: ra LUS TR ne LEE t'on “, PI ANNALES SCIENCES NATURELLES QUATRIÈME SÉRIE ZOOLOGIE Pau — Imprimerie de L, MARTINET, rue Mignon, 2. Z.P ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉE DES DEUX RÈGNES ET. L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIR PAR M. MILNE EDWARDS POUR LA BOTANIQUE PAR MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE QUATRIÈME SÉRIE ZOOLOGIE LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON PLACE DE L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE 1558 ñ . É | ds sito. Li dibo100% à - =: F4 La va Adamo mor 1 74 MMOman | A en à eAAAAO “aps ons amor #8 "0 ANNALES DES SCIENCES NATURELLES PARTIE ZOOLOGIQUE FRAGMENTS ANATOMIQUES SUR QUELQUES COLÉOPTÈRES, Par M. Léon DUFOUR, SUR L'APPAREIL GÉNITAL FEMELLE DU HOPLIA FARINOSA. Il est bien peu de collections entomologiques qui ne possèdent point le mâle du Hoplia farinosa Fabr. (cœærulea Drur., formosa Latr.), si remarquable par un éclat de couleur spéciale, une sorte de saphir, qui ne se retrouve dans aucun autre Coléoptère euro- péen. Mais il n'y a pas beaucoup de nos collègues qui en connais- sent la femelle. Je suis demeuré quarante ans dans la patrie de cet Insecte, fréquent dans notre sud-ouest, sans en avoir rencontré. Ce n’est que depuis dix ans que je suis parvenu à en découvrir cinq ou six sur un millier d'individus. Jusqu'à M. Mulsant, personne n'avait décrit ce sexe, et, dans sa Monographie des Lamellicornes de France, il l'a fait connaître avec quelques détails. Cependant il n’a pas saisi un trait extérieur organique qui n’est pas sans valeur, c’est que le tarse des pattes postérieures de la femelle est de moitié plus court que celui du mâle, La supériorité de longueur de ces pattes dans ce dernier sexe trouve sa raison d'existence dans l'acte copulatif. Contre 6 L. DUFOUR, — FRAGMENTS ANATOMIQUES l'assertion du savant ami que je viens de citer, c'est un mâle el non une femelle de cet Æoplia qui a été figuré par M. Guérin- Méneville dans l’Zconographie du règne animal. Pour rentrer dans mon sujet, je dis qu’il était réservé au secal- pel d’exhiber le complément de la distinction positive des sexes de ce joli Lamellicorne, en mettant en évidence les organes internes de la génération. J'ai déjà parlé, dans mon Anatomie des Co- léoptères, de ce qui concerne l’appareil génital du mâle. Ses testi- cules ne diffèrent guère que par la grandeur de ceux du Hanneton commun. Voyons maintenant ce qui est relatif à l'appareil génital femelle que j'ai disséqué en juin 1848. Les ovaires, disposés et configurés comme ceux du Hanneton commun, différent surtout de ces derniers par le nombre des gaines ovigères qui est de sept dans le Æoplia, tandis qu'il n’est que de six dans le Hanneton. Ces gaines, dont le faisceau converge à un ligament suspenseur, sont tri- ou quadriloculaires, et le pre- mier article de la gaine, qui n’a point d'œuf, a eette texture cha- grinée ou réliculée dont le Hanneton offre un exemple, et qui témoigne d’une grande contractilité en même temps que d’une grande extensibilité. Le col de l’ovaire est bien marqué; mais je n'ai pas distingué le calice central qui s’observe dans le Hanneton, et qui était peut-être trop affaissé dans le Hoplia pour être mis en évidence. L'oviducte, peu après son origine, passe sous un renfle- ment ovalaire, à parois épaisses, qui n’est que la poche copulatrice largement assise sur sa paroi dorsale. En arrière de cette poche et sur le côté gauche, j'ai rencontré une sorte de réservoir ovalaire qui doit appartenir à la glande sébifique, et dont les vaisseaux sécréteurs m'ont échappé. SUR LA LAGRIA LATA. Dans ces derniers temps, on a assigné aux Lagria un poste de classification plus conforme à la méthode naturelle, et que justifie le scalpel. On a donc fondé la famille des Lagriaïres, el on l'a pla- cée près de celle des Pyrochroïdes. Mais elle aura à subir encore SUR QUELQUES COLÉOPTÈRES. 7 quelque mutation, s'il faut en juger par l'anatomie viscérale respective. Lyonet (OEuvres posthumes) a donné l’histoire des métamor- phoses de la L. hirta. Plus tard, Westwood, ainsi que MM. Cha- puis, Candèze et É. Perris, ont complété cette histoire. Mais ces Insectes n'avaient point encore subi l’action du scalpel serutateur, et je viens entreprendre cette anatomie, celle princi- palement de la L. lata F., espèce d’une taille supérieure aux autres Lypes européens, et que j'ai disséquée en Espagne, en juin 1854. Vingt ans auparavant (1831), j'avais ébauché la dissection de la L. hirta. Appareil digestif. Je n'ai aperçu aucun vestige de glandes salivaires, quoique celles-ci existent dans la Pyrochroa, dont j'ai jadis publié l’ana- tomie. Le tube alimentaire n’a guère plus de deux fois la longueur du corps de l’animal. L’œsophage est court et cylindrique sans la moindre trace de jabot ni de gésier. Le ventricule chylifique est long, eylindroïde, droit ou courbé en anse, parfaitement lisse ; mais dans quelques individus, les trachées qui s’y distribuent ont une disposition annulaire et parallèle, qui impose pour des stries ou des plis en travers. Je n’ai rencontré dans cet organe qu’une pulpe alimentaire brunâtre, qui m'embarrasse un peu sur l'espèce de nourriture de cet Insecte. Pendant un court séjour à l’époque précitée dans la ville de l'Escurial, en Castille, où cette Lagrie n’est point rare, mon ami Édouard Perris en approvisionna mon scal- pel. Au déclin du jour, il l'avait trouvée en abondance contre les murs et les palissades. De quoi se nourrissait-elle là? Nous n’en savons rien. L’intestin est filiforme et grêle. Le cæcum est oblong, et le rec- tum fort court. Les vaisseaux hépatiques ressemblent à ceux des autres Hété- romérés par leur nombre qui est de six et leur double insertion ventriculaire et cæcale. La description de ce même appareil digestif peut s’appliquer à la 8 L. DUFOUR, — FRAGMENTS ANATOMIQUES L. hirta; seulement dans celle-ci le ventricule chylifique est assez long pour faire une circonvolution sur lui-même. Dans cette dis- seclion, déjà si ancienne, j'avais pareillement trouvé dans ce ven- tricule une pulpe alimentaire noirâtre. Appareil génital mâle. Le mâle de la L. lata est notablement plus petit que la femelle. Le testicule a une forme et une composition qui me rappelèrent d’abord celles du grand Hydrophile, mais dont plus tard je retrou- vai les analogues, à la configuration près, dans le Blaps et le Mylabris, qui sont Hétéromérés comme la Lagrie. En ouvrant l’abdomen de celle-ci, je crus, en trouvant une quantité de corps globuleux qui remplissaient les flancs de cette cavité, que je m'étais trompé sur le sexe, et que ces globules étaient des œufs entassés. Il me fallut toute ma patience et ma passion pour exhumer, d’un lacis inextricable de trachéoles, de nerfs el de guenilles adipeuses, une grappe de ces globules, un merveilleux testicule, en contemplation duquel je demeurai en extase ; ce sont là de ces joies réservées au scalpel microtomique. Ainsi le testicule de la Lagrie est, dans son état de turgescence séminale, une grappe serrée, presque en épi, allongée cylin- droïde, formée d'innombrables capsules spermifiques, subglobu- leuses, presque diaphanes, et occupant tout le flanc de l'abdomen. C’est là un des traits anatomiques, dont le concours avec les autres justifie l'établissement de la famille des Lagriaires. Ces capsules, quand on dégraine la grappe, sont ovoïdes-coniques, et consti- tuent l'organe sécréteur de la glande. Réunies en fascicules ou grappillons innombrables, elles versent le produit de leur sécré- lion dans d’imperceptibles conduits, qui, s’unissant de proche en proche, s’abouchent dans un sinus commun formant l’origine du conduit déférent. Le conduit déférent naît non du bout de la grappe testiculaire comme celui de l'Hydrophile, mais du tiers postérieur et interne de celte grappe. Il est assez long, flexueux, fin d’abord, puis se dilatant insensiblement pour former, par sa confluence avec celui du côté opposé, le canal éjaculateur. SUR QUELQUES COLÉOPTÈRES. 9 Ce mode de confluence est aussi une exception, car presque toujours ce sont les vésicules séminales principales qui forment le canal éjaculateur, Aussi, en présence de ces cas exceptionnels qui cesseront sans doute d'être tels par les progrès de l’entomotomie, je me tiens dans une grande réserve, et j'ai (oujours une propen- sion à me défier de mes autopsies même, quoique je les aie mul- tipliées. Les vésicules séminales, au nombre de deux paires, se font re- marquer par leur petitesse et leur rapprochement de l’origine du canal éjaculateur. L'une paire, plus courte et antérieure, est à mes yeux l’analogue de celle à laquelle j'ai donné dans beaucoup de Coléoptères l’épithète de principale. Dans notre Lagrie, elles sont grêles, incurvées, d’un blane mat, d’une consistance roïde ; elles sont tellement contiguës et ont une telle exiguité, qu'il faut beau- coup de précautions pour les mettre en évidence, La seconde paire de ces vésicules est postérieure quant à sa principale direction, car son origine est antérieure. Mais après son insertion au conduit déférent, elle se réfléchit en arrière. Plus longue que la précé- dente et tout aussi grêle, elle est courbée en hameçon. ' Le canal éjaculateur, beaucoup plus fin que les conduits défé- rents qui concourent à sa formation, est bien plus court que l’un de ceux-ci. L'armure copulatrice est un étui corné, noirâtre, cylindrique, arqué, et obliquement tronqué à son extrémité. Le canal éjacula- teur traverse pour s’y introduire une masse charnue de sa base, dans laquelle il pénètre latéralement. Appareil génital femelle. Le 15 juin, je disséquai deux femelles vierges, ou dont les oyaires avaient si peu de développement, qu'il me fut impossible de les démêéler et de les mettre en évidence. Plus tard, le 26 juin, à mon retour des montagnes de Guadarrama, je passai un seul jour à l’Escurial, et je disséquai une femelle dont les ovaires se trouvaient dans une période générative opposée à celle des deux vierges déjà disséquées; c’est-à-dire que, dans le sujet du 26 juin, les ovaires, bien plus apparents, plus distincts, étaient néanmoins 10 L. DUFOUR, —- FRAGMENTS ANATOMIQUES vides, parce qu'ils s'étaient débarrassés de tous les œufs par la ponte. Il faut conclure de là que, dans notre Lagria, la durée de la gestation doit être bien peu prolongée, puisque, au 45 juin, les femelles étaient vierges, et que, onze jours après, une femelle de la même localité avait complétement effectué la ponte de tous ses œufs. Voici donc dans cette dernière femelle l’état de l'appareil génital. Les ovaires sont quadruples ou quaternaires ; ils consistent pour chaque côté en deux sacs ovariques, oblongs, cylindroïdes, hérissés dans leur périphérie d'innombrables gaînes ovigeres, sessiles, qui ne m'ont semblé qu'uniloculaires, peut-être parce qu’elles étaient vides. Ces deux sacs ovariques, parfaitement distincts, confluent en arrière à un co/, qui s’unit à celui du côté opposé pour la formation de l’oviducte. J'ai eu la satisfaction vive- ment sentie de constater dans la L. hirta de notre Midi occidental de semblables sacs ovariques géminés, pareillement hérissés de gaines ovigères. Dans ma ïiongue carrière inseclicide, je n'ai jamais trouvé une semblable composition d’ovaires (L). L'oviducte résulte, ainsi que je lai déjà dit, de la confluence des deux cols des doubles ovaires. Il est court, eylindrique, et s’en- gage sous des organes qui lui sont annexés, et dont je vais parler. La poche copulatrice est, au moins dans la dernière femelle disséquée, une énorme bourse sphéroïdale, à parois translucides, qui s’abouche à la partie postérieure de l'oviducte. Par transpa- rence, j'ai constaté dans l'intérieur de la bourse l'existence de (1) Cependant je ferai observer que parmi les hyménoptères dont j'ai publié l'anatomie dans les Mémoires de l'Institut pour 1841, il en est un, le genre Chelonus, jeté sans réflexion dans la vaste famille des /chneumonides dont l'ap- pareil génital femelle a fait le tourment de ma vie et demeure encore pour moi un problème physiologique, une incessante perplexité. J'en ai vainement de- mandé la solution aux entomologistes adonnés à l'étude des métamorphoses des mœurs et du genre de vie des insectes. Ce Chelonus oculator, qui n'a pas cinq millimètres de long, n'a point quatre ovaires, car il n'est certainement pas ovi- pare, mais il a quatre matrices renfermant des fœtus ou des embryons. C'est un organisme exceptionnel à l'illustration duquel j'appelle de toutes mes forces l'habilelé du scalpel de mes collègues. On en trouve, dans l'ouvrage précité , la description et la figure, SUR QUELQUES COLÉOPTÈRES: 11 deux pièces brunes, cornées, unidentées, adossées l’une à l’autre, et parfaitement semblables entre elles. Nul doute que ces pièces incluses n'aient appartenu à l’armure de la verge, qui, dans une désunion violente après l'accouplement, s’est détachée du corps, devenant ainsi le fatal témoignage d’un acte copulateur que lani- mal a payé de sa vie. Audouin a fait connaitre des exemples de ces mutilations dans le Hanneton et autres Insectes. Mais, outre la poche copulatrice, il existe au-devant de celle-ci un autre organe bifide, ou une double vésicule oblongue annexée à l'oviduete ; elle appartient sans doute à une glande sébifique. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 2, (La Lagria n’a que deux lignes de longueur.) Fig. 2. Appareil génital mâle de la Lagria lala : aa, testicules, grappes de cap- sules spermatiques ; bb, conduits déférents; c, vésicules séminales principales ; dd, vésicules secondaires: e, canal éjaculateur ; f, étui de l'armure de la verge. Fig. 3. Portion du testicule encore plus grossie; 4, capsules spermifiques ovoïdéo-coniques disposées en grappillons:; b, portion du conduit déférent ; e, sinus des grappillons spermifiques. Fig. #. Appareil génital femelle de la même Lagria: au, ovaires quaternaires avec leurs graines ovigères vides ; bb, les quatre ligaments suspenseurs des ovaires ; c, oviducte; d, poche copulalrice avec les pièces cornées incluses ; e, glande sébifique bifide; f, portion de l’etui copulateur. SUR LE TILLUS TRANSVERSALIS. Le Tillus appartient, comme on sait, à la famille des Clérites si somptueusement illustrée par M. de Spinola. En juillet 1854, je trouvai aux environs de Madrid le T'. trans versalis sur les fleurs de l’'Onopordum illyricum. J'en disséquai trois individus que je choisis parmi ceux de la plus grande taille et ils se trouvèrent tous, à mon grand regret, du sexe masculin, Les mâles seraient-ils done dans ce type plus grands que les femelles ? 12 L. DUFOUR, — FRAGMENTS ANATOMIQUES Appareil digestif. Point de glandes salivaires. Le canal alimentaire à environ deux fois la longueur du corps. L’æsophage à une ténuité capillaire; il ne s'adapte pas brusque- ment à l’organe qui le suit comme c’est l'ordinaire, mais il s’y unit d’une manière insensible. Le ventricule chylifique est presque droit, cylindroïde ou avec des dilatations accidentelles, lisse et uni à sa surface. L’intestin d’abord contracté se dilate ensuite en un cæcum qui acquiert le calibre du ventricule Le rectum est brus- : quement distinct du cæeum et cylindrique. Les vaisseaux hépatiques ne sont dans le Tillus qu’au nombre de quatre, insérés isolément avant le bourrelet qui termine le ven- tricule et ils ont leurs bouts libres et flottants. Je les ai trouvés pellucides. Je ferai remarquer ici que dans les Clerus, dont j'ai fait con- naître l'appareil digestif dans mon Anatomie des Coléoptères , il exisie six vaisseaux biliaires à double insertion venlriculaire et cæcale. Cette différence anatomique entre deux insectes d’un même groupe naturel est un fait fort singulier mais très positif. La vérité aurait-elle échappé à ma vieille pratique sur les trois sujets disséqués le même jour? Rien ne me porte à le croire. Appareil génital mâle. Son ensemble forme dans l’état normal une masse agglomérée dont il est difficile de dérouler, d'isoler les organes constitutifs surtout dans l’état de turgescence comme dans les sujets soumis à mon scalpel. Les testicules logés dans le tiers postérieur des flancs de l’abdo- men ef situés en arrière des autres parties de l'appareil, ont une composition, une structure qui ne sont point celles de ces mêmes glandes dans le Clerus. Le testicule de ce dernier est un corps ovoïde revêtu d’une tunique rougeàtre renfermant un faisceau oblong de capsules spermifiques allongées simples, libres par un bout. (Voir mon Anatomie des Coléoptères.) SUR QUELQUES COLÉOPTÈRES. 15 Ce même organe, dansle Tillus, est formé par les circonvolu- tions agelomérées et entrelacées d’un seul vaisseau spermifique subdiaphane, que je suis parvenu à force de patience à dévider sans le rompre. Cette structure testiculaire rappelle celle des Carabiques. Ce trait anatomique comparatif non-seulemeut justifie la sépara- tion générique du T'illus, mais il semble indiquer, avec ce que j'ai dit sur les vaisseaux biliaires, qu'il doit appartenir peut-être à un autre groupe, à une autre tribu. Le conduit déférent n’est, à vrai dire, que la continuation en dehors du testicule du vaisseau spermifique. Il est long, filiforme et flexueux. Le sperme qu'il renferme est blanc, compacte, mieux élaboré. Les vésicules séminales sont au nombre de trois paires. La pre- mière où la principale, celle dont la confluence forme le canal éjaculateur, est contournée en crosse ou en spiroïde et parfois tellement enroulée qu’elle s’agglomère en peloton qu’on parvient sans beaucoup de peine à étaler. La seconde vésicule, déjetée au côté externe de la première, est un peu en crosse, mais bien plus pelite. Enfin la troisième, courbée en hamecon, a son point d’in- sertion tout près de le précédente. Le canal éjaculateur est long, filiforme, plus ou moins flexueux. EXPLICATION DE LA FIGURE. PLANCHE 2. Fig. 5. Appareil génital mâle du Tillus transversalis : ua, testicules; bb, con- duits déférents ; cc, vésicules séminales principales ; dd, seconde paire des vési- cules séminales ; æ, troisième paire de ces vésicules ; /, canal éjaculateur. SUR LE MISOLAMPUS PUNCTICOLLIS. Ce coléoptère hétéromère appartient à la grande et noire famille des Piméliaires. Son allure, ses habitudes sont celles du Blaps, du Scaurus, des Pimelia. Il est aptère et fuit le grand jour. La science doit cette bonne espèce à mon ami le professeur Graells, en compagnie de qui je l'ai trouvée en juillet 1854 sous les pierres LA L. DUFOUR., — l'RAGMENTS ANATOMIQUES el surtout sous les copeaux de pin dans les montagnes de Guadar- rama, en Castille. Il s'y réunit souvent en sociétés et fait sa nour- rilure des substances organiques décomposées. Le hasard a voulu que pas un seul mâle ne soit tombé sous mon scalpel. Je le regrette vivement. Je ne dirai rien des trachées du système nerveux et du tissu adi- peux splanchnique, parce qu'ils ne différent point de ceux des autres genres de la famille. Appareil digestif. Il a certainement beaucoup d’analogie, lan par sa forme que par sa composition, avec celui du Blaps et autres Piméliaires, néanmoins il offre quelques traits qui méritent d’être signalés. Et d’ailleurs dans l’état actuel de l’entomotomie, science encore si peu avancée, il importe d'enregistrer même les cas de conformité pour s'élever plus tard à des généralisations. Les glandes salivaires du Misolampus, loin d’être rameuses comme dans le Blaps, ont la simplicité filiforme de celles des Asida et sont proportionnellement plus courtes que dans ces der- nières. L'œæsophage, quoique fort court, se renfle en un abot qui semble parfois enchatonné dans le ventricule chylifique. Ce jabot a des parois épaisses calloso-musculaires et j'y ai constaté une valvule qui offre dans son occlusion une fente cruciale, indice d’une ouver- ture quadrilobée comme celle qui existe dans la Pimelia , dans le Blaps, ete. Cette valvule correspondrait à l’orifice cardiaque de l'estomac des animaux supérieurs. Le ventricule chylifique ne fait aucune circonvolution et res- semble sous ce rapport aux Pimelia et Tenebrio. Mais sa tunique externe, loin d’être papilleuse ou granuleuse, comme dans ces der- niers, a l'aspect lisse et uni de celle de l’Asida. Toutefois, dans cer- laines conditions digestives, on y reconnait quelques légères plis- sures transversales. Son bout postérieur présente un renflement turbiné où s’insèrent les vaisseaux hépatiques. Quant à l'intestin, au cæcum et au rectum, ils ne différent point de ceux des autres Piméliaires. SUR QUELQUES COLÉOPTÈRES., 15 J'en dirai autant des vaisseaux biliaires. Cependant l'insertion cæcale se fait par un seul tronc d’une brièveté extrème tandis que ce même tronc est sensiblement plus long dans les genres que jé viens de nommer. Appareil génital femelle. Chaque ovaire consiste en un faisceau conoïde d’une douzaine de gaînes ovigères allongées, multiloculaires, terminées, comme d'ordinaire par un ligament suspenseur. Le calice est urcéolé avec un col bien marqué qui aboutit à l'oviducte. La poche copulatrice est une grosse massue blanche, arquée, roide, subcalleuse. Son bout libre, quand on le dégage de la pulpe adipeuse qui l'enveloppe, donne insertion à un petit appareil qui est, d’après von Siebold, le réservoir séminal. Celui-ci se compose de deux petites utricules ovales subréni- formes contiguës, subsessiles, dans l’intérieur desquelles la pellu- cidité de l'enveloppe permet de constater à la loupe une matière blanche, opaque, de la forme de la capsule. Les deux utricules confluent en arrière pour s’aboucher à un conduit commun grêle, plus long qu’elles, ayant unrenflement globuleux à son origine. Ce réservoir séminal, malgré son énorme différence de forme et de grandeur, a, par satexture et ses fonctions, une parfaite analogie avec un semblable organe dans les Blaps. Il y a même dans le Blaps similis, Latr., une de ces transitions organiques que je saisis toujours avec empressement dans l'intérêt des créations échelon- nées : c’est l'existence de deux utricules ovoïdes qui rappellent celles du Misolampus et qui se rattachent à la poche copulatrice par un fort long conduit flexueux que j'ai figuré dans mon Ana- tomie des Coléoptères, sous le nom, abdiqué depuis, de glande sébifique. Quoi qu'il en soit de l'attribution physiologique qui, je crois, a encore besoin de recherches, la poche copulatrice du Misolampus s’atténue en arrière en un tube filiforme, flexueux, qui semble re- cevoir l’oviducte des ovaires. Cet oviducte est court et l’on pourrait tout aussi bien croire que c’est lui qui recoit la poche copulatrice. Le tronc de l'appareil génital qui nous occupe s'engage avec le 16 L. DUFOUR., — FRAGMENTS ANATOMIQUES rectum dans un étui de consistance parcheminée et de forme sub- tétraèdre appartenant à l’oviscapte. Glande odorifique. Tous les entomologistes pratiques, ceux qui manientles insectes vivants, savent que beaucoup d’entre euxexhalent des odeurs spé- ciales souvent caractéristiques des espèces, el pour ne point sortir de la famille des Piméliaires, qui n’a pas constaté l’odeur désa- gréable des Blaps ? Leur glande odorifique est un petit appareil binaire qui sécrète, conserve et excrèle cette humeur qu’on à appelée exerémentitielle. J'ai tourmenté, irrité le Misolampus vivant sans avoir pu saisir la moindre émanation odorante. Et cependant il existe au bout de l'abdomen une glande odorifique parfaitement inodore, au moins dans les conditions où j'ai disséqué cet insecte. Située au-dessous des viscères abdominaux, elle se fait remar- quer par sa couleur d’un brun chocolat. Elle se compose de deux bourses oblongues, cylindroïdes, sessiles, rapprochées surtout vers le point de leur insertion. Étudiées au microscope, elles pré- sentent dansles deux tiers postérieurs une structure annelée comme s’il y avait des cerceaux cartilagineux. En arrachant avec circon- spection l’étui génito-rectal, je me suis assuré que cette glande demeurait fixée au bout de la paroi ventrale, mais avec ma plus puissante loupe, je n’ai pu apercevoir la moindre trace d’un orifice ou pore exhalant. Toutefois, en désarticulant avec ménagement l'avant-dernier et le dernier segments, j'ai bien reconnu que la glande adhérait à celui-ci et qu’elle y était accompagnée d’une sorte de tablier musculeux qui peut servir à l’éjaculation de l’hu- meur, au voisinage de l’anus. Je n’ai point aperçu à ces bourses des vaisseaux sécréteurs par- ticuliers, Mais jai vu, un peu avant leur insertion, un bourrelet annulaire, charnu, blanchâtre, une espèce de sphincter destiné à régler l'émission odorifique. SUR QUELQUES COLÉOPTÈRES. 17 Appendice. Gregarina longicauda, Duf. J'ai jadis fondé ce genre sur des Helminthes libres et en trou- peaux dans l’intérieur du tube digestif des insectes. La Grégarine du Misolampus est blanche comme les autres. Elle a moins d’un millimètre de long et se fait remarquer par son prolongement caudal. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 2. Fig. 6. Appareil annexé aux ovaires du Wisolampus : a, poche copulatrice; b, réservoir séminal; c, calices des ovaires ; dd, cols des ovaires ; e, ovi- ducte ; f, tronc, oviducte de tout l'appareil génital; g, portion de l'étui de l'oviscapte. Fig. 7. Glande odorifique. Fig. 8. Une des bourses de cette glande avec ses arceaux et le bourrelet charnu de sa terminaison. Fig. 9. Gregarina longicauda. SUR LE SPONDYLIS BUPRESTOIDES. Malgré son corps trapu et cylindrique, son corselet inerme, la brièveté de ses antennes et de ses robustes pattes, le Spondyle a été placé par tous les classificateurs à la tête des Longicornes, et M. Mulsant à créé pour lui la famille des Spondyliens. Il doit se rapprocher des Dorcadion. Le Spondyle partage avec les Longicornes le genre de vie, les habitudes crépusculaires et les métamorphoses. Celles-ci ont été illustrées par le célèbre Ratzeburg dans son bel ouvrage sur les Insectes nuisibles aux forêts. Mais personne jusqu'à ce jour n'avait porté le scalpel dans les entrailles du Spondyle. Je vais essayer de remplir cette lacune. Le bord occipital de sa tête est trilobé, comme celui de tous les Longicornes dont j'ai fait la dissection. J'ai déjà dit, dans mon > 4° série. Zooz. T. IX. (Cahier n° 1.) ? 2 18 L. DUFOUR. — FRAGMENTS ANATOMIQUES Analomie des Coléoptères, que les sinus de ces lobes donnaient attache à de puissants muscles destinés aux mouvements de la têle, à l'époque où l'insecte parfait a besoin de perforer le bois à coups de mandibules pour sortir de sa prison ligneuse et gagner l'atmosphère. Article If. — Appareil digestif. Ainsi que tous les Longicornes, le Spondyle est privé de glandes salivaires ; son canal alimentaire a deux fois la longueur du corps de l’insecte. L’æsophage est court, et n'offre aucun vestige de jabot. Le ventricule chylifique, à raison de la briéveté de l’œso- phage, semble naître immédiatement de la tête ; sa surface est lisse el glabre. Il présente, comme celui du Prionus coriarius, des renflements successifs variables, que j'ai eu tort de regarder dans ce dernier comme appartenant à un jabot. Je tiens à reconnaître et à redresser mon erreur tant pour ce Prionus que pour l’Er- gates faber, l'Hylotrupes, ete. Ces renflements sont purement accidentels. L’intestin est filiforme, assez long pour faire une ou deux circonvolutions sur lui-même. Le cæcum est un renflement en forme de massue, à parois épaisses et musculeuses. Le rectum, qui naît brusquement de son gros bout, est cylindrique et de mé- diocre longueur, surtout dans le mâle. Les vaisseaux hépatiques ressemblent parfaitement à ceux des autres Longicornes, soit pour leur nombre, soit pour leur double insertion. Article. II, — Appareil génital mâle. Il diffère de celui du Prionus pour se rapprocher davantage de celui du Cerambyæ cerdo dont j'ai publié les figures ; toutefois la différence est assez marquée pour mériter d’en faire connaitre le dessin et une succinete descriplion. 1° Testicules au nombre de deux paires, ainsi que dans le Cerambyæ cerdo et plusieurs Charansonites. Dégagés de leur en- veloppe adipo-trachéenne qui en masque la composition intime, ils consistent pour chaque côté en deux rondelles formées de capsules spermiliques, ovoïdes, élégamment disposées en une SUR QUELQUES COLÉOPTÈRES, 19 série circulaire, rayonnante. Chaque rondelle a son col excréteur propre, qui débute au centre de sa face inférieure par un léger renflement. Les deux cols confluent en un conduit déférent fort long et flexueux, d’abord grêle et diaphane, puis se renflant in- sensiblement pour devenir blane, et aller s’aboucher à la vésieule séminale qui lui correspond. I y a deux paires de vésicules séminales, une pour chaque côté. La paire principale, ou celle qui forme essentiellement le canal éjaculateur, est beaucoup plus longue que dans la plupart des con- génères ; elle est le plus souvent reployée en circonvolutions qui ont des boursouflures inconstantes, et quand on parvient à la dé- rouler, sa longueur mesure deux fois celle de tout le corps de l’in- secte. En approchant de son bout libre, elle prend la ténuité capillaire, et une diaphanéité qui trompe souvent la pince. La seconde paire de vésicules séminales est filiforme, flexueuse, infi- ninent moins longue que la principale, et s'abouche à celle-ci très près du conduit déférent. Le canal éjaculateur forme le tronc de tout l'appareil sécréteur et conservateur. I est grêle d’abord, puis il s'abouche, par une connexion que j'ai peut-être imparfaitement saisie, à un canal beaucoup plus large, formant près de la racine de l’armure copu- latrice une anse obronde, souvent distendue et rémitente; ce serail là un réservoir séminal particulier comparable à un épidi- dyme d’une configuration insolite. D’autres Longicornes m'ont offert aussi de semblables anses : mais je sens le besoin d’en mieux établir les connexions L'armure copulatrice est allongée et fibro-cornée. La pièce basilaire est profondément échanerée en croissant; elle est, ainsi que ses bords, brune, cornée. Ceux-ci confluent en arrière, for- ment une articulation ; puis vient une lame terminale profondé- ment bifide, brune, à bords ciliés. Article IT. — Appareil génital femelle. Les ovaires du Spondyle ressemblent à ceux du Cerambyæ heros el de la plupart des Longicornes; ils consistent chacun en 20 L. DUFOUR. — FRAGMENTS ANATOMIQUES un faisceau ovoïde, ou turbiné, de gaines ovigères en uombre peu déterminable, allongées, pluriloeulaires. Ce faisceau se termine, comme d'ordinaire, par un ligament suspenseur allant se fixer dans le thorax. Il y a un calice cupuliforme, ayant un col plus ou moins prononcé suivant l'état de gestation. La poche copulatrice est grande, ovoïde, simple, atiénuée en un col fin et court qui se fixe à la face dorsale etun peu latérale de l’oviducte. Quand on exerce sur l'abdomen d’une femelle vivante une compression expulsive ménagée, on procure la saillie au dehors de l'oviscapte. Celui-ci, de texture membrano-parcheminée, d'une teinte uu peu roussâtre, est formé de quatre tuyaux qui s’engainent les uns dans les autres comme ceux d’une lunette d'approche. Le dernier, ou le terminal, est bifide, et flanqué des deux côtés d’un tentacule vulvaire subarrondi, un peu velu. La demi-transparence de ces tuyaux permet de voir inclus un corps tubuleux partant du second tuyau, ayant un liséré brun sur les côtés. EXPLICATION DE LA FIGURE. PLANCHE 2. Fig. 1. Appareil génital mâle étalé du Spondylis buprestoides : a, testicule à deux rondelles de capsules spermifiques vues par la face supérieure; b, le même, par sa face inférieure ; ce, cols excréteurs renflés à leur insertion à la rondelle ; dd, conduits déférents; ee, vésicules séminales principales ; ff, vési- cules séminales secondaires ; g, canal éjaculateur; k, anse obronde de ce canal ; à, armure copulatrice ou étui de la verge. SUR LE NEPHODES VILLIGER. Le Nephodes appartient à Ja famille des Æélopiens de Latreille. Le N. viliger Hoffmansegg, qui est le sujet de mes recherches anatomiques, n’est pas rare dans certaines localités des environs de Madrid. En juillet 1854, je le trouvai plus particulièrement sur d'énormes touffes du Junçus acutus, non loin des bords du Man- SUR QUELQUES COLÉOPTÈRES. 21 zanarès. Jai de puissantes raisons de croire que sa larve vit dans ces souches ou les racines. Je jugeai à la fréquence de ce Nephodes sur ces jones, et à la fraicheur de sa robe qu'il était récemment transformé. I n'exhale en le maniant aucune odeur spéciale. Appareil digestif. Il ressemble plutôt à celui des Cistela qu'à celui des Helops. Point de glandes salivaires. Le canal alimentaire a deux fois envi- ron la longueur du corps de l’insecte. L'œsophage est filiforme, sans nulle trace de jabot. Le ventricule chylifique est lisse à l’exté- rieur, c’est-à-dire qu'il n’a ni papilles, ni granulations ; il est à peu près droit et eylindroïde. L'intestin, tout à fait filiforme, est courbé en une grande anse; il se dilate ensuite en un cæcum renflé en massue, d'où nait brusquement un rectum filiforme comme l'œso- phage. Ce rectum a une texture fortement musculaire, qui présente même au ciseau la consistance calleuse. Les vaisseaux hépatiques ressemblent à ceux des congénères ; ils sont au nombre de six, à double insertion ventriculaire et cæcale. Appareil génital. A. Mâle. — Testicules placés à la base de la cavité abdominale, consistant pour chacun en une rondelle de cinq (non de six) capsules spermifiques subglobuleuses, plus ou moins diaphanes. Conduit déférent presque capillaire. F’esicules séminales au nombre de deux paires, comme dans les Mélasomes. La principale de ces vésicules est en corne de bélier ; les autres, contre l'ordinaire, sont globuleuses ou ovalaires avec un petit boyau terminal. Le canal éjaculateur est filiforme. B. Femelle. — Ovaires analogues à ceux des Blaps et T'enebrio, composés chacun d’une vingtaine de gaînes ovigères bi- ou trilo- culaires. Calice échancré en avant, subbilobé, afténué en col court, Oviducte long, filiforme, flexueux ou reployé. tS 2 L. DUFOUR. — FRAGMENTS ANATOMIQUES , ETC. Poche copulatrice située à l’origine latérale de l’oviducte, par conséquent fort éloignée de la vulve, ce qui fait supposer une verge d’une longueur extraordinaire pour pouvoir l’atteindre. Tout près de l'insertion de cette poche, il existe un vaisseau tubu- leux, simple, capillaire, que je suppose appartenir à la glande sébi- fique ; mais j'ai peut-être mal saisi ses connexions. Ce qu'il ya de positif, c’est que ce n’est point un vaisseau hépatique égaré. ÉTUDES SUR LA PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS CHEZ LE DYTISQUE, Par M. le docteur Ernest FAIVRE, Dans un premier travail sur la physiologie du cerveau des Dytisques, nous nous sommes occupé du rôle important que remplit cet organe par rapport aux mouvements généraux de loco- motion (1). Nous allons dire maintenant ce que les expériences nous ont appris sur le cerveau, envisagé non plus comme un organe prépondérant et dominateur, mais comme un simple gan- glion, source de sensibilité et de mouvement pour les diverses parties de la tête. Dans nos recherches, nous avons toujours fait marcher ensemble les résultats fournis par les vivisections, et ceux que nous donnent l'anatomie descriptive et les observalions de texture. S’occuper simullanément de l’anatomie complète et de la physiologie d’un organe, c'est préparer des éléments pour la solution d’un des plus importants problèmes de la biologie, la connaissance des rapports qui peuvent exister entre la texture des parties et les fonctions qu'elles remplissent. Nous consacrerons les premières pages de ce travail à la description anatomique du cerveau et des nerfs cràniens. Nous ferons ensuite connaitre les résultats de nos expériences sur les animaux vivants. L. — Partie anatomique. Le cerveau et les nerfs cräniens du Dytisque ont été étudiés bien souvent, et à notre connaissance ils ont élé représentés successive- 4) Voyez ces Annales, t, VIII, £° série, p. 245. 24 E. FAÏVRE, — PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS ment par Burmeister dans son grand ouvrage, et par M. Blanchard dans un excellent mémoire publié dans les Annales des sciences naturelles (1).Si nous revenons sur un sujet connu, c’est que nous pouvons y ajouter quelques détails nouveaux, et que celle des- cription est d’ailleurs indispensable pour l'intelligence des expé- riences physiologiques. A. Du cerveau. Nous désignons sous le nom de cerveau ou encéphale des Dytisques, toute la masse nerveuse renfermée dans la tête de ces animaux. Le cerveau est constitué par trois parties distinctes : la masse supérieure, ou ganglion sus-æsophagien ; la masse inférieure, ou ganglion sous-æsophagien; les pédoncules qui unissent entre eux ces deux renflements. Dans un précédent mémoire, nous avons donné les raisons sur lesquelles nous nous fondons pour admettre que les deux gan- glions et les pédoncules doivent être envisagés comme représen- fant un encéphale. Nous reviendrons sur cet important sujet. Ganglions sus-æsophagiens. Ils se composent de deux renflements, désignées souvent sous le nom de ganglions cérébroïdes, et que nous croyons pouvoir aussi nommer lobes cérébraux. De l'extrémité de chaque lobe part un nerf optique très volumineux formé de deux portions : le nerf pro- prement dit et le renflement optique. Les parties que nous venons de décrire sont très développées ; on en jugera par les nombres suivants : La distance de l’un des renflements optiques à l’autre est égale, en moyenne, à 0",005, non compris les nerfs optiques ; le diamètre transversal est d’un peu plus de 0°,002. Nous n’insisterons pas sur la disposition des lobes cérébraux, dont nous avons, dans un précédent mémoire, décrit minutieuse- ment les rapports; nous nous bornerons à ajouter qu’à la loupe et sur un cerveau frais, les lobes paraissent constitués par de la sub- (1) Tome, V, 3° série, page 273. CHEZ LE DYTISQUE. 925 stance blanche différente par l'aspect de la substance qui constitue les nerfs optiques. Pédoncules cérébraux. Les analomistes ne paraissent pas avoir remarqué que chacun des pédoncules se compose de deux parties distinctes, aussi bien par leur disposition générale que par leur aspect. En effet, la por- tion du pédoncule qui naît de chaque lobe est renflée, surtout en avant ; elle est constituée par de la substance blanche ; enfin elle est l’origine des nerfs antennaire et Iabial supérieur. La partie du pédoneule qui fait suite à la précédente n'offre plus les mêmes caractères, mais ressemble aux connectifs interganglionnaires ; _elle n’est plus renflée, mais allongée ; elle ne donne naissance à aucun nerf crànien; enfin elle ne renferme pas de substance blanche comme on en trouve dans les centres, mais elle a l'aspect qu'offrent tous les filets nerveux et les connectifs. Si l’on veut examiner à l’aide d’une bonne loupe le cerveau frais d’un Dytisque, on se convainera de l'exactitude des détails que nous rapportons ici. Ganglion sous-æsophagien. Ce ganglion consiste en une masse, dont les diamètres en lon- eueur, largeur et épaisseur, sont à peu près de 4 millimètre, et dont la substance est une matière blanche. Ce ganglion, dont l'importance physiologique est extrême, donne naissance aux nerfs mandibulaires, maxillaires, labiaux inférieurs, basilaires; en arrière, il se continue avec les connectifs ; en avant, il recoit les deux pédoncules cérébraux. On trouve en avant et en haut du ganglion, entre les deux pé- doncules, une bandelette nerveuse que nous n'avons vue men- tionnée nulle part, et qui mérite d’être citée. Nous en ignorons complétement la signification. Cette bandelette s’étend transver- salement de l'origine de l’un des pédoncules à l’origine du pédon- eule de l’autre côté; elle est épaisse, el constituée par de la matière blanche. C’est une commissure interpédonculaire, 26 E. FAIVRE, — PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS Nous avons trouvé que le poids du cerveau, non compris les nerfs optiques et autres nerfs crâniens, est de 05‘,005. Nous avons aussi pesé comparativement des Dytisques entiers, et leur cer- veau bien isolé; et nous avons constaté que le poids du cerveau est à celui de l'animal comme 1 est à 360. B. Nerfs crâniens. Voici l’énumération très exacte des nerfs crâniens chez le Dytisque : Première paire, nerfs optiques ; Deuxième et troisième paires, nerfs antennaires ; Quatrième paire, nerfs labiaux supérieurs ; Cinquième paire, nerfs mandibulaires ; Sixième paire, nerfs maæillaires ; Septième paire, nerfs de la lèvre inférieure ; Huilième paire, nerfs basilaires ; Neuvième paire, nerfs stomato-gastriques. Nous allons reprendre successivement l'étude de chacun de ces nerfs, et en présenter une description complète, indispensable pour l'intelligence des phénomènes physiologiques. 1° Nerfs optiques. — Ils se distinguent de tous les autres par leur volume considérable, et par leur origine à droite et à gauche de chacun des lobes du cerveau. Ce sont les seuls nerfs qui se rattachent directement et complétement au cerveau supérieur. Ils se composent de deux portions : l’une, interne, fait suite au lobe latéral ; elle a un millimètre de longueur environ ; elle se ter- mine par une dilatation considérable qu’on peut appeler ganglion optique, et qui constitue la seconde portion. 2 et 3° Nerfs antennaires. — A l’origine du renflement pédon- culaire, à la base de chaque lobe cérébral, on voit naître deux troncs nerveux, l’un externe plus petit, l’autre interne plus volu- mineux. Tous deux sont d’abord placés le long de la face inté- rieure de l’apophyse antennaire, qu'il faut rejeter en dehors pour les bien voir. Le nerf le plus externe se divise bientôt en deux branches, que nous avons suivies dans les muscles fléchisseurs et extenseurs de l’antenne,. CHEZ LE DYTISQUE. 27 Le nerf le plus interne a au moins deux fois le volume du pré- cédent; il se rend après un long trajet dans l'antenne, après avoir donné aussi des filets musculaires; c'est ee second nerf, un des plus volumineux après le nerf optique, qui joue sans doute le rôle d'un nerf de sensation spéciale. Vers le milieu de son trajet, on distingue un renflement assez marqué, caractère que nous n'avons reconnu que dans le stomato-gastrique. h° Nerfs de la lèvre supérieure. — Ceux-ci sont plus profondé- ment placés que les précédents ; ils naissent directement à la partie inférieure du renflement pédonculaire, par un seul trone qui, presque dès son origine, se divise en trois branches; deux de ces branches volumineuses se portent d’arrière en avant et un peu de haut en bas pour se distribuer aux muscles qui meuvent là lèvre supérieure, et s’attachent sous l’épistome et le vertex ; la troisième branche plus petite se porte aussi dans les muscles après un court trajet. Pour atteindre sur un insecte vivant ce tronc nerveux, il faut rejeter le cerveau supérieur en arrière, briser, en la portant au dehors, l’apophyse antennaire, enfin refouler un peu en dedans les muscles pharyngiens. On peut parvenir ainsi à voir et à couper ce nerf labial supérieur; mais cette opération est très difficile. 5° Nerfs mandibulaires, — Pendant longtemps, nous avons vainement cherché l’origine de ces nerfs; enfin nous sommes arrivés à un résultat décisif. Les nerfs mandibulaires naissent de la face supérieure, et de l'extrémité antérieure et externe du gan- glion sous-æsophagien ; dans l'angle formé par le pédoncule et le cerveau inférieur, à partir de ce point, le nerf volumineux se porte en haut, en avant et à droite pour atteindre l’apophyse, en dedans de laquelle se trouve le musele moteur de la mandibule ; le nerf, après avoir traversé celle cloison, se divise en plusieurs branches antérieures et postérieures qui vont se perdre dans les inasses musculaires. Pour bien voir le nerf mandibulaire, il faut disséquer le gan- lion sous-æsophagien, et couper une partie de la loge latérale correspondante. Les opérations physiologiques sont d’une exéeu- lion très délicate relativement à ce nerf. 28 E. FAIVRE. — PHYSIOLOGIE DES NERFS GRANIENS G° Nerfs maæillaires. —. IIS naissent de la face inférieure du ganglion sous-æsophagien sur les parties latérales, et se portent de dedans en dehors dans les muscles des mâchoires. On les voit très facilement en enlevant la pièce basilaire. 7° Nerfs labiaux inférieurs. — Ils sont placés en dedans des nerfs précédents sur la face inférieure du ganglion sous-æsopha- gien ; ils se dirigent directement en avant, et se rendent à la lèvre inférieure et aux palpes labiaux. 8° Nerfs basilaires. — Nous appelons ainsi deux nerfs très courts qui naissent en arrière des précédents sur les faces latérales du ganglion, et qui vont se rendre dans les muscles qui meuvent la tête sur le prothorax. M. Blanchard signale auprès des nerfs précédents des nerfs qu'il appelle rétracteurs des mandibules, el sur l’origine desquels il nous reste encore quelques incertitudes. 9° Nerfs stomalo-gastriques. — Müller (1) et Blanchard (2) ont représenté le nerf stomato-gastrique du Dytisque, et ont insisté sur la facilité avec laquelle ce nerf peut être étudié; quelques détails ont échappé à leurs minutieuses investigations ; aussi nous devons donner de nouveau une description, appropriée d’ailleurs à nos expériences physiologiques. Nous ne considérons que la portion impaire du stomato-gas- trique, la partie paire qui se rend aux trachées et au vaisseau dor- sal ayant été suffisamment décrite; d’ailleurs nous n’avons prati- qué aucune expérience sur celte partie intéressante des nerfs. La portion impaire du stomalo-gastrique commence par le gan- glion frontal, d’où partent les filets destinés au pharynx ; le nerf le plus considérable s'étend sur tout l’æsophage, le jabot, le gésier, et se termine, d’après nos dissections, à l’origine du ventricule chylifique. Nous décrirons successivement le stomato-gastrique dans deux régions : la région pharyngienne et la région œsophago-stoma- vale. (4) S. Muller, Nova acta, nat. curios, XIV, 1828. (2) Blanchard, Ann. sc. nat., 1856, t. VI, 3° série. CHEZ LE DYTISQUE, 29 C. Nerf stomato-gastrique dans la région pharyngienne. Il ne sera pas inutile d’insister d’abord sur la région pharyn- sienne fort mal décrite chez les Dytisques. Lorsqu'on examine à l’aide d’une loupe un Dytisque dont les mandibules et les mâchoires sont fortement écartées, on distingue plusieurs saillies, séparées par la fente transversale imperceptible qui constitue l'ouverture pharyngienne. Les plis qui bordent la fente en haut sont au nombre de deux dépendant du labre, et interceptant une plaque dure plus profon- dément située : chaque pli porte une petite dent. Le pli qui limite la fente en bas a la forme d’un bourrelet saillant, et il dépend de Ja lèvre inférieure. Lorsque les mouvements de déglutition se pro- duisent, le pli inférieur seul se déplace en s’approchant ou s’éloi- gnant des plis supérieurs. Derrière les parties que nous venons de décrire se trouve le pharynx, qui s'étend jusqu’en arrière du bord postérieur des lobes cérébraux. Le pharynx n'est autre chose qu'une cavité entourée par des muscles annulaires très puissants et épais; en avant surtout, ces muscles forment deux couches, qu'il est facile de distinguer après l’ablation du labre ; derrière la lèvre inférieure, on distingue une partie cornée qui rappelle l’hyoïde : c’est une pièce dure en fer-à-cheval; sa concavité est tournée en haut perpendiculairement à l’axe de l’œsophage. Cette pièce singulière sert de charpente au pharynx, et de point d’in- sertion à une partie des muscles qui le constituent. L'appareil pharyngien que nous venons de décrire est animé par le stomato-gastrique ; on trouve à la face supérieure le ganglion frontal, dont la forme est triangulaire ; l’angile inférieur est l'ori- gine du tronc nerveux principal qui se rend à l’œsophage ; des deux augles latéraux sortent deux filets qui se dirigent en arrière, et vont se rendre au cerveau, à côté du nerf Jlabial supérieur ; du milieu de la base du ganglion frontal part enfin un filet qui se dirige en avant, et se termine par un petit ganglion ; de chacun des nerfs que nous venons de décrire partent de nombreux filets qui vont se rendre dans l'intérieur des muscles du pharynx. Lorsqu'on regarde avec une bonne lentille le ganglion frontal, on reconnait 30 E, FAIVRE., — PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS qu'il est constitué par de la substance blanche dans son centre, et entouré par une enveloppe très épaisse. Quant aux nerfs qui en partent, ils ne nous ont offert aucune particularité intéressante. D. Région œsophagienne et stomacale. A partir du ganglion frontal, le nerf stomato-gastrique se dirige en bas sur la partie médiane de l’æsophage, et passe au-dessous des lobes cérébraux. Jusque sur le milieu du prothorax, il continue à occuper la même position; mais à partir de ce point, il se dirige en dehors et à gauche sur tout le reste de l’æsophage et sur le jabot. Dans ce long trajet, le nerf gastrique fournit des branches très nombreuses aux muscles de l’æsophage et du jabot. Pour bien étudier ces branches, nous employons le procédé suivant : nous enlevons autant que possible la couche interne ou épithéliale de l’æsophage, et nous mettons sous le microscope la couche museu- laire, après l'avoir laissée un moment soit dans l'acide acétique étendu, soit dans la glycérine. Celte préparation permet de distin- guer aisément les deux couches musculaires de l'œsophage et du jabot, de voir la couche musculaire longitudinale et la couche cir- culaire beaucoup plus marquée. On suit très bien de nombreux rameaux nerveux qui se détachent du lrone principal, se divisent eux-mêmes en ramuseules, et aboutissent enfin aux fibres mus- culaires. Nous nous réservons de revenir sur la texture soit des fibres musculaires, soit des filets nerveux, dans un prochain mémoire, On peut reconnaître aussi que le tronc du stomato-gastrique est composé d’une enveloppe très épaisse et très résistante ; cette particularité explique pourquoi l'on peut détacher le nerf dans toute sa longueur sans le rompre. Parvenu à l’origine du gésier, le nerf gastrique fournit un ren- flement un peu moins volumineux que le ganglion frontal, De ce renflement ganglionnaire parlent deux filets principaux qui con- tournent le gésier, l’un en avant, l’autre en arrière, et vont se perdre sur la région musculaire intermédiaire au gésier et au ven- tricule chylifique; de très nombreux filets partent de ces deux troncs principaux qui terminent le nerf stomato-gastrique. CHEZ LE DYTISQUE. sl IL. — Partie physiologique. Nous avons pratiqué sur la tête de plus de deux cents Dytisques vivants trois séries d'opérations. Les unes ont porté sur le cerveau inférieur et sur les nerfs qui ÿ prennent naissance. D'autres ont éte faites sur le cerveau supérieur, les pédoncules et les nerfs de ces régions. Enfin nous avons opéré sur le ganglion frontal et sur les filets qui en émanent. Nous passerons successivement en revue les résultats nombreux et complexes de ces trois sortes d'opérations ; nous lirerons en- suite les conclusions des faits que nous avons bien des fois vé- rifiés. Les expériences auxquelles nous nous sommes livré sont d’une délicatesse extrême, à cause de la petitesse de l’insecte sur lequel nous opérons, des mouvements rapides qu'il exécute, et de l’exi- guïté des nerfs qu'il faut couper ou irriter. Pour éviter toutes causes d'erreur, nous avons soin de fixer préalablement l'insecte, de manière à n’êlre pas gèné par ses mouvements, et nous nous servons dans nos vivisections d’une forte lentille qui nous permet de distinguer nettement les parties, dont la disposition nous est d'avance rigoureusement connue. Toutes nos expériences peuvent être répétées par des observa- teurs exercés ; la plupart peuvent être l’objet de démonstrations publiques; mais malheureusement, en raison même de la ténuité des parties, quelques-unes d'elles ne sont vérifiables que par l’observateur qui les pratique. A. Opérations pratiquées sur le ganglion sous-æsophagien el sur ses nerfs. Nous avons enlevé ou lésé profondément sur plusieurs Dytisques le ganglion sous-æsophagien, en ayant soin de laisser intact les pédoncules cérébraux, ce qu'on peut faire en dirigeant une aiguille paralièlement à l'axe du ganglion d'avant en arrière ou d’arrière en avant, 32 E. FAIVRE. — PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS Pendant le cours de l'opération, douleurs excessivement vives, exprimées non-seulement par les mouvements des pièces mobiles de la tête, mais par l'agitation de toutes les pattes ambulatoires et nalatoires. Immédiatement après l'opération, on remarque qu’au- eun mouvement n’est plus possible ni dans la lèvre inférieure, ni dans les mâchoires, ni dans les mandibules, ni dans la lèvre su- périeure ; aucune de ces pièces ne peut agir. Si l’on pince, soit les palpes maxillaires, soit les palpes labiaux, on ne détermine de mouvements dans aucune partie de la bouche ; en un mot, non-seulement chaque partie est immobile, mais elle ne peut plus agir sur les autres par mouvements réflexes. Nous devons mentionner un fait : les palpes soit maxillaires, soit labiaux, peuvent être agités pendant un certain temps de mouvements convulsifs, lors même que les pièces sur lesquelles ils s’attachent sont complétement immobiles. Aüïnsi l’ablation ou la lésion profonde du ganglion sous-æso- phagien détermine la cessation du mouvement dans toutes les pièces buccales. Les antennes ne sont paralysées ni du mouve- ment, ni de la sensibilité, bien que, dans les premières heures qui suivent l'opération, elles se montrent très affaiblies : si on les pince, elles se retirent ; mais jamais à ce moment, en pinçant une des antennes, on ne peut déterminer des monvements dans l’autre. Sur un Dytisque auquel j'avais enlevé, le 8 mars, le cerveau inférieur, les antennes restèrent environ cinq heures dans l’état que nous venons de décrire; après ce temps, les mouvements réflexes reparurent, et la sensibilité de ces parties devint même plus grande qu'à l’état normal : cet état dura deux jours. En résumé, en enlevant le cerveau inférieur, on paralyse toutes les pièces buccales; les antennes sont très affaiblies, elles conser- vent cependant la propriété de sentir et de se mouvoir, ce qui con- duit à la conclusion suivante : les nerfs antennaires n’ont pas leur origine dans le ganglion sous-æsophagien ; au contraire, les nerfs labiaux inférieurs, maxillaires et mandibulaires labiaux supé- rieurs, y prennent naissance. Nous verrons comment cette con- clusion est confirmée par un grand nombre d’autres expériences. Qu'arrive- t-il si l’on détruit une des moitiés du ganglion sous- 29 LD] CHEZ LE DYTISQUE. æsophagien, soit la moitié latérale gauche par exemple (il est bien entendu que nous considérons l’insecte renversé et maintenu sur le dos, et que la gauche est la gauche de l'opérateur) ? Si l’on détruit la moitié latérale gauche, on obtient deux résul- {als très constants et faciles à vérifier : en premier lieu, paralysie de la lèvre inférieure et de la mâchoire du côté gauche, affaiblisse- ment extrême du palpe du même côté; en second lieu, mouve- ments convulsifs très intenses de la mâchoire de droite, du palpe labial de droite, et même de la mandibule droite, bien que celle-ci se meuve moins activement. Les parties paralysées le sont également du mouvement et du sentiment; ainsi, je pince le palpe labial gauche, pas de mouve- ments dans la lèvre, ni de mouvements reflexes dans aucune autre partie ; il en est de même du palpe maxillaire. Les convulsions qui ont lieu dans les parties opposées ont une intensité très variable, suivant la lésion qui a été pratiquée ; elles se traduisent par des mouvements rapides des mâchoires, des mandibules du palpe labial du eûté opposé à la lésion ; j'ai vu ces wouvements persister environ une heure. La sensibilité est très vive dans toutes ces pièces agitées de mouvements convulsifs continus ou intermittents; dès qu'on en pince une, même légérement, des mouvements réflexes très actifs se manifestent dans toutes les pattes de l’animal. Les antennes participent à l’état général des autres parties ; l'antenne du côté droit se meut très rapidement, et sa sensibilité est plus grande ; au contraire, l'antenne du côté de la lésion perd dans les premiers instants son mouvement et sa sensibilité : elle resle fléchie; mais bientôt elle recouvre ses propriétés, et en l’exci- tanton donne naissance à des mouvements réflexes assez intenses. La conclusion à laquelle nous conduit forcément l'opération dont nous venons de faire connaître les résultats est la suivante : les nerfs de la moitié gauche de la lèvre inférieure, ceux de la mâchoîre gauche, une partie des nerfs de la mandibule du même côté ont leur origine dans la moitié gauche du ganglion sous-æsophagien ; ainsi il n'existe point d’entrecroisement. En lésant une des moities du ganglion, on produit une excitation dans les portions saines du {° série. ZooL. T. IX. (Cahier n° 4.) 5 3 31 E. FAIVRE, — PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS côté opposé, excitation qui se traduit par les mouvements des pièces buccales du même côté. Nous ne nous sommes pas borné à agir sur l’ensemble ou sur une partie du ganglion sous-æsophagien, nous avons cherché à irriter et à couper séparément chaque nerf crânien, afin de con- stater les effets locaux de l’irritation et de la section. On peut mettre à nu et isoler assez facilement les nerfs de la lèvre inférieure et de la mâchoire : c’est sur eux que nous avons agi. En irritant successivement, à l’aide d’une pointe, chacun des quatre nerfs que nous avons sous les yeux, nous ne produisons que des mouvements très bornés dans les pièces de la bouche qui sont animées par les nerfs; si nous irritons au contraire, même légèrement, la substance nerveuse du ganglion, les mouvements convulsifs éclatent à l'instant même. Nous coupons le nerf maxillaire gauche; à l'instant même, nous paralysons du mouvement et de la sensibilité la mâchoire gaucbe : nous la paralysons du mouvement ; en effet, elle reste immobile quelque excitation qu’on produise sur elle, sur son palpe ou sur les parties voisines ; nous la paralysons du sentiment, puisqu'elle ne réagit plus lorsqu'on pince son palpe, et que les autres pièces ainsi que les paltes ne donnent aucun signe de douleur. Or, à l’état normal, les choses se passent d’une manière essen- tiellement différente ; qu'on pince l’un des palpes, et immédiate- ment on verra le Dytisque manifester par l'agitation de tous ses membres les signes d’une très vive douleur. Puisque la section du nerf maxillaire prive la màchoire de son côté du sentiment et du mouvement, le nerf maxillaire est, dès son origine, un nerf mixte. Le même résultat est-il applicable au nerf labial droit? Pour le savoir, nous avons coupé ce nerf; à l'instant, le palpe labial, ainsi que la portion de la lèvre correspondante, sont devenus immobiles et insensibles. Le nerf labial est done également mixte dès son origine. Nous ne saurions passer sous silence l'influence de là section des nerfs sous-æsophagiens sur les autres parties de la bouche. CHEZ LE DYTISQUE. 39 On conçoit qu'il est impossible de couper un tronc nerveux, sans par cela même irriter le centre où il prend son origine, et par con- séquent déterminer une certaine douleur. Après la section des nerfs labiaux et maxillaires droits, une viveirritation se manifeste dans les antennes, la lèvre supérieure, les mandibules et la mâchoire restée saine. L’insecte peut encore mordre à l’aide des parties restées libres. Les mouvements réflexes y sont très actifs. En coupant les quatre troncs nerveux, nous paralysons les deux mâchoires et la lèvre inférieure ; les antennes manifestent une vive irritation ; la lèvre supérieure et les mandibules se meuvent en- core, mais très faiblement. En pinçant Ja lèvre supérieure, on produit de grands mouvements dans les mandibules. Si, dans les circonstances précédentes, on lèse le ganglion sous-æsophagien, les antennes perdent subitement leur grande mobilité ; elles se replient, et les mouvements réflexes, soit entre elles, soit avec les autres parties, deviennent impossibles, Nous parlons des résultats immédiats de l'expérience. Les ré- sultats obtenus plusieurs heures après ne sont pas les mêmes : les parties directement paralysées ne recouvrent pas le mouvement; mais celles qui ne sont qu'affaiblies, comme les antennes, repren- nont, après un lemps variable, leur mobilité et leur faculté sen- sitive. Il est donc indispensable de bien distinguer les phénomènes qui suivent l'expérience de ceux qui ne se manifeslent qu’un certain temps après. B. Opération pratiquée sur le ganglion sus-æsophagien. Si l'on enlève sur des Dytisques le ganglion sus-æsophagien avec une portion aussi petite que possible des pédoncules céré- braux, on obtient les résultats suivants : Les deux antennes perdent immédiatement la faculté de sentir et de se mouvoir. Les mandibules, les mächoires, la lèvre inférieure et supérieure, continuent à présenter des mouvements : si l’on approche la pulpe B10 E. FAIVRE. — PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS du doigt de la bouche de l’insecte ainsi mutilé, il mord avec assez de force. Les diverses pièces qui se meuvent ont conservé aussi la faculté d'exécuter des mouvements réflexes; ainsi en pinçant un palpe soit labial, soit maxillaire, les pièces buccales se projettent en dehors, et des mouvements se produisent dans toutes les pattes. Cette expérience nous montre que les nerfs des antennes prennent naissance dans le ganglion sus-æsophagien et à l’orisine des connectifs, tandis que les autres pièces en sont indépendantes, et reçoivent leurs nerfs du cerveau inférieur. En effet, si, sur un Dytisque auquel on à préalablement enlevé, comme nous venons de le dire, le ganglion supérieur, on détruit le ganglion sous-æsophagien (sans intéresser la partie restante des pédon- cules), à l'instant même toutes les pièces buccales perdent leur sensibilité et leur mouvement. En enlevant le ganglion sous-æsophagien, nous avons affaibli les antennes qui ont leur origine à la base du cerveau supérieur, tandis que, en enlevant le cerveau supérieur, nous n’affaiblissons pas les pièces qui recoivent leurs nerfs du cerveau inférieur. C’est là une différence d'action dont il faut tenir compte. Nous avons vu qu’en lésant ou en enlevant lune des moitiés du cerveau inférieur, nous produisions une paralysie dans la lèvre inférieure et la mâchoire du même côté, et une excitation dans les pièces analogues du côté opposé. L'ablation totale ou partielle d’une moitié du cerveau supérieur donne-t-elle les mêmes résultats ? En enlevant le lobe droit sur un Bytisque, nous paralysons immédiatement du mouvement et du sentiment l'antenne du même côlé, et nous produisons une assez vive excilation dans l'antenne du côté opposé, ainsi que dans toutes les autres pièces buccales. En pinçant l'antenne excitée, des mouvements réflexes éclatent dans toutes les pattes. Cette expérience démontre que le nerf qui va animer l'antenne droite prend son origine quelque part dans le lobe cérébral du même côté, et qu'ainsi il n’y a pas d’entrecroi- sement. Mais est-il possible de déterminer d’une manière plus exacte ce point précis dans lequel le nerf antennaire prend nais- CHEZ LE DYTISQUE, 27 sance? C'est ce que nous avons essayé de reconnaitre à l'aide d’expériences. Sur quelques Dytisques, nous avons lésé superficiellement, à l’aide d’aiguilles, soit le lobe droit, soit le lobe gauche du cerveau; notre lésion n’a atteint que la moitié environ du lobe, comme nous l'avons constaté ensuite ; dans ce cas, aucune des antennes n’a été paralysée ni de sentiment, ni de mouvement : persistance de mouvements réflexes, antenne opposée agitée. Sur d’autres Dy- tisques, nous avons même enlevé plus de la moitié supérieure d’un des lobes, sans voir l'antenne du même côté perdre ses propriétés. L'origine du nerf antennaire est donc plus profonde ; en effet, des expériences très nombreuses nous ont appris qu'elle se trouve à la base de chaque lobe, et à la racine même du pédoncule céré- bral dans une petite étendue. Nous mettons, au nombre des faits les mieux démontrés par nos études, cette origine des nerfs anten- naires dans les portions profondes de chaque lobe et à l’origine des pédoncules. Nous passons sous silence un certain nombre de résultats obte- nus par les expériences sur les lobes cérébraux ; ces résultats ne sont pas constants, el nous ne voulons mentionner ici que ceux qui nous présentent toutes les garanties de la plus entière cer- tilude. Lorsqu'on sépare le lobe droit du lobe gauche par une coupe bien pratiquée, aucune des deux antennes, ni des autres pièces buccales, n’est paralysée. En pinçant une antenne, des mouve- ments réflexes se manifestent jusque dans l'antenne du côté opposé. Au lieu de paralyser les antennes, en détruisant à leur origne les nerfs qui se rendent dans les organes, on peut parvenir à irri- ter directement les nerfs, et même à les couper dans leur trajet. Bien que ces opérations soient très délicates, nous les avons exé- culées avec une suffisante exactitude. Nous avons mis à découvert les nerfs antennaires, et nous les avons irrités; l'animal a donné au début les signes d’une douleur générale, et l'antenne ne nous a paru que très légèrement agitée. 38 E. FAIVRE, — PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS Ce résultat, obtenu plusieurs fois, différait sensiblement de ceux que nous avons obtenus en agissant sur d’autres nerfs crâniens. En coupant les deux nerfs antennaires à leur origine cérébrale, nous avons fait disparaître tout à la fois dans l'antenne correspon- dante la sensibilité et le mouvement; mais cette expérience n’est pas très précise; deux nerfs naissant l’un près de l’autre sont destinés aux antennes : l’un externe, plus petit, se rend aux mus- cles ; l’autre interne, plus gros, se rend directement à l'antenne elle-même, après avoir fourni quelques filets. Il importait dé savoir si, en coupant isolément ce gros {rone nerveux, on para: lyserait aussi l’antenne du mouvement ou du sentiment; en d’autres termes, si ce tronc nerveux était mixte. Pour réaliser l'expérience, nous avons imaginé d’ aticindte le nerf à son entrée dans l'antenne, alors qu'il est très séparé du nerf externe ; il se produit d’abord au moment de l’irrilalion une douleur générale, et des mouvements convulsifs se manifestent dans l'antenne, laquelle sent foujours, mais qui a perdu presque toujours ses mouvements, par suite des désordres exercés sur les muscles et sur le nerf qui s’y distribue. Le gros nerf antennaire ést coupé ; à l'instant, l'antenne perd toute sensibilité, et les mou- vements qui persistaient encore disparaissent ; aussi le gros nerf antennaire se comporte comme un nerf plutôt sensitif que mixte. Au-dessous du renflement pédonculaire naît un nerf qui se rend à la lèvre supérieure, et qu'il est fort difficile de suivre pendant tout son trajel; il nous a été possible de couper ce nerf à son ori- gine d'un côté, et cette section a été suivie de l’immobilité de la moitié correspondante du labre. Pour s’en assurer, on approchait le doigt de la bouche du Dytisque ; aussitôt l’insecte écartait forte- ment les mandibules et les mâchoires, projetait en avant la moitié intacte du labre, tandis que l’autre moitié restait immobile, et pou- vait même être accrochée par la mandibule. * On peut donc produire isolément la paralysie de tout ou d’une partie du labre. Le nerf des mandibules est très profond; on peut cependant le couper; on obtient la paralysie de la mandibule du même côté. En résumé, lorsque nous avons pu couper nettement chaque CHEZ LE DYTISQUE. 39 nerf crânien, la section a été suivie d'une paralysie du sentiment et du mouvement dans les parties correspondantes ; jamais nous wavons pu isoler là sensibilité et la motricité d'une partie, excepté dans l'antenne. Un autre résultat commun, c’est que l'irri- tation des divers nerfs ne cause pas de douleurs générales appré- ciables, comme celles qu'on obtient, par exemple, en piquant le cerveau ; elle produit seulement une vive excitation dans la pièce à laquelle distribue le nerf et dans les pièces voisines. Nous avons dit plus haut quelle est l’origine réelle du nerf antennaire ; il reste à parler de l’origine du nerf labial supérieur et du nerf mandibulaire. Le nerf mandibulaire naît dans la portion correspondante du ganglion sous-æsophagien ; en effet, en détrui- sant cette partie, on paralyse la mandibule. Quand au nerf labial supérieur, nous n'avons pas tenté d'expériences directes ; seule - ment nous savons qu'on ne paralyse pas le labre en enlevant le cerveau supérieur, tandis qu'on le paralyse par l'ablation du gan- glion sous-æsophagien : il serait done sous la dépendance de ce ganglion. Pour bien résumer tous les faits, et montrer quelles parties dépendent des ganglions sus- et sous-æsophagien, nous rapporte- rons les deux expériences suivantes : Sur un Dvytisque, nous enlevons le ganglion sous-æsophagien sans intéresser les pédoncules. A l'instant, paralysie de toutes les pièces buccales ; les antennes elles-mêmes sont affaiblies dans les premiers instants, mais elles reprennent bientôt leurs propriétés ; les autres parties sont immobiles et insensibles. Sur un autre Dytisque, nous enlevons tout le cerveau supérieur avec une faible portion de la racine des pédoncules. Les antennes sont paralysées ; les autres pièces buccales sont mobiles, et telle- ment mobiles que l'insecte peut saisir etmordre aisément la pulpe du doigt. Ainsi on peut rendre les antennes immobiles el insensibles sans arrêter les mouvements des pièces buccales; il suffit pour cela d'enlever le cerveau inférieur. Au contraire, on peut paralyser les pièces buccales sans abolir les mouvements et la sensibilité des antennes ; il suffit pour cela d'enlever le ganglion sous -œæsopha- A0 E. FAEËVRE. —— PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS Ainsi, par rapport à leur origine comme par rapport à leurs conditions physiologiques, les nerfs crâniens se divisent en deux groupes : 1° les nerfs du cerveau supérieur et du renflement pé- doneulaire : nerfs optiques, nerfs antennaires; ces nerfs sont affectés à des sens spéciaux. 2 Les nerfs du ganglion sous-œso- phagien et des pédoncules (nerfs labiaux inférieurs, maxillaires ; mandibulaires, labiaux supérieurs), tous concourent à la préhen- sion et à la mastication. A l'exception des nerfs optiques et d’une pelite portion des nerfs antennaires, les lobes cérébraux ne donnent naissance à au- eun uerf; ils ne sont pas un organe local, mais général; c’est du moins ce qu'il est permis de conjecturer d’après les dispositions "anatomiques et les résultats physiologiques. C. Opérations pratiquées sur le nerf stomato-gastrique. Aucun observateur, à notre connaissance, n’a tenté des expé- riences directes dans le but d'éclairer les propriétés et ces fone- tions du nerf stomato-gastrique ; cependant, sans les expériences, nous ne pouvons qu'émeltre des conjectures plus où moins plau- sibles et toujours contestables. Après des difficultés sans nombre, comme celles qu'on ren- contre d’ailleurs toutes les fois qu'on essaye, dans les sciences biologiques, d'atteindre un résultat nouveau et précis, nous sommes arrivé à des conséquences qui méritent d’être rapportées. On peut agir sur le stomalo-gastrique soit dans l’intérieur du crâne sur le pharynx, soit dans le thorax ou l'abdomen, le long de l’œsophage, sur le jabot etle gésier. Nous traiterons séparément des conséquences de ces deux séries d'opérations, que d’ailleurs, il a fallu exécuter simultanément dans plusieurs circonstances. Lorsqu'on enlève chez un Dytisque le vertex et l’épistome, qu'on écarte avec soin les innombrables trachées de cette région, on distingue facilement à l'œil nu, et mieux à la loupe, les mou- vements musculaires qui ont leur siége dans le pharynx. Ces mouvements de déglutition consistent dans une dilatation et une contraction successives de toute la région pharyngienne; celte contraction puissante ne se produit pas à des intervalles CHEZ LE DYTISQUE. A égaux, et elle persiste pendant bien des heures après l'opération que l'on a pratiquée, afin de découvrir le pharynx. Si l'on donne à manger à l’animal, ces mouvements augmen- tent, et font passer l'aliment jusque dans l’æsophage. Sile Dytisque mord une substance dure, les mouvements de déglutition s’effec- tuent avec intensité, bien qu'ils n'aient en ce cas aucune utilité directe. Les mouvements de déglutition ne sont parfaitement visibles que lorsqu'on enlève la voûte crânienne ; néanmoins, on peut en constater les effets d’une autre manière : si l’on met le tube digestif à découvert dans sa portion œsophagienne, on aperçoit, d’instant en instant, à travers l'œsophage une poussée de matières liquides ou solides, qui descendent du côté de l'estomac pendant la contrac- tion des muscles pharyngiens, et qui montent du côté du pharynx pendant la dilatation de ces parties. Ce phénomène cesse lorsque les mouvements de déglutition sont abolis. Nous devions faire connaitre ces phénomènes ordinaires de la déglutition, afin de mieux faire comprendre comment on peut modifier cet acte. Si, sur un Dylisque préparé comme nous l’avons dit plus haut, on irrite le ganglion frontal à l’aide d’une pointe aiguë, on aug- mente les mouvements de déglutition; si l’on enlève ce ganglion frontal, on fait cesser très rapidement et d’une manière complète tous les mouvements de déglutition; ce résultat était trop intéres- sant pour que nous ne cherchions pas à le vérifier par des expé- riences précises et variées. Nous les avons faites, et chaque fois que nous avons enlevé le ganglion frontal, la déglutition est deve- nue impossible. Dans plusieurs cas, nous n’enlevions le ganglion qu'avant ou après avoir mis à nu lœsophage, et, après chaque ablation, nous ne voyions jamais cette progression dont nous avons parlé. Ainsi la portion pharyngienne du stomato-gastrique, savoir le ganglion frontal et les branches qui en partent, sont exclusivement affectées à la déglutition. Ce fait essentiel une fois constaté, nous avons voulu savoir si ce pelit appareil nerveux pouvait fonctionner indépendamment des ganglions sus- et sous-æsophagien ? Voilà comment nous avons 12 E. FAIVRE, — PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS réalisé l'expérience : après avoir enlevé la voûte crânienne, de manière à voir très distinctement les mouvements de déglutition, nous enlevons le ganglion sus-æsophagien avec une partie des pé- doncules ; malgré cette ablation, les mouvements de déglutition persistent pendant un temps considérable ; ils sont donc indépen- dants du cerveau supérieur. Dans une autre expérience, nous enlevons le ganglion sous- œsophagien; nous mettons le pharynx à nu, et nous constatons que les mouvements de déglutition persistent. Ces mouvements sont done indépendants de l’encéphale, et ils se produisent sous l'influence du ganglion frontal, comme le prouve d’une manière décisive l’ablation de ce ganglion et des nerfs qui en partent. Nous ne prétendons pas cependant qu'il n’y ait aucun rapport entre l’encéphale des insectes et les mouvements de déglutition qu'ils exécutent. Les dispositions anatomiques semblent démon- trer qu'il en est autrement, puisqu'on voit partir des pédoncules cérébraux deux filets qui se rendent au ganglion frontal : il y a done un rapport anatomique entre le cerveau et le ganglion. Voilà ce que l’anatomie nous indique ; mais la physiologie ne nous a donné aucune preuve à cet égard. Lorsqu'on fait cesser les mouvements de déglutition par lopé- ration que nous avons pratiquée, on n’exerce d'influence notable ni sur les mouvements de mastication, ni sur ceux des antennes, ni même sur ceux qui se produisent dans le premier estomac et dans la partie située entre le gésier et le ventrieule suecenturier. Qu'on enlève, en effet, à plusieurs Dytisques le ganglion frontal, et qu'on les abandonne ensuite, on verra qu'ils peuvent survivre de quinze à trente heures, et qu'en les ouvrant à certains inter- valles, les mouvements extérieurs du tube digestif n’ont pas été modifiés d'une manière appréciable. Après avoir fait connaitre le résultat de nos expériences sur la portion pharyngienne du stomato-gastrique, il nous reste à parler des études que nous avons entreprises sur le même nerf le long de l’œsophage, du jabot et du gésier. Lorsqu'on met à nu toules ces parties sur un Dytisque bien vivant, on est frappé des mouvements singuliers qui s’accomplis- CHEZ LE DYTISQUE. 13 sent, soit dans le jabot, soit entre le second et le troisième estomac, dans une région que nous désigneérons pour plus:de précision, sous le nom de région cardiaque. Ces mouvements ont été certainement vus par plusieurs anatomistes ; ils sont mentionnés dans l'Intro- troduction àl’Entomologie de Lacordaire, et ils ont été constatés par Réaumur, Léon Dufour, Dugès, chez plusieurs insectes : nous ignorons s'ils ont été vus chez les Dytisques, et surtout s'ils ont été attentivement étudiés et décrits chez ces animaux. Nous en parlerons donc, non que nous ayons le dessein d'en faire une étude spéciale, mais seulement parce qu'il est indispensable de les connaître pour l'intelligence des fonctions du stomato-sastrique. Ces mouvements intestinaux se manifestent dans l'étendue du premier estomac et dans la portion cardiaque : en ces deux points ils offrent des caractères différents. Les mouvements du premier estomac sont surtout visibles dès que cette partie est exposée à l'air : ils n’ont rien de régulier, mais ils consistent en une série de petits mouvements onduleux, qu'on ne saurait mieux comparer qu'aux mouvements intestinaux chez les animaux supérieurs. Ces mouvements onduleux ne du- rent que quelques minutes et disparaissent; si l’on irrite l’estomac ils augmentent, si l’on applique l'électricité ils augmentent d’une manière notable ; ils peuvent persister plusieurs heures, si l’on a soin de soustraire l'estomac au contact de l'air en le recouvrant par le plastron dorsal qu'on a été obligé d’enlever : si les Dytis- ques ont mangé, l'estomac est très distendu et les mouvements n’y sont pas appréciables : si l’insecte est à jeun, les mouvements, au contraire, sont bien plus marqués, Il se produit dans la région cardiaque des mouvements d’une énergie bien plus grande que ceux dont nous venons de parler, et qui ressemblent sous certains rapports aux contractions des ven- tricules chez les animaux élevés; on peut aussi les comparer aux mouvements de déglulition chez le Dytisque lui-même. Ces mou- vements consistent en une contraction spasmodique qui s'étend du gésier à l’origine du ventricule Succenturier, se reproduit à cer- tains intervalles (vingt fois environ par minute), et persiste pln- sieurs heures, même lorsque les parties sont exposées à l'air. hi E. FAIVRE, — PHYSIOLOCIE DES NERFS CRANIENS I suffit de la moindre irritation mécanique pour provoquer ces contractions; à plus forte raison l'électricité en accélère-t-elle no- tablement le nombre. Cette contraction de la région cardiaque est si persistante, que nous l’avons vue durer plusieurs heures après que le tube digestif a été séparé du corps ; une ou deux fois même nous avons parfaitement constaté la persistance des mouvements, alors que l’insecte était mort et que le cœur avait cessé de battre, Que l’insecte soit à jeun ou qu'il ait mangé, les mouvements dont nous parlons ne sont pas abolis : une goutte de sang de Dytisque les rend plus faciles; une goutte d’eau les arrête au contraire en très peu de temps : en raison de cette propriété, il est impossible de rien voir lorsqu'on dissèque les insectes vivants dans un vase rempli d'eau. Nous aurons à insister ailleurs sur les mouvements ; nous n’en avons parlé que parce qu'ils se rattachent à l'étude du stomato- gastrique. Quelle est la part que prend le stomalo-gastrique dans la pro- duction des mouvements que nous venons de décrire ? Voici ce que nous savons à cet égard : Si l’on enlève le ganglion frontal, on n’abolit pas les mouve- ments : ils persistent après la section du nerf le long de l’æso- phage ; ils persistent même après l’ablation du nerf stomato-gas- trique dans toute sa longueur, en comprenant, bien entendu, dans cette ablation, le ganglion gastrique et ses branches. Cette expé- rience s’applique spécialement aux mouvements de la région ear- diaque, et elle démontre clairement que le nerf stomato-gastrique n’est pas l’origine et la cause première des mouvements qui peu- vent se passer dans le tube digestif Le nerf stomato-gastrique joue cependant un rôle dans lexci- tation de ces mouvements. Pour le prouver, il s'agissait de porter directement et indirectement des excitations sur ce nerf, et de voir sil’on modifiait par là les mouvements intestinaux : les opérations de ce genre sont très difficiles, à cause de la petitesse du nerf, de sa promple dessiccation après l'isolement; voici cependant les résultats que nous avons obtenus. Si l’on pince, si l’on irrite le stomalo-gastrique, on ne voit pas CHEZ LE DYTISQUE. 45 de mouvements manifestes se produire dans le premier estomac ou dans la région cardiaque ; on peut même arracher ce nerf sans donner lieu à une excitation notable : c’est 1à un fait très singu- lier et qui établit une différence notable entre le stomato-gastrique et les nerfs crâniens ou les autres filets nerveux sur lesquels nous avons expérimentés. Nous avons souvent essayé de galvaniser le nerf stomato-gas- trique ; toutes les fois que nous avons réussi à bien exécuter cette opération très délicate, nous avons manifestement vu qu'en tou- chant avec la pince électrique le nerf bien isolé, nous délerminions des mouvements brusques et rapides dans la région cardiaque; nous n'avons jamais obtenu cet effet relativement au premier estomac. En résumé, il est très difficile, en irritant de quelque manière que ce soit le nerf stomato-gastrique, de produire une excitation des parties dans lesquelles il se distribue. Ces expériences montrent que le nerf gastrique n’agit pas à la manière des nerfs moteurs ordinaires, mais elles ne prouvent pas que le nerf gastrique ne soit pas moteur, et qu'il ne soit pas destiné à présider aux contractions de la première partie du tube intestinal. La distribution anatomique de ce nerf par rapport aux muscles de l’æsophage et du jabot, le ganglion qu'il présente au niveau des parties les plus contractiles, indiquent, au contraire, que le nerf slomato-gastrique est essentiellement moteur, mais, nous le répétons, les expériences directes ne nous permettent pas de retrouver dans ce nerf certains caractères physiologiques des nerfs moteurs ordinaires. Le hasard nous a mis sur la voie d’une petite découverte qui jettera quelques lumières sur les fonctions du nerf stomalto-gastrique. Nous avons remarqué que chez les Dytisques auxquels nous enlevions le stomato-gastrique du premier et du second estomac, il se passait un phénomène fort singulier : une heure au plus après l'opération, l’æsophage et le jabot se remplissaient d'air et se dis- tendaient complétement. Frappé de cette particularité, nous avons voulu savoir si elle dépendait de l’ablation du nerf ou de toute autre cause : nous avons done préparé plusieurs Dytisques, comme si nous avions à faire l’ablation du nerf gastrique, seule- L6 E. FAIVRE. — PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS lement nous n’avons pas pratiqué cette ablation : dans tous ces cas le volume de l'œsophage et du gésier n’a pas augmenté, et l’ae- cumulation de gaz n’a pas eu lieu. Ainsi la tympanite intestinale était la conséquence de l'opération exécutée sur le tronc nerveux. Pour expliquer cette tympanite, nous avons fait la supposition suivante : en enlevant une portion du nerf, nous irritons le bout supérieur, qui lient au ganglion frontal et à l'appareil nerveux des- tiné aux mouvements de déglutilion. Ces mouvements de déglu- Ution augmentent done, et l’insecte fait pénétrer dans son esto- mac et son œæsophage l'air qui distend ces parties. Pour vérifier notre conjecture, nous avons institué des expériences compara- lives. Sur un Dytisque, on enlève un peu du vertex, de manière à bien voir les mouvements de déglatilion, puis on met à découvert le tube digestif en l'irritant, mais sans toucher au stomato-gastrique. Sur un autre insecte, on pralique les mêmes opérations, et, de plus, on enlève une portion du nerf. On voit que chez le second Dytisque les mouvements de déglutition sont bien plus rapides, bien plus accélérés que chez le premier, et que d’ailleurs l’œso- phage et l’estomac se remplissent de gaz. On peut varier les expériences et ne chercher à voir les mouvements de déglutition qu'après la distension de l’estomac. En définitive, nous nous sommes assurés {rès posilivement que chez les insectes dont le jabot est distendu par de l’air, la déglutition est accélérée : si, en pressant sur le jabot, on fait sortir l'air par la bouche, on peut voir dans certains cas une accélération nouvelle des mouvements de déglutition et une distension nouvelle du jabot. Bien des causes d'erreurs peuvent empêcher la réussite des expériences que nous rapporlons : il est donc nécessaire, si l’on veut vérifier notre assertion, d’expérimenter un très grand nombre de fois, en se plaçant dans les conditions suivantes : opérer sur un insecte à jeun, de petite taille, très vif : exécuter rapidement l'opération. Nous avons dit ce que l'expérience nous avait appris sur le stomato-gastrique considéré dans son action locale et son influence sur les mouvements de l’æsophage : il nous reste à exposer en CHEZ LE DYTISQUE. 47 quelques mots ce que nous savons sur le même nerf dans ses rap- ports avec la sensibilité et les mouvements généraux. Un fait maintes et maintes fois constaté par nous consiste dans l'insensibilité presque complète du stomato-gastrique et la diffi- eulté avec laquelle il transmet les impressions. Si l’on pince, si l'on brûle, si l'on arrache ce nerf, l'animal ne donne pas de signes de donleur générale : il n’agite pas les pièces de ses mâchoires, ne meut pas ses pattes natatoires où ambulatoires : il reste immo- bile : on peut même couper l’œsophage ou le jabot sans obtenir de manifestation. Jamais nous n'avons vu l'irrilation du stomato- gastrique faire éclater des mouvements réflexes dans les membres : réciproquement en pinçant fortement une patte ou une antenne chez un Dytisque dont les estomacs sont préparés, nous n’avons pas constaté (le nerf stomato-gastrique étant intact), de notables mouvements excités, soit sur le jabot, soit sur la portion pylorique : en enlevant le cerveau supérieur ou l’inférieur, nous ne sommes pas parvenu non plus à exciter dans le tube digestif des mouve- ments plus intenses. Ainsi, il ya une sorte d'indépendance entre les mouvements extérieurs de l’animal et les mouvements inté- rieurs qui se rapportent à une partie de l’acte de la digestion. Le nerf stomato-gastrique n’est pas sensible : il ne manifeste pas par l'agitation des membres lirritation qu’on lui communique, il ne traduit pas par des mouvements, dans les muscles auxquels il se distribue, les douleurs que l’animal ressent si l’on pince une de ses antennes. Le nerf stomato-gastrique est tout entier dévolu à la partie supé- rieure et thoracique de l’appareil digestif; il établit une harmonie entre tous les mouvements nécessaires pour faire parvenir l’ali- ment jusque dans le ventricule chylifique. Il préside à la double déglutition qui s’accomplit. Par le ganglion frontal etses branches, il est en rapport avec la déglutition pharyngienne qui pousse l’ali- ment dans l’œsophage; l'expérience nous l’a manifestement dé- montré; par le ganglion gastrique, il paraît présider à l'espèce de déglutition si énergique qui fait passer incessament la matière ali- mentaire du gésier où elle a été broyée, au ventricule chylifique où elle doit subir une modification plus profonde : nous disons [IE] €. FAIVRE. — PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS que le stomato-gastrique parait présider à cette seconde dégluti- tion : pour avancer ce fait, nous ne nous fondons que sur les dispositions anatomiques, l'expérience ne nous ayant directement rien appris. Si les mouvements de déglulition el ceux moins actifs qui se passent dans l’œsophage et l'estomac sont sous l'influence du preumogastrique , on peut être certain qu'ils ne sont pas dus à ce nerf lui-même ; on peut, en effet, détruire autant que possible ce nerf, sans voir pour cela cesser les mouvements. Nous avons fait mieux : nous avons disposé entre deux plaques une portion du pbarynx et une portion de la région cardiaque; nous avons exa- miné ces préparations au microscope, à un grossissement de 300 diamètres. Nous avons admirablement vu le mouvement des fibres musculaires dans des points où aucun un tube nerveux ne pouvait être constaté. Ces mouvements ont persisté pendant plus de vingt minutes, manifestant dans les deux préparations un ca- ractère absolument semblable. C'est un merveilleux spectacle que celui des mouvements inté- rieurs qui se manifestent alors dans les masses musculaires dispo - sées sous le microscope ; nous ne saurions trop engager les obser- vateurs à répéter ces préparations qui, outre l’intérêt scientifique, provoquent l’étonnement et l’admiration. Nos recherches sur le stomalo-gastrique sont encore bien in- complètes; elles ne portent pas sur les parties de ce nerf qui vont se rendre aux trachées et au cœur. Les expériences ont leurs limites, etil est impossible de rien tenter chez les animaux vivants sur des ramuscules nerveux profondément placés, et qu'on dis- tingue à peine à une forte loupe. Pour donner à notre travail toute la précision et la clarté dési- rables, nous résumerons dans les propositions suivantes les faits les plus positifs auxquels nous ont conduit les expériences qui pré- cèdent. On peut diviser les nerfs crâniens des insectes en {rois groupes : Ceux qui paraissent affectés aux organes des sens; Ceux qui se rattachent aux mouvements des pièces buccales, c'est-à-dire à la préhension et à la mastication ; CHEZ LE DYTISQUE. L9 Enfin les nerfs qui président aux mouvements du pharynx, de l’æsophage et de l'estomac. A. Les nerfs des sens sont les nerfs optiques et antennaires; relativement aux nerfs antennaires, nous avons démontré qu'ils naissent à la base du lobe cérébral correspondant et à la racine du renflement pédonculaire; que le gros nerf interne jouit d'une extrême sensibilité; qu’on peut rendre l'antenne presque immo- bile, sans la rendre insensible; qu'en enlevant le ganglion sous- œæsophagien, on affaiblit les antennes pendant un temps très court. Le seul résultat que nous puissions constater relativement aux nerfs optiques, c'est qu'ils ne sont pas sensibles. On peut enlever les deux lobes cérébraux sans abolir ni la déglutiion, ni la mastication. Dans ce cas, on ne ralenlit pas ces sortes de mouvements ; on rend les antennes insensibles el immo- biles. B. Les nerfs des pièces buecales naissent tous, soit du ganglion sous-œæsophagien, soit des pédoncules. Les nerfs labiaux inférieurs et maxillaires sont peu sensibles ; en les irritant, nous n'avons provoqué aucune douleur générale. Ces nerfs sont mixtes dès l'origine (nous l'avons directement démontré pour eux et le labial supérieur). Is prennent naissance dans la partie correspondante du gan- glion, comme le prouve l’ablation ou la destruction partielle. Cette ablation partielle du ganglion sous-æsophagien produit toujours deux effets : 4° paralysie du mouvement et de la sensibi- lité générale de la mandibule, de la mâchoire, d’une portion de la lèvre inférieure du même côté; 2° convulsions des pièces ana- logues du côté opposé, et spécialement de la mâchoire. La destruction entière du ganglion entraine la perte complète et définitive des mouvements masticateurs et préhenseurs ; elle abolit ou affaiblit momentanément la sensibilité et les mouvements des antennes. Nous avons déjà dit qu’en enlevant les lobes cérébraux, on n'affaiblissait pas sensiblement les mouvements des pièces buc- cales ; c'est là une différence d'action qu'il importait de noter. 4° série. Zooz. T. IX. (Cahier n° 4.) 4 4 50 E. FAIVRE. — PHYSIOLOGIE DES NERFS CRANIENS C. Relativement au nerf slomalo-gastrique, nous avons établi les points suivants : Le ganglion frontal et les nerfs qui en partent paraissent desti- nés aux mouvements de déglutition : en effet, on abolit ces mou vements dès qu'on enlève le ganglion frontal. L’ablation des ganglions sus- el sous-@sophagien n'empêche pas la déglutition de persister. Cependant on a empêché les mou- vements des pièces buccales. Lé nerf stomato-gastrique est insensible ; si on l'irrite, on ne détermine aucune manifestation douloureuse ; on ne produit pas même de mouvements sensibles dans les parties auxquelles le nerf se distribue; cependant l’ablation d'une partie du nerf a pour effet d'accroître les mouvements de déglutition ; dès lors l'animal remplit d’air son œsophage et son premier estomac. Nous avons décrit les deux principaux mouvements du tube digestif, mouvements qui se passent dans le jabot, et mouvements très actifs de déglutition qui se produisent entre le gésier et le ven tricule chylifique; nous avons montré que ces mouvements per- sistent après l’ablation aussi complète que possible du stomato- gastrique, et qu'ils ne sont pas dans leur nature sous la dépendance du nerf gastrique : cependant ce nerf a une action sur eux, comme le montré la distribution anatomique, comme nous l'avons d’ailleurs constaté quelquefois en galvanisant le nerf, Résumons-nous : En appliquant aux Dytisques la méthode d'isolement des parties qui a été introduite dans la science par notre célèbre physiologiste M. Flourens, nous pouvons dire : L'ablation de la plus grande partie des deux lobes cérébraux n'exeree pas d'influence marquée sur les pièces buccales ou les antennes. L'ablation plus profonde des lobes et de la racine des pédon- cules rend les antennes insensibles et immobiles, sans faire cesser ni les mouvéments des pièces buccales ni ceux du pharynx. L’ablation du ganglion sous-æsophagien paralyse toutes les pièces buccales,, mais la déglutition persiste, et les propriétés motrices et sensitives des antennes ne sont pas abolies. CHEZ LE DYTISQUE. 51 Enfin, la destruction du ganglion frontal arrête la déelutition, sans modifier les mouvements des autres pièces céphaliques. Les choses se passent comme s'il y avait trois centres prési- dant à trois actes distincts et locaux : Le ganglion frontal à la déglutition ; Le ganglion sous-æsophagien, avec une partie des pédoncules, à Ja préhension et à la mastication; Le ganglion sus-æsophagien aux sensations spéciales. Voilà en dernière analyse les indications que nous avons puisées dans les expériences physiologiques. Nous ne les formulons qu'avec réserve, comme celles de notre précédent mémoire, car nous savons bien, el nous apprenons {ous les jours à l’école de l'expérience, que la physiologie expérimen- tale est une science pleine d’écueils. Les observateurs qui reprendront nos études verront que nous avons toujours obéi aux indications des faits : ce n’est que par la rigueur et la précision des résultats particuliers qu’on peut arriver à quelques certitudes dans les résultats généraux. Il est sage de se défier des généralisations hâtives : aussi nous n'appliquons qu'aux Dytisques les résultats auxquels nous sommes parvenu, et que nous espérons compléter par des recherches entreprises à un autre point de vue. PUBLICATIONS NOUVELLES. Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'homme et des animaux, par M. Mixxe Enwarps, troisième volume, deuxième partie. Cette livraison, qui termine le 3° volume. est consacrée à l'étude anatomi- que des organes de la circulation chez les animaux vertébrés. Dans la première partie du 4° volume, qui paraîtra en novembre prochain, l'auteur traitera des phénomènes mécaniques de la circulation et terminera l'étude de cette fonction considérée sous le rapport physiologique. Morphologische Studien. — Études morphologiques, par M. H. Bronn, in-8. Heidelberg, 1858. Dans ce livre, M. Bronn s'occupe des corps bruts aussi bien que des êtres organisés et expose ses vues relativement aux rapports qui existent entre les forces et les formes dans chacune des grandes divisions de la création. La plu- part des lois qu'il admet comme régissant la structure des plantes ainsi que celle des animaux se rattachent à la loi du perfectionnement des organismes par la division du travail physiologique établie précédemment par M. Milne Edwards dans un ouvrage dont le savant professeur de Heidelberg a donné , en 1853, une traduction sous le Utre : « Das Verfahren der Natur bei Gestaltung des Thier- Reichs. » Enfin, il traite des rapports qui existent entre la progression ascen- dante des organismes et le développement des types zoologiques et botaniques dans la série des temps géologiques. Des figures gravées sur bois et empruntées, pour la plupart, aux ouvrages élémentaires de zoologie de M. Milne Edwards, facilitent l'intelligence du texte. A Monograf. — Monographie des Crustacés fossiles de la Grande- Bretagne, par M. T. BELL, in-4 avec 11 planches. Cette Monographie, publiée dans le Recueil de la Société paléontographique de Londres, est un des ouvrages les plus importants qui aient été publiés sur la carcinologie antédiluvienne. La première partie, qui vient de paraître, est consa- crée aux espèces trouvées dans l'argile de Londres (principalement à Sheppey) ; la plupart n'avaient pas encore été décrites, et les échantillons figurés par M. Bell sont en général remarquablement bien conservés. Essai sur les Plicatules fossiles des terrains du Calvados et sur quelques autres genres voisins ou démembrés de ces coquilles, par A.-Eudes DEesconccnamps. In-4, Caen, 1858. Ce travail, publié dans le recueil des Mémoires de la Société Linnéenne de Nor- mandie, est accompagné de 44 planches. L'auteur fait d'abord une étude appro- fondie des caractères zoologiques de ces coquilles bivalves, et décrit ensuite 16 espèces du genre Harpax, 53 espèces du genre Plicatule, 2 espèces d'un genre nouveau auquel il donne le nom de Carpentria, et 7 espèces du genre Spondylus, MEMOIRE sur LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE, Par M. J. MAREY, Interue à l'hôpital Cochin. Nous avons indiqué dans un premier mémoire les effets de l’élasticité dans les vaisseaux, et nous avons démontré que, dans la circulation, son rôle est de faciliter l’afflux du sang dans le syslème arlériel et d'y régulariser son cours (1). — Aujourd'hui nous allons étudier dans les vaisseaux le rôle d’une autre fonction : la contractilité, De grandes différences existent entre ces deux propriétés de l'arbre vasculaire, et se retrouvent dans leurs effets sur le cours du sang. L'élasticité est une propriété physique qui n’a rien de spécial dans le tissu artériel, qui existe dans les vaisseaux du cadavre comme chez l'animal vivant; l'étude de ses effets doit consister en expériences hydrauliques que l’on peut faire sur des tubes quel- conques doués d’élasticité. La contractilité est une propriété vitale des vaisseaux sanguins, et qui doit être nécessairement étudiée sur l'être vivant au moyen d'expériences réellement physiologiques. Preuves de l’existence de la contractilité dans les vaisseaux sanguins. L'existence de la contractilité dans les vaisseaux est un fait acquis aujourd’hui à la science, et quelles qu'aient été autrefois les discus- sions soulevées à son sujet, nous nous bornerons à citer ici quel- ques-unes des expériences qui ne permettent plus de la mécon- uailre. Un grand nombre d'agents ont été employés pour provo- quer des contractions, et voici les résultats obtenus : (4) Voyez t. VIII, p. 329. 54 J. VAREY, 1° L’électricité, employée par Wedemeyer (1), n’a pu produire de contractions dans l'aorte, mais a fait contracter les artères més- entériques. 2° Les injections irrilantes, faites par Zimmermann, Lorry, Verschuir, ont fait contracter les vaisseaux. 3° Des irritations traumatiques entre les mains de Verschuir ont produit les mêmes résultats : le grattage de la fémorale avec un sealpel a fait contracter des artères qui en naissent au-dessous du point irrité (2). lk° Des contacts simples à l’intérieur des vaisseaux les ont fait contracter : des cylindres solides, introduits facilement dans les vaisseaux, y ont été étreints par la contractilité qui s’opposait à ce qu’on les retirt (3). 5° L'hémorrhagie produit manifestement des variations dans le calibre des vaisseaux ; J. Hunter, Parry, Spallanzani, Lacauchie, ont vu qu'une perte de sang abondante amène la contraction de toutes les artères. Ce retrait n’est pas un effet de l’élasticité seule, qui cesserait d’être contre-balancée par la tension sanguine; car en poussant plus loin l’hémorrhagie , les artères se redilatent (4). Go À la mort, il y a enfin une contraction vasculaire qui dure autant que la rigidité cadavérique, après laquelle elle est suivie de dilatation (5). Preuves tirées des expériences modernes. Les travaux modernes ont encore enrichi la physiologie de nou- velles preuves de la contractilité vasculaire, ils nous ont même apps quelque chose de plus : c'est que cette contractilité, comme celle des muscles de la vie animale, est soumise à des influences nerveuses, et que la section ou l'irritation des nerfs qui la régis- sent produisent des effets analogues à ceux que, depuis longtemps, on avait observés dans le système musculaire. (1) Bérard, Traité de physiologie. t. LIT, p. 736. (2) Burdach, t. VI. (3) Burdach, t. VI. (4) Bérard, Traité de physiologie, t. IT, p. 738. (5) Burdach, t. VI. DE LA CONTRACŒILITÉ VASCULAIRE. 55 On doit citer en première ligne la belle découverte de M. Ber- nard, qui, reprenant vers 4851 les expériences de Pourfour-du- Petit, trouva que la section du grand sympathique au cou amène une congestion et une élévation de température du côté lésé, tan- dis que la galvanisation de ce nerf produit la päleur et le refroi- dissement dans la parlie correspondante. MM. Budge, Waller et Brown-Séquard , ont donné de ce fait une interprétation qui, par sa simplicité même, offre tous les caractères de la vérité. Pour eux, lasection et la galvanisation du grand sympathique auraient sur la tunique contractile des vaisseaux une action en {ous points assi- milable à celle de la section et de la galvanisation des nerfs de la vie animale sur les muscles qui leur correspondent. La section des nerfs vaso-moteurs paralyse les vaisseaux qui se laissent dilater, et la galvanisation des mêmes nerfs les fait entrer en contraction en les vidant du sang qu'ils contiennent. Des faits d’un autre ordre, relatifs à une contraction rhythmique des vaisseaux, ont été publiés par MM. Schiff et Wharton Jones; ils ont été observés en France par M. Vulpian (1), qui en a donné une interprétation nouvelle. Ces contractions rhythmiques, obser- vées sur les ailes des Chauves-Souris et les oreilles des Lapins, nous semblent d'une nature spéciale et ne nous occuperont pas ici; nous nous bornerons à l’étude de la contractilité plus régu- lière dans son action, qui semble appartenir à tous les petits vais- seaux de l’économie. C'en est assez pour les preuves de la contractilité vasculaire, il est inutile de démontrer plus longuement l'existence d’une fone- lion qui aujourd'hui n'est plus contestée ; seulement, pour com. pléter la démonstration, nous ajouterons que l’anatomie elle-même est venue apporter sa preuve, en indiquant, dans la {unique moyenne des vaisseaux, une couche de fibres circulaires qui explique très bien la production de leurs changements de calibre, et dont l’abondance est d'autant plus grande pour un vaisseau qu'il est plus doué de contractilité. (1) Archives générales de médecine, 1857. p. 222. 56 J. MAREY. Siége de la contractilité vasculaire. Valentin (4), dans des recherches expérimentales, a prouvé que la contractilité n’est pas limitée au système artériel, il l’a trouvée dans les veines et même dans les gros troncs lymphatiques. La contractilité des veines a été bien mise au jour par M. Gubler (2), au moyen d'expériences ingénieuses et faciles à répéter. Mais, comme c’est surtout de la circulation artérielle et capillaire que nous nous OCCupons ici, nous allons voir si dans ces premières voies sanguines, il n’est pas certains points mieux pourvus que les autres de force contractile. A l’époque où Bichat et son école refusaient aux artères la con- tractilité (3), J. Hunter avait fait plus que la démontrer dans ces vaisseaux, il l'avait mesurée pour chacun d’eux. Voici quelles ont été ses célèbres expériences à ce sujet. J. Hunter (4) remarque d’abord que si l’on prend une artère d'un animal qu'on vient de tuer par hémorrhagie brusque, cette artère est très contractée. Si on la coupe en tronçons, chacun de ceux-ci, s’il est disténdu par une force quelconque, au lieu de re- venir à son calibre primitif, reviendra à un calibre plus large, mais toujours le même pour des tronçons de la même artère. II conclut qu’en dilatant le vaisseau, il avait détruit l'effet de la con- tractilité, et que celui-ci, en vertu de la seule propriété inhérente à son tissu même, l’élasticité, était revenu à ce qu'il appelle l'état moyen, dans lequel l’élasticité est au repos. Ayant dès lors entre les mains le moyen de mesurer les effets de la contractilité, Hunter établit des expériences comparatives, dans lesquelles il vit que la contractilité, très faible dans les gros troncs artériels, croît à mesure qu’on s'éloigne du cœur. Maintenant que nous avons vu la contractilité des artères naître pour ainsi dire en un certain point, el s’accroitre à mesure qu'on (1) Valentin, De functionibus nervorum, 1839. (2) Gubler, Arch. gén. de médecine. (3) Lorsque Bichat parle de la contractilité des artères, c'est de l'élasticité qu'il s'agit (4) Traité du sang et de l'inflam., chap. HI. DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE. 57 passe à de plus petits vaisseaux , voyons s'il sera possible de lui assigner une limite terminale, et si dans les capillaires très ténus, nous la verrons diminuer ou s'éteindre. Rien ne prouve que la contractilité n’existe pas dans les der- nières divisions capillaires, et qu’elle ne se continue pas avec celle que M. Gubler a démontrée dans le système veineux. Én effet, outre que les variations de calibre ont été observées dans des vais- seaux bien petits, les observations microscopiques ont fait constater directement à Thomson, Wilson, Hastings, Kaltenbrünner, Wedmeyer, etc., que, dans certains cas, les capillaires du plus petit calibre se rétrécissent. Cependant Henle (1) fait remarquer avec raison que l’élasticité peut suffire pour expliquer dans ces vaisseaux les changements de diamètre. En effet, en admettant que les fines artérioles qui les précèdent soient dilatées, les capil- laires recevront le sang avec plus de tension, grâce à la diminu- tion des frottements au-dessus d’eux, et se laisseront distendre par ce sang. Réciproquement, si les artérioles contractées ‘laissent arriver très peu de sang aux capillaires, ceux-ci n'auront besoin que de l’élasticité pour revenir sur eux-mêmes. Mais si la struc- ture hyaline des capillaires les plus petits semble peu compa- tible avec la contractilité, et force presque à admettre l’idée de Henle, on n'a plus le droit, à la rigueur, de refuser cette propriété aux capillaires, à partir d’un calibre de 0"*,030 à 0°®,060, car chez ceux-ci on trouve déjà les éléments de la couche à fibres circulaires. Sur ce point, MM. Henle, Robin, Segond, sont parfaitement d'accord. Nature de la contractilité vasculaire, Nous allons essayer d'entrer plus avant dans la connaissance des modes de production de la contraction artérielle; une des expériences les plus instructives à ce sujet se voit tous les jours dans nos amphithéâtres d'opérations, et il est étonnant que cette propriété ait été si longtemps méconnue et même combattue par (4) Encycl, anat., t, VII. 58 J. MAREY. les physiologistes, quand tous les chirurgiens en avaient la preuve sous les yeux. Voici le fait. Lorsque, dans une opération, on coupe une artère d’un petit calibre, un jet de sang est projeté d’abord, puis au bout d’un cer- tain temps, le jet s'arrête de lui-même, et rien ne trahit plus l'ar- tériole coupée. L'opération se termine, on fait le pansement ; mais au bout d’un temps variable, une hémorrhagie se déclare, et quand on lève l'appareil, on aperçoit une artère qui donne abondamment. L'interprétation de ce fait est bien simple; il ne peut s'expliquer que par la contraction, de l'artère qui se redilate ensuite. Dans celte contractilité des vaisseaux, une chose doit nous frapper, c’est le retard de la contraction qui n'arrive en général qu'au bout d’un temps assez long, et la durée considérable de l’état d'occlusion des vaisseaux. C’est là une très grande différence avec ce qui se passe dans les contractions musculaires de la vie animale; mais il y a une analogie complète, sous ce rapport, entre la contractilité vas- culaire et celle des museles de la vie organique, soumis aussi au grand sympathique : celte similitude a déjà été remarquée par les physiologistes (4). Enfin, au sujet de la nature de la contractilité vasculaire, on trouve dans Henle (2) des pages très curieuses écrites depuis longtemps déjà ; l’auteur conclut qu'il y à : 4° Une contraction normale ; 2 Une contraction provoquée ; 3° Une paralysie des vaisseaux sous l'influence d’une excitation excessive. k° Ces contractions sont réflexes, et cessent quand on coupe les nerfs sensilifs, etc., ele. Conclusions des expériences faites jusqu'à ce jour. Si nous réunissons toutes les expériences anciennes el récentes que nous venons de citer, on a le droit d'en tirer les conclusions suivanles : (4) Béclard, Traité de physiologie, p. 200. (2) Loc. cit. DE LA CONTRACTMILITÉ VASCULAIRE. 59 4° Les vaisseaux sont dans un état permanent de contraction normale (4). % Ils peuvent se contracter davantage sous certaines influences (une excitation modérée, par exemple), et se vider plus ou moins complétement du sang qu'ils contiennent, ce qui amène la pâleur et le refroidissement des tissus, Nous donnerons ailleurs, s’il est nécessaire, les expériences qui prouvent que la température d'une parlie exposée au froid est en raison de la quantité du sang qui circule à son intérieur, à Ils peuvent, dans d’autres cas, se contracter moins énergi- quement que de coutume (par exemple, sous l'influence d'une exei- tation trop forte), et, se laissant distendre par le sang, produire Ja rougeur, la chaleur et le gonflement des parties qui les renfer- ment, k° Le grand sympathique est le système nerveux qui préside à la contraction des vaisseaux. Cette conclusion est fondée sur les motifs suivants : 4. Que le grand sympathique forme sur les vais- seaux artériels de riches plexus qu'on a pu suivre fort loin (2); b, que l’irritation d’une artère produit des contractions dans des branches qui en émanent (3) (ce qui ne peut guère s'expliquer que par l’irritation de filets du grand sympathique rampant sur l'artère pour se rendre à la branche qui se contractait); c. que les contrac- tions vasculaires ressemblent d'une manière frappante à celles que produit ailleurs le grand sympathique (sur l'intestin par exemple), au point de vue du retard de l'effet sur l'excitation, et de la durée de l'effet après la cessation de la cause; d. que la section et la galyanisation du grand sympathique amènent la dilatation et la con- traction des vaisseaux. Ajoutons que la galvanisation de ce nerf fait disparaître, non-seulement la congestion que la section avait amenée, mais aussi celle quirésulte d’une autre cause, par exemple d'une application d’ammoniaque sur la conjonctive (4). (1) Hunter, Henle. (2) Henle, Encycl. anat., 1. VII, (3) Verschuir, cité par Burdach, t. VI. (4) CI. Bernard, Mémoire sur les effels de la section et de la galvanisation du grand sympathique au cou, 1853. 60 J. MAREY. Du rôle de la contractilité vasculaire. Pour comprendre les effets de cette propriété vitale qui fait changer le diamètre des vaisseaux, il faut bien s'entendre sur ce premier point : Quel est l'effet de la dilatation ou du resserrement des vaisseaux sur la quantité du liquide qui les traverse ? Les lois physiques appliquées à la solution de ce problème d'hydraulique nous apprennent que le resserrement des vaisseaux, créant par les frottements un obstacle au cours du sang, le ralen- tira. Pour les tubes capillaires, la loi est ainsi formulée par M. Poiseuille : L’écoulement est proportionnel à la quatrième puis- sance des diamètres des tubes traversés (1). On conçoit, d’après cela, que la dilatation des capillaires laissera le sang passer plus facilement dans les veines, faisant ainsi baisser la tension arté- rielle ; réciproquement, la contraction des capillaires, créant un obstacle à ce passage, fera augmenter la tension dans les artères. Les physiologistes admettent, au contraire, que la dilatation des capillaires retarde le cours du sang, et que leur contraction l’accé- lère. Chose étrange, en avançant cette opinion, ils disent s’ap- puyer sur les lois de la physique. Thomson (2) est le premier par lequel nous ayons vu soutenir cetle erreur ; mais aprés lui, pres- que tous les physiologistes l'ont répétée, toujours en invoquant les lois de la physique. C’est à peine si les derniers expérimentateurs ont enfin reconnu cette erreur depuis longtemps accréditée. Nous tenons, avant tout, à bien établir ce fait que la contraction des vaisseaux ralentit la circulation, et que leur dilatation l’accé- lère. Sans une parfaite connaissance de ce principe d’hydrauli- que, il nous serait impossible de pousser plus loin l’étude physio- logique de la contractilité vasculaire. Voici la cause qui à fait croire que la contraction des vaisseaux accélère la circulation. Si un tube donné offre des renflements et des resserrements, c’est dans les points resserrés que le liquide (1) Voir la thèse de Segond. Syst. capillaire. 1853. (2) Traité de l'inflammation, 1827. DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE. 61 coule le plus vite. Ce fait est parfaitement vrai, mais voyons ce qu'il signifie. Chaque segment du tube, lorsque l'écoulement est établi, doit laisser passer une quantité de liquide égale, quel que soit son diamètre ; il s'ensuit que les moléeules liquides devront marcher plus vite là où elles ne peuvent passer que successivement, à cause de l’étroitesse du tube; tandis que dans les points plus larges, où plusieurs peuvent passer de front, elles auront moins de vitesse. Mais en somme, la quantité de liquide qui s'écoule par le tube est diminuée par ce rétrécissement. I ne faut donc pas con- fondre l'accélération du mouvement de chaque molécule en un point avec l'accélération de l’écoulement lui-même. Sans doute, beaucoup de physiologistes ont dû faire cette distinction, mais la plupart ont considéré avec Thomson le res- serrement des vaisseaux comme une cause de circulation plus active. Hastings a considéré les vaisseaux dilatés comme faisant obstacle au cours du sang, et a admis dans ces cas une force plus grande des artères pour vaincre cet obstacle. L'erreur passa bientôt dans la pathologie, et des cliniciens allèrent jusqu'à admettre que la di- latation de l'aorte fait obstacle au cours du sang. Terminons en concluant que la contractilité constitue une force par laquelle les vaisseaux peuvent régler la quantité de sang qui circule à leur intérieur. Nous allons voir quels sont les avantages de cette propriété. Si les vaisseaux n'étaient qu’élastiques, toutes les influences physiques, pesanteur, pressions extérieures, etc, agiraient sans obstacle pour modifier le courant sanguin en chaque point du corps, et, dans les mille circonstances où nous leur sommes sou- mis, pourraient amener des perturbations dangereuses. Grâce à la contraclilité de ses vaisseaux, chaque partie trouvera en elle l'agent qui peut régulariser sa tension, et qui, suivant les circon- slances, agira dans des sens différents. Ainsi, à priori, on peut supposer : 1° Que si les agents physiques ont une influence perturbatrice, Ja contractilité pourra les contre-balancer ; 2° Que si la contractilité est directement mise en jeu, elle peut 62 J. MAREY. à elle seule modifier la cireulation, sans que les agents physiques y prennent part. Quelque naturelles que puissent paraître ces deux propositions, elles demandent des preuves expérimentales irréfutables : c’est ce qui à été l’objet des recherches que nous avons faites et que nous allons exposer. Recherches expérimentales sur la contractilité vasculaire. De toutes les expériences qu'on puisse faire en physiologie, celles que l'on fait sur l'homme, et principalement sur soi-même, sont les plus instructives, les plus exemptes des causes d'erreur si communes dans les viviseclions. Dans les recherches qui nous oc- cupent, rien n’était plus varié et plus facile à instituer que ce genre d'expériences. Il ne s'agissait que d'étudier ce qui se passe sous ces diverses influences auxquelles nous sommes journellement soumis, telles que l'élévation, la compression, le chaud et le froid, l'effort mus- culaire, eic., etc. Le résultat de ces influences est presque toujours un fait banal, que tout le monde voit chaque jour, mais qu'on observe avec d'autant moins de soin qu'il n’a plus rien d’étrange. Nous croyons, au contraire, qu’un fait de cette nature, bien étu= dié, rattaché à une théorie simple mais large, acquiert une grande valeur scientifique, et qu'il constitue une véritable expérience physiologique et des meilleures. Des agents physiques qui modifient la tension sanguine dans différents points.— Action de la contractilité des vaisseaux sous ces influences. Comme toutes les forces de l’économie, la contractilité des vaisseaux est destinée à lutter contre une résistance ; celle qui lui est opposée est la lension sanguine. Le cœur pousse le sang vers les capillaires, et ceux-ci, par leur contraction, modèrent cet afflux, ce qui force le système artériel à prendre cette puissante tension qui est un de ses caractères principaux. On pourrait définir l’état de vie, au point de vue de l’hydraulique circulatoire, une lutte conti- nuelle entre le cœur qui remplit le système artériel, et ces vaisseaux DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE. : 63 qui tendent à se vider par leur élasticité et leur force contractile. A la mort, dès que le cœur cesse de distendre les artères, celles-ci reviennent sur elles-mêmes, et se vident à peu près complétement dans le système veineux. Pendant la vie, la contraclilité artérielle lutte plus où moins énergiquement contre la tension intérieure ; si les vaisseaux d’un organe se contractent trop fort, le sang ne peut alfluer assez abondamment ; s'ils sont trop faiblement contractés, ils se laissent distendre par l’afflux sanguin , et la partie à laquelle ils se rendent est congestionnée. Entre ces deux extrêmes est l’état moyen où normal de contraction correspondant à l’état normal de circulation. Si la tension était égale dans tout le système artériel, partout aussi il suffirait d’une force contractile égale pour maintenir la cir- eulation dans un état régulier; mais il n’en est pas ainsi. La ten- sion diffère dans les divers points des voies artérielles ; bien plus, elle peut changer à chaque instant pour un point donné, sous la seule influence de la pesanteur. Si la tension varie, l’état cireula- toire doit varier sous les mêmes influences, à moins que la con- traetilité des vaisseaux, augmentant où diminuant, ne les ramène à l'état normal. La pesanteur modifie la tension sanguine, et par suite la contrac- tililé, qui en tempère les effets. L'action de la pesanteur sur la circulation sanguine n’est pas contestée, seulement elle a été considérée comme influençant presque exclusivement la cireulation veineuse et un peu trop né- gligée pour celle des artères. Les physiologistes qui ont fait des expériences hémométriques ont cependant tous signalé les effets de la pesanteur sur la cireulation artérielle. I est évident, en vertu des lois de la physique, que dans la station verticale, le sang, pour arriver à la région la plus élevée de la tête, doit vaincre la résis- tance due au poids d’une colonne de liquide dont la hauteur est égale à la distance verticale entre le cœur et le sinciput. D'autre part, le sang, au point le plus déclive des extrémités pelviennes, esi poussé, non-seulement par la force de la systole cardiaque, Mais aussi par la pression qu'exerce sur lui le poids d’une colonne sanguine ayant en hauteur la distance verticale du cœur à la région 6û J. MAREY. plantaire. 11 s'ensuit qu'entre ces deux points extrêmes, il sé trouve, pour la force circulatoire, une différence égale à la pression d’une colonne de sang de la hauteur du corps. De telles inégalités dans la tension pour ces deux points du corps n’empêchent pas la circulation de rester normale dans la station verticale. Nous allons voir que cela tient à ce que dans ces conditions de tension inégale pour différents points, il faut qu'il y ait une INÉGALITÉ comPENsatRICE de force contractile. La preuve, c’est que pour peu qu’on intervertisse, même incomplétement, les rapports de déclivité entre la tête et les pieds, l’état circulatoire change énormément dans ces parties : la tête, devenue déclive, rougit et s’échauffe; les pieds, actuellement élevés, pälissent et se refroidissent. On comprend, d’après cela, que les vaisseaux de la tête, qui n’avaient de force contractile que la quantité nécessaire pour sou- tenir la pression due à la force du cœur diminuée du poids de la colonne sanguine supérieure, ne peuvent lutter contre cette même force augmentée du poids de cette colonne (ce qui fait pour la cir- culation actuelle une différence, en plus, de deux fois le poids de la colonne supérieure). Réciproquement, les vaisseaux des pieds, se contractant normalement, pour lutter contre la pression addi- lionnelle de la colonne sanguine inférieure, se trouveront trop forts quand la pression intérieure sera diminuée de deux fois le poids de cette colonne, et ne laisseront plus assez arriver de sang. Voici done un premier fait qui montre que la contractilité nor - male des vaisseaux n'est pas la méme dans les différents points de l'économie, et cela en vertu des influences de la pesanteur (A). Cette contractilité inégale n'est pas répartie pour les différents points du corps d'une manière définitive el immuable. Aucune par- lie n'étant absolument destinée à un degré de déclivité qui soit toujours le même , la force contractile de ses vaisseaux varie sui (4) Nous montrerons, dans un autre travail, que les pressions extérieures qui luttent contre la tension ne sont pas partout égales, et que. par une raison analogue, les divers organes de l'économie n'étant pas soumis à la même pres- sion, la contractilité vasculaire varie pour euæ, de telle sorte que les points les moins comprimés soient doués d'une contractilité vasculaire plus énergique. DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE. 65 vant les besoins, et est mise en jeu par l’action même de la pesan- teur au bout d'un temps variable ; en voici la preuve. Il est un double phénomène bien connu qui se passe chez ceux qui ont été retenus au lit, par une fracture par exemple, lorsqu'ils cherchent pour la première fois à se tenir debout. Chez eux, les jambes rougissent, se gonflent, et deviennent très chaudes, tandis que la tête pâlit et que l’anémie cérébrale peut aller jusqu'à la syn- cope. N'est-ce pas là une preuve que la contractilité vasculaire s'était répartie plus également entre les extrémités inférieures et céphalique, lorsque, par suite de la position horizontale prolongée, il n’y avait plus d’inégalité de tension intérieure, et que le malade se levant après cette modification subie, les influences de la pesan- teur ne trouvent plus une contractilité vasculaire appropriée pour faire obstacle aux perturbations que nous observons alors. On voit des bateleurs se tenir pendant un temps fort long la tête directement au-dessous des pieds, sans que pour cela la circulation soit bien modifiée chez eux; tandis qu'il suffit à un homme peu habitué aux exercices du corps de se baisser pour ramasser quel- que chose, pour que le sang, comme on dit, se porte à la tête, et amène la rougeur de la face, et même des troubles des sens. Cette sorte d'adaptation de la contractilité vasculaire à l'in- fluence de la pesanteur n’exige pas un temps très long pour se produire ; il suffit de quelques heures de séjour au lit pour qu'elle soil sensible, et elle est très manifeste quand le matin on quitte la position horizontale, et que, dans les premiers instants, le visage pälit, tandis que les pieds sont rouges, chauds et tuméfiés (4). 1 a donc suffi de six ou sept heures de position horizontale pour que les vaisseaux aient perdu l'augmentation ou la diminution de force contractile qu'ils avaient acquise par les influences de la pesanteur sur la tension pendant le jour précédent. (1) Cette tuméfaction est très notable, et ceux qui portent des chaussures un peu étroites, savent fort bien que le matin le pied a grand'peine à y entrer, tandis que cela devient très facile au bout de quelques heures. 4° série, Zooz. T. IX. (Cahier n° 2.) ! 5 66 J. MAREY. Des conditions dans lesquelles il y a rupture d'équilibre entre la tension sanguine et la contractililé vasculaire, avec troubles consécutifs dans la circulation. Dans l'interprétation des faits que nous venons de citer, nous sommes conduit à admettre un antagonisme constant entre la ten- sion du sang et la force contractile des vaisseaux qui la suppor- tent. L'excês de la tension sur la contraction est la cause de la cir- culation sanguine, el pour que celle-ci soit à un degré convenable, il faut que la contractilité vasculaire neutralise une partie des effets de la tension, qui ne soit ni trop forte ni trop faible elle- même. C’est cet état régulier des deux forces opposées que nous appelons équilibre. Dans les cas que nous venons de rapporter, l'équilibre a été rompu, ce qui a amené le trouble dans la circulation. Pour l’un d'eux, la contractilité étant adaptée aux influences de la pesanteur lors de la station verticale, la tête en haut, on change brusque- ment la direction de ces influences avant que la contractilité ait pu varier ; l’équilibre se trouve rompu. — Dans l’autre, la contraeli- lité étant adaptée à la tension uniforme dans la position horizontale où la pesanteur n’agit pas, on fait brusquement agir cette in- fluence en se mettant en position verticale ; l'équilibre est encore rompu. Rupture d'équilibre par suite de l’augmentation uniforme d’une des deux forces antagonistes, l’autre restant inégalement répartie. — Troubles circulatoires consécutifs. 1° Rupture d'équilibre par augmentation de l’action du cœur. — Dans le cas d’accommodation de la contractilité à la station verti- cale, si impulsion du cœur s’accroissant vient augmenter la ten- sion du sang, colle augmentation se répartira également dans toute l'économie, et il s'ensuivra que linégalité que la pesanteur amène entre la tension de la tête et celle des pieds aura relative- ment diminué. La force contractile n'ayant pas eu le temps de subir un changement analogue, les vaisseaux de la tête seront DE LA CONTRAOTILITÉ VASCULAIRE. 67 relativement les plus dépourvus de force contractile et se laisse ront plus que les autres. distendre par l’afflax du sang. — Cela nous explique comment, dans les palpilations énergiques surve- nues tout à coup, c’est la tête qui ressent le plus fortement les effets de congestion, et comment ces palpitations s’accompagnent de rougeur de la face, d’éblouissements, etc. 2° Rupture d'équilibre par augmentation générale de la force contractile des vaisseauæ. — Dans les mêmes conditions de sta- tion verticale, amenant des inégalités dans la tension en différents points, si une cause quelconque, l’hémorrhagie par exemple, vient à augmenter d’une égale quantité la force contractile de tous les vaisseaux du corps, l'inégalité compensatrice entre la con- tractilité vasculaire de la tête et celle des parties déclives est rela- tiement diminuée, la tension restant toujours inégale si la pesan- teur continue à agir. Alors les vaisseaux de la tête sont ceux qui ont relativement le plus de force contractile, et qui laissent le moins arriver de sang. De là anémie cérébrale qui peut être portée jusqu'à la syncope. — Cette interprétation est naturelle pour le cas où un sujet est saigné debout ; la syncope a, comme on le sait, une grande tendance à se produire dans cette circon- stance (1). Des agents qui modifient directement la contractilité vasculaire. Les agents physiques qui modifient la tension dans différents points de l'économie sont, d’après ce que nous avons vu, des mo- dificateurs indirects de la contractilité des vaisseaux. Nous savons aussi qu'un des caractères de la contractilité vasculaire est de ne varier sous leur influence qu'au bout d'un temps assez long. Un nouveau sujet nous reste à étudier : c’est l’action des agents directs de la contractililé vasculaire. Parmi ces différents modificateurs , nous étudierons surtout ceux dont l'application à nos tissus est la plus fréquente. 1° Les contacts extérieurs, que nous réunirons sous le nom de traumatisme. (1) La saignée agit dans ce cas , surtout comme agent de contraction géné- rale des vaisseaux. — Voyez J, Hunter, loc. cit. 68 J. MAREY. 2% Les variations de température : chaud et froid. 3 Les effets de l'électricité. Nous nous attacherons surtout à démontrer que les effets de ces causes, si diverses en apparence, sont soumis à des lois applica- bles à tous. Voici les lois fondamentales. ° Une excitation modérée fait contracter les vaisseaux. 2% Une excitation forte les fait dilater par une sorte de para- lysie, d’épuisement de l'innervation (comparable à la fatigue qui suit l'exercice musculaire). 3° Quand un excitant est très souvent appliqué en un point, les vaisseaux de ce point sont plus difficiles à exciter, grâce à une sorte d'accoutumance (comparable à la plus grande résistance à la fatigue qui arrive pour un muscle souvent exercé). A. Influences du traumatisme sur la contractilité des vaisseaux. Voici un fait expérimental que nous croyons avoir signalé le premier, et qui nous semble très propre à montrer les effets des influences du traumatisme sur la contractilité vasculaire. Première expérience. — Si nous passons sur un point des tégu- ments, le dos de la main par exemple, un corps mousse, en traçant une ligne, nous chassons mécaniquement le sang des vaisseaux, et nous avons tracé une ligne pâle, exsangue, qui une seconde après a disparu; le sang est rentré dans les vaisseaux quand l'obstacle a cessé, et la peau a repris sa teinte normale. —— Que l’on regarde le même endroit vingt ou trente secondes après, la ligne blanche à reparu comme la première fois, mais plus persistante ; elle dure quelquefois plus d'une minute (4). N'est-il pas très rationnel d'admettre, comme explication de cette tache blanche, une contraction des vaisseaux qui réagissent contre l’excitation produite et chassent le sang de leur cavité, lais- (1) Ce phénomène est très évident : nous l'avons produit, non-seulement sur nous-même, mais sur un très grand nombre de sujets; il est surtout marqué chez ceux dont la peau est naturellement colorée, et, après quelques lätonne- ments pour arriver à ne donner à la peau une impression ni trop forle ni trop faible, tout le monde pourra le produire. DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE. 69 sant exsangue la partie impressionnée? C’est là une interpréta- tion d'autant plus légitime qu’elle est Ja plus simple, qu'elle à déjà des analogues dans la physiologie; elle ressemble beaucoup, en effet, au phénomène de contraction d’une artère coupée. Dans les deux cas, nous voyons un retard de la contraction sur l’impres- sion, et une durée considérable de la contraction quand l’'im- pression a cessé. Deucième expérience. — Continuons, et voyons ce qui se passe si nous traçons notre ligne avec plus de force, ou avee un instrument un peu aigu, le tranchant de l’ongle par exem- ple, de manière à produire sur la peau une impression vive et même un peu de douleur. Dans ce cas, un phénomène un peu différent se passe : une ligne rouge parait sur le trajet de l'in strument, elle est limitée aux parties directement touchées, et offre la largeur de l'instrument contondant. En même temps, de chaque côté apparaît un liséré blanc identique avee la ligne blan- che décrite dans la première expérience. Que doit-on conelure de ce second fait, si ee n’est que les parties qui forment le liséré blanc se sont trouvées en dehors du maxi- um d'action de l'instrument, et n’ont reçu d’excitation qu'une dose contre laquelle elles pouvaient réagir, tandis que pour les autres, plus fortement contuses, la contractilité des vaisseaux a été détruite par une action exercée soit sur le tissu même, soit sur le système nerveux correspondant à la partie touchée. Dans l’une ou l'autre hypothèse, la rougeur est due à la perte de con- tractilité des vaisseaux. Ces deux expériences prouvent déjà la vérité des deux premières propositions que nous avons indiquées au sujet des elfets d’une excitation, suivant qu’elle est faible ou forte. De l'accoutumance. — La contractilité vasculaire nous offre un point de ressemblance avec celle des muscles de la vie ani- male : c’est que la production même de la contraction l'épuise au bout d'un certain temps, de même que l'exercice d'un musele amène sa fatigue et son affaiblissement momentané. L'analogie nous porte à chercher si l'exercice répété de cette force ne l’aug- enlera pas à la longue, de même que l'exercice des muscles 70 J. MAREY. augmente la force musculaire et la résistance à la fatigue. — Or, on peut voir que précisément, les influences traumatiques répétées rendent la partie qui les subit moins susceptible d’épuiser sa con- tractilité vasculaire. En voici des preuves : Ecæpérience. — Une excitation traumatique portée sur un point des téguments abrité d'ordinaire contre les contacts un peu durs (soit l’épigastre), et la même excitalion portée sur un point qui se trouve dans des conditions inverses (la main par exemple), pro- duit dans le premier point une trace rouge, et sur la main une trace pâle, c’est-à-dire épuise la confractilité dans le premier point, et ne fait que la mettre en jeu dans le second. Nous pourrions multiplier à l'infini les preuves de ce fait, que l’accoutumance aux excitations traumatiques rend la contractilité vasculaire d’une région moins facile à épuiser; nous en allons seulement en citer quelques-uns encore. Les mains de l'artisan supportent impunément le dur contact et l'espèce de massage des tissus qui résultent du maniement de cer- tains outils. Qu'un homme de cabinet veuille faire le même ou- vrage, sa main inaccoutumée deviendra rouge, chaude et gonflée, n'ayant pas acquis par l'habitude une dose de force contractile suflisante. De même le pied s’accoutume aux marches prolongées , aux chaussures dures ; le cavalier s’accoutume au dur contact de la selle, si pénible les premiers jours. Qu'on n’invoque pas, pour expliquer ces faits, la production d’un épiderme plus épais , qui ne peut que protéger le corps mu- queux contre des contacts trop durs, mais qui ne peut être consi- déré, pour les tissus profonds, comme une prolection contre ce massage dont nous avons parlé, et qui les congestionne toutes les fois qu’ils n’ont pas acquis par l'accoutumance la force d'innerva- tion vaseulaire qui leur est nécessaire (1). (1) Remarquons qu'il y a identité de nature entre l'accoutumance dont nous parlons ici et l'adaptation de la contractilité à la tension intérieure. DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE, 71 B. Influences des températures sur la contractilité des vaisseaux. Les variations de température auxquelles nous sommes jour- nellement exposés produisent aussi des variations très importantes dans la circulation, en mettant en jeu la contractilité vasculaire ; mais la question est ici plus complexe que dans le cas précédent. Un même agent, le calorique, produit sur nous des impressions très différentes , selon qu'il est ajouté ou emprunté à nos tissus : la circulation, modifiée par ces influences, amène à son tour des changements dans notre température propre qui dépend de F'acti- vité circulatoire (4). 4° Effets du froid. —Si le froid et le chaud ne sont pour le physicien que des variations dans la quantité du calorique, pour le physiologiste ils constituent deux sources d'impressions bien distinctes. Le froid , à un degré peu prononcé, excile la contractilité vas- culaire; à un degré plus fort, il la paralyse. L'expérience est facile à faire. Expérience. — Que l'on plonge la main dans l’eau à une tem- péralure telle qu'elle nous donne la sensation d’un froid modéré ; on vôit, par la püleur et la diminution de volume qui se manifestent bientôt dans cet organe , que la circulation y est moins facile, et que les vaisseaux ont dù se contracter. Cet effet correspond à celui que nous avons obtenu avec les agents traumatiques appliqués avec peu d'intensité. Si le froid est plus intense ou plus prolongé, l'effet est inverse, et la contraction des vaisseaux est suivie d’une dilatation qui pro- duit la rougeur et le gonflement de la main. Ici encore identité de nature avec les elfets du traumatisme à un haut degré. L'interpré- lation de ce phénomène sera dès lors : dilatation atonique des vais- (1) La température des parties qui peuvent avoir différents degrés de chaleur, comme les extrémités et la surface cutanée, croît avec la quantité de sang qui circule à leur intérieur. Nous le démontrerons expérimentalement dans un autre travail. 72 J. MAREY. seauæ, et produclion passive de toule la série des conséquences qui en dépendent. Cette conclusion est trés légitime quand on étudie méthodique- ment la production des effets que nous venons de signaler ; mais elle semble paradoxale si l’on se borne à un examen superficiel. — Sans doule le premier observateur qui, maniant de la neige, a vu ses mains devenir, au bout de quelque temps, chaudes, rouges et gonflées, a été frappé surtout de la production de chaleur sous l’in- fluence du froid ; il à dû voir là un effort salutaire de la nature qui tend à nous protéger contre la fâcheuse influence du refroidisse- ment, et a été amené tout naturellement à considérer cet effet in- direet comme une réaction de l'organisme. Aussi ce mot de réaction et l'idée d'activité Jocale qu'il implique ont-ils été transportés dans tous les cas, physiologiques ou pathologiques, où la cireulation s’accroit. Cette manière de voir a conduit à créer une force des tissus qui produirait l’activité circulatoire, précisément dans les cas où le raisonnement doit maintenant nous faire admettre qu’il y à faiblesse. Aceoutumance. — Le degré auquel le froid doit être porté pour produire les effets que nous venons de signaler n’est pas toujours le même. Il y a ici une parfaite similitude avee ce que nous avons vu pour les effets du traumatisme. On retrouve de part et d'autre les effets de l’accoutumance, de sorte qu'un même degré de froid agissant sur nous depuis longtemps cesse de nous impressionner avec la même force qu'au début de son action. On connait les belles expériences d’Edwards sur la chaleur ani- male, dans lesquelles il a démontré qu’en hiver, un animal résiste à un abaissement de température qu'il n’eût pu supporter en été. Pour nous , qui nous croyons autorisé à ne pas séparer la chaleur animale de l’activité circulatoire, et à interpréter celle-ci par l'état de plus ou moins grande dilatation des vaisseaux, nous ne voyons dans l’inégale résistance au froid et au chaud que la manifestation d’une inégale résistance des vaisseaux aux influences de tempéra- ture comme agents de dilatation et de contraction. Les mêmes faits sont apparents sur nous-mêmes. Lorsque, par suite de changement de saison, la moyenne de température est DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE. 73 passée graduellement de + 20° à—4°, lamème température basse, qui l'été nous eût paru un froid insoutenable, nous est très facile à supporter l'hiver, même avec des vêtements légers. Réciproque- ment, en été nous avons froid (4) lorsqu'au milieu des jours de grande chaleur la température baisse tout à coup, mais en reslant de quelques degrés au-dessus du point thermométrique appelé tempéré. C'est que les variations de température les plus extrêmes cessent de devenir des modificateurs appréciables de la contrac- lilité vasculaire, quand l'économie a eu le temps de s’accommoder graduellement à leur influence. Cette accoutumance se fait partiellement pour une région exposée seule à une certaine température : ainsi les mains et la face, plus accoutumées aux influences du froid, peuvent plus impunément y être exposées. Il en est une preuve frappante que lon peut constater au bain froid en été. Parmi les baigneurs, il en est qui sont plus spé- cialement exposés à éprouver ce qu'on à appelé la chaleur de réaction , et que nous appellerons l'épuisement de la contractilité vasculaire. Chez ceux-ci on peut voir ce fait très curieux, c’est que tandis que tout le corps a rougi sensiblement après une où deux immersions, les mains et Ja face, immergées aussi , sont à l’état de pâleur, qui est le plus faible des effets du froid sur la contractilité. Cela lient à ce que les mains et la face, exposées plus souvent aux variations de température que les parties vêtues, ont acquis par l'accoutumance une innervation plus forte, et que la même cause qui épuise la contractilité vasculaire pour le corps ne fait que la stimuler dans ces points. On pourrait multiplier les faits et montrer des accoutumances professionnelles au froid, comme nous en avons vu au trauma- lisme; mais chacun pourra compléter ce chapitre, Dès lors les faits vulgaires que l’on voit chaque jour prendront une grande importance scientifique s'ils sont interprétés de manière à éclairer la physiologie de la contractilité vasculaire. 2% Effets du chaud sur la contractilité des vaisseaux. — L'ac- (1) Dans ces cas, il n'y a pas seulement la sensation de froid et de chaud, mais aussi les eflets correspondants du côté des vaisseaux : pâleur ou congestion, 7h J. MAREY., tion de la chaleur, semblable en cela à quelques agents chimiques, parait amener d'emblée la dilatation des vaisseaux, absolument comme si elle n’était que l'excès d'une quantité de calorique sous laquelle nos vaisseaux sont en contraction norraalement. — Quoi qu'il én soitdu mode d’action de la chaleur, elle n'échappe pas aux effets de l’accoutumance, suivant les lois que nous avons indi- quées pour le traumatisme et le froid. L'été, nous sommes plus aptes que l'hiver à supporter une température élevée. — On trouve pour le chaud, comme nous l'avons vu pour les autres agents, une accommodation locale ou générale de l'innervation à la température que nous subissons habituellement. Ce qui se passe dans certaines professions en est une preuve frappante. Les chapeliers, qui passent un temps souvent fort long les bras plongés dans l’eau très chaude, s’habituent à celte température. Les boulangers, les verriers, les cuisiniers, supportent le rayon- nement des vastes brasiers sans en éprouver une forte congestion. Dans lous ces cas, les tissus exposés à la chaleur ont acquis une force d’innervation vasculaire très considérable, et la preuve qu'il en est ainsi, c’est que dans les cas où le calorique n’agit pas sur ces tissus, la contraction des vaisseaux est trop forte et la cireula- tion diminue. Le teint des hommes qui exercent ce genre de profession est pâle quand ils ne sont pas soumis à la chaleur. Ce quise passe dans ces cas à été remarqué et habilement ap- pliqué à la thérapeutique. M. Trousseau conseille, dans certaines rougeurs de la face si rebelles à tout traitement, de faire des em- brocations très chaudes sur les parties trop colorées, dans le but d'obtenir la pâleur qui arrive consécutivement quand on a cessé l'emploi de ce moyen. — La même idée préside à sa méthode de traitement des hémorrhagies par les muqueuses ; il n'emploie pas les lotions froides, qui ne sont qu'un palliatif momentané, souvent suivi de recrudescence de l’hémorrhagie, mais il conseille les in- jections d’eau aussi chaude que possible. Ce moyen, qui au pre- nier instant exaspère le mal, est suivi d’une réaction salutaire des vaisseaux qui se contractent et cessent de donner du sang. DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE. 75 C. Influence de l'électricité sur la contraction des vaisseaux. Les effets de l’électricité sont moins fréquemment observés que ceux des causes si communes que nous venons de mentionner; mais comme nous avons eu maintes fois l’occasion de les constater dans les hôpilaux sur des malades qu'on faradisait pour des af- fections diverses, nous allons donner les faits que nous avons vus. Le premier effet de l'électricité à dose modérée appliquée avec des houppes métalliques est une contraction des vaisseaux de la peau. Au point excité, les tissus pâlissent , en même temps que les bulbes pileux donnent la saillie connue sous le nom de chair de poule. — L'effet d’un courant plus fort ou de l'application plus longtemps continuée d’un courant modéré est d'épuiser la contractilité vasculaire. Les téguments rougissent alors et devien- nent chauds; on voit que dans ces cas les choses se passent de là même manière que pour les excitants ci-dessus indiqués. — Chez des malades qui se plaignent la nuit du froid dans les mem- bres, nous avons pu, en électrisant un côté du corps, leur procurer la sensation de chaleur de ce côté, tandis que l’autre continuait à leur sembler froid. Nous ne savons si celle sensation était pure- ment subjective, ou s'il y avait élévation réelle de température constatable au thermomètre. Les expériences nous manquent jus- qu'à présent sur ces points aussi bien que pour savoir si les effets de l’électricilé sont soumis à la loi de l’accoutumance; ce qui, par induction, est au moins très probable. Influence des agents chimiques. A ces études sur les modificateurs directs de la contractilité des vaisseaux, nous devrions ajouter celles qui ont été faites avec les agents chimiques. D’importants travaux sur ce point sont dus à Thomson, Wharton John, etc.; mais le mode d'application de ces substances nous semble malheureusement devoir altérer les résultats : les dénudations des tissus indispensables dans la plupart de ces expériences, la complexité d'action de plusieurs des sub- slances employées empêchent d’avoir des résultats bien nets. — 76 J. MAREY. Toutelois, un fait important ressort des recherches faites sur ce sujet : c’est que, dans la plupart des cas, le premier effet de lap- plication de ces agents sur les vaisseaux, est la contraction; le second, qui n'arrive qu'après un contact trop prolongé ou par suite de l’emploi de solutions trop concentrées, est la dilatation. — Les cas de dilatation d'emblée sont-ils dus à ce que l’action de la substance était beaucoup trop énergique, ou bien sont-ils d’un autre ordre? C’est ce qu'il nous semble encore impossible de décider. Enfin, il est des cas où la contraction des artères varie sous d'autres influences agissant à distance par action réflexe, et des cas où elle dépend directement des centres nerveux. — Il semble qu’alors il y ait tout de suite interruption de l'inervation vasculaire, car la dilatation des vaisseaux semble le seul effet produit. Mais cet ordre de phénomènes qui s’observe dans les sécrétions, les colorations de la face par suite d'émotion, est encore plus obseur et moins étudié que les précédents. Applications des études sur la contractilité des vaisseaux à la pathologie des fièvres et de l’inflammation. Si l’on a saisi le but des recherches expérimentales qui précè- dent, on doit voir que notre intention est d'appliquer aux con- gestions et à l’inflammation ces études physiologiques, et de cher- cher à saisir la nature de ces phénomènes pathologiques. Nous séparons avec intention la congestion de l'inflammation, imitant en cela Kaltenbrünner qui admet, dans l’inflammation vraie, des phénomènes d’un autre ordre que ceux de simple hypérémie ; seulement nous considérons avec lui la congestion comme le dé- but nécessaire de l’inflammation, comme la première période si l'on veut, mais période à laquelle la maladie peut se borner. Ainsi, tout en disant que nous n'avons pas d'applications pathologiques à üirer des études ci-dessus pour l’inflammation confirmée, nous n’en attachons pas moins une grande importance au rôle de la congestion, puisque, si l’on pouvait à volonté maitriser la période congeslive, on éviterait à coup sûr toutes les lésions de lissus qui DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE. #1 surviennent dans la seconde, pour laquelle nos recherches ne peu- vent jusqu'ici fournir aucune indication thérapeutique. De tout ce que nous avons dit de la contractilité des vaisseaux, il ressort que : 1° Lorsque les vaisseaux se contractent trop, les tissus pâlis- sent, s’affaissent, se refroidissent et que leur circulation est ra- lentie. 2 Lorsque les vaisseaux se contractent trop peu, ils se laissent dilater par l'action du cœur, les tissus rougissent, se gonflent et leur circulation est accélérée. — Or, ce dernier phénomène n’est autre que la congestion (A), la même qui précède l'inflammation, et dont nous voulons démontrer la nature atonique ou passive, tandis que la véritable activité consiste dans la contraction des vaisseaux amenant la pâleur, le froid, et en général l’algidité. — En proclamant ce fait: la congestion est loujours passive, nous croyons devoir donner une réfutation des objections les plus spé- cieuses qui aient été faites à l’opinion que nous soutenons. Sans faire un historique complet des idées émises sur l’inflam- mation, il est bon de suivre la succession des théories sur sa na- ture intime, et sur le rôle des petits vaisseaux dans sa production. Dezeimeris (2) nous fait assister à cette curieuse évolution, dans laquelle on est frappé de voir l’immense influence de l'autorité des anciens sur les idées de ceux qui les ont suivis. Des principales théories émises sur la nature de l'inflammation. princip Les premières théories émises sur l’inflammation sont bien an- térieures à Ja découverte de la circulation; aussi ne devons-nous pas nous élonner si, à une époque où l’on ne connaissait pas cette force du cœur par laquelle le sang est lancé dans les vaisseaux qu'il distend, on n’a pas songé que la congestion inflammatoire (4) Il est important de distinguer la congestion par dilatation des vaisseaux (congestion atonique) de celle qui arrive par obstacle au retour du sang veineux: la première s'accompagne de chaleur, la seconde de froid; la première offre une rougeur rutilante, la seconde une teinte bleue. Nous ne parlons ici que de la première espèce. (2) Arch. gén. de méd., 1829, t, XX, p. 168. 78 J. MAREY. püt dépendre d’une cause aussi éloignée du point enflammé Aussi cherchait-on la cause de la congestion dans une force du üssu lui-même; et Van Helmont, qui bien que contemporain d'Harvey, écrivait à une époque où sa doctrine était encore peu répandue, admettait des mouvements Loniques des capillaires pour pousser le sang. Stahl suivit cette idée, et Boerhaave, renouve- lant leur théorie, attribua l’inflammation à une augmentation du mouvement vital qui pousse le sang dans les lymphatiques. — C'était donner une cause active à la congestion, et longtemps en- core son opinion fut admise, puisque nous la voyons partagée sans grandes modifications par Haller, Cullen, Vicq d’Azyr, ete. Cependant le microscope éfail intervenu, et il avait montré la dilatation des capillaires dans la congestion. Cette dilatation et le gonflement des parties malades s’accordaient peu avec la théorie des mouvements toniques, et l’on fut bien forcé d'admettre la dila- lation vasculaire et d'en chercher la cause. — Hunter, Bichat Thomasini, John Burns, admeitent cette dilatation, mais ils se réservent de l’attribuer à une activité locale. Pour eux, le sang est appelé, mais n’est pas reçu passivement. -- Telle est cette se- conde doctrine de l'activité de l’inflammation, qui n'a trouvé d’adversaire que dans des temps très modernes, et qui règne en- core aujourd'hui dans la science, chez nous du moins (nous don- nerous plus fard les raisons sur lesquelles elle est basée, et nous en examinerons la valeur). Un pas de plus se fit bientôt pour s'éloigner de l’idée d'activité inflammatoire : Winter, Schumlansky, Callisen, admirent la dila- tation active de Hunter, ajoutant qu’elle est suivie d’un relâche- ment qui fait céder les vaisseaux à l’afflux du sang (c’est ce que Dezeimeris appelle l'opinion mixte). Vacca formule mieux l’idée de la passivité : il pense que l’in- flammation produit toujours une débilité absolue ou relative. (Remarquons toutefois qu'il y a loin de à à cette idée que l'in- flammation naît de la débilité.) Viennent les expérimentateurs. Wilson Philip constate une dilatation des capillaires et l'at- tribue à leur faiblesse. C'est une première concession faite à la DE LA CONTRAOTMILITÉ VASCULAIRE. 79 doctrine de la passivité; mais il remarque aussi l'exagération des battements des artères afférentes, et voit dans ce fait un surcroît d'activité de leur part (comme si les artères avaient en elles la force d'expansion diastolique qui produit le phénomène du pouls). Il considère cet excès de force des artères comme destiné à com- penser la faiblesse des capillaires, ce qui lui fait conclure que cette faiblesse et la dilatation qui en résulte font obstacle au cours du sang. — On voit qu'en somme, celle théorie découle tout entière de l'idée qu’un effort est nécessaire de la part des vaisseaux pour la progression du sang à leur intérieur, et la vieille doctrine vient encore imposer ses erreurs à ceux même qui cherchent à s’éclairer directement par des faits. Thomson essaya l’action de nombreux agents sur la contrac- tilité des vaisseaux ; il vit que les uns l’augmentfaient et que les autres la diminuaient; mais depuis qu'il a été observé que les agents de toute sorte font contracter les vaisseaux à faible dose, et les paralysent si l'impression est trop forte, on doit se défier de l’action spécifique des diverses substances dont le mode d’appliea- tion doit avoir à lui seul une influence perturbatrice sur les résul- tas obtenus. — Thomson admet encore que dans les cas de dila- tation des vaisseaux, le cours du sang est retardé et qu'il est accé- léré dans le cas de contraction. Il ajoute qu'une loi hydraulique très simple rend compte de ce fait. (Nous avons indiqué au com- mencement de ce Mémoire, page 60, comment il fallait entendre ce fait d'hydraulique pour ne pas en tirer des conclusions erro= nées en physiologie et en pathologie.) Hastings tira de ses expériences les remarques suivantes : A. Au début d'une excitation, il y a resserrement des petits vaisseaux, à l'intérieur desquels le cours du sang est activé. (Nous avons vu comment il faut comprendre cette apparence d'accélération, coïncidant avec un ralentissement réel par rapport à la quantité de sang qui passe.) B. Sous l'influence de l'excitation prolongée, la contractilité s'épuise, les vaisseaux se dilatent, et le cours du sang se ralentit. «Voilà bien l’idée de li passivité formulée ; quant au ralentisse- ment du sang dans le cas de dilatation des VaisSeaUX, nous appli- 4 XT 80 J. MAREY. quons encore ici la éritique que nous avons faite plus haut; du reste, l’auteur ajoute lui-même que sur la patte d’une grenouille, la dilatation par la chaleur fut accompagnée d'accélération du cours du sang.) C. Si le stimulus est très irritant, la débilité arrive souvent comme premier phénomène. D. Dans les cas où des vaisseaux ont été dilatés, un autre sti- mulant peut leur rendre la contractilité. (Les autres remarques de Hastings n'ont plus la même importance pour notre sujet.) Paget (1) donne le résultat d'expériences faites par lui sur les ailes des chauves-souris; il a vu dans ces cas : 1° Que les vaisseaux sur lesquels on frotte une aiguille se con- tractent sous cette influence et se dilatent ensuile (l'auteur ne tranche pas la question de savoir si cette dilatation est active ou passive); puis ils deviennent réfractaires à de nouvelles excita- tions traumatiques. 2% Que lorsque les vaisseaux sont ainsi dilatés, un nouvel agent peut les faire contracter de nouveau. 9° La contraction des vaisseaux s'accompagne toujours de ra- lentissement du cours du sang. Au contraire, dans la dilatation, le cours du sang devient plus rapide. bk° Sous l’influence d’autres agents excitants localisés (teinture de capsieum) , il y à une dilatation qui semble primitive; cette dilatation s’irradie à tout un espace intermétacarpien, et quelque- fois passe aux espaces voisins. 5° L’auleur considère cet état de dilatation vasculaire comme intermédiaire à l’état de santé et à la maladie (inflammation); l'arrêt dans le cours du sang est la transition. Dans la cautéri- sation avec une aiguille rougie, il y a d’abord contraction des vaisseaux, puis dilatation; le point le plus lésé est ensuite le siége d’une stase sans que le sang se coagule. Les idées sur l’inflammation renfermées dans ces dernières lignes sont à peu près celles qu’on trouve dans Kaltenbrünner, à part la coagulation que celui-ci admet pour expliquer les stases. (1) London Medical Gazette, 1850, t. XLVI, p. 965. DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE. Loi Comme les travaux de Paget, publiés en 1850, sont considérés par la plupart de ceux qui ont étudié le sujet depuis eette époque, comme le dernier mot de la science sur la nature des symptômes initiaux de l'inflammation, nous arrêlons ici l'exposé des doctrines sur celte affection. — Nous allons reprendre en quelques mots la vieille discussion sur l’activité et la passivité de l'inflammation, et nous allons voir si la doctrine de l'activité qui a triomphé jadis, et qui est aujourd’hui classique, peut encore tenir devant les expé- riences physiologiques modernes. Palmer, dans ses notes sur J. Hunter (1), indique les considé- rations sur lesquelles cet auteur se basait pour conclure à l'activité inflammatoire. Huuler considère linflammatios comme une eæa- gération des forces naturelles et une accélération circulatoire, — Remarquons que le mot force, employé par Hunter, est une de ces créations de l'esprit, comme on en trouve dans la physiologie toutes les fois qu’elle cherche à se payer de mots, n'osant faire l'aveu de l'impuissance des connaissances actuelles pour expliquer un fait. Outre que cette force n'explique rien, elle ne peut se définir. Où la fera-t-on résider, si lon veut la localiser dans la parlie enflammée? Si on la place dans les vaisseaux, ce sera une force de dilatation! Non-seulement cette force ne saurait se comprendre et serait sans analogue dans l'économie, mais elle est inutile, et quand la diminution de la contraction nous suffit pour expliquer la dilatation des vaisseaux, pourquoi inventer autre chos? ? À Si la force huntérienne réside dans le sang, elle ne peut être que l'impulsion cardiaque, alors elle n’a plus rien de local, et le tissu enflammé ne peut avoir en lui-même que faiblesse ou passivité. — Il doit sembler étrange que la doctrine de l’activité inflammatoire ait été défendue par le grand chirurgien anglais, qui avait prouvé, contrairement aux idées admises avant lui, que l'inflammation n'est point un travail réparateur, mais seulement un accident dans la cicatrisation des plaies. La réunion par première intention est (1) 3. Hunter, Traité du sang et de l'inflammation. 4° série, Zoo. T. IX. (Cahier n° 2.) * 6 82 , J. MAREY. un travail tout spécial pour J. Hunter, et l'inflammation ne fait que l’entraver. S nous prenons une à une les propositions sur lesquelles Hunter s'appuie pour baser sa doctrine de l’inflammation active (4), nous voyons qu'elles ne peuvent plus soutenir un examen sérieux. Dans les premiers arguments, l’auteur dit sous différentes formes, que l’augmentation de la quantité de sang qui cireule dans une partie ne peut tenir qu'à une activité de cette parlie (nous avons dit comment el pourquoi il nous semble impossible qu'une activité locale appelle plus de sang dans les tissus). Plus loin, Hunter donne la raison suivante : L'inflammation est produite par les excitants qui aclivent la circulation ; elle est gué- rie par les débilitants. — 1 y à à un cercle vicieux manifeste ; ‘ar, pour nous, les excilants de Hunter vont devenir des débili- tants, et réciproquement; ses débilitants ne sontautre que lesexci- tants de la contractilité vasculaire. L'auteur se départit ensuite de ses propres opinions sur lin- flammation, et l’appelle un travail réparateur. H termine par cet argument, qu'on regrelle de trouver dans son livre, qui est un chef-d'œuvre : « Les fonctions de la partie enflammée étant quel- » quefois supprimées, prouvent que toute l’activité se concentre » vers le travail réparateur. » Nous espérons que l’idée du trans port d’une force imaginaire, d’une fonction physiologique à an état pathologique, n’a plus besoin d’être combattue de nos jours, et que les plus fervents défenseurs de l'activité récuseraient cet argument. Théorie de la passivité des congestions (2). — Applications à la physiologie et à la pathologie. Si l’on reconnait que la doctrine ancienne est inacceptable aujourd’hui, il faut tenter de lui en substituer une autre qui, basée sur des faits d'expérience, soit aussi simple et aussi satisfaisante que possible. (1) Notes de Palmer, loc. cit. (2) Il reste convenu que nous ne nous occupons que de la congestion, avec augmentation de la circulation et de la chaleur. DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE. > D'abord les congeslions n'étant que des modifications dans l’état circulatoire, nous devons les pouvoir expliquer par des mo- difications des forces préexistantes dans le système circulatoire. La contractilité suflit à elle toute seule pour remplacer les dif- férentes forces admises autrefois; en effet, quand elle agit au cœur, elle produit la tension sanguine, cause de ia dilatation pour les vaisseaux, et quand elle s'exerce dans les vaisseaux, elle lutte contre la tension elle-même, et en tempère les effets. — L'aug- mentalion ou la diminution de la contractilité dans l’un ou l’autre de ces deux siéges suffit pour expliquer tous les états circulatoires possibles. Cette suppression de forces vitales inutiles n’est pas seulement une simplification pour l'étude, c’est un progrès vers la vérité, en vertu de ce grand principe de logique scientifique, qu'il ne faut pas multiplier sans nécessité les élres de raison. Voyons comment les phénomènes pathologiques se produisent au moyen de celte fonetion unique, Avant lout, nous rappellerons que tout état circulatoire anormal généralisé dans toute l'économie peut, si on le considère comme une rupture de l'équilibre entre la contraction du cœur et celle des vaisseaux, dépendre du cœur ou d’un trouble général de l'innervation vasculaire. Mais dans le cas où le trouble circulatoire est localisé, il doit tenir le plus sou- vent (1) à un changement dans l’innervation locale, c’est-à-dire dans celle des vaisseaux dilatés ou resserrés. Nous ne nous occuperons jici que des troubles de la contrac- tion qui apparbent aux vaisseaux, Ces iroubles ne sont pas tou- jours limités dans leur siége, la contractilité pouvant changer dans tous les vaisseaux du corps. L'atonie générale des vaisseaux constitue la fièvre (2). La con- traction générale produit le froid et la pâleur, c’est-à-dire lal- gidilé. (4) Nous avons indiqué, p. 66, des perturbations locales de ia areulatior dépendant du cœur. (2) Nous démontrerons ailleurs que dans la fièvre, la dilatation des vaisseau est le phénomène principal, la fréquence du pouls n'étant que secondaire. 8 J. MAREY. Preuves de la passivité des congestions morbides. A. Preuves tirées de l'ordre de succession de l'algidité et de la chaleur dans les maladies. Toutes les fois que ces deux sortes de phénomènes se succèdent dans une maladie, ils se trouvent dans l’ordre où nous les avons vus dans les expériences physiologiques ci-dessus : c’est-à-dire contraction vasculaire d'abord, puis dilatation, absolument comme si la dilatation vasculaire résultait de l'épuisement de la contrac- tilité quand celle-ci s’est trop exercée. Exemples : 1° Dans le choléra, la première période est algide, la seconde fébrile avec chaleur {c’est cette seconde période qu’on appelle période de réaction, et qui, pour nous, sera produite par l'épuisement de la contractilité des vaisseaux). 2° Dans la syncope, la première période, algide, est suivie d’un état ébrile, en vertu de la même loi. 3° Dans les inflammations localisées, Hartings dit avoir vu, comme premier symptôme, le refroidissement et la pâleur des par- lies, la période de chaleur locale n’arrivant qu'ensuite. le Dans les fièvres intermittentes, dont le stade de froid passe pour n'être qu'une sensation subjective, il est à remarquer qu'il précède toujours le stade de chaleur. Cet ordre de succession estune des lois immuables de la patho- logie ; du reste, elle se comprend très bien dans la théorie que nous soutenons. Le contraire serait aussi inadmissible que si l'on voulait que la fatigue püt quelquefois précéder l'exercice musculaire. B. Preuves de la passivité dans les cas où la dilatation des vaisseaux est primitive. Ilest des cas où un état fébrile avec chaleur se développe comme premier phénomène; alors, d’après notre théorie, il faut que la débilité de l’innervation vasculaire existe pour amener la fièvre. Bien des circonstances amènent cette débiité, et à sa suite l’état fébrile : ainsi les fatigues de toute nature, les efforts musculaires DE LA CONTRACTILITÉ VASCULAIRE. 65 prolongés, les veilles, une émotion forte, une douleur vive, en un mot tout ce qu'on a appelé des pertes d'influx nerveux, est suivi de diminution de la contraetilité vasculaire, c’est-à-dire de fièvre avee chaleur. Une preuve que, dans les cas de fièvre, il y a débilité de l’innervation, c’est que, si l’on passe l’ongle sur les té- guments, comme pour produire les phénomènes de contractilité décrits page 68, comme effetsdu traumatisme, onoblient tout de suite une ligne rouge, sur laquelle M. Trousseau à attiré l’attention dans le cas de méningite. Cette ligne rouge, que le savant professeur appelle tache cérébrale, ne doit pas être attribuée exclusivement à la méningite ; elle doit être attribuée à l’état fébrile en général, et surlout chez les enfants. Nous avons suffisamment expliqué plus haut coniment ce phénomène doit constituer une excellente preuve de la débilité des vaisseaux. Dans les cas d’expérimentations physiologiques, où nous avons vu l'excès d'un excitant amener la congestion, i1n°y avait là d’autre différence, avec la congestion du début de l’inflammation, que celle qui tenait au degré d'intensité de la cause. Si l'excitation produite par le traumatisme, le froid, etc., eut amené un épuisement plus complet de l’innervation des vaisseaux, au lieu d’une congestion passagère, on en eüt eu une plus durable, ou même qui fut allée jusqu'à l'inflammation. Enfin, il est des cas où la congestion arrive de la méme manière qu'un mouvement réflexe, sous l'influence d’une excitation quelquefois très éloignée. Ainsi une névralgie spontanément survenue s'accompagne souvent de congestion au point douloureux. La circulation $’active dans une glande qui va sécréler, et cela sous l'influence d’excitations physiologiques, dont le siége est plus ou moins éloigné. Est-il besoin, pour expliquer ces faits, de créer une force de dilatation qui agissait d’une manière réflexe, tout à fait comme la contractilité musculaire sous l'influence des excilants ? Il est tout aussi facile de concevoir que l'excitation centripèle aille tarir dans les centres la force de contractilité vasculaire, et cela donnera 86 J. MAREY. une explication tout aussi naturelle des faits que je viens d’in- diquer. Des avantages de la doctrine de la passivité des inflammations. Les discussions qui précèdent ne sont pas une vaine querelle de mots; la doctrine de la passivité nous fait envisager les phéno- mènes de l’inflammation sous un point de vue tout nouveau, et nous donne la clef de bien des faits qui, dans la théorie de l’aeti- vilé, étaient inexplicables. Si nous admeltons que l’atonie du système vasculaire lui enlève la seule force vitale qui lui permette de régler la quantité de sang qui le traverse, et de s'opposer à une distension considérable par l'effet de la tension sanguine, nous devons conclure que la con- tractilité une fois détruite, les influences physiques vont régner en souveraines sur le cours du sang; alors les vaisseaux dilatés, en raison de la tension intérieure, céderont davantage, quand cette tension sera accrue par les influences de la pesanteur, ou quand elle ne sera plus contrebalancée par les pressions extérieures. Quoi de plus naturel, d’après cela, et de plus mécanique que l’action directrice que la déclivité exerce sur l’inflammation? On comprend l'effet analogue de la plus ou moins grande laxité des tissus, ete. ; toutes choses qui s’expliquaient très mal dans la singulière lutte admise entre la force inflammatoire et les forces physiques. En allant plus loin dans l'étude des phénomènes de l’inflamma- tion, nous voyons que la physiologie etait fort embarrassée pour expliquer uu autre fait, constant dans l'évolution de tousles phleg- mons : C’est leur tendance à s'ouvrir à l'extérieur en cheminant à travers les parties profondes. Lei, comme dans bien d’autres cas, la physiologie avait eréé une force imaginaire, analogue, disait-on, à celle qui oblige la plumule des végétaux à se diriger perpendi- culairement au sol. C'était bien là un aveu de l’insuffisance de l'activité inflammatoire pour expliquer le phénomène. Dans la doc- trine de la passivité, rien de plus simple, au contraire, que l’in- terprétalion de ce fait. La seule force qui reste dans une partie enflammée est celle par laquelle le sang est poussé et distend les vaisseaux, toutes les fois qu'il n’y a pas une résistance physique DE LA CONTRACGTILITÉ VASCULAIRE. 37 qui s'oppose à son afflux, Lorsque la contractilité est insuffisante pour lutter contre la tension, il reste encore d'autres influences pour la contrebalancer : ce sera entre autres la pression qu'exer- cent les parties environnantes. Or celte pression va toujours crois- sant de la périphérie au centre des organes. Dans un membre, par exemple, les parties sous-cutanées ne sont comprimées que par l’élasticité de la peau; plus profondément, les tissus sont soumis à la compression des couches aponévrotiques ; plus profondément encore, à ces deux causes de pression s’ajoutera celle qu'exeree le système musculaire ; de telle sorte que, lorsqu'un foyer phlegmo- neux occupe l'intérieur d’un membre, le point où la pression exté- rieure est le moins forte, celui par conséquent où la tension san- guine pourra le plus facilement dilater les vaisseaux, sera précisé- ment celui qui est le plus près de la surface cutanée. La même cause explique aussi comment des corps étrangers, des balles par exemple, cheminant dans nos lissus, ne produisent d'inflammations que lorsqu'elles arrivent vers la surface extérieure, c’est-à-dire au moment où la tension sanguine n’est plus contre- balancée par la pression de nombreuses couches superposées. L'étranglement inflammatoire trouve également une interpréta- tion facile avec la théorie que nous proposons. Le siége du plus grand obstacle au cours du sang étant dans les vaisseaux eapil- laires, comme nous l'avons dit (4), il s'ensuit que le sang des ar- tères acquiert une tension bien supérieure à celle du sang veineux ; aussi, quand la force contractile des vaisseaux enflammés aura disparu, les artères se dilateront avec une force d'expansion très considérable relativement à celle des veines ; alors, si les parties _enflammées sont confinées dans un espace limité par des plans résistants, l’ampliation des artères ne pourra avoir lieu sans com- pression des veines, qui cesseront d'être perméables. Le sang artc- riel se sera done fermé à lui-même la voie du relour, ce qui amène bientôt la mortification des tissus. In'est pas jusqu'à la tendance des congestions à la résolution qui ne s'explique dans cette théorie, car nous avons admis, comme (1) Mémoire sur l'influence de l’élasticité artérielle. 88 J. MAREY. caractère de la contractilité vasculaire, l’accoutumance aux excita- tions, qui fait qu'au bout d'un certain temps l’innervation des vais- seaux s'est acerue, et que les vaisseaux cessent de se dilater sous la même infinence, qui d’abord était trop forte pour eux. Nous terminons ici les conclusions pratiques de notre Mémoire ; dans d’autres articles, nous reviendrons sur chacun des points qu'il renferme, pour donner plus d'explications et lever les doutes qui pourraient rester sur les faits indiqués ici. Quant à la nature des effets secondaires de l'inflammation, nous ne l’abordons point aujourd’hui ; cette étude exige des recherches d’un autre ordre auxquelles nous espérons plus tard nous livrer, en suivant aulant que possible la marche expérimentale. RAPPORT SUR UN TRAVAIL DE M. HESSE, RELATIF AUX MÉTAMORPHOSES DES ANCÉES ET DES CALIGES, FAIT A L'ACADÉMIE DES SCIENCES, LE 28 JUIN 1858, Par M. MILNE EDWARDS. . Lorsque les naturalistes trouvent un animal qui, par son mode de conformation, diffère notablement de tous les animaux connus, et que les caractères qui lui sont propres paraissent être de même valeur que ceux à l’aide desquels on distingue entre elles des espèces voisines, ils ont tout lieu de penser que cet être appar- lient à une espèce nouvelle pour la science, et ils peuvent légitime- ment l'inscrire dans nos catalogues zoologiques sous un nom propre, soit comme membre d’un genre déjà admis, soit même comme représentant d'un genre nouveau, si les particularités or- ganiques qui s'y remarquent semblent être d’une importance considérable. Mais en procédant ainsi, on est parfois exposé à commettre des erreurs graves ; en effet, il arrive souvent qu'un animal en naissant n'a pas le mode de consltution qu'il aura à l'état parfait, et si l'analogie ne conduit pas à faire soupçonner l'existence des métamorphoses qu'il subit, on peut facilement méconnaitre l'identité spécifique de la larve et de l'adulte, et con- sidérer comme deux espèces des individus qui, en réalité, ne différent que par l’âge. Pour reconnaitre les erreurs de cette nature, il est nécessaire de suivre le développement de l'animal depuis sa sortie de l'œuf jusqu'au moment où il devient apte à se repro- duire, et quelquefois même d’être témoin de son mode de multi- plication; mais pour les espèces qui habitent les profondeurs de la mer, cette étude persévérante est en général fort difficile à faire, et n'a pu être tentée que dans un petit nombre de cas. Cependant, en suivant cette voie, on est déjà arrivé à des résultats importants, et c’est de la sorte que les progrès de la science, lout en amenant chaque jour l'inscription de noms nouveaux dans nos tableaux de classification, ont conduit à faire disparaître de ces listes plus d’une espèce indüment établie. 90 MILNE EDWARDS, — RAPPORT SUR UN TRAVAIL La classe des Crustacés a déjà donné lieu à plusieurs réformes de ce genre, et les erreurs dont on a fait ainsi justice ne pou- vaient guère s’éviter, à raison de la difficulté que la plupart des zoologistes devaient rencontrer quand ils essayaient de suivre le développement de ces animaux. En effet, lorsqu'un ancien membre de cette Académie, Bose, découvrit en haute mer le petit Crustacé dont il a formé le genre Zoé, rien ne pouvait lui faire deviner que les Crabes de nos côtes subissaient dans le jeune àge des méta- morphoses comparables à celles du Têtard qui se change en Gre- nouille, et que le petit animal tombé entre ses mains était la la larve d’un de ces grands Crustacés décapodes. Mais lorsque Thompson, naturaliste qui résidait sur la côte de l'Irlande, eut l’heureuse idée d'élever quelques-uns de ces jeunes animaux à l'état captif, ét que, dans cette vue, il fit éclore dans des vases remplis d’eau de mer les œufs pondus par des Crabes , il reconnut aussitôt que les Zoés de Bosc ne constituent pas une espèce dis- tincte, et ne sont autre chose que des larves de quelques-uns de nos Crustacés décapodes. Thompson a constaté ensuite que les Cirripèdes, au lieu d’être des Mollusques, comme l'avait pensé Cuvier, sont des Crustacés qui n'offrent rien d’anormal dans le jeune âge, mais qui deviennent presque méconnaissables par suite des métamorphoses qu'ils subissent. MM. Nordmann et Van Bene- den sont arrivés à des résultats analogues relativement aux Ler- nées et à quelques autres Crustacés parasites. Enfin tout dernière- ment, un des membres de cette commission, M. Coste, et M. Gerbe, son préparateur, en voyant éclore de jeunes Langoustes, ont reconnu que ces Crustacés sont également sujets à des métamor- phoses, et qu'à la sortie de l'œufils ne diffèrent pas des ani- maux décrits précédemment par Leach sous le nom générique de Phyllosomes (1). J’ajouterai que, bien probablement, les genres Mégalops, Alime et Érichthe de Leach (2), ainsi que le genre (1) Voyez Note sur la larve des Langoustes, par M. Coste (Comptes rendus des séances de l'Académie, 22 mars 1858, t. XLVI, p. 547). (2) Je suis porté à croire que les Alimes et les Erichthes sont des larves de Squilles ; cela expliquerait les variations que j'ai rencontrées dans l'état des bran- chies encore rudimentaires de ces petits Stomapodes. M. E. RELATIF AUX MÉTAMORPHOSES DES ANCÉES ET DES CALIGES. 91 désigné il y a trente ans par le rapporteur sous le nom de Cuma, ne se composent que de larves de divers Crustacés décapodes, dont les métamorphoses n’ont pas été constatées jusqu'ici. C’est un résultat analogue auquel M. Hesse, naturaliste à Brest, est arrivé en étudiant avec soin el persévérance certains petits Crustacés de l'ordre des Isopodes, découverts par Montagu vers le commencement du siècle actuel, et classés par Leach dans deux genres séparés, sous les noms de Pranizes et d'Ancées (1). Jus- qu'ici aucun zoologisle n'avait eu l'occasion d'étudier ces animaux à l'état vivant; on n’en avait recueilli qu'un petit nombre, et l’on ne connaissait même que très imparfaitement leur structure exté- rieure. M. Hesse à profité habilement des conditions favorables où il se trouve placé, pour combler en grande partie cette lacune dans l'histoire naturelle des Crustacés de nos côtes. Ayant trouvé sur les nageoires des Trigles et de quelques autres Poissons un certain nombre de Pranizes, il conserva ces pelits animaux à l’état vivant dans une quantité convenable d’eau de mer, et fut ainsi témoin des métamorphoses qu'ils subissent. Effectivement il les vit, après quelques jours de captivité, se transformer en Ancées. Enfin, dans une autre série d'expériences, M. Hesse a suivi le développement des œufs pondus par des Ancées, et en à vu éclore des Pranizes. Le fait de l'identité spécitique des Pranizes et des Ancées nous paraît donc parfaitement établi. Les Pranizes sont des Ancées à l'état de larves, tout comme le Tétard est le jeune de la Grenouille, el le Ver à soie le premier état du Bombyx du mürier. Or les Pra- nizes et les Ancées, quoique rangés dans une même famille naturelle par le rapporteur, ont des formes si différentes, que ce dernier avait cru devoir en former deux tribus distinctes. La découverte de M. Hesse change done complétement les idées généralement recues touchant ce point de l'histoire des Crustacés. On trouve également dans le Mémoire de M. Hesse d’autres observations intéressantes sur la physiologie des Ancées, et plus particulièrement sur les circonstances qui influent sur leur apti- tude à se métamorphoser et à se reproduire. L'auteur de ce travail (4) Pour les formes générales de ces petits Crustacés, on peut consulter les figures que j'en ai données dans l'Atlas de la grande édition du Règne animal de Cuvier (Crosracés, pl. 62, fig. # et 5). 92 MILNE EDWARRPS. — RAPPORT, ETC. intéressant à étudié aussi avec beaucoup de soin les caractères extérieurs de plusieurs espèces d’Ancées tant à l'état de larves qu'à l’état adulte. Son Mémoire est accompagné de nombreux dessins bien exécutés, et la publication en serait fort désirable. Dans un second Mémoire adressé à l’Académie le 31 mai der- nier, M. Hesse rend compte de ses observations sur le développe- ment et les métamorphoses de quelques autres Crustacés parasites appartenant à la famille des Caligiens et à celle des Lernées. Les ré- sultats auxquels il est arrivé s'accordent très bien avec ceux obte- nus précédemment par M. Nordmann et M. Van Beneden sur d’autres animaux du même groupe, el y ajoutent beaucoup. I à suivi plus loin qu'on ne l'avait fait jusqu'ici le développement des larves, et il est arrivé ainsi à la connaissance de plusieurs faits importants. Par exemple, il a constaté que, dans le jeune âge, ces petits animaux se fixent aux corps étrangers à l’aide d'un prolon- gement frontal filiforme, organe qui a beaucoup d’analogie avec le pédoncule des jeunes Anatifes, et cette ressemblance vient à l'appui du rapprochement que tous les entomologistes actuels ont été con- duits à admettre entre les Cirripèdes et les Entomostracés. Nous n’entrerons pas dans plus de détails relatifs aux recher- ches de M. Hesse, car les résultats que nous venons d'exposer brièvement nous paraissent devoir suffir pour caractériser le tra- vail soumis à notre examen, et pour en faire apprécier le mérite. Mais pour mieux constater toute l'importance que nous y attachons, nous demanderons à l’Académie de vouloir bien accorder à M. Hesse un témoignage éclatant d'estime en ordonnant l’impres- sion de son travail dans le Recueil des Mémoires des savants étran- gers. Comme la publication complète du travail de M. Hesse dans le Recueil de l Académie ne pourra avoir lieu qu'à une époque assez éloignée, nous croyons être agréable aux carcinologistes en joi- gnant au Rapport précédent quelques extraits des deux Mémoires de ce naturaliste R. MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES, Par M. E. HESSE. (Extrail. ) Placé à deux pas de la rade de Brest, l’une des plus belles du monde; exempte de l'agitation et des tempêtes de l'Océan, dont elle est séparée par un étroit passage; trop vaste pour être un lac salé , trop petite pour former une mer intérieure ; alimentée par de nombreux affluents qui, sans troubler la pureté remarquable de ses eaux, en modifient la salure et varient ses produclions, telles sont les conditions favorables dans lesquelles je me trouve pour donner suite aux observations que je poursuis depuis plu- sieurs années. Séduit par les avantages exceptionnels de cette position, et en- trainé par l'admiration qu'excite la contemplation d'objets aussi nombreux et aussi variés, j'ai essayé d'en retracer l’image par des dessins exécutés avec le plus de fidélité possible ; et j'ai cherché, à l’aide d'observations patientes et suivies avec soin, à compléter par des descriptions ce que n’avait pu rendre le pinceau. Ir, — Observations préliminaires relatives à la constatation de l'identité P des Pranizes et des Ancées. Le Mémoire que jai l'honneur de soumettre à l’Académie a pour objet de démontrer, ainsi que je le lui ai fait connaître par ma communication du 26 novembre 1855, que c’est à lort que, jus- qu'à ce jour, on a créé deux tribus pour les Crustacés désignés sous les noms de Pranizeset d'Ancées, les premières n’étant que des Ancées à l'état de larves; en d’autres termes, des Ancées qui n'ont pas encore subi leur dernière transformation. Voici dans quelles circonstances j'ai été à même de constater l'erreur que je signale : Le 29 août 4852, je recueillis sur un rigla hirundo une Pra- 9h E. MESSE. nize que, selon mon habitude, je m'empressai de peindre, afin d'en conserver les formes et la coloration exactes ; et forcé de m’absenter pour quelques jours de mon domicile, je la maintins dans de l’eau de mer, au lieu de la mettre dans de l'alcool, comme je le faisais toujours. Revenu chez moi, mon premier soin fut de visiter ma Pranize; mais quel ne fut pas mon étonnement, lorsque je la trouvai rem- placée par un Ancée! Je crus, au premier moment, m'être trompé; car, bien que je sache combien sont variables les formes que prennent les Crusta- cés dans leurs métamorphoses, j'avais peine à croire que les Pra- nizes, qui sont précisément très remarquables par la pelitesse de leur tête, pussent, par une transition aussi brusque qu'inat- tendue, se changer en Ancée, dont, par opposition, le caractère le plus saillant est d’avoir la tête démesurément grosse et d’un volume qui égale, s’il ne surpasse pas, celui du thorax tout entier. Cependant le fait que je venais d'observer était trop précis pour que le doute füt possible ; mon dessin, scrupuleusement exécuté, attestait qu'il ne pouvait y avoir d'erreur. D’un autre côté, le vase, dans lequel je n'avais placé qu’une Pranize, était parfaitement clos ; aucun autre Crustacé n'avait donc pu y pénétrer, el conséquém- ment aussi elle n'avait pu ni être remplacée, pi être dévorée par l'Ancée qui s’y était substitué. Néanmoins, comme ce fait extraordinaire méritait confirmation, je résolus de le vérifier avec le plus grand soin, et dans cette in- tention de conserver dorénavant loutes les Pranizes que je pourrais me procurer. J'eus bientôt à m’applaudir de cette précaution, car de nouveaux faits, qui se produisirent dans les circonstances suivantes, ne {ar- dèrent pas à confirmer la découverte que j'avais faite. Le 29 août 1852, je recueillis sur un Trigle Perlon (Trigla hirundo) une Pranize, qui se transforma en Ancée le 4°" septembre de la même année; je la conservai vivante jusqu'au 16 jan- vier 18535. Le 20 juillet 1853, je trouvai sur les nageoires d’une Plie ordi- MÉMOIRES SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. 95 naire (Platessa vulgaris) une Pranize qui se transforma en Ancée le 5 novembre suivant. Le 49 août 1855, je recueillis sur le corps d’un Grondin rouge (Trigla pini) trois Pranizes qui se transformèrent en Ancées le 4er septembre suivant, et me donnèrent deux mâles et une femelle. Le 21 septembre 1856, je pris sur un Trigle Perlon (Trigla hirundo) plusieurs Pranizes qui se transformèrent en Ancées le 8 octobre suivant. Le 40 juin 1857, j'ai trouvé sous les pierres, au bord de la mer, dans un endroit un peu vaseux, un grand nombre de Pranizes mêlées à des Ancées mâles et femelles. Toutes les Pranizes se chan- gèrent, au bout de quelques jours, en Ancées mâles et femelles, de sorte qu'ilne resta plus que des Ancées. Enfin, le 29 août 1857, j'ai trouvé dans la bouche d’une grosse Vieille (Labrus Bergylia) vingt et une Pranizes qui se sont transformées en Ancées mâles et femelles, à compter du 6 septembre suivant. Par suite de ce qui précède, je crois les faits suffisamment établis pour que l'on puisse en conclure qu'il y a lieu de ne conserver, pour désigner les Crustacés antérieurement décrits sous les noms de Pranizes et A’ Ancées, que cette dernière dénomination, d’au- tant que, dans cet état, ces Crustacés se multiplient; ce qui prouve qu'ils ont subi leur dernière transformation, attendu que les adultes jouissent seuls du privilége de reproduire leur espèce. $ II. — De certaines particularités concernant les Ancées. De tous les Crustacés qui peuplent nos côtes, il n’en est certai- nement pas qui soient plus dignes de fixer l'attention des nalura- listes que les Pranizes, ou mieux les Ancées, tant par l'éclat et la variété de leur coloration que par la légèreté et l'élégance de leur forme, et l'étrangeté de leur manière de vivre; pour le moment, Je me bornerai à ne parler quedes transformations qu'ils subissent depuis leur sortie de l'œuf jusqu'à l’état d’adulte. Lorsque l’on examine superfciellement ces Crustacés encore à l'état de Pranizes, on est frappé de la ressemblance qu'ils offrent avec des insectes de l’ordre des Coléoptères, et particulièrement du genre Carabe; mais celle analogie devient encore plus frap- 96 E. HESSE. pante quand, arrivés à l'état d’Ancées, ils ont subi leur dernière métamorphose; car alors le thorax, divisé en deux portions dis- tineles par un étranglement très prononcé, simule à la partie anté- rieure, une sorte de corselet ; des mandibules très développées en manière de pinces rappellent celles des Scarites et des Manticores, ou même des Lamellicornes ; enfin, chose extrêmement curieuse, ces appendices, si exubérants dans les mâles de ces insectes, comme dans les mâles de nos Crustacés, manquent aussi chez les femelles de ceux-ci, particularité qui n'est pas cependant aussi absolue chez les femelles de ces insectes, puisqu'elles ont des pinces comme les mâles; mais elles les ont comparativement très petites; enfin certaines parties du thorax offrent des apparences d’élytres comme dans les Méloés. Toutes ces ressemblances, je le sais, n’ont aucun caractère sé- rieux ; elles ne sont qu’un jeu de la nature, qui se plait souvent à produire des rapprochements inattendus et bizarres, auxquels on ne saurait attacher aucune importance, au point de vue surtout de l'organisation et de Ja classification : aussi ne les ai-je signalés qu'en raison de leur singularité, et sans y allacher d'autre intérêt que de faire remarquer ces curieuses particularités. Le nombre considérable de Pranizes que j'aeu à ma disposition m'a permis de faire une étude très approfondie de leurs mœurs, de leur organisation, et de les suivre dans toutes les phases de leurs transformalions ; je vais donc les décrire successivement dans toutes les modifications qu'elles subissent pour arriver à l’état complet d’Ancées. $ LIL. — Métamorphoses que subissent les Pranizes à leur sortie de l'œuf. A peine les femelles des Ancées sont-elles parvenues à leur dernière métamorphose, que déjà les œufs qu'elles portent se montrent nombreux et entassés dans une large poche mem- braneuse située en dessous du thorax dont ils occupent toute l'étendue. L'apparition immédiate des œufs, qui coïncide avec le change- ment des femelles en Ancées, présente celte circonstance digne de remarque, qu'il paraitrait que la fécondation aurait lieu lors— que les femelles sont encore à l’état de Pranizes, et que même PRE MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. 97 cette dernière transformation ne s’opérerait qu'après l’accomplis- sement de cet acte. Les œufs sont relativement volumineux; leur forme est sphé- rique; ils sont recouverts d'une peau transparente, légèrement rugueuse, qui laisse apercevoir un seul vitellus. La durée de l'in- eubation est de vingt à vingt-cinq jours et quelquefois moins, suivant la saison et le degré de la température. Dans la première phase, qui correspond aussi à la première période du développement de l'embryon, la masse de la matière contenue dans l'œuf s’est déjà profondément modifiée ; elle se pré- sente sous forme ovalaire, aplatie, offrant à l'extrémité supérieure du côté de la tête un épatement divisé en trois lobes, dont le mé- dian est destiné à former la partie frontale ; et les deux latéraux sont les vestiges des yeux où des antennes, où peut-être de l’un el de l’autre. Le centre du corps, qui est composé du blastoderme, renferme tous les éléments des organes principaux de la circulation, de la digestion et de la locomotion, qui doivent se développer succes- sivement. Enfin le prolongement postérieur est le rudiment de l'abdomen qui commence déjà à s’ébaucher. Ces diverses parties se perfectionnent et se complètent pendant la durée de l'incubätion, et les jeunes Ancées restent tout ce temps fortement cramponnés à leur mère, et protégés par des lames thoraciques qui les recouvrent jusqu’au moment où, élant assez forts pour chercher leur nourriture, ils l’abandonnent. A celte époque, les jeunes Ancées, comme tous les Crustacés naissants, ont la téle et les membres relativement très gros; celle-ci est triangulaire, et fixée par la base au cou, qui présente une articulation bien caractérisée; elle est bombée en dessus et aplatie en dessous; le rostre qui forme le sommet du triangle est recourbé en dessous. Ce rostre présente, Y compris un prolongement frontal triangu- laire qui consolide et recouvre tout l'appareil, quatre pièces doubles symétriques dont voici la description : 1° Deux grandes mandibules plates formant une pince denti- culée aux extrémités ; 4° série. ZooL. T. IX. (Cahier n° 2.) 5 4 98 E. WESSE. 2 Deux appendices styliformes, aussi denticulés au bout ; 50 Enfin deux pattes-mâchoires operculaires dont j'aurai occa- sion de parler plus tard. L'ensemble de cet appareil est, comme je l'ai déjà dit, incurvé, afin de donner au besoin la possibilité au Crustacé de S’accrocher et de se fixer le plus solidement possible sur l’objet sur lequel il a intérêt à se maintenir. Les antennes sont placées sur le front, de chaque côté du rostre. Les antennes internes se composent de quatre articles principaux et d’un filet terminal divisé en trois articles : les deux premiers sont plus petits, et les deux suivants plus grands; elles n’attei- gnent généralement que le troisième article des antennes externes. Celles-ci présentent quatre articles, dont le premier est le plus pelit et le quatrième le plus grand; il est suivi d’un filet terminal qui est partagé en sept articles. Les yeuæ, qui, dans les adultes, sont bien circonserits, petits, hémisphériques, rélieulés et placés à la base des antennes, offrent dans ces Crustacés naissants l'apparence d’une large tache diffuse, située sur le côté de la tête, à une certaine distance des antennes. Le thorax est cylindrique, d’une égale largeur dans toute son étendue, et il est divisé en cinq articles, non compris celui qui forme le cou. L'appareil digestif, qui est très volumineux, s'aperçoit facile- ment, à raison de la transparence de la peau; il en est de même du pylore, du foie; mais je n'ai pu suivre le tube intestinal dans son trajet vers son orifice inférieur, ni constater les effets de la cireu- lation qu'à la base de l'abdomen sur la ligne médiane où les pul- salions se faisaient sentir, J'ai aperçu aussi très distinctement les évolutions des globules du sang dans les fausses pattes bran- chiales : ces globules sont soumis à une impulsion régulière qui les pousse de droite à gauche. Les siæ palles ambulaloires sont fixées, les deux premières de chaque côté du cou, et les cinq autres au milieu de chaque anneau thoracique. Elles présentent chacune einq articles, dont le premier et le dernier sont les plus longs ; celui-ci est en outre terminé par une griffe qui est assez forte. MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. mu) Dans les jeunes Ancées sortant de l'œuf, les pattes qui sont fixées à l'articulation du cou ne présentent ni cinq articles, ni de griffe terminale; ce n’est que plus tard, et après les premières mues, qu'elles se complètent. L'abdomen présente également six articles, dont les cinq pre- miers sont d'égale dimension, et le sixième, qui est plus grand, est de forme triangulaire. Tous ces articles portent chacun une paire double de branchies ou de fausses pattes nataloires ciliées et lamelleuses, fixées sur un pédoncule, et offrant diverses formes suivant les espèces. Outre les fausses pattes que présente en dessous le sixième anneau, il offre de chaque côté, près de ses angles latéro-anté- rieurs, une fausse patte, dont l’article basilaire est très court, et dont les deux lames terminales sont élalées horizontalement en forme de nageoire caudale, et ayant l'extrémité plus petite et géné- ralement pointue, avec les bords ciliés comme les autres fausses palles. L'abdomen est dans les jeunes presque de la largeur du thorax, et ne présente de rétrécissement ni à la base, ni au sommet. $ IV. — Description des Pranizes jusqu'au moment de leur transformation en Ancées. Parvenues à l'état que je viens de décrire, les Pranizes ne subis- sent que peu de modifications relativement à leur forme ; les an- tennes, les pattes thoraciques et l'abdomen, ne varient presque pas; la tête seule et le thorax éprouvent quelques modifications que je vais signaler, el comme la tête de ces Crustacés n’a été jus- qu'à ce jour qu'imparfaitement décrite, je vais essayer d'en faire connaitre exactement les diverses parties. La tête des Pranizes est remarquablement petite : elle est dis- linele du corps, dont elle est séparée par une articulation qui sert de cou; sa forme est (rifngulaire : elle est globulense en dessus et aplatie en dessous, et incurvée au somme. Vue en dessus, elle parait divisée en trois parties, dont les sépa- rations sont nettement indiquées, à savoir : l'ertrémité du rostre, le rostre, et enfin la partie frontale. 100 E. HESSE. Le sommet du rostre est conique etacuminé; il est formé de deux mandibules pointues et dentelées en dedans, et incurvées. Le rostre, sur lequel il repose, s’élargit dans sa partie moyenne pour se rétrécir à l'endroit de sa jonction avee le front, dont il est séparé par une ligne transversale formant relief, qui touche par les extrémités à la base des antennes. Ce rostre est parcouru verticalement par des lignes profondes formant sillons, qui indiquent la réunion de cinq pièces soudées ensemble en faisceau, et donnant conséquemment une grande so- lidité à cette partie de la tête destinée à fouir et à perforer. Indépendamment de ces cinq pièces, il y en a deux autres laté- rales qui enserrent les autres, et sont soudées à celles-ci par la base, mais libres au sommet, qui est pointu et recourbé : c’est d’entre ces deux lames que sortent les stylets, denticulés au som- net, que l’on aperçoit de chaque côté de l'extrémité du rostre. Les antennes, dont nous avons fait la description, sont insérées à la base du rostre, dans une échancrure qui présente un prolonge- ment arrondi qui est le {ubercule auditif, remarquable en ce que la peau parcheminée qui le recouvre à son extrémité offre une sorte de grillage très serré, formé par des raies qui se croisent, et au travers desquelles pénètrent les sons. Les yeux sont gros et saillants, hémisphériques, et composés de facettes hexagonales. Ils sont placés obliquement de chaque côté de la tête, de ma- nière que leur angle antérieur est plus rapproché que le postérieur, suivant en cela la conformation de la tête, qui est plus large à sa base qu’à son sommet. Le cou présente trois plis. La téle vue en dessous offre également les trois divisions dont J'ai parlé; le sommet n’a rien de parliculier, mais c’est dans les deux autres parties que se trouve placé l’appareil buccal. On y aperçoit d'abord les pattes-mdchoires externes de la troi- sième paire, lesquelles se composent de la branche intérieure qui est lamelleuse, échancrée au sommet, et terminée par deux griffes, dont la supérieure est plus longue que l'intérieure. Cette patte-mâchoire n’a pas de palpe, et son bord externe MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. 101 parait attaché à la tête et former charnière, ainsi que cela à lieu également dans les Ancées, comme je le ferai connaitre plus tard. Les pattes-mächoires des deuxième et (roisième paires, qui sont recouvertes par celles que je viens de décrire, ne me sont pas connues ; les stylets denticulés qui sortent d’entre leurs lames remplissent probablement chez ces animaux les mêmes fonctions que les organes analogues qui avoisinent la bouche des Crustacés suceurs, et sont destinés à provoquer des blessures qui facilitent l'absorption du sang ou des fluides qui en tiennent lieu. La partie inférieure de la téte, qui est limitée antérieurement par les pattes-mâchoires externes, qui se terminent brusquement par une ligne transversale, présente dans son milieu une fente profonde qui complète la bouche, et forme, à son extrémité, une commissure destinée à faciliter l'introduction des fluides par la succion, et à admettre ou expulser l’eau, ou les autres objets qui, ayant été divisés par les mâchoires, ne doivent point être ingérés dans l'estomac. En dessous de la bouche, on aperçoit dans quelques individus un sac très saillant, bilobé, formant une sorte de poche ou de jabot, dont la destination ne m'est pas connue, mais qui cependant m'a paru contenir des aliments; la présence de cet organe est d'autant plus extraordinaire qu'il n'existe que rarement, et qu'il disparaît lorsque le Crustacé se transforme en Ancée. Le thoraæ, qui affecte généralement une forme ovoïde, est éga- lement bombé en dessus et en dessous, et est recouvert d’une peau parcheminée transparente, à travers laquelle on aperçoit le liquide qu'elle contient, et qui, dans la plupart des espèces, est si hyalin, que, si l’on provoque sur cette partie du corps l'incidence d'un rayon lumioeux, on donne lieu au phénomène de la réfraction. Il ne présente pas dans les Pranizes, comme dans les autres Crustacés, d’anneaux bien caractérisés, à l'exception toutefois du premier et du deuxième, et quelquefois du troisième, qui sont très distincts. Le troisième anneau est rarement entier ; il est souvent indique par deux portions latérales d'une substance qui n’est autre que 102 E. HESSE. cellé de la peau sur laquelle elles sont fixées, et paraissent être des rudiments de la carapace. A ces pièces latérales s’en joignent d’autres médianes qui ressemblent, comme je l'ai déjà dit, aux élytres des Méloés où des Hémiptères. Eafin on remarque que des pièces analogues sont également placées à la base des autres membres thoraciques, auxquels elles servent de point d'attache, et que, pour consolider l’ensemble, il arrive quelquefois qu'elles se trouvent reliées par une sorte de saillie formant une marge étroite autour de celle partie du corps. On aperçoit aussisur le milieu du thorax, en dessus et en des- sous, des lignes verticales et parallèles formant quatre divisions, dont les angles sont tronqués au point central où ils forment un petit losange: ces lignes indiquent probablement lendroit où la peau se sépare lorsque ces Crustacés subissent leur transfor- mation. Les pattes n’offrent aucune particularité qui puisse être notée, à l’exception toutefois des deux premières, qui sont fixées de chaque côté à la base de la tête, dont elles ne dépassent guère le sommet, et qui sont armées de fortes griffes, évidemment destinées à don- ner à ces Crustacés le moyen de s'attacher fortement aux objets sur lesquels ils désirent se fixer. Ces pattes, qui forment la première paire de pattes thoraciques, en portent le nombre à douze au lieu de dix, comme on l’a eru jusqu'à ce jour; et ce qu'il y a de curieux, c’est qu'elles manquent dans ces mêmes Crustacés lorsqu'ils ont atteint l’état d’Ancées. L'abdomen ne présente rien qui soit digne d’être noté. $ V. — Description d'Ancées mâles. Les métamorphoses que subissent d’une facon si complète toutes les parties du corps des Pranizes dans leur transformation en Ancées rencontrent cependant une exception constante en ce qui concerne les antennes, les pattes thoraciques, et enfin l’abdo- men; aussi me dispenserai-je de les décrire de nouveau. La téte des Ancées est au contraire celle où s’opèrent les chan- gements les plus extraordinaires, puisque, de très petite qu’elle 105 était, elle acquiert un volume qui égale au moins, s'il ne le sur- MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. passe pas, celui du thorax. Vue en dessus, la tête du mâle des Ancées est armée à son bord antérieur de deux grandes lames mobiles, qui sont générale- ment falciformes et dentelées sur leur bord interne, et relevées en dessus au sommet, comme les ciseaux recourbés dont se servent les chirurgiens, de telle sorte que la face concave se trouve en dessus, el celle qui est convexe en dessous. Ces appendices paraissent destinés à remplir des fonctions ana- logues à celles des mandibules des insectes, avec lesquelles elles ont d’ailleurs, comme je l'ai déjà dit, une ressemblance parfaite. La téle, qui est de forme quadrilatère, parait être divisée en quatre parties égales par des lignes déprimées qui se coupent à angles droits ; celle qui est verticale forme une gouthère profonde qui va en s'abaissant jusqu'au front, lequel est armé de trois dents, dont la médiane est généralement petite, aiguë. ou denticulée ; et les deux latérales sont tronquées au sommet, et sont placées à la base et en dedans des mandibules. Dans certaines espèces, la dent médiane est divisée au milieu, et les pointes en sont obtuses. Les yeux sont plus petits et beaucoup moins saillants que ceux des Pranizes; ils sont composés également de facettes hexago- nales, et sont placés à la base des antennes. La téte, vue en dessous, est occupée entièrement par l'appareil buccal, qui est totalement recouvert par les deux pattes-mâchoires de la première paire, qui sont lamelleuses, de forme triangulaire, légèrement convexes, denticulées et eiliées sur le bord externe, qui est arrondi , tandis qu’au contraire il est droit du côté externe qui lui sert de point d'attache. Ces deux lames, qui présentent une petite échancrure dans la- quelle s'insère un appendice terminal, palpiforme, ovale et cilié, s'ouvrent à deux battants, comme celles de l'abdomen des Idotées qui renferment leur appareil respiratoire , avec cette différence toutefois qu'elles ne viennent pas battre l'une contre l'autre, et ne se rejoignent pas hermétiquement, mais qu'au contraire elles se superposent dans le milieu, en laissant un intervalle assez grand à la base et au sommet. 104 £, HESSE. Ces deux battants tournent sur un axe ou sur une sorte de char- nière très apparente qui constitue deux saillies bifurquées au bord frontal, et descendent obliquement du sommet à la base de la tête, où elles s’arrondissent, et présentent aussi une légère dentelure. Les pattes-mâchoires de la seconde paire sont composées de trois ou quatre articles plats, arrondis ou squameux, qui diminuent de grandeur en allant de la base au sommet; elles sont dépourvues de palpe et de fouet, et varient selon les espèces. Lorsque les lames operculaires de la première paire des pattes mâchoires sont entre-bâillées, et que les trois lames membra- neuses dont je vais parler sont abaissées, on aperçoit au fond de la bouche une sorte d'appareil dont je n’ai pu me rendre exactement compte; il y a d'abord à Ja partie la plus élevée sur la ligne mé- diane, un orifice rond qui peut être un suçoir, puis en dessous une sorte d'ouverture en croissant, puis un autre orifice rond aecom- pagné de petites mâchoires aiguës, et enfin une ouverture verticale entourée de rebords formant une sorte de lèvre. Ces parties de la bouche sont extrêmement difficiles à aperce- voir; car lorsque ces Crustacés sont morts, l’opacité des téguments empêche de les distinguer au travers, et lorsqu'ils sont vivants, l'agitation continuelle des lames ciliées et l’occlusion des fausses pattes operculaires les dérobent complétement à la vue. Enfin, pour compléter la description de toutes ces parties de la tête, il ne me reste plus qu'à parler des trois appendices lamelleux ciliés qui sont fixés à la base de l'appareil buccal, dont les deux externes sont arrondis, et celui du milieu, qui est le plus grand, et qui re- couvre les deux autres, a une forme triangulaire. Ces trois lames, qui ont des rapports avec les paltes-mächoires lamelleuses des Æpicarides, ont pour fonctions d'apporter à la bouche, avec l'eau qu’elles mettent en mouvement par leur agitation continuelle de bas en haut (1), les petits objets qui peuvent servir de nourriture à ces Crustacés, et qui s’introduisent par l'intervalle (1) M. Audouin, dans une note mise à un extrait des Recherches failes sur les Crustacés, par M. Westwood, constate aussi ce fait (Ann. des sc. nut., série 1r,t. XX, p. 327). ] | [] MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. 105 qui existe à la base des deux pattes-mâchoires de la première paire. C’est un bien curieux spectacle de voir le jeu de ces pièces lamel- leuses qui fonctionnent régulièrement à la manière de l'appareil branchüal, et font tellement illusion, que l’on croirait, au premier aperçu, que l’on a sous les yeux l'abdomen, au lieu de la tête du Crustacé. Avant de terminer la description de la tête, je dois appeler l'attention sur une sorte de cupule qui se trouve placée en des sous, à la base des mandibules. Cette petite cavité, qui est formée par des bords relevés et denticulés, n’a pas de destination que je connaisse. Dans les Ancées, la tête ne se trouve pas, comme dans les Pra- nizes, séparée du thorax par un anneau intermédiaire et plus étroit, formantun cou; il n’y a pas conséquemment attachées à celte partie du corps les deux pattes plus courtes que les autres, et armées de fortes griffes, qui existent dans ces premiers Crustacés, et, par suite, ces derniers n’ont que dix pattes thoraciques au lieu d’en avoir douze, fait extrémement curieux. Les deux premiers anneaux du thorax semblent intimement re- liés et soudés à la tête, qu'ils emboïtent hermétiquement et dont ils ont la largeur, de sorte qu'ils en forment une partie intégrale. Le cou, ou l'étranglement qui sépare ces deux anneaux des autres, vient ensuile, et cette deuxième partie du thorax est généralement plus étroite que la tête et que les deux anneaux qui lui sont adjoints. Les articulations dont elle se compose, à l'exception des deux premiers anneaux, sont peu distinctes ; elles sont au nom- bre de trois, el ne sont guère indiquées que par des plaques erustacées qui servent de point d'attache aux pattes, et y garan- tissent le corps dans les endroits les plus saillants et les plus vul- nérables. Vue en dessous, cette partie du thorax qui suit l’étranglement dont j'ai parlé semble ne former qu’une masse sans aucune divi- sion apparente. L'organe de la génération est placé à l'extrémité du thorax, au- dessus de l'abdomen; il est très remarquable dans le mâle, en ce 106 E. HESSE. qu'il se compose d'un pénis très long, récurvé, et laissant aperce- voir un canal qui le parcourt dans toute sa longueur. Ce pénisest situé sur la ligne médiane du thorax; il a pour base les premières fausses pattes branchiales, et est en outre protégé en dessus par une sorte de cupule formée par un pli de la peau de cette partie du corps. Celte cupule parait destinée à recevoir les lames des fausses pattes branchiales lorsqu'elles sont relevées sur le thorax, de sorte que, par cette combinaison, les organes de la génération se trou- vent parfaitement protégés et à l'abri de tout choc. Je n’ai constaté cette conformation exceptionnelle que dans une espèce ; dans les autres, ces organes ne m'ont pas paru aussi apparents, où du moins ils n’ont pas attiré mon altention: il est vrai de dire que c'était au moment de l’accouplement, et que cette circonstance devait naturellement avoir agi sur le développement de cette partie du corps. $ VI. — Description des Ancées femelles. Les femelles des Ancées, qui jusqu'à ce jour n’ont pas été dé- crites, s'éloignent d’une manière si sensible des formes du mâle, qu'il serait impossible, si l’on n'avait pas, comme cela m'est arrivé, pu suivre toutes leurs transformations, de croire qu'elles appartiennent à la même espèce. En elfet, la téte des femelles, au lieu d’être d’une grosseur con- sidérable comme dans les mâles, est au contraire très pelile, et elle est en outre dépourvue de ces deux grandes lames mobiles qui constituent des mandibules si remarquables; enfin le horaæ, au lieu d’être cylindrique et allongé, séparé en deux portions par un étranglement, et formé d'anneaux plus où moins distincts, est ovale, aplati sur les bords, tuméfié au milieu, et en quelque sorte déformé par la quantité considérable d'œufs qui le remplit. Comme dans le mâle, les antennes, les pattes, ainsi que l'ab- domen, n'offrent aueune particularité digne de remarque; ils n'éprouvent aucune modification dans les diverses transforma- tions que subissent ces Crustacés. La téte, vue en dessus, est globuleuse au centre, aplatie sur les MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. 107 bords, large à la base, tronquée au sommet; elle est profondément enchâssée entre les deux prolongements du premier anneau tho- racique, el immédiatement appuyée sur cetle partie du corps, sans qu'aucune articulation intermédiaire simule un cou; des décou- pures sur les bords du thorax et des plis plus ou moins marqués, généralement au nombre de trois, indiquent plutôt qu'ils ne sé- parent cette partie du corps en trois anneaux qui paraissent soudés ensemble. Enfin on aperçoit, au-dessous de la quatrième paire de pattes thoraciques , une ligne plus ou moins apparente, qui dénote la présence d’une autre articulation, ce qui par conséquent porte- rait à cinq le nombre de ces anneaux, nombre qui est aussi celui des pattes. Tout autour du thorax règne une très large marge qui sert de point d'attache aux pattes, et encadre le milieu du corps qui, comme je l'ai dit, est extrêmement bombé dans le milieu. Les yeux sont relativement assez gros, et placés à la naissance des antennes. La tête, vue en dessous, présente d’abord deux pattes-mâchoires de la première paire, lesquelles prennent naissance au-dessous des yeux, et sont composées de quatre articles très larges et d'égale longueur, mais allant en diminuant de la base au sommet. Le der- nier article, qui est arrondi au bout, n’est pas terminé par une griffe, mais seulement par des poils. Ces deux pattes, qui se réunis- sent sur la ligne médiane de la tête, s'appliquent lune contre Pautre, et s'élèvent verticalement jusqu'à son sommet, qu'elles dépassent légèrement. En dessous de ces pattes, on aperçoit la deuxième paire de patles-mâchoires formées également de quatre articles, dont le dernier est le plus étroit ; ces pattes, qui sont, comme les autres, dans une position verticale, closent l’orifice buccal, et comme elles sont presque toujours rapprochées l’une de l’autre, elles m'ont empêché d'étendre mes investigations au delà. La tête, dans la transformation des femelles en Ancées, est la dernière partie qui subisse celte métamorphose; j'en ai vu dont tout le corps était déjà modifié, que la tête était encore celle des Pranizes. Le dessous du thorax est remarquable, en ce qu'il est recou- 108 E. HESSE. vert, dans toute son étendue, par de larges lames ovalaires qui partent dubord externe pour venirse rejoindre sur la ligne médiane, et former une grande poche ineubatoire, dans laquelle les œufs, et plus lard les petits, sont contenus jusqu’au moment de leur dissé- mination, ainsi que cela a lieu dans plusieurs Crustacés parasites, etnotamment dans les Cymothoadiens. S VII. — Des mœurs et des habitudes des Ancées, Ainsi que je lai déjà dit, la fécondation des Ancées femelles s’accomplit lorsqu'elles sont encore à l’état de Pranizes; aussitôt que cet acte est terminé, la transformation en Ancées a lieu, et en même temps apparaissent les œufs. Et comme cela se remarque pour beaucoup d’autres Crustacés, les jeunes Ancées ne quittent pas immédiatement leur mère: ils se fixent sur son thorax, afin d'y terminer leur incubation, et de se préparer à prendre leur essor; peut-être aussi, et ceci parait probable, attendent-ils que la mère les transporte avec elle dans les lieux où ils seront plus à même de pourvoir à leur alimentation; toutefois ils ne restent pas longtemps dans celte position, car, au bout de quelques jours, on les voit se disperser en tous sens, et nager avec une grande vé- locité. Après la ponte, les femelles restent pour ainsi dire compléte- ment vidées et réduites à leur involucre tégumentaire, à travers lequel cependant, en y regardant avec attention, on aperçoit l'appareil digestif qui contient encore quelques aliments. Mais, dans cet état, elles paraissent dépourvues de toute vitalité ; leurs mouvements sont extrêmement lents; enfin elles semblent avoir accompli leur tâche, et même avoir atteint le terme de leur existence : aussi celles que j'ai observées n’ont-elles pas tardé à succomber, et je doute que, placées dans un milieu plus conve- nable, et où elles seraient à même de se procurer les aliments né- cessaires, elles puissent reprendre assez de force pour redevenir encore aptes aux fonctions de la génération (4). Cette supposition, qui n’est du reste appuyée que sur des faits (1) J'ai gardé cependant cinq ou six mois dans cet état des femelles vivantes. En MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. 109 naturellement subordonnés aux circonstances dans lesquelles ils ont été observés, présenterait, si elle était exacte, une différence bien grande entre la durée de l'existence des mâles et celle des femelles ; puisque j'ai conservé un de ceux-ci vivant deux ans, et encore était-il placé dans des conditions tout à fait défavorables, et qui ont dû nécessairement influer d’une manière très notable sur la durée de sa vie. La reproduction des Ancées parait avoir lieu toute l’année, sans qu'il y ait une grande interruption, puisque l’on rencontre tou- jours les jeunes, d’un âge plus ou moins avancé, mêlés aux adultes. Ils vivent en famille, et soit qu'on les trouve sur les Poissons ou sur le rivage, ils sont généralement réunis en assez grand nombre. Cependant je crois que le moment de fécondation à lieu en septembre, octobre et novembre; et, chose bien extraordinaire, c’est que je neles ai jamais recueillis qu’à l’étatde Pranizes sur les Poissons ; et j'ai remarqué que, peu de jours après, ils se trans- formaient en Ancées, tandis que ceux que je me suis procurés à terre, et qui étaient mêlés à des Ancées, se métamorphosaient difficilement, et quelquefois même ne se changeaient pas du tout : ce qui me conduisait à conclure que ce séjour sur les Poissons est indispensable pour qu'ils parviennent à ce dernier état d'adultes. J'examinerai, du reste, plus tard cette question. Les Pranizes qui vivent sur les Poissons s’y trouvent souvent mêlées à d’autres parasites, els que des Caliges ou des Chondra- canthes; et à l'exception d'une seule espèce que j'ai trouvée dans la bouche d'un Crabe , toutes les autres étaient sur la tête, le corps ou les nageoires des Poissons, et jamais sur les branchies, bien que ce soil peut-être, comme cela a lieu pour beaucoup d’autres Crustacés suçeurs, le seul endroit qui leur convient pour prendre leur nourriture, et être en même temps à l'abri des dangers aux- quels elles sont exposées. Dès que le Poisson sur lequel elles se trouvent est pris, elles sont dans une grande agitation, et il faut apporter beaucoup de précautions pour les saisir, car elles se cachent dans les rayons des nageoires et les plis de la peau; elles se laissent tomber, et se dé- robent avec agilité, de sorte qu'il est très facile de les perdre. 110 E. HESSE. Les Pranizes que j'ai trouvées sur les Squales, qui ont, commé on le sait, le corps tellement couvert de petites écailles serrées, qu'il en estcomme cuirassé, ne pouvant probablement entamer un épiderme aussi coriace, se tenaient près de la bouche et des bran- chies de ces Poissons, bien que je ne les y aie jamais rencontrées; mais je dois dire aussi que je ne m'en suis pas suffisamment assuré pour pouvoir l'affirmer (4). Ilest à remarquer que ces Crustacés ne se fixent pas sur les Poissons qui nagent avec rapidité; ils choisissent de préférence ceux dont les allures sont lentes et les habitudes sédentaires, et qui se tiennent généralement sur les fonds sans s’écarter beaucoup de ces localités : de ce nombre sont les Trigles, les Pleuronectes, les Squales, et enfin les Labres. C'est principalement dans les mois de juillet, août, septembre et octobre, qu'on les rencontre sur les Poissons; j'engage donc les personnes qui voudraient vérifier mes observations à choisir ces époques, et à effectuer leurs recherches au moment même où ces Poissons sortent de l’eau, car quelques minutes après elles risque- raient de ne rien trouver. Les Pranizes et les Ancées que j'ai recueillis sur le rivage se sachent habituellement sous les plantes marines, et particulière - ment sur les Solenia qui croissent contre les parois des quais dans les ports de mer; où bien ils se réfugient dans les interstices de la maconnerie ou sous les pierres, qui sont légèrement recouvertes d'un enduil vaseux. A l'état de Pranizes, ces Crustacés ne paraissent pas redouter beaucoup la chaleur, ni la lumière, ni même trop souffrir de lab- sence de l'élément dans lequel ils sont destinés à vivre; car je (1) Les Pranizes ne sont pas les seuls Crustacés qui vivent sur les Squales, on y trouve en abondance des Pandarus vulgaris; il est vrai que ceux-ci ont une trompe très mince et très forte qui pénètre la peau en passant entre les écailles. J'ai également remarqué que ces Crustacés se tenaient plus particuliè- rement lixés sur les parties sexuelles de ces Poissons, où la peau est presque nue et bien moins épaisse. Je dois constater aussi que je ne connais pas l'Ancée produit par les Pranizes que j'ai recueillies sur les Squales, et qui probable- ment doit être une autre espèce MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. 111 les ai trouvés, cachés il est vrai, sous des fucus humides, mais exposés à l'action d'un soleil ardent, et qui me semblait suffisant pour les faire périr ; ils attendaient ainsi le retour de la marée, qui pouvait, eu égard à la hauteur où ils se trouvaient sur le rivage, se faire attendre trois à quatre heures. ILest, en outre, à remarquer qu'à l’état de Pranizes, ces Crus- tacés sont infiniment agiles, et courent el nagent avec la plus grande facihté; il faut même veiller avec le plus grand soin, si l’on veul les conserver dans des vases, car ces vases fussent-ils de verre, les Pranizes trouvent le moyen de monter contre leurs parois et de s'échapper. La natation s'opère à l’aide des fausses pattes lamelleuses de l'abdomen ; elle est rapide, et pendant qu’elle s'exécute, le Crus- tacé se tient horizontalement, les pattes élendues, comme s'il marchait, et faisant de nombreux cireuits, comme le font les Ca- liges, lorsqu'ils veulent saisir les Poissons au passage. A l'état d’Ancées, ces Crustacés sont tout différents ; ils sont loin d'avoir la même agilité ; ils paraissent redouter beaucoup l'éclat de la lumière, et cherchent loujours à se cacher ; ils nagent et marchent peu, et avec difficulté; enfin tout dénote en eux des habitudes sédentaires, qui forment un contraste frappant avec celles de leur première manière de vivre. Ces Crustacés vivent-ils alors constamment à terre, retirés dans des galeries ou de petits terriers qu'ils se sont creusés à la manière des Scarites dont ils ont l'apparence, et n’en sortent-ils que pour chercher leur nourriture ou vaquer à leur reproduction ? C’est ce que j'examinerai plus tard. Les Ancées que j'ai rencontrés à terre étaient cachés assez profondément sous les pierres, mêlés à des femelles et à des Pranizes de différents âges. Il me parait, du reste, bien difficile, à raison de leur conformation délicate et de leur corps, qui n'est qu'imparfaitement garanti par des rudiments de carapace, qu'ils puissent continuer à vivre sur les Poissons ; car, dans ce cas, à quoi serviraient aux mâles leurs formidables man- dibules. I est, en outre, bon de remarquer que les premières pates (horaciques, qui sont armées d’un ongle fort et erochu, et qui se trouvent de chaque côté de la tête des Pranizes et leur 112 E, UESSE. donnent le moyen de se fixer solidement sur les Poissons, dispa- raissent dansleur transformation en Ancées ; que, de plus, l'appa- reil buccal est devenu lamelleux et bordé de cils, constituant une sorte de système propre à saisir au passage les Infusoires les Mol- lusques et les petits Crustacés, comme le font d’autres espèces ravisseuses ; qu'enfin leurs mandibules, qui sont concaves en dessus et relevées par les bouts, et pouvant se croiser l’une sur l’autre à la manière de ciseaux courbes, paraissent avoir une destination spéciale qui peut être merveilleusement uti- lisée comme arme offensive et défensive. Si done, comme cela parait probable, ces Crustacés se retirent dans des trous, où leur corps se trouve à l’abri des chocs, ils ont la facilité, en laissant sortir leurs redoutables mandibules , de se défendre contre toute agression du dehors, et de saisir au passage les objets qui leur servent de nourriture (1). J'ai, du reste, pu apprécier l'usage qu'ils en font, car j'ai vu souvent, parmi ceux que j'avais renfermés dans le même vase, des individus privés de certaines portions de leurs membres qui avaient été coupées net comme avec un instru- ment tranchant, et j'ai la certitude que ces amputations étaient dues à l’emploi de ces mandibules. Enfin, comme loute chose a son importance lorsqu'elle peut conduire à la découverte de la vérité, il n'est pas sans intérêt de constater les modifications remarquables que subissent les yeux des Pranizes dans leur transformation en Ancées. Au lieu de rester gros et saillants, d'être placés obliquement des deux côtés de la tête, de manière à embrasser un angle considérable, et de voir en dessus et en dessous, en même temps que de côté, l'œil, dans les Ancées, devient au contraire extrêmement petit, et est enfoncé à la base des mandibules, de manière à ne pouvoir apercevoir les (4) M. Deshayes a trouvé, dans la rade de Bone, des Ancées mâles qui vivaient dans des trous pratiqués par des Tarets, dans des büches qui avaient séjourné longtemps en mer. J'ai remarqué aussi que des Ancées auxquels j'avais donné des morceaux d'Alcyons et des polypiers pour voir s'ils s'en nourrissaient, s'étaient logés dans ces substances. Enfin, M. Risso dit que ces Crustacés se tiennent constamment dans les régions coralligènes, où ils se cachent dans les interstices des madrépores, qu'ils parcourent avec vélocité. MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. 113 objets que de côté seulement. Cette modification me semble signi- ficative; et comme il n’y a pas d'effets sans cause, ce changement me parait approprié à une autre manière de vivre de ces Crustacés, qui serait celle que j'ai indiquée. $ VIII. — De la nourriture des Ancées. De quoi vivent les Pranizes ? Quelle est la nourriture des An- cées? Sont-ils sanguivores ou phytophages? Se nourrissent-ils alternativement ou indifféremment de substances animales ou vé- gétales, ou exclusivement des unes ou des autres ? Enfin l’alimen- tation des Pranizes est-elle la même que celle des Ancées ? Telles sont les questions qu'il importe de résoudre, et dont la solution donnerait peut-être aussi l'explication des habitudes extraordinaires de ces Crustacés. Commençons d’abord par les Ancées à l’état de Pranizes. J'ai déjà fait connaitre que les Pranizes vivaient à terre dès la sortie de l'œuf, et qu'on les trouvaient cachées ou sous les pierres, ou sous les fucus qui garnissent les parois des quais baignés par la mer ; j'ai cherché avec soin dans ces localités ce qui pouvait servir à leur nourriture, et je n’y ai rencontré que des objets que les égouts de la ville, les apports de la marée, fixent contre ces fueus : des débris de substances animales ou végétales, de très petits in- sectes du genre des Acarus, des Cæcules, de petits Crustacés, des Mollusques et des œufs de l’un et de l’autre. Mais dans toutes ces substances y en a-t-il qui leur servent de nourriture ? Dans le but de m'en assurer, j'ai essayé de leur donner les objets que j'ai rencontrés dansles endroits où jeles avais recueillies; mais je n’ai pas {ardé à m'apercevoir que je n'avais trouvé seule- ment, pour quelques-unes, que le moyen de prolonger pendant un certain temps leur existence, sans réussir à obtenir leur transfor- mation, En effet, toutes celles que j'ai obtenues d’éclosion, et j'en ai eu des quantités considérables, sont mortes un mois, un mois et demi après leur naissance ; les autres que j'ai trouvées à la côte, avant le mois de juillet, août et septembre, ont vécu beaucoup plus longtemps, et j'en ai encore que je conserve depuis un an, sans que j'aie pu obtenir leur transformation, bien qu’elles soient par- 4" série. Zoo T. IX. (Cahier n° 2.) # 8 MA E. MESSE. venues à tout leur accroissement, tandis que toutes celles que j'ai recueillies sur les Poissons se sont transformées en Ancées peu de jours après leur capture. A quoi peut-on attribuer cette singulière exception? Est-ce au manque de nourriture convenable ou à l'influence de la captivité ? ou bien encore ne serait-ce pas l'effet du hasard qui, en ne réunissant que des femelles, lesquelles ne se transforment qu'après leur fécondation, se trouvent dans l'impossibilité de subir cette dernière métamorphose, faute d’avoir pu recevoir le contact du mâle ? D’après ce qui précède, on serait porté à penser qu’une nourri- ture animalisée est indispensable à la transformation des Pranizes, et que c’est par ce motif qu'on les trouve, pendant une certaine partie de leur existence, fixées sur les Poissons; j'ai d’ailleurs remarqué qu'elles donnaient la préférence à ceux qui, par leur nature, sont très visqueux, tels que les Plies, les Trigles et les Labres (les Squales seuls font exception à cette généralité), et il est à croire qu’elles absorbent ce mucilage ; en outre, il est facile de constater l'existence du sang dans leur estomac : et d’ailleurs comment expliquerait-on leur présence sur les Poissons sans ce motif ? lei vient naturellement se placer la question de savoir si ces Crustacés peuvent être rangés parmi les Suceurs, et si la confor- mation de leur bouche peut se prêter à ces fonctions. Voici les observations que j'ai été à même de faire, et qui ne me semblent laisser aucun doute à cet égard, J'ai remarqué que des Pranizes renfermées dans un vase dont J'agitais fortement l’eau s’appliquaient très hermétiquement, afin de ne pas être entrainées, sur un morceau de zoslère, sans que ce- pendant elles se servissent de leurs pattes thoraciques. Lesayantexaminées à l’aide d’une forte loupe et ayant retourné avec précaution la plante sur laquelle elles étaient fixées, et qui est, comme on le sait, rubanée et très mince, il me fut facile d’aperce- voir, au travers de son tissu, que les Pranizes avaient la bouche collée sur cette plante, etqu’elle formait un disque qui exerçait une assez forte succion pour qu'elles y fussent fixées solidement. Or MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. 115 ce qu'elles pratiquaient sur cette plante, elles peuvent le faire éga- lement sur les Poissons ; et pour cela voici comme elles opèrent. Après s'être fortement cramponnées au Poisson à l’aide des deux paltes thoraciques qui sont des deux côtés de la tête, et aussi avec l'extrémité oncineuse du rostre, elles ouvrent, comme une porte à deux battants, les deux fausses pattes-mâchoires operculaires qui recouvrent la bouche; elles appliquent hermétiquement la tête à Ja partie sur laquelle elles agissent ; ensuite, à l’aide d'orifices cireu- laires dont j'ai parlé, elles exécutent une forte aspiration, et, au moyen d'appareils masticateurs intimes, elles incisent la peau, et pompent les fluides qui sont nécessaires à leur alimentation. Examinons maintenant si les observations que j'ai faites sur les Pranizes peuvent s'appliquer à ces Crustacés lorsqu'ils sont trans- formés en Ancées. Je commence d’abord par rappeler que je n’ai jamais rencon= tré d’Ancées sur les Poissons; mais que ceux que j'ai oble- nus de Pranizes avaient tous cette origine, à une seule exception près. Je dirai ensuite que les modifications survenues dans l’appa- reil buccal et dans les autres parties du corps, ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, excluaient toute probabilité à cet égard, et que les Pranizes que je conservais un certain temps finissaient par périr, tandis qu'un Ancée, auquel je n'ai donné pour toute nourri- ture que des œufs de Doris et un fragment de Spongodium dicho- tomum à vécu deux ans, se nourrissant probablement de débris de ces subtances, d’Infusoires, de petits Mollusques et de petits Crustacés que pouvait contenir l’eau de mer, que je renouvelais de temps en temps dans le vase où je le tenais renfermé; circon- slances qui tendraient à prouver que, si les Ancées se nourrissent du sang des Poissons, comme les Pranizes, celte alimentation ne leur est pas du moins indispensable comme à celles-ci. $ IX. — Classification des Ancées, La place qu'il convient d'assigner aux Ancées dans la classi- fication des Crustacés a été pour les carcinologistes l’objet de nombreuses hésitations, qui s'expliquent non-seulement par Ja connaissance imparfaite que l’on avait de leur organisation, mais 116 E. HESSE, encore par la difficulté que présentent des caractères qui ne sont pas assez tranchés pour donner lieu à des rapprochements qui soient suffisamment justifiés : ainsi on les a d’abord placés dans l’ordre des Amphipodes, pour les mettre ensuite dans les Zsopodes na- geurs. Je vais examiner si on leur a accordé la place qui leur convient. Un caractère qui frappe le plus dans les Ancées, et qui est, sans contredit, d'une grande importance, c’est l'appareil respiratoire, qui, dans ces Crustacés, est composé d’appendices lamelleux érès visibles, etnon renfermés, comme chez les Sphéroniens, dans une fosse subabdominale , par de larges plaques basilaires qui les recouvrent entièrement; une différence aussi tranchée dans l’organisation de ces Crustacés doit à elle seule, ce me semble, exclure un rapprochement qui ne parait pas possible, et qui, du reste, n’est nullement justifié par la conformation des autres organes. En effet, les Ancées, du moins dans les mâles, outre les man- dibules très grandes et très saillantes qui les distinguent suffisam— ment de tous les autres Crustacés, ont la tête démesurément grosse, tandis que les Sphéroniens l'ont comparativement très pelite ; les antennes sont courtes et grosses à la base, dans les Sphéroniens ; dans les Ancées, elles sont assez longues, grêles, et d’une grosseur à peu près uniforme dans toute leur étendue; l'appareil buccal, dans les uns et les autres, offre des différences notables, qui indi- quent suffisamment qu'il n’est pas destiné aux mêmes fonctions. Dansles Sphéroniens, le thorax, qui estcomposé de sept anneaux très distincts, dont le premier est le plus grand, n’en contient, au contraire, dans les Ancées, que cinq, dont les premiers, qui sont les plus petits, sont seuls assez distincts. Enfin les Sphéroniens ont sept paires de pattes thoraciques, tandis que les Ancées n’en ont que cinq el siæ, lorsqu'ils sont à l'état de Pranizes ; de plus, dans ces derniers, l'abdomen, qui est éroit et composé de six articles parfaitement mobiles et séparés, ne présente chez les Sphéroniens que deux ou trois articles mobiles, mais presque toujours soudés ensemble, de manière à ne former qu'une seule pièce qui est à peu près de la même largeur que le thorax, dont il n’est pour ainsi MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. 117 dire que la continuation, et qui va en diminuant graduellement jusqu’au dernier segment, qui est grand et scutiforme. On remarque, en outre, que, dans ces Crustacés, le corps en- tier est recouvert d’une carapace solide, dont les anneaux, entière- ment libres entre eux, permettent à l'animal de se contracter et de se mettre en boule, de manière que les deux extrémités du corps se rejoignent , tandis que les Ancées n'’offrent rien de sem- blable ; le corps n’est recouvert que d’une peau molle et parche- minée, qui n’est protégée qu'à certains endroits, aux points qui servent d'attache aux pattes thoraciques, que de portions de cara- pace, qui sont insuffisantes pour le garantir d’un choc ou d’un contact, ne füt-il même pas très violent. Enfin une différence non moins notable existe aussi dans la manière dont les femelles de ces deux espèces de Crustacés portent leurs œufs. Chez les Sphéroniens, ils sont contenus dans l’intérieur même du corps, en dedans de la carapace ; tandis que chez les Ancées, ils sont placés à l'extérieur du corps, en dehors de la carapace, sous les lames membraneuses, qui naissent en dessous et en dedans des pattes thoraciques, et forment, en s’imbriquant entre elles, une grande poche incubatoire. Il est, en outre, à remarquer que les femelles des Ancées ont, bien que l’analogie ne soit pas complète, quelque ressemblance, pour la forme, avec les femelles des Ourozeulites. Ainsi, comme dans ces Crustacés, le corps est large, aplati et ovalaire; la tête est très petite, presque globulense, et profondément enfoncée entre deux prolongements du premier anneau thoracique; enfin les anneaux, bien que distincts, il est vrai, sont soudés ensemble ; et peut-être, si l’on connaissait le mâle de cette espèce, y aurait- il également lieu de constater d’autres rapprochements entre ces deux espèces. Toutefois, en attendant qu'une nouvelle découverte vienne com- bler la lacune qui existe actuellement entre ces espèces, je crois indispensable de retirer les Ancées de la section des Zsopodes na- geurs dans laquelle ils ont été placés, pour en faire une section à part, qui serait intercalée entre les Cymothoadiens parasites, avec lesquels ils ont beaucoup plus de rapports de conformation et 418 E, NESSE. de manière de vivre qu'avec les Sphéroniens et les Zsopodes séden- laires où Épicarides (1), qui, comme eux, sont des Crustacés suçeurs. Telles sont les remarques qu’il m'a été donné de faire sur ces intéressants Crustacés. Je vais actuellement décrire successive- ment les espèces que j'ai découvertes : il va sans dire qu'il ne sau- rait plus être question des Pranizes ; aussi me dispenserai-je de décrire celles que j'ai figurées, mais dont je ne ‘connais pas le der- nier état de transformation; je ne parlerai non plus que, pour mémoire, des Ancées dont je ne connais que les femelles. J'ai éprouvé de très grandes difficultés à constater si, parmi les espèces que je déeris, il y en a qui le soient déjà : je lesuppose; mais cependant, comme je n'ai pu m'en assurer d'une manière certaine, j'ai mieux aimé, dans la crainte de commettre des erreurs, leur donner des noms qui leur seront enlevés, s'ils n’ont pas le droit de priorité. Ces difficultés proviennent de ce que, dans l'excellent et classique ouvrage de M. Milne Edwards, l'Histoire naturelle des Crustacés, la figure qu'il contient est tellement réduite, et la description des espèces qu'il mentionne est si succincte, que je n'ai pu établir leur identité avec celles dont je parle. De même pour celles qui sont décrites dans le Voyage d'exploration scientifique en Algérie, le manque de planches a l'inconvénient de ne pas ajouter au texte un complément devenu aujourd’hui indispensable pour l'étude de l’histoire naturelle. Cette observation s'applique également à la description faite par M. Risso de son Anceus ra- pazæ. Enfin, par un motif inverse, mais qui a aussi son mauvais côté, les planches du Y’oyage scientifique en Scandinavie, en Laponie et aux îles F'eroë, publiées sans description, avec des des- sins seulement, qui laissent du reste un peu à désirer, relative- ment à la représentation des parties anatomiques de l’Anceus elongatus qu'il figure, rendent la détermination de cette espèce assez incertaine pour que je n’aie pu reconnaitre si elle pouvaitou non appartenir à celles que je publie, (1) J'ai déjà constaté un rapprochement avec ces Épicarides en signalant les fonctions de trois lames foliacées et ciliées situées à la base de l'appareil buccal des Ancées mâles. MÉMOIRE SUR LES PRANIZES ET LES ANCÉES. 119 Les Ancées que je décris sont au nombre de siæ, sans compter deux femelles, dont les mâles me sont inconnus. Je les ai séparés en quatre catégories, à raison de la conformation particulière de leurs mandibules, qui offrent des caractères assez distincts pour que l’on puisse s’en servir pour créer ces divisions. En conséquence, j'ai établi les divisions suivantes : $ 1. — Mandibules en forme de tenailles, denticulées seulement à leur extré- mité : AnCEUS FORMICA. à $ 2. — Mandibules en forme de hache, bord internesans dentelures: Axceus ASCIAFERUS. à à airs $ 3, — Mandibules falciformes à bord interne uni, mais offrant des impres- sions de dentelures ; bord externe avec un contre-fort formant bourrelet : . AXCEUS FALCARIUS ; ANCEUS MANTICORUS. x $ 4. — Mandibules falciformes, à bord interne denticulé, sans contre-fort " saillant au bord externe : ANCEUS SCARITES; ANCEUS VERRUCOSUS. PTT 2 % MÉMOIRE SUR LES MOYENS A L'AIDE DESQUELS CERTAINS CRUSTACÉS PARASITES ASSURENT LA CONSERVATION DE LEUR ESPÈCE, Par M. E. HESSE. (Extrait.) Tous les carcinologistes savent que beaucoup de ces singuliers animaux, qui sont doués, à la sortie de l’œuf, d'appareils assez puissants de locomotion, en sont au contraire très insuffisamment pourvus lorsqu'ils ont atteint l’état adulte ; que plusieurs même en sont complétement démunis ; que, de plus, il y en a auxquels les organes de la vision ont été refusés : aux mâles chez les uns, aux femelles chez les autres; de sorte que ces êtres déshérités deviennent forcément stationnaires, et sont obligés de suivre la destinée des Poissons aux dépens desquels ils vivent. Dans cette situation périlleuse pour l’espèce, on conçoit que, si la prévoyance qui préside à la conservation de tout ce qui existe n'était pas venue au secours de ces Crustacés disgraciés, ils ne tarderaient pas à disparaître, ou du moins une famille entière pé- rirait avec le Poisson qui lui servait de proie en même temps que d'asile ; il y a donc un grand intérêt à empêcher ce résultat. Je vais examiner si les faits que j’ai constatés peuvent autoriser à penser qu'ils sont destinés à prévenir cette destruction. Ainsi il n’est pas rare de rencontrer des femelles de Trébies, de Caliges, de Pandares ou de Chondracanthes, auxquelles sont fixés par un cordon, que je ne saurais appeler ombilical, mais que ce- pendant je nommerai, par analogie, cordon frontal, des jeunes Crustacés de leur espèce. Ce lien qui unit l'embryon à sa mère ne remplit pas ici des fonctions analogues à celles du cordon ombilical dans les animaux DÉVELOPPEMENT DE DIVERS CRUSTACÉS PARASITES. 121 des classes supérieures, il est destiné seulement à les réunir l’un et l’autre. Fixé par une de ses extrémités à la partie antérieure du bord frontal du jeune Crustacé, il va se souder par l’autre bout au corps de la mère, à l’aide d’un épatement circulaire en forme de thalle ; et il est assez long et assez flexible pour laisser au jeune Crustacé une action indépendante de celle de sa mère sans gêner ses mouvements, et pour lui permettre de s'appliquer sur le Pois- son sur lequel ils vivent en commun. C’est un spectacle qui surprend et intéresse à la fois que de voir ces embryons, ceux surtout qui sont attachés aux Trébies et aux Caliges, qui nagent avec assez de rapidité, suivre à la re- morque, comme un petit bateau amarré à un grand navire, les évolutions de leur mère, ou encore comme un Poisson attaché à une ligne qui le retient captif, céder à la traction qu’elle exerce sur lui. Dans quel but cette curieuse réunion a-t-elle lieu? Est-il pos- sible d'admettre que ce soit l'effet du hasard, lorsque des faits analogues se présentent assez souvent, et ont été constatés chez plusieurs espèces de ces Crustacés? Peut-on penser que ce soit dans l'intérêt de l'alimentation de l'embryon par la mère, lorsque le lien n’établit entre eux aucune relation interne, et qu'ils pourvoient chacun directement, et pour leur propre compte, à leur nourriture ? Je ne le crois pas; il faut donc penser qu'il existe un autre motif. Admettons, car je suis forcé pour le moment d'établir une hypothèse, que ce jeune Crustacé soit un mâle, et que la femelle, en saisissant un moment favorable, passe, en l’entrainant avec elle, du Poisson, sur lequel ils vivaient ensemble, sur un autre, On aperçoit tout de suite les conséquences de cette transmigration, qui, réunissant tous les éléments nécessaires à la reproduction, permet à cette femelle et au mâle qui l’accompagne d'aller fonder ailleurs une autre colonie. Cette supposition ne me paraît pas dé- pourvue de vraisemblance; car, de deux choses l’une, ou le hasard préside à celte réunion du jeune Crustacé à sa mère, ou il y est étranger. Dans la première hypothèse, comme il faut de toute nécessité 122 E. HESSE. que cet embryon soit ou mâle, ou femelle, il est évident qu'il peut quelquefois être un mâle, et alors les choses se passent comme je l'ai dit. Si, au contraire, c'est une femelle, il est certain que les conditions dont je viens de parler n'existent plus; mais cette mi- gration a encore un but très utile, puisqu'elle transporte d'un Poisson à an autre un jeune Crustacé qui n'aurait peut-être pu le faire de lui-même et par ses propres moyens, et qu'elle contribue ainsi à la dissémination, qui est une chose des plus essentielles dans l'intérêt de la conservation de l'espèce : rien ne s'oppose, du reste, à ce que ces femelles rencontrent des mâles dans cette nou- velle position. La deuxième supposition est, selon moi, celle qui offre le plus de probabilité. En effet, comment expliquer qu'un appareil aussi extraordinaire se développe à la partie antérieure du bord frontal de ces jeunes Crustacés, sans admeltre aussi qu'il y ait un motif sérieux pour que cette modification ait lieu? Et cette raison ne peut avoir plus d'importance, je crois, que celle de la conservation de l'espèce; il serait d’ailleurs bien difficile à des êtres aussi faibles et aussi dépourvus de moyens d'adhésion de se maintenir et de résister à l’action des flots, qui est d'autant plus puissante, que la progression du Poisson sur lequel ils se trouvent est plus rapide. Quoi qu'il en soit, ie livre ces faits, tels que je les ai constatés, à l'appréciation de ceux qui voudront en chercher la solution, la- quelle, dans mon opinion, ne me semble pas pouvoir être autre que celle que j'ai indiquée. Ainsi que je l’ai dit, le cordon frontal est extrêmement flexible, surtout à la partie moyenne; il est creux et cylindrique, recouvert de quelques poils; mais il devient rigide et cassant près du front, de sorte qu'il pourrait se rompre avant que ce soit nécessaire, si, par une autre combinaison, il n'avait été remédié à la possibilité de ces accidents. Dans la plupart des jeunes Crustacés pourvus de cet appareil, il existe une articulation au-dessous des antennes et des veux, qui permet à cette partie de la tête de fléchir comme si elle était portée sur un cou; de sorte qu'à l’aide de ce moyen les secousses trop fortes sont évitées, ainsi que les accidents qui pourraient en résul- DÉVELOPPEMENT DE DIVERS CRUSTACÉS PARASITES. 123 ter. Il arrive cependant un instant où cette rupture devient néces- saire : c’est celui où le jeune Crustacé, pouvant se procurer lui- même sa nourrilure, n’a plus besoin de sa mère. Elle s'opère alors au ras du bord frontal qui porte une sorte d’ombilie, qui, par la suite, disparait et s’amoindrit, de manière à ne plus présenter rien d'anormal. Je ne puis pas affirmer que cette conformation soit exceptionnelle, attendu la difficulté qu'il y a de conserver vivants pendant quelque temps desCrustacés aussi petits, et qui nese nour- rissent que du sang des Poissons, et conséquemment de suivre exactement toutes les transformations qu'ils subissent : ce qu'il y a de certain, c’est qu'au moment de l’éclosion et de leur sortie de l'œuf, ils ne présentent pas ce singulier appareil; ce ne doit être qu’à la deuxième ou troisième mue qu’il se montre sur ceux qui doivent en être pourvus. Il faudrait examiner plus minutieusement que je ne l’ai encore fait le corps et les branchies des Poissons pour s'assurer qu'ils ne s’y fixent pas à l’aide de ce moyen ; je me rap- pelle cependant avoir vu, et j'ai également remarqué des jeunes Caliges attachés aux lames branchiales d’un Poisson par un cor- don de cette espèce : de sorte qu'il peut se faire que ce soit plus commun que je ne le suppose. La forme des jeunes Crustacés qui sont fixés à leur mère est tout à fait appropriée à la situation; elle est ovalaire, plate, atté- nuée aux deux extrémités, eten manière de nacelle, afin de favo- riser la natation, et de présenter le moins de résistance possible à la traction. En cet état, le bouclier céphalique, qui est triangulaire, offre de chaque côté de la tête deux antennes plus ou moins longues, com- posées de deux articles et terminées par des poils rigides. Les yeux sont très gros, accolés ensemble, et placés en dessus, au milieu du thorax. L'abdomen est généralement divisé en cinq segments, dont le premier est le plus grand ; le dernier est terminé par deux pro- longements armés de cils très longs et très roides, au nombre de quatre, dont les médians sont les plus longs. En dessous, près des antennes et de chaque côté de la tête, sont les deux premières pattes (horaciques, qui sont plus ou moins dé- 194 E. HESSE. veloppées, et composées de deux articulations terminées par une griffe très forte et très crochue. La lête est ovale, ronde au sommet, pointue à l'extrémité infé— rieure qui est conique, et forme le suçoir ; on aperçoit au-dessous, suivant le degré plus ou moins avancé de transformation, une fourche qui se remarque aussi dans les Trébies et les Caliges adultes. Au-dessous des premières pattes thoraciques se remarque la deuxième paire, qui est armée de deux ongles crochus; enfin vient la troisième paire, qui est terminée par une seule griffe. Les fausses pattes abdominales varient selon les espèces, et elles sont généralement composées d’articulations plates et flabel- liformes, bordées de cils très forts et servant à la propulsion. Les œufs de Trébies, de Caliges et de Pandares sont empilés dans des tubes ovifères, comme des pièces de monnaie dans un rouleau; ceux des Chondracanthes, au contraire, y sont entassés par couches. Les œufs ne contiennent jamais qu’un seul vitellus. Les jeunes Crustacés de ces diverses espèces ne se dispersent pas immédiatement après leur sortie de l'œuf; ils restent pendant quelque temps fixés sur les tubes ovifères, d’où ils s’élancent en- suite à la poursuite de leur proie, ou s’établissent sur le Poisson sur lequel ils sont éclos. Leur natation est vive et gyratoire ; elle s'exécute à l’aide des six pattes biramées et terminées par de longs cils qu’ils agitent avec force. J'ai remarqué que, lorsque l’on passait rapidement au-des- sus des vases où ils étaient conservés, ainsi que des Trébies et des Caliges, un corps opaque, leurs mouvements devenaient beaucoup plus vifs, ce qui me fait croire que l’ombre qui résultait de l’in- terposition de ce corps entre eux et la lumière leur faisait l’effet de celle produite par le trajet d’un Poisson qui passait à leur por- tée, et qu'ils s’efforçaient de saisir. On remarque au centre des jeunes embryons la capacité stoma- cale, qui, n'étant pas encore remplie d'aliments, parait néanmoins tendue, comme si elle contenait de l’air, et peut contribuer à faci- liter la progression en les soutenant et faisant l'office de vessie natatoire. Les jeunes Crustacés sortis de l'œuf peuvent vivre sans nourri- DÉVELOPPEMENT DE DIVERS CRUSTACÉS PARASITES. 195 ture de trois à quinze jours, lorsqu'ils sont conservés dans des vases remplis d’eau de mer bien pure, et placés dans un endroit sombre et frais. Il y a des espèces qui vivent plus ou moins long- temps; mais, généralement, les embryons des Pandares et des Chondracanthes périssent avant ceux des Trébies et des Caliges, qui, du reste, ont des mouvements bien plus vifs que ceux de ces premiers Crustacés. J'ai, en outre, constaté que la vie des em- bryons réunis à leurs mères par un cordon frontal était bien plus persistante que dans celles-ci, puisqu'ils leur survivaient longtemps après leur mort, et alors même qu’elles étaient déjà en décompo- sition : fait curieux qui me semble se rattacher visiblement à Ja prévoyance qui préside à la conservation des espèces. NOTE SUR L’EXISTENCE DE LA TRUITE EN ALGÉRIE, Par M. ZILL (1). Le nombre d'espèces des poissons d’eau douce en Algérie est tellement restreint, et la qualité de ces espèces tellement secondaire, qu’on n’ap- prendra pas sans plaisir la découverte toute récente, dans notre colonie, du poisson fluvialile par excellence, dont jusqu'ici on n’avait pas soup- çonné l’existence dans nos eaux courantes, jugées être d’une température trop élevée pour que l’on püt espérer d’y trouver, à côté des espèces indi- gènes, connues depuis longtemps, un poisson appartenant à un climat plus tempéré. En effet, quoique la faune de l'Algérie se compose autant d'espèces purement indigènes que d’autres appartenant aux deux continents, il a cependant été constaté que les poissons d’eau douce de ce pays, tels que les Barbus callensis, B. macropogon ou setivimensis, Leuciseus cal- lensis, Anguilla callensis, Acerina Zilli ou Guyoni, etc., n’avaient pas leurs analogues en Europe, et l’on n’était pas fondé d’admettre qu'un poisson tel que la Truite, auquel il faut, même dans l’Europe tempérée, des courants rapides d’eau froide et limpide, püt y exister. La découverte de la Truite en Algérie est due à M. le lieutenant-colonel d'état-major Lapasset, commandant supérieur du cerele de Philippeville, et eut lieu pendant une tournée que cet oflicier supérieur fit en août 1855 chez les Ouled-Atia de l'Oued-Z'hour. J'avais prié le colonel de me procurer de ces Truites conservées dans l'alcool, afin que je pusse en déterminer l’espèce, et quoiqu'il fût retourné (1) Cette note est extraite d'une lettre datée de Saint-Ferdinand de Tilfla, province de Constantine, le 14 juillet 4858, et adressée au rédacteur des Annales. Elle était déjà entre les mains de celui-ci, lorsque M. Duméril a commu niqué à l’Académie des observations sur le même sujet. (Voyez le Compte rendu des séances de l’Académie des sciences, 26 juillet 4858, t. XLVII, p. 460.) NOTE SUR L'EXISTENCE DE LA TRUITE EN ALGÉRIE. 197 depuis chez les Ouled-Atia , l'état de révolte dans lequel il trouva cette tribu turbulente ne lui permit pas de s'occuper de ma demande; ce n’est que celte année qu'il lui a été possible de m'envoyer plusieurs de ces poissons. L'examen comparatif des sujets, examen qui aurait eu un résultat plus complet, si j’avais eu sous les yeux un exemplaire de la Truite com- mune d'Europe, m’a fait reconnaître qu'ils ne diffèrent point par des caractères essentiels du Salmo fario de Linné. En voici les principaux caractères : Tête assez grosse ; museau arrondi; les deux mâchoires d’égale lon- gueur et garnies de dents pointues et recourbées; yeux grands; ligne latérale droite ; écailles très-petites ; nageoire de la queue peu échancrée. Rayons : nageoire dorsale, 12; anale, 11 ; pectorale, 13 ; ventrale, 9; caudale, 18. Couleur : le brun-olivâtre foncé du dos devient plus clair par grada- tion jusqu’à la ligne latérale, où il se perd dans le blanc jaunâtre argenté du ventre ; ce fond olivâtre est parsemé irrégulièrement , jusqu’à la ligne latérale, de taches noires et rouges; ces dernières sont entourées quel- quefois d’un cercle blanc, jaune ou bleu de ciel. — Trois taches noires sur chaque opercule, placées sur une ligne horizontale ; la nageoire dorsale parsemée de points noirs. Les exemplaires que j'ai eus entre les mains avaient une longueur de 15 à 20 centimètres. Le poids moyen des Truites apportées à M. le colo- nel Lapasset était de 250 grammes, mais il en a eu plusieurs qui attei- gnaient 700 grammes. Ces Truites se trouvent en abondance dans un ravin des montagnes des Ouled-Atia de l'Oued-Z'hour, dont les eaux torrentueuses sont d’une si grande limpidité, qu’on les dirait noires en quelques endroits, car elles réfléchissent la couleur noirâtre de certaines pierres ferrugineuses qui payent le fond du torrent. Ce ravin, dont les bords sont très boisés, se nomme El-Abaïch ; il descend du Djebel-Goufi, dans la direction de l’est à l'ouest, pour former la principale tête de l’Oued-Z’hour, qui se jette dgns la Méditerranée, à 30 kilomètres ouest de Collo. Pendant l'hiver et le printemps, on pêche également beaucoup de truites dans l'Oued- L'hour. On voit que les caractères de ce poisson, tirés du nombre de rayons des nageoires, sont identiques avec ceux de l’espèce d'Europe, à la seule exception des nageoires pectorales, dans lesquelles je n’ai trouvé que 15 rayons au lieu de 44, tels que les présente la truite commune. Je pour- 198 ZaLL. — NOTE SUR L’EXISTENCE DE LA TRUITE EN ALGÉRIE. rais cependant m'être trompé en comptant les rayons de ces nageoires, vu l’état de contraction dans lequel elles se trouvaient par l’action de l’al- cool, circonstance qui en rendait l'examen très difficile. Les naturalistes qui examineront les exemplaires que je me propose d’envoyer en France trouveront peut-être le quatorzième rayon qui a échappé à mes investi- gations ; il leur sera du reste facile, selon le cas, soit de prouver l’iden- tité de l'espèce algérienne avec celle de France, soit d'établir une espèce nouvelle, par la seule comparaison du poisson d’Afrique avec celui d’Eu- rope, et, dans ce dernier cas, je proposerais de donner à la nouvelle Truite le nom de Salmo Lapasseti, en l'honneur de l'officier supérieur distingué qui en a fait la découverte. Il me reste à dire, finalement, que l'intensité et la distribution des cou- leurs de ce poisson varient, comme dans l’espèce d'Europe, d’individu à individu, et ne peuvent servir de caractère distinctif. La couleur rouge (sau- monée) de la chair que M. le colonel Lapasset a observée dans plusieurs des Truites qu’on lui avait apportées me paraît également être purement accidentelle, et je crois qu'on ne peut pas y attacher plus d'importance qu’à la diversité des couleurs sus-mentionnée. Je citerai à l'appui de mon opinion le Salmo alpinus, Lin., et le S. punctus, Cuv., qui, d’après la description de Lacépède et de Nilsson, ont la chair rouge, et que cepen- dant Agassiz a trouvé ne point différer de l'espèce commune. MÉMOIRE SUR PLUSIEURS POINTS DU SYSTÈME VEINEUX ABDOMINAL DU CAIMAN À MUSEAU DE BROCHET, Par le D' H. JACQUART, Aide-naturalislè au Muséum, Si, pour mener à bien une préparation de névrologie, un scalpel habile suffit, il n’en est pas de même lorsqu'il s’agit de l'étude des vaisseaux ; il faut, avant de les disséquer, les remplir d’une injec- tion solide (1). Mais une fois la pièce terminée, la connaissance de leur disposition, comme de tout autre point de l'organisme, doit êlre complétée par un dessin. Heureux alors l’anatomiste qui sait manier le crayon! Supérieur au simple dessinateur, il glissera sur les accessoires, et mettra en relief le fait principal. I n’y à pas de description qui puisse remplacer l'iconographie : c’est dans les sciences naturelles la langue la plus éloquente. Quand on se borne à décrire les organes sans les figurer, on est facile à contenter ; la démonstration manque de cette rigueur et de celte netteté que lui donne l’image de l’objet décrit. Plus d’une erreur ou d’une inexac- titude eût été évitée en anatomie comparée, où les recherches ont presque loujours un cachet d'originalité, si, pour le système vascu- laire par exemple, on eût d’abord injecté les vaisseaux de l’animal étudié, et si, dans une figure fidèlement tracée, on eût consigné les résultats de la dissection. Nous gardions depuis plusieurs années dans de l’eau alcoolisée un jeune Caïman à museau de Brochet dont nous avions injecté les (1) I est certain qu'une injection solide, assez fine, poussée dans les vaisseaux sanguins, est bien utile pour la dissection des nerfs, surtout lorsqu'il s'agit du grand sympathique; mais elle est indispensable pour la dissection des veines et des artères. 4° série, Zoo. T. IX. (Cahier n° 3.) ! 9 130 HI. JACQUART. — SYSTÈME VEINEUX vaisseaux sanguins, lorsque nous étions encoré dans le laboratoire de M. le professeur Serres, et que nous devions à la bienveillance de M. le docteur Auguste Duméril, alors aide-naluraliste de la chaire dont il est aujourd’hui ütulaire. Dans ces derniers temps, nous fimes, sur l'invitation de M. le professeur Milne Edwards, des recherches sur la distribution des veines rénales de ce reptile, et nous représentämes leur disposition sur des dessins exécutés à l'aquarelle, et de grandeur naturelle. Nous fûmes assez étonné de lrouver des particularités omises ou vaguement indiquées dans les traités généraux d'anatomie comparée, et enfin probablement une erreur dans la notice spéciale de Nicolaï (Zsis, 1826, p. 408) sur les veines abdominales et rénales du Crocodile (4). Circulation du sang chez les Mammifères dans les deux veines caves. Chez l'Homme et chez tous les Mammifères, les veines de la tête, du col, de la poitrine et des membres thoraciques, soit direc- tement, soit par l'intermédiaire d’autres vaisseaux du même ordre, vont se rendre dans la veine cave supérieure, où antérieure, qui va s'ouvrir dans l'oreillette droite. Le sang revient des membres pelviens par la veine iliaque externe et l’interne de chaque côté, qui en se réunissant forment les deux iliaques primitives, racines principales de la veine cave inférieure. Cette dernière reçoit les veines des reins, des testicules ou des ovaires, des parois de l’abdo- men et du foie, et se termine dans l'oreillette droite. Circulation dans la veine porte. Les vaisseaux sanguins efférents du gros intestin et de l'intestin grêle, de l'estomac, du pancréas et de la rate, constituent le système parieulier de la veine porte. Par uneexception remarquable, lorsque les différents rameaux qui constituent ce système se sont réunis en un seul trone, celui-ci se ramifie dans le foie à Ja manière des ar- (4) A la vérité, nous ne les avons pas étudiées sur un individu de même genre que celui de Nicolaï, c'est-à-dire sur le Crocodile proprement dit; mais l’analogie nous porte à penser qu'elles ne diffèrent pas notablement de celles du Caïman à museau de Brochet que nous avons disséqué, TS DU CAÏMAN A MUSEAU DE BROCHET. 131 tères, el se termine dans les granulations de cette glande. Tous les capillaires ultimes de la veine porte se continuent avec les radicules des veines hépatiques, qui, au nombre de deux ou trois grosses branches, vont s’aboucher dans la veine cave inférieure, un peu au-dessous du diaphragme. En sorte qu'à la rigueur, on pourrait considérer la veine porte, anastomosée par les veines hépatiques avec la veine cave inférieure, comme une dépendance de celle-ci. Il est done permis de dire qu’en définitive, chez les Mammifères, le sang de {out le corps est rapporté par les deux veines caves au cœur. Il n'existe qu'une seule exception pour le sang des parois de ce dernier organe, qui vient se rendre par les veines cardiaques directement dans l'oreillette droite. Mais tel n’est pas le mode de distribution du système veineux chez cerlaines classes de Ver- tébrés, les Oiseaux, les Reptiles et les Poissons. Veines de Jacobson. Outre la veine porte qui, comme nous Pavons vu, se distribue dans l'organe glanduleux hépatique, où le sang est repris par d’autres vaisseaux qui vont sejeter directement dans la veine cave, on trouve dans chacune de ces classes, avec des modifications particulières à chacune d'elles, un antre ordre de veines nommées, comme la veine porte, artérieuses, parce que leur trone, une fois formé, se distribue comme les artères, ou mieux encore de veines portes rénales qui naissent des parties postérieures du corps de l'animal par l’addition successive de nombreuses veines, et une fois constituées en une seule branche de chaque côté, se rendent soit aux reins exclusivement, soit en même temps aux reins et au foie. Ce sont les veines de Jacobson, que ce savant anatomiste a découvertes en 1815, et auxquelles il a donné son nom. (Voyez son mémoire De systemale venoso in permullis animalibus obser- valo. Hafniæ, 1821.) Chez les Reptiles. Lorsque ce système veineux se distribue seulement aux reins , il s'anastomose avec la veine porte, tantôt par de nombreux ra- 132 Hi, JACQUART. —- SYSTÈME VEINEUX meaux de médiocre volume, tantôt par une ou plusieurs branches considérables. Nous ne parlerons pas des veines de Jacobson chez les Oiseaux et les Poissons, et nous les étudierons chez les Reptiles, et, encore parmi ces derniers, chez les Batraciens, les Ophidiens elles Sauriens seulement. Batraciens. Dans un mémoire que nous avons publié précédemment (voyez M. le D' Jacquart, Organes de la circulation du sang chez le serpent Python, dans Annales des sciences naturelles, ZooLocir, he série, vol. IV, p. 321, 1855-1856), nous avons rappelé que Swammerdam (voyez dans le Biblia naturæ, p. 848, pl. 49, fig. 4 m, noo) avait représenté les veines rénales de la Gre- nouille; seulement il les décrit comme partant des reins, pour se diviser ensuite en de nombreux rameaux et ramuscules, comme si le sang se dirigeait de ces glandes vers la queue, ou du tronc vers les racines. En 1839, Duvernoy (Lecons d'anatomie comparée de Cuvier, rédigées et publiées par lui, 2° édit., €. VI, p. 253, Paris) sent le besoin de vérifier ces faits par de nouvelles recherches. En 18/41, M. Martino répète les expériences de Duver- noy, et confirme la découverte de Jacobson. Enfin M. le docteur Gruby, dans un mémoire présenté à l’Académie des sciences le 8 novembre 1841 (Ann. des se. nat., 2% série, t. XNIT, p. 209), figure et décrit le système veineux des Grenouilles, et insiste sur leurs veines rénales afférentes : le docteur Jacobson n'avait signalé comme telles que les veines iliaques et musculaires. M. Gruby démontre l’existence d’un grand nombre d’autres veines qui conduisent également le sang dans les reins, et qui tirent leur origine de l’oviduete, du sinus veineux rachidien, et des museles du dos. M. Gruby a constaté, en outre, la direction du cours du sang dans ces vaisseaux. Comme nous n'avons fait sur la veine porte rénale des Batraciens aucune recherche originale, nous ne reproduirons pas les détails de cetle description. ©Q2 DU CAÏMAN À MUSEAU DE BROCHET. 15 L'organe spécial assigné par le docteur Jäcobson aux veines afférentes de la Grenouille et du Crapaud n'est autre chose que leur vessie. Nous ne saurions cependant nous dispenser de faire une remarque sur la partie du travail de Jacobson qui concerne les Balraciens. Cet auteur s’est beaucoupattaché à démontrer, dansles différents genres de chaque classe, l'existence d'un organe spécial, lié en quelque sorte d'existence avec le système veineux, auquel il a donné son nom. «Pour les Batraciens, dit-il (ouvrage cité, et traduit par nous » du latin aussi littéralement que possible), leur organe spécial est » un sac membraneux particulier, uni au cloaque. » Tout le monde connait cet organe, qui est une poche biloculaire, formée par deux vessies ovoïdes adossées par leurs grosses extré- mités sur la ligne médiane, où elles communiquent ensemble assez largement au niveau d’un étranglement ou d’une espèce de cloison incomplète en forme d'éperon à l'intérieur; ellessontréunies en haut par un pédicule assez étroit, qui s'ouvre dans la paroi inférieure du cloaque. Ce qui porterait à rejeter ce réservoir comme vessie uri- paire, c’est que les uretères ne viennent pas s’y ouvrir, mais dé- bouchent séparément par deux ouvertures papillaires, sur la paroi supérieure de l'intestin, c’est-à-dire dans un point opposé à celui où existe l’orilice cloacal de la vessie. Mais des recherches plus récentes, en constatant chimiquement la présence de l’urée dans le liquide contenu dans ce réservoir, ont mis hors de doute que c’est bien une vessie ou un organe de dépôt pour l'urine (1). Nous ne saurions nous empêcher de faire remarquer ici que celle vessie a d’ailleurs la forme et la disposition de l'allantoïde, el ses connexions avec le cloaque. Évidemment le docteur Jacobson, préoccupé du besoin de don- ner à son système vasculaire un appareil spécial, s’est mépris sur les fonctions de cette ampoule membraneuse, qui, pour nous et pour tout le monde, dépouillée désormais de toute attribution ori- ginale, redevient tout simplement une vessie urinaire. (4) Voyez John Davy, Sur les organes urinaires des Grenouilles et des Cra- pauds (Research. physiological and anatomical, L. , p. 100). 13h = M. JACQUART, — SYSTÈME VEINEUX Veines de Jacobson chez les Ophidiens. Dans notre mémoire déjà cité sur la circulation sanguine du Python, nous avons montré que, sur un Serpent de cette espèce, long de 2 mètres 33 centimètres, les veines de Jacobson, remplies d’une injection solide, n’avaient pas un calibre inférieur à celui de l'artère radiale d’un homme adulte. C’est un fait que nous avons pu vérifier trois ou quatre fois depuis, sur des Boas ou des Pythons, dont quelques-uns étaient d’une plus grande taille, et les autres n'avaient pas des dimensions inférieures à celles du premier. Les veines de Jacobson naissent de la veine caudale; celle-ci commence sous la queue, grossit dans son trajet par l'addition de chaque côté de branches latérales, pénètre dans la cavité abdomi- nale, se place au-dessous du cloaque, reçoit les veines intercostales réunies en plusieurs veines disposées en manière d’azygos, et se diviseen deux branches, qui sontles deux veines afférentes rénales ou de Jacobson. Ces dernières grossissent par l'addition suecessive de rameaux perpendiculaires à leur direction, c’est-à-dire trans- versaux, et qui sont formés de la manière suivante (voy. notre mémoire déjà cité). De chaque espace intercostal naît une veine, celle de droite, et celle de gauche, qui se jettent dans un rameau impair situé sur le rachis et qui accompagne l'artère correspon= dante. Ce rameau veineux unique, en s’anastomosant avec ceux qui l’avoisinent, finit par constituer un tronc qui se détache du milieu de l'étendue des espaces intercoslaux desservis, c’est- à-dire de six à douze espaces et plus. Ces veines azygos, au nombre de dix à douze, dans lesquelles viennent se perdre les veines de la peau, et qui sont les principales racines des veines de Jacobson, naissent allernativement sur le côté droit et sur le côté gauche du rachis, et vont aussi tour à tour se rendre dans la veine afférente rénale droite et dans la gauche. Fusion entre le système de la veine porte hépatique et les veines de Jacobson chez les Ophidiens. Hopkinson et Pankoast, dans leur Monographie du Python, lue à la Société philosophique américaine le Znovembre 1832, ont DU CAÏMAN A MUSEAU DE BROCHET. 135 décrit les veines de Jacobson comme l'avait fait Swammerdam , c'est-à-dire à contre-sens. Nous avons signalé l’anastomose con - sidérable et à plein calibre de la veine rénale afférente droite avec une des branches de la veine porte, non loin de l'endroit où la première émerge de la veine caudale. Mais, outre cette anastomose entre la veine porte et les veines de Jacobson, il en existe fant, dont quelques-unes sont de fort calibre et les autres sont plus petites, qu'il est étonnant que le docteur Jacobson, et après lui les auteurs cités et le docteur Frédéric Schlem (1), n’en aient pas indiqué un plus grand nombre. Peut-être le docteur Jacobson u'a-t-il eu à sa disposition que des Serpents de petite taille; mais les mêmes conditions défavorables n’ont pas existé pour les doc- teurs Hopkinson et Pankoast, puisque le sujet qui a été soumis à leur étude était remarquable par sa taille. Pour nous, nous avons constaté, sur plusieurs Pythons longs de plus de 2 mètres 1/2, des anastomoses si nombreuses et si fréquentes entre la veine porte hépatique et les veines portes rénales, que nous n'hésitons pas à affirmer que, chez les Ophidiens, il n’y a pas seulement union, mais bien fusion entre ces deux systèmes vasculaires. Conséquences physiologiques qui en découlent. Il est donc permis de penser que les courants qui sont produits chez l'un d'eux à de certains moments, suivant que l’action du foie ou des reins prédomine, doivent exercer un effet dérivatif sur le cours du sang dans les vaisseaux qui se rendent à la glande inactive, et en diminuer la rapidité. De ces larges communications établies entre ces deux ordres de veines, il résulte que, lorsque l'organe hépatique est en repos, et que les glandes urinaires fonctionnent avec aclivilé, une parlie du sang de la veine porte doit refluer dans les veines de Jacobson, et, par contre, lorsque les fonctions glycogéniques s'exercent avec plus d'énergie, et que l'élaboration (1) Voyez dans le Journal de physiologie de Tiedemann et Treviranus, €. II, 4er cahier, la description anatomique du système vasculaire sanguin des Ser- penis, avec une planche représentant le cœur du Boa conslrictor, du Coluber natriæ et du Trigonocephulus mutus, par le docteur Frédéric Schlem. 136 H. JACQUART. — SYSTÈME VEINEUX de l'acide urique est languissante, une partie du sang des veines de Jacobson doit se diriger alors vers les racines de la veine porte, et la cireulation se ralentir dans les premières. C'est là un point de vue nouveau sur lequel nous appelons l’aftention des physio- logistes. Peul-être pourrait-on, par des expériences directes, arriver à constater que, dans les arbres vasculaires formés par la veine porte d’une part, et les veines afférentes rénales de l’autre, si largement unis, et presque confondus par les anastomoses, le cours du sang est en quelque sorte solidaire, et qu'il ne saurait s’accélérer dans l’un, sans se ralentir dans l’autre. Du reste, cette fusion du système de la veine porte avec celui des veines afférentes rénales, à l’aide d’anastomoses nombreuses, et quel- ques-unes de fort calibre, prépare et sert de passage ou de tran- sition naturelle à cette autre distribution simultanée des veines de Jacobson au foie et aux reins. Les différents points que nous venons de traiter relativement aux veines de Jacobson ne concernent que les Ophidiens ; néan- moins ce sont des considérations qui nous ont paru assez inféres- santes pour être présentées ici. Nous croyons devoir également insister sur la terminaison des veines de Jacobson dans les reins des Serpents, parce qu'elle offre beaucoup d’analogie avec celle des veines rénales afférentes du Caïman à muse de Brochet qui doit nous occuper plus loin. Terminaison des veines de Jacobson dans la substance rénale chez les Serpents. Nous avons indiqué, dans notre mémoire déjà cité, que chez le Python chacune des veines portes rénales marche du côté cor- respondant de la face supérieure du rectum, parallèlement à l’ure- tère, en dehors duquel elle est située et dont elle reçoit quelques veinules, et auquel elle est unie par du tissu celluleux ; atteint l'extrémité postérieure du rein et suit son côté externe et infé- rieur ; l’uretère la sépare de la veine rénale efférente. Elle donne, dans son frajet dans le rein, des rameaux à chacun des lobules, et diminue ainsi graduellement de volume jusqu’à l'extrémité anté- ricure de cette glande, dans la substance de laquelle elle se perd. DU CAÏMAN A MUSEAU DE BROCIHET. 137 Il n'y a pas de conduits de communication entre l'uretère et le canal déférent correspondant; ce sont des veinules et des artérioles qu'on a prises pour tels. Les nombreuses veinales et artérioles qui se rendent du rein au canal déférent correspondant, et sont situées dans le repli du périloine qui retient celui-ci contre la face inférieure de la glande et contre l’uretère, ont été prises bien à tort par quelques auteurs pour des conduits particuliers qui, selon eux, feraient communi- quer l’uretère avec le canal déférent du même côté. Une promiseuité si choquante renverse toutes les lois de la phy- siologie, et se trouve démentie par l’examen direct et attentif des vaisseaux rénaux injectés. Mais c’est surtout la terminaison des veines de Jacobson dans les lobules rénaux chez les Ophidiens qui nous paraît importante à étudier. Les ramuscules qu’elles y en- voient sont capillaires, et vont en rayonnant se terminer dans la substance corlicale de chaque lobule. Nous nous en sommes assuré par une injection très fine, qui a passé de là dans la veine cave postérieure et dans la veine porte, mais sans pénétrer dans les ar- tères ; celles-ci, avec quelques veinules qui vont se jeter dans la veine cave postérieure, constituent les vasa vasorum des reins. Ces glandes fonctionnent aux dépens du sang apporté par les veines de Jacobson, et non de celui des artères. C’est donc un fait avéré que, chez les Ophidiens, les veines afférentes communi- quent dans les reins, par leurs capillaires terminaux, avec les radi- eules des veines efférentes ou veines émulgentes, veines rénales proprement dites, qui constituent les racines les plus considérables de la veine cave postérieure. Mais il n’y a pas d'autre anastomose entre les veines de Jacobson et cette dernière chez les Serpents. Nous avons trouvé une disposition identique sur le Caïman à mu- seau de Brochet; cependant Nicolaï (ouvrage cité) avance le con- traire, à l'égard du Crocodile proprement dit qu'il a disséqué. Comme nous le verrons plus loin, il affirme qu'il existe chez ce dernier, entre les veines de Jacobson et la veine cave postérieure, une grosse branche anastomotique. Ïl nous reste encore à présenter une observation au sujet de 138 M. JACQUART. — SYSTÈME VEINEUX l'appareil spécial que le docteur Jacobson assigne chez les Ophi- diens aux veines qui porlent son nom : « Parmi les Amphibies, dit-il, l’organe particulier consiste dans deux sacs membraneux remplis de graisse » (traduction littérale d’un passage de son ouvrage cité). L'organe qu'il regarde comme spécial aux vais- seaux qu'il a découverts n’est autre chose qu'une portion du péritoine chargée de tissu adipeux, et qui, selon nous, est l'ana- logue du grand épiploon; d'ailleurs le choix n’en est pas heureux, puisque la plupart des veines qui y prennent racine vont se jeter dans la veine porte, tandis que deux ou trois seulement vont se rendre dans les veines de Jacobson; en sorte qu'il appartien- drait plutôt à la veine porte qu’à celles-ci. C’est done une attribu- tion accordée un peu à la légère, et qu'un examen plus calme et plus attentif eût certainement fait disparaitre. Veine caudale chez le Caïman à museau de Brochet. (Voy. pl. ILE, fig. 4.) Étudions maintenant le même système de veines chez les Sau- riens. Chez le Caïman à museau de Brochet que nous avons dissé- qué et figuré, la veine caudale, considérable, est contenue avec l'artère du même nom, sous laquelle elle est couchée, dans un ea- nal qui s'ouvre dans le bassin, un peu en avant de l'anus (voy. pl. I, fig. 1, n° 9 et 8); elle continue son trajet en conservant ses rapports avec l'artère et accolée au cloaque. Un peu au delà de l’arcade pubienne, elle se divise en deux branches, les veines hypogastriques (voy. pl. IE, fig. 1, n° 10, 11 et 12), qui longent les côtés du rectum, situées entre lui et la paroi supérieure du bassin; entre elles se voit la continuation de l'aorte abdominale avec l'artère caudale. Un peu en avant du bord antérieur du pubis, ces deux vaisseaux sont réunis par une veine transversale plus forte que chacun d'eux. C'est le ramus anastomotieus de . Nicolaï qui reçoit les veines du rectum et les obturatrices (voy. les n° 44! et 45 de la même figure). Ces deux vaisseaux figurent à leur bifurcation les deux branches d’une lyre dont les extrémités sont réunies par l’anastomose transversale, Frans. — DU CAÏMAN À MUSEAU DE BROCHET. 139 Naissance des veines de Jacobson. (Voy. pl. IT, fig. 1.) Au milieu de ce cadre vasculaire, on voit la terminaison de l'aorte qui en forme la corde médiane, et coupe perpendiculaire- ment le rameau cité par Nieolaï (voy. le n° 8 de la même figure). De l'union de chacun de ces vaisseaux hypogastriques de chaque côté avec le ramean anastomotique naissent deux branches ; l’in- terne, plus petite, accompagne l’uretère correspondant jusqu'au rein (voy. n°” 18 et 18’, même figure), et, arrivée à son côté pos- térieur et externe, se subdivise, dans les sillons qui séparent les lobes, en trois ou quatre rameaux qui se distribuent en rayon- nant jusque dans la substance corticale de chaque lobule : c’est la veine de Jacobson, ou veine afférente du rein, dont nous avons suivi les ramuscules jusqu’à la surface de la glande (voy. les n* 18’, 22, 2%, et les lettres U et j de la même figure). L’ar- bre vasculaire qui en résulte dans le rein rappelle la dispo- silion de la veine porte dans l’intérieur du foie. Une gaine, ana- logue à la capsule de Glisson, en accompagne toutes les divisions. Quand on a enlevé la matière à injection qui remplit l’un de ses embranchements, sans détruire les parois du vaisseau, et qu’on di- vise celui-ci par une coupe, il ne reste pas béant, mais s’affaisse sur lui-même ; ce qui permet de le distinguer d’une des racines de la veine rénale proprement dite, ou veine émulgente (vena revehens), qui, vidée de la cire qui la remplit, reste ouverte, et ressemble à une espèce de sinus veineux dont les parois adhérent à la sub- stance rénale. En outre, les radicules de la veine afférente occu- pent le côté interne et antérieur de chaque rein, tandis que, comme nous l'avons vu, les veines de Jacobson pénètrent dans la partie postérieure et externe de ces glandes. Une autre branche veineuse, double de celle-ci, se dirige en dehors et en haut vers la grande échancrure sciatique (voy. les n° 13, 14, 15, 16 et 17, même figure) : c’est la continuation de la veine hypogastrique dont nous avons indiqué l’origine à la veine caudale, qui se bifurque pour donner naissance à ces deux veines hypogastriques ; chacune d'elles recoit la veine ischiatique, aussi volumineuse qu’elle, et 140 M, JACQUART. — SYSTÈME VEINEUX remonte de chaque côté du bassin vers l’arcade erurale, et là elle se renfle par l'addition de la veine du même nom. Nous repren- drons tout à l'heure la descriplion à partir de ce point. Il n'y a entre les veines de Jacobson et la veine cave postérieure que des anastomoses capillaires. Quelque soin que nous ayons apporté dans la traduction du passage de Nicolaï déjà cité, où il traite de la distribution de ces veines; quelque attention que nous ayons mise pour tâcher de le comprendre, il nous a été impossible de le suivre dans sa des- cription. Tout ce que nous avons pu saisir, c’est qu'il admet un rameau assez volumineux partant de la veine afférente, et la fai- sant communiquer avec une des racines de la veine émulgente. Nous avons déjà décrit plus haut la veine de Jacobson, et en partie la veine rénale proprement dile, et nous pouvons affirmer qu'il n’y a pas d’anastomose d’un volume appréciable entre ces deux ordres de vaisseaux ; ils ne communiquent que par les ca- pillaires. C’est en injectant les veines de Jacobson que nous sommes par- venu à emplir les veines émulgentes; mais la dissection la plus attentive ne nous a montré aucun rameau qui puisse recevoir le nom de ramus communicans venæ renalis revehentis, donné par Nicolaï. Veines épigastriques paraissant être les analogues de la veine ombilicale, qui ici serait double, comme chez les Mammifères. Nous avons vu qu'outre la veine de Jacobson, le ramus anasto- moticus, indiqué d’abord par l’auteur précédent, donne de chaque côté un vaisseau qui semble le continuer (voy. n°” 15, 16, fig. 1, pl. IT), reçoit les veines obturatrices et ischiatiques, et près de l'arcade crurale la veine crurale. Beaucoup plus considérable que le vaisseau qui est destiné au rein, et que nous avons décrit, ce dernier se dirige d’arrière en avant sur la paroi inférieure du bassin, entre le périloine et la partie verticale du diaphragme, qui représente les muscles droits de DU CAÏMAN A MUSEAU DE BROCHET, ant l'abdomen. Il reçoit dans son trajet en dedans et en dehors un grand nombre de veines transversales assez volumineuses, venant soit des couches cutanées abdominales, ou de la partie du dia- pbragme qui représente les muscles droits de l'abdomen, soit de la couche extra-péritonéale ; il augmente progressivement de cali- bre jusqu’au bord tranchant de ce viscère, où il se courbe derrière sa face concave, pour s’y distribuer, comme nous l’indiquerons plus loin. Cette division existe à droite et à gauche. Veine épigastrique gauche ou musculo-cutanée gauche. La gauche est la plus volumineuse; couchée sur la face infé- rieure de l'estomac dont la sépare le péritoine, elle reçoit par son côté externe, au niveau de la petite courbure de l’estomae, les veines coronaires stomachiques, qui se distribuent sur la région hépatique de ce viscère (voy. n* 28, et les n° 39, 40, même figure); puis elle se subdivise en deux rameaux : l’un, externe, se ramnifie dans le lobe gauche du foie (voy. n° 29, 36; voy. aussi les n° 2, 4, 8, 10, 11, 12, 15, fig. 2, pl. IV); l’autre, interne (voy. n° 30, fig. 4, pl. ID), se dirige vers la scissure transversale de celui-ci, et se partage en deux embranchements. Un très court se dirige d’arrière en avant dans le sillon interlobaire, à l'extrémité inférieure duquel il se termine par un cul-de-sac (voy. n° 31, id. ; voy. aussi le n° 4, fig. 2, pl. IV), ct parait être le vestige d’une veine oblitérée, et dont nous ne saurions pour le moment donner la signification ; l’autre (voy. n° 35, fig. 4, pl. Ill; voy. aussi les n° 2,4, 5, 7, fig. 2, pl. IV) s’abouche à plein calibre avec la division gauche de la veine porte, et représente tout à fait la veine ombilicale, si ce n’est qu'il n’y a pas ici le canal veineux. Les di- visions (voy. n° 6, fig. 2, pl. IV) qui partent du rameau anasto- motique se distribuent dans le lobe droit du foie, et n'arrivent pas jusqu'à l'oreillette droite (voy. n° 2 à 13, fig. 2, pl. IV). Veine épigastrique droite. (Voy. n°* 35, 37, 38, 42, fig. 4, pl. HIT.) Le vaisseau congénère droit, plus petit que le gauche (voy. n°8, fig. 2, pl. IV), reçoit quelques veines duodénales, puis une petite 142 H. JACQUART, — SYSTÈME VEINEUX veine qui contourne le bord tranchant du lobe droit du foie (voy. n° 20, f,d, fig. 4, pl, HI); arrivé à la face concave de celui-ci, il se sépare en deux rameaux : le plus volumineux est interne (voy. n® 20, 21, 29, fig. 2, pl. IV), et va s'unir par inosculation avec la division droite de la veine porte (voy. n° 7, id.); l’autre, plus petit, se ramilie dans la partie externe du lobe droit (voy. n° 3, 1à, 15, 16, 17, 18, 19, àd.). La division droite de la veine porte se distribue comme à l'ordinaire dans ce viscère. Veines épigastriques ou musculo-cutanées dans le foie sur un autre Caïman. Sur un autre Caïman à museau de Brochet, huit ou dix fois plus gros que celui dont nous avons représenté ici le foie, nous avons dessiné aussi cette glande; mais, faute d'espace, la fignre n’a pu faire partie des planches annexées à ce travail. La veine épigas- trique droite était deux fois moins volumineuse que la gauche, et avait 5 millimètres de diamètre. Dans tout le reste de leur trajet, les deux veines épigastriques se comportaient, pour la disposition et le mode de formation, comme celles du sujet précédent. Mais à à centimètres de la surface concave du foie, la droite se divisait en deux veines, puis chacune de ces divisions se séparait de nou- veau en deux branches très courtes, qui s’enfonçaient immédiate- ment dans la glande. La veine épigastrique gauche avait, à 2 cen- timèêtres du foie, un diamètre de 4 centimètre, et se divisait en trois branches; deux externes s’enfonçaient dans sa substance; une autre, plus interne, s’abouchait avec une forte division de la veine porte, et de celte réunion parlaient rois ou qualre veines, qui se rendaient à l'étroite languette de substance hépatique qui unissait le lobe gauche au droit. De cette même branche naissait un rameau {erminé en cul-de-sac, après à centimètres de trajet, comme celui indiqué sur le sujet précédent, et à peu près du même calibre que la veine épigastrique droite. Le tronc de la veine porte atteignait en diamètre près de 2 centimètres, pénétrait dans le foie par quatre divisions, après s'être abouché auparavant par une branche considérable et à plein calibre avec la veine épigastri- que gauche, comme nous l'avons indiqué plus haut. Cette grosse DU CAÏMAN A MUSEAU DE BROCHET. 143 anastomose, aussi forte que la veine épigastrique gauche, donnait trois où quatre veines à la languette hépatique. La pièce ne nous appartenant pas, nous n'avons pu suivre ces vaisseaux dans ;la substance glandulaire. Ces deux veines des parois abdominales sont bien les analogues des veines épigastriques jusqu'au foie, si ce n’est que le sang s'y meut en sens inverse; mais au niveau de cette glande, ce sont des veines artérieuses, et elles se compor- tent fout à fait comme les veines ombilicales, Absence du canal veineux chez le Caïman à museau de Brochet Si l’on ne trouve pas ici de canal veineux, c’est que les Rep- tiles n’ont pas une vie placentaire ; et l’on doit rechercher les ana- logues de leurs organes embryonnaires, non plus chez les Mam- mifères, mais chez les Oiseaux; car ils se développent comme eux dans un œuf; et dans les dernières phases de leur existence, c’est l’allantoïde qui représente le placenta, et la veine allantoïdienne la veine ombilicale. Elle serait ici double comme chez les Mam- mifères. (Voy. Martin Saint-Ange et Baudrimont, Développement du Poulet, p. 469, 11° volume des Mémoires des savants étran- gers.) Le canal veineux n'existe pas non plus, à proprement parler, chez les Oiseaux. Chez les Mammifères, le canal veineux est formé par cette partie de la veine ombilicale comprise entre l'abouchement de ce vaisseau avec la veine porte et la veine cave inférieure, un peu en arrière de l'oreillette droite. Chez les Oiseaux, ce canal n'existe pas dans ces conditions : c’est la veine allantoïdienne qui est l’analogue de la veine ombilicale ; elle ne s’anastomose pas avec la veine porte, et se rend directement de l’allantoïde à l’oreillette droite, sans donner aucun rameau au foie. La veine porte, dans laquelle vien- nent se jeter les vaisseaux omphalo-mésentériques, communique près du bassin par une branche considérable anastomosée à plein calibre avec la veine cave inférieure. Ainsi on peut dire que, chez les Oiseaux, le canal veineux est représenté par toute la veine ombilicale qui va directement de l’allantoïde au cœur. All H. JACQUART, -—- SYSTÈME VEINEUX Veine cave postérieure. (Voy. les lettres V', V',r,r,r, ss, v, fig. 4, pl. IL.) Sur le Caïman que nous avons disséqué, la veine cave posté- rieure est formée par la réunion des veines rénales : deux prove- nant du rein gauche et trois du rein droit. Chacune d’elles naît d’un lobe rénal, par une branche assez volumineuse en forme de sinus, dans laquelle viennent s'ouvrir directement des ram uscules qu’on peut suivre jusque dans la couche extérieure de la substance corti- cale. Nous avons déjà indiqué plus haut, l'absence de gaines pour ces vaisseaux qui adhèrent à la substance de la glande, et dont la coupe reste béante. (Voy. 5, s, 25, 26, 27.) Nous avons aussi noté la possibilité de les injecter par la veine de Jacobson, uniquement à cause des anastomoses capillaires qui existent entre ces deux ordres de vaisseaux. Ces cinq veines émulgentes, en se réunissant, constituent le tronc d'origine de la veine cave postérieure ; celle-ci en avant des reins recoit les veines des testicules, et se rend sur le côté droit de la co- lonne vertébrale jusqu’au lobe droit du foie, dans la substance du- quel elle s'enfonce (voy. n° 31, 32, 33, 34, 35, fig. 2, pl. IV); elle le parcourt d’arrière en avant jusqu'au sinus veineux de l'oreillette droite du cœur où elle se termine. Dans son trajet, elle recoit les veines hépatiques de cette moitié du foie, unie à l’autre seulement par un pont étroit de substance glanduleuse. Les veines du lobe gauche viennent s'ouvrir dans un vaisseau creusé en forme de sinus dans son bord supérieur (voy. n°37, id.), et qui se jette dans la veine cave postérieure, un peu en arrière de son embouchure dans le cœur. La veine cave postérieure reçoit aussi le (rone des veines coronaires du cœur. Au niveau du foie, elle est en rapport avee la veine porte et ses divisions, et les ramifi- cations hépatiques des veines épigastriques. Curieuse disposition de la veine porte hépatique non encore indiquée par les auteurs. (Voy. fig. 3, pl. IV.) Pour terminer l'étude des veines de l'abdomen, il nous reste à décrire la veine porte. Celle-ci prend son origine dans les veines > DU CAÏMAN À MUSEAU DE BROCHET. 445 du rectum, dont plusieurs s'ouvrent, comme nous l'avons vu, dans le ramus anastomolicus ; mais plus en avant, celles de la partie postérieure du gros intestin, en se réunissant, forment bientôt une veine d’un fort calibre, où plutôt un sinus veineux acco!é au bord concave ou adhérent de cette portion du tube digestif, entre les deux replis péritonéaux qui en partent (4) (voy. les n° 1,9, 3, 4, », fig. 3, pl. IV). Les vaisseaux veineux intestinaux se rendent directement dans ce canal qui longe le gros inteslin et la moitié postérieure de l'intestin grêle; puis il se sépare en deux veines qui, après avoir embrassé dans leur bifurealion ce dernier comme dans un anneau, se réunissent en un seul tronc (voy. n° 6, id.) qui est une des racines de la veine porte. De ces deux veines, la posté- rieure (voy. n° 4, id.) se continue avec le sinus indiqué ; l’autre (voy. n° 5, id.) se recourbe en anse, et va s'anastomoser avec l'extrémité des racines de l’autre partie de la veine porte. Ainsi un seul vaisseau accolé au gros inteslin et à la moitié postérieure de l'intestin grêle dessert directement la circulation efférente de celte portion du canal intestinal, et ne fournit aucune arcade : disposition qui contraste singulièrement avec la série des anses artérielles, qui s'étendent depuis le rectum jusqu’à l'estomac. Mais, au milieu du petit inteslin , on voit reparaitre l’arrangement ordi- paire, constitué par une série d’arcades vasculaires, dont la pre- mière communique à plein calibre avec la terminaison du sinus veineux (voy. n* 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, id.). Pourquoi celle exception curieuse dans la distribution de la veine porte? N'ya-t-il pas lieu d'admirer la simplicité des moyens employés par la nature? N'est-ce pas une des plus jolies applica- tions de la loi d'économie de M. le professeur Milne Edwards, dont nous avons donné de si nombreux et de si curieux exemples dans notre mémoire déjà cité sur la circulation du sang chez le Python. En effet, au lieu de cette formation si compliquée de la veine porte en séries d’arcades vasculaires que nous voyons chez (4) Cet accolement à l'intestin et ses connexions avec les deux feuillets du péritoine, qui, après avoir embrassé celte partie du tube digestif, sont en rapport intime ayec ce vaisseau veineux, en fonL une espèce de sinus à parois peu mo- biles. #° série. Zooz. T. IX. (Cahier n° 3.) ? 10 116 W. JACQUART, — SYSTÈME VEINEUX les Mammifères, nous trouvons ici un seul vaisseau longeant l’in- testin, et dans lequel se dégorgent directement toutes les veinules intestinales. N'est-ce pas l’arrangement le plus simple et le plus économique ? Nous ne croyons pas que personne avant nous ait indiqué cette remarquable disposition. La veine porte a donc d’abord pour racines le vaisseau allongé en forme de sinus (voy. n* 1, 2, 5, 4, fig. 3, pl. IV), puis un tronc constitué par la réunion des cinq ou six veines anastomosées entre elles en arcades (voy. n°6, 7, 8, 9, 10, 11, 19 19; Ah, id.). Ainsi constituée, elle reçoit encore trois ou quatre bran- ches réunies entre elles et avec les rameaux précédents, et venant de la partie antérieure de l'intestin grêle ou du duodénum, puis aussi le tronc des veines de la face postérieure de l'estomac ou gastro-épiploïques droites (voy. n* 17, 18, 19, 90, 27, id.); elle gagne alors le foie (voy. n°° 23, 24, 27, 50, fig. 2, pl. IV), en croisant obliquement la veine cave postérieure, et se divise en deux rameaux qui vont, l’un au lobe hépatique gauche (voy. n° 7, id.), l’autre au droit (voy. n° 27, 28, 30, id.), et se continuent à plein calibre avec la division interne de chaque veine épigastrique. La veine porte, avant de se bifurquer, donne en outre à la moitié droite du foie des ramifications directes (voy. n° 25, 26, id.) ; d'autres subdivisions vont aux deux lobes, et sont fournies par les branches anastomosées avec les veines épigastriques (voy. n° 30 et 6). Chez la Grenouille etle Crapaud (voyez le mémoire déjà cité de M. Gruby), on trouve déjà deux veines épigastriques dites mus- culo-cutanées, qui naissent comme les veines dont il est question ici. Mais avant d'atteindre le foie, elles se réunissent en un tronc unique qui se subdivise, el va s’aboucher dans la glande avec une des divisions de la veine porte. Résumé. Chez le Caïman à museau de Brochet on voit que : A Les veines de Jacobson n'ont, avec les veines rénales pro- prement dites ou émulgentes, nées sous forme de sinus, que des anastomoses capillaires, et aucune d’un calibre un peu fort, DU CAÏMAN A MUSEAU DE BROCHET. 147 2? La veine porte présente deux modes de distribution. Pour le eros intestin et la moitié postérieure du petit, il y a absence d’ar- cades veineuses réunies entre elles, et une veine longe leur bord adhérent, et revoit directement les veinules intestinales. Puis, à partir du milieu de l'intestin grêle jusqu'à l'estomac, il existe une série d’arcades qui viennent se jeter dans le tronc principal de la veine porte ; en un mot, on voit reparaitre ici le mode de distri- bution ordinaire de ce système vasculaire. 3° N'ayant pas eu occasion de disséquer des œufs de Crocodile en voie de développement, nous n’osons l’aflirmer , mais nous sommes porté à regarder comme deux veines ombilicales persis- lantes les veines épigastriques (4). En effet, on peut les consi- dérer comme se continuant avec les hypogastriques, el par consé- quent comme partant du eloaque, analogue de l’allantoïde ; elles viennent ensuite se terminer dans le foie, et s’y anastomosent toutes deux avec la veine porte à plein calibre. Dans le mémoire du docteur Jacobson déjà cité, et traduit textuel- lement, on trouve le passage suivant : « Le système veineux chez » tous les Amphibies suit le troisième mode, diversement con- » slitué, suivant que la partie postérieure de la queue de chaque » animal est plus longue (2). 1 y a en outre un organe propre à » la classe des Amphibies qui donne quelques veines au système (4) Nous avons rappelé que l'on trouve chez les Batraciens deux veines musculo-cutanées dont la naissance et la terminaison sont celles des veines épigastriques, que nous avons décriles chez le Caïman à museau de Brochet. A la wérilé, les veines musculo-culanées des Balraciens se réunissent en une seule veine ayant d'arriver au foie; mais c'est là une différence peu importante, et nous ne saurions méconnaiire ici une+analogie frappante entre les Batraciens el les Sauriens, entre des Verlébrés anallantoïdiens et des allantoïdiens. Est-ce que par hasard la présence ou l'absence de l'allantoïde, regardée comme un Caraclère si fondamental de classification entre les Vertébrés, devrait perdre beaucoup de son importance? Ne pourrait-il se faire que loule la différence con- sistät en ce que, chez les anallantoïdiens, l'allantoïde reste Loujours dans le corps de l'animal sous forme de vessie, tandis que chez les allantoïdiens elle est d'abord située en dehors de l'abdomen, pour y rentrer ensuite. (2) Ce troisième mode consiste dans la disposition suivante : les veines qui reviennent de la partie postérieure du corps donnent naissance à la veine cau- 118 HE, JACQUART. — SYSTÈME VEINEUX » des veines de Jacobson. Il consiste dans un sac unique, ou double » sac membraneux, contenant souvent un liquide incolore et com. » muniquant avec le cloaque, ou un sac membraneux allongé, » rempli de graisse et non uni au cloaque, » Sur le Caïman que nous déerivons ici, il existait effectivement une poche, de la gros- seur d'un œuf de poule, richement pourvue de vaisseaux veineux se rendant à la veine porte. Mais une rupture des veines ayant amené un épanchement de la matière injectée, nous n’avons pu en faire l'anatomie, et en déterminer la signification. Cette lacune in- volontaire dans notre travail est d'autant plus regrettable, qu'ayant profité de nouvelles recherches faites par nous, sur (rois où quatre Serpents de deux à trois mêtres, au sujet des veines de Jacobson, nous avons complété dans ce dernier mémoire leur description, déjà en grande partie ébauchée dans notre travail déjà cité, et indi- qué un point de leur histoire qui nous a paru surtout offrir de l'intérêt : c'est-ä-dire la fusion de ce système veineux avec celui de la veine porte hépatique, par des anastomoses nombreuses, et quelques-unes de très gros calibre. Sans savoir si, comme le docteur Jacobson l’affirme dans son mémoire, les veines portes rénales s’anastomosent autrement avec la veine porte hépatique, ce qui serait une nouvelle conquête im- portante pour la loi d'unité de plan, comme les veines de Jacobson ont avec les veines musculo-culanées ou épigastriques une ori- gine commune, puisqu'elles proviennent toutes deux des veines hypogastriques, tout ce que nous avons dit sur la fusion des sys- tèmes de la veine porte hépatique et des veines portes rénales peut s’y appliquer. De plus, la large anastomose transversale qui unit les deux veines hypogastriques, avant qu’elles donnent naissance aux veines museulo-cutanées el aux veines de Jacobson, établit chez le Caïman à museau de Brochet une sorte de solidarité, dans le cours du sang, entre le double arbre vasculaire droit et le gauche. En même temps il découle de cette disposition anato- dale, qui rapporte aussi le sang de la peau, et se divise en deux rameaux, etc., comme nous le voyons ici sur le Caïiman à museau de Brochet. Mais outre les veines fournies aux reins, il y a une branche considérable qui l'unit à la veine porte hépatique, et non à la veine cave postérieure, comme l'avance Nicolaï, DU CAÏMAN A MUSEAU DE BROCIET. 149 mique des conséquences physiologiques dont nous avons fait sentir l'importance chez les Ophidiens. Ne pouvant nous appuyer sur l'observation directe de l’état embryonnaire du Crocodile, nous invoquons l’analogie. Les Rep— tiles se développent, en effet, comme les Oiseaux, dans un œuf. Nous trouvons d’ailleurs Ja confirmation de ces vues dans une note du traducteur de l'Anatomie comparée de Mekel, M. Th. Schuster (p. 354, vol. IX) : « Chez les Batraciens, dit-il, la veine épigastrique va se dégor- » ger dans la veine ombilicale, qui demeure perméable iei pendant » toute la vie. Cette dernière reçoit en même temps les veines de » la grande poche allantoïdienne, communément appelée vessie » urinaire. On ne parvient à comprendre cette organisation qu’en » se rappelant que les animaux chez qui elle a lieu se développent » sans cordon ombilical ni placenta. Elle prouve que, chez eux, » la surface de la peau elle-même joue primitivement le rôle de » membrane respiratoire du fœtus; d’où il suit que la veine om- » bilicale doit naître de cette surface cutanée de l’allantoïde, qui ici » ne quitte jamais l'intérieur du corps. » En publiant cet opuscule avec les planches que nous avons exécutées d'après nos dissections, et nous pouvons dire sous les yeux de M. le professeur Milne Edwards, remplaçant M. le pro- fesseur de Quatrefages dans la surveillance de son laboratoire, nous n'avons pas la prétention de donner un travail complet et achevé; nous aurions eu besoin, pour élucider certains points restés obscurs, de répéter notre examen au moins sur un autre Reptile semblable. Nous avons seulement cherché à faire ressortir loute limpor- lance des applicalions de l’embryogénie à l'étude de l’anatomie comparée. Si l’on conteste la légitimité des prétentions de la première, quand elle professe que les différentes phases de l’évo- lution des êtres supérieurs représentent, d’une manière transitoire, certaines dispositions anatomiques permanentes , chez d’autres êtres plus abaissés, certes, on ne niera pas que l’embryogénie n'éclaire des plus vives lumières certaines modifications orga- niques qui paraissent au premier abord inexplicables. 150 I, JACQUART, — SYSTÈME VEINEUX Qu'on dispute, si l’on veut, quelques parcelles de territoire aux immenses États conquis par ce grand génie qui avait nom Geoffroy Saint-Hilaire , il lui restera encore un assez vaste empire, qu'ont su agrandir et que sauront défendre ses dignes et illustres colla- borateurs, M. le professeur Serres et M. le professeur Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Pour nous, leur disciple modeste et dévoué, que dans les champs qui leur ont donné de si riches moissons il nous soit permis de glaner çà et à quelques-uns des épis oubliés ou dédaignés par ces maîtres de la science! EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE à, Explication de la figure 4. Cette planche représente d'après nalure, avec une réduction d'un quart, les veines de l'abdomen d'un Caïman à museau de Brochet qui, d'une extrémité à l'autre, mesure environ un mètre. Le diaphragme a été enlevé, la paroi abdominale incisée largement jusqu'en arrière de l'anus, et les deux moitiés rejetées et rabattues de chaque côté. Le gros intestin est fortement porté à droite. Le cœur, le foie et l'estomac sont intacts et en place. La substance des deux reins a été divisée, dans le rein droit pour y suivre la distribution des veines de Jacobson, dans le gauche pour y montrer les racines des veines émulgentes et leur disposition en forme de sinus. Presque tout l'in- testin grêle a été enlevé, à l'exception du commencement du duodénum et de la partie du gros intestin la plus voisine de celui-ci. Les vaisseaux ont été remplis d'une injection solide bleue dans les veines, rouge dans les artères. Sur cette planche, les artères sont distinguées des veines par leur teinte rouge et de petites hachures transversales. 1. Anus. 2. Racine du membre pelvien gauche. 3. Section du pubis. 4, 4. Base de la queue. 5. Moitié droite de la paroi abdominale rabattue, 6. Cloaque presque entièrement caché par la paroi abdominale. 7. Gros intestin. 8, 8, 8, 8, 8. Aorte abdominale. DU CAÏMAN À MUSEAU DE BROCHET. 151 9. Veine caudale couvrant en parlie la terminaison de l'aorte. 10. Veine hypogastrique gauche. 41. Veine hypogastrique droite. 42. Réunion de ces deux veines avec la veine caudale. 13. Tronc veineux recevant la veine suivante. 14. Veiue ischiatique gauche. 14'. Tronc d'anastomose entre les deux veines hypogastriques : ramus anaslo- moticus de Nicolaï. 15, 145, 15. Veine épigastrique droite. 16, 46, 16. Veine épigastrique gauche. 17. Veine crurale gauche s'enfouçant sous l'arcade crurale. 18. Veine de Jacobson droite hors du rein. 18". Veine de Jacobson gauche hors du rein. 49. Veine crurale droite s'enfonçant sous l'arcade crurale. 20. Une des divisions de la veine épigastrique droite au niveau du bord tran- chant du foie; d, premier rameau fourni par cette veine; f, deuxième rameau fourni par elle; q, q', q'!, divisions de la veine épigastrique droite dans le foie. 21. Artère mésentérique. 22. Rameau externe de l'arbre vasculaire formé par la veine de Jacobson droite dans le rein correspondant. 22, Rameau interne ; j, tronc de la veine de Jacobson droite dans le rein donnant de nombreux rameaux en dedans et en dehors; a, a, a, artères rénales droites ; a’, une des artères rénales gauches ; r, r, r, veines émul- gentes droites : s, s, veines émulgentes gauches. 93. Uretère droit. 24. Uretère gauche. 25, Arbre vasculaire formé par les racines d’une veine émulgente du rein gauche. 26, 27. Espèces de sinus que semblent former les racines des veines émul- gentes, quand on les a vidées d'injection. 28, 28, Veines stomacales. 29. Une division de la veine épigastrique gauche dans le foie. 30. Une autre division donnant les trois veines suivantes : 34. 4° Une veine terminée en cul-de-sac en bas ; 32. 2° Une autre s'enfonçant dans le foie; 33. 3° Enfin une division anastomosée par inosculalion avec la veine porte. 34. Veine allant à la face postérieure de l'estomac, ou veine gastro-épiploïque droite. 35. Veine pylorique. 36, 36, Deux autres divisions de la veine épigastrique gauche dans le foie. 37, 38. Veines duodénales ; P, tronc de la veine porte. , 152 1, JACQUART, — SYSTÈME VEINEUX 39, 39, 39, 39. Artère coronaire stomachique. 40, 40, 40, 40. Veine coronaire stomachique fournie par l'épigastrique gauche. 41. Veine récurrente longeant le bord tranchant du lobe gauche du foie 42. Veinc pylorique. 43. Artérioles fournies au gros intestin. 4%. Trois veines venant du cloaque. 45. Partie supérieure du cloaque; ce, artère crurale droite ; c', crurale gauche; D, duodénum ; £, E, estomac vu par sa face antérieure; F, vésicule du foie; p, sinus veineux, l’une des racines de la veine porte; G, cœur ; 0, 0’, oreil- lettes droite et gauche ; P', portion du péricarde ouvert ; V, les deux ven- tricules ; v, artère splénique; R, rate. PLANCHE |. Explication de la figure 2. Cette figure représente la distribution dans les deux lobes du foie des deux veines épigastriques où musculo-cutanées, et de la veine porte ; la veine cave postérieure dans la substance glanduleuse, l'abouchement des veines hépati- ques dans cette dernière, et enfin l'arrivée de la veine cave postérieure dans le sinus veineux de l'oreillette droite, (Réduction aux deux tiers.) F, F, F, lobe gauche du foie ; F’, F', F', lobe droit ; !, languette étroite de sub- stance hépatique qui unit ces deux lobes. 1. Sinus veineux de l'oreillette droite. 2. Veine épigastrique gauche. 3. Veine épigastrique droite. 4. Rameau terminé en cul-de-sac qu'elle fournit entre les deux lobes du foie. 5. Veine stomacale. 6. Rameau veineux allant à la languette d'union des deux lobes. 7. Branche anastomotique commune à la veine porte el à la veine épigastrique gauche. 8. Rameau fourni au foie par la veine épigastrique gauche. 9, 40, 41, 42. Idem. 43. Veine contournant le bord du lobe gauche du foie. 14. Une des divisions de la veine épigastrique droite. 15. Veinecontournant le bord tranchant du lobe droit du foie. 16, 17, 18, 49. Rameaux hépatiques fournis par la veine épigastrique droite, 20. Rameau de bifurcation de la veine épigastrique droite. 21. Continuation de ce rameau qui donne au foie. 22. Anastomose considérable et à plein calibre de la veine épigastrique droite dans le foie avec la veine porte. 23. Tronc de la veine porte hors du foie. DU CAÏMAN A MUSEAU DE BROCHET. 155 Tronc de la veine porte dans le foie. . Une de ses divisions. . Idem. . Bifurcalion droite de ce vaisseau. Nous avons indiqué la gauche au n° 7. . Rameau d'anastomose abouché avec la veine épigastrique droite. Autre rameau moins fort, continuant son trajet dans le foie et s’y épuisant, 30. Ramuscules qu'il fournit. 34. Veine cave postérieure hors du foie. 32. Veines qu'elle reçoit du foie ou hépatiques. 33, 34, 35, 36. Idem. 37. Sinus veineux qui longe la languette d'union des deux lobes du foie, recoit toutes les veines hépatiques du lobe gauche, et vient se jeter dans la veine cave postérieure, immédiatement avant son arrivée dans le sinus veineux du cœur. 19 19 19 19 © © D 1 Q Ur à = Explication de la figure 3. Cette figure représente les racines ou la naissance de la veine porte dans le gros inteslin, l'intestin gréle et l'estomac, et son arrivée dans le foie, ainsi que les artères mésentériques, pyloriques et gastro-épiploïque droite. ( Demi- grandeur naturelle.) G, portion du gros intestin; 7, 1, 1, 1, intesiin grêle; V, vésicule du fiel; C, canal cholédoque; Æ, face postérieure de l'estomac relevée ; F, lobe droit du foie renversé , ainsi que le duodénum et l'estomac. 1, 2, 3, 4. Veine unique longeant, en forme de sinus, le bord adhérent du gros intestin, et à peu près la moitié de l'intestin grêle, en recevant direc- tement les veinules. 5. Sa terminaison dans 6. Une racine de la veine porte. 7, 8, 9, 10, 41, 12, 13, 44. Autres racines de celte veine, anastomosées en arcades à la manière ordinaire, et recevant les veinules de la moitié de l'intestin grêle qui n’a pas été desservie par le sinus veineux. 45, 46. Deux branches qu'elle fournit au foie et qui le terminent. 47. Veine gastro-épiploïque droite. 48, 49, 20, 24. Ramifications de celle-ci sur la face postérieure de l'estomac en compagnie de l'artère. 22. Tronc considérable naissant de l'aorte abdominale et fournissant : 23. A. Une branche qui donne naissance aux trois artères suivantes : 2%, 4° Une artère gastro-duodénale ; 25. 2 L'artère mésentérique supérieure ; 26. 3° Une artère coronaire stomachique. 154 NH, JACQUART. — SYSTÈME VEINEUX, ETC. 27. Une des divisions de la veine coronaire stomachique venant de la face anté- rieure de l'estomac, anastomoser pour celle-ci avec la veine gastro-épiploïque droite, sur la face postérieure de ce viscère. 28. B. Artère épiploïque droite. 28, 29, 30, 31. Ramifications de l'artère gastro-épiploique droite. 32, 33,34, 35, 36, 37, 38, 39, 39. Séries d'arcades vasculaires formées par l'artère mésentérique inférieure, et leurs ramuscules dans l'intestin grêle et le gros intesiin. 40. Tronc de subdivision de l'aorte abdominale; €, veine cave inférieure. RECHERCHES SUR LES OSSEMENTS DES CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM (HAUT-RHIN), PRÉCÉDÉES D'OBSERVATIONS SUR L'OSTÉOLOGIE DE L’OURS BRUN DES PYRÉNÉES, Par M. Joseph DELEHOS, Professeur à l'École“des sciences appliquées de Mulhouse, Dans son étude générale de l’ostéologie des Carnassiers, Cuvier a décrit avec une exactitude el une lucidité admirables toutes les particularités de quelque importance qui peuvent servir à caracté- riser les différents genres (4). Pour un travail d'ensemble comme les Recherches sur les ossements fossiles, il était inutile d'entrer dans l'examen détaillé de certaines parties du squelette, qui ne sont pour les déterminations que d’ane utilité secondaire, mais qui ont cependant encore une importance {rès réelle au point de vue de l'ostéologie générale et de la comparaison avec les restes fossiles. I m'a done semblé que le grand naturaliste avait laissé quelque chose à faire, même après lui, dans les études de détail. J'ai voulu rapporter à là véritable place qu'ils occupent dans le squelette tous les ossements d'Ours fossiles que les cavernes de Sentheim ont fournis en si grande abondance. Pour cela, j'ai dû me livrer à une étude préparatoire sur l’ostéologie de l'Ours vivant, autant du moins que le comportaient les éléments de travail que j'avais à ma disposition. Un squelette d'Ours brun des Pyrénées, très complet et bien adulte, dans lequel les ligaments articulaires ont été conservés, et qui fait partie du Musée de la Société indus- (4) Recherches sur les ossements fossiles, 4° édit., in-8°, 4835, t. VII, p. 4. 156 J. DELBOS. — RECIERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE trielle de Mulhouse, a été pour moi d’une grande utilité, L'examen attentif des différents os, considérés en eux-mêmes et dans leurs rapports mutuels de formes et de dimensions, m'a permis de re- cueillir quelques observations dont j'ai tiré parti dans la détermi- nation des débris fossiles. Il ne sera pas inutile de résumer celles de ces observations qui n’ont pas encore été publiées, à ma con- naissance, car elles forment un des éléments essentiels de mes études sur les ossements fossiles des cavernes. TÊTE. Cuvier a montré, dans une descriplion concise, les points prin- cipaux par lesquels la tête de l’Ours diffère de celle du Chien, qu'il a pris pour type dans l’ordre des Carnassiers, et dont il a donné une description très exacte. Aux différences signalées dans les Recherches sur les ossements fossiles (1), j'ajoulerai les sui- vantes : Téle en général. — À. Le palais, triangulaire dans le Chien, conserve dans l’Ours une largeur à peu près égale sur toute son étendue, et présente ainsi la forme d’un quadrilatère arrondi seule- ment en avant. 2. L'espace intercepté entre les crêtes ptérygoïdes égale en lar- geur à peu près les deux tiers du palais, et en longueur seulement le quart. Dans le Chien, ce même espace n’est que moitié plus étroit que le palais, mais sa longueur en égale à peu près le tiers. 3. L'apophyse mastoïde, terminée par une épiphyse, dépend du temporal, et forme un bourrelet saillant situé derrière le méat au- ditif. Un gros tubereule prismatique qui fait partie de l'occipital, et en avant duquel passe la suture temporo-occipitale, se relie par une crête à l’éminence du temporal, et complète l’apophyse mastoïde. Dans le Chien, le temporal ne porte pas d’apophyse mastoïde ; mais cette saillie se retrouve sur l’occipital sous la forme d'une éminence comprimée et saillante en arrière de la caisse (2). (1) Ostéologie des Carnassiers, art. 3, t. VIT, p. 93, 4° édit. (2) Dans une tête de Chien que j'ai sous les yeux, celte apophyse ne s'est pas développée du côté gauche. DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 157 Sutures. —- 1. Les intermaxillaires s'élèvent jusqu’au delà du milieu des os nasaux pour s’articuler avecun prolongement triangu- laire du frontal. De ce point, la suture fronto-maxillaire remonte droit jusqu’au niveau du tiers postérieur de l'orbite pourredescendre ensuite obliquement jusqu'au lacrymal, qui est tout entier dans l’or- bite. Dans le Chien, les intermaxillaires ne montent que jusqu'au liers des os nasaux, et ne se réunissent pas au frontal. 2. Les trous incisifs, plus alténués et plus divergents en arrière, sont en entier dans les intermaxillaires qui échancrent la portion du palais formée par les maxillaires. Entre ces deux trous et un peu en arrière, il y à un troisième trou plus pelit situé sur la suture des deux os incisifs, et qui n'existe pas chez le Chien. Chez ce dernier, les maxillaires contribuent à former les trous incisifs. 3. La face malaire est un peu plus saillante à la base du jugal. k. L'apophyse zygomatique ne s’avance pas dans l’arcade jus- qu'à l’apophyse poslorbitaire, comme chez le Chien. 5. Le palatin prend beaucoup plus de place dans l'orbite. A par- tir de son articulation avec le sphénoïde antérieur, en avant du trou rond, son bord se porte directement jusqu’à sa rencontre avec le lacrymal. 6. Le sphénoïde antérieur est, par contre, beaucoup plus petit. Après avoir concouru à former le trou sphéno-orbitaire, son aile lemporale se termine à très peu de distance, coupée par le tem- poral et par le palatin. Chez le Chien, cette aile s’'avance beaucoup, jusqu'au niveau des apophyses postorbitaires. 7. Le sphénoïde postérieur s'étend beaucoup plus dans la fosse temporale et dans l'orbite; son aile, pointue antérieurement, s’avance jusqu'au delà du trou optique. I s'articule inférieurement avec le frontal et le sphénoïde antérieur. Chez le Chien, il est tronqué en avant par ces deux derniers os. Trous.— 1. Le canal lacrymal est formé à la fois par l'os lacry- mal et par le maxillaire; il est sur le bord antérieur de l'orbite, au-dessus de la racine du jugal. Chez le Chien, il est creusé seule- ment dans l'os lacrymal, et il est situé dans l'orbite et derrière la racine supérieure du jugal. 158 J. DELBOS, — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE 2. Le sous-orbitaire est bien plus rapproché de la racine du jugal ; il a la forme d’une fente située au-dessous de la pénultième molaire. Il s'ouvre dans l'orbite, comme chez le Chien; mais il se trouve sur la ligne de séparation du palatin et du maxillaire, et le laerymal ne contribue pas à le former. 5. Le trou sous-orbitaire postérieur, vestige d'un espace mem- braneux qui tend à s’oblitérer avec l’âge, est situé entre les trous lacrymal et sous-orbitaire antérieur, sur la suture de los lacrymal avec le palatin. Il est à l’angle antérieur, et moins dans l'orbite que chez le Chien. 4. Les trous sphéno- et ptérygo-palatins sont situés comme chez le Chien. Le second donne dans le palais par trois canaux : l’antérieur s'ouvre en dedans de l'intervalle qui sépare les deux dernières molaires, sur la suture du palatin avec le maxillaire, et se prolonge en avant sur le palais par un sillon qui va en s’élar- gissant; le moyen, bien plus étroit, est dans le palatin, de même que le postérieur qui est encore plus fin. 5. Le trou orbitaire est plus petit que l'optique, et celui-ci que le sphéno-orbitaire, qui est à son tour plus petit que le rond. Tous ces trous sont alignés au-dessous d’une crête, qui part du bord supérieur du trou rond pour se diriger en droite ligne vers l'apophyse poslorbitaire du frontal, et qui n'existe pas chez le Chien. Chez ce dernier, l'orbitaire est très petit, l'optique et le rond à peu près égaux, le sphéno-orbitaire le plus grand. Le canal vidien el le trou ovale sont placés de la même manière. 6. Les trous ovale et rond sont percés, comme chez le Chien, dans le sphénoïde postérieur; le sphéno-orbitaire est sur la suture de cet os avec le sphénoïde antérieur; mais l'optique et l’oxbitaire sont creusés dans le frontal, tandis que le premier est chez le Chien dans le sphénoïde antérieur. 7. Les ouvertures de la trompe d'Eustache et du canal caroti- dien, très petites, sont plus irrégulières, et prolégées par une lame par laquelle la caisse se termine en avant. 8. Le trou déchiré postérieur est plus irrégulier, et moins en forme de fente. 9. Le trou stylo-mastoidien est dans la dépression qui sépare Ja DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 159 caisse de l’apophyse mastoïde, entre le trou déchiré et le méat au- diuif externe. 40. La scissure de Glaser est à peine indiquée. Le canal vei- neux, fort petit, est placé à la base de l’apophyse zygomatique, mais au-dessous du méat auditif et non en avant. 11. Le conduit auriculaire externe est moins largement ouvert; il est protégé en haut par la forte saillie que forme la racine posté- rieure de l’apophyse zygomatique. Une lame en forme de gouttière, qui part du rocher, prolonge en dehors le bord inférieur pour donner attache aux ligaments de la conque. MACHOIRE INFÉRIEURE. Il est surprenant que Cuvier n'ait pas décrit cette partie du squelette dans son Ostéologie des Carnassiers. Il a pensé, sans doute, que les dents étaient plus que suffisantes pour caractériser les genres et même les espèces, et que, dès lors, les caractères tirés des os qui les supportent n'offraient qu'un intérêt secondaire, et pouvaient êlre passés sous silence. Mais indépendamment de ces dents, sur lesquelles il n’y a rien à ajouter aux descriptions si complètes et si claires de Cuvier, j'ai pensé que les mâchoires in- férieures pouvaient fournir des renseignements utiles, et c’est ce qui m'a décidé à décrire celle de l’Ours avec quelque détail. Forme générale. — 1. Dans l’Ours brun des Pyrénées, les deux branches se réunissent sous un angle de 55 à 60 degrés, mesuré en dessous. 2, La branche de chaque maxillaire, mesurée du bord alvéolaire antérieur jusqu'à la partie postérieure de la dernière molaire, forme les deux tiers de la longueur totale, mesurée du même bord jusqu'au milieu du condyle. Ces proportions doivent être d’ailleurs sujelles à variation dans les espèces à court ou à long museau. Face externe. — 4. Près de la symphyse, elle est criblée de nombreux pertuis destinés à livrer passage à des artérioles. A une petite distance de la symphyse, vers son tiers supérieur, il ÿ a un trou plus gros de chaque côté, mais dont l'existence ne parait pas conslante. 160 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE 2, La branche du maxillaire se déprime derrière la canine, sous l'espace vide qui la sépare de la première molaire. 3.11 ÿ atrois trous mentonniers. Les deux premiers, rapprochés, sont placés au-dessous de cet espace vide : l’antérieur vers le tiers inférieur ; le moyen, plus grand, vers le milieu de la hauteur du corps du maxillaire. Le troisième, plus écarté, beaucoup plus pe- lit, est sur la même ligne que le moyen, au-dessous de l'intervalle qui sépare la première molaire de la deuxième. Tous trois s'en- foncent en arrière dans l'épaisseur de l'os. h. La face d'insertion du masséter, peu profonde, a la forme d’un triangle à sommet arrondi, dont la base s'appuie sur le bord postérieur du maxillaire. Les deux côtés de ce triangle sont limités en haut par la crête peu saillante qui va former le bord antérieur de l’apophyse coronoïde, en bas par un bourrelet, moins marqué encore, qui se rend à l’apophyse angulaire. Face interne. — 1. Le canal dentaire, très développé, est situé au-dessous du bord antérieur de l’apophyse coronoïde, en arrière de la verticale abaissée du bord postérieur de la dernière molaire, et au milieu de la hauteur du corps. 2. La surface d'insertion du crotaphite est un peu convexe, et occupe loute la face interne de l’apophyse coronoïde. Bord supérieur.— La partie alvéolaire est complétement connue par les descriptions de Cuvier. L'apophyse coronoïde a dans son ensemble la forme d’un triangle rectangle, dont le bord antérieur, convexe, représente l’hypolénuse, et dont le bord postérieur, concave, concourt à former la grande échancrure sigmoïde. Bord postérieur. — À. Au-dessous de cette échancrure, sur le prolongement de la ligne des molaires, se trouve le condyle, élargi en portion de cylindre, à col très court. La surface articulaire, arrondie, s’élargit de dedans en dehors, et s'incline dans le même sens et d'avant en arrière. Elle est limitée postérieurement par des rugosités servant à l'insertion du ligament articulaire. 2, Au-dessous du condyle, il y a une échancrure dont la forme est celle d’une demi circonférence presque parfaite. Cette petite échancrure sigmoïde sépare le condyle de l’apophyse angulaire ou crochue, erochet aigu et saillant qui forme l'angle de la mâchoire, DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 1ü1 et dont la ponte se porte un peu en dedans. Par son bord infé- rieur qui se continue sur la face externe du maxillaire, celte apo— physe circonserit inférieurement la fosse massélérienne. 3. En dedans, l’apophyse angulaire présente une surface rugueuse elliplique qui se prolonge sur son bord inférieur, et qui servait sans doute d'insertion au muscle ptérygoïdien in- terne. Bord inférieur. — 1. L'échancrure qui sépare l’apophyse cro- chue de ce bord se termine en avant par une pelite saillie pyramidale aiguë, quelquefois bituberculeuse, située verticalement au-dessous de l’orifice du canal dentaire. La pointe de cette apophyse, dirigée en arrière, limite une goultière qui se porte en dedans, el qui servait peut-être à loger l'artère faciale. 2. En avant de celte apophyse commence une surface d'inser- tion longue et étroite qui s'étend sur Île côlé externe du bord infé- rieur, et va en s’évanouissant au niveau de la pénullième molaire. Cette impression devait recevoir l'attache d’un muscle abaisseur, probablement du mylo-hyoïdien. 9. À partir de l’apophyse inférieure dont il vient d’être question, le bord inférieur est un peu convexe jusqu’à l'extrémité dela face d'insertion du mylo-hyoïdien , puis il se porte en ligne droite jus- qu’à la symphyse, où il se recourbe fortement pour former le menton. Dans la tête de Caiex que j'ai sous les yeux, la machoire infé- rieure présente la même conformation générale, sauf les dents que je n'ai pas à examiner après Cuvier, et les particularités sui- vantes : 1. Les deux branches se réunissent sous un angle de 30 degrés seulement. 2. La branche dentaire forme presque les (rois quarts de chaque maxillaire. 3. 1 n'y a que deux trous mentonniers, placés l’un et l’autre uu peu au-dessous de la demi-hauteur du corps. L'antérieur, plus grand, est sous la première fausse molaire, le postérieur sous la troisième. 4° série. Zooc. T. IX. (Cahier n° 3.) 5 .M 162 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE k. La fosse massétérienne est bien plus profonde, bien mieux circonserite en avant par la crête qui va former le bord antérieur de l’apophyse coronoïde, en bas par une crête qui se rend à l’apo- physe crochue. Il y a, en outre, une troisième crêle très marquée qui part du point de réunion des deux premières pour se rendre au bord externe du condyle, et qui n’existe pas chez l'Ours; elle limite supéricurement une surface triangulaire rugueuse située au-des- sous de la grande fosse, et qui devait recevoir une partie du massé(er. 5. L'orifice du canal dentaire est plus rapproché du condyle, au-dessous de la moitié de la hauteur du corps. 6. L’apophyse coronoïde est un peu plus penchée en arrière, et tend à prendre la forme d’un triangle obtusangle. 7. La petite échanerure sigmoïde est moins courte; son con- tour figure une demi-ellipse partagée suivant son grand axe. 8. L’apophyse angulaire est presque dans le plan du maxillaire; chez l'Ours, elle est plus en dehors de la ligne du bord infé- rieur. 9. Il n'existe pas de tubercule sur le bord inférieur, à l’origine de l'empreinte du mylo-hyoïdien, de sorte que ce bord est continu depuis l’apophyse crochue jusqu'au menton. COLONNE VERTÉBRALE. Elle se compose de quarante vertèbres, savoir : sept cervicales, quatorze dorsales, six lombaires, sept sacrées el six coccygien- nes. J'examinerai successivement les caractères communs aux vertèbres de ces cinq régions, puis les différences qui peuvent servir à les distinguer les unes des autres. . Région cervicale. Les deux premières vertèbres sont bien connues, et je n'aurai que peu de chose à en dire; mais il n’en est pas de même des cinq dernières qui n’ont pas été, que je sache, l’objet de descriptions spéciales. DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 163 Atlas. — A. L’arc supérieur présente en avant un tubercule, veslige des apophyses épineuses des vertèbres suivantes. 2. Les spophyses transverses ou grandes ailes s’étalent horizon- talement, mais un peu en arrière et légèrement en bas. Aæis. — 1. Corps assez long, mais très plat; sa face inférieure a la forme d’un trapèze, dont la base égale à peu près la hauteur, avec deux saillies antérieures formées par les apophyses articu- laires: elleest bordée par deux crêtes qui vont former les apophyses transverses ; le milieu de cette face est marqué d’une crête, et il y en a, en outre, deux auires moins distinctes, et divergentes d'avant en arrière de chaque côté. 2. Apophyse épineuse énorme, en forme de faux, élargie posté- rieurement en une base triangulaire, qui s'élève perpendiculaire ment au-dessus de la troisième cervicale; pédicules plus étroits que chez le Chien. 3. Apophyses lransverses pointues, dirigées en arrière et en dehors. h. Apophyses articulaires antérieures situées sur le corps de chaque côté de l’apophyse odontoïde, arrondies, et regardant en arrière et en dehors. 5. Apophyses articulaires postérieures placées à la base de l'apo- physe épineuse, regardant obliquement en arrière, en bas et un peu en dehors. Vertèbres cervicales postérieures. Caractères communs aux cinq dernières cervicales. — 1. Corps peu développé, élargi en travers, à face inférieure peu convexe. Face antérieure légèrement convexe ; la postérieure un peu con- cave; loutes deux un peu obliques sur l’axe du corps; l’antérieure regardant un peu en bas, la postérieure un peu en haut. 2. Apophyses épineuses courtes et grêles, amincies de la base au sommet, se terminant presque en pointe. 3. Apophyses transverses (rés dilatées à leurs extrémités, se dirigeant en dehors et se courbant en bas. h. Apophyses articulaires à surfaces planes ; les antérieures 164 J. DELROS. — RECHERCIES SUR L'OSTÉOLOGIE obliques, convergeant vers le canal sous un angle de 45 degrés; les postérieures regardant obliquement en dehors. 5. Anneau élargi supérieurement par les apophyses articulaires en une surface quadrilatère presque plane, échancrée fortement en avant ét un peu moins en arrière, et au milieu de laquelle s'élève presque verticalement l’apophyse épineuse. Ces caractères peuvent servir à distinguer une vertébre cervi- cale quelconque de celles de toute autre région. Caractères particuliers. — 1. L'anneau supérieur aplati, et de forme presque carrée en dessus dans la troisième cervicale, s’échanere de plus en plus en avant dans les suivantes, et devient en même temps de plus en plus étroit dans le sens antéro-pos- térieur. 2. L'apophyse épineuse n’est qu'un petit tubereule dans la troi- sième. Dans les frois suivantes, c’est une lame atténuée au som- met, tranchante en avant, canaliculée à sa base postérieurement, à peu près verlicale. Dans la dernière, ou septième cervicale, elle devient un peu plus proéminente, beaucoup moins toutefois que dans la première dorsale, et s'incline un peu en arrière. 3. Les apophyses transverses se dilatent à leur extrémité dans la troisième en une lame dirigée d'avant en arrière et de dedans en dehors, dégénérant postérieurement en un tubercule. Dans les trois suivantes, cette lame devient graduellement plus étroite, mais plus saillante, et se porte de plus en plus en bas; en même temps, le tubercule tend à s'en séparer par un rétrécissement de plus en plus marqué et en se relevant, de façon que la lame tranchante fait saillie au-dessous de lui, et que l'extrémité de l'apophyse devient bifurquée. Dans la sixième, le tubercule est réellement pédiculé, et la lame, très développée, dirigée tout à fait en bas. Dans la septième, la lame manque, et les apophyses sont terminées seulement par un gros tubereule. Outre ces caractères, il en est de spéciaux qui permettent de reconnaitre avec une grande facilité la septième ou derniére cer- vicale. 1° La base des apophyses transverses n'est point percée comme dans les autres d’un canal destiné à loger l'artère verté- brale, Cette artère se comporte done chez l'Ours comme chez DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES, 165 l'Homme, où elle s'engage ordinairement dans les vertèbres, à partir de la sixième cervicale et très rarement de la septième. 2 Il existe de chaque côté de la face postérieure du corps une demi-facetle pour la tête de la première côte. Région dorsale. Elle comprend quatorze vertèbres, et peut être subdivisée en trois régions : une antérieure formée de deux vertèbres, une moyenne de huit, el une postérieure de quatre. Toutes leurs parties se modifient graduellement d’une extrémité à l'autre de la région, de telle sorte qu'il n'existe guère qu'un caractère qui leur soit commun : c’est l'existence de facettes arti- culaires, au nombre de deux ou de quatre, sur chaque corps ver- tébral, pour la réception des têtes des côtes correspondantes. Mais si, au lieu de considérer la région dorsalezdans son ensemble, on la divise comme je l'ai indiqué, on trouve que les vertèbres des trois régions secondaires possèdent des caractères très marqués qui peuvent servir à les distinguer Région antérieure. Caractères communs aux deux vertèbres. — 1. Corps raccourci, élargi transversalement, surtout en arrière, à faces antérieure et postérieure perpendiculaires à l'axe, portant quatre facettes arlicu- laires, savoir : deux antérieures situées de chaque côté du corps sur sa face inférieure, inclinées de 50 à 60 degrés sur l'axe ; deux postérieures sur la face postérieure du corps, à laquelle elles sont parallèles. 2, Apophyses épineuses longues et saillantes, un peu inclinées en arriére. 3. Apophyses transverses étalées, dilatées à leur extrémité. k. Apophyses articulaires antérieures écartées, situées à la base des apophyses transverses, à surfaces regardant en haut, mais convergentes vers le grand canal. Les postérieures, situées au- dessous de l'arc supérieur de l'anneau, à surfaces presque hori- 166 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE zontales, regardant en bas, mais un peu convergentes vers le grand canal. Caractères particuliers. — 4. La première dorsale ressemble beaucoup à la dernière cervicale; ses apophyses sont encore très développées, élargies ; les facettes articulaires postérieures, très écartées, regardent en bas et en dehors. 2. Dans Ja deuxième, les apophyses transverses deviennent plus faibles ; les facettes articulaires antérieures sont disposées comme dans la première, c’est-à-dire écartées, etregardant en haut et un peu en dedans ; mais les postérieures sont rapprochées, confon- dues à la base de l’apophyse épineuse comme dans les vertèbres de la région moyenne auxquelles elle forme passage. Région moyenne. Caractères communs aux huit vertèbres. — À. Corps cylindri- que en dessous, arrondi en avant, élargi en arrière par les deux facettes articulaires des côtes, portant quatre facettes : deux anté- rieures sur le corps même, inclinées de 50 à 60 degrés sur son axe; deux postérieures sur la face postérieure, et parallèles à son plan. 2. Apophyses épineuses longues et étroites. 3. Apophyses transverses divergentes, un peu redressées, ter- minées chacune par un gros tubercule muni en dessous d’une facette, pour l'articulation de la tubérosité de la côte correspon- dante. k. Apophyses articulaires se confondant avec la base des apo- physes épineuses : les antérieures, à surfaces comprises l’une et l'autre dans le même plan, rapprochées, formant une aire carrée ou demi-cireulaire, échancrée en son milieu par le grand canal vertébral, regardant en haut et un peu en avant; les postérieures, rapprochées au-dessous de l’apophyse épineuse, regardant en bas etun peu en arrière, planes, faiblement convergentes vers le grand canal. Caractères particuliers, — Les huit vertèbres de la région dorsale moyenne ne sont pas faciles à distinguer les unes des autres ; voici cependant quelques caractères généraux : DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 167 1. Le corps devient de plus en plus long et volumineux, à mesure que les vertèbres se rapprochent de la région posté- rieure. 2. Les apophyses épineuses s’inclinent de plus en plus en arrière. 3. La partie supérieure de l'anneau, vue en dessus, présente à la base de l’apophyse épineuse une dilatation formée par les faces des apophyses articulaires antérieures qui sont presque horizon- tales, et se rapprochent de manière à former une aire qui se des- sine de plus en plus ; cette dilatation est franchement triangulaire dans la première vertèbre de la région moyenne ou troisième dor- sale ; une petite saillie, produite sur les deux côtés du triangle par les apophyses postérieures, se prononce graduellement dans les trois suivantes, devient plus forte dans les trois autres, et finit par transformer le triangle en quadrilatère dans la dernière. L. Les faces des apophyses postérieures remontent progressive- ment sous la base de l’apophyse épineuse ; elles se rapprochent en même temps, et tendent à devenir horizontales. 5. Le tubercule qui terinine les apophyses transverses se pro- nonce de plus en plus; d’abord arrondi, il s’élargit d'avant en arrière à partir de la huitième dorsale, et atteint son maximum de largeur dans la dixième. Région postérieure. Caractères communs aux quatre vertèbres. —1A, Corps arrondi, échancré en cœur par le grand canal, sans facettes costales posté- rieures, portant en avant et sur les côtés deux facettes articulaires presque parallèles à son axe et sans facettes postérieures. 2. Apophyses épineuses devenant de plus en plus courtes, et passant à la forme d’une lame quadrilatère. 3. Apophyses transverses nulles. Dans la dernière dorsale seu- lement, elles sont représentées par un petit tubercule situé au- dessus de la facette articulaire costale. l. Apophyses articulaires se séparant de la base de l'apophyse épineuse pour devenir distinctes; elles ne ent qu'une modifica- 168 3 DELBOS. —— RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE tion des apophyses transverses de la région précédente, sur les- quelles descendent les faces articulaires antérieures, en même temps qu'elles cessent de s'unir aux côtes, dont les lêtes s’arti- culent de plus en plus inférieurement sur les corps vertébraux. Ces apophyses, qui ne sont dans la première dorsale postérieure qu'un gros tubereule, s’allongent d'avant en arrière dans les autres en une apophyse surnuméraire qui fortifiel’articulation vertébrale, en formant avec les apophyses articulaires postérieures une coche, dans laquelle vient s'emboiter l’apophyse articulaire antérieure de la vertèbre suivante. 5. Les surfaces articulaires des apophyses antérieures, con- caves, se relèvent de plus en plus pour devenir presque parallèles au-dessus du grand canal, regardant ainsi en dedans et un peu en baut. Les surfaces postérieures, situées à la base et de chaque côté de l’apophyse épineuse, vers laquelle elles se relèvent progressive- ment, deviennent presque parallèles, regardant en dehors, et con- vergeant un peu vers le grand canal. Caractères particuliers. — La première vertèbre de la région postérieure, ou onzième dorsale, établit le passage à la région moyenne ; elle à des caractères très marqués : — 1. Le corps, circulaire en avant, devient elliptique transversalement en arrière. — 2. L'apophyse épineuse, très couchée en arrière, est encore assez longue. — 3. Les apophyses articulaires antérieures se ler- minent par un tubercule élargi d'avant en arrière. — 4. Les sur- faces articulaires des apophyses antérieures forment encore une aire presque plane comme dans la région moyenne; mais les posté- rieures se relèvent, de manière à regarder en dehors et à devenir presque parallèles comme dans les dernières dorsales. Les trois dernières dorsales se distinguent moins facilement les unes des autres. Voici leurs caractères spécifiques : — 1. Les faces antérieure et postérieure du corps sont l’une et l’autre cir- culaires-cordiformes. — 2, L'apophyse épineuse devient de plus en plus courte, épaisse et quadrilatère, en passant de la première à la dernière. — 3. Les apophyses articulaires antérieures, tuber- culeuses en avant et en dehors, se terminent en arrière par une apophyse surnuméraire qui s'applique sur la face externe de l’apo- | | DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 169 physe articulaire antérieure de la vertèbre qui suit immédiatement. Ilen résulte que les tubercules des apophyses articulaires anté- rieures des onzième et douzième dorsales sont libres, el que ceux de la treizième et de la quatorzième s’emboîtent dans une sorte d’entaille formée par l’apophyse articulaire postérieure et l’apo- physe surpuméraire des vertèbres précédentes. Région lombaire. Les six vertèbres qui la composent offrent des caractères qui permettent de la subdiviser en deux autres régions : une anté- rieure, comprenant quatre vertèbres; une postérieure, qui n’en comprend que deux. Caractères communs à toutes les vertèbres lombaires. 1. Corps volumineux, cylindrique-cordiforme, dépourvu de facettes articulaires, s'élargissant en travers dans les dernières vertèbres. 2. Canal vertébral circulaire, devenant elliptique transversale- ment dans les vertèbres de la région postérieure. 3. Apophyses épineuses presque verticales, en forme de lame carrée dans les trois premières, plus étroites dans les trois der- nières. k. Apophyses transverses en forme de lames minces étalées latéralement, à angle droit, par rapport aux apophyses épineuses, devenant plus proéminentes d'avant en arrière. 5. Apophyses articulaires antérieures rapprochées, à surfaces articulaires concaves regardant en dedans, et convergeant vers le grand canal. Elles se prolongent en arrière en une apophyse sur- numéraire dans les trois premières vertèbres, comme dans les vertèbres dorsales postérieures ; mais cette apophyse se reduit dans la troisième à un tubercule, et manque dans les trois dernières. 6. Apophyses articulaires postérieures à surfaces regardant obliquement en dehors, et convergeant vers le canal rachidien. 470 3. DELBOS, — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE Région antérieure, Les quatre vertèbres qui la composent ont les caractères sui- vants : 1. Corps arrondi cordiforme, un peu plus large en arrière. 2, Canal presque cylindrique. 3. Apophyse épineuse en forme de lame quadrilatère. k. Apophyses transverses devenant de plus en plus longues. 5. Apophyses surnuméraires très prononcées dans la première, moins sailantes dans la deuxième, moins encore dans la troisième, se réduisant dans la quatrième à de très petits tubercules. Région postérieure, Ses deux vertèbres se reconnaissent aux parlicularités suivantes : 1. Corps élargi transversalement. 2. Canal vertébral plus large que haut. 3. Apophyses épineuses plus grêles, surtout dans la dernière. k. Absence d’apophyses surnuméraires. 5. Apophyses articulaires plus écartées que dans la région pré- cédente. 6. Dans la dernière lombaire, les apophyses transverses s’élar- gissent quelquefois énormément pour s'articuler avec les os iliaques. Particularités individuelles. — Les vertèbres lombaires m'ont offert dans le squelette d'Ours des Pyrénées deux exemples assez remarquables de particularités ou de difformités individuelles : 4. Le corps de la deuxième lombaire offre sur sa face inférieure une forte callosité qui se recourbe en avant pour s’articuler en ar- throdie avec un talon convexe que porte inférieurement le corps de la première lombaire. Cette callosité, sur laquelle se fixaient quel- ques-uns des faisceaux du muscle psoas, n'esf assurément qu'une singularité individuelle, car les vertèbres fossiles correspondantes ne m'en ont point offert d'indices. 2, La dernière lombaire présente une anomalie singulière : sur le côté gauche, elle est pourvue d’une apophyse transverse sem- blable à celles des autres lombaires, seulement amincie à son DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES, 171 extrémité, et un peu infléchie en avant. Mais l’apophyse trans- verse droite se dilate en une aile extrêmement large, qui s'articule solidement avec l’os iliaque. Région sacrée. Je décrirai successivement le sacrum en général, puis les ver- tèbres qui le composent en particulier. Sacrum. Cet os, formé par la réunion de sept vertèbres, a dans son en- semble la forme d’un triangle, dont la hauteur égale deux fois la base. 4. La face inférieure ou pelvienne, concave d'avant en arrière, montre les lignes de soudure des sept vertèbres sacrées, et les {rous sacrés inférieurs qui ne sont qu'au nombre de quatre de chaque côté. 2. La face supérieure ou spinale, convexe, porte sur sa ligne médiane une crête tuberculeuse de distance en distance, formée par la réunion des apophyses épineuses devenues rudimentaires. Cette crête est remplacée dans la septième vertèbre par la gouttière de terminaison du canal sacré. Sur les côtés, on voit les trous sa- crés supérieurs au nombre de six paires, les derniers très petits. En dedans de chacune des séries de trous, il y a quelques tubereules alignés qui représentent les vestiges des apophyses articulaires des vertèbres lombaires. 3. Les faces iliaques sont coupées carrément en avant par les faces aurieulaires qui égalent environ le tiers de la longueur totale du sacrum. h. La base porte, de chaque côté de la face elliptique qui s’arti- eule avec la dernière lombaire, une échancrure qui concourt à former le dernier trou de conjugaison, puis en dessus les deux facettes qui s'unissent aux apophyses articulaires de la dernière lombaire. 5. Le sommet est une facette ovale, déprimée en haut, qui s’ar- ticule avec la première caudale. 172 3. DELBOS. — RECHENCHES SUR L'OSTÉOLOGIE Particularités individuelles. — L'anomalie déjà signalée, rela- tivement à la dernière lombaire de l’Ours des Pyrénées, devait entrainer cerlaines particularités dans la conformation du sacrum ; en effet, tandis que la disposition des parties est normale du côté gauche, la grande dilatation de l’apophyse transverse du côté droit et sa réunion à l'os iliaque ont amené les changements suivants : 1. La base du sacrum offre sur son côté gauche une face qui s'articule avec cette apophyse. 2. Le trou de conjugaison du même côté s'ouvre tout à fait in- férieurement sur la ligne de séparation de la dernière lombaire et de la première sacrée. Vertèbres sacrées. 1. La première est très large, pourvue de deux grandes ailes articulées avec les os iliaques ; elle porte une petite apophyse épi- neuse, et s’échancre en avant au-dessus du canal vertébral, pour laisser un trou assez volumineux en arrière de l’apophyse épineuse de la dernière lombaire. Elle est moins solidement soudée avec la suivante que toutes les autres ne le sont entre elles. 2. La deuxième, également très large, s'articule aussi par ses ailes avec les os des iles. 3. La troisième, la quatrième et la cinquième, très fortement unies, vont en diminuant rapidement de largeur. La cinquième porte une tubérosité, de chaque côté, sur ses faces latérales ; elle a en dessus un sillon qui se continue sur la sixième. h. La sixième, séparée de la cinquième par un étranglement de chaque côté, est aussi biluberculeuse. 5. La septième enfin, également séparée et pourvue de tuber- cules latéraux, offre sur sa face supérieure la gouttière par laquelle se termine le canal sacré, comprise entre deux tubercules mousses et saillants. C’est la plus petite de toutes. Région caudale ou coccygienne. Elle se compose, chez l'Ours des Pyrénées, de six vertèbres, qui vont en diminuant de volume de la base à l’extrémité du coccyx. DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES, 173 La première est renflée au milieu; toutes les autres sont au con- traire étranglées. A. La première, la deuxième et la troisième, présentent en avant, sur le prolongement de la gouttière qui termine le canal vertébral, un léger sillon compris entre deux petits tubercules qui se réunissent en arrière pour former une crête sur la ligne mé- diane. 2. Dans les trois dernières, les deux tubereules se confondent, et produisent une crête simple. La face inférieure présente seule- ment quelques stries longitudinales. 3. La dernière est très petite, et terminée par un tubercule arrondi. De la colonne vertébrale en générale. Après les détails qui précèdent, il ne sera pas inutile de jeter un coup d'œil d'ensemble sur la colonne vertébrale, afin de faire voir comment les pièces dont elle se compose se modifient graduelle- ment, pour prendre des caractères spéciaux si tranchés et si diffé- rents en apparence, lorsqu'on les compare sur des points un peu écartés de l’axe rachidien. Une vertèbre complète se compose de quatre parties principales : 1° le corps, 2° la portion annulaire, 3° les apophyses, 4° l'appareil articulaire. Mais quoiqu'on puisse dire que toutes les vertèbres sont construites sur le même plan, ces quatre parties sont loin de se présenter partout avec une égale constance ; toutes varient pro- fondément dans les diverses régions, auxquelles elles donnent leurs caractères spéciaux. Ces variations se traduisent : 2° par des changements dans le volume relatif et dans la configuration des parties; 2° par des réductions qui peuvent aller jusqu’à la sup- pression d’une ou de plusieurs d’entre elles; 3° par des modifica- tions dans leur direction et dans leur situation. Je passerai successivement en revue chacune des quatre parties fondamentales des vertèbres en procédant d'avant en arrière. A7 J. DELBOS. — RECIIERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE Corps. 4. C’est la partie la plus constante. Dans l’atlas, il se réduit extrêmement, et prend la forme d’un arc qui constitue la partie inférieure de l'anneau ; sesusages se bornent presque à fournir les larges faceltes articulaires occipitales et axoïdiennes. 2. Dans l’axis, il s’épaissit un peu, mais il est encore extrême- ment déprimé, et sa face inférieure s’aplatit en un trapèze pourvu de cannelures divergentes. 3. Dans les cinq dernières cervicales, il est plus large que long, déprimé, peu convexe en dessous, el ses faces terminales sont obliques sur son axe, l’antérieure convexe, la postérieure con- cave. . Dans la région dorsale, il devient de plus en plus volumi- neux, el s’allonge graduellement ; sa face inférieure prend la forme cylindrique ; sa face antérieure, d'abord un peu élargie, passe à la forme circulaire ; mais la postérieure est élargie en ellipse par les facettes articulaires costales postérieures, qui sont parallèles à son plan dans les régions antérieure et moyenne, et ne recouvre la forme cireulaire que dans les trois dernières dorsales où ces facettes n’existent plus. En même temps, le corps est échancré en cœur, dans la région dorsale postérieure, par le grand canal vertébral. 5. Dans la région lombaire, son volume devient encore plus considérable ; il est échancré en cœur par le grand canal, et sa face inférieure est carénée sur la ligne médiane. Il est arrondi-cordi- forme, dans les quatre premières lombaires ; mais dans les deux dernières, il s’élargit de nouveau (ransversalement. 6. Dans la région sacrée, il se réduit rapidement en largeur, et en se déprimant de haut en bas. 7. Enfin, dans la région coccygienne, il constilue à Jui seul les vertèbres, en diminuant de volume jusqu'à la dernière caudale, mais en offrant dans toutes une longueur supérieure aux autres dimensions. DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 175 Portion annulaire. 4 Très ample dans l’atlas et l'axis, où elle supporte d'énormes apophyses, elle est élargie, dans les cinq dernières cervicales, en une surface quadrilatère et horizontale, par les apophyses articu- laires ; mais celte surface, presque carrée dans la troisième cervi- cale, se raccourcit progressivement d'avant en arrière dans les suivantes et dans la première dorsale. 2, Dans la région dorsale antérieure et moyenne, elle devient oblique et triangulaire ; mais dans la postérieure, elle retrouve sa forme quadrilatère et son horizontalité, par suite du développement des apophyses articulaires ; seulement, ce quadrilatère se rétrécit de plus en plus en s’allongeant dans son diamètre antéro-posté- rieur. 3. Cet allongement se continue dans la région lombaire jusqu’à la dernière vertèbre, où la face supérieure de l'anneau redevient carrée. k. Dans le sacrum, la partie annulaire se réduit rapidement en se déprimant, et enfin, dans la dernière sacrée, elle disparait, et n’est plus représentée que par une gouttière comprise entre deux bourrelets tuberculeux. Appareil articulaire. Il comprend : 4° les faces des corps vertébraux qui s’articulent par amphiarthrose ; 2° dans la région dorsale, les ‘facettes costo- vertébrales et costo-transversaires ; 3° les apophyses articulaires. Faces des corps vertébraux. — J'ai indiqué leurs caractères en parlant des corps vertébraux. Facetles costo-verlébrales et costo-transversaires. — Les facettes costo-vertébrales sont au nombre de quatre dans les dix dorsales antérieures, et de deux seulement dans les quatre dernières. + 1. Les faceties antérieures, situées de chaque côté des corps verlébraux, sont, dans les régions dorsales antérieure et moyenne, en forme de fosseltes demi-cireulaires, et inclinées de 50 à 60 de- grés sur l’axe du corps. Dans la région postérieure, elles sont cir- culaires et presque parallèles à l'axe. 176 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSIÉOLOGIE 2. Les facettes postérieures sont des impressions planes situées des deux côtés de la face postérieure de chaque vertèbre, et sur le même plan ; elles manquent dans les quatre dernières. +. Les faceltes costo-transversaires sont des surfaces planes situées au-dessous des tubérosités des apophyses transverses ; elles manquent dans les deux dernières dorsales. Apophyses articulaires. — Elles varient beaucoup de forme et de position dans les diverses régions, et impriment aux vertèbres des caractères fort importants. + Apophyses articulaires antérieures.—1. Dans l’atlas, elles se réduisent à deux larges faces concaves situées sur l’are inférieur, c’est-à-dire à l'extrémité antérieure de la partie qui représente le corps. 2. Dans l’axis, elles forment deux éminences convexes qui tronquent obliquement le corps en avant, de chaque côté de l’apo- physe odontoïde. 3. Dans les cinq dernières cervicales et les deux premières dor- sales, elles remontent sur l’anneau, qu’elles élargissent en formant ses deux angles antérieurs, offrant la forme de facettes aplaties regardant en haut et un peu en dedans et en avant. h. À partir de la troisième dorsale jusqu’à la onzième inclusive- ment, les apophyses antérieures manquent, mais leurs faces arti- culaires se rapprochent sur la base antérieure de l'apophyse épi- neuse, se disposent sur un même plan qui regarde obliquement en haut et en avant, et forment une aire plane qui, d’abord trian- gulaire, s’élargit pour devenir quadrilatère dans la dixième et Ja onzième. 5. Un changement très marqué s’opère dans la douzième dor- sale : les faces articulaires abandonnent tout à coup la base de l’apophyse épineuse, en s’écartant pour venir se placer sur le côté interne des apophyses articulaires, qui prennent subitement un grand développement, et qui semblent n'être qu'une transforma- tion des apophyses transverses des vertèbres précédentes ; elles y forment deux facelles concaves, regardant lune et l’autre en de- dans comme dans les cinq dernières cervicales et les deux pre- mières dorsales, avec celte différence que les facettes, au lieu de DE L’OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 177 converger vers le canal, deviennent à peu près paralleles et se rapprochent beaucoup plus. En même temps, les apophyses arti- culaires se prolongent en arrière en apophyses surnuméraires, qui fortifient les articulations vertébrales en permettant les mouve- ments de flexion de la colonne dans le plan médian vertical, mais en s’opposant aux flexions latérales. Ces dispositions s’accusent de plus en plus dans les treizième et quatorzième dorsales. 6. On les retrouve encore dans les trois premières lombaires ; mais l’apophyse surnuméraire s’y réduit graduellement, et ne forme plus dans la quatrième qu'un très petit lubercule, qui manque | absolument dans les deux dernières. 7. La première vertèbre sacrée porte des facettes antérieures en tout semblables à celles de la dernière lombaire. Dans le sa- crum, on retrouve la trace des apophyses articulaires dans une série de tubereules qui s’alignent en dedans de la file des trous sacrés supérieurs. 8. Elles forment dans la dernière sacrée les deux bourrelets qui bordent la gouttière terminale du canal sacré. 9. Dans les trois premières caudales, on retrouve ces deux bourrelets qui se rapprochent de plus en plus pour se confondre dans la quatrième, où il n'existe plus qu'un petit tubercule prolonge en carène. Cette carène s'amoindrit dans la cinquième, et dispa- rait dans la dernière. ++ Apophyses articulaires postérieures. —1 . Elles se confondent dans l’atlas en une large surface concave qui occupe toute la partie postérieure du corps, c’est-à-dire de l’arc inférieur de l’anneau. 2. Dans l’axis, elles quittent le corps pour venir se placer sous les racines postérieures de la grande apophyse épineuse, où elles forment deux facettes dirigées en bas et en dehors. 3. Dans les cinq dernières cervicales et la première dorsale, elles élargissent l'anneau en formant les deux angles postérieurs de sa face supérieure ; leurs facettes, situées au-dessous de ces angles, sont très légèrement convexes, et regardent en bas eten dehors. h. À partir de la deuxième dorsale, les apophyses manquent tout à coup, mais les facettes articulaires viennent s'appliquer sous $" série. Zoo. T. IX. (Cahier n° 3.) # 12 178 J. DELBOS, — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE la racine postérieure de l’apophyse épineuse; elles se rapprochent, regardant en arrière, en bas et un peu en dehors ; elles s’inclinent de plus en plus en arrière, el remontent en même temps sous l'épine. 5. Dans la onzième dorsale, les apophyses reparaissent sous la forme de deux tubercules, situés à la base et de chaque côté de la racine du bord postérieur de l’apophyse épineuse ; elles sont ter- minées par des faces articulaires regardant en dehors, presque parallèles l'une à l'autre, avec une faible convergence vers le grand canal. 6. Cette conformation se retrouve dans les trois dernières dor- sales et dans loutes les vertèbres lombaires, avec cette particularité que les apophyses se prononçant de plus en plus, leurs facettes s’écartent progressivement l’une de l’autre. 7. Dans les régions sacrée et coceygienne, les traces des 1po- physes articulaires postérieures se confondent avec celles des an- térieures. Apophyses épineuses et transyerses. Apophyses épineuses. —- 1. L'apophyse épineuse n'est repré- sentée dans l’allas que par un faible mamelon. 2. Dans l’axis, elle prend un énorme développement, et fait une saillie considérable au-dessus des vertèbres voisines; c’est une forte éminence pyramidale en arrière, qui s’amincit et se termine par une sorte de bec falciforme en avant. 3. Dans la première cervicale, ce n’est plus qu’un faible tuber- cule qui s'élève au milieu de la partie supérieure aplatie de l’an- neau; mais dans les suivantes, ce tubercule se développe en une lame tranchante, pointue, verticale. k. Dès la première dorsale, l'apophyse épineuse devient une forte et longue lame qui atteint son maximum de longueur dans la deuxième vertèbre de cette région; elle conserve presque les mêmes dimensions dans toute la région antérieure et moyenne, mais se renverse de plus en plus en arrière. 5. Dans la onzième dorsale, cette lame commence à se (ronquer carrément au sommet, et passe à une lame quadrilatère dans les DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 179 suivantes jusqu'à la deuxième lomlaire, où elle offre sa plus grande largeur. A partir de ce point, elle se rétrécit et se redresse pour atteindre sa plus petite largeur dans la dernière lombaire, en même temps qu'elle tend à s'incliner un peu en avant. 6. Dans la région sacrée, les apophyses épineuses sont rempla- eces par une crêle conlinue ou par une série de tubercules, aux- quels succède une rainure dans la dernière vertébre de la région. Apophyses transverses. — 1. En comparant les apophyses transverses dans toute l'étendue de la colonne vertébrale, on les voit subir des modifications profondes, mais graduelles, dans les différentes régions. Après avoir formé les vastes ailes de l’atlas, elles se réduisent dans l’axis à deux espèces de cornes, qui termi- nent postérieurement les crètes latérales de la face inférieure, 2, Pans la troisième cervicale, ces cornes s'étendent en lames tubereuleuses à leurs extrémités. Dans les trois suivantes, elles se bifurquent, parce que le tubereule se détache de plus en plus de la lame ; celle-ci, qui forme la branche interne de la fourche, s’in- cline de plus en plus en bas. 3. Dans la dernière cervicale, cette lame disparait, et les apo- physes sont simplement tuberculeuses à leur pointe; en même temps, le canal artériel qui perlorait leur base cesse d'exister. h. Dans la région dorsale, les transformations se font rapide- ment et de la manière suivante : dans la région cervicale déjà, le tubereule se rapproche de plus en plus de l’apophyse articulaire antérieure, par suite du raccourcissement de son pédicule. Dans la première dorsale, l'intervalle se raccoureit beaucoup ; davs la deuxième, plus encore, de manière que l’apophyse articulaire an- térieure et l'apophyse transverse réunies ne forment plus qu'un gros tubercule obliquement dirigé de dedans en dehors et d'avant en arrière. 5. Dans la troisième dorsale, l'apophyse articulaire disparaît tout à coup, et le tubercule «le l’apophyse transverse reste seul, À partir de ce point, ce tubercule, petit et triangulaire d’abord, est loujours porté par un col assez long. Il commence à s’allonger d'avant en arrière dans la huitième, et cet allongement se conti- nue dans la neuvième, la dixiéme et la onzième. Il est à remarquer 180 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE que jusqu'ici les apophyses transverses de la région dorsale, au lieu de s'incliner en bas comme dans la cervicale, s'étalent en de- hors, et se relèvent même progressivement, et que toutes s’arli- culent avec les tubérosités des côtes. 6. Dans les trois dernières dorsales, les tubercules se relevant de plus en plus, cessent de s’articuler avec les côtes, et se trans- forment en apophyses articulaires antérieures et en apophyses supplémentaires. 7. Cependant, dans la dernière dorsale, au-dessus de la tête de la dernière côte, au-dessous de l'intervalle qui sépare l’apophyse articulaire antérieure de l’apophyse surnuméraire, on voit poindre un tubereule qui se développe en une lame étalée horizontalement dans la région lombaire, véritable apophyse transverse de plus en plus saillante. 8. Dans les deux premières vertèbres sacrées, les apophyses transverses se dilatent extrêmement pour s’arliculer avec les os des iles ; mais dans les suivantes elles se réduisent à des tuber- cules d’abord soudés entre eux, et qui deviennent un peu plus saillants dans les trois dernières. 9. On en trouve encore un indice dans la première caudale, mais plus aucune trace dans les trois dernières. Il résulte de ces passages ménagés, qui se font d’une vertèbre à l'autre, que, lorsqu'on suit de l'œil la série des apophyses articu- laires et transverses, il semble que les unes et les autres, se rap- prochant de plus en plus dans la région cervicale, finissent par se confondre dans la région dorsale antérieure et moyenne en une série d’apophyses transverses simples ; que celte contraction cesse dans la région dorsale postérieure et dans la région lombaire, où les deux sortes d'apophyses redeviennent distinctes. THORAX. Sternum. — 11 se compose de sept pièces osseuses et de deux pièces cartilagineuses qui le terminent postérieurement, et for- ment l’appendice xiphoïde, Les pièces osseuses sont celluleuses, peu solides, à peine recou- DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 181 vertes sur leurs faces articulaires d'une mince couche de tissu osseux compacte. La première est la plus longue et la plus mince ; toutes les autres vont en décroissant de longueur jusqu’à la der- nière, qui est la plus courte. Elles sont élargies aux extrémités, et le corps, déprimé et comme évidé sur les côtés, est arrondi sur sa face cutanée, plan sur la face interne. L’appendice xiphoïde, atténué d'avant en arrière, reste cartila- gineux dans l’âge adulte. Côtes. — Elles sont au nombre de quatorze de chaque côté, savoir : huit côtes sternales qui se réunissent directement au ster- num par leurs cartilages, et six fausses côtes, dont les cartilages se réunissent entre eux ef avec ceux de la dernière côte sternale. Elles augmentent de longueur jusqu'à la huitième, qui est la plus grande, et, à partir de ce point, elles vont en diminuant jusqu’à la dernière. Il est bien difficile de tirer des côtes des caractères propres à distinguer les différents genres de Carnassiers ; le plus souvent, on ne tient guère compte que de leurs dimensions. Mais quoiqu'il ne soil pas impossible que l’on arrive, par une comparaison minu- tieuse, à reconnaitre des parlicularités génériques de conformation, l'insuffisance des matériaux ne m'a pas permis d'entreprendre ce travail. Les côtes d’ailleurs sont rarement conservées entières à l'état fossile, en raison de leur fragilité. Je me bornerai done à indiquer les signes qui permettent de reconnaître, avec plus ou moins de précision, leurs numéros d'ordre dans les Ours. 1. La première côte se reconnait assez aisément : — a.) sa cour- bure est plus forte que dans les autres côtes, et de toutes aussi c’est la moins longue ; — b.) le corps est très aplati, élargi en bas, fortement tordu de dedans en dehors; — c.) la tête et la tubérosité, séparées par une échancrure, sont presque aussi saillantes l’une que l’autre , toutes deux pourvues de facettes articulaires très dé- veloppées ; — d.) la facette de la tubérosité est séparée du corps par une sorte de col. 2. La deuxième et la troisième se distinguent : — a.) de la pre- mière par l'écartement de la tête et de la tubérosité, et par leur plus grande longueur ; la troisième est bien pluslongue que la deuxième ; 182 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE — b.) des suivantes par leur largeur et leur aplatissement considé- rable ; le corps est tranchant en avant et en arrière dans presque toute son étendue. 3. La quatrième et la cinquième sont plus longues; leur face externe, tout en restant aplatie, devient plus convexe. h. Les sixième, septième, huitième, neuvième et dixième, ont le corps encore aplati près de l'articulation, déprimé en gonttière en arrière, avee une carène qui sépare la face cutanée de la posté- rieure; il devient graduellement plus mince, plus étroit, plus épais, et presque triangalaire dans la majeure partie de sa longueur; sa face externe est convexe. La huitième est la plus longue du squelette, mais la neuvième légale presque. Un carac- tère qui permet le plus souvent de les reconnaître, e’est une petite échancrure située sur le bord postérieur, à 2 ou 3 centimètres au- dessous de la tubérosité ; cependant, cette échancrure qui est bien marquée sur Ja sixième et la septième, le devient moins dans la huitième, et n’est quelquefois que très faiblement indiquée sur la neuvième et la dixième. 5. La onzième et la douzième ont les mêmes caractères, les mêmes échancrures seulement plus indistinetes ; mais leur lon- eueur est moindre, et les tubérosités tendent à s’effacer en se con- fondant avec le corps. Le corps a ses faces antérieure et posté- rieure excavées vers l'articulation; versle milieu, il esttriangulaire, mais s'aplatit vers l'extrémité. 6. La treizième et la quatorzième sont encore plus petites, peu arquées, aplaties à leur extrémité inférieure, triangulaires au milieu, à face postérieure non déprimée vers le haut. La tubéro- sité est très peu marquée ou nulle. Grands os des membres antérieurs ou thoraciques. Omoplate. Ses principaux caractères sont connus. Sa forme est presque carrée, avee une échancrure en arrière. L'apophyse coracoïde manque absolument. Faces. — À. L'épine divise la face externe en deux moitiés DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES, 183 presque égales. La fosse sus-épineuse est done (rès développée, et par conséquent le muscle élévateur du bras très puissant. La fosse sous-épineuse, profonde, est terminée en arrière par une crête qui part dela cavité glénoïde, pour former le bord postérieur de l’omoplate sur la moitié de sa longueur; mais l'angle postérieur présente au delà de cette épine une expansion qui donne à l'en- semble de l’os sa forme échancrée en arrière, et qui parait desli- née à recevoir des muscles analogues au grand rond et au petit rond. 2. L'épine se termine par un acromion développé, sans facette pour une clavicule (4), obseurément bilobé, à crête plate et ru- gueuse pour l'insertion d’une partie du trapèze et du deltoïde. 3. La fosse sous-scapulaire est presque plane et lisse. Bords. — 1. L'antérieur est presque droit, et fait une grande saillie en avant et au-dessus de la cavité glénoïde. 2, Le bord supérieur ou spinal est épaissi el rugueux, surtout vers l'angle supérieur, pour l'insertion du grand dentelé et du deltoïde. 3. Le postérieur est concave en haut, où il est formé par la lame de l'angle postérieur; droit en bas, où il est formé par la crête postérieure de la face externe. h. L'inférieur se confond avec l'angle inférieur qui constitue Ja cavité glénoïde. Angles. — 1. L'antérieur est formé par la saillie du bord, au- dessus de la cavité glénoïde ; le supérieur, ou spinal, est arrondi, et correspond à l'extrémité de l'épine. Le postérieur est saillant, et formé par la lame qui dépasse la crête postérieure; l’inférieur comprend la fosse glénoïde. | 2, La cavité glénoïde est étroite et atténuée en avant. Le col qui Ja porte est rugueux et épaissi en avant, pour l’attache du ligament capsulaire et d'une portion du biceps brachial, L'union de l'humé- rus avec l’omoplate ne se fait que par ce ligament et par les ten dons des muscles sous-scapulaire, sus-épineux el sous-épineux. {1) C'est à tort que Schmerling attribue une clavicule à l'Ours ( Recherches sur les ossements fossiles découverts dans les environs de Liége, 1833, L. 1, p. 452). 184 3. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE Humérus, Corps. —1, Cylindrique en haut, il devient presque quadran- gulaire au milieu, surtout dans les vieux individus, et s’élargit beaucoup vers l'extrémité inférieure. Je ne vois pas de conduit nourricier. Faces. — 2. La face interne, plane, commence en haut à la coulisse bicipitale, et présente vers son quart supérieur, et près du bord antérieur, une empreinte musculaire elliptique, qui paraît analogue à l'insertion du coraco-huméral chez l’homme. 3. Sur la face antérieure, on observe une forte dépression ru- gueuse qui occupe les deux tiers de sa longueur et se termine an- gulairement : c’est l'empreinte du deltoïde. Au-dessous, la face antérieure s’épanouit pour former l'extrémité tibiale. k. La face postérieure est lisse. Bords. — 5. L'antérieur est bien marqué et même tranchant, le postérieur mousse, l’externe presque effacé, Ecxtrémité supérieure. — 1. La tête est convexe ct allongée d’avant en arrière, plus étroite postérieurement. 2. La petite tubérosité, ou tubérosité interne, est rugueuse pour l'insertion du sous-scapulaire. 3. La grosse tubérosité, ou tubérosité externe, offre sur sa partie externe et d'avant en arrière : — a.) une surface plane, rugueuse, large pour l’attache du sus-épineux; — b.) une dépression desti- née au sous-épineux; — €.)une face convexe, élroite, pour le petit rond. k. La coulisse bicipitale, comprise entre ces deux tubérosités, est large et profonde, mais courte. 5. Toute l'extrémité supérieure est cernée inférieurement par une ligne qui limite les rugosités qui servent à fixer le ligament capsulaire. Ecctrémité inférieure ou tibiale. — 1, Elle est très élargie, et montre de dehors en dedans : — à.) l’épicondyle, aplati et ru- gueux, pour l'insertion du ligament latéral externe et des museles du bras, tels que les extenseurs de la main et des doigts ; de cette tubérosité part une lame extrêmement saillante, caractéristique du DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 185 genre, qui se porte en dehors et-un peu en arrière pour aller se confondre avec la face postérieure du corps, au quart inférieur de sa longueur ; — b.) la poulie articulaire, de forme demi-cylindrique, dans laquelle le condyle et latrochlée sont confondus ; — ce.) l'épi- trochlée, très forte tubérosité irrégulière, qui donne attache au li- gament latéral interne et à des muscles nombreux (fléchisseurs des doigts, ete.) 2, La face antérieure de l'extrémité tibiale de l'humérus est simplement déprimée et marquée de deux impressions pour le bracbial antérieur; la fosse de réception de l’apophyse coronoïde * du eubitus est très faiblement indiquée. Une ligne qui limite anté- rieurement Ja poulie articulaire donne insertion au ligament an- térieur. 3. La face postérieure présente une fosse très profonde, qui re- çoit le bec de l’olécrâne pendant l'extension forcée de l’avant-bras, et qui est recouverte par une lame très saillante qui part de lépi- condyle. Entre celui-ci et cette lame, il y a une coulisse peu pro- fonde, destinée sans doute au passage d’un tendon. Radius, Dans les descriptions qui vont suivre, je supposerai la main dans l’état de pronation, c’est-à-dire le radius croisant le eubitus, comme cela a lieu lorsque l’animal repose sur ses quatre membres. Corps. — 1. Il est courbé suivant son axe, tordu de dehors en dedans, déprimé, plus large inférieurement que supérieurement, Pas de canal nourricier. Faces. — 2. La face antérieure (pronation) est convexe, la postérieure plane. Bords. —- 3. L'interne offre dans sa moitié inférieure une sur- face rugueuse d'insertion pour le grand pronateur. Le bord externe est tranchant, raboteux, pourvu surtout en haut de fortes callosités pour le ligament interosseux, et probablement aussi pour le ten- don du court supinateur. Extrémité supérieure. —1. La face qui s'articule avec l’humé- rus est presque plane, élargie en travers, inctinée en dedans, pourvue près du bord antérieur d’une éminence pyramidale carac- 186 J. DELROS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE téristique de l’ordre des Carnassiers. Le bord de la tête articulaire a la forme d’un bourrelet saillant. 2. Au-dessous et postérieurement, il y a deux tubérosités qui tendent à se confondre, et plus inférieurement une troisième très marquée qui se réunit parfois aux deux premières. Sur le bord externe lui-même et au-dessousde ces tubérosités, il en existe une quatrième très marquée, qui est avec les précédentes l’analogue de la tubérosité bicipitale. Enfin il y a quelquelois une einquième tubé- rosité moins forte sur la face antérieure, au-dessous du crochet de la face articulaire. Ecætrémité inférieure ou carpienne. — 1. La face articulaire est concave, élargie, rétrécie en son milieu, atténuée vers l’apophyse styloïde. 2. Celle-ci, pyramidale et saillante, donne attache au ligament latéral externe du poignet et au long supinateur. 3. Sur le côté opposé se trouve la facette à peu près circulaire, concave, articulée avec le enbitns. k. Postérieurement, il y a des rugosités pour les ligaments. 5. Antérieurement, il y a les attaches du ligament antérieur, et deux coulisses, ou goultières tendineuses, séparées par une tu- bérosité située au milieu de la largeur de l'os, et destinées aux ten- dons des extenseurs des doigts. Cubitus, Corps.— 1.11 est déprimé latéralement en haut, se rétrécit gra- duellement, et devient triangulaire dans le reste de sa longueur, l'extrémité inférieure étant ainsi beaucoup plus petite que la supé- rieure. Faces. — 2, L'antérieure ou externe est carénée au milieu, un peu convexe vers les extrémités. A partir du quart supérieur jus- qu'au quart inférieur, une surface d'insertion musculaire (Méchis- seurs des doigts, ete.), aplatie et rugueuse, est limitée en avant par le bord interne, et se sépare en dehors par une sorte de carène du resle de la face antérieure. 3. La face interne ou postérieure, lisse el presque plane Vers le haut, devient anguleuse par le développement d’une carène dans DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES: 187 son quart inférieur; de sorte que le corps est rendu triangulaire en son milieu par une carène antérieure, en bas par une carène postérieure. Bords. —{h. L’interne est tranchant, et sert à fixer les ligaments interosseux : il descend de l'apophyse coronoïde. L'externe est mousse; il descend de la tubérosité de l'olécrâne vers l'apophyse styloïde. Ectrémité supérieure ou humérale. — 1. L'olécräne est com- primé, coupé carrément. Son bec est taillé en biseau, très proémi- nent, lisse en dehors, pour glisser sur la lame qui recouvre en dehors la fosse de réception de l'humérus. Il se termine en arrière par une grosse tubérosité arrondie, rugueuse, pour l'insertion du triceps. 2, La grande échancrure sigmoïde, très oblique de dehors en dedans, très concave, n'offre aucun indice de la erète qui la divise chez l'homme en deux parties. L'apophyse coronoïde est très peu marquée. 3. La petite échancrure sigmoïde est placée au-dessous du bord externe de la grande, allongée et élargie d'avant en arrière ; elle se termine postérieurement par une sorte de bee qui fait saillie sur la face externe de l'os. 4. 1 y a diverses impressions musculaires : — a.) une surface rugueuse pour le brachial antérieur, au-dessous de l’apophyse coronoïde; — b.) une autre au-dessous de la petite échancrure sigmoïde, peut-être pour le court supinateur; — c.)ilya,enoutre, des inégalités pour les ligaments articulaires. Extrémité inférieure ou tarsienne. — À. Un peu élargie, con- vexe en avant et en arrière, elle offre des aspérités pour les liga- ments du poignet. 2, Sur sa circonférence, on voit en dedans la surface articulaire lisse et demi-eylindrique, sur laquelle tourne l'extrémité du radius. 3. L'apophyse styloïde, très saillante, se termine par un fuber- cule lisse et hémisphérique qui s’unit à Ja fois au pyramidal et au pisiforme, et qui remplit le rôle d’un pivot, lorsque la main accom- plit le mouvement qui la porte dans la supination. Une dépression, qui forme le col de cette apophyse en dehors, loge le ligament 188 J. DELBOS., — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE interarticulaire. Sa face externe est rugueuse pour limplantation du ligament latéral. Grands os des membres postérieurs ou abdominaux. Os iliaques. Faces. — 1. Face externe. La fosse iliaque est profonde, régu- lièrement concave, en forme de triangle rectangle, dont l’angle droit correspond à l'angle spinal antérieur de l'os. 2, L'arrière-fond de la cavité cotyloïde a la forme d’un U, dont l'ouverture, dirigée vers le trou sous-pubien, se continue sur l'ischion par un canal destiné à loger les vaisseaux nourriciers de l'articulation. 3. Le trou sous-pubien s’atténue en avant; son bord est tran- chant, excepté tout à fait en avant, sur une petite étendue comprise entre deux légers tubercules, où il se déprime et devient mousse. h. Autour de la cavité cotyloïde, surtout en avant, il y a des rugosités pour le ligament capsulaire. 5. Face interne ou pelvienne. La fosse iliaque est une surface plane, convexe. La facette auriculaire est ovalaire; sa partie posté- rieure, un peu concave, est largement ouverte par le grand trou obturateur. Bords. — 1. Le supérieur, ou crête iliaque, est presque droit, très épaissi, très rugueux, pour l'insertion des muscles abdo- mMinaUx. 2. L'inférieur, ou pubien, en forme de toit renversé, corres- pond à toute la symphyse pubienne. 3. L'antérieur, concave, montre d’avanten arrière : —a.)l’épine iliaque antérieure, partie la plus saillante de l'ilion; —- b.) une grande échancrure : l’épine iliaque antérieure et inférieure parait remplacée par une surface rugueuse peu marquée pour le tendon du muscle droit antérieur de la cuisse ; au-dessous il y a une faible échancrure pour les tendons des muscles psoas et iliaque ; — e.) une surface rügueuse allongée ; — d.) la branche descendante du pubis portant à la base de son bord antérieur une surface rabo- teuse (crête pectinéale). DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 189 k. — a.) Le bord interne ou spinal commence à l'angle interne et antérieur de l’ilion ; il est très épais, droit, rude, pour l’inser- tion de forts ligaments ; — b.) il est entamé plus loin par la face auriculaire jusqu’à l’épine iliaque inférieure et postérieure, peu saillante, au-dessous de laquelle commence la grande échancrure sciatique ; — €.) l’épine sciatique est à peine indiquée par un léger ressaut du bord, au delà duquel commence la petite échancrure sciatique ou poulie de réflexion de l’obturateur interne, terminée par une pelile éminence à la base de l’ischion. 5. Le bord postérieur est formé en haut par la grosse tubérosité de l'ischion, plate et rugueuse, et par le bord postérieur de la branche descendante de l’ischion ; il donne attache aux muscles postérieurs de la cuisse. Fémur, Corps.— 1. Il est convexe en avant, un peu déprimé en arrière, en forme de cylindre un peu aplati. On n’y peut distinguer que deux faces mal séparées, une antérieure el une postérieure. 2, La face antérieure, sur laquelle glisse le triceps, est lisse. 3. La face postérieure présente différentes lignes d’insertions musculaires : — a.) une ligne peu saillante, qui doit servir d’in- sertion à des muscles analogues au grand fessier vers le haut, et à la portion fémorale du biceps vers le bas ; elle part d’une éminence située sur le côté externe au-dessous du grand trochanter, se porte en dedans sur la face postérieure, et va se terminer à la tubérosité du condyle externe; — b.) en dedans de cette ligne une autre ligne âpre, insertion du grand adducteur, se porte sur le bord in- terne au tiers inférieur de l'os; — e.) une ligne qui part du bord interne du petit trochanter sert sans doute d'insertion au court adducteur; — d.) sur le bord ou la face interne, quelques lignes, assez mal définies, pourraient indiquer les insertions du pectiné en avant du petit trochanter, et du long adducteur vers le milieu de l'os. Eatrémité supérieure ou pelvienne. —1. La tête est hémisphé- rique, bordée à sa base de rugosités pour le ligament capsulaire ; elleoffre sur sa convexité, un peu en bas et en arrière, une fossette 190 3. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE arrondie et en forme d’entonnoir, servant à l’attache du ligament rond (4). Le col est long, oblique sur l'axe du fémur, caractère particulier au genre parmi les Carnassiers. 2. Legrand trochanter est convexe et rugueux en dehors pour l'insertion du moyen fessier, anguleux en haut pour l’atlache du pyranidal. Il se termine en dehors et au-dessous du niveau du pelit trochanter par une saillie rugueuse (insertion du carré crural ?). 3. La cavité digitale, dans laquelle se fixe le tendon de l'obtu- rateur interne, est profonde, elliptique, allongée de dehors en de- dans. Le bord saillant, qui la recouvre en dehors et en bas, va en s’effaçant vers le petit trochanter. Le bord supérieur, qui s'étend du grand trochanter à la base du col, donne attache à une partie du ligament capsulaire, aux deux jumeaux, ele. h. Le pelit trochanter, peu saillant, est situé au-dessous et en arrière de la tête, à l'extrémité du bord inférieur de la fosse digi- tale, et reçoit l'implantation des tendons du psoas et de l'ilia- que. Extrémité inférieure ou tibiale. — 4. Elle offre en arrière, au- dessus deses condyles, des inégalités pour le ligament postérieur et pour des insertions musculaires. 2. Les deux condyles, très séparés en bas et en arrière, sont d’égale longueur. 3. L'échancrure intercondylienne est une forte dépression ru- gueusé et atténuée en avant, qui reçoit les ligaments croisés. h. La tubérosité externe est convexe, irrégulière; elle est le point de départ du ligament latéral externe. Une facette plus sail- lante, qui en oceupe le milieu, sépare une sorte de gouttière située en avant d’une fosselte placée au-dessous el en arrière; ce sont sans doute les impressions du jumeau externe el du poplité. 5. La tubérosité interne est une large surface rugueuse et apla- lie, cernée en bas par une goutlière qui reçoit l'insertion d’une partie du ligament latéral interne, et qui se réfléchit en remontant (1) Cuvier (Ossements fossiles, L. VIT, p. 124) dit qu'il n'y a pas de fosselte pour le ligament rond, Toutes les têtes de fémur que j'ai vues, surtout à l'état fossile, m'en ont ofert une bien marquée, DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 191 enarrière, de manière à transformer le condyle en une tête arron- die et proéminente. Dans le squelelte de l'Ours des Pyrénées, il y a un os sésamoïde logé dans une fosselle siluée au-dessous de la partie postérieure du condyle externe; il est fortement engagé dans les ligaments. Rotule. A. Elle est triangulaire, allongée, très épaisse en son bord supérieur, amincie en bas. 2. La face antérieure est convexe et rude ; la postérieure lisse, coneave de haut en bas, pourvue d’une carène longitudinale très rapprochée du bord interne. 3. Le bord supérieur ou base est très épais, pour donner attache au tendon du triceps. L'inférieur, sur lequel s’insère le ligament rotulien, est atténué en forme de pyramide. Tibia, Corps. — 4. Il est triangulaire, très dilaté à ses extrémités, surtout à l'extrémité supérieure, Faces. — 2. L'interne est élargie en haut, où elle est plane et rugueuse pour l'insertion des muscles fléchisseurs de la jambe. 3. L’externe, concave supérieurement, devient convexe et an- térieure en bas; elle offre vers le haut des rugosités pour l’attache du jambier antérieur. 4. La postérieure, concave en haut, plane-convexe en bas, est limitée par deux crêtes, et parcourue par une saillie longitudinale et oblique qui recoit les insertions du poplité, du soléaire, du jam- bier postérieur et du long fléchisseur commun des orteils, c’est- à-dire des muscles fléchisseurs de la jambe, extenseurs du pied et fléchisseurs des phalanges. Bords. — 5, L'antérieur, où crête du tibia, effacé en bas, est tranchant en haut, où il forme la tubérosité antérieure du tibia, sur laquelle s’insérent le ligament rotulien et divers muscles. 6. Le bord interne est mousse ; l’externe, plus saillant, donne attache au ligament interosseux. 192 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE Ecxtrémité supérieure ou fémorale. — Elle est rugueuse sur son pourtour pour l’attache du ligament du genou, et offre? À. En avant, au-dessus de la tubérosité antérieure, une surface irrégulière pour le ligament rotulien. 2. En arrière, une échancrure qui sépare les deux tubérosités. 3. En dedans, des surfaces raboteuses pour des implantations musculaires. h. En dehors, une facette allongée d'avant en arrière pour la tête du péroné. 5. En haut, deux larges surfaces articulaires lisses : l'interne, plus petite, convexe; l’externe, plus étendue, concave, séparées par l’épine du tibia, qui est bituberculeuse. En avant et en arrière de l'épine, il y a deux dépressions pour les ligaments croisés. Extrémité inférieure ou tarsienne. — 1. En bas, la surface ar- ticulaire est allongée, atténuée en dedans, et offre deux dépres- sions, dont l’externe, plus profonde, s'articule avec la poulie de l'astragale, et l’interne avec le calcanéum. pe 2. En avant, on observe une surface rugueuse, sur laquelle passent les tendons des extenseurs du pied. 3. En arrière, une surface plane. L. En dehors, une rainure dirigée de bas en haut pour le pé- roné. 5. En dedans, la malléole interne, inégale en avant et en haut pour lesinsertions ligamenteuses, creusée en arrière d’une gouttière pour la réflexion des tendons des extenseurs du pied et des orteils. Péroné. Corps. — 1. Il est grêle, triangulaire, aplati en bas. 2. La face interne est plane, élargie en bas; l’externe est caré- née dans sa moitié supérieure, convexe dans le reste de son étendue. 3. Les deux bords, l’antérieur et le postérieur, sont tranchants aux extrémités, surtout en bas, mousses vers le milieu de l'os. &. On voit des impressions musculaires sur les faces et sur les bords : celles qui sont situées sur le côté interne sont desti- nées aux extenseurs du pied et des orteils; celles du côté externe DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 193 sont destinées aux fléchisseurs et élévateurs du bord externe du pied. Esxtrémité supérieure. — C'est une assez grosse tubérosilé rugueuse en dehors pour des insertions ligamenteuses , coupée obliquement par une surface lisse qui s'articule avec la tubérosité externe du tibia. Extrémité inférieure ou malléole externe. — À. Elle est longue et aplalie ; sa face interne est pourvue de deux facettes : la supé- rieure est allongée, et s'articule avec le tibia ; l'inférieure est plus large, et s'articule avec l’astragale. 2. La face externe est convexe, rugueuse, pour l'insertion des ligaments, et offre une gouttière pour la réflexion des péroniers latéraux ; elle se termine par un gros tubercule saillant en dehors, rugueux, recouvert par le ligament péronéo-calcanéen. 3. Le bord antérieur est rugueux pour l'insertion du ligament latéral externe, le postérieur pour le ligament péronéo -astragalien postérieur. Je ne vois pas de ligament péronéo-astragalien an- térieur. OS DU CARPE. Le carpe se compose de sept os disposés sur deux rangs ; ce sont, en procédant du pouce au doigt externe, c’est-à-dire de de- dans en dehors dans la pronation : — 1° rangée : le scaphoïdo- semi-lunaire, le pyramidal, le pisiforme; — 2° rangée : le trapèze, le trapézoïde, le grand os, l’unciforme. Ces os, classés d'après leur volume, se succèdent dans l’ordre suivant, en procédant des plus grands aux plus petits : 1° scaphoïdo- semi-lunaire ; 2° pisiforme; 3° unciforme ; 4° pyramidal; 5° grand os ; 6° {rapèze; 7° lrapézoïde. Ils forment en dessus une surface un peu convexe, plus large que longue, et sont principalement maintenus par les ligaments dorsaux. En dessous, l'os pisiforme et la tubérosité du scaphoïdo- semi-lunaire forment deux saillies très considérables, qui donnent au carpe la forme d’une voûte très prononcée qui protége les vais- seaux, les nerfs et les muscles de la face palinaire. Les ligaments palmaires et interosseux sont {rès puissants. $° série Zooz. T. IX. (Cahier n° 4.) 1 13 194 3. DELROS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE Dans les descriptions qui vont suivre, je supposerai la main appliquée sur le sol par toute sa face palmaire, depuis l’extré- mité des doigts jusqu’à l'os pisiforme et à l’apophyse du scaphoïdo- semi-lunaire, comme cela a lieu chez l'Ours dans la station sur les quatre pieds et dans la marche ; l'os pisiforme joue alors pour la main à peu près le même rôle que le calcanéum pour le pied. Dès lors le côté postérieur correspondra au supérieur de l’homme, l’antérieur à l’inférieur, ete., et nous aurons une nomenclature uniforme pour la main et pour le pied. Scaphoïdo-semi-lunaire. C’est l'os le plus volumineux du carpe; il porte, sur le bord in- terne de sa face inférieure, une très forte apophyse qui lui donne presque la forme d’une équerre. A. Face postérieure lisse, convexe, quadrilatère, articulée avec le radius. 2. Face supérieure triangulaire, échancrée sur son sommet an- térieur, un peu rugueuse. 3. Face inférieure rugueuse, offrant sur son côté interne une très grosse apophyse dirigée en bas, irrégulière, servant d'attache à des ligaments très solides. k. Face interne oblique, offrant en dedans une dépression ru- gueuse pour des ligaments ; en dessous une facette circulaire, et en dessus une facette plus développée, oblique et élargie, convexe de haut en bas, concave dans l’autre sens, toutes deux articulées avec le trapèze et le trapézoïde. 5. Face antérieure étroite, en forme de canal profond, arliculée avec le grand os. 6. Face externe oblique, articulée antérieurement avec l'os cro- chu par une surface allongée et concave , creusée en arrière de rugosités pour les ligaments qui les relient au pyramidal, Pyramidal. Il a la forme d’un coin irrégulier. 1. Face postérieure étroite, allongée de haut en bas, convexe. 2, Face supérieure presque carrée. EE —— DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 195 3. Face inférieure taillée en biseau, articulée avec le pisiforme. k. Face externe triangulaire, presque plane, articulée avec le pisiforme en avant, en arrière avec l’apophyse styloïde du eubitus par une facette plus développée. 5. Face antérieure étroite et quadrilatère. 6. Face interne concave unie à l’unciforme. Pisiforme, Il est évidé au milieu, terminé en dessous par une lubérosité ; sa forme rappelle un peu et en petit celle du caleanéum. 4. Face postérieure offrant en haut une facelte semi-lunaire un peu concave, articulée avec l’apophyse styloïde du eubitus, dé- primée latéralement en bas. 2. Face supérieure étroite, élargie, concave, articulée avec le pyramidal. 5. Face inférieure formant un tubereule elliptique, déprimé en dessous, parlagé en deux moitiés par un sillon superficiel destiné au passage d'un tenden, et dirigé obliquement de dehors en dedans et d’arrière en avant. k. Face interne irrégulière, donnant attache à des fibres liga— menteuses en haut. 5. Face antérieure anguleuse en haut, où elle donne attache à un fort ligament qui va s'implanter à la pointe du pyramidal, dé- primée en bas. 6. Face externe rugueuse, surtout en bas. Trapèze. 1. Face postérieure convexe en bas, un peu déprimée au milieu, presque plane et plus étroite en haut, articulée avec le scaphoïdo- semi-lunaire. 2. Face supérieure trapézoïdale. 3. Face inférieure étroite, convexe el un peu sinueuse, articulée avec le scaphoïdo-semi-lunaire. li. Face interne en biseau, recevant des ligaments. 5. Face antérieure rhomboïdale, concave de haut en bas, con- vexe dans l'autre sens, articulée avec le premier métacarpien. 196 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOCGIE 6. Face externe offrant en arrière el en baut une bandelette lisse articulée avec le trapézoïde, et qui entoure une dépression destinée à loger un fort ligament interosseux qui va se fixer au trapézoïde. Trapézoïde. 1. Face postérieure, presque triangulaire, concave de haut en bas, convexe dans l’autre sens, articulée avec la face interne du scaphoïdo-semi-lunaire. 2. Face supérieure trapézoïdale. 3. Face inférieure en forme de coin. h. Face interne unie au trapèze par une large bande, en avant de laquelle on voit une rainure assez étroite pour un ligament interosseux. 5. Face antérieure quadrilatère, atténuée inférieurement, con- cave de haut en bas, convexe transversalement, articulée avec le deuxième métacarpien. 6. Face externe articulée avec le grand os par une ligne très étroile, en avant de laquelle il y a une dépression pour un liga- ment. Grand os. 1. Face postérieure allongée de haut en bas, à bords parallèles, mais un peu échancrée en dedans, convexe dans tous les sens, mais surtout en bas, unie à la face antérieure du scaphoïdo-semi- lunaire. 2. Face supérieure irrégulière, donnant attache aux ligaments dorsaux qui se fixent aux os voisins de la même rangée. 3. Face inférieure petite, quadrilatère, unie par une courbe in- sensible à Ja postérieure. k. Face interne un peu excavée en arrière pour loger un liga- ment interosseux, articulée par une facette linéaire avec le trapé- zoïde, unie par une face allongée et concave de haut en bas avee le deuxième mélacarpien. 5. Face antérieure en forme de quadrilatère, allongée de haut en bas et rétrécie au milieu, concave dans le sens inféro-supérieur, articulée avec le troisième métacarpien. DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 197 G. Face externe concave, presque triangulaire, unie à l'uncei- forme, Os crochu ou unciforme. 1. Face postérieure très petile. 2. Face supérieure irrégulière et rugueuse. 3. Face inférieure concave, étroite en arrière, articulée avec le scaphoïdo-semi-lunaire, un peu convexe en dehors pour s’articuler avec une petite partie du pyramidal. h. Face interne convexe, terminée angulairement en arrière, articulée avec le scaphoïdo-semi-lunaire en arrière, avec le grand os en avant. 5. Face antérieure carrée, convexe dans le sens transversal, concave dans le sens supéro-inférieur, unie au quatrième et au cinquième métacarpien. 6. Face externe irrégulièrement convexe pour s’unir au pyra- midal. OS DU TARSE. Le tarse est formé par sept os disposés sur deux rangs : — 1: rangée, ou tibiale, comprenant : l’astragale en dessus, le calca- néum en dessous ; — 2° rangée, ou métacarpienne, comprenant : le scaphoïde en dedans, le cuboïde en dehors, et les trois cunéi- formes situés au-dessous du scaphoïde. Les os de la deuxième rangée, réunis par des ligaments très forts, forment une sorte de voûte peu arquée. Les sept os du tarse se rangent, d’après leurs dimensions, dans l'ordre suivant, en commençant par le plus volumineux : 4° calca- néum ; 2° astragale ; 3° cuboïde ; 4° scaphoïde; 5° troisième cunéi- forme ; 6° premier cunéiforme ; 7° deuxième cunéiforme. Astragale, 1. Face postérieure très petite, en forme de gouttière oblique. 2. Face antérieure, en tête convexe, atténuée en dedans (tête de 1958 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE l’astragale), étranglée en arrière (col de l’astragale), articulée avec le scaphoïde. 3. Face supérieure en poulie pour l'articulation tibiale. h. Face inférieure : une rainure profonde et oblique, insertion d’un ligament inlerosseux, la divise en deux parties : une anté- rieure, plus pelite; une postérieure, un peu convexe et plus grande, s’unissant toutes deux au calcanéum. 5. Face externe plane, un peu concave en avant, échancrée en arrière par une dépression qui lui donne un contour triangulaire, conliguë avec la malléole externe ou péronéale. 6. Face interne rugueuse, irrégulièrement concave, implanta- tion du ligament latéral externe de l'articulation tibio-tarsienne. Calcanéum. À. Face postérieure très proéminente, rugueuse à l'extrémité pour l’attache du tendon d’Achille qui s’insère sur sa partie posté- rieure. 2, Face antérieure concave, eliptique, afténuée en dedans, arti- culée avec le cuboïde. 3. Face supérieure inégale en avant, prolongée en dehors par une crête (insertion du muscle pédieux ?), offrant en arrière deux facettes séparées par une rainure oblique qui se porte en arrière et en dedans; la facette antérieure plus petite, plane-convexe ; la postérieure plus grande, convexe, toutes deux articulées avec l’astragale. k. Face inférieure tubéreuse en avant (insertion du court flé- chisseur commun?), carénée au milieu, terminée en arrière par la grande tubérosité du calcanéum. 5. Face externe concave, plane, offrant en bas une gouttière pour les tendons des péroniers latéraux, terminée en haut par une crête très prononcée, dirigée en dehors. 6. Face interne concave, creusée en gouttière large près du bord inférieur, pourvue antérieurement d’une forte éminence (petite apophyse du calcanéum), qui porte en dessus la facette an- térieure de la face articulaire supérieure. DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 199 Scaphoïde. Os très déprimé d'avant en arrière. 1. Face postérieure irrégulièrement elliptique, concave, rece- vant la tête de l’astragale. 2. Face antérieure portant trois facettes destinées aux trois cunéiformes, et des cavités destinées à des ligaments interosseux. 3. Face supérieure mince et large, inégale pour des insertions ligamenteuses. k. Face inférieure tuberculeuse pour l’attache de ligaments. 5. Face externe lisse, concave de haut en bas, pour s’articuler avec le cuboïde. 6. Face interne terminée par une lubérosité, sur laquelle se fixe un fort ligament. Cuboïde. Il a à peu près la forme d’un coin. 1. Face postérieure quadrilatère, convexe, un peu déprimée près du bord externe, articulée avec le calcanéum. 2. Face antérieure triangulaire, divisée en deux facettes : une interne, quadrilatère, articulée avec le quatrième métatarsien ; une externe, triangulaire, étroite, articulée avec le cinquième mé- talarsien. 3. Face supérieure triangulaire, rugueuse, à insertions liga- menteuses. k. Face inférieure rugueuse en arrière, portant au milieu une forte tubérosité pour un ligament. Entre cette tubérosité et la face antérieure, il y a une coulisse profonde, dirigée de dehors en de- dans, pour le tendon du long péronier latéral. 5. Face externe échancrée à l’origine de cette coulisse, au-des- sus de laquelle il y a un bourrelet qui supporte des fibres liga- menteuses. G. Face interne articulée en arrière par une facelte étroite et convexe avec le scaphoïde, en avant avec le troisième cunéiforme par une facette plus large, qu'interrompt une fossette dans la- quelle se fixe un ligament interosseux . 2C0 J. DELBOS. —— RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE Premier cunéiforme, 1. Presque cubique. Face postérieure quadrilatère, presque plane, articulée avec lé scaphoïde. 2. Face antérieure convexe en avant et en arrière, concave au milieu, articulée avec le premier métatarsien. 3. Face supérieure rugueuse, en forme de parallélogramme obliquangle. L. Face inférieure inégale, quadrilatère. 5. Face externe : une facette unie au deuxième cunéiforme, et au-devant une rainure qui sert à fixer des ligaments. 6. Face interne peu étendue, plane, en rapport avec un os sésamoïde très solidement engagé dans les ligaments. Deuxième cunéiforme. 1. En forme de coin. Face postérieure unie, triangulaire. î 9, Face antérieure quadrilatère, atténuée en bas, déprimée au milieu, convexe aux deux extrémités, articulée avec le deuxième métatarsien. 5. Face supérieure quadrilatère, irrégulière. L. Face postérieure très étroite, rugueuse. 5. Face externe plane, formant un angle au milieu, unie au troisième cunéiforme. 6. Faccinterne presque plane, articulée avec le premier cunéi- forme, et offrant en outre quelques traces d'insertions ligamen- teuses en avant. Troisième cunéiforme. 1. En forme de coin. Face postérieure trapézoïdale. 2, Face antérieure trapézoïdale, mais à bord externe échancré fortement au milieu pour loger un ligament, concave de haut en bas, unie au troisième métatarsien. 3. Face supérieure quadrilatère, rugueuse. h. Face inférieure très irrégulière. 5. Face externe articulée avec le cuboïde, échancrée au milieu par un ligament. , DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 201 6. Face interne articulée en arrière avec le deuxième cunéi- forme, en avant avec le bord externe de la tête du deuxième méta- tarsien, et pourvue en outre d’une dépression ligamenteuse. OS DU MÉTACARPE. Caractères communs aux cinq métacarpiens. — 1. Leurs dimen- sions vont en croissant du dedans au dehors, c’est-à-dire du pouce, qui est le plus petit, au doigt externe qui est le plus développé. 2. Ils se distinguent principalement entre eux par la forme et Ja disposition des facettes articulaires des extrémités postérieures ou carpiennes. Aucun ne présente d’échancrures latérales sur la facelte articulaire postérieure, ce qui les distingue de quelques métatarsiens. 3. Leurs extrémités antérieures ou phalangiennes offrent dans tous la même conformation : c’est une tête ou sphère régulière en dessus, carénée en dessous par une crête antéro-postérieure. Cette tête est séparée nettement de la face supérieure du corps par un sillon prononcé, de la face inférieure par des dépressions ru- gueuses. Premier métacarpien. Corps. — Large vers la base, il va en s’amincissant jusqu'à l'extrémité phalangienne qui n’a rien de particulier. Sa courbure moindre le distingue du premier métatarsien. Extrémité postérieure. — 1. Sa largeur est plus grande que son diamètre antéro-postérieur. 2. Face postérieure articulée avec le trapèze par une facette semi-lunaire, alténuée en haut et en dehors, déprimée au milieu, faiblement inclinée en dedans. 3. Face supérieure rugueuse, continue avec le corps. k. Face inférieure déprimée au milieu. 5. Face interne pourvue d’une tubérosité rugueuse et d’une surface oblique en arrière, raboteuse pour l'insertion de ligaments. 6. Face externe creusée d’une fossette irrégulière, avec bande articulaire mal débmitée et peu étendue, 202 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGJE Deuxième métacarpien. Corps. — Droit, à bords parallèles, plan en dessus, pourvu en dessous de quelques callosités. Extrémité postérieure, — 4. Face articulaire postérieure unie au trapézoïde, à bords latéraux presque parallèles, arrondie en dessous, peu convexe de haut en bas, creusée dans ce sens en gouttière, oblique et inclinée en dedans. 2. Face supérieure portant deux callosités pour l'insertion de ligaments. 8. Face inférieure étroite, rugueuse, pour de fortes insertions. . Face interne concave, irrégulière, sans bande articulaire bien nette. 5. Face externe, articulée avec le troisième métacarpien, ru- gueuse, bordée postérieurement par une bande articulaire élargie en dessus. Evtrémité phalangienne. — Elle tend à se détacher du corps de l'os, et offre en arrière de fortes impressions. Troisième métacarpien. Corps. — Sans callosités élargi d’arrière en avant, aplati en dessus, offrant sur sa face supérieure el en avant de la facette arti- culaire une ou deux fossettes superficielles pour des ligaments. Exlrémité postérieure. — 1. Face articulaire postérieure unie avec le grand os, trapézoïdale, élargie en dessus, déprimée au mi- lieu de haut en bas, à convexité supéro-inférieure plus forte que dans les os voisins, et dirigée en bas et en dedans, oblique et in- clinée en dedans. 9. Face supérieure creusée, en avant de la facette articulaire, d’une fossette rugueuse près du bord interne. à. Face inférieure étroite, rugueuse. h. Face interne bordée postérieurement par une bande artieu- laire convexe en haut, terminant une fosse rugueuse. 5. Face externe circonscrite en arrière par une bande articulaire plus large, plane, en avant de laquelle se trouve une surface ru- gueuse, divisée en deux moitiés, dont la supérieure est la plus DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 203 petite, par une petite crête parallèle à l’axe de l'os, et qui part de l'angle des deux branches de la bande articulaire. La surface articulaire postérieure s’atténuant en dessous, plus convexe ; les deux branches articulaires circonscrivant postérieu- rement les deux faces latérales de la tête postérieure, toutes deux très nettement indiquées; l'absence de callosités sur le corps, tels sont les caractères qui distinguent cet os du précédent. Quatrième métacarpien. Corps. — A bords presque parallèles, élargi en avant, offrant sur sa face inférieure des callosités, et près de l'articulation anté- rieure une fosse d'insertion, quelquefois assez profonde. Eaxtrémité postérieure. — 1. Facette articulaire, unie à l'os crochu, à peu près quadrilatère, aussi large en bas qu'en haut, convexe et canaliculée de haut enbas, faiblement inclinéeen dedans sur l’axe de l'os. 2. Face supérieure creusée d’une fossette rugueuse en avant de la facette articulaire, et dans son milieu. 3. Face inférieure étroite, rugueuse, irrégulière. h. Face interne contournée en arrière par une bande plane, cir- conscrivant une dépression frès nelle pour le ligament inter- osseux. 5. Face externe circonscrite à peu près demême, mais la bande est plus plane et même concave, et la fosse ligamentaire est divisée par une côte en deux portions rugueuses, la supérieure plus petite. Cet os se distingue difficilement du troisième métacarpien. Ses principales différences paraissent être : 4° la moindre obliquité de la face articulaire postérieure ; ® le développement plus grand des bandes articulaires latérales; 3° les dimensions plus fortes ; 4° les callosités plus prononcées sur le corps. Cinquième métacarpien. Corps. — A bords presque parallèles, élargi en avant, calleux sur sa face inférieure, surtout près de la (ête articulaire, où des dépressions profondes devaient recevoir des tendons. 20/4 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE Extrémilé postérieure, — 41. Facette postérieure, unie à l'os crochu, semi-lunaire, atténuée en dessus, où elle se termine en une pointe dirigée en dedans, inclinée vers le côté interne. 2. Face supérieure large, sans callosités ni tubercules bien marqués. 3. Face inférieure assez large, tubéreuse, irrégulière. L. Face interne circonscrite en arrière par une bande articulaire plane, oblique; fosse ligamentaire peu étendue. 5. Face externe tubéreuse, portant une facette ligamentaire et des tubérosités très prononcées qui se continuent sur la face infé- rieure. Résumé des caractères différentiels. Premier métacarpien. — Facette postérieure semi-lunaire ; une seule facette articulaire externe, mal circonserite ; corps à petites dimensions, atténué en avant, courbé, convexe en dessus, concave en dessous. Deuxième métacarpien. — Facelte articulaire postérieure peu convexe, quadrilatère, arrondie en dessous; face articulaire in- terne concave, sans bande bien marquée; l’externe circonscrite par une bande large, convexe dans sa partie supérieure; corps calleux en dessous. Troisième mélacarpien. — Facette articulaire postérieure en trapèze, dont la grande base est en dessus, lrès convexe de haut en bas, surtout en bas et en dedans; deux bandes articulaires con- tinues de chaque côté, l’externe plus large; fosse ligamentaire interne irrégulièrement rugueuse; l’externe divisée par une arête ; corps sans callosités. Quatrième métacarpien.—Facette postérieure quadrilatère, peu oblique, moins convexe; deux bandes articulaires continues de chaque côté, l’externe un peu concave; fossette ligamentaire externe, divisée par une arête ; corps calleux en arrière. Cinquième mélacarpien — Facette postérieure semi-lunaire ; une seule face articulaire interne, bordée par une bande plane concave; fossette ligamentaire étroite ; corps grand, droit, élargi en avant. DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 205 OS DU MÉTATARSE. Des cinq os qui le composent, le plus petit correspond au gros orteil de l’homme, le plus gros à l’orteil externe. Ils ont la même configuration générale que les métacarpiens. Premier métalarsien. Corps. — Aminci en avant, très courbé, convexe en dessus, concave en dessous. Esxtlrémilé postérieure. — 1. Face postérieure unie au premier cunéiforme, atténuée en dessus, un peu oblique et inclinée en dehors, convexe de haut en bas et canaliculée dans le même sens. 2. Face supérieure arrondie, convexe, presque lisse. 3. Face inférieure assez étroite, offrant une crête sur le prolon- gement de la face postérieure. h. Face interne pourvue d’une tubérosité assez saillante, creu- sée, en avant du bord postérieur, d’une gouttière rugueuse, paral- lèle à ce bord, pour les ligaments internes. 5. Face externe bordée par une bande convexe peu distincte ; fosselte étroite. Ecxtrémité antérieure. — La tête articulaire est peu séparée du corps en dessus. C’est le plus petit de tous les métatarsiens. Sa courbure plus prononcée, le diamètre supéro-inférieur de l'extrémité postérieure plus considérable que le diamètre transversal, ne permettent pas de le confondre avec le premier métacarpien. Deuxième métatarsien. Corps. — Plan en dessus, pourvu d’une forte callosité liga- mentaire en dehors. Eaætrémité postérieure. — 1. Face postérieure articulée avec le deuxième cunéiforme, inclinée assez fortement en dedans, presque plane, un peu plus étroite en bas où elle se termine par un bord relevé, sans échancrures latérales, si ce n’est tout près de l'extrémité inférieure et sur le bord externe, 206 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE 2. Face supérieure presque plane, creusée en avant d’une rai- nure pour le ligament. 3. Face inférieure offrant une facette Hsse, qui forme un angle droit avec la postérieure, rugueuse en avant. k. Face interne bordée en arrière par une bande articulaire étroite, convexe, qui entoure inférieurement une fossette pour le ligament interosseux. 5. Face externe : bande articulaire plus large; fosse ligamen- taire large, mais peu excavée, se prolongeant jusqu’au bord externe de la face postérieure par un canal qui ne l’entame pas cependant. Ectrémité antérieure. — La tête articulaire est bien séparée du corps. Troisième métalarsien. Corps. — Droit, aplati, pourvu extérieurement d’une callosité sur le prolongement du canal de la face externe. Extrémité postérieure. —- 1, Face postérieure, articulée avee le troisième cunéiforme, un peu convexe, inclinée en dedans, peu déprimée de haut en bas, très caractérisée par les échancrures qui entament ses bords latéraux pour le passage des ligaments, et dont l’externe est plus profonde. 2. Face supérieure plane, à impressions ligamentaires presque nulles. 3. Face inférieure peu développée, en forme de tubercule un peu déprimé. h. Face interne bordée en arrière par une bande articulaire sinueuse, {rès convexe, très étroite, se distinguant à peine dela face articulaire postérieure, et circonserivant une fosse ligamentaire peu étendue, mais profonde, au milieu de laquelle se trouve une callosité qui se prolonge en avant. 5. Face externe pourvue de deux faceltes articulaires coneaves, séparées par le canal qui échancre le bord externe de la face posté- rieure; l'inférieure plus petite. Au milieu de ce canal il y à une arête un peu saillante qui le divise en deux. DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 9207 Quatrième métalarsien. Corps. — Presque carré, pourvu d’une callosité rugueuse sur son tiers postérieur, en avant du tubercule inférieur. Extrémité postérieure. — 1. Face postérieure articulée avec le cuboïde, inclinée en dedans, peu convexe, à peine déprimée de haut en bas, très caractérisée par l'échancrure unique du bord interne. 2. Face supérieure obliquement prolongée par une crête en arrière el en dehors pour s’articuler avec le cinquième mélatarsien. 3. Face inférieure ayant la forme d’un tubercule irrégulier. L. Face interne offrant deux grandes facettes convexes, sépa- rées par un canal profond el rugueux qui loge un ligament, lequel se continue dans le tarse sous forme d’un canal formé par des échancrures que portent le troisième cunéiforme et le cuboïde. La facette supérieure est de beaucoup la plas développée. 5. Face externe très profondément excavée, pour recevoir une partie de la tête du cinquième métatarsien. La facette articulaire supérieure, concave, est très étendue ; l’inférieure l’est peu, et elles se rattachent l’une à l’autre par une bande étroite, non inter- rompue , de sorte que le bord externe de la face postérieure n’est pas entamé. Cinquième métatarsien. Corps. — Assez mince, presque cylindrique, arqué, convexe en dessus, concave en dessous. En arrière de la tête antérieure, il offre inférieurement une tubérosité marquée. Les fossettes de Ja poulie phalangienne sont assez marquées. Extrémité postérieure. —1. Face postérieure semi-lunaire, ar- liculée avec le cuboïde, à convexité externe, entourée en bas et en dehors par une expansion irrégulière, bordée inférieurement par une goutlière ligamentaire. 2, Face supérieure pourvue sur son bord interne d’une facette assez large, recouverte par la crête du quatrième métatarsien. 3. Face inférieure présentant en dedans une facette oblique, parallélogrammatique, inclinée en dedans, et séparée par une pro- 208 J. DELBOS. -— RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE fonde rainure du bord externe de l’expansion postérieure ; cette rainure loge un ligament, et la facette s'articule avec un os sésa- moïde. k. Face interne pourvue en bas d’une facette triangulaire, unie au quatrième métatarsien. Une surface rugueuse, pour l’attache d’un ligament interosseux, sépare cette facette de la facette supérieure. 5. Face externe dilatée, tubéreuse, pour l'insertion du ligament externe. Résumé des caractères différentiels. Premier métatarsien. — Facette postérieure atténuée en haut ; une seule bande externe très peu distincte ; fossette étroite ; corps très courbé, aminci en avant; tête plus large de haut en bas que transversalement ; dimensions petites. Deuxième métatarsien. — Face postérieure sans échancrures; bande interne convexe, étroite ; bande externe plus large, com- posée de deux parties presque séparées par un canal qui n’échancre pas le bord ; une callosité externe sur le corps. Troisième métatarsien. —Face postérieure échancrée de chaque côté; bande interne convexe, sinueuse, mal définie ; fossette cal- leuse au milieu; bande externe divisée par un canal qui échanere le bord; facettes concaves ; fossette pourvue d’une ou deux arêtes dans le canal; une callosité sur la face interne du corps. Quatrième mélalarsien. — Face postériewre échancrée seule ment sur son bord interne ; face interne pourvue de deux facettes convexes, la postérieure, plus grande, séparée de l’antérieure par un canal; face externe très excavée, à deux facelles concaves, réunies par une bande étroite qui ferme le canal ; une callosité sur la face inférieure du corps. Cinquième métatarsien. — Facelte postérieure semi-lunaire ; une seule facette sur la face interne ; face externe tubéreuse, élar- gie en aile; face inférieure portant une bande qui s’articule avec un os sésamoïde, et en avant de laquelle naît une fosse qui se pro- longe postérieurement en canal ; une facette sur la partie interne et postérieure de la face supérieure du corps : c'est le seul os qui offre ce dernier caractère, DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 209 Parallèle des métatarsiens et des métacarpiens. 1. Le premier métatarsien diffère du premier métacarpien par son extrémilé postérieure plos large de haut en bas, par sa cour- bure plus forte. Tous deux sont amincis d'arrière en avant, La tête articulaire antérieure est moins détachée du corps en dessus que dans les autres os. 2. Le cinquième métalarsien diffère du cinquième métacarpien par son extrémité postérieure, prolongée inférieurement en forme d’aile ; par Ja facette articulaire située sur le corps en haut et en dedans, parallèle à l'axe de ce corps ; par une facette unique, tour- née en avant, sur la face interne; par sa forte courbure; par la bandelette lisse, un peu convexe, située sur la partie inférieure de l'aile ; par la fossette située en avant de cette bandelette, et termi- née postérieurement en un court canal qui entoure l'aile; par son épaisseur bien moindre. 3. Le deuxième mélatarsien diffère du mélacarpien correspon- dant par la bande articulaire du eôté externe, divisée en deux fa- celtes plus concaves par un canal qui part de la fossette, mais qui n'entame pas le bord de la facelle articulaire postérieure; par sa face postérieure plus irrégulière, plus convexe. h. Le troisième métalarsien diffère du troisième mélacarpien par la bande articulaire interne très convexe, se confondant avec la face postérieure, se contournant pour former le canal d'échan- crure; par les deux facettes concaves de la face externe très sépa- rées par le canal qui prolonge la fossette. 5. Le quatrième métatarsien diffère du quatrième métacarpien par l’échancrure unique du bord interne de sa face postérieure ; par ses faceltes articulaires latérales internes, très séparées par un canal ; par les deux facettes externes réunies par une bande étroite qui empêche le canal d’échancrer le bord. Particularités individuelles. Les os du métacarpe et du métatarse peuvent offrir des partieu- larités. Ainsi, dans le squelette que j'ai sous les yeux, le cinquième #" série Zooz. T. IX. (Cahier n° 4.) ? 14 210 3. DELBOS. — RECHERQHES SUR L'OSTÉOLOGIE métatarsien du pied gauche offre, près de la tête articulaire pha- langienne et sur son bord externe, une très forte callosité qui s'étend sur la face supérieure de l'os, et qui n'existe pas dans le cinquième métatarsien du pied droit. Phalanges. 11 n’est guère possible, je crois, de distinguer les phalanges des extrémités antérieures de celles des extrémités postérieures; mais on peut facilement reconnaître la rangée et même le côté aux- quels elles appartiennent. La main et le pied de l'Ours offrent une analogie avec ceux de l'homme, en ce que le doigt interne, ou le pouce, et le gros orteil ne sont composés que de deux phalanges. Tous les autres doigts, ainsi que les orteils, en offrent trois. Premières phalanges. 1. Ce sont les plus fortes, les plus longues, et elles se ressem— blent exactement dans les quatre extrémités, à l'exception de celles du pouce et de l’orteil interne, qui présentent dans leur extrémité antérieure un léger caractère qui permet de les reconnaître. 2, Le corps est convexe en dessus et lisse, plan et concave en dessous, avec de fortes tubérosités pour des insertions tendineuses près de l'extrémité antérieure. 3. L'extrémité postérieure présente une fosse glénoïde. Cette fosse, échanerant plus profondément le bord supérieur et interne, permet de reconnaitre le côté auquel la phalange appartient. Il y à, sur le bord externe de cette cavité, un léger tubercule, sur lequel elle vient mourir en s’alténuant, k. L'extrémité inférieure est taillée en poulie dans toutes les phalanges de celte rangée, à l'exception du pouce et de l’orteil in- terne, où la gorge est à peine mdiquée ; de sorte que la tête arti- culaire y prend la forme d’un demi-eylindre, ee qui la rapproche des phalanges de la deuxième rangée des autres doigts. Sur les faces latérales de la tête, il y a des fossettes situées sur des facettes regardant de côté et un peu en haut, pour l'insertion des liga- ments latéraux, DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. x 211 5. Quant à leurs dimensions, elles sont sensiblement égales dans les quatre extrémités pour les phalanges congénères; mais, pour chaque extrémité en particulier, les trois phalanges moyennes sont un peu plus épaisses, celle du doigt médius surtout. Deuxièmes phalanges. Le pouce et les deux orteils internes en sont dépourvus ; elles sont d’ailleurs très faciles à reconnaitre. 4. Le corps est plus court, plus mince que dans la première rangée, concave en dessus el en dessous, plus renflé proportion- nellement aux extrémités. 2, La face articulaire postérieure est divisée en deux fossettes concaves par une crête longitudinale, qui entre dans la gorge de la poulie de la première phalange correspondante. Cette crête se prolonge en dessus en un bee qui glisse sur la partie supérieure de cette gorge, et qui est destiné à limiter l'extension. Il n'existe rien de semblable en dessous, ce qui favorise la flexion. 3. L’extrémité antérieure a la forme d’un demi-cylindre à peine déprimé au milieu, sur lequel glisse là phalange unguéale, et qui est placé perpendiculairement à l'axe , de sorte que chaque pha- lange est symétrique , ce qui la distingue de celles des Chats qui sont obliquement coupées. Ce cylindre, peu prolongé en dessus, ne permet aux unguéales que de se relever à demi; mais son pro- longement en dessous leur donne la faculté de se fléchir forte- ment. Les deux faces latérales de l'extrémité inférieure sont pour- vues chacune d’une fossette pour le ligament latéral. 4. Quant aux dimensions, elles sont fort différentes entre les pieds de devant et ceux de derrière; ces derniers ont leurs deuxièmes phalanges moitié plus pelites que les premières. Pour chaque extrémité en particulier, elles différent peu : la deuxième et la troisième paraissent les plus fortes, la lroisième surtout. Troisièmes phalanges. Leur partie postérieure ou articulaire est très haute ; elle porte en arrière une échancrure qui glisse sur l'extrémité de la deuxième phalange ; les bords supérieur et inférieur de cette échancrure, 912 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE peu saillants, montrent que les mouvements peuvent être assez étendus, surtout ceux de flexion, tandis que la disposition de la deuxième phalange ne permet pas une rétraction complète. Au- dessous, il y à un tubercule rugueux qui recoit un tendon. En avant, la partie postérieure se prolonge en un bord lamelleux très saillant, qui forme une rainure profonde autour du crochet qui supporte l’ongle. Ce crochet, triangulaire, canaliculé en dessous, est un pen courbé en bas. Sous le rapport des dimensions, les unguéales des pieds de de- devant sont presque du double plus fortes. Pour chaque extrémité en particulier, leurs dimensions sont à peu près uniformes. OS SÉSAMOÏDES. Ces os n'ayant que peu d'importance, je les décrirai sommaire- ment. On peut en distinguer de deux sortes : les uns approchent plus ou moins de la forme globulaire, et se trouvent isolés sur diffé- rents points du squelette; les autres forment par leur conjugaison de véritables voutlières pour le glissement des tendons, et sont particuliers aux extrémités. Parmi les premiers, j'en ai mentionné un sur l'extrémité infé- rieure du fémur ; ils sont plus fréquents sur le carpe et sur le tarse. Ainsi j'en trouve un sur la face interne du premier cunéi- forme, un autre articulé avec la face inférieure de l'extrémité postérieure du dernier métatarsien. Quelques autres méfatarsiens offrent au même point des facettes aplaties et lisses, qui devaient être en rapport avec des os semblables. Ceux de la deuxième sorte se trouvent sur la partie inférieure de toutes les articulations métacarpo-phalangiennes et métatarso- phalangiennes ; ils sont toujours géminés, de manière à former des goultières profondes pour les tendons des fléchisseurs des phalanges. Chacun d'eux est cylindrique et arqué, de manière à rappeler la forme d’une graine de haricot; ils sont réunis deux à deux par un cartilage très solide. DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. 213 DIMENSIONS DES PARTIES DU SQUELETTE DE L'OURS DES PYRÉNÉES. Dans les tableaux qui suivent, je donnerai en détail les dimen- sions des différentes parties du squelette qui a été l'objet des descriplions précédentes. Ces mesures m'ont été d’un grand se- cours dans l’examen des ossements fossiles , car elles permettent de déterminer approximativement la taille des individus dont on ne possède que des ossements isolés ou même des fragments, en supposant toutefois que les relations soient les mêmes entre les espèces fossiles et l'espèce vivante. Elles fournissent, en outre, le moyen de reconnaitre si les diverses parties ont entre elles les mêmes rapports quant à leurs dimensions, ce qui peut aider à distinguer les espèces, et à se faire une idée des proportions de leur corps. PREMIER TABLEAU. — Dimensions des différentes parties du squelette en général. Longueur totale, depuis le bord antérieur du RE l'extrémité de la queue, . . Mn re 1,300 Hauteur au garrot, de l'os to au sommet de l’ PRE épineuse de la cinquième dorsale. . . . . . . 0,720 Hauteur du train de derrière, du calcanéum à BE ru tree de l'os iliaque 0,680 TÈTE. Ligne basilaire, depuis le bord postérieur des incisives du milieu jus- qu’au bord antérieur du trou occipital. . . . 0,250 Longueur du crâne, depuis le bord antérieur des incisives a Lo jusqu'à la crête occipitale, en suivant la courbure . . . D 350 Longueur, depuis les incisives jusqu'au bord antérieur des os du nez. 0,060 Longueur, depuis les incisives jusqu'à la ligne qui va d'une apophyse postorbitaire du frontal à l’autre. . . . . . . . . ,. . 0,160 Distance de celte ligne à la crête OCÉIPAEA LEE "1.120200 Longueur de la crête temporale. . . . . . . . . . . . 0,100 Longueur de la crête sagittale. . . , , . , . .... «+ 0,441 214 J. DELBOS. — RÉCHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE Largeur entre les alvéoles des dents incisives externes Largeur entre les os intermaxillaires. Largeur au bord postérieur des canines. Largeur des deux apophyses postorbitaires du frontal. D'ÉSN e,S Plus grande largeur des arcades zygomatiques Largeur du trou occipital. Longueur depuis le bord interne des canines jusqu'au bord REA de la dernière molaire . . Espace qu'occupent les molaires (1). Distance entre les canines A8 TTL — entre les premières SE a etre à — entre les bords postérieurs des dernières molaires . Hauteur du crâne, prise sur la ligne basilaire, au bord antérieur des os du nez z — de l'endroit le pié PTT de Wu racine FT nez. — du point externe des apophyses postorbitaires du frontal, _ — du point de réunion des crêtes temporales. . , . : . . — de l'endroit le plus bombé du crâne. — de l’épine occipitale. MACHOIRE INFÉRIEURE. Longueur depuis le bord interne de l’incisive du milieu te milieu de la face postérieure du condyle. . — depuis le bord postérieur jusqu'au bord PAT de Le pre- mière molaire, . trames culot NS — de l'espace qu (aucnpast AE (tiestat. de ï — depuis le bord postérieur de la dernière molaire jusqu'au milieu du condyle . 4: tés De sat del ll Largeur de l’apophyse Monod à sa bise dy LCR ant Hauteur depuis le bord postérieur de la dernière molaire jusqu'au som- met de l'apophyse coronoïde. — depuis l'apophyse crochue jusqu'à la TR Fr se ARE + l'apophyse coronoïde. . . . . . . . .,. : — de la crête mentale. Aer ut, . — du corps devant la première molaire. . . . . . — derrière la dernière. Largeur du condyle CERN De : Distance de la pointe de las ue | à ï apophyse du bord infé- MIEL Re en 0 MANS (1) Voyez le deuxième tableau pour la dimension des dents. (2) Voyez, pour les détails, le deuxième tableau. 0,050 0,055 0,050 0,085 0,180 0,030 0,098 0,075 0,050 0,048 0,050 0,055 0,070 0,080 0,140 0,110 0,070 0,200 0,035 0,080 0,065 0,060 0,070 0,080 0,060 0,048 0,050 0,040. 0,040 COLONNE VERTÉBRALE. 1. Atlas. Largeur totale, d'une extrémité d'une aile à l'autre . . . . Longueur antéro-postérieure de l'anneau en dessus. . . . . Largeur du canal. . . . . Distance entre les deux trous internes & 5 FN supérieure. 2.. Axis. Longueur de la face inférieure, de la base de l’apophyse odontoïde au bord postérieur. — de l'apophyse odontôïde. FE re Distance entre les bords externes des ne a FETE antérieures. — entrelesbordsexternes des apophyses articulaires postérieures. — entre les pointes des apophyses transverses. x Diamètre transversal du corps sur sa face articulaire postérieure. Sa hauteur. . . cul de CR Largeur de ne épineuses à sa Vos DHÉR ESS Sa hauteur au-dessus du grand canal, en arrière. Sa longueur, de la base à la pointe. . . . . . . . 3. Régions, Longueur de la région cervicale (1). — de la région dorsale. . . . . . — de la région lombaire. . . : . . . . — de la région sacrée. : — de la région caudale. . . . . : A Largeur du sacrum , du bord supérieur et antérieur d une face auricu- laire à l’autre. : Sa — de la dernière sie BACPOB Ge ave 2 SCA Ne tu tÈ Ts THORAX (2). Longueur totale du sternum, de la pointe antérieure à l'extrémité de ABDpONUICE XIPHOI(O: = ." Me, à. ne Ne ds ÉRUUPIODMNEN DE, + à + © À 2: AN On Cine du Quatrième. SCORE, ANT NE Cl pNSem MuPenriau milôu. : . . 2. eu : Casa ai nl ÉnEnbnr du seplième. . . us lol où aies /mlcbe (1) Voyez, pour le détail des vertèbres, le tableau n° 3. (2) Voyez, pour les côtes, le tableau n° 4, 215 0,11 0,030 0,029 0,040 0,040 0,017 0,052 0,015 0,090 0,030 0,020 0,040 0,025 0,060 0,210 0,360 0,200 0,140 0,141 0,075 0,030 0,270 0,055 0,030 0,646 0,02. 216 J. DELROS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE GRANDS OS DES MEMBRES THORACIQUES. 1. Omoplate. Longueur, du bord de la fosse glénoïde à Me REA Plus grande largeur en haut. . : Largeur au niveau de la convexité du Pn antérieur. Saillie de l'acromion Grand diamètre de la cavité glénoïde. Petit diamètre. 2. Humérus. Longueur. 2 : J Diamètre ÉRIEC Et 2 la iète supérieure — transversal de la tête supérieure Largeur de la lête inférieure. — de la poulie articulaire. Diamètre antéro-postérieur de la Lête die Eh son milite Largeur de l'os, dans son milieu. 3. Padius. Longueur. : Largeur de la tète s supérieure. Son petit diamètre, vers le crochet . Largeur de Ja tête inférieure, . — du corps, au milieu. 4. Cubitus. Longueur, y compris l'apophyse SUD Hauteur de l'olécrâne. . Longueur de son bord supérieur, avec le bec. e Plus grande largeur au-dessous de l'articulation fn Corde de la grande cavité sigmoïde. Largeur de la grande cavité sigmoïde. Longueur de la pelite cavité sigmoïde. Sa hauteur en dedans. — en dehors. Grand diamètre de la tête frieure Largeur de la tête inférieure. yo pee ER NE Épaisseur de l'os, au-dessus de la tête inférieure Ô . 0,170 0,150 0,095 0,930 0,050 0,035 0,260 0,070 0,030 0,080 0,060 0,045 0,030 0,230 0,031 0,052 0,025 0,028 0,300 0,050 0,055 0,054 0,055 0,020 0,030 0,018 0,008 0,035 0,024 0,023 DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES, 917 GRANDS OS DES MEMBRES ABDOMINAUX. 1. Bassin. Distance de l'épine antérieure d'un os des iles à l'autre . . . . . 0,220 Diamètre antéro-postérieur du bassin. . . ,. . . . . . . . 0,090 —— transverse . . . . . 0,080 Distance du bord antérieur de l'o os de ile au ape 5 r bio . 0,200 Longueur de la symphyse pubienne. . . . . . . 0,070 Distance de l'extrémité inférieure de la symphyse à l'entrée Ris rieure de la tubérosité de l'ischion. . . . . . . . . . . 0,111 Diamètre de la cavité cotyloïde. . , . . . . . . . . . 0,042 Longueur de la crête iliaque. . . D 0,085 Largeur de l'os iliaque au niveau de x a an “ut al D 10,050 — de l'os iliaque à la hauteur de la grande échancrure sciatique, 0,035 — del'os iliaque à la hauteur de la cavité cotyloïide. . . . . 0,062 Plus grand diamètre du trou sous-pubien . . . . . . . . . 0,055 Largeur de la branche horizontale du pubis. . . . . . . . . 0,048 — de l'ischion au niveau de l'épine sciatique. . . . . . . 0,026 Plus grande épaisseur de la tubérosité, en haut. . . . . . . . 0,035 2, Fémur. MARTEL CE, eee, à o = <, ci 06 ml 66 su il Pargour de la Lête supérieure. . . . . +. +. . . . . . . 0,070 = de laléteinférienre. . Mn. 5 © 0:070 AMIENS. = es us ESPN POUR ER 0E0NU 0 3. Rotule. PDO tr di ue ci RENOM GE. M020 30 Bnrenhant.. ©... :.: +, Genoa dé dam 006 4. Tibia. Longueur . . . Se PR es de Die. danse 005940 Largeur de la tête supérieure. . . . . . 4 1. + 0,065 — antéro-postérieure, au milieu. . . . . . . . . . 0,045 — de la tête inférieure. . . chobielia ac ab am0: 050 — de l'os à l'endroit le plus mince. . . . . . . . . . (0,025 5. Péroné. Longueur . . . A CEE CR nr en n 0220 Largeur de la tête ere mu À + a to aoent 5564. 41b 1002020 Er delatôte supérieure. . ,. "2.0.0 , à 00 0022 mn losanimilions, West. à CERN © PSN Se Me NO 020 218 J. DELBOS. — RECHERCHES SUR L'OSTÉOLOGIE CARPE (1). Largeur en dessus. Se . 0,060 Longueur antéro-postÉTIEUTE EC R E . 0 000 l 4. Scaphoïde semi-lunaire, Largeur à la face articulaire postérieure, . .: .: . , . . . . 0,040 Sodtamètre CHU te UE ARMES AN EN GO Le CTI LION ASSURE Saillie de l'apophyse sur cette face . UN ue 0 DT Diamètre antéro-postérieur de la face supéretié, ét later nn 9e 4 Lr Fapetndelatace dntétiénrer 4 2 7 MMS ER ER TEU0 2, Dani Longueur de la face are 20e AO fil, 207 ORAUAT Sa largeur . . . 0 TVA 6! 6.70, 20 0007 Plus grande longueur Fe la face entECHE M AL THEN 0 K MNPURE 80 100029 Largeur de la face antérieure au milieu. . . . . . . . . . 0,012 3. Pisiforme, Longueur . . . Med 0" tanbdor sl do ue Sn QT Largeur de la face nue Se se Me M0 020 Plus grand diamètre (antéro-postérieur) " la fac niérieure, . 0,020 Hhiéour de l'os au milieu. . de 4. Trapèze. Longueur de la face postérieure, . 4 4 «4 « . . .unimm 2% 0;018 SAJATPEUT AUDIO Mme M ae Ne CU. CC ROIDUN Longueur de’la”face antérieure cn . … . . . 0,014 Sa largeur : : : CO CPC EE an 0 (LE Longueur de la face vbs Sa Do MP OR Con. (A! Sarplos grande ldrseur Meter de.) er. SO ONONOIOUE 5. Trapézoïde. Longleur,.de la facelpostérieure 4 5: 2 02 ENS OS OENEUTS MAMATPENT ON AA... 7 5.4 NON EE 0 4 Longueur de la face antérieure. . , . : . . . 0,049 Sa largeur au milieu . . . Re ets ne RL ID) Plus grande largeur, en dedans, de la ne gupérieure,, + . + 0,012 6. Grand os. Longueur de la face postérieure 4 4 . 4 4 «+ + « . ENG 01 (1) Voyez, pour le métacarpe, le tableau n° 5. DE L'OURS BRUN DES PYRÉNÉES. Sa largeur .- .-. ue ose EN se MINCE ENRE Longueur-de la face antérieure . . . . . . : . : Sa largeur au milieu Largeur de la face supérieure. Longueur de la face externe. . . . . . . . 7. Unciforme. Longueur.de la face interne . . . . . . .. . Largeur de la face antérieure. .. … … … . "+ 14mman Longueur en dedans . : Longueur de-la face supérieure . SOS ER er Pr de TARSE (4). Largeur de la deuxième rangée. Sa longueur. 1. Astragale, Grand diamètre de la face scaphoïdienne. . Petit diamètre. Largeur de la poulie. Me Longueur antéro-postérieure de l'os. . Longueur de la face calcanéenne. 2. Calcanéum. Longueur totale. 1 Hauteur de la face expo onne. Sa largeur . Plus grande largeur de r 05, la E apopufsé à id ets externe. Hauteur du tubercule postérieur. Longueur de la face astragalienne. sp. 28 à — dela grande apophyse en arrière de cette face. 3. Scaphoïde. Largeur de la face postérieure, . , , AM 0 à Ce Sa hauteur. - 5 - Longueur de l'os en ou - 4. Cuboïde, Largeur de la face postérieure . . . , + . . . . . . Sa hauteur . (1) Voyez, pour le métatarse, le tableau no 5. 220 J. DELBOS. — RECH£RCHES SUR L'OSTÉOLOGIE Pongueurde Ja face supérieure »… .. =", … .. .. .. .. .. 2.007020 Hauteur de la face articulaire antérieure, . . . , . . . . . 0,022 SAMIATEOUL SL ce ei ienlee, du <, +. ON OAI 5. Premier cunéiforme. Hauteur de la face postérieure, … … + =. . . . +. : . 0,020 SANS ne et, M en: ae CONTENU Hauteur de la face antérieure, .. ., ., .. .. .. uen dncl #3 00-180: 049 Largeur de la face antérieure. . … 210 en st POS — delaïface supérieure, …, . 1, <, +. < tot. 10.180704 SAATP OUPS ee ae ei. sl ou on a aie : PSIDQUE soNt at. DOM 6. Deuxième cunéiforme, Hauteur de la face postérieure . à 4m. . . . . . . . 0,021 SEE ER RO NE US © (DA Largeur dela face supérieure, . .": . 4 . . . . 0e DARIONEUBUES A ee te 0 on ee a on tes à latte, ce CN NE 7. Troisième cunéiforme. Hauteur de la face postérieure . .° . . . . . . . . . . 0,020 DATATBEUTIENAVANE Se NN ne Le +0 0 D. IDAUAI Hauteur de la face antérieure. . . . . . . . . . . . . 002 SATATBEUL EN AVAUL. Es = à es + 0 + : le, + 0 RU UD Longueur de la face supérieure . . . . . . . . . . . . 0,015 DEUXIÈME TABLEAU. — Dimensions des dents. MACHOIRE SUPÉRIEURE. Longueur de la partie émaillée de la canine. . . . . . . . . 0,030 Largeur antéro-postérieure de sa base . . . . . . . . . . 0,019 Longueur antéro-postérieure de la première molaire . . . . . . (0,015 — antéro-postérieure de la pénultième . . . . . . . . 0,022 — antéro-postérieure de la dernière, . . . . . . . . (0,038 MACHOIRE INFÉRIEURE. Longueur de la partie émaillée de la canine . . . . . . . . (0,033 Diamètre antéro-postérieure de sa base. . . . . . . . . . 0,020 Longueur antéro-postérieure de la première molaire. . . . . . . 0,013 — antéro-postérieure de l'anté-pénullième. . . . . . . (0,024 — _antéro-postérieure de la pénultième. . . . + . . . . 0,024 — antéro-postérieure de la dernière. . . . . . . . . 0,018 BRUN DES PYRÉNÉES, > DE L OURS £10‘0 910°0 G10'0 810'0 &&0'0 “ATYANNO 1} #€0'0 1£0‘0 630'0 6&0'0 “ApoYS os L g€0‘0 gt0‘0 0%0‘0 9€0‘0 &60‘0 870'0 &60'0 &Y0°‘0 8&0°0 “AULYOKOT 39 8800 32x00 &€0‘0 1£0‘0 4600 8€0°0 g%0°0 8€0°0 g40‘0 &e0 0 £L0'0 TN) 8&0‘0 920°0 9&0‘0 g€0'0 g%0‘0 &€0‘0 &90‘0 8200 "AUIYENOT 3€ “AULYARO! 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" * 09800I of ASLPREZEE IS FTNTE —_—_—_—_—_—__—…—…—…—…"…—…—…………—…—………….……—…—…………— “sobunyoyd sap suosuoun — AVAIAVE ANAIXIS Note sur les relations zoologiques qui existent entre les Pranixzes et les Ancées, par M. SPENCE BATE (extrait) (1). Depuis la publication des recherches de M. Hesse sur les métamorphoses des Pranizes en Ancées (2), M. S. Bate a fait paraître quelques observations qui tendent à établir que ces transformations ne s'opèrent pas toujours, et ne s'effec- tueraient peut-être d'une manière constante que chez les mâles. En effet, M. Bate a trouvé des Pranizes femelles adultes ; car chez quelques individus ayant tous les caractères des Crustacés ainsi nommés, il a constaté l'existence non-seule- ment d'œufs bien formés, mais d'embryons dans une période assez avancée de leur développement. Ce point si curieux de l'histoire de ces Édriophihalmes demande donc de nouvelles recherches. Observations sur la contractilité des Spongiaires, par M. BOWERBANK (extrait) (3). Dans une première note, publiée dans le Rapport de la réunion de l'Associa- tion britannique tenue en 1856, M. Bowerbank a consigné une série intéres- sante d'observations qui confirment le fait de la contractilité des Spongiaires du genre Téthys, annoncé en 1828, dans ce recueil, par MM. Audouin et Milne Edwards (4). M. Bowerbank a constaté la même propriété chez d'autres espèces de Spongiaires marines, et dans une seconde note, insérée dans le volume des Rapports de la même Société qui vient de paraître, il a étendu ses observations à la Spongille fluviatile. Il a fait aussi des expériences intéressantes sur la sou- dure de ces zoophytes entre eux, quand des masses de la même espèce viennent à se rencontrer, et la séparation permanente qui dans les mêmes circonstances se remarque entre les masses appartenant à des espèces différentes. (1) On Praniza and Anceus, and their Affinily to Each Other (Ann. and Mag. of Nat. History, series 3, vol. II, p. 165, pl. 6 et 7). (2) Voyez ci-dessus, page 93 et suivantes. (3) On the Vital Power of the Spongidæ (Report of the Brit. Assoc. for 4855). — Further Report on the Vitality of the Spongidæ (Rep. of the Brit. Assoc. for 4857, London, 1858). (4) Résumé de recherches sur les animaux sans vertèbres faites aux Îles Chausey (Ann. des sc, nat., 1'° série, t, XV, p. 17). MÉNOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES, Par M. Ch. LESPÉS. Lu à l'Académie des sciences, dans la séance du 30 août 1858. L'existence du sens de l'audition chez les Insectes a été admise par tous les naturalistes, mais toutefois sans que personne ait dé- erit un organe qui puisse être celui de ce sens. Chaque fois qu'un observateur a découvert sur la tête, le corps ou même les pattes d’un Insecte, un organe plus ou moins extraor- dinaire, il s’est hâté de le représenter comme un organe auditif, bien heureux quand, suppléant au manque d’organe, il n’en a pas inventé de toutes pièces un des plus complets, avec toutes les par- lies qui constituent celui des animaux supérieurs (1). A la suite de ces essais aussi peu heureux que mullipliés, l’opi- nion générale des entomologistes est toujours la même : ce sont les antennes qui sont le siége de l'audition. Celte manière de voir a été soutenue en dernier lieu par M. L. Dufour, avec l’autorité que donnent de nombreuses el belles recherches anatomiques, et l'habitude d’une longue observation (2). Quand il s’est agi de localiser exactement l'organe auditif, en admettant que ce sont les antennes quile portent, les opinions les plus contradictoires ont été mises en avant. D'après les uns, la partie lerminale, ordinairement velue, des antennes représente (4) Comparelti, Obs. anat. de aure interna. Padoue, 4784. (2) Quelques mots sur l'organe de l'odoratet sur celui de l'ouïe dans les Insectes (Act. Soc. linn. de Bordeaux, t. XNI, 4850). #° série, Zoo. T. IX. (Cahier n° 4.) 5 15 226 CH. LESPÉS. bien un organe destiné à percevoir les ondes sonores; M. L. Dufour paraît ineliner vers cette idée, à laquelle se range aussi Newport. Pour plusieurs autres, l'antenne tout entière jouerait le rôle d’une verge élastique, qui peut, ainsi qu'on le sait, mettre un plateau en vibrations, comme le fait une membrane tendue. Ces derniers oublient que les antennes sont loin d’être inflexibles ; que le plus souvent elles sont composées d’un grand nombre d’arlicles très mobiles l’un sur l'autre, et qu'elles ne peuvent par conséquent remplir le rôle qu'on leur attribue, Enfin le plus grand nombre des anatomistes a renoncé à chercher l'appareil auditif des Insectes, tout en admettant l'existence incontestable, chez ces animaux, du sens de l'audition, et la localisation probable de ce sens dans les antennes. En étudiant l'appareil remarquable qui, chez les Acridites, accompagne le troisième sligmate thoracique, J. Müller (4) avait eru trouver là un organe auditif, M. von Siebold (2) a repris cette étude, et l’a poussée beaucoup plus loin ; puis il a trouvé dans Ja jambe antérieure des Locustides et des Grilloniens un organe, qu'il a aussi considéré comme pouvant servir à l'audition. J'ai étudié avec soin ces deux appareils remarquables. L'organe des Criquets consiste en une membrane, très mince, tendue sur une sorte de cadre corné, qui est percé par le {roisième sligmate thoracique ; l'appareil, placé immédiatement à la base de l’abdo- men, appartient pourtant au métathorax. Sur la membrane, on voit facilement, même à l'œil nu, chez les grandes espèces, deux petites pièces cornées, dont une présente une apophyse dirigée en dedans. C’est contre celle-ci qu'est placée une sorte de pelote molle, dans laquelle se termine un nerf assez gros, dont l’origine est au troisième ganglion {horacique, et qui m'a semblé ne four- pir aucune branche dans son trajet, J'avoue n'avoir étudié cet appareil que dans un pelit nombre d'espèces; d’après M. von Siebold, il varierait assez peu. On doit reconnaitre qu’il représente assez bien l'organe auditif; mais il devrait résulter de son existence (4) 3. Müller, in Nov. Act. nat. curios., t. XIV. (2) Von Siebold, in Wiegman's Arch, 1844, & I. MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 297 dans une seule famille, que les Criquets seraient beaucoup plus sensibles au bruit que les autres Insectes, et pourtant il n’en est rien : loin de là. Le nerf de cet appareil ne se termine pas dans une véritable cellule, mais bien plutôt dans une sorte de pelote, dans laquelle j'ai à peine trouvé quelques-uns de ces corps allongés, comparés par Fauteur aux terminaisons en bâtonnets du nerf audi- tif des Vertébrés. C'est à la base des jambes antérieures qu'est situé l'organe des Grilloniens et des Locustides, que M. von Siebold a considéré comme un organe auditif, Mais, après de nombreuses dissections chez bien des espèces différentes, je suis convaineu qu'il y a ici une erreur grave. La lrachée principale de la palle, qui provient du premier stigmate thoracique, se renfle brusquement au-des- sous du genou; elle est en ce point immédiatement appliquée à une membrane fine, qui ferme une ou deux ouvertures percées dans l'enveloppe cornée de la jambe. Immédiatement au-dessous, on trouve un nerf assez gros, et qui est le principal de la patte, Chez les Grilloniens, il fournit de nombreuses ramifications très fines à un muscle situé profondément, et sur lequel il s’aplatit en formant une sorte de ganglion fusiforme : c’est là, je pense, ceque M. von Sichold a décrit comme un ganglion donnant des ramifi- cations terminées en bàtonnets; c’est là au moins fout ce que j'ai lrouvé, el je ne vois pas en quoi ce pourrait être un organe au- ditif. Les Locustides ont un appareil constitué d’une manière ana logue, et qui ne diffère qu'en un seul point essentiel de celui des Grilloniens : le ganglion fusiforme, au lieu de se trouver sur le nerf lui-même, est la terminaison d’une branche distincte destinée au même muscle ; en un mot, je n'ai trouvé dans cet appareil rien qui puisse faire penser qu'il sert à l'audition. Le nerf qui est situé derrière la trachée n’êst accompagné d'aucune cellulé, mais seule- ment d’un peloton de tissu adipeux, que l’on peut retrouver par- tout ailleurs; et le renflement qu'il présente ou qui termine son rameau, je l'ai vu dans plusieurs autres Insectes, dans les points où les nerfs des membres fournissent des rameaux à des muscles. Si l'organe des Criquets est encore indéterminé pour moi, je 298 CH. LESPÉS. n'hésite pas à penser qu'il n’exisle dans les jambes des Locustides et des Grilloniens rien qui puisse être comparé à un organe sensitif quelconque : le renflement de la trachée est de règle, dans les In- sectes, au-dessous du genou; le nerf ne se conduit pas autrement que dans d’autres Insectes; enfin il n'existe pas de poches audi- tives ; par conséquent, la seule chose qui me paraisse digne d’atten- tion dans tout cet appareil, c’est la plus grande ténuité des tégu- ments dans un seul point. Les Insectes, si différents par leurs formes extérieures, présen- tent néanmoins une grande analogie au point de vue de leur orga- nisalion interne; il y avait donc probabilité, sinon certitude, dans la supposition que, chez tous, l'organe auditif est constitué de la mème manière, et ne présente tout au plus que des différences comparables à celles qu'offre l'œil. Il devenait par conséquent logique de rechercher un organe commun, sinon à loutes les espèces, au moins au plus grand nombre, et présentant l’organisalion indispensable d’un appareil auditif; c'était, en outre, comme je l'ai déjà fait observer, dans les antennes que cet organe devait se trouver. On ne connait, en effet, d'une manière positive, que l'appareil auditif des Crustacés décapodes dans l’embranchement entier des Artieulés ; il devait être le point de départ, le critérium des re- cherches sur les Insectes, et c’est pour avoir cherché au hasard et sans point de comparaison, que tant d’analomisles ont fait fausse route; c’est aussi pour avoir voulu trouver des organes analogues à ceux des Verlébrés, que d’autres se sont laissé entrainer plus par leur imagination que par des faits bien observés. Les antennes des Insectes sont criblées en certains points de petites ouvertures, sur lesquelles un Mémoire d’Erichson (1) a appelé l'attention des naturalistes, quoique longtemps auparavant elles enssent été aperçues par Dugès (2). La disposition de ces ouvertures a servi même pour la classification de la famille des Buprestides (3) parmi les Coléoptères; mais le Mémoire d'Erichson (1) Erichson, De strucl. el usu ant. in Insect. Berlin, 1847, (2) Dugès, Phys. comp., t. I, p. 157, note. (8) Lacordaire, Genera des Coléoptères , t, IV, MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 229 est trop peu connu et du reste incomplet ; la mort n’a pas permis à cet illustre entomologiste de mettre la dernière main à son travail. Enfin une autre cause l’a empêché de bien voir : il parait surtout s’être servi d'Insectes desséchés ou conservés dans l'alcool, ce qui l'a conduit d'abord à penser que les ouvertures sont fermées par une simple membrane, et par conséquent à les considérer comme constituant l’appareil olfaetif ; puis il n’a vu ni la cellule appliquée derrière cette membrane, ni le nerf qui pénètre dans cette cellule. Son altention paraît s'être arrêtée plus particulièrement sur le géant de nos Lamellicornes, le Hanneton foulon, qui présente, ainsi que je le dirai plus loin, une exception remarquable dans l'or- ganisation de ses ouvertures ou pores antennaux. Cette exception l'a trompé; il a voulu trouver ailleurs ce qu'il avait vu là. Toute- fois, plus heureux que lui, son dessinateur paraît avoir distingué dans un Buprestide la véritable disposition des parties. Erichson, en effet, décrit les ouvertures antennales comme bordées d’un cercle ou cadre particulier, et fermées par une mem- brane tendue comme la peau d’un tambour. C’est là exactement ce que l’on trouve dans l’antenne sèche du Hanneton foulon. Je dé- montrerai qu'au contraire le cadre est exceptionnel, mais que derrière la membrane se trouve une petite poche, et dans celle-ei un corps solide (otolithe). Que l’on examine à présent la figure (4) de l'antenne du Hanneton foulon, elle représente exactement l'idée de l’auteur ; puis que l’on passe à celle (2) du Chalcophora Ma- riana, elle montre ce qu'a vu le dessinateur. Cette figure, ainsi que la plupart des antres, est malheureusement trop petite; mais la différence est immense. L'auteur n’a vu qu'une membrane ; le dessinateur a distingué sur cette membrane deux cercles, qu'il a représentés sans se douter probablement que ses deux dessins se contredisent entièrement. Erichson considère l'appareil comme un organe d’olfaction ; toutefois l'idée de l'appareil auditif se présente à son esprit, mais il la rejette sans examen. (4) Loc. cit., fig. F, 2. (2) Loc. cit., Gg. D, 2. 230 CH. LESPÉS. Il. L'étude des organes dont je vais m'occuper exige des pré- eaulions nombreuses ef un bon instrument; je me sers, pour mes dissectious, d’une platine sur laquelle je puis examiner le même objet sans le changer de place, tantôt avec des doublets de diverses forces, tantôt avec un microscope droit. Je puis, en outre, dissé- quer sous ce microscope, en redressant l’image par un mécanisme très simple. Pour mes observations, je fais usage d’un microscope droit, auquel sont adaptées diverses dispositions d'éclairage et de micromètres; tous mes dessins sont faits à la chambre claire. Ces instruments, dont j'ai une grande habitude, sortent des ateliers de M. Nachel ; c’est assez dire qu'ils sont très bons. Je recommanderai, en outre, aux naturalistes qui voudraient vérifier mes recherches, de ne faire usage que d'Insectes vivants, et encore ne sera-ce qu'après des essais nombreux qu’ils parvien- dront à bien voir entre autres la distribution des nerfs antennaux, et l'entrée des derniers filets dans la cellule. Presque toujours j'ai trouvé de l'avantage à me servir d’un mélange plus ou moins épais d’eau et de glycérine; j'ai tiré parti quelquefois de l’acide chro- mique pour mieux voir les nerfs ; les autres réactifs, ordinaire- ment employés dans les recherches microscopiques, ne m'ont été d'aucun secours, le chloroforme excepté, dont je me suis servi. mais rarement, pour enlever l’enduit graisseux que les antennes portent quelquelois. Ainsi que l’a démontré Erichson, l’antenne des Insectes pré- sente toujours en quelque point des ouvertures très remarquables. Plus loin je m'occuperai des principales modifications qu’elle peut offrir à ce point de vue. De tous les Insectes, les Lamellicornes sont ceux chez lesquels la préparation de l'appareil offre le moins de difficultés. C’est aussi le Hanneton qui m'a plus particulièrement servi. Le Melolontha albida, Lap., qu'il soit une espèce distincte ou une simple variété du M. vulgaris, Fabr., etle M, hippocastani, Fabr., sont les deux espèces les plus communes à Bordeaux, où le vrai M, vulgaris ne MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 231 se trouve pas. Ce sont donc ces deux espèces, puis le Polyphylla fullo, Lin., que j'ai surtout étudiés. Pour voir l'appareil auditif, il suffit d'enlever un feuillet de l'an- lenne; puis, avec des ciseaux bien tranchants, on coupe toute là marge ; il ne reste plus alors, après avoir plongé la pièce dans le liquide, qu'à séparer les deux membranes : le plus souvent, les nerfs, les trachées et le tissu cellulaire, suivent ane des mem- branes ; l’autre est parfaitement nette, où n’entraine que des lam- beaux. Il faut encore faire bien attention à ce que l’eau mouille la pièce sur la face externe ; quelquefois il reste une petite bulle d'air adhérente à chaque pore, et l'aspect de la pièce est singulièrement modifié. C'est un lambeau préparé de cette manière qu'il faut examiner d'abord. Si nous l'éclairons par-dessous avec un rayon de lumière vertical, il nous semblera que la membrane est percée de trous : c'est là ce qu'Erichson avait vu; mais si le grossissement est un peu plus fort, si surtout nous faisons arriver sous l’objet un rayon oblique, l'aspect changera complétement, et nous pourrons con- stater que l’organisation de ces prélendues ouvertures est encore assez compliquée. Dans le P. fullo, les ouvertures sont ovalaires, presque régu- lières, et ont de 0"®,04 à 0®,062, en comprenant le cadre dans la mesure. Ce sont les plus grandes que j'aie jamais vues; mais elles sont pourtant d'un examen peu avantageux. J'aime mieux étudier celles du M, albida ; elles sont loin d’avoir toutes la même forme ; leur contour est même très souvent irrégulier; quant à leur dimension, elle varie de 0,02 à 0"®,03 ; mais elles n’ont pas de cadre. Avec des formes analogues, celles du M. hippo- castani sont un peu plus petites. La membrane de l'antenne, quoique mince, est d’une opacité assez marquée, et d’une texture parfaitement homogène ; avec une lumière trop vive, les ouver- lures paraissent comme de simples perforations ; il est pourtant évident qu'elles sont fermées par une membrane. Je me servirai désormais, pour les désigner, de l'expression de tympanule. Au centre de ce tympanule, on distingue un espace rond qui, par un jeu de lumière facile à comprendre, semble en divers points 232 CH. LESPÉS. plus clair encore que la membrane; puis, dans ce nouveau cercle, on voit encore un point brillant (fig. 4), que l’on serait tenté de prendre aussi pour une perforation. En un mot, chaque organe nous offre (rois cercles l’un dans l’autre; il faut à présent déter- miner ce que sont ces trois cercles. Après avoir supprimé la lumière fournie par le miroir, éclairons la pièce en dessus comme un objet opaque, mais en nous servant d’un rayon aussi oblique que possible. Elle nous présentera alors trois cercles brillants : l’externe est le bord du fympanule; celui qui vient ensuite, avec des reflets qui démontrent sa convexité, c'est le bord d’une petite poche; enfin l'interne, qui offre des jeux de lumière très variable, c’est un corps solide dans la poche, l'otolithe. Les choses acquièrent la dernière évidence, si nous déchirons un lambeau de membrane et si nous examinons le bord (fig, 4). Ceux des tympanules, dont il ne reste qu’une pelite portion, nous offrent pourtant des lambeaux de membrane déchirée; d’autres, dont il reste une portion plus considérable, présentent sur une par- lie de leur membrane la trace de la cellule ; enfin chez d'autres, et ce sont les plus importants à bien examiner, la cellule avec son otolithe est encore adhérente à la membrane du lympanule. Il résulte done de cet examen que chacun de ces organes se compose des parties suivantes : 1° un tympanule où membrane tendue sur une ouverture; 2% une poche, un peu convexe, pleine d’un liquide épais; 3° un corps solide, réfractant fortement la lu- mière, renfermé dans cette cellule, mais mobile dans son intérieur, ainsi que le démontrent les diverses positions qu'il peut occuper. La membrane du tympanule est d’une extrème ténuité, au moins chez la plupart des espèces; on la voit seulement sur le bord des pièces, et avec une lumière faible. Le volume et l'aspect de la poche varient très peu dans la même espèce : à un tympanule plus grand ne correspond pas une poche plus grande; elle parait formée d’une membrane relativement épaisse, et remplie d’un liquide dense; souvent même sur des pièces lout récemment préparées, il semble que ce liquide n’est pas homogène , on dirait qu’il s’épaissit du côté de l’otolithe. Cette MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 9 ;3 disposition exceptionnelle dans l'organe du M. albida devient très évidente, si l’on examine celui du fullo, dans lequel l’otolithe n'est représenté que par un flocon plus dense en suspension dans le liquide. Le corps solide, l’otolithe, qui apparaît comme le noyau de la cellule, est le plus souvent très visible; son volume est à peu près constant; les jeux de lumière qu'il offre montrent qu'il est presque sphérique. Quelquefois on arrive à se convaincre qu'il n’est pas parfaitement homogène, mais bien composé de couches concen- triques de densité différente. Les acides, même concentrés, sont sans action sur lui; la potasse le fait un peu augmenter de volume, mais seulement après une action longtemps prolongée. Le P. fullo (fig. 7) offre, ainsi que je l'ai déjà fait observer, des exceptions nombreuses, et dont je n'ai pu me rendre un comple exact qu'après une élude complète des organes du M al- bida. La membrane de l'antenne n’est point parfaitement homo- gène : ainsi que je l'ai dit, chaque tympanule est entouré d'un cadre ; de celui-ci partent des lignes plus transparentes, qui divi- sent la membrane en polygones irréguliers. Le cadre parail ètre plus mince que la membrane de l'antenne; sur lui est attachée la membrane du {ympanule, qui est, au contraire de ce que nous avons vu jusqu'ici, d’une épaisseur très appréciable. En un mot, entre le bord du (ympanule etla cellule, il y a un cerele qui repré- sente le point où la membrane s'attache sur le cadre; par consé- quent, un cercle de plus que dans le M. albida. La poche est grande, ordinairement ovalaire, et pleine d’un liquide non parfaitement transparent, comme nous l’avons trouvé jusqu'ici, mais dans lequel sont en suspension de nombreux gru- meaux. L’otolithe est fort peu distinct, et en réalité on peut dire que le centre de la cellule est simplement occupé par une partie du liquide d’une densité un peu plus grande. On voit done que les appareils du P. fullo différent de ceux du Hanneton commun par l'existence du cadre, et la disparition presque complète de l’otolithe; c’est la modification la plus consi- dérable que j'aie pu trouver après un grand nombre de dissec- tions. 231 CH, LESPÉS. Un autre Lamellicorne, l'Anoæia pilosa, dans lequel les tympa- nules sont malheureusement bien petits, m'a offert aussi un fait remarquable : la cellule est très grande, tellement qu’elle dépasse le bord du tympanule. Dans l'Oryctes nasicornis, l'appareil est aussi bien facile à obser- ver ; le fympanule est entouré d’un épaississement de la mem- brane cornée de l'antenne; les autres parties sont très distinctes, mais n'offrent aucun fait exceptionnel. Plus loin je montrerai que l'existence des organes dont je m'occupe est de règle dans tous les Insectes, que leur nombre et leur position varient seuls; ici je dois seulement m'occuper de la constitution de chacun de ces pe- tits appareils. C’est loin d'être une chose facile que de suivre les rameaux des nerfs antennaux, et c’est seulement à la fin de mes recherches que j'ai été assez heureux pour pouvoir dessiner leur terminaison. En examinant certaines préparalions, on réussit pourtant, sans trop de peine, à voir les trones principaux, si l'on peut se servir de l'expression de trone pour des filets d'une ténuité bien plus que capillaire, Pour cela, il faut réussir à séparer les deux enveloppes d’un feuillet; puis, quand l’une d'elles a entrainé les parties molles, il faut encore les séparer de cette sorte de base. On s'assure alors que, dans le feuillet antennal, il n'y a que du tissu cellulaire, des nerfs et des trachées. Celles-ci offrent un trone principal qui dé- crit une courbe allongée, en fournissant ce nombre énorme de branches rameuses que seuls peuvent se figurer les anatomistes qui ont l'habitude des dissections d’Insectes ; mais la distribution de ces branches n'offre rien de particulier. Les rameaux nerveux m'ont paru être au nombre de quatre pour chaque feuillet ; ils par- tent à angle droit du nerf antennal. De ces quatre branches, les deux latérales, plus courtes, s'épanouissent immédiatement en ra- museules nombreux; les deux médianes, au contraire, marchent en droite ligne jusque vers le milieu du feuillet, en se divisant en nombreux rameaux qui restent parallèles jusqu'en ce point; puis divergent, s'anastomosent entre eux pour se diviser de nouveau, et finissent par constituer une sorte de réseau inextricable ; en un mot, des quatre branches du nerf antennal qui sont destinées à MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 235 chaque feuillet, les deux médianes sont plutôt distribuées à la partie terminale, et les deux latérales à la base du feuillet. Mais par le procédé que je viens de décrire, on parvient à voir seulement la distribution des nerfs, sans pouvoir les suivre jusqu'à leur termi- naison. Sur un grand nombre de pièces, après de minutieuses re- cherches, je suis parvenu à trouver dans le M. albida quelques appareils, dans lesquels j'ai vu pénétrer un nerf très grêle, J'ai dessiné deux de ces appareils (fig. 2) à la chambre claire. Le court filament qui vient ainsi pénétrer dans la cellule auditive est surtont visible, au point où il traverse sur la membrane du {ympanule l'espace clair qui entoure la cellule. Pénètre-t-il dans cette der- pière ? ou bien s’arrête-t-il à sa paroi ? C'est ec que je ne puis dire. Je l'ai vu arriver jusqu'à l'enveloppe de la cellule, avec laquelle il semble se confondre; mais je n'ai pu le suivre plus loin. J'ai seulement remarqué qu'il n'est jamais perpendiculaire à sa mince membrane. Peu d'heures après que la préparation avait élé placée dans un mélange d'eau gommée et de glycérine, les nerfs étaient bien visibles sur un assez grand nombre d'organes ; mais je n'ai pu conserver ces pièces d’une manière satisfaisante : pelit à petit la transparence a fait des progrès, et les nerfs ont disparu. J'ai réussi depuis d’une manière bien plus complète à voir la distribution d'un filet nerveux dans un feuillet antennal du P. fullo (fig. 6). Celle pièce, que j'ai immédiatement dessinée à la chambre claire, m'a paru devoir vaincre tousles doutes. En préparant, par la séparation des deux membranes qui le constituent, un feuillet antennal qui avait été plongé pendant deux heures environ dans le chloroforme, j'ai vu les nerfs se répartir à peu près également sur les deux membranes ; puis en les examinant avee soin, j'ai vu un mince filet fournir sur une partie de son trajet cinq branches destinées à autant de poches auditives. La première de ces bran- uhes était relativement fort longue; les suivantes, au contraire, très courtes. Parvenus à la cellule qu'ils atteignaient presque tan- gentiellement, les ramuscules n'étaient plus visibles, mais leur arrivée jusqu'à sa paroi était parfaitement évidente, La portion ter- 236 CH. LESPÉS. minale du nerf était déchirée, mais sa base pouvait être suivie jusqu'à un des longs rameaux médians du feuillet. Des faits que je viens de rapporter, il résulte d’une manière évidente que chacun des petits appareils placés derrière les pores antennaux reçoit un filet nerveux. Cet appareil ne peut done être qu'un organe sensitif; or il n'offre aucun caractère qui puisse rappeler un organe d’olfaction, et au contraire nous représente, dans ce qu'il a d’essentiel, l'organe de l’ouïe des Crustacés déca- podes. Nous trouvons, en effet, dans l’un et dans l’autre une ou- verlure aux téguments cornés, une membrane tendue sur celle ouverture, comme le tympan des animaux supérieurs, ou mieux comme la membrane de la fenêtre ronde; derrière celte mem- brane, une poche remplie d’un liquide épais, et dans cette poche la terminaison d’un nerf. Le contenu de la cellule est chez les Crustacés d’une densité d'autant plus grande, que l’on se rapproche plus du centre. Pareille chose nous est offerte par le Hanneton foulon, et si, chez la plupart des autres Insectes, mais non ehez tous, il existe un otolithe, ce caractère peut être considéré sim- plement comme une exagéralion du précédent, et vient ajouter une nouvelle preuve à l'opinion que je soutiens. La principale diffé- rence, c’est que, dansles Crustacés, il n’y à qu'un appareil auditif pour chaque antenne, et qu'il y en aurait au contraire un nombre énorme dans chaque antenne du Hanneton; mais à mesure que nous pousserons plus loin l'étude de cet appareil, et que nous l'exa- minerons dans les divers Insectes, nous verrons s’effacer une dif férence qui nous paraît si grande, puisque, dans toute une famille, nous ne trouverons plus que quatre organes à chaque antenne. Dans les Hannetons et dans la plupart des autres Lamellicornes, les feuillets antennaux sont parfaitement glabres; mais ceci est une exception: presque toujours l'antenne est plus où moins velue dans les points où elle porte des appareils auditifs. Très souvent la base de ces poils peut induire en erreur; d'autant plus que le poil est mobile, et porté sur une ouverture munie d'un anneau corné plus épais. Les poils des antennes d'Insectes me paraissent appartenir à trois formes principales. | MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 237 Les poils gros, les cils, ont souvent une grande longueur ; ordinairement l'ouverture dans laquelle ils sont insérés est plus grande qu'une ouverture auditive, mais son diamètre est très va- riable, toujours elle est parfaitement ronde. Le poil lui-même est manifestement creux ; à sa base, il offre une dilatation hémisphé- rique; puis, après un rétrécissement plus ou moins marqué, il se renfle légèrement, et se continue en un cône plus ou moins long. Certains de ces poils sont si courts, qu’on ne les reconnait qu'avec peine : sur l'antenne des Cigales, il y en a qui ont à peine autant de longueur que de diamètre. Les poils fins, le duvet, si je puis m'exprimer ainsi, rendent quelques observations difficiles. Ces poils, ordinairement très serrés, sont insérés dans des ouvertures très petites, et qui ne pré- sentent aucun caractère qui puisse les faire confondre avec des ou- vertures auditives. Enfin on trouve, ordinairement sur le dernier article, des or- ganes que je range avec doute au nombre des poils, et que l’on ne peut jamais confondre avec les tympanules. Ce sont des sortes de cônes courts très transparents, et qui semblent mous, des espèces de papilles probablement tactiles. Ils sont très visibles sur le dernier article de l'antenne des Cercopis ; j'en ai trouvé deux ou trois à la base du long filet qui termine cette antenne, et, à une faible distance des organes auditifs, portés eux aussi sur cet article. HIT. J'ai examiné les antennes d’un très grand nombre d’Insectes, de trois cents espèces au moins, jamais je n'ai échoué dans la re- cherche des organes auditifs. Plusieurs des dispositions dont je vais parler sont connues par le Mémoire d'Erichson ou les travaux de divers entomologistes ; il en est d’autres que j'ai trouvées. On sait que, chez les Coléoptères, les antennes affectent des formes très variables ; voici quelques-unes des principales modi- fications. Chez les Coléoptères à antennes sélacées, à quelque famille 238 CH. LESPÉS. qu'ils appartiennent, les articles basilaires sont lisses et brillants les terminaux, ordinairement plus grêles, sont velus; à leur sur- face, on trouve des tympanules plus ou moins nombreux. Chez les Cicindèles (Cicindela campestris), les Carabiques (Ca- rabus auratus et purpurascens) et plusieurs autres, ce sont les quatre premiers articles qui sont glabres, les sept suivants portent des ouvertures, et aussi des cils et du duvet. Chez le Carabus purpurascens, les tympanules ont 0,015 de diamètre. Dans le Rhamnusium salicis, qui porte des tympanules sur le sommet du cinquième article, ils ont 0"",003 de diamètre seulement. Dans quelques autres espèces, c'est à partir du quatrième article que commencent les ouvertures (Malachius œneus), ou même le troi- sième en porte déjà (Helops caraboides, Lampyris noctiluca). D'autres fois, elles ne commencent que plus vers l’extrémité, au sixième article (Cassida viridis, Hallica fuscicornis, ete.), au seplième (Chrysomela slaphylea et autres), au huitième (Sylpha sinuata), au neuvième (Dorcadion fuliginator). Quand l'antenne est claviforme ou terminée par un bouton, c’est à l'extrémité seulement que l’on peut trouver les organes auditifs : dans les Charançons, par exemple, et encore n’y en a-t-il qu'aux trois derniers articles dans quelques-uns (Tanymechus palliatus) ; il en est de même dans les Clérides (Tricodes alvea- rius); enfin, chez plusieurs espèces, ils sont uniquement placés sur le dernier (Goccinella, Claviger testaceus, Gyrinus natator). L'antenne de l'Hydrophilus piceus a souvent été décrite ; on sait le rôle qu'elle joue dans la respiration : la massue qui la ter- mine se compose de quatre articles, mais le dernier seul porte des tympanules dans un espace un peu opaque placé sur sa face ter- minale. Les Coléoptères à antennes peclinées portent ordinairement les organes dont je m'occupe sur tous les articles élargis, souvent sur la partie plane seulement, dans une sorte de fossette (Lacon mu- rinus, Agrioles pilosus, Ancylocheira octoguttata), soit sur toute la surface de ces articles. C’est sur la disposition des pores antenpaux que M. Lacordaire a basé la classification des Bu- prestides, MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 239 Chez les Lucanes, el en particulier le Lucanus cervus, les Lym- panules recouvrent entièrement les feuillets de l'antenne ; la face externe du dernier exceplée, Je me suis déjà occupé de l'antenne de plusieurs Lamellicornes (Polyphylla fullo, Melolontha albida et hippocaslani, Anoæia pilosa, Pentodon punclatus, Orycles nasicornis), mais j'ai étudié celle de plusieurs autres. Les feuillets sont velus dans quelques- uns (Copris lunaris), ce qui rend les observations difficiles; il y a en général du duvet et des cils. Dans les Geotrupes stercorarius et sylvaticus, les {ympanules sont remarquables par la différence de diamètre qu'ils offrent : les uns sont deux fois grands comme les autres. Le &. Typhœus ne présente pas ce caractère, La Cétoine dorée n'offre qu'un groupe d'organes auditifs à la surface externe du premier et du dernier article de la massue ; l’article moyen en est entièrement couvert. Dans plusieurs espèces, l’otolithe est mal distinct (Rhizotrogus æstivus, Anomala Frischii). Dans une enfin (Anomala Frischi), j'ai trouvé un cadre analogue à celui du Hanneton foulon. e Les petites espèces (4phodius fimetarius, Onthophagus nuchi- cornis, ele.) ont des tympanules fort pelits. J'ai trouvé une fois, en examinant l'antenne d’un Geotrupes, les lympanules groupés par cinq ou six; je ne sais si c'est un cas particulier ou la règle pour une des espèces voisines du sterco- rarius. Erichson avait déjà indiqué la plupart des dispositions dont je viens de parler. On observe aussi quelquefois, suivant sa re- marque, que les faces externes du premier et du dernier feuillet soni lisses, glabres, et dépourvues de tympanules; c’est le dernier feuillet seul qui présente ce caractère dans le Lucanus cervus, le premier et le dernier dans l'Oryctes nasicornis et le Pentodon punctatus. I doit résulter de cette disposition qu'en fermant Ja massue antennale, l'insecte protége les feuillets du centre, qui toujours sont plus délicats. Presque tous les Orthoptères ont les antennes filiformes. Ordi- nairement ce sont les articles terminaux seuls qui portent des tym- panules, les quatre derniers seulement dans les Forficules; tous, 910 CH. LESPÉS. excepté les trois ou quatre de la base, dans les Acridites (0Edipoda cœrulescens, Calyptamus ilalicus). Chez les Grilloniens (Grillus campestris) et les Locustides (Ophipiger vitium, Locusta viridis- sima, Pterolepis Chabrieri), ils sont bien distincts des bases de poils qui s’insèrent dans une ouverture plus petite. La poche et son otolithe sont très visibles; seuls les trois articles basilaires sont lisses et sans tympanules. Je n’ai trouvé dans leur forme qu'une seule exception remarquable ; dans un Tetriæ, ils étaient en ovale très allongé, et la cellule avait la même forme. Je n’ai pu retrouver celte espèce. Les Névroptères à antennes filiformes (Panorpa, Friganea) ne présentent rien de remarquable ; mais les Libellulides et les Four- milions m'ont offert des dispositions curieuses. Chezles Agrions, dont l'antenne est pourtant très courte (fig. 5), sur le troisième article et en avant, on observe une ouverture qui rappelle entièrement celle des jambes antérieures des Grilloniens ; elle varie du reste considérablement de volume, suivant les espèces et même les individus. La membrane qui la ferme est parfaitement blanche, et tranche bien sur la couleur foncée de l'antenne et de la tête. Le quatrième article ne présente que quelques poils; le cinquième est extrèmement grêle; seal il porte des tympanules, et il n'en offre jamais que quatre placés en ligne à la suite l’un de l'autre. Dans les Libellules (L. vulgata), les premiers articles n’offrent pas la forme remarquable de ceux des Agrions ; c’est le troisième qui porte les quatre appareils. Dans le Calepleryx virgo, les tympanules ont 0"",016 de diamètre, et dans le Libellula vulgata de 0"",03 à 0"",04. Néanmoins leur étude est difficile, à cause de l’extrème finesse de l'article réduit presque à l’état d’un poil, et de la solidité de sa membrane d’enveloppe. Le tympanule est entouré, surtout dans les Agrions, d’un cercle plus solide ; la cellule et son otolithe sont très évidents. Si l’on examine les tympanules en profil, on voit très distinctement qu'ils sont convexes. Avec un grossisse- ment faible et sans aucune dissection, ces organes rappellent l'aspect des ocelles. MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 2h Dans un Fourmilion (4canthaclisis occitanica), l'antenne est assez courte, et son extrémité renflée et aplatie rappelle le bouton antennal des Lépidoptères diurnes. De nombreux articles la com- posent; tous portent un grand nombre de cils courts et du duvet épais; dans la partie terminale du bouton et dirigé vers le bas, on trouve un petit espace glabre. C’est là qu'il faut chercher les tympanuies ; ils sont disposés régulièrement en quinconce; ils ont 0"",016 de diamètre ; la poche et son otolithe sont très visibles. Sauf un très petit nombre, les Hyménoptères ont les antennes simples, quelquefois composées d'un grand nombre d'articles , et d’autres fois, au contraire, courtes et composées de trois où quatre seulement. Les organes auditifs sont portés sur les articles termi- naux ; sur quarante-neuf dans l'£phialtes manifestalor &, les deux de la base seuls n’en ont pas. Dans l'Urocerus gigas ®, il n’y en a qu'à la partie de l’antenne qui regarde en bas, quand cet appen- dice est horizontal. Le Tentredo rosæ en offre à partir du cinquième article ; lEu- cera longicornis Z en présente sur tous les articles, excepté les deux premiers ; ils ont 0"",01 de diamètre, à cause de l'épaisseur de la membrane antennale; ils sont peu faciles à observer. Un assez grand nombre d'Hyménoptères ont le premier article de l'antenne plus grand que les autres, de sorte qu'elle est cou- dée. Seul, cet article ne présente pas de fympanules (Formica rufa, Anthophora pilipes ), ou bien les deux ou trois suivants en sont aussi dépourvus (Stzus ruficornis). Dans les Guêpes, il y a sur les articles terminaux une sorte de tache jaune qui seule en porte. Le Coleles succincla offre une curieuse disposition : à partir du quatrième, les articles sont velus, et portent des tympanules ; mais ceux-ci sont uniquement placés à l'extrémité de chaque article, aux points où ils peuvent être recouverts par le suivant, quand l'antenne est contractée. Dans tous les Hyménoptères, du reste, les tympanules sont pelils; la paroi de l'antenne est épaisse, el les ouvertures toujours plus ou moins obliques. Chez les Hémiptères, l'antenne est presque toujours courte, et composée d'un très petit nombre d'articles. Les tympanules sont ordinairement petits ; il y en à seulement sur le quatrième et der- 4° série, Zoo. T. IX. (Cahier n° 4.) 4 16 242 CH. LESPÉS. nier article (Ligeus apterus, Gerris lacustris), ou sur celui-ci et le troisième (Miris campestris) chez les Géocorises. Chez les Hydro- corises, l'antenne est extrêmement courte; j'ai examiné celle du Nepa cinerea, qui présente des tympanules, au nombre de sept où huit, sur le troisième et avant-dernier article, et celle du Movo- nectes glauca, qui en a sur le quatrième et dernier seul. Dans les Cercopis spumaria, populi el sanguinolenta, l'antenne est formée de trois articles, dont le dernier, terminé par un long filament (fig. 3), porte deux ou trois de ces cônes transparents dont j'ai déjà parlé. Cet article seul présente des tympanules groupés au nombre de sept ou huit au côté externe. Chez les Cigales (Cicada argentea, nigra), l'antenne est sétacée, et composée de sept articles; seul le troisième porte des tympa- nules au nombre d’une soixantaine; ils ont 0"®,01 (C. ar- gentea). Les Lépidopières diurnes ont semblé à Erichson présenter des faits exceptionnels, sur lesquels il voulait revenir. Le bouton an- tennal, ordinairement comprimé, contient les organes ‘auditifs, portés sur le dernier article ou sur les deux derniers; il existe toujours un petit nombre de tympanules (Satyrus Hyperanthus, Melitea Lyræia, Vanessa Cabum et urticæ, Papilio Podalyrus). Mais il faut bien se tenir en garde en les examinant, car la mem- brane de l'antenne est divisée en une infinité d'écailles qui se re- couvrent comme les tuiles d’un toit, et qui diffèrent des véritables écailles analogues à celles des ailes ; celles-ci, en outre, s’insèrtnt dans de petits corps caliciformes qui peuvent en imposer singu- liérement. Dans les Lépidoptères nocturnes à antennes filiformes, les tym- panules recouvrent tous les articles, excepté ceux de la base (Urapteryx sambucaria). Quand, au contraire, l'antenne est pec- tinée (Cossus ligniperda, Zeuzera œsculi, Arctia Caja), la face supérieure de chaque lame est couverte de poils ; la face inférieure porte des tympanules toujours faciles à voir, quand la membrane n’est pas trop épaisse. Dans l’Arctia Caja, ils ont 0"",016 de dia- mètre ; les cornéules ont à peine cette dimension. En général, l'antenne des Diptères est très courte; souvent le MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 243 troisième article est développé en une lamelle surmontée d'un fila- ment (style) sétiforme (Helophilus pendulus, Micropalpus longipes, Compos ferruginea, Calliphora cærulea, ele., ete.); c'est alors seulement la lame qui porte des tympanules très visibles, et en même temps du duvet et quelques cils. Dans quelques autres Diptères, l’antenne, tout en restant courte, est formée d'un plus grand nombre d'articles ; elle en a cinq, dont les trois derniers percés de nombreux tympanules ; dans les Bombyles, sept, dont les quatre derniers en sont couverts chez les Tabaniens (Tabanus bovinus, etc.). Pour terminer cette longue énumération, il me reste à direun mot du Xenos vesparum : son antenne est formée de {rois articles, dont les deux derniers. dilatés en lamelles, sont couverts de nom- breux organes auditifs, dans lesquels les diverses parties sont au moins aussi évidentes que chez les Lamellicornes. Ces organes ont été dessinés plusieurs fois par les entomologistes, mais tou- jours sans que l’on se soit préoccupé de leur rôle. IV Je n'ai examiné qu'un petit nombre de larves au point de vue de leurs organes auditifs, de sorte que je ne puis donner que très peu de détails à ce sujet. Chez les Insectes à métamorphoses incomplètes, l'appareil au- ditif ne diffère en rien dans les larves etles individus parfaits. J'ai inutilement cherché ces organes dans quelques Chenilles ; mais je n'ai pas étudié un nombre suffisant d'individus : c’est une lacune que le manque de temps ne m'a pas permis de remplir. Les fausses Chenilles de Tentrédines ont en avant de l'œil une antenne composée d’un seul article, à peine aussi long que large ; cet unique article est percé d’une vingtaine de tympanules, der- rière lesquels on voit nettement une cellule et son otolithe. Les larves de Coléoptères lamellicornes ont cinq articles anten- naux ; le dernier, qui est ovalaire, porte à l'extrémité un certain nombre de ces cônes mous et transparents dont j'ai déjà parlé; en outre, ilest percé d’une douzaine de tympanules remarquables par leur volume et la netteté de leurs diverses parties, y compris hf CI. LESPÉS. les nerfs. La membrane des tympanules est couverte de petits points cornés appliqués à sa face interne. C’est surtout à la larve de l'Oryctes nasicornis que se rapportent ces observations. Les larves de Longicornes ont des antennes prodigieusement courtes ; j'ai étudié celle du Criocephalus rusticus; au lieu de quatre articles, je n’en ai trouvé que trois à l'antenne; cela vient probablement de ce que la membrane, qui attache l'antenne par sa base, a été comptée pour un article par M. Perris qui nous à fait connaître cette larve (4). Le dernier de ces articles est fort étroit; à côté de lui est une pièce cornée, de sorte que l’antenne paraît être bifide à l'extrémité. Sur aucun de ses articles, je n'ai trouvé de tympanule; mais au point d'attache du second sur le premier, j'ai cru voir une cellule ronde, comme celle que je dé- erirai dans l'antenne des Myriopodes. Je n'ai pas assez souvent examiné cet organe pour être parfaitement sûr de sa disposition. Les jeunes larves de Meloe, immédiatement après leur sortie de l'œuf, ont une antenne composée de quatre articles, el terminée par un long filament. I] existe à l'extrémité du troisième article un organe en tout semblable à celui des antennes de Longicornes. Les Myriopodes, dont l’organisation se rapproche tant de celle des Insectes, m'ont présenté quelques faits remarquables : malheu- reusement je n'ai pu disséquer d'une manière complète l’appareil auditif d’une espèce; pour les autres, il me reste encore des doutes. L'antenne du Scutigera coleoptrata est très longue et sétacée ; verse milieu, elle présente un petit renflement, décrit comme un nœud par plusieurs entomologistes. C’est en ce point que se trouve un appareil des plus remarquables, et que j'ai pu étudier d’une manière complète. Les deux articles plus grands, qui constituent le nœud de l'antenne, laissent entre eux (fig. 4), du côté infé- rieur, l'antenne étant supposée horizontale, un espace arrondi un peu enfoncé, défendu par le rebord de l’article inférieur, et corres- pondant à une faible concavité de l’article supérieur. En ce point, (1) Hist. des Ins. du Pin maritime, suite (Ann. Soc. entom. de France, 3* série, t. IV, p. 450). MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 245 on aperçoit, sous une membrane extrêmement mince, une cellule arrondie, transparente, et réfractant fortement la lumière ; elle a 0"",L de diamètre. Sur certaines pièces, on peut voir un nerf qui pénètre dans celte cellule, et que l’on peut suivre, de manière à s'assurer qu'il est un rameau du nerf antennal, dont il se dé- tache à peu près à égale distance de la base de l'antenne et de son nœud. Le liquide renfermé dans la cellule parait disposé par couches d'inégale densité. Cet appareil, sauf le volume, rappelle celui des Crustacés. Dans le Zulus terrestris, j'ai trouvé deux organes analogues, placés l’un à côté de l’autre, entre le second et le troisième article, Dans le Polydesmus complanatus, il en existe aussi deux, mais séparés, l’un entre le quatrième et le cinquième, l’autre entre ce dernier et le sixième; mais, je le répète, je ne suis pas parfaite- ment sûr de ces deux dernières observations que je n’ai pu renou- veler, faute de temps. Je n'ai pas réussi à voir d'organes analogues dans d'autres Myriopodes; je me réserve de revenir avec soin sur ces dissec- tions. Je n'ai pas cherché l'appareil auditif dans les Arachnides, réservant cette étude pour plus lard. Y Les preuves physiologiques de l'existence de l’audition chez les Insectes sont extrêmement nombreuses. La faculté qu'ont un grand nombre d'espèces de produire un son plus ou moins fort est déjà une présomption de l'existence d'un organe pour apprécier ce son. La phrase musicale, s’il est permis de s'exprimer ainsi, est singulièrement variable ; mais avec un peu d'habitude, on parvient à reconnaitre les diverses espèces en écoutant leur chant : il est même très aisé de distinguer ainsi les espéces de Cigales qui habitent le midi de la France. En général, les Insectes donnent peu de signes de frayeur quand ils entendent un bruit, même très fort; mais il est facile de com- prendre pourquoi : la vue chez eux est très bonne, et c’est de ce sens surtout qu'ils font usage. 216 CH. LESPÉS, J'ai été assez heureux pour faire, à cette occasion, une observa- tion curieuse. En explorant les grottes de l’Ariége, j'ai découvert un Insecte appartenant au genre Leptoderus, privé d'yeux comme ses congénères, qui habite dans les cavernes à une grande pro- fondeur. Quoique aveugle, il n'en est pas moins très agile (4), Ce remarquable Coléoptère recherche pour sa nourriture les débris de substances organiques qui tombent en certains points par les fentes de la voute, J'en voyais souvent de petites troupes de einq ou six occupés à manger un de ces débris; si je m’approchais doucement, ils ne bougeaient pas; mais au moindre bruit, ils abandonnaient leur repas, et s'enfuyaient dans tous les sens en courant. Chez eux la vue manquant, c’est l’audition qui les im- pressionne plus vivement. Quand on arrive dans une prairie où de nombreux Grillons chantent à l'ouverture de leurs lerriers, tous se laisent; mais que l’un d'eux recommence, et bientôt tous les autres en font autant. Une observation analogue est facile à faire dans les pays où les Cigales sont communes; j'ai souvent réussi à leur faire recom- mencer leur chant en limitant moi-même. Tous ceux qui ont chassé des Insectes ont été témoins de faits analogues; tous ont même pu apprécier les intonations très variées que quelques espèces donnent à leur chant, suivant les passions du moment. Mais au point de vue physiologique, l'organe auditif est jus- qu'ici indéterminé ; plusieurs personnes ont même pensé que les Insectes, ou au moins les Arachnides, sentent simplement les vi- brations du sol, comme les sourds sentent sur le pavé de nos rues les vibrations d’une voiture lourdement chargée : ce qui paraît peu probable à priori. Enfin chez quelques Orthoptères, ainsi que je l'ai déjà dit, on a cru trouver des organes auditifs sur les jambes ou sur le dos. J'ai tenté des expériences physiologiques, mais elles sont d’une difficulté telle, que je n'ai pu obtenir des résultats incontestables qu'avee un seul Insecte. J'avais d’abord songé au Grillon des champs, qu'il est si facile (A) Ann. des se, nat., 4° série, Zool., t. VIT. MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES, 247 de faire vivre en captivité ; mais il n'a pas répondu à mon attente, il s’apprivoise trop vite; bientôt rien ne lui fait plus peur : un timbre du plus fort numéro ne réussit à l’effrayer un peu que lorsqu'on vient de le prendre ; quand il s’est décidé à chanter en captivité, rien ne peut l’interrompre en fait de bruit. Pourtant je réussissais souvent en mettant l'Insecte au fond d’un bocal de verre, sur de l'herbe ou des feuilles de laitue, de manière que les vibrations du verre ne pussent lui parvenir directement ; puis, quand il chantait, je touchais le bord supérieur du bocal avec un diapason en vibration. Ce bruit inattendu lui faisait immédiatement fermer les élytres; mais après un petit nombre d'expériences, habitué sans doute, il semblait ne plus rien entendre, Certains de ces Insectes étaient devenus d’une familiarité telle, qu'ils venaient boire la goutte d’eau que je leur donnais au bout de mon doigt, el que, loin d’être effrayés, ils arrivaient aussitôt que je leur mon- irais le bout du doigt. La grande Sauterelle verte (Locusta viridissima) m'a fourni des résultats incontestables ; mais tous les individus ne sont pas éga- lement sensibles, où au moins ne donnent pas des résultats aussi évidents. J'avais une femelle que j'ai nourrie pendant un mois ; elle faisait toujours un grand saut, quand je touchais le verre de sa prison avec le diapason en vibration; mais elle ne bougeait pas, si le diapason ne vibrait pas. Après quelques jours d'expériences ainsi faites, je lui ai coupé les antennes en laissant les deux articles de la base. Elle a continué à manger, et à vécu encore pendant plus de deux semaines ; mais que le diapason füt ou ne füt pas en vibration, elle ne bougeait plus, et cela qu'elle fût sur l'herbe, au fond du bocal, ou sur le verre même. Elle n’entendait plus, mais elle voyait fort bien, car elle cherchait à fuir quand je voulais la prendre. Cette expérience est malheureusement isolée ; mais ceux qui lenteront de suivre la voie dans laquelle je suis evtré verront à combien de difficultés ils se heurteront. On en peut conclure tou- tefois : 1° que les antennes renferment l'organe auditif; 2 que les organes placés dans les jambes antérieures, el qui étaient in- tacts, ne servent pas à l'audition. 248 CH. LESPÉS. Enfin des expériences faites sur les Grillons, et de celle-ci, on peut conclure que les Insectes perçoivent les sons par Pair et non par la vibration des corps solides, puisqu'ils ont donné les mêmes signes de frayeur, qu'ils fussent sur l'herbe ou sur le verre lui- même. L'ampulation des antennes est loin d’être une opération inoffen- sive pour les Insectes; presque lous en meurent, el c'est encore une nouvelle difficulté dans ces expériences. VI L'appareil que je viens de décrire, après de nombreuses et mi- nutieuses recherches, était soupçonné depuis longtemps. Je sais bien que ce ne sera pas sans examen que les naturalistes partage - ront mes idées, el que les objections ne me manqueront pas. Cet examen, ces objections, je les désire vivement; mais encore une fois, je recommande à ceux qui voudront vérifier mes recherches de se servir uniquement d'animaux vivants. Je crois avoir prouvé d’une manière complète el incontestable : 1° Que, chez tous les Insectes, il existe dans les antennes un appareil spécial ; 20 Que cet appareil se compose d’une membrane tendue sur une ouverture, et derrière cette membrane d'une poche conte- nant un corps solide en suspension dans un liquide épais ; 3° Qu'un nerf pénètre dans chacun de ces appareils; 4° Qu'au moins chez quelques Myriopodes, et probablement chez plusieurs larves, cet appareil est remplacé par un organe d’une composition analogue, mais plus gros, en même temps qu'il est moins souvent répété ; 5° Que cet appareil, si développé chez les Insectes, est un appareil auditif; 6° Que l'organe des Myriopodes forme le passage entre l'appa- reil auditif des Crustacés décapodes et celui des Insectes. Les faibles dimensions de chaque tympanule seront peut-être l’une des objections que l’on m’adressera; mais nous savons jus- qu’à quel point les cornéules des yeux composés sont petites, et MÉMOIRE SUR L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 219 pourtant personne, que je sache, ne sera (enté de nier la vision chez les Insectes. Il existerait done chez les Insectes un grand nombre d'appareils auditifs, comme il existe un grand nombre de petits yeux dans leur œil composé. Pour que l’analogie füt complète, il faudrait trouver chez eux des organes analogues aux veux simples ; s’il est permis de tirer ces conclusions du petit nombre de faits que j'ai bien établis, ils existent en effet. Ne pourrait-on pas comparer l’organe du Scutigera, celui de quelques larves et même celui des Crustacés décapodes, à un ocelle ? Ce serait une oreille simple, relativement volumineuse ; comme l’ocelle est un œil simple, relativement volumineux. L’en- semble des organes auditifs d’un Insecte rappellerait son œil com- posé, et cela d'autant plus que les tympanules sont plus groupés, comme chez certains Buprestides, et surtout chez les Cercopis et les Libellulides. Enfin, si je ne me suis pas trompé dans l’examen du Zulus terrestris, nous aurions un groupe d'organes analogues aux ocelles, comme nous avons chez les Myriopodes des groupes d’ocelles. Il en résulterait une sorte de parallélisme très remar- quable entre les organes de la vue et de l'audition dans le grand groupe des Articulés. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE À A. 1. Fragment de la membrane d'un feuillet de l'antenne du Melolontha albida, vu par transparence avec un grossissement de 380 diamètres. 2. Deux appareils pris dans le même Insecte pour montrer la terminaison des filets nerveux dans la cellule. Grossissement de 800 diamètres. 3. Antenne du Cercopis populi. #. Nœud de l'antenne du Scutigera coleoptrata. 5. Antenne d’un Agrion (Calepteryx virgo). 6. Terminaison d'un ramuscule du nerf antennal dans plusieurs appareils audi tifs du Hanneton foulon. Grossissement de 380 diamètres. RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE M. CH. LESPÉS RELATIF A L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES, Par M. DUMÉRIL. Nous avons été désignés, MM. Milne Edwards, Moquin-Tardon et moi, pour vous faire un rapport sur un Mémoire que M. Ch. Lespès a lu à l’Académie, dans sa séance du 30 août dernier. Ce sont des recherches anatomiques sur le siége de l'appareil auditif des Insectes. Avant de vous rendre compte de ce travail, vos commissaires ont pensé qu'il serait peut-être convenable d'exposer l’état de la question; car des opinions diverses ont été émises, non sur le fait bien constaté que les In- sectes entendent, mais sur celles des régions de leur corps où cette per- ception semble avoir établi son siége. Tous les naturalistes sont aujourd’hui convaincus que les Insectes sont doués de la faculté de percevoir les effets du mouvement transmis tantôt d’une manière directe, tantôt par l'intermédiaire de l’espace dans lequel ces animaux sont appelés à vivre. Il est certain aussi que les sons, les bruits et tous les ébranlements de l’air ou de l’eau sont communiqués à distance, puisque les Insectes peuvent produire eux-mêmes ces vibrations à l’aide des divers organes dont ils sont porteurs, et par des procédés dont le mécanisme est très varié. La plupart font agir ces instruments dans les circonstances de la vie où il leur devient important d'indiquer et de se manifester réciproquement leur existence sans changer de place, quoique éloignés les uns des autres. Le chant des Cigales, le bruissement des diverses espèces de Saute- relles, la stridulation des Criquets, le eri-cri des Grillons, le grognement que nous croirions imité par les Courtilières, le bourdonnement des Abeilles, le piaulement des Syrphes, le tintement des Cousins, le lic-tac des Psoques, le tapotement des Vrillettes, elc., elc., lous ces bruits, ces frémissements, ces strideurs, ces oscillations, ces murmures produits par les Insectes, sont certainement destinés à être perçus; mais quel est l’or- gane spécialement affecté à ce sens, à cette intromission des mouvements transmis par l'air? Il faut avouer que les naturalistes sont pour la plupart reslés dans le doute, et qu’il existe encore quelques dissidences sur le RAPPORT RELATIF À L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 234 véritable siége de l’ouie dans ces petits animaux. Toutes les explications qu'on a cherché à en donner n’ont offert que des opinions hasardées ou des inductions vraisemblables, et c’est peut-être uniquement par analogie qu'on a cru devoir en retrouver le siége dans la tête, comme il existe constamment dans le cräne des animaux vertébrés, et cette opinion est même celle qui a prévalu jusqu'ici, puisqu'on le suppose placé dans les antennes. Ces organes, en raison de leur existence presque généralement constante sur la tête dans loutes les espèces des ordres différents, à l'exception de la famille des Aranéides, lesquelles ne sont cependant pas dépourvues de l'organe de l’ouïe, devaient être naturellement considérés comme les in- struments propres à recueillir les mouvements ou les vibrations trans- mises par l'atmosphère. On a pu supposer que ces parties étant toujours mobiles, le plus souvent articulées, au moins à leur base, il existait là, comme dans certains Crustacés, une sorte de membrane tendue propre à transmettre les vibrations venues du dehors à de petits nerfs, qu’on a dé- crits et figurés comme provenant du ganglion sus-æsophagien, qui a été comparé au cerveau. Cependant dans leurs recherches, les anatomistes w’avaient pas réussi à trouver, sur un point précis et bien déterminé, l'épanouissement de la substance molle du nerf auquel on aurait pu attri- buer cette perception. Enfin les formes si variées des antennes, et leur étendue encore plus modifiée, soit par leur développement, soit par leur exiguité dans certaines espèces, ont fourni des objections plausibles à cette théorie. On se demandait pourquoi, en étudiant ce sujet, on n’avait pas cherché à se rendre compte de l’action réelle du mouvement dont résultent les sons qui doivent se transmettre à des parties élastiques. Ne sait-on pas que les Insectes, ayant une autre manière de respirer que les animaux vertébrés, un de leurs sens, celui de l’odorat, paraît avoir été changé dans sa situation, el qu'il était nécessaire de le retrouver comme multiplié, et reporté à l’orifice des stigmates qui servent physiquement à l’entrée des eflluves odorants dont l’air est le véhicule? Serait-il impossible que les vibrations de l'atmosphère, mise en mouvement par toutes sortes de causes, xinssent à se manifester dans quelque autre région que celle de la tête, comme dans celle du corselet où il existe en effet des ouvertures? Cette opinion, qui n’est qu'une simple conjecture, une supposition, a cependant été émise par Comparelti. Nous n'avons pas cru devoir citer ici tous les auteurs qui ont indiqué comme siége de l'audition d’autres régions que celle des antennes, ces 252 DUMÉRIL. modifications observées n'étant que des anomalies. Tels sont les orifices particuliers trouvés sur les bords des yeux dans plusieurs Lépidoptères, à l'occiput des Cigales, à la région dorsale du métathorax dans les Lo- custes. L'existence de l’ouïe étant généralement reconnue dans les Insectes, il est évident que c’est plutôt par l'exclusion du rôle des antennes dans l’accomplissement des fonctions des quatre autres sens, qu’elles ont élé considérées comme les seuls instruments de la vie de relation destinés à recueillir les sons. Presque tous les auteurs, dont nous donnons en note la liste la plus complète et dans l’ordre chronologique (1), ont été de cette opinion. Plusieurs même ont reconnu qu’il y avait à la base des antennes un appareil qui aurait quelque rapport avec celui de certains Crustacés. Malgré cette sorte de consentement, aucun de ces auteurs n’est con- vaincu de la réalité de ce fait. C’est cependant à la surface et à l’intérieur de ces mêmes antennes et sur certains points de leurs articulations, variables suivant les espèces, que M. Ch. Lespès croit avoir reconnu le siége des véritables organes de l’ouie; c’est même le but principal du Mémoire dont nous avons été chargés de vous rendre compte. L'auteur avait remarqué que les antennes dans quelques espèces d’In- sectes sont criblées de certains points saillants et diaphanes, ou de pelites ouvertures dont la position varie ainsi que le nombre ; mais déjà M. Erich- (4) 4781, — Comparerri, Observationes analomicæ de aure interna, p. 286, observ. 67. 1789. — Scarra, De audilu et olfactu, dans l'Écrevisse, pl. IV, fig, 5. 1790. — Bonsponr, Usus et differentie antennarum. 1791. — Cunisr, dans sa classification des Hyménoptères. 1798. — Lenmanx, De sensibus externis anim. exsanguium, p. 25. 1820. — Wever(E. H.), De aure et auditu animalium, in-4° : Auris Cancro rum, p. 106. 1827. — Canus, Anatomie comparée, t. I, p. #48. 1827. — Muscen (J.), Nova Act. nat. curios., t. XIV. 1838. — Ducès, Phys. comparée, t. I, p. 57. 1838. — Laconpame, Introd, à l'entom., t. IL, p. 234. 1944. — Non Siesoo, Arch. de Wiegmann, t. I. 4847. — Enicuson, De slruclura el usu antennarum. M. Jacquelin, du Val, a fait copier (pl. VINT, fig. 4), dans son Introduction (Genera, des Coléopt.) la figure qui représente les pores de l'antenne lamellée du Foulon. | | | l RAPPORT RELATIF A L'APPAREIL AUDITIF DES INSECTES. 253 son avait, le premier, indiqué et figuré ces tubercules, auxquels il avait eru devoir attribuer la perception des odeurs, et M. Dugès, en les notant, les avait désignés comme des vésicules transparentes, comparables à celles que l’on remarque à travers les feuilles du Millepertuis. Ce sont ces petits organes dont M. Ch. Lespés a fait l’objet particulier de ses in- vesligations, et il est arrivé à cette conclusion, qu’ils représentent les véritables appareils de l’ouïe chez les Insectes. Dans une première partie de son Mémoire, l’auteur indique, mais trop sommairement, l'historique des opinions émises sur cette idée, que les an- tennes sont chez les Insectes le véritable siége de l’organe de l’ouïe ; c’est pour éclairer ce sujet que nous avons cru utile d'entrer dans beaucoup plus de détails, ainsi qu’on vient de le voir. C’est surtout la seconde partie que nous désirons faire connaître à l’Aca- démie, parce qu’elle contient des observations positives et tout à fail nou- velles. L'auteur y expose clairement les recherches auxquelles il s’est livré non-seulement par la dissection, mais en employant l’action chi- mique de quelques dissolvants, et à l’aide des observations microscopiques dont il a présenté les résultats dans une série de figures, d’après de très forts grossissements nécessaires à la démonstralion. Afin de mieux étudier les parties contenues dans l’un de ces appareils, sur lequel, en raison de ses grandes dimensions relatives, il devient plus aisé de les mettre à nu, M. Ch. Lespés a séparé avec soin une plaque des feuillets de la masse qui termine l'antenne coudée de l’un des plus gros Coléoptères de la famille des Lamellicornes, celle d’un Hanneton. Il a enlevé délicatement tous les bords de cette petite lame. Ainsi préparée, il a obtenu deux feuillets superposés, qu’il fallait dédoubler pour faire voir ce qui était contenu à l’intérieur. C’est ce qu’il put opérer après avoir laissé plonger la petite préparation dans un mélange d’eau et de glycérine ou dans une dilution affaiblie d’acide chromique. Ces liquides, en ramol- lissant les tissus, ont permis de séparer ou d’enlever l’une des lames, et de laisser sur l’autre les nerfs et les trachées dans leur position, en même temps qu'il a été facile de nettoyer la lamelle cornée avant de la placer sous le microscope, afin de l’examiner par les divers procédés qui sont employés pour obtenir les meilleurs effets de l’action de la lumière. L'auteur ayant lui-même rédigé l’analyse de son travail, qui a été in- sérée dans le 11° cahier de vos Comptes rendus (août 1858), il devient inutile de la reproduire ; il nous suffira de vous rappeler que M. Ch. Lespés assure avoir fait ses recherches sur plus de trois cents espèces d’Insectes différentes, et qu'il a trouvé constamment sur leurs antennes de petites 254 DUMÉREL. cupules celluleuses recouvertes de certains points saillants dont le centre pellucide lui à paru élastique, et qu’il a comparés à des lympanules; que, dans ces cellules, il a constaté la présence d’un liquide épais, au milieu duquel flottait un corps solide opaque, une sorte d’otolithe qui pouvait être ébranlé, et autour duquel se terminent les filaments les plus ténus du nerfantennaire ramifié, provenant du ganglion sus-æsophagien, et par conséquent un appareil microscopique en tout analogue à celui qui a été reconnu et décrit dans les Crustacés décapodes. La particularité la plus remarquable de cette organisation reconnue semblable à celle des Crustacés, c’est qu’on n’a observé dans ces derniers animaux qu’un seul appareil auditif pour chaque antenne; tandis que chez les Insectes, le nombre de ces instruments varie beaucoup, et qu'il est souvent aussi considérable que celui des yeux, qu’on sait être correspon - dant à la quantité de leurs faceltes, et que celui des sligmales considérés comme siége multiple du sens de l’olfaction. Il nous semblerait prématuré de donner la même importance que l’auteur aux assertions, peut-être trop formelles, contenues dans la par- tie physiologique de son Mémoire ; mais quant à ses intéressantes et ha- biles observations d'anatomie comparée, comme nous avons la conviction que M. Ch. Lespés a fait des recherches consciencieuses, nous proposons à l’Académie de l’encourager, en l’engageant à les publier avec les figures qui expriment très bien les résultats de ses investigations microsco- piques. Les conclusions de ce rapport sont adoptées. NOTE LA NIDIFICATION DES CRUSTACÉS, Par M. Spence BATE (1). Tout le monde sait que beaucoup d'animaux terrestres construi- sent des nids, les uns pour un usage temporaire, les autres pour y demeurer; mais jusque dans ces derniers temps on ne suppo- sait pas que les habitants des mers en fissent autant, et je crois que ce n’est que très récemment qu'on a découvert des habitudes de ce genre chez quelques espèces de Crustacés. Le naturaliste américain Say découvrit le premier un Amphi- pode qui vit dans un petit lube, et il erut que cet animal l’occupait seulement à titre de localaire, de la même manière que le Pagurus Bernhardus prend possession de la coquille du Buccin. Il pensa que ce tube (qui était cylindrique, membraneux, diaphane et ou- vert à chaque bout) avait été construit par un Annélide qui l’au- rait abandonné ou qui en aurait été chassé, et qu'alors le petit Crustacé s’en était emparé. Say rangea cet Amphipode dans le genre Cerapus, etil lui donna le nom spécifique de tubularis, I décrit animal comme étant très actif, courant, quoique encombré par son tube, avec une grande facilité parmi les branches de Fucus, de Sertulairiens, ete., et, ce qui lui paraissait {rès extraordinaire, se servant de ses quatre antennes comme de pieds, ses pattes étant toutes renfermées dans cette gaine, exceplé les deux paires antérieures (gnathopodes), (4) On he Nidification of Crustacea (Ann. and Mag. of Nat. History, 1858, series 3, L. 1, p. 161). L'expression employée par M. Bate pourrait donner une idée un peu inexacte du phénomène qu'il décrit; ce n'est pas un nid, c’est-à-dire une espèce de ber- ceau pour leur progéniture que ces animaux construisent, mais un gite pour s’y loger eux-mêmes. (Réo.) 256 SP. BATE. dont il se sert seulement pour saisir sa proie et la porter à sa bouche. « Le tube, dit ce naturaliste, est toujours proportionné à la gros- seur de l'animal et paraît le renfermer exactement; néanmoins, quand on empêche celui-ci de continuer son chemin, il se retourne immédiatement, passe sa lête par l'extrémité opposée, et fait ainsi usage indifféremment de l’un ou l'autre bout de son fourreau comme partie antérieure. Quand il nage, la moitié de son corps sort du tube, et se replie souvent brusquement, ce qui le fait avancer par saccades. » Nous voyons par ce passage que Say était sur la voie d'une découverte très intéressante relativement aux habitudes de ces pelits Crustacés. Mais, s’en reposant sur l’analogie, il n’arriva pas à la connaissance de la vérité. M. Templeton, dans le premier volume des Transactions de la Société entomologique de Londres, décrit un Crustacé du même genre qui habite également dans un tube, et qu'il nomme Cerapus abditus. Faisant allusion à une autre espèce de ce groupe générique, M. Sümpson dit dans son ouvrage sur les Animaux marins in- vertébrés du Grand Manan: « Le Cerapus rubricornis demeure dans des tubes flexibles d’une dimension correspondante à celle des individus, et formés de particules vaseuses {rès fines, aggluli- nées par un ciment de matière animale. Ces tubes sont générale- ment adhérents dans la moitié environ de leur longueur et fermés en dessous. On les trouve ordinairement réunis les uns aux autres en groupes considérables et fixés à des objets sous-marins. Ces animaux sont très actifs ; ilsallongent ct retirent la partie antérieure de leur corps, et en même temps ils agitent continuellement leurs antennes, afin de chercher quelque chose qui puisseleur servir de nourriture. I est très amusant de surveiller une colonie de ces petits êtres et d'observer leurs gestes bizarres quand ils se-dispu- lent entre eux, et leur promplitude gauche en rentrant dans leur tube après leurs excursions temporaires. Je n'ai rencontré nulle part d'individus transportant un tube libre, ainsi que M. Say le dit pour son €. tubularis. NOTE SUR LA NIDIFICATION DES CRUSTACÉS. 257 » On ne peut pas mettre en doute que ce tube ne soit fabriqué par l'animal lui-même, et ceci n’est pas sans précédent parmi les Crus- tacés, car j'ai vu souvent des Pagures qui avaient élargi leur coquille d'emprunt par des additions à l'ouverture (4). D'après ce que j'ai observé sur les espèces de Corophiidæ que j'ai étudiées, je suis disposé à croire que la plupart des membres de cette famille construisent, en certaines circonstances, des tubes plus ou moins durables. L'Unciola, quand il est en captivité, se retire souvent dans quelque coin et réunit le sable autour de lui au moyen d’une substance glutineuse, de manière à se former une cavité dans la- quelle il se réfugie pendant quelque temps, mais il l’abandonne aisément et en fait une autre si la première se trouve détruite. Cependant d'autres individus renfermés dans le même vase n'ont pas formé des tubes, et souvent à la marée basse, on voit ces Crustacés nageant de côté et d'autre, parfaitement libres. Il en est de même de quelques-unes des autres espèces de la famille déjà mentionnée et de plusieurs autres espèces dont j'ai eu occasion d'observer les habitudes dans le port de Charleston pendant hiver de 1851 à 1852. » Kroyer, dans son grand ouvrage sur la Scan- dinavie, ele., représente, sous le nom de Siphonocelus typicus, un Crustacé du même ordre, qui jusque-là n'avait pas encore élé décrit, et qui habite de petits étuis (peu différents de ceux que construisent les larves d'Ephémères) formés avec du sable, de petits cailloux, ete. Ces faits sont les seuls dont j'aie eu connaissance comme ayant élé publiés sur celte partie curieuse de l'histoire des Crustacés. Il y a quelques années, avant d’avoir accordé grande attention à ce sujet, j'avais mis dans un vase de verre rempli d’eau de mer plusieurs Amphipodes avec quelques Algues. Au bout de peu de lemps, une heure ou deux peut-être, je fus étonné de voir qu'un de ces pelits animaux était parvenu à s'entourer d’une portion de feuille d'Ulve verte et l'avait cimentée de façon à en former un tube dans lequel il vivait, ne sortant que sa tête et ses (1) Ces additions sont le résullat de la présence d'une éponge sur la coquille, el ne sont pas dues à l'industrie du Crustacé. 4° série. Zoo. T. IX. (Cahier n° 5.) 1 17 258 SP. BATE. antennes seulement ; étant dérangé à l’une des extrémités de son tube, l'animal se retournait promptement dans sa demeure et pas- sait sa tête du côté opposé. Je trouvai cela très curieux au moment, cependant je ne poussai pas plus loin mes observations, jusqu'à ce que des circonstances favorables plus récentes ct plus étendues m'eurent prouvé que ces faits n'étaient nullement isclés dans l'his- toire des Crustacés, inais qu'un groupe nombreux et bien déterminé de ces animaux jouissait de ee pouvoir, et que ce groupe pouvait même être divisé en deux sections d’après le mode de conformation de leurs loges : dans l’une, ce sont des tubes ouverts des deux côtés; dans l'autre, des demeures irrégulières, de forme ramassée, res- semblant davantage à des nids et ouvertes d’un seul côté. Les ani- maux qui construisent ces deux sortes de demeuresdiffèrent les uns des autres par leur structure extérieure et se distinguent aussi des Fouisseurs, c’est-à-dire de ceux qui habitent des demeures qu'ils se font en creusant des cavités dans l'argile, la vase ou le bois. Ces trois groupes réunis forment, parmi les Amphipodes, une famille particulière à laquelle on peut donner le nom de Domicola, mais chacun d'eux constitue une sous-famille distincte dont la valeur dépend de la structure de l'animal. C’est sur une juste ap- préciation de celte structure que le genre Amphitoe a été changé de la position que les auteurs lui assignaient généralement près du genre Gammarus, el placé parmi le Podocerides. Pendant que je m'occupais de mon « Rapport sur les Amphi- podes de la Grande-Bretagne » pour l'Association britannique, je conservai dans un vase de verre quelques échantillons de l'Am- philoe rubricata que j'avais trouvés, en draguant, à la pointe de la jetée de Plymouth. Ils étaient d'âge très différent, depuis les plus jeunes jusqu'aux adultes très avancés. Ils s'éparpillèrent bientôt dans la cuvette et demeurèrent au repos chacun à sa place. Je m'aperçus qu'ils se construisaient en peu de temps des nids qui paraissaient composés partie de matériaux étrangers, partie d’une substance sécrétée par l'animal. Une petite surface autour de cha- que place était nelloyée comme si l’animal employait à sa con- struction tout ce qu'il trouvait à sa portée, et il est bien probable que la quantité de matière sécrétée est réglée suivant le plas on NOTE SUR LA NIDIFICATION DES CRUSTACÉS. 259 moins de matériaux qu'il peut se procurer. Nous voyons que l'araignée, après avoir fait une ou deux toiles, commence à être épuisée, il faut done qu'elle économise sa puissance autant que possible. Les Amphiloés cherchent généralement des crevassesbien abrilées dans les racines d’une grande Laminaire (pl. 1, B, fig. 9), sous des pierres où quelque autre objet qui brisele flux de la mer, et ils se construisent des gites en ramassant tout ee qu'ils {rou- vent d'utile à leur portée, puis ils unissent ces matériaux avec une substance qu'ils sécrètent. Si nous prenons un de ces pelits nids pour le regarder au mi- croscope, nous {trouvons qu'il consiste, indépendamment des ma- tériaux rassemblés de Ja sorte, en une quantité de petits fils, lissés très serrés, attachés ensemble, et se croisant d’une manière très confuse ; eà et là sont des brides formées d'un seul fil double et tortillé sur lui-même. M. Thompson (de Belfort) à trouvé FAmphitoé commu du littoral (4. litiorina) dans un nid. Je l'y ai vu aussi, mais je n'ai pas eu occasion d'observer la structure intime de cette demeure ; elle me parait être plus membraneuse que celui du r'ubricala, et construit sans matériaux étrangers. Le genre suivant, qui, à notre connaissance, possède cette fa- cülté, est le Podocère. ! y a un an ou deux, M. Howard Stewart m'apporta une petite touffe de Laomeda, dans les branches de laquelle une colonie de P. pulchellus avait établi sa demeure. Ces nids avaient une forme plus arrêtée que celle d'aucune des espèces que j'avais déjà vues ; ils étaient étroits à l'extrémité inférieure, et s'élargissaient vers le haut; l'ouverture était de ce côté. Le sommel était arrondi en forme de dôme, excepté qu'il penchait un peu du côté de l'entrée du nid, ce qui lui donnait une forme courbée, qui le faisait res- sembler à une poire. Beaucoup de ces nids semblaient n'être pas terminés. Si cela était, on en pourrait conclure qu'ils sont construits morceau par morceau, en commencant par l'extrémité la plus étroite, qui est attachée aux tiges des Zoophytes. Un côté était si bien ajusté à l'endroit sur lequel il reposait, qu'il ÿ adhérait fortement. 260 SP. BAïE, Une autre espèce du même genre m'a été envoyée d'Hfracombe et de Tenby par M. Gosse, avec les nids qu’elle avait construits. Ceux qu'on avait trouvés à Hfracombe étaient attachés à unefeuille d'Ulva vert; ils avaient été recueillis principalement sur les racines de cette plante, et quelques-uns étaient construits un peu plus haut. Les échantillons de Tenby avaient des nids disposés en grou- pes serrés autour de la base d'une F'ubularia, et paraissaient en train de s'élever autour de la lige. Ces nids, quand on les examine au microscope, paraissent être composés de grains de vase {très fins, et cimentés par une matière glulineuse que l'animal sécrète. M. Alder eut aussi la complaisance de m'envoyer des spécimens qu'il avait pêchés : c'étaient des petits tubes longs d’un quart de pouce (ou un peu plus). Quatre d’entre eux étaient légèrement attachés par une extrémité, seulement à un morceau d’Antennu- laria. L'examen a prouvé qu'ils contenaient une espèce de Sipho- nocelus. (PI. 1, B, fig. 6.) Contrairement à ee qui est dit des espèces observées par Kroyer, ces tubes étaient formés de vase étendue couche sur couche en anneaux successifs, ce qui donnait à leur structure une apparence un peu annulaire. Nous voyons done que é’est une habitude plus ou moins perma- nente pour les espèces de plusieurs genres de construire à l’aide de leur propre sécrétion des demeures dans lesquelles ils s’établissent. IL est bien naturel de supposer qu'ayant un instinet commun, quel- que variées que soient leurs formes générales, ils doivent, dans quelque partie de leur structure, avoir des traits communs à tous. C’est d'après ce motif que ce groupe est séparé des autres Crusta- cés, avec lesquels il offre dans leur forme générale une ressem- blance frappante, et c’est sur l'importance de ces caractères que repose la valeur de la sous-famille des Podocérides, que je con- sidère comme devant être séparée des Corophiides dans la elassi- fication naturelle. En effet, aucun naturaliste philosophique ne peut admettre qu'un groupe puisse être adopté, si les habitudes étaient la seule ressemblance entre les espèces, à moins qu'une apparente excentricité (dont cette classe offre de nombreux exem- ples) n’en détruise l'arrangement. | | NOTE SUR LA NIDIFICATION DES CRUSTACÉS. 261 Sans examiner {ous leurs caractères génériques, nous pourrons, je pense, faire ressortir certaines ressemblances bien marquées, qui autorisent la réunion des genres des Amphitoe, Sunamphitoe, Podocerus, Cerapus et Siphonocetus, en une même sous-famille. Les caractères les plus importants qui puissent servir à l'établisse- ment des classifications carcinologiques sont fournis par les appen- dices situés aux deux extrémités du corps, savoir, les antennes et les pléopodes postérieurs (1). Les gnathopodes sont aussi impor- tants; mais ils différent souvent suivant le sexe, et une grande variété dans leurs formes est compatible avec l'intégrité des divi- sions génériques. Dans le genre Amphitoe, l'antenne supérieure n’a pas d’appen- dice complémentaire ; dans l'antenne inférieure, le flagellum (pl. 12, fig. 4 c) se termine simplement. Le pléopode postérieur a deux branches : l’une est garnie de deux ou plusieurs épines courtes et fortes implantées de manière à se diriger en avant, et à servir comme de crochets; l’autre est développée en forme d'é- caille ou de lame, et est plus ou moins couverte de poils fins. Le telson (2) est une lame simple et rétrécie en pointe postérieure- ment (fig. 1 b). Le genre Sunamphitoe se rapproche beaucoup de l'Amphitoé ; la grande différence, c’est que le telson du Sunamphitoe n'a qu'un seul crochet gros el bien formé (fig. 2 b). Chez les Podocerus, l'antenne supérieure a un appendice acces- soire rudimentaire (fig. 3 d). Le flagellum de l'antenne infé- rieure (c) consiste seulement en quelques articulations, et les deux dernières sont garnies de deux ou plusieurs fortes épines courtes, recourbées et semblables à des crochets, et de quelques poils vigoureux. Le pléopode postérieur est bifurqué ; sa branche exté- rieure a deux ou plusieurs épines disposées comme des crochets ; l'intérieure, plus styliforme que chez l’Amphitoé, porte à son extré- mité une ou plusieurs courtes épines. Le telson (fig. 3b) est simple, et pointillé comme chez l'Amphitoé. (4) L'auteur désigne sous ce nom les fausses paltes abdominales. (2) Ou article terminal de l'abdomen. 262 SP. RATE, Chez le Cerapus, l'antenne supérieure a un appendice secon- daire très rudimentaire (fig. 4 d); l'antenne inférieure a un filet simple (e). Le pléopode postérieur n'a qu'une seule branche, lar- ticle terminal étant très court, et garni de deux crochets très bien formés. Le telson (b) n'a qu'un seul lobe, et il est garni de plu- sieurs pointes très courtes dirigées en avant. Si nous comparons maintenant les parties correspondantes chez ces (livers Crustacés, nous trouvons que, chez P'Amphitoé, le Sunamphitoé et le Siphonocetus, les antennes supérieures n’ont pas d’appendice accessoire; tandis que chez le Podocère et le Cerapus, il y en a de rudimentaires dont les formes sont micros- copiques. Les antennes inférieures des Amphitoés, des Sunamphi- toés et des Cerapus, possèdent aussi de simples soies ; tandis que dans celles des Podocères et des Siphonocetus, le nombre des articles est réduit à deux ou trois, et ces pièces sont fortes et gar- uies de gros poils, qui, chez le Podocère, se changent même quelquefois en épines courtes et recourbées. Le pléopode posté- rieur diffère à peine chez l'Amphitoé, le Sunamphitoé et le Podo= cève; dans le Cerapus, il diffère de celui du Siphonocetus par l'absence de la branche squamilorme. Le telson de l'Amphitoé ressemble à celui du Podocère, tandis que chez le Cerapus il diffère de celui du Siphonocetus, en ce qu'il ne possède qu'un seul lobe, tandis que ce dernier en a deux. Le telson du Sunamphitoé ne ressemble pas aux précédents. Les poils dont la plupart de ces Crustacés sont pourvus consti- tuent évidemment un des caractères particuliers de ce petit groupe ; ils perdent leur souplesse, et constituent des crochets recourbés, pointus, robustes et spiniformes. Ces modifications de structure ont leur utilité dans l'économie de ces animaux. Dans plusieurs genres, ces crochets sont placés sur les appendices postérieurs, et sont dirigés de manière que l'animal puisse s’en servir pour se porter en arrière, Chez d’autres, ils sont placés sur les antennes, et alors ils sont arrangés de façon que l'animal puisse en faire usage pour avancer. D'après leur structure, il est évident que, chez les Podocères et les Cérapes, les antennes servent comme organes de préhension; et elles sont probablement fort utiles NOTE SUR LA NIDIFICATION DES CRUSTACÉS. 263 à ces animaux dans leurs excursions à travers les labyrinthes de Zoophytes et les forêts d’Algues qui pendent autour des masses flottantes où ils établissent d'ordinaire leur demeure. Je crois que l’on ne peut douter que les crochets placés aux extrémités postérieures de l'animal ne leur servent pour rentrer dans leurs gaines, et à s’y retourner, manœuvres qu'ils exéculent avec une vivacité remarquable. Les Amphipodes qui habitent des cavités qu'ils font en tarau- dant le bois ou l'argile, par exemple les Corophies et les genres les plus proches, ont un caractère distinctif : ils s'avancent à l’aide de leurs membres antérieurs, et l’on voit alors les antennes inférieures se développer en organes puissants, quelquefois monstrueux, qui leur servent à labourer la vase où ils pénètrent, afin, à ce aue l’on suppose, de se nourrir des Vers qui s'y rencontrent. La partie postérieure du corps paraît affaiblie en proportion du développe- ment et de la puissance de cette partie antérieure. Les pléopodes postérieurs perdent leur importance chez le Corophie, ainsi que chez l'Unciola et chez le Cyrtophium ; ces appendices deviennent radimentaires. Les caractères distincüifs que présente la structure de cette der- nière sous-famille (Corophiides) ont une telle importance, qu'il est impossible de ranger ces animaux dans le même groupe que les Podocerus, quoique certaines conformités d'habitudes les aient fait placer très près les uns des autres par divers auteurs. Mais des habitudes seulement ne suffisent pas pour définir la position qu'un animal doit occuper relativement aux autres animaux de sa classe. Nous avons des exemples de cela dans le Chelura et le Phro-: nima. Le premier, comme le Corophium, fait un trou dans la terre pour chercher sa nourriture; mais au lieu de pénétrer dans la vase, il se fraye une route en mangeant le bois sous-marin ; ce- pendant sa structure est si anormale, quand on la compare à celle d’autres animaux de la même classe, que tous les naturalistes jugent convenable de le placer dans une famille distincte. Quant aux Phronimes, nous ne savons que peu de chose rela- tivement au sujet qui nous occupe ; elles ressemblent aux espèces qui habitent les cavités branchiales de certaines Méduses; mais 264 SP. RATE. dans la collection du Musée britannique qui m'a été confiée, j'ai remarqué une gaine très curieuse qui fut envoyée de Naples par S.-P. Pratt, comme étant celle dans laquelle l'animal avait été pris. Elle est d’une substance épaisse, charnue, demi-transparente, et garnie à la surface et autour des deux orifices (dont lun est plus petit que l’autre) de nombreuses excroissances blanches. L'examen microscopique montre que le tissu en est traversé par des faisceaux de fibres ; chacunde ces paquets est tordu dans lemilieu ; leur gran- deur varie, et elles abondent surtout là où se trouvent les excrois- sances blanchâtres. Je n'ose affirmer que cette enveloppe ait été construite par le Crustacé, et quelques auteurs ont pensé qu’elle pouvait être une Méduse; mais la structure microscopique ne con- firme pas cette dernière idée. Quoi qu'il en soit, il paraît certain que c’est le gîte dans lequel l'animal habite ; mais nous n'avons aucun renseignement relativement à la manière dont il le construit. Du reste, il n'est pas du tout improbable qu'il puisse y avoir chez les animaux inférieurs plusieurs modes de production de ces nids qui ne sont pasencore connus, et quelques-uns de ces actes seront même plus surprenants que la faculté attribuée à certains animaux qui habitent ordinairement dans une demeure d'emprunt, et qui, lors- qu'ils viennent à en être expulsés par quelque accident, peuvent sécréter une substance propre à les protéger et à remplir jusqu'à un certain point les mêmes conditions que cette habitation. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 1. Fig. 4 a à 4 c. Appendices caractéristiques du genre Amphitoe. Fig. 2 a à 2 c. Du genre Sunamphitoe. Fig. 3 a à 3 d. Du genre Podocère. Fig. 4 a à 4 d. Du genre Cérape. Fig. 5aà 5c. Du genre Siphonocetus : a, pléopode postérieur; b, telson; ce, antenne inférieure; d, antenne supérieure. Fig. 6. Tubes du Siphonocetus crassicornis fixés sur une Antennulaire (grossis). 7. Nids du Podocerus pulchellus fixés sur une Laomédée (grossis). Fig. 8. Portion d'Ulve portant des nids du Podocerus funula 2 9. Pied d'une Laminaire recouvrant un nid d'Amphitoe rubricata. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR L'HYPERMÉTAMORPHOSE ET LES MŒURS DES MÉLOÏDES, Par M, FABRE, Professeur au Lycée d'Avignon, Une course entomologique faite, le 23 mai de cette année-ci, aux environs de Carpentras, me permet de combler une légère lacune que présente mon mémoire sur les Méloïdes (4). Il s’agit de la voie que suivent les jeunes larves de Méloé pour passer sur le corps des Hyménoptères dont ils convoitent les provisions. J'ai montré comment les jeunes Filaris, éclos à l'entrée même des couloirs des Anthophores, peuvent aisément se glisser dans la loison de ces dernières; mais je n'avais pu encore constater comment les jeunes Méloés, nés loin des demeures des Abeilles maçonnes, dans une cavité souterraine creusée par leur mère, par- viennent à exécuter une pareille invasion, Guidé par une exquise sagacité, autant que par le vague souvenir de l'observation incom- plète qu'il cite dans son travail sur les Méloés, M. Newport croit que les jeunes larves de ces insectes vont, au sortir du terrier natal, se camper sur les fleurs, en particulier sur celles des pissen- lits, et que là elles attendent les Hyménoptères qui, pour butiner, y viendront {ôt ou tard, Cette opinion est précisément l'exposé de ce queje viens d'observer avec {out le loisir désirable, et ma note pourrait se borner à ce peu de mots, si les merveilleuses migra- tions de ces animalcules ne faisaient désirer quelques détails. Un talus vertical encaissant la route de Carpentras au mont Ventoux a été cette fois le théâtre de mes observations. Ce talus, calciné par les feux d’un soleil méridional, est exploité par de nombreux essaims d'Anthophores, qui, plus industrieuses que leurs congénères, savent bâtir, à l'entrée de leurs couloirs, avec des filets vermiculaires de terre, un vestibule, un bastion défensif (4) Mémoire sur l'hypermétamorphose et les mœurs des Méloïdes ( Ann, des sc nat., 4° série, t. VIT, p. 299). 266 FABRE, — HYPERMÉTAMORPHOSES en forme de cylindre arqué ; en un mot, par des essaims d’An- thophora parietina. Un maigre tapis de gazon s’étend du bord de la route au pied du talus. Pour suivre plus à l'aise les évolutions des Anthophores en travail, dans l’espoir de leur dérober encore quelque secret, je m'étais élendu depuis peu d’instants sur ce gazon, au cœur même de l’essaim inoffensif, lorsque mes vêle- ments se trouvèrent envahis par des légions de petits Poux jaunes courant avec une ardeur désespérée dans le fourré filamenteux de la surface du drap. Dans ces animalcules, dont j'étais çà et là poudré comme d’une poussière d’ocre, j’eus bientôt reconnu de vieilles connaissances, de jeunes larves de Méloé, que, pour la première fois, j’observais autre part que dans la fourrure des Hyménoptéres où dans l’intérieur de leurs cellules. Je ne ponvais laisser échapper une occasion aussi belle de compléter mes études sur ces larves, et d'apprendre en particulier comment elles par- viennent à s'établir sur le corps des Hyménoptères. Le gazon où je m'étais couvert de ces larves en m’y reposant un instant présentait quelques plantes en fleur, dont les plus abondantes étaient trois composées : l’Æedypnois polymorpha, le Senecio gallicus, et une Camomille (Anthemis arvensis). C’est sur une composée que M. Newport pense avoir observé de jeunes Méloés : « [remember to have once observed, on a hot sunny » day, a vast number of minute yellow hexapods, very similar to » those of Meloe, lying quietly between the petals of the flower of » the Bandelion. » Aussi mon attention se dirigea-t-elle tout d’abord sur les plantes que je viens de mentionner. À ma grande satisfac- tion, presque toutes les fleurs de ces trois plantes, surtout celle de la Camomille, se trouvaient occupées par un nombre-plus ou moins grand de jeunes Méloés. Sur tel calathide de Camomille, j'ai pu compter une quarantaine de ces animaleules tapis, immobiles, au milieu des fleurons. Par contre, il me fut impossible d'en décou- vrir sur les fleurs de Coquelicot et de Diplotaæis muralis poussant pêle-mêle au milieu des plantes précédentes. Il me parait donc que c’est uniquement sur les fleurs composées que les larves de Méloé attendent l'arrivée des Hyménoptères. Outre cette population campée sur les calathides des composées, p_— ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 267 et qui, par son immobilité, dénotait que, pour le moment, elle avait atteint son but, je ne tardai pas à en découvrir une autre bien plus nombreuse, et lrahissant ses recherches, sans résul{at, par une anxieuse aclivité. À terre, sous le gazon, couraient effarées d'innombrables petites larves, rappelant sur quelques points le tumultueux désordre d’une fourmilière bouleversée; d'autres grimpaient, à la hâte, au sommet d’un brin d'herbe, et en descen- daient avec là même précipitation; d’autres encore plongeaient dans la bourre soyeuse des Gnaphales desséchés, y séjournaient un moment, el reparaissaient bientôt après pour recommencer leurs actives recherches. Enfin, avec un peu d’atiention, je pus me convaincre que, dans l'étendue d’une dizaine de mètres carrés environ, il n’y avait peut-être pas un seul brin de gazon qui ne fût exploré par plusieurs de ces larves. J’assistais évidemment à la sortie récente des jeunes Méloés hors des terriers maternels ; une partie de ces jeunes s'était déjà établie sur les fleurs des Camo- milles, des Senecçons, etc., tandis que la majorité errait encore à la recherche de ce gile provisoire, C'est par celle population errante que j'avais été envahi en me couchant au pied du talus habité par les Anthophores. Toutes ces larves, dont je n’oscrais évaluer le nombre effrayant de milliers, formaient-elles une seule famille, reconnaissaient-elles une même mère? Malgré ce que M. Newport nous à appris sur l’étonnante fécondité des Méloés, je ne saurais le croire, tant leur multitude était grande. Quoique le | tapis de verdure se continuât dans une longue étendue sur le bord de la route, il me fut impossible d'y découvrir une seule larve de Méloé autre part que dans les quelques mètres carrés placés en face du talus habité par les Abeilles maçonnes. Ainsi ces larves ne devaient pas venir de loin ; pour se mettre à la portée des An- thophores, elles n'avaient pas eu de longues pérégrinations à exé- cuter, puisqu'on n’apercevait nulle part les retardataires, les trai- pards inévitables dans une pareille caravane en voyage. Les terriers où s'était faite l’éclosion des larves se trouvaient donc dans ce gazon en face des demeures des Abeilles; d'où il résulte que les Méloés, loin de déposer leurs œufs au hasard comme le ferait croire leur vie errante, et de laisser en entier aux jeunes 268 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSES | larves le soin de rechercher leur futur domicile, savent recon- naître les lieux hantés par les Anthophores, et font leur ponte à proximité de ces lieux. Si le point où les œufs sont déposés n’est pas indifférent, il n’en est pas de même de l'espèce d’Anthophore aux dépens de laquelle se nourrissent les larves. Voilà déjà trois espèces diverses, l’Anthophora retusa d'après M. Newport, l'A. pilipes et l'A. parielina d’après mes observations, qui sont exploitées par le même parasite, par le Meloe cicatricosus. Les larves, en effet, qui sont le sujet de cette note, étaient en tous points pareilles à celles dont j'avais suivi l’évolution pour mon précédent travail ; d’ailleurs en fouillant, à des époques antérieures, précisément les mêmes demeures de l’4. parietina, j'avais trouvé dans de vieilles cellules des Meloe cicatricosus adultes, mais des- séchés, et morts depuis longtemps; ce qui lève, je crois, tout doute sur la détermination spécifique des larves actuelles. Avec celte innombrable multitude de parasites occupant les fleurs synanthérées dans le voisinage intime des nids des Antho- phores, il est impossible que, tôt ou tard, tout l’essaim ne soit infesté par les jeunes Méloés. Au moment de mes observations, une partie, relativement fort minime de la légion famélique, était en attente sur les fleurs composées, l’autre partie errant encore sur le sol où les Anthophores ne se posent que rarement; et cependant, au milieu du duvet thoracique de presque toutes les Anthophores que j'ai saisies pour les examiner, j'ai constaté la présence de plu- sieurs larves de Méloé. J'en ai également trouvé sur le corps des Mélectes et des Cælioxys, Hyménoptères parasiles des Antho- phores. Suspendant leur audacieux va-et-vient devant les galeries en construction, ces Hyménoplères se reposent un instant sur quelque fleur de Camomille, et voilà que le voleur sera volé. Dans leur duvet, une larve imperceptible s’est glissée, qui, au moment où le parasite, après avoir détruit l'œuf de l’Anthophore, déposera le sien sur le miel usurpé, se laissera couler sur cet œuf pour le détruire à son tour, et rester unique maitre des provisions. La pâtée de miel amassée par l'Anthophore passera ainsi par trois maitres, et restera finalement la propriété du’ plus faible des trois. Et qui nous dira si le Méloé ne sera pas à son tour dépossédé par ET MOEURS DES MÉLOÏDES, 269 un nouveau larron, où même si, à l’état de larve molle, somno- lente et replète, il ne deviendra pas la pâture de ces petits Chalei- diens qu’on {trouve établis par nombreuses familles dans les vieilles cellules, au milieu des débris de la larve dont ils ont rongé les en- trailles vivantes. En méditant sur cette lutte fatale, implacable, que la Nature impose pour leur conservation à ces divers êtres tour à tour possesseurs et dépossédés, tour à tour dévorants et dévorés, un sentiment pénible se mêle à l’admiralion que suscitent les moyens employés par chaque parasite pour atteindre son but ; et oubliant un instant le monde infime dans lequel ces choses se passent, on est pris d’effroi devant cette connexion d'astuces, de larcins et de brigandages, qui rentrent, hélas! dans les vues de l’alma parens rerum. Les jeunes larves de Méloé, établies dans le duvet des Antho- phores ou dans celui des Mélectes et des Cælioæys leurs parasites, avaient pris une voie infaillible pour arriver tôt où tard dans la cellule désirée, Était-ce de leur part un choix dicté par lomni- science de l'instinct, ou tout simplement l'effet d’un heureux hasard ? Dans mon précédent travail, j'ai été amené par diverses considérations à croire que les larves de Méloé s’attachent indis- tinctement à tout insecte qui passe à leur portée; c'est ce que mes nouvelles observations ont pleinement confirmé. Divers Diptères, des Éristales, des Calliphores (Æristalis tenax, Calliphora vomiloria), s’abattaient de temps en temps sur les fleurs de Senecon ou de Camomille occupées par les jeunes Méloés, et s’y arrélaient un moment pour en sucer les exsudations sucrées. Sur ces Diptères, j'ai trouvé, à bien peu d’exceptions près, des larves de Méloé immobiles au milieu des poils, des soies du tho- rax. Je cilerai encore, comme envahie par ces larves, une Ammo- phile (A. hirsuta) qui approvisionne ses terriers de chenilles au premier printemps, tandis que ses congénères n’exécutent ce tra- vail qu’en automne. Cette Ammopbile ne fit que raser pour ainsi dire la surface d’une fleur; je la pris : des Méloés circulaient déjà sur son corps. 1 est clair que ni les Éristales, ni les Calliphores, dont les larves vivent dans les matières putrides, ni les Ammo- philes, qui nourrissent les leurs de chenilles, n'auraient jamais amené dans des cellules remplies de miel les larves qui les 270 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSES avaient envabis. Ces larves s'étaient donc fourvoyées, et l'instinct, chose rare, se trouvait ici pleinement en défaut. Portons maintenant notre attention sur les jeunes Méloés en expectative sur les fleurs de Camomille. Is sont 1à, sur une seule fleur, une vingtaine ou davantage, à demi plongés dans la gorge des fleurons ou dans leurs interstices ; aussi faut-il une certaine attention pour les apercevoir, leur cachette étant d'autant plus efficace, que la couleur ombrée de leur corps se confond avec la nuance jaune des fleurons. Si rien d’extraordinaire ne se passe sur la fleur, si un ébranlement subit ne trahit l’arrivée d’un hôte étranger, les Méloés restent immobiles. On pourrait croire, 4 les voir plongés verticalement la tête en bas dans le tube des fleurons, qu'ils sont à la recherche, pour leur nourriture, de quelque hu- meur sucrée. Mais alors ils devraient plus où moins fréquemment passer d’un fleuron à un autre, ce qu'ils ne font pas, si ce n’est lorsqu’après une alerte sans résultat, ils regagnent leurs cachettes, et choisissent les endroits qui leur paraissent les plus favorables. Leur immobilité dénote que les fleurons de la Camomillé leur ser- vent seulement d’embuscade, comme plus tard le corps de l'An- thophore leur servira uniquement de véhicule pour arriver à Ja cellule de l'Hyménoptère. Ils ne prennent done aucune nourri- ture pas plus sur les fleurs que sur le corps des Hyménoptères, et, comme pour les Sitaris, leur premier repas consiste dans l'œuf d’Anthophore, que les erocs de leurs mandibules sont destinés à éventrer. Leur immobilité est, disons-nous, complète ; mais rien n’est plus facile que d'éveiller leur activité en suspens. Avec an brin de paille, ébranlons légèrement une fleur de Camomille : à l'instant, les Méloés quittent leurs cachettes, s’avancent en rayon nant dans tous les sens sur les pétales blancs de Ja circonférence, et les parcourent d’un bout à l'autre avec toute la rapidité que permet l’exiguïté de leur taille. Arrivés an bord extrême des pétales, ils se fixent Sur ce bord soit avec leurs appendices cau- daux, soit peut-être à l’aide d’une viscosité analogue à celle que sécrèle le bouton anal des larves de Sitaris, et le corps pendant au dehors, les six pattes libres, ils exécutent des flexions en tous sens, et s'étendent autant qu'ils le peuvent, comme s'ils s’effor- çaient d'attendre un but trop éloigné. Si rien ne se présente qu'ils LS ET MOEURS DES MÉLOÏIDES, 271 puissent saisir, après quelques vaines tentatives, ils regagnent le centre de la fleur, et reprennent bientôt leur immobililé. Mais si on leur met à proximilé un objet quelconque, ils ne manquent pas de s’y accrocher avec une prestesse surprenante. Une feuille de graminée, un fétu de paille, les branches de mes pinces, tout leur est bon, tant il leur tarde apparemment de quitter le séjour pro- visoire de la fleur. Il est vrai qu'arrivés sur ces objets inanimés, ils reconnaissent bientôt qu'ils ont fait fausse roule, ce que l’on voit aisément à leurs marches et contre-marches désespérées , et à leur tendance à revenir sur la fleur s'il en est encore temps. Ceux qui se sont ainsi jetés étourdiment sur un bout de paille, et qu'on laisse relourner sur la fleur, se reprennent difficilement au même piége. Il y a done aussi pour ces points vivants une mé- moire, une expérience des choses ! Après ces essais, j'en ai tenté d’autres avec des matières filamenteuses, imitant plus où moins bien le duvet des Hyménopiéres, avec de petits morceaux de drap ou de velours coupés sur ines vêtements, avec des tampons de colon, avec des pelotes de bourre récoltée sur les Gnaphales. Sur tous les objets présentés au bout des pinces, les Méloés se sont précipités sans aucune difficulté; mais loin d’y rester en repos, comme ils le font sur le corps des Hyménopières, ils m'ont bien tôt convaincu, par leurs démarches inquiètes, qu'ils se trouvaient aussi dépaysés dans ces fourrures que sur la surface glabre d'un tuyau de paille. Je devais m'y attendre : ne venais-je pas de les voir errer sans repos sur les Gnaphales enveloppés de bourre cotonneuse ; s'il leur suffisait d'atteindre l'abri d’un duvet pour se croire arrivés à bon port, presque tous périraient, sans autre ten- lative, au milieu du duvet des plantes. Présentons-leur maintenant des insectes vivants, et d’abord dés Anthophores. Si l’Anthophore, débarrassée préalablement des parasites qu'elle peut porter, est saisie par les ailes, et mise un instant en contact avec la fleur, on la trouve invariablement, après ce contact rapide, envahie par des Méloés accrochés à ses poils. Ceux-ci gagnent prestement un point du thorax, généralement les épaules, les flancs ; et arrivés là, ils restent immobiles : la seconde étape de leur étrange voyage est atteinte. Après les Anthophores, j'ai essayé les premiers insectes vivants qu'il m'a été possible de 9172 FABRE. — HYLERMÉTAMORPHOSES me procurer sur-le-champ, des Éristales, des Calliphores, des Abeilles domestiques et de petits Papillons. Tous ont été également envabis par les Méloés, sans hésitation et sans tentatives de leur part pour revenir sur la fleur. Faute de pouvoir trouver à l'instant des Coléoptères, je n'ai pu expérimenter avec ces derniers. M. Newport opérant, il est vrai, dans des conditions bien différentes des miennes, puisque ses observations portaient sur de jeunes Méloés caplifs dans un flacon, tandis que les miennes étaient faites dans des circonstances normales; M. Newport, dis-je, a vu les Méloés s'attacher aux corps d’uri Malachius, et y rester immobiles: ce qui me porte à croire qu'avec d’autres Coléoptères, j'aurais obtenu les mêmes résultats qu'avee des Éristales, par exemple. La classe des insectes épuisée, j'ai mis à leur portée ma dernière ressource, une grosse Araignée noire. Sans hésitation, les Méloés ont passé de la fleur sur le céphalothorax de la bête, ont gagné le voisinage des articulations des pattes, et s’y sont établis immobiles. Ainsi tout leur parait bon pour arriver à leur futur domicile, et sans dis- tinction d'espèces, de genres, de classes, ils s’attachent au pre- mier être vivant que le hasard amène à leur portée. On conçoit alors comment ces jeunes larves ont pu être observées sur une foule d'insectes différents, et particulièrement sur les espèces prin- tanières de Diptères où d'Hyménoplères butinant sur les fleurs ; on conçoit encore la nécessité de ce nombre prodigieux de germes pondus par une seule femelle de Méloé, puisque l'immense majorité des larves qui en proviendront prendra infailliblement une fausse voie, et ne pourra parvenir aux cellules des Anthophores. La fé- condité supplée à l'insuffisance de l'instinct; cependant, au milieu de ces aberrations, un fait reste bien admirable, mais impossible à expliquer. J'ai dit que les Méloés passent sans difficulté de la fleur sur les objets à leur portée, quels qu'ils soient, glabres ou velus, vivants où inanimés ; mais cela fait, les larves se compor- tent bien différemment, suivant qu'elles viennent d'envahir soit le corps d’un animal, d’un insecte, soit tout autre obiel. Dans ie premier cas, sur un Diplère etun Papillon velus, sur une Araignée etun Malachius glabres. elles restent immobiles, après avoir gagné le point qui leur convient; leur impulsion instinctive est done alors satisfaite, Dans le second cas, au milieu du duvet du ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 273 velours où du drap, au milieu des filaments soit du coton, soit de la bourre de Gnaphale, et enfin sur la surface glabre d’une paille ou d'une feuille, elles trahissent la connaissance de leur méprise par leurs allées et venues sans repos, et par leurs efforts pour revenir sur la fleur imprudemment abandonnée. Comment donc reconnaissent-elles la nature du corps sur lequel elles viennent de passer? Comment se fait-il que ce corps, quel que soit Pétat de sa surface, tantôt leur convienne et tantôt ne leur convienne pas? Est-ce par la vue qu’elles jugent de leur nouveau séjour ? Mais alors la méprise ne serait pas possible : la vue leur dirait tout d’abord si l'objet à leur portée est convenable ou non, et, d’après ses conseils, l’émigration s’effectuerait ou ne s’effectuerait pas. Puis comment supposer qu’ensevelie dans l’épais fourré d’une pelote de velours ou dans la toison d’une Anthophore, l'imper- ceptible larve puisse reconnaître par la vue l’incommensurable colosse qu’elle parcourt? Est-ce par l’attouchement, par quelque sensation produite par les frémissements intimes de toute chair vivante? Pas davantage : les larves de Méloé restent immobiles sur des cadavres d’Insectes totalement desséchés, sur des Antho- phores mortes, extraites de cellules vieilles d’au moins un an ; que dis-je, je les ai vues en parfaite quiétude sur des tronçons dessé- chés d’Anthophores ; sur des têtes, des thorax rongés, vidés par des Mites depuis longtemps. Je cite quelque chose d’analogue, au sujet des larves de Silaris, dans mon Mémoire sur les Méloïdes. Par quel sens est-il donc possible de distinguer un thorax d’An- thophore d’un tampon de velours, quand la vue et le toucher ne peuvent être invoqués ? Il reste l’odorat. Mais aussi quelle exquise subülité ne lui faut-il pas supposer ; et puis quelle analogie d’odeur peut-on admettre entre tous les insectes qui, morts ou vivants, en entiers ou en tronçons, frais ou desséchés, conviennent aux Méloés, tandis que tout autre objet ne leur convient pas? J'aime mieux renoncer à toute interprétation par l'intermédiaire d’un sens, et recourir à celte faculté incompréhensible qui voit l’invi- sible, aire ce qui n'a pas d’odeur, et connait ce qui ne peut être Connu; j'aime mieux, en un mot, recourir à l'instinet. En défaut pour reconnaitre les espèces qui seules peuvent amener les Mé- 4° série, Zooz. T. IX. (Cahier n° 5.) ? 18 271 FABRE. —- HYPERMÉTAMORPHOSE loés dans les cellules approvisionnées de miel, l'instinct reprend toute son infaillibilité lorsqu'il s’agit de différencier le corps d’un insecte d'un autre objet, même de celui qui en simule les appa- rences superficielles. Après les observations que je viens de faire connaitre, il me restait à fouiller la nappe verticale de terre habitée par les Antho- phores, pour voir, comme je l'avais fait l’année dernière, la larve de Méloé campée sur l'œuf de Abeille, et pour en suivre les di- verses transformations. Mais ce talus, caleiné par le soleil depuis de longues années, exigeait, pour être entamé, l'emploi d'un pic, d’un ciseau de maçon, ete., et, pris à l'improvisle, je n'avais abso- lument rien de pareil, D'ailleurs le temps me manquait; j'avais à peu près atteint l'heure de mon retour à Avignon. Qu'aurais-je appris de nouveau en soulevant les nids des Anthophores? Rien, probablement. J'aurais vu seulement sur une plus grande échelle les faits que j'ai relatés dans mon lravail sur les Méloés; j'aurais compté par centaines les cellules envabies par ces parasites, tandis que jusqu'ici je n'ai pu en trouver qu'un fort petit nombre. J'ajouterai ici sur les métamorphoses des Cantharides (Cantha- ris vesicaloria) quelques mots qui me sont suggérés par un pas- sage d’un ouvrage dont je dois la communication à l’obligeance de M. Jourdain, proviseur du lycée de Montpellier. D’après Ratzeburg (Die Forstinsekten, Berlin, 1837, t. I‘, p. 89), les Cantharides creusent dans le sol, avec les pattes antérieures, un (errier où elles déposent leurs œufs, et qu’elles referment ensuite soigneusement en y repoussant la terre qui en a été extraite. Les Méloés, ainsi qu'on l’a déjà vu, se comportent absolument de la même manière, Les œufs pondus par une Cantharide sont ordi- nairement au nombre de trente à quarante; c’est bien peu relati- vement aux pontes prodigieuses des Sitaris el des Méloés. Il est vrai qu'après cette ponte, les ovaires des Cantharides renferment encore beaucoup d'œufs, mais petits. Ceci ferait soupçonner une seconde et peut-être une troisième ponte, nouveau trait d’analogie avec les Méloés. Les jeunes larves issues de ces œufs, décrites et figurées par Ratzeburg (loc. cit., pl. 14, fig. 27), présentent avec celles des Méloés une telle similitude, que, sans la légende de la dre ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 275 planche, j'aurais rapporté à ces dernières Ja figuré qui reproduit une larve de Cantharide. C’est de part et d'autre la même forme linéaire, élancée, aplatie, les mêmes antennes terminées par des soies longues et fines, les mêmes mandibules erochues, les mêmes appendices caudaux formés de deux longues soies divergentes, ele. Nous trouvons ainsi, d’une part, une analogie complète entre les mœæurs de la Cantharide mère et celles des Méloés, et, d'autre part, la similitude la plus frappante entre les jeunes larves de ces deux genres ; il devient alors extrêmement probable que cet étroit pa- rallélisme ne s'arrête pas là. Je crois donc que les Cantharides, comme les {rois autres Méloïdes dont il est question dans mon Mémoire, subissent les transformations mulliples que j'ai appelées du nom d'hypermélamorphose ; je crois enfin que les Cantharides, à l'état de larves, sont parasites, et vivent aux dépens de quelque Hyménoptère récoltant. Quelques observateurs, Ralzeburg et autres, ont vainement tenté d'élever des larves de Cantharides en les tenant dans des flacons remplis de terre fraiche ou dans une caisse à demi pleine de bois et de feuilles de Frêne en décomposi. tion. Si ces larves n’ont pu prospérer, c'est, suivant toute appa- rence, par les mêmes motifs qui ont fait échouer les tentatives de M. Newport au sujet des larves de Méloé, et mes premières ten- talives relatives aux larves de Silaris. Ce qu'il fallait à ces larves de Cantharides, c'était, sans doute, des cellules approvisionnées de miel, et peut-être aussi pourvues de l'œuf de l'Hyménoptère. D’après Ratzeburg lui-même, il est vraisemblable que les larves de Cantharides ont les mêmes habitudes que celles de Méloés, sur lesquelles on ne savait rien encore de certain. Il repousse l'idée du parasitisme des Méloës, parasitisme déjà en partie entrevu. I est vrai qu'il se fait une idée fausse de ce parasitisme, en croyant qu'il consiste en ce que la larve vit sur le corps de divers Diptères ou Hyménoptères. On sait maintenant que ces larves ne vivent pas de la substance de ces Insectes, mais se cramponnent simplement à leur corps pour se faire transporter dans une cellule pleine de miel, lorsque toutefois elles se sont accrochées à des Hyméno- plères récoltants. Avee cette manière de voir, Ratzeburg ne peut songer au parasitisme pour les larves de Cantharides, car, dit-il, 276 FABRE., — IIYPERMÉTAMORPIOSE DES MÉLOÏDES. après que les larves se seront nécessairement dispersées de toutes parts avec les hôtes qui les emportent dans leur vol, comment les insectes parfaits pourraient-ils se retrouver si promptement réunis sur les mêmes points. La réflexion est parfaitement juste; mais en admettant que les larves de Cantharides ne cherchent, comme celles des autres Méloïdes, qu'un véhicule sur le corps des Hymé- noptères pour arriver aux cellules, tout change aussitôt d'aspect, surtout si ces Hyménoptères vivent en nombreux essaims, comme les Anthophores. Les larves de Sitaris sont emportées dans tous les sens par les Hyménoptères ; mais tôt ou tard tout rentre au logis commun, et quand les morphoses sont terminées, les insectes parfaits se trouvent réunis par milliers sur un même point. Les Cantharides, elles aussi, se montrent par troupes nombreuses, nouveau molif de croire qu'elles ont un logis commun où elles se métamorphosent, et ce logis peut très bien être quelque coin de terre habité par un essaim d’Hyménoptères. D'après Olivier (Encycl. méth.), les larves de Cantharides ont le corps mou, d’un blanc jaunâtre, composé de treize anneaux. Leur tête est arrondie, un peu aplatie, munie de deux antennes courtes, filiformes. La bouche est munie de deux mandibules assez solides. Ces larves ont six palles, courtes, écailleuses; elles vivent dans la terre, où elles se nourrissent, ajoute Olivier, dediverses racines. Je trouve dans cette description succincte quelques traits qui rap- pellent la larve de Méloés dans sa seconde forme, larve dont j'ai donné les caractères et la figure. Olivier me paraît donc avoir dé- ecrit la larve de Cantharide dans sa seconde forme, dans celle qu'elle affecte lorsque, après avoir probablement gagné une cellule d'Hyménoptère, elle en dévore les provisions. L'habitation de cette larve sous terre me fait présumer qu'elle était établie dans les demeures de quelques Halictes qui creusent leurs galeries dans un sol horizontal. Quant aux racines qu'Olivier attribue pour nour- riture aux larves de Cantharides, je crois que c’est une erreur. Ainsi toutse réunit pour me porter à généraliser les conséquen- ces de mon Mémoire sur les Méloïdes, et à attribuer aux Cantha- rides l’hypermétamorphose et les mœurs que j'ai fait connaître. RECHERCHES SUR LA GENÈSE ET L'ÉVOLUTION DES DENTS ET DES MACHOIRES, Par M. Natalis GUILLOT, On répète encore ce qu'Eustachi (1516) écrivait au xvr siècle : « Sicut culis exlremæ ungquium parti adhærescit, ita gingivæ den- libus adjunctæ sunt. » Les germes dentaires naissent, assure-t-on, au fond de quel- ques replis de la membrane muqueuse placés à la surface des mà- choires. Ces replis couvrent les premiers linéaments des germes de la première et de la seconde dentition. Suivant Arnold (Med. chir. Zeitung, Salzburg, 1831), on pourrait observer sur le bord des gencives, à la fin de la neuvième semaine (deux mois et demi de la gestation), un sillon relativement assez profond et dix dépressions au fond de ce sillon. Un peu plus tard, on y verrait une surface plate sur laquelle il y aurait de nombreux orifices par lesquels on pourrait passer des soies fines. Les orifices correspondraient à autant de petits sacs. Au troisième mois, les sacs des secondes molaires communi- queraient par des petits trous avec la cavité buccale, tandis que les ouvertures de tous les autres sacs seraient déjà closes. Les sacs des dents permanentes seraient également formés par Ja membrane muqueuse vers le quatrième mois de la vie fœtale, quelques autres le seraient au moment de la naissance de l'homme. M. Goodsir (1), acceptant l'exactitude des observations d'Arnold, (1) Goodsir, On the Origin and Developpement of the Pulp and Sacs of the Human Teeth, 1839. 278 N. GUILLOT. — GENÈSE ET ÉVOLUTION désigne l’état initial des germes sous le nom de période folliculaire que deux autres périodes suivent; il donne à celles-ci le nom de période sacculaire et de période éruplive. La première doit être étudiée dans l'embryon humain. Vers la sixième semaine, chaque follicule serait alors au fond d'un sillon de la membrane muqueuse jusqu'au moment où les bords du sillon se rapprocheraient et le recouvriraient. Pendant la période saceulaire, la membrane muqueuse formerait un sac clos autour des germes ou follicules. La substance des dents commencerait alors à être produite. La troisième période serait la période d’éruption ; l'achèvement des dents, l’éruption de ces organes par la réouverture des sacs dentaires, lui appartiendraient. La période pendant la durée de laquelle le germe des dents serait à nu commencerail vers la sixième ou septième semaine, et finirait du quatrième au cinquième mois de la vie intra-utérine. La période sacculaire, pendant laquelle le sac dentaire serait elos, persisterait jusqu'au moment de la sortie des dents, époque à laquelle le sac s'ouvrirait pour la seconde fois. Quelques anatomistes d’un grand mérite ne paraissent pas avoir admis l'existence de tels détails décrits avec lant de précision. Valentin assure que le bord alvéolaire des deux mâchoires s’épais- sit de bonne heure, que dans ce bord nait une série de vésicules ovales séparées les unes des autres par une substance granuleuse compacte; celle-ci augmente, limitée de plus en plus, parcourt successivement les phases diverses de l'ossification pour former les alvéoles. Rashkow (1), plus précis dans ses descriptions, contredit for- mellement les opinions d’Arnold. Jamais, assure-t-il, il n’a pu voir dans les fœtus de l’homme ou des animaux aucune ouverture du genre de celles qui ont été décrites; jamais il n’a pu constater que la membrane muqueuse s'enfonçât autour du follicule dentaire, Au contraire, il lui a tou- jours paru évident que le follicule dentaire était complétement (1) Meletemala circa mammalium dentium evolutionem. Wratislaw, 1835. DES DENTS ET DES MACHOIRES. 279 séparé de la membrane muqueuse de la gencive, et que dès l'ori gine n'y était uni par aucun lien intermédiaire. Les remarques d'Arnold, reproduites par M. Goodsir, sont donc contredites par Rashkow. Voulant élucider ces questions, j'ai dû m'attacher à l'étude des animaux et de l'homme. Les embryons humains d'un âge déterminé, propres à l'étude, sont rares. C’est done accidentellement que j'ai pu vérifier dans l'espèce humaine ce qu'il est si facile de voir sur les embryons de l'espèce ovine. Le nombre d'animaux de celte espèce mis à ma disposition ayant été considérable, il m'a été permis de voir, à maintes reprises, où naissent les germes dentaires; il m'a élé possible d'en apprécier la constitution, d'analyser les changements et l'accroissement des tissus, de constater les rapports par lesquels ces germes sont unis aux parties dont ils sont entourés. Ces études pourraient conduire à d’autres vues que celles qui m'oceupent; tout se tient dans l'organisation: ce qui apparait d’abord comme un détail isolé, n’est souvent que l'expression particulière d’un ensemble de phénomènes propre à toute l’éco- nomie. En étudiant les dents, on parvient tres bien à compren- dre la série de phases que parcourent les tissus en s'accrois- sant. Nulle part on ne voit mieux les molécules primordiales prendre les caractères variables qu'elles doivent revêtir et quitter, nulle part on n’apprécie mieux la diversité et la rapidité de ces transformations. Ce que l’on sait le mieux sur l'accroissement des dents, c’est la période de l’évolution de ces organes qui est postérieure à la for- mation du sac dentaire; ce que l’on sait le moins au contraire, et même ce que l’on ignore, c’est la période primordiale ou génésique, ainsi que la période d'émergence des dents. Que d’anatomistes ont regretté que l’on ne püt dire, ni comment ces organes naissent, ni comment ils sortent des gencives. Occupé seulement du commencement et de la fin d'une intéres- sante histoire dont on connait fort bien le miliéu, jé me contenterai de rappeler et de me permettre de considérer comme très précis les résultats des études de Valentin, de Rashkow, de Retzius, 289 N. GUILLOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION d'Owen, de Huxley, de Klliker et de tant d’autres, sur la période moyenne de l’évolution des dents. J'ai cherché à reproduire le plus exactement possible les détails dont il est question dans ce Mémoire; il est du reste facile de contrôler les figures placées sous les yeux du lecteur : les prépa- ralions anatomiques qu'elles représentent sont entre mes mains, et la plupart d’entre elles ont été disposées par MM. Bourgogne, rue Massillon, 4, à Paris, où l’on pourra s’en procurer de sem- blables. Je ne doute pas que le talent de ces habiles préparateurs ne soit d'un grand secours aux personnes occupées de recherches aussi délicates que celles que j'ai entreprises. Si les opinions généralement enseignées, au sujet de l'origine des dents, séduisent par une apparente simplicité ; si, adaptées mer- veilleusement à l’impatience des esprits qu'il est aisé de satisfaire, elles paraissent d’abord nettes et acceptables, elles deviennent au contraire vagues et très hypothétiques, dès qu’on en veut contrôler l'exactitude ; on ne tarde pas à voir que tout est préparé dans ces organes d'une autre manière que celle que l’on indique. Pour comprendre ce que j'avance, il faut, au préalable, se re- présenter nettement l'état anatomique des diverses parties de la face des embryons. La configuration générale de la face des fœtus de brebis âgés de moins de deux semaines et des embryons humains âgés de moins de six semaines ne permet de reconnaitre que l'apparence exté- rieure des formes futures ; les détails de la profondeur des parties ne laissent pas découvrir la trace de ce qui sera plus tard Ja fibre museulaire, la fibre celluleuse, l'os ou la dent, Tout dans ces premiers jours se résout encore en une matière don l'apparence est indéfinissable. Dans ces premiers moments, le corps semble constitué par une masse de molécules ou de cellules agglomérées les unes auprès des autres, où surgiront les foyers multiples d’une création inces- sante. Ces molécules, soumises à de constantes variations jus- qu'au moment où chacune d'elles recevra un caractère permanent, sont les mille points de départ des tissus concourant à la formation des organes et des appareils. DES DENTS ET DES MACHOIRES. 281 La vie et l'accroissement de l’ensemble des parties est l’expres- sion de la vie particulière et de l’accroissement de chacune de ces molécules. Lorsque tout est achevé dans l’économie. lorsque l'apparence des molécules de chaque tissu est devenue permanente, telle est alors la diversité des formes, qu'on n’en saurait comprendre la simplicité primitive. Entre ces deux limites extrêmes, dont l’une est le premier mo- ment de la création embryonnaire, dont l'autre indique le déve- loppement complet des organes, d’autres formes transiloires pro- pres à chacune des molécules des tissus indiquent la phase de l'accroissement qu'elles ont subi. Les transformations successives des matériaux primitifs ne pré- parent pas loujours un tissu destiné à être permanent; elles peu- vent, au contraire, produire certains tissus dont l'existence est passagère. Ce sont alors d'intéressantes portions organiques desti- nées à un but, disparaissant après l’accomplissement d’une fonction généralement inconnue. Les tissus des corps de Wolf, du thymus, des ares de l'aorte, en sont des exemples. L'étude anatomique des mâchoires fait reconnaitre l'existence d’une de ces portions organiques dont l'usage est temporaire et la durée limitée. On la découvre dès les premiers temps de la vie embryonnaire. C’est autour d'elle que les mâächoires se développent; c’est dans son épaisseur que les dents naissent, produites par la transforma- tion des molécules dont elle est composée. Origine des dents, c’est elle aussi qui en protége l’accroisse- ment; lorsque ce double but est accompli, elle s’efface et disparait au moment des dernières phases de la dentition. C’est elle que je vais d’abord étudier. De la partie génératrice des dents. La situation que la partie génératrice occupe dans chaque mà- choire n'est jamais variable (pl. 5, fig, 4, 2, 3, 4, a; pl. 6, fig. 14, 282 N. GUILLOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION / 2,a; pl. 7, fig. 1, 2,a; pl. 6, fig. 1, 2, a), mais l'apparence générale qui la distingue est changeante, suivant l'âge auquel les dents sont parvenues, parce que la substance des os tend à l’envelopper de plus en plus (pl. 5 à 8, aaa a). La continuité de cette partie est complète pendant une certaine durée de la vie embryonnaire; elle est, au contraire, interrompue dans les périodes les plus avancées de l'accroissement des dents et des mâchoires. La forme particulière des molécules dont elle est composée est certainement variable. Cette partie propre à l’homme et aux animaux mammifères, s'élève en hauteur dans toute l’épaisseur des régions où naîtront les mâchoires (pl. 5, 6, 7,8, aaaa); elle est recouverte sur une grande étendue par la membrane muqueuse de la bouche, au- dessous de laquelle elle est placée (pl. 6, 7,8, a). Pour en comprendre les changements, il faut, en suivant pas à pas le développement des os et du périoste des mâchoires, ana- lyserles transformations des molécules par lesquelles elleest consti- tuée. Les variations de l’ensemble sont corrélatives à celles que l'on remarque dans les détails. Lorsque, vers le quinzième jour de la gestation, on pratique plu- sieurs sections verticales sur les régions maxillaires d’un embryon de brebis, les surfaces observées offrent les particularités sui- vantes. A peine découvre-t-on quelques rares traces de substance os- seuse, délimitant déjà une certaine étendue de la portion que je signale (pl. 6, 7, 8, 0000, aaaa). Les linéaments primitifs des os, quoique très exigus, séparent en deux parties l'épaisseur de la gangue dont toutes les régions maxillaires de la face sont formées (pl. 6, 7, aa, 00). L'une, placée à l'extérieur des os naissants, sera le point de départ du périoste et de tous les tissus placés entre les mâchoires et la surface des joues (pl. 7, fig. 4, pp); l’autre, siluée dans la gouttière maxillaire, dont les traces commencent à apparaître, est la partie productrice des dents (pl. 7, fig. 1, aaaa). Toutes deux se confondent, en réalité, par une connexion complète. DES DENTS ET DES MACHOIRES, 283 Il est difficile d'établir les dimensions de cette partie odoton- génique et d'en préciser les limites, c’est en effet une matière d'apparence semblable à celle qui est le point de départ des os et des autres lissus de la face; mais dès que le tissu solide des mà- choires commente à pouvoir être distingué, le siége et l'étendue de la partie génératrice des dents sont parfaitement reconnais- sables. Ses limites sont de mieux en mieux cireonserites par les os qui s'accroissent pour former les goultières maxillaires ; ces os entourent alors de plus en plus la partie où naissent les dents jusqu'au moment où la conslitulion de ces gouttières est entière ment achevée. Dans les premiers temps de la vie utérine, on ne pourrait distin- guer ni cloisons osseuses, ni sac dentaire (pl. 5 à 8, aaaa); c’est à mesure que tout s’accroit, que tout change à la fois dans les différents points de la face, que les cloisons des alvéoles s'élèvent et fractionnent l'étendue de la partie odontogénique. Ces cloisons tardives sont, comme le reste des os des mûà- choires, le résultat de la transformation des molécules primor- diales au milieu de laquelle les dents ont apparu. Lorsque les cloisons transversales commencent à s'élever pour former les alvéoles, la partie génératrice des dents commence à êlre fractionnée dans l’intérieur des gouttières alvéolaires. Ce ca- ractère nouveau ne disparait plus; modifiée par ce fractionnement, celte partie semble ne plus offrir l'étendue qu’elle avait dans le passé, mais en réalité cette étendue est la même, la forme seule est changée. A mesure que ce fractionnement s'accroît, l'enveloppe fibreuse des dents, nulle d’abord, se dessine de plus en plus jusqu’au mo- ment où le sac dentaire est complétement achevé. La partie productrice des dents ayant subi ce fractionnement, chaque dent apparait alors complétement entourée d'une enve- loppe terminée par un prolongement fibreux, auquel on a voulu assigner plusieurs usages en le désignant sous le nom de gouver- nail ou de cordon conducteur, ou bien en y cherchant un canal qui n’y existe pas. Les dents sont à cette époque devenues solides, elles offrent les 284 N. GUILLOT. — GENÈSE ET ÉVOLUTION détails si bien décrits par tant d'habiles observateurs et relatifs aux trois substances nommées émail, ivoire et cément. Les caractères moléculaires de chacune de ces substances re- présentent les dernières transformations des molécules primor- diales ; mais le cément, qui est la matière la plus semblable à la substance des os, apparaît en dernier lieu. Tant que la dent est privée de sac, on ne peut découvrir l’exis- tence de cette matière cémenteuse ; il faut, pour qu'on puisse la voir, que le sac dentaire soit formé, que la cloison de l’alvéole soit établie, que cette cloison soit revêtue d’un feuillet fibreux analogue au périoste, et que la racine de la dent ait été créée. Pour que le cément puisse être produit, il est nécessaire que la matière primordiale ait pris le caractère propre au périoste. Avant cette époque, cette matière était le point de départ de l'ivoire et de l'émail; tandis que, pendant les dernières phases qu’elle doit parcourir, devenue semblable au périoste, elle engendre, par la transformation de ses molécules, une matière entièrement sem— blable à la substance osseuse, matière propre à compléter l’en- semble de la dent : c’est le cément. Je viens de signaler d’une manière générale la partie produc- trice des dents; en la considérant plus particulièrement, on dé- couvre un intérêt assez grand à connaître la région de cette partie qui, superposée aux dents, est placée, par conséquent, entre les dents et la membrane muqueuse de la bouche. C’est elle qui est contiguë par une connexion parfaite avec le périoste des os des mächoires. Déjà épaisse au moment où les dents apparaissent (pl. 5, 6, 7, 8,aaaa) dès les premiers temps de la vie utérine, elle le devient encore davantage surtout chez l’homme à mesure que le fœtus s'accroît. Cet accroissement de l'épaisseur augmente avec régula- rilé jusqu'à un certain moment, variable dans les différents ani- maux. Acquérant ainsi plus de volume, s’élargissant dans la direction de tousles diamètres, cette partie superficielle de l'organe produe- teur des dents se présente avec les dispositions d’un véritable appareil protecteur. C'est alors, au-dessus des dents dont la for- DES DENTS ET DES MACHOIRES. ° 285 mation marche loujours, une sorte de couche épaisse, dense, élastique, que le scalpel ne divise qu'avec difficulté. A mesure que, dans la région intra-alvéolaire, la partie pro- ductrice des dents se transforme en se fractionnant, s’amoindrit, et n'apparait plus que comme une enveloppe membraneuse qui est le sac dentaire, la région superficielle, au contraire, progresse, acquiert une grande épaisseur, jusqu’à ce qu'enfin, par un mou- vement singulier, elle commence à offrir les indices d’une décrois- sance continue. C'est au moment des dernières phases de l’évolution des dents que ces phénomènes apparaissent; ils préparent l'émergence de ces organes. Les observations que j'ai faites m’autorisent à croire que la succession de toutes ces particularités doit être variable dans cha- que espèce d'animal mammifère. Dans le cheval, où les dents sortent rapidement après la nais-. sance, la décroissance de l'épaisseur de cette partie commence à être opérée pendant les derniers temps de la vie intra-utérine; il en est à peu près de même dans les espèces ovines et bovines. Chez l’homme, ce décroissement ne commence et ne progresse que longtemps après la naissance, vers le sixième mois, souvent même beaucoup plus tard, vers l’âge d’un an, lorsque les enfants, mal nourris, ont été éloignés trop tôt du sein de leur mère. Il y a une époque où la région superficielle et la région intra alvéolaire de la partie productrice des dents ne sont plus ratta- chées l’une à l’autre que par les cordons fibreux auxquels on a donné le nom de qubernacula ; alors la région superficielle paraît avoir acquis dans l'espèce humaine le maximum de l'épaisseur qu’elle doit posséder. A partir de ce moment, les cordons fibreux (gubernacula) s’a- moindrissent, se raccourcissent, et la couche épaisse et dense qui séparait les dents d'avec la membrane muqueuse perd les dimen- sions qu'elle possédait ; elle s’atrophie. Le contact des dents n’est pas la cause de ce phénomène, car ces organes sont séparés de la partie qui les protége par toute la longueur des gubernacula et par l'épaisseur du sac dentaire. 286 N. GUILLOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION Cette couche superficielle est devenue semblable à une mem- brane avant qu'elle ait été touchée par le contact des dents; elle disparaît avant le moment où les saillies les plus aiguës de ces organes sont arrivées jusqu'au niveau qu'elle recouvre. A des époques variables, la même suecession de phénomènes, régulièrement opérée au devant de chaque dent, est d'abord mani- feste sur les mâchoires humaines au devant des incisives, puis au devant des premières molaires, tandis que la même couche superficielle peut encore longtemps protéger les deux autres mo- laires et les dents canines. En disparaissant ainsi, cette couche superficielle ne laisse d'autre trace de sa présence qu'une petite bande fibreuse entou- rant le collet des dents, se confondant avec le tissu du périoste des alvéoles dont on ne saurait la séparer. Cette confusion de deux parties organiques, en apparence dis- semblables, reproduit à cette époque de la vie la connexion com- plète qui unissait la partie productrice des dents avec la masse où le périoste doit naitre pendant la durée de la vie embryonnaire. Je dois faire remarquer, à celte occasion, qu’au moment le plus avancé de cet effacement de la couche résistante et nacrée qui sépare les dents d'avec la membrane muqueuse, cette dernière subit une décroissance analogue. Elle devient moins épaisse; les vaisseaux qui la parcourent et l’épithélium qui la recouvrent dis- paraissent, à moins que l'enfant ne soit malade et que, dans cetle nouvelle circonstance, les phénomènes ne soient changés. Tous ces détails, opérés avant le contact des dents, leur prépa- rent un passage facile, si quelques circonstances pathologiques n’en ont troublé la succession. L'étude des variations de la structure de cette partie prodnetrice des dents est non moins intéressante à connaitre. La matière qui la compose n’a pas dans la période première de la vie l'apparence qu’elle présente à un âge plus avancé. Primilivement elle est constituée par un amas très compacte et très serré de cellules ou molécules nucléolées dont la forme est semblable à celles desquelles naissent les os et le périoste, C’est DES DENTS ET DES MACHOIRES. 287 pendant cette phase primordiale que les premières traces de l'ivoire et de l'émail apparaissent. Dans une autre phase, plus éloignée de ce moment, la matière offre un autre caractère auquel elle arrive graduellement, elle devient fibreuse; c’est alors que le sac dentaire est produit et que plus lard encore la formation du cément commence. Dans ce nouvel état, la partie productrice des dents ne pré- sente autre chose à l'œil de l'observateur qu'un tissu composé de fibres droites, très serrées les unes contre les autres. Les unes de ces fibres offrent quelquelois encore sur leur trajet un renflement nucléolé rappelant le premier état par lequel elles ont passé, d’autres n’offrent plus les traces de cette condition pre- mière ; elles apparaissent comme des lignes droites dont le dia- mètre ne peul être exactement apprécié. Il semble qu’elles soient près de disparaitre, tant est grande l’exiguïté qui les caractérise. Si l’on compare la matière du périoste des mâchoires avec la matière dont est formée la partie génératrice des dents, on trouve entre elles deux la plus grande similitude à toutes les époques de la vie intra el extra-utérine, Toutes deux commencent par être formées de molécules nu- cléolées absolument identiques; plus tard ces molécules ou cellules communes à l'une et à l’autre subissent de la même manière une transformation analogue; abandonnant apparence première qui les caractérisait, elles acquièrent la forme de fibres, forme com- mune au {issu du périoste, tout aussi bien qu'au tissu des sacs den- taires et de la couche superficielle placée entre eux et la membrane muqueuse de la bouche. Il est très facile de diviser en tranches fort minces chacune des diverses régions de la partie génératrice des dents pour étudier la couche superficiellement placée entre les dents et la membrane de la bouche désignée sous le nom de cartilage dentaire. Ces préparations ont un grand degré d'intérêt : je les ai mul- üpliées, afin de chercher un nouveau contrôle de toutes ces opi- pions qui font naïtre les dents sur les plis de la membrane mu- queuse, qui affirment queles goultières alvéolaires sont ouvertes dans les premiers temps de la vie utérine, ou qui veulent que le 285 N. GUILLOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION sac dentaire communique par un canal avec la surface de la bouche. On a été trompé, j'ose l’assurer, par des apparences mal inter- prétées; on a vu des plis à la surface de la membrane muqueuse, on en a conclu à la présence de canaux ou à l’existence de larges ouvertures. On a vu des prolongements fibreux étendus depuis le sac dentaire jusqu’à la couche fibreuse sous-muqueuse ; on a sup- posé qu'ils devaient être, ou des muscles directeurs, ou qu'ils re- présentaient l'extérieur des parois de certains canaux, on les a tout aussitôt nommés gouvernails dentaires: rien ne m'a paru confirmer ces différentes manières de voir. Cette partie, que je considère comme étant l'organe générateur des dents, et que l’on pourrait nommer odontogène, peut être regardée comme une fraction de la gangue moléculaire primor- diale, accommodée à un usage particulier, servant de point de départ aux divers détails des organes dentaires, utile ensuite à les protéger, et prenant enfin les apparences complètes du périoste, après l’accomplissement des fonctions qui lui ont été dévolues. Que cette partie soit ou non un périoste dont l’épaisseur et les formes sont modifiées d’une façon toute particulière, elle n’en offre pas moins le caractère curieux d’un organe possédant une existence temporaire pendant la durée de laquelle les changements de forme, de volume, les transformations des molécules du tissu dénotent les âges suecessifs qu’elle parcourt avant de disparaître. Origine des dents au milieu de la partie génératrice. C'est au milieu même de l'ensemble de molécules dont est formée la partie génératrice, que l’on découvre les traces primi- tives des dents(pl. 5, 6,7, 8, ææ). Elles y sont apparentes avant la fin du premier mois de la vie embryonnaire chez les brebis. La petitesse des objets cblhre à retarder ces observations dans l'espèce humaine, cependant on peut les faire sur des embryons humains âgés de deux mois (pl. 8, fig. 1,æææ). Ces lraces primitives naissent en même temps que les premières traces des os, avant que les muscles, les nerfs et les vaisseaux san- L DES DENTS ET DES MACHOIRES. 289 guins puissent étre distingués dans les diverses parties de la face. La mollesse de la substance que l’on étudie oppose de fort grands obstacles au travail anatomique, cependant il est praticable ; mais le meilleur moyen d'étude est d'opérer un grand nombre de sec- tions horizontales ou verticales sur la face et d’en examiner ensuite l'ensemble et le détail. Lesindices primordiaux des dents ressemblent à de petits nuages sphéroïdanx formés par une multitude de cellules où molécules. On les distingue, au milieu de la partie génératrice, même avec des verres d'une faible puissance. Les détails seuls de ces parties doivent être analysés avec des instruments d’une portée plus consi- dérable, augmentant les diamètres de 150 à 200 fois. Ces nuages sphéroïdaux sont en nombre égal au nombre des dents futures. Ceux d’entre eux que l’on découvre le plus facilement appar- tiennent à la première dentition; on ne distingue que tardivement chez l’'honime, vers le troisième et le quatrième mois ulérin et avec difficulté, les traces premières de la seconde dentition (pl. 8, fig. 1, æ,ææx). Ces sphéroïdes, très délicats, paraissent d’abord avoir la même constitution anatomique que la partie génératrice. Les unes et les autres de ces parties se résolvent en molécules absolument sem- blables entre elles : étroitement serrées les unes contre les autres, elles forment, par ce rapprochement intime, les sphéroïdes den- taires primitifs. On peut donc croire que l’aspect et la délimitation première de ces sphéroïdes est le résultat de la condensation des molécules de la partie génératrice; s’il y a d’autres caractères dans la profondeur de chacune de ces molécules, la constatation rigou- reuse n’en est pas possible. IL faut remarquer que dans ces époques primitives, les condi- tions où les germes dentaires se trouvent placés ne permettent point d'accepter les opinions que les naturalistes adoptent. Aueun de ces germes n’est produit à la surface de la membrane muqueuse (pl. 5, 6,7, 8, aaaax, ææ), 4° série. Zoo. T. IX. (Cahier n° 5.) 5 19 290 N. GUILLOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION Ace moment de la vie, celle membrane n’est encore repré- sentée que par des molécules ou cellules juxtaposées (pl. 5, 6, 7, 8, bbbb). Rien ne serait donc plus facile que de voir les germes dentaires s'ils existaient sur une surface aussi régulièrement unie. Ils sont au contraire dessinés loin d’elle, et, pour les apprécier, il en faut chercher l’existence dans l'épaisseur même de la partie génératrice (pl. 5, 6, 7, 8). Ils ne sont pas non plus consécutifs à un plissement de la mem- brane muqueuse qui aurait conduit ces germes depuis la surface jusque dans la profondeur de l’alvéole. Rien n’autorise À croire à celte opinion. Nulle membrane, sac ou enveloppe, n’entoure, et ne limite le contour de ces organes primitifs. On a dit que les germes dentaires se présentaient avec deux apparences. Dans l’une, le follicule, privé d’enveloppe, serait extérieur, placé superficiellement dans un repli de la membrane muqueuse. Dans l’autre, ce même germe, enveloppé compléte- ment par cette membrane repliée sur lui, s’enfoncerait dans l’al- véole avec le sac qui l'entoure. Rien de ce que je vois sur la nature ne donne un témoignage à ces idées. La membrane muqueuse ne peut concourir à la formation d’un sac qui n'existe pas autour du sphéroïde premier indice de la dent, ni à la création de ce conduit imaginaire auquel on a donné pour usage de faire communiquer l’intérieur du sac dentaire avec la superficie de la bouche. Entièrement opposé à ces vues spéculatives, je ne crains pas d'affirmer que les traces primitives des dents sont sphéroïdales, qu'elles sont placées dans la masse même de la partie génératrice, empâlées au milieu des molécules qui la constituent, loin de la membrane muqueuse, séparées d’elle par une épaisseur notable et ne communiquant avec la surface de la bouche par aucune sorte de canal ou de pertuis. Trois divisions distinctes apparaissent rapidement dans ces sphé- DES DENTS ET DES MACHOIRES. 291 roïdes, elles indiquent la seconde période qu'ils traversent en se développant (pl. 5, fig. 4, 2, 3, 4). L'une de ces divisions est centrale, je la désignerai plus d'une fois sous le nom de nucleus où de noyau; elle est l’origine de la partie nommée germe dentaire, organe de l’ivoire, par les ana- tomistes qui l'ont examinée à une époque de la vie déjà avancée et lorsqu'elle est devenue volumineuse (pl. 4, fig. 1,2,3,—1,1,1,1). La seconde de ces divisions est située tout antour de ce nucléus et l'enveloppe (pl. 4, fig. 4, 2, 3, — 2,2,9,2). La troisième division est la plus extérieure (pl. 5, fig. 4, 2, 3, — 3,3,3,3). Toutes subissent des changements notables dont le dernier terme est représenté par la formation complète des dents, changements simultanés correspondant les uns avec les autres, car toutes ces parties s'étendent et s’accroissent à la fois, ilne faut pas l'oublier. Je vais examiner successivement les phénomènes propres à l’un ou à l’autre de ces fractionnements, lorsque la forme sphéroïdale primitive disparait pour faire place aux formes beaucoup plus compliquées que les anatomistes ont déjà fort bien analysées et décrites. Dès que les contours des trois divisions sont nettement dessinés dans le sphéroïde primordial indice de la dent future, le fraction- nement le plus central se présente comme une sorte de noyau ou de sphère globuleuse. Cette forme primitive change à mesure que le noyau acquiert un volume de plus en plus considérable (pl. 5, fig. 4, 2, 3, 4, — 1,1,1,1). Ce nucléus ressemble bientôt à une sorte de petit bourgeon em- pâté dans la substance de Ja partie génératrice avec l'épaisseur de Jaquelle sa base se confond (pl. 5, fig. 4, 2, 3, 4, —1,1,1,1). C'est là que, plus (tard, se développeront les vaisseaux sanguins et les nerfs, aucune trace ne les rend encore visibles; ils ne nai- tront que lorsque les transformations des divers lissus de la face seront déjà fort avancées. Lorsque ce nucléus appartient aux incisives, il est d’abord arrondi, puis aplati sur un des points de son contour (pl. 5, fig. 4, 292 N. GUILLOT. — GENÈSE ET ÉVOLUTION 2,3,h,—1,1,1,1);il prend alors très rapidement la forme de la dent, dont les arêtes culminantes sont très rapidement indiquées. Le développement des nuclei primitifs des molaires offre les mêmes apparences générales. Nés au milieu de la gangue de la partie génératrice, ils sont environnés, comme les nuclei des in- cisives, par deux zones de molécules superposées ; comme eux, ils se confondent par un des points de leur étendue avec la partie génératrice (pl. 8, fig. 2, æ). Is différent cependant des précédents, parce qu'ils apparais- sent par groupes rapprochés placés les uns auprès des autres en nombre double ou triple, au moment où ils commencent à être visibles. Ces nuclei des molaires ne naissent done pas tous à la fois pour préparer l’organisation d’une même dent; il y en a toujours un dans chaque molaire, qui est plus volumineux que les nuclei voi- sins de la même molaire, et dont les formes sont plus avancées, parce qu'il est d’une date plus ancienne (pl. 8, fig. 2, æ). Ces noyaux se touchent bientôt en s’accroissant ; leurs molé- cules se confondent, ils se soudent, de sorte qu’en les étudiant tardivement, on ne pourrait soupconner la séparation primilive qui les éloignait les uns des autres (pl. 8, fig. 2, æ). Avant celte connexion, chacune des fractions primitives res- semblait aux nuclei des incisives ; dès qu’elle est complète, l’en- semble offre l'apparence d’un noyau volumineux, dont la forme a pris un aspect particulier, première expression de la dent future (pl. 8, fig. 2, æ). La surface qui les limite offre une série de dé- pressions et d’éminences variables. Dans l’homme, ces enfoncements et ces saillies sont moins marqués que dans la brebis; mais on les reconnaît avec la même exactitude. En dehors de cette condition particulière de chacun des nuclei des molaires, résultat de la soudure de fractions primitives, rien ne diffère des détails que j'ai précédemment exposés à l’occasion des nuclei occupant le centre des sphéroïdes primitifs des dents incisives. Dès que les formes du noyau des sphéroïdes des incisives où DES DENTS ET DES MACHOIRES. 993 des noyaux des sphéroïdes des dents molaires sont précises, on voit apparaitre des changements successifs dans chacune des deux zones qui les entourent. Chacune de ces deux zones forme une sorte de double enve- loppe, dont la première est immédiatement posée sur le nucléus des incisives ou sur les nucler des molaires ; la seconde est exté- rieure, et entoure la précédente qui la sépare du nucléus (pl. 5, fig ,25834,2 114 ,45402,92,2,203,3,3,3). Les molécules de la zone placée sur le nucléus, et que je désigne sous le nom de zone moyenne, acquièrent tout autour du nu- cléus une régularité qu’elles n'avaient pas d’abord ; elles s’allon- gent en s’accroissant, et forment une double série de corpuseules d’aspect nouveau, dont l’ensemble D recouvre le nucléus comme une sorte de coiffe (pl. 5, fig. 1, 2, 3, 4, — 2,2,9,9). La régularité de la situation te ces molécules est très grande ; elles sont situées avec symétrie, placées parallèlement, serrées les unes contre les autres, et se touchant par les plus grands de leurs côtés (pl. 5, fig. 1, 2,3, 4, —9,2,2,2). Elles présentent ainsi deux séries superposées, dont l’une repose sur le nucléus, et l’entoure en partie en se moulant sur lui et dessinant tous les contours (pl. 5, fig. 1, 2,3, 4, — 2,2,2,2). L'autre série, plus excentrique, est placée sur la première ; c’est elle qui est circonscrite par les cellules de la zone extérieure (pl. 5, fig. 4, 2, 3, 4, ee). Les molécules de chacune de ces deux rangées superposées semblent se toucher bout à bout (pl. 5, fig. 2, — 2,2,9). Cette sorte de zone est donc en quelque sorte double, et les deux parties dont elle est composée sont séparées très nettement par un trait, qui indique le point de contact des deux rangées (pl. 5, fig. 4, 2, — 2). Ces formes, d’abord vagues, se dessinent de plus en plus, et sont enfin assez nelles pour ne laisser aucun doute à l’observa- teur. Très restreintes lorsque l’on commence à les découvrir, elles n’occupent alors qu’un point limité, puis elles s'étendent pro- gressivement ; plus tard, lorsqu'elles sont arrêtées, l'ensemble qu'elles constituent environne une grande partie de la circonfé- rence du nucléus, la base aplatie du nucléus restant toujours en 29/ N. GUILLOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION dehors des limites où se produisent les transformations partieu- lières dont il est question (pl. 5, fig. 1, 2, 3, 4, — 2). Accolées d’abord, ces molécules rangées en double série se sé- parent rapidement. Un écartement notable est produit entre cha- eune des deux rangées; alors, mieux encore qu'auparavant, l'en- semble qu'elles constituent parait formé par deux parties dont l’une rentrerail dans l’autre (pl. 4, fig. 4, 2, 3, 4. — 9), De cet écartement naît un espace de plus en plus agrandi, limité par deux surfaces, l’une voisine du nucléus, l’autre au contraire éloignée de cette partie et circonscrite par la zone extérieure (pl. 5, fig. 3,4, e). La première de ces surfaces est toujours recouverte par des molécules très serrées qui doivent encore subir de grands chan- gements; elles sont toujours placées parallèlement, se touchant par leur côté le plus long et fixées ainsi les unes à côté des autres (pl. 5, fig. 3, 4, — 2). Ce sont ces molécules qui dessinent déjà l'émail non encore produit, mais en voie de formation, et dont on ne constatera la solidité que lorsque la transformation des cellules du nucléus central commencera à apparaitre et présentera les traces des premiers tubes de l'ivoire. Ces deux surfaces sont donc constituées par des molécules ou cellules, dont les formes particulières expriment le résultat de l’ac- croissement. Le premier état des surfaces, avant qu’elles soient séparées, est l’uniformité. Le second état consécutif à leur séparation, est une diversité absolue (pl. 5, fig. 1, 2, 3, 4, — 2,2,2,9, ee). Dès que l'écartement des deux parties de la zone moyenne a commencé, un espace nail entre les deux surfaces séparées, espace d’abord restreint, puis agrandi, et devenant avec le temps assez considérable relativement au volume des parties (pl. 5, fig. 4, 2, 3, h, — 2,2,2,2, ee). Cet espace qui n'est pas vide est entièrement circonserit à l'intérieur par la double rangée de molécules ou cellules qui forment la zone moyenne. Les unes entourent le nucléus, les autres lapissent l’espèce de voûte qui s’est développée. DES DENTS ET DES MACHOIRES. 295 Les premières persistent, elles se développent et se transfor- ment jusqu'à ce que l'émail soit formé (pl. 5, fig. 3, 4, — 2). Les secondes, plus extérieures, disparaissent successivement à mesure que l'espace qu'elles limitent vient à s’agrandir ; dès qu’elles s’éteignent, elles sont remplacées par de nouvelles appa- rences; elles ne se sont pas évanouies, c’est la forme seule qui a changé (pl. 5, fig. 1, 2, 3, 4, — 2,9,9,9, e). Cette forme nouvelle est polygonale, elle se multiplie à mesure que la forme précédente se dissipe, l’une succède à l’autre; l’une croit tandis que l’autre décroît (pl. 5, fig. 4, — 2,2, ee). Cetensemble nouveau, dont les caractères peuvent être observés dans certaines dents jusqu'aux derniers moments de la vie fœtale, a été décrit et figuré sous le nom d’organe de l'émail. Il est formé de cellules ou molécules polygonales réunies les unes avec les autres par une série de prolongements nés aux angles des poly- gones (pl. 1, fig. 1, 2, 3, 4, e). Ces matériaux, no. dans un liquide transparent, visqueux et alcalin, servent sans aucun doute à la production de l'émail, mais ils ne la commencent pas; car les premières cellules de l’é- mail sont nées avant eux, déjà placées en rangées régulières sur toute la surface du nucléus (pl. 5, fig. 2, 3, — 2, e). La troisième zone du sphéroïde dentaire primitif circonserit la zone dont je viens d'étudier les changements. Dans les premiers moments de la vie elle n'est pas distincte d'avec les molécules de la partie génératrice. Celle disposition persiste longtemps (pl. 5, fig. 4, 2, 3,4). Lorsque celte zone devient distincte, elle ressemble régulière- mept à un amas de molécules qui entoure la zone moyenne (pl. 5, fig. 4, 2, 3, 4, — 3). Cette disposition persiste longtemps. Ce n’est qu'à une époque ultérieure, lorsque la formation des dents est déjà fort avancée, que de nouvelles apparences viennent donner une physionomie nouvelle à cette division, la plus excen- tique du sphéroïde primitif, C’est alors que les molécules dont elle est formée commencent à s’allonger, à se développer en fibres très délicates placées les unés à côté des autres, en nombre rare d'abord, mais de plus en 296 N. GUILLOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION plus multipliées, jusqu'à ce qu'elles aient constitué à chaque dent une enveloppe lente à croitre, formant le sac, dont on ne saisit les caractères qu’à une époque avancée de l’évolytion. Cette création du sac dentaire est, en réalité, due à la transfor- mation de la partie génératrice. Les molécules dont cette partie est composée deviennent fibres autour des organes dentaires pen- dant qu’elles changent également de caractère, soit au-dessous de la membrane muqueuse, soit dans l’intérieur des alvéoles et au- tour des os; de sorte que le développement du sac dentaire appar- tient à celte époque de la vie fœtale où s'opère la transformation de la gangue génératrice en une matière fibreuse. Dès que celte organisation du sac est achevée, et elle est tardive, la partie génératrice a pris un caractère nouveau, elle n’est plus représentée que par une enveloppe fibreuse au milieu de laquelle toutes les dents sont placées. Circonscrivant ainsi tous ces orga- nes, cette enveloppe tapisse en même temps par tous les points de sa superficie extérieure les murailles de chaque alvéole et en forme le périoste. Elle devient plus tard vasculaire. Dans les périodes les plus avancées de la vie intra-utérine, elle offre mieux encore les caractères propres au périoste. De quelque manière que l’on veuille examiner les détails pré- cédents, ils conduisent toujours à faire douter des théories adoptées au sujet de la genèse des dents ; ils permettent d'affirmer que les traces primordiales de ces organes dérivent de la gangue com- mune de laquelle sortent les os et le tissu fibreux. Ces mêmes détails démontrent, contrairement à l'opinion géné- rale, que la membrane muqueuse ne sert d'aucune manière à la formation des dents’, et que les germes de l’ivoire et de l'émail sont formés depuis longtemps dans la partie génératrice, avant que les apparences d’un sae soient distinctes. Le développement de ce sac est un des détails ultimes de la production des dents ; on n’en constate l'existence qu'au moment où ces organes, perdant la mollesse primitive qui les caractérisait, et pénétrés de calcaire, deviennent solides. Ce que je viens de décrire n’est pas uniquement applicable à la DES DENTS ET DES MACHOIRES. 297 genèse des dents temporaires, les mêmes détails peuvent être étu- diés à l’occasion du développement des dents permanentes, mais avec plus d'obseurités. De grands obstacles dus à la densité va- riable des tissus, à la disposition et à l’accroissement des os maxillaires, rendent à chaque instant l'étude très difficile. Les traces primitives de ces dents commencent à naître à des époques peu avancées de la vie embryonnaire, je les ai vues sur des fœtus humains âgés de trois mois (pl. 4, fig. 1,æ, æ x). Elles sont placées au milieu de la partie génératrice dans les mêmes conditions que les traces primitives des dents temporaires, offrant alors les mêmes apparences d’un nucléus entouré par deux ecuches super- posées de molécules ne possédant pas d’enveloppe fibreuse; en un mot, en tout semblables à ce que j'ai décrit précédemment. Les germes des dents permanentes conservent très longtemps une grande exiguité, même après la naissance : il est très difficile de les mettre à découvert, el il faut souvent être servi par le hasard pour en constater l'existence. Dérobés à la vue par la pe- titesse du volume qui leur est propre, ne s’accroissant qu'à des époques avancées de la vie, ils sont de plus masqués par la trans- formation de la partie génératrice au milieu de laquelle ils sont nés (pl. 4, fig. 1, æ,æ). Les traces primordiales de la troisième molaire humaine (première dent molaire permanente) n'offrent pas de grandes obscurités à l'observateur, et ne laissent aucun doute sur la réalité du mode d’origine. Les rapports primitifs des molécules formatrices de ces dents, la manière dont elles s’accroissent après s'être groupées, rappellent nettement ce que j'ai décrit. Les traces initiales des incisives permanentes apparaissent égale- ment au milieu de la partie génératrice, en arrière des sphéroïdes primordiaux des premières dents. On les y voit dès le cinquième mois fœtal. Vers la même époque, mais avec une telle difficulté que j'ai souvent conçu de grands doutes sur la réalité de mon observation, on parvient à distinguer les sphéroïdes des molaires de rempla- cement et des canines sur le côlé interne et postérieur des sacs 298 N. GUILLOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION dentaires des premières molaires et des canines déjà très déve- loppées, et à la mâchoire supérieure sur le côté externe et supé- rieur de ces mêmes dents. Après la naissance de l'enfant, on arrive à démontrer, non sans peine, l'état primitif et rudimentaire des deux dernières molaires en arrière (2°, 3° molaires permanentes), de la troisième molaire (1° molaire permanente). Autant le développement des sphéroïdes initiaux des premières dents est rapide, autant est lent l'accroissement des sphéroïdes destinés à produire la seconde dentition; ils restent longtemps stationnaires à l’état de rudiments. A mesure que le tissu fibreux est produit pour former les sacs dentaires, que la substance osseuse, s’agglomérant, constitue les murailles des mâchoires et les cloisons alvéolaires, les fibres et les os cernent les sphéroïdes dentaires et les circonscrivent. Pendant le temps où ces sphéroïdes se développent, recouverts même par la substance osseuse, quelques-uns d’entre eux semblent avoir élé produits au milieu d'elle, ils y sont nés en effet, mais avant que la transformation des molécules initiales de ces os ait été opérée. Les sphéroïdes initiaux des dents incisives, canines, et des deux grosses molaires, peuvent longtemps rester dans l'état primor- dial au milieu d’une cavité presque close. Le sac de ces dents se rattache alors au périoste par un filament fibreux, trace dernière de la partie génératrice qui traverse un conduit prolongé depuis l'intérieur de la cavité osseuse où la dent est placée jusqu’à la superficie de la mächoire. Près des dernières molaires, la production de l’os se fait au- dessous des sphéroïdes dentaires à la mâchoire inférieure, au-des- sus d'eux à la mâchoire supérieure (pl. 9, fig. 4, 2, 3, 4). Par la création de la substance osseuse, la place sur laquelle ces sphé- roïdes primordiaux devront s’accroitre et se transformer est fa- briquée pour chacun d’eux. Si ce développement préalable de l'os ne pouvait s’accomplir, ces dents ne trouveraient aucun espace qui leur permit d’apparaître avec régularité (pl. 9, fig. 1, 2, 3, 4). La production des os autour des sphéroïdes primordiaux des DES DENTS ET DES MACHOIRES. 299 dents de la seconde dentition a, pour premier résullat, la délimi- tation de la plupart de ces dents par une capsule extrêmement dure et compacte (pl. 9, fig. 4, 2, 3, 4); elles s’accroissent au milieu de cette capsule dont le périoste est formé par la superficie extérieure du sac dentaire: mais, pour que les dents puissent sortir des cavités où elles se sont développées, il faut que ces enveloppes osseuses disparaissent, au moins en partie, sans quoi les dents resteraient emprisonnées au milieu d'elles. Plusieurs mouvements moléculaires sont donc produits autour des dents en voie de formation, puisque les uns aceumulent la sub- stance osseuse autour d'elles, et que d’autres la font au contraire disparaitre. Ces mouvements opposés les uns aux autres indiquent qu’il y a dans l'évolution des dents autre chose à considérer que les dents elles-mêmes, et qu'il ne faut oublier aucun des changements opérés dans les os maxillaires pendant le long acte de la dentition. Je vais essayer de le faire comprendre. Développement des mâchoires autour des dents. Chacun des sphéroïdes dentaires semble être un centre autour duquel la substance osseuse s’accroil incessamment, jusqu'à ce qu’elle forme une capsule solide plus où moins complète, à l’in- térieur de laquelle le sac de chaque dent est placé. Cette capsule osseuse, largement ouverte au-dessus de la cou- ronne des dents temporaires et des dernières dents (3°, 4°, 5° mo- laires) (pl. 5, fig. 4, 2, 3, 4), est au contraire presque entièrement fermée pendant un certain temps au-dessus de la couronne des dents de remplacement ; alors un pertuis très étroit témoigne de l'extrême développement de la substance de l'os. Les dents de remplacement ne pourraient jamais sortir des capsules qui les renferment, si une partie de la muraille qui forme ces capsules ne disparaissait pour permettre l'émergence de la couronne. Cette résorption est également appréciable dans les capsules osseuses qui fixent les dents de la première dentition ; elle prépare 300 N. GUILLOT. —— GENÈSE ET ÉVOLUTION la chute de chacun de ces organes, en favorisant la sortie des dents de remplacement hors des capsules qui les contiennent ; elle prépare aussi la chute des dents temporaires. Cet effacement des alvéoles autour des dents équivaut, surtout lorsque l’on considère les alvéoles des premières dents, à la sup- pression d’une partie des mâchoires devenue inutile. Pendant que dans plusieurs régions les mâchoires décroissent et perdent la substance dont elles sont composées, en d’autres points elles s’accroissent, s'étendent et créent la place nécessaire aux dents qui grandissent. I y a donc une double série de mouvements moléculaires : par les uns, les os s’atrophient partiellement et disparaissent, les os s’accroissent au contraire par l’effet des autres. Ce double mouvement moléculaire est incessamment opéré dans toutes les régions où les phases de l’évolution des dents se suc- cèdent ; on en découvre les effets jusqu’à l’âge adulte. En raison de l’ordre parfait avec lequel il est opéré, les divers diamètres des os maxillaires changent constamment à l’une et à l'autre mâchoire, jusqu’au moment où les dimensions de la face sont arrêtées. A la mächoire supérieure, la portion de la goutlière maxillaire qui renferme les dents incisives est formée par les os incisifs ou intermaxillaires, rapprochés sur la ligne médiane, et joints, par les autres côtés, au corps des os maxillaires. Au moment de la naissance, ces petits os qui limitent la partie la plus antérieure du plancher des fosses nasales n’offrent plus que les traces de la séparation existant d’abord entre eux et les os maxillaires supérieurs. Ils constituent les alvéoles où les incisives des deux dentitions se développent (pl. 9, fig. 4, 2,3, 4, —1,2,1æ,2x). Les uns dé ces alvéoles s'élèvent dans la région antérieure, les autres s’ac- croissent au contraire dans la partie la plus reculée de ces os. Ils forment done des séries séparées par une cloison osseuse à peu près transversale. Au moment de la naissance, la série des alvéoles antérieurs est plus étendue que la série postérieure, où les germes dentaires DES DENTS ET DES MACHOIRES. 301 sont peu développés. Le contraire existe à la fin de la première dentition. La cloison qui sépare ces deux séries d’alvéoles au moment de la naissance est fort mince; elle se développe à mesure que l’en- fant grandit, et vers la fin de la première année elle a acquis une épaisseur d’un millimètre Elle devient en même temps de plus en plus dense, compacte, et prend la dureté de l’ivoire autour de la cavité des alvéoles agrandis. Il y a donc là le témoignage de l'accroissement incessant de la substance osseuse, tandis que le décroissement des cloisons alvéo- laires antérieures destinées à la première dentition, est de plus en plus manifeste. Quelques détails analogues peuvent êlre aperçus à la mâchoire inférieure. Au moment de la naissance, les germes des incisives de la deuxième dentition sont à peine séparés des incisives de la première dentition par une très mince et très friable cloison. A mesure que la vie s’avance, cette cloison devient épaisse et produit à la mâchoire inférieure une disposition qui rappelle la double série d'alvéoles de los incisif à la mâchoire supérieure (pl. 9, fig. 7, 1,92, 1æ, 2). Cette cloison, devenue complète, entoure les germes des inci- sives de la seconde dentition par une épaisseur d’un millimètre, formant une capsule éburnée dont la dureté est grande (pl. 9, fig. 7, A, 2). La cavité que limite cette capsule, autour de l’incisive interne, est plus élevée que la cavité où est placée l’incisive externe; cette dernière est située dans un plan supérieur à une cavité analogue (pl. 9, fig. 7, 1x, 2x, 3x), renfermant le germe de la canine de la seconde dentition. On doit faire attention aux épaisseurs suivantes qui séparent la partie supérieure de chacune de ces capsules osseuses d'avec le plan le plus superficiel des alvéoles. A l’âge de quinze mois, de la partie supérieure de la capsule où se développe l’incisive centrale (2° D.), jusqu'à la marge des alvéoles, la distance est de 2 mil- limètres. De la partie supérieure de la capsule de l’incisive externe 302 N. GUILLOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION (2° D.) jusqu’à la marge des alvéoles, la distance est de 4 milli- mètres. La solidité de ces enveloppes osseuses s’accroit à mesure que les dents de la seconde dentition grandissent, jusqu'à un certain moment voisin du terme de la première dentition. Pendant que les phénomènes de cet accroissement se succèdent, les capsules osseuses qui renferment les dents incisives de la pre- mière dentition cessent de s’accroître; elles décroissent au con- traire et s’effacent vers la sixième année: l'os est ainsi partielle- ment détruit à l'époque de la chute des premières dents. Aulour des dents canines des deux dentitions les mouvements de la substance osseuse paraissent subir les mêmes impulsions. Les mêmes murailles osseuses qui entourent les dents canines sont d’abord minces et fragiles, elles deviennent de plus en plus compactes et résistantes. Plus l’âge avance, plus la capsule osseuse de chacune de ces dents est épaisse et solide, plus la consistance qu’elle possède est éburnée. A six ans, les secondes canines sont ainsi fixées par une enveloppe d'une dureté surprenante. Les dimensions de la cavité que ces capsules limitent sont in- cessamment acerues, et la hauteur de la face s'élève pendant que les alvéoles des canines de la première dentition perdent l’épais- seur qu'ils avaient acquise et ne peuvent plus maintenir l'organe qu'ils fixaient auparavant. Si une partie de la circonférence des capsules osseuses des cani- nes de remplacement n'était pas alors résorbée, les dents ne trou- veraient aucune ouverture assez large pour qu'elles pussent apparaître au dehors (pl. 5, fig. 1, 2, 3, 4, — 3). En même temps que les cloisons et les alvéoles des incisives et canines temporaires disparaissent, que les cloisons et lesalvéoles des incisives el canines permanentes gagnent en solidité et en hau- teur, les os maxillaires eroissent, en bas, depuis le bord interne de la mâchoire inférieure jusqu’au bord des capsules qui renfer- ment les dents de Ja seconde dentition; en haut, depuis la cloison des fosses nasales jusqu'à la partie externe du sinus maxillaire, ce qui donne une nouvelle ampleur aux dimensions générales de la face. DES DENTS ET DES MACHOIRES. 305 Lesmesures suivantes expriment l’aceroissement des portions au milieu desquelles des dents canines sont placées. L'épaisseur de la partie osseuse de la face où ces dents sont situées, mesurée depuis le bord alvéolaire jusqu’au plancher de l'orbite, est, à huit mois, de 8 millimètres; à six ans, de 20 millimètres (pl. 5, fig. 4,2,3,4,5). Le développement du sinus maxillaire, la longueur des dents sorties, le degré d’écartement qu’elles produisent entre chacun des os des mächoires supérieures et inférieures, égal à 16 millimètres, augmente encore ces dimensions croissantes. La substance osseuse produite autour des sphéroïdes initiaux des dents molaires permanentes (4*°, 2° molaires permanentes) em pêche pendant fort longtemps de les apercevoir ; vers la seconde année de la vie, il n’est pas encore très facile de les mettre à découvert. A la mâchoire inférieure, la muraille interne de l’os maxillaire les entoure étroitement ; elle ne laisse au-dessus d’eux qu'un per- tuis perméable ouvert sur le bord de cette même muraille, par lequel passe un filament fibreux nommé gubernaculum. Pour moi, ce gubernaculum est le dernier vestige de l'organe générateur. Ce filament fibreux se confond avec la substance homæomorphe du périoste des mächoires. Les capsules osseuses placées autour du sac fibreux de chaque molaire subissent les mêmes phases que l’on remarque autour des dents incisives. Elles sont d’abord minces, elles épaississent progressivement : la surface la plus voisine du sac de chaque dent acquiert une con- sistance éburnée, tandis qu’en dehors d’elle l'os, quoique fort dur encore, prend l'apparence spongieuse. Au moment de la vie où l'accroissement et la densité de ces capsules osseuses sont aussi grands que possible, c’est-à-dire vers la seplième année, la muraille externe de l’os maxillaire inférieur et les cloisons des dents molaires de la première dentition décrois- sent : lorsque ces parties disparaissent, le développement de la muraille interne de l'os maxillaire où les capsules osseuses des dents de la seconde dentition sont placées s’accroit proportion- nellement. 304 N. GUILLOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION Ce n’est qu'au moment de la sortie de ces dents que la portion de la capsule qui recouvre la couronne est résorbée pour en per- mettre le passage (pl. 9, fig. 1, 2, 3, 4). Toutes ces variations sont accusées, depuis la naissance jusqu'à l’âge de la puberté, par les inégalités de la hauteur et de l'épaisseur des murailles de la mâchoire inférieure et du corps de l'os qui leur sert de base. : A la mâchoire supérieure, la substance osseuse qui doit consli- tuer les capsules osseuses des molaires permanentes est déposée dans l'intervalle placé entre le fond des alvéoles de la première dentition et le plancher de l'orbite (pl. 9, fig. 1œ, 2x, 3x, 4æ). Les dimensions de la mâchoire augmentent de cette manière. Cet accroissement de la substance osseuse est très lent, ce n’est guère que vers la deuxième année que l’on commence à en voir le progrès. Il est difficile de l’apprécier tant que la hauteur de l'os maxillaire supérieur, mesurée depuis le bord alvéolaire jusqu’au plancher de l’orbile, n’est pas supérieure à 10 millimètres. Les sphéroïdes dentaires sont alors rudimentaires et stationnaires. Plus tard, la substance osseuse entoure de plus en plus ces sphéroïdes, et forme autour d’eux une capsule osseuse très dure qui les circonscrit et les enferme. Les dimensions de chacune de ces capsules augmentant en même temps que les dents molaires qu’elles renferment s’accroissent , la hauteur de l'os maxillaire se développe proportionnellement (pl. 9, fig. 1x, 2x, 3æ, Lx, 5æ). Les mesures suivantes peuvent donner une idée de ces change- ments. La hauteur de l'intervalle existant entre le plancher de l'orbite et le bord alvéolaire au niveau de ces dents molaires est : à dix- huit mois, de 48 millimètres ; à deux ans, de 23 millimètres ; à six ans, au moment où les couronnes des molaires sont formées, elle est de 31 millimètres. Tout cet accroissement est dü au développe- ment des capsules osseuses de la seconde dentition (pl. 9, fig. 1x, 2x, 3æ, Lx, 5%). Alors commence la résorption de la substance osseuse des eloi- sons qui fxentles premières dents; en même temps, ou à peu près, la partie des capsules osseuses située entre là couronne des dents DES DENTS ET DES MACHOIRES. 905 permanentes et le fond des alvéoles des dents temporaires qui doivent tomber, est résorbée pour permettre le passage des organes dont l'émergence est prochaine (pl. 9, fig. 4, 2, 5, 4, 5). J'ai cherché à faire comprendre que l'accroissement de la hau- teur de la face est en grande partie dù à la production de la matière osseuse destinée à former la capsule des dents de remplacement. Cet accroissement est encore augmenté par les dimensions inces- samment agrandies du sinus maxillaire. Je n’en parle que pour mémoire. Jusqu'ici je ne me suis occupé que de la production de la sub- stance osseuse autour des cinq dents, destinées à occuper de chaque côté la place des cinq dents caduques. Le diamètre antéro-postérieur de la région de chaque mâchoire destinée à porter ces dents ne change jamais ou ne varie que très peu. On a très bien précisé cette particularité, nettement observée par un dentiste habile, M. Oudet. Au delà et en arrière de ces dents, il en doit encore apparaitre trois autres ; celles-ci ne peuvent se développer sans que la sub- stance osseuse des mâchoires ne leur ait fourni la place où elles doivent grandir. La formation des os autour de ces dents est donc également intéressante à connaitre. L'os de la mâchoire inférieure est assez-grand au moment de la naissance pour que la troisième molaire (1'° molaire perma- nente) ait pu déjà subir un certain degré d’accroissement. Le sac qui la renferme est placé près de la base de l'apophyse coronoïde touchant à une ligne verticale fictive que l’on prolongerait depuis le sommet de l’apophyse coronoïde jusqu'au bord antérieur du canal dentaire (pl. 9, fig. 4,9, 3, 4, 5). Huit mois après, il est séparé de la même ligne fictive par une distance qui s'accroît incessamment. Cette distance, nulle à la naissance, est à huit mois de 6 milli- mètres, à deux ans de 44 millimètres, à six ans elle est égale à 20 millimètres (pl. 9, fig. 4, 2,3, 4, 5). A la mâchoire supérieure, si l’on prolonge une ligne droite parallèle au plan de l'orbite, coupant en travers l’orifice supérieur du canal sphéno-palalin, il sera facile de voir qu’au moment de la %° série. Zoou, T, IX. (Cahier n° 5.) 4 20 306 N. GUILLOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION naissance le sac de la troisième molaire (1* molaire permanente) est élevé en partie au-dessus de cet orifice. Plus tard, cette dent s’avancera et descendra de plus en plus, à mesure que l’os sera formé, s'éloignant ainsi de l’orifice postérieur du canal sphéno- palatin. Cette distance, nulle à la naissance, sera de 2 millimètres à l’âge de deux ans, à six ans elle équivaudra à 44 millimètres, à vingt-deux ans elle sera égale à 32 millimètres (pl. 9, fig. 4, 2,3, L,5). Tant que la production de la substance osseuse n'aura pas dé- placé ces dents en les éloignant du point oùelles restent longlemps à l’état rudimentaire, les sphéroïdes des deux dernières molaires, n'ayant aucune place qui leur permette de s’accroitre, resteront stationnaires et la découverte en sera très difficile. Lorsque l’os à donné un espace suffisant entre la troisième molaire et l’orifice postérieur du canal sphéno-palatin, la quatrième molaire grandit proportionnellement à la surface de l'aire que la nature lui a préparée. Dès que cette aire est suffisamment étendue, et que, vers la quatrième année, un intervalle de 15 millimètres a séparé Ja troisième molaire de l’orifice postérieur du canal sphéno-palatin, une capsule osseuse très mince est produite autour de la dent naissante. Cette capsule s'accroît de plus en plus à mesure que la dent s'éloigne de l’orifice du canal sphéno-palalin, et qu’en prenant du volume, elle est dirigée vers la place définitive qu’elle occupera. A la naissance, la distance qui sépare la quatrième molaire de l'orifice supérieur du canal sphéno-palatin est nulle; à six ans, elle est de 30 millimètres; à l’âge adulte, elle est égale à 44 milli- mètres. L'aceroissement de la mâchoire inférieure, en arrière de a troisième molaire, produit un effet analogue. Au moment de Ja naissance, le sphéroïde rudimentaire de la quatrième molaire est entouré par une capsule osseuse au milieu de laquelle il est caché, Le sac qui le contient communique à l'extérieur par un petit pertuis DES DENTS ET DES MACHOIRES. 307 par où passe un filament fibreux qui va se perdre dans le périoste. C’est le resle de la partie génératrice. Cette petite capsule est placée à 2 millimètres au-dessus du lieu d'insertion du ligament sphéno-maxillaire. Huit mois après la naissance, elle est encore peu développée, on ne la voit nettement qu'après la seconde année; ses dimensions augmentent dès ce moment. Pour en bien constater l'existence, il faut que, par suite de l’accroissement de la mâchoire, la troisième molaire ait déjà pro- gressé en avant. Ce n'est que vers la quatrième année, et mieux encore vers la sixième, que l'os est assez étendu pour laisser toute liberté à la croissance de la dent (4° molaire). Le sac qui la renferme est alors éloigné de 2 millimètres de Ja ligne verticale passant par le som- mel de l’épine sphéno-maxillaire, tandis que la troisième molaire en est séparée par une distance de 20 millimètres. A mesure que l’âge s’avance, la capsule osseuse qui entoure le germe de celte dent s’accroit autour de lui, devient épaisse, très dure et la circonscrit dans une cavité, ne laissant qu’un petit ori- fice par lequel la dent ne pourrait sortir. Elle n’en sortira, en effet, que lorsqu'une portion de cette capsule osseuse aura subi les effets du mouvement général de résorption propre à toutes les capsules osseuses au milieu desquelles les dents terminent leur accroisse- ment, Il est presque impossible d'indiquer l’époque où l'on commence à découvrir les premières (races de la capsule osseuse où la cin- quième molaire doit se développer ; chez quelques individus on commence à les apercevoir vers la sixième année, chez d’autres on n’en constate l’existence que vers l’âge de vingt ans. Lorsqu'on les voit à la mâchoire inférieure, il faut que l’inter- valle qui sépare la quatrième molaire de l’épine sphéno-maxillaire soit devenu supérieur à 20 millimètres. Ordinairement il est de 39 millimètres lorsqu'il est possible de constater l'existence de cette cinquième molaire. La capsule osseuse qui l'entoure est alors rudimentaire. Le développement de cette capsule osseuse reproduit ce que j'ai 308 N. GUILLOT. -— GENÈSE ET ÉVOLUTION décrit à l’occasion des troisième et quatrième molaires. On voit toujours autour du sphéroïde dentaire primitif une enveloppe osseuse très dure, limitant une cavité où le germe de la dent se trouve inclus. Cette cavité, d’abord éloignée de la membrane muqueuse, s’en rapproche à mesure que les mâchoires et que la bouche s’agran- dissent. A la mâchoire supérieure, tant que la quatrième molaire né sera pas éloignée de l'orifice supérieur du canal sphéno-palatin de plus de 24 millimètres, la cinquième molaire n'apparaîtra pas encore ; en effet, la partie de la tubérosité maxillaire placée en arrière et au-dessus de la quatrième molaire n'est pas encore suffisamment étendue , pour permettre le développement d’une dent sur la courbe limitant la mâchoire supérieure en haut et en arrière. Vers la seizième ou dix-septième année, la capsule osseuse de la cinquième molaire commence à se former, et au milieu d'elle on voit le germe de celte dernière dent. Ces parties sont ordinai- rement placées à 22 millimètres de l'orifice supérieur du canal palatin postérieur. À mesure que cette capsule osseuse se déve- loppe, la mâchoire s'étend aussi, et la dent, continuellement éloignée du lieu que lon peut considérer comme un point de départ, suit une courbe qui lui fait dépasser la même ligne pré- cédemment dépassée par les dents précédentes. Le trajet que parcourt ainsi cette dernière dent la place, au mo- ment où elle émerge dans la bouche, à une distance de 25 milli- mètres de l'orifice supérieur du canal sphéno-palatin, et à une distance de 35 millimètres, si l’on comprend dans la mesure la hauteur de la couronne qui dépasse l’alvéole. L'ensemble et le détail de ces différents mouvements démontrent bien l'influence du développement des os de la face sur l’évolution des dents. Je serais heureux si ces recherches, quoique limitées aux mâ- choires et aux dents, pouvaient également servir à l'étude du développement des tissus. es DES DENTS ET DES MACHOIRES. 309 En regardant le périoste comme l'organe générateur des os. les glandes comme des prolongements nés de la peau ou des mem- branes muqueuses, on à été conduit à considérer la membrane muqueuse de la bouche comme l'organe producteur de la dent et du sac qui doit l’envelopper. Les détails sur lesquels je me suis arrêté contredisent ces opi- nions, et m'ont conduit à regarder comme justes les propositions suivantes qui, je l'espère, peuvent supporter l'examen des obser- valeurs. 1e La malière primordiale d'où sortent les différents tissus constitue, dans l'embryon, un ensemble de toutes les molécules d’abord semblables entre elles, changeant de forme en s’acerois- sant. 2% Pendant la durée de cet accroissement, un tissu n’est pas créé pour en engendrer un autre, il ne se fait pas une peau pour engendrer des poils, un périoste pour former un os, une membrane muqueuse pour produire une dent ou un sac dentaire. 3° La forme de chacune des molécules primordiales représente l'âge le moins avancé des molécules qui offriront plus tard de nouvelles apparences temporaires ou durables. 4° Tousles détails des tissus du corps sortent de la même source, non simultanément, mais successivement; uniformes au point de départ, les caractères qui les font reconnaître varient à mesure que les phases du développement se succèdent jusqu’à ce que l’on découvre le galbe précis que chacune des molécules des organes doit revêtir avec les progrès de la vie. 5° Les différents points de cette matière primordiale représen- tent des espèces de foyers de création : dans les uns naissent les os, dans les autres naissent les tissus complexes de la peau ou de la membrane muqueuse. J'ai désigné sous le nom de partie géné- ratrice des dents ou d’odontogène l’ensemble de cette matière primordiale où les dents apparaissent. Ge Cette partie génératrice subit une série de phases croissantes el décroissantes pendant la durée de l’évolution des dents, les formes de la matière dont elle est composée variant à chacune de ces phases. Elle représente un organe générateur dans les 310 N. GUILEOT, — GENÈSE ET ÉVOLUTION premiers temps de la vie embryonnaire, plus tard elle a le caractère d’un organe protecteur ; comme elle disparaît au moment de la sortie des dents, on peut la regarder comme étant un organe temporaire. 7° L'étude de celte partie démontre que la membrane mu- queuse n’enfre pour rien dans la formation de la dent ou du sac dentaire. 8 D’après le thème ordinaire, membrane muqueuse, dents, périoste, os des mâchoires, naissent successivement. Dans la réalité, les sphéroïdes dentaires paraissent les premiers (brebis), les os naissent après eux ; la membrane muqueuse et le périoste appar- tiennent à une création consécutive : les os des mâchoires s’accroissent autour des dents, les enveloppent de plus en plus, de sorte que plusieurs dents ne semblent nées au milieu de ces os que parce qu’elles ont été enveloppées par ces mêmes os créés après elles ; pour leur laisser passage, ces os disparaissent en partie et très régulièrement dans les périodes plus avancées de la vie. C’est ainsi que se termine l’évolution des dents à l’époque de chacune des deux dentitions, EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 9. Fig. 1,2, 3, 4. Sphéroïdes initiaux de dents incisives d'embryons de mou- ton âgés de quinze jours à un mois, offrant les degrés successifs du dévelop- pement. Sur chacune de ces figures les n° 1, 2, 3 représentent : 4, le nucléus central du sphéroïde initial de la dent; 2, la zone moyenne du sphéroïde divisée en deux parties, l’une intérieure, l’autre extérieure ; 3, la zone superficielle du même sphéroïde. Fig. 4. Sphéroïde initial d'une dent incisive d'un embryon de mouton âgé de quinze jours à trois semaines. On y distingue le premier état de chacune des zones du sphéroïde, 4, nucléus central du sphéroïde initial de la dent. 2, zone moyenne entourant le nueléus et dont les deux divisions intérieure et exté- rieure sont encore rapprochées. 3, zone superficielle du sphéroïde initial où se formera le sac dentaire. a, partie génératrice de la dent dont les molécules se transformeront ultérieurement en fibres pour créer le périoste. DES DENTS ET DES MACHOIRES. 311 Fig. 2. Sphéroïde initial d'une incisive d'embryon de mouton un peu plus âgé que le précédent. 4, nacléus central du sphéroïde initial de la dent. 2, zone moyenne qui entoure le nucléus; les deux divisions de cette zone commencent à être distinctes : l'une est interne, l'autre est externe, 3, zone superficielle du sphéroïde initial où se formeront les fibres du sac dentaire par la trans- formation de chacune des molécules. a, partie génératrice du sphéroïde initial de la dent. Fig. 3. Développement plus avancé d'un sphéroïde dentaire appartenant à un embryon de mouton. 4, nucléus central du sphéroïde dentaire où se formeront les tubes de l'ivoire et la racine de la dent. 2, zone moyenne avec ses deux divisions ; l'émail sera produit par la transformation des molécules de la divi- sion intérieure. La division extérieure commence à s'écarter de la précédente en se transformant en corpuscules polyédriques. Ces corpuscules occupent l'espace situé entre les deux divisions de la zone moyenne. 3, zone superfi- cielle qui entoure le sphéroïde initial. Quelques fibres rares, résultant de la transformation des molécules de cette zone, indiquent déjà le sac dentaire. a, partie génératrice du sphéroïde initial. Fig. 4. Sphéroïde initial d'une incisive du même animal un peu plus âgé. 4, nu- cléus central du sphéroïde initial contenant déjà de rares tubes d'ivoire. 2, zone moyenne dont la division intérieure s'est transformée eu émail encore mou, tandis que la division extérieure s'est écartée d'elle en s'amoindrissant, et que les molécules de cette dernière se sont transformées en corpuscules polyédriques occupant l'intervalle produit entre les deux divisions. 3, zone extérieure du sphéroïde initial : quelques-unes des molécules de cette zone, déja allongées en fibres, indiquent les premières traces du sac futur de la dent. a, partie génératrice du sphéroïde initial où se formeront les os et le périoste. PLANCHE 6. Les dimensions réelles sont indiquées par un trait. Fig. 4. Représente le plan produit par une section verticale et transversale de la mâchoire inférieure d’un embryon de mouton âgé de trois semaines, prati- quée au niveau de la région des dents incisives. b— surface de la bouche; des cellules agglomérées représentent seules la membrane muqueuse. P, sur- face de la peau au milieu de laquelle on distingue les rudiments des poils; aucune trace de nerfs, de muscles ou de vaisseaux n'existe encore, on ne voit que les traces initiales des dents et des poils. a— partie généra- trice des sphéroïdes initiaux des dents ainsi que des os des mâchoires et du périosle. s, symphyse du menton. o— premiers linéaments des os formés avant qu'il y ait la moindre trace du périoste. Les goultières maxillaires ne sont pas encore constituées, æ— sphéroïdes initiaux de deux incisives. 312 N. GUILLOT. — GENÈSE ET ÉVOLUTION Fig. 2. Plan résultant d'une section verticale antéro-postérieure du côté de la mâchoire inférieure d'un embryon de mouton âgé d'environ trois semaines. b— surface de la bouche indiquée par des cellules épithéliales. p— épais- seur de la peau avec les rudiments des poils. Nulle trace de nerfs, de vais- seaux, de muscles n'apparaît encore. 0,0— os des mâchoïres commençant à naître sans qu'il existe la moindre apparence du tissu fibreux du périoste. a, partie génératrice des sphéroïdes initiaux des dents. æ—sphéroïdes initiaux de dents incisives empâlés au milieu de la partie génératrice et n'ayant aucun rapport avec la surface de la bouche. PLANCHE 7. Fig. 4. Plan résultant d'une section verticale pratiquée de droite à gauche sur une mâchoire inférieure d'embryon de brebis âgé de quatre semaines. b— surface de la bouche. p—tégument externe où l'on voit les traces des poils naissants, s— symphyse du menton. o00— os naissants autour de la partie génératrice des sphéroïdes initiaux des dents et commençant à créer les gouttières alvéo- laires. aa— partie génératrice des sphéroïdes initiaux des dents. æ,æ, sphé- roïdes initiaux de quatre incisives empâtés dans la partie génératrice. Il n'existe encore aucune trace de vaisseaux, de nerfs, etc.; quelques rares fibres apparaissent seules, les sacs dentaires ne sont pas encore produits. Fig. 2. Plan résultant d'une section antéro-postérieure d'un côté de la mâchoire inférieure d'un embryon de brebis âgé de quatre semaines. b— surface de la bouche avec la lévre inférieure. p— tégument externe concourant à former la lèvre ; la séparation brusque de la peau et de la surface qui sera la mem- brane muqueuse est très remarquable ; la peau contient les traces des poils. 00— os déja formés en partie autour de la partie génératrice et commen- gant à entourer le sphéroïde initial de la dent incisive. aa— partie géné- ratrice des sphéroïdes initiaux des dents, levée jusqu’à la surface de la bouche au-dessous de la membrane muqueuse. x— sphéroïde initial d'une incisive empäté dans la partie génératrice et ne possédant encore aucune appa- rence du sac. Nulle trace de vaisseaux, de nerfs, de fibres, n'existe encore. PLANCHE 8. Plan résultant d'une section verticale pratiquée dans la mâchoire inférieure d'un embryon humain de trois mois, sur lequel on peut voir à la fois une incisive de la première dentition dont la formation est très avancée et le sphéroïde ini- tal de l'incisive de la seconde dentition qui doit remplacer la première. a, partie génératrice au milieu de laquelle les sphéroïdes initiaux des deux dents ont pris naissance. æ, dent incisive de la première dentition dont le sac com- DES DENTS ET DES MACHOIRES. 313 mence à être formé par la transformation des molécules de la zone superficielle du sphéroïde. L'émail de cette dent est produit, ainsi que les tubes de l'ivoire. ææ— sphéroïde initial d'une incisive de la seconde dentition avec son nucléus et les zones qui l'entourent. La dent la plus avancée et la dent rudimentaire sont l'une et l'autre empâtées dans la partie génératrice. Nul sac dentaire n'est, encore apparent. 00o— os de la mâchoire inférieure commençant à être créés par la transformation de la partie génératrice, avant que les fibres du périoste soient visibles. Fig. 2. Plan résultant d'une section verticale antéro-postérieure d’une branche de la mâchoire inférieure d'un embryon de brebis âgé de six semaines, pré- paré pour montrer le développement des sphéroïdes initiaux des dents mo- laires et de la mâchoire inférieure. b, superficie de la bouche uniquement composée de cellules épithéliales. p, tégument externe avec les indices pre- miers des poils. a— partie génératrice élevée jusqu’au-dessous de la membrane muqueuse. 0 o— os déjà créés, se développant sans être précédés par un pé- rioste. æ,2— sphéroïdes dentaires de deux molaires. La forme du nucléus est moins simple que la forme du nucléus des sphéroïdes des incisives. La forme de la zone interne est également moins simple.Les molécules de la zone exté- rieure commencent à se transformer en tissus fibreux. PLANCHE 9, Les figures que renferme celte planche sont destinées à faire comprendre les divers mouvements que le développement croissant des os des mâchoires im- prime aux dents pendant les périodes les plus avancées de l'évolution de ces organes. Fig. 1. Représente le plan d'une section verticale pratiquée dans l'épaisseur de la mâchoire supérieure d'un enfant de douze mois. 1, 2, 3, 4, #, dentstem- poraires environnées de leurs cloisons osseuses, lesquelles cloisons seront résor- bées et disparaîtront à mesure que les cloisons osseuses des dents permanentes et que l'épaisseur dela membrane supérieure s’accroîtront. 3x, troisième dent permanente (canine) enveloppée par une coque osseuse encore très mince et très voisine du plancher de l'orbite. 6x— troisième molaire enveloppée de la coque osseuse et placée au-dessus de l'orifice postérieur du canal sphéno- palatin. &,æ, un âge moins avancé. Cette dent est située dans une région encore plus élevée, au-dessus de l'orifice postérieur du canal sphéno-palatin. Fig. 2. Plan d'une section verticale de la mâchoire supérieure d'un enfant âgé de dix-huit mois. L'épaisseur de la mâchoire s’est accrue, la troisième molaire ne s'est pas encore éloignée de l'orifice supérieur et postérieur du canal Sphéno-palatin. 4,2, 3, 4, 5, dents temporaires séparées par les cloisons osseuses. 3x, troisième dent permanente (canine), un peu plus éloignée du all N. GUILLOT. — GENÈSE ET ÉVOLUTION plan inférieur de l'orbite par suite de l'accroissement des os. 6, troisième molaire dont le côté antérieur est déjà éloigné du plan de l'orifice supérieur et postérieur du canal sphéno-palatin. æ, æ, orifice supérieur et postérieur du canal sphéno-palatin. Fig. 3. Plan d'une section verticale de la mâchoire d'un enfant âgé de deux ans et demi. L'épaisseur de la mâchoire s'est accrue; la troisième molaire est descendue au-dessous du plan de l'orifice supérieur et postérieur du canal sphéno-palatin. 4, 2, 3, 4, 5, dents temporaires dont les cloisons se sont en partie amincies, 3æ, 4x, 6æ, troisième (canine), quatrième (17° molaire) et sixième dents permanentes (3° molaire), entourées de leur capsule osseuse. 3x, troisième dent permanente (canine) éloignée du plan inférieur de l'orbite par suite de l'accroissement des os. 4 æ, première molaire permanente entourée de sa capsule osseuse et se développant à mesure que l'épaisseur de l'os maxil- laire augmente. 6, troisième molaire conduite au-dessous du plan de l'orifice supérieur et postérieur du canal sphéno-palatin par l'effet du développement de l'os maxillaire. æ, æ, orifice supérieur et postérieur du canal sphéno-palatin. Fig. 4. Plan d'une section verticale de la mâchoire supérieure d'un enfant âgé de six ans. L'épaisseur de la mâchoire est augmentée, les sinus se sont large- ment ouverts ; la tubérosité maxillaire a acquis assez d’ampleur pour permettre le développement de la quatrième dent molaire. 4, 2, 3, 4, 5, dents tempo- raires dont les cloisons ont en partie disparu ; les racines de ces dents dispa- raitront ensuite. 2 æ, incisive externe permanente. 3 æ, troisième dent perma- nente (canine) éloignée du plan de l'orbite par suite de l'accroissement de la substance osseuse, mais encore entourée d’une capsule osseuse très solide. 4 æ, première molaire permanente entouréede sa capsule osseuse qui s'est amin- cie et a disparu autour de la couronne de la dent, qui touche alors à la dent temporaire. 5 æ, seconde molaire permanente entourée de sa capsule osseuse dont la partie inférieure et externe a déjà été résorbée. 6 x, troisième molaire éloignée du plan de l'orifice supérieur et postérieur du canal sphéno-palatin, séparée de cet orifice par la quatrième molaire. 7x, quatrième molaire entourée de sa capsule osseuse dont un des côtés touche à l'orifice postérieur du canal sphéno-palatin. æ, æ, orifice supérieur et postérieur du canal sphéno-palatin. Fig. 5. Plan vertical d’une section de la mâchoire supérieure d'un adulte. La dernière molaire dépasse l'orifice antérieur du canal sphéno-palalin et est très éloignée de l'orifice supérieur et postérieur de ce canal, æ, æ, orifice supérieur et postérieur du canal sphéno-palatin. æ, «, æ, orifice inférieur du canal sphéno-palatin. Fig. 6. Portion de mâchoire supérieure d'un enfant de l'âge de six ans, destinée à montrer les orifices de la capsule osseuse des dents incisives permanentes, les portions des os maxillaires qui doivent disparaître, el une partie de celles qui se développeront pendant la durée de l'évolution des dents. 1, 2, 3, 4, 5, DES DENTS ET DES MACHOIRES. 315 portion des alvéoles qui doivent être résorbés pour permettre la chute des dents temporaires. 4 x, 2x, 3x, 4æ,5æ, portion des alvéoles formant une partie de la capsule des dents permanentes destinée à s’accroître pendant le développement de ces dents. Fig. 7. Segment de la mâchoire inférieure d'un enfant de quatorze mois, des- tiné à montrer les capsules osseuses des dents incisives et canines permanentes, ainsi que la partie des mâchoïres qui doit être résorbée, tandis que les capsules osseuses s'agrandissent. 4, 2, #4, dents incisives et canine temporaire. Le bord antérieur des alvéoles de ces dents doit disparaître. 1x, 2æ, 3x, capsules osseuses très denses des incisives et canines permanentes. Toute la partie de ces capsules voisine des biseaux des dents doit être résorbée, tandis que toutes les parois de ces mêmes capsules situées plus profondément dans l'épaisseur de l'os et autour de la racine doivent s’accroître, s'épaissir, et amener chaque dent à la place qu’elle doit occuper au moment où elle émerge. PUBLICATIONS NOUVELLES. Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l’homme et des animaux, par M. Mizxe Enwanrps, t. IV, 1°° partie. Dans cette nouvelle livraison, l’auteur termine l'histoire de la circulation, et consacre une série d'articles à l'étude des mouvements du cœur, des diverses questions qui se rapportent à la théorie hydraulique de la circulation, des pro- priétés des différents ordres de vaisseaux sanguins, et des phénomènes qui s'ob- servent soit dans chacune des grandes sections du cercle vasculaire, soit dans l'ensemble du travail irrigatoire. Des appareils électriques des Poissons électriques, par M. Joserr (de Lamballe). In-8, Paris, 1858. Cette publication est accompagnée d'un atlas de onze planches in-folio repré- sentant l'appareil électrique chez les Torpilles, les Malaptérures et les Gymnotes. D'après l'auteur, cet appareil ne consisterait pas, chez les Malaptérures, dans les couches membraniformes décrites par ses prédécesseurs, mais dans un tissu par- ticulier situé entre la peau et l'aponévrose sous-cutanée des flancs. Études sur l'absence congénitale du testicule, par M.É. GovarD. In-4, 1858, avec planches. Dans cette thèse soutenue devant la Faculté de médecine, l'auteur rapporte d'abord les faits d'absence congénitale de l’un des testicules constatés soit par ses prédécesseurs, soit par lui-même; puis il traite des cas d'anorchidie congé- nitale complète. Verhandelingen van het Bataviaasch Genootschap. — Mémoires de la Société des sciences et des arts de Batavia, t. XXNI, 1857. Dans ce volume, dont une partie est consacrée à divers écrits sur la langue et l'histoire des peuples malaisiens, M. Bleeker a continué ses importantes publi- cations sur la zoologie maritime de la région indo-japonaise : on y trouve un mé- moire de ce savant sur les Poissons de la famille des Sphyrænoïdes, et un tra- vail très étendu sur l'ichthyologie japonaise. On the Anatomy of the great Anteater. — Sur l'anatomie du grand Fourmilier (Myrmecophaga jubata, Lin.), par M. Owen. Dans un Mémoire dont nous avons annoncé précédemment la publication, M. Owen a fait connaître avec beaucoup de détails la disposition de l'appareil salivaire et la structure de la langue du Fourmilier; dans la deuxième partie de ce travail, qui doit faire partie du quatrième volume des Transactions de la Société zoologique de Londres, l'auteur décrit l'estomac de ce singulier Mammi- fère, et y signale l'existence d'une partie très musculaire qui a la plus grande analogie avec le gésier des oiseaux. OBSERVATIONS sur DEUX NOUVELLES ESPÈCES DE MAMMIFÈRES FOSSILES TROUVÉES DANS L'UOLITE DE PURBECK ET APPARTENANT AU GENRE PLAGIAULAX, Par M. FALCONER. EXTRAIT (1). En 1854, M. W. Brodie trouva à Durdlestone-Bay (Purbeck), dans une couche de l’oolite supérieure, connue sous le nom de dirt-beds, des débris d’un petit Mammifère insectivore, que M. Owen rapporta, avec beaucoup de réserve, à la série des Mo- nadelphiens où Mammifères placentaires, et désigna sous le nom de Sphalacotherium tricuspidens (2). Depuis lors, de nouvelles fouilles ont été entreprises dans les dépôts de Purbeck, à Swanage, par M. Beckles, et ont conduit à la découverte d’un nombre consi- dérable d’ossements de Mammifères, dont une partie a été soumise à l’examen de M. Falconer, et dont l’ensemble sera bientôt l’objet d’une publication spéciale due à M. Owen. Les pièces décrites par M. Falconer dans la note dont nous rendons compte ici sont des dents et des fragments de mâchoire inférieure de deux espèces de Mammifères qui paraissent devoir appartenir à l’ordre des Marsu-— piaux, et avoir certains points de ressemblance avec les Kangouroo- Rats ou Æypsiprymnus de la faune australienne actuelle, ainsi qu'avec les Phalangers, mais qui doivent constituer un genre parti- culier, auquel M. Falconer donne le nom de Plagiaulaxæ (3). Le (1) Description of two Species of the Fossil Mammalian Genus Plagiaulax from Purbeck, by H. Falconer (Proceedings of the Geological Society, 1857, avec figures dans le texte). (2) Quarterly Journal of the Geol. Soc., 4851, vol. X, p. 431. (3) Par abréviation de Plagiaulacodon, de rhæyrs, oblique, et ablaë, sillon, pour rappeler la disposition des dents prémolaires. 318 É. DE BEAUMONT. — GISEMENT DE MAMMIFÈRES FOSSILES condyle de la mâchoire inférieure est placé remarquablement bas, tandis que l’apophyse coronoïde est très développée et s’élève beaucoup. La formule dentaire paraît être pour l’une de ces es- pèces (P. Becklesii) : incisives, 1-1 ; canines , 0-0; prémolaires, 3-3; molaires, 2-2. Pour l’autre espèce (P. minor), on trouve de chaque côté une fausse molaire de plus. Les dents incisives res- semblent beaucoup à celles du genre Æysiprymnus ; les prémo- laires sont armées de crêtes parallèles obliques. Les vraies mo- laires sont peu développées, et ont beaucoup d’analogie avec celles du Microlestes antiquus, découvert depuis peu dans le frias par M. Plieninger (1). REMARQUES SUR UN NOUVEAU GISEMENT DE FOSSILES DÉCOUVERT DERNIÈREMENT EN ANGLETERRE, PRÉSENTÉES A L'ACADÉMIE DES SCIENCES Par M Élie de BEAUMONT. Dans la séance du 13 décembre 1858. M. Élie de Beaumont a communiqué à l'Académie l'extrait suivant d’une lettre qui lui avait été adressée par M. Pentland : «Il vous intéressera de savoir qu’on vient de découvrir dans le bone-bed de Dundry, près de Bristol, appartenant à la partie su- périeure du trias, des restes indubitables d’animaux mammifères, de la famille des Insectivores, et probablement des Marsupiaux. » M. Owen les rapporte au genre Microlestes de Plieninger, qu'on avait trouvé déjà en Allemagne. On eroit que leur gisement est plus ancien que le lias, et ce sont certainement les Mammifères fossiles les plus anciens connus aux paléontologistes. » (1) Voy. Pictet, Paléontologie, DÉCOUVERT DANS LES COUCHES DU TRIAS OU DU LIAS. 919 Après avoir donné lecture de cette lettre, M. Élie de Beaumont fait observer que le seul doute qu’on püt élever sur le gisement du bone-bed (banc à ossements) de Dundry consisterait à savoir s'il fait réellement partie du trias, ou s'il ne constituerait pas la première couche du lias qui le recouvre. Le gisement du Micro- lestes, découvert par M. Plieninger près de Stutigard, est situé de même près de la jonction du trias et du lias. « Dans tous les cas, ajoute-t-il, cette couche est plus ancienne que celles de Stonesfield, dans lesquelles ont été découverts depuis plus de quarante ans les premiers débris de Mammifères antérieurs aux lerrains ertiaires, et dans lesquelles on en connait aujourd'hui quatre espèces : Amphitherium Prevostii, Amphitherium Brode- ripü, Phascolotherium Bucklandi, Stereognathus ooliticus. » Les débris de Mammifères découverts pendant ces dernières années dans les couches de Purbeck, qui en ont fourni environ quatorze espèces appartenant à huit ou neuf genres (Spalacothe- rium, Triconodon, Plagiaulax, etc.) (1), avaient rendu moins suspecte qu'elle ne l'avait d’abord paru à des yeux prévenus la découverte faile à Stonesfeld, en établissant un chaînon intermé- diaire entre les couches oolitiques de Stonesfeld et les couches tertiaires ; la découverte nouvelle faite à Dundry, confirmant défi- nitivement celle faite à Stuttgard par M. Plieninger, doit dissiper les derniers scrupules. » Ces scrupules n’ont jamais été partagés par M. Cuvier, qui, dès l’abord, a accepté la découverte faite à Stonesheld, avec cette sürelé et celle justesse de coup d'œil que le temps confirme tous les jours. Au mois de février 1832, nonobstant les insinuations contraires par lesquelles on essayait d'effacer un fait qui semblait une anomalie aux lois établies d’abord par lui, M. Cuvier voulut bien aller prendre un soir dans sa collection une des mâchoires de Stonesfield, et démontrer dans son salon que celle pièce pro venait d’un Mammifère, et ne pouvait être attribuée à un Saurien. (1) Les mammifères des couches de Purbeck ont été recueillis à Swanage, localité où les couches de Purbeck sont fort inclinées ; mais personne n'a songé à opposer à l'authenticité de cette découverte si importante le fantôme de quel- que dislocation inaperçue, 320 É. DE BEAUMONT. — MAMMIFÈRES DU TRIAS OU DU LIAS. Quant au gisement de ces fossiles constaté par M. Buckland, M. Cuvier nele révoqua jamais en doute. » Ainsi le progrès des observations, en multipliant les Mammi- fères d’une manière si étonnante dans les terrains tertiaires, les fait en même temps pénétrer, quoique en beaucoup plus petit nombre et avec une taille très réduite, dans les terrains secon- daires, où ils atteignent déjà, pour le moins, la base du terrain ju- rassique à laquelle ils ne s’arrêteront peut-être pas. » Les nouvelles découvertes relatives aux Mammifères fossiles tendent naturellement à rendre moins surprenante l’existence des empreintes de pas d'Oiseaux qui ont été observées sur les couches du grès bigarré des rives de Connecticut; et elles sont en parfaite harmonie avec les découvertes de débris et de vestiges de Sau- riens, qui, après s'être arrêtées longtemps au zechstein de lAlle- magne et avoir atteint plus tard le terrain houiller, viennent de nous montrer des ossements de Crocodiles au milieu des singuliers débris de Poissons du vieux grès rouge de l'Écosse; sans parler des empreintes de pas déjà signalées dans le vieux grès rouge des Alleghanys et dans certaines couches sédimentaires, probablement plus anciennes encore, sur les bords des grands lacs de l’Amé- rique septentrionale. » C’est ainsi que, par un mouvement contraire, certaines formes organiques, regardées originairement comme propres aux (er- rains les plus anciens (Orthoceratites, Spirifer….), sont venues prendre plus tard une place incontestée dans les couches keupé- riennes de Saint-Cassian et dans le lias de diverses contrées. » Loin d’amoindrir la paléontologie, ces découvertes sueces- sives ne font qu'élargir ses cadres établis d’abord sur un plan plus étroit et moins rationnel que celui auquel conduisent les progrès des observations. » MÉMOIRE SUR LES MÉTAMORPHOSES DES VORTICELLIENS, Par M. Jules D'UDEHEM (1). L'histoire du développement des Infusoires est restée l’une des questions les plus obscures des sciences naturelles. Les auteurs anciens, qui n'avaient à leur disposition que des moyens d'observation très incomplets, s’en occupèrent fort peu, et seulement dans un seul but : la démonstration de la génération spontanée; on sait combien leurs efforts restèrent infructueux. Les naturalistes modernes observèrent les Infusoires plutôt sous le point de vue de la zoologie que de la physiologie, et ce n’est véritablement que depuis ces dernières années que l’histoire du développement des Infusoires est devenue l’objet à l’ordre du jour, et que des observateurs du premier mérite y donnent tous leurs soins ; aussi est-il permis d'espérer que bientôt cette importante question aura fait d'éclatants progrès. Mon but dans ce travail est d'examiner avec soin l’un des points les plus controversés de l’histoire du développement des Infusoires : la métamorphose des espèces de la famille des Vorticelliens en espèces correspondantes d’Acinètes. Avant de donner le résultat de mes observations, j'essayerai de tracer d’une manière concise l'historique du sujet que je me pro- pose de trailer. Je n’entrerai dans aucun détail relatif à la description des Vorti- celliens et des Acinètes, ce qui m'éloignerait de mon sujet; je renvoie mes lecteurs au grand ouvrage d'Ehrenberg et aux autres ‘traités généraux sur les Infusoires; j'entamerai donc l'histoire Jà seulement où il commence à être question des métamorphoses. (4) Journal de lu Société médicale de Bruxelles. %° série, Zooc. T. IX. (Cahier n° 6.) ! 21 922 J. D'UDEKEM. Le docteur Pineau (4), dans un travail publié dans les Annales . des sciences naturelles, annonça avoir observé que les Infusoires décrits par Ehrenberg sous le nom d’Acinètes se transformaient en Vorticelles. Il n’est pas nécessaire de s’être occupé longtemps d’études mi- croscopiques pour s'assurer que les observations du docteur Pineau manquent essentiellement de ce degré d’exactitude qu’on est en droit d'exiger de tout naturaliste consciencieux ; aussi n’atta- cherais-je aucune importance aux résultats qu'il croit avoir obtenus, s’il n’était le premier qui cherchât à établir une parenté entre les Acinètes et les Vorticelles. Quelques années plus tard, M. Slein publia, dans les Archives de Wiegmann de 1849, ses recherches sur les développements de la V’orticella microstoma, la ’aginicola cristallina et l'Epistylis nutans. I chercha par ces trois exemples à prouver que ces Infu- soires appartenant à la famille des Vorticelliens se transformaient en Acinètes. Cette opinion de M. Stein fut assez généralement adoptée par les naturalistes allemands, malgré es adversaires importants qu’elle rencontra ; en première ligne de ceux-ci, je dois citer le célèbre Ehrenberg. En 1854, M. Stein publia de nouveau un travail très étendu sur le développement des Infusoires, et il s'étend particulièrement sur la métamorphose des Vorticelliens. Il chercha à montrer qu’à chaque espèce de la famille des Vor- icelliens correspond une espèce d’Acinèle; qu'à l’intérieur des Acinètes naissent des embryons ciliés; que ces embryons ciliés, devenus libres, se transforment en Vorticelliens. M. Stein ne donne cette dernière partie de son opinion que : comme une hypothèse qu'il considère comme très probable, mais qu'il n’est pas parvenu à prouver, n'ayant jamais pu suivre le dé— veloppement ultérieur de l'embryon cilié. Cet auteur croit démontrer la transformation des Vorticelliens (1) Ann. des se, nat., 3° série, &. I, p. 482 à 189; L IV, p. 103 à 104; t. IX, p. 400 à 101. MÉTAMORPHOSES DES VORTICELLIENS. 393 en Acinètes, d’abord par une observation directe faite sur la agi- nicola cristallina ; ensuite, par la présence simultanée, dans les mêmes infusions, de beaucoup d'espèces de Vorticelliens et d’es- pèces correspondantes d’Acinètes ; enfin par l'alternance de l’appa- rition de Vorticelliens et d’Acinètes dans une même infusion. Il a paru, l’année dernière, un travail très remarquable de M. Lachman sur les Infusoires, dans lequel il attaque vivement les opinions de M. Stein sur le développement des Vorticelliens, et nie la métamorphose de ceux-ci en Acinètes ; il pense que ces deux familles doivent rester séparées, et qu’il n'existe entre elles aucun lien de parenté. Il attaque l'opinion de M. Stein par des objections fondées et sérieuses, el considère comme étant inexacte et peu concluante l'observation par laquelle M. Stein croit avoir montré la métamor- phose de la F’aginicola cristallina en Acineta mysticina. Quant aux arguments invoqués par A. Stein et tirés de la simul- tanéité d'apparition des Vorticelles etdes Acinètes, et de l'alternance d'apparition de ces deux Infusoires dans une même infusion, M. Lachman les attaque comme ne prouvant rien. J'aurai l’occasion de revenir, dans le courant de ce travail, sur ces différentes objections; pour le moment, je me bornerai à les mentionner. M. Lachman renversé ensuite complétement l'hypothèse émise par M. Siein sur la transformation de l'embryon cilié des Acinètes en Vorticelle; il montre par de nombreux exemples que cet em- bryon se transforme en Acinèle, et rapporte la première découverte de ce fait important à J. Müller. Le travail de M. Lachman n'avait pas encore paru en Belgique l’année dernière, quand je présentai à l’Académie royale des sciences le résultat de mes recherches sur le développement de l'Epistylis plicatilis. Voici de quelle manière je fis le résumé de mes observations dans ce travail : a L'Epistylis plicatilis, qu'elle ait ou qu’elle n’ait pas atteint toute » sa croissance, s'entoure d’un kyste, soit en restant sur son style, » soit en l'abandonnant, soit en se reunissant dans un même kyste. » Entièrement enfermé dans ce kyste, l’animal y subit une trans- 921 J. D'UDEKEM. » formation totale. Sa bouche, son péristome, ses tégumeuts, dis- » paraissent pour se confondre en un liquide sarcodique où nagent » des globules de différentes grosseurs ; le nucléus de l’'£pistylis » paraît seul résister à cette dissolution. A la surface du liquide » sarcodique paraîl un nouveau tégument contractile, résistant, » couvert d’une infinité de cils vibratiles et clos de toutes parts. » L'Epistylis est alors métamorphosée en un nouvel Infusoire qui » a beaucoup d’analogie avec les Opalines que l’on rencontre chez » les grenouilles. » L'Opaline (nous appellerons ainsi momentanément le nouvel » Infusoire ne de la métamorphose de l’Epistylis) tournoie sur elle- » même et prend des dimensions telles que le kyste, n'étant pas » élastique, éclate et livre passage à l’animal qu'il contenait » jusqu'alors. Une fois libre, celui-ci nage et cherche un endroit » convenable pour se fixer. L'ayant trouvé, il va subir une nouvelle » métamorphose qui peut produire deux formes différentes. Quel- » quefois l’Opaline, qui est sphérique ou plus ou moins ovale, se » fixe par l’une de ses extrémités, où il lui naît un style dont la » croissance est rapide; à l’autre extrémité apparaissent quatre » faisceaux de tentacules rétractiles. » Dans le second cas, l’Opaline ne se fixe point par une de ses » extrémités, mais semble s’aplatir sur le corps étranger; elle » reste sessile, et un nombre plus ou moins grand de faisceaux de » lentacules naissent à son pourtour, Dans les deux cas précédents, » du moment que l’Opaline est fixée, les cils vibratiles qui couvraient » ses léguments disparaissent. » Ces deux formes que je viens de décrire sont des Acinèles. La » première estidentique avec celle qui est représentée par M. Stein, » pl. [, fig. J.-D. de son ouvrage ; la seconde est une Acinète non » encore décrite jusqu’à présent. Là s'arrêtent les métamorphoses » de l’Epistylis plicatilis. Les Acinèles croissent et se développent » de plus en plus. Dans leur intérieur se trouve un noyau qui » grandit et chemine vers la surface interne des téguments. Par » les contractions de l'animal, ceux-ci se rompent, etle nucléus » devient libre. Ce nucléus, qui n’est autre qu'un bourgeon de » forme discoïdale, se meut avec une extrème vivacité à l’aide de MÉTAMORPHOSES DES VORTICELLIENS. 325 » long cils vibraliles qui garnissent son pourtour. Les Acinètes » donnent successivement naissance à plusieurs bourgeons ciliés, et » terminent leur existence sans subir de nouvelles métamorphoses. » Les bourgeons ciliés, après leur sortie de lAcinèle, se méta- » morphosent en jeunes Acinèles : pour cela, ils se fixent sur un » corps étranger, restent sessiles ou s'élèvent sur un style; leurs » cils vibratiles disparaissent et sont remplacés par quatre faisceaux » de tentacules. » De nouveaux nucléus reproduisent dans leur intérieur de nou- veaux bourgeons ciliés. » D'après cela, on voit que je crus être le premier à découvrir la transformation des embryons ciliés en jeunes Acinèles ; je me hâte de restituer la propriété de cette découverte à qui de droit, c'est-à-dire, à l'illustre physiologiste J. Müller. Maintenant que j'ai exposé l'historique de la question, j'es- sayerai, en m'appuyant sur les observations de mes devanciers et sur les miennes, de montrer que ce que j'ai décrit de l'Epistylis plicatilis s'applique à beaucoup d'espèces de Vorticelliens, et peut- être à lous. J'examinerai donc : 1° l’enkystemient ; 2 la transformation du Vorticellien dans l'intérieur du kyste en un Infusoire cilié sur toute sa surface el ne présentant pas d'ouverture à ses léguments (Opaline ou Bursaire); 8° la transformation de l'Opaline en Acinète; ke l'apparition d'embryons ciliés dans l’intérieur des Acinètes; 5e la transformation des embryons ciliés en jeunes Acinètes. API De l'enkystement . L'enkystement, observé d’abord par M. Stein chez différentes espèces de Vorticelliens, et ensuite par plusieurs naturalistes chez beaucoup d’autres Infusoires, parait maintenant exister chez tous les animaux de cette classe. Je nem’occuperai ici que des Vorticelliens ; j'indiquerai d’abord chez quelles espèces on a observé l'enkystement, ensuite com- ment il s'opère; je discuterai en troisième lieu de quelle manière 326 | 3. D'UDEKEN. on dbit considérer ce phénomène, et quel est son but probable. J'ai observé l’enkystement chez quatre espèces de Vorticelles. Premièrement chez la Forticella microstoma : c’est chez elle qu'on remarque le plus facilement ce phénomène, car, dans presque tous les liquides où on la rencontre, on trouve en même temps des kystes, ce qui n'arrive pas toujours pour les autres espèces, comme nous le verrons plus loin. Quand on concentre, par l’évapora- tion au grand air, une infusion qui contient des l’orticella micro- stoma, les kystes deviennent très nombreux. L’épaisseur du kyste diffère selon les individus ; tantôt il est fragile et mince, tantôt dur et épais, quelquefois il présente des aspérités pointues. Ce fut M. Stein qui décrivit le premier le phénomène de l’enkystement chez la V’orticella microstoma. J’observai l’enkystement chez une espèce de Vorticelle qui n’est pas encore décrite, et que j’appellerai Vorticella microstyla, à cause du peu de longueur du style, qui ne forme jamais, quand l'animal est contracté, un tour de spire complet. Je n’ai encore rencontré cette espèce qu'à un seul endroit aux environs de Bruxelles. J’espère en donner, dans une autre occasion, une des- cription plus complète. Les kystes, chez cette espèce, ressemblant extrêmement aux kystes de la ’orticella microstoma, ne méritent pas une description particulière. J'ai rencontré plusieurs fois des kystes de J’orticella convallaria ; cependant ils sont plus difficiles à observer, parce que cette espèce étant plus délicate que celles dont je viens de parler, les individus meurent le plus souvent sans s'enkyster. Enfin, j'observai le phénomène de l’enkystement chez uhe qua- trième espèce de Vorticelle. Cette espèce que je rencontrai sur nos côtes, à Ostende, n’est pas encore décrite ; elle est extrêmement remarquable, à cause d’un prolongement membraneux qui entoure le péristome, ce qui lui donne, quand elle est étalée, la forme d’an parasol ; quand elle est contractée, cette membrane se plisse et se replie à l’intérieur du corps. M. Slein a observé l'enkystement de la orticella nebulifera. Dans le genre Carchesium, |'observai des kystes de trois espèces : ceux du Carchesium polypinum, du Carchesium ramosissimum * MÉTAMORPHOSES DES VORTICELLIENS. 327 et du Carchesium pygmeum ; ils ne diffèrent guère entré eux, et sont entièrement semblables aux kystes des Vorticelles. Dans le genre Epistylis, je ne pus observer l'enkystement que chez deux espèces : l'Epistylis plicatilis et une Epistylis que je crois nouvelle, et que je rencontrai souvent, vivant en parasite, sur l'extrémité postérieure des Tubifeæ et des Naïas. M. Stein a également observé l’enkystement de l'Epistylis plicatilis. J'ai inu- tilement cherché des kystes d'Epistylis grandis et d’Epistylis fla- vicans, deux espèces très communes dans nos environs; je l’attri- bue à la difficulté de conserver ces animaux en vie dans des vases de laboratoire. Dans le genre Opercularia, mes observations ont porté sur l'Opercularia nutans et l'Opercularia Lichtensteinii (Stein) et l'O- percularia microstoma. Je n'ai vu l’enkystement que chez la pre- mière de ces trois espèces; les deux autres étant beaucoup plus rares , il n’est pas étonnant que ce phénomène me soit échappé. Enfin M. Stein a observé et décrit l’enkystement de la ’agini- cola cristallina ; j'ai fait une observation semblable. Résumant toutes ces observations, je conclurai , que l’on ren- contre dans tous les genres de la famille des Vorticelliens des espèces susceplibles de s’enkyster, et qu'il est très probable que ce phénomène se présente pour tous, quand il est sollicité par des circonstances favorables, Les Vorticelliens peuvent s’enkyster à toutes les périodes de leur existence ; ils s’enkystent en restant unis au style, soit après lavoir abandonné par suite de l'apparition d’une couronne basi- laire de cils. Enfin, pendant que les Vorticelliens se reproduisent par scission, ils peuvent encore s’enkyster, et j'ai observé chez eux tous les intermédiaires depuis le commencement de la division jusqu'à la division complète, simultanément avec l'apparition de kystes. L’enkystement a lieu de la même manière chez tous les Vorticel- liens chez lesquels je l'ai observé. L'individu qui va présenter ce phénomène se contracte légère- ment, ferme son péristome ; autour de lui apparait un nuage formé = par un liquide visqueux, qui est probablement le résultat d'une 328 J. D'UDEKEM. sécrétion cutanée, Dans ce liquide naissent des granules qui, augmentant de plus en plus en nombre et s’accolant entre eux, finissent par former une membrane, laquelle devient dure et résis- tante, de molle et flexible qu’elle était d’abord. Le kyste ainsi formé ne change pas d'état, ou augmente d'épaisseur par l'apposition de nouveaux granules à son intérieur. Lorsqu'un kyste renferme deux individus, il est souvent réniforme, quelquefois ovale; de petites aspérités pointues recouvrent, dans quelques cas, la sur- face des kystes. La cause de l’enkystement nous échappe, ainsi que la cause de presque tous les phénomènes physiologiques. Pour l’expliquer, on peut avoir recours à deux hypothèses: ou bien l'animal est sollicité à s’enkyster par l'influence d’une cause intérieure, — le phénomène de l’enkystement est physiologique, normal et arrive nécessairement; ou bien l'animal, subissant l'influence d’agents extérieurs, s’enkyste, — l’enkystement est un phénomène anor- mal, dépendant du hasard. De ces deux hypothèses, la seconde est la plus probable : en effet, j'ai toujours remarqué que la plu part des Vorticelliens s’enkystent quand le liquide qui les entoure s’évapore par son exposition à l'air libre; de plus, en hiver, on trouve un plus grand nombre de kystes que dans toute autre sai- son. Je conclus de là que la sécheresse et le froid sont deux causes d’enkystement; ces deux causes ne sont probablement pas les seules, il en existe sans doute encore d’autres, dont l’appréciation est plus difficile. L'enkystement, chez les Vorticelliens, paraît avoir un doublebut: d’abord de soustraire ces animaux si délicats à l’action destruc- tive de la sécheresse etdu froid; ensuite de leur permettre de subir certaines métamorphoses à l'abri de toute influence extérieure. IT Transformation du Vorticellien dans l’intérieur du kyste en un Infusoire cilié sur toute sa surface et ne présentant pas d'ouverture à ses téguments (Opaline ou Bursaire). Les observations de M. Stein, de M. Lachman et les miennes s'accordent à faire admettre que la plupart des Vorticelliens peuvent MÉTAMORPHOSES DES VORTICELLIENS. 329 demeurer dans l’intérieur des kystes sans subir de métamorphose; ils sont alors sous l'influence d'un état analogue au sommeil hivernal des animaux supérieurs. Quand les circonstances sont favorables, c’est-à-dire quand l'humidité et une certaine chaleur leur sont rendues, ils brisent leur enveloppe et reprennent leur vie d'autrefois. Dans l'ouvrage de M. Stein il est question de plusieurs méta- morphoses que les Vorticelliens subissent dans l’intérieur des kystes; ne les ayant pas observées, je n’en parlerai pas, et ne m'occuperai que de la transformation que j'ai indiquée à la tête de ce chapitre. La métamorphose d’un Vorticellien, dans l’intérieur d’un kyste, en un Infusoire cilié sur toute la surface, fut pour la première fois décrite par moi dans mon Mémoire sur le développement de l'Epistylhs plicatils. Voici comment je rendis compte de ce phénomène : L'Epistylis plicatilis, dans l’intérieur du kyste, s'amincit et sem- ble repliée sur elle-même, la substance sarcodique traverse de toules parts ses téguments; de loin en loin elle se contracte encore ; bientôt une dissolution complète s'empare de tout l’animal, et l'on ne trouve à sa place qu'un liquide sarcodique, homogène, con- tenant des granules et le nucléus, qui, seul, a résisté à la des- . truction générale. Dans le sarcode se fait alors un travail qu'on pourrait en quelque sorte comparer à celui qui se passe dans le vitellus, après la fécondation de l’œuf. Ainsi des granules forment, en se réunissant, des groupes qui bientôt se divisent et se sous- divisent; en même temps un tégument se montre à la surface, de la même manière que le blastoderme paraît dans les œufs des ani- maux inférieurs. Ce tégument est contractile, couvert de cils vi- bratiles et fermé de toutes parts. La transformation est alors complète : le kyste contient un nou- vel Infusoire qui peut être comparé aux Opalines ou aux Bursaires que l’on trouve dans l'intestin des Batraciens. Cette description de l'£pistylis plicatilis peut s'appliquer dans tous ses détails aux Vorticelliens chez lesquels j'ai observé la 330 J. D'UDEKEM. transformation en un Infusoire cilié sur loute sa surface. 11 sera done inutile d'y revenir. J'indiquerai simplement les espèces chez lesquelles je l'ai obser- vée. On trouve cette métamorphose, à peu près quand on veut, chez les Epistylis plicatilis ; il n’en est pas de même chez les autres espèces du même genre. Je l'ai vainement cherchée chez les Æpi- stylis grands et flavicans, je ne l'ai rencontrée que chez l’Epistylis du Tubifeæ, espèce nouvelle dont j'ai déjà parlé. Dans le genre Vorticelle , j'ai observé la métamorphose dont il est question chez les Vorticella microstoma, microstyla, conval- laria, et chez la Vorticelle à péristome frangé dont j'ai donné la description. Les Carchesium polypinum et arbuseula subissent également des métamorphoses semblables dans l’intérieur des kystes. | III Transformation de l'Infusoire cilié sur toute sa surface (Opaline ou Bursaire) en Acinète. Jai dit, dans la partie historique de mon travail, que M. Stein était le premier qui ait cherché à démontrer la métamorphose des Vorticelliens en Acinèles; d’après ce que je viens de dire dans le paragraphe précédent, on peut voir que mon opinion diffère en- tièrement de la sienne sur ce point, en ce que je n’admets pas avec lui la métamorphose immédiate des Vorticelliens en Acinètes, mais bien l'existence d'une métamorphose intermédiaire. Dès lors tous les arguments que M. Lachman a produits contre l'opinion de M. Stein ne peuvent atteindre la mienne : j'essayerai cependant de répondre à plusieurs d’entre eux, parce qu'ils ten- dent à nier l'existence d’une métamorphose; mais avant de com- mencer cette discussion, je donnerai la description de cette nouvelle transformation. | J'ai indiqué dans le paragraphe précédent que certains Vorticel- liens se transforment dans l’intérieur d’un kyste en un Infusoire sphérique à tégument fermé de toutes parts et entièrement recou- vert de cils vibratiles. Ce nouvel Infusoire exécute dans son enve- MÉTAMORPHOSES DES VORTICELLIENS. 331 loppe une rotation continuelle ; j'ai comparé, dans un autre travail, cetle rotalion à celle qu'exécutent les embryons des Mollusques gastéropodes dans l'œuf. Pendant que le Vorticellien métamorphosé tourne sur lui-même, il se développe, il devient plus volumineux, toute sa surface se couvre de plis; enfin, il arrive un moment où le kyste, cédant à la pression qui s'exerce à son intérieur, éclate ; l’Infusoire cilié devient libre et nage en tournoyant. Pour découvrir comment cet Infusoire se transforme en Aci- nète, il faut une observation attentive, afin d’éviter toutes les chances d'erreur qui peuvent se présenter et qui sont nombreuses. Je me crois autorisé à admettre l'existence de cette métamor- phose, parce que j'ai observé des Infusoires qui, d’un côté, pré- senfaient tous les caractères des Acinètes, et, d’un autre côté, les caractères de l'Infusoire produit par la transformation des Vorti- celliens. Trois fois j'ai observé des Acinetes mystacina qui déjà étaient pourvues de tentacules et qui avaient la forme sphérique et le corps couvert de cils vibratiles. F’ai saisi 1à, sans aucun doute, le moment de la métamorphose de l’Infusoire cilié (Opaline) en Acinète. On pourrait n'objecter que les cils dont ces Acinètes étaient couvertes appartenaient à l’état embryonnaire ; la réponse à cette objection est facile : les cils des embryons sont disposés d’une tout autre ma- nière et ne se trouvent que chez des Acinètes de très petite taille ; ils tombent de bonne heure, avant l'apparition des tentacules. Je discuterai maintenant les objections de M. Lachman contre la théorie de M. Stemn, en tant qu'elles pourraient s'appliquer à mon opinion. M. Lachman croit que les formes que M. Stein a indiquées comme étant des degrés de transition entre les Vorticelliens et les Acinètes ne sont réellement que des espèces différentes d’Infu- soires qui n’ont d’autres relations entre eux qu'une ressemblance plus ou moins grande. Cetle objection est, en effet, applicable aux observations de M. Slein. Cet auteur ne s’est pas assez attaché à montrer la liaison que les différentes formes transitoires avaient entre elles. 332 J. D’'UDEKEM. Quant à moi, je me crois entièrement à l'abri de cette objection, et tout ce qui précède le prouve suffisamment : ainsi j'ai démontré comment certains Vorticelliens se transformaient en Infusoires ciliés (Opaline), et comment ces Opalines se couvraient de tenta- eules et se métamorphosaient en Acinètes. Une seconde objection de M. Lachman contre M. Stein est tirée de ce que l'apparition simultanée d’Acinètes et de Vorticelliens dans une même infusion ne peut pas être considérée comme un signe de parenté entre ces deux espèces. Je suis tout à fait du même avis que M. Lachman sur ce point; pourtant j’admets que l'apparition simultanée de deux Infusoires, toujours et partout, dans une même infusion, donne une {rès grande probabilité à l'existence réelle de la métamorphose d’une espèce en l’autre. De nombreuses observations m'ont amené à la certi- tude que l’on pourrait presque affirmer, à priori, que là où l’on observe une espèce de Vorticellien, on observera une espèce d’Aci- nète, el réciproquement. Non-seulement j'ai retrouvé la plupart des Acinètes décrites par M. Stein comme accompagnant certains Vorticelliens, mais encore, lorsque j'ai observé un nouveau Vorticellien, j'ai trouvé en même temps une nouvelle espèce d’Acinète. Une troisième objection de M. Lachman doit être prise en sérieuse considéralion. D’après lui, l'alternance dans l'apparition des Vorticelliens et des Acinètes dans une même infusion n'indique en aucune manière qu'une espèce provient de la transformation de l’autre. En effet, cette alternance existe pour un très grand nombre d’Infusoires, el, comme le dit avec raison M. Lachman, c’est ce qui a conduit MM. Pineau, Gros et Laurent à admettre que la plupart des espèces d’Infusoires ne sont que les stades du développement d’une seule et même espèce. M. Lachman dit ensuite : « Une alternance dans l’apparition de certains Infusoires peut réellement donner ane démonstration sur les rapports de pa- renté qui existent entre eux, quand on s’est assuré par un isole- ment complet que, dans un espace très peu étendu, il se trouve seulement des individus d’une espèce. » M. Stein a, ilest vrai, toujours négligé cette expérience; quant MÉTAMORPHUSES DES VORTICELLIENS. BRP) à moi, je l'ai répétée plusieurs fois, et, après de nombreux efforts, j'ai découvert des Acinètes dans le liquide où j'avais isolé des Épistylis plicatilis. Je dois cependant avouer que je n’attache pas à ces expériences la même importance que leur attribue M. Lachman; les causes d'erreur sont trop nombreuses, surtout à cause de la grande difficulté d'isoler complétement une espèce d’Infusoire. Les autres objections de M. Lachman s'adressent à Ja seconde parlie de la théorie de M. Stein, c’est-à-dire à la transformation des embryons d’Acinètes en Vorticelliens; je n'ai pas à m'en occuper 1ci: celle question est actuellement tirée au clair, comme je l'ai déjà dit dans l’aperçu historique qui précède ce travail. M. Lachman termine ses objections en disant que la métamor- phose des Vorticelliens en Acinètes n’est pas probable, parce qu'elle ne peut se comparer à rien de ce qui se passe chez d’autres animaux. Je répondrai à cela par ces paroles d'un grand physio- logiste : « I faudrait être bien audacieux pour vouloir assigner des bornes à la Nature. » IV Apparition d'embryons ciliés dans l'intérieur des Acinètes. La découverte de la naissanec d’embryons ciliés dans l’intérieur des Acinètes est due à M. Stein. M. Lachman annonce avoir fait une découverte semblable chez un grand:nombre d’Acinètes. J'ai trouvé aussi cet embryon chez l’Acinète de l’Epistylis plicatilis, el plus tard chez toutes les Acinètes que j'ai rencontrées. et parmi lesquelles il y a beaucoup d'espèces non décrites. Tous les naturalistes sont aujourd’hui d'accord sur l'apparition d’embryons ciliés dans les Acinètes et sur leur formation aux dé- pens du nucléus; mais un point est encore controversé, c’est la manière dont se comporte le nucléus pendant la production de l'embryon. Pour M. Stein, la division du nucléus parait précéder la formation de l'embryon ; M. Cohn regarde celte division comme improbable, 1 paraît que M. Lachman a étudié cette question avec beaucoup de soin ; mais comme il ne donne que le résultat de ses 334 3. D'UDEKEM. — MÉTAMORPHOSES DES VORTICELLIENS. -observations pour les Infusoires en général, et non pas spéciale- ment pour les Acinètes, il est impossible de connaître son opinion sur ce point. Quant à moi, malgré tous les soins que j'y ai ap- portés, jamais je n’ai pu apercevoir la division du nucléus des Acinèles avant la production de l'embryon, telle que l'indique M. Stein; j'ai toujours, au contraire, vu le nhcléus se transformer en totalité en embryon, et, après l'expulsion de ce dernier, il se formait un nouveau nucléus qui, à son tour, se transformait en embryon, et ainsi de suite. V Transformation des embryons ciliés en jeunes Acinètes. M. Stein, après avoir découvert la production des embryons ciliés dans l’intérieur des Acinètes donna, comme une hypothèse des plus probables, que ces embryons, une fois devenus libres, se transformaient en Vorticelles; cependant il ne parvint jamais à suivre le développement ultérieur des embryons. Ces derniers lui échappaient toujours. Plus heureux que lui, M. J. Müller parvint à suivre ces embryons, et vit qu’ils se fixaient et se transformaient en jeunes Acinètes ; M. Lachman arriva au même résultat. Ces observations de MM. Müller et Lachman n'étaient pas encore, comme je l'ai déjà dit, connues en Belgique quand je présentai à l’Académie des sciences mon travail sur le développement de l'Epistylis plicatilis; je. décrivis dans ce travail cette curieuse transformation de l'embryon cilié en jeune Acinète, croyant être le premier qui l’eût observée. Depuis lors je parvins à saisir cette métamorphose chez presque tous les embryons. Cette transformation de l'embryon cilié en jeune Acinète a-t-elle toujours lieu ? Il est permis d’en douter ; deux fois j'ai vu des em- bryons ciliés, au lieu de se changer en jeunes Acinètes, s'entourer d’un kyste, [me fut impossible de pousser plus loin l'observation, et de m'assurer si, dans l'Intérieur du kyste, l’Infusoire subissait ou ne subissait pas de nouvelles métamorphoses. De nouvelles recherches devront nécessairement venir éclairer cette queslion obscure. DE LA DÉTERMINATION EXPÉRIMENTALE DE LA FORCE DU CŒUR, Par M. &G. COLIN. Le problème de la détermination de la force du cœur est, depuis longtemps, l’un de ceux qui ont le plus vivement préoccupé les physiologistes et les mathématiciens. Borelli, Keill, Hales, Ber- nouili, Sauvages et d’autres plus modernes, en ont tour à tour tenté la solution. Les uns, considérant le cœur comme un organe simple, analogue à un muscle du squelette, se sont proposés d'évaluer la puissance absolue de sa contraction; mais, faute de bases certaines pour mesurer l'intensité de la force que produit le raccourcissement d’un nombre infini de fibres diversement contournées et enlacées, ils ont obtenu des résultats qui étonnent par leur divergence. Les autres. n’envisageant dans cet organe qu'une seule de ses parties, se sont bornés à chercher l'intensité de l'impulsion par laquelle le sang est chassé du ventricule gauche dans le système artériel aortique. Ceux-ci, s'appuyant sur les données rigoureuses de l’hydrodynamique , ont été conduits à des appréciations assez rapprochées de la vérité. Pour arriver à des évaluations exactes, il est évident qu'il ne faut point, à l'exemple de Borelli, regarder le cœur comme un organe simple, une sorte de machine hydraulique qui élève le sang à une certaine hauteur ou qui le lance à une certaine dis- tance. Le cœur, au point de vue mécanique comme sous tous les autres rapports, est un organe double. Il est formé de deux cœurs distincts, d’inégale force et d’inégale capacité, mais accolés l’un à l'autre et fonctionnant simultanément : le gauche est plus éner- gique pour projeter le sang dans l'aorte, jusqu'aux extrémités du corps; le droit est plus faible, n'ayant à pousser ce liquide que dans les vaisseaux pulmonaires. Nous considérerons donc à part chacun de ces deux cœurs comme s'ils étaient isolés, d'autant que leur force respective, tout 336 G. COLIN. — DÉTERMINATION EXPÉRIMENTALE en se caleulant d'après les mêmes principes, exige, pour êlre “mesurée, des variantes fort notables dans les moyens d'expéri- mentalion; puis nous comparerons la force de l’un à celle de l’autre dans quelques animaux; enfin nous examinerons les modi- fications que cette force peut éprouver dans les principales condi- tions physiologiques et anormales de l’économie. 1. — De la force du cœur gauche et de Ja pression du sang dans le système aortique. Le physicien Hales est, parmi les expérimentateurs qui ont cherché à déterminer la puissance du cœur, celui qui a le mieux compris ce problème délicat; il est le premier, et peut-être le seul, jusqu’à ce jour, qui ait donné la formule à l’aide de laquelle on peut le résoudre. Sa manière de procéder est si claire, si lo- gique, si conforme aux lois de la mécanique des liquides, qu'on s’étenne de la voir ou méconnue ou mise de côté par beaucoup de physiologistes de notre époque. Pour cet ingénieux expérimenta- teur, la force du cœur aortique se calcule : 1° par la hauteur à laquelle le sang s'élève dans un tube vertical adapté à une artère; 2 par l'étendue de la surface interne du ventricule gauche. La force effective imprimée au sang qui sort du cœur par l'aorte est égale au poids d’une colonne sanguine ayant pour hauteur celle que le sang atteint dans le tube et pour base la surface interne du ventricule gauche. Avant d'appliquer cette formule, il importe de démontrer qu'elle est rationnelle et d’une rigoureuse exactitude. Or, que se passe-t-il au moment où le cœur plein de sang se contracte, pour lancer son contenu dans le système artériel ? Aussitôt que la systole des ventricules commence, son premier effet est de soulever les valvules sigmoïdes, de manière à établir entre eux et le système artériel une libre communication. A peine ces valvules sont-elles soulevées, que le sang des cavités ventricu- laires ne forme plus avec celui des artères qu'une seule et même masse dont toutes les parties deviennent solidaires les unes des autres, comme le sont les molécules du liquide qui remplit des vases communiquant ensemble. Les particules de celle masse fluide supportent alors une pres- DE LA FORCE DU COEUR. 337 sion considérable qui dérive tout à la fois de la contraction du cœur et de la réaction élastique des parois artérielles fortement distendues. Cette double pression tend à devenir uniforme, ou, en d’autres termes, ses deux éléments cherchent à s’équilibrer, en vertu du principe d’après lequel la pression exercée sur un point quelconque d’un liquide se transmet immédiatement dans tout le reste de la masse. Suivons bien notre raisonnement. Voilà les valvules sigmoïdes relevées ; les écluses qui séparaient le cœur du système artériel sont ouvertes, le contenu du ventricule gauche est en continuité avec celui de l'aorte; il n’y a plus qu’une seule colonne sanguine également pressée dans tous ses points. Pour rendre la démonstra- tion plus saisissante, prolongeons, par la pensée, cet état de choses : au lieu de lui laisser la durée d’une fraction de seconde, supposons qu'il persiste pendant une ou deux minutes. Si, à ce moment, on adapte à la carotide, ou à toute autre ar- tère d’un certain calibre, un tube vertical, le sang s’y élèvera rapidement jusqu'à la hauteur d'environ 2 mètres, un peu plus où ün peu moins, suivant diverses circonstances qui seront exa- minées ultérieurement. Le niveau demeurera stationnaire, une fois que le poids de la colonne du tube sera en équilibre avec la pres- sion supportée par le sang artériel. D'après les lois de l’hydrostatique, il est de toute évidence que, dans ces conditions, le sang exerce sur le ventricule gauche et sur les artères une pression dont la somme totale est représentée par le poids d’une colonne sanguine cylindrique ayant pour hau- teur 2 mètres et pour base l'étendue même des parois internes du ventricule el du système artériel aortique; comme la pression se répartit proportionnellement à la surface qui la supporte, il nous est facile de déterminer la part afférente au ventricule gauche, la seule du reste qu'il nous importe de connaître. La surface interne du ventricule gauche peut être mesurée exactement en détachant le cœur d’un animal qui expire et en le remplissant très rapidement de plâtre délayé, alors que l'organe se trouve dans un relàchement complet. Le plâtre, étant solidifié, donne un beau relief de la cavité ventriculaire que l’on divise #° série, Zooc. T. IX. (Cahier n° 6.) ? 99 998 G. COLIN, — DÉTERMINATION EXPÉRIMENTALE eusuite en pelites figures géométriques, la plupart carrées ou trian- gulaires. On voit ainsi que, sur un cheval de taille moyenne, la surface interne du ventricule aortique a une étendue de 565 cen- limètres carrés. Il importe beaucoup d'opérer de celte manière, car le resserrement du cœur est si prompt et si considérable, après la mort par effusion de sang, que les cavités de cet organe, no- tamment les gauches, se trouvent bientôt presque effacées. Hales n'est arrivé à un chiffre très inférieur à la vérité, que pour avoir négligé ces précautions tout à fait indispensables. Les deux éléments qui doivent donner la pression supportée par le cœur sont dont lrouvés : la colonne sanguine qui presse le ventricule gauche a 2 mètres de hauteur et 565 centimètres dé base; son poids est de 118 kilogrammes 650 grammes. C’est contre cette résistance que lutte, dès le début, la systole ventriculaire. Maintenant il ne nous reste plus qu’un pas à faire pour obtenir la force eflective du cœur. S'ilest incontestable que le ventricule gauche supporte, dès le moment initial de sa contraction et de la part du sang, une pression qui tend à le dilater ou à empêcher son resserrement, il ne peut achever la systole qu’en déployant une force non pas seulement égale, mais un peu supérieure à la résistance à vaincre. Or, comme il s’agit, pour cet organe, de mettre en mouvement une colonne sanguine du poids de 118 kilogrammes, il ne parvient à la soulever et à la pousser dans l'aorte qu’en déployant une puissance d'au moins 118 kilogrammes. Telle est, ou du moins telle me parait être, d’après les lois de la mécanique des liquides, la méthode propre à déterminer la force du cœur. Par la hauteur à laquelle s'élève le sang dans un tube adapté à une artère et par la surface du ventricule, on obtient la pression que celui-ci supporte ; puis par la pression qui représente la résistance à surmonter, on obtient la force que l'organe doit déployer. On concoit, d’après ce qui précède, que la force de contraction du cœur doit varier suivant les animaux, tout en restant propor- tionnelle à leur taille, car il existe, parmi les Mammifères, un rapport à peu près constant entre le poids du corps et le volume DE LA FORCE DU COEUR. 339 ou la capacité de l'organe central de la cireulation. Pour la trou- ver, il faudra toujours suivre le même procédé, c’est-à-dire chercher : 4° la hauteur à laquelle le sang s’élève dans un tube vertical adapté aux artères ; 2° la surface interne du ventricule gauche. Ces deux données changeront plus où moins, suivant l’âge, la taille, la vigueur des animaux et une foule de conditions qu'il est inutile d'indiquer en ce moment. Hales a done trouvé la formule à suivre pour arriver à la con- naissance de la force du cœur; s’il n’a pas obtenu lui-même, en la suivant, des résultats exacts, c’est que l’une des données néces- saires à la solution du problème était fautive. Les moyens très défectueux qu'il employait pour mesurer la surface interne du ventricule aortique le conduisaient à des chiffres très éloignés de la vérité ; il déterminait bien la hauteur de la colonne sanguine qui presse le cœur, mais il n’oblenait qu'une fraction de la base de cette colonne. M. Poiseuille, qui, il y a plus d’un quart de siècle, a critiqué Hales et rejeté sa méthode, en a indiqué une autre tout à fait vicieuse. Il a bien mesuré exactement la hauteur à laquelle le sang peut s'élever dans un tube qui serait adapté à une artère, en notant à quel niveau le sang artériel fait monter le mercure d’un tube recourbé ; mais il a pris l’élendue de l'aire trans- verse de l'aorte à son origine pour base de la colonne fluide qui presse le cœur ; il n’a enfin trouvé que la pression exercée par le sang sur les valvules sigmoïdes de lorifice aorlique, et c'est cette pression qu'il a considérée comme représentant la force statique du cœur gauche. Chose étonnante, depuis si long- temps que celle détermination est reproduite dans tous les traités, dans tous les cours de physique et de physiologie, ni M. Poi- seuille, ni personne n’a semblé s’'apercevoir qu'elle était radica- lement fausse. Passons maintenant à l'application de la méthode qui vient d’être exposée ; voyons à quels résultats elle conduit, et cherchons à re- cueillir les enseignements qui en découlent. Pour mesurer la pression du sang arlériel et la force impulsive du cœur, je me suis servi d'un instrument analogue à celui de 340 G. COLIN. — DÉTERMINATION EXPÉRIMENTALE Hales. Il consiste en un tube de verre de 3 mètres de hauteur et de L centimètre 1/2 de diamètre, fixé sur une règle graduée; son extrémité inférieure est unie par un anneau de caoutchouc à un robinet de cuivre légèrement aminci et recourbé de manière à pouvoir s'adapter à des artères de différents calibres. Lorsqu'on veut en faire usage, on engage le robinet dans le vaisseau préala- blement isolé sur une certaine étendue, et on l'y maintient à l’aide d'une ligature. A peine l'appareil est-il placé, que le sang s'y élève avec rapidité, et arrive bientôt à un niveau qu'il ne dépasse plus. L’ascension du liquide est tellement prompte, qu’on a tout le temps nécessaire pour prendre les hauteurs, car il ne commence à se coaguler qu’à partir de la cinquième à la huitième minule, et il ne faut pas la moitié, ni même le tiers de cette période pour noter le niveau de la colonne sanguine, et juger de ses variations. Ce niveau du sang qui a pénétré dans l’hémodynamomètre éprouve une agitation presque continuelle ; il s'élève et s’abaisse alternativement. Un examen attentif de ses oscillations fait voir qu'elles sont doubles, que les unes correspondent aux battements du cœur, et que les autres sont en relation avec les mouvements respiratoires. Les premières sont peu étendues et très fréquentes ; les secondes sont moins nombreuses et d’une amplitude très va- riable, suivant que la respiration est plus où moins profonde. Ces dernières, sur lesquelles nous aurons encore à revenir, principa- lement au sujet du cœur droit et de la circulation pulmonaire, de- viennent très considérables dès que l'animal s’agite, ou lorsqu'il se livre à des efforts musculaires un peu énergiques. Ces oscillations observées par le physicien Hales, et mieux étu- diées par M. Poiscuille, peuvent être facilement mesurées. Celles qui dépendent des contractions du cœur n'ont que de # à 5 centi- mètres d'étendue ; celles qui se lientaux mouvements respiratoires ont au moins À décimètre, à l’état normal, pendant le calme le plus parfait, c’est-à-dire à peu près le vingtième de la hauteur totale de la colonne sanguine ; mais elles arrivent au double, au triple et au quadruple de cette amplitude, sous l'influence de Vagi- tation et des grands effofts musculaires. Dans ce dernier cas, elles indiquent que la pression du sang artériel et la force impulsive du DE LA FORCE DU COEUR. s41 cœur s'élèvent à un cinquième au-dessus du chiffre qui représente leur intensité habituelle, Le mécanisme des oscillations se comprend sans difficultés. En ce qui concerne celles qui dérivent de l’action du cœur, on voit clairement que la pression du sang artériel doit augmenter au moment où le contenu du ventricule gauche est poussé dans le système aortique déjà plein, et qu'au contraire elle doit dimi- nuer immédiatement après, par suite du passage d’une notable quantité de liquide dans les vaisseaux capillaires. D'autre part, il paraît conforme aux lois de la physique d'admettre que, sous l’in- fluence de l'inspiration, le sang est moins comprimé dans l'aorte, et plus fortement atliré vers les oreillettes, tandis que pendant l'expiration il est à la fois plus comprimé dans les gros vaisseaux et dans les diverses cavités du cœur. La pression du sang artériel et la force du cœur se montrent avec les degrés divers d'intensité, suivant les espèces animales, l'âge, la vigueur des sujets et une foule d’autres circonstances; mais c'est surtout l'énergie des individus et l’état de réplétion des vaisseaux qui leur impriment les modifications les plus sensibles. En opérant sur des chevaux dont les uns étaient pleins de force et les autres usés par l’âge, les fatigues et les privalions, j’ai noté des différences de pression très étendues. Ainsi le sang artériel s'élevait dans l'hémodynamomètre, tenu verticalement, à la hau- teur de: 2®,70 sur un cheval très vigoureux. 2,27 sur un autre, encore très fort. 2,02 sur un troisième, de moyenne énergie. 1,91 sur un quatrième, déjà vieux. 1,85 sur un cinquième, très maigre. 1,78 sur un sixième, presque usé. 41®,70 sur un septième, assez faible. 1,62 sur un huilième, dans le même état. 1%,60 sur un neuvième, extrémement affaibli. Chez les animaux auxquels on fait éprouver des pertes sanguines successives, on voit la pression du sang artériel et, partant, Ja force du cœur décroître avec une assez grande rapidité. Hales a déjà donné deux tableaux où cette diminution est produite par des saignées {rès rapprochées les unes des autres. J'y ajouterai les 312 G. COLIN. — DÉTERMINATION EXPÉRIMENTALE suivants, qui résument une série d'expériences dont les premières seules s'appliquent à des sujets d’une moyenne énergie. Dans toutes, l’hémodynamomèlre a été fixé à la carotide. On a, en commençant, pris la hauteur de la colonne sanguine, puis retiré une certaine quantité de sang, replacé l'instrument pour avoir une seconde indication, et ainsi de suite jusqu’à la mort Première expérience. Elle est faite sur un cheval très vigoureux, de grande taille et maintenu couché sur le côté droit. Avant que l'animal eüt éprouvé aucune perte, le sang s'élevait à la hauteur de 2 mètres 27 centi- mètres. À Ja suite de 17 émissions successives, d’un lotal de 25 kilogrammes, le liquide ne parvenait plus qu'à 42 centimètres. Numéros Quantité Quantité totale Hauteur des desangextraite de sang extraite du sang dans ayant chaque avant chaque l'hémodynamo- mensurations. mensuralion. mensuration, mètre, PR Rs PRE » 5 2,270 CENTRES .: 2,000 2,000 2,140 BTE EE à 2,000 4,000 2,695 CONTE TE oPmre 2,000 6,000 2,020 5, CHR ET 2,000 8,000 1,850 Grant) NE 2,000 10,000 1,845 RTE e 2,000 12,000 1,420 Cort toblide E 2,000 14,000 0,970 AE CPE 2,000 16,000 0,770 PE NOMIERTIE 0 1,000 17,000 0,700 TOURS TAG 50 18,000 0,800 LE nca 1,000 19,000 0,725 SES MASSE . 41,000 20,000 0,660 (RNPRRERNT 1,000 21,000 0,540 AD be ee 1,000 22,000 0,525 CORTE D ce 1,000 23,000 0,545 Aa un VE nE 1,000 24,000 0,430 RENE | - 1,000 25,000 0,420 On voit, par cette expérience, que la pression du sang artériel décroit à mesure que le système vasculaire se désemplit, sans que, toutefois, sa diminution soit rigoureusement proportionnelle à la somme des évacualions, comme le physicien Hales l'avait, du reste, très bien observé. Deuxième expérience. Celle-ci a trait à un cheval entier, de vigueur moyenne, âgé de DE LA FORCE DU COEUR. 319 quatorze ans el du poids de 400 kilogrammes. La colonne sanguine de l'hémodynamomètre, qui s’éleva d’abord à 2°,02, ne parvint qu'à A4 centimètres après qu'on eutretiré à l'animal 22 kilogrammes de sang en 12émissions successives. Lei se trouvent indiquées, ou- tre les hauteurs régulières du sang pendant le calme, les hauteurs plus considérables observées an moment des efforts musculaires. Numéros Quantité Quantité Hauteur du sang de totale dans l'hémodynamomètre, des sang extraite de sang extraite avant chaque avant chaque Pendant Au moment iensurations. mensuration, mensuration le calme, des efforts, dote » » 2,020 » 2 OEM 2,000 2,000 1,925 » SAR 2,000 4,000 1,850 : Re PS 2,000 6,00€ 1,675 Ds de 2,000 8,000 1,545 : CNRS 2 2,000 10,000 1,350 » TONCRCROMECE 2,000 12,000 1,200 1,695 COPAINS 2,000 14,000 0,690 0,920 D éoe 2,000 16,000 0,660 0,820 OMR 2,000 18,000 0,540 0,630 LI ONENORET 2,000 20,000 0,530 3 AA. os e 1,000 21,000 0,500 » LE NA RE 1,000 22,000 0,440 » Le tableau précédent montre que les efforts ont une double influence tant sur la pression du sang artériel que sur la force du cœur, l'une immédiate, l’autre consécutive : ils augmentent sur- le-champ, dans une proportion considérable, cette pression et cette force, mais ils les diminuent beancoup, une fois qu'ils viennent à cesser, comme si les efforts, en exagérant la puissance contractive du cœur pour un instant, l'épuisaient ensuite brusquement. D'après cela, on pressent combien les efforts doivent être dangereux chez les sujets affectés de maladies du cœur ou d’'ané- vrysmes des gros vaisseaux, et l'on se rend bien compte de la pos- sibilité des ruptures du cœur et des artères dans de semblables conditions. Troisième expérience, Il s’agit ici d’une jument de gros trait, âgée de treize ans, de vigueur moyenne, pesant 486 kilogrammes. Les hauteurs du sang sont prises, comme dans la précédente, au moment du calme et pendant les efforts. Celle du début ne dépasse pas À mètre 3h G. COLIN. — DÉTERMINATION EXPÉRIMENTALE 91 centimètres. La dernière, mesurée à la suite d’une perte totale de 29 kilogrammes en 47 émissions, n’est que de A1 centimètres. Numéros Quantité Quantité Hauteur de la colonne de totale de sang sanguine, des sang exlraite extraile ee A, ? avant chaque avant chaque Pendant Au moment mensurations. mensuration. mensuration, le calme, des efforts, ARR 2 et 0 Le » » 1,910 » D ARS RENAN 2,000 2,000 4,755 » See TRE JS 2,000 4,000 4,745 » Aatvies in: 0 ; 2,000 6,000 1,795 » Drag CPE roi 2,000 8,000 1,535 » GLEN, Ar Æ 2,000 10,000 1,520 » TAC de 0 2,000 12,000 1,290 1,583 CE PNEU Mb pat 2,000 14,000 1,120 » HR PETENENÉES € 2,000 16,000 0,915 » 10 . 2,000 18,000 0,825 » AAREN TERRE 2,000 20,000 0,765 » AD) ass ste 2,000 22,000 0,745 » Le SE PO PTE D: 2,000 24,080 0,725 » HULL. 000,0, 4/000 25,000 0,630 AISNE ET TE 1,000 26,000 0,565 » AGREE 1,000 27,000 0,480 » AMEN Sn ea ere 1,000 28,000 0,440 0,625 Asa. « < 200,0,1;000 29,000 0,410 5 Quatrième expérience. Elle a pour sujet un cheval hongre, âgé de seize ans, maigre el faible, de stature moyenne. La colonne sanguine, dont la hauteur initiale est de 1",81, se réduit à 56 centimètres après 10 émissions successives, qui, réunies, représentent 17 kilogrammes de sang. Numéros Quantité Quantité Hauteur de totale de sang des sang extraite extraite de la colonne nl avant chaque ayant chaque mensurations. mensuration. mensuration. sanguine. AE a PE RES » » 1,81 Ads core - 2,000 2,000 1,90 dent sand B00 4,000 1,72 RC n Cup : 2,000 6,000 1,54 Bree ton mode 2,000 8,000 1,30 GEVAIEURSENAE. 2,000 10,000 0,63 PTE Me note 2,000 12,000 0,66 SAVE a a 4000 13,000 0,67 Cru et 1,000 14,000 0,63 aus RE es 000 15,000 0,53 A ie Nr 1,000 16,000 0,56 C2 A ne 1,000 17,000 DE LA FORCE DU COEUR, 345 Cinquième expérience. Cette dernière, qui porte sur un cheval de taille moyenne, âgé de quinze ans, fait voir que la pression, au lieu d’être absolument en rapport avec la masse totale du sang qui existe dans l’ensemble du système vasculaire, est proportionnée à la portion de cette masse contenue dans les artères. En effot, les hauteurs, observées cinq minutes après une saignée artérielle, sont plus considérables que celles qui sont prises immédiatement après l'évacuation, sans doute parce que le système artériel a pu, dans ce court délai, ré- parer une partie de ses pertes aux dépens des veines et des capil- laires. Numéros Quantité Quantité Hauteur Hauteur de lotale de sang de la colonne de la colonne des sang extraite extraite sanguine immé- sanguine avant chaque avant chaque diatement 5 minutes après mensurations. mensuralion. mensuration. après la saignée. la saignée. TA RER PPT » » 1,87 » AP QU 2,000 2,000 1,84 » deL. . Lure 2,000 4,000 4,74 » Fr NT 2,000 6,000 1,73 » raraeu 2,000 8,000 1,60 ; ete. : 2,000 10,000 1,44 » 7 ; 2,000 12,000 0,90 1,48 LITRES 2,000 14,000 0,86 1,15 on Una à dE 2,000 16,000 0,59 > ATEN 2,000 18,000 0,55 0,75 - 2,000 20,000 0,64 0,66 . LR USE EEE EEE 2,000 22,000 » » Les cinq expériences relatées ci-dessus suffisent pour montrer les changements apportés par les émissions sanguines dans la pression du sang artériel. Avant de passer au cœur droit, formulons en quelques pro- positions ce que nous venons d'établir à l'égard du cœur gauche et de la circulation générale : L La pression du sang artériel, dans le système aortique, se mesure par la hauteur à laquelle s'élève ce fluide dans un tube vertical adapté à une artère. I. Celte pression s’exerçant, d’après les lois de l’hydrostatique, sur le ventricule gauche, et proportionnellement à sa surface, dès 346 &. COLIN. — DÉTERMINATION EXPÉRIMENTALE, ETC, que les valvules sigmoïdes sont soulevées, fait supporter au cœur un poids considérable. HT. Pour la déterminer dans chaque espèce et dans chaque in- dividu, il suffit de trouver, d’une part, la hauteur que le sang atteint dans un tube fixé à une artère quelconque, et, d'autre part, l'étendue de la surface interne du ventricule gauche. IV. Comme, chez le cheval, la colonne sanguine qui presse sur le cœur aorlique a une élévation moyenne de 2 mètres, et une base de 565 centimètres carrés représentant la surface interne du ventricule gauche, celui-ci supporte, dès le début de la systole, une pression de 118 kilogrammes. V. La contraction du même ventricule doit nécessairement dé- ployer, chez cet animal, une force capable de soulever un poids de 418 kilogrammes, et sans laquelle le sang ne pourrait être lancé dans l'aorte. VI. La force du cœur gauche, toujours en rapport avec la pression du sang artériel, varie suivant l’âge, la taille etla vigueur des animaux. VII. Les circonstances qui modifient le plus l'intensité de cette pression sont les mouvements respiratoires, les grands efforts musculaires, et surtout les divers degrés de plénitude des vais- seaux. VIIL. Les émissions sanguines la font diminuer de beaucoup, et dans une relation directe avec leur abondance. IX. Elle cesse d’être compatible avec la vie, dès qu’elle est ré- duite à peu près au cinquième de son chiffre normal. X. Ce que M. Poiseuille a considéré, dans ses recherches, comme la force statique du ventricule gauche, n’est tout simple- ment que la pression exercée par le sang artériel sur les valvules sigmoïdes de l’orifice aortique. NOTE SUR DES PROTO-ORGANISMES VÉGÉTAUX ET ANIMAUX NÉS SPONTANÉMENT DANS L'AIR ARTIFICIEL ET DANS LE GAZ OXYGÈNE, Par M, F., POUCHET. Présenté à l'Académie des sciences, le 20 décembre 1858, Au moment où, secondés par le progrès des sciences, plusieurs naturalistes s'efforcent de restreindre le domaine des générations spontanées ou d'en contester absolument l'existence, j'ai entrepris une série de travaux dans le but d’élucider cette question tant con- troversée. Après avoir répété toutes les expériences sérieuses faites sur ce sujet, j'en suis enfin arrivé à celles de MM. Schultze et Schwann, que, d'un commun accord, tous les adversaires de l'hétérogénie ont considérées comme Jui ayant porté le coup su- prême. Dès à présent je puis assurer qu’en suivant exactement les mêmes procédés que ces deux savants, et même en les variant eten donnant encore un bien plus haut degré de précision à leurs expériences, j'obtiens constamment un résultat positif. On voit se produire des animalcules et des Cryptogames divers dans des matras où tout germe organique a été préalablement détruit, et où l'air ne parvient qu'après avoir été amplement lavé dans de l’acide sulfurique concentré, ou avoir traversé un labyrinthe de fragments de porcelaine ou d'amiante portés à la température de la chaleur rouge. Il ne s’agit que de conduire rationnellement ces opérations, d'en faire l'examen en temps opportun et avec toute l'attention nécessaire. Quoique mes nombreuses expériences démontrent jusqu'à l’évi- dence que l'air atmosphérique ne peut être et n’est pas le véhicule des germes des proto-organismes, j'ai pensé que ce serait en 348 F. POUCHET, — GÉNÉRATION SPONTANÉE couronner heureusement la série, et en même temps ne laisser aucune prise à la critique, si je parvenais à déterminer l’évolution de quelque être organisé, en substituant de l’air artificiel à celui de l’atmosphere. Les belles expériences de MM. Regnault et Reiset me semblaient à l'avance indiquer que des animaux inférieurs pouvaient se déve- lopper dans cet air, puisque des animaux vertébrés y vivent bien, Mes essais furent couronnés de succès, el, à diverses reprises, j'ai vu des Microzoaires et une végétalion cryptogamique apparaître dans de l’eau absolument privée d'air atmosphérique, et qui n'était en contaët qu'avec un mélange de 21 parties d'oxygène et de 79 parties d'azote, ou même seulement avec de l'oxygène pur. L'expérience dans laquelle j'ai employé l'air artificiel a été exécutée en commun avec un jeune et savant professeur de chimie, M. Houzeau ; elle fera l’objet d’une autre communication. Je ne parlerai iei que de mon expérience sur l'oxygène. Dans l'oxygène pur, malgré mes appréhensions, j'ai été plus heureux. Læpérience avec l'oxygène. — Un flacon d’un litre de capacité fut rempli d’eau bouillante, et, ayant été bouché hermétiquement, avec la plus grande précaution, immédiatement on le renversa sur une euve à mercure; lorsque l’eau fut totalement relroidie, on le déboucha sousle métal, et l’on y introduisit un demi-litre de gaz oxygène pur. Aussitôt après on y mit, sous le mercure, une pe- lite botte de foin, pesant 10 grammes, qui venait d’être enlevée dans un flacon bouché, à une étuve chauffée à 100 degrés, et où elle était restée trente minutes. Le flacon fut enfin fermé hermé- tiquement à l’aide de son bouchon rodé à l'émeri, et, pour sur- croit de précaution, lorsqu'on l’eut enlevé de la euve, on mit une couche de vernis gras et de vermillon tout autour de son ou- verture. Huit jours après, la macération était d’une couleur fauve, sans pellicule apparente à sa surface, au moins à l'œil nu, mais le foin submergé offrait sur quelques-uns des brins qui hérissaient sa petite botte, des globules d’un blanc jaunâtre, de la grosseur d'un grain de groseille blanche, auquel de loin ils ressemblaient par- DES PROTO-ORGANISMES VÉGÉTAUX ET ANIMAUX. 349 faitement. Ces globules, au nombre de huit à dix, mais dont quel- ques-uns étaient très petits et flottants dans la liqueur, paraissaient évidemment formés de filaments d’une Mucorinée implantés à un même endroit, et de là s'irradiant en touffes serrées. Le microscope le démontra. Le dixième jour, le flacon ayant été ouvert, on exa- mina son contenu ; il n’y avait eu entre l’intérieur et l'atmosphère aucun échange. Le gaz oxygène qu’il contenait paraissait encore absolument pur, et les corps en ignilion qu'on y plongeait acti- vaient immédiatement leur combustion. On reconnut alors que les gros globules ou flocons blanchâtres qu'on discernait à travers les parois du vase, et qui étaient immergés dans l’eau, étaient évi- demment formés par une espèce de Champignon à mycélium très touffu et tassé. Cette plante, que je pris pour un Aspergillus, ne me parais- sant point avoir été décrite, afin de m'éclairer à ce sujet, je me suis adressé à M. Montagne, dont l'autorité en semblable matière a une haute valeur. Il a pensé aussi que c'était une espèce nou- velle, et il lui a plu de lui imposer le nom d’Aspergillus Pouchetii. J'ai respecté sa décision. Comme durant ces derniers temps plusieurs savants ont pré- tendu que les spores de quelques Cryplogames ne perdaient leur faculté de germer qu’à une lempérature au-dessus de 100 degrés, j'ai dû, pour donner à l’expérience dont il vient d’être question toute l'authenticité possible, m'assurer s'il n’en serait pas ainsi à l'égard de végétaux qui s'étaient produits durant celle-ci. Ayant pris des spores du Penicillium glaucum de Link, je reconnus qu'elles étaient parfaitement sphériques, et offraient un diamètre de 0,0028 à 0,0042 de millimètre. Je les plaçai dans un petit tube avec environ 2 centimètres cubes d’eau, et celle-ci, à l’aide d’une lampe à esprit-de-vin, fut entretenue en ébullition pen- dant un quart d'heure. Au bout de ce temps, on put constater, à l’aide du microscope, que les spores de ce Penicillium étaient déformées ; elles avaient perdu un peu de leur sphéricité, et leur volume était presque doublé; elles offraient alors un diamètre variant de 0,0050 à 0,0055 de millimètre. On rencontrait aussi dans la liqueur des espèces de granules aplatis, du diamètre de 390 F. POUCHET EX HOUZEAU. — EXPÉRIENCES 0,6028 à 0,0030, qui semblent n'être que des débris du test de quelques séminules de ce Penicillium, dont la substance intérieure avait été enlevée par le fait de ébullition. L'action de l’eau en ébullition parut affecter encore bien plus profondément les spores d’un Aspergillus. Ces expériences prouvent donc que ce n’est pas l'air qui est le dépositaire des germes organiques, puisque nous voyons un végé- {al naitre dans un milieu dont l'air, absolument banni, a été rem- placé par de l'oxygène. Dans cette expérience, le liquide, examiné très attentivement, ne nous a paru recéler aucun animalcule. EXPÉRIENCES SUR LES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES. DEUXIÈME PARTIE : DÉVELOPPEMENT DE CERTAINS PROTO -ORGANISMES DANS DE L'AIR ARTIFICIEL, Par MM. POUCHET et HOUZEAU. Nous avons pris un grand flacon de 5 litres de capacité, bou- chant à l’émeri. Ce flacon à été rempli d’eau bouillante et immé- diatement on l’a hermétiquement fermé et renversé sur une cuve à mercure. Lorsque l'eau fut refroidie, on introduisit dans ce flacon un mélange de gaz oxygène et d'azote, dans les proportions voulues pour constituer de l'air artificiel; celui-ci occupa les trois quarts de la capacité du vase. Enfin, en prenant les plus grandes précautions, on à aussi introduit dans ce flacon 10 grammes de foin qui venait d'être exposé durant vingt minutes dans une étuve à la température de 100 degrés. Ce foin ayant été enlevé de l'étuve dans un flacon à large ouverture, bouché lui-même dans l'étuve et débouché seulement sous la cuve, on l’introduisit dans le flacon. Ainsi on était certain que si quelques parcelles d'air étaient restées dans les interstices de ce foin, chauffées à 400 degrés, elles ne pouvaient recéler aucun germe de Microzoaire susceplible désor- SUR LES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES. 301 mais de se développer. Enfin, le flacon, ayant été bouché sous le mercure, fut remis dans sa situation ordinaire, et tout le contour de l'ouverture, pour plus de précision, fut revêtu d’une couche de vernis au copal épaissi avec du vermillon. Le vase fut ensuite placé dans notre laboratoire, près d’une fenêtre etobservé chaque jour à l'extérieur. Durant les six premiers jours la température ayant été en moyenne de 18 degrés, la liqueur resta jaune et limpide. Le huitième, l'eau commence à devenir nébuleuse ; on aperçoit près de ses bords un ilot flottant d’un vert glauque, ayant environ à millimètres de diamètre, et formé, sans nul doute, d’une végé- tation cryptogamique due à une agglomération de Penicillium. Le douzième jour, la liqueur continue à être trouble, sans bulles à sa surface, et l'on y découvre, vers le fond du vase, un globule sphérique de 5 millimètres de diamètre, constitué très probable- ment par un amas d'Aspergillus. Le dix-huitième jour, l’eau est encore plus trouble que précé- demment, et il apparait vers son milieu un ilot flottant, formé évi- demment de Penicillium en fructification. Le vingt-quatrième jour, le liquide présente à peu près le même aspect que précédemment, seulement il est plus trouble vers le fond. Enfin, un mois après le commencement de cette expérience, le flacon fut débouché. Le gaz contenu dans son intérieur n'avait contracté aucune mauvaise odeur ; la superficie de l’eau n'offrait aucune pellicule; et l’on y voyait flotter quatre petits ilots de Peni- cillium ; et dans ce liquide, qui était jaune et trouble, nageaient plusieurs flocons d’Aspergillus, de grosseurs diverses, et dont deux, composés de touffes serrées de ce Champignon, offraient le volume et l'aspect de grains de groseille blanche. L'un des ilots, extrait et examiné au microscope, est formé d’un Cryplogame très touffu, très rameux, à ramifications éparses, appartenant au genre Penicillium : c'est évidemment le Peni- cillium glaucum de Link. Les flocons qui se rencontrent immergés dans la mavération, par l'aspertde leurs toulfes et par la structure de leurs mycéliums, 392 POUCHET ET HOUZEAU. — EXPÉRIENCES, ETC. ressemblent absolument à l’Aspergillus que nous avons observé dans l'oxygène ; mais coinme ces flocons sont restés sous l’eau etn’ont pas fructifié, il a été impossible de déterminer exacle- ment à quelle espèce appartenait la Mucorinée qui les compose. On rencontre çà et à, nageant à la surface de l’eau, des grains de matière verte, sphériques, remplis de granules et offrant 0,0112 de millimètre de diamètre. Malgré la température qui avait toujours été assez basse pendant la durée de cette expérience, et en moyenne de 45 degrés, et mal- gré l'influence défavorable que présentent toutes les expériences exécutées à vaisseaux clos, nous découvrimes un assez grand nombre d’animalcules dans notre macération. Sa surface était remplie de Protées diffluents (Proteus diffluens, Müll.; Amiba diffluens, Dujardin). On y voyait aussi un grand nombre dé Tra- chelius absolument analogues au Trachelius trichophorus d'Ehren- berg, jeunes, et n'ayant que 6,065 de millimètre de longueur; ils étaient extrêmement agiles, se contournant en fous sens et dar- dant leur longue trompe de tous côtés. On y voyait en outre quel- ques Trachelius globifer, Ehr., puis quelques Monas elongata, Duj.; et un grand nombre de Vibrions excessivement fins, parmi lesquels on remarquait surtout le F'ibrio lineola, Müll., et le Vibrio rugula, Müll. Ainsi donc il résulte évidemment de cette expérience, que des animalcules et des plantes se sont développés dans un milieu ab- solument privé d’air atmosphérique, et dans lequel , par consé- quent, celui-ci n’a pu apporter les germes des êtres organisés qu'on y a découverts, Et si même on pouvait supposer qué quel- ques parcelles de cet air aient pu s’introduire dans l'appareil, il est cerlain que celles-ci, avant d'y pénétrer, avaient subi une tem- pérature à laquelle n'auraient pu résister les germes des proto- organismes qui se sont engendrés dans cette circonstance. Les germes des Infusoires ne résistent point à une température de 100 degrés, et les expériences de l’un de nous ont prouvé que les spores des Mucorinées, analogues à celles dont il est question dans celte expérience, sont désorganisées par cette température. st REMARQUES SUR LA VALEUR DES FAITS QUI SONT CONSIDÉRÉS PAR QUELQUES NATURALISTES COMME ÉTANT PROPRES A PROUVER L'EXISTENCE DE LA GÉNÉRATION SPONTANÉE DES ANIMAUX. Par M. MILNE EDWARDS. Les physiologistes sont depuis longtemps partagés d'opinion au sujet de l’origine de la vie dans les êtres organisés. La plupart d'entre eux admettent que celte force n'existe que là où elle a été transmise; que depuis la création jusqu’au moment actuel, une chaine non interrompue de possesseurs de cette puissance se la sont communiquée successivement, et que la matière brute ne saurait s'organiser de façon à constituer un animal ou une plante, si elle n’est souinise à l'influence d’un être vivant où d’un germe orûi d’un corps de cet ordre. D'autres, au contraire, ont soutenu que la matière merte, pla- cée dans certaines conditions physiques et chimiques, était apte à prendre vie sans le concours d’un être générateur ; que les ani- maux et les plantes pouvaient se constituer de toutes pièces, sans avoir puisé dans un autre corps vivant le principe de leur exis- tence, et que par conséquent la vie elle-même devait être consi- dérée non comme la conséquence d'une force qui aurait été don- née en propre aux corps organisés, mais Comme une propriété générale de la matière organisable, qui se manifesterait dès que les circonstances extérieures deviendraient favorables à son appa- rition. Dans mon enseignement et dans mes écrits, j'ai souvent com- battu cette dernière doctrine, et l'hypothèse de la génération spon- lanée des animaux me semblait compter aujourd'hui si peu de partisans parmi les zoologisles, que j'aurais craint d'abuser des moments de l'Académie en venant la discuter devant elle, si je n’a- vais vu par le Compte rendu de l’une de nos dernières séances, qu'un de nos savants correspondants, M. Pouchet, en avait faitl'ob- jet d'études nouvelles, dont ressortirait, si ses conclusions étaient 4° série. Zooz. T. IX, (Cahier n° 6.) 5 23 201 MILNE EDWARDS. — REMARQUES exactes, la preuve du fait si souvent annoncé, mais jamais démon- tré, de la naissance d'animaux et de plantes qui ne seraient pas engendrés par des êtres vivants, et qui seraient produits unique- ment par l’action des forces générales dont dépendent les combi- naisons chimiques dans le règne inorganique (1). Mais en lisant ce mémoire, j'ai pensé qu'il ne serait pas inutile de soumettre au jugement de mes collègues les motifs qui me portent à repousser ces conclusions, car il me paraissait désirable de connaître l’opi- nion des autres physiologistes sur un sujet si important; et d’ail- leurs les questions que cette discussion soulève ne sont pas seu- lement du domaine des sciences naturelles, et pour les résoudre il faut avoir recours aussi aux lumières des chimistes. Longtemps avant que l'invention du microscope eût permis aux zoologistes de découvrir les animalcules d’une petitesse extrême qui naissent par myriades dans les eaux où infusent des débris or- ganiques, on avait remarqué que souvent les cadavres abandonnés à la putréfaction se peuplent pour ainsi dire d’une foule de corps vivan{s, et n’apercevant dans ce phénomène l'intervention d'aucun être animé par lequel ees corps auraient pu être procréés, les an- ciens naturalistes supposaient qu'ils étaient un produit de la putré- faction des matières animales ; que ces matières, après avoir cessé d’appartenir à un être vivant, pouvaient s'organiser spontanément sous une forme nouvelle, et constituer ainsi des animaux qui n'auraient pas de parents ; enfin que la vie n’est pas la cause, mais la conséquence d’un certain mode d’arrangement des molécules dont ces substances se composent, et que ce genre de groupement moléculaire pouvait être déterminé par le jeu des forces générales de la nature. C’est de la sorte que pendant fort longtemps on crut pouvoir se rendre compte de l'apparition des larves vermiformes qui four- millent dans les charognes. Mais dès que la question de l’origine de ces animaux fut étudiée par l'Académie florentine, si heureu- sement nommée del Cimento, et soumise à un examen sévère par un des membres de celle compagnie, François Redi, on vit claire- (1) Voyez ci-dessus, page 347 et suivantes. SUR LES PRÉTENDUES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES. 309 ment que les larves nées dans les cadavres, loin d’être le produit d’une génération spontanée, sont la progéniture d’Insectes bien connus, et que si on ne les rencontre qu’au milieu des matières animales en putréfaction, c’est parce que là seulement elles trou- vent réunies toutes les conditions nécessaires à leur développe- ment, et parce que leur mère, guidée par un instinct merveilleux, les y dépose à l'état de germe. Les expériences de Redi, qui datent du milieu du xvn° siècle, ne laissèrent subsister aucune incertitude au sujet de l’origine des larves dont je viens de parler ; mais ce qui était facile à constater quand il s'agissait d'animaux aussi gros que le sont les Mouches de la viande, l’est beaucoup moins quand il est question d’une Monade ou de tout autre animaleule infusoire dont notre œil ne distingue l'existence qu'à l’aide du microscope, et dont les germes, à raison de leur extrême petitesse, échappent le plus souvent à tous les moyens d'observation que l'optique nous fournit. Aussi, lorsque Leuwenhoek et ses successeurs nous eurent révélé la pré- sence des animaleules dont les infusions de matières végétales et animales fourmillent, vit-on l'hypothèse des générations sponta- nées reprendre faveur, et les physiologistes se diviser d'opinion au sujet de l’origine de ces petits êtres. Suivant les uns, ils ne se- raient autre chose que le produit du développement de germes comparables aux œufs des Mouches de la viande dontil vient d’être question, mais d’une petitesse en rapport avec l'exiguité de la taille des Infusoires dont ils proviennent : germes qui seraient répandus en nombre immense dans la nature, flotteraient dans l'atmosphère comme le font les poussières les plus fines, et se dé- poseraient à la surface de tousles corps en confact avec l'air, mais ne se développeraient que là où ils rencontreraient de l’eau et dés malières organiques en voie de désagrégation qui leur serviraient d'aliments. Suivant les autres, ces Infusoires ne proviendraient d'aucun germe de ce genre, et seraient des portions de Ja substance organique morte, qui, devenues indépendantes par suite de l’ac- tion dissolvante de l’eau, prendraient vie, et conslitueraient autant d'êtres nouveaux. L'analogie fournit de puissants arguments en faveur de la pre- 906 MILNE EDWARDS, — REMARQUES mière de ces deux hypothèses. Pour soutenir la seconde, on à sou- vent invoqué les résultats d'expériences dans lesquelles on avait vu des animaleules se développer dans des infusions que l’on pensait avoir placées dans des conditions telles, que tous les germes préexistants dans la matière organique soumise à l’action désagré- geante de l'eau devaient avoir perdu leur vitalité, et que ni ce li- quide ni l'air ambiant ne pouvaient y avoir introduit d’autres cor- puscules du même ordre. Frey et plusieurs autres observateurs ont cru avoir réalisé ces conditions, et ont néanmoins vu leurs infusions se peupler de végétaux et d’animaleules microscopiques. Aussi en ont-ils conclu que ces êtres vivants pouvaient naître par voie de génération spontanée. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur le mode d'origine des végétaux microscopiques , car on doit laisser aux botanistes celte tâche difficile ; mais en ce qui concerne les animaux, je ne crains pas de dire que les conditions qui doivent nécessairement être remplies pour que les expériences dont je viens de parler aient quelque valeur dans la discussion de la question de la transmission de la vie ou de la formation spontanée des êtres vivants n'avaient été réalisées par aucun des prédécesseurs de M. Pouchet. Ce naturaliste, dont les recherches ont été communiquées à l'Académie dans une de nos dernières séances, a-t-il écarté les objections que l’on était en droit de faire aux expériences de ses devanciers ? Je ne le crois pas, et avant de rendre compte de quelques observations que j'ai eu l’occasion de faire sur le même sujet, je crois devoir exposer brièvement les raisons qui me por- tent à en juger ainsi. Je n'élève aucun doute sur l'exactitude des faits annoncés par M. Pouchet; mais ces faits ont-ils la signification que ce natura- liste semble leur attribuer ? Je ne le crois pas. Effectivement, voici en peu de mots l’expérience de ce zoolo- oiste. Après avoir fait bouillir de l’eau et avoir soustrail ce liquide du contact de l'air, il le met en rapport avec de l’oxygène pur, et y introduit une certaine quantité de foin, qui avait été préalable- ment renfermé dans un flacon, et chauffé pendant une demi-heure dans une étuve dont la température avait été portée à 100 degrés. SUR LES PRÉTENDUES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES. 397 L'infusion ainsi préparée fnt eonvenablement séquestrée, et au bout de quelques jours M. Pouchet vit des Infusoires s'y déve- lopper. Pour conclure de ces faits que les animaleules dont je viens de parler ne provenaient pas de germes qui se seraient trouvés dans le foin mis en infusion, il faut supposer que la vitalité a été néces- sairement détruite dans tous ces germes par l'élévation de tempé- rature déterminée dans ces corpuseules pendant leur séjour dans l'étuve. M. Pouchet présume qu'il devait en être ainsi, parce qu'en faisant bouillir dans de l’eau des spores d’un Penecil- lium, il a vu celles-ci se décomposer. Mais cette raison ne me sa- lisfait pas. Et d’abord le foin renfermé dans un flacon qui, pendant trente minutes, avait séjourné dans une étuve à 100 degrés, avait-il été réellement porté à la température de l'eau bouillante ? M. Pouchet semble le croire ; mais je suis persuadé du contraire, et je pense que les chimistes, ainsi que les physiciens, en jugeront de même. Ce n’est pas dans de pareilles conditions qu'on voit l'équilibre de température s'établir si promptement, et il me parait fort probable que le foin renfermé dans un vase de verre et entouré par de l'air en repos, substances qui conduisent fort mal la chaleur, n'avait été en réalité que fort peu chauffé par l’action de l’étuve où ce fla- con a élé placé pendant un espace de temps si court. Mais en admettant, par hypothèse, que l'expérience eût été pro- longée suffisamment pour que les substances organiques mêlées au foin, ou constituant celle matière sèche, se fussent mises presque en équilibre de température avec l'air de l’étuve, pourrait- on en conclure légitimement que les germes d’Infusoires contenus dans ces matières végétales ont dù perdre leur viabilité, et être rendus inaptes à se développer? Non ; car il y a iei une distinction essentielle à établir entre l’action de la chaleur sur les corps orga- nisés qui renferment de l’eau et sur ceux qui se trouvent à l'état sec. Cela ressort nettement des recherches déjà anciennes de notre savant collègue M. Chevreul, et bien que, dans les circonstances ordinaires, nous voyions toujours la mort survenir chez les ani- maux dont le corps a éprouvé une élévation de température suffi- 398 MILNE EDWARDS, —- REMARQUES sante pour déterminer la coagulation de l'albumine hydratée con- tenue dans leurs tissus, nous savons qu'il n’en est pas toujours de même chez ceux qui ont été préalablement desséchés. En effet, M. Doyère a fait voir, il y a quinze ans, que certains animalcules, tels que les Tardigrades, quand ils sont suffisanmment desséchés, peuvent conserver la faculté de vivre, après un séjour de plu- sieurs heures dans une étuve dont la température est de beaucoup supérieure à celle du milieu où M. Pouchet a placé le flacon con tenant le foin employé dans ses expériences. Jai vu des animal- eules résister de la sorte à l’action très prolongée de l'air d’une éluve dont la température marquait 120 degrés centigrades; et dans les recherches de M. Doyère, la chaleur du milieu ambiant a été porlée jusqu'à 140 degrés, sans que la mort des animal- cules, préalablement desséchés, ait résulté de cette grande éléva- tion de température. Ce qui est vrai pour les Tardigrades, animaux d’une structure très complexe, peut être vrai aussi pour les germes des Infusoires en général, et j'en conclus que rien dans l'expérience de M. Pou- chet ne nous autorise à penser que les germes des animalcules observés par ce naturaliste ne préexistaient pas dans le paquet de foin dont il faisait usage, ou avaient dù être tués par le degré de chaleur auquel ce foin avait été exposé. Je dirai même que les expériences de notre savant correspondant ne me semblent ajouter aucune probabilité nouvelle en faveur de l'hypothèse des généra- tions spontanées. J'ai souvent fait des expériences analogues, et toujours j'ai vu que l'apparition d’animalcules vivants dans l’eau où des matières organiques mortes avaient été mises en infusion devenait d'autant plus rare que je prenais plus de précautions pour préserver ces liquides de toute introduction de germes viables. Dans plus d’un essai de ce genre, j'aurais pu croire que des générations sponta- nées s'étaient produites sous mes yeux, si, en réfléchissant aux conditions dans lesquelles j'avais opéré, je n'avais aperçu des sources d'erreur, et si, en écartant les causes auxquelles je pou- vais attribuer la préexistence de germes viables dans mes infusions, je n'avais vu les résultats négatifs se multiplier. SUR LES PRÉTENDUES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES,. 399 Je n'entretiendrai pas davantage l'Académie de la plupart de ces essais, mais je demanderai la permission de rendre brièvement compte d'une série d'expériences dans lesquelles des infusions qui, exposées au contact de l'atmosphère, auraient, suivant toute probabilité, donné naissance à des animalcules, ne m'en ont pas offert, quand les matières emprisonnées dans des vases hermé- tiquement fermés avaient été soumises à une température assez élevée pour déterminer la coagulation des malières albuminoïdes contenues dans leur intérieur. Pour arriver à ce dernier résultat, je plaçais dans deux tubes en forme d’'éprouvelle l’eau et les matières organiques dont je voulais faire usage. L'un de ces tubes, dont les deux tiers étaient oceupés par de l'air, fut alors fermé à la lampe, et, ainsi que l’autre tube, plongé ensuite dans un bain d’eau bouillante. Le bain fut maintenu en ébullition pendant le temps nécessaire pour que l’équi- libre de température ait dù s'établir à peu de chose près entre les deux infusions et le liquide extérieur, puis on laissa refroidir les tubes, et on les abandonna à eux-mêmes, en ayant soin d’exami- ner de temps en temps leur contenu à travers leurs parois trans parentes, Au bout de quelques jours, je vis des infusoires se mellre en mouvement dans celui des deux tubes qui était resté en communicalion avec l'atmosphère, tandis que dans l’autre tube, dont la clôture hermétique avait précédé l’action présumée mor- telle de la chaleur, je ne vis jamais apparaître un seul animalcule vivant. Jusqu'ici je m'étais borné àciter cesexpériences dans mes leçons publiques, et je n'avais pas cru devoir en entretenir l’Académie, parce que des résultats négatifs n’acquièrent de l'importance que lorsqu'on les a obtenus d’une manière constante un grand nombre de fois, et parce que la génération spontanée des animaux me pa- aissait si peu probable, que je ne voulais pas consacrer beaucoup de temps à répéter des recherches au sujet d'une question qui me semblait résolue. Mais aujourd’hui qu'un naturaliste distingué est venu communiquer à l'Académie de nouvelles observations à Vappui de celte hypothèse, et que quelques-uns de nos jeunes physiologistes voudront peut-être se livrer à des recherches ulté- 360 tiM. PAYEN, QUATREFAGES, CL. BERNARD ET DUMAS. rieures sur le mode d’origine des animalcules microscopiques, il m'a semblé qu'il pourrait y avoir quelque utilité à exposer dans celle enceinte les raisons qui me portent à persister dans mon opi- nion touchant l'inutilité de l'hypothèse de la génération spontanée des êtres vivants pour l'explication de tous les faits connus relatifs à la mulliplication des animalcules. Or une hypothèse qui n'est pas nécessaire pour l'intelligence des phénomènes constatés par l'observation, et qui est en désac- cord flagrant avec tout ce que l’analogie nous conduirait à admettre, ne me semble pas devoir prendre place dans la science. Il me paraît probable que la chimie parviendra à créer de toutes pièces les suh- slances qui servent comme matériaux pour la constitution des corps vivants; mais, quant à la genèse des organismes animés, sans le concours de la puissance vilale, je ne vois aucun motif pour y croire. Jusqu'à plus ample informé, je continuerai done à penser que, dans le règne animal, il n’y a point de génération spontanée ; que tous les animaux, les petits comme les grands, sont soumis à la même loi, et qu’ils ne peuvent exister que lors- qu'ils ont été procréés par des êtres vivants. OBSERVATIONS SUR LA QUESTION DES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES, Par MM. PAYEN, DE QUATREFAGES, CL. BERNARB ct DUMAS. A la suite de la lecture de la note précédente devant l’Académie des sciences, plusieurs membres ont pris la parole pour apporter de nouveaux arguments à l'appui de l'opinion soutenue par M. Milne Edwards. S&Ler.—M. Payen dit : « Lorsqu’en 18/3 survint un phénomène d’altéra- tion du pain par une rapide végétation cryplogamique, après avoir déterminé avec M. de Mirbel la cause de ce phénomène qui inquiétait la population, M. Payen voulut constater la température à laquelle les sporules de l'Oidium aurantiacum perdraient leur faculté germinative. Ces sporules furent chauffées d’abord pendant une heure à 100 degrés dans un tube au bain d'huile. Une partie fut alors retirée du tube, et mise dans les circonstances où leur germination püt avoir lieu, et elle se réalisa en effet. SUR LES PRÉTENDUES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES. 361 » Les portions des sporules, chauffées ensuite jusqu’à 120 degrés, ne manifestèrent aucun changement dans leur aspect, ni dans leur colora- tion, et avaient conservé leur propriété de développement. » Enfin ce qui restait dessporules fut chauffé une heure à + 140 degrés. » Dès lors, l'aspect était changé, la coloration avait passé du rouge orangé au jaune fauve, et la facullé germinative était anéantie. » Ces résultats viennent, pour les végétaux rudimentaires, à l'appui de l'opinion de M. Milne Edwards sur les animalcules. » SIL. Observations de M. de Quatrefages. — « Jai bien souvent ex- primé sur la génération spontanée des opinions semblables à celles que vient d'exposer M. Milne Edwards. Je ne puis donc que donner une adhé- sion entière au travail de mon savant confrère. Si je prends la parole, c’est seulement pour communiquer à l’Académie une observation qui, tout incomplète qu'elle est, confirme des idées aujourd’hui d’ailleurs généralement admises. » Pour expliquer la plupart des faits sur lesquels s’appuient les parti- sans de la génération spontanée, lout en restant fidèle à la doctrine de la génération par voie de parenté, il est nécessaire d'admettre l’existence d’un nombre très considérable de germes végétaux et animaux constam- ment répandus dans l'atmosphère, et prêts à se développer aussitôt qu’ils se trouvent placés dans des conditions favorables. Or les partisans de l'hétérogénie, ou bien nient d’une manière presque absolue l’existence de ces germes, ou bien assurent qu’ils doivent être en nombre insuffisant pour expliquer l'apparition, dans les infusions, de ces myriades d'animaux el de végélaux microscopiques qui se montrent au bout d’un temps parfois très court. C'est ce point de fait que j'ai cherché à éclaircir par des ob- servalions directes. » Dans ce but, j'ai profité de l’obligeance de notre savant confrère M. Boussingault. Grâce à lui, j’ai pu examiner les poussières restées sur le filtre à la suite de ses curieuses études sur les pluies d'orage. A l’état sec, celles de ces poussières qui avaient une origine organique ne présen- taient guère qu'un assemblage confus de corpuscules indéterminables. Il en était encore à peu près de même dans les premiers moments de l’im- mersion. Mais après quelques heures de séjour dans l’eau, je reconnus aisément sur le porte-objet des spores en très grandnombre, des Infusoires enkystés, et plusieurs de ces petits corps sphériques ou ovoïdes que con- naissent bien lous les micrographes, et qui font naître involontairement l'idée d'un œuf d'une excessive pelitesse. Je trouvai encore dans ces mêmes poussières un ou deux Rotateurs de petite taille qui avaient déjà 362 MM. PAYEN, QUATREMAGES, CL, BERNARD ET DUMAS. repris à peu près leurs formes, mais ne donnaient aucun signe de vie, soit qu'ils fussent réellement morts, soit que l’immersion dans le liquide n’eût pas encore duré assez longtemps pour les sortir de la torpeur, si semblable à la mort, que produit chez eux la dessiccation. Quelques poussières recueillies sur des plaques de verre, dans des caves et dans un appartement élevé, me montrèrent des faits analogues. J'ai vu plusieurs fois certaines Monades se mettre en mouvement au bout de trois à quatre heures d'immersion. J'avais alors l'intention de poursuivre ces recherches d’une manière comparative, mais des occupations plus pressantes me for- cèrent l’abandonner ce travail à peine commencé. » Si l’on rapproche des faits précédents ceux que M. Ehrenberg a fail connaître depuis longtemps sur l’excessive rapidité de multiplication des Infusoires, on se rendra comple, je crois, de tous ceux que présente l'apparition de ces petits êtres dans nos infusions, el l’on comprendra surtout combien doivent être minutieuses les précautions destinées à écar- ter ces germes presque invisibles des liquides mis en expérience. » Qu'il me soit permis d'ajouter quelques réflexions très courtes à ce qui précède. » Il y a bien peu de temps encore, les partisans de la génération spon- {anée appuyaient leurs doctrines sur les faits alors connus, présentés par deux groupes animaux dont l’étude est presque également difficile, quoi- que par des raisons très différentes, les Vers intestinaux et les Infusoires. Les belles recherches de MM. Van Beneden et Küchenmeister, couronnées par l’Académie, celles de divers helminthologistes qui ont répété et étendu leurs expériences et leurs observations, ne peuvent guère laisser de doute sur le mode de propagation des animaux appartenant au premier de ces groupes. Il ne peut plus être question d'espèces agames nâissant sponta- nément dans les êtres vivants,et se propageant d’une manière mystérieuse. Tous les faits qui ont pendant si longtemps arrêté les naturalistes, et fourni un point d'appui apparent aux doctrines de l’hétérogénie, trouvent aujour- d'hui une place toute naturelle dans cet ensemble de phénomènes que j'ai proposé de désigner par le nom de généagénèse. Chez les Helminthes, tout aussi bien que chez les animaux bien plus anciennement connus, la reproduction s'opère par l'intervention de deux éléments, lun mäle, l'autre femelle, par un œuf fécondé (1). Seulement celui-ci donne nais- (4) Voir dans la Revue des Deux-Mondes une série d'articles sur les méta- morphoses, commençant au 4‘ avril 1855. J'ai eu soin dans ce travail de dis- tinguer neltement les phénomènes de parthénogénèse de ceux de la généa- SUR LES PRÉTENDUES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES, 303 sance à un être qui ouvre un cyele de générations parfois fort nombreuses et toutes agames, cycle qui se clôt par la réapparition des attributs sexuels. Tout donc se passe ici comme chez les Méduses et les autres animaux ma- rins, dont le mode de reproduction a modifié d’une manière si remarquable les idées reçues par nos devanciers sur celte partie importante de la phy- siologie générale. » La classe des Helminthes une fois rapprochée des autres animaux sous le rapport dont il s’agit, les partisans de l’hétérogénie ne pouvaient plus s'appuyer que sur des faits empruntés à celle des Infusoires. Voilà pourquoi l’Académie crut devoir meltre au concours pour 4857 la ques- tion de la reproduction des animaux de ce groupe. On sait quel fut le ré- sullat de cet appel. Des travaux fort importants furent adressés à l’Acadé- mie, qui, tenant compte de la difficulté du sujet, décerna le prix, tout en signalant d'importantes lacunes. Parmi ces dernières se trouvait surtout l'absence de notions positives sur la génération seæuelle. » Cette lacune si grave semble être aujourd’hui comblée, grâce à un travail de M. Balbiani, travail présenté à l'Académie, mais que je ne puis que rappeler ici, parce qu’il doit être l'objet d’un rapport. Si les faits annoncés par ce jeune observateur sont reconnus exacts, les Infusoires iront se placer à côté des Vers intestinaux, et parmi les groupes dont la génération présente des phénomènes de généagénèse, tout en restant fon- damentalement sexuelle. » S'il en est ainsi, que devient la doctrine de l’hétérogénie? » N'en fût-il pas ainsi, l’analogie nous permettrait-elle d'admettre, à moins de preuves parfaitement décisives et de nombreuses confirmalions, que la génération spontanée, exclue de tout le règne animal, existe en réalité dans la Seule classe des Infusoires ? Évidemment non. » Les faits et les réflexions que viennent de nous communiquer MM. Milne Edwards et Payen me semblent établir que les preuves irrécu- sables, nécessaires ici pour forcer les convictions de tout naturaliste, n’ont pas encore été fournies. Je ne vois donc aucune raison pour modi- fier sur ces divers points les opinions que j’ai puisées, soit dans les travaux de mes confrères, soit dans mes études personnelles sur les organismesles plus inférieurs. » génèse. Les premiers n'avaient pas encore été l'objet des curieuses recherches qui s'accumulent chaque jour. Cependant je crois que les quelques réflexions que je faisais alors sur le petit nombre de faits connus conservent encore leur valeur, au moins en grande partie. Je ne crois pas que la parthénogénèse soit un phé- nomène aussi simple qu'on parait le croire généralement. 36/4 MM. PAYEN. QUATREFAGES, CL, BERNARD ET DUMAS. $ IL. Observations de M. Claude Bernard. — « Parmi un grand nombre d'expériences que j’ai faites autrefois pour connaître l'influence de la matière sucrée dans les liquides où se développent des végétaux microscopiques, dit cet académicien, j’en ai fait une que je vais citer, parce qu’elle peut se rapporter au sujet de la génération spontanée actuel- lement en discussion. » Le 1° septembre 1857, dans deux ballons de verre ayant chacun un demi-litre de capacité environ, j'ai introduit à peu près 50 centimètres cubes d’une même dissolution très légère de gélatine dans l’eau, à laquelle on avoit ajouté quelques millièmes de sucre de canne. Ensuite le liquide fut porté et maintenu à l’ébullition pendant un quart d'heure dans les deux ballons, dont on avait préalablement étiré une partie du col à la lampe, afin de pouvoir plus tard les sceller plus facilement. » Jusqu’alors il n’y avait aucune différence entre les deux ballons. C’est à ce moment seulement, lorsque les liquides des ballons étaient depuis un quart d'heure en pleine ébullition, et que par conséquent la vapeur d’eau remplissant toute leur capacité en avait chassé l'air, qu’on différencia les deux ballons en laissant rentrer dans l’un de l'air ordinaire, et dans l’autre de l'air surchauffé. Pour cela, pendant que l’ébullition continuait, on adapta le col d’un des ballons à une des extrémités d’un tube de porce- laine rempli de fragments de porcelaine, et porté au rouge sur un four- neau; à son autre bout, le tube de porcelaine était muni d’un tube de verre effilé, afin que l’air ne püût entrer qu’en pelite quantité à la fois, et passât lentement sur les fragments de porcelaine portés au rouge. Tout étant ainsi disposé, la vapeur d’eau du liquide en ébullition se rendait dans le tube de porcelaine, et chassait l’air qu’il contenait. On vit bientôt, en effet, la vapeur d’eau sortir par le tube effilé qui était placé sur l’extré- mité opposée à celle où était fixé le ballon. C’est alors qu’on enleva la lampe placée au-dessous du ballon pour arrêter l’ébullition. Peu à peu, par le refroidissement, la vapeur d’eau se condensa, et l'air rentra dans le ballon; mais on conçoit qu’il ne pouvait y rentrer qu’après avoir passé par le tube de porcelaine porté au rouge dont il a été parlé précédemment. Après le refroidissement du liquide, on scella à la lampe le ballon dans le point de son col qu’on avait préalablement étiré. » Quant à l’autre ballon, on ne l’adapta pas au tube de porcelaine, de sorte que lorsque l’ébullition cessa, l’air qui rentra dans son intérieur était l'air ordinaire, c’est-à-dire l’air du laboratoire qui n'avait pas été surchauffé comme dans le cas précédent. Lorsque le ballon fut refroidi, il fut scellé à la lampe comme le précédent. SUR LES PRÉTENDUES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES, 965 » Les deux ballons furent ensuite placés dans les mêmes conditions, dans une chambre au midi, à la température ambiante et exposés à la lu- mière. » Après dix à douze jours, on voyait à la surface du liquide, dans le ballon avec l'air ordinaire, des végétations, c’est-à-dire des moisissures très caractérisées, tandis que, dans le ballon avec Pair chauffé, le liquide était resté parfaitement limpide, et l’onn’apercevait rien à sa surface. Après un mois, les moisissures avaient considérablement augmenté dans le bal- lon à air ordinaire, et rien n’était apparu dans le ballon avec l'air chauffé; seulement le liquide s’était légèrement troublé. » Après six mois (4 mars 1858), les moisissures étaient restées slationnaires dans le ballon avec l'air ordinaire. Le liquide du ballon avec l'air chauffé avait toujours le même aspect; on n’y voyail aucune moi- sissure. » À cette époque, on cassa l'extrémité des deux ballons sous le mer- cure. Dans celui à l'air chauffé, il y eut une absorption assez con- sidérable de mercure, qu’on ne remarqua pas dans le ballon à air or- dinaire, » L'air des ballons étant analysé, on ne constata pas d'oxygène d’une manière appréciable ni dans l’un ni dans Pautre. L’air renfermait en volume 15,48 pour 100 d’acide carbonique dans le ballon à air ordinaire où les moisissures s’élaient développées, et 12,43 pour 100 dans le bal- lon à air chauffé où il n’y avait pas de moisissures. » Le liquide du ballon à air ordinaire avait une odeur putride très désagréable, ce qui n'avait pas lieu pour le liquide du ballon à air chaulé. » Les deux liquides ont été examinés par M. Montagne. Notre con- frère a constaté que les moisissures développées dans le ballon à air or- dinaire étaient constituées par le Penicillium glaucum qui y était en pleine fructification. Dans le liquide du ballon à air chauffé, M. Mon- lagne n’a pu constater aucun végétal, ni aucun animalcule microsco- pique. » On voit que cette expérience, comme celles qui ont été précédem- ment citées, n’est pas favorable à la théorie des générations spontanées. » SIV. Observations de M. Dumas.— Cet académicien ajoute : « Qu'il se trouve dans le même cas que ses honorables confrères. IL y a trente ans environ, il a examiné avec soin la question dont M. Milne Edwards vient d'entretenir l’Académie avec une si haute autorité, et il est arrivé exactement aux mêmes conclusions. 366 MM. PAYEN. QUATREFAGES, CL. BERNARD ET DUMAS. » Il fat provoqué ‘à entreprendre quelques expériences à ce sujet par une publication de M. Fray, qui avait annoncé des résultats analogues à ceux que M. Pouchet a communiqués à l'Académie. » M. Dumas s’assura que des matières organisées chauffées à 120 ou 130 degrés, de l’eau artificielle produite par lhydrogène et l’oxyde de cuivre, enfin de l’air artificiel enfermés dans des tubes dont le verre avait été récemment chauffé au rouge, ne produisaient ni végétations, ni animalcules. En ouvrant ces tubes et y laissant rentrer de Vair ordi- naire, on ne tardait pas à y voir apparaître des végétations ou des ani- malcules. Ces résultats surprirent M. Dumas, qui était disposé à penser que les germes de ces végétalions ou de ces animalcules pouvaient se trouver déposés dans les matières organisées, aussi bien que dans l'air lui-même, et que certains de ces germes pouvaient bien être organisés pour résister à la température de 100 degrés ou même à des températures un peu supérieures. » Comme les Tardigrades absolument secs résistent à 140 degrés, et que les sporules de l'Oïdium aurantiacum résistent même à 100 degrés dans un milieu humide, il ne suffirait certainement pas, pour établir le principe de la génération spontanée, qu’on eût vu apparaître dans quel- ques cas particuliers des êtres vivants dans l’eau bouillie, au milieu d’un air arlificiel, avec le concours de matières organiques préalablement chauffées, surtout si ces matières avaient été chauffées à sec. » Ainsi, pour certains animaux inférieurs et pour les plantes peu développées encore, la vie peut être suspendue par une dessiccation absolue, et elle se ranime avec le retour de l’humidité; comme si tout être capable d’être desséché sans périr pouvait rester ensuite très long- temps vivant de cette vie latente qui semble le privilége des germes. Il y a donc lieu de s'étonner qu’en mettant des matières organiques chauffées, en rapport avec l'oxygène et l’eau artificielle, on n’ait pas vu quelquefois se manifester des êtres vivants. Cela n’eût certainement pas suffi pour éta- blir que la génération spontanée doit être admise, et que les germes de ces êtres n’eussent pas été déposés antérieurement dans les matières orga- niques employées. » Mais en fait, tandis qu'avec le contact de l'air des êtres vivants appa- raissent, sans ce contact ils n'apparaissent pas lorsque les précautions in- diquées plus haut sont prises. » LETTRE SUR LA QUESTION DES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES, ADRESSÉE À M. MILNE EDWARDS Par M, LACAZE-DUTHIERS. le viens réclamer une part dans la protestation énergique qui a eu lieu, dans la dernière séance de l’Académie, contre les géné- rations spontanées. Ce n’est pas pour moi, mais pour un zélé tra- vailleur, ami sincère de la science, qui a été enlevé prématu- rément à la zoologie, qu'il cultivait avec autant d’ardeur que de succès. Jules Haime, dont le nom est bien connu de l’Académie, avait, Jui aussi, voulu répéter les expériences célèbres sur la génération spontanée, En étudiant les Infusoires, il avait trouvé, fait curieux, que ces Microzoaires se métamorphosent comme tant d’autres animaux, et il avait été conduit par là à rechercher si réellement ces êtres prennent naissance, oui ou non, spontanément. Car le fait qu'il découvrait lui montrait une origine, jusque-là inconnue, d’une forme d'un même individu que l’on aurait pu croire issu d’un développement spontané. J'ai été non-seulement témoin des expériences de Jules Haime, mais encore je l'ai souvent aidé en qualité d’ami dans la disposi- tion de ses appareils ; dans les conversations qu’une liaison intime et la réunion journalière dans votre laboratoire de la Sorbonne me faisaient avoir à chaque instant avec lui, j'ai pu connaître toutes ses expériences et {oules ses pensées. Aussi je crois devoir à la mémoire de mon pauvre et bien regrettable ami ces quelques observations. Voici les expériences : D] 568 LACAZE-DUTRNIERS, — LETIRE SUR LA QUESTION Il avait rempli d’eau, à moitié à peu près, un très grand ballon, dans lequel il avait placé de la viande et des légumes ordinaires et variés, toutes substances qui lui avaient d’abord fourni des infusions riches en organismes animaux et végétaux. Puis il avait bouché avec un excellent bouchon à analyse et des masties bien choisis; du bouchon partaient trois tubes de verre, deux très courbes, un vertical. Celui-ci servait de soupape de sûreté quand on mettait l'appareil en expérience. Quant aux deux autres, ils s’unissaient à deux séries semblables de tubes en U et de boules de Licbig, disposées comme le font les chimistes pour les analyses délicates. Des fragments de pierre ponce, imprégnés d’acide phos- phorique, d'acide sulfurique, de potasse, de chaux, ou bien ces réactifs liquides étaient placés dans ces tubes et dans ces boules, et les positions respectives des réactifs étaient telles, que le ballon placé au milieu ne pouvait recevoir d’acide. Quand le tube vertical était bouché, une aspiration produite par l’écoulement liquide d’un petit tonneau déterminait un courant d'air qui traversait successi- vement : 1° dans les boules de Liebiz, de l'acide phosphorique, de l'acide sulfurique, de la potasse, de la chaux ; dans les tubes en U, de l'acide phosphorique, de l'acide sulfurique, de la potasse, de la chaux ; 2° le ballon ; 3° de la potasse, de la chaux, de l'acide phosphorique et de l'acide sulfurique dans des tubes en U; en- core les mêmes réactifs liquides dans les boules de Liebig; {enfin le lonneau. Dans ces conditions, l'air arrivait au ballon très probablement dépouillé de matières organiques, et l’inclinaison des tubes courbés portés par le bouchon, comme la lenteur du courant d'air, ne per- meltait guère de supposer que la chaux ou la polasse pussent être entrainées dans l’infusion. Première expérience. — L'appareil ainsi disposé marcha pen- dant quelques jours. De nombreuses productions végétales et animales se dévelop- pèrent ; il ne s'opposait done pas par lui-même au développement des êtres organisés. Deuxième eæpérience.—C'était la plus délicate. Les deux séries de lubes en U furent séparées du ballon, et l'eau que celui-ei con- DES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES, 369 tenait mise en ébullition. Après un certain temps, Jules Haime dut croire que l'air avait été remplacé par Ja vapeur d'eau, et que les germes et animaleules de l'infusion étaient détraits: il diminua l’ébullition, et unit successivement les deux séries de tubes, non sans avoir laissé pénétrer le jet de vapeur sortant du ballon jusque sur Ja potasse et la chaux, afin de chasser l'air qui se trouvait dans cette partie de l'appareil. Pendant ce temps, le tube vertical fone- tionnait comme soupape, mais à son tour il était fermé, et le cou- rant d’air établi au même instant à l'aide du tonneau. (L'espace manque iei pour détailler toutes les minutieuses pré- cautions prises dans le but de s'opposer à la rentrée de l'air dans le ballon par une autre voie queles tubes à réactifs.) Après un mois, le résultat était complétement négatif, les parois du ballon étant soigneusement explorées de temps en temps à l'aide d’un microscope horizontal. A l'ouverture du ballon, et avec de plus forts grossissements, Jules Haime ne trouva aucune trace d'organisme. Troisième expérience. — L'air libre fut introduit directement pendant une journée. L'appareil replacé dans les mêmes condi- tions, et les Infusoires se montrèrent bientôt. Jules Haime savait trop combien les êtres organisés inférieurs résistent dans certaines conditions à la chaleur sèche pour ne pas employer un autre moyen : anssi s'était-il adressé à la chaleur humide qui éloignait les chances d'erreur, et lui permettait d'ail - leurs d’avoir tous ses tubes longtemps balayés par la vapeur à 100 degrés, et de les supposer débarrassés des germes orga- nisés.. Les résultats qu'il obtint étaient plus concluants que ceux de Schultze, car ils étaient la conséquence de trois épreuves parfai- tement comparatives, qui ne pouvaient laisser attribuer une in- fluence fâcheuse aux conditions mêmes de l’expérience. Qu'on le remarque, ce résultat négatif vient à l'appui de cette observation bien simple, que chacun a pu faire en étudiant les pro- grès de la science : à mesure que les moyens d'investigation de- viennent plus parfaits, et que nous connaissons mieux les animaux, la génération spontanée perd du terrain. Naguère encore on la %° série, Zooc. T. IX. (Cahier n° 6.) # 24 370 POUCHET. —— PROTO-ORGANISMES RENCONTRÉS soutenait en présentant le développement des Helminthes comme une preuve : aujourd’hui qui songerait à aller chercher cet argu- ment dans cette partie du règne animal ? Et ce n’est plus que pour les Infusoires, ces êtres encore si problématiques à bien des égards, nalgré les nombreux et magnifiques travaux auxquels ils ont donné lieu, que nous voyons la génération spontanée reparaitre avec quelque apparence de vérité ; mais cetle apparence, qui perd déjà sa valeur quand elle esten face d'expériences précises, disparaîtra sans doute tout à fait, quand les Microzoaires seront mieux connus, comme cela est arrivé pour les Helminthes. REMARQUES SUR LES OBJECTIONS RELATIVES AUX PROTO-ORGANISMES RENCONTRÉS DANS L'OXYGÈNE ET L'AIR ARTIFICIEL, Par M. POUCHET (!). Les deux expériences que j'ai eu l’honneur d'adresser à l’Aca- démie ayant été l’objet de quelques remarques criliques, comme j'ai la conviction de pouvoir les mettre à l'abri de tout reproche, je répondrai laconiquement à celles-ci. Je n'ai exposé aucune doctrine sur l’hétérogénie. J'ai seule- ment raconté deux faits, et, avant de le faire, jy ai profondément réfléchi. Pai dit avee bonne foi que ces deux expériences étaient uniques ; et j'avoue que je ne me serais pas permis de les livrer au monde savant, si d’autres expériences, d’un même ordre, ne venaient se grouper tout autour d'elles, et leur donner une irré- eusable autorité. La discussion, je l'espère, va mème prouver que je n'ai pu me tromper. J'aurai d’abord l'honneur de répondre à M. Milne Edwards. Je (1) Afin de mettre les lecteurs des Annales à même de juger les arguments apportés en faveur ou contre l'hypothèse des générations spontanées, nous re- produisons ici une nouvelle note de M. Pouchet à ce sujet. (R.) DANS L'OXYGÈNE ET L'AIR ARTIFICIEL. 971 sais quelle est l'autorité de sa parole, mais je sais aussi combien les faits parlent éloquemment. Et d’abord, s'il relit attentivement mes expériences, l’illustre zoologiste se convainera que, comme le foin est formé de tiges très fines, à n’en pas douter, toute sa masse a été pénétrée par une température de 100 degrés (4). Mais ceci ne doit nullement nous préoccuper, car bientôt je ferai connaître une série d'expériences dans lesquelles le corps putrescible n’est employé qu'après avoir subi une température de 200 à 250 degrés et plus, et même après avoir été partiellement ou même totalement charbonné , ce qui n'empêche pas les animalcules d’apparaître dans les infusions. J'espère qu'alors on conviendra que les germes n’échappent pas à la désorganisation. Pas un mot dans mon mémoire, je le pense, ne peut faire sup- poser que des animaux et des plantes seraient produits unique- ment par l'action des forces générales dont dépendent les combi- paisons chimiques dans le règne organique. Je suis sans doute sujet à beaucoup d'erreurs, mais je demande en grâce de ne sup- porter que celles dont je suis réellement passible. Le point culminant de cette discussion est de savoir si de l'air extérieur a pénétré où non dans mon appareil (2). C’est toujours le reproche qu'on adresse à tous les expérimentaleurs qui assurent avoir rencontré quelques êtres organisés dans les opérations à vaisseaux hermétiquement clos. ; Si c'était l'air qui, en s’insinuant dans nos appareils, y intro duisit des germes d'animaleules, on rencontrerait constamment (1) M. Houzeau, qui a fait de concert avec moi l'expérience sur l'air artificiel, s'est assuré, à l'aide du thermometre, que cette température de 100 degrés avait été atteinte. (P.) (2) M. Milne Edwards à fail remarquer que le point culminant de cette diseus- sion n'est pas de savoir seulement si des germes viables ont été introduits dans l'appareil pendant la durée de l'expérience, mais Si ces germes n'existaient pas soit dans le paquet de foin dont ce naturaliste à fait usage, soit sur la paroi in- térieure de ses vases, soit enfin dans l'air employé. Dans l'hypothèse de la non- existence des générations &pontanées, il saffit de la possibilité de l'introduction des germes par l'une de ces diverses sources pour expliquer les phénomènes observés par M. Pouchet. (Nore pu Révacreun pes Annules.) 972 POUCHET. — PROTO-ORGANISNES RENCONTRÉS dans nos flacons des spécimens de toute la faune qui, selon les par - tisans de la dissémination aérienne, encombre nécessairement l'atmosphère. Et, au contraire, jamais dans les expériences que l'on conduit avec soin, el dans lesquelles les appareils, parfaite- ment clos, se remplissent d’animaleules ; jamais les espèces que l'on trouve à l'intérieur ne sont les mêmes que celles qui four- millent au dehors. Pourquoi ?..... La raison en est fort simple : c’est que dans nos vases fermés les conditions de pression et de composition atmos- phérique sont différentes ; c'est de là que provient la différence de la faune. & Si une atmosphère peut être remplie d'œufs d’animaleules, ear je veux leur donner ce nom, c’est bien celle de mon laboratoire où de tous côtés des bocaux découverts sont remplis d’Infusones. Pour me servir d’une formule plus rapide que des noms z0olo- giques, je dirai que j'vélève des séries d’animalcules représentées par MV + KP. Eh bien, lorsque l’on opère à vaisseaux hermé- tiquement fermés, jamais on ne rencontre dans ceux-ci toute cette combinaison qui y pénétrerait en même temps, n'est-il pas vrai ? si l'appareil aspirait quelques parcelles de l'air extérieur, dans l'hypothèse où les germes y seraient en suspension. Dans des vases bouchés, vous ne rencontrerez que la combinaison MV et jamais la combinaison KP, tandis que dans les infusions à l’air libre ou couvertes de cloches, vous trouvez en même temps la combinai- son MV + KP. Or, si les germes des animalcules ou des crypto- games rencontrés dans nos deux expériences avaient été introduits avec l'air du laboratoire, on aurait dù y trouver aussi les diffé- rentes espèces qu'on ÿ mulüpliait alors, et il n’en fut nullement ainsi. Voici ce qui s’observa : Laboratoires és. Literie MV TK, Flacon d'air artificiel. . . . . MV<+X. Flacon:d'oxygène, 1, … 1 O-EX. Mais, en outre, on découvrait dans ces vases des témoins irré- cusables d’un phénomène inhérent à leur contenu. Dans l'air arli- ficiel, il n'existait que des animalcules d'un ordre inférieur et pas DANS L'OXYGÈNE ET L'AIR ARTIFICIEL. 373 un seul de ceux d’un ordre élevé, qui auraient dù cependant y pénétrer avec les autres, si quelques parcelles d'air se fassent réellement introduites dans l'appareil. En outre, le bocal était rempli d’une immense quantité de Protées, animaleules dont il ne se trouvait pas alors le moindre représentant dans le laboratoire. Enfin j'y ai trouvé un Trachelius que je n'ai jamais vu de ma vie, et qui se présentait là pour la première fois, quand pour là première fois aussi jJ'employais de l'air artificiel ! L'appareil à l'oxygène qui s’est trouvé dans les mêmes circon- slances, et qui aurait dù aspirer la même série de germes MV que le prégédent, n'en a pas absorbé un seul; il ne contient qu'un vé- gélal, que, durant trois années d'expériences, je n'ai jamais vu une seule fois dans mon laboratoire, et qui aussi, pour se montrer, attendait une combinaison tout aussi fortaite que la précédente, J'invoquerai, à ce sujet, le témoignage de la simple raison. Est-il admissible qu connue et les œufs d’un animalcule inconnu, qui ne se sont jamais montrés dans mille bocaux qui leur étaient largement ou- , à deux reprises les spores d'une plante in- verts, viennent (out justement s'insinner dans les deux qui leur ont été hermétiquement défendus, et lorsqu'on y faisait une expé- rience inusitée ? Sans doute que ces germes, inhabiles à se développer partout ailleurs, n'attendaient pas, de siècle en siècle, pour leur évolution, la combinaison fortuite que la science actuelle devait produire ! Dans toutes les expériences en question, en voyant les vases hérméliquement fermés ne présenter aucune population zoolo- gique particulière, il faut se prononcer sur celle remarquable particularité, El comnie on ne peut supposer que les fissures des appareils choisissent là fauue qu’elles introduisent dans leur inté- rieur, il est rationnel @c penser que celle-ci s'y développe par l'une de ces mystérieuses voies que nous ne pouvons con- naitre. Sans cela se pourrait-il que, de deux vases plongés dans la même atmosphère, Fun y aspirât seulement une portion des germes qui y volligent, el plusieurs espèces qu'aucun vase ouvert 371 POUCHET. — lPROTO-ORGANISMES RENCONTRÉS ne peut récolter; que l’autre, lui, n’aspirât rien de tout cela, au milieu de celte abondance, el se contentàt d’une simple plante? M. Mine Edwards à rappelé ses expériences sur la génération spontanée, et je lui en sais sincèrement gré, car un physiologiste, en les racontant, les avait tout à fait dénaturées. 1 prétendait que dans celles-ci l’eau avait subi lébullition dans le tube effilé à la lampe, et que ce tube avait été bouché durant cette ébullition, Cela mettait l’intérieur de l'appareil dans les conditions du vide d’un marteau d’eau, c’est-à-dire dans une condition où toute vitalité est impossible. Mais en reconnaissant aujourd'hui que l'expérience de l’illustre zoologiste est posée dans des conditions irréprochables, j'ajouterai seulement en terminant que, S'il est de doctrine que les germes des animaleules ne périssent pas à la lempérature de 100 degrés, on ne voit réellement pas pourquoi, à l’ouverture de son appareil, il ne l’a pas trouvé rempli d'Infusoires. M. Milne Edwards nous a rappelé heureusement le nom de Redi. Mais, malgré Ja voie nouvelle tracée par ses découvertes, l'illustre membre de l’Académie del Cimento, il ne faut point l'ou- blier, ne fut pas un adversaire absolu de la génération spontanée, et de place en place l’aveu lui en échappe dans son œuvre. I y croit pour les Vers inteslinaux et pour certaines larves qui vivent dans l'intérieur des plantes. C’est son continuateur, Vallisneri, qui comble à ce sujet quelques-unes des lacunes laissées par lui. Le nom de Fray, que nous n'environnons pas de tels hommages, a plusieurs fois été prononcé. Les prétentions de ce novateur dé- passent le domaine des choses sérieuses, et je récuse bien vive- ment toute solidarité avec ses doctrines. Lorsqu'il faudra élever le débat à sa véritable hauteur, nous invoquerons nou l'autorité de M. Fray, mais les noms de Buffon, de Cabanis, de Treviranus, de Tiedemann, de Burdach, de J. Müller, de Valentin, de Bérard, qui sont devenus la gloire de la science et de la philosophie modernes. J'ai simplement eu l'honneur de présenter deux expériences à l'Académie, et aujourd’hui je me bornerai à les défendre, ne vou- lant nullement aborder dans son sein rien qui touche aux hypo- thèses scientifiques. Je répondrai autre part à quelques-unes des lignes où il est question de cette force qui n'existe que là où elle a DANS L'OXYGÈNE ET L'AIR ARTIFICIEL. 975 été transmise, depuis la création jusqu'au moment actuel, par une chaine non interrompue de possesseurs. Alors j'examinerai si la géologie est toujours en harmonie avec cette pensée, et si sur chaque fragment du globe elle ne s'élève pas majestueusement contre elle! A l'appui de la dissémination atmosphérique des germes, M. de Quatrefages rapporte qu'il a vu des corpuscules pulvérulents char- riés par l'air, et qui, déposés dans l’eau, y apparaissaient bientôt sous la forme d'œufs où d'animalcules. M. de Quatrefages est connu pour un observateur trop rigou- reux pour que j'élève le moindre doute sur ses observations, et je les admets même avec une vive satisfaction, car elles forment le plus magnifique argument que l’on puisse invoquer contre celte panspermie aérienne que je combats de toutes mes forces. Je répète souvent, dans le travail qui m'occupe, que siles œufs des animalcules étaient réellement en masse dans l'air atmosphé- rique, ils tomberaient en même abondance dans l'eau pure etdans les macérations. Or cela n’est pas. J'ai répélé plusieurs fois l'expérience qui suil. Sur une des tables de mon laboratoire, encombré d’animaleules, on a rempli d’eau distillée, d’eau filtrée ou d’eau bouillie, de grardes euvettes de eristal de 30 centimètres de diamètre, et jamais je n'ai vu au- eun animaleule en envahir la surface. Si les œufs de ceux-c élaient suspendus dans l'atmosphère, une conséquence des obser- vations de M. de Quatrefages est qu'en tombant dans l'eau, ils y décèleraient bien rapidement leur présence. Or, je le répète, on n’y en aperçoit pas le moindre vestige. Mais lorsque, après quinze jours d'attente inutile, on mellait dans l'eau un corps organisé fermentescible, vingt-quatre heures après la surface de l’eau était constamment peuplée par une immense population d'animaux mieroscopiques. Personne n'oserait avancer, je l’espère, que la présence du corps fermentescible a déterminé une pluie de germes dans nos euvettes, et l'observation de M. de Quatrefages constate que, sans celui-ci, les œufs subissent parfaitement leur évolution. L'expé- rience bien simple que nous venons de raconter suffirait done 376 POUCHET. — PROTO-ORGANISMES RENCONTRÉS pour démontrer que l'air n’a nullement le rôle qu'on lai prête communément. Si, lorsqu'on ajoute le corps fermentescible, les animalenles apparaissent, ce n’est ni lui, ni l’air, ni l’eau qui les contenaient, car celle expérience réussit très bien avec du foin chauffé à 200 degrés et dans de l’eau distillée. On n'objectera pas sans doute, à cette simple expérience, qu'il faut un élément nutritif.…… In’en faut pas aux œufs, et les jeunes s’en passent fort bien. Ebrenberg, dont l'opinion en semblable matière a tant d’auto- rité, vient lui-même corroborer nos assertions. En effet, dans son premier écrit sur la distribution des Microzoaires, il combat vive- ment ceux qui prétendent que l’air est le véhicule des germes de nos infusions. Ce savant rapporte, à appui de son opinion, qu'il n'a jamais pu trouver un seul animaleule dans l'eau de la rosée, immédiatement après qu'elle avait été recueillie. Pour moi, j'ai cherché vainement dans la poussière de mon laboratoire si je pourrais y rencontrer des œufs d’animaleules, et jamais je n’y en ai observé un seul (4). L'imagination est effravée du nombre d'œufs et de spores dont il faudrait encombrer l'air pour qu'il suffise à l'universelle dissé- minalion qu'on lui prête et que l'expérience récuse de toutes parts. Partout où vous placiez une infusion, elle se remplira de Monades crépuseulaires, et celles-ci sont tellement petites et tellement tassées, que l’un des plus illustres zoologistes de notre époque compte qu'il n’en entre pas moins de cinq cents millions dans une goutte d'eau. Ajoutez à cela toutes les autres espèces dont les œufs devraient y être aussi en égale abondance, puis les spores de la végétalion microscopique, et vous trouverez que l'atmosphère ne pourrait recéler cet incommensurable nombre de germes sans qu'ils y fussent facilement visibles, palpables. Plus on étudie ce sujet, plus ses proportions acquièrent de erandiose. Pour ne citer qu'un fait, tel coléoptère, telle araignée, (1) Je n y ai rencontré que des corpuscules extrêmement fins, des grains de pollen, des brins de laine provenant de mes habits, des fragments de tissus de végélaux, des grains de fécule et des filaments de papiers colorés employés dans mes expériences, ete.; pas un œuf de Kolpode ou de Kérone, DANS L'OXYGÈNE ET L'AIR ARTIFICIEL. 577 tel lépidoptère, ont chacun, lors de leur mort, une végétation eryptogamique particulière qui les envahit. De tels exemples sont excessivement mullipliés. Faut-il done pour la réalisation d’un tel fait si microscopique dans l'harmonie de Ja nature, que toute notre atmosphère soit inutilement encombrée de spores qui ne doivent s'arrêter que sur d’imperceptibles points de l’espace, quelques cadavres d'insectes ? Si l'expérience et l’observation ne pouvaient opposer d’accablantes preuves au système que nous combattons, je dirai que ma raison se révolte autant, et plus même, contre la dissémination des germes que contre leur emboîtement. L'objection de M. de Quatrefages, reposant sur la découverte des sexes par M. Balbiani, est plutôt aussi un argument en faveur de la spontanéité qu'une objection contre elle. Ainsi que M. Bal- biani, j'apercçois parfaitement des œufs à l’intérieur de quelques grosses espèces d’Infusoires ; ce n’est pas douteux. Mais ce mode de reproduction est si rare, que, lorsqu'on est adonné aux études microscopiques, on s'aperçoit immédiatement qu'il lui serait im- possible de suffire à l’incalculable nombre d’animaleules qu’on voit surgir de loutes parts. Et tous les physiologistes illustres qui, dans ces derniers temps, ont soutenu la cause de l’hétérogénie, n'ignoraient pas qu'il existait des sexes chez beaucoup d'animaux, qu'ils considéraient comme lui devant leur primitive apparition. Je vais immédiatement répondre à l'objection que l’on pourrait tirer de la fécondité des Infusoires, peuplant instantanément les infusions à l'aide d'extraordinaires moyens de reproduction. Pour les observateurs, sa marche réelle est beaucoup plus lente. M: Balbiani l'a parfaitement reconna. Et l'on voit qu'il dit lui- même que le seul accouplement de la Paramécie verte dure cinq à six jours (1). C'est cet accouplement qui me paraît être égale- ment long dans les Kérones, que l’on a pris pour un phénomène (4) L'accouplement de-la Paramécie verte n'a jamais été observé par moi ; mais j'y crois, ayant vu souvent celui des Kérones. Mais sur tant de millions de Paramécies que j'ai élevées, je n'ai point vu un seul cas de scissiparité. Dans les Kolpodes, au contraire, on rencontre parfois des individus accolés, qui pour- raient faire croire à l'existence de la génération scissipare, si l'on n'y regardait scrupuleusement. 978 POUCHET. — PROTO=-ORGANISMES RENCONTRÉS de scissiparité longitudinale. A l'égard des Vorticelles, qu'on re- présente dans tous les ouvrages se multipliant par cette même scissiparité, c'est, selon moi, un fait que l'on reproduit depuis Spallanzani, mais qui est absolument inexact. Des milliards de Vorticelles ont passé sous mes yeux, dans toutes les saisons, et je n'ai Vu que cinq ou six fois en ma vie deux Vorticelles accolées. C'étaient des cas tératologiques beaucoup plus rares chez elles que les doubles fœtus de Mammifères ou d'Oiseaux que Fon m’apporte au muséum de Rouen. Je suis si convaincu de ce que j'avance, que je me déplacerai volontiers pour voir des Vorticelles en voie de division, et finissant par se diviser. 3. Müller a beaucoup ébranlé la théorie de la scissiparité (4), et déjà Ellis ét Gleichen l'avaient fait avant lui. Les deux objections de M. de Quatrefages, loin de faire succom- ber l'hypothèse de l’hétérogénie, viennent doné au contraire lui accorder une nouvelle autorité. Relativement à ce qu'il me fait l'honneur d'avancer concernant les Vers intestinaux, c'est une question trop compliquée pour y répondre ici. Je dirai seulement que d'illustres zoologistes de notre pays et du dehors conservent encore quelques doutes à l'égard d'expériences dont le monopole, par une singulière anomalie, est en quelque sorte resté à l’étran- ger; et je partage leur conviction. Bremser et Rudolphi connais- saient parfaitement les sexes de beaucoup d'Helminthes, et ils n’en furent pas moins partisans de leur génération spontanée. Les deux seules expériences que la science oppose à l'hétéro- génie, celles de Schultz et de Schwann, ont été faites avee fort peu de précision, et je m'étonne qu'on ne s’en soit pas aperçu plus tôt. M. Claude Bernard est entré tout à fait dans la bonne voie à cet égard. On ne devait pas attendre moins du grand observateur. Mais qu'il me permette de faire quelques objections au cas dont il a entretenu l’Académie. Un professeur de physiologie possédant aussi une illustre re- (1) 3. Müller semble porté à croire que cette scissiparité n'existe même pas chez les Naïades ; d'après l'illustre physiologiste, il n'y aurait là qu'un bour- geonnement. Je n'ai rien observé à cet égard. . DANS L'OXYGÈNE ET L'AIR ARTIFICIEL. 979 nommée dans nos écoles, M. Bérard, qui admettait la génération spontanée, prétendait qu’en somme, si même les deux expériences de Schultz et de Schwann étaient positives, cela signifierait tout simplement que des animalcules ne peuvent venir dans de l'air tourmenté par l'acide sulfurique ou par la chaleur rouge. Quoiqu'il soit évident que plus vous tourmentez les éléments génésiques par vos agents chimiques, plus vous entravez la marche naturelle de l'expérience, j'aborderai plus franchement la ques- tion. A l'égard de l'expérience de Schultz, chacun peut la voir en ce moment en marche dans mon laboratoire, où le ballon, pour la sixième fois et plus, se peuple encore de Penicillium; si c'était dans l'été, on y rencontrerait des animalcules. Je ne répondrai qu'en peu de mots, ne voulant nullement pro- longer ce débat, qui n’aura de réelle valeur qu'au moment où j'aurai fait connaitre une plus ample série d'expériences. Dès l'instant que l’on proclamera que la température de 100 de- grés est insuffisante pour tuer les œufs et les spores, les conclu- sions que l'on a tirées pendant vingt ans des expériences de Schwann et de Schultz deviennent absolument nulles. Et si, par- tant de ce principe, on considère aussi comme non avenues les expériences que j'ai eu l'honneur d'adresser à l’Académie, le même arrêt frappe également celles de MM. Milne Edwards et Claude Bernard ; et alors on a droit de s’élonner que, dans les appareils des quatre savants que je viens de citer, on n'ait rencontré ni aucun animalcule, ni aucune végétation cryptoga- mique. C’est là, comme on le voit, une conséquence excessivement grave, car tout est à recommencer. Les expériences analogues à celles de M. Claude Bernard sont extrêmement délicates, parce que l’ébullition de la substance, en opérant de profondes altérations chimiques, entrave la production des proto-organismes. Citons un seul fait. Si l’on met une sub- stance donnée dans un vase, après une journée les animalcules y fourmillent. Si vous soumettez la même substance à ébullition, les animalcules se montrent beaucoup plus lentement, et parfois un mois après vous n'en apercevez pas encore un seul. Et de 380 POUCHET. —— PROTO-ORGANISMES RENCONTRÉS méme dans nos appareils, on n'y suscite pas toujours à volonté l'état qui seul devait produire un résultat positif. Une chose frappera tous ceux qui iront le récit de l'expérience de notre illustre physiologiste, c’est que l’air de ses deux ballons offrait des propriétés absolument différentes : dans l’un, il était d'une odeur putride très désagréable, ce qui n’avait pas lieu dans l'autre. J'aurais été moi-même étonné de rencontrer des produits analogues dans les deux cas (4). En entreprenant mes recherches sur les spores des Mucorinées, j'avais seulement voulu mettre mes expériences à l'abri de toute objection sérieuse. Je connaissais parfaitement les expériences de M. Payen, et c'était pour qu'elles ne me fussent pas objectées que j'y avais fait allusion sans introduire son nom dans le débat. Je traiterai la question des températures dans un autre écrit. Mais je me contenterai de dire ici que M. Morren a prétendu qu'une cha- leur de 45 degrés suffisait pour tuer tous les Infasoires ; que Dugès assure avoir anéanli sans retour les germes des Vibrions à l’aide d’une température de 60 à 80 degrés; et qu’enfin Spallanzant a sou- tenu, d’après ses nombreuses expériences,que 100 degrés suffisaient pour frapper de mort tous les germes des animaux et des plantes. Pour moi, dans toutes mes expériences, j'ai toujours vu les œufs et les semences perdre leur faculté génésique par une ébul- lition de moins d'une heure de durée, lorsque la température de l'eau bouillante les avait absolument pénétrés. En réponse aux objections de M. Dumas, je me contenterai de dire que, dans mon ouvrage sur l'hétérogénie, il existe des obser- vations dans lesquelles, en me servant de corps putrescibles chauffés à 220 degrés, et en employant de l'eau artificielle, j'ai obtenu des animalcules. Sans doute que là, à moins de prétendre que les germes sont presque incombustibles, on avouera qu'ils ont dû succomber (2). (4) Je n'ai nullement connaissance des Microzoaires observés dans l'appareil àair renfermé de M. CI. Bernard, mais je serais excessivement trompé si l'on n'y ren- contre autre chose que des Monades, des Vibrions et des Bacterium. Si sa doctrine est vraie, pourquoi donc n'y aurait-il pas de Paramécies, de Kérones, etc.? (2) Hétérogénie, p. 235 et 236. DANS L'OXYGÈNE ET L'AIR ARTIFICIEL. 81 Dans d’autres expériences que je consigne également, et entre autres dans celle de Schultz, j'ai soumis le corps putrescible à une ébullition d'une heure. J'espère qu'il y avait là assez de temps et de chaleur pour coaguler l’albumine hydratée. * Depuis longtemps, les livres parlent des expériences sur les Tardigrades, comme depuis longtemps ausstils parlent de la scissi- parité des Vorticelles. Je ne mets nullement en doute la bonne foi des observateurs, mais je désirerais apprécier moi-même si quelque cause d'erreur ne s’est point glissée dans leurs observa- tions. Je suis lout prêt à m’acheminer là où je saurai qu'on peut me convaincre. À l'égard des Vorticelles, j'ai dit ma pensée. A une époque avancée de sa vie, Spallanzani, il est vrai, revint sur son opinion, el abandonna des convictions basées cependant sur ses longues années d'observation. Il prétendit alors que la température de l’eau bouillante ne suffisait pas pour tuer les germes. Toutle monde sait qu'il se fonda pour cela sur d’étranges supputations à l'égard de la température de la Caroline, et sur quelques expériences dans lesquelles des semences contenues dans des vases, après avoir été plongées deux minutes dans l’eau bouillante, n’en avaient pas moins germé. M. Dumas lui-même combattit vivement alors les tardives asserlions du savant italien. L'illustre chimiste, qui jette un si grand éclat sur la science moderne, était à cette époque l'un des plus ardents partisans de l'hétérogénie ; mais si le temps et l’expé- rience ont modifié son opinion sur ce sujet, chez moi ils n'ont fait q'augmenter des convictions dont j'avais peut-être puisé le germe dans ses premiers écrits. Il me pardonnera, je l’espère, si je pro- fesse encore pour eux la plus grande admiration, et si parfois même je les cite avec éloge. FIN DU NEUVIÈME VOLUME. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. ANIMAUX VERTÉBRÉS. Mémoire sur la contraclililé vasculaire, par M. Mary. . . . . . 53 De la détermination expérimentale de la force du cœur, par M. Coun. . 335 Note sur des prolo-organismes végétaux et animaux nés spontanément dans l'air artificiel et dans le gaz oxygène, par MMFAPOUCHET CRU Remarques sur la valeur des faits qui sont considérés par quelques natu- ralistes comme étant propres à prouver l'existence de la dt spontanée des animaux, par M Mirve Enwanns. . 353 Observations sur la question des générations spontanées, par MM. Pas EN, de QuarreraGes, Cr. Benvarp et Dumas. . . . 360 Lettre sur la question des générations spontanées, par M. LE 367 Remarques sur les objections relatives aux prolo-organismes rencontrés dans l'oxygène et l'air artificiel, par M. Poucuer . . :. 360 Sur la genèse et l'évolution des dents et des mâchoires, par M. N. Connor 276 Recherches sur les ossements fossiles des cavernes de Sentheim (Haut- Rhin), précédées d'observations sur l'ostéologie de l'Ours brun des Pyrénées, par M. Joseph Decsos. . 195 Observations sur deux nouvelles espèces de Maminifèrés fossiles trouvées dans l'oolite de Purbeck, et appartenant au genre Plagiaulaæ (extrait), par M. FaucONER . + : 2e JA Remarques sur un nouveau gisement db fossiles découvert dernièrement. en Angleterre, par M. Élie de Beaumont. . 318 Mémoire sur plusieurs points du système veineux akdaminal du Caïman à à museau de Brochet, par M. le docteur Jacquanr. . . . . . . 129 Note sur l'existence de la Truite en Algérie, par M. Zur . . . . . 126 ANIMAUX INVERTÉBRÉS. Fragments anatomiques sur quelques Coléoptères, par M. Léon Durour 3 Études sur la physiologie des nerfs crâniens chez le Dystique. par M. Faivre. 23 Mémoire sur l'appareil auditif des Insectes, par M. Ch. Lesrés. . . . 225 Rapport sur ce mémoire par M. Duméni . . 258 Nouvelles observations Sur l'aypermétamorphose et les mœurs des Mé- loïdes, par M. Famng . - . ÿ 1104, NON. DÉRA Mémoire sur les Pranizes et les Ancées, par M. Hesse. 5 PA 93 Sur les moyens à l'aide desquels certains Crustacés parasites assurent la conservation de leur espèce , par M. Hesse . . 120 Rapport sur un travail de M. Hesse, relatif aux métamorphoëes des Ancies et des Caliges, par M. Muxe Enwarps. . 83 Note sur les relations zoologiques qui existent entre les Prunizes et les Ancées , par M. Spence DATE... FRS Le Note sur la nidificalion des Crustacés, par M. Spence Bare. PL - LE Mémoire sur les métamorphoses des Vorticelliens, par M. d'Uneke. 3 Observations sur la contractilité des SPORBAr EL par M. Bowensanx (extrait) . . Mt pré: PR PRE lo Me or. Publications nouvelles RAS Hu Lion Co ES RSC TABLE DES MATIÈRES PAR Bare (Spence). — Note sur la nidification des Crustacés. . — Note sur les relations zoologi- ques qui existent entre les Pra- nizes el les Ancées (extrait). . Beaumonr (Élie de). — Remarques sur un nouveau gisement de fossiles découvert dernièrement en Angleterre. . OS, à Benxann (Claude). — Observa- tions sur la question des gé- nérations spontanées. . . Bowerganx. — Observations sur la contractilité des FRERE (extrait). . Couix. — De la détermination ex- périmentale de la force du cœur . 2Ù gtéenic desc That PS Dersos. — Recherches sur les ossemenls des cavernes de Sen- theim (Haut-Rhin), précédées d'observations sur l'ostéologie de l'Ours brun des Pyrénées. . Durour (Léon). — Fragments analomiques sur quelques Co- léoptères. Sur l'appareil géni- tal femelle des Hoplia farinosa. — Sur le Lagria lala. — Sur le Tellus transversalis. —Surle Mesolampus puncticollis. — Sur le Spondyles buprestoides. — Sur le Nephodes villiger. . Dumas. — Observations sur la question des ne spon- tanées. 5 : Donéniz. — Rapport « sur un mé- moire de M. Lespès relatif à l'appareil auditif des Insectes. Evwaups (Milne). — Rapport sur un travail de M. Hesse relatif aux mélamorphoses des Ancées el des Caliges. — Remarques sur la valeur des faits qui sont considérés par quelques naturalistes comme NOMS D'AUTEURS. 255 | 36% 335 étant propres à prouver l'exis- tence de la génération sponta- née des animaux. . . --- Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'hom- me et des animaux. Tome IV (Annonce). ; Favre. — Nouvelles observations sur l'hypermétamorphose et les mœurs des Méloïdes. Favre. — Études sur la physio- logie des nerfs crâniens chez le Dytisque. : FALCONER. — Observations” sur deux nouvelles espèces de Mam- mifères fossiles trouvées dans l'oolite de Purbeck, et apparte- nant au genre Plagiaulaæ. . Govarn. — Études sur l'absence congénitale du testicule (An- nonce). . C1 - Guicor (Natalis).- — Sur la genèse et l'évolution des dents et des mächoires. Hesse. — Mémoire sur les Pr a- nizes et les Ancées. : — Sur les moyens à l’aide des- quels certains Crustacés para- siles assurent la conservation à leur espèce. Houzeau. — Voyez Pouce, Jacquarr. — Mémoire sur plu- sieurs points du système vei- neux abdominal du Caïman à museau de Brochet. Jogenrr (de Lamballe). — Des ap- pareils électriques des er (Annonce). Lacaze-Durmiers. — Lettre sur la question des générations spon- lanées. .… Lesrès., — Mémoire sur rl appareil auditif des Insectes, Maney. — Mémoire sur la con- traclilité vasculaire. . 353 317 316 381 Owen. — Anatomie du Fourmi- ler (Annonce) Mr O Payex. — Observations sur la question des générations spon - EURE EEE D EE LE Poucæer. -— Note sur des proto- organismes vVégélaux et ani- maux E au RASE À, — Remarques sur les objections relatives aux proto-organismes 316 360 347 TABLE DES MATIÈRES. rencontrés dans l'oxygène et l'air artificiel. nb - QuaTrerAGEs. — Observations sur la question des générations spontanées. . DRE TE Unexex (J. d'). — Mémoire sur les métamorphoses des Vorti- celliens. . TRE ere Zur. — Note sur l'existence de la Truite en Algérie. TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Planches 4. A. Organes auditifs des Insectes. — B, Crustacés nidifiants 2. Appareil génital de divers Coléoptères. 3 et 4. Système veineux du Caïman. 5 à 9. Développement des dents. FIN DE LA TABLE, 321 q Der" Ann des Stienc: rat. 4°Serie Zool. Tome 9. FE. 1 À. Urganes présumés audilis des 1nsectes. VD. Custacés rmfans. V. Aémond émp. r. Wieille-bistrapraue 25 l'art À ÿ N Zoot -Tome 9. Pl 2 Apparel génttal de divers € üléoptères . KV P'ément impr Pelle Lrernpande. ss, Juris. Ann. des Seienc. nat. 4° Serie 4° Sert. Zoot. Tome 9. Pl. 3 Docteur A Sacguart pin Systeme pecneua du Catmnart Ne Aémont impr. Miiille-Estrapade 15, Fur 2,9. TL. 4 Zool. Zom Ann des Seierc. nat. ÿ"Sérte., A Jacquaré per Locteur > ' : > Jyslerme veireuæe du Cat : Pris, id impr icille Sséripade. 15 Péman nn des Scienc-nat. 4 Serce. Zool. Tome. g. Pl. 5. L.1. Zool. Tome 9. PE. 6. Ann. des Seienc nat. 4°Serte. Jébun se Développement des dents. M Aénent énper Fioille Estrapade 15. l'arèr. re : . Qt . À { L "Rte ï . L] Ann des June: nabr 4 °Jérce res = 4 Vete. Zoo Pad me X ti 5 Fr 2 à A PET, 4, = CErSS Le NS à FANS È is Haut penis Les ARS" 0 0 “ » Jében se Developpement des dents. N Amon dr Halle Ennépade 25 Pari ral. £°Jerte ne. À fan. des J PAT æ oppement des dents. pe. V2 Vo Enérapales 16 Jura VAémont imp Ann. des Sciene /\\ Ag. J nat. f°Serce. Developpement des dents. N hémont imp. r. Vicile-Ertrapade. 46. d'arus Zool. Jome.9. 7 9. 4