvu d’un plasma volumineux, riche en matériaux nutritifs. Le spermatozoïde est petit, mobile; et son protoplasma est presque réduit à un flagellum vibrant. | Comment ces différences ont-elles été réalisées ? De nombreuses recherches, parmi lesquelles celles de LA TACHYGÉNÈSE. | 331 M. Maupas (1) surles Infusoires ciliés, ont élabli que le noyau jouait un rôle des plus importants dans la nutrition des plas- tides et dans la formation des réserves qu’ils accumulent dans leur cytosarque, mais qu’il s’usait dans cette opération à ce point quil doit être périodiquement remplacé chez ces animaux. Cetle usure qui porte principalement sur la chro- maine, est manifeste chez les éléments reproducteurs qui emmagasinent des réserves et qui se modifient graduellement jusqu’à devenir des gamètes femelles, mais elleatteint divers degrés. Tant qu’elle est faible, l'élément conserve toute sa chromatine usée ou non, et demeure susceptible de déve- loppement sans fécondation, c'est un œuf parthénogéné- tique. Lorsqu'elle atteint un certain degré, la chromatine de l'élément reproducteur est éliminée par deux divisions de son noyau, dont l’une a lieu après dédoublement des chromosomes dont le nombre n’est pas diminué, tandis que l’autre aboutit à l'expulsion de la moitié des chromosomes; dans les deux cas, une certaine quantité de cytoplasme accompagne les chromosomes expulsés de l'élément qui devient l'œuf prêt pour la fécondation ; mais ce cytosarque et ses chromosomes demeurent inertes et constituent les globules polaires. Ces globules se forment, comme on sait, par les processus ordinaires de la division indirecte (2). Ceci posé, il est de règle que lorsqu'un phénomène se produit dans un organisme sous l’action de causes déler- minées, l’hérédité, chez un certain nombre de ces orga- nismes, tend à réaliser ce même phénomène, indépen- (1) E. Maupas, Le rajeunissement caryogamique chez les Ciliés (Arch. dé Zool. expérim. et gén., 2e série, t. VIL, 1889, p. 149-517, 15 pl.). (2) H. Winiwarter | Le corpuscule intermédiaire et le nombre des chromosomes du Lapin (Arch. de biol., t. XVI, 1899, p. 685-707, pl. XXIX)] a constaté récemment que, chez le Lapin, le nombre des chromosomes des cellules somatiques est variable et est en moyenne de 42, qu'il peut s'élever à 80, tandis que dans les cellules sexuelles parvenant à maturité il est de 20 à 24; dans les cellules sexuelles réduites, de 12 à 14. Il est fort possible que le cas ne soit pas isolé et que le nombre des chromosomes et leur propor- tion relative dans les cellules sexuelles et dans les cellules somatiques n'aient pas la fixité qu'on leur a attribuée jusqu'ici, par suite d'une pénc- ralisation trop hâtive, si fréquente dans les sciences d'observation. ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 22 338 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. damment de ces causes et de plus en plus tôt; c’est l'essence même du phénomène de la tachygénèse. Tandis que les éléments accumulateurs de réserve acquéraient peu à peu la faculté d’expulser d'une façon déterminée leur chromatine usée, les processus de celte expulsion devaient, par hérédité tachygénélique, se produire de plus en plus tôt sur un certain nombre d'éléments et indépendamment de l'usure de leur chromatine. Des éléments, identiques à celui qui constitue l'œuf fécondable après expulsion de sa chromatine, ont du, par conséquent, subir la division qui amène cette expulsion dans les formes mêmes où elle se produit pour le cas de l'œuf, leur chromatine demeurant tout à fait intacte. Mais, dans ce cas, les éléments résultant de la première division sont exactement équivalents entre eux et à l'élément d’où ils dérivent, au lieu de contenir l'un de la chromatine usée, l’autre de la chromatine neuve. Ils sont donc égale- ment susceplibles de se diviser, s’ils le font suivant le mode qui amène la diminution de moitié du nombre de leurs chromosomes; on a ainsi quatre éléments ayant subi chacun la réduction chromatique, mais équivalents entre eux; la réduction de nombre de leurs chromosomes ne permet pas leur alimentation, ils restent donc petits; ces éléments prévus par la théorie de la tachygénèse ne sont pas autre chose que les spermalozoïdes. Dépourvus de réserve et incapables d'en produire, affamés en quelque sorte (1), ils sont par simple chimiotaclisme entraïnés vers le gamète femelle, affecté comme eux de réduction chromatique, mais bourré de réserves. Ils s’y alimentent, mais apportent avec eux la quanlité de chromatine nécessaire pour constituer un élément complet : l'œuf fécondé, qui entre aussitôt en évolution. 4 (1) Max Verworn! Diephysiologische Bedeutung des Zellkerns(Pflüger’s Archiv, Bd LI, 1891, p. 1-118, 6 pl.)] arrive à une interprétation analogue: il considère le fragment d'ovule énucléé comme dévoré par le spermatozoïde qui le pénètre. Pour lui, ce n’est pas un œuf fécondé dépourvu de noyau que le résultat de la fusion de ces deux éléments, c'est un spermatozoïde colossalement agrandi. Le développement serait, dans ce cas, une manière de parthénogénèse (?) mâle, si toutefois ces deux motspouvaient s'associer. LA TACHYGÉNÈSE. . 339 Ainsi la tachygénèse non seulement explique la genèse des éléments sexués, mais aussi celle de la fécondation dont elle donne la raison d’être. Mais les choses ne se passent ainsi que lorsque la chro- matine de l'élément femelle a été réduite à de trop faibles proportions pour continuer à présider à l'accumulation des réserves dans l'œuf. Ivanzoff (1) a constaté chez divers Échinodermes (Æ0/o- thuria tubulosa, Sphærechinus granularis, Strongylocentrotus huidus), que l'œuf, non encore parvenu à l’état de maturité, englobe, à l’aide de pseudopodes, des spermatozoïdes qu'il digère. Lorsque, à un moment donné, l'œuf est rassasié, la formation des pseudopodes s'arrête; mais, quelque temps après, l'ingestion de cellules mâles peut encore se produire. Les têtes des spermatozoïdes qui se sont ainsi introduits dans l'œuf, pénètrent jusque dans la vésicule germinalive, et s'y décomposent en granules qui ne se distinguent plus de ceux du réseau nucléaire préexistant. L'œuf par ce procédé s'enrichit surtout en chromatine. Les observations de L. F. Henneguy (2), sur le Distomum hepalicum, sont aussi démonstratives. Lorsque l’œuf est constitué, il est entouré par un certain nombre de cellules vitellines et par des spermatozoïdes emprisonnés entre celles-ci au moment de la formation de la coque. Les spermatozoïdes intra et extraovulaires disparaissent au bout de peu de temps; ils sont pris par les cellules vitellines qui les digèrent. L'auteur a pu les retrouver dans certaines de ces cellules; mais la digestion doit s’accomplir rapidement, car, malgré le nombre considérable de spermatozoïdes englobés dans l'œuf, il n’y a qu’un petit nombre de cellules vitellines dans lesquelles il est possible de distinguer des traces reconnaissables d'éléments mâles. (1) N.Ivanzoff, Ueber die physiologische Bedeutung des Processes der Eireifung (Bull. de la Soc. des Naturalistes de Moscou, t. XI, 1898, p. 355-367, pl. VIN). (2) L.-F. Henneguy, Sur ia formation de l'œuf, la maturation et la fécon- dation de l’oocyte chez le Distomum hepaticum (GC. R. de l’Acad. des Sciences, t. CXXXIV, 1902). 340 . ED. PERRIER et CH. GRAVIER. Il résulte donc des observations d'Ivanzoff et d'Henneguy, que dans la cellule ovulaire, tant que la chromatine active est en quantité insuffisante, l’œuf assimile tous les éléments qui pénètrent à son intérieur et les utilise à son profit, que ce soient des ovules abortifs ou des spermatozoïdes. La chro- maline apportée par le spermatozoïde s'ajoute purement et simplement à la chromatine active qui reste après l’élimi- nation qu'entraîne la formation des globules polaires. C'est seulement quand la chromatine active a été usée en partie par le travail de la constitution des réserves et est dès lors en quantité insuffisante, que ce processus s'arrête et est rem- placé par un autre. La fécondation prend la place de la digestion intracellulaire. Inversement, quand le spermatozoïde est mis en présence d'un vitellus préalablement débarrassé de toute chromatine concurrente, comme dans les expériences de mérogonie, la chromatiine du spermatozoïde, insuffisante d'abord pour permettre le développement, se nourrit aux dépens des maté- riaux accumulés dans l’œuf et arrive à être en quantité suffisante pour assurer le développement; ne s'étant pas usée à accumuler des réserves, elle peut subvenir au développement de l'œuf en embryon, comme dans le cas où elle s’ajoutait à la chromatine de la vésicule germinative. Ces faits de mérogonie prouvent simplement, au contraire, qu'il n'y à pas de chromatine mâle et de chromatine femelle, mais simplement de la chromaline qui, pour pré- sider à l’évolution d’une masse protoplasmique, doit être avec elle dans des proportions données. La transformation de l'œuf en spermatozoïde est d'ailleurs établie d’une indis- cutable façon par les belles recherches de Maupas sur les modifications que subit le mode de reproduction chez les Nématodes libres (1). Maupas a constaté effectivement que chez les femelles de certaines espèces de ces animaux l'ovaire, avant de donner des œufs, commence par pro- (1) GC. Maupas, Modes et formes de reproduction des Nématodes (Archives de Zoologie expérimentale, 3° série, €. VIIL, 1900, p. 462-624, pl. XVI-XXVI). LA TACHYGÉNÈSE, 341 duire des spermatozoïdes ; ces spermatozoïdes résultent tout simplement de la division en quatre des cellules qui dans les autres espèces se transforment directement en œuf et ne diffèrent en rien de celles qui deviendront aussi plus lard des œufs chez les mêmes individus. Ces spermatozoïdes fécondent réellement les œufs qui pour arriver au dehors doivent passer au milieu de leur masse. Dans les espèces dont les femelles sont ainsi devenues hermaphrodites, les mâles ne disparaissent pas ; mais issus d'œufs qui ont été fécondés par des spermatozoïdes qu’on pourrait en quelque sorte appeler des « spermatozoïdes féminins », ils ont perdu tout appétit sexuel et ne fécondent plus les œufs. Dans quelques espèces, ils deviennent très rares ; dans d’autres, ils font totalement défaut et l’on trouve enfin des espèces où les femelles ne produisent plus des œufs et des sperma- tozoïdes, mais simplement des œufs parthénogénétiques. Il serait intéressant de rechercher si ces femelles ne procèdent pas d’une extension à toute la glande du processus qui a donné naissance à l'hermaphrodisme, auquel cas on serait en présence d'une sorte de mérogonie naturelle. IL y a un tel parallélisme entre les faits si bien sériés el expliqués par M. Maupas chez les Nématodes et ceux que l'on connaît depuis longtemps chez les Cirrhipèdes qu’on ne peut douter que ces Crustacés hermaphrodites, mais pourvus de mâles complémentaires, ont subi les mêmes trans'ormations que les Nématodes libres. La parthéno- génèse de divers Phasmides dont les mâles sont extrème- ment rares (Leptynien) à vraisemblablement la même origine. Quoi qu'il en soit, le fait que le spermatozoïde descend de l'œuf et en est le résultat, malgré ce que cette proposition présente au premier abord de paradoxal, peut èlre considéré d'ores et déjà comme établi par l'observation. Ce fait est capital et ouvre la voie aux recherches qui pour- raient être entreprises relativement à l'origine des sexes. I] est clair, en effet, qu’en passant de la vie parasitaire à la vie libre, les Nématodes ont passé des conditions d'alimentation 342 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. des plus favorables à des conditions d'alimentation pénible. L'organisme des femelles particulièrement apte à accumuler des réserves a résisté au choc, mais s’est rapproché du sexe mâle; celui-ci, relativement inapte aux réserves, a d'abord fléchi, puis succombé. Or, les Cirrhipèdes, en passant de la vie libre à la vie fixée, ont subi un préjudice alimentaire analogue; de dioïques qu'ils étaient d’abord, ils sont devenus hermaphrodites; il en est de même des Tuniciers qui sont fixés. On peut dire qu'en émigrant de la mer dans leseaux douces les Vers annelés, les Mollusques gastéropodes ont subi eux aussi une réduction alimentaire importante : ils sont hermaphrodites. Les Sangsues ne sont herma- phrodites que parce qu’elles descendent des Lombrics, et les Vers plats parce qu'ils dérivent des Sangsues. Les Gastéro- podes opisthobranches marins pourraient bien n'être, eux aussi, que des descendants des Pulmonés; ce sont en tout cas des Mollusques de rivage. Ainsi l'hermaphrodisme appa- raît sous un Jour nouveau, non comme un phénomène pri- mitif, mais comme le résultat d’une diminution dans la richesse d'alimentation. Or, cette conclusion s'étend aux conditions de la formation des éléments mâles, puisque l’'hermaphrodisme résulte justement de leur substitution parlielle à des éléments primitivement femelles. Le sexe mâle semble donc résulter des conditions d'alimentation restreinte, tandis que la pléthore favorise l'apparition du sexe femelle. Ces conclusions sont parfaitement en accord avec ce que nous savons de la différence entre l'élément mâle et l'élément femelle (1). (1) Quant aux questions de l’origine et de la détermination du sexe, elles ont suscité un nombre considérable de travaux. L'état actuel de nos con- naissances à ce sujet se trouve développé dans les ouvrages suivants : . 4° O0. Taschenberg, Historische Entwicklung der Lehre von der Parthenoge- nesis (Abhandl. der Naturf. Gesellschafft zu Halle, Bd XVII, 1892, p. 365- 454), qui contient un exposé très documenté de l’histoire des recherches se rapportant à la parthénogenèse chez les animaux; un appendice donne l'indication des principaux ouvrages relatifs à la parthénogénèse chez les plantes ; 2° L. Cuénot, Sur la détermination du sexe chez les animaux (Bull. scient. LA TACHYGÉNÈSE. 343 : Les éléments génitaux ne sont pas d'ailleurs aussi nette- ment caractérisés par rapport aux autres, ne constituent pas un lype. si spécial et si absolu qu’on l’imagine d’ha- bitude. Le fait que jusqu'à un certain degré les blastomères sont susceplibles d'évoluer en organismes identiques, sauf la taille, à ceux que l’œuf produit normalement est, à cet égard, particulièremeut instructif si on cherche à en tirer toutes les conclusions qu'il comporte. Dans les expériences d'isolement des blastomères, ceux- ci, une fois isolés, n'avaient aucun moyen de se nourrir, de reprendre par conséquent le volume d’un œuf: ils pro- duisent effectivement des embryons de dimensions moin- dres que l'œuf lui-même, d’autant plus réduits que le stade de segmentalion auquel ils correspondent est plus avancé. Les choses ne vont jamais très loin d'ailleurs, parce que la diffé- renciation des éléments ou de leurs diverses parties marche de pair avec la segmentation, et que, très vite, les blasto- mères perdent cet état primitif qui leur permet de fonc- tionner comme les œufs. Il paraît vraisemblable que si, à chaque segmentation nouvelle, on pouvait isoler Les blasto- mères tout en les nourrissant, à la fois indifférenciés et alimentés, ils conserveraient jusqu’à un stade avancé la faculté de se développer en embryons sans fécondation. Toutefois, la chromatine s’usant peu à peu dans le travail d'alimentation, le moment arriverait sans doute où elle serait en quantité trop réduite pour diriger l’évolution des blastomères substitués à l'œuf, et où cette évolution ne serait assurée que par l'introduction dans le blastomère de la France et de la Belgique, t. XXXIL, 5° série, vol. I, 1899, p. 462-535); avec une bibliographie presque toute entière de « première main », ce mé- moire renferme une étude critique des expériences et des observations relatives : 1° aux formes parthénogénétiques; 2° aux formes à fécondation obligatoire ; dans la 3° partie qui contient l’exposé général de la question, l’auteur conclut à une détermination très précoce du sexe qui se trouve fixé au plus tard quand l'œuf est fécondé ; ù 3° P. Stephan, De l'hermnphrodisme chez les Vertébrés (Ann. de la Faculté des sciences de Marseille, t. XII, fase. 2, 1901, p. 23-157, 1 pl.). 344 ED, PERRIER et CH. GRAVIER. d’une certaine proportion de chromatine, ce qui est le propre de la fécondation. Or, il paraît aujourd’hui très fréquent que, de très bonne heuré, dans un embryon en voie de développement, des blastomères s'isolent à des périodes variables de la seg- mentation, se répandent dans toutes les parties du corps constituant des cellules germinatrices, qui jettent plus tard les fondements des glandes génitales. Ces cellules germi- natrices sont des blastomères indifférenciés et alimentés, d’un ordre plus ou moins avancé; ils ont par conséquent conservé, dans une certaine mesure, la faculté d'évoluer spontanément, quand ils sont placés dans des conditions propices; il n’y a pas de raison pour qu'ils l’aient totale- ment perdue quand ils arrivent aux glandes génitales : il est donc tout naturel qu'ils constituent, au moins quand la séparation à élé précoce, ce qu'on appelle, un peu à tort, les œufs parthénogénétiques, et on doit trouver tous les stades éntre les œufs parthénogénétiques et les véritables œufs incapables, quoi qu'on fasse, d'évoluer sans fécon- dation. Si l’on s'en tient à ce que l’on sait de plus précis sur ce sujet, à l'heure actuelle, la faculté d'évoluer dépend de la proportion qui existe, dans le plastide générateur, entre une chromatine d'une certaine qualité et le cylosarque du plastide ; mais la chromatine n’est pas dans un élément en proportion invariable, elle se nourrit comme lui, en sym- biose avec le cytosarque, soit en concurrence avec lui, soil peut-être même à ses dépens. Jusqu'à un certain moment, des circonstances déterminées pourront favoriser le pouvoir nutritif de la chromatine, permettre à l'œuf arrivé, pour ainsi dire, à un état d'équilibre instable, de redevenir par- thénogénétique, d'évoluer sans le secours du spermato- zoïde, ce qu'il n'aurait pas fait naturellement. Aïnsi s’ex- plique que quelques espèces d'animaux soient parthé- nogénétiques. dans certaines localités, non dans certaines autres, que la température puisse jouer un rôle dans le LA TACHYGÉNÈSE. 349 déterminisme parthénogénétique pendant la période de maturation de l'œuf, comme le pense Viguier (1), et que l'intervention de substances chimiques particulières, comme l'ont vu Lœb, O. et R. Hertwig, Morgan, Delage, Viguier (2), Giard, etc., détermine une évolution parthé- nogénétique qui puisse s'étendre à tous les œufs soumis à leur action. Tous ces phénomènes prennent une clarté inattendue, si l'on se débarrasse des idées de prédestination de l'œuf et du spermatozoïde, de la sexualité de la chromatine, qui ont tout obscurci, et si l’on se borne à considérer les éléments géni- taux comme des cellules ordinaires dont la chromatine a été réduite pour les causes que nous avons indiquées plus haut. Une des manifestations de cet équilibre instable est le cas où des animaux parthénogénétiques soumis à une action excitante comme celle de la chaleur ne produisent plus que des œufs susceptibles de fournir des mâles, des œufs arrhénotoques, ainsi que Maupas l’a observé chez les Rotifères (3), phénomène qui est fixé chez les Abeilles et divers autres Hyménoptères. Dans les deux cas, les œufs ne redeviennent susceptibles de produire des indi- vidus parthénogénéliques ordinaires, ou des femelles, que par l'addition de chromatine qu'apporte avec lui le spermatozoïde. C’est, d'autre part, à l'absence de toute concurrence de la part de la chromatine de la vésicule germinative, que le spermatozoïde, composé de chromatine toute neuve et active, doit de pouvoir s’alimenter dans les œufs énucléés (1) G. Viguier, Nouvelles observations sur la parthénogénèse des Oursins (GC. R. Ac. des Sciences, séance du 10 juin 1901). (2) G. Viguier [Fécondation chimique ou parthénogénèse (Ann. des Sc. natur., Zool., 7° série, t. XIL, 1901, p. 87-138)] a donné, sous une forme très intéressante, l'exposé critique de ces expériences de fécondation chimique. (3) Le fait a été contesté par J. Nussbaum [Die Entstehung des Geschlechts bei Hydatina senta (Arch. für mikrosk. Anat., Bd XLIX, 1897, p. 227-308)|, mais affirmé à nouveau par Maupas. 346 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. comme l'ont vu Rostafinski (1), Boveri (2), Delage (3), la chromatine dont il est essentiellement formé .demeurant assez abondante pour diriger l’évolution de l'œuf ainsi reconstitué. Étant donné l’équivalence primitive des deux gamèles, l’origine du spermatozoïde telle que nous l'avons expliquée, la substitution de la chromatine spermatique à la chromatine ovulaire est un phénomène que la théorie prévoyait d'avance et pour lequel il n'est pas nécessaire de créer des noms nouveaux comme ceux de parthénogénèse male ou d'éphébogénèse, dont l'allure paradoxale est de nature à séduire les esprits que frappe le merveilleux, mais dont le moindre défaut est de supposer entre la chromatine des deux éléments sexuels une sorte d'opposition qui a Jjuste- ment compliqué tous les problèmes. : (4) A. Giard rappelle [Pour l'histoire de la mérogonie (CG. R. de la Soc. de Biol., 1901, p. 875-877)] que le premier naturaliste qui réalisa des expé- riences de mérogonie est le professeur Rostafinski (de Cracovie), qui en 1877 pratiqua avec succès la fécondation de fragments énucléés d'ovules de Fucacées. (2) Th. Boveri, Ein geschlechtlich erzeugter Organismus ohne mütterliche Eigenschaften (Sitzungsber. Gesellsch. für Morphol. und Physiol., München, July 1889). — Merogonie (NY. Delage) und Ephebogénesis (B. Rawitz), neue Namen für eine alle Sache (Anat. Anzeiger, Bd XIX, 1901, p. 156-172). (3) Y. Delage, Études sur la mérogonie (Arch. de Zool. expérim. et gén., 3° série, t. VIT, 1899, p. 383-417, 11 fig.). — Sur l'interprétation de la féconda- lion mérogonique et sur une théorie nouvelle de la fécondation normale (Id., p: 511-517). — Noms nouveaux pour des choses anciennes (Id., 3° série, t. IX, n° 3, VI, p. xxx1HI-XXxIX). — Les théories de la fécondation (Verhandl. des V. intern. Zool.— Congr. zu Berlin, 1901, Jena, 1902, p. 121-140). CONCLUSION Les faits que nous venons de passer en revue ne sont qu'une sorte de sélection parmi ceux, en nombre considé- rable, qui se rattachent à la tachygénèse. [ls suffisent pour établir l'importance fondamentale de ce phénomène, dont il convient maintenant de fixer en peu de mots la significa- tion et de mettre en relief les conséquences. I. Hérédité et tachygénèse. — Dans le langage courant des naturalistes, le mot hérédité est pris habituellement dans le sens sfatique. C'est l'expression de ce fait que les êtres vivants reproduisent en général les traits de leurs parents. Mais le mot a également un sens dynamique dans lequel il a été surtout employé au cours de ce travail et, dans ce sens (Voy. p. 151) l’hérédité est la propriélé que possèdent les substances protoplasmiques des éléments reproducteurs, de se substiluer aux causes de modificalion qui ont agi sur les ancêtres de l'organisme auquel ces éléments appartiennent, de manière à reproduire, en l'absence de ces causes, les caractères qua leur sont dus. À moins de tomber dans la métaphysique, on est bien forcé d'admettre, jusqu'à preuve du contraire, qu'à partir de la constitution des premiers plastides analogues à ceux qui subsistent aujourd’hui, les caractères de tous les êtres vivants ont été graduellement acquis par le seul exercice des propriétés de ces éléments, réglé par un ensemble de conditions extérieures relevant du domaine de la physique et de la chimie. S'il a fallu de longs siècles pour les réaliser tour à tour chez les êtres appartenant à une même série généalogique, il ne faut plus aux éléments reproducteurs que quelques 348 ED. PERRIER et CH. GRAVIER: semaines pour les reconstituer : l’hérédité ne peut donc fonc- lionner qu’en abrégeant singulièrement les phases de pro- duction et de transformation de ces caractères. Cela revient à dire que la tachygénèse est le mode nécessaire de fonction- nement de l'hérédité, ce mot élant pris au sens dynamique, on peut exprimer encore la même idée en disant que la achyqé- nèse est une propriété essentielle de l'hérédité. Les êtres vivants se modifiant sans cesse par suile du fonctionnement même de leur organisme dans des conditions variables, le nombre de caractères que doit transmettre l'hérédité va sans cesse croissant; le temps accordé à la réalisation, à la période d'état et à la transformation de chacun de ceux qui ne sont pas permanents, va lui-même en se raccourcissant, et il se produit finalement un véritable « {élescopage » des caractères ; l'hérédité, par cela seul qu’elle est essentiellement tachygé- nélique, au lieu de conserver à l’état de pureté la longue série des portraits ancestraux, est une cause incessante d'altération de ces portraits, dont les plus essentiels sont seuls à peu près reproduits. C’est la raison du peu d'im- portance qu'il convient d’attacher aux processus de l’em- bryogénie et aux caractères des embryons, quand ils sont en désaccord avec les données positives que fournit l’ana- tomie comparée. Toutefois les déformations tachygénéliques de l'embryo- génie ne sont pas quelconques. D'une part, elles se produisent dans un ordre déterminé pour chaque série, et c’est ce qui permet d'utiliser parfois les caractères embryogéniques pour la classification, comme l'ont fait d'une manière heureuse les botanistes, lorsqu'ils ont établi les embranchements des CRYPTOGAMES VASCULAIRES, des GYMNOSPERMES et des ANG10s- PERMES, comme peuvent le faire les zoologistes lorsque, parmi les Vertébrés aptes à la marche, ils distinguent des ANALLANTOÏDIENS et des ALLANTOÏDIENS. D'autre part, les processus embryogéniques, en se modi- fiant tachygénéliquement, forment à leur tour une série continue dans laquelle ils sont dans les relations de cause à LA TACHYGÉNÈSE. 349 effet. Il n’est pas permis scientifiquement de les exposer dans un autre ordre que celui de leur réalisation successive, qui, seul, conduit à mettre en évidence les lois et leurs transformations, c’est-à-dire sans prendre pour point de départ et terme constant de comparaison, ce que nous avons appelé l’enbryogénie normale où patrogénique. La considération de la tachygénèse fournit donc à l'embryogénie comparée les bases d'une méthode scientifique et explicative de groupement des faits qu'elle étudie. II. La tachygénèse et la méthode scientifique de l’em- bryologie comparée. — La considération de la tachygénèse indique également l’ordre dans lequel doivent être entre- prises les recherches d’ontogénie spéciale pour amener à un résultat utile. Les monographies onlogéniques faites au hasard des rencontres exposent, nous l'avons vu, aux plus graves erreurs si l'on ne prend soin, avant toute critique, avant toute comparaison, de bien établir la place des êtres qui en font l’objet dans la série généalogique à laquelle ils appartiennent. Ces séries résultent de l’évolution graduelle des formes adultes qui se sont transformées successivement les unes dans les autres, par des procédés tout d'abord exclusivement physiologiques. L'’analomie comparée ou plus généralement la morphologie comparée des formes actuelles est donc la seule base sur laquelle doivent être établies les séries que reproduisent succinctement les ontogé- nies patrogéniques. Ces embryogénies patrogéniques copient sensiblement tout d'abord Les procédés physiologiques qui leur ont donné naissance; dans ce cas la raison d’être et le mode de succession des phénomènes ontogéniques s’ex- pliquent, pour ainsi dire, d'eux-mêmes ; dans chaque série, ce sont donc celles qu’il faut d’abord soigneusement éla- blir, en comparant leurs processus aux processus physiolo- giques qui ont amené la transformation graduelle des formes adultes, et ces ontogénies doivent être étudiées tout d’abord dans l’ordre généalogique des formes adultes, de manière à faire ressortir la succession des processus évolutifs patro- 390 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. géniques et de déterminer leurs rapports avec les processus physiologiques d'évolution qui leur ont donné naissance. On doit ensuite leur comparer les diverses tachygénies, de manière à déterminer les étapes successives de leur accélération et à en déduire les lois. Tout devient alors clair, précis, méthodique, et bientôt les explications ressor- tent d’elles-mèmes; il devient possible de prévoir au delà des phénomènes comme des phénomènes nouveaux. Tout, au contraire, est obscurité et mystère, si l’on prend arbi- trairement comme point de départ une monographie onto- génique quelconque et si l'on cherche à y ramener les autres suivant les fantaisies de son esprit. C'est ainsi qu'une étude même très approfondie des métamorphoses des [Insectes à transformation rapide conduit presque nécessairement, si elle n’est accompagnée de la critique sévère que nous venons d'indiquer, à prendre comme des phénomènes d'ordre général, des phénomènes tout à fait spéciaux aux animaux qui les présentent, dus simplement à une transformation accélératrice des phéno- mènes normaux, mais totalement incompréhensibles si l’on n’a pas pris soin d’avance de déterminer ceux-ci. Rien ne subsiste, au contraire, d'inintelligible ou d’ob- scur quand on s'élève graduellement des phénomènes de transformation chez les Insectes à métamorphoses lentes et incomplètes, à ceux que présentent les Insectes à métamor- phoses rapides et complètes. III. Le paradoxe armozogénique. — L'histoire de ces métamorphoses, coordonnée comme nous venons de l’expli- quer, au lieu de demeurer un simple mystère, devient, au contraire, susceptible de projeter quelque lumière sur cer- taines façons d’agir demeurées très obscures de l’hérédité, par exemple,sur ce fait inexplicableau premier abord, auquel on peut donner le nom de paradoxe armozogénique, que les déformations embryonnaires ou larvaires dues à l’adapta- tion ne semblent influer en rien sur l’évolution ultérieure de l'embryon. À mesure que ces déformations se produi- LA TACHYGÉNÈSE. 391 sent, des éléments sont mis en réserve, à une période de plus en plus précoce du développement, et finissent par constiluer les disques invaginaux des Némertes et des Insectes à métamorphoses complètes. Les éléments qui constituent ces disques, mis à l'abri de toute action modificatrice alors qu’ils sont encore indiffé- renciés, gardant par conséquent la seule empreinte héré- ditaire, doivent naturellement reconslituer les régions du corps de l’animal adulte auxquelles ils correspondent, comme le font les blastomères des Salpes isolés parmi les éléments constitutifs de l'embryon précurseur des Salpes. Il n'est pas nécessaire pour cela que ces éléments indifféren- clés soient groupés en histoblastes, il suffit qu'ils existent disséminés d’une façon quelconque pour que la forme adulte soit finalement réalisée, quelles que soient les voies diver- gentes dans lesquelles s'engage momentanément l'embryon. IV. Hérédité conservatrice et hérédité transforma- trice. — On est habitué à considérer l’hérédité comme une force essentiellement conservatrice des caractères acquis, et à ne voir en elle que l'instrument de transmission de la forme des êtres à leur descendance. La tachyqénèse, propriété essentielle que possède l'hérédité d'accélérer les phénomènes embryogéniques, fait de cette force un élément des plus impor- tants de transformation spontanée des formes organiques. On lui doit presque exclusivement dans les deux Règnes des types nouveaux : les Cryptogames vasculaires, les Gymnospermes, les Angiospermes, les Gamopétales, une partie des Insémi- nées dans le Règne végétal; les Trachyméduses, les Acalèphes, les Siphonophores, les Alcyonnaires, les Trématodes, les Ascidies composées, les Tuniciers pélagiques, dans le Règne animal, et elle à pris une part importante à la réalisation du type Vertébré. Elle a fait des Siphonophores flottants des animaux nageurs, créé des formes pélagiques aux dé- pens d’Actiniaires ou de Tuniciers fixés au sol, et a changé totalement de la sorte le genre de vie de certains animaux. Aussi bien chez les larves que chez les adultes, JU ED. PERRIER ct CH. GRAVIER. elle a créé des organes nouveaux, dont le plus important est la corde dorsale des Vertébrés; elle s’est montrée l'agent modificateur par excellence des organes internes, comme le prouve en particulier l’histoire du système néphridien des Vers et des Vertébrés. Elle est arrivée à réaliser presque d'emblée la forme des éléments anato- miques. C’est grâce à elle notamment que les éléments ner- veux arrivant à posséder d’un seul coup une forme et des connexions lentement et péniblement réalisées chez l'animal adulte, les phénomènes inconscients de l'instinct ont pris la place des phénomènes conscients de l'intelligence (1). C'est grâce à elle également que se sont produites de la même façon dans les deux Règnes les deux sortes d'éléments sexués : l’oosphère, l’anthérozoïde, le grain de pollen chez les plantes, l’œuf et le spermatozoïde chez les animaux. On lui doit, par conséquent, la génération sexuée quelle a ensuite déformée en créant pour une bonne part les phénomènes dits de génération alternante des Trématodes et des Salpes. Intervenant sans cesse, pour les modifier, dans les phénomènes évolutifs des êtres vivants, elle a liré du prothalle des Cryptogames vasculaires l'endosperme des Gymnospermes, les éléments du sac em- bryonnaire des Angiospermes, le grain de pollen des Pha- nérogames ; landis que dans le Règne animal elle présidait à l'apparition des diverses sortes de métamorphoses. De sorte que, soit en ce qui concerneles formes adultes, soit en ce qui concerne les formes embryonnaires et les processus embryogéniques, l’hérédité se présente sous deux aspects en apparence opposés, en réalité intimement liés l’un à l’autre, et semble se dédoubler en une hérédité conservatrice et une hérédité modificatrice. | V. Discordance établie par la tachygénèse entre les conditions actuelles d'existence des organismes et les causes qui les ont produites. — En se substituant d’une (1) E. Perrier, l’Instinct (Conférence de l'Association française pour l'avancement des Sciences, 1902). LA TACHYGÉNÈSE. 33 manière de plus en plus exclusive aux causes physiolo- giques qui ont délerminé l’apparilion des caractères, l’hérédité établit une discordance qui peut être complète entre les formes organiques et les conditions dans lesquelles elles ont été produites. 11 en résulte qu'une étude superficielle ne permet le plus souvent d'apercevoir aucune corrélation entre les caractères présentés par certains organismes et les conditions dans lesquelles ils vivent. C’est cette discor- dance qui à été la principale difficulté qu'aient rencontrée les biologistes pour expliquer les crganismes. Heureusement, cetle discordance disparaît, en général, en partie quand on remonte la série généalogique des formes; on passe peu à peu des types en discordance complète avec leurs conditions d'existence, à d’autres chez qui les relations de cause à effet entre les conditions d'existence des animaux et les caractères qu'ils présentent sont des plus évidentes. On peut alors reconnaître comment le désaccord s’est pro- duit. Dans certains cas, il peut être attribué presque exclu- sivement à la tachygénèse ; dans d’autres, la tachygénèse se complique d’autres phénomènes qu’elle permet d’élucider. Ainsi, toute l’histoire des Ascidies simples montre que les caractères de ces animaux et leurs métamorphoses sont dus à ce qu'ils se sont fixés au sol à une certaine période de leur évolution. Depuis, leurs métamorphoses ont été réali- sées tout à fait indépendamment de la fixation au sol chez les Ascidies composées et sont devenues si rapides que les Salpes ont fini par cesser de se fixer et par demeurer péla- giques. À cet état, leurs caractères fondamentaux deviennent inintelligibles : c’est qu’en effet ils sont en rapport non pas avec la vie pélagique, mais avec la fixation au sol qui n'a plus lieu à aucune période de la vie de ces animaux. Une fois la notion de cette discordance acquise, certains phénomènes de développement, inexplicables sans cela, révèlent chez les ancêtres des animaux où on les observe une attitude et souvent des attitudes successives tout à fait différentes de celles qui présentent aujourd’hui leurs des- ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 293 304 ED. PERRIER et CH. GRAVIER. cendants dont l’organisation devient alors facile à com- prendre. Ainsi, le fait que les larves chez presque tous les Échino- dermes, celles de l’Amphioxus, traversent dans le milieu cependant symétrique où elles se développent, un état de forte dissymétrie, indique que les ancêtres de ces animaux ont été à un certain moment couchés sur le côlé, autrement dit pleurothéliques, comme le sont aujourd’hui tous les Lamelli- branches monomyaires et tous les Poissons pleuronectes par exemple. De même, il apparaît que les Mollusques issus de Vers annelés rampants sont devenus pélagiques et qu'ils nageaient alors le dos en bas, comme le font encore nombre d’entre eux. Ainsi s'est produite leur bosse dorsale qui se constitue aujourd'hui dans des conditions tout à fait impropres à l'expliquer. Plus tard, l’animal nageur, devenu gibbeux, s'est remis à ramper sur son ventre et à dû se tordre pour ramener en avant les branchies situées d’abord en arrière et dont sa gibbosité empêchait le fonc- tionnement. VI. Reconstitution des causes qui ont déterminé les formes organiques: les principes de Lamarck. — Ainsi, les véritables conditions dans lesquelles les organismes se sont développés peuvent être reconstituées. On s’apercoit alors, comme la théorie de l’évolulion l’implique a priori, que les causes qui ont délerminé l'apparition des grands Lypes organiques sont en quelque sorte banales. Tantôt l'organisme cède simplement à l’action de forces physiques telles que la pesanteur ou la lumière; tantôt, il est par ses muscles l'agent direct de ses propres transformations. Des changements d'orientation parfois répétés, des atti- ludes longtemps maintenues en vue de réaliser la plus grande somme possible de bien-être, des mouvements fréquemment répétés interviennent alors pour modifier l'organisme quel- quefois d’une façon profonde et donner naissance à des types aussi importants que les Échinodermes, les Mollusques et les Vertébrés. LA TACHYGÉNÈSE. J 0) Nous consacrerons un prochain mémoire à démontrer quelles ont été les conséquences de la fralion héréditaire des atritudes avantageuses, à établir, en nous appuyant sur les données précises que fournit aujourd'hui la Science, combien étaient justes les vues de Lamarck sur les consé- quences de l'usage et du défaut d'usage des organes, com- mandés chez les animaux par le sentiment du besoin, par ceux du bien-être et du malaise. Il a suffi de faire appel à une propriété fondamentale de tous les organismes inférieurs, celle de se multiplier par bour- geons susceplibles de demeurer accolés, pour montrer com- ment se sont assemblés les matériaux constitutifs des orga- nismes supérieurs; la conception de l’hérédité complétée par celle de la tachygénèse explique, de son côté, comment les phénomènes embryogéniques ont été réalisés el com- ment ils ont servi à la production de types organiques nouveaux ; le fait de la fixation héréditaire des attitudes vient compléter cet ensemble de notions qui pourra être dès maintenant considéré comme constituant une théorie physio- logique, à peu près complète, de la formation des orga- nismes. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE Avorr (P.). — Zur Entwickelungsgeschichie des Nagethierge- bisses (Jenaische Zeitschr. für Naturwiss., 32 Bd, p. 347-M0, 4 fig., Taf. 12-16). 1898 AGassiz (A.). — On the young stages of osseous fishes. 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