à) Ÿ NU Hat, MEN SX 1 FU ARE \\ \ dE À di Robes A Muse (1 +." 2 Le —— N us \ A ANNALES SCIENCES NATURELLES. ———-— TROISIÈME SÉRIE. LOOLOGIE. RIDER UTILE ETAT 0 1e — IMPRIMERTE DE rue Jacob, 39. ’ Z-D. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE , LA BOTANIQUE , L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES , ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES ; RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIE PAR M. MILNE EDWARDS, ET POUR LA BOTANIQUE PAR MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE. Troisième Série. ZOOLOGIE. TOME SEPTIÈME. PARIS. VICTOR MASSON, LIBRAIRE DES SOCIÉTÉS SAVANTES PRÈS LE MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, 4. 1847, = 14 OT 24 asoaos Mt , k À eme ph mai 2 où mot dal NE À LP PAR EU ANNE: 22 É + A : de ARMIOX 4.1, MAO | DORE CET na he ahgiraToia LEHGÔL LI+ = ; . ARRRN a a" vRAtAATON AA MA RE Ja es se mine D: k “HO OI0OY Etre Bear D AO82AU HOTHUE COCA CRNRENTENT DESCENTE A EET TES aS mes : AAEAA CAR ANT 41 rio ‘4 00 : EL ALT dE Le pr HR +#! Fi ee L | Fc ; oN ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. PARTIE ZOOLOGIQUE. —— 000 HISTOIRE DES MÉTAMORPHOSES DU SUBULA CITRIPES ET DE QUELQUES AUTRES ESPÈCES DE CE GENRE DE DIPTÈRES, Par M. LÉON DUFOUR Les archives de la science ne sont pas tout à fait muettes sur les métamorphoses des jolis et élégants Diptères que Megerle sépara des Xylophages de Meigen et de Latreille pour en consti- tuer le genre Subula. M. Macquart nous apprend que Von Rosen a décrit, dans les Ænnales d'histoire naturelle de Tubingen, la larve et lapupe du Subula varia, mais ce que cet auteur en dit est si succinct, si incomplet, qu’il ne saurait satisfaire aux exigences de la science , vu surtout qu’il n’en existe pas de figure. Ce S. varia ressemble, par la longueur des antennes, à notre S. ci- tripes , espèce nouvelle dont j'ai étudié avec soin les métamor- phoses. Avant d'aborder celles-ci, disons, dans le sens d’une applica- tion générale, que les larvesdes Xylophagqus et Subula vivent dans le détritus, la vermoulure , la décomposition de la fibre végétale des vieux troncs d'arbres, ce qui justifie la dénomination de Xy- lophagiens , donnée par Meigen et Latreille à cette tribu dè Dip- tères. Rosen a rencontré celles du Subula varia dans la crevasse d’un tronc de chêne, où vraisemblablement il y avait du détritus, 6 L. DUFOUR. — SUR LE SUBULA CITRIPES. et Latreille son Xylophaguüs alter, qui n’est peut-être que le S. varia, dans la marmelade de l’ulcère de l’ormeau, où moi- même j'ai trouvé en abondance le S. citripes. J’ai observé dans la pourriture du peuplier les larves du S. marginata, que j'ai élevées avec succès, et j’ai sanctionné ainsi par un fait positif la présomption dé feu mon ami Lepeletier de Saint-Fargeau , qui, ayant découvert sur une vieille souche de cet arbre un grand nombre d'individus de ce Subula , avait dit qu’ils cherchaient à y déposer leurs œufs. Enfin Baumhauer a aussi trouvé la larve véritable du Xylophaqus ater ; mais dans la pourriture d’un vieux arbre , en se bornant toutefois à cette seule indication. Voilà encore une classe de larves qui, dans l'intérêt du main- tien des harmonies de la nature, tendent à diminuer, en la trans- formant en éléments nutritifs, la quantité de la matière orga- nique morte et putrescible. Revenons aux métamorphoses du Subula citripes. 1" Larve. Larva apoda, pseudo-cephala, undecim segmentata, subcoriacea , oblonga, subtus plana, granuloso colliculosa, nigro griseoque variegata ; Segmentis abdominalibus utrinque tripilosis ; ultimo semicireulari, apice utrinque tuberculis duobus piliferis. — Long. 12 millim. Hab. in ulceribus ulmi. Son habitat au milieu d'une boue ulcéreuse, sa surface cha- grinée, ses poils roides, ses téguments opaques et coriacés la disposent à être souillée , incrustée d’ordure , et ce n'est qu'après l'avoir soigneusement lavée et relavée au moyen d’un léger pin- ceau qu'on peut bien constater sa texture. C’est après une sem- blable toilette que j'en ai esquissé le portrait et fait la description. Elle se compose, non pas de douze, mais seulement de onze segments, la tête non comprise. Je ne vois non plus que ce nombre dans une larve aquatique de Stratiomys que: j'ai présentement sous les yeux, et dans la même larve représentée par Réaumur (t. IV, PI, 13). Ces segments se dessinent sur les côtés par un seg- ment bien prononcé, On remarque, justement au milieu du bord L, DUFOUR. — SUR LE SUBULA CITRIPES, 7 postérieur du dernier segment , une sorte de tubercule arrondi et saillant placé au-dessous de ce bord, qu’on pourrait croire un petit segment rudiméntaire, et que j'avais pris même pour tel dans la première supputation segmentaire de la larve; mais des recherches ultérieures m'ont prouvé que ce tubercule se rattache , comme nous le verrons bientôt , à l'appareil respiratoire, La tête, ou le pseudo-céphale, est plus étroite que le protho- rax, mais de la consistance et de la couleur tégumentaires, Il faut une patience éprouvée pour en bien mettre en évidence la composition et la structure , et pour cela il est indispensable d’é- tudier la larve bien nettoyée et immergée. De chaque côté, on voit une légère saillie circonscrite, ovalaire, que sur le dessin on pourrait prendre pour des yeux, que Réaumur a désignée sous cette dénomination dans des larves analogues de Sarqus, mais qui dans le fait n’ont rien d’un organe visuel ; ce sont tout sim- plement des éminences tégumentaires. À droite et à gauche se voient trois soies roides , aiguës, lancéolées à un fort grossisse- ment. Le bord antérieur, dans des circonstances opportunes, émet une sorte de museau rétractile tronqué , et parfois comme échancré , muni de chaque côté de deux courtes soies roides. Dans ces mêmes circonstances , j'ai vu sortir de l’échancrure du mu- seau ou promuscide deux mandibules adossées et légèrement ar- quées , deux crocs semblables à ceux que Réaumur a décrits dans une larve de Sargus qui appartient à la même classe que la nôtre (1). Des trois segments qui représentent le thorax, le premier ou prothorax est plus grand que les deux suivants, un peu rétréci en avant, avec deux ou trois poils latéraux dans sa moitié antérieure, et une seule rangée transversale de points saillants pâles située près du bord céphalique; les deux autres égaux entre eux , ainsi qu’à ceux de l'abdomen, n’ont qu'un poil unique sur le milieu de (1) Réaum., Mém., t. IV, p. 478, pl. 13, fig. 19, 20 ; pl. 14, fig. 5..—C'est la larve du Sarqus Reaumurii, Fabr., genre de la tribu des Stratiomydes qui suit immédiatement celle des Xylophagiens. Lyonet (OEuvr. post.) a aussi fait connaître les métamorphoses du Surgus cu- prurius, L. 8 L. DUFOUR. — SUR LE SUBULA CITRIPES. chaque bord latéral et une série de six points pâles en travers du milieu du segment. Les sept segments qui succèdent au thorax, et qui dépendent de l’abdomen, sont égaux et parallèles. Ils ont de chaque côté trois poils rapprochés, dont l'intermédiaire est plus long. Ce trait, en apparence minutieux et insignifiant, les distingue des segments thoraciques. Leur région dorsale a une série transver- sale antérieure de fort petits granules, et vers le milieu un autre de six points , plus grands, où une forte lentille microscopique découvre un petit poil central. Le onzième ou dernier segment du corps est notablement plus grand que ceux qui le précèdent, et demi-circulaire. Il offre de chaque côté de son bord postérieur deux tubercules ronds, granuleux au microscope, avec une soie centrale. La même lentille amplifiante, qui met en évidence la structure granuleuse de ces tubercules , décète cette même texture au tégument général, surtout sur les bords libres de celui-ci, et les granules, par les contractions des muscles peauciers durant la vie de l’animal , se groupent souvent en petites éminences très dif- ficiles à constater qui servent de pseudopodes. Les mouvements ambulatoires de cette larve (et de celles de sa tribu) sont si obs- curs , si lents, qu’il lui faut une minute pour s’avancer de deux millimètres. Le dessous du corps est plus pâle que le dessus , mais une loupe scrupuleuse y constate les granulations, et celles-ci contribuent évidemment à la reptation de l'animal. " Ce n’est point chose facile que de découvrir les stigmates dans la larve de notre Subula, et j'avoue que, malgré des explorations multipliées à l'infini, mes convictions sur ce point ne sont pas tout à fait affranchies d'incertitude. De chaque côté du segment prothoracique, un peu au-dessous du bord latéral, j'ai apercu , à une forte-loupe, un point rond, sessile , de couleur rousse, que je regarde comme les stigmates antérieurs, et qui ne sauraient être que cela. Les segments suivants, avec le même moyen op- tique, ne m'en ont pas offert la moindre trace. J’oserais affirmer qu'il n’en existe point à ces segments. Mais j'ai vu à diverses re- prises des bulles d'air s'échapper de ce tubercule sous-marginal qui termine le corps en arrière, et dont j'ai déjà dit quelque chose en parlant de la composition segmentaire. La considération L. DUFOUR. — SUR LE SUBULA CITRIPES, à de la texture extérieure de ce tubercule m’a surtout déterminé à ne pas le compter parmi les segments du corps. La même lentille qui m'a permis de constater à ceux-ci un chagriné , des granula- tions, m’a démontré dans ce tubercule une surface unie et parfai- tement lisse. Sa position, sa couleur rousse, semblable à celle des stigmates thoraciques , sa faculté légèrement rétractile et l’ana- logie, me le font regarder, sinon comme un stigmate postérieur, du moins comme une capsule stigmatique. Sa face inférieure présente une ligne médiane plus claire, peut-être membraneuse, qui pourrait bien indiquer une cavité biloculaire. La manière dont j'ai vu l’air s'échapper pendant l’acte respiratoire m'a fait penser qu'il existait à cette capsule une fente transversale. En invoquant l’analogie, j'ai voulu faire allusion à ce que Réaumur a observé, décrit et figuré dans la larve du Sargus (1. c.), genre de Diptères qui, comme je l’ai dit, est voisin du Subula , et que Latreille avait compris dans la même famille. Or Réaumur dit posi- tivement, en parlant deces larves : «C’estpar leur partie postérieure que se fait leur respiration ; le bout de leur derrière s’entr'ouvre en certains temps; on croirait que la fente qu'il laisse voir alors est celle qui doit donner issue aux excréments ; mais il est aisé de reconnaître ensuite qu’elle n’est faite que pour donner passage à l'air. C’est dessous le corps qu’on trouve le véritable anus. » Cet observateur modèle a aussi signalé l’existence des stigmates an- térieurs au prothorax de sa larve. J’en tire cette conclusion géné- rale, que les larves de la tribu des Xylophagiens et de celle des Stratiomydes n’ont que deux paires de stigmates, l’une antérieure et l’autre postérieure, ainsi que les Syrphides et la plupart des Muscides. Je me suis assuré que notre Subula, avant sa transformation définitive , passe une année révolue , soit sous la forme de larve, soit sous celle de pupe. J'avais recueilli, en avril 1845, la mar- melade ulcéreuse peuplée par un grand nombre de ces larves, dont j'eus le bonheur de voir réussir l'éducation. C'est en mars 1846 que je constatai les pupes, et j'en vis éclore une quaran- taine d’Insectes ailés à la fin d'avril et dans la première quinzaine de mai de cette même année, Le célèbre Lyonet , dans son œuvre 10 L. DUFOUR. — SUR LE SUBULA CITRIPES. posthume (1), avait aussi fait la même observation pour le Sar- gus cuprarius, dont les larves vivent dans la bouse de vache. Il les y avait étudiées en septembre , et il n’avait obtenu les Diptères qu’à la fin de l'été de l’année suivante. 2° Pupe. Pupanuda, larvæ subconformis, at paulo angustior, subelongata , rigida, colliculosa, segmentis utrinque tantum unipilosis. — Long. 12 millim. Lorsque la larve, arrivée au terme de sa croissance, est ap- pelée à subir sa métamorphose en pupe , elle quitte son foyer de pourriture pour se placer à l’air libre dans le voisinage. Celles que j'élevais avec une si vive sollicitude dans un bocal vinrent s'établir, ou sur les parois du vase, ou mieux encore dans les an- fractuosités des chiffons de papier que j'y avais placés à dessein. Dans cette mutation, la pupe hérite de tous les traits extérieurs de la larve, de sa forme, de sa taille, de sa couleur, de sa texture. La loupe intelligente retrouve au tégument la même disposition, la même teinte des granulations ; seulement il n'existe plus qu'une soie isolée et flexueuse aux côtés des segments, et les quatre tubercules pilifères du segment terminal sont plus ou moins oblitérés. La nymphe incluse est emmaillottée, oblongue, courbée sur elle-même, glabre, avec une teinte enfumée aux ailes et à la tête , tandis que l'abdomen et les pattes sont d’un jaune vif. Les antennes sont arquées et placées en travers des yeux. Le segment anal est comme tridenté, et la première paire de pattes déborde un peu la raquette rabattue de l’aile. Ayant eu sous mes yeux un grand nombre de ces pupes au moment de l’éclosion de l’Insecte ailé, j'ai pu me rendre témoin des manœuvres qui précèdent et accompagnent cette éclosion. La nymphe à terme vient en quelque sorte frapper à la porte de son étroite prison. Les trois segments du thorax s'ouvrent aussitôt à (1) Recherches sur l'anat. el les métamorph. d’Ins., ouvrage posthume de Lyo- net, publié par De Haen en 1832, p. 189, pl. 47. L. DUFOUR. — SUR LE SUBULA CITRIPES, 11 la ligne médiane par une fente droite et nette qui se continue parfois jusque sur le premier segment de l'abdomen. Le pseudo- céphale n’est nullement intéressé dans la rupture médiane, il conserve son intégrité. Alors apparaît à la symphyse dessoudée la tête de la nymphe, qui, par des mouvements successifs presque insensibles , auxquels le bout tridenté de l'abdomen fournit sans doute un point d'appui, s’y engage progressivement jusqu'aux deux tiers de la longueur du corps. A son tour la tunique nym- phale s’éraille à la région dorsale du corselet par un large hiatus où l'on voit poindre le front intumescent du Diptère. L'impres- sion de l’air et de la lumière, le hesoin de la liberté, semblent activer le travail de sa délivrance. Il dégage ses antennes de leurs fourreaux arqués, qui demeurent en place; petit à petit il sou- lève, déploie ses ailes encore tendres, et retire ses pattes de leurs six gaines linéaires; il se débarrasse de ses langes , frotte ses yeux avec les brosses tarsiennes, lisse ses ailes, essaie une promenade et finit par hasarder le vol. Si, après l'essor de l’Insecte , vous ramenez vos regards sur son berceau, vous trouvez, à la fenêtre thoracique de la pupe, le domino de la nymphe avec sa texture membrano-scarieuse qui lui donne une certaine roideur. Vous y reconnaissez la vaste anfrac- tuosité qui a donné issue au Diptère, et votre œil pratique sait y distinguer l’ébauche de toutes les parties du corps. Mais là ne se bornent point toutes les inspirations suggérées par le miraculeux déroulement de cette triple vie. Ges dépouilles inanimées de la pupe et de la nymphe ont aussi une destination providentielle ; elles vont payer au sol leur mince mais positif tribut d'engrais, concourir à la formation de l'humus , source de toutes les existences, et ce tribut va s’accroitre bientôt du ca- davre du Diptère lui-même: car celui-ci, dans sa vie passagère, doit avant tout satisfaire à sa mission innée de propager l'espèce, de fonder une progéniture qu’il est condamné à ne pas voir pro- spérer. O inconcevables décrets de la création! c’est ainsi que pour le perpétuel maintien, pour l'éternel renouvellement des har- monies universelles, la prévoyante nature sait mettre à contribu- tion et la vie et la mort. 12 L. DUFOUR. — SUR LE SUBULA CITRIPES, 3" Insecte ailé. Subula citripes, Nob. Subule aux pieds citron. Nigra, albido-sericeo-pubescens, ore, palpis, linea laterali thoracis, seutello, halteribus, pedibusque cum coæis flavo-citrinis ; abdo- mine penitus nigro ; larsis apice nigrescentibus, antennis abris capite longioribus; genitalibus lestaceis; alis immaculatis. —- Long. 8-10 millim. à Hab. in sylvaticis Galliæ meridionalis occidentalis. (Saint-Sever.) Tout le corps noir, à duvet gris-blanc , soyeux, plus dense or- dinairement sur les côtés du corselet qu’à la ligne médiane, plus fourni au bord postérieur des segments abdominaux , où il simule parfois des bandes. Aucune trace de traits jaunes à l'abdomen. Antennes plus longues que la tête, avec les deux premiers articles courts cupuliformes. Un trait jaune bordant le corselet depuis l’o- rigine de l’aile jusqu’à l'épaule. Ecusson jaune à bords basilaires noirs. Guisses postérieures non sensiblement renflées. Couleur jaune citron prenant une teinte roussätre après la mort. Mâle un peu plus petit; bout des branches du forceps copulateur en cuil- leron arrondi. Oviscapte de la femelle terminé par deux tenta- cules vulvaires ovalaires, velus. Cet Insecte, quand on l’inquiète , relève son abdomen comme les Staphylins, mais sans le courber. Quelque chose sur la pupe du Subula marginata. J'ai fait pressentir que la pupe des Subula et de quelques genres voisins donnait une assez juste idée de la larve. Lorsqu’en mai 1840 je découvris, dans le bois décomposé d’une vieille souche de peuplier, les larves du Subula marginata, Meig., Jj'omis d’en consigner dans mes notes la description et le croquis, et je me vois aujourd’hui obligé d’y suppléer par l'étude de la pupe que j'ai sous les veux. Quand il s’agit d'établir des différences entre de petits objets, et que pour ces différences, qui ne résident pas dans les formes générales, il faut interroger des détails de texture intime, on est excusable d’être scrupuleux et même minutieux dans ce parallèle. La pupe du Subula marginala a une taille, une forme, une L. DUFOUR. — SUR LE SUBULA CITRIPES, 13 composition segmentaire , une structure d'ensemble qui lui donne une grande conformité générique avec celle du citripes. Mais l’entomologie bien comprise deviendra dorénavant plus exigeante, et le temps n’est pas loin où il faudra donner le signalement spé- cifique des larves et des chrysalides comme celui des Insectes parfaits. Ce sera là le complément de leur histoire. La pupe du S. marginata est lisse, glabre , d’un brun clair uniforme. Ses segments n’offrent pas sur leurs côtés ces soies qui existent dans le citripes. Une bonne loupe, bien éclairée, con- state au tégument une fine et très légère réticulation à mailles pleines arrondies, sans aucun relief. Nulle trace de granulations. Le pseudocéphale, uni sur ses bords, offre de chaque côté une ligne enfoncée , un sillon qui ne se voit pas dans le citripes. Les segments thoraciques sont tout à fait lisses, tandis que les sui- vants ont, tout près de leur bord antérieur, une série transversale de fort petites aspérités sous formes de points. Le dernier segment présente de chaque côté, en arrière, comme une petite dent à laquelle aboutit un sillon latéral. Rien de semblable ne se voit dans la pupe du citripes. EXPLICATION DES FIGURES. ( Les figures relatives à ce Mémoire se trouvent à la PI. 17 du précédent volume.) Fig. 42. Larve grossie du Subula citripes. Fig. 12’. Mesure de sa longueur naturelle. Fig. 43. Portion antérieure de cette larve, considérablement grossie. a,a, éminences tégumentaires du pseudocéphale, simulant des yeux, avec les soies lancéolées de celui-ci. b, mandibules adossées sortant du promuscide; celui-ci avec ses deux paires de soies. e, sügmate antérieur ou prothoracique. Fig, 44. Portion postérieure de cette même larve considérablement grossie. a,a,a,a, les quatre tubereules pilifères du dernier segment avec leur texture granuleuse. b, capsule renfermant les stigmates postérieurs. ce, pénultième segment, pour mettre en évidence la texture granuleuse du tégumernt et les séries transversales des points saillants. Fig. 15. Pupe grossie du Subula citripes. Fig. 16. Mesure de sa longueur naturelle. Fig. 47. Nymphe grossie retirée de cette pupe. Fig. 48. Celle-ci plus grossie a, dépouille de la nymphe restée, après l'essor du Diptère , à la fente tho - racique de la pupe. Fig. 49. Pupe grossie du Subula marginata. 1 L. DUFOUR. — SUR LE CASSIDA MACULATA, Fig. 20. Mesure de sa longueur naturelle. Fig. 21. Portion plus grossie de cette pupe, pour mettre en évidence et la sur- face fnement réticulée du tégument , et la série des petites aspérités poncti- formes. HISTOIRE DES MÉTAMORPHOSES DU CASSIDA MACULATA ; Par M, LÉON DUFOUR. 1° Larve. Larva heæapoda, cephala, ovata, depressa , virescens , capite solo nigro ; appendicibus marginalibus hirsutis, in thoracis seymentis ternis, in abdominalibus unico, posticis duobus multo longioribus merdigeris, — Long. 8 millim. Hab. in summitatibus inulæ dysentericæ. Tous les entomologistes savent que Réaumur a fait connaître les métamorphoses du Cassida viridis, de Géer celles du C. tigrina Latreille en partie celles d’une Casside de Saint-Do- mingue; mais tous ne savent pas que Geoffroy et même Lyonet ont très défectueusement décrit et figuré celles du C. maculata, qui fait le sujet de mon écrit. Je ne prétends donc pas enrichir la science d’une découverte, je veux seulement servir ses exigences actuelles en lui offrant une révision d’un fait mal compris et sur- tout mal représenté, L'historien des Insectes des environs de Paris, en étudiant les métamorphoses de sa Casside panachée (C. maculata, Lin.), s’est laissé entraîner à des négligences ou à des méprises graves, qui ont permis à l’erreur de se glisser dans la science et dont celle- ci réclamait le redressement, Un coup d’œil comparatif jeté sur les figures de la larve et de la nymphe dans la planche de Geof- froy et dans la mienne, met en évidence palpable une si énorme différence, qu’à juste titre on pourrait regarder ces portraits comme n’appartenant pas au même type, quoique l’insecte parfait , fidè- lement représenté par cet auteur, soit identiquement l'espèce dont j'ai suivi les métamorphoses. Après avoir mûrement réfléchi sur cette singulière dissemblance, j'ai acquis la conviction intime que le dessinateur auquel Geoffroy aura pu donner pour modèle EL. DUFOUR. — SUR LE CASSIDA MACULATA, , 15 les figures de la larve et de la nymphe du Cassida viridis dans l'ouvrage de Réaumur, loin de chercher à imiter la nature qu’on avait sans doute mise sous ses yeux, aura trouvé plus facile , plus expéditif de copier servilement ces figures gravées sans en indi- quer la source. Dans le dessin de Geoffroy comme dans celui de Réaumur, le prothorax de la nymphe, d’une configuration très incorrecte , est bordé de cils fasciculés ou rameux, ce qui n’existe nullement dans les nombreux individus du maculala qui ont passé sous mes yeux. L’iconographe de Réaumur à aussi bien mal saisi ces cils dans la nymphe du wiridis, où je les ai trouvés tout à fait simples. Je n’insiste pas davantage sur ce qu’il y a d’évi- demment défectueux dans les figures, qui dans l’ouvrage de Geoffroy représentent la larve et la nymphe attribuées à sa Cas- side panachée, qui, je le répète, est bien la même que celle dont je vais essayer l’histoire. C’est encore cette même espèce dont le célèbre Lyonet dans ses œuvres posthumes (1) a, contre son ordi- naire, si mal exposé les métamorphoses. Je crois donc rendre un véritable service à la science, en substituant à ces descriptions in- complètes , vagues et erronées , des faits rigoureusement établis, Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà exprimé dans le signa- lement aphoristique de la larve du Cassida maculata , signale- ment en partie applicable à d’autres espèces du même genre, J’ajouterai que la tête , la seule partie noire de la larve , ne dé- borde le thorax que par un segment de cercle. Un ou deux traits longitudinaux obscurs s’observent souvent à la région dorsale et dépendent des ingesta du canal digestif. Les trois compartiments thoraciques sont difficiles à distinguer, et ils n’ont été ni men- tionnés ni figurés par les vénérables auteurs dont j'ai parlé, mais une loupe attentive et pratique parvient à les constater. Le prothorax est plus grand que les suivants , et tous trois ont de chaque côté trois pointes hérissées, tandis que les segments abdo- minaux , peu marqués aussi, n’en ont qu'une seule. Outre ces pointes marginales, il y a sur la région dorsale quelques petits poils roides disposés en séries transversales. Enfin le corps se ter- mine en arrière par deux filets fort longs, que Réaumur désigne sous le nom de fourche, et dont je ferai bientôt connaître la cu- (1) Page 419, pl. 42, fig. 7-12. 16 L. DUFOUR. — SUR LE CASSIDA MACULATA. rieuse destination physiologique. Après cette esquisse des princi- paux traits extérieurs, abordons des considérations d’un ordre plus élevé, exposons les actes de cet organisme, et sachons leur appliquer une physiologie rationnelle. Ces larves, ainsi que leurs congénères, ont la singulière habi- tude d’entasser au-dessus de leur corps leurs excréments supportés par un pivot tégumentaire mobile, et c’est là un trait qui les dis- tingue de celles des Crioceris, qui, elles, sont salies par l’applica- tion immédiate des excréments. Ceux-ci, au lieu de constituer une masse informe comme dans les Cassida viridis et tigrina, sont, dans le maculata, filiformes et groupés en un faisceau ou en un buisson plus ou moins relevé. La larve exotique si bien décrite par Latreille (1), et qu'il soupconne appartenir à son Cassida 11 maculata, est encore plus recherchée pour la fabrication de ce manteau, puisque ses déjections, d’une finesse presque capillaire, sont disposées en deux faisceaux réunis formant des ovales con- centriques. Vous allez voir combien la nature est ingénieuse, féconde et conséquente dans ses créations. Puisqu’elle avait destiné notre larve de Casside à se fabriquer avec ses excréments un manteau soit pour protéger, abriter son corps, soit pour masquer sa pré- sence à ses ennemis , soit pour atteindre je ne sais quel autre but, il fallait bien que tout, dans ce petit organisme, objet de ses sol- licitudes conservatrices, concourût à servir cette faculté instinc- tive de l’animal, conséquence irrécusable d’une organisation donnée. Ainsi, elle a voulu que l’échafaudage excrémentitiel eût pour axe mobile les deux filets postérieurs du corps, et dans ce but elle a créé ceux-ci bien plus longs que les autres. Et voyez comme leur forme, leur structure, sont adaptées à cette distination fonctionnelle ! ils sont effilés par leurs pointes pour s’insinuer avec facilité au milieu du buisson, et peut-être pour diriger par leur souplesse intelligente les matériaux de cette construction. Leur base insensiblement épaissie, pour maintenir et serrer le faisceau, est garnie de poils destinés aussi à retenir, à fixer ces matériaux. A l'insertion de ces filets au panicule tégumentaire, sont des mus- cles spéciaux qu’un Lyonet seul pourrait mettre en évidence , et (1) Hist. Crust. et Ins., t. XII, p. 22. L. DUFOUR. — SUR LE CASSIDA MACULATA. af qui donnent à ce double axe la faculté ou de se projeter d’arrière en avant pour couvrir le corps, ou de se redresser perpendiculai- rement pour laisser à celui-ci, dans les moments de sécurité, le bénéfice de l’air et de la lumière , ou de se renverser en arrière, en un mot, de jouir d’une mobilité soumise au vouloir de l’in- secte. Mais vous n’avez pas fini d'admirer. La construction de ce manteau si insolite, de ce buisson protecteur, avait besoin, pour établir et fixer les premières assises stercorales, d’une fondation, d’une base favorables. Prenez une simple loupe, et vous trouverez que cette base est formée par la peau fouillée, ratatinée de la pre- mière mue de la larve. Ne dirait-on pas que les pointes hérissées des côtés du corps, qui ne semblent aux regards inexpérimentés qu'une élégante frange, un simple ornement, mais qui, dans le fait, sont des prolongements tégumentaires servant ou de tenta- cules , ou d'armes défensives, ne dirait-on pas que la nature dans ses prévisions à eu pour but secondaire de faire servir les aspé- rités de cette dépouille à la construction du manteau? Ce qu'il ya de sûr, c’est que ces dernières s’adaptent à merveille à la forma- tion de l’édifice. Et que seraient devenues ces sages, ces savantes précautions, si l'animal eût eu des déjections liquides, s’il eût été exposé à la diarrhée, ou même, comme on le voit si souvent, si la pâte sterco- rale se fût à sa sortie divisée en crottins libres ? Mais vit-on jamais la nature inconséquente ou en défaut ? Elle a donc doué l’insecte de cette trempe de tempérament , de cette faculté digestive, qui devaient donner à l’excrément une mollesse propre à se mouler, à son passage à l’anus, en cylindres filiformes ; et ces cylindres, par leur exposition à l’air, devaient, sans nuire à la cohérence de leurs éléments, perdre l'humidité qui, jusque là, avait été indispen- sable pour acquérir une solidité devenue nécessaire. Et comment diriger sur un échafaudage placé au-dessus de la région dorsale du corps, ces moellons stercoraux, si l’anus dirigé en arrière, comme dans la plupart des animaux , eût seulement consisté dans une ouverture munie de son muscle constricteur, de son sphincter pour l'expulsion de la matière fécale ? Telle n’était pas toute la destination physiologique de cet organe. L’anus n'est 3° série. Zooz. T. VI. (Janvier 1847.) 2 2 18 : LL DUFOUR. — SUR LE CASSIDA MACULATA. point, comme le croyait Réaumur, placé entre les branches de la fourche, mais bien, ainsi que l’avait vu Latreille, en arrièreet en dessous de la base de cette fourche. Il faut observer vivante nôtre larve Onthophore, il faut la surprendre à l'œuvre, en se ména- geant des conditions opportunes , pour juger de ce qui se passe au moment d’une défécation destinée au double but, et de débar- rasser le rectum du résidu fécal, et de faire servir celui-ci à la construction du buisson où manteau stercoral. Pour atteindre ce dernier büt, le rectum à été organisé de manière à franchir ses limites ordinaires, à sortir en partie du corps, à former un pro- lapsus, à exécuter des mouvements soumis à l'empire de la vo- lonté, à se porter d’arrière en avant vers la région dorsale pour pousser, implanter le cylindre stercoral au point du faisceaü qu'il doit occuper. Et quand l'animal sent qu’il y à adhérence conve- nable du cylindre, le rectum rentre en lui-même, se retire dans lé corps pour en ressortir plus tard avec un nouveau fil Stercoral, jusqu’à conclusion de l’œuvre. Admirez, je vous prie, combien d’actes, combien de manœuvres se combinent pour l'érection dé- finitive de ce monument friable et fugitif ! 2° Nymphe. Nympha nuda, affixa; prothorace magno, semicireulari, clypei- formi, cilialo, ciliis simplicissimis, li intermediis majoribus, as- perulis ; abdominis segmentis quiique, utrinque in laminam acu- minatam ciliatam products ; larvæ spolio postice recalcato ; stigmatibus abdominalibus utrinque quatuor orbiculatis. — Long. 5-6 millim. Hab. in summitatilus inulæ dysentericæ. Après quelques jours d’une alimentation active et d’une lente ambulation sur les feuilles de la plante qu’elle habite, l'heure de la métamorphose en nymphe sonne, La larve cesse de manger, s'arrête, se fixe, se débarrasse de tout l’échafaudage stercoral par la rétraction de l’axe fourchu. Pour la seconde fois elle se déshabille, mais non pas compléte- ment; elle se contente de refouler sa dépouille vers la partie pos- térieure du corps, où elle demeure chiffonnée avec tout le luxe de ses appendices frangés, qui contribuent encore à assurer une L. DUFOUR, — SUR LE GASSIDA MACULATA, 19 fixation devenue nécessaire à la métamorphose définitive, Dans cet état de nymphe immobile, sa lète a disparu sous un large bouclier en hémicycle bordé de petits cils simples, dont quatre plus longs occupant le milieu de son bord antérieur ont seuls de fines aspérités. À sa région ventirale, les fourreaux des futures an- tennés de la Gasside se dessinent par deux filets articulés, droits, couchés le long des côtés du corps, et ses six pattes par des reliefs peu distincts plus ou moins ployés. Les segments qui suivent le bouclier ont revêtu des formes particulières,un ornement nouveau, Au lieu des pointes hérissées et bien plus nombreuses de la larve, cinq d’entre eux se prolongent latéralement en autant de lames triangulaires et acérées, ciliées aux deux bords ; et à la base dor- Sale des quatre premières, se font déjà remarquer, sous la forme de points ronds, quatre paires de stigmates dont la première semble se perdre dans une tache noire, Enfin , sous cet élégant domino s’élabore dans le silence et le mystère, se crée de toutes pièces, dans le court espace d'une semaine, l’insecte parfait, le coléoptère appelé Casside. Pour sa mise au monde, le bouclier de la nymphe s’ouvre de bout à fond par une fente médiane bien nette, une véritable dessoudure dont la Casside écarte les panneaux, le plus souvent sans les déchirer. Cette dernière enveloppe fœtale, ce singulier amnios d’une finesse et d’une consistance pelure d’ognon , d’un blanc subdiaphane, d’une propreté parfaite, demeure en place, et la loupe y reconnaît encore, non sans admiration, les appendices et les franges de la tunique nymphale. 3° Insecte parfait. Cassida maculata et C. murræa, Lin., Syst. nat., If, p. 575.— Fabr., etc. La Casside panachée, Geoffr., 7ns. Par., 1, 314, pl. 5, fig. 6. Scarabée voltigeur n° 2.—Lyonet, OŒuv. posth., p.119, p.142, fig. 41, 12, Il serait superflu de décrire une espèce, connue depuis un siècle et inscrite dans tous les ouvrages d’entomologie. La cou- leur fond vert passe au roussâtre dans le même individu; ainsi c’est là une variation sans valeur. Dans ses trois âges, la Casside tachée se trouve sur l’inula dysenterica, plante des lieux hu- mides de toute l’Europe. Gyllenhal l’a abondamment rencon- trée en Suède sur l’vula salicina ; nouvelle preuve de l'instinct 20 L. DUFOUR. — SUR LE CASSIDA MACULATA, botanique des insectes dont j'ai déjà fait connaitre plusieurs exemples. Note sur un Zulophus parasite des larves du Cassida maculata. Quel entomologiste, adonné à la recherche et à l'éducation des larves et des chrysalides, n’a pas remarqué qu'elles étaient déci- mées par des parasites? C’est presque une loi générale que le pa- rasitisme , une loi de pondération pour maintenir les espèces dans de justes limites, Lorsque la larve du Cassida maculata, à même de subir sa transformation en nymphe, prend une teinte rembrunie et de- vient immobile, c’est qu’elle est piquée par des parasites , qui, pressés eux-mêmes par le besoin de leur métamorphose, ont porté une atteinte mortelle sur les viscères et les tissus intérieurs de la Casside. Celle-ci cesse donc de vivre, et au bout de peu de jours on voit éclore par les érosions, les déchirures du tégument, un très petit hyménoptère de la famille des Pupivores de Latreille, ap- partenant au genre Eulophus, et que je caractériserai de la ma- nière suivante : EuLoPuus caAssiDÆ , Nob. Nigro-cœæruleus, nitidus , tibiis tarsisque pallidis ; antennis piceo- nigris, seæ articulatis, articulis duobus primis glabris , celeris willosis, ultimo in mare elongato, in fœmina rotundato ; alis enervüs, villosis, calo rufescente, capitellato. —Long. À 4/2 mill. Hab. in larvis Cassidæ maculatæ. EXPLICATION DES FIGURES. Les figuresrelatives à ce Mémoire se trouvent à la PI. 17 du volume précédent. P Fig. 22. Larve de Cassida maculata, recouverte du faisceau ou buisson stercoral. —4, anus et prolapsus du rectum, lorsque celui-c1 pousse le cylindre stercoral pour la construction du faisceau. Fig. 23. Mesure de la longueur naturelle de cette larve. Fig. 24. La même larve encore plus grossie et débarrassée du faisceau stercoral. — a, tête. — b,b,b,b,b,b, les six pattes et les trois pointes hérissées latérales de chacun des trois segments du thorax. —c,e, les pointes hérissées, solitaires, des segments abdominaux. — d,d, les deux longs filets postérieurs destinés à former le double axe du faisceau ou manteau stercoral. Fig. 25. Nymphe fort grossie de cette Casside. — «,a, prothorax en hémicycle. — bb, les deux paires de cils plus longs, garnis d'aspérités. — c,c, les seg- ments abdominaux, avec leurs prolongements latéraux en lames ciliées et les stigmates. — d.d, la dépouille tégumentaire de la larve, refoulée à la partie postérieure du corps de la nymphe. OBSERVATIONS SUR LA PÉTRIFICATION DES COQUILLES DANS LA MÉDITERRANÉE ; Par MM. MARCEL DE SERRES et L. FIGUIER. Toutes les recherches de la géologie moderne semblent prouver que rien n’est changé dans l’ordre de la nature , et que les mêmes causes ont présidé aux faits accomplis dans les premiers âges du monde, et à ceux que nous voyons aujourd’hui se réaliser sous nos yeux. Cependant quelques faits ont paru jusqu'ici devoir échapper à cette communauté d'origine, et la pétrification des débris organisés, au milieu des terrains géologiques, est journel- lement présentée comme un argument des plus sérieux contre cette loi générale. Peu de personnes accepteraient, en effet, sans difficulté, ce fait, incontestable cependant, qu’il se forme aujourd’hni , dans le sein des mers, des pétrifications des coquilles qui , sous le double rapport de la composition chimique et du mode de pétrification, sont entièrement analogues à celles qui se sont formées dans le bassin de l’ancienne mer. L'objet de ce Mémoire est de démontrer ce fait général et d’étudier les phénomènes à l’aide desquels il s’accomplit. Nous espérons prouver en même temps que les grès chargés de débris de Mollusques qui couvrent, comme on le sait, de si vastes étendues dans les terrains tertiaires, trouvent leurs ana- logues dans des roches coquillères de formation récente, qui prennent naissance , de nos jours, au milieu de la Méditerranée. L. Du mode de pétrification des corps organisés dans les temps historiques et géologiques. Si l’on raisonne d’après les faits qui s’accomplissent de nos jours , certaines conditions semblent nécessaires pour produire la pétrification des corps organisés , ou, si l’on veut , ces pétrifi- cations ne s’observent que là où ces conditions sont réunies. On peut admettre, sans trop d’invraisemblance , que les mêmes cir- 22 MARCEL DE SERRES ET FIGUIER. constances ont été nécessaires à l’accomplissement de ce phéno- mène pendant les époques géologiques. Pour que les débris organiques se pétrifient, c’est-à-dire pour que la matière organique qu’ils renferment se trouve remplacée par une matière minérale qui en retrace la forme et les linéaments les plus délicats, il faut selon nous : 1° que ces restes se trouyent plongés dans de grandes masses d’eau ; 2° que les eaux contien- nent, avec une certaine abondance, des sels calcaires ou siliceux. Il est facile de concevoir que la première de ces conditions a dù se présenter constamment pendant les temps géologiques, aussi bien pour les espèces organisées déposées dans le sein des mers, que pour celles qui se sont précipitées dans les eaux douces. Il suflit, pour s’en convaincre , de comparer l'étendue que pré- sentaient les mers dans les temps qui n’ont eu aucun homme pour témoin, avec celle qu’elles occupent aujourd'hui. En effet , les eaux qui remplissaient le bassin des mers des temps géologiques , non seulement occupaient de plus grands es- paces, mais encore jouissaient d’une propriété dissolvante plus énergique, à en juger par la grande quantité de matières qu’elles ont déposées à la surface des terrains. Une pareille comparaison , entre les eaux douces de l’ancien monde et celles qui remplissent maintenant les lacs et les points les plus abaissés des continents, amènerait à la même conséquence. Il ne paraît pas, en effet, que les eaux douces actuelles puissent produire des dépôts aussi considérables que ceux qu'ont laissés les eaux flu- viales ou lacustres de l’ancien monde, Le rôle important que le carbonate de chaux et la silice ont joué dans le phénomène de la pétrification ressort du simple exa- men des faits. La plupart des pétrifications géologiques ont été produites à l’aide du carbonate de chaux, Ce phénomène est tou- jours plus complet lorsque les eaux, dans le sein desquelles il s'est produit, contenaient ce sel en abondance. Lorsque les for- mations gypseuses renferment des débris organiques , ce qui est fort rare pour ceux des Mollusques, ces débris sy présentent dans un état de pétrification incomplet, comme il est facile de s’en assurer en examinant les ossements que l’on y rencontre. PÉTRIFICATION DES COQUILLES., 23 Il en est de même pour la plupart des terrains arénacés et les dépôts argileux , où les coquilles conservent aussi bien leur têt que dans les terrains gypseux. C’est, en effet, au milieu des marnes et des sables que les débris de la vie des temps géo- logiques se sont le mieux conservés et se trouvent le plus fré- quemment, La silice est, après le carbonate de chaux, l’agent le plus fréquent de la pétrification ; elle l'emporte même sur le carbonate de chaux par la fidélité et la délicatesse avec laquelle elle repro- duit jusqu'aux derniers linéaments des débris organiques. Du reste, certaines particularités de ces corps organisés ne paraissent pas avoir été sans influence sur les pseudo-morphoses siliceuses. Ainsi les parties des corps qui ont présenté assez de consistance pour conserver leur forme durant le temps nécessaire à la pétrification sont presque toujours à l’état calcaire, et celles dont la consistance est moindre sont passées à l’état siliceux. On voit souvent les ligaments des Gryphées métamorphosés en silex, quoique leur têt soit pétrifié en calcaire. La plupart des Alcyons et des Éponges fossiles sont presque toujours transformés en silex. De même les noyaux de ces coquilles sont plus souvent métamorphosés en silex que leurs têts. Les Ananchites et les autres Échinides du grès vert, dont le têt est presque toujours calcaire, ont dans leur intérieur un noyau siliceux , qui souvent en remplit toute la capacité, On dirait quelquefois que la matière animale en est sortie comme exprimée par une pression mécanique. Enfin des Zoophytes siliceux se montrent souvent disséminés au milieu des roches calcaires, ce qui semble indiquer l’espèce d'attraction élective de la matière animale pour la silice. Le carborate de chaux et la silice ne sont pas les seules sub- stances qui ont concouru à la pétrification des corps organisés de l’ancien monde. Le peroxide de fer anhydre ou hydraté et le sulfure de fer sont dans ce cas. En effet, les Ammonites sont quelquefois transformées en oligiste ou en limonite ; plusieurs de ces Ammonites, en partie ferrugineuses, n’en sont pas moins calcaires, comme les terrains dans lesquels on les rencontre; sou- vent même elles sont pyritisées, 2h MARCEL DE SERRES EL FIGUIER. A cette explication de la pétrification des débris des corps or- ganisés par voie de dissolution préalable, on objectera peut-être que le carbonate de chaux et la silice , qui sont les agents les plus habituels du phénomène , sont naturellement insolubles dans l’eau. Mais l’on sait que le carbonate de chaux se dissout dans un excès d'acide carbonique, surtout à l’aide d’un accroissement de pression, et le bicarbonate de chaux se rencontre dans les eaux de la mer en proportion notable. Quant à la silice, l’action des alcalis, l’élévation de la température, l’état gélatineux ou naissant, en provoquent, comme on le sait, la dissolution. La so- lubilité qu’elle acquiert dans ces circonstances permet de conce= voir la formation des zéolithes et des amygdaloïdes , que l’on rencontre si fréquemment dans le voisinage des roches ignées. Enfin, dans certaines circonstances , la silice est enlevée aux roches qui la contiennent par la chaleur seule des eaux. C’est à un effet semblable qu’il faut rapporter l’origine de ces dépôts si- liceux qui s’opèrent en si grande quantité en Islande au pied des Geysers. M. Dumas admet que, dans ces cas particuliers, la si- lice est dissoute par le choc réitéré de la vapeur d’eau qui s’é- chappe des sources chaudes. Les sources thermales de cette con- trée contiennent, en effet, une quantité très notable de silice à l’état de dissolution , maintenue par le double effet de la chaleur et des alcalis. L'augmentation de pression n’est pas peut-être non plus sans influence sur la solubilité de cette terre. On est tenté de le croire , lorsqu'on voit la silice exister en dissolution dans la plu- part des eaux souterraines, telles que les sources minérales ap- pliquées à l’usage médical. Enfin, quand on remarque qu'un grand nombre de végétaux présentent dans leurs tiges et dans certaines de leurs membranes des quantités notables de silice, et lorsqu'on retrouve la silice en dissolution dans les eaux de plu- sieurs fleuves ou rivières, on est amené à croire que la plupart des eaux douces doivent contenir de faibles quantités de cette substance. Si d’ailleurs on se refusait à admettre le fait de la dissolution réelle de la silice dans les eaux qui ont pétrifié les coquilles aux PÉTRIFICATION DES COQUILLES. 925 temps géologiques , il suffirait, pour l'explication du phénomène, d'admettre son état gélatineux. En effet, s’il est nécessaire que la silice se trouve à l’état de dissolution pour produire le cristal de roche, c’est évidemment en se solidifiant à l’état gélatineux qu'elle a produit les silex et surtout les agates et les calcédoines. Les observations qui précèdent nous autorisent donc à rappor- ter le phénomène de la pétrification des débris organisés pendant l’époque géologique et pendant l’époque historique, à une substi- tution minérale opérée au moyen de substances dissoutes dans les eaux, ou s'y trouvant à l’élat gélatineux. IL. Des faits qui prouvent qu'il s'opère dans le sein des mers actuelles des pétrifications aualogues à celles des temps géologiques. Les coquilles abandonnées dans le sein de la Méditerranée par les animaux qui les avaient construites, y rencontrent les condi- tions indiquées plus haut comme indispensables à leur pétrifica- tion. En effet, elles se trouvent plongées dans des masses d’eau considérables, qui tiennent en dissolution des quantités notables de carbonate de chaux. Ainsi, au carbonate calcaire qui compo- sait la coquille, dans l'état frais, il peut s’en ajouter ou s’en substituer une nouvelle quantité fournie par les eaux de la mer, et qui vient remplacer la matière animale et le carbonate de chaux primitif. C’est aussi ce qu’on observe, et dans des degrés différents, suivant que la pétrification est plus ou moins avancée. Nous étudierons plus loin, avec les détails nécessaires, l’en- semble et les divers degrés de ce phénomène ; bornons-nous pour le moment à la simple énonciation du fait qui sera bientôt exa- miné de manière à lever tous les doutes. Mais ce n’est pas seulement sur nos éôtes que l’on a pu re- cueillir des coquilles amenées dans notre époque à l’état de pé- trification ; nous avons recu de l'Algérie des amas de coquilles transformées en un calcaire cristallin d'un blanc et d’un éclat particulier, analogue à celui de l’albâtre. On trouve, dans ces sortes de roches coquillères, de très petits cailloux roulés, en- croûtés par un glacis stalagmitique et cristallin. Le même glacis 26 MARCEL DE SERRES ET FIGUIER. parait être le ciment qui a agglutiné les divers cailloux roulés, si- liceux ou calcaires. Parmi les coquilles qui composent ces magma, on voit uniquement des genres ou des espèces de notre épo- que , surtout des Pectoncles et des Bucardes, plus rarement des Univalves. Les ofliciers du génie qui nous ont apporté ces pétrifi- cations coquillères des environs d’Alger, nous ont assuré qu'elles s’y forment de nos jours et qu’elles appartiennent à l’époque his- torique. Cependant, comme nous n’ayons pas observé nous- mêmes ces amas de coquilles dans les lieux où ils sont disséminés, nous n'osons pas assurer d’une manière très positive que telle soit réellement leur origine. Nous ajouterons que ce ne sont pas seulement les coquilles qui peuvent être ainsi amenées à l’état de pétrification au milieu des eaux salées. Il est facile de fournir des exemples de pétrification de végétaux accomplis dans les temps actuels, Nous rappellerons d’abord l’observation si curieuse de M, Lyell. Ce géologue a re- connu que les graines de Ja Châtaigne d’eau (Chara) se pétrifient aujourd’hui en calcaire dans les lacs d'Écosse , comme les graines de ces mêmes végétaux se sont pétrifiées en calcaire dans les eaux lacustres de l’ancien monde. M, le capitaine Baux a ob- servé à l’île de Mogador un fait du même genre, Des tiges de Fucus, dont les mêmes espèces vivent dans la mer environnante, sont devenues comme des centres d'attraction pour les sels cal- caires et siliceux, Ges substances se sont précipitées sur les tiges autour desquelles elles se sont moulées. Quelques unes de ces tiges, encore incomplétement pétrifiées, conservaient quelques traces du tissu végétal. M. Baux a pu les comparer ayec les Fu- cus qui vivent aujourd’hui dans la même mer, et cet examen Jui à démontré l'identité des Fucus pétrifiés avec le Fucus natans. M. Balst de Bombay (1) a découvert, dans les environs du Caire, une forêt qui était tout entière convertie en silex ; les vais- seaux , les rayons médullaires, et même les fibres les plus ténues y sont encore distincts. Les arbres pétrifiés ont jusqu'à 16 et 18 mètres de longueur. Ge phénomène s’étend sur une surface (1) L'Institut, avril 1846, page 416. PÉTRIFICATION DES COQUILLES, 27 de plusieurs centaines de milles, Tout le désert qui traverse le chemin du Caire à Suez est parsemé de ces arbres , qui semblent s'être pétrifiés sur place et dans l’époque actuelle. Du moins celte forêt n’est recouverte que par des sables et des grayiers. Ceux- ci et les arbres qui y sont ensevelis reposent sur des calcaires qui contiennent des Huitres dont la texture et la couleur sont si peu altérées , qu'on les croirait abandonnées tout récemment par les eaux de la mer. Il est donc probable que ces matériaux appar- tiennent à notre époque, et l’on peut invoquer ce fait intéressant comme une preuve à l'appui de la transformation des coquilles vivantes en carbonale calcaire nouveau (1). Nous pouvons ajouter enfin que les eaux de la mer ne sont pas les seules qui puissent réaliser la pétrification des coquilles dans l'époque actuelle. 1] existe dans l'Inde, sur le territoire de Kurneel, une source thermale qui forme des dépôts calcaires abondants, et dans laquelle on découvre de nombreuses coquilles d’eau douce du genre des Mélanies et des Planorbes. Ces coquilles, dans di- vers états de pétrification , en présentent quelques unes entière- ment converties en calcaire spathique, d’autres ne conservent que leur moule intérieur ; il en est enfin qui sont recouvertes par des cristaux de quartz, tandis que chez d’autres ces cristallisations sont à l’état rudimentaire. Les dépôts coquillers formés par la source thermale de Kurneel ont une consistance analogue à celle que présentent les tufs siliceux des sources chaudes des Geysers de l'Islande. Quoi qu'il en soit, la transformation des coquilles des Mélanies et des Planorbes vivantes en matière siliceuse , est un fait bien plus surprenant que la conversion des coquilles de la Méditerranée en matière calcaire différente de celle qui les con- stituait primitivement. (1) A côté de ces faits, que nous n'avons pu constater par nous-mêmes , nous ajouterons les deux suivants, qui ont une grande valeur pour l'objet qui est en question ici. Le Cardium edule pétrifié forme, dit-on, des bancs considérables à l'embou- chure de la Somme. À Cancale, les coquilles d'huîtres qui sont rejetées à la mer, après avoir paru sur les tables, s'y pétrifient comme le font nos coquilles dans la Méditerranée. Si ce dernier fait est exact, il est évident qu'il répond à toutes les objections. 28 MARCEL DE SERRES ET FIGUIER. Les faits que nous venons de passer en revue démontrent suffi- samment , nous le croyons , la réalité du phénomène de la pétri- fication des coquilles dans les temps actuels, et lui prêtent de plus un caractère de généralité remarquable, Nous devons main- tenant examiner de plus près le phénomène , en suivre la marche et signaler les différences qu’il peut offrir, selon la diversité des espèces. III. De la marche et des différents degrés de pétrification des coquilles. La condition indispensable pour que les coquilles se pétrifient à notre époque , c’est qu’elles restent pendant très longtemps sub- mergées dans la mer. Simplement abandonnées sur le rivage, elles s’exfolient et se désagrégent, mais ne se pétrifient pas. Tout se réduit alors à une destruction lente, mais totale, dont la promptitude dépend des circonstances extérieures dont ces corps ressentent l'impression. Mais les phénomènes sont bien diffé- rents pour celles qui restent plongées dans les eaux. Les coquilles abandonnées par les animaux qui les habitaient, et principalement celles qui s'arrêtent à la proximité du rivage, roulent longtemps ballottées par les vagues. La première modifi- cation qu’elles éprouvent consiste dans l’altération de leurs cou- leurs. Ainsi décolorées , elles sont souvent rejetées sur les côtes, où elles abondent après les gros temps et les vents violents. La perte de leurs couleurs naturelles est la première impression res- sentie par les coquilles et les tuyaux solides et calcaires des An- nélides, enfin par les masses pierreuses des Polypiers ; la se- sonde et la plus profonde consiste dans l'altération de leur substance. Cette altération se manifeste d’abord d'une manière évidente sur les coquilles qui présentent des arêtes ou des côtes élevées. Les cannelures, les parties saillantes disparaissent , et la surface devient unie. C’est ce qu’on observe particulièrement sur les Bucardes à grosses côtes, tels que les Cardium album , trebe- rea , tuberculatum et aculatum. Les côtes saillantes et les inter- valles osseux dont l'apparence est si manifeste chez ces espèces dans l’état frais, laissent des traces à peine sensibles de leur existence , quand l’altération est un peu avancée. Cette première PÉTRIFICATION DES COQUILLES. 20 modification est surtout sensible chez les Pectoncles, où elle met souvent à nu la singulière structure qu'elles présentent au-des- sous de leur lame externe. Les Cithérées perdent aussi leur couche externe, et laissent également apercevoir la structure de leur lame intérieure. A mesure que ces modifications font des progrès, il se précipite, dans l’intérieur des valves des Mollusques conchyfères, des sables qui s’y agglutinentet s’y durcissent, en retenant parfois enclavés dans l’intérieur de leurs masses des débris plus ou moins considé- rables de coquilles de petite dimension. La matière calcaire qui , par l’effet de cette substitution minérale, se précipite dans la sub- stance même des coquilles, y devient souvent comme une sphère d'attraction pour les sels de toute nature en dissolution dans les eaux de la mer; par suite de cette attragtion, le carbonate de chaux se précipite sur la surface extérieure et dans l’intérieur des coquilles, et y forme une cristallisation souvent très nette et par- fois d’une assez grande régularité. La forme de ces cristaux se rapporte pour la plupart à la variété inverse de Haüy. Nous avons recueilli un assez grand nombre de coquilles dont le têt a presque entièrement disparu, et qui se trouve remplacé par un carbonate de chaux cristallin, dont l'aspect, la couleur et la transparence n'ont aucun rapport avec celui qui composait primitivement la coquille. La différence est si grande, que, si le carbonate de chaux cristallin n’avait pas conservé la forme géné- rale de la coquille , il serait impossible de reconnaître l’origine de ces nouveaux corps. Nous avons trouvé également un Tri- ton, le modiferum de Lamarck, qui présente des circonstances remarquables. Toutes les inégalités qu’il présente à sa surface extérieure, dans son état frais, ont compléteinent disparu, et il est devenu presque entièrement lisse; il est transformé en entier en calcaire cristallin. Il présente dans un de ses côtés une perte de substance , et cette ouverture semble avoir livré passage aux sucs lapidifiques qui ont ainsi pénétré dans l'intérieur de sa cavité, et lui ont donné, en s’accumulant, une densité et une dureté très grandes. Nous possédons encore un échantillon curieux d’un amas de coquilles pétrifiées et agglutinées ensemble, recueilli aux 30 MARCEL DE SERRES ET FIGUIER. environs d'Alger. On distingue parmi ces coquilles les Mureæ tranaélus et arentinus, le Natica cruentata, les Venus verrucosa, gassina , les Cardium tuberculalum et edule, le Pecten glaber, les Pectunculus glycimeris. On y apercoit également un Lucina pas assez entier pour être déterminable, enfin une Moule assez rap- prochée du Mytilus afer qui vit, comme on le sait, sur les côtes de la Barbarie. Parmi les individus les plus remarquables de ces dernières localités , et qui, comme ceux dont nous venons de par- ler, ont été transformés en albâtre cristallin, nous signalerons d'une manière toute spéciale un Triton modiferum d'une grande dimension; sa taille est presque le double de celui de nos côtes ; de nombreux cristaux de carbonate de chaux inverse sont déposés dans son intérieur. Nous possédons enfin un autre fragment d'environ 40 centimètres en carré, composé à peu près entière= ment de valves agglutinées de Pectoncles, lesquelles sont égale- ment transformées en albâtre cristallin. Les valves sont collées les unes aux autres par un gluten de la même nature, tout aussi solide et brillant que celui qui compose les valves elles-mêmes. Cet échantillon, dont nous ignorons l’origine, paraît pourtant provenir de nos côtes, car il existait dans la collection de la Fa- culté des Sciences bien avant que nous eussions formé des éta- blissements en Algérie. Toutes les coquilles n’éprouvent pas dans le sein des mers les mêmes genres d’altération. Le plus souvent les Huitres et les Pectens recoivent seulement, entre les feuilles de leurs lames, des sucs lapidifiques qui les rendent plus solides et plus pierreux que dans leur état frais. Souvent les espèces de ce genre dont les valves sont peu épaisses, telles, par exemple, que l’Ostrea cristata, s’imprègnent d’un gluten calcaire qui en pénètre la substance , et en colie les valves l’une contre l’autre, de la même manière que cela est arrivé à un grand nombre d’espèces fossiles , surtout à celles des formations secondaires. Quelquefois les valves pierreuses des grandes Huîtres, particulièrement celles de l'Ostrea edulis de la Méditerranée, se recouvrent extérieurement de cristaux de carbonate de chaux. Lorsque cette quantité est considérable , elle rend ces Huîtres aussi denses que celles des temps géologiques. PÉTRIFICATION DES COQUILLES. 31 Les valves supérieures des Peignes sé revêtent également de pêtits dépôts calcaires ou sablonneux ; mais ceux-ci n’y sont ja- mais abondants, les valves de ces coquilles n’offrant pas une grande épaisseur. Lorsque la pétrification est arrivée à son dernier terme, le car bonate de chaux qui composait la coquille dans son état frais a totalement disparu. Il a été remplacé assez généralement par un calcaire cristallin, qui conserve: plus où moins la forme et la structure de la coquille dont il rappelle l'existence. On voit assez souvent les coquilles ainsi métamorphosées en calcaire nouveau , encroûtées par une couche de sable plus où moins épaisse et constamment durcie. Tous les genres de coquilles ne paraissent pas susceptibles de se pétrifier aû même degré ; nous n'avons observé jusqu’à ce jour à cet état que très peu d'espèces du genre Vénus. Il en existe cepen- dant un certain nombre dans la Méditerranée , parmi lesquelles nous citerons comine les plus communes , les Venus decussata, virginea , rugosa et galinea: Cette circonstance est d’autant plus remarquable qué ce genre est extrêmement fréquent dans les ter- rains tertiaires, où il est pétrifié, comme la plupart des espèces de cette formation. Il én est de même des petites Tellines, si nombreuses dans la Méditerranée, et qui s’y rencontrent cepen- dant très rarement empierrées (1). Il est enfin un autre genre d’altération que présentent les (1) Nous croyons que les faits contenus dans ce chapitre répondent suffisam- ment à une objection qui nous a été présentée par quelques géologues, et que nous allons reproduire. On a prétendu que les coquilles pétrifiées dont nous ayons indiqué l'existence sur les bords de la Méditerranée pouvaient provenir des ter- rains géologiques ; les flots auraient détaché ces coquilles des terrains tertiaires dans les endroits où ces terrains composent le fond de la mer, et les auraient ensuite rejetées sur le rivage. Il suffit, pour détruire cet argument, de faire les deux remarques suivantes : 1° On trouve dans la Méditerranée des coquilles affectant tous les degrés de pétrification, depuis leur simple décoloration jusqu’à leur transformation complète eh carbonaté de chaux cristallin. 9 La Structure moléculaire des coquilles pétrifiées dans les temps actuels est très souvent différente de la structure des coquilles fossiles. Les premières offrent 32 MARCEL DE SERRES ET FIGUIER. coquilles, et dont nous ne dirons que quelques mots, parce qu'il nese rattache pas assez directement à la question qui nous occupe, et que d’ailleurs il a lieu aussi bien chez les coquilles fraiches que chez les coquilles pétrifiées. Quand les coquilles ou les roches coquillères séjournent pendant longtemps dans la vase, ou dans les flaques d’eau salées qui se rencontrent très souvent auprès des rivages de la Méditerranée, elles y prennent une couleur noire ou d’un bleu foncé plus ou moins intense. Ce changement, dans la coloration des coquilles , ne se réalise guère que sur leur surface extérieure. Il suffit, pour s’en convaincre , de casser une Huître ou autre coquille ainsi noircie , pour reconnaître que cette nuance ne s'étend qu’à quelques millimètres au-dessous de la sur- face ; le reste de la coquille présente la couleur blanche du carbo- nate de chaux. Cette altération est due au sulfure de fer qui s’est formé aux dépens de l’oxyde de fer faisant partie de la coquille, et de l'hydrogène sulfuré, spontanément dégagé lui-même des vases au milieu desquelles les coquilles ont séjourné. En effet, si l'on racle la partie noire des coquilles, et qu’on les traite par de l'acide chlorhydrique étendu, en ayant le soin de suspendre dans la fiole où s'opère le dégagement gazeux, un papier imbibé d’acé- tate de plomb, le papier noircit au bout de quelques instants. IV. De la composition chimique des coquilles, considérées à l’état frais et à l’état de pétrification pendant les temps historiques et géologiques. Il était nécessaire, pour compléter les observations précédentes de soumettre à l’examen chimique les coquilles pétrifiées pendant les deux grandes époques de l’histoire de la terre. Pour rendre nos résultats comparables, nous avons dû examiner les mêmes espèces qui se trouvent pétrifiées à la fois dans les ter- rains géologiques et dans les mers actuelles , car il n’eût pas été le plus souvent une texture cristalline ; les secondes affectent toujours l'état com pacte. D'ailleurs, les faits que nous développerons plus tard, à propos des grès co- quillers modernes qai se produisent de nos jours dans la Méditerranée, ne per- mettent pas de conserver de doutes sur la réalité du phénomène important que nous signalons et que nous étudions dans ce Mémoire. : PÉTRIFICATION DES COQUILLES. 33 logique de comparer, au point de vue de la composition chimique, une Bélemnite ou une Ammonite, par exemple, avec un Mactra, un Buccin, ou tout autre genre d’un terrain moderne. Parmi les geures pétrifiés dans les temps actuels, nous avons choisi parti- culièrement ceux qui se présentent le plus souvent à cet état, c’est- à-dire, les Huîtres, les Pectoncles et les Bucardes. Enfin, comme à l’exception de l’Ostrea de l'Océan, toutes ces coquilles n’avaient pas été jusqu'ici soumises à l’analyse, nous avons cru devoir analyser chimiquement.toutes ces espèces prises à l’état frais, Voici quels procédés on a suivi dans ces analyses. La matière animale a été délerminée de la manière suivante : on à pris 10 grammes de la coquille réduite en poudre, et privée de l’eau qu'elle contenait par une exposition prolongée à une cha- leur de 150 degrés environ, jusqu’au moment où le poids de la matière restait invariable. Ces 10 grammes de matière, parfaite- ment privés d’eau, ont été calcinés au rouge dans un creuset de porcelaine, pour détruire la matière organique. Comme la cha- leur rouge avait nécessairement décomposé une partie du carbo- nate de chaux de la coquille, on humectait ensuite la matière cal- cinée avec une dissolution concentrée de carbonate d’ammoniaque; ensuite, on chauffait avec ménagement au-dessous du rouge , afin de recomposer, aux dépens du carbonate d’ammoniaque, le car- bonate de chaux détruit. En pesant de nouveau la matière après ce traitement, la perte éprouvée par les 10 grammes de ma- tière employée, représentait la matière organique détruite. Nous avons essayé de déterminer la matière animale par un autre pro- cédé, car la difficulté de dessécher exactement la coquille sans al- térer la matière animale pouvait laisser quelques doutes. La co- quille, séchée seulement par une chaleur de 100 degrés, a été dissoute dans l’acide hydrochlorique en ayant la précaution d’a- jouter cet acide par petites portions , afin d'empêcher la liqueur de s’échauffer. La coquille se dissout, en laissant seulement la matière animale insoluble sous forme de filaments ou de mem- branes déliées, absolument comme quand on traite les os par l'acide hydrochlorique pour en retirer la gélatine. En opérant ainsi, nous avons constamment obtenu une quan- 3° série. Zoo. T. VII. (Janvier 4847.) ; 3 äl MARCEL DE SERRES ET FIGUIER., tité de matière animale plus faible qu’en faisant usage de la cal- cination, probablement parce qu'une partie de la matière or- ganique a dû se dissoudre dans l’acide chlorhydrique. On sait, en effet, que dans la dissolution de la gélatine des os par les acides , il est impossible d'empêcher la dissolution d’une petite quantité de la substance organique. Toutefois, ce moyen nous a servi à contrôler les résultats de la première méthode et à recon- naître que les rapports des nombres obtenus par les deux modes suivis dans ces expériences étaient les nrêmes. Nous ferons ce- pendant observer que le dernier procédé ne peut pas toujours être mis en pratique pour les coquilles dont la pétrification a lieu dans les temps actuels. En effet, celles-ci retiennent souvent entre leurs lames un peu de sable dont il est impossible de les débarrasser. Ce sable reste donc, après l’action de l’acide, mêlé à la matière animale qui s’y trouve d’ailleurs en très faibles proportions (4). Le phosphate de chaux a été dosé en évaporant à peu près à siccité la dissolution des coquilles dans l'acide chlorhydrique, re- prenant par l’eau, évaporant de nouveau et calcinant légèrement alors le résidu. Repris par l’eau, celui-ci laisse un mélange de phosphate et de sulfate de chaux. Comme le sulfate de chaux au- rait exigé, pour être enlevé au phosphate de chaux, des lavages trop prolongés, on a pesé le mélange , on l’a dissous dans l'acide chlorhydrique , et l’acide sulfurique en a été précipité par un sel de baryte. Le poids du sulfate de baryte à indiqué la quantité de sulfate de chaux, et la différence entre le poids du sulfate de chaux trouvé à celui du mélange primitif, a indiqué la quantité du phos- phate de chaux. Les autres principes constituants des coquilles ont été déter- minés par les moyens ordinaires , en agissant sur la dissolution dans l'acide chlorhydrique. (1) La matière animale retirée des coquilles est azotée et présente les carac- tères de l’albumine coagulée. PÉTRIFICATION DES COQUILLES. Tableau des analyses des coquilles vivantes et pétrifiées dans les temps géologiques et historiques. Matières animales . Carbonate de chaux de magnésie Sulfate de chaux Phosphate de chaux Oxyde de fer Matières animales . Carbonate de chaux de magnésie . Sulfate de chaux Phosphate de chaux Oxyde de fer. Matières animales . Carbonate de chaux Eu _— dé magnésie (traces). Sulfate de chaux Phosphate de chaux. . Oxyde de fer (traces) . HUÎTRES. 1 Ostrea edulis. 9 vurities € de Lamarck, vivant daus la Méditerranée, 3,9 93,9 0,3 4,4 0,5 (traces) 100,0 PECTENS. Pecten glaber vivant duns la Méditerranée, 3,0 96,0 (traces) 0,7 0,3 (traces) 100,0 VÉNUS. Venus virsinen Venus virginen vivant duns FF Méditerranéé, 3,0 96,6 » 0,3 0,1 » 100,0 Ostrea edulis. Varietes C pétrilives dans lu Méditerranée, Mélilerrunées 0,9 97,3 0,8 0,5 pétrifiee duns a Médilerranée. 0,6 99,2 Ostréa nssez rapprochée de l'Ostrea hippo- pus des terrains lerliaires murins supérieurs (pliocèue). 0,8 96,5 1,4 Pecten des lerruins lérbiuir, marins supérieurs (pliocène), 0,7 96,7 0,4 0,8 » 1,4 100,0 Venus semilis des terrains tert, marius superienrs (Brochi). 1,0 97,9 » 0,6 » 0,5 —————— 100,0 26 MARCEL DE SERRES ET FIGUIER. PECTONCLES. Pectunculus Pectunconlus Peciuneulus glycimeris glycimeris pulvinatus et Jlamulatus et flamulutus des terrains tert, visant dans pétfies uns la marins la Medierranée, Mediterranée, supérieurs, Matières animales . 2,4 0,7 0,8 Carbonate de chaux 97,2 99,0 98,4 — de magnésie (traces). » » » Sulfate de chaux : . . . 0,4 0,3 0,4 Oxyde de fer » » 0.4 100,0 100,0 100,0 CARDIUMS. Cardium Cardium tuber- Cardium tuberculatum culatum des vivant pélrifié dans le lerrains Lert. dans sein de la marins Ju Medileriance, supérieurs, Méditerranée. Matières animales . 2,0 0,8 0,6 Carbonate de chaux 97,8 98,7 98,8 — de magnésie (traces) (traces) 0,1 Sulfate de chaux . 0,2 0,5 0,3 Oxyde de fer. . (traces) (traces) 0,3 100,0 100,0 100,0 Le résultat de ces analyses démontre suflisamment la res- semblance remarquable que présentent, sous le rapport de leur composition, les coquilles pétrifiées dans les temps géologiques , et celles qui se pétrifient dans le sein de la Méditerranée. La petite quantité de matière animale que les unes et les autres contiennent est assez sensiblement la même. Les coquilles pétrifiées dans les temps actuels offrent seulement à cet égard un excès sur les es- pèces fossiles, qui cependant n’est jamais considérable. Le phosphate de chaux qui existe dans certaines de ces co- quilles à l’état vivant, telles que les Huîtres, les Peignes et les Vénus, ne se retrouve plus dans les coquilles pétrifiées, quelle que soit leur date. Cette particularité s'accorde parfaitement avec les observations géologiques rapportées ci-dessus. On remarquera, enfin, que toutes les coquilles examinées con- tiennent du sulfate de chaux, Quoique ce sel s’y trouve en pro- a LÉTRIFICATION DES COQUILLES, 97 portion assez notable , il n’avait pas été indiqué dans l’analyse des Huîtres que nous devons à Vauquelin, à Bucholz et à Brandex. L'existence de ce sel terreux ne saurait pourtant être mise en doute, car si l’on calcine des coquilles d’Huîtres , de Peignes ou de Vénus, et que l’on fasse dissoudre dans l'acide chlorhydrique le résidu de cette calcination, la liqueur dégagera abondamment de l’hydrogène sulfuré. Des grès coquillers qui se forment aujourd hui dans la Méditerranée. Nous devons, en terminant, appeler l’attention sur ces grès co- quillers que l’on observe de nos jours sur les bords de la Médi- terranée, et que nous avons déjà signalés comme représentant les analogues des grès coquillers qui se rencontrent en si grande abondance dans les terrains géologiques, particulièrement à l’é- poque tertiaire. Il arrive souvent que les sables de la Méditerranée, en s’agglo- mérantf, saisissent et incorporent à leurs masses un grand nombre de coquilles dans un état de pétrification plus ou moins avancé et constituent ainsi de véritables bancs coquillers. Ces grès coquil- lers modernes ne diffèrent des grès coquillers propres aux ter- rains géologiques que par leur petite étendue. On les rencontre disséminés au milieu des sables des mers, formant des blocs épars, isolés, sans continuité et à des distances fort inégales. Il nous a paru intéressant de connaître la nature de l’espèce de gluten qui donne aux sables cette adhérence et cette solidité, et qui produit les nombreuses agglomérations arénacées que la mer rejette sur ses rivages. En séparant de ces roches coquillères, les coquilles et leurs débris, qu’elles tiennent enclavées, et les trai- tant par l'acide chlorhydrique, qui dissout les derniers détritus des coquilles non séparées par les moyens mécaniques, il reste comme résidu une matière qui offre les qualités physiques de l’ar- gile. Cette sorte de gluten minéral présente donc de l’analogie avec le ciment romain ; comme lui, il est très plastique et se durcit et se solidifie sous l’eau. Ajoutons qu’une argile tout à fait ana- logue, et qui produit les mêmes effets d’agglutination , se trouve 38 MARCEL DE SERRES ET FIGUIER. sur le rivage de l'Océan, principalement sur les côtes des envi- rons du Havre, où l’un de nous a pu l’observer. Quoique ces roches coquillères ne se rencontrent sur les ri- vages qu'en masses petites et presque toujours isolées, il est pfobable cependant qu’elles constituent, dans le sein des mers, des amas puissants et d’une grande étendue dont nous ne recueillons que les débris. On ne saurait douter que ces roches prennent naissance au milieu des eaux salées , lorsqu'on remarque que la partie qui ne repose pas sur le fond est souvent recouverte, non pas seulement par des Annélides du genre des Serpules, mais encore par différents Zoophytes. On y trouve quelquefois des glands de mer (Balanus), comme on en trouve sur plusieurs dé- bris fossiles des mammifères terrestres qui, dans les temps géolo- giques, ont été entraînés dans le bassin des mers. La formation de ces grès coquillers se présente dans un grand nombre de circonstances curieuses que nous devons rapidement indiquer. Les objets métalliques qui séjournent longtemps dans la mer, y deviennent comme des centres d'attraction pour les ma- tières en dissolution ou en suspension dans les eaux. Ces matières se précipitent à leur surface et les couvrent d’un enduit souvent d’une assez grande épaisseur et d’une dureté considérable. Nous possédons un fusil qui paraît avoir séjourné assez long- temps dans la mer. Il est revêtu d’une couche sablonneuse coquil- lère de 5 ou 6 centimètres d'épaisseur et d’une grande dureté, Nous avons également dans nos collections plusieurs instruments en fer qui présentent les mêmes particularités. Enfin, nous avons mis sous les yeux de l’Académie un couteau muni encore de son manche, et qui a été entouré d’une couche sablonneuse coquillère d'une épaisseur de près de 4 centimètres. Outre les fragments de coquilles réunis par des sables endurcis à l’aide d’un ciment fer- rugineux, qui composent cette sorte de roche, on y observe encore des galets très petits, comme le sont généralement ceux des mers. On voit aisément, en jetant les yeux sur ce couteau ainsi empri- sonné , l’influence que l'oxyde de fer a exercée sur la production du ciment qui agglutine les sables, les coquilles et les petits ga- lets. Le fer, qui compose la lame et les clous du manche, s’est PÉTRIFICATION DES COQUILLES. 39 converti en limonite ou peroxyde hydraté, et, en se répandant dans la masse du grès, il a communiqué à cette roche nouvelle une so- lidité et une dureté considérables. Les phénomènes que nous venons de voir se réaliser sur de petits objets se produisent également sur une grande échelle et dans des circonstances trop curieuses pour ne pas être au moins rapidement indiquées. En 1827, sur les conseils de Davy, l’ami- rauté anglaise fit recouvrir d’un certain nombre de plaques de zinc , la doublure en cuivre des navires, pour s'opposer, par une action galvanique, à la corrosion rapide que l’eau de la mer fait éprouver au métal, surtout dans quelques parties des côtes de l'Afrique. Mais on se trouva obligé de renoncer bientôt à ce moyen, parce que des dépôts considérables de coquilles et de sa- bles agglutinés encroûtaient si rapidement le navire, que sa marche en était retardée. Ici l’action galvanique accélérait le phé- nomène. Le cuivre, rendu électro-négatif par la pile que formait le zinc et le cuivre superposés, attirait les bases insolubles, la magnésie et la chaux tenues en dissolution dans les eaux dela mer, et les flancs du navire commencaient à se recouvrir de carbonate de chaux et de magnésie; les coquilles et les sables se précipi- taient ensuite sur ces dépôts terreux. L'action électrique provo- quait et accélérait le phénomène, mais il est évident qu'il est en- tièrement de l’ordre de ceux que nous avons présentés. V. Les phénomènes physiques de l’ancien monde ont-ils ou non quelques analogies avec les phénomènes actuels ? Les faits précédents prouvent que la pétrification des coquilles n’est pas un phénomène propre aux âges passés, puisqu'elle s’ob- serve encore dans les temps actuels. On ne peut donc plus invo- quer ce phénomène contre l’opinion de la permanence actuelle des causes qui ont agi aux époques géologiques. Mais on peut se de- mander si ce fait est unique, et siles autres phénomènes du monde matériel ne concourent pas avec celui-ci pour faire admettre qu’il n’y a rien de changé dans les causes agissantes, si ce n’est qu’elles exercent leur action avec une moindre intensité et d’une manière moins générale, Il n'entre pas dans notre pensée de traiter ici HO MARCEL DE SERRES ET FIGUIER. dans tous ses détails, cette question, l’une des plus délicates et des plus importantes de la géologie. Nous nous bornerons à examiner en quelques mots si les autres faits ne viennent pas à l'appui de celui que nous venons d'étudier, et ne nous montrent pas, comme lui, que les mêmes effets se sont toujours produits à la surface du globe. Si nous portons notre attention sur les tourbes, les dépôts charbonneux les plus abondants dans la nature actuelle, ils nous donnent, par leurs lits alternatifs de marnes et de sables, une idée assez rapprochée de la conversion des anciennes forêts en houille. 11 y a plus, les immenses radeaux de bois flotté que les grandes rivières de l'Amérique entraînent vers leurs embouchures, se transforment souvent, lorsqu'ils sont soumis à une grande pres- sion, en une matière charbonneuse analogue à la houille elle- même. Enfin, lorsque les bois se trouvent dans des circonstances convenables, telles qu'une température élevée ou une pression considérable , ils se convertissent en lignite à peu près comme l'ont fait, sous l’influence des mêmes conditions , les arbres des temps géologiques. Il ne se forme plus sans doute des dépôts de ferrate de fer analogues à ceux qui sont exploités en Suède ; mais les dépôts ferrugineux n’ont pas cessé pour cela de se produire, car des minerais de ce métal se forment journelle- ment dans les lacs et les marais. Ces minerais consistent princi- palement en limonite (hydrate de peroxyde de fer), qui se trouve tantôt en suspension dans les eaux marécageuses ou lacustres, tantôt disséminée dans les terrains sablonneux. Aux exemples que l’on en connaissait , M. Daubrée vient récemment d’en ajou- ter un nouveau qu'il a signalé à la Société géologique de France (1846). Ce fait n’est pas moins remarquable que ceux que l’on avait précédemment indiqués. D'un autre côté, les nombreux bancs pierreux marins coquillers, qui se forment tous les jours dans tant de lieux’ différents, représentent, par l’ensemble de leurs caractères et leur texture , le calcaire grossier ou le calcaire moellon , l’un et l'autre si chargés des débris de Mollusques; ils en offrent également la solidité et la dureté. Parmi les dépôts qui se prodnisent journellement sous nos veux, nous citerons ceux PÉTRIFICATION DES COQUILLES. A du détroit de Messine, du port de Copenhague, des côtes du Ceylan , de la baie des Chiens-Marins , de la Nouvelle-Hollande et de la Guadeloupe. Les Antilles offrent aussi plusieurs exem- ples de ces formations modernes. Il en est de même de celles de l'île Anastase ( Santo Anastasio) , près des côtes orientales de la Floride, vis-à-vis du port Saint-Augustin. Les couches solides marines qui se précipitent constamment, et enveloppent les co- quilles vivantes , composent des agglomérations qui durcissent assez promptement pour être employées dans les constructions. Ces pierres sont même très recherchées à raison de leur légèreté et de leur solidité ; elles offrent l'avantage de résister à l’action des projectiles sans jamais éclater , les boulets et les balles s’y amor- tissent. Les grès coquillers des temps géologiques ont leurs analogues non seulement dans ceux qui se produisent de nos jours dans la Méditerranée, mais encore dans les bancs siliceux qui se forment sur les côtes de l'Océan. M. de La Bèche en a cité un exemple très remarquable sur les côtes septentrionales de Cornouailles. Ces grès sont tellement solides, que, dans une falaise qui en est for- mée, on a creusé à New-Park des cavernes pour mettre les em- barcations à l’abri. On en a même bâti l’église de Crantoch, qui en est fort rapprochée. Les bancs de poudingues, si nombreux et si étendus dans les temps géologiques, se forment encore aujourd’hui. On en cite particulièrement entre Dives et l'embouchure de l'Orne. Il s’y précipite un assemblage de cailloux roulés, mêlés de coquilles qui ont encore la fraîcheur des espèces vivantes. Ces agglomérations ont pour ciment le carbonate de chaux, formé en partie par les débris triturés de quelques unes de ces coquilles, ainsi que l’ont fait observer MM. Constant Prévost et Huot. De même, des sédi- ments siliceux se déposent tous les jours des sources minérales dans une infinité de lieux. Ces sédiments correspondent à de pa- reils dépôts des temps géologiques. Les travertins modernes rappellent tout-à-fait complétement les transvertins des temps géologiques. Les premiers forment des couches aussi nettement stratifiées que les seconds ; ce qui montre U2 MARCEL DE SERRES ET FIGUIER. qu'ils ont été produits les uns et les autres par une même cause, ainsi que l’a fait remarquer M. Lyell. Sans doute ces faits ne suffisent point pour prouver que tous les phénomènes de l’ancien monde se continuent aujourd’hui, mais ils sont propres à le faire présumer pour la plupart de ceux qui nous sont bien connus. Or, il est assez rationnel de supposer qu'il doit en être ainsi pour les faits sur lesquels on n’a pas encore porté l’attention. Il est donc extrêmement probable que les mêmes lois ont toujours présidé aux phénomènes physiques, à quei- ques époques qu’ils appartiennent, car l’unité a été dans tous les temps le caractère essentiel des œuvres de la nature, CONCLUSIONS. Les faits que nous venons de rapporter amènent aux conçlu- sions suivantes : 1° Les coquilles qui séjournent longtemps dans la Méditerra- née s’y pétrifient, comme elles se sont pétrifiées dans le bassin des mers anciennes, 2° La fossilisation des coquilles de l’ancien monde, et la pétri- fication des coquilles dans le bassin des mers actuelles, se sont effectuées suivant le même mode, et constituent deux phénomènes semblables. 3° Les coquilles pétrifiées de l’ancien monde, et celles qui se rencontrent dans le même état sur les rivages de la Méditerranée, sont presque identiques sous le rapport de la composition chi- mique, L° La différence qui existe entre le mode de substitution des temps actuels et celui des temps géologiques , consiste en ce que les pétrifications formées à ces deux époques ont une texture et une constitution moléculaires différentes; elle est essentiellement cristalline chez celles-ci, tandis qu’elle est compacte dans les pétrifications de l’ancien monde. »° Les coquilles pétrifiées dans les temps actuels n'arrivent à cette texture cristalline qu'après avoir passé par un certain nom- bre de degrés faciles à saisir. Elles commencent par se décolorer ; ensuite les inégalités, les aspérités, les expansions de leur sur- PÉTRIFICATION DES COQUILLES. IR) face disparaissent, et elles deviennent tout-à-fait lisses. Enfin la pénétration des liquides calcaires amène leur transformation en une masse pierreuse , le plus ordinairement cristalline et quel- quefois d’un aspect analogue à celui de l’albâtre. 6° Les coquilles univalves se pétrifient moins aisément que les coquilles bivalves. La structure lâche et feuilletée, comme on l’ob- serve chez les huîtres, semble faciliter la pénétration des liquides lapidifiques. 7° La teinte noire que les coquilles acquièrent souvent par leur séjour dans les vases marines, provient de la réaction de l’hydro- gène sulfuré, spontanément dégagé de ces vases, sur l’oxyde de fer que contiennent ces coquilles. Ce phénomène est étranger à la pétrification. 8° Le phénomène de la pétrification est très peu sensible sur les os dans les temps actuels. Par leur séjour dans la Méditer- ranée , ils acquièrent seulement une solidité et une densité plus grande. 9 Il se forme de nos jours , au milieu des eaux de la Méditer- ranée, des bancs de grès coquillers qui représentent les analo- gues des grès coquillers propres aux terrains géologiques. 10° Ces grès coquillers se produisent avec une grande facilité autour de tous les objets métalliques qui séjournent assez long- temps dans la mer. 11° Les phènomènes que nous avons constatés pour la Médi- terranée se passent probablement dans l'Océan, et il sera facile de s’en assurer lorsque les naturalistes porteront sur eux leur at- tention. Les faits contenus dans ce Mémoire concourent donc, avec beaucoup d'autres, à prouver que rien n’est changé dans l’ordre de la nature, et que le fil de ses opérations n’est pas brisé. ll OBSERVATIONS SUR LE DÉVELOPPEMENT DES OURSINS; Par M. le Docteur DUFOSSÉ. (Lettre adressée par l'auteur à M. Milne Edwards.) Vous n’apprendrez pas sans quelque intérêt, je l’espère, que les recherches , que j'ai commencées sur le développement des Échinodermes, m'ont déjà conduit à des résultats qui confirment votre savante opinion sur les rapports intimes qui existent entre le mode de développement des animaux etles affinités respectives de ces êtres. Je vais mettre sous vos yeux l'exposé rapide des faits principaux que j'ai constatés chez l’Échinus esculentus, pour vous faire apprécier la valeur des preuves qu’on en peut déduire en faveur de votre opinion. Quand on examine, à l’aide d’un microscope grossissant de deux à trois cents fois, des œufs de l’Oursin comestible qui sont parvenus à maturité, on reconnaît qu'ils ont une couleur rouille ou oranger lorsqu'on les voit rassemblés en tas, que leur forme est en général celle d’une boule, dont le diamètre mesure en moyenne la neuvième partie d’un millimètre et que chacun d’eux est composé : 1° d’une enveloppe externe mince, flexible : la mem- brane lestacée ; ? d’un albumen liquide, formant une couche dont l'épaisseur est variable, et qui, vu au travers de l’enveloppe ex- terne, a une teinte légèrement opaline ; 3° d’une membrane vitel- line très mince, très diaphane ; 4° d’un vitellus d’une forme sphé- rique, granuleux, d’un aspect graisseux, d’une teinte grise quand il est au foyer du microscope, mais qui paraît d’une couleur oranger, lorsqu'on l’éloigne un peu de ce point ; 5° d’une vésicule germinative, qu’on apercoit sous l’apparence d’un espace plus clair dans la masse vitelline. Je me suis assuré, pour le dire en passant, que parmi les œufs que l’on rencontre dans les replis les plus profonds de l'ovaire, tous ceux qui présentent les caractères que je viens d’indiquer peuvent être fécondés artificiellement à la place qu'ils y occupent, et que l'embryon que chacun d’eux renferme peut se développer DUFOSSÉ. — DÉVELOPPEMENT DES OURSINS. 5 pourvu qu’on mette quelques uns des points de leur membrane testacée en contact avec une gouttelette de semence et de l’eau de mer suffisamment renouvelée. Ce fait, qui me paraît intéressant sous plus d’un rapport, prouve, entre autres choses, que les parties de l'ovaire que les œufs traversent depuis le lieu où ils se sont formés jusqu’à leur sortie de l’oviducte, n’ajoutent à leur surface externe aucun enduit, à leur composition aucun élément indispensable à la vie de l'embryon. La durée de la vie embryonnaire de l'Oursin m'a paru varier beaucoup (de vingt-quatre à quarante-deux heures) suivant la température et d’autres circonstances. Du reste, les limites de temps entre lesquelles se sont accomplis sous mes yeux les di- verses phases du développement de ce Zoophyte, limites dont j’ai noté ici quelques unes, ne doivent être considérées que comme des approximations. De treize à quinze minutes après l’imprégnation, j'ai vu, dans plusieurs œufs , la sphère vitelline s’ébranler, puis osciller sur son centre et s’animer bientôt d’un mouvement de rotation assez prompt pour exécuter en quarante-cinq secondes une révolution complète. Dans beaucoup d’autres œufs, le globe vitellin n’a offert à mon observation que de lentes oscillations, qui ont cessé au bout de quelques instants pour ne plus se reproduire. Enfin, dans un bien plus grand nombre d’œufs que j'ai eus constamment sous les yeux pendant les deux premières heures qui ont suivi le moment où la fécondation avait eu lieu, la masse vitelline ne m'a présenté aucun mouvement. Je dois ajouter que chez ces derniers le travail génésique ultérieur n’a pas marché moins rapidement que chez ceux où il avait manifesté son activité par le tournoiement de la sphère vitelline. De la quatrième à la sixième heure, le vitellas commence à se fractionner. La première période de ce phénomène s'opère ici comme MM. Prévost et Dumas l’ont décrit les premiers chez la Grenouille, et comme Baer l’a observé, après eux, chez le même animal. Plus les segments qui résultent du fractionnement du globe vitellin deviennent petits, pius ils perdent de leur aspect graisseux pour devenir hyalins, et au bout de douze heures ils se 16 DUFOSSÉ. — DÉVELOPPEMENT DES OURSINS. présentent sous forme de globules d’une grande transparence et d’un volume assez gros, comparativement à la masse totale du vitellus. C’est à cette époque qu'il se produit une foule de petits globulins à la surface libre, etaux dépens de ceux de ces gros glo- bules qui, par leur assemblage , constituent la superficie de la masse vitelline. Ces globulins forment en peu de tempsune couche épaisse, qui entoure assez rapidement les gros globules du centre de la sphère vitelline. Dès que cette couche globuleuse , qui est le rudiment de l'enveloppe tégumentaire, s’est étendue à toute la surface de la masse viteiline , l'embryon a acquis la forme qui lui est propre et qui est à peu près celle sous laquelle il sor- tira de l’œuf. La membrane vitelline, qu’on voyait très nettement durant la première période du fractionnement du vitellus, a com- plétement disparu, et lalbumen dont la teinte opaline se dégra- dait déjà pendant la première phase des phénomènes génésiques, est maintenant d'une transparence égale à celle de l’eau de mer. Quelques heures après, la surface de l'enveloppe tégumentaire dé l'embryon se couvre d’appendices filiformes d'une telle ténuité, qu'on ne les distingue bien que lorsqu'ils exécutent quelques mou- vements, ce qui a lieu quelque temps avant l’éclosion. Enfin, vers la vingt-quatrième heure, quand le développement s'est opéré dans des circonstances favorables ou seulement vers la quarante-deuxième heure dans d’autres cas, l'embryon fait mouvoir avec plus de force et de vitesse ses appendices filiformes, qui sont devenus assez longs et assez robustes pour lui servir d’or- ganes locomoteürs. En les agitant, il commence à tourner sur lüi- même dans le liquide que cotitient la membrane testacée, Paï suite de ses mouvements, il brise cette mince enveloppe, s'en débarrasse et s’élance dans le monde extérieur, A sa sortie de l’œuf, la larve de l'Oursin à une forme tellement semblable à celle dé l'animal adulte, que je ne saurais mieux faire, pour en donner ühé idée exacte, que de là comparer à la confi- guration d’une pomme. En effet, son corps, irrégulièrement ar- rondi sur tous les autres points, est üh peu äplati du même légère: ment concavé d’un côté, au centre duquel est située l’ébauche de Jorifice buccal. Les parties du tégument les plus voisines de ce DUFOSSÉ. — DÉVELOPPEMENT DES OURSINS. h7 centre, quoique n'offrant encore que les premiers linéaments d’une structure organique, sont néanmoins à un degré de forma- tion plus avancé que le reste du corps et méritent déjà d’en être distinguées par un nom particulier. On peut nommer pôle oral l’ensemble des parties plus développées qui entourent l’orifice buccal, quels qu’en puissent devenir le nombre et l'étendue du- rant les différentes phases des phénomènes génésiques. A l’oppo- site du centre de ce pôle , la place qu’occupe l’anus peut être re- connue par l'arrangement de la portion de tégument qui l’envi- ronne. La peau globuleuse est très épaisse, à surface inégale ; parsemée de lignes qui paraissent enfoncées; assez transparente pour laisser voir les gros globules qui existent encore au centre du corps; assez souple dans son ensemble et d’une texture telle- ment délicate, que le moindre choc, la plus légère pression suffit pour l’entamer ; et dès qu’elle est lésée, les globulins constituants se désagrègent dans une étendue assez considérable autour de la solution de continuité. Les appendices filiformes, qu’on entre- voyait avec peine au travers de l'enveloppe testacée, sont main- tenant bien distincts ; ils sont longs, minces, distribués sur la plus grande partie si ce n’est sur la totalité de la surface du tégu- ment. Ils paraissent plus nombreux en certains endroits et princi- palement au pôle oral. J’ai cru en voir quelques uns d’une forme particulière , dont l’extréminé m'a semblé renflée. À l’aide de ces appendices, la larve se meut avec assez de facilité, mais presque toujours en roulant sur elle-même et le plus souvent d’une ma- nière tout à fait irrégulière. Parmi les positions variées presqu’à l'infini qu'elle peut prendre pendant la progression , il en est une qu'elle affecte assez fréquemment pour que je croie devoir la dé- crire : cette position est telle, que l'anus est porté en avant et en haut, et que par conséquent le pôle oral se trouve en bas eten arrière , lorsque l'animal, par exemple ,avance suivant une ligne droite horizontale. De plus, pendant ce mouvement de translation, le corps exécute un mouvement d’oscillation rotatoire, comme s’il roulait sur un axe droit qui traverserait l’animial de la bouche à l'anes (l'axe bucco-anal). Lorsque la larve se tient en repos, elle 48 DUFOSSÉ. — DÉVELOPPEMENT DES OURSINS. a habituellement la bouche tournée en bas. C’est dans celte si- tuation qu’elle a le plus de stabilité. À aucune autre phase de sa vie, l’Oursin ne possède un appa- reil locomoteur qui lui permette de déployer plus d’agilité qu’il n’en a au moment où nous l’examinons. Cette agilité n’est pas grande, et n’est remarquable que comparativement à l’extrème lenteur avec laquelle l’animal à l’état adulte se traîne sur les fonds herbeux où il vit. Toutes les larves dont j’ai suivi les mouvements, dans une petite auge en verre où je les avais placées, parcou- raient avec une médiocre vitesse la paroi plane qui formait la partie inférieure de ce petit vase, et ne la quittaient guère pour nager en pleine eau que lorsqu'elles rencontraient un brin d'herbe ou un autre corps s’opposant à leur marche ; encore dès qu'elles étaient parvenues à le franchir, elles regagnaient le fond, sur le- quel elles recommencaient à rouler avec quelque légèreté. Au sixième ou au huitième jour, la forme de l'animal s’est mo- difiée. La moitié supérieure du corps, celle où se trouve l'anus, s’est un peu allongée. Les globulins composant l'enveloppe tégu- mentaire ont des contours moins distincts; ils commencent à former un tissu dont les éléments organiques sont mieux liés entre eux. La surface de cette enveloppe est plus unie et ne présente plus que de petites facettes peu prononcées. Sans avoir rien perdu de son épaisseur, le tégument a acquis plus de transparence et permet de mieux voir les parties qu'il recouvre. Les gros globules qui étaient au centre du corps ont disparu. On apercoit les pre- miers rudiments du canal intestinal , dans lesquels on peut recon- naître: un œsophage court, renflé dans son milieu ; un estomac sous forme d’une grosse ampoule, et un inteslin très court, aussi élargi à sa partie moyenne. Ces trois renflements du tube digestif sont situés sur une ligne presque droite se dirigeant de la bouche vers l’anus. Les mouvements de l’animal sont plus lents. Au douzième ou au quinzième jour, la configuration de la larve a considérablement changé. Son corps est complétement pyriforme. L'anus occupe le centre de la petite extrémité. Le pourtour de cet orifice, maintenant bien distinct, présente de petits disques,qui DUFOSSÉ. — DÉVELOPPEMENT DES OURSINS. 49 paraissent comme découpés dans l’épaisseur du tégument, et qui, circonscrits dans une petite circonférence et se touchant par leurs bords, offrent dans leur ensemble l’aspect d’une rosace. Par des motifs semblables à ceux qui ont fait distinguer un pôle oral, on peut désigner sous le nom de pôle anal les parties concourant à former cette rosace. L'organisation de l'enveloppe tégumentaire a généralement fait des progrès. On remarque, sur plusieurs points de la portion de cette enveloppe située entre les deux pôles, des lignes circulaires qui semblent pénétrer à une certaine pro- fondeur et séparer du reste du tissu de petites pièces en forme d’écusson. Les dimensions du pôle oral ont beaucoup augmenté, Toute la partie aplatie de la grosse extrémité du corps se trouve à présent contenue dans les limites de ce pôle. J’ai cru apercevoir autour de la bouche des appendices analogues à des tentacules labiaux. L'animal a perdu presque toute son agilité ; il ne peut se mouvoir qu'avec une grande lenteur. Du seizième au dix-huitième jour, il se produit, dans la manière de vivre de la larve, un changement des plus remarquables. Elle ; perd toute faculté locomotrice et demeure attachée par le pôle anal au corps submergé, près duquel elle s’est arrêtée. Un point d’attache, un pédicule assez gros, cylindrique, long d’une fois et demie le diamètre du corps, se développe très promptement. L’a- nimal, ainsi fixé sur une tige flexible , suit ordinairement les mou- vements que les ondulations de l’eau lui impriment , en un mot, flotte comme une plante aquatique, et, par cette particularité au- tant que par sa forme extérieure, donne encore une fois gain de cause aux naturalistes qui, ignorant le fait que je signale ici, mais guidés par des considérations zoologiques d’un autre ordre, lui ont imposé le nom de Zoophyte. Sa position habituelle est à pré- sent l'opposé de ce qu’elle était au temps où il vivait en liberté. Sa bouche est la partie de son corps qui se porte en avant dans les mouvements de déplacement partiel que lui permet la longueur de son pédicule, Le tégument de tout le pôle oral offre de petits mamelons disposés en rangées régulières. Des éminences sem- blables, mais en plus petit nombre , et moins bien accusées que les précédentes, se montrent au pôle anal. Le tégument qui s’é- 3 série. Zoo. T. VIT. (Janvier 4847.) 4 4 . 50 DUFOSSÉ. — DÉVELOPPEMENT DES OURSINS. tend d’un pôle à l’autre , en est complétement dépourvu ; il a de plus conservé une souplesse qu’on ne remarque plus ailleurs. Au vingtième jour , des piquants d’une grande longueur, com- parativement au volume de l’animal, se sont produits au sommet des mamelons dont je viens de parler. Dans la composition de ces appendices spiniformes, la matière calcaire entre déjà en quantité tellement grande, proportionnellement à la quantité de la sub- stance organique, que le plus léger frôlement suffit pour les briser, sans qu'ils aient plié avant de se rompre. Ceux qui environnent la bouche sont les plus longs et les plus épais. Le pôle oral a main- tenant une grande étendue ; il comprend toute la moitié anté- rieure , toute la partie la plus large du corps. Quoique le pôle anal se soit agrandi, sa surface est bien plus petite que celle du pôle opposé. Le tégument de la région moyenne du corps, de celle qui est comprise entre les deux pôles, ne porte pas de piquants. Son tissu est plus mou, plus flexible et moins épais que celui des deux pôles ; tout en lui indique qu’il n’a pas atteintle degré de dé- veloppement auquel est parvenue l'enveloppe tégumentaire des deux extrémités du corps. C’est sur ce tissu que porteront les mo- difications génésiques qui compléteront le test, dont les deux pôles composent déjà la plus grande partie. Je n’ai pas observé jour par jour le progrès de ces modifications, mais j’en ai vu le ré- sultat en constatant qu'au moment où l’animal se détache de son pédicule pour commencer à vivre comme il le fera durant le reste de son existence, la configuration de son corps est un peu plus arrondie qu’elle ne l’était au vingtième jour des phénomènes gé- nésiques. Quelque incomplètes que soient, sous plus d'un rapport, plu- sieurs des observations dont je viens de vous soumettre un précis bien écourté, je crois qu’elles suffisent pour donner une idée gé- nérale du développement de l’Oursin comestible. En les considé- rant seulement au point de vue qui fait l'objet principal de cette lettre, on peut en tirer les conséquences suivantes : Dès que l'embryon a une forme qui lui est propre , toutes les parties de son corps sont disposées presque symétriquement au- tour de l’axe bueco-anal, et par conséquent il porte au plus haut DUFOSSÉ. — DÉVELOPPEMENT DES OURSINS. 51 degré tous les caractères du type de l’embranchement zoologique dans lequel il a été classé , c’est-à-dire du type rayonné. C’est autour de l’axe bucco-anal que l’activité du travail géné- sique se manifeste dès l’origine, et se maintient constamment plus grande durant tout le cours du développement, et c’est principa- lement des deux extrémités de cet axe qu'il rayonne, qu’il s’étend de proche en proche aux autres parties de l'enveloppe tégumen- ‘ taire. Qu'on cherche tant qu'on voudra dans la disposition des di- verses parties de l'£chinus esculentus une tendance au développe- ment bilatéral semblable à celle signalée par M. Sars chez une Astérie, et l'on n’en trouvera pas la moindre trace, même pendant la plus courte durée d’une des phases des phénomènes génési- ques. Chez la larve de l'Oursin, lorsque le corps s’allonge aussi bien que lorsqu'il se raccourcit pour revenir à peu près à sa con- figuration initiale, ces changements s’opèrent suivant l'axe bucco- anal, de sorte que sa forme radiaire n’en recoit aucune atteinte, En résumé, dès que l’on peut distinguer les premiers linéa- ments organiques de cet être, c’est déjà un embryon radiaire , et l'animal dans toutes les autres phases de sa vie demeure inva- riablement radiaire. Quant à l’ordre de primogéniture des organes de quelques unes des principales fonctions physiologiques, mes observations four- nissent des données positives sur le derme et ses annexes, sur l’ap- pareil digestif et quelques documents sur deux autres appareils. La formation du derme précède celle de toutes les autres parties du corps. N'est-ce pas un fait bien digne de remarque que de voir ce tégument et ses annexes, à la foisinstruments de défense et ap- pareil passif de locomotion , qui seul a fourni aux classificateurs les meilleurs caractères, et le nom même de l’ordre zoologique dans lequel l'animal a été placé, de voir, dis-je, cet appareil être précisément celui qui apparaît le premier dans l'embryon, celui dans la constitution duquel les progrès de l’organisation s’exécu- tent le plus rapidement. Après l'enveloppe cutanée, on voit l'ap- pareil digestif se produire. Comme la peau d’une part, et de l’autre les parties de sarcode qui sont groupées autour du canal intes- tinal , deviennent opaques d'assez bonne heure pour rendre très 52 KAOHN. — SUR DEUX NOUVEAUX GENRES difficile l'examen du développement des autres organes internes, je n'ai recueilli sur l’époque exacte de leur apparition que des notions peu précises; aussi m'abstiendrai-je de vous en faire part. Ainsi, vous le voyez, les faits ci-dessus décrits fournissent de nouveaux et puissants arguments à l’appui d’une des propositions fondamentales des principes zoologiques, que vous avez posés de- puis longtemps et développés dans votre remarquable mémoire qui a pour titre : Considérations sur quelques principes relatifs à la classification naturelle des animaux ; cette proposition peut être énoncée comme il suit: la distinction établie par la nature entre des animaux appartenant à des embranchements différents est une distinction primordiale, OBSERVATIONS SUR DEUX NOUVEAUX GENRES DE GASTÉROPODES (LOBIGER er LOPHOCERCUS); Par M. KROHN. Pendant mon dernier séjour à Messine, j’eus occasion d’étu- dier deux Gastéropodes qui me paraissent constituer deux genres nouveaux, très voisins l’un de l’autre; du moins je n’ai trouvé dans aucun auteur rien qui püt me faire douter que ces genres eussent été observés. Je décrirai d’abord les deux Mollusques sur lesquels je fonde chacun de ces deux genres; puis je rapporterai mes observations sur leur structure, et enfin je présenterai quel- ques réflexions sur leurs rapports avec des genres déjà connus. I. Lobiger (4) Philippii. (PI 2, fig. 4 et 2.) Le corps de ce bel animal est allongé, et mesure un peu plus d'un pouce. Pour rendre la description plus facile et plus claire, je distinguerai trois parties : une tête, une région moyenne, une région postérieure. La tête est pourvue de deux tentacules volu- mineux , qui ressemblent à ceux du genre Actæon Oken (Elysia Risso), chaque tentacule représentant un appendice élargi, enroulé (1) De lobus, gero, DÉ GASLTÉROPODES. Ds) sur lui-même en forme de tube ouvert par en bas. La tête se conti- nue avec la région moyenne par une sorte de cou, sur chaque côté duquel se montre un œil noirâtre, que l’on voit par transparence à travers les téguments et à quelque distance des tentacules, La ré- gion moyenne est plus large et plus épaisse que les deux autres parties ; elle contient la plupart des viscères, est protégée par une coquille et munie, de chaque côté, de deux appendices con- sidérables. Chacun de ces appendices figure un lobe arrondi, élargi comme le limbe d’une feuille, et attaché au corps par une base rétrécie. L'animal peut mouvoir ces appendices dans diffé- rentes directions, les recourber isolément ou plusieurs ensemble au-dessus de la face supérieure du corps, ou bien les étendre horizontalement. La région postérieure est la plus longue du corps, se termine en pointe émoussée, et est formée tout entière par une masse compacte de tissu charnu. La surface du corps est parsemée de papilles coniques qui se trouvent en plus grand nombre sur les régions moyenne et posté- rieure et sur la face extérieure des appendices; on en rencontre de plus petites et de moins nombreuses à la face supérieure des tentacules. La couleur générale de l'animal est jaune-citron lé- gèrement verdâtre , à l'exception du pied, où la couleur est plus délayée. Les appendices sont bordés de deux lignes très rap- prochées l’une de l’autre ; la plus extérieure d’un blanc de craie, la plus intérieure rouge écarlate ou carmin. Cette même distribu- tion de couleur se retrouve à la pointe des papilles du corps. Au devant de chaque œil on voit en outre un trait délié, couleur de rouille , et une ligne semblable, mais un peu plus longue, se montre aussi derrière chaque œil. J'indique la forme toute particulière de la coquille dans deux figures (PI. 2, fig. 3 et 4) que j'ai essayé de rendre le plus exactes possible. Cette coquille est recouverte d’une enveloppe épidermique de consistance cornée, comme on l’observe chez le Bulla hydatis ; elle est aussi extrêmement mince , transparente, très bombée ; elle ne présente d’autre trace de spire qu'une pro- tubérance dirigée à gauche, en arrière et en bas, et terminée en une pointe mousse, représentant le sommet des autres co- quilles. Le bord extérieur du péristome de la coquille (labrum ) 5h KROMN. — SUR DEUX NOUVEAUX GENRES est tranchant; le bord intérieur (labium) se retourne vers la pointe de la spire en une sorte de parement, Sous le bord droit de la coquille se trouve l’ouverture de la cavité branchiale ; cet orifice a la forme d’une fente qui longe la moitié postérieure de ce bord, et conduit à un demi-canal très court, formé par les parties molles, et représentant le siphon res- piratoire. La cavité branchiale n’occupe , sous la coquille, qu’un espace assez restreint ; elle s'étend en forme d'arc de la droite vers la gauche, se rétrécit et se recourbe enfin vers la spire rudi- mentaire. La branchie est composée d'une série transversale de feuillets simples , isolés, peu saillants et attachés au plafond de la cavité respiratoire. Ces feuillets se rapetissent progressivement vers l'extrémité gauche de la branchie. L’orifice externe des organes femelles se trouve sur une éminence, au côté droit et au-devant de la fente branchiale ; l’orifice des organes mäles est placé à la base du tentacule droit. L’anus n’est pas perceptible au dehors , parce qu'il est situé sur le plancher de la cavité branchiale, du côté droit aussi, dans le voisinage du siphon respiratoire. Quant aux particularités que présentent les appendices, je ferai les remarques suivantes. 1ls se détachent du corps avec une grande facilité , et c’est pourquoi on rencontre rarement des in- dividus qui les présentent tous quatre. En outre, il arrive que ces appendices sont très inégalement développés, de sorte qu’on en trouve un ou plusieurs sous la forme de minces rudiments, tandis que les autres ont atteint leur entier développement. Cette disposition me paraît indiquer la possibilité d’une régénération de ces appendices ; les plus rudimentaires seraient alors destinés à remplacer ceux qui viennent de tomber. Du reste, je dois avouer que la fonction de ces organes m'est restée tout à fait inconnue. Quand ils ont été séparés du corps, on les voit encore s’agiter pendant quelque temps, et réagir avec énergie contre toutes les atteintes; signes d’une irritabilité qui finit par s’éteindre (4). (1) Les organes dont il s'agit présentent une analogie frappante avec les ap- pendices du corps des Téthis. On sait en effet que chez ces derniers Mollusques ces appendices se détachent facilement et conservent encore pendant quelque temps leur irritabilité. D'après M. Nardo, ces appendices des Téthis pourraient DE GASTÉROPODES. | 55 I. Lophocercus (4) Sieboldii. (PI. 2, fig. 5 et 6.) Bien que ce Gastéropode présente, de prime abord, peu de ressemblance avec le précédent, toute différence entre eux ne consiste néanmoins qu’en une différence générique ; la comparai- son suivante, et mieux encore l’étude de leur structure, confirme- ront ces vues. Le corps est un peu plus long et aussi plus élancé que celui du Lobiger. La tête et la portion cervicale sont proportionnellement plus développées ; les tentacules présentent la même configura- tion ; les yeux sont situés aux mêmes endroits. La région movenne du corps se distingue aussi des deux autres régions par une lar- geur et une épaisseur plus considérables ; au contraire, la co- quille qui la recouvre a une autre conformation; elle est involvée, et me paraît présenter, sous tous les rapports, les caractères de la coquille du Bullœa aperta (PI. ?, fig. 7, 8, 9). Comme celle du Lobiger, elle est mince, quoique d’une consistance plus solide. De chaque côté de la région moyenne du corps, s'élève etse re- courbe une sorte d’aile semi-discoïde cachant les parties latérales de la coquille. Les bords supérieurs ou libres de ces deux ailes se rencontrent dans la ligne médiane à l’origine de la région posté- rieure , oùils se confondent avec une crête ou arête qui règne tout le long de cette région (fig. 5, c). L'animal peut rétrécir et dilater ces ailes, qui me paraissent être les analogues des appendices du genre précédent; ces mouvements sont toutefois fort restreints. La région postérieure du corps est proportionnellement plus longue que chez le Lobiger, plus nettement séparée de larégion moyenne et se termine par une pointe plus acérée. La crête dont j’ai parlé se trouve à la rencontre des deux faces latérales de cette partie du corps, convergeant l’une vers l’autre sous un angle aigu. C’est de cette conformation particulière de la région postérieure prolongée en queue, que j'ai cru devoir tirer le nom du genre dont il s’agit. Le corps du Lophocercus est aussi muni des papilles qui se aussi se régénérer. — Voy. Macri, Actes de l'Académie de Naples, 1825, p. 170 et 175, pl. IV; — Verany, Isis, 1842, p, 252 ; — ma Note sur le prétendu Vertumnus tethi dicola (Archiv. d'Anatomie de Müller, 4842, p. #18) ; et Sie- bold, Archives de Müller, 1843, pl. XLIV. (1) De hoybs, crête, el reprès, queue. 56 KROHN. — SUR DEUX NOUVEAUX GENRES trouvent, comme chez le Lobiger, à la face supérieure des tenta- cules, sur la région postérieure du corps et sur la face extérieure des ailes. L'animal est d’un vert clair, excepté le pied, qui est jaunâtre. Le bord de ce dernier organe montre des taches d’un rouge pâle, alternant avec des taches d’un bleu noir. Un ourlet semblable borde aussi les tentacules et les ailes, et se prolonge sur l’arête jusqu’à l'extrémité du corps. La face supérieure de la coquille estrecouverte d’une enveloppe épidermique, comme celle du Gastéropode que nous avons d’a- bord décrit. La cavité branchiale , l’orifice de celle-ci et la bran- chie, se présentent absolument comme chez ce dernier mollusque; aussi rencontre-t-on un siphon respiratoire tout à fait semblable. Enfin l'animal correspond parfaitement au Lobiger sous le rap- port de la situation des deux orifices génitaux et de l'anus. Les deux Gastéropodes semblent vivre bien près l’un de l’autre dans les mêmes parages ; tous les deux laissent suinter de la surface de leur corps une quantité considérable de mucus transparent ; le Lophocercus rampe beaucoup plus lentement que le Lobiger. Anatomie. La structure des deux genres nouveaux de Gastéropodes est tel- lement analogue, que les différences les plus saillantes ne se rap- portent qu’à la masse buccale et aux parties qui se trouvent en connexion immédiate avec celle-ci. La masse buccale du Lobiger est moins dévelonpée (fig, 10, a); et paraît dépourvue de mâächoires ; sur le plancher de sa cavité se trouve l’éminence connue sous le nom de langue, dont la sur- face est lisse,au lieu d’être muniede crochets, comme on le voitchez les autres Gastéropodes. Cependant les crochets ne manquent pas, seulement ils occupent l’intérieur de l’éminence, c’est-à-dire une cavité de celle-ci; au moyen d’une petite ouverture placée au sommet de cet organe, la cavité communique avec celle de la masse buccale. Les crochets sont peu nombreux, et forment une rangée simple, courbée en ogive , et disposée de manière que ses deux branches sont dans un plan vertical, tandis que son som- met se dirige vers l’orifice de l’éminence et le dépasse (1). A l’en- (1) Cette structure de la langue, qui s'écarte du type ordinaire des autres DE GASTÉROPODES. 97 droit où commence l’æsophage débouchent les canaux excréteurs de deux glandes salivaires. A la masse buccale est annexé un sac en cœcum, d'un volume considérable, et plusieurs fois coudé daus un même plan (fig. 10, cc) ; je ne puis rien affirmer sur la fonction de cet organe. Sa cavité est très étroite , sa paroi d’une épaisseur considérable et d’une texture musculeuse. Les glandes salivaires sont composées d’un grand nombre de lobules arron- dis, en forme de grappe de raisin. La masse buccale du Lophocereus est d’un volume plus consi- dérable (fig. 11, a) ; la langue ressemble à celle du Lobiger ; au contraire , l'organe sacciforme diffère. De prime abord, il repré- sente un disque situé sous la masse buccale (fig. 14, ce) ; exa- miné plus attentivement, il offre la forme d’un croissant dont les cornes figureraient deux prolongements en cœcum dirigés en avant. Les deux glandes salivaires, dont chacune possède un canal excréteur considérable qui va se rétrécissant, sont compo- sées d’un grand nombre de culs-de-sac déliés et dichotomiques. L’œsophage des deux Gastéropodes est assez long et très étroit; il traverse les ganglions de la masse centrale du système ner- veux, et, avant de pénétrer dans le foie , il envoie un diverticu- lum assez long, quelque peu contourné, et dont la surface est rendue raboteuse par une multitude de mamelons résultant d’en- foncements correspondants de sa paroi. Les organes que je viens de décrire, aussi bien que la verge, dont je parlerai plus bas, sont placés dans la partie cervicale de la tête, tandis que les autres portions de l'appareil digestif et gé- nital sont contenues dans la région moyenne du corps. Le foie est très volumineux ; il forme la moitié latérale droite et toute la portion inférieure de la masse viscérale, et enveloppe l'estomac et l'intestin, dont je n’ai pu complétement déterminer la disposi- tion. La portion terminale de l'intestin est au contraire très ap- parente, et se montre comme un tube court, se dirigeant sur le plancher de la cavité branchiale , vers le siphon respiratoire. Au- dessus de la portion inférieure du foie, et du côté gauche, se Mollusques, semble être celle du même organe chez l'Amphorina Alberti Qua- tref. ; peut-être même la retrouverait-on dans le genre Actéon. —Voy. de Qua- trefages, Ann. des Sc. nat., 1844, €. 1, p. 140 et 146. 58 KROHN. — SUR DEUX NOUVEAUX GENRES trouve l’ovaire, qui, chez le Lophocerceus, remplit tout l’enroule- ment de la coquille par sa portion terminale, et, chez le Lobiger, se prolonge jusque dans la pointe de la spire rudimentaire. Quoi- que je n’aie pu me procurer les renseignements suffisants sur la disposition de l'appareil générateur dans son ensemble, il m’a paru cependant que cette disposition ne s’écarte pas de celle qu’on rencontre chez la plupart des Gastéropodes hermaphrodites. Je remarquerai seulement , à ce sujet, que le prétendu utérus est situé devant l'ovaire, et que probablement il est en connexion intime avec un canal long et flexueux (vas deferens) , qui se dirige vers la verge. Ce dernier organe est placé, comme je l’ai annoncé, dans la portion cervicale de la tête, immédiatement derrière le tentacule droit, et renfermé dans une gaine particulière assez vaste. Le cœur est situé près de la ligne médiane du côté droit et devant la branchie. La masse centrale du système nerveux est composée de trois paires de ganglions jaunâtres, très rapprochés et réunis en partie par des commissures. La paire la plus volumineuse fournit des nerfs à la tête et aux tentacules, et envoie aussi les deux nerfs optiques. Au-dessous est située la seconde paire, de laquelle naissent les nerfs destinés aux régions moyenne et postérieure , et au pied. La troisième paire de ganglions, la plus petite de toutes, est placée derrière les premières et fournit quelques ra- meaux aux viscères, outre ceux qu’elle donne aussi à la région moyenne du corps. Les nerfs de la masse buccale , de l’æsophage et des glandes salivaires naissent de deux petits ganglions sous- buccaux , comme chez tous les Gastéropodes. Chaque gan- glion est uni par un filet à la paire la plus volumineuse de la masse nerveuse centrale. De nombreux filets pénètrent dans les appendices du Lobiger, et se divisent en ramuscules fréquem- ment anastomosés entre eux. Avec des grossissements suffisants , on distingue de très petits ganglions à l’origine des filets anasto- motiques. Rapports zoologiques. Après avoir décrit la forme et la structure des Mollusques des deux nouveaux genres , il me reste à examiner leurs affinités avec les genres connus. Si nous apprécions d’abord les rapports du DE GASTÉROPODES. 59 genre Lophocercus comme celui qui possède la conformation la plus simple, nous reconnaîlrons facilement que tout son facies le rapproche des Aplysies. Ainsi, les ailes du corps ressemblent aux lobes natatoires des Aplysies; la fente branchiale et le siphon respiratoire, par leur forme et leur position, correspondent aux parties analogues chez ces derniers Mollusques. On pourrait même rapporter jusqu’à un certain point la forme des tentacules à celle des tentacules antérieurs des Aplysies. Enfin la forme de la coquille, si semblable à celle des Bullées, genre que tous les zoolo - gistes, depuis Guvier, considèrent, ainsi queles Acères etles Bulles, comme les plus voisins des Aplysies, justifie encore le rappro- chement que j'indique ici. Mais si nous tenons compte en même temps de la structure intérieure , il se présente de grandes diffé- rences. Sans parler de particularités très importantes, je rappel- lerai seulement la structure de la branchie et la disposition de l'appareil de la génération. Il me semble que la branchie , dans son ensemble, décèle une plus grande analogie avec celle de plu- sieurs Pectinibranches (Janthina, Paludina , par exemple) qu'avec celle des Aplysies; ses feuillets, isolés et disposés en séries, la distinguent profondément de l’organe respiratoire de ces der- nières. Quant aux organes génitaux , les suppositions que j'ai été conduit à faire sur la disposition de la verge, montrent que cet organea des rapports tout différents; on sait, en eflet, que la verge des Aplysies est tout à fait isolée des autres organes de la géné- ration. Gette circonstance expliquerait chez nos deux Mollusques l’absence de la rainure que l’on rencontre, à la surface du corps des Aplysies, d’un orifice génital à l’autre. D’après toutes ces considérations, je suis porté à croire qu’il faut former, pour les deux nouveaux genres que je viens d'établir, un groupe spécial dans l’ordre des Tectibranches. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 9. Fig. 1. Le Lobiger Philippü, un peu plus grand que nature, vu par la face dor- sale. Fig. 2. Un autre individu vu par la face ventrale. L'appendice postérieur du côté droit est rudimentaire. 60 NICOLEXZ. — SUR LA CIRCULATION DU SANG Fig. 3. Coquille du Lobiger, vue par la face supérieure ou extérieure, grossie 4 fois. — a, spire rudimentaire. Fig. 4. La même coquille, vue par la face opposée. — «, comme dans la figure précédente ; b, le bord extérieur du péristome; c, bord intérieur. Fig. 5. Le Lophocercus Sieboldü, un peu plus grand que nature, vu par la face dorsale. — a, éminence sur laquelle se trouve l'orifice des organes femelles ; b,b, ailes du corps; c, l’arête ou crête de la région postérieure du corps. Fig. 6. Le même, vu par la face ventrale. Fig. 7. Coquille du Lophocercus, vue par la face supérieure, grossie plus du double. — a, sommet de la coquille. Fig. 8. La même coquille, vue du côté opposé. — a, comme dans la figure 7. Fig. 9. La même dans une position verticale, son sommet dirigé en haut. Fig. 10. Esquisse de la masse buccale et de ses annexes dans le Lobiger. — a, masse buccale; b,b, glandes salivaires; c,c, organe sacciforme; d, pre- mière portion de l'œsophage ; e,e, les deux ganglions sous-buccaux ; f, f, masse charnue placée immédiatement derrière la bouche. Fig. 11. Les mêmes organes chez le Lophocercus.— a,b,c,f, comme dans la figure précédente ; d, œæsophage; g, diverticulum de l'œæsophage. NOTE SUR LA CIRCULATION DU SANG CHEZ LES COLÉOPTÈRES ; Par M. NICOLET. On sait que les élytres des Coléoptères paraissent composées de deux membranes solides, d’apparence écailleuse, plus où moins fragiles, disposées en juxtaposition l’une au - dessus de l'autre , et n’offrant dans bien des cas aucune trace de sépara- tion. — Au premier aspect , leur composition intime paraît iden- tique ; mais une coupe transversale soumise au microscope nous montre bientôt une différence notable dans l’organisation de cha- cune d’elles ; la lame , ou membrane supérieure , généralement plus épaisse, est composée de couches parallèles, à peu près d'égale puissance, qui, dans l'inférieure, sont presque toujours remplacées par des stries longitudinales ayant l’aspect de fibres irrégulièrement ondulées , qui se croisent et forment de nom- breux plexus. — Quelquefois les couches de la lame supérieure renferment de petites cellules rondes; d’autres fois la matière de ces couches est parfaitement homogène , transparente, et sem- blable à du succin très pur ; d’autres fois encore , comme dans la Coccinelle à deux points, des couches à cellules alternent régu- lièrement avec d’autres qui en sont dépourvues. Du reste , il est inutile de dire que cette disposition stratifiée des élytres reste soumise aux modifications apportées par la forme même de ces organes ; les épines , les poils, les fossules , les côtes , les ondu- lations de toutes sortes , sont autant de causes qui viennent chan- ger l’aspect de ces couches , et en modifier le parallélisme. On peut considérer une élytre comme un sac ou plutôt une vessie fortement déprimée ou aplatie, dont les membranes supé- CHEZ LES COLÉOPTÈRES. 61 rieure et inférieure offrent une organisation un peu différente, et dont l’orifice ou l'ouverture est au point d'attache de l’élytre au thorax ; mais l’aplatissement ne peut être considéré comme par- faitement égal sous le rapport des deux surfaces , c’est-à-dire que les plis latéraux de la vessie ne se sont pas formés sur le plan même du grand diamètre longitudinal, mais un peu au-dessus, de facon à rendre la membrane supérieure de l’élytre plus étroite que la membrane inférieure; il en résulte que cette dernière forme sur ses côtés une espèce de bourrelet creux, qui con- stitue les nervures latérales interne et externe ; en effet, en exa- minant les parois inférieures de ces nervures, on voit qu’elles sont constituées absolument comme la membrane inférieure de l'élytre , à cette différence près que les plexus y sont moins appa- rents. Si nous portons notre attention sur la membrane supérieure , nous apercevons bientôt une couche externe extrêmement mince , et la seule colorée dans une coupe transversale , mais intimement soudée à la couche suivante; à elle seule appartient la couleur de l’élytre, et si on l’examine à un très fort grossissement, elle semble offrir une apparence squamiforme, qui laisserait supposer que cette couche extra-épidermale se renouvelle sans cesse aux dépens des couches inférieures , comme l’épiderme des animaux d’un ordre supérieur. La lame, ou membrane inférieure de l’élytre, offre égale- ment une couche externe très mince , mais de nature toute diffé- rente ; ici cette couche est une pellicule parfaitement distincte , toujours blanche et transparente quel que soit l'insecte , et qui peut se détacher très facilement de la membrane à laquelle elle est adhérente, mais seulement lorsque l’animal est vivant ; sa surface interne ou supérieure est lisse ; sa surface externe ou in- férieure, et qui touche immédiatement aux ailes, toujours cou- verte de papilles spiniformes, plus ou moins apparentes selon les Coléoptères, mais qui ne manquent dans aucune des espèces que j'ai pu observer ; elle s'étend sur toute la surface inférieure de l'élytre, embrassant en dessous les nervures latérales, et s'arrête au bord même de la membrane supérieure. Cette mince pellicule paraît destinée à protéger les vaisseaux aériens de l’élytre qui, chez tous les Coléoptères, sont situés entre elle et la face inférieure de la seconde membrane ; quant aux papilles spiniformes qui hérissent sa surface externe, j'ignore leurs fonctions. Les vaisseaux aériens dont je viens de parler sont toujours au nombre de quatre ; ils sont grêles , sétiformes, et s'étendent en 62 NICOLET. — SUR LA CIRCULATION DU SANG lignes assez directes de la base de l'élytre à son extrémité oppo- sée , en projetant latéralement de nombreux filets plus où moins subdivisés ; deux sont médians, ou occupent toujours la partie comprise entre les deux nervures latérales , mais pas constam- ment à la même place, même chez les individus de même espèce ; les deux autres sont latéraux , et occupent chacun-une des ner- vures creuses, dont j'ai parlé plus haut. En enlevant la membrane transparente et épineuse qui re- couvre la face interne de l’élytre, on amène presque toujours, soit en totalité, soit par portions, ces vaisseaux trachéens, ce qui prouve qu ‘ils sont plutôt adhérents à cette membrane qu ‘à la partie solide de lélytre (4). Quant à leur structure, elle est la même que celle des trachées du corps ; ils se réunissent à leur base , et s'unissent par un tube commun aux organes de la respi- ration situés dans la partie antérieure du thorax. La description des diverses modifications que subissent les couches, tant supérieures qu'inférieures des élytres, par suite de la structure générale de ces organes, est ici parfaitement inutile ; il en est de même de celles des pièces qui composent le pédon- cule qui sert à les unir au corps de l’animal , et qui depuis long- temps sont parfaitement connus ; disons seulement que ce pédon- cule est percé de deux canaux qui correspondent à l'entrée des nervures latérales ; disonsencore que les poils, lorsqu’ ils existent, ne paraissent dépendre que de la membrane supérieure , et que leur racine ne s'étend jamais jusqu’à la face supérieure de la membrane interne, quelle que soit sa proximité ou le nombre des saillies qui souvent unissent les deux lames ; ajoutons que les différentes couches qui composent la membrane supérieure s’in- fléchissent brusquement à la base des poils pour former une espèce de sac tubuliforme enveloppant la racine du poil. — Quant à l'épaisseur relative des différentes parties de l’élytre, voici celle que j'ai trouvée dans le Coccinella bipunctata : En prenant pour unité un centième de millimètre , L'épaisseur totale de l'élytre vers son milieu est représentée par # La lame supérieure, couche colorée comprise. 2 La lame inférieure . - térire A L'espace intermédiaire ou | libre dans lequel circule le SAND. Mot USE La couche colorée . : 0.20 La membrane à papilles, environ. 0.02 Diamètre vertical de la PAS creuse de Ja r nervure externe, au point le plus large. . . +: Ce AQU VMS) Diamètre vertical de la nervure interne. se id aan Era 10 (1) La facilité avec laquelle cette membrane se détache, fait supposer qu'un CHEZ LES COLÉOPTÈRES. 63 Si au foyer d’un microscope on dispose une Coccinelle (j'ai pris pour faire mes recherches le Coccinella bipunctata), de ma- nière à isoler les élytres sans les détacher du corps , on aperçoit bientôt, même à un faible grossissement, un mouvement molé- culaire, peu apparent à la vérité, mais qui le devient davan- tage lorsque, au moyen d’un héliostate, on fait pénétrer au travers d'elles un vif rayon de lumière ; ce mouvement n’est pas indécis, comme celui des molécules de Brown, mais translatif el continu, comme celui du sang chez les larves d’une foule d'In- sectes ; c’est par des corpuscules sphériques que ce mouvement est rendu apparent, et si, toujours sous le microscope, on fait la section de l’élytre, on apercoit se former de petites goutte- lettes d’un liquide jaune d’ambre très transparent, au milieu du- quel nagent un grand nombre de ces corpuscules. Ce liquide est donc du sang, etce mouvement moléculaire n’est autre chose que celui du sang dans les élytres rendu apparent par des corpuscules fort gros, comparativement au peu de volume de l'animal. Une fois l’attention fixée, on aperçoit bientôt dans l’intérieur de la nervure externe un fort courant se dirigeant de la base à l'extrémité de l’élytre ; d’abord compacte à sa partie antérieure , ce courant projette bientôt de petits courants latéraux, s’éten- dant en nombreuses ondulations sur toute la surface de l’élytre , et se divise à son extrémité postérieure en plusieurs branches, qui toutes, en décrivant des lignes très sinueuses , vont se rendre à la nervure interne, où elles forment de nouveau un courant longi- tudinal, mais ascendant , et qui reporte le sang dans l’intérieur du corps. Ce mouvement n’est pas saccadé, mais lent et uniforme, et cela se concoit du reste: éloigné du centre d’impulsion , le sang des élytres ne peut plus être soumis d’une manière bien directe aux mouvements de diastole et de systole du vaisseau dorsal ; d’ailleurs cette même uniformité de mouvement s’observe déjà chez plusieurs Insectes dans la partie des courants latéraux éloi- gnés des deux extrémités du corps. Un peu d’attention suffit pour connaître bientôt que tout ce liquide en mouvement est contenu entre les deux lames solides qui composent l’élytre ou. dans l’espace à peu près libre laissé entre elles, et que les deux grands courants descendant et ascendant sont contenus dans l’intérieur, ou la partie creuse, des nervures latérales, tandis que les cou-- rants internes et transversaux, qui toujours sont très étroits et très liquide quelconque existe entre elle et la face inférieure de l'élytre et maintient sa Souplesse ainsi que celle des tubes aériens. 64 NICOLET. —- CIRCULATION CHEZ LES COLÉOPTÈRES, irréguliers , sont limités par les saïllies de la face inférieure de la membrane supérieure. ; Lorsqu'on détache subitement une élytre, et qu'on la place immédiatement sous le microscope, la circulation du sang peut encore s’observer pendant plusieurs minutes; mais bientôt le mouvement devient intermittent, et présente alors un phénomène fort curieux. A des intervalles très réguliers, le sang reprend tout à coup , comme par suite d’une commotion électrique, et avec une vitesse extrême comparée à sa vitesse normale, le mouve- ment qu'il n'avait plus. De nouveaux courants transversaux se forment dans les parties où l’on n’en apercevait aucun aupara- vant, et leur ensemble forme bientôt un réseau serré embras- sant toute l'étendue de l’élytre. Serait-ce qu'en mourant cet organe est soumis à une espèce de contraction nerveuse ? Cela est probable ; le fait, que de nouveaux courants s’établissent tout à coup, laisserait supposer qu’une contraction subite s’opère dans la nervure latérale externe, et que la pression qui en résulte force le sang à s'échapper par le côté interne de ce canal. Quoi qu’il en soit, au bout de quelques secondes, le sang s’arrête de nouveau pour reprendre ensuite le même mouvement à des intervalles de plus en plus éloignés. Bientôt tout mouvement cesse ; l’impulsion étant détruite, le sang ne peut plus atteindre le sommet de l’élytre ; il s’arrête dans les parties basses où il se décompose , et s’agglomère en flaques plus ou moins grandes, et semblables à de larges gouttes d’huile ; mais auparavant il s’est séparé de ses corpuscules, et ceux-ci forment à leur tour de petites agglomérations sous forme de masses granuleuses de plus en plus brunes et compactes. Les vaisseaux trachéens, de bleus et cylindriques qu’ils étaient aupa- ravant, deviennent pâles et déprimés ; la membrane à papilles s’affaisse, ets’attache à la face inférieure de l’élytre, de manière àne plus pouvoir se détacher. L’élytre elle-même modifie un peu ses couleurs ; ses extrémités pälissent et se maculent : elle est morte, En l’ouvrant alors, on trouve les nervures latérales presque entièrement pleines d’une matière compacte, molle , granuleuse, et assez semblable, à la couleur près , au pollen que les Abeilles s’attachent aux pattes postérieures; ce sont les corpuscules du sang qui l'ont abandonné pour se réunir en masses serrées dans les endroits où les deux membranes ont laissé le plus d’espace, mais qu'on retrouve encore en petite quantité sur tous les points de l’espace interne, et que l’on pourrait prendre pour la matière colorante , si le microscope ne nous montrait que la couleur des élytres n’est due qu'à celle de leur surface, GE NOUVELLES RECHERCHES SUR L'EMBRYOGÉNIE DES POISSONS : Par M, le D' PH. DE FILIPPI. ( Lettre adressée à M. le Professeur Albert Kælliker. ) Avant de vous exposer le résultat de mes dernières recherches sur le développement des poissons osseux, et de soumettre à votre examen le désaccord qui règne entre mes observalions et celles des auteurs qui m'ont précédé, je devrais commencer par une histoire de cette partie de la science. Mais ce n’est pas à vous qu'il faut une telle digression préalable ; d’ailleurs l’esquisse historique publiée par M. Duvernoy rappelle déjà les points les plus importants des observations de Baër, de Carus, de Rathke et de M. Vogt, quoiqu'elle ne soit pas aussi complète qu'on pour- rait l’attendre. Il a oublié, par exemple, les observations de Cavolini, antérieures de beaucoup à celles de M. Prévost de Gt- nève, sur la génération du Séchot, et qui forment son point de départ. Il cite aussi les miennes sur le Gobius fluviatilis, mais, à ce qu'il paraît, seulement d’après ce qu'en a dit M. Vogt. Il me suffit de rappeler deux lois admises jusqu’à ce jour dans le développement des Poissons : 1° que le liquide vitellin passe tout entier dans l'intestin au moyen d'un canal (ductus vitello- intestinalis), et qu'il y est digéré ; 2° que le foie se forme par une évolvure de l'intestin. Or, j'ai démontré que dans les Poissons osseux ces deux lois sont bien loin de se vérifier ; et mes dernières recherches m'ont fourni de nouveaux arguments à l'appui de cette conclusion. Cependant, entraîné par les faits bien nouveaux et bien curieux que présente l'histoire de l’évolution du Boule- reau, j'ai dit que c'était la substance méme du vitellus qui se transformait dans le foie, après avoir donné des matériaux pour les autres organes de l'individu. Je viens de reconnaitre que cette expression est ineæacte , et que tout le liquide qui remplit le sac vitellin est absorbé. Les faits sont toujours les mêmes ; mais des observations plus prolongées , et qui ont porté sur différentes espèces, m'ont conduit à une nouvelle interprétation , que je regarde comme la vraie. Toutefois, si l’on veut donner le nom de théorie à l’ensemble de mes raisonne- 3€ série. Zoor. T. VIT. (Février 1847.) 1 5 66 DE FILIPPI — SUR L'EMBRYOGÉNIE DES POISSONS. ments, je n’ai pas à la changer de fond en comble. 1l y a quelques unes de mes anciennes conclusions qui ont paru hasardées et même étranges , et qui pourtant ne sont pas contestables. Ainsi, par exemple, lorsque je dis que , dans l’embryon du Boulereau, le globe vitellin correspond au foie, je dis une vérité ; mais elle n’est pas également appliquable à d’autres genres de Poissons. Cependant, le Boulereau ne forme pas une exception particu- lière dans sa classe; le plan du développement des Poissons osseux est toujours le même ; il n’y a de variations que dans les détails, suivant les espèces. J'espère maintenant pouvoir indiquer ce plan et ces variations, et éclairer par là quelques points im- portants de l’embryologie. Développement des Clupées. J'ai observé pour la première fois au mois de juin de cette année les phases successives de l’œul fécondé dans les Fintes (Agoni des Lombards) aux bords du lac de Côme. Ces Poissons fraient en grand nombre pendant la première moitié de la nuit, et les œufs sont abandonnés près du rivage à la merci des eaux, parce qu'ils ne contractent pas d’adhésion aux pierres. Ces deux circonstances sont d'accord avec d’autres caractères, pour rap- procher les Clupées des Saumons, et les séparer des Cyprins. La fécondation a lieu comme dans la plupart des autres Pois- sons, c'est-à-dire, elle est extérieure; toutefois, une grande partie des œufs est fécondée dans le ventre même de la femelle, sans doute par absorption de l’eau , dans laquelle le fluide sémi- nal a été préalablement épanché. Le sillonnement du germe commence bientôt , et finit au bout de six heures. Douze heures après la fécondation, on apercoit déjà les premiers rudiments de l’axe cérébro-spinal. À deux jours, l'embryon fait des mouve- ments; la partie postérieure du corps se développe, de manière que l’anus s'éloigne toujours plus du globe vitellin. Les pulsa- tions du cœur commencent. Le liquide du vitellus est par- faitement limpide, sans cellules, sans gouttelettes huileuses, Plus tard quelques globules se réunissent pour former à sa sur- face des îles irrégulières qui disparaissent de nouveau. Quelques embryons quittent l’œuf au troisième jour. Leur corps est transparent et filiforme ; ils nagent avec beaucoup de vivacité, DE FILIPPI, — SUR L'EMBRYOGÉNIE DES POISSONS. (67 On n’y voit pas encore de circulation, parce que ni la matière colo- rante, ni les globules du sang ne sont formés. A cette époque , le sac vitellin présente deux adhérences : l’une au diaphragme mem- braneux, qui sépare la cavité du thorax de celle de l’abdomen : l’autre à l’intestin, par un pédoncule qai s’est détaché vers le tiers antérieur de l'intestin lui-même. Au-devant de ce point, le sac vitellin est parfaitement libre de toute connexion avec l'intestin. Seize heures après l’éclosion, il se forme , là où le sac vitellin est adhérent à l'intestin, un petit renflement, qui ne tarde pas à devenir une vessie remplie d’un fluide limpide, incolore ; cet or- gane n’est autre chose que la vessie biliaire. Le pédoncule du sac vitellin s’environne d’une substance molle , transparente, dans laquelle on ne voit pas le moindre indice de cellules. Dès le mo- ment de la formation de cette substance, l’absorption du liquide vitellin commence avec activité, et les globules qui nageaient sa surface disparaissent. Quand enfin cette nouvelle substance à atteint un accroissement assez considérable , le vitellus se trouve refoulé vers le diaphragme, et réduit à une goutte de liquide clair et diaphane, Il est bien évident que cette substance de nou- velle formation doit appartenir au foie ; mais alors il est évident aussi que le canal vitellin n’est autre chose que le conduit cholé- doque. En effet, ce canal n’est pas destiné à transmettre le liquide du vitellus dans l'intestin { car, malgré les mouvements de dé- glutition assez vifs qui ont lieu dans le tube æsophagien , on ne voit pas la moindre goutte de liquide vitellin passer par le canal qui aboutit à l’intestin. Neuf jours après la fécondation , le dernier résidu du vitellus élant réduit presqu'à rien, tous mes embryons, au nombre de plusieurs centaines, mourürent, sans doute par défaut d'ali- ment. Ils étaient à un point très avancé de développement, et malgré cela, ils ne présentaient pas la moindre trace de globules du sang ; phénomène extraordinaire! Si je réussis, je renouvelle- rai l’année prochaine mes efforts pour prolonger la vie des petites Clupées, afin de découvrir où et comment se forment ces globules, qui, dans le Poisson adulte, sont si gros. Pour le moment, je ne saurais faire autre chose que de proposer l’hypothèse sui- vante, qui me paraît la meilleure de toutes. En étudiant l’em- bryogénie d’autres espèces de Poissons, je me suis convaincu que . 68 DE FiLIPPI — SUR L'EMBKYOGÉNIE DES POISSONS. c’est du liquide vitellin que se forme le sang ; ce liquide est ab- sorbé par les vaisseaux du sac vitellin, et mis en circulation pour donner enfin origine aux globules du sang, qui se forment dans l’intérieur même des vaisseaux. Mais cette formation des globules du sang n’a pas lieu avant que la sécrétion de la bile ait com- mencé, comme je le démontrerai ailleurs. Or, il est naturel que mes embryons de Clupées, dont le foie n’était pas encore en fonction, ne possédassent point de globules de sang. Si, l’année prochaine , je parviens à étudier de nouveau l’embryogénie des Clupées , je m'attends à voir paraître la couleur rouge et les glo- bules du sang dans les embryons , bientôt après que la bile aura occupé son réservoir. Achètement de l’organisation du Gobrus fluviatilis. Dans mes travaux antérieurs , j'ai déjà donné une esquisse du développement de l'œuf de cette espèce. Sauf les interprétations que je dois modifier d’après mes nouvelles recherches , l’essen- tiel, c’est-à-dire l’ensemble des faits, reste toujours le même. Je parlerai seulement de l'embryon qui vient d’éclore, et que l'on dirait presque complétement développé d'après son organi- sation (voyez la figure dans mon Mémoire inséré dans le Journal de l'Institut de Milan , novembre 1845, et reproduit dans Fro- riep's Notizen, n° 815, 816, avril 1846) ; et j'examinerai parti- culièrement 1° le pédoncule vitello-intestinal; 2° la surface, 3° l’intérieur du vitellus. Le pédoncule qui unit le sac vitellin à l'intestin s’est formé vi- siblement par évolvure de l'intestin lui-même, comme dans les Clupées. Il correspond exactement au canal cholédoque et à ses divisions ; la vessie biliaire qui lui est adhérente en est une déri- vation : elle est donc une évolvure d’une évolvure. Les autres par- ties du foie se forment indépendamment de l'intestin : d’où il suit qu'il y a erreur de la part des physiologistes qui ont voulu appliquer à la formation du foie tout entier une loi qui regarde seulement un de ses éléments, c’est-à-dire le système des canaux biliaires. La surface du sac vitellin n’est pas enveloppée par une couche particulière de cellules, à laquelle on pourrait appliquer le nom de couche hématogène. On y voit des vaisseaux, que j'ai dits (je crois le premier) être les mêmes que ceux du foie. Ces vaisseaux DE FILAPPE — SUR L'EMBRYOGÉNIE DES POISSONS. G9 n’ont pas de parois visibles ; le sang sillonne la substance du sac vitellin, comme feraient des ruisseaux dans une plaine sableuse. Le vitellus lui-même est composé de trois substances : 1° de gouttes huileuses ; 2 d’un liquide clair albumineux qui , tiré au dehors, se partage en globules aplatis, et qui, avec les progrès du dévoloppement , perd sa solubilité dans l'acide acétique; 3° d’une substance à demi opaque , sans structure particulière, qui forme une espèce de nuage dans le vitellus, près du point où s'attache le pédoncule du sac vitellin. A cette époque, c’est-à-dire chez l'embryon à peine éclos, l'on trouve déjà, depuis quatre jours au moins, de la bile dans la petite vessie biliaire ; donc le foie fonctionne, et il est véritable- ment représenté par le sac vitellin, J’insiste sur cette proposition ; mais en même temps, je dois tirer une autre conclusion de mes travaux antérieurs, savoir que le vitellus ne disparait pas, mais qu'il se convertit en grande partie en foie , après avoir fourni des matériaux pour la formation des autres organes. De nouvelles observations faites cette année même m'ont prouvé que le Boulereau possède aussi une formation analogue à celle qui, dans les Clupées, prend part au développement du foie, et que chacune des trois substances du vitellus est absorbée à son tour. Quant à ces dernières , le liquide clair albumineux disparaît le premier ; la substance opaque qui forme le nuage et les gouttes d'huile sont les dernières. L'ordre devrait être inverse, si le contenu du sac vitellin passait dans le tube intestinal ; donc ce passage n’a pas lieu. Les premiers rudiments de la substance mentionnée ne se montrent dans le petit Boulereau que trois jours après l’éclosion, près de l’endroit où l'artère hépathique se détache de la céliaque, et ils ne se forment pas par une évolvure de l'intestin. Peu à peu cette substance enveloppe une partie de l'intestin, descend le long du conduit cholédoque, et va enfin envelopper aussi le sac vitellin. Dès que cet enveloppement à fait des progrès, l’absorp- tion du vitellus déjà mentionnée commence d’une manière très évidente dans l’ordre que j'ai indiqué. Quant à la structure de cette partie, qui est la même dans tous les Poissons, elle est tout à fait particulière , et très difficile à décrire. Je n’y ai pas vu de cellules. M. Vogt lui-même n’a pas pu faire mieux que de la 70 DE FILIPPL — SUR L'EMBRYOGÉNIE DES POISSONS, représenter fidèlement dans ses planches. Ce qui est certain, c’est que l'absorption du vitellus a lieu par son intervention, puisque ce phénomène commence toujours en même temps que la forma- tion de cette substance, ce qui se passe de bonne heure dans cer- taines espèces , bien tard dans d’autres. Voilà la source du désac- cord apparent dans l’histoire ovologique de différentes espèces de Poissons. La partie de cette substance qui enveloppe le sac vitellin porte dans les ouvrages de MM. Rathke et Vogt la dénomination de foie. Pour apprécier au juste l'exactitude de cette détermination , nous n'avons qu'à observer les embryons du Gobius fluviatilis, dans lesquels nous apercevons les fonctions du foie, c’est-à-dire la sécrétion de la bile, bien longtemps avant l'apparition des premiers rudiments de cette substance, Je ne veux pas dire par là qu'elle ne prend aucune part à la formation du foie; bien cer- tainement, elle en constitue, d’après mon opinion, un élément ; mais cet élément ne paraît pas être le plus essentiel, du moins dans les premiers temps, puisqu'il n’est pas nécessaire pour la sécrétion de la bile. En envahissant le sac vitellin elle s'appro- prie les vaisseaux qui le sillonnent, et va leur former une enve- loppe particulière. C’est ainsi que l'on doit interpréter l’expres: sion peu exacte de M. Vogt, lorsqu'il dit que la cireulation vitel- line passe entièrement au foie. Mais ce n'est pas seulement le foie que cette substance va envelopper ; elle descend aussi peu à peu sur l'intestin jusqu'à sa terminaison à l'anus, et forme par la suite le mésentère, lorsque l’intestin lui-même, en se développant davantage , fait des inflexions. Je suis même parvenu dans le Gobius fluviatilis à la déchirer et à en tirer l'intestin. D'après cela, il me paraît impossible de voir autre chose dans cette nouvelle production que le péritoine. Gette supposition ; que jé crois pour le moment la plusraisonnable , a besoin d’être con- firmée par des observations nouvelles , faites sur des espèces plus propres à ce genre de recherches. Ainsi, je n'ose pas m'aventurer davantage dans ce sujet. J'ajouterai seulement que ce que M. Vogt a dit sur la formation du périloine chez les Poissons me semble une conception théorique pareille à celle de son sac vitellin in- terne , plutôt que le résultat d'observations positives. Je conclus de ces observations que : DE FILIPPI — SUR L'EMBRYOGÉNIE DES POISSONS. 71 1° Le vitellus des Poissons ne se verse pas dans le tube intesti- pal ; 20 Le pédoncule du sac vitellin est le canal cholédoque ; 3° Le canal cholédoque , la vessie biliaire et les troncs des ca- naux biliaires, sont les seules parties du foie qui sont produites par évolvure de l'intestin ; k° Le foie se forme successivement 1° par les organes men- tionnés sous le n° 3 ; 2° par la couche vasculaire du sac vitellin, Avec ces deux éléments, le foie peut déjà fonctionner, comme on le voit dans le Gobius fluviatilis ; 5° par une substance qui prend son origine du même lieu, qui est le centre de formation du mé- sentère ; cette substance enveloppe le canal cholédoque et le sac vitellin, et a l'apparence d’une production membraneuse et vascu- laire. Cette partie seule a été appelée foie par les auteurs ; 5° Le vitellus est absorbé entièrement. Cette absorption se fait de bonne heure (par exemple dans les Clupées et dans les Cy- prins) ou très tard (par exemple dans le Boulereau), suivant l’é- poque à laquelle se forme la production d’un aspect particulier , qui doit achever l’organisation du foie. Je termine en relevant encore deux faits : 1° On ne peut méconnaître qu’il existe dans le Poulet , aussi bien que dans les Poissons, des rapports intimes entre le vitellus et le foie. Le célèbre professeur de Leipzig, E. -H. Weber, dit : « Die XIX et XX ab ovo primum incubato..…. vitellus sacco » contentus maxima ex parte a vasis sanguileris sacci vitellarii » resorbetur. Quo magis hæc resorptio perficitur , eo magis color » hepatis rubro-fuscus in flavum colorem vitello similem muta- » ur... Primum striæ flavæ orientur... dexter lobus celerius » Quam sinister flavescit. Contingit mihi vasa bilifera capillaria » flava materia turgescentia a vasis capillaribus sanguiferis rubro » colore insignibus discernere ; itaque structuram subtilissimam » hepatis cognoscere , et ea confirmare, quæ in adulto homine » injectionibus materiarum coloratarum in vasa bilifera et san- » guifera intellexeram..... Quærendum enimm qua ratione in » illis pullis tam brevi tempore , nimirum uno die, vasa minima » bilifera hepatis globulis vitelli plane repleantur, ila ut hepar » colorem intense flavum accipiat. Respondendum est maiteriam » vitelli à vasis sanguiferis vitelli, id est a vasis omphalo-mesa- » raïcis resorberi, ad hepar deferri, atque in vasa bilifera minima »rete formantia, deponi..…. Vulgo creditur globulos vitelli, » Sacco vitellario in abdomine recepto, per ductum vitello-intesti- » nalem, in intestina tenuia effluere; id vero in pullis a me sectis » fieri non potuit : ductus vitello-intestinalis eliam tam perfecte 72 BE FILIPPE - SUR L'EMBRYOGÉNIE DES POISSONS. » clausus fuit, ut vehementiori pressione adeo vitellus e sacco sua » in intestina non propulsus sit, » 9% Mon ami, le docteur Polli de Milan (1), a trouvé que l’hé- matine et la matière colorante de la bile sont la même chose à ur degré différent d’oxydation, puisque la première peut être chan- gée par un procédé de réduction dans la seconde, et que celle- ci oxydée prend la couleur rouge de la première (il croit que le fer qu’on a trouvé dans la bile et dans l'urine est celui de l’hé- matine). Il à aussi soupconné des rapports entre les deux sub- stances indiquées et la matière colorante du jaune d'œuf. Or, suivant mes observations, on ne peut pas mettre en doute que les matériaux du sang des embryons des Poissons ne soient four- nis par le vitellus, et que la formation de la matière rouge du sang est contemporaine à celle de la bile. Les choses se passent comme si une même matière du vitellus se partageant en deux, l'une plus oxygénée, l’autre moins, donnait origine à la matière colorante du sang et à la bile. Après avoir tant parlé du foie comme d’un organe influent sur la sanguification, peut-être n’est-on pas loin de découvrir le rôle véritable de cet organe dans une fonc tion si éminemment vitale. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE f. a, intestin.— b, vessie biliaire. —- 6, vitellus. — 4, tige vitello-intestinale {con- duit cholédoque). — f, substance nébuleuse et sans structure, du vitellus. — g, gouttes d'huile du même.— 1, œsophage.— m, diaphragme. — 0, cellules des reins.— p, rate.— », conduit de la vessie nalatoire.— s«, vessie nalatoire (encore sans contenu gazeux). — x désigne la partie qui, en se développant, va accomplir l'organisation du foie et former le mésentère : ainsi, æ', foie; æ'’, mésentère. Les figures 1-3 sont relatives à l'embryogénie de la Clupée, Alosa finta. Fig. 1. Embryon de 4 jours. Fig. 2. Embryon de 7 jours. Fig. 3. Intestin, et foie avec ses annexes, isolés dans un embryon de 8 jours. Les figures 4-8 sont relatives à l'embryogénie du Gobius fluviatilis. La flèche indique la direction du corps des embryons dans les trois premières figures. Fig. 4. — D'après un embryon qui vient d'éclore. — Je crois presque inutile d'ajouter ici que les vaisseaux sanguins ont été omis, et que la vessie b con- tient une humeur jaune {bile) depuis # jours. Fig. 5. Les mêmes parties que dans la figure précédente, deux jours après : on y voit la première formation de la partie désignée par æ. Fig. 6. D'après un embryon éclos depuis 7 jours. Fig:"7. — —= 10 jours. Fig. 8. — = 12 jours. (1) Annali di chimica applicata alla medicina. Gennajo, 1846. Milano. OBSERVATIONS SUR LES ANALOGIES ET LES DIFFÉRENCES DES ARCS VISCÉRAUX DE L'EMBRYON DANS LES DEUX SOUS-EMBRANCHEMENTS DES VERTÉBRÉS ; Par M. ÉMILE BAUDEMENT. ( Présentées à l'Académie des Sciences , le 22 février 1847.) Tous les observateurs s'accordent aujourd’hui à signaler, chez l'embryon naissant des Vertébrés, l'existence de languettes étroites ou bourrelets situés à l'extrémité céphalique, au-dessous de la capsule cérébrale, terminés par des renflements arrondis, et con- vergeant vers la ligne médiane inférieure du corps, comme les lames viscérales au sein desquelles ils prennent naissance, et dont ils suivent le mouvement. Ces bourrelets, qui ne sont réel- lement autre chose que des segments des lames viscérales, épais- sis par l'accumulation de la substance formatrice, sont séparés l’un de Pautre par de petites fentes en boutonnières résultant de la disparition des lames viscérales entre eux. En général, on a donné aux bourrelets solides le nom d’arcs branchiaux : les fentes ont été désignées sous celui de fentes branchiales. Si des embryologistes, en petit nombre , se sont d’abord refusés à reconnaître la réalité des faits que je rappelle ici, il faut sans doute attribuer cette erreur à ce qu'ils ont étudié des embryons déjà trop avancés dans leur développement, pour que les ares et les fentes dont il s’agit aient pu laisser encore quelque trace. Ces parties, en effet, dont l'apparition est hâtive, se métamor- phosent rapidement en organes qui jouent un rôle important dans la vie du jeune être et dans celle de l'adulte, et perdent de bonne heure les caractères que nous venons de résumer briè- vement. C'est sur ce rôle des arcs branchiaux pendant la vie embryon paire, et sur leur signification dans les grands groupes des Ver- tébrés, que portent les observations suivantes. Certains anatomistes, et en particulier Meckel, cédant à l’idée 74 ÊM. BAUDEMENT. — SUR LES ARCS VISCÉRAUX que les animaux supérieurs présentent transitoirement , dans leurs évolutions successives , quelque état permanent de l’organi- sation des animaux inférieurs, crurent retrouver, dans les bour- relets primitifs des Mammifères, les analogues des ares qui portent les franges respiratoires chez les Poissons. Quelques auteurs pensèrent même qu’il ne serait pas impossible que ces bourrelets servissent aussi, chez l’embryon des Mammifères, à une véritable respiration aquatique dans le liquide de l’amnios, et que la fonction, comme l’organe, fit de cet embryon une sorte de Poisson ou de jeune Batracien. Cette hypothèse, qu'admit d’abord Geoffroy Saint-Hilaire séduit par une vague ressem- blance, ne repose sur aucun fait d'observation, puisque jamais on ne vit de franges branchiales se développer sur les ares pri- mitifs des Mammifères; elle fut bientôt abandonnée par son au- teur lui-même, quand l'analyse chimique eut démontré que le liquide amniotique ne contient aucun gaz respirable. Mais l’o- pinion qui assimile, pour les formes extérieures, les bourre- lets des Mammifères aux ares de l'appareil respiratoire des Pois- sons, trouva des partisans en assez grand nombre, et les auteurs, pour rappeler cette théorie, bien que tous ne l’admissent pas dans les mêmes termes, employèrent généralement les dénomi- nations d’arces branchiauæ et de fentes branchiales. Toutefois, Reï- chert, dans son beau travail sur les organes qui nous occupent, crut devoir protester contre des noms qui représentent en eux- mêmes une idée fausse, et employa les termes d’arcs viscé- raux et de fentes viscérales : il substitua ainsi l'indication de l’o- rigine de ces parties dans les lames viscérales de l'embryon, au rappel d’une identité fonctionnelle où organique tout à fait hypo- thétique. Si personne aujourd’hui n’est tenté d’assimiler, pour le rôle physiologique, les ares viscéraux des Mammifères aux arcs des- tinés à la respiration chez les Poissons, et si les belles observa- tions de Ratbke et de Reichert ont démontré l'impossibilité d'identifier les premières de ces parties aux secondes , sous le rapport organique , il existe cependant diverses opinions sur la signification des arcs viscéraux comparés entre eux , ou comparés DE L'EMBRYON DES VERTÉBRÉS. 75 avec différents organes de l'adulte, C’est ainsi que certains au- teurs, rapprochant théoriquement, et en quelque sorte d'une manière abstraite, les organes transitoires des Vertébrés supé- rieurs , des organes permanents des Vertébrés moins élevés, trouvent, dans tout l'embranchement, une somme d'organes ana- logues sur laquelle ils établissent une unité organique essentielle, Les faits me paraissent contredire une telle opinion. Certaines vues particulières ont aussi leur origine dans une manière toute spéciale d'interpréter le développement des arcs viscéraux. Ainsi, M. Serres (1), en cherchant à vérifier les obser- vations de Rathke (2), principalement dans le but de démontrer l'impossibilité d'une respiration amniotique, trouva, chez un embryon humain, quatre bourrelets ou tubercules allongés et obliques d’arrière en avant, qui figurèrent à ses yeux, le pres mier, les maxillaires; les trois autres, les côtes. Suivant M, Ser- res, les rudiments du pharynx, de l’hyoïde et du larynx seraient logés dans la concavité de l'arc décrit en arrière par les vertèbres, à la hauteur de la région future du cou, qui est alors compléte- ment eflacé, en raison de l’obliquité des tubercules maxillaires sur le premier tubercule costal. Les fentes branchiales, ou fissures cervicales de M. Serres, correspondraient à la bouche et aux es- paces intercostaux; elles s’effaceraient progressivement, à mesure qu’elles seraient comblées par les rudiments des muscles inter- maxillaires et intercostaux. Sur un autre embryon, M. Serres vit les tubercules au nombre de cinq, et considéra le premier comme le rudiment du maxillaire inférieur ; les quatre autres, comme des côtes à leur état primitif. L'étude des embryons du Chien et du Lapin offrit au même observateur les mêmes phénomènes, et le conduisit à une interprétation semblable; toutefois, il lui sembla, sur un embryon de Mouton, que le second tubercule correspon- dait à la grande corne de l’hyoïde. (1) Mémoire lu à l'Académie des Sciences, le 23 septembre 1839 ( Ann. des Sc'nat., 2° série, t. XIT, p. 429). (2) sis, 1825, 1827, 1828. — Nova Act. Nat. Cur., t. XIV. — Ueber den Kremenapparat and das Zangenbein, 183%. 76 ÉM. BAUDEMENT. — SUR LES ARCS VISGÉRAUX Après avoir admis une telle détermination des parties, M. Serres compare les embryons des Batraciens et des Poissons à ceux des Vertébrés supérieurs, et trouve, dans les deux dernières classes des Vertébrés , trois tubercules qui seraient destinés à former le maxillaire inférieur, l'appareil hyoïdien et les branchies tempo- raires chez les Batraciens; le maxillaire, l’hyoïde et les os pharyn- giens chez les Poissons. Les os pharyngiens des Poissons parais- sent, à M. Serres, représentés transitoirement , chez les embryons des Vertébrés les plusélevés, par l’hyoïde et le maxillaire inférieur. Cette interprétation toute particulière des parties auxquelles les arcs viscéraux se rapportent dans la série des développements a été aussi indiquée en partie par Willebrand, et est contredite par les observations mêmes de Rathke , qui ont été contrôlées et adoptées par la presque totalité des embryologistes. Au reste, le résumé rapide de ces observations va nous permettre d'apprécier la véritable destination de chacun des arcs viscéraux chez les Ver- tébrés, et nous conduira à la comparaison de ces organes dans les différentes classes. Nous pourrons ainsi comprendre la valeur des opinions que nous venons de rappeler succinctement. En suivant pas à pas le développement des ares primitifs, chez les Mammifères, par exemple, on voit que les parties produites par leur transformation progressive se rapportent, pour le plus petit nombre, à la bouche et à l’arrière-bouche, à l’organe de l'ouïe , à l’appareil hyoïdien , et concourent , pour la plus grande portion, à la constitution de la face. Ainsi, au point où le premier arc viscéral prend son origine, de chaque côté de la capsule céré- brale, se montrent deux prolongements , l’un à droite, l’autre à gauche , qui s'étendent parallèlement à la base du crâne , conver- gent en avant l’un vers l’autre , et donnent naissance aux os pala- tins et aux apophyses ptérygoïdes , par l'intermédiaire desquels s'opère la soudure supérieure de la face avec le crâne. Je dési- gnerai cette première lame blastématique sous le nom d’arc pala- tin. — En dehors de ces prolongements, se dépose un blastème dont le développement doit produire l’os maxillaire supérieur et le jugal , et à l’ensemble duquel convient, par conséquent , le DE L'EMBRYON DES VERTÉBRÉS. 77 nom d'arc maæillaire. — À la face externe de ce dernier arc, descend une petite languette qui n’est autre chose que la base même du premier arc viscéral primitif, et qui est destiné à la for- mation du marteau et de l’enclume; je donnerai à cette partie, dont les transformations offrent tant d'intérêt, le nom d’arc mal- léen. — Enfin, d’un dépôt blastématique qui se superpose tout à fait à l’extérieur de l’arc précédent et l’enveloppe progressi- vement comme d’une gaîne , se forme la màachoire inférieure ; le bourrelet arqué, qui se métamorphose en un organe si important de la face , peut être convenablement désigné sous le nom d’are mañdibulaire. En résumé , par suite du développement direct de sa masse blastématique propre, ou de celui des amas de substance qui sont en rapport de situation avec lui, le premier arc viscéral primitif peut se décomposer en quatre arcs secondaires qui vont s’isolant, se différenciant, se spécialisant de plus en plus. J’ajouterai que du bord interne de ce premier arc , au point où ses deux portions droite et gauche se sont rapprochées sur la ligne médiane infé- rieure , se montre le premier rudiment de la langue. On voit que le maxillaire inférieur n’est pas un prolongement de la branche du marteau , comme l’a indiqué M. Serres (1). Le second arc viscéral donne naissance à l’étrier et à l'appareil suspenseur de l’hyoïde ; je le nomme, en conséquence ,'are stylo- stapédien. — La dénomination d'arc hyoidien doit être appliquée au troisième arc viscéral, qui est employé presque tout entier à la formation de l’hyoïde. — Aucun nom particulier ne peut être donné au quatrième arc viscéral , qui ne produit aucun organe spécial, mais seulement des parties molles du cou. Par suite de la formation et du développement de ces différentes parties, la cavité sapérieure comprise entre le premier arc viscé- ral et la base du crâne , à laquelle on donne à tort le nom de bouche , et qui serait mieux désignée sous celui de fosse faciale , est diversement coupée et partagée : la cavité nasale se trouve (4) Ann. des Se. nat., A"° série, t. XII, p. 82: 2° série, t. XIT, p. 133. 78 ÉM. BAUDEMENT. — SUR LES ARCS VISCÉRAUX bientôt séparée de la cavité buccale, avec laquelle elle était d’abord confondue ; et de ces particularités combinées avec celles que présentent les fentes viscérales dans leurs transformations , naissent la trompe d’Eustache , la caisse du tympan, et autres parties que je ne puis rappeler ici en détail, 1l est donc difficile de comprendre comment M. Serres n’a vu dans les arcs viscéraux des Mammifères qu'un arc maxillaire et des côtes. Si nous étudions le développement primitif des Oiseaux et des Reptiles proprement dits, nous voyons que les organes qui cor- respondent à ceux que nous venons de nommer, chez les Mammni- fères , se produisent d’après un même mode, par suite des trans- formations de bourrelets semblables , laissant aussi entre eux des interstices ou fentes. J’essaierai de suivre ce parallèle dans une autre circonstance ; les résultats auxquels il nous conduirait sont inutiles au but que je me propose en ce moment. Je me contente rai d'indiquer un fait qui me paraît n'être pas sans importance pour la comparaison du développement embryonnaire dans les différents types. Comme je viens de le rappeler, le nombre des arcs viscéraux primitifs est de quatre chez les Mammifères ; il est de cinq chez les Oiseaux et les Reptiles , deux classes qui présen- tent de si grandes affinités dès les premiers temps de la forma- tion des animaux qui les composent. Pour s'expliquer les varia- tions quesl’on trouve dans les différents auteurs à cet égard , il faut se souvenir que les arcs viscéraux ne se montrent pas tous ensemble, mais bien l’un après l’autre , d'avant en arrière , de la capsule cérébrale vers la région thoracique , de sorte que le pre- iwier formé ou même plusieurs des plus antérieurs peuvent avoir disparu , c’est-à-dire s'être transformés , alors qu'apparaissent les derniers. Dans l’'énumération que je donne ici, j'embrasse l’en- semble des arcs produits successivement dans chaque type, sans tenir compte du temps: Les phénomènes que nous offre le développement des arcs vis- céraux chez les Mammifères et dans les deux classes suivantes se présentent avec les mêmes caractères généraux , et se succèdent suivant les mêmes lois chez les Batraciens ct les Poissons. Dans 1 DE L'EMBRYON DES VERTÉBRÉS. 79 la dernière classe des Vertébrés, comme dans la première , la face et les parties qui en sont primitivement les annexes résultent de l'évolution de bourrelets de substance formatrice, auxquels pourrait également s'appliquer la dénomination d’arcs viscé- raux, qui se produisent et se transforment de même d’avant en arrière. Nous retrouvons aussi un are palatin, un arc maæillaire, un arc mandibulaire, un are hyoidien, dont le développement pro- gressif donne naissance, en général, aux organes correspondant à ceux que nous avons vu se produire, chez les Mammifères, des arcs de même nom. Ainsi, de l'arc palatin des Poissons paraissent se former les os palatins, ptérygoïdiens et probablement l’os transverse ; — le déve- loppement de l’arc maxillaire se rattache à la formation du sus- . maxillaire et de l'os jugal; — l’are mandibulaire est lié à la for- mation de la mâchoire inférieure , de l'os carré , de la caisse du temporal et de l’os tympano-malléal, et semble correspondre à la fois aux deux arcs que nous avons nommés malléen et mandibu- laire chez les Mammifères , aussi bien qu’au blastème de la pre- mière fente viscérale ; — l’arc hyoïdien chez les Poissons paraît être en même temps l’analogue des arcs stylo-stapédien et hyoï- dien des Mammifères. Si l’objet que je me propose maintenant me le permettait , et si mes observations étaient d’ailleurs assez nombreuses et assez précises dès ce moment, je voudrais développer ici les rapports intéressants qui naissent de la comparaison des divers arcs dans les différentes classes des Vertébrés ; je veux seulement indiquer que c'est dans l'étude comparée du développement de ces parties qu'il faut chercher le moyen d'établir une correspondance exacte et rigoureuse, qui est loin d'exister aujourd'hui entre les diverses pièces qui composent la face du Poisson adulte, et celles que l’on compte chez l’adulte des Mammifères et des Vertébrés supérieurs. De même que l’observation des phases embryonnaires conduit à l'appréciation des affinités zoologiques fondamentales ; ainsi l'é- lude comparative du développement des divers appareils ren- drait évidents les caractères d'afinités des différentes pièces de 8G ÉM. BAUDEMENT, — SUR LES ARCS VISCÉRAUX ces appareils. Cette comparaison n’a pas lieu d’une manière absolue entre une pièce unique et une pièce ; il faut quelquefois l’établir entre une pièce et un système composé d'éléments plus ou moins nombreux. C’est de la sorte que j'ai essayé de com- prendre , dans ce qui précède , les relations des ares viscéraux des Poissons avec les mêmes organes chez les Mammifères ; mais un exemple fera mieux saisir encore ce point de vue nouveau. On sait que Guvier désigne sous le nom général d'os sous-orbitaires le petit appareil osseux, qui complète par en bas le cadre de l'orbite chez les Poissons ; pour des motifs que nous n’exposerons pas ici, MM. Agassiz et Geoffroy donnent à l’ensemble de ces petites pièces osseuses le nom d’os jugal. Or, si nous suivons dans leur développement les deux arcs qui portent le nom de maxil- laires chez les Mammifères et les Poissons , cette étude comparée vient donner raison à la manière de voir des savants que nous venons de nommer en dernier lieu, puisque l’os jugal multiple des Poissons, comme le jugal simple des Mammifères, est produit par une portion du blastème ‘de l’arc correspondant. Il faut observer toutefois que les nécessités spéciales de l’or- ganisation des animaux de différents types, appellent quelquefois la création des parties dont on chercherait en vain les analogues; tel me paraît être l’os transverse des Poissons, que son origine rattache très vraisemblablement à l'arc palatin. Des pièces cor- respondantes recoivent aussi parfois, dans les différents types, une empreinte toute particulière, comme cela a lieu chez les Pois- sons pour l’arc hyoïdien , dont les fonctions sont de prime abord spécialisées, en quelque sorte , par la formation de franges bran- chiales à ses bords. Cet arc hyoïdien n’est pas le seul qui soit ainsi bordé de franges branchiales chez les Batraciens et les Poissons ; il n’est lui-même que le premier terme d’une série d’arcs en nombre variable, qui présentent absolument les mêmes caractères, et qui apparaissent après lui, d'avant en arrière, en continuant l'ordre de succession commencé par l'arc palatin. Le caractère primordial de ces ares , et leur appropriation définitive aux fonc- DE L’EMBRYON DES VERTÉBRÉS. 31 tions de respiration, doivent leur faire conserver exclusivement le nom d’arces branchiauæ. Les variations qu'ils présentent dans leur nombre viennent de différences dans le nombre normal de bran- chies que possèdent les animaux des divers groupes ; chez les Poissons osseux, en général , on trouve quatre arcs destinés à re- cevoir chez l'adulte les ramifications des vaisseaux sanguins affectés à la respiration ; puis , chez tous les Poissons à l’état em- bryonnaire , on rencontre un dernier arc, l’arc pharyngien, qui, primitivement, porte aussi des branchies comme l'arc hyoïdien , et les perd ensuite, aussi bien que ce dernier, sauf les cas de pseudo-branchie. De l’ensemble des faits dont le résumé précède, il résulte qu'il existe de très bonne heure, chez les embryons des cinq classes de Vertébrés, un certain nombre de languettes ou bourrelets, pour lesquels j’adopterai dorénavant le nom général d’arcs fa- ciaux, en raison des organes principaux qui dérivent de leur dé- veloppement définitif. Ces arcs faciaux diffèrent par le nombre, selon les classes dans lesquelles on les observe ; mais ils suivent, pour l’époque relative de leur apparition , une loi commune , en vertu de laquelle ils se succèdent d'avant en arrière, et commen- cent leur métamorphose dans le même ordre. Dans le groupe des Batraciens et des Poissons , cette loi n’a pas obtenu son entier effet après la production des arcs faciaux ; chez ces animaux , et seulement chez eux, elle préside encore à la formation progressive des arcs, pour lesquels il faut réserver le nom d’arcs branchiaux, et qui sont appropriés temporairement ou pour toujours à une respiration aquatique. Est-il nécessaire maintenant que je tire la conséquence immé- diate qui découle naturellement des faits? Dois-je insister sur l'impossibilité d'identifier deux ordres d'organes qui n'ont entre eux aucun rapport : la catégorie des arcs faciaux des Vertébrés supérieurs, d’une part , et la catégorie des arcs branchiaux des Vertébrés des dernières classes, d'autre part? Trouverait-on quelque raison qui püt justifier le rapport que M. Serres établit entre les os pharyngiens des Poissons , et l’hyoïde et le maxillaire 3 série. Zoo. T. VIL. (Février 1847.) 2 6 82 ÉM. BAUDEMENT. — SUR LES ARCS VISCÉRAUX inférieur des Mammifères (1)? Il me semble qu’il faut désormais rejeter toutes ces comparaisons qui ont un double tort, celui de rapprocher des parties qui ne sont point analogues, et celui d'ou: blier l’analogie réelle qui existe entre d’autres parties qui se cor- respondent. Ces dernières sont évidemment les ares faciaux , qui sont communs à tous les animaux de l’'embranchement des Ver- tébrés, et qui constituent une création distincte de celle des arcs branchiaux ; ceux-ci se rencontrent seulement chez les Batraciens et les Poissons. Encore cette correspondance entre les ares faciaux propres au grand type dont nous nous occupons n'est-elle pas tellement minutieuse qu'on puisse l’établir de point en point, de détail à détail. Elle repose seulement sur le même. mode de groupement , les mêmes connexions principales , et trahit, non pas une unité organique absolue, mais une uniformité typique générale. En nous révélant l'existence de deux créations distinctes, qu'on ne saurait assimiler l’une à l’autre, l’étude comparée du dévelop; pement des arcs viscéraux des Vertébrés nous apprend encore que ces deux ordres de parties se relient cependant par la loi com- mune qui préside à leur formation ; loi remarquable, dont les zoologistes ont trouyé mille preuves, depuis que M, Milne Edwards l'a formulée. Cette loi consiste en ce que la nature ne crée pas de prime abord des éléments organiques nouveaux, mais emploie de préférence les matériaux que lui fournit le type, pour les adap> ter à un appareil ou à une fonction. Les arcs viscéraux fournissent un des exemples les plus frappants de cette sorte d'économie que s'impose la nature au sein de sa richesse, et qui rend plus écla- tante encore l'admirable fécondité de ses ressources. Le fond pri- mitif que la nature doit exploiter ici, le matériel qu'elle doit mettre en œuvre, s’il est permis de s'exprimer ainsi, elle le trouve, dans les arcs faciaux qu'elle a donnés à tous les êtres du grand type, . des Vertébrés. C’est du sein des mêmes éléments histogéniques, fournis par les lames ventrales qu’elle tire les arcs hranchiaux des Batraciens et des Poissons; le modèle de ces arcs, l’ordre ( ) Loc. cit. L DE L'EMBRYON DES VERTÉBRÉS. 83 dans lequel ils apparaissent et se développent, le plan et le pro- cédé, elle les emprunte en quelque manière aux arcs faciaux. Comme ces derniers, les arcs branchiaux se suivent d’avant en arrière, et ils se montrent eux-mêmes après les arcs faciaux. Les parties qui préexistent sont les arcs faciaux ; les ares branchiaux ne sont que secondaires, par le principe même de leur constitu- tion , aussi bien qu’au point de vue chronologique. Pour ce motif encore, on s’est donc trompé en considérant les arcs faciaux des Mammifères comme reproduisant les ares branchiaux des Pois- sons ; on a méconnu la valeur essentielle de ces parties aussi bien que leur rôle, et la comparaison inverse aurait été à certains égards plus exacte, puisque les arcs branchiaux reproduisent dans leur ensemble les arcs faciaux ; qu’ils en imitent la forme ; qu'ils en observent la loi. C’est seulement en vertu de cette loi que le quatrième are vis- céral des Mammifères et les deux derniers des Oiseaux et des Reptiles correspondent par position aux arcs branchiaux des Anallantoïdiens ; ils ne sauraient leur être comparés , ni pour le nombre, ni pour la destination. De cette conformité des ares branchiaux avec les arcs faciaux , résultat d’une sorte de subordination des premiers aux seconds, dérive une différence importante entre le développement des Ver- tébrés des deux dernières classes'et celui des trois classes supé- rieures. L’embryon de ces dernières est encore presque tout en- tier dans le plan de la membrane blastodermique, et son extré- mité céphalique vient à peine de s’isoler de cette membrane, quand les arcs faciaux commencent à se montrer. L'apparition des arcs faciaux a lieu à une époque correspondante , également très reculée dans la vie embryonnaire, chez les Vertébrés des deux dernières classes. Mais comme , chez ceux-ci, la série de formations rapides commencée par ces ares faciaux se continue dans les ares branchiaux, il en résulte que l'appareil de la respira- tion se montre de très bonne heure, après les premières traces des systèmes nerveux et osseux , avant le système de la digestion, en même temps ou même un peu avant le système de la circulation ; tandis que, chez les Vertébrés supérieurs, les premiers indices sl ÉM. RAUDEMENT. — SUR LES ARCS VISCÉRAUX du système de la respiration apparaissent après les systèmes ner- veux, osseux, vasculaire et digestif, puisqu'ils procèdent de ce dernier. Les Batraciens, qui deviennent plus tard pulmonés, et qui réalisent en partie les conditions organiques des Vertébrés à respiration aérienne après avoir respiré comme les Vertébrés aquatiques, résument en eux, jusqu'à un certain point, l’image des successions que je trace ici : ils prennent leurs branchies à la même époque relative que les Poissons ; ils recoivent leurs pou- mons au même moment que les Mammifères. D’autres différences très remarquables, dont je ne puis m'occuper ici, existent,encore dans l’ordre chronologique suivant lequel se succèdent les diverses formations chez les Batraciens et les Poissons d’une part, et chez les Vertébrés plus élevés de l’autre; elles trouvent leur explication dans l'emploi spécial des enveloppes de l'œuf chez ces animaux. La particularité que je signale en ce moment, et que je rattache à la loi générale sur laquelle je viens d’insister, me paraît ajouter un caractère primordial de plus à ceux sur lesquels M. Milne Edwards a établi, avec tant d'autorité, le groupe secondaire des Vertébrés anallantoïdiens (1). Elle n’est point d’ailleurs isolée et, pour ainsi dire, arbitraire; et, bien qu’elle constitue une sorte d’interversion de certains principes qu'on a eu le tort de prendre pour des lois invariables, elle s'explique par l'application d’autres règles fondamentales, dont nous venons essayer de suivre la marche logique. Une des considérations qui ont le plus accrédité l’analogie qu'on établit entre les arcs viscéraux des Vertébrés supérieurs et les arcs branchiaux des Poissons, est celle que l’on tire des rap- ports primitifs qui semblent exister entre les arcs viscéraux et le système vasculaire, et qui paraissent absolument semblables à ceux que l’on observe chez les Poissons : les arcs aortiques se comportant envers les arcs viscéraux comme les artères bran- chiales à l’égard des arcs branchiaux. Je remarquerai d’abord que les arcs aortiques des Vertébrés à respiration aérienne ne présentent jamais la moindre trace de franges vasculaires, et que (1) Ann. des Se, nat., 3° série, t. 1, p. 65 (1844). DE L'EMBRYON DES VERTÉBRÉS, 85 la distinction précédemment établie entre les ares faciaux et les arcs branchiaux exclut tout rapprochement entre les deux ordres de vaisseaux. J’ajouterai, à propos des connexions primitives sur lesquelles repose ce rapprochement forcé ,.que, dans l’étroit es- pace où se produisent coup sur coup, et où s'accumulent, en quel- que sorte, des formations si multiples et si variées, on ne saurait rigoureusement tirer de la contiguité des parties, quelque induc- tion valable sur leurs relations vraies. Du chaos des éléments blas- tématiques fournis par les feuillets séreux, vasculaire et muqueux, sortent des productions nombreuses qui se différencient par les progrès de leur développement, pour appartenir, les unes aux appareils de la vie animale, les autres aux appareils de la vie or- ganique, sans qu’on puisse rien préjuger de leur accolement pri- mitif. La seule conséquence légitime qui ressort de la disposition primordiale de l’appareil vasculaire, c’est que cet appareil par- court successivement un certain nombre d’états semblables chez tous les embryons des Vertébrés, et que, parmi ces phases com- munes, la subdivision du bulbe cardiaque en arcs aortiques est une des plus remarquables. Mais l'importance qu’on a accordée aux prétendues connexions des arcs viscéraux avec les arcs aortiques pour conclure à une organisation branchiale, me paraît s'évanouir complétement de- vant une étude attentive du développement de l'appareil de la cir- culation chez les Vertébrés. On a commis, pour les arcs aorti- ques, la même confusion qui a conduit à la fausse interprétation des ares viscéraux. De même qu’on n’a pas distingué les parties destinées à la production de la face, de celles qui devaient former les arcs des branchies, on n’a pas non plus reconnu les anses vas- culaires d’où naîtraient les vaisseaux de la tête, et celles qui por- teraient le sang aux branchies. Et cependant, quand on étudie le développement de l’appareil vasculaire dans de très jeunes em- bryons de Poissons, comme l’a fait M. Vogt pour la Palée, et comme je m'en suis convaincu moi-même, on observe que les premiers arcs aortiques sont affectés à la formation des vaisseaux qui se distribuent à la tête, spécialement aux carotides, comme cela se voit aussi chez tous les autres Vertébrés, Les arcs qui se 86 EM. BAUDEMENT. — SUR LES ARCS VISCÉRAUX, ETC. produisent ensuite, en nombre variable, se succèdent d’avañt en arrière, absolument comme cela a lieu pour les arcs viscéraux ; et, chez les Poissons, les anses destinées aux branchies apparais- sent quand les arcs branchiaux sont déjà préparés, en quelque sorte, pour les recevoir, En tenant compte de la distinction im- portante qu’il faut établir entre les deux catégories d’arcs aorti- ques, comme entre les deux catégories d’arcs viscéraux, jé crois qu'il sera facile de concilier les différences qu’offrent les travaux des divers auteurs dans l’énümération des arcs vasculaires émanés du bulbe cardiaque, et notaminent ceux de Baer sur la Brême, et ceux de M. Vogt sur là Palée, Toutes les réflexions que j'ai pré- sentées à propos des arcs faciaux, comparés aux arcs branchiaux, se rapportent également aux arcs aortiques que l’on trouve dans tout le type des Vertébrés, et à ceux qui sont spécialement créés pour les Anallantoïdiens. Pour la formation de cette partié primitive du système vasculaire, la nature met aussi en œuvre un fond commun à tout l’embranchement, et, de plus, la loi qu’elle à suivie pour la création des arcs viscéraux, elle l'observe daïs la production des arcs aortiques, employant ainsi deux fuis le même procédé pour arriver à des résultats si différents. C’est cette loi seule, je le répète, qui peut relier les arcs viscéraux les unis aux autres, et les arcs aortiques entre eux, aussi bien qu'avec les arcs viscéraux ; mais la distinction fondamentale et permanente que j'ai essayé de mettre en évidence, entre les ares faciaux d’une part, et les arcs branchiaux d'autre part, interdit toute assimilation of: ganique. Ainsi cette prétendue ressemblance des arcs viscéraux, que l’on considérait comme un des exemples les plus frappants de la conformité primitive des Allantoïdiens avec les Anallantoï- diens adultes, ne consistait guère que dans un rapprochement dé dénominations arbitraires, et n’a pu être acceptée comme réelle qu'en confondant des organes différents, et én hégligeant lés vrais rapports d'organes semblables; elle tombe, dès qu’on rend aux parties leur nom et leur valeur. RECHERCHES SUR L'ORGANISATION DES VERS; Par M. ÉMILE BLANCHARD (|). CHAPITRE I. Considérations générales. Ces recherches , que j’ai commencées sur les côtes de la Médi- terranée pendant le voyage que j'y fis avec M. Milne Edwards , ne s'étendent pas à tous les animaux dont ce naturaliste forme son second sous-embranchement des Annelés. Il faut en excepter ici la classe des Annélides tout entière, Les Vers qui font le sujet de ce travail sont ceux dont M. de Blainville forme sa classe des Entomozoaires apodes, en en retranchant toutefois les Hirudi- nées, ou la plus grande partie de son ordre des Myzocéphalés. Il s’agit donc seulement, à peu d’exceptions près, des animaux rangés par Cuvier dans sa classe des Intestinaux , moins les Ler- nées, dont la place est parmi les Crustacés. Le nombre de ces Vers est immense ; mais, comme j'espère le prouver, on peut les rattacher tous à quelques Lypes princi- paux parfaitement caractérisés. (1) Mes observations ont porté sur un assez grand nombre d'espèces de cha- cune des divisions du sous-embranchement des Vers. M. Valenciennes, avec une obligeance dont je ne saurais trop le remercier, a mis à ma disposition une grande quantité d'animaux qu'il avait obtenus pour y faire rechercher leurs Vers intestinaux, et j'ai pu ainsi étudier certains types que je n'aurais pu me procurer sans lui. Il a bien voulu encore me communiquer de la magnifique collection hel- minthologique du Muséum d'histoire nalurelle, entièrement formée par ses soins, une série d'espèces qui auront été souvent des termes de comparaison fort impor- tants pour mon travail. Mes recherches m'ont nécessité l'examen des viscères de bien des animaux, dans le but d'y rencontrer leurs Vers parasites. Pour un grand nombre de ces autopsies, j'ai été considérablement aidé par M. le docteur Young, attaché au labo- ratoire d'entomologie du Muséum d'histoire naturelle, et son ulile secours m'a pérmis äinsi de consäcrer plus de temps au sujet même de mes observations 88 VOYAGE EN SICILE, Ces êtres ont depuis bien longtemps attiré au plus haut degré l'attention des naturalistes et des médecins. Ils ont été l’objet de travaux considérables, de mémoirés, de notices sans nombre, les uns contenant seulement la description et la figure des diffé- rentes espèces qui habitent le corps de l'Homme et des Ani- maux ; les autres plutôt destinés à faire connaître leur structure intérieure. Malgré de si nombreuses observations , tous les zoologistes , dans ces derniers temps, ont senti le besoin de recherches nou- velles entreprises dans une direction particulière ; car, jusqu'ici, on n’a pu apprécier nettement, ni les rapports, ni les différences qui existent entre les représentants des ordres composant cette grande division des Annelés. Il est réel que la connaissance des espèces est généralement assez avancée. Presqne toujours il est facile de déterminer le Ver qu’on a trouvé dans le corps d’un animal indigène. Néanmoins, si l’on examine certains ouvrages d'Helminthologie, on trouve rangés dans les mêmes groupes des êtres qui diffèrent considéra- blement entre eux ; comme on rencontre aussi les types les plus voisins placés non seulement dans des familles séparées, mais même dans des ordres ou des classes particulières. Les caractères pris en général d’une manière arbitraire ; les affinités naturelles appréciées le plus ordinairement d’après l’aspect extérieur, ont dù de toute nécessité conduire à de sem- blables résultats. C’est avec toute justesse qu’un des zoologistes les plus distin- gués de l’Allemagne pouvait dire, il y a peu de mois encore : « La classe des Helminthes est extrêmement difficile à carac- » tériser, car elle renferme des animaux d'organisation différente. » À cause de cela, on a déjà voulu supprimer entièrement cette » classe, et l’on a essayé de répartir isolément les ordres mêmes » dans les autres classes d'animaux inférieurs. » Puis le même auteur ajoute : « Mais aussi il y a à cela divers inconvénients ; car, si, en » effet, l’on ne peut trouver pour les Vers aucun caractère com- » mun dans l’organisation, on doit remarquer que les Helminthes É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 89 » se rapprochent tous par leur genre de vie. Les Helminthes sont » des Vers parasites qui , pendant toute leur vie, ou pendant une » certaine période de leur vie, habitent et cherchent leur nourri- » ture dans le corps d’autres animaux vivants (1). » Ces paroles, en effet, résumaient assez bien l’état actuel de la science relativement à ces animaux. Mais, précisément, l’on ne tardera pas à voir que les zoologistes, qui ont attaché trop d’im- portance aux circonstances biologiques , qui s’en sont laissé im- poser par le genre de vie commun à tant de Vers, ont été con- duits aux groupements les moins naturels. D'une part, la considération de l'habitat particulier à ces ani- maux , et, d'autre part, leurs formes considérées d’une manière superficielle, ont sans cesse entraîné vers de faux rapprochements. Les recherches anatomiques de divers observateurs n’ont jelé que peu de lumière sur ces questions si intéressantes au point de vue de la zoologie, comme de l’anatomie comparée et de la phy- siologie. Il est peut-être assez facile d’en apercevoir la cause. Les anatomistes étudiant ordinairement l’organisation de peu d’espèces à la fois, limitant le plus souvent leurs investigations à un seul type, ont dù nécessairement négliger les comparaisons. Ce n’est pas sans doute qu'ils n’aient introduit dans la science nombre de faits complétement exacts; seulement, à défaut de comparaison suffisante , ces faits ont été fréquemment mal inter- prétés, et même certains d’entre eux ne l’ont pas été du tout. Des détails d'organisation, qui, plus tard, devaient fournir les indices les plus utiles , n'étant pas observés avec tout le soin nécessaire, n'étant ni décrits, ni représentés assez complétement , ont laissé dans le vague et dans le doute , même relativement à ce qui était parfaitement réel. En passant rapidement en revue les travaux les plus impor- tants sur les Vers, on saisira sans peine la nature des progrès qu’a faits cette partie dela zoologie ; on sentira mieux encore peut- être le besoin d'observations, pouvant montrer en quelle mesure se ressemblent ou différent ces animaux, et de quelle manière (4) Siebold , Lehrbuch der Vergleichenden Anatomie. Erste Abrheilung. Erstes Heft. p. 414 (1845). | CS VOYAGE EN SICILE, peuvent se modifier les caractères de chacun des groupes du sous- ernbranchement des Vers (1). 1l est remarquable de trouver dans les anciens auteurs certains rapprochements heureux, certaines affinités justement appréciées, et qui depuis ont été de plus en plus méconnues. C’est un fait attestant au suprême degré qu’il faut avoir profondément étudié son sujet avant d'établir ou de modifier des classifications. Il ne me paraît pas utile de rappeler ici les premiers essais sur l'Helminthologie de Redi, de Linné, de Bloch, de Pallas, de Müller. Gœze est véritablement le premier zoologiste , ayant donné sur les Vers intestinaux un ensemble d'observations considé- rables. Son Essai d'une histoire naturelle des Vers (2), publié en 1782, a certainement servi dé base pour les travaux ultérieurs. Cet au- teur adopte dix genres, ce sont : 1° les Ascarides, comprenant aussi les Oxyures ; 2° les Trichocéphales; 3° les Gordius, avec lesquels il comprend les Filaires ; 4° les Cucullans ; 5° les Stron- glés; 6° les Pseudo-Échinorhynques : 7° les Échinorhynques ; 8° les Planaires (c’est-à-dire Fasciola hepatica Lin., Holostomum alatum et Amphistoma subclavatum); 9° les Fascioles (Caryophyl- lœus, etc.) ; et 10° les Tænias qu'il sépare en deux divisions, correspondant , l’uné , aux Gestoïdes et l’autre aux Gystiques des helminthologistes modernes. Enfin , il réunit dans une onzième division, sous le hom de Chaos, tous les types qu'il ne sait où placer. Goœze à étudié un nombre considérable d’Helminthes , et il les (1) Je ne signale ici que les travaux qui ont pu étendre notablement d’une manière un peu générale le cercle des connaissances zoologiques et anatomiques ou des idées sur les rapports naturels de ces animaux. Dans le chapitre consacré à chacun des types particuliers, je donne autant que possible l'énumération de tous les ouvrages et de tous les mémoires publiés sur ces Vers. Les indications qu'on y trouvera rendront, je crois, plus faciles les recherches biographiques des zoologistes qui par la suite s'occuperont des animaux formant le sujet de ce travail. (2) Versuch einer Naturgeschichte der Eingeweideiwürmer thierischer Kærper, von Johann August Ephraîim Gœze (mit 44 Kupfertafeln), 1782. Blakenburg. É. BLANCHARD, — SUR L'ORGANISATION DES VERS, 91 a étudiés beaucoup plus exactement et plus profondément qu’on ne l'avait fait avant lui. Sous le titre de Supplément à l’histoire naturelle des Vers in- lestinaux de Gæze , Zeder a publié , en 1800 {L), un travail im- portant où les espèces sont mieux décrites que dans l’ouvrage précédent , et où pour la première fois tous les Intestinaux sont répartis dans cinq divisions principales ; ce sont : 1° les Ascarides (Rundwürmer), désignés plus tard par Rudolphi sous le nom de Nématoïdes ; ® les Échinorhynques (Hakenwürmer), Acantocé- phales de Rud.; 3 les Vers à ventouses (Saïüguürmer) , Tréma- todes de Rud. ; 4° les Tænias (Banduwürmer) , Cestoïdes de Rüd. ; ét 5° les Vers vésiculaires (Blasenwürmer), Cystiques de Rud. C'est dans cet ouvrage qu’on trouve la première véritable classifi- -cation des Vers intestinaux , leur séparation en cinq groupes prin- cipaux étant fondée sur plusieurs caractères bien observés. Cet arrangement a élé adopté jusqu’à nos jours par la plupart des helminthologistes. Ainsi, ce travail qui avait élé prépaté par les recherches de Gæze, dont Zeder a su si bien tracer le tableau, a exercé, comme on le voit, uné influence considérable sur cette partie de la zoologie. Rudolphi est en quelque sorte regardé comme le fondateur de la science helminthologique. On avait fait avant lui sans doute un grand nombre d’observa- tions importantes ; mais ce savant , qui consacra la plus grande partie de sa vie à l’étude des Vers intestinaux, en a décrit une quantité d'espèces vraiment prodigieuse. Pour la zoologie pro- premenit dite, comme on l’entendait autrefois, son œuvre à rendu à la science un service iminense : car, avec le secours seul de l'Énlosoorum historia où de l'Entozoorum synopsis, il ést géné- Y'alement assez facile de reconnaître les espèces, et d’en Saisir les caractères les plus apparents. Mais sous le rapport anatomique , Rudolph n’a pas fait faire de progrès bien sensibles. Dans son Histoire dés Entozoaires ou (4) Erster Nachtrag zür Naturgeschichte der Eingeweidewürmer, von Johann August Ephraïm Gœæze, mit züsætzen und anmerkungen herausg, von. D° Johann Georg. Heinrich Zeder (mit 6 Kupfertafeln). Leipzig, 1800. 92 VOYAGE EN SICILE. Vers intestinaux , publiée en 1808 , il commence par l’énuméra- tion de tous les écrits des naturalistes et des médecins relatifs aux Helminthes ; puis il indique ce qui a été publié sur chaque genre et sur chaque espèce. Il traite assez longuement de l’organisation des Entozoaires , en rappelant avec soin les observations de ses prédécesseurs ; mais il ajoute peu de faits nouveaux. 11 se refuse à admettre chez les Vers l'existence d’un système nerveux , re- connue déjà, cependant, par plusieurs anatomistes. Rudolphi adopte pour les Intestinaux la division en cinq ordres, telle qu’elle a été proposée par Zeder ; ce sont les Nématoïdes, les Acanthocéphales, les Trématodes, les Cestoïdes et les Cystiques. Il admet vingt-quatre genres, sans compter quelques types ran- gés parmi les /ncertæ sedis. Une dizaine d’années plus tard, le célèbre helminthologiste fit paraître un Synopsis des Entozoaires (1), dans lequel on trouve la description succincte non seulement des espèces déjà décrites dans ses premiers ouvrages, mais encore de toutes celles qu’il avait découvertes en Italie, comme aussi de celles mentionnées par divers observateurs, ce qui forme un total de plus de onze cents. Rudolphi, ayant consacré un si grand nombre d'années à obser- ver les Intestinaux, avait voulu laisser sur ce sujet les travaux les plus importants. Et certes, la publication de son Æntozoorum historia naturalis et de son Entozoorum synopsis fait véritable- ment époque en helminthologie par la quantité de descriptions, et par le nombre de recherches synonymiques qui y ont été accu- mulées. Après les travaux de Rudolphi, on a déjà pu regarder les Helminthes comme bien connus et bien étudiés sous le rapport spécifique. À cette époque , on s’occupait beaucoup des Vers in- testinaux ; mais on en séparait complétement les autres Vers qui s’en rapprochent le plus, par ce fait seul qu'ils n’habitent point le corps des animaux. On ne supposait plus, comme Linné, Mül- ler, etc., le croyaient si judicieusement, qu'ils pussent appartenir à la même division du règne animal. (1) Entozoorum synopsis cui accedunt mantissa duplex et indices locupletissimi, auctore C.-A. Rudolphi. Berolini, 4849. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 93 On ne doit pas omettre de citer parmi les travaux qui ont le plus contribué à faire connaître les Vers intestinaux, l’Zcones des Helminthes de Bremser (1) : c’est le plus bel atlas qui existe sur ces animaux. Les dix-huit planches qu'il contient représentent cent douze espèces de grandeur naturelle et souvent grossies, vues dans diverses positions, et accompagnées de détails carac- téristiques. Ces figures , en général très exactes et d’une belle exécution , ont été souvent d’une utilité incontestable pour bien faire reconnaître certaines espèces décrites par Rudolphi. Pendant une période d’un quart de siècle, on ne voit plus paraître aucun travail général sur l'Helminthologie ; mais récem- ment M. Dujardin a publié une Histoire naturelle des Hel- minthes (2). Ce zoologiste adopte les cinq ordres établis par Zeder, et déjà admis par Rudolphi, en leur adjoignant celui des Acanthothèques , dont l'établissement est dû à M. Diesing, et en réunissant aux Nématoïdes l’ordre des Gordiacés, proposé par M. Siebold. M. Dujardin a’ décrit les Vers intestinaux avec une précision plus rigoureuse qu'on ne l'avait fait avant lui; il à donné les mesures des plis de la peau , et la dimension des œufs dans la plupart des espèces. Il s’est surtout attaché à décrire dans chacune d’elles la forme et le nombre des crochets et des spicules, et en cela il a beaucoup contribué à rendre les déter- minations plus certaines. Par ce genre d'observations, il a été conduit aussi, dans quelques circonstances, à séparer des espèces qu'on avait confondues. Il s’est servi souvent encore de la forme du canal intestinal et des organes de la génération pour carac- tériser un grand nombre de types ; il a apporté , relativement aux caractères des genres, le même soin dans la description que pour les caractères spécifiques. La plupart des divisions génériques qu’il a établies sont très naturelles. Ajoutons qu'un grand nombre d'espèces jusque là inédites sont décrites dans cet ouvrage, et l’on (3) Icones Helminthum systemæ Rudolphü, entozoologicum illustrantes, curavit. J.-G. Bremser. Viennæ, 1824. (2) Histoire des Helminthes ou Vers intestinaux, par M. Félix Dujardin. Paris, 41845. (Suites à Buffon. — Roret.) 94 VOYAGE EN SICILE. comprendra que le travail de M. Dujardin (4) est l'un des plus indispensables à consulter pour connaître et déterminer les nom- breuses espèces de Vers intestinaux. Tels sont les ouvrages qui ont véritablement marqué un pro- grès , relativement à la connaissance spécifique des Vers. A côté de ces travaux, il devient nécessaire de mentionner les observa- tions les plus importantes sur l'organisation de ces êtres ; obser- vations qui ont porté les connaissances des zoologistes au point où nous les avons trouvées. Je ne m'arrêterai pas au Mémoire de Otto sur le système ner- veux des Helminthes (2), dont les observations si inexactes n’ont pu servir qu'à embarrasser certains zoologistes. Bojanus est réellement le premier qui ait donné des notions exactes sur l'anatomie de quelques Vers intestinaux ; il a décrit et représenté fidèlement l’organisation de l’Amphistoma subtrique- trum Rud. (3). Non seulement il a fait connaître nettement le canal intestinal et les organes de la: génération dans ce type, mais encore le système nerveux, comme consistant en un gan- glion placé de chaque côté de l’æsophage, et en deux cordons très séparés l’un de l’autre. Il a décrit et figuré aussi le canal intestinal et les organes de la génération dans le Distoma hepaticum et dans le D. lanceolatum , qu'il regardait comme le jeune du précédent. Chez le D. he- patieum (4), il a reconnu l'existence d’un appareil vasculaire, qui consiste en un vaisseau médian, s’anastomosant avec un réseau régnant sur toute la partie supérieure du corps. On doit encore à Bojanus quelques observations plus impar- faites sur les Ascaris et l’£chinorhynchus gigas. (1) On y trouve la description ou la mention de plus de 850 espèces. (2) Ueber den Nervensystem der Eïingeweidewürmer, von prof. A. Otto zu Breslau. In Der Gesellschaft Naturforschender freunde zu Berlin. Magazin für die neusten entdeckungen in der gesammten Naturkunde. 7ter Jahrgang. S. 223, taf. v, vi. — 1816. (3) Enthelminthica, von D° L. Bojanus. In Jsis, von Oken. Jahrgang. 4821. Erster Band. S. 462, taf. 2, u. 3. (4) Id. S. 305, taf, 4. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 95 En 1895 , Mehlis a publié une monographie anatomique des Distoma hepaticum et lanceolatum (1), dans laquelle il établit que ce dernier n’est pas le jeune âge du précédent, comme on le croyait généralement avant lui, mais bien une espèce très dis- tincte. Cet observateur a décrit et représenté le canal digestif de ces Vers avec plus de détails que ne l’avait fait Bojanus. En outre, il a assez bien vu le système nerveux dans le D. hepaticum. Les recherches de Mehlis ont été faites avec soin , et méri- taient toute l'attention des zoologistes. Mais cet anatomiste n'ayant pas comparé ces Distomes avec d’autres types de l’em- branchement des Annelés, la zoologie a peu profité de ses obser- vations, Après lui, Laurer a publié une anatomie assez complète de l’Amphistoma conicum (2). 1] a bien décrit et représenté non seu- lement les organes de la génération et l'appareil alimentaire de ce Ver, mais encore son système nerveux. Il à même soin de faire remarquer qu'après ses observations, ajoutées à celles de Bojanus et de Mebhlis , on se refusera sans doute d'autant moins à admettre l’existence d’un système nerveux chez ces animaux. Cette prévision cependant , comme on sait, n’a pas été tout à fait justifiée. Les observations les plus précises sur l'appareil vasculaire de certains Vers sont dues à M. Nordmann (3). Ce savant a fait con- naître par l'examen microscopique un appareil vasculaire chez quelques très petits Trématodes , dont il a formé des genres par- ticuliers, désignés par lui sous les noms de Diplostomum et de Diplozsoon. On lui doit encore la connaissance de quelques autres types du même ordre. M. Miram a donné une anatomie du Linguatula ou Pentastoma (1) Observationes anatomicæ de Distomate hepatico et lanceolato ad Entozoo- rum humani corporis illustrandum, scripsit D. Eduardus Meblis. Gœættingen, 1825. (2) Disquisitiones anatomicæ de Amphistomo conico. (Dissertatio inauguralis. — 1830.) (3) Micrographische Beitræge zür Naturgeschichte der wirbellosen Thiere, von Alexander von Nordmann, Berlin, 4832, 96 ! VOYAGE EN SICILE. tœnioides Rud. (1). Get observateur a montré plusieurs des dif- férences qui éloignent ce type des Nématoïdes et des Trématodes avec lesquels il a été successivement confondu. Il a décrit avec soin le canal digestif, les organes de la génération, et la partie inférieure du système nerveux chez cet animal. On doit aussi à M. Owen (2) des détails importants sur l’organisation du même Ver: À la même époque, M. Diesing a publié une intéressante mono- graphie du genre Pentastoma (3), dont il propose de former une classe particulière sous le nom d’Æcanthotheca. Y en décrit onze espèces, et présente des observations sur l’anatomie des Pen- tastoma proboscideum et tænioides; mais, comme les autres au- teurs qui se sont occupés de l’organisation des Linguatules ou Pentastomes , il n’a vu qu’une portion du système nerveux. M. Diesing a fait aussi diverses observations sur plusieurs Trématodes, notamment une monographie des genres Amphis- toma et Diplodiscus (4). Parmi les considérations anatomiques qu'il présente dans ce Mémoire, on trouve entre autres choses une dissertation sur le système vasculaire de plusieurs Tréma- todes, et particulièrement des Æmphistoma ; mais il reste toujours infiniment de vague sur la nature de ces vaisseaux, et sur leurs rapports avec les autres parties de l’organisme. Tout ceci ayant été examiné seulement par transparence , il est fort difficile d’en avoir une idée bien nette. Les observations que j'aurai encore l’occasion de citer le plus souvent sont celles de MM. Baër (5), Nitzsch, Siebold (6) et Creplin. On doit à M. Eschricht le travail le plus important sur un type (1) Nova Acta Curios. nat. Bonn, t. XVII 2e partie, p. 623, pl. 46 (4835); et Ann. des Sc. nat., 2° série, L. VI, p. 135. — 1836. (2) Transact. of the Zoological Society, t. I, p. 325, pl. #1 (1834). | (3) Versuch einer Monographie der Gattung Pentastoma, von D. C.-M. Diesing, in Annalen der Wiener Museum der Naturgeschichte Erter Band. S. 1.— 1836. (4) Monographie der Gattungen Amphistoma und Diplodiscus, von D. C.-M. Diesing, in Annalen der Wiener Museum, Bd. 1, S. 236, taf. 22, 23 u. 24. (5) Nov. Act. Cur. nat. Bonn, t. XII, etc. (6) Wiegmann's Archiv. für Naturgeschichte (1835), etc. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 97 de Cestoïde, le genre Bothriocephalus (1); il a étudié avec le plus grand soin l’organisation de ce type; il a donné une description très détaillée et très bien faite de chaque organe ; mais il n’a pas réussi à trouver le système nerveux. Après les travaux de Baer’(2), de Dugès (3), de Focke (4), de Schulze (5), etc., M. de Quatrefages a fait connaître l'organisation d’un assez grand nombre de Planaires (6), d’une manière plus approfondie qu’on ne l’avait fait avant lui. 11 a étudié compara- tivement dans ce groupe l’appareil digestif et les organes de la génération ; et, de plus, il a décrit et représenté la plus grande partie du système nerveux chez plusieurs espèces. J'ai signalé les recherches les plus importantes relatives à l’or- ganisation des Vers ; celles qui m'ont semblé de nature à avoir pu exercer une influence notable en zoologie. Cependant on s'a- percoit facilement que tous ces travaux porlant sur quelques espèces étudiées isolément , où le système nerveux et le système vasculaire ne sont observés ni assez complétement, ni d’une ma- nière suffisamment comparative, les analogies, comme les diffé- rences essentielles entre tous ces animaux, demeurent impossibles à apprécier. Parmi les publications les plus utiles sur l’organisation des Vers, je ne dois pas omettre de citer encore le Manuel d' Anatomie comparée de M. Siebold (7), où tous les faits connus sur ces Annelés sont parfaitement exposés. Ce résumé montre clairement l’état des connaissances des zoologistes acquises sur ce groupe d'animaux jusqu’à l’année 1845. Maintenant , il n’est pas inutile de comparer les diverses clas- (4) Anatomisch-physiologische unlersuchungen über die Bothryocephalen, von D. F. Eschricht. (Der Akad. der Naturforscher übergeben den 4 sept. 4840.) (2) Nov. Act. cur. Nat. Bonn, t. XIII, S. 691 (1826) (3) Ann. Se. nat., 1" série, t XV, p. 139, pl. # et 5 (1828), et t. XXI, p. 87. (4) Ueber Planaria Ehrenbergii in den Annal des Wiener museum der Natur- geschiehte. Bd, 4, Abtb. 2, p. 193 (1836). (5) De Planariarum vivendi rat. el struct. penit. nonn. Dissert. 1836. (6) Ann. des Sc. nat., 3° série, t. IV, p. 129 (1845). (7) Lehrbuch der Vergleichenden Anatomie, von V.Siebold und Stannius. — Wirbellosen Thiere von V. Siebold, 4 Abth., 4 Heft, Berlin, 4845. 3° série. Zooz. T. VII. ( Février 1847.) 3 7 98 VOYAGE EN SICILE. silications proposées sur les Vers. Comme je l’ai déjà dit, les helminthologistes spéciaux , depuis l'époque à laquelle Zeder a présenté sa classification, ont considéré les Vers parasites, en- tozoaires ou intestinaux , comme formant un groupe naturel tout à fait séparé des autres Annelés, Néanmoins , d’autres zoologistes n’ont pas admis cette séparation complète. Cuvier, on le sait, n’adopla jamais les divisions établies par les helminthologistes. 11 séparait les Vers en deux ordres seule- ment, les Cavitaires et les Parenchymateux ; le premier compre- nant les Nématoïdes, groupe très naturel, avec lesquels il placait les Linguatules, si différentes des premiers par leur organisation, et les Lernées qui ont été reconnues par tous les zoologistes, sur- tout depuis les belles observations de M. Nordmann , comme ap= partenant à la classe des Crustacés. Dans le second ordre (les Parenchymateux), Cuvier rangeait les Acanthocéphales, les Pla- naires , les Trématodes, les Cestoïdes et les Cystiques (1). M. de Blainville (2) admet une classe des ÆEntomozoaires apodes, à laquelle il adjoint une sous-classe des Parentomozoaires ou Subannélidaires. La première comprend quatre ordres ; ce sent : 1° les OcoxciprrALÉés renfermant les genres Linguatule et Prionoderme ; 2° les OxxcérHALÉS correspondant à l'ordre des Nématoïdes des auteurs ; 3° les PROBOSCÉPHALÉS , comprenant à la fois les Échinorhynques, les Caryophyllées et les Sipunculides ; et 4° les MyzocéPraLés, auxquels se rattachent les Bdellaires, c’est-à-dire la famille des Sangsues et les Polycotylaires, ou les genres Gyclocotyle, Hexacotyle et Hexathiridie genres de l’ordre des Trématodes). Le même zoologiste divise sa sous-classe des Parentomozoaires en trois ordres : 1° les ArorocÉéPuALÉs, dont il forme deux fa- milles : l’une (Térétulariés) comprenant les Borlasies, Bonellies, Prostomes, etc.; l’autre (Planariés), les genres Planaire, Dé- rostome , etc.; 2° les PoRoGÉPHALÉS, correspondant à la plus grande partie des Trématodes ; 3° les BorRoCÉPHALÉS , compre- nant les Gestoïdes et les Cystiques des helminthologistes. Dans (1) Règne animal, 47° édit. t. IV, p. 26 (1847); 2° édit. t. Il, p. 245 (1830). (2) Diet. des Se. nat, L LVIL, p 530 et suiv. (Article Vens.) — 1828. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 99 cette classification, il existe véritablement plusieurs rapproche- ments heureux , ainsi que l'étude de l’organisation nous l’a mon- tré ; mais il n’en est pas ainsi pour tout l’ensemble, S'il élait juste de réunir les Cestoïdes et les Cystiques dans un même groupe , et de laisser les Planariés dans le voisinage des Trématodes , la structure organique nous montre qu’il n’était pas aussi naturel d'intercaler les Hirudinées entre les Nématoïdes, et les Planaires et les Trématodes ; de former avec certains genres, appartenant bien évidemment à ce dernier type, une famille particulière dans le même ordre que les Hirudinées , et d'établir un ordre (Poro- céphalés de BI.) avec la plupart des Trématodes, en le placant dans la même sous-classe que les Tænias et les Bothriocéphales (ordre des Bothrocéphalés Blainv.). Mais à l'époque à laquelle parut cette classification , ik est certain que les éléments néces- saires manquaient pour être à même d’apprécier la valeur des différences existant entre ces divers types. 11 y a environ une quinzaine d'années, M. Ehrenberg a établi parmi les Vers une nouvelle classe, à laquelle il a appliqué la dénomination de T'urbellaria (1). Le zoologiste de Berlin a placé dans cette division tous les Vers qui, ne vivant jamais parasites d’autres animaux, ne lui paraissaient pas toutefois pouvoir être rattachés aux Annélides. Il est facile de s’apercevoir que M. Eh- renberg s’est laissé guider dans l'établissement de sa nouvelle classe par le fait des circonstances biolugiques ; car les carac- tères qu’il assigne aux Turbellariés sont tellement vagues, qu’au- cun d’eux ne permettrait de distinguer un animal de cette classe de tout autre Ver (2). Si ce naturaliste à attaché une certaine (1) Symbole physicæ ( Phytozoa Turbellaria). (2) « Animalia evertebrata, apoda, rarius caudata, repentia, natandï aut pa- » rum aut non perila, nuda aut setosa , sæpe setis retractilibus vibrantia ; sys- » temate nerveo, ubi observatio non delicit, aperte nodoso, insectorum nervis » æmulo ; ocellorum vestigiis creberrimis, pigmento sæpius nigricante ; tubo intes- » tinali distinclo, aut simplici cum apertura duplici, aut ramoso cum apertura sim- » plici; mandibulis nullis ; excordia vasis discretis, humorum pellucidorum motu » distincto sine vasorum undulatione, rarius vase dorsali et abdominali mobilibus, » flavicantibus; branchiüis nullis, seu respirationis erganis specialibus nunquam 100 VOYAGE EN SICILE. importance à l'existence de cils vibratiles chez plusieurs des repré-- sentants de ce groupe, il a reconnu lui-même que ce caractère était loin d’être général. En outre , cette classe est composée d'éléments hétérogènes, comme l’ont reconnu tous les zoologistes. Aussi, M. Siebold, tout en l’adoptant, l'a-t-il réduite aux deux groupes des Rhab- docèles et des Planaires. Les Nemertina, que certains zoologistes considèrent encore comme devant former un groupe dans le voi- sinage de celui des Planariées, me paraissent, au contraire, s’en éloigner considérablement ; et M. Siebold a même cru de- voir plutôt les rattacher aux Annélides, ce qui, du reste , ne sau- rait être admis; mais cet exemple montre combien jusqu’à pré- sent les caractères de tous ces animaux ont été peu étudiés et mal définis. Les Gordius et les Naïs, que M. Ehrenberg range aussi dans sa classe des T'urbellaria, ont été reconnus par tous les zoologistes, je crois, sans exception, comme appartenant les pre- miers aux Helminthes , et les derniers aux Annélides (1). Ne ressort-il pas clairement de tout ce qui précède qu’une immense lacune reste à combler relativement au groupe des Vers? » instructa; distincte androgyna aut sexu discreta; ovipara et sponte dividua, » mucum copiose excernenlia. » ê Tels sont les caractères assignés par M. Ehrenberg à la classe des Turbellariu (Symb. phys.). (1) M. Ebrenberg établit deux ordres dans cette classe. Le premier, Dexpro- coca, comprend une seule famille (PuaxanieA) renfermant les genres Typhloplana, Planoceros, Monoscelis Erh., Planaria Linn., Triscelis, Tebrascelis, Polyscelis et Stylochus Ehr. Le second ordre , RuaspocoLa , divisé en trois sections. La pre- mière, AmemisrereA, Subdivisée en deux familles : l'une, Vorricixa, renfermant les genres Turbella et Vortex Ehr.; l'autre, Lerrorcane , les genres Leptoplana et Eurylepta Ehr. La seconde section, Moxosrenea, divisée en quatre familles : la première, Gornie4, comprenant le seul genre Gordius ; la seconde, Micrurea, les genres Disorius, Micrura et Polystemma Ehr.; la troisième, Cuecopopina, le seul genre Derostoma; la quatrième, Narmina, les genres Chælogaster Baër., Ælosoma , Pristina Ehr., Stylaria et Naïs. La troisième section, AmPpaiPoRINA , divisée en deux familles : la première , Gyrarmicixa , renfermant les genres Or- thostomu, Gyratrix, Tetrastemma Ebr., Prostomma Dug., Hemicycla, Ommato- plea et Amphiporus Ebr.; la seconde famille, Nemernina, comprenant les genres Nemertes Cuv. et Notogymnus (Symb. phys., Phylozoa turbellaria). Cette classifica- É. BLANCHARD. — SUR I ORGANISATION DES VERS. 101 Les espèces , avons-nous vu, sont assez bien connues , au moins les indigènes, et les caractères qui les distinguent les unes des autres sont énoncés avec assez de précision. Mais l’organisation fondamentale, les rapports existant entre les types des divisions principales, les rapports qu’ils présentent avec les autres classes de l'embranchement des Annelés, ne sont réellement appréciés nulle part. Rechercher avec le plus grand soin les analogies, les affinités et les différences que présentent entre eux tous les Vers; re- chercher les caractères de leur organisation , qui les rapprochent ou les éloignent des autres Annelés ; examiner avec détails toutes les modifications et les dégradations de chacun des appareils orga- niques chez tous les types essentiels du groupe des Vers; étudier surtout d’une manière comparative les systèmes organiques les plus isnportants, en général, dans l'économie animale, le système nerveux et le système vasculaire ; comparer tous les éléments fournis par de nombreuses observations ; tel était, à mon sens, le point capital ; tel était, ce me semble, le moyen d'arriver à re- connaître les groupes naturels, leurs affinités, leurs analogies , les tendances de leur organisation : c’est le but que je me suis efforcé d’atteindre. Es Quand certains organes, quand certains appareils tout entiers viennent à se dégrader, à ne plus exister qu’à l’état rudimentaire, on était porté autrefois à ne plus y attacher d'importance. Dans les ouvrages de zoologie et d'anatomie comparée, les plus re- commandables sous une infinité de rapports, on peut lire, par exemple : « Chez ces animaux , le système nerveux est nul ou » rudimentaire ; ils n’offrent aucune trace de vraie circulation, » et beaucoup d’autres caractères aussi peu précis. Mais, depuis une époque peu éloignée de nous encore , les sciences zoologiques ont fait un grand pas. tion a été reproduite, avec les caractères des divers groupes, par M. Nordmann, in Lemarck, Hisl. des Animaux sans vertèbres, 2’édition, revue et augmentée par MM. Deshayes et Milne Edwards, t. III, p. 609 (1840). Plus récemment. M. Ebrenberg a formé pour les Naïdines une classe particu- lière, qu'il désigne sous le nom de Somatotoma. — Abhandl. der Kœnig. Akad. der Wissenschaft. zu Berlin aus dem Jahre 1835. S. 260 (1837). 102 VOYAGE EN SICILE. Il faut se convaincre aujourd'hui que ces rudiments, que ces vestiges d’un appareil ou d’un organe, sont souvent les choses les plus propres à mettre sur la voie des affinités zoologiques , à montrer comment se dégradent, soit certaines portions de l’orga- nisme , soit l'organisme tout entier. Les appréciations de cette pature constituent bien évidemment un des points les plus élevés et les plus philosophiques de la science. Aujourd’hui on ne peut plus être admis dans les recherches à négliger les détails; car, je ne crains pas de le dire, dans les sciences naturelles, ce sont bien souvent les petits sentiers qui conduisent le mieux aux grands chemins ; ce sont les détails qui conduisent souvent le mieux à bien connaître les parties fondamentales. Pénétré de cette manière de comprendre la zoologie, j'ai voulu étudier chez les Vers le système nerveux; mais j'ai cherché en même temps à en suivre tous les filets, et à en constater les plus petits ganglions, en comparant constamment les observations faites sur un type avec ce qui existe dans tous les autres types. Les helminthologistes avaient signalé des vaisseaux chez les Vers en les observant au travers des téguments. La difficulté pour les apercevoir tous, pour distinguer leurs ramifications et leurs anastomoses , était extrême. Il y &Vait toujours place au doute, et dans l’esprit de l'observateur, et plus encore dans l’esprit de ceux qui voyaient le résultat de ses recherches. En un mot, il était et il devait être presque toujours impossible d’avoir une idée nette sur l’ensemble du système vasculaire dans un type quel- conque. N'ayant que fort peu de confiance dans ce moyen d’investiga- tion , je devais naturellement en chercher un autre, Alors j'ai tenté d’injecter directement avec un liquide coloré les vaisseaux de ces petits animaux. Après quelques efforts seulement pour certains d’entre eux, après une multitude de tentatives pour d’autres, je suis parvenu à mettre en évidence, chez la plupart des types, la nature du système vasculaire, de manière à ce que la disposition des vaisseaux et le cours du liquide sanguin pussent se montrer clairement aux veux de tout le monde. Dès ce moment, je crois avoir pu reconnaître facilement les É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 103 groupes naturels , apprécier avec netteté les modifications impor- tantes de l’organisation des Vers, et saisir les degrés de parenté, jusqu'ici si obscurs, comme l’ont constaté encore dans ces der- niers temps plusieurs zoologistes. Dans tous les types soumis à mes investigations, j'ai examiné également le canal intestinal et les organes de la génération. Ces points étaient déjà assez bien connus; mais ils n’ont pas fourni tout ce qu’ils sont appelés à donner relativement à ces animaux. Comme je l'ai fait observer déjà à l'égard des Insectes et des Mollusques, ces appareils organiques se modifient facilement entre des types même très voisins sous une infinité d’autres rapports. A l'égard des Vers, les mêmes tendances se font remarquer. Au reste, le canal alimentaire et les organes de la génération ont été déjà décrits chez un grand nombre de types. Nous sa- vons que la disposition des organes reproducteurs fournit en gé- néral des caractères très propres à distinguer une petite famille d'une autre, ou plus ordinairement un genre d’un genre voisin ; mais peu d'indications bien précises à l’égard des grandes divi- sions , si ce n’est toutefois le fait de la séparation où de la réunion des sexes sur chaque individu. Au contraire , le système nerveux et l'appareil circulatoire dans chacune des divisions principales du groupe des Vers offrent une disposition très particulière et géné- ralement très constante chez tous les représentants de chacune d’entre elles. Par conséquent, éxaminant dans chaque groupe la disposition du système nerveux, puis la disposition vasculaire , puis la forme du canal alimentaire et la nature des organes de la génération, puis comparant l’ensemble de l’organisation dans tous les types, on arrive à suivre pas à pas les changements d’un appareil organique quand les autres ne se sont pas encore modifiés, et ainsi successivement , jusqu'à ce que toutes les coïncidences, toutes les analogies, toutes les affinités, toutes les différences puissent être en quelque sorte mesurées par des comparaisons rigoureuses. Les recherches entreprises simultanément sur les principaux types d’une grande division du règne animal doivent amener né- 104 VOYAGE EN SICILE. cessairement à saisir, dans une limite assez large, la valeur des modifications et la nature des dégradations organiques. Loin de là, les observations limitées à l'étude d’une espèce ou même de plusieurs espèces d’un même genre ne produisent de résultats im portants qu'autant que les faits observés jettent du jour sur des questions un peu générales. Ce qui n’est pas le cas ordinaire, vu a difficulté d'interpréter clairement les faits, quand l'organisation des types voisins n’est pas suflisamment connue. Dans mesrecherches actuelles, j'ai done dù m’efforcer d'étendre le plus possible mes observations ; mais, malgré le nombre consi- dérable de Vers que j'ai étudiés, je dois m’attendre encore à laisser en arrière certains faits importants. Dans la recherche des Vers intestinaux, le hasard seul vous fait rencontrer certaines espèces. Dès lors il ne serait pas entièrement impossible qu'on découvrit par la suite des intermédiaires entre des groupes dont les limites me paraissent aujourd’hui nettement circonscrites. Quoi qu'il en soit à cet égard, ceci ne pourrait rien changer au fond des choses. Pour tous les zoologistes, les Batraciens et la classe des Pois- sons sont représentés par des types profondément caractérisés , et cependant les Lépisostécs et les Lépidosirens établissent un lien des plus intimes entre ces deux grandes divisions du règne animal. Donc, quand j'aurai démontré , prouvé j'espère, qu'il existe des différences extrêmement considérables entre le groupe repré- senté par les Tænias et le groupe représenté par les Douves , les Planaires , etc., ou entre ce dernier et celui représenté par les Ascarides et les Filaires , les grandes différences , les caractères importants, en un mot les groupes naturels n’en existeront pas moins, quand bien même on viendrait à signaler des intermé- diaires inconnus aujourd’hui. Décrire d’une manière générale les divers appareils organiques de tous les Vers, même en en exceptant les Annélides, serait une tâche bien difficile , vu les différences profondes existant entre les divers types. Comparer l’organisation des uns avec celle des autres, sans É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 105 l'avoir fait connaître d’abord d’une manière absolue dans chaque division primaire, serait laisser probablement une certaine obscu- rité dans la description anatomique. Je décrirai donc séparément ce qui est particulier aux groupes principaux avant de m'attacher à faire ressortir les ressemblances et les différences. Les Vers , après en avoir détaché tous les Annélides, me pa- raissent appartenir à trois types principaux , auxquels on devra sans doute en ajouter un quatrième et peut-être un cinquième. Un premier est représenté par un grand nombre des animaux consti- tuant, pour M. Ehrenberg, la classe des Turbellariés, auquel j'adjoindrai un ordre tout entier (celui des Trématodes), laissé dans la classe des Helminthes par ce savant et la plupart des autres zoologistes. Ce type principal doit évidemment être consi- déré comme une classe particulière. D'abord j'avais voulu lui conserver la dénomination de Turbellaria , employée par M. Eh- renberg ; mais comme plusieurs familles, placées dans ce groupe par le zoologiste de Berlin, en sont exclues, comme un grand nombre d’autres y sont rattachées, on donnerait une idée com- plétement fausse des limites que je crois devoir assigner à cette classe, en conservant une dénomination proposée pour une grande division dont la plupart des représentants ne sont pas les mêmes. J'abandonnerai donc le nom de T'urbellariés , et j'appliquerai à cette classe , ainsi modifiée quant à l’ensemble des types qui la composent, le nom de classe des ANÉvORMES (Ænevormi), déno- mination justifiée par un caractère très important, l’absence d’un véritable collier nerveux. Un second type principal , une seconde classe, par conséquent, sera représentée par des animaux confondus avec d’autres sous la dénomination d’'Helminthes ; ce sont les Tænias, les Bothriocé- phales, les Gysticerques , ete., rattachés dans les ouvrages d’hel- minthologie à deux ordres, les Gestoïdes et les Cystiques. La première de ces dénominations me paraît pouvoir être adoptée pour désigner la classe entière. Notre troisième type, notre troisième classe, représentée par les Filaires, les Strongles, les Ascarides , etc., conservera le 106 VOYAGE EN SICILE. nom d'Helminthes, pris jusqu’à présent dans une acception beau- coup plus étendue, Le quatrième type serait celui des Némertines. Un cinquième nous est offert par les Linguatules ou Pentas- tomes. Celui-ci, si différent de tous les autres Vers, comme je le montrerai, ne m’est pas encore assez complétement connu pour que je puisse en saisir toutes les affinités naturelles, Nous allons maintenant développer les motifs qui nous font ad- mettre ces divisions ainsi posées avec les limites que nous leur assignons. CHAPITRE II. CLASSE DES ANÉVORMES (ANÆZVORMI BLANCH.). T'urbellaria (ex parte) Ehrenberg. — Intestinaux parenchymateux (ex parte) Cuvier. Tous les animaux que nous rangeons dans celte classe présen- tent des caractères généraux organiques qui jusqu'ici avaient presque totalement échappé. Récemment encore ; quand je fis connaître le système nerveux chez les Malacobdelles (1), je remar- quai combien l'existence de cette double chaîne ganglionnaire s'étendant le long des parties latérales du corps, et prenant naïs- sance dans deux centres nerveux cérébroïdes extrêmement écar- tés l’un de l’autre, constituait une disposition remarquable, dont on n’avait signalé de complétement analogue nulle part. Déjà je prévoyais que d’autres faits venant s'ajouter à cette première observation ne tarderaient pas à jeter du jour sur les affinités naturelles des Malacobdelles. La disposition du système nerveux devait bientôt amener non seulement à ce résultat, mais à un résultat beaucoup plus général. En étudiant, depuis, l’organisation d'une Planaire de très grande taille ; rapportée du Chili par M. Gay, j'observai dans ce type, non pas un système nerveux semblable à celui des Mala- cobdelles , mais ayant néanmoins les plus grands rapports avec (1) Comptes-rendns de l'Acad. des Sc., t. XI, p. #32, mai 1845; et Ann. des Sc. nat., 3* série, t. IV, décembre 1845. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 107 ce dernier. Chez cette Planariée, les deux centres cérébroïdes sont infiniment plus rapprochés , mais ils donnent également paissance à deux longs cordons très espacés, et offrant sur leur trajet une série de petits ganglions. Ce fait bien constaté, l’affinité entre les deux types que je viens de signaler me sembla dès ce moment mise hors de doute. On avait observé déjà le système nerveux chez des Planaires. M. Ebrenberg (1), M. Schulze (2), M. de Quatrefages (3) particu- lièrement, l'ont étudié dans diverses espèces ; mais ces zoologistes, n'ayant eu à leur disposition que de petits individus , n’ont pu le représenter tout à fait complet. Ils n’ont point signalé l’existence des petits centres médullaires sur le trajet des deux cordons qui s'étendent presque jusqu'à l'extrémité du corps. Si j'insiste ainsi sur des faits de détails, ce n’est peut-être pas sans raison ; Car c’est en comparant rigoureusement chacun des détails du système nerveux de la Planaire et du Malacobdelle que j'ai saisi de nombreux points d’analogie. Comme on l’a vu, des observations dues à quelques anato- mistes ont mis en évidence , il y a déjà assez longtemps, des faits de nature à faire comprendre qu'il existait, chez plusieurs {ypes des Vers intestinaux, des particularités d'organisation fort remar- quables, Mais deux ou trois observations, dont l'exactitude a été mise en doute dans les ouvrages les plus récents ; quelques faits isolés , dont on n’avait pas compris la valeur réelle , ne devaient amener aucun résultat zoologique. C’est précisément ce qui a eu lieu à l’égard d’un petit nombre d'observations relatives à deux ou trois représentants de l’ordre des Trématodes. Ainsi que je l'ai rappelé précédemment, Bojanus, puis Mehlis et Laurer, et ensuite Diesing , ont représenté le système nerveux des ÆAmphis- toma subtriquetrum, conicum et giganteum, et du Distoma hepa- ticum, comme consistant en une paire de ganglions situés l’un (1) Abandl. der Kænig. Akad, der Wissenschaft. zu Berlin aus dem Jahre 1835. S. 243 (1837). (2) De Planariarum viv. ratione et struct., p. 39 (1836). (3) Ann des Sc. nat., 3° série, t, IV (1845). 408 VOYAGE EN SICILE. à droite, l’autre à gauche de l’œsophage, dans lesquels prend naissance un cordon nerveux s'étendant de chaque côté du corps. Au début de mes recherches, ne tenant d'abord nullement compte des observations des zoologistes que je viens de citer, j'étudiai ces types de Vers intestinaux appartenant à l’ordre des Trématodes, sans aucune opinion formée, relativement à leur organisation et à leurs affinités naturelles. L'examen du système nerveux , d’abord, chez le principal re- présentant de ce groupe , la Douve du foie (Fasciola hepatica Lin.), et ensuite dans beaucoup d’autres représentants du même ordre, me montra une analogie frappante avec les faits déjà ob- servés chez les Malacobdelles et les Planaires; seulement, je trouvai en général la double chaîne ganglionnaire dans un état d'imperfection beaucoup plus grand. Il y a donc une disposition générale du système nerveux, propre à la fois aux Malacobdelles, aux Planariées, et à tout l’ordre des Trématodes, rangé jusqu'ici par la plupart des z0olo- gistes entre les Helminthes nématoïdes et les Cestoïdes. Ayant constaté les mêmes faits sur un assez grand nombre de types dans cette classe d'animaux, je suis arrivé à reconnaître pour la première fois qu'il y avait dans cette disposition du système nerveux un caractère d’une haute importance , propre à tout un groupe fort considérable du sous-embranchement des Vers. Ce fait mis en lumière , on arrive alors à entrevoir rapidement des rapports qui avaient dù de toute nécessité échapper avant cette observation générale. On trouve, par exemple, dans la classification de M. de Blain- ville (1) une classe désignée sous le nom de MarAcopones, et éta- blie sur un seul type fort singulier, quant à ses formes extérieures, à ses habitudes, et même relativement à son organisation, comme nous l'ont appris les observations de M. Milne Edwards (2). On (1) Dict. des Se. nat. Supplément (art. Axtmar). (2) Ann. des Sc. nat., 2° série, t. XVII, p. 426 (1842). É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 4109 se rappellera que ce dernier conslata chez ce type une disposi- tion du système nerveux, qui se rapproche extrémement de celle que j'ai signalée chez les Anévormes. Récemment encore, on ne pouvait rien préjuger d’après ce caractère ; mais aujourd’hui M. Milne Edwards n'hésite plus à le considérer comme ayant de grandes affinités avec les Planariées et les Trématodes, et repré- sentant en quelque sorte dans ce groupe le type des Annélides errants, comme les Malacobdelles seraient, dans le même groupe , le représentant du type des Hirudinées,. On voit combien l'étude profonde de l’organisation des ani- maux amène à saisir degré par degré toutes ces modifications de certains types pour se lier à d’autres groupes. Cette manière si philosophique de comprendre la zoologie n’est ici théorique en aucune facon ; c’est la simple expression de faits, faciles à appré- cier pour tous ceux qui suivent attentivement ces questions. Passant maintenant à l'examen de l’appareil circulatoire, nous le voyons consister en un ou plusieurs vaisseaux principaux, offrant de nombreuses ramifications s’anastomosant sur une infinité de points ; en sorte qu'il existe là un véritable réseau vasculaire : c'est cette disposition qui existe chez les Trématodes. Plusieurs zoologistes avaient signalé plus ou moins exactement quelques faits de cette nature. Bojanus a donné à cet égard une notice re- lative à la Douve du foie. Dugès a représenté aussi les vaisseaux d’une Planariée; mais ce savant paraît avoir confondu le système nerveux avec les vaisseaux. M. Nordmann a, sous ce rapport, donné des détails plus précis à l'égard des Diplozoon et des Di- plostomum. Néanmoins, bien des doutes et des inexactitudes restaient relativement au système vasculaire. Au moyen de mes injections, je me suis assuré qu’il existait chez ces animaux un appareil de vaisseaux à parois propres , se ramifiant dans toute l'étendue du corps. On ne distingue ici ni veines, ni artères proprement dites ; les deux fonctions paraissent appartenir aux mêmes vaisseaux. Chez la Douve, par exemple, j'ai vu le vaisseau médian , que nous considérons comme un vestige de cœur, se contracter à lune de ses extrémités ; ce qui chassait le liquide sanguin dansles 410 VOYAGE EN SICILE. vaisseaux latéraux, et déterminait sa rentrée par des troncs vasculaires, s’abouchant à l’autre extrémité du canal médian; les mouvements de systole et de diastole ne s’opérant pas à la fois dans toute la longueur du vaisseau médian, mais seulement sur une parlie de son trajet. Considéré d’une manière générale, ce système de réseau vasculaire paraît se rencontrer chez tous les Trématodes et les Planariées, tout en présentant certaines différences dans le nombre et la direction des vaisseaux. On comprend sans peine qu’il était complétement indispen- sable de recourir à l'injection pour s'assurer que ces vaisseaux ont des parois propres, et ne sont nullement de simples lacunes creu- sées dans le parenchyme même ; pour constater qu'ils n’ont au- cune communication directe avec le canal intestinal, comme cer- tains observaleurs ont pu le croire, et enfin pour reconnaitre leurs rapports avec les autres parties de l’organisme, Plusieurs des anatomisles, qui ont supposé que les vaisseaux des Trématodes s'abouchaient directement avec les ramifications de l'appareil digestif, ont cru voir un orifice terminal par où le vaisseau principal s’ouvrirait au dehors. Or, en injectant l’intes- tin et les vaisseaux avec des couleurs différentes, on voit de la manière la plus certaine qu’il n’y a aucune communication directe entre ces deux appareils; car les deux liquides ne se mêlent ja- mais sur aucun point , si l’on ne détermine des ruptures par suite d’une pression excessive. En injectant tout l’ensemble du système vasculaire d’un Trématode quelconque, on ne voit jamais le liquide s'échapper par l'extrémité des troncs principaux, si ce n’est sous l'influence d’une pression trop forte, et alors c’est par l'extrémité de tous les vaisseaux que le liquide peut venir à sortir. Lorsqu'ils sont bien remplis, il paraît presque sûr qu'il n’y à pas d’ouverture terminale. Le prétendu foramen caudale , comme l'ont appelé divers helminthologistes, est tout à fait probléma- tique ; dès lors le système excrétoire ou de vaisseaux absorbants, comme on l’a considéré tour à tour, serait simplement un appareil circulatoire. Certains observateurs ont cru que, chez les Tréma- todes , ce système particulier existait en même temps qu'un ap- É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 444 pareil sanguin (1); mais partout on trouve des suppositions à la place de faits bien constatés. Il y a eu à cet égard la confusion la plus étrange. Le canal alimentaire offre entre les divers représentants de cette classe des différences considérables, Les uns ont un tube digestif droit ouvert à ses deux extrémités ; les autres, au con- traire, et ce sont les plus nombreux, n’ont pas d’orifice anal. Les Planariées et les Trématodes sont dans ce cas. Alors, dans la plupart de ces Vers, le canal intestinal se divise en plusieurs branches , et souvent même il présente un grand nombre de ra- mifications, d Les organes de la génération chez ces animaux offrent aussi des particularités importantes; on trouve les deux sexes réunis sur chaque individu. Les ovaires sont généralement étendus dans une grande partie du corps; mais ils n’ont jamais qu'un seul oviducte. Les organes mâles sont aussi plus ou moins diffus, sui- vant les types; mais toujours ils forment un ensemble, dont toutes les parties sont dépendantes les unes des autres. Chez tous ces Vers, on ne trouve point d'organes particuliers pour la respira- tion ; cette fonction paraît s’effectuer seulement par la peau. Nos Anévormes ont donc des caractères communs tirés de la disposition de leur système nerveux , qui les sépare très nette- ment de tous les Annélides, où il existe une seule chaîne gan- glionnaire médiane , comme dans les Insectes, les Crustacés ct les Arachnides. Ajoutons que la tendance générale du système vasculaire leur est particulière, en admettant toutefois que cet appareil pourrait se modifier davantage , et ne plus présenter tout à fait le même degré de constance. L'appareil digestif établit encore d’une manière irrécusable les aflinités entre les Planariées et les Trématodes, sans offrir toutefois de caractères propres à tous les Anévormes. Les organes de la génération ont une constance assez grande: ils permettent de distinguer les Anévormes des autres Vers. Les (1) Voy. Siebold, Lehrbuch der Vergleichenden Anatomie. Erste Abth. Erstes Heft. S. 135 u. 138 (1845). 112 VOYAGE EN SICILE. Hirudinées et les Scoléides (Lombricinées) sont les seuls qui s’en rapprocheraient bien notablement sous ce rapport. Considéré d'une manière générale, l’ensemble des caractères organiques n’est pas identique certainement chez tous nos Ané- vormes, et plusieurs de leurs caractères peuvent se rencontrer chez d’autres Annelés. N’en est-il pas ainsi presque pour chacune des classes du règne animal? Nous croyons donc que celle des Anévormes est extrêmement naturelle, La disposition du système nerveux la sépare nettement des Annélides, des Hirudinées et des Scoléides, comme des Cestoïdes et des Helminthes. Les caractères fournis par l’appareil vasculaire et le canal di- gestif sont communs aux deux ordres les plus considérables de ce groupe , l’ordre des Planariées et celui des Trématodes; les autres ordres se rattachent à ceux-ci par l’ensemble de leur orga- nisation sous des rapports plus ou moins nombreux. Remarquons encore, tout en attachant à ce fait une impor- tance fort secondaire, que généralement les Anévormes sont dépourvus d'annulations ; leur corps-ne présente même pas de rides transversales, comme chez beaucoup d’Hirudinées et d’Hel- minthes. Jusqu'à présent, à ma connaissance, les Péripates, dont les caractères paraissent assez importants pour les faire placer en dehors de la classe des Anévormes, feraient seuls ex- ception à celte tendance générale. Le rapprochement le plus intime sur lequel j'insiste, celui entre les Trématodes et les Planariées, n'est pas une idée neuve, penseront {ous ceux qui s'attachent bien plus aux mots qu'aux choses. En effet, les anciens zoologistes les rapprochaïent non seulement dans la même classe, non seulement dans le même ordre ou dans la même famille, mais dans le même genre. Linné désignait par la dénomination de Fasciola les Planaires et les Douves (Distoma, type de l’ordre des Trématodes). Othon Müller adoptait en cela la manière de voir de Linné, Gœæze les réunissait également. M. de Blainville, dans l’article Vers du Dictionnaire des Sciences naturelles, place les Planaires et les Trématodes dans deux ordres distincts ; mais il les range dans une même grande division du sous-embranchement des Vers, É. BLANCHARD, — SUR L'ORGANISATION DES VERS, 1413 Cuvier dans son Règne animal signale aussi la parenté entre ces deux groupes. Cependant par quelles considérations avaient été guidés ces célèbres zoologistes? Évidemment ce fut par suite de cette habi- tude qu'acquièrent seuls, les zoologistes qui ont vécu pendant longtemps au milieu de grandes eollections: habitude qui fait saisir des rapports, d'après l’aspect, l'apparence seule des Ani- maux. Cela suflit-il à la science? Non certes ; et ce scrait bien mal la comprendre que de se contenter de faits saisis pour ainsi dire par intuition , et nullement établis par des observations directes. D'ailleurs , ce qui alors a paru être la réalité aux yeux des uns, ne l’est point pour les autres. La preuve n’existe-t-elle pas posi- : tivement ici à l'égard des Planaires et des Trématodes? A côté des naturalistes qui les ont crus voisins, n’avons-nous pas Rudol- phi et tous les helminthologistes spéciaux qui rejettent bien loin de leur groupe des Vers intestinaux tous ceux qui ne vivent pas dans le corps des autres animaux ? N’avons-nous pas M. Ehren- berg proposant de former une classe particulière pour les Vers qui, n'étant pas entozoaires , ne lui paraissent pas avec raison, pour la plupart au moins, devoir être rangés avec les Annélides? Ces vues, ne les voyons-nous pas adoptées dans les ouvrages les plus récents de plusieurs zoologistes : M. Dujardin, en France ; M. Siebold, en Allemagne ? Aussi, en adoptant l’opinion de Linné , d'Othon Müller, de Cuvier, de M. de Blainville et d’autres encore, ce n’est pas mon opinion personnelle que je viens ajouter à celle de ces illustres naturalistes ; c’est d'après les faits observés sur chaque partie de l'organisme que je soutiens ce rapprochement, en montrant com- bien le système nerveux d’une Planaire ressemble à celui d’une Douve ; combien le système vasculaire, l'appareil digestif , les organes de la génération des Trématodes ct des Planaires ont de ressemblance. Ces points étant minutieusement comparés, qui pourrait se refuser à l'évidence ? Qui douterait alors que le genre de vie, que les circonstances biologiques on fort peu d'importance, et 3° série, Zoo. T. VIL. (Février 1847.) s 8 114 VOYAGE EN SICILE, ne coïncident nullement avec des modifications profondes dans l'organisme ? C'est ce que déjà je me suis attaché à montrer à l'é- gard des Insectes ; mais là encore il ne s’agissait guère que de dif- férence dans le choix de la nourriture. Ici, il y a plus: car l'animal vivant dans les mares, dans les étangs , dans la mer, est très voisin de l’animal vivant dans le foie, dans l'intestin, ou dans un autre viscère d’un Mammifère , d’un Oiseau ou d’un Poisson. Mais il est vrai d'ajouter, d’après les observations de M. Siebold et surtout de M. Steenstrup, que la même espèce est souvent aqua- tique pendant une période de sa vie, et parasite pendant une autre période. Il existe certainement plusieurs caractères pour séparer les . Planariées ou Dendrocèles de M. Ehrenberg des Trématodes ; mais ils reposent sur des détails, tels que la position de l’orifice buccal et des orifices de la génération , la disposition des ramifi- cations du canal intestinal, etc. Je les considère comme formant deux groupes distincts. Ce sont les principaux représentants de notre classe des Anévormes ; ce sont surtout les plus nombreux. Les autres types ayant peu de représentants se groupent autour de ceux-ci, s’en rapprochent d’une manière plus ou moins intime. Bien que les Planariées et les Trématodes paraissent apparte- nir à deux types bien particuliers ; bien que la nature des tégu- ments et la position de l’orifice buccal et des centres nerveux cérébroïdes semblent être ici des guides sûrs pour déterminer au premier abord le groupe auquel doit appartenir un repré- sentant de l’un ou l’autre de ces types ; on éprouve néanmoins une certaine difliculté à préciser d’une manière générale les ca- ractères propres, soit aux Planariées, soit aux Trématodes. Dans ces deux groupes, cependant si naturels, on saisit de l’un à l’autre des tendances très appréciables. Ainsl, chez la plupart des Tré- matodes, les ganglions cérébroïdes sont situés de chaque côté du bulbe œsophagéen ; mais dans les Tristomes, ils sont au-devant de la bouche , et celle-ci n’est point terminale. Ceci nous conduit tout à fait à la disposition regardée comme si caractéristique , chez les Planaires. Dans ces dernières , un des caractères princi- paux est d’avoir la bouche située très loin de l’extrémité anté- É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 1415 rieure du corps ; mais il y a pourtant des espèces où la bouche tend très notablement à se rapprocher du bord antérieur, Le genre Prosthiostomum de M. de Quatrefages en fournit un exemple. Les Planaires se font remarquer par le peu de solidité de leurs téguments, qui diffluent avec une facilité très grande. Dans les Trématodes, au contraire , ils sont en général très résistants et fort peu susceptibles de diffluer ; c’est le cas pour les Douves, pour les Amphistomes, les Tristomes, etc. Néanmoins, plusieurs d’entre eux ont des téguments beaucoup moins solides , et, sous ce rapport, ils se rapprochent davantage des Planariées: tels sont les Polystomes et les Octobothriums. Les ventouses, ou organes d’adhérence, n'existent jamais dans les Planariées ou Dendrocèles, et semblent caractériser parfaite- ment les Trématodes ; mais chez quelques uns de ces derniers, ils disparaissent presque totalement. Dans les Monostomes , le seul organe d’adhérence est le pourtour de la bouche. Aïnsi donc, tout en regardant comme utile de conserver la distinction en deux ordres établie pour les Planaires et les Trématodes, il est impos- sible de ne pas reconnaître entre divers représentants de ces deux groupes une sorte d'échange de caractères. Dans l’ordre des Trématodes, on observe, chez les Amphi- stomes, une tendance un peu opposée à celle qui nous est offerte par les Tristomes. Dans ceux-là, qui se fixent par leur ventouse postérieure à la manière des Sangsues , les ganglions cérébroïdes sont sensiblement plus volumineux que dans les autres représen- tants du même ordre , et placés en arrière du bulbe æsophagéen. Cette disposition indique bien évidemment un acheminement vers le type des Hirudinées. : L Le manque d'observations suffisantes nous oblige à garder la plus grande réserve à l’égard de l’ordre des Rhabdocèles de M. Ehrenberg, ou des genres Prostomes, Dérostomes, etc., placés par tous les zoologistes près des Planaires ou Dendrocèles, La difficulté de se procurer assez abondamment ces animaux dans notre pays ne m'a pas permis d’en faire une étude complète, comme je l'aurais désiré. Plusieurs de ces Vers ne sont sans 116 VOYAGE EN SICILE. doute , comme le fait observer M. Siebold , que des larves d’au- tres animaux. Quant à ceux considérés comme étant à l’état adulte, la disposition de leur canal intestinal paraît montrer dans ce type un passage , un lien plus intime entre les Planaires et les Mala- cobdelles, CHAPITRE JE. CLASSE DES CESTOIDES (CÆSTOIDEA). Cestoïdes et Cystiques Rudolphi, etc. Intestinaux parenchymateux (ex parte) Cuvier. Bothrocéphalés de Blainville. Les animaux appartenant à cette classe affectent généralement une forme si particulière, si insolite, que la plupart des zoologistes ont peu saisi leurs rapports naturels, Is n’ont pas constaté beau- coup plus la valeur des caractères qui les séparent des autres Vers. Quelques auteurs, au nombre desquels il faut citer Lamarck, ont pensé qu'un Tænia pouvait être l’assemblage d’un grand nombre d'individus, chaque anneau du corps offrant des organes de géné- ration indépendants les uns des autres. Cette opinion n’est ce- pendant pas fondée ; car ces Cestoïdes sont pourvus d’une tête dans laquelle se trouve logée la partie centrale du système ner- veux , et ordinairement des organes de succion. Les anneaux du corps sont seulement comparables à ce qui existe chez les Anné- lides,. Les Cestoïdes dnt un système nerveux très distinct quand on sait convenablement l’isoler ; et c’est bien à tort qu'on les à crus si généralement dépourvus de l'appareil de la sensibilité. Le système nerveux dans les Tænias, dans les Bothriocéphales, dans les Cysti- cerques, et je citeà dessein les exemples sur lesquelsont partieuliè- rement porté mes investigations, consiste en une sorte de commis- sure transversale placée au centre de la tête, ayant aux deux extrémités un petit renflement ganglionnaire. Ces deux centres médullaires donnent naissance de chaque côté à un filet nerveux descendant dans toute la longueur du corps, et fournissent anté- rieurement un nerf s’anastomosant ici avec un petit centre ner- veux, situé à la base de chacune des ventouses céphaliques, Cette disposition mérite d'être remarquée ; il suflit presque de voir la É. BLANCHARD, — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 117 tête d’un Tænia pour la comprendre aussitôt. De quelque côté qu'on retourne l’animal, on ne distingue guère ce qui pourrait être la face supérieure ou inférieure de la tête. La disposition du système nerveux est en rapport avec cette conformation générale. Il n’y a plus rien ici de précisément comparable à des ganglions sus-æsophagéens et à des ganglions sous-æsophagéens. Pendant une période de la vie des Cestoïdes , quand ces Vers n’ont pas d'organes génitaux , il serait impossible de déterminer ce qui est le côté dorsal et ce qui est le côté ventral. Il y a plus, dans les espèces où les organes de génération ont leurs orifices exactement sur les parties latérales du corps, cette distinction semble ne pou- voir jamais être établie. Ceci me paraît un point capital au point de vue zoologique ; car les Tænias , les Bothriocéphales , les Cys- ticerques, tous les Cestoïdes enfin appartiennent évidemment, par l’ensemble de leur organisation et par le mode de leur déve- loppement , au groupe des Vers. Ils appartiennent incontestable- ment à l’embranchement des animaux annelés. Cependant , chez eux, le type: est notablement dégradé , et il nous montre une tendance sinon bien marquée, du moins très sensible vers un autre, celui des Radiaires. Cette tendance est nettement indiquée par le système nerveux, consistant en quatre centres nerveux di- vergents , et se rattachant à un point central. Jusqu'ici, le système nerveux du Tænia et des autres Cestoïdes, siimportant à connaître pour la zoologie, avait totalement échappé. On trouve seulement à cet égard une observation incomplète due à M. Müller (1). Cet anatomiste a vu la bandelette centrale et les filets nerveux qui en partent pour se diriger vers les ventouses ; mais il n’a point distingué les ganglions existant à la base de ces organes. Une observation de cette nature ne pouvait, par conséquent, rien indiquer relativement à la constitution des Cestoïdes. Au- jourd’hui, après avoir examiné cette disposition dans plusieurs espèces de Tænias, dans le genre Tricuspidaire ou Triænopho- rus , dans plusieurs Cysticerques , et particulièrement dans les C. fasciolaris et pisiformis, j'ai toute certitude à l'égard de la (1) Müller's Archiv. 1836, p.106. IS VOYAGE EN SICILE, disposition générale du système nerveux chez les divers représen- tants de cette classe. Le caractère que nous fournit cet appareil est de la plus haute importance, car il nous montre combien les Cestoïdes diffèrent des autres annelés, et combien ils sont distin- gués nettement des groupes auxquels on les réunissait sous la dénomination d'Helminthes. Depuis longtemps les anatomistes ont reconnu l'existence de deux longs canaux latéraux s'étendant d’une extrémité du corps à l’autre, et offrant un canal de communication transversal dans chacun des anneaux du corps. C’est une disposition qu’il est bien facile de mettre en évidence en injectant ces canaux avec un liquide coloré , comme je l’ai fait plusieurs fois. Cette sorte de système gastro-vasculaire a été considérée tantôt comme un système vasculaire, tantôt comme un appareil alimen- taire dégradé. En effet, le Tænia est dépourvu d'orifice buccal ; il présente seulement quatre ventouses ou trompes, qui ne sont pas perforées , mais qui néanmoins paraissent propres à absorber les fluides destinés à nourrir l'animal. Exactement en arrière de ces ventouses, on trouve une petite cavité à laquelle viennent aboutir les deux canaux latéraux. En poussant fortement une injection par l’une des ventouses , on réussit à remplir ces canaux , et en même temps on voit une partie du liquide coloré ressortir par les autres ventouses quand la pression devient un peu forte. Ceci me semble donc tout à fait de nature à montrer que l'absorption des matières nutritives peut s’opérer au moyen de ces organes. Cette disposition, nous la verrons au reste s’effacer, d’abord en partie, puis en totalité dans certains genres. Les Tænias constituent la forme essentiellement typique dans la classe des Gestoïdes; mais cette forme peut venir à s’altérer jusqu’à un certain point. C’est ainsi que, chez les Tricuspidaires, on retrouve les deux canaux latéraux des Tænias; seulement ils n’ont plus, comme chez eux , de canaux transversaux les unissant l’un à l’autre. C’est encore au moyen de l'injection que je me suis assuré de ce fait. Dans les Ligules , on le sait , il n'existe plus aucune trace de É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES vErs. 149 cet appareil gastrique. Cependant , par l’ensemble de leur orga- nisation, ces Vers appartiennent encore bien évidemment au même type. Le système nerveux, les organes de la génération multipliés dans toute la longueur du corps, demeurent des caractères com- muns à tout le groupe. Pendant longtemps , partageant l'erreur commune , je pensais qu'il n'existait point de système vasculaire proprement dit chez les Cestoïdes. Les canaux gastriques, communiquant de l’un à l’autre dans chaque zoonite , étaient regardés très généralement comme destinés à remplir les fonctions des deux appareils. Mais récem- ment, dans les Tænias du Chien et de la Fouine , j'ai constaté , indépendamment de ces canaux gastriques ou intestinaux , l’exis- tence d’un système vasculaire très complexe, consistant en vais- seaux longitudinaux pourvus de ramifications et d'anastomoses nombreuses. Il y a donc, sous ce rapport, une analogie très grande avec ce qui existe chez les Anévormes. Ainsi ces animaux . remarquables , considérés par les zoologistes les plus éminents comme des Vers parenchymateux complétement dégradés, sont au contraire des êtres dont l’organisation est loin d’être très simple. Sous le rapport des organes de la génération, les Cestoïdes diffèrent non seulement des Helminthes nématoïdes, mais aussi des Anévormes, des Hirudinées et des Scoléides ; ils n’ont guère plus d’analogie avec les Annélides proprement dits. Dans les Tænias et dans les Bothriocéphales où le corps est net- tement divisé en une longue série d’anneaux, il existe dans chacun d’eux, soit en même temps, soit alternativement, un ovaire et un appareil mâle complétement distincts et complétement séparés de ceux de l’anneau précédent et de l’anneau suivant. Dans les Cestoïdes dont le corps n'est pas divisé , comme chez les précédents, les organes de la génération se multiplient néan- moins de la même manière dans toute la longueur du corps. Quant à l'annulation , il est aussi bien digne de remarque de voir ce caractère , si prononcé dans les principaux représentants de la classe, disparaître chez des espèces qui, fondamentalement, s’éloignent peu des autres. Ceci suffit pour nous montrer à quel point il perd de son importance chez ces Annelés inférieurs, 120 VOYAGE EN SICILE. Les helminthologistes ont pour la plupart considéré les ani- maux de cette classe comme appartenant à deux ordres fort distincts : les Cestoïdes, représentés par tous ceux dont le corps est en forme de ruban ; et les Cystiques , représentés par, ceux dont le corps se termine par un renflement plus ou moins considé- rable ayant l'apparence d’une vessie. Gette distinction, d’abord faite par Zeder, a été adoptée par Rudolphi, et ensuite par la plupart des zoologistes, Quelques uns cependant l’ont repoussée ; de ce nombre se trouve M. de Blainville, etc. Il me paraît tout à fait hors de doute que cette séparation doive disparaitre ; l'organisation est positivement la même, et l’on trouve tous les intermédiaires entre la forme la plus vésiculeuse de certains Cystiques et celles des Tænioïdes ; le Gysticerque du Rat (Cysti- cereus fasciolaris) en fournit l’un des meilleurs exemples. Récemment, MM. Miescher et Dujardin ont émis, sans S'y arrêter davantage, l'opinion que les Cystiques pourraient n'être autre chose que des Tænioïdes développés d’une manière anor- male ; en effet, les Cystiques sont constamment dépourvus d’or- ganes de reproduction, et on ne les rencontre jamais dans le ca- pal intestinal des animaux, comme les Tænias ; mais seulement dans des kystes se développant à la surface des membranes sé- reuses ou à la surface du foie et des poumons ; ce qui tendrait à faire penser que des œufs de Tænias, ayant été introduits dans l'économie animale en dehors du tube digestif, ont pu éclore , et donner naissance à de jeunes individus, dont le développement demeure incomplet, et dont la forme du corps s’altère, parce qu'ils vivent dans une condition en quelque sorte accidentelle. Des expériences faites directement sur des animaux pourront seules amener à résoudre la question; car, si les Cysticerques sont bien réellement de véritables Tænias , c’est non seulement leur corps dont la forme s’atrophie , c’est aussi leur tête qui acquiert une grosseur beaucoup plus considérable. Cette modifi- cation amène beaucoup de doute, quand on cherche à identifier spécifiquement le Cystique et le Gestoïde vivant dans le même animal, Une considération vient, au reste, fortement à l'appui de l'idée É, BLANCHARD, — SUR L'ORGANISATION DES VERS, 124 émise par MM. Miescher et Dujardin : c’est l'absence constante d'organes reproducteurs chez tous les Cystiques. Or, nous savons que les Vers sont de tous les animaux les mieux partagés sous le rapport du développement de ces organes, Dansla plupart d’entre eux, les ovaires occupent la plus grande partie du corps, et les œufs se comptent par milliers et centaines de milliers. Ce fait seul indique que les produits des Vers sont exposés à bien des chances de destruction, et qu'ils arrivent pour ainsi dire par hasard à être introduits dans le lieu où ils peuvent se développer. Mais, l'examen des Vers intestinaux, on le comprend facilement, d'après ce nombre incalculable d'œufs , doit laisser dans l’étonnement en pensant que ces animaux ont surtout servi d'exemples pour répandre les idées de génération spontanée. Signalons encore un fait vraiment digne d’attention , relative- ment à l'identité assez probable des Tænias et des Gysticerques, Les Tricuspidaires , ou Triænophores de Rudolphi, se rencon- trent le plus ordinairement dans le canal intestinal de plusieurs Poissons d’eau douce , et alors ils présentent des organes de gé- nération parfaitement développés. J’ai trouvé de ces Triænophores, spécifiquement identiques avec les précédents, dans des kystes, sur le foie de plusieurs Perches. Tous les individus retirés de ces kystes étaient complétement dépourvus d'organes reproducteurs , comme les Cysticerques. Selon toute probabilité , cette circonstance était due à la même cause ; mais la forme du corps n’ayant pas subi pour cela d’alté- ration sensible , il ne pouvait y avoir le même doute à l'égard de la détermination de l'espèce. Ce fait, qui n’avait point encore été signalé, donne une valeur réelle à l'opinion très probable que les Vers existants dans des kystes ne sont que des individus incomplétement développés des mêmes espèces vivant dans le canal intestinal des Animaux ver- tébrés. Mais , aujourd’hui, c’est à l'expérience qu'il faut recourir pour lever toutes les incertitudes ; car, en zoologie, on ne peut s'arrêter qu'aux faits parfaitement constatés ; aussi ai-je déjà commencé plusieurs tentatives sur ce sujet. 122 VOYAGE EN SICILE, Remarquons encore cependant que les Cysticerques devien- nent surtout abondants , et en quelque sorte ordinaires chez cer- tains animaux , dont le genre de vie particulier est pour ainsi dire dénaturé. Tous les Lapins domestiques nous présentent dans les replis du mésentère et du péritoine des kystes contenant des Cysticerques ; tandis que , chez le Lapin sauvage , la présence de ces Vers paraît fort rare. N'en faut-il pas conclure que la condi- tion dans laquelle vivent les Lapins domestiques est favorable à l'introduction des œufs d’où naissent les Gysticerques ? CHAPITRE IV. CLASSE DES HELMINTHES (ZELMINTHA). Intestinaux caviraires (ex parte) Cuvier. — Oxycéphalés Blainville. Nous conservons cette dénomination pour un groupe du sous- embranchement des Vers très nettement délimité. La dénomina- tion d'Helminthes se trouve par conséquent prise ici dans une acception infiniment plus restreinte que dans tous les ouvrages publiés sur cette matière, où on l’étendait à la fois à la plupart des animaux compris dans la classe des Cestoïdes et dans la classe des Anévormes. Les Helminthes, comme nous les considérons ici, comprennent essentiellement l’ordre des Nématoïdes de Zeder et de Rudolphi, auquel nous adjoignons l’ordre des Acanthocé- phales des mêmes auteurs, et, de plus, celui des Gordiacés de M, Siebold. Le type principal est celui qui nous est fourni par les Néma- toïdes , dont les espèces sont si nombreuses. Le type des Acan- thocéphales, qui compte fort peu de représentants, en diffère à beaucoup d’égards; mais il nous paraît toutefois ne pas devoir être fort éloigné du précédent. Considérons donc d’abord l’organisation des Helminthes dans les Nématoïdes. Ceux-ci peuvent être divisés en un assez grand nombre de genres, et rattachés d’une manière fort naturelle à plusieurs familles ou tribus. Néanmoins, l’organisation fonda- mentale varie extrèmement peu entre tous les représentants de cet ordre, É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 125 Jusqu'à présent, l’organisation de ces Vers était à peine con- nue , dans ce qu’elle nous offre de plus important. Les organes de la génération et le canal digestif ont été, il est vrai, vus exactement , et assez bien décrits dans la plupart des genres ; mais on avait à peine une vague notion de leur système nerveux, si vague qu’elle ne permettait aucune comparaison avec ce qui existe chez les autres Vers. À l'égard du système vasculaire , on avait des idées non seulement fort incomplètes , mais tout à fait erronées. Comme les Cestoïdes, dont ils diffèrent si essentiellement, les Nématoïdes sont des animaux annelés , chez lesquels il n’y a plus réellement ni face supérieure , ni face inférieure. Ceux-ci ne sont jamais aplatis comme les premiers : ce sont des animaux cylin- driques. L’orifice des organes de la génération indique peu de chose relativement à la détermination des parties dorsale ou ven- trale : car on peut admettre que l’oviducte s’ouvre un peu plus ou un peu moins sur le côté. Il est facile de montrer combien cette détermination est vague ; car, dans les descriptions anatomiques des Ascaris, des Stron- gles, certains observateurs signalent chez ces Vers deux vais- seaux latéraux ; d’autres, un vaisseau dorsal etun vaisseau ven- tral. Certains, comme Cuvier, M. Serres, etc. , signalent deux nerfs latéraux; d’autres, comme Otto, Cloquet, etc., admettent chez les Ascarides un nerf dorsal et un nerf ventral. Ceci conduit à reconnaître aisément une erreur dans laquelle est tombé Otto en décrivant chez le Strongle géant une chaîne nerveuse , ventrale et médiane, analogue au système nerveux des Annélides. Cet anatomiste ayant ouvert le Strongle dans la position où les nerfs principaux se trouvent être l’un ventral et l’autre dorsal , ce der- nier s’est trouvé coupé quand l'animal a été ouvert, el le second a été considéré alors comme le seul représentant du système ner- veux. Cette divergence d’opinions dans la manière de désigner les parties latérales, dorsale ou abdominale, des Nématoïdes, prouve clairement que rien n’est plus vague. En effet, la bouche de ces animaux , située à l’extrémité anté- 124 VOYAGE EN SICILE. rieure du corps, est tout à fait médiane; les deux nerfs princi- paux et les deux tubes vasculaires forment comme quatre bandes également espacées. D’après ces faits , il me paraît évident que les Helminthes nous offrent, comme les Cestoïdes, une légère tendance vers le type des Radiaires. Cependant, entre le système nerveux de ces deux types, il existe de grandes différences ; celui des Nématoïdes peut être beaucoup plus facilement ramené à la disposition du système nerveux des autres Annelés ; chez les Ascarides, les Strongles, les Sclérostomes, les Filaires, les Trichocéphales , chez tous les représentants enfin de l'ordre des Nématoïdes , j'ai trouvé con- stamment une disposition tout à fait semblable dans l'appareil de la sensibilité. On a dit depuis longtemps qu’il existait deux gros nerfs par- tant d’un collier placé autour de l’œæsophage. Pour le zoologiste qui a suivi les modifications du système nerveux dans les divers groupes des animaux invertébrés, rien n’est assurément plus vague. Chez les Annélides, comme chez tous les articulés , il existe un collier autour de l’æsophage, et ce collier est formé par les connectifs unissant les ganglions cérébroïdes aux ganglions sous-æsophagéens. Il n’en est pas de même dans les Nématoïdes. Ici, le corps placé dans la position où les deux nerfs principaux se trouvent être latéraux, on observe de chaque côté de l'œæso- phage deux très petites masses médullaires placées exactement sur le même plan , et unies à celles du côté opposé par une double commissure extrêmement grêle, l’une passant alors au-dessus de l'æsophage et l’autre au-dessous. Comparant cette disposition avec celle des autres Annelés , il faut admettre que, les centres nerveux sous-intestinaux se trou- vant rejetés sur les côtés, de même que les centres nerveux céré- broïdes , ils viennent à se rapprocher sur les parties latérales de l'æsophage , ou même à se confondre entièrement. En effet, dans les Ascarides et dans les Filaires, ces ganglions m'ont toujours paru très distinctement au nombre de deux de chaque côté ; mais chez les Sclérostomes entre autres, leur fusion est à peu près complète, Ces masses médullaires donnent naissance aux deux É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 195 longs cordons nerveux s'étendant jusqu’à l'extrémité postérieure du corps, et à quelques autres filets infiniment plus grêles qui se rendent aux muscles, et d’autres à l’œsophage et aux tubes vasculaires. Ces grands cordons nerveux des Nématoïdes ont élé regardés par quelques zoologistes comme étant plutôt des bandelettes ten- dineuses ou fibreuses, On ne connaissait pas les centres où ils ont leur origine , ét comme sur leur long trajet ils ne présentent point de renflements ganglionnaires , et ne fournissent que des bran- ches fort rares, extrêmement petites et difficiles à constater, leur nature n’a pas paru suffisamment démontrée. L'examen des fibres nerveuses qui les composent, et surtout l'existence des centres médullaires, ne permet de laisser aucun doute aujourd’hui. 11 ne faut nullement être surpris de ne pas trouver chez ces animaux inférieurs des nerfs très ramifiés, comme dans les types plus élevés du règne animal. Dans les Vertébrés , les anastomes entre les nerfs sont extrêmement nombreuses. Dans les Invertébrés dont l’organisation est la plus parfaite, comme les Insectes, les Mollusques gastéropodes, etc., les anastomes deviennent rares, mais la plupart des nerfs sont très ramifiés. Quand on descend aux Mollusques moins parfaits, comme les Acéphales, ou aux Annelés inférieurs , la plupart des nerfs pré- sentent beaucoup moins de ramifications, et dans les Helminthes, où l'appareil de la sensibilité est si dégradé, les ramifications des nerfs non seulement deviennent très rares, mais encore celles qui existent sont fort grêles, Le système nerveux des Nématoïdes est réellement rudimen- taire, car les centres médullaires sont d’une extrême petitesse, et il faut une infinité de précautions pour les isoler. Cependant les deux nerfs principaux ont encore un volume assez considérable. C'est un fait et une tendance bien marquée , que la dégradation des centres nerveux comparativement à la grosseur de leurs nerfs. Il n’y a pas dans les animaux très inférieurs, chez les Helminthes entre autres, une diminution correspondante dans le volume des ganglions et des nerfs. Toujours , d’après la dimension de ces derniers , on est d’abord porté à croire que les centres médul- 126 VOYAGE EN SICILE, laires sont plus considérables qu'ils ne le sont en effet, Les foyers d’innervation se dégradent infiniment plus ici que les conducteurs de la sensibilité. Sous le rapport du système vasculaire, les Nématoïdes pré- sentent aussi une disposition qui leur est propre et qui leur est commune à tous. Depuis longtemps on a constaté l'existence de deux canaux ex- trêmement larges chez les Ascarides, M. Cloquet a décrit et repré- senté en outre, à la partie antérieure du corps, un vaisseau éta- blissant une communication entre ces deux canaux. Le volume de ces prétendus vaisseaux et l’absence de ramifica- tions apparentes devaient surprendre très naturellement : aussi me parut-il indispensable de bien reconnaître ici la nature de l’ap- pareil vasculaire. L’injecter était ce qu’il ÿ avait de plus propre à faire mettre la réalité en évidence. Ce moyen, en outre, m’a- vait réussi ailleurs. J’en fis l’essai sur un grand nombre d’in- dividus de l'Ascaride du Cheval. Des tentatives cent fois répé- tées échouèrent d’abord complétement. En poussant une injection dans ces larges canaux, le liquide coloré transsudait de toutes parts. Cependant , à force d'essais, j’arrivai à un meilleur résul- tat. Comme le tube vasculaire s’apercoit au travers des téguments, je mis à profit cette circonstance favorable ; soulevant la peau avec beaucoup de précaution , et passant un siphon bien exacte- ment au-dessous, je parvins à empêcher le liquide coloré de tom- ber dans le grand canal, et à remplir dans une certaine lon- gueur un vaisseau très grêle régnant au fond de ce canal. L'As- caride ayant été ouvert, le vaisseau injecté s’apercevait facilement. J'avais déjà remarqué, d’un côté du vaisseau transversal qui éta- blit une communication entre les canaux latéraux, un élargisse- ment très sensible , une sorte de petite poche. Je poussai encore une injection par ce point; un vaisseau très distinct du premier, et régnant à la face interne du gros canal, fut aussitôt rempli du liquide coloré, et il devint ainsi très facile de suivre son trajet. Cette même épreuve, souvent répétée, donna toujours le même résultat, Ces vaisseaux ont des parois assez résistantes pour per- mettre de les isoler complétement, Ce que les anatomistes en É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 1497 général ont pris pour deux simples vaisseaux sont des tubes en grande partie formés de tissu cellulaire, renfermant dans leur intérieur deux véritables vaisseaux parfaitement distincts l’un de l’autre. La poche ou la petite ampoule existant à la partie anté- rieure du corps me paraît devoir être considérée comme étant véritablement un vestige de cœur ; quand on injecte par ce point, ce sont donc les artères qu’on remplirait aussitôt, si toutefois il n’y a pas quelque danger à distinguer les vaisseaux des Annelés en artères et en veines, ceite distinction ne pouvant être établie dans la plupart des cas. Néanmoins, si nous ne la repoussons pas complétement à l'égard des Nématoïdes, on sera conduit à re- garder le vaisseau régnant dans la partie profonde du tube, c’est- à-dire exactement au-dessous des téguments, comme faisant l'office de veine. Cette disposition si remarquable et si singulière nous paraît jusqu’à présent appartenir exclusivement à ces Helminthes. A cer- tains égards, il y a quelques rapports dans le trajet des vais- seaux avec ce qui existe chez les Annélides ; mais , dans ces der- niers , il n’y a rien de comparable à ces tubes qui les renferment dans leur intérieur. L'appareil circulatoire caractérise parfaitement les Nématoïdes; car, Ce que j'ai rendu si facile à voir chez les Ascarides au moyen d’injections, je l’ai vu et étudié avec le plus grand soin dans les types les plus différents de cet ordre d’Helminthes. J'ai examiné les vaisseaux chez les Trichocéphales, les Filaires, les Scléro- stomes, les Oxyures, etc.; partout j’ai pu constater une disposi- tion exactement analogue. A l'égard du canal intestinal de ces Vers, j’ai fort peu de chose à dire ; il a été vu et décrit par divers auteurs dans un nombre considérable d'espèces. Chez tous les Nématoïdes, il oceupe avec les organes de la génération toute la cavité générale du corps. L'orifice buccal est situé toujours à la partie antérieure, et il existe un orifice anal soit tout à fait à l'extrémité postérieure, soit un peu avant cette extrémité. Le canal alimentaire consiste sim- plement en un œsophage musculeux , plus ou moins renflé d’a- vant en arrière, et suivi d’un long intestin d’égale grosseur dans 128 VOYAGE EN SICILE, toute son étendue. Il n'existe jamais rien d’analogue à un foie ou à des vaisseaux biliaires , comme ceux des Insectes. Les modifications du canal intestinal des Nématoïdes sont donc très légères ; elles ne consistent guère que dans son volume et dans la forme et les proportions de l’æsophage et de l'intestin. Comme on l’observe généralement dans les divers groupes du règne animal , les organes de la génération présentent des diffé- rences un peu plus considérables entre des types voisins. Toujours les sexes sont séparés dans tous les animaux que nous rangeons dans cette classe des Helminthes ; c’est encore un caractère gé- néral qui les sépare des Anévormes et des Cestoïdes, Les Gordiacés se lient bien évidemment aux Nématoïdes par l’ensemble de leur organisation, tout en présentant des différences considérables. La forme générale du corps, la séparation des sexes, les organes de la génération occupant, avec le canal intesti- nal droit et filiforme, toute la cavité du corps, la texture solide des téguments, offrant aussi un véritable épiderme tout à fait sus- ceptible d’être isolé , nous indiquent des rapports incontestables “entre ces deux types. J’ajouterai que les nerfs principaux m'ont offert une disposition qui les rapprocherait encore des Nématoïdes ; mais je n’ai pu me procurer un assez grand nombre de Gordiacés pour être entièrement sûr de la disposition qu’affectent leurs cen- tres nerveux ; et cette lacune me laisse encore dans le doute rela- tivement au degré bien précis de parenté existant entre ces Hel- minthes et les Nématoïdes, Toujours est-il que ces deux groupes sont évidemment très voisins l’un de l’autre. Il n’est peut-être pas sans intérêt de faire remarquer qu'il se trouve ici quelque chose d'assez analogue à ce que nous observons entre les Planariées et les Trématodes, des différences médiocres dans l’organisation coïncidant avec des différences biologiques de la même nature. Les Acanthocéphales se rapprochent surtout des Nématoïdes par leurs organes générateurs et par la présence des deux tubes vasculaires; mais ces animaux, privés d’un véritable canal intes- tinal, semblent s'être atrophiés sous certains rapports, et il y a là des faits dont l'explication ne pourra être donnée que par l’étude de leur développement. (La suile à un prochain cahier.) CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCHINIDES. 199 CATALOGUE RAISONNÉ DES ESPÈCES, DES GENRES ET DES FAMILLES D'ÉCHINIDES; Par MM. L, AGASSIZ et E, DESOR. — Suite (1). — FAMILLE DBS CLYPEASTROIDES, Oursins de forme pentagonale, elliptique ou circulaire, à test épais, revêtus de petites soies uniformes portées par de petits tubercules très serrés et très uniformes sur toutes les parties du test. Bouche centrale pentagonale. Anus postérieur, marginal ou infra-marginal. Appareil masticatoire composé de cinq mâchoires placées horizontalement, et pivotant sur deux piliers qui correspondent à deux fossettes de la face inférieure des mâchoires. Dents simples, taillées en biseau à leur extré- mité, et insérées de champ dans une rainure au milieu des mâchoires. Cavité intérieure tantôt unique, tantôt divisée en compartiments par des cloisons ou des piliers. Ambulacres en forme de larges pétales à la face supérieure , rectilignes ou anastomosés à la face inférieure. Cinq plaques génitales formant un cercle autour du corps madréporiforme. Cinq plaques ocellaires intercalées entre les plaques génitales au sommet des ambulacres. xxxvIr, CLYPEASTER Law. Forme pentagonale, tronquée en arrière, rostrée en avant, renflée, quelquefois conique ou subconique. Face inférieure plane. Pétales am- bulacraires très amples, quelquefois costulés, arqués, et circonscrits par des zones porifères très larges. A la face inférieure, les ambulacres correspondent à cinq sillons étroits et rectignes qui aboutissent à la bouche. Anus petit, infra-marginal. Bouche pentagonale ouverte dans un creux profond. Mâchoires très fortes, composées de deux ailes fort hautes. Dents placées verticalement à l'extrémité des mâchoires. De nombreuses cloisons verticales dans l’intérieure du test. Cinq pores gé- nitaux placés au sommet des aires ambulacraires, et non contigus au corps madréporiforme. Les espèces connues appartiennent aux terrains tertiaires et à l’époque actuelle. rosaeeus Lamk. Encycl. méth. Zooph. PI. 144, fig. 7 et 8, et PI, 145, fig. 1, 2,5 (1) Voyez, pour la première partie de ce travail, t. VI, p, 305. 3° série. Zoo. T. VIT. (Mars 1847.) à 9 130 AGASSIZ ET DESOR. et 6. — Desml. Tabl. syn. p. 212. —- Clypeaster incurvatus Desml. Tabl. syn. p. 212. — Espèce caractérisée par ses pétales très larges et fortement arrondis. Antilles. Se trouve aussi, à l'état de pétrification, à la Guadeloupe. — Partout. Var. à six ambulacres, — Desmoulins, Mus. Paris. Var. à quatre ambulacres. — Mus. Paris. Raogianus Desml. Etud. Echin. p. 62, PI. 1. lle du Prince (côte occidentale d'Afrique). — Desmoulins. placunarius Lamk. — Scutellu ambigena Lamk. — Espèce plate. Pétales am- bulacraires courts ; leur longueur égale tout au plus la moitié du rayon entre le sommet et le bord. Mer Rouge (Rüppel, Bolta, Lefebvre), Giebel-Reit, golfe de Mansoar (Rey- naud). — Mus. Paris, seutiformis Lamk. Encycl. méth, Zooph. PI. 147, fig. 3 et 4.— Petite espèce allon- gée, plate, à bords très renflés. Var. minor : Clypeaster reticulatus Desml. Tabl. syn. p. 214. lle Karrak, golfe Persique (Leclancher), à l'état de pétrification dans la mer Rouge (Lefebvre). — Mus. Paris (gal. géol.), Desmoulins. parvus Duchassaigne, Bull. Fr. soc. géol. Fr. 1847. — C’est la plus petite espèce connue ; voisine du C. sculiformis. Tuf blanc de la Pointe-des-Châteaux (Guadeloupe). — D'Orbigny, Michelin. Espèces fossiles. Umbra Agass. — Clypeaster Gaïmardi AI. Brongn. — Scutella gibbosa Risso. — Clypeaster gibbosus M. de S. — Se reconnait facilement à son bord très peu dilaté, ce qui lui donne un aspect très ramassé. La ‘face inférieure est pulvinée. Terr. tert. de Bonifacio et Santa-Monza (Corse), de Nice, Montpellier. — Mus. Paris, Neuchâtel, Marcel de Serres, Michelin, dilatatus Desor. — R 61. — Espèce voisine du C. Umbrella, mais à bord plus étalé, et sans pulvinatioo. Pourrait n'être qu’une variété du C. Umbrella. Tert. de Taurus, île de Crète. — Michelin, Raulin. acuminatus Desor. — R 63. -— Espèce presque circulaire, acuminée, à bord aminci, à ambulacres saillants. Tert. Ipoly-Shag (Hongrie). — Michelin. altus Lamk. — 56, S 93. — Encycl. méth, Zooph. PI. 140, fig. 4 et 2, — Agass. Cat. syst. p. 6. — E. Sism. Mém, Ech. foss. Nizza, p. 46, Ech. foss. Piem. p. 40. —Knorr. suppl. Tab. 9 p, fig. 1. — £ portentosus Desml. Tabl. syn. p. 218. Tert. de Port-de-Bouc, Saint-Miniato (Toscane), Nice, Turin, île de Crète, (Raulin), tle de Caprée, Malte, Bonifacio, Ajaccio, Oran (Deshayes). — Mus. Paris et Turin. Var. turrita : — Q 17. -- Clypeaster turritus Agass. Cat. syst, p. 6. Tert. de Dax. — École des Mines (jeune). Var. minor: Clypeaster Agassizii E. Sism. Mém. Ech. foss. Nizza, p. 48, Tab. 2, fig. 5-7. Nice, — Mus. Turin. CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCHINIDES, 131 tauricus Desor. — R 62. — Très grande espèce allongée, pentagonale, à bord fortement renflé. Zones porifères très larges à leur extrémité. Tert. du Taurus, île de Crète. — Michelin, Raulin. seutellatus M. de S. — P 28. R 11.R 12. — Agass. Cat. syst. p. 6. — Knorr. u, Tab. 11 €, v. — Clypeaster intermedius Desml. Tabl. syn. p. 218. — Clypeaster placenta Agass. — Clypeaster martinianus Desml. Tabl. syn. p. 218. — Cly- peaster rosaceus E. Sism. (non Lamk.). Ech. foss. Piem. p. 39.4 Tert. (molasse) de Boutonnet près Montpellier, La Couronne près de Martigues, plan d’Aran (Bouches-du-Rhône), Etang de la Valduc (Bouches-du-Rhône), Monségur (Drôme), Taurus, Cadenet (Vaucluse), Corse. Tert. moy. de la coll. de Turin. — Mus. Paris, Avignon et Turin, Michelin. crassicostatus Agass. — Q 12. — Cat. syst. p. 6. — E. Sism. Ech. foss. Piem. Tab. 3, fig. 1-3.—Espèce voisine du C. scutellatus, mais à ambulacres beaucoup plus renflés, en forme de grosses côtes. Tert. de la Superga, coll. de Turin. — Mus. Turin. crassus Agass, — 55. — Cat. syst. p. 6. — Clypeaster grandiflorus Bronn. — Voisine du C. placunarius, mais les ambulacres sont plus grands. Tert. (ile de Corse). — Deshayes. Seillæ Desml. — 59. 60. — Tabl. syn. p. 218. — Clypeaster latirostris Agass. Cat. syst. p.6. — Espèce plate, amincie au bord, renflée au sommet. Pétales ambula- craires larges. Tert. Villeneuve, Morée, Corse. — Deshayes, Michelin. Michelotti Agass, — Q 13. — Cat. syst. p. 6. — Très voisin du C. Scillæ, mais un peu moins anguleux. Tert. d'Italie. — Michelin, Mus. Turin. laganoïdes Agass. — Clypeaster ambigena E. Sism. (non Lamk.). Echin. foss. Piam. p. 42. — Très plat; voisin du C, Michelotti, mais plus plat et plus long; le bord antérieur est plus arrondi. Tert. moy., carrière de Savonne. — Mus. Turin. marginatus Lamk, — 57. — Agass. Cat. syst. p. 6. — Clypeaster Tarbellianus Gratel. Echin. foss. de Dax, p. 40, Tab. 1, fig. 5et6. Tert. Touraine, Landes, Naros, Bonifacio, Dax. — Grateloup. Beaumonti E. Sism. Ech. foss. Piem. p. 44, Tab. 3, fig. 4 et 5. — Espèce trés plate, aussi large que longue, pentagonale, à bord mince. Diffère du C. margi- nata par les contours du bord postérieur qui sont droits. De la Superga de Turin. Tert. moyen de la carrière de Savonna. — Mus. Turin. Folium Agass. — S 61. — Espèce trés plate, à bords tranchants. Tert. Palerme. — Deluc. xxxix. LAGANUM Ken, Forme déprimée , pentagonale, subpentagonale ou ovoïde , tronquée en arrière , rostrée en avant. Pétales ambulacraires allongés, moins larges que dans les Clypéastres, et moins arrondis à leur extrémité. 132 . AGASSIZ ET DESOR. Quatre ou cinq pores génitaux contigus au corps madréporiforme. Point de cloisons dans l’intérieur du test , si ce n’est près du bord. Bouche petite, ouverte à fleur de test. Mâchoires comme dans ies Clypéastres, mais plus plates. Anus inférieur. Diffère, en outre , des Clypéastres, en ce que l'intestin est situé entre les réseaux du test et l'appareil mastica- toire. Les espèces connues sont de la formation tertiaire et de l'époque actuelle. PREMIER TYPE. — Quatre pores génitaux ; sinus cécaux du bord occupant une zone éres large. Lesueurii Val. (Mus.) — Agass. Monogr. des Sculelles , p. 416, Tab. 24, fig. 3-6. Guadeloupe (M. Plée), Porto-Ricco. — Mus. Paris. rostratum Agass. Monogr. des Scutelles , p.118, Tab. 25. Nouvelle-Zélande, Zanzibar (Rousseau). — Deshayes, Michelin , Mus. Paris. Peronii Agass. Monogr. des Scutelles, p. 123, Tab. 22, fig. 21-24. Mers australes (Péron). — Mus. Paris. elongatum Agass. Monogr. des Scutelles, p. 117, Tab. 24, fig. 1 et 2. Origine inconnue. — Stokes. orbiculare Agass. — V 4 — Monogr. des Scutelles, p. 120, Tab. 22, fig. 16-20. — Echinodicus orbicularis Lesk., p.208, Tab. 45, fig. 6 et 7. Var. : Laganum marginale Agass. Monogr. des Scutelles, p. 121, Tab. 22. fig, 11-15. Batavia. — Mus. Neuchâtel, Desmoulins, Michelin. DEUXIÈME TYPE. — Cinq pores génitaux ; sinus cécaux du bord limités à une zone étroite. Bonani Klein. — Agass. Monogr. des Scutelles, p. 108, Tab. 23, fig. 8-12. ct Tab. 22, fig. 23-29. Nouvelle-Guinée (Quoy et Gaimard), Vanicoro. — Mus. Paris. depressum Less. — Agass. Monogr. des Scutelles, p.110, Tab. 93, fig. 1-7. Ile de Bourou, Moluques (Lesson et Garnot). — Mus. Paris. decagonum Less, — Agass. Monogr. des Scutelles, p. 112, Tab. 23, fig. 16-20. Ile Waigiou (Lesson et Garnot). — Mus. Paris. cliiptieum Agass. Monogr. des Scutelles, p. 111, Tab. 23, fig. 13-15. Origine inconnue. — Stokes. tonganense Quoy et Gaim. — Agass. Monogr. des Scutelles, p. 114, Tab. 26, fig. 7-19. "Ee (Quoy et Gaimard), Nouvelle-Guinée, Amboine, Vanicoro. — Mus. aris. attenuatum Agass. Très voisine du Z, tonganense, mais déprimée au pourtour CATALOGUË RAISONNÉ DES ÉCHINIDES. 153 des ambulacres. Diffère du £L. ellipticum par sa forme plus anguleuse et par son anus circulaire. Bord postérieur taillé en biseau. Bouche petite. Subfossile de la mer Rouge (Lefebvre), île Karrak, golfe Persique (Leclancher). — Mus. Paris (gal. géol.). cingulatum Apgass. Petite espèce circulaire ou elliptique, plate, à bord renflé. Etoile ambulacraire très petite. Ile Salomon (Hombron et Jacquinot). — Mus. Paris. latissimum Bl. — Scutella latissima Lamk.—Espice de très grande taille, à bord aminci, non renflé, Océan Indien. — Mus. Paris. Espèces fossiles. tenuissimum Agass. — M 40. — Monogr. des Scutelles, p. 413, Tab, 26, fig. 4-6. — Cat. syst. p. 6. — Scutella polygona Desml. Tabl. syn. p. 234. Calc. gr. de Plossac, près Blaye, — Desmoulins, Mus. Neuchâtel. marginale Agass. — V 9— Scutella marginalis, var. À. angulata Desml. Tabl. . Syn. p. 234. — Laganum reflezum Agass. Monogr. des Scutelles, p. 113, Tab. 96. fig. 1-3. Tert. de Blaye, Noirmont. —. Desmoulins, Mus, Paris, Michelin. x, ECHINARACHNIUS Van Purs. Forme discoïde, déprimée. Pétales ambulacraires ouverts; sillons am- bulacraires de la face inférieure droits, très peu ramifés. Bouche petite, circulaire, à fleur de test. Mâchoires hautes. Dents placées horizontale- ment et de champ. Anus très petit, marginal. Quatre pores génitaux contigus à la plaque madréporiforme. Diffère des Laganes par sa forme circulaire et par son anus marginal, et des Scutelles par ses pétales am- bulacraires ouverts et non arqués. On ne connaît que des espèces ter- tiaires et vivantes, parma Gray. Attempt on Echin. p. 6. — Agass. Prodr. p. 188, et Monogr. des Scutelles, p. 89, Tab. 29, ‘fig. 7-18. — Echinodiscus parma BI. Zooph. p.199. — Scutella parma Lamk. 111, p. 284, n° 13. Canada (Lyell), océan Indien, Kamtschaka , Tonga-Tabou. — Mus. Paris. Si ceute espece se retrouve réellement identique dans toutes ces localités, elle pré- sente un mode de distribution bien différent de celui de tous les autres Échinides connus, qui ont en général une patrie restreinte. Rumphii Agass. Monogr. des Scutelles, p. 91, Tab. 91, fig. 1-6. ?Amboine (Rumph). —- Mus. Neuchâtel, prince d’Eslingen. atlantieus Gray. — Agass. Monogr. des Scutelles, p. 92, Tab. 21, fig. 32-34. Terre-Neuve. — Mus. britannique. 134 AGASSIZ ET DESOR. Espèces fossiles. juliensis Desor. — T 94. — Bull. Soc. géol. Fr. 1847. — Diffère des E.parma et Rumphii en ce que l'anus est sensiblement infra-marginal. Grès tert. du port Saint-Julien (Patagonie). — Darwin. incisus Agass. — V 14, — Monopsr. des Scutelles, p. 93, Tab. 21, fig. 29-31. Calc. gr. de Hauteville. — Mus. Paris, Deshayes et Defrance. porpita Agass. — V 6. — Scutella porpita Expl. des pl. de l'Encycl. méth. Tab. 152, fs. 3 et 4. — Cassidulus porpita Desml. Tabl. syn. p. 246. Cale. gr. de Terre-Nègre, près Bordeaux. — Desmoulins. x. ARACHNOIDES Krein. Forme circulaire, déprimée. Test très mince. Pétales ambulacraires largement ouverts. Tubercules linéaires sur les aires ambulacraires ; sporadiques sur les aires interambulacraires. Sillons ambulacraires de la face inférieure droits, non ramifiés. Bouche ronde. Mâchoires très plates. Anus supra-marginal. Cinq pores génitaux. Une seule espèce qui est vivante. Placenta Agass. Monogr. des Scutelles, p. 94, Tab. 21, fig. 35-42. Ile Foulah (Shetland), (Forbes). Amboine (Quoy et Gaimard), ile Salomon. Mus. Paris et Britannique. xuu, SCUTELLA Lamr. (Acass.) Forme subcirculaire, tronquée en arrière. Pétales ambulacraires arrondis, presque fermés. Sillons ambulacraires de la face inférieure si- nueux et ramifiés. Bouche circulaire, à fleur de test. Mâchoires moins hautes que dans les Clypéastres. Anus très petit, marginal ou infra-mar- ginal. Quatre pores génitaux. Les espèces connues appartiennent à la formation tertiaire et à l'époque actuelle. subrotunda Lamk. — P 27. — Anim. s. vert. 111, p. 284. — Agass. Monogr. des Scutelles, p.76, Tab. 17. — Cat. syst. p. 6. — Echinus subrotundus Gmel. — Scutella gibercula M. de S. (très vieil échantillon). Tert. de Bordeaux et de Dambert, commune de Gornac (Gironde), — Deshayes, Desmoulins, Michelin. striatula M. de S. — S 78. — Geogn. p. 156, — Desml. Tabl. syn. p. 234. — Agass. Monogr. des Scutelles, p, 81, Tab. 18, fig. 1-5. — Scutella subrotunda Grat. Tab. 1, fig. 1. — N'est peut-être que le jeune âge du S. subrotunda. Tert. moy. de Belleville, Terre-Nègre, Combes près Bordeaux, Baurech sur la Garonne (jeune). — Desmoulins, Michelin. truneata Val. — 33. — Expl. des PI. de l'Encycl. méth. Tab. 146, fig. 4 et 5. — Agass. Monogr. des Scutelles, p. 78, Tab. 16, fig. 1-3 et 8-10, et Tab. 19, fig. 3-6. Cat. syst. p, 6. Sainte-Maure, faluns de la Touraine ,"Saint-Restitut (Vaucluse). — D'Archiac, Deshayes, Brongniart, Mus. Paris. CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCHINIDES. 135 Var. propinqua Agass. — S 79. — Monogr. des Scutelles. p. 79, Tab. 16, fig. 11-16. Des faluns de la Touraine, Saint-Georges en Anjou, tle d'Aix (Char.-Inf.). — Docteur Mayor, Brongniart. Var. maxima : Scutella stellata Agass. —- M 3, — Monogr. des Scutelles, p. 83, Tab. 19, fig. 1 et 2. — Cat syst. p. 6 Faluns de la Touraine. — Deshayes. Brongniarti Agass. — X 82. — Monogr. des Scutelles, p. 80. Tab. 15, fig. 1-3. — Cat. syst. p. 6. Tert. de Grignon?. — Michelin. Faujasii Defr. — 32. — Dict. Sc. n. Tom. 48, p. 230. — Blainv. Zooph. p. 201. — Desml. Tabl. syn. p. 224. — Agass. Monogr. des Scutelles, p. 81, Tab. 16, fig. 4-6. — Cat. syst. p. 6. Tert. du département de la Sarthe. — Eudes Deslongchamps, produeta Agass. Monogr. des Scutelles, p. 82, Tab. 18, fig. 6-10. Faluns des environs de Saumur, Touraine, Saint-Georges-aux-Mines, Doué. — Valenciennes et Defrance, Ecole des mines, Mus. Paris (gal. géol.), Deshayes. paulensis Agass. Monogr. des Scutelles, p. 83, Tab. 19, fig. 8-10. Tert. de Saint-Paul-Trois-Châteaux, près de Dax, Saint-Restitut. — Docteur Mayor de Genève. patagonensis Desor, Bull. Soc. géol. de Fr. 1847. — Espèce très voisine du Sc. paulensis, mais moins large. Tert. du port Désiré (Patagonie). — Darwin. subtetragona Grat. Mém. Ours. foss., etc., p. 87, Tab. 1, fig. 4. — Desml. Tabl. syn. p. 234.— Agass. Monogr. des Scutelles, p.84, Tab. 19, fig. 7. Faluns jaunes des environs de Dax. — Grateloup. Smithiana Agass. Monosr. des Scutelles, p.84, Tab. 19a, fig. 5 et 6. Tert. (molasse) des environs de Lisbonne. — Smith de Jordan-Hill. Rogersi Mort. — Q. 81. — Synops. des foss. de la craie des EtatsUnis. — Desml, Tabl. syn. p. 236, — Agass. Monogr. des Scutelles, p. 85, Tab. 191, fig. 1-4. — Lagana Rogersi Agass. Cat. syst. p. 6. Craie (?) de Géorgie (États-Unis, Alabama). — Mus. Lausanne et Strasbourg. xLIII, DENDRASTER AcGass. Forme subcirculaire, déprimée. Étoile ambulacraire excentrique en arrière. Pétales arrondis, inégaux ; l’impair plus long que les ambu- lacres pairs antérieurs. Sillons ambulacraires de la face inférieure très ramifiés, empiétant même sur la face supérieure. Anus inférieur, comme dans les Scutelles. Quatre pores génitaux. Diffère des Scutelles par son étoile ambulacraire excentriqne. exeentricus Agass. — Echinarachnius excentricus Val. Zool. Vénus. PI. 10. Californie (Neboux). — Mus. Paris. 136 AGASSIZ ET DESOR. xziv, LOBOPHORA AcGuss, Forme subcirculaire, aplatie, Pétales fermés. Sillons ambulacraires de la face inférieure onduleux et peu ramifiés. Bouche petite. Mâchoires plates. Anus inférieur plus ou moins éloigné du bord. Quatre pores génitaux contigus au corps madréporiforme. PREMIER TYPE. — Deux entailles ou lunules allongées dans le prolongement des aires ambulacraires postérieurs. Les espèces connues appartiennent à l'époque actuelle. bifora Agass. Monogr. des Scutelles, p.64, Tab. 12. Madagascar, côte de Cafrerie. — Mus. Paris, Desmoulins. truncata Agass. Monogr. des Scutelles, p. 66, Tab. 11, fig. 11-16. Origine inconnue. — Mus. Paris. tenuissima Val. Espèce très plate, à très petites lunules correspondant aux ambu- lacres postérieurs pairs. Waigiou (Lesson et Garnot). — Mus. Paris. bifissa Agass. Monopgr. des Scutelles, p. 67, Tab. 13, fig. 2-6, et Tab. 14, fig. 1 et2. Zanzibar (Rousseau), Mer Rouge (Roux , Savigny) — Mus. Paris et Genève. aurita Agass. Monogr. des Scutelles, p.70, Tab. 13, fig. 1,et Tab. 14, fig. 3-7. Mer Rouge (Guebhard). — Mus. Neuchâtel. DEUXIÈME TYPE. — Sous-genre Awpniore Agass. — Deux lunules circulaires dans le prolongement des aires ambulacraires postérieures. Les espèces connues sont fossiles des terrains tertiaires bioculata Agass. — 30. X 99, — Monosr. des Scutelles, p. 73, Tab. 11, fig. 1-5. — Cat. syst. p. 6. Faluns de la Touraine, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Bordeaux, Sure près Bollène (Vaucluse), Sainte-Maure (Indre-et-Loir). — Deshayes, Michelin, Desmoulins. Var. B. foraminibus transvers ovatis Desml. Tabl. syn. p. 232. Cale, gr. de Dambert, commune Gornac (Gironde). — Desmoulins. elliptica Desor. — T 93. — Grande espèce ayant l'anus plus éloigné de la bouche que l'Amph. bioculata. Molasse de Saint-Restitut (Drôme), Carry, près de Martigues. — Michelin. perspicillata Agass. — X 89. — Monogr. des Scutelles, p. 74, Tab. 11, fig. 6-10. Cat. syst. p. 6. Tert. de Rennes, Bollène (Vaucluse). — Michelin. bisperforata Desor. -- Echinodiscus bisperforatus Park. Org. Rem. r1, Tab, 2, fig. 6. Tert, Des environs de Vérone, CATALOGUE RAISONNÉ. DES. ÉCHINIDES, 137 TROISIÈME TYPE. — Sous-genre Moxornora Agass. — Une seule lunule allon- gée dans l'aire interambulacraire postérieure. Une seule espèce, fossile des terrains tertiaires. Darwinii Agass. — 'T 36 — Desor, Bull. Soc. géol. Fr. 1847. Tert. de Patagonie. — Darwin. xLV. ENCOPE AGass. Forme subcirculaire, tronquée en arrière. Six lunules , dont cinq cor- respondant aux ambulacres, et l’une à l’aire interambulacraire impaire. Pétales fermés. Sillons ambulacraires de la face inférieure très ramifiés. Bouche centrale, ronde. Mâchoires plates. Anus inférieur, plus près de la bouche que du bord postérieur. Cinq pores génitaux contigus au corps madréporiforme. Toutes les espèces sont de l’époque actuelle. Valenciennesii Agass. Monogr. des Scutelles , p. 54, Tab. 7 et 8. Martinique, Rio-de-Janeiro. — Mus. Paris et britannique, Stokes. subelausa Agass. Monosr. des Scutelles , p. 56, Tab. 5. Brésil, côte occidentale, golfe du Mexique. — Mus. Genève, Desmoulins , Deshayes. grandis Agass. — M 32. — Monogr. des Scutelles, p. 57, Tab. 6. — Cat, syst. p. 6. Martinique. — Michelin. Michelini Agass. Monogr. des Scutelles, p.58, Tab. 61, fig. 9 et 10. Yucatan. — Michelin. Stokesii Agass. Monogr. des Scutelles, p. 59. Tab. 61, fig. 1-8. Gallopagos, Guayaquil (Eydoux et Souleyet). — Mus. Paris, Stokes. emarginata Agass. Monosgr. des Scutelles, p. 47, Tab. 10. — Ilse pourrait que les Encope subclausa , micropora et perspectiva ne fussent que des variétés de cette espèce. Philippines?, Rio-de-Janeiro. — tctrapora Agass. Monogr. des Scutelles, p. 49. Tab. 401, fig. 1-3. Gallopagos, côte occidentale d'Afrique (Rang). — Ch. Stokes, Desmoulins. mieropora Agass. Monogr. des Scutelles, p. 50. Tab. 102, fig. 4-8, et Tab. 191, fig, 7. Antilles?. — Mus. Neuchâtel. perspectiva Agass. Monogr. des Scutelles, p. 51, Tab. 10b, fig. 1-5. Origine inconnue?., — Mus. Paris.