WEEKS 8 C2. BINDERS:LONDON. NW" ANNALES SCIENCES NATURELLES. a TROISIÈME SÉRIE. LOOLOGIE. 12 MALTA ARS DU STLAUMA = 0 ! “ 240 # 101 AAMÈR CIAARTOUT & . MI00100N Ci IMPRIMERE DE rue Juvob, 49, 2.D ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE , LA BOTANIQUE , L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES , ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES : RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIE PAR M. MILNE EDWARDS, ET POUR LA BOTANIQUE PAR MI. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE. ———_——— Troisième Série. ZOOLOGIE. TOME HUITIÈME. PARIS. VICTOR MASSON, LIBRAIRE DES SOCIÉTÉS SAVANTES PRÈS LE MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, 1, 1847. ; SOA To ps] “100 hi LME | - ent voaa Bt ana) o a bore t L À + de vit HA A AO A aa à Lie adore à SION Ait ADO nn ELA : À : Le OT à SAN EE M MAT n =... f 1. h 1 NE DU RU =: | nd | AIDOUOOS Moëzan aô% il à DES Mare a tr a ME et RD Ut Art nr” L smbecdi-aa din Ets Le » fé (y L il | ? L & Ce « Mai Ve ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. PARTIE ZOOLOGIQUE. CATALOGUE RAISONNÉ DES ESPÈCES, DES GENRES ET DES FAMILLES D'ÉCHINIDES; Par MM. L. AGASSIZ et E. DESOB. — Suite (1). — FAMILLE DES SPATANGOIDEN, Forme allongée ou subcirculaire , bilatérale. Point d'appareil masti- catoire. Bouche bilabiée ou subanguleuse. Anus postérieur. Cinq ambu- lacres tantôt disjoints, tantôt réunis au sommet ; l’antérieur ou l’impair ordinairement situé dans un sillon , et diflérant , en général, des quatre ambulacres pairs par sa structure plus simple. Test généralement mince, couvert de poils ras, auxquels se mélent parfois quelques piquants plus longs, portés par des tubercules crénelés et perforés. Quatre pores géni- taux tantôt très rapprochés , tantôt éloignés. Cinq trous ocellaires. Une partie des Spatangues sont, en outre, ornés de bandelettes d'apparence lisses, que nous désignons sous le nom de fascioles, portant de très fines soies, qui, vues au microscope, ont la même structure que les pédicel- laires (2). (1) Voyez, pour la première partie de ce travail, t. VI, p. 305, et, pour la deuxième partie, t. VII, p. 129, 3° série. (2) La position de ces fascioles ou bandelettes varie suivant les genres. Nous l'ap- 6 AGASSIZ ET DESOR. PREMIER GROUPE. — Ambulacres pétaloïdes, convergeant au sommet. Des fascioles de différentes espèces. Bouche constamment bilabiée. Les espèces appartiennent aux terrains crétacés, tertiaires, et à l'époque actuelle. LxxI. SPATANGUS KieiN (Aass.). Oursins de grande taille, renflés, à test mince, à ambulacres pairs composés de grands pétales plus larges que dans tous les autres Spatan- goïdes. Le bord antérieur des ambulacres pairs est oblitéré vers le som- met. Ambulacre impair logé dans un large et profond sillon. De grands tubercules perforés et crénelés sur les aires interambulacraires. Point de fasciole péripétale. Un fasciole sous-anal profondément échancré au- dessous de l'anus. Quatre pores génitaux, dont les deux antérieurs sont plus rapprochés que ies deux postérieurs. Cinq trous ocellaires en forme de pentagone régulier autour des pores génitaux. Un tube ou cône creux à la face interne de l'aire interambulacraire impaire. Lèvre supérieure de la bouche, composée de plaquettes polygonales. Une large lame plate, verticale, à la face interne du test, sur le côté gauche de la bouche. Les espèces sont de l’époque actuelle et des terrains tertiaires. PREMIER TYPE. — Grandes espèces à pétales ambulacraires larges. purpureus Müll. Zool. Dan. Tab. 6. — Forbes, Brit. Starf. p. 182. — Espèce déprimée et obtuse en arrière. Côtes occidentales et septentrionales d'Europe : Cherbourg, la Rochelle, Abbe- ville, la Suède, la Norwège. — Mus. Paris, Stockholm, Coppenhague, Michelin. spinosissimus Desor. Espèce déprimée comme la précédente, dont elle diffère par un nombre beaucoup plus considérable de tubercules à la face supérieure. Mers d'Europe, — Michelin. meridionalis Risso. Espèce renflée, avec une carène sur l'aire interambulacraire postérieure. Méditerranée, Alger, mer Rouge. — Mus. Paris. Espèces fossiles. siculus Agass. — S 92, — Park. Org. Rem. 1, PI, 3, fig. 9. — Espèce très voisine du Sp. meridionalis, sinon identique. Tert. de Palerme. Pliocène de Monte-Mario près Rome. — Deluc, Verneuil. pelons péripélale lorsqu'il entoure les pétales ambulacraires (dans les Hemiaster, Schizaster, etc.) ; interne lorsqu'il circonserit l'ambulacre impaire (dans les Amphide- tus); latéral lorsqu'il s'étend, d'avant en arrière, sur les flancs (dans les Schizaster), et fasciole sous-anal lorsqu'il est limité à la base de l'anus. Le plus souvent il y a plu- sieurs de ces fascioles dans un seul genre; le fasciole péripétale et le fasciole sous-anal se trouvant surtout fréquemment associés. CATALOGUE RAISONNÉ DÉS ÉCHINIDES. 7 Philippii Desor.—S 63. — Les ambulacres sont proportionnellement plus étroits que dans le Sp. siculus. Du cap Safran près Palerme. Pliocène de Monte-Mario près Rome. —- Deluc, Verneuil. Desmarestii Münst, — 3. — Goldf, Petref. p. 153, Tab. 47, fig. 4. — Spatangus ornatus Agass. (non Defr.) Cat. syst. p. 2. Tert. (molasse) de Venasque, Vedennes, Bordeaux, Nice. Sables de l'Astésan. — Mus. Paris, Avignon, Turin. corsicus Desor. — R 78. — Voisin du Sp. Desmarestii, à face antérieure plus dé- clive ; ambulacres antérieurs plus étroits, et postérieurs plus rapprochés. Tert. de Balestro (Corse), Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme). — Michelin, Mus. Paris (gal. géol.). Delphinus Defr. — M 20. — Dict. Sc. nat. — Agass. Cat. syst. p. 2. — Espèce renflée, à tubercules peu saillants. Ambulacres très étroits. Molasse de Saint-Paul-Trois-Châteaux. — Mus. Paris, Avignon, Defrance, Desmoulins. Requieni Agass.— T 38.-— Remarquable par l’extrême étroitesse des ambulacres, qui sont fort longs. Les ambulacres pairs antérieurs sont arqués en avant. Terr. tert.? — Mus. Avignon, Asterias Agass. — 2, — Cat. syst. p. 2 — Grande espèce allongée, à ambulacres courts et larges. Tert, de Morée. — Deshayes. ocellatus Defr. — S 42, — Dict. Sc. nat. — Spatangus Nicoleti Agass. Echin. suiss. 1, p. 23, Tab. 4, fig. 7 et 8. — Cat. syst. p. 2. Molasse de Saint-Paul-Trois-Chäteaux, Neuchâtel. — Defrance, Mus. Neu- châtel. Pareti Agass. — P 97. — Spatangus ocellatus Agass. (non Defr.) Cat. syst. p. 2. — Très grande espèce déprimée, à tubercules nombreux. Tert. d'Italie. — Michelin. petalodes Agass. Ambulacres postérieurs très allongés et élargis en arrière, où ils sont fortement arrondis. Terr. tert, — Mus. Paris. DEUXIÈME TYPE. — Petites espèces aplaties à ambulacres étroits ct allongés. planulatus Lamk. Espèce plate ; les gros tubercules assez nombreux, régulière- ment espacés, s'étendant jusqu'aux bords. Le plastron est lisse, comme s’il avait été usé, même dans les exemplaires à l’esprit-de-vin. Bouche en forme de crois- sant brisé. Mers australes (Péron et Lesueur), Java (Quoy et Gaimard), Waïgiou (Lesson et Garnot). — Mus. Paris. Espèces fossiles. Hoffmanni Goldf, — Q 52, — Petref. p. 152, Tab. 47, fig, 3. — Agass. Cat. syst. p. 2. Tert. de Bünde. — Mus. Bonn. 8 AGASSIZ ET DESOR. Archiaei Agass. Espèce voisine du Sp. planulatus , mais plus renflée, à ambu- lacres plus arrondis et plus pétaloïdes. Diffère du Sp. Hoffmanni en ce qu’il n’est pas en forme de toit. Cale. gr. d'Oulchy-le-Château. — D'Archiac. grignonensis Agass. — 1. X 20. — Cat. syst. p. 2. — Diffère du Sp. Hoffmanni par sa forme plus aplatie et par un nombre plus considérable de tubercules. Tert. de Grignon. — Mus. Paris (gal. géol.), Michelin, Deshayes. depressus Dub. Voy. au Caucase, Tab. 1, fig. 16. — Espèce très voisine du Sp. grignonensis. Terr. numm. de Crimée. Paraît se retrouver au Sinaï, d'après un mauvais exemplaire rapporté par M. Lefebvre. -— Dubois, Mus. Paris. pendulus Agass. Espèce plate, à bouche subcentrale; ambulacres antérieurs très étroits. Anus presque supérieur. Diffère du Sp. depressus par l'absence d’échan- crures au bord antérieur, et de sillon sur lambulacre. Terr. numm.? du Sinaï (Lefebvre). — Mus. Paris. simplex Agass. — M 28. R 40. — Cat. syst. p. 2. — Espèce très déprimée , à sillon antérieur très évasé. Tert. de Corse. — Michelin. Chitonosus E. Sism. Echin. foss. Piem. p. 33, Tab. 1, fig. 6 et 7. Tert, moy. de la colline de Turin. — Mus. Turin. Lxxi. MACROPNEUSTES Acass. (P. 46 [tome VI], fig. 2.) Forme enflée. Test épais. Pétales ambulacraires allongés, ouverts, ou imparfaitement fermés. Zones porifères égalant en largeur l’espace intermédiaire. Des tubercules sur les aires ambulacraires, mais cepen- dant moins saillants que ceux des Spatangues. Un fasciole latéral à la hauteur de l'extrémité des ambulacres, et passant par-dessus l'anus. Les espèces connues jusqu'ici appartiennent aux terrains tertiaires. Deshayesii Agass. — P 90. P 92. — Micraster Deshayesii Agass. Cat. syst. p. 2. — Micraster major Agass. Cat. syst. p.2. — Grande espèce déprimée , à ambu- lacres longs et étroits, situés dans des sillons très évasés. Tert. de Paris. Calc. gr. de Vivray. — Deshayes , Graves. pulvinatus Agass. — T 41. — Micraster pulvinatus d'Arch. Mém. Soc. géol. Fr. 2e sér., t. 11, p. 201, PI. 6, fig. 4. — Espèce voisine du M. Deshayesii, mais plus courte, et à ambulacres un peu moins longs. Terr. numm. de Biaritz. — D'Archiac. Beaumonti Agass. — X 10. — Micraster Beaumonti Agass. Cat. syst. p 2. — Espèce voisine du M. Deshayesü ; mais les ambulacres sont plus courts et les tu- bercules plus gros. Le sillon antérieur est très évasé. Terr. pisol. de Montecchio-Maggiore. — Élie de Beaumont. CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCHINIDES, 9 crassus Agass.— T 20 — Espèce très renflée, à ambulacres fort longs. Test épais. Diffère du M. Deshayesii en ce qu’il est beaucoup plus renflé. Terr. crét. d'Égypte. — Mus. Paris. Ammon Desor. — T 22. — Espèce renflée. Ambulacres paires antérieurs attei- gnant presque le bord. Espace entre les zones porifères égal à la largeur de celles-ci. é Terr., numm. d'Egypte. -- Mus. Paris. Marmoræ Desor. — R 92. — Espèce trés renflée, gibbeuse, à larges ambulacres. Tert. de l’île de Corse. — Michelin. gibbosus Agass. (Mer.) — R 26. — Espèce remarquable par son bord antérieur très élevé et tronqué. Tert.? — Mus. Bâle. LxxII. EUPATAGUS Acass. (PL. 46 [tome VI], fig. 43.) Forme elliptique, plus ou moins déprimée. Pétales ambulacraires pairs, larges. Ambulacre impair logé dans un sillon évasé. De grands tubercules crénelés dansles interambulacres à la face supérieure, comme dans les vrais Spatangues, mais avec cette différence qu’ils sont limités par le fasciole péripétale qui entoure également les pétales ambula- craires. Un fasciole sous-anal très marqué entourant l’écusson cordi- forme. Bouche ample, semi-circulaire. De larges bandes nues à la face inférieure correspondant aux ambulacres postérieurs. Tubercules cupu- lés sur les espaces interambulacraires de la face inférieure. Tubes am- bulacraires peu marqués autour de la bouche, et assez espacés. Les es- pèces sont vivantes, et des terrains tertiaires. Valenciennesii Agass. Les grands tubercules sont peu nombreux et rapprochés du fasciole péripétale. Forme ovale, Nouyelle-Hollande (Verreaux). — Mus. Paris. Espèces fossiles. ornatus Agass. — X 90. M 26. M 27. — Spatangus ornatus Defr. Dict. Sc. nat. — Cuvier, Oss. foss. 11, 2° part., Tab. v, fig. 6. — Goldf. Petref. p. 152, Tab. 47, fig. 2. —Spantangqus tuberculatus Agass. Cat. syst, p. 2. Terr. numm. de Biaritz. — Mus. Paris, Michelin, d'Archiac, Duclos. lateralis Agass. — X 24. P 83. — Spatangus lateralis Agass. Cat. syst. p. 2. — Espèce plus allongée et moins déprimée que la précédente, en forme de toit. Sommet ambulacraire excentrique en avant. Tert. moy. de la Superga. — Mus. Turin. eummulinus Agass. Espèce ovale, aplatie, à fasciole péripétale rapproché du bord. Tubercules peu nombreux. Calc. gr. de Paris, Parnes. — Mus. Avignon, 10 AGASSIZ El DESOR. navicella Agass. Espèce allongée, rétrécie en arrière, légèrement échancrée en avant, Terr. numm. des environs de Nice. — Mus. Turin. elongatus Agass. — X 86. — Spatangus elongatus Agass, Cat. syst. p. 2. — E. Sism. Mém. Ech. foss. Nizza, p. 35, Tab. 2, fig. 4, — Espèce voisine de VE. or- natus, mais plus allongée. Terr. numm. de Nice et de Suisse. — Mus. Turin et Neuchâtel. - veronensis Agass. — M 21. — Spatangus veronensis Mer. in Agass. Cat. syst. p. 2. — Espèce renflée, subeylindrique. Terr. pisol. de Vérone. — Mus. Zurich et Strasbourg, Defrance. brissoides Agass. — T 98. — Spatangus brissoides Desml, Tabl. syn. p. 392. — Spatangus punctatus Grat. Ours. foss. p. 69, PI. 4, fig. 11. — Se distingue par sa forme très renflée. Terr. numm. de Montfort, près Dax. — Desmoulins, Grateloup. minor Agass.— R 74.— Petite espèce subeylindrique, à petits tubercules. Je n'ai pas pu m’assurer s’il existe un fasciole, Calc. gr. de Vernon. — Michelin. Duvalii Desor. Espèce voisine de l'E. ornatus ; mais les tubercules sont moins gros et plus nombreux que dans aucune autre espèce. Cale. gr. de Mouchy-le-Chatel près Paris. — Duval. LxXIV. GUALTIERIA Desor. (PI. 16 [t. VI], fig. 11.) De gros tubercules à la face supérieure, comme dans le genre Spa- tangus ; mais la partie pétaloïde qui les renferme est circonscrite par un fasciole qui coupe l'extrémité des ambulacres postérieurs. Dans cette partie des ambulacres, les pores conjugués sont plus effacés et plus distincts qu’à l’intérieur du fasciole. Fasciole sous-anal, comme dans les Spatangues. De gros tubercules irréguliers autour de la bouche. Quatre pores génitaux. Bouche entourée de gros plis, dans les intervalles des- quels se montrent les pores ambulacraires inférieurs. La seule espèce connue du genre est de l’époque tertiaire. Orbignyana Agass, — T 34, —- Forme allongée, ovoïde. Sommet ambulacraire au milieu du dos. Terr. numm. de Saint-Palais près Royan. — D'Orbigny. Lxxv. LOVENIA Desor. (PL. 16 [t. VI], fig. 16.) Pétales ambulacraires pairs juxtaposés, comme deux croissants réunis par leur côté convexe. De gros tubercules à la face supérieure, CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCIINIDES, il lesquels sont supportés par de larges ampoules à l'intérieur. Un fasciole interne (entourant l’ambulacre impair) s'avançant par son sommet entre les ambulacres postérieurs, comme dans le genre Amphidetus. Un fasciole sous-anal entourant la région anale, et pénétrant même dans le cornet, au fond duquel l'anus est percé. Quatre pores génitaux. Cinq ouvertures ocellaires disposées en forme de pentagone autour des ou- vertures génitales. Pores de l'aire ambulacraire impaire très petits, et presque confondus. Les gros tubercules portent de très longues épines arquées à leur base. Mystrix Desor.— Descript. Egypt. Zool. PL 7, fig. 4. — Espèce plate, rétrécie en arrière. Tubereules portant de très longs piquants. Mer Rouge (Botta). — Mus. Paris. Lxxvz. AMPHIDETUS Acass. (PL. 16 [t. VI), fig. 8.) Test cordiforme, très mince. Bouche moins excentrique que dans les autres genres. Apus à la partie supérieure du bord postérieur, supporté par un écusson cordiforme et trèssaillant. Ambulacres pairs très accusés, composés de pores peu nombreux et très espacés, correspondant à de larges zones lisses à la face inférieure, Ambulacre impair situé dans un sillon plus ou moins profond avec des pores très petits. Aire interam- bulacraire inférieure étroite. Un fasciole interne (entourant l’ambulacre impair) qui se prolonge par son sommet jusque entre les ambulacres postérieurs, de manière à interrompre en apparence la convergence des ambulacres (1). Fasciole sous-anal entourant l’écusson cordiforme, et se prolongeant quelquefois sous la forme de deux branches montantes jus- qu'au-dessus de l'anus. Quatre pores génitaux très rapprochés. Trous ocellaires très petits, et en dehors des pores génitaux. De fines stries portées par des tubercules perforés, plus gros à la face inférieure qu'à la face supérieure, et s’élevant ordinairement du bord et de l’extré- mité d’une zone lisse. Les espèces sont vivantes, et des terrains ter- tiaires. cordatus Agass. — Spatangus cordatus Pennant, Brit. Zool. 1v, p. 69, Tab. 34, fig. 75. — Forbes, Brit. Starf. p. 190. — Spatangus arcuarius Lamk. Manche, Coppenhagey, Sicile, Palerme, Cette, Algérie. — Mus. Paris. gibbosus Agass. — Amphidetus pusillus (jeune). — Diffère de PA. cordatus par absence d’un sillon ambulacraire antérieur. Bord antérieur très élevé. Fasciole interne étroit au sommet. Manche, Palerme, Bone (expéd. d’Afr.). — Mus. Paris, Deshayes.! (1) Ceux-ci se prolongent néanmoins jusqu’à l'appareil génital, sous la forme de très petits pores visibles seulement de la face inférieure. 12 AGASSIZ ET DESOR. ovatus Agass. — Spatangus ovatus Leske. Var. minor : Amphidetus roseus Forbes, Brit. Starf. p. 194. Côtes de Suède, Angleterre, Algérie, — Mus. Stockholm, E,. Forbes, Deshayes. mediterraneus Forbes, Ann. nat. Hist. vol. x1v, 1844, p. 413. Mer Égée. — Forbes. Espèces fossiles. Sartorii Agass. — R 34.— Très voisin de l'A. cordatus, mais un peü plus allongé. L’aire, entourée par le fasciole interne, est plus étroite. Tert. de Palerme. — Marquis de Northampton. depressus Agass. Très court, à ambulacres enfoncés ; mais l’'ambulacre impair est plus étroit. Les ambulacres postérieurs ne se prolongent pas si loin. Tert. (molasse) à la Couronne. — Michelin. subcentralis Agass. Visible seulement par sa face inférieure. Aire interambula- craire postérieure courte et triangulaire. Forme déprimée. Bouche plus rappro- chée du centre que dans les autres espèces. Tert. inf. de Saint-Palais près Royan. — D’Archiac. Nota, — GolWuss en décrit une espèce fossile de Maëstrich , qu’il considère comme identique avec l’A, cordatus, mais que je ne connais pas de visu. LxxVIL. BREYNIA Desor. (PL. 46 [tome VI], fig. 14.) Deux fascioles à la face supérieure : un interne, comme dans le genre Lovenia ; Y'autre péripétale. De gros tubercules à la face supérieure, mais seulement dans l’espace circonscrit par le fasciole péripétale. Les am- poules qui portent les tubercules ne sont pas saillants à l’extérieur. Un fasciole sous-anal. Yeux et pores génitaux comme dans le genre Zovenia. Crux-Andræ Agass. — Spatangus Crux-Andræ Lamk. Mers australes (Péron et Lesueur), mer Rouge (Desmoulins). — Mus. Paris. LxXVII. BRISSUS KLein (Acass.). Forme ovale, à sommet excentrique en avant. Ambulacres pairs étroits, logés dans des sillons peu profonds; les antérieurs à peu près transverses; les postérieurs à peu près longitudinaux. Ambulacre impair à fleur du test. Fasciole péripétale très sinueux. Bouche très rapprochée du bord antérieur. Anus très grand , situé au milieu de la face postérieure. Fas- ciole sous-anal très rapproché de l'anus. Quatre pores génitaux ; les pos- térieurs plus grands et plus écartés que les antérieurs. Corps madrépo- riforme s’avançant entre les ouvertures génitales postérieures. Cinq ouvertures ocellaires placées en avant des pores génitaux, et alternant avec eux. CATALOGUE RAISONNE DES ÉCHINIDES,. 13 PREMIER TYPE. — Sous-genre PLAcroxorus Agass. — De gros tubercules dis- tinctement mamelonnés. Fasciole péripétale non flezueux, circonscrivant Les tubercules. 2 (PL 46 [tome VI], fig. 15.) pectoralis Lamk. Encycl. méth. Zooph. PI. 459, fig. 2 et 3. Mexique, Bahia. — Mus. Paris. DEUXIÈME TYPE. — Bnissus proprement dits. — Sans gros tubereules à la face supérieure. (PI. 16 [tome VI], fig. 9.) ventricosus Lamk. Encycl. méth. PI. 458, fig. 41. — Gualtieri, Tab. 109, fig. 5 — Espèce de très grande taille, à sommet apicial à peu près médian, Saint-Dominique, Antilles. — Mus. Paris. sternalis Agass. — Spatangus sternalis Lamk. — Aire sous-anale cordiforme et radiée. A part cela, voisin du B. ventricosus. Océan austral (Péron et Lesueur).— Mus. Paris. - bicinctus Val. Diffère du B. sternalis en ce que le fasciole est double sur l’aire am- bulacraire antérieure, ainsi qu’au bord postérieur des aires ambulacraires paires. Mer Rouge (Botta). — Mus, Paris. catinatus Agass. — Spatangus carinatus Lamk. Encycl. méth. Zooph. PI. 159, fig. 4. — Gualtieri, Tab. 108, fig. «. — Espèce bien caractérisée par la carène de l'aire interambulacraire impaire, et par la coupe oblique du bord postérieur. Ile-de-France et de Bourbon. — Mus. Paris et Stockholm. Scillæ Agass. — Spatangus ovatus 5 Lamk. Enceycl. méth. Zooph. PI. 458, fig: 7. — Brissus placenta Philippi. — Espèce plus déprimée que le B. carinatus. Bord postérieur vertical, tandis que la coupe de l'anus est oblique chez le B. cari- natus. Méditerranée, Palerme. — Mus. Neuchâtel et Paris. dimidiatus Agass. Espèce haute et crénelée comme le B. carinatus, mais à anus tronqué verticalement comme le B. Scille. Tubercules de la moitié antérieure du corps plus grands que ceux de la moitié postérieure. Canaries. — D'Orbigny, Mus. Paris. columbaris Agass.— Spatangus columbaris Lamk. Encycl. méth. Zooph. PI. 158, fig. 9 et 10. — Gualtieri, Tab. 109, fig. A. — Diffère du B. Scillæ en ce que les ambulacres pairs antérieurs sont léyèrement inclinés en arrière, tandis qu’ils tom- bent un peu en avant dans le B. Scillæ. Ile de Cuba (d'Orbigny), Guadeloupe (vivant et à l’état de pétrification). — Mus. Paris, d'Orbigny. compressus ÂAgass. — Spatangus compressus Lamk. lle de France. — Mathieu. areolatus Val, Espèce voisine du Z, columbaris, mais ayant les bords des plaques 1% AGASSIZ ET DESOR. coronales lisses. Ambulacres pairs antérieurs sensiblement infléchis en avant. N'est peut-être qu'une variété du B. sternalis. Mers australes. — Mus. Paris. Espèces fossiles. cylindrieus Agass. — R 35. — Espèce allongée, très voisine du B. columbaris , mais plus cylindrique. Le sommet apicial est très en avant. Tert. de Palerme. — Marquis de Northampton. dilatatus Desor. — V 10. — Spatangus columbaris Desml. Tabl. syn. p. 396, — Espèce voisine du B. Scillæ, mais très élargie en arrière. Calc. gr. de Rions (Gironde). — Desmoulins , d'Orbigny. Cordieri Agass. Espèce fossile, très voisine du B, carinatus (Exempl. assez mau- vais.) Tert. (molasse) de Saint-Paul-Trois-Châteaux?. — Mus. Paris (gal. géol.) antiquus Desor, Grande espèce aplatie. Ambulacres antérieurs légèrement fléchis en avant. Terr. numm. d'Aurillac près Bagnerre de Bigorre. — Desmoulins. subacutus Desor. — T 45. — Micraster subacutus d'Arch. Mém. Soc. géol. Fr. 2e sér., Tom. 11, p. 201, Tab. 7, fig. #. — Petite espèce cylindrique, à rostre anal pointu. Terr. numm. de Biaritz. — D'Archiac, helveticus Agass.—9.—Micraster helveticus Agass. Echin. suiss. 1, p. 27, Tab. 3, fig. 19 et 20. — Cat. syst. p. 2, Terr. numm. (cr. alpine) d’Einsiedeln (cant. de Schwytz).— Mus. Berne. cruciatus Agass. — T 73. — Grande espèce plate. Sillon antérieur très profond. Ambulacres antérieurs pairs très obliques en avant. Bord antérieur beaucoup plus échancré que dans le B. carinatus. Tert. moy. de Caprée. — Mus. Paris (gal. géol.). LxxIX, BRISSOPSIS Aauss. { PI. 16 [tome VI], fig. 19.) Forme allongée, subcylindrique. Ambulacres courts et larges, conver- geant à peu près au sommet du test. Un fasciole péripétale flexueux, entourant les pétales ambulacraires de très près. Trois ou quatre pores génitaux. Cinq yeux également espacés et en forme de pentagone autour des ouvertures génitales. Ovaires postérieurs beaucoup plus grands que les antérieurs. Un fasciole sous-anal échancré, assez distant de l'anus. Partie apiciale de l’ambulacre impair et pourtour de la bouche portant les plus grands tubes ambulacraires. Les tubercules sont crénelés. Am- bulacres inférieurs très larges et nus. Diffère des Prissus par le sommet submédian, les ambulacres courts et larges, et par l’espace considérable qui sépare l'anus de l’écusson sous-anal. CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCHINIDES. 19 Iyrifera Agass. — Brissus lyrifer Forbes, Brit. Starf. p. 187. — Espéce renilée. Fasciole péripétale peu sinueux, transverse sur les deux ambulacres postérieurs. A la face inférieure, les ambulacres postérieurs sont trés larges, et l’écusson par- tant étroit. Mers du Nord (Loven), Angleterre. — Mus. Stockholm, Forbes. cavernosa Agass. — Tripylus (4) cavernosus Philippi, Erichs. Archiv. 1846. Amérique méridionale. australis Agass. — Tripylus australis Philippi, Erichs. Archiv. 1846. Amérique méridionale, Espèces fossiles. elegans Agass. — P 81. V 1. — Cat. syst. p. 3. — Spatangus grignonensis Des- mar. in Desml. Tabl. syn. p. 390. — Espèce subeylindrique, voisine du B. lyri- féra ; mais les ambulacres antérieurs sont plus profonds, et les postérieurs plus arqués. Terr. numm. de Royan’, de Montfort près Dax. Tert. de Saint-Estèphe (Gi- ronde). — D'Orbigny, Desmoulins, Delbos. Genei Desor.—T 46.—Schizaster Genei E. Sism. Echin. foss. Piem. p. 24, Tab, 1, fig. 4 et 5. — Schizaster intermedius E. Sism. Echin. foss. Piem. p. 28, Tab. 2, fig. 4. — Schizaster ovatus E. Sism. Echin. foss. Piem. p. 29, Tab. 2, fig. 3. — Espèce plate, à très petite étoile ambulacraire. Fasciole péripétale large. Tert. moy. de Turin, Castel-Nuovo près d’Asti, Perpignan. — Mus. Turin, Avignon. Borsoni Agass. — T 32. — Schizaster Borsoni E. Sism. Echin, Foss. Piem. p. 25, Tab. 1, fig. 8-12. — Espèce étroite, à ambulacres très peu divergents. Sables marneux de Castiglione, dans l’Astésan. — Mus. Turin. Romuli Desor. Espèce très voisine du B, Borsoni, maïs de plus petite taille. Les ambulacres sont plus étroits. Pliocène du Monte-Mario près de Rome. — Verneuil. angustus Desor. — T 13. — Petite espèce très rétrécie en avant, voisine du B. Borsoni ; maïs les ambulacres ne sont pas aussi enfoncés, Anus supra-marginal. Terr. numm. d'Egypte (Lefebvre). — Mus. Paris. oblonga Agass. Espèce longue, la plus étroite et la plus effilée du genre. Terr. numm. de la Fontaine-du-Jarrier. — Vandenecke. contractus Desor. Espèce très allongée et étroite. Terr. numm. des environs de Nice. — Mus. Turin , Michelin. Sisémondzæ Agass. — R 65. — Grande espèce caractérisée par l'ampleur des am- bulacres postérieurs, qui sont plus larges que l’'ambulacre impair. Tert. de Corse. — Mus. Turin. (1) Le Genre Tripylus repose sur un caractère trop fugacé pour pouvoir être main- tenu. Le nombre des pores génitaux, loin d'être un caractère de genre, ne peut pas même servir à la distinction des espèces. Je connais des individus d'une même espèce (Schizaster lacunosus), dont les uns ont trois, les autres quatre, et d'autres deux pores. 16 AGASSIZ ET DESOR. ixxx, HEMIASTER Drsor. (PI. 46 [tome VI], fig. 7.) Oursins de petite taille, renflés. Sommet ambulacraire excentrique en arrière. Ambulacres situés dans des sillons évasés et peu profonds; les postérieurs sensiblement plus courts que les antérieurs. Fasciole péripé- tale anguleux entourant l'étoile ambulacraire. Point de fasciole sous-anal. Diffère du genre Micraster par sa forme plus renflée et par son fasciole péripétale, et du genre Prissopsis par ses ambulacres plus inégaux et par l’absence d’un fasciole sous-anal. Toutes les espèces sont de la craie et du terrain nummulitique. PREMIER TYPE. — Ambulacres postérieurs très courts, égalant à peine la moitié de la longueur des ambulacres antérieurs: Bufo Desor. — S 13. — Micraster Bufo Agass. Cat. syst. p. 2. — Spatangus Buüfo Al. Brongn. Géol. Par. p. 84 et 389, Tab. 5, fig. 4, 4,8,0. — Goldf. Petref. p. 484, Tab. 47, fig. 7. — Espèce large et très haute en arrière. Lèvre buccale entourée d’un anneau calcaire. Cr. chlor. de Villers. Cr. de Saint-Christophe , Vaches-Noires, Fécamp, Gaté, Sainte-Maure-sur-Loire. — Mus. Paris, Michelin, d'Orbigny. Prunella Desor. — S 19. — Micraster Prunella Agass. Cat. syst. p. 2. — Spatan- gus Prunella Lamk. — Goldf. Petref. p. 155, Tab. 48, fig. 6.— Diffère de l'Hem. Bufo par sa face supérieure moins déclive et par sa bouche en forme de crois- sant, dont le bord est simplement renflé, mais sans être annulaire. Dan. (Maëstricht). Cr. de Talmont, Orglande, Royan. Cr. tufau supérieure de Chamouillag (Char.-Inf.). — D'Orbigny, d’Archiac. Nueula Desor. — S 86. — Espèce très enflée, voisine de l'Hem. Prunella, mais plus courte et plus large. Ambulacres antérieurs très divergents. Cr. bl.? minima Desor. — 4.5. — Micraster minimus Agass. Cat. syst. p. 2. — Echin. suiss. 7, p. 26, Tab. 3, fig. 16-18. Gault de la Perte du Rhône, Reposoir, Cluses, Nozeroy (Jura). — Mus. Neu- châtel, Berne, Gressly, Marcou. Phrynus Desor. Espèce voisine de l'Hem. Bufo ; mais la face supérieure est hori- zontale et non pas déclive en ayant. Gault de la Perte du Rhône, de la montagne des Fis, des Martigues. — Mus. Neuchâtel, Michelin. Leymerii Desor. —T 43. — Les ambulacres postérieurs sont très courts. Fasciole péripétale étroit. Cr. de Saint-Christophe (Indre-et-Loire). — D'Orbigny. nucleus Desor. —T 55. — Très voisin de l'IHem. Leymeri et de l'Hem. Prunella mais plus plat en avant. Ambulacres antérieurs larges et arqués en dehors. Cr. tufau de Thains (Charente-Inférieure). — D'Archiac. CATALOGUE RAISONNÉ DÉS ÉCHINIDES, 17 glohosns Desor.—V 8. — Spatangus globosus Risso. — D'esml. Tabl. syn, p. 392. —Ressemble beaucoup à “Hem. nucleus par ses ambulacres ; mais le test est beau- coup plus renflé. Terr. crét. de France. — Desmoulins. Pisum Desor. — R 97. — Trés petite espece, de la grosseur d’un pois. Cr. chlor. du Mans. — Michelin. elatus Desor. — T 53. — Spatangus elatus Desml. Tabl. syn. p. 406. — Espèce courte , trapue, haute , à ambulacres enfoncés. Espaces interambulacraires sail- lants comme cinq mamelons autour du sommet, Cr. chlor. du Mans, Fouras. Cr. du Périgord. — Mus. Paris (gal. géol ), d'Archiac, Desmoulins. ultissimus Desor, — S 17. — Micraster globosus Agass. Cat. syst. p. 2.—Espèce très haute et courte. | Terr. pisol. de Saint Mathias, Vérone. — Elie de Beaumont. cor Desor. — T 48. — Voisin par sa forme de Hem. Leymerii ; mais il est plus large en arrière. La face postérieure est surtout très développée. Tert. de Bourg (myocène). — Mus. Paris. obesus Desor. — T 42. — Spatangus obesus Leym. Mém. Soc. géol. Fr. 2° sér., Tom. 1, PI. 45, fig. 45. — Rappelle par sa forme le Schizaster ambulacrum ; mais les ambulacres antérieurs sont plus larges, et les postérieurs plus courts. Terr. numm. de la montagne Noire à Conques, et d'Égypte. — Leymerie, Mus. Paris. Bucardium Desor.-—V 2, Spatangus Bucardium Goldf. Vetref. p. 137, Tab. 49, fig. 1. Cr. d'Aix-la-Chapelle. Silex de Lanquais. — Mus. Bonn et Avignon, Desmou- lins. amplus Desor.—Spatangus lacunosus Goldf. (non A gass.) Petref. p.158, Tab. 49, fig. 3. — Le fasciole est très large. Cr. d'Aix-la-Chapelle, Quedlimbourg.— Mus. Bonn, Avignon, Bronn. inmidus Desor. — S 56. — Grande espèce enflée, obtuse, tronquée en arrière. Gault de Jabron (Var). — D'Orbigny. Backlandi Desor. — Spatangus Bucklandi Goldf. Petref. p. 154, Tab. 47, fig. 6. Cr. marn. d'Essen sur la Rœhr. — Mus. Bonn. foveatus Desor. — S 20. — Schizaster foveatus Agass. Cat. syst. p. 3. — Espèce très large, à ambulacres antérieurs très divergents. Ambulacres postérieurs exces- sivement courts. Terr, nurm. de Montfort près Dax, — Delbos, d'Orbigny. DEUXIÈME TYPE. — forme élargie. Ambulacres postérieurs à peu près aussi longs que les antérieurs, qui sont très divergents. Fourneli Desh. — T 7. T 37. T 47. -— Forme allongée, Ambulacres postérieurs 3° série, Zooc. T. VITE. (luillet 1837.) 2 2 18 AGASSIZ ET DESOR.. assez longs. Fasciole péripétale large, Des tubercules assez apparents à la face su- périeure. ' Cr. à Hippurites de Biskra (Algérie), d'Égypte, d’Alcantara (Portugal), de Bur- gos (Espagne).— Mus. Paris, Avignon, École des Mines, d'Archiac, Desmou- lins, Deshayes. Verneuilli Desor. — T 54. — Très voisin de l'Hem. Fourneli ; mais les ambula- cres postérieurs sont plus courts, les antérieurs plus divergents, et l'impair plus étroit. Quelques petits tubercules principaux. Cr. tufau de Sainte-Maure, — D'Archiac. subalpinus Desor. — Spatanqus subalpinus Risso.--Voisin de Hem. Fourneli, mais plus haut au sommet. (Mauvais exemplaire.) Terr, crét. — Mus. Avignon, cubicus Desor. — T 6. — Espèce allongée, renflée, et presque carrée. Var. complanata. — T 12. Terr. crée. d'Egypte (Lefebvre). -- Mus. Paris, vertiealis Desor. — M 44. 91. — Schizaster verticalis Agass. Cat. syst. p. 3. — D’'Arch. Mém. Soc. géol. Fr. 2° sér., Tom. 11, p. 202, Tab. 6, fig. 2.—Schizaster cultratus Agass. Cat. syst. p. 3. — Espèce courte et très haute. A mbulacres ex- tériears très divergents. Var. minor. — Q 5. — Schizaster cerasus Agass. Cat. syst, p. 3. Terr. numm, de Biaritz, Royan. — Deshayes, d'Archiac. æquifissus Desor, — S 44, — Schizaster æquifissus Agass. Cat, syst. p. 3. — Es- pèce courte, à ambulacres très profonds ; mais l’ambulacre impair n'est pas sen- siblement plus large que les autres. Terr. numm. de Kressenberg — Elie de Beaumont. subglobosus Desor. — T 9. — Spatangus subglobosus Lamk. — Espèce courte et trapue, à ambulacres larges et profonds ; les postérieurs sont sensiblement plus courts que les antérieurs. Cale. gr. de Paris. — Graves, Michelin. inflatus Desor.— T 5.— Espèce renflée et courte, voisine de l'Hem. subglobosus ; mais les ambulacres sont moins profonds, très divergents, et droits. Tert. des environs de Paris. — Mus. Paris. acuwminatus Desor. -- V 19. — Spatangus acuminatus Goldf. Petref. p. 188, Tab. 29, fig. 2. — Diffère de l'Hem. subglobosus par ses ambulacres antérieurs, qui sont moins écartés. (Myocène). Tert. de Cassel, Cale. de Bourg, de Bordeaux. — Mus. Bonn, Desmoulins, Delbos. anticus Desor. — R 88. — Espèce large et aplatie , à sillon impair large. Ambu- lacres pairs extérieurs longs et peu profonds. Terr.? — Michelin. stellatus Desor.—Schizaster stellatus Dub. Voyage au Caucase (sér. géol.), Tab. 1, fig. 15. — Espèce à ambulacres très homogènes et très étroits, ainsi que le sillon antérieur, Tert. de Volhynie. - Dubois de Montpéreux. CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCHINIDES. 19 complanatus d’Arch. Espèce large et déprimée, Les ambulacres postérieurs sont de même longueur que les antérieurs. Terr. numm. de Montfort, — Delbos. latisulcatus Desor. —T 8. — Ambulacres paires trés larges et très allongés. Am- bulacre impair plus étroit. Terr. numm, d'Égypte (Lefebyre).— Mus. Paris. Rana Desor. — Brissus Rana Forbes, Tr. geol. Soc. L. 1846, Vol. vir, p. 161, Tab. 19, fig. 5. — Espèce trapue, voisine de l’'Hem. Edwardsii, mais plus renflée, A mbulacres antérieurs très divergents. Environs de Pondichéry. — Cunlifre. Pomum Desor. — R72. — Espèce trés renflée. Test épais. A mbulacres pairs très larges et fort longs, les antérieurs très divergents. Tert. d'Orglande. — Michelin. suborbieularis Desor.—Spatangus suborbicularis Goldf. Vetref, p.183, Tab, 47, fig. 6. Tert. de Kressenberg. — Münuster. major Desor. — Schizaster canuliferus E. Sism. — Espèce trés dilatée , voisine par sa forme de l’'Hem. amplus ; maïs les ambulacres postérieurs sont sensible- ment plus allongés. Anus enfoncé. Tert. sup. sables de l'Astésan. — Mus. Turin el Avignon. Grateloupi Desor. — T 40. — Schizaster Grateloupi E. Sism. Echin. foss. Piem. p. 27, Tab. 2, fig. 1 et 2. — Grande espèce très large, remarquable par la lon- gueur considérable des ambulacres postérieurs ; les antérieurs sont légèrement arqués en avant. Tert. moy. de la colline de Turin. Molasse du midi de la France. Myocène de Malte. — Mus. Turin, Paris (gal. géol.). inæqualis Desor. — Brissus inæqualis Forbes, Tr. geol. Soc. L. 1846,Vol vu, p. 160, Tab. 19, fig. 6.—Espèce très voisine de la précédente, mais de plus petite taille, N’est peut-être que le jeune âge. Environs de Pondichéry. — Cunliffe. expansus Desor. — Brissus expansus Forbes, Tr. geol. Soc. L. 1846, Vol. vur, p. 160, Tab. 19, fig. 7. — Espèce voisine de l’Hem. Grateloupi ; mais le sillon antérieur est plus profond, et les ambulacres postérieurs sont moins longs. Environs de Pondichéry. — Cunlifre. TROISIÈME TYPE. — Sous-genre Pericosmus Agass. — Un fasciole marginal très étroit autour des flancs, passant par dessous l'anus, et faisant le tour du test. (PL 46 [tome VI}, fig. 4.) latus Desor. — M 23, — Micraster latus Agass. Cal. syst. p. 2, — Espèce large et trés étalée. Ambulacres profonds et droits ; les postérieurs à peu près aussi longs que les antérieurs. Tert. de Bonifaccio (le de Corse). — Michelin, 90 Aüassiz ET bESok. brevisuleatus Desor. — S 11. — Micraster brevisulcalus Agaës. Cat. syst. p. 9. — Espèce subconique, très étalée, à bords amincis. Ambulacres très courts. Pisol. de Montecchio-Maggiore. — Élie de Beaumont. Edwardsii Desor. — S 43. — Micraster Edwardsi Agass. Cat. syst. p. 2. — Schizaster Agassizii E. Sism. Echin. foss. Piem. p. 23, Tab. 1, fig. 1-3.— Espèce renflée, courte et trapue ; à ambulacres très divergents. Tert. moy. de la Superga (coll. de Turin). — Mus. Turin. LXxXT. AGASSIZIA Var. Forme ovoïde, Test mince. Ambulacres pairs antérieurs très longs, mais composés de deux rangées de pores seulement. Un fasciole péripé- tale très flexueux, accompagné d’un fasciole postérieur qui passe sous l'anus, comme dans les Schizaster. Quatre pores génitaux très rappro- chés. N'est encore connu qu'à l’état vivant. serobiculata Val. Voy. Venus, Zool. PI. 1, fig. 2. Pérou. — Mus. Paris. excavata l'esor. — Tripylus excavatus Philippi, Erichs. Archiv. 1846. — La dis- position des fascioles est la même que dans l'Agass. serobiculata ; mais je n’ai pu wassurer si les ambulacres antérieurs ont deux ou quatre rangées de pores (1). Amérique méridionale, xxx. SCHIZASTER AcGass. (PI 16 [tome VI], fig. 6.) ‘rest large et déprimé en avant, haut et étroit en arrière. Sommet api- cial très rapproché du bord postérieur. Ambulacres très profonds; les ambulacres antérieurs, à peu près parallèles à l’ambulacre impair, sont beaucoup plus longs que les postérieurs. Ambulacre impair très large. Un fasciole péripétale très flexueux, entourant les ambulacres. Un second fasciole, le fasciole latéral, partant de l’angle du fasciole péripétale, et se dirigeant en arrière sous l'anus. Pores génitaux ordinairement au nombre de deux, quelquefois trois et quatre. Lorsqu'il y en a deux seu- lement, ce sont les postérieurs qui sont visibles. Cinq trous ocellaires. Diffère du genre Hemiaster par le fasciole postérieur et par ses sillons ambulacraires antérieurs plus profonds et moins divergents. PREMIER TYPE. — Sillon de l'ambulacre émpair très profond. canaliferus Agass. — Spatangus canaliferus Lamk. — Encyclop. méth. Zooph. (1) Il est surprenant qu'un auteur, qui se montre aussi sévère dans le jugement qu'il porte sur les travaux d'autrui, ait pu passer sous silence un caractère aussi im- portant, CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCHINIDES. 2] PL. 156, fig. 1-3, — Gualtiert , Tab. 109, fig. c'. —- Rumphius, Tab. 14, fig. 2, — Ordinairemeut deux pores génitaux. Ambulacres antérieurs pairs rapprochés du sillon impair, Ambulacres postérieurs égalant le tiers des ambulacres pairs anté- rieurs. Méditerranée. — Mus. Paris, Michelin. Espèces fossiles. curynotuas Agase, — P 86.— Cat, syst, p. 2, — KE, Sism. Mem. Echin. foss, Nizza, p. 31, Tab. 2, fig. 3. -Spatangus Scillæ Desml. Tabl. syn. p. 392.— Espèce trés voisine du Sch. canaliferus , mais elle en diffère par ses ambulacres antérieurs pairs fléchis en dehors. Tert. moy. de Perpignan, Cagliari, Corse, — Mus. Turin, Michelin, Des- moulins. Studeri Agass. — S 6. — Cat. syst. p. 3. — E. Sism. Mem. Echin. foss. Nizza, p: 32, Tab. 2, fig. 4. — Espèce renflée, haute. Sillon antérieur profond, mais relativement étroit. Sables tertiaires de Nice, Vérone. — Mus. Turin et Berne, Michelin, Deluc. Bellardi Agass. — T 39. — Espèce voisine du Sc. Studeri, mais les ambulacres antérieurs ne se fléchissent pas en dehors et sont plus larges. Le fasciole péripé- tale est tres large. Tert. de la Superga. — Mus. de Turin. Scillæ Agass. — Diffère du Sch. canaliferus par l’étroitesse et larrangement du fasciole péripétale. Sillon antérieur plus évasé que dans le Sch eurynotus. Tert. de Palerme, monte Pelegrino, Pliocène d'Asti. Tert. sup.? de Millus près Perpignan. — Ecole des Mines, Mus. Paris, Desmoulins. vicinalis Agass.— X 93. — Schizaster eurynotus Agass. Cat. syst. p. 3.— Espèce voisine du Sch. eurynotus , mais de plus petite taille. Il en diffère par ses ambu- lacres qui ne sont pas arqués en dehors. Terr. numm. de Biaritz. Tert. de Saint-Palais, près Royan. — Deshayes, d'Orbiguy. subincurvatus Agass, — R 922. — Espèce très voisine du Sch, vicinalis, peut- être même identique. Terr. uumm. du château de Vérone, Priabona près Castel-Gomberto, Saint. Palais près Royan. — Elie de Beaumont, Desmoulius, d'Orbigny. corsicus Agass. — P 98. — Cat. syst. p. 3. — Espèce haute, tronquée en avant et en arrière. Ambulacres pairs antérieurs très écartés. Tert.? de Corse. — Deshayes. Iatas Desor. — Espèce à peu près aussi large en arrière qu’en ayant. Ambulacres très larges. Les antérieurs légèrement fléchis en dehors , comme dans le Sch. eu- rynolus. Tert. de Blaye. — Delbos. ambulacrum Agass, — 18. — Cat. syst. p. 3. — Spatangus ambulacrum Desh. — Espèce trapue, à ambulacres pairs profonds ; les postérieurs ont plus de la moilié de la longueur des antérieurs. Terr. numm. de Biaritz. — Deshayes. 22 AGASSIZ ET DESOR. djuifensis Dub. — P 91.— Voy. au Caucase (Ser. géol.), Tab. 1 fig. 14.-— Agass. Cat. syst. p. 2. — Ambulacres divergents, comme dans le Sch. ambulacrum. Terr. numim. du Caucase. — Dubois de Montpéreux. rimosus Desor. — T 51. — Espèce large, à ambulacres pairs divergents. Sillon de l'anbulacre impair peu profond. Se rapproche le plus de l’'Hem. major, maïs en zst cependant bien différent par ses ambulacres. Ressemble aussi beaucoup au Sch. lineatus de St-Palais ; mais il en diffère par l’absence du fasciole sous-anal. Terr. numm. de Biaritz. — D'Archiac. Parkinsoni Agass,— P 89. P 94. R 23. R 24. R 82. — Schizaster Goldfusii Agass. Cat. syst. p. 3. — Spatangus Parkinsoni Defr. Dict. Sc. nat. — Diffère du Sch. canaliferus et du Sch. eurynotus par ses ambulacres antérieurs plus écartés. Tert. (molasse) des Martigues (Bouches-du-Rhône). — Mus. Paris, Defrante, Michelin, Desmoulins. Raulini Agass. — Diffère du Sch. Parkinsoni par ses ambulacres antérieurs plus divergents. Le fasciole péripétale est coudé à angle droit sur les interambulacres antérieurs. Le fasciole latéral est fort éloigné du premier. Tert. (molasse) des Martigues. — Mus. Paris (gal. géol.). griæeus Agass.— P 98. — Cat. syst. p. 3. — Espèce à ambulacres trés homogènes et très étroits. Tert, de Morée. — Deshayes. DEUXIÈME TYPE. — Arnbulacre impair peu profond. fragilis Agass. — Brissus fragilis Düb. et Kor. Zool. Bidr. p. 280, Tab. 10, fig. 47-49. Des côtes du Finmark, dans les grandes profondeurs (Lovén), — Mus. Stockholm. gibberulus Agass. — Descript. Egypt. Zool. PI. 7, fig. 6.— Petite espèce bossue, à ambulacres peu profonds. Quatre pores génitaux, mais les antérieurs très petits, Trou ocellaire antérieur en avant des pores génitaux antérieurs. Ambulacres an- térieurs plus divergents que dans le Sch. canaliferus. L’ambulacre impair n’a qu'une paire de pores obliques el réguliers de chaque côté du sillon. Mer Rouge (Lefebvre). — Mus. Paris. Cubensis d'Orb. — Petite espèce voisine du Sch. g'bberulus, mais à ambulacres plus profonds. Fasciole latéral très étroit , naissant vers le milieu des ambulacres pairs antérieurs, Ile de Cuba. — D'Orbiguy. TROISIÈME TYPE. — Le fasciole péripétale circonscrit de près tous Les ambulacres, ce qui le rend très sinueux. (PL. 16 [tome VI], fig. 10.) Atropos Agass. — Spatangus Atropos Lamk. — Encycl. méth. PL 155, fig. 9-11. — Tous les ambulacres sont logés dans de profonds sillons. Sillon antérieur muni de paires de pores simples. Trou ocellaire antérieur plus reculé que les pores gé- nitaux , dont on ne voit que les postérieurs. Caroline du Sud. — Mus. Paris. CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCHINIDES, 23 LxXXII, MICRASTER AcGass. (P. 16 [tome VI], fig 5.) Ambulacres en général peu profonds. Sommet excentrique en arrière. Point de fasciole péripétale. En revanche, un fasciole sous - anal très distinct. Quatre pores génitaux constamment visibles et très rapprochés. Les plaques ocellaires très petites. Les espèces sont fossiles des terrains crétacés. cor-anguinum Agass — S 55. S 84. S 99, — Cat. syst. p. 2. — Spatangus cor- marinum Park. Org. Rem. 111, PI. 3, fig. 411. — Echinites cor-anquinum Gmel. p. 3195 var. b. c. d. e. — Spatangus cor-anguinum Lamk. 11, p. 32, n° 15. Cr. de Meudon, Woolwich, Rochester, Sranie. Cr. marn. des environs de Nice. Cr. jaune de Touraine, les Roches pres Vendôme. — Mus, Paris, Berne et Turin. Var. lata : — S 12. — Micraster cor-testudinarium Agass. Cat. syst. p. 2 (petite forme très large en avant). — Spatangus cor-testudinarium Goldf, Petref, - p.156, Tab. 48, fig. 5. — Spatangus anticus Defr. Cr. tufau de Périgueux. Cr. bl. de Rochester. Cr. de Schwiegelt près Hil- desheim , Maëstricht, Quedlimbourg. — Mus. Neuchâtel et Bonn, Roemer. Var. major. : — X 80. R 70. — Micraster arenatus Agass. Cat. syst. p. 2. — E. Sism. Echin. foss. Nizza , p. 28, Tab. 1, fig. 12. Cr. bl. d'Angleterre, environs de Nice. — Michelin, Mus, Turin. Michelini Agass. — 6. T 49. — Micraster cor-anguinum Agass. Echin. Suiss. 1, p- 24, Tab. 3, fig. 14 et 15. — Forme intermédiaire entre le M. cor anguinum et le M. acutus. Les ambulacres sont dans des sillons plus profonds et plus larges. Cr. de Saint-Aignant, de la Flèche, du Périgord, Meglisalp. — Michelin, d'Or- bigny, Mus. Avignon et Berne, Desmoulins. Renouxii Desh. — Expl. Alg. — Espèce voisine du M, cor-anguinum ; mais les ambulacres , et notamment les zones poriféres , sont plus larges. Cr. a Hippurites du Chataba, province de Constantine. — Deshayes. acutus Agass. — 10P, 11. — Cat. syst. p. 2 — Spatangus acutus Desh. Coq. caract. des terr. p. 255. Tab. 11, fig. 5 et 6. — Desml. Tabl. syn. p. 406. — Es- pèce allongée , subeylindrique , avec un rostre sous-anal très saillant. Cr. chlor. de Villers-sur-Mer, Gacé, Mortagne, Sainte-Maure-sur-Loire. — Mus. Paris, Deshayes, Michelin, Desmoulins. distinetus Agass. — P 76. T 44. — Cat. syst. p. 2. — ? Spitangus crassissimus Defr. — Remarquable par ses ambulacres postérieurs longs et peu divergents. Sillon antérieur profond , ainsi que les ambulacres. Cr. chlor. de Villers-sur-Mer. — D'Orbigny, Deshayes, Defrance. tropidotus Agass. — S 7. — Cat. sys{, p. 2. — Espèce allongée, voisine du M. distinctus , maïs à dos plat. Ambulacres en forme de sillons assez profonds. Cr. à Hippurites?, Tonnerre. — Deshayes. cordatus Agass. — Q 36,— Cat. syst. p. 2. — Ananchytes cordata Lamk. -- Spa- 2/ AGASSIZ LT DESOR, Langus rostratus Mant, Geol. Suss. Tab, 17, lig. 10 et 12, — Spatangus Requreni Risso. — Scutella pyramidalis Risso. Var. minor. : — Spatangus bituricensis Defr. Diet. Cr. bl. de Brighton, Berry, Paderbon, la Palarea près Drap. — Michelin, Des- hayes, Defrance. brevis Desor. — X 92. R 69. — Micraster latus E, Sism. Mém. Echin. foss. Nizza, p.29 , Tab. 1, fig. 13.—Micraster gibbus Agass. Cat, syst. p. 2.—EÆ,. Sism. Mém. Ech. foss. Nizza , p. 25. — Spatangus gibbus Goldf. (non Lamk.). Petref. p. 156, Tab. 48, fig. 4. — Espece trés voisine du M, cordatus et du M. cor-anguinum , mais plus courte et surbaissée en arrière. Cr. à Hippurites, Corbieres, Nice. Cr. chlor. de Coudrecieux (Sarthe). Craie marn, de Rouen, Bains de Rennes, Aleth, Saint-Remy, Soulaye (Corbicres), Westphalie, Tercis. — Michelin, Mus. Turin, d'Orbigny, Mus. Bonn, Gra- teloup. Var. minor. : — Spatangus ananchytoides Desml. Tabl. syn. p. 406. Cr. du Périgord. — Desmoulins. gibbus Agass. — Spatangus gibbus Lamk. Encycl. méth. PL 156, fig. 4-6. Es- pèce très haute et subturritée. Ambulacres très peu déprimés. Anus à peu prés marginal. Cr. de la Palarca près Drap, la Lunette près la Trinité, — Michelin. breviporus Agass. — M 10. R 81. — Cat. syst. p. 2. — Spatangus Leskei Desml. Tabl. syn. p. 392. Cr. de l'Oise, Tourtenay (Deux-Sèvres), Fécamp, Caumont près Rouen. undulatus Agass. -- S8.— Cat. syst. p. 2.— Espèce courte et large. Ambulacres correspondants à des sillons assez profonds. Cr. chlor. de l'Ile-d'Aix (embouch. Charente), Saint-Aignant (Indre-et-Loire). — D'Orbigny. aguitaniens Agass. — R 56. T 4. — Spatangus aquitanicus Grat. Mém. Ours. foss. p. 74, tab. 2, fig. 17 a,b. -— Desml. Tabl, syn. p. 402. — Espèce renflée , subturritée, à bords pulyinés, rappelant un peu, par sa forme , l'Ananchytes semiglobus. Terr. numm. de Laplante, Montfort. — Mus. Paris, Michelin, Desmoulins. Matheroni Desor. — KR 57. — Espèce obltuse, très renflée, à ambulacres en- foncés. Cr. à Hippurites des Corbières, — Michelin. trigonalis Desor., — R 90. — Espèce plate, trigonale, beaucoup plus large en avant qu’en arrière. Gault d'Escragnolles. — Michelin, d'Orbigny. polygonus Agass. (Deluc). — $S 59. S 67. — Espèce plate à bords anguleux. Am- bulacres antérieurs, longs. Gault de la Perte du Rhône. — Deluc. CATAIOGLE RAISONNÉ DES ÉCIHNIDES, 25 LAXXIV,. TOXASTER Acass. (PI 16 [t. VI], fig. 4.) Force allongée. Test mince, couvert «le tubercules miliaires, avec un certain nombre de tubercules un peu plus gros. Bouche subcentrale, petite, transversale, elliptique, non labiée. Ambulacres pétaloïdes, légè- rement déprimés, à l'exception de l’ambulacre impair, qui correspond à un large et profond sillon. Plaques génitales juxtaposées. Plaques ocel- laires très petites, situées entre les angles des précédentes. Toutes les espèces connues appartiennent aux terrains crétacés,à l'exception d'une seule, qu’on assure être jurassique. PREMIER TYPE. — Zone interne des ambulacres pairs non conjuguée. oblongus Agass.—V 22. — Spatangus oblongus Deluc. — Alex. Brongn. Descript. foss. caract. — Espèce fort allongée, déprimée, tronquée en arrière, à sillon an- térieur, large et profond. Gault de la Perte du Rhône, Alpes d'Appenzell, de Saint-Gall, du Dauphiné, Grande-Chartreuse, Vénasque. — Walchner, Rehsteiner, Delue, Alb. Gras. Roulini Agass. — 25. M 42b. — Holaster Roulini Desh. — Agass. Cat, syst. p. 1. — Espèce trés voisine du T. oblongus, mais plus cylindrique. Terr. crét. de l'Amérique méridionale. — Desbayes, | semistriatus Desor. Grande espèce très élargie. Sommet convergent au milieu de la face supérieure. Les zones poriferes postérieures des ambulacres antérieurs sont réunies par des sillons très larges. Les zones antérieures sont composées de simples pores. Craie de Béthusac (Dordogne). — Graves. DEUXIÈME TYPE. — Les zones poriferes sont également conjuguées. complanatus Ayass. — 87. X 66. M 11. — E. Sism. Mém. Ech. foss. Nizza, p. 18. — Holaster complanatus Agass. Foss. crét. Jura, Neuch. Mém. Soc, Neuch. 1, p. 128, Tab. 14, fig. 1. — Cat. syst. p. 1. — Echin. suiss. 1. p. 44, Tab. 2, fig. 10-12. — Spatangqus retusus Lamk. — Goldf. Petref. p.149, Tab. 46, fig. 2. — Echinus complanatus ,. Gmel. — Spatangus complanatus B\, — Spa- tangus helvetianus Defr. — Spatangus verrucosus Defr. (jeune âge). Néoc. de Wagenlücke (Saint-Gall), de Neuchâtel, Salève, Chaource (Aube), Morteau, le Russey (Doubs), Nozeroy (Jura), Auxerre, Dampierre, Van- dœuvre, Saint-Dizier, Grasse, Vassy (Haute Marne), Chambéry, Grenoble, Saint-Georges (Yonne), Thieffrain (Aube), les Angles, Berrias (Ardèche), le Theil (Ardèche), la Cluze (Narbonne), Vedennes, Clansayes, Castellane, Ba- réme, Subligny, Barbantane, Tercis, etc. Argile de Speeton, Wildshire , Sussex, de Hills (Hanovre). — Rehsteiner, Mus. Neuchâtel, Defrance, Mar- cou, Grateloup, Rœrmer, Var. ampla: — R5.R18 Environs de Nice, Saint-Rémy. — Mus, Turin. 26 AGASSIZ ET DESOR. Couloni Agass. — R 87. — Holaster Couloni Agass, Echin. suiss. 1, p.22, Tab. 4, fig. 9 et 10. — Zones porifères très larges. Néoc. de Lasarraz, du Mormont (canton de Vaud), Saint-Jean de Couz (Cham- béry), Morteau (Doubs). — Mus. Neuchâtel, Michelin. Collegnii E, Sism. — R 1. — Mém. Echin. foss. Nizza, p. 21, Tab. 1, fig. 9-11. — Bors. Cat. rais. p. 691, n° 3. Gault des euvirons de Nice. — Mus. Turin. gibbus Agass. — T 33. — Diffère du T. complanatus par sa forme plus renflée, et par ses gros tubercules. Ambulacres antérieurs plus élargis. Néoc. de Cästellane, Grasse, Escragnolles, les Martigues (Basses-Alpes), mon- tagne de Veron près Grenoble. — D'Orbigny, d'Archiac, Desmoulins, Ab. Gras. F Verrany E. Sism. — T 50. — Mém. Echin. foss. Nizza, p.16, Tab. 1, fig. 4 et 5. — Espèce déprimée , tronquée en arrière, à ambulacres postérieurs fléchis en dehors comme dans le T. oblonqus ; maïs les zones porifères sont homogènes. Néoc. de Castiglione pres de Nice. — Mus. Turin. nicœensis E. Sism, — V 24, — Mém. Echin. foss. Nizza, p. 19, Tab. 1, fig. 6-8. — Espèce renflée, voisine du T. gibbus, mais moins tuberculeuse. Gault des environs de Nice. — Mus. Turin. DEUXIÈME GROUPE. Ambulacres simples, non pétaloïdes, à sommet disjoint, séparé par les appareils génital et ocellaire réunis. Les plaques ocellaires, au lieu de s’intercaler dans les angles des plages génitales, se placent avec ces der- nières sur une même ligne, et il en résulte un appareil allongé qui déter- mine ainsi l’écartement des sommets ambulacraires. Bouche subpenta- gonale ou imparfaitement bilabiée. Les espèces sont limitées aux terrains jurassiques et crétacés. LxxxXV. HOLASTER Acass. ( PI. 16 [tome VI], fig. 3.) Test cordiforme, mince. Ambulacres convergeant vers le milieu du dos sans se rencontrer. Les ambulacres pairs sont à fleur de test; l’ambu- lacre impair seul correspond à un profond sillon, Pores ambulacraires simples , non conjugués par des sillons transverses. Appareil génital al- longé dans le sens de l'axe antéro-postérieur, par suite de la position des plaques ocellaires paires antérieures qui se placent entre les plaques gé- nitales sur la même ligne, comme dans les Ananchytes. Quatre pores génitaux correspondant aux quatre plaques génitales paires, les anté- rieurs étant séparés des postérieurs par une plaque impaire, comme dans les Ananchytes. Cinq trous ocellaires. Toutes les espèces appartiennent à la formation crétacée. CATALOGUE HRAISONNE DES ÉCHINIDES, 27 suborbicularis Agass. — M 8. P 100. — Spatangus suborbicularis Defr. (non Münst.). — Alex. Brongn. Descr. géol. Tab. 5, fig. 5. - Spatanqus nodulosus Goldf. Petref. p. 149, Tab. 45, fig. 6. — Spatangus deletus Defr. (exemplaire effacé). — Spatangus planus Mant, Géol. Suss. Tab. 17. Cr. marn. de Rouen. Cr, de Lewes. — Michelin, Defrance, Mantell. Var. tumida: - T3. Cr. chlor. de Villers-sur-Mer. — Mus. Paris (et gal. géol.). Ananchytes Agass.-- V 11.—Spatangus Ananchytes Leske, p. 243, Tab. 53, fig. 1 et2. — Espèce aplatie, large, avec un profond sillon antérieur. N’est connu jus- qu’à présent qu’à l’état de moule. Silex du Périgord. — Desmoulins. granulosus Agass. — Spatangus granulosus Goldf. Petref. p. 148, Tab. 45, fig. 3. Dan. (Maëstricht). — Mus. Bonn, Paris (gal. géol.). indicus Forbes, Tr. Geol. Soc. L. 1846, vol. vir, p. 159, Tab. 19, fig. 4. — Dif- fère de l’H. granulosus, en ce qu’il est plus rétréci en arrière. Cr. des environs de Pondichéry. — Cunliffe. cinetus Agass. — P 88. — Cat. syst. p. 1. — Ananchytes cinctus Mort. -- Espèce renflée, à côté antérieur, arrondi, avec un sillon large et évasé. Côté antérieur surbaissé. Cr. chlor. de New Jersey. — Deshayes. Grecenoughii Agass. Espèce renflée, très voisine de l'H. cinctus ; mais le sillon antérieur est plus profond , et les carènes qui le bordent sont plus accusées. Le bord postérieur de la face supérieure est surbaissé. Gault de Warminster, Blackdown. Cr. tuf. de Beuzeville (Calvados). — Mus. Paris (gal. géol.), Agassiz, Desmoulins. subglobosus Agass. — 7. 17. Q 22. Q 23. S 100. X 94. — Echin. suiss. 1, p. 13, Tab. 2, fig. 7-9. Cat. syst. p. 1. — Spatangus subylobosus Leske , Goldf. (non Laimk.) Petref., p. 149, Tab. 45, fig. 4. — Echinus subglobosns L. Gmel. Cr. marn. de Rouen, Fécamp (Seine-Inférieure)., Sancerre, Maidstone. Cr. des Corbières, Laubresel (Aube), Girodot, Cassis, Trinité près Nice. Cr. chlor. de l'Altmann (canton de Saint-Gall), Méglisalp, Appenzell. Cr. de Rethen près Hildesheim. — Michelin, Mus. Turin, Rehsteiner, Walchner, Mus. Berne, Rœmer. Var. alta: — 8. P 99. — Holaster altus Agass. Echin. suiss. 1, p. 20, Tab. 3, fig. 9 et 10. — Cat. syst. p. 1. Cr. marn. de Rouen, environs de Nice. Cr. chlor. de Schratten (Entlibuch ), montagne des Fis. — Deshayes, Mus. Turin, Neuchâtel (Suisse) et Berne. latissimus Agass. — 28. — Cat. syst. p. 1. — Se distingue par sa forme très élargie en avant. Gault du cap la Hève. — Deshayes, Defrance. Placenta Apass. — M2. — Cat. syst. p. 2. — Très grande espèce, déprimée et élargie. Cr. de France. — Michelin. L'Hardyi Dub. — 38. — Voy. au Cauc. (sér. géol.), Tab. 1, fig. 810. -- Agass. Cat. syst. p. 1. — Echin. suiss. 1, p. 12, Tab. 2, fig. 4-6. Marn néoc. du canton de Neuchâtel, Morteau, Auxerre, Vandœuvre (Aube), 28 AGASSIZ ET DESOR. Saint-Dizier, Betancourt, Vassy, Nozeroy (Jura), Fauteuil pres Grenoble. — Mus. Neuchâtel, d'Orbigny, Michelin, Ecole normale de Paris, Marcou, Alb. Gras. cordatus Dub, — S 15. — Voy. au Cauc. (sér. géol.), Tab. 1, fig. 2-4. — Agass. Cat. syst. p. 1. — Petite espèce voisine de l'H. L'Hardyi, mais plus courte. Néoc. de Crimée. -- Dubois de Montpéreux. cor-avium Agass. — T 19. — Ananchytes cor-avium Lamk. — Espèce renflée, subeylindrique, cordiforme. Sillon antérieur à peine indiqué. Ambulacres très larges. Terr. crét. — Mus. Paris. infiatus Desor, — T 31. — Espèce trés voisine de la précédente, mais plus renflée. L’anus est plus près du bord supérieur. Le sillon antérieur est nul. Terr. crét. du Sénégal (Hommaire de Hell). — Mus. Paris. amygdaln Agass. — Spatangus amygdala Goldf, Petref., p. 155, Tab. 48, fig. 3. Cr. d’Aix-la-Chapelle. — Mus. Bonn. carinatus Agass. — P 78. Q 43. X 69. — Holaster nodulosus Agass. Cat. syst. P. 1 (non Spatangus nodulosus Goldf.). — Spatangus suborbicularis Goldf., Petref., p. 148, Tab. 45, fig. 6. —— Ananchytes carinata Lamk. Cr. chlor. de France, Tournay, Vandœuvre (Aube), Sainte-Maure-sur-Loire, le Mans, Grand-Pré (Ardennes) — Mus. Paris, Raulin, Deshayes. lævis Agass. — 27. 31. P 79. P 87. — Cat syst. p. 1. — Echin. suiss. 1, p. 47, Tab. 3, fig. 1-3. — Spatangus lœvis Deluc. — Holaster suborbicularis (pro parte) Echin. suiss. 1, Tab. 3, fig. 11-13. Gault de la Perte du Rhône, Cluses, Sacconet, Escragnolles, Reposoir, Fis, en- virons de Nice, Franges près Grenoble. — Mus. Berne, Meyer, Michelin, Mus. de Genève et Turin, Alb. Gras. Sandoz Dub. — P 75, — Voy. au Cauc. (sér. géol.), Tab, 1, fig. 11-43. — Agass. Cat. syst. p. 1. —Echin. suiss, 1, p. 11, Tab. 2, fig. 1-3, — N'est peut-être qu'une variété géante de l'H. lœvis, Gault de Souaillon (canton de Neuchâtel), environs de Nice.— Dubois de Mont- péreux, Mus. Turin. nasutus Desor. — R 95. — Remarquable par sa largeur et la protubérance rostrée au-dessus de l'anus. Cr. chlor. du vallon de la Fauge près Villard-de-Lans (Isère), Berrias, Clan- sayes. — Michelin, Caillaud. marginalis Agass. — X 83, — Cat. syst. p. 1.— Espèce très voisine de l’H. lœvis, mais à bords très tranchants. Gault de Clansayes, Bedouin (Vaucluse), cap la Hève, mont Ventoux, Franges près Grenoble, — Michelin. integer Agass, — P 96, — Cat. syst. p. 1. — Grande espèce très dilatée, à peu près aussi large que longue, à bords tranchants. Cr. à Hippurites des bains de Rennes, Pyrénées. — Deshayes. Trecensis Leym. Mém. Soc. géol. Fr., tom. v, p. 2, pl. 2, fig. 1, — Espèce très renflée , presque circulaire. Anus très bas. Cr. bl. du département de l'Aube. — Leymerie. CATALOGUE HAÏSONNÉ DES ÉCHINIDES. où planus Âgass. — Spatangus planus Mant. Géol. Suss. PI. 17, fig. 9 et 1. -- Es. pêce renflée, à face inférieure trés plane. Bord antérieur arrondi. N'est peut-être qu’une variété de l'H. Trecensis. Cr. bl. de Sussex. — Mantell. truneatus Agass. — M 39", — Cat. syst. p. 1. — Spatangus truncatus Goldf, Petref., p. 152, Tab. 47, fig. 1. Dan. (Maëstricht), Gacé. — Mus. Bonn. transversus Agass, — 26, — Echin. suiss. 1, p. 18, Tab. 3, fig. 4et5. — Cat. syst. p. 1. Cr. chlor. de la montagne des Fis. — Mus. Berne, Meyer, Michelin. Perrezii E. Sism, —; R 79. — Mém. Echin. foss. Nizza, p.11, Tab. 1, fig. 1-3, — C’est de toutes les espèces de Holaster la plus plate ; elle est en même temps fort large et cordiforme. Gault de Nice, Escragnolles, Saint-Pont (Var), environs de Grenoble. — Cail- laud, Michelin, d'Orbigny. Mus. Turin et Avignon, Alb. Gras. intermedius Agass. — Q 40. — Cat. syst. p. 1. — Echin. suiss. 1, p. 19, Tab. 3, fig. 6-8, — Spatangus intermedius Münst. in Goldf, Petref., p. 149, Tab. 46, fig. 1. Jura supér. des environs de Neuchâtel et de Blaubeuren. — A, de Montmollin, Münster. Pillula Agass. — Q 4. — Holaster rostratus Desh. — Agass. Cat. syst. p. 1. — Ananchytes Pillula Lamk. — Se distingue par sa forme très haute et turritée qui rappelle celle des Ananchytes. Cr. bl. de Beauvais. Cr. de Peine et d'Yseburg près Hanovre. — Graves, Des- moulins, Rœmer. Var. maxima : — T 52. Cr. de Rouen. — D'Orbigny. ftalieus Agass. — P 84. S 62. — Cat. syst. p. 1. — Espèce haute, à test épais, avec un sillon profond sous l’anus. Terr. pisol. de Roveredo (Italie). — Mus. Neuchätel. bicarinatus Agass. — 29. — Cat. syst. p. 1. — Grande espèce dilatée avec un large sillon antérieur, et un second sillon très évasé sous l'anus. Gault du Havre, Ciply. — Michelin, Deshayes. LAXXVI,, ANANCHYTES Lamr. Test épais, très élevé. Point de sillon antérieur. Bouche antérieure, bilabiée. Anus infra-marginal. Ambulacres larges, convergeant au som- met, mais non réunis. Appareil génital allongé. Les deux plaques géni- tales antérieures sont séparées des postérieures par les plaques ocellaires. Toutes les espèces appartiennent à la formation crétacée. ovata Lamk. — Q 41. Q 67. — Goldf. Petref., p. 145, Tab, 44, fig. 1. — Agass. Cat, syst, p 2. — Echinites ovatus Gmel. Cr. bl. de Meudon, Beauvais, Sarmery près Tonnerre, Rouen, Saint-Aignan 30 AGASSIZ ET DESOR. (Loir-et-Cher), Douvres, Royan, Bougival, Nantes, Westphalie (Goldfuss), Tercis, Augoumé, Scanie, environs de Nice. — Partout. gibba Lamk. — T 1. -- Ananchytes rustica Defr. — Ananchytes striata var. subglobosa Goldf. (non Lamk.) Petref., p. 146, Tab. 44, fig. 3. — Espèce haute, à base rétrécie. Cr. des environs de Paris, Beauvais, Guiscard, Tercis, Aix-la-Chagelle, Quedlimbourg. — Mus. Paris, Defrance, Delbos. striata Lamk. — 14. 15. T2. — Encycl. méthod. zooph. PI. 454, fig. 11 et 12.— Ananchytes conoideus Goldf. Petref., p. 145, Tab. 44. fig. 2. — Ananchytes hemisphærica Brongn. in Cuv. Oss. foss. 11,-2° part. v, fig. 8. — Ananchytes striata var. marginata Goldf. Petref., p.146, Tab. 44, fig. 3, d,e,f. —Ananchytes pustulosa Lamk. (Moule). Encycl. méthod. zooph., PI, 154, fig. 14-17. — Espèce moins haute, à base non rétrécie, Cr. de Brighton, Beauvais, Guiscard, Tercis, Reims, Meudon, Saint- Aignan, Sens, Orglande, mont Jubert près Provins, Lunebourg, Aix la-Chapelle, Schwiegett pres Hildesheim. — Mus, Paris, Rœmer, Delbos. Var. carinata : — 16. M 24. — Ananchytes carinata Defr. Dict. Sc. n. — Agass. Cat. syst. p. 2. Cr. bl. Haut-Boulonnais, Beauvais, Guiscard, Saint-Aignan. — Defrance, Mi- chelin, Graves. Var. elato-depressa. Grat. Ours. foss., p. 63, PI. 2, fig. 8. Cr. de Tercis. — Grateloup, Delbos. Gravesii Desor. — R 66. R 91. — La forme de cette espèce rappelle un peu celle de l'A. ovata , mais la base est excessivement étroite. Cr. bl. de l'Oise. — Graves. tuberculata Defr. — 12. 13. S 64. — Dict. Sc. n. — Agass. Cat. syst. p. 2. —Les quatre pores génilaux sont rapprochés comme dans les Toxaster, et alternent régulièrement avec les yeux qui sont en pentagone. Terr. pisol. de Monte di Magre. — Delue, Defrance, Mus. Berne. semiglobus Lamk. — R 58. S 72. T 9. — Ananchytes corcullum Lamk. (le jeune âge). — Goldf. Petref., p.147, Tab. 45, fig. 2, — Espèce surbaissée, plus ou moins déprimée à la face inférieure. Cr. de Tercis, Ciply, Suède, Sables de Stada. Dan. du Jutland (Forchhammer). — Mus. Paris, Coppenhagen, Michelin, d'Archiac. Var. maxima : — P 93. — Ananchytes crassissima Agass. Cat. syst. p. 2. Calc. à Baculites de Picanville (Manche). — Deshayes. conica Agass. — M 1.14. 15. — Cat. syst. p. 2. — Se distingue par sa forme co- nique et turritée, Cr. bl. de Meudon, Picardie, Dax. — Michelin, Graves. Var.: — Ananchyfes ovata Agass. (non Lamk.). Echin. Suiss. 1, p. 30, Tab. 4, fig. 4-6. Cr. alpine, Oberland bernois. -— Mus. Zurich, Berne. suleata Goldf. — P77.— Petref. p. 146, Tab. 44, fig. 1. — Agass. Cat. syst. p.2. — Espèce voisine de VA. semiglobus; mais les assules sont plus renflées, ce qui lui donne une apparence irrégulière. Dan. de Maëstricht. CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCHINIDES, 31 LXXXVIIL, HEMIPNEUSTES AGass. Test élevé, très épais. Un sillon antérieur profond. Ambulacres pairs à fleur de test. Zones porifères inégales ; les extérieures ayant des pores allongés transversalement, les intérieurs de simples trous ronds. Anus au bord postérieur, Quatre pores génitaux séparés par une plaque intermé- diaire. Point de trace de fascioles , ni péripétale, ni sous-anal. Deux es- pèces de la formation crétacée. radiatus Agass. — Q 6 Q9. S 96, — Cat. syst. p. 2.— Spatangus radiatus Lamk. — Goldf, Petref, p. 150, Tab. 46, fig, 3. — Fauj. de St-Fonds Montagn, de St- Pierre de Maëstr. Tab, 29. — Park, Org. Rem. ur, PI. 3 , fig. 4 et 5. — Knorr. 1, Tab. E4. Dan. (de Maëstricht). — Mus. Paris, Deshayes, Michelin, africanus Desh. — Exp. Algér. — Espèce trés haute. Les zones porifères se prolongent jusque près de la bouche. Terr, crét. de Betna (environs de Constantine). — Deshayes. LxxXXVIIL D'YSASTER Acass. Forme elliptique ou subdiscoïde. Test mince, portant des tubercules assez apparents au milieu d’une fine granulation miliaire. Bouche sub- centrale, pentagonale. Ambulacres disjoints, formant deux sommets très éloignés, l’un en avant, l’autre en arrière. Plaques ambulacraires grandes et allongées, Les espèces connues appartiennent aux terrains jurassiques et crétacés. PREMIER TYPE. orme elliptique ou subdiscoïde, plus ou moins déprimée. bicordatus Agass. — R 15. R 16. — Desor, Monogr. des Dysaster, p. 9, Tab. 2, fig 1-4. Marn. vésul. de Muttenz prés de Bâle, le Bysé près de Caen. — Mus. Bâle et Neuchâtel. analis Agass. -— Q 82. — Echin. Suiss., 1, p. 6, tab. 1, fig. 12-14. — Cat. syst. p. 3. — Gressly, Jur. Sol. p. 76. — Collyrites analis Desml. Tabl. syn. p. 368. — Desor, Monogr. des Dysaster, p. 10, Tab. 2, fig. 8-10. Marn. vésul. de Goldenthal, du Fringeli (canton de Soleure) , Wallenburg, Egg et Burg (Argovie), le Mont-Terrible, Saint - Maixant. — Gressly, Hugi, Stromeyer, Mus. Bâle, Thurmann, Broun, d'Orbigny. L elliptieus Agass. — M 12. M 41». P 80. -- Cat. syst. p. 3. — Desor, Monogr. des Dysaster, p. 12, Tab. 2, fig. 5-7. Kellov. de Chaufour (Sarthe). Châtillon -sur- Seine, étang de la Meche près Béfort. — Michelin, Mus. Paris, Marcou. 3 AGASSIZ ET DÉSOR. Var. brevis, — M 7. M 40». Var, maxima. — P 82, V 29. — Dysaster malum Agass. Cat, sysl. p. à. -< Desor, Monogr. des Dysaster, p. 16, Tab. 2, fig. 1113. Kellov. de Lefol. près Neuchateau (Vosges), Vieil-Saint-Rémy (Ardennes). — Deshaves, Defrance. Var. minor. : Ananchytes Monardii Defr. Dict. Latrecy (Haute Marne), Alençon. exeentrieus Desor. — R 80. —Monogr. des Dysaster, p.13, Tab. 4, fig. 1-3. — Nucleolites excentricus Goldf. Petref. p. 140 , Tab. 49, fig. 7. Cr. marn. d'Essen sur la Rœhr. — Münster. ovalis Agass. — 24. — Cat. syst. p. 3. -—- Desor, Monogr. des Dysaster, p. 18, Tab. 3, fig. 21-23. — Spatangus ovalis Park. Org. Rem. 111, PI. 3, fig. 3. Caleareous grit de Scarborough. Kellov. Is sur-Tille (Côte-d'Or). — Studer. Var. —Q 77.—Dysaster propinquus Agass. Echin. Suiss. 1, p. 2, Tab. 1, fig. 4-3. — Cat. syst. p. 3. — Desor, Monogr. des Dysaster, p. 14, Tab. 3, fig. 24-26. Argovien du Fringeli, Liesberg, Largue, Walen, Délémont, Porrentruy, Salins, mout Brégille près Besançon. — Gressly, Mus, Bâle, Thurmann, Marcou, Parandier. Var.: Dysaster truncatus Dub. Voy. au Cauc. (Sér. géol.) Tab. 1, fig. 1. — Desor, Monogr. des Dysaster, p. 17, Tab. 13 des Galérites , fig. 8-11. Terr. jurass, de Popilani (Lithuanie). — Dubois de Montpéreux. granulosus Agass, — M 35.Q 39. — Cat. syst. p. 3. — Desor, Monogr. des Dy- saster, p. 17, Tab. 3, fig. 18-20. — Nucleolites granulosus Münst in Goldf. Petref., p.138, Tab. 43, fig. 4. Coral. d'Urach (Albe wurtembergeoise), Griesbingen, Dettingen, Liesberg (Jura bernois). — Mandelsloh, Gressly. anasteroïdes Leym, — R 77. — Voisin du D, granulosus , mais plus renflé. Néoc. des Lattes, Grasse, Martigues, Castellane, Escragnolles, la Martre (Var), Nerou près Grenoble. — Michelin, Alb. Gras. semiglobus Desor. — Monogr. des Dysaster, p. 18, Tab. 4, fig. 10-12, — Nucleo- lites semiglobus Münst. in Goldf. Petref., p. 139, Tab. 49, fig. 6. Cale. jurass. (Jura sup.) de Pappenheim et de Monheim (Bavière). — Münster, aeutus Desor. — Monogr. des Dysaster, p. 19, Tab. 3, fig. 15-17. Origine inconnue. — Mus. Neuchâtel. carinatus Agass. — 88, P 85. — Echin. Suiss. 1, p. 4, Tab. 1, fig. 4-6. — Cat. syst. p. 3. — Desor, Monogr. des Dysaster, p. 20, Tab. 3, fig. 1-4. — Spatangus carinatus Goldf. Petref. p. 150, Tab. 46, fig. 4. Coral. inf. d'Urach, Günsberg, Schaffouse, Porrentruy.— Mandelsloh, Gressly, Thurmann, Mus. Bâle. capistratus Agass. — Q 2, — Echin. suiss. 1, p. 7, Tab. 4, fig. 1-3. — Cat. syst., p. 3. — Desor, Monogr. des Dysaster, p. 21. Tab. 3, fig. 12-14. — Spatangus cordiformis Defr, -— Spatangus capistratus Goldf. Petref., p.151, Tab. 46, fig. 5. Terr. jurass. de Bayreuth. Oxford. de Suisse, Schaffouse, le mont Terrible (canton de Berne), — Münster, Gressls, Thurmaun, Mus. Carlsruhe , Bâle, Defrance, CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCHINIDES. 29 Buchii Desor. Monogr. des Dysaster, p. 21, Tab. 3, fig. 9-11. Cale. à Nérinées de Stockach (grand-duché de Baden). Coral. de Sirchingen. — Buch, Mandelsloh. ovulum Agass. — Desor, Monogr. des Dysaster. p. 22, Tab. 3, ñg. 5-8. Néoc. de la Chaux-de-Fonds, Censeau (Jura), Fauteuil près Grenoble.--C. Ni- colet, Deluc, Marçou, Alb. Gras. Avellana Agass, — X 76. Q 3. Q 83. P 9. — Cat.syst. p. 3. — Desor, Monog. des Dysaster, p. 23, Tab. 1, fig. 1-4. Ool. ferrug. de Bayeux en Normandie, Saint-Vigor, Croisille. —Michelin. Eudesii Agass. — 21, 22, 93, X 65, — Cat. syst. p. 3. — Desor, Monogr. des Dy- saster, p. 23, Tab, 1, fig. 5-12. Ool, ferrug. de Bayeux et des Moutiers (Normandie), Saint-Vigor et Croisille. — Deslongchamps, Bronn, Michelin. ringens Agass. — 19.20, — Echin, suiss. 1, p. 5, Tab. 1, fig, 7-11. — Cat, syst. p. 3. — Desor, Monosr. des Dysaster, p. 24, Tab. 1, fig. 13-17. Marn. vésul. de Goldenthal (Jura sol.) , le mont Terrible, Salins, Besançon, Saint-Vigor , Port-en-Bessin. — Gressly, Hugi, Thurmann, Marcou, Stroh- meyer. Voltzii Agass. Echin. suiss. 1, p. 8, Tab. 4, fig. 11-43. — Desor, Monogr. des Dy- saster, p. 25, Tab, 1, fig. 18-21. Oxford. des Voirons près Genève (Voltz). — Mus. Strasbourg. squalis Agass. Espèce aussi haute en arrière qu’en avant. Oo!. inf. de Port-en-Bessin. — D'Orbigny. dorsalis Agass; Ambulacres antérieurs évasés; ambulacres postérieurs conver- geant, très prés de l’anus qui est haut. Kellov. de Marolles. — D'Orbigny. DEUXIÈME TYPE, — Sous-genre Merarorminus Mich. — Forme très haute, carénée. Michelini Agass. — V 31. — Ambulacres antérieurs convergeant au bord de la face antérieure , qui est très haute et tronquée obliquement. Forest-marble de Dryes (Yonne). — Michelin. Münsteri Decor.—Dysaster Münsteri Desor, Monogr. des Dysaster, p. 25, Tab. 4, fig. #7. — Spatangus bicordatus Goldf. Petref. p. 151 , Tab. 45, fig. 6. — Spa- tangus oviformis Defr. Dict. Sc. nat. Terr. crét. de Mecklenbourg, de France. — Münster, Defrance. 3" série. Zooz. T. VIIL. (Juillet 4847.) 3 3 äl AGASSIZ ET DESOR. ADDENDA, Cidaris Brandis Klipst. (1) Beitr. geolog. OEsu. Alp. 1843, p. 269, Tab. 18, fig. 2. Saint-Cassian. — Klipstein. — fasciculata Klipst. Beitr. geolog. OEstl. Alp. 1843, p. 269, Tab. 18, fig. 3 et 7. Saint-Cassian. — Klipstein. — Meyeri Klipst. Beitr. geolog. OEstl. Alp. 1843, p.270, Tab. 18, fig. 4. Saint-Cassian. — Klipstein. — Klipsteini Marcou. — Cidaris d'Orbignyiana (2) Klipst. Beitr. geolog. OEsil. Alp. 1843, p. 270, Tab. 48, fig. 5. Saint-Cassian. — Klipstein. — Bronpii Klipst. Beitr. geolog. OEstl. Alp. 1843, p. 270, Tab. 18, fig. 6. Saint-Cassian. — Klipstein. — ovifera Klipst. Beitr. geolog. OEstl. Alp. 1843, p. 271, Tab. 18, fig. 8. Saint-Cassian. — Klipstein. — globifera Klipst. Beitr. geolog. OEstl. Alp. 4843, p. 274, Tab. 48, fig. 9. Saint-Cassian. — Klipstein. — spinulosa Klipst. Beitr. geolog. OEstl. Alp. 1843, p. 271, Tab. 18, fig. 10. Saint-Cassian. — Klipstein. — bicarinata Klipst. Beitr. geolog. OEsil. Alp. 1843, p. 272, Tab. 18, fig. 11. Saint-Cassian. — Klipstein. — bispinosa Klipst. Beitr. geolog. OEstl. Alp. 1843, p. 272, Tab. 18, fig. 12. Saint-Cassian. — Klipstein. Palæocidaris Rossiea Desor. -- Cidaris Rossicus Buch, Karsten Archiv. 1842, p. 523. — Murch. et Vern. Géol. de la Russ. d'Europe, vol. 11, p. 17, PLr, fig. 2. Calc. carbon. de Russie. — De Verneuil. (1) MM. Agassiz et Desor n'ayant pas eu connaissance du Mémoire de M. Klipstein, sur la géologie des Alpes orientales, dont la dernière partie , qui contient précisément les Radiaires, vient de paraître tout récemment (depuis le départ des auteurs pour l'A- mérique), n'ont pu par conséquent intercaler dans ce catalogue les espèces de Cidaris qui sont décrites dans ce Mémoire. En les plaçant ici dans | Addenda, je ferai remarquer que M. Klipstein rapporte tous les Cidarides de Saint-Cassian au terrain jurassique, contrairement à l'opinion du comte de Münster, qui pensait que les couches dans les- quelles on les rencontre appartiennent au Muschelkalk; de plus, il synchronise les _ assises renfermant ces Echinides ayec les groupes Oxfordien et Corallien des géologues du Wurtemberg et des monts Jura. (Voyez Beilræge zur geologischen Kenntniss der OEstlichen Alpen von D. Klipstein, page 266.) Note de M. J. Mancou. (2) J'ai changé ce nom, parce que M, Agassiz l'avait déjà donné à une autre espèce dès l’année 1840, (Voyez Cat. syst., p. 10.) J. M. CATALOGUE RAISONNÉ DES ÉCHINIDES. 35 Diadema diatretum Agass.—Cidarites diatretum Mort. Synops. p. 75, Tab. 10, fig. 10. Cr. chloritée de New-Jersey. Cælopleurus infulatus Agass. — Echinites infulatus Mort. Synops. p. 75, Tab. 10, fig. 7. Terr, nummulitique, Caroline du Sud. Microcyphus Girardi Desor. Espèce plate ; taches nues, très étroites, colorées de rose , (andis que Les parties tuberculeuses sont vertes. Origine inconuue. — Michelin. Echinoeyamus erustuloides Agass, — Scutella crustuloides Mort. Synops, p.77, Tab, 15, fig. 10. Terr. nummulitique, Caroline du Sud. Cassidulus aguoreus Mort. Synops. p. 76, Tab. 3, fig. 14. Terr. erét. de Prairie-Bluff (Alabama). Pygurus florealis Agass. — Clypeaster florealis Mort. Synops. p. 76, Fab. 3, fig. 12. Sables crétaces ferrugineux du canal de Chesapcake et de la Delaware. Prgurus gcometricus Agass, — Clypeaster geometricus Mort. Synops. p. 76, Tab. 10, fig. 9. Terr. crét. du canal-de Delaware, Hemiaster parastatus Desor. -- Spatangus parastatus Mort. Syuops. p. 77, Lab. 3, fig. 24, Ter. cree. de Prairie-Bluff (Alabama). Hemiaster stella Desor.—Spatangus stella Mort. Synops. p. 78, Tab. 3, fig. 18. Calc. erctacé de Tumber-Creck (New-Jersey). Micraster ungula Agass, — Spatangus ungula Mort. Synops. p. 78, Tab. 10, fig. 6. Subles arénu-crétacés de Chesapeake et Delaware. Hojaster fimhriatus Agass. — Ananchytes fimbriatus Mort. Synops. p. 78. Tab. 3, fig. 20, Calcaire erétacé de New-Jersey. 36 NOTE SUR I'ANATOMIE DES SANGSUES ET DES LOMBRICS; Par M. A. DE QUATREFAGES (|). On sait que ces Annélides présentent dans le groupe dont ils font par- tie une exception apparente remarquable. Les uns et les autres ont à l'intérieur des poches ou des canaux placés sur les côtés des tnbes di- gestifs, qui ont été regardés par plusieurs naturalistes comme des or- ganes de respiration; cette détermination a été entre autres presque gé- néralement admise pour les Sangsues depuis les travaux de Dugès. Une expérience très simple m'a conduit à en revenir à l’ancienne opinion de Thomas, qui a regardé ces poches et les cœcums qui les accompagnent comme des organes sécréteurs. Une Sangsue, placée pendant un mois dans de l’eau carminée, où elle a parfaitement vécu, n’a montré aucune coloration dans ces prétendus organes respiratoires. Je me suis assuré que chacun des denticules qui hérissentles màchoires des Sangsues est une petite dent sécrétée par sa capsule spéciale. Le système nerveux récurrent ou stomato-gastrique , examiné compa- rativement dans les Sangsues et les Lombrics , présente des différences très remarquables. Chez les Sangsues, il se rapproche de ce qui existe dans les Insectes, et se compose d’une chaîne de ganglions qui se rat- tache au connectif par un certain nombre de racines. De cette chaîne partent, sur les côtés, des filets qui se rattachent à la chaîne abdomi- nale; d’autres, qui vont aux màchoires; d’autres enfin , qui se portent aux parois de l'œsophage. De plus, une chaîne ganglionnaire frontale forme en avant une véritable arcade , d'où partent des filets qui se diri- gent en avant. Chez les Lombrics , on trouve de même une chaîne ganglionnaire se rattachant aux connectifs æsophagiens. Cette chaîne sert de point de dé- part à un véritable plexus de ganglions et de filets, qui forment tout au- tour de l’arrière-bouche un réseau à mailles plus allongées en arrière. Ce réseau enveloppe en tous sens la portion membraneuse du pharynx, et quelques filets ont pu être suivis jusque sur l’œsophage, où ils sem- blent se mettre en rapport avec les vaisseaux. On voit que cette disposi- tion du système nerveux stomato - gastrique diffère considérablement et de ce qui existe chez la Sangsue et de ce qui a été décrit jusqu’à ce jour chez tous les autres Annélides. (1) L'Institut, n° 709. OBSERVATIONS SUR LA CIRCULATION CHEZ LES MOLLUSQUES; PAR M. MILNE EDWARDS. MÉMOIRE SUR LA DÉGRADATION DES ORGANES DE LA CIRCULATION CHEZ LES PATELLES ET LES HALIOTIDES, Lu à l'Académie des Sciences, le 24 août 4846. Dans diverses occasions, j'ai cherché à montrer que l’ordre d'apparition des principaux appareils varie chez les animaux ap- partenant à des types essentiellement différents, et qu’il existe une relation intime entre l'ancienneté d’une partie dans l’orga- nisme naissant, et l'importance des caractères zoologiques que cette partie peut fournir, En rendant compte des recherches que j'avais entreprises sur les animaux marins des côtes de la Sicile, j'ai insisté également sur la formation tardive du cœur chez les Mollusques: et , si l'on applique à ce cas particulier la règle générale que je viens de rappeler , on est naturellement conduit à penser que, dans cette grande division du règne animal, l'appareil de la circulation ne peut avoir la même importance que chez les Vertébrés, où le cœur entre en fonction dans les premiers temps de la vie em- bryonnaire. Or, dès qu'un organe ou un appareil perd son importance physiologique, il perd aussi la fixité de structure que l’on ren- contre toujours dans les parties dont le rôle est prédominant, et il ne tarde pas à présenter des indices de dégradation anato- mique. Il en résulte que, dans l’embranchement des Mollusques, les instruments affectés au service de l'irrigation nutritive ne doivent 25 VOYAGE EN SICILE. pas offrir , dans leur mode de constitution, l’invariabilité qui se reconnait chez les animaux supérieurs, et que, quel que soit le degré de perfection auquel cet appareil arrive dans certaines es- pèces , on doit s'attendre à le voir se dégrader chez d’autres, sans que cette dégradation entraine nécessairement à sa suite des mo- difications profondes dans le plan général de l'organisme. Ces déductions cadraient cependant mal avec les opinions gé- néralement reçues touchant la circulation du sang chez les Mol- lusques. On s’accordait à admettre que chez tous ces animaux l'appareil circulatoire était complet, et consistait en un cercle non interrompu de tubes membraneux formés par des artères et des veines, dont la disposition anatomique n’oflrait d’ailleurs que des modifications secondaires. ; Dans un travail présenté à l’Académie il y a sept ans, j'avais montré, il est vrai, que, chez les Ascidies, il n'existe de vais- seaux que dans les portions Légumentaire et branchiale du corps, et que, dans la région abdominale, le sang circule à travers les lacunes ou espaces laissés entre les divers organes. Peu de temps après , j'ai constaté chez les Biphores une dégradation semblable de l'appareil vasculaire, et, à une époque plus récente, M. de Quatrefages a observé un fait analogue chez les Éolidiens. Mais les Tuniciers s’éloignent tant des Mollusques ordinaires, qu’on avait cru pouvoir ne pas en tenir compte, et beaucoup de natu- ralistes se refusaient à admettre le fait anormal annoncé par M. de Quatrefages; de sorte qu’on persistait à penser que tous les Mollusques possèdent un appareil vasculaire complet; au commencement de l’année dernière encore, un jeune zoologiste, qui s’est présenté ici comme le champion des idées anciennes , a cru pouvoir poser en principe l'impossibilité de la disparition, soit complète , soit partielle, des organes de la circulation chez un Gastéropode quelconque (1). Un pareil désaccord entre la théorie et les faits aurait puissam- ment infirmé les vues que je viens de rappeler ; mais les recher- ches dont j'ai eu l'honneur d'entretenir l’Académie en février 1845, (1) Voyez les conclusions du Mémoire de M. Souleyet, inséré dans les Comptes» rendus pour 1844, lome XX, page 96. MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION. 39 et celles entreprises peu de temps après par M. Valenciennes et moi, les observations de M. Nordmann sur les Tergipes, et celles de M. Owen sur les Térébratules, enfin divers faits isolés, dont la science avait été précédemment enrichie par Cuvier , M. Gas- pard, M. Van Beneden, M. Valenciennes, M. Dellechiaje et M. Pouchet, et dont la signification est devenue manifeste au- jourd’hui, ont dû suffire, je pense, pour montrer de quel côté est la vérité. En effet, il est maintenant bien démontré, non seulement que la dégradation de l’appareil circulatoire n’est pas une condition incompatible avec le plan d'organisation des Mol- lusques , maïs que c’est l’état normal du système vasculaire dans cette grande division du règne animal. Dans tous les Mollusques dont la structure nous est connue, les vaisseaux sanguins man- quent en partie, et une portion plus où moins considérable du cercle circulatoire se trouve constituée par de simples lacunes, Dans chacune des classes de cet embranchement , l'appareil vas- culaire se dégrade ainsi à divers degrés, et l’on sait, à ne pas en douter, qu'il existe à cet égard des différences considérables chez des animaux dont l’organisation est d’ailleurs tout à fait analogue. 11 me paraîtrait donc inutile d’insister davantage sur ce point ; mais les zoologistes ont dû remarquer que toutes les grandes mo- difications dépendantes de la dégradation de l’appareil circula- toire chez les Mollusques dont il a été question jusqu'ici, portent sur le système des cavités veineuses, et, d’après l’ensemble des faits observés jusqu’à ce jour, on pouvait croire que , chez tous les Mollusques proprement dits, il existe un système artériel complet. Si la théorie de la formation des vaisseaux sanguins à l’aide de lacunes dont les parois se régularisent et se revêtent d’une tu- nique propre sous l’influence excitante du liquide en mouvement, est exacte, les artères doivent , en effet, se constituer avant les veines, et, cela étant, elles doivent aussi, conformément aux prin- cipes dont il a été question dans les premières lignes de cet écrit, offrir , dans leur disposition anatomique, plus de fixité. Mais chez les Gastéropodes, où l'organisme tout entier peut se constituer 0 VOYAGE EN SICILE, avant que le cœur n’entre en fonctions , les artères, dont la for- mation est probablement tout aussi tardive, ne doivent jouer qu’un rôle très secondaire dans l'économie, et il fallait s’attendre, par conséquent , à les voir se modifier beaucoup dans ce groupe naturel, et même s’y dégrader à la manière des veines, sans qu'il en résultât aucun changement nécessaire dans l’ensemble de l’or- ganisation. Guidé par ces vues théoriques , il m’a semblé utile de multi- plier beaucoup les recherches relatives à la disposition du système artériel des Mollusques, et, en poursuivant mes observations sur la dégradation du système veineux, je m'en suis occupé. Dans la plupart des Gastéropodes que j'ai étudiés dans cette intention, je n’ai remarqué aucune modification importante dans cette portion de l'appareil circulatoire ; la disposition des gros troncs s’est trouvée presque toujours celle indiquée par Cuvier dans ses beaux Mémoires sur l’anatomie des Mollusques , et, à l’aide d’injections fines , il m'était, en général, possible de suivre les ramifications artérielles jusque dans la substance de tous les organes; partout ces vaisseaux étaient nettement délimités, et présentaient tous les caractères de tubes membraneux. Mais, en étudiant l'Haliotide, j'ai rencontré un état de choses bien différent. Toutes les fois que j'injectais un liquide coloré dans le cœur de ce Mollusque, je remplissais l’aorte ou artère céphalique, ainsi que les branches qui naissent de ce grand tronc vasculaire pour se rendre au foie, à l'estomac, à l'intestin et aux parties voi- sines (1) ; des ramifications d’une ténuité extrême se montraient de tous côtés, et des capillaires, visibles seulement à l’aide d’une loupe, se dessinaient souvent sur les tissus de ces divers organes; mais, dans la tête, je voyais toujours l'injection s'extravaser et remplir une grande cavité où se trouvent logés le cerveau, les glandes salivaires , le pharynx et tous les muscles de la bouche. Dans mes premiers essais , j’attribuais ce vaste épanchement à quelque rupture des parois vasculaires, et je m’appliquais à ré- (1) PL 4, fig. 1 et 2. MILNE EDWARDS, — SUR LA CIRCULATION. HA péter l’expérience en mieux ménageant la pression mise en jeu pour effectuer l'injection ; j’employais tour à tour des animaux récemment morts ou encore pleins de vie, puis des individus ren- dus flasques et immobiles par un commencement d’asphyxie ; mais toujours le résultat était le même ; et lorsque, par une dis- section attentive , je cherchais à suivre l'aorte jusqu'à sa termi- naison dans la tête, il m'était impossible d’en trouver la moindre trace au delà du point où l’épanchement avait commencé à se manifester. Là, les parois de cette grande artère disparaissaient, ou plutôt se confondaient avec les membranes qui séparent en ce point l'abdomen de la cavité céphalique ; et je ne pouvais décou- vrir aucune continuité entre le vaisseau que je voyais pénétrer dans cette grande lacune, et les artères qui partaient de la même cavité pour se ramifier dans la masse charnue du pied, et qui étaient faciles à reconnaître par l'injection colorée dont je les avais remplies. Après avoir répété à plus de vingt reprises cette expérience , sans en voir varier une seule fois les résultats , je cessai d’attri- buer l’épanchement à quelque circonstance accidentelle, et, pour mieux décider la question , je fis l'injection en sens inverse, c’est- à-dire qu’au lieu d'introduire le liquide coloré dans le système artériel par le cœur et de le faire arriver ainsi jusque dans la ca- vité céphalique, je le poussais directement dans celte dernière cavité, au milieu des muscles et des nerfs du bulbe pharyngien, Or le résultat fut encore le même; l'injection remonta aussitôt l'aorte, pénétra dans le cœur , et, dans bien des cas, je vis la totalité du système artériel s’injecter ainsi d’une manière tout aussi parfaite que dans les expériences précédentes. Il me parut dès lors évident qu'il devait y avoir chez l’Halio- tide une communication libre et normale entre la grande artère du corps et la cavité céphalique où se trouvent logés les princi- paux centres nerveux et toute la portion antérieure de l'appareil digestif. J'étais porté à croire que, dans l’état ordinaire du Mol- lusque , cette cavité devait être remplie de sang artériel , comme je la voyais remplie par le liquide injecté artificiellement dans l'aorte, et qu’elle devait servir d’intermédiaire entre le tronc 12 VOYAGE EN SICILE. aortique et les artères du pied; en un mot, que, dans l’organi- sation de l’Haliotide , de même que chez le Calmar et la Seiche, là grande lacune comprise entre les téguments de la tête, les muscles du pharynx et le commencement du tube alimentaire , entrait comme partie constituante dans l'appareil circulatoire , mais avec cette différence que , chez l'Haliotide, cette cavité ap- partenait au système artériel , tandis que , chez les Céphalopodes, elle fait partie du système veineux. Une observation intéressante, qui navait été précédemment communiquée par M. de Quatrefages , m'a confirmé dans cette opinion. En étudiant sous le microscope et à l’état vivant certains Éolidiens de très petite taille, dont le corps est fort transparent , ce naturaliste avait pu suivre de l'œil le cours du sang en circula- tion, et, dans une espèce particulière dont il ne tardera pas, j'espère , à faire connaître la structure, il a vu l'artère aorte naître comme d'ordinaire du cœur, mais disparaitre presque aus- sitôt après , et le liquide nourricier s’en échapper pour continuer sa route à travers les lacunes de la partie antérieure du corps, sans qu’il lui füt possible d’apercevoir la moindre trace de tu- niques vasculaires dans cette dernière portion du cercle circula- toire, et il en avait conclu que, chez ces Gastéropodes, le système artériel se dégrade, et tend à disparaître, comme on voit ailleurs lés veines se perdre et être remplacées par de simples lacunes. Les expériences sur les Haliotides, dont je viens de rendre compte , ont été faites en 1844, pendant mon voyage de Sicile; mais le résultat inattendu auquel j'étais arrivé ne me paraissant pas être accompagné d’un cortége de preuves suffisantes pour porter la conviction dans l'esprit de tous les naturalistes , je me suis abstenu d'en parler, me promettant seulement de saisir la première occasion pour recueillir de nouveaux faits et pour com- pléter mon travail. Cet été, j’ai pu mettre ce projet à exécution, et, pendant un séjour de quelques semaines que je viens de faire sur les côtes de la Manche, non seulement j'ai vérifié mes ob- servations précédentes , mais j'ai constaté divers faits nouveaux dont les conséquences sont à mes yeux si évidentes que désormais le doute me semble impossible, et que je n’hésite plus à entre- MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION. h3 tenir l’Académie de la singulière dégradation du système circu- latoire, dont l’Haliotide m'avait depuis longtemps offert un exemple. Effectivement, je me suis assuré que , chez ce grand Mollusque gastéropode, l'artère aorle, parvenue au point où le canal digestif se recourbe pour descendre de la face supérieure du bulbe pha- ryngien dans la cavité abdominale , débouche directement dans une vaste lacune, dont les parois sont formées en partie par les téguments communs de la tête, et en partie par les muscles et les tuniques du pharynx jointes à des lames de tissu connectif, éten- dues transversalement au devant de la cavité abdominale , lacune dont l’intérieur est occupé, comme je l'ai déjà dit, par la masse charnue de la bouche , les glandes salivaires , les principaux gan- glions du système nerveux , et un grand nombre de brides mus- culaires et fibreuses (1). L’aorte , en s’évasant comme un enton- noir, ferme, en arrière, cette cavité céphalique, des parties laté- rales de laquelle naît de chaque côté une petite artère ophthal- mique ; à la partie inférieure et postérieure de ce grand sinus, on voit l’origine commune des artères pédieuses qui s’enfoncent aussitôt dans la masse musculaire située au-dessous et s'y rami- fient; mais, je le répète, il n’y a aucune continuité directe entre ce conduit nourricier du pied et l'aorte, et le sang ne peut y arriver que par l'intermédiaire de la lacune céphalique. Ainsi cette lacune qui entoure le pharynx , et qui occupe toute la partie antérieure de la tête, tient lieu de la portion céphalique de l'aorte, Le sang artériel qui y est versé par ce vaisseau baigne directement le cerveau, les muscles de la trompe et toute la por- tion antérieure du tube digestif, puis se rend aux muscles du pied et aux appendices de la tête. Mais un fait qui, au premier abord , paraîtra plus singulier encore, c’est que, tandis qu’une portion de la cavité générale vient compléter l'appareil vasculaire , l’artère aorte remplit des fonctions analogues à celles de la cavité abdominale , car elle loge dans son intérieur une portion de l'appareil digestif. (1) PL 4, fig, 2, e, Uh VOYAGE EN SICILE. Pour s’en assurer, il suffit de fendre longitudinalement ce vaisseau, dont la grosseur égale celle d’un tuyau de plume ; on voit alors que le grand appendice subcylindrique, qui sert de base à la langue et qui naît du bord postérieur de la masse pha- ryngienne, y est renfermé tout entier (1). Cet organe s’avance même très loin dans l’intérieur du tube artériel, et c’est de la portion de l'aorte servant ainsi de gaîne pour l'appareil lingual que prennent naissance plusieurs artères, dont les branches distribuent le sang à l’intestin et aux parois de l’abdomen; on en voit distinctement les orifices lorsqu'on a retiré la langue de son fourreau aortique. La dégradation de l'appareil circulatoire de l’Haliotide ne con- siste pas seulement dans les dispositions singulières que je viens de faire connaître. En effet, dans la portion du manteau qui adhère à la coquille et qui forme , tout autour des parties latérales et postérieures du corps, une sorte de bordure, les canaux artériels paraissent man- quer complétement, et la circulation ne s’effectuer qu’à l’aide de vaisseaux qui recoivent le sang veineux épanché dans la cavité abdominale, et qui l'y rapportent en partie, tandis qu’ils en versent aussi une portion dans les vaisseaux hbranchiocardiaques tout près du cœur, La cloison de texture fibreuse, dans l’épais- seur de laquelle ces vaisseaux sont renfermés , ne semble guère propre à remplir les fonctions d’un organe accessoire de respira- tion , et, par conséquent, il résulterait de cette disposition ana- tomique que la totalité du sang dirigé vers le cœur ne subit pas l’action de l’air, et que c’est un mélange de sang veineux et de sang artériel qui s'engage dans cet organe pour être ensuite distribué aux diverses parties de l'économie. Enfin , j’ajouterai encore que , dans la région céphalique où les organes baignent dans le sang artériel , je n’ai pu reconnaître au- cune trace , ni de veines proprement dites , ni de lacunes servant à rapporter le liquide nourricier ainsi épanché vers les organes de la respiration , tandis que, dans les autres parties du corps, (1) PL 2, fig. 1 MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION, h5 il existe des canaux veineux dont la disposition est même très remarquable , car tous communiquent librement avec la cavité abdominale , comme chez les autres Gastéropodes , et cependant ils forment dans le foie, dans les glandes génitales, et surtout dans l’appareil urinaire, de véritables vaisseaux dont les ramifi cations sont extrêmement nombreuses. L’Haliotide n’est pas le seul Mollusque qui m'’ait offert un système artériel ainsi dégradé ; j'ai constaté un mode d’organisa- tion analogue chez la Patelle, et, dans ce Gastéropode si com- mun sur nos côtes , la disposition de la lacune aortique est même plus remarquable encore. Lorsqu'on ouvre en dessous le corps d’une Patelle, et qu'on enlève le disque charnu du pied, on met à découvert tout le paquet des viscères, et on remarque, entre autres organes, une grande poche membraneuse , qui , recourbée sur le côté et ter- minée postérieurement en cul-de-sac, s’élargit en avant pour aller se confondre avec les parois de la tête (1). Au-devant de cette poche se trouve la chambre céphalique, renfermant, comme chez l'Haliotide, les muscles de la trompe, la masse buccale et le col- lier nerveux , tandis que dans la poche elle-même est enroulé le long cylindre lingual dont Guvier a fait connaître la structure cu rieuse. Ici, par conséquent, la langue ne se loge pas dans l'artère aorte, comme chez l’Haliotide, et possède une gaîne membra- neuse spéciale ; mais cette gaîne, à son tour , devient un sinus artériel. L’aorte, qui est très courte, y débouche directement près du point où sa cavité s’élargit pour embrasser le bulbe pharyngien et pour se continuer avec la’ cavité céphalique ; le sang artériel y pénètre donc, et c’est par son intermédiaire que ce liquide arrive à presque toutes les parties du corps, car l’aorte ne fournit que peu de branches, et c’est de la gaîne linguale que naissent successivement la grande artère pédieuse antérieure , l'artère intestinale, dont plusieurs grosses branches se distri- buent au foie, et une artère pédieuse postérieure, C’est même en (4) PL 2, fig. 4, h. AG VOYAGE EN SICILE, poussant le liquide coloré dans cette énorme gaîne membraneuse que l’on arrive le plus facilement à injecter l’ensemble du système artériel ; car, à raison de la délicatesse des parois du cœur et de la manière dont cet organe embrasse l'intestin, il est assez difficile de bien remplir les vaisseaux lorsqu'on fait l'injection par le ven- tricule aortique ; et lorsqu'on la tente par l'intermédiaire du ca- pal branchiocardiaque, on distend, en général , l'oreillette, puis le ventricule; mais on n’arrive que rarement dans l'aorte sans déchirer le cœur. Le sang artériel ne remplit pas seulement le fourreau de la langue ; ce liquide est également épanché dans la cavité cépha- lique où les muscles et les nerfs baignent, comme chez l’Halio- tide ; l'étendue de cette lacune sanguifère est même beaucoup plus considérable que chez ce dernier Mollusque, et si l’on cherche à évaluer la capacité de l’ensemble de ces sinus, on voit qu'ils doivent contenir plus de sang que tout le reste du système artériel, Au fond, la disposition des parties est donc la même chez la Patelle et chez l'Haliotide ; c’est toujours la portion antérieure de l’espace libre dont l'appareil digestif est entouré qui , séparée de la cavité abdominale , tient lieu d’une portion du système arté- riel, comme le reste de la cavité viscérale remplit les fonctions d’un réservoir veineux. Seulement, le genre de dégradation que nous offre l’Haliotide est , en quelque sorte, exagéré dans la Pa- telle. Il est également digne de remarque que le mode de constitu- tion du système artériel chez ces Gastéropodes est tout à fait com- parable à ce qui existe pour le système veineux chez les Céphalo- podes, où l’appareil circulatoire offre dans son ensemble une perfection bien plus grande que chez aucun autre Mollusque. Le sinus veineux de la tête du Calmar rappelle exactement la lacune céphalique qui, chez l’Haliotide , sert de réservoir pour le sang artériel, en même temps qu’elle loge dans sa cavité toute la por- tion antérieure de l’appareil digestif; et la disposition de ce même sinus chez le Poulpe, où il se prolonge en arrière jusque vers la partie postérieure de l'abdomen, sous la forme d’un grand sac MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION. A7 péritonéal , est très analogue à celle du système de cavités qui, chez la Patelle, sert d’intermédiaire entre l’aorte et les princi- paux organes. C’est un nouvel exemple de cette tendance géné- rale de la nature à varier ses produits, tout en économisant, les moyens qu'elle met en œuvre , et à se servir de procédés sem- blables pour introduire des modifications correspondantes dans la constitution de parties différentes. Pour les physiologistes qui considèrent l'appareil de la circula- tion comme étant nécessairement composé de vaisseaux, et qui supposent ces vaisseaux creusés originairement dans un tissu spécial, ou produits par la soudure et l’anastomose d’une série d’utricules, il me semblerait diflicile de comprendre comment l'aorte peut loger dans sa cavité la presque totalité de l'appareil lingual | ainsi que cela a lieu chez l’Haliotide, ou bien encore comment la cavité de la tête tout entière peut se continuer posté- rieurement sous la forme d’une aorte, et remplir elle-même le rôle d’un conduit artériel ; mais, si l’on adopte les vues que j'ai rappelées au commencement de ce Mémoire, et que j'ai exposées avec détail dans d’autres écrits, ces difficultés n'existent plus. En effet , si le fluide nourricier est primitivement contenu dans de simples lacunes ou méats inter-organiques sans parois propres; et si c’est sous l'influence de ce liquide en mouvement que ces lacunes tendent à se régulariser , à se tapisser d’une membrane propre, et à se transformer en lubes comme le fait d’ailleurs tout trajet fistuleux creusé accidentellement par le pus ou par d’autres humeurs dans le corps de l'homme, il devient aisé de concevoir comment la lacune , qui peu à peu se change ainsi en poche ouen tube, peut tantôt ne circonscrire qu’une masse liquide et devenir un vaisseau sanguin ordinaire , mais d’autres fois englober dans son intérieur des organes étrangers , tels que le cerveau, le pha- rynx ou l'appareil lingual, sans cesser d’être traversée par le fluide nourricier. La disposition singulière du cœur, dont la cavité est traversée par le rectum chez l’Haliotide et la Patelle, ainsi que chez la plu- part des Mollusques acéphales, me semble être un fait du même ordre que la transformation de l'aorte en une gaïîne linguale, et 8 VOYAGE EN SICILE. l'emploi de la cavité céphalique comme partie du système arté- riel ; on peut s’en rendre compte de la même manière, car le cœur n’est d’abord qu'un vaisseau élargi et garni de fibres mus- culaires propres à en déterminer la contraction et la dilatation al- ternatives, et, par conséquent , il doit se constituer primitivement d’après les mêmes principes qu’une artère ou une veine ordi- naire, et passer par l’état de simple lacune avant que de revêtir la forme vasculaire. Cette particularité d'organisation qui a tant étonné les zoologistes, et qui a été considérée jusqu'ici comme une anomalie inexplicable , se rattache ainsi naturellement à l’en- semble de faits que nous a révélés l’étude des organes de la cir- culation chez les Crustacés , aussi bien que chez les Mollusques, et rentre dans les conséquences de ce qui me semble être le mode ordinaire de construction de tout appareil vasculaire. La dégradation du système artériel que j’ai constatée chez la Patelle et l’'Haliotide , ainsi que l’état rudimentaire de l'aorte ob- servé par M. de Quatrefages chez quelques Éolidiens, jette donc de nouvelles lumières sur la signification d’autres faits déjà con- nus, mais incomplétement compris, et s’accorde en tous points avec les résultats dont la théorie devait nous conduire à présu- mer l’existence. Je me garderai bien de présenter cette vue théorique comme étant une loi de l'organisme , ni même de rien préjuger quant aux procédés que la nature met effectivement en œuvre pour créer un appareil circulatoire ou pour perfectionner de plus en plus cet appareil chez les animaux divers , car les faits positifs manqueraient bientôt à quiconque voudrait s'engager dans cette route; mais je me crois autorisé de plus en plus à dire que tous les résultats du travail génésique connus jusqu'ici s’of- frent à notre observation comme si les choses se passaient d’après les principes que j’admets par hypothèse. Cette théorie sert d’ail- leurs à relier entre eux une multitude de faits dont on ne peut saisir autrement la connexité, et elle peut être, comme on le voit, un guide utile dans la voie des recherches ; jusqu’à ce qu’elle ait été trouvée en défaut, je persisterai, par conséquent, à en con seiller l'emploi. MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION. 19 Quant à la disposition des diverses parties de l'appareil circu- latoire des deux Mollusques dont nous venons de nous occuper , je crois inutile d’en présenter une description détaillée , car l’ex- plication des figures jointes à ce Mémoire me paraît devoir suflre pour en donner une idée exacte. EXPLICATION DES FIGURES. Appareil circulatoire de l'Haliotide. PLANCHE À. Fic. 4. Dans cette préparation, les vaisseaux efférents des branchies, le cœur et les artères ont été injectés avec une matière rouge, tandis que la cavité abdo- minale et par suite tous les vaisseaux qui communiquent avec cette chambre ét qui représentent le svstème veineux ont été injectés avec du bleu. L'animal est vu de dos, la coquille ayant été enlevée, le péricarde ouvert, et la glande urinaire mise à découvert. À, la tête. — B, muscle de la coquille. — C, fente du manteau servant d'entrée à la chambre branchiale. — D, manteau. — Z, cloison fibreuse qui s'étend de l'abdomen au bord de la coquille. — F, abdomen. — G,G, le pied. — }H, les deux branchies. a, le péricarde ouvert, pour laisser voir le ventricule aortique entre ses deux oreillettes. b, artère palliale qui prend son origine à la partie antérieure du cœur, et envoie beaucoup de branches aux replis membraneux qui tapissent la voûte de la ca- vité branchiale, et sécrètent le mucus. c’, artère génitale. d, artère abdominale, ou aorte postérieure. e, l'une des veines branchiales ou canaux qui portent le sang artériel des bran- chies au cœur. ff, système portal de la glande urinaire. g, veines génitales et hépatiques. h, vaisseau veineux de la membrane coquillière débouchant dans la cavité abdo- minale, et recevant des branches du lobe droit du manteau. ï, vaisseau qui prend naissance dans le manteau , et va déboucher dans le canal branchio-cardiaque ou vaisseau efférent de la branchie correspondante. Il ré- sulle de cette disposition que tout le sang qui arrive au cœur n’a pas traversé les branchies ; une portion vient directement du manteau, qui, selon toute ap- parence, remplit le rôle d'un organe respiratoire. j, vaisseau veineux du bord du lobe gauche du manteau. 3° série. Zoo. T. VIEIL, (Juillet 1847.) 4 4 50 VOYAGE EN SICILE, Fi. 2. Dans cette préparation , l'injection a été faite comme dans la pièce précédente ; mais la voûte palliale a été fendue et rejetée en haut, pour mon- trer l'intérieur de la chambre respiratoire ; la cavité abdominale a été ouverte et une portion de l'estomac enlevée, pour mettre à découvert la grande artère située au-dessous. À, la tête. — B,B, le pied. — ©,C, les deux lobes du manteau. — D, l'organe sécréteur du mucus.— Æ,E, les deux branchies, — F, l'anus. Au-dessous de l'intestin rectum, qui se termine par cet orifice, on voit l'orifice de l'appareil urinaire, et un peu plus loin en arrière, au-dessus du même intestin, se trouve l'orifice de l'appareil génital. Ainsi il y a au fond de la cavité respiratoire trois orifices, et lorsque les parties sont dans leur position naturelle, celui de droite est l'ouverture urétrale, et celui de gauche la terminaison de l'oviducte ou du conduit déférent. — G, anse intestinale logée dans une division particulière de la cavité abdominale, qui est séparée de la loge gastrique par une cloison fi- breuse. C'est vers l'extrémité antérieure de cette cavité que se trouve l'orifice du vaisseau qui rampe dans l'épaisseur de la cloison coquillière , et qui se voit dans la figure précédente en A ; aussi, en poussant une injection dans cette divi- sion de la cavité abdominale, arrive-t-on facilement dans le vaisseau dont il vient d'être question, tandis qu'en faisant l'injection du côté gauche de l'ani- mal, on remplit d'abord le vaisseau correspondant du côté opposé, lequel est beaucoup plus gros, et se voit ici en L.—J, estoac dont la portion antérieure a été en majeure partie enlevée. — T, cavité pharyngienne ouverte. — J, ab- domen. a, le ventricule aortique embrassant l'intestin rectum. b, l'oreillette du côté gauche, auquel vient aboutir le vaisseau efférent de la branchie correspondante, dont une portion, injectée en rouge, se voiten £. L'oreillette droite se voit au-dessous du ventricule, et la branchie correspon- dante a été relevée de manière à laisser à découvert dans toute sa longueur la veine branchiale ou canal efférent qui occupe le bord adhérent de la branchie, et porte le sang artériel de cet organe au cœur. c, la grande artère aorte qui naît de l'extrémité postérieure du ventricule et se porte en avant, entre l'estomac et l'intestin, pour aller se perdre dans la cavité céphalique. d, artère abdominale ou aorte postérieure qui naît de l'origine de l'aorte et suit les circonvolutions de l'intestin, auquel elle fournit des branches ainsi qu'au foie : c'est la branche inférieure de ce vaisseau qui se voit en d, dans la figure précédente. Du côté opposé de l'aorte antérieure, on voit l'origine de l'artère génitale. L'aorte antérieure donne naissance à plusieurs branches, dont les unes se ra- miñent sur les parois de l'estomac (H-c), et les autres se distribuent à l'intes- Un ; une de ces dernières, un peu plus grosse que les autres, passe sous l'anse intestinale, et va se distribuer à la portion de ce tube qui se trouve à droite. MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION, 51 e, sinus artériel dans lequel débouche l'aorte : c'est une grande lacune céphalique limitée en dessus par les parois du pharynx, en avant par les tégnments et les muscles de la tête, et en arrière par des brides fibro-cellulaires. En injectant l'animal par cette chambre céphalique, on remplit immédiatement tout le sys- tème artériel. f, grande artère pédieuse qui naît du sinus céphalique, et se divise bientôt en quatre branches dont on aperçoit la terminaison vers la partie postérieure du pied. g, l'une des branches latérales de celte artère. h, vaisseau afférent de la branchie gauche. Un peu au devant du cœur, on voit le canal transversal ou réservoir veineux commun des branchies, qui réunit ce vaisseau à son congénère, et qui recoit directement les veines de l'intestin rectum. i.i, veines des deux lobes du manteau en communication avec un réseau capillaire étendu le long de la base de la branchie, et allant s'anastomoser avec les vais- seaux branchio-cardiaques , ainsi que cela se voit dans la figure précédente. K, veines efférentes de la glande urinaire allant déboucher dans le réservoir vei- neux commun des branchies. 1, canal veineux de la membrane coquillière ou cloison qui s'étend des parois de l'abdomen au bord de la coquille. m, veines hépatiques allant déboucher directement dans l'espace libre qui entoure l'intestin el qui se continue avec le reste de la cavité abdominale. A la partie postérieure du pied, on voit des veines qui se rendent dans un système de petites lacunes situées sur la ligne médiane, et en communication avec la cavité abdominale. PLANCHE 9, Fie. 4. Dans cette préparation, l'Haliotide a été renversé sur le dos; la moitié du pied a été enlevée, ainsi qu'une portion de la paroi inférieure de l'abdomen et de l'estomac ; enfin le sinus céphalique et la portion antérieure de l'aorte ont été ouverts, pour montrer la disposition de l'appareil basilaire de la langue, qui se loge dans cette artère comme dans une gaîne , et qui y est baignée par le sang. À, la tête. — B, le pied. — C,C, lobes du manteau. a, le cœur, renfermé dans son péricarde. b, vaisseau branchio-cardiaque ou veine branchiale gauche. c, l'aorte antérieure. d, artère abdominale ou aorte postérieure. e, artères gastriques [, sinus artériel de la (ête. g. l'une des branches médianes de la grande artère pédieuse qui naît du sinus céphalique. 52 VOYAGE EN SICILE, h, appendice basilaire de la langue en partie extraite de l'aorte, pour montrer les orifices de plusieurs petites artères intestinales qui naissent de ce vaisseau, dans le point où il remplit les fonctions d'une gaîne linguale. #, le canal veineux du manteau, déjà représenté en partie dans la planche précé- dente, fig. 4, j, et fig. 2, b Appareil circulatoire de la Patelle. Fic. 2. Une Patelle beaucoup grossie, et représentée de trois quarts, avec le manteau un peu relevé. La coquille a été ôtée et le système veineux injecté en bleu par la cavité abdominale, tandis que le système artériel et ses dépen- dances ont été injectés en rouge par la branchie. À, la tête. — B, le pied. — C,C,C, le manteau, garni d’une bordure de tenta- eules.— D,D, la branchie. — EÆ, l'abdomen.— F, une grande cavité analogue à la chambre branchiale de la Patelle, mais ne servant plus à loger les organes de la respiration. Au fond de cette chambre, du côté droit, on voit aussi trois orifices très rapprochés l'un de l'autre : celui situé au milieu est l'anus; l’ou- verture de l'appareil génital est plus à gauche, et l'orifice placé à droite ap- partient à un organe glandulaire qui me semble devoir être considéré comme un appareil urinaire. — D, la branchie. Fic. 3. Dans cette préparation, l'injection a été faite comme dans la pièce précédente ; l'animal est vu en dessus, le péricarde est ouvert, et une portion de la paroi supérieure de la cavité abdominale a été rejetée de côté. A, le bord frangé du manteau. — B, une portion de la branchie située sous le manteau. — C, portion de la voûte de la cavité abdominale rejetée de côté, a, vaisseau efférent de la branchie injecté en rouge, et vu par transparence. b, vaisseau branchio-cardiaque. Le réseau veineux de la voûte palliale débouche en partie dans ce vaisseau, et se remplit d'injection lorsqu'on pousse le liquide de la branchie vers le cœur. Il en résulte qu'ici, de même que chez 1'Halio- tide , la totalité du sang ne traverse pas la branchie avant de retourner au cœur, et que le manteau remplit les fonctions d'un organe accessoire de respi- ration. c, l'oreillette du cœur. d, le ventricule. e, grande lacune marginale de l'abdomen, dans laquelle le SE veineux s'accu- mule pour aller ensuite à la branchie. f, réseau veineux lacunaire situé entre la paroi supérieure de l'abdomen et la masse viscérale. g, vaisseau afférent de la branchie, communiquant avec la cavité abdominale par les lacunes linéaires situées entre les faisceaux musculaires qui se rendent du pied à la coquille. h, veine hépatique allant déboucher dans un système de lacunes qui dépendent de MILNE EDWARDS, — SUR LA CIRCULATION, 53 la cavité abdominale et communiquent avec les vaisseaux de l'organe présumé urinaire, i, le réseau capillaire de la voûte de la chambre respiratoire. Ce réseau, formé de lacunes plutôt que de vaisseaux proprement dits, se remplit par la cavité ab- dominale, et communique aussi librement avec la portion antérieure du vais - seau afférent de la branchie (j); il est jusqu'à un certain point l'analogue du réseau pulmonaire des Colimaçons. Fi. 4, Dans cette préparation, le système veineux a encore été injecté par la cavité abdominale, et le système artériel par le cœur; l'animal est vu en dessous, et le pied, dont une portion a été enlevée, est rejeté de côté. À, la tête. — B, le pied. — 8’, section du muscle circulaire de la coquille. — €, le manteau. — C’, voûte de la chambre palliale. — D, la branchie, — £, l'intestin. — F, le foie. — G, l'ovaire. — H, orifices de l'appareil urinaire, de l'intestin et de l’oviducte. a,a, portion du grand réservoir veineux forme par les lacunes de l'abdomen. b, réseau lacunaire de la voûte de la chambre palliale, ou réseau pulmonaire. €, vaisseau afférent, faisant fonction d'une artère branchiale. d, vaisseau efférent de la branche, ou veine branchiale portant le sang artériel vers le cœur. £, vaisseau branchio-cardiaque. f, l'aorte se portant de l'extrémité droite du cœur au sinus céphalique, dans le- quel cette artère débouche. g, portion antérieure de ce grand sinus artériel, renfermant la masse charnue du pharynx et les centres nerveux. , h, appendice postérieur du même sinus artériel, servant à loger l'appareil lingual. ï, artère pédieuse antérieure, naissant du sinus céphalique. 3, artère abdominale, naissant de la gaine linguale. k, artère pédieuse postérieure, naissant du milieu de la même gaine. QUATRIÈME ARTICLE (1). De l'appareil circulatoire du C'almar. = Alexandre Monro, dans son grand ouvrage sur l’anatomie de la physiologie des Poissons (2), à donné une description som- maire du cœur et des principaux vaisseaux sanguins du Calmar. Cuvier en à fait l’objet de quelques remarques (3) , et, dans ces (1) Voyez t. IL, p. 3#1. (2) The structure and physiology of fishes explained. Edinb., 1785,ch x, p. 64. (3) Leçons d'analomie comparée, & IV, p. 396. ol VOYAGE EN SICILE, dernières années, M. Dellechiaje a publié sur le même sujet des observations nouvelles, accompagnées de nombreuses figures (4). Aussi, en décrivant ici le système sanguin de ce Mollusque, n’aurai-je que peu de choses à ajouter concernant la structure de toute la portion de cet appareil où le fluide nourricier se trouve renfermé dans des tubes vasculaires ; mais, dans une por- tion du cercle circulatoire, les vaisseaux proprement dits man- quent, et, ainsi que je l’ai déjà fait voir, y sont remplacés par de simples lacunes ou espaces interorganiques : or la disposition de cette portion non vasculaire de l’appareil de la circulation n’est pas connue des anatomistes , et je crois utile d'y appeler leur at- tention. Les veinessuperficielles des bras sont tout aussi bien formées chez le Calmar que chez le Poulpe, mais se comportent autrement. Chaque tentacule, aulieu de présenter deux grosses veines latérales, ne possède qu'un seul tronc situé au milieu de la face antérieure ou cupulifère de cet appendice, et ces divers vaisseaux, au lieu de se réunir pour constituer en quelque sorte les racines de la grande veine céphalique , vont verser le sang dans la portion antérieure ou péristomienne de la cavité viscérale (2). Il en est de même des petites veines labiales, sous-cutanées et musculaires , de la portion antérieure de la tête, et la grande veine céphalique ne commence qu’au bord postérieur de la tête , au-dessus de la base de l’entonnoir. Le sinus veineux, qui recoit ainsi tout le sang des tentacules et de la région orale, occupe la partie antérieure de la tête, et loge le bulbe charnu de la bouche ; c’est une cavité pyriforme li- mitée antérieurement par une membrane très extensible qui s'é- tend de la base de la lèvre circulaire, dont l’orifice buccal est entouré à la base du cercle palpifère située près de la racine du bras , et représentant une sorte de lèvre extérieure. Latéralement, de-même qu’en dessus et en dessous, cette grande lacune ou chambre péristomienne a pour parois la masse musculaire de la racine des bras, et en arrière elle se continue avec le canal étroit (1) Animali invertebrati, LT, p. 59, pl. 21 à 24) (2) Voyez l'Auas dece Voyage, t. H, pl. 18. MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION, 59 qui est traversé par l’œæsophage et qui communique avec la cavité cränienne où se trouve logé le ganglion cérébroïde , et où arrive aussi de châque côté le sang veineux venant des sinus ophthal- miques. Une veine hépatique antérieure, qui vient de la face dorsale du foie et des glandes salivaires postérieures, débouche dans la partie postérieure de ce système de chambres, et à leur partie infé- rieure se trouve un orifice ovalaire qui traverse les parois de la tête, et fait communiquer le sinus crânien avec la grande veine céphalique. Les sinus ophthalmiques occupent tout le fond du globe ocu- laire ; la glande choroïdienne et les ganglions ophthalmiques y baignent, et en dehors on y voit pénétrer les veines ciliaires. Tout le sang veineux de la tête , à l'exception de la petite quan- tité que recoivent des veinules sous-cutanées, presque capillaires, de la région cervicale, est ainsi versé dans les lacunes céphaliques, et n'arrive dans la grosse veine chargée de porter ce liquide de la tête vers les cœurs branchiaux qu'après avoir baigné la portion antérieure du canal alimentaire et les grands centres nerveux. Cette partie du système veineux est donc plus incomplète que chez le Poulpe; mais il en est tout autrement dans le reste de l’é- conomie. Effectivement, la cavité viscérale qui, chez ce dernier Mol- lusque , s'étend dans presque toute la longueur du corps , et con- stitue un vaste sinus veineux où les estomacs, les glandes sali- vaires et l'artère aorte flottent dans le sang, s’oblitère chez le Cal- mar immédiatement en arrière de la nuque. Là il n'existe aucun espace libre entre l’æsophage et les membranes péritonéaux , de sorte que le sinus veineux se trouve réduit à la portion céphalique postérieure qui communique chez le Poulpe avec les veines caves à l’aide de deux ou de quatre grands canaux. Dans toute la portion abdominale du corps, le sang ne circule que dans les veines proprement dites , et l’appareïl vasculaire devient aussi complet que chez les animaux vertébrés ordinaires (1) La disposition de ces veines ne présente d’ailleurs aucune par- (1) Loc. cit., pl. 49. 56 VOYAGE EN SICILE, ticularité importante à signaler. La veine céphalique est déjà très grosse à son origine , sous le cou où elle recoit les veines cervi- cales et celles de l’entonnoir ; elle se dérige ensuite en arrière le long de la ligne médiane entre la masse viscérale commune et la bourse à encre ; parvenue vers le fond de ce dernier organe , ses parois commencent à se garnir d’appendices spongieux , et bien- tôt elle se divise en deux grosses branches qui descendent de chaque côté de l’anse formée par l'intestin rectum, et constituent les veines caves. Ges vaisseaux après avoir embrassé le rectum se rapprochent de la ligne médiane au-dessous du cœur aortique , et se rendent ensuite aux cœurs veineux ; leurs parois sont cou- vertes d’appendices spongieux comme chez les Poulpes et les Seiches , et il existe aussi de ces corps singuliers sur la portion terminale des principales veines qui viennent y déboucher ; l’un de ces vaisseaux est la grande veine hépatique postérieure, dont une branche se porte en avant sur la face ventrale du foie. et deux se dirigent en arrière sur les lobes postérieurs de cette glande. On remarque aussi vers ce point, mais s’ouvrant dans la veine cave du côté droit , tandis que la veine hépatique débouche dans la veine cave gauche, un gros tronc venant du rectum et de la poche à encre, ainsi que la veine génitale postérieure qui recoit des ramuscules de l’estomac , passe au-dessus de cet organe, et tire son origine du testicule ou de l'ovaire (1). Les veines, qui rapportent le sang des nageoires et de toute la portion postérieure du manteau, s'ouvrent aussi dans les veines caves , près de leur terminaison dans les cœurs branchiaux. Ces vaisseaux ne paraissent pas avoir d’analogues chez le Poulpe, et constituent de chaque côté de l’abdomen un vaste réservoir pyri- forme , dont le sommet dirigé en arrière et en dehors se continue avec un vaisseau de médiocre grandeur, qui recoit un grand nombre de branches venant du manteau, et prend naissance dans les nageoires par une multitude de branches disposées à peu près parallèlement entre elles. _Les vaisseaux qui correspondent aux veines palliales du Poulpe (1) Op. cit., pl. 18. MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION, 97 ne tirent leur origine que des deux tiers antérieurs du manteau, et forment de chaque côté du corps deux branches principales : l’une de celles ci se dirige d'arrière en avant vers la base de la branchie correspondante ; l’autre résuite de l’anastomose de deux veines, dont les racines occupent toute la partie antérieure du man- teau, et se portent d'avant en arrière, pour se joindre à la branche postérieure. Le tronc unique ainsi formé recoit une grosse veine appartenant à l’expansion membraneuse , qui unit la branchie à, la paroi externe de la chambre respiratoire. Enfin , la veine pal- liale, après s'être recourbée en dedans, passe au-dessus du vais- seau afférent de la branchie, et va s'ouvrir dans le cœur veineux correspondant. Le vaisseau afférent qui porte le sang veineux à la branchie présente aussi quelques particularités comparativement à ce qui se voit chez le Poulpe; il est situé à peu de distance du vaisseau afférent, et fournit au niveau de chaque arcade branchiale une paire de branches qui se divisent aussitôt en deux rameaux , dont l’un se dirige en dedans vers le bord interne de l'organe ; l’autre, en sens opposé, pour gagner le bord externe, et dont les ramus- cules sont disposées comme des dents de peigne. En décrivant l'appareil circulatoire du Poulpe, j'ai exposé les raisons qui m’avaient porté à considérer les troncs branchio-car- diaques comme des oreillettes du cœur aortique. Depuis lors, je me suis assuré que , chez la Seiche, ces réservoirs sanguins sont très contractiles , et que, par leurs pulsations, ils envoient le sang dans le ventricule ; ce sont par conséquent bien de véritables oreillettes. Mais chez le Calmar , ces organes ne sont que peu di- latés , et présentent l'aspect de vaisseaux ordinaires; je conser- vais donc quelques doutes sur leur fonction , lorsque M. Doyère , en m'entretenant d’une série de recherches auxquelles il s’est livré sur le développement de ces Mollusques, m’a assuré que souvent il avait vu les pulsations de ces deux canaux chez de jeunes individus , dont les tissus offraient assez de transparence pour permettre l'observation des parties internes dans leur état normal. Chez le Calmar, de même que chez le Poulpe et la Seiche, il existe donc de chaque côté du cœur aortique une oreillette plus 58 VOYAGE EN SICILE: ou moins tubulaire qui recoit le sang artériel de la branchie cor- respondante et le pousse dans le ventricule. Ainsi, chez tous les Céphalopodes ordinaires, le cœur artériel est construit d’après le même plan général que le cœur aortique des Gastéropodes et des Acéphales. En est-il également ainsi du Nautile ? Pour s’en assu- rer, il faudrait pouvoir observer la circulation chez ce Mollusque pendant la vie de l'animal ; car , chez les Poulpes et les Seiches , les caractères physiologiques de ces parties disparaissent après la mort. Les orifices auriculo-ventriculaires ou bronchio-cardiaques sont garnis, comme on le sait, de petites valvules qui s'opposent au reflux du sang, et le cœur est d'une forme beaucoup plus régu- lière que chez le Poulpe, L’artère aorte antérieure naît de son ex- trémité antérieure, qui est déjetée un peu à droite ; elle gagne la face dorsale du foie, côtoie l’œsophage , et pénètre avec ce ca- nal dans les sinus veineux de la tête. La première branche, un peu considérable, qui en naît, est l'artère viscérale , dont les rameaux se distribuent à la portion postérieure de l’œsophage, la poche pylorique et l'estomac, et au testicule chez le mâle, à l'ovi- ducte chez la femelle. Un peu plus en avant, l’aorte donne nais- sance à l’artère hépatique, puis aux artères palléales, à une paire d’artères que l’on pourrait appeler occipitale, aux artères tenta- culaires, etc. L’aorte postérieure naît de l'extrémité postérieure du ventricule artériel, et après avoir donné naissance à une petite artère in- testinale qui se montre en avant pour gagner le rectum et la bourse à encre, ainsi que deux artères nourricières des cœurs pulmonaires , ce vaisseau se divise en trois branches principales, dont la médiane gagne la paroi inférieure de la chambre bran- chiale , et se distribue à toute la portion ventrale du mañteau : les deux autres se dirigent en arrière et en dehors, et accompagnent les veines des nageoires. Dans la Seiche, la disposition du système circulatoire est à peu de chose près la même que chez le Calmar , et ne présente aucune des particularités qui se voient chez le Poulpe. Ainsi, il existe à cet égard une concordance remarquable entre la struc- MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION, 59 ture intérieure et les caractères fournis par le nombre de bras ; chez les Céphalopodes à quatre paires de bras , la circulation vei- neuse est semi-lacuheuse dans l'abdomen aussi bien que dans la tête ; tandis que chez les Céphalopodes à dix tentacules, le système veineux est entièrement vasculaire dans toute l'étendue de l’ab- domen, et la portion lacunaire du cercle circulatoire se trouve dans la tête seulement. CINQUIÈME ARTICLE. De l'appareil circulatoire de l'Aplysie. Un des plus beaux chapitres du célèbre ouvrage de Cuvier sur l’anatomie des Mollusques est, sans contredit, son Mémoire sur l’organisation de l’Aplysie ; aussi les recherches plus récentes n’ont-elles ajouté que peu de choses aux résultals obtenus par ce grand anatomiste , et si je reviens en ce moment sur l'histoire des organes de la circulation chez ce Gastéropode, c’est plutôt pour rappeler les faits constatés par mon illustre maître que pour les compléter. L’Aplysie est de tous les Mollusques proprement dits celui dont le système veineux est le plus incomplet ; mais la portion arté- rielle du cercle circulatoire y est aussi parfaite que chez les ani- maux les plus élevés de cet embranchement. Sous ce rapport , l’Aplysie ressemble beaucoup aux Crustacés supérieurs; cepen- dant son organisation atteint un degré de perfectionnement en- core plus élevé ; car le cœur, composé d’un ventricule et d’une oreillette , est en continuité directe avec le canal branchio-car- dique , et ce n’est point par l'intermédiaire de la chambre ou la- cune péricardique que le sang y arrive, ainsi que cela se voit chez les Crabes et les Écrevisses. Le cœur est situé , comme on le sait, du côté droit, vers le tiers postérieur du corps; le ventricule se trouve un peu en avant de l'oreillette, et le sang arrive dans ce vestibule artériel en se portant d’arrière en avant. Au premier abord, on pourrait croire que cette circonstance ne mérite au- cune attention ; mais nous verrons par la suite que c’est un carac- 60 VOYAGE EN SICILE. tère physiologique propre à une des grandes divisions naturelles de l’ordre des Gastéropodes. L’aorte (1) forme dans l’intérieur du péricarde une crosse, dont la portion antérieure porte ces crêtes vasculaires que Cuvier a fait connaître, el que l’on doit considérer comme des glandes sanguines ; c’est entre le sommet du ventricule et ces appendices vasculaires que naissent les deux grandes artères viscérales. Le premier de ces vaisseaux que je désignerai sous le nom d’artère abdominale où aorte postérieure, se dirige en arrière, et s’enfonce au milieu des circonvolutions de l'intestin et les lobules du foie; il fournit de nombreuses branches à ces organes, et il est facile d’en’suivre les ramifications jusque dans le voisinage de l'anus. L’artère gastrique naît immédiatement en avant de l'artère abdominale, et suit une direction opposée ; elle fournit presque aussitôt une petite branche qui porte le sang aux parties voisines de la voûte abdominale, puis une paire de vaisseaux récurrents qui distribuent leurs ramuscules au gésier et au pylore; on en voit naître ensuite les artères de la portion membraneuse du se- cond estomac, des glandes salivaires et du jabot ; enfin, devenue très grêle, elle longe l’œsophage , dans les parois duquel elle envoie beaucoup de ramuscules , et se termine près de la partie postérieure de la masse pharyngienne. Au-delà de la crête vasculaire , et aussitôt après sa sortie du péricarde, l'aorte fournit l'artère génitale qui se dirige en arrière en passant sous le cœur, et se distribue à l’oviducte et aux parties voisines de l'appareil reproducteur. Une autre artère, que l’on pourrait appeler operculaire, prend son origine très près de l’ar- tère génitale, se dirige également en arrière, mais en passant au - dessus du cœur, et distribue de nombreuses branches à la por- tion du manteau qui renferme la coquille , et qui constitue ce que Cuvier nomme l’opercule. Une troisième artère naît de la même partie de l’aorte , passe sous l’oviducte , et se distribue à l'appa- reil glandulaire en forme de grappe, dont le canal excréteur dé- bouche en dehors près de l'ouverture génitale, Enfin une qua- (1) Atlas du l’oyage en Sicile, pl. 23. MILNE EDWARDS, -— SUR LA CIRCULATION. 61 trième artère se détache de l'aorte un peuen avant des précédentes, et se porte également en arrière pour se distribuer aux parties voisines du manteau et à l'appareil du pourpre. L’aorte se dirige ensuite en avant en passant sous l'estomac, et ne donne aucune branche avant que d’être parvenue auprès du collier œsophagien. Là, elle fournit deux grosses artères palliales qui se dirigent en dehors, puis se recourbent en arrière, et se divisent chacune en deux branches , dont l’une se distribue au pied, l’autre au lobe correspondant du manteau. L’artère palliale gauche naît plus près de la tête que celle du côté opposé; mais le mode de ramification de ces vaisseaux est à peu près le même, Vers le point où l'aorte est embrassée par le collier œsophagien, il en partune paire d’artères cervicales qui se portent directement en dehors, et se divisent en deux branches, dont l’une, après avoir fourni une artériole au ganglion cérébroïde , se distribue au tentacule postérieur correspondant et à la région dorsale du corps, tandis que l’autre se porte en avant et se ramifie dans les parois de la tête et des tentacules frontaux. L’artère cervicale du côté droit est beaucoup plus grosse que celle du côté opposé , et four- nit des branches à l’appareil copulateur ; elle longe le bord supé- rieur du sillon génital, et se prolonge jusque dans le voisinage de l’orifice de l’oviducte, Dans l’intérieur de la tête, l'aorte fournit une artère pharyn- gienne qui se divise presque immédiatement en trois branches ; deux récurrentes remontent sur les côtés de la masse charnue du pharynx, et se distribuent à toute la portion moyenne et posté- rieure. de cet appareil ; l’autre, impaire , se dirige en avant, et va se ramifier dans le voisinage de la bouche. Enfin, l’aorte, devenue très grêle , continue à se porter en avant, et se bifurque dans l'épaisseur de la lèvre inférieure pour se perdre dans les parties voisines de la tête. Le sang artériel, distribué ainsi dans toutes les parties du corps, arrive dans un système capillaire très riche et à parois parfaitement distinctes ; mais ces artérioles ne se continuent pas avec un système de tubes récurrents, et se résolvent peu à peu en petites lacunes formées par les interstices , que les brides cel- 62 VOYAGE EN SICILE. lulaires et les fibres des divers tissus laissent entre elles. Ces va- cuoles communiquent à leur tour avec une multitude de lacunes plus considérables siluées sous les téguments communs, et au milieu des faisceaux musculaires du pied, du manteau, et des autres parties du corps. Il en résulle un vaste système de cavités veineuses occupant l’épaisseur des parois du corps. Dans le pied et dans les lobes du manteau , ces lacunes sont très dilatables , et se prêtent à une grande accumulation du liquide ; dans la région dorsale , elles sont au contraire petites et serrées. Elles consti- tuent le système aquifère de M. Dellechiaje ; mais elles ne com- muniquent nulle part avec extérieur et la membrane imparfaite qui tapisse l’abdomen, et les sépare ainsi de la grande cavité viscérale, ne les clôt pas du côté interne. Cette tunique périto- néale est d’une texture très spongieuse , et présente des pertuis , par lesquels un passage très facile s'établit entre les lacunes sous-cutanées et la cavité viscérale. Aussi en poussant un liquide coloré dans cette dernière chambre , injecte-t-on toujours l’en- semble du système lacunaire, et en introduisant une masse à in- jection , même très grossière , dans les interstices musculaires du pied ou du manteau , on voit celle-ci se répandre immédiatement dans la cavité abdominale. Les espaces intermusculaires qui se trouvent sous la peau dans le point où l’opercule vient joindre les lobes du manteau, constituent de chaque côté, mais surtout à gauche , une sorte de canal (4), dont l'extrémité antérieure communique librement avec la cavité abdominale. Les lacunes sus-cutanées de l’opercule et des parties voisines des flancs communiquent également avec ces canaux dé- pourvus de parois propres ; on y voit déboucher aussi les canaux veineux de l’appareil du pourpre. Du côté droit, ce grand con- duit contourne en arrière la région operculaire , et, parvenu près de la base de la branchie , se trouve de nouveau en communica- tion avec la cavité abdominale par l'intermédiaire d’un pertuis très large, Enfin , il se continue directement avec le canal creusé dans le bord postérieur de la branchie, et servant à porter le (1) Atlas du Voyage en Sicile, pl. 22, fig. 3. MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION, 63 sang veineux dans les feuillets de cet organe. C'est le canal inter- musculaire dont il vient d’être question que Cuvier a décrit sous le nom d’artère branchiale où de veine cave, On voit qu'effective- ment le sang veineux ne peut arriver à la branchie qu’en suivant cette voie , et, à cet égard, les expériences physiologiques sont tout à fait d'accord avec les résultats obtenus par l'investigation anatomique ; car toutes les fois qu’on injecte une Aplysie par la cavité abdominale, on voit la matière colorante passer dans le canal sous-operculaire , et pénétrer dans les vaisseaux de la bran- chie; de même qu’en poussant l'injection dans le vaisseau aflé- rent de l'organe respiratoire, on envoie ce liquide dans le système lacunaire, qui tient lieu de veine cave, et dans la cavité abdo- minale, Le canal branchio-cardiaque occupe , comme on le sait, le bord antérieur de la branchie, et communique avec l'oreillette du cœur par un orifice garni de valvules. La disposition générale de ce vaisseau ne présente rien qui-n’ait été parfaitement indiqué par Cuvier; mais il est un point relatif à ses connexions avec l'appareil du pourpre , qui me semble avoir échappé à l'attention de ce grand anatomiste , et qui mérite d’être signalé. Effective- ment, le tissu spongieux de cet organe est en rapport, d’une part, avec le système veineux général et la cavité abdominale par deux grands vaisseaux lacunaires , ét d’autre part avec la branche interne du canal branchio-cardiaque. En fendant celle-ci longitudinalement, on voit bien distinctement les orifices qui donnent dans les lacunes de la substance de la glande , et lors- qu'on injecte le système artériel par le canal branchio-cardiaque, on remplit toujours ces mêmes lacunes qu’il ne faut pas confondre avec les cavités irrégulières , dans lesquelles les produits de la sécrétion s'accumulent. Nous avons déjà vu que cette glande re- coit de Faorte une artère nourricière , et, par conséquent, il est présumable que les orifices du canal branchio-cardiaque ne sont pas destinés à y conduire une portion du sang artériel qui vient des feuillets branchiaux , et qui se dirige vers le cœur. 11 semble- rait plus probable que ces ouvertures doivent livrer passage au sang veineux , dont l'appareil du pourpre se remplit par l’inter- 6 VOYAGE EN SICILE. médiaire des canaux en communication avec la cavité abdomi- nale ou avec le grand canal veineux afférent à la branchie; et s’il en était ainsi, la respiration de l’Aplysie serait imparfaite , tout le sang qui arrive au cœur ne traverserait pas préalablement la branchie , et les artères ne distribueraient aux organes qu’un mé- lange de sang artériel et de sang veineux. L’analogie est d’ail- leurs en faveur de cette hypothèse ; car, chez beaucoup d’autres Mollusques, il existe deux voies par lesquelles le sang arrive au cœur : l’une, à travers l'organe respiratoire ; l’autre , à travers une portion du manteau ou quelque organe sécréteur. SIXIÈME ARTICLE, De l'appareil circulatoire des Théthys. Les dissidences d'opinion qui, dans ces dernières années , se sont manifestées entre MM. de Quatrefages et Souleyet au sujet de la constitution de l’appareil circulatoire des Éolidiens , me fai- saient désirer de pouvoir étudier le système sanguifère des Thé- thys ; car ces Mollusques ont évidemment un mode d'organisation très analogue à celle des Éolides, et, à raison de leur grande taille, elles se prêtent bien mieux aux expériences physiologiques. Pen- dant mon voyage en Sicile, je n’avais pas eu l’occasion d’en ob- server ; mais étant retourné sur les bords de la Méditerranée l'été dernier, j’en ai trouvé en assez grande abondance tant à Cette qu’à Gênes, et j’en ai fait une étude attentive; mon com- pagnon de voyage, M. Blanchard, en a injecté aussi plusieurs, et il est arrivé aux mêmes résultats que moi. Onserappelle peut-être que, dans ses premières observations sur les Éolides, M. de Quatrefages avait été frappé de la vue de cou- rants de sang dans l’intérieur de la cavité abdominale, et n’ayant pu apercevoir aucune trace de veines proprement dites, il avait admis que, chez ces Mollusques, le système circulatoire était semi- vasculaire, semi-lacunaire ; que, du cœur, le sang arrivait à tous les organes par un système d’artère plus ou moins complet; mais que, pour revenir des diverses parties du corps jusque dans le MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION. 65 cœur, ce liquide ne trouvait pas de tubes centripètes ou veines, et se répandait dans les interstices des organes , puis dans la cavité ab- dominale , d’où il passait directement dans le cœur, M. Souleyet pensait, au contraire , que , chez ces Mollusques , le cercle vascu- laire est complet, et que les lacunes interstitiaires et la cavité abdominale ne suppléeraient ni en totalité ni en partie à l’absence de veines ; que des veines proprement dites ramènent le sang aux appendices branchiaux dont le dos de l’animal est garni , et que de ces organes respiratoires le liquide nourrisseur arrive au cœur par un système de vaisseaux branchio-cardiaques. D’après l'examen attentif que j'avais fait de cette question, j'ai acquis de bonne heure la conviction que les Éolides ne dif- fèrent pas essentiellement des autres Mollusques par la disposi- tion de leur appareil circulatoire, et que la vérité se trouve entre les deux opinions extrêmes dont il vient d’être question ; que M. de Quatrefages avait eu raison de conclure à l'absence de veines proprement dites pour ramener le sang des diverses par- ties du corps vers la région dorsale de l’animal , et qu'en admet- tant avec tous les auteurs l'existence d’un cercle vasculaire com- plet chez les Mollusques ordinaires, il avait encore raison de considérer l'appareil circulatoire des Éolides comme étant dé- gradé ; mais que cette dégradation n'était pas poussée aussi loin qu’il le supposait, et qu'il existe chez les Éolides, comme chez les autres Gastéropodes , un système de vaisseaux branchio-car- diaques. Les préparations de M. Souleyet, et les injections que j'avais faites moi-même , ne me laissaient aucune incertitude rela- tivement à la présence de canaux branchio-cardiaques parfaite- ment séparés de la cavité générale du corps ; mais je n’ai rien vu qui soit de nature à faire penser qu'il existe chez les Éolidiens un système de veines proprement dites, c’est-à-dire des tubes à parois propres pour porter le sang des diverses parties de l’éco- nomie jusque dans les organes respiratoires. J’ai toujours vu , au contraire, les branchies s’injecter , lorsqu'on poussait un liquide coloré dans la cavité abdominale et dans le système lacunaire gé- néral. Chez les Théthys, de même que chez les Éolides, il existe dans # 3° série. Zoo. T. VIIT, ( Août 4857.) 1 5 66 VOYAGE EN SICILE. toute la longueur du dos un grand sinus sanguin , qui recoit à droite et à gauche les vaisseaux efférents des branchies, et qui communique avec le cœur par son extrémité antérieure (1), M. Delle Chiaje a signalé la présence de ce sinus dorsal dans son grand ouvrage sur les animaux sans vertèbres de Naples (2) ; mais, d’après cet anatomiste, il y aurait aussi chez la Théthys un grand réservoir veineux occupant la même position, ne commu- niquant pas avec l’abdomen, recevant le sang de toutes les par- ties du corps, et servant à porter ce fluide aux branchies (3). Les résultats de mes dissections ne s'accordent en aucune façon avec l'opinion du célèbre naturaliste de Naples, et tout me porte à croire que c’est un seul et même sinus qu'il aura pris alternative- ment pour une sorte de veine cave ou une veine branchiale, sui- vant qu'il l’observait après l’avoir distendu par une injection , et en avoir déchiré les parois, de facon à pénétrer dans le système lacunaire général, ou qu’il l’examinait sans l’injecter , et lorsque les parois en étaient contractées. Effectivement, je me suis assuré qu'immédiatement sous les téguments, on trouve dans toute la portion du dos occupée par les branchies une vaste cavité qui, étant convenablement in- jectée, ressemble lout à fait au réservoir dorsal, figuré par M. Delle Chiaje sous le nom de sinus veineux (4) ; mais que cette cavité ne communique pas directement avec les cavités veineuses du reste du corps, et remplit les fonctions d’un canal branchio- cardiaque ; elle n’est séparée de la chambre viscérale située au- dessous que par une cloison membraneuse , et ne recouvre au- cun réservoir veineux qui soit distinct et indépendant de cette dernière cavité. En l'injectant avec précaution, je n'ai jamais vu le liquide coloré en sortir pour pénétrer dans les canaux lacu- naires du voile céphalique , comme cela est représenté dans la (1) PL. 3, fig. A: (2) Descrizione e Notomia degli animali invertebruti della Sicilia eiteriore. L. I, p. 36, et pl. 49, fig. 4. (3) Loc. cit., pl. 48, fig. 1. (4) Voyez comparativement la première figure de ma planche 3 et la figure donnée par M. Delle Chiaje, pl. #8. MILNE PDWARDS. — SUR LA CIRCULATION, 67 figure donnée par M. Delle Chiaje , et il m'a paru qu’elle se ter- minait antérieurement derrière le péricarde où elle communique avec le cœur. La disposition de ce sinus branchio-cardiaque est par conséquent tout à fait la même que celle du vaisseau dorsal , qui a été observé par M. Souleyet chez les Éolides , et qui sert à porter le sang artériel des organes de la respiration au cœur. Les parois en sont imperméables aux injections ordinaires: mais il paraîtrait cependant qu’elles ne sont formées que par un feutrage serré de brides cellulaires et de fibres musculaires : car M. Blan- chard , que j'avais prié d'examiner ce point après mon départ de Gênes, a acquis la conviction qu'aucune membrane proprement dite ne la tapisse, et ne la sépare des lacunes voisines; or ce jeune anatomiste est si habile dans l’art des dissections , et ob- serve avec un soin si grand, que j’ai toute confiance dans les ré- sultats de ses investigations. Il en résulte que le sinus branchio- cardiaque des Théthys ne me paraît pas devoir être considéré comme un vaisseau proprement dit, mais ne serait qu’une vaste lacune séparée du système lacunaire général par la densité des tissus d’alentour, et affectée spécialement au transport du sang artériel des branchies au cœur. Sous ce rapport, le système circu- latoire des Théthys serait donc plus dégradé que celui d’aucun autre Mollusque gastéropode. La disposition générale du système artériel est assez bien con- nue par la description qu’en a donnée M. Delle Chiaje ; et, pour plus de détails, je me bornerai ici à renvoyer à la figure (1) que j'en ai faite en partie d’après mes propres observations, en partie d’après les préparations que je dois aux soins de M. Blanchard. Les Théthys que je trouvais vivants dans les filets des pêcheurs au château des Salines, près Cette, et à Gênes, avaient sou- vent plus de 2 décimètres de long. On pouvait par conséquent les injecter très facilement, et observer de même la constitution des cavités mises en évidence par cette opération. Aussi ai-je ac- quis promptement la conviction que chez ces Mollusques, de même que chez l’Aplysie, le système veineux est représenté par les lacunes inter-organiques , et ne consiste pas en un appareil (2) Voyez PI. 3. fig. 2. 68 VOYAGE EN SICILE, vasculaire proprement dit; seulement ces lacunes, au lieu d’avoir une disposition cellulaire et de donner aux parties qui les renfer- ment un aspect spongieux, sont allongées et flexueuses, de facon que par leur réunion elles constituent une sorte de réseau qu’au premier abord on croirait composé de vaisseaux variqueux unis par des anastomoses fréquentes ; mais lorsqu'on vient à les dissé- quer, on voit qu'elles ne sont séparées entre elles que par les fais- ceaux musculaires et des trabécules fibreuses ou cellulaires : nulle part je n’ai pu découvrir la moindre trace d’une tunique propre. Ce réseau veineux , qui se trouve dans l'épaisseur du grand voile céphalique, des tentacules, du manteau et du pied, n’a pas échappé aux investigations de M. Delle Chiaje ; mais cet anato- miste ne me semble pas en avoir reconnu la véritable nature. Ce système, en effet, n’est pas autre chose que son appareil aquifère, et au lieu d'aller déboucher dans un sinus dorsal distinct, d’où naîtraient les vaisseaux afférents aux branchies , il communique librement avec la cavité abdominale, et se continue sans inter- ruption avec les canaux veineux des organes respirateurs. On l’in- jecte, quel que soit le point par lequel on pique la peau de l’ani- mal pour y introduire la canule, et on voit le liquide s’avancer d’abord dans les canaux flexueux sous-cutanés, puis se répandre dans la cavité abdominale, et remplir les vaisseaux des branchies, L'ensemble du système veineux s’injecte avec la même facilité, lorsqu'on introduit la masse colorée dans la cavité abdominale, et si, après en avoir agi de la sorte, on ouvre cette chambre viscé- rale, on distingue à l’œil nu les nombreux méats intertrabécu- laires par lesquels la communication s'établit entre son intérieur et le système lacunaire d’alentour. Les viscères ont une tunique comparable au péritoine des animaux à organisation plus parfaite ; mais les parois de la cavité abdominale ne sont pas tapissées d’une membrane continue, et offrent une texture spongieuse (1). Les lacunes qui se trouvent de chaque côté du grand sinus branchio-cardiaque, et qui sont situées par conséquent à la base des branchies, sont plus vastes que celles des parties terminales du système veineux, mais ne constituent pas un réservoir parti- (1) PL 3, fig. 2. MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION. 69 culier, et les grands canaux qui y aboutissent en venant du voile ou du pied, tout en ayant plus de régularité que le réseau lacu- naire sous-cutané , ne méritent pas davantage le nom de veines , car ce ne sont pas des vaisseaux proprement dits. Enfin il ne peut yavoir aucune incertitude quant au rôle physiologique de ce sys- tème lacunaire dans l’acte de la circulation; car, ainsi que l'avait constaté M. Delle Chiaje, on parvient aisément à faire passer des fluides du canal veineux creusé dans la branchie, et en continuité avec les méats sous-cutanés, jusque dans les canaux efférents et dans le sinus branchio-cardiaque. + D’après tous ces faits, il me paraît évident que l’appareil cir- culatoire des Théthys a une grande analogie avec celui des Aply- sies; la principale différence me semble résulter du développe- ment considérable et de la position médio- dorsale du canal branchio-cardiaque qui, chez l’Aplysie, est rejeté à droite et n’oc- cupe que peu d'espace, tandis qu'ici il se prolonge dans toute la longueur du dos, et s'étend d’une série branchiale à l’autre. C’est une disposition analogue qui existe chez les Eolidiens, et on doit admettre que chez tous ces Mollusques , c’est-à-dire chez les Thé- thys et les Eolides, de même que chez les Aplysies , le cercle cir- culatoire est moins complet que chez les Céphalopodes ; qu'il n°y a que peu ou point de veines proprement dites pour ramener le sang des divers organes vers les branchies, et qu'un système de la- cunes plus ou moins canaliculaires en tient lieu ; que la cavité ab- dominale remplit le rôle d’un réservoir veineux, et que c’est sur le trajet suivi par le sang artériel seulement qu'on trouve des vaisseaux proprement dits ou, en d’autres mots, des tubes mem- braneux à parois indépendantes des parties voisines. Un vice de nomenclature pourrait jeter quelque confusion dans l’énoncé de ces résultats, si l’on voulait appliquer à la description des Mollus- ques les noms employés en anatomie humaine, car on pourrait dire alors que les Théthys, les Eolides et les Apiysies, sont pour- vues de veines, puisqu'ils possèdent des vaisseaux branchio-car- diaques, lesquels correspondent physiologiquement aux vaisseaux qui portent le sang artériel des poumons au cœur, et qui, chez l'Homme, sont appelés veines pulmonaires ; mais cette désigna- 70 s VOYAGE EN SICILE. tion ne tendrait qu'à donner des idées fausses , il vaut mieux ré- server ici le nom de système veineux pour la portion du cercle cir- culatoire qui renferme le sang veineux. C’est dans ce sens que je l'ai toujours employé lorsque je disais que, chez les Crustacés . les veines manquent complétement et sont remplacées par des la- cunes ; et, en parlant de la dégradation du système veineux chez les Mollusques, je n’ai jamais entendu comprendre dans ce sys- tème les parties destinées au transport du sang artériel. Ainsi, pour résumer en quelques mots mon opinion touchant la constitution de l’appareil circulatoire chez les Gastéropodes dont il vient d’être question , jé dirai que le système vasculaire est in- complet ; que des vaisseaux branchio-cardiaques conduisent le sang artériel des organes de la respiration au cœur ; que des ar- tères proprement dites distribuent ensuite ce liquide dans toutes les parties du corps, et que c’est essentiellement par l’intermé- diaire des lacunes ou espaces inter-organiques que le sang veineux circule dans l’économie et arrive aux branchies. Dans les Eolides, le sinus branchio-cardiaque est beaucoup plus étroit que chez les Théthys, et les canaux efférents des bran- chies qui v apportent le sang artériel sont beaucoup plus longs; ces canaux marchent transversalement, de chaque côté du corps, et ont pour racines les vaisseaux appartenant à toute une rangée d’appendices branchiaux. Cela leur donne un aspect très particu- lier, mais ne constitue aucune différence importante. J’ajouterai aussi que l’appareil circulatoire des Doris me paraît être constitué d’après le même plan général ; seulement le sinus branchio-car- diaque, refoulé vers la partie postérieure du corps, est très court et entoure l'anus, où les branchies forment, comme on le sait, une sorte de couronne. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE à. Fig. 4. Théthys dont le système veineux a été injecté en bleu par la cavité abdo- minale et le sinus branchio-cardiaque, ainsi que les vaisseaux branchiaux effé- rents et les artères en rouge. 4,4, le voile céphalique — Z, le pied. — C,0, les branchies — «, sinus MILNE EDWARBS. —- SUR LA CIRCULATION. 71 branchio-cardiaque. — b, vaisseaux branchiaux eflérents, longeaut les vais- seaux afférents. Fig, 2. Théthys vu en dessous et ouvert, pour montrer les communications de la cavité abdominale avec le système lacunaire général. A,4, voile céphalique.— 8, pied. — C, bouche. — D, estomac.— E, foie. — F, intestin.— G, organes génitaux. — H, pénis. — a, l'aorte, qui, aussi- tôt après son origine, passe sous l'estomac, et se dirige en avant pour aller se terminer dans la portion inférieure du voile céphalique (4) : la portion dorsale de ce voile présente deux couches de vaisseaux artériels; les artères du feuillet inférieur sont représentées ici en c ; celles du feuillet supérieur se voient dans la figure précédente. L'aorte donne aussi naissance à la grande artère pédieuse (c'), dont les branches se dirigent à droite et à gauche, et se voient à la face inférieure du pied (d,d). ARTICLE SEPTIÈME. De l'appareil circulatoire du Colimaçon. Dans le Colimacon , l’appareil de la circulation est beaucoup moins incomplet que chez les divers Gastéropodes dont il vient d'être question ; mais je ne connais aucun animal de cette classe chez lequel il soit plus facile de prouver que le système veineux est formé en grande partie par des lacunes, et que la cavité abdo- minale remplit les fonctions d’un vaste réservoir sanguin, En effet, lorsqu'on pousse un liquide coloré dans la chambre viscé- rale, on le voit pénétrer non seulement dans le système lacunaire général, mais aussi dans une multitude de vaisseaux plus ou moins complets qui sont destinés à transporter le sang veineux ; et quand on fait l'injection par un de ces troncs vasculaires , on voit le liquide coloré s’épancher aussitôt dans l'abdomen (1): La chambre viscérale est divisée en deux parties par des cloi- sons membraneuses imparfaites ; dans ia première qui occupe la tête , et s’étend en arrière jusqu’au niveau du bord postérieur du manteau et au péricarde, les organes flottent librement, et les parois sont très extensibles ; aussi cette cavité peut-elle recevoir une quantité très considérable de liquide, et. dans les circon- stances ordinaires, remplit-elle les fonctions d’un grand sinus veineux. Dans toute la portion postérieure de l'abdomen (celle qui constitue le tortillon), les téguments sont serrés autour de la (1) Voyez l'Allas du Voyage en Sicile, pl. 20, fig A, et pl. 24, fig. 4. 72 VOYAGE EN SICILE. masse viscérale, et ce n’est guère que dans les espaces que les lobules du foie laissent entre eux ou autour du tube digestif que le sang veineux peut s’accumuler en quantité un peu considé- rable ; or, ces lacunes, par leur forme et leur disposition, simu- lent tout à fait des vaisseaux, et on comprend que, pour les transformer en veines proprement dites, il suffirait du développe- ment d’une couche de tissu cellulaire condensé autour du canal parcouru par le courant circulatoire. Là, où les lobules et les granulations du foie limitent ces espaces, le canal veineux se ra- mifie à mesure qu’il s'éloigne du bord de l'organe , et finit par se résoudre en une multitude de canalicules comparables à un réseau capillaire. Dans quelques points , les parois de la cavité générale se replient, de facon à former une gouttière qui fait également office de tronc veineux ; ainsi un canal de ce genre règne tout le long du côté droit du tortillon, et un grand nombre de canaux interlobulaires viennent y aboutir, comme le feraient les racines d’une veine sur un tronc commun (1). Mais tous ces conduits sont des lacunes plutôt que des tubes vasculaires; ils n’ont pas de tu- niques propres, et ne sont limités que par les tissus d’alentour. Plusieurs canaux veineux de moyenne grandeur formés par les espaces inter-lobulaires du foie débouchent dans le sinus abdomi- nal commun du côté gauche sous le ventricule du cœur ; d’autres lacunes de forme irrégulière entourent le tube digestif, et viennent également s’ouvrir vers le fond de la portion libre de la chambre viscérale ; enfin, le canal veineux du tortillon dont il a déjà été question communique largement avec ce réservoir commun par des pertuis situés du côté droit de la cavité abdominale , près du point où l'intestin se relève pour gagner la voûte de la chambre pulmonaire, Mais ce canal veineux ne se termine pas dans le sinus avec lequel il s’anastomose de la sorte, et se continue sur la paroi de la chambre pulmonaire où on le voit suivre le bord supérieur de l'intestin jusque dans le voisinage de l’anus. Un autre canal veineux longe le bord inférieur du même intestin, et vient se réunir au précédent vers le point où celui-ci communique libre- ment avec la cavité abdominale. Le canal veineux sous-intestinal (1) Loc. cit, pl. 24, fig. 1, dd. C1 MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION. 73 s'anastomose aussi avec cette cavité par l'intermédiaire de la- cunes situées dans l'épaisseur du manteau , et de pertuis qui sont très visibles à la face interne des parois de l’abdomen dans la ré- gion correspondante au pneumostome (1). Enfin, vers la partie la plus reculée de la chambre abdominale antérieure, le grand sinus formé par celte cavité communique du côté gauche avec un canal qui est creusé dans le bourrelet marginal du manteau, et qui contourne la partie antérieure de la chambre pulmonaire, Ce canal veineux communique librement avec les interstices lacu- naires du tissu circonvoisin, et, en l’injectant, on détermine un état de turgescence dans le bord du manteau et dans tout le pourtour de l’orifice respiratoire ; mais ce qu'il présente de plus remarquable, c’est la continuité qui existe entre sa cavité impar- faitement circonscrite et les vaisseaux bien définis de la voûte pulmonaire (2). Effectivement , c’est de ce canal veineux palléal que naissent les principaux troncs vasculaires destinés à porter le sang veineux à l’organe respiratoire. Ges vaisseaux se portent d'avant en arrière, et un peu de gauche à droite, en marchant parallèlement entre eux, et donnent à droite et à gauche une multitude de branches, dont les ramifications entrent dans la composition du lacis pulmonaire. D'autres vaisseaux afférents moins importants, mais beaucoup plus nombreux, naissent du canal veineux , dont nous avons déjà indiqué l'existence le long du bord supérieur de toute la portion terminale de l'intestin. Ces derniers se dirigent transversalement de bas en haut et de droite à gauche , et occupent tout le côté droit de la voûte pulmonaire. Ainsi, le sang veineux arrive dans le réseau pulmonaire par deux routes différentes , et les canaux qui l'y apportent le recoi- vent en totalité ou en partie de la cavité abdominale ; ce ne sont pas des vaisseaux proprement dits qui s’anastomoseraient avec la chambre viscérale, comme le font les veines caves du Poulpe, mais des conduits pratiqués dans la substance du bord du man- teau ou dans l’espace compris entre la peau, l'intestin et la tu- nique pulmonaire, et limités seulement par des trabicules, dont (1) Loc. cit, pl. 20, fig. 2, b. (2) Loc. cit, pl. 22, fig. 4. LL 74 VOYAGE EN SICILE, l'assemblage constitue un tissu aréolaire plus ou moins serré et perméable au sang. Il y a donc une grande analogie entre ces canaux afférents au poumon et les conduits qui, chez l’Aplysie, naissent de la cavité abdominale, contournent l’opercule, et vont déboucher dans la branchie. Les vaisseaux afférents qui recoivent le sang artériel du réseau pulmonaire et le portent au cœur naissent entre les diverses branches et ramuscules des vaisseaux afférents, mais marchent en sens contraire, et vont se réunir en deux troncs principaux , dont l’un correspond à la portion de la voûte occupée par les di- visions du conduit afférent creusé dans le bord du manteau , et l’autre est en connexion avec les ramifications du canal veineux sus-intestinal (4). Ces deux vaisseaux se réunissent vers les deux tiers postérieurs de la voûte pulmonaire , et le tronc commun ainsi formé continue à se porter en arrière et à gauche pour aller se terminer dans l'oreillette du cœur, Ici encore il existe une disposition qui rappelle ce que nous avons vu chez l’Aplysie. Le tronc pulmo-cardiaque ne recoit pas seulement des branches du réseau respiratoire ; près du point où il pénètre dans le péricarde, on y voit déboucher un vaisseau assez considérable, dont les branches se ramifient en grand nombre dans la substance de la glande urinaire qui occupe la par- tie supérieure et postérieure de la voûte pulmonaire (2). Cet appa- reil sécréteur recoit aussi des artères venant de l'aorte (3), et plu- sieurs vaisseaux afférents y apportent du sang artériel du réseau respiratoire. Il semblerait donc y avoir ici une espèce de système portal artériel comparable au système lacunaire de la glande du pourpre chez l’Aplysie, mais d’une structure beaucoup plus par- faite ; et, suivant toute probabilité, le sang qui arrive au cœur est un mélange de sang artériel venant directement de l’organe respiratoire , et de sang qui à déjà servi à l'entretien du travail sécréteur dont l'appareil rénal est le siège. Quant à la disposition du système artériel , je n’ai observé rien (4) Loc cit., pl. 20, fig. 4, F. (2) Loc. cit., pl. 20, fig. 2, &, et pl 21, fig: 2, n. (3) Loc. cit., pl. 20, fig. 2, m. MALNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION. 75 de remarquable, et pour en donner une idée exacte, il me suflira, je pense, de renvoyer aux figures que j'en donne dans l’atlas de mon voyage (1). J’ajouterai seulement ici que l'oreillette est située au- devant du ventricule, et que l'aorte naît de l'extrémité postérieure de ce dernier organe du côté gauche, disposition sur laquelle j'aurai l’occasion de revenir dañs une autre occasion. ARTICLE HUITIEME. Système circulatoire du Triton. La disposition générale de l'appareil circulatoire du grand Triton de la Méditerranée ressemble beaucoup à ce que nous venons de voir chez le Colimacon. Le vaisseau qui porte le sang artériel au cœur, et qui corres- pond par conséquent à la veine pulmonaire du Colimacon , longe le bord gauche ou externe de la branchie, et, en traversant le péricarde pour déboucher dans l'oreillette, s’anastomose avec un gros tronc vasculaire, dont les branches se distribuent dans l’é- paisseur d’un organe glandulaire situé en avant et à droite de cette poche membraneuse, et paraissant être l’analogue de la glande urinaire du Colimacon. Le vaisseau branchio-cardiaque communique aussi avec quelques veines du manteau , et par con- séquent ici, de même que chez les autres Gastéropodes dont il a déjà été question , la respiration branchiale n’est pas complète , c’est-à-dire n’agit pas sur la totalité du sang recu par le cœur. Le système artériel (2) n'offre rien de remarquable ; l’aorte se divise immédiatement en deux troncs, et constitue ainsi une aorte postérieure qui se prolonge jusqu’au sommet du tortillon, et donne des branches à l'intestin, au foie , etc., et une aorte anté- rieure qui est d’un calibre plus gros, et qui se termine dans la tête après avoir envoyé des rameaux à l’estomac, au manteau et au pied. La chambre viscérale remplit les fonctions d’un grand sinus veineux, et lorsqu'on y pousse un liquide coloré , on voit s’injec- (1) Loc. cit., pl. 20, fig, 2, et pl. 21. (2) Op. cit., pl. 27. 76 VOYAGE EN SICILE. ter aussitôt un système de vaisseaux fort remarquables qui se rami- fient sur les plis foliacés des deux grands organes sécréteurs si- tués derrière la chambre respiratoire, et appelés par Cuvier organe de la viscosité (A). Les orifices de ces vaisseaux sont béants sur la paroi droite de la cavité abdominale , tout près du cœur, et leurs branches forment, sur la surface libre interne des organes auxquels ils se distribuent, des arborisations d’une grande élé- gance. Dans le voisinage de ces ouvertures, on distingue aussi un pertuis, par lequel la cavité abdominale communique avec un canal veineux qui longe le bord inférieur de l’oviducte dans toute la longueur de la voûte branchiale, et qui s’anastomose de chaque côté avec une multitude de canalicules flexueux, ou plutôt de lacunes creusées dans l’épaisseur du manteau. Un autre canal veineux longe le bord supérieur de l’oviducte, et se trouve compris entre cet organe et le bord inférieur du rec- tum ; il communique avec le réseau lacunaire voisin; mais, en arrière , il naît principalement d’un système de conduits impar- faits situés sous la peau , et appartenant au grand organe glandu- laire , que nous avons déjà vu recevoir du sang directement de la cavité abdominale. Enfin ce grand vaisseau sous-intestinal donne naissance soit directement, soit par l'intermédiaire des lacunes sous-tégumentaires dont le rectum est entouré, à un grand nombre de branches qui traversent la voûte de la cavité bran- chiale, et forment dans les plis sécréteurs de la mucosité un ré- seau capillaire extrêmement riche, mais lacunaire plutôt que vasculaire, dont la portion marginale débouche à gauche dans le canal afférent à la branchie. Aussi, lorsqu'on injecte la portion veineuse de la branchie, on remplit ce réseau , dans lequel on arrive aussi très facilement en poussant le liquide coloré par le canal veineux sous-intestinal. (1) Cet appareil, dont la disposition est très remarquable, n'a pas été suffisam- ment étudié, et ne me paraît pas avoir les usages que Cuvier semble y attacher. Il ressemble un peu aux corps spongieux dont ies propres veines des Céphalopodes sont garnies, et adhère aux parois d'une cavité membraneuse qui, à son tour, communique avec le fond de la chambre branchiale par un orifice très grand. C’est à la paroi cardiaque de cette cavité post-branchiale que débouchent les va- cuoles caverneux de la glande urinaire. MILNE EDWARDS. — SUR LA CIRCULATION. 77 ARTICLE NEUVIÈME. De l'appareil circulatoire de la Pinne marine. La disposition générale du système artériel de la Pinne marine est assez bien connue par la description qu’en à donnée Poli (1). Cet anatomiste a représenté aussi les canaux qui distribuent le sang veineux aux branchies ; mais il n’a rien spécifié quant à la route suivie par ce liquide pour arriver aux diverses parties du corps jusqu'à la base des organes respiratoires. Les injections poussées dans la chambre viscérale m'ont fait voir que le sang doit arriver aux branchies par deux voies prin- cipales ; en effet , l'espèce de rigole qui règne le long de la base de la portion libre du manteau, depuis l'extrémité antérieure du corps jusque vers le point d'insertion des tentacules labiaux , et qui communique avec l'abdomen ainsi qu'avec les lacunes inter- stitiaires du manteau et du pied, se continue postérieurement avec le tronc afférent interne de la branchie correspondante (2), et une communication analogue existe entre le tronc afférent in- terne et la portion voisine du système lacunaire du pied , tandis que le tronc médian, qui se remarque dans la portion postérieure de chaque paquet branchial, naît de l'extrémité opposée de la cavité abdominale, sous le bord antérieur du grand muscle ad- ducteur des valves (4). On remarque dans ce point une espèce de sinus où viennent aboutir des conduits veineux qui longent le bord inférieur de l'estomac, ainsi que des veines à parois incom- plètes qui prennent naissance dans les organes glandulaires, de couleur brun-foncé (M) , situées entre le viscère dont il vient d’être question et l'ovaire. D’autres canaux qui débouchent dans la cavité abdominale sous les muscles rétracteurs du pied (K), et qui se remplissent lorsqu'on pousse l'injection dans le système lacunaire général, se ramifient sur les mêmes glandes , et sem- blent devoir y établir une sorte de circulation portale. On distingue aussi entre les lobules du foie et de l’ovaire des canaux veineux qui offrent une disposition rameuse , mais qui sont des espaces (1) Testacea utriusque Siciliæ eorumque Historia et Anatome, t. Il, p. 243 tab. xxx1x. (2) PI, 4, . : 78 VOYAGE EN SICILE. inter-organiques plutôt que des vaisseaux proprement dits ; de sorte que , dans toute la portion abdominale du corps , la circu- lation du sang veineux paraît se faire de la même manière que chez les Gastéropodes. Dans le manteau, le réseau capillaire m’a paru être également lacunaire ; mais les gros conduits (/), à l’aide desquels le fluide “ nourricier revient de cet organe vers le cœur , sont des veines bien formées , et il est à noter que ces vaisseaux , au lieu de com- muniquer avec le système veineux général, vont s’anastomoser avec les canaux branchio-cardiaques (/) , disposition qui est tout à fait analogue à celle que nous avons signalée chez les Halio- tides , etc. Ainsi, le sang qui arrive au cœur vient en partie des organes spéciaux de la respiration , en partie du manteau, et ne serait qu'un mélange de sang veineux et de sang artériel , si ce dernier organe n'était suceptible de remplir les fonctions d'une branchie accessoire ; mais le manteau présente toutes les condi- tions nécessaires pour jouer ce rôle , et le sang artériel qui y est distribué par les artères palléales, au lieu de retourner au cœur chargé d’acide carbonique, doit s'être oxigéné d’une manière plus complète en traversant le réseau capillaire de ces grands voiles membraneux. Cette disposition de l’appareil circulatoire nous explique aussi comment les branchies peuvent manquer chez les Acéphales bra- chiopodes , et le manteau devenir le principal organe de la respi- ration, sans que cette particularité entraîne aucune modification profonde dans le reste de l’organisation de ces Mollusques. Chez les Pinnes , et probablement chez tous les Lamellibranches , il existe des communications directes entre le système lacunaire gé- néral et le réseau capillaire des branchies et du manteau ; là le sang recoit le contact de l’eau aérée , et deux systèmes de canaux, qui ne tardent pas à se réunir , le reportent de ce double appa- reil respiratoire jusqu’au canal aortique. Chez les Brachiopodes, le canal branchio-cardiaque perd l’une de ses racines par la dispa- rition des branchies proprement dites , et ne recoit le sang que par l'intermédiaire du tronc palléal , dont le rôle est accessoire chez les Acéphales d’une organisation plus élevée. Mes recherches sur la structure de l’appareil circulatoire des MILNE EDWARDS, — SUR LA CIRCULATION. 79 Pinnes marines n’ayant pas été poussées aussi loin que je l’aurais désiré, je ne m'arrêterai pas davantage sur l’anatomie de ces Mollusques. J'espère avoir bientôt l’occasion de compléter mes observations sur ce point ; et s’il en est ainsi, j'y reviendrai lors- que je traiterai des organes de la circulation des Mactres, des Pectens et des autres Acéphales, sujet dont je m’occuperai dans un prochain Mémoire. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE /. Une Pixxe marne représentée aux deux tiers de la grandeur naturelle et ouverte, pour mettre à découvert les principaux organes. Les vaisseaux efférents de l'ap- pareil branchial, le cœur et les artères , ont été injectés en rouge, tandis que le système lacunaire général et les vaisseaux afférents des branchies qui en tirent leur origine ont été remplis avec du bleu, par l'intermédiaire de la ca- vité abdominale. À, la bouche. — £, le pied.— C, l'appendice digitiforme du pied. — D, le byssus. — £, les tentacules labiaux. — F,F, les branchies : celles du côté droit sont en place; celles du côté opposé sont divisées près de leur extrémité antérieure, et rejetées en dessus. — G,G, le manteau, dont le lobe gauche est en grande partie détaché du corps et rejeté en dessus.— J, muscle adducteur postérieur.—J, premier estomac recouvert par le foie.—J, ovaire.—AK, mus: cles rétracteurs@lu pied.—£, anus, surmonté par l'appendice érectile que Poli désigne sous le nom de trachée,—M, l'une des glandes brunes qui remplissent probablement les fonctions d'un appareil urinaire, et qui sont considérées par Poli comme les organes sécréteurs de la matière calcaire. Entre cet organe et la branchie, on voit le second estomac. «, le ventricule aortique. a, portion antérieure de ce ventricule embrassant l'intestin rectum, et constituant les deux racines de l'artère aorte antérieure. b, l'une des oreilleltes, rejetée en dessus ; l'autre oreillette se voit dans sa posi- tion naturelle, du côté opposé au ventricule. c, l'un des canaux branchio-cardiaques ; l’autre se voit en place, au devant du muscle H. d, artère aorte antérieure. e, artère aorle postérieure. [f, veines palléales allant déboucher dans les eanaux branchio -cardiaques en g. h,h, vaisseaux afférents des branchies. ï, l'un des canaux de communication entre ces derniers vaisseaux et le système laçunaire général de l'abdomen. 80 DERRÈS. — FORMATION DE L'EMBRYON OBSERVATIONS sur le MÉCANISME ET LES PHÉNOMÈNES QUI ACCOMPAGNENT LA FORMATION DE L'EMBRYON CHEZ L'OURSIN COMESTIBLE ; Par M. DERBÈS. Des études que je poursuis depuis plusieurs années sur le mé- canisme de la fécondation chez les plantes aquatiques inférieures m'ont conduit à faire des recherches analogues sur quelques ani- maux inférieurs. Le premier qui m'a occupé est l’Oursin comes- tible ; c’est aussi celui sur lequel je possède le plus de données. Je vais exposer mes observations à son sujet. Le spectacle des premiers phénomènes qui accompagnent la fé- condation inspire nécessairement le désir de connaître la destinée ultérieure de l'embryon ; aussi je n’abandonnerai pas le sujet sans faire connaître les curieuses transformations que j'ai pu saisir dans l’évolution du jeune animal, lequel contracte, dansle cours de cette évolution , des formes inattendues, et que rien ne permettrait de prévoir à priori. Un travail sur ce sujet a été présenté à l’Institut, il y a quelques mois. Je m'abstiens d’en parler & d’en discuter l’origine. Je veux me borner à énoncer les faits dont j'ai été té- moin , et que j'ai montrés à une personne dont l’auteur du tra- vail en question ne récusera certainement pas le témoignage. La majeure partie de ce qui suit était rédigé avant que j’eusse con- naissance du Mémoire de M. Dufossé ; je ne change rien à ma rédaction , bien que j'aie de nouveau répété toutes mes observa- tions, depuis que je l’ai lu.” D'autres observations sur le même sujet ont été communiquées par M. Baër à l’Académie de Saint-Pétersbourg. A en juger par l'extrait très succinct et les très courtes citations contenues dans l'Institut du 26 mai dernier , tous les faits signalés par M. Baër concordent avec ceux que j'ai observés ; seulement il n’a pas suivi les développements de la larve au-delà de l’éclosion (1), J’ai eu le (1) L'auteur n'avait pas connaissance des observations intéressantes sur les CHEZ L'OURSIN COMESTIBLE, #1 bonheur de pousser plus loin mes recherches, comme on va le voir, C'est un fait désormais acquis à la science que , dans les Échi- nodermes, les sexes sort séparés sur des individus différents. Mais ce n’est pas depuis bien longtemps que cette vérité a été reconnue par M. Peters, M. Miine Edwards et M. Lallemant. Tous les ouvrages de physiologie , même récents, considèrent ces animaux comme des exemples d’hermaphrodismes parfaits. J'ai plusieurs raisons de penser que l’hermaphrodisme , tel qu’on le supposait chez ces animaux , tel qu’on le suppose encore chez les Mollusques acéphales, malgré les travaux de MM. Prévost et Dumas, confirmés et étendus par ceux de M. Milne Edwards, est beaucoup moins fréquent qu’on ne croit généralement. Des ob- servations assidues el exactes feront disparaître bientôt la plupart des cas où une étude superficielle l’avait fait admettre. Parmi les Échinodermes , j'ai constalé cette séparation non seulement sur l'Echinus esculentus, mais encore sur plusieurs Astéries. Parmi les Mollusques acéphales, tous ceux que j'ai observés me l'ont également offerte ; je puis citer notamment la /’enus decussatu, le Mytilus edulis et le Cardium edule. C’est un sujet dont je me propose de m'occuper, dès que j’en aurai le temps. Les individus mâles de l’£chinus esculentus ne peuvent être distingués des individus femelles par aucun caractère extérieur, à moins que ce ne soit le moment de l’émission des œufs où du sperme. Dans ce cas, on voit s’écouler, par cinq petits orifices qui entourent l’anus, un liquide épais, dont la couleur seule peut indi- quer le sexe de l'individu qui la fournit. Ce liquide, en effet, estou bien d’un blanc de lait , ou bien d’un rouge orangé plus ou moins vif, ou au moins d’une teinte jaune bien prononcée. Dans le pre- mier cas, c’est du sperme qui le constitue ; dans le second, c’est aux œufs qu'il contient qu'il doit sa coloration. Si cette circonstance d’une émission spontanée n'existe pas, et si l’on ouvre le test, pour procéder à l’examen des parties internes, larves d'Oursins et d'Ophiures, publiées récemment par M. Müller, ( Voyez Be- richte der Berliner Akademie, oct. 29, 1846.) M: E. 3e série. Zoov. T. VIT. (Août 1847.) 2 6 82 DERRBÈS. — FORMATION DE L'EMBRYON le plus souvent la couleur des cinq rayons qui constituent la par- tie comestible sera un indice suffisant du sexe. Lorsque ces rayons sont rouges , il n’y a pas de doute, on a affaire à une femelle; s'ils sont jaunes ou d’une couleur bistre plus ou moins brune, on peut presque affirmer qu’ils appartiennent à un mâle ; car je n'ai point trouvé d’exception pour la couleur brune, qui, du reste, est assez rare, el je n’en ai trouvé que fort peu pour la couleur jaune ; mais, dans ce cas , l'œil nu peut encore trouver un signe qui lève tous les doutes. Les cinq rayons aboutissent aux cinq trous qui entourent l’anus, chacun par un petit prolongement canaliforme , dont la coloration est l'indice certain du sexe. La transparence de la membrane qui constitue ce canal laisse juger si le liquide contenu est blanc ou d’une autre teinte ; dans le premier cas, on a affaire à un mâle ; autrement, c'est une femelle. Au printemps, au moment où la reproduction va s'opérer, les einq rayons sont considérablement tuméfiés, et occupent la presque totalité de la cavité limitée par le test. Si alors on fait la moindre blessure à ces organes, il s’en échappe à l’instant un liquide, dont la couleur caractéristique peut encore servir à décider sur le sexe. Il est en- fin un autre moyen de le reconnaître, lequel est indépendant de la vue, c’est le goût. Toutes les personnes qui y ont pris garde, en mangeant des Oursins , ont reconnu que la saveur des femelles est plus prononcée et plus agréable. Il suffit de considérer un instant la disposition des organes gé- nitaux, pour être convaincu que la fécondation ne peut s’opérer que hors du test, au sein du liquide ambiant. Toute la portion externe de l'appareil générateur, qui sert à l'introduction du sperme, manque en eflet ici ; et en laissant un Oursin femelle sé- journer pendant quelque temps dans un vase où j'avais répandu de la liqueur fécondante , je n’ai pu trouver aucun œuf fécondé à l'intérieur , tandis que tous ceux qui avaient été émis, soit qu'ils se fussent répandus dans le liquide , soit qu’ils adhérassent encore au test de la femelle, ou du moins presque tous portaient des signes de fécondation. Jene m’arrêterai pas à décrire les organes dans lesquels s'éla- borent les produits dont le concours doit perpétuer l’espèce, Qu'il CHEZ L'OURSIN COMESTIBLE. 83 me suflise de dire que, anatomiquement parlant, ces organes sont complétement identiques . considérés chez le mâle ou chez la femelle ; il n’y a entre eux d’autre différence que celle qui dérive de la nature même du produit. Leur constitution rappelle entière- ment celle d’une glande composée : c’est comme une réunion de cœæcums débouchant dans des canaux communs , qui viennent à leur tour s'ouvrir dans un Canal général ; celui-ci longe tout l’or- gane, au centre de la face qui s’appuie sur le test. J’en ai déjà signalé l'extrémité ; c’est elle qui déborde inférieurement, et vient aboutir à l’un des cinq trous qui entourent l’anus. Ces organes renferment , dans toute leur étendue , les uns des œufs propres à être fécondés, les autres des Spermatozoïdes complets et propres à opérer la fécondation. Ces produits à l’é- tat parfait peuvent en être retirés de quelque point sur lequel on fasse une blessure. Il est vrai de dire pourtant que, excepté peut- être dans le canal central, partout ces produits parfaits sont ac- compagnés d'œufs ou de Spermatozoïdes n’ayant pas encore atteint le degré d'élaboration qui les rend propres à la repro- duction. Les œufs, dans cet état d'imperfection, paraissent composés de trois sphères concentriques, comme le représente la figure 4 (PI. 5). Plus tard, la sphère moyenne disparaît tout à fait ; il ne reste plus que la plus extérieure qui est le jaune, et la petite inté- rieure qui est la vésicule germinative. Alors l’œuf est apte à rece- voir efficacement l’action du sperme; il apparaît sous l’aspect de la figure 2 , et lorsqu'on en considère un isolément , il ne paraît pas avoir d’autres parties constituantes. Néanmoins , lorsqu'on en a plusieurs sous l’objectif du microscope , et qu’ils sont serrés les uns contre les autres, on voit qu'ils sont un peu déformés par la compression qu'ils se font subir mutuellement ; mais on voit en même temps que cette déformation a lieu, bien qu’en apparence ils ne se touchent pas. Il est donc permis de penser qu’ils sont entourés chacun d’une couche d’une substance très incolore et transparente que l’on ne peut pas distinguer , et au moyen de Ja- quelle se transmet la pression des uns aux autres. L’existence de cette couche parfaitement transparente et inappréciable dans SA DERBÈS. — FORMATION DE L'EMBRYON cette circonstance devient évidente un peu plus tard, comme nous allons le voir. Ce que je souhaitais le plus de reconnaître, c’était le rôle que jouent les Spermatozoïdes dans la fécondation. Pour y parvenir, j'ai mis dans une petite auge, sur le porte-objet du microscope, une gouttelette du liquide rouge, et à une petite distance, une goutte- lette semblable du liquide blanc ; puis, après avoir recouvert le tout d’une mince lame de verre , j'ai ajouté une goutte d’eau de mer. Alors j'ai pu voir les Spermatozoïdes s’avancer progressive- ment sur les œufs. Quelques uns de ceux-ci étaient bientôt en- tourés d’une foule compacte de ces corpuscules mouvants ; d’autres, plus éloignés , ne se trouvaient en contact qu'avec un fort petit nombre d’entre eux ; et, dans les deux cas, j'ai vu les signes de la fécondation se produire. Le premier effet apparent de ce rapprochement est l'apparition presque subite d’une enveloppe parfaitement transparente , qui entoure le jaune à une certaine distance, et qui se manifeste par l'apparence d’une ligne circulaire, fig. 3. Cette enveloppe, je l'ai vue se manifester à propos du contact d’un très petit nombre de Spermatozoïdes (trois ou quatre, quelquefois même un seul). Voici tous les détails que j’ai pu saisir au sujet de cette transforma- tion : les Spermatozoïdes s’agitent avec une grande vivacité à la surface de l’œuf, tantôt en le frappant à coups redoublés, comme s'ils cherchaient à s’y introduire, tantôt fixés à sa surface par leur partie antérieure, et agitant vivement leur appendice caudal. On dirait quelquefois qu'ils parviennent à y déterminer momentané- ment une petite dépression. On les voit aussi se borner à exécuter des mouvements très variés, sans avoir l’air de vouloir y pénétrer. Le jaune subit alors, à sa surface, comme une sorte de plissement, d’où résulte qu’il se détache, en quelques points, de la membrane qui l'entoure; en même temps celle-ci se distend, comme une vessie que l’on gonflerait, et s'éloigne du jaune, lequel a bientôt repris sa forme sphérique, et ses dimensions ne sont nullement altérées. Cette enveloppe hyalinene prend pas toujours un égal dé- veloppement, et souvent elle paraît rester adhérente au jaune, ce qui n'empêche pas qu'on ne voie successivement apparaître les mo- CHEZ L'OURSIN COMESTIBLE. 85 difications suivantes , conséquences de la fécondation. Dans les cas où elle se manifeste d’une manière sensible , on voit le jaune entouré d’une autre membrane propre qui le serre de plus près. En considérant attentivement les efforts que font les Sperma- tozoïdes pour arriver jusqu'à cette enveloppe, que je regarde comme la zone transparente de Bischoff , on peut observer que, dans le voisinage de l’œuf, ils ne se meuvent pas avec la même ai- sance que dans le reste du liquide ambiant, comme s'ils avaient pénétré dans un milieu plus dense, où leurs mouvements seraient gênés. Lorsqu'ils arrivent à la fois en nombre un peu considéra- ble , il est facile de juger qu'ils s’empâtent dans une sorte d’at- mosphère mucilagineuse, qui entoure l'œuf. Celle-ci présente à sa périphérie des contours mal définis , mais qui bientôt deviennent saisissables, au moyen des filaments spermatiques qui s’y trou- vent comme englués. Fig. 4. C’est à l'existence de cette couche d’une substance parfaitement transparente qu’il faut attribuer les déformations que les œufs juxtaposés se font subir mutuellement , en apparence à distance. Cette couche, bien que je l’aie ob- servée très généralement, ne me parait pas être indispensable ; du moins il m'est arrivé de n’en pouvoir constater la présence par aucun moyen, sans que cela me parût influer sur les phéno- mènes subséquents. Lorsque cette épaisse couche à été traversée par les Sperma- tozoïdes, ceux-ci, arrivés sur la surface de l’œuf, se meuvent avec bien plus de liberté, et avec un redoublement de vitesse. Peu de minutes après leur contact , l’œuf commence à être doué d’un mouvement rotatoire qui m'a paru s'effectuer de trois facons dif- férentes. 1° Toutes les parties que nous venons d’énumérer, couche muci- lagineuse, enveloppe hyaline et jaune, se meuvent simultanément et solidairement. Dans ce cas, le plus grand nombre des Sperma- tozoïdes sont empâtés dans la couche mucilagineuse, et même sou- vent accumulés en plus grand nombre à la périphérie, et je n’ai pas remarqué qu'ils fussent doués d’une activité particulière. Les choses se passent ainsi pour des œufs dont l'enveloppe hyaline s’é- 86 DERBÈS. -— FORMATION DE L'EMBRYON lait distendue , comme chez d’autres où elle n'avait pas acquis de développement sensible. d% La couche mucilagineuse reste immobile, le mouvement de rotation se manifeste solidairement dans l'enveloppe hyaline et le jaune, Ce cas, qui est le plus remarquable sous le rapport de la rapidité du mouvement, se présente aussi, soit que la membrane hyaline se dilate, soit qu’elle reste adhérente. Je l’ai toujours vu coïncider avec la présence d’un très grand nombre de Sperma- tozoïdes. À mesure que ceux-ci pénètrent dans la couche mucila- gineuse, il arrive quelquefois que le mouvement commence à s’effectuer, comme dansle cas précédent ; mais bientôt, leur nombre augmentant considérablement, ils pénètrent jusqu’à l'enveloppe hyaline. La surface de celle-ci paraît alors être le siége d’une agi- tation extrêmement tumultueuse qui se communique peu à peu à une portion même de la couche mucilagineuse. Bientôt le mouve- ment très actif des Spermatozoïdes semble prendre une direction uniforme ; on dirait qu’ils exécutent une véritable ronde, tandis que le reste de la couche mucilagineuse reste complétement im- mobile. En même temps, l’œuf est doué aussi d’un mouvement de rotation, lequel a la même direction que celui des Spermatozoïdes. Fig. 5. Si ce cas se présentait seul, il serait très difficile de dire si ce sont ceux-ci qui sont la cause du mouvement de l’œuf, ou si c’est l'œuf qui entraîne en se mouvant un certain nombre de Sper- matozoïdes. Je mentionnerai bientôt des cas qui tendent à faire penser qu'il y a une double cause de mouvement, ce qu'un examen attentif du cas qui nous occupe pouvait déjà faire soup- conner. En effet, en amenant au foyer une portion de la surface de l'enveloppe hyaline, on voit quelques Spermatozoïdes qui sem- blent collés à cette surface, et qui ont un mouvement plus lent ou plus rapide que les autres. Les premiers seraient donc entraînés par l’œuf auquel ils adhèrent, tandis que ceux-ci pourraient avoir un mouvement qui leur fût propre. [l y a toujours ceci à noter, que les deux mouvements ont une direction commune. Le plus sou- vent la portion de la zone mucilagineuse dans laquelle s'effectue ce mouvement n’est concentrique ni au jaune, ni à cette même couche mucilagineuse. Fig, 5, état nent nn o CHEZ L'OURSIN COMESTIBLE, 87 3° Enfin, j'ai vu des cas où l’enveloppe hyaline était bien ma- nifestement détachée du jaune , et où celui-ci seul se mouvait en tournant indépendamment de ses enveloppes, lesquelles restaient immobiles, bien que la couche mucilagineuse fût empâtée d'un grand nombre de Spermatozoïdes et que, parmi ceux-ci, ceux qui avaient pénétré jusqu’à l'enveloppe hyaline fussent doués d’une activité très grande. Bien que l'observation de cette troisième sorte de mouve- ments ait été faite par moi plusieurs fois, puisque je la trouve mentionnée plusieurs fois dans mes notes, il est, parmi mes observations les plus récentes, quelques circonstances qui jet- tent quelques doutes sur sa légitimité, et je les mentionne, parce que je n’ai pas pu depuis lors répéter et varier assez mes expé- riences pour éclaircir entièrement ce point. Voici quelles sont ces circonstances : j'ai vu un œuf dont le jaune, bien détaché de l'enveloppe hyaline, était doué d’un mouvement de rota- tion, auquel celle-ci paraissait ne point participer, Néanmoins en observant attentivement, j'ai remarqué que le jaune ne se trou- vait pas parfaitement au centre de l'enveloppe hyaline; il y avait donc d’un côté entre le jaune et la limite de l'enveloppe hyaline un espace plus grand que de l’autre, et chacun de ces espaces dif férents paraissait alternativement à ma droite et à ma gauche, Or cette apparence pouvait provenir de ce que le jaune en tour- nant contractait en même temps un léger mouvement d’oscillation qui le portait tantôt à droite , tantôt à gauche. Mais cela pourrait provenir aussi de ce que l'enveloppe hyaline était entraînée par le même mouvement qui animait le jaune; et dans ce cas, celui-ci aurait toujours gardé la même position relative avec les différentes parties de l’enveloppe. Or, souvent il pourrait en être ainsi sans qu’on püt s’en douter. Eneffet, la membrane hyaline est d’une transparence, d’une limpidité parfaite, et ne présente naturelle- ment à sa surface aucun signe , aucune marque qui puisse faire juger du déplacement de ses parties, Il n’en est pas de même du jaune dont les fines granulations servent de points de repère , et indiquent bien, par leur déplacement , le mouvement du Corps dont elles font partie. Si maintenant le jaune est sensiblement 00 DERBÉS. — FORMATION DE L'EMBRYON concentrique à la membrane hyaline, on concoit qu'on pourra être trompé par les apparences, et attribuer au jaune seul un mouvement qui n'est visible que dans le jaune seul. L'erreur n’est plus possible lorsque quelques Spermatozoïdes adhèrent à la surface externe de l’enveloppe hyaline. Ceux-ci jouent alors à l'égard de cette enveloppe le même rôle que les granules à l'égard du jaune. Ce fait, s’il a lieu réellement ainsi que je viens de l’interpréter, sans que les Spermatozoïdes adhèrent à la surface de l'enveloppe hyaline et sans qu’il y ait accumulation de ces corps auprès de cette surface, dans la couche mucilagineuse, ce fait, dis-je, peut être cité comme une preuve de l’indépendance du mouvement de l'œuf. D’un autre côté, voici une autre circonstance qui dé- montre que. si les Spermatozoïdes contractent quelquefois un mou- vement de translation rapide autour de l’œuf, la cause n'en doit pas être attribuée au mouvement de l’œuf lui-même qui les entrai- nerait, mais bien à une disposition inhérente et particulière aux filaments spermatiques eux-mêmes. J’ai vu souvent, à mesure que les Spermatozoïdes arrivaient en grand nombre dans le champ du microscope, des places circulaires , à contours mal définis, se dessiner par leur accumulation ainsi localisée, et en faisant va- rier le foyer, il était facile de s’assurer que les Spermatozoïdes étaient retenus là par un corps mucilagineux, de forme sphéroï- dale, tout à fait semblable à la couche qui entoure les œufs; soit que les sphères eussent été abandonnées par les œufs qu’elles contenaient, soit que, par une sorte d’avortement , elles se fussent développées sans l’œuf qu’elles étaient destinées à contenir. Quoi qu’il en soit, j'ai vu, dans plusieurs de ces spheres les Spermato- zoïdes qui y avaient pénétré exécuter une véritable ronde tout à fait semblable à celle que j’ai signalée autour de l'œuf. Les Sperma- tozoïdes qui étaient empâtés à la périphérie ne participaient point à ce mouvement. Vers le centre de quelques unes de ces sphères, j'ai constaté la présence de petits corps sphériques semblables à des gouttelettes d’un liquide huileux ; d’autres ne m'ont rien offert dans leur intérieur, ù Il convient d'ajouter maintenant que ces mouvements, bien CHEZ L'OURSIN COMESTIBLE. 89 qu'ils paraissent être évidemment des signes de la fécondation , ne sont pas néanmoins des circonstances qui l’accompagnent né- cessairement : Car j'ai vu tous les signes ultérieurs de l'exécution de cette fonction se manifester , sans avoir été précédés d’aucune motilité. Nous pouvons dès à présent constater que jamais les Sperma- tozoïdes ne dépassent l’enveloppe hyaline, et ne pénètrent par conséquent dans l’œuf proprement dit ; et, à fortiori, que jamais ils ne parviennent jusque dans le jaune. Il est très facile de s’en assurer lorsque l’enveloppe hyaline est manifeste ; car alors, toutes les fois qu’on amène au foyer de l'instrument le grand cercle ho- rizontal de l'œuf, on voit toujours parfaitement net et exempt de tout Spermatozoïde l’espace compris entre le jaune et la limite de cette enveloppe. Mais il est tout aussi aisé de s’en convaincre, lors même que l'enveloppe hyaline reste adhérente au jaune : car l'œuf de lOursin, bien que coloré, est d’une transparence qui favorise admirablement cette sorte d'observation. En faisant varier le foyer, on apercoit d’abord les Spermatozoïdes qui recouvrent la portion de la surface la plus rapprochée de l'œil de l’observa- teur ; puis on n’apercoit plus rien que les fines granulations, dont toute la masse du jaune est remplie ; et enfin, en continuant à abaisser l’instrument , on apercoit distinctement les Spermato- zoïdes qui s’agitent à la surface inférieure de l'œuf; mais dans aucun instant, on n’en apercoit dans l’intérieur du jaune. Ainsi les Spermatozoïdes ne concourent pas à la formation de l'embryon, du moins d’une manière directe , et néanmoins leur présence est d’absolue rigueur pour que la fécondation ait lieu. Je me suis assuré de ceci en abandonnant à eux-mêmes des œufs isolés, qui n'ont pas tardé à se décomposer. Je m'en suis encore convaincu en soumettant des œufs à l’action de la liqueur spermatique fil- trée. Il est vrai que, dans ce cas, j'ai toujours trouvé cà et là quelques œufs fécondés ; mais aussi j’ai toujours constaté auprès de ces œufs la présence de quelques Spermatozoïdes ; car , bien que je me servisse d’un papier très serré et doublé, ces petits corps sont tellement déliés qu’il en est toujours passé quelques uns. 90 DERBÈËS. — FORMATION DE L'EMBRYON Il ne m'a pas été donné de voir autre chose quant à l’action - qu’exercent les filaments spermatiques sur l'œuf dans l’acte de la fécondation. Il me reste maintenant à décrire ce que j'ai vu du développement de l'embryon. Quelque temps après l'imprégnation , le jaune commence à se segmenter, d’abord en deux, puis en quatre , et ainsi de suite, chacune des nouvelles cellules se partageant à son tour en deux. Le temps employé à cette segmentation varie. Environ trois heures après la fécondation , j'ai toujours eu sur le porte-objet, à la fois, des jaunes divisés en deux, en quatre et en huit. Dans cet état, un mouvement commence à s’y manifester , mouvement qui n’a plus rien de commun avec celui que j'ai signalé dès les pre- miers instants du contact des Spermatozoïdes ; celui-ci cesse gé- néralement un quart d'heure ou vingt minutes après l’imprégna- tion. C’est donc un nouveau mouvement qui se manifeste aussi bien chez les œufs segmentés en quatre que chez ceux dont la segmentation est un peu plus avancée ; je ne l’ai pourtant jamais observé dans ceux où elle avait atteint la division en plus de seize sphérules,. Ce mouvement a lieu par petites saccades , il est lent, et ne va pas toujours jusqu’à une révolution complète ; alors il change de direction après une fraction de révolution. L’enveloppe hyaline ne participe nullement à ce mouvement, ce qui le distingue du premier, dans lequel probablement cette enveloppe se meut tuo- jours solidairement avec le jaune. Il ne parait pas, du reste, être plus indispensable que le premier au développement ultérieur de l'embryon, car dans un très grand nombre de cas je ne l’ai pas vu s'effectuer, sans que cela nuisit au reste de l’évolution. Lorsque le jaune était divisé en deux, j’ai vu chacun des seg- ments contenir une petite vésicule. Il paraît que c’est le résultat de la division de la vésicule germinative. Chacune de ces petites vésicules est le centre d’une radiation un peu confuse. Dans la di- vision en quatre je n’ai plus apercu de vésicule , mais seulement la radiation autour d’un point plus ou moins central. Celle-ci même n’est plus perceptible dans les segmentations plus avan- cées. CHEZ L'OURSIN COMESTIBLE, 91 Entre six et sept heures, après la fécondation , les subdivisions commencent à ne pouvoir plus être comptées exactement. Seule- ment on peut remarquer que les cellules tendent à occuper la pé- riphérie, et à laisser entre elles un espace central où il ne s’en dé- veloppe pas, où qui en contient plusieurs beaucoup plus petiteset incolores. Après la septième heure, les cellules périphériques deviennent de plus en plus nombreuses et serrées , et le tissu par conséquent de plus en plus uni, L’espace central se circonscrit aussi plus net- tement, et vers la dixième heure embryon a acquis l'aspect qu’il aura au moment de l’éclosion. Je n’ai pas pu saisir la formation des cils, qui deviendront très apparents lorsque le jeune animal sera sorti de son enveloppe. De la douzième à la vingt-quatrième heure, suivant les circon- stances, et même suivant les individus , l’éclosion a lieu. Elle est précédée de mouvements de l’embryon. Celui-ci s’agite tantôt d’une manière continue en tournant sur lui-même , tantôt d’une manière saccadée. Une déchirure se manifeste dans l'enveloppe; l'embryon s’y engage; alors les cils sont très apparents. A force de se démener tantôt dans un sens, tantôt dans un autre , l’em- bryon effectue enfin sa complète délivrance , et il s’élance en nageant avec un double mouvement ; une translation souvent assez rapide, et ‘ne rotation qui dégénère quelquefois en un simple ba- lancement. C’est lorsqu'il est ainsi devenu libre qu'il est surtout facile de constater que toute sa surface est revêtue de cils vibra- tiles qui sont ses organes locomoteurs. Il est impossible d’assigner des limites précises aux époques auxquelles surviennent les phases suivantes. Il y a des variations de vingt-quatre à quarante-huit heures dans chacune d'elles, Aussi je me borne à indiquer les changements de forme plutôt que les moments exacts auxquels ils ont lieu. La première de ces consi- dérations a certainement bien plus d'importance que l’autre; Pendant les douze heures qui suivent l’éclosion, la forme sphé- rique de la larve s’altère par la formation d’une dépression sur un point de la surface. Peu à peu cette dépression devient plus manifeste , et son centre se perce d’un orifice qui communique 92 DERBÈS. — LORMATION DE L'EMBRYON avec les rudiments d’une cavité intestinale. À partir de ce mo- ment, cet orifice est toujours porté en avant dans la natation, et le plus souvent dirigé en haut, lorsque les larves nagent libre- ment dans un espace où elles ne sont point gênées ; c’est-à-dire que le diamètre qui passe par l’orifice est vertical, et la bouche regarde le zénith. Bientôt ce diamètre s’accroit un peu , en même temps la portion de surface qui est ainsi déprimée devient gros- sièrement triangulaire, de sorte que l’animalcule contracte une forme qui se rapproche un peu de celle d’une pyramide tronquée, dont la base est percée à son centre par l’orifice buccal. Figures 14-15. L'un des angles de cette base s'agrandit peu à peu, de manière qu'après quelque temps elle paraît confusément quadrangulaire. La larve prend la forme d’un coin ; la face qui représente la tête de ce coin est occupée par la bouche, et l’une des quatre autres faces, à laquelle je donnerai le nom de face antérieure, se montre percée d’un autre orifice qui termine la cavité intestinale, et peut par conséquent recevoir le nom d'anus. La bouche se montre en- tourée de cils vibratiles qui s’agitent avec rapidité. On remarque à la surface quelques taches rouges plus ou moins irrégulières , quelquefois assez nettement circonscrites. Dans l’espace compris entre le tégument et le tube digestif, on remarque intérieurement quelques globules incolores irrégulièrement épars. Tandis que ce développement s'opère, on voit apparaître, dans l’intérieur, des linéaments disposés d’une manière symétrique ; ceux-ci se dessi- nent avec une netteté croissante et se présentent sous l’aspect re- présenté fig. 16. Je ne sais quel nom leur donner, ni quel usage leur assigner, à moins qu'ils ne soient des sortes de cartilages ou de tendons destinés à soutenir et assurer la forme de l'animal, comme le ferait un squelette. Quoi qu’il en soit, ces tendons, si toutefois ils méritent ce nom, constituent deux fais- ceaux distincts et symétriquement placés. Chaque faisceau est composé de quatre branches dont l’une se porte vers la branche correspondante de l’autre faisceau en passant près du sommet de l’angle plan déterminé par la rencontre de la face supérieure et de la face antérieure. Une seconde branche se dirige inférieure- CHEZ L'OURSIN COMESTIBLE. 98 ment vers le tranchant du coin. Les deux autres branches se portent chacune vers l’un des sommets les plus voisins du qua- drilatère qui représente la tête du coin, l’une en avant , l’autre en arrière. Fig. 16. Ces deux dernières branches se terminent en une pointe aiguë, et la seconde en une double pointe, toutes ces pointes font saillie hors du corps de l’animal. Tout ce que je puis dire de cette charpente, c’est qu’elle présente plus de solidité, plus de résistance que le reste du corps. En effet, lorsque j'ai eu de ces animalcules morts, qui se sont décomposés au fond des vases où je les élevais, les pièces de cette carcasse demeuraient intactes , et résistaient encore à l’ac- tion décomposante et à la voracité des infusoires, longtemps après que tout le reste avait disparu. Dans un autre cas, au con- traire, je les ai vus disparaître et comme se dissoudre sous mes yeux, tandis que le corps de l’animal n'avait été que déformé ; c’est lorsque j’ai introduit dans le liquide un peu d’un sel de mor- phine ou de strychnine. La forme représentée par la figure 16 se modifie pour deve- nir celle qu’indique la figure 17; le corps s’allonge, le plateau supérieur s'enfonce par l’exhaussement de ses bords ; les deux angles antérieurs de ce plateau prennent surtout un développe- ment considérable. Un peu plus tard , leur accroissement ayant continué, et les deux angles postérieurs en ayant aussi subi un, en vertu duquel ils font également saillie en cône , en même temps que la portion de ce plateau qui porte la bouche est devenue presque verticale , la larve a pris la forme de la figure 18, qui représente son plus haut degré de développement en dimension. On peut alors très bien distinguer la forme et la disposition de la cavité intestinale ; à la bouche succède un grand æsophage qui, après un étranglement, vient s’ouvrir dans un vaste estomac, lequel est suivi d’une autre cavité qui communique avec l’exté- rieur au moyen de l’anus. Cette série de cavités n’est pas placée suivant un axe rectiligne , mais suivant une ligne courbe, de manière que l'anus est tourné du même côté que la bouche, et Ja portion inférieure du corps de l’animal, laquelle n’a pas suivi le développement de la portion moyenne , constitue comme un pro- 9 DERBÈS. — FORMATION DE L'EMBRYON longement caudal ; j'appelle ceci la portion inférieure, parce que, lorsque la larve nage librement, cette partie, qui représente comme le tube d’un entonnoir, est invariablement dirigée en bas. Ce n’est que lorsqu'on resserre l’espace dans lequel l'animal peut se mouvoir, en le placant entre deux verres pour l’observer au microscope , qu’on le voit nager en tenant son grand axe hori- zontal, ou même quelquefois incliné, en portant en bas sa bouche, et en haut ce que l’on pourrait appeler sa queue. On voit alors fréquemment l’æsophage se contracter , et de petits corps péné- trer dans l'estomac, où ils sont agités probablement par des cils vibratiles qui tapissent cet organe, au moins en partie, comme je l'ai vu très nettement autour de l'ouverture par laquelle l’æso- phage communique avec l’estomac sur un individu plus avancé, fig. 24: Bientôt les quatre prolongements coniques des angles du pla- teau buccal se rapétissent et tendent à s'oblitérer. Il en est de même du prolongement caudal, qui se rétrécit d’abord, puis se raccourcit, et devient enfin de plus en plus obtus; la portion moyenne qui loge l'intestin conserve, au contraire, toute son ampleur , de manière qu'on peut déjà apercevoir une tendance vers le retour à une forme globuleuse. Les corps auxquels je donne le nom de tendons , faute d’une dénomination plus conve- nable , présentent en général un plus grand nombre de ramifica- tions, mais courtes et irrégulières , tandis que l’une des premières tend à disparaître : c’est celle qui se dirige horizontalement près de la face antérieure. Les mêmes modifications continuant à s'effectuer , l’animaleule prend successivement les formes repré- sentées par les figures 20 et 21. J'ai remarqué qu'au moment de l’éclosion , les larves viennent nager à la surface de l’eau, où elle ne s’enfoncent que si l’on vient agiter le liquide dans le vase qui les contient , etelles remon- tent lorsque l'agitation a cessé. Dès qu’elles ont commencé à se développer, elles nagent entre deux eaux , et lorsqu'on en a un certain nombre, elles sont également disséminées dans toute la masse liquide ; enfin, lorsque survient la période d’oblitération et de décroissance, elles s’'enfoncent davantage , et même tom- CHEZ L'OURSIN COMESTIBLE, 95 bent au fond , d’où elles ne s’élèvent plus. A cette époque, leur mouvement, qui à toujours eu une certaine gravité , comparé à celui d'un grand nombre d’Infusoires, perd encore de sa vivacité ; leurs déplacements deviennent lents et peu étendus; mais toujours elles restent libres, sans contracter aucune espèce d’adhérence. Elles ne sont pas tellement petites qu’on ne puisse, à l’aide d’une loupe ou même à la simple vue, lorsqu'on en a contracté l’habi- tude, les voir ramper sur le fond, et lorsqu'on plonge jusqu’au fond une pipette , dont on tient l’ouverture supérieure bouchée, au moment où l’on permet l'introduction du liquide, on les voit entraînées par celui-ci sans la moindre difficulté. La larve représentée, fig. 20, à été choisie dans un grand nombre d’autres qui étaient parvenues à la même phase, à cause de la disposition anormale de la partie inférieure de l’un des ten- dons, lequel , après s'être replié dans l’intérieur du corps, vient faire postérieurement saillie hors du tégument ; ce qui me semble un argument de plus pour prouver la rigidité de ce singulier or- gane. Cette même larve a été dessinée quatorze jours après la fé- condation, le 16 janvier ; celle qui est représentée, fig. 19, avait été dessinée la veille , et celle de la figure 21 l’a été le 17 avril, dix-neuf jours après l’imprégnation , d’où l’on peut conclure que le temps nécessaire pour que l’animal parvienne à ce degré est toujours à peu près le même. Mais il n’en est pas ainsi pour les phases antérieures; en elet, j'en ai dessiné deux qui sont sensiblement dans l’état indiqué par la figure 17 , l'un, le 14 jan- vier, douze jours après l’imprégnation ; l’autre , le 16 mai, deux jours seulement après le contact du liquide fécondateur. Les cir- constances extérieures paraissent donc avoir une influence mar- quée sur la rapidité avec laquelle s'effectue l’évolution , au moins dans une portion de sa durée, et l’on peut dire , en général, qu'une température plus élevée active ce développement, Je crois cependant que ce doit être dans de certaines limites ; car j'avais commencé, dans les derniers jours de mai, par une forte cha- leur, une série d'observations, que j'ai été malheureusement forcé d'interrompre, et les premières phases ne me paraissaient pas se succéder avec autant de rapidité qu'avec une température 96 DERBÈS. —— FORMATION DE L'EMBRYON moins élevée. Du reste, toutes les circonstances étant les mêmes, il y a toujours des individus qui sont considérablement en retard par rapport aux autres. La figure 21 montre qu'à mesure que la déformation se poursuit les tendons s’oblitèrent peu à peu. La figure 24 fait voir que lors- qu'il en persiste des fragments, ceux-ci se disposent d’une facon très irrégulière. On peut remarquer aussi que les dimensions vont en diminuant de plus en plus, et que la forme tend à devenir sphé- rique. La larve, fig. 23, était parvenue à cet état vingt jours après la fécondation. Elle présente plusieurs dispositions assez remarqua- bles: les pourtours de l’anus sont devenus saillants et mamelonnés ; l’intérieur paraît contenir comme les rudiments des circonvolu- tions d’un intestin; l’anus et la bouche sont toujours les points où les cils vibratiles sont le plus nombreux, il y en a bien sur d’autres points, mais plus épars et moins visibles. L’agitation extrèmement ralentie de ces cils déterminait bien encore quelques mouvements dans la larve, mais ils n'avaient plus la force de la déplacer. La figure 25, obtenue trois jours plus tard, indique un degré d’opacité qui ne permettait plus de voir les accidents de l’inté- rieur ; la surface était très irrégulièrement mamelonnée, la bou- che et l'anus n'étaient plus distincts , les mouvements avaient cessé, les cils s’infléchissaient cependant encore, mais sans éner- gie. Enfin, vingt-cinq jours après f’imprégnation, j'ai trouvé des corps semblables à ceux que représentent les figures 26 et 27, dont la disposition rappelle l'aspect que présentait l'embryon quelque temps avant l’éclosion, comme je l'ai figuré fig. 10; la surface est mamelonnée à peu près de la même manière, une membrane hyaline sert également d’enveloppe:; on pourrait presque s’y méprendre si l’on ne remarquait que l’intérieur ne se laisse plus apercevoir, et ne paraît point, comme dans le premier cas, con- stitué par une cavité contenant des corps d'une nature différente du tissu périphérique. J'ai vu aussi une particularité qui n’existe pas dans la première période , c’est l'existence de cils vibratiles implantés autour d’une sorte d’orifice pratiqué sur une dépression de la membrane hyaline, Il ne m'est pas possible de décider si CHEZ L'OURSIN COMESTIBLE, 97 c’est là une modification qui va se perpétuer et entrer comme élément dans la nouvelle forme que va prendre l'embryon, ou si c’est simplement un reste des cils qui entouraient la bouche, par exemple, lesquels auraient suivi l’épiderme dont ils étaient une dépendance, au moment ou celui-ci a dû se détacher du tissu sous- jacent, pour constituer la membrane hyaline; ce serait alors un vrai changement de peau , le commencement d’une nouvelle mé- tamorphose. La fig. 22 représente une larve au treizième jour après la fé- condation, au mois de février. La disparition des tendons, l’état tuberculeux de l'anus, indiquent un état plus avancé qu’on n’au- rait dû l’attendre à une époque si peu éloignée de la fécondation ; d’un autre côté, il ne ressemble guère aux fig. 23 et 25, qui sem- blent établir un passage gradué entre l’état de la fig. 21 et celui des fig. 26 et 27 ; il me paraît une anomalie. Je l’ai dessiné néan- moins à titre de renseignement, Voilà tout ce que j’ai réussi à voir. Par conséquent, jamais les jeunes larves ne se sont montrées à moi attachées par un pédon- cule ; bien certainement aussi ce n’est pas dans les quinze ni les vingt premiers jours que les piquants se montrent. Je n’ai pas été assez heureux pour faire traverser aux jeunes animalcules que j'élevais cette phase remarquable dont les fig. 26 et 27 donnent une idée ; c’est là sans doute une époque critique pour eux, et j'ai toujours perdu le petit nombre de ceux qui avaient échappé jusque là aux nombreuses causes de mort qu’ils rencontraient, au milieu des circonstances toutes factices dont je les entourais. Mais sans chercher pour le moment à savoir ce que deviennent ces larves dans leur développement ultérieur, les curieux change- ments qu’elles subissent dans cette première période me parais- sent offrir un certain intérêt et quelques instructions pour la zoologie philosophique. Peut-on dire que l’Oursin , cet animal rayonné, conserve, pendant toutes les phases de son existence, le type de l’embranchement dans lequel les naturalistes l'ont placé? Dans l’état où le montre la fig. 8, il est symétrique de part et d'autre d’un plan qui passerait par la bouche et l'anus, comme un Articulé interne ou externe, ou comme un Mollusque ; mais as- 3e série. Zoo. T. VIII, ( Août 4 847.) 5 7 98 DERBÈS. — SUR L'EMBRYON DE LOURSIN. surément on ne pourra jamais dire qu’il soit composé de parties semblables et symétriquement disposées autour d’une ligne droite ou autre. Il est difficile de tirer une induction générale d’un fait aussi particulier que celui-ci, ou du moins je déclare mon impuis- sance à le faire ; mais il est de nature à donner l'espérance qu’il pourra uu jour surgir quelque lumière de l'observation des phé- nomènes embryogéniques chez les animaux les plus inférieurs. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 9. Fig. 1. OEuf non encore susceptible d’être fécondé. Fig. 2. OEuf susceptible d'être fécondé. Fig. 3. OŒuf avec l'enveloppe hyaline distendue. Fig. 4. OEuf présentant la même particularité, et entouré de plus de la couche mucilagineuse, qui est rendue apparente par l'accumulation des z0ospermes. Fig. 5, OEuf où l'enveloppe hyaline n'est pas distendue, où la couche mucilagi- neuse est visible, et où l'on a essayé de représenter ceux des zoospermes qui se meuvent autour de l'œuf, tandis que la couche mucilagineuse et les z00- spermes qui y sont empâtés restent immobiles. Fig. 6, 7, 8. Segmentation successive. Fig. 9. OEuf dans le même état de segmentation que celui de la fig. 8, dont ona représenté le grand cercle horizontal, pour montrer que la segmentation se fait à la périphérie. Fig. 10. Dernier état de segmentation. Fig. 411. Larye au moment de l'éclosion, vue en amenant au foyer le grand cercle horizontal. Fig. 12. Larve libre, vue à la surface. Fig. 13-14. Larves plus développées, vues intérieurement, Fig. 45. Larve de la fig. 14, vue d'en haut. Fig. 16 à 25. Divers états successifs de la larve, pendant lesquels elle perd suc- cessivement sa motilité, Fig. 26 et 27. Larve devenue immobile, et probablement sur le point de subir une métamorphose, Nota. Dans toutes ces figures, les objets sont représentés sous un grossissement de 450 fois en diamètre. A. DE QUATREFAGES. — ANNÉLIDES, 99 NOTE SUR DES ANNÉLIDES SAXICAVES ; Par M. À. DE QUATREFAGES. Les rochers des plages deGuéthary sont formés de couches alternantes de quartz et d’un calcaire très dur. Dans presque toute l'étendue des zones qui découvrent à basse mer, les couches supérieures de cette der- nière roche sont attaquées non seulement par quelques Mollusques li- thophages, mais encore par une Annélide tubicole du genre Sabelle. Cette Annélide pousse même plus profondément que les Mollusques ses galeries cylindriques, tortueuses , tapissées intérieurement par un tube mince, semblable par sa nature à celui qui souvent protége seul les congénères de ce Ver. Ces galeries sont quelquefois multipliées au point que la roche ressemble à du bois vermoulu. Ce fait, que je crois nouveau dans l’histoire des Annélides, peut, ce me semble, intéresser la géologie en fournissant un moyen de plus pour reconnaître l’ancienne immersion dans la mer de terrains aujourd’hui à sec. Car, si l’on a pu dire que les Hélix perforaient le calcaire à la façon des Mollusques lithophages , on n’a encore, je crois, signalé dans les ha- bitudes d'aucun animal terrestre ou d’eau douce rien d’analogue à ce que présente cette Sabelle. NOTE SUR L'EMBRYOGÉNIE DES ANNÉLIDES ; Par M. A, DE QUATREFAGES. Les phénomènes qui suivent immédiatement l’acte de la fécon- dation ont été depuis quelques années l’objet de recherches ac- tives chez un grand nombre d’animaux ; mais, jusqu’à nos jours, on n’a que peu étudié les Annélides proprement dites sous ce rap- port (1). Des fécondations artificielles m'ont permis de suivre dans tous ses détails, chez les Sabellaires, la transformation de l'œuf en larve, Dans ce but, j'ai d’abord fait une première série d'observations continuées, sans aucune interruption, pendant vingt-trois heures ; puis j'ai repris une à une chacune des pé- riodes, qui partagent en autant d’époques le travail génésique. Voici les principaux résultats de ces recherches. Les œufs pressés dans la cavité abdominale des femelles y sont déformés, et présentent des formes très variables, Au moment de la ponte , ils sont presque tous irrégulièrement polyédriques. La (1) Sous ce nom d'Annélides, je ne comprends que les Annélides errantes et les Tubicoles des auteurs classiques. F 100 A. DE QUATREFAGES. —- EMBRYOGÉNIE membrane qui les enveloppe est moulée exactement sur le vitel- lus, et ne s’en distingue pas sans quelque peine: elle existe, néanmoins , sans aucun doute , comme il est facile de s’en assu- rer en abandonnant des œufs non fécondés à l’action de l’endos- mose. Au centre de l'œuf, on apercoit un espace plus clair d’une étendue proportionnellement fort grande (vésicule de Purkinje enveloppée par les granulations vitellines). Presque immédiatement après l’imprégnation, le vitellus prend une forme régulièrement sphérique. En même temps, la mem- brane de l’œuf se détache de ce vitellus. Chez les œufs fécondés, ce mouvement s'arrête bientôt, et la membrane reste plissée jus- qu’au moment où elle remplira le rôle important dont nous par- lerons plus bas. Des phénomènes semblables s’accomplissent dans ces premiers temps chez les œufs non fécondés ; seulement , ils se passent avec plus de lenteur. Mais la membrane extérieure, au lieu de rester plissée, continue à s'étendre , et se distend de plus en plus, au point de finir le plus souvent par se rompre , par suite de l’afflux incessant du liquide. Rien ne contre-balance chez eux l’action de l’endosmose ; tandis que cette action purement physique semble être d’abord active , puis ralentie , et enfin neutralisée par l’im- pulsion vitale que l’œuf recoit au contact des Spermatozoïdes. À partir de ce moment, le vitellus devient le siége de mouve- ments obscurs d'expansion et de contraction dont je ne saurais donner ici le détail , mais qui se terminent par l’expulsion d’un, quelquefois de deux globules de matière incolore , transparente , réfractant assez fortement la lumière (goutte d'huile des auteurs allemands?). Immédiatement après l'expitlsfon des globules commence la segmentation du vitellus. Toujours j'ai vu ce corps se diviser d’abord en deux lobes, puis en trois. Mais ces divisions pre- mières elles-mêmes n’ont rien de régulier ou de constant , soit dans leur forme , soit dans leur mode de formation. À une époque plus avancée, cette irrégularité dans les phénomènes devient de plus en plus manifeste. On ne rencontre pas deux vitellus sem- blables , et chacun d’eux pour ainsi dire présente un mode par- DÉS ANNÉLIDES. 101 üiculier de segmentation. Toutefois , il règne une tendance géné- rale au milieu de ces phénomènes, si différents au premier coup d'œil. Chaque mouvement de segmentation est suivi d’un travail en sens contraire, qui réunit un certain nombre de lobes. A leur tour, ceux-ci se fractionnent , et le morcellement est chaque fois plus complet. Ainsi, le résultat définitif est la division du vitellus en un nombre de lobes toujours croissant. En même temps, sa substance se modifie : elle perd son aspect primitif, et prend celui des tissus en voie de formation. Dans les derniers temps de cette période, il reste au centre du vitellus un certain nombre de lobes ou de grands globules qui ne se fractionnent plus ; c’est au milieu de cette masse qu’on voit se montrer les premiers rudiments du tube digestif sous la forme d’une lacune irrégulièrement triangulaire. L’intestin continue à se développer par lacunes, c’est-à-dire par le simple écartement des globules. Peu de temps après, quelques cils vibratiles se montrent à la surface de l’œu/; ils augmentent rapidement en nombre, et l’œuf entier est devenu une larve ciliée qui se meut dans le liquide avec beaucoup de vivacité. Je dis l’œuf entier , car la membrane extérieure, celle que nous avons trouvée au moment de la ponte, semble participer aussi bien que le vitellus lui-même à cette transformation. Pendant toute la période de segmentation , elle reste ou paraît rester en- tièrement inerte ; du moins, je n’ai pu y apercevoir aucun chan- gement appréciable. Séparée du vitellus par un espace assez considérable rempli de liquide, elle conserve ses plis irréguliers ; et ses rapports avec la partie de l’œuf, qui, à cette époque, semble seule vivante, n’ont absolument rien de fixe. Rien ne change dans ces rapports au moment où la larve commence à se mou- voir ; cependant c’est cette membrane, qui porte les cils vibra- tiles, qui constitue pour ainsi dire la peau de la larve, dont l'intérieur semble être à cette époque tout à fait indépendant des couches extérieures. Toutefois, au bout d’un certain temps, cette membrane éprouve un mouvement de retrait ; elle tend à se mouler sur la larve, qui est encore très irrégulièrement mamelonnée ; puis 102 na. DE QUATREFAGES. — EMBRYOGÉNIE DES ANNÉLIDES. elle s’épaissit, et on voit naître d’elle des globules organiques , et entre autres deux masses, d’où sortent bientôt des soies dirigées en arrière. Ainsi cette même membrane, qui existe dans les œufs non fé- condés, semble jouer dans les œufs fécondés le rôle du feuillet séreux ; ou mieux, elle semble s'animer, et venir former de toutes pièces la peau du nouvel animal. En est-il réellement ainsi ? Ou bien le feuillet séreux , développé à sa surface interne, at-il échappé à mes moyens d'investigation ? Dans cette dernière hypothèse même, la membrane en venant se mouler sur la larve, en se couvrant de cils vibratiles, jouerait un rôle actif dans la formation des téguments. A cet égard , il ne saurait guère y avoir de doute : car il est bien difficile d'admettre que, chez les œufs fécondés , la membrane , dissoute insensiblement pendant le tra- vail de segmentation, est remplacée par un tissu nouveau exac- tement semblable à elle ; tandis qu’elle persisterait chez les œufs non fécondés dans son état primitif, Quoi qu'il en soit, il n’en résulte pas moins des faits indiqués plus haut que , chez les animaux dont je parle, le feuillet séreux et le feuillet muqueux (ou ce qui les représente) sont compléte- ment isolés, et indépendants l’un de l’autre pendant fort long- temps. La larve est entièrement constituée, couverte de cils vibratiles, et se mouvant dans le liquide, bien avant que les rapports entre ces deux parties de son corps aient été régularisés. M. Edwards avait déjà signalé un fait semblable dans son travail sur les Ascidies composées. Les Sabellaires, dont les œufs ont servi aux observations pré- cédentes , sont elles-mêmes remarquables tant sous le rapport de leurs formes extérieures que sous celui de leur organisation. Leur système nerveux abdominal entre autres, au lieu de ressembler à celui des Annélides ordinaires, présente deux chaînes ganglion- naires latérales réunies (au moins dans le thorax) par de très grêles commissures. Ces Annélides semblent donc appartenir au groupe des Pleuronères , et y représenter les Annélides tubicoles ordinaires , de même que le Péripatte , d’après les recherches de M. Edwards, y représente les Errantes. 103 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE INTIME DES CORPS SURRÉNAUX CHEZ L'HOMME ET DANS, LES QUATRE CLASSES D'ANIMAUX VERTÉBRÉS ; Par M. ALEXANDRE ECKER, Professeur à Bâle, Jusque dans ces derniers temps, l'on considérait les glandes sanguines, ou ganglions vasculaires, comme des organes constitués seulement par des vaisseaux sanguins et lymphatiques. Que l’on consulte les ouvrages d’auatomie les plus récents , et l’on verra presque partout que cette ma- nière de voir est généralement répandue. A l'exception de la rate, on ignorait entièrement l'existence, dans ces organes, d'éléments analogues à ceux des glandes proprement dites ; et, sous le rapport anatomique, rien n’autorisait à appliquer cette dénomination aux ganglions vascu- laires. Était-elle au moins justifiée pas nos notions physiologiques ? pas davantage. Ce qui , avant tout, fait penser que les glandes vasculaires sont des organes sécréteurs , c’est la grande quantité desang qui vients'y distribuer, quantité beaucoup trop considérable pour qu’on pût la croire destinée uniquement à la nutrition de l'organe : force était d'admettre qu'il y était apporté dans un but intéressant l'économie entière. Mais il est clair que cette considération ne suffit pas pour faire ranger parmi les glandes les organes en question ; et voilà pourquoi l’on en revenait tou- jours à ne voir dans eux que des pelotonnements de vaisseaux ayant des attributions purement mécaniques. Cet état de la question réclamait denouvelles recherches anatomiques. Il s'agissait de déterminer, à l’aide de moyens d'investigation perfection- nés , s’ilexiste entre les glandes vasculaires et les glandes véritables une analogie réelle de structure, qui püt justifier l’analogie de fonction ad- mise comme hypothèse. L'on sait que c’est en vain qu'on y cherche un canal excréteur ; les recherches anatomiques anciennes ne réussirent à trouver que des vaisseaux. Il était réservé aux études microscopiques modernes de répandre de la lumière sur cette partie de la science. Les éléments essentiels entrant, dans la composition d’une glande pro- prement dite, sont les suivants : 40 La membrane glanduleuse, mince, anhiste , façonnée en cavités de diverses formes, vésicules ou canaux. Ces cavités, ou bien s'ouvrent à l'extérieur, ainsi qu’on l’observe dans les glandes à canal excréteur per- manent ; ou bien elles sont closes , et ne s'ouvrent que périodiquement : les ovaires, les vésicules de la muqueuse intestinale, fournissent des exemples de ces glandes à canal excréteur temporaire. 404 AL. ECKER. — SIRUCTURE INTIME 2° Un réseau capillaire repose sur la membrane glanduleuse. 3 Des cellules et des noyaux, ou bien recouvrent la face interne de la membrane en question, ou bien en remplissent entièrement la cavité. Ce sont ces éléments dont il s’agit de démontrer l’existence dans les glandes vasculaires sanguines, pour pouvoir désormais les ranger parmi les glandes. La présence des cellules et des noyaux a déjà été établie par les recherches de Henlé; la disposition des vaisseaux est assez bien con- nue; seulement leurs rapports avec la membrane vasculaire ont échappé à l’attention des observateurs, parce que l'on n’examinait, en général, que des préparations sèches. Restait à découvrir la membrane vasculaire pour compléter la démonstration de la nature glanduleuse des ganglions vasculaires. Dès longtemps , on avait signalé dans la glande thyroïde des vésicules ou cellules remplies de liquide , et l’on ne savait si ce sont des formes normales ou pathologiques. On est certain aujourd’hui que ce sont, dans la plupart des cas, de véritables vésicules glanduleuses distendues, pou- vant même acquérir des dimensions fort considérables, et constituer une variété fréquente du goître. Nous devons la connaissance de ces vésicules normales à Bardeleben (1), qui ne réussit pas, toutefois, à démontrer nettement l'existence indépendante de la membrane glandulaire. Ces vésicules, d’après nos recherches, ont ordinairement un diamètre de millimètre 0,05 à 0,10, et renferment des noyaux de millimètre 0,008 , qui, ou bien recouvrent seulement la face interne de la paroi vésiculaire, ou bien en remplissent toute la cavité. Rarement des cellules entourent ces noyaux ; les vésicules occupent les mailles d’un stroma de tissu unis- sant, dans lequel se ramifient les vaisseaux, pour étaler ensuite leurs réseaux ultimes et serrés sur les vésicules mêmes. Dans le #hymus, l'existence de la membrane glandulaire a été mise hors de doute, principalement par un remarquable travail de Simon (2). lei, cette membrane forme ordinairement une grande cavité commune , sur laquelle bourgeonnent une foule de follicules. Dans la rate, les vésicules glandulaires sont connues depuis longtemps. Les vésicules de Malpighi ne sont pas autre chose; mais on avait des doutes sur l'existence, autour de ces corpuscules, d'une membrane glandulaire propre chez les Mammifères surtout. Nous avons pu nous assurer d’une manière positive de la présence de cet élément chez les Mammifères aussi bien que chezles Oiseaux. Restent les capsules surrénales , les moins connues, sans doute, parmi ces organes. Nous devons à Miller et à Nagel une bonne description de 1) De glandul. duct. excretor. carent. struct. Berlin, 1841. 2) À physiological essay on Lhe thymus glund. Londres, 1845 ( ( DES CORPS SURRÉNAUX. 105 Ja disposition des vaisseaux dans les corps en question ; l’on a, de plus, assez bien décrit les noyaux et les cellules du contenu glandulaire ; mais l'arrangement de ces derniers éléments était resté inconnu, et il nous manquait la démonstration de la membrane glandulaire. Æenlé (1), le premier, y trouva, chez l'enfant, des follicules de millimètre 0,027 à 0,068, renfermant une masse grenue et des noyaux. Simon (2) les vit également, sans réussir cependant à préciser leur disposition. Dans nos recherches sur les corps surrénaux de l'Homme et des autres Vertébrés , nous avons obtenu les résultats suivants : 1. — Corps surrénaux de l'Homme. Ils ont une tunique formée de tissu unissant, très vasculaire, et four- nissant les prolongements en forme de colonnes qui, se détachant per- pendiculairement de l'enveloppe externe , traversent la substance corti- cale, et vont se perdre dans la substance médullaire. 4. Écémexts DE LA SUBSTANCE CORTICALE, A. Nésicules closes, à paroi mince, anhiste, renfermant : 1° Un plasma granulé finement soluble dans la potasse. 2° Des noyaux de millimètre 0,010 à 0,005, dont les rapports avec le plasma granulé ne sont pas les mêmes partout. Ces différences dépen- dent probablement d’un développement plus ou moins avancé. Parmi ces noyaux, en effet, il s'en trouve qui sont libres , plongés simplement dans la masse granulée. Il en est d'autres qu’entoure une coque plus ou moins bien circonscrite de substance granulée. Ailleurs, cette coque granulée a reçu elle-même une véritable enveloppe membraneuse, se trouve contenue dans une cellule. Ce mode de production des cellules (par un noyau primitif, autour duquel vient se masser la substance de la cellule, et, plus tard , se former une enveloppe membraneuse) a été ob- servé plus d’une fois, notamment pendant le développement de l’em- bryon. Xwlliker a appliqué le nom de globes d'enveloppe (Umhüllungs- Æugeln) aux cellules qui reconnaissent cette origine. 3° Enfin, des particules graisseuses en nombre variable occupent la cavité des vésicules. La forme de ces dernières est ordinairement ovale ; les plus grandes (mm. 0,125 long. sur 0,025 à 0,062 larg.) occupent les couches moyennes de la substance corticale; les plus petites , de forme arrondie (diam., mm. 0,017-0,022), se rencontrent dans les couches externes , et (1) Anatomie générale, traduite par Jourdan, t. II, p. 584. (2) Loc. cit, p.81 106 AL. ECKER. — SIRUCTURE INTIME surtout sur la limite de la substance médullaire. Les premières sont ran- gées bout à bout, et forment des lignes serrées , rayonnant à travers la substance corticale; c'est cette disposition qui avait fait admettre, à tort, des tubes parcourant verticalement la substance corticale : telle est aussi la description qu’en donne Simon (1. c.). Ces rangées de vési- cules forment des groupes séparés les uns des autres par les prolonge- ments en colonnes émanant de l'enveloppe fibreuse, et dans lesquels s’avancent des vaisseaux et des nerfs. Les petites vésicules glandulaires que l’on voit sur la limite des substances corticale et médullaire ne con- tiennent qu'un noyau unique, et ressemblent ainsi à de simples cellules ; elles en diffèrent par le peu de solubilité de leur membrane dans la po- tasse; d’autres renferment jusqu'à 6-10-20 noyaux, et même davantage. Quel est le mode de développement de ces vésicules glandulaires? Les recherches de Æenlé (1) ont établi que plus d’une vraie cavité glandulaire naît de la fusion de plusieurs cellules. En est-il de même, dans la capsule surrénale , pour les vésicules de la grande espèce pour- vues de noyaux multiples? Résultent-elles de la fusion de plusieurs cel- les ou vésicules à noyau unique? Nos observations nous ont appris à connaître une mode de dévelop- pement différent: elles nous ont montré, dans une seule et même cel- lule, les noyaux se multipliant, par division sans doute, en même temps que la paroi cellulaire se distend et devient membrane glandulaire, Ce serait là un #roisième mode de formation des cavités glandulaires in- connu jusqu’à ce jour ; et nous aurions, par conséquent, les trois modes suivants : 1° Par fusion de cellules (2) ; 2 Aux dépens des espaces intercellulaires (3) ; 3° Par des cellules simples, et la multiplication endogène de leurs noyaux. B. Le deuxième élément de la substance corticale , dont il a déjà été question, ce sont les faisceaux de tissu unissant que la tunique externe de la capsule surrénale envoie rayonner vers la substance médullaire, et auxquels, en grande partie, la substance corticale doit l'aspect strié de sa coupe. Il n'est pas toujours facile de distinguer les vésicules glandulaires; parfois elles sont remplies et recouvertes de graisse, à un tel point qu'on ne peut les rendre apparentes qu’en de rares endroits. Dans ces cas, la (1) Anatomie générale, XI, 473, 484, 497, etc. (2) Zbid., t. II, p. #73. — Kælliker, Archives de Müller, 4843. (3) Henle, Anatomie générale, t. IX, p. #73. — Keœlliker, Die Bildung der Sa- menfaden in Blæschen. Neuenburg (Neufchâtel?), 1846. p. 65. DES CORPS SURRÉNAUX. 107 solution potassique, qui d'ordinaire rend la structure des vésicules si distincte en dissolvant leur contenu, tout en ménageant la membrane À Le] glandulaire , est sans valeur. 2. SUBSTANCE MÉDULLAIRE, Jamais elle ne renferme de vésicules glandulaires ; elle se compose de fibres naissantes, de vaisseaux et de nombreux plexus nerveux , le tout formant un réseau, dans les mailles duquel sont déposés les mêmes éléments qui forment le contenu des vésicules glandulaires. 3. DisTRIBUTION DES VAISSEAUX. Elle a été décrite dans tous ses détails par Wä/ler et Nagel (1), et nous ne pouvons que constater l’exactitude de cette description. 4. Nerrs. Plusieurs observateurs ont déjà signalé l’abondance de cet élément dans les corps surrénaux, notamment Zergmann (2). Voiei quelle semble être leur distribution : Les troncs nerveux traversent la substance cor- ticale sans fournir de branches ; arrivés dans la substance médullaire, ils se résolvent pour former un réseau serré, dans les mailles duquel nous n'avons jamais, chez l'Homme, rencontré de globes ganglionnaires. Les glandes surrénales accessoires , qu'il n’est pas rare de trouver sous forme de petits corps jaunâtres placés à la surface des capsules surré- nales, n’offrent la plupart qu'une seule substance, qui par sa structure rappelle la substance corticale. IL. — Corps surrénaux des Mammifères. Notre examen a porté sur les capsules surrénales du Cheval, du Porc, du Chien, du Chat, du Hérisson, du Ratet du Lièvre. Chez tous ces animaux, la structure est essentiellement la même que chez l'Homme; chez tous, il existe deux substances, et l’on ne trouve de vésicules que dans la substance corticale. Le Cheval toutefois fait exception, comme nous allons voir. Chez aucun des animaux mention- nés, les vésicules ne sont aussi distinctes que chez l'Homme. Elles le sont davantage chez les Ruminants , fort peu chez les Carnassiers : car, chez eux, la substance corticale renferme une grande quantité de par- ticules graisseuses, masquant les vésicules glandulaires. La substance (1) Archives de Müller, 1836. (2) Dissert. de glandul, supraren. Gœttingue, 1839. 108 AL. ECKER. — SIRUCTURE INTIME médullaire du Cheval offre cela de particulier qu’elle aussi renferme des vésicules glandulaires de forme variée , et d’un diamètre de millimètre 0,037 à 0,083. Parmi elles se distribuent de nombreuses ramifications vasculaires et nerveuses. Le contenu de ces vésicules est le même que dans la substance corticale des corps surrénaux de l'Homme. IL — Corps surrénaux des Oiseaux. L'on sait la remarquable uniformité qui règne dans l’organisation de cette classe; elle ne se dément pas dans les corps surrénaux, qui n’offrent pas de différences notables quant à leur situation, à leur forme, ni à leur structure. Partout il n'existe qu'une substance unique, de couleur en général orangée, plus ou moins claire ou foncée, selon le plus ou moins d’abondance du sang. Une tunique celluleuse enveloppe l'organe , et reçoit un réseau vascu- laire. La glande elle-même se compose de /obules ou de grains, séparés les uns des autres par du tissu unissant vasculaire. Aïnsi que l’on peut s’en convaincre sur des tranches minces des lobules, chacun d’eux est constitué par un groupe de vésicules closes, rondes ou elliptiques , de millimètre,0,05 à 0,13 (chez l'Ossifrague (Orfraye) par exemple). Ces vésicules, de couleur jaunâtre , se composent d’une membrane glandu- laire fort délicate, facile à rompre. Pour en constater l’existence , ce qui n’est pas toujours facile , l’on se servira avec avantage d’une faible solu- tion de potasse ou d’ammoniaque. Le contenu de la vésicule comprend : 1° une masse finement granulée, soluble dans la potasse ; 2° des parti- cules de graisse qui déterminent la couleur jaunâtre de la vésicule ; 3° des noyaux de millimètre 0,005 à 0,007, pâles, granulés, libres ou renfermés dans des cellules de millimètre 0,015 à 0,025. On rencontre encore , particulièrement chez de jeunes animaux, des vésicules presque incolores, renfermant peu de graisse; ce sont probablement des vésicules glandulaires dont le développement n’est pas achevé. Les différences de dimension des vésicules, le nombre variable de noyaux qu’elles renfer- ment, nous portent à penser que , de même que chez les Mammifères, elles doivent leur origine à des cellules. IV. — Corps surrénaux des Reptiles. A. SAURIENS. Nagel (1) , le premier , parle des corps surrénaux des Sauriens. Chez le Lézard(Zacertaagilis), chaque capsule surrénale forme un corps blanc- ‘1) Loc. cit. DES CORPS SURRÉNAUX. 109 jaunâtre, étroit, long de millimètre 2,8, appliqué exactement sur la veine rénale eflérente à gauche, sur la veine cave à droite, et lié à ces trones par de nombreux vaisseaux. Chez le mâle , le corps surrénal sé- pare la veine du testicule; chez la femelle, il a le même rapport avec l'ovaire. Sous le microscope, il parait composé exclusivement d’amas bien circonscrits de granules blancs. Ces granules se dissolvent dans l'éther, et l’on reconnait, après leur disparition, des noyaux de milli- mètre 0,002 à 0,003, et des cellules de millimètre 0,007 à 0,010. Ce ré- sultat nous fait supposer que les amas de granules pourraient bien être des vésicules glandulaires ; ce n’est qu'après beaucoup de tentatives in- fructueuses que nous réussimes à constater le fait, et à découvrir la membrane glandulaire entourant les amas de granules, membrane excessivement délicate, et se rompant ordinairement quand on dissèque l'organe. 2. Ormes. Les corps surrénaux des Serpents ont d’abord été trouvés et décrits par Retzius (1). Leurs rapports avec les organes voisins, chez la Couleuvre, sont les mêmes que chez les Sauriens. L'organe a une apparence lobulée, et les sillons de sa surface logent un riche réseau vasculaire. Les vési- cules glandulaires ressemblent en tout à celles du Lézard. Pour voir la membrane glandulaire , l'on choisira de préférence des embryons ou des animaux très jeunes : car, chez les adultes, la grande abondance des particules graisseuses ne permet que difficilement de voir cette paroi des vésicules. Nous devons signaler encore la disposition particulière de l'appareil vasculaire de ces organes; leur système veineux est double: outre les veines eférentes , ils ont des veines afférentes , une espèce de veines portes, dont l'origine et le trajet sont les suivants. Le long du rachis, et par les espaces intercostaux, l'on voit de distance en distance déboucher des trones veineux, résultant chacun de la réunion 4° d’une branche intercostale, qui se dirige en arrière par l’espace inter- costal ; 2° d’une branche dorsale, recevant le sang des veines dorsales et en particulier du plexus veineux spinal. Les troncs veineux se com- portent ainsi qu'il suit : les antérieurs se jettent dans la veine porte du foie; d’autres, placés plus en arrière, s'ouvrent dans la veine cave posté- rieure ; les postérieurs, enfin, gagnent les corps surrénaux , et s’y résol- vent en un réseau capillaire fort délié. Le nombre de ces veines affé- rentes est variable. Le corps surrénal, droit, plus volumineux, et antérieur, en reçoit ordinairement deux ou trois; l’autre, une ou deux. Les veines surrénales efférentes se rendent , celles du côté droit dans la (4) Isis, 1832, p. 529. 110 AL. ECKER. — STRUCTURE INTIME veine cave postérieure, celles du côté gauche dans la rénale efférente de ce côté. Un coup d'œil jeté sur le développement de l'embryon de la Cou- leuvre nous fera mieux comprendre cette singulière disposition. Xathke, par ses excellentes recherches sur ce sujet (1), nous apprend que, chez les Ophidiens à l’état embryonnaire, les veines intercostales recueillent lesang des parois de l'abdomen, du dos etde la cavité du rachis, pour le verser dans les veines vertébrales. À une période plus avancée, les veines vertébrales postérieures se raccourcissent, et forment les veines 43ygos et demi-azygos ; celles-ci reçoivent toujours le sang des veines inter- costales de la partie antérieure du corps. Les intercostales postérieures, au contraire, sont privées de ce débouché, Pour faire arriver le sang au cœur, il ne leur reste plus que deux voies : 1° ou bien la circulation se fait en sens contraire dans les branches dorsales, et c’est par elles que les intercostales se mettent en communication avec les plexusrachidiens, et par cet intermédiaire avec les azygos et demi-azygos; 2° ou bien cer- taines anastomoses qui existent entre le système des veines vertébrales et celui de la veine cave prennent du développement, et la veine cave re- çoit ainsi le sang des intercostales. Les troncs veineux, signalés plus haut comme débouchant le long du rachis, font partie de ces rameaux anastomotiques , et par conséquent aussi les veines surrénales afférentes. Seulement, le sang charrié par ces dernières n'arrive à la veine cave postérieure qu'après avoir traversé les capillaires des corps surrénaux ; et nous pouvons à bon droit insister sur l’analogie qui existe entre cette disposition et le système d’une veine porte. 3. BarrAcIENs. A. Anoures. Les corps jaunâtres qui se voient sur la face abdominale des reins de la Grenouille, déjà remarqués par Swammerdam, furent reconnus comine corps surrénaux, bien avant Æetzius, par /athke (2). Ces organes entourent les veines rénales eflérentes à leur sortie du rein, ou, pour mieux dire, ils font partie de la paroi de ces veines, comme Gruby (3) l'a fort bien fait voir, et comme on peut s’en assurer en fendant cette paroi. Sur des tranches minces pratiquées dans une direction verticale à la face antérieure du rein , l’on peut s'assurer que chacun des lobules parallèles dont est formé l'organe résulte de l'assemblage de vésicules closes de millimètre 0,075 à 0,125. Ce sont probablement là les glo- (1) Entwickelungsgeschichte der Natter. (2) Beitraege zur Geschichte der Thierwelt, I, p. 34. Halle, 1825. (3) Ann. des Sc. nat., 2° série. DES CORPS SURRÉNAUX, ai bules jaunes décrits et dessinés par Gruby. La membrane glandulaire est très ténue, et se rompt facilement ; elle renferme une masse granulée, jaunâtre , offrant de distance en distance des taches blanches (cellules). Ces cellules mesurent millim. 0,012 à 0,020; leurs noyaux, 0,005 à 0,007 ; les granules sont de nature graisseuse. B. Batraciens urodeles. Chez les Tritons et Salamandres, les corps surrénaux ne forment pas une masse unique , mais bien vingt à trente petits amas de chaque côté, semés sur le bord interne du rein entre lui ou la veine cave, ou sur ce vaisseau même. Leur structure et leurs rapports avec les veines rénales efférentes sont les mêmes que chez la Grenouille. 4, CHÉLONIENS. Leurs corps surrénaux ont une ressemblance parfaite de formes et de rapports avec ceux des Batraciens anoures ; ils recouvrent la face ven- trale des reins dans presque toute leur longueur et dans un tiers de leur largeur. Leur couleur est orangée; ils sont aplatis, et entre leurs lobules se distribuent les vaisseaux. Comme chez les Batraciens, ils sont logés sur et en partie dans l'épaisseur des parois d’un plexus de veines rénales efférentes. V. — Corps surrénaux des Poissons. Nos recherches ont porté principalement sur les corps surrénaux des Poissons osseux. /etzius (1) et Stannius (2) en ont décrit la forme et la situation chez les Plagiostomes et chez l'Esturgeon, sans toutefois accor- der beaucoup d'attention à la structure intime. Nous regrettons de ne pouvoir combler cette lacune par l'examen d’animaux frais. Les organes que J. Müller (3) signale chez les Myxinoïdes comme étant les corps sur- rénaux ont une structure si différente de celle que ces organes offrent ailleurs , que nous hésitons à admettre la désignation de HMäl/er. Quant aux corps surrénaux des Poissons osseux, l’on sait que Sfan- nius (4), le premier ; considéra comme tels des corpuscules blanchâtres disséminés à la surface des reins, sans toutefois en avoir exactement reconnu la structure intime. Son opinion manquait donc d’une base certaine ; car l'étude des éléments de structure peut seule nous fournir les moyens de classer un organe. Nous espérons pouvoir prouver que (1) Obs. in anatom. chondropterygior. Lund. 1815. (2) Vergleichende Anatomie von Siebold und Stannius, II, 4118. f (3) Vergleichende Anatomie der Myxinoiden, letzte Abtheilung, p. 7. (4) Archives de Müller, 4839, p. 97. — Vergl. Anat. 1. c. 112 AL, ECKER. — STRUCTURE INTIME l'interprétation de Stannius est exacte. Les corpuscules en question ont la plus grande analogie de structure avec les corps surrénaux dans les autres classes. Nous avons examiné ces organes chez un grand nombre de Poissons qui vivent dans nos rivières , et nous allons les décrire en prenant pour types les corps surrénaux du Saumon et du Brochet. Le Saumon en possède de trois à six, situés sur la face dorsale des reins. Chacun d'eux se compose de plusieurs lobules séparés par un ré- seau fibro-vasculaire. Une tunique fibreuse entoure le tout. Chaque lo- bule comprend un certain nombre de vésicules closes , rondes ou ellip- tiques , contenues dans les mailles d’un stroma fibreux et d’un réseau de vaisseaux, dont la partie capillaire s'étale à la surface même des vési- cules. Le diamètre de ces vésicules est de millimètre 0,11 à 0,25 (1/9 à 1/4%%), On réussit sans grande difficulté à les isoler, et alors la mem- brane glandulaire anhiste est on ne peut plus distincte. Voici ce que ren- ferment ces vésicules : 1° une masse granulée, fine ; 2° des particules graisseuses ; 3° des noyaux de millimètre 0,005, les uns libres, les autres enveloppés de masse grenue d’un diamètre de millimètre 0,040 à 0,012, ou même de véritables cellules de millimètre 0,017 à 0,025. On peut ici constater fort clairement la formation de cellules par précipitation au- tour d’un noyau. Chez le Brochet, l'on trouve d'ordinaire deux ou trois corps surrénaux enchâssés latéralement dans la substance rénale. Chez plusieurs jeunes Brochets, nous en avons trouvé toutefois un nombre bien plus considé- rable. Toute la face abdominale du rein était semée de corpuscules blan- châtres, dont la structure s’accordait entièrement avec celle des corps surrénaux. Ce fait est digne de remarque , en ce qu'il semble indiquer un développement périodique des organes en question , dont une partie devait, sans doute, disparaître plus tard. Selon leurs dimensions, ces corpuscules blanchâtres, par leur structure, annonçaient un développe- ment plus ou moins complet; et ceci jette une lumière inattendue sur le mode de développement de ces organes , fort analogue avec celui que nous avons signalé chez l'Homme. Ainsi, chez le Brochet : 4° Les cor- puscules, de moins de 1/5 de millimètre, sont presque transparents, délicats, fragiles ; ils ne renferment pas de vésicules glandulaires, mais seulement une masse granulée fine, des noyaux et quelques cellules. 2° Dans les corpuscules de 1/5 de millimètre, l’on rencontre déjà des vésicules glandulaires renfermant les éléments décrits. 3° Les vésicules sont encore plus distinctes dans les corpuscules blanchâtres de dimen- sion plus grande. En mettant en usage une légère compression, on les reconnaît fort bien à travers la tunique fibro-vasculaire ; et quand celle- cise rompt sous une pression plus forte, il s’en échappe des vésicules of- DES CORPS SURRÉNAUX. 113 frant les caractères mentionnés plus haut, et avec elles une masse gre- nue, soluble dans la potasse, mêlée 1° de particules graisseuses , % de noyaux distinctement vésiculeux , 3° de cellules à des degrés de déve- loppement variés. Les unes, en effet, munies d’un noyau unique; d’autres, de millimètre 0,02, offrent deux noyaux. Les cellules, de mil- limètre 0,015, renferment déjà trois noyaux juxtaposés, parfois d’une manière tellement intime que l'on est porté à admettre qu'ils résultent de la scission d'un noyau unique. D’autres cellules enfin renferment quatre, cinq et jusqu’à dix noyaux, et ressemblent alors parfaitement aux vésicules glandulaires ; de sorte que l’on rencontre ici toutes les formes intermédiaires à la cellule simple et à la vésicule glandulaire. 4° Les grands corps surrénaux , enfin, mesurant millimètre 4,5 et plus, que l’on ne trouve que chez les Brochets du poids de 5 kilogrammes et au-delà, se distinguent principalement par un plus fort développement relatif du stroma fibreux. D'après ce que nous venons de dire, l’on peut, ce nous semble, ad- mettre la marche suivante dans le développement des corps surrénaux. Il se forme des noyaux , et ils s’entourent de cellules. Chaque noyau, renfermé dans sa cellule, se multiplie par division, pendant que la membrane de la cellule s'étend et devient membrane glandulaire. Les corpuscules décrits plus haut, et qui ne renferment qu’une masse gre- nue et des noyaux, représentent en quelque sorte la vésicule glandu- laire, simple ou primaire, comme on pourrait l’appeler. Puis les cel- lules qui naissent dans sa cavité deviennent à leur tour des vésicules glandulaires , tandis que la membrane de la vésicule primaire se con- fond avec la tunique externe de l’organe. A l'appui de cette dernière as- sertion, nous dirons qu'ayant éloigné avec soin , sur le corps surrénal d’un Cyprinus nasus, la tunique fibreuse, nous avons trouvé sous elle une membrane anhiste enveloppant tout l’organe. Les corps surrénaux reçoivent des vaisseaux en grand nombre. Ceux de la petite espèce sont ordinairement attachés à un pédicule artériel, et offrent ainsi une ressemblance frappante avec les vésicules de la rate. VI. — Développement des corps surrénaux de l'Homme. Nous ne trouvons rien à ajouter aux données fournies par Zischo/f, re- lativement au développement de la forme de ces organes, Comme lui, nous les avons toujours trouvés doubles et séparés des corps de Wolff. Quant au développement des éléments intimes , il se trouve à peine in- diqué par les auteurs. Nous regrettons de n’avoir pu en faire l'objet d'une étude complète, n'ayant eu que de rares occasions d'examiner des em- bryons frais. D'un autre côté, l'examen des embryons de Mammifères 3*série Zoo. T. VIII. (Août 1847.) 4 8 Ait AL. ECKER. — STRUCTURE INTIME ne saurait combler suffisamment cette lacune ; car nulle part l’organeen question n'offre un développement embryonnaire aussi considérable que chez l'Homme. Sur un embryon de la douzième semaine , nous trou- vâmes des noyaux vésiculeux à nucléoles distincts , quelques rares cel- lules, mais pas de vésicules glandulaires. Sur d’autres embryons , nons trouyàmes quelquefois des vésicules, de millimètre 0,025, avec un noyau, quelques nucléoles, et de la masse grenue. On pourrait peut- être les regarder comme des cellules sur le point de se transformer en vésicules. Sur des embryons de Mouton d’une longueur de centimètres 5 à 7,5, et sur ceux de Veau mesurant 1 décimètre , il n’y avait pas encore de vésicules glandulaires. Mais dans la substance surrénale corticale d'un fœtus de Veau de 50 centimètres se rencontrèrent des vésicules, de mil- limètre 0,05 à 0,15, sphériques ou elliptiques, remplies de noyaux fa- ciles à isoler, mais beaucoup plus rares, plus disséminés que chez les animaux adultes. Il ressort au moins de ce peu d'observations que l’ap- parition des vésicules glandulaires est assez tardive, et n’a lieu, chez l'Homme, que lorsque l'organe a déjà acquis un volume notable, VIT. — Physiologie des corps surrénaux. L'on s'accorde généralement pour attribuer aux ganglions vasculaires la fonction de former une substance dont le sang fournit les matériaux , et qui se trouve ensuite mêlée au sang soit directement, soit par l’inter- médiaire des vaisseaux ]ymphatiques. Quel est le but de cette sécrétion , ou, en d’autres termes, de quelle utilité sont les glandes vasculaires, les corps surrénaux en particulier ? Quel rôle remplissent-ils dans l’économie animale ? Anciennement on leur supposait une connexion fonctionnelle soit avec les organes uropoëtiques , soit avec les organes génitaux. On peut trou- ver ces diverses opinions réunies dans la PAysiologie de Haller (1). De- puis, J.-F. Meckel et récemment encore Simon ont de nouveau insisté sur ce prétendu rapport des corps surrénaux avec l'appareil génital. Mais cette manière de voir a été combattue avec succès par Nagel, et l'on remarquera que, daus l'espèce humaine au moins, elle ne s'accorde nullement avec le volume considérable de ces organes chez l'embryon, Un rapport plus évident semble exister entre eux et le système nerveux ; c’est l'opinion de Bergmann appuyée par Bischoff et autres. Elle s'étaye au moins d’une raison anatomique , à savoir , du nombre extraordinaire (1) Tome VIII, page 407. DES CORPS SURRÉNAUX. 415 de nerfs que renferme la substance corticale chez l'Homme et chez beau- coup de Mammifères. Nous ne saurions toutefois reconnaître qu'une res- semblance superficielle entre les éléments globuleux de l’organe et les corps ganglionnaires. Ensuite, et ici nous nous basons sur nos recher- ches comprenant les quatre classes de Vertébrés, les rapports qui existent entre le corps surrénal et le système vasculaire sont bien plus remar- quables que ceux qu'il établit avec le système nerveux. Par sa structure, il ressemble aux glandes vasculaires, et nous pensons qu’il appartient réellement à cette classe d'organes. Il en présente des caractères géné- raux, des vésicules glandulaires closes fournissant un contenu riche en protéine. Quant à sa connexion avec le système vasculaire, on se rapel- lera que, chez les Batraciens et chez les Chéloniens, l'organe en question fait corps avec les parois des veines rénales efférentes; que, chez les Ophidiens , il possède un système de veines afférentes; que, chez les Poissons, il est en quelque sorte greffé sur les vaisseaux. Dans les trois dernières classes de Vertébrés, nous ne retrouvons plus cette énorme proportion d'éléments nerveux ; et si elle distingue certains Mammi- fères , cela annonce simplement que, chez eux, le système nerveux in- flue puissamment sur la sécrétion des corps surrénaux. Leur état em- bryonnaire serait assez significatif chez l'Homme si, dans la généralité des animaux, leur développement était hors de proportion avec celui du reste de l’organisme. L'anatomie pathologique n’a encore fourni aucune donnée importante à ce sujet. Des extirpations chez les animaux nous n’attendons pas de grands résultats. Chez le Lapin, on réussit bien, ainsi que nous nous en sommes une fois assuré, à arriver sur les corps sur- rénaux par la région lombaire sans léser le péritoine; mais il est très difficile d'éviter la lésion de la veine cave à laquelle ces organes adhèrent très intimement, à droite surtout, alors qu’on cherche à lesisoler. Chez le Chien, le rapport avec la veine est moins intime, et l’on a plus de chance à pouvoir extraire les corps surrénaux : mais, nous le répétons, nous doutons jusqu’à présent qu'une opération aussi grave fournisse des résultats nets et satisfaisants. La nature de leur sécrétion nous semble particulièrement propre à nouséclairer sur ce problème physiologique et sur la fonction des glandes yasculaires en général. L'analyse microscopique et chimique (1) nous (1) I n'existe pas, à notre connaissance, d'analyse chimique comparative des sangs artériel et veineux des corps surrénaux ou d’autres glandes vasculaires. Il nous paraît douteux qu'une opération de ce genre fournisse des résultats, vu la faible quantité de secretum qui se produit en un court instant, abstraction faite de toute autre difficulté et de la question de savoir si Ja modification du sang con- 116 AL. FECKER. — STRUCTURE INTIME démontre un secretum très riche en albumine, véritable plasma, dans lequel naissent d’autres combinaisons de la protéine, qui constituent des noyaux et des cellules; enfin nous y trouvons de la graisse. Ce sont là des produits dont la nature se sert partout pour former et nourrir les or-- ganes : aucune sécrétion, ce nous semble, si l’on en excepte les sucs de la génération, ne renferme autant d’albumine que le secretum des glandes vasculaires. On peut donc, sans choquer la vraisemblance, attribuer à cette matière l’usage réparateur mentionné, de servir, par exemple, à la formation du sang ; admettre que les éléments microscopiques de ces or- ganes se transforment en corpuscules lymphatiques ou sanguins. Cette théorie, qui considère les glandes vasculaires comme lieux de formation des corpuscules sanguins, déjà proposée pour la rate, pour le thymus (Æewson, Bischoff), ne manque certainement pas de vraisemblance. Seu- lement, nous ne connaissons pas de formes de transition entre les élé- ments microscopiques de ces glandes et les corpuscules lymphatiques où sanguins; le sang de la veine surrénale, par exemple, ne nous montre aucun élément de la glande qui le fournit. Gulliver (1) est le seul qui ait observé, dans le sang de la veine surrénale, de petits granules en tout semblables à ceux qui se trouvent dans la glande; mais il n’insiste pas sur cette observation. D’un autre côté, que l’on songe que le système vasculaire est clos de toutes parts, et l'on admettra plus aisément que les cellules glandulaires se trouvent détruites dans l’organe, comme cela s’observe dans les glandes en général, et que si quelque chose de leur substance parvient dans le sang, c'est le liquide résultant de leur disso- lution, et qui y arrive par voie d’endosmose. Une fois mêlée au sang, cette substance ne tardera pas à s'identifier complétement avec lui. Com- posé, comme l’est la matière nutritive en général, de substances protéi- nées et de graisse, ce produit des glandes vasculaires sert sans doute aux besoins généraux de la nutrition ; du moins l’on ne voit pas à quel usage spécial cette substance serait réservée. Tous les organes en profiteront également : rien ne nous autorise à ces assertions, que le produit du corps thyroïde profite au cerveau, celui des corps surrénaux aux organes génitaux, et que celui du thymus sert à la fonction respiratoire. | De ce qui précède, il ressort, selon nous, que les glandes vasculaires sont chargées de la même fonction, et qu’elles peuvent se suppléer sous le rapport quantitatif. L’on s’expliquera ainsi les suites insignifiantes de siste simplement en une addition de substance nouvelle, ou s'il y a, de plus, soustraction de quelques uns des principes qu'il renferme déjà. (1) Anatomie générale de Gerber, traduite en anglais. Londres, 4842, p. 403. — Dublin medical press, janv. 4. 1840. DES CORPS SURRÉNAUX, 417 leur extirpation. Cette fonction, commune aux glandes vasculaires, sera la suivante : Former, aux dépens du sang, une substance riche en protéine et en graisse, laquelle se trouve versée dans le sang et employée dans la nu- trition. Cette manière de voir repose principalement sur la nature du sécrétum; elle s'appuie aussi sur le fait que plusieurs de ces glandes vas- culaires acquièrent leur plus fort développement à l’époque de la crois- sance la plus active. Il semble d’abord singulier d'admettre que le sang fournisse de la matière nutritive, qu'il va reprendre plus tard pour la mettre en œuvre. Mais que l’on ne perde pas de vue que l’activité nu- tritive est continue, que le sang sert à combler continuellement les pertes que les organes éprouvent à chaque instant, tandis que le renouvelle- ment du sang est périodique, et l’on ne sera pas éloigné d'admettre que, pendant ses périodes d’abondance, le sang puisse abandonner de la ma- tière nutritive très concentrée, espèce d'extrait nutritif qui se dépose dans certains organes. Si des noyaux et des cellules se forment dans ce dépôt, on y verra la conséquence de son exquise plasticité; et cette provision s’épuisera par la fonte successive de ces éléments microscopiques dont le produit se remet en circulation pour servir à des besoins ultérieurs. Loin de nous la prétention d’avoir émis ici autre chose qu'une simple manière de voir, qui servira peut-être, dans l’état actuel de la question, à jeter du jour sur le problème physiologique en discussion. Quoi qu'il en soit, il nous paraît démontré qu'une seule et même fonction est dé- partie aux glandes vasculaires, et que cette fonction se rattache à la com- position générale du sang. VIIL. — Conclusions. Résumons ici les résultats de nos recherches, en ce qu'ils ont de plus important. 1° La structure intime des corps surrénaux est la même dans les quatre classes des Vertébrés. 2° Partout l’on trouve des vésicules glandulaires closes, formées d’une membrane anhiste, et renfermant une substance granuleuse. 3° Ce contenu comprend : a. Un plasma riche en albumine, mêlé de granules très petits et très nombreux d’albumine concrète. b. Des cellules et des noyaux. Ces derniers, ou bien sont compactes et parsemés de granules, ou bien ce sont des vésicules munies d'un ou de deux nucléoles { cette dernière forme se rencontre chez les Poissons, et, pendant le jeune âge, chez l'Homme et chez les Mammifères). Ces noyaux sont, ou bien librement plongés dans la masse granuleuse , ou bien ils 118 AL. ECKER. — SIRUCTURE INTIME DES CORPS SURRÉNAUX. ont une enveloppe, et souvent la surface de cette dernière se condense de manière à former une membrane cellulaire. Toutes les cellules des corps surrénaux se forment de la sorte autour d’un amas de granules qui renferme un noyau. ce. La vésicule glandulaire renferme enfin de nombreuses particules graisseuses. Chez beaucoup d'animaux, par exemple chez les Mammi- fères carnassiers, chez les Oiseaux et chez les Batraciens, une couche de particules graisseuses enveloppe étroitement les cellules: 4° Les vésicules glandulaires sont le résultat du développement de cel- lules simples. Les noyaux se multiplient par génération endogène, pro- bablement par scission du noyau primitif, et la membrane cellulaire, en s'étendant, devient membrane glandulaire. Nous connaissons donc à pré- sent trois modes de formation des cavités glandulaires : a. Par fusion de cellules ; b. Par les espaces intercellulaires ; c. Par l'accroissement et La distension de cellules simples. 5° Sans cesse de nouvelles vésicules naissent de cellules ; sans cesse aussi les anciennes vésicules disparaissent. 6° Un réseau vasculaire entoure les vésicules glandulaires. 7° Chez tous les Vertébrés, à l'exception des Mammifères et de l'Homme, les vésicules composent toute la substance de l'organe. Chez les Mam- milères et chez l'Homme, le corps surrénal se compose de deux sub- stances , et la substance corticale seule renferme des vésicules ; chez le Cheval, toutefois, il s’en trouve aussi dans la substance médullaire. Dans la substance corticale, les vésicules sont en général allongées, rangées bout à bout, et simulent fréquemment, par cette disposition , des tubes. La substance médullaire est un réseau de fibres conjonctives , de vais- seaux et de nerfs excessivement nombreux. Les mailles de ce réseau sont occupées par une masse pareille à celle qui est contenue dans les vési- cules de la substance corticale. 8° Chez les Serpents, les corps surrénaux ont des veines efférentes et des veines afférentes. 9° Chez l'Homme seul , le corps surrénal est relativement plus déve- loppé pendant les premiers âges de là vie. 10° Les éléments de la glande fournissent une humeur riche en pro- téine et en graisse, destinée à être versée dans le système vasculaire, soit par exosmose, soit par déhiscence des vésicules glandulaires. Son usage se rapporte à la nutrition en général. 119 RECHERCHES SUR L'ORGANISATION DES VERS: Par M. ÉMILE BLANCHARD (1). ( Suite : voyez 1. VII, p. 87.) CHAPITRE LV. Des rapports et des différences existant entre les Axévones, les Cesroïnes et les HezwinTues. L'organisation des Vers étant appréciée comme je viens de le faire , les classes que je crois devoir admettre me paraissent ex- trêmement naturelles. Dans chacune d’elles, nous avons le type principal, dont les représentants, fort nombreux, offrent une réunion de caractères organiques qui seront maintenant faciles à reconnaître. Près de ces formes principales, nous placons, il est vrai, certains types que nous pouvons regarder comme secon- daires, eu égard à leur petit nombre de représentants. Ceux-ci s’éloignent des premiers sous quelques rapports ; mais néanmoins ils s'y rattachent toujours bien évidemment par l’ensemble de leur organisation. Les Anévormes, les Cestoïdes et les Helminthes sont nette- ment caractérisés par le système nerveux. Chez les Anévormes, l’appareil de la sensibilité consiste en deux masses médullaires cérébroïdes plus ou moins rapprochées ou écartées l’une de l’autre, et en une double chaine ganglionnaire latérale ne se rapprochant jamais sous l’æsophage , de manière à former un collier analogue à celui des Annélides ou des Arti= culés. Chez les Cestoïdes , le système nerveux consiste en une bande- lette médiane située au centre de la tête, offrant à chaque extré- mité un léger renflement ganglionnaire qui donne naissance à deux filets nerveux descendant dans toute la longueur du corps, et à des nerfs se dirigeant vers les ventouses , à la base desquelles 120 VOYAGE EN SICILE. il existe un ganglion. Cette disposition s’altère chez les Ligules , où la tête manquant de ventouses, les centres nerveux propres à ces organes dans les autres Cestoïdes sont ici en grande partie atrophiés. Chez les Helminthes restreints comme je l'ai indiqué, le sys- tème nerveux consiste en deux ganglions placés de chaque côté de l’œsophage , et unis l’un et l’autre à ceux du côté opposé par une étroite commissure. Ces centres nerveux représentent, les uns les ganglions cérébroïdes, les autres les ganglions sous-intestinaux des autres Annelés. Ils donnent naissance isolément à un long cordon nerveux latéral. Dans les Nématoïdes , cette disposition est parfaitement con- stante. Dans les Acanthocéphales, elle est moins évidente et semble en présenter la dégradation. Chez les Anévormes , la disposition de l’appareil vasculaire a presque le même degré de constance que le système nerveux. D’après les observations faites sur un grand nombre de types de ce groupe, il consiste en un ou plusieurs vaisseaux principaux présentant des ramifications nombreuses , s’anastomosant entre elles de manière à constituer dans la plupart des cas une sorte de réseau vasculaire. Chez les Cestoïdes , le système vasculaire proprement dit con- siste également en plusieurs vaisseaux longitudinaux offrant des ramifications latérales et des anastomes très nombreuses. Chez les Helminthes, l’appareil circulatoire consiste en un vestige de cœur communiquant avec deux vaisseaux artériels qui s’abouchent avec des vaisseaux veineux suivant le même trajet ; l'artère et la veine , de chaque côté ou en dessus et en dessous, selon la position dans laquelle on considère l'animal , renfermées dans un tube commun. Cette disposition existant toujours dans l’ordre des Nématoïdes , mais se dégradant dans les Acanthocé- phales, où l’on retrouve seulement les deux tubes, qui ne con- tiennent plus aucun vaisseau particulier. Ajoutons aussi que des détails nous manquent encore pour ap- précier rigoureusement en quelle mesure le type des Gordiacés s'éloigne de celui des Nématoïdes. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS, 121 Chez les Anévormes, l’appareil alimentaire ne fournit pas de caractère propre à la classe entière ; mais néanmoins la plupart des représentants du groupe ont un tube digestif plus ou moins ramifié et dépourvu d’un orifice anal. Dans quelques types se ral- tachant aux premiers par plusieurs caractères importants, et no- tamment par la disposition du système nerveux, le canal intestinal est simple et pourvu d’un anus. Chez les Cestoïdes, il n’y a pas de tube digestif proprement dit, mais en général il existe une sorte d’appareil gastrique ou intestinal qui consiste en un double canal ayant dans chaque an- neau de l’animal une communication transversale. Dans les Ces- toïdes inférieurs, cet appareil se dégradant , les canaux transver- saux viennent à manquer, dans les uns, quand les canaux lon- gitudinaux persistent encore; dans les autres, c’est tout l’en- semble qui s’chlitère. Chez les Helminthes, le canal intestinal, s'étendant d’une ex- trémité du corps à l’autre , consiste en un œsophage musculeux, suivi d’un long intestin presque droit. Il existe une ouverture anale. Dans les Acanthocéphales , le canal intestinal disparait. Chez les Anévormes, les organes de la génération des deux sexes existent sur chaque individu. Aucune espèce n’est venue encore infirmer la généralité de ce caractère. Les ovaires occu- pent une grande partie de l’étendue du corps, mais il n’y a ja- mais qu'un seul oviducte. L'appareil mâle est ordinairement plus circonscrit. Dans la forme et dans la disposition de chaque or- gane, on observe des différences assez notables, suivant les groupes et même suivant les genres. Chez les Cestoïdes , les organes de la génération des deux sexes existent, non seulement dans chaque individu , mais dans chaque anneau du même individu, Chaque zoonite est pourvu d’un ovaire particulier, d’un oviducte et d’un appareil mâle, ou bien les an- neaux présentent alternativement les organes mâles et les organes femelles. Dans les types dont le corps n’est pas annelé, il y a éga- lement une série d’ovaires indépendants les uns des autres et une semblable série d'organes mâles. 122 VOYAGE EN SICILE." Chez les Helminthes , les sexes sont constamment séparés. Il existe un ou plusieurs ovaires se réunissant en un oviducte com- mun, et dans les mâles des testicules, un réservoir spermatique communiquant directement avec la verge, qui débouche ordinai- rement à l’extrémité du corps, près de l’orifice anal. Chez les Anévormes , le corps est plus ou moins allongé ; mais en général il est assez court et oblong , ne présentant aucune trace d'annulation. Un seul type, le Péripate , qui se lie aux Anévormes par plusieurs caractères organiques, en diffère sous ce rapport, et cette différence , ainsi que la présence d’appendices, doit le faire placer en dehors de la classe. Chez les Gestoïdes, le corps ressemble à un long ruban, ordi- nairement divisé en un très grand nombre d’anneaux se séparant les uns des autres avec une extrême facilité. Dans plusieurs, cette division en anneaux vient à s’effacer. Chez les Helminthes , le corps est allongé et cylindrique, ayant un tégument offrant le plus souvent des plis transversaux, et présentant en général un premier anneau assez nettement cir- conscrit. Aux différences que nous venons d’exposer comparativement entre les Anévormes, les Cestoïdes et les Helminthes, on pourrait en ajouter plusieurs autres tirées de la texture des téguments et de l’histologie en général ; mais il serait trop diflicile d'arriver à un degré de précision assez grand pour les énumérer ici. D’ailleurs il faut bien remarquer que les caractères histologiques paraissent, dans plusieurs cas au moins, présenter des différences considé- rables ne coïncidant pas entièrement avec l’ensemble de l’orga- nisation. Enfin , d’après cet exposé, qui n’est autre chose que l’expres- sion des faits appréciés à l’aide d’un grand nombre d’observations, n’en ressort-il pas manifestement qu'un Anévorme, un Cestoïde et un Helminthe constituent des types essentiellement distincts qu'on ne saurait confondre, Quand un ou plusieurs des caractères du type viennent à man- quer ou à s’effacer dans certaines espèces, n'est-il pas évident aussi que, par l’ensemble de leur organisation , on peut encore d à É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 123 les rattacher avec toute certitude à l’une des trois classes que nous avons admises? Ces trois groupes sont séparés par des caractères organiques d’une importance très considérable ; et, dans les types chez les- quels ces caractères s’effacent, ilsin’indiquent pas pour cela de lien bien manifeste entre la classe des Anévormes et celle des Cestoïdes ou celle des Helminthes. Cest ainsi qu'une Ligule chez laquelle on ne retrouve pas tous les caractères des Cestoïdes, comme dans les Tænias, ne ressemble pas plus à un Trématode ou à une Planariée que le Tænia lui-même. Néanmoins il est certain que les types des deux premières classes sont plus voisins l’un de l'autre que de ceux de la troisième. CHAPITRE V. Du groupe des NÉMERTINES (NEMERTINA Ehrenb.). Je me suis peu occupé de ces Vers. M. de Quatrefages ayant entrepris sur ces animaux une série d'observations, qui est de- venue le sujet d’un fort beau travail , récemment publié dans les Annales des Sciences naturelles (1), je renverrai donc à ce Mé- moire pour l’ensemble des faits relalifs à l’organisation des Némertines, J'aurai seulement à ajouter quelques détails à l'égard du système vasculaire de ces animaux. M. de Quatrefages a décrit et figuré cet appareil comme consistant simplement en trois vais- seaux longitudinaux sans aucune ramification latérale, Étant parvenu à injecter des Némertes, j'ai reconnu la pré- sence d’un plus grand nombre de vaisseaux longitudinaux, offrant des ramifications transversales nombreuses, qui établissent des communications entre les troncs principaux. Mais si je mentionne ici ce groupe d’Annelés, c’est surtout pour discuter ses rapports naturels avec les autres divisions du sous-embranchement des Vers. L'historique des opinions des naturalistes à ce sujet se trouve dans le Mémoire de M. de Quatre- (1) Ann. des Se. nat. t. VI, p. 173 (1846). 124 VOYAGE EN SICILE. fages. Je ne m’y arrêterai donc pas, me bornant ici à signaler ce qui me parait évident, d’après tous les termes de comparai- son qui m'ont été fournis par mes études sur les Vers. M. de Quatrefages place les Némertines dans la classe des Tur- bellariés d’Ehrenberg ; ce sont pour lui les Turbellariés diviques, par opposition au groupe des Planariés, qu’il nomme T'urbellariés monoïiques. Je sais qu'ordinairement‘on hésite longtemps avant de se décider à former une division d’un rang élevé, tel qu'une classe. On ne doit s’y décider en effet, à mon avis, qu'après avoir comparé et surtout pesé la valeur des caractères du groupe, dont on croit devoir augmenter l'importance. Dans l’état actuel de la science , nous jugeons de ce qui doit être fait en certaines circonstances par ce qui est établi et gé- néralement admis par les zoologistes dans les autres divisions du règne animal. Tant que l’organisation des Vers est demeurée ignorée dans ce qu'elle a de plus essentiel , on a fort naturellement considéré ces types divers comme formant un seul groupe , c’est-à-dire une seule classe. Quelques uns s’étonneront peut-être au premier abord de voir les Vers parenchymateux et cavitaires de Cuvier divisés aujour- d'hui en cinq classes. Mais ceux qui examineront les caractères essentiels et les différences fondamentales existant entre les repré- sentants de ces cinq formes principales, n’hésiteront pas, je pense , à reconnaître leur importance. Ils verront bientôt que les caractères organiques, séparant les divisions les unes des autres, n’ont pas moins de valeur que ceux des autres classes d'animaux invertébrés , soit parmi les Mollusques, soit parmi les Annelés. Après avoir exposé les principales différences existant entre les - Anévormes, les Cestoïdes et les Helminthes , je me trouve con- duit à faire ressortir d’une manière comparative ceux des Némer- tines ou Némertiens. Pour cela, il devient nécessaire de comparer isolément cha- cun de leurs appareils organiques avec ceux des types précédem- ment caractérisés. Leur système nerveux ressemble-t-il à celui des autres Vers? É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 195 Chez les Némertes, il se présente comme deux masses médul- laires , situées de chaque côté de l’œsophage, et plus ou moins réunies ou confondues ensemble : la supérieure , unie à celle du côté opposé par une commissure, passant au-dessus du canal di- gestif ; l'inférieure, unie également à celle du côté opposé par une plus large commissure, passant au-dessous du canal in- testinal. Les centres nerveux inférieurs fournissent deux cordons nerveux , descendant sur les parties tout à fait latérales du corps, l’un à droite, l’autre à gauche. Les centres médullaires supérieurs sont bien évidemment les ganglions cérébroïdes : les centres nerveux qui leur sont accolés sont aussi certainement l’analogue des ganglions sous-intestinaux des autres Annelés. Cette disposition ressemble-t-elle à celle du système nerveux des Anévormes en général ou des Planariés en particulier ? c’est, comme on le voit, complétement différent. Com- parons-nous cette disposition avec celle existant chez les Néma- toïdes , nous trouvons fondamentalement une ressemblance beau- coup plus réelle ; cependant la différence est encore très considé - rable ; ce sont bien, en effet, chez les uns et les autres un ganglion cérébroïde et un ganglion sous-intestinal rejetés de chaque côté, et rapprochés ou même réunis, et deux cordons latéraux. Mais, dans les Nématoïdes , ce sont des centres nerveux tout à fait ru- dimentaires ; tandis que, chez les Némertiens, ce sont des masses médullaires extrêmement développées, comparativement à celles de la plupart des Vers. De plus, chez les Némertiens, la partie inférieure du système nerveux est toujours plus considérable que la partie supérieure ; chez les Nématoïdes, au contraire, on ne saurait reconnaître à cet égard aucune prédominance bien manifeste. Le système circulatoire nous montrera-t-il une analogie beau- coup plus étroite entre les Némertiens et les Anévormes que le système nerveux ? Chez les premiers , ce sont des vaisseaux lon- gitudinaux avec des ramifications transversales assez régulières. D’après tout ce que nous savons de l’appareil vasculaire des Pla- naires et des Trématodes , c'est généralement un réseau vascu- laire avec un ou plusieurs troncs principaux. Chez les Néma- 196 VOYAGE EN SICILE. toïdes, ce sont bien des vaisseaux longitudinaux ; mais leur dis- position est très différente de celle des Némertiens , chez lesquels il n’y a rien d’analogue à ces tubes vasculaires des Nématoïdes. Trouverons-nous des rapports plus intimes entre ces groupes, et surtout entre les Némertiens et les Planaires , dans la configu- ration du canal inteslinal et des organes de la génération ? Chez les premiers , d’après les observations récentes de M. de Quatrefages, le tube digestif, décrit d’une manière générale, estrenfermé dans une cavité spéciale, et consiste en un æsophage, en unetrompe, et en un intestin sinueux extrêmement grêle, occu- pant rarement toute la longueur du ‘corps. Chez les Planaires, c'est, comme on sait, un intestin plus ou moins ramifié. A l'égard des organes de la génération, les dénominations proposées par M. de Quatrefages, celle de Turbellariés mo- noïques pour désigner les Planaires et les Trématodes, et celle de T'urbellariés diviques pour désigner les Némertiens, indi- quent nettement la différence la plus importante. Sous le rap- port de la séparation des sexes, les Némertiens se rapproche- raient davantage des Nématoïdes ; mais la configuration des or- ganes est tout à fait différente, comme on peut s’en assurer en regardant à la fois la description spéciale de ces organes dans ce travail et dans celui de M. de Quatrefages , comme en jetant un coup d’æœil sur nos planches. Nous aurions encore d’autres différences à signaler dans la nature des téguments , dans la forme du corps, etc.; mais plu- sieurs de celles-ci sont réellement trop secondaires pour mériter un examen comparalif aussi rigoureux. Ainsi, ayant montré combien les Némertiens diffèrent des Pla- nariés par l’ensemble de leur organisation ; ayant montré com- bien ces différences sont profondes et caractéristiques ; ayant montré encore quelques rapports éloignés entre les Némertiens et les Nématoïdes , tout en signalant des différences organiques très importantes, on arrive nécessairement à cette conclusion, que les Némertiens doivent constituer un groupe essentiellement distinct de ceux auxquels nous les avons comparés, et que ces Vers ont des affinités au moins aussi manifestes, et même plus É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 127 manifestes, avec les Nématoïdes qu'avec les Anévormes en géné- ral ou même simplement avec les Aporocéphales en particulier. Réunit-on les Némertiens aux Anévormes, il devient impos- sible de trouver un seul caractère général à tous ces animaux. En même temps, les caractères si prononcés des Helminthes (Né- matoïdes , etc.) ne peuvent plus être énoncés clairement d’une manière comparative. Aujourd’hui quelques uns de ces groupes de Vers semblent encore avoir peu de représentants, particulièrement s’il est ques- tion des espèces qui habitent la mer. Si l’on ne songe qu’à ceux décrits ou représentés , il doit en paraître ainsi ; alors on s’éton- nera parfois de voir des ordres et même des classes établis pour un nombre d'espèces très limité. Mais pense-t-on au petit nombre de recherches entreprises pour recueillir ces êtres, en apparence si peu dignes de l'observation des naturalistes ; énumère-t-on la quantité d'espèces trouvées sur deux ou trois points bien resser- rés où l’on a voulu recueillir ces animaux : alors on sera frappé du nombre immense qui doit vivre au fond des mers. Songe-t-on à l'importance des caractères organiques de cha- cun de ces types, dont les représentants sont certainement si multipliés , l’on sera de plus en plus convaincu que nous n’ac- cordons pas aux divisions principales du sous-embranchement des Vers une valeur exagérée. CHAPITRE VI. Du groupe des ACANTHOTHÈQUES (ACANTHOTHECA Diesing ). Outre les types que nous avons signalés parmi les Vers, il en existe encore qu'on ne saurait leur rattacher ; ce sont les Lingua- tules ou Pentastomes, dont on connaît seulement un fort petit nombre d'espèces très rares pour la plupart. Ces Linguatules ont été étudiées par plusieurs anatomistes très habiles , et surtout par MM. Miram, Owen et Diesing. J'ai pu moi-même constater chez ces animaux des faits qui ont échappé à ces naturalistes. Cependant les Linguatules sont loin d’être bien connues dans 198 VOYAGE EN SICILE. leur organisation. N'ayant pu examiner ces Vers à l’état de vie, je n’ai aucune opinion formée à l'égard de leur appareil circula- toire. Relativement au système nerveux, nous pouvons, selon moi, saisir combien cet appareil diffère de ce qui existe chez les autres Vers et combien il est plus développé. Mais néanmoins cer- tains détails seraient peut-être encore nécessaires pour faire ap- précier plus sûrement tout ce que la disposition du système ner- veux offre ici de particulier. M. Diesing a formé , je crois avec raison , pour les Linguatules, un groupe distinct sous le nom d’ÆAcanthotheca. Je pense devoir regarder ces Vers comme un type particulier, sans toutefois me prononcer définitivement sur l’ensemble de ses aflinités natu- relles. Les crochets situés à la partie ventrale des Linguatules semblent représenter les appendices des Lernéens, et ceci paraît indiquer un rapport très réel entre ces Vers et la classe des Crustacés. Ce- pendant la disposition de leur système nerveux , aussi bien que la configuration des organes de la génération, les en éloignent con- sidérablement. Il est vrai de dire qu’ils ne présentent pas de rap- ports plus manifestes avec aucun autre groupe de la classe des Vers. Leur système nerveux, consistant en un ganglion céré- broïde uni à un centre nerveux sous-intestinal , très volumineux, et offrant lui-même un autre collier œsophagéen sans ganglion supérieur, les éloigne tout à fait des Helminthes nématoïdes, parmi lesquels les ont placés plusieurs zoologistes, guidés en cela par la forme extérieure. Les caractères tirés de l'appareil de la sensibi- lité ne les rapprochent pas davantage des Trématodes. Quant aux organes de la génération, la séparation des sexes me paraît être Ja seule ressemblance existant entre les Linguatules et les Néma- toides. Il est extrêmement probable que ces Acanthothèques doivent constituer, parmi les animaux annelés , une classe particulière, indiquant sans doute un lien entre les Crustacés et les Vers. Tou- . jours est-il que le système nerveux nous montre les Linguatules comme infiniment supérieures aux Anévormes, et surtout aux Hel- minthes et aux Gestoïdes. É. BLANCIARD. SUR L'ORGANISATION DES VERS. 129 Mais, avant de reconnaitre d’une manière certaine toutes les affinités et toutes les particularités organiques de ces animaux, il sera indispensable de les étudier à l’état de vie pour s'assurer de la nature de leur appareil circulatoire , et pour être certain de n'avoir laissé échapper aucun détail important relatif à leur sys- tème nerveux. CHAPITRE VII. Du développement des Vers. Ainsi que M. Milne Edwards l’a exposé eu plusieurs circon- stances, outre le haut intérêt physiologique qui s'attache à l’ob- servation des diverses phases du développement des animaux , il y à un intérêt zoologique d’une grande importance. On le sait : des affinités, des analogies évidentes pendant les premières périodes de la vie des êtres viennent souvent à se imas- quer de plus en plus par les progrès de l’âge. D’après toutes les observations recueillies jusqu’à ce jour, des différences notables dans le mode de développement de plusieurs types indiquent des plans d'organisation particuliers. L'étude des premiers états des types principaux du groupe des Vers devra donc fournir néces- sairement des données extrêmement précieuses. A l'égard des classes qui nous occupent ici, la science possède encore bien peu de faits. Mes observations particulières ne m'ont pas encore suffisam- ment éclairé sur ce sujet, pour que je croie devoir même les in- diquer ici. Je rappelle succinctement les principaux faits connus sur le développement des Vers, dans le but seul de montrer que les représentants de chacune des grandes divisions que nous avons admises présentent des particularités dans leur mode de dévelop- pement, Ceci me paraît confirmer la valeur des caractères que nous avons constatés par l'étude de l’organisation des animaux adultes. Parmi les Anévormes, les Trématodes sont presque les seuls sur lesquels on ait observé certains faits relatifs aux diverses phases de leur vie ; c’est chez eux essentiellement qu'on a suivi de véritables métamorphoses. Mais ce sont des observations incomplètes, qui 3° série. Zooc. T. VIIT, (Septembre 1847.) y 9 150 VOYAGE EN SICILE. laissent dans le doute relativement à plusieurs points importants. Tous les Trématodes qui ont été décrits comme privés d’or- ganes de génération , les Cercaria, les Diplostomum Nordm., les Bucephalus de Baër, etc., paraissent n'être que les premiers états de certains Distomes et Monostomes. D’après les recherches pleines d'intérêt entreprises par Baër (1), Wagner (2), Siebold (3) et Steenstrup (4), on sait aujourd’hui que des enveloppes vivantes, ayant la forme de Trématodes, se trouvent sur le foie et sur les reins des Mollusques d’eau douce, c’est-à-dire les Planorbes , les Limnées, les Paludines. Ces enve- loppes , désignées par les helminthologistes sous la dénomination de Sporocystes, ont l'apparence de véritables Trématodes, et paraissent pourvus d’un canal intestinal. Mais elles tendent à se déformer de plus en plus et à prendre l'apparence de véritables sacs. Dans l’intérieur des Sporocystes , on trouve à une certaine époque des germes agglomérés , et plus tard une quantité de ces petits Trématodes , connus sous le nom de Cercaires. Ges jeunes Vers , dont la forme du corps approche beaucoup de celle d’un Distome terminé par une petite queue, abandonnent leur enve- loppe commune. Ils nagent alors librement dans l’eau, autour des Mollusques , dont ils sont parasites à plusieurs époques de leur vie. Les Cercaires, devenues ainsi indépendantes les unes des autres , subissent encore plusieurs changements de forme où des métamorphoses, pendant lesquels elles acquièrent des organes génitaux qui sont entièrement développés quand les Cercaires sont parvenues à l’état de Distomes. Mais tous ces faits sont loin d’être connus avec le degré de précision nécessaire ; et il existe encore plus d’un point obscur relativement à cette série de changements ou de métamorphoses que subissent ces Trématodes (5). (1) Nova Acta Acad. Cur. Nat., t. XII, p. 41 (4826). (2) Isis von Oken (1832), p. 394, pl. &, et (1834) p. 131, pl. 4, fig: #. (3) Burdach's Physiologie. Bd, II. (4) Ueber den generationwechsel (1842). (5) Voyez à ce sujet Baër, etc. —Siebold, Burdach's Physiologie. Bd. IN (trad. franc, t. III, p. 35), et surtout Steenstrup, Ueber den generationwechsel (1842). É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 131 En outre, on ignore comment se développe le Sporocyste, ce que devient l’œuf pondu par le Distome, etc. Ajoutons que les observations faites jusqu'ici ont porté sur les plus petites espèces. Quant à la Douve du foie ,-la plus grande de nos espèces de Trématodes , l’une des plus communes, le type en quelque sorte de l’ordre tout entier, on ne sait absolument rien de son développement. Il en est de même à l'égard des Amphis- tomes, On rencontre la Douve et souvent de ses œufs en nombre immense dans les canaux hépatiques des Ruminants. Ce Ver se trouve toujours à l’état adulte ; jamais je n’ai pu découvrir de jeunes individus dans les canaux où il habite en si grand nombre. Il y a donc tout lieu de croire que les jeunes individus se déve- loppent dans d’autres conditions biologiques. On connaît d’une manière générale le mode de développement des Cestoïdes. Si l’on examine des œufs de Tænias très avancés, on distingue à l'intérieur la tête du jeune Tænia armée de ses cro- chels. Quand le petit animal a brisé l'enveloppe de son œuf, sa tête paraît déjà très développée, tandis que son corps, très court, ne présente que deux ou trois annulations. Le Ver avancant en âge, de nouveaux anneaux se forment immédiatement en arrière de la tête, en repoussant toujours les zoonites les plus anciens. Ce mode d'accroissement explique aisément pourquoi les Cestoïdes en général ont la partie antérieure si grêle, quand la partie posté- rieure est de plus en plus large : c’est une simple différence d'âge. Comme on le voit, le Tænja au sortir de l’œuf ressemble considérablement à la forme permanente de certains Cysticerques, des Échinocoques , etc. Sur les embryons des Cestoïdes , que j'ai été à même d'observer, je n’ai pu apercevoir aucune trace de cils vibratiles. Plusieurs faits de la même nature sont connus relativement à l’embryologie des Helminthes nématoïdes. Quelques zoologistes ont chservé ces Vers dans l'œuf et ausortir de l'œuf, M. Hanover(1) a examiné les évolutions de l'embryon de ses premières phases chez l'Asearis nigrovenosa. J'ai eu moi-même l’occasion de voir fré- (1) Forhand lingarvid de Skandinaviske Naturforskarne tredje mote. Stock- holm, 1842. 132 VOYAGE EN SICILE, quemment les jeunes de cette espèce, ainsi que des embryons très avancés de l'Ascaride du Cheval. Le jeune animal en sortant de l’œuf ressemble complétement à l'adulte ; il ne passe par aucune des métamorphoses comparables à celles des Trématodes ; il ne subit aucun changement analogue à celui des Cestoïdes. Relativement au développement des Échinorhynques, nous ne savons rien; jusqu'ici mes efforts pour découvrir quelque chose sur ce sujet si intéressant sont demeurés sans résultat. Malgré les divers rapports qui me paraissent exister dans l’organisation des Nématoïdes avec les Échinorhynques, je suis persuadé que le mode d’accroissement de ces derniers est fort différent. Les Échinorhynques, dont je n'ai jamais réussi à rencontrer de très jeunes individus , me paraissent être des animaux dégradés ou atrophiés par les progrès de l’âge , c’est-à-dire dont le déve- loppement est récurrent. Tout me porte à croire que ces Vers existent, et vivent sous une autre forme, probablement dans d’autres circonstances biologiques pendant une période de leur existence. On comprend dès lors tout l'intérêt qui paraît devoir s'attacher à la recherche de’‘ce fait, mais la difficulté est extrême pour parvenir en quelque sorte à élever ces animaux, Suivant une observation de M. Steenstrup (1), les embryons d'Échinorhynques auraient une forme particulière ; mais ce que ce savant nous à signalé à cet égard est trop incomplet pour être susceptible d’une interprétation, Toujours résulte-t-il du petit nombre de faits acquis à la science que les Trématodes, les Cestoïdes et les Helminthes néma- toïdes , se développent d’une manière extrêmement différente , et que ces différences dans le développement coïncident parfaite- ment avec les différences d'organisation que nous avons si- gnalées,. ® L'embryologie de ces Vers ne nous fournit guère d’autres données zoologiques bien posilives ; le développement des Plana- riées ou Aporocéphales, des Némertines, des Acanthothèques, nous est encore inconnu en réalité, malgré quelques observations intéressantes de M. Siebold sur les Planaires d’eau douce. (1) Ueber generationwechsel , S. 111 (1842). É. BLANCHARD, — SUR L'ORGANISATION DES VERS, 133 Comme on le voit, il y a là un bien vaste champ pour lobser- vation. J'ai commencé des recherches sur ce sujet si intéressant, et j'espère arriver à quelques résultats. Si je réussis à découvrir assez de faits encore ignorés , ces observations formeront une se- conde partie à ce travail sur les Vers. Alors on admettra , je pense, avec moi qu’il était bien néces- saire de connaître d’abord à fond l’organisation des adultes, de ma- nière à éviter les erreurs de détermination des organes en voie de formation : erreurs dans lesquelles peuvent tomber facilement ceux qui se livrent à l’étude de l'embryologie sans connaître suffisam- ment l’organisation des types, dont ils suivent le développement. Parmi les Vers intestinaux ou parasites, les Trématodes sur- tout semblent devoir fournir à l’observation bien des faits impor- tants en physiologie. Dans ces dernières années, une opinion singulière a surgi rela- tivement à ces animaux, qui à une époque de leur vie se frac- tionnent ou se divisent pour constituer autant d'individus indépen- dants. Cette idée appartient, je crois, surtout à M. Steenstrup. Ce naturaliste considère le fractionnement ou la division des germes comme un mode de reproduction particulier, équivalent au mode de reproduction par œufs. Je pense, au contraire, qu’il existe là une différence immense. Si un œuf de Distome donne naissance à un Sporocyste, le Sporocyste d’où sortent les Cercaires ne produit pas les Cercaires, comme le Distome produit des œufs, Chez le premier, je ne sau- rais voir autre chose qu'un embryon , ou un germe dont les élé- ments multiples se séparent pour constituer autant d'animaux distincts. Il semble en être de même des Méduses, dont les œufs donnent naissance à des Polypes qui, parvenus à une certaine période (Strobila de Sars), se séparent en plusieurs’, offrant chacun une vie indépendante, Évidemment ici la Méduse est l'animal adulte ; le Strobila n’en est que la larve. Il en est peut-être ainsi à l'égard des Sporocystes contenant les Cercaires avec les Distomes ; aussi M. Steenstrup n’hésite-t-il pas à les placer dans la catégorie des animaux à générations alternes. 13h VOYAGE EN SICILE, Néanmoins, comme relativement à plusieurs phases du dévelop- pement des Vers on en est réduit à des hypothèses , on peut sup- poser aussi que la réunion des Cercaires sous une enveloppe commune est le résultat de l’agglomération d’une certaine quan- tité d'œufs de Trématodes. D’un autre côté, l'inclusion d’un animal dans l'embryon du Monostoma mutabile, signalée par M. Sichold (1), est également un fait inexpliqué. CHAPITRE VIII. De la valeur des modifications d'organisation dans les types constituant le sous-embranchement des Vers. Après avoir mis en regard les différences les plus essentielles entre les types qui font le sujet de ce travail , il n’est pas inutile de les comparer aux autres divisions du sous-embranchement des Vers. On saisira, je crois, plus complétement la valeur et l’im- portance des modifications d'organisation qui existent entre tous ces êtres, Il est inutile, je pense, de rappeler ici les caractères généraux de la classe des Annélides proprement dite; il faut, comme on sait, en retrancher les Hirudinées et les Lombrics ou Scoléides , ainsi que M. Milne Edwards propose de les désigner. Ces deux derniers groupes se distinguent d’une manière géné- rale des véritables Annélides par leurs organes reproducteurs , qui, au lieu d’être diffus comme chez les premiers, forment un ensemble unique. Les Hirudinées et les Scoléides , au sortir de l’œuf, ressemblent entièrement aux adultes, tandis que les jeunes Annélides couvertes de cils vibratiles, et n'oflrant pas d’abord d’annulations, atteignent la forme adulte par le développement successif de zoonites s’ajoutant à la suite les uns des autres (2). Mais les Annélides , comme les Hirudinées et les Scoléides, ont un système nerveux consistant en une chaîne ganglionnaire sous- intestinale et médiane, unie à un double ganglion cérébroïde sus- æsophagéen par deux connectifs constituant un collier autour de (1) Helminthologische Beitræge v. D° C. T. v. Siebold, Wiegmann's Archiv, fur Naturgeschichte, Bd. 4.8, 75. Taf. 4 (1835). (2) Voyez Milne Edwards, Embryologie des Annélides (Ann. des Sc.nat., 3° sé- rie,t. II ,p. 145) [1845]. É. BLANCHARD, — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 135 l'æsophage. Aux Vers qui présentent cette disposition organique nous pouvons ajouter les Sipunculides, placés par la plupart des zoologistes dans la classe des Échinodermes, près des Holothu- ries. On à décrit souvent ces animaux comme ayant un cordon ner- veux sans renflement ganglionnaire (1). J'ai reconnu récemment chez ces Siponcles l'existence d’un centre nerveux cérébroïde, très volumineux en comparaison de celui des autres Annelés, La place que doivent occuper les Sipunculides, par rapport aux autres groupes, ne peut donc demeurer plus longtemps dou- teuse. Ge sont bien évidemment des Vers, dont on devra former probablement une classe particulière, La nature du système vas- culaire , la forme du canal intestinal et des organes de la géné- ration , les séparent très nettement de tous les autres Annelés. Les Échiures, dont je juge ici simplement d’après les observations faites par M. de Quatrefages (2), ont un système nerveux très semblable à celui des Lombricinées ou Scoléides , dont ils pa- raissent se rapprocher par l’ensemble de leur organisation plus que de tout autre type, Ainsi, tous ces Vers ont un système nerveux médian. Sous le rapport de cet appareil, les Bonelia nous sont encore malheureusement inconnues. Après les types que nous avons cités, tous les autres Vers nous présentent un système nerveux plus ou moins rejeté sur les par- ties latérales du corps. Le nom de Pleuronèvres , par lequel M. Milne Edwards propose de les distinguer, indique parfaitement cette disposition anatomique ; mais il faut bien se garder de croire que ces Vers pleuronèvres constituent un ensemble homogène comparable à l’ensemble des Vers à système nerveux médian. On s'éloignerait alors bien évidemment de la réalité. Les Anévormes sont infiniment plus voisins des Hirudinées que des Cestoïdes ou des Helminthes. Ce n’est pas seulement l’ap- pareil vasculaire, les organes de la génération, etc., qui nous (1) Voyez Siebold, Lehrbuch von vergleichenden Anatomie. 4 S. (1845). (2) Règne animal de Cuvier, nouvelle édition (Zoophytes), pl. 23 ; et Ann. des Se. nat, 3° série, L VII, p. 307 (1847). 136 VOYAGE EN SICILE, montrent cette affinité, c’est même le système nerveux; car entre la disposition de cet appareil, chez une Sangsue, un Malacob- delle ou une Douve , la seule différence importante consiste dans l’écartement des portions qui concourent, chez la plupart des Annelés, à former la chaîne ganglionnaire. On concevrait donc que ces deux parties , ordinairement réunies chez les Sangsues, venant à se séparer , nous donnent la disposition caractéristique des Anévormes, où au moins un passage vers cette disposition. Compare-t-on les Cestoïdes aux autres classes du sous-em- branchement des Vers ? On voit que leurs caractères organiques les séparent profondément de tous les autres groupes. Leur sys- tème nerveux semble pouvoir être ramené plus difficilement par la théorie à l'uniformité de plan fondamental qu’on reconnaît par- tout ailleurs. L'ensemble de leur orgaiisation les isole manifes- tement ; cependant , ils ont des nerfs rejetés sur les parties laté- rales du corps. Les Helminthes nématoïdes, conformées sur un plan moins particulier que les précédents , ont aussi leurs cordons nerveux sur les côtés ; mais, néanmoins, la disposition des ganglions et leur état extrêmement rudimentaire font des Helminthes un type beaucoup plus éloigné du type des Anévormes , que celui-ci ne l’est à tous égards du type des Hirudinées. A mon avis, on ne saurait préjuger des aflinités d’un groupe du sous-embranchement des Vers , uniquement d’après le fait de l’écartement des deux portions fondamentales de la chaîne gan- glionnaire ou des cordons nerveux qui les représentent. Dansle tableau placé à la fin de ce travail, j'ai cherché à montrer les rapports de tous ces Annelés entre eux; mais j'ai évité d'y faire figurer les Rotateurs, placés aujourd’hui avec raison près des Vers par la plupart des zoologistes : car je n’ai aucune opinion formée relativement aux degrés d’aflinité qu’ils présentent avec les autres groupes d’Annelés. Dans l’état actuel de la science, les appa- reils organiques les plus importants, tels que le système nerveux et l’appareil circulatoire, étant trop peu connus chez ces animaux, il me paraît impossible de rien préciser d’une manière absolue à l'égard de leurs rapports naturels. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 137 CHAPITRE VIII, MALACOPODES (WAZACOPODA De BLawviise). Caractères. — Corps annélidiforme, divisé en anneaux. Tête très distincte, pourvue d’antennes annelées très développées, s’amincissant vers leur extrémité. Yeux situés à la base des an- tennes. Bouche munie de mâchoires. Pattes membraneuses en nombre variable , garnies de soies courtes et raides. Système nerveux consistant principalement en deux ganglions cérébroïdes complétement accolés l’un à l’autre, et en une double chaîne passant exactement au-dessus des pattes. Canal intestinal droit , aboutissant à un anus terminal. Jusqu'à présent, on ne peut rattacher à cette division qu’une seule tribu ou famille , celle des PÉRIPATIENS (PeriParn Aud. et Edw.). Elle ne comprend qu’un seul genre : celui de Péripale. Genre PÉRiPatE (Peripatus Guild.). Le genre Péripate fut établi, en 1895 ou 1826, par M. Lans- down Guilding (1) sur une seule espèce découverte dans les vieilles forêts de Saint-Vincent aux Antilles. Ce naturaliste fut frappé de la singularité de l’animal , auquel il appliqua la déno- mination de Peripatus tuliformis ; mais il n’apercut en aucune manière ses affinités naturelles. Il le considéra comme appartenant à l’embranchement des Mollusques , et en forma une classe sous le nom de Polypoda. Peu d'années plus tard , MM. Audouin et Milne Edwards (2) eurent l’occasion d'examiner un Péripate rapporté de Cayenne par M. Lacordaire. Ils donnèrent les caractères de ce type avec beaucoup plus de soin que ne l’avait fait M. Guilding. Ces z0olo- (1) The Zoological Journal, vol. IE, p. #44, tab. x1v (1826), art. xzvnr, Mol- lusca Caribbæna, by the Rev. L. Guilding.— sis, Bd. xx, taf. 41. (2) Audouin et Milne Edwards, Classification des Annélides , et description de celles qui habitent les côtes de France (Ann. des Sc. nat., Ar série, t. XXX. p #11, pl. 22 (1833). 138 VOYAGE EN SICILE. gistes le reconnurent pour un Ænnelé, et ils en formèrent une famille particulière dans l’ordre des Annélides errantes. M. Gervais (l) signala ensuite le Péripate comme se rappro- chant des Myriapodes, et établissant un lien entre cette classe d’Articulés et les Annélides, 11 publia, en outre, d’après M. de Blainville, la description d’une nouvelle espèce de ce genre trou- vée au cap de Bonne-Espérance (P. brevis de Blainv.). Dans son Tableau de la classification du règne animal, M. de Blainville (2) indique ce Ver comme le type d’une classe particu- lière d’Annelés. Cette classe est celle des Malacopoda , dénomina- tion que nous avons cru devoir conserver. Plus récemment, M. Milne Edwards (3) à examiné pour la première fois l’organisation intérieure de çe singulier animal sur un individu en assez mauvais état de conservation. Ce zoologiste a reconnu la disposition si remarquable du système nerveux , la configuration générale du canal intestinal et des organes de la génération. De plus, il a cru apercevoir des branches dérivant du vaisseau dorsal , et en même temps il s’est assuré de l'absence de tout système trachéen. Ce qui était devenu essentiel à con- stater , vu l’affinité qu’on pouvait supposer exister entre le Péri- pate et les Myriapodes, Ces observations conduisirent M. Milne Edwards à regarder ce type comme un Ver se rapprochant surtout des Annélides errantes ; tout en remarquant que la dis- position du système nerveux paraît être un intermédiaire entre celle qui existe chez les Némertes et les Chloés. Toutes mes observations sur le système nerveux des Malacob- delles, des Trématodes , ete.. ont achevé de mettre en évidence les rapports naturels des Péripates. Plus que jamais il est devenu évident que leur ressemblance avec les Myriapodes existe seulement dans leur forme et leur aspect général, J'ai pu examiner moi-même ces singuliers Vers sur des individus recueillis au Chili par M. Gay ; malheureusement, (1) Études pour servir à l'histoire des Myriapodes , par M. Gervais (Ann. des Se. nat, 2 série, L. VIT, p. 38 (1837). (2) Supplément au Dictionnaire des Sciences naturelles, t. 1, p. 237 (1840). (3) Note sur le Péripate Tuliforme (Ann. des Sc. nat., 2° sér., L. XVIIL(1842). É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 139 le mauvais état de conservation de ces animaux ne m'a pas permis de faire une étude suffisamment détaillée de leur organisation. M. Gay, frappé de l’étrangeté des formes des Péripates, crut d’abord se trouver en possession d’un type nouveau, et le dési- gua provisoirement dans ses manuscrits, et dans une lettre adressée de San-Carlos à M. de Blainville , sous le nom de Fe- nila Blainvillei (4). Quant au nom générique proposé par le savant voyageur , il va sans dire qu’il doit être supprimé, Son espèce est bien un véritable Péripate ; mais quant au nom spéci- fique , je crois devoir le conserver : le Péripate du Chili me paraît tout à fait distinct de celui des Antilles qui a été décrit par Guil- ding. Ainsi les Péripates avoisinent lesVersde la classe des Anévormes; ce sont des animaux terrestres , vivant dans les endroits couverts et humides à la manière des Myriapodes et surtout des lules, avec lesquels ils ont une certaine ressemblance extérieure. Is parais- sent rares partout, et sont disséminés dans des régions du globe extrêmement éloignées les unes des autres : c’est ainsi qu’on en a observé aux Antilles, à la Guiane, au Chili, au cap de Bonne- Espérance. Les caractères qui distinguent entre elles les espèces de ces divers pays n’ont guère été signalés, personne n’ayant jamais pu les comparer. Cependant le nombre des pattes étant variable de l’une à l’autre, nous pouvons les distinguer au moins par cétte différence. C'est d’après le nombre de ces appendices que je crois devoir regarder l'espèce décrite par MM. Audouin et Milne Edwards comme distincte de celle de Guilding. On ne sau- rait supposer une erreur daps l’une ou l’autre des figures que ces naturalistes ont données du Péripate soumis à leur examen, On connaîtrait donc quatre espèces de ce genre ; ce seraient : 33 paires de pattes. —- De Saint- 1% Vincent (Antilles).—Je suppose qu'une D 7 PuEroges Gui REr ee Péripate , trouvée à Cuba par M, Mac l Leay, appartient à cette espèce. (1) Gervais, £tudes pour servir à l'histoire naturelle des Myriapodes (Ann. des Se. nut., 2° série, t, VIT, p. 38 (1837) 110 VOYAGE EN SICILE. 2.P. Enwanpsu ( Peripatus iuliformis bia Etc): nie 30 paires de pattes. — De Cayenne. DENPMBERONITEL À IN AORUERUE EURE 19 paires de pattes. — Du Chili. { 14 paires de pattes. — Du cap de Bonne-Espérance. 4. P. previs De Blainv. et Gerv. . . , Je vais donner la description des parties internes et externes que j'ai pu voir suffisamment chez le Peripatus Blainvillei , la seule espèce de ce genre dont j'aie étudié l’organisation. Pémpare De BLamnvicse (Peripatus Blainvillei) (1). Parties extérieures. — Le corps est long de 30 à 32 mil- limètres , et large de 5 à 6, légèrement atténué aux deux extré- mités, mais surtout vers la partie postérieure. Sa couleur est noire , un peu variée irrégulièrement de taches roussâtres. La tête est presque carrée, avec les antennes amincies vers le bout, pré- sentant des annulations très serrées. L’orifice buccal est ovalaire. Les pattes sont au nombre de dix-neuf paires, ciliées de poils raides comme de petites pointes, et terminées par des crochets. J'ai vu trois individus de cette espèce; mais ils sont dans un si mauvais état de conservation, que je ne puis décrire exactement les mâchoires. Parties internes. — Relativement à l’organisation intérieure, on comprend d’après cela que bien des choses n’étaient plus obser- vables ; aussi n’ai-je vu que le système nerveux et le tube di- gestif, et encore bien incomplétement. Mon observation sur l’a- natomie du Péripate n’ajoute rien à ce qui a été publié par M. Milne Edwards : c’est seulement une confirmation. Le système nerveux (2) du Péripate de Blainville m’a offert, comme celui de l’espèce étudiée par M. Milne Edwards, deux gan- glions cérébroïdes placés exactement au-dessus de l’œsophage, et complétement unis l’un à l’autre. Ils fournissent en avant deux gros nerfs qui pénètrent dans les antennes, deux plus grêles qui (1) Blanch. in Historia de Chile par M. Claude Gay. Vers, pl. 1, fig. 1, etc. (2) Loc. cit., pl. 4, fig. 1. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. A4 se rendent aux yeux, et plusieurs autres dont je n’ai pu suivre suf- fisamment le trajet. En arrière, ils fournissent l’un et l’autre un cordon , passant exactement au-dessus de la base des pattes, Près de chacun de ces appendices, on distingue un très léger renflement ganglionnaire ; il en naît un filet nerveux qui pénètre dans la patte, et plusieurs autres se distribuant dans les muscles. Le canal intestinal est droit, présentant un œsophage assez grêle ; il se renfle ensuite un peu en formant d’espace en espace de légères boursouflures. Sur son trajet on apercoit ainsi distincte- ment de petites papilles. Je suis obligé de renoncer à donner une idée générale des or- ganes de la génération, les Péripates recueillis par M. Gay m’ayant été remis dans un trop mauvais état. Le système ner- veux et le canal intestinal ne peuvent même être décrits ici que fort incomplétement. CHAPITRE IX. CLASSE DES ANÉVORMES (ANEVORMI). Caractères. — Corps généralement peu allongé , et dépourvu d’annulations. Système nerveux, consistant TouJours en un ou deux ganglions cérébroïdes plus ou moins séparés l’un de l’autre, et en une double chaîne ganglionnaire ne se rapprochant pas sous l’œsophage pour former un collier , mais demeurant rejetée de chaque côté du corps. Appareil vasculaire, consistant en un ou plusieurs vaisseaux principaux pourvus de ramifications plus ou moins nombreuses. Canal intestinal , ordinairement ramifié, et dépourvu d’orifice anal, mais quelquefois simple, et pourvu d’un orifice anal. Organes de la génération des deux sexes réunis sur chaque individu. A cette classe je rattache les ordres suivants : BDELLOMORPHES: APOROCÉPHALÉS où DENDROCÈLES ; TRÉMATODES. L'ordre des RuaBpocèLes paraît devoir établir un passage entre les Bdellomorphes et les Aporocéphalés ; mais n'ayant pu réunir sur ce groupe assez de faits positifs, je dois me borner ici à l'indication de ce type en signalant un des points de vue aux- 142 VOYAGE EN SICILE, quels il serait intéressant d’étudier les espèces qui le composent. Elles ont peut-être aussi des rapports très réels avec les Némer- tines. ORDRE DES BDELLOMORPHES (BZDELLOMORPHÆ Branen.). Caractères. — Corps oblong , aplati, sans annulations et sans appendices. Point de tête ni d’yeux distincts, Bouche située à l'extrémité antérieure. Système nerveux, consistant en deux chaînes latérales, ayant leur origine dans deux centres médul- laires cérébroïdes très écartés. Canal intestinal, aboutissant à un anus situé à l'extrémité postérieure du corps. Un vaisseau dorsal. Nous ne pouvons rattacher à cet ordre qu’une seule famille, celle des MALACoBDELLIDES (Malacobdellidæ), reposant elle-même sur un seul genre, celui de Malacobdella (4). Genre MaLAcOBDELLE ( Malacobdella De Blainv. ). { Xenistum Blanch. Olim). Caractères. — Corps oblong , aplati, pourvu d’une large ven- touse postérieure. Orifice buccal garni de nombreuses petites papilles disposées en séries longitudinales irrégulières. Ganglions cérébroïdes extrêmement écartés, rejetés ainsi sur les parties latérales du corps, et unis l’un à l’autre par une étroite commissure. Chaînes ganglionnaires présentant des renflements médullaires extrêmement petits, dont le dernier toutefois un peu plus volumineux que les autres, Un vaisseau dorsal se terminant au-dessus de la commissure cérébroïde , et suivant dans son tra- (1) On serait porté à croire que le genre Epibdella De Blainv. (Dict. des Sc.nut., art. SANGSUE), établisurl'Hirudo hippoglossi( Müller, Zool. Dan., 11, tab. 54, fig. 1- 4, copiée dans l'Encycl. méth., pl. 54, fig. 41 ;—Gmel. in Lin., p. 3098,n°414; —Baster, Opusc. subsc., IL, p. 438, tab. 8, fig. 41;—Oth. Fabricius, Faun. groenland., p. 302, tab. 1, fig. 8), appartient à l’ordre des Bdellomorphes. L'as- pect extérieur de cet animal semble le rapprocher assez des Malacobdelles pour faire supposer qu'il doive peut-être former une seconde famille dans le même ordre ; mais l'observation des parties internes est tout à fait nécessaire pour dé- cider la question. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 143 jet les sinuosités de l'intestin, Canal intestinal un peu sinueux , n’offrant ni cæcums ni ramifications (1). On a fait connaître deux espèces de ce genre ; ce sont les : 1° MALACOBDELLA GRossa (ÆHirudo grossa Müller), trouvée dans la Fenus exolela; 2% MALAGOBDELLA VALENGIENNÆt Blanch., trouvée dans la Mya lruncata. M. Gay en a découvert au Chili une troisième espèce dans une Auricula ; elle ressemble beaucoup par sa forme à la M. Falen- ciennœæi ; mais elle n’a que 8 à 10 millimètres de longueur. Je n'ai pas étudié cette espèce, que M, Gay n’a pu retrouver dans ses bocaux ; mais il a eu l’obligeance de m’en montrer un dessin, On a appliqué à cet Anévorme le nom de M. auriculæ. C’est à tort que M. Moquin - Tandon l’a indiqué comme se rapportant au genre Branchiobdella (2). ORDRE DES APOROCÉPHALES (APOROCEPHALZÆ De Bray.) Dendrocæli Ehrenb. Caractères. — Corps extrêmement aplati, ne présentant point de portion céphalique délimitée. Bouche située constamment à une assez grande distance du bord antérieur du corps. Canal intesti- nal consistant en une trompe ou æsophage, suivi d’un estomac el d’un intestin ramifié. Point d’anus. Système nerveux consistant en deux ganglions cérébroïdes accolés ou peu écartés l’un de l’autre, situés au-dessus et un peu en avant de l’orifice buccal. Généralement des yeux en nombre variable. Cet ordre ne comprend jusqu'à présent qu'une seule famille, celle des PLaxariées (Planarieæ Ehr.). Il est à peu près certain qu'on arrivera par la suite à répartir les genres qui la composent dans plusieurs familles; mais aujourd’hui les espèces assez bien connues sont encore en trop petit nombre pour qu’on puisse ran- ger les divers genres de Planariées dans des groupes différents, {1} Voyez pour l'organisation des Malacobdelles , mon Mémoire sur ce type, Annales des Sciences naturelles, 3° série, t. IV, p. 364, pl. 48 (1845). (2) Monographie de la famille des Hirudinées, 2° édition, p. 304 (4846). \hh VOYAGE EN SICILE. J’ai réuni peu d'observations sur les Aporocéphales où Pla- naires en général. Ces Vers ayant été déjà l’objet de recherches faites avec un grand soin, et notamment dans ces derniers temps de la part de M. de Quatrefages (1), je ne me suis guère occupé de ce groupe que pour avoir des termes de comparaison bien précis avec les autres types du sous-embranchement des Vers. Sous ce rapport, j'ai eu besoin d'examiner quelques particularités relatives à leur système nerveux, et surtout d'étudier leur système vasculaire. On le sait, l’existence de l'appareil nerveux avait été nié, chez les Planaires, par Baer (2) et par Dugès (3). M. Mer- tens (4) l'avait décrit et représenté dans une espèce de ce groupe, mais en le considérant comme un appareil circulatoire , appelant du nom de cœur les ganglions cérébroïdes. M. Ehrenberg peu de temps après rectifia cette erreur, et indiqua en partie le sys- tème nerveux chez les Planaires (Planaria lactea) (5). M. Schulze signala une disposition analogue dans une espèce du même groupe (P. torva) (6). Mais jusque là il n’y avait réellement dans la science que de vagues indications. C’est à M. de Quatrefages qu’appartient le mérite d’avoir étudié les Planaires d’une manière plus approfon- die, et d’avoir en réalité fait connaître leur système nerveux. Il nous l’a montré dans plusieurs espèces et dans plusieurs genres de ce groupe comme consistant en deux ganglions cérébroïdes plus ou moins unis l’un à l’autre , el placés toujours un peu au devant de la bouche ; il a précisé le trajet de la plupart des nerfs auxquels ils donnent naissance, et en partie celui des deux cor- dons latéraux. (1) Ann. des Sc. nat., 3° série, t. IV, p. 129 (1845). (2) Nova Acta Acad. Leop. Car., t. XUI, p. 691 (1826). (3) Ann. des Sc. nat., A"° série, t. XV, p. 146 (1828). (4) Ueber den Bau Verschiedener in der see lebender Planarien (Mém. de l'Aca- démie impériale de Saint-Pétersb., 6° série, t. IT, p. 44. tab. 1, fig. 6, et tab. 2, fig. 1 (1833). (5) Abhandlung. der Akad. der Wissenschaft. zu Berlin aus dem Jahre 1835, p. 243. (6) De Planariarum vivendi ratione el structurd, p. 39. Berolini, 1836. - É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 445 Sur une Planariée rapportée du Chili par M. Gay, et dont la taille est infiniment supérieure à celle des autres espèces observées jusqu'à présent, j'ai pu constater l'existence de centres nerveux sur le trajet des chaînes latérales. J'ai été conduit ainsi à saisir mieux certaines affinités naturelles. Dans une autre espèce que j'ai étudiée à Gênes sur des indi- vidus vivants , j'ai suivi plus facilement encore le trajet des nerfs, et entre autres ceux des yeux : observation qui tend à montrer d’une manière tout à fait évidente que ces points noirs, regar- dés par certains naturalistes comme des organes de vision, et par d’autres comme de simples taches dans la coloration du pigment, sont véritablement des yeux. Ces deux faits me paraissent augmenter notablement nos con- naissances relatives au système nerveux des Planaires. A l'égard du système vasculaire de ces animaux, il ne peut plus dès à présent rester le moindre doute. Se placant au point de vue des rapports et des modifications d'organisation chez tous les types du sous-embranchement des Vers, on concoit combien je devais attacher d'importance à la connaissance exacte de l’appa- reil circulatoire. Pendant longtemps, tous mes efforts pour le constater chez les Planaires avaient été infructueux. Dugès, ainsi que je l’ai déjà rappelé, a figuré dans une Planaire un ré- seau vasculaire très analogue à celui qui existe chez les Tréma- todes (1). Le savant zoologiste de Montpellier paraît avoir regardé précisément comme le centre de cet appareil les ganglions céré- broïdes. Cet observateur, examinant au travers des tissus, a-t-il confondu ensemble le système nerveux et le système vasculaire, en considérant le tout comme un appareil de circulation ? C’est là ce qui paraît le plus probable , ce qui est même presque cer- tain, Dugès aurait été induit en erreur ainsi que M. Mertens (2) par des mouvements de contraction et de dilatation , par des pul- sations en quelque sorte, se manifestant au point même où est si- (1) Annales des Sciences naturelles, 17e série, t. XV, p. 160, pl.5, fig. 4 et 2. (2) Ueber den Bau Verschiedener an der see lebender Planurien ( Mémoires de l'Académie impériale des Sciences de Pétersbourg, 6° série, t. IT, p. 1.— 1833). — Isis (1836), p. 307. 3 série Zooz. T. VII. (Septembre 1847.) 2 10 146 VOYAGE EN SICILE. tué le cerveau. Néanmoins, il est positif que ces observateurs ne sont pas tombés dans une erreur aussi grossière qu'on pourrai tle supposer. Comme je m'en suis assuré de la manière la plus certaine au moyen d’injections faites sur une espèce de Planaire (P. velutina) du golfe de Gênes, les vaisseaux principaux aboutissent à une petite lacune entourant le cerveau. Ainsi s'explique si clairement l'erreur des observateurs qui ont pris le cerveau pour le cœur , et refusé un système nerveux aux Planaires. Il en est exactement de même à l’égard de l'opinion de ceux qui, ayant vu le système nerveux et signalé l'erreur des premiers, ont mis en doute l'existence d’un appareil circulatoire chez ces Annelés. Genre PorycLape (Polycladus Blanch.). Caractères. — Corps oblong , assez large , et presque égale- ment atténué à ses deux extrémités. Orifice buccal , situé envi- ron vers le tiers antérieur du corps. Orifice des organes généra- teurs mâles, situé beaucoup plus en avant. Canal intestinal dé- butant par une trompe musculeuse , formant à la partie antérieure une sorte de double lèvre. Cette trompe, suivie d’un estomac ou d’un intestin, terminé en pointe à l'extrémité postérieure du corps, Ce canal émettant dès sa base deux longues branches qui remon- tent jusqu’au bord antérieur en fournissant de nombreuses rami- fications latérales. L'intestin fournissant également sur tout son trajet des branches nombreuses, qui ne présentent point d’ana- stomoses entre elles. Système nerveux consistant en deux ganglions cérébroïdes ac- colés l’un à l’autre, et placés beaucoup en avant de l’orifice buc- cal, et en une double chaîne présentant sur son trajet de très pe- tits ganglions, dont le dernier plus gros que les autres. Ce genre, dont nous ne connaissons qu’une seule espèce, se rapproche évidemment du genre Prosthiostomum de M. de Qua- trefages par la forme général du corps et par le canal intestinal ; mais il s’en distingue surtout par la position de la bouche et par celle de l’orifice des orÿanes générateurs mâles. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 1/47 Pozxcane DE Gax (Polycladus Gayi Blanch.) (1). P. oblongus, supra niger , aurantiaco-marginatus , linea media alba; infra omnino aurantiacus. Le corps de ce Ver est long de 85 à 90 millimètres, et large d'environ 30 millimètres. Il est oblong , s’atténuant à peine plus manifestement à la partie postérieure qu’à la partie antérieure. Sa couleur en dessus est d’un noir verdätre avec une étroite ligne blanche médiane , et une large bordure d’un jaune orangé , elle- même circonscrite par une étroite ligne noire. En dessous, tout le corps est de la même nuance que la bordure du dessus , et l'on distingue seulement en noir l'épaisseur du bord externe. J’ai examiné deux individus de cette espèce rapportés dans l'alcool , et recueillis aux environs de Valdivia, au Chili, par M. Gay. Cette Planariée se trouve ordinairement à terre dans les endroits humides. L’anatomie de cette espèce n’a pu être faite complétement sur des individus conservés depuis assez longtemps dans la liqueur ; je n'ai pu voir que peu de choses relativement aux organes de la génération ; mais j'ai étudié avec le plus grand soin et l’appareil digestif et le système nerveux, Le système nerveux du Porycrapus Gayt a pu êfte mis en évi- dence en prenant toutes les précautions nécessaires pour l’isoler convenablement, Les deux ganglions cérébroïdes sont placés au-dessus de la vé- sicule séminale ; ils sont arrondis, et intimement unis l’un à l’autre ; en ayant, ils fournissent plusieurs nerfs, dont deux ou trois principaux qui se distribuent à la partie antérieure du corps. Chez cette Planaire que je n’ai pas observée vivante, et dont les téguments sont très colorés, je n’ai pu distinguer les yeux; par conséquent, je ne puis rien dire des nerfs qui se rendent à ces organes, De chacun des centres nerveux cérébroïdes , il naît une chaine qui s’écarte d’abord très sensiblement, et qui ensuite (1) Historia de Chile, par M. Claude Gay. Vers, pl. 1, fig. 2. 148 VOYAGE EN SICILE. nl descend jusqu'à l'extrémité du corps, à une médiocre distance du tube digestif. Sur le trajet de ces deux cordons latéraux, on distingue plusieurs renflements ganglionnaires extrêmement pe- tits, mais néanmoins très distincts. Ils ont une forme arrondie ou plutôt globuleuse (1). J'ai distingué quatorze de ces petits centres médullaires très inégalement espacés, mais représentés sur ma figure aussi exactement que possible aux points où ils sont situés. Chacun d’eux émet de très petits filets nerveux se ramifiant encore dans les muscles. Outre cette série de petits ganglions, il en existe un au bout de la chaîne , un peu avant l'extrémité du corps. Celui- ci est trois ou quatre fois plus volumineux que les autres. On remarque trois nerfs principaux auxquels il donne naissance , et qui se ramifient dans la partie postérieure du corps. Si nous comparons le système nerveux du Polycladus Gayi avec celui des Malacobdelles et celui des Trématodes , nous y trouve- rons de bien grands rapports, et cependant certaines différences notables. Chez les Planaires , les ganglions cérébroïdes sont tou- jours rapprochés, tandis qu’ils sont écartés dans les Trématodes et surteut dans les Malacobdelles. Chez le Polycladus, les chaînes ganglionnaires ressemblent davantage à celles des Malacobdelles ; on les trouve également terminées par un ganglion plus gros que les autres. Ceci nous indique bien évidemment un rapport très étroit entre ces divers types. Le canal intestinal du Polycladus Gayi débute par un œsophage ou une trompe musculeuse longue, et presque cylindrique ; on dis- tingue très nettement les bandelettes musculaires, qui sont assez larges et très régulières (2). En avant, cette trompe est étran- glée, et forme comme deux lèvres rapprochées l’une de l’autre, et constituant en partie l’orifice buccal. La bouche est située vers le tiers environ de la longueur de l'animal ; quand on ouvre cette Planariée par la partie dorsale, cet æsophage musculeux es re- couvert en partie d’une sorte de membrane feutrée, affectant la forme d’un capuchon pointu, En arrière s'insère le tube intestinal (4) Loc. cit., pl: 1, fig. 2, b. (2) Loc, cit, pl. 18-29 "Tret2r"d. É, BLANCHARD, — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 149 qui est conique, et finit en pointe très grêle à l'extrémité posté- rieure du corps. À son origine, il offre de chaque côté une longue branche remontant jusqu’à l'extrémité antérieure de l’animal , et présentant sur son trajet dix-huit ou dix-neuf branches se di- visant en deux ou trois rameaux, subdivisés encore eux-mêmes vers le bout (4). Toutes ces branches , très rapprochées les unes des autres el assez volumineuses, se terminent presque au bord marginal. Sur tout le trajet du tube intestinal, il en existe de semblables de chaque côté ; mais, vers le bout, elles deviennent infiniment plus petites, et n’atteignent pas le bord marginal. La figure qui ac- compagne ce travail représente bien exactement cette disposition. J’ai suivi une à une les branches du canal intestinal et leurs rami- fications , parce que je crois qu'il est indispensable plus que par- tout ailleurs encore, quand il s’agit d'animaux difficiles à ren- contrer, que ceux qui viennent à s’en occuper aient des termes de comparaison, dans lesquels ils puissent avoir une pleine con- fiance. Cette disposition du tube digestif du Polycladus ressemble extrêmement à celle qui a été décrite et représentée par M. de Quatrefages dans les Prosthiostonum ; mais dans le type que nous faisons connaître , les branches sont infiniment plus nombreuses, et leurs ramifications plus parallèles. J'ai bien peu de chose à dire des organes de la génération, car , pour ces organes, on ne peut presque jamais se servir des animaux conservés dans l’esprit de vin. J’ai constaté simplement que les organes mâles sont situés en avant de la bouche ; on distingue deux testicules , qui se présentent comme deux filaments ondulés aboutissant à une vésicule séminale oblongue. Mais ici, dans le volume des organes testiculaires , il faut tenir compte de l’état de contraction auquel les a réduits l’action de l’alcool. On retrouve dans cette espèce, comme M. de Quatrefages l’a vu dans plusieurs autres, des œufs en grand nombre épars entre les bran- ches intestinales. (1) Loc. cit, pl. 2, fig. 4, e. (La suile à un prochain cahier.) 150 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS RECHERCHES SUR LES MODIFICATIONS QUI S'OPÈRENT DANS L'OŒUF DE LA POULE PENDANT L'INCUBATION : Par M, SACC, $ Î. =— DEs PHÉNOMÈNES CHIMIQUES ET PHYSIOLUGIQUES QUE PRÉSENTENT LES POULÉS NOURRIES AVEC DE L'ORGE. Il y a longtemps déjà que, de toutes parts, on expérimente sur les animaux , dans le but de découvrit comment les aliments entretiennent la vie. Les belles recherches des chimistes les plus célèbres de notré époque ont déjà jeté beaucoup de jour sur cette question , et ils conti- nuent à l’étudier avec tant de zèle, qu’ils finiront sans aucun doute par arriver à sa solution. Entrainé par tout l’intérêt qu'offre cette question , nous avons voulu, nous aussi, faire quelque chose pour cette branche de la science. Noûs sommes bien loin de vouloir donner nos expériences comnie des faits acquis à la science; bien loin de là, nous sommes trôp convaineu de toute l’imperfection de notre travail pour ne pas faire dès l’abord un sincère appel à toute l’indulgence de nos lecteurs, qui voudront bien tenir compte sans doute de la bonne volonté d’un jeune débutant dans la carrière chimique. Nous donnerons d’abord les faits tels que nous les avons übtenus, nous réservant d'en tirer quelques conclusions dans la dernière partie de ce petit Mémoire. Pour connaître d'une manière aussi absolument vraie que possible l'influence qu'exerce la nourriture sur les phénomènes de la vie, il fallait poursuivre une expérience pendant des mois, des années, sur les mêmes individus ; il fallait les voir vivre et $e reproduire sous l'influence d’une alimentation ét dé conditions toujours identiques. Ces conditions-là n'ont jamais été complétement remplies. Nous voulions combler cétté vaste lacune de la chimie physiologique ; mais nous n'avons pas tardé à voir que ce que nous avions cru à notre portée était bien au-dessus de nos forces , et que la solution de cette question toute palpitante d'intérêt ne pouvait être donnée que par un de ces maîtres, pour lesquels là nâture n'a plus de secrets. Sans nous dissimuler combien nos recherchés sont faibles et incomplètes à tous égards , nous avons cru cependant pouvoir DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION, 151 oser les livrer à la publicité , afin de faire connaître quelques résultats intéressants ; et d'épargner de la peine aux chimistes qui voudront bien leur donner suite et les contrôler. De la nutrition des Poules adultes avec de l'orge. Le 33 novembre 1843, nous nous procuràmes un Coq et une Poule adultes, de la variété naine, dite Paftue anglaise, Ws étaient nés des mêmes parents et de la même couvée, au mois de mai de la même année, Tous les deux étaient vigoureux , bien portants, et privés au point qu'ils se laissaient prendre sans faire de résistance. Le Coq était d’un beau fauve rougeûtre, avec quelques teintes noir- verdâtre à la queue et au bord des ailes. Sa crête était grande et bien dé- coupée ; il n'avait pas trace de huppe, non plus que la Poule, dont le plu- mage était du blanc le plus pur. Tous les deux avaient les pieds garnis de plumes jusqu’au bout des doigts, qui étaient parfaitement bien confor- més. Qu'on me passe tous ces détails, ainsi que ceux qui vont suivre, parce que, minutieux en apparence , ils trouveront une application im- portante dans les conclusions. Dès leur arrivée, ces animaux furent enfermés dans une cage très spa- cieuse , en fil de fer , munie d’un double fond : le premier, en treillis, à larges mailles ; le second , placé au-dessous de lui, en zinc. Ce dernier, un peu plus grand que le premier, était destiné à recevoir tout ce que les animaux laissaient tomber. : On plaça la cage fermée à clef dans la chambre d’un cabinet situé au milieu d’un grand jardin , dans lequel nous pouvions seul entrer, La cage s'y trouvait au midi, devant une fenêtre qui restait constamment fermée ; tandis qu’une autre tournée à l’est, et à deux pas de la première. servait à donner de l'air, matin et soir, pendant une heure. En hiver, on maintenait la température de l'appartement eutre 15° et 20° C.; en été, son exposition au plein midi forçait à baisser les rideaux , lorsque le soleil était dans toute sa force, parce qu'il produisait une chaleur assez forte pour incommoder les animaux en expérience. Les auges à nourriture étaient des boîtes rondes en zinc, dont le cou- vercle était creusé en cône renversé ; les Poules ne pouvaient ainsi jeter au dehors la moindre parcelle de nourriture. Dans la cage se trou- vaient trois de ces boîtes , placées chacune dans un des coins : l’une contenait la nourriture ; l’autre, lé calcaire en petits morceaux ; et la troisième, du gravier quartzeux bien pur , lavé et tamisé avec soin. On renouvelait le contenu des auges chaque semaine, ou plus souvent lorsque cela était nécessaire. On avait placé dans un autre coin de la cage ane jatte de porcelaine 152 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS pour l’eau qu'on changeait tous les jours. Cette eau, qui venait d’un puits très profond , contenait des sels calcaires qu’on n’a pas déterminés. Nous n'avons pas tenu compte de l'eau bue par les Poules, parce qu'ilest impossible de le faire avec l'exactitude nécessaire , à cause de la grande quantité qu’elles en perdent en secouant leur bec avec force chaque fois qu'elles ont bu. Ces Poules , nourries d'abord, et pendant plusieurs jours alternative- ment, avec du froment, de l'avoine, des pommes de terre cuites et de l'orge , ne reçurent, à dater du 21 novembre 1843, absolument plus que de l'orge, outre l’eau , le calcaire et le gravier. Nous aurions beaucoup désiré mettre tout de suite ces animaux en expérience ; mais nous en fûmes empêché par des obstacles de toute nature, dont le plus grave était l’état maladif de la Poule, qui fut prise d'une diarrhée opiniâtre, qui ne se dissipa qu'avec la plus grande len- teur. Le Coq, en échange, n’a jamais été malade un seul instant. Malgré son état maladif, la Poule n’en restait pas moins très vive, et mangeait beaucoup. Pendant toute la journée du 13 janvier, la Poule parut souffrir de coliques si violentes qu'on la plongea, le soir à huit heures , pendant dix minutes dans un bain d’eau tiède. Quoique ce bain parût l'avoir un peu soulagée, elle n’en resta pas moins indisposée jusqu’à neuf heures et demie du soir, où elle pondit, une demi-heure après son bain, un œuf sans coquille, enveloppé seulement dans une forte membrane, et bien conformé du reste. Immédiatement après s'être déchargée de ce fardeau , elle parut tout à fait remise, et s’endormit. Dès lors, la Poule se guérit, et il y avait déjà quelques jours que toutes ses fonctions avaient repris leur état normal , lorsqu'elle fut mise en ex- périence, elle et le Coq, le 14 janvier. Nous voulions savoir quelle était la quantité et la nature de l'orge consommée par ces deux oiseaux , ainsi que la composition de leurs ex- créments , afin de pouvoir déterminer, par différence , quelle est la part de la nourriture qui alimente les sécrétions pulmonaire et cutanée. On trouvait ensuite directement, par l'augmentation du poids des animaux, la quantité de nourriture qu’ils s'étaient assimilée. Pour donner à cette expérience une base solide, il fallait partir d’un point fixe, bien déterminé, afin de pouvoir l’achever dans les mêmes conditions que celles où on l'avait commencée. Nous eûmes le bonheur de trouver ce point de départ , aussi fixe qu’il était possible de le dési- rer pour des êtres vivants, c’est-à-dire pour des êtres mus par une force telle que la vie, dont nous ne connaissons pas encore assez bien les effets pour pouvoir toujours les prévoir, et surtout les mesurer avec la même facilité que ceux d'une machine. DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. 153 Nous avions remarqué que les Poules ne laissent tomber leurs excré- ments que pendant les premières heures de la nuit, et qu’elles n’en ren- dent jamais le matin avant d’avoir mangé. Il était facile de conclure de cette simple observation que ce n’est qu'à ce moment-là que les matières contenues dans le canal intestinal se trouvent avec lui dans un rapport tel, qu'il faut une ingestion de nourriture pour décider leur expulsion ; ou, en d’autres termes, qu’elles sont en équilibre avec la force qui tend à les en chasser. Ce n’était donc que le matin, et avant leur premier repas, qu'on pouvait rationnellement peser ces Poules, et les mettre en expérience, puisque ce n’est qu'alors qu'on peut espérer que leurs in- testins contiennent un poids de substance restant sensiblement le même. En conséquence des raisons que nous venons de passer en revue, on enleva, le 13 janvier 1843, à neuf heures du soir, toutes les auges de la cage. Le 14, à sept heures du matin, on pesa les Poules : Le Conpeeutalors RL nS 0r.0772,200 LAB OUI EE PR ee Se NU à 626,160 On leur donna : RME ar patte) ah 689,865 CRM ts niers dl es TM 1 © 89,228 Ones sr er BU EME TRI 600,964 Le sable a été séché au rouge. Le poids de la craie, ainsi que celui de l'orge, est calculé d’après un échantillon séché à 100° C , dans un cou- rant d’air sec, jusqu’à ce que son poids ne variàt plus. C’est de cette manière que, pendant toute la durée de cette expérience, nous avons déterminé le poids de l'orge, de la craie et du gravier, donnés à nos Poules. Quoiqu’à cetle époque la Poule fût parfaitement bien portante, son ventre n’en restait pas moins très fortement tendu ; aussi pondit-elle de nouveau pendant la nuit du 17 au 18 janvier. Cet œuf n’était, comme le premier, enveloppé que dans une membrane , et non pas dans une co- quille. Cet œuf. pesait, frais us | 2 uma, 1. 1grt, 22,660 et desséché à 1009. MATE 7,897 Les Poules continuèrent à être bien portantes pendant tout le reste de cette expérience , à laquelle on mit fin, le 21 janvier, à sept heures du matin, après avoir eu soin d'enlever, dès la veille, toutes les auges de la cage. 154 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS LE CON DESAIL AIOIS. à - Meme. re Mel TU U)/ 20 PH. 19 2111 $ 4 OU EPA RSR EEE 14 604,175 I restait dans les auges : Graviot bises ag emmener où montesger.JÈ84 360 Craie to a SM toc: line 81,856 CPP CRE NL |. ; 135,712 Chaque jour, à neuf heures du matin, on avait enlevé avec soin jus- qu’à la dernière trace des excréments du double fond en zinc. On se ser- väit pour cela d’une lame de platine, afin de ne pas enlever de zinc. La matière détachée était immédiatement portée dans un vaste bain d’eau, à courant d’air sec, où on la laissait jusqu'à ce qu’elle ne perdit plus en poids. Ce bain d’eau a été chauffé à 100° ; et nous regrettons d'avoir au- tant élevé sa température , parce qu'il se dégage évidemment alors une quantité sénsible de vapeurs ammoniacales. Desséchés de cette manière, les excréments pesaient pris ensemble : gr. 229,0707. Nos Poules avaient donc consommé en une semaine : Graver nn RON M Nue Qu ln nr i0 354 DOM os, Loin ur BEM € 7,372 RTS CO PS PE 465,249 Le poids du Coq à augmenté de : gr. 18,505 Celui de la Poule a diminué de : » 21,985 Mais en tenant compte de l'œuf pondu, qui pesait : » 22,660 on voit que son poids a effectivement augmenté de : » 0,675 Une fois en possession de ces nombres bruts, il ne restait plus qu'à recourir à l'analyse élémentaire, pour savoir quelles étaient les parties constituantes de la nourriture et des excréments. Telle que les Poules l'ont reçue; l'orge contenait 13,370 d’eau p: 100. Incinérée, elle laissait en moyenne 3,3259 de cendres pour 100 d'orge sèche, où 113,370 d'orgé à l’état normal. L'analyse décèle en moyenne 0,0098 de soufre pour 100 de cés cendres bien blanches. Il est probable que ce métalloïde y existe sous forme de sulfate. L'orge entière et sèche, brûlée par l'acide nitrique en présence du ni- trate potassique, donne en moyenne 0,14090 de soufre pour 100; d'où soustrayant la quantité du soufre qui ; doit se trouver dans les cendres ; soit : 0,00009 ; il reste : 0,14081 de soufre, qui doit pro- venir essentiellement des matières azotées contenues dans la graine. Il est possible cependant que les cendres contiennent plus de soufre que la DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION: 155 quaitité qu'on y a trouvée, et cela parce que les cendres contenant de l'acide phosphorique , il peut arriver qu'il déplace au rouge l'acide sulfurique sur certains poirits, quoique cela soit peu probable, vu que ces cendres renferment toujours une forte proportion de carbonate cal- cique. Nous avons regardé ce dosage du soufre comme nécessaire , parce que nous voulions être bien sûr que sa quantité était trop faible pour exer- cer une influence fâcheuse sur les résultats de l'analyse élémentaire. Deux dosages de l’azote de l'orge, par le procédé de MM. Will et Varrentrapp, donnèrent pour : l 0,7095 d'orge sèche, 0,1410 de platine métallique, équivalant à 0,0157 d'azote ; ce qui correspond, abstraction faite des cendres de la graine, à 2,288 d'azote pour cent. Il 0,3320 d'orge sèche, 0,0514 de platine métallique, équivalant à 0,0073 d'azote: ce qui correspond, abstraction faite des cendres de la graine, à 2,274 d'azote pour cent de grain. La graine d'orge bien desséchée contient en moyenne 2,281 d'azote. Nos analyses y ont donc décelé un peu plus de ce principe que celles de M. Boussingault, ce dont il ne faut pas s'étonner , puisque lui-même admet que la quantité des principes constituants contenus dans les plantes peut varier avec les terrains où elles croissent , et avec le mode de culture auquel on les soumet. Deux combustions faites avec le chro- mate plombique donnèrent : I IL 0,420% d'orge sèche, 0,3937 d'orge sèche, 0,7032 d'acide carbonique, 0,6547 d'acide carbonique, 0,2437 d'eau, 0,2266 d'eau, valant én centièmes , et correction faite des cendres : il Il MOYENNE : Carbone . . . . 45,599 13,339 :5,469 Hydrogène do € 6,422 6 375 6,399 Aéoloe toner 2,281 2,281 2,281 DUxyeent. nn à. 45,698 16,005 45,851 100,000 100,000 100,000 ‘ 156 SACC. —- SUR LES MODIFICATIONS A l’aide de ces données, il est facile de voir comment est composée l'orge qui a crà, en 1843, sur les terres basaltiques du bassin de Giessen. Après avoir été desséché à 100° C,, ce grain renferme : Carbone PERRET Te 43,9568 Hydrogen ME PRE nr 7 6,1862 OXYPÉNP Een ee ee ere RSR ee 0 RO AzOteNt. ON. ARE MÉMMEENES 14 UMR, MS 2,2054 Cendres arlaet le ob.trtltniraotuns ner 3,3259 100,0000 Les excréments desséchés à 100° dans un courant d'air sec pesaient. . . . - . gr. 229,0707 100 de ces excréments Dion en moyenne, ta qu’on les brûle, gr. 22,9821 de cendres , auxquelles il faut ajouter le gravier avalé par les Poules, et qu'on a dosé séparément ; il s'élevait à gr. 68,9676, qui, ajoutés aux cendres contenues dans la totalité des ex- créments, 52,6452, produisent. . . . . . . . gr. 121,6128 qui, soustraits des nombres ci-haut , laissent. . . . gr. 107,4579 pour exprimer la quantité de matières organiques contenues dans les excréments. 100 de ces excréments bien secs sont donc composés de : Gaavier yet da cr afiis. sn lent octpts 00 Cénirés amande de ddl et: lité an 225020 Soit : Substances inorganiques . . . . . . . 53,0896 Substances organiques . . . . . . . . 46,9104 100,0000 Cent parties de cendres d’excréments débarrassées de gravier contien- nent 0,000013 de soufre. Les excréments bien secs, oxydés par l'acide nitrique, en présence du nitrate potassique, donnent 0,000008 de soufre de plus que la quantité contenue dans les cendres elles-mêmes. Le soufre ne se trouvant dans les excréments, comme dans l'orge, qu’en quantité infiniment petite, et incapable d'influencer l'analyse élémentaire , nous ne nous en occuperons point, lors de son calcul. Si l’analyse de l’orge nous offre des chances d'erreur , parce que ce grain contient des quantités très variables de cendres, l’analyse des ex- créments en offre d’analogues, mais bien autrement graves : car, non seulement ils ne renferment pas toujours la même quantité de substances inorganiques provenant de l'orge, mais on y trouve encore en assez forte DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. 157 proportion les plus petits grains du gravier qu'avalent les Poules, quoi qu’on fasse pour les en séparer aussi complétement que possible. Une dernière cause d'erreurs git dans l’inégale répartition du biurate ammo- nique, à la surface des excréments, Ces trois causes réunies font que nos analyses, quoique conduites avec toutes les précautions possibles, ne concordent pas bien entre elles. Deux dosages d'azote ont fourni : I 0,6555 d’excréments bien secs , 0,3240 dé chloroplatinate ammonique, correspondant, déduction faite des cen- dres, à 3,980 d'azote pour 100. Il 0,5796 d'excréments, 0,3516 de chloroplatinate ammonique, correspondant à 4,121 d'azote. Donc 100 parties d'excréments, bien secs, contiennent en moyenne : 4,050 d'azote. Trois combustions avec le chromate plombique donnèrent : I IL III 0,2921 d'excréments: 0,2969 d’excréments: 0,7098 d'excréments: 0,4050 d'acide carbonig. 0,3930 d'acide carboniq. 0,8983 d'acide carboniq. 0,1347 d'eau, 0,1294 d'eau, 0,2945 d'eau, valant en centièmes , et correction faite des cendres : I Il III MOYENNE. Carbone. . . 49,066 46,829 44,796 46,8970 Hydrogène . 6,622 6,252 5,908 6,2607 AZOÏOZ Mousse 4,050 4,050 4,050 4,0500 Oxygène. . . 40,262 12,869 45,216 42,7923 — 100,000 100,000 100,000 100,0000 De ces nombres , nous concluons que 100 parties d’excréments dessé- chés à 100 sont formées de : 158 SAGE. — SUR LES MODIFICATIONS Garboners firoctaldlantas ifene noteae. ue 24,9995 HNHTOSÈDO UE NE PRENONS D. 2,9370 AZdte uw soulse 2 LONSA UNE D'AGIR 1,8999 CLYPÈTE. ee ME ele NE RE LES DT OT AU Cendres et gravier. 4 1. , , . 1, 63,0896 100,0000 $ II. — FORMATION ET PONTE DES OEUFS CHEZ LES POULES NOURRIES AVEC DE L'ORGE. Les Poules continuèrent , après l'expérience en question, à être sou- mises tout à fait au même régime. Nous eùmes encore de la Poule trois œufs, qu'elle pondit à des intervalles de temps fort inégaux. Ayant ob- servé que les Poules semblaient avoir du dégoût pour la craie, il nous vint l’idée que c'était peut-être ce dégoût qui était la cause de l’absence de coquille des œufs. Pour nous convaincre de la vérité de cette suppo- sition , nous enlevàmes la craie, à laquelle nous substituämes du roc calcaire brisé en petits morceaux. Cette pierre était de la plus grande pureté, et ne contenait, outre le carbonate calcique , que des traces d’al- calis et de manganèse. La Poule se jeta avec avidité sur ce calcaire; aussi, comme on devait s'y attendre, son sixième œuf eut-il une coquille par- faitement bien conformée, ainsi que celle des vingt-cinq autres qu’elle pondit après lui, à l’exception de ceux qu’on la força de pondre avant terme , ainsi qu'on va le voir. Un fait bien connu , c’est que le vitellus, ou jaune de l'œuf, se trouve tout formé dans l'ovaire , longtemps avant le moment où l'œuf doit être pondu; à peu près trois semaines auparavant déja dans beaucoup d'exemples. Mais on ne connaît pas plus l’âge auquel il se détache de l’o- vaire que le temps qu'il lui faut pour se couvrir d’albumine dans les oviductes , et celui qui est nécessaire à la formation de sa coquille. Si nos expériences n’ont pu jeter du jour sur les deux premières de ces questions, qui sont du ressort des anatomistes, elles ont en échange donné à la troisième une solution complète. Avec un peu d'habitude, ilest facile de percevoir avec la main, dans l'abdomen d’une Poule, l'œuf qu’elle pondra le lendemain ; il est alors encore tout à fait mou. Ayant remarqué, comme nous l'avons dit plus haut, qu’en baignant la Poule on facilitait et accélérait beaucoup la sor- tie de ses œufs, nous pensämes pouvoir apprendre de cette manière en combien de temps se forme la coquille de l'œuf. Pour être bien sùrs que les effets obtenus n'étaient pas dus au hasard , on baigna la Poule, à huit heures du-soir, toujours dans les mêmes conditions, et à trois reprises différentes, assez éloignées entre elles pour qu’elle eût le temps de DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. 159 pondre pendant cet intervalle un ou deux œufs normaux. Chaque fois, l'œuf fut pondu entre neuf et onze heures du soir : or, comme la poule faisait ses œufs entre huit et neuf heures du matin, il est done clair qu'il ne faut à la coquille que dix à douze heures pour se déposer tout entière à la surface de l'œuf. Constitution anatomique, formation et composition chimique de l'œuf. Passons maintenant à quelques détails sur l'anatomie de l'œuf, et sur la manière dont il se forme. Ces deux articles sont empruntés au Lehr- buch der speciellen Physiologie de M. Rod. Wagner. Nous n'avons changé que fortpeu de chose aux descriptions du savant professeur deGættingen. L'œuf de Poule est enveloppé dans une croûte calcaire et dure {/esta), formée presqu’en entier de carbonate calcique, ainsi que le prouve l'a- nalyse de Prout : 97 carbonate calcique. 1 phosphate calcique. 2 matière organique. 100 La coquille est perméable aux gaz, ainsi qu’à la vapeur d'eau. La eir- culation de ces principes est même tellement indispensable au dévelop- pement du Poulet, que les œufs couverts d’un vernis n’éclosent jamais. La face interne de la coquille est criblée de petits trous, dans lesquels se fixent des prolongements excessivement déliés de la membrane coquil- lière (membrana testw). Cette membrane est formée par la réunion de deux autres, dont l’extérieure est rendue rugueuse par les prolongements qui s’attachent à la coquille, tandis que la membrane intérieure qui la double, et qui s'applique sur le blanc, est parfaitement lisse. Ce n'est qu'au gros bout de l'œuf que ces pellicules se dédoublent, en laissant entre elles un espace rempli d'air atmosphérique presque pur. Ce réser- voir d'air est d'autant plus grand que l'œuf est plus àgé. La membrane coquillère est un tissu formé de fibres très solides, et doué de toutes les propriétés de l’albumine coagulée. Entre la membrane coquillère et le vitellus ou jaune d'œuf, se trouve Valbumine (albumen) où blanc d'œuf, dont les couches extérieures sont beaucoup plus fluides que celles qui s'appliquent autour du sac vitellin. Il y a même une adhérence si complète des cordons du sac vitellin ayec les premières couches compactes du blanc, qu'ii est presque toujours im- possible de séparer la totalité de ces dernières sans déchirer les cordons. Ces cordons sont les chalazes ; ils sont formés de fibres délicates d’albu- mine coagulée, contournées sur elles-mêmes. Ces chalazes sont les deux 160 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS bouts de la membrane dite chalazifère , qui enveloppe le globe vitellin, et qui se ferme en se tordant sur elle-même et s'allongeant à ses deux pôles, probablement sous l'influence du mouvement péristaltique de l'oviducte. La pellicule vitelline (cuticula vitelli) , placée au - dessous de la mem- brane chalazifère, est tout à fait simple, transparente, et si mince qu’elle en est chatoyante. Elle s'applique directement sur le vitellus ; c’est au- dessous d'elle, et toujours à la partie de l’œuf tournée en haut, qu'on re- marque la cicatricule dans laquelle se développe le Poulet; elle est presque toujours légèrement adhérente à la pellicule vitelline. Si la ci- catricule est toujours tournée vers la partie supérieure de l’œuf, cela tient à ce que cette partie du vitellus étant la plus légère, elle obéit aux lois de la pesanteur. On sait que le globe vitellin tout entier se conduit absolument de même, ce qui fait qu’on le trouve constamment à la par- tie supérieure des œufs qu’on a laissés quelque temps en repos. Nous passerons rapidement sur la formation de l'œuf dans l'ovaire, parce qu’elle n’est pas d’un intérêt direct pour le sujet qui nous occupe ; nous dirons seulement que les ovules les plus jeunes ne sont formés que d’albumine, dans laquelle on voit se développer peu à peu des globules huileux, qui deviennent d'autant plus nombreux que l’ovule est plus àgé, et qui finissent par le rendre tout à fait opaque. Occupons-nous à présent du détachement des ovules de l'ovaire, et de la formation des œufs dans l’oviducte. Plus l’ovule approche de sa matu- rité, plus la partie de l'ovaire dans laquelle il se trouve niché se gonfle à sa partie postérieure ; elle finit par le pousser au dehors, et le forcer à prendre tout à fait la forme d’une baie suspendue à une espèce de pédicule. Les ovaires présentent toujours plusieurs de ces baies pédi- culées, ce qui leur donne souvent l'aspect de grappes de raisin. On voit sur la capsule qui enveloppe chacun des ovules, du côté opposé à celui par où elle est attachée à son pédoncule, une raie blanche assez large : c'est la cicatrice (stigma). On ne remarque pas de vaisseaux sanguins dans l'étendue de cette raie, tandis qu'il s'en trouve beaucoup sur tout le reste de l'enveloppe, à la surface de laquelle viennent s'épanouir, en vastes mailles rhomboïdales , les gros vaisseaux qui traversent le pédi- cule de chaque ovule. Cette cicatrice est la partie la plus mince du calice de l’ovule; aussi est-ce elle qui s'ouvre pour le laisser passer. L'ovule détaché de son calice tombe dans l'extrémité infundibuliforme de l’oviducte qui s’était approché pour le recevoir, et il s’y avance peu à peu, poussé par le mouvement péristaltique de cet organe, dont les parois musculeuses sont d’une grande force. L'oviducte s'agrandit alors ; ses vaisseaux se gonflent de sang, et ses muqueuses sécrètent en abondance de l’albumine qui se dépose sur le DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. AGA globe vitellin , autour duquel il forme les différentes couches que nous avons décrites, et qu'il est possible de détacher les unes des autres sur des œufs cuits durs. C'est dans la partie inférieure et fort élargie de l’oviducte que l'œuf reçoit la pellicule coquillère, et enfin la coquille. Cette dernière se forme , parce qu'il se dépose à la surface de la membrane coquillère une liqueur tellement chargée de calcaire, qu'elle en est blanche et laiteuse. Ce calcaire y apparaît d’abord sous forme de cristaux , qui ne tardent pas à disparaître en se confondant de la manière la plus complète. L'œuf paraît demeurer environ vingt-quatre heures dans la partie de l’oviducte élargie en poche. Nous n'avons fait sur la nature chimique dé l'œuf que quelques obser- vations très superficielles, parce que nous comptons en faire le sujet d’un travail particulier. L’albumine présente une forte réaction alcaline ; il est impossible d'y déceler directement la présence du fer, non plus que des sulfo-cyanures alcalins. Le vitellus est parfaitement neutre ; il est impossible d'y déceler direc- tement la présence des sulfo-cyanures alcalins , non plus que celle du fer, quoique nous ayons retrouvé ce dernier dans ses cendres. Lorsqu'on traite le jaune d’un œuf cuit dur, par l'éther , à une tem- pérature de 10° à 15° C., il lui abandonne toute son huile. En secouant la fiole dans laquelle se fait l'expérience , le globe vitellin se divise, et tombe au fond du vase sous-forme de poudre parfaitement blanche, dont la forme rappelle tout à fait celle des grains de fécule. On pourrait bien en conclure que l’albumine nage au milieu de l'huile du vitellus sous forme de granules , sans aucune espèce de liaison entre eux; mais il n’en est probablement pas ainsi. Il suffit pour s’en convaincre de jeter le jaune d’un œuf cru dans de l’éther ; il s'y contracte d’abord beaucoup en lui cédant son huile. On renouvelle l’éther jusqu’à ce qu'il n’enlève plus d'huile. Le vitellus se présente alors comme une masse coagulée, blanche , fibreuse et satinée. Ce coagulum retient une si grande quantité d’éther, qu'il faut le malaxer pour l’en retirer; sans quoi, il ne fait que le gonfler sans pouvoir s’en dégager. Il nous semble qu'on doit conclure de cette observation que l'albumine du jaune forme un tissu, dans les mailles duquel s’accumale l'huile , et dans lesquelles peut pénétrer à sa faveur une certaine quantité d’éther , qui y reste emprisonné au moment où il se trouve en quantité suffisante pour en coaguler les parois. Comme tout ce réseau albumineux se brise sous l'influence de la cha- leur nécessaire pour en opérer la coagulation, à cause de la dilatation qu'elle produit dans les fluides qu’il renferme , on comprend pourquoi le vitellus des œufs cuits durs se présente sous forme de poudre, et non 3° série. Zoor. T. VIIT. (Septembre 1847.) ; 11 162 SACC, — SUR LES MODIFICATIONS pas de membrane, lorsqu'on lé traite par l’éther. Suivaht Prout, le vitel- lus est composé de : Albumine. 17 Huile . 29 Eau M 100 Nous avons trouvé que celui des Poules, nourries en cage avec de l'orge, est formé de : Albumiaemtéraete . : + -mtobttunaidf@{{t DOS On us D sf ca D us OTURR = Med à ee 0e NO Le LOUE 100,00 Remarquons en passant que cette analÿse semble corroborer l'opinion généralement admise que les œufs des Poules naïnes sont plus riches en parties solides que ceux des Poules communes. Pour doser l'huile du vitellus, il faut en évaporer la solution éthérée dans un courant d'acide carbonique, pour l'empêcher de s’en- flammer et d’absorber l'oxygène de l'air. Lorsqu'on abandonne à elle- même , ét hors du contact de l’air, l'huile extraite du vitellus à l’aide de l’éther, elle ne tarde pas à se séparer en deux couches d’inégale densité; ce qui indique qu'elle contient deux corps gras différents. Cette huile est d’un beau jaune orangé; son odeur, qui est fade, rappelle un peu celle du phosphure hydrique. Elle absorbe l'oxygène de l'air avec une rapidité vraiment extraordinaire, surtout entre 60v et 100° C.; puis elle se solidifie, et se change en une belle résine translu- cide, semblable au succin le plus pur. Occupons-nous maintenant des autres parties de l'œuf. Suivant Bostock (1° série des Ann. de chim., t. LXNIT, p. 36), l’albu- mine ; où blanc d'œuf, est composée de : AIBMNIRE Er 2e à. ED en à bre) sde heure et 4 eee MÉETSErnt et met orne S mier (rés 4,5 FAURE 0 CRUE. à dr dde D AT 100,0 M. Berzélius dit qu'elle contient 12 à 13,8 pour 100 d’albumine sèche. Nous avons trouvé le blanc des œufs de nos Poules composé de : Matière solide . . . . : 2 I HU RE Faure tt et ape draft ot kite TS UEO 100,00 DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. 165 L'albumine de ces œufs contient donc, comme le vitellus aussi, plus de matière solide que celui des Poules communes, M. Berzélius avait déjà reconnu dans le blanc d'œuf la présence d’une substance organique soluble dans l'alcool, qui n’est peut-être que le prétendu mueus, dont Bostock a signalé le premier la présence dans le blanc d'œuf, Nous avons retrouvé cette substance soluble dans l'alcool; et c’est elle qui nous a contraint à donner dans notre analyse du blanc d'œuf les matières solides sous ce nom, et non pas souscelüi d'albumine. La substance soluble dans l’alcool de M. Berzélius se dissout aussi dans l’éther ; elle se sépare de l’une et de l’autre de ces solutions lorsqu'on les secoue avec de l’eau, sous forme de longs filaments blancs et tenaces, que nous n'avons pas examinés d’une manière plus approfondie. Nous n'avons jamais découvert dans l'albumine des œufs de nos Poules la moindre trace de substance grasse. Avant de passer à l'étude du développement de l'œuf et à l'examen des changements qu'il subit sous l'influence de l’incubation , jetons un coup d'œil sur les différentes analyses de l'œuf de Poule frais, bien con- formé ; fécondé , et prêt à être couvé. On admet en général qu'un œuf frais est formé de : Coquille et ses membranes . . . : . . . . A1,1 BAD DEUST ET. OT lie € OC ah “hr 2912 UOTE ee RTE 7. LL Ur de: 47 à 100,0 L'analyse de Prout donne les nombres suivants : Coquille et ses membranes . . . . . . . 140,35 RIDE ES ER CS nc à ee VD, 0 D Vita atout sua sub MR En & crises 188,00 100,00 M. Berzélius donne la composition suivante : Coquille et ses membranes . . . . . . . 40,69 Albumine 11 4e, 1'effr SU dE. MT 220, D'GOUES MDI € To nos sl SE 100,00 Vauquelin trouve que les œufs des Poules nourries avec de l’avoine. sont formés de : COqUIe NES. À A ei ef AATIUT 728 Matière animale . . . iRet 13000 TOO AO 100,000 164 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS Les œufs des Poules naines, nourries avec de l'orge, sont composés à l'état frais de : Coquille et ses membranes. . . . . . . 16,8854 Blanc d'œuf Sp TONNA AR 0 OMC OUPETERTS Vitellns ls Mrs ec Parcdl né SA 100,0000 Lorsqu'on les dessèche à 100°, on trouve que ces œufs sont formés de : Coquille et ses membranes. . . . . . . 1410,6713 bte 0 ft} Mate hote let da le tend | (12705) Mitellusatie RU e5ios 90 DANS UE ; MISE ENS Baaitadhonmon. mur en score D esosr ER 6908 100,0000 Développement anatomique, physiologique et chimique de l'œuf de Poule. Nous aurons de nouveau recours pour cet article à l’excellent Zerh- buch de M. Wagner. Nous ne lui emprunterons cependant que les traits les plus saillants de cette histoire, à laquelle il a su donner tant d'in- térêt. Lorsqu'on soumet dans certaines conditions un œuf, bien conformé et fécondé, à une chaleur de 32" à 40° C., la vie s’éveille en lui, et le germe qu'il contient se développe avec rapidité. On peut reconnaître dans cette évolution quatre phases, que nous allons passer rapidement en revue. Première période. — Depuis l’apparition des premiers rudiments de l'embryon, jusqu'à la formation du premier système circulatoire. Cette période embrasse à peu près deux jours. Durant les premières heures, le germe tend à se détacher de plus en plus du vitellus et de la pellicule vitelline , à laquelle il reste cependant toujours un peu adhé- rent ; il prend une consistance plus membraneuse, et l’espace rempli de fluide qui l'entoure s'agrandit. Cette métamorphose du germe con- tinue d’une façon très régulière ; à mesure qu'il se développe, le germe tend à se rapprocher toujours plus de la membrane coquillère. Au milieu du premier jour, c’est-à-dire douze à quinze heures après le commencement de l’incubation, le germe, qui a pris la forme aplatie d'une feuille , s’est assez complétement détaché de la pellicule vitelline pour qu'on puisse l'en séparer, De la quatorzième à la seizième heure se montre la première trace de l'embryon sous forme de raie blanche placée dans l'axe transversal de l'œuf. Pendant le second jour, l'embryon , qui est alors long de deux lignes, DE L'OEUF PENDANT L'INGUBATION. 165 continue à se détacher du vitellus , au-dessus duquel il s'élève. On peut déjà voir les lobes du cerveau, et reconnaître les parties destinées à for- mer plus tard les côtes et les parois abdominales ; c’est alors qu'appa- raît le cœur , qui se trouve niché dans une cavité, au-dessous de la tête de l'embryon. De la fin du premier jour au milieu du second , s'opèrent, dans les parties du vitellus qui entourent l'embryon, des changements bien inté ressants. Cette portion de la surface du vitellus s'étend , et il se forme autour de lui des amas de couleur foncée. On voit s’y former des espèces d'ilots séparés les uns des autres par de légères fissures, qui ne tardent pas à se réunir pour former des canaux , dont l'ensemble représente un système de mailles, dont les canalicules sont remplis d'un fluide limpide, incolore, ou jaune très clair, qui est le sang. Le cœur continue à se dé- velopper ; bientôt apparaissent les deux gros troncs veineux , dans les- quels il chasse en se contractant ce même fluide incolore, qui remplit les canalicules que nous venons de décrire, et qui entourent l'embryon. Tout à coup, et sans qu'aucune observation ait pu faire connaître jus- qu'ici de quelle manière se fait cette brusque métamorphose, le sang incolore devient rouge, et les canaux dans lesquels il coulait devien- nent de véritables vaisseaux. Trente-six heures après le commencement de l’incubation, on dis- tingue déjà bien nettement un lacis de vaisseaux sanguins tout autour de l'embryon. Le système vasculaire qui entoure l'embryon se développe, et il se forme à sa périphérie un canal circulaire, qui deviendra plus tard Ja veine dite terminale (Vena terminalis). Deuième période, — S'étendant jusqu'à la formation du second système circulatoire. Cette seconde période, qui commence avec le froisième jour de l'inçu- bation , finit du quatrième au cinquième. En d’autres termes , elle s’é- tend depuis l'apparition du système circulatoire, dans le vitellus , jus- qu’à celle de l’allantoïde, qui, en allant s'appliquer contre la membrane coquillère, donne naissance au nouveau système respiratoire; le primitif disparaît alors. C'est le troisième jour qui est le plus remarquable dans l’histoire du développement de l'embryon, dont toutes les parties sont alors bien nettement distinctes. L'embryon s’enveloppe peu à peu dans une mem- brane remplie d’eau appelée amnios , au sein de laquelle il continue à se développer. Les yeux, le bec , deviennent de plus en plus distincts. C'est au quatrième jour que le premier système circulatoire (c/renla- tion vitelline) est dans toute sa force, On aperçoit au-dessous de la tête 166 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS de l'embryon trois points gorgés de sang, qui s'élèvent et s'abaissent alternativement ; ce sont les trois divisions du cœur. A cette époque , le cœur ne cesse, pour ainsi dire, pas un instant de changer de forme et de position; c'est au quatrième jour qu'il échange décidément son ancienne forme de canal contre celle qu’il conservera toujours, et qui se complète dans les jours suivants. On distingue alors les corps de Wolff sous la forme de petits cœcums, qui, au cinquième jour, se replient sur eux-mêmes , et qui forment plus tard les reins. Les intestins se forment pendant le quatrième jour de l’incubation. La gouttière, qui représente le canal intestinal, et qui est presque fermée au commencement du quatrième jour , ne tarde pas à l'être tout à fait, et à envelopper la totalité du vitellus. Le bec et la gorge, qui sont béants, aboutissent à un petit tube : le /arynx , à l'autre bout duquel on voit attachées deux petites protubérances qui sont les premiers rudiments des poumons. Toutes les diférentes parties du canal intestinal apparaissent ensuite les unes après les autres. Revenons un instant en arrière. Dans la seconde moitié du troisième jour, il s'élève du rectum une excroissance vésicoïde ; c’est l’allantoïde qui, sous forme de sac, s'étend et s'élève au-dessus, et autour de la partie postérieure de l'embryon. L’allantoïde est très riche en vaisseaux sanguins. Ce nouvel organe croît rapidement, et s'allonge en forme de poire. Au quatrième jour, on voit à sa surface un superbe lacis de vaisseaux sanguins, qui naît d'une des branches de l'aorte ; il part donc directement du cœur. Au cinquième jour, l’allantoïde a l'aspect d’une grosse vessie porte sur un pédicule qui sort du nombril. À cette époque, l’allantoïde a, comme l'embryon lui-même, 11 millimètres de long. Troisième période.—Depuis l'apparition de la circulation allantoïdienne, jusqu'au moment de la naissance du Poulet. Cette période s'étend du sixième au vingt etunième jour. Il n!y a guère que les changements qui se passent dans les deux premiers jours de cette période qui aient quelque intérêt sous le point de vue physiolo- gique. Pendant les seize jours qu’elle embrasse, tous les organes qui étaient déjà formés ne font que se développer, et ceux qui naissent alors ne sont pas d’un bien haut intérêt. Lorsqu'on ouvre un œuf au commeneementde cette période, il faut le faire avec toutes les précautions possibles. Comme iln'y a plus d’albu- mine au-dessus de l'embryon, et que ce dernier est tout près de la membrane coquillère; comme de plus la pellicule vitelline s'est exces- sivement amincie, il est très facile de déchirer l’un et l’autre. L'espace rempli d'air qui se trouye au gros bout de l'œuf a beaucoup augmenté. DÉ L'OEUF PENDANT L'INCUBATION, 167 A mesure que le réseau de vaisseaux sanguins, quienveloppait presque les deux tiers du vitellus, s’efface, l’allantoïde croit et s'étend. Le sixième jour, l’allantoïde a la forme d’une grande vessie aplatie, dont les dimen- sions ont presque doublé au septième jour. Il se couche un peu à droite de l'embryon, qui disparait sous lui avec son amnios ; c’est la partie supérieure de l’allantoïde qui est la plus riche en vaisseaux. La pellicule vitelline se déchire ; l'albumine s'approche du petit bout de l'œuf, où on la retrouve sous forme de masse jaunâtre , et assez consistante. Le vitellus a perdu sa consistance primitive; il est devenu beaucoup plus fluide. L’embryon s'approche du gros bout de l'œuf, Lorsqu'au sixième jour on ouvre un œuf, on voit les membres du Poulet s’agiter au moment où on ouvre la coquille. Du sixième au septième jour, l’amnios se gonfle toujours davantage ; il se resserre vis-à-vis de l’abdomen de l'embryon, et forme en s'étran- glant une espèce de pédicule, savoir , /e nombril, au travers duquel passent le pédicule de l’allantoïde et une circonvolution de l'intestin. Du neuvième au onzième jour apparaissent les tuyaux des premières plumes sur la ligne médiane du dos. L’allantoïde continue à envelopper toujours plus complétement l'em- bryon; ce sont essentiellement les téguments épidermiques qui se forment dans les derniers jours de la seconde semaine. Au commencement de la troisième semaine, l'embryon manquant de place quitte peu à peu l’axe transversal de l'œuf pour s'étendre dans son axe longitudinal. Tout l'embryon avec le sac vitellin est alors enveloppé par l’allantoïde, Cetorgane, soudé de toutes parts avec l'embryon, forme autour de lui une enveloppe continue, qui, d'autre part, s'applique avec tant de force contre la membrane coquillère qu'on ne peut plus l'en séparer. On voit nager dans l’eau qui remplit l’allantoïde des flocons d'une substance blanche plus ou moins abondante, et que nous avons prise pour du biurate ammonique. Ces flocons proviennent de l'urine du Poulet , et Jacobson prétend qu'ils sont formés d'acide urique libre. Aussitôt que l’allantoide enveloppe la totalité de l'embryon, il prend le nom de chorian. Le sac vitellin diminue rapidement ; tant parce que son contenu est absorbé , que parce que ce qui y reste se solidifie. L’albumine et le fluide amniotique s'effacent de plus en plus. Au dix-neuvième jour, les intestins, qui pendaient au dehors de la cavité abdominale, y entrent, entraînant avec eux le vitellus. Quatrième période. Naissance du Poulet. On entend quelquefois le Poulet crier dans l'œuf, deux jours avant sa 165 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS Qraissance. Ceci a lieu toutes les fois que le petit réussit à percer avec son becle chorion (l'allantoïde), et à pénétrer dans l’espace plein d'air, qui se trouve au gros bout de l'œuf. Malgré ce contact incomplet des poumons avec l’atmosphère, la cir- culation continue à se faire par les vaisseaux ombilicaux. Plus tard, les violents mouvements du Poulet déterminent dans la coquille des fentes, qu'il élargit avec son bec, muni, dans ce but, d’une espèce de petite corne, qui ne tarde pas à tomber. Nous avons trouvé que l'éclosion du Poulet s'opère un peu autrement : la tête de l'oiseau étant enfermée , à droite par le coude et à gauche par le genou, qui se touchent, en voûte , au-dessus d'elle, la tête s'enfonce, le bec en bas, dans la poitrine. Or, chaque fois que le petit crie, l'air, chassé avec force dans le larynx par les poumons , oblige la tête à se relever , et le bec à frapper avec force contre la coquille, avec l’appen- dice calcaire dont il est muni. Ce n’est point en usant la coquille, à force de la frotter avec son bec, que le Poulet l’ouvre, mais bien en la heurtant avec violence. On s'assure qu’il en est bien ainsi, en voyant que beaucoup d'œufs, près d’éclore, ont la coquille brisée au-dessus du point où appuie le bec du Poulet, lorsqu'il relève la tête, sans que, pour cela , le chorion, placé au-dessous de cette ouverture , soit déchiré ; ce qui ne pourrait pas se faire si le Poulet ouvrait la coquille en l’usant avec son bec. La mère aide beaucoup la sortie du Poulet, en cassant avec précaution la coquille tout autour du point où il s’est fait jour. Le bec des Poulets est si faible au moment de leur naissance , qu’il leur serait absolument impossible de briser la coquille qui les enferme, si la nature n’y avait pas placé ce petit tubercule calcaire, qui s’en dé- tache peu de temps après leur naissance. Tous ies Poulets auxquels manque cette excroissance périssent dans l’œuf, où ils font de tels efforts pour sortir, qu'on les trouve toujours avec les mandibules renversées en bas, et déjetées à droite ou à gauche par la violence des coups qu'ilsont donnés à la coquille. Incubation des œufs des Poules nourries avec de l'orge. Voyons maintenant quels sont les changements que subit le poids des œufs pendant l’incubation. Le 10 mai 1843, la Poule paraît vouloir couver; elle reste longtemps sur son nid. Le 11 mai, elle pond encore un œuf, mais très petit; comme d’ailleurs elle passe toute la journée sur son nid, on se décide à commencer avec elle une autre série d'expériences toutes physiologiques. Le 13 mai, à neuf heures du matin, on donne à la Poule neuf œufs pondus les 8, 10, 19, 13 et 16 avril; puis les 6, 7, 8 et 10 mai. On les avait mis dans une grande corbeille d’osier , bien garnie de foin. DE L'OEUF PENDANT L’INCUBATION. 169 La poule avait pondu alors trente-deux œufs, dont vingt-six bien con- . formés , et six sans coquille. Les neuf œufs que la Poule avait à couver pesaient en- semble, =, AE OC RE 1273; 505 done, chacun Dé: en he Te EN 30,389 Les plus vieux de ces œufs étaient plus légers de 2, 3, 4, à décigrammes que les plus jeunes. Repesés une semaine après, le 19 mai, à neuf heures du matin, ces ŒUIS péswentensemble, . 2. + -. . . . . *: ‘91260 002 donc chacun d'eux en moyenne, . . . il 28,889 Le 26 mai, à neuf heures du matin, ces F. pe- SHEADAUSEMDIE. until lien vs ocylenrs colon td SL 12887108 chacun d'eux en moyenne. . . . : Pr 26,457 Les œufs des 13 avril et 7 mai, pesés au | Moment où leur coquille se FER ATESSENMENSEMDIE "EL. PME ee M PEr 51,564 chacun d'eux en moyenne. . . . . . . is 25,782 Les deux Poalets qui en sortent, après s ‘être Fr en restant quel- ques minutes sous la mère , ef n'ayant pas rendu d’excréments, pesaient EDEN nt. Mol nl bouhtshn vibes scocgie 41,835 chacun d’eux en moyenne. . . . . . ; 20,917 De ces données, on conclut Fret 5 en représentant l'œuf frais avant l'incubation par 100, il perd : 5 pendant la première semaine ; 9 pendant la deuxième ; 3 pendant la troisième. 17 pour 400 donc de son poids initial. Cette observation avait été faite déjà par Prout, puisqu'il dit qu'après une semaine d'incubation, l'œuf a perdu 5 — — deux semaines — 13 — — trois semaines — 16 p. 100 desonpoids primilif, Prout ajoute qu'au moment de l’éclosion, l'œuf est composé de : Coquille . : Aut-allo' us nlinog dl Membranes et reste d' albumine Ds OM DEAD Vitellus dans le ventre du Poület. + ÆPOTIO HUE EONOMES CRNAMAMENENTS MBPOS KEANE EEE 100,00 ce qu'on peut exprimer comme il suit : Goquilest Ms tds 6 lbs ir id en Poulétietimembranese "actu. os te. tm 100,00 170 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS Nous avons trouvé l'œuf éelos et encore humide composé de . Coquille avec le chorion . . . . . . . . 18,869 Poulet et autres substances organiques . . . 81,131 100,000 Desséché à 100°, on y trouve : Coquille et ses membranes. . . . . . . 42,0646 Pont era de di al ARR £ ST Matieres grasses solubles dans l'éther. . . . 7,8102 AUS AR SL... LOU 56,7119 100,0000 En comparant cette analyse avec celle de l'œuf avant l’incubation , où il était formé de : Coquille et ses membranes . . . - ouLegr40,67418 Blnediœute mn: té ous 1e raté cs 10,2229 VORE OT RE en 26,4155 LT AS us EMA SL AR RS SE 52,6903 100,0000 on voit qu’en ne tenant pas compte de la perte de poids qu'il éprouve pendant l'incubation, l'œuf, sous l'influence de cette mystérieuse action de la nature, perd de l’eau, et acquiert des substances solides. Les ma- tières contenues dans l'œuf se condensent donc sous l'influence de l’in- cubation , et nous verrons dans les conclusions de quelle manière s’ac- complit cette intéressante métamorphose. A la coquille restent attachées certaines parties organiques de l’œuf, ainsi que les sécrétions solides du Poulet. La diminution de poids qu'éprouve l'œuf pendant l’incubation doit être due à une perte d’eau et d'acide carbonique. Tous les calculs dont nous nous servons pour reconnaître quelles sont les métamorphoses de l'œuf pendant l’incubation sont basés sur les uombres fournis par les œufs des 43 avril et 7 mai, qui sont éclos les premiers, Nous ne pûmes tenir compte, dans le même but, des trois autres Poulets nés un peu plus tard, parce qu'ils sortirent si brusque- ment de leur coquille qu’elle fut mise en pièces, du moment où elle se fendit; en sorte qu'il fut impossible, comme nous l'avons fait d'abord, de peser le Poulet avec sa coquille entière un instant ayant son éclosion. La naissance des Poulets se fit dans l’ordre suivant : ce fut le 31 mai, dans l'après-midi, donc juste dix-huit jours après celui où avait com- mencé l’incubation, qu'on entendit pour la première fois piauler un des Poulets dans l'œuf : c'était celui de l'œuf du 8 mai; malgré-cela, aucun des œufs n’était encore ouvert le 1% juin, à quatre heures du matin. À dix heures du matin , l'œuf du 13 avril présente un point ou- DE L'OEUR PENDANT L'INCUBAMION, 171 vert ; il se fend, et il en sort un Poulet taché jaune-noir. L'œuf du 7 mai, qui était alors entrouvert, éclôt à deux heures de l'après-midi, et il en sort un beau Poulet jaune. Le lendemain , 2 juin, naissent les œufs des 8, 10 et 6 mai, dans l’ordre où nous les nommons. Des deux premiers sortent des Poulets jaunes, et du dernier encore un Poulet taché de jaune et de noir. Le 2 juin, au soir, on pèse les quatre œufs non éclos : celui du 16 avril était pourri; celui du 12 contenait un petit bien conformé ; ceux du 8 et du 10 sont desséchés, surtout celui du 8. Ils avaient cepen- dant commencé à se développer, puisqu'ils contenaient tous les deux un Poulet, mais avorté, quoiqu’ils fussent tous les deux déjà bien couverts de duvet. L'œuf du 12 avril pèse. — AGAYPNE-MINNT. , EME ER GUN 26, 9643 — B auril uen astieeoit an, 208290 = MOT SET A PAT ro , 3 22,9100 Le hasard ayant voulu que ces quatre œufs fussent de la même se- maine, il est donc impossible d'attribuer les différences qu'on trouve dans leur poids respectif, à ce qu'étant beaucoup plus âgés les uns que les autres , ils n'avaient pas le même poids, déjà avant l’incubation. On peut done croire que, lorsqu'on les donna à couver, ces quatre œufs avaient à peu de chose près le même poids; ce qui permet d'admettre que les différences pendérales qu'on remarque maintenant entre eux ne doivent être attribuées qu'aux effets chimiques qui se sont passés dans leur sein. La Poule, qui pesait avant l'ineubation . . gr. 672,1550 pesait le 2 juin, après une incubation con- CIDTEHE 2 ATIOULS ur d-Lét- DE: E ei 183,2020 Elle avait donc perdu . . . . . gr. 188,9530 ce qui prouve que les Oiseaux qui couvent sont vraiment malades. Le 2 juin, les cinq Poulets, n pin pas encore Hé: pe- saient ensemble . . . EE CRE . 97,810 Donc en MOYENNE Emme . + . D 19.562 Le 9 juin, la Poule pesait J . gr. 474,617 — les cinq Poulets pesaient . nn, 155,978 Donc. en moyenne . / 2. . . : gr. 31,195 Pendant la première semaine de leur vie, ces Poulets recevaient chaque jour un demi-œuf cuit dur et haché fin, qu'on leur donnait en deux fois, le matin à six heures ; le soir à cinq heures ; ils avaient encore près d’éux un vase toujours plein d'alpiste mondée, et un autre rempli d’eau. 172 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS La Poule continua à être nourrie d'orge ; mais, comme elle partageait avec ses petits les œufs et l’alpiste qu'ils recevaient, il nous fut impos- sible de peser la nourriture des Poulets ; elle aurait d’ailleurs été, à cause de sa nature animale, extrêmement difficile à doser d’une manière exacte. Comme, pendant cette première semaine de la vie des Poulets, leur mère continue à les couver presque aussi assidument que les œufs mêmes, il ne faut pas être surpris de ce que son poids continue à dimi- nuer. Les Poulets en échange croissent avec une rapidité telle qu'ils gagnent, dans la première semaine, la somme fabuleuse de 59 pour 100 de leur poids initial. C’est à cette époque qu'on voit pousser les premières plumes; elles se montrent d'abord le long des ailes, puis ensuite à la queue, sur les cuisses et sur les pieds. Les Poussins mangent déjà de petites pierres, et se roulent dans le sable, comme les Poules adultes. Pour faire une éducation comparative en plein air, on donna à une Poule commune douze œufs pondus en cage par notre Poule. Ils furent couvés une semaine avant ceux de notre expérience, et naquirent par conséquent aussi une semaine plus tôt; malgré cela , ils restèrent con- stamment plus faibles et plus petits, ce qui venait sans doute de leur mode d'alimentation. Ils ne reçurent jamais d'œufs durs, mais seule- ment de l’alpiste mondée. Nous anticiperons ici un peu sur l’ordre des faits, pour signaler une observation bien singulière faite sur ces deux couvées comparatives. Nos Poulets étaient, de même aussi que ceux qui étaient nés en plein air, les uns blancs, les autres fauves, Parmi les nôtres , les Poulets fauves, quoique très forts , restèrent plus petits que les blancs. Parmi les autres, non seulement, les Poulets fauves étaient plus forts que les blancs, mais ces derniers finirent par périr tous misérablement les uns après les autres, et il y en avait cinq sur les neuf Poulets nés de ces douze œufs. Les quatre Poulets fauves libres sont des Cogqs. Des Poulets nés en cage, deux des blancs sont des Poules ; le troisième est un Coq. Les deux Poulets fauves sont des femelles. Le 16 juin, la Poule pèse. . tue . gr. 488,567 —- les cinq Poulets pèsent . . . 263,270 Donc, chacun d'eux en moyenne , , . gr. 52,654 Leur poids continue donc à s’accroître, et ils pèsent 68 pour 100 de plus que la semaine dernière. Le poids de la Poule s'accroît d’une manière sensible ; ce qui vient de ce qu'elle couve ses petits d’une manière moins continue. Les Poulets sont assez forts pour manger quelques grains d'orge. DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. 173 Huit jours plus tard, le 24 juin, la Poule pèse gr. 505,624 — les cinq Poulets pèsent. 393,977 Chacun d'eux en moyenne . . . . .gr. 78,795 Le poids de la Poule croît encore. Les Poulets pèsent 48 pour 100 de plus que la semaine dernière. A dater de ce jour, les Poulets , auxquels on avait donné pendant la semaine dernière jusqu'à un œuf tout entier par jour , n’en reçoivent de nouveau qu'un demi en une fois, à six heures du matin. On leur enlève * aussi l’alpiste mondée , à laquelle on substitue de l'orge, dont on a soin de tenir une auge constamment remplie. La Poule entre en mue, et on la sépare, le 26, d'avec ses Poulets, parce qu’elle commence à les maltraiter. Tout le corps des Poulets est couvert de plumes, excepté sur le ventre, le haut du dos, le cou et les tempes. Le 1‘ juillet, les cinq Poulets pèsent, . . . . gr. 535,710 Chacun d’eux séparément. . . . ALES 107,142 Les Poulets ne pèsent que 5 pour 100 lo tin que la semaine dernière. Il est malheureusement impossible de doser l'orge qu'ils mangent, parce qu'on est obligé, à cause de la petitesse des Poulets, de la leur donner dans un vase ouvert et à bords peu élevés, ce qui fait qu'ils en perdent beaucoup. Les Poulets boivent une grande quantité d’eau ; ils paraissent souffrir de la poussée de leurs plumes. Le 7 juillet, les Poulets pèsent ensemble. . . . gr. 636,246 Chacun d'eux séparément, . . . Sue 127,249 Us pèsent donc 18 pour 100 de plus re LÉ semaine dernière. Les Poulets ont perdu presque tout leur duvet, dont ils ne conservent plus que quelques brins épars sous le ventre et sur la nuque. Ce duvet possède une texture telle qu’il doit faire le passage des poils aux plumes ; il est poil dans sa partie inférieure, et plume à l’autre bout. Les brins de duvet.sont divisés, à leur partie supérieure, en plusieurs fibrilles barbe- lées, au nombre de 7, 411, 12, 15 ou 22. Ce fut le 7 juillet qu’on pesa pour la première fois la nourriture de ces Oiseaux , qui mangèrent en une semaine : Orgemnt jo ep mao barcank 1er 1062862 Le 14 juillet, on pèse les Poulets isolément, et on donne à chacun d’eux un numéro. N° 1 est la plus petite des Poules blanches. N° 2, la seconde en grandeur des Poules blanches. N° 3, le Coq blanc. N° 4, la plus grande des Poules fauves. N°5, la plus petite des Poules fauves, 174 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS Le: No À pesait alofs 4 40504 gr. 121,648 eo NPE2 2. Lang: atalRl pari Bee en, 154,611 CRC Sage r00erl note ea 184,926 = NS LS 140,381 ee eq 0e banl.. sroues Horvs 4 132,761 Ensemble. . . . gr. 734,297 ENMUVENNE SN à AMAUNL EN, + 146,859 Ils pèsent done 15 pour 100 de plus que la semaine précédente. Le 18 juillet, les Poulets avaient mangé : Orge . . A ef-Ar en EME . gr. 816,841 Le N°,1 pése AlDPSn us. 2 ce Et: 158,578 DIRES Qi es nl SEPTE 204,436 — N°3. 232,573 — N 4. 180,909 — N°5. 165,144 Ensemble. . . . gr. 941,640 Ensmbyennëlel 4004 ©0114 1 188,328 Ils pèsent donc 28 pour 100 de plus que la semaine dernière. Dès lors, ils mangent : ONE Le co nt AR EC 00/1088 Le 99 juillet : DEP pèse 2 NE LES Bet 06) 10 NO. mn, un 218,028 — N°3. 248,146 — N4. 203,599 — N°5. 186,293 Ensemble, . . .gr.1012,803 En moyenne. .,: :. : : 202,560 Les Poulets pèsent donc 7 pour 400 dé plus que la semaine dernière. Le Poulet n° 1 a été malade pendant toute la semaine ; aussi son poids a-t-il un peu diminué, Celui des autres a continué d'augmenter, quoique faiblement. Ces Oiseaux n'ont plus de duvet ; ils sont tous en pleine mue, et revêtent leur second plumage, qu'ils oignent fréquemment avec l'huile de leur glande adipeuse. Le 4 août, les Poulets avaient mangé : DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. 175 Oreebsals dt GO! -mror. af a soc gr. 897,784 Le .No 4 pesait alors. 4, 4,5 huueud ngr1472,082 — No 2. 238,270 — N 3. 271,018 LL No L 216,437 = Nÿ “ 205,524 Ensemble. . . .gr. 1109,284 Chacun d'eux, én moyenne. . . . 291,856 Ils pèsent donc 9 pour 100 de plus que la semaine dernière. Le 41 août, les Poulets avaient mangé : DTOP RL 2 - Echale an UT. 2 SD: A cette époque , Le Nô 1 pesait . eeiN0 9. . — N° 3. — No #4 — N 5 Ensemble. Chacun d'eux, en moyenne. Ils pèsent donc 9 pour 100 de plus que la semaine dernière, Le 18 août, les Poulets’avaient mangé : Den ce. Les Cut Eds & 15.27) 080 A cette époque, Le N° 4 pesait . gr. 207,056 ND . . . 258,598 — N°3. 348,152 — N°4. 264,343 — N°5 254,701 Ensemble. . . .gr.1332,850 Chacun d'eux, en moyenne. . . . 266,570 Ils pèsent donc 10 pour 100 de plus que la semaine dernière. Le 2 septembre, donc au bout de deux semaines, les Poulets avaient mangé : Orbeysig 210% ,.sioûr atulusp .inebieer. 4850:748 A celte époque, DPANCU DESAL + SOU 4. 07 UD AI A - NUS D. 7: 321,388 UNS ME. AU Ut à HELENE 20 JUL 306,234 maiDe llidau surantannts Ssntièm ao. 289,617 UNS RER, EN CPU D sul: 288,867 Ensemble. . . .vr.1412,595 Chacun d'eux, en moyenne. . . , 282,505 176 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS Ils pèsent donc un peu moins de 6 pour 100 de plus que la dernière fois. Mais, comme cette augmentation de poids s’est opérée en deux se- maines , on a lieu d’être surpris que les Poulets de cet âge n’aient pas gagné plus de 3 pour 100 par semaine. Ceci vient , sans doute, de ce qu'à deux reprises différentes on a pendant ce temps laissé les Poulets un jour entier sans leur donner de nourriture ; ce qui , sans altérer visible- ment leur santé, a, chaque fois, notablement diminué leur poids du jour au lendemain. De plus , les Poulets sont en pleine mue. Le 9 septembre, les Poulets avaient mangé : OR ON ON Ron en: CEE A cette époque, PORN IMIDESRI A CN ral ap NAN ee 2 Li 0e CON 358,644 a D tt 1, CA 1 Le V0 332,442 — N°4 314,645 — N°5 316,448 Ensemble. . . .gr.1538,538 Chacun d'eux, en moyenne. . . . 307,707 Ils pèsent donc un peu moins de 9 pour 100 de plus que la semaine dernière. Le 16 septembre, les Poulets avaient mangf : ROME ANT SU LU ON or MD2MAZS A cette époque, LONG pesait + 4 © + : + 2, NVPR 2936680 AND 2 0 ur nu LA Re 379,778 NU à 0 cd Rene 2 l'A: 331,629 NS ON Ne PET) ie 315,879 No 5 336,776 Ensemble. . . .gr.1600,692 , Chacun d'eux, en moyenne. . . . 320,138 Ils pèsent donc 4 pour 100 de plus que la semaine dernière. C'est à cette époque que des circonstances toutes spéciales nous for- cèrent de terminer brusquement cette expérience que nous comptions poursuivre encore pendant quelques mois. Nous espérons cependant que, malgré ce malheur , notre travail n'aura point totalement manqué le but que nous nous étions proposé d'atteindre en le commençant, puisqu'au moment où l'on y a mis fin, le poids des Poulets ne variait guère que de 4 à 5 ou 6 pour 100 par semaine ; tandis que celui des Poules adultes placées dans les mêmes circonstances oscille entre 2, 3 et 4 pour 100. Comme, de plus, les Poulets ne mangeaient alors presque pas plus d’orge que leurs parents, on peut donc pour ces deux raisons admettre que nos dernières pesées ont été faites sur des Oiseaux dont la DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. 177 crue était achevée , et qui n'avaient plus besoin d’une ration d'accrois- sement ; mais seulement de cette même ration d'entretien qui est néces- saire aux adultes. CONCLUSIONS. En jetant un coup d'œil sur les expériences décrites dans ce Mémoire, nous voyons que la paire de Poules, qui a été leur but, a consommé, pendant la semaine où elle a été en expérience, 100 parties d'orge no- male pour subir une augmentation de 4 pour 100 de son poids initial. On est frappé de voir combien est grande la quantité de soufre des aliments que les Poules ont fixée. Ce fait donne à penser que ce soufre existait dans la nourriture sous forme de combinaison organique, et que, peut-être , il sera une fois possible de calculer, à l’aide de cet agent, la masse de substance azotée sulfurée qui a passé dans le corps d’un ani- mal, et qui s’y est fixée ; ce qui serait de la plus grande utilité, puisqu'il paraît bien établi que ce ne sont que les substances de cette nature con- tenues dans les plantes qui peuvent être directement assimilées par les animaux. On a vu que nos Poules ont pris en une semaine : gr. 465,249 d'orge supposée desséchée à 100°. Ce grain est composé de : CArbONE 007 ME RENE JE AMIE EME sr 20874804 Hydoggèrieheh Ar: mésabies obr: aug las 29,3386 AZOG alta és bodies lb ban: di 10,2596 OISE RS 201,6970 CÉDANESS Fe mc re UD: ve 15,4737 Elles ont pris de plus : ÉRAVION Se AT ET A05.5150 DAICAITOS LOS 7 UN SR ET er 7,3720 gr. 112,8870 Elles ont rendu : ExCrémenisisets Se... |. Auur..229,0707 composés de : Matières inorganiques . . . . . . . 121,6127 ET DIPANIQUES ET E - à 107,4580 gr. 229,0707 Les matières organiques de ces déjections sont formées de : 3° série. Zoo. T. VIIL. (Septembre 4847.) % 12 178 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS CATRONE 7) HONTE ROUTINE UE Mars 0/8926 Hydrogène ce 6 0 Po étaiaqn Mbeee 6,7277 A7ot62 ul étrr Craie Fun: 4,3519 OxISÈne es ENS EE LE LdC 45,9838 gr. 107,4580 En soustrayant de l'orge et des matières minérales mangées par les Poules, leurs excréments, on trouve qu’elles ont fixé : C'asbone tie et ab te leu noires (cor lbs 08h HuArOPEne En le cr don ae. 22,6109 ARR RER ll: you" arte 5,9077 Oxigène . PUS A0, SOTROS ER! 155,7132 Cendres, gravier et calcaire . . . . . 6,7180 gr. 349,0653 Les poids réunis du Coq et de la Poule ont augmenté de. gr. 19,1800 d'outsbustravante Mae, on HN Létp Rolle ei 6,7480 pour les matières inorganiques , fixées ou retenues méca- MQUEHERLTEML Teste, MANS I er DARO RUN AO ME 12,4320 pour leur accroissement en substance organisée. En considérant ces chiffres, on est surpris de voir que les Poules se sont approprié infiniment plus du carbone que de l'hydrogène, et sur- tout de l'azote de l'orge ; plus de la moitié de ce dernier principe se re- trouve dans les excréments sous forme de biurate ammonique, ainsi que nous le dirons plus loin. Bien que ce fait fût à prévoir, il n’est pas moins fort intéressant de le voir appuyé de l'expérience. Nous nous pro- posons de répéter cette expérience sur des Oiseaux carnivores, afin de savoir si l'azote fixée par eux est à celui qu'ils rejettent dans la mème proportion que chez les Oiseaux granivores. Nous sommes trop heureux de pouvoir dire que les belles et difficiles expériences entreprises sur des Tourterelles, par l’infatigable M. Bous- singault, l'ont amené à des conclusions analogues à celles que nous venons de tirer des expériences qui nous sont propres. La faible diffé- rence qu'on remarque entre elles provient, sans doute, de ce que l’ex- périence de M. Boussingault n’a pas été continuée assez longtemps ; en effet, lorsqu'on change brusquement la manière de vivre des animaux, on remarque toujours dans leurs fonctions vitales un léger dérangement, qui se trahit par cette diminution du poids initial, qui n’a point échappé à la sagacité du savant de Bechelbronn. C'est afin de parer à cet incon- vénient, bien connu des agriculteurs , que nous avons tenu nos Poules, longtemps avant l'expérience, dans la cage où elle a été faite. Quoique ces Oiseaux aient mous perdu , par la transpiration pulmonaire et cu- DE L'OEUF PENDANT L’INCUBATION. 179 tanée, que les Tourterelles de M. Boussingault, elles ont cependant perdu assez pour qu'on puisse établir sous ce point de vue-là une ligne de démarcation bien tranchée entre les Oiseaux et les Mammifères, puisque les expériences entreprises par M. Boussingault sur des Vaches et des Chevaux, établissent de la manière la plus positive que ces derniers ani- maux rendent beaucoup plus des principes de Ja nourriture, par les dé- jections alvines, que les Oiseaux dont nous venons de parler, Il est pos- sible que cette curieuse différence entre ces deux classes d'animaux vienne de ce que les Oiseaux ayant une chaleur corporelle beaucoup plus élevée que celles des Mammifères , ils doivent naturellement brûler beaucoup plus des principes de la nourriture pour l’alimenter et la sou- tenir. On a vu qu'en fixant. . . . . . gr. 342,3173 de matières organiques provenant de Le. le poids desdeux Poules:s'ect acernyde. rss. este. 12,4320 il faut donc que tout le reste des principes de l'orge ait servi d’aliment aux sécrétions pulmonaire et cutanée. Nous regrettons beaucoup de n'avoir pu doser directement les produits de la respiration de ces Oiseaux pendant la durée de l'expérience, parce que la connaissance de leur composition aurait fourni , sur la nature des principes de l'orge qui avaient été assimilés , des données certaines, qui auraient pu jeter peut-être quelque jour sur la mystérieuse formation de la fibre musculaire et de la graisse. Dès lors, la brillante et difficile ex- périence entreprise sur des Tourterelles par M. Boussingault est venue répondre à nos vœux. Ce savant est donc le premier qui ait donné aux expériences physiologiques de cette nature toute l'étendue et toute la précision qu'elles doivent avoir. C’est un nouveau et immense service rendu par cet habile chimiste aux sciences d'observation appliquées à l'étude de la vie ; c'est une voie nouvelle tracée aux expérimentateurs , qui , sans doute, ne refuseront point leurs forces à ce sol, qui ne demande qu'à être labouré pour donner d'immenses récoltes. L'expérience rapportée plus haut établit donc que : Un Coq et une Poule pesant ensemble : gr. 1398,3800 mangent par jour 66,4641 d'orge et 15,0736 de gravier, ainsi que 1,0531 de calcaire Ensemble . . gr. 82,5908 soit : pour 100 de ces Poules vivantes, et par jour : 150 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS gr. 4,7529 d'orge, 1,0779 de gravier, 0,0753 de calcaire. gr. 5,9064 Les excréments rendus chaque jour par ces deux Oiseaux pèsent en- semble : gr. 32,7244 : soit, pour 100 du poids de ces Poules vivantes et Dar jOUr 4 PNR ERNEST GTR2 A 02 composés de : Matières organiques . . . . . . . . gr. 4,0977 — 1 inorganiques . 1 . + . . . . 1,2425 gr. 2,3402 Donc les déjections alvines des Poules contiennent la presque totalité des matières inorganiques qu’elles prennent, et un quart seulement des matières organiques qu’elles avalent. La quantité de substances minérales, que cette expérience prouve rester dans le corps des Poules, paraît trop forte ; mais il n’en est rien : il suffit, pour s’en convaincre, de considérer combien est variable le poids des petits graviers qu'on trouve dans l'estomac de tous les Oiseaux gra- nivores , et qui paraissent être une des conditions essentielles de leur digestion. Nous croyons donc pouvoir avancer que les matières miné- rales restées dans le corps de nos Poules ne sont, pour la plus grande partie, du moins, composées que de ce gravier retenu mécaniquement dans leur estomac. Comme il était intéressant de savoir sous quelle forme se trouve l’a- zote dans les excréments des Poules , nous avons analysé un échantillon de ceux qui provenaient de l’expérience. Nous avons reconnu de cette manière que, pris ensemble , ils devaient contenir gr. 2,6520 d'acide urique; comme ce corps s’y trouve à l'état de biurate ammonique, on calcule que , sous cette forme, il doit peser : gr. 2,7847, qui repré- sente : gr. 0,5466 d'azote, soit un septième environ du poids de ce prin- cipe , que l'analyse prouve exister dans les déjections des Poules, Quoi- qu'il soit probable que nous ayons évalué trop bas la quantité de biurate ammonique, à cause des difficultés qu'offre son dosage , nous pensons cependant que ce n’est point à ce sel qu'est essentiellement départie la fonction de conduire au dehors du corps la plus grande partie de l’a- zote, qui n’y reste pas fixée sous une forme ou sous une autre. Rappelons en passant encore ici que nos recherches viennent appuyer, de la manière la plus complète, le fait bien établi déjà, de l’absolue né- cessité de la présence du carbonate calcique dans la nourriture des Poules, pour que leurs œufs aient une coquille, DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. 181 Dans la seconde partie du Mémoire, nous avons établi qu'il ne faut à la coquille des œufs que dix à douze heures au plus pour se former. La rapidité avec laquelle se produit cette enveloppe de l'œuf est telle, qu’elle doit être due à de puissantes forces chimiques. 11 faut que le calcaire dis- sous dans l'estomac par les acides carbonique, lactique ou chloride hydri- que, arrive fluide dans l'utérus, et qu'il ne se décompose que là , peut- être même seulement à la surface de l'œuf, et par double décomposition, en présence des sels alcalins ou des alcalis de l’albumine. Les belles expériences de deux célèbres physiologistes allemands, MM. Gmelin et Tiedemann, ayant prouvé de la manière la plus évidente la présence du chloride hydrique dans le liquide sécrété par les parois de l’estomac des Poules, il est bien probable que c’est dissous dans l'acide carbonique? dégagé par cet acide des carbonates terreux neutres avalés par les Poules, que le carbonate calcique arrive dans l'utérus, sur les pa- rois duquel il se dépose , tandis que l'acide carbonique qui le tenait en dissolution se dégage. En étudiant la composition de l’œuf, on a dit que le vitellus ayant une pesanteur spécifique beaucoup plus faible que ceile de l’albumine, il s'élève toujours à la partie supérieure des œufs qu’on laisse quelque temps en repos. Il est probable que c’est pour parer au développement inégal des différentes parties de l'œuf, qui aurait infailliblement lieu par suite de cette disposition-là, que la nature a donné aux Poules le remarquable instinct de retourner souvent les œufs qu'elles couvent. Dans la formation de l'œuf, un fait saute aux yeux, c’est que ses par- ties mettent d'autant plus de temps à se développer qu'elles sont plus essentielles à la formation du Poulet. La croissance du vitellus, qui est l'essence de l'œuf, s'effectue avec une lenteur telle, qu’on ne sait pas en combien de temps elle s'achève. Nous le voyons naître dans l’intérieur d’une glande spéciale formée, comme tous les organes de cette nature, d’un lacis compacte de vaisseaux sanguins. Consistant d’abord en une masse homogène et transparente d’albumine, il ne tarde pas à se rem- plir d’une multitude de gouttelettes d'huile. En analysant le vitellus de l'œuf mûr, nous y découvrons de même encore de l’albumine et unehuile d’un jaune orangé. Dans ses cendres, nous trouvons beaucoup de soufre, d’alcalis, et surtout de phosphate magnésique, provenant sans doute du phosphate ammonico-magnésique. Or, tous ces principes se retrouvent tels quels dans le sang : qu'en conclure , sinon que les ovaires sont des espèces de filtres destinés à séparer du sang, de l’albumine , des corps gras, ainsi que tous les sels nécessaires à la formation du vitellus. Le vi- tellus contient donc, condensés de la manière la plus compacte, tous les éléments indispensables à la formation de l’Oiseau; plus, une certaine quantité d'huile destinée à alimenter cette combustion, que nous retrou- 182 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS vons partout où se manifeste la moindre trace de vie animale. Envisagé de cette manière, le vitellus peut être considéré comme l'essence du sang. Effectivement, il est formé tout entier d’albumine destinée à la produc- tion de la fibre musculaire ; de graisse destinée à lubréfier les organes et à alimenter la respiration ; enfin de phosphore, de soufre, d’alcalis et de terres, qu’on retrouve dans toutes les parties des animaux, et surtout dans leurs os. Il est clair que, puisque la production du vitellus soustrait au sang justement ceux de ses principes qui sont le plus essentiels au soutien de la vie, il ne faut pas s'étonner si les Oiseaux sont malades pendant la ponte, ni s'ils tombent souvent dans un inévitable état d’épuisement lors- qu’elle est achevée. Un fait à noter avec soin, c'est que le vitellus est absolument neutre aux papiers réactifs. Ce fait était d’ailleurs à prévoir, car il ne pouvait contenir un acide, puisqu'il aurait dissous et liquéfié son albumine; il ne pouvait pas non plus contenir, comme l’albumine , un aleali caustique en combinaison instable, parce qu'il se serait emparé de son huile en formant un savon avec elle. Il est absolument impossible de déceler directement la présence du fer dans le vitellus : ce n’est que dans ses cendres que nous avons reconnu ce métal. Le blane d'œuf, que sécrètent les parois de l’oviducte et non point les ovaires, est excessivement alcalin; il se dépose autour du vitellus en couches d'autant moins denses qu'elles s'éloignent davantage de lui; ce qui fait qu'elles s'enveloppent sans jamais se confondre. Ceci vient sans doute de ce que les couches de blane d'œuf les plus rapprochées du vi- tellus contiennent moins d’eau que celles qui sont plus extérieures, et qui, ayant été les dernières formées, n'ont pas encore eu le temps de perdre la plus grande partie de l’eau qui les tenait en dissolution ou en suspension, en la cédant aux parois de l'oviducte qui, sans doute, la ré- sorbent aussitôt. Enfin, c’est dans l'extrémité inférieure et la plus large de l’oviduete qui s'ouvre dans le cloaque, que l'œuf reçoit la dernière couche d’albu- mine, qui est très mince et coagulée , de même que la première, qui se dépose d’abord à la surface du vitellus. Nous voyons donc que les deux extrémités supérieure et inférieure de l’oviducte sécrètent de l'albumine coagulée et non point gélatineuse, comme toutes les autres parties de cet organe. C'est sur la dernière couche d'albumine coagulée enveloppant tout l'œnf que se forme la coquille, qui apparaît d'abord à sa surface comme des rugosités d'aspect cristallin. Des deux couches d’albumine coagulée qui enveloppent le blanc d'œuf, DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. 183 la première, celle qui s'applique sur le vitellus et qui porte les chalazes, doit s'être produite par le détachement de l’épiderme des parois internes du haut de l’oviducte, sous l'influence de la pression exercée sur elles par le passage du vitellus entraîné dans cet organe par son mouvement péristaltique. Le vitellus, continuant sa route tortueuse au travers de l’o- viducte, s'enveloppe de cette tunique épidermique, dont les deux extré- mités se ferment en se tordant sur elles-mêmes. Quant à la dernière couche fibreuse d’albumine coagulée dont la pro- duction précède celle de la coquille , elle doit avoir un autre mode de formation que la première. Cette membrane suit tellement bien toutes les sinuosités de la coquille, elle se glisse avec une telle précision dans toutes ses anfractuosités, entre toutes ses molécules, que la formation de ces deux parties de l’œuf doit être tout à fait simultanée et dépendante d’une même action chimique que nous n'essaierons pas d'expliquer, puisque nous ne pourrions la baser que sur des hypothèses. Mais la ponte des œufs sans coquille semble être en opposition avec cette prétendue forma- tion simultanée : nous ne le pensons pas ; Car nous sommes convaincu que la formation de la membrane albumineuse est due à la première action de la force chimique, dont la seconde , lorsqu'elle a Le temps de s'effectuer, est le dépôt de la substance calcaire, On a vu que le vitellus est formé d'un réseau albumineux, dont les mailles enferment une matière grasse. On se convainct facilement que l’albumine existe bien sous cette forme dans le vitellus, lorsqu'on exa- mite les premiers stades du développement du système circulatoire du Poulet, dont on voit les derniers embranchements veineux s'épanouir à la surface du vitellus en mailles rouges , de la plus grande beauté, qui enveloppent des espaces remplis d'une huile jaune et fluide, I faut done que les filets d'albumine qui constituent le squelette du vitellus devien- nent, sous l'influence de la vie (fermentation vitale ou organisante), les chemins d'exploitation de cette vaste mine de combustible, destinée à servir tant directement qu'indirectement à la formation du Poulet. Quant au blanc d'œuf, il est formé d’une combinaison d'albumine avec de la soude caustique. Les intéressantes expériences de M. Wurtz ayant prouvé que l’albumine pure déplace l'acide carbonique des carbonates alcalins, on peut donc adopter en toute sécurité l'opinion que la soude se trouve à l'état caustique dans le blane d'œuf. Le blanc d'œuf est formé de plusieurs couches superposées et distinctes ; chacune d'elles est en- veloppée dans un réseau membraneux de la plus grande ténuité, qu’on isole facilement en battant le blanc d'œuf avec de l’eau. C’est ce même réseau membraneux de l’albumine qu’on trouve au fond de la coquilie, sous forme de gâteau jaune, accompagné d’acide urique, lors de la nais- sance du Poulet. Le blanc d'œuf est donc une espèce de filet dont les 184 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS mailles emprisonnent de l’albuminate sodique gélatineux. Cette combi- naison est si facile à détruire, qu’elle doit favoriser singulièrement toutes les actions nécessaires au développement du Poulet. L'albumine contient une si forte proportion d’alcalis, qu'on est sur- pris d'y rencontrer autant de phosphate calcique, dont la présence sous forme soluble est incompatible avec celle des alcalis. Il est probable que les fonctions de l’albumine sont : 1° de fournir au jeune Oiseau le phosphate calcique de ses os, et une partie des autressels terreux et alcalins nécessaires à sa formation ; 2° ensuite, non seulement de lui donner de l’eau et la plus grande partie de l’albumine destinée à la production de sa fibre musculaire, mais aussi de retenir l'acide carbo- nique exhalé par l'embryon, dans les premières heures où même aussi dans les premiers jours de sa vie. Cet acide carbonique agit sur l’albumi- nate sodique, et s'empare de sa soude. Il se passe alors, sous l'influence des forces vitales et d’un grand excès d'acide carbonique, une action dif- férente de celle qui a.lieu ordinairement, puisque cette fois c’est l'acide carbonique qui déplace l’albumine, tandis que, dans nos laboratoires, l'inverse a lieu. L'albumine devenue libre peut donc se liquéfier et parti- ciper à la formation du Poulet. Une autre question , tout aussi importante que celle que nous venons de discuter, est celle de l’état sous lequel existe le soufre dans le blanc d'œuf : nous l'y avons vainement cherché, de même que dans le vitellus, sous forme de sulfocyanure. L'odeur et toutes les propriétés chimiques du blanc d'œuf donnent à penser que c’est sous forme de soufre libre qu'il y est uni. On trouve en général des matières susceptibles d'oxyda- tion dans tous les corps au sein desquels doit se développer une vie nou- velle. Il est facile de se convaincre de la vérité de cette assertion, en étu- diant la composition des graines ainsi que les transformations qu’elles subissent sous l'influence de la germination. Or, comme l'œuf est la graine destinée à reproduire les animaux, il est logique de penser que sa composition et ses métamorphoses ressemblent à celles des graines des végétaux; mais comme l'œuf doit résister à des forces oxydantes, de beau- coup plus violentes que celles qui agissent sur la graine, on doit croire que ses parties constituantes sont aussi désoxydées que possible. Il est donc probable que l'œuf ne contient point des sulfates, mais des sulfures, et point de phosphates, mais des phosphures ou même du phosphore libre et dissous dans l'huile du vitellus, ainsi que le donne à penser la forte odeur de poisson qui la caractérise, et la facilité avec laquelle sa solution éthérée s'enflamme, pour peu qu'elle soit concentrée et que la température ambiante s'élève. En parlant de la composition des coquilles d'œufs, nous avons dit que les œufs des Poules nourries par Vauquelin dans des chambres fermées, DE L'OEUF PENDANT L’INCUBATION. 185 et avec de l’avoine seule, étaient, de tous ceux qui ont été analysés, ceux dont la coquille était la plus légère. Qu'en conclure, d’après les faits connus ? c’est que si Vauquelin avait continué plus longtemps son expé- rience, il n'aurait pas tardé à avoir des œufs sans coquille, parce qu’il ne donnait pas de calcaire à ses Poules. On sait que les Oiseaux ne pondent des œufs avec leur coquille que lorsqu'on leur fournit toutes les sub- stances inorganiques nécessaires à la formation de cette dernière. Nos analyses des œufs donnent, pour la coquille avec ses membranes ainsi que pour le vitellus, des nombres beaucoup plus forts que ceux qu'on trouve dans toutes les analyses d'œufs faites jusqu'ici. Cette diffé- rence ne peut provenir que du mode d'alimentation de nos Poules, qui avaient à leur disposition autant d'orge et de calcaire qu’elles en vou- laient. La pesanteur si extraordinaire de la coquille des œufs de nos Poules a cependant aussi une autre cause: c’est qu'il est bien avéré que, de toutes les espèces de Poules, c’est celle sur laquelle nous avons expé- rimenté qui pond les œufs les plus durs; il ne faut donc pas être surpris que leur enveloppe soit si pesante. Dans l’étude du développement de l'œuf, le fait le plus saillant, celui qui doit frapper le plus vivement le chimiste, est la présence de ces deux circulations qu’on voit se succéder chez l'embryon. La première, incom- plète, ne s’étend pas au-delà du vitellus, à la surface duquel on la voit apparaître ; la seconde, répondant à un besoin plus impérieux d’oxigène, dépasse le blanc d'œuf et vient s'épanouir sur la face interne de la co- quille, à travers les pores de laquelle se fait, par son intermède, une ab- sorption d’oxigène, et une sécrétion d'acide carbonique et d’eau. La co- quille est, au Poulet d’un certain âge, à la fois l'organe des sécrétions gazeuses pulmonaire et cutanée. Il est absolument indispensable de s'assurer si, durant l’existence de la première circulation, il y a sécrétion d’acide carbonique, et, si c’est le cas, de déterminer aussi ce que ce gaz devient. Nous le répétons : nous croyons qu'à cette époque il est absorbé par l’albuminate sodique du blanc d'œuf, dont il met en liberté l'albumine, qui, pouvant alors obéir à l’at- traction du vitellus, est engloutie par lui. Le sang est incolore, au moment où on le voit circuler pour la pre- mière fois au milieu des îlots graisseux du vitellus : jouit-il déjà de toutes les propriétés qu’il aura plus tard, ou bien n’est-ce qu’une espèce de chyle destiné à produire bientôt après le fluide vital, sous l'influence d'une action aussi mystérieuse que difficile à étudier? C’est le troisième jour qui est le plus intéressant de tous ceux du déve- loppement embryonnaire. L'embryon s’enveloppe alors de l’amnios, qui est une espèce de vessie remplie d’eau, au milieu de laquelle il nage, libre dans tous ses mouvements. Enfin c’est dans la seconde moitié du 186 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS troisième jour qu'apparaît la première trace de la seconde circulation qui doit remplacer la première, trop imparfaite pour suffire aux besoins actuels du jeune Oiseau. Pendant le développement de l'embryon, le fait de la disparition du blanc d'œuf est fort remarquable. Cette partie de l'œuf devient de plus en plus visqueuse à mesure qu’elle cède davantage de son eau au vitellus qui s’accroit à ses dépens, On sait que le blanc d'œuf finit par être ab- sorbé en totalité, et qu'il ne reste de lui que le réseau membraneux qui enveloppait l’albaminate sodique. Le blanc d'œuf n’est point brülé, comme l'huile du vitellus ; il s’unit directement à l’albumine de ce der- nier, pour contribuer avec elle à la formation du Poulet. Comme, du sixième au septième jour de l’incubation, l’&mnios prend de plus en plus l'aspect d’un sac fermé de toutes parts, excepté sur un seul point au travers duquel passent les vaisseaux sanguins du Poulet, ce n'est qu'alors seulemerit que l'embryon cesse d’absorber et de sécréter par toute sa surface. C’est donc à cette époque que tous ceux des organes de l'embryon qui peuvent agir déjà, dans l’intérieur de l'œuf, remplis- sent les fonctions spéciales auxquelles ils sont destinés, et que la vraie circulation alimente la vie. L'allantoïde, dont le développement est aussi complet que possible, apparaît, sillonné dans tous les sens par des vaisseaux gorgés de sang. Cet organe joue le rôle de poumons par sa face externe, tandis que sa face interne est en contact direct avec les excrétions du Poulet, auquel il sert de cloaque. L’allantoïde est donc chargé à lui seul, pendant les derniers temps de la vie embryonnaire, de la double fonction de recueillir les produits solides, liquides et gazeux, des sécrétions pulmonaire, cu- tanée et urinaire. Si, dans les conditions défavorables qu’on vient d'examiner, le Poulet se développe cependant, cela tient à une force toute spéciale. Effective- ment , nous ne voyons ârriver du dehors à l'embryon que de l'oxygène, donc un agent de destruction: aussi le poids de l'œuf diminue-t-il jus- qu'au moment où le Poulet en sort. Pour résister à un agent de destruc- tion aussi énergique, il fallait un vaste magasin de combustible, qu’on trouve dans l'huile du vitellus : voilà la part de l'oxygène de l'air. Mais le Poulet se forme et grandit; l'embryon naît de l’albumine du vitellus; plus tard il absorbe celle du blanc d'œuf; enfin nous trouvons encore, au moment de son éclosion, les intestins du Poulet remplis de substances alimentaires. Il y a donc dans l’œuf plus que les forces nécessaires pour résister aux puissances qui tendent à anéantir la vie qui se développe en lui; il contient encore tous les éléments nécessaires à la formation des organes que doit animer le feu de la vie. L'étude du développement du Poulet ramène à dire, avec les grands DE L'OŒUF PENDANT L'INCUBATION, 187 chimistes de l’époque, que pour le soutien de la vie il faut aux animaux : 1° Des aliments de la respiration, tels que les graisses et peut-être aussi les sucres et autres principes de cette nature ; 2 Des alimeuts capables d’être assimilés directement, pour faire partie de la masse du corps, savoir: des matières albumineuses, qu’on voit tou- jours accompagnées de principes alcalins, terreux, sulfureux, phospho= rés, et de traces de fer. Les conditions du développement de l'œuf de Poule sont absolument les mêmes que celles du développement de l'œuf végétal : tous les deux ont besoin pour cela de chaleur, d’eau et d'oxygène ; seulement le pre- mier exige beaucoup plus de chaleur, d'eau et d'oxygène que les graines. L'œuf des Oiseaux a plus d'une frappante analogie avec celui des plantes; il suffit de citer dans l'un et dans l’autre la présence de l'albumine où du gluten nécessaire à la formation de l'embryon, de la graisse ou de la fécule indispensable à la combustion qui accompagne tous les phéno- mènes vitaux. L'étude des caractères et des modes de combustion des substances inorganiques que la nature applique exclusivement à la for- mation des êtres organisés, est donc l'étude de la vie proprement dite. Le temps de la vie embryonnaire étant écoulé, le Poulet va rompre ses enveloppes, comme le Papillon brise sa chrysalide et s'en échappe, puisque le Poulet est à l'embryon ce que le Papillon est à la Chenille. 11 est probable que ce qui force le Poulet à quitter son enveloppe, c'est qu'elle est trop petite pour lui; car ce n'est point le manque de nourri- ture, puisque ses intestins en sont encore garnis. Il y a peut-être une autre cause bien plus grave de la sortie du Poulet, c'est le transport aux poumons'des fonctions respiratoires, dont l'allantoïde avait été chargée : aussi, du moment que les vaisseaux allantoïdiens sont oblitérés, le Poulet étouffe-t-il, ou brise-t-il sa coquille en laisant des efforts si dé- sespérés qu'il naît trempé de sueur, et souvent si affaibli qu'il ne se dé- barrasse qu'avec peine des fragments de son enveloppe qui restent atta- chés à ses téguments soyeux, et qu'il entraine avec lui. L'asphyxie imminente est donc la cause la plus probable de la naissance du Poulet, Si, dans l'expérience faite sur le développement des œufs, on a donné à la Poule des œufs d'âge fort différent, c'est qu’on voulait savoir s'ils étaient à tout âge également susceptibles de se développer. Nous avons vu le contraire, puisque tons les œufs pondus le mois précédent, à l'exception de celui du 13 avril , ont avorté, tandis que tous ceux du mois de mai sont éclos. On ne doit done donner aux couveuses que des œufs frais; les plus âgés ne doivent avoir que deux semaines. En leur donnant de vieux œufs, on s'expose à les voir pourrir ou se dessécher ; ce qui arrive, ou parce que les parties constituantes de l’œuf obéissent aux forces chimiques qui les engagent à se décomposer pour rentrer 183 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS dans le cercle des substances inorganiques, ou bien parce que la vie ne trouvant plus de matières à brüler détachées du Poulet, elle consume l'être même qu’elle devait animer. Les pesées faites pendant l’incubation nous prouvent qu’en représen- tant l'œuf avant l’incubation par 100, il perd pendant la première se- maine 5 pour 100 de son poids primitif. Pendant la second, 9, et enfin, pendant la troisième, 3 ; donc en tout 17 pour 100, ainsi que Prout l’a- vait remarqué déjà. Voyons à présent quelles sont les substances qui, en disparaissant de l'œuf, lui ont fait éprouver une perte aussi notable. La première détermination à faire des principes de l'œuf était celle de l'huile du vitellus, puisqu'on admet que les corps gras sont essentielle- ment employés par l’organisme à alimenter la respiration. En traitant le vitellus d’un œuf frais par l’éther, on en extrait : huile. gr. 5,7945 et l’on n’en trouve plusque . .. . . ,., 1,9946 dans le Poulet et les substances organiques de l'œuf par- venu à terme. Il faut donc que. . . AE ie ns 3,7999 d'huile se soient métamor SUN en PERS Ma dans l’éther, ou, ce qui est plus possible, qu'ils aient été brûlés en partie, ou, en totalité, par la respiration du Poulet. Comparons donc , dans le tableau ci-des- sous , la composition des œufs éclos, afin de savoir laquelle de ces deux manières de voir est la vraie. EN CENTIÈMES: Parties constituautes. OEuf frais. OEuf couvé. OEuf frais. OEuf couvé. Coquille et ses membranes . . 3,2834 3,0841 10,67143 10,0136 Albumine a FR ns 5,4787 5,9794 17,8061 A9,4334 Matière grasse. . . . . . 5,7945 1,9946 18,8323 6,4825 Eau. . . . . . . . .146,2126 14,4833 52,6903 : 47,0704 Pertearnfouue. fie » » » 17,0001 gr. 30,7692 25,5384 100,0000 100,0000 On voit que la perte de 17 pour 100 qu’éprouvent les œufs pendant l'incubation n'est pas due tout entière, ainsi qu’on le croyait, à l’eau qui s'en évapore , puisque les œufs ne perdent que. . . . . gr. 5,6194 de ce principe. Il faut donc qu'une autre substance ait dis- paru de l'œuf ; or ce ne peut être qu’une partie de l’huile, puisqu'on ne retrouve plus dans le Poulet celle qui exis- tait dans le vitellus. En, comptant que l'huile brûlée par la respiration du Poulet s'élève à. . . . . . . 11,3806 on remplit le cadre. . . . 5 17,0000 de la différence existant entre l'œuf fais ét V Lt couvé. Le reste de DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. 189 iuile qui a disparu. . . . QU ER dE EN gt: M0;9692 nt à la perte éprouvée par la Cale et ses ÉD anes 0,6577 mplit la perte. . . . : go E 1,6269 liquée dans le poids de ces deux Lab : [4 d RUE part, explique ugmentation du poids de l’albumine, lors de sa transformation en ulet, d’une manière assez complète pour qu’il ne puisse pas rester noindre doute sur la part que prennent la coquille et l'huile du vitel- à la formation du Poulet. l'est donc nécessaire que l'embryon respire déjà dans l'intérieur de ‘quille, et qu'il y forme de l'acide carbonique et de l’eau, aux dépens la matière grasse accumulée dans le vitellus ; absolument de même : cela arrive aux animaux hibernants, qui perdent presque toute leur isse pendant leur sommeil léthargique. e reste de la matière grasse du vitellus, qu'on ne trouve plus dans ’oulet en le traitant par l’éther, peut avoir servi, en s'oxydant, à 1er le duvet qui couvre le Poulet pendant les premiers jours de son tence. Ce qui nous fait penser que cette matière peut bien avoir servi t usage, c'est que ce duvet a la plus grande analogie avec des la- es minces d'huile siccative desséchée à l’air ; aussi brillant et fragile les , il ne tarde pas à tomber pour faire place aux plumes. vus pensons avoir bien établi que, pendant l’incubation , la coquille une partie des substances minérales qui lui appartiennent, et qui, doute , servent à former les os du Poulet. Ce transport de matières saniques est facile à expliquer à l’aide de l’albumine et de l'acide car- que , qui tous les deux les dissolvent. œuf perd pendant la première semaine de l’incubation , 5 ; pendant conde, 9; et pendant la troisième, 3 pour 100 de son poids initial. ous savons que pendant ce temps l'œuf perd 5 pour 100 d’eau, et ur 100 d'huile. En admettant, comme cela doit être en effet , que emière action de l’incubation soit essentiellement physique , l'œuf it guère perdre que de l’eau pendant la première semaine de l’in- tion , où le Poulet n’est point encore assez développé pour être en ion directe avec l’atmosphère , et où l’acide carbonique qu’il forme sans doute, mais en petite quantité , est probablement retenu par la 2 du blanc d'œuf. adant la seconde semaine de l’incubation , le Poulet se développe lement ; et comme la combustion, de laquelle dépend son évolu- , doit être en rapport direct avec elle, il est tout naturel que l'œuf 8 alors 9 pour 100 de son poids. rant la troisième semaine enfin, le poids de l'œuf ne change que parce que le Poulet étant presque entièrement achevé à cette ue, la diminution du poids de l’œuf doit être essentiellement at- ée à l'acide carbonique, et aux traces d’eau qui proviennent uni- 190 SACC. — SUR LES MODIFICATIONS quement de la respiration du Poulet, et non plus aussi, comme durant la seconde semaine, de la métamorphose des éléments de l'œuf destinés à la formation de son corps. Toute imparfaite que soit cette ébauche du développement du Poulet, elle permet cependant de saisir les rapports qu’il a avec les phénomènes de nutrition des Poules adultes. Dans l’un et l’autre cas, on voit une substance azotée (albumine, pour le Poulet; gluten, pour la Poule) se changer en fibrine, pendant qu'une autre substance combustible non azotée (huile, pour le Poulet; fécule, pour la Poule) se brûle en produi- sant de la chaleur, de l'acide carbonique et de l’eau. La vie est un feu ardent, auquel il faut sans cesse des aliments; son activité est telle qu'il dévore jusqu’au foyer qui le porte, lorsqu'il ne trouve plus d'autre combustible, Voila la raison pour laquelle cette mème sagesse, que nous admirons dans toute la nature, a mis à la por- tée de la vie, dans l'œuf, cette huile si abondante, dont la destruction prévient celle de l'albumine. Sans cette huile, qui remplit le vitellus, parce que c’est en lui que se forment les premières traces de l'embryon, l'albumine serait brûlée par l'oxygène de l'air, en sorte que le dévelop- pement du Poulet ne pourrait pas se faire. Dans le Poulet éclos, on retrouve la totalité de l’albumine que conte- nait l'œuf, et qui s’est changée en fibrine, plus une petite quantité d'huile du vitellus non altérée, et une autre résinifiée, ainsi qu’un peu des sub- stances inorganiques de la coquille, et beaucoup d’eau. Parmi les œufs qui ne sont pas éclos, on a vu que: L'œuf du 12 avril pesait : gr. 25,5384 — dul6 —- 26,9645 — du 8 — 20,8290 — du10 — 22,9100 Si l’on se rappelle qu'au commencement de l’incubation tous ces œufs pesaient en moyenne 30 grammes, on verra que c’est l'œuf du 16 avril dont le poids a le moins diminué. Mais cet œuf est précisément le:seul qui ait été pourri; le seul, par conséquent, ou aucune trace de vie ne soit venue s'opposer à l'effort destructeur des puissances chimiques et physiques ; or, si l'œuf ne perdait pendant l’incubation que la quantité d’eau qui correspond à l'évaporation produite par la chaleur nécessaire au développement de l'embryon , il est clair que cet œuf pourri devrait avoir perdu au moins autant que les œufs éclos. Comme il n’en est rien, il est clair que la diminution du poids qu’éprouvent les œufs pendant l'incubation est due non point essentiellement aux forces physiques qui agissent sur l'œuf, mais aussi aux phénomènes chimiques qui se passent dans son sein. Si le poids des œufs des 8 et 10 avril a diminué d’une manière aussi surprenante, c’est que, pour eux, la perte due aux forces physiques ex- DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. 191 térieures s’est ajoutée à celle qui résultait d’un commencement de déve- loppement du Poulet , qui, s'étant bientôt arrêté, n'a pu s'opposer plus tard à elles , et n’a fait que rendre leur action plus facile. Il est bien connu que les conditions nécessaires à l’engraissement de tous les animaux sont : de la nourriture en excès, de l'immobilité et de la chaleur ; or les Poules couveuses se trouvent dans ces trois conditions, et cependant elles maigrissent considérablement. Nous croyons pouvoir en conclure que la chaleur développée par les Poules, pendant l’incuba- tion, est due à une combustion anomale qui se trahit par cette forte di- minution de poids, La Poule couveuse doit être en proie à une espèce de fièvre. Le poids des Poulets diminue beaucoup dans les premières heures qui suivent leur sortie de l'œuf, parce qu'ils rendent une grande quantité d’exeréments. Nous avons dit que l'éducation à l’air libre des Poulets nés des œufs de notre Poule n’a pas aussi bien réussi que celle que nous avons fait faire une semaine plus tard, en cage. Nous avons attribué la grande différence existant entre les deux couvées comparatives, à la nourriture qu’on leur donnait. Effectivement, et c’est une règle générale pour tous les Verté- brés, il faut à ces animaux pendant leur jeunesse des aliments très azotés ; plus ils en ont, plus aussi leur développement est rapide et complet, plus ils supportent facilement toutes les maladies dépendantes de leur âge. Dans les deux couvées comparatives, dont on a parlé plus haut, se trouvaient des Poulets fauves, de la couleur du Coq, et'des Poulets blancs, de celle de la Poule. Comme parmi les Poulets de l’une et de l’autre de ces couleurs il y avait des mâles et des femelles, nous n'avons rien pu conclure de positif sur l'influence qu'exercent les parents sur la couleur et le sexe de leurs descendants, et nous sommes tentés de croire qu’elle est de même intensité chez l’un et chez l’autre. En échange, nous avons vu avec étonnement que plusieurs des Pou- lets avaient des huppes et non pas une crête, comme leurs parents. De plus, ceux des Poulets qui avaient aux pieds des plumes d’une longueur extraordinaire avaient encore le doigt extérieur de chaque patte mutilé et réduit à un bourrelet plus ou moins allongé. Pendant tout le temps que les Poulets ont été en expérience, nous avons remarqué que, chaque fois qu’ils étaient en mue, ils cessaient de prendre un accroissement rapide, et que même leur poids diminuait, ainsi que le tableau de leur accroissement le prouve. De plus, nous dirons encore que la balance annonçait la moindre indisposition d'un des Pou- lets en expérience, en accusant une perte de poids ou un accroissement moins rapide que celui de ses frères. Dans les premiers jours de leur vie, il est impossible de peser séparé- 192 sacc. — MODIFICATIONS DE L'OEUF PENDANT L'INCUBATION. ment chacun des Poulets, à cause du mouvement continue] qu’ils se don- nent. Plus tard cela devint facile, et on le fit dans le but de découvrir si l'individualité avait quelque influence sur la croissance de ces Oiseaux ; mais on ne découvrit rien à cet égard. Afin de pouvoir tirer quelques conséquences des résultats numériques fournis par la pesée des Poulets et de leur nourriture , nous allons en donner le tableau. Dale des pesées, Poids des Poulets. Orge consommée, Prentier Jour PRET NET 0 gr. 97,801 gr. » Première semaine. 4 . . . . . 155,978 » Deuxieme = SAR. . : 263,270 » FLOISIEMON ET nu none 393,977 » OUATIÔME = MT RUE Ja 535,710 » CNAUMÈMEN IMC MEEMQUUIR. 636,246 » Sixième on É n MÉrud de 734,297 705,252 Sephièment=1 tee mul oeil 941,640 816,841 De gi) PANNE 1012,803 937,686 Neuvième d —", : 4. : 1109,281 897,784 Dixième RE NE NT co tt 41214,575 786,404 Oz MEME EIRE EL £ AY 1332,850 986,472 US RES EEE 112,525 1850,743 HAT ON EM NT ET QualorAieme—r.: 0.1, "2 à 1538,538 712,495 OUMAEMES —7 0, 1.0; LP 1600,692% 1029,428 SDDITO CR gr. 4600,692 gr. 8723,105 Poids des Poulets avant l'alimentation EU SON OR ET gr. (636,246 Augmentation du poids des Poulets pen- dant l'alimentation avec de l'orge. . gr. 964,446 De ces nombres, on conclut qu'il a fallu gr. 9,044 d'orge nomale pour produire une augmentation d’un gramme dans le poids des Poulets. Ceci prouve combien la force assimilatrice est plus puissante dans ces jeunes Oiseaux que chez leurs parents, puisque ces derniers consommaient 42 grammes d'orge pour produire 1 gramme de matière organisée. En examinant le tableau dé la nutrition des Poulets, on voit combien leur croissance a été plus rapide dans les cinq premières semaines de leur vie que pendant toutes les suivantes : ceci n’a pas d'autre cause que la différence dans la proportion de matière azotée contenue dans les ali- ments. Pour se convaincre de la vérité de cette assertion, il suffit de se rappeler que, pendant la première partie de l'expérience, les Poulets ont reçu des œufs durs avec de l’alpiste, tandis que, dans la seconde, ils n’ont eu que de l'orge. 193 DEUXIÈME NOTE SUR LE CAMPAGNOL DES NEIGES (ARVICOLA NIVALIS); Par M. CHARLES MARTINS, Si ce petit Mammifère n’était pas celui de tous qui habite le plus haut dans les Alpes, je ne reviendrais pas sur son histoire. Mais j'ai pensé que les z0ologistes accueilleraient avec indulgence quelques détails sur les mœurs de l’animal qui occupe la station la plus élevée en Europe. Ces renseignements nouveaux, recueil- lis pendant mes voyages de 1844 et 1846, intéresseront peut-être les naturalistes philosophes qui aiment à analyser les conditions d'existence des êtres vivants, pour les mettre en rapport avec les lois qui président à leur distribution géographique. Synonymie. — Ma première description de cet animal a été insérée dans les Comptes-rendus de l’Académie des Sciences de Paris, tom. XV, p. 805 (24 octobre 1842). Je l’ai fait connaître ensuite avec plus de détails, et figuré dans ces :{nnales (1). M. J.-A. Wagner, qui n'avait pas eu connaissance de mon tra- vail, l’a décrit et figuré depuis sous le nom d’Aypudœus alpinus, d’après un squelette et deux peaux qu'il avait recus du Saint- Gotthard (2). Enfin, M. Schinz, professeur de zoologie à Zurich, lui a imposé le nom d’Aypudœus nivicola (3). Les individus qu’il a étudiés venaient aussi du Saint-Gotthard. La transposition de cette espèce dans le genre Æypudœus ne me paraît pas heureuse. Établi par Illiger (4) sur trois animaux fort disparates , savoir : le Mus Lemmus L., l’Arvicola amphibius Lacép., et l’Arvicola arvalis Lacép., ce genre comprend , suivant son auteur , les es- (1) Voyez la première Note, Ann. des Sc. nat., 2° série, t. XIX, p. 87.—1843. (2) Die Saügethiere in Abbildungen nach der Natur, von J.-C.-D. Schreber, fortgesetzt von D' J.-A. Wagner. Supplement Band 3'° Abtheilung, p. 576, et fig. exc, B. — 1843. La figure est médiocre. (3) An die Zurcherische Jugend uuf das Jahr A844 von der naturforschenden Gesellschaft. — La figure est détestable. (4) Prodromus Systematis mammalium el avium, p. 86. — 1811. 3° série. Zoo. T. VITE. (Octobre 1847.) 1 13 194 MARTINS. — SUR LE CAMPAGNOL DES NEIGES, 3 pèces à oreilles et à queue courte ; ni l’un ni l’autre de ces caractères ne sauraient s'appliquer au Campagnol des neiges. Tous ceux du genre ÆArvicola, fondé par Lacépède treize ans auparavant (1), conviennent , au contraire, parfaitement à notre espèce, qui rentre évidemment dans la section des Campagnols murins, établie dans ce genre par M. de Selys (2). Laissant donc de côté la question de priorité, je crois que le nom que j'ai donné à cette espèce peut lui être conservé. Sexes. — Les mâles me paraissent être à peu près en même nombre et de même taille que les femelles ; celles-ci portent six mamelles, dont quatre ventrales et deux pectorales. Ces dernières sont placées presque dans l’aisselle des membres supérieurs. Il y a une portée en automne ; car j'ai pris, le 10 septembre 1846, au Faulhorn , une femelle qui était pleine de deux petits. Peut- être y a-t-il une seconde portée au printemps , mais je ne saurais rien affirmer à cet égard. Station. — Dans les Alpes bernoises, sur le revers septentrio- nal du Faulhorn, les Campagnols des neiges sont très nombreux depuis le pied du Schwabhorn jusqu'au sommet du Faulhorn, c’est-à-dire depuis 2,250 jusqu'à 2,683 mètres au-dessus dela mer ; en d’autres termes , depuis la limite extrême du Rhododen- dron sur cette montagne, et la ligne des neiges perpétuelles. On rencontre aussi fréquemment ces animaux sur une autre montagne appelée le Rothhorn , et située de l’autre côté du lac de Brienz. Une auberge ayant été construite près du sommet, à la hauteur de 2,248 mètres au-dessus de la mer, ces Campagnols s’y intro- duisirent et devinrent tellement incommodes , que le propriétaire fut obligé de faire venir un Chat. Ils se sont aussi établis dans celle du Faulhorn , où ils se multiplient exactement comme les Souris de nos maisons ; mais j'ai déjà montré (3) qu'ils existaient sur la montagne avant la construction de l'auberge , en° 1832, (1) Tableuu des divisions, sous-divisions et genres de Mammifères, — 1798. 1 (2) Études de Micromammalogie, p. 87. — 1839. (3) Annales des Scieñces naturelles, 2° série, &. XIX, p. 95. MARTINS. — SUR LE CAMPAGNOL DES NEIGES. 195 Dans le rnême été où je découvrais l’Ærvicola nivalis au Faulhorn, M. lc docteur Nager d'Andermatt envoyait à MM. Wagner et Schinz quelques individus pris sur le Saint-Gotthard. Le Cam- pagnol des neiges s’y trouve depuis la vallée d'Urseren jusqu'aux chalets les plus élevés, c’est-à-dire de 1,600 à 2,200 mètres en- viron au-dessus du niveau de la mer. Dans les Alpes francaises, en montant des bains d’Allevard vers le col des Sept-Lacs qui con- duit au Bourg-d’'Oysans, j'ai vu, à la hauteur de 2,025 mètres au- dessus de la mer, des terriers qui m'ont paru être ceux-du Cam- Pagnol des neiges ; ils existent cà et là jusqu'aux lacs qui occupent lé Sommel du col. J'ai acquis aussi la certitude que ces Campa- gnols se trouvent aux Grands-Mulets , rochers isolés au milieu. des neiges du Mont-Blanc, à la hauteur de 3,050 mètres au- dessus de la mer. Dans les ascensions au sommet du Mont-Blanc, on passe la nuit dans ces rochers, et les guides les ont aperçus plusieurs fois, entre autres , lors de l’ascension de Mademoiselle d’Angeville en 1838. Enfin, M. Hugi (1) a observé, il y a déjà longtemps, sur le col de la Strahleck, à 3,150 mètres , et sur le Finster-Aarhorn , à 3,900 mètres, un Campagnol qui lui parut nouveau. En 1844, je lui montrai l’Arvicola nivalis vivant, et il reconnut l'animal qu’il avait remarqué. On aurait tort de conclure de ces citations que le Campagnol des neiges est très commun dans les Alpes. Pendant le mois que j'ai passé, en 1846, au pavillon de M. Agassiz, près du glacier de l’Aar, à 2,410 mètres au-dessus de la mer, je n’en ai pas vu la moindre trace. Ce n’est pas au voisinage d’un grand glacier qu'il faut attribuer son absence , car il n’est pas rare au- tour des chalets de la Stieregg, sur les bords de celui de Grindel- _ wald. Dans les localités où il existe, le sol est pour ainsi dire criblé de ses terriers ; ainsi , au pied du Schwabhorn, pointe cal- caire qui s'élève entre le Faulhorn et le lac de Brienz, j'ai compté, sur une surface de 4 mètres carrés, onze ouvertures de terriers , et en tout quarante-trois trous qui ont pu servir de refuge ou de passage à ces animaux. À partir de ce point jusqu’au sommet du (1) Das Wesen der Gletscher, p. 31. — 1842. 196 MARTINS. — SUR LE CAMPAGNOL DES NEIGES. Schwabhorn et du Faulhorn, ils sont extrêmement communs, et rappellent ce que les voyageurs racontent de ces nombreuses co- lonies de Chinchillas , qui occupent certains points des Andes du Chili. En résumé, le Campagnol des neiges habite de préférence dans les Alpes une zone comprise entre 2,100 et 2,700 mètres, c’est-à-dire depuis la limite du Rhododendron (1) jusqu’à celle des neiges éternelles. L’exception que semble présenter le Saint- Gotthard est plus apparente que réelle, car le décroissement de la température est très rapide le long des pentes de ce massif (2). On rencontre ensuite quelquefois l’Arvicola nivalis dans ces oasis de végétation, qui surgissent cà et là au milieu des champs de neiges éternelles, à des hauteurs qui dépassent quelquefois 3,000 mètres au-dessus de la mer. Forme des terriers. — Ils sont simples ou composés, et s’ou- vrent par un ou plusieurs trous circulaires de deux centimètres de diamètre, devant lesquels on voit souvent de la terre rejetée de l’intérieur des galeries avec les crottes des animaux qui les ha- bitent. Les terriers eux-mêmes sont rectilignes , et terminés en un cul-de-sac évasé, dans lequel on trouve un peu de foin ou des débris de racines et de feuilles, surtout du Silene acaulis haché très menu. Ces terriers ont en général de 20 à 25 centi- mètres de long ; le plus souvent, ils sont ramifiés, et se divisent en un grand nombre de galeries irrégulières qui pénètrent entre les pierres, et présentent plusieurs orifices éloignés les uns des autres. Jamais je n’y ai trouvé de provisions, même au commen- cement d'octobre, immédiatement avant les premières neiges de l'hiver. Mode d'existence pendant l'hiver. — Dans une course au gla- cier de Grindelwald, le 8 janvier 1832, M. Hugi a constaté le premier que ce Campagnol ne tombe pas en léthargie pendant (1) Voy. Kaemtz. Cours complet de météorologie, traduction française, note €, p. 489. (2) Zbia. MARTINS. — SUR LE CAMPAGNOL DES NEIGES. 197 l'hiver. En entrant dans le chalet de la Stieregg , ce voyageur mit en fuite plus de vingt de ces animaux. Ce fait a été confirmé par l’aubergiste du Faulhorn, qui abandonne chaque année sa mai- son en automne pour descendre dans la plaine. En 1845, il monta pour la visiter au milieu de l'hiver, et il y trouva plu- sieurs Campagnols aussi vifs et aussi alertes que pendant l’été. Je ne saurais donc partager l’opinion de M. Oswald Heer, qui suppose que , pendant l'hiver , ils descendent dans les régions subalpines (1). Ces voyages seraient en particulier bien diffi- ciles pour les Campagnols, qui habitent des rochers isolés au milieu de vastes glaciers. Les bergers des hautes Alpes auraient remarqué ces migrations ; et j'ai constaté sur le Faulhorn, en 1841 et 1844, que les premières neiges d'octobre trouvent encore tous ces animaux sur la montagne. Ils n’émigrent donc pas en hiver, et ne s’endorment pas pendant les froids épouvantables qui règnent sur les sommets qu'ils habitent. Leur pelage ne change point et ils n’amassent pas de provisions comme plu- sieurs de leurs congénères. Je suis donc porté à penser qu'ils continuent à vivre dans leurs terriers , et circulent entre la neige et le sol, comme les Lemmings (2). Ils y trouvent des plantes herbacées qui se conservent sous la neïge ; le docteur Nager d'Ur- seren (3) a même observé qu'ils creusent souvent de longues ga- leries pour gagner les places où le fumier des vaches a fait croître une herbe plus tendre et plus touffue. Ainsi, tandis qu’un autre rongeur, la Marmoite, qui habite la même région que le Campagnol des neiges, tombe pendant l'hiver dans une pro- fonde léthargie, celui-ci, soumis aux mêmes influences extérieures, conserve toute sa vivacité. Deux Campagnols, l’un mâle et l’autre femelle, que j'ai rapportés à Paris, en 1844 et 1846, ont vécu à la ménagerie du Muséum pendant la moitié de l'hiver. Jamais ils n’ont présenté le moindre symptôme de torpeur, de sommeil ou (1) An die Zürcherische Jugend auf das Jahr A845.—Ueber die obersten Gren- zen des thierischen und pflaenzlichen Lebens in unseren Alpen, p. 6. (2) Observations sur les migrations et les mœurs des Lemmings (Revue =00lo- gique, juillet 1840). (3) An die Zürcherische Jugend auf dus Jahr 184%, p, 9. 198 MARTINS, — SUR LE CAMPAGNOL DES NEIGES. de lenteur dans les mouvements , signes avant-coureurs et con- comitants de l’état léthargique (1) chez tous les animaux. Le Campagnol des neiges trouve sa nourriture sous la neige ; et j’ai déjà fait voir dans ma première note que la température de ses terriers ne descend pas au-dessous de zéro pendant l'hiver. Depuis, nous avons trouvé, M. Brayais et moi, qu’au Faulhorn, à 2,675 mètres au-dessus de la mer, et sur une pente exposée au midi, un thermomètre, enfoncé à la profondeur de 0,95, s'était tenu en moyenne à 5°,63, du 25 septembre au 1% oc- tobre 1844. Un autre thermomètre, placé à demeure dans un trou vertical de 1°,30 de profondeur, et à la même hauteur au- dessus de la mer, marquait, au 1* octobre, 4°,0. C’est dans cette zone de terre que les Campagnols creusent leurs terriers. Or le 2 du même mois, une neige abondante couvrit le Fau- Ihorn pour ne plus disparaître , et acquérir pendant l’hiver une épaisseur de plusieurs mètres. Sous cette épaisse couverture , le sol, échauflé par les chaleurs de l'été, ne saurait geler ; et on concoit très bien que les Campagnols puissent y vivre en se nour- rissant de plantes et de racines qu'ils trouvent entre la neige et le sol. Pour m'’assurer si ces animaux étaient sensibles au froid , je fis l'expérience suivante : Un Campagnol récemment pris et fort vif fut placé , à sept heures et demie du soir, dans un vase en zinc de 1 mètre de haut sur 5 décimètres de large; une planche placée au fond garantissait l'animal du contact immédiat du métal, La température de l’air au fond du vase était de — 1°,0 ; le ciel par- faitement serein. À minuit, l’air dans le vase était à 0°,1, et à l'extérieur à 1°,8. L'animal se tenait blotti dans un coin, mais courait, quand on l’effrayait, de tous côtés. À quatre heures du matin, le thermomètre à l’air libre marquait 0°,1 ; le Campagnol vivait encore , quoique fort languissant ; à cinq heures, il était mort. Ce résultat ne me surprit pas. En Laponie, trois Lemmings qui avaient été exposés, sous un abri pendant la nuit, à une tem- pérature de quelques degrés au-dessous de zéro, étaient aussi (1) Barkow, Der Winter Schlafnach seinen Erscheinungen im Thierreich, p. 11 — 1846. MABTINS. — SUR LE CAMPAGNOL DES NEIGES. 199 morts de froid pendant la nuit (1). Voilà donc deux petits Ron- geurs habitant tous deux des climats très rigoureux, et qui ne résistent pas à l’abaissement de la température au-dessous de zéro. Nouvel exemple -de la témérité des jugements, dans les- quels on fait intervenir les causes finales en supposant que les animaux qui habitent les régions glacées sont précisément ceux qui supportent le mieux le froid (2). Température propre. — La température propre du Campagnol des neiges est assez élevée. Un petit thermomètre enfoncé dans l'abdomen d’une grosse femelle resta stationnaire à 36°,9. En Laponie, j'avais trouvé 39°,5 pour la température moyenne de quatre Lemmings. Habitudes. — Réunis dans une cage, ces Campagnols se blot- tissent dans un coin serrés les uns contre les autres, même lors- qu’il fait assez chaud, 14° par exemple. Ayant placé la cage de facon que l’une des moitiés füt au soleil et l’autre à l'ombre , ils parurent se porter de préférence du côté non éclairé. Le plus souvent , ils se cachent sous la mousse, et font entendre un petit grognement accompagné de grincements de dents très fai- bles, en se frottant souvent le museau avec le côté radial des deux mains. Quand ils dorment, le ventre se dilate prodigieu- sement à chaque inspiration. Leur humeur n’est point belli- queuse comme celle des Lemmings , qui se battent entre eux jus- qu'à ce que mort s’ensuive. Un seul Campagnol attaqua son compagnon ; il se tenait sur son train de derrière, et mordit son adversaire au cou. Je compris qu’il voulait l'empêcher de man- ger ; quelques brins d’herbe introduits dans la cage firent cesser le combat, les deux guerriers s’élant mis à brouter de compagnie. (4) Observations sur les mœurs et les migrations des Lemmings (Revue :0olo- gique, juillet 1840). (2) Nous trouvons un exemple du même genre et non moins frappant dans une autre classe du règne animal. Le Podurelle désigné par M. Nicolet sous le nom Pesoria glacialis, et qui babite dans les fissures de la glace des glaciers, périt dès qu'on l'expose à un froid de 18° au-dessous de zéro. k 200 MARTINS. — SUR LE CAMPAGNOL DES NEIGES. Jeté dans l’eau, le Campagnol des neiges nage très bien en s’é- lancant par saccades. Genre de nourriture. — Comme l’indiquent son système den- taire et son estomac qui présente des traces de divisions de celui des Ruminants (1), l’Arvicola nivalis est purement herbivore. M. Bravais ayant voulu nourrir les premiers qu’il avait pris avec du fromage, de la viande et du lard, ils se laissèrent mourir de faim. [ls sont, au contraire , très friands de miel et d’avoine, et mangent toutes les plantes alpines, excepté les Careæ, les Lu- zula, les Arbutus, etc., dont les tiges et les feuilles sont trop coriaces. Cette circonstance nous explique pourquoi ce petit ani- mal peut vivre aux Grands-Mulets, rochers isolés au milieu des neiges du Mont-Blanc, où j’ai trouvé cependant, dans trois visites comprises entre le 28 juillet et le 2 septembre, dix-neuf plantes phanérogames (2). Celles que le Campagnol des neiges mange avidement sont : Silene acaulis, Poa alpina, Potentilla grandi- flora, Geum montanum, Gaya simpleæ, Cerastium latifolium, Trifolium pratense, Lepidium alpinum, Anthyllis vulneraria, Chrysanthemum alpinum, Gentiana campestris, G. bavarica, Arabis alpina , Campanula linifolia, C. pusilla, Saxifraga ai- zoides , Sedum atratum , et les feuilles du Cirsium spinosissi- mum. Is ont des préférences pour certaines parties de la plante, les fleurs de Geum ou de Potentilla par exemple. Rien de plus joli que de les voir couper d’un coup de dent le pédoncule de la fleur ; la saisir des deux mains comme les Écureuils , et la faire tourner rapidement en rongeant les pétales les uns après les autres. Quand ils tiennent un corps mince, tel qu’un pétiole ou un pédoncule , c’est souvent d’une seule main, en opposant leur moi- gnon de pouce aux autres doigts. Se sont-ils emparés d’une grosse (1) Voy. Ann. des Sc. nat., Zoologie, 2° série, t. XIX, pl. 5. — 1843. (2) C'étaient : Draba fladnisensis Wulff., Cardamine bellidifolia L., Silene acaulis L., Potentilla frigida Vill., Phytemna hemisphericum L., Erigeron uniflo- rus L., Pyrethrum alpinum Willd., Saxifraga bryoides L., S. groenlandica Lap., S. muscoïdes Auct., Androsace helvetica Gaud., A. pubescens DC., Gentiana verna L., Luzula spicata DC., Festuca Halleri Vil., Poa laxa Haencke, P. caesia Smith, Agrostis rupestris AIl., Carex nigra AI. MARTINS. — SUR LE CAMPAGNOL DES NEIGES. 201 racine ou d’une tige un peu forte, ils la fixent avec les deux mains rapprochées du museau. En mangeant , ils sont toujours assis sur leur train de derrière, et le corps penché en avant. Parmi les plantes préférées par notre Campagnol que nous ve- nons d’énumérer, les unes sont insipides, les autres aromatiques, quelques unes amères. Mais ce n’est pas sans surprise que les ai vus ronger avec la même avidité les racines des Ranunculus alpestris et À. glacialis qui sont d’une âcreté extrême, et l’un d’eux mangea les feuilles de sept tiges d’Æconitum napellus de 2 à 3 décimètres de haut , sans rien perdre de sa vivacité. En descendant du Faulhorn avec trois Campagnols dans une cage , j'avais emporté une provision de plantes alpines pour les nourrir ; mais lorsque je mettais simultanément dans la cage ces plantes et de la Laitue, de la Chicorée, de l’Alsine media, de la Dent de Lion , de l’Avoine , des morceaux de Pomme , ils préfé- raient ces produits de la plaine à ceux de leurs Alpes , et les deux individus qui vécurent plusieurs mois à la ménagerie du Jardin des Plantes avaient acquis, sous l'empire de ce régime , un em- bonpoint remarquable. Le beau dessin de M. Werner, qui fait partie des vélins du Muséum, représente l’animal dans cet état. Conditions d'existence. — Quand on résume toutes les circon- stances que nous venons d’énumérer, onse demande pourquoi l4r- vicola nivalis, seul de son genre, s’est ainsi multiplié dans le voi- sinage des neiges éternelles , tandis que ses congénères habitent tous la plaine, et recherchent le voisinage des champs cultivés. Ce n’est point la nécessité de se nourrir de plantes alpines qui le retient dans les hautes régions ; il préfère celles ‘de la plaine. Ce n’est point la crainte de la chaleur ; deux d’entre eux ont parfaitement vécu dans la même atmosphère que les Singes d'Amérique, et son pelage n’est pas plus fourré que celui des autres Campagnols. Serait-ce le besoin de la solitude ? mais lors- qu’on a bâti des auberges sur le Faulhorn et sur le Rothorn, ils s’y sont introduits , et ils creusent leurs terriers à quelques pas des maisons. Îls n’ont pas été attirés par les nombreux fromages qu'on fabrique dans les chalets , car ils n’y touchent jamais. Je 202 MABTINS. — SUR LE CAMPAGNOL DES NEIGES, crois que le Campagnol des neiges habite les sommets élevés des Alpes parce qu’il est plus frileux que ses congénères, et que le sol dans lequel il creuse ses terriers est plus chaud pendant l'hiver sur les montagnes que dans la plaine (1). Je n’aurais pas osé hasarder ce paradoxe, si je n'étais en mesure de prouver qu'il est également vrai pour les végétaux. Quant à l'Arvicola mivalis, je me contenterai des réflexions suivantes. En été, le sol s’échauffe relativement moins daps la plaine que sur une haute montagne. En effet, nous avons trouvé, M. Bra- vais et moi, que, sur le versant méridional du Faulhorn, à 2,675 mètres, un thermomètre , enfoncé à la profondeur de deux décimètres, se tenait en moyenne beaucoup plus haut qu’un ther- momètre suspendu librement à l’air. Dans la plaine, au con- traire, la moyenne de ce thermomètre hypogée sera inférieure à celle de l'air, comme le prouvent les nombreuses observations de M. Quetelet (2). Sur la montagne , cette chaleur du sol se con- serve pendant tout l'hiver : car, dès le commencement d’octobre, avant que la température de l’air descende au-dessous de zéro, une épaisse couche de neige recouvre les sommets. Dans le cou- rant de l'hiver, cette couche atteignant l’épaisseur de plusieurs mètres, la terre ne saurait perdre sa chaleur par rayonnement. Il n’en est pas de même dans la plaine : non seulement le sol s’é- chauffe relativement beaucoup moins pendant l’été, mais souvent il reste exposé sans défense aux premiers froids de l'hiver, soit qu'il ne tombe pas de neige , soit que les premières couches dis- paraissent sous l'influence de quelques jours de chaleur. Il en résulte que, dans la plaine, le sol gèle souvent, et les plantes her- bacées ne sont pas enterrées vivantes sous la neige, comme elles le sont sur les Alpes ; mais elles sont tuées et desséchées par le froid. Sur la montagne, un animal fouisseur a donc pour demeure en hiver un terrier plus chaud que dans la plaine, et pour nourri- ture des plantes encore vertes. Au printemps, même différence ; en plaine, presque toujours un soleil hâtif fait fondre les neiges dès le commencement de mars, et la terre reste exposée aux retours (1) Voyez plus haut, page 198. (2) Sur le climat de la Belgique, p. 76 et 200. P. GERVAIS. — MAMMIFÈRES KOSSILES, 203 de froid des mois de mars et d'avril. Sur les hautes montagnes, la neige ne disparaît totalement qu’en juin, à une époque où ces retours de froid n'ont plus lieu. D'ailleurs , dans ces régions éle- vées, dès que le thermomètre s'approche de zéro , même en été, on est sûr de voir tomber la neige , qui s’étend sur le sol comme un manteau protecteur. Si vous ajoutez à ces circonstances que, sur les hautes Alpes, ces peuplades animales n’ont point d'enne- mis, et trouvent de vastes tapis de verdure qui ne leur sont dis- putés ni par la charrue ni par les troupeaux, vous ne vous étonne- rez plus qu’elles se soient multipliées dans la zone qui s'étend entre les forêts et les neiges éternelles, tandis que les espèces congé- nères sont rares et dispersées dans la plaine, où le froid, l’homme et les animaux carnassiers, leur font une guerre acharnée, OBSERVATIONS SUR LES MAMMIFÈRES FOSSILES DU MIDI DE LA FRANCE: Par M, PAUL GERVAIS. DEUXIÈME PARTIE (1). $ vit. Sur les Mammifères voisins des Dugongs, que l’on a nommés Halitherium , Metazytherium, etc. LE. — Sur les Siréniens fossiles en général. Les mers d'Europe n’ont actuellement aucun représentant de la curieuse catégorie des Mammifères aquatiques , que l’on a nom- més Cétacés herbivores , Gravigrades aquatiques , Siréniens , etc. Les espèces peu nombreuses de ce groupe remarquable vivent dans (1) Voyez Ann. des Sc. nat., 3° série, t. V, p. 248 (1846). 204 P. GERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES la mer Rouge, la mer des Indes et le grand Océan, tels que le Dugong et le Stellère , ou dans les parties équatoriales de l'océan Atlantique. comme les Lamantins, soit sur les côtes d’Amérique, soit sur celles d'Afrique. Les Lamantins et les Dugongs sont des animaux essentiellement littoraux, et ils affectionnent les archipels abondants en récifs ou les baies dans lesquelles débouchent de grands fleuves. En quel- ques endroits, ils vivent même fort loin de la mer, soit dans des lacs, soit dans des rivières. C’est ce que plusieurs voyageurs ont constaté de la manière la plus positive en Amérique. Les mers ou les eaux saumâtres sous lesquelles se sont déposés, aux époques tertiaire moyenne et tertiaire supérieure, certains terrains actuellement à nu en Europe, possédaient aussi des Mam- mifères siréniens. C’est sur le trajet de nos grands cours d’eau actuels, mais dans des formations soulevées et par conséquent d’une autre époque que la nôtre, que l’on trouve les débris de ces animaux. Ils semblent avoir été déposés dans le sol d'autant de golfes depuis longtemps abandonnés par les eaux. Avec eux sont les restes de beaucoup d’autres animaux , les uns marins, les autres terrestres ou fluviatiles. Ce sont des os de Mastodontes, de Pachydermes ordinaires, de Ruminants, de Dauphins en gé- néral comparables à ceux qui fréquentent aujourd’hui les embou- chures des grands fleuves, et remarquables par le grand allon- gement de leur bec (i). Il y a aussi des os de Baleines et de Cachalots mêlés à ceux de ces animaux et des Siréniens; ils ont été laissés par les Cétacés qui visitaient les golfes plus habituel- lement fréquentés par les Siréniens et les Delphinorhynques. Les ossements des animaux terrestres ont été charriés par les fleuves dans ces gisements, que l’on pourrait appeler, ainsi que nous l'avons fait, des dépôts mixtes, puisqu'ils nous fournissent un mé- lange complet de Mammifères géothériens et thalassothériens. Les nombreux ossements de Siréniens que l’on y a trouvés (4) M. D'Orbigny et moi avons fait connaître et figurer dans son Voyage en Amérique (Mamm., p.30, pl. 23) une nouvelle forme de ces Dauphins du groupe des Delphinorhynques. C'est notre Stenodelphis Blainvillei. Ce Dauphin est de l'embouchure de la Plata. DU MIDI DE LA FRANCE, 205 consistent principalement en côtes, remarquables par leur nature compacte ; en vertèbres, fort semblables à celles des Dugongs ; en débris de crânes d’abord comparés par G. Cuvier à ceux des La- mantins, et en quelques autres ossements ou dents, que les na- turalistes ont quelquefois attribués , mais à tort , à des animaux différents, tels que des Hippopotames, des Morses, des Pho- ques, etc. Grâce aux travaux récents de M. de Christol et surtout de M. de Blainville (1), ainsi qu'aux fouilles actives que l'on a faites dans plusieurs parties de l’Europe, et aux publications qui en ont été la conséquence, nous connaissons mieux l’organisation des Siréniens fossiles que n'avait pu le faire G. Cuvier. Nous pouvons également rectifier la synonymie des espèces fictives, à l'admission desquelles une première et incomplète observation avait d’abord conduit. Les circonstances au milieu desquelles on rencontre les os fossiles des Siréniens d'Europe nous montrent aussi que ces animaux avaient les habitudes de leurs représen- tants actuels. Les ossements de Siréniens, lorsqu'on les a reconnus pour être ceux d’animaux de ce groupe , ont été successivement considérés comme appartenant à des animaux plus voisins des Lamantins, ou plus rapprochés, au contraire, des Dugongs. G. Cuvier a été conduit à la première de ces opinions; M. de Christol à soutenu la seconde dans un Mémoire spécial (2). Le même naturaliste et M. Marcel de Serres (3) ont aussi admis, d’après des os recueillis à Montpellier, l’ancienne existence d’un Dugong et d'un Laman- (1) Ostéographie. Genre Manatus. (2) Ann. Sc. nat., 2° série, t. IL, p. 257 (1834). (3) Halichore medius, Marcel de Serres, Cav. à ossem., 3°. édition, p. 238 (1838). — Lamantin, id. ibid., et dans le travail qu'il a publié sur la Caverne de Lunel-Viel. M. de Christol avait , de plus , admis, en 1832 (1) la présence à Montpellier du petit Hippopotame de Cuvier, d'après une mâchoire inférieure qu'il a décrite plus tard, dans les Annales des Sciences naturelles, comme de Sirénien, et cette fois avec raison. Le Dugong et le Lamantin de Montpellier ne sont aussi qu'un seul et même animal. (1) Ann. Sc. et Industrie du midi de la France, t. WW, p. 15%. Marseille, 1832. 206 P. GERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES tin dans le petit golfe où se sont déposés les sables marins de cette localité. Depuis lors, M. de Christol à jeté le plus grand jour sur l'histoire difficile de ces animaux, en rapportant le Lamantin fos- sile de Doué, décrit par G. Cuvier ; le moyen Hippopotame d’An- gers, du même äuteut ; son Hippopotame douteux de Blayé, et même son Phoque de Doté, c’est-à-dire quatre espèces fictives fondées par G. Cuvier lui-même, au même animal déjà nommé par Cuvier Lamantin fossile. M. de Christol donna dès lors à ces curieux Mammifères la dénomination d’Halichore Cuvieri : mais bientôt après il les regarda comme le type d’un genre nouveau qu'il appelle Metaxytherium (4). F. Cuvier (2), dans le rapport qu'il fit sur le premier Mémoire de M. de Christol, avait en effet indiqué la nécessité de fonder un genre à part pour le Dugong fossile. Voici comment il s’ex- primait à cet égard : « Quant aux Lamantins , les deux espèces qui nous sont bien connues ont absolument les mêmes molaires. Ainsi, pour les es- pèces de ce genre, comme pour celles du genre Dugong, il n’y a point d'exception à la règle, et M. de Christol ne doit pas craindre de la violer en considérant son animal comme le type d’un genre nouveau, et en lui imposant en conséquence le nom qu'il jugera à propos de lui donner. » C’est ce que M. de Christol fit en 18/40 , en proposant ce nom de Melaxytherium, qui à été employé depuis en France par M. Laurillard (3), par M. Marcel de Serres et par nous-même (4). Cependant ce nom générique n’est pas le premier que l’on ait imposé aux Siréniens d'Europe. M. Kaup avait, en 1838, fait connaître quelques débris de ces animaux comme indiquant deux (1) De heraËv, inter ; Op, fera . et pour rappeler que le Metaxytherium est intermédiaire au Dugong et au Lamantin. (2) Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, et Ann. Sc. nat., 2° série, t. EI, p. 288 (1834). (3) Article Meraxyraenrum du Dict. univ. d'Hist. nat., t. VIIL, p. 471. (4) Zoologie de la France, dans l'ouvrage intitulé Patria, p. 517. — Ann. Sc. nat., 3° série, t. V, p: 270. DU MIDI DE LA FRANCE. 207 genres distincts, qu'il nomme Pugmeodon et Halitherium (À) ; M. Hermann de Mayer avait créé pour des fossiles analogues le genre Halianassa (2), et M. Bruno celui de Cheirotherium (3). Le nom de Metaxytherium (4) n’a donc pas la priorité, car les genres dont il vient d’être question, loin d’être distincts du Siré- nien fossile en France, reposent sur des espèces peu ou point dif- férentes des nôtres, et leurs noms doivent par conséquent être ajoutés à la liste donnée par M. de Christol des synonymes du Lamantin ou Dugong fossile, qu'il appelle Metaxytherium. Exem- . ple remarquable des difficultés que présente la détermination des vertèbres fossiles et des erreurs inévitables auxquelles donne souvent lieu leur inscription dans les catalogues méthodiques! IT. — Des différents gisements d'Halitherium. On a cependant réuni un assez grand nombre de pièces carac- téristiques pour appuyer, jusqu’à un certain point, l'opinion qu'il y avait plusieurs espèces dans ce genre. M. de Blainville (5) a publié des détails fort circonstanciés sur ces fossiles. Aïnsi qu'il l'a fait, nous en rapporterons les diverses localités connues aux grands cours d’eau dont elles sont plus ou moins rapprochées, Ces rivières, dont il va être question, semblent toutes porter leurs eaux à la mer dans le point où vivaient autrefois ces ani- maux, ou bien traverser les anciens golfes abandonnés par celle-ci, golfes dans lesquels ont vécu les Æalitherium. Elles versent dans la mer du Nord, dans la Manche, dans l'A lantique, dans la Méditerranée, dans l’Adriatique et dans la mer Noire ; leur embouchure donne dans un golfe plus ou moins con- Sidérable, En voici l’énumération avec les noms assignés aux fos- (1) Jarbuch für mineral, (1838). — M. Fitzinger, M. Ovven (Odontography) et quelques autres naturalistes ont préféré avec raison le nom d'Halitherium à ceux qu'on a proposés depuis. (2) Ibid. (3) Mem. di Torin. 1839. (4) L'Institut , 4840, et Ann. Sc. nat., 1° série, t. XV, p. 307 (1844). (5) Ostéographie. Genres Phoque et Manatus. 208 P. GERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES siles de chaque localité par les auteurs qui ont publié des docu- ments à leur égard. 1° Bassin du Rhin ou de ses affluents : À Zurich : Halianassa Studeri, Mayer, 1839. A Rœdersdorf (Haut-Rhin) : animal voisin des Dugongs et des Lamantins, Duvernoy, 1836. A Eppelsheim, dans la Hesse : Halitherium dubium, Kaup ; Pugmeodon Schinzi, Kaup, 1838. % Bassin de la Seine : A Jeurre , près Étampes, par Guettard, etc. A Étrechy, près Étampes : Manatus Guettardi, Blainville. Dans la plaine de Lonjumeau, près Paris. A Belleville, près Paris. A Marly, près Saint-Germain. 3° Du bassin de la Loire et ses dépendances : C’estle Manatus fossilis ou Cuvieri, de Blainv.; Halichore Cu- vieri, de Christ., partim ; Metaxæytherium Cordieri, de Christol. Dans les faluns de la Touraine. A Doué : Manatus fossilis, G. Cuvier. À Angers : Hippopotamus medius, G. Cuvier, d’après un frag- ment de mâchoire inférieure ; Trichecus, G. Cuvier, d’après une côte; Phoca fossilis, G. Cuvier, d’après un humérus. Auprès de Rennes. 4° Du bassin de la Gironde : Dans quelques localités des environs de Bordeaux, dont M. Pe- droni donne l'indication dans les Actes de la Société linnéenne de cette ville, pour 1845. Il en rapporte les ossements à deux es- pèces : Manatus fossilis et Manatus Guettardi, dont chacune, d’après ce que nous a dit notre collègue M. Raulin, professeur à la Faculté de Bordeaux, caractériserait un des étages des forma- tions tertiaires marines du bassin girondin. C’est aussi l'opinion de M. Pedroni, DU MIDI DE LA FRANCE, 209 À Blaye : Hippopolamus dubius , G. Guvier, d’après quelques dents. À Dax. 5° Du bassin du Rhône : A Saint-Paul-Trois-Châteaux, dans le département de la Drôme. A Beaucaire, dans le calcaire grossier pliocène ou la mollasse à moellon : Metaxæytherium Beaumontii, de Christol. A Montpellier, dans les sables marins : Manatus et Halichore, de Christ. et Marcel de Serres; Æippopotamus minor, de Christ., non Cuvier ; Halichore medius, Marcel de Serres; Metaxytherium Cuvieri, de Christ. ; Melaxytherium , P. Gerv. et Marcel de Serres , 1845. A Saint-Jean-de-Védas, près Montpellier, dans un calcaire analogue à celui de Beaucaire. A Pézénas, débris rares, d’après M. de Christol, 6° Du bassin du P6 : Des collines du Mont-Ferrat : Cheirotherium Brocchii, Bruno ; Manatus Brocchit, Blainv. 7° Du bassin du Danube : A Linz, en Autriche : Jalitherium Christolii, Fitzinger. On a également cité des débris de Siréniens : à Prague, sur le cours de l’Elbe; dans la vallée de Bouik, versant au Dniester, à 37 lieues de la mer Noire, et même en Égypte, sur le cours du Nil. Les deux dernières indications sont dues à M. de Blainville. Il est digne de remarque que tous les gisements connus de Siré- niens, animaux que M. de Blainville nomme Gravigrades aqua- tiques , et qu’il considère comme une famille du même ordre que les Proboscidiens ou ses gravigrades terrestres, il est à remar- quer, disons-nous, que ces animaux appartiennent à la fin des ter- rains miocènes et à la mer pliocène, comme les Proboscidiens fos- siles sont aussi des terrains miocènes ou pliocènes. Aucun d’eux n’a encore été fourni par les terrains de l'époque éocène. Ge fait 3° série. Zooz. T. VIE. ( Octobre 4847.) 2 14 20 P. GERVAIS. —- MAMMIFÈRES FOSSILES acquiert un nouvel intérêl si l’on se rappelle que l'absence ‘des Gravigrades terrestres ou des Proboscidiens est aussi l’un des caractères des terrains éocènes. Dans la nature actuelle, les Pro- boscidiens n’ont, comme les Siréniens, qu'un petit nombre de représentants. L'Angleterre , l'Espagne et les parties du continent européen situées au nord de la France, de l’Autriche et de la Confédération germanique n’ont point encore montré de débris fossiles de Siré- niens. Sans accepter comme positives toutes les espèces du genre Ha- litherium qui ont été signalées jusqu'ici, nous croyons devoir ad- mettre, avec M. de Blainville, qu’il en a existé plusieurs. Celles de France et d'Italie, que l’on a nommées Fossilis ou Cordieri , c’est-à-dire l'espèce de la Loire ; Guettardi ou celle d'Étrichy, et Brocchi ou celle du Pô, nous paraissent surtout devoir être dis- tinguées comme telles. Nous avons vu que M. de Christol admet- tait aussi comme différente des autres celle de Montpellier (Wet. Cuvieri, Christol, non auctorum), et celle de Beaucaire (Mer. Beaumonti, de Christ. ). On a aussi conservé comme espèce dis- tincte celle de Blaye (Hippopotamus dubius Cuvier) ; mais il nous semble que cette dernière, sans parler de plusieurs autres encore, ne pouvait être admise comme différente de celle dite de Guet- tard qu'après un examen comparatif plus complet , et qu’on n’a- vait pas encore élé à même de faire. Nous croyons devoir rendre aux Siréniens fossiles leur pre- mier nom d’'Halitherium. EL. — Sur un crâne de l'Halitherium de Montpellier. Les travaux de G. Cuvier, ceux de M. de Christol, et surtout ceux de M. de Blainville, ont bien fait connaître les caractères ostéologiques de ces races et espèces éteintes dont on a fait le genre Halitherium. Quelques particularités de leur système den- taire, qui les rapprochent ou les éloignent, à divers égards, des Dugongs et des Lamantins vivants ; la forme de leurs vertè- bres; la structure et le nombre de leurs côtes; leurs membres DU MIDI DE LA FRANGE 211 antérieurs ont été également décrits avec soin. On sait aussi que leurs dents, quoique très analogues à celles des Dugongs par la formule, paraissent avoir une certaine analogie avec celles des Lamantins par leur forme, Cependant il reste encore beaucoup de notions à recueillir à l'égard des Halitherium. Deux points nous occuperont de préférence dans ce chapitre : ainsi le crâne n'était encore connu que d’une manière insuffisante, bien que Von sût, dépuis les recherches de MM. de Christol et de Blain- ville, qu'il a une bien plus grande ressemblance avec celui des Dugongs que ne le supposait G. Cuvier ; d'autre part, il était également à désirer que leur système dentaire fût examiné de nouveau, principalement dans sa partie incisive. L'étude que nous avons pu faire d'un crâne presque complet de l’Halithe- rèum où Metaæytherium de Montpellier et de quelques pièces de la même portion du squelette provenant de divers individus, nous permettra d'ajouter, sous ce double rapport, aux notions déjà introduites dans la science, quelques faits qui nous ont paru intéressants, Ils achèveront, ce nous semble , de faire connaître les affinités zoologiques de ces animaux, et permettront de mieux caractériser l'espèce enfouie dans le terrain pliocène du dépar- tement de l'Hérault. Ainsi que l'ont admis MM. de Christol et de Blainville, et comme nous l’avons déjà rappelé dans ce Mémoire, le crâne des Halitherium ressemble bien plus à celui du Dugong qu'à la têté osseuse du Lamantin. Sans la particularité de forme , plutôt que de formule, qui caractérise leurs dents, il serait difficile de les distinguer génériquement du premier de ces animaux. Un crâne du Sirénien fossile de Montpellier que nous nous sommes procuré en 1847, et que nous avons déposé dans la riche collection paléontologique du Muséum de Paris, démontre d'une manière irrévocable toutes les affinités de cet animal avec le Dugong. Cette tête, qu’on nous a apportée brisée en un nombre considérable de morceaux, mais dont, avec de la patience, nous avons réussi à réunir les divers fragments les uns aux autres, est presque entière; la vertèbre occipitale est à peu près la seule pièce qui lui manque. Quelques os cräniens provenant d’indivi- 2192 P. GERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES dus différents, et que nous avons pour la plupart représentés dans nos planches, nous permettront de compléter la description du crâne par l’inspection de toutes ses parties. Le dessus de ce crâne ressemble beaucoup pour la forme à celui du Dugong ; mais il est évidemment plus allongé , et cepen- dant il est assez large entre les crêtes sagittales. Sa taille était à peu près la même que chez le Dugong. Le caractère de l'étroitesse de la face supérieure existe à un plus haut degré dans les portions de crânes recueillies sur le cours de la Loire; il avait empêché Cuvier de réunir l'espèce observée par lui aux Dugongs. Cuvier avait cru y reconnaître un animal plus voisin des Lamantins. L’'Halitherium de Montpellier a les crêtes temporales moins distantes entre elles que celui des bords du Pà , nommé Cheiro- therium ; de plus, le dessus de son crâne a une longueur propor- tionnellement plus considérable. On remarque cependant entre des Dugongs de même espèce, mais d'âge très différent , des dis- semblances à peu près aussi considérables. L'ouverture nasale a exactement la même forme, à part le développement considérable des os propres du nez, os qui manquent chez les Dugongs. Les os intermaxillaires ont le même développement ainsi que la mème direction. Ce caractère est important , car on ne ie retrouve dans aucun autre groupe d'animaux. La face inférieure du crâne de l’'Halitherium est aussi fort analogue à ce que l’on voit chez le Dugong ; les cavités sensoriales ou musculaires, ainsi que les arcades zygomatiques , ne présentent non plus que des différences tout à fait secondaires , et dont la valeur paraît plutôt spécifique que générique. Les crânes de ces deux genres d’animaux ont donc la plus grande analogie entre eux, et si quelques autres diffé- rences ne nous venaient en aide, il serait difficile de voir dans les Halitherium et les Dugongs autre chose que des espèces d’un seul et même genre ; c’est ce que va nous démontrer une analyse détaillée de ces parties. Nous commencerons par la vertèbre occipitale la description de l’alitherium. Cette vertèbre se détache facilement du reste du crâne, soit par fracture du basilaire et de l’occipital supérieur chez les individus adultes , soit, dans le jeune âge, par la ma- DU MIDI DÉ LA FRANCE, 215 nière lâche dont elle s'articule avec la vertèbre sphéno-pariétale. Le trou rachidien est ample comme chez le Dugong, et les autres perforations , ainsi que l'insertion des pièces de l’oreille, ont la même position que dans ce genre. A l’étranglement du basilaire succède pareillement une gibbo- sité au point de son ankylose avec le sphénoïde ; celui-ci diffère à peine du sphénoïde des Dugongs. La surface externe de l’occipital supérieur est en plan sub- vertical dans le fossile, avec des saillies osseuses d'insertion musculaire ; elle est intimement soudée au pariétal, qui est unique ; à leur point de jonction est la crête occipitale , limitant carrément en arrière la surface supérieure du crâne. L’os parié- tal est presque d’un tiers plus long que dans le Dugong et le Cheirotherium ; il est bordé bilatéralement par les crêtes tempo- rales, et sa surface est plus large que dans les Æalitherium de la Loire, ce que nous avons pu constater sur quatre exemplaires différents. Cette largeur est sensiblement la même. dans les dessus de crânes provenant de la même localité : elle est à peu près de 0,070 en arrière, et au milieu de 0,055. L’articu- lation du pariétal avec les frontaux qui restent doubles se fait comme à l’ordinaire par une suture dentée, irrégulièrement curviligne, empiétant sur la surface du pariétal. L’os zygomatique est conformé comme celui du Dugong ; il diffère autant que chez ce dernier de celui, tout à fait caractéristique , des Lamantins ; peut-être est-il même un peu moins fort que dans le Dugong ; il en est ainsi de l’apophyse zygomatique du temporal et du tem- poral lui-même. L’articulation de l’os zygomatique avec les apo- physes temporale et maxillaire a également lieu par simple con- tact. Le trou sous-orbitaire est un peu moins largement ouvert que celui du Dugong, mais il a la même disposition générale. Ainsi que nous l’avons déjà dit, l’ouverture nasale est ample, et placée à la face supérieure de la tête, comme chez les autres Siréniens (1) ; c’est une grande fosse ovalaire , longue de 0,10, (1) Le Toxodon, dont nous parlerons plus loin, est aussi dans ce cas. M. Owen dit, en parlant de la cavité nasale de cet animal : « Les os qui la constituent 914 P. GERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES et large de 0,055. Son ouverture est limitée à son bord postérieur par les os propres du nez, bilatéralement par la branche montante du maxillaire et par celle des os incisifs, et en avant par les os incisifs dans leur portion symphysaire supérieure. Son plancher, en avant des trous olfactifs et de leur communication avec la fosse zygomatique, est constitué par le vomer et les os maxil- laires. Le cercle orbitaire était ouvert en arrière et incomplet comme dans le Dugong. Cette particularité, que l’on retrouve à un moin- dre degré, il est vrai, dans les Lamantins d'Amérique , n'existe plus chez l'espèce du Sénégal ; celle-ci a le cercle complet. Les os propres du nez, que M. de Blainville dit être « fort pe- tits, à peine distincts, et semblant la continuation du frontal, » dans le Manatus Broechii (4), et qui paraissent , dans le Dugong et les Lamantins (2), se confondre, d’après M. de Blainville, avec le bord antérieur des frontaux , sont bien distincts au con- traire , et même assez grands dans la tête que nous décrivons. Ils ont 0,040 de long sur 0,055 de largeur transversale pour les deux , chacun mesurant séparément environ 0,027 dans ce sens. Is s’articulent avec les frontaux par leur partie postérieure , dont le contour est parabolique ; latéralement en dehors, ils s’appli- quent contre la partie orbitaire des mêmes os , au point où elle continue la crête pariétale, pour aller se joindre à la masse sus- orbitaire, qui est ici bien plus développée que dans le Dugong , et même que dans le Lamantin. A leur bord antérieur , les os du nez ont une petite saillie angulaire qui forme le bord postérieur de l'ouverture nasale, comme le fait chez le Dugong , qui a le dessus du crâne plus court, le bord antérieur du frontal lui-même ; » circonscrivent une grande ouverture ovale, dont le plan est dirigé en dessus et » un peu en avant, comme dans les Cétacés herbivores et en particulier dans le » Lamantin. » (1) Peut: être avaient-ils été perdus ; ce qui pourrait être aussi le cas des Dugongs. (2) 11 y en a un très petit dans un des Lamantins rapportés du Sénégal et figurés par M. de Blainville. Sa forme était celle d'une olive allongée irrégulie- rement. DU MIDI DE LA FRANCE. 9215 enfin ces os nasaux sont en rapport l’un avec l’autre par leur bord interne. + Les intermaxillaires ou incisifs, qui bordent, par leurs apo- physes fronto-maxillaires , la fosse olfactive , sont très développés dans leur portion symphysaire , qui est rostriforme , et qui res- semble d’une manière à peu près complète aux mêmes os chez les Dugongs. Cette partie est de même prismatique, formant un angle obtus, presque droit , avec le plan supérieur du crâne, un peu excavée à sa face buccale, et en voûte obtuse à la face opposée ou palatine. La plus grande largeur de leur face infé- rieure égale 0,065. Ils continuent inférieurement la face pa- latine, mais avec plus de largeur, et leurs trous incisifs sont un peu plus largement ouverts que ceux du Dugong. Les al- véoles des défenses occupent dans les incisifs la même place que celles du Dugong ; mais elles ne remontent pas aussi haut dans le corps de ces os. Leur cavité mesure 0,060 en hauteur dans ceux de l’exemplaire que nous avons fait figurer, et dont la cavité était vide, tandis que dans notre crâne entier leur cavité est occupée par les défenses elles-mêmes. Le palais est très étranglé dans l’espace placé en arrière de l'élargissement imcisif, et en avant des os malaires, c’est-à-dire vers l'endroit où nais- sent les apophyses zygomatiques du maxillaire. Sa largeur y est de 0,020 tout au plus. Il est un peu moins étroit entre les molaires. L'échancrure palatine postérieure est plus étroite aussi, mais plus longue, que celle du Dugong ou des Lamantins ; le palais est surtout plus étroit que chez ce dernier. Dans une Note que M. Marcel de Serres et moi avons publiée sur les Fossiles des sables marins de Montpellier, nous avons déjà décrit (1) la mâchoire inférieure du genre Halitherium. MM. de Christol et de Blainville en avaient également parlé; . aussi nous paraît-il inutile d’y revenir ici, si ce n’est pour rap- peler son extrême ressemblance avec celle du Dugong. La forme du crâne et celle de la mandibule est donc presque complétement la même que dansle genre vivant , dont nous avons dû répéter si souvent le nom. (1) Ann. Sc. nat, 3° série, L. V, p. 271. 216 PF. GERVAIS. —- MAMMIFÈRES FOSSILES IV. — Sur les dents des Halitherium. M. de Christol et M. de Blainville ont décrit la forme des dents molaires de notre animal fossile ; et nous n’ajouterons guère à ce qu'ils en ont dit qu’un mot sur la formule dentaire. Notre crâne a trois molaires en place de chaque côté de la mà- choire supérieure, comme celui de M. Bruno, et de plus les al- véoles de deux autres paires de molaires qui n’ont pas été con- servées par la fossilisation. Une voûte palatine et maxillaire (1°) de la même espèce, appar- tenant à la collection de M. Marcel de Serres, mais provenant d’un individu plus vieux que le crâne que nous avons décrit, n’a plus que deux paires de molaires en place ; elle montre seulement en avant les alvéoles de deux autres paires de dents molaires; les alvéoles de la paire la plus antérieure avaient disparu. Il y avait donc dans la série des âges, et peut-être simulta- nément lorsque l’état adulte commencait, cinq paires de dents molaires. Il faut remarquer que ce nombre est aussi celui qui caractérise les jeunes Dugongs. La forme des trois paires anté- rieures des dents molaires est encore inconnue. La mandibule, que nous connaissons en nature d’après divers fragments, ne porte, dans les morceaux que nous avons sous les yeux , que les deux arrière-molaires et les alvéoles des deux dents, également molaires, qui les précédaient. M. de Christol a figuré une mandibule qui montrait trois de ces dents encore en place et l’alvéole d'unè quatrième. M. de Blainville a constaté, par les dents en place ou les alvéoles vides de l’Æalitherium de Guettard , recueilli à Etrichy, cinq paires de molaires. Ainsi c’est encore le même nombre de dents molaires inférieures que chez les Dugongs. Voilà donc une nouvelle et importante affinité entre les Siréniens fossiles et leurs représentants actuels dans (1) Zoologie française, pl. 5, fig. 1. — Il y en a maintenant des modèles au Muséum de Paris, ainsi que pour un assez grand nombre d’autres fossiles re- marquables du département de l'Hérault, que nous avons communiqués à M. de Blainville pour être moulés. DU MIDI DÉ LA FRANCE, 217 la mer des Indes: c’est la similitude de la formule dentaire, du moins pour les molaires. Il est vrai que la forme de ces dents différait un peu : celles des Halitherium ont en effet l’émail de la couronne disposé inférieurement en collines transverses et supé- rieurement en mamelons qui rappellent assez bien certaines dents de Mastodontes. Les racines de ces dents sont plus différentes encore, et elles fournissent le meilleur caractère générique par le- quel on pourraséparer les Halitherium des Halichores ou Dugongs. Celles de la mâchoire supérieure, sauf très probablement la pre- mière, ont trois fortes racines, et les inférieures en ont deux, tandis que la racine est indivise chez les Dugongs aux deux mà- choires (1). Les dents des Halitherium ont de l’analogie avec celles des Lamantins par la forme et le nombre de leurs racines. Le nombre des dents est, au contraire, fort différent chez les Hali- therium et les Lamantins comparés. Les dents de la région incisive soñt, au contraire , très semblables chez les deux genres Halithe- rium et Dugong. Les os incisifs de l’animal fossile logent aussi deux fortes inci- sives en défenses, cachées par l’alvéole, comme celles des Du- gongs , dans la plus grande partie de leur étendue. Leur portion exserte n’a que trois ou quatre centimètres ; elle est, comme c’est l'habitude chez les Dugongs, en cône un peu apointi. Celles de notre crâne sont en place; leur bout n’était pas encore entamé. On sait maintenant que le Dugong a aussi des dents incisives inférieures, et que chacune des cavités alvéoliformes du plan an- térieur de sa symphyse mandibulaire , loge, sous la plaque cornée qui en recouvre la surface, une dent grêle et aiguë. Ces dents, que l’on ne possède pas encore toutes, et qui manquent constamment aux vieux crânes de nos collections, ne nous sont pas connues en nature chez les Æalitherium. Mais la mâchoire inférieure de ceux-ci montre les mêmes alvéoles sur la même partie de la région symphysaire que celle du Dugong. On y voit même cinq paires de ces alvéoles au lieu de quatre, et l’on doit admettre par con- séquent cinq paires des petites dents. (1) Les dents des Dugongs n'ont pas la même forme que celles des Toxodons ; mais elles sont, comme elles, sans racines distinctes. MAMMIFÈRES FOSSILES 218 P. GERVAIS. V. — Remarques sur le genre Toxodon. Nous ajouterons à ce Mémoire quelques remarques sur les af- finités naturelles qui nous paraissent exister entre les Siréniens (plus particulièrement les Dugongs) et le genre remarquable de fossiles sud - américains auquel M. Richard Owen a donné le nom de Toxodon. Depuis assez longtemps nous avions été conduit à comparer entre elles les dents incisives inférieures si peu développées des Dugongs et celles que le ‘Toxodon présente à la même place sur la mâchoire inférieure, mais qui ont, dans cet animal, un développement considérable. L'Halitherium, le Dugong et le Toxodon sont les seuls Mam- mifères qui aient des dents ainsi implantées : il y en a trois paires chez le Toxodon , quatre chez le Dugong, et cinq dans le genre Halitherium. Celles des Toxodons , qui sont les moins nombreu- ses, sont aussi les plus fortes (4). Le Toxodon, il est vrai, montre deux paires d’incisives supérieures, et les animaux auxquels nous le comparons ici n’en ont qu'une. L'une des alvéoles qui ont fait admettre ces deux paires d’incisives ne serait-elle pas l’al- véole de la défense de lait, et l'autre ou l’externe, celle de la se- conde dentition ? On voit quelque chose d'analogue , à un certain âge, chez les Dugongs. D'ailleurs la présence réelle de deux pai- res d’incisives supérieures ne serait pas une raison pour éloigner le Toxodon des Siréniens (2) auxquels il ressemble sous tant d’au- tres rapports, … Le Toxodon a sept paires de molaires, et ces molaires sont sans racines distinctes, comme celles des Dugongs. Il serait cu- (1) On sait que les Gravigrades terrestres ont, dans beaucoup de cas, une paire d'incisives inférieures. Le Dinotherium , qui a bien quelques uns des carac- tères des Siréniens dans l'ostéologie de son crâne, avait ces deux dents au maxi- mum de développement. C'était le Proboscidien le plus rapproché des Siréniens: (2) On doit regretter de ne point connaître encore les incisives supérieures du Dinotherium ; elles pourraient peut-être fournir, pour la question que nous trai- tons ici, d'utiles renseignements. DU MIDI DE LA FRANCE, 219 rieux de comparer leur structure à celle des molaires de ces ani- maux. Les molaires supérieures du Toxodon sont séparées des incisives par un espace vide , et la direction de celles-ci rappelle une particularité distinctive des Dugongs. Le crâne lui même du Toxodon, quoique plus long que chez le Dugong et les Lamantins et différant génériquement de celui des uns et des autres, a cependant de nombreuses analogies avec celui de ces animaux, et M. Owen indique sous ce rapport divers points de ressemblance très remarquables dans le travail qu'il a publié sur le Toxodon (1), On se les démontrera facilement en com- parant, ainsi que nous l’avons fait plusieurs fois, avec une tête de Lamantin, et mieux encore de Dugong, les excellentes figures que M. Owen a publiées. Ces figures représentent le très beau crâne de Toxodon que l’on conserve au Collége des Chirurgiens à Londres, où nous avons pu le voir. Plusieurs des particularités qui distinguent le crâne du Toxodon et celles qui caractérisent le système dentaire manquent aux Pachydermes, etc. Nous croyons donc que c’est avec les Siréniens qu’il faut placer le Toxodon. En le mettant avec ces animaux , on explique ses rapports avec les Pachydermes, les Édentés et les Rongeurs, puisque le Du- gong lui-même nous en montre de semblables. La formule dentaire de ces remarquables fossiles était celle-ci: ? molaires, ? canines * incisives. Ces animaux paraissent avoir été moins aquatiques que les autres Siréniens, et l’on ne saurait encore assurer s'ils avaient quatre pieds ou deux seulement ; mais l’on doit se rappeler à cet égard que le même doute a été émis à propos des Dinotherium d'Europe. (1) Voyage du vaisseau anglais le Beagle, volume des Mammifères fossiles. — Ce travail a été reproduit , ainsi que les figures qui l'accompagnent, dans les An- nales des Sciences naturelles, 2° série, L. IX, p. 25, pl. 2 et 3, sous le titre suivant : « Description du crâne du Toxodon platensis, grand Mammifère perdu, que l'on doit rapporter à l'ordre des Pachydermes, mais qui offre en m ‘me temps des affinités avec les Rongeurs, les Édentés et les Cétacés herbivores. » 2920 P. GERVAIS. -- MAMMIFÈRES FOSSILES RÉSUMÉ. Pour formuler les observations et les opinions que nous avons consignées dans ce Mémoire, nous dirons : 1° Que tout, dans le crâne, dans la formule dentaire, aussi bien que dans le squelette des membres, du tronc et de la queue, démontre qu’il existe la plus grande analogie entre les Halithe- rium, fossiles en Europe, et le Dugong vivant dans la mer Rouge et dans l'Océan indien ; 2° Que les animaux que l’on a nommés Pugmeodon, Halia- nassa , Halichore fossile, Manatus fossile, Cheirotherium, Me- taxytherium, et quelques autres encore, sont des animaux d’un seul et même genre; 9° Que ce genre doit reprendre le nom d’Æalitherium que lui avait donné M. Kaup et que plusieurs auteurs ont même accepté. L° Que les Halitherium étaient, comme le sont les Dugongs, des mammifères thalassothériens de l’ordre des Sireniæ d’Illiger, ordre qui répond à la famille des Cétacés herbivores de G: Gu- vier et aux Gravigrades aquatiques de M. de Blainville. 5° Qu'ils doivent être réunis aux Halichoride ou Dagongs, dans la famille desquels ils forment un genre distinct, et non aux Manatide. 6° Que les caractères génériques des Jalitherium , c’est-à-dire ceux par lesquels ils se distinguent des Dugongs, sont les suivants : Dents molaires * comme chez ces animaux, mais à tubercules mastodontiformes beaucoup plus développés et plus persistants ; les postérieures à deux collines , avec un talon plus considérable aux inférieures, qui ont deux racines seulement, qu'aux supérieu- res, qui ont trois racines ; une paire d’incisives supérieures en dé- fenses, comme chez les Dugongs, et inférieurement cinq paires d’alvéoles mentonnières, au lieu de quatre. Ce qui donne la formule suivante : molaires ©, canines ?, in- cisives #. 7° Qu'il y avait évidemment, comme on l’a admis, plusieurs espèces européennes du genre Halitherium, quoique leurs carac- tères distinctifs n’aient encore pu être indiqués que d’une manière incomplète. DU MIDI DE LA FRANCE. 991 8° Que l’espèce d'Haliterium dont les ossements sont ensevelis dans les sables marins de Montpellier (Halichore medius, Marcel de Serres, Halichore Cuvieri, de Christol, partim, Metaxytherium Cuvieri , id. in Blainv.) différait très probablement de celle de la Loire (Halith. fossilis ou Cuvieri des auteurs), de celui de la Seine (H. Guettardi) décrit par M. Blainville, et de celui du Pô (Hali- therium Brocchi), connu par ce qu’en ont dit MM. Bruno et de Blainville. 9° Que l'espèce fossile à Montpellier devant prendre un autre nom que celui de Cuvieri, qui appartient plus spécialement à l'animal de la Loire, nous l’appellerons Æ. Serresii, du nom de M. Marcel de Serres, qui a publié un grand nombre de travaux relatifs à l’histoire naturelle du midi de la France. 10° Queles Halichoridæ et les Manatidæ ne sont pas les seuls mammifères que l’on doive rapporter à l’ordre des Siréniens , et que le T'oxodon, animal fossile dans l'Amérique méridionale, ap- partient aussi à ce groupe par son système dentaire et par la forme de son crâne. 11° Que le Toxodon formera parmi les Siréniens une nouvelle famille sous le nom de Toxodontidæ , laquelle est plus voisine des Halichoridæ que des Manatidæ. 12° Que les Toxodontidæ paraissent devoir prendre place à la tête des Siréniens, tandis que les Dinotherium, qu'on avait éga- lement rapportés au même groupe qu'eux, semblent former le dernier genre de la série des Gravigrades Proboscidiens. $ vu. Sur un Bouquetin fossile dans les cavernes, et sur quelques autres Ruminants. Les ossements fossiles qui appartiennent à des Ruminants voi- sins de nos Chèvres et de nos Moutons sont encore très rares dans les collections , et ils sont pour la plupart si incomplétement con- servés et si peu connus qu’on a, dans plusieurs cas , de l’incerti- tude sur leur véritable genre ; quelques uns même n’ont pu être distingués suffisamment de ceux des Antilopes, Occupé depuis quelque temps de l’étude des Vertébrés fossiles que l’on trouve enfouis dans les formations tertiaires et dilu- 9299 P. GERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES viennes du midi de la France, j'ai dû nécessairement accorder une. attention toute particulière aux Ruminants du groupe que je viens de signaler, En effet, il ne serait pas sans intérêt d’en com- parer les espèces avec celies, en petit nombre, qui ont résisté à la destruction dans nos contrées, ou aux espèces plus multipliées et distinctes de celles-là qui constituent nos animaux domestiques. Nous ne connaissons dans les terrains tertiaires, du moins dans ceux du Languedoc et de la Provence , aucun débris osseux qui puisse être rapporté sûrement aux genres Chèvre ou Mouton. Ainsi que nous nous en sommes assuré, le prétendu Mouton ter- tiaire de Gucuron est une Antilope (1), et la Chèvre indiquée dans les sables marins de Montpellier n’a pu être démontrée. M. Pomel (2) cité sous le nom de Capra Rozeti un Bouc fossile à Malbattu, près d’Issoire, en Auvergne ; il l’a reconnu d’après quatre dents molaires encore en place sur un fragment très mutilé de maxillaire ; il indique aussi (3), mais sans les décrire , deux espèces de Chèvres fossiles dans le Pliocène d'Auvergne , ét une Antilope ou Chèvre des terrains supérieurs de la même province. Une de ces deux Ghèvres du Pliocène est sans doute le Capra Rozeti, dont M. Bravard nous a donné un modèle en plâtre. Nous avons également signalé le genre Capra parmi les fossiles des terrains supérieurs d'Auvergne. La collection de l'abbé Croizet possède, en effet, une faible portion de crâne avec un reste de cornes qui indique un animal voisin des Bouquetins. Nous avons encore si- (1) Cette espèce, qui a été indiquée parmi les fossiles du dépôt tertiaire supé- rieur d'eau douce de Cucuron, par M. de Christol, et dont nous avons nous- même parlé dans le tome V de ces Annales, p. 261, est une Antilope et non un Mouton. C’est ce que nous a récemment démontré la structure pleine de ses cornes. La taille de cette espèce était à peu près celle de la Gazelle ( Antilope Dorcas), et ses cornes paraissent avoir eu la même force et probablement aussi la même forme que celles de la Gazelle mâle. Des dents dont la grosseur paraît propor- tionnée à la taille de l'Antilope dont ces cornes proviennent, sont assez communes dans le même gisement. Ce sont des molaires, évidemment celles d'un Ruminant, et ayant, comme celles de l'Antilope Christolii, des colounettes d'émail. Nous avons donné à l'Antilope inconnue dans la nature vivante, dont les restes sont enfouis à Cucuron avec ceux de l'Hyæna hipparionum , de l'Hipparion où Hippotherium , et de quelques animaux dont nous avons déjà parlé, le nom d'Antilope deperdita. (2) Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, t. XIX, p. 225 (1844). (3) Bull. de lu Soc. géologique de France, 1844. DU MIDI DE LA FRANCE, 293 gnalé, quoique avec quelque doute, le Bouquetin (Capra ægagrus ou C. ibeæ), d’après des os recueillis dans ure caverne du départe- ment de l'Isère, par M. Charvet, professeur à la Faculté des Sciences de Grenoble (4). Nous avons, au contraire , la certitude que le genre Bouquetin, et non celui des Moutons où même des Chèvres, a laissé des débris fossiles parmi ceux qu’on a trouvés enfouis dans la caverne de Mialet, à quelque distance d'Anduze et d’Alais, dans le dé- partement du Gard (2). Ces ossements du Bouquetin de Mialet devront être soigneuse- ment comparés à ceux que M. Charvet et M. Croizet ont recueillis, Plusieurs sont assez bien conservés, et la comparaison que j'en ai faite avec des os en nature ou figurés du Bouquetin des Pyré- nées, de la Chèvre, de l'Ægagre, du Mouflon et du Mouton, ainsi qu'avec ceux dediverses Antilopes, m'a montré qu’ils appar- tenaient bien au genre du premier de ces animaux , et qu'ils dif- féraient des mêmes parties chez la Chèvre, et surtout chez le Mouton et les Antilopes. La forme du crâne , la direction , la coupe et l'épaisseur des cornes, les phalanges, tout, en un mot, démontre qu'ils provien- nent d’un Bouquetin (3). Je n’ose pas même affirmer que l’espèce à laquelle ils ont appartenu différait de celles qui vivent aujour- d'hui en Europe , et plus particulièrement dans les Pyrénées ét dans les Alpes. On sait combien les exemplaires empaillés, et à plus forte raison les squelettes de ces animaux , sont encore rares dans les Musées ; aussi quelques éléments de comparaison nous manquent encore pour décider cette question. Nous proposerons, en attendant que cette comparaison ait pu avoir lieu (4), de désigner le Bouquetin fossile sous lé nom d’Jbex (4) Zoologie de Patria. p. 545 et 516.— Nous aurons plus tard l'occasion de revenir sur ces ossements. (2) Voir dans Marcel de Serres, Cavernes à ossements, 3* édit., p. 449, la des- cription de cette caverne. (3) Le sous genre des Bouquetins doit être distingué de celui des Chèvres, et si l’on laisse à ce dernier le nom de Capra, on pourra donner aux Bouquetins celui d'Ibex. (4) De nouvelles recherches ont montré que le Bouquetin des Alpes, celui des Pyrénées et celui de la Sierra-Nevada constituent autant d'espèces différentes. 929/ P. GERVAIS ET MARCEL DE SERRES. Cebennarum, et nous publierons la figure des principales pièces que nous en possédons, en même temps que celles des autres fos- siles dont il est question dans nos différents Mémoires. Les ossements de notre /beæ des Cévennes ont été recueil- lis, il ya une quinzaine d'années, avec des débris d'Ursus spelæus , de Felis de la taille des Panthères , d'Æyæna spelæa , et de quelques autres animaux mammifères, tous de la faune des cavernes diluviennes de l’Europe centrale. Ges ossements, d’après lesquels le genre Antilope avait été indiqué parmi les fossiles de la caverne de Mialet, appartiennent à la collection de la Faculté des Sciences de Montpellier. Les débris fossiles des petits Ruminants à cornes creuses trou- vés dans les autres localités ont été, comme ceux d'Auvergne, attribués au genre Capra, sans qu’on ait fait de distinction entre les Bouquetins et les Chèvres, ou bien au genre Mouton. Quel- quefois on est resté indécis entre les différents sous-genres. Ceux de Gaylenreuth, Liége, Plymouth, Caunes près Carcas- sonne, Pondres près Sommières, Villefranche, Nice, Cette, etc., sont principalement dans ce cas. Nous n'en avons vu aucun. Les auteurs (1) de la description des ossements recueillis à Lunel-Viel ont cité, d’après l'inspection d’un canon , l’Ovis tra- gelaphus , comme fossile dans cette caverne. Cet os est, en effet, du genre Ovis, et sa forme ne diffère qu’assez peu de son ana- logue dans le Mouton domestique ordinaire. Il y a donc parmi les animaux si curieux de Lunel-Viel une espèce du genre Ovis. $ 1x. Nouvelles Observations sur les Mammifères dont on trouve les restes fossiles dans les sables marins de Montpellier (2); Par MM. PAUL GERVAIS et MARCEL DE SERRES. Depuis que les observations de M. de Christol, celles de M. de Blainville et les nôtres ont prouvé que les Rhinocéros, dont les (1) MM. Marcel de Serres, Dubrueil et Jeanjean. (2) La première partie de ce travail a paru dans ces Annales, 3° série, L. V, MAMMIFÈRES FOSSILES DE MONTPELLIER. ‘995 restes ont été enfouis dans les sables des environs de Montpellier, diffèrent spécifiquement de ceux des terrains miocènes (Rhinoce- ros incisivus) et de ceux du diluvium (Æhinoceros tichorhinus), l'étude des Mammifères contemporains de cette grande espèce de Pachydermes à acquis un nouvel intérêt, Déjà nous avons démontré, dans une première notice, que le Proboscidien de ces sables, appelé par nous Mastodon brevirostre, différait aussi de ceux des époques géologiques antérieure et pos- térieure à celle qu’il caractérise, et qu’il en était de même de quelques autres Mammifères. Les nouvelles recherches que nous avons faites nous ont fourni plusieurs remarques de même genre que celles que nous venons de rappeler. En voici l’énumération : 1° Une canine supérieure, recueillie dans nos environs, à cer- tainement appartenu à une grande espèce de Chat (genre Felis), de taille égale à celle du Lion et du Tigre. Elle approche surtout par sa forme de celle du premier de ces animaux. 2° Une espèce du genre Sus, différente de celle que nous avons précédemment signalée, nous est indiquée par une dent molaire supérieure, dont la forme annonce plus d’analogie avec les Pé- caris et les Chæropotames qu'avec les Sangliers. 3° La mer dans laquelle ont été portés tant d’ossements d’ani- maux terrestres nourrissait également , outre les Cétacés herbi- vores et les Souffleurs que l’on y a constatés, une espèce de la famille des Phoques. Nous en avons la preuve dans une dent inci- sive supérieure externe fort semblable à sa correspondante chez le Phoca leptonyx des mers australes. Nous donnerons à cette nouvelle espèce le nom de Phoca occitana (1). 4° Les Mammifères déjà signalés dans d’autres publications soit par M. de Christol, soit par nous, nous ont aussi fourni quelques remarques encore inédites. (4) J'ai reçu en communication de M. Requien, d'Avignon, une dent canine de Phoque, trouvée dans la mollasse à Uchaux (département de Vaucluse) entre Orange et Saint-Paul-Trois-Châteaux, qui est une des localités où l'on a recueilli des côtes d'Halitherium. Cette dent ressemble beaucoup à son homologue chez les Otaries. PG 3° Série, Zooz. T. VIT. (Octobre 1847.) 15 296) P. GERVYAIS ET MARCEL DE SERRES. Ainsi nous avons la certitude que l’'Ours fossile dans les sables tertiaires de Montpellier était bien d’une autre espèce que ceux des cavernes. Il ressemblait davantage, par sa taille et par la forme de la dent caractéristique que nous avons pu en voir (la mo- laire postérieure d’en bas), à l'Ursus arvernensis, fossile en Au- vergne, et aux Ursus malayanus el ornatus de l'époque actuelle. 5° Le genre des Ælyènes a bien réellement laissé des débris dans la formation qui nous occupe. Plusieurs dents canines que nous avons observées ont tous les caractères de celles de ces ani- maux : toutefois, il nous est encore impossible de rien décider sur l'espèce dont elles proviennent. 6° Nous nous sommes procuré de nouveaux débris du Castor, soit dans le dépôt sableux marin, soit dans le banc fluviatile qui en dépend. 7° L’Antilope, que M. de Christol a nommée 4ntilope Cordieri, et qui est aussi l’Antilope recticornis (Marcel de Serres), appro- chait par sa grandeur et ses caractères de l’Antilope chevaline (Antilope equina), du sous-genre Egocère. Elle possédait , comme celle-ci, une particularité dans la forme de ses molaires, que l'on croit à tort spéciale aux genres des Cerfs et des Bœufs ; nous vou- lons parler des petits cylindres d’émail (un pour chaque dent), qui sont placés à la face externe des molaires inférieures et à l'in- terne des supérieures. C’est sans doute à l'Antilope Cordieri ou reclicornis qu'il faut attribuer les dents des mêmes terrains, que l’on a signalées d’abord comme des dents de Bœufs, parce qu’elles présentent les caractères que nous venons d'indiquer, En effet, rien ne nous autorise encore à admettre la présence du genre Bœuf dans les sables de Montpellier. Nous en dirons autant pour celui des Chèvres, qu’on avait supposé s’y rencontrer aussi. É. BLANCHARD, — SUR LE GENRE GALÉODE. 297 OBSERVATIONS SUR L'ORGANISATION D'UN TYPE DE LA CLASSE DES ARACHNIDES , LE GENRE GALÉODE (GALEODES Lara); Par M. ÉMILE BLANCHARD (1) Si l’organisation des Crustacés et des Insectes a été l’objet de recherches considérables , il n’en est pas de même, à beaucoup près, pour la troisième classe de l’embranchement des animaux articulés. Sous le rapport anatomique, on s’est borné, pour les Arachnides , à l'étude souvent fort incomplète d’un petit nombre de types. Après les faits introduits dans la science par Treviranus, c’est surtout à Dugès, puis à MM. Brandt et Ratzeburg, et dans ces derniers temps à M. Newport, que sont dues les recherches les plus importantes sur l’organisation de diverses Arachnides. Je dois mentionner encore les observations de M. Milne Ed- wards et celles plus récentes de M. de Quatrefages (2) sur un groupe très singulier (les Pycnogonides), regardé par Latreille comme appartenant à la classe des Arachnides, et considéré par M. Milne Edwards comme devant plulôt prendre place dans celle des Crustacés. Les Pycnogonides peuvent en effet fournir un terme de comparaison avec le type qui fait le sujet de ce Mémoire. Les Galéodes, sur lesquelles j'appelle actuellement l’attention des zoologistes, constituent, dans la classe des Arachnides, un petit groupe de l'ordre des Trachéennes, très nettement séparé de toutes les autres divisions. Par leur aspect général, elles ressem- blent un peu à certaines Araignées. Maïs, comme on le sait, les caractères fournis par les yeux et par tout le système appendi- culaire les en éloignent beaucoup. Ges animaux sont répandus seu- lement dans les parties les plus méridionales de l’Europe, en Afri- que, en Asie et dans quelques parties de l’Amérique méridionale. (1) Un extrait de ce Mémoire a élé publié dans les Comptes-rendus de l'Acadé- mie des Sciences, séance du 22 décembre 1845, p. 1383. (2) Annales des Sciences naturelles, 3° série (1845), L. IV, p. 69, pl. 4 et 2. 298 É. BLANCHARD. — SUR LE GENRE GALÉODE. Encore ils paraissent être peu communs dans les régions où on les rencontre habituellement, J'avais cherché depuis longtemps à me rendre compte des rapports naturels existant entre les Galéodes et les autres Arach- nides. Les formes extérieures pouvaient m’apprendre peu de chose de nouveau à cet égard. Je n’avais pu rencontrer ces cu- rieuses Arachnides dans les parties de l'Europe méridionale que j'ai visitées. Les individus conservés dans l’alcool me paraissaient devoir offrir peu de ressource pour les investigations anatomiques. Cependant M. Lucas, attaché au Muséum d'histoire naturelle et membre de lacommission scientifique d'Algérie, ayant mis à ma disposition des individus plongés dans la liqueur, mais dans un très bon état de conservation, j'ai examiné leur organisation in- térieure. Ces Galéodes (G. barbara Lucas (1)) ont été rencon- trées par M. Lucas aux environs de Sétif en Algérie. J'ai dû de toute nécessité renoncer à étudier le mode de circu- lation chez ces animaux. J'ai cru devoir aussi m’abstenir de représenter la disposition des trachées et les organes de la géné- ration. C’est seulement sur des individus vivants qu'on peut observer ces parties délicates. Le canal alimentaire et le système nerveux n’ayant pas subi d’altération bien sensible, je me suis attaché spécialement à l’é- tude de ces deux appareils. Si le résultat de ces recherches et le but de ce Mémoire étaient seulement de signaler les particularités qui nous sont offertes, chez les Galéodes, par le tube digestif et le système nerveux, il eût été sans doute préférable d'attendre d’autres observations sur les Arachnides pour les joindre à celles-ci. Il eût été en effet plus facile alors d'apprécier les affinités naturelles que présentent entre eux les divers types de cette grande division zoologique. Aussi ne les discuterons-nous pas actuellement. Nous nous réservons de nous étendre sur ce sujet dans un prochain travail. Mais le fait principal , en apparence isolé, que j'apporte ici se (1) Exploration scientifique de l'Algérie (Articulés), part. 1, p. 279 (Arach- nides), pl. 18, Gig, 7. É. BLANCHARD. — SUR LE GENRE GALÉODE, 299 rattache à des faits très généraux, et de plus il me paraît de na- ture à fixer ou à modifier l’opinion des zoologistes sur certains points de l’anatomie des Articulés. En un mot, mon but essentiel en ce moment est de montrer tout le parti qu’on peut tirer de l'étude du système nerveux pour la détermination des diverses pièces du système appendiculaire, et par suite, de donner une détermination exacte des appendices des Arachnides. Ce point, sur lequel je suis le premier à appeler l’attention, fournira certai- nement par la suite plus d’un résultat. D’après les recherches déjà publiées sur l’organisation de cer- taines Arachnides, on sait que leur tube alimentaire est ordinai- rement pourvu de prolongements ou cæcum. Chez les Galéodes, ces expansions acquièrent surtout un assez grand développement. C’est à cette disposition déjà observée chez divers animaux inver- tébrés que M. de Quatrefages a donné le nom de phlébentérisme. Elle a paru coïncider ordinairement avec la dégradation de l’ap- pareil respiratoire, ou même avec la disparition totale d'organes spéciaux pour cette fonction, comme, par exemple, chez les Vers de la classe des Anévormes. Dans les Arachnides qui nous occupent en ce moment, les tra- chées se ramifent dans toutes les parties du corps et recoivent l'air par trois paires d'ouvertures bien observées, et représentées pour la première fois par M. Milne Edwards dans les planches qui ac- compagnent la nouvelle édition du Règne animal de Cuvier. Les Insectes, dont le mode de respiration est analogue, ne nous ont jamais présenté le phlébentérisme. Sa présence dans les Arach- nides, et surtout son développement dans les Galéodes, doit nous faire penser qu'il existe là une raison physiologique particulière et néanmoins très difficile à expliquer d’une manière tout à fait certaine. L'existence de prolongements ou diverticulum de l'intestin, comme le fait remarquer l’auteur d’une notice sur le Phalangium, M. Tulk (1), se voit particulièrement chez les animaux qui se (1) Annals and Magazine of Natural history, vol. XIL, p. 153, 213 et 318, pl. 3, et 5 (1843). 230 É. BLANCHARD. — SUR LE GENRE GALÉODE. nourrissent de fluides contenus dans le corps d'autres animaux. En effet, c’est le cas pour les Galéodes ; comme pour la plupart , des Arachnides. Les cœcum seraient destinés à retenir les ma= tières nutritives, et à les transporter dans l’économie pour les faire servir plus complétement à la nutrition. Dans les Galéodes, le canal intestinal (1) débute par un œso- phage assez court, s’élargissant bientôt en un estomac , qui offre en avant deux paires de cœcum (2). La première paire se ter- mine à la base des antennes-pinces, et la seconde à la base des grands palpes. En outre , il existe de chaque côté deux autres de ces prolongements qui se bifurquent après un court trajet, de manière à former quatre appendices qui pénètrent dans chacune des pattes (3). La longueur de ces diverticulum est donc plus considérable ici que dans les Aranéides; mais elle l’est beaucoup moins que dans les Pycnogonides. En arrière de l'estomac , le canal intestinal se rétrécit, de ma- nière à former un intestin, qui se rend directement à l'extrémité du corps, sans décrire ni circonvolutions , ni sinuosités, Ainsi qu’on l'a observé chez un grand nombre d’Arachnides , la portion terminale de l’intestin des Galéodes présente latéralement un cœcum (4) de forme ovoïde et d’une ampleur considérable. Je . ne décrirai pas ici les organes hépatiques, car, vu l’altération de ces parties dans mes individus, j'ai conservé du doute relative- ment à plusieurs points. . Le système nerveux offre un degré de centralisation remar- quable , mais comparable du reste à ce qui existe chez la plupart des représentants de la même classe. Les ganglions thoraciques constituent une seule masse. Le cerveau, ou le centre nerveux cérébroïde ; repose directement sur la masse médullaire thora- cique. En arrière, on trouve seulement une petite ouverture donnant passage à l'œæsophage (5), et représentant le collier ) PL. 6, fig. 1. PL. 6, fig. 4, d,e. 6, fig. 4, f,g,h,'i. L. 6, fig. 4,4. 6, fig. 2 a,b. É. BLANCHARD. — SUR LE GENRE GALEODE, 231 qui se voit chez tous les animaux articulés. De la partie posté- rieure du centre nerveux thoracique naît un cordon abdominal , offrant à la base de l’abdomen un très petit ganglion (4). Ce serait peu sans doute de signaler cette disposition géné- rale de l'appareil de la sensibilité, si elle ne nous devait ser- vir à éclairer un des points encore les plus douteux touchant les appendices des animaux articulés, Jusqu'à présent, on le sait, il a été impossible de démontrer clairement la nature des appen- dices antérieurs des Arachnides. Toutes les opinions se sont pro- duites tour à tour. | Je ne crois pouvoir mieux faire, pour donner une idée exacte de l’état de la question au moment où je l’ai étudiée d'une manière nouvelle, qu'en rappelant les lignes suivantes empruntées au travail récent d’un naturaliste qui s’est beaucoup occupé de l’é- tude des animaux articulés (2). « La détermination des pièces de la bouche des Arachnides, dit »M. Brullé (3), donne lieu à des interprétations différentes , en » raison du caractère particulier qu’elles affectent dans cette » classe d'animaux. Ainsi les pièces que les uns désignent sous » le nom de mandibules, et qu'ils regardent comme les analogues » des mêmes parties dans les autres Articulés, sont nommées par » d’autres antennes-pinces, et par d’autres encore forcipules , la » première analogie ne leur paraissant pas suflisamment établie, » Cette divergence dans les opinions traduit évidemment une » conformation nouvelle dans les organes, et il est peut-être aussi » peu exact de dire que les premiers appendices des Arachnides » sont des mandibulesque de les appeler des antennes. D'un autre » côté, il est peut-être aussi facile de justifier l’une de ces déno- » minations que l'autre ; il suffit pour cela d'interpréter différem- » ment les parties qui viennent à la suite de cette première paire » d’appendices, c’est-à-dire celles qui se trouvent placées entre »elleet les mächoires. » (1) PL. 6, fig. 2, 1. (2) Brullé, Recherches sur les transformations des appendices dans les Articu- lés (Ann. des Sciences naturelles), 3° série, t. IL, p. 274 (1844). (8) Loc. cit., p. 314 (Décembre 1844). ’ 232 É. BLANCHARD. — SUR LE GENRE GALÉODE. Ces paroles, je le répète, résumaient parfaitement l’état actuel de la science relativement à la question qui nous occupe. Aujour- d'hui, je le crois, il ne pourra rester le moindre doute; nous verrons bientôt qu'il n’y à pas pour les appendices des Arach- nides une conformation nouvelle dans le sens attaché à ce mot. Quand Geoffroy Saint-Hilaire voulut identifier les diverses parlies du squelette des Vertébrés ; quand M. Savigny dirigea son attention , au même point de vue, sur les appendices des ani- maux articulés, ces illustres naturalistes s’attachèrent spéciale ment à l'examen des connexions. C’est à l’aide des rapports des parties entre elles qu’ils ont déterminé rigoureusement, dans une foule de circonstances , des pièces dont la forme comme les usages pouvaient varier presqu’à linfini. M. de Savigny sut ainsi montrer de la manière la plus évidente que toutes les pièces buc- cales de l’Insecte broyeur se retrouvaient chez l’Insecte suceur. Leur forme , le degré de leur développement , leur usage , seuls différaient ; leurs rapports de position persistaient. On a pu ainsi aller très loin en suivant cette marche, comme l'ont fait beaucoup de naturalistes. On est parvenu généralement à reconnaître, dans chaque grand type zoologique, une uniformité de plan fondamen- tal vraiment bien remarquable ; cependant , parmi les animaux articulés , il y a des cas où l’examen des connexions ne suffit plus pour déterminer exactement toutes les pièces du système appen- diculaire. Cette loi, si générale, ne se trouve pourtant pas en défaut, pour les types sur lesquels nous voulons appeler l’atten- tion des zoologistes. Nous le verrons, les parties restent encore les mêmes ; leurs rapports entre elles n’ont pas varié. Mais les avortements de certaines pièces , les chevauchements , les sou- dures de diverses pièces entre elles, peuvent devenir si consi- dérables que les connexions sont pour ainsi dire masquées. L’observateur alors hésite, devine plutôt qu'il ne précise, et le plus souvent il s’'égare. C’est réellement ce qui est arrivé à l’égard du système appen- diculaire des Arachnides. Or, aujourd’hui , dans bien des circonstances , et notamment dans celle-ci, nous aurons un moyen sûr de vérifier les faits déjà É. BLANCHARD, —- SUR LE GENRE GALÉODE. 235 observés d’une autre manière , et de les mieux constater quand ils : auront échappé d’ailleurs. Le système nerveux sera notre guide. Cet appareil se modifiant moins profondément dans chaque grande division zoologique que les autres parties de l'organisme, pourra nous éclairer d'autant plus ; c’est ce que nous avons déjà eu l’occasion de faire remar- quer dans une autre circonstance et dans un autre but. Je n'ai pas besoin de rappeler aussi les résultats importants obtenus par M. Serres, par la comparaison du système nerveux dans les différentes divisions du règne animal. Les pinces des Arachnides ont été considérées comme l’analo- gue des antennes des Insectes : de là le nom d’antennes-pinces que leur donne Latreille (1). D’autres zoologistes, au contraire, les considèrent comme des mandibules, et moi-même j'ai long- temps partagé cette opinion (2). D’autres enfin , comme M. Sa- vigny, leur refusant toute analogie soit avec les antennes , soit avec les mandibules des Insectes ou des Crustacés, leur ont donné un nom particulier , celui de forcipules. D'après les rapports de position seulement, cela doit paraître évident aujourd’hui , il était impossible d'arriver à une détermi- nation rigoureuse des pièces de la bouche des Arachnides. Comme le dit avec raison M. Brullé, on pouvait soutenir égale- ment les opinions les plus diverses. En effet , si les pinces sont des antennes , où seront les mandibules ? si les pinces, au contraire, (1) Ce naturaliste avait instinctivement très bien jugé de la nature de ces appendices, sans toutefois être à même d'apporter une preuve à l'appui de son opinion. « La tête, dit-il, ordinairement confondue avec le thorax, ne présente à a » place des antennes que deux pièces articulées , en forme de petites serres di- » dactyles ou monodactyles, qu'on a mal à propos comparées aux mandibules » des Insectes et désignées de même, se mouvant en sens contraire de celles-ci, » ou de haut en bas, coopérant néanmoins à la manducation, et remplacées, dans » les Arachnides, dont la bouche est en forme de siphon ou de sucoir, par deux » lames pointues, servant de lancettes. » (Larnerzce, Règne animal , t. IV, p- 207.) (2) Dictionnaire univ. d'hist. nat., publié par M. d'Orbigny, art. ArACuNIDES, t. II, p. 56 (1840). 923 É. BLANCHARD. — SUR LE GENRE GALÉODE, sont les mandibules, il faut admettre nécessairement que les Arachnides n'ont rien qui puisse représenter les antennes des autres Articulés. En outre, les pinces étant regardées comme l’analogue des mandibules , on devait remarquer l'absence totale de lèvre supérieure, et en même temps l'impossibilité qu'offrent ces appendices de se mouvoir dans le sens ordinaire des mandi- bules. C'était là, en effet, l’objection présentée par Latreille. L’anatomie vient lever toutes les incertitudes. L'observation de la Galéode ne pourra laisser le moindre doute dans l'esprit d'aucun anatomiste, ni d’aucun zoologiste. On était générale- ment porté à croire que les Arachnides se liaient très étroitement avec les Insectes; elles ont, au contraire , des rapports beaucoup plus frappants avec les Crustacés. L’anatomie de la Galéode et de diverses Arachnides ne permet aucune incertitude à cet égard. Dès lors, les caractères des Pyc- nogonides , qui nous montrent ce groupe comme tenant à la fois aux Crustacés et aux Arachnides, devront paraître moins étranges. Ainsi, je serai conduit à comparer les appendices des Arach- nides et surtout des Galéodes plus spécialement avec ceux des Crustacés. Comme chez ces derniers, le cerveau des Galéodes fournit une première paire de nerfs se rendant aux yeux : ce sont les nerfs optiques (1). Ceux de la seconde paire, beaucoup plus vo- lumineux que les précédents, vont se ramifier dans les antennes- pinces (2). Ce fait montre clairement que ces appendices ne sont ni des mandibules, ni des organes qu’on pourrait leur com- parer. Dans aucun animal annelé , les mandibules, les mâchoires et la lèvre inférieure ne reçoivent leurs filets nerveux des gan- glions sus-æsophagiens; c’est le centre médullaire placé exacte- ment au-dessous de l’œsophage, qui seul fournit des nerfs à ces pièces buccales. Les antennes-pinces ou forcipules des Arach- nides , comme le pensait Latreille, comme le croit aussi M. New- (1) PL. 6, fig. 2, ce. (2) PL. 6, fig. 2, d. É. BLANCHARD. — SUR LE GENRE GALÉODE, 235 port (1), sont donc des antennes modifiées ; quant à leur forme et à leur usage. Mais je dois faire remarquer une différence assez grande entre ces antennes des Arachnides et celles des Insectes , et, au contraire, une analogie très grande entre ces appendices et les antennes des Crustacés ; en effet, dans les Arachnides , comme dans les Crustacés, les nerfs internes naissant du cer- veau se portent aux yeux. Dans les Insectes , ils se portent tou- jours aux antennes. Les nerfs externes se rendent aux yeux chez les Insectes; dans les Arachnides, ils se rendent aux antennes comme chez les Crustacés. Néanmoins , il y a une remarque à faire ici : certains Insectes présentent des veux simples ou des ocelles ; chez ceux-ci, les nerfs les plus internes, naissant des ganglions cérébroïdes , se rendent directement à ces organes; mais dans tous les cas, les nerfs des yeux composés sont externes par rapport à ceux des antennes. D’après ce fait, on est conduit à se demander si les yeux des Arachnides et des Crustacés ne sont pas les représen:- tants des ocelles des Insectes ; dans ce cas, les véritables yeux des Insectes n’existeraient pas dans les deux autres classes. Si l’on ne devait tenir compte que des Arachnides, ceci paraîtrait extrêmement probable pour ne pas dire certain, ces Articulés ayant seulement des yeux simples. Mais les Crustacés n'offrant , en général , que des yeux composés comme ceux des Insectes, et leur situation n’étant pas la même, on éprouve alors un certain embarras , et je n’oserais même pas chercher à trancher la diffi- culté. Dans la Galéode , comme dans les Insectes, où j'ai récemment signalé ce fait, il naît de la partie inférieure des ganglions céré- broïdes deux filets nerveux fort grêlespassant sur l’æsophage entre les nerfs optiques, pour se ramifer dans les muscles de la lèvre supérieure ; cependant ici cet organe est très rudimentaire (2), (4) Philosophical Transactions of the royal Society of London , 1843, part. IT, p- 213-246. —On the Structure, Relations and Developpement of the nervous and circulatory systems and on the existence of a complete cireulation of the Blood in Vessels in Myriapoda and Macrourous Arachnida. (2) PL 6, fig. 2, g. 236 É. BLANCHARD. — SUR LE GENRE GALÉODE, L’anatomie va encore nous éclairer pour la détermination de petites pièces auxquelles on ne paraît avoir fait presque aucune attention; elles sont plus développées chez les Galéodes que chez beaucoup d’autres Arachnides. Il sera d'autant plus facile de re- connaître leur véritable nature (1). Au-dessous du rudiment de la lèvre supérieure, on observe distinctement deux paires de pelites pièces; l’une est supérieure à l’autre; cette dernière porte des palpes. Examinons les nerfs qui se rendent à ces organes ; ils prennent leur origine à la partie la plus antérieure du ganglion sous-æsophagéen , exactement comme on l’observe chez les Crustacés et les Insectes. Leurs re- lations entre eux sont les mêmes. Dans la Galéode , l’œsophage aboutit entre ces quatre pièces. Qui ne reconnaîtrait maintenant les mandibules dans la première paire d’appendices, et les mà- choires dans la seconde, celle qui est munie de palpes. Là, comme chez les autres Articulés , le ganglion sous-æsophagien fournit une paire de nerfs mandibulaires (2), une paire de nerfs maxil- laires (3), dont l’erigine est un peu au-dessous ; et enfin une paire de nerfs labiaux (4), dont l’origine est encore inférieure, Chez les Galéodes cependant , la lèvre inférieure avorte presque entière- ment, on en retrouve un simple vestige ; toutefois, nous retrou- vons les nerfs de chaque pièce prenant leur origine exactement dans les mêmes rapports que chez les Insectes. Néanmoins, le ganglion sous-æsophagien des Arachnides est en grande partie confondu avec les centres médullaires thoraciques,. Ces pièces buccales des Galéodes , déjà très petites , très rudi- mentaires, dans ce type , deviennent plus rudimentaires encore, et pour ainsi dire nulles, dans les Araignées proprement dites. Mais les déterminations auxquelles nous sommes parvenu ici (1) Ces petites pièces buccales des Galéodes ont été représentées avec exactitude par M. Savigny dans l'Atlas zoologique de la Description de l'Égypte (Arach- nides), pl.8, fig. 7, 8, 9, et par M. Milne Edwards dans les planches qui accom- pagnent la nouvelle édition du Règne animal de Cuvier (Arachnides), pl. 20 bis. (2) PI..6, fgu3, te. (3) PL 6, fig. 3, d. (4) PL. 6, fig. 3, e. É. BLANCHARD. — SUR LE GENRE GALÉODE, 937 pouvaient être faites également chez les Aranéides ou Arachnides pulmonaires ; c’est ce que nous aurons l’occasion de montrer dans un prochain travail. Quant aux appendices pédiformes et à leurs analogues dans les autres Arachnides, non seulement la détermination que nous ve- nons de faire des mandibules et des mâchoires , mais aussi l’ori- gine de leurs nerfs indiquent encore leur nature avec toute cer- titude. Ce sont des pattes modifiées , entrant plus ou moins dans la composition de la bouche ; elles me paraissent être ainsi tout à fait analogues aux pattes-mâchoires des Crustacés. Ces appen- dices bien certainement n’ont pas du tout l’analogie qu’on leur supposait avec les mâchoires et les palpes maxillaires des Insectes, Les nerfs des pattes (1) naissent de la masse médullaire thora- cique : ils ont un volume considérable. De chaque côté, ils émettent au moins deux branches principales qui se ramifient dans les muscles du thorax, et dans les muscles moteurs des pattes. Il serait difficile de donner une description de chacun de ces filets et de ses divisions ; mais la figure jointe à ce Mémoire représente tous ces rameaux nerveux avec la plus grande exactitude. En arrière de la masse médullaire thoracique , il naît de chaque côté un nerf volumineux (2), qui se ramifie dans le premier an- neau abdominal ; ce fait nous indique ici la réunion de ganglions abdominaux avec les centres nerveux thoraciques. La chaîne abdominale (3) est grêle, et ne présente qu'un seul ganglion isolé, Ainsi, lorsque l’on considère anatomiquement les Arachnides et les Crustacés, on ne tarde pas à remarquer une analogie très grande dans l’organisation des animaux de ces deux classes. L’ap- pareil de la sensibilité ne se modifiant pas profondément, même quand les parties extérieures subissent des changements considé- rables dans leurs formes et leurs usages, on pouvait arriver à des déterminations qui ne souffrent aucune incertitude. En résumé, l'anatomie des Galéodes nous montre la disposition (1) PL. 6, fig. 2, b,g,hi. (2) PL 6, fig. 2, &. (3) PL. 6, fig. 2, 1. 238 É. BLANCHARD. — SUR LE GENRE GALÉODE. très prononcée de l’appareil alimentaire qui a recu le nom de phlébentérisme, coïncidant avec un appareil de respiration ex- trêmement développé. Elle nous a conduit à reconnaître la nature des appendices, sur lesquels les zoologistes n'avaient nullement d'opinion arrêtée ; elle nous a conduit encore à apprécier mieux qu’on n’avait pu le faire les affinités des Arachnides , en général , avec les Crustacés, EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 6. OnGansaTion pes GALÉODES (GALEODES BARBARA. Lucas). Fig. 1. Appareil digestif. a, œsophage. — b, ouverture au-dessus de laquelle s'élève le cerveau. — ce, région stomacale —d, cœcums antérieurs des antennes-pinces.—e, C@cums des pattes-mâchoires.—f,4,h,i, cœcums des quatre paires de pattes.— k, in- testin. — !, cæcum intestinal. Fig. 2, Système nerveux. a, cerveau. — b, muscle médullaire thoracique. — c, nerfs optiques. — d, nerfs antennaux. — e, nerfs des pattes-mâchoires. — /,g,h,i, nerfs pédieux . k, nerfs abdominaux antérieurs. — 1, chaîne abdominale et son ganglion. Fig. 3. Portion antérieure du système nerveux vu de profil, ainsi que les appen- dices buccaux. a, cerveau. — b, masse médullaire thoracique. — ce, nerfs mandibulaires. — d, nerfs maxillaires. — e, nerfs labiaux. — g, lèvre supérieure. — A, man- dibule. — i, mâchoire. -— f, vestige de lèvre inférieure. Daus les deux premières figures, le grossissement est de trois fois environ; dans la troisième , il est beaucoup plus considérable, SICHEL. — SUR LE PIGMENTUM. 239 NOTE SUR UN RAPPORT REMARQUABLE ENTRE LE PIGMENT DES POILS ET DE L'IRIS ET LA FACULTÉ DE L'OUÏE CHEZ CERTAINS ANIMAUX ; Par le M. Docteur SICHEL. [ y a vingt ans environ, j'ai faitunesingulière remarque physiologique, dont une observation attentive, continuée pendant quelque temps, m'a prouvé l'exactitude. Les chats qui ont le poil entièrement blanc, sans mé- lange d’une autre teinte, sans aucune tache d’une autre couleur, et chez lesquels l'iris est bleu ou bleu-grisätre , sont constamment sourds. On peut, dans leur voisinage le plus rapproché, produire tous les bruits qui d'ordinaire les effraient, tels que de faire claquer un fouet, imiter la voix d’un chien, battre des mains avec force , etc. : ils ne s’en aperçoi- vent point, pourvu toutefois que le bruit produit ne soit pas de nature à ébranler le sol et à leur transmettre des vibrations, comme, par exemple, lorsqu'on frappe le plancher avec les pieds ou avec un marteau. Pour peu que la robe ait la moindre tache ou nuance noirâtre, grisâtre, bru- nâtre ou roussàtre ; pour peu que l'iris, au lieu d’être bleu ou gris- bleuûtre , soit jaunâtre ou mêlé d’une teinte foncée , tirant sur le roux, le brun , les fonctions auditives sont normales. La teinte bleue de l'iris est assez rare chez l'espèce féline, et ne se trouve en général que chez les individus très jeunes. Cette teinte aussi devient plus foncée avec l’âge, et alors, bien que la couleur blanche du pelage ne change point simul- tanément, l’ouie se rétablit. Après avoir répété un grand nombre de fois ces observations sur des chats que j'avais rencontrés par hasard, je les continuai en 1828, pen- dant six mois environ , sur un jeune chat que j'avais élevé dans ce but, et dont la robe était entièrement blanche et l'iris d’un beau bleu. Ce chat, qui se sauvait à toutes jambes dès qu’il voyait des chiens, ne don- nait aucune attention à leurs aboïements. Il était complétement sourd; c'est ce qu'a pu constater avec moi M. Heusinger, alors professeur d’ana- tomie et de physiologie à la Faculté de Wurzbourg, et actuellement professeur de clinique interne à celle de Marbourg, à qui j'avais parlé de mes observations, et qui a bien voulu observer cet animal chez lui pendant plusieurs jours. Au bout de quatre mois, l'iris devint plus foncé , et en même temps l'animal commença à donner des signes d’at- tention, lorsqu'on agitait une sonnette d’un timbre très aigu à la hauteur de sa tête et à peu près à un mètre de lui. Je m'étais proposé de l’élever, pour observer les changements ultérieurs que le temps produirait dans la couleur de l'iris et dans les fonctions auditives ; mais un jour, s'étant échappé dans la rue, il fut tué par un gros chien de boucher qu’il n’a- vait pas vu s'approcher, et dont il n'avait pas entendu la voix. J'ai bien encore fait, depuis ce temps , quelques observations acci- 210 SICHEL. —— SUR LE PIGMENTUM, dentelles sur ce sujet, et entre autres une, bien concluante, dans les premières années de mon séjour à Paris; mais je n'ai pas eu le loisir nécessaire pour reprendre mes expériences régulières et suivies. M. Heu- singer, lorsque je lui communiquai mes remarques, m'avait parlé de quelques observations semblables publiées dans un journal anglais ou américain, dont il ne se rappelait pas le titre et que je n’ai pu trouver. Il serait peut-être intéressant pour un physiologiste de faire cette recherche et d'examiner, par des observations nouvelles, jusqu’à quel degré les miennes sont fondées. Je dois ajouter que, dans les nombreux cas de leucose complète ou d’albiuisme que j'ai eu occasion.d’examiner sur l’homme et les animaux, je n’ai rencontré aucun défaut de l’ouie, et que tout ce que j'ai dit ne s'applique absolument qu'aux chats blancs à iris bleu ou bleuâtre. On sait que dans l’albinisme véritable les poils ou cheveux sont incolores, la pupille est rouge plus ou moins foncé et l'iris rosé, Chez l’homme, dans l'albinisme incomplet, cette membrane conserve quelquefois une cou- leur d’un bleu extrêmement clair, remplacé seulement dans les inter- stices de ses fibres , et surtout près de sa circonférence , par une nuance d’un rouge tendre un peu violacé, Ses fibres elles-mêmes sont en grande partie blanches, et tranchent sur le fond bleuàtre et partiellement rougeàtre. Or, chez les chats blancs que j'ai reconnus sourds dans mes observations, l'iris est d’un bleu de ciel päle ou grisâtre, mais très uniforme et nulle part interrompu, soit par des fibres blanches, soit par des teintes plus claires, semi-transparentes , rosées ou violacées, oc- cupant les interstices. Le fond de l'œil et la pupille ne sont pas non plus rouges. Ici donc , avec le manque de pigment des poils, il ne coïncide point un manque complet de la matière colorante des membranes ocu- laires internes ; mais cette matière , de brune ou noirâtre , semble seule- ment être devenue bleue ou avoir pris une autre teinte plus ou moins pâle. La dissection, que jusqu'ici je n'ai point encore eu occasion de faire dans de pareils cas, fera probablement trouver le pigment de la choroïde et de l'iris d’une teinte beaucoup moins foncée que d’ordinaire, brun clair dans l’une , bleuâtre dans l’autre , mais non pas une absence totale de ce pigment; tandis que, chez les animaux et les hommes com- plétement leucotiques , ni l'iris ni la choroïde ne présentent de trace de leur matière colorante ordinaire: Dans un article sur l'action différente de certains agents extérieurs sur des animaux différemment colorés, qu’il a récemment inséré dans un journal de médecine allemand (Casper's Wochenschrift, 1846, n° 18, extrait dans Schmidt's Jahrbuecher, 1847, n°3, p. 281), M. Heusinger a réuni un nombre d'anomalies pathologiques assez curieuses, résultant de la coloration blanche totale ou partielle du poil. Ainsi, certaines plantes ont manifesté des effets vénéneux seulement sur des animaux à A. D'ORBIGNY. SUR LES BRACHIOPODES, 2/1 poil blanc ou tacheté de blanc (moutons , porcs, chevaux), à l'exclusion des individus noirs de la même espèce. Sur des vaches pies , la calvitie et d’autres maladies de la peau n’ont occupé que les endroits blancs, sans intéresser aucunement les portions noires de la surface cutanée, etc. Dans sa note, ce professeur ne mentionne pas la particularité qui fait le sujet de ma communication actuelle, et qui certainement n'est pas la moius intéressante. Après un laps de près de vingt ans, il ne se rappelait sans doute plus mes observations et la vérification qu’il en avait faite, ni celles qu’il avait lues antérieurement. En tout cas, sa publication vient à l'appui de la mienne : toutes deux prouvent que l'absence ou la modification du pigmentum, chez les mammifères, n’est pas toujours une simple variété physiologique de l'ordre de celles qu’on appelait au- trefois un jeu de là nature {/usus naturæ) , mais qu’au contraire elle exerce souvent une influence réelle et profonde sur les fonctions, non seulement de la peau, mais encore d’autres organes , tels que celui de l'audition. Elles démontrent que cette influence peut aller jusqu'à l’al- tération ou même l'abolition de ces fonctions , et qu’elle peut modifier d’autres états pathologiques et l’action des substances toxiques. On sait d’ailleurs depuis longtemps que, chez l’homme, à l’état normal autant qu’à l'état morbide, d’autres systèmes organiques , en dehors de celui de la peau et du système pileux, se comportent autrement chez les sujets blonds que chez les bruns. CONSIDÉRATIONS ZOOLOGIQUES ET GÉOLOGIQUES SUR LES BRACHIOPODES; Par M. ALCIDE D'ORBIGNY. (Mémoire lu à l'Académie des Sciences le 2 août 1847 ) Un savant justement célèbre a souvent émis l’opinion que, par la répartition des genres et des espèces dans les couches ter- restres , les restes organisés fossiles appartenant aux Mollusques Brachiopodes et Céphalopodes, dont il s’est le plus occupé, pou- vaient suffire à la parfaite reconnaissance des divers étages géologiques. Nous ne négligeons aucune des séries animales , dont, à nos yeux, l'application n’a pas moins de valeur; mais les recherches auxquelles, depuis un bon nombre d’années, nous n’avons cessé de nous livrer sur les Céphalopodes, ainsi que le travail sur les Brachiopodes que nous avons l'honneur de sou- 3° série. Zoo. T. VIT. (Octobre 1847.) 4 16 2h2 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES, mettre aujourd’hui au jugement de l'Académie, nous paraissent offrir la preuve évidente que nous partageons les idées de l’illustre géologue prussien: Des zoologisteset des géologues sesont particulièrement occupés des Brachiopodes. Les premiers ont cherché à fixer, au moyen de l’organisation intime de quelques unes de leurs espèces vivantes, la place qu’ils doivent prendre parmi les autres animaux; les autres, s'appuyant sur ces mêmes recherches, ont tenté de grouper les espèces fossiles d’après des caractères pris, le plus souvent, dans les formes extérieures des coquilles. 11 ést à re- gretter que les hommes éminents qui ont étudié les espèces vi- vantes n’aient pas aussi, dans leurs importantes recherches, donné leur attention aux coquilles fossiles ; car, possédant des éléments incoutestables de vérité, ils auraient sans peine reconnu, sur ces nombreux restes des anciennes faunes, des traces non équivoques de leur organisation éteinte. Ils seraient, sans doute, parvenus alors à rapprocher ces formes perdues des formes encore wvi- vantes, en nous présentant une bonne classification zoologique. Malgré toute la sagacité de quelques uns des observateurs géologues qui, à la place des anatomistes, ont cherché à s’en occuper, il est impossible que des finesses de détails zoologiques ne leur soient pas échappées, et que leurs travaux ne laissent pas sur ce point quelque chose à désirer. D'ailleurs chacun a em- brassé séparément soit l'étude des espèces vivantes, soit l'étude d’une partie des genres et des espèces fossiles , sans qu'il résultät de ces eflurts un travail d'ensemble susceptible de coordonner tous les faits et de grouper tous ces êtres, suivant leurs rapports réciproques. Nous avons en ellet, en étudiant les animaux vivants et les coquilles, reconnu que, bien qu’elles soient le produit de recherchesconsciencieuses, les classifications admises n'étaient pas toujours d’accord avec les caractères organiques ; et, de cemoment, nous avons pensé qu'il devenait indispensable, autant pour la zoologie que pour la géologie, de se fixer enfin sur les affinités ou sur les différences qui existent entre les nombreux genres fossiles et les animaux de cette classe, dont un si petit nombre nous reste encore, Nous nous sommes donc livré sans relâche à l'étude A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES, 243 comparative des uns et des autres, afin de nous faire une juste idée des détails et de l’ensemble. Ce sont les résultats de nos longues recherches que nous désirons soumettre au jugement de l’Académie, nos observations nous ayant amené à découvrir beau- coup de faits, de détails d'organisation et de succession des genres perdus , qui nous paraissent de nature à intéresser à la fois les anatomistes , les zoologistes et les géologues. Nous diviserons notre travail en trois parties : la première comprendra des considérations zoologiques générales sur les or- ganes comparés, dans toute la série, des espèces vivantes et fossiles ; la seconde sera consacrée à la classification de ces es- pèces, déduite de la valeur relative des organes et des carac- tères zoologiques ; la troisième renfermera la répartition de ces formes zoologiques où des genres dans la succession des couches de l’écorce terrestre. PREMIÈRE PARTIE. CONSIDÉRATIONS ZOOLOGIQUES. Bien que Müller (1) eût, dès 1788, décrit et figuré une Or- bicule sous le nom de Patella anomala ; que Pallas eût décrit l'a- nimal d’une Térébratule (2), et que Poli eût décrit et figuré une Cranie (3), dn n’en doit pas moins à Cuvier les premières notions positives sur l’anatomie de l’un des genres qui lui servit à l’éta- blissement d’une classe, que la présence de bras contractiles ailés fit nommer Brachiopodes. C’est, en effet, ce premier Mémoire qui dévoila le système de respiration de ces animaux placé sur là paroi interne du manteau ; et qui fixa la place qu’occupe encore aujourd’hui cette série animale. En 1824 , M. de Blainville (4) admit les caractères établis par Cuüvier , c’est-à-dire les branchies à la face interne du manteau , ét lés bras, qu’il regardait alors comme des appendices buccaux, et appela cette série Palliobranche. Plus tard , en 1828 , à l’ar- (1) Zoologia Danica, ete., p. #, tab. 5. (2) Miscellanea Zoologica, p. 182. ù (3) Testacea utriusque Siciliæ, IE, p. 46, n° 2. (4) Dictionnaire des Se, naturelles, t, XXXIT, p. 298. 24h A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES, ticle TéréBrATULE (1), il revint à l’idée de Pallas , en admettant que les bras ciliés de ce genre sont des branchies. L'une de nos célébrités anatomiques actuelles, M. Richard Owen, reprit ensuite la question relative aux Brachiopodes (2), et, dans un savant Mémoire sur les Térébratules, les Orbicules et les Lingules, il compare entre eux les organes de ces genres, et constate l'intimité de leurs rapports. Il en déduit : 1° que les organes de la respiration sont toujours, à l'intérieur du manteau, formés par des appendices vasculaires étroits, allongés, fixés à la face interne des lobes, ou simplement formés du manteau vasculaire, dont on voit de gros vaisseaux ramifiés ; 2° que les bords de ce manteau sont épaissis et ciliés par des cils charnus ou demi-cornés, peut-être propres à exciter les courants respira- toires ; 3° que les bras sont libres chez les Lingules , chez la T'e- rebratula psiltacea ; qu'ils sont fixés en spirale chez les Orbicules, ou placés sur des anses testacées ou charnues chez les T'erebra- tula chilensis et vitrea, mais libres seulement à leur extrémité ; que ces bras sont garnis de cils longs, destinés à retenir et à rapprocher de la bouche les particules alimentaires. M. Owen, avec le talent d'observation que tout le monde lui reconnaît, poursuit ses considérations anatomiques sur les autres organes intérieurs; mais nous ne le suivrons pas plus loin en ce moment, n'ayant besoin que des organes qui laissent des traces sur les espèces fossiles. Nous aurions désiré pouvoir faire nous-même un travail d’en- semble sur les animaux connus des Brachiopodes ; mais n’ayant à notre disposition que des collections restreintes, sous ce rap- port, nous avons dû nous borner à comparer avec les travaux de M. Owen les animaux de quelques Térébratules (Terebratula cornea, truncala, caput, Medusæ), de l'Orbicula lamellosa, etc. , et nous avons reconnu la justesse des descriptions du savant ana- tomiste anglais. Nous avons pu voir, de plus, l’animal de notre genre Megathiris et celui du T'hecidea mediterranea, qui offrent avec les Térébratules des différences d’organisation très remar- quables, dont nous nous occuperons en passant successivement (1) Zbid., t. LI, p. 134. (2) Transact. of the Zoological Society, vol. 1, 2° partie, pl. 22 et 28. A. D'ORBIGNYX. — SUR LES BRAGHIOPODES. 245 en revue les diverses modifications que subit chacun des or- ganes chez les espèces vivantes , pour chercher les moyens d’en retrouver les traces dans tous les genres fossiles. Des bras. La présence des bras des Lingules ayant déterminé le nom de Brachiopodes que porte toute la série, nous commencerons par cet organe. D’après les travaux de Cuvier et de M. Owen, les bras des espèces vivantes sont , ou entièrement charnus, libres el extensibles dans toute leur longueur, ou fixés sur une partie de leur longueur et libres seulement à leur extrémité. Des bras libres extensibles. Les bras de cette nature ont été reconnus jusqu'à présent chez le Lingula et le Terebratula psittacea. Chezle Lingula, les bras sont proportionnellement peu allongés, charnus, pourvus de cils assez courts ; ils sont fixés à la masse vis- cérale, et ne sont point, dans l’intérieur des valves de la coquille, * soutenus par des appendices testacés ; ou, pour mieux dire , ils ne laissent, dans l’intérieur des valves , aucunes traces auxquelles on puisse les reconnaitre sur les genres perdus dans les couches terrestres. Nous insistons sur ce fait, qui nous autoriserait à croire que les genres fossiles comprimés comme les Lingules , et sur lesquels on ne trouve pas de trace de support de bras, pour- raient néanmoins en avoir de charnus comme ceux du Zaingula ; ainsi les genres Obolus, Productus , Chonetes, Leptæna , Stro- phomæna et Orthis, pouvaient avoir des bras charnus, contrac- tiles , analogues à ceux des Lingules. Chez le T'erebratula psittacea (PI. 7, fig. 1), on voit deux bras entièrement libres, charnus, dont le bord extérieur est frangé de cils courts. Ces bras contournés en spirale oblique dans le repos, susceptibles de se dérouler , jusqu’à s'étendre en dehors à deux fois le diamètre de la coquille, sont soutenus , en dedans de la petite valve non perforée, par deux longues apophyses libres, arquées , qui partent en divergeant des côtés de la charnière , et se recourbent vers le milieu de la grande 246 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACIIOPODES. valve percée (PI. 7, fig. 2). Cette espèce étant, dans la na- ture vivante, la seule qui soit munie de bras libres, sou- tenus par des apophyses testacées internes libres et de cette forme , il s'agissait de savoir si elles existaient dans la nature morte. En examinant les premières Térébratules fossiles, à test non perforé , renflé, à crochet non entamé par l'ouverture, dont les caractères intérieurs se rapprochent le plus de l'espèce vi- vante , il nous fut facile de reconnaitre que toutes, sans excep- tion, avaient intérieurement l’apophyse caractéristique des bras libres. En poursuivant nos recherches , nous ayons successive- ment découvert les mêmes apophyses des bras charnus chez les genres Æemithiris, Rhynchonella, Strigocephalus , Poranbonites . Uncites, Atrypa et Pentamerus. Ces apophyses même sont peu variables , suivant les genres que d’autres caractères font adopter. Dans le genre Æemithiris, qui renferme le T. psitlacea chez les Rhynchonella , les Unoites , les Atrypa, elles sont en tout identiques de forme, quoique ces coquilles soient les unes libres , les autres fixes par un muscle ; chez les Strigocephalus , elles sont seulement plus longues et plus rapprochées, tandis que chez les Pentamerus, une lame verticale les soutient au fond de la coquille. En résumé , nous devons croire par analogie, d’après la présence de l’apophyse particulière et si caractérisée , destinée à supporter les bras libres, que tous les genres fossiles que nous avons cités avaient des bras charnus, extensibles, analogues à ceux du T. psittacea. (Voyez PI. 7, fig. 4,5, 6.) Des bras non extensibles. D'après le Mémoire de M. Owen, et d’après nos observations personnelles, il existe deux sortes de bras non entièrement libres ; les uns, ceux des Orbicula, contournés en spirale ; les autres, ceux des T. chilensis, reployés en coude sur eux-mêmes, con- tournés seulement à leur extrémité. Chez les Orbicules, les bras, bien qu'ils soient de contexture musculaire, ne sont plus conformés pour saillir entièrement au- dehors. Comme ceux du T. psillacea, ils sont réunis par leur tige au-dessous de la bouche , et y forment une portion basilaire A. D'ORBIGNY. —-- SUR LES BRACHIOPODES. 247 commune , transversale , d'où partent des bras qui se recourbent brusquement sur eux-mêmes, vers la bouche. au devant de la- quelle leur portion terminale décrit un tour et demi de spire ; ses parties recourbées adhèrent intimement entre elles, et n’ont plus de libre que leur extrémité. Cette sorte de bras des Orbicules ne laisse aucune trace de support testacée interne. On doit néan- moins croire que ces bras existaient chez les genres fossiles que d’après l’analogie évidente de forme extérieure , et le manque complet de traces intérieures, on ne peut éloigner des Orbicules, comme les Siphonotreta, les Orbicella , les Orbiculoidea , à test mince , à coquille conique. Peut-être ces bras étaient-ils soutenus intérieurement , chez les Crania , par les deux apophyses sail- lantes du sommet de la valve libre, comme on le voit chez le Crania parisiensis : néanmoins, ces bras ne s'étant montrés, jus- qu'à présent, que chez les deux genres vivants Orbicula et Crania, d’une forme de coquilles coniques tout exceptionnelle dans la série , nous n’osons en rapprocher les genres de la famille des Productidæ et des Orthisidæ qui n’ont pas d’apophyses, mais dont la coquille n’a aucun rapport de configuration extérieure avec les Orbicula. Chez le Terebratula chilensis disséqué par M. Owen, et type vivant de notre genre T'erebratella ; chez les T. Sowerbyi, fon- lainei et vitræa, appartenant au type vivant des véritables Téré- bratules, comme chez les T caput Medusæ, type du genre T'ere- bratulina , nous trouvons une disposition analogue dans la forme des bras. Au lieu d’être libres sur toute leur longueur, comme chez les Lingules, ou en spirale, mais fixes, sur une portion de leur longueur. comme chez les Orbicules, ceux-ci montrent une dispo- sition toute particulière ; ils naissent au milieu, se dirigent de chaque côté en avant jusqu’à peu de distance du bord de la co- quille , se retournent brusquement en arrière, en formant , avec cette première branche , un coude, dont les deux parties sont réunies par une membrane, reviennent ainsi jusque vis-à-vis leur premier point de départ , et là forment un second coude pour re- venir entre les deux premiers se recourber en spirale au-dessus 218 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACIHLIOPODES. de la bouche (PI. 7, fig. 7-12). De tout l’ensemble l'extrémité est seule libre ; mais toutes les parties sont couvertes de très longs cils infiniment plus allongés que ceux des bras libres , et qui, comme l’a judicieusement pensé M. Owen, remplacent, par leur lon- eueur, le mouvement d’allongement , dont les autres bras sont susceptibles. Les seules différences que nous ayons pu remarquer entre les bras de ces types, c’est que l’extrémité médiane de cha- cun reste libre chez les T'. chilensis et cornea , tandis qu'elle est encore réunie au milieu par une membrane commune chez le T. caput serpentis, ce qui ôte encore à leurs bras un degré de liberté, Ces bras coudés chez les espèces qui en sont pourvues, suivant qu'ils sont soutenus par une charpente testacée ou cartilagineuse, donnent naissance à un système apophysaire pair, tout dillérent, Chez le T.chilensis ( genre T'erebratella ) cette apophyse testacée est très compliquée (PI. 7, fig. 13) ; elle part de la base interne de la charnière de la valve non percée, s’avance et s’arque en anse en avant, où elle se divise en deux branches; l’une continue en avant, forme un coude, revient en arrière, oùelle va rejoindre la branche du côté opposé. La seconde branche s’arque vers le centre, où elle va se réunir au fond de la valve, à une crête lon- gitudinale médiane qui recoit également l’autre côté. Cette char- pente testacée est très cassante, tout en conservant un peu d’é- lasticité. Chez le T'erebratula Fontanei (genre Terebratula), la charpente osseuse diffère en ce qu’elle manque de la branche qui s’attache à la crête médiane du fond de la valve, laquelle n'existe plus, et se trouve réduite à la seule branche coudée en anse de chaque côté , alors libre dans toute sa longueur (PI. 7, fig. 414, 15). Lorsque les bras sont soutenus par des charpentes cartilagi- neuses, l'appareil apophysaire est restreint, chez le T'. truncata , qui appartient, par la forme, au même groupe que le T. chilensis (genre T'erebratella) ; il y a deux apophyses qui partent toujours de la base interne de la charnière , s’avancent un peu vers le milieu de la valve, où elles forment un anneau tubuleux, toujours soudé à une côte médiane du fond de la petite valve, d'où partent les rudiments des anses (PI. 7, fig. 16). A. D'ORBIGNY. —— SUR LES BRACHIOPODES, 219 Lorsque les bras sont cartilagineux chez le T. vitræa, appar- tenant aux vraies Térébratules, ou chez le T'. caput serpentis, type des T'erebratulina , l'appareil apophysaire forme bien un anneau, mais cet anneau n’est soudé qu'avec l’apophyse de la base de la charnière , et n’a aucune adhérence au milieu et au fond de la valve non percée (PI. 7, fig. 17). © On voit par ce qui précède, malgré les différences de formes des apophyses, apportées par la charpente testacée ou cartilagi- neuse des bras coudés, qu'on peut encore, par l'examen minutieux des apophyses qui restent, reconnaître quand ces bras devaient exister dans quelques genres perdus. À la charpente osseuse des Magas, pourvue d’une grande crête médiane à la petite valve, nous ayons , en effet , reconnu qu'ils devaient avoir des bras cou- dés. Il en est de même de la crête interne et de l’apophyse non arquée qui part de la base de la charnière dans nos genres T'ere- brirostra et Fissirostra. Si l'analogie nous autorise à croire que toutes les espèces fossiles des véritables Térébratules ou des genres Terebratella et Terebratulina , dont nous avons étudié compara- tivement des espèces vivantes et des espèces fossiles, avaient des bras analogues, nous croyons pouvoir établir encore, par la forme des apophyses, que les genres T'erebrirostra et Fissirostra, dont nous n’avons que des espèces fossiles, avaient des bras de même forme (PI. 7, fig. 18, 19). Des bras spiraux non extensibles, On à depuis longtemps reconnu, chez quelques Brachiopodes fossiles, des bras spiraux très compliqués, qui ont déterminé Sowerby à former, dès 1820, son genre Spirifer. Ces bras re- marquables se sont conservés jusqu’à nos jours par suite de leur charpente testacée, quoique les animaux qui les portaient appar- tinssent aux faunes les plus anciennes, En effet, au lieu d’être char- nues comme ceux des Lingules et des Orbicules, ces bras étaient soutenus intérieurement par une lame testacée, contournée en spi- rale, montrant jusqu’à dix-huit tours de spire (PL 7, fig. 20-23). Sinous n'avions pas connu l’appareil apophysaire des T'. chilensis et Fontainei, nous aurions pu faire des suppositions gratuites ; mais 9250 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES, quand nous voyons que les lames coudées et en anse dont elles se composent sont destinées à soutenir les bras ciliés, nous pouvons en conclure avec certitude que les lames spirales analogues du Spirifer remplissaient les mêmes fonctions. On a quelquefois sup- posé que ces bras avaient la faculté de se dérouler et de se projeter au dehors de la coquille ; mais l’étude de l'appareil testacé des Térébratules nous prouve le contraire. Lorsqu'on appuie un peu dessus, les lames en anse montrent bien un peu d’élasticité, mais elles se brisent comme du verre, si la pression est trop forte. Cette expérience , que nous avons plusieurs fois répétée, nous porte à croire que les bras spiraux des Spirifer, bien qu’ils se contour- nassent en spirale, comme les bras du T'. psittacea, s’en dis- tinguaient par leur centre testacé qui s’opposait à toute espèce d'extension. On doit supposer que ces bras spiraux étaient entiè- rement dépourvus de mouvements érectiles; mais il paraît certain qu’ils donnaient naissance à des cils destinés à remplir les mêmes fonctions que les cils des bras coudés des Térébratules ou de tous les autres Brachiopodes. Ces bras fixes et spiraux des Spirifer sont, du reste, soutenus par une apophyse libre qui part de la base de la charnière de la petite valve , et s’arque vers la valve opposée, comme celle de la T. psittacea (PI. 7, fig. 20, a). Ces bras spiraux n'appartiennent pas seulement au genre Spirifer, mais ils existent encore chez d’autres coquilles térébra- tuliformes, pourvues de caractères zoologiques différents sur les- quels nous reviendrons plus tard. 11 nous suffira, pour le moment, de parler de la place occupée par ces bras dans l’intérieur de la coquille. Chez les Spirifer et chez les Spiriferina , ces bras con- tournés verticalement forment deux cônes opposés horizontaux , dont la base regarde le centre de la coquille , et dont le sommet se porte vers les côtés, mais inclinés vers la région cardinale. Chez les Spirigera, ces cônes, placés de même, ont leur sommet non incliné vers la région cardinale de la coquille, mais dirigé dans leur grand axe transversal. Chez les Spirigerina , les bras ne sont plus enroulés vertica- lement ; ils le sont, au cohtraire, horizontalement , et les cônes A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES, 251 spiraux ont leur base tournée du côté de la grande valve, leurs sommets vers le fond de la valve non percée, c’est-à-dire dans une position diamétralement opposée à la position des bras des Spirifer. Nous ferons remarquer que ces trois directions des cônes dans l’enroulement spiral, et surtout les deux premières, placent toujours l’extrémité des bras à la partie de la coquille la plus éloignée de la bouche de l’animai; ce qui porte à croire que les mouvements , s'ils pouvaient exister dans cette sorte de bras, n'étaient au moins, d'aucune utilité à la préhension des particules alimentaires. On doit alors supposer avec plus de raison que les cils qu'ils supportaient étaient seuls destinés à faciliter l'approche de ces particules vers l’organe buccal, En résumé, nous avons vu, parmi les Brachiopodes pourvus de bras, deux modifications bien distinctes : l’une, la plus parfaite, montre des bras entièrement libres, susceptibles d’érection et de saillie en dehors de la coquille , tandis que dans l’autre, les bras ne sont plus libres, ne peuvent plus sortir de la coquille, car ils sont soutenus par des charpentes testacctes ou cartilagineuses , qui les empêchent de se dérouler ou de s’étendre. Parmi les bras libres, comme ceux de la Lingule, ils ne lais- sent aucune trace de leur adhérence à la coquille , tandis qu'ils sont, au contraire, soutenus par une apophyse testacée de forme arquée, comme chez le T'erebratula psittacea , à laquelle, sur les genres et les espèces éteints, on pourra toujours reconnaître l'existence de cette sorte de bras. Parmi les bras non susceptibles d’allongement, nous voyons trois modifications : dans la première, les bras contournés, char- nus, comme chez les Orbicula, ne laissant, il est vrai, aucunes traces ; mais la forme exceptionnelle de la coquille peut en faire rapprocher les genres perdus. Dans la seconde, comme les bras des Terebratula , des Terebratulina et des T'erebratella, les bras sont coudés et soutenus par des charpentes osseuses, de la petite valve, qui, sur les genres et les espèces perdus, mon- trent toujours des apophyses testacées caractéristiques. Dans la troisième , ce sont des bras spiraux attachés sur des apophyses spéciales et soutenues par des lames testacées spirales, qu’il est 252 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACIHIOPODES. facile de retrouver encore chez les genres perdus. On voit donc que, dans presque toutes les circonstances , on peut, sur les nombreux Brachiopodes enfouis dans les couches terrestres, reconnaître, à la disposition des apophyses ou autres saillies testacées internes , 1° s'ils avaient des bras ; 2° quelle était la nature de ces bras ; 3° énfin s'ils appartenaient aux genres encore existants, ou bien s’ils doivent constituer de nouvelles coupes génériques. Des genres dépourvus de bras. Nous avons vu successivement les bras perdre de leurs pro- priétés érectiles, jusqu’au point de devenir fixes. Il nous reste à parler de quelques autres genres que leurs formes extérieures et même leurs caractères zoologiques rapprochent de ceux que nous venons de décrire , et qui pourtant manquent de cet organe. Nous voulons parler des T'hecidea et de la T'erebratula detruncata, Gmelin, type vivant de notre genre Megathiris, dont nous avons été assez heureux pour voir les animaux. Un grand nombre d'individus du T'hecidea mediterranea nous ont toujours montré, dans la grande valve fixe, un manteau adhé- rent à la coquille, renfermant les troncs des vaisseaux branchiaux ; sur l’autre valve, au-dessous de la petite cavité occupée par les viscères , on voit un système apophysaire faisant partie intégrante de la valve même, formé d’une large bordure testacée, dans la- quelle sont creusés, en dehors, deux arcs latéraux sans issue, et deux autres plus petits en dedans (P1.7, fig. 24), donnant nais- sance, non à des cils fermes comme ceux des Térébratules, mais bien à une espèce de membrane charnue, ramifiée, bordée de cir- rhes inégaux, contractiles dans le repos, et devant s'étendre pen- dant la vie entre les deux bords épaissis des valves , de manière à y laisser ces ramifications si remarquables du limbe. Si l’on peut, jusqu’à un certain point, croire que ce système apophysaire interne , dépendant de la valve même , n’est qu’une modification fixe des apophyses libres des Térébratules , il n’en est pas moins vrai qu'il ne reste plus ici de tige de bras, et même plus de partie qu’on puisse réellement leur assimiler. On sait, du reste, que les Thécidées fossiles (7. hieroglyphica) ; au lieu A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES, 25à d’avoir toujours la dépression de l'appareil en arc , les ont en un nombre variable de digitations obtuses, qui s’éloignent encore plus de la forme des bras, mais qui servent à faire reconnaître que la conformation des espèces fossiles était absolument iden- tique à celle des espèces vivantes. L'animal” du T'erebratula detruncata, dont nous formons le genre Megathiris, nous a montré une organisation encore plus éloignée des véritables Brachiopodes que celle des Thécidées. On n’y voit plus aucune trace des bras, et les régions où ils devaient se trouver ne montrent plus, sur la petite valve, que trois fortes apophy$es verticales, saillantes, qui occupent toute la cavité intérieure de la coquille, et séparent le manteau en quatre lobes pairs, bordés de petits cirrhes charnus, extensibles (PI. 7, fig. 26). L’autre valve off'e, comme tous les autres genres, sur le manteau adhérent, les troncs des vaisseaux ramifiés des branchies (fig, 27). On reconnaît toujours très sûrement cette nouvelle modification sur les espèces fossiles à la disposition si particulière des trois apo- physes verticales qui s'élèvent sur la petite valve. En comparant ces deux genres vivants avec les genres pourvus de bras , on voit qu'ils ont le même mode de respiration , que le manteau de la valve creuse est identique, et que, d’après tous leurs caractères zoologiques et conchyliologiques, ils ne peuvent être séparés. Les bras y sont pourtant remplacés, sur la petite valve, par les bords lobés et épaissis du manteau pourvus de cirrhes charnus, modification qui exclut, pour eux, le nom de Bra- chiopodes. Lorsque nous comparons les caractères des T'hécidées des Megathiris, dépourvus de bras, ou même des Crania qui en sont munis, à toute une série de genres perdus, ballottés par les auteurs dans les diverses séries zoologiques, nous voyons qu’on peut encore joindre à ces deux genres sans bras les genres Æip- purites, Radiolites, Caprina, Caprinella et Caprotina , que des considérations d’une autre nature, relatives au manteau, nous au- torisent à placer non loin des Thécidées et des Mégathiris. Il en résulte que le nombre des genres dépourvus de bras est assez élevé, sans que pourtant, avant ce travail, on en ait signalé un seul, 254 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES. Du manteau même. D’après ce qui précède , on voit que la forme, la disposition des bras, et même leur remplacement par un plus grand déve- loppement du manteau, sont toujours traduits, sur la coquille, par les apophyses internes des valves, et que ces apophyses peuvent faire retrouver , chez les genres perdus, les traces de leur plus ou moins de développement. Voyons maintenant où pourront nous conduire des considérations tirées du manteau. Le manteau, comme Cuvier l’a reconnu chez la Lingule, est le siége de l’organe de la respiration ; M. Owen l’a confirmé sur les Orbicules, les Lingules, et sur plusieurs espèces de Téré- bratules. Nous avons constaté le même fait chez les genres T'ere- bratula , Terebratella, Terebratulina, Orbicula , et même chez les T'hecidea et les Megathiris, dont personne n’avait parlé avant nous. Le manteau est donc, dans cette série animale, d’une im- mense importance zoologique ; car , indépendamment de ce qu’il sert à la respiration, il sert encore à déposer soit les couches testacées intérieures des coquilles, soit les couches externes très singulières de certains genres, Considéré comme organe de respiration, le manteau, ainsi que l’a reconnu M. Owen, montre, chez les Térébratules à la valve perforée, quatre , et à l’autre valve deux gros vaisseaux, qui réunis pénètrent dans les deux cœurs ou sinus dilatés situés en dehors du foie. « Ces vaisseaux naissent au bord du manteau par » des branches nombreuses , dont la réunion produit les gros » Vaisseaux. On distingue à l’aide du microscope beaucoup de » petits vaisseaux qui correspondent aux veines branchiales, ét » qui paraissent être des veines branchiales. [ls marchent paral- » lèlement à la veine branchiale , médiane , et se terminent dans » le bord palléal, d’où naissent les veines. Ces bords , vus avec » un grossissement considérable, paraissent froncés à des distan- » ces régulières, et cette disposition semble due à des cils qui » naissent à une distance du bord du manteau, égale à celle dans » laquelle ils le dépassent ; dans les espaces situés entre cés cils, » le bord du manteau est finement frangé, et en dedans de cette A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES, 255 » frange , on voit un canal qui parcourt toute la circonférence du » manteau, et qui paraît donner naissance aux veines bran- » chiales. » Considéré dans ses rapports avec la coquille, et avec les traces qu'ilimprime sur sa face interne, lemanteau nous donnera, comme les apophyses du bras, des moyens de reconnaître, sur les genres perdus, des caractères de composition intime et de formes z0olo- giques très curieux à constater. Contexture de la coquille. Les coquilles des Brachiopodes vivants sont de trois natures différentes, de composition cornée, de contexture fibreuse ou de contexture perforée. Les coquilles de contexture cornée se rencontrent chez les gen- res vivants Lingula et Orbicula. Ces genres ont pour rapports communs d'avoir le manteau non adhérent à la coquille, et d’être pourvus au bord de très longs cils cornés et subcornés. Quand nous trouvons cette même coquille cornée ou subcornée chez lesObolus, Si voisins des Lingula par leurs caractères, et chez les Orbiculoïdes , également voisins des Orbicules par leurs formes extérieures, nous sommes autorisés à penser que ces genres avaient les mêmes caractères, quant au manteau non adhérent et aux longs cils du bord. Comparés aux bras, on voit que cette contexture de la coquille se rencontre seulement chez des genres pourvus de bras spiraux entièrement libres, ou en spirales, mais presque fixes. Les coquilles testacées de contexture fibreuse ne sont actuelle- ment représentées que par le Terebratula psittacea , type de notre genre Hemithiris. Cette contexture, indiquée par Carpenter, diffère de la contexture cornée par sa composition, plutôt que par son mode de dépôt; car, dans l’un ou dans l’autre cas, la coquille est formée de fibres longitudinales droites ou onduleuses , appli- quées les unes sur les autres, et constituant un tissu serré. L'es- pèce vivante pourvue de ce caractère ne paraît avoir eu, si du moins en en juge par les coquilles, aucune adhérence avec le Manteau, Nous insistons sur ce fait, car il nous sera facile de 256 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES. constater d’où provient cette adhérence chez les espèces où elle à toujours été observée. Nous trouvons cette même contexture chez tous les genres fossiles qui , comme le Terebratula psittacea, devaient avoir des bras charnus libres, portés par des apophyses {les Rhynchonella, les Strigocephalus , les Uncites, les Atrypa, les Pentamerus), chez quelques uns des genres que nous suppo- sons avoir des bras libres sans apophyses (les Strophomena , les Orthisima, les Orthis), chez presque tous les genres pourvus de bras spiraux fixes (les Spirifer , les Cyrthia, les Spirigera et les Spirigerina); mais nous ne la connaissons pas encore chez les genres pourvus de bras spiraux charnus fixes (les Orbiculidæ et les Cranidæ), et chez les genres pourvus de bras coudés ( les Magasidæ et les Terebratulidæ), pas plus que chez les genres réguliers sans bras, tels que les T'hecidea et les Megathiris. C’est même cette constance dans le rapport de ce genre de contexture avec la disposition des bras , qui nous à fait y attacher plus d’im- portance ; car elle nous a paru dépendre d’une coïncidence de caractère d’une valeur zoologique d'autant plus grande, que ce manteau, qui forme la coquille, est en même temps un organe de respiration. Les coquilles testacées de contexture perforée se retrouvent encore chez les genres vivants, T'erebratula, Terebratella, Tere- bratulina , T'hecidea, Megathiris. En étudiant l’animal du T. ch- lensis , M. Owen a remarqué que les lobes du manteau s'adaptent si exactement à la surface interne des valves correspondantes , et y adhèrent si fortement, qu’on ne les détache qu'avec quelque peine ; mais le savant anatomiste ne savait pas alors que le testde cette Térébratule est entièrement perforé dans sa substance même par des pores transverses communiquant de dedans en dehors (PI. 7, fig. 34-37). Cette circonstance vient expliquer l’adhérence ; car le manteau qui forme ces petits trous dont la coquille est cri- blée , ne peut les pratiquer qu'avec des parties intrantes de ce même manteau. Nous avons étudié sous ce point de vue quelques coquilles vivantes des genres T'erebratula, Terebratella, T'erebra- tulina, Thecidea et Megathiris, et nous avons remarqué que le manteau adhère d’une manière intime, et même fait tellement A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES. 257 corps avec la coquille, que les rameaux des vaisseaux branchiaux y sont attachés. On trouve même ‘sur les espèces fossiles des exemples où ils sont incrustés dans la matière même du test (1). Nos observations nous porteraient à croire que dans ce cas la coquille n’est pas, comme on l’a souvent cru de la coquille de beaucoup de Mollusques, un simple corps protecteur, mais qu’elle fait partie intégrante de l'animal , en constituant , ainsi que l’a reconnu M. Milne Edwards, pour certains genres de Bryozoaires, une portion tégumentaire de l'animal, encroütée de carbonate de chaux. Ce qui nous confirmerait dans cetle opinion, c’est que cette même contexture perforée des Térébratules proprement dites ne se retrouve dans la série des Mollusques que chez quel- ques espèces du genre Æscharina, parmi les Bryozoaires, où elle a le même aspect terne de composition et la même régularité dans les pores extérieurs. Nous en serons d'autant plus certains qu’en poursuivant nos comparaisons, nous arriverons, plus tard, à des genres dont une des valves ou les deux valves de la coquille sont entièrement formées de cavités ramifiées ou inégales qui en oc- cupent toute l'épaisseur. On voit, du reste, que cetle contexture perforée, par nous également reconnue sur un nombre considérable de Brachiopodes fossiles , caractérise toutes les coquilles térébratuliformes sans bras (les genres T'hecidea et Megathiris), quelques genres des coquilles à bras spiraux testacées fixes (le genre Spiriferina), et, sans exception aucune, tous les genres de coquille pourvues de bras coudés fixes (Magas , T'erebratulina , Terebratula, T'erebra - tella. Terebrirostra et Fissirostra) ; tandis qu’elle n'existe jamais chez les coquilles pourvues de bras spiraux soutenus par une apophyse. Elle suivrait, pour ainsi dire , les modifications de for- mes des bras. La coquille perforée se trouve plus particulièrement chez les genres où les bras avaient le moins de mouvement , et où ils manquaient tout à fait; ce qui nous porterait encore à croire que : (4) Chez le Terebratulu Dyphia (PI. 7, Gg. 38), le Léptena depressa et l'Orthis striutula (fig. 30, 33), 3" série Zooz. T. VIE. (Novembre 1847); 17 258 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES. la communication de dedans au dehors de ces pores, en contact immédiat avec l'organe de la respiration, devait avoir pour fonc- tions de permettre à l'animal de respirer, même sans ouvrir sa coquille, comme peuvent le faire les Haliotis et quelques genres fossiles voisins pourvus d'ouvertures à leurs coquille, soit au moyen de l’eau pénétrant jusqu'au manteau par ces ouvertures , soit avec des filaments branchiaux du manteau sortant au dehors. Il est un genre de perforation inconnu parmi les genres actuel- lement vivants, mais que la présence de da perforation des Téré- bratules nous permettra d'expliquer. Nous voulons parler des tubes creux capillaires qui couvrent toute la surface de la coquille des Siphonotreta, de ceux qui sont placés près de la région cardi- nale des Chonetes et des tubes groupés ou épars des Productus. Nous avons vu que les perforations des Térébratules et des autres genres sont en rapport avec l’adhérence du manteau , nous devons donc supposer que ces tubes servaient également à favoriser l’or- gane respiratoire, comme chez les Térébratules et les’ autres genres dont la coquille est simplement perforée. Des bords du manteau. En étudiant les espèces vivantes, nous avons reconnu que le bord du manteau est pourvu de cils de différente nature. Les cils des Orbicules sont longs , serrés, subcornés, garnis de petites soies qui leur donnent l’aspect brillant ; ce genre de cils appar- tient seulement aux coquilles carnées et sans charnières. Chez les Lingules à coquille également cornée, ces cils sont longs et assez fermes. Les Térébratules et les autres genres voisins en montrent de charous et courts, tandis que les genres Thecidea et Megathiris paraissent également les avoir charnus mais très extensibles. Si, dans toute la série, nous comparons.les cils du manteau au bord de la coquille , nous verrons que ces cils jouent un rôle d’autant plus important que les fonctions des bras sont plus limitées ou que l'animal est plus complétement privé de mouvement. Chez toutes les coquilles dont les animaux connus ont les bras entièrement libres, comme chez la T'erebratula psittacea et tous les genres fossiles qui S'y rapportent, noùs voyons le bord de la A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES. 259 coquille mince et tranchant. Nous trouvons la même chose chez les genres pourvus de bras presque libres ou de longs cils au bord du manteau, et ce n’est même qu’exceptionnellement que nous avons remarqué, parmi les coquilles à bras coudés , un épaissis- sement et des dentelures dans le labre du Terebratula truncata. Si nous cherchons cependant des exemples d’un grand dévelop- pement du bord du manteau chez des coquilles fossiles voisines des plus parfaites en organisation , nous le trouverons marqué . chez les Productus, où la région palléale de chaque valve se pro- longe en lame très étendue, et même quelquefois en digitations étendues, comme chez le Productus medusa de M. de Koninck. Les Chonetes, les Leplæna sont dans le même cas. Les dépôts formés par les cils du manteau sont surtout visibles dans les ramifications bifurquées qu’on apercoit sur le bord intérieur des valves du Strophomena (PI. 7, fig. 33). Chez les coquilles fixées au sol par leur matière même , comme lesCrania, et chez les genres dépourvus de bras, comme les T'he- cidea (PI. 7, fig. 39, 40) et les Megathiris,ces ramilications, ces- sant d’être exceptionnelles, deviennent au contraire constantes. Nous trouvons sur le bord de la coquille un limbe épais testacé, sur lequel sont toujours marquées les empreintes de ramifca- tions qui partent de l’intérieur, se divisent de plus en plus en approchant du bord externe, et sont sans doute formées par les ranifications charnues du pourtour du manteau. Ces genres, moins complets que les autres par rapport au manque de bras ou à leur fixité au sol, avaient donc un développement plus grand du bord du manteau , pour remplacer peut-être, par des mouve- ments de vibration des cils, l’action des bras qui leur manquait. Lorsqu'on veut comparer ces ramifications des bords épaissis de la coquille des Crania aux bords de la coquille des Radiolites . qui , fixée comme les Crania , en a la forme générale, seulement plus irrégulière, on acquiert la certitude que les Radiohites de- vaient nécessairement appartenir à la même classe d'animaux , mais probablement à la série sans bras. Quoi qu'il en soit, ce . Caractère des ramifications des bords du manteau, inconnu chez les coquilles acéphales , est ici caractéristique de cette forme ani- 260 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES. male, et aucun ne la montre aussi développée que les Radiolites, qui ont quelquefois (À. Hœninghaussii) leurs bords simplement épaissis et marqués de ramifications plus grandes et plus distinctes encore , mais de même nature que chez les Crania (PI. 7, fig. 41) ; tandis que d’autres espèces, les À. foliacea et crateriformes, offrent des ramifications immenses, s'étendant en longueur à deux fois le diamètre de la partie occupée par l'animal, en gros rameaux plusieurs fois divisés, entre lesquels sont des empreintes striées filiformes et rayonnantes (PI. 7, fig. 42:. De plus, toutes les par- ties de la coquille formées par les ramifications du manteau sont d’une contexture poreuse très remarquable, qui doit, nous le croyons, donner, autant que les perforations de la coquille de la Térébratule , la preuve que la coquille fait partie intégrante de l'animal. Si l’on en doutait encore, les faits qui nous restent à ex- poser relativement aux bords dn manteau le prouveraient jus- qu'à la dernière évidence. Une des observations auxquelles nous attachons le plus d'im- portance dans ce Mémoire, est sans contredit l’organisation si exceptionnelle que nous avons découverte chez les Hippuriles et les autres genres que nous en rapprochons. En étudiant les rami- fications des bords épaissis de la coquille , laissées par les cirrhes charnus des bords du manteau, nous avons trouvé, sur le bord de la valve inférieure, les mêmes impressions superficielles des Crania, des T'hecidea et des Radiolites (fig. 43); mais, lorsque nous avons étudié l’autre valve, nous avons trouvé une disposition toute dif- férente. Au lieu de n’occuper que l'intervalle des deux valves , les ramifications pénètrent par des ouvertures de diverses grandeurs du bord de la valve supérieure , et vont, en s'étendant toujours, occuper toute l’épaisseur de la coquille jusqu’au centre (PI, 7, fig. 4h, 45°. Chaque rameau convergeant vers le centre occupe une plus ou moins grande longueur du rayon, projetant vers l’exté- rieur, sur toute son étendue, de petites branches qui se font jour et pénètrent extérieurement par de petites ouvertures égales, où par des ouvertures très inégales en diamètre. Voilà donc un animal- dont les cirrhes charnus ramifiés du bord du manteau pénétraient dans des canaux égalément ramifiés, occupant le tissu même de A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES, 261 la valve supérieure, et commuvniquaient immédiatement avec l'élément aqueux: par de nombreuses ouvertures extérieures. Si nous n’avions pas reconnu les ramifications superficielles des bords du manteau des genres Crania et T'hecidea , et surtout si nous n'avions pas eu l’exemple du test perforé des genres vivants, tels que la Térébratule , nous aurions sans doute cher- ché longtemps à expliquer cette singulière organisation ; mais la comparaison de ces faits acquis nous en donne naturellement l'explication. Nous voyons dans ces canaux ramifiés du bord et de l’intérieur du tissu même de la valve supérieure, la réu- nion de deux caractères séparés chez les Terebratula, les Crania et les T'hecidea, par exemple. C'est, en effet, un dévelop- pement considérable des cils, ou mieux des cirrhes Charnus du bord du manteau, qui entrent dans des ouvertures du bord de la valve supérieure , pénétrant ainsi partout, en donnant des ramifi- cations qui, comme les perforations des Térébratules, commu- niquent avec l'extérieur, mais sur une plus grande échelle. Nous pourrions croire également que ces ramifications, qui pénètrent dans la matière même de la coquille et communiquent avec l’eau, devaient, ainsi que le bord du manteau des Térébratules, faire partie des véritables branchies,-car il serait sans cela difficile de s'expliquer leurs fonctions dans l’économie animale (PI. 7, fig. 46-50). Cette organisation des Hippurites nous donne la preuve que ces animaux respiraient, comme les autres familles pourvues de bras, par des dépendances du manteau, et qu'ils appartiennent bien zoologiquement à la même série d'êtres, dont ils n'avaient été rapprochés que par des caractères de forme extérieure pure- ment empiriques. Une fois entré dans cette voie d'observations, la connaissance des caractères des Hippurites nous a conduit naturellement à leur comparer, d’après des caractères d'organisation intime , des genres que leur facies et quelques autres caractères conchyliolo- giques nous en avaient, depuis longtemps, fait rapprocher. Nous voulons parler des Caprina, des Caprinulaet des Lchthyosarcolites où Caprinella. 262 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES. Les Caprina nous ont montré une valve inférieure fixe , ana- logue de forme à la même valve des Hippurites, tandis que, con- tournée en spirale et de contexture fibreuse , la valve supérieure en est très différente. En limant le bord très épaissi de cette der- nière valve, nous avons reconnu, non sans étonnement, que sa eontexture fibreuse qu’on remarque à l’extérieur provient de ca- naux comprimés longitudinaux, les uns grands, placés près du bord interne, les autres de plus en plus petits en approchant du bord externe , qui pénètrent dans presque toute l’étendue du test, et sont séparés les uns des autres par de simples cloisons verti- cales (PI. 7, fig. 51). Ces canaux, que nous avons rencontrés, soit vides , soit remplis de matière étrangère, devaient sans doute, comme les canaux ramifiés des Hippurites , recevoir de très longs cils ou cirrhes charnus inégaux des bords du manteau, qui pé- nétraient sous presque toute l'étendue de la valve supérieure, dans sa matière même. Comparés aux canaux des Hippurites. ceux-ci s’en distinguent en ce qu'ils n’ont aucune communication avec l'extérieur. Les résultats obtenus pour les Æippurites et les Caprina nous ont servi à expliquer la complication plus grande encore que nous avons reconnue ehez les genres Caprinula et Capri- nella. Le premier, dont la valve inférieure a la forme exté- rieure de la même valve des Hippurites, et dont la valve supé- rieure est contournée en spirale, comme dans le Caprina, nous à montré les deux valves pourvues des mêmes canaux intérieurs que nous avons remarqués sur une seule des valves chez les Ca- prina ; seulement ces canaux sont presque ronds et très inégaux en grosseur , les plus gros étant, comme aux Caprina , plus près du bord interne, et les plus petits près du bord externe (fig. 52). Le second , que le moule intérieur à fait nommer /chthyosarcolites , touten ayant la valve inférieure contournée en spirale, fixe, l’autre conique, et différant complétement de forme, ne nous a pas moins montré la même organisation interne. Ce ne sont plus des canaux d’un diamètre inégal qui pénètrent le tissu des deux valves par une ouverture placée au bord de cette coquille ; ce sont des canaux capillaires égaux en diamètre, qui percent longitudinalement A. D'ORBISNY. - SUR LES BRACIHOPODES. 263 toute la grande épaisseur de la coquille, sans avoir de commu- nication extérieure avec l'élément aqueux (PI. 7, fig. 53). Si nous cherchons à reconstruire par la pensée l’animal qui devait habiter la coquille des Caprina , des Caprinula et des Ca- prinella, nous pourrions croire que, pour les Caprines, des cirrhes charnus , comprimés, très longs et très inégaux , partaient du bord du manteau, et pénétraient dans les cavités du test de la valve supérieure; que, pour le genre Caprinula , des cirrhes charnus cylindriques , très inégaux en grosseur , et pour le genre Caprinelle, des cils déliés capillaires égaux, occupaient le pourtour du manteau de l’animal , et là se divisaient en deux séries : les uns pénétrant dans les canaux de la valve supérieure, les autres en- trant dans les canaux de la valve inférieure. Dans les deux cas, ces cirrhes bordant, ainsi que pour les Hippurites, le pourtour du manteau, siége de la respiration chez les genres vivants, nous devons penser qu'ils élaient placés près de l’ouverture des valves pour se trouver plus immédiatement en contact avec l'élément aqueux, et qu’ils devaient, dès lors, être de véritables organes de respiration, Nous pensons encore, avec plus de raison que pour les Térébratules, que ces canaux pratiqués dans l’épaisseur même du test de ces genres sont une preuve évidente que ce test était, non pas un simple corps protecteur, mais une dépendance intime de l'animal. En nousrésumant sur les caractères zoologiques, et sur les fonc- tions déduites du développement et de la forme des bords du manteau , procédant du connu à l'inconnu , nous sommes arrivés à reconnaître que , d’abord simplement cilié sur ses bords chez les Térébratules , cet organe prend un développement d’autant plus grand que les bras des genres deviennent plus incomplets, et que, chez les genres qui manquent de bras, il devient l’or- gane le plus compliqué , et celui qui occupe le plus de place dans l’ensemble. Le manteau, dans cette série animale , est donc, avec les bras, l'organe le plus important. Il est, avons-nous dit, le siége de la respiration ; mais, en lui voyant prendre. un développement d'autant plus grand que les bras perdent da- vantage de leur perfection, ne pourrions-nous pas croire encore 264 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES. qu’il sert à entr’ouvrir les valves chez des coquilles dépourvues deligament, et remplace dès lors cet agent mécanique, qui chez les autres bivalves contrebalance l'effort des muscles. M. Owen à pensé qu’une partie des fonctions des bras pouvait être expliquée de cette manière. Il ne serait donc plus extraordinaire que les cils du manteau, toujours placés au bord des valves, ne fussent appelés à remplir ces fonctions, surtout lorsque les bras manquent tout à fait, et qu'aucun autre organe n'arrive au bord de la co- quille. On doit au manteau les perforations à peine visibles du test des Térébratules, qui, chez les Hippurites, les Caprina et les Caprinella , forment ces canaux si compliqués et si remarquables de la matière testacée. C’est par les ramifications de ses bords , à peine sensibles chez les Térébratules , plus marquées chez les Crania et les Thecidea, que nous arrivons graduellement à ces immenses ramifications des bords des Radiolites , et enfin aux cils charnus qui pénètrent dans les canaux intérieurs de la co- quille des Hippurites et des Caprinidées. Là encore l'étude com- parative des organes chez lesêtres vivants et fossiles, et des traces qu'ils laissent sur les parties solides, nous amène à définir les formes zoologiques des genres perdus, et à restaurer, pour ainsi dire , cette nature morte des temps passés, qui existait peut-être sous l'influence de conditions vitales différentes des conditions actuelles. Des muscles. Les muscles, et surtout ceux dont nous pouvons retrouver des traces chez les genres fossiles , sont loin d’avoir , à nos yeux, une valeur zoologique égale à celle des bras et du manteau ; néan- moins , nous devons en parler, parce que, dans quelques cas, des faisceaux musculaires traversent la coquille, sortent par une ouverture pour fixer l'animal aux corps sous-marins, et, dès lors , jouent un certain rôle dans les modifications que subissent les coquilles qui en sont pourvues. Les muscles, dans cette série animale , encore exceptionnelle sous ce rapport, sortent où non à l'extérieur de la coquille et par des points différents, suivant les diverses modifications de forme. LS A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES. 265 Des muscles extérieurs. Les muscles chez la Terebratula Chilensis, comme l’a décrit M. Owen, se composent. sur chaque valve, de deux paires. Sur la valve imperforée , ils ont leur origine à une certaine distance les uns des autres. Ceux de la paire antérieure s'élèvent immédiate- ment en arrière du milieu de la valve ; ils sont charnus, se ré- duisent à de petits tendons, qui se séparent de nouveau pour aller se fixer dans le pédicule. Les muscles de la paire postérieure naissent des dépressions latérales de l’apophyse centrale de la charnière , et vont s’insérer dans le pédoncule. Les muscles de la valve perforée sont placés très près les uns des autres ; ceux de la paire antérieure se terminent bientôt par de petits tendons, qui se fixent à la base de la valve imperforée ; les postérieurs se rendent aux pédicules. Ainsi, dans cette espèce , les deux paires de la valve imperforée donnent des fibres vers,le pédicule, qui recoit aussi la paire postérieure de muscles de la valve perforée. Tous ces muscles réunis forment un faisceau musculeux , en- touré d’un prolongement tubuleux du bord du manteau , qui con- stitue ce qu’on appelle un pédicule, dont l'extrémité opposée s'épanouit , et se fixe aux corps sous-marins. Chez les Orbicules , il y a huit muscles distincts, dont une par- tie sort par l'ouverture extérieure de la coquille, s’élargit im- médiatement après en un disque qui s’étend aux parties externes de la coquille , et se fixe aux corps sous-marins ; alors, il n’y a pas de pédicule proprement dit. Entre ces deux modes de fixa- tion presque mécanique de l’animal aux corps sous-marins , il y a diverses modifications , mais qui ne sont pas en rapport direct avec les autres caractères des bras et du manteau; ainsi l’on trouve des coquilles munies de pédicules chez les genres pourvus de bras libres, de bras fixes, en spirale ou coudés , et même chez les genres sans bras, tandis que, dans chacune de ces mêmes séries, on trouve des genres qui n’avaient aucun muscle exté- rieur. La présence ou l’absence de ces muscles extérieurs ne peut donc être qu’un caractère d’une valeur secondaire, passant après les bras et le manteau. Bien que la présence ou l'absence des 266 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES, muscles extérieurs serve de limite entre les animaux libres et les animaux fixes, cette limite paraît d’autant moins importante que nous trouvons des coquilles qui étaient fixes dans le jeune âge, comme les T'hecidea et quelques Orthisina, les Strigocephalus , tandis qu’elles paraissent avoir aussi bien vécu lorsqu'elles étaient libres dans l’âge adulte. Sans attacher, comme nous venons de le dire, une trop grande importance organique à l’existence ou à la non-existence du pé- dicule, nous pensons que cet organe donne un excellent carac- tère générique encore en rapport avec les caractères organiques ; ainsi nous avons remarqué que , si la présence ou l'absence de pédicule n’est pas en rapport avec les grandes divisions données par les bras, la place de ce pédicule lorsqu'il existe est, au con- traire, dans des rapports presque constants avec les divisions déduites des bras. Chez les Lingules pourvus de bras libres , le pédicule passe entre les crochets des deux valves, qui , pour cette raison, ne peuvent pas avoir de charnière. Le genre Hemithiris (T. Psittacea) , et les autres munis de bras libres portés sur une apophyse, montrent un pédicule sortant par une ouverture va- riable placée au-dessous d’un crochet entier. Les Spirifer, à bras spiraux testacés et fixés, ont le pédicule presque toujours à la même place que les Hemithiris. La Terebratula et les autres genres munis de bras coudés laissent passer le pédicule par l’ex- trémité même du crochet de la grande valve de la coquille. Les Orbicules, dont les bras spiraux charnus sont peu libres, font sortir le muscle, pédonculé ou non, par une ouverture placée entre le crochet et le bord d’une coquille subconique. Parmi les animaux sans bras, le Megathiris, seul genre qui soit pourvu d’un pédicule, le laisse sortir par une ouverture qui entame le crochet. Nous sommes entré dans ces détails pour faire sentir qu’en étudiant avec soin la place de l’ouverture de la coquille propre à laisser sortir le muscle , on pourra s’en servir comme d’un excel- lent caractère générique ; car chaque modification de place ou de forme de l’ouverture est encore en rapport avec les autres carac- tères. Nous ne pousserons pas plus loin ces considérations qui rentrent dans les détails de classification, sur lesquels nous re- A. D'ORBIGNY. -- SUR LES BRACIHOPODES. 267 viendrons plus tard ; il nous suffit de dire que tous les caractères relatifs aux muscles extérieurs qu’on observe chez les genres vi- vants se retrouvent parmi les espèces fossiles, et que, de toute manière, on peut les rapporter aux types vivants, ou constater parfaitement les différences organiques qu’elles peuvent offrir. Nous terminerons ici les considérations zoologiques. Tous les autres caractères cessant d'être généraux, pour devenir de plus en plus exceptionnels , et tenant souvent à la coquille , nous les dis- cuterons en parlant de ceux qui doivent être employés dans la clas- sification des genres. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 7. Fig. 1. Valve inférieure del’Hemithiris psittacea vue en dedans, pour montrer : a, les apophyses qui soutiennent les bras charnus libres; b, un bras déve- loppé; c, bras contourné sur lui-même, dans le repos. Fig. 2. La même valve sans les bras, montrant a les apophyses. Fig. 3. Coupe longitudinale de la même valve, pour montrer la saillie de l'apo- physe a. Fig. 4. Coupe d'une Rhynchonella. — a, l'apophyse destinée à soutenir le bras charnu. Fig. 5. Coupe des deux valves du Strigocephalus Burtini, montrant « l'apophyse des bras charnus. Fig. 6. Coupe longitudinale des deux valves du Pentamerus Knightü, Sow., pour montrer a l'apophyse brachiale soutenue par une lame b et les lames e de la grande valve. Fig. 7. Valve inférieure, vue en dedans, de la Terebratulina caput serpentis , afin de montrer a la base de l'apophyse brachiale; b,b, les deux bras coudés au point d, se réunissant en c pour ne former qu'un seul bras recourbé vers la bouche. Fig. 8. La même valve vue de profil, pour montrer les mêmes parties. Fig. 9. Valve inférieure, vue en dedans, du Terebratula cornea.— a, la base de l'apophyse brachiale ; b,b, les bras coudés, qui se recourbent vers la bouche c, sans se réunir, Fig. 10. La même valve vue de profil, montrant les mêmes parties. Fig. 411. Valve inférieure, vue en dedans, du Terebratella truncata, pour mon- trer les bras coudés b 268 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES. Fig. 12. La même valve vue de profil. Fig. 13. Valve inférieure, vue en dedans, du Terebratellu Chilensis, afin de mon- trer, a, l'appareil apophysaire coudé des bras non extensibles , qui se fixe sur une crête b au fond de la valve. Fig. 14. Valve inférieure du Terebratula Fontainei, d'Orb. — a, l'appareil apo- physaire des bras coudés, resté libre, exceplé sur son point d'attache c. On voit en x,æ, l'empreinte intérieure des vaisseaux branchiaux ramifiés. Fig. 15. La même valve vue de profil, portant a l'appareil libre des bras coudés. Fig. 16. Valve inférieure, vue en dedans , du Terebratella truncata, montrant a l'apophyse des bras coudés charnus. Fig. 17. Valve inférieure, vue en dedans , du Terebratulina caput serpentis. — a, appareil apophysaire tubuleux des bras coudés charnus. Fig. 18. Valve inférieure, vue en dedans, du Magas pumilus, afñn de montrer son appareil apophysaire brachial destiné à supporter des bras coudés charnus. Fig. 19. Coupe longitudinale des deux valves réunies , afin de montrer b la lame verticale de la valve inférieure, sur laquelle a sont les apophyses des bras coudés charnus. Fig. 20. Valve inférieure de Spirifer.—a, l'apophyse brachiale ; b,b,b, l'appareil spiral des bras fixes contournés Fig. 21. Coupe des deux valves, pour montrer la place de l'appareil spiral des bras contournés fixes. Fig. 22. Valve supérieure d'un Spiriferina. — a, l'appareil spiral des bras con- tournés fixes Fig. 23. Coupe des deux valves, pour montrer a l'apophyse; b, le cône formé par l'appareil spinal fixe des bras. "Fig. 24. Valve supérieure du Thecidea mediterranea. — a, appareil fixe incrusté dans la coquille, destiné à soutenir des cirrhes charnus. Fig. 25. Valve inférieure de la même coquille, — a, limbe ramifé du bord du manteau ; b, tubercules laissés par le manteau. Fig. 26. Valve inférieure du Megathiris detruncata. Ce genre n'a plus de bras; mais entre trois apophyses saillantes, &,a,a, sont les bords, du manteau décou- pés en trèfles et pourvus de cirrhes charnus contractiles. Fig. 27. Valve supérieure du même, montrant a les vaisseaux ramifiés du réseau branchial. Fig. 28. Valve supérieure d'un Spirifer, pour montrer a les deux lames verticales qui partent de la région cardinale, et b la troisième lame médiane. Fig. 29. Valve inférieure d'un Spiriferina. — a, lame verticale interne; b, lame médiane également verticale. Fig. 30. Valve supérieure d'une espèce d'Orthisina, pour montrer le limbe ra- mifé. Fig. 31. Valve supérieure, vue en dedans, de l'Orthis formosu, pour montrer A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACHIOPODES. 269 qu'elle n'a pas d'apophyse intérieure comme les Lingula , et que, dés lors. ce genre peut avoir des bras libres charnus. Fig. 32. Valve inférieure, vue en dedans, du Leptagonia depressa , également sans apophyses brachiales. Fig. 33. Valve inférieure, vue en dedans, du Leptæna Madisonensis aussi sans apophyses, montrant a des canaux ramifiés du limbe formés par les ramifica- tions du bord du manteau. Fig. 34, 35. Perforations grossies du test des Térébratules. Fig. 36. Perforations et tubercules extérieurs du test du Spiriferina du lias. Fig. 37. Partie grossie du bord intérieur des valves du Terebratella truncata, montrant les tubercules laissés par les cirrbes charnus des bords du manteau. Fig. 38. Terebratula dyphia dont on a enlevé une partie du test, et dont le moule intérieur montre les canaux formés par les vaisseaux branchiaux du manteau. (De ma collection.) Fig. 39. Partie grossie du limbe ou bord intérieur d'une valve du Thecidea pa- pillata, pour montrer les canaux laissés par les cirrhes charnus du bord du mantean. Fig. 39°. Valve de grandeur naturelle. Fig. 40. Partie grossie du bord intérieur d'une valve de Crania antiqua, mon- trant les canaux bifurqués et ramifiés laissés entre les tubercules par les cir- rhes charnus du bord du manteau. Fig. 40’. Valve de même grandeur naturelle. Fig. 41. Bord intérieur, de grandeur naturelle, d'une valve supérieure du Radio- lites Hæœninghaussü , ayant les mêmes sillons ramifiés , entre des élévations, qu'on remarque au bord des Thécidées, des Cranies, des Leptæna, ete , etc. On voit clairement qu'ils ont été formés par des cirrhes charnus Fig. 42. Lames extérieures , réduites, du bord de la valve inférieure d’une Ra- diolites crateriformis, montrant en a,a,a, des canaux ramihés et bifurqués di- vergeant de l'intérieur à l'extérieur, comme les canaux intérieurs des Téré- bratules (fig. 38). Ils ont sans doute été formés par des cirrhes charnus susceptibles d'extension jusqu'aux limites extrêmes du bord de la coquille, entre les deux valves. Fig. 43. Bord intérieur grossi d'une valve inférieure d'Hippurites bioculata . ayant les mêmes ramifications tuberculeuses que les Cranies et les Thécidées. Fig. 44. Bord intérieur grossi d'une valve supérieure d’Hippurites bioculata, montrant les ouvertures des canaux intérieurs de divers diamètres , qui pénè- trent dans l'épaisseur même de la valve. — 4, orifice des grands canaux. Fig. 45 Coupe verticale, dans le sens d’un rayon qui part du centre à la circon- férence, d'une valve supérieure du Radiolites biorulata , afin de montrer la direction et les ramifcations des canaux intérieurs. — a,a a, canal principal qui part du bord externe (a, fig. 44) et s'étend jusqu'au centre. en projetant, vers l'extérieur, des ramifications c,c,c,e. — b, canaux compris entre le bord 270 A. D'ORBIGNY. — SUR LES BRACIIOPODES. interne et le bord externe, se ramifiant comme le canal principal, et formant de petits canaux qui vont s'ouvrir à la partie supérieure de la valve. — Les lignes d'accroissement de la partie testacée de la valve qui sépare les canaux. nous ont donné la preuve que ces canaux s'avancent vers l'extérieur au fur et à mesure de l'accroissement de la coquille On pourrait croire dès lors que le cirrhe charnu qui y pénétrait pouvait résoudre la matière calcaire du côté in- térieur, tandis qu'il déposait des matières en arrière, de manière à n'avoir que le même diamètre de canal, La figure 49 le montre suffisamment. On voit que ces canaux se sont avancés de & en b, en laissant cc, les limites successives du canal d à mesure qu'il s'avançait vers b. Fig. 46. Partie supérieure des deux valves de l'Hippurites cornu-vaccinum, mon- trant a,a, des parties non altérées de la superficie externe de la valve supé- rieure percées de petits pores correspondant aux canaux internes; b, partie usée, montrant alors des canaux plus grands; ce, les grands canaux, visibles par suite de l'enlèvement d'une partie du test; d, le bord de la valve infé- rieure. Fig. 47. Partie supérieure de l'Hippurites bioculata. — a, partie supérieure du test, avec ses perforations intactes; b, partie plus altérée, montrant des canaux plus gros; c, les grands canaux rayonnants figurés en coupe (fig. #5, a); d, bord de la valve inférieure. Fig. 48. Partie supérieure grossie d'une valve de l'Hippuriles bioculata, pour montrer l'orifice des canaux. Fig. 49. Voyez figure 45. Fig. 50. Partie externe de la valve supérieure de l'Hippurites Toucasianus, pour montrer les ouvertures extérieures. Fig 51. Coupe transversale des canaux intérieurs dela valve supérieure du Ca- prina Aguilloni. -- a, bord interne ; b, bord externe. Fig. 52. Coupe transversale des canaux intérieurs des deux valves du Caprinula Boissyi. — a, bord interne ; b, bord externe. Fig. 53. Coupe transversale d'une valve du Cuprinella triangularis, pour montrer les canaux capillaires dont elle est pourvue intérieurement. RECHERCHES SUR L'ORGANISATION DES VERS; Par M. ÉMILE BLANCHARD. (Suite: voy.t. VII, p. 87,-ett. VIIT, p. 119.) Genre Poryceris (Polycelis Ehrenb.). Pozycëce miré (Polycelis tigrinus Blanch,) (4). Corpore lalo postice attenuato, punctis seu maculis minulis fuscis adsperso; oculis numerosis. Le corps de cette espèce est très déprimé, large, par rapport à sa longueur, mais notablement rétréci vers la partie postérieure ; ses dimensions varient entre 30 et 40 millimètres de long sur 15 à 20 de large. Il est d’une teinte uniforme , blanchâtre , avec quelques nuances grisàtres ; mais en dessus il est tout parsemé de points, ou plutôt de très petites taches brunâtres extrêmement rapprochées les unes des autres, particulièrement sur la partie moyenne de l’animal. Exactement au-dessus des ganglions céré- broïdes, on distingue une petite tache noirâtre, bilobée, ayant entièrement la forme de ces centres médullaires. Les yeux , qui se présentent sous la forme de petits points noirs, sont situés de chaque côté de cette petite tache (2). La bouche est située vers le quart antérieur du corps (3); l’orifice des organes mâles (4) vers le milieu, et celui des organes femelles (5) notablement en ar- rière. Cette espèce paraît être assez commune dans le port de Gênes. Je n’en ai étudié que le système nerveux d’une manière détaillée. Du système nerveux. — Les ganglions cérébroïdes sont situés vers le cinquième antérieur de la longueur du corps, un peu en (A) PL 8, fig. (. 2) PI. 8, fig. 1“. ) PL 8, fig ds, #) PL 8, fig. 1/— ) PL 8, fig. 1" —c. 272 , VOYAGE EN SICILE. avant de la bouche (1) ; ce sont deux petites masses sphériques intimement unies l’une à l’autre. De chacune d'elles , il naît an- térieurement trois nerfs ; le premier fournit, presque dès sa base, une branche interne, se subdivisant près du bord marginal ; puis il se partage encore en deux branches d’égale épaisseur. Les nerfs de la seconde paire se dirigent plus obliquement, et se divisentaussi en deux branches, subdivisées elles-mêmes en plusieurs rameaux très grêles. Les nerfs de la troisième paire se dirigent tout à fait latéralement, et se séparent en trois branches. Tous ces filets nerveux se distribuent aux fibres musculaires et à l’enveloppe externe. Sur les parties latérales, les centres médullaires céré- broïdes fournissent des nerfs assez gros en nombre égal à celui des yeux, et se rendant directement à ces organes. Ceci a été constaté, de même que le trajet de tous les autres nerfs, en les isolant complétement; dès lors, il ne peut rester le moindre doute (2). Cette observation me paraît achever de démontrer que les points noirs qui se voient chez les Planariées sont bien de véritables yeux. J’ai observé dans le Polycelis tigrinus , comme M. de Quatrefages l’a fait dans diverses autres espèces , un petit corps vitreux, véritablement un cristallin, engagé dans cette espèce de pigment noir ou brunâtre. En arrière, les ganglions cérébroïdes donnent naissance aux deux longs cordons qui descendent jus- qu’à l'extrémité du corps. Ces deux chaînes, d’une épaisseur assez considérable par rapport à la dimension de l’animal et au volume du cerveau , émettent, dès leur origine, un nerf assez gros, et plusieurs autres presque aussi gros le long de leur trajet ; leurs renflements ganglionnaires sont difficiles à distinguer. J'ai représenté le système nerveux de cette espèce avec la plus grande exactitude, m’efforcant de suivre le trajet de tous les filets; persuadé que, lorsqu'on aura réuni plus d'observations sur les Planaires, l’appareil de la sensibilité pourra offrir des indications précieuses pour reconnaître les groupes naturels. (1) PL. 8, fig. 4°. (2) Je conserve au Muséum d'Histoire naturelle une petite préparation sur la- quelle on distingue encore très clairement les nerfs optiques. Ë. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 273 Genre Pnrocénos (Proceros de Quatref. ). Proceros vELOUTÉ (Proceros velutinus Blanch,) (1). Omnino nigro-violaceus , velutinus, immaculatus , plaga sola minulta antica, oculis instructa. Cette espèce est d’une assez grande taille; ses dimensions, d’après les individus que j’ai examinés, m'ont paru varier entre 30 et 50 centimètres sur une largeur de 15 à 25 environ , suivant d’ailleurs l’état de contraction ou de dilatation de l'animal. Ses téguments sont d’une mollesse extrême, et les faux tentacules, formés par un repli, semblent moins fortement prononcés que dans certaines espèces rangées par M. de Quatrefages dans son genre Proceros. Tout le corps est en dessus d’un beau noir violacé- velouté, sans autre tache qu’un petit espace blanc antérieur , sur lequel sont situés les yeux: ceux-ci (2), au nombre d’une quarantaine , sont disposés assez irrégulièrement. En dessous, le corps cst d’un noir violacé comme en dessus ; seulement, sa teinte est plus afaiblie et plus mate. La bouche (3) est située à peu près vers le tiers antérieur de la longueur du corps. L’orifice des organes mâles (4) se lait remarquer un peu en avant. L’orifice des organes femelles (5) se trouve notablement en arrière de la bouche. Cette espèce se rencontre dans le port de Gênes. C’est exclusivement pour l'observation du système vasculaire que je fais connaître cette espèce ; car , quand j’ai voulu étudier les autres organes, de manière à pouvoir mieux saisir les rap- ports de cette espèce avec les autres Planariées, mes individus étaient déjà morts. Du système nerveux. — es ganglions cérébroïdes (6), situés } 2. ) PL 8, fig: 2“. ) 2—_a. ) 26 +. 5) PI. 8, fig. 2!—c. (6) PI. 8, fig. 2°—.a. 3" série. Zoos. T. VIT (Novembre 1847.) » LR] 274 VOYAGE EN SICILE. notablement en avant de la bouche et des organes mäles, forment une masse bilobée, d'où l’on voit naître deux paires de’ nerfs principaux , et en avant les nerfs optiques qui sont d’une brièveté extrême. Les deux chaînes latérales passent sous les organes gé- nitaux et de chaque côté du tube intestinal au-dessous des bran- ches qui en dérivent. Appareil digestif (À). — L’estomac se trouve placé exactement au-dessus de la bouche ; il est suivi d'un intestin droit s'étendant jusqu’à l'extrémité du corps , où il arrive en se rétrécissant gra- duellement. De chaque côté de l’estomac et du tube intestinal , il en naît une vingtaine de diverliculum qui atteignent presque les bords latéraux du corps. Toutes ces branches, assez épaisses , sont digitées vers leur extrémité d’une manière en général assez irrégulière. Appareil circulatoire. -— Chez cette espèce, j'ai pu voir avec la plus parfaite netteté tout le réseau vasculaire. Sur un individu que je conserve encore actuellement, on distingue dans une grande partie du corps les plus fines ramifications, dans lesquelles Pin- jection a pu pénétrer. C’est après avoir fait mourir des Planaires, en empoisonnant l’eau de mer au moyen d’un liquide salin hy- drargyré, que j’ai réussi à pouvoir disséquer et à injecter de ces animaux sans que leurs tissus vinssent à diffluer , et sans que la contraction füt très sensible. Comme je l’ai dit déjà dans les généralités, les noyaux céré- broïdes sont logés dans une petite lacune, à laquelle viennent aboutir les principaux troncs vasculaires: ce qui explique les mouvements de contraction vus sur ce point par divers observa- teurs, et notamment par Dugès, par Mertens , etc. Si nous con- sidérons cette lacune comme centre, nous en voyons partir anté- rieurement de chaque côté un tronc principal , qui se divise et se subdivise bientôt dans la portion antérieure du corps ; et en ar- rière, les deux vaisseaux les plus considérables qui s’étendent jusqu’à l'extrémité postérieure du corps, en présentant sur leur trajet des branches nombreuses elles-mêmes extrêmement rami- (PL 82e 2 Ë. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 279 liées, et offrant entre elles une foule d’anastomoses , de manière à constituer un véritable réseau d’une délicatesse extrême, ‘* comme nous l'avons représenté avec la plus grande exactitude , d'après notre individu le mieux injecté (4). OBSERVATIONS Ainsi que j'ai déjà eu soin de le faire remarquer , les Aporo- céphales où Planariées ne figurent dans ce travail que pour les faits relatifs au système nerveux et au système vasculaire, ces points m'ayant paru indispensables à éclaircir pour apprécier ri-. goureusement les rapports d'organisation existant entre ce type et les autres groupes de Vers, particulièrement les Trématodes et les Bdellomorphes. Je n’ai point eu l'intention de donner un travail d'ensemble sur les Planaires. Après le Mémoire qui venait d’être publié par M. de Quatrefages, après la Monographie zoologique publiée assez récemment par M. OErsted (2), il faudrait étudier profon- dément un très grand nombre d'espèces, et, autant que possible, les espèces déjà décrites et réparties dans divers genres, pour arriver à établir parmi ces animaux les caractères propres à cha- cune des divisions établies par les auteurs , souvent d’après des caractères extérieurs , dont on ra pu, en général, suffisamment contrôler la valeur par l'étude des parties internes ; or, c’est ce que je ne me suis point trouvé en position de faire. Dans la Monographie de M. OErsted, on trouve mentionnées assez exactement les espèces de Planaires décrites jusqu’à lui, Depuis, M. de Quatrefages en a fait connaître quelques autres ; et M. Darwin (3) a donné la description succincte de quinze espèces exotiques provenant surtout du Brésil, du Chili et de la Tasmanie. (1) PL 9, fig. i. (2) Entiwurf einer sustematischer Entheilung und Speciellen Beschreibung der Plathwirmer. Copenhagen, 1844. (3) Brief Descriptions of several terrestrial Planariæ and of some remarkable marine species with an account of their habits. (The Annals and Magaz. of nat. history, vol. XIV, p. 241, pl. v, Gig. 1-4 [1844].) 276 VOYAGE EN SICILE. ORDRE DES TRÉMATODES (TREMATODA Ruvorrm). Caractères. — Corps aplati, plus où moins large, mais tou- jours assez court, sans annulations, pourvu de ventouses ou organes d’adhérence. Bouche située à l'extrémité antérieure. Système nerveux consistant en deux chaînes latérales, prenant leur origine dans deux centres médullaires petits, et notablement écartés l’un de l’autre. Les renflements ganglionnaires des chaînes latérales toujours extrêmement petits, surtout vers la partie posté- rieure. Canal intestinal débutant par un bulbe musculeux et un æsophage court, suivi d’un intestin bifurqué ou ramifié, terminé en cœcum , et ne présentant jamais d'anus. Système vasculaire consistant en un ou plusieurs vaisseaux principaux , fournissant de nombreuses branches qui s’anastomosent ordinairement entre elles. Organes de la génération des deux sexes réunis sur chaque individu ; les orifices plus ou moins rapprochés, toujours distincts. Les testicules multiples. Pénis faisant ordinairement saillie au dehors. Ovaires en forme de grappes et de canaux décrivant de nombreuses circonvolutions. Oviducte tubuleux. - L'ordre des Trématodes est certainement l’un des plus remar- quables parmi les Vers. On en a décrit de deux cents à deux cent cinquante espèces appartenant à des types différents, mais toutes néanmoins conformées d’après un plan général assez uni- forme. Malgré quelques diversités d'organisation , ce groupe est en effet extrêmement naturel et parfaitement distinct. Les Tré- matodes sont en réalité de fort jolis animaux qui varient nota- blement d’un type à l’autre par le nombre des ramifications de l'appareil digestif, par le trajet, les anastomoses, la multiplicité des vaisseaux, comme par la disposition qu’affectent les organes génitaux ; mais le système nerveux offre un degré de constance bien remarquable. Entre toutcs les espèces soumises à mes in- vestigations, je n'ai observé, sous ce dernier rapport, que les plus légères différences. Les téguments de ces Vers sont assez résistants : ce qui per- met de les étudier plus facilement quand on v apporte le soin sn É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 277 convenable. C’est ce qui permet d’injecter le système vasculaire de très petites espèces, comme quelques Distomes , comme lHo- lostome du Renard, par exemple, dont la taille est de 3 à 4 milli- mètres. J’ai étudié un certain nombre d’espèces de l’ordre des Tréma- todes ; sur plusieurs de très petite dimension , je n’ai pas réussi à injecter entièrement les vaisseaux, Je ne m’arrêterai qu’à celles qui de ma part ont été plus particulièrement l’objet d’études ap- profondies; je ne parlerai point, au contraire, de celles sur les- quelles j'aurais trop peu de chose à ajouter à ce qui est déjà connu. M. Dujardin a établi dans cet ordre trois divisions qui me pa- raissent assez naturelles; ce sont les Disromiens , Tisromrens et OcrosoraniExs. On peut les reconnaître aisément d’après la dis- position ou la nature de leurs ventouses. Ventouses inermes ; ces organes n'accompagnant jamais la \ bouche. Intestin divisé en deux branches simples ou ra- | Disroniens. mifiées . EL ob 0 ag vi dà Ventouses inermes : deux de ces organes situés de chaque, côté de la bouche. Intestin ramifié, dont les deux bran- | Tmsrowrexs. ches principales réunies en forme d'anse. | Ventouses situées à la partie postérieure du corps et mun ies | ! de crochets ( OcrosoTaRiENs. Tribu des DISTOMIENS (D/STOMII Dujard.:. Caractères. Bouche terminale. Une ou deux ventouses inermes. Les ganglions cérébroïdes situés de chaque côté de l’œsophage ou du bulbe æsophagéen. Cette tribu me paraît susceptible d’être divisée en plusieurs familles : l’une comprenant les Distomes, et tous ceux établis aux dépens de ce grand genre des anciens helminthologistes , et de plus les Monostomes. La famille des Distomides serait distinguée par le corps aplati, et l'absence de ventouse pos- térieure ; une seconde , comprenant les Amphistomes, la famille des Amphistonvides , serait distinguée par l'épaisseur du corps , et la présence d’une grande ventouse postérieure; une troisième 278 VOYAGE EN SICILE. alors comprendrait les Holostomes, dont la partie antérieure du corps est élargie , ou plutôt bordée par des expansions membra- neuses ; ce serait la famille des olostomides. Je n’ose qu'indiquer ces groupes ; des caractères organi- ques paraissent devoir les appuyer: mais, mes observations w’ayant pu porter que sur un nombre d'espèces assez limité com- parativement à ce qui existe, je ne voudrais pas généraliser des caractères qui n’appartiennent peut-être pas à tous les représen- tants de ces familles. Fame nes DISTOMIDES (DISTOMIDÆ). Genre Fascioce (Fasciola Linné). Planaria Gœæze.— Distoma Retzius Rudolphi, Bremser, Meblis, Dujardin. Sous-genre Cladocælium Dujard. Caractères. — Corps oblong, étranglé antérieurement. Deux ventouses, l’une contenant la bouche, et l’autre située un peu en arrière. Intestin divisé en deux branches très rameuses. Orifice des organes génitaux en avant de la seconde ventouse. Ovaires occupant les parties latérales et Fextrémité du corps. Utérus situé vers la partie antérieure. Organes testiculaires divisés en branches nombreuses se terminant en cæcum. Système vasculaire consistant en un canal médian, donnant naissance à des branches nombreuses très ramifiées et très anasto- mosées. On ne connaît qu'une seule espèce de cette division ; c’est l’une des plus grandes, et peut-être la plus commune parmi les Tré- matodes : aussi est-elle considérée comme étant en quelque sorte le type de l’ordre tout entier. C’est une de celles qui ont été le mieux décrites; cependant son système vasculaire n’a jamais été ni décrit ni représenté dans son ensemble. Les organes de la gé- nération ont même été figurés très imparfaitement. Il m'a paru juste de rendre à ce type le nom générique de Fasciola appliqué par Linné, principalement en vue de cette espèce , et néanmoins abandonné par les helminthologistes qui lui out substitué la dénomination de Distoma. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 279 Fascioue pu rois [Douve du foie} (Fasciola hepatica) (1). Linné, Systema naturæ, edit. xu, L. [, part, u, p. 4077, n° 4 (1767). Egelschnecke, Scheffer, Abhandlungen von Insecten Bd. 4, taf. | (176%). Planaria latiuscula Gœæze, Versuch einer Naturgeschichte der Eingeweide- würmer Lhierischer Kærper, p. 169 (1782). Distoma hepaticum Zeder, Nachtrag. zur naturg. der Eïngeweidewürmer, p. 165 (1800). Rudolphi, Entoz. hist., L. I, p. 352 (1809). Fasciola hepatica Brera, Memorie sopra à principali vermi del corpore umano, p. 92 (1811). Fasciola hepatica Ramdohr, Anatomische Bemerkungen über den egel in der Schaafleber (in Der Gesellschaft Natürforsch. freunde zu Berlin Magazin. 6 Jahrang. p. 128, tab. nn, fig. 5, 6 (1814). —(Observations inexactes.) Otio, Ueber das nervensyslem der Eingeweidewürmer (in Der Ges. Na- turf. fr. Magaz. 7 Jahrang. S. 228, tab. vi, fig. 7, 8, 9. 10 (1816). — ‘Observations inexactes.) Distoma hepaticum Olfers , Comm. de’ vegetativis et animatis corporibus in corpore animali reperiundis, t. 1, p. #4 (1816) Gæde, Diss. hist. observat. quasdam de insect. vermiumque structura. De Distomutis hepatici structura, p 8-13 (1817). Rudolphi, Entoz. synops., p. 92, 363, 576, 583, 588 {1S19). Bremser, Ueber lebende Würmer in lebenden Menschen, p. 229-233 (1819). Bojanus in Zsis von Oken 1821, I, p. 170,173, tab. 2, fig. 20-23. p. 305- 307, tab. 4, fig. a,b,c (1821). Meblis, Observaliones anatomicæ de Distomate hepatico et lanceolalo (1825). Layer, Dissert. hist. Entoz. corp. hum., p. #7 (1833). Gurlt, Lehrb. d. path. anat. der Haussaügethiere, pl. 8, fig. 29-33. Dujardin, Hist. nat. des Helminthes (Suites à Buffon), p. 389 (1845). Description. — Cette espèce atteint jusqu’à 30 à 35 millimètres de longueur. Son corps est mince, aplati, rétréci ou étranglé anté- rieurement, et légèrement atténué vers la partie postérieure, d’une forme ovale ou oblongue. Les bords latéraux sont presque droits, et l’extrémité arrondie présente , ordinairement, une très petite échancrure. La partie antérieure du corps, ou la partie étranglée, estun peu conique et en forme de cou. La ventouse antérieure, dans laquelle est située la bouche , est petite et arrondie ; la ventouse postérieure, beaucoup plus grande, est très saillante, avec une ou- (1) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes). pl 36, fig. 4, La. 280 VOYAGE EN SICILE. ; verture triangulaire. Le pénis, très prolongé au déhors. et tou- jours courbé sur lui-même , fait saillie en avant de la ventouse. L'orifice des organes femelles, très peu sensible extérieurement, s'aperçoit à droite de la verge. Les branches de l'intestin sont très ramifiées. Tout l’animal est d’une couleur gris-brunâtre , et les branches intestinales se dessinent sous les téguments en brun-verdâtre quand elles sont gorgées de nourriture. La Douve du foie est l’une des plus grandes espèces de l’ordre des Trématodes , et e’est en même temps l’une des plus commanes. Elle présente en quelque sorte l’exagération des caractères du groupe par le nombre des branches de l'intestin, et par la multi- plicité des ramifications et des anastomoses vasculaires: c’est donc avec beaucoup de raison qu’on peut la considérer comme un des types principaux parmi les Trématodes. La Douve vit dans les canaux hépatiques de tous les Rumi- nants; elle a été également trouvée chez le Cochon, le Lièvre, et même plusieurs fois chez l'Homme. On la trouve en très grande abondance dans le foie des Moutons ; la plupart de ces animaux en sont littéralement infestés. Il s’agit, le plus ordinairement, d’acheter un foie de Mouton, dont on a respecté les canaux bi- liaires pour se procurer la Douve en grande quantité. 11 m'est arrivé fort rarement, sur bon nombre de foies visités, de ren- contrer les canaux hépatiques ne contenant aucun de ces Vers. Dans quelques cas, du reste assez rares. ces Trématodes se logent dans le parenchyme du foie , et il en résulte une véritable altération de cet organe. On distingue à sa surface des parties profondément attaquées , dont l'aspect est celui de poches vési- culeuses. La Douve n’est pas rare, non plus dans le foie de Bœuf ou de Vache. Je l’ai rencontrée également dans le Cheval. Tous les in- dividus qu’on obtient de ces divers Mammifères sont compléte- ment semblables, Cette espèce de Trématode, contrairement à ce qui a été observé pour la plupart des autres Vers, paraît vivre indifféremment chez plusieurs Mammifères appartenant à des groupes essentiellement différents. Enveloppe téqumentaire el mruscles. — Les téguments des É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 281 Douves ont une consistance très ferme, et résistent parfaitement à l’action de l’ammoniaque. La peau, vue à un grossissement de 80 à 4100 diamètres, se montre comme légèrement ridée, et couverte de tubercules assez rapprochés les uns des autres et inégalement espacés (1). Vers la partie antérieure du corps, ces tubercules sont en général très arrondis ; dans la partie médiane, ils sont, au contraire , plus allongés et plus irréguliers ; à la partie postérieure, ils deviennent de moins en moins sensibles , et finissent même par s’effacer très notablement. Malgré tous mes efforts pour isoler ou pour distinguer, sous le microscope, les couches qui entrent dans la composition des téguments de la Douve, je n’ai pu en apercevoir que trois : l’une superficielle , ayant l’apparence d’une membrane extrêmement mince : c’est une sorte d'épiderme ; l’autre plus épaisse, résistante, et formée de cellules allongées, qui peuvent, jusqu'à un certain point, donner passage au liquide dans lequel }’animal est plongé. Mehlis s'était déjà assuré de cette absorption en plongeant des Fascioles dans un liquide coloré. Au-dessous on distingue une couche com- posée de fibres entre-croisées, extrêmement minces, et générale- ment assez mal délimitées. Les muscles de la Douve , comme ceux de la plupart des Tré- matodes, sont très difficiles à isoler ; cependant on suit assez bien les fibres longitudinales qui, fixées aux téguments , règnent à la face dorsale et à la face ventrale du corps. Dans la portion anté- rieure , celle où se trouve logé le bulbe œsophagéen , les fibres musculaires sont beaucoup plus serrées que partout ailleurs , et un grand nombre d’entre elles servent à maintenir et à mouvoir ce bulbe. Au-dessus de l’orifice buccal, on distingue encore plu- seurs fibres circulaires qui constituent ‘la petite ventouse anté- rieure. La seconde ventouse est solidement fixée dans les téguments par des fibres circulaires; elle est elle-même composée de fibres très serrées , et formant, comme le dit avec raison Mehlis , une sorte de tissu inextricable. (1) PL 14, fig 3. 282 VOYAGE EN SICILE. Système nerveux. — L'appareil de la sensibilité est très distinct, et même assez facile à mettre en évidence chez la Douve du foie. Les deux ganglions cérébroïdes sont situés exactement de chaque côté du bulbe æsophagéen (1). Ils ont une forme un peu ovalaire, et c’est surtout en avant qu'ils tendent à se rappro- cher l’un de l’autre. La commissure qui les unit est assez épaisse, et peut être aisément isolée du bulbe œsophagéen sur lequel elle repose directement. Les ganglions cérébroïdes fournissent du côté externe quatre nerfs, qui se ramifient et se distribuent aux muscles de la partie antérieure du corps et à l'enveloppe tégumentaire. Du côté in- erne, ces centres médullaires cérébroïdes donnent un filet ner- veux que j'ai suivi sur le bulbe œsophagéen. En arrière, chaeun d’eux donne-naissance à la chaîne, qui descend jusqu’à l'extrémité postérieure du corps. en s’amincissant toutefois de plus en plus, de manière à se terminer comme un filet très grêle. Gette double chaîne, qui plonge , dès son origine, vers la partie ventrale de l'animal en passant sous toutes les branches de l'intestin, offre sur son trajet quelques renflements ganglionnaires ; mais leur ténuité est extrême. Toutefois, sur une préparation convenablement faite, on peut distinguer assez nettement les deux ou trois pre- miers (2) ; ils fournissent aux muscles plusieurs filets nerveux très grêles, mais cependant tout à fait susceptibles d'être isolés. Plus loin, la double chaîne ne présente plus de ganglions sensibles ; néanmoins elle donne encore quelques filets d’une extrême ténuité. Depuis son origine jusqu’à son extrémité , elle s'étend presque en ligne droite, décrivant simplement de légères sinuosités ou plutôt une sorte d’ondulation. Si nous comparons le système nerveux de la Douve avec celui des Malacobdelles et des Planaires, une grande ressemblance et certaines différences se montrent dès le premier abord, Par l’écar- tementdes centres médullaires cérébroïdes, le système nerveux des lascioles se rapproche surtout de celui des Malacobdelles; toutefois (1) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes), pl. 36, fig. 14— É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 311 Creplin, Allg. Encycloped der Wissensch. von Ersch. und Gruber, t XXXIHI, S. 286 (1839). Dujardin, Hist. des Helminthes, p. 332 (1845). Description. — Le corps de cette espèce est long de 10 à 42 millimètres, très épais, presque cylindrique, fortement atté- nué vers la partie antérieure, élargi progressivement d’avant eu arrière Tout l’animal est d’une même couleur de chair, plus pâle vers le milieu, mais beaucoup plus teinté de rougeâtre vers les extrémités, et surtout à la partie postérieure. La ventouse buccale est très petite ; mais la ventouse postérieure a , au contraire, une grande largeur, et de plus elle est assez profonde. Cette espèce a été trouvée dans l'estomac d’un assez grand nombre de Ruminants , tels que le Bœuf, la Brebis, le Cerf, le Daim, etc. J'ai obtenu tous les individus que j'ai étudiés de la panse ou premier estomac des Bœufs. On les rencontre souvent en assez grand nombre fixés entre les papilles de la muqueuse par leur ventouse postérieure; tout leur corps se trouvant ainsi re- dressé. On doit à Laurer une monographie anatomique de cette es- pèce. Je regarde ce travail comme le meilleur qui ait été publié jusqu'ici sur un Ver intestinal quelconque. Je ne m’étendrai donc pas sur les parties déjà bien décrites par cet anatomiste. Mes ob- servations n'ajouteront aux siennes rien de notable, si ce n’est pour ce qui est relatif à l'appareil vasculaire. Téquments et muscles. — La peau de l{mphistoma conicum , vue sous un grossissement de 50 à 60 diamètres, se montre hé- rissée de petits tubercules, nettement représentés par Laurer. Si l’on vient à examiner avec soin les diverses couches entrant dans la composition de la peau , on observe d’abord un épiderme d’une minceur extrême (1); au-dessous, une couche formée de gra- nules ou de très petites cellules 2). Sur un troisième plan, on trouve une couche de fibres musculaires longitudinales d’une (1) Règne animal, nouv. édit. (Zoophytes), pl. 28, fig. 2! -u. (2) Loc. cit, fig. 2" —+. 312 VOYAGE EN SICILE. assez grande largeur (1); ce sont ces fibres qui paraissent sur- tout déterminer les mouvements tégumentaires. Enfin, au-dessous de cette couche musculeuse k on remarque un tissu mince formé de fibres très grèles et entre-croisées (2). Chez l’Amphistome, ces diverses couches sont infiniment plus distinctes que chez les Fascioles et la plupart des autres Trématodes. Tout autour du bulbe œsophagéen , on remarque des fibres musculaires qui maintiennent ce bulbe et le fixent aux tégu- ments (3); mais les muscles principaux se voient surtout autour de la grande ventouse postérieure. A sa partie antérieure et de chaque côté, elle est maintenue par un faisceau très considérable ; plus en arrière, elle est maintenue aussi par des fibres muscu- laires encore très puissantes, mais plus séparées les unes des autres (4). Système nerveux. —J'ai trouvé dans l’Amphistome du Bœuf cet appareil plus facile à mettre en évidence et plus dictinet peut-être que chez tous les autres Trématodes soumis à mes investigations. Laurer, du reste, l’a décrit assez exactement, mais cependant tous les helminthologistes n’ont pas eu foi entière en ses observations. Les deux ganglions cérébroïdes (5), plus gros proportionnelle- ment au volume du corps que dans les Distomides, ne sont pas placés, comme chez la plupart de ces derniers, sur le bulbe œso- phagéen ou sur les côtés de cet organe. Ils sont situés de chaque côté de l’æsophage, complétement en arrière de ce bulbe œæsopha- géen. Ces deux centres médullaires sont unis l’un à l’autre par une large commissure qui repose directement sur l’œsophage. Antérieurement ils émettent quatre filets nerveux aboutissant au bulbe æsophagéen et aux muscles qui l'entourent. Les deux chaînes qui naissent de ces centres nerveux sont très distinctes. Elles pré- sentent sur leur trajet plusieurs petits ganglions, dont deux ou Loc. cit., fig. 2 Loc. cir., fig. 2 L oc. cit., fig. 2 d 19 1Ÿ 9 © & Loc. cil., GS. 2"—4g. \ 4 (5) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes), pl. 28, fig. 2 d-b. Ë. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 313 trois surtout très distincts , principalement celui qui envoie des filets nerveux à la ventouse postérieure (1). Sur tout le trajet des deux chaînes, il naît de petits filets qui se distribuent dans les muscles et aux téguments. Appareil digeshf. — L'appareil alimentaire est ici très sim- ple (2). Le bulbe œsophagéen, musculeux et fixé antérieurement par des brides circulaires, est cupuliforme ou légèrement pyri- forme. Il est suivi d’un œsophage à peu près de la même texture, mais très grêle comparativement, et généralement un peu ondu- leux. Cet œsophage se divise ensuite en deux très grosses bran- ches intestinales un peu sinueuses, qui descendent de chaque côté du corps. Les deux branches intestinales à leur origine forment une sorte d'arc, puis elles s'épaississent très notablement vers le bout, où elles se terminent en cæcum arrondi. Elles ont des pa- rois beaucoup plus résistantes que chez la plupart des autres Tré- matodes, ce qui permet de les disséquer et de les isoler, sans même avoir pris la peine d’injecter ces canaux. Leurs parois sont constituées par des fibres très serrées et disposées en divers sens; les unes longitudinales, et les autres transversales ou obliques. Appareil circulatoire. — Le système vasculaire a été vu en partie par Laurer ; mais cet observateur, à l'exemple de Mehlis, a été porté à le considérer comme dépendant de l'appareil ali- mentaire, J’ai réussi à injecter un grand nombre d'individus de l’Amphistome du Bœuf, et je crois avoir pu en constater tous les détails (3). Il existe une poche de forme ovale entre l'extrémité des bran- ches intestinales (4). Il en part deux vaisseaux principaux qui lon- (1) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes), pl. 28, fig 2 d-c. (2) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes), pl. 28, fig. 2 b, 2 c. (3) On peut voir par la phrase suivante combien les faits paraissaient encore incertains avant mes observations : « Le système vasculaire, dit M. Dujardin , » est ici très développé ; mais il n'est pas bien certain qu'un réseau très com- » plexe, situé sous le tégument , soit vraiment vasculaire ; il est peut-être trop ».consistant pour qu'on puisse lui supposer cette fonction » (Hist. des Helminthes, p. 329): et plus loin, p. 333 : « Réseau (vasculaire ?) paraissant formé par une » sorte de cartilage très mince sous le tégument. » (4) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes), pl. 28, fig. 2 bet fig. 2 c. 314 VOYAGE EN SICILE. gent les branches de l'intestin du côté interne (1). Ils se divisent et fournissent deux rameaux supérieurs qui remontent vers la partie dorsale, et s’anastomosent un peu en arrière de l’œæsophage. Les deux rameaux profonds passent sous les canaux de l'intestin et longent l’œsophage. Tous ces vaisseaux présentent des ramifica- tions extrêmement fines qui se divisent et se subdivisent, et dont plusieurs offrent des anastomoses entre elles. Ces petites ramif- cations se distribuent aux téguments, sur les organes de la géné- ration et sur les branches de l'intestin ; aussi, quand ces dernières sont injectées d’une couleur et les vaisseaux'de l’autre, rien ne se dessine plus élégamment que ces fines ramifications vasculaires. Mais une particularité remarquable nous est fournie par les bran- ches de la partie antérieure et de la partie postérieure du corps; elles se ramifient considérablement, et chague ramification se termine sous la peau par une petite lacune ovoïde. En sorte que tout le système vasculaire étant injecté, elles se présentent comme des branches de petits pois formant une couronne à la partie antérieure du corps, et une beaucoup plus considérable et plus élégante à la partie postérieure. Tous les vaisseaux se ren- dant à cette portion du corps naissent principalement des deux troncs principaux ayant leur origine dans la poche centrale. Cette poche, centre de la circulation, vestige de cœur si l’on veut, offre des parois très délicates, il est vrai, mais cependant tout à fait susceptibles d’être isolées par la dissection. C’est cette poche qui, vue par Laurer, a été désignée par cet anatomiste sous le nom de réservoir du chyle. Quant à l’orifice qu’il a cru distinguer au- dessus de cet organe, nul doute qu'il ne se soit trompé. Je m’en suis assuré en examinant plusieurs centaines d'individus. Si l’on dissèque l’animal injecté, on isole facilement tous les vaisseaux dont les parois sont assez résistantes; mais l'injection s'échappe aussitôt de toutes les petites lacunes. Quand on examine par transparence l’animal vivant , c’est surtout dans les lacunes qu'on distingue un mouvement ciliaire. Organes de la génération. (2) — Ges organes ont été très bien (1) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes), pl. 28, fi (2) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes), pl. 28, fi re g: œ [ É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 519 décrits et bien représentés par Laurer; j'ai vérifié tous les détails qu'il en a donnés, et la plupart m'ont paru d’une grande exacti- tude. L'appareil mâle est ici très développé. A la partie ven- trale, un peu en avant de la ventouse postérieure , il existe deux testicules occupant tout l’espace compris entre les deux branches de l'intestin. Ces organes (1), placés l’un au-devant de l’autre, sont globuleux, mamelonnés, offrant quatre ou cinq lobes inégaux. lis ont chacun un conduit spermatique qui les unit au canal éja- culateur. Celui-ci consiste en un tube gros , allongé et très con- tourné sur lui-même. Il se rétrécit antérieurement de manière à constituer un court canal, qui est suivi du pénis. Celui-ci est cy- lindrique , légèrement aminci vers l’extrémité, et contenu dans un réceptacle formé par le tégument, et maintenu par plu- sieurs fibres circulaires. À l’intérieur des testicules , on observe une foule de petits corps globuleux (2) et de Spermatozoïdes ayant la forme d’un point terminé par une queue de très médiocre lon- gueur (3). L'appareil femelle occupe aussi une très grande étendue. Les ovaires (4), rejetés sur les parties latérales du corps, exac- tement sous les téguments, consistent en deux longues grappes qui s'étendent dans la plus grande partie de la longueur de l’ani- mal. Ces grappes présentent des rameaux auxquels sont fixés les œufs, dont le développement est encore très peu avancé (5). En arrière, c’est-à-dire un peu en avant de la ventouse postérieure, les grandes branches de l’oviducte aboutissent à une petite cap- sule arrondie, la vésicule oviductale, elle-même en communica- tion, au moyen d’un tube très court, avec une seconde vésicule également arrondie, mais trois ou quatre fois plus grosse. L’uté- rus S’abouche directement à la petite capsule, à sa gauche, l’ani- -mal étant observé par la partie ventrale. Cet utérus, d’abord assez grêle, mais bientôt très notablement élargi, règne à la partie (4) Loc. cit., pl. 28, fig. 2 d-d,d'. (2) Loc.eit., pl. 28, fig.2 e. (3) Loc. vit., pl: 28, fig. 2 f. (4) Loc. cit, pl. 28, fig. 2 d-[. (5) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes), pl 28 316 VOYAGE EN SICILE. supérieure du corps, entre les branches de l'intestin, au-dessus des organes mâles, en décrivant d’assez fortes sinuosités. Il se termine par un oviducte court venant déboucher au fond du ré- ceptacle dans lequel est contenu le pénis, et un tant soit peu en arrière de cet organe. Laurer s’est évidemment trompé en repré- sentant l’oviducte et le pénis comme se réunissant en un seul canal. Il existe deux orifices distincts chez l’Amphistome comme chez les autres Trématodes. AupmisTome pe LA GnRenouice ( Amphistoma subclavatum ). Fasciola subclavata Pallas, Dissertatio de [nfestis viventibus, p. 20, n° 2. Planaria subclavata Gœze, Naturgesch., p 93 et 178, pl. 15, fig. 2 et 3 (1782). Fasciola subclavata Schranck, Verzeichen, p. 19, n° 56. Fasciola ranæ Gmelin. Syst. nat., p. 305, n° 18 (1789). Distoma subclavatum Zeder, Nachtrag., p. 185 (1800). Hirudo tuba Braun, Hist. Hirud., p. 49, pl. 5, fig. 5-8 (1805). Amphistoma subclavatum Rudolphi, Ent. hist., t. IT, 1, p. 348 (1810), et Synops., p. 90 et 358, no 14 (1819). Amphistoma unguiculatum Rudolphi, Synops., p. 91 et 360. Amphistoma subclavatum Nitszch, Allg. Encycl., von Ersch. und Gruber, t HI, p. 398 (1819). — Westrumb sis, von Oken, p. 369.(1823). Amphistoma subelavatum Bremser, Zcones Helm , pl. 8, fig. 30-31 (1824). Diplodiscus subclavatus Diesing, Monog. der Gattung Amphist. und Diplod. Ann. der Wiener Museum, t. 1. p. 253, pl. 24, fig. 17-24 (1836): Dujardin, Hist. des Helminthes, p. 336 (1845). Ce Trématode, long de 34 à 6 millimètres, est d’un blanc jau- nâtre ou tirant sur le rosé. Son corps est conoïde , terminé par une large ventouse en forme de cloche. circonscrite par un bord membraneux, légèrement festonné. Le bulbe œsophagéen est long , suivi d’un œsophage à peu près de la même longueur, se divisant en deux branches intestinales sinueuses, très renflées, surtout dans le bout, où elles se terminent en cœcum un peu. avant l'extrémité du corps. Cette espèce se trouve dans le rectum des Grenouilles vertes (Rana esculenta). De l'organisation. — Je ne mentionne ici cette espèce que pour É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 317 signaler la disposition de son système nerveux, n'ayant pu me procurer un assez grand nombre d'individus pour examiner tous les détails des autres organes et notamment de l'appareil vascu- laire. Les ganglions cérébroïdes (1), extrêmement écartés l’un de l’autre, sont rejetés sur les côtés du bulbe œsophagéen, et non pas de l’œsophage, comme dans l’Amphistome du Bœuf. Ils sont, comme chez ce dernier, gros, comparativement au volume du corps et comparativement à la dimension de ceux des autres Tré- matodes. Ils émettent plusieurs filets nerveux, qui se distribuent ‘au bulbe œsophagéen, aux muscles qui l'entourent et aux tégu- ments. En arrière, les deux chaînes s’écartent notablement l’une de l’autre en passant sous les ovaires. Dans leur portion anté- rieure , elles offrent deux ou trois très petits ganglions d’où‘nais- sent quelques filets nerveux. Comme on le voit, la position des ganglions cérébroïdes est ici différente de celle qui a été observée chez les autres Amphi- stomes. Le canal intestinal en diffère aussi notablement, le bulbe œso- phagéen étant infiniment plus long et plus cylindrique, l’'æsophage également plus long et les branches de l'intestin plus écartées. Le système vasculaire présente ici, comme chez l’Amphistome du Bœuf, deux gros vaisseaux principaux suivant à peu près le trajet des branches intestinales, et autour de la ventouse des branches rameuses qui toutefois ne se terminent pas par des la- cunes aussi prononcées (2). Faire nes HOLOSTOMIDES (HOLOSTOMIDÆ ). Dans l’état actuel, le genre Æolostomum paraît devoir être seul rattaché à cette division. (4) PL. 44, fig. 1. (2) C'est surtout dans la Monographie des Amphistomes par M. Diesing (Annalen der Wiener Museum, Bd. II), que se trouve la description des espèces de ce groupe. M. Diesing en mentionne dix-huit; elles sont décrites de nouveau par M. Dujardin (Hist. des Helminthes, p. 327 à 341). M. Delle-Chiaje (Descri- 518 VOYAGE EN SICILE. Genre Horosrome (Jlolostomum Nitzsch ). Amphistoma Rod. Caractères. — Corps étranglé et formant ainsi deux parties distinctes : l’antérieure mince , se repliant en dessus, de chaque côté, de manière à former deux ailes. La partie postérieure épaisse, terminée par une cavité circulaire en forme de ventouse. La bouche tout à fait terminale. Le bulbe œsophagéen petit, eu- * puliforme, suivi d’un œsophage court, se divisant en deux bran- ches intestinales sans ramifications. Orifice des organes génitaux mâles un peu en arrière de la bifurcation de l'intestin; l’orifice femelle situé derrière celui-ci. Système vasculaire constituant un réseau à mailles assez lâches et irrégulières. J'ai étudié une seule espèce d'Holostome, mais le type du genre, l’Holostome du Renard. Horosrowe nu RexanD | Holostomum alatum) (1). Planaria alata Gæze, Naturgesch., p. 176, pl. 14, fig. 11,12, 43 (1782). Fasciola vulpis Gmelin, Syst. nat , p. 30-53, n° 4 (1789). Alaria vulpis Schranck, Verzeich., p. 52, n° 457. Festucaria alata Schranck., in Vetensk. Akadem. nya hand (Mémoires de l'Académie de Stockholm), p 118 (1790). Distoma alatum Zeder, Nachtrag, p. 177 (1800). Distoma alatum Rud. Entozs hist, &. IL, 1, p. 402 (1809), et Entoz. synops., p. 112 et 412, n° 96 (1819). Holostomum alatum Nitzsch., Allgm. Eneycl. von Ersch. und Grub , &. III, p. 399 (1819). Gurlt, Lehrb. der Path. Anat. d. Hauss , p.375, pl. 8. fig. 39, 40 (1831). Creplin, Encyel. v. Ersch. v. Gruber, t. XXXII, p. 287, et Nov. obs. de Entoz., p. 66 (1839). Dujardin, Hist, des Helminthes, p. 367 (1845) Description. — Ce petit Trématode est long seulement de 3 à 5 millimètres, entièrement d’un blanc sale. Sa partie antérieure sione e Notomia degli anim. invertebr. del regno di Napoli, t. V, p 127 [1841]) en mentionne une sous le nom de À. loliginis ; mais elle n'est pas suffisamment caractérisée pour montrer qu'elle appartient réellement au genre Amphistoma. (A) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes), pl. 28, fig. 1, 1 a. 3 É. BLANCHARD, — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 319 cordiforme, est dilatée de chaque côté de la bouche en une pointe formant une sorte de corne à droite et à gauche. La portion laté- rale repliée, assez large, finit en pointe vers la partie antérieure du corps. La partie postérieure est très épaisse et cylindroïde. L'œæsophage , assez court, se divise en deux branches intestinales peu écartées l’une de l’autre, et se terminant peu au-delà de la partie renflée du corps. Les organes de la génération sont con- tenus en partie dans deux lobes allongés, contigus, situés entre les ailes latérales. Cette espèce paraît se trouver assez rarement. J’en ai obtenu une fois une douzaine d'individus du duodénum d’un Renard. Mais des investigations faites ensuite sur une vingtaine d’autres Renards n’ont donné aucun résultat. Aussi n’ai-je pu compléter l'étude de ce Ver, en ce qui concerne les organes de la géné- ration. Système nerveux. — Les ganglions cérébroïdes sont situés exactement de chaque côté du bulbe œsophagéen, très petits et assez difficiles à distinguer chez un animal aussi petit que l’Ho- lostome. Néanmoins j'ai pu suivre aussi les deux chaînes dans une assez grande étendue. Du reste, il n’y a ici rien de particulier ; c'est une disposition tout à fait semblable à celle qui existe chez les Distomes. Appareil digestif (4). — Le bulbe œsophagéen est très petit et cupuliforme. L'orifice buccal est exactement terminal. Ce bulbe est suivi d’un œsophage court, extrêmement grêle, qui se divise en deux branches intestinales se terminant dans le quart antérieur de la partie épaisse du corps. Ces branches, d’abord très grêles à leur origine, s’élargissent un peu ensuite, mais leur volume n’est jamais considérable. Appareil circulatoire (2). — Malgré l'extrême petitesse de l'Holostome du Renard, j'ai pu reconnaître la disposition de son système vasculaire en l’injectant sur huit ou dix individus, au moyen d’un liquide coloré. Dans la partie postérieure du corps, (1) PI. 40, fig. 1. (2) PL 10, fig. 4 et 1". 320 VOYAGE EN SICILE. ilexiste un vaisseau principal donnant des branches nombreuses qui se ramifient et s’anastomosent entre elles, de manière à figu- rer des mailles irrégulières. Sur les ailes latérales, ce réseau se montre très clairement quand il est bien injecté, et sur la figure accompagnant ce travail, je l’ai dessiné sous le microscope à la chambre claire, d’après un individu très favorablement préparé pour l'observation de ces vaisseaux. On distingue au bord interne des ailes un vaisseau principal partant directement du grand vais- seau postérieur. 1] fournit sur son trajet de nombreuses branches, dont la direction et les anastomoses ne suivent pas une marche ré- gulière; néanmoins le réseau qu'elles constituent présente bien toujours la même disposition générale. Entre toutes les mailles, on observe encore des ramifications extrêmement fines, ainsi que sur le bord interne même des ailes. A leur côté externe, les vaisseaux, plongeant davantage vers la partie profonde, communiquent à ceux de l’aile opposée par des vaisseaux transversaux et paral- lèles, parfaitement distincts quand on observe l’animal par sa face ventrale, Jai compté douze de ces vaisseaux transversaux (1). Vers la partie antérieure du corps, on distingue le commence- ment d’un treizième, qui fournit bientôt une branche re:nontant de chaque côté de l'intestin et de l’æsophage, en présentant des ramifications très déliées, mais cependant très nombreuses et très serrées. Si l’on considère en dessus les organes de la génération, on voit trois vaisseaux régnant dans toute la longueur de ces orga- nes; ces vaisseaux, dont l’origine est aussi dans le gros tronc postérieur, offrent chacun de nombreuses ramifications transver-" sales qui s’anastomosent avec les deux autres. Dans la partie pos- térieure du corps, c’est-à-dire dans la portion renflée , le vaisseau médian présente des branches qui s’anastomosent entre elles et constituent un réseau analogue à celui qui existe sur les ailes la- térales. C’est surtout par la face ventrale qu’on les observe aisé- ment; car elles deviennent plus rares du côté dorsal. (1) PI. 10, fig. 1 a. Ë. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 324 Tribu des TRISTOMIENS (TAISTOMII Dujard.). Caractères. — Bouche inférieure non terminale. Deux ven- touses antérieures de chaque côté et un peu au-dessus de la bou- che. Une grande ventouse postérieure etinférieure. Les ganglions cérébroïdes situés un peu en avant de l’orifice buccal. Ainsi que les zoologistes pourront s’en apercevoir par les ca- ractères assignés ici à ce groupe ; ainsi que Je l’ai déjà indiqué dans les considérations générales, les Tristomiens sont, de tous les Trématodes, ceux qui se rapprochent le plus des Aporocéphales. La position de leur bouche, et surtout celle des ganglions céré- broïdes , est un acheminement vers cette disposition si remarqua- ble et si caractéristique chez les Planariées. Toutes les espèces connues actuellement sont rattachées à an seul genre. Genre Trisrome (Tristoma Cuvier). Capsala Bosc., Phylline Oken, Nitzschia Baër. Caractères. — Corps aplati. généralement élargi. Bouche large, formant un bulbe buccal suivi d’un œsophage très court, suivi d’un intestin divisé en deux branches réunies postérieurement, de manière à former un cercle complet. Les branches de l'intestin très ramifiées. Les ventouses antérieures petites. La ventouse pos- térieure très grande, plus ou moins pédonculée et bordée d’une membrane plissée. Orifices génitaux situés un peu de côté, au- dessous et à droite du bulbe buccal. Le pénis antérieur; l’oviducte postérieur à celui-ci. Vaisseaux anastomosés, peu nombreux, sur- tout à la partie supérieure du corps. J'ai étudié plusieurs espèces de ce genre, dont une avec beau- coup de détails, celle que l'on peut considérer comme le type du genre, le Pristoma coccineun. Malgré les observations nombreuses dont les Tristomes avaient été l’objet, il était peu de groupes plus mal connus, sur lesquels on eùt commis des erreurs aussi graves. C'est ainsi qu’on a décrit même l’appareil digestif de ces Vers de la manière la plus inexacte. 3° série. Zoor. T. VIIL. (Décembre 1847.) 1 21 322 VOYAGE EN SICILE. Tausrome ROUGE (Trisioma coccineum) (1). Cuvier, Règne animal, 47° édit, t. IV, p. 62, tab. 15, fig. 10 (1817). Figure reproduite in Guérin, Jconog. du règne animal, Zooph., pl. 10, fig. 40, et Gray, Animal Kingdom , Zoophytes, pl. 9 fig. 10. Costa, Diario del congresso di Genova, 1846. (Observations inexactes. L'au- teur considère la ventouse postérieure comme une bouche , et la bouche comme un anus.) Ce Tristome, d’une couleur rouge tirant sur le vermillon , est long de 20 à 25 millimètres, ne présentant jamais d’échancrure postérieure. Sa forme esl quelquefois presque orbiculaire, mais souvent aussi un peu plus ovoïde , avec la portion antérieure tou- jours légèrement atténuée. Il est remarquable de voir de ces différences assez sensibles d’un individu à l’autre dans la forme générale du corps. Toute la surface dorsale est couverte de gra- nulations espacées, dont les märginales plus fortes et plus régu- lières que les autres. Les ventouses antérieures sont petites, à bords onduleux. La ventouse postérieure grande, présentant sept rayons, est bordée par une membrane garnie de petites côtes régulières ; son diamètre équivaut à peu près au cinquième de la longueur totale de l'animal. La bouche est située notablement en arrière du bord terminal. Cette espèce se trouve abondamment sur les branchies du X1- phias gladius. Je l'ai étudiée sur un grand nombre d'individus, à Gênes, où l’on apporte journellemeut au marché l'Espadon. Téguments et muscles. —- Chez les Tristomes, on peut isoler assez facilement l'épiderme; la couche inférieure se montre toute celluleuse. Au-dessous, on distingue encore une couche de gra- nules très serrés. La peau est parsemée de petits tubercules rares et assez petits dans la portion antérieure, mais beaucoup plus nombreux et notablement plus gros vers la partie postérieure. Ces tubercules, qui se présentent sous la forme de vésicules, sont terminés par une petite pointe, Quand on les exprime, on en fait sortir un peu de matière liquide. Tout le long du bord marginal, (1) Règne animal (Zoophytes), pl. 36 bis, fig, 4, 1 a. Ë. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 323 on observe encore une série de tubercules, mais disposés ici beau- coup plus régulièrement, et offrant chacun trois ou quatre petites pointes obtuses d'apparence cornée. Sous le rapport des muscles sous-cutanés , les Tristomes res- semblent à la plupart des autres Trématodes ; mais ceux qui ser- vent à maintenir et à mouvoir les ventouses, et principalement la ventouse postérieure, offrent ici un développement considérable. Celle-ci est soutenue par des fibres très fortes et très serrées, dis- posées en rayons; mais au-dessous du tégument ventral, on en suit plusieurs au-dessus de ces dernières, dont la disposition est tout à fait circulaire. Système nerveux (1). — Les ganglions cérébroïdes sont situés ici, non pas sur l’æsophage ou sur le bulbe œsophagéen, mais en avant même de la bouche. Ces ganglions, de forme un peu al- longée., sont unis l'un à l’autre par une commissure assez large passant exactement au-devant de la bouche. Ges centres médul- laires fournissent extérieurement trois nerfs principaux se rami- fiant dans les muscles, et dont le plus considérable ou l’intermé- diaire se distribue dans les ventouses antérieures, Du côté opposé, ils émettent un filet nerveux qui se rend surtout au bulbe buccal et à . l'æsophage. En arrière prennent naissance les deux chaînes gan- glionnaires qui passent sous le tégument ventral. A leur origine, elles fournissent deux nerfs, dont l’un suit la direction de l'in- testin. Sur la plus grande partie de leur trajet , elles ne présentent que des traces très peu sensibles de ganglions. Mais près du point où les branches intestinales se rejoignent, on voit très distincte- ment plusieurs de ces petits centres médullaires. Le plus con- sidérable est celui qui se trouve à la base et de chaque côté de la ventouse. Ces ganglions donnent leurs principaux filets aux muscles qui fixent cet organe; mais ce qu'ils offrent de remar- quable, ce sont les commissures qui unissent ceux des deux chai- nes. Au côté externe, ils présentent encore des filets très déliés qui s’anastomosent aussi avec de très petits ganglions placés sur le trajet du nerf longeant l'intestin, et d’où naissent des filets très ” (1) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes), pl. 36 bis, fig. 46. 324 VOYAGE EN SICILE. grèles. qui se distribuent aux muscles sous-cutanés et aux tégu- ments eux-mêmes. Appareil digestif (A). — Le bulbe buccal est large, bombé, prolongé en pointe de chaque côté, mais complétement uni au tégument , en sorte qu’on l'isole difficilement. Il est suivi d’un œsophage extrêmement court, qui se sépare bientôt en deux grandes branches intestinales , qui s’écartent beaucoup l’une de l’autre, et se rejoignent au-devant de la ventouse postérieure , de manière à former un cercle. Ces branches intestinales four- nissent des rameaux extrêmement nombreux qui se divisent et se subdivisent en ramifications très fines, s’étendant tout autour du corps presque jusqu’au bord marginal. On compte de chaque côté une douzaine de rameaux principaux ; mais du côté interne, chaque branche intestinale en fournit plusieurs encore, dont deux principaux. M. Diesing a décrit le système digestif des Tristomes comme consistant en quatre branches ramifiées terminées en cœcum. Tous les helminthologistes ont répélé ce qui avait été avancé par cet anatomiste : or rien de plus inexact que sa description ét sa figure de l’appareil digestif du Tristome. Il a fallu qu’on se soit contenté d’un examen très superficiel fait au travers des tégu- meuls, sans s'être attaché à rien suivre avec soin, et en sup- pléant à ce qu’on ne voyait pas. J’ai étudié le canal intestinal de ce Trématode sur plus de démt individus , en l’injectant avec un liquide coloré. Rien alors n’est plus distinct que toutes ces ramitications , que je me suis attaché à reproduire bien exactement sur ma figure. Appareil vasculaire (2). — Les vaisseaux sont beaucoup moins nombreux et moins considérables que chez une infinité d’autres Trématodes. Les plus gros règnent surtout du côté de la face ventrale. Il en existe deux qui, suivant presque le trajet des branches intestinales, s'étendent en décrivant quelques sinuosi- tés, depuis la portion antérieure du corps jusqu’à la base de la ventouse postérieure, Ces deux vaisseaux fournissent du côté ) Id., ibid. ( (2) PL 10, fig, 2 1 2 É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 329 externe plusieurs branches rameuses ; mais les plus considérables sont du côté externe, où ils présentent des anastomoses sur divers points. Quelques rameaux ayant également leur origine dans les deux troncs principaux s'étendent sous le tégument dorsal ; mais ceux-ci sont toujours plus rares et plus grèles. Organes de la génération (1). — L'appareil mäle occupe toute la partie centrale du corps. Il existe un nombre énorme de cap- sules spermatiques se présentant sous forme de petites masses, dans l’espace compris entre les grandes branches intestinales. Tous ces organes sont rattachés les uns aux autres par un con- duit sinueux , qui se divise et se subdivise en rameaux nombreux. Ce conduit spermatique se contourne sur lui même en passant au- dessus des organes femelles, et il vient se continuer avec un canal éjaculateur situé en arrière de la bifurcation de l’intestin. Le pé- nis, très long, conoïde, est quelquefois très saillant au dehors; mais il est rétractile jusqu’à un certain point. Son réceptacle est en forme d’aveline. L'animal considéré par sa face ventrale, cet organe s'ouvre du côté droit en passant par-dessus la bifurcation de l'intestin (2). L'appareil femelle est aussi très développé : ce sont deux grappes rameuses, ondulées, suivant presque exactement le trajet des branches intestinales en passant un peu au-dessus. Les tiges principales de l'ovaire sont même tout à fait parallèles aux bran- ches de l’intestin. Les œufs non développés encore occupent donc tout le contour du corps, et quelques ramifications s’étendent, en outre , au-dessus des capsules spermatiques. Les branches de l’o- vaire se contournent , et aboutissent l’une et l’autre en arrière du canal éjaculateur dans une portion fortement élargie, se terminant à une petite capsule arrondie, la vésicule oviductale, qui est ici très peu considérable. L’utérus qui naît de la vésicule oviductale est ici très court et légèrement onduleux. Il se continue avec l’o- viducte; c’est un tube cylindrique qui vient s'ouvrir au dehors, un peu en arrière du pénis (3). (4) PL 14, fig 2. (2) PL. 44, fig. d et (3) PL 14, fig. 2—+ 326 VOYAGE EN SICILE, Trisrome De La Moze [Tristoma Molæ Blanch. (1)]. Tristoma coccineum Rudolphi, Synopsis, p. 123 et 418, pl. 1, fig. 7-8 (1819) È Bremser, {cones Helminthum, pl. 10, fig. 12-13 (1824). Nitzsch Allgem. Encyclopædie der Wissenschaft., von Ersch und Grüber, t. XIV, p. 150 (art. Capsaza). - Diesing, Nov. Acta Academ. eurios. nat., t. XVIIT, p. 4, pl. 4, fig. 1-1 (1836). (Traduction) Ann. des Sc. nat., 2° série, L. IX, p. 77, pl. 1 (1838). Yarrel, À History of British fishes, vol. IE, p. 568 (1841) Dujardin, Histoire des Helminthes, p. 322 (1845). Description. — Ce Tristome, d'une couleur rouge tirant sur le vermillon , est long de 15 à 20 millimètres. Toujours profondé- ment échancré postérieurement, sa forme esl presque orbiculaire avec la-portion antérieure très légèrement atténuée, Toute Ja sur- face dorsale est à peine granuleuse avec les bords légèrement plissés. Les ventouses antérieures sont petites, à bords onduleux. La ventouse postérieure, très grande , présentant sept rayons, est bordée par une membrane garnie de petites côtes régulières ; son diamètre équivalant à peu près au tiers de la longueur totale de l'animal. La bouche est située notablement en arrière du bord antérieur. Cette espèce n’a jamais été trouvée que sur les branchies de la Mole (Orthragoriscus Mola) ; elle a été confondue par tous les helminthologistes avec le Tristoma coccineum ; cependant, si l'on compare les deux descriptions , on saisira bien vite les différences considérables qui existent entre les deux espèces. L'échancrure ou l’absence d’échancrure à la partie postérieure du corps, la dimension de la grande ventouse par rapport à la taille de l’ani- mal, sont des caractères qui les font reconnaître au premier abord. Les granulations de la peau les en distinguent encore. Le Tri- stoma de l’Espadon ne paraît pas avoir jamais été trouvé sur la Mole , ni celui de la Mole sur l’Espadon. (1) Règne animal, nouv. édit. (Zoophytes), pl. 36 bis, fig. 2, 2 a ELLE É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 327 Je n'ai pu examiner le T'ristoma Molæ que sur des individus conservés dans l’alcool; mais j’ai réussi néanmoins à en suivre le canal intestinal , après y avoir fait pénétrer par la bouche un li- quide coloré. | L'appareil digestif de cette espèce ressemble beaucoup à celui du T. coccineum; mais les grandes-branches intestinales, qui se rejoignent comme chez ce dernier, s'étendent moins en arrière. Le cercle formé par ces canaux se termine en avant de la ven- touse et de l’échancrure postérieure du corps. Les rameaux fournis par les branches principales sont aussi très semblables à ceux du T. coccineum; mais leur nombre est moindre , et les ra- meaux postérieurs, par le fait même du peu d’étendue du cercle intestinal , ont une longueur plus considérable. J’ai pu distinguer encore chez le T. Molæ les vaisseaux prin- cipaux ; ils sont au nombre de quatre , comme dans l’espèce pré- cédente ; seulement plus réguliers, et moins flexueux. Ceci, du reste, pourrait tenir. jusqu’à un certain point, à l’état de con- servation des individus que j'ai observés. Ils font partie de la collection helminthologique du Muséum de Paris. M. Valenciennes a eu l’obligeance de me les communiquer. Tusrowe pu Squace [Tristoma Squali Blanch., Valence. Coll. du Muséam (1) |. Description. — Cette espèce, d’un gris jaunâtre , est couverte de taches nombreuses et assez serrées d’une nuance brunâtre , très affaiblie vers la partie moyenne du corps; en dessous, ces taches ne sont distinctes que sur les bords. Ces couleurs, au reste, ont pu s’altérer , comme cela a lieu pour les espèces précédentes, quand elles sont plongées dans la liqueur. Le Tristoma Squali est long de 25 millimètres environ, et fortement échancré posté- rieurement. Sa forme est presque ronde, aussi large en avant qu’en arrière : seulement , la portion antérieure est un peu sépa- ‘rée du reste par un étranglement de chaque côté. Toute la sur- face dorsale est couverte d’une granulosité très régulière. Les ventouses antérieures sont petites et très arrondies. La ventouse (1) Régne animal, nouv. édit. (Zoophytes), pl. 36 bis, fig. 3, 3°. 928 VOYAGE EN SICILE. postérieure est extrêmement grande, présentant sept rayons , et garnie de petites côtes régulières; son diamètre équivaut à peu près aux deux cinquièmes de la longueur totale de l’animal. La bouche est sensiblement moins éloignée du bord antérieur que dans les espèces précédentes, Ce Tristome a été trouvé par M. Jules Verreaux sur les bran- chies d’un Squale dans les parages de la Nouvelle-Zélande. J'en dois la communication à l’extrême obligeance de M. Valenciennes. Cette espèce paraît très voisine du Tristoma maculatum (4), observé sur les branchies d’un Diodon, près des côtes de la Cali- fornie ; mais chez cette dernière, les taches sont plus grandes, moins nombreuses, par conséquent plus espacées. La forme du corps est aussi moins arrondie. La ventouse est moins grande proportionnellement ; son diamètre, à en juger au moins d’après les figures, publiées, n’équivaut pas au tiers de la longueur totale de l’animal. Chez les quelques individus du T Squali que j'ai été à même d'observer , il m'a été possible de suivre aussi le trajet des bran- ches intestinales après les avoir injectées. L'appareil digestif ressemble beaucoup à celui des espèces pré- cédentes, et plus particulièrement à celui du T. Molæ. Seulement, le cercle intestinal est plus court encore, l'échancrure postérieure du corps étant plus profonde. Les rameaux qui en partent se ra- mifient comme chez les autres Tristomes ; les rameaux posté- rieurs ont ici une très grande longueur. J'ai parfaitement distingué aussi les quatre vaisseaux princi- paux, et les nombreuses anastomoses transversales qu’ils présen- tent. Leur régularité est infiniment plus grande ici que chez le T. coccineum où j'ai représenté le système vasculaire. (1) Lamartinière, Journal de Physique, 4787, p. 207. pl 2, fig. 4, 5: et Voyage de Lapérouse, t. IV, p. 77, pl. 20, fig. 4-5.— Capsala Martinieri Bose, Bulletin de la Société philomatique, A811, p. 384. — Phylline Diodontis Oken,” Lehrbuch der Naturgeschichte, &. IHI-I, p. 182 et 370, pl. 10, fig. 3 (1815). — Tristoma maculatum Rudolphi, Synopsis, p. 123 et 430, pl. 1, fig 9-10 (1819); et Dujardin, Hist. des Helminthes, p. 322 (1845) É. BLANCHARD. —- SUR L'ORGANISATION DES VERS. 9329 Taisrome DE L'EsrunGeon (Tristoma Sturionis) (1). Hirudo Sturionis Abilgaard, Skrivter af natursf. Selskabet., t. HE, n, p. 55, pl. 6, fig. 4 (1794), et trad. in Gmelin's Gœttinschen Journ. der Natur- wissenschaft., Bd. 1 (1797). Phylline hypoglossi Oken, Lehrb der Naturg.,t. HE, 1 p. 374 (1815). Tristoma elongatum Nitzsch., Allgem. Encycl. von Ersch. und Gruber, t XV, p. 150 (art. CapsaLA). Tristoma elongatum Diesing, Nov. Acta Acad. nat. Curios. L. XVIIE, 1, p. 12 (1836). Nützschia elegans Baer, Nov. Acta Acad. nat. Curios., L. XIIL, p. u, p. 660, pl. xxxn, fig. 1-4 (1827). Dujardin, Hist. des Helminthes, p. 323 (1845). Ce Tristome est long de 12 à 45 millimètres , et d’une nuance rougeätre. Il est allongé avec ses côtés parallèles, seulement un peu élargi en avant, et arrondi en arrière. La bouche est notable- ment éloignée du bord terminal. Le bulbe est épais avec ses bords légèrement prolongés en pointe. Les ventouses antérieures sont très étroites, et linéaires. La ventouse postérieure pédonculée, ex- trêmement grosse, et en forme de clochette profonde, est bordée d’une membrane plissée, et comme festonnée. Le pénis est situé notablement en arrière de la bifurcation de l'intestin, presque sur la ligne médiane. L’oviducte débouche un peu en arrière. Je n’ai étudié cette espèce que sur deux individus, conservés dans l'alcool, trouvés en Écosse sur les branchies d’un Esturgeon (Accipenser acutirostris Purnell), et que je dois à l’obligeance de M. le docteur Melleville, conservateur du Musée d'anatomie comparée d'Oxford. Je ne mentionne ici cette espèce que pour l’observation que j'ai faite de son appareil digestif; car, pour des animaux tels que les Vers, les observations sont toujours très incomplètes sur des in- dividus conservés dans l'esprit de vin. Mais ayant vu chez les Tristoma coccineum, molæ et squali une disposition si particulière des branches intestinales, il était important, selon moi, de recher- cher si les Tristomes d’une autre forme présentaient une disposi- tion générale analogue ; alors c’est ce dont j’ai pu me convaincre (1) Règne animal, nouvelle édition (Zoophytes), pl. 36 bis, fig. 4, 4 a. 330 VOYAGE EN SICILE. de la manière la plus certaine à l'égard du Tristome de l’Estur- geon. Après avoir plongé les individus en ma possession dans un liquide salin hydrargyré pour raffermir leurs tissus, j’ai poussé par la bouche un liquide coloré dans l’intestin ; alors j'ai pu suivre après le bulbe buccal . comme dans le Tristoma coccineum , un æsophage court, se divisant bientôt en deux longues branches, qui se rejoignent en avant de la ventouse, et forment ainsi une ellipse. Ges branches fournissent des rameaux nombreux; les uns, très serrés, se divisent élégamment sur la portion antérieure et élargie, et sur les parties latérales, et en arrière, au-dessus de la ventouse, on observe une semblable série de tiges très ramifiées. Du côté interne , les deux grandes branches de l'intestin présen- tent encore plusieurs rameaux, comme chez le Tristome rouge. Il résulte donc de cette observation que les Tristomes sont des Vers à intestin rameux, dont les branchés principales forment une anse en se réunissant. Les Tristoma coccineum et sturionis sont assez différents l’un de l’autre par la forme générale du corps, pour qu’on puisse supposer que les autres Tristomes, dont les différences extérieures ne sont pas plus considérables, présen- teront la même disposition générale, Tout porte à croire aussi que, s’il en était autrement, il se présenterait d’autres caractères pour les en séparer. Outre les cinq espèces de Tristomes que j'ai mentionnées , on en connaît encore deux autres dont on doit la description à M. Diesing (1). Ce sont les T. papillosum Diesing, des branchies du X'iphias gladius, et T. tubiporum Diesing, d’un T'rigla hirundo. Il serait d'autant plus intéressant d’éludier ces espèces que leur forme extérieure, si différente de celle des autres Tristomes, peut faire supposer des différences d'organisation assez importantes. Tribu des OCTOBOTHRIENS (OCTOBOTHRII Dujard.). Caractères. — Bouche terminale. Corps pourvu de ventouses postérieures, munies de crochets, ou présentant entre elles de ces (1) Nov. Acta Academ. eur, t. XVII, p. 44, pl. 1, fig. 14-16; et p. 313, 17, fig 13-16 (1836), et (traduction) Ann. des Se. nat., 2° série, L. IX, 7, pl 4, fig 15-16 (1838). Dujardin, Hrst. des Helminthes, p. 323 (1845). É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS, 991 appendices cornés. Intestin divisé en deux branches rameuses, Ganglions ctrébroïdes situés de chaque côté de l’œæsophage ou du bulbe æsophagéen. M. Dujardin comprend dans cette tribu, je crois avec raison, les genres Polystoma, Axine, Diporpa, Diplosoon et Octobo- thrium; mais, selon toute probabilité, d’autres genres viendront s'ajouter quand on connaîtra mieux les espèces. Plusieurs divi- sions établies par certains auteurs ont été rattachées aux Poly- stomes, sans que nous puissions savoir réellement si ces rappro- chements sont fondés. Tels sont les Hexacotyle, Hexathridum. Genre Porysrome (Polystoma Rud.). Caractères. — Corps oblong, généralement aplati, atténué antérieurement , pourvu en arrière de six ventouses portées sur une même saillie musculaire. Bulbe œsophagéen musculeux , suivi d’un intestin à deux branches écartées, se réunissant en avant des ventouses. Les deux branches intestinales extrêmement ramifiées. Appareil circulatoire consistant en vaisseaux nombreux. Orifices génitaux situés en arrière du bulbe œsophagéen. Je n’ai étudié qu’une seule espèce de ce genre. Porxsrowe pes Grenouizces (Polystoma integerrimum). Ræsel, Hislor. nat. Ranarum, p. 24, tab. 4, fig. æ (1758). Linguatula integerrima Frælich, Naturforsch., t XXV, p. 104 (1791). Planaria uncinulata Braun, Schrift. der Berlin Gesels. Naturf. freunde , t.X,p. 58-61, pl. 3, fig. 1-3 (1792). Polystoma Ranæ Zeder, Nachtrag. p. 203, pl. 4, fig 1-3 (1800). Polystoma integerrimum Rudolphi, Entozoor. hist, 1. I, p. 1, p. 451, pl. 6, fig. 1-6 (1809); et Entozoor. synops., p. 125 (1819) Bremser, Jcones Helminth., pl. 10, fig. 25, 26 (1824). Baer, Nov. Acta Acad. nat. Curios., t. XII, u, p. 679, pl. 32, fig. 7-9 (1827). Dujardin, Hist. des Helminthes, p. 320 (1845). Ce Trématode , long de 8 à 12 millimètres, est d’un blanc jau- nâtre , avec les ramifications de l'intestin qui se dessinent en brun-foncé au travers des téguments. Il est notablement atténué en avant. En arrière, sur une saillie inférieure , sont situées les 332 VOYAGE EN SICILE. six ventouses , disposées sur trois rangées, deux un peu écartées sur la première , deux très écartées: sur la seconde. et deux rapprochées l’une de l’autre sur la troisième ligne. Entre ces deux dernières , on distingue deux crochets assez saillants. Cette espèce se trouve assez communément dans la vessie de la Grenouille rousse, Rana temporaria. Sur plusieurs centaines de Grenouilles vertes disséquées , je ne l'ai jamais rencontrée une seule fois. C’est sans doute par erreur qu’on l’a indiquée comme ayant été trouvée dans la Grenouille verte. Elle est remplacée chez cette espèce par le Distoma cygnoïdes. Système nerveux. — Get appareil ne présente rien ici de bien particulier. Les deux ganglions cérébroïdes sont situés, comme chez la Fasciole, exactement de chaque côté du bulbe œsopha- géen. Les deux chaînes qui en dérivent s'étendent jusqu'aux ventouses, près desquelles elles offrent quelques traces de renfle- ments ganglionnaires. Appareil digestif (A). — Le bulbe œsophagéen est petit et ovoïde ; il est suivi d’un æsophage d’une extrême brièveté, se di- visant bientôt en deux grandes branches intestinales qui s'é- cartent beaucoup l’une de l’autre, et se réunissent près de l’ex- trémité postérieure au-dessus de la saillie musculaire portant les ventouses, Du côté extérieur, tout le long de leur trajet, les branches intestinales présentent des rameaux, au nombre de vingt à vingt-cinq, qui se divisent et se subdivisent en s'étendant jusqu’au bord marginal. Du côté intérieur , les deux branches de l'intestin présentent aussi des rameaux considérables, dont trois principaux qui s’anastomosent sur la ligne médiane. Postérieure- ment, elles en fournissent encore plusieurs très rapprochés les uns des autres , et régnant au-dessus des ventouses. Bien que le Polystome des Grenouilles ait été observé par plusieurs helminthologistes, son système digestif n'avait jamais été ni décrit, ni représenté bien exactement. Sous le rapport de la réunion des deux branches de l'intestin , il ressemble notable- ment aux Tristomes, bien que la forme générale du corps ait plus d’analogie avec celle des Fascioles. (1) PL 9, fig. 4. É. BLANCHARD. — SUR L'ORGANISATION DES VERS. 339 Appareil vasiculaire (L).— Ghez le Polystome des Grenouilles, il existe deux vaisseaux principaux, dont le trajet suit celui des branches intestinales. Ces deux vaisseaux fournissent des branches nombreuses qui se ramifient à l'infini, et constituent sous le tégu- ment dorsal, comme sous letégument veniral, un réseau extrême- ment serré ; ces rameaux vasculaires s’anastomosent sur une in- finité de points. A leur extrémité , beaucoup d’entre eux n'ont plus de parois propres, et ils se terminent alors sous le tégument en petites lacunes, mais toujours moins bien circonscrites que celles de l’Amphistome , les tissus des Polystomes étant beaucoup moins résistants. Organes de la génération. — Si les Polystomes se rapprochent des Tristomiens par la disposition générale de leur appareil ali- mentaire , ils ne leur ressemblent pas moins sous le rapport des organes de la génération. L'appareil mâle occupe une médiocre étendue chez le Polystoma integerrimum. Les testicules se font remarquer, à la partie inférieure du corps, sous la forme de capsules spermatiques en nombre assez considérable (2). Toutes ces capsules sont petites et de forme irrégulière ; cependant beau- coup d’entre elles sont ovoïdes ; elles sont unies les unes aux autres par de grêles conduits spermatiques, qui eux-mêmes viennent se confondre en un canal commun constituant le canal éjaculateur. Le pénis (3) est très gros, très volumineux, de forme ur peu conoïde, avec l'extrémité légèrement contournée. Il occupe toute l'épaisseur comprise entre la face dorsale et la face ventrale de l’animal ; aussi cet organe , qui se dessine sous le tégument, principalement en dessus, se fait remarquer par l'espace blanc et lisse qu'il forme en arrière de la bifurcation de l'intestin. L'appareil femelle est dispersé par tout le corps : les ovaires occupent la partie supérieure et la partie inférieure du corps, les œufs sont interposés même entre toutes les branches de l’ap- pareil digestif ; ils sont généralement si serrés, qu’on ne saurait (1) PL 9. fig. 4. (2) PI. 14, fig. 3-—d. (8) PI. 16, Gg. 3—) 74 ” 4 Emile Beau Jith Tres Door . AE 724 ee A Rene & ame _S TT Imp Lemeraer à Paris ANR F Ce À ehoulaiie _. Ê SA 7 72 4 PADINHICORL up. TD ; 4, ) Te É È >) SUP E RDA du À RP :1g eu Ann. des Se. 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