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ANNALES
SCIENCES NATURELLES.
SECONDE SÉRIE
TOME XI.
IMPRIMÉ CHEZ PAUL RENOUARD, RUE GARANCIÈRE, N. 5.
ANNALES
DES
SCIENCES NATURELLES
COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE,
L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES, ET L’HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES ;
RÉDIGÉES
POUR LA ZOOLOGIE
PAR MM. AUDOUIN ET MILNE EDWARDS,
ET POUR LA BOTANIQUE
PAR MM. AD. BRONGNIART ET GUILLEMIN,
Geconde Série.
TOME ONZIÈME. — ZOOLOGIE.
CROCHARD& C*, LIBRAIRES-ÉDITEURS,
PLACE DE L'ÉCOLE=DE-MÉDECINE , N. 13.
1839.
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ANNALES
DES
SCIENCES NATURELLES.
PARTIE ZOOLOGIQUE.
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a RecHERcHES, observations et expériences sur le Théridion marmi- gnatte de Volterra et sur les effets de la morsure,
Par M. Anr. Rare, D. M. P.
Professeur de Médecine à l’uviversité de. Liège,. membre correspondant de l’Académie de Médecine de Paris,
Morsu virus habent et fatum dente minantur.
{ Lucan. Phars. )
LI en est sans doute des animaux venimeux , de quelque genre qu’ils soient , de ceux qui mordent avec la dent ou de ceux qui
| piquent avec un aiguillon , comme il en est de la vipère, dont le
danger consiste dans la plaie que fait la dent et dans le venin qu’elle y distille. En général, les accidens qui s’ensuivent sont, d’une part , en raison inverse du volume de l'animal mordu, et, de l’autre , en raison directe du degré de développement de l'appareil sécréteur du poison de l’animal venimeux.
Ces inductions générales , depuis si long-temps signalées par Méad et Fontana (1), en faveur desquelles on peut de nos jours
(1) Quoique les abeilles et les autres insectes analogues à ceux-ci par rapport à l'humeur ,: " . . s . » # Q qu'ils lancent par leur aiguillon, ne parviennent pas à tuer, je erois, malgré cela, qu'on doit
6 A. RAIKFEM. — Sur le Théridion marmignatte.
invoquer l'autorité de Carus , qui, dans son Traité d'anatomie comparée , nous enseigne que les Scolopendres et plusieurs Aptères , Diptères et Hémiptères pourvus d'organes pour piquer et pour sucer semblent également verser une sécrétion analogue dans les plaies causées par leurs morsures ou leurs piqüres, viennent de recevoir une nouvelle confirmation des recherches anatomiques auxquelles s'est récemment livré M. Henri Lam- botte , docteur en sciences naturelles et conservateur du cabinet d'anatomie comparée de l’université de Liège , sur le Théridion marmignatte.
En effet, cet anatomiste a découvert et démontré que la vésicule du venin est très développée dans cette Araignée, où elle surpasse en dimensions la glande vénénifère de l’A{ranea dia- dema.(1)
Mais jusqu’à quel point l'observation et l'expérience sont-elles venues infirmer où confirmer ces opinions qui ne reposent que sur l’analogie et le raisonnement , et sont même révoquées en doute , pour l’espèce don! il s’agit, par de savans naturalistes ?
J'ai eu maintes occasions, pendant que j'étais premier mé- decin de la ville et de la commune de Volterra, en Toscane, de voir et d'observer les effets que produit, chez l’homme et dans quelques animaux , la morsure de l’Araignée rouge, que l’on trouve en:grand nombre, surtout pendant l'été, dans les champs situés au midi de cette ancienne cité étrusque. Fidèle à l'engagement que j'ai pris (2), je vais donner un aperçu de mes recherches et de celles de deux autres médecins toscans , dont
les considérer sinon comme des, animaux .venimeux dans le sens le plus vulgaire, du moins eomme des animaux qui séparent de leur corps une petite quantité d’une matière laquelle ne tue point , par cela seul qu’elle est en trop petite quantité. Il faut en dire autant des Scor- pions ordinaires d'Italie et des autres pays, ainsi que de la morsure des araignées. Les plus grosses produisent en général un plus grand dérangement, et celles d'Afrique ou d’Asie vont jusqu’à donner la mort ; mais toutes, jusqu'aux plus petites, occasionnent des altérations plus ou moins grandes. (Fontana. Traité sur le venin de la Vipère, Florence , 178%.)
(x): On peutrwvoir la figure de la dent venimeuse , de la vésicule du venin et de son canal excréteur de l'Aranea diadema , représentés dans l'une des planches qui accompagnent le Traité d'anatomie comparée de Carus.
(2) Voy. notice sur le Théridion Marmignatte par M. Lambotte. Tome IV, n, 11, des Bul- letins de l’Académie royale de Bruxelles.
A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatte: 7
l’un fut mon prédécesseur,.et l’autre mon collègue à Volterra; afin de mettre à même les amis de la science de juger avec connaissance de cause la question du venin de cet insecte; les engageant toutefois à me souscrire à mes assertions qu'autant qu'ils auront acquis la preuve que je ne suis pas un:visionnaire , qui s’est trompé et cherche à tromper les autres, en débitant des fables, comme on le reproche , quelquefois trop légèrement, ceme semble, à des savans de la péninsule italique , lesquels n’out jamaisété dépourvus desens pour bien observer et de saine logique pour sainement juger des choses.
Tous les naturalistes connaissent maintenant le ‘7Théridion marmignatte , que Rossi, professeur à l’université de Pise, dans sa Fauna Etrusca,a décrit sous le nom d'A4ranea tredecimgut- tata ; qu'on appelle, en Corse , où il est très répandu, marmi- gnalo. où :marmignatto (1)3 et qu'on pourrait aussi nommer Ragno volterrano, Araignée de Volterra attendu qu'on le trouve en abondance aux environs de cette ville. C’est un de ses an- ciens médecins(2) qui en a donné et publié le premier,ä mon avis, une description assez exacte dans un mémoire qui porte la date du 28 juillet 1786 (3),et dont, j’extrairai les choses 4e me pa raîtront le plus importantes.
La figure de cette Araignée, suivant le déciet Francois Mar-
(x) ‘Voy. sur les effets de la piqûre de l’araignée nommée Marmignato , par Bourienne, chirurgien-major de l’armée corse ( en 1769), — Le-recueil des observations des hôpitaux militaires, par Richard, 1. 2,
Dans l'ile de Corse il y a des araignées qni sont fort venimeuses (Valmont de Bomare, Dict. d'Hist. naturelle, tome I. Paris, 1765).
Gli,scorpioni che vi si trovano, si credono non pericolosi, ma tale-non è ‘senza dubbio , morso d'un ragno , chiamato Marmignato , etc. ( Viaggio di Licomede in Corsica. Tomo de Parigi, 1806. ;
Latreille la désigne dans le Dict, classiq. d'hist. nat. sous le nom de Théridion Marmignatta,. c'est-à-dire tachetée en facon de marbre; marmorezzala ou marmorizzata en bon italien.
Cuvier (baron ). Règne animal, 3° édition , ete.
(2) Memoria soprail ragno rosso di Volterra, presentata già a 8. À. J: P. Leopoldo, gran. duco di Toscana , nel mese di luglio 1786 , ad’ora presentata àW° illustrissima Accademia delle scienze di Siena, vd un socio della sed, alla quale si aggiungono, ‘alcune anniotazioni critiche ad altra memoria sul medesimo soggetto inscritta nel tomo ‘VIT degli atti dèlla prelo= data Accademia. Ce mémoire manuscrit se trouve dans la bibliothèque de Volterra.
(3) Le docteur François Marmocchi,
8 À. RAIKEM, — Sur le T'héridion marmignatte.
mocchi, auteur de ce mémoire, est presque tout-à-fait sphérique. Sa grosseur est à-peu-près égale à celle d’une noisette ordinaire, considérée dans sa totalité, e//e est monographique ou d’un seul ventre, à l'exception d’une petite tête ; qui se porte un peu en- dehors de son abdomen globuleux. Sa couleur est noire. Sa peau villeuse est parsemée de treize taches rouges, réparties longi- tudinalement et parallèlement, séparées les unes des autres, et placées sur le dos, avec une autre, située inférieurement entre les pattes(x).Ces taches sont musculaires et sont tantôt plus grandes et tantôt plus petites, selon qu'elles se dilatent ou se contractent : elles deviennent presqueinvisibles,quand l’Araignée femelle n’est pas fécondée ou vient à se dessécher et à se rapetisser par suite d’une longue privation d’alimens, de manière à ne plus paraître la même, D’après ces anomalies, on concoit comment et pour- quoi tous ceux qui ont vu et qui ont parlé de cette Araignée ne s'accordent pas sur le nombre des taches rouges, qu’elle présente, les uns lui en ayant donné quatre , les autres six, ceux-ci onze, ceux-là quinze et même dix-sept.
Les pattes sont au nombre de huit, et chaque patte est com- posée. de trois articles. La tête est surmontée de deux palpes courts et articulés , au-dessous desquels sont, à ce qu’il paraît, placés les yeux et la bouche. Elle habite ordinairement dans des champs ouverts, sous des mottes de terre, sous des pierres , ‘ dans de vieux murs, sous des herbes ou sous les racines décou- vertes de plantes placées au pied d'arbres fruitiers.
On la rencontre rarement en compagnie de quelque autre
(1) Le célèbre professeur de botanique Ottaviano Targioni-Tozzetti, de Florence , possé- dait un manuscrit de Tommaso Chellini ; accompagné de figures d’insectes, de l’année 1720. On y lit: Cette figure représente l'araignée noire à taches rondes et rouges, qu’on rencontre dans le territoire de la paroisse de Cassignano (er Toscane) sous des gerbes de blé. Lorsque que les paysans prennent une brassée de gerbes et que l’araignée se sent presser, elle mord atë bras et est si venimeuse que , si on ne prenait pas de remède , on en mourrait. La figure re— présente en effet une araignée semblable à la Marmignatte, avec un ventre sphérique, mais »'offrant que six taches rouges.
Le chirurgien-major Bourienne, qui vit la Marmignata en Corse en 1769, n’y remarqua que huit taches jaunes sur le dos.
Un médecin franeais, qui parle de l’araiguée de Volterra dans la Revue médicale de l’année 1828 , assure y avoir distingué quatre taches seulement.
L’araignée rouge mâle n’en a pas autant que la femelle.
A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatte. 9
individu de son espece. Elle construit des cocons , composés d’une soie brillante , dont le nombre s'élève quelquefois jusqu’à six ; cependant, toutes les fois que j'ai séparé les unes des autres les Araignées femelles qui m’étaient apportées par des paysans, il ne m'est jamais arrivé de les voir fabriquer plus d’un cocon, dont l’animal ne s’éloignait pas , et auquel il se tenait en quelque sorte cramponné avec les pattes. Ne pourrait-il pas se faire que Marmocchi eût été induit en erreur pour avoir trouvé plusieurs cocons réunis dans le même repaire où l’on avait trouvé une seule Araignée femelle, entourée des cocons et des débris de cadavres appartenant à plusieurs de ses compagnes immolées à sa férocité ?
Quoi qu’il en soit du nombre des cocons, lAraignée femelle y dépose ses œufs, ce qu'elle fait sans qu'on s’en apercoïve et pendant l'obscurité. Ces œufs offrent la couleur de la fleur du pêcher, et ressemblent beaucoup, quant à lear volume et à leur forme, à ceux des Vers à soie. Ils sont plus ou moins nombreux. Il yen a davantage dans les cocons de la première ponte que dans les autres. Dans ceux-là ils ne surpassent pas ordinairement le nombre de quatre cents ; et, dans les derniers, il ne s’en trouve pas moins de deux cents. Le grand froid tue les Araignées, même celles qui sont encore renfermées dans les cocons. Mar- mocchi à vu des œufs éclos dix-sept jours apres s'être procuré les cocons qui les contenaient ; mais il ignorait depuis combien de temps ils étaient pondus. Il croit que les petites Araignées développées peuvent rester enfermées dans le cocon durant les deux saisons consécutives à l'été où il a été formé , jusqu'au printemps suivant, époque à laquelle ils éclosent. L'araignée rouge se nourrit de Mouches , de Grillons, de petits Scarabées, qui tombent dans ses pièges et se laissent prendre dans les fils de soie qu’elle tend à peu de distance de son nid, fils qui sont réunis entre eux sous des angles divers , de manière à former une toile fort irrégulière. Sa manière de faire la chasse aux Grillons et'aux autres insectes volans dont elle fait sa proie, est impor- tante à remarquer, Aussitôt qu'elle s’en est emparée, elle les enveloppe de manière à les garrotter et à leur lier les ailes an moyen de ses fils;ensuite elle les pique dans les endroits les plus
10 A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatte.
mous et les plus délicats de leur corps. Bientôt après, au: milieu de convulsions générales, survient la mort de ces insectes-ailés, dont les débris, dispersés çà et lasur la toile ou le terrain circon- voisin, signalent à proximité l'existence d'une Araignée rouge.
-M. le docteur Luigi Toti (r) ne croit pas qu'elle parvienne ainsi à mettre à mort les insectes dont elle se nourrit. Suivant lui, elle les suivrait d’abord, puis, venant à être stimulée;'elle les assaillirait et resterait vainqueur dans le combat. Il est possible que la chose se passe quelquefois de la sorte ; mais je doute fort que ce soit le cas le plus ordinaire. Quand j'ai renfermé dans un même vase de verre laMarmignatte avecdes Scorpions, des grosses Mouches ou d’autres insectes, j'ai toujours vu qu’elle se com- portait comme nous l’apprend Marmocchi, ce qui est assez sur- prenant pour le Scorpion, quise laissait emmaillotter sans bou- ger et sans faire le moindre usage de ‘ses armes meurtrières, comme s'il eût été fasciné par les regards de sa cruelle ennemie.
Elle se bat avec les araignées de son espèce lorsqu'elle est en liberté, et surtout quand elle se trouve renfermée dans un même vase avec d’autres individus semblables.
Elle est ennemie jurée d’une autre araignée indigène du même territoire de Volterra, que es paysans des environs, d’après sa couleur dorée, appellent araignée d’or.
Elle peut vivre pendant plusieurs mois sans prendre aucune nourriture,
En hiver , elle se cache sous terre, dans les creux des vieux murs; elle est alors dans un état d'engourdissement et ne re- prend vigueur qu’à l’époque de la belle saison.
Elle sirrite facilement et à la moindre cause, Quand en été et surtout lors de la moisson les agriculteurs viennent par mégarde
(r) Memoria fisieo-medica sopra il Falangio (*), o ragno venefico del!” agro Volterrano : del sign. Luigi Roti . medico condotto délla eittà di Volterra, stampata nel tomo settimo degli atti dell’ Academia delle scienze di Slena.
(*) On sait maintenant à quoi s’en tenir relativement à ce nom de Felangio donné sans le moindre. fondement par le Dr. Toti à la Marmignatte , qui n'appartient point à l'ordre des Arachnides trachéennes , ni par conséquent à la famille des Phalangiens , et encore moins au genre Phalangium , mais aux arachnides pulmonaires de la familie des Aranéides ou fileuses, division des Inæquitèles filandières.
A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatte. 11
à la toucher, à la comprimer , à l’étreindre tant soit pen, en em- poignant du blé, de la paille, du foin ou des herbes, il arrive souvent qu’elle les blesse en enfonçant tont-à-coup ses crochets véuénifères dans les parties qui sont ies plus à sa portée. Elle marche avec rapidité et d'une manière si moelleuse et si légère qu'elle parvient jusqu'aux parties les plus cachées et les plus sensibles des moissonneurs sans qu’ils s’en aperçoivent.
La description qu’on vient de lire est particulièrement relative à la Marmignatte femelle , qui a été l’objet spécial, voire même exclusif, des observations des docteurs Marmocchi et Toti et de la plupart des naturalistes qui.en ont parlé.
Maintenant, avant de m'occuper des effets que produit la morsure de cette araignée, je pense qu'il ne sera pas hors de propos de faire connaître la Marmignatte mâle que j'ai eu quel- quefois occasion d’examiner.
L’araignée rouge mâle est beaucoup moins volumineuse que la femelle. Elle est en outre bien plus rare que cette dernière, et présente une figure, des formes et d’autres caractères qui l'en distinguent d’une manière évidente.
Le corselet est proportionnellement plus étendu dans le mâle que dans la femelle, où le volume de l'abdomen l'emporte sur celui du céphalo-thorax, tandis que le contraire a lieu dans l’araignée du sexe masculin. Il a une forme parabolique chez le mâle et ovalaire chez la femelle. Dans celle-ci, il se réunit par une sorte de collet à l'abdomen, tandis que cette sorte d’étran- glement ne s’observe pas dans le mâle. Enfin, la Marmignatte mäle est pourvue d’un corselet dur, corné , renflé supérieure- ment à l'endroit qui correspond au siège de la vésicule vénéni- fère; d'une couleur noire brillante et offrant plus de largeur que de longueur , le diamètre transversal ayant deux millimètres d’étendue et le longitudinal seulement un millimètre et demi. L'abdomen , de la même couleur que le corselet, n’est pas sphérique ou globuleux comme chez la femelle, mais aplati de haut en bas , étroit, allongé, en forme de cône tronqué, à bords régulièrement ondulés et terminé postérieurement par une ex- trémité mince, obtuse et arrondie. Il est aussi long que le cor- selet ; mais sa plus grande largeur n’est que d'un millimètre et
12 A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatle.
demi. La /onueur totale du mdle est de trois millimètres et demi; celle de la femelle est beaucoup plus considérable. On y distingue, à la face supérieure de l'abdomen , onze petites taches irrégulièrement arrondies et rougeätres , plus foncées au centre qu'à la circonférence ; une autre tache, disposée transversale- ment , se remarque au tiers antérieur de la face inférieure de l'abdomen. Les taches dorsales sont rangées, les unes à l'égard des autres, à-peu-près dans le même ordre que chez la femelle.
Les huit yeux sont bien distincts, et, comme dans la femelle, disposés sur deux lignes parallèles : : : : ; les deux yeux moyens antérieurs m'ont toujours paru un peu plus saillans que les six autres, comme s'ils étaient supportés par une petite éminence.
Chez laraignée mâle, chaque palpe mandibulaire est sur- montée d’un renflement en forme de bouton ou de bourrelet, large d'environ un millimètre, de la même couleur noïre que l'antenne et parsemé de quelques poils. Un petit crochet sem- blable à ceux qui sont placés à l'extrémité des pattes et des palpes des femelles, s'élève du susdit bouton, d’où l’on voit sor- tir des organes très déliés. (1)
Les pattes, au nombre de huit, sons le rapport de leur lon- gueur respective, sont disposées comme chez la femelle, c’est- à-dire que la première paire tient le premier rang, et que viennent ensuite la quatrième, la deuxième et enfin la troisième: qui est la plus petite.
La longueur des 1° est de 15 millimetres. —- des 4° est de 13 — des 2°“ est de 10,5
Se des 3" estde 8,5
. En comparant la longueur respective des pattes chez les in- dividus de l’un et de l’autre sexe , j'y ai trouvé à peu de chose près les mêmes proportions. Quand on plaçait dans un même vase des individus des deux sexes, les femelles ne manquaient jamais de mettre les mâles à mort et de s’en repaitre.
(1) Avant Treviranus on croyait les organes mâles des araignées logés dans les paipes , dont les masses spongieuses ne sont que des organes excitateurs , ainsi qu'il l'a démontré ( Ucberden ban der Arachniden ).
9
A. RAIREM. — Sur le Théridion marmignaile. 13
Dans la vue .de découvrir si la Marmignatte mâle est veni- meuse comme la femelle, j'ai fait quelques expériences sur des oiseaux vivans qui m'ont donné des résultats semblables à ceux obtenus avec celle-ci.
D'après Marmocchi, les morsures de l’araignée rouge sont à peine distinctes de celles d’une puce ou d’une mouche , et produisent aussitôt des douleurs aiguës dans les extrémités et dans les reins, la scélotyrbe des membres inférieurs, d’où s’en- suit l’impossibilité de se tenir debout. Il s’y ajoute, suivant le même observateur , des convulsions universelles, de l’ischurie , le priapisme , une tuméfaction douloureuse du bas-ventre , des vomissemens , des évanouissemens.et une agitation continuelle de tout le corps. Malgré cette perturbation des membres, le pouls présente peu d’altération ; il parait seulement devenir concentré. Enfin, les malheureux patiens poussent des cris, ne peuvent ni se reposer ni rester un instant en place , et respirent avec gêne dans des chambres fermées où l'air extérieur n’a pas un accés libre et facile.
Le tableau phénoménologique que je viens de retracer est à- peu-près le même que celui dont nous sommes redevables au docteur Toti. Cependant, celui-ci fait mention de plusieurs symptômes dont Marmocchi n’a pas parlé, comme par exemple d'une ardeur intense dans l'estomac; d’une oppression d'esprit ; d’un tremblement qui a son siège spécial dans l'articulation du genou ; d’un sentiment irrégulier de froid et de chaud; de cé- phalalgie; de vertiges; d'insomnie; de convulsions internes; d’un pouls profond et concentré sans être jamais fébrile, etc.
En somme, je puis affirmer d’avoir vérifié plusieurs fois l'exactitude des descriptions de ces deux savans médecins, chez des sujets de l’un et de l’autre sexe, qui avaient été piqués par cet insecte venimeux. À l'instant de la piqüre, douleur plus ou moins aigué à l'endroit affecté. Bientôt après, sentiment de torpeur et de fourmillement, d’abord local, puis général , suivis de la plupart des symptômes mentionnés. Quels que fussent l’âge, le sexe, le tempérament et la constitution des individus vulnérés, il se déclarait une espèce de scélotyrbe, affection spasmodique qui a beaucoup d’affinité avec la paraplégie , si bien décrite par
14 A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatte.
Galien en ces termes : quasi crurës turba et perturbatio, species est resolulionis, qua erectus ambulare homo non potest et latus quandoque rectum in sinistrum quandoque sinistrum in dex- trum, vel vicissim circumfert; interdum quoque pedem non'at- tollit sed attrahit, velut ii qui magnos clivos ascendunt. En outre, les malades se trouvaient dans un état de jactation , de trouble, d'appréhension et de pressentiment sinistre indéfinis- sables; tantôt debout, tantôt assis ou couchés, presque toujours agités de mouvemens convulsifs généraux ; incapables de mar- cher librement et sans appuis; accusant sans cesse éprouver une oppression à la poitrine et au cœur , qui rendait la respi- ration difficultueuse dans des lieux renfermés, où l'air était ra- réfié, échauffé, non suffisamment renouvelé ; quoique le pouls fût à peine troublé et que les autres fonctions ne présentassent aucune altération notable, du moins dans le plus grand nombre des cas.
La partie mordue ne tardait pas à se tuméfer plus ou moins; il s'y manifestait une légère inflammation érythémateuse, au centre de laquelle on apercevait ordinairement un très petit point d’un rouge livide très circonscrit, correspondant à une solution de continuité de l’épiderme, dont les bords étaient inégaux , anguleux et irréguliers. |
Je ne puis m'empêécher d'interrompre un moment ma narra- tion pour faire remarquer que les accidens qui succèdent à la morsure de la Tarentule, si bien décrits par l’un des plus grands médecins du xvir° siècle (Georges Baglivi), sont tout-à-fait sem- blables à ceux qui se développent chez ceux qui ont été piqués par l’Araignée rouge de Volterra pendant les chaleurs de l'été. « Paucis elapsis horis a morsu, patientes ingenti cordis angore, « gravi moœstitià, sed graviori spirandi difficultate , primo corri- « piuntur, moœstà voce conqueruntur, oculis turbatis incipiunt, «et interpellati ab astantibus ubinam doleant, vel nihil respon- « dent , vel affectam cordis regionem , manu pectori apposita, « demonstrant, quasi cor præ cæteris afficiatur. » (r)
(x) Vid. Baglivi, Dissertatio de Tarentulà; et Taddei , Repertorio dei Veleni et contrave- leni. Firenze, 1835.
A: RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatte. 15
D’après le docteur Toti, la Marmignatte mord plus promp- tement et plus fréquemment, quand l'été est extrêmement chaud, et, dans ce cas, les accidens sont aussi, en général , plus graves. « Il semble; disait Marmocchi , qu’elle ait été pourvue par la nature d’un aiguillon , au moyen duquel elle pique, et en même temps distille dans la piqûre une humeur vénéneuse , très iénue etires volatile , qui est en un instant absorbée par les vaisseaux lymphatiques ou sanguins. La nature indique assez clairement, selon le même observateur, qu'une sueur copieuse, provoquée au moyen de saignées, de l’administration de la thériaque dé- er! ans du vin généreux, de l’usage du camphre uni au nitre , à laide de: frictions, etc., en est le véritable et le plus efficace remède , tandis que, au contraire , les topiques , appli- qués sur la partie offensée , sont sans succès , superflus et insuf- fisans, vu que la volatilité extraordinaire du venin ne permet pas de les employer utilement en temps opportun. C’est ainsi qu'ilassure avoir recouru , sans avantage aucun , aux ventouses sèches et scarifiées (1), appliquées à l’endroit piqué, où l’on ne découvre qu’un point rougeâtre , tendant à la lividité.
La ligature de la partie mordue , quand elle peut se faire ; la succion ; la cautérisation , l’usage externe du chlore, d’une dis- solution de chlorure de chaux ou de soude , d’un acide minéral, sont cependant des remèdes locaux , qu’il ne faut pas déprécier, parce que ; mis en œuvre sans le moindre délai , ils sont suscep- tibles de décomposer le toxique, d’en changer la nature et d'en prévenir les effets malfaisans.
Marmocchi écrivait , le 28 juillet 1786:« Aucune des personnes mordues jusqu'à ce jour n’est morte ; quoique leur nombre ait élé jusqu'à présent de trente parmi ceux qui ont été traités par moi dans l'hôpital de Volterra, et à la campagne , par d’autres Personnes de l'art.
Il y à environ dix ans , le docteur Toti, à propos d’une his- toire pathologique insérée dans le journal littéraire de Pise (Giornali deilitterali di Pise), rapporte avoir observé, depuis 1789
(1) On verra cependant plus bas qu'en 1969 le chirurgien=major Pourienne obtint des succés des scarifications.
16 A. RAIKEM. — «Sur le Théridion marmignatte.
jusqu'à 1818, dix-sept cas d'individus blessés par l’Araignée rouge. Sur ce nombre quinze guérirent en peu de jours, grâces à sa méthode curative; mais le seizième, mordu dans la région temporale gauche, fut gravement affecté, et ne dut sa guérison qu'aux moyens employés. Quant au dix-septieme , &/ succomba.
Il n’était pas à la connaissance de Marmocchi qu'aucun des animaux qui paissent dans les champs eût été mordu et tué par l’Araignée rouge. La résolution de l'affection morbide a le plus souvent lieu au bout de deux à trois jours, et se manifeste ou spontanément , comme j'ai eu quelques occasions d’observer,ou à la suite d'un traitement quelconque employé. Elle ne dépasse pas le quinzième jour, suivant ce qu’en écrivait le docteur Toti, en 1789.
Le pronostic et la terminaison sont constamment salutares , affirmait alors le même médecin, toutes les fois que les se- cours de l’art sont administrés. Au surplus , il trouvait beaucoup d'analogie entre la manière d’agir du venir de cette Araignée, et celui de li Vipère, croyant que l'humeur absorbée exer- çait sa première action sur le sang, et secondairement sur la fibre musculaire, dont elle diminuait l'irritabilité. Toutefois, pour ce qui est du mode d'agir du venin de la Marmignatte , j'avoue que je me rangerais plus volontiers à l’opinion que Ba- glivi avait conçue sur le venin de la Tarentule, dont les effets, soit dit en passant, que je suis porté à considérer comme réels et non imaginaires , quoique exagérés par quelques-uns, avaient eu pour témoin oculaire ce grand et fidèle observateur lui-même , optimus parens suus, isque apud Lycienses in Apuliä medicus , ut omnibus constat , celeberrimus , et, dans ces der- niers temps, ont été confirmés en diverses contrées par des médecins dignes de foi (1). Voici comme s'exprimait à cet égard
(x) Vid. Plenck, Toxicologia. De araneä Tarentulä. Vier. 1585.
Salvatore de Renzi. Osservazioni sul Tarantismo di Puglia. Proluzione recitata nell’ ordina- ria seduta del di 18 luglio 1832 dell’ Accademia medico-chirurgica Napoietana.
Ferramosca. Osservazione sul Tarantismo, vel Filiatre sebezio per l’anno 1835.
Ca. Migliari, nell’osservatore medico per gli anni 1825 e 1827. =
Gli annali di Medicina compilati dal Dott. Annibale Omodei, vol. 68, ottobre e novembre 1833, p. 335 eseg. e vol. 74 . aprile e maggio 1835, p. 36 et seg.
Et enfin l'ouvrage récent de toxicologie publié à Florence, de M. le professeur Taddeï, Firenze, 1836.
A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatte. 17
l'illustre professeur romain : Si quid judicare valeo ; Crederem venenum tarantulinum prœæcipuam sedem figere in liquido ner- vorumn , sive in spiritibus animalibus; si quidem continui dolo- res capitt ; animi deliquia ; dolores ossium , impotentia ad mo- tum; ventriculi dolores, cordis oppressiones, ef reliqua' hujus generis Symptomata morbosam spirituum naturam abundeé Ppa- tefaciunt ; non excludendo tamen antecedentem ipsius sanguinis virulentam quoque indispositionem. (1)
Maintenant que d’après les mémoires des docteurs Marmoc- chi et Toti , et fondé sur mes propres observations, j'ai ajouté quelques détails à la description de la Marmignatte de Volterra et fait connaître d’une manière générale les effets de sa mor- sure, Je vais m'occuper de rassembler quelques faits particuliers qui serviront, j'espère, à les constater de facon à convaincre les plus incrédules.
Dans le mémoire du docteur Toti sont consignées six observa- tions qui lui appartiennent. Tous les individus dont il s'agit, après avoir été piqués par l’araignée rouge, éprouvèrent des con- vulsions, accompagnées de l'impossibilité de mouvoir:les mem- bres, de météorisme et de quelques autres accidens. Ils guérirent en peu de jours au moyen desremèdes dontil recommande l'usage. Cependant, le même médecin croit être autorisé à conclure de certains faits que la morsure de la Marmignatte peut devenir quelquefois mortelle pour l’homme.
Un enfant de cinq ans, marchant pieds nus, qui allait pren- dre de l’eau à une fontaine voisine, le 31 Juillet 1787, fut mor- du sous un petit orteil par l’araignée. Il poussa des cris, ne pouvait plus se tenir debout sur ses jambes; éprouva une grande douleur, de la fièvre, un sommeil inquiet, des convulsions, du météorisme , une chaleur ardente, etc. IL mourut le lendemain matin.
Joseph Mazzoli, sexagénaire, tuilier , était, un jour du mois d'août 1810, couché sur des fascines desséchées qui recélaient une Marmignatte; il en fut mordu au-dessous de la mächoire
(1) Baglivi, Dissertatio de Tarentulà, XI, Zooc, — Janvier, 2
18 A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignalte.
inférieure. Le venin absorbé suffit pour lui ôter la vie dans le couré espace d’une demi-heure!
Le 9 août 1816, uu peu après le coucher du soleil, Amadio Viti, âgé de douze ans, fils du colon d’une métairie des environs de Volterra (1), regagnuit son logis avec le bétail qu'il avait fait paitre dans un terrain inculte, non défriché. Parvenu vis-à- vis de la porte de la maison, il pousse tout-à-coup des cris dou- loureux, se plaignant d’avoir été pincé, sur la partie latérale gauche du cou, par une de ces maudites araignées des champs en friche. Un journalier qui se trouvait en ce moment près de lui, soupconna d’abord qu'il s'agissait d’une piqüre d’abeille ; mais le petit patient observa qu'il n’était pas passé vers l'endroit où étaient placées les ruches. Les douleurs devinrent bientôt excessives. Le malade ne pouvait plus se tenir debout: les ex- trémités inférieures étaient paralysées. Le cou, ainsi que le pharynx , étaient enflés ; il y avait des envies de vomir, pâleur, affaïblissemeut de la voix, etc. Ces symptômes furent bientôt suivis de tremblemens convulsifs, de hoquet, de sueur froide, Tabolition complète du sentiment; de dyspnée; les cavités na- sales et la bouche se remplirent de mucosités écumeuses; et au bout d'un quart d'heure il expira.
Quand on procéda le jour suivant à la nécroscopie , le corps était encore recouvert de vêtemens. Il s'était échappé, au mo- ment dela mort, de l'urine de la vessie, et des excrémens du rectum ; parmi ces derniers existait un Ascaride lombricoïde. Les mémbres étaient encore raides. Le bas-ventre était météorisé. La tête, le cou et les oreilles étaient gonflés, surtout du côté gauche; l’enflure s’étendait jusqu'au dessous de la clavicule, au voisinage de l'épaule et du bras correspondant. Les parties tuméfiées présentaient une couleur livide foncée. Des petites taches noirâtres étaient répandues en grand nombre sur la face, sur le cou, sur les parois du thorax , jusqu’à la quatrième côte. À la partie inférieure de la mâchoire, sur le trajet de la ca- rotide gauche, se voyait une pustule ou, pour mieux dire, une petite tache d’un rose pâle, qui offrait à son centre un point
(1) Dite San-Ottaviano | sur la rive droite de la rivière £ra.
A. RAIKEM. — Sur le Théridion narmignatte. 19
noir. Aux environs de la veine jugulaire sous-jacente, il y avait une grande quantité de sang noirâtre épanché, et cette veine était engorgée et turgide. L’engorgement des ramifications vei- neuses circonvoisines s'étendait jusqu’à l'oreille et même jus- qu'à la moitié gauche de la tête. Les méninges et le cerveau étaient le siège d’une semblable ph/éboidésie. Les muscles mas- seters étaient fortement contracturés. La langue était gonflée, duré , d’une couleur violette. L’œsophage et la trachée-artère ainsi que les bronches ; participaient à la même altération.
De ces trois faits, plus ou moins incomplets , invoqués pour prouver que la piqüre de la Marmignatte peut être mortelle pour Phomme, le premier, à mon avis, n'offre pas de garanties suffisantes et partant n’est pour moi d'aucune valeur , puisque l'auteur ne le rapporte que d’après le témoignage d'autrui. Le second se réduit à une simple assertion et est trop imparfait pour qu'il mérite qu'on y ajoute foi. Le troisième seul mérite peut-être d’être pris sérieusement en considération. Mais je ferai remarquer à son sujet, en premier lieu : que ce malade n'avait été mi vu, ni observé par le docteur Toti, lequel garde le plus profond silence sur le commémoratif, quoiqu'il eût rencontré un lombricoïde dans les feces évacués dans les derniers momens de la vie, et que la fièvre intermittente soit assez commune dans la contrée et dans la saison où la scène s’est passée.
Ensuite , la présence d’une seule Marmignatie aux environs de lamétairie, nommée San-Ottaviuno, située dans ia vald’Era, as nord (1) et à trois milles environ de Volterra, a-t-elle été constatée le jour où la catastrophe est survenue, pour appuyer au moins sur une donnée ou sur quelque vraisemblance la supposition gratuite qui la faisait rapporter à la piqüre de cet insecte. Et encore qu’on füt en droit dé prétendre que la mort eût été la suite d'une piqüre d'insecte, pourquoi en accuser plutôt la Marmignatte que le scorpion , la guëpe, l'abeille, ani- maux venimeux qu'on rencontre aussi très souvent en Toscane? Quant à la tumeur du cou développée en peu d'instans, au centre de laquelle on apercevait une petite tache livide, a0+
(1) On rencontre plûs souvent la Marmignatte au midi qu'au nord de Volterra. 2,
20 A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatte.
compagnée d'un gonflement considérable qui s’étendit rapi- dement aux parties environnantes , à laquelle s’associèrent des convulsions générales suivies de la mort au bout d'un quart d'heure, quels sont les caractères spécifiques qui démontraient qu'elle provint de la piqûre de la Marmignatte, laquelle n’est pas ordinairement funeste à l’homme?
Ne serait-on pas plus fondé à penser qu'il était question dans ce cas d’une pustule maligne inoculée soit par le contact de quelque insecte ailé qui avait reposé auparavant sur le corps d’un animal atteint de charbon ; soit par la piqûre d’une mou- che ou d’un taon, qui aurait été précédemment se repaître du sang infecté d’un animal mort de charbon avant de venir se poser sur le cou du jeune Amadio Viti, d'autant plus que l’on sait que cette terrible maladie se présente d’abord sous une ap- parence de bénignité telle qu’on y prête peu d'attention, et qu’on se méprend sur sa nature; aussi arrive-t-il souvent que le malade, plongé dans la plus profonde sécurité, n’a aucun soup- çon de son état. D'ailleurs , la pustule maligne, dont la plupart des signes locaux et généraux se retrouvent chez ce petit paysan , fait quelquefois , en fort peu de temps, de très grands progrès, peut être mortelle dans l'espace de vingt-quatre heures; attaque souvent les bergers, les pâtres, les gardiens de bestiaux; est plus dangereuse chez les enfans que chez les adultes ; pen- dant les chaleurs de l'été que dans les autres saisons; est plus à craindre quand elle a son siège à la tête et au cou que dans d’autres parties du corps, et s'accompagne d’une turgescence extraordinaire des vaisseaux sanguins de l'endroit affecté.
D'après cette discussion et les doutes qu’elle soulève, on ne peut guère, ce me semble, se refuser de se ranger encore à l'opinion émise à ce sujet par le célèbre professeur Latreille qui, à propos du Theridion Marmignatta écrivait en 1830 dans le Dictionnaire classique d'histoire naturelle: elle passe, sans Preuves positives et dignes de confiance, pour étre mortelle.
Bourienne, chirurgien-major de l’armée de Corse, rapporte qu'au mois d'août 1769 entrèrent en différens temps à l'hôpital d'Arignano en Balogue, quinze soldats du régiment de Bour- gogne, piqués par la Marmignato (araignée suivant lui de la
A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatte. 21
grosseur etde la figure de la Tarentule, marquée de huit taches jaunes sur le dos ). J/s furent apportés tout de suite à l'hôpital, ne pouvant marcher. Is étaient tourmentés par des douleurs cruelles dans toute l’habitude du corps, qui ne leur permet- taient pas d’être uu moment tranquilles. 11 leur succédait un engourdissement considérable, surtout aux articulations; ils disaient être dévorés par des chiens enragés.
Il se donna tous les soins possibles pour connaître l'endroit de la piqüre, mais il y parvint difficilement. Aux uns c'était un peu de rougeur aux doigts des mains, au cou ou aux autres parties du corps; aux autres on ne voyait rien; les malades eux- même ne pouvaient désigner positivement l'endroit où ilsavaient été piqués.
Ils avaient pour la plupart le visage enflammé et les yeux ar- dens, une grande chaleur partout le corps ; la peau était néan- moins brülante , sans être sèche, et il y avait au contraire une disposition prochaine à la sueur. Malgré tous ces symptômes, il n’y avait pas de grands changemens dans le pouls ; il était à- peu-près dans l’état naturel.
Après avoir fait coucher ces malades, Bourienne scarifia pro- fondément l’endroit de la piqûre, baigna la partie avec de Fhuile d’hypericum tiède, et fit ensuite couvrir les malades un peu plus qu’à l'ordinaire, afin d’exciter chez eux une sueur abon- dante. Par ces moyens leur état changea promptement et'la sueur se soutint. Ceux qui subirent les scarifications et chez ‘qui la piqüre était plus apparente guérirent en trois ou quatre jours ; les autres furent plus long-temps tourmentés par des douleurs très vives.
Une chose singulière, c'est que dans les derniers jours, ces douleurs semblaient se rassembler aux extrémités inférieures ; sur la fin, les malades se tiraient les doigts des pieds, comme s'ils eussent des crampes. Quand ils étaient dans cet état, le
Chirurgien-major leur faisait prendre quelques bains de pieds ; qui faisaient cesser les douleurs, et les mettaient bientôt en état de sortir de l'hôpital.
Par les recherches qu'il fit dans le pays, il paraît que les effets
de la piqüre varient suivant les temps et suivant les parties af-
\
22 A. RAIKEM, — Our de T'héridion marmignatte.
fectées. Les Corses prétendent que le venin lancé par l'animal occasionne tous les ravages qu’on remarque à la suite de la pi- qüre , mais c'estune erreur suivant l’auteur de cette observation. La forme aiguë de l'aiguillon de araignée qui divise imparfai- tement les fibres nerveuses et aponévrotiques ; suffit à son avis pour expliquer les accidens qui arrivent; et l'idée du, venin qu'il: supposent contrarie les moyens curatifs par les potions incendiaires qu’on donne aux malades dans ce cas.
Bourienne a vu deux personnes en Corse, perclues de leurs mémbres à la suite de ia piqüre de cet animal. Les paysans de cette ile sont encore dans l'usage de faire chauffer un four à un certain degré et d’y mettre les personnes piquées pour pro- voquer une sueur abondante, et ils en guérissent souvent par ce moyen. (1)
On a tenté plusieurs expériences sur des animaux vivans, pour établir par des preuves plus certaines les effeis de la pi- qûre de l’araignée rouge de Volterra sur l'organisme vivant.
Pendant quatre jours consécutifs, le docteur Toti fit mordre un pigeon sous les ailes. Chaque fois que l'animal était piqué , il éprouvait des secousses convulsives. Mis en liberté, il marchait avec peine, se trainait vers son abreuvoir et buvait fréquemment. Il devint tout gonflé. Cependant il se rétablit parfaitement au bout de trois semaines.
‘La même expérience, faite sur un jeune coq, eut les mêmes résultats.
Le médecin que je viens de citer dit avoir fait avaler, pen- dant huit jours et par force, à un pigeon une araignée rouge vivante, chaque jour. Le gallinacé, mordu, à ce qu'ilassure, dans le gosier , éprouvait des secousses violentes; abändonné à lui-même, il tombait en convulsions en se trainant çà et là par la chambre avec beaucoup de peine. Il ne pouvait se soutenir sur ses pattes ni même se servir de ses ailes. Son corps se tumé- fia, et il mourut au bout de huit jours. À l’ouverture,.du. ca- davre, il trouva plusieurs petites ulcérations à l'œsophage.
Il fit mordre une chienne à la lèvre inférieure par une arai-
(x) Richard, Recueil des observations des hôpitaux militaires ; tome second.
A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatte. 23
gnée rouge. La chienne poussa des hurlemens et s'agita au mo- ment de la piqüre. Son cou enfla; pendant plusieurs jours elle resta sans manger, languissante, léchant souvent sa blessure, et tellement affaiblie dans les extrémités qu’elle pouvait à peine se tenir sur ses pattes. Néanmoins elle survécut à l'expérimen- tation et se rétablit.
Plusieurs petits gallinacés, nés depuis peu de jours, ayant été piqués par une même araignée rouge, devinrent gonflés , livides et moururent au bout de quelques heures.
Enfin, le docteur Toti raconte avoir nourri avec des petits morceaux desséchés de Marmignatte d’autres jeunes gallinacés, qui ; après avoir eu des vomissemens , ne tardérent pas à périr : résultat peu croyable, et qui est tout-à-fait en contradiction avec celui que, dans un autre endroit de son mémoire, ce mé- decin dit avoir obtenu sur des chats, sur des chiens et sur des lapins auxquelles il avait fait manger , mélées à de la viande, de la poudre desséchée d’araignées rouges, et ne s'accorde pas davantage avec celui fourni par les expériences faites par des hommes qui; impunément, mangeaient des araignées ou les ingéraient dans leur estomac. (1)
Le 13 août 1827, je fis mordre un gros lapin vigoureux par quatre araignées rouges femelles que je venais de me procurer et par une araignée rouge mâle que je possédais depuis une quinzaine de jours. Chacune de ces araignées continua à mor- dreau moyen de ses crochets mandibulaires pendant plusieurs minutes consécutives sans désemparer. Je réussis même à les faire mordre à plusieurs reprises en les agaçant à dessein à l’aide d'un stylet d'acier. Pendant qu’elles piquaient, elles se balan- çaient de droite à gauche en se soutenant sur leurs pattes. Aux endroits mordus je découvris des points rougeûtres , formés cha- cun par la réunion de deux points plus petits, qui , examinés à la loupe, présentaient des écorchures superficielles, correspon- dant sans doute à l'insertion des deux crochets mandibulaires de l'insecte. Pendant l'expérience le lapin avait des tremblemens convulsifs dans les parties charnues sous-jacentes aux endroits
(1) V: Mead, OEuvres, Essais sur les poisons; traduits par Coste.
. 24 A. RAIKEM. — Our le Théridion marmignatte.
piqués; mais il n’y succéda pas de convulsions générales ni d’enflure partielle ou générale. A l’exception d’un état d’abatte- ment et d'inertie, l'animal semblait exercer normalement la plu- part de ses fonctions. Le lendemain il se mouvait à peine, man- geait peu, éprouvait de fréquentes convulsions générales. Ii mourut dans la nuit du 14 au 15 août. Je ne pus en faire l’ou- verture.
Dans le courant du même mois je parvins à faire mordre une seule fois un autre lapin bien portant par une araignée rouge femelle. Les phénomènes locaux ne différèrent pas de ceux ob- servés chez le précédent. Mais dans ce cas-ci il ne survint au- cun des accidens consécutifs que je viens de noter, et sa santé n'éprouva aucune altération.
Le 11 août 1829 je fixai pendant plus d’un quart d'heure une grosse Marmignatte femelle recueillie la veille dans un champ, sur les parois abdominales d’un jeune lapin sain et vigoureux. Malgré tousles soins que je pris pour réussir dans ma petite opé- ration , et que j'eusse même dépouillé de poils la partie sur la- quelle j'avais placé l’insecte, je ne parvins pas à mon but. Mais l'ayant remplacée par une autre du même sexe, celle-ci touchée à plusieurs reprises avec un stylet, se cramponna telle- ment à l’aide de ses crochets mandibulaires à la peau de l'animal que je ne pouvais l'en détacher. Quand elle eut lâché prise, je distinguai à l'endroit piqué, un point rougeàtre au centre du- quel s'élevait une petite pustule livide sans aucune apparence de déchirure à l'épiderme.
D'abord le lapin ne donna aucun signe de trouble ou de souf- france quelconque; il mangeait, et courait çà et là comme de coutume. Par la suite il.se montra abattu ; il perdit l'appétit; il devint moins actif; et, bien qu’il n’eût présenté ni gonflement ni convulsions , il mourut dans la nuit du 15 au 16 du même mois.
Le 16 août, je fis mordre un pigeon sur l’abdomen , préala- blement dépouillé de plumes, par une Araignée rouge femelle qui venait de faire son cocon. Dèes-lors il devint abattu , la queue pendante , ne pouvant presque se mouvoir, mangeant et buvant peu ou point. Il ne survécut que vingt-six heures à la morsure.
A. RAIKEM. — Sur le Théridion marmignatlte. 25
Le même jour, je soumis un aûtre pigeon à la même expé- rience. Il devint, comme le précédent , abattu, inactif. Son corps enfla. Il se manifesta une tache livide à l'endroit piqué:il perdit l'appétit. Malgré cela, il se rétablit en parfaite santé au bout de quelques jours.
Un jeune chien , que j'avais fait mordre par une Marmignatte femelle, fut affecté , pendant plusieurs jours consécutifs, de tremblemens généraux, sans autre trouble apparent dans sa santé, si ce. n’est que la partie lésée présenta , pendant plusieurs jours, une tache livide , qui se dissipa peu-à-peu.
M. Nicolas Bianchi, premier chirurgien de Volterra , après avoir. fait plusieurs tentatives infructueuses, pour faire mordre par une Marmignatte un Assiolo (Stryx scops Lin.), eut le con- rage, à l'exemple du docteur Sanguinetti, avec la Tarentule &r),” de s'exposer à la piqûre de cette Araignée, qu'il plaça sur une de ses mains , où l’insecte ne voulat jamais s'arrêter un instant. Les Masierinites, pendant l’hiver, quand ‘elles sont affaiblies par suite d’une longue abstinence, après qu’elles ont été long-temps conservées dans des vases où elles peuvent rester en vie, sans, rien manger pendant deux ou trois mois, les Marmi- gnattes, dis-je, dans tous ces cas, diminuent de volume et d’acti- vité , s'affaiblissent , perdent de leur férocité et sont moins veni- meuses, En général elles le sont davantage pendant les mois de juillet et d'août, dans les grandes chaleurs, et le sont d'autant moins que la température atmosphérique, pendant l'été ; est plns tempérée ; moins élevée et plus variable.
Il semble que les Araignées qui proviennent de cocons éclos dans une chambre bien abritée, et sont développées sans qu’on ieur ait donné de la nourriture , mordent lentement et de ma- nière-à ne causer pas plus de douleur que celle produite par la piqüre d’une mouche ordinaire. Un jour après diner, le docteur Toti se sentit piquer en divers endroits du corps. Quatre Arai- gnées de moyenne grosseur, échappées d'un verre oùelles étaient nées, s'étaient glissées à son insu jusque sous sa chemise. Ne s’é- tant déclaré aucun accident quelconque, hormis quelques pus- tules livides aux endroits piqués, il n’employa pas de remèdes.
” (x) V, gli annali di medicina d'Omodei, aux endroits cités ci-devant,
26 A+ RAIREM, — Sur le Théridion marmignatte.
RÉSUMÉ.
Le Théridion marmignatte ou là Marmignatte est une Araignée connue depuis long-temps en Toscane. Ce n’est cependant qué depuis l’année 1786, qu’elle y à été particulièrement observée dans les campagnes situées au voisinage et au midi dé la ville dé Volterra. Le docteur François Marmocchi ;alors médecin de cetté ville, en traça le premier une description assez exacte dans un mémoire , en date du 28 juillet de la même année , adressé à lime mortel Pierre-Léopold , grand-duc de Toscane, qui se trouve imprimé dans plusieurs ouvrages périodiques et se conserve manuscrit dans la bibliothèque publique de Volterra.”
Dans cette Araignée ; la vésicule où glande vénénifere , dont on doit la connaissance à M: Lambotte , offre un développement supérieur à celui qu ds offre chez d’autres Araignées de la même famille.
Cet organe sécrète une humeur délétère, reçue dans un ca- nal excréteur, qui , après avoir traversé la mâchoire, s'ouvre à l'extrémité du crochet mobile qui la termine, Cette humeur véné- euse est déposée , à l'instant de la morsure; dans la petite bles- sure opérée. De là elle est rapidement absorbée, entraînée dans le torrent de la circulation, et va exercer son action nuisible, d’une maniere spéciale, sur les systèmes nerveux et musculaire,
Les phénérrèles morbides qu’il détermine chez l'homme soit analogues à ceux qui succèdent à la morsure de la: Tarentule dans la Pouille , à Lecce, à Rome, à Grosseto, à Bologne ét à Odessa. Ces dpi , qui consistent dans des anormalités dés fonctions animales, sont plus imposans ‘par leur apparence que graves et dangereux en réalité. Ils se dissipent ordinairement au
bout de trois ou quatre jours. Une sueur abondante en ob Er la résolution. |
Il est fort douteux que la piqüre d’une seule Marmignatte puisse être mortelle pour l’homme adulte.
Les effets que produit cette piqüre chez des Lapins, sur des Chiens, sur des Pigeons, sur des Oiseaux, etc., ressemblent beaucoup à ceux qui ont lieu chez l'homme: ils en différent
DE LAJZER ET DE PARIEU.— Mächoire de l'Hyénodon. 27
cependant par la terminaison, qui peut être fatale pour les animaux.
La Marmignatte mâle est beaucoup plus rare que la femelle: elle s’en distingue par sa forme, par son volume moindre et par d’autres caractères qui lui sont propres.
La Marmignatte ne s’élance pas ordinairement sur les insectes dont elle fait sa proie ; mais elle les garrotte d’abord de ses fils soyeux , avant de les percer de ses dents venimeuses et de s’en repaitre quand ils sont privés de vie.
En général , cette Araignée ne pique l’homme que quand. elle est irritée ou excitée par quelque cause mécanique, C’est surtout pendant la saison d'été, au mois d'août, que la Marmignatte. est à craindre. Dans les autres saisons, quand elle a été long-temps privée de nourriture , et que plusieurs jours se sont écoulés depuis l'instant de sa captivité; lorsqu'elle a été transportée hors des contrées où elle est indigène, les accidens que produit sa pi- qûre sont peu ou point marqués et nullement redoutables.
Note sur la machoire d’un carnassier. fossile, nommé Hyÿénodon Leptorhynchus (1),
Par MM. De Laizer ET DE PARIEU.
Les naturalistes qui reconnurent lés premiers , dans lé dix- huitième siècle, les volcans éteints de l’'Auvergné ; étaient loin de penser que, dans les sédimens de l’ancien lac adjacent , on chercherait un jour dés débris d'animaux vertébrés, ayant vécu sur un sol primitif, en partie recouvert depuis par des éruptions de nature diverse.
Mais , depuis que les beaux travaux de Cuvier ont donné à la Paléontologie son essor, par suite des premières découvertes
(x) Cette note que MM, de Laizer et de Parieu ont bien voulu nous communiquér , est en
grande partie une reproduction de la partie descriptive du mémoire sur le même sujet, pré-
senté par eux à l’Académie des Sciences, et dont ce corps savant a ordonné l'insertion dans ses actes. ( Note du Rédacteur.)
28 DE LAIZER et DE PARIEU. — Méchoire de l'Hyénodon.
locales en ce genre, dont plusieurs se rattachent au nom de l'un de nous (1), le bassin de l'Allier a pris place à côté de ceux de Paris, du Gers et de l'Hérault, comme une des mines paléontologiques les plus fécondes du sol français.
Toutefois, il est à remarquer que ce sont de simples espèces de genres carnassiers conservés actuellement , que les publica- tions sur les ossemens fossiles du Puy-de-Dôme avaient fait connaître au monde savant, jusqu’à l’époque où nous avons pu décrire le fragment fossile qui fait le sujet de cette note, et qui, dans une couche tertiaire plus ancienne que les alluvions de Perrier, d'où proviennent les Fe/is megantereon et cultrident, est le témoin irrécusable de l’existence d’un genre éteint de Mammifere, chez lequel l’aptitude destructrice des dents se mul- tipliait par leur nombre.
Ce fragment , dont un modèle colorié a été donné au Muséum d'histoire naturelle de Paris, fait partie du cabinet formé depuis vingt ans par l’un de nous (M. le colonel comte de Laizer) pour la géologie et l'archéologie du pays privilégié qu'il habite.
Ce morceau 2)a été trouvé à Cournon (Puy-de-Dôme), dansle calcaire paléothérien , immédiatement superposé au granit. Il est d’ane conservation remarquable. Le côté gauche de la mâchoire a été seul gravement maltraité et manque des deux apophyses, du condyle et de la dernière molaire. Le nombre total des dents subsistantes est de dix-sept, dont deux incisives, deux canines, quatre fausses et neuf vraies molaires. L’inspection de l’état dentaire démontre que cette mâchoire a dû appartenir à un sujet adulte etencore jeune. Cela ressort suffisamment du sommet des molaires et des canines, à peine émoussé. Une fracture de la branche maxillaire du côté gauche et sous les arrière-molaires nous a permis de constater que les dents existantes manquaient en dessous des germes de seconde dentition.
L'espace compris entre les deux incisives est trés étroit,
(1) Feu M. Louis de Laizer avait, ainsi que M. Cocq, indiqué, au commencement de ce siècle, quelques osseinens fossiles d'Auvergne, Voyez à cet égard les Recherches sur les ossemens fossiles du Puy-de-Dôme. Voyez, sur la découverte de 1824, le Bulletin des Sciences naturelles, 1. 3, art. #67, année 1824. Nous avons quelquefois considéré cette découverte de 1824 comme la première, vu le peu d'importance des précédentes.
(1) Voyez pl, 2.
DE LAIZER @l DE PARIEU.—/Mdächoire de l'Hyénodon. 29
puisque, du tableau des dimensions de notre fossile placé à la fin de cette notice , il résulte que cet espace n’est que de 0,004 à la base de ces incisives, et de o,o10 à leur sommet. Néan. moins, nous avions présumé que cet espace avait dû contenir deux autres paires d’incisives, et, en. effet, une investigation adroîte , pratiquée par M. de Blainville sur notre fragment fos- sile , l'a en partie confirmé , tout en montrant'que l’incisive du milieu , de chaque côté , était plus interne que ses voisines.
Les canines, relativement aux dimensions générales de la mâchoire, sont longues et assezarquées. Les deux avant-molaires sont isolées et se composent d’une pointe conique , dirigée vers l'avant et d’un prolongement en arrière à la base.
Les cinq molaires qui suivent (en considérant un même côté) se divisent en deux séries fort distinctes, quoiqu'il y ait entre elles une sorte de transition.
La première série est composée de deux dents hautes et co- niques , dont la pointe penche vers l'arrière et dont la base est de ce côté pourvue d’un lobe accessoire assez prononcé, presque nul de l’autre côté dans la seconde, et apparent dans la première, de sorte qu'on peut y voir une tendance à la tricuspidation. La hauteur de la seconde de ces dents, relativement aux autres molaires , est remarquable. La deuxième série des molaires pro- prement dites se compose de trois dents, passant à un type plus incisif, qu’elles développent à trois degrés inégalement distans, mais progressifs. Ces molaires, qui augmentent de volume de l'avant à l'arrière, sont comprimées latéralement , tranchantes et divisées en deux lobes tres distincts. Toutes trois sont, en outre, pourvues d’un talon décroissant de chacune d’elles à la suivante , talon qui donne aux deux premières une forme obscu- rément trilobée.
La dernière molaire, dont les deux précédentes paraissent, tant à cause de leur moindre proportion que ‘de leur absence chez des carnassiers analogues, être des succursales où auxi- liaires , fournies par un développement de la carnivorité, cette molaire, disons-nous, consiste en deux lobes largement évasés en dedans, aiguisés dans leurs parties supérieures, n'ayant en ar- riére qu'un talon presque nul.
30 DE LAIZER et DE PARIEU. — Méächoire de l’Hyénodon.
La symphyse est fort allongée, ce qui a dû compenser mécani- quement la faiblesse des branches maxillaires résultant de leur minceur.
L’allongement. de celles-ci est, en effet, remarquable : il ressort du tableau comparatif des dimensions de notre frag- ment fossile et de celles de la mâchoire du Thylacyne, tableau joint à notre mémoire présenté à l’Académie, que l'amincissement des branches maxillaires, soit de droite à gauche ; soit de haut en bas, est bien plus considérable chez l'Hyénodon que chez le Thylacyne, quoique ce didelphe soit pourvu du même nombre de molaires et ait le museau très allongé.
Cette proportion des os maxillaires et surtout cette identité de formule dentaire avec l’absence de molaire tuberculeuse , sont les motifs qui nous avaient porté primitivement à regarder ces animaux comme voisins.
Toutefois, si l’on a plus d’égard à la forme des dents qu’à leur nombre , cette considération, ainsi que nous l'avons senti et exprimé par le nom que nous avons créé, ainsi que M. de Blain- ville l'a mis surtout en évidence dans son rapportintéressant, lw à l’Académie le 10 décembre 1838, cette considération , disons- nous, conduit , d'autre part, à comparer l’'Hyénodon à des carnassiers monodelphes plutôt qu'aux Didelphes actuellement connus.
« Chez l'Hyénodon Parrière-molaire n’est pas une fausse mo- laire de chat, comme l’est à peu de; chose près, celle du Fhy- « lacyne. Mais c’est une véritable carnassière qui ressemblerait « beaucoup à celle des Felis ou de lhyène tachetée, selon qu'on « supprimerait entièrement ou qu'on développerait um peu le « petit talon de sa base postérieure. Quant à la pénultièmé'et à « l'antépénultième molaire de notre fossile, nous les considé- «rons, vu leur forme et leur petit volume, comme des auxi- « liaires de la carnassière, qui est , dans les carnivores actuels, « dépourvue d'aides pareils. Les deux molaires du groupe inter- « médiaire ; si on lès compare avec les molaires pénultième et an- « tépénultième de lhyène désignée, n’offrent de différence nota: « blé que par l’état rudimentaire de leur lobe antérieur et par la « forme de leur lobe principal, un peu comprimé latéralement.
DE LAIZER @t DE PARIEU.— Mächoire de l'Hyénodon. 31
« Cette disposition allongéeles rend moins parfaitement coniques « que dans l'Hyène, et, comparativement à celle des chats , dis- « tingue nettement ceux-ci de notre animal inconnu; chez eux, « en effet, les lobes antérieur et postérieur des fausses molaires « acquièrent un développement encore plus grand que chez les « hyènes : la forme même du lobe principal de ces dents s'é- « 16igne du cone pour se rapprocher d’une pyramide triangulaire, « tranchante par deux dé ses arètes.
« Si nous continuons cet examen des dents de la màchoire « fossile, les deux fausses molaires s’éloignent de la forme de « la première molaire de lhyène. Nous ferons observer, toute- & fois, que la présence de cette dent chez celle-ci la rapproche « plus que les Felis de notre fossile; sous Île rapport du nombre «des dents. Les canines de celui-ci, assez semblables par les « proportions , les formes et la surface lisse , à celles de l'hyène, « sont moins fortes que. celles des chats.
« En résumé, nous constatons. dans les quatre dents princi- «pales et, si on peut le dire, dominantes de chaque côté de «notre mâchoire fossile, c’est-à-dire dans la canine, la troisième « la quatrième et la septième molaires en rapport anatomique « réel avec la canine et les trois molaires principales de l'hyène « du Cap. » Mémoire présenté à l'académie (extrait).
Le condyle, la branche coronoïde, d'après ce qui en reste, ne différent point des parties ARE chez les mono- delphes carnassiers.
Il en est de même de l’apophyse angulaire quoique, nous ayons cru quelque temps y trouver une particularité notable.
Aussi adoptons-nous actuellement l'opinion exprimée par M. de Blainville au nom de la Commission académique chargée d'examiner notre fragment fossile.
La didelphie de l’'Hyænodon ne nous paraît point prouvée; elle nous paraït même peu probable.
“En empruntant au système de la transformation des germes une simple métaphore, on pourrait imaginer que la mâchoire d'Hyænodon résulte de la modification d’un type hyénoïde par une compression latérale.
Cette sorte d’hypothèse expliquérait, mais d’une facon pure-
32 DE LAIZER €t DE PARIEU.— Méächoire de l’Hyénodon.
ment descriptive, la rentrée prononcée de la deuxième paire d’incisives, l’amincissement des molaires principales , la forme effilée des os maxillaires: circonstances exprimées dans l’épi- thète spéciale donnée par nous à l'Hyænodon ( Zeptorynchus ).
Tageau des principales dimensions de la mâchoire d'Hyænodon
leptorynchus.
Müächoire vue de profil (pl. 2, fig. 1 et2).
Longueur de l’entrémité du condyle au point le plus antérieur de l’in-
cisive existantes. is sole iriodymuiéos abesenmsbriiet ail.1418 Du sommet de l’apophyse angulaire au même point. . . . . . .. De la base postérieure de l’arrière-molaire au même point. , + . .. Hauteur du corps de la mâchoire sous la base postérieure de l'arrière -
ire SONORE NM ST Se Ta are Le SR Hauteur da corps de la mâchoire sous la base de la première fausse-
molaicetsundr si au). 208 tettl: doi Rés SIN CUIR Distance de la convexité postérieure du condyle à l'extrémité angulaire Hauteur des canines . 4 atouts baente léscant cqirafle (ts Diamètre de ces dents à leur base . . . . . ... + «1... 4 + Hauteur de la deuxième vraie molaire . . . . . . . . . . .. Dargeur de Léren MORE PS Ne RE ES Hauteur ; de. la terne MM D SU L Eu Largeur;de lammême e5a@4'h .9208000 409 Ho ARiG.D, PNEU
Mächoire vue en dessus ( fig. 3 ).
Largeur entre les pointes des carnassières (prise idéalement) — entre les sommets des deuxièmes vraies molaires . . . . .. — entre ceux des premières fausses molaires. . . . , . + .. des canines ss. mobi} els diese GPA
L] L L] . -
— entre les incisives existanies au sommet , « . . + + + «+ UE 4 NP Et Te 2 22 4 Longueur de la symphyse depuis le point de jonction jusqu’à la base déni Pes. 1 00.40 0) Re NL DOTE
02160 o 160 o 109 o o2g o ‘017 Oo 018 o 02 o o1ï1 o o14 o 013 o 010 o o17 o® 054 o 033 o 013 o 026 0 010 o oo4 o 047
BRESCHET. — Sur la structure des os. 30
Rapport fait à l’Académie des Sciences, le 28 janvier 1858, wsur un mémoire de M. le Docteur GErDY, ayant pour titre : De la structure des os,
: Par M. G. BRrESCHET.
Le 27 juillet 1835, M. Gerdy est venu devant cette Académie faire des communications sur la structure du tissu osseux ,qu'il a considéré dans l’état sain et dans l’état morbide.
La composition organique des os a été le sujet des recherches des anatomistes de tous les temps, et, après de nombreuses in- vestigations , On devrait croire que l’histoire de ces organes est arrivée à son dernier degré de perfection; mais les discussions élevées en Italie entre Scarpa (1) et Medici (2), et les travaux de Retzius (3), de Deutsch (4), Purkinje (5), Muller (6), Mies- cher (7), nous démontrent que tout n’est pas connu sur la struc- ture des os, et que pendant long-temps encore les anatomistes pourront s'exercer sur ce sujet.
M. Gerdy vous a apporté les fruits de ses investigations , et, dans un premier Mémoire, il s’est exclusivement attaché à lé- tude de la structure des os considérés dans l’état sain. On peut ranger sous sept titres différens ce que dit M. Gerdy : il prétend:
1? Que l’apparence fibreuse du tissu compacte est due à des. sillons vasculaires ;
La Que ces sillons sont longitudinaux dans les os longs; ray onnés et divergens dans certains os plats ;
(x) Anat. et pathol. ossium , Ticini, 1827.— Comment. de ossium penitiorè structur&, Lips. 1799.
(2) Esperienze interno alla tessitura organica delle ossa, opusc. scient. Bologna, 1818,
(3) Mémoire sur la structure des dents , en suédois.
(4) De penitiori ossium structura observationes | Uratislaviæ, 1834.
(5) Aid. Voyez aussi: Zsacus Baschrosw; Meletemata circà mammalium dentium evolutione, Uratislaviæ, 1835, :
(6): De Inflammatione ossium eorumque anatome generali, Berolini, 1836.
(7) Anat, et physiol. in univers, lütter. etc, Observationes , Berolini , 1836 ,— Vergleichende anwtomie der Myxinoiden , Berlin , 1835.
XI, Zoor, — Janvier, 3
54 BRESCHET, — Sur la structure: des os::
3° Que le tissu compacte est composé de canalicules vascu- laires adhérens les uns aux autres et divisés comme les sillons qui viennent y aboutir ; ft
. 4° Que le tissu spongieux des auteurs est composé d’un #rssu canaliculaire , d’un éissu réticulaire et d’un tissu celluleux';
bo Que le issu canaliculaire loge des vaisseaux dans une foule de canalicules, à-peu-près parallèles et longitudinaux, dans les os longs ;
6° Que le zssu réticulaire est formé de filets autours desquels les vaisseaux s’anastomosent ;
7° Enfin que Ze tissu celluleux, assez diversifié dans sa dis- position , suit cependant certaines lois générales.
Personne ne peut contester Hope fibreuse du /issu com- pacte de quelques os, et particulièrement dans les os longs où les fibres paraissent longitudinales; rayonnées ou divergentes dans certains os plats. Mais on ne retrouve pas cette disposition dans les os courts. M. Gerdy considère cette apparence fibreuse ne illusoire et comme due à des canaux vasculaires ouverts
la face extérieure de l'os où l’on aperçoit la tranche dés lames MR Des sillons précédant les orifices des cana- licules sont le plus souvent taillés en bec de plume , et tous ces sillons et ces petits canaux logent des vaisseaux.
Le tissu compacte ne serait donc primitivement qu ‘une réu- nion de tubes osseux formant une enveloppe solide, une sorte d’étui résistant autour des vaisseaux, et ces canalicules offri- raient dans leur mode de formation une disposition semblable à ce qu’on voit arriver sur la diaphyse des os où l'artère nourri- cière s’entoure d’un eylindre de matière osseuse qui s’éténd suc- cessivement du centre vers les extrémités de l'organe, en con- stituant ainsi le premier point d'ossification.Ces cylindres à di- rections très variées sont tellement multipliés et avec des dia- mètres si différens les uns des autres, et parfois si petits , si ca- pillaires, que le microscope seul peut nous les faire apercevoir sur tous les points du tissu osseux et dans l'épaisseur des parois des cylindres qui entourent les vaisseaux, de’ manière qu'on peut dire que leurs divisions et leurs subdivisions sont à l'infini. Ce que nous n’apercevons pas à l’œil nu, le microscope nous le
BRESCHET, — Sur la structure des os. 35
fait reconnaitre dans les os sains, et cette disposition devient! des plus manifestes par le travail de l’inflammation. ; Le tissu canaliculaire est un ensemble de petits canaux par- courus par des vaisseaux ; il occupe dans.les os longs la circon- férence et les extrémités du canal médullaire, et non le centre. Les os plats en sont presque entièrement dépourvus, mais les os courts en contiennent dans une médiocre proportion. Ces canalicules dans les os longs forment des vides allongés ou canaux légèrement inflexes et tortueux, marchant a ranoles ment les uns aux autres, et leurs parois sont percées d’une mul- titude de trous pour le passage des vaisseaux Asia canaliculaires. | -1 Ces canalicules tirent leur origine du conduit di vaisseau mé dullaire dans les os longs, et se portent parallèlement vers lés éxtrémités de los en se etait de plus en plas. d Si l’on examine les os d'un jeune sujet, on aperçoit que les’ lames cartilagineuses qui séparent la diaphyse de l'épiphyse , sont autant de barrières sur lesquelles viennent finir les canali- éules:; mais lors de la métamorphose de ces diaphragmes carti: lagineux en tissu osseux, alors les canälicules perforent cetté cloison, vont au-delà, et parviennent nn extrémités du cylindre osseux. | -: Dans les os courts, ces canalicules arrivent jusqu'à de larges ouvertures ses vasculaires ou à une surface articulaire $, mais.alors ils doivent former , suivant nous, un cul-de-sac', car toute surface articulaire est pourvue d'un cartilage dont les com minications avec le tissu osseux sont peu ou point distinctes, Le tissu reliculaire. admis depuis, long-temps , et que. Bichat regarde comme une, simple. modification du tissa celluleux, doit ; suivant M. Gerdy, en.être distingué , parce qu'il.est formé. non de çanalicules, mais d'un réseau de filets autour desquels les extrémités terminales des vaisseaux médullaires se ramifient et.s'anastomosent. Ce tissn occupe principalement l'axe des.os longs, et, après l'achèvement. de l’ossification, ce tissu réticu+ laire.existe jusque dans le milieu de lépiphyse et à quelques lignes de la surface articulaire. Ce réseau offre des mailles dau. tant plus lâches et, plus larges qu'on se rapproche davantage de
” )«
36 PRESCHET, — Sur la structure des os.
l'axe de l'os, et que l’on est à une plus grande distance des extrémités.
Le tissu cellulleux ou aréolaire appartient aux épiphyses des os longs, à l'intérieur des os plats et des os courts, et offre trois variétés de formes :
Première : forme quadrilatère à canalicules entrecoupées ; Deuxième : forme arrondie ; Troisième : forme cellulaire ou aréolaire allongée.
Tous ces espaces aréolaires; canaliculés ou réticulés, etc., sont occupés par des vaisseaux sanguins, et M. Gerdy rappelle qu’on admet dans la science trois sortes de vaisseaux dans le tissu desos: 1° ceux du tissu compacte; 2° ceux du tissu cellu- leux ; 3° ceux du canal médullaire. Les os ne sont donc qu'un réseau vasculaire, ou une sorte de faisceau de petits canaux de formes variées, représentant des étuis dans lesquels sont placés ces vaisseaux. M. Gerdy n’admet point de contact immédiat entre la surface extérieure des tuniques vasculaires et la paroi interne de ces petits conduits osseux. Une couche d’un liquide huileux ou suc médullaire, sépare les tubes solides et les ca- naux vasculaires. |
Au mémoire de M. Gerdy sont annexées des planches litho- graphiées représentant , d’après des os secs, les divers conduits dont est percé le tissu ossenx.
Telle est l'analyse de la première partie des recherches de M. Gerdy. Voyons maintenant ce que possède déjà la science sur ce point d’histologie , afin de pouvoir indiquer avec justice les progrès que M. Gerdy a fait faire à l'anatomie de structure.
Malpighi (r) a considéré les os comme composés de filamens réunis entre eux d’une infinité de manières, et constituant un réseau dans les mailles duquel est déposé un suc osseux. Dans les os tubuliformes (2 ossibus tubulosis), les filamens sont longitudinaux, tandis que dans les os plats du crâne, ils vonten divergeant du centre vers la circonférence , et si ces filamens ne tirent pas leur origine des fibres téndineuses , certainement, il
(r) Mare Malpighi, Anal plant. Lond. 16#53 opera posthuma; Lond, 1698,
BRESCHET. — Sr la structure des os. 37
yaentre ces parties des adhérences intimes. Bichat (1), Mec- kel (2) et Autenrieth (3), ont admis les idées de Malpighi, le plus ordinairement sans y rien changer, et ils pensent que les filamens celluleux et primitifs des os ne font ensuite que s’in- cruster de matière osseuse.
Gagliardi (4) a prétendu que les os sont constitués par des squames en nombre infini, formées par le dépôt d’un suc concrescible. Toutes ces lames sont retenues les unes contre les autres par de petites chevilles qu'il rapporte à quatre genres distincts. Les vaisseaux sanguins s'engagent entre les lamines osseuses et parcourent tous les espaces qu'elles laissent eutre elles. D’après la conformation de ces petites lames, il établit trois espèces ( Zaminæ corrugalæ , cribriformes , reticulatæ ).
CI. Havers (5) assure que les particules les plus minimes des os sont oblongues, qu’elles adhèrent par leurs extrémités, sont disposées sans aucun ordre apparent, et forment un tissu spon- gieux. Il dit en outre avoir découvert dans la substance com- pacte et corticale des 05 deux espèces de pores ou de canaux (duas in substanti& dura corticali pororum seu canaliculorum species invenit ) dont les uns sont longitudinaux et les autres transverses. Les vaisseaux pénètrent entre les lames osseuses et s'y distribuent.
Bœhmer (6), Reichel (7), Haller (8), Blumenbach (9), Duha- mel (10), de Lassone{r1), Marrigues (12), etc. , ont admis l’exis- tence de la nature fibreuse et lamelleuse des os.
Th.-S. Sœmmering (13) prétend que les os sont formés soit de
/
(x) Anatomie générale, t, 1x,
(2) Manuel d'anatomie humorale, descriptive et pathologique ,1, x, (3) Handbuah d. empir, mensch. physiol. t. 111, p. 359,
(4) Anatome ossium , novis inventis illustrata, Tugd.-Patat, 1523. (5) Movæ quedam observationes de ossibus. TLugd.-Batav. 19 34:
(6) Institutiones osteologicæ , p. 13 ei 14.
(7) De ossium ortu et structura , Lips. 176c.
(8) Oper. minor, t. x1, p. 1; Elem. physiol., t, var.
(9) Gesch. u. Beschr. d, Knochen d, Mensch, Korpers, Gœtting., 1786. (10) Mémoires de l’Académie royale des Sciences, 1941, 42, 43. (11, Mémoires de l'Académie royale des Sciences. 1751, 52.
(12) Loe, cit,
(13) De corporis humani fabrica, t, 1,
38 BRESCHEN, — Sur la structuré des ds.
fibres , soit de lamelles ou cellules, mais il excepte les dents et Pos dû labyrinthe.
Albinus (1) admet aussi des lamellés faciles à reconnaître An uit mais qui ne paraissent pas exister dans le premier âge. Dans les os longs la substance spongieuse diminué, et'la corticale augmente ; laquelle est formée de lamelles intimement . unies entre elles, et laissant'dés espaces de plus en plus petits, de formes variées et dans lesquels non-seulement la moelle mais encore les vaisseaux sont renfermés.
Caldani (2), professeur à Padoue, s’est attaché à démontrer la nature lamelleuse des os, et Medici (3), professeur À Bo- logne , a cherché en débarrassant les os de leur sel calcaire, de rendre manifestes les lames dont il dit qu’ils sont composés: Une longue polémique a existé à ce sujet entre ce dernier professeur et le célebre Scarpa. |
Medici a reconnu que la structure lamelleuse est moins ma- nifeste dans les os du corps humain que dans ceux des animaux. Il croit que les cellules sont formées par des fibres qui laissent entre elles de très petits intervalles, et que ces filamens, qui sont réunis aux fibres, se maintiennent réciproquement se leurs rapports natureis.
Scarpa (4), rejetant entièrement l'existence des fibres-et des lamines ; s’est efforcé de prouver que la substance compâcte corticale et la substarice spongieuse sont dé même nature ou ne différent entre elles que par la pétitesse et le resserrement des espaces que ces fibres ou ces lamelles laissent entre elles. Los est donc, suivant lui, un tissu réticulé celluleux.
Après ces auteurs, nous devons parler de ceux qui se sont aidés du microscope pour étudier la structure des os.
Ant. Leeuwenhoeck (5) a reconnu quatre espèces de pertuis sur une squame prise sur un fémur de bœuf. Les plus petites
(x) Adnotationes Acad. lib. vir. De constructione ossium.
(2) Memorie sulla struttura della ossa umane e bovine , Padova, 1804.
(3) Zoc. cit.
(4} Comment. de ossium penitiori structura.
(5) Opera omnia , seu arcana nature , ope exactiss, microsc, detecta , experimentis variis eomprobata , Lugd.-Batav, 1722.
BRESCHET. =— 97 la structure des os: 39
ouvertures étaient tellement resserrées qu'on pouväit à peine les: apercevoir. Les secondes apparaissaient comme de petites taches brunâtres ; les troisièmes , plus manifestes, observaient dans leur disposition un certain ordre comparable à celui des grands vaisseaux des arbres. On les voyait ,en effet, former des cercles concentriques , ce qui fit comparer cette disposition pour Vossification à celle qui appartient à la formation du tissu ligneux. Enfin la quatrième espèce d'ouvertures dans la substance dés os était remarquable par sa grandeur ; mais elle était la moins répan- due. Leeuwenhoeck pense que tous ces pertuis sont les’ orifices -des tubes osseux. Ainsi la partie solide des os serait donc formée de quatre éspèces de canaux parcourant les os, suivant leur longueur.
Outre.ces canaux , Leeuwenhoeck décrit deux autres espèces
de conduits ; qui vont dans une direction contraire, de la se intérieure des os à leur superficie. » Clopt Havers (1), qui faisait calciner les os avant de les sou-. mettre à son..observation sous le microscope , et Reichel, qui les sourmettait d’abord à l’action d’un: acide, admettent deux ordres dé canaux , qu’on peut rapporter à la troisième et à la quatrième espèce de Leeuwenhoek.
D'après ses observations pour ce qui regarde la structure canaliculée des os, Howship (2) a constaté evisiagl de petits conduits qui vont s'ouvrir, soit dans le canal médullaire , soit à la:surface extérieure des os. Ces canalicules sont renplis par une substance blanchäâtre. Des vaisseaux nombreux qui les par- courent sont fort-petits comparativement à l’aire de ces canali- cules. La différence de diamètre de ces petits conduits dans les os calcinés et dans les os non soumis à l’action du feu, lui a fait pénser que, chez cés derniers , une membrane doit les tapisser.
Le célèbre professeur Purkinje a, dans ces derniers temps, soumis le tissu osseux à de nombreuses investigations, Il décrit, d’après ses observations microscopiques, la structure qu’il pense
(x) Loc, cit.
(2) Voyez.les Transactions de la Société médico-chirurgicale de Londres , et là traduction allemande de Cerutti | plao, 35:
4o BRESCHET. — Sur la structure des 05.
avoir découverte dans le tissu osseux. Déjà plusieurs deises disciples, et particulièrement M. Valentin , professeur à Berne, et M. Deutsch (1) ont publié les résultats des recherches de M. Purkinje et ceux de leurs propres observations faites sous la direction de leur maitre.
A-peu- prés à la même époque (1836), M. Miescher (2) a fait paraître à Berlin une dissertation sur l’anatomie générale du système osseux et sur l’inflammation de ce même tissu. Il admet dans le tissu des os trois formes différentes pour l’arrangement des parties : 1° des lames qui correspondent au contour de l'os; 2° des canaux et des cellules qu’entourent des lamelles concen- triques ; 3° des corpuscules particuliers, qui sont dispersés, soit entre les lamelles, soit dans leur épaisseur même.
Les lamelles ne paraissent pas appartenir aux os des enfans, mais elles deviennent manifestes dans ceux des adultes, surtout si les os sont tubuleux. Elles constituent la partie corticale ou couche externe superficielle. À mesure qu’on se rapproche du canal méduilaire , le nombre des canalicules croissant de plus en plus , elles finissent par disparaître. Sur les os du crâne , bien mieux que sur tous les autres, on apercoil très distinctement ces lamelles, soit sur le feuillet compacte extérieur, soit sur l’intérieur ou lame vitrée. On les reconnaît aussi sur la surface extérieure du scapulum, des os du bassin, du sternum , des ver: tébres, bien que ces os soient percés d’un nombre infini de pertuis. On les trouve même dans les canaux et les conduits osseux qui transmettent les nerfs et les vaisseaux. M. Miescher avoue n'avoir pu découvrir comment ces lamines sontunies entre elles. 11 paraît croire qu'elles ne sont ni parallèles entre elles , ni disposées à la manière d'un réseau.
M. Deutsch fait disparaitre cette difficulté en admettant des canalicules très nombreux placés transversalement entre ces lamines et destinés non-seulement à les unir, mais encore à trans- porter la matière calcaire.
Des canalicules existent , en effet partout, dans la substance
(1) Deutsch , De penitiori ossium structure observationes, Uratislaviæ ; 1835. (2) De inflammatione ossium eorumque anatome generali, Berolini, 1836.
BRESCHET, — Sur la siructure des os. 4x
compacte des os et dans toutes les directions. Sur le squelette de l'embryon , on les voit procéder de la diaphyse aux extrémi- tés articulaires des os longs et sur les os plats du crâne, du centre à la circonférence de ces mêmes os; cependant ils ne sont pas tellement réguliers, qu'ils n’empiètent pas les uns sur les autres, de manière à former un réseau. La cavité de ces canali- cules-est en général cylindrique, et le plus ordinairement plus petite dans ceux qui correspondent à la surface extérieure des os, d’où résulte une dureté plus grande de cette couche corti- cale. Ges canalicules s'ouvrent aussi dans une substance spon- gieuse. Suivant M. Miescher, ils contiennent la moelle ou une substance analogue, et dans les grandes cellules on voit distinc- tement des vésicules adipeuses. En outre, il faut y admettre des vaisseaux nombreux, que leur couleur rouge et l'écoulement du -sang dans les amputations rendent manifestes; mais il est diff: cile d'en assigner la direction, parce que l’injection avec des matières colorées: est très difficile et que ces vaisseaux sont obstrués par le:sang qui s’y trouve coagulé. Si l'injection est heureuse ; l'opacité des os est un obstacle aux observations mi- croscopiques, et si l’on attaque le tissu osseux par les acides, les matières colorantes des injections sont altérées où détruites.
M: Miescher a cependant pu apercevoir des rameaux vascu- laires extrémement fins se porter de la surface externe où du ‘«ànal médullaire dans les canalicules , et passer de là dans les canalicules latéraux.
En dernière analyse, M. Miescher pense que la substance spon- gieuse n’est formée que par des canalicules amplifiés ;que le canal médullaire lui-même doit être considéré comme résultant de la réunion de ces canalicules amplifiés. Enfin ces canalicules , en- veloppés de lamelles concentriqués et contenant la moelle par de nombreux vaisseaux, sont les élémens de la forme primitive du tissu osseux qui se perfectionne par son développement.
Scarpa avait donc raison de dire que la partie dure de ces os était formée par du tissu cellulaire réticulé ; mais Bichat avait certainement tort d'admettre l’existence d’un système médullaire
et surtout d'un canal ou d’une membrane médullaire distincte et isolée.
42 BRESCHET. = Sur la struclure des os.
Corpuscule. Leeuwenhoeck (1) paraît être le premier qui ait signalé les corpuscules sous la désignation de taches brunâtres qu’il croyait être les ouvertures du second ordre de ses tubes ou ‘canaux. |
Il faut arriver jusqu'à Purkinje pour voir découvrir de nouveau ces corpuscules et en indiquer la nature. Cet habilemicrographe dit qu'on trouve ces corpuscules dans tout le tissu osseux après qu'on l’a débarrassé de sa matière solide par l’action d’un acide. Alors ils ressemblent à des taches de couleur brunâtre; d’un diamètre tres petit, brillant à leur centre, et limitées par uñe ligne bien distincte et opaque. Leur forme est ovalaire, plus ou moins compriméeet finissant en pointe. À un fort grossissement du microscope on reconnait que leur bord est dentelé. Situés entre deux lamelles, le diamètre de ces corpuscules est longitu- dinal et légèrement oblique entre ces lames. Ces corpuscules sont plus difficiles à découvrir et à bien voir lorsque la matière terreuse des os n’a pas été retirée; car ils sont opaques.
Les recherches de M. Gerdy ne paraissent pas d’abord avoir un rapport direct avec celles dont nous avons parlé en dernier, parce qu'il s’est arrêté lorsqu’à l'œil nu il n’a plus distingué la structure du tissu osseux ; mais les recherches dès micrographes ne sont que ces mêmes investigations portées plus loin, en pé- nétrant dans la structure intime de l’organe et en étudiant non- seulement les vaisseaux, mais encore comment les lamines et les fibres tiennent les unes aux autres. :
Nous devons aussi comparer les recherches de M. Gerdy avec celles de M. Bourgery, et ici.s’'élève une question de priorité qui nous a arrêtés quelque temps et qui a exigé des recherches particulieres. Il résulte de notre examen attentif que, en 1833, M. Gerdy avait déjà publié par avance les résultats de ses inves- tigations sur la structure du tissu osseux, dans la deuxième par- tie de son Traite de physiologie, rédigé et mis.en vente vers la fin de 1532, bien que le livre porte la date de 1833. Vers cette même époque, un anatomiste plein de zèle et de talent, M. Bour- gery, a parlé, dans son grand Traité de l’anatomie de l’homme,
(x) Loc, cit,, p, 207.
BRESCHET, — Sr la structure des os. 43
de la conformation intérieure des os; mais, dans les premières livraisons de! cet ouvrage,rien ne porte à penser qu’il y ait, entre les idées de cet auteur et celles de M. Gerdy,la moindre confor- mité , la moindre ressemblance. En effet, M. Bourgery ne voit dans les canalicules du tissu spongieux que des colonnettes propres à augmenter la résistance des os, et il ne signale pas le moindre rapport entre ces colonnettes et les vaisseaux qu'elles renferment. Les aréoles oblongues sont, dit-il, formées par de petites cloisons incurvées, et dont les paroïs sont percées de trous circulaires ;superposées les unes aux autres, elles sont disposées par lignes ou stries longitudinales et parallèles ; et représentent comme des faisceaux de petites colonnes creuses dont la cavité serait interrompue par de fréquentes cloisons transversales.
Elles appartiennent aux extrémités des os longs et reportent manifestement Le poids des surfaces articulaires sur la substance compacte de la diaphyse, qui augmente progressivement d’é- paisseur à mesure qu’elle supporte un plus grand nombre de ces colonnes. (Bourgery, tome I, p. 41.)
Depuis cette première époque, M. Gerdy a présenté, le 27 juillet 1835, à l’Académie des Sciences, le Mémoire dent nous rendons compte et dont les idées différent de celles de M; Bour- gery: mais soit que ce dernier ait modifié ses idées d’après celles de M. Gerdy , soit que les changemens et les déveleppemens qu’on trouve plus tard à ce sujet dans le même ouvrage, résul- tent de ses propres recherches, car le caractère de M. Bourgery est des plus honorables, et cet anatomiste, tout entier livré à l'étude de la structure du corps animal, a pu découvrir lorgani- sation du tissu osseux sans avoir eu connaissance des publica- tions de M. Gerdy; toujours est-il qu’en 1838 il a repris son tra- vail à l’occasion des organes de la circulation.
.… Dans cette partie de son ouvrage, il cherche à montrer les formes des vaisseaux dans les os, etil signale l'harmonie établie par la nature entre les deux conditions de résistance et de nu- trition, l’ostéo-dynamie et l’ostéo-angéionie (Bourgery, t. IV, p- 144)3 ildit: « 1° Dans l’accord de la fibre proprement osseuse «avec le canal sanguin, la nature a établi une harmonie telle, «que le méme élément organique remplit à-la-fois ce double
4 BRESCHET. — Str la structure des os.
« usage de support et de voie circulatoire; 2° dans la substance « compacte entre les lamelles ou mieux entre les fibres osseuses « parallèles , sont situés les vaisseaux sanguins, 3° dans la sub- « stance spongieuse, les colonnettes, organes de la sustentation « par leurs parois osseuses sous le rapport dynamique , sont éga- « lement par le canal multiloculaire qu’elles renferment , des « réservoirs pour le sang au point de vue de la circulation. »
M. Bourgery parle aussi des canaux veineux libres ; mais le rapporteur de votre Commission avait, bien long-temps aupa- ravant, fait l’histoire de ce mode de vascularité et de circulation sanguine dans le tissu des os ; il a même établi, dans un premier Mémoire inséré dans les Æctes de l Académie des curieux de La Nature , que les canaux veineux des os forment par leurs divi- sions, leurs subdivisions et leur manière de communiquer dans les diverses substances des os avec les canalicules et les cellules une sorle de corps caverneux, et il compare le système osseux pénétré par une grande quantité de sang, à un véritable diverti- culium sanguinis. De là à un réseau vasculaire plus fin, il n’y a qu'un pas à faire.
En résumé , M. Bourgery a confirmé par son dernier travail, (1838), les observations antérieures et différentes de M. Gerdy et de l’un de vos commissaires, Il sait comme eux, d’ailleurs, que les os sont aussi vasculaires que les tissu qui le sont le plus. Les veines et les artères qui pénètrent la substance osseuse pro- prement dite, n’y existent cependant qu’à un degré de capilla- rité microscopique.
M. Gerdy n’a d’ailleurs point fait usage du microscope dans ses recherches, et nous le regrettons, parce qu’à l’aide de cet instrument il aurait pu donner à son travail tout le fini desirable et ne rien laisser à trouver après lui; mais nous devons considé- rer les observations avec le microscope faites par Purkinje, Deutsch, Valentin, 3, Muller et Miescher, comme un complé- ment des travaux de MM. Gerdy et Bourgery. Il a tout observé avec ses yeux seuls ou aidé d’une simple loupe: mais les études qu'il a faites en même temps sur les os malades et sur les os des animaux (de bœuf, de cheval et de quelques autres mammi- féres), l’ont singulièrement éclairé sur la structure intime du
BRESCHET, — Sur la structure des os. 45
tissu osseux. Aussi, tout en négligeant le secours d'un instru- ment aussi puissant que le microscope, il n'en est pas moins parvenu à des résultats très intéressans par cette méthode com- parative des tissus sains avec les tissus malades.
Ces résultats, nous les avons énoncés en commençant ; mais quelque importans qu’ils soient sous le rapport purement ana- tomique , ils le sont davantage encore par la lumière qu’ils ré- pandent sur les maladies des os. C’est ce que nons tâcherons de démontrer dans notre rapport sur le deuxième Mémoire de M. Gerdy, qui a pour objet l'anatomie des os malades et l’expli- cation de leurs altérations.
La grande vascularité du tissu osseux paraît donc être au- jourd’hui un fait anatomique bien démontré et bien reconnu. fLest incontestable que M. Gerdy a puissamment contribué à mettre cette vérité hors de toute contestation ; maïs ses dissec- tions ayant été faites sur des os secs, sans injection préalable, il n’a pu juger de la vascularité de ces organes que d’après le grand nombre de petits canaux ou de petits cylindres creux dont les os sont composés ; il n’a pas pu s'expliquer sur l'espèce de vaisseaux renfermés dans ces petits tubes: il a cependant re- connu qu'ils contiennent des vaisseaux sanguins et un liquide huileux , qu’il considère avec raison comme étant le suc médul- laire.
Votre Commission, considérant cette première partie du tra- vail de M. Gerdy comme digne de l'attention de l’Académie , en- gage ce savant à poursuivre et à compléter des recherches aussi importantes. Elle vous proposerait d'insérer le Mémoire de cet anatomiste parmi ceux des Savans étrangers, si elle ne savait pas que M. Gerdy desire lui donner nne autre destination.
46 MILNE EDWARDS. — Sur les globules du sang.
Rapporr fui! à l’Académie des Sciences , le 31 décembre 1638, sur une note de M. Maxpt,, relative à la forme des globules . sang chez quelques Mammifères , par M. Mine EpwaRps.
- Le sang remplit, dans Féconomie animale , un rôle si impor- tant ,et son histoire se rattache à tant de questions pleines d'in: térèt pour la science, que son étude a dû naturellement fixer l'attention d'un grand nombre de physiologistes , et lorsque la découverte du microscope est venue agrandir le champ de leurs investigations , ils n’ont pas manqué de chercher si cet instru- ment puissant ne leur révélerait pas dans le liquide nourricier des animaux quelque caractère nouveau. Cet espoir n’a pas été déçu, et, à l’aide du microscope , on a pu facilement:se con vaincre que le sang, loin d'être formé seulement d'un liquide tenant en dissolution des substances diverses, se compose essen- tiellement de corpuseules'solides en nombre incalculable, qui nâgent suspendus dans un fluide particulier, et qui affectent des formes constantes, Malpighi parait être le premier qui ait signalé l'existence de ces corpuscules ; cependant il ne s'était pas formé une idée exacte de leur nature; ét c’est principalement à un homme d'un génie bien moins élevé , à Leeuwenhoek, qu'ap- partent le mérite de la démonstration, sinon de là découverte; de cette vérité. Ses premières observations remontent à 1693, et cette date est aussi celle de nos premières notions précises sur si forme et sur la nature des globules du sang:
Jurin, Senac, Muys, Fontana, Hewson, ajoutèrent ensuite de nouveaux faits à ceux constatés par ur et rectifièrent quelques erreurs , dans lesquelles cet observateur était tombé. Les recherches de Hewson méritent surtout d'être citées avec éloge , et de cette suite de travaux est résulté un ensemble de connaissances précieuses pour la physiologie. Mais, vers la fin du siècle dernier, le microscope eut le sort de tant d’autres choses nouvelles. Après en avoir exagéré l'utilité et s’en être servi pour
MILNE EbWARDS.— Sur les globules du sang. 47
étayer de folles spéculations de l'esprit, on se jeta dans l’excès contraire ; on en exagéra les inconvéniens et les dangers ; puis _onen négligea presque entièrement l'emploi , et l’on ne parla qu'avec méfiance de la plupart des résultats obtenus à l'aide de son usage. On alla même jusqu'à révoquer en doute l'existence des globules du, sang, et l’on attribua à des illusions d'optique ce que Leeuwenhoeck et ses successeurs en avaient dit. Pendant un certain temps les découvertes des micrographes furent donc, en quelque sorte perdues pour la physiologie, etil a fallu, pour les faire rentrer dans la science, qu’elles aient eu la sanction d'observateurs modernes , dont tous les travaux portaient le cachet de ces esprits rigoureux qui ne se laissent convaincre qu'après avoir acquis toutes les preuves nécessaires pour con- vaincre autrui. Cette réhabilitation du microscope aux yeux des physiologistes, ne remonte pas à vingt ans ,.et elle n’est pas un des moindres services que MM. Prévost et Dumas aient rendus à la science par la publication de leurs recherches sur le sang, Parmi les résultatscurieux obtenus par ces deux observateurs, il en est un qui, déjà entrevu par Hewson, devait surtout inté- resser les zoologistes : c’est la coïncidence d une certaine forme dans les pi pe du sang et de:certaines particularités dans le plan général de cariçipnen pds des animaux chez lesquels ils les les avaient étudiées. Dans les divers individus d’une même es- pèce , Ces, corpuscules, qui donnent au sang sa couleur, sont tous , à fort peu de chose près, semblables entre eux, tant sous lerapport de leurs dimensions que de leur forme. Chez des ani- maux d'espèces différentes leurs dimensions peuvent varier, et ces variations sont quelquefois très grandes, méme chez les êtres a , du reste, se ressemblent extrêmement ; mais la forme des globules du sang ne paraissait changer que d'une classe à une autre , et ne point varier chez les divers animaux appartenant à une même division naturelle du règne animal. En effet, chez tous les Mammifères soumis à leur examen, MM. Prevost et Dumas ont constamment trouvé que ces corpuscules étaient circulaires et ressemblaient à de petits disques marqués d’une tache centrale également circulaire, tandis que, chez les Oiseaux, les Reptiles et les Poissons, ils ont toujours vu ces globules
48 MILNE EDWARDS. — Sur les globules du Sang.
elliptiques et pourvus au centre d’une tache de même forme, qui leur sembla être un noyau intérieur.
Vers la même époque, Rudolphi annonça que le sang de plu- sieurs poissons, tels que la Perche, là Plie et la Sole, charriait des globules circulaires comme ceux des Mammifères; mais des observations mieux faites sont venues montrer que ce physio- logiste s'était laissé induire en erreur par les altérations que ces corpuscules éprouvent facilement sous l'influence de l’eau et de plusieurs autres agens.
Cette exception à la regle générale , déduite des observations de MM. Prevost et Dimmas, n'existait donc pas dans la réalité , et de nouvelles recherches microscopiques sur ia constitution physique du sang, faites par un assez grand nombre de physio- loôgistes , tant en Allemagne et en Angleterre qu’en France, sont venues successivement élargir les bases sur lesquelles elle repo- sait. MM. Prevost et Dumas avaient , il est vrai, constaté l’exis- tence dé globules circulaires chez l'embryon du poulet pendant les premiers temps de lincubation ; mais, chez les animaux qui avaient déjà traversé la période de métamorphoses caractéris- tiques de l’état embryonnaire, on ne connaissait aucune anomalie semblable , et, d'après le nombre considérable d'observations particulières déjà recueillies , il paraissait légitime de conclure que, chez les animaux vertébrés , le sang à globules circulaires appartient essentiellement aux Mammifères , et que le sang à globules elliptiques était propre aux Oiseaux , aux Reptiles et aux Poissons. Or, ces deux groupes d'animaux vertébrés dif- férent aussi entre eux par leur mode de reproduction , et il n'était pas sans intérêt de voir que , chez tous les animaux ver- tébrés ovipares, le sang différait par des caractères si nets du sang des vertébrés à mamelles:
Dans une publication récente, M. Wagner a annoncé que, chez la Lamproie , les globules du sang sont circulaires ; mais la Lamproie est un poisson si anormal et parait sous tant de rap- ports se rapprocher des animaux sans vertèbres, chez lesquels les corpuscules solides suspendus dans le fluide nourricier sont également circulaires , que cette exception sembla s'expliquer par la nature même de l’animal chez lequel on l'avait constatée,
, MILNE EDWARDS. — Sur les globules du sang. 49
et ne paraissait pas devoir diminuer l'importance que lon atta+ chait aux différences de formes déjà observées chez des animaux supérieurs entre les globüles du sang des vertébrés à mamelles et des vertébrés ovipares.
Tel était l’état de ce point de la science , lorsque M. Mandl a présenté à l’Académie la note dont nous devons rendre compte, et si nous sommes entrés dans ces détails Historiques , un peu trop longs peut-être, c'est parce qu’ils nous ont paru nécessaires pour faire bien apprécier l'intérêt des observations nouvelles soumises à notre examen.
En poursuivant des recherches sur les caractères microsco- piques des diverses parties de l’organisation , recherches qu'il se propose de réunir en un corps d'ouvrage, dont quelques livrai- sons sont déjà devant le public, M. Mandl a été conduit à exa- miner le sang chez les divers animaux. La ménagerie du Jardin du Roi , toujours ouverte aux hommes sérieux qui desirent pro- fiter de ses richesses pour faire avancer la science, lui a fourni l’occasion de multiplier beaucoup ses oBace Mes à ce sujet et d'arriver à un résultat bien inattendu. Il a d’abord constaté que, chez un grand nombre de Mammiferes, dont le sang n'avait pas encore été examiné au microscope, le Papion, une Gue- non; un Sajou , le Coati, le Kinkajou , \'Eléphant, le Ta- pir, l'Hémione et le Cerf, par exemple les globules sont cir- culaires comme chez tous les autres Mammifères déjà étudiés sous ce rapport; mais il a trouvé ensuite que, chez le Droma- daire , il en est tout autrement. Là , les globules du sang ,au lieu d’étre férié , sont elliptiques comme chez les Oiseaux, les Reptiles et les Poissons.
Le Dromadaire appartient , comme on le sait, à une petite famille naturelle , qui prend place dans l'ordre des Ruminans , et qui est représentée dans l’ancien monde par le genre CAa- meau et dans le nouveau continent par le genre Lama. Il deve- naît par conséquent très intéressant de voir si l’anomalie singu- lière offerte par le sang du Dromadaire serencontrerait aussi dans le sang des Lamas. Pour résoudre cette question, M. Mandl à profité de l'existence d'un -Z/paca dans la Ménagerie du Mu- séum, et, dans la note adressée à l'Académie, il annonce avoir
XI, Zoo, — Janvier, f
L
5o MILNE EDWARDS. — Sur les globules du sang.
constaté que, dans le sang de cet animal, les globules sont aussi de forme elliptique.
Vos commissaires ont répété, avec M. Mandl , ces deux obser- vations , et en ont reconnu l'exactitude. Chez des Dromadaires des deux sexes , ainsi que chez l’{/paca , les globules du sang sont, en effet, elliptiques : leur grand diamètre ,est d'environ de millimètre , et leur petit diamètre d'environ ==: Ces cor- puscules sont, comme on le voit, plus petits que ceux d'aucun Oiseau , Reptile ou Poisson connus, et se rapprochent par leurs dimensions des globules sanguins des autres Mammifères. La tache centrale elliptique qu'ils présentent , paraît aussi résulter d’une dépression plutôt que de la présence d’un noyau'saillant; enfin il est aussi à noter que le sang de ces animaux, de. même que celui des autres Mammifères , charrie, outre ces, globules rouges , quelques corpuscules blancs et arrondis d'un volume plus considérable , corpuscules que M. Mandl croit être formés de fibrine. Nous ajouterons erfcore que, afin de nous préserver autant que possible des causes d’erreurs auxquelles des obser- vations de ce genre sont exposées, nous avons examiné au mi- croscope la gouttelette de sang aussitôt après l'avoir extraite , et, pour en retarder la coagulation après l'avoir étendue en couche très mince, nous nous sommes bornés à la recouvrir d'une lame de verre, saus y rien ajouter, Enfin nos observations on! été faites avec un microscope de Chevallier, grossissant en- viron cinq cents fois, et nos mesures ont été prises à l'aide de ia chambre claire adaptée à cet instrument.
Nous aurions desiré pouvoir examiner de même le sang du Chameau à deux bosses et celui de la Vigogne, afin de nous assurer si ce caractère, si anormal dans la classe des Mammifères, se rencontre dans toutes les espèces de la famille:des Camélides; mais la Ménagerie n'en possède pas dans ce moment.
Chez les Bœufs, les Moutons, les Chèvres, les Antilopes et les Cerfs, les globules du sang sont circulaires : en est-il de. même pour la Girafe, qui, à certains égards, se rapproche davantage des Chameaux ? Cette question nous a paru mériter examen, et, pour la résoudre , vos commissaires, de concert avec l’auteur du travail dont nous rendons compte, ont soumis à l'examen
/
MILNE EDWARDS. — Sur les globules du sang. 51
microscopique une gouttelette du sang de la Girafe du Museum F obtenué à l’aide d’une piqüre légère faite à la lèvre de cet ani: mal. Mais les globules ne nous ont offert rien de particulier : ils sont circulaires comme chez les autres Mammifères ordinaires, etils ont en diamètre environ = de millimètre.
Pensant que le sang dès Marsupiaux pourrait, de même que celui des Camiéliens, offrir quelque anomalie, nous l'avons également examiné chez un Kanguroo à moustaches. Mais ici encore les globules sont circulaires, il est seulement à noter que leur grandeur est moins uniforme que chez la plupart des Mam- mifères, et que leurs dimensions nous ont paru varier entre et = de millimètre.
Ces faits nouveaux nous paraissent augmenter l'intérêt de observation faite par M. Mandl; car ils montrent combien est générale la tendance de la nature à donner aux globules du sang des Mammifères une forme circulaire , et par conséquent ils ajoutent encore à la singularité de l'exception constatée par ce jeune micrographe , exception qui montre combien la réserve est nécessaire lorsqu’en physiologie comparée on tire des .con- elusions générales d’un nombre mêime très cousidérable defaits particuliers. L'étude des corps organisés nous révèlent les ten: dances de la nature, maïs ne nous a conduits que bien rarement à la connaissance des lois qui en régissent les œuvres.
Il serait bien à desirer que les naturalistes ne laissassent échapper aucune occasion pour compléter nos connaissances sur la forme , les dimensionset la structure des globules du sang; car une exception à une règle, en apparence aussi bien établie que celle relative à la constance de cette forme dans chacune des classes d'animaux vertébrés peut nous faire supposer qu’il existe d’autres anomalies semblables , et c’est peut-être à l’aide de ces cas exceptionnels que lon’parviendra à saisir les rapports qui doivent bien probablement exister entre les caractères phy- siques de ces corpuscules et d’autres particularités de l’organi- sation, C'est uu sujet de recherches que nous :croyons devoir recommander aux zoologistes voyageurs et à ceux auxquels leur position dans de grandes ménageries permettrait facilement de multiplier et de varier leurs observations ; car des expériences
4.
52 MILNE EDWARDS. — Sur les globules du sang.
de cette nature ne font courir aucun danger aux animaux que l'on y soumet, et peuvent donner des résultats pleins d'intérêt pour la physiologie. Il nous semblerait surtout important d’exa- miner sous ce rapport le sang des Monotrèmes, des Edentés, des Phoques et des Cétacés parmi les Mammifères ; celui des Crocodiles, des Sirènes et des Axolotls parmi les Reptiles, et parmi les Poissons, celui des Bonites, dont la température, suivant M. J. Davy, se rapprocherait de celle des animaux à sang chaud. Si, dans cette liste, nous omettons les Casoars et les Autruches, qui de tous les Oiseaux sont les plus anormaux, c’est que vos commissaires se sont déjà assurés que, sous le rapport de la forme et des dimensions des globules sanguins , ces animaux ne diffèrent en rien de tous ceux de la même classe, déjà observés par les micrographes. Ces corpuscules sont effectivement ellip- tiques et nous ont paru avoir, chez le Casaor de la Nouvelle- Hollande , environ >; de millimètre sur +, tandis que , chez le Nandou , ils sont peut-être un peu moins allongés ; car la moyenne de mesures que nous en avons prises ont donné 7; de millimètre sur — de millimètre.
Quant à la note de M. Mandl, on a pu voir que nous avons trouvé ses observations exactes et intéressantes , et nous propo- serons par conséquent à l’Académie de lui accorder son appro- bation et d'engager ce physiologiste à poursuivre les recherches dont nous venons de rendre compte.
Note sur la nature minéralogique des coquilles terrestres, fluviatiles et marines ,
Par I. A. Necker,
M. Brewster a remarqué que la Nacre de perle avait, comme VArragonite, deux axes de double réfraction (Bibliothèque universelle de Genève ,t. 1, p. 182, mars 1836 ). Les observa- tions suivantes , en étendant à plusieurs espèces de coquilles terrestres et aquatiques des rapports d'un autre genre avec l’Ar-
nECKER. — Sur la nature des coquilles terrestres. 53
ragonite, prouvent que cette substance, et non le spath cal- caire, est la matière dont presque toutes les coquilles sont formées.
En examinant à la loupe une Limacelle, c'est-à-dire la coquille intérieure d’une Limace marbrée de gris et de noir (1),je recon- nus que le grand empâtement de matière calcaire, translucide et incolore, que recouvre une superficie en forme de coquille, offrait des indices non équivoques des facettes cristallines, les unes qui me paraissaient triangulaires comme celles des sommets dièdres de l’Arragonite , les autres en parallélipipèdes allongés comme les faces du prisme du même minéral. Je ne pouvais as- sortir ces faces d’après le système rhomboédrique du genre spath calcaire , en sorte que, quoique ces cristaux , très engagés les uns dans les autres, ne permissent pas d’en déterminer la forme, cette circonstance jointe à l'absence complète de structure la- mellaire , à un éclat un peu gras , quoique assez vif, enfin à un facies tout-à-fait analogue à celui de l'Arragonite, m’a paru dis- tinguer complètement cette masse cristalline du spath calcaire. De plus, elle raie fortement le spath d’Islande limpide et cris- tallisé.
J'observai ensuite que les coquilles de l’Helix pomatia, de lAnodonta anatina et de V'Unio pictorum , rayaïent également le spath d'Islande. Toutes, ainsi que la Linacelle, font une vive effervescence avec l'acide nitrique. L’Anodonte à deux couches presque égales en épaisseur, la supérieure formée de prismes cristallins à axes parallèles entre eux et perpendiculaires au plan de la lame , l’inférieure de nacre compacte. Dans l’Unio picto- rum , la couche supérieure est très mince et la nacre très épaisse, compacte et écailleuse.
d'offre ici le tableau de toutes les coquilles que j'ai éprouvées et qui raient plus on moins fortement le spath calcaire cris- tallisé.
Terreslres el fluviatiles.
Limacelle ; de la Limace tigrée. (Foitement.)
(1) Limaz mazimus.
54 NECKER, — Sur la nature des coquilles terrestres.
-Helix pomatia. (Assez fort.)
-nemoralis jaune, adulte, avec sa bouche complète. (Fortement.)
— nemoralis jaune, jeune , avec une bouche non formée (Faiblement.) |
— carthusianella vivante, avec la bouche. (Assez fort, mais se brise tou- jours en rayant,) |
— curthusicnella morte, à bouche non terminée. (Très faiblement , vu son peu d'épaisseur et sa grande fragilité.)
— ericetorum. (Assez fortement.)
Physa fontinalis. Par la Louche, vers la columelle, s’use un pea daus le bord le plus mince de la bouche , mais raie fortement, quoique , vu sa fra- gilité, on n’ose pas appuyer beaucoup.
Lymnœus auricularis. (Raie, quoique fragile.)
— slagnalis. (Raïe fortement, quoique fragile.) Anodonta anatina. (Fortement.) — ! cygnæa. (Assez fort.) Unio pictorum. (Fortement.) Cyclas ripalis morte et déjà altérée, (Raie fortement, mais s’use en rayant.)
Marines.
Ostrea edulis. (Raiïe très fort.) — parasitica. (Plutôt fort.) Anomia ephippium.. (Faiblement.)
— cylindrica. (Très faiblement, vu sa grande fragilité.) Mytilus edulis. (Fortement,) : Lutraria vulgaris Flewming. (Fortement.)
Mya truncata, (Fortement.)
Mactra stultorum. (Fortement , quoique fragile.)
Cardium aculeatum.(Fortement.)
Cyprina islandica. (Idem.)
Venerupis perforans. (Idem.)
Pecten opercularis. (Plus ou moins fortement.)
Solen siliqua.(Pas fort , quoique épaisse.) — _insis. (Fortement, quoique fragile.)
Balanus (?). (Fortement.)
Pholas crispata. (Idem.)
Il est remarquable que deux genres de coquilles perforantes, le Pholas et le V’enerupis raient fortement le spath calcaire. Ainsi les rugosités dont leurs coquilles sont hérissées peuvent concourir, avec les acides dont elles sont pourvues, à excaver les roches calcaires dans lesquelles elles habitent, L'idée que la
NECKER. — Sur la nature des coquilles terrestres. 55
chaux carbonatée spathique formait ces coquilles semblait rendre impossible la perforation , par elles , de roches calcaires, dont la dureté était supposée égale à la leur. Il est maintenant mani- feste que , étant d’Arragonite, elles peuvent agir mécaniquement. sur les calcaires même les plus durs.
Si à cette dureté, supérieure à celle du spath calcaire, on ajoute , ainsi que l’a éprouvé M. de la Bêche ( Recherches sur la partie théorique de la géologie, traduction française, p. 52), uné pesanteur spécifique également supérieure , il ne saurait rester de doute que la matiere de la plupart des coquilles ne soit de l’Arragonite. En effet, cette pesanteur spécifique est,dans les coquilles éprouvées par M. de la Bèche dans la plupart des cas, supérieure à 2,7, qui est celle du spath calcaire et va même jus- qu'à 2,6, dans un cas. La pesanteur spécifique de l’Arragonite est 2,9 ; mais il faut observer que, dans les coquilles ,la matière minérale calcaire est toujours mêlée d'une manière organique, dont la densité doit étre très faible, ce qui doit diminuer d’au- tant la pesanteur spécifique.
Peut-être cette dernière matière est-elle en proportion plus considérable dans celles des coquilles citées par M. de la Bèche, dont la pesanteur spécifique est inférieure à 2,7. Peut-être aussi le spath calcaire entre-t-il pour quelque chose dans la composi- tion de certaines espèces de coquilles , et cela expliquerait com- ment un grand Strombus a offert à M. le comte de Bournon, dans une cassure accidentelle, les incidences des faces du rhom- boëdre primitif du spath. Des deux couches dont se composent certaines coquilles , comme les Anodontes et les Unions, l’une pourrait être de Spath, l’autre d’Arragonite. Si le Strombe cité par M. de Bournon dans son ouvrage sur la Chaux carbonatéo et Arragonitle se trouvait être dans le même cas ,ilest à croire qu'alors ce serait la couche de spath qui aurait déterminé dans l'individu en question une fracture de forme rhomboédrique.
tte © QQ sis —
56 pumontier.— Modifications de la téle des Orangs-Outans.
Osservarions sur les changemens de forme que subit la ‘tête chez les Orangs-Outans,
Par M. Dumorrier.
L'auteur présente dans cette note les résultats des observations qu'il a faites ur seize crânes d’orangs que possède le musée de Bruxelles; quatorze de ces têtes proviennent d’une collection formée à Bornéo, et quatre, conservées dans l'esprit-de-vin, ont encore les parties molles , et conservent les caractères qui indiquent le sexe. Neuf têtes appartiennent à des squelettes complets dont l’âge est facile à reconnaître.
J’ai eu ainsi à ma disposition, dit M. Dumortier, une série de matériaux plus complète que ne l'avait eu jusqu'à présent aucun zoologiste , pour la solution de la question encore controversée, relativement à l'unité d'espèce des Orangs asiatiques. Le résultat de l'examen auquel je me suis livré est que les diverses espèces d'Orangs roux indiquées par les naturalistes sous les noms de Pithecus satyrus, de Pongo “belii et de Pongo Wurmbii, ne sont qu’une seule ct même espèce observée à des âges différens, et présentant, il est vrai, des formes de crâne ex trêmement différentes.
Les métamorphoses qu’il subit dans ses différens âges intéressent trop la science pour que je ne m'empresse pas de faire connaître les principales ob- servations que j'ai recueillies, et les divers états que présente le crâne de POrang.
Premier état. Dans le premier âge, les parties antérieures et inférieures de la tête osseuse sont très peu développées. Le crâne est complètement globuleux et seulement un peu rétréci vers les lobes antérieurs; l’occiput est très déve- loppé, et il est bombé comme la section d’une sphère. On n’aperçoit sur la surface du crène aucune trace de crête sagittale ouoccipitale, ensorte que,abstraction faite de la face, on serait tenté de le confondre avec ur crâne de jeune enfant. Le bord supérieur des orbites est peu saillant; les arcades zygomatiques presque droites etrenfermées dans l'aire de la tête osseuse. Get état représente l'enfance de l'ani- mal; la collection n’en renferine qu'un seul cräne.:
Deuxième élat. Au moment où les quatrièmes molaires commencent à pa- raître , la tête osseuse présente une tendance manifeste vers l'élongation du crâne et surtout des parties antérieures. On n’aperçoit encore à la surface aucune crête sagiltale où occijitale, quoique les parties latérales du bord orbital externe ct de l’occiput aient déjà une disposition vers la production de la base des crêtes, dont une ligne , à peine perceptible, indique la direction sur les pa- riétaux et l'occipital. Les arcades zygomatiques commencent à s’écarter et à
LUMORTIER.— Modifications de la téle des Orangs-Outans. 57
prendre la forme courbe qu’elles affecteront plus tard. Get état constitue la jeu- nesse de l'animal , et c’est lui qui est décrit sous le nom de Simia salyrus ou Pytecus satyrus Geoffr. L'indication que je viens de donner repose encore sur un seul crâne.
Troisième état. Les crêtes crâniennes commencent à apparaître sous la forme d’une légère proéminence : elles sont originellement au nombre de quatre, dont deux occipitales ct deux autres, que je nommerai fronto-verticales. Les deux lignes occipitales naissent derrière le trou auditif et se dirigent au sommet: elles marchent à la rencontre l’une de l’autre, et finiront par se réunir à leur extre- mité supérieure en une crête semi-circulaire. Les deux crêtes fronto-verticales sont presque parallèles , en sorte qu'elles divisent la partie supérieure du crâne en trois portions presque égales. Elles partent du bord orbital externe , traversent le frontal, puis les pariétaux vers le vertex, et vont rejoindre par derrière les crêtes occipitales, en se rapprochant légèrement vers l'extrémité postérieure. L’occiput est toujours bombé ; les arcades zygomatiques deviennent sensiblement courbées. À cette époque, la dentition comporte seize molaires et représente l'adolescence. La description du Simia morio de M. Owen convient pleinement avec l'indication que je viens de présenter. La collection renferme quatre crânes, que l’on peut rapporter à cet état, Un d’entre eux est conservé dans l'alcool avec sa peau.
Quatrième état. Les deux crêtes occipitales n’en forment plus qu’une seule semi-circulaire par la réunion de leurs extrémités supérieures. L’occiput, qui jusque alors avait présenté une surface bombée , est totalement aplati. Les deux crêtes fronto-verticales deviennent très proéminentes et forment une saillie con- sidérable sur le vertex : elles sont toujours au nombre de deux et se rapprochent quelque peu au sommet du vertex , vers la place de la fontarclle , quoique res- tant toujours distantes l’une de l’autre. Le bord supérieur de l'orbite, qui jusque- là avait présenté une surface aiguë, se forme en crête sourcilière large et plane, qui se confond sur les bords extérieurs avec la base des crêtes fronto-verticales. Dans cet état, l'animal a sa dentition complète et est arrivé à l’âge adulte. J'ai observé quatre crânes, que l’on peut rapporter à cette période. Deux d’entre eux sont conservés dans l'alcool avec la peau et se rapportent l’un à un individu mâle, l’autre à un individu femelle.
Cinquième éiat. Les deux crêtes fronto-verticales qui jusque-là avaient été complètement distinctes et séparées sur toute la longueur, se rapprochent au sommet du vertex et deviennent contiguës au point de se coucher longitudinale- ment vers la partie postérieure, sans cependant encore se confondre en une crête unique. Ainsi disposées , elles présentent un cône allongé, dont la base est vers les orbites et la pointe av vertex. Cet état est très intéressant pour l'étude; car il est la transition vers la crête verticale unique qui caractérise l’âge vieux qui va suivre. Il n’en existe qu'un seul crâne, unique sans doute en Europe et infi- piment précieux , puisqu'il est la pièce probante de l’anité spécifique de YOrang roux.
58. cruce. — Sur la couche inerte des Vaisseaux capillaires.
Sixième état. Enfin, au sixième état, qui représente l'âge vieux, les crêtes fronte-verticales se rapprochent de plus en plus sur le front et se confondent, au-delà du coronal, en une crête verticale unique qui s'élève considérablement et ne laisse voir aucune trace de la jonction des crêtes parallèles. En même temps la face s’élargit par l’écartement toujours croissant des arcades zygomatiques , et présente le caractère bestial le plus prononcé. L’ongle du pouce des pieds; qui jusque-là avait existé en rudimens, disparaît, et l’on n’en aperçoit plus que Ja trace, J’ai etudic cinq crâues ainsi conformés, et l’un d’entre eux était conservé das l'alcool et encore attache à la peau. La hauteur de ces individus est d'au mois cinq pieds de France. L'inspection m'a démontré que le Pongo Abelii et le Pongo Wurmbii se rapportent tous deux à cet état, le premier ayant été établi sur la peau sans squelette, et le deuxième sur le squelette sans peau.
Le dernier état que je viens d’indiquer se rapporte au vieil âge du mâle. La femelle ne paraît pas arriver à cette dernière formation , si l’on en juge d’après l'individu très adulte conservé dans l'alcool et qui ne présente que les formations crâniennes du quatrième état.
(Académie des Sciences, séance du 17 décembre 1839.)
QUELQUES OBSERYATIONS sur la couche inerte des vaisseaux capillaires ,
Par le D' Gruce,
Professeur à l’université libre de Bruxelles.
L'étude des phénomènes physiques de la circulation a produit dans ces der- piers temps des résultats très importans. En faisant abstraction pour quelque temps de la vitalité, dont les lois sont si obscures, on s’est efforcé de séparèr les phénomènes que les corps bruts peuvent présenter de ceux qui se rattachent à la vie (1). Cette manière d'observer exercera non-sculement une grande in- fluence sur la science , mais elle amènera nécessairement un jour des amélicra- tions importantes dans l’art de guérir. Car, pour les phénomènes physiques, nous sommes presque toujours en état de reconnaître leur cause et de les modi- fier, ce qui est rarement possible pour les phénomènes vitaux.
Dans les vaisseaux capillaires il se présente une foule de phénomènes physi-
(x) Direction qui a été donnée dans ces temps à la physiologie avec tant de succès ; par M. Magendie,
eLuGE.— Sur la couche inerte des vaisseaux capillaires. 59
ques ; c'est sur l'an d’eux que lattention des physiologistes s’est dirigée depuis quelque temps; je veux parler de la couche inerte des vaisseaux capillaires. On savait par les travaux de M, Girard qu'il s'établit une couche de liquide qui reste en repos, si des liquides s’ecoulent par des tubes de petit diamètre.
Si Haller et d’autres ont déjà connu un espace transparent à côté du courant des globules dans les vaisseaux capillaires, c'estaux excellens travaux de M. Poi- seuille que nous devons l'exposition et l'explication d’un phéromène très curieux. Il démontrait qu’il se forme dans les vaisseaux capillaires une couche inerte de sérum. (1)
« Lorsque , dit-il dans son memoire, quelques globules heurtés les uns contre les autres se trouvent lancés dans cette partie transparente des vaisseaux, les globules placés au milieu de son épaisseur ont un mouvement extrêmement lent, et ils cessent de se mouvoir quand ils sont presque en contact avec les parois du vaisseau. Les globules les plus voisins de cette partie trausparente ont un double mouvement de rotation ei de translation; ils roulent pour ainsi dire sur cette partie de sérum. »
Cette couche est d’une grande importance dans l’inflammation. Occupe depuis long-temps de cette étude, il m'importait surtout d’eclaireir les doutes que quel- ques physiologistes avaient élevés contre l'explication que M. Poiseuille avait donnée de cet espace transparent des vaisseaux capillaires, En effet, M. le profes- seur Weber, de Leipzig, tout en concédant l'exactitude des observations de M. Poiseuille, croyait justifier par ses propres expériences une autre explica- tion (2). Cet illustre physiologiste avait observé des globules differens de, la masse des globules de sang. (3)
Ces globules ctaient parfaitement sphériques, incolores : ils se trouvaient prin-
cipalement dans l’espace transparent (couche inerte de Poiseuille), et il observait que Jeur mouvement était beaucoup plus lent que celui des globules de sang , et que le miveau dans lequel ils marchaient, était également différent de celui de ces derniers. Î1 se persuadait qu’une cavité propre entourait les . vaisseaux san guins, laquelle était remplie de globules ronds incolores. Eu comparant cette ob- servation avec celle de M. Panizza, que dans quelques amphubies les grands vaisseaux sanguins sont entourés de vaisseaux lymphatiques de manière à être continuellement baignés par la lymphe, M: Weber fut conduit à la conclusion Suivante : …. Que l’espace transparent de Poiseuille est occasioné par un vaisseau |ympha- tique qui entoure le vaisseau sanguin, et que les globules ronds ne se trouvaient pas en conséquence dans la même cavité que le sang. Ces observations parais- saient donc au moins mettre en doute l'existence de la couche inerte,
(x) Annales des sciences naturelles. 2° série. Paris, février 1836, (2) Archiv fur Anatomie u, sw., v, Müller, 1837. (3) On sait que ces derniers sont elliptiques, aplatis-de deux côtés et renferment un noyau.
7 60 cruce. — Sur la couche inerte des vaisseaux capillaires:
Depuis, MM. Acherson (1) et M. Wagner d'Erlangen (2) se sont occupés de la même question. Le premier établit par ses observations qu’il n'existait qu’une cavité, mais qu'il y avait deux sortes de globules, les uns d’une forme elliptique et les autres ronds. Ces derniers marchaient d’une vitesse égale s'ils étaient mélés aux autres-globules; mais détachés du courant général, ils n’avaient qu’un mouvement beaucoup plus lent et adhéraient aux parois. M. Wagner croit, par ses observations, que l’espace transparent rempli de globules ronds (de lymphe), se trouve dans la même cavité avec les globules sanguins. Il s'appuie surtout sur une observation où il a vu un globule rond quitter l’espace latéral et se glisser dans une petite branche mêlé aux globules de sang. Mais M. Wagner a fait en- core une observation qui serait très curieuse si elle se confirmait : c’est que si l'espace transparent se trouve dans tous les capillaires, il manque dans les capil- laires des poumons.
Enfin, dans un deuxième mémoire de M. Weber, que je reçois dans ce mo- ment (3), ce physiologiste émet une opinion contraire à ses premières explica- tions, et il lui paraît à présent vraisemblable que les globules ronds ne sont pas séparés des corpuscules sanguins par une paroi propre. Dans cette circon- stance, je crois utile de communiquer les résultats des recherches que j'ai faites cet été sur des grenouilles et sur des tétards. J’ai observé les poumons, la mem= brane natatoire de ces premières et la queue de ces derniers avec un grossisse- ment de 200-500 fois du diamêtre du microscope de Schieck. Les voici :
1. La couche transparente entoure le courant des globules sanguins dans tous les vaisseaux capillaires. Cette couche offre un diamètre différent dans les diffe- rens tissus. Si elle occupe quelquefois la huitième partie du diamètre d’un vais- seau, elle atteint dans les poumons des grenouilles, selon mes observations, à peine la moitié du diamètre d’une fibre primitive du tissu cellulaire , même dans Jes vaisseaux qui charrient plusieurs séries de globules. Mes observations ne sont donc pas tout-à-fait d'accord sur ce point avec celles de M. Wagner, Dans les grands vaisseaux capillaires des poumons de grenouille, je vois une couche très mince , il est vrai, mais bien distincte des parois.
Quant aux plus petits capillaires, qui ne contiennent qu’une série de globules, je mai pu la voir bien nettement, mais cela ne suffit point pour nier son exis-
tence; car une des plus fréquentes irrégularités dans les vaisseaux capillaires , c'est qu’un certain nombre de globules s'arrêtent nn instant, se décolorent, et qu'alors toute l'épaisseur du vaisseau, la couche inerte comprise, montre une teinte rouge. D'autres fois, dans Jes fortes injections des membranes, après dés irritations mécaniques, j'ai vu toute l'épaisseur de la couche envahie par les globules de sang. C'est là une des causes de la rougeur des membranes enflam- mées. La lésion grave qui est nécessaire pour soumettre les poumons d’une gre-
(x) Archivv Müller, 1835. (2) Beitrage sur vergl. Physiologie , Hft, IL, Leipsig, 1838. (3) Arcluv, v. Müller. Hit, IV.
GLUGE.— Sur la couche inerte des vaisseaux capillaires. 61
nouille au microscope et l’action de l’air extérieur ne pourraient-elles pas déter- miner quelque chose de semblable (1). Ii reste néanmoins un fait, que le dia- mètre de la couche dans les vaisseaux capillaires des poumons est considérable- ment inférieur à celui des autres vaisseaux. La couche elle-même me paraît pos- séder une certaine densité et n'être que du sérum. D’autres observations doivent déterminer si cette couche, comme M. Wagner le pense, sert peut-être à la sécrétion. Dans ce cas, elle contiendrait les élémens du sang concentrés, ce qui jusqu’à présent n’est qu’une hypothèse.
Dans cette occasion, je ferai remarquer que les couches de pigment suivent dans les poumons exactement les bords des vaisseaux, comme cela a lieu dans la choroïde , et comme je l'ai démontré pour la mélanose, pendant que dans le mésentère et la membrane ratatoire le pigment présente des figures étoilées dis- persées entre les réseaux des vaisseaux.
2. Deux genres de globules se troavent dans le sang des grenouilles, des glo- bules elliptiques renferment un noyau, et des globules blancs spheriques, dé- couverts d’abord par Müller. Il me paraît douteux que ces derniers soient des globules de lymphes. L'identité de diamètre et la couleur ne suffisent pas pour le démontrer, et plusieurs faits que je vais présenter, paraissent appuyer ce doute.
Les globules sanguins occupent ordinairement le centre du vaisseau, mais ils peuvent aussi envahir l’espace transparent sans que la circulation discontinue, ce qui ne pourrait pas avoir lieu si cet espace était séparé par une paroi propre du reste du courant sanguin. Les globules ronds se trouvent ordinairement à côté du courant; ils ont en général un mouvement plus lent, qui est néanmoins en rapport avec celui du sang, et j'ai observé que si le courant de ce dernier s’accelerait, celui des globules sphcriques devenait ésalement plus rapide. J'ai, en outre, distinctement vu les globules sphériques quitter l’espace tranparent et se méler aux globules sanguins. Ils les suivent avec la même rapidité pendant un instant, et recommencent alors à ralentir leur mouvement.
Quelquefois on voit des vaisseaux capillaires très petits où le courant consiste dans un grand nombre de globules sphériques et où les globules sanguins sont peu nombreux.
Ces faits me paraissent suffisamment prouver , quand on les compare avec les observations des anatomistes cités, que les globules sphériques ne sont pas sé- parés par une paroi du courant sanguin, et que la couche inerte du sérum existe réellement dans les vaisseaux sanguins.
(1) C'est de cette manière qu’une télle anomalie peut être produite et facilement observée dans la membrane natatoire de la grenouille, Dans les mêmes animaux dont j'avais fait sortir les poumons pour les soumettre au microscope, la circulation se dérangeait quelques instans après , même dans les extrémités, Alors j'observais dans les membranes transparentes de ces dernières les globules sanguins s’accumuler dans les capillaires et envahir l’espace transparent de manière que celui-ci disparut dans un grand nombre et fut à peine visible dans les autres, Néanmoins la cireulation continuait, mais elle était devenue beaucoup plus lente dans les mêmes vaisseaux,
62 ceLuGE.— Sur la couche inerte des vaisseaux capillaires.
3. Voici maintenant les observations qui m’empêchent de considérer les glo- bules sphériques comme appartenant à la lymphe. J'ai observé plusieurs fois et très distinctement un globule sphérique se former à la surface extérieure d'un vaisseau capillaire, la quitter et disparaître dans le tissu de la (membrane natatoire ; cependant , il n’y avait aucune déchirure de la paroi. N'y a-t-il pas lieu de croire que dans ces cas un liquide était transsudé et s'était formé en globule ? Quaud la circulation commence à s'arrêter, il se forme subitement un très grand nombre de ces globules, comme cela a Été observé par M. Webér comme par moi; les globules sanguins disparaissent alors dans une masse rouge et unie. Des globules de la même circonférence (1) se forment , dans les mêmes circonstances, dans les vaisseaux de l’homme et on ne peut certainement les com+ parer là à des noyaux des globules sanguins. Il est extrêmement probable su c'est le sérum qui les fournit. (2)
&. Les observations précédentes ne s'appliquent qu'aux mammifères et aux amphibies; mais j'ai observé que la couche inerte existe également chez les pois- sous. Chez ces animaux, il est encore plus facile de prouver que les globules sphé= riques ne sont pas séparés par une paroi du courant sanguin : dans leurs nageoi- res, on voit d'abord les globules sphériques suivre plas lentement le bord du courant sanguin ; mais à côté des capillaires tout remplis de globules sanguins, il yena qui ne me paraissaient au premier aspect remplis que de globules blancs, On voit, en effet, 6 à 8 de ces globules et eusuite un globule sanguin venir en même ligne. Il y à alors toujours un petit intervalle entre chacun.
Je profite de cette occasion pour ajouter une observation sur l’élasticité des globules sanguins qui a étécontestée par quelques auteurs, et qui a éte le mieux constatée par M. Wagner. Les globules sanguins ont ordinairement le diamètre longitudinal parallèle à l'axe du vaisseau, Quand un vaisseau qui ne contient qu'une série de globules vient s’emboucher dans un autre qui est également étroit, alors j'ai vu quelquefois un globule sanguin se mettre à travers lorifice, se courber et former un demi-cercle, et comme il ne pouvait passer de cette manière, reprendre sa grandeur naturelle. Je pense qu'il ne faut pas d’autre preuve pour prouver l’élasticité des globules sanguins.
(Bulletin de l Acad. des Sc. de Bruxelles.)
(x) Leur diamètre est dans les grenouilles 0,0005 pouce de France. .
(2) La formation des noyaux de l’épithélium, qui se renouvelle avec une rapidité si pro= digieuse, ne pourrait-elle pas avoir lieu de cette manière ?
VANDER HOEVEN. =— Cryptobranthus du Japon.
Sur wne nouvelle espèce de-Cryptobranchus du Japon ,
Par M. VanDEr HOEvEN.
« Depuis sept ans on conserve au musée de Leyde, dans un grand vase dont le fond est couvert d’eau, ua reptile vivant du Japon: On le nourrit de poissons d’eau douce. IL a maintenant 3 pieds de longueur. Pendant le froid excessif de janvier dermier l’eau du vase a,ete une fois légèrement gelée, sans que l’animal paraisse en avoir éprouvé le moindre mal.
«Dans son introduction au Fauna Japonica M. Temminck a signalé ce!reptile sous le nom de Triton Japonicus et on en voit maintenant exposée au Musée une belle figure lithographiée, portant le nom de Salamandra maxima. Lau- teur , frappé par les formes bizarres de l'animal l'a étudié plus spécialement et s’est convaincu qu'il ne saurait être rangé parmi les Salamandres. En effet , les yeux de ce Batracier sont dépourvus de paupières et couverts d’une continuation tout-à-fait transparente de la peau. Les yeux se distinguent par leur petitesse. L'étude des diverses parties du squelette de cet animal a fourni de nouvelles lu- mières sur ses rapports zoologiques, Le crâne diffère beaucoup de celui des Sala- mandres : il est beaucoup plus aplati, plus large et se rapproche de celui des Gre- nouilles. Les os frontaux sont allongés et se terminent à la partie postérieure par une pointe étroite. Les os ptérygoidiens sont très larges. À la base du crâne on voit l'os sphénoïde s’etendre jusqu’à l’occipital et la marge antérieure de Fos vomer porter une série de dents parallèles à celles de l’os intermaxillaire et de la mâchoire su- périeure. Devant le bassin il y a vingt vertèbres. Le corps des vertèbres res- semble par la concav it: de ses faces antérieure et postérieure à celui des pois- sons, des Sirènes , des Protées, etc. Les apophyses épineuses sont obtuses, avec une petite cavite au sommet couverte par une membrane. Le carpe et le tarse sont formées par un cartilage.
& Il n’existe donc plus de doute; l’animal du Japon ne saurait se ranger par- mi les Salamandres. Son crâne a la plus grande ressemblance avec celui du Me- nôpoma de Amérique, figurée dans les Recherches sur les ossemens fossiles, et l'animal du Japon appartient vyraisemblablement à ce genre. L'étude d’un squelette de Menopoma a entièrement confirmé cette opinion. Ce squelette ne diffère guère que par la grandeur, qui est moindre, de celui de l'espèce du Ja- pon. Dans le Menopoma aussi, le bassin est joint à la vingt-et-unième vertèbre, seulement dans le Menopoma de Harlem on trouve à chaque face de la partie pos- térieuré de Ja tête un trou qui s'ouvre dans la bouche; tandis que dans la Sala- mandra maxima on n’en voit pas. L'auteur observe que cette différence ne sau- rait empécher de réunir ces deux animaux dans un même genre, quoique les caractères du genre Menopoma doivent alors être modifiés. En outre, il est
64 Mémoires de la Société des Sciences de Taille.
vraisemblable que la Salamandre du Japon porte dans sa jeunesse des branchies, et que le trou s’oblitère ensuite.
« Si l'opinion de M. Vander Hæven se:confirme, le nom de Henopoma; dérivé de la permanence du trou branchial, devrait, selon lai, être changé. Le S. gi- gantea de Barton ou le Menopoma a été aussi nommée Cryptobranchus par M. Leuckart. On aurait donc, selon l’auteur, deux espèces de ce genre : Pune du Japon, l’autre de l'Amérique septentrionale et celle-ci se distinguerait de la première pâr la permanence du trou branckial. Le fameux reptile fossile d'OEnin- gen, connu sous le nom de komo diluvii testis , formera vraisemblablement une troisième espèce de Cryptobranchus. La tête de cet animal est plus large que celle des Salamandres, et Cuvier a déjà observé « que la grande des monts « Alleghanis en approche plus» ; cette grande Salamandre est le Menapoma de de Harlan. Les dents de: cet animal fossile semblent être placées de la même manière sur le palais selon la figure de Cuvier. Les autres os offrent aussi une ressemblance frappante. »
( Tijdschrift voor Natuurlijke Geschiedenis'en Physiologie, 1V, ct Bullet. des Sciences phys. et natur. en Néerlande, 1838, p. 90.)
0 —
Mémoires le la société des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille pour 1838. Deuxième partie. In-8°.
$ 1. La portion de ce volume consacrée à l’histoire naturelle ‘est occupée presque en entier par un mémoire de M. Macquart sur des Dipières exoliques nouveaux où peu connus. L'auteur, que ses travaux antérieurs plaçaient au premier rang parmi les entomologistes français, avait déjà publie dans ce même recueil une série de mémoires sur les Diptères du nord de la France, et avait donné, dans la collection des traités publiés sous le titre de Nouvelles suites à Buffon, une histoire générale de cet ordre d'insectes, formant deux volumes in-8°. Dans le mémoire que nous annoncons aujourd’hui, il trace d’a- bord l'historique des principaux travaux entrepris par ses prédécesseurs sur les Diptères, et présente des considérations très intéressantes sur la distribution géo- graphique de ces insectes ; il entre aussi dans quelques détails sur leurs mœurs, et passe ensuite à la description des espèces. Ce travail est accompagné de vingt- cinq planches. 6 2. Note sur un corps etranger trouvé dans un œuf, par M. Bailly.
ERRATUM.
MM. de Laizer et de Parieu nous prient de supprimer la phrase suivante dans le mémoire sur l'Oplotherium, inséré dans le tome x de ce recueil (page 338, lignes 22 et 23 entre parenthèses ) : « e£ c’est pour cela que deux alvéoles seu- lement se voient dans notre figure ». Cette correction étant arrivée après le tirage de la dernière feuille de ce volume , n’a pu être faite de suite ; mais nous nous empressons de l'indiquer ici. a
JOHANYS. — Sur la Muscardine. 65
De La MusCARDINE. — Des moyens de la développer artificielle- ment, de modifier ou de détruire les effets de la contagion,
Par M. Jomanys(1),
Membre de la Société d’agriculture de la Drôme.
{Mémoire lu en 1838 à cette Société.)
Les expériences auxquelles je me suis livré et qui font le sujet de ce mémoire ont eu pour but de m’assurer si la muscardine était contagieuse, quels étaient les moyens à employer pour détruire le genre de la contagion , s’il existe , et enfin, si la muscardine était une maladie qu’on pouvait faire naître et développer spon- tanément dans des circonstances données.
Ces recherches ,commencées dès l’année dernière, exigeraient encore, pour être complètes sous tous les rapports, que les expé- riences fussent suivies durant léducation des Vers en 1830. Néanmoins quelques parties du travail sont terminées entière- ment et peuvent être mises dès aujourd’hui sous vos yeux. Les soins et l'exactitude scrupuleuse apportés dans ces expériences me donnent la confiance de vous présenter un travail dont vous voudrez bien oublier l’aridité de détail en faveur des résultats intéressans qu’il peut offrir aux éducateurs.
En 1837, je conservai une livre de cocons provenant des vers sina élevés à Faventines: ces vers, traités à la manière ordinaire,
(1) Les expériences que M. Johanys a entreprises en vue d'éclairer la pratique, et qu’il vient de publier dans le Bulletin des travaux de la Société d'agriculture de la Drôme , ont été faites avec assez de talent et de soin pour qu’elles méritent de prendre rang dans Ja science, C'est ce qui nous a décidé à les reproduire dans ce recueil, Elles sont un complément des re- cherches anatomiques et physiologiques que M. Audouin a communiquées à l'Académie des Sciences en 1836 et 1837 (voyez Annales des Sciences naturelles, partie zoologique; t,8, P: 229 et 257). M, Johanys , dans une note faisant suite à son Mémoire, s’est empressé lui même de rappeler cette publication , mais dans des termes trop flatteurs pour que les rédacteurs des Annales des Sciences naturelles puissent les reproduire. (Note des rédacteurs.)
XI, Zoo. = Février. 5
donnérent des papillons et fournirent quarante-deux grammes de graine qui fut levée immédiatement de dessus les toiles et pesée aussitôt,
Trois jours plusttard ; lorsque les femelles eurent entièrement cessé la ponte, les papillons furent enlevés et mis sur la terre dont étaient remplis trois vases à fleur ordinaires; l’un de ces vases était reconvert avec du fumier de cheval. (1)
Les papillons abandonnés à eux-mêmes périrent bientôt dans les vases où on les avait laissés, et continuérent à rester exposés à tous les accidens atmosphériques jusqu’au 15 septembre suivant.
Pendant ces deux mois, l’un des vases resta toujours sec, et les deux autres, dont un contenait le fumier de cheval, furent arrosés tous les deux jours.
Dans les premiers jours de lebtembre. c'est-à-dire environ cin- quante jours après la mort des papillons, les premiers germes de la muscardine commencèrent à se développer sur les-papil- lons qui avaient été déposés dans le vase contenant le fumier ; dés points blancs apparurent cà et là sur la surface du corps dés vers, et, quelques ] Jours après , cette surface entière était recouverte d’efflorescence blanche, qui nrésentait tous les carac-
-tères extérieures de la Muscardine.
Quint aux papillons contenus dans les autres vases, dont l’un
avait été arrosé comme le premier, mais qui ne contenait que -dé fa térré sans le principe fermentescible du crotin de cheval ,
JTOHANYS. — Sur la Muscardine.
(x ) M: Audouin, qui a eu l'avantage devoir , en 1838 ; M. Jobanys à Valence, et cuis s'en- trètenir avec lui de ses intéressantes expériences , avait compris que les papillons mis dans les vases y avaient été placés après leur mort naturelle. M.'Johanys, dans son Mémoire, ne dit
“pas qu'il ait opéré dans une semblable circonstance. Tout au contraire, il ajoute à l'alinéa suivañt : « Les Papillons abandonnés à eux-mêmes, périrent bientôt dans les vases où on les avait laissés ». Il en résultera pour le lecteur comme pour les rédacteurs des Annales , qui font cétte remarqué à la lecture dé l'épreuve du mémoire qu'ils impriment, quelques doutes qu’il sera ‘très important qe M. Johänÿs éclaircisse. En effet, s’il n’a pas agi sur des individus bien réel- leméntmorts , on peut, malgré que l’efflorescence ait mis 54 jours à se montrer à la surface de leur corps, lui objectér que là Muscardine avait pris naissance das cés papillons lorsqu'ils étaient encore vivans. Ce phénomène rentrerait dans la classe de ceux observés par M, Audouin, qui a produit la Muscardiné spontanément chéz plusieurs insectes vivans, ét qui a montré ensuite comment on pouvait développer des efflorescences blanches, c'est-à-dire la sortie du cryptogame chez des individus morts de Muscardine depuis plusieurs années, ( Note des Rédacteurs. )
JOHANYS. — Sur la Muscardine. - 67
, ces papillons, dis-je , se desséchèrent sans donner aucun signe
| | |
d'une décomposition semblable à celle observée dans le premier vase.
Examinées au microscope, les efflorescences blanches offraient une multitude de petites tiges creuses et remplies de sporules, genouillées en plusieurs parties, et une foule innombrable de sporules. arrondis et détachés; tous les caractères, enfin, que présente le Botrytis bassiana. Cependant, malgré ces observa- tions, et les ressemblances qui semblaient en résulter entre la muscardine que j'avais développée , et celle de la muscardine, il fallait encore pour s'assurer complètement de cette identité, entreprendre une nouvelle série d'expériences comparatives , et ce sont celles-ci qui ont été suivies pendant l’éducation de 1838.
J'ajouterai, et peut-être ne sera-ce pas sans utilité pour préve- nir les objections, que tous les insectes sans exception contenus dans le troisième vase ont été transformés en muscardins, et que les papillons des deux autres n’en présentaient aucun ;enfin que le nombre des individus étaient d’une trentaine environ dans chaque vase. |
Ainsi,en admettant cette hypothèse, que tous les caractères physiques observés appartiennent bien au botrytis de la Muscar- dine, et nous verrons plus tard comment cette hypothèse a été vérifiée, il en résulterait deux faits bien importans , l’un en phy- siologie , et l’autre pour l’industrie de la soie.
La muscardine, véritable cryptogame, se développerait non- seulement sur le corps vivant du Ver à soie, mais pourrait aussi se développerlong-temps aprèsla mortde l'animal, et sur des Vers qui auraient accompli toutes les fonctions vitales dans un parfait état desanté. La vie végétative et la vie animale seraient doncindé- pendantes l’une de l’autre, et le botrytis aurait été développé sur unewaliére inerte,et sans l’inoculation d'aucun germe puisé dans unvapimal attaqué de cette maladie.
Ne trouve-t-on pas dans cette observation l'explication de ces invasions subites et extraordinaires de la muscardine dans des magnauderies où elle n'avait pas existé auparavant. Ne serait-ce
point là une de ces causes secrètes et sans explication, jusqu'à NTI
68 JOHANYS. — Sur la Muscardine.
présent , du fléau dévastateur qui anéantit dans un jour les es- pérances de l’éducateur de Vers à soie, et qui semble défier tout ce que la prudence humaine peut réunir de soins et de pré- voyance pour les garantir de la maladie.
Imaginez, en effet, messieurs , qu’à la fin de l'éducation ‘des Vers , une partie d'entre eux soient jetés hors de la maison, dans les cours, sous des hangars où se trouvent réunies des matières susceptibles d'entrer en fermentation, qu'ils soient mis, en un mot, dans des circonstances semblables à celles où jai développé artificiellement la Muscardine (et je vous prie de re- marquer que ce cas est précisément le cas le plus ordinaire). Que doit-il arriver? c’est que, dans un temps plus ou moins long, la Muscardine se développera sur ces Vers, sans qu’on s’en doute, sans qu’on l’observe ; que les germes emportés par les vents se répandront dans les magnauderies qui n’avaient eu jusqu'alors que des Vers sains , que les ateliers voisins en seront également
- infectés , car un seul Ver peut fournir des milliards de germes de la maladie, et que bientôt, sans cause apparente , tout espoir de récolte sera détruit dans la contrée.
Voilà, messieurs ,si je ne me trompe, un fait qui appelle toute l'attention , toute la sollicitude des persunnes qui s'occupent de la récolte des soies. Qu’à la fin de l'éducation, les Papillons , après la ponte, soient donc soustraits aux influences que j'ai signalées ét qui déterminent la fermentation en même temps que le dé- veloppement de la Muscardine ; qu’on ne souffre pas que l'igno- rance ou la négligence du fermier puissé répandre dans toute la contrée les germes d’une maladie dont les ravages sont aussi terribles qu’ils sont sans remède lorsqu'ils ont pris leur cours , et l’on verra disparaître , je le pense, une des causes les plus immédiates du fléau qui détruit nos magnauderies.
J'ai eu l'honneur de vous dire que les caractères physiques de la muscardine spontanée (j'appellerai de ce nom la muscardine que j'ai développée artificiellement ) étaient exactement les mêmes que ceux du botrytis bassiana, et que des expériences ultérieures viendraient confirmer l'identité complete des deux végétaux : ce sont ces expériences auxquelles je me suis livré pendant la sfison derriere.
JOHANYS. — Sur La Muscardine. 69
Le 12 mai 1838 , j'ai pris 15,000 œufs ou graines de Vers à soie, toujours de la race sina : elles pesaient 10°*%,45®, ce qui fournit 40,981 graines pour l'once de 30°,59"-. Ces graines ont été séparées en deux parties :
8,000 d’une part, 17° partie. 7,000 d'autre part, 2° partie.
Nous laisserons d’abord cette seconde partie pour ne nous. occuper que de la première, composée de 8,000 Vers.
_ Ces 8,000 graines ont été partagées par moitié, 4,000 œufs ont: été placés dans une boîte de carton avec un Ver muscardiné de. la récolte derniere , un seul Ver.
Les 4,000 restans ont été mis dans une autre boîte avec un Ver provenant de la Muscardine spontanée. Les graines et les Vers ont passé la nuit dans la boîte et ont été.agités à diverses reprises. Le lendemain 15 mai, les 4,000 Vers,de la boîte n° 1 ont été divisés en quatre parties égales ; l’une a été conservée in- tacte , et les trois autres ont été lavées avec les solutions prépa: rées de la manière suivante :-
1° solution , une partie d’eau , et 1/20° alcool. 2° idem une partie d’eau, et 1/20° sulfate de cuivre (couperose bleue). 3° idem une partie d’eau, et 1/20° nitrate de plomb.
Ces différentes solutions ont été composées dans le dessein de détruire le germe de la Muscardine que le contact du Ver mus- cardiné avait dù communiquer aux graines, si la maladie se transmet par voie de contagion.
Ainsi donc, des 4,000 graines employées aux expériences :
1,000 ont été conservées intactes,
1,000 ont été lavées à l'alcool étendu, 1,000 id. au sulfate de cuivre, 1,000 id. au nitrate de plomb,
et toutes , après avoir été séchées ont été mises immédiatement dans les conveuses et dans des boîtes séparées.
Les 4,000 graines qui avaient été mises en contact avec la mus- cardine spontanée ont reçu les mêmes lotions et ont été placées à côté des premières, mais dans des boîtes séparées égalemént.
70 JOHANYS. — Sur la Muscardine.
Nous allons suivre maintenant pas à pas les résultats de ces éducations comparatives.
Le 16 mai, l'éclosion commence , et je n’ai pas besoin de dire que , contrairement à l'usage recu, je n’ai pas’cherche à égaliser mes Vers: je n’ai pas rejetéles Vers trop hâtifs ni les retardaires; mais jai tout recueilli et j'ai prolongé l’éclosion tant que les œufs m'ont donné des Vers. Il ne s'agissait pas, en effet, de faire une récolte, mais de tenir compte des vivans et des morts.
Chaque jour, les Vers ont été séparés de la litière; chaque jour les Vers morts ont été Se et enlevés, afin qu'on ne püt attribuer la mortalité qu’à effet des Muscardins sur la graine , et non pas à la contagion qui proviendrait du contact des Vers morts. L’enlèvement journalier de la litière a eu également pour objet d'empêcher qu’on ne püt attribuer la mortalité à la décom- position des feuilles.
Les Vers sont nés le 16 mai. Au 23 mai, les Vers dont les œufs ont été passés dans lés solutions n’ontencore donné aucun Mus- cardin. Après la seconde mue , on trouve 624 Vers, qui sont en retard sur la marche générale, on les enlève.
Au 30 mai, on compte les Vers de cette partie, et l’on trouve 3,598 Vers. Deux Vers sont morts par accident , et l’on dresse l’état du nombre des Vers vivans dans chacune des expériences. Ce dénombrement sera joint comme tableau à la suite du mé- moire. (1 (2)
Cet état permanent de santé pour les Vers ne laisse plus, d’es- poir d'obtenir des muscardins avec les graines qui ont été passées dans les solutions , et comme l’état tout contraire des mêmes graines contagionnées, mais qui n'ont pas été passées dans les solutions, exige tout mon temps et tous mes soins, je réunis les Vers des expériences ci-dessus pour les conduire tousensemble, et sur la même table jusqu'à la montée. J'ajouterai de suite, et pour n’y plus revenir, que ces Vers ne m'ont donné qu’un seul Muscardin en tout , et que c’est à la montée qu'il s'est montré,
(1) 11 résulte de ce compte que, sur 6,000 vers contagionnés et passés ensuite dans les s0— lutions, 1,776 vers , après 14 jours d'éducation, ou ne sont pas éclos , ou ont élé “dei et enlevés avec Ja litière.
JOHANYS.— Sur la Muscardine. 71
preuve évidente et sans réplique de l'efficacité des moyens que jai employés pour détruire le germe de la Muscardine.
Voyons maintenant ce qui s'est passé pour les graines conta- gionnées , mais non lavées.
Eciosion du 16 mai. MUSCARDINF ORDINAIRE.
Le 20 mai, première mortalité, (32 morts.
Le 21 id. — 132 Le 22 id. — &5o Le 23 id. — 40 Le 924 id. —
Le 25 id. — 12
Du 26 mai au 5 juin plus de morts. Il a donc péri.654 Vers sur 1,000. en six Jours. |
Eclosion du 16 mai: MUSCARDINE SPONTANÉE.
| Le‘ 20 mal, Ja mortalité commence : 10 morts. Le 2 51 id. non examiné. ji dt Hénin 201 ei à. 440 id. Le 123 id. d 26 + A STE Vs ere & 28 id. AD nn Un D te ous mu OU «VLe 26,id. . rrocdnetnltteis 68 ic22026 id,
"Le >7 et jours suivans po: int de morts. Il en a donc peri par | la Muscardine 512 sur 1,000.
Ainsi, dans le court espace de six jours, la contagion au moyen des graines à enlevé les deux tiers des Vers avec la Muscardine naturelle , et plus de la moitié des Vers ont été enlevés par le contact d un seul individu provenant de la muscardine artifi-
cielle , que j'avais fait naître l’année précédente sur les Papillons morts.
Remarquez, je vous prie , messieurs, que, les morts ont, été enlevés tous les jours et la litière changée , et jugez ce qu'il serait advenu si, comme dans une magnauderie ordinaire , la litière füt restée plusieurs jours, ainsi que les Vers morts, en contact immédiat avec les survivans. Je ne doute pas que tous. les Vers
72 JOHANYS. — Sur la Muscardine.
n’eussent succombé dans cette épreuve , en sorte qu’on ne doit pas s'étonner, dans nos éducations ordinaires, lorsque la Mus- cardine s’y manifeste, du grand nombre de Vers qui périssent; mais nous devrions au contraire être bien plus surpris lorsqu'il en échappe un seul.
Au 5 juin, je compte les survivans dans les deux caisses mar- quées M et MS, muscardine et muscardine spontanée.
La caisse M contient 140 vivans, et, comme il en est mort 654 par la Muscardine, il y a 206 Vers égarés ou dont la graine n’est pas éclose , malgré les précautions les plus minutieuses qui n’ont pas été épargnées un seul instant pendant toute l'éducation.
La caisse nurmérotée MS contient 254 Vers vivans, 512 sont morts par la Muscardine spontanée : il y a eu par conséquent 234 Vers égarés ou non éclos.
A partir du 28 mai jusqu’au 5 juin, nous voyons la Muscar- dine , qui avait exercé ses ravages avec des périodes régulières d’accroissementetde diminution, et durant lesquelles il y avait eu un jour remarquable par l'énorme mortalité des Vers, le 22, jour qui avait enlevé le quart de la totalité des Vers en vingt-quatre heures, nous voyons, dis-je, la Muscardine disparaître entière- ment, en ne laissant qu’un dixième des Vers mis en expé- rience.
A cette époque, je cessai de visiter chaque jour ces Vers, pen- sant que la Muscardine ne reparaîtrait plus ; mais 1l n’en fut pas tout-à-fait ainsi.
Dès les premiers symptômes que les Vers manifestèrent pour monter à la bruyère, je m’apercus que le nombre en avait diminué.
Le 17 juin, les 140 Vers de la caisse contenant les Vers dont la graine avait été contaminée , étaient réduits à 80 ; 6 étaient devenus Muscardins, et 54 morts, par d’autres causes et d’autres maladies.
Le lendemain , 18 juin :
22 vers montaient.
5% étaient vivans. 80 & muscardinés.
on enleve les morts.
|
1
JOHANYS. — Sur la Muscardine. 73
Le 19 juin:
60 cocons Ne 6
16 vers montent. 7 je Le 20 juin:
72 cocons. 6
4 dragées. 7
Telle a été, en définitive , ma récolte pour la graine muscar- dinée et non lavée : 72 cocons pour 1,000 Vers.
La Muscardine spontanée ne m'a guère été plus favorable. Les 254 Vers restans au 5 juin en ont perdu 2 , Muscardins , jusqu’au moment de la montée; 5o Vers sont morts par acci- dens divers et je n’ai récolté que
192 cocons 2 cocons avec dragées 2 muscardins. & morts mous. Ainsi la Muscardine naturelle a enlevé plus des neuf dixièmes des Vers , et la muscardine spontanée plus du cinquième.
Les expériences dont je viens de vous présenter les résultats me paraissent donc, messieurs , pouvoir permettre d'affirmer:
1° Que la maladie nommée Muscardine provient d’une plante qui naît, croit et végète aussi bien sur un animal mort que sur un tu vivant ;
2° Qu'il est possible de développer ce cryptogame à volonté, dans certaines circonstances données, et que l’on doit recon- naître dans ce développement artificiel l’une des causes encore cachées de l'apparition soudaine et sans cause apparente du fléau qui ravage nos magnauderies;
3° Que nous possédons certainement trois substances qui dé- truisent complètement le germe de la maladie communiquée aux graines.
Il me resterait à vous faire connaître maintenant les essais qui ont été tentés sur les Vers vivans : ce sera l'objet de la seconde partie de ce mémoire.
74 JOHANYS. — Sur la Muscardine.
CONTAGION PAR LES SPORULES SUR LES VERS.
Dès l'année dernière, M. Berard , professeur à la faculté de médecine de Montpellier, avait reconnu l'efficacité du sulfate de cuivre , pour détruire le germe de la muscardine , et avait essayé l'emploi d’autres substances, dont les unes avaient détruit la vie dans la graine, qui n'avait pas éclos, et dont les autrés n’avaient pu être observées dans leurs effets par suite d’accidens survenus dans l'éducation. Le mémoire du savant professeur, a été ‘inséré dans le Bulletin de la Société d'agriculture de l'Hérault, et ce fut la lecture de ce mémoire, ainsi que le desir de répéter;ces expé- riences, qui m'engagèrent à faire. les essais dont j'ai,eu l’hon- neur de vous présenter les résultats.
Les travaux du docteur Bassi,tout en leur conservant le mérite d’avoir fixé l'attention des éducateurs sur le véritable principe de la muscardine, ne présentaient, à vrai dire, aucun moyen de se préserver de la contagion , ou , ce qui était plus fâcheux encore, ne présentaient que desindications erronées que l'expé- rience a condamnées sans retour. Ainsi à M. Berard le mérite d’avoir rencontré le remède de la muscardine, et d’avoir fait connaitre, le premier, combien il était facile de garantir | de la contagion le précieux insecte qui fournit Ja soie.
Nous avons vu précédemment que l’alcool et le nitrate de plomb pouvaient être employé és avec la même efficacité. Mais le bas prix auquel: on peut livrer le sulfate de cuivre dans le com - merce lui fera toujours conserver Ja préférence dans d'émploi qu'on en peut faire pour les magnauderies , et l’usage que, ke ‘ai fait de l'alcool et du nitrate avaient un autre but.
On sait que rien n’est plus commun dans nos campagnes que l'habitude de laver la graineavec du vin , de l'alcool étendu d’eau, ou même avec de l’eau seulement, Ouat À la raison qu’on doune de cette opération, elle est loin d'être la même pour tout le monde. Pour les uns, elle tend à séparer les graines non fécon- dées d'avec les bonnes, et à obtenir ainsi des œufs qui seuls
peuvent arriver à bien ; pour d’autres, elle a pour but de pré-.
server les Vers de la muscardine , mais sans qu'ils en puissent donner un motif plausible ou sans pouvoir appuyer leur opinion
JOHANYS. — Sur la Muscardine. 7
sur une expérience bien constatée. Enfin, le plus grand nombre emploie le lavage par le vin, afin , disent-ils , de fortifier les Vers.
En faisant essai de l'alcool, j'ai voulu constater ce qu’il pouvait y avoir de vrai dans ces assertions ; mais, en m’appuyant sur d’autres données, j'ai dü-opérer d'une autre manière.
Ainsi , j'ai pensé que les sporules de la muscardine étaient arrêtés à Jasurface de la graine , lorsque cette graine avait:été soumise à la contagion , et que leur adhérence était maintenue par le principe résineux ‘dont cette graine est enduite. Or, on sait que l’alcool.est un excellent dissolvant des résines , et qu’a- lors an lavage, opéré avecil'esprit-de-vin, doit nécessairement séparer d'avec la graine qui tombe au fond du-vase les sporules bien plus légers du botrytis qui doivent surnager à la surface. Il conviendrait dans ce cas non «le jeterila graine:sur un filtre, comme on le fait ordinairement, puisquealors on réunit de nou- veau -les sporules à la graine, mis bien de séparer la graine d’avec/l’eau, en; décantant le liquide surpagcant; qui entrainera le,germe de la contagion. |
Peut-être-aussi l'alcool agit-il en faisant éclater: les sporules, et détruit-il ainsi le principe de la germination: Quoiqu'il en soit; on conçoit que cet effet ne.pourrait être produitsi l'alcool était étendu d’une trop grande quantité d'eau; aussi me suis-je borné à une solution d’un vingtieme et ai-je NOÉ de faire emploi du vin que je regarde Comme inutile.
Quant aux essais faits avec lé nitrate de glônib, ; j'ai été guidé par analogie dans cette recherche.
On connaît depuis quelques années l’action des sels de plomb sur les moisissures, et l'on sait qu'elle tend à les détruire ou à empêcher leur formation. C’estainusi que quelques gramnies d’un sel de plomb, ajoutés à l’eau, l'empêchent de moisir et lui con- servent sa limpidité. Il était donc naturel de penser que, si la muscardine appartient réellement à la même famille du règne végétal (1), elle devait subir les mêmes conséquences, et que pro- bablement elle devait être détruite par un principe dont l’action avait été constatée sur d'autres muscédinées. L'expérience que
(1) C'est ce qu'a parfaitement démontré M. Audouin dans ses recherches anatomiques et physiologiques sur ce Botrytis.
76 JOIANYS. — Sur la Aluscardine.
j'en ai faite me paraît devoir confirmer tout-à-fait cette opinion. Nous allons voir si les résultats sont aussi concluans lorsqu' il s’agit non plus de la graine, mais bien des Vers arrivés à un certain âge. Je rappellerai d’abord que le nombre de graines sur lesquelles on a opéré était de 15,000 lorsqu'on les a mises dans la cou-
veuse, et que, sur ce nombre, 8,006 ont été prélevées pour servir ? ? 2 9
aux premières expériences qui ont été faites en communiquant la contagion par la graine. Les 7,000 Vers restans ont été élevés réunis jusqu'après la quatrième mue, qui s’est opérée le 10 juin. A ce moment, j'ai pris 1,200 Vers sur la claie, et je les ai divi- sés en six parties égales de 200 chaque.
J'ai fait préparer en même temps six caisses en sapin : trois ont reçu quelques Vers muscardins, et, dans les trois autres, j'ai déposé les Papillons qui avaient dansé la muscardine spontanée.
Les muscardins ont été agités dans les caisses à plusieurs re-
prises, de manière à ce que la poussière blanche pût se répandre sur les bords et dans l’intérieur; puis on a disposé de la manière suivante les trois caisses qui avaient été mises en contact avec la muscardine ordinaire.
La caisse n° 1 a été lavée au nitrate de plomb ; La caisse n° 2 id. au sulfate de cuivre; La caisse n° 3 n’a reçu aucune préparation.
Les trois autres caisses qui ont été agitées avec la muscardine spontanée, ont reçu une destination analogue:
La caisse n° 4 a été lavée au nitrate de plomb; La caisse n° RE au sulfate de cuivre ; La caisse n° 6 n’a reçu aucune préparation.
Lorsque les caisses ont été sèches, j’ai déposé 200 Vers dans chacune d’elles, et je les ai confiés aux soins d’une personne intelligente et soigneuse,qui conduisait en même temps les Vers provenant de la graine muscardinée.
Les caisses étaient disposées autour d’une pièce où l’on éle- vait en même temps une once de Vers à soie. Lorsqu'on était obligé de toucher aux caisses ou aux Vers contaminés, on avait soin de se laver immédiatement dans une eau étendue lé- gèrement d'alcool; les litières enlevées tous les deux jours dans les derniers temps étaient transportées aussitôt hors de l'atelier.
JOHANYS. — Sur là Muscardine. 77
Au moyen de ces précautions , j'ai pu faire chacune de mes «expériences isolément, sans que le germe de la muscardine ait passé d'une caisse dans une autre et sans que les sporules se soient disséminées dans l'atelier ; car 1l est bien remarquable que l’once de graine faite dans le même appartement n’ait donné aucun muscardin.
J'insiste sur cette observation, pour montrer qu'il est possible de circonscrire le cercle de la maladie, si elle se développe par la contagion au contact , et non pas par des causes naturelles : il suffit alors d'enlever exactement les morts , de les rechercher chaque jouravec soin et au moment où l’on commence à aperce- voir la poussière blanche, sans attendre qu’elle se soit desséchée et que l'agitation de l'air ait transporté dans le voisinage le germe de la maladie. Rien ne prouve mieux l'avantage de cet isolement et la certitude d’en obtenir un bon résultat, que la réussite parfaite de mes Vers, entourés de toutes parts des Vers muscar- dinés contenus dans les caisses.
Au 15 juin, c'est-à-dire cinq jours après la contamination , les effets commencent à se produire , et les caisses, examinées avec attention , présentent l’état suivant :
15 juin. Vivans. Muscardins, Morts, Sur un total de Caisse n° 1. 192 » 8 200 Caisse n° 2. 180 4 16 200 Caisse n° 3. 152 48 » 200 Caisse n° 4. * 200 » » 200 Caisse n° 5. 200 » » 200 Caisse n° 6. 200 » » 200
On délite avec beaucoup de soin , on enlève les morts, et, en faisant un nouvel examen, trois jours après, on trouve :
18 Juin. Vivans, Muscardins. Morts, Sur un total de Caisse n° 1. 190 » 2 192 Caisse n° 2. 163 » 17 180 Caisse n° 3 132 18 2 152 Caisse n° 4 192 » 8 200 Caisse n° 5. 175 » 25 200 Caisse n° 6 153 47 . ? 200
78 JOHANYS. — Sur la Muscardine. = 20 juin: Muscardins. Morts. Total.
! 130 cocons. Caisse n° 1. 182 | 8 » 190 52 vers montant. ; 83% cocons. Caisse n° 2. 163 » » 163 80 vers montant. 2 61 cocons. Caisse n° 3. 81 51 » 139 20 vers montant. s ! 140 cocons. Caisse n° 4. 181 » 11 192 &1 vers montant. 5 112 Ccocons. Caisse n° 5. 170 » 5 175 7 4B vers montant. 7 u 101! cocons. | Caisse n° 6. 121 | 52 » 153
20 vers montant.
Tous les Vers qui avaient manifesté l'intention de faire leurs cocons , ont terminé plus ou moins cette opération le 25 juin: on peut alors établir sans, hésitation le résultat de cette expé- rience, et, en comptant de, nouveau les muscardins et les Vers morts d’autre maladie depuis le 20 jusqu’à ce jour,on trouve en définitive :,
25 juin.
Cocons: Muüscardins, Morts. Total. Caisse n° 1. 152 2 29 182 Caisse n° 2. 131 2 30 163 Caisse n° 3. Go 11 10 81 Caisse n° 4. 180 1 » 181 Caisse n° 5. ” 442 ” 27 170 Caissé n° 6. 101 20 » 121
Si nous réunissons tous ces détails et que nous fassions un
résumé général pour cette éducation, on trouvera:
Cocons. Muscardins. . Morts. Total. Ki souillée avec la mus- I
cardine ordinaire, puis la-} 152 9 39 200 vée au nitrate. :
N°
ne ins ordinaire , puis La ; és aiñ FA lavée au sulfate de cuivre. Muscardine ordinaire sans N° | 60 128 12 200 avage. Comme le n° 1 , avec la No 4. ; 7 his 180 ‘1 19 200 muscardine spontaree. Comme le n° 2, avec la N° 5. | RAGE U rh L 57 200 muscardine spontanée. | 1 illée avec la mus- N° 6 Caisse sonulée avec: de 5 J — cardine spontanee.
‘
JOHANYS. — Sur là Muscardine. 70
Ce tableau montre avec une égale évidence les deux faits suivans :
1° Que la muüscardiné ordinaire et la muscardine spontanée sont également susceptibles de développer la contagion au moyen dés sporules qui recouvrent lès Vers, quoique la muscardine spontanée paraisse douée d’uné moins grande énergie.
2° Que l'emploi du sulfate de cuivre et du nitrate de plomb pour laver les murs et les meublesdes ateliers où se font les Vers, contribue puissammentà détruire le germede la maladie, quoique moins heureux que M. Berard , je n’aie pu le faire disparaître entièrement ; enfin que ces deux sels produisent à-peu-près le même effet et peuvent être employés indifféremment , sauf le prix, et sans qu'il soit nécessaire d'ajouter des fumigations de soufre, que je crois superflues.
CONTAGION TRANSMISE PAR DES VERS SUR DES VERS.
Nousavons vu Gans les expériences précédentes que soit par le contact des sporules avec les graines , soit par leur contact avec les parois des vases , renfermant les Vers, nous avions obtenu quelques cocons, mêmé dans les cas les plus défavorables. Il im- portait de savoir quelle influence pouvait avoir sur les résultats de l’éducation la négligence des personnes qui ne craignent pas de laisser séjourner les Vers morts de la muscardine, au milieu des litières et des autres Vers: On pouvait être desireux aussi de sayoin si la garantie offerte parle lavage des appartemens s’éten- drait sur des Vers déjà atteirits de la contagion : ce fut he sujet des deux épreuves suivantes :
Le 12 juin ,on prit {oo Vers ,toujours parmi ceux déstinés aux
expériences: on en mit la moitié dans une caisse ordinaire (n°7) avec quelques Vers, qui étaient entièrement recouverts d’etflo- rescence blanche: on plaça l’autre moitié dans nme’autré caisse avec le méme nombre de muscardins;mais les paroïs de la caisse avaient été lavés au sulfate: c’est la caisse n° 8. Contrairement aux usages précédens, on ne lève pas les morts, on ne change pas la litière jusqu’à la fin de l'opération.
80 JOHANYS. — Sur la Muscardine.
12 juin. Caisse no 7. — 200 vers mis avec des muscardins dans une caisse ordinaire. Caisse n° 8. — 200 vers mis avec des muscardins dans une caisse lavée au
sulfate de cuivre.
Au 16 juin, ou le quatrième jour après le contact des vers, la mortalité a commencé, on trouve:
16 juin. Vivans. Morts, Total. Caisse n° 7. 110 90 200 Caisse n° 8. 200 » 200 17 juin.
Caisse n° 7. 71 39 110 Caisse n° 8. 142 58 200 18 juin.
Caisse n° 7. 63 8 71 Caisse n° 8. . 102 4o 142 19 juin.
Caisse n° 7. TA 19 63 Caisse n° 8. 75 27 102 20 juin.
Caisse n° 7. 19 32 Le Caisse n° 8. 43 32 75 21 Juin.
Caisse n° 7. » 12 19 Caisse n° 8. 11 32 43
Pour m’assurer que tous les Vers étaient bien contaminés, j'ai eu soin, à mesure que je les mettais dans la caisse de toucher chacun d'eux avec un des muscardins , que je plaçais ensuite à côté. On voit que le résultat a été décisif, puisque tous les Vers ont été tués ; et, quant au petit nombre qui a été conservé dans la caisse n° 8, on ne peut en déduire que cette certitude, savoir, que, dans tous les cas , il est encore utile de laver les murs avec les préparations indiquées plus haut; mais que la négligence des éducateurs à enlever les morts doit les exposer aux plus funestes conséquences pour leur récolte.
A ——
DOYÈRE. — Sur le tube digestif des Cigales. 8x
Norte sur le tube digestif des Cigales,
Par M. Dovyère,
Professeur d'histoire naturelle au Collège royal de Henri I. (Lue à la Societe Philomatique le 26 mai 1838.)
-M:Léon Dufour, dans un mémoire spécial sur l'organisation des Cigales | publié en 1825 dans les Annales des Sciences natu- relles,t: v, p. 155 ; a signalé à l'attention des physiologistes une structure insolite du canalalimentaire de ces insectes. Voici dans quels termes il l'a décrite lui-même dans son anatomie des Hémip- tères:
« Le ventricule chylifique débute constamment par!un 'esto- æmac courbé en anse , à parois minces, lisses et diaphanes, «idilaté x droite en un petit cul-de-sac latéral, et s’abouchant «du côté opposé dans une poche oblongue plus ou moins bour- asouflée , soutenue par un ligamént suspenseur fibro-membra- “meux, tantôt plissée , ratatinée , tantôt lisse où simplement « lobée, suivant son degré de plénitude. Cette poche dégénère «en arrière en un tube intestiniforme très replié, qui égale en « longueur la moitié de tout le canal alimentaire, pointillé de «jaune ou de blanc ,allantse dégorger dans la poche elle-même, «à côté de l'insertion hépatique. Cette disposition insolite du « ventricule chylifique , qui se dégorge danis lui-même , en con- æstituant un cercle complet, est le trait le plus caractéris- « tique de l'appareil digestif des Cicadaires. L’intestin propre- «ment dit nait du cul-de-sac dé l'estomac, et présente à son «origine un bourrelet valvulaire : il est filiforme, diversement “reployé ; et se dilate avant sa terminaison à l'anus, en une «poche stercorale constante ,à parois musculo-membraneuses. » D'après les observations de M. {éon Dufour, les Fulgérelles n'offrent, point cette particularité d'organisation; mais il l'a re- trouvé dans les genres Centrotus , Leédra, Cercopis, Aphropho- ra ; Psylla,; Dorthesia.
X1, Zoo, = Février, ô
8% Doyènr) — Sur le tube digeshf des Cigales.
M. Dufour ajoute en parlant des Cigales: « Les vaisseaux « hépatiques sont au nombre de quatre, très entortillés, vari- « queux, diaphaneset fragiles. Flottant par un bout ilss’insèrent « isolément par l’autre , entre le cul-de-sac de l’estomac et l’em- « bouchure de la portion intestiniforme du ventricule chyli-
« fique. »
D'après ce qui précède, il nous faudra donc admettre :
1° Quant à l'organisation de l'estomac de la Cigale, que cet organe se compose : 1° d’un jabot (b, fig. 1 et 2); 2° d’une anse duodénale &, communiquant du jabot au ventricule chylifique; 3° d’un ventricule chylifique d, se terminant par un conduit ixi- testimforme eeee, qui, après un certain nombre de .circon#o+ dutions , revient dégorger dans lui-méme en constituant un: cercle complet. C'est ce conduit intestiniforme que M. Duvernoÿ! ap- pelle éntestin duodénal ( Lecons d'anatomie comparée de G:Cu+
-vier,revues par M. Duvernoy, t. v, p: 292) y 1 » 2° Quarit aux vaisseaux Msdianes à 1° qu'ils sont au,rombre de quatre, ce qui n’est point le cas ordinaire chez les Hémip- tères ; 2° qu’ils sont flottans par l’une de leurs extrémités, ce qui, aux! yeux de beaucoup d’anatomistes , au moins, serait encore une.exception ; 3° qu'ils s'insèrent dans le ventricule, chylifique même, ce qui ne serait pas une exception moins remarquable ;
3: Quant à la marche des alimens: 1° qu’ils vont: du jabot dans de ventricule, à travers l'anse duodénale, et en passant devant le pylore(p, fig. 1 et 2); 2° qu'ils parcourent toute conduit.intesti- müiforme qui termine le ventricule ; pour venir s'y déverseride -nouvea ; 3° qu'ils parcourent une seconde fois l’anse! duodénale en, sens-inverse de la, première (de À en p, fig.a:); post: se vendre dans l'intestin #;par le pylore.
Ces divers faits réunis constitueraient doncdl'un desensembles les plus exceptionnels qu’ait encore offerts l'étude comparative des organes digestifs et de leurs fonctions dans la série animale iout entière. Aussi ont-ils été signalés maintes fois, mais ikne parait pas qu'ils:aient jamais été l'objet d'aucune réélamation éerite. C ependant, en voyant ainsi réunis sur un seul point lau- tant deifaits vraiment hétéroclites, et dont la singularité devenait plus saillante encore, sion les comparait à ce que nons à fait con-
DoyÈèRE) — Sur le tube digestif des Cigales. 83 naître M. Léon Dafourlui-même delorganisation des insectes les plus! voisins de ceux dont il s’agit, beaucoup ont dû douter comme je l'ai fait moi-même ; et les dissections auxquelles je me suis li- vré dans le but d’éclaircir ce point, qui m’intéressait vivement, m'ont prouvé la justesse de ce doute, fondé surla croyance dans la conformité des lois naturelles.
J'ai ouvert longitudindlement l'estomac de la Cicada plébeia; suivant la ligne 4h ren (fig. 2).
On voit dans la figure 3 le résultat de cette opératioh. AB est le jabot ; en B, se trouve une välvule qui le séparé de l'estomac proprement dit DE. Je préfère ce dérnier nom à celui de ventri- ele chylifique ; me lui trouvant aucun rapport avec le chyle. Quant à la: portion BC, où anse duotdlénale dé M L:'Dufour , je suis porté à ne pas là regardér comnie une cavité distincte de l'estomac, mais comme une première portion de cet organe , dont la forme coudée me semble entièrement due à l'action ‘du ligament suspenseur D D’. Cette portion BC offre, en effet; les mêmes replisetla même organisation apparetite que l'éstomac, et il m'a semblé qu'aucune valvule ne les sépare. E est le pÿlore. L'intestin EF, après de nombreuses circonvolutions qu’il m'a'été impossible de suivre, et que lon'voit d’ailleurs figurés d’une manière. complète’ dans la figure 1 ; émpruntée à M. Léon Dufour, revient en effet vers l'estomac ; ainsi que l'avu ét an: noncé M:L:. Dufour (F'G; fig. 2). Mais’, au lieu de sé dégorger dans:cette cavité , il ne fait que s'introduire dans les parois , pour ramper; en serpentant, entre les tuniques dont elles se compo- sent, etressortiren K;à peu de distance de l’orifice cardiaque B, sans aucune solution de continuité. C’est à partir” de ce point seulement que M. Dufour lui donne le nom d’intéstin.
-wAinsi;c’est le:canal intestinal qui se replie vers laimoitié de sa longueur, pour venir se suspendre à l'estomac ;|ce qui me semble tout-à-fait en rapport avec la longueur insolite de ce canal chez les Homoptères dont il s’agit , avec l'absence de replis mésénté- riques d'ün péritoine destinés à le soutenir, et avec l'éxistence d’un ligament supplémentaire D D’ ; qui vient 'en‘aide à l’wso: phage À, trop minceéttrop faible pour supporter l'estomac et le paquet intestinal. Ce ligament soulève pour ainsi dire l’esto- 6.
84 DOYÈRE: — Sur le iube digestif des Cigales.
mac.et le suspend par son cibibus en Jane ce rs M. Béun 1 Le double rôle que jouait le péatre ohylifiquaict liihné duodénale dans le transport des alimens , tel qu’il réssortait des faits annoncés par M. Léon Dufour, expliquait jusqu’à un certain point cette autre singularité que là précisément venaient s'insé- -rer les vaisseaux hépatiques. I n'en est plus de même si les faits sont tels que je crois les avoir vus; mais cette insertion , en.effet, ne m'a pas semblé plus exister pour les vaisseaux hépa- tiques que pour l'intestin lui-même, et ils m'ont paru suivré dans Ja paroi stomacale une route tout-à-fait analogueà celle que suit l'intestin. ls y entrent, se recourbent, reviennent sur eux- mêmes, et ressortent. Il s’ensuivrait de là quelques conséquences assez dignes d'attention, et qui contredisent Lys lepie nion.actuelle des sayans sur ce point: * Les. vaisseaux. hépatiques sont au nombre de deux seule- pitt PS et QR..
.2° Leurs extrémités ne sont très prahéliesiant point flot ‘tantes. i 1 3°. Leur peint d insertion nous est eneore tout-à-fait inconnu.
Quoique j j'aie vu à plusieurs reprises et toujours de la mème maniere tous. les faits, que je consigne dans cetté Note, je n'ose cependant les.présenter qu'avec quelque réserve, par la raison que. je n'ai pu, les observer sur les insectes vivans,|etiqüe , dans les individus conservés dans l'alcool ; que:je dois à la bienveil- lance extrême de. M. Serres , toutes les parties étaient devenues d'une excessive fragilité « c'est là ce qui m'a empêché dé suivre les vaisseaux hépathiques, et probablenient:de leur trouverun autre point d'insertion que celui: qu'avait indiqué mon savant
prédécesseur, dans l’anatomie :des Cigales. Dès que l'occasion/me sera offerte de reprendre ces recherches sur des insectes wivans de l’un quelconque des genres. cités par M.Léon Dufour;1je n'aurai garde d'y manquer; mais les résultats que je ‘viens d’ob+ tenir,me semblent tellement conformes à l'unité et à la simpli= cité, des loïs.naturelles , que je me suis senti entrainé à leur ac: corder immédiatement beaucoup de confiance: : s2rdq
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L.® DUFOUR. — Sur les Odÿnères. 85
: ” : " 1! b 1! A2V1:(»4) a!
EXPLICATION DE LA PLANCHE !.
Les figures 1 et 2 sont empruntées au travail, de M. Léon Dufour, ainsi que les'indica-. tions suivantes: — a. æsopbage ; — b. jabot; — c. anse duodénale du ventricule chylifique;— 4. poche du ventricule chilifique ; —eeeee’. prolongement intestiniforme du ventricule chyli- fique ; — p. pylore; — . intes'in; —"r, rectum ; — +. vaisseaux hépatiques qui s "insérent en © ; — L. ligament suspenseur du ventricule chilifique. EL
Fig. 3 estomac de la Cigale, ouvert, suivant la ligne k lem n (fig. 2) AB, premier renfle- ment où jabot ; — BCDE. estomac proprement dit, relevé en D par le ligament suspenseur DD'; = E. le pores EF. comméncement de Pintelfib, qui $ tontioue en formant des Lies! resient en F’, puis pénètre-en G H IK dans (es parois de l'éstomac , réssort en KL, pour se continuer jusqu'au rectum; —PS.et QR, les deux, vaisseaux hépatiques ou urinobiliaires.
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Mémoire pour servir & l'histoire de l’industrie’ et des métamor- * phosés dés Odynères ; et re eat dé D Gr + 7008 deice genre d'insectes b
Par M. LÉON Dürour ,
Cortppadent de Vinstitus, où
.) Lorsque Latreïlle eut l’heureuse idée d’imiter Jussieu en'fon- dant dés familles naturelles pour la classification des insectes, il établiticelle des Guépiaires avec les Vespa de Linnæus. L’é: tude dé la bouche:et celle du genre de vie de ces Hyménoptères l'amenérent à diviser cette famille en Guépiaires solitaires et en Dai sociales! | od #u'b
‘Les Odynères rentrent, avec quelques autres genres; dans la division des Guépiaires solitaires. Toute l'histoire de l’industrie des Ddyères suit ‘sur: colle queriotre inimitable Réaumur a tracée de sa Grièpesolitaire (1), dont Latreille: a fait à tort son Odyuerus murarius. Ce dernier auteur la reproduite dans les généralités de ses divers ouvrages,
li) Rédnin! Mémi 1, vi. p.247. PI, 56,
86 L. DUFOUR. — Sur les Odynères:
et on la retrouve sans additions ni commentaires dans les livres qu’enfante presque périodiquement l'avide industrie de la presse. La découverte récente de quelques nouvelles espèces d'Odynères m'a mis à mêuie deconsulter ce quiaété écrit sur cette matière. Ce Mémoire va offrir, soit le résumé des observations des autres, soumises à un contrôle consciencieux, soit l'exposé de faits, qui me sont propres. |
Avant que d'aborder cés Ai tuté" étudions, analysons , résu- mons les belles pages que here a écrites sur l'industrie: de sa Guèpe solitaire., puis nous essaierons de dissiper lesié ‘épaisses ténèbres qui enveloppent la détermination de l'espèce’ dont cêt habile observateur a entendu parler.
De nombreux individus de cette Guèpe établirent, pendant plusieurs années de suite, leurs nids dans un sable gras dont Réaumur avait fait, à dessein, garnir l’excavation d’un mur. Ils y pratiquèrent des trous qui aboutissaient à des conduits inté: rieurs.de plusieurs pouces de, profondeur. Dans le.fond.de cha- cun de ces conduits , la Guèpe femelle déposait un-seul œuf, et au-dessus de clara, un empilage de chenilles vertes, roulées et vivantes, destinées à servir d de pâture à la larve qui devait éclore de l’œuf. La quantité des chenilles emrmagssinées était merveil- leusement proportionnée au temps nécessaire à la transforma- tion de la larve en nymphe, et notre scrupuleux investigateur avait:constaté que:la :plus forte ration était d’une douzaine de ces chenilles. L’orifice dérces conduits était surmonté d’un ou- vrage dont la'construction-était tout-à-fait singulière et: fort cu- rieuse ; il se continuait en dehors en un tuyau cylindroïde plus ou moins courbé, formé d’une terre pétrie; guillochéer, parfois d'un bon pouce de saillie, et dirigé, quand'il était achevé ; dé manière à ce que:son ouvertureregardait en bas: Cette dernière circonstance, mal appréciée-par Réaumur et:ses-compilateurs, n’a suivant nous, qui Avons été aussi à! même d'obsérver.cette construction, d'autre but que de mettre le conduit à l'abri de la pluie et de l'abord des corps'étrangers pendant tout le Itemps que l’Odynère est occupé à régler le sort de sa progéniture: ':
Le peu de mots que Réaumur a consacrés à la description de son industrieuse Guëèpe solitaire, peut s'adapter à plusieurs des
L. DUFOUR. — Suwr les Odynères. 87
espèces comprises dans le genre Odynère de Tatreille. Aussi, Linné, Fabricius, Olivier et la plupart des autres entomologistes, n'ont pas osé la citer dans la synonymie.des nombreuses.espèces de,guèpes qu'ils ont décrites. Latreille seul, sans motiver son opi- niop, a rapporté à l'espèce de Réaumur'la Vespa muraria Lin. mais par ce coup d'autorité,ilest loin d’avoir résolu la question, etrienne prouveplus l'incertitude où il s'était jeté que la diversité du, signalement qu'il appliqua à cette espèce, car, dans le Buffon de Sonnini,il lui donne cinq bandes jaunes à l’ahdomen, et dans le Dictionsaire d'Histoire naturelle, quatre seulement.
. Si.je ne.m'abuse point, je crois être à même de déterminer d’une manière positive l'espèce de Réaumur ; en prosédant au- trement que par une dissertation plus ou moins savante , plus eu moins.érudite de synonymie. On peut arriver de, l'identité de l'ouyrage à l'identité de louvrier, et cette voie d’analogie ne laisse pas que d’être logique : c’est s'élever de l'effet à la cause, de la conséquence au prinçipe. (I D os
Depuis plusieurs années, j'avais remarqué aux environs de Saim-Sever.,. dans le département des, Landes ,. des, terrasses argileuses dont le revers méridional était tout criblé de trous d'Odynères. Chaque printemps, j'allais, par.un beau soleil, payer un tribut, d'admiration , aux, habiles ouvriers de! ces habitations souterraines et de ces tuyaux extérieurs de terre guillochée, si parfaitement semblables. à ceux décrits et: figu- rés par. Réaumur, Cette année , au mois de mai 1858, j'ai xou!'u poursuivre à fond mes recherches comparatives. J'ai violé le domicile de l’Odynère; j'ai soumis à l'examen. le plus attentif, le plus scrupuleux,, et la larve et. ses provisionsde bouche ,.et les manœuvres de la vigilante mère ; j'ai, surpris, saisi celle-ci tenant. entre ses mandibules, sans la, blesser, une petite chenille verte : j'ai trouvé dans chaque.-conduit ou-dans, chaque nid une larve approvisionnée d'une brochée de dix à douze de çes chenilles vivantes, en tout pareilles à celles dont parle notre célèbre ve taie» disposées de la même maniere,
L (x) Voir , au sujet de la détermination de l'espèce de Réaumur, la lettre ci-après que M. Au- douin adresse à M. Léon Dufour, page 104. R,
88 L. DUFOUR. — Sur les Odynères.
et vertes avec un liseret roussâtre longitudinal de chaque côté: A l'exemple de Réaumur, j'ai été curieux d'élever moi-même les larves d'Odynère sous mes yeux. J'en ai placé de très jeunes isolément dans des tubes de verre; je leur ai donné à chacune une douzaine de chenilles prises dans les nids de la térrasse. J'assistais quotidiennement à leurs repas, je les voyais manger avec voracité, grandir à vue d'œil, et, après avoir 4aéquis'au bout de deux semaines leur dernier développement comme larves, elles demeuraienit presque immobiles au-desstis du tas des dépouilles de leurs victimes , occupées à revêtir de soie leur demeure. Enfin, je déclare que j'ai confirmé par mon observa- tion directe l'exactitude de tous les détails que Réaumur nous a laissés sur l’histoire de sa Guèpe solitaire. J’ajouterai seulement que l'œuf, dont il n’a pas parlé, et que j'ai trouvé dans lés nids les plus récens, est oblong , cylindroïde , obtus, et d’un jaüne assez vif. Je déclare aussi que j'ai la conviction intime que la Guèpe solitaire du sable gras de notre savant scrutateur des se- crets de la nature , est spécifiquement la même que celle de ma térrasse argileuse(r). Plus favorisé que lui par les progrès de l’en- tomologié deseriptive 3 héureux par la rencontre des deux _sexes de cette espèce, il m'est permis de compléter son histoire par le signalement et la Synonymie de cette Odynère.
M. le professeur Wesmael de Bruxelles , dans une monogra- phie des Odÿnères de la Belgique , a gugaliékhfeit facilite l'é- tude des espèces de ce génré en les rangeant dans trois divisions fondées sur la structure du premier segment de l'abdomen, sur celle du métathorax et sur la configuration des antennes des mâles. Malgré ce travail intéressant , malgré les bonnes obser: vations dé M. Max: Spinola sur les Odynères de la côte de Gênes (2), il y à encore beaucoup à faire pour la hd here détermination des PRESS 2313
L'Odynère dont j'ai exposé l'industrie , soit d'ajris Réawinür, soit d’après mes propres obsérvations , appartient à la preniiéré division de M. Wesmael , caractérisée ainsi : Surface dorsale dé
(x) Voir la lettre précitée de M. Audouin à M. Dufour, pi. 104. (2) Max. Spinola, Inf. ligur. 1. p. 88.{ 11. p. 179.
L. DUFOUR. — Sur les Odynères. 89
premier segment de l'abdomen formée d'une seule pièce ; face postérieure du métathorax unie et convexe sur ses bords ; ‘ex- trémité des antennes des: mâles roulée en spirale.
Quoique la figure de la Guèpe solitaire de Réaumur (I. c. PI. 26, fig. 2) soit fort grossièrement dessinée , il y a cependant trois traits, saillans qu'ilest bon de faire remarquer : 1°, le con- tour: arrondi du métathorax ; 2° la forme en massue des'an- tennes , telle qu’on la voit dans la femelle de notre espèce; 3° l'existence à l'abdomen de quatre bandes seulement.
Parmi les J’espa de Linné qui peuvent se rapporter au genre Odynère la muraria.est la seule qui ait quatre, bandes jaunes à l'abdomen ; mais, d’après Fabricius,, lécusson est sans taches, tandis qu’il à constämment üne tache transversale jaune dans la nôtre. D'ailleurs, une note de M. Wesmael sur la Vespa mu- raria de Linné, insérée dans le sixième volume (1837) des A4n- nales dela Société Entoémologique de France, nous apprendique cette Gaëpe, dont M::Westwood lui aurait:cummuniqué:des dessins d’après la collection de, Linué !conservée à Londres ; ap- pattiendrait à sa troisième division dés Odynères'; formulée: en cès térmes :| Face postérieure: du métathorax lisse dans le cenire ét rugueuse sur les bords ; extrémité des antennes simple dans les deux:sexes. Suivant M. Wesmael; la. muraria Lin: doit être: placée à côté de l'Odynerus crassicornis, si toutefois, dit-il, ce ne sont pas tout simplement deux variétés de la mêmeé:es- pèbe. Ainsi la F:rnuraria lin. appartient à un autre Odynère qu’à la Guépe solitaire de Réaumur , et Latreille aurait commis une. erreur en l’y rapportant. (LED TET TER
- Quant aux J’espa {-cincta et 4-fasciata dé Pilbrivios (Ent. Syst: 2. p. 266) , qui ont aussi quatre bandes à l’abdomen}i/la première differe de la:môtre par les antennes ; le chäperon et lécusson entièrement noirs ; la Pr par sa taille ses petite etpar sa face toute jaune... 19
Aumilieu-des incertitudes et on erreurs nélokisiap à cette es- pèce , j'ai cru devoir rendre un:hommage et en mème, temps une justice à Réaumur en la lui dédiant, et je la caractériserai de la maniere suivante :
go L. DUROUR. — Sur des Odynères.
Odynerus Reaumuriü Nob. bush Odynère de Réaumur. MENT Guépe solitaire. Réaum. Mém. tom. vi, p. sé PL 26. Mig) 2. (4 )
® Ater, antennarum articulo primo subtus, elypei linca transversa arcuata, puncto inter antennas, prothoracis fascia utrinque dilatata, puneto sub alarum insertione, tegulis, lineola scutellari, abdominis dorso fasciis quatuor subsinua= tis, tibiis femorumque apice flavis ; tarsis rufis ; antennis clavatis; clypei vix emar- ginati angulis obtusiusculis. (0
& Ater, ore, facie, puncto inter antennas, antennis subtus, prothoracis fascia utrinque dilatata, lineola scutellari, abdominis dorso fasciis quidque, se- cunda subsinuata; tibiis femorumque apice, flavis ; tarsis rufis basi flavis ; anten- nis fiiformibus apice involutis; clypeo profunde orbiculatim emarginato; man- dibulis subtus spina basilari recta flava armatis; coxis intermediis in, spinam at- tenuatis. |
Hab. in Gall. Long. 5 lin. | | vi “y *
il À | )D)
Dans l’un comme dans l’autre sexe , il: y a un très petit point jaune derrière les yeux ; le second segment ventral de l'abdo- men a une bande jaune plus ou moins interrompue, et le troi- sième une petite tache latérale ; les ailes sont enfumées à l’ex- trémité. Dans la femelle, la première et la seconde bandé de l'abdomen sont dilatées sur les côtés. : 1: Nr SENS E
Il y a plus de trente:ans que j’observai pour la premiére: fois l'Odynère de Réaurnur aux environs dé Saint-Sever. Je lai ren- contrée dans diverses localités, mais surtout très abondamment, en avril ou en mai, contre les tertresiargileux où elle/niche. C'est là que j'ai souvent pris les deux sexes au moment'de l’ac- couplement. Depuis quelques années, 'je l'art envoyé àrmes amis sous le nom d’Od. reniformis Wesm.; mais je reconnais aujour- d'hui que le caractère singulier de l’épine sous-mandibulaire et de celle de la hanche intermédiaire, qui paraît commun au reniformis et au Reaumurii (s'il n’y a pas erreur derlarpart-de M. Wesmael), m'en avait imposé. La femelle de la premièreide ces deux espèces a de chaque côté du métathorax unentache Jaune qui ne se rencontre jamais dans: la seconde: 18/4 + 906
fil i NIFETLE (r) La lettre adressée par M. FA ere à M. Dufour, établissant que ‘ des nerus Reaumurii est une espèce entièrement nouvelle, on conçoit que la synony mie indiquée ici doit être sup primée, R.
L. DUFOUR. — Sur les. Odynères. 91
Jar aussi découvert aux environs de Saïint-Sever un autre Odynère qui niche dans les tertres argileux et se construit à Porifice extérieur de ses terriers un tuyau de terre gâchée qui
a une grande analogie avec celui de FO. Reaumurii. W diffère
comme espèce de ce dernier , à la division APAgel il appartient, Voici son signalement :
| Odyrienus consobrinus Nob. ‘Odynère cousin,
© Ater, palpis maxillaribus, macula clypei punceto inter antennas , antenna- rum articulo primo subtus, prothoracis fascia utrinque dilatata, tegulis, punctis duobus scutellaribus, abdominis dorso fasciis quinque, prima utrinque valde di-
«latata, tibiis femorumque apice, flavis ; tarsis flavo rufis; clypei vix emarginati
angulis rotundatis ; antennis clavatis; alis fumosis costa rufescente ; ventris fascia flava unica. Red in Galliä meridionali-occidentali. Long. és lin.
dc tête, le délits et le premier segment de: l'abdomen sont
lus velus que dans les autres espèces.
‘Parmi les Guèpes européennes qui dans le Systema naturæ de Linné rentrent dans. lè genre Odynère , une seule a cinq bandes à l'abdomen, c’est sa Vespa parietum, et son signale- mènt est applicable à la nôtre. Geoffroi! cite ce synonyme pour sa Guëèpe n° 6, qui est Odynerus Geoffroyanus de Max. Spinola (Ans. Ligur. 2. p. 182); mais la description détaillée dans la- quélle il'entre ne permet pas de rapporter notre espèce à la sienne. Fabricius, dans, ses divers ouvrages , n’ajoute rien à la phrase spécifique de Linné; seulement , dans son Systema Pie- zatorum ; il cite à l'article du Ÿ. parietum la figure de Pauzer (Fasc. 49, fig. 23). Or celle-ci, qui est suffisamment détaillée’, a les mandibules, une gra ande tache orbitaire , une autre semi- lunaire sur le éobrirtaie jaunes , et d'autres traits qui piste de l'Od. consobrinus. |
"8i M. Wesmael:a connu l'espèce légitime de Linné , il dissipe toutes, mes incertitudes sur cette question de synonymie , car il place son Od; parietum dans sa seconde division, qui-a le mé- tathorax avec un. angle saillant de chaque côté: Or! notre es- pèce a les bords du métathorax arrondis commie les Odynères
ge L. DUFOUR.,— Our les Odynéres.
de,sa première division;! Ainsi l'espèce dont j'ai donné le:signale- ment n'est pas la 7° parietum de Linné et des autres auteurs. Ce n’est pas non plus la 7. parietina Fabr. , qui a l’écusson sans taches et deux bandes ventrales jaunes, ni celle figurée sous:ce nom par Panzer (Fasc. 4y, fis. 24 ), laquelle mL GS l'espèce de Fabricius.
A côté de l’Od. consobrinus vient se placer une autre espèce qui en approche beaucoup et que j'ai vainement cherchée‘dans les ouvrages d'entomologie à ma disposition: Elle appartient, comme te , à la première division de la classification de M. Wes- mael. +
| Odynerus cognatus Nob. A 59 op . Odynère parent. Bien eslugree
@ Ater, antennis penitus, nigris, elypei fascia basilari arcuata, puncto gemi- no inter antennas, altero pone oculos, prothoracis fascia lateribus haud dilatata, puncto sub alarum insertione, tegulis , fascia scutellari subinterrupta ; abdotinis dorso fasciis quinque integris, prima lateribus attenuata, tibiis femorumque apice, flavis; tarsis rufis ; ventris fasciis duabus flavis ; clypei emarginati angulis acutissimis ; alis fumosis. pT * Hab. in Gallia meridionali-occidentali. Long. 5 lin. 7 |
Le caractère de deux bandes jaunes au Yentré rapproche notre espèce de la 7’! partetina Fabr., mais plusieurs autres traits À en éloigpent. | tu cer
: J'ai dit plus haut que tout ce que la: science pocoéilail sur lin- dut ris des Odynères se réduisait à l'intéressant mémoire: de Réaumur.sur sa-Guèpe solitaire ( Od: Reaumurix Nob.). Je:vais maintenant exposer une nouvelle industrie d’un Odynèrenou- veau, et contribuer ainsi au perfectionnement de l'histoiresx na- turelle du groupe des Guépiaires solitaires. 240 Vesl 6
Ce n'est ni contre les tertres argileux, ni dans le salle gras d’un mur, que notre Odynére , architecte et maçon; viènt Con struire le berceau de sa postérité; lès matériaux ne lui en sont plus fournis par le sol: même dont il pénètre!les profondeurs, ilne les trouve plus à pied-d’œuvre. D'autres difficultés vont mettre à l'épreuve une: intelligence ‘d’un degré supérieur: Be domicile de sa famille sera établi dans la tige sèche d’une ronce,
L. DUFOUR. = Sur les Odynères. 93
et mystérieusément suspendu au milieu des mille branches du buisson aiguillonné. Mais il:ne livre pas au hasard'le choix de la tige qui doit récéler sa progéniture ; il ne lui est pas'indifférent qu’elle ait telle où telle direction ; telle ou telle forcé : il est soi: gneux d'éviter celles qui, perpendiculaires an'sol, ont-leur bout troñqué tourné directement vers le ciel et exposé aux injures ductemps; il sait-donner:une préférence calculée aux tiges! qui sont ou horizontales ouinclinées vers la terre. Ce fait d’un dis: cernement vraiment admirable; je l'ai ‘constaté vingt fois +'il vient confirmer les attributions'de ces tuyaux de terre courbés en basque l'Odynère de Réaumur élève à la porte de sontterrier: Toutes les prévisions denotre Odynère de la ronce ne'se bornent pas là : ses travaux de maconnerie ne pouvaient pas étre confiés àides branches qui, plus faciles’ à creuser ; n’offraient pas des parois assez:dures, assez consistantes pour résister aü poids et aux efforts de ses constructions ; il faut que ce support fonida- mental aîf in diamètre -etune sclidité de parois en harmonie avec la grosseur.et la pesanteur des coques dont il va devenir le réceptacle! Aussi l'Odynère choisit-il constamment les'tiges les plus grosses ; les plus dures. Il les creuse d'abord à 14 profon: deur de plusieurs pouces, en enlevant successivement la moelle qui les. remplit; puis il va chercher au ras Fes matériaux Lies construire som nid: ::: 1: 1 L
-1Dans l'hiver: de 837;ÿ je -recueillis phasitehs de’ ces tiges de ronce habitées par des coques, ignorant alors à quelle éspèce d'Hyménoptères-elles pouvaientappurtenirs Je:les étudiai avec ua-soin scrupuleux ; je les plaçai :isolément dans des! bocaux) et vers la fin du printemps suivant, je vis écloré les Odynères! En1838; je renouvelai! mes recherches }®més expériences," ‘ét Jobtins les mêmes résultats, en sorteque j'ai pu me livrer avéc quelque confiance à la pablikhtion de l'histoire dé’ cet insecte. mGes-coques alongées, eylindriques!, brunés’où d'an gris sale, sont formées de terre, et remplissent exactement l'iñtérieur-de la tige, engagées au milieu de! là moelle, qui n’est pas toujours détruite jusqu'au bois. Elles ont six à sept lignes del longueur sur trois de largeur: Tantôt au nombre de deux ou’trois setilé: mént ; tantôt celui de huit on dix ; elles sont'totijours dispoz
94 L. DUFOUR. — Sur les Odynéres:
sées à la file les unes des autres , et renferment chacune , après quelques semaines de leur construction, une larve où une nymphe. On croirait, au premier coup-d'œil, qu’elles sont con- tiguës bout à bout, mais on se convainc bientôt qu'il existe entre elles un intervalle de deux lignes environ occupé soit par de la moelle pétrie, soit par des débris dont je parlerai plus bas: Leurs parois ont de la dureté , de la fermeté , et présentent par- tout une épaisseur. uniforme. Lorsqu'on en étudie la composi: tion. à la loupe , on voit qu'elles sont construites avec une terre bien pétrie et gâchée, mêlée à'des grains de sable et à quelques débris de la moelle de ja ronce : c’est un mortier, un: ciment bien conditionné. Mais je ne pense pas; comme lecroyait Réau: mur pour sa Guèpe solitaire, que l’industrieux: Hyménoptère ait besoin d’aller chercher de l’eau dans les mares voisines pour détremper ses matériaux et les agelutiner ensuite peur la con- struction de sa coque: La prévoyance de la nature n’est pas ici en. défaut, et elle a placé dans le corps même de l'Odynère la source qui doit servir à |” agglutination du ciment aréneux. Dans un ouvrage qui n’a pas encore vu le jour , mais dont l'Académie a daigné tout récemment décidér la publication, j'ai prouvé que les Guépiaires étaient pourvus, ainsi que la plupart des Hymé:- noptères , de glandes salivaires bien caractérisées, et:c'est sans doute la salive sécrétée par ces glandes qui sert: de liaison aux élémens solides des: coques. Peut-être: même; que: la liquéur fournie par l'appareil vénénifique y est aussi employée.
. Extérieurement ces coques sont, non pas lisses , mais unies ; leur. intérieur_est, lorsque, la larve a acquis tout soi accroisse- ment, tapissé par une étoffemembraniforme; soyeuse:, lustrée, blanchâtre. Avant cette époque. c'est-à-dire lorsque la meré Odynère (car dans les insectes , il n’y a d’industrieux que le sexe féminin) vient de la construire ; la paroi intérieure n'offre au- cune trace de soie ni de fils : ainsi c’est la larve qui, après avoir cessé de manger et de croître, sécrète et file la matiere soyeuse dont elle vernit son appartement. Lé bout supérieur de la.coque, ou du moins celui qui regarde l’orifice extérieur de-la tige, est tronqué et correspond à la tête de la larve ou de la nymphe;iil est fermé par un diaphragmé de la même étoffe que celle des
L. DUFOUR. — Sur les Odynères. 95
parois ‘intérieures, rond, ‘plane, tendu comme la peau d’un tambour et débordé :Har: un prolongement: du tube terreux d’une démi-ligne de saillie. La structure de ce diaphragme ou de ce couvercle! est fort remarquable: ce n’est pas une membrane simple, et diiphane, mais une cloison opaque; consistante, for- mée de déux tuniques séparées par n1ne couche serrée de moelle de-ronce, ainsi qu'on:peut.s'en convaincre en l'incisant ouen la déchirant : précaution ingénieuse si bien adaptée au but con- senvateur ! Le bout inférieur de la coque:est arrondi; mais sans diaphragme, et:fermé par les mêmes matériaux dont :ést. con: struit tout le tube: : |
-Je viens dedire qu’il existait entre ni coquesun intervalle assez considérable rempli de moelle et dedébris. La moelle forme la moitié du rémplissage,.et elle est! tellement pressée contre leur bout, inférieur, dont {elle à la: couleur, qu’on pourrait, croire d’abord, qu’elle n’en est que la continuation. L'autre moitié, .én partie vide, renferme quelques débris plus, ou moins couverts de.moisissure où l'on constate la présence deicrottes oblongues et noirâtres. Dans le fond de la coque , on trouve constamment un culot de, matière! solide ; moulé sur ce fond,.et dont on peut le détacher facilement sans le déformer.1l, consiste en une pâte brune.compacte; assez homogène, qui n’est! qu'un résidu. de l'approvisionnement alimentaire déposé par la, mère Odynère pour la nourriture de la larve pendant sa vie de réclusion.
Étudions maintenant les habitans de ces coques, pote ‘œuf jusqu'à l’insecte parfait. | | HN RDS » C’est dans la:première quinzaine ds Juin que notre Odynère commence à bâtir son nid ou sés nids dans les tiges sèches de la ronce. L’œuf qu'il place au fond de chaque coque .est; jaune, oblong, cylindroïde, légérement arqué, arrondi aux deux bouts. J'approvisionnement de:la larve consisté, comme dans les nids de l'Odynère décrit par Réaumur, en une douzaine dé petités che- nilles vivantes, vertes, roulées en cercle sur elles-mêmes, et empi- léesles unesau-déssus des autres.Ces chenilles ressemblentbeau- coup à celles dont ce dernier Odynère nourrit ses petits; mais elles en différent, je crois, comme.espèce. Elles sont. presque glabres, ventes-ayec. une ligne, dorsale blanchâtre; mais il æyra
96 L. DUFOUR. — Sur les Odynéres.
point de chaque côté de celle-ci une bande blonde. Leur tète est roussâtre ou brune, lisse, luisante; glabre, : 0. ous
:bLorsque la larve a consommé ses vituailles elle a déjà ni tout son accroissement. Alors elle tapisse: de soie; l’intérieur de son étroite demeure, s’enferme hermétiquement dans celle-ci par la fabrication du couvercle, et reste vouée pendant long: temps à une immobilité absolue avant que de se métamorphoser en nymphe. Dans cet état de larve, c'est un ver apode , d'un jaune assez vif, ovalaire-oblong ; légèrement déprimé ; de cinq lignes de longueur sur près de deux de largeur: Son corps est formé de douze anneaux (non compris la tête et laisaillie-de l'anus) séparés par des sillons assez-profonds entrecoupés' en dessus par des mamelons régulièrement disposés: La région ventrale offre une ligne médiane énfoncée. La tête, bien dis- tincte du reste du corpset inclinée en dessous, est arrondie , blanchâtre , et, à une forte loupe, on ÿ voit dessinés le chape- ron et les mandibules. Celles-ci ont une couleur brunâtre! ke bout opposé à la tête'est très obtus, comme Fnema sien et on y voit en dessous la trace d’un anus plissés. » #1 «
Mais combien de temps les larves de l’'Odynère de: la ronce restent-elles dans l’immobilité que je viens de décrire: avant de passer à l’état de nymphes ? Cette question varnous mettre à même de développer, relativement atx métamorphoses de ces Guébpiaires, des considérations qui paraisserit avoir se ppt aux entomologistes, même les plus modernes;
Réaumur, dans son instructif mémoire sur les Guèpss (lc. p- 191) avaitécrit, il y a près de cent ans, que les œufs de la Guëpe; qui a ses guépiers attachés aux arbnstes ( Polistes gal- lica Yatr.), éclosaient au bout d’une vingtaine de jours; que les larves se transformaient en nymphes neuf jours après qu’elles avaient cessé de prendre de la nourriture ; enfin qu'après un pareil nombre de jours , les nymphes se changeaient en insectes ailés. Les entomologistes qui nous ont tracé l'histoire des in- sectes se sont emparés de cette observation, l'ontgénéralisé, et en ont doté sans restriction la famille entiere: des Guépiaires. Cependant ce même Réaumur, en parlant de sa Guèpe solitaire, nous avait appris (1: c. p. 265) que la larve, aprèsane douzaine
L. DUFOUR. — Sur les Odynères. 97
dejours d'alimentation , avait acquis tout son degré d’accrois- sement et filait alors sa coque: Il avait dit d’une manière ‘posi- tiveique des larves qu’il avait enfermées dans des tubes au com- mencement de juin étaient encore dans ce même état à la fin de décembre: Ce fait, qui constituait en faveur des Odynères une exception remarquable:,'est demeuré inaperçu. Non-seulement je‘viens aujourd’hui le venger de cet oubli, mais le confirmer par:mon observation directe sur l'Odynère de Réaumur et sur umé.âutre espèce, ce qui lui donne une valeur bien plus élevée. »En’avriliet mêmequelquefois en maï, les coques de l'Odynère dela ronce renferment encore les larves engourdies. Or, j'ai déjà dit que; dès les premiers jours de juin, les nids étaient frai- chement approvisionnés: Je me suis assuré que les œuts depuis qu'ils ont été pondus sont fort prompts à éclore. Il était facile de le prévoir; puisque la mère destinait aux larves des chenilles vivantes pour leur nourriture. Ces larves font comme! cellés de lOdynère de Réaumur, leur croissance en dix ou douze jours'et s'engourdissent ensuite, Ainsi, cette vie immobile et jiassive se continue au moins: pendant dix à onze mois. Dès la fin d'avril on rencontre aussi des nymphes dans les coques, et ces nymphés se métamorphôsent.en insectes parfaits ; depuis lés derniérs jours de,mäi jusqu’à laymi-juin ; époque où, comme je l'ai déja dit, les:Odynères travaillent -à l’é énblirsoment de Jeur progéniture, [histoire des métamorphoses des insectes ne manque pas d'exemples, d'œufs qui passent plusieurs mois sans éclore, de larves qui vivent: des années entières, mais en prénant de la nourriture; de chrysalides qui ne se transforment en insectes ailés qu'après la révolution d’un an , mais je ne vois pas que l’on ait signalé cet état singulier d’une larve qui, sans aücun chan- gement dans sa forme ; est vouée à un jeûne austère, à une inac- tion absolue de pres d’une année, à une existence toute passive, une hibernation aussi prolongée. Les Odynères nous offrent cette particularité, et j'ai des rats ide croire qu'ils ñe sont pas les seuls hyménoptères dans ce cas. 'Amsi que! je l'ai déjà fait pressentir, c’est dans le courant d'a- vril ou de mai que la larve de notre Odynère dépouille sa peau
pour se métamorphoser en nÿmphe. Contre l’assertion de quel- XI, Zoo, — Février, 7
98 1, WUEOUR. — Sur les Odynéres.
ques nataralistés eten particulier de Ssvammerdam, je crois que les larves:de beaucoup d'Hyméuoptères n'éprouvent qu’aneseule mue, celle qui précède. immédiatement la, transformation en nÿmphe: L'Odynènre en fournit du:moins rn exemple.
«La nymphe, aussitôt après sa-naissance est l'image.immobile, la momie vivante, de l’insecte parfait, quant à son:volume:et an nombre de.ses parties constitutives. Cette: circonstance et-l'ab- -sence d’une enveloppe commune établissent, une énorme diffé:
rence entre cet état et celui d’une véritable chrysalide de Lépi- -doptère.Une dénomination particulière devrait lui être affectée, et j'adopte volontiers paur exprimer cette forme de l'insecte celle de 77 mjlhe ; déjà consacrée par Swammerdam. Pénétrée de sucs et d’un aspect fort tendre ; la: nymphe de “notre Odynère a ses pattes, ses antennes et ses moignons d'ailes en raquette ployées en faisceau sous le corps. Sa'couleur est pendant les premières semaines d’une couleur jaune foncée. au “corps, mais pâle et presque livide aux membres et aux-parties de la bouche. Les ongles des articles tarsiens, les onglescet: la double épine des tibias postérieurs qui dans l’insecte ailé doivent “être aigus, acérés et cornés, sont ici-obtus, presque crystallins ou comme œdémateux, Les organes buccaux loin d’être retirés sous la tête, sont au contraire, mis dans une:parfaite évidence, étendus, étalés-entre les insertions des pattes. Les yeux: grands, répiformes, mais peu saillans, prennent: dès le second'jouùr'de la métamorphose en nymphe, une teinte violacée: qui se rem- brunit de-plus en -plus. Swammerdam avait aussi: observé sur les abeilles que.les yeux se coloraient les premiers. ai pu:con- stater la date de ce-fait et.celle-des Suivans en plaçantentre deux verres de montre tne larve à même de.se dépouiller, et j'ai eu le soiu.de notér.jour.par jour les changemens qui: s’opéraient sous mes yeux pendant cette évolution. de noït Pendant vingt jours, depuis sa transformation: en nymphe, celle-ci. demeura tout-à-fait stationnaire et dans -uneimmobilité absolue. Ce dernier état se continua pendant tout.le! travail-de la coloration et de l’induration des 3 ppm jusque au /dé- ploiement des ailes. “oi Au vingt-et-unième jour, la tête, le corselet, ar rne et la
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L. DUFOUR. — Sur les Odynères. 99
x base. des cuisses prirent une teinte noirâtre.. Les antennes qui, dans la femelle surtout, doivent être d’un noir profond, étaient encore, ainsi que les parties de la bouche et les pattes, pâles, tendres, et d’un aspect succulent.
Au vingt-deuxième , le premier et le second article des anten- nes noircirent ; le noir des autres parties devint de plus en plus profond. | | |
Au, vingt- troisième, le ur ds antennes, les Ts “ les pattes avaient une teinte d'un jaune obscur ; lés rsañdibules et le chaperon prirent de la consistance. |
Au, vingt- quatrième, les antennes devinrent enfomésss |
Au vingt-cinquième , elles étaient, tout-à-fait noires ( lindividu en observation étant une femelle), mais demeuraient: collées contre le corps. Leurs articles se prononçaient davantage. La teinte jaune des pattes prit de l'intensité , les organes mandu- catoires commençaient à se retirer sur eux-mêmes en perdant leur texture succulente. Les ailes conservaient encore leur statu quoide moignons.
..Au vingt-sixième, on voyait déjà se dessiner comme avec un pinceau, les traits coloriés qui caractérisent l'adulte, tels que la ligne semi-lunaire du chaperon , les points inter-antennaires et huméraux, les bandes du prothorax et de l'abdomen, mais la couleur était encore d'nn blanc à peine flavescent.
Au vingt-sceptième, les sillons, les reliefs des siandibuiud se seulptérent , les pattes ayant perdu leur humeur surabondante, acquirent un jaune vif, et les articulations des tarses se détachè- rent nettement, Les parties de la bouche se retirèrent tout-:à fait sous la tête, On n’apercevait toutefois encore que des mou- vemens presque insensibles. 7
Au vingt-huitième , les tégumensprirent une aide consis- tance ; le fin pointillé;s'y grava, et une légère saupoudrure gri- sâtre précédade peu d'heures le développement du rare duvet que la loupe constate à la tête et au corselet dans âge adulte.
Au vingt-neuvième et au trentième, les progrés.de l’évolution furent rapides, l'économie reçut de tous cotés L'éveil, la vie,en- tra en exercice, Les articulations se mirent successivement en jeu. Les ailes s'ébranlerent, s'étendirent; l'Odynère les repassait,
,
100 . burôur. — Sur les Odynères.
les lissait avec ses pattes, il se brossait tout le corps, il se frottait lé visage avec les tarses antérieurs, il essayait les mouvemens
partiels et généraux , il pouvait jouir de tontes Îles CPE
de la vie.
Quel spectacle enchanteur que “ééhii dont més yeux ont été témoins à l’occasion de la mystérieuse métamorphose de Cet in - secte ! Quel noble motif d'enthousiasme pour la science! Un ver moi ; presque informe, immobile depuis près d’un an, et dans un état: de ‘torpeur qui simule la mort, est tount-à-:coupl - éveillé par le stimulus d’une nouvelle existence’; il sé rémue, il
s'agite et Offre à l'œil étonné un travestissement qui tient du Hbige: Son'‘dos'se fend, s'ouvre, et après quelques mouveriéns successifs on voit poindre une tête, un corselet, des pattes, un
abdomeñ constittant un être qui ne ressémble en rien à celui qui lui‘ donne le'jour: Il se débarrasse de ses langes ; de’'son do-
mino tout chiffonné: On croirait, en considérant cetté structure
si bien faite pour Pagilité, que l’insecte va se dérouler et préndré l'essor. Telle n’est pas encore sa destinée, il est voué pendant
plusieurs semaînes à'une vie d'immobilité absolue’, à une singu- lière espèce d’incubation. Mais la saison avance, l'heure a Sonné, l'insecte émmaillotté se sent: pressé par Paiguillon du réveil, les téoumens prennent de là consistance et se parent de leurs’ vê’ temens de noces , les anténines se redréssent , les'articulations s'assouplissént, les aîles se déploient , l'Odynère ronge, enfonce la porte de son cachot cimenté et s'envole. I cherche , trouve le sexe différent'du sien, il satisfait au vœu de la nature!, il bâtit
le béreeau de sa postérité, il pourvoit à sa subsistance et meurt
bientôt après! Tel est le cercle éternel de sa vie passagère. Payons un juste tribut d’admiration à cette sagesse infinie qui a su régler les destinées de tant d’êtres inaperçcus pour les faire concourir à dés“harinonies de l’ordre ‘lé’ plus élevé ! Humilions-nous devant lès iManœuvres intelligentes et presque calculées de ce’ ES in- sécté qui sait tâht sans avoir rien appris. Qu'on n’imagine point ss le contact de l'air, l'influence de la laière soient, ainsi qu’on l’a dit, des conditions indispensa- bles 'ou essentielles pour la coloration de linsecte ! Pure hypo- thèsé, erreur matérielle, C’est dans le fond d’une retraite hermé-
L. DUFOUR. — Sur les Odynères. 1or
tiquement close et investie d'une double paroi opaque ;: c'est
dans l'obscurité la plus absolue que se prépare dans le silence et par des combinaisons mystérieuses de chimie organique, ce jaune vif qui vient se placer avec une étonnante symétrie sûr le noir le plus profond, c'est d’une prison, aussi ténébreuse que la Chrysalide sort brillante d’or et étincelante de cuivre. Leswayons du soleil n’ont pas du tout allumé les feux de ce coloris inimi- table, 9 Et comment concevez-vous que dans une. file de init coques de ciment, placées bout à bout, et étroitement enclavées dans un étui de bois, la plus inférieure , qui a été incontestablement- construite la premiére, qui renferme, par conséquent, le pre- mier-né des œufs, et qui d’après les lois ordinaires devraitmettre au jour le premier insecte ailé; comment concevez-vous; dis-je, que la larve de cette première coque ait reçu m'ssion d'abdi uer sa mor SÉFRUre et de n’accomplir sa métamorphose cb ble qu'après tous $es puinés ? Quelles sont les conditions mises en . œuvre pour amener un résultat si contraire en apparence aux lois de la nature? Abaissez votre orgueil devant le fait, et; con: fessez votre ignorance plutôt que de vouloir sauver votre em- barras par. de vaines explications! Voyez comme tout estcalculé, réfléchi, dans le but conservateur des espèces, et osez vols re: fuser à croire au rôle important de celle-ci dans par ci universelle ! 1bO + ab ti 4 T Mais si. le premier œuf Care par liblustrienee mère ,/e0t dûêtre, le premier. né des Odynéres ; il aurait fallu.que celui-ex, | pour voir la lumière aussitôt après! avoir.acquis des ailes, eût eu Ja faculté /ou,de faire une brèche; praticable aux flaneside-la double, paroi de sa prison , eu, de perforer,de bout à fond:les sépt goques, qui le précédaient pour, sortir: par: la-troncature: de :Ja tige de la ronce. Or, la nature en lui refusant les moyens d'une évasion! Jatérale n'a pas pu permettre non plus-une violente Wronée directe qui.eût amené inévitablementile sacrifice deisept membres d'une! méme famille an salut d'un: fils unique. Aussi ingénieuse dans ses, plans que féconde dans ses ressources, elle a, dû prévoir et. prévenir toutes les difficultés ;'elle a vouiu que le dernier berceau construit donvât le premier-né, que cœui-ct
102 “Li DUFOUR: —\Wwr les Odyhères.
frayât la route au second de ses frères, le second au troisième , et ainsi de suite: Cest effectivement dans ‘cet see succëssif qu'a lieu la naissance de nos Odynères de la once.’ L, Pour éviter le reproche si souvent adressé à Réaumur, je 'ter- minerai ce mémoire par la description entomologique de Pin- secte dont j'ai ane l'industrie et les DÉS REREES dus ion Mt Nob. Odynére de la ronce. ( Première'‘di- vision de M. Wesmael , textuellement PPT plus Haut. }
Ater, prothoracis fascia, puncto humerali, tegulis , punctis duobus scutellar- bas , abdominis fasciis linearibus 5-feminæ , FU , Veniris-2, tibiis tarsis femorumque apice flavis; alis apice fumosis; maris dybeo toto, mandibularum basi , antennarum orticulo primo sabtus , duobusque penultimis, flavis ; femori- rss intermediis inermibus; femmæ antennis pénitus nigris PE UE clypei arcu flavo. ) 18}
loup Hab. in Gallia meridionali occidentali , in rubi fruticosi ramis e mortuis, nidu- Hans.
Chaperon fortement échancré én demi-cercle avec les'angles très’ aïgus, tout jaune dans le mâle, avec un croïssant jaune, parfois interrompu dans li fémelle ; deux petits points de cette dernière couleur, souvent contigus entre les antennes ‘ét dn'au- tre , derrière chagne œil ; les denis, quelquefois les trois "test qui précèdent le bout de Fanttbrisié roulée du mâle , jatinés
J'ai fait de vains efforts pour rapporter cet Odynélée à quél- qu’une des espèces décrites par les auteurs. On le prendrait au premier coup-d’œil pour lOd. spinipes qui appartient à Id'même division, mais Pabsence de dentelures anx cuissés intermédiaïi- res du mâle, et le chaperon qui dans le spinipes femelle est'tout- à-fait noir et non bidenté, l'en distinguent surabondammént. J'avais pensé que ce pourrait être la Rene sexfasciata , Fabr. (Syst. piez.;p. 263), espèce d'Italie qui n’a peut-être pas été éôn- nue des entomologistes depuis Fabricius qui la fonda. Mais quoique celui-ci incline à croire qu’elle pourrait 'n’étre qu'un des sexes du spinipes , et que M. Spinola ne balance pas à l'ad- mettre comme sa femelle, je ne saurais partager cette opinion. D'abord, la femelle du spinipes , que j'ai sous les yeux, diffère de celle du rubicola par les traits importans que jé viens d’é-
LSDUFOUR: — Sur les Odynères. 103
noncer, et puis elle n’a comme celle-ci que cinq bandes à l'ab- domen , tandis que les mâles de ces deux espèces en ont six. Ce. dernier caractère ainsi que la couleur jaune du dessous des an- tennes et du “‘chapéron, sont pour moi des indices à- peu- près certains « que là 27 sexfasciala Fab. appartient au sexe masculin.
Celle-ci ne saurait donc, surtout à cause de l'absence des trois dents fémorales être rapportée à l'Od. spinipes.
La description que Fabricius donne’de la 7. sexfasciata dans son Æntomologia systematica s'adapte, sauf pour la couleur des antennes , au mâle de la nôtre. Les expressions, de .antennæ supra nigræ sublus flavæ, indiquent, pour, ceux. qui. savent apprécier l'esprit et le mode descriptif de cet auteur, que,ces deux couleurs devaient former.à ses yeux un trait saillant,, tel qu'il ,s'obserye, en effet, aux antennes de plusieurs mâles des Odynères, notamment du spnipes, de l'albo-fasciatus, Lepel, du Reaumurii, qui sont tous rangés dans la même division avec de rubicola. Or, les antennes du mâle de celui-ci, n'ont qu'un trait linéaire, jaune, au-dessous du premier article de l'antenne, le reste de celle-ci. est d’unbeau noir, à l’exception des deux, Ppé- nultièmes, qui sont jaunätres. Je persiste: donc à penser que; Ja F sexfasciata Fabr. -est.une espèce distincte et de l’'Od. spinipes et de l'Od. rubicola. M. Spinola , qui habite la patrie de Peéspèce litigieuse!, pourrait dissiper nos incertitudes sur ce point.
247
EXPLICATION DES FIGURES.
lens: 20h 5919RÈANCRE) 1
sais 8 ge de:ronce sèche; ouverte longitudinalement- paur mettre en :évidence:la idispo- svp des nids de l' Odynerus, rubicola. EN Fig. 2. Un nid ou coque, vu isolément et grossi. Une moitié de son rebord supérieur ee ite, pour laisser voir l'autte mbitié'etle create où diaphragme. —24, Mesure dé: sa mis ere TOLLU RE 41} | >) D tq 1h10} e vŒig. 3, Larve grossie de çet Odynère, parvenue à son, derhjier développemerit, à,son état Cr el vue par ;sa région venirale ou inférie ieure, —- à, a. Mesure de sa longueur
LE 3 :
Fig. 4. Nymphe grossie de éet Olynère, vué’ de ‘côté: ou ‘en/troïs quarts, pour mbltre en évidence les divers membres ployés en faisceau sous le corps etlun peu: séparés ici pour l'intel- ligence de la figure, — 4 a. Mesure de sa longueur naturelle,
Les figures 5, 6 et 7 sout relatives à la lettre adressée à M. Léon Dufour, par M. Audouin (voy . pi 104). Routes. les autres figures appartiennent à un Mémoire! de:M; Dufour { éur le genre céroplatus et qui paraîtra ci-après.
—— —
104 V. AUDOUIN. — Sur les Odynères.
(INITFIOIS)
DEUXIÈME LETTRE pour servir de matériaux à l'histoire des in: sectes ; contenant des observations sur les mœurs des .Ody- nères ; adressée a M. Léon Durour,
. lsioetèt etuob Par M. V. Auboux. oitorwesb gl
}
C’est avec plaisir, mon chér l'ami, que'je saisis l'Ucéasion” dé continuër, par la voie des Annales, nos entretiens entomolo- giques (1). Elle m'est offerte par la remise qu’on vient dé me faire d’un Mémoire sur les métamorphoses des Odynères ; qué vous avez âdressé à l'Académie dés sciences. J'aurais voulu pou- voir lui donner connaissance dans un rapport convenablement étendu de tout ce qu’il renferme de curieux ; mais le temps me manque pour le rédiger, et comme je‘sais que vous desirez que votre travail paraïsse promptément’ dans nos Annales, je prends le parti de l'y insérer, en me bornant à vous entretenir de quél- ques faits relatifs à l’histoire des Odynères,; qui se sont présentés à mon observation ; et que j'extrairai de mont journal. Quelques- ups de ces faits datérit du printemps de 18349904 OF 9h 49
Habitant , à cette époque, une campagne à Choisy-le-Roi, au sud-est de PAHES j'ai eu l’occasion d'étudier les mœurs d’un grand nombre d'Hyménoptères , qui savent creuser dans la terre des nids et qui choisissent de préférence des escarpemens plus ou moins sablonneux ou argileux, convenablement exposés au soleil. Il existe un escarpement de ce gérire à ‘l'extrémité’ d'une avenue, qui va de la route de Paris au village de Thiais. C'est là, et tout près de ce village, que j'ai rencontré; par:cen- taines, des nids d’Odÿnères, construits, sans aucun doute, par l'espèce que Réaumur à fait connaître dans le tome vi je Mémoires, pag. 251-266, pl. 26, fig. 1-10. |
Or, cette espèce de nos environs ApPpAenr évidemment à
(r) Voir la première lettre de M: Audouin à M; Léon Dufour sur quelques Arachnides parasites (Ann, des Sc, natur. 17° série, t, 25 , p. 401). ;
V. AUDOUIN. — Sur les Odynères. 105
l'Odynerus spinipes des auteurs, et en particulier de M. Wes- mael,. qui a déterminé mes individus sous ce nom. (1) L’analogie dans les habitudes, jointe à l'insuffisance des des- criptions et des figures de Réanmur, vous ont porté à croire-que l’une de vos espèces était identique avec celle, des.environs de Paris. Il n’en est rien cependant, je viens de m'en assurer; en comparant avec.elle deux individus, originaires de Saint-Sever, que vous m'avez remis.en 1834, et que vous désigniez'alons, sous le. nom d'Od. reniformis: MM. Brullé et Saint-Fargeau , que. j'ai consulté, parce qu’ils se sont, beaucoup. occupé, de cette, ;fa- mille, pensent que, cet Odynère est nouveau, M. de Saint-Far- geau vous l'avait même dédié tout, récemment: ;mais, il consent à, le débaptiser. Nous. adopterons donc comme, nouveau votre Od., Reaumurii, en notant que, cette dénomination: n'éta-
(1) Comme vous n'avez eu connaissance des caractères assignés par M. Wesmael à l’ 'Odyne- rus spinipes des auteurs que par le court extrait qui a paru dans les Anvales des Sciences natu- relles , je transcris ici la phrase descriptive et le développement des caractères que M. Wes- mael a publiés dans son mémoire original. Vous saisirez alors facilemient les traits qui distinguent celte espèce de la vôlre.
!
O. sPrnires © Q®.
Niger, punctätus, fusco-villosulus ; segmentorum abdominis , ultimo excepto marginibus , pedibusque flavis ; coxis, trochanteribus , femorum r maximä parle, tibiarumque macula postica; nigris, (Mas : antennis sublus , clypeo, coxarum médiarum macula anticà, tarsisque ‘omnibus Davis ; Femoribus intérmediis tridéntats) (Femina: tarsis pésterioribus fuscis). ape
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.O..spinipes Spin. Ins. leg. Fasc. 1.89. ,.:1. ir Jos ob 6b Minnie tt Q 5) 110 ‘12m 1
« “w0, spinipés Spin, Ins: lég. Fasc. 1. 89 (exclus. Lin } qu ho sffsuel %1
"105 murarius Lat, Hist.gen.' 13, 347< l.29qleq aol $ als
ml Fespa quinque fasciara Fab. Eüt. Syst. 2 .267. 49, Syst: Piez, :262, 48 "Le mâle a les palpes jaunés; les mandibules sont jaunes avéé la Pase et l'extiémité noires, Le
labre üst jaune. Le chaperon est fortement échancré , et il est ponctué ; il ‘est’ jauñé ‘excepté Verslla base qui est bordée dé nüir. 11 ÿ a'uné petite fache jauüe entre la base des antennes , utie très petite ligne jaune de chaqüé côté contre lés yeux, 'ét'uné PEU tache oetipitalé de thème coûleur derrière chaque œil. Le dessous des antennés ést jaune | excepté les 5 derniers drücles , qui sont tout noirs. Le septième et le huitième’ ‘ont aussi ‘en dessous une tache noire plus où moins étendue, Elles sont au moins aussi longues que la tête et le corselet réunis! tandis que celles de VOdynerus reniformis atteignent tout au plus l'éeusson et sont plus épaisses. Le prothorax est bordé de jaune ; l’écaille des ailes est jaunâtre avec la base noire et une tathe noirätre au milieu, Tout le reste du corselet est noir, L'abdomen a , à partir du prenfier an-
106 v. aUDoUIN. — Sur les Odynères. blitnullement l'identité entre l'espèce de Saint-Sever et celle de Paris qui, jé vous le répète, est très éertairièment l'Odynerus pepe. -Cét hüinmage , rendu: à la mémoire du’grand 6bserva- teur, n’en’ constatera pas moins la ressémblanée qui existe'éntre elles dans lear manière’ de vivre; et de construire leur°nid!1
: L'étude attentive que j'ai faité des mœurs dé V'Odynerus spi- nipes',; observée” bar Réaumur , m'à convainu dé Pexactitude de cet‘ habile naturaliste. Vous -savez !'ainsi que moi, cornbien elle était scrupuleuse: Je ne'vous parlerai donc pas des ébser- vations qui corroborent simplement lés siennes, ét je me‘bor- tierai à mentionner cellés qui leur ajoutéront quelque’ chose:
* Et d’abord, bien qu’il soit vrai que les femelles ne déposent jamäis qu'un œuf dans chädie tube, ce qui n’a pas lieu éépendanit pour les Odytières qui creusent les tiges de diverses plantes, il
neau, 6 bandes jaunes marginales, étroites, er les 3 ou 4 dernières sont abrégées sur les côtés. La deuxième se prolonge sous le. entre, L’extrémité de l’avant-dernier segment ventral est légèrement échancrée, et, sous cetle échancrure, on observe une pelite dépression, à à la base du dernier segment. Les trochanters et les hanches sont noires, excepté celles du milieu, qui ont une tache ;j jaune par devant. Les cuisses sont noires avec l'extrémité ; jauve, pk qui, s'étend jusque vers le milieu, sur le devant des quatre premières cuisses. Le dessous, des cuisses du milieu offre deux é écrancrures profondes qui forment 3 dents irrégulières. Les jambes sont jaunes avec plus ou moins de noir, par derrière. Les quatre jambes postérieures sont quelquefois entièrement jaunes, Les tarses sont de la même couleur et ont vers l'extrémité À une teinte un peu plus fauve. Les ailes sont légèrement obscures, avec une bordure plus foncée à l'extrémité. L'espace occupé par les cellules brachiales a une teinte jaunâtre. La tête, le cor- selet et le premier segment de l'abdomen sont couverts de longs poils noirs très élairsétés"; le reste de l'abdomen, en dessus et en dessous, n’a qu'un duvet noirätré! extrèmement eburt. L’extrémité du dernier segment ventral est bordée par üne brosse de-poils raides très serrés, de couleur obscure.
La femelle diffère du mâle, d'abord en-ce que ses cuisses du’ milieu sont simpless de plus , elle a les palpes, les mandibules, le labre, le chaperon-et les‘antennes'noirsi; le premier afticle a souvent un petit point jauné) à la base et un autre à l'extrémité; quelquefois les articles intermédiaires ont en dessous une nuance ferrugineuse, Il y a etre les antennes une, pelite digne jaune interrompue, Celle qui, se trouve à peu de distance au, bord interne de chaque œil,
est plus étendue que chez le mâle. Les, tarses des quatre dernières paltes sont en grande partie
noirs oumoirâtres; il, en. est souvent de mème de l'extrémité de ceux de devant, Quelquefois, cependant , les tarses ne,sont pas plus foncés que ceux des mâles. Les hanches du milieu sont toutes noires, Le pénultième segment. ventral: n’est pas échancré à son extrémité. Enfin, les jambes, du milieu ne présentent aucune difformité, tandis.que chez le mâle elles sont brusque ment amincies, vers, la base et dilatées à partir du milieu du côté interne; pourle reste, la femelle ressemble au mâle,
L’O,,spinipes est longue de,4 à.5 lignes, Elle est commune en Belgique.
V3 AUDOUIN. — "Sur les 1Odynères. 107
warrive pas toujours!, comme semblait le croire: Réaumur, que chaque ouverture extérieurene corresponde qu’à; un seul! tube. Jlaiconstaté qu'un trou servait souvent dorifice à deux'et même atrois tubes. J'en’ trace ici des figuresqui me ‘feront mieux com- danser Or; on”concoit l'avantage que l'O: spiripes tiré de vétte disposition; il'y'a évidemment économie! de témps ét de: peine pour lui plorsque après avoir :achèvéi l'approvisibariemen® de plüsicurs larvesldansiles nids, il s'agit de clore ne seule entrée. Tétaisais mes observations à la fin de mai les œufs étaient alors généralement, pondus; æt! les“ ‘provisions apportées près d’eûx quélquefois! même |ehtamées, Elles cotisistaient en de petites läbves verrés, apodes, très légèrement poilues , que je jugeai ap- pärtemir à quelque coléoptère! Mais dans |quel lieu'les Odynères aällaient-ils les chercher ?'Il né pouvait être très éloigné, car lin- tervalle qui s’'écoulait entre lé départ et le fétour' d’un individu était souvent x'peine d’ane minute. D'abord , je rémarquai que les insectes, en quittant leur demeure, semblaient se! diriger du côté d’un champ de luzerne qu se trouvait environ à!vingt’pas à l'est del l'escarpement ; je m’ÿ rendis aussitôt, ‘et exslérhit avec soin , je mapérçus qu'il était-dévoré par des milliers’ de petites larves] vertes, qui me semblèrent avoir beaucoup'dé rap- port avec celles que j'avais trouvées réunies nouvellement dans les nids; maïs bientôt un Odyÿnère sortit de dessous’une feuille, emportant, entre ses mandibules, une de-ces larves.’ Je ne pe donc/conserver aueun doute sur leur identité. LELT M Ces petites: larves|vértes avaiént acquis tout leur développe- menteet étaient surile point de se métamorphoser. Yen ‘eus'la preuve, lorsqu'en layant placé quelques-imes sur de’la terre humide avéc dela nourriture qui leur convenait, elles la dé- daignèrent généralement et se construisirent chacune; du jour au lendemain, an cocon sphérique à maïlles assez lâches ; pour qu'on vit leur corps À travers, et formé d’un tissu composé de filamens . raides; comme .-empesés et élastiques! Vingt-quatre heures après, des-larves avaient ‘pris la forme dé nymphes de couleur verte, qui, elles-mêmes au bout de huit'jours, se mé- tamorphôsérent en de petits Curculionites (Phytonomus väria- bilis Seuoxnu, Fhyt. murinus Der.), dont je traiterai dans une
108 V. AUDOUIN. — Sur les Odynères.
autre occasion, en parlant des insectes nuisibles à la luzerne.
IL m'avait para d'autant nlus curieux d'obtenir l’insecte par- fait, provenant de ces petites larves vertes, que Réaumur avait assayé, mais toujours en vain, d'arriver à ce: résultat. À quoi était due cette non-réussite? Évidemment à. ce;.qu'il avait pris dans les nids des Odynères les larves qu'il desirait voirise méta- morphoser. En effet, je ne fus pas plus heureux que lui,lorsque je répétai l'expérience à sa manière, sur plus/de.cent individäs, tandis. qu’en prenant directement sur. la luzerneun très petit nombre de larves de Charançon , elles subirent presqué: toutes leur transformation en moins de vingt-quatre, heures. Sans doute , les larves vertes, retirées du nid.des Odynères parkRéau- mur et par moi, quoiqu'elles parussent saines, avaient éprouvé, de la part de l'Odynère femelle, quelque blessure, suivie peut- être de l’inoculation d’une, substance, ayantila,propriété!de-les plonger dans uu état léthargique et capable d'arrêter, leur déve- loppement ultérieur, comme aussi de prolonger;leur.état de larve, sans qu’elles aient besoin de prendre de la nourriture,La faiblesse de la larve de l’Odynère, à la sortie de. l'œuf ,rendait ces précautions essentielles, autrement son existence eût pu être compromise en face.de larves du Charançon,, qui, beaucoup plus grosses qu’elle, armées de fortes mandibules, et douées.de mouvemens de contraction très FEEUPREESS eussent:résisté:faci- lement à ses atidques. in 29 Bert duo sito
Comme vous, j'ai assisté à: la frinisése DE coque: Sad soyeuse de:la larve: de l'Odynère; j'ai, vu quelle ne:tapissait les parois de sa a loge d'un enduit nb À Apaès avoir: consommé, les nésidiés de ions ses repas, de. manière que (cette Joss était toujours nette intérieurement, au moment;de;la métamerphose en .nymphe. Comme: vous aussi, je me suis assuré que l'Odynère passait la plus grande partie de sa vie à l'état de larve. Eneflet, l'une d’elle ; ayant;achevé ;son cocon, le, 26qjuin. 1834 , étaitrent core $ous,celte true plus de dix mois après;le 201mai-1835; élle ne se transforma en nmymphe que-le!21,.et .n'y-vesta'que quatorze jours, c’est-à-dire que le 4 juin 1835°elle-était: changée en insecte, parfait. | AN y HATOH
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V. AUDOUIN. — Sur les Odynères. 109
"Une autre particularité que je vous'signalerai , et qui a trait à d'organisation, c'est que les larves d’Odynères sont pourvues d'une paire de stigmates aü deuxième et au troisième anneau dé leur corps, tandis que les ouvertures respiratoires manquent toujours à ces deux anneaux chez les larves des Coléoptères, les Chenilles , etc: Quelques anatomistes, qui considèrent les ailes des’ insectes parfaits insérés sur le deuxième et'le troisième an- neau, comme des trachées renversées ou sorties en quelque sorte-du corps ;'avaient appuyé, je ne sais trop pourquoi; cette hypothèse sur /la constante absence de stigmates à ces mêmes anneaux chez les larves.Ce nouveau fait contrariera, sans doute, leur théorie ; d'autant plus que plusieurs larves d’hyménoptères sont dans le. éas des Odynères ; jé vous citerai entre autres celles des Polistes, P. gallicus, qui n’ont que trois paires de stigmates apparèns ,'situés aux ER ‘troisième etquatrième Segmens déleur corps! u |
S'yavais plus de temps, je me laïsserai allér au plaisir de vous énitrétenir , AVéC détails, dé cértäins petits hÿménoptères ‘para- sites, que ‘j'ai eu occasion d'observer et qui habitent les loges dé’ l'Odynerus spinipés, sans doûte en parasites ; ils appäre tiéhnent à Ka tribu dès Chalcidites et devront former un nou- ve! du génre, rémarquable surtout ‘par une particularité d’orga- RATER ‘phe $ insolite, 14 femelle étant aïlée et le mâle aptère où presque" aptére, ‘car'il né possède que dés rudimens d'ailes , des esf ècés de moignôns mémbränéux } sans nervures, élargis én pälettés, incapables de sérvir au vol, mais suscéptibles de vibrer. C'est dans T aëté def accouplement qu ‘il les met en jeu; rien n’est alors plus bizarre, plus curieux à voir que leurs mouvemens.
_ Je ne vous Babes pas non plus dés-habitudes d'unè autre cp èce d'Odynère (O4. reniformis de M:'WesnarL) qui habite
nées localités que l'OZ. spiripes.Ta cheminée qu'elle con- db en déliürs dh'trou W'éitrée , n’est plus réticulairé, et li têrre qui la compose est tellement fine et friable, qu! 'onne peut la toucher’ sais la réduire én poudre.
Mais je ne Sauraïs vous laisser ignorer les observations que j'ai faites sur une troisième espèce d'Odynèére, qui se rappro- che singulièrement, par ses habitudes, de votre Odynerus ru-
110 V: AUDOUIN. — Sur les Odynères.
bicola: C'est en 1835, dans le jardin de ;mon habitation de Sèvres; que je l'ai. remarquée pour la! première, fois,et voici dans quelle circonstance: Depuis. plusiéurs. années ;; j'emploie «avec succès des branches de sureau de longueur etide diamètre va: riés , que je fiche en terre dans.un-lieu convenablement.exposé: au soleil. Je me procure ainsitun,grand nombre d’hyménoptères qui. viennent creuser Ja moelle des branches pour y.établir leurs nids 115 20) 1 FA 2594145641 29h srank : BON J'étais occupé, le NT juin 1835, à en ‘étudier, quelques-uns, lorsque je-fus distrait de mon nat this par Ja présence d’un Odynère qui me sembla assez différent de ceux que, je con- naissais. Il se mit bientôt à creuser le canal médullaire! d’un de!mes piquets; je jugeai qu'il allait s’y loger, et,.comme je n'avais encore vu ces insectes en agir ainsi que dans le sol, je restai attentif à ce qui allait se passer. Le travail avança si-rapi; dement, qu’au bout d’une demi-heure l’ouvrière'était.entière- ment cachée dans la cavité cylindroïde qu'elle avait pratiquée. Le travail de creusement se continua, le lendemain. Les jours suivans, l'insecte apporta, dans, ce nid , des matériaux particu- liers FE construction, dont je ne m a pas d'abord par- faitement l'usage; ils me semblèrent être une sorte de mortier terreux, puis de temps en temps, je le voyais arriver chargé des provisions pour ses petits, Obligé de m’absenter pendant quel- ques semaines, je ue retrouvai plus, à mon retour, mon in- secte, mais Je. m'assurai que la tige de sureau renfermait des nids: j'en remis l’examen à une époque plus éloignée, afin de ne pas. compromettre la réussite de l'expérience, La br anche ne fut fendue que le 5 juin 1836; je fus alors très. surpris de voir que le mortier que l'Odynère avait appor té, lui, avait servi à construire, dans la cavité de la moelle, des loges au nombre de sept, à parois grises, assez consistantes et à grains fins. Chaque loge était séparée de celle qui la suivait par une couche ou un disque composé du détritus de la moelle de sureau, lequel disque semblait former le couvercle de chaque loge, ainsi que vous le verrez dans mon dessin (1). Je n’ai pas remarqué qu'il existât
(1) Voyez cedessin, PI, 5 ; fig: 5.
V. AUDOUIN. — Sur les Odynères. II
entre, les loges l'intervalle que montre, votre échantillon; mais c'est},là un, cas accidentel qu'il.serait. facile, d'expliquer. Vos observations. et les, miennes. offrent, done. une similitude. telle, que je me:crois dispensé d’entrer)dans ut détails qui ne feraient que répéter! cerque.vous présentez. à nos lecteurs d’une.manière siintéressante. Je me borneraï seulement à vous, signaler, une particularité de mes,insectes, qui vient confirmer cette merveil- leuse prévoyance dont font, preuve vos femelles d'Odynère dela roncé; lersqu’elles-choisissent.des tiges dont le, bout estinclinéou horizontal, Elles agissent ainsi, dites-vous ; pour que. la pluie ne pénètre. pas daus leur: galerie. J'admets.avec. vous,cette explica- tion;.cependant mes tiges de sureau, enfoncées perpendiculai- remerit, en, terre, avaient, toutes. le, canal médullaire tourné vers-lé ciel. Cette direction devait leur paraître défavorable. et cependanteile ne les empêcha pas d'en faire choix pour y placer leurs nids..Mais si vous jetez les yeux sur mon dessin, vous ver- rez. pen quels ingénieux moyen linsacte) a,su, parer h la Br tréraité … biseau a (PL. É ke 4 ven d’ le cr eusée caen À “fe la galerie change bientôt,de direction et forme un coude byquiaévidemment pour but. de mettre la tige dans la condition de vos branches inclinées, çest-à-dire d' empêcher que la pluie , qui viendrait à tomber en ame coule dir ectement sur, la premiére loge. Au, reste, celle-ci est située assez loin de l'ouverture ex térieure. ap ph Vous me RS bre maintenant à “quelle espèce appartient cet Odynère? Je l'avais considéré comme nouveau , et, actuelle ment que je le compare à votre description de. l'Odyne TUS) CO- gnalus ; je crois pouvoir l'y rapporter le doute sera leyé par l'envoi que sous, voudrez bien me faire, pour la collection. du Muséum; de vos espèces. datés UE dai..encore observé les mœurs d’ un autre Odynére dont je.ne connais. que, le: mâle: c'est, Je, crois, l'Od. parietum; il établit aussi son nid dans le canal médullaire des branches de sureau, se contentant de garnir d'un mortier terreux le fond et le bay d'A de ses loges. Il n'existe donc pas de parois latérales propres; c'est la moelle qui les constitue ; seulement elles sont
112 V. AUDOUIN. — Sur les Odynères.
tapissées d’uné membrane pellucide. Est-ce la larve seule qui la sécrète , où la femelle travaille-t-elle à enduire ces FRE d'une matière qui les réndrait plus solides ? C’est ce que j'ignore en core. Toujours est-il que cet Odynère, comme s’il savait que ses larves ont besoin d’être mieux abritées, a soin de clore très exactement, avec du mortier, l'extrémité de la branche de su- reau, de manière à en cacher l'onverture, au lieu que l'Odynère, dont je figure le nid, a laissé libré l'entrée de sa galerie:
Les larves que cet Odynère apporte auprès de ses œufs ont une couleur verte pâle. Ce sont de vraies Chenilles , longues de 5 à 6 millimètres, appartenant à un papillon, peut-être à une Tinéite. En ayant extrait du nid quelques-unes et les ayant placées dans des circonstances convenables; je n'ai pu’ obtenir leur métamorphose; elles se contractaient, lorsque! je les'in- quiétaient, mais là se bornaient leurs mounvemens, ‘aucune n’était capable de jouir de la liberté que je lui rendais. Évidèm: ment, comme jé vous l'ai déjà dit , cêtte sorte de paralÿsie avait été produite par quelque opération que leur avait fait subir l'O: dynère femelle; maïs je n'aurais jamais cru que cet état'd’éri gourdissément pouvait se maintenir près d’une année! si l'es: péce dont je vous parle né m'en avait donné la preuve. En effet, plusieurs de ces petites chenilles vertes, quiavaient été déposées dans la tige dusureau,en août 1835, et: quisans doute étatentsura- bondantes pour là nourriture de la larvede l'Odynère, furent trou- vées encore vivantes et avec leur couleur naturelle le 4 juin 1836. Aisi non:seulément les larves d'Odynères peuvent, après'avoir consommé leur provision , réster privés de nourriture , sans en soüffrir durant plusieurs mois et jusqu’à leur métamorphose en nyÿmphe , mais ün jeüne tout aussi rigoureux peut être sup- porté par les Chenilles qui doivent leur servir de pâture.
Je suis comme vous dans l'admiration devant des faits de ee genre, qu’on est loin de pouvoir expliquer par les lois connues de la physiologie ; bornons-nous, pour le moment, à les con: stater, en pe ressortir l'intérêt qu'ils ont pour la scieñce.
Ed diet hé LE
BLAINVILLE. — Sur les Édentés. 113
EXPLICATION DE LA PLANCHE D. CT :
Æig.-3 (2). Coupe longitudinale d’un nid de l’Odynerus spinipes; montrant deux embranche- mens, /b; dans chacun. desquels était déposé un œuf avec ses provisions. Ces embranchemens aboutissent à une seule ouverture extérieure a ; la femelle , adapte, à, cette ouverture, un bouchon terreux qui la clôt hermétiquement.
Fig. 6. Autre nid d'un Odynère de la même espèce, divisé en trois embranchemens : a ouverture extérieure, fermée par un opercule terreux ; bb fond des embranchemens.
Fig. Y. Branche de sureau , coupée longitudinalement pour montrer là galerie pratiquée dans l'épaisseur de la moelle par un Odynère des environs de Paris, qui a des mœurs analogues à cellesdel'Odynère de la ronce de M. Dufour. — 4. Entrée de la galerie , d’abord verticale, — b.Somcoude.—c,e, ec; c, c, ce, e, Disques en forme de rondelles faits de détritus de moelle desureau, — Nos 1-7. Loges construites en mortier terreux. L’une de ces loges a été ouverte pour montrer son intérieur.
Les figures 8 et suivantes appartiennent à un Mémoire de M, Dufour, sur le genre Ceroplatus.
RecHERCHES sur l’anciennelé des Édentés terrestres à la surface de la terre,
(Lues à l'Academie des Sciences le 14 et le 21 janvier 1839.)
Par M. De Branvizze. (Extrait.)
Dans ce Mémoire, M. de Blainville s’occupe du sous-ordre des Édentés ter- restres, en suivant la marche qu’il a adoptée pour les Singes , les Chauve-Souris et les Carnassiers insectivores, dans les mémoires précédemment lus à l'Acadé- mie(2); c’est-à-dire qu'après avoir fait l’histoire de la partie de la zoologie qui les regarde, il traite successivement des principes de leur classification, de leur dis- tribntion géographique actuelle, et, entin, des traces indirectes ou directes qu'ils ont laissées à la surface de la terre.
Sous le premier point de vue, un seul des Édentés terrestres ayant à peine été mentionné par Élien, sans doute d'après un historien de l’expédition d’A- lexandre , on devait s’attendre que la connaissance des espèces, leurs rapports naturels, Me froupement en un ordre distinct, n’ont pu avoir lieu T fort tard. En effet, après l'introduction successive dans la science des espèces de Tatous par Belon et Monardès, et du nom génér ique Dasypus par Recchi, des Fourmilliers par Maregrave et Nicremberg qui a imaginé le nom de Myrmeco- phaga ; des Pangolins par l'Ecluse; par Kolbe, du Fourmillier du Cap, nommé
(x) Voyez, pour les figures qui précédent , le Mémoire de M. Dufour sur les Odyueres, pag. 85.
(a) Voyez les Annales des Sciences naturelles, tome x, page 118. XI, Zvuoz, — Février,
vr4 BLAINVILLE. — Sur les Édentés.
plus tard Oryctérope par M. E. Gcofroy; c'est Buffon qui le premier les a rap- proches convenablement : c'est Linné qui les a constitués en un ordre particulier sous le nom d’ÆAgriæ d’abord, puis sous celui de Bruta, que Blumenbach à purgé de tout ce qu’il conteuait d’hétérogène, et qui a même imaginé le nom d'Édentés, en les plaçant à la fin des Mammifères onguiculés ; ce qui a été imité dépuis par la Por des zoologistes, en confondant ou non dans cet ordre les : Paresseux , et même les Édentés ornithodelphes, à limitation de M. Desmarest.
Passant ensuite aux principes de la classification de ce groupe, M. de Blain- ville, conséquent à celui qu'il a suivi pour les ordres precédens, que c’est après la considération du produit de la génération , l’appareil locomoteur de,plus eu plus quadrupède-et digitigeade qui doit servir à mesurer le degré d'éloignement de l'espèce humaine, servant de type et le plas exclusivement hipède et com - plètement plantigrade ; il montre que les E lentes, dont il retire les paresseux pour les ranger parmi les Primates , comme l'avait d’abord fait Linné, doivent - être places avant les Carnassiers proprement dits, et, par conséquent, après les Insectivores, ayant comme eux des clavicules, cinq doigts aux deux paires des membres, et les mains comme les pieds s'appliquant cowplètement sur le sol. D'où il conclut que leur disposition doit être des Oryctéropes, passant par les Tatous, les Pangolins, et se terminant par les Fourmilliers, les plus rapprochés des Edentes aquatiques on Cétacés, qui doivent suivre d’après lui.
La distribution géographique de ces animaux , dont M. de Blainville s’occupe ensuite, est fort simple, puisqu'ils appartiennent exclusivement aux contrées les plus chaudes des deux continens; mais chaque genre est limite à l’un on à l'autre, comme Buffon l'avait déjà parfaitement reconnu il y a près d’un siècle, et l'un et l'autre possedent un genre incomplètement édenté , l'Oryctérope en Afrique, les Tatous en Amérique , et un genre tout-à-fait édenté, les Pangolins daus l'Ancien moude, et les Fourmilliers dans le Nouveau.
Quant aux traces que les Édentés ont laissées à la surface de la terre, et qui ve consistent absolument qu’en ossemens fossiles, M. de Blainville n’a encore parlé dans ce Mémoire que des Tatous, contenaut le Megatherium et quelques utres espèces voisines.
Daws l’histoire du squelette gigantesque de Madrid, que Cuvier a desigué sous ce nom de Megatherium, M. de Blainville est entré, dans des détails cit - coustanciés , puur montrer ccmment , après avoir parfaitement senti les rapports - de cet animal avec les Édentes véritables, comme l’avait fait Roume, on s’en était considérablement “in en se laissant guider par des principes érrones ; quoique spécieux ; au point qu’on était arrivé à en faire une espèce de Paresseux ou de Bra dypus, et, par conséquent, un animal se nourrissant de substances végétales, et j grimpant peut-être aux arbres, ce qui a fait dire de bonne foi à un paléontolo- giste récent, que les arbres étaient alors de dimensions proportionnelles. Cepeu- dant, à défaut des déductions scientifiques, de nouvelles découvertes d’ossemens de Megatherium accompagnés de fragmens de carapace provenant indubitable - ment du même avimal, outre celles d’ossemens d’autres espèces de Tatous inter-
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BLAINVILLE. — Sur les Édentés. 115
médiaites' pour la taille au Megatherium et au Tatou géant actuellement vivaht, ne permettent plus de ne pas reconnaître que le Megatherium appartenait à ce genre. Après avoir montré, par une description des o$semens fossiles avec leurs analogues chez le Paresseux et le Tatou , que les principes Scientifiques séuls de: vaient suffire pour démontrer que le Megathériin ; même tel qu’on le cohnäis- sait d’après les figures données par Bru'et en admettant que’ le sqüélette de Mädrid soit coJedlbleicit réstitué , ce qui lui semble toutefois plus que dou- teuxr (1 }, n’avait aucun rapport avec le prémier , et, au contraire, en avait beaucoup avee le sécond. M. de Blaivville termine son Mémoire par les conclu” sions suivantes :
1° Il a existé dans l'Amérique, et surtout dans l'Amérique australe, dans toute l'étendue des’ vastes plaines qui, des montagnes méridionales du Brésil ét'de tout le-versant wriental des Cordilières, s'étendent jusqu'à la mer, ün quadrupède de taille gigantesque, comparativement surtout avec celle des animaux actuelle mentrexistans dans ce pays, puisqu'il avait environ 10 pieds de long sur 8 de haut, et par constquént de la taille d’un médiocre éléphant.
2° Cet animal n'avait absolument aucun rapport un peu important avec le Paresseux , quoique l'exagération de l'idée de G. Cuvier à ce sujet aït été portée au point que MM. Pander et d’Alton l'ont désigné par le nom de Paresséux géant ou de Bradypus giganteus.
En effét, ni sa tête , ni son épaule, ni sèés membres, ni son système digital, ni son système pb ne ressemblent presque ren rien à ce qui existe chez les Paresseux.
3° Par l’ensemble de l'organisation, comme par sà forme et par la carapace ostéodermique dont il était certainement couvert, cumme on peut aussi bien le prouver à priori qu'à posteriori, c'est-à-dire par la disposition des apophyses épineuses des vertèbres , de l'angle des côtes, de l'articulation dé la ceinture osseuse postérieure avec la colonne vertébrale ; etc., aussi bien que par le fait, c'était une espèce gigantesque de Tatou,, plus voisine du Tatou chlamyphore que de tout autre, quoique celui-ci soit le plus petit du genre.
4° Cependant, ‘comme il'offre des] modifications d'organisation ‘qui lui sont propres, awssi bién dans le système digital que dans le système dentaire, on conçoit très bien’ qu'il forme ‘ane division: particulière dans le ‘genre Tatou, puisqu'il n’avait probablement que tjuatre doigts en avant et cri en arrière, etique ses dents, de forme tétrigônale’, toute différente de ce qu’elles sont dans lesTatons ordinaires, n'étaient’ qu'at té de quatre dé be côté et à Chaque machüire. ! ‘ :* pq à révise D'après celà, il est sé ‘que lens qué ces amimaux ne grimpäient pas aux
arbres, qu'ils n ’avaient pas de trompe, mais y ils avaient Tes “HHrS et les hä- | lié . ” [a ”
(1 M. Larrey, qui a eu l'occasion de voir ce Megatherium lors de son séjour à Madrid , en 1808 , a en effet assuré à M. de Blainville qu'il y avait peu de confiance à avoir à layma- nière dont les pièces qui constituent ce squelette ont été assemblées.
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416 BLAINVIELE. — Sur les Édentes.
bitudes des Tatous, et que par conséquent ils se nourrissaient de chair et peut- être aussi de racines, si ceux-ci en, mangeut, ce que nie cependant, d’Ayzara; et.que, comme eux, ils fouissaient.la terre avec leurs ongles énormes, sinon pour s'y, cacher, du moins pour déchirer les amas de fourmis.
5° Le Megatherium paraît avoir été contemporain d'autres Mammifères de grande taille qui vivaient dans les mêmes contrées, du Mastodonte à dents étroites, du Toxodon, animal nouvellement découvert par M. Darwin et décrit par M. Owen ; d’une autre, grande espèce de Tatous , animaux qui ont également disparu , ou que, du moins , nous ne connaissons pas à l'état vivant.
6° Il n'existe certainement plus au nombre des êtres actuellement existans , quoique la Patagonie soit encore assez incomplètement connue.
9° Mais s’il a complètement et certainement disparu, il a vécu aux mêmes lieux où se trouvent exclusivement aujourd'hui toutes les espèces du genre au- quel il a appartenu.
Après avoir ainsi-montré que la répugnance de Faujas de Saint-Fonds à voir dans un animal aussi vigoureusement charpenté que le Megatherium, quel- que chose de ressemblant au Paresseux, animal si lent ,:si misérable, etc., n’e- tait pas trop mal fondée , malgré le peu de cas que Cuvier fit des observations de son confrère, M. de Blainville termime‘cette première partie de son Memoire sur les Édentés terrestres, par examiner les ossemens fossiles d’autres espèces de Tatous trouvés dans le même alluvium de la Plata ; les uns figurés et décrits par M. d’Alton , indiquent uu animal une fois plus grand que le Tatou géant actuel, tel du moins que nous le connaissons dans nos collections ; les autres, rapportés par M. Darwin, annoncent deux autres espèces qui, avec la première, font, suivant M. R. Owen, cité par M. Buckland, le passage entre le Megatherium, la plus grande espèce fossile, et le D. gigas, la plus grande parmi les vivans.
Quant au Tatou fossile que M. Bravard, dans sa Monographie dela montagne Perrier, près Issoire, cite comme se trouvant dans le diluvium d'Auvergne, M. de Blainville se borne-à dire, n’ayant pas encore vu la pièce , que cette asser- tion ne repose que sur un seul calcanéum, os dont l'emploi en paléontologie est très difficile et demande les plus grandes précautions, surtout lorsqu'il doit ap- puyer l'hypothèse qu'un genre d'animaux exclusivement limité aujourd'hui aux contrées chaudes de l'Amérique -méridionale, a laissé des traces de son existence dans notre Europe septentrionale ; dans ces questions difficiles, le paléontologiste doit avoir fréquemment présent à la pensée l'exemple du fameux Tapir gigan- tesque de Cuvier, espèce qui ,.mieux connue , s’est trouvée être toute autre chose qu’un Tapir, presque en même temps que ce genre d'animaux, qu’on croyait si rigoureusement limité à l'Amérique méridionale, s’est accru d’une belle espèce de J’Asie insulaire. |
Dans la seconde partie de ce Mémoire, M. de Blainville traite d’un autre animal de grande taille appelé Megalonyx par Jefferson, et dont on a fait en- core à tort uneespèce de Paresseux.
M. de‘Blainville fait d’abord l'historique de la découverte, dans une caverne
BLAINVILLE. — Sur les Edentés. 117
de la Virginie, des ossemens sur lesquels ce genre a été formé, et qui consis: taiewt en un fragment d'humérus, un radius et un cubitus complet, trois pha- langes uvgucales et cinq ou six os de la main ou du pied.
Il montre ensuite comment , après avoir été considérés par Jefferson , succes seur immédiat de Washington dans la présidence des Etats-Unis, comme indi- nan! un caruassier gigantesque qui était au Mastodonte de l'Ohio ce que le Lion est à l'Éléphant dans l’ancien monde, et qui pouvait même être encore vivant dans quelque partie reculée de l'Amérique; ils furent mieux appréciés par Wistar et rapprochés du Paresseux , quoiqu'il en fit sentir parfaitement les différences , en rappelant un ongle énorme dont a parlé Daubenton et qui provenait sans . doute d’un Tatou géant ; et comment quelques années après, Cuvier, qui n'a- vait;pas cru devoir distinguer, même spécifiquement; le Megalonys du Mega- therium, se trouva engage, pour répondre aux obipehions de Faujas, à traiter le sujet in extensum, pour démontrer que si ces deux espèces étaient différentes, . le Megalonys était également un Paresseux.
Preuant en effet chacune des pièces citées, décrites et parfaitement figurées .par Wistar, outre quelques fragmens rouveaux, et entre autres une dent qui avait été rapportée par Palissot de Beauvois, Cuvier conelut successivement que - le doigt entier figuré par Wistar était le doigt médian du côté gauche de.la main d'un Paresseux , de trois autres pièces, un métacarpien , une première phalauge et une unguéale , il fit un doigt indicateur d’un Paresseux, quoique de proportion beaucoup plus courte, comme il. Le fait justement. observer lui- même ; étudiant ensuite les facettes de ces deux doigts par où ils ne se touchent : pas, il regarda un troisième os , quoique bien plus grêle.etplus long que le mé- tacarpien du doigt médian, comme indiquant un annulaire; et comme celui-ci. offrait une facette articulaire au côté externe, il.conclut.à un cinquième doigt, ayant en eflet considéré comme - rudiment du premier, ou du pouce, indique par une facette de l'indicateur , un os très court multiforme que lui avait remis . Palissot de Beauvois.
Le radius et le cubitus lui parurent également rappeler, par un certain nombre de particularités peu importantes cependant , ces deux es dans le Pares- seux, et comme il crut en outre pouvoir déclarer la dent apportée par Pa- lissot de Beauvois , comme étant, suivant ses propres expressions, positivement et rigoureusement une dent de Paresseux, dont il détermina même la place dans la mâchoire, comme ressemblant plus particulièrement à la canine inférieure de VAï qu'à toutes les autres dents , il ne craignit pas de dire en terminant: « Ainsi, non-sculement notre animal était un herbivore en général, mais il était « herbivore à la manière. particulière des Paresseux, puisqu'il avait les dents « faites comme eux ; aucun des hommes habitués aux lois de l’anatomie compa- « rée ne doutera que ces deux geures n'aient dû avoir la même ressemblance « dans les organes de la digestion , estomacs , intestins et par conséquent dans « tout ce qui dérive de cette fonction. La ressemblance de leurs pieds prouve « qu'ils avaient la même démarche, les mêmes mouvemens , aux diflérences près
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118 BLAINNILLE, —=, Sur les Edentés.
« que doivent entraîner celle du volume qui est considerable. Ainsi le, Mega- « lonyx aura grimpe rarement sur les arbres, parce qu'il en aura rarement « trouvé d'assez gros pour, le porter. »
Et:pour repondre plus directement aux objections de Fanjas : on hi
& Le rapprochement du Megalonyx des Paresseux n’a donc rien d’artificiel ; « il ne fait aucune violence à la nature ; mais il est au contraire invinciblement « indiqué par elle dans ce’ que ! nous avons retrouvé jusqu'ici de ce ‘singulier quadrupède: » (Ann. du Mus: tom. v,p. 376.) Fe
Malgré cette conclusion , G. Cuvier ne voulut jamais admettre la réunion de ce Megalonyx avec le Mégathetthrt sous'le nôm commun de Bradypus Igigan- teus, ainsi que le proposèrent “MM. Pander et d’Alton, Bien plus, vingt ans après sou premier Mémoire, et dans la Seconde édition de ses Ossemens fossiles, en 1825; ‘quuiqu il n’eût pas d’autres matériaux à $a disposition , G. Cuvier per 2 ét rectifia cé qu'il avait admis d’unc manière si affirmative dans sa pre- wière édition ; le doigt dont il avait fait 1 ‘indicateur ou le sécond, devint 'annu- laire , où le quatrième, el vice vers; l'os qu'il regardait comme Yanalogue du pouce devint célui d’une pièce qui soutient le petit doigt de la main du Tatou géant; les deux os de l’avant-bras furent rapprochés avec juste raison ‘de ceux du brin Fourmillier , ét la dent donnée d'abord comme une dent canine infé- rieure de Paresseux Aï devint bien plus sembleble à une dent molaire de Tatou ét comme dés-lors, c'était avec ce genre d'animaux que la comparaison se trouva reportée , et que les Tatous ne grimpent pas aux arbres et sont essentiel Teinént carnassiers , M. de Blainville montre comment les dbjections de’ Faujas , quoique : ‘mal hflitées peut-être, ont cépendant fini par triompheér.
En effet, de nouveaux ossemens de Megalonyx ayant été découverts dans des cavernes à l’ouest des Alleghanÿs, d'abord däns Big- -Bône-Cave, état de Tenessee, avec ceux d'animaux encore vivans dans le pays, Comme bœufs, cerfs, ours, et même avec des os d'homme, puis à Big-Bone-Lick, état de Kentucky; et M. le docteur Harlan qui en a fait le sujet d’un Mémoire publié avec figures dans le Journal de l’Académie des Sciences naturelles de Philadelphie , vol. VI, p. 269, ayant envoyé au Muséum des plâtres moulés de toutes ces pièces au nombre desquelles se trouvent des vertèbres, deux humérus, des côtes, une omoplate, une portion de fémur, un tibia, un calcanéum , des phalanges en- core en partie encroûtées de cartilages, des phalanges ungucales dont une était encore en partie armée de son ongle, et de plus un fragment de mâchoire infe- rieure portant encore cinq dents en série ; il a été possible à M. de Blainville d'établir la comparaison avec les Édentés récens et fossiles connus jusqu'ici, en sorte qu'il a cru pouvoir , après une description détaillée de chaque os, donner les conclusions suivantes sur le Megalonyx :
À
1° L'Amérique septentrionale, qui paraît ne posséder aujourd'hui aucun Edenté vivant, en a nourri anciennement uue fort grande espèce ;
2° Cette espèce présentait un degré particulier d'organisation, dévoilé aussi
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BLAINVILLE. — Our les Edentés. 119
bien par le système digital que par le système dentaire, et qui n'avait aucun rapport avec.les Paresseux ; |
3° Ce type était intermédiaire aux Fourmilliers sans dents du nouveau conti- nent.et aux Fourmilliers dentés de l’ancien ; aussi bien qu'au Megatherium , et cependant plus rapproche du premier, quoique plus bas sur pattes ;
4° Ce degré d'organisation était contemporain des Mastodontes; ct si même il est certainement éteint, ce qui n’est pas absolument hors de doute, il ne doit pas, avoir disparu depuis bien long-temps, puisque, d’une part , les os sont en- tièrement pourvus de leur matière animale et en partie de leurs cartilages ; que les.ougles sont encore conservés, et qu'il se trouve absolument dans les mêines circonstances géologiques ique les ossemens d’espèces qui vivent encore aujour- d'hui à la surface du sol américain, d’après M. le docteur Harlan ;
:5°0On peut enfin conjecturer , autant que cela est permis d’après le petit noinbre de pièces connues de son squelette, que cet-animal avait le corps assez raccourci }'qu’il étäit fort bas sur pattes, plus en arrière qu’en avant et que ses pieds! étant pourvus de doigts et d'ongles très robustes, il s’en servait, comme - tous les animaux de ce sous-ordre, à déchirer les fourmilières et même à foviller la terre ;:soit pour y chercher sa nourriture, soit pour s’y eacher. :
Quant à sayoir si le Megalonyx était ou non couvert d’une peau osseuse, comme le Megätheriüm et les Tatous, c’est ce que M. de Blainville serait assez porté à supposer, mais sans autres raisons que le peu de développement des or- ganes de locomotion comme appareil de translation, les rapports du Megalonÿx. avec le Megatherium et sa position gcographique.
Après avoir ainsi terminé Vhistoire du Megalonyx, M. de Blainville consacre un article à celle des Pangolins fossiles.
L'existence d’une espèce de ce genre fossile dans notre Europe, admise en 1825 par G. Cuvier, ne reposait que sur la considération d’une phalange unguéale de grande taille trouvée dans les sables d'Eppelsheim , vallée du Rhin, et qui offrait en effet le caractère parfaitement indiqué et figuré par Daubenton, pour les phalanges ungucales du Phatagin , fut contredite par M. Kaup dans sa description du museum de Darmstadt, I] pensait en eflet que cette phalange avait appartenu au prétendu Tapir gigantesque de G. Cuvier, dont M. Kaup à fait depuis son Dinotheriuwm giganteum ,'et cela, sans doute , parce qu’il avait considéré celui-ci comme un genre de la famille des Paresseux. En sorte qu'il a pas craint de donner à son Dinotherium restitue des doigts de Paresseux avec une trompe, figure qui est déjà en circulation chez plusieurs géolognes recom- mandables et chez tous les compilateurs.
Malheureusement pour cette hypothèse purement gratuite, ilest vrai, le ce- lèbre dépôt de Sansans, si judicicisement exploité par M. Lartet, a offert plu- sieurs phalanges semblables à celles d'Eppelsheim, et cela avec différentes pièces, et entre autres avec une dent offrant la structure de celle des Édentés. Dès lors, regardant comme fort probable que cette dent a appartenu au même animal que les phalinges ungnéales bifides, on peut croire que si cet animal n'était pas,
120 BLAUNVILLE. =—— Sur les Edentés.
comme le pensait G. Guvier, un Pangolin, puisqu'il avait des dents , dont celni- ci est complètement dépourvu, c'était encore moins le Dinotherium , que M:de Blainville pense n’être qu’un gravigrade plus ou moins aquatique, et que c'était plutôt un type particulier d'Édentés représentant en Europe l’Oryctérope de l'Afrique australe, et pour lequel M. de Blainville accepte volontiers le nomide Macrotherium propose par M. Lartet.
Quant à l'Elasmotherium de M. Fischer de Waldheim, au Suéotios de M. R. Owen et au Dinotherium de M. Kaup, que l'on pourrait encore être tenté de considérer comme ayant été des: Edentés terrestres, M: de Blainville pense que le premier était plutôt un pachyderme intermédiaire au Rhinocéros-et au Cheval, comme MM. Fischer et G. Cuvier l’on dit; que le second, fssile de l'alluvium de Rio de la Plata , était probablement quelque pachyderme encore plus aquatique que l’Hippopotame ; qu’il semble représenter sur le versant orien-
tal de la Sud-Amérique ; et que le troisième était’un gravigrade aquatique, in=
termédiaire aux Mastodontes et aux Lamantins. Au reste, M. de Blainville se propose de revenir sur ces différentes opinions lorsqu'il traitera des fossiles de ces deux ordres de Mammifères.
Enfin M. de Blainville ayant eu l’occasion d’examiner, depuis Ja publication de l'extrait de la première partie de son Mémoire, le calcanéum , seul os surle- quel repose le prétendu Tatou d'Auvergne, cite par dés paléontologistes décette contrée, s’est assuré qu’il ne peut provenir d’un animal de ce genre ; mais bieu et presque indubitablement d’un Castor de petite taille.
CONLUSIONS GÉNÉRALES.
Comme résultats de ce Mémoire sur le sous-ordre des Édentés terréstres, dans l’état actuel de nos connaissances concernant les espèces récentes « et fossiles, M. de Blainville croit pouvoir admettre les Pen suivans : 4
1° Les anciens ne paraissent avoir connu qu’une seule espèce de ce groupe, toutes celles qui vivent encore de nos jours à la surface de la terre étant circon- scrites et en assez petit nombre dans des pays qui leur étaient inconnus ;
2° C'est de la découverte de l'Afrique intertropicale occidental, de l'Archipel indien, et surtout de l'Amérique méridionale, que date la connaissance de ‘la très grande partie des espèces récentes que nous avons aujourd’hui ;
3° Les zoologistes les ont généralement bientôt rapprochées d’une manière convenable; mais ce sont surtout Buffon et-Daubenton qui l'ont fait de Ta lmid- nière la plus complète dès l’année 1763; ve
4° C’est Linné qui, ayant le premier établi ces genres sous les noms aujour- d'hui adoptés, en a aussi le premier formé uu ordre distinct sous le nom d'Agriæ d’abord, et ensuite de Bruta; mais c’est Blumenbach qui, en retranchant les genres brebis , a donné à cette division le nom d’Edentés, qui, AN assez mauvais, a été généralement adopté;
5° C’est également Linné qui le premier a rangé cet ordre immediatement
a vaut les carnassiers , et dans la place que uous croyons la plus convenable ;
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nn ts D 0 re
BLAINVILLE. — Sur les Edéntes. 121 6° Ces’ animaux ;'en ‘effet, ‘par le nombre des doigts, la marche palmi et phutigrade , la présence de la clavicule, l'articulation de lavant-bras, doivent être placés immédiatement après les insectivores et avant les carnassiers , les Édentes aquatiques intercales ; : 1 7° La disposition des espèces et par conséquent dés genres doit être : des Oryctéropes et des Tatous, And Sr Hérissons, aux #4 ourmilliers , plus voisins des Cétacés; s ; 8° Les différens genres de ce > sousLordie sont circonscrits d’une manière rigou- reuse à la surface de là tèrre : les Édentés écailleux ou Pangolins , ainsi que les Fourmilliers dentés ou Oryctéropes à l’ancien continent; les Édentés cataphrac- tés ou Tatous et les Fourmilliers sans dents au Nouveau-Monde; 9° Il n'existe, dans les monumens anciens, de quelque nature qu'ils soient, aucun indice de l'un quelconque de ces animaux, si ce n’est pour/le, Phatagin dont parle Élien en un seul endroit de ses Histoires. I 4, donc eu interruption considérable dans la succession de nos connaissances à ce sujet, puisque l’on trouve à l’état fossile des restes d'animaux de cet ordre, depuis les terrains ter- tiaires moyens jusqu’au diluvium, à découvert ou dans les cavernes; 10° Ces espèces fossiles sont toutes d’une taille suptrieure à celle du même sous-ordre que nous connaissons aujourd’hui à l’état vivant, et le nombre des
premières est, par rapport à celui des secondes, proportionnellement plus grand que dans aucune autre famille ;
11° L'Europe, qui n’en possède plus aujourd’hui , en a possédé anciennement une très grande espèce dont les réstes ont été trouvés , en deux endroits diffé- rens , dans un terrain tertiaire moyen , les sables d'Eppelsheim et le calcaire d’eau douce de Sansans. C’est une nuance générique intermédiairé aux deux genres que possède l’ancien continent;
12° L'Amérique offre les trois autres, et dans un terrain de diluvium à dé- couvert et dans les cavernes,
Les espèces da terrain d’alluvion sont de la sud- Amérique, et toutes du genre des Édentés cataphractés ou Tatous; savoir : le Megatherium et plusieurs ‘véri- tables Tatous. | DELL
Celles des cavernes sont dé la nord-Amérique et constituent un genre plus rapproché des véritables Fourmilliers que ve tout autre, mais pourvus ré dents molaires comme celui de l’ancien continent;
13° Le Megalonyx doit être à peine considéré comme fossile , quoique inconnu à l'état vivant, puisque ses os contenant encore une grande quantité de gélatine, ayant les articulations encore en partie pourvucs de leurs cartilages et les pha - langes terminales de leurs ongles’, se trouvent avec des ossémêns d'animaux en- core vivans aujourd’hui dans les lieux où sont ces fossiles ;
14° Ces Édentés fossiles ont leurs plus grands rapports avec les animaux ac- tuellement vivaus dans le continent où on les trouve, et aucun d’eux n’en à d'un peu marqués avec les Paresseux ; tous ayant l’organisation ostéologique et
122 OWEN, — Sur les Orangs.
odontologique des véritables Édentes; ; dès-lors, ils étaient carnassiers comme eux ct pe grimpaient certainement pas aux arbres ;
15° D'où l’on voit comment, n'ayant que des moyens de défense tout-à-fait passifs, ne pouvant se soustraire à l’action des circonstances défavorables, ces Edentes gigantesques ont offert, pour ainsi dire , plus de priés à la destruction que les espèces du même ordre qui, plus petites, devant alors s’y soustraire plus aisément , et reproduisant sans doute davantage, ont pu retarder leur disparition de la surface de la terre, qui marche cependant d’une manière assez rapide.
.… (Comptes rendus de l’Académie. des Sciences.)
LL RIZ ji J 14 | Sr ————
Note sur les différences entre le Simia Morio ( Owen) , et Le Simia Wurmbii dans la période d ‘adolescence, > décrit par M. Dumortier , par M. Owen. sec à
Dans té Ménibire présente à l'Académie des Sciences par M. Dumortier(r 1) sur l'identité spécifique des Orangs désignés sous les noms de Pithecus Satyrus, P: Wurmbii, P.'Abelii et P. Morio(2), le ‘savant auteur à éommis une erreur relativement au’ Pithecus où Simia Et LS ct je m "emipresse de la rec- tifier en peu de mots.
M. Dumortier, dans sa description du crâne, qu'il suppose représenter le troisième. état de développement de l'Orang, dit + «A cette épéque la dentition « comporte 16; molaires et représente l'adolescence. La ‘description du Sirrira «-Morio de M. Owen convient pleinement avec l'indication que je viens de pré- «senter (3). » Dans l'extrait de ma description ducrâne du Sémia Mvorio, pu- blié dans les comptes rendus des séances {proceedings ) de là Societé zoologique, octobre, 1836 ; il'est dit expressément que « la série: des dents, en:haüt et en « bas, etait complète, c’est-à-dire qu'il y avait 20-molaires, et mon pas 16. » J'ai dit en outre , que ces 20, molaires consistafent , comme dans le Sémia Wurmbii, en 8 biscupides èt 12 molaires vraies, que le degré de leur usure par la mastication , prouvait que l'individu auquel elles appartenaient était âge, et que les 20 molaires et les dents canines :différaient de celles du Simia #Wurmbii; parce qu’elles étaient plus petites relativement aux/dents incisives.
Les caractères tirés du crâne chez le Simia Morio correspondent néanmoins à ceux assignés par M. Dumortier à l’époque de l'adolescence du Simia Wurmbii; mais cela etait à ma connaissance lorsque j'ai décrit la tête en question, et j'ai dit expressément «que la dimension et la forme du cräne du Simia Morio pouvaient «, faire supposer au premier abord, un individu,du Pougo parvenu à l'âge inter- « médiaire entre celui, du Pongo jeune et du Pongo adulte. » En cousequence,
(1):Voyez page 56 de ce volume des Annales.
(2) Societé zoologique, p. 1058.
(3), Proceedings of the zool. Soc:, 1836, p: 92.
owen. — Surles Orangs. 125
j'ai procédé à démontrer sa condition adulte: 1° en prouvant qu’il n'existait dans l'épaisseur des mâchoires aucune des dents appartenant à la secoude dentition aucun germe des dents de remplacement; 2° en démontrant que l'oblitération de certaines sutures, du crâne , et spécialement des. sutures maxillo-intermaxillai- res était complète (1). D’après cela il me paraît que M. Dumortier ne pourrait établir «la parfaite convenance entre ma description du crâne/du Simia Morio ct, Ja sienne d’uu jeune $, Æ/urmbii dans:son troisième “état » avant d’avoir commencé par démontrer que le crâne de l'Orarig, à ce troisième étai, wÿ a, pour les canines et incisives, aucun germe de dents: de remplacement dans Pe- paisseur des mâchoires; et quelles sutures maxillo-intermaxillaires , ainsi que les sutures, sagittales et..une igrandé . partie dés sutures coronales sont oblitérées. M, Dumortier ne feit getepdant pas méntion de l’état des sutures du crâne dans son, Orang adolescent, et à l'égard de l’état. de la denitition ; il dit seulement qu'il ayait seize molaires, ce qui aurait dû empêchér qu'il né le. confondit avec son Simia.Morio, qui en.avait vingt. J'ai l'honneur de mettreisous les yeux de l’Académie trois dessins du crâne. de mon | Simiai- Morio y ét'je présente en, même temps une figure .du crâne d’un jeune |Simia :Æ/urmbii,, vorves- pondant pour! le nombre des molaires avec. le:éroisième-élat de M: Dumortier, mais différant du Simia Morio, en ce qu'il a les 3 2 biscupides ou fausses mo- laires cachées dans l’épaisseut des mâchoires.; Les dents canines permañertes , les deux dents incisives latérales. de la mâchoire supérieure;,:etles deux dernieres molaires vraies ne.sont pas non plus sorties dansice crâne adolescent du Simia Wurmbii. 1 diffère encore du crâne du Sinia Morio par la persistance où la présence des sutüresmaxillo-intérmaxillaires et des sutures corohaleseet sagittales; d’ailleurs, il s’en rapproche beaucoup. par, ses diunensions et par sa forme ; _ que par la condition des crêtes museulaires qu al présente. 1441 Quoique j'aie ainsi prouvé suffisaiwument, je Vespère, que mon Simia Morio ne,se confond par aucun point. essentiel avéc. le Simia Hirmbii adolescent, on pourrait demander si le quatrième état de M. Dumortier ne serait pas repré- sente par le Simia Morio. M. Dumortier dit « que, dans cet etat , l'animal a sa « dentition complète et est arrivé à l'âge adulte ; » il faut donc en: conclure que les dents sont au nombre de 32 et toutes-dents permanentes ; et, comme d'ailleurs M. Dumortier ne dit rien qui y soit contraire, je présume que les cou ronnes de ces dents (qui ne grossissent plus après qu’elles sont poussées ) pré- sentent les mêmes dimensions proportionnélles que celles du Sinia FFurmbii adulte. Mais dans ce cas le Simia Morio doit différer beaucoup du Simia Wurmbii dans le quatrième état de M. Dumortier, attendu que dans le Sëmia Morio les dents canines et les molaires sont plus petites proportionnellement aux incisives, ainsi qu'il est indiqué avec tous les détails nécessaires dans la Table Comparative des mesures jointes à ma communication originale sur ce sujet. (2) (1) Proceedings of (he zoo. Soc., 1836 , p. 93. (2) Proceedings of the 1001, Soc, , 1836 , p. 96.
124 OWEN. — Our les Orangs.
Je dois faire remarquer de nouveau que état des dents dans lé crâne du Simia Morio, dont les incisives sont bien complètement sorties de lalvéole et ont la couronne à moitié usée, tandis que les molaires ont perdu par la trituration leurs impressions linéaires irrégulièrement radiées, je dois faire remarquer, dis-je, que cet état indique un animal qui n’était pas parvenu très récemment À sa ma- turité, comme cela résulte des mêmes sigues pour le Simia Murmbii décrit par M. Dumortier, et.qui était à son 4° état. En outre, M. Dumortier rapporte que dans le crâne du Simia Hurnibii , au ‘4° état, les crêtes occipitales , par l'effet de la jonction de leurs'extrémités supérieures ; ne-forment qu’un seul bour- relet demi circulaire ; et que l'occiput est:entièremeut aplati , ce qui diffère tout- à-fait de l'état du crâne du Simia Morio dans lequel l’occiput est convexe et les crêtes occipitales sont séparées l'une de l’autre par un large intervalle. Mais quel était l’état des sutures du erâne et des sutures intermaxillaires dans le.4° état du Simia Furmbii? M. Dumortier ne donne aucun détail sur ce point si inté- ressant et si important. IL garde également le silence sur un autre point qu’il aurait pu contribuer à éclaircir par l'examen des nombreux specimen qu’il a eu le bonheur d’avoir à sa disposition ; je veux parler des différences sexuelles qui se manifestent dans les dents permanentes, et particulièrement dans les dents canines.
M. Temminck, dans sa dernière et excellente Monographie de l’'Orang, qui a été publiée postérieurement à la communication que je fis à la Société zoologique de Lendres, a signalé la différence dans le développement des dents caninés du mâle et de la femelle de l'Orang adulte. Je soupeonnais depuis long-temps cette différence sexuelle, parce que dans le crâne d’un Orang femelle adulte de Su- matra donné au Musée des Chirurgiens par sir S.-Raffles, j'avais trouvé les. dents canines plus petites et les crêtes crâniennes moins développées que dans des crânes de mâles adultes de Sumatra et de Bornéo ; cependant c’est le célèbre professeur de Leyde qui a établi, d'une manière incontestable, cette différence sexuelle. On pourrait demander si le Simia Morio représente la femellé adulte du Simia Hurmbii? J'ai répondu négativement à eette question (1) après avoir comparé attentivement et en détail le crâne du Sémia Morio avec celui de la femelle adulte du Simia Wurmbii. Les dents canines du Simia Morio sont plus. petites, et la dimension totale du crâne est moindre; l’occipat est arrondi et convexe, au lieu d’être aplati, et les crêtes occipitales sont séparées au lieu dé se toucher. D'ailleurs, M. Temminck, qui a eu occasion d'examiner le crâne du Simia Wurmbü femelle , à tout âge (et Von ne doit faire la comparaison entre le Simia Wurmbii et le Simia Morio qu'à un âge avancé); M. Temminck(2),
(1) Mémoires de la Société zoologique , page 168. FU
(2) « Les mâles sont pourvus de canines bien plus fortes que les femelles , qui les ont régu- « lièrement coniques et droites, tandis que celles des mâles ont des dimensions robustes, re- « lativement aux autres dents, et que leur direction se trouve fortement prononcée en dehors. « Nous n'avons pu découvrir aucune autre différence entre les crânes des deux sexes, » Mono- graphie de Mammalogie , n° XIL, page 13v,
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OWEN. — dur les Orangs. 125
dis-je , déclare explicitement qu'il n’a pu découvrir d'autre différence dans le crâne du mâle et de la femelle du Sémia 1Purmbi adulte , que la dimension, la forme et la direction des dent; canines; or, si cette remarque du savant profes- seur est entièrement exacte, le Simia. Morio du différer beaucoup du Sémia PPurmbii femelle, tant pour la dimension totale, que pour la forme du crâne et le développement de ses crêtes.
Je crois avoir prouvé, à la satisfaction de l'Académie, qu'en faisant la des- cription du crâne du Simia Morio , j'ai pris toutes les précautions requises, afin d'éviter l’erreur dans laquelle M. Dumortier suppose que je suis tombe en pre- nant les signes de l'adolescence pour ceux d’une distinclion spécifique ; mais qu’au contraire je suis le premier qui ait indique ‘elairement l'existence d’un Orang-Outang qui est bien plus anthropoïde j ar les caractères cräniens des deux sexés! de l'espèce ordinaire du Sémia Murmbii. Maintenant si quelques uatura- listes hésitent à voir avec moi, dans toutes ces différences, des signes indicatifs d'une nouvelle espèce, il faudra qu’ils y voieut au moins les caractères d'une va- riété bien déterminée, je dirais volontiers d’une variété exérénre de. l'Orang de Bornéo (Szmia urmbii), et dans aueun cas, comme le suppose M. Dumortier, ceux d’un état de developpement incomplet.
Avant de terminer cette Note, je dois ajouter que lé manque d’ongle du gros orteil n'est pas un signe de maturité comme le passage suivant du Mémoire de M. Dumortier (1) pourrait le faire croire, puisque cela est abondamment réfute par les faits nombreux dejà cités de l'absence de cet ongle, dans de très jeunes Orangs. D'ailleurs, lorsque cet ongle existe, la seconde phalange unguéale existe aussi, et quand l’ongle manque, la phalange manque egalement (Voyez Camper, OEuvres, p. 54, et zool. trans. t. 2. p. 397).
Je dois faire observer en dernier lieu, que l’opinion de quelques naturalistes au sujet de la différence spécifique des deux Pongos désignés sous les noms de Pithecus Abelii et P. Murmbii, est fondce sur des bases plus solides que celles alléguées par M. Dumortier. Les différences que j'ai mentionnées ailleurs pour le Pithecus Abelii n’ont pas été établies « sur la peau sans squelette ; » tontes mes observations sur la probabilité de différence spécifique du grand Orang de Bornéo et de celui de Sumatra ont été faites en comparant leur sqnelette et spécialement leur crâne (Voy. Bulletin de la Société zoologique de Londres).
J'ai actuellement l'honneur de présenter à l’Académie deux dessins de crânes d'un Orang mâle adulte de Sumatra, et de semblables dessins du drâne d’un Orang mâle adulte de Bornéo, qui, si on les considère comme de simples variétés prouveut que le Simia Satyrus de Linneé est sujet à une plus grande varièté
dans Vétat de nature, qu’on ne l’a observé jusqu’à présent dans aucune autre espèce de quadrumances.
(x) « Sixième état. L'orteil qui jusque-là avait existé en rudiment , disparaît, et l'on n’en « aperçoit plus que la trace. »
120 Publications nouvelles.
PUBLICATIONS NOUVELLES.
AsiaTIG RESEARCHES, etc. Recherches asiatiques, ou Transaclions de la Société historique, scientifique et littéraire du Bengale ; tome xIx, première partie. :
Ce volume est consacré presque entièrement à l’histoire naturelle, et contient une série de mémoires sur les fossiles de l'Inde, d’un haut intérêt pour la science. Imprimé à Calcutta , il n’est que peu conuu en France, et, par conséquent, nous croyons utile d’en donner à-nos lecteurs une analyse rapide. Voici donc la liste des articles qui se rattachent à la zoologie :
$ 1. Descrrprion du Sivatherium giganteum, par MM. Farcoxer ct Caurcey (avec figures). | © Ce mémoire avait déjà paru dans le journal de la Sociéte de Bengale et a été inséré par traduction dans le cinquième volume de nos Annales.
6 2. Note sur Le crocodile fossile des montagnes Sivalik, par M. Caurzey (avec figures ).
A en juger d’après les proportions connues des diverses parties du corps des Crocodiles actuels , les animaux dont proviennent les débris fossiles décrits ici , auraient eu de 17 à 20 pieds (anglais) de long. Ces débris consistent en deux fragmens de têtes plus oumoins mutilees, et l’auteur les rapporte: à une espèce très voisine du C. biporcatus de Cuvier ou peut-être même à une simple variété dé ce dernier.
3. Note sur l’Hipoppotame fossile des montagnes Sivalik , par MM. Far conNER et CAUTLEY. : En comparant à l’Hippopotame d'Afrique et aux espèces fossiles du même genre déjà connues des: fragmens nombreux d’ossemens d'Hippopotame découverts dans les montagnes Sivalik, les auteurs se sont convaincus que ces derniers ap- partiennent à une espèce parfaitement distincte, qu'ils désignent sous le nom d'Hippopctamus sisalensis. Les, caractères les plus saillans de cette, espèce consistent dans l'existence de six dents incisives, dans. la position avancée de: l'orbite et dans plusieurs autres particularités de forme ou de proportion. Après en avoir donné une description très détaillée, les auteurs font connaître deux fragmens de têtes provenant d’une autre espèce beaucoup plus petite que la précédente,et aussi plus rare, qu'ils proposent de nommer Æippopotamus dis- Similis. Enfin, prenant en considération les faits nouveaux ainsi constatés, MM. Fälconer et Cautley proposent de diviser le genre Hippopotame en deux sous-genies; parles caractères tirés des incisives , ct donnent le tableau suivant de la distribution des espèces connues: DORORL PNORERPNT Genus HippororTaMus: LL. Subgenus Hexaroropox, #4 Sp: 1... sivalensis (F. et C,).« | O4 2, H. dissimilis ( F. et CG.) Anhic velinfra po-
nil
F | tius referendus ? IL. Subgenus Terraroropon. Sp. 1. A. amplubius. 2. H. antiquus Cuv. 3. H. minor Cuv. 4. Æ. medius Cuv. H. minimus Cuv.
VE)
s.
Publications nouvelles. 127
Voici, du reste, la caractéristique qu'ils donnent de la première de ces deux espèces nouvelles.
A. dentibus primoribus utrinque sex, subæqualibus; laniariis difformibus superioribus nempe quoad sectionem transversalem reniformibus : inferiori- bus pyriformibus ; cranio elongato ; oculo ad medium caput ferè attingente ; facie ad latera valdè sinuatà. \
“(4 Descriprion de divers fossiles d’ Hippopotame et d'autres genres , con- servés dans la collection de Dadapur, par M. Duraxp (avec figares ).
La plupart de ces fossiles proviennent des montagnes du sous-Hymalaya , situées entre le col de Marakanda èt Pinjor, et s'y trouvent d'ordinaire dans un grès calcaire où paraissent être enfouis aussi des débris de Sauriens ét quelques coquilles d’eau douce. WO +
5. Note sur un nouseau genre de Carnivores et description de l'espèce sur laquelle il est établi, par M. Hopeson (avec figures).
Cebanimal, dejà mentionné sous le nom indigène de Bhärsiah dans un'cata- logue des mammifères du Népaul publié en 1832, provient dela partie môntagneuse du'sud dn Neépaul, et ressemble assez par sa taille , ses proportions et son port , au, Bluireao , dont il diffère surtout par son système dentaire , par l’absence d’o- reilles externes, par la dureté et la rareté, de ses poils.et par le nombre «et la dis- position de ses tuberoules palmaires. Il possède des glandes anales comme le Mydaus, avec lequel 1l a, aussi d’autres rapports naturels; enfin il se rapproche dés Ours par la conformation de ses pattes, et des Loutres par la forme de son crûve.. Les incisives et les canines différent aussi à peine de celles de ces dér- wiers carnivores , et 1} existe aussi de l'analogié entre leurs molaires ; mais chez le premier, dont l'auteur propose de former un genre nouveau sous le’ nom d'Ursitaxu* , elles -sont en moindre nombre; on y compte de chaque côté, à la mâchoire supérieure, :2 fausses molaires, 1 Carnassière et 1 tuberculeuse, et à la mâchoire inférieure 3 fausses molaires et x carnassière:
6 6: Nore swr l’Eurinorynchus griseus, par M. Pearson ( avec figures).
Cet aiseau , très rare, mais dont on possédait déjà une figure , paraît provenir de Vile d'Edmorstone , située vers le centre des sables de Saugier; on en a trouvé anssi un individu dans l’Arracan.
S 7. Descriprion de ‘trois nouvelles espèces de Paradoxurés , par M. Houcsonx. | So | C5, trois éspèces habitent le Népaul ; Vune (le P. kcrsutus H.) paraît à l’au- teur avoir beaucoup de ressemblance.avec l'animal dont la figure est conservée dans, les collections, de la Compagnie, de lTude, et a servi à M. de Blaïnyille P: ut la description de son Viverra Bandar ; la seconde espèce (le P, nipalensis 4) à beaucoup d’aualogie avec le Puradoxurus typus de Cuvier; enfin la troisième que l'auteur nomme Paradoxurus lanigerus est intermédiaire ‘entre” les deux précédentes. L'auteur donne beaucoup de détails sur la structure’et les mœurs dé ces Animaux . nl Hi |
S 8: Descrierion d’une noivelle éspèce dé Serpent à capuchon, pourvue de crochets et de dents maxtllaires , par M. Canror (avet 3 planches). "©
Ce serpent, connu dans l’Inde sous le nom de Sunkr-Choar, a beaucoup d’a- nalogie avec le Cobra-Capello ou Naja tripudians (Merrem), mais s’en dis- tingue 1° par l'existence de dents maxillaires derrière les crochets; 2° par la crête de l'os occipital inférieur, qui est très grande, comme chez le Vipera ele- gans et beaucoup plus développée que chez le Naja ; 3° par la dispo ition des
128 Publications nouvelles
tégumens de la tête; 4° par les plaques subeaudales, 5° par la couleur; et 6° par sou régime, car cet animal se nourrit principalement de serpens, particularité remarquable. L'auteur propose d’en former, sous le nom d’Hamadrys, un nou- veau-genre auquel il assigne les caractères suivans :
Caput latum, subovatum , deplanatum , rostro brevi, obtuso. Canthus frontalis obsoletus. Buccæ tumidæ. Oculi magni, prominentes , pupilla ro- tunda. Nares late apertæ , laterales , duorum scutellorum in confinio. Scuta rostralia frontalibus minora ; scuta supraorbitalia scuti verticis ejusdem magnitudinis, scutella præorbitalia duo, postorbitalia tria ; scuta occipita- lia maxime, sex imagnis sculis circumdataë Dentes venenti antici, pone quos paucis dentes maxillares.. Gula squamosa. Collum dilatabilis. Truncus teres abdomine rotundato, squamis levibus, per series obliquas dispositis ; imbri- catim tectus. Cauda brevis , scutis et scutellis tecta.
Sp. HamapryAs HANNAH. Superne ulivacec-viridis, striis sagiltalibus ni- gris cincta ; abdomine glauco , nigro-marmorato ; cauda +.
$ 9. Nore sur le Chameau fossile des monts Sivalik, par MM. Farconer et Caurzey (avec deux planches ).
Les auteurs décrivent avec détail divers fragmens de ce Chameau fossile, qu’ils nomment Camelus sivalensis , et les comparent aux os des Dromadaires. Ils an- noncent aussi la découverte d’une autre espèce plus petite, qui paraît se rappro- cher davantage des Lamas et qu'ils nomment Camelus antiquus.
10. Note sur Le Frelis cristata, nouvelle espèce de Tigre fossile des mon- tagnes Sivalk, par les mêmes. La taille de cet animal paraît avoir été intermédiaire entre le Tigre et le
Jaguar. $ 11. Norrces sur l’ornithologie duiNépaul, par M. Hopesox.
Dans ün premier article l’auteur donne la description de huit espèces nouvelles du genre Cinclosoma de Vigors ; de quatre nouvelles espèces de Fringillides, qu'ilrapporte aux genres Gros-Bec et Durbec ; de trois espèces nouvelles formant une division générique particulière à côté des Gros-Becs sous le nom de Wunia; deux espèces de Bouvreuils; une espèce de Chardonneret, une espèce de Bruant et un autre oiseau de la même famille dont il forme un genre nouveau sous le nom de Fringalanda. Dans une seconde série d'articles, l’auteur établit deux sous- genres nouveaux de la famille des Pigeons proprement dits, qu'il appelle Ducu- la et Toria ; et un nouveau genre de Silvidiens nommé Yuhina ; puis il décrit sept espèces nouvelles de Rapaces nocturnes; deux espèces nouvelles de Perro- quets ; dix espèces appartenant au genre Pomatorkinus de Horsfield , un sous- genre nouveau de la tribu des Becs-fins (G.Da/hila); trois espèces du genre Eni- cure ; une Bergeronuette et une Hochequeue.
12. Nore sur L'Ursus sivalensis , nouvelle espèce fossile des montagnes Sivaiik, par MM. Caurcex et FaLconer.
Cette espèce, qui se rapprochait par sa taille de l'Ursus spelœus , se distingue principalement par la forme des dents, dont la disposition est plus carnassière que d’ordinaire dans ce genre.
MILNE FDWARDS. — Aéspiralion des Crustacés. 129
Recnéacues sur le mécanisme de la respirationchez les Crustacés,
Par M. H. Mine Epwarps.
(Lues à l’Académie des Sciences, le:8. octobre 1838.)
En traitant du mécanisme de la respiration chez les Crusta- cés, je n’entends point parler dé la partie physique du phéno- mène le plus essentiel de cette fonction, l'absorption de l’oxi- gène par les surfaces branchiales ;:et l'exhalation d'acide carbo- nique qui s'y effectue en même temps ; je veux m occuper seule- ment des moyens par lesquels la nature alimente pour ainsi dire ce travail en renouvelant sans cesse les fluides destinés à fournir d'abord' aux organes respiratoires les matières nécessaires à l’en- tretien des qualités vivifiantes du sang, puis à entrainer au de- hors les substances excrémentitielles dont liécanorie se miens rasse par cette voie.
Chez les Crustacés inférieurs, ce mécanisme est des plus simples. Plusieurs de ces animaux ne paraissent pas avoir d’in- strument particulier pour la respiration; et c'est par le contact de l’éau aérée avec toute la surface du corps que cette fonction doit alors s effectuer ; or, pour renouveler le liquide, dont. cette surface est baignée, il suffit des mouvemens généraux de l’ani mal (1). Il en est encore de même lorsque certaines: parties ex térieures, telles que lés pattes, sorit modifiées dans leur struc- ture de façon à devenir des organes spéciaux de respiration, ainsi que cela se voit chez les Branchiopodes et les Edriophthal- mes (2)3 dans ce cas’, les mouvernéns propres'de ces appendices
(1) Les Phyllosomes sont au nombre des crustacés qui ne paraissent pas avoir d'organes spé- ciaux de respiration, car il n'y a aucune raison plausible pour attribuer cette fonction aux palpes flabelliformes des pattes plutôt qu'aux aatres parties de la surface té gumentaire ; il en est de même des Mysis, des Cyclopes, des Ponties , etc.
(a) Dans les Branchipes, les Apus et plusieurs autres crustacés inférieurs, tous les membres
. 49 Loor,— Mars, 0
130 MILNE, EDWARDS. — Aespiralion des Crustacés.
suffisent en général pour assurer le renouvellement de l’eau en contact avec leur surface, et lorsque ces appendices ne sont pas doués de la faculté de se mouvoir eux-mêmes , comme cela a lieu chez les Amphipodes ; ce sont les fausses pattes abdominales situées auprès qui, en s’agitant sans cesse, déterminent dans le liquide ambiant un courant continu (1). Mais chez les Crabes, les Écrevisses et les autres Crustacés supérieurs dont se compose l'ordre des Décapodes , les besoins de la respiration ne peuvent être satisfaits avec la même facilité ; et pour que les branchies , trouvent dans l’eau qui les baigne les qualités indispensables à l’exercice de la vie, le renouvellement de ce liquide doit néces- sairement être déterminé par un mécanisme spécial.
thoraciques ont une forme foliacée et servent en même’temps comme organes, de locomotion et de respiration; les mouvemens qu’ils exécutent d'avant en arrière à la manière de rames, les écartent les unes des autres et rénouvellent sans cesse le contact de leur surface avec l’eau ambiante. Il en est demême lorsque ce sont les lames terminales des membres abdominaux, qui à aison de leur structure membraneuse et de la richesse de leur réseau capillaire, deviennent les agens spéciaux de la respiration, comme cela se voit chez les Isopodes ; les muscles exten - seurs et fléchisseurs fixés à l’article basilaire de ces membres, les élèvent et les abaissent alter- nativement. Enfin , chez les crustacés qui portent de véritables branchies fixées à ces fausses pattes.abdominales ; comme les Squilles ;/les mouveméns d’élévation: et d'abaissement dé ‘ces membres, agitent au milieu de l’eau environnant l’espèce de panache/branchiale, fixée:à Jeur face postérieure , et déterminent de la sorte l’écartement des filamens dont celle- ci se compose , et le renouvellement du liquide dont elle est baignée. Ainsi, dans tous ces cas «particuliers, le métanisme de la respiration dépend!des mouvemens ordinaires de l'animäl, mouveméns qui s'exéeutent aussi indépendamment de cette- fonction et qui's'observent de même cheziles crus tacés à branchies intérieures, c'est-à-dire , là où ils ne servent plus en aucune façon au travail respiratoire. Les Limules , dont les ALL A. ont été décrites récemment par M: Duver noÿ, four- nissent un exemple de plus de ce mode de respiration.
(3) Chez les Amphipodes et les Læmodipodes, les branchies sont remplacées par la branche postérieure des membres thoraciques,-organe qui constitue d'ordinaire l’appendice flabelliforme et qui prend ici la forme d’unegrande yésiculeaplatie. Ces vésicules sont suspendues sous le thorax à la base des pattes, et ne peuvent être mises en mouvement par l’action de celle-ci. Chez les Læmodipodes, elles ne sont que peu recouvertes par les pattes et les mouvemens généraux de d'animal paraissent suffire pour renouveler l’eau dont elles sont Ibaignées ; mais chez les Am- phipodes et plus spécialement chez les Crevettines,. elles sont'encaissées entre. une double série de grandes plaques cornées, formées par les pièces épimeriennes des quatre premiers anneaux thoraciques , et par l’article basilaire des trois dernières paires de pattes, en sorte que le dé- placement du corps de l'animal ne suffit plus pour changer l’eau en contact avec ces organes, et on voit qu'ils sont constamment baignés par un courant dont la direction est d’arrière en avant et dont la cause réside dans les mouvemens d'élévation et d’abaissement des fausses pattes abdominales des trois premières paires.
MILNE EDWARDS.— /espiration des Crustacés. 131
En effet, chez tous ces animaux, les branchies, au lieu d’être extérieures et de flotter librement dans l’eau ambiante, sont renfermées dans des cavités particulières qui ne communiquent au dehors que par des ouvertures étroites. L'eau, il est vrai, peut arriver facilement jusqu’à ces organes ; mais, pour que.le liquide dont la cavité respiratoire se remplit ainsi soit renouvelé avec la régularité et la rapidité convenables ,äl faut qu'un. cou- rants y brablisse, et ce. courant ne peut être déterminé que par le jeu de quelque appareil particulier.
Si l’on ouvre la cavité respiratoire sur un Crabe vivant, on voit que les branchies sont continuellement, balayées [par jun certain nombre de longs appendices flabelliformes ,1et, comme les parois de cette cavité sont immobiles., on;est naturellement porté à considérer ces mouvemens comme la cause du renouvel- lement de l’eau dans l’intérieur de,cet appareil!, C'est en effet l'opinion à laquelless’est arrêté Guvier (1),.et plus. récemment M; Desmarest (2) ; maïs, comme nous:allons le voir, elle ne s'ac- corde pas avec les résultats fournis par-des expériences directes, etilaurait même suffi de l'examen anatomique de,certains Crus- tacés pour se convaincre qu'elle ne pouvait, être ntm de la vérité.
Pendant que je fai avec M. Audouin, des recherches sur la circulation du sang chez les Crustacés, j'ai entrepris aussi , de concert avec lui , quelques expériences sur le Sujet quifnousoc- eupe ici, et, depuis que la direction un:peu différente. de-nos études a interrompu ces travaux. communs, j'ai continué. de mom côté ces observations : les résultats, qui en, découlent, ont; été mentionnés dans la partie physiologique de mon Histoire natu- relle des Crustacés ; mais pour fixer l'opinion des zoologistes sur ce point de physiologie comparée ,ril me paraît, nécessaire d'exposer les faits sur lesquels repose l'explication nouvelle que Jai donnée du mécanisme de la respiration de ces animaux , et cesont ces faits que je vais exposer ici.
(x) Voyez les leçons d'anatomie comparée , t. IV, p. 432. C’est à tort que Cuvier in- dique ces lames comme étant articulées directement sur le thorax ; elles appartiennent aux pattes mâchoires.
(2) Considérations sur les Crustacés, p. 59
132 MILNE EDWARDS.— /espiralion des Crustacés.
Pour arriver à des idées nettes sur le phénomène qui nous occupe , il fallait d’abord acquérir une connaissance précise de l'appareil qui en est le siège. M. Desmarest est l’auteur qui a donné sur ce sujet les notions les plus exactes ; mais on cherche vainement dans les ouvrages de zoologie ou d'anatomie compa- rée les détails nécessaires pour l'intelligence du mécanisme de la respiration des Décapodes ; je crois, par conséquent , devoir m'arrêter un instant sur ce point d'anatomie, avant de parler des expériences physiologiques qui font le sujet principal de cetie Note.
Les branchies de ces animaux sont fixées, comme on le sait, à la base des pattes ou un peu au-dessus, de chaque côté du thorax, et reposent sur un plan incliné formé par les flancs ; un grand repli des tégumens se détache en quelque sorte du tronc à une petite distance au-dessus du sommet de ces organes , les recouvre comme une voûte et descend, au-dessous de leur ex- trémité inférieure , s'appliquer contre la base des pattes et des autres àppendices thoraciques. La lame externe ou supérieure de ce repli constitue la portion latérale de la carapace, et la lame interne, beaucoup plus mince et d’une texture plus molle, s’ac- colle à la première, ou bien laisse au-dessus d'elle un espace destiné à loger une partie des viscères , et, dans les deux cas, circonscrit de chaque côté du corps une grande cavité dans l’in- térieur de laquelle sont {cachées les branchies.
Dans le Carcin , le Maia, les Portunes, et la plupart des autres Brachyures , cette cavité respiratoire est complètement close en arrière et en haut aussi bien qu'en dessous, et ne communique au dehors que par deux ouvertures assez étroites. L’un de ces orifices (1), situé immédiatement au-devant de la base de Ja patte antérieure , résulte d’un espace vide laissé entre cet or- gane et le bord latéral de la carapace, et loge un prolongement de l'article basilaire de la patte-mâchoire externe qui peut, à la volonté de l'animal, se relever pour ouvrir le passage ou s’abais- ser de facon à le fermer exactement. L'autre ouverture (2) oc-
(x) Planche 3, fig. 3. (2) Planche 3, fig. 1,2, 3 et 4.
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MILNE EDWARLS.— {tespiration des Crustaces. 133
cupe l'extrémité antérieure de cette chambre branchiale , et.se continue en avant et en dedans sous la forme d’un canal qui, va se terminer sur les côtés de l’espace prélabial , tout auprès d'une échancrure plus où moins prononcée du bord antérieur du cadre buccal ; la paroi inférieure de ce. canal est formée par la portion ptérygostomienne de la carapace, et sa voüte. par un repli du squelette tégumentaire dépendant des segmens, aux- quels s’'insèrent les mâchoires et les mandibules; enfin il est complété en dedans par les appendices buccaux, et on re- marque dans son intérieur une grande valvule lamelleuse qui est une dépendance des mâchoires de la seconde paire.
D'après ce mode d'organisation de l'appareil respiratoire, on était naturellement conduit à se demander d’abord si l’eau peut entrer dans la cavité et en sortir indifféremment par ces deux voies, ou bien si elle est obligée de suivre une route déterminée, et, dans ce cas, quels sont les usages de l’une et de l’autre de ces ouvertures, et quelle est la direction du courant qui baigne sans cesse les branchies?
"| Quelques expériences que j'ai faites de concert avec M. Au. douin résolvent ces questions.
Nous plaçâmes dans un vase rempli d’eau de mer un Haïa squinado, en ayant soin de faire plonger dans le liquide l'ouver-, ture de. la cavité branchiale située au-devant de la base des pattes antérieures, et. de maintenir au-dessus de la surface de l'eau la terminaison du canal par lequel cette méme cavité vient
communiquer avec l’extérieure, au devant de la bouche. Les
pattes mâchoires externes étaient d’abord rapprochées, et, par conséquent , la première de ces ouvertures était fermée par le prolongement externe de l’article basilaire de ces organes; mais animal ne tarda pas à les écarter de façon à relever l'espèce de volet formé par cette pièce solide, et alors nous vimes presque aussitôt. l’eau monter dans le canal dont il vient d’être ques- tion, et déborder de chaque côté de la bouche en quantité considérable.
Nous renversimes ensuite l’animal , de façon à maintenir au- dessus du niveau de l’eau l’ouverture qui auparavant y était plongée , et à placer dans ce liquide l'extrémité du canal, qui
134 MILNÉ EDWARDS.— Atespirulion des Crustacés.
dans l'expérience précédente était exposée à l'air. Le Maïa fit mouvoir comme auparavant ses pattés-mâchoires , mais il nar- riva pas une seule goutte d’eau aux bords de louverture ainsi soulevée , et nous remarquämes bientôt qu’un grand nombre de bulles d’aïr S'échappaiëent de l'extrémité du canal immergé, dela même manière que nous avons vu l'eau en sortir quand Fappa- reil respiratoire était en communication avec ce liquide par l'ouverture postérieure de la cavité branchiale.
Ces expériences, que j'ai répétées sur un grand nombré de Brachyures ‘différens, ét que j'ai variéés de divérsés manièrés sans en voir changer les résultats, prouvent que c’est par l’ou- vérture située près dé la base des pattes antérieures que l’eau nécéssaire à la réSpiration pénètre dans la cavité branchiale ; et que c’est pah le canal situé de chaque côté de la bouche qu te en sürt apres avoir baigné lés branchies.
Chez'les Ééréviébsl les Salicoques et les autres Macroures , ainsi que chez là Huffart des Décapodes anomoures, l'eau pé- nètre aussi dans la cavité branchiale par l'espace vide que la ca- rapacé laisse entre son bord inférieur et la base des pattés(r): Le canal afférent occupe également la même place que chez le Maïa et les Crabes ordinaires ; énfin, la direction du courant d’éaû œ traverse l'appareil respiratoire ne change pas.
Ainsi la régle générale chez cès animaux, c’est que la cavité branichiale soit misé en communication avec Je miliéu 4mbiant par deux 'ouvértures distinctes dont l’une est affectée exclusivé- ment-à l'entrée de l’éau nécessaire à la! réspiration ét l'autre ‘à l'évacuation dé ce Hiquide lorsqu'il est devenu i HrOprE à le en- tretien delà vié.
Au préiiér abord , on pourrait croire que tous les Crustacés décapodés ne Sont pds soumis à Cette règle; et qué chez les Lét- COSiENS par exemplé, l’eau doit entrer dans la cavité réspiratoiré pâr'le méme canal, qui d'ordinaire sert exclüsivement à la sûr: tie dé ce liquide: En effet, chez ces animaux, il n'existe auctine ouverture entre le bord de la carapace et la base des pattés ; Ja voûté de la étvité branchiale vient s'appliquer exactement contre
@) Plauches pig. rire vitro | L : (I | a rtolc
MILNE FbWaARDs.— /tespiralion des Crustacés. 135
le bord inférieur des flanes et contre la base des pattés-mächoires externes, qui ne présentent plus, comme chez les autres Bra- chyures ,un prolongement operculaire(r). Dans:les points où se trouvent d'ordinaire les ouvertures sMFÉREt te ,ilnexiste par conséquent aucun moÿen de communication entre l'appareil branchial et le milieu ambiæit, et on n’apercevait à l'extérieur aüeunñ orifice propre à remplir des fonctions analogues. Mais si Von examine avec plus de soin la structure intérieure de ces Crustacés, on voit que le résultat physiologique ne varie pas ; séülément, il est produit par d’autres instrnimens. En effet, chez cés animaux, le canal éfférent n’est pas la seule voie de com: munication entre les branchies et lé milieu ambiant, et il ne remplit pas la double fonction qu'on pouvait être tenté de luï attribuer; il est longé par un autre canal qui est caché sous les appendices de la bouche, ét qui sert à l'entrée de l’eau néces- säire à la réspiration. Cé conduit afférent (2) commence à l’extré- mité antérieure du corps sous l'orbite , et consiste en une gout- tière profünide creusée près du bord externe de l’espace préla- bial , et complétée en dessous par a patte-mâchoire externe cor- fésptidante » il'est séparé du canal efférent par une rainure saillanté contre laquellé vient is’ippliquer un prolongement la- mélleux dés pattes-mächoires antérieures , et il se termine pos- tériéurément dans la cavité branchiale, au-dessous et en arrière ” l’ouverture postérieure du cânal efférent. 7 Tr
* Dans les Ranines , l'appareil respiratoire présente une autre modification qui, sous lé rapport anatomique, est également rémärquable, mais qui, sous [le point de vue physiologique , rentre dé K/niérne manièré dans la règle commune. Ainsi qué chez! les ‘Léticosiens , là cavité branchiale ne présente au- déssus’ de la base des pattes thoräciques, ni fente, ni orifice quelconque, et, d’un. autre côté, cés Crustacés ne possèdent Pas, cominé les précédens, un doublé canal respiratoire situé de chaque côté de la bouché; maïs cependant rien n’est modifié qüant aux usages du conduit efférent , et c’ést seulement la po-
:
(1) Planche 4, fig, 2. (2) Planche 4, fig. 3.
136 MILNE EDWR ps. — Aespiration des Crustacés.
sition de l’orifice aïfférente qui est changée : en effet, la cavité branchiale se continue postérieurement sous la forme d’un long canal, qui contourne le thorax et, se termine sous l’origine de l'abdomen par un petit trou (1),et c'est évidemment, par cette voie que l’eau doit, arriver aux branchies. |
Enfin, les Macroures et plusieurs des Anomoures offres dans la structure de leur appareil respiratoire une modification ,en- tièrement opposée à celle que nous venors de signaler chez les Leucosiens et les Ranines, carla cavité branchiale, au lieu d’être complètement fermée dans le point où la carapace vient re- joindre la base des pattes ou même y présenter un orifice bien circonscrit et garni d’un opercule comme chez la plupart des Brachyures, y est largement ouvert dans toute la longueur du thorax; quelquefois même le bord latéral, de la carapace ne descend pas. jusqu’à la base des branchies; mais le canal.effé- rent.est toujours conformé de la même manière que chez les Crabes ordinaires, et rien n’est changé quant aux usages de ces deux voies de communication entre la. cavité respiratoire et le milieu ambiant. 19",
Ayant constaté la constance de la direction :du courant qui baigne sans cesse les organes respiratoires de tous:les Crustacés décapodes, et ayant reconnu la route que ce courant parcourt tant pour .entrer.dans la cavité branchiale que pour,en sortir, il fallait chercher la cause de ce mouvement. |
. La cavité respiratoire des, Décapodes ne peut se dilater.et se contracter comme.le thorax des animaux supérieurs ,.et par con- séquent, ne, peut, fonctionner , comme celui-ci, à, la manière d'une pompe, alternativement aspirante.et foulante Il n'existe aussi chez ces animaux aucune ,communication-entre l’arrière- bouche et l’appareil respiratoire , en sorteique des mouvemens de demi- déglutition ne peuvent suppléer à l'absence.des mouve- mens, d'inspiration ordinaires, comme cela se voit chez quelques reptiles et chez les poissons. Connaissant ces particularités de structure, Cuyier avait cherché à se rendre compte du,renou- le de l’eau qui baigne les branchies des Crustacés déca-
(1) Planche 4, fig. 4.
MILNE EDWARDS.— /tespiration des Crustacés. 137
podes, par les mouvemens des appendices flabelliformes fixés aux pattes-mâchoires {des Crabes et logés entre les divers fais : ceaux branchiaux ‘au- dessus des pattes proprement dites chez les Écrevisses. Mais si une fonction aussi importante était réel- lement dévolue à ces organes , on devrait s'attendre. à les ren- contrer partout où la respiration nécessite un pareil renouvelle- ment d'eau aérée , c *est-à- -dire chez tous les Décapodes. Or, l’a- natomie comparée nous. fait voir que les. appendices. flabelli- formes sont loin d’exister-d’une manière aussi constante dans. cette grande division de la classe, des Crustacés; car, chez un grand nombre de Macroures et d'Anomoures ( 1), ces appendices manquent complètement, ou bien se trouvent réduits à à un état de mollesse et de flexibilité si grandes, qu’ils ne pourraient servir comme agent d’ impulsion. |
IL était par conséquent bien probable que Le scrasalle yen de l'eau nécessaire à. la respiration, devait être déterminé par quelque autre instrument, et il existe en effet d’autres organes qui semblent réunir toutes les conditions nécessaires pour les rendre propres à ce rôle important : ce sont les. appendices que les zoologistes désignent sous le nom de mächoires de la seconde paire (2) ; par leur position et leur structure valvulzire, ils sem- bleraient à priori bien mieux disposés pour remplir de pareilles fonctions, et ils offrent chez tous les Décapodes le même mode de conformation, tandis. que chez les Crustacés dont les bran- chies ne sont pas renfermées dans des cavités thoraciques , ils présentent une structure toute différente(3) ; et ne peuvent évi- demment être destinés aux mêmes usages. En observant, ayec M. Audouin, les, mouvemens que .ces, organes exécutent sans cesse pendant la vie, nous n'avons pas hésité à les considérer comme la cause du phénomène mécanique dont nous cherchions l'explication, et les expériences dont je vais rendre compte con- firment pleinement cette opinion.
Dans les Edriophthalmes et les Stomapodes, qui, par l'en-
j : | 1b 1! YA 1 / 151 |
(:) Les Pagures, les Hippiens, les Palemons, etc.
(2) Planche 3, fig, 1, 3 et 5.
(3) Planche 3, fig. 6 et 7,
158 MILNE EDWARDS.-—- Respiration des Crustacés.
sémble de leur organisation, se rapprochent le plus des Déca- podes , ces mächoires (t) ne pr sentent qu’une série de lames cornées qui s'appliquent sur la bouche ;'et qui concourent , avec quelques autres appendices analogues, à retenir les alimens pêndant que les mandibules les divisent. Chez les Décapodes, on retrouve aussi cétte partie buccale des mächoires postérieures, mais elle ne formé pas la portion la plus importante de ces or- ganés ; celle-ci consiste en une grande lame ovalairé qui est fixée au côté externe de leur basé (2),et qui est logée dans le canal ef- férent de la cavité branchiale. Cet appendice est libre dans toute sa circonférence, excepté vérs le milieu de son bord interne, et il est mis en mouvement par deux faisceaux de fibres muscu- laires , de façon à s'élever et à s’abaisser alternativement par ses deux extrémités opposées, et à battre comme sur un pivot; par suité de ces mouvemens, il boüche avéc sa partie antérieuré le câtial qui le renferme, buis, relevant obliquément son bord postérieur, frappe d’arrière en avant l’éau qui le baigne et la chasse au-delà de l'espèce dé valvülé formée par son bord anté- rieur ; celui-ci se relève aussitôt comme un clapet PE $ opposer à la réntréc dé l'eau, et, tant qué l'animal continué à MMA Ces mouvémens sé répètent avec une rapidité extrême. | 7”
Poür n''äséurer si les battémens dé cétté valvule suffiséht pour établir un courant dans le canal efférent de l'appareil réspira- tôiré, jouvris largement la cavité branchiale chez ün Crabe commun de os côtés {le Carcin ménade ) ,'et, sans retirer l’a- nimal dé l’eau où il était plongé, j'enlevai toute la voüte de cette cavité, en ayarit Soin de ne pas léser le canal efférent. Ce canal sé trouvait, par Conséquent isolé, et si le courant qui le traver- sait était détérminé par quelque agerit d’impulsion situé ailleurs que dans son ‘intérieur, ce courant se serait nécessairement ar- rêté à la suite dé opération qué je viens d'indiquer ; maïs loin de là , il a persisté, et sa rapidité même n’a pas été sensiblement diminuée.
Dans une autre expérience, j'ai laissé intacte la cavité respi-
(x) Planche 3, fig. 6. (21 Planche 3, fig. 5.
MILNE EDWARDS.— fespiralion des Crustacés. 139
ratoire, mais, j'ai maintenu daus l’immobilité les pattes-mà- choïres ; dont les mouvemens déterminent ceux des appendices flabelliformes ; considérés généralement comme les agéns méca- niques de la respiration , etici encore le courant formé par l'eau qüi,sort de cette cavité n’a été ni arrêté, ni ralenti d’une manière notable: ub 59
Enfin; dans une troisième expérience faite égälement sur un Crabe vivañt, j'ai coupé à sa base la ons valvule mandibu- laire logée dans:lé canal efférent ;aussitôt j'ai vu s'arrêter com- plètement le courant dont'ce canal est traversé ;èt';en faisant agir les appendices flabelliformes; je n'ai pu rétablir le mouve- ment du liquide.
Des-expériences analogues faites sur d’autres Brachyurei ainsi que sur des Macroures, ont-donné les mêmes résultats.
Il est donc évident que cejsont les mouvemens oscilatoires de cette valvule qui déterminent la sortie de l’eau renfermée dans la ‘cavité branchiale, sortie qui détermine à son tour l’entrée d'une nouvelle quantité de liquide par les autres orifices aboutissant au-dehors ; et qui-assure de la sorte le renouvellé- ment de l’eau aérée destinée à subvenir aux besoins de la res: piration. Cette valvule est par conséquent une dès pièces les plus importantes de l’äppareil respiratoire dés Crustacés déca- pedes , et cette importance nous!explique pourquoii son: modè de! conformation varie:si pe, dns toute cette grande division zoologique; tandis que dans: les autres: groupes de ‘la même classe ; où des dispositions différentes du système! bränchial réndent son jeu inütile, on h’en Noit aucun vestige. 1:11: HO
La HA a ae ES PRO afférénteside la cavité brans chiale n influe, que peu sur l’ensemble de ce phénomène: tout mécanique ; car le rôle de.ces orifices est ‘entièrement passif,:et leau dont les branchies Isont baignées se renouvelle égalément bien, quelle que soit la: voie »par laquelle cette cavité là reçoit du dehors. 11 n’ést dont pas surprenant de voir la disposition de ces ouvertures varier souvent et se modifier pour mieux se pré- ter à d’autres besoins de organise. ;
Quaït aux appendicés flabelliformes , ils ne peuvent guère servir qu'à agiter l'eau contenue dans la cavité branchiale, et
140 MILNE FDWARDS.— /esiration des Crustacés.
sont incapables de déterminer le renouvellement de ce liquide, phénomène sans lequel la vie cesserait bientôt d’être possible. Chez quelques Décapodes , ils peuvent contribuer aussi à main- tenir les lamelles branchiales libres entre elles, et à empêcher qu’en s’accolant elles ne viennent à diminuer l'étendue de la surfacé en contact avec l’oxigène du milieu ambiant (1), cir- constance dont l'influence sur la respiration des animaux aqua- tiques a été démontrée par les expériences de M. Flourens sur les causes de la mort des poissons exposés à l'air. Les fonctions de ces appendices sont: par conséquent accessoires, et , comme nous l'avons déjà fait remarquer, leur existence même est loin d’être constante. |
Si l'on compare au jeu de l'appareil respiratoire des autres animaux le mécanisme que je viens de décrire, on verra qu'il diffère essentiellement de tout ce qui est connu jusqu'ici. Chez les Crustacés décapodes, cet appareil ne représente plus une pompe alternativement aspirante et faulante comme chez les Vertébrés supérieurs, ni une pompesimplement foulante comme chez certains reptiles, mais-un instrument d'hydraulique parti- culier, à parois immobiles, dans lequél'un système de pallettes vient battre le liquide de facon à en rejeter sans cesse une par- tie au-dehors , et à déterminer par appel, dans la cavité située dérriere-lui, un courant rapide: qui:s’alimente dans le milieu ambiant. Ce mécanisme rappelle d’une manière frappante celui de certains ventilateurs dont nos'ingénieurs se servent pour re: nouveler! l'air viscié dans les cavités souterraines, et il nous fournit un exemple nouveau de la diversité des moyens que la nature emploie souvent pour arriver’ à un même résultat.
IL est aussi digne de remarque que l'instrument affecté à cet
usage insolite n’est pas un organe nouveau introduit ad hoc:
dans la structure des Crustacés à branchies intérieures , mais un appendice qui existe dans tous les animaux de cette classe, et qui est seulement en partie détourné de'sa destination ordi-
(x) Les mouvemens des pattes ambulatoires coucourént également à ce but , car elles déter- minent l'élévation et l'abaissement alternatifs de ces organes lorsque ceux-ci sont fixés sur leur base et non sur la voûte des nous, Cet effet est très warque chez les écrevisses de ri- vière.
MILNE EDWARDS.— Aespiration des Crustacés. 141
naire et légèrement modifié dans sa conformation pour devenir apte à remplir ses fonctions nouvelles.
EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE 3.
Fig. 1. Appareil respiratoire du Mara squinano, ouvert en dessus. ( On n’a représenté ici que la cavité branchiale du côté droit.) — a, a. Portion de la carapace, dont toute la voûte a été enlevée, ainsi que les viscères sitnées en dessous ; — 2. portion postérieure de la voûte des flanes sur laquelle reposent les branchies ; — c. les branchies mises à découvert par l’abla- tion de la voûte de la cavité respiratoire ; — d. appendice flabelliforme de la patte-mâchoire antérieure ; — e. orifice interne du canal efférent (f), qui est ouvert dans toute sa longueur ; — g. appendice valvulaire de la mâchoire de la seconde paire, logé dans ce canal.
Fig. 2. Portion antérieure du même appareil, montrant la conformation générale du canal efférent. — a. carapace ; — #. portion de la membrane tégumentaire qui tapisse la carapace rejetée en dehors ; — c. voûte de la cavité branchiale;—4, voûte du canal efférent ; —e, man- dibule.
Fig. 3. Portion antérieure du corps d’un Maia, vue en dessous , pour montrer les deux ori- fices respiratoires. — a. Carapace ; —h. plastron sternal ; — c. base des pattes de la première paire ; — d et d!, orifices afférentes formées par l’espace vide laissé entre le bord de la portion ptérygostomienne.de la carapace et Ja base des pattes antérieures ; — e et e’. pattes-mâchoires externes , dont l’une (e) est appliquée contre la bouche et ferme alors l’ouverture efférente avec le prolongement operculiforme de son article basilaire, tandis que l’autre (e) est représentée au moment où l’animal l’abaisse , ce qui ouvre l’orifice efférente et permet l'entrée de l’eau dans la cavité respiratoire ;—f. espace prélabiale, où vient se terminer le canal efférent ;—g. por- tion saillante de la région ptérygostomienne , qui correspond à ce canal.
Fig. 4. Le canäl efférent ouvert et la bouche mise à découvert par l'ablation d’une portion de la carapace et’ des pattes mâchoires externes. — à. carapace ; —8. portion dé la région ptérygostomienne de la carapace qui formé le:plancher du canal efférent ;—c. pattes-mâchoires de la première et de la seconde paires , qui concourent aussi à fermer en dessous ce canal effé— rent ; — d, extrémité antérieure de ce canal; — e. bord antérieur du cadre buccal; — f. le canal efférent ouvert; — g: son orifice interne ; — . appendice valvulaire de la mâchoire de la seconde paire; — ë, mandibules; — ;. appendice de la patte mâchoire antérieure qui sépare l'orifice afférent de l’extrémité postérieure du canal efférent ; — 4. orifice afférent; — Z, article basilaire de la patte mâchoire externe.
Fig. 5. Mâchoire de la seconde paire d'un Maia squinado.—a. Portion buccale ;—à. appen- dice valvulaire ; — c, muscles moteurs.
Fig. 6. Mâchoire de la seconde paire d'une’squille.
Fig. 7. Mâchoire de la seconde paire d’une cuvette,
PLANCHE 4.
Fig. 1. Pacémon , vu profil, la cavité branchiale étant ouverte, — a. Carapace ; — à, ligne ponctuée , indiquant la position du bord inférieur de la carapace, lorsque celle-ci est intacte ;
142 HELFER. — Sur des F’ers à soie de l'Inde.
—e. base des pattes; — d. flancs ; — e. branchies ; — f; canal efférent; — 2. extrémité anté-
rieure; — 4. appendice valvulaire de la mâchoire postérieure ;—. pattes mâchoires. Fig. 2. Portion antérieure du corps d’un Leucosien (le Guata roncrué Edw.), vue en des- sous. — a, Régions ptérygostomiennes de la carapace ; — 2. plastron sternal ; — c. base des
pattes antérieures ; — d ; patte mâchoire externe appliquée contre la bouche; — 4’, patte mächoire externe, abaissée et laïssant voir l'extrémité du canal afférent (e)et les appendices (f), qui recouvrent l’extrémité du canal efférent.
Fig. 3. Le même, les pattes mâchoires étant enlevées. — a. Carapace ; — 2. plastron; — e. canal afférent ; —f. appendice lamelleux de la patte mâchoire antérieure;—z. canal efférent mis à découvert par l’ablation de cet appendice.
Fig. 4. Appareil respiratoire de la RANISE. —a. Carapace ; — 2. membrane tégumentaire ; c. voûte membraneuse de la cavité branchiale ;—d. flancs ;—e branchies ;—f, canal efférent ; — Z canal afférent ; — }, abdomen.
“MémorE sur les vers à soie indigènes de l'Inde ;
Par M.T: W: Hebren, D.M.
EL L
Méribre dés facultés dé médecine de’ Pragüe et de Pavie, membre de là Société entomologique é js à de sp éte, etc. ti)
“La soie a été dans tous les temps un article de commerce de la plus baute importanse pour tout l’ancien monde.
Cequi valut à la Chine toute la célébrité dont elle .jouissait aux époques classiques de l'antiquité ; c'est d’avoir été la contrée mère de ces my stérieux tissus qu’elle sait fabriquer depuis un temps: immémorial avec un grand, degré de. perfection, On les nommait se ou ser, et c’est de la que-l'Inde’et les contrées in- connues qui là bornaient vers l'est furent appelées du nom de Serira. ee |
La possession de ces précieux produits fat-an objet d envie pour tous les satrapes de l'occident de’ l'Asie , pour les souverains de Rome, et pour les empereurs de Byzance, et la toison d’or des fabuleux Argonautes n’était peut-être pas autre chose que le tissu précieux que file le Zombyx.
(2) Extrait du Jourraliof the, Asiatic Society of PBérgal; january 1 837.
HELFER.— Sur les l’ers à soie de l’Inde. 143
L'empereur Justinien fut mis en possession du secret de leur origine par deux aventureux moines Persans, qui parvinrent à emporter de la Chine des œufs de Vers à soie dans une canne de bambou creux, à travers les chaînes glacées de lHymalaya, les plaines stériles de Boukhara, et les âpres montagnes de la Perse, jusqu'à la capitale lointaine de l'Orient. Justinien, tout maitre qu’il était des richesses de son vaste empire, regarda comme un objet de haute importance de s'emparer du monopole de ce précieux article de commerce.
L'introduction de la soie à Palerme du temps de Roger I, fit des Siciliens un peuple opulent; et ce fut surtout par ” coni- merce de la soie que les Vénitiens élevèrent leur immortelle ma- rine. De nos jours encore, l'introduction et l'exploitation du ver qui] produit la soie est une source de richesses illimitées pour les états de l’Europe où cette exploitation peut se faire sur une grande échelle.
Pour mettre cette vérité dans tout son jour, il suffira d’obser- ver qu'il s’est exporté de France seulement, pendant l’année 1820, de Ja soie ouvrée pour une valeur de plus de 120,000,000 dé francs.
L'importation de la soie brute ou ouvrée en Angleterre s'est élevée dans l’année 1828 à 4, 547,812 livres dont 1 AS 000 EnYi- ron ont été apportées du Bengale, et les ANR autres sont venues de l'étranger , et surtout de l'Italie et de la Turquie.
Les régions occidentales de l’Europe, et notamment l’Angle- terre , conviennent. moins à la culture de la soie, par suite du climat qui y règne.
La Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne ayant trouvé par expérience que les besoins dépassent constamment la quan- tité dont on peut disposer, ont essayé de la remplacer. par quelques autres produits.
On a examiné diverses substances offrant de l’ analogie avec les filamens de la soie. M. Bon , le premier , a filé en France la toile de l’äraignée, mais Réaumur a fait voir que les instincts carnässiers des Arachnides rendent impossible leur éducation
sur de grandes proportions, et c’est une entreprise qui , de nos jours, est tout-à-fait abandonnée.
144 HELFER. — Sur les Vers à soie de l’Inde.
On a eu recours aux mollusques, et l'on a trouvé que la Pinne marine fournit des filamens ressemblant à la soie, par suité de la faculté qu’elle possède de sécréter une matière visqueuse qui se convertit en fils autour de son corps. Il en résulte une soie tres durable et d’une grande beauté; c’est le byssus des anciens, mais ce produit est toujours plus cher que la soie ordinaire du Bombyx mori, et quoique l’on en fabrique encore aujourd'hui dans la Calabre et la Sicile, des bonnets, des gants et des bas (j'en ai vumoi-même une manufacture considérable à Palerme), ce sera probablement toujours beaucoup plutôt un article de curiosité qu'un objet de consommation générale.
En Allemagne des essais ont été faits du temps de Ræsel , et tout récemment encore, en Styrie, pour employer la soie des cocons de la Safurnia pyri, papillon commun en Autriche, ct dans les régions subalpines du Tyrol et de la Suisse ; mais jus- qu'ici les expériences ont été trop peu nombreuses, surtout, je pense à cause de la trop grande délicatesse de la chenille, qui périt si elle n’est pas nourrie avec la plus grande promptitude, à l’aide dés feuilles inférieures de diverses espèces de Poiriers.
Ce serait donc une découverte de la plus haute importance & que celle d'un 'procédé moins malheureux dans ses résultats . ceux que nous venons d'indiquer.
, les vastes provinces de l’Inde n’ont de rivales pour la varidié) la richesse et la per fection de leurs productions que dans collés du céleste empire. Aujourd hui, dans les mains d’un gouvernement éclairé et bienveillant, elles les surpasseront sans doute dans un espace de temps très court, dès que leurs ressotirces naturelles , chaque jour plus ep auront été reconnues, examinées, et'auront pris dans la consommation générale la place qui leur appartient.
Dans l'Inde, de même qu’en Chine, la soie existe de temps immémorial, et cette soie n’est pas. celle du ver du muürier , in- troduit seulement dans ces derniers temps; mais elle, provient de divers cocons indigènes qui appartiennent exclusivement à cette contrée.
Le père de la botanique des Indes, le docteur Roxburgh, le premier en a donné une courte nutice daus les Transactions
—_—_—_
MELFER. — Sur les Vers à soie de l'Inde. 145
of Linnean Society, tomevst. Deux espèces seulement y sont men tionnées, la Phalæna}( Aitacus)(Saturnia) Paphia et la Phalena Cyntlua.Depuüis lors personne n’avait porté son attention sur ce - point, si ce n’est le docteur Buchanan, qui dit, dans sa descrip- tion du district de Dirajpur, que l’on y élève un autre ver sur le Ricin, dont la soie est employée par les naturels du pays pour leurs usages domestiques.
Depuis le moment de mon arrivée dans l'Inde, j'ai porté une attention constante et scrupuleuse sur les diverses productions dela botanique et de la zoologie, et j'ai été assez heureux pour
reconnaitre dans l’espace de deux mois deux autres espèces du
«genre Saturnia , qui produisent de la soie, lune du Silht,
d'autre de Bankoora. Précisément à cette époque M. James Prin-
sep reçut du capitaine Jenkins, établi dans 4ssam, un mémoire de M. Hugon sur les Vers à soie de cette province importante, qui venait d'entrer sous la domination de l'Angleterre. Six es- pèces distinctes de Vers à soie sont établies dans ce mémoire. Déjà les cocons de quatre de ces espèces sont convertis en soie par les habitans de l’Assam, et ç'a été pour moi une grande joie en même temps qu’une grande surprise que de reconnaître ‘que trois d'entre elles diffèrent de l'espèce bien connue du Bombyce du mürier et des deux autres vers indigènes que l’on exploite dans le Bengale.
Ces découvertes récentes méritent une attention toute particu lière. L'Inde possède donc, en effet, des ressources pour appro- visionner l’Europe tout entière d’une matière qui peut rivaliser avec le coton et la laine, et qui serait préférable à l’un et à
»Vautre dans une foule de cas, pour peu qu’elle fût mise à la “portée de tous par un prix peu élevé; et cette matière peutdeve- nir une source de richesses.et de revenus illimités , lorsqu’elle
.sera l’objet d'une exploitation convenable.
On me permettra donc d'entrer dans la description des nom- breuses espèces différentes de vers, qui produisent actuellement de la soie dans l'Inde. Sept d’entre elles n'avaient jamais encore
» été mentionnées jusqu’à ce jour.
1° Bombyx mori. Le ver du mürier , qui a été probablement
introduit dans ce pays, de même que le mürier lui-même, est XI, Z001, ms Mars, 10
146 netrer. — Sur les F'ers à soie de:l'fnde.
_
trop bien connu pour que nous sohbtent y arrêter ici notre ‘at- tention. | Inasons ri ,299fmoif 2° Le Ver à soie sauvage des pravices citations Goo) a décrit commé la chenille d’un papillon dont la taille n'excède pas celle du Bombyæ mori. Je: n’ai pu jusqu'ici m'en procurèr desindividas ; probablement plusieurs espèces de Bombycés ont été confondues dans le cas dont il s’agit; puisque la:svie dérees - provinces , qui se trouvé; parfois versée dans le REC puise des différences considérables. 1: 109 110Ïf4F910 3° Le Ver à soie Jorée, Bombyx rcligibnte mihi.: Les shiéln. plaires de cet intéressant Eépidôptère ont été, je lesdisoavec regret, détruits dans le trajet qu'ils ont eu: à faire des PAssany à Calcutta, de sorte que je suis forcé de n’én: donner qu'uné des- cription superficiélle d’après le dessin qui les accompaghait (pl. 6, fig. 4), et.de renoncer à en faire Panalyse’ didénos -
tique. (1 dus D #H805% MP Genre Bomryce. | rite. 2996q Longueur : environ un pouce un quart: os esf 880 Antennes pectünées. | { 201 48q Téte petite ,engoncée:: 24872 ou up ra 1 #9 SiOf Yeux très grands, brun-noir: 2) ros'b étort sup
Palpes inconnus, | :dmoti Thorax subquadrangulaire , recouvert: de poils Déiabigsis épais; avecune bande noire qui le sépare de Ne ) Abdomen représenté avec huit segm ns. | Shal' E .s6i Jambes inconnues: J'b 5191300 1 l'I 19tnoieiv Ailes. Tes supérieures très: courtes :( ini pet fil dans’:la femelle ), triangulaires, avec l'an gle externe aigu;le bord'interne sans bordure; de couleur gris Mer , qui devient ve noué ivêrs l'extrémité. à SUN HET Une bande blanche iv tbce Mi: le ie jé fooiiéSilte, avec une grande tache blanchätre au sommet ou angle extérne. Les ARE uniformément brunes. ::: |49 e9esrorid Le cocon de ce Ver à soie est composé de:fils delà li grande finesse, et offre un lustre très-soyeux. IL est extrémeent A au toucher et diffère beaucoup de celui du ver dumürièr :
Cette découverte du capitameJenkins’est d'un grând intérè À
D meme. Sur. les Kersià saie de l’Inde. 44 7
çar.elle nous. offe, une soie sinon, supérieuré du moins certai- _nemenb égale : à celle dn Bombyce. du murier. . «Gette espèce. vit sur Yarbre pipu? (Fiçus religiosa), ce qui. en rendrait L'exploitation fortaiséè, car le pipul croit en abondance dans llude tout entière. -£q Je suis CAPNANEU » d’ aprés les Shen lou de cocons qui ont été envoyés une segonde fois par le gapitaine Jenkins, . que. le dorée, et le Deomooga ne forment qu'une seule espèce. , 4° Saturnia silhetica. mihi (longitudo pollices noyem (r), sive .lineas. 108, aJarum superiorum expansarum)., li Diagnosis, Pectinicornis, alis superioribus apice recurvatà fal- ,gatis, inferioribus, oblongis. , Alis superioribus, maculis duabus fenestralibus, interna triangulari magnà, alter :externà multè _minori « obloneà, inferioribus maculà eâdem unà versus corpus triangulari magnàä. Colore, cinnamomeis lineis variegatis|albidis in medio, ad marginem externam flavis. . OEufs, larve et: <huyeaide inconnus.
LIRTIS TEE h pit
| Description.
fe êle saMlanté avét! uné crête dé poils j jaunes." "Yéux de grandétir moyenne, brun clair. {htehnes pectinées; larges d'environ‘ cinq lignes, jaunés.” Lu) 10 papes äû nombre de quatre, ne re recouvrant as _ vVérmi- lar interne , de couleur brune." | “Bouche CaËbée dépourvue de trompe. * PIMAIRE 0 Thor éville. révêtu d'un poil fin veloüté, cha sur Ête * pourpre et de la même couleur que les ailes; k Abdomen très court, revêtu d’un poil beaucoup SR f fin et “béadtotip plus clair que le-thorax. PE EE «2 UMfuribes velues, jaunes, ‘égales. LA Don Mb Ebrbe bereinerre récourbés, /0470 ei eo 15qemo sb “Ailes hérirontalés, étendues, esentat déshlnieathotiepnts. “nntés désimuscléset dés téndonséentraux: ;la paire supérieure de couleur cantiëlles extrémité fobtémént édirbbe: lé bordantérieur offrant une’ ‘belle’ ceinturé éiséwélonée, ER bord'externe forte-
anollic LE 4 | »} jp? HORILU
29/(1) Meme anglaises 5 lle 1 ÉLE
148 HeLrer. — Sur les Vers à soie de l’Inde.
ment concave, l'angle externe d’une belle couleur rose; le bord in- terne d’un jaune intense avec une ligne noire, étroite, filiforme, onduleuse, allant se perdre dans l'angle externe. Danslé centre se trouve placé l'œil qui caractérise toutes les Saturnies. Cette tache est d'une transparence micacée, triangulaire, avec son angle aigu du côté du corps. Un autre petit point oblong, transpa- rent, se trouve placé en arrière; l’une et l’autre de ces taches sont bordées de brun foncé. Les ailes de la seconde paire ou paire inférieure ressemblent complètement aux précédentes sous le rapport de la distribution des couleurs; quant à leur forme, elles sont beaucoup plus convexes et oblongues: Le poil qui les recouvre est très épais et très long près du corps , et surtout près de leur point d'insertion. La ligne noïre n’est pas ondalée, mais elle suit le contour de l'aile, et l’on voit de chaque côté des nervures principales, deux taches noires oblongues entourées de jaune clair.
Has. les monts Cassia, dans le Sz/het et le Dacca, où lon file la soie de ses grands cocons. Il nous manque la description du procédé particulier dont on fait usage.
5° Une Saturnie encore plus grande, l’un des plus grands papillons qui existent, car il mesure dix pouces d’une extrémité des ailes à l’autre. Elle a été observée par M. J. W. Grant à Chirra Punjee ; et feu le docteur James Clark l'a eue en sa possession. Je n'ai pas encore eu occasion de la voir.
6° Saturnia Paphia Linné, Systema nat. 2, p. 809 ,,4. Phalæ- na mylitta Drury, t.11, tab. 5, fig. 1,mas. Roxburgh. Trans. Linn. Societ., t. vit, p. 53.
Le Ver à soie Tusseh.
De tous les vers indigènes, celui-ci est le plus commun, L’é- toffe de soie qui est portée si communément dans.ce. pays, même par les Européens, provient de cetteespèce. M. J.W. Grant a eu la bonté de m'en PrOCUreF ce mois de septembre, plus de trois mille cocons que j’ai laissé éclore, et je me suis trouvé dans les circonstances les plus favorables pour les étudier.
M. Michael Atkinson, de Jangypur, dit que cette espèce ne peut être rendue domestique, par la raison que les papillons prennent la fuite avant que les femelles soient fécondées. C'est
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HELFER. — Sur les Vers à soie de l’Inde. 149
en effet ce que j'ai constaté par expérience. Pour les empêcher de fuir, je les ai tenus sous un moustiquaire, et là les femelles ontété promptement fécondées et ont déposé plusieurs milliers d œufs, dont de jeunes chenilles sont sorties le dixième jour:ainsi l'obstacle dont il s’agit pourrait être levé sans beaucoup de peine.
Jusqu'ici l'éducation de ce Ver à soie ne s’est encore faite nulle part, mais des millions de cocons sont recueillis chaque année dans les campagnes et envoyés aux comptoirs établis pour le commerce de la soie aux environs de Calcutta, à Dhaniakali , par exemple ; mais c’est à Bhagelpur que cette fabrication est sur- tout florissante. Dans les autres parties, de même qu’à Jangypur,, le peuple le recueille sur les arbres, et le transporte sur l'arbre Assem(Terminalia alata Roxburzh). Cet arbre croissant autour des maisons, rend plus facile la surveillance des chenilles que les corneilles recherchent avec ardeur pendant le jour, et. les chauve-souris pendant la nuit.
Les naturels distinguent deux variétés de ce ver, le Bughy ex le Jaroo ; mais ces deux variétés appartiennent à une même es- pèce.
Ce ver vit le plus ordinairement, à l’état sauvage, sur le Bar: (Zizyphus jujuba); mais il mange aussi et peut-être même pré- fère-t-il le Terminalia alata et le Bombax heptaphy llum.
C’est, le même papillon qui se trouve aussi quelquefois dans l’Assam , et que M. Hugon appelle Kontkuri mooga.
Bien que l’on sût en Europe par les publications du docteur. Roxburg et du docteur Buchanan, que les vers T'ussée et 4r- rindy existent dans l'Inde et y sontiudigénes, cependant, chose, assez étrange , on y ignore jusqu'ici, ou, du moins, on l'igno-. rait à l'époque où nous étions sur ce continent, que, depuis plusieurs années , la soie de cette espèce n’est exportée qu’ en petite quantité en Angleterre, par la raison qu'on la considère comme d’une qualité inférieure à celle que produit le Bombyce du mürier, C'est cette même raison qui est cause que l’on ne s'est pas encore occupé de la possibilité de transporter ces vers dans d’autres climats pareils à celui où ils vivent.
7 Une autre Saturnie différente de toutes les autres (alis in- ferioribus in caudam desinentibus). Elle ressemble à quelques
150! HELFER..— Sur’ les Pers @ sôi6 de Plnide.” CÉPECES que jai vués, et qui provenaient dé Sbva pile dé Javd:
Je n'ai pu me PEBERER que les ailés’ de Cet inscetélrétiare” quable. A iron ore 245
Le papillon vient dés environs de Comércolly: cob #l1190 »
8° Salurmia ASsamensis" mihi. Long. A SUR lentes 60-65 linear. } FARMDeUS
Diagnosis. Pectinicornis alis Superioribüs apicé acutis}) sub}! falcatis, inferioribus LoBtPanbtatt sde maculis duabus sabetei
cali non diaphanis hièle: Color latéritis luteûs, nebulis spar: sis obscuris, lineis semi-circularibus vérsus corpus duabus sy fascià albidà brunneä versus marginem inferiorem.
Je n'ai vu les œufs, la larve, ni la éhrysalide vivante, mais elles sont faciles à reconnaître d'après le dessin CEJOR CVS: pl. 6! fig. 5).
Téte non prolongée , | avec üné toufle de poils jaunes ro geñtres. | Q #lTuOR-e VE Yeux ordinairement brun foncé. ” Hein aise aa “Aniennes pectinées ‘dans le mâlé , plus lârges diéllés Ba lé” sont ordinairement chez les éree | Palpes au nombre de quatre, rétouträne Li Boüché )quin est pas visible. SA CASAERLS
Thoräx Carré , demi a revêtu, près delà 1êté, 'd'on couleur gris soyeux, ‘qui se Continue avec cellé du bord A pe des ailes “supérieures. LE portion postérieure dû tHürax est'de la !
couleur dég’ailes "71000 Ha. 40 i sup Roitl
Abdomen comprenant plus dés ml tiers! de l'étlntag téh8e; # tudinalé des aïles dans leur pésition riaturélle et D ane moe la dodiedf" des aies. 77, : °° OPEL? RUE sS22!
Jambes minicés, poilues, jatiies, courtes: La PARA PI $4
| Tarses petits et courbés. 9h sioz sl 2% 0ns atusieuiq
‘Ailes étendues horizontalement, aVec uné forte juge 2ABa tenant la membrane dés supériéures à leur bord! antérieuns 01
Les deux paires sont d’un couléur jaune foncée ur peu Foti: geàtre. L’extrémité, qui est trés convexe dans lé mälé; ‘et le bord antérieur’, jusqu à si moitié à partir du corps , ! est d'une
couleur gris d'argent. Le bord extéthe offre à" peine quelques différences; Une Ban brunéfé EF Ent Biitatée ! AVeC "une
HEËFER. — Sur4les ers &\soie de l'Inde. 1DE
ligne.blanche de chaque côté, coupelestailes dans toute leur étendue, à plus-des deux tiers dedeur longueur, en arrière de leur insertion au thorax.
1Onrobserve des nuages bruns duns l'intésvallé des nervures ; deux lignes blanches en croïssans se voient sur les supérieures, et se continuent sur les inférieures jusqu’auprès de l'abdomen. Latache des ailes extériéures est plus grande et recourbée en dedans; Pautre ‘est plus: courte ét dirigée en arrière. Les deux taches es ailes qui‘sont particulières aux Saturnies sont pres- quétdemi circulaires inais non micacées, diaphanes, mais re- vêtües comme le reste d’écailles jaunes formant une ligne plus obscuré avec un bord brun en dedans. Par cette particularité caractéristique; cet insecte paraît former un passage à un genre voisin, bien qué la chenille figurée comme lui appartenant , soit bien:complètement celle d’une Saturnie.
Le cocon, d'une couleur ; jaune brun , 4 un aspect très diffé- rént des autres.
f fie
ous devons la découverte de cet insecte fort intéressant au câpitaine Jenkins et à M. Hugon. Les traits particuliers de son histoire ont été exposés longuement daus le mémoire de M. Hu-
gon. Il n en avait pas encore été fait mentionjusqu'ici bien que
Id' Soie ui en provient s soit fort employée dans tout l'Assam.
D
7 ni cynthia Drury, 2 , pl. 6, fig. 2. Cramer 4, pl. 39,
se Referer Trans. certes t.7, p. 42. Buchanan, Désc.
Dinajpur, p. #4 (Buchanan la confond avec la Phalæna pe- nelope : pourquoi ? ),
Qn .élève LArrinds arri4 ou Ver à soie eria (pl. 6) dans une grande partie de lIndostan, mais en plus, grande quantité que partout ailleurs, dans les districts de Dinajpur et de Rang- pur ; il est à l’état domestique et s’élève dans l’intérieur des mai- sons. On le nourrit surtout des feuilles du Ricinus communis.
La, soie, de cette espèce, n’a pas encore été dévidée, mais on a été obligé de la filer comme du coton.
s'étoffe qui en est faite est en apparence lâche et grossière, mais elle: est d’une durée incroyable. La vie d’une seule per- sonne, suffit rarement pour user un vêtement de cette espèce ,
152 HELFER. — Sur les Vers à soie de l'Inde.
de telle sorte qu’une même pièce d’étoffe passe souvent de :la |
mère à la fille. »( Lettre d’Atkinson à M. Roxburgh.)
Ce ver est tellement productif que l’on en obtient quelque-
fois jusqu’à douze récoltes dans une année. Il croit rapidement et n'offre aucune difficulté qui puisse s'opposer à ce qu'il de-! vienne l’objet d’une spéculation étendue.
Mais ce qui nous autorise surtout à recommander hirétinont l'exploitation étendue de cette espèce, c’est la considération du double profit qu’elle permet de retirer d’une surface de terrain plantée avec le Ricinus communis, dont on retirerait de l'huile,
en même temps que les feuilles serviraient à la nourriture des,
vers; et que si, d’un côté, l'étoffe que l’on en retire est d’une nature grossière, d’un autre côté elle tire une grande valeur de la longue durée qu’elle est susceptible d'avoir. Ne serait-il pas possible de s’en servir avantageusement en la combinant avec. du coton pour la fabrication de certains tissus ? 4
La phalène dontil s agit est originaire de l'Assam, comme la.
précédente et les Hat ations dont elle a Gosità le sujet à M. Hugon forment un paragraphe intéressant de son mémoire. 50° Saturnia? trifenestrata mihi. Longitudo lineas 24-28.
Diagnosis. Feminà obscure castaneo-brunneä > Versus finem.
albido adspersà, lineà transversali albida, alis superioribus ad marginem externam , fenestris tribus transparentibus, lineä dia- Re versus Corpus Ludréne bts
Mas luteus lineà brunneà transversali transversè super aus
currente ; alæ superiores margine externo fuscescentes.
OEufs jaunes blanchâtres, avec une ligne dentelée sur leur plus grande circonférence.
Larve inconnue.
Chrysalide inconnue (endommagée ).
Cocon jaune, en forme de réseau , transparent, de telle sorte que Ton en peut voir l'intérieur, dun lustré soyeux remar- quable.
Insecte parfait. La femelle d’une couleur brune uniforme. L'extrémité des ailes est de la même couleur, semée d’une pous- siëre blanche, Une ligne d’un blanc sale les coupe transversale-
HELEFR. — Sur les Vers à soie de l'Inde. 153:
ment. Ce qu’il ya de plus remarquable dans cet insecte, ce sont trois miroirs ocellés sur les ailes supérieures, commençant à la rervure d'insertion qui se trouve en dessous du milieu de l'aile, et se dirigeant en dedans, à la suite les uns des autres, vers l'extrémité postérieure du corps. Le premier semble formé par deux qui seraient réunis; le second est le plus petit.
Le mâle est d’une couleur jaune uniforme; le bord postérieur: des ailes seul est brunâtre; une ligne parcourt transversalement leur bord antérieur. Les nuroirs ocellés manquent. Il y en a un vestige du troisième, et au lieu du second on voit deux taches brunes.
Les individus que j'ai observés offraient des nuances passant insensiblement du brun foncé au jaune brillant, mais les femelles étaient toujours de couleurs plus sombres.
La découverte de, cette espèce est encore due au capitaine Jenkins, qui l’a trouvée dans l’Assam, où elle vit sur l'arbre soon; mais il ne parait pas que l'on en tire un grand parti.
11° M. Henri Creighton , de Malda, indique un autre Ver à soie. «Il ya, dit-il, un cocon produit à l’état sauvage sur le mango. Les habitans de Malda le recueillent, et le mélangent en le filant avec.les cocons de l’Arrindy. L'espèce qui les produit ne paraît pas avoir encore été observée jusqu'ici. »
Il n’est pas douteux qu'il existe aux Indes plusieurs autres in- sectes qui fournissent la précieuse matière dont nous nous occu- pons. Les tentatives qu'ont tant de fois répétées, et avec tant d’insuccès, une foule d'hommes ingénieux en Europe y auraient certainement trouvé dans cette branche despéculation un champ fertile en succes brillans et lucratifs.
Il serait du plus haut intérêt de réunir tous les papillons qui: produisent des cocons, et. qui, si l’on en juge par analogie, doivent étre au nombre de plus de 130 espèces , d'étudier leur économie telle qu’elle est dans la nature, et d'envoyer des échan- tillons des cocons de chacune en Europe, pour qu’on les y exa- minât avec attention.
Beaucoup ont objecté que la soie des espèces de l'Inde est d’une qualité fort inférieure.
C'est là une question qui n’est pas encore décidée. Le ver du
154 : HELFER. — Sur. les Vers ‘à soié. de- l'Iide. mürier dégénère si l'on n’y apporte des soins tout particuliers :: a-t-ou jamais essayé de relever les espèces indigènes de leur in-1} fénorité naturelle? La qualité des vers tient beaucoup x Pédu- cation qu'on en fait dans l’intérieur des maisons ; à la maniere : de les nourrir, en choisissant non pas les végétaux ‘qui leur : plaisent davantage , mais ceux qui contribüentsà augmenter la} finesse du cocon; aux opérations chimiques que: lon fait: subir aux cocons avant que de les mettre en œuvre: Mais quand même! les matériaux bruts que ces vers fournissent ne seraient pas sus! ceptibles-d’amélioration, ils n’en seraient pas pour cela moins’ demandés en Europe. Toutes les soies produites dans l’Indostan ont-trouvé jusqu'ici un écoulement facile etavantageuxià Cal- cutta, etc.; les demandesont constamment dépassé les quantités: fournies; et pour paiqui que réellement les produits'si rudes : de l'Eria sont appréciés en Angleterré, je demandérai la 25 pp mission de terminer cet article parle fait suivant: 11} S M. John Glasse ; chirurgien à Baglipur ,'énvoya’en Angleterre
aucommeñcement de ce siècle, UE ebes d'Eria} ét L
disaits 998711 JD SUCER AL «Tai appris que quelques manufacturiers auidudis on:les a"
montrés, ont paru penser que nous les'aviôns tronpés/! ‘én leur? disant que les châles se font avec la laine de Gértaines chèvres et que cétte soie, sion l’envoyait à la métropole, pourrait être employée à fabriquer dés sg égaux en ren ärtous ceux et sé font dans l'Inde, » oi sb Just in "DSI0SS en 4
En: voilà assez pour démontrer toute nié de cet ar- ticle de comméree , et pour faire voir combien il mérite toute : l'attention du gouvernement paternel des Indes orientales, ét dé toutes les institutions patriotiques, parmi lesquéllés-je dois mettre au premier rang la Société asiätique!‘de’ Calcutta; qui à déjà tant fait pour la propagation de la rie d et À sa. consé- quent Éd né bien de toutes Had nations. À
111
HuGOnN.\ -— Sur les, Pers :&, soie. d'Assanm::, 155,
OisERYATIONS sur les Vers à Soie et sir les’ soies de la provinve
ME sait d'Assam, 19 20910 M |
Le. ‘Par NI. Tiomis HuGoN, de NoWgong- we
EME vpiueb suivantes de vers à soie se: trouvent dans li province d’Assam : le grand et le petit ver du mürier, \Eria;, lé Moosa, le Konkuri; le Deo mooga ; et lé Haumpottonée. Les cinq derniers sont indigènes, mais nous n'avons aucune. raison de‘croire qu'il en soit de même dés deux premiers, Le mürier ÿ est:rare;et on ne:Ÿy rencontre nulle part à l'état.sau-. vage; peut-être: l’époque de son introduction se trouve;t-elle:, déterminée dans: quelques-unes. des, chroniques du pays, ou. bovronjées ; mais il me sérait impossible de fournir auçuñ ren- seignement certain à ce sujet : quelques-unes, de ces chroniques, remontent à plusieurs!siècles: De:même que. C'est du, Bengale: qu'ont té importées) dans FAssam les doattinesifeligiensess il est très probable queic’est de lxaussi qu'ysont venusle mürier ! ete! ver qu'il nourrit! ‘usage dé la soie restreint:aux-rois.et | aux grauds et l'éducation -du ver/confiée, à une\senle;çaste;/, nous: fournissent :de nouwelles preuves que som: introduction |
n'a pas lété antérieure ä celle de l’'Hinduisme, Les, Joogées\( on. nornritearimsi la caste dont il vient d'être-fait mention }sont évi- demment venus!sy établir à la:même époque. Les naturels. d'Assam refusent d'élever les-vers à soie, mais non les autres, vérs., preuve certaineique ces derniers sontindigèhes. 142 43
“Ver du mürier. — Wiéducation. de; ;ceuté espèce,se fait dans l’'Assam ;à-peu: prés de la même manière que dans. le Bengale. ; Onles élève dans l’intérieur de, bätimens clos , et Jes sains.et, attention: qu’on leur donne sont.lés mêmes dans,les deux pays. On emploie une cabane séparée, dans laquelle sont.établies des, claies en dnuS A AR qui laissent un PASSA) ane, elleset le. mur,
4 14) |
. (x) Eturait du, /ourial of the Aslatic Society. of Buugal, publié à Calcutta, juy, 1837.
156 HUGON. — Sur les Vers à soie d’Assam.
extérieur. Ces cabanes sont tournées vers le nord et le midi ; une seule porte ouvre vers l’est : c’est là du moins ce qui a lieu le plus ordinairement, car il n'existe à cet égard aucune règle fixe. Une seule femme de toute la famille entre dans la cabane, et avant de commencer ses fonctions, elle se lave les pieds et les mains. Les habitans d’Assam ont cette croyance, que l’on retrouve aussi dans d’autres régions, que l'œil de l'étranger est pernicieux ; et ils l'expliquent en disant que les vers, s'imaginant que l'étranger les critique, boudent, se privent de nourriture
et meurent. On élève dans l'Assam les deux espèces de vers du mürier', la
grande et la petite. Je vais décrire l'éducation de celle qui ne;
produit qu'une récolte par année, c’est-à-dire de la grande espèce, qui est beaucoup plus répandue que l’autre dans ce
district. Il me suffira de faire voir combien le procédé que l’on,
snit sé rapproche de celui qui est en usage dans le Bengale et
dans d’autres contrées. Les papillons déposerit leurs œufs sur:
des morceaux de drap; on les conserve avec les habillemens de drap de toute la famille. Quand le temps de léclosion approche (le mois de décembre), on les prend et on les expose à l'air; les vers éclosent , et on les nourrit ; pendant les trois ou quatre premiers jours, avec des feuilles tendres hachées dans des pots
1
de terre neufs et ensuite dans des sortes d’auges (trays) en:
bambous. Après la première mue, on les transporte sur les mutchang où étagères. Quand approche le moment où ilssvont
filer, on les met dans des paniers en bambou où se trouvent des:
morceaux de nattes placés perpendiculairement à deux pouces d'intervalle les uns des autres; puis, dans la première après-midi qui suit, on les expose pendant une demi-heure au soleil, et on les suspend dans l’intérieur de la cabane : ils y sont laissés
tout le temps nécessaire pour leur accroissement. Ceux que l'on
veut dévider, on les place sur un petit feu, dans un vase en terre plein d’eau. Une personne dévide la soie avec un instrument fait de trois pièces de bois assemblées en croix ; celle du milieu est tenue de la main droïte, tandis que la main gauche enroule le fil autour des deux branches transversales ; on a soin, dans cell£ manœuvre, de faire frotter le fil le long de lavantbras ,
- HUGON — Sur les Vers à soie d’'Assam. 157
afin de le tordre : durant ce temps, une autre personne prend soin du feu et prépare de nouveaux cocons; quand on en a réuni de cette manière une quantité suffisante pour constituer un écheveau, on l’enlève des barres qui le soutiennent. Il y aä peine dans l’Assam quelques plantations assez étendues ‘pour mériter qu’on les mentionne. Quelques hommes d’un haut rang possèdent de petites piècesde terre plantées de mürier, qui ‘produisent une quantité de soie suffisante pour leur usage parti- culier. Le petit nombre de paysans qui vendent de la soie n'en ont généralement qu'environ un seer (1) par année, et ils l’ob- tiennent à l’aide de quelques pieds plantés autour deleurscabanes ‘ou dans les haies qui entourent leurs champs. On ne trafique pas des feuilles comme dans le Bengale, et s’il arrive que ce qu’en possède .un éleveur ne lui suffise pas, il s’en procure chez ceux de ses voisins qui ne cultivent l'arbre que pour ses fruits. Les vers né sont élévés que par les 7oogées , gens d’une caste inférieure ; les personnes de la classe la plus élevée peuvent cultiver la plante et s'occuper de tous les travaux ‘extérieurs ; mais per- sonne , si ce n'est un joogée, ne peut, sans se dégrader, s’occu- ‘per des vers, ou toucher la soie jusqu’à ce qu’elle soit dévidée. Comme le même préjugé n'existe pas dans le Bengale, il aura été entretenu à dessein par les gouverneurs despotiques de cette contrée, après l'introduction de la culture du mûrier, dans le ‘but d'arriver à ce que l'usage de la soie füt limité à eux et à leurs courtisans. On voit cette sorte d'intérêt personnel se mon- ‘trer dans beaucoup des règles et des prohibitions qu'ils ont établies : cela seul eùt suffi à empécher la culture du mürier de “prendre de l'extension dans l’Assam, alors même qu'il n’y eût ‘pas été aussi facile de se procurer la soie des vers Æriaet Mooga. “I n’est pas fait mentiondella soie dansles registres d'HydraGhow- key,et je ne crois pas qu'il en soit exporté une demi maund(2), Sous quelque forme que ce soit, Elle se vend huit ou dix roupies “le seer. Maison nepeut s’en procurer avec facilité. M, Scott y con- duisit de Rungpoor des dévideurs, des dévidoirs ; et des pieds
(1) Le seer correspond à à liv. 6 onc, avoir du poids, ou 993 grammes, * (2) Le maund correspond à 100 liv, poids anglais,
-458 BEN. + 67/7) los Fers à soie d’Assam.
: de mürier blanc;iliétablit en outre un çoniptoir à Darang, dans le: but .d'étenidre: la :culture dela soie du-mürier et d'améliorer lart de dévider le #700ga!: diverses causes firent, avorter ces essais , notamment le manque d’Européens pour les diriger, et Ja | ét prématurée de M,Seott..(r).. 1° nisqée ÿ I Soie Eria-—Le ver Eriaet son papillon ( (a)difésentde vert ‘du papillon du mürier sous plusieurs rapports qu'il est plus fa- -cile de saisir à la vue des insectes eux-mêmes,ou de dessins qui ‘les: représéntent (pl 6,fig 1,2, 3). Comme lui, toutefois, il subit quatre mues différentes; mais létatde maladie qui résultede cette “opération ne dure que vingt-quatre heures; le dernier âge dure “huit jours et les autres quatre. La: durée dela vie différesuivant les: saisons; dans l'été, elle 'est plus courte;et le produit.est tout à-la-fois plus considérable et meilleur; A cette saison, le temps qui s'écoule depuis le moment de l'éclosion jusqu’à celui où le ver comanence son cocon ; ést.de vingt: à-vingt-quatre jours ; :quinzé jours suffisent à la Chrysalide pour accomplir son,déve- “loppement. La ponte: s'accomplit en trois, jours, et. les-œufs éclosent omq jours après, çe qui porte:à quarante-trois qu “quarante-sept jours la durée d’une générations dans, l'hiver, il -faut'près de deux mois. Le nombre Fun 2 gr qui ont lieu dans une année est de sept. | 298 6 vrstortéé 31 L’éducauon de ce ver, de même: que me ru dé bit à lieu’ dans des endroits fermés; onlé nourrit principalement “avec les feuilles de era où palma christi ; il mange aussi. la \ feuille du mürier, mais il préférelles: premières, Si les feuilles. du - palma christi viennent à mänquer, ils peuventse nourrir, encore ‘de ‘celles de divers autres arbres éonnus dans ce district;de l’As- “sam sousiles noms:suivans :! 1: Xossoo/. 2. Hiñdoo gass. 3. Mee- 1 rép A br db CRnine 6. nn 2 omis a Borto- sn: -4e | FOX l'IP 28 2107 on [13 NEL.
| Ho apres bg id qu'ont manifesiée plusiéurs 1 AR de Caleutta leur dés éHanGl Méns dé (soie du müriér apportés de l’Assam , dévidés sur des dévidoirs italiens, ‘#fprayenastide 2 vers nourris etiélevés exprès, jelsuis porté à,croite que! cette ontr ée serait PPPEg À à & prpdyc-
tion d’une soie de qualité très supérieure, Les échantillons qui en avaient été envoyés seraient :
montés au prix le plus élevé sur le marché de Calcutta, et on les avait obtenus au milieu des circonstances défavorables d'un essai pénible. f''i (2) On voit par le mémoire de M. Helfer quece Lépidoptèreest jaPhalens mr us. R,
HUGON. > Sur des T'ers à soie d’Assam. 259
.t/ <Leswers profitent mieux et) produisént davantage quand on les nourrit entièrementsur le pa/ma:christ ; c'estila seule :plante -qued'on cultive-dans: ce but, et il n’est guère delpaysan qui n’en ait unerpetite plantation près de sa maison ou dans les. haies qui entourent ses)champs:: Get arbre n’exige quepeu-de culture, wumême n’entexige pas du:tout ; on sé contente de remuer le :s0lavec la houey-etion.yjette la semence sans le secours de la +charrüé:, Pendant-que la plante est jeune, on la sarcle une ou deux! fois ;pnis onla: laisse ensuite abandonnée à ‘elle-même. »Ondaïrenouvelle tousiles trois-ans. Les vers peuvent.éttenourris entièrement avec les “a des deux arbres que nous ayons mentionnés les premiers dans
‘ ‘la liste ) J1EW/
e que, nous venqns. de donner ; mais ils n’y profitent pas ‘ bien: beaucoup ou hvant d'avoir commencé leurs cocons, etler petit 1 nombre e, ceux que l'on obtient sont petits et pro-
pen peu. Ces feuilles, de même que les autres, ne sont em-
_ mêmes lu mu Christ. de er fx 1) est le seul qui puisse . être e donn alternativement a avec le palma chrisli. Tous ces arbres vivent dans les forêts, mais on ne Jes cultive pas.
D PR la mulhplication d des vers, les habitans d’Assam À | sissen t des cocons parmi ceux qui ont été commencés en plus mt nombre 16 le même jour , ordinairement le troisième aprés _que I les vers ont commencé à produire des, cocons. Ceux qui ‘ contiennent des, mâles se reconnaissent À à ce qu ‘ils ont un bout
plus pointu, Ces ‘cocons . ‘sont mis dans un panier | fermé, et ‘a “suspendus dans | la maison. de manière à les préserver des rats .& des insectes. uañd les papillons sortent, on les laisse s 'agiter ans le’ panier LC ME vingt- quatre heures, après uoi on attache les femelles, que du reste on ne connaît qu'à la gros- sseur déderr abdomen, à des roseaux ou dés cannes, au nombre dé vingt owvingteinqpour éhaque ;'et'omles suspend ainsi à Mintérieur detlasmaison. On ne:recueille que les œufs produits dans lestrois prémiers jours jret quismontent à environ:deux cents; on les enveloppe: dans un morceau de drap, pour/les suspendre ar toithjasquau moment où ils commenceront à
160 HUGON.—Sur les Vers à soie d’ Assam.
éclore. Ces œufs sont blancs, et de la grosseur d’une graine de navet. Dès que quelques vers sont éclos, on place les morceaux de drap sur de petites claies de bambou suspendues dans la maison , et on y nourrit les vers avec des feuilles tendres. Après la seconde mue, on les transporte sur des paquets de feuilles suspendus au-dessus du sol , et au-dessous desquels est étendue une natte destinée à recevoir les vers, qui se laissent tomber par terre ; puis, quand ils cessent de manger, on les place dans des paniers remplis de feuilles sèches sur lesquelles ils con- struisent leurs cocons. Il arrive souvent que deux ou trois de ces derniers se trouvent réunis ensemble.
La chenille est d'abord longue d’environ un quart de pouce, et paraît presque noire ; à mesure es elle s ’accroît en volume, elle prend une couleur orangé, avec six taches noires sur chacun des douze anneaux qui entrent dans la composition de son corps. La tête, les ongles et les faussés pattes sont noirs. Après la seconde mue, elles deviennent d’une couleur orange , et le corps devient de plus en plus clair, approchant du blanc dans quelques-uns, du vert dans d’autres, et les taches noires devien- nent successivement de la couleur du corps ; après la quatrième et derniére mue, la couleur du corps est devenue d’un blanc sale ou d’un vert foncé; les chenilles blanches fournissent con- starmment une soie rouge , et les vertes une soie blanche. Quand il a atteint sa taille complète, le Ver est long d'environ trois pouces et demi(pl. 6, fig. 6). Au contraire de la chenille mooga, sa couleur est uniforme et sombre. Ses stigmates seuls sont mar- qués d’une tache noire; les taches deviennent de la couleur du
_corps et se convertissent en de longues pointes charnues, dé- pourvues des épines acérées qu'offre le m00ga , le corps n'offre que quelques poils à peine visibles.
Quatre jours suffisent au Ver £ria pour terminer son cocon. Après qu’on a choisiceux que lon veut conserver pour perpétuer
la race, on expose les autres au soleil pendant trois ou quatre
jours pour faire périr la chrysalide. Les tribus des montagnes qui viennent s'établir dans la plaine aiment beaucoup à manger les Chrysalides : elles perforent les cocons le troisième jour, pour
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HUGON. — Sur les Vers à soie d’Æssant. 161
se lesprocurer: elles en font autant pour le zz00ga et ne vendent que très peu de cocons intacts.
On fait bouillir les cocons sur un feu lent, dans une dissolu- tion de potasse , jusqu’à ce que la soie se détache avec facilité. On les retire alors du feu, et l’on en exprime l’eau doucement; puis on les prend un à un; on les dévide par lune de leurs extrémités, le cocon étant ptièe sur le pouce de la main gauche, tandis que de la droite on en retire une certaine quantité, que l’on a soin d’égaliser, en le frottant entre le pouce et l'index. C’est aussi de la sorte que les indigènes joignent de nouveaux cocons aux premiers, et ils laissent le fil s’'accumuler en tas d’envi- ron un quart de seer. On l’expose ensuite au soleil ou devant un feu, pour le faire sécher, et on le convertit en écheveaux à laide de deux bâtons, attachés par l’une de leurs extrémités, et ouverts à la manière d’un compas. La soie est alors prête à être tissée, à moins que l'on ne veuille la teindre.
Les couleurs dont on se sert sont la laque, le rnvryeet et l'in digo , et l’on emploie le procédé de teinture que nous allons décrire.
Couleur rouge. Après que la laque a été exposée au soleil, pour la rendre cassante, on la broie et on la tamise aussi fine que possible, et on la met tremper pendant douze heures dans l'eau ; après quoi on y jette la soie avec les feuilles d’un arbre que les habitans d’Assam désignent sous le nom de Zitakoo (Pierardia sapida ? F. 3.). Quand la plus grande partie de ce mélange a été absorbée par la soie , on la retire, on la place sur deux bâtons croisés ; on la secoue quelques instans pour déta- cher les fils les uns dés autres; puis on la fait sécher au soleil, Pour recommencer une seconde fois la même opération. Si on veut rendre la couleur plus brillante, on teint ensuite dans le munjeet. Ce dernier est desséché au soleil et broyé, comme on Va dit pour la laque, puis mis tremper pendant quarante-huit heures. On y place la soie et on l'y fait bouillir de la même ma- nière , mais en se servant des feuilles d’un autre arbre (le 4ok); puis la soie est retirée, séchée au soleil , et elle est alors propre à étre mise en œuvre.
Le procédé est à-peu-près le même pour la teinture en bleu;
XI, Zoo, — Mars, It
162 HUGON. — Sur les Vers à soie d'Assan.
au lieu de l’indigo ordinaire , on se sert quelquefois du Room, plante qui n’est autre chose, je crois, que le Auellia callosa, ‘et les feuilles dont on se sert sont celles d’un très grand arbre, que l’on trouve dans les forêts, et qui est connu sous le nom Ooriam. On tisse la soie de la même manière que le coton (x). La plupart de ces tissus de soie sont consommés au logis. On en cède par échange une petite quantité aux Bhotias et à d’autres tribus des montagnes. De grandes quantités de ces tissus ont été exportés dernièrement dans le Lassa par des marchands connus dans le Derung sous le nom de Kampa Bohtias. L'écoulement qu’ils effectuaient ainsi était très considérable; mais, dans les derniers temps de l’autorité du raja d’Assam, par suite de la désorganisation qui s'était mise dans tout le pays, le nombre des marchands diminua graduellement , et, depuis trois ans, il n'en est venu que deux, et à beaucoup d'intervalle l'un de l’autre. L’un d’eux est mort, et je ne crois pas que ce commerce ait encore été repris. Ces deux marchands se plaignaient de ne pouvoir fournir leurs marchés dé tissus assortis. On ne fait au- cune mention de ces exportations dans les registres d'Hydra Chowkey. La quantité qui pourrait être fournie par cette contrée serait très considérable, si l’on prenait dans ce but des arran- gemens convenables ; car cette soie constitue actuellement l’ha- billement des classes pauvres dans toutes les saisons, etelle sert aux classes les plus élevées pour leurs vêtemens d'hiver. J'ignore combien de cette soie pourrait être fournie par un acre de terre. Nul n’a pu me dire l'étendue de la planta- tion qu'il possédait , ou quelle est la quantité de soie crue qu'il en a retirée dans une année, et qui lui a suffi pour l'usage de toute sa famille. Chaque paysan possède un petit nombre de pieds d'arbres autour de sa maison où dans les haies qui en- tourent ses champs, et il les estime tout au plus à la vingtième partie d’un acre, de sorte que, pour suffire à l'habillement de toute une famille , il faut véritablement qu’ils soient d’un produit très considérable.
(x) L'auteur donne ici une table comparative des prix et des dimensions des différens tissus ; nous avons cru inutile de reproduire ce document,
HUGON. — Sur les Vers à soie d'Assam. 163
… Soie mooga. Bien que le Ver mooga (1) puisse étre élevé dans des lieux clos , il se nourrit et réussit mieux en plein air et sur les arbres. Ceux qui servent à sa nourriture sont connus dans l’Assam sous les noms suivans : 1° Addakoory.—2° Champa (Michelia).—3° Soom.—{4° Kontooloa. — 5° Digluttee (Tetran- thera diglottica Ham.) — 6° Patte eshoonda (Laurus obtusifolia Roxb.) — 7° Souhalloo (Tetranthera macrophy lla Roxb.)
Soie provenant du n° 1, de l’Addakoory. — Les Vers nourris sur lÆddakoory produisent la soie désignée sous le nom de Mazankoorr mooga. C’est un arbre d’une taille moyenne, dont onne,sesert pour nourrirles Vers que tant qu'il est âgé de moins de quatre ans. Il croît là où des forêts ont été Pics pe pour la culiure du riz et du coton. Les Vers que l’on élève sur l’arbre pendant sa première année sont ceux qui fournissent la meil- leure soie, La seconde, année, la récolte est inférieure en qua- lité et en quantité : elle est faible la troisième année, et à peine supérieure en qualité au mooga commun. La soie mazankoory est presque blanche, et elle vaut cinquante pour cent de plus que la soie commune couleur chamois (fawn-coloured.)
. Disposer les Vers est un travail beaucoup plus pénible sur cet arbre que sur aucun des autres. Comme on n’emploie que de jeunes plantes , on a besoin de les renouveler fréquemment, Par suite du poli de l'écorce , il devient nécessaire d'aider les Vers daus leurs mouvemens lorsqu'ils veulent passer d’une branche à une autre, L’Addakoory abonde plus dans l'Assam supérieur que dans l'Assam inférieur, on a reconnu pour la première fois , l'année dernière, qu'il existe, dans les forêts du Morung ; sur la limite.orientale de ce A ubners Les habitans de
lAssam supérieur qui sont venus s'établir dans cette contrée (ils gppatinent le quart ou le Fingnième de notre population) ne l'ont « encore rencontré jusqu'ici nulle part. ailleurs.
: 2° Champa. Le Champa se trouve, de même que | 4ddakoori, sur les points où des forêts ont été défrichées. On désigne, sous le nom de Champa pootia O0 » la soie des Vers nourris sur get arbre : elle n’est pas moins estimée que le #7azankoory. À
(1) Le mooga est le Saturnia assamensis de M, Helfer, décrit dans le mémoire précédent, KR, et! ‘ 11,
164 sucow. Sur les Vers à soie d’Assam.
J'ignore si l’on est également obligé d'employer l'arbre jeune; on né le rencontre pas dans l’Assam inférieur.
3° Soom. C’est un arbre que l'on rencontre surtout dans les forêts des plaines et-dans les villages, où il s'en trouve des plan- tations très considérables. Il est d’une grande taille et fournit trois récoltes de feuilles par année. Ta soie que l'on en retire est d’une couleur chamoiïs clair, et presque aussi estimée que le #7azan- Xoory ; les plantations sont surtout abondantes dans la moitié orientale de ce district.
4° Kontooloa. C’est un grand arbre qui se rencontre dans les districts élevés et dans les plaines : on en trouve aussi quelques- uns dans les villages. Ses feuilles sont trop dures pour les jeunes Vers : aussi les nourrit-on jusqu’à la troisième mue sur les feuilles äu précédent, avant que de les transporter sur ce dernier arbre. On obtient par ce procédé une soie plus forte que celle des Vers qui sont nourris exclusivement sur le sou.
bo Digluttee. Cet arbre est d’une petite taille, et l’on s’en sert peu pour cet usage. La soie qu’il fournit est d'une qualité égale à celle que l’on retire du soon.
6° Pattée shoonda. Le pattée shovnda, arbre d’une taille moyenne, se trouve principalement dans les forêts. On en ren- contre quelques-uns dans les villages de l’Assam inférieur. Ses feuilles s'emploient lorsque celles du n°3 sont passées.
7° Sonhalloo. Ce dernier croit dans les forêts des montagnes et des plaines , où il arrive à une grande hauteur. Il y en a aussi dans les villages, où il atteint en six années toute sa croissance (30 pieds) : il est très abondant dans la partie occidentale de ce district. Dans le ARara, le Jemma, lc Mookh , le Jyntea, et la vallée de Dhurmpoor, partout où les tribus montagneuses des Mikas et des Kacharis ont défriché depuis peu d’épaisses forêts pour la culture du riz et du coton , on voit un grand nombre de ces arbres sortir de terre spontanément. Lorsque, après trois où quatre années , le sol s’appauvrit et exigerait plus de culture et l'emploi de la charrue, ces tribus, qui n’emploient que le kar ou la houe , se dirigent vers de nouvelles forêts et laissent après eux les plantations qu'ils ont faites de l’arbre qui nous occupe, après les avoir exploitées pendant le peu de temps
HUGON. — Sur les Vers à soie d’Assam. 165
qu’ils ont passé sur ce point. Les paysans des districts moins nomades y-affluent après leur départ, pour y venir élever des Vers. La soie des Vers nourris avec le Sonhalloo est regardée comme d’une qualité inférieure à celles qui précèdent; mais je suis porté à penser que c’est plutôt à cause de sa couleur plus foncée que pour toute autre raison.
Il se fait en général cinq éducations de Vers z00ga pendant l'année : on les désigne sous des noms différens, suivant les mois où elles se font le plus ordinairement. Ces noms sont: 1° Jaro@& dans les mois de janvier et de février.—2° Jeylou en mai et juin, — 3° Aharooa en juin et juillet. — 4° Bhodia en août et sep- tembre. — 5° Khotia en octobre et novembre.
La première et la dernière de ces diverses éducations sont celles qui donnent les meilleures récoltes , soit pour la qualité , soit pour la quantité ; la troisième et la quatrième fournissent une soie de qualité si inférieure et en quantité si petite, qu'on peut dire qu’elles ne sont bonnes qu’à fournir des œufs pour les éducations. suivantes. Si les habitans de l’Assam possédaient le secret de retarder l’éclosion des œufs, comme cela se pratique en Chine pour les œufs du Ver du mürier, ils trouveraient plus avantageux , je n’en doute pas, de ne faire que trois ou quatre récoltes.
On suit pour le choix des cocons à graine les mêmes règles que nous avons déjà exposées à propos du Ver eria. On les ren- ferme ensuite dans un panier fermé, que l'on suspend au toit. On laisse les Papillons qui en naissent se remuer librement pen: dant quelque temps , et, la journée suivante, on prend les fe« melles , qui ne se reconnaissent qu’à la grosseur plus considé-
rable de leur corps , et on les attache à de petits bouchons de
chaume, que l’on a toujours soin de prendre au-dessus du foyer, parce qu'on s’imagine que leur couleur plus foncée les fait pré- férer par Les Papillons. Si, dans la fournée(batch), ilne se trouve qu'un trop petit nombre de mâles , on expose dehors, pendant la nuit les bouchons de paille sur lequels sont attachées les femelles, et tous les mâles qui se trouvent aux environs ne manquent pas de s’y diriger, Pour les mettre à l'abri des lézards et des rats, on les suspend à une corde tendue en travers de la
166 HUCON. — Sur Les Vers « soie d’'Assam.
maison. Les œufs qui sont pondus pendant les trois premiers jours, au nombre d'environ deux cent cinquante , sont les seuls que l’on regarde comme bons pour la prochaine éducation’, ceux qui viennent dans les deux ou trois jours qui suivent sont regardés comme ne produisant que des Vers trop faibles. On prend les bouchons de paille le matin et le soir, et on les expose aux rayons du soleil. Dix jours après la ponte des œufs, quelques- uns commencent à éclore; alors on suspend les bouchons de paille à l'arbre, afin que les jeunes Vers se portent sur les feuilles. On doit avoir pris soin d’abord de détruire les fourmis; car léur morsure ést fatale aux Vers dans cétte première période de leur vie. Pour atteindre ce but, on enduit le tronc avec de la me- lasse eton y suspend des poissons et des crapauds morts. Quand on a réussi de cette manière à en attirer de grandes quantités en un endroit, on les détruit à l’aide du feu. Cette opération doit être faite sur les arbres quelque temps avant que l’on ÿ mette les Vers. On doit nettoyer le sol au-dessous, afin qu’il soit facilé de retrouver les Vers quand ils se sont laissés tomber. Jusqu'à l'époque de la seconde mue, les jeunes arbres sont préférables.
Pour empécher les Vers de descendre de l'arbre, on entoure le tronc de jeunes feuilles de plantain , sur la surface lisse des- quelles ils ne savent pas se tenir. Pour les transporter sur des arbres frais , on se sert de claies de bambou suspendues à de longues perches.
Les Chauve-Souris, les Oiseaux nocturnes et les Rats sont des ennemis rédoutables des Vers pendant la mue. Durant le jour, ils doivent être l'objet d’une surveillance continuellé; car les Corneilles et autres Oiseaux en sont tellement friands, qi'ils se tiennent constamment au guet dans lés arbres des environs. La vieille femme chargée de les garder vient-elle à s’assoupir un instant après son cannee (opium) du mätin; cet instant, si court qu'il soit, devient fatal à plusieurs Vers. Le goolaïl ; dont la main est toujours armée , punit fréquemment le voleur, maïs trop tard; car le brigandage a eu le temps de s’accomplir.
Un grand nombre sont détruits à une période plus avancée par aiguillon des Guépes et par l'ichnéumon, qui dépose ses œufs dans leur corps: Ceux-ci éélosent quand le cocon est à demi-
HUGONW. — Sur Les Vers à soie d'Assam. 167
formé: ils le percent sur le côté, et l’on trouve là Chrysalide morte. Les Vers qui ont été piqués de cette manière , se recon- naissetit à des taches noires , qui sé voient sur leur peau. Si l'éducation des Vers est conduite avec soin, ce dernier accident est de peu de conséquence; en faisant filer ces Vers séparément, on obtient que les cocons soient formés avant la mort de la Chrysalide , et l’on sauve ainsi la soie.
Les Vers profitent mieux par un temps sec ; mais un jour d’une chaleur très ardente est fatal à la plupart à l'époque de la mue. Pendant cette période , la pluie leur est très favorable, et les orages et lé tonnerre ne leur sont pas funestes comme aux Vers du mürier. Les pluies lourdes, plus rares dans l’Assam que dans le Bengale , sont très nuisibles , en ce qu'elles jettent les Vers par terre, Quant aux giboulées, si lourdes qu’elles soient , elles né causent pas un grand dommage, les Vers'trouvant sous les feuilles un abri sûr. Les Vers, pendant la durée de leurs mues, se tiennent sur les branches ; mais, lorsqu'ils sont sur le point dé commencer à filer, ils descendent le long du tronc, et,comme les feuilles de plantain les arrêtent dans leur fuite, on les re- cueille dans des paniers, où l’on suspend ensuite des paquets de feuilles sèches sur lesquels les Vers montent pour y faire leurs cocons , qui sont souvent accolés les uns aux autres, comme nous l'avons dit de ceux de l’'Eria. On dévide la soie de ceux-là, au lieu de lenrouler. Au-dessus des feuilles de plantain , on place un bourrelet de gazon , afin que ceux qui descendraient pendant la nuit s’y arrêtent pour commencer à filer. Quatre jours après que les cocons sont construits, on choisit ceux qui doivent servir pour la couvée prochaine, et l’on fait périr les autres. Sd
La durée totale d’une éducation varie de soixante à soixante- dix jours, Cette période se partage de la manière suivante:
(1 168 HUGON. — Sur les Vers à soie d’'Assam.
Quatre mues avec un intervalle d’un jour d'indis-
position pour chaque . . . « . + +. . . . . 20 jours. De la quatrième mue au commencement du cocon. 10 Dans le CACQR. ci. SE NS OR Durée de la vie du Papillon... . + . . . . . 6
Incubatondes œufs: - as ii 5 An Sie
Totalzvenr: Jrot 1: 9188
Après son éclosion, le Ver est long d'environ un quart de pouce. Il semble composé de bandes alternativement noires et jaunes. À mesure qu'il se développe, chacune de ces bandes noires prend la forme de six tubercules noirs, disposés en lignes régulières sur chacun des douze segmens dont le corps est formé. Les couleurs vont changeant graduellement à mesure que le Ver avance en âge; la couleur générale du corps s'éclaircit; les taches deviennent d’un bleu de ciel , puis rouges, entourés d’un cercle d’or brillant. Lorsqu'il a atteint tout son accroisse- ment, le Ver est long d'environ quatre pouces. Ses couleurs sont fort brillantes et de nuances variées. Le corps semble transparent et est d’un jaune très clair on d'un vert foncé, avec une raie brune et une jaune sur les côtés. Les stigmates des derniers anneaux se distinguent par une petite tache noire les tubercules sont rouges et offrent chacune quatre épines aiguës et quelques poils noirs. La tète et les ongles sont d'un brun clair ; les fausses pattes vertes et couvertes d’un poil noir et court; la dernière paire présente à sa face externe un cercle noir. Si on les frappe avec le doigt, leur corps rend un son creux, et l’on peut, à l’aide de ce son, reconnaitre s'ils sont descendus de l'arbre, parce qu'ils manquaient de feuilles pour s’y nourrir, ou parce que’le moment est arrivé pour eux de ces- ser de manger.
La Chrysalide n'étant pas tuée promptement quand on l’expose à la chaleur du soleil, si les éleveurs ont un grand nombre de cocons, ils les placent sur des étagères et les recou- vrent avec des feuilles et du gazon desséchés ; puis ils les font bouillir pendant environ une heure dans une solution de po- tasse , que l’on retire de la paille de riz sèche. Cela fait , ils les
HUGON. — Sur les Vers à soie d’Assam. 169
retirent de l’eau , les placent sur ur drap plié, afin de les tenir chauds, et ils les remettent encore dans l’eau bouillante, mais non sur le feu, après en avoir enlevé la bourre avec la main. L'instrument qu'ils emploient pour devider la soie est aussi grossier qu'on puisse l'imaginer. Ils fendent un gros bambou d'environ trois pieds en deux moitiés , qu'ils fichent dans le sol, à deux pieds de distance. Au-dessus de la saillie de l’un des nœuds est placé un bouton auquel est fixé , un peu sur le côté, une pièce ronde de bois, d'environ un pied de diamètre. On imprime à cette roue un mouvement rotatoire, en secouant cet axe, sur leauel le fil s’enroule. Au-devant du vase, qui con- tientles cocons, un bâton est fixé horizontalement pour que le fil passe dessus. Cette opération exige le concours de deux per- sonnes , dont l’une prépare et présente les cocons, tandis que l'autre agite l’axe de la roue avec la main droite, tout en dirigeant ce fil avec la même main sur l'avant-bras du côté gauche, de telle façon que le fil va se tordant à mesure qu’il s’avance vers la main. C’est la main gauche qui dirige le fil sur la roue. Quinze cocons sont le moins que l’on puisse employer pour un fil; gé- néralement on en emploie vingt; encore le fil est-il souvent brisé dans ce dernier cas, par suite de la grossièreté de l'instrument dont on se sert, bien que les fils du cocon soient beaucoup plus forts que ceux que fournit le Ver du mürier. Quand on en à réuni ainsi à-peu-près un quart de seer, on le met sécher au soleil , et on en fait des écheveaux du poids d'environ une ou deux roupies. On fait ces derniers avec un petit châssis de bam- bou , mis en mouvement à l’aide du rouet à filer commun dans le pays. Si l’on veut teindre la soie, on suit les mêmes procédés que pour l’Eria. J'ai vu employer cette soie, outre ses usages ordinaires, comme chaîne , avec du coton; cette sorte de tissu est d’une couleur un peu plus claire que le nankin , et elle est beaucoup plus forte; mais il est rare que l’on en fasse , à cause de la difficulté de filer le coton assez fin. Le coton tordu, propre à cet usage, serait, je crois, d’une vente facile.
La quantité exacte de soie que peut produire un acre des arbres qui nourrissent le mooga ne pourrait être déterminée que par expérience. Cinquante mille cocons par acre , ce qui
170 HUGON. — Sur les Vers à soie d’Assam.
fait plus de douze seers|, sont regardés par les habitans de l’Assam comme une bonne année. Soixante roupies sont un prix très avantageux pour cette quantité de soïe ; car la plantation n'exige que peu de dépense de la part du cultivateur, soit pour la créer, soit pour l’entretenir. Tant que les arbres sont jeunes, le sol , tout en fournissant à la nourriture des Vers, démeure propre à être cultivé. La culture de la canne à sucre, du riz, des légumes et d’autres enccre , profitent aux jeunes arbres plutôt qu'elle ne leur nuit, l'impôt s'élève à quatorze annas par atre dans ce district. Ce qui donne au mooga une grande utilité, c’est qu'il permet dans une famille, aux membres les plus faibles comme aux plus robustes, de contribuer au bien-être commun. Tandis que les uns prennent soin des Vers, la plupart, tout en les surveillant, tissent, filent ou fabriquent des paniers:
Par des causes que je ne saurais assigner et que les habitans du pays ignorent également , le mooga a manqué si complète: ment depuis quelques années dans certains districts, qu’on n’y en trouve plus pour continuer ce genre d'industrie. Comme il y a très peu de zauts où marchés hebdomadaires, où les habi- tans puissent se rendre pour y acheter, aux populations plus heureuses des autres districts, des cocons propres à fournir des œufs pour une éducation nouvelle, s'il arrive que les Vers viennent à manquer ainsi sur un point, la production en est affaiblie ponr deux ou trois années. Un éleveur, qui ne possède que la moitié ou le quart d’un acre de terre planté d'arbres propre à la nourriture du mooga ne peut sans perteemployerson temps à s’en aller, pendant un mois, de village en village et de maison en maison, »our y acheter des cocons de ceux quien veulent vendre. Dansla dernière saison qui vientde s’écouler,lemooga a complète- ment manqué dans notre pergunnah de Jumna Mukh(Cachar), et , à l'heure actuelle , on ne trouve pas de Vers sur les arbres, à cause de l’inhabileté des éleveurs à se procurer des cocons, bien que la récolte ait été abondante dans deux pergunnahs aux deux extrémités du district.
Les plantations de mooga se font surtout autour des maisons des planteurs et sont renfermées dans des terres qui en dépendent. D'après des recensemens qui ont eu lieu
HUGON. — Sur les Vers à soie-d Assam. 171
cetté année dans [es trois divisions du Zillah de Nowgong; où la taxe a été établie, la surface actuellement occupée, en omettant tout ce qui , n'ayant pas été réclamé, a fait retour au domaine de l’état, s’élève à cinq mille trois cent cinquante acres , sur lesquels plus d’un quart est occupé par des planta- tions de n00ga, c’est-à-dire plus de treize cent trente-sept acres. Dans les cinq autres divisions du même Ziliah , qui ont trois fois la même surface et une population plus que double, mais qui n'ont pas été mesurés exactement, je ne crois pas pouvoir estimer la culture du m00ga à plus de la moitié de ce qu’elle est dans les trois autres, c’est-à-dire à environ six cents acres, ce qui porte cette culture, dans le Nowgong à un total d'environ deux mille acres. Si nous estimons les plantations des zillahs de Derung et de Kamrup seulement à quinze cents acres pour Chacun ; nous aurons un total de cinq mille acres occupés par les plantations en question dans l’Assam inférieur, indépendam- ment de ce que les forêts en contiennent; cette quantité pour- rait produire quinze cents maunds. Dans l’Assam supérieur, les plañtations sont , je crois, plus considérables encore.
4" Khontkuri mooga. Ce Ver se nourrit sur plusieurs arbres, outre ceux du z700ga. On le trouve plus souvent sur le bair (zézyphus jujuba) et sur le seemul(bombax heptaphyllum),mais jamais en grandes quantités. Les chenilles, les papillons et les cocons sont beaucoup plus grands que ceux des autres espèces. Le cocon n’est certainement pas moins gros qu’un œuf de poule. Plusieurs habitans de l'Assam m'ont assuré avoir fait dé vains efforts pour rendre cette espèce domestique. Les œufs sont éclos, mais , apres être restés quelques jours sur les arbres, les Vers ont tout-à-coup disparu. Ils s’en prenaient à l'existence d’un dewang ou esprit malin ; mais la cause réelle se trouve probable- ment dans le besoin qu'ont ces Vers de changer de nourriture, et dans une facilité à se déplacer plus grande que celle que pos- sèdent ordinairement les Vers à soie. J'ai appris de quelques babitans du Bengale qu'on le rencontre dans ce pays à l'état sauvage , sur le air, de même que dans l’Assam, et qu’on l’y nomme Goôotée poka ; on y dévide les cocons de cette espèce de la méme manière que ceux du Ver à soie , et l'on en fait grand
172 nuGon. — Sur Les Vers à soie d’ Assam.
cas pour la fabrication des lignes de pêche ; mais on ne l’em- ploie point à faire des tissus, probablement à cause de sa rareté, Le fil du cocon est plus fort que celui du mooga et d’une couleur plus claire.
5° Deo mooga. Je me suis trauvé par hasard à même d’étudier ce Ver, très peu connu des habitans du pays et encore tout-à- fait à l’état sauvage. Etant employé, il y a trois ans dans le /wm- na mukh (Cachar), j'eus occasion de prendre quelques trian- gulauons , et j'avais étendu dans ce but un drap blanc sur une grand Bur( Ficus indicæ). Etant retourné l’année suivante au même endroit, les paysans vinrent et me dirent que,deux mois après mon départ, c’est-à-dire en avril , ils avaient observé que l'arbre avait perdu toutes ses feuilles; que, s’en étant appro- chés, ils avaient vu sur le gazon et les feuilles sèches d’alentour un grand nombre de petits cocons. Ils les avaient filés comme ceux de l'Æria, par,curiosité, et s’en étaient servis, en les mêlant à la soie de ce dernier. Ils ne s'étaient nullement occupés des couvées , qui avaient dù se faire ensuite, regardant ces produits comme offrant trop peu d'avantage. Je perdis le petit nombre de cocons que je pus me procurer à cette époque; mais j'ai revu depuis le Ver et le cocon. Le premier ne ressemble nulle- ment à aucun autre: il est plus actif. Sa longueur est de deux pouces et demi; son corps est très mince relativement à sa lon- gueur , sa couleur est rouge et glacée. Je n’ai pas pu les obser- ver d’une manière plus complète; car on me les apporta le soir à la brume, et, les ayant mis dans une boîte avec l'intention de les examiner le lendemain matin, ils disparurent pendant Ja nuit , quoique je n’eusse que très peu soulevé le couvercle, pour y laisser entrér l'air. Le Papillon ressemble béaucoup à celui du mürier, de même que le cocon, par sa forme extérieure, sa couleur et son volume. J'ai beaucoup questionné les habitans au sujet de ce Ver ; mais aucun ne l'avait vu auparavant.
Le Haumpottonée , Papillon;commun dans lAssam et proba- blement ailleurs, peut encore être indiqué comme une variété de Ver à soie, quoiqu'il ne fabrique qu’un cocon fort impar- fait. Il vit de beaucoup d'espèces différentes de feuilles. Je n’ai pas eu accasion de l’observer par moi-même ; mais j'ai appris des
HUGON. — Sur les l’ers à soie d’'Assam. 173
naturels qu’il subit une série de changemens pareille à celle que subissent les autres. Le Ver est long d’environ deux pouces , de couleur brune et couvert de poils. Le Papillon est de la même couleur que le 7700ga , mais moitié plus petit. Le cocon offre cette particularité qu'il est entièrement transparent, de facon qu'on peut voir la Chrysalide dans son intérieur. Il offre une petite ouverture à l'une de ses extrémités. Il est de couleur jaune et peut se filer conime celui de lEria; mais les habitans de l’Assam ne l’'emploient pas , parce que les habillemens qui sont confectionnés avec cette soie, causent beaucoup de démangeai- sons à la peau. :
J'ai questionné quelques naturels du Bengale , établis dans V'A4ssum et qui ont été à Midnapur ; sur l'identité du Mooga et du Tussur. Is m'ont assuré que c’est le même Ver, mais qu’à Midnapur on le nourrit sur un arbre différent. C’est une ques- tion que l’on pourra résoudre d'une manière certaine à l’aide des planches qui accompagnent ce mémoire , et des Vers con- servés que jy ai joints. Les envoyés Burmèses ; qui venaient précisément de quitter PAssam, m'assurèrent que le Mooga était inconnu dans leur pays avant la conquête de l’Assam , mais qu'il y avait été introduit par les Assamois , qui étaient allés s'y éta- blir. Les Cacharis croient aussi que ce n’est que depuis peu d'années qu'il a été introduit dans le Cachar (sud des montagnes). Dans le Cooch Bear, cé Ver et l’Eria sont encore presque in- connus aujourd'hui, et l'opinion des habitans de ces pays est que ces deux espèces sont indigènes de l’Assam supérieur, d’où elles ont été importées. J'ai toujours pensé que la production de ces soies devient plus considérable à mesure que l’on s’avance vers l’est : elle est aujourd'hui plus abondante dans l’'Assam supé- rieur que dans aucun autre endroit; surtout dans le district de Lukinpoor et sur le bord septentrional du Burkampootur.
Il s’exporte peu d’Æria ; mais le Mooga constitue l’une des principales exportations de lAssam. Dans ces deux dernières années , où cette exportation a été frappée d’une taxe, ce qui en à été transporté dans le Gorvalpara, s'élève à 2076 maunds, évalués à 66,064 roupies. C’est surtout la soie filée qui s’écoule ainsi, La plupart de ces soies allant dans le Zerharmnpoor, il est
L
174 HUGON — Sur les Vers à soie d’Assam.
probable que les étoffes qui en sont faites passent sous le nom de Tussur.Cette dernière soie, d’après ce que j'ai appris,a moins de lustre que la précédente.
Les registres d'Hydra Chowkey ne comprennent que! les produits exportés par eau. La quantité totale de soie exportée de cette province peut, je crois, être estimée à 3,000 maunds. Car le mooga constitue aussi une partie du commerce avec le Silhet (au delà des montagnes ) avec les Cassias, les Bhotias et autres tribus montagnardes. Et, comme la quantité que ré- coltent les Assamois pour leur propre usage est ordinairement supérieure à ce qu'ils en livrent au commerce, la quantité totale que produit la province doit être de sept à huit mille maunds. Cette soie est maintenant fort recherchée dans le Bengale; car, bien que, dans ces dernières années, la production se soit fort élevée par suite de l'accroissement de population, son prix a augmenté de 20 pour cent. Quand j'arrivai dans ce district ,on pouvait l'obtenir facilement des éleveurs à 3 roupies et demie ou quatre roupies. Il est maintenant difficile de s'en procurer à D roupies. La concurrence est actuellement si grande, que les marchands paient d'avance , nOn pas , comme pour,les autres produits, dans le but de se la procurer à un meilleur taux, mais seulement pour assurer leurs approvisionnemens. Une cause de cette concurrence se trouve aussi dans le grand nombre de petits marchands qui affluent dans cette province depuis l’abo- lition des Chowkeys , et qui ont fait hausser le prix du produit dans l'Assam, sans avoir accru proportionnellement les expor- tations. 10/25
Nous ne pouvons signaler aucune amélioration dans l’éduca- tion des diverses espèces de Vers ou dans l’art de filer leur,soie, Les habitans de ce pays en sont encore où ils en étaient il ÿ a cent ans. Il n’ya pas de spéculateurs européens dans l’'Assam, et, s'il y en vient ,il n’est pas probable qu'ils se laissent facilement aller à risquer leurs capitaux, pour fonder une nouvelle bran- che d'industrie.Ce produit important demeurera donc encore bien des années sans améliorations jusqu’à ce qu’il fixe Vatten- tion du gouvernement. Le petit comptoir qu’avait établi M.Scott et dont j'ai déjà parlé précédemment , n’a existé que pendant
HUGON. — Sur les Vers à soie d’Assam. 175
un temps trop court pour avoir pu produire un effet sensible, La santé déclinante de M. Scott et ses nombreuses occupations ne lui permirent pas de s’en occuper un instant par lui-même et celui qui le suppléait ne le put pas davantage, ayant à cette époque à remplir lesmêmes fonctions qui occupent aujourd'hui plusieurs employés. Le comptoir demeura donc entièrement abandonné à des naturels du pays. Ceux-ci, pour ajouter à leur propre importance, augmentèrent, au lieu de les affaiblir, les craintes qu'ont naturellement les Assamois , dont le travail est soumis à tant d’entraves, d’imiter ou de prendre une chose ap- partenant auaya, ouque celui-ci seseraitappropriée. Lesoupcon d'un pareil crime , à l'époque du bon vieux temps , aurait coûté à un homme son nez ou ses oreilles ; mais , dès que la résidence d'employés européens aura mis le peuple à même d’être détrom- pé relativement à toutes ces entraves , les améliorations trouve- ront facilité à s’introduire. Bien que les cultivateurs n’aient pas individuellement les moyens de construire des devidoirs , tout simples et peu coûteuses que soient ces machines , ils se cotise- raient,comme pour les moulins à sucre, aussitôt qu’il leur serait démontré qu’il y'a avantage à s’en servir. Le fil du Mooga aug- mente de prix chaque jour. Je l'ai vu s'élever de 3 roupies 8 an- nas à 5 roupies, dans le court espace de trois années. Il vaut, dans le Golwalpara , jusqu’à 6 roupies 8 annas ou 7 roupies, et 8 roupies dans le Dacca et le Moorshedabad. Je ne crois pas que ce soit plus de 30 pour 100 au-dessous de ce que vaut à Calcutta la soie du mürier ; et la nature du procédé primitif, que,suivent les Assamois et que j'ai décrit, permettrait peut-être d'expliquer cette différence par la supériorité de préparation de cette dernière. La soie mooga peut s’employer pour des étotfes de couleur , car elle se teint avec facilité. Avec la couleur cha- mois , qui lui est naturelle , elle se lave beaucoup mieux que la soie ordinaire et conserve jusqu’à la fin sa couleur et son lustre. Les naturels la blanchissent avec une dissolution de potasse, qu'ils retirent du plantain, et dont ils se servent aussi pour blanchir leurs tissus de coton et de soie. Le savon leur était incon- nu avant que les Anglais eussent occupé la contrée.
Uu sujet d’un grand intérêt et qui deviendrait d'une grande
176 HUGON.— Sur les Vers à soie d’'Assam.
importance pour cette province , ce serait de constater la possi- bilité que l'Eria püt entrer dans le commerce. Par suite de la manière dunt on le prépare, et que nous avons décrite précé- demment, les étoffes que Pon en fait, lorsqu’elles sont neuves, semblent extrêmement rudes , et ce n'est que par des blan- chissages répétés qu’elles atteignent un’ moelleux au toucher et un lustre, comparables à ceux de la soies 11 est fort probable que, parmi les naturels du pays ,un grand nombre de tentatives ont dû être faites pour arriver à devider les cocons de ce Ver, au lieu de les filer, mais de ce qu’ils y ont échoué, il ne faudrait pas en conclure que cette idée doit être regardée comme impos- sible. Ils se sont contentés d'essayer le procédé suivi pour les autres cocons , et ils y ont renoncé quand ils ont vu que le fil n'allait pas, conme mele disaitun d’entre eux. L’essai a été fait devant moi avec un petit nombre de cocons; mais, malgré tout le soin possible , le fil du cocon ne se déroulait pas au-delà de quelques coudées , sans casser, ce qui m'a paru provenir de ce que ces fils adhèrent plus entre eux que ceux des autres cocons,; cequi fait qu'ilsne se laissent tirer qu'avec difficulté et en faisant entendre de petits craquemens , en entraînant à-la-fois plusieurs couches, dont on ne peut plus le détacher qu’en le brisant; mais peut-être trouverait-on quelque moyen de détruire cette adhérence. Je crois qu'il est peu probable que le Ver file d’une inanière différente des autres ; s'il en est ainsi, de grandes amé- liorations résulteraient , je n’en doute pas, de l'importation dun procédé que lon suit en Europe pour filer les cocons percés. Leur bas prix serait cause qu'il y aurait peut-être de l'avantage à les employer avec de la laine, surtout pour la fabrication des bas , auxquels ils donneraiént du lustre, sans rien leur ôter de leur force. Les cocons en question ne coûtent, en effet, qu’une roupie , et le fil deux roupies le seer. Quoiqu'il m’ait été impossible d’estimer ce qu'il y a de terres employées : à la culture du era ou paima Christi , on peut arri- ver à une estimation très précise de la quantité de soie éria qui est produite, en prenant pour point de départ la population; car cette soie sert à l'habillement journalier de la classe pauvre pendant toute l'année et à celui de toutes les classes pendant
HUGON. — Sur les Vers à soie d’_Assam. 57
l'hiver. La population s'élève à quatre cent cinquante-cinq mille âmes (1), et en estimant la consommation annuelle de chacun au plus bas, la quantité de soie produite doit s'élever à environ 1,000 maunds, dont la plus grande partie pourrait être expor- tée , si une meilleure main-d'œuvre lui ajoutait tant soit peu plus de valeur qu’elle n’en à, et elle serait remplacée avec avan- tage par l'introduction de quelques autres industries et par un plus grand développement donné à la culiure du coton. Le produit de la soie ne manquerait d’ailleurs pas de s’accroître proportionnellement à l'accroissement des débouchés; car il n’y a presque pas une maison dans le pays où l’on n’élève des Vers.
Ne m'étant trouvé en rapport qu'avec l’Assam central , et en particulier avec le district où nous sommes, l’4ssam supérieur, la contrée de Moamartiya et le territoire de plaines du Bhotan, demeurent en dehors des observations et des estimations qui précèdent (2). Bien que les populations de ces divers cantons aient beaucoup de rapports entre elles , elles peuvent différer dans les procédés qu’elles emploient. J'ai employé aussi peu de termes locaux qu'il m'a été possible , si ce n’est à l'égard des arbres et des plantes, dont je n’ai pas pu déterminer le nom botanique.
P. 8. Dans ce qui précède, M. Hugon n’a rien dit d’un autre Ver à soie , qui à été découvert récemment sur l'arbre Pipul (F. religiosa) et dont un dessin du Papillon accompagnait l’en- voi de son mémoire en même que trois ou quatre cocons , une chrysalide et deux papillons. Il ressemble beaucoup au Papillon
(") D’après le rapport statistique de 1835, le district de Kamroop renferme 280,000 habitans Celui de Dorung. ...........esessssosecseee 95,000 Celui de Nowgong.. ste sis. 22 05 m8 decisions 0 802000
sors: à, «his sinsié au tte de 455,000
(2) La population de l’Assim supérieur est de........... 290,000 habitans. Celle du district de Moa nuiiya, de..... sessessss.e 50,000
Total.....,..,... 270,000 Celle de la contrée de Toolaram , dans le Jynthia , et celle du territoire de Bhotan, dans des planets , n’ont pas encore été dénombrées. XL Zoor, — Mars, 12
“178 HUGON: — Sur les 'ers à soie d’ Assam.
du mürier , mais je ne saurais dire si c’est ou non la même ;es- pèce. La soie parait très fine et peut être considérée comme un objet d’un grand intérêt; car si elle est produite par le Ver du -mürier, on est amené à se demander sur quel arbre le Ver s'est-il nourri ? Si c'est surle F. religiosa, il y a,je pense, une découverte dans ce fait que le Ver à soie pourrait vivre sur un autre arbre que le mürier, et, si elle a été produite par un Ver différent de - celui du mürier, ce ne sérait pas une découverte d’un moindre -intérêt que la précédente. M. Hugon n’a pas pu déterminer si le Ver dont je parle est le même que le Deo mooga dont il a été fait mention précédemment. ‘ILincline à penser le contraire, d’après la couleur des cocons; et quelques légères observations qu'il a été à même de faire sur cette dernière espèce; mais ce fait que les deux Vers en ques- tion vivent sur des arbres aussi voisine que le Ficus indice et le Ficus religiosa me porte à penser que ces deux espèces sont tout-à-fait identiques. Ce serait une découverte de quelque 1m- portance que de trouver des Vers capables de fournir ne soie passable, en se nourrissant de ces deux espèces de Ficus, que ‘on trouve ici en si grande quantité. F. JENKINS.
EXPLICATION DE LA PLANCHE 6.
Fig. 1. L'Eria (Phalæna cynthia) , de grandeur naturelle. Fig. 2. Sa larve dans le premier âge.
Fig. 3. La même lorsque sa croissance est terminée. - Fig. 4. Le Jorée (Bombyx religiosæ), de grandeur naturelle.
is. 5. Le Mooca (Saturnia Assamensis Helfer) , de grandeur naturelle.
# _ g3
Fig.’6. Sa larve.
GERVAIS. — Polypes d’eau douce. 179
RAPPORT sir un mémoire de M. GERvais, intitulé: Observations ” pour servir à l’histoire naturelle des Polypes d’eau douce , fait à l Académie des Sciences , le 8 avril 1839,
Par .M. Mine Epwarps.
La classe nombreuse des Polÿpes appartient presque tout entière à la mer et n’est représentée dans les eaux douces que par quelques espèces peu variées; cependant nos connais- sances relatives à la nature de ces êtres singuliers doivent leurs progrès à l'étude des Polypes d'eau douce tout autant qu'à celle dès Polypes marins, et ce sont les recherches dont les premiers ont été l’objet, qui unt jeté d’abord quelque lumière sur le point le plus intéressant de l’histoire physiologique de ces Zoophytes, leur mode de reproduction.
Leewenhoeck paraît avoir été le premierà signaler aux zoolo- gistes l'existence des Polypes d’eau douce et à décrire la manière dont ces animaux naissent sous la forme de bourgeons; mais ce furent les expériences de Trembley qui fixérent à juste titre l'attention de tous les naturalistes sur ces êtres microscopiques, car ces expériences firent voir que ces Polypes, en apparence si frèles, peuvent résister aux mutilations les plus grandes; que leur corps peut être haché en morceaux, sans rien perdre de sa vie, et, chose plus merveilleuse encore ; que chaque frag- ment , ainsi séparé , grandit et se façonne bientôt en un ani- mal parfait , semblable en tout à celui dont il provient.
En poursuivant ses recherches si intéressantes sur le Polÿpe d'eau douce, le plus commun , celui désigné par les zoologistes systématiques sous le nom de Hydre , Trembley en découvrit une autre espèce dont la structure est loin d'avoir la même simplicité, dont les tentacules ressemblent à dés panaches élégans et dont la cavité digestive , au lieu de se terminer en cul-de-sac et de n'avoir qu'un seul orifice, servant a-la-fois de bouche etd'anus,
12,
180 GERVAIS. — Polypes d’eau douce.
affecte une forme tubulaire et communique au dehors par ses deux extrémités. Roesel, à qui lentomologie est redevable de tant de bons travaux, s’occupa aussi de l'étude de ces zo0- _phytes, et en découvrit deux espèces nouvelles. Enfin Scheeffer, Müller, Vaucher, Bosc, le vénérable doyen des zoulogistes de nos jours, M. Blumenbach,et plus récemment encore M. Ehren- berg, sont venus tour-à-tour enrichir la science de leurs obser- “vations sur les Polypes d’eau douce,et ont porté à huit le nombre -des formes différentes que nous offrent ces animaux.
Guidés par les recherches des observateurs dont nous venons “de parler , les zoologistes systématiques ont réparti les Polypes d’eau douce eu plusieurs genres particuliers, désignés sous les noms de Æydre, de Cristatelle, de Plumatelle et d’Alcyo- nelle, etc. ; mais,en procédant à ce travail, ils ont pour la plu- part négligé l'étude de la nature elle-même et se sont contentés des connaissances acquises par l'inspection de figures plus ou moins grossières et par la lecture des descriptions souvent vagues et incomplètes que leur avaient léguées leurs devanciers. Il en est résulté que ces essais de distribution méthodique sont restés long-temps très incomplets et qu’il règne encore aujeurd'hui dans cette partie de l’histoire des zoophytes une grande confu- sion. Dans ces dernières années, cette confusion a été augmentée ‘encore par les écrits de M. Raspail, qui a cru pouvoir établir que
la plupart des formes génériques admises parmi les Polypes d'eau Joucene sont quedes états transitoires ou desvariationsacciden- telles d’une seule et même espèce de Zoophyte. Un des natura- listes les plus distingués de la Belgique, M. Dumortier,a donné, il est vrai, de nouvelles observations sur quelques-uns de ces ani- maux et l'Académie doit avoir conservé le souvenir des com- municatiens intéressantes qui lui ont été faites, il y a deux ans, sur le même sujet, par notre savant confrère M. Turpin ; mais une révision générale et sévère de l'histoire de tous ces ani- maux était encore nécessaire , et c’est pour répondre à ce besoin de la science que M. Gervais a entrepris le travail dont l'examen nous a été confié par l'Académie.
Lorsqu'on a cherché à baser lo classification des Polypes sur l'anatomie, tentative qui ne remonte qu'à 1828 , on a dù néces-
GERVAIS. — Polypes d’eau douce. JO
sairement établir parmi ces animaux une division particulière pour les espèces pourvues d’un anus aussi bien que d’une bouche , et ce groupe qui a pour type les Eschares et qui a été depuis lors désigné tour-à-tour par les zoclogistes systématiques sous les noms de Bryozoaires , de Potypes tuniciens et de Cilio- brachiens , comprend tous les polypes d’eau douce, à lexcep- tion des Hydres ou Polypes à bras de Trewbley. M. Gervais ne s'occupe que des premiers et ne les envisage que sous le rapport zoologique, se réservant d'étudier plus tard leur structure inté- rieure.
Pour atteindre le but qu'il s'était proposé, ce jeune natura- liste a dû nécessairement s'attacher, d’une part, à recueillir dans les écrits de ses devanciers les faits divers qui se lient à l’histoire de ces Polypes, et d’une autre part, à étudier par lui-même ces animaux à l’état vivant. Nous ne pourrions, sans abuser de l'attention de l'Académie, suivre M. Gervais dans la partie historique de son mémoire, ni dans la discussion des sy- nonymies, si nécessaires cependant à bien établir, et nous nous bornerons à l'examen des résultats qui lui appartiennent etr. propre.
Ces résultats sont de deux ordres : lès uns se rattachent à l'histoire proprementdite des Polypes dont il s'occupe, les autres. à la classification de ces zoophytes.
Parmi les premiers, nous citerons d’abord les TE relatifs à la reproduction des Cristatelles , faits déjà en partie connus de l’Académie, par,une lettre de M. Gervais, en date du 26 dé- cembre 1836.
Ce jeune naturaliste trouva dans le canal de POureq des cor- puscules lenticulaires bizarrement armés de crochets, et les ayant conservés dans de l’eau, il en vit sortir de petits Polypes offrant tous les caractères des Cristatelles, découverts par Rœæsel . M. Turpin ; à qui M. Gervais avait donné quelques-uns de ces œufs, a été témoin du mème phénomène et en à fait le sujet d'un mémoire lu à l'Académie le 9 janvier 1837.(1)
(1) Annales, à° série , t, var, p, 65.
182 . cenvais. — Polypes d’eau dnuce.
Enfin, dans un travail communiqué à la Société philomatique le 4 mars de la même année (1), M. Gervais est entré dans de nouveaux détails sur la conformation de ces œufs, et de- puis lors il a eu l'occasion d’en observer à plusieurs reprises, et d'en poursuivre l'étude d'une manière plus régulière. 11 a constaté ainsi que, dans le principe, ces œufs sont dépourvus tant du bourrelet marginal que des crochets dontils sont pour- vus par la suite, mais que leur forme est toujours circulaire et que, par conséquent, ils diffèrent essentiellement des corpus- cules que M. Turpin avait vu sortir du corps des Cristatelles sou- mises à son investigation, et que ce savant avait été conduit à considérer comme de jeunes œufs. Suivant M. Gervais, le bour- relet marginal se forme le premier , et c’est au point de jonction de ce bourrelet avec le corps de l'œuf que naissent les crochets, lesquels représentent deux coronnes , mais sont de longueur très inégale : ceux de l’une des faces de l’œuf ne dépassant pas le bourrelet, tandis que ceux de la face opposée se prolongent beaucoup au-delà. C’est à l’aide de ces épines, semblables à des hamecons à deux on à plusieurs branches , que les œufs s’ac- crochent entre eux ou se suspendent aux plantes aquatiques autour desquelles on lestrouve. Enfin, ‘u moment de l’éclosion, le corps de l'œuf s’ouvre en deux valves qui adhèrent encore l’une à l’autre par une petite portion du bourrelet, et il en sort un jeune Cristatelle, dont l’aspect rappelle tout-à-fait celui du Leucophra heteroclita de Muller.
D'après ces détails, on voit que les œufs des Cristatelles ressemblent beaucoup , tant par leur forme que par leur mode d’éclosion, à ceux des Plumatelles et même des Al- cyonélles |, mais , cependant, ils en diffèrent à certains égards: ainsi les œufs des Plumatelles sont armés de crochets comme ceux des Cristatelles, mais sont ovalaires au lieu d’être circu- laires, et ceux des Alcyonelles, également ovalaires, manquent complètement de cette singulière armature. Or, la connaissance de ces faits permet de résoudre uné question importante soule- vée par M. Raspail, et de réfuter complètement les opinions de
(:) Annales, 2° série, t. vit, p. 74.
GERVAIS. — Polypes d’eau douce. 183
ce naturaliste , suivant lequel les Cristatelles, les Plumatelles et les Alcyonelles ne seraient,comme nous avons déjà dit, que des formes différentes d’une seule et même espèce de Polypes, mo- difiée par l’âge ou par les conditions d'existence.
Du reste, quoique les Cristatelles ne puissent devenir ni des Plumatelles ni des Alcyonelles, ilne fant pas croire que ces Po- lypes composés conservent toujours leur aspect primitif. Dans le jeune âge ils sont en général réunis au nombre de trois par une tunique commune, et le petit corps en forme de ballon ainsi constitué est libre et n’adhière pas aux corps étrangers. comme la plupart des Polypiers; mais, par suite de leur déve-. loppement, ces espèces de colonies deviennent sédentaires et: acquièrent une forme générale tout autre. En effet, M. Gervais a trouvé dans l'étang du Plessis-Piquet, adhérente aux tiges des plantes aquatiques, une masse cylindriqne assez longue et de la grosseur d’une plume de cygne, qui ressemblait beaucoup à l'espèce de cordon désignée par les passementiers sous le nom de chenille, et qui était composée d’une agrégation dePolypes à panaches. Si M. Gervais se fût hâté de le placer dans de l'alcool pour en enrichir quelque muséum, les zoologistes classificateurs auraient bien certainement considéré ce corps comme devant constituer une espèce ou même un genre nouveau; mais il eut le bon esprit de procéder autrement et de conserver ses Polypes à l'état vivant aussi long-temps que possible, afin de les mieux connaître , et, en les observant de la sorte, il les a vus pondre des œufs semblables à ceux des Cristatelles ordinaires ; puis il a vu sortir de ces œufs de véritables Cristatelles libres et à tunique en forme de ballen contenant, comme d'ordinaire, trois indi- vidus agrégés. Ainsi ces mêmes Polypes dont l'agrégation est peu nombreuse, libre et vagante dans le jeune âge, se multiphent sans sé séparer, au point de former de longs cordons et se fixent alors aux corps étrangers, comme le fout les Plumatelles, les Alcyonelles et a plupart des Polypes marins.
Les observations de M. Gervais l'ont conduit naturéllément à s'occuper de la classification des Polypes d'eau douce. Getix dont il traite ‘appartiennent tous, comme nous Pavons déjà dit, à la grande division dés Z'univiens où Bryozoaires, muis ils différent
184 GERVAIS. — Pulypes d'eau douce.
entre eux par la conformation de leur appareil tentaculaire , et, prenant ces différences pour base de leur distribution métho- dique, 1l les divise en deux groupes sous les noms de Po/ypes hippocrépiens et de Polypes infundibuliformes. La première de ces divisions est caractérisée par l'insertion des tentacules sur un double appendice en forme de fer à cheval de chaque côté de la bouche, et elle correspond à une division précédemment établie par M. de Blainville sous le nom de Polypiaires douteux; elle se compose exclusivement de Polypes d'eau douce et se sub- divise en trois genres: les Cristatelles de Cuvier, les Plumatelles de Lamarck, et les Æ/cyonelles de Bruguières. La division des Polypes infundibuliformes de M. Gervais comprend les Bryo- zoaires dont es tentacules, insérés sur le même niveau tout au- tour de la bouche, constituent une couronne régulière et affec- tent en se déployant la forme d’un entonnoir. Tous les Polypes tuniciens marins y prennent place et ceux-ci sont représentés dans les eaux douces par deux espèces confondues jusqu'ici avec les Alcyoneiles ou avec les Plumatelles. L’un de ces Polypes in- fundibuliformes est le Tzbularia sultana de M. Blumenbach, petit zoophyte qui n’avait été que très imparfaitement décrit par ce savant,et qui ne parait avoir été observé par aucun autre z00- logiste; M. Gervais l’a trouvé en assez grande abondance dans le canal Saint-Martin { près Paris) et en donne une description dé- taillée accompagnée de bonnes figures ; il fait voir que c’est à tort que ©Cuvier l'avait réuni aux Plumatelles, et il propose d'en former un genre nouveau qu'il appelle Fredericella, en l'honneur du frère du célèbre naturaliste dont le nom vient d’être cité. L'autre Polype dont il nous reste à parler est l4{cyo- nella articulata de M. Ehrenberg. M. Gervais l’a trouvé au Ples- sis-Piquet, et il a fait voir quil s'éloigne en même temps des vrais Alcyonelles par la conformation de son appareil tentaculaire et des Frédéricelles par la structure de sa gaine tégumentaire dont la disposition est très analogue à celle des Crisies et des Eucra- tées. Pour que la classification de ces zoophytes soit réellement l'expression des modifications de leur organisation , il fallait par conséquent distinguer génériquement ce Polype de tous les autres et c’est effectivement ce que notre auteur a fait en éta-
. GERVAIS. — Polypes d’eau douce. 185
blissant pour le recevoir un genre nouveau sous le nom de Paludicella.
La saison n’a pas permis à vos Commissaires de vérifier tous les faits annoncés par M. Gervais; mais d’après l'analyse que nous venons de présenter , on a pu voir que le mémoire de ce jeune naturaliste contient des observations intéressantes pour l’actinologie. Ses recherches prouvent aussi que sans s'éloigner des environs de Paris, les zoologistes pourraient trouver tous les matériaux nécessaires pour compléter l'histoire de plusieurs Polypes d'eau douce encore très imparfaitement connus. Ce se- rait surtout sous le rapport anatomique et physiologique que ces animaux seraient intéressans à étudier d’une maniere approfon- die, et, en donnant à M. Gervais les encouragemens qu'il mé- rite pour ce premier travail, nous proposerons à l’Académie de lengager à poursuivre sous ce double point de vue les recher- ches qu'il a si bien commencées.
ReCHERCHES microscopiques sur l'anatomie et le développement du TenprA ZosreriCOLA , espèce de polype de la section des Bryozoaires.
Par M. A. de NorpMann.
( Extrait lu à l'Académie des Sciences , le 11 mars 1839.) (1)
Les recherches sur un nombre considérable de Polypes, faites de nos jours par plusieurs naturalistes habiles, dans l'intérêt de la science, et en vue de résultats généraux, ont déjà jeté de grandes lumières sur ce groupe intéressant de zoophytes; et une classification naturelle basée sur des observations positives en a été le résultat. Cependant malgré ces progrès, nous som-
(x) Ce mémoire est destiné à paraître dans l’ouvrage sur la Faune de la Crimée, dont M. Nordmaun s'occupe en ce moment.
186 NORDMANN. — Sur le Tendra Zostericola.
mes encore trop éloignés d’une connaissance exacte de la struc- ture intérieure de ces petits êtres, structure si diverse et si riche en modifications, pour qu’il soit permis de tirer des conclusions et de déduire par analogie des conséquences générales de quei- ques faits isolés. Des monographies détaillées telles que nous en possédons sur quelques espèces de Polypes, peuvent seules fournir les matériaux de l'anatomie, de la physiologie et de l'histoire du développement de ces zoophytes. Sous ce rapport MM. Grant, Lister, Loven , Milne Edwards, Ehrenberg, Sars, Meyen , Farre et d’autres , ont bien mérité de la science, que plusieurs d’entre eux, nous l’espérons, continueront d’enrichir des fruits de leurs travaux.
Le mémoire que j'ai l'honneur de soumettre au jugement de l’Académie ne traite que d’une seule espèce de Polypes ,; habi- tant la mer Noire. Eloigné, comme je le suis, de la plupart des ressources qu'offrent les capitales et les grands centrés littérai- res, il ne me restait qu’à étudier la nature. J'ai laissé le présent travail tel que je l’avais écrit à Odessa, sans modification ni ad- dition; je n'yaiajouté que les citations des ouvrages de MM. Milne Edwards et Farre. .
Voici le résumé de ce mémoire :
Le Tendra zostericola est un Polype de la division des Bryo- zoaires, qui a le plus d'analogie avec quelques espèces de Æ/us- tra, d’'Eschara et d’Halodacty lus. Les cellules de ce Polype for- ment sur les feuilles de Zostera marina une croûte membra- neuse très mince, en se développant par prolification et sont disposées par séries assez régulières au-dessus et à côté les unes des autres. La longueur de chaque cellule est d’un quart de ligne, et on en distingue dans la même agrégation de deux sortes, qui sont les uns des individus mâles, les autres des indi- vidus femelles. ;
ARTICLE, PREMIER. -— CONFIGURATION DES CELLULES, MALES. he
Les .cellules qui contiennent le Polype mâle, sont de forme ovalaire; le bord supérieur en est légèrement arrondi, le bord inférieur est échancré; la partie basilaire de la -cellule-estatlon-
NORDMANN. — Sur Le Tendra Zoostericola. 187
gée. L'ouverture par laquelle le polype fait sortir ses tentacules se trouve vers le haut, à la paroi postérieure de la cellule.
ARTICLE 1J. —— DESCRIPTION DU POLYPE MALE.
$ 1°. Appareil tentaculaire.
Les tentacules disposés autour de la bouche sont au nombre de hrit. Leurs bords sont garnis de cils vibratiles, plus longs aux côtés intérieurs: Chaqne tentacule est parcouru au milieu par deux canaux longitudinaux transparens , dont les interstices sont de texture cellulaire. Ces canaux ne communiquent pas avec l'ouverture buccale, et les rides, qui se trouvent tout le long des tentacules, n’ont rien de commun avec les ventouses de l’Æydra et de quelques espèces de P/umatella. Quand le: Polype: est retiré dans sa loge, et que l'appareil clôteur le repousse encore plus vers le fond de cette cavité, les extrémités des tentacules se recourbent et se plient.
$ 2. Appareil de digestion.
Au-dessous de l’orifice buccal, dont la forme est susceptible de grands changémens, le canal alimentaire offre un petit rétré- cissement, que j'appelle pharynx ; mais peu après il s’élargit en une grande cavité, dont la forme peut se comparer à celle d’une” bouteille renversée, et que je considère comme l’æsophage, à la base duquel se trouve l’orifice cardiaque. Les parois de l’œso- phage se composent de trois couches ou lames, dont les deux extérieures sont très épaisses et présentent une texture muscu- leuse. La troisième membrane où couche intérieure est une es- pêce d’épithélium , d’une ténuité extrême, et coupée par une quantité de canaux trés fins , qui s'entrelacent et forment un ré- seau dontles maillessont polygonales. Une certainequantité d’eau circule librement dans l’intérieur de la cavité de l’œsophage, ce qui suppose à ce dernier les fonctions d’un organe respiratoire , comme dans les Ascidies compobées et les Eschares.
Au-dessous de Porifice cardiaque , le canal digestif se pro- longe, se recourbe sur lui-même, et se dilate en une cavité
138 NORDMANN. — Sur le Tendra Zostericola.
principale. Si l’orifice cardiaque se trouvait plus bas, et qu'il y fût aussi prononcé et aussi distinct qu'il paraît'en haut , je con- sidérerais ce prolongement cemme un jabot; mais je ne puis y voir qu'un prolongement de l'estomac. Vers le bas, cet organe se continue en une espèce de sac, d’une texture toute particu- lière , et renferme une infinité de vésieules, qui lui communi- quent une couleur brune tres intense; ce sac séparé de l’esto- mac et du rectum par des étranglemens remplit les fonctions du foie.
De l’autre côté, le tube alimentaire remonte et forme, par le moyen de deux étranglemens , un prolongement conique , à la base duquel se trouve le pylore, et se termine enfin par le rectum dont l’extrémité est fermée par un sphincter, visible seu- lement au moment où une partie excrémentielle est rejetée de l'ouverture de la cellule. Les parois de l'estomac et de l’appen- dice hépatique sont très minces, tandis que celles du prolonge:
‘ment conique, et surtout du rectum sont d’une épaisseur remarquable.
L’assimiliation des matières nutritives avalées s'opère par le moyen d’un certain mouvement rotatoire, qui commence au- dessous de l’orifice cardiaque, et se continue jusqu’au rectum. Ce mouvement est produit par des cils, dont toutefois je n’ai vé-
rifié l’existence que dans le prolongement conique, au-dessous,
du rectum.
Pour obtenir une vue claire et distincte de toutes ces parties, ainsi que de l’appareil musculaire compliqué, il faut attendre que le Polype se soit retiré dans sa cellule.
$ 3. Système musculaire.
ILse divise en deux portions, savoir :
1° En muscles qui soulèvent le Polÿpe du fond de la cellule, et qui l’y retirent.
2° En un appareil clôteur particulier, qui empêche lintroduc- tion des corps étrangers dans [4 cellule et qui a quelques rap- ports avec l'appareil operculaire des Eschares.
A. Muscles tentaculaires, etc. Les muscles de la premiere
NORDMANN. — Sur de Tendra Zostericola. 189
sorte , au nombre de sept, forment tous des faisceaux muscu- leux plus ou moins larges, composés d’un certain nombre de filets très fins. Selon les endroits où ils s’insérent, et les organes qu'ils sont destinés à mettre en mouvement, ils se subdivisent en muscles des tentacules, muscles du foie, et muscles du rectum.
Les muscles tentaculaires sont au nombre de quatre, savoir :
1° Un faisceau musculaire principal, composé de vingt-quatre à trente-cinq filets, inséré en haut, immédiatement sous les tentacules, et inférieurement près de la base de Ja cellule.
2° Un faisceau de sept à huit filets, attachés comme le fais- ceau principal, à la base des tentacules et à celle de la loge; mais un peu de côté.
3° Une paire de filets isolés, situés entre les deux faisceaux précédens et insérés près de la bouche et sur le côté de la cellule. Ces trois faisceaux retirent les tentacules vers le fond de la loge avec une légère déviation latérale.
4° Deux filets musculeux assez forts , qui sont les antagonis- tes des muscles précédens et qui s’attachent à l’œsophage et pa- raissent communiquer à leur extrémité supérieure avec l’appa- reil clôteur. Ils sont destinés à avancer le Polype vers l'ouver- ture de la cellule.
5° Une bandelette attachée au sphincter du rectum tire cet or- gane au niveau de l’ouverture de la cellule, pour que l'animal puisse évacuer ses excrémens.
6° Une autre bandelette, de consistance très mollé', ét dont on ne peut compter le nombre desfilets, sert à unir la partielinfé- rieure du rectum avec l'estomac, par conséquent c’est un anta- goniste du muscle précédent.
7° Deux filets musculeux insérés à la base de l'appendice hépatique unissent ce dernier à la cellule au fond de pre ils se retirent.
B. Appareil clôteur, T'ouverture de la ‘cellule du! Tendra zostericola n’a point d’opercule solide, mais à la place de ‘cé der- nier il s'y trouve un appareil particulier que j'appellé appareil clôteur. W consiste en un large anneau plat ét ovaläire, d’une substance musculeuse très molle, fixé aux parois de la cellule au
190 NORDMANN. — Sur les Tendra Zostericola.
moyen de quatre faisceaux ou bandelettes musculeuses, dont les deux inférieurs se composent de sept à huit filets, tandis que les supérieurs n’en présentent que deux. De cet anneau central partent quatre faisceaux de consistance molle qui s’insèrent au bord de l'ouverture de la cellule.
Le nombre total de ces faisceaux musculeux s'élève à seize, et c'est un beau spectacle que d'observer le jeu de cet appareil si compliqué quand le Polype veut sortir de sa loge où y rentrer.
$ 4: Appareil de la génération:
Près des tentacules sont insérés huit organes vermiformes qui manquent chez les Polypes femelles, et auxquels j'attribue les fonctions de testicules, d'autant plus que les zoospermes se développent uniquement dans les cellules des mâles.
$ 5. Système nerveux.
Je crois devoir ranger sous cette dénomination trois petits corps ganglionaires , placés dans les environs de la bouche. Le plus grand est situé près de l’insertion des testicules, et parait leur donner l’extrême sensibilité dont ils sont doués.
ARTICLE JII. — DESCRIPTION DES CELLULES FEMELLES.
La conformation extérieure de ces cellules ne diffère que très peu de celle des loges du Polype mâle , mais il en est tout autrement de la structure intérieure; car, tandis que la paroi supérieure de la cellule du mâle est parfaitement lisse et unie, nous voyons ici cette même paroi partagée en une quantité de petits compartimens placés en travers, qui lui donne l'apparence d’un treillis en filigrane élégamment travaillé.
Aucun ordre n’est observé dans la disposition réciproque des cellules appartenant à l’un et à l’autre sexe. Le corps du Polype femelle ne se distingue de celui du mâle , que par l’absence des organes testiculaires.
NORDMANN. — Sur les: : Tendra Zostericola. rot:
ARTICLE IV. — DÉVELOPPEMENT.
Les œufs dont le nombre varie entre quatre et sept, ne se dé- veloppent que dans ces cellules treillissées. Les œufs sont fé- condées par les Zoospermes, qui s’introduisent dans lescellules des femelles par le moyen de l'ouverture située à la base de chaque cellule. Quand l'embryon est près d’éclore, il commence à remuer dans le chorion, on le voit se contracter et vibrer à l’aide des cils qui garnissent son corps en séries épaisses. La surface exté- rieure du chorion est parfaitement lisse, aussi les mouvemens que les ovules paraissent faire ne leur sont-ils point propres, c’est l'embryon, au contraire qui leur communique les siens.
J'ai observé l'embryon au sortir de son enveloppe, je l'ai vu tourner avec une grande rapidité, sur son axe, nager dans l’eau, et se fixer enfin à la surface de la feuille du Zostera; j'ai suivi aussi loin qu'il m'a été possible, les transformations du jeune animal, le développement du Polype et l'accroissement de la cellule, et j'ai tâché de rendre compte de mes observations par la description détaillée, contenue dans ce mémoire, et par le dessin qui l'accompagne.
ExPÉéRiENCEs sur le sentiment olfactif des antennes, par M. À. Le- FEBVRE. (Extrait.)
Les observations de l'auteur furent faites d'abord sur une abeille qui se re- paissait d’un morceau de sucre. Ayant mouillé avec de l’éther une longue aï- guille , il l'approcha doucement du sucre ; mais, à peine l'extrémité de l’instru- ment était-il à quelques lignes de l’insecte ,que celui-ci témoigna une grande inquiétude et ne cessa d’agiter ses antennes, en les dirigeant vers lecorps odorant. L'abeille,au contraire;ne s'émut uullement lorsque M. Lefebvretouehäit le mor- ceau de sucreavec une aiguille non éthérisée, avec une allumette, etc. & Après avoir Jaissé à l'insec'e quelques instans de repos, dit l’auteur ; je plongeai de nouveau mon aiguille dans l’éther, et, espérant l'accoutumer à cette odeur pénétrante, J'approchai doucement l'aiguille de son extrémité anale. L'abeille ne bougea pas, continhant de manger. Enhardi par ce succès, je glissai la pointe de mon aiguille lelong du corps coutre les pattes, mais sans toucher les stigmates, j'y déposai même une gouttelette du liquide, et toutcela sans que l'abeille parût le moindre- ment s'en inquiéter, Ma surprise était extrême de voir que, au voisinage des sligmates , l'insecte w’éprouvai! rien ; mais, dès que je voulais dépasser les pre-
192 Publications nouvelles.
mières pattes , les PRES eu s’abaissant , me barrèrent le passage. Je recom- meuçai ,et, en avançant au dessus d’elle d’arrière en avant, même immobilité tant que je ne dépassai pas l'abdomen ; mais , dès que je fus au dessus du thorax, les antennes se rejetèrent brusquement en arrière, en s’agitant et en frémissant de colère ». M. Lefebvre fit ensuite quelques expériences sur des Vespa : il mu- tila les antennes de ces insectes à diverses hauteurs, et s'assura à l’aide de l’cther, qu'il suffit d’une légère section à l’extremité de ces appendices pour déterminer la perte plus ou moins complète de l’odorat. La perte du dernier article anten- naire suffit pour entrainer la perte de ce sens. (Annales de la Société entomologique de France; 1838, 3: cahier.)
———— TC —— PUBLICATIONS NOUVELLES,
Mémoires présentés par divers savans à ‘l’Académie royale des Sciences et imprimés par son ordre.— Sciences mathématiques et physiques, tome v, in-4°. 1838.
Ce volume du Recueil connu sous le nom de Hémoires des Savans étrangers, contient, entre autres articles, deux mémoires anatomiques. Le premier est in- titulée Extrait d’un mémoire sur le mécanisme de la respiration nasale chez les Cétacés souffleurs, en ce qui touche particulièrement à la distribution dans l'appareil de l’évent des branches du nerf facial, par M. Bour:oT SaIiNT- Hivaire. Le second fait suite à des travaux déjà publiés dans ces Annales, sur la structure de l'oreille des Mammifères et des oiseaux, et a pour titre: Recher- ches anatomiques et physiologiques sur l'organe de l’ouïe dans les Poissons , par M. Brescuer; il se compose d'une suite de monographies de l'appareil audi- tif chez la Lamproie, l'Esturgeon, l’Alose, le Maquereau, le Milandre, lé Congre, la Baudroie, le Saumon, le Turbot, PAnguille, le Loup, le Trigle, la Roussette, le Pterois, les Raies, la Chimère , le Brochet et les Cyprins, et il est accompagné de 17 planches. Dans un prochain cahier, nous en donnerons un extrait étendu.
Leçons d'anatomie comparée de GEORGES CUVIER, seconde édition , corrigée et augmentée par MM. Duvernoy et Lau- RILLARD.
Le sixième volume de cette nouvelle édition des Leçons d'anatomie compa- rée , qui vient de paraître, contient la description du fluide nourricier, de ses réservoirs et des organes qui le mettent en mouvement dans les quatre types du règne animal ; la révision en est dû à M. Duvernoy, et on pourra juger de l'éten- due des additions qui! y a faites , lorsque nous rappellerons que les matières auxquels il a consacré ici près de 55o pages, n’occupaient dans la première édi- tion de cet ouvrage que 205 pages.
a —
L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate. 193
LR
Révision et monographie du genre CEROPLATUS;
Par: M. LEowN Durour,
Correspondant de l’Institut.
(Mémoire présente à l’Académie des Sciences, séance du 1°* avril 1839.)
Il y a près de quarante-cinq ans que le genre Céroplate fut institué par Bosc, dans les Actesde la Société d'histoire na- turelle de Paris, pour un Diptère fort rare, qu’il découvrit aux environs de cette capitale; et quiappartient à l'immense famille des Tipulaires. L’individu unique décrit par ce naturaliste, et ensuite, dans sa collection, par Fabricius , fut figuré avec détail, en 1804 , par, Coquebert, dans son Z/lustratio iconographica , pl. 27, fig. 1. Le Ceroplatus tipuloides était d’abord la seule es- pèce connue ; mais Bosc y en ajouta bientôt une autre de la Caroline , sous le nom spécifique de carbonarius , et plus tard Dalman en décrivit une troisième d'Europe, sous celui de testa- ceus. Quant au C. atratus Fabr.,ilappartient au genre Platyura.
Je viens faire hommage à la science de deux nouvelles espèces de ce genre peu connu, et entrainé involontairement par mon sujet au-delà des limites que j'avais d’abord conçues, je me suis surpris dans la voie d'une monographie dont je me décide à poursuivre l'exécution. Ayant eu l’heureuse occasion d'étudier et de dessiner soigneusement les métamorphoses du type pri- mordial qui, contre l’assertion de tous les auteurs, n’est pas Celui dont Réaumur nous a laissé l’histoire, je me trouve à même par’ l'examen: comparatif de ces trois espèces de nos contrées d'apprécier mieux qu'on ne l'avait fait jusqu'ici les caractères tant génériques que spécifiques, et d’en formuler le signalement d’après les besoins actuels de la science: Mes recherches acquer- ront d’ailleurs un haut degré d'intérêt par leur parallèle avec
celles de Réaumur, qui jusqu’à ce jour n’avaient été soumises à XI, Zoor, — Avril, 13
194 L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate.
aucun contrôle et qui formaient le seul document connu sur les métamorphoses de ce singulier groupe d'insectes. J’ai aussi porté le scalpel dans les entrailles , soit de la larve , soit de l’insecte ailé, et, quoique ces investigations soient plus spécialement destinées à un ouvrage étendu et à même de se terminer sur l'anatomie des Diptères en général,'je donnerai, pour compléter autant que possible l’histoire naturelle des Céroplates , le som- maire de mes dissections.
L'histoire du genre, des espèces , des métamorphoses et de l'anatomie, divise naturellement mon sujet en quatre chapitres distincts :
CHAPITRE PREMIER.
CARACTÈRES GÉNÉRIQUES ET HABITUELS.
Antennes plates , minces , lamelliformes , moins longues que le corselet, insérées vis-à-vis le tiers postérieur des yeux, com- posées de seize articles , dont le premier se prolonge en avant en ün lobe obtus ; le second très petit , subannulaire ; les suivans subquadrilatères, formant dans leur ensemble, par la saillie et l'acuité de leurs angles antérieurs , une double scie, le dernier obtus.
Trompe consistant en une lèvre profondément bifide.
Palpes de trois articles , dont les deux premiers courts sub- globuleux ; le troisième saillant ou exserte, oblong ou allongé.
Yeux grands, ovales, entiers.
Ocelles au nombre de trois, placés sur le vertex.
Ailes plus courtes que le corps, croisées dans le repos.
Le genre Ceroplatus fait partie, dans la méthode naturelle de la tribu des Tipulaires fongicoles ( famille des Trruraïres), telle qu'elle a été récemment constituée dans l’histoire naturelle des Diptéres de M. Macquart ;'qui les colloque avec raison entre l'Asindulum et le Platyura.
La téle des Céroplates est petite, basse, sphéroïdale. La face + ’nne évale largeur dans les deux sexes. La bouche m'a paru
I. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate. 195
essentiellement formée par une lèvre bifide, dont les lobes Ji néaires, finement velus en dehors et plus ou moins exsertes,, se réunissent à angle aigu, à une tige commune. La composi- tion des palpes, qui , jusqu'à ce jour, a laissé les diptérologistes dans l'incertitude, ne saurait plus, d'après mes investigations microscopiques , supporter le moindre doute. Ils s’insèrent sur les côtés inférieurs de la base des divisions de la lèvre et sont par conséquent labiaux. Ils sont formés de troisarticles distincts, dont les deux premiers fort petits, courts, arrondis, cachés, et le dernier saillant , tantôt, ovale oblong comme dans lé #ipu- loïdes , tantôt allongé, cylindroïde , divergent; velu en dehors comme dans le dispar et le Reaumurii. Les ‘yeux ne sont pas échancrés , comme on l'a dit et répété, malgré les figures de Coquebert, qui prouvent le contraire. Ils sont grands, ovales, entiers , latéraux, et offrent à la loupe, dans les deux sexes, un fin duvet velouté. Le vertex présente trois ocelles disposés en une ligne à-peu-près droite !, ronds, cristallins comme ceux de quelques Arachnides, et l'intermédiaire est constamment plus petit. Les antennes , qui forment le trait le plus saillant, le plus caractéristique, ont une structure qui à été mal saisie par les auteurs. Les épithètes de perfoliées , de fusiformes ; qu’on leur à appliquées , donnent une idée complètement fausse de leur configuration, et leur comparaison avec une rape est tout aussi mal trouvée. Ces antennes sont absolument plates comme la plus mince lame ou un lambeau de papier, allongées , sublan- céolées, à peine un peu atténuées vers les deux bouts ; et, pen- dant la vie de l’animal, elles ont presque habituellement les tran- chans verticaux de manière à se regarder par leur plat. Leur longueur atteint tout au plus la moitié du corselet, et, à lamort. de l'insecte,elles sont divergentes et un peu arqnées. Ghest-rile au, microscope , elles sont couvertes, surtout sur leurs bords , d’une pubescence noire sur un fond testacé. Elles sont de seize articles et non de quatorze , comme le dit Latreille.Le premier article , d’une forme, insolite, qui n’a pas été comprise par les auteurs , s'avance , du côté de la face ,en un lobe saillant obtus. Il ressemble à nne espèce de sabot, qui s’insère au front par le
talon , tandis que, par ce même talon, il donne insertion au 19;
196 L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate.
second article. Ce lobe , qui est jaunâtre dans le 7ipuloïdes en a imposé à Bose, à Fabricius , à Latreïlle, qui parlent de « deux « petites élévations en forme de cornes sous les aritennes ». Je puis garantir que de semblables saillies n'existent point dans l'espèce que je viens dé nommer, ni dans les deux autres que jai rigoureusement étudiées. Le second article est petit, court, arrondi. Les suivans représentent un carré transversal , à bord antérieur droit, dans le 7ipuloïdes, et légèrement excisé, en croissant de chaque côté avec le milieu un péu avancé én lobe dans lé dispar et le Reaumurü. Ve dernier article est ovale, obtus, plus ou moins tronqué.
Le #horax est saillant au dessus de la tête , arrondi , bombé, plus ou moins pubescent. Le prothorax à ses épaules légère- ment saillantes en angle. Il y a un écusson bien marqué, demi circalaire. Le métathorax a une structure remarquable: il ‘est distinctement trilobé. Les lobes latéraux sont ovales, obtus, pubescens, convexes en dehors , l'intermédiaire est en large triangle. Les balanciers se terminent par un bouton ovale ar- rondi. Ils sont tout-à-fait nus , et Fabricius, en leur donnant des cueillerons oblongs , s'en sera laissé imposer par les lobes laté- raux du métathorax.
Les ailes , sensiblement plas courtes que l'abdomen , sont ployées sur celui-ci dans le répos. La figure , qui exprime exac- tement la forme et la disposition des cellules me dispense d’en- irer dans des détails à ce sujet.
Les pattes des Céroplates sont proportionnellement ‘moins longues que celles des véritables Tipules ; mais elles ‘en ont la faiblessé et la fragilité. Les hanches sont grandes ‘et composées de deux articles, dont celui qui tient au thorax est plus long et plus fort. Les cuisses ont une grosseur moyenne. Les tibias sont nus, c’est-à-dire dépourvus des spinules plus où moins redressées, qui caractérisent quelques Tipulaires fongi- coles, notamment les Mycetophila, Sciophila, etc. Lés posté- rieurs et les intermédiaires se térrsinent par deux ergots droits inégaux , les'antérieurs par un seul. Les tarses sont grèles et un peu plus longs que les tibias. Les griffes ou crochets sont pe- tites, médiocrement arquées , dépourvues de pelottes. Temi-
L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate. 197
eroscope , convenablement dirigé, y constate des dentelures , dont la forme et le nombre varient suivant les espèces. :
L’abdonien n’est pas comprimé, commeon l'a dit: il est al- longé , cylindroïde et parfois fusiforme dans les femelles. IL se compose, dans les deux sexes, de sept segmens dorsaux presque égaux , non compris les pièces copulatrices. I! est souvent fort grèle dans les mâles. Celui de la femelle se termine au moiris dans le dispar, par un oviscapte plus ou moins enchässé dans le der- nier segment, et formé de deux lames pointues , adossées. Cet oviscapte, qui a de l’analogie avec celui de quelques Tipules } semble indiquer que le Céroplate enfonce ses œufs dans un mi- lieu résistant sans doute dans la terre. L’armure copulatrice du mâle est un forceps plus ou moins exserte, dont la configura- tion varie suivant les espèces et peut fournir de solides carac- tères pour la distinction de celles-ci, ainsi que nous le verrons bientôt.
On connaît peu les mœurs, le genre de vie des Céroplates : ils paraissent à la fin de Pété et en automne. Malgré leur fai- blesse. apparente!, ils produisent avec les ailes un, bourdonne- ment assez fort.
CHAPITRE Il.
DESCRIPTION DES ESPÈCES.
1. Ceroplatus tipuloides Bosc. Act. Soc. Hist. nat, de Paris, t. 1, : p- 42, pl 7, fig. 3. Fabr. Syst. antl. p. 15. Later. gen. crust. et ins. 4, p.262. Coqueb, ill. icon. Dec. 3, tab. 27, fig. «. Macq. Hist. nat. des Dipt. 1, p. 140.
Capite rufescente occipite obscura ; palporum articulo ultimo oyato-oblorgo ; thorace auro pubescente pallidè rufescente; dorso nigro lineato ; metathorace utrinqué macula nigra; abdomine lutéo, segmento primo basi nigro , duobas ultimis obscuris ; pedibus obseurè griseis unguibus serratis;alis puueto in medio submarginali macnlaque magna antè apicem nigris; apice extime albido. Mas.
Hab. io Gallià, Parisiis , S. Sever, Long. 5-lin.
198 L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate.
Jeneconnais que le mâlede cette espèce, etil n'a été décritnipar Bosc, ni parlesauteurs quiluiontsuccédé, quoïquelatreille, dans son Genera, mentionne un individu de ce sexe, que je lui avais donné. Les figures de Coquebert, peintes par Redouté et faites sur une: femelle , expriment bien, l'espèce , sauf les erreurs dé détail ; mais {es signalemens donnés par Fabricius et la plupart des autres entomologistes ne s'adaptent pas tout-à-fait à l'indi- vidu que jai sousles yeux.
Ici la tête et les parties de la bouche sont d'un roux jaunâtre. Le dernier article des palpes est presque du double plus court que celui du-dispar. La région occipitale est noirâtre. Le pre- mier article des antennes est jaunâtre et a la configuration que j'ai décrite dans le signalement générique. Le thorax à un duvet doré , luisant. La région dorsale du mésothorax a trois lignes longitudinales noires , dont les deux latérales confluent en ar- rière , pour se prolonger un peu sur l’écusson ; mais ces.-mêmes lignes latérales qui , du côté interne ;, sont bien tranchées’, se confondent en dehors avec une teinte noire qui en avant semble commencer une autre ligne. Outre cela, le bord externe du mésothorax a un trait noir formé par du duvet de cette couleur, et on remarque une tache noire sur ses flancs. Les lobes laté- raux du métathorax sont marqués en dehors d’une tache noire, et l'intermédiaire est noiïrâtre en dessous.
L'abdomen, moins grèle que dans les deux espèces suivantes, est d’un jaune argileux. Le premier segment est largement noirâtre à sa base. Les quatre suivans ont à leur partie anté- rieure un trait obscur fort étroit, à peine sensible, qui est loin de justifier, au moins pour le mâle, l'expression de /asciis migris, employée par Fabricius et la plupart dés auteurs. Une teinte obscure , due à un duvet noirâtre , s'observe aux deux derniers segmens. L’armure copulatrice du Céroplate tipuloïde est jau- nâtre et d’une structure très différente de celle des autres es- pèces. Le forceps est recouvert à sa base par deux demi-seg- mens , qui se croisent à la ligne médiane. Les branches de ce forceps ont au milieu'une articulation où se fixe une pièce ter- minale velue, qui, vue par dessus , semble. simplement ovale- arrondie, convexe, tandis qu’elle est courbée en un hameçon,
L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplaie. 199
dont la pointe atténuée et la concavité sont en dessous. La ré- gion inférieure offre une pièce. fourchue à branches un peu arquées et velues, qui appartient au dernier segment ventral. J'ai donné les figures de ces diverses pièces.
Les pattes sont d’un gris pâle , avec les tarses obscurs. Les crochets qui terminent ceux-ci ont à leur base quatre dents de scie aiguës, triangulaires, assez grandes, distinctes , suivies d’un pareil nombre de dentelures inclinées vers la pointe.
Le Céroplate tipuloïde ; qui servit à Bosc à fonder le genre et dont il ne possédait qu'un seul individu, avait été trouvé dans la forêt de Villers-Cotterets , près de Paris. Dans le. mois de novembre 1838 , j'obtins cette même espèce des larves qui vivent sur le Boletus ungulatus Bull. aux environs de Saint- Sever, et dont je.décrirai bientôt les métamorphoses.
2. Ceroplatus dispar Nob. pl. 5; fig. 1-14.
Céroplate désassorti.
Piceus, palporum articulo terminali elongato exsertot estaceo ; spatio ocellari- nigro ; thorace nigro-pubescente, lineis quatuor longitudinatibus distinctis nigris, duabus intermediis posticè coeuntibus ; alis litura elongata costali alia submargi- nali ad apicem, macullulaque in medio margiuis postici fumoso nigris; abdomine uigrescente segmentis posticè piceo-brunneis; pedibus lividis, tarsis obscuris, unguibns basi pectinatis. Long. 6 lin. Fœmina.
Mas gracilior pallidiorque, thoracis lineis lateralibus subobliteratis , abdomine rufescente unicolore, alæ macullula marginis posticis subnulla. Long. 5 ; lin.
Hab. in Pyrenæis.
Comme j'ai obtenu le mâle et la femelle de coques prises sur le même tronc d’arbre, je ne saurais élever le moindre doute sur leur identité spécifique , malgré leur dissemblance sexuelle. Il est facile de voir, par le signalement et les figures , combien cette espèce diffère du tipularius. Le dernier article des palpes est dans les deux sexes deux fois plus long que celui de l'espèce précédente. Les deux premiers articles des antennes sont noi- râtres. Le mésothorax n’a sur son milieu que deux lignes noires qui s'unissent pour se prolonger sur l’écusson ; les deux laté- rales sout presque effacées dans le mäle ; ses flancs offrent une,
200 L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate.
tache noire près du bord dorsal , et il y en a une plus grande à la région sternale entre la première et la seconde hanche, ces taches moins marquées dans le mâle. Le dernier segment de l'abdomen estéchancré dans la femelle, et c’est dans cette échan- crure que s'aperçoit l'oviscapte. J'ai déjà fait entendre que l’ar- mure copulatrice du mâle différait essentiellement de celle du tipularius , dont elle a la couleur testacée roussâtre..On'ne voit pas ici les deux démi-segmens embriqués , qui s’observént à la base du forceps de ce dernier. Les branches de ce forceéps, au lieu de se terminer par un article courbé en hameçon , n’offrent chacune qu’une pièce terminale oblongue et velue, obliquément tronquée à son extrémité par laquelle élle peut former la pince avec sa congénère. À la base interne de la branche, le micros- cope découvre un petit lobe triangulaire , tourné vers la ligne médiane, velu, et tout-à-fait au centre une pointe lancéolée, peut-être glabre , qui n'est que le fourreau de la verge. Un dernier trait caractéristique est fourni parles crochetsdestarses, qui présentent à leur base trois dents de peigne longues etfines, séparées par un espace inerme d’une série de sept à huit petites dentelures en scie, qui échappent presque au microscope, mais que j'ai bien constatées. Enfin ,une exploration minutieusement attentive à la loupe m’a fait reconnaître, dans les deux sexes du dispar, au côté interne des tarses postérieurs et intermédiaires, une série de petits poils redressés et raides, bien distincts de la villosité couchée qui les revêt. Ce trait ne s’observe point dans le tipularius.
Eu septembre 1838, je découvris les larves et les cocons du Céroplate désassorti dans les Pyrénées, sur le Boletus ungu- fatus Bull. , qui croissait sur un hêtre mort.
3. Ceroplatus Reaumurii Nob.
Céroplate de Réanmur. Tipule, Réaum. Mem. t. v,p. 23, pl. 4, fig. 11-18.—t:av, pl. 9, fig. 18.
Testaceo-lividus, palporum articulo terminali elongato exserto testaceo, thorace nigro pubescente haud lineato; alis immaculatis aut margine externo vix fumo-
a ——
L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate. 201
sis; abdominis segmentis basi nigro fasciatis, fasciis medio dilutioribus segmentis duobus ultimis.obscuris unicoloribus ; tarsis obscuris, unguibus basi pectinatis.
— Mas. Hab. in Gallià meridionali-ocçidentali (S. Sever.). Long. 5 lin,
Cette espèce , dont je ne connais qu’un individu mâle à plu- sieurs traits de ressemblance avec ce même sexe dans le déspar; mais elle en diffère et par l’absence, soit des lignes noires du corselet , soit des taches aux ailes et par les bandes de son ab- domen et surtout par la configuration de l'armure copuülatrice. Les deux premiers articles des antennes sont noirs et les flancs du mésothorax offrent les mêmes taches que dans le dispar. Les tarses ,Ccomme dans ce dern'er, ont aussi une série de petits poils redressés. Les ailes n’ont pas la longueur de Ja moitié de l'ab- domen. Celui-ci présente à la base des cinq ‘premiers segmens une bande noire, qui semble comme interrompue au milieu. L'article terminal de la branche du forceps est du double plus courte que dans le dispar, ovale-sécuriforme , couverte d’un duvet noir.
Le 4 juillet 1838, je trouvai par hasard le Céroplate de Réau- mur sur les vitres de mon laboratoire , ignorant complètement d'où il pouÿaïit provenir.
Os. Séduit par la forme si singulière des antennes et mal in- spiré par une analogie plus générique que spécifique, Latreille rapporta au Ceroplatus tipuloides une espèce du même genre, dont les habitudes et les métamorphoses avaient été décrites et figurées par Résumur. Ce synonyme! sur la foi du législateur dé l'entomologie , fut admis et reproduit sans contrôle par tous les auteurs. L'existence à cette époque d’une seule espèce connue et par conséquent l'impossibilité d’une étude compara- tive ntraînérent presque inévitablement l’erreur,que je signale aujourd’hui. Certes il est facile de juger que le trait si saillant dé taches noires aux ailes du ipularius n'aurait pas échappé à l'œil de Réaumur et au pinceau de son dessinateur, si l'espèce qu'il a figurée et brièvement décrite le lui eût offert. Il nese serait pas borné non plus à dire que son corps était gris brun,
. 202 L. DUFOUR: — Sur le genre Céroplate.
si, comme dans le #ipularius , l'abdomen avait été en grande parte jaune. Enfin , en parlant des deux barbillons jaunätres
au devant de la tête (1. c. p. 28), cet habile scrutateur indique
indubitablement l'article terminal des palpes, qui, daus le Reaumuri et le dispar, est assez saillant pour avoir pu à cette époque être saisi par lui, tandis que, dans le tépularius , il'est si court , que, suivant toutes les apparences, il lui serait de- meuré inaperçu. En dédiant à Réaumur l'espèce qu'il à, le pre- mier, fait connaître , je rends un juste hommage à la mémoire de cet illustre observateur.
4. Ceroplatus testaceus Dalm. Anal. ent. 98, n° 16. Céroplate testacé. Macq. Hist. nat. des Dipt. 1, p. 141:
Testaceus, antennis fuscis ; thoruce lineis obscuris tribus; abdominis segmentis basi siiénlaqiié laterali nigr éitentibuss alis maculà costali versus apicem alteräque in medio marginis iuterni nigris ; pedibus pallidis.
Hab. ih Gallià septentrionali. Long. 5 lin.
Je ne connais cette espèce que par la description de M. Mac- quart. Elle paraît avoir des rapports avec le AReaumurii ; dont elle, diffère surtout, par les lignes du corselet et.les taches des ailes. M. Macquart l’a trouvée sur les fenêtres de son cabinet à Lestrem (Pas-de-Calais), comme j'ai rencontré le Reaurnurit sur les vitres du mien à Saint-Sever. Ce rapprochement est ‘assez singulier.
5. Ceroplatus carbonarius Bosc. (Soc. philom.) Céroplate charbonné. Bosc. Nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle, 2° Parts t. v,
p. 585, tab. B, 21, fig. 4,4.
Capite fusco-nigro, palpis macutisque duabus pone antennas albidis ; antennis fusco-nigris, articulis quatuor ultimis albis; thorace atro-pubescente sub'alis albido; 2 alteribus atris; abdomine atro segmentismargine lateribusque, cinereis; alis diaphanis , costa fusço macullulata maçulaque intensiore versus apicem ; pe- dibus fuscis basi albidis.
Hab. in Carolina Americæ, Bosc.
C'est une espèce fort remarquable dont on n’indique pas la
L« DUFOUR. — Sur le genre Céroplate. 203
taille. Bosc , qui en a étudié la larve , ainsi que nous le verrons au chapitre des métamorphoses, dit que le front de ce Céroplate est armé de deux tubercules. Nous retrouvons encore ici l'erreur qui a fait prendre pour ces derniers la saillie antérieure du pre- mier article des antennes, et qui a empêché qu'on ue connût le véritable nombre des articles de celles-ci.
CHAPITRE II.
HISTOIRE DES MÉTAMORPHOSES.
Ainsi que l’ai déjà dit, Réaumur a le premier décrit et figuré les métamorphoses d’une espèce de Céroplate, que j'ai prouvé être le C. Reaumurii et non le zipuloides , ainsi qu’on l'avait cru jusqu'à présent. Cette histoire plus ou moins abrégée où mor- celée a passé dans le domaine de la compilation , et personne que je sache n'a été à même de confirmer ou d’infirmer par des observations directes et pratiques les faits exposés par cetillustre historien des insectes. J'ai en le rare bonheur de suivre däns toutes les périodes de sa triple vie la larve du véritable #/puloides, que j'ai élevée dans mon laboratoire, en sorte que je puis cor- roborer par de nouveaux faits ceux qui sont déjà consignés dans le répertoire de la science , doter celle-ci d'observations qui me sont propres, et eufin fournir ou coordonner des matériaux qui permettent de s'élever à des généralisations plus positives et plus logiques.
L'exposition de ces métamorphoses embrassera dans autant de paragraphes la larve , le cocon et la nymphe.
SI. Larve.
Je répète ; avant de commencer, que c’est la larve du Cero- Platus tipuloides , qui a exclusivement servi à ma description.
Larve céphalée , oculée, non antennée , apode (ou pseudopode), allongée, molle ; très contractile , hirudiniforme, visqueuse, grisâtre , avec quelques mou-
204 L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate:
chetures fort obscures; à quatre segmens antérieurs grands , distincts , marqués de chaque côté d’une tache noirâtre; à reste du corps finement sillonné en tra vers par d'innombrables stries serrées et parallèles, et borde d’un double bourre- let ambulatoire moniliforme, l’un dorsal, l’autre ventral ; à tète faiblement cornée, d’un roux pâle; trilobée en avant; à yeux superficiels tout-à-fait latéraux ; à bouche infère , composée de deux paires de mandibules ; à deux filières buccales saillantes, cornées, tubuleuses, noirâtres.
Hab. la surface du Boletus ungulatus Bull. Long. 11 lign. Larg. 1 :.,,
Description.—Par leur structure et leur organisation les larves de Céroplates font une exception remarquable dans l’ordre des Diptères, et je n’en vois pas dans les äutres ordres d'insectes qui approchent de celles-la: c'est un de ces organismes de transition, dont les affinités généalogiques, qu’on me passe l'expression, nous demeurent encore cachées; c’est ain type isolé qu’il importe de faire bien connaître et par la description et.par le dessin, afin qu'il puisse devenir pour les scrutateurs de la bonne entomologie une occasion de se livrer à la recherche, à l'étude attentive des métamorphoses dans les genres qui, dans la méthode naturelle, avoisinent celui-là. Ce que je puis’certi-
fier d'avance, d'après mes propres observations , c'est que les larves des genres Macrocera | Mycetophila, Sciophila, Sciara , Bolitophila et Cordyla, qui appartiennent à la même tribu des Tipulaires fongicoles que le Ceroplatus, et que j'ai étudiées et dessinées avec soin pour un travail spécial que je suis à même de publier, n'offrent aucune sorte d’analogie avec celles de ce dernier genre.
Réaumur comparait les larves du Céroplate à des sangsues; il observait que leur peau était enduite d’une humidité gluante, et que la trace de leur passage ou de leur reptation était, comme dans la limace, couverte d’un vernis luüstré. Tout cela est d’une exacte vérité, et, si la Lecture des mémoires de ce grand observa- teur ne m'avait pas prémunicontrecetteillusion,;avant d'avoir moi- même découvert ces larves, je les aurais d'autant plus facilement prises pour de petites limaces grises, que leur habitation offre précisément toutes les conditions favorables à celles-ci, c’est-à- dire l'ombre et l'humidité. La
C'est le 20 septembre 1838, que, dans une rapide excursion
1. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate. 205
aux Pyrénées avec mes enfans , en renversant un vieux tronc de hêtre gisant sur le sol et couvertde Boletus ungulatus ;je ren- contnai pour la premiere fois des larves et des cocons de Céro: plate. Il y en avait une douzaine au moins etune vingtaine de cocons,dont plusieurs renfermaient des nymphes. Mon éloigne- ment et la texture délicate deces larves ne me permirent pas dé les transporter, Je me contentai de noter qu'elles étaientsociétairés, grises visqueuses, et que les plus grandes avaient quinze lignes de longueur sur deux de largeur; mais je recueillis un certain nombre de cocons ; qui me donnérent plus tard le C. dispar. Peu de jours après rnon retour à Saint-Sever, j’engageai mon ami, M. Pérris, entomologiste instruit et zélé ; à rechercher avec moi ces larves dans une forêt voisine. Nous trouvâmes, én effet, le 7 octobre, à la surface inférieure d’un Bolet ongulé croissant sur une vieille souche de chène presqu'au ras deterre , plusieurs individus des larves si desirées. Je les transférar soignéüsement avec le Bolet dans mon laboratoire; j'en sacrifiai deux ou trois à l'étude et à la dissection , et je plaçai les autres dans un vase opaque fermé. Au bout de six jours, je constätai un cocon ré: cemment fabriqué , et, le 3 novembre suivant, j'en obtins un Céroplate tipuloïde. ;
Ba structure extérieure de notre larve présenité un trait fort singulier trés caractéristique, qui avaient entièrément échappé à Réaumur: Les larves des’ tipulaires fongicoles, dont j'ai cité plus haut les noms génériques ont toutes un corps cylindrique filiforme blanchâtre , composé d’une douzaine de segmens subégaux entre, eux et d’une tête cornée noire.
‘Dans la larve du Céroplate, le quart antérieur environ du corps offre , indépendamment de la tête, quatre sègmens seule- ment, à-peu-prés carrés , tandis que le reste du corps présente; comme daus la sangsue, des stries transversales :serrées | des phissures parallèles en nombre indéterminable, qui, dans les divers actes de la reptation, deviennent plus où moinssaillantes. Ces phssures, évidemment musculaires , aboutissent à droite et à gauche à une série de granulations de même texture qu'elles, contigués elles-mèmes à une semblable série, située au-dessous d'elles et correspondant aux plissures ventrales. Ces granula-
206 L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate.
tions ne sobservent point aux segmens antérieurs, qui sont
aussi dépourvus de plissures. Elles doivent être considérées comme des organes propres à faciliter la reptation comme des mamelons ambulatoires.
La tête est arrondie en arrière et se divise en avant en trois lobes obtus subégaux. Les latéraux offrent à l'œil armé d’une forte loupe des yeux obronds , à peine saillans , comme vesti- giaires , disposés au bord externe , de manière qu'une moitié est supérieure et l’autre inférieure. Le lobe intermédiaire corres- pond à la bouche et se trouve précédé d’une pièce semi-orbicur- laire , comparable à un labre. La véritable bouche est tout-à-fait infère et rappelle singulièrement celle de quelques pediculus du genre Philopterus. Les investigations microscopiques m'ont ré- vélé l'existence de deux paires de mandibules, de consistance cornée , de couleur blonde ou ombrée , plates, tronquées et dentelées. Leurs mouvemens sont latéraux : elles se recouvrent l’une l’autre. Celle qui est le plus à découvert est un peu plus longue et munie de trois dents seulement, dont l’une des laté- rales se prolonge beaucoup plus que les autres. L'autre mandi- bule est presque carrée , et sa troncature à six ou sept dents égales. | Entre les bases des deux mandibules s'implante de chaque côté un tube corné noirätre, à peine arqué, dont l’extrémité ou le bout libre est dirigé en arrière. Ce sont les filières par les- quelles est excrétée l'humeur visqueuse, qui laisse une traînée luisante sur le plan de support , et qui est aussi mise en œuvre par la larve, pour se fabriquer un cocon lors de sa première métamorphose. Ces filières avaient été connues de Réaumur, qui les désigne par la dénomination vague de deux petits crochets.
La larve du Céroplate n’est point cylindrique, comme l’avance ce dernier auteur : elle est plate en dessous et convexe en:des- sus ;: absolument comme la sangsue. La partie postérieure du corps ou la région anale présente , surtout pendant lacte de la progression, une partie charnue rétractile; une caroncule lobulée ou boursouflée , dont la configuration est variable. En voyant, durant cet exercice, cette caroncule devenir turgescente
LS
L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate. 207
et presser fortement la surface du support , tandis que la tête se relevait, je crus d’abord que, indépendamment de la part qu’elle prenait à la locomotion, elle exprimait ou excrétait la miucosité gluante qui se concrète aussitôt en une trace vitrée ; mais j'acquis bientôt la certitude,.et la dissection la confirma plus tard,, que cette humeur était fournie, éjaculée par les fi- lières buccales et reprise en sous-œuvre par la caroncule anale, qui, fonctionnant comme une truelle, l'étendait en forme de ruban. Réaumur, qui a parfaitement décrit le mécanisme de la progression n'avait pas eu l’idée du jeu de la truelle. La locomo- tion de notre larve ést une reptation ondulée analogue à celle de la sangsue. |
L'examen le plus minutieux ne m’a point encore mis à même de constater l'existence des stigmates dans la larve du Céroplate, et je sens le besoin de nouvelles investigations microscopiques, dirigées dans ce but ; car ces orifices respiratoires ne sauraient manquer lorsque les trachéés existent évidemment, ainsi que je m'en suis assuré. Il y a dans le mémoire de Réaumur un pas- sage qui décèle aussi toute son incertitude sur ces stigmates. Le voici textuéllement. « Quoique le bout du derrière, dit-il, soit arrondi dans l’état ordinaire, il y a eu des temps où il me faisait voir quatre cornes, dont deux étaient plus courtes que les autres, et qui sont sans doute les quatre stigmates postérieurs ». D'abord les larves des Némocères et en particulier celles des Tipulaires fongicoles auxquelles appartiennent les Céroplates , n'ont pas des stigmates postérieurs et antérieurs, tandis que, dans les larves des Brachocères , ils ont justement cette dispo- sition. Ces ostioles respiratoires doivent être latéraux dans les larves des Céroplates , comme ils le sont dans toutes celles des Tipulaires. Les quatre cornes dont parle Réaumur ne sont cer- tainement que les lobules variables de la truelle anale dont j'ai parlé plus haut.
A ne considérer la larve du Céroplate que dans sa texture extérieure , elle est larve de Diptère par sa partie antérieure , et annelide par le reste du corps. C’est là une organisation tout- à-fait exceptionnelle et qui justifie les détails dans lesquels j'ai cru devoir entrer,
208 L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate.
Nous ignorons entièrement quelle peut être la nourriture de cette larve. Ainsi que Réaumur, je n’ai jamais vu qu’elle pénétrât dans la substance du Bolet: elle se tient habituéllement à la face inférieure de son chapeau. Cetillustre scrutateur des secrets,de la nature nous apprend que,dans certaines conditions de repos, elle s’abrite dans les anfractuosités du champignon, et qu’elle s'y file une tente transparente , mais capable de la dérober aux grandes impressions de l'air, tant elle a besoin d'humidité. Bosc, qui, pendant son séjour à la Caroline, a élevé la larve du Céro- plate charbonné , ne dit pas non plus de quoi elle se nourrit. Cette larve a une taille bien supérieure aux nôtres, puisqu'elle acquiert jusqu’à deux pouces et demi de longueur sur trois lignes de largeur. Sa tête est noire, ce qui ne sobserve ni, dans l’es- pèce de Réiumur, ni dans les deux que j'ai eu occasion d’étu- dier; mais ce trait, exclusivement propre jusqu'à présent à cette espèce exotique, est, comme je l'ai fait remarquer au!commen- cement du paragraphe, commun à toutes les larves desTipulaires fongicoles , et constitue ainsi un fait intéressant.
Suivant Bosc, cette larve a des anneaux. prononcés et des pattes en mamelons: ‘Il: est vaisemblable que ces anneaux sont. les plissures transversales, dont j'ai parlé, et les! pattes des mamelons ambulatoires. Ces larves de la Caroline vivent en sociétés assez nombreuses et se filent en commun.un réseau lâche d’un blanc brillant entre les mailles duquelellesse sauvent et se cachent lorsqu'elles sont inquiétées.
$ LL. Cocon..
Cocon oblong; cylindroïde, blanchâtre irrégulièrement réliculé, arrondi par un bout, tronque par l'autre, qui est ferme par un opercule mince et pellucide.
Ce cocon asept ou huit lignes de longueur dans le tipuloides et jusqu’à dix dans le dispar. J'ai observé dans les individus de la même espèce des différences très notables de taille. Bosc a remarqué que les cocons du carbonarius étaient rapprochés les uns des autres ; j'ai fait la même observation sur ceux du'@is- par, où j'en ai trouvé sept à huit, placés côte à côte ; mais il'y
L, DUFOUR. — Sur, le genre Céroplate. 209
en avait aussi d'isolés sur lé même support. L'étoffe dont ils sont fabriqués est tissue de fils blanchâtres peu tenaces, infiniment plus grossiers que ceux du Ver à soie, et assez lâchement enche- vêtrés , pour laisser entrevoir la nymphe qui-y'est renfermée. Les mailles de cette espèce de gaze sont. assez grandes , et plu- sieurs ont.une forme arrondie. Le cocon est fixé contrele sup- port par des brides latérales. Son boutantérieur,qui correspond à la tête de la nymphe, est celui.qui.est tronqué:
$ IL. Nyrmphe.
Oblongue ,;emmaillottée , tendre , blanchâtre où d’un gris sale ; tête assez dis- tincte, mais ébauchée; antennes arquées rejetées et collées sur les épaules; yeux gravds, ronds , noirâtres ; corselet bombe , très bossu; pattes ployées longitudi- nalement et appliquées contre le corps ; ailes courtes , collées , plissees.
Cette nymphe à quatre lignes de’ longueur dans le dispar. Les antennes sont réfléchies à la région supérieure du corselet, comme dans plusieurs autres Tipulaires fongicoles et non pioyées en dessous, ainsi qu'on le voit dans d’autres tribus de cette famille : elles sont sensiblement articulées. Réaumur et Bosc s'accordent à dire que, depuis la formation du cocon, la nymphe ne tarde pas plus de quinze jours à opérer sa dernière méta- morphose. Mes observatiotis sur ce point confirment les leurs.
CHAPITRE IV.
RECHERCHES ANATOMIQUES.
S 1. Anatomie de l’insecte parfait.
Je ne donnerai ici que quelques notions très générales , réser- vant pour mon anatomie des Diptères les descriptions détaillées et les figures.
Le système nerveux du Céroplate .est, ainsi que celui des autres Tipulaires , composé de neuf ganglions, dont nn céré-
bral, deux thoraciques et six abdominaux , qui fournissent aux XL. Zoo1. = Avril, 14
210 L. DUFOUR. = Sur le genre Céroplate.
divers'appareils organiques etaux divers tissus des paires régu- lières de nerfs.On voit par ce nombre-dé ganglions que l'organe sensitif de ce Diptère est dans un développement très avancé.
L'appareil respiratoire à huit paires de stigmates , deux au thorax.et six à l'abdomen. On observe quelques rares utricules trachéennes à la base de la cavité abdominale , mais toutes les autres trachées sont tubulaires ou élastiques.
Les organes de la digestion se composent ‘des glandes sale vaires , dé tube alimentaire et des vaisseaux hépatiques. Les glandes salivaires consistent, pourlehaque côté, eu une bourse tubuleuse sécrétrice par ses parois , et réservoir par sa cavité. Le tube alimentaire grèle et d’une texture fort délicate surpasse à peine’en longueur le corps de l’insecte. L’æsophage est court et fin. La panse à un réservoir oblong, simple, et un col ca- pillaire. Le ventricule chy lifique débute par deux bourses laté- rales conico-triangulaires , et offre quelques boursouflures dans sa portionabdominale, Les vaisseaux hépatiques , au nombre de quatre, à iusertions isolées et à bouts flottans,sont capillaires et d’une médiocre longueur. L'intestin, presque aussi grèle qu'eux, se termine par un rectum sphéroïdal.
: Pour ce qui regarde l'appareil génital des s Céroplates, je n'ai point encore trouvé l’occasion, de disséquer des mâles,,et je me bornerai à quelques lignes sur les organes sexuels femelles. Les ovaires sont deux grappes allongées, garnies dans tout leur pour- tour de gaines ovigères innombrables, uniloculaires, s'abouchant à un calice central. Le col'est bien marqué, et l’oviducte bulbeux à son origine.
La glande sébifique, bien différente dé celle des autres Tipu- laires, s’insère à la face inférieure du bulbe de l’oviducte. Elle est assez compliquée.êt consiste : 1° ên'déux: bôyaux sécréteurs allongés fusiformes, presque aussi longs que l'ovaire; 2° en deux réservoirs ovalaires, munis d'un col Eiftdtie! | d
Les œufs sont sphériques et finissent, quand ils sont à terme, par devenir noirs comme ceux des véritables tipules. Le vagin
est flanqué à droite et à gauche par une pièce arrondie ciliée. L'oviscapte cotisiste en deux lames lancéolées pointues et velues.
EL DUFOUR. — Syr le genre Céroplate: 211
afvoen:' $ IL. {natomié delà larve. 4
La vivisection de cette larve, à raison de la grande contracti- lité de son enveloppe tégumentaire offre les mêmes difficultés que celle de la sangsue. A la moindre incision , les viscères in- térieursforment une hernie brusque et il faut user de beaucoup de circonspection pour conserver ceux-ci dans Jeur'intégrité. Gette enveloppe est essentiellement formée par un panicule musculaire assez dense , à rubans transversaux plus on moins saillans. Ges rubans, plus longs et arqués à la région supérieure, aboutissent à droite et à gauche à la série dorsale dés mamelons amibalatoires , dont j'ai parlé plus haut, tandis qe ceux de la région inférieure, à- peu-près droits , au moins dans le répos , se terminent à la série ventrale de ces mamelons.
“Lesystème nerveux est assez développé ; puisque ] ai constaté l'existence d'un chapelet de sept à huit ganglions.
Quant à la fonction respiratoire ;elle s'exécute, ainsi que dans tous les insectes , par des stigmates et des trachées. J'ai déjà dit que les orifices extérieurs de la respiration avaient éludé mes attentives recherches ; mais la dissection a mis en évidence, de chaque .côté de la face interne du tégament dorsal, un tronc trachéen,, qui en parcourt toute la longueur, en émettant des branches et des rameaux nombreux.
| Toute la splanchnologie de la larve du Céroplate se réduit aux au. salivaires, au canal digestif, aux vaisseaux hépatiques ebau tissu Hiparsl cubes glandes sakvaires sont aussi des glandes arabe elles consistent, pour chaque côté , en un boyan filiforme flexueux, subdiaphane , plus long que tout le corps de la larve, quand i est déroulé et dégagé de la gaine accidentelle que lui forme le tissu adipeux. Elles se terminent en arrière par un bout libre, borgne , flottant , et s’atténuent en un col plus fin, en appro- chant de leur insertion à la bouche. Je n’ai pas pu me convaincre si les deux cols de ces glandes s’unissaient , comme c’est l’ordi- naire , en un seul conduit excréteur. Cet organe sécrète la ma-
14.
212 L. DUFOUR. — Sur le genre Céroplate:
tière soyeuse que la larve emploie, au moyen de ses filières buccales pour la fabrication du cocon.
Le canal alimentaire , bien différent de celui de l’insecte par- fait, à environ trois fois la longueur du corps de la larve. L’œso- phage se dilate presque aussitôt après sa sortie de la, tête entun jabot allongé très expansible ; plus où moins plissé, terminé en arrière par un col tubuleux grèle. Il n'existe point dé panse. Le col du jabot s'implante brusquement au centre d'un :corps ovalaire à parois épaisses et calleuses , qui me semble mériter le nom de gésier. Le ventricule chylifique, séparé du précédent par un étranglement, est allongé , plus où moins boursouflé, il émet de chaque côté de son origine un long boyau filiforme., semi- diaphane, presque aussi long que l'organe lui-même, et qui correspond aux bourses ventriculaires des autres insectés. les vaisseaux hépatiques , au nombre de quatre , à bouts: flottans, se réunissent deux de chaque côté en un seul col, assez long, inséré à la terminaison du ventrièule chyhfique. :Hs-.bnt presque entièrement la grosseur de l'intestin : ils, sont Hisses au voisinage de leur confluence ; puis variqueux et jaunâtres. L'éntestin est filiforme, reployé: sur lui-même presque aussi long que le corps de la larve, d'abord grèle à son origine ; puis plus gros, en conservant sa forme cylindroide. Je n’ai pas reconnu un rectum renflé. Mais un tissu , j'allais dire un organe, dontile développement considérable annonce l'importance physiolo: gique dans l'acte nuiritif etsans doute dans le travail de la! méta- morphose , est le tissu adipeux splanchnique. La graisserqui le constitue est d'une extrême finesse, tres homogène:et d’un blane grisätre. Il a les formes les plus variées , les plus insidieuses.Ce sont on des:lambezux éguenillés et flottans comme des'épiploôns ou des portions membraniformes attachées au tube digestif, comme, des mésenières ou des. gaines tubuleuses qui revêtent et masquent les viscères.
L. DUFOUR, — Ôwr le genre Céroplate. 513
EXPLICATION DE LA PLANCHE D. (1)
Fig. 8. Ceroplatus dispar, femelle, grossi.
» Fig: 8e . Mesure de sa longueur naturelle.
Fig. 9. Abdomen du mâle de cette espèce , gross
Fig. 10. Armure copulatrice de ce mème sexe beaucoup plus grossie : — a, a. Bis hon du forceps copulateur, avec un petit lobe triangulaire à leur base interne, formant une vo/selle rudimentaire , et le fourreau de la verge au milieu,
Fig. 11. Lèvre bifide et palpes triarticulés de cette espèce, fort grossis.
Fig. 12. Téte considérablement grossie de cette espèce , vue à plat par dessus:—a, a. Palpes exserles, — 0. Lèvre. — c. Premier article des anteunes, noir, avec un lobe avancé, — d; Ocelles. |
:Fig..13, Antenne énormément grossie de cette espèce , pour mettre en évideñce le.nombre: el Ja configuration de ses articles,
Figs14. Ün crochet des ongles de cette espèce , énormément grossi,
Fig. 15. Armure copulatrice considérablement grossie du Ceroplatus tipulotdes mâle. — a. dernier segment de l’abdomen. — 6. 8. branches du forccps copulateur, recouvertes à leur base par deux demi-segmens.
Fig. 16. Pièce terminale de ce forceps, courbée en hamecon , vue de côté et fort grossie.
Fig: 17. Pièce fourchue inférieure (vo/selle ?) de ce forceps, Le grossie. .
7 Fig. 18. Un crochet des ongles énormément grossi du Ceroplatus tipuloides.
Fig. 19. Abdomen grossi du Ceroplatus Reaumurit mâle.
Fig. r9%. Mesure de Sa longueur naturellé. £ 7 Fig.20 Armure copulatrice fort grossi du mâle de cette, même espèce :— a. a. Branches du
forceps copHatéur considérablement grossies.
“Fig. 21. Larve de grandeur naturelle du Ceroplatus tipuloides.
Fig. 22. Cette a larve fort grossie, pour mettre en évidence sa structure et sa compo - sition.
Fig. 23. Téte de cette larve , vue par sa face inférieure, et appareil digestif, fort grossis.— a. Sorte de labre. — b. b. Lobes supérieurs et latéraux de la tête. —c. c. Yeux. — d, d. Man- dibules. — D. Les mêmes détachées et plus grossies. — e. e, Filières buccales. —f. f. Glandes salivaires et sérifiques. — g. Jabot. — h. Gésier. — ii. Bourses ventriculaires. — j. Ventricule chylifique — k.k. Vaisseaux hépatiques. — L. Portion grèle de l'intestin, — m. Gros inteslin.
Fig. 24. Cocon à peine grossi de la larve du Céroplatus tipuloides.
! Fig 25. Nymphe grossie du mème Ceroplatus.
(1) Les figures r à 7, sont relatives aux mœurs et aux métamorphoses des Odynères, et appar- tieoneut à, deux notices précédemment publiées par MM. Dufour et Audouin, voir p.85 et 104.
214 LUND. — {aune fossile du Brésil.
Covp-D'orIL sur les espèces éteintes de Mammifères du Brésil ; extrait de quelques mémoires présentés à l’ Académie royale des Sciences de Copenhague ;
Par M: Luwn. (1)
La partie du Brésil dont j'ai étudié, avec tout le soin dont je suis capable; les cavernes, est comprise entre les rivières Rio das Velhas, un des enfers du Rio de S. Francisco, et. Je Rio de Ruronbelu: Ce pays forme un plateau élevé de 2000 pieds au-
90 18
(1) «Depuis cinq ans que je suis arrivé au Brésil, je n’ai cessé de, m” occuper d'une manière spéciale de l'étude des animaux vertébrés fossiles qui abondent dans les cavernes, Vous en aurez une idée lorsque je vous dirai que, dans la seule classe des Mammifères , j'ai déjà réuni plus de soixante-quinze espèces distinctes appartenant à quarante-trois genres, c’est-à-dire un nombre égal en espèces et supérieur en genres aux animaux qui habitent actuellement les mêmes contrées.
« L'Académie royale des Sciences de Copenhague ayaut bien voulu m'aider dans mes re— cherches , j'ai cru devoir adresser d’abord à cette société savante les résultats que. j'ai obtenus, mais, comme mes mémoires seront publiés en danois , langue peu connue des naturalistes francais et que ces écrits ne paraîtront peut-être pas très promptement, je vous en envoie un extrait, que je vous prierai de communiquer à votre Académie et d'insérer ensuite dans vos Annales.
« Le premier mémoire que j'ai envoyé à l'Académie de Copenhague contient des Remarques sur la végétation du plateau central du Brésil, principalement sous le rapport de f’ histoire des plantes. Après avoir donné une description détaillée de cette végétation d'après sa physionomie et sa composition botanique, j'ai tâché de montrer qu’elle se trouve aujourd'hui, pour la plus grande partie , dans un état secondaire , très différent de l’état primitif, duquel il dérive. J'ai poursuivi degré par degré les modifications et les altérations de l’état prinutif pendant les temps historiques , et j’ai tâché d’en développer les causes. Je sais que ma manière de voir paraîtra étrange à la plupart des naturalistes; mais je me contente de les renvoyer à la vérification des faits, dout mes résultats ne me paraissent que l'expression généralisée.
« Les autres mémoires ont tous pour objet les ossemens fossiles de ce pays-ci. Le second donne Ja description d’uve caverne, Lappa nova de Maquiné, non moins remarquable par sa beauté que par les restes organiques , qu’elle renferme. Le troisième traite d’une autre caverne égale- ment remarquable sous ce dernier rapport , appelée Zappa da cerca grande.
« Les mémoiressuivans forment une série à part, sous letitre: Coup-d'œil sur la création ani- male du Brésil avant la dernière révolution de La surface du globe. Le premier de cette série ou le quatrième de tous contienties généralités, savoir: la description géologique du pays, l’expo- sition des circonstances, sous lesquelles se trouvent les ossemens fossiles, enfin des remarques
LUND, — Æaune fossile du Brésil. 212:
dessus du niveau de la mer et est parcouru dans son milieu par,
une,chaîne de montagnes haute seulement de 300: à 700 pieds. Gette-chaine est formée par un calcaire secondairé, stratifié en coûches horizontales et ayant tous les caractères du zechstein (calcaire, conchylien) et du hohlenkalkstein des , Allemands. (calcaire à cavérnies). Elle est entièrement criblée de cavernes: et traversée dans toutes les directions par des fentes, dont l’inté- rieur est plus ou moins rempli d’une terre rouge identique avec la térre roùge qui forme la couche superticielle du pays.
Cette couche, qui varie de 10 à 5o pieds d'épaisseur, couvre indistinctement et sans interruption, les plaines, les vallées, les collines et jusqu'aux pentes douces des plus hautes montagnes. Elle consiste principalement en argile renfermant.des couches subordounées de gravier et de cailloux de quarz. Sonvent elle est ferrugineuse au point que les particules de fer se transfor- ment en un minérai.de fer pisolithique semblable à celui qui remplit les fentes du Jura. | if
La terre qui comble plus spécialement. ces. cavernes a subi quelques modifications par suite de son introduction et.de son séjour dans ces réduits : 1° élle renferme: des fragmens angu- leux ou roulés.dela roche calcaire; 2°elle est purs a plus dure par des particules de chaux déposees dans son intérieur par les eaux qui, chargées de cette substance, filtrent à travers les fen- tes de la roche; 3° enfin est imprégnée de salpêtre,. substance qui la fait exploiter par les habitans du pays:
C'est dans cette terre que g ‘gisent les ossemens s. fossiles ; ls A sont déposés pêle- mêle. Ces ossemens sont très fragiles, trés blancs dans leur cassure et happent fortement à la langue. Sou- vent ils sont pétrifiés P “plus souveht encore changés en spath
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sur les espèces vivantes des Mammiferes de cepays. Le cinquièmé et le sixième donnentl'énumé- ration des espèces perdues de cette classe; que je suis parvenu à lrétablinjusqu'ici et sont ter« minés par des observations générales, sur les rapports qui existent entre les animaux de ces deux créations, aiusi que sur la nature de la grande catastrophe qui vient dérouler le rideau entre l’une et Pat! « C'est de ces trois derniers mémoires qué je me permets de vous donner ici, uu résumé pour Vinsérer dans votre précieux journal. » É (Extrait d'une lettre adressée par M. Lunn à M. Aupouix, et datée ‘dé Laoga Santa (Brésil), le 5 novembre 1838.)
216 LUND. — faune fossile du Bresil.
calcaire. Ordinairement ils sont cassés, écrasés ou mutilés dé'dif- férentes manières ; enfin ils portent trés fréquemment des em: preintes de dents qui ne permettent pas de douter que les ani- maux auxquels ils ont apparteous n'aient été entraînés par des animaux féroces qui habitaient autiefois ces cavernes: Ceux des animaux plus grands: y ont été introduits par différens marnmi- fères carnassiers ÿ "ceux des plus petits par une espèce d'oiseau diurne dont je vous parlerai dans la suite.
Au contrairé, à l'époque actuelle aucun animal féroce de la classe des mammifères ne fait dans ce pays son séjour dans les cavernes, aucun n’y accumule des amas d'os comparables à ceux que l’on voit dans les terrains diluviens; on trouve tont au plus dans les excavations modernes des ossemens de petits animaux jonchés à leur surface et qui ont servi de proie à un oiseau nocturne, l'Effraie du Brésil (S/rix perlata, Licat).
Jusqu'ici je suis parvenu, comme je vous lai dit, à rétablir 75 espèces distinctes de mammifères fossiles. Ce nombre vous paraîtra considérable ,'surtout si, comme je le suppose, vous n'avez eu aucune communication de mes recherches. Je: ne les ai encore fait contiaitre qu’à l'Académie royale des Sciences de Copenhague; mais je serai tres flatté si vous voulez bien eu dire quelques mots à votre illustre Académie.
Voici la liste des espèces de mammifères, que je suis parvenu à rétablir jusqu'ici.
MyrMEcopHaGA. Une espèce eucore peu déterminée de la taille du bœuf ( Mym. gigas). oi
Dasvrus Wal, Une espèce voisine du D. Octocinctus, mais à museau plus court, et une autre espèce du même genre, deux fois plus grande que les espèces vivantes, à écusson de la cui- rasse profondément ponctué. D. punctatus.
Xenurus #agl. Une espece voisine du X. rzudicaudus. Mihi.
Euryopon Lund. Gente éteint de Tatous, caractérisé par ses dents comprimées transversalement. Je n’en connais qu’une es- pèce , grande comme un petit cochon.
Hereropow, M. Autre genre éteint de la même famille, qui se distingue de tous les Taious vivans par la grande inégalité de ses
EE ——
LUND. — Faune fossile du Brésil. P À Ur,
dents tant pour la forme que pour la grandeur. Celles de de- vatit ainsi que celles de derrièré sont en forme de cylindres très minces; les deux qui précèdent celle-ci sont très grandes, l’an- iérieure offre une coupe transversale en forme d'ovale, la pos- térieure en forme de cœur. L'espèce qui a servi à établir ce genre est de la taille d'un lapin. | LCrramyporaerIum, M. Ce genre, encore de la famille des Tatous, est un dés mieux connus et fort intéressant à causé des liaisons qu'il éteblit entre divers groupes encore vivans' de eétte famille, ainsi que par les premiers traits d’affinité qu'il pré- sente avec lac famille des Paresseux, traits que nous verrons augmenter graduellement dans les genres suivans , au point de rendre la ligne de séparation entre ces deux familles fort in- certaine.
Le Chlamydotherium représente en grand le genre Euphrac- tus Wagl.(l'Encoubert Bulf).Sa cuirasse est à:peu-près la même, et toute son ostéologie, excepté celle des excrémités, moutre la plus grande analogie avec celle de lEuphractus gilvipes 1. La composition des mains et des pieds est celle des Cachicames avec des proportions plus grosses; aussi cet animal n’a t-il que quatre doigts aux mains. Le système dentaire se rapproche ten- core le plus de celui de l'Encoubert, en ce qu'il est muni de dents incisives (quatre en haut, six en bas), mais les molaires s’é- cartent beaucoup, par leur forme, de celles de tuus les Tatous vivans , en ce qu’elles sont très grandes, très comprimées sur les côtés ; et offrent une large surface plate ouenfoncée dans son iilieu pour la trituration ; cette structure les rapproche des dents des Paresseux, et particulièrement de celle du‘genré Me- galonyx.
L’espéce la plus commune de ce genre (C. Humboldtii) était de la taille du Tapir; mais il en existait une autre (C: Giganteum) qui égalait les plus grands Rhirocéros.
Le genre Hopcopsæorus, un des plus extraordinaires de cette famille , par les proportions louides de ses espèces, par sa taiile gigantesque ; ainsi que par la singulière combinaison de diffé- rentes organisations qu'il présente, nous fait avancer encore d'un pas vers la famille des Paresseux. Ces animaux étaient ar-
218 LUND. — faune fossile du Bresil.
més, comme les Tatous, d’une cuirasse qui couvrait toutes les
parties du corps en dessus, et qui était composée de netits écus-
sons hexagones, excepté sur le milieu du corps où ces écussons prenaient la forme carrée et se rangeaient en bandes transver- sales immobiles. Les os du tronc ainsi que les grands.os des ex- trémités sont encore très semblables à. ceux des'Tatous, etipar-
ticulièrement à ceux des Cachicames ; mais les os qui composent les pieds présentent un tel raccourcissement et un tel aplatisse: ment des faces articulaires, qu'on ne voit rien de semblable ailleurs, et qu’on ne conçoit pas comment de tels pieds ont pu servir à fendre la, terre. Aussi la forme des dents:montre que ces animaux n'ont pu se nourrir que de substances végétales, et probablement : paissaient-ils à la manière des grands Pachy- dermes. Les molaires ressemblent, pour la forme, à cellesidu Capibara, dont elles se distinguent par leur structure simple-Une particularité très remarquable. qu'offre l’ostéologie! de ces ani- maux, est d’avoir l’arcade zyyomatique munie d’une branche descendante, carectère regardé jusqu'ici comme exclusivement propre aux Paresseux.
Ce genre extraordinaire, n’a offert Jusqu'ici deux espèces , l'une et l’autre de la taille du bœuf (4. £Euphractus et H. Selloi). Feu Sello a trouvé dans la république d'Uruguai des fragmens d’un squelette de.cette dernière espèce; qui ont été décrits par MM. Weiss et Dalton à Berlin. QUE
Quelques os des extrémités m'ont montré. l'existence dans ces temps, d’un autre genre aujourd'hui éteint, à proportions encore plus, lourdes que le précédent, et qui rénnit,à un tel point les caractères-des Tatous à ceux des Paresseux, qu'il faut attendre un examen plus approfondi des autres parties du squelette, pour pouvoir décider à, laquelle-de-cés deux familles il doit être rangé. L'animal dont proviennent cesos, etauquelj’ap- pliquerai provisoirement le nom générique de Pachytherium, surpassait un peu pour la taiile, les espèces du genre précédent.
Nous voici conduits par degrés'à la fannile des PAREssEUx , famille qui dans cet ancien monde jouait un rôle fort important par le nombre et la variété de ses formés ainsi que par la Le taille qu'atieignaient ses espèces.
, LUND. —— Faune fossile du Brésil. 219
Le pr émier genre qui va nous OCCuper, celui du MEGALONYx, se lie encore aux Tatous par les plaqiies osseuses qui garnis- saient' une partié de soi corps; mais'ces plaques, bien que d’une grosseur démesurée, loin de former uné‘cuirasse continue, comme chez les Tatous, étaient séparées les unes des autres par de grands intervalles.
Le Megalonyx montre les plus grands rapports avec le Mega- therium, principalément dans la structure et la composition des pieds; mais ceux de derrière présentent la même torsion que les pieds du Bradypus tridactylus, quoique provenant d’une cause différente. Chez l’Aï cette torsion est produite par le mode particulier de l'articulation de la jambe avec l’astragale; chez le Mégalony*, cette articulation se fait de la manière ordinarre, et c’ést la face carpienne de ce dernier os, qui par sa conforma- tion anomäle entraine la contorsion du plan de tout le reste du pied.
Les molaires, au nombre de cinq en haut et quatre en bas, sont dépourvues de racines ,comme celles de tous:les autres ani- maux &e l’ordre des Brutes (Edentés B.) et different conséquem- ment de celles du Megatheriuwm , qui sont décrites comme ayant deux racines. :
Les Mégalonyx étaient pourvus d’une queue excessivement forte et probablement prenante, ce qui joint à la contorsion du plan des pieds de derrière et à l'énorme longueur de leurs ongles, doit faire croire que ces animaux, malgré l'énorme poids de leur corps étaient destinés à grimper dans les arbres, comme leurs analogues dans la création actuelle.
Ce génre paraît aVoir été très riche en espèces ; car'/j'en dis- tingué déjà cinq parmi les nombreux débris qu'il a laissés dans les cavernes. L’une d'elles paraît identique avec l'espèce trouvée en Virginie et décrites par Jefferson (#7. Jeffersonii). Un autre (M: Bucklandii) de la même taille que la précédente, se fait remarquer par l’excessive grosseur de ses 08.1, Une troisième (M: Ouvieri),; un peu moindre que les précédentes espèces, est de la taille d'un très grand bœuf.
Le M. Gracilis , de la taille du précédent, se distingue due autres espèces de ce geure par ses proportions plus délicates :
220 LUND. — Füune fossile du Bresil, |
enfin le M. minutus nesurpasse pas les dimensions: du cochon.
Je }ossède la mâchoire supérieure d'unamimal dont les dents montrent assez d'analogie avec celles des Mégalonyx, mais qui s'en distinguent par un caractère très particulier, Au lieu de former des cylindres, comme les dents de tous les autres genres de l’ordre des Brutes, elles sont en forme de cônes, dont la base regarde le fond de l'alvéole, de sorte qu’elles y paraissent encla- vées comme, des coins. Cette conformation, particulière m'a fait nommer ce genre Spenodon. La màchoire parait indiquer un animal de la taille du cochon,
Le genre désigné sous le nom de Cælodon nous conduit aux Paresseux vivans, et semble lier ceux-ci aux Mégalonyx, Le Cælodon a quatre molaires de chaque côté , tant en haut qu’en bas , très semblables dans leur forme à celles du Paresseux tri- dactyle. Il a encore , comme celui-ci, tous,les ongles très. com- primés, mais les doigts sont raccourcis et de dimensions très inégales comme chez le Mégalonyx. Le plan des pieds de der- rieére est tourné en dedans comme dans l’un et l’autre de ces deux genres , mais le mécanisme de cette torsion est. comme chez le Mégalonyx. Eufin, de même que celui,ci, il avait la queue très puissante , et probablement prenante. La seule es- pèce que je connaisse de ce genre (C. Maquinense ; atteiguait la taille du Tapir (Mém. s. la, caverne de Maquiné).
Sinous jetons un coup-d'œil sur les animaux que j'ai énu- mérés jusqu'ici et qui sont tous compris dans l’ordre des Brutes (Edentés C.) nous voyons : | di
1°, Que les familles des Fourmiliers proprement dits, des Tatous.et des Paresseux , qui dans l’époque actuelle sont propres à l'Amérique, s'y trouvaient jaussi à l'époque qui a précédé la nôtre.
2° Comme aucun animal des trois familles nommées ci-dessus n'a été trouvé jusquici dans les terrains diluviens des, autres parties du monde, il faut admettre qu’à cette époque-là, ces fa- milles étaient propres à cette partie du.monde, comme elles le sont dans l'époque actuelle.
3° L'ordre des Brutes était alors plus riche, tanten genres qu'en
LUND. — Faune fossile du Brésil. 291
espèces, qu'aujourd'hui ( Les genres comme 1 1 #5; les espèces comme 18 à 7).
“4Ta plupart des ’anciens genres de cet ordre ont disparu (Der r genres 8 ont disparu, 3 existent encore).
5° Toutes les espèces de cette époque géologique: ont. été éteintes. (Parmi 18 espèces fossiles, il n’y en a que 2 qui mon- trent de l’affinité avec des espèces vivantes, mais je me suis as- suré, au moins pour l’une d’elles, qu'il existe des différences spécifiques.) |
6° Les animaux de cet ordre atteignaient à. cette époque géologique des dimensions beaucoup plus considérables qu'ils n’atteignent aujourd’hui.
La famille des Paresseux manqne aujourd’hui complètement dans le bassin de Rio das Velhas, ce qui s’explique par l'absence de forêts vierges; car tout! ce pays est actuellement occupé par la forme de végétation appelée par les Brésiliens Campos. Al est probable qu’à l’époque où vivaient les grands animaux.de cette famille; cela était autrement, et que tout ce pays était alors couvert de forêts immenses; car nous avons vu , ettout nous porte à croire que ces animaux menaient le même genre de vie que: leurs analogues de la création actuelle, c'est-à-dire qu'ils cherchaient leur nourriture dans les arbres.
La famille: des PacmyvermEs se trouve aujourd’hui. réduite ici à deux genres , celui du Tapir et celui du Pecari ; dont le premier ne contient qu'une, le second deux espèces.
Ces deux genrès ont laissé de nombreux débris dans les dépôts térreux des cavernes; et parmi ceux du dernier genre, je suis parvenu à distinguer quatre espèces très distirictes, tant entre elles que des espèces vivantes, et dont l’une se :fait remar- quer par sa grande taille , qui excède presque du double celle des espèces vivantes. |
Oùtre ces! deux genres qui existent encore:ici, ces contrées étaient alors habitées par un grand animal de cette famille, dont le genre n'existe plus, le Mastodon. Je trouve des ossemens de ce genre qui annoncent un animal de la taille de l'Eléphant, sans que Je puisse déterminer l'espèce faute des dents molaires.
Nous voyons donc que la famille des Pachydermes était plus
222 ÉUNDi — Faune fossile du Brésil.
nombreuse dans ces temps qu’elle ne: l'est:faujourd'hui dans ce pays-ci, tant par rapportaux genres qu'aux espèces; nous voyons à cette époque géologique ; un genre, celui-des Pécäris, propre à l'Amérique méridionale, comme il: l'est encore; enfin nous voyons que, malgré cette correspondance;entre les deux faunes, elles conservent toujours une diversité constante, ‘quant aux espèces.
La famille des Rumrwaxs est teprésantée aujinrd’ hui dans ce pays par l'unique genre des Cerfs ; mais à l’époque dont nous parlons , elle en offrait outre celui-ci encore trois autres; dont l'un, l'AnrrLope, ne se, trouve aujourd'hui que.dans l’ancien monde, l'autre, le LamA, habite dans les régions alpines des Cor; dillières, le troisième enfin a entièrement disparu: TT
L'AnricoPs Du Brésiz (Æntilope maquinenisis) était de la taille de la chèvre, à cornes courtes, simplement arquées, et courbées en arrière, ik paraît qu'elle vivait en troupes. (Voyez le mém. sur la caverne de Maquiné, pl. 2, f. 6-7, G) ).
Le genre Aucnenra m'a offert deux espèces, dont l’une.sur-
passait le cheval pour la taille, tandisque l'autre restait dans des
proportions moindres.
Les animaux qui m'ont fourni les caractères pour.établir le genre LEPTOTHERIUM se font remarquer par leurs formes sveltes et élégantes. Comme je ne possède-pas les parties les plus carac- téristiques, tels que les dents; je me borne à observer que ces animaux se rapprochent le-plusi des cerfs, dont;ils diffèrent pourtant plus que tous les :ruminans aujourd'hui: existans ne différent entre eux. Je connais de.ce genre deux espèces, l’une de la taille du Chevreuil, l’autre égalant, les plus Rue espè- ces de cerfs. |
La famille des :Ruminans était donc REA plus nombreuse alors qu’elle ne se montre aujourd’hui dans:ce même pays.,La plupart de ces anciens genres ont disparu d'ici, et ne:se, retrou- vent dans la création actuelle, que loin de leur patrie antédilu- vienne, ou sont entièrement anéantis. la 91a1x 9"
La famille des Carwassiers n’était ni moins nombreuse, ni
{1) Ce mémoire a paru dans lés actes de l’Académie de Copenhague.
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-LUND. — faune fossile du Brésil. 293
moins variée, dans ces terips, que celle que nous venons de considérer ; fait que nous’aurions pu présumer commé étant une condition indispensable pour le maintien de l'équilibre de la nature. Tous les genres de cette famille, qui de nos jours habi- tent dans cette contrée, s'y trouvaient aussi à cette époque (1); mais outre ceux-ci, plusieurs autres animaux féroces, qui äujour- d'huï ont disparu d'ici, répandaient alors l'effroi et la mort parti les'êtres plus faibles ide cette création éteinte.
‘Je commence par le genre des Cars, comme le type de la famillé: J'ai trouvé les réstes fossiles dé trois espèces de’ce genre ; lune plus grande que le Jaguar ; l’autre un peu moin- dre’ que le Couguar ; enfin une troisième de la taille du CAhat- tigre à longue qiieue (F: macroura Pr: max).
Outrécélle-là, jé trouve encore une petite espèce, moindre que le chat domestique qui se distingüe'des autres par l'absence
totale du talon interne della dent cariiassière d'en haut! Ce ca-
ractère ne se trouvé que chez deux espèces de l’ancien monde confondues long-temips sous le nom de Guepard,'et séparées avec raison par lès naturalistes modernes, du resté du géènre, à cause de plusieurs traïts particuliers, tant dans leür organisa- tion! que'dans leurs mœurs (Félis jubata Séhr. ét Felis gut- tata Herm. formant le genre Cynatlurus ‘de Wagl. où Gucpar- dus de Duvern.), Nous apprenons donc qu'une for, aujour- d'hui particüilièré à l’'ancién monde, se trouvait àicette' époque dans le nouveau, fait dont nous allons retrouver une nouvelle preuve dans lé genre auquel je vais passer.
Le genre des Curens a/laissé dans les cavernes de çe pays désrestes de deux espèces ; l'un (Canis troglodites, le Loup des cavernes du Brésil) plus grande, plus robuste, niais beaucoup plus basse sur jambes que le Loup vivant des champs élevés du Brésil (le Crara, Canis jubatusC.); lantre (C. protalopex, le Re- nard des ‘cavernes du Brésil) du sous-genre des Renards, et asséz sernblable à l'espèce vivante du Brésil (€, azzaræ Pr. Max.)
Outre ces deux espèces, il en existait une troisième, du
(1) La seule Loutre en fait exception; mais cela s'explique facilement par le genre de vie : L particulier de cet animal, qui le soustrait aux persécutions des grands carnassiers, habitans
"des cavernes.
22/ LUND, — Faune fossile du Brésil.
sous-genre des Chacals, de taille médiocre, mais mieux armée etplus féroce que les autres. Elle diffère en outre par l'absence de la dernière dent tuberculeuse en bas, de sorte qu’elle n’a à la mâchoire inférieure qu’une tuberculeuse derrière la carnas- sière. Cette espèce peut donc être séparée du reste du genre des Chiens avec la même raison qu'on a séparé les Guépards des autres Chats, pour former un petit groupe à part, groupe pour lequel je propose le nom de Speothos, ainsi que pour l'espèce fossile du Brésil, celui de Speothos. pacivorus ,. d'après Fanimal dont il faisait sa principale nourriture (Cælogenys laticeps). Mais ce qui est très remarquable, c'est qu'on vient de trouver le même système dentaire dans une espèce vivante de Chacal des Indes, le Buançu où Colsun (Canis primævus Hodg., C. dukhunensis Sykl.), qui se distingue de tous les autres Cha- cals par sa férocité indomptable, et nous voyons,ainsi se con- firmer le singulier rapport géographique que je viens d'indiquer.
Le Chacal et le Loup des cavernes étaient les principaux au- teurs de l'introduction des ossemens dans ces endroits ; mais nous allons en connaître d’autres qui serviront en même temps à confirmer le fait remarquable que nous venons d'établir, sa- voir l’existence de formes asiatiques et africaines dans l’Améri- que méridionale à cette époque. |
Le premier de,ces genres est l'Hyène dont je trouve. à mon grand étonnement les restes mêlés avec ceux de Pacas, d’Agoutis, de Pécaris, de Megalonyx.et d’autres formes américaines: L'es- pèce dont ils proviennent ( {y æna neogæa) égale les plusgran- des espèces. vivantes de ce geure, quoique inférieure, à la ; fa- mense espèce qui jadis habitait les cavernes de l'Europe (4H. fossilis C.)
Le-genre.des Ouns ne manquait pas non plus sur la liste des grands carnassiers qui désolaient cette contrée dans ces temps reculés; pourtant l'espèce quila laissé ses restes dans les, caven- nes du: Brésil (Ursus brasiliensis), ne peut se comparer, -pour;la taille aux espèces gigantesques qui -ont rempli les cavernes de l'Europe de leurs ossemens, et égale sous ce rapport celles qui vivent encore dans les Andes.
Pour compléter la liste des espèces perdues de cette famille,
LUND. — faune fossile du Brésil. 225
j'ajouterai que j'ai trouvé à l’état fossile des ossemens d’une espèce ide Coarr (Nasua), ainsi que d’une espèce d’£raria (nom conimun des Brésiliens pour le Grison (Mustela vittata L..) et le Fair a (Mustela barbara X..), animaux qui forment un sous-genre particulier entre les Gloutons et les Putois.
La famille des Marsupraux ne compte ici aujourd’hui qu'un gen’; celui des Sarigues ( Didelphis X.), dont je connais sept espèces.
Les dépôts diluviens des cavernes sont remplis de débris de ce genre, parmi lesquels je distingue le même nombre d’espè- ces, dont cinq montrent plus où moins d’analogie avec des espè- cesVivantes de cette contrée, tandis que les deux autres ne trouvent parmi elles aucun analogue.
Outre ces espèces, il paraît qu'ilexistait encore dans ce temps un grand animal de la famille des Marsupiaux ; car je possède une dent qui ne peut se comparer à aucune dent d’un autre ani- mal, et qui représente en grand une molaire de Sarigue ou de Dasyure. Cette dent annonce un animal de la taille du Jaguar, qui semble avoir représenté ici les grandes espèces de Dasyure de la Nouvelle-Hollande,
La famille des Ronceurs ne se faisait pas moins remarquer que les familles précédentes par l'abondance et la variété de ses formes, ainsi que par la grande taille de plusieurs de ses espèces.
Le genre des Rars était tres nombreux, ce que démontre limmense quantité d’ossemens de ce genre enfouie dans les dépôts deterre des cavernes. À peine ai-je eu encoïe le temps de passer rapidement la vue sur cette masse d'objets, et je dis- tingue déjà parmi ces débris les restes de cinq espèces différen- tés..Ce nombre est encore peu considérable, il est vrai, comparé avec celui des espèces vivantes, mais je ne doute pas que des recherches ultérieures ne le fassent monter considérablement, ainsi/que cela m'est déjà arrivé dans la continuation demes recher- ches sur les ossemens modernes de ce même genre, faisant par- tie des monceaux d'os formés des restes de la proie de l'Effraie perlée et où je ne distinguais d’abord que deux où trois espèces.
Les Rars épivreux forment ici l: genre le plus nombreux XI, Zoor,— Avril, 15
226 LUND. — Faune fossile du Brésil.
après celui des Rats proprement dits. Comme ces animaux présentent des différences assez grandes entre eux, tant pour le port en général, que pour la ‘forme des dents, il convient de les diviser en plusieurs genres , lesquels forment: un groupe très naturel et bien caractérisé dans la famille des Rongeurs; Ils ont tous un caractère très particulier dans la-compositiondu crâne, savoir : que l’occipital en descendant latéralement vers l'oreille se bifurque de manière à enclaver la partie montante de la caisse et du rocher, et à former à lui seul les deux tuber- cules dont l’antérieur appartient ordinairement au, temporal. Leur omoplate se fait remarquer par l'extrême raccourcisse- ment de la crête et le prolongement filiforme de l'apophyse, qui porte l’acromion. La première vertebre dorsale a:cela de particulier, que son apophyse épineuse se bifurque à:son extré- mité et y porte deux facettes articulaires qni reçoivent les deux bras d’un petit os en forme de V, semblable aux os de même forme qui se trouvent sous les premiers vertèbres caudales.de plusieurs animaux à queue forte. Ils:ont tous quatre molaires de chaque côté, tant en haut qu’en bas. Les espèces qui vivent ici, peuvent se rapporter à trois Lg DER M. Neloinys Jourd. et Zoncheres NI. F
Les Phyllomys ont les mâchelières supérieures: ‘composées de quatre lames transversales simples. Je ne connais ce genre que d'après des fragmens de squelette , trouvés dans des monceaux d’ossemens modernes de quelques cavernes situées am nord de 18° L: M., tandis que je trouve les restes d’une espèce fossile du, même genre dans les cavernes situées au sud de cette limite.
Chez les Loncaères (1) les mâchelières supérieures sont com- posées de deux lames ; l'antérieure simple ; la postérieure:.en forme de W. Cesont de jolis animaux, à formes élégantes, à pieds allongés et à queue de rats; les épines sont faibles. Il enexiste icideux espèces vivantes: L. laticeps M; et L. elegans:N£. ; dont la dernière , qui est la plus commune ; devient remarquable en
(x) Je réserve le nom générique d’Echimys aux. espèces le plus anciennement connues qui ont les mâchelières supérieures composées de deux lames, l’une et l'autre en forme de Y simple, £. cayennensis Geoff. £. chrysurus Schreb. E, dactylinus Geoff. E. spinasus Desm. E, longicaudusReng.
LUND: — Faune fossile du Brésil 227
ce que les dépôts des cavernes contiennent des nombreux res- tes d’une espèce fossile, qui lui paraît identique, et qui m'a fourni le premier exemple jusqu'ici d’une espèce fossile qui, d’après des comparaisons complètes s’est montrée en tout point semblable à une espèce wivante.
Les Nécomys ontles mâchelières en haut ; composées de deux lames, l’antérieure simple, la postérieure en forme de:V simple. Ce sont des animaux lourds , hideux , à museau gros, à oreilles et pieds courts, à queué velue; les poils sont raides ; mais pas piquans. Ils vivent dans les cavernes et entrent dans les mai- sons, où ils font de grands dégâts. Deux espèces de ce genre sont très abondantes dans cés contrées, V. antricola M. et N. sul- cidens M. Je trouve à l’état fossile deux espèces ; qui semblent se rapprocher beaucoup des deux espèces vivantes.
Du genre SYNOFTHERES apparaissent ici deux espèces, S. ?nsi- diosa Licht., grande comme le lapin et S.prehensilis L. grande comme le lièvre. Les cavernes contiennent les restes d’une espèce éteinte qui surpassait.de beaucoup les espèces vivantes pour la taille, laquelle était celle dn-Pécari. (S. r#2agna M.).
Le Quixa d’Azzara (Myopotamus bonariensis) représente dans l'hémisphère méridionale le castor des pays du nord ; ilest comme celui-ci restreint à la zone tempérée et ne dépasse nulle part le tropique du capricorne. Il en était autrement à l’époque dont je traite ici , car je trouve les ossemens d'une espèce de ce genre dans les cavernes situées jusqu'au 18° L: M. Ce fait vient se ranger auprès de ceux .que-les recherches de l’ancien monde ont fait connaître, je veux dire l'existence à cette époque, de rennes , de gloutons et, d’autres formes boréales dans les pays du midi de l'Europe, et'mélées aux formes er des Elé-
phans, des Rhinocéros, etc.
Une espèce de Lièvre, très sertihlable à l'eépède vivante (Le pus brasiliensis L..) se trouve abondamment à l’état fossile dans les cavernes...
Je passe au groupe d'animaux compris par Linné dans son genre Cavia. Ces animaux sont tous exclusivement propres aux
parties chzudes de l'Amérique où ils jouent un rôle important 15.
228 Dunr. — Faune fossile du Brésil.
par, leur abondance , leur taille et l'excellence de leur chair. Nous allons voir que ces animaux ne manquaïent pas non plus dans la faune ancienne de ce pays, il paraît même qu'ils y jouaient un rôle plus important que dans celle de nos jours.
Le genre Cavra Ill. présente ici deux espèces (le Peréa C. Aperea L.) et le Moco (C. rupestris Pr. Max). Ces’ deux ’ani- maux montrent une petite différence (dans Îa structure des dents molaires : les deux. lames transversales dont elles sont composées sont, chez le dernier en forme d'ovales’ simples, chez le premier, l’une en forme d’ovale, l’autre ‘en: forme de cœur. Je possède des restes fossiles de deux espèces qui mon trent les mêmes différences dans la forme des dents, et en outre dure: troisième chez laquelle toutes les deux lames sont en forme de cœur: Pour les naturalistes qui séparent: générique: ment le Moco et le Péréa (Fr. Cuv.), cette dernière espèce fossile offrira le type d’un noûveau genre, mais la grande ressemblance dans le reste de-leur organisation me porte à regarder‘ ces irois animaux tout au plus comme des types d'autant de sous-genres.
Les genres DasyPROGTA, CÆLOGENYS et HYHROCHÆRUS présen tent une particularité très remarquable en ce que, ne comptant aujourd’hui chacun qu’une seule espèce ; ils en possédaient à cette époque chacun deux; dont l'une ressemble plus ou moins à l'espèce vivante du mêne genre, tandis que l'autre s’en écarté! plus, et particulièrement s’en’distingüe +4 un taille beaucoup plus considérable. 11: | SUEMRD"S
Quant aux espèces fossiles de ces trois genres qui ressemblent aux espèces vivantes, il n’y en a qu’une, celle du'genre Corro- GENYS, qui m'est suffisamment connu pour pouvoir décider jus- qu'à quel-point va cette affinité. En effét, je me suis convaincu par la comparaison des squelettes de plus de cent individus dé tous les âges de l'espèce ‘fossile avec ceux de Pespèce vivante, que malgré leur grande ressemblance ils sont décidément dis: tincts comme espèces. Je nomme l'espèce fossile C:Yatiéeps à cause de l’élargissement de ses arcades zygomatiques en arrière, un des caracteres les plus saillans qui le distinguent de lespèce vivante.
L'autre espèce! fossile de ce genre, C. major, se rapprochait
LUND. — Faune fossile du Brésil. 229
pour la taille du Capivar, et ne se laisse pas, dans le détail de son ostéologie, confondre avec l'espèce vivante.
Je nomme la grande espèce éteinte du genre DasyProcrA, D. capreolus, parce que les grands:os de ses extrémités posté- rieures peuvent se comparer pour les dimensions avec ceux du chevreuil, ce qui me fit en effet chercher dans ie commence- ment l'animal auquel ils devaient appartenir dans la famille des ruminans.
J'applique le nom d’ RE de hceriés sulcidens à la grande espèce fossile du genre du Capivar , parce que elle a la face antérieure de ses dents incisives profondément sillonnée, tandisiqu’elle.est lisse dans l’autre espèce fossile ainsi que dans l'espèce vivante. Sa taille tenait le milieu entre celle de l'espèce vivante et celle du Tapir. |
Toutes les familles que nous avons parcourues jusqu'ici nous ont montré pour l'époque passée une supériorité de nom- bre pour les espèces, mais surtout pour les genres. Cette, su périorité cesse ici, car les deux familles qui nousrestent à traiter, celle des Chéiroptères et celle des Singes ne w’ont offert jusqu'ici qu’un nombre d’espèces bien inférieur à celui qu’elles dei: tent de nos jours.
Quant aux CHérRoPTÈREs,ce n’est même que depuis très peu de temps que je suis parvenu à,,en découvrir de faibles restes parmi les milliers d’ossemens de petits animaux renfermés dans les dépôts de quelques cavernes. Les amas d’os modernes qui se trouvent souvent dans les cavernes, et qui dérivent, comme je Pai observé plus haut, des restes d'animaux entrainés par l'Effraie (Strix perlata) contiennent les os de Chiroptères en plus grand nombre, et l’on serait tenté d’en conclure.que cette famille était réellement, moins nombreuse dans ces temps qu’elle ne l’est ac- tuellement. Cependant. comme plusieurs circonstances me font croire que l’auteur des amas de petits ossemens fossiles était un oiseau, de proie diurne, cela explique pourquoi les ossemens des animaux de la famille dont nous traitons y sont plus rares que dans les amas d’os modernes.
L'existence de Singes! à des époques antérieures à l’ordre, de choses actuel était un fait encore nouveau pouy la science, lors:
230 LUND. — Faune fossile du Bresil.
que je découvris au mois de juillet 1836 les premiers restes füs- siles d’un animal «le cette famille, Depuis lors, j'ai appris qu’on aconstaté leur présence tant en Europe qu’en Asie. Je possède les ossemens fossiles de deux espèces de cette famille, dont l'une, qui ne peut entrer «ans aucun des genres existans, atteignait la hauteur de quatre pieds (Protopithecus \brasiliensis), autre se rapproche beaucoup du genre Callithrix, dont elle surpasse plus du double les espèces aujourd’hui vivantes (Callithrix Primœvus).
Je termine en observant que je n’ai jusqu'ici trouvé aucun vestige de l'existence de l’homme à cette époque.
Cet aperçu rapide nous fait voir que là zone torride de notre globe, loin d’être inhabitée à l’époque qui précéda l’ordre de choses actuel , offrait au contraire une création animale plus abondante, plus variée et plus gigantesque que “celle qu que nourrit aujourd’hui (Voyez la table).
‘ Nous voyons ensuite que l'Amérique méridionale possédait à cetie époque les mêmes formes animales qui la caractérisent aujourd’hui, les Fourmiliers , les Tatous, les Pécaris, les Coatis, les Sarigues, les Rats épineux, les Coendous, les Péréas, les Agou- tis, les Pacas, le Capivars et autres.
Mais, malgré cette analogie dans le type général, il paraît que les espèces de ces deux époques sont différentes; au moins je ne connais jusqu'ici qu’une seule exception à cette règle (Zon- cheres elegans).
Si nous combinons ce fait avec les faits géologiques exposés plus haut, si nous nous rappelons que tout le pays dont il s’agit ici, élevé de 2000 pieds au-dessus du niveau de la mer, est cou- vert d’une couche continue et très puissante de terrains men- bles, qui s'étend indifféremment et'sans aucune interruption sur les plaines, les vallées et les collines, et qui ne manquent pas même sur les plateaux et les pentes douces des plus hautes montagnes (5000-6000 pieds), si nous considérons que ce ter- rain contient des couches sous-ordonnées de gravier et de cail- loux, qu'il remplit toutes les tentes et cavernes des roches cal- caires, ét qu’enfin il renferme de nombreux restes d’amimaux différens de ceuxqui aujourd’hui peuplent la surface de ce pays,
DUND. — Faune fossile du Brésil.
231
si dis-je nous combinons ces faits, nous ne pourrons nous refu-
ser à y voir les preuves les plus irrécusables d’une grande irrup- tion des eaux , qui couvrant toute cette partie du globe, y mit un terme à l’existence des êtres qui la peuplaient.
Liste des Mammifères du bassin du Rio das Velhas.
Edentata.
Vivans£
1. Myrmecophaga jubata L. 1
— à tamandua C. 2
Fossiles.
1. Myrmécophaga gigantea.
Effodientia. 2. Dasypus octocintus L. 3 2. Dasypus aff. octocincto. | — sp.(Talumirim.) 4 — punctatus. 3, Xenurus nudicaudis M... 5 3. Xenurus foss. 4. Priodon giganteus Cs 6 5. Euphractus gilvipes I]. 7
4, Euryodon. 5. Heterodon.
co
6. Chlamydotherium Humbold-
dit. Chlamydotherium gigas. 7. Hoplophorus euphractus. — Selloi. 8 Pachytherium magnum.
Bradypoda.
g. Coelodun maquinense.
10. Megalonyx Jeffersoni.
— Cuvieri.
— Bucklandii,
_— gracilis. minulits.
11. Sphenvodon.
= _ © © ©
_
12 13 14 15 16 17
oO 10
232 LuNp. — Faune fossile du Brésil.
Pachydermata. : : j) (1 Vivans. si Fossiles, : re 12. Mastodon. sp. 19 6. T'apirus «mericanus L. 8 13. Tapirus foss. | 20 7. Dicotyles labiatus C. 9 14, Dicotyles sp. 21 — torquatus C. 10 — sp. 29 — sp. 23, — &p. 24 Ruminantia. 8. Cervus paludosus Desm. 11 15. Cervus. sp. 25 — rufus Il. 12 FM) à 26 — campestris F.C. 13 — simplicicornus I. 14 — nanus M. 15 16. Antilope maquinensis. 27 17. Auchenia sp. 28 ex] re 20 18. Leptotherium mayjus. 30 —" INErUSs © 31 Feræ. 9. Felis onço L. 16 19. Felis sp. 52 — concolor L. 17 — sp. 33 — pardalis I. 18 — sp. 34 — macroura Pr. Max. 19 — JuguaroundiDesm.. 20 20. Cynailurus minutus. 35 : 21. Hyæna neogæa. 36 10. Eirara barbara L. 24 22. Eirara sp. 37 — villata L. 22 11. Canis jubatus C. 23 23. Canis troglodytes. 38 — Azara Pr. Max. 24 — protalopex. 39 24. Speothos pacivorus. 4o 12. Lectra brasiliensis L. 25 13. Nasua solitaris Pr. Max. 14 25. Nasua sp. 41 — soctals Pr. Max. 26 :
26. Ursus brasiliensis. 42
x LUN». — Faune fossile. du Brésil
Vivans.
14. Didelphis aurita Pr. Max.
— albiventris M. 17 incana M. —_ murina L.
— pusilla Desm. — tricolor Geoff.
— trilineata Mus. B.34
15. Mus aquaticus M. — mastacalis M. — , daticeps M. — vulpinus M. — lasiurus M. — expulsus M. — longieaudis M. — lasiolis M. 16. Nelomrs antricola M. swicidens M! 17. Loncheres elegans M. —. 1 laticeps M. 18. Phyllomys M, sp. 19. Synoœtheres prehensilis L.
ge insidiosa Licht. 49
20. Sciurius æstuans L, 21. Lepus brasiliensis L. 22. Cavis aperea 1,. — rupestris Pr. Max. 23. Das)procta aguti L. 4. Coelyehys Paca L.
25. Hydrichærus capibara L.
233
Marsüpialia. Fossiles. 28 27. Didelphis aff. auritæ. 43 29 — aff. albiventri. 44 30 — aff. incanæ. 45 31 — aff. murinæ. 46 32 ee aff. pusillæ. 47 33 — aff. myosuræ. 48 — 6p. 49 28. T'hylacotherium ferox. 5o Glires. 35 29. Mus sp. 51 36 — sp. 52 37 — sp. 53 38 — sp. 54 39 — Sp. 55 4o 41 42 43 30. Nelomys aff. antricolæ. 56 &4 — aff. sulcidenti. 57 45 31. Loncheres elegans. 58 46 &7 32. Phyllomys sp. 59 48 33. Synoetheres magna. 60 34. Myopolamus antiquus. 61 5o 51 35. Lepus aff. brasiliensi. 63 b2 36. Cavia aff. aperéæ. 63 53 — aff. rupestri. 64 — bilobidens. -65 54 37. Dasyprocta aff. aguti. 66 — capreolus. 67 54 38. Coelogenys laticeps. 68 — major. 6g 55 39. Hydrochærus aff. Capibaræ. 70 _— sulcidens. 71 do. Genus incertum, 82
234 serres. — Développement de l’amnios chez l'Homme.
Cheiroptera, Vivans, Fossiles: 26 Cheiroptera : genera s] Es 41. CheiropteraL.. 73 30 … species 16 Simiæ.
31. Jacchus penicillatus Geoff. 72
52. Cebus cirrhifer Geof. 73 33. Callithrix sp. 74 42. Callithrix primævus. 74 34 Mycetes ursinus Humb. 75
43. Protopithecus brasiliensis. 75
OBsERVATIONS sur le développement de l’amnios chez l’Hormme, Par M. SERRES. Pen.
( Lues à l’Académie des Sciences , le 10 décembre 1838.)
Une des propositions contenues dans le paquet cacheté que Jai déposé à l’Académie, au mois de juillet dernier ,.estrelative au développement de l’amnios chez l'embryon humain: Elle à pour objet de montrer qu'en appliquant à l’homme larniogé- nie des oiseaux, on ne peut se rendre un Compte exact, ni de la pénétration de embryon dans la cavité de l’amnios, ni des cas dans lesquels cette pénétration n'ayant paslJieu, l'embryon reste en dehors de-cette vésicule. Un œuf humain du deuxième mois, que. j'ai reçu hier et disséqué ce matin, ssh l'objet de la présente communication. dan
Tout le monde sait que l'embryon humain est suspendu par son cordon ombilical , dans la cavité de lamnios ; mais on n’est pas encore fixé sur la manière dont il pénètre dans cett: cavité, ou sur le mécanisme par lequel cette membrane l’enveoppe de toutes parts ,en formant une gaine aux vaisseaux'ombiicaux et omphalo:mésentériques , au _pédicule de la vésicule onbilicale et à l’ouraque:
sERRES:— Développement de lamnios chez l'Homme: 235
Les recherches amniogéniques faites depuis Wolf chez'les oiseaux, ont montré à MM. Dœllinger'et Pander que cette mem- brane était produite, ainsi qu'il suit, par la périphérie de la laine séreuse du blastoderme. Partis des bords encore ouverts de la paroi viscérale du poulet, les rudimens de cette enveloppe se réfléchissent en arrière,en coutournant les flancs de embryon ; arrivées sur la ligne médiane de la région spinale , les deux moi- tiés de l'amnios se réunissent, et forment, par leur suture, le raphé de Wolf. Les observations de M. Baër ont mis hors de doute-le mécanisme de ce développement, par lequel on con- çoit parfaitement, d’une part, la formation du sac qui repré- sente l'amnios , et de l’autre, la position centrale que embryon de l'oiseau ‘occupe nécessairement. | - Mais, d’après ce même mécanisme, et surtout d’après la con- tinuité des lames primitives de lamnios avec les rebords de la paroi viscérale de l'embryon, dont ces lames ne sont que le ren- versement, on concoit que, chez les oiseaux, le sac de l’amnios ne saurait jamais avoir une existence indépendante de l’em- bryon, puisque ce dernier contribue si puissamment à sa for- mation : aussi n’existe-t-il ,:à ma connaissance, aucun fait qui montre que, chez les oiseaux, la vésicule de: lamnios ait été rencontrée , soit libre et isolée, soit hors des rapports ordinaires avec la position de l'embryon. L’amnios peutine pas se dévelop- per ét l'embryon rester sans cette*enveloppe; mais, dès l'in- stant que ce sac se forme, il faut nécessairement qu'il entoure la surface externe de l'embryon de l'oiseau.
En appliquant aux Mammiferes et à l'Homme le mécanisme du développement de l’amnios des Oiseaux, on est conduit à en déduire les mêmes conséquences.
L’embryogénie de l'homme nous montre fréquemment Femi- bryon à nu logé dans la cavité du chorion. Ruysch en a dessiné deux exemples; Brendel ena observé trois cas, qu'il compare à ceux de Ruysch ; j'en ai moi-même rencontré plusieurs, et j'en ai préparé et déposé quatre au cabinet d'anatomie des hôpitaux. MM. Prévost et Dumas ont aussi trouvé des embryons de chien dépourvus d'arnnios.
Comme on l’a vu plus haut, l'absence de Famnios chez les
236 serres. — Développement de l’amnios chez l Homme.
mammifères pouvant, comme chez les oiseaux, dépendre du non:développement de cette membrane, ces faits ne prouvent rien contre l’analogie que l’on a établie entre ces deux classes relativement à la formation primitive de l’amnios.
Mais il n'en serait pas de même, si l'on rencontrait chez l’homme.et lés mammifères la vésicule de l’amnios, ou complè- tement, isolée de l'embryon, où n’adhérant à lui que par une partie de son cordon; toute analogie serait même effacée, si, dans certains cas, on rencontrait dans la cavité du'éhorion la vésicule de lamnios, sans embryon , comme on trouvé si fré quemment l'embryon sans amnios:
Les faits de cette nature sont rares, il est vrai., mais ils sont néanmoins assez nombreux pour nous tenir en garde relative- ment à d'application de l’'amniogénie des oiseaux aux mamimi- fères et à l'homme. Déjà, d’après l'observation des premiers, le professeur Dœllinger(1)émit l'opinion que Fembryon des mam-: mifères n’a d’abord’aucune connexion avec lamnios , dans le- quel il s'enfonce plus tard, de manière à s'en former une enve- loppe. En adoptant cette idée, M.Pockels l'a beaucoup perfec: tionnée en montrant d’abord l’amnios isolé de l'embryon ; et ce dernier ÿ pénétrant ensuite par le dos. MM. Weber, Preschet et Velpeausont également rencontré des embryons humains qui n'étaient qu'à moitié plongés dans l’amnios (2). Ces faits seraient déjà très difficiles à expliquer en appliquant à l’homme l'am- niogénie des oiseaux; mais ceux dans lesquels la vésicule de l’amnios a été trouvée seule et sans embryon; déviendraient, ce me semble! tont-à-fait inexplicables.
Or, Sandifort a observé un œuf humain dans lequel, au lieu de fœtus, on ne trouva qu’une vésicule suspendue: par un hile. M. Burdach a également rencontré la:vésicule de Famnios sans embryon (3). Madame Boivin et M. Dugès ont fait la même ob-
servation (4). L'ouvrage de M. Velpeau en‘renferme;un ‘cas des
f }
(1) Burdach, loc. cit. ! 1. MN (2) Deutsche Archives, 1. x, p. 399. — Bon. Pre. t.u1,p. 45.
(3) 1x Thes.scleg. t, 11, tab. 3.
(4) Tome 1} pagei288. \ os
seRuEs. — Développement de l’amnios chez l Homme: 237
plus curieux (1): Parmi ceux que j'ai observés, je n’en citerai que deux : le premier, que j'ai préparé pour mes leçons, en enlevant les deux tiers des villosités du chorion, pour montrer la vésicule de l'amnios privée d’embryon ; le second, que j'ai observé le 1 novembre de cette année avec M. le docteur Martin Sant-Ange : sur un-œuf du 25° au 30° jour ; après avoir enlevé le chorionide la cavité de la caduque réfléchié | nous l'avons placé sous le microscope. et ouvert avec précaution. La cavité du chorion était occupée par la vésicule de l’amnios; elle était plissée en divers endroits et sans vestige d’embryon. Onvoit, d'après ces faits, que le mode de formation de Pam- nios, si bien éx posé chez les oiseaux par Wolf, MM: Dœllingér, Pander et Beier , ne saurait être appliqué avec rigueur’à-la for- mation de la même enveloppe de homme. On:voit encore que, si chez les. oiseaux la vésicule de l’amnios est subordonnée à l'embryon, cette subordination est beaucoup moins prononcée chez l'homme et chez les mammifères, puisque quelquefois la vésicule devient, entièrement indépendante de l’embryon::Or, c'est cette indépendance primitive qui seule permet d'expliquer chez lhomine les cas dans lesquels lembryon ne pénètre pas dans la cavité de, lämnios. L’œuf humain que j'ai disséqué ce matin offre un nouvel exemple de cette non-pénétration. Une dame ägée de vingt-quatre ans, et'arrivée à la fincdu deuxième mois de la grossesse:, est avortée le 7 décembre. L'œuf a été reçu par M. le docteur Félix Hatin, qui me l’a fait remettre ouvert le 9 au soir. La caduque externe avait été incisée dans les deux tiers de son étendue, de manière à laisser voir la ca- duque réfléchie , ouverte aussi, et embrassant dans son contour les trois quarts du éhorion:; celui-ci avait une forme oblongue, due à/son affaissement; ses willosités étaient très pronon2ées, principalemerit dans la partie que n’embrassait plus la éaduque réfléchie, Le chorion ouvert, j'aperçus l'embryon à nu dans sa cavité, et je crus d’abord que l’amnios n'existait pas! 4 001 Mais en suivant attentivement le cordon ombilical, qui était trés long , etrenflé en. forine de vésicule:du côté de l'embryon,
(x) Velpiau. Planches, fig: 1.
238 serres: -— Développement de l’amnios chez l Homme.
” je reconnus qu'il adhérait vers son milieu àune membrane plis: sée, laquelle, partant de ce point, contournait le petit embryon et remplissait la moitié environ de la cavité du chorion; à sa disposition et à son aspect, je reconnus l’amnios vide , et je le fis insuffler par les habiles prosecteurs de l’école de dissection des hôpitaux, MM. Giraldes et Estévenet.
A cet effet, un tube effilé fut introduit dans une petite ouver- ture pratiquée à la membrane , et, en insufflant, nous rendimes à l’amnios sôn volume et sa forme ordinaires : nous pümés ob server alors ses rapports avec l'embryon. Situé en dehors de l’'amnios, celui-ci lui adhérait vers le milieu de son cordon om- bilical ; cette’ partie du cordon avait contracté des adhérences intimes avec l’amnios, de sorte que l’insufflation et Pampliation de cette membrane l'avaient déplissé en grande partie, en lé- talant en quelque sorte sur les parois de la vésicule amniotique. Cette adhérence avait empêché sans doute l'embryon de péné- trer dans l’amnios, en le-retenant ainst'appliqué à sa surface extérieure; du reste, l'abdomen de l’enibryon étant ouvert, et la partie du canal intestinal développée étant hors de sa cavité, un de ses prolongemens $ 'étendait à deux lignes environ dans le-cordon , et paraissait être le reste du pédicule de la vésicule ombilicale. Cette dernière vésicule se trouvait dans la cavité du chorion, située ;; conime à l'ordinaire, entre cette membrane et l'amnios ; elle était d’une couleur jaune, aplatie, du volume d'une lentille; son pédicule, dirigé vers l'amnios , ne put être suivi jusqu’à l'origine du:cordon:; : : e sl rovs
Dans un autre cas; j'ai trouvé l'embryon plus jeune enfoncé à demi dans uné dépression de l’amnios ; l'œuf était d’unmois au plus. Sur un:troisième un peu plus âgé; l'embryon était en- foncé en: totalité: dans l’amnios, bien qu'il füt éloigné de son centre. Quoique la partie de la membrane réfléchie qu'il avait poussée devant lui, lui füt adhérente en divers points, je pus néanmoins l'en retirer après avoir incisé dans toute sa longueur la gaine du cordon. Dans un quatrième cas enfin, dont Pavor - tement eut lieu dans ma division, le: 12 novembre .dernier, l'embryon du deuxième mois occupait dans l’amnios sa place accoutumée ; mais.on obse:vait encore au-devant du-thorax,
SERRES. — Développement de l'amnios, chez l'Homme. 239
et à la région cervicale du rachis, le soulèvement de la vortion réfléchie de l’amnios qui n’était pas encore appliquée et adhé- rente à la surface externe de l'embryon. Dans ce dernier œuf, je trouvai la vésicule ombilicale entre le chorion et l'amnios, mais reposant sur cette dernière vésicule, et entourée elle-même d’une membrane propre, de sorte qu'après l'avoir incisée, nous pümes en retirer la vésicule ombilicale, comme on retire le cristallin de sa capsule.
Ces faits , rapprochés de ceux qui déjà sont dans la science, ne sont-ils pas de nature à établir que l’amnios se comporte à l’égard. de l'embryon comme le font en général les membranes séreuses par rapport aux organes qu'elles enveloppent ? L’em- bryon humain, en s’enfonçant dans l’amnios, ne reproduit-il pes le mécanisme par lequel l'ovule , arrivant de la trompe dans l'utér us, et y rencontrant la caduque, déprime cette membrane, s'y enfonce en y pénétrant, et donne NAISSANCE , par cette pé- nétration, au feuillet réfléchi que l’on désigne sous le nom.de caduque réfléchie ? HS its
Si ce mécanisme de la pénétration av l'embryon dut Le ca- vité de l'amnios est confirmé par. des faits nouveaux, NOUS au- rons.l explication des anomalies que nous avons rapportées dans le cours de ces observations. Car on conçoit que, si la, vésicale amniotique est indépendante primitivement de l'embryon, l'arrêt de formation peut porter alternativement ou sur, la vé- sicule, ou sur dy embryon. Le ;
Dans le premier cas, on trouvera l'embryon à nu flottant dans la cavité de lamnios., et dans le second, ce sera la vésicule de lamnios qui seule sera enveloppée par le chorion. Enfin, dans un troisième ordre de faits, l'amnios et l'embryon, seront en présence dans la cavité du rer ae , mais aux divers degrés de pénétration dont nous avons donné di exemples.
" 1.7
Fe 240 G, DESHAYES. — Sur les Pholadaïres.
Mémoire sur la famille des Pholadaires , Par M. G. P. DESHAYESs.
… (Présenté à l’Académie des Sciences, le 24 décembre 1838.)
Tous les auteurs n’ont pas également senti la valeur des ca- ractères distinctifs de cette famille et de celle des Tubicolés. Lamarck lui-même , en les créant , ne les sépara pas d’une ma- nière convenable. En effet ; dans la philosophie zoologique, où l’on trouvé pour la prémière foïs la famille des Pholadaires, elle est composée: de quatre genres: Pholade , Taret , Fistulane et Arrosoir. Il nelarectifia pas dans l'extrait du cours, mais y ajouta un cinquième genre , celui des Clavagelles. Larmarck plus tard sentit bien que la famille des Pholadaires devait être modifiée; mais il ne reconnut pas l’ensemble des caractères qui seuls péuvent la distinguer, et, dans son dernier ouvrage, il la réduisit à deux genres seulement : les Pholades et les Gastrochènes. En étudiant ie genre Gastrochène, on remarquera le double emploi fait par Lamarck ,et nous avons donné la preuve non-seulement qu’il fallait réunir ces deux genres Fistulane et Gastrochène, mais’ encore les! rapprocher des Clavagelles plutôt qué des Pholades. Quant aux deux genres Tarét et Terédine, compris par Lamarck dans la famille des Tubicolés, nous observerons bientôt dans leurs coquilles tous les caractères principaux de la famille des Pholadairés. |
Cuvier, dônt la classification est fondée d’après d’autres vues que celles de Lamarck, a fait dans la première édition du règne animal une grande famille des Enfermés pour tous ceux des | Mollusques dont les lobes du manteau sont réunis dans presque | toute leur étendue. Les genres Pholade, Taret et Fistulane, | sont placés à la fin de cette famille , à la suite des Myes et des | Solens. |
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‘
G. DESHAYES. — Sur les Pholadaires. 24
Dans l’arrangement de la famille des Pholadaires, M. de Férussac a été moins heureux que ses prédécesseurs ; car, après avoir adopté les deux genres Pholade et Gastrochène , il y ajoute, par analogie avec ce dernier, les genres Saxicave et Hya- telle. Sans doute ces deux genres ont des points de contact avec les Gastrochènes ; mais ils doivent former un petit embran- chement latéral , destiné à joindre le groupe des Tubicolés à celui des Lithophages.
Dans ses familles naturelles, Latreille saisit un peu mieux les caractères des genres dont nous nous occupons , mais les exa- géra, selon nous, en réduisant la famille des Pholadaires au genre Pholade seul, et en comprenant, d’une part, les Gastro- chènes dans la famille des Solénides , et les autres dans celle des Térédinites , représentant exactement celle des Tubicolés de Lamarck.
Avant la publication de louvrage de Latreille , nous avions déjà indiqué , dans notre ouvrage sur les fossiles des environs de Paris , ainsi que dans le dictionnaire classique d'histoire na- turelle , les changemens importans que l’on devait faire subir à ces deux familles des Tubicolés et des Pholodaïres. M. de Blain- ville trouva convenable de lui imposer un autre nom,et proposa celui d'Adesmacées , qui, exprimant le caractère principal de la famille (Aëouxs, sans ligament), aurait été préférable, si, par son antériorité , le nom donné par Lamarck ne devait être préféré. M. de Blainville proposa de mettre cinq genres dans sa famille des Adesmacées. Ce sont les suivans : Pholade, Térédine, Faret, Fistulane et Cioisonnaire. Le genre Fistulane se re- trouve ici, parce que M. de Blainville ne l'a pas compris de la même maniere que Lamarck et les autres auteurs: il lui a donné pour type le Fistulana greszata , qui n’est point une Fistulane ou un Gastrochène , mais un véritable Taret. Ainsi il suffit de supprimer ce genre Fistulane de la famille qui nous occupe, pour la rendre complète et naturelle.
Cawvier, dans la dernière édition du règne animal, ne tira aucun parti de ces indications, et se contenta d'ajouter à sa famille des Enfermées les genres Gastrochène et Térédine', dont il u’avait pas parlé précédemment.
XI Zoo, — Avril, , 16
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Quant à M. Rang, différant en cela de ses prédécesseurs dans son Manuel de conchyliologie , il réunit en une seule, sous le nom de Z'ubicolés , les deux familles dont nous venons de par- ler, et aux genres déjà mentionnés il en ajouta un autre, sous le nom de Jouannetia pour un petit démembrement peu néces- saire, selon nous, des Pholades subglobuleuses et Coralliophages. M.Turtonavaitaussi proposé un genre Xy/ophaga pour être ajou- té à la famille des Pholadaires. Ce genre, décrit et figuré dans le Generu of shells de M. Sowerby, ne peut être accepté; car il présente tous les caractères distinctifs des Pholades , et se joint à ce dernier genre par plusieurs nuances insensibles.
Nous le répétons , la présence d’un tube n’est point le carac- ière essentiel pour les genres de la famille dont nous nous occupons, cette partie accessoire existant ou non selon certaines circonstances , soit individuelles , soit spécifiques. Le caractère prédominant dans les Pholadaires , c’est l'existence, dans tous les genres de ce groupe, de cuillerons implantés dans l’intérieur du crochet ; c’est aussi l'absence constante d’un véritable liga- ment, destiné à tenir en rapport les deux valves d’une même coquille. Ces caractères sont d'accord avec ceux des animaux, et c’est de cette manière que doivent être établis les groupes naturels dans une bonne méthode.
Vivant dans la Méditerranée, le genre Cloisonnaire est actuel- lement mieux connu. Le tube seul existe dans plusieurs collec- tions; mais , d’après la nature et les caractères de cette partie, il est certain , pour tout zoologiste familiarisé avec les études de la conchyliologie, que ce genre ne peut être placé loin des Tarets. Quant au genre Térédine, bien connu aujourd'hui, depuis que nous en avons développé les vrais caractères, mal- gré sa singularité , il doit rentrer dans la famille des Pholadaires, montrant le passage évident entre les Tarets et les Pholades.
Les animaux de la famille des Pholadaires se reconnaissent à la longueur de leurs siphons ordinairement réunis; à l’étroitesse de leurs branchies, flottant à leur extrémité postérieure, dans lin- térieur du siphon branchial. Le pied est très court ,tronqué, et une fente peu considérable du manteau lui donne passage. Les muscles adducteurs des valves sont d’un médiocre volume, et
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celui du côté antérieur vient s'appuyer sur les callosités cardi- nales de la coquille. Les coquilles sont quelquefois libres, quel- quefois insérées à l'extrémité d’un tube, ou retenues dans son intérieur. Toutes ont le bord cardinal contourné en dedans, et ce n’est que par ce point du bord que les valves se touchent. A l'intérieur des crochets, on observe constamment des appen- dices osseux, courbés , plus ou moins élargis, auxquels on a donné improprement le nom de cuillerons. Dans presque tous les genres, il existe une ou plusieurs pièces postérieures, desti- nées à cacher et à garantir le bord cardinal et les parties molles de l’animal qui le dépassent.
Les genres de la famille des Pholadaires sont tous marins et se mettent à l'abri, les uns en s’enfonçant dans les argiles ou sous les vases durcies, les autres dans la pierre, et quelques-uns attaquent les bois plongés dans la mer, et les détruisent avec rapidité.
Il résulte de ce qui précède, que cette famille doit recevoir les quatre genres suivans : Cloisonnaire, Taret, Térédine et Pholade, et que les caractères doivent être modifiés et exposés de la manière qui suit :
Caractères de la famille.
Animal claviforme ou vermiforme; les lobes du manteau réunis, si ce n’est antérieurement , pour le passage d’un pied court ettronqué , prolongés en arrière en siphous toujours réunis; branchies étroites , prolongées dans les siphons et libres à leur extréemite.
Coquille très bäillante de chaque côte, libre ou contenue dans un tube cal- caire ; charnière sans ligament, des apophyses dans les crochets.
Genre CLoisonnaMRE. Septaria (Xamk.)
Synonymie générique : Solen arenarius ; Rumphius.— T'ubulus radiciformis; Lesser. — T'ubulus vermicularis ; Seba. — Serpula arenaria ; Linn. — Genre Cuphe , Kuphus; Guettard. — Serpula polythalamia ; Linné. — Teredo Pallas ; Ever. hom. Dillwyn. — Genre Furcelle , Furcella , Lamk. Syst. des A.5, V. 1801 ,p.104#, obs. — Genre C/oisonnaire Seplaria ; Lamk. An. S. V. 1818 , Blainville, Férussac , etc.
——… À
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On doit la connaissance du genre curieux des Cloisonnaires [à Rumphius , et cet auteur reconnut à cette époque la ressem- blance de la coquille , qu’il nomma So/en arenarius , avec les Tarets. La figure de Rumphius est assez complète pour faire connaître les caractères principaux de la coquille singulière et gigantesque , pour laquelle Lamarck a proposé son genre Cloi- sonnaire, Dans son petit traité des 7wbes marins, Klein a formé un genre particulier pour la coquille de Rumphius, à laquelle il conserve , du reste, le nom de So/en arenarius. Ebeinstreit a également mentionné cette coquille dans le Museum Richteria-= cum. Lesser,dans sa Testaceothéologie, ne l'a point oubliée et lui a donné le nom de Tubulus radiciformis, geniculatus, ramosus , mais ces auteurs n'ont point compris , comine Pallas, la nature du genre qui nous occupe. Pallas , en effet, à la page 140 deses Miscellanées zoologiques, publiées en 1766, dit positivement que le Solen arenarius de Rumphius ne diffère en rien du Teredo navalis, si ce n’est parce que son tube, au lieu de s’en- foncer dans le bois, vit dans le sable. Pallas ajoute qu’il adopte l'opinion judicieuse de Rumphius, auquel on doit, comme nous l'avons vu, le premier rapprochement de son Solen arenarius avec les Tarets; mais Pallas va plus loin, et il est persuadé que la Serpula penis de Linné, dont on a fait depuis le genre Arro- soir, est très voisine des Tarets et particulièrement de l'espèce figurée par Rumphius.
Dans la dixième édition du Systema natureæe!, ainsi que dans le museum de la princesse Ulrique , Linné avait confondu, sous le nom de Serpula arenaria, des chuses entièrement distinctes. Les unes appartiennent actuellement au genre des Vermets, les autres aux Serpules, et enfin le So/en arenarius aux Mol- lusques acéphalés. Depuis, Linné a rectifié sa synonymie et a distingué la coquille de’ Rymphius sons le nom de Serpula polytalamia. Martini ne lui a pas conservé ce nom, lorsqu'il l’a mentionnée dans son Conchylian cabinet. Confondant dans un seul genre toutes les Serpules, l’Arrosoir et la coquille de Rum- phius , il lui donna le nom de Tubulus vermicularis, et fit avec lui deux espèces, l’une pour l'extrémité supérieure, l'autre pour un tronçon de l'extrémité antérieure, C’est à cette espèce que
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Martini rapporte la bonne figure donnée par Seba dans sun museum. Cette figure de Seba, moins complète que celle de Rumphius, est cependant très bonne : elle donne une idée exacte de la grandeur que peuvent acquérir les individus de cette coquille. Outre les ouvrages que nous venons de citer, nous devons mentionner encoreles mémoires de Guettard, dans lesquels ce savant naturaliste ,dès 1774, proposa pour ce Solen arenarius un genre particulier, qu'un nom, fort peu scienti- fique sans doute, fit oublher : il proposa le nom de Cuphe , Kuphus. Plus tard, en 1801, dans son Système des animaux sans vertèbres ,Lamarck, dans une note à la page 104, proposa un. genre Furcelle, Furcella, pour le même Solen arenarnius , dont lui-même fit dans son dernier ouvrage le genre Cloison- uaire, et le plaça, comme nous l'avons vu , dans la famille des Tubicolés. Depuis cette époque, il a été adopté par la plupart des zoologistes , et nous avons vu les légères modifications qui ont été apportées récemment dans ses rapports avec les genres environnans.
Jusque dans ces derniers temps , l'animal était resté inconnu. Un naturaliste de Marseille, M. Mathéron en a découvert une espèce dans la Méditerranée, et il a publié sur cet animal une notice intéressante dans les tomes 1 et à des Annales des Sciences et de l'Industrie du midi de la France. Trouvé à l'état fossile dans les fouilles que lon fit pour établir le bassin de carénage , le genre Cloisonnaire a été observé depuis à l’état vivant , non loin de Marseille; l'espèce recueillie dans la Médi- terranée n’est pas la même que celle de lInde, figurée par Rumphius : elle est plus petite, et nous ignorons si le tube est pour vu des deux calamules singulières observées par Rumphius dans son Solen arenarius.
D’après M. Mathéron , l'animal de la Cloisonnaire de la Mé- diterranée est tout-à-fait semblable à celui du:Taret. Pallas, comme nous l'avons vu, a eu la même opinion. Il est allongé , tubuleux , cylindrique. Les lobes du manteau réunis forment un tuyau charnu ; dont l'extrémité postérieure se prolonge en deux siphons étroits, grèles et assez allongés. L’extrémité antérieure du corps, la bouche, le pied, une partie de la masse viscérale ;
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sont protégés par une coquille très courte, subglobuleuse , bällante de chaque côté, semblable , par ses caractères princi- paux , à celle des Tarets. Les valves sont appuyées l’une contre l'autre, mais non réunies par une charnière articulée ou par un ligament. Dans leur intérieur on voit des cuillerons allongés, étroits et aplatis comme dans les Tarets.
Le tube calcaire, dans lequel sont contenus la coquille et l'animal , est allongé , subcylindracé , d’un diamètre moindre à son extrémité postérieure qu'à l’antérieure; dans l’espèce de l’Inde , ce tube dont on a vu des individus de près de quatre pieds de longueur, a une épaisseur assez considérable pour lui assurer une grande solidité: il est tantôt droit, tantôt contourné plus ou moins , selon les obstacles que l'animal a rencontrés pendant son développement. La surface extérieure est presque lisse : elle est marquée d’accroissement transverses , et quelquefois de renflemens successifs, comparables à ceux d'un intestin. À l'intérieur, les accroissemens sont indiqués par des rides saillantes , transverses, en segmens de cercle : elles sont irréguliérement espacées. À son extrémité postérieure , le tét du tube s’épaissit beaucoup, et la cavité simple se partage en deux tuyaux" cylindriques, dont l'entrée intérieure est sépa- rée par un éperon saillant. Ces deux tuyaux, soutenus latérale- ment par des cloisons , sont contenus dans extrémité du tube, et leur terminaison extérieure vient saillir au dehors. Ces tuyaux donnent passage aux deux siphons de l'animal. Lorsque la cloi- sonnaire est bien complète , les deux tuyaux se prolongent ex deux calamules divergentes, subarticulées , longues de cinq à six pouces. Ces calamules revètent les siphons charnus de Pani. mal dans toute l'extension qu'ils peuvent prendre. Les deux siphons très contractiles peuvent rentrer entièrement dans l'intérieur du tube, et lorsqu'ils sont ainsi retirés, l'animal peut clore l'ouverture de son tube, au moyen de deux petites palettes calcaires figurées par M. Mathéron, mais que Rumphius n’a pas connues. Ces palettes , semblables àj celles des Ta- rets, sont placées de même dans l'animal, et remplissent les mêmes fonctions. Nous en reparlerons en traitant des Tarets. L'extrémité antérieure du tube s’amineit, et jusqu’à présent les
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morceaux répandus dans les collections ont cette extrémité ouverte. Rumphius cependant , et, après lui, Martini ont fait figurer des individus, sur lesquels cette partie est fermée par une calotte convexe en dehors. M. Mathéron a vu aussi dans l’espèce de la Méditerranée des individus fermés. Il est à présumer que le tube des Cloisonnaires, comme celui des Tarets, est fermé lors- qu’il est parvenu à tout son développement et qu'il reste ouvert pendant les accroissemens de l'animal.
A mesure que l’on a une connaissance exacte du genre Cloi- sounaire , sa ressemblance avec les Tarets devient de plus en plus évidente: il n’en diffère que par deux caractères, l’existence des calamules des siphons et la manière de vivre. Ces deux carac- tères tiennent peut-être à quelques différences d’organisation , qu'il faudra chercher particulièrement dans l’espèce des Indes. Toutes les personnes qui vivent pres de la mer connaissent les ravages que font les Tarets dans les bois plongés dans la mer. Les Cloisonnaires s’enfoncent dans le sable dans une position perpendiculaire , l'extrémité antérieure du tube en bas, la pos- térieure en haut , de manière à permettre la saillie des siphons ou des calamules au dessus de la surface du sable.
On ne connaît encore que deux espèces de Cloisonnaires.
Septaria arenaria Tamk.—Septaris mediterranea Math.
Genre Tarer, Zeredo.
Synonymie générique : T'enthredo ; Aristote. — Teredo ; Pline. — Xilopha- gus ; Pline. —Branca della nave ; Vallisnieri.— Ligniperda ; Sellius.— Taret ;. Teredo; Adanson , Lioné , Bruguière , Lamarck, Cuvier, Blainville , etc., etc.— Le Tarier ; Guettard. — Genre Upérote; Pars. Guettard.— Fistulane ; Cuvier, Blainville.
Il est peu de genres qui offrent autant d'intérêt que celui-ci, non-seulement parce qu'il a été connu des anciens et mentionné par eux d’une manière non équivoque, mais encore parce que, envahissant les constructions maritimes , il est devenu l’un des. plus redoutables ennemis des pavigateurs. La Hollande surtout.
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menacée par la rupture de ses digues, partout détruites par les Tarets , les redoute comme le plus dangereux des fléaux.
Les anciens et Aristote lui-même donnaient le nom de Tenthredo à Ja plupart des animaux qui perforent le bois ou qui se creusent des galeries plus ou moins profondes dans l’épais- seur des corps durs. Ils confondaient ainsi, avec des ani- maux marins de plusieurs classes , plusieurs espèces de larves d'insectes. En parlant des mêmes animaux , Pline conserve cette confusion. Il est à présumer que le mot Zeredo ; appliqué au- jourd'hui aux Tarets proprement dits, n'avait point autrefois cette sigmfication. Chez la plupart des peuples anciens, aussi bien que chez les Romains , on avait la persuasion que les ma- ladies des os, que l’on connaît aujourd'hui sous le nom de carie, étaient occasionées par un ver rongeur, et c’est à cet être imaginaire que, dans l’origine, on appliqua le nom de Teredo. Par extension , ce nom a été appliqué à plusieurs animaux, comme nous l'avons vu tout-à-l’heure; mais, quand, au milieu de cesanimaux,on voulait en signaler un en particulier, il recevait une épithète caractéristique, et c’est ainsi que Pline désigne le Taret proprement dit par le nom de Teredo xylophaga. Peut-être que si le Taret n’eût point été si redoutable aux constructions maritimes, les anciens ne l’eussent point mentionné: car c’est tou- jours à l’occasion des dégâts qu'il a causés, que l’on trouve aussi bien dans Aristophane et Ovide que dans Pline et Vitruve, des preuves non équivoques que les anciens ont connu ce mollusque destructeur. Ce serait donc bien à tort, commeon l’a prétendu vers le milieu du dernier siècle, que l’on croirait à l’envahissement tout récent du Taret rapporté , disait-on , de l'Inde par la navi- gation moderne. Le Taret existait dans les mers d'Europe avant la navigation de l’Inde , et on en a la preuve indépendamment du témoignage des anciens. On trouve le Taret à l’état fossile dans les terrains tertiaires de l'Europe, appartenant à la troisième période, et, comme ces terrains ont été déposés avant que l’homme existât, nous pouvons avoir par là la preuve la plus irrécusable que le Taret n’a point été apporté récemment dans les mers d'Europe.
Dans les ouvrages des naturalistes du seizième siècle et du
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commencement du dix-septième , à peine si le Taret s'y trouve mentionné. Aldrovande, qui avait compilé avec tant de soin tout ce que l'antiquité nous à légué de ses écrivains, ne pouvait pas laisser échapper ce qui a rapport au Taret ; mais, trouvant à ce sujet beaucoup de confusion , et n'ayant aucun guide certain pour la dissiper, il la laissa subsister tout entière dans son ou- vrage. En 1715, Valisnieri publia son recueil de diverses obser- vations d'histoire naturelle : ily mentionna le Taret. Il le nom- ma Branca della nave.: Branca signifie la pierre du martyr, et l’on concoit facilement le sens que l’auteur italien donnait aux manœuvres d’un animal qui attaque les vaisseaux et les détruit.
Déjà, à plusieurs reprises, on avait signalé, comme capable de détruireles bois plongés dans la mer, une annelide, que l’on ren- contre quelquefois dans les galeries qu’elle s’y creuse. Deslandes, en 1720, dans un mémoire publié dans l’histoire de l'Académie, avança ce fait, qui alors ne reçut point de contradiction, que le tuyau du Taret est formé par elle et en est constamment habité; mais il ne fallait qu'un bien petit nombre d'observations pour détruire les assertions de Déslandes, et bientôt elles furent assez nombreuses. Rousset , Massuet et l’auteur du Museum Hoffmannianum , Léopold Frisch, publièrent sur le Taret des ouvrages qui, par un singulier concours, parurent dans la même année, en 1723. Les observations contenues dans ces ouvrages ont toutes ün but commun, celui de faire connaître le Taret dans ses diverses parties ét sa manière de vivré. On concevra que ces ouvrages durent être bien accueillis, puis- qu'ils furent publiés dans le temps où l’on venait de constater les dégäts des Tarets dans les pilotis des digues des polders.
Ces onvrages, que nous venons de citer, étaient incomplets sous le rapport scientifique. Les personnes qui s'étaient jus- qu’alors occupées du Taret lui avaient donné le nom de ver de mér; de xylophaga ; mais elles ne s'étaient point occupées de la nature de ce ver et de ses rapports avec d’autres animaux ana- logues. Sellius fut le premier qui donna un traité complet sur le Paret. Ce livre, plein d'érudition ; parut, en 1753, sous le titre de Historia naturalis teredini seu xylophagi marin. V'auteura eu
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le mérite, avant Adanson, de déterminer rigoureusement la nature du Taret et d'indiquer avec justesse sa place dans la classe des Mollusques. Les historiens qui se sont occupés de cette matiere , ont eu le tort d'attribuer à Adanson le mérite d’avoir, le premier, découvert les rapports des Tarets ; mais le mémoire d'Adanson, ne fut publié qu’en 1759, dans les mémoires de l’Académie , six ans après la publication dé l’ouvrage de Sellius. En rétablissant ainsi les faits, nous sommes loin de contester au travail d’Adanson sun importance. La question y est plus net- tement posée, et elle est résolue d’après une comparaison plus approfondie des divers animaux. On retrouve dans le mémoire d’Adanson la netteté, la précision qui caractérisent la plupart de ses travaux. Ce mémoire n’est pas le seul de ses ouvrages où il ait parlé du Taret. Déjà, en 1757, dans son voyage au Séné- _gal, ce naturaliste avait placé le Taret dans le voisinage des Pholades.
En nous astreignant à l’ordre chronologique rigoureux , nous aurions dû déjà mentionner quelques-unsdes travaux de Linné; mais il nous a paru plus convenable d'examiner, dans leur ensemble les opinions de l'illustre naturaliste.
Ce n’est pas sansraison qu’Adanson reproche à l’auteur du Sys- tema naturæ sa première classification du Taret. On trouve, en effet,dans la première édition du Fauna Suecica, en 1746, le Taret compris dans le genre dentale , à titre d'espèce de ce genre. Ce rapprochement est extraordinaire de 1x part de Linné, qui connaissait cependant l’ouvrage de Sellius; mais alors il ne fai- sait que répêter ce qu'il avait déjà préparé deux années aupara- vant dans la quatrième édition du Systema naturæ , où l’on retrouve, p. 100, parmi les dentales, le Taret et l’Arrosoir. Dans les éditions suivantes jusqu’à la dixième , Linné conserva la même opinion sur les Tarets ; mais alors, plus éclairé par le mémoire d’Adanson , il introduisit dans sa méthode un genre Taret, dont il fixa la place à la fin des vers intestinaux, à la suite des Sangsues et des Mixines, ayant le tort, malgré les observations d’Adanson , de considérer les valves comme des mâchoires. Plüs tard , dans la douzième édition du Systema naturæ ; il détacha le genre Taret des vers intestinaux, et le
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transporta dans la classe des Testacés sans spire régulière, à la suite des Patelles, des Dentales et des Serpules.
A l'exemple d’Adanson , Guettard , dans le tome 111 de ses Mémoires divers , a adopté le genre Taret, auquel il donne le nom de Tarier ; mais, abusé sur la valeur des caractères de ce genre , il ne pense pas qu’il doive se rapprocher des Pholades, et le conserve parmi les Serpules et autres tubes testacés , soit vivans , soit fossiles.
Dans letome n du Journal d’histoirenaturelle de Copenhague, 1792), Spengler donna un mémoire sur les Pholades et les Tarets : il adopta entièrement l'opinion d’Adanson, et distingua parmi les Tarets plusieurs espèces, que l’on confondait en une seule. Walch, dans le Naturfortcher, avait fait connaître l'espèce siugulière à laquelle Lamarck donna le nom de Fistulana gre- garea. Spengler, ne se laissant pas séduire par les apparences extérieures , reconnut le premier, dans cette espèce, un véritable Taret, auquel il impose le nom de Teredo nucivorus. Depuis le travail de Spengler, tous les zoologistes , à l'exception des imi- tateurs de Linné , adoptèrent définitivement l'opinion d’Adan- son, et Bruguière d’abord, puis Cuvier, Lamarck , donnèrent chez nous cet exemple. Depuis cette époque, le genre Taret n’a subi que de faibles modifications, soit dans sa composition ; soit dans ses rapports. Bruguière admettait encore la classe des Multivalves. Les Tarets s’y trouvent à côté des Pholades , des Oscabrions , etc. Cuvier, dans son Tableau élémentaire, eut l’a- vantage de faire disparaître de la méthode cette classification artificielle, et il transporta les divers genres des Multivalves là où les appelaient leurs rapports naturels , et c’est ainsi que les Pholades se trouvèrent placés dans la classe des Mollusques acéphalés. Lamarck, qui d'abord, dans son premier essai des Mollusques, avait adoptéles Multivalves de Bruguière et de Linné se réforma bientôt après et comprit les Pholades et les Tarets dans ses Mollusques acéphalés conchylifères; mais alors, n’ap- préciant pas à leur juste valeur les caractères du tube des Tarets , et, considérant ce tube aussi bien que celui des Fistu- lanes , comme une valve exagérée dans son développement , il fit un petit groupe de ces deux genres que nous venons de
252 G. DESHAYES. — Sur les Pholadaires.
mentionner. Il les mit au commencement de la seconde grande division , comprenant toutes les coquilles inéquivalves , tandis que les Pholades terminent la première division, contenant les coquilles équivalves. M. de Roissy, dans le Buffon de Sonnini, u'a point adopté entièrement la dernière classification de: La- marck : il met en rapport les trois genres Arrosoir, Fistulane et Taret, et les sépare des Pholades par un petit groupe contenant les genres Pétricole et Saxicave , dont Lamarck a fait depuis la famille des Lithophages. Lorsque , en 1809, Lamarck publia sa Philosophie zoologique ; il proposa pour la première fois-le groupement des Mollusques en familles naturelles , et revenant à des idées qui se rapprochent beaucoup plus de celles d’Adan- son , il mit les Tarets ainsi. que les Pholades dans la famille des Pholadaires. Ces rapports restèrent les mêmes dansle livre qu’il publia, en 1811, sous le titre de Cours fait au Museum. Cette opinion , que Lamarck conserva long-temps sur le rapport des Tarets, fut encore modifiée par lui, lorsqu'il publia ses Animaux sans vertèbres. Il partagea, comme nous l'avons déjà dit, cette famille en deux parties, dont la principale devint pour lui la famille des Tubicolés. Les Tarets se trouvèrent entraînés dans cette nouvelle famille, uniquement parce qu’ils ont un tube; car, si Lamarck eût voulu donner à la coquille et à son animal la valeur qu'ils méritent dans l'appréciation des rapports, il est certain qu'il aurait conservé les Tarets à côté des Pholades, comme nous proposons de le faire aujourd'hui. Laireille a bien senti que les Tarets devaient être séparés de la famille des Tubicolés de Lamarck ; mais ,au lieu de les réunir aux Pholades, comme cela paraissait si naturel, il en fit une famille à part sous le nom de Térédinites , dans laquelle il comprend les Tarets, les Térédines et les Clavagelles. M. de Blainville rendit beau- coup plus naturels les rapports des Tarets, en Les rapprochant définitivement des Pholades dansla famille des Adesmacés. Nous ne ferons,au sujet de la famille des Adesmacés de M. de Blainville, quedeux remarques: la premiere, c'est qu'il existait déjà la famille des Pholades, dont le nom eût été préférable à cause de son antériorité ; la seconde , c’est que , sous le nom de Fistulane, M. de Blainville introduit un genre qui n’est autre chose qu'un
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G. DESHAVES. — Sur les Pholadaïres. 253
dédoublement inutile du genre Taret lui-même ; nous disons inutile, parce qu’il contient la Fistulane en paquet de Lamarck, laquelle, comme nous l'avons vu, n’est autre chose qu'un Taret; enfin , pour terminer l'histoire de ce genre curieux et important, nous dirons que Cuvier, dans les deux dernières éditions du Règne animal, a compris les Tarets dans'sa famille des Enfermées et les a rapprochés des Pholades.
Le Taret est un animal allongé et vermiforme , et l’on com- prend que des zoologistes , peu habitués à déterminer les rap- ports d'après l’ensemble des organes, ont pu être trompés sur sa nature. Nous avons vu, en traitant l'anatomie générale des Mollusques , que les Mollusques acéphalés étaient enveloppés d'une peau , formant deux lobes , à laquelle on a donné le nom de manteau. Ces lobes, souvent désunis, sont quelquefois réunis dans divers points de leur étendue. Dans le Taret, ces lobes du manteau se soudent intimement, s’allongent et cousti- tuent un véritable tuyau charnu, terminé antérieurement par une coquille globuleuse sur le bord de laquelle ils s'attachent, et postérieurement en deux siphons presque égaux, à la base desquels s’insèrent de chaque côté , à droite et à gauche, une paire de palettes calcaires , dont la forme et les accidens exté- rieurs diffèrent , selon les espèces. La coquille globuleuse ; dont nous avons parlé, est formée de deux valves qui,échancrées large- ment à leur partie antérieure, laissent passer par cette ouverture un pied court et tronqué , en forme de ventouse , semblable à celui des Pholades et des Gastrochènes. Lorsque l’on a détaché l'animal de sa coquille, lorsqu'on l’a sorti du tube calcaire dans lequel il est contenu, si on fend le manteau dans toute sa longueur, on trouve , en allant d'avant en arrière, les parties suivantes : 1° Immédiatement en avant du pied et da repli antérieur du manteau, se trouve dans la ligne moyenne une petite fente transverse , garnie d’une lèvre supérieure et d’une lèvre inférieure: c’est là l'ouverture de la bouche; 2° en suivant les lèvres de la bouche, on les voit se continuer de chaque côté du corps, s'élargir et devenir de véritables palpes labiales, adhérant, dans presque toute leur longueur, sur les parties latérales du corps; 3° ce corps est très court: il est formé par la
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masse des viscères , qui consistent en un foie, un ovaire, daus l'épaisseur desquels on trouve un estomac médiocre et les cir- convolutions de l'intestin ; 4° de chaque côté de l'extrémité postérieure du corps, commencent à paraître les feuillets bran- chiaux , qui forment deux bandes parallèles fort allongées, que l’on voit sétaler dans une grande partie de la longueur du tube charnu qui forme le manteau : c’est au point d'insertion de ces branchies sur le corps que se trouve, dans la ligne médiane et dorsale , le cœur, composé d’un ventricule et de deux oreillettes symétriques. Le ventricule est traversé par le rectum qui, se prolongeant très haut devant les branchies, vient se terminer à leur extrémité postérieure en une petite ouverture, qui est celle de l'anus.
D’après ce que nous venons de rapporter, il est évident que le Taret ne diffère des Pholades que par l'allongement considé- rable du manteau, dont les lobes soudés ont la forme d’un vé- ritable tuyau. Le manteau sécrète, dans presque toutes les es- pèces, un tuyau calcaire qui le garantit, et dans lequel l’animal finit quelquefois par se clore entièrement à la manière des Gas- trochènes. Ce tuyau représente, pour nous, les pièces dorsales des Pholades, qui, exagérées et réunies, enveloppent tout l’a- nimal et servent à le protéger.
La coquille des Tarets est fort singulière. Elle est très courte, très bâillante de chaque côté, et se réduit quelquefois en un cercle osseux destiné à soutenir les paroïs du manteau. Dans le plus grand nombre des espèces, les valves sont subtrapézoïdes, et elles ressemblent à la partie antérieure d’une Pholade bäil- lante, que l’on aurait séparée du reste en coupant transversale- ment la coquille en deux. Les valves sont réunies à la maniere de celles des Pholades ; elles n’ont point de charnière articulée et point de ligament ; mais on trouve en dedans, en partant de l'intérieur des crochets, un petit cuilleron plus ou moins long, selon les espèces, et tout-à-fait semblable, quant à la position et aux usages, à celui des Pholades. Dans la plupart des es- pèces, cette coquille présente un sillon médian en forme de ceinture, vers lequel aboutissent des stries ordinairement cré- pues, très fines, et très élégantes.
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L'animal et la coquille que nous venons de décrire sont con- tenus dans un tube calcaire plus ou moins épais, qui revêt les parois des galeries que l'animal se creuse dans le bois. Ce tube calcaire n'existe pas au même degré d'épaisseur dans toutes les espèces , et il y en a même quelques-unes qui en sont dépour- vues , ou chez lesquelles du moins il est seulement membraneux. Quand, par suite de la désagrégation complète du bois dans lequel les Tarets ont vécu, on parvient à obtenir des tubes en- tiers , ils sont toujours blancs , épaissis à l'extrémité postérieure, et beaucoup plus minces à l’antérieure, extrémité occupée par la coquille. Presque toujours les tuyaux des Tarets suivent le sens des fibres ligneuses; mais l'animal se dévie avec la plus grande facilité aussitôt qu'il rencontre un obstacle. Lorsque, dans leur marche, les Tarets se rencontrent, ils ne se corrodent pas les uns les autres, ils se contournent, et quand il y en a un grand nombre, ils s'enchevêtrent dans plusieurs sens et de- viennent très irréguliers. Lorsque les Tarets attaquent des por- tions de bois dans lesquelles il existe des nœuds ou des tron- çons de branches, ils se rencontrent sous des angles ditférens, et il devient alors presque impossible de suivre leurs galeries et de reconnaître la manière d’être d’un seul individu. L’extrémité postérieure du tube commence toujours à la surface extérieure du bois, et cette extrémité, ordinairement peu saillante, se re- connaît aux deux trous dont elle est perforée, de la même ma- nière que dans les cloisonnaires. C’est par ces trous que l'animal fait saillir au-dehors les siphons qui le terminent postérieure- ment, Si, dans les vieux individus du Taret, on casse le tuhe à son extrémité postérieure, on voit que le trou des siphons, d'abord simple, se bifurque absolument de la même manière que dans les cloisonnaires , et, par une coupe longitudinale, on voit que cette extrémité, destinée aux siphons , est remplie de cloisons obliques qui résultent de l'accroissement intérieur de cette extrémité du tube. L’extrémité antérieure a les bords or- dinairement minces et tranchans, elle est ouverte, et son con- tour est circulaire ; mais il arrive souvent , sans que cela paraisse dépendre de l’âge, que cette extrémité est fermée en calotte hémisphérique , ainsi que dans les Fistulanes, et c’est un tube
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clos de cette manière que Lamarck a nommé Fistulana corni- formis dans sa collection. Nous avions cru que le Taret ne se fermait que lorsqu'il était parvenu à tout son développement ; mais des observations ultérieures nous ont démontré que, dans quelques espèces, l'animal encore jeune se clôt dans son tube ; il faut dès-lors admettre aussi qu'il jouit de la propriété de dis- soudre la partie de son tube qui générait son développement. En observant la manière de vivre d’un animal comme celui que nous venons de décrire, on s'est demandé comment il par- venait à entrer dans les bois les plus durs; et la première ré- ponse à cette question a été de supposer que l'animal corrodait le bois avec ses valves, de la même manière que le font les insectes xylophages avec les fortes mandibules dont ils sont armés. Par suite de cette première comparaison, on a prétendu que les Tarets s’enfonçaient dans les bois pour s’en nourrir. Reste à savoir maintenant si ces opinions sont justes et doivent être acceptées sans contrôle. Nous ferons observer d’abord que les valves des Tarets, dans le plus grand nombre des espèces, sont très minces et très fragiles ; et, d’après l'essai que nous en avons fait, elles sont incapables de résister à leffort nécessaire pour détacher les fibres d’un bois dur, comme le chêne, par exemple. Dans les jeunes comme dans les vieilles coquilles, se montrent toujours bien conservées et sans usure ces stries fines et délicates qui disparaissent sous de très faibles frottemens. On a prétendu que louverture antérieure de la coquille était très favorable pour user le bois eten emporter des fragmens, comme le ferzit une tarière mise en mouvement. Nous contestons que les valves soient disposées comme on le prétend ; nous croyons même que leur forme est très défavorable à l’usage qu'on leur suppose, quand on pense surtout que les accroissemens-de la coquille ont lieu continuellement sur ses bords, quand on ré- fléchit que le bâillement dont il.est question est constamment rempli par le pied de l'animal. D'un autre côté, il faudrait que l'animal püt faire des mouvemens rapides de torsion sur lui- même pour tarauder ; il faudrait de plus qu'il eût un point d’ap- pui au moyen duquel il püt pousser sa coquille en avant avec une force assez grande pour vaincre l'obstacle qu'il cherche
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constamment à détruire. Mais ces conditions nécessaires pour taroder n'existent pas dans le Taret. C’est un animal mou, dont le tuyau est diversement contourné ; il n’est attaché à ce tuyau que par son extrémité postérieure, et l’on ne trouve dans son manteau, ni des muscles, ni des leviers capables de pousser la coquille en avant; enfin, les divers contournemens du tube s'opposent à ce que l’animal puisse taroder, par des niouvemens de torsion sur lui-même.Nous sommes donc parfaitement con- vaincu que le Taret pénètre dans le bois par un tout autre moyen que celui que l’on suppose, et qui a servi jusqu’à présent à expliquer sa manière de vivre. Quels moyens un animal si faible emploie:t-il pour vaincre des obstacles si puissans? nous lignorons entièrement.
On a prétendu aussi qué le Taret rongeait le bois pour s'en nourrir. Cette assertion n’est pas plus ntostibE que celle que nous venons de combattre. 11 faut se souvenir que les Tarets, comme les autres Mollusques acéphalés , ont la bouche entière- ment nue; elle ést constamment dépourvue d’une partie dure quelconque, propre à broyer une matière aussi dure que le bois, quand même la coquille serait parvenue à le réduire en très petits fragmens. Aussi ces animaux se nourrissent-ils uni- quement soit des animaux microscopiques contenus dans l’eau, soit des particules résultant de la décomposition des animaux et des végétaux qui s'y trouvent constamment suspendues. Toute leur -organisation est préparée pour ce genre de nourri- ture ,et lorsqu'on ouvre leur estomac, ce sont ces détritus qu'on y rencontre, et non pas ceux du bois qu'il perfore. D'ailleuys , les siphons qui terminent l'extrémité postérieure du manteau, ont des usages bien déterminés chez les Mollusques qui en sont pourvus, et leur présence chez les: Tarets indique ‘assez de quelle manière ils se nourrissent. + | YO
Le,genre Taret se rencontre vivant dans presque toutes iles mers, et tout nous porte à croire que ce sont des espèces diffé: rentes qui habitent les diverses contrées. : Conime partout ces animaux ont la même. apparence; les naturalistes voyageurs ont cru rencontrer partout notre Teredo navalis ; et, trop:sûrs de lavoir reconnu, ils ont toujours négligé de rapporter ceux qu'ils
XI. Zo0L. == Mai, y
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auraient pu se procurer. Aussi il existe dans la synonymie de cette espèce une confusion qu’il sera difficile de faire disparaître. Bien que l’on ne cite encore maivtenant qu'un petit nombre d'espèces vivantes du genre Taret, nous ne doutons pas que le genre ne s’en augmente considérablement , lorsque les observa- tions seront dirigées vers ce genre intéressant. Il est à présumer que certaines espèces attaquent de préférence des bois d’une nature particulière ; il serait curieux du moins de s'assurer si le Teredo clava de Linné ( Fistulana gregata Lamk.) est le seul qui choisisse, pour s'y loger, des fruits à parois épaisses et dures, tels que les cocos. Cette manière de vivre de cette espèce a été également propre à quelques autres que l’on connaît à l'état fossile seulement, et que l’on rencontre particulièrement dans les terrains tertiaires de la Belgique.
Les Tarets fossiles sont assez rares : ils se trouvent particule. rement dans les bois passés à l’état de lignites, ou qui, complè- tement pourris , ont laissé les tubes enchevétrés et formant des paquets. On trouve également des Tarets dans ce qu’on nomme des bois pétrifiés , c’est-à-dire devenu entièrement siliceux. Ces bois siliceux à Taret se rencontrent quelquefois dans les allu- vions de la Seine; mais nous ignorons absolument s'ils pro- viennent de terrains tertiaires ou de terrains plus anciens. On a Cru pendant quelque temps, et nous avons partagé cette croyance que les Tarets fossiles ne descendaient pas au-dessous des terrains tertiaires. Actuellement nous avons la preuve acquise qu'il est des espèces qui descendent dans les formations crétacées, et qui leur sont propres. Ce fait se reproduit aussi bien en Amérique qu’en Europe , et il ne permet plus le moindre doute. Dans le plus grand nombre des espèces fossiles ,on ouvre inutilement les tubes qui paraissent les plus entiers. On n'y trouve jamais la moindre trace de la petite coquille bivalve qui fait partie essentielle du Taret. Cette absence de la coquille paraît si constante que plusieurs personnes ont supposé que ces espèces de Tarets étaient naturellement dépourvues d’une co- quille ; mais il nous semble que c'est se hâter de conclure en présence d’un trop petit nombre d'observations. Dans les Tarets fossiles et particulièrement dans ceux de Belgique , on trouve
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assez fréquemment dans les tubes les palettes calcaires que l’ani- mal portait à son extrémité postérieure, et ces palettes ont, dans ces espèces , des caractères tout particuliers. Ce sont de petites cupules infundibuliformes, un peu comprimées latéralement , ouvértes du côté évasé , terminées au centre par un pédicule, et ces petits entonnoirs sont insérés les uns dans les autres, au nombre de douze ou quinze pour chaque palette.
D’après ce que nous venons d'exposer sur le genre Taret, il est facile maintenant d’apprécier ses rapports naturels-et de le classer d’une manière convenable dans la méthode. Ses analo- gies nombreuses avec les Pholades sont déja manifestes ; mais elles ressortiront bien plus encore lorsque nous aurons examiné les Térédines et les coquilles du genre Pholade , qui ont aussi la propriété de perforer le bois. Parmi ces coquilles, il en est une qui, par sa forme , a beaucoup d’analogie avec les Tarets, et M. Sowerby, dans son Genera of shells, a cru nécessaire de faire avec elle un genre particulier, sous le nom de Xilophaga. Pour plusieurs raisons, nous croyons ce genre inutile. Parce que , s’il a la propriété de percer le bois et d’y creuser des gale- ries assez longues sans sécréter de tube , il y a de véritables Ta- rets qui sont dans le même cas; si, au contraire , les caractères du genre sont pris dans la forme particulière de la coquille :nous trouvons en elle tous les caractères d’une véritable Pholade à valves très courtes, de forme globuleuse, mais ayant les crochets garnis à l'extérieur de deux petites pièces , en forme d’écusson. Aussi, selon nous, le genre dont il est question doit-il être placé, comme section , parmi les Pholades, qui percent le bois.
. Nombre des espèces :
6 vivantes. 14 fossiles.
Ces nombres d'espèces sont loin d’être définitifs. Nous n'avons pu malheureusement examiner la plupart de celles que nous comptons , et, parmi les fossiles, nous ajoutons celles figurées dans l'ouvrage de Burtin.
Les Tarets fossiles se rencontrent particulièrement dans les terrains tertiaires. I] y en a quelques-uns cependant dans les
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terrains crétacés , et nous n'en connaissons aucun exemple authentique dans les terrains jurassiques.
Nous connaissons une espèce dans la craie inférieure de la Champagne(tertain néocomien).
Ily en a deux espèces dans les craies inférieures de l’Amé- rique.
Nous en connaissons actuellement deux propres aux terrains tertiaires de Paris, dont l’un , Zeredo Burtini , se trouve aussi dans les terrains du même âge de la Belgique. Il y en a au moins cinq espèces avec le précédent dans les terrains tertiaires de Belgique , appartenant à l'époque parisienne.
Enfin, nous pouvons citer aussi une espèce, qui est très pro- bablement le Zeredo navalis dans le terrain tertiaire d'Italie. Il en existe une, qui est probablement la même que la précédente, dans le crag d'Angleterre.
Nous connaissons encore deux espèces trouvées dans les bois fossiles recueillis dans les alluvions de la Seine.
Parmi ces espèces, nous signalerons particulièrement les deux suivantes :
Taret commun, Teredo navals.
Taret de Burtin, Teredo Burtini.
Genre TÉRÉDINE, Teredina.
Lamarck avait d'abord compris ce genre parmi les Fistulanes, lorsque , en 1806, il commenca à publier ses mémoires sur les fossiles des environs de Paris. Ce ne fut qu’en 1818, dans:le tome v de ses {nimaux sans vertèbres, qu’il pensa à créer, pour le Fistulana Personata , un genre particulier auquel il donna ie nom de Térédine. I l'introduisit naturellement dans sa famille des Tubicolés, où il est dans des rapports naturels entre les Cloisonnaires et les Tarets. Depuis cette époque , ce genre a été généralement adopté, et il a, en effet, des caractères assez im- portans pour être conservé dans une bonne méthode. Le premiers auteurs qui se sont occupés de ce genre, et M. de Férnssac d'abord , ont maintenu dans la famille des Tubicolés. M. de Blainville, dans son Traité de malacologie , est le premier
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qui l'en ait tiré pour le joindre aux Pholades et aux Tarets, dans sa famille des Adesmacés. Bientôt après, dans le Dictionnaire classique, nous avons fait voir que ce genre avait plus de rap- ports avec les Tarets qu'avec les Gastrochènes, et dès-lors nous l'avons rangé dans la famille à laquelle nous avons conservé le nom de Pholadaire. Convaincu des rapports de cette coquille avec les Tarets, M. Sowerby, dans le Mineral conchologr; pro- posa de réunir le Fistulana personata aux Tarets proprement dits, et nous pensons que cet auteur a changé d'opinion, puisque: nous trouvons le genre Térédine dans le Genera of shells, qu'il publie.
La coquille des Térédines est certainement une des plus sin- gulières que l'on puisse imaginer : elle est, comme les Tarets , formée de deux parties: un tube calcaire , à l'extrémité anté- rieure duquel est soudée et intimement unie, dans une position tout-à-fait immobile, une coquille bivalve, régulière et symé- trique, semblable à celle des Tarets, mais portant sur les. crochets un écusson assez large , semblable à celui de certaines Pholades, Ainsi la Térédine offre cette combinaison remarquable, des caractères propres aux Tarets et aux Pholades. Lorsque l’on
examine attentivement une Térédine d’un certain volume, on
est surpris de lui trouver une épaisseur aussi considérable, et de voir que la cavité que l’animal a dû habiter en dernier lieu était devenue tres petite et fort irrégulière. Dans ces individus nous avions remarqué que ce têt est formé de couches concen- triques , à stries rayonnantes, comme si elles eussent été le résultat d’une cristallisation. Ces observations nous avaient fait poser la question suivante. Les Térédines étaient-elles , pendant la vie de animal, dans l’état où nous les voyons , et les valves avaient-elles l’immobilité qu’elles ont actuellement ? Nous nous adressions cette question, pensant que des infiltrations calcaires, faites pendant la fossilisation , avaient pénétré dans le tube sous forme de couches concentriques , et que c'étaient ces couches qu avaient rendu la coquille immobile à l'extrémité du tube; mais il restait une explication fort embarrassante relativement à la présence constante , dans tous les'individus , de ces couches d'infiltration, et bientôt nous eñmes occasion de faire des
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observations qui nous éclairèrent entièrement au sujet du genre Térédine. Déjà plusieurs fois on avait représenté des individus de Térédines , terminés postérieurement par une portion detube
d’un calcaire noirâtre et subcorné. Nous pensions d’abord que
quelque marchand , industrieux à se créer des objets rares pour le commerce, avait eu l’art de joindre deux corps qui n'avaient d’autres rapports que ceux que l’industrie mettait momentané- ment entre eux; mais , après avoir visité Courtagnon et examiné avec l'attention qu’elle mérite l’intéressante et précieuse collec. tion de M. Arnoud, de Chälons, nous avons reconnu que cette extrémité noirâtre et subcornée était bien celle des individus entiers de la Térédine. Nous avons reconnu aussi, dans des indi- vidus mutilés, comment les couches de la portion blanche de la Férédine, viennent s’intercaler entre celles dela portion subcor- née. Enfin, après l’étude de divers fragmens du tube de la Cloi- sonnaire , formé , comme nous avons dit, d’un têt à stries rayonnantes , très épais et souvent très irrégulier, nous avons été convaincu que le tube de la Térédine n'avait subi d’autre altération que celle résultant de la fossilisation. À cesobservations nous en ajouterons encore une qui n’est pas sans intérêt. Nous avons observé, dans la collection de M. Arnoud , une valve de Teredine très jeune , et cette valve est libre, isolée et sans au: cune connexion avec un tube quelconque ; mais ce qui nous a surtout surpris, C'est que cette valve, pour sa forme et ses caractères , a la plus grande ressemblance avec celle du Xï/o- phaga dorsalis de M. Sowerby. La coquille bivalve, fixée à l'extrémité du tube, a, comme on le voit , une certaine ressem- blance avec celles des Pholades et des Tarets. On voit, par les stries fines et subgranuleuses de la surface, que , pendant une epoque dé la vie de l'animal , cette coquille était très bäillante antérieurement , mais que plus tard cet espace a été rempli par l'animal , comme cela a lieu aussi dans un assez grand nombre de Pholades. Ses valves ont des crochets protubérans, opposés, subcordiformes : elles ont un petite duplicature postérieure, sur laquelle vient s’insérer une pièce subquadrangulaire , plus ou moins régulière , et qui n’est autre chose que l’écusson posté- rieur des Pholades, La coquille était aussi très bâillante posté-
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rieurement; mais tous les intervalles ont été rempiis ; et ses contours , soudés sur l'extrémité antérieure du tube. Dans cette même coquille , nous avons trouvé un bord cardinal arrondi et semblable à celui des Pholades , nous y avons également vu, partant de l’intérieur du crochet, un petit cuilleron étroit et recourbé , semblable à celui des Tarets et des Pholades. Lorsque l’on casse une Térédine vers la coquille, on voit, malgré l’épais- sissement considérable de toutes les parties , ces deux petits cuillerons recourbés l'un vers l’autre, mais souvent épaissis et mamelonnés par plusieurs couches calcaires qui les re- vêtent.
Le tube des Térédines est en proportion plus gros et beau- coup plus court que celui des Tarets. Lorsqu'il est entier, son extrémité postérieure est terminée , comme nous le disions, par une portion d'un brun corné. Cette portion est ouverte par un trou arrondi, qui est presque toujours simple, mais qui, chez certains individus, offre une disposition toute particulière. On y voit, en effet , six crêtes longitudinales saillantes , très aigués, espacées avec une extrême régularité et divisant le contour en six arceaux réguliers , sous-divisés ensuite par une petite crète médiane , qui règne dans le fond de chacun d’eux. Cette dispo- sition ne ressemble en rien à ce qui est déja connu des genres des deux familles qui comprennent les Mollusques Tubicolés.
Les Térédines ne sont connues qu'à l’état fossile;on en connait une dans les terrains de craie inférieure de Saint-Paul-Trois-Chà- teaux : il y en a une autre, plus généralement répandue dans les collections, et quiest propre aux terrains tertiaires de Paris.Cette dernière avait l'habitude de s’enfermer dans le bois à la manière des Tarets : aussi c’est dans les terrains à lignites des environs d'Eperuay et de la montagne de Reims, qu'on la rencontre le plus habituellement. Nous avons eu dans les mains des morceaux de bois fossiles , pétris de Térédines tellement pressées les unes contre les autres, qu'il ne restait plus entre elles le moindre in- tervalle, etnéanmoins on apercevait chez elles des restes évidens de la trame fibreuse du bois qu'elles avaient perforé.
Nombre des espèces:
2 fossiles.
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1 de la craie inférieure de Saint-Paul-Trois-Châteaux, départe- ment de la Drôme (espèce nouvelle). L'autre du terrain tertiaire de Paris, Zeredina personata.
Genre PHoLAbE , Pholas.
Le mot générique de Pholade, appliqué par Lister et par Linné à un genre particulier de Mollusques bivalves , a une origine beancoup plus ancienne. En effet, les Grecs avaient'un adjec- tif, goes signifiant qui se cache , qui habite dans les'trous où les cavernes , et un substantif, wa; has, pour désigner une cà- vérne , un trou, un antré. Aussi, chez les anciens, le nom de goes était appliqué indistinctement à tous les animaux qui se cachent dans les trous ou les cavernes; mais aucun coquillage n’est mentionné particulièrement par eux sous cette dénomi- nation. Atheneus nous paraît être le seul qui, en parlant d’une coquille qui perce les pierres , et d’un goût agréable , l'ait indi- quée sous le nom de Pholas; mais il est bien à croire que cette coquille d’Athénée n’est autre chose que la Médiole lithophage des auteurs modernes. Les premiers auteurs qui écrivirent sur l’histoire naturelle au renouvellement des lettres employèrent le mot pholas ; mais ils ne furent pas toujours d'accord sur son application: c’est ainsi que Rondelet dans son Traité des poissons , appelle phnlas les modioles lithophages , et concha longa les véritables Pholades. Aldrovande , dans son Traité des animaux à sang blanc adopte sans changement lPopinion de Rondelet, tandis que Belon, sans que nous en puissions deviner le motif, donne le nom de Pholas aux Patelles et préfère le mot de Donax sive Dactylus mas pour les Phoïades proprement dites. Gesner revient à l’opinion de Rondelet , qui, à cette époque , paraît l'emporter sur celle des autres naturalistes. Cette noinenclature de Rondelet et de Gésner subsista jusqu'au shoment où Lister, par les travaux considérables de conchylio- logie qu'il publia, imprima à cette science une nouvelle direc- uon , et la rendit plus facile et plus rationnelle par la manière dont il la présenta. Lister fut le premier qui imposa aux coquilles qui nous occupent , le nom qu’elles portent aujourd’hui: il les
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distingua et en: forma un groupe très maturel dans l'ouvrage qu'il publia, sous le titre de Synopsis conchyliorum, en 168r. Peu de temps après, Bonnani , dans ses :deux ‘ouvrages sur la Conchyliologie , proposa le nom de Balanus pour les Pholades’, et: il croit que celui de Dactylus leur conviendrait également. Bonnani,, qui aimait à se livrer:aux observations; avait déjà fait des remarques intéressantes’ sur l'habitude -qu'ont là plupart des Pholades de: s'enfoncer, soit dans da pierre , soit dans::les argiles durcies, et d’y être enfermées sans ‘én pouvoir sortir. Réaumur, que ses immenses travauxiont rendu l’un des meil- leurs wbséryateurs des temps modernes, s’appliqua pendant quelque temps à l'étude des mœurs des Pholades ; et publia, en1712} sur ce sujet intéressant, un mémoire, que l’on trouve parmi ceux de l’Académie. Dans ce mémoire , Réaumur ne considère les Pholades que dans le but d'expliquer la nature du mouvement au moyen duquel elles pénètrent , soit dans les couches d’argile, soit dans celles des calcaires. Réaumur se figurait que les Pholades ,auxquelles il donne lenom de Daille, ne pouvaient creuser les trous dans lesquels-elles se trouvent; que , pendant la mollesse de la matière, qui, durcie par la suite, ne leur permettait plus de s'échapper de la prison qu’elles s'était faite, il rapporte une expérience qui vient à l'appui de son opimon. Ayant placé une Pbolade , extraite de son trou, sur une boue argileuse un peu épaisse , il la vit bientôt s'enfon- cer et disparaître; mais il nous semble que ce fait ne prouve pas d’une manière assez satisfaisante que les Pholades ne peuvent s'enfoncer que dans les matières molles. Si quelques espèces cherchent des matières de peu de consistance pour s’y loger, d'autres criblent, de leurs trous les calcaires les plus durs.
Dans son voyage au Sénégal, Adanson consacre un genre Pholade , et il Le place dans les Conques multivalves, à côté des Tarets. Dans ce genre ; il rapporte deux espèces: à l’une il donne le nom .de Juland ; à l'autre celui de Tugon. Cette dernière espèce n'est point une Pholade: elle avoisine les Myes, et Lamarck en a fait une Auatine. Nous aurons occasion d'en parler plus tard, |
I est à présumer que Linné, dans la première édition du
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Fauna suecica , comprenait les Pholades dans sa section ‘des Concha. Nous voyons, en effet, plus tard , dans la quatrième édition du Systema naturæ , apparaître le genre Pholas à côté des Moules et des Solens ,dans le même groupe que les Conques, Ce qui a droit de nous étonner, c’est que, dans la septième édition dn Systema naturæ , Linné ne mentionne plus le genre Pholas. Nous le retrouvons dans la dixième, faisant le commen- vement des coquilles bivalves. Ce genre resta dans les mêmes rapports, dans le Museum de la princesse UÜlrique , tandis que, dans la douzième édition du Systema naturæ ,il fut compris dans la section des Multivalves. Schrôter, Gmelin , Dillwyn et beaucoup d’autres auteurs adoptèrent, comme nous l'avons vu, cet arrangement de Linné,et c’est à Cuvier, ainsi qu’à Lamarck, comme nous l’avons déjà dit aussi , que l’on est redevable de la réforme de ce groupe peu naturel des Multivalves de Linné. Olivi lui-même , qui eut occasion de faire sur ces animaux des observations intéressantes , adopta pour eux la classification de Linné. Dans sa Zoulogie adriatique , il prétend avoir vu des morceaux de lave, long-temps plongés dans la mer, perforés par des Pholades et d’autres animaux lithophages; mais cette observation est aujourd'hui contestée, parce qu’elle établirait une exception nnique à une règle jusqu’à présent invariable: c’est que les Mollusques perforateurs ne pénètrent jamais que dans les substances calcaires ou argilo-calcaires. On est aujouc- d’hui généralement d’autant plus convaincu de luniversalité de ce fait, que l’on sait que ce n’est pas par le frottement de la coquille contre les parois du trou, que ce trou s'agrandit, mais que sa cavité est augmentée au moyen d’une sécrétion de l’animal, sécrétion probablement acide, mais dont la nature n'est pas parfaitement connue.
Jusqu'au moment où Poli publia son grand ouvrage sur les Mollusques des mers de Sicile , on ne connaissait pas d'une ma- nière complète l’organisation des Pholades : leur coquille seule avait été étudiée. Poli donna une excellente anatomie de Pani- mal, et ce travail est assez parfait, puisque, depuis lors, lobser- vation n’a presque rien eu à y ajouter. Il est bien à présumer que ce travail de Poli a été d’un grand secours à Cuvier, pour
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réformer, comme il l’a fait, la classe indigeste des Multivalves, et reporter les Pholades parmi les Acéphales testacés.
Nous avons vu, en traitant de la famille des Pholadaires, les changemens peu nombreux qu'a subis le genre Pholade. Depuis la publication, en 1798, du tableau élémentaire de zoologie, par Cuvier, tous les auteurs sont d'accord sur ce genre, non- seulement pour ce qu'il doit renfermer, mais encore pour la place qu’il doit occuper dans la série.
Les Pholades sont des animaux assez voisins des Tarets par leur organisation. Ces deux genres diffèrent principalement par les proportions dans le développement du manteau.
L'animal des Pholades est claviforme, quelquefois subcylin- dracé , et il se termine postérieurement en un long tuyau char- nu, subcylindracé, dans lequel sont réunis les deux siphons dans une même enveloppe. Les lobes du manteau, minces et transparens dans une grande partie de leur étendue, s’épais- sissent au bord antérieur et inférieur, et se soudent dans presque toute leur longueur, ne laissant qu'une petite ouver- ture ovalaire à la partie antérieure, pour le passage du pied. Ce manteau se continue postérieurement pour former les deux si- phons dont nous avons parlé, et lon remarque dans son épais- seur deux muscles plats et en éventail, destinés à retirer les siphons vers l'intérieur de la coquille. Ces muscles s’attachent sur la surface interne; et y laissent des impressions dont nous parlerons plus tard: Si l’on vient à fendre le manteau, de ma- niére à en détacher les lobes en coupant leur commissure , on aperçoit les parties suivantes en allant d'avant en arrière. Entre la masse abdominale et l’insertion des muscles du manteau, sous une espèce de capuchon formé par lui, se remarque, dans la ligne médiane, une ligne transverse : c'est celle de la bouche ; elle est pourvue de deux lèvres minces qui se continuent, à droite et à gauche , en une paire de pattes labiales allongées , lancéolées et soudées, dans une partie de leur longueur, sur les parties latérales du corps. La masse abdominale est assez grosse; elle est surmontée , à son extrémité antérieure, d’un pied court, large et tronqué, ayant un peu la forme d'une ventouse de Cé- phalopode. De chaque côté de la masse abdominale , se trouve
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une paire de feuillets branchiaux; immédiatement au-dessous, les branchies du côté droit se soudent à celles du côté gauche dans une petite portion de leur longueur ,'se détachent ensüite pour se continuer dans l'intérieur du siphon branchial. C’est vers l'extrémité postérieure du corps que l’on remarque un muscle très puissant, transverse, qui sert à rapprocher les valves de la coquille. Outre ce muscle postérieur, il en existe encore un autre à la partie antérieure; mais ses fibres, très courtes , s’insèrent sur quelques points du bord cardinal, et y laissent des impressions qu’on aperçoit facilement dans quelques espèces. Outre ces diverses: parties, il en existe une autre tout- à-fait propre au genre Pholade, et qui consiste en un appendice plus ou moins grand du manteau, qui, de l'extrémité antérieure, se réfléchit sur le dos, couvre les callosités des crochets et sé- crètent une pièce postérieure à laquelle on est convenu de don- ner le nom d’écusson. Si l’on veut pénétrer:plus avant dans l’or- ganisation des Pholades, on voit que la cavité buccale aboutit, par un œsophage gros et court, à un: estomac en forme:d’am- poule, entièrement envelopoé parle foie, et dans lequel la bile pénètre par un petit nombre decryptes biliaires qui en criblent les parois. C’est de la paroi supérieure.de l'estomac, et au-des- sus de sa grande courbure, que l'intestin prend naissance. Cet intestin , cylindrique et grèle, forme plusieurs grandes circon- volutions dans l'épaisseur du foie: Après ces circonvolutions , l'intestin se dirige vers la ligne médiane et dorsale ; il est em- brassé par de ventricule qu'il traverse, passe derrière le muscle adducteur postérieur , et se termine presque immédiatement en un. anus flottant entre les branches. Le foie est assez considé- rable; il constitue à lui seul presque toute la. masse abdomi- nale. L'ovaire lui est accolé, et ce dernier organe ne prend un grand développement qu’au moment de la ponte.
Gomme dans tous les Mollusques de la même classe, le cœur est parfaitement symétrique; il est placé:sur ledos, dans la ligne médiane, et il est composé d'un ventricule assez large et de deux oreilleites aplaties, triangulaires, qui s'ouvrent dans les feuillets branchiaux dont elles semblent là continuation.
le système nerveux est assez considérable. Un ganglion an
G+ DESHAYES, — Our les Pholadaires. 269
térieur est placé au-dessus de la bouche ; il fournit des rameaux fins et nombreux aux palpes labiales ; il donne aussi des bran- ches wiscérales parmi lesquelles une de chaque côté du corps descend vers le muscle adductéur postérieur et vient coopérer à la formation du ganglion nerveux postérieur. Celui-ci est beaucoup plus considérable ; il envoie des branches au cœur , aux branchies, au manteau. Les filets du manteau se divisent eux-mêmes : les uns se portent vers la cominissure, les autres dans les siphons.
Le système musculaire des Pholades peut être divisé en deux parties très distinctes: les muscles adducteurs des'valves , les muscles propres des pieds, et enfin deux muscles particuliers pour le mouvement des diverses parties du manteau. Nous avons parlé des musclés adducteurs. Ceux .du pied consistent en deux petits faisceaux dont une partie s’insère sur les cuille- rons et l'autre dans la profondeur des crochets. De ces points
d'insertion, ces fibres musculaires vont en s'épanouissant sur
la surface de la masse abdominale, lui forment une enveloppe solide entre les fibres de laquelle viennent s’insérer celles du muscle propre du pied. Les fibres qui s’insèrent sur les cuille- rons traversent la masse abdoininale et contribuent à consolider les divers organes dont elle est composée. Tout le bord anté- rieur du manteau, toute la masse des siphons, sont formés de muscles à fibres courtes, et qui servent à l’allongement ou à la contraction de ces parties. Les siphons surtout, qui, lorsqu'ils sont contractés , sont courts et trés épais, sont susceptibles d’un allongement considérable pendant la vie de l’animal , et c’est alors que les parois s’amincissent et que les fibres musculaires semblent glisser les unes sur les autres pour fournir au grand développement que ces parties peuvent prendre. Dans la plu- part des espèces, la coquille étant bâillante, diverses parties de l'animal restent à découvert, mais elles sont revétues d’un épi- derme assez solide, subcorné, coriace, qui's’insère sur la co-
| quille elle-même et se prolonge sur toutes les parties dénudées | de l'animal. ILest aussi un certain nombre d'espèces qui prét | sentent un autre phénomène dont il est nécessaire de parler ,
, , : ,: CPP parce qu'on pourrait commettre des erreurs s'il n’était pas suf-
270 G. DESHAYES. — Sur les Pholadaires.
fisamment connu. On observe, dans la plupart de ces espèces , une troncature antérieure à laquelle correspond un bâillement considérable de la coquille : cette troncature et ce bäillement persistent dans tous les âges. Mais il arrive, dans d’autres es- pèces , qu'après avoir été bâillantes jusqu’à un certain point d’accroissement , l’animal se modifie et continue la sécrétion de sa coquille en faisant cesser sa troncature : aussi l’on voit les stries d'accroissement prendre une nouvelle direction, et le bâillement de la coquille semble fermé par une pièce de rapport.
Presque toutes les Pholades ont une coquille mince, blanche et diaphane; presque toutes sont allongées, ovalaires, très bombées et subcylindracées. Les valves d’une même coquille ne se touchent quelquefois que par un petit nombre de points de leur circonférence, étant largement bâäillantes du côté anté- rieur et du côté postérieur. Quelques-unes cependant sont par- faitement closes à tous les àges, et leurs valves, plus rappro- chées, sont fermées à la manière de celles des autres Conchi- fères. Presque toutes les Pholades sont équivalves et presque toutes très inéquilatérales; elles sont presque toujours ornées à l’extérieur de côtes raÿyonnantes qui sont plus particulière- ment placées sur la partie antérieure, la postérieure restant constamment lisse ou presque lisse. Les crochets sont très pro- tubérans ; ils sont roulés vers l’intérieur et saillans au-dessus de la cavité interne des valves. Ces crochets sont garnis de singu« lières callosités que l’on ne rencontre dans aucun autre genre. Ces callosités sont formées par une lame calcaire qui s’étale en dehors et se trouve soutenue par de petites voûtes qui vont en rayonnant du sommet à la circonférence. Cette lame, et les ar- ceaux qui la soutiennent, sont sécrétés par cet appareil supé- rieur du manteau dont nous avons parlé, et qui se renverse, comme nous l'avons dit aussi, sur le dos de la coquille et couvre ses callosités. Cette portion charnue est, garnie, sur son:bord libre, de petits appendices quadrangulaires qui s'enfoncent, en forme de crochets, dans l’intérieur. des arceaux de la callosité. C’est pour couvrir cette portion du manteau que se trouvent au-dessus d’elle, et sécrétées par sa surface supérieure, une ou deux pièces symétriques, calcaires , quelquefois subcornées,
G. DESHAYES. — Sur les Pholadaires. 271
auxquelles on est convenu de donner le nom d'écusson. Lorsque l'animal est mort, cette pièce se détache facilement du reste de la coquille, et l’on voit que sa surface interne et lisse, tandis que l’extérieure présente des stries d’accroissement qui lui sont propres. Outre cette première pièce des Pholades, on en trouve une seconde dans un certain nombre d’espèces : celle-ci s'étend sur le dos de la coquille, et sert à fermer l'intervalle qui sépare les deux valves dans la ligne dorsale et médiane. Ces pièces re- çoivent des modifications assez notables suivant les espèces où on les observe. Quelquefois très petit, l’écusson se développe peu-à-peu , et finit par embrasser, sous la forme d’une grande calotte, toute la partie supérieure et antérieure des valves ; quelquefois il se prolonge aussi du côté postérieur, remplace la seconde pièce postérieure dont nous avons parlé, et finit par s'emboiîter sur toute la longueur du dos de la coquille. Dans les espèces à longs écussons, et même dans quelques-unes dont l’écusson est d’une médiocre étendue, on voit les callosités cardinales se prolonger postérieurement en petits crochets, lesquels s'engagent au-dessous de petites lames relevées au centre de l’écusson; de sorte que, par ce mécanisme, cet écus- son reste attaché à la coquille même après la mort de l'animal. Il est d’autres espèces chez lesquelles il a une forme très sin- gulière : c’est particulièrement dans le PhAolas costata et dans le Pholas clausa que l’on remarque cette disposition. Dans ces espèces, la callosité cardinale, au lieu de s’étaler sur les cro- chets et de s’y attacher, se relève à son extrémité postérieure ; et c'est à cette extrémité que se trouvent deux pièces en petit capuchon, et qui semblent destinées à accrocher les valves l’une à l’autre. La partie du bord dorsal que l'on pourrait nom- mer bord cardinal, ne ressemble pas à ce que l’on voit dans les autres Mollusques conchifères. On n’y observe aucune trace de dent cardinale. Une surface inégale et calleuse se remarque au point de contact des deux valves, qui, comme il n’existe aucune trace de ligament, ne sont maintenues en contact qu’au moyen des muscles de l'animal, et qui se séparent aussitôt que cet animal en a été retiré. Si l’on examine leur intérieur, on les trouve lisses, polies, et l’on voit à la partie antérieure des cal-
272 G. DESHAYES. — Sur les Pholadaires.
losités quelques petites impressions qui sont celles du muscle adducteur antérieur. Une autre impression beaucoup plus grande, ovale, arrondie, se montre vers le bord dorsal, à-peu- près au tiers postérieur de la coquille: Cette impression est celle du muscle adducteur postérieur. C’est de l'extrémité infé- rieure. et antérieure de cette impression musculaire que l’on voit partir une ligne remontant assez haut dans l’intérieur des valves, se recourbant ensuite pour se diriger en arrière et en bas. Cette ligne, à laquelle on est convenu de donner le nom de sinus palléal postérieur, est le résultat de l'insertion du muscle rétracteur des siphons.
L'un des caractères les plus particuliers des coquilles de la famille des Pholadaires, consiste en ce que, chez torttes, on trouve, dans la cavité du crochet , un appendice osseux partant du sommet du crochet lui-même, et auquel on donne le nom de cuilleron. Constant dans sa position, ce cuilleron ne l’est pas autant dans sa forme : dans certaines espèces, il est subcy- lindracé, et presque égal en diamètre à ses deux extrémités ; dans d’autres , l'extrémité libre s’aplatit et s’'amincit ; elle s’élar- git successivement, et prend la forme d’un véritable cuilleron à la surface duquel on aperçoit des stries d’accroissement. Ge cuilleron s'enfonce, comme nous l'avons dit, dans l'épaisseur de la masse viscérale de l’animal ; il est revêtu d’une duplica- ture du manteau qui pénètre avec lui, et nous avons vu qu'il sert à donner attache à des fibres musculaires qui soutiennent les organes digestifs, avant de se rendre au pied. Nous avons dit ailleurs, en traitant de la théorie de la charnière, ce que nous pensions de ces appendices des Pholades, et comment nous pouvions, par une succession de modifications, les ratta- cher aux dents cardinales des coquilles qui en sont pourvues. Enfin, pour terminer ce qui a rapport à la famille des Pholades, nous devons ajouter qu’il existe dans quelques espèces des pièces de rapport soudées à l'extrémité postérieure des valves, et qui sont tantôt onguiformes, comme dans le Pholas clausa ; tantôt infundibuliformes comme dans. le Pholas papyracea. En aper- cevant ces modifications si notables des pièces des Pholades, nous concevons comment toutes ces pièces exagérées , soudées
G DESHAYES. —- Sur, les Pholadaires. 273
entre elles, ont enfin pris la forme dutube.des Tarets ,-et sont ainsi, d'accessoires qu'elles étaient, devenues la partie princi- pale de l'enveloppe g oœénérale de-l'animal. Ceci,n’est point seule- ment june théorie destinée.à rendre compte de;là présence du tube des Targts. On, voit,ce, tube.se-formker.par degrés.et.c’est ainsi , par exemple, qu'en prolongeant. les appendices\ posté- rieurs du Pholas papyracea, on a le tube des Térédines; et qu'il suffitensuite d'ajouter aux Térédines l'énorme écusson de, quel- ques espèces, de Pholades, pour avoir. le tube complet des Tarets. |
Comme. nous 1:48 dit, les EN IA. PP sont, Sénat et re e20ç 2 to tantôt daus les argiles durcies!, tantôt dans les cal: caires, plus ou moins durs. Quelques. espèces., comme certains Gastrochènes, se font;, en. vieillissant, un commencementde tube qui revêt la partie postérieure de la cavité qu’elles habitent, Si, c'était ici Je lieu d'examiner la propriété dont jouissent cer- tains, Mollusques de, perforer.les pierres, nous overnions cqu'il n’est plus possible d'admettre l'opinion; jusqu'ici reçuerparmi ies zoologistes, que ces animaux perforent les corps durs par le frottement long-temps continué de leurs valves. Lorsque l’on recueille des Pholades pendant-la nuit, on les voit répandre une lumière phosphorescente assez intense; et si on les mange dans l’obscurité, la bouche paraît en feu. Ces animaux ne sont pas les seuls Mollusques qui jouissent de:cette jropriété; nous la ferons remarquer chez d'autres appartenant à différentes familles,
On trouve assez fréquemment ;dans les couches de la terre des traces évidentes de la présence deg Pholades qni ont habité les anciennes mers, au fond! desquelles ces couches ont été déposées. Les géologues ont attaché une assez grande impor- tance à.cés traces de coquilles perforantes, parce qu’elles. in- diquent un séjour assez prolongé de la mer dans lesmêmes lieux, Nousyne devons pas ici chercher à apprécier la valeur-de ces témoignages, ni examiner ce: qu'ils LS turcs dans Ja ques: tion, des soulevemens. : y up “Nombre, des espèces :vingt-quatre vivantesy st fossiles:
Jusqu'à présent; onbira-dbservé de véritables Pholadesreque XI. Zoor. — Mai, 18
474 c. bESHAÿEs. — Sur les Pholadaires. dans les. terrains tertiaires. Parmi les espèces, nous citerons particulièrement celles qui ont leurs analogues vivans ou fossiles.
Pholas candida. Vivante dans les mers F Europe. Fossile dans le crag d'Angletèrre, dans les faluns de la Touraine, et dans les terrains tertiaires de la Suède et du Danemark.
-Pholas crispata. Vivante dans l’océan d'Europe ;'et ré en Suède et en Norwège.
Pholas scutata. Fossile aux environs de Paris, dans les faluns de la Touraine , aux environs d'Angers et de Bordeaux.
Nous avons depuis long-temps cité le Pholas scutata dans les différentes localités qui sont ici mentionnées. Dans un mémoire sur la géologie de la Touraine, M. Dujardin a décrit, sous le nom de Pholas dimidiata, la coquille que nous regardons comme une simple variété plus grande de l'espèce des environs de Paris. Un nouvel examen comparatif ne nous laisse aperce- voir que de si faibles différences, que, malgré l'autorité d’un
-Savant dont nous aimons à respecter les opinions, nous s persis- “tons encore dané la nôtre.
he a ——
: DsscrrPrion et figure de quelques parasites de l’ordre des AcCariens ,
Par M. Léon Durour,
Correspondant de lInstitut.
"L'histoire des Acariens, malgré le travail en quelque sorte fondamental des Hermann, malgré la vive lumiere répandue récemment sur leur classification par Dugès, que la cruelle mort vient d'arrêter au milieu de sa brillante carrière sciénti- fique ; enfin malgré quelques mémoires de mon’amï le profes- seur Audouin , qui nous font vivement regretter qu'il ait été détourné par d’autres travaux de leur donner suite, l’histoire
1: DUFOUR. — Æcañriens. 275
des! Acarièns} dis-je; ‘est et sera encore long-temps incertaine etflottante. La petitesse de ces Aptères, qui les dérobe à nos recherches et les rend d’une étude très difficile, enest sans doute la principale cause. Je ne viens ‘pas aujourd’hui émettre des Vues nouvelles surla classification de ces curieux animal- cules' qui se recommandent à l'attention, surtout depuis la dé- couvérte bien confirmée du sarcopte qui produit la galé'de l'homme ; je ‘veux seulement offrir quelques matériaux isolés à cenx'qui se livreront spécialement à cette ARE à : je me hâte d'aborder mon sujet.
1° Pteroptus limosinæ. PI. 8, fig. 1.» Ptéropte de la Limésine.
Ovato-oblongus, glaber, pallidé rufescens, pedibus pilosis apice bisetosis. , Hab. in corpore Limosinæ viduæ. Long. + lin.
En étudiant de petites Muscides ( Limosina lusubris Nob. nées dans tn bocal où je conservais dés'bôlets en déliques- cence, je’ ve/tardai pas” à m'apercévnir que plusieurs d’éntre elles pliaient en quelque sorte sous lé pords de parasites assez grands, vu là taille du Diptère, qui n’attéint pas tôut-ä-fait une ligne de longueur. Je comptais jusqu'à quinze dé’ ces mittes groupées sur l'abdomen d’une de ces miniatures de mouches. C'était à ne pas y croire. Hélas! me’ disaïs-Je’, quel” serait le tourment d’un homme dont le ventre serait ën proïe à quinze vampires de la plus forte taille!
Le Pteroptus Limnsinæ a le Corps ovale- oblong, recouv ert d’un test un peu coriacé, presque plane, arrondi en avant et en arriére, glabre et d’une légère teinte foussatre, De ses quatre paires de pattes, qui sont. assez courtes et robustes, lestanté- rieurés ont,un. peu plus de longueur et semblent servir: de:teris tacules à l'animal-quand il marche, Les autres sént égalesenitre elles. Toutes ont la méme structure, la même composition ; ét sont hérissées de quelques poils raides. Elles s’insèrent au bord inférieur du test et of y distingue six articlés, savoir : une hanche, une cuisse de deux articles, un tibia pareillement de
deux articles, un tarse plus grèle, un pea plus long, d'une ‘ele 18.
256 1. DUFOUR. — :A{cariens.
pièce, plus velu que les précédens, terminé par deux soies plus longues entre lesquelles se voit un corps oblong subvésicuieux où je n'ai su apercevoir ni ongles nt crochets. Les deux soies ‘terminales semblent tenir lieu de ceux-ci.
La bouche, mise en évidence par une pression graduelle de ’'Acarien entre deux lames de verre, se compose d’une lèvre où s’insèrent un suçoir et deux palpes. A limitation de Dugès, je donne le nom de lèvre à cette souche qui est commune aux deux autres organes, Le suçoir ou le dard s’insère au bout de la lèvre : il consiste en deux lames adossées , longues, acérées, glabres , pouvant se mouvoir indépendamment lune de l’autre par une sorte de glissement en avant et en arrière, comme je lai bien positivement constaté, et composées chacun de trois articles. Les palpes visibles et exsertes, courbés en dessous à leur extrémité dans l’animalcule vivant, sont filiformés , insérés de chaque côté près de l'extrémité de la lèvre, et composés de cinq articles hérissés dont le dernier est plus long que les autres. Ce dernier trait, auquel Dugés a attaché une valeur gé- nérique, m'a décidé à placer cet Acarien plutôt dans les Pte- -7optus que dans les Gamasus.
Le Ptérope de la Limosine, une fois détaché du corps de son “hôte, a une démarche assez agile.
2° Pteroptus sciaræ Nob. Ptéropte du Sciare.
Ovato oblongus, pallide rufescens, corpore piloso lineis duabus impressis ‘desuper notato ; pedibus pilosis , apice bisetosis.
Hab. in corpore Sciaræ ingenuæ. Long. + lin.
Cette espece ne diffère de la précédente que par des poils disposés ea séries sur le corps, et par deux lignes longitudinales enfoncées sur le test. Elle est parasite d'un Sciare nouveau né dans mes bocaux de larves qui vivaient dans les champignons. | : E 3° Trichodactylus osmiæ. PI. 8, fig. 3. |
Trichodactyle de lOsmie.
L. DUFOUR. — .æ#cariens. 277
Caaracrer GENgricus. Palpi nulli ; rostrum subnullum brevissimè biselo- sum ; corpus coriaceum; pedes marginales , inæquales , tribus paribus, anticis crassiusculis validè unguiculatis, posterioribus gracilioribus iner- mibus seta longissima terminatis.
Acareus , insectorus parasihcus.
En avril 1839, je rencontrai à diverses reprises sur le corselet et principalement sur le métathorax de l’Osmia bicornis mâle et de l’Osmia fronticornis femelle, une quantité considérable de mittes d’un sixième de ligne environ de longueur, et aussi remarquables par l'absence absolue des palpes que par la longue soie qui termine leurs pattes postérieures. Test coriacé, légère- ment convexe en dessus, concave en dessous, ovalaire parfois, comme sinué sur les côtés, un peu plus large en avant où il semble y avoir au milien une très petite échancrure; glabre, avec deux soies marginales de chaque côté , d’un roux très pâle avec un espace triangulaire au tiers antérieur , les pattes et le bout postérieur plus foncés. Pattes au nombre de quatre paires, . insérées sous le bord latéral du test, deux dirigées en avant et deux en arrière ; les trois premières paires robustes, semblables entre elles et pour leur structure et pour leur composition, hé- rissées de quelques soies-rares et longues, composées de quatre: articles principaux, gros, ovalaires et d’un tarse grèle faible- ment triarticulé, formant en quelque sorte le pédicelle de deux crochets longs courbés en faucille, ployés en arrière, munis d’un talon à leur base, et dont l’un est plus court:que l’autre. Pattes postérieures tres différentes des précédentes, grèles, ayant le même nombre d'articles principaux , mais tout-à-fait dépourvues de tarse et de.crochets ; leur: dernier article tibial se lerminant par deux soies de moyenne longueur, et entre. celles-ci par un poil flexible et très fin surpassant en longueur celle de tout le corps de l’Acarien. Ce trait singulier dont je ne vois aucun exemple dans les figures publiées par Hermann, Dugès et d'autres auteurs, mais dont on trouye presque l’ana- logue dans les quatre pattes postériedres du sarcopte de la gale humaine, m'a fourni la dénomination de ce genre nouveau. Cette longue soie, à cause de sa finesse et de sa flexibilité, me parait propre, en s’enroulant aux poils barbus de l'Hyménop-
278 L. DUFOUR. — ÆCariens:
tere, à éviter une chute lorsque celui-ci a fait lâcher prise, aux crochets de FAcarien: Lorsque ce dernier marche sur le verre, cetté Soie est trainante. La pression la plus graduée , la plus ré- pétée du Trichodactyle, ne découvre au microscope qu'une fort petite saillie arrondie à la place de la bouche. Deux courtes soies raides terminent cette,saillie. Il n'existe aufuné trace de palpes. Cette forme de suçoir approche notre Acarien ducgenre Hypopus de Dugès;, dont, je vais faire connaître deux ia
4 Ja eme ronieruat PI. 8, AL CAPE 6: Hypope des Féronies.
«t
Filiptico” ovatus , glaber, nitidus , sublividus, pedibus p parce pilosis ; quatuor
posticis multo gracilioribus brevioribusque, tarsorum vesiéulà in anterioribas oliviformi in reliquis subulata. d
Hab. in Feroniæ parüm-punctatæ regione ventrali. Long. ? lin.
Il se tient en troupeaux serrés sous la tête. le corselet et l’ab- domen de ce carabique où on le prendrait, à cause de sa peti- tesse et de son immobilité , pour des grains d’une poussière lui- sante. Ici le rostre est un peu plus allongé que dans lespèce suivante. Le troisième article de la cuisse des pattes antérieures se termine par quatre soies assez longues, dont deux un peu plus courtes sont légèrement renflées en massue. Ce même ar- ticle.a quatre soies simples et moins prononcées aux pattes suivañtes. Les autres articles offrent chacun, à un fort grossis- sement, deux poils distans et très courts.
5° Hypopus sapromyzarum. PI. 8 , fig. 7. Hypope des Sapromyzes.
Ellipuico-rotundatus glaber, nitidus, sublividus ,pedibus parce pilosis , quatuor posticis nullo gracilioribus brevioribusque , tarsis quatuor posticis setiformibus haud vesiculosis.
Hab. im Sapromyzæ blephariptervides oculis coxisque. Long. lin.
On jugera de la petitesse de cet Acarien en apprenant que.j'en ai Compté Jusqu'à vingt-cinq sur un seul œil de cette muscide. Il faut un examen bién scrupuleux pour le-distinguer du pré-
L.. DUFOUR. — Æçariens. 279
cédent, dont il diffère par. une taille encore plus petite, une forme un peu plus arrondie, un rostre plus court. L'absence des poils en massue au bout des cuisses antérieures, et le défaut de vésicules tarsiennes aux quatre pattes postérieures.
Est-ce l’Æcarus muscarum Deg.?
Observations sur le genre Hypopus.
Lorsque Duges fonda, en 1834 , le genre Æypopus (1) pour VAcarus spinitarsus de Hermann (2), en y comprenant aussi, mais avec doute, l_4. muscarum de De Geer, il avait peu d’ob- servations de son propre fonds, puisqu'il nous dit lui-même qu'il n'avait eu à sa disposition qu’un seul individu du premier de ces Acariens. La découverte de nouvelles espèces doit néces-. sairement faire modifier l’expression du signalement générique, ét c'est ce qui m'a déterminé à me livrer à une révision de celui-ci.
CaarAcT. GEN. Palpi articulati omniré nulli; labium oblongum exsertum
sétis duabus rigidis'illo longioribus términatum ; corpus integrum carnoso
coriaceum convexwm ; pedes octo, breves; tarsi apice vesiculosi haud unguiculati.
Si j'en juge par la figure de lAcarus spinitarsus de Hermann. et par la courte description qu’il en donne, cet Acarien devra former dans le genre Hypopus une section particulière carac- térisée par la grosseur égale de toutes les pattes, tandis que celles-ci sont dissemblables dans les deux espèces que je viens de décrire." Ainsi ce que je vais dire sur les généralités du genre devra s'entendre de ces déux dernières.
Les traits les plus caractéristiques du genre Hypopus sont l'absence complète de palpes articulées et une bouche formée par un suçoir (ou lèvre } oblong, saillant , entier, terminé par
(1) Annales des Sciences naturelles , a° série, t. 11, p.37. (2) Mém, aptérol, p, 85, pl. 6, fig. 5.
280 L. DÜFOUR. —— Æcäriens.
deux ,soiëes raides‘inarticulées, plus longues que lui. Ce suçoir estiinséré au-dessous du bord'antérieur du test, et j'ai bien po: sitivement saisi, à diverses réprises, ses mouvemens dans Fa- nimal vivant. Celui-ci peut à son gré, ou le reployer sous ‘le ventre comme les Hémiptères, ou l'étendre horizontalement. Ainsi le suçoir est articulé à sa base. J'ai constaté aussi que ses soies terminales peuvent varier leur écartement respectif. Mais, quel qu’ait été le degré de pression auquel j'ai soumis cet Aca- rien, je n'ai jamais pu mettre en évidence que les pièces dont Je,vien5 de parler,
Les pattes sont insérées plus près de la ligne médiane que: du bord du.test; les quatre antérieures, dont la première paire est un-pen,plus grande que la seconde, sont beaucoup plus grosses que les qriatre. postérieures , et dirigées en avant. Lorsque l'A- carien est en repos où mort, elles sont réunies en,un-seul.fais- ceau si,serré, qu'à la simple loupe on! croirait, que. le: corps. se prolonge en avant en une longue-pointe, Elles secomposent de cinq pièces principales, non compris le tarse, savoir : 1°.une hanche courte; 2° une cuisse formée de deux articles égaux ; 3. un tibia brusquement fort, grèle, de deux articles allongés égaux ;.enfin le tarse.se termine par. une vésicule dépourvue d'ongles et précédée d'un très petit article. La forme et la gran- deur de cette vésicule varient et suivant les espèces" et suivant les pattes. Dans l’Hypope des Féronies, la vésicule des pattes antérieures est seule olivaire, tandis que celle des autres pattes se termine par une pointe subulée d'autant plus longue, que celles ci sont plus postérieures. Les quatre pattes postérieures sont d'une telle exiguité, qu’elles ne sauraient être constatées que dans l’animalcule vivant et marchant, car, lorsque celui-ci est mort et desséché, on croirait que ces pattes ont disparu. Elles ont, du reste, les mêmes articles constitutifs que les anté- rieures. Thbiefors. dans l'Æypope des Sapromyzes, les tarses de ces pattes m'ont paru dépourvus de vésicules et simplement terminés par une seule soie.
Le corps ou la carapace de nos Hypopes est uniformément convexe en dessus, plane ou concave en dessous. Jobserve, à ja hauteur de l'articulation de la seconde paire de pattes , une
EE —
L. DUFOUR, — Ætariens. 281
ligne transversale enfoncée, une trace de segmentation qui dé- limiterait un corselet.
Les Hypopes sont de très petits Acariens parasites des in- sectes. Is sont sociétaires, très serrés entre eux, immobiles et en quelque sorte collés sur les tégumens: Quand on les détache de ceux-ci, on voit qu'ils ont une démarche lente et fort embar- rassée, Il semble qu’un certain degré de fraicheur ou d'humidité soit pour eux une condition d'existence , et on ne les rencontre que sur les insectes qui vivent dans cette condition. Ainsi la Feronie, qui en est souvent encroûtée , se tient, comme on le sait, habituellement sous un abri pendant le jour. Il en est de même de l'Hister, qui avait fourni à Dugès l’Hypopus spinitarsus, et de la larve dont parle Hermann. Parmi les centaines d’indi- vidus de Sapromyze nés dans mes bocaux à larves fongivores, je n'ai rencontré des Hypopes que sur trois ou quatre d’entre eux , qui précisément naquirent de truffes en putréfaction qui demeurèrent dans;un état permanent d'humidité.
EXPLICATION DES FIGURES.
( Elles sont considérablement grossies. )
Prancex 8, Fig.xr. Pteroptus Lymosina, ig. 2. Sa bouche étalée. Fig. 3. Trichodactylus osmiæ. Fig. 4. Hypopus Feroniarum. Fig. 5. Une patte antérieure. Fig. 6. Une patte postérieure,
Fig. 7. Hypopus Sapromyzarum,
Fig.
28a FLOURENS. — Sur les membranes muqueuses.
RECHERCHES ANATOMIQUES sur la structure des membranes muqueuses , gastrique et intestinale,
Par M: FLOURENS.
(Lues à l'Académie des Sciences, le 27 mai 1839.)
J'ai fait voir, dans un précédent Mémoire, que la membrane muqueuse des lèvres, de k' bouche et dé l’œsophage, se com- pose detrois HaRiBrauté distinctes, le derme, le corps muqueux ét l’épiderme.
Avant moi, on n'avait guère étudié le corps muqueux que sur la langue ; je l'ai suivi sur les lèvres, sur les joues , dans l’œ- sophage. On supposait d’ailleurs, d'après Malpighi, que le corps muqueux de la langue était disposé en réseau; et j'ai montré qu'il forme, au contraire, une membrane continue. (1)
Quant à l'épiderme, on l’a signalé de bonne heure sur les lèvres, dans la cavité buccale, dans l’œsophage ; et même quel- ques anatomistes sont allés plus loin : ils ont cru le reconnaître Jusque dans l’estomac et dans les intestins. Mais cette dernière opinion de l'existence d’un épiderme dans l'estomac et dans les intestins a jamais été admise sans contradiction.
Ainsi, dés la fin du dix- -septième siècle, Glisson soutenait déjà que l’épiderme manquait dans les intestins, et qu'il y était remplacé par le mucus qui les lubrifie (2). Plus de cent ans après Glisson, Bichat niait de nouveau, et d’une manière presque aussi absolue que Glisson , l’épiderme de l'estomac et des intes- tins. « Dans l'estomac, dit-il, et dans les intestins, l'instrument
(«) Voy. Ann. des Sc. nat.t. vit, p.219, ett. 1x, p. 239.
(1) Mucus interiorem tunicam sua mucilaginea crusta oblinit, et eamdem , velut cuticulæ vicarius, à cruentatione tuetur. Etenim interior superficies hujus tunicæ caret cuticula...., et muco illo, loco cuticulæ, tegitur. Glisson : De ventriculo et intestinis.
BLOURENS, -— Sur les membranes muqueuses. 383
«le plus: délicat ne peut soulever l’épiderme ; jamais dans la « macération et dans l’ébullition de ces parties, je n’ai vu lé- «pidermese soulever à leur surface; j'ai extrait du ventre d'un «chien une portion d'intestin, et j'ai appliqué dessus un épis- «pastique; aucime pellicule ne s’est soulevée:.... D’après ces « considérations, cohtinuetl, il paraît que l’épiderrne n'existe «pas surces membranes müqueuses.....Du moins ne pourra- «t-ily-être admis qu'après un exafnen nouveau qui, je crois, «-prouverd plutôt contre que pour son existence. x (1) -#Béclard partage l’opinièh de Bichat. «Cette question, dit-il «(celle de l'existence: de lépiderme Sur les membranes mu: «quéuses de l'estomac et des intestins), ne peut guère être ré- « solue autrement qu’elle ne l'a été par Bichat, qui, ajoute-t-il, «penche beaucoup vers là négative. » (2)
Erifin Meckél, qui, comme Béclard, semble s'être imposé la tâche de soumettre à une nouvelle étude presque tous les grands travaux de Bichat, s’exprime, sur la question qui nous occupe, én térmes plus formels encore que Bichat lui-même. « Les épi- « Spastiques, dit-il, pendant la vie, et la macération après la « mort, sont impuissans pour démontrer l'existence d’un épi- « derme sur la! tunique villeuse de l'estomac et des intestins... «Il est donc fort douteux que cét épiderme existe, et que, « comme le pensent Haller et Bichat, son existence soïît attestée « par la sortie de membranes ayant la forme des canaux d’où «elles s'échappent, puisque la formation de ces membranes « peut trés bien s'expliquer autrement.» (3)
Ainsi Glisson , Bichat, Béclard , Meckel, nient l’épiderme dé l'estomac et des intestins ; mais, d’un autre côté, plusieurs ana-
(1) Bichat, Anat, génér. tom. 1v, p.47r. (2) Béclard. Motes sur Bichat.
(3) Comme là formation de toute fausse membrane : paï l'effet de l’inflammation. Meckel , Manuel d'anat. om: 1, p. 199. Les membranes rendues dans les phlegmasies des intestins ne sont aussi, aux yeux de Béclard, qué de simplés produits de l’inflammation : + L'analogie, « dit-il, doit les faire regarder comme des pseudo-membranes » ( Votes sur Bichat ). On ne pourra plus douter ; quaud on aura lu ce qui suit , que des mémbranes rendues dans les phleg- masies des intestins ne svient le véritable épiderme de ces membranes.
284 FLOURENS. — Sur les membranes muqueuses.
tomistes non moins célèbres l'admettent: Ruysch, Lieberkuhn, Haller, etc. »
Ruysch l’admet, et le nomme épithélium. 11 n’est pourtant pas sûr qu'il l’ait réellement séparé de la tunique villeuse des
intestins; car il se borne à dire qu'on voit les villosités de cette:
tunique sans avoir besoin d’ôter l’épithélium. (x)
Lieberkuhn est, à ce que je crois, le premier qui ait nette- ment vu l’épiderme des intestins ;, et peut-être même le seul de ces anciens anatomistes qui l'ait bien vu. Il dit qu’une mem- brane semblable à l’épiderme recouvre les villosités des intes- üins;et, ce qui est plus précis encore, :l dit que cette memm- brane se continue avec l’épiderme de l'estomac, de l'œsophage.
et de la bouche. (2)
Pour Haller, il admet, comme Lieberkuhn, l’épiderme de:
l'estomac et des intestins ; mais, ce qui Ôte beaucoup de poids à sop assertion, c'est qu'il semble confondre partout le véritable épiderme avec la tunique villeuse de ces parties. (3
Depuis Haller, plusieurs anatomistes habiles, nommément M. Dœllinger, ont vu l’'épiderme de l'estomac et des intestins ;
et même M. Dœllinger a fait, à cette occasion, la remarque très.
juste que les villosités de lintestin sont enveloppées. par cet
épiderme comme les doigts de la main le sont par les doigts.
d’un gant. (4)
(x) An prolabiis papillæ haud in conspectum veniunt , nisi epithelia priussit ablata; in in- testinis vero, instar villorum serici villosi surrectorum visui apparent, sine integumenti/aut epitheliæ ablatione. Ruysch. Thesaur. vrr. n° 40.
(2) Si pars inteslini , elata prius et aperla , immittatur in aquam, et sat diu intra hanc re linquatur vase clauso, membrana illa (epidermidi similis) secedit, et non adeo facilé putrescit, ac reliquam intestinum. Est quoque hæc membrana epidermidi continuata : nam. ...…. similis membrana cum hac cohærens, de interiore oris, æsophagi , ventriculi et intestinorum super- ficie secedit... .. Lieberkuhn : De fabrica et actione villorum intestinorum tenuium.
(3) Epidermis per os , et gulam , in ventriculum producta , demum in intestinum propaga— tur, eslque ejns tunica inlima...…. Etsi nunc villosa, mollior, obque villos alia prædita habitu, parum videtur de epidermidis habere natura, multas tamen et præcipuas ejus notas retinet, Ut enim amissa epidermis restituitur; ita plurima sunt exempla hominum, quibus late de ano membraua villosa decessit, qui iidem tamen sensim convaluerunt. Haller, Elem. physiol. tom. vi, p. 22.
(4) Obdueit villos tenuis epidermis vaginulas formans , quibus insunt sicuti-digiti manicæ, Deœllinger : De vasis sanguiferis quæ villis intestinorum tenuium hominis brutorumque insunt,
FLOURENS. —— Sur les membranes muqueuses. 285
De tous les anatomistes que je viens de citer, Lieberkuhn est donc le premier qui ait bien connu l'épiderme des muqueuses gastrique et intestinale. 11 est, de plus, le premier qui, pour détacher cet épiderme de la tunique villeuse, ait procédé d’une manière régulière, c’est-à-dire à l'aide d’une macératiôn bien conduite.
C’est aussi à l’aide d’une macération bien conduite, et con- duite même avec des précautions que n’ÿ avait pas apportées Lieberkuhn (1), que j'ai réussi à détacher l’épiderme de l'estomac et des intestins , et à Je détacher, non par fragmens, par lam- beaux, non par une sorte de bonne fortune et comme au ha- sard, mais par larges plaques, mais par lames entières et conti- nues, mais d’une manière sûre et constante.
J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de l'Académie deux portions d'intestin grèle qui présentent, dans toute leur éten- due , l'épiderme de la tunique villeuse , partout distinct et déta- ché de cette tunique.
Cet épiderme forme une membrane continue , fine, transpa- rente. La face externe est tout hérissée de petites sailliés; l’in- terne offre une foule de petits enfoncemens. Ces saïllies ex- ternes, ces enfoncemens internes, marquent les points de l’é- piderme qui répondent aux papilles du derme, et qui servetit de gaines à ces papilles,
Mais ce n'est pas seulement un épiderme, membrane propre et continue, qui se voit sur les deux pièces que je mets sous les yeux de l’Académie. On y voit aussi, et particulièrement sur la pièce n° 5, un véritable corps muqueux, interposé entre les papilles du derme et lépiderme, un peu plus épais que lépi- derme , et formant la première gaine des papilles du derme , dont FPépiderme ne forme que la seconde.
A l'épaisseur près, la lame du corps muqueux répète exacte- ment la lame de l'épiderme : tout hérissée, comme elle, dé pe-
(1) La premére de ces précautions est de purger entièrement, et par des moyens qu'une longue expérience a pu seule me donner , la membrane muqueuse de tout mucus, Mais je ferai
connaitre plus tard, dans tous ses détails, la méthode nouvelle de macération que j'emplote dans: ces travaux, par
286 ELOURENS. — Sur les membranes muqueuses.
tites saillies à: la face externe, et toute parsemée de petits len- foncemens à la face interne: |
Il faut pourtant ajouter que lorsque les gaines æ ce Corps muqueux restent attachées aux papilles du derme, celcorps formeun véritable réseau ; mais un réseau factice, un réseau qui, comme le fameux réseau de Malpighi où du corps mu- queux de la langue, ne dépend'que de l’adhérence: artificielle des gaines du corps muqueux aux papilles du dermes
Jai retrouvé cette même: structure, d’une, membrane mu- queuse composée de trois membranes superposées, le derme,ile corps muqueux et l'épiderme, sur l’estomac ; et je l’y>ai retrou- vée malgre la finesse extrême de la membrane muqueuse de cet organe.
On peut dire que les papilles, et particulièrement les Bapillés, d’ailleurs si remarquables, de l'intestin grèle , ne paraissent dans toute leur richesse et dans toute leur admirable régularit : que lorsqu’elles sont, comme on les voit ici sur la pièce n° 1 que je présente à l'Académie, dépouillées et du corps muqueux et de l'épiderme qui, dans l’état ordinaire, les masquent et les re- couvrent,
On peut dire, de plus, que ce n’est qu'alors qu'on s’assure bien de toute la généralité de ce fait déjà établi dans mes pré-
_cédens Mémoires, savoir, que les villosités ou papilles ne sont partout queides productions du derme, qu’elles tiennént!par- tout à ce derme, et que le corps muqueux et l’épidermetne font jamais que leur servir de gaines ou d'enveloppes. |
Un serond fait non moins important, et qui tire é8alemenit une nouvelle force de ces nouvelles recherches, c’est qué: le caractère général des membranes muqueusés ; même des mem- branes muqueuses les plus profondes, est d'offrir un dermere- couvert d’un corps muqueux et d’anépiderme, conrme le carac- tère général de la-peau est d’offrir:un derme recouvert derdetix épidermes.
Il est aisé de voir enfin que la structure mieux connue de, l'estomac et des intestins donne un secours nouveau à l'étude physiologique de ces organes. Il a toujours répugné à la phy- siologie, et cela malgré l. autorité des plus grands observateurs,
FLOURENS. — Sur les mémbranes muqueuses. 287
des Glisson, des Bichat, des Béclard, des Meckel, d'admettre que cette surface interne, cette surface papillaire de l'estomac et des:intestins, siège des fonctions les plus délicates et les plus actives de l’économie; et sur laquelle s'exerce l’action des sub: stancés les plus irritantes et les plus énergiques, fût'uné surface nue ; et dépouillée de tout autre moyen de prôtection que le simple mucus, plus ou moins abondant, et, pour ainsi dire , éventuel, qui la lubrifie.
‘Or, comme on.vient de voir, la surface interne et papillaire de lestomac et des intestins n’est point, en effet, une surface nue. Ellé est recouverte ‘de deux membranes continués et su- perposées ; par où elle rentre dans la loi générale et de la peau et des membranes muqueuses déjà étudiées dans mes précédens Mémoires: c’est-à-dire qu’étant soumise ; comme cétte peau et comme ces membranes, à l’action incessante des! corps exté- rieurs, elle est recouverte, comme elles, de dax lames RACE posées et protectrices.
OBSERVATIONS sur quelques Annelides marines,
Par M. F, Durarpin. Professeur à la Faculté des Sciences de Toulouse.
| : 1 s (262 ( Présentées à l'Académie des Sciences , le 24 septembre 1838.)
La classe des Annelides présente une diversité si grande dans les types qu’elle contient, que chaque espèce offrirait le plus souvent des caractères sufliéané pour P établissement d’un genre, si l'on voulait suivre les mêmes règles que dans les autres bran- ches de la zoologie.
L'organisation de ces animaux est encore si peu connue, en
288 DUJARDIN. — Æ{nnelides nouvelles: :: 1:
ce: qui tient principalement à la reproduction, que-de long- temps-on ne pourra donner une histoire complète des petites espèces qui fourmillent sur nos côtes. L’observateur devradonc, en attendant, se borner à signaler les particularités les plus frappantes de leur forme extérieure et de,.ce qu'il peut décou- vrir.de leurs organes intérieurs; mais il devra :se garder soi- gneusement.d’attacher trop d’ importance à des analogies: d’au- tant plus imparfaites , que les termes de comparaison sont plus éloignés dans la série des êtres de notre globe, bien plus encore, devra-t-il se garder de prendré pour des certitudes de pareilles analogies, et regarder par exemple comme des yeux les points noirs. qu'on observe en divers endroits des Annelides,, comme une tête la partie qui marche la premiere, ou comme un ovaire toute masse glanduleuse ou granuleuse dont on ne:verraitipas la signification. 9
Les quatre espèces d'Annelides que je, fais connaître ici me paraissent devoir intéresser les naturalistes ,en leur fournissant de nouveaux indices sur l’organisation de ces êtres en général, et en leur donnant des motifs rationnels de douter de la signi- fication trop absolue attribuée à certains organes.
$ L
La première espèce que j'ai observée en 1834 et 1835, dans la rade de Toulon sur'les fucus, et depuis encore sur les plantes marines des côtes de la Manche , m'avait frappé d’abord par sa singulière coloration et par la teinte verte bien prononcée de son sang ; aussi l’avais-je désignée dans mes notes sous le nom de Chloræma. Yavais bien vu ce sang vert circuler dans deux vaisseaux , l’un dorsal et l’autre ventral, qui le refoulent en se contractant, l'un d’arrière en avant, l’autre en sens inverse, et qui communiquent par de a vaisseaux transversesi L'observation bien plus détaillée, faite par M. Milne Edwards, d’autres Annelides à sang vert(1), a rappelé mon attention sur ce
(r) Voyez Annales(ges.Sciences naturellesz :2® série: Tom. x:p, #9
| | | | |
® DUARDIN. = ÆAnnelides nouvelles. 289 sujét, et m'a détérminé à donner à mon espèce lé nom de ChloFhit Édwardsic. “ÿ
Ce qui rend plus surprenante la couleur du sang du CAloræ- ra (1 E c’ést que tout son intestin est coloré en rouge brun, et que même une masse glanduleusé qui entoure pole vers son
, tiérs postérieur ‘est d'un rouge de mine- orange. Ce n’est point,
toûtefois, la couléur de son sang qui est la particularité la plus fsbatité dé Cet animal; c'est UE plutôt une sorté de toison dont il ést tout convert, et qui sé compose de filamens creux, flexiblés, renflés en massue à l'extrémité, et remplis d’une sub- stance charnüe transparente qui en fait autant de petites glandes pédicellées (2). Ces petits organes sécrètent une sorte de mucus dans lequel ils sont plongés et diversement infléchis, et quien- veldppe tout l’ânimal comme la substance muqueuse € des œufs deBâtraciens, de Lymnées et d'insectes aquatiques. Cette épaisse coùthé muqueuse sé trouve plus ou moins salie par la vase et par des corpuscules étrangers ; mais si on l’enléve et qu’ on etté dans de léäu de mer pure l'animal dénudé, on Ja voit réformée plus limpide au bout de dix à douze ge
Les filamens én massue possèdent une membrané bien Re tincté , et qu'on rétrouve même sur le Chloræma conservé dans ValéOGl mais la substance éharnue intérieure paraît trés déli- cate : 7 la voit bidn limpide et creusée de vacuoles ou lacunes vatiables durant la vie, ce qui la fait paraitre granuleuse «< si on là voit à un grôssiésemént moindre que 200 à 300 diamètres. Après 1 mort, éllé se contracté et devient réellement granu- léusé } ou plutôt coaguléé ,'ét} apres avoir séjournée RUES dans l'alcool, elle se trouve changée en .granules. En outre de ces filamens flexibles én massue, le” ‘Chloræma eh possède
titres également charnus et glanduleux, mais dont le pédicule est un péu plus fermé ; ils accompagnent les soies 'cloisénnéës défila téte’ér les $oïes à crochet des rames doôrsales, et se tér- ninént par un tentent éh forme dé bouteille bu ta gourde,
Cet amfimial, quise rapproche beaucoup du ASS DRonesome
(1) Planche 7, fig. 1. (4) Plançhe 7, fig. XI. Zoo, — Mai,
290 DUJARDIN. — Ænnelides nouvelles.
d'Otto, a, comme lui, la tête entourée de soies raides, et munie de deux sortes de tentacules : les uns plus gros, au nombre de deux, sont brunâtres comme l'intestin ; les autres plus minces, au nombre de dix de chaque côté, sont verts et munis de cils vibratiles ; ils forment de chaqne côté une houppe.contractile et susceptible de s’étaler en éventail. Leur position, leur mou- vement ciliaire et l’analogie de leur couleur avec celle des vais- seaux sanguins, montrent suffisamment que ce sont des bran: chies. L'intestin brun-rougeñtre est accompagné, près de la bouche, par deux vaisseaux en cul-de-sac également bruns, et qui pourraient être des organes salivaires. Sur son trajet, l'in- testin présente deux renflemens bien prononcés: le premier, au tiers antérieur , correspond. à ce que Cuvier compare à un gésier chez la Sabella alveolaris ; mais son aspect glanduleux le ferait plutôt regarder comme analogue au foie; le renflement postérieur, qui.est d’un rouge vif, sera peut-être, par de; nou- velles observations, démontré être un ovaire. |
Autour de l'intestin se trouve l’enveloppe lâche du corps, qui est verte comme les vaisseaux qu'on y aperçoit, et qui porte deux rangs de rames de chaque côté, au nombre de irente- quatre, savoir : des rames ventrales en forme de mamelon, soutenues par un faisceau de soies courtes qui ne font pas de saillie au: dehors, et des rames dorsales portant à-la-fois une soie à crochet très robuste, quatre à six soies plus minces cloison- nées, et autant de filamens glanduleux à tête lagéniforme. (1)
Les soies de la tête sont également cloisonnées, mais beau- coup plus fortes que celles du corps, et entremélées de filamens glanduleux. |
La longueur totale de ce ver peut aller jusqu’à un pouce ; s mais le plus souvent on le trouve long seulement de six à huit lignes; on le voit ramper sur les fucus, transportant son enve- loppe de mucus qui triple sa largeur , redressant sa tête et épa- nouissant ses jolis tentacules verts. Sa bouche, sans aucune sorte d’armure , est une simple fente dilatable, mais elle ne s’allonge pas comme celle dun Siphostome.
(x) Planche 7, fig. 3.
DUIARDIN. — _Ænnelides nouvelles. 291
$ IE.
Le second:et le troisième ver dont je veux parler auraient été autrefois rangés dans le genre Sabelle, dont ils possèdent une partie des caractères; mais leurs tentacules bien moins nom- breux et d’une seule espèce, obligent à les placer dans un autre geure : je proposerai donc de les nommer, au moins provisoi- rement, Sabellira , pour mieux indiquer leurs vraies analogies, et ce seront les Sabellina brachycera et Sabellina tenuis.
Celle-ci (la Sabellina tenuis) n’a que deux à trois lignes de lorigueur. Je l’ai trouvée fréquemment nageant dans les flacons où j'avais mis le produit du lavage d'une touffe de corallines pour étudier les Rhizopodes. Elle se meut dans le liquide, la queue la première, au moyen du mouvement vibratile des cils de ses tentacules, qu’elle tient alors repliés en arrière comme les branches d’un parapluie, et sans infléchir son corps d’aucune manière; mais au bout d’un certain temps, elle se cramponne aux, parois du flacon, et , désormais immobile, elle épanouit ses téntacules:et s’en sert pour déterminer dans le liquide des cou- rans qui amènent la nourriture à sa bouche.
* Ellerse, compose de vingt-huit anneaux pourvus chacun de deux-rames ‘lorsales armées de soies lancéolées un peu courbes, aumnombre de trois à quatre. Sur les anneaux de chaque côté, vérs la face ventrale ; se trouve aussi une rangée de ‘sept à dix crochets à deux pointes . engagés dans la peau, avec des soies courtes par-dessous, Cest dunc l'équivalent de ce qu’on voit chez les Serpules et chez les Sabelles.
L'intestin, qui occupe l'axe du corps, présente un renflement considérable à chaque anneau ; il est accompagné de chaque côté par un vaisseau transparent qui se contracte d’arrière en avant , en même temps que lintestin tout entier se contracte aussi, successivement dans chaque anneau.
La tête porte seulement dix tentacüles filiformes munis de cils vibratiles, et dont la longueur est égale à la moitié du corps. À la base de ces tentacules, on voit quatre points noirs, et à
202 DUIARDIN. — Ænnelides nouselles.
l'extrémité postérieure, on en voit quatre autres qu'on pourrait considérer comme des yeux, ainsi que la fait M. Ebrenberg pour la Sabelle qu'il nomnie Zmphicora , si la couleur de ces points était une raison suffisante, ce que je suis loin de vou- loir admettre , et ce que contredit surtout la multiplicité de ces points chez diverses Annelides. Ainsi, de ce qu'onaccorderait quatre yeux à l’Amplhicora, 1l faudrait en accorder huit à notre Sabelline, et en accorder un bien plus grand nombre encore aux deux Annelides dont il me reste à parler.
J'ajouterai encore, pour cette espèce, que la vase réunie au: tour d’elle après quelque temps de séjour sur un même point ; lui formait une sorte de tube très léger , et que vraisemblable- ment, dans son lieu d'habitation, elle se formait ainsi un tube. Le nombre de ses anneaux et la perfection de ses appendices cornés m'a empêché de la considérer comme un très jeune in: dividu; d’une espèce plus volumineuse. L’opacité des tégumens et de la masse intérieure ne m'ont point laissé voir les cœurs que M. Ehrenberg annonce avoir vus dans son Æmphicora ; mais je n'ai jamais vu de tels renflemens chez d’autres Anne- lides plus transparéntes. Je ne crois donc pas qu'il puisse | être question ici d’une duplicité d'organes non plus que d'un: rar appareil de vision. Juifs aéri
L'autre Sabelline( 1) est longue de six à sept lignes,et donnerait peut-être lieu à cette supposition d’une duplicité d'organes, sb l'on s’arrétait à considérer le renflement de sa partie postérieure, les tentacules tronqués dont elle paraît munie; et surtout !le mouvement vibratile des cils qu'en y observe; mais, sans parler des insectes qui ont à la partie postérieure des appendices plus ou moins semblables à ceux de la tête, nous savons que la Vaës digitata porte son appareil respiratoire en arrière, et personne encore n'a songé à lui donner une tête en arrière et une tête en avant.
La Sabellina brachycera est remarquable par l'élargissement de sa tête, qui présente sur une lame avancée en chaperon douze, à quinze points noirs de chaque côté, lesquels points
/
DUFSARDIN. — Annelides nouvelles. 293
noirs on ne peut considérer comme des yeux non plus que ceux de l'espèce précédenite.
Au-dessus de ce chaperon, se trouvent disposés en couronne huit tentacules proportionnellement très courts et munis de cils vibraüles. La bouche est"grande, froncée, et correspond à un mtestin qui offre deux’ renflemens charnus comme celui du Chioræma ; en arrière, se trouvent plusieurs plis intérieurs qui semblent mdiquer que l'intestin ne se termine pas aussi simple- ment:que dans les autres espèces. Le corps présente trente à trénte-six anneaux munis chacun, comme dans Pespèce précé- dente: d’une rame portant un faisceau de soies, et d'une rangée de crochets de chaque côté; mais sous les crochets, je n'ai pas vude soies courtes indiquant une rame ventrale, et les soies effilées dé la rame dorsale ne sont pas lancéolées ; les deux ou tois derniers anneaux sont beaucoup plus grands que les pré- cédens, et leurs rames, dépourvues de soie, se sont allongées comme des tentacules tronqués. À Pextrémité postérieure , on remarque un mouvement de cils vibratiles comme autour du chaperon. Cette espèce et la précédente ont été prises à Toulon.
$ LIL.
La dernière espèce que j'ai à mentionner est une Naïs de la Méditerranée, appartenant au même groupe que la Mais digi- tata , en raison des tentacules respiratoires et garnis de cils vi- bratiles dont sa partie postérieure est munie (1). Mais au lieu de mériter, comme la Naës digitata, le surnom de Cæca que lui
. donna Müller , elle pourrait être nommée Argus, si l’on voulait
prendre pour des yeux les points noirs dont elle est ornée. En effet, non-seulement elle présente en avant deux points noirs à la place ordinaire des yeux chez les autres animanx, mais en- core on compte tout le long de son dos cinquante-quatre points noirs formant une double rangée.Ces pointssont assez réguliers, mais entre eux il y a des taches brünätrés oblongues, et sou- vent même une bande verdätre, qui me l'ont fait nommer Naës picta , en attendant qu'un travail général sur les Nais permette
(1). Planche 3, fig, 9
294 DUJARDIN. —. {nnelides nouvelles,
d'établir dans ce groupe d'animaux des genres bien caractérisés.
La Mais picta présente en avant un prolongement frontalet dépassant deux autres tubercules appartenant à la lèvre infé- rieure , de sorte que la bouche est au fond d’une cavité triangu- laire, Le nombre des anneaux est dè deux cent soixante au moins, mais ce n’est que de dix en dix qu'on observe les fais- ceaux de soies qui donnent à ce ver le caractère des Naïs; ces soies sont effilées comme celles de la Vaës proboscidea, et non ” en crochets comme celles de la vermicularis. C’est au milieu de l'intervalle de deux faisceaux consécutifs que se trouvent les points noirs; quant aux taches brunes, elles sont situées, soit plus près du dos, soit sur les côtés. |
Les tentacules de l'extrémité postérieure sont inégaux et ré- tractiles; le plus grand correspond à la ligne dorsale: De chaque côté, il s’en trouve nn presque aussi grand, et vers le bas ils sont deux ou trois fois plus petits. J’en ai compté neuf dans-des individus blanchâtres simplement ponctués ; d’autres individus plus tachetés et portant des bandes vertes plus prononcées, m'en ont montré quatorze : si leur nombre n’est pas variable comme je le crois, il se pourrait donc qu'il y eût là deux es- pèces voisines. En outre du mouvement des cils à Ja partie pos- térieure, on voit un mouvement semblable à la tête et dans l'intérieur du corps, ce qui d’ailleurs s'observe aussi chez cer: taines-Naïs. Sa longueur est de huit à dix lignes, et son diamètre d’une demi-ligne,
EXPLICATION DE LA PLANCHE 7.
Fig. 1. Chloræma Edwardsi Duj., grossi 8 fois. Fig. 2. Tentacule et soies de l'extrémité antérieure du corps, grossies 60 fois. Fig. 3. Une des pattes, grossies 60 fois: —", rame dorsale avec ses saillies saillantés ; L= D. rame ventrale avec les soies rétractées, Fig. 4. Glandes pédicellées , grossies”40 fois. Fig. 5, Une des mêmes glandes, grossies 300 fois. Fig. 6. Sabellina brachycera Dui., grossie 72 fois. Lig. 7. L'un, des tentacules, grossi davantage. Fig. 8. L'une des pattes : — a, rame dorsale; — À. rame ventrale. Fig. 9. Mais picta Duij. , grossie. Fig. 10. Extrémité antérieure du même , grossie davantage, Fig. 11. Extrémité postérieure , vue eu dessus. Fig. 12, Extrémité postérieure, vue de côté, me
BOUCHARD-CHANTÉREAUX. — Sur les mœurs des Mollusques. 205:
OBsERVATIONS sur les mœurs de divers Mollusques terrestres et fluviatiles observés dans le département du Pas-de-Calais,
Par M. BoucHARD-CHANTEREAUX. (1)
Les Limarces, comme chacun sait, sont des animaux semi- nocturnes qui ne sortent ordinairement de leur retraite, le plus souvent établie dans un lieu environné de substances propres à leur nourriture, que lorsque le soleil est sur son déclin, ou que ses rayons sont interceptés par un temps nuageux ou pluvieux ;. on, les voit alors ramper aux environs de leur demeure, de la- quelle ils ne s’éloignent que rarement, et où ils retournent aus- sitôt que les rayons solaires commencent à les incommoder.
Les habitudes des autres Limacinées ne différent de celles des Limaces qu’en ce qu’ils n’ont point, comme la, plupart de celles-ci, de demeures habituelles, et que, pour s’abriter des. chaleurs diurnes, ils se cachent sous les corps qui les environ nent, ou ferment leur coquille au moyen d’un épiphragme vitreux qui les fixe en même temps aux tiges des plantes her- bacées sur lesquelles ils vivent, Tous ont le corps couvert de rugosités plus ou moins prononcées et séparées par des petits sillons proportionnés à celles-ci, qui servent à répandre sur toute la surface du corps l'humeur visqueuse produite par les pores de la peau , qui la lubrifie, et sert à la reptation de ces Mollusques. En effet, ces animaux ne peuvent avancer qu’en expulsant une partie de cette humeur dont ils laissent sur le sol, après leur pas- sage, une couche d'autant plus épaisse, que le plan sur lequel ils rampent est humide, sec on absorbant. Une trop grande trans- sudation de ce mucus les affaiblit considérablement; mais ils
(r) Ces observations sont extraites du Catalogue des Mollusques terrestres et fluviatiles du. département du Pas-de-Calais, publié récemment à Boulogne-sur-Mer par M. Bouchard. Chantereaux.
296 BOUCHARD-CHANTEREAUX. — Sur, les mœurs des Mo/lusques.
n'ont recours à ce moyen , le seul qui soit en leur pouvoir pour se défendre ,' que lorsqu'ils courent quelque danger , soit atta- qués par d’autres animaux qui en font leur nourriture, soit lorsqu'ils sont surpris par les rayons trop brülans du soleil, ou encore lorsqu ils se sont avénturés sur ün sol trop absorbant. Dans les deux premiers cas, l'animal transsude de toutes les parties de sa peau un mucus qui devient, au fur et à mesure que celui-ci s’épuise; de: plus en plus épais ét opaque, et qui à sa mort forme une couche qui a quelquefois plus d’une ligne d'épaisseur recouvrant toute sa surface. Dans le dernier de ces cas l'individu rampe tant qu fl peut produire le nucus néces- saire à cet acte ; mais coinnie 1e plan sur lequel il se trouvé , en absorbant plus’ vite l'humidité dé cette matière, èn nécessite uné plus grande quantité que celle qu'il peut 'sécréter , il fait des efforts superflus ; sa peau Se dessèche, il perd ses forces et ineurt. C’est aïnsi qu'on’ er trouve souvent de desséchés sur les murs plâtrés et badigeonnés des habitations champêtres. r Les jardiniers, dont ces Mollusques causent souvent le déses- poir én détruisant dans uné séule nuit leurs plus chères espé- rances } leur font uñe guérre continuelle. Quelques-uns d’entre eux ayant rémarqué que leur reptation nécessite un sl résis- tatit, couvrent vers le soir, d’une couché de paille très fine- ment hachée, les plantes déjà endommagées , et les environs dés'retraités de ces Mollusques que l'on reconnait aux traces laissées à leur passage, par lé mucus qui, en se détachant, de- sient friablé et’ brillant. Cétte paille hachée, en SABRE À leur plan locomoteur, les’ éempéche dé ramper , les chatouille , et provoque chez eux üne plus grande transsudation de mucus, dont ils ne peuvent se débarrasser, ce qui les en empêtre da- vantage; en sorte que si le jardinier ne lés trouve pas morts à son arrivée le matin , il peut au moins les achever facilement. A l’époque du rut, et surtout pendant leur accouplemént, les Fimacinés transsudént encore béaucoup plus de mucus que d'ordinaire; aussi, lorsque cet acte est terminé, paraissent-ils très affaiblis, et pour récupérer les pertes qu'ils viennent de faire, dévorent-ils avec avidité la première nourriture ‘qu'ils rencontrent. ! | " |
BOUCHARD=GHANTEREAUX. — Sur les mœurs des Mollusques: 397
Outre le mucus, ordinaire que transsude la peau de ces Mol- lisques, les Arions en produisent un autre par le sinus aveugle de l'extrémité postérieure de leur corps; celui-ci est constam- ment très épais, et jouit d'une toute autre propriété que celui expulsé par la péau.. A l'époque du rut, il est aussi plus abon- dant qu’à toute autnélépoque; il forme au-dessus du sinus un globule qui, chez les grosses espèces de ce genre, atteint quel- quefois dix millimètres de diamètre. Lorsque deux individus'se rencontrent, Fun d'eux, se dirigeant aussitôt vers l'extrémité postérieure de l’autre, qui continue à ramper, lui pose, en l’atteignant ; sa tête sur la queue, et, tout en suivant la même direction , mange très lentement le mucus que:celle-ei produit, jusqu'à ce que le premier se retournant (ce qui demande ordi- nairement environ deux heures.) , vienne caresser le côté droit de la tète du second; alors ce dernier , abandonnant le sinus, lui rend lés mêmes caresses; ils continuent ainsi à se caresser mutuellement la bouche et l’orifice des organes de la génération pendantenviron trente à quarante minutes; alors cet orifice se dilatapt, laisse voir le tubercule commun de es organesi} un rapprochement plus intime a lieu, et l’accouplement:s’opère:
Chez les Limaces, les préludes de laccouplementse/bornent à des caresses que se font mutuellement avec la’bouche deux individus qui se rencontrent, et qui sont disposés à cet acte. Lsitournent d’abord autour l’un de lautre-en se caressant les diverses parties du corps; puis, resserrant lé cercle qu’ils for- went, ils se caréssent principalement la tête et l’orifice, ou les eavirons de lonifice des organes de la génération ; péndant ces. diverses ; caresses, qui ne durent quelquefois qu'un quart d'heure ;, leur organe excitateur test toujours développé, et ce nest que lorsque la base de ces organes se trouve en contact, que les autres organes| se développent et s’entrelacent ; mais celara lieu ayec nne rapidité telle, qu'iliest impossible d'en saisir le xaéçanisme,
Je fus un jour témoin d’un mouvement de colère très pro- noncé, chez. une Limace agreste, qui avait des dispositions à saccoupler, et qui, én rencontrant une autre qui n'en avait pas, lu fit , pendant à-»eu-prèssune demi-heure , les caresses
298 BOUCHARD-CHANTEREAUX. — Our les mœurs des Mollusques.
qui précédent ordinairement cet acte, sans que celle-ci les lui rendit : fatiguéé sans doute de la caresser inutilément , elle fit un mouvement de tête très précipité et la mordit au muflé s puis s’éloigna d’elle. |
J'ai observé, depuis unétdizaine d’années, plus de deux cerits accouplemens dans les diverses espèces d'Hélices de notre pays, et je ne les ai jamais vu se lancer le dard vénérien; je Paï ce- pendant trouvé quelquefois, soit entré plus ou moins profoii- dément dans l’un des côtés du pied de nos Helix aspersa , ne- moralis et hortensis , soit seulement collé au moyen d’une hu- meur visqueuse, hyaline et incolore qui l’entourait. Loin de penser que ces animaux en produisent un nouveau à chaque accouplement, comme le disent quelques auteurs, je crois que ce dard n’existe que chez les individus qui effectuent l'accouple: ment pour la première fois; et qu'il est chez'eux un signe de virginité, où enfin que cet organe-est destiné à quelque autre usage, J'ai vu renouveler plusieurs fois cet acte par dés Hélicés que je conservais chez moi et que j'observais avee la plus grande attention, mais je n’ai jamais pu apercevoir ce dard, quoique je misse tous mes soins à observer ces Hélices chaque fois même où elles procédaient aux préludes de leur accouplement.”
Desirant vivement, enfin , m'assurer de ce fait, je me procu- rai des Hélices au moment a leur hibernation , étant persuadé qu'ainsi j'observerais leur premier accouplement de l’année. Au printemps suivant, en effet, j'observai de nouveau plusieurs fois cet acte et ses préludes, et ne vis pas l'ombre de dard vé- nérien : donc, le plus ordinairement, l’accouplement a lieu sans qu'il figure dans ses préludes, qui, du reste; sont à-peu-
prés les mêmes que ceux dés Limaces, et dont ils ne different
qu'en ce que les Hélices , comine la plupart des autres Limacinés qui les suivent, arrivées en face lune de l’autre, relèvent en- viron la moitié de leur plan locomoteur , et, les appliquant lun contre l’autre, se mordent pendant environ un quart d’heure mutuellement la tête ; à chaque morsure , individu qui la re- çoit rentre ses tentacules et les développe quelques secondes aprés : quand la morsure est par trop forte, ils se séparent quelques instans , se recherchent et reprennent leur première
BOUCHARD-CHANTEREAUX. — Sur les mœurs des Mollusques. 299
position. Enfin, pendant ce temps, les organes de la génération se sont développés ; les deux individus se séparént, et, rappro- chant chacun leur côté droit, effectuent l’accouplement. La réunicn des organes nécessaires à cet acte n’a pas lieu de la même manière chez tous les Limacinés , et la forme de ces or- ganes varie dans plusieurs genres.
Les Limaces possèdent un organe que l’on ne retrouve plus dans les autres genres qui les suivent : c’est l'organe excitateur dont je veux parler , que quelques auteurs ont improprement nommé verge, puisqu'il ne participe pas à la copulation , et ne sert, comme son nom l'indique, qu’à provoquer cet acte. Il est pyriforme, strié longitudinalement, et varie de couleur, même chez les individus appartenant à la même espèce; il est tantôt blanc, gris ou brun-clair : il est fendu longitudinalement à la partie inférieure de sa jonction avec le corps, pour donner passage aux organes des deux sexes. Lorsque les deux individus ont assez approché leur côté droit l’un de l’autre, ils relèvent chacun cet organe de manière à ce que leur base, qui alors est passablement gonflée, se touche; ils s’élancent, et entrelacent en un clin-d'œil leurs organes génitaux, qui forment une masse arrondie d'un blanc bleuâtre, qui seule sépare les deux indi- vidus, sur le côté desquels on voit encore la pointe de l'organe excitateur , placée verticalement, et sur laquelle on distingue un trémoussement précipité, Leur manteau, très contracté en ar- rière, laisse voir au travers de la peau du cou un mouvement ondulatoire ; ils paraissent souffrir ; lèurs tentacules sont ré- tractés ; ils allongent la tête ét ouvrent la bouche éomme s'ils voulaient mordre, retirent leur tête sous le manteau, l’allongent de nouveau, êt recommencent ainsi pendant environ une demi- heure ; puis, paraissant affaissés, ils rétirént définitivement leur tête sous le manteau, jusqu'à ce que cet acte soit terminé. Alors les deux ei se séparent , et ne font rentrer que très léntément le tubércule, encore gonflé, qui sert de base aux organes des deux sexes , et sur lequel on voit l’orifice de chacun placé verticalement, celui de la verge au-dessus de celui de l’o- viducte : souverit chaque animal Zèche ce tubercule jusqu’à ce qu'il soit entièrement rentré.
300 BOUCHARD-GHANTEREAUX. — Sur les mœurs des Mollusques:
Les mêmes organes m'ont paru plus simples chez les Hélices. D'abord, comme je l'ai dit plus haut ; privés d’organe excita- teur, eux-mêmes en font. les fonctions, étant développés: pen- dant les préludes de leur accouplement, et beaucoup plusigon- flés alors que durant cet acte, quifait aussi disparaître comple- tement le tubercule commun. Ce tubercule en porte un autre un, peu plus petit à sa partie antérieure, au centre duquel est l'ouverture de l'oviducte ; et à sa partie postérieure;ttout-à côté
du précédent, un autre tubercule trois fois plus petit, que lui,
qui sert de base à la verge, et dans lequel elle,se-rétracte; celle-ci est tout-à-fait cylindrique chez certaines espèces , et chez d’autres, porte à son extrémité un retiflement «plus ou moins plissé, en forme de fer de lance-ou de harponk L'accou- plement de ces derniers dure beaucoup plus long-temps que celui des autres. Enfin, quand deux individus sont disposés, à effectuer cet acte, ils n’ont qu'à introduire mutuellement leur verge dans l’oviducte, et ne se lancent point cet appareil comme le font.les Limaces.
Les Ambrettes offrent une différence dans la position de ces organes, qui, du reste, sont, semblables à ceux des Hélices : c’est que la verge , aussi renflée à son extrémité , est, sitiée au- dessous de l'ouverture de l’oviducte , ce qui force , lors-de l'aë- couplement, l’un des deux individus à décrire une demi-révo- lution. Pendant la copulation, le cœur de ces Mollusques don: uait cinquante à soixante pulsatious à la minute. … :
Plusieurs accouplemens ont toujours lieu avant. la ponte chez les mêmes individus, et c'est à-peu-près. douze ou: quinze jours après!le, premier qu'elle s'effectue ; alors , le plus: ordinai- rement, les Limacinés choisissent les lieux couverts et-humides, et y creusent des trous en terre ; ces trous sont toujours. d'une profondeur proportionnée à la longueur de la partie antérieure du. corps de l'animal : si celui-ci, estune Hélice, sa coquille reste le. plus souvent à la surface du. sol; les Arions et les Limaces pénètrent entièrement dans ceux qu'ils creusent, et les petites espèces de Bulimes, de Clausilies et de Maillots, y font.entrer les deux tiers antérieurs de leur coquille; puis creusent, une petite galerie latérale, arrondie et propoxtionnée à la masse
BOUCHARDIGHANTEREAUX. — Svsr les mœurs des Mollusques. 301
d'œufs qu'elle doit contenir, mais qui'ne la remplit jamais. Pendant toute la durée de la ponte; l'animal ne bougé pas : les Arionset les Limates ont le corps complètement ramassé ; lear manteau est: contracté et retiré en arrière comme pendant l’accouplement, et leurs tentacules sont tout-à-fait rétractés. Les Hélices et antres Fimacinés ont aussi leurs tentacules rétractés, mais la partie antérieure de leur corps est considérablement allongée. L'œuf paraissant à lorifice des organes génitaux, met urie à trois minutes à en sortir, et l'intervalle entre l'expulsion de chaque œuf est de quatre à quinze minutes , et quelquefois plus; dans les petites espèces. La ponte une fois terminée, Panimalse- retire | et remplit de terre le trou qu’occupait son corps, puis l'abandonne pour ne plus y revenir : il paraît épui- sé, sa peau'est aride , et ce qui est surtout remarquable chez les Fimaces, c’est que leur corps est diminué de plus de la moi- tié” La durée de la ponte, qui'a quelquefois lieu à deux ou trois reprises, ‘varie: de vingt à Des heures, et son produit varie aussiisuivant les espèces) mais n’est jamais moindre de dix à quinzé œufs, comme dans les Clausilies et les Maillots, et ne dépasse guère cent à cerit dix, comme dans l’Arion des Char- latans et l’Helix aspersa! I offre ceperidant ane exception en faveur. de la Dimace agreste, qui multiplie considérablement ,
etdont la ponte s'élève quelquefois à près de deux cénts œufs déposés en’ six ou huît réprises, à des intervalles dé trois se- maines à un mois, mais à chacune desquelles un nouvel accou- plement-aw moins est nécessairé ; én'$orte que sa ponte se con- tinie perrdantitoute la belle saison , tandis que les autres Lima- cinés ; dans le mêmetemps, rie font qu'une seule ponte qui, comme je l'ai déjà dit / a quélquefois lieu en deux ou trois re- prises, qui ne: demandent pas plus de trois ou quatré jours,
sans ‘accouplement nouveau , et dont la première contient tou- jours'awmoins les six huitièmes de la totalité des œufs compo- sant leur ponte. Tous les individus appartenant à une même espèce, n'ayant pas la même taille, et tous multipliant avant d'avoir atteint leur dernier’ degré d'accroissement , leurs œufs serressentent de cêtte différence, et sont proportionnés à leur Wille ; mais ceux pondus par ufi individu ne diffèrent pas sen-
302 BOUCHARD-CHANTEREAUX. — Sur les mœurs des Mollusques.
siblement entre eux. Il n’en est pas de même quand l’on com- pare ceux de certaines espèces entre elles : souvent on remarque une disproportion très prononcée entre les animaux et leurs œufs : ainsi ceux de l’Æelix Carthusiana n'ont qu'un millimètre et demi de diamètre, tandis que ceux de l’Helix hortensis , qu’elle égale en grosseur, en ont environ trois, et que ceux de l’Helix carthusianella , moitié plus petite que ces.deux espèces, ont un diamètre d’un millimètre un quart. Cette disproportion est encore bien plus sensible quand l’on compare ensuite les animaux des espèces citées avec ceux des: C/ausilia bidens , rugosa et Pupa fragilis, qui sont au moins vingt fois plus petits, et dont les œufs sont à-peu-près aussi gros. Tons ces œufs con- servent après leur éclosion la forme et la grosseur qu'ils ont au sortir de l’oviducte; mais il est impossible qu'ils aient.cette grosseur dans l'intérieur du corps de ceux qui les produisent, puisque , la ponte terminée, la masse qu’ils forment est souvent plus grosse que l'individu qui la pondu ; il faut nécessairement que ces œufs atteignent ce volume dans le trajet qu'ils font de l'ovaire à leur sortie, grossissement très rapide, sans doute , puisque l'intervalle le plus long que j'aie observé entre: la ponte de chaque œuf est de douze à quinze minutes.
Les œufs des Limaces, ordinairement ovales, rarement globu- leux, sunt ou réunisen chapelet par un prolongement de leur'en- veloppe externe; ou isolés, mais toujours transparens : ceux.des Arions sont toujours ovales, isolés et opaques; enfin ceux des autres Limacinés, aussi toujours isolés, sont ovales ou arrondis et plus ou moinsopaques. J'airemarqué chez cesderniers que l’en- veloppe externe de leurs œufs est d'autant pluscalcairesou créta- cée , que la coquille de l'individu qui les a pondusest épaisse ou solide : ainsi, les coquilles des Helix pomatia , a‘persa et nemo- ralis, étant de nos localités les espèces les plus épaisses , l’en- veloppe externe de leurs œufs est aussi bien plus calcaire que celle de ceux des Æelix carthusiana et revelata ; dont les co- quilles sont fort minces, et les enveloppes externes de leurs œufs entièrement mucoso-cornées et translucides. :
Ces œufs, comme ceux des oiseaux , sont composés des par- ties suivantes : 1° d’une coque ou enveloppe extérieure, calcaire
50UCHABRD-CHANTEREAUX.— Sur les mœurs des Mollusques. 203
ou crétacée et opaque , ou mucoso-cornée plus ou moins trans: parente ; 2° de la membrane de la coque très mince, et tout-à- fait hyaline; 3°. d’un albumen très limpide; 4° d'un vitellus et d’une cicatricule grisâätre et arrondie, que l’on n’aperçoit qu'avec le secours d’une bonne loupe. Le jaune ou vitellus, ayant une ‘apparence albumineuse, se distingue difficilement de l’albumen proprement dit, étant transparent comme lui, et seulement un peu plus épais; mais aussitôt que l'on plonge un de ces œufs dens l'alcool, il devient tres visible, étant alors entièrement opaque , tandis que l’albumen conserve sa transparence.
. Bien que ces Mollusques recherchent ordinairement les lieux humides pour y déposer leurs œufs, ceux-ci peuvent supporter les sécheresses les plus prolongées , sans qu’elles nuisent en aucune manière à leur vitalité, qu’ils conservent, quoique en- tièrement. desséchés, très long-temps; elles ne retardent. que leur éclosion. J'ai conservé pendant plusieurs années des œufs de la plupart des Limacinés de notre pays: ils étaient tellement desséchés, que leur; forme globuleuse ou ovoïde, entièrement disparue, était réduite à une simple peau friable entre les doigts; une heure d'humidité leur suffisait cependant pour qu'ils re- prissent leur forme et leur élasticité primitives ; et:si, par une nouvelle, dessiccation , je n’arrêtais pas le développement de l'embryon, l'époque arrivée, ils éclosaient comme ceux sur lesquels je n’avais point fait de semblable expérience.
Les variations atmosphériques influent considérablement sur letemps à parcourir entre la ponte de ces œufs et leur éclosion; en,sorte que des œufs pondus dans les mois de mai ou juin éclo- ront du quinze au vingtième jour de leur ponte ; tandis que d’autres, pondus par un individu de la même espèce, en octobre ouen novembre, mettront deux ou trois fois autant de temps à subir la méme opération. Il en est de même pour la croissance des jeunes individus qui , nés dans la saison des chaleurs, croi- tront bien plus rapidement que ceux nés en décembre ou jan- vier, qui ordinairement restent stationnaires pendant deux ou trois mois ; étant éngourdis en terre, où ils passent tout l'hiver. Les petits, au sortir de l'œuf, ont déjà toutes les formes qu'ils doivent conserver, et si leur mère est recouverte d’une coquille,
30/4 BOUCHARD-CHANTEREAUX. — Sur les mœurs Ges Mollusques.
celte pièce existe aussi, mais n’a pas alors la forme turbinée ; si elle appartient à cette famille, elle est discoide et ne recouvre pas encore entièrement l'animal; sa tète et une partié du cou restent encore à couvrir; ce n’est qu'environ vingt-quatre heures après son éclosion que le petit animal passe ordinairement en repos, et que les bords du manteau, dépassant la coquille, forment, par leur transsudation , la partie nécessaire pour l’a- briter entièrement. Cette petite coquille, qui n'avait, au sortir de l'œuf, qu'environ un tour de spire, en à alors un et quart à un et demi ; elle est toujours, n'importe la couleur de Pespèce à laquelle elle appartient, plus ou moins cornée et transparetite ; et lorsqu'elle provient d'espèce hispide , elle est déjà éouverte d'un grand nombre de petits poils raides et roux, et d'autant plus forts qu'ilsapprochent de son péristome. Leur croissance ensuite dépend ae 7 du plus où moïns d’abondance de nourriture qu'ils ont à leur disposition : ils atteignent cepen- dant leur dernier degré d’accroissement vers la fini de leur pre- wière année , où dans le premier mois de la sèconde ; mais tous sé reproduisent avant d'avoir atternt ce terme.
Les Trachélipodes aquatiques suintént aussi par les pores de leur peau:une humeur visqueuse(r) qui, à la vérité, est beau- coup moins épaisse et abondante que chéz les Timacinés, n'ayant point à craindre comme.eux l’influeñte des âgens ex- térienrs, mais qui est indispensable à leur reptation, ‘et surtout à celle que:certains d’entre eux éxécatént x la sürface de l'eau, le corps renversé. Ces derniers, c’est-à-dire les Timnées, Pla- norbes et Physes, jouissent aussi d’un autré mode de locomo- tion qui leur est! propre : ils peuvent, à volonté, s'élever ou descendre au milieu de l’élément où ils vivent , at moyen dé Fair contenu'dans leur cavité respiratrice, qu’ils dilatent, com- priment owrejettent, suivant l'un dé'cés modes qu'ils vetilént
À i (ILE ED
(r) Jene pis résister au désir de témoigner MEnouvéau ict toute mon admiration pour La précieuse découverte de M; Charles Des Moulins , de Bordeaux, qui m'a permis d’avoir côn- stammentchez oi depuis six añs presque toutes les espèces de Mollusques fluviatiles de-notré pays, et sans laquelle la plupart des faits relatés dans .ee catalogue me seraient encore’ in-
conius, né pensant pas qu'il soit pers de les’ observer dans les lieux où vivent ordinaire» |
ment ces animaæix! : |
BOUCHARD-CHANTEREAUX. — Sur les mœurs des Mollusques. 305
employer. Lorsqu'ils descendent avec rapidité, on voit très dis- tinctement les bulles d’air s'échapper de cette cavité.
L'organisation de ces Mollusques est déjà trop connue pour que je m'en occupe ici; je réparerai seulement deux erreurs commises par Tréviranus. Cet estimable savant dit: 1° que La verge du Planorbe corné est imperforée , et présente simplement une gouttière qui communique à la base du pénis avec Le défé- rent. J'ai plusi.urs fois observé l’accouplement des Planorbes, et Jai remarqué que, pendant cet acte, les Planorbes corné et marginé (espèces les plus fortes de nos localités) avaient leur verge tellement gonflée, qu'elle était entièrement transparente, je vis alors très distinctement leur canal éjaculateur, dans lequel passait, à sept ou huit reprises, le liquide fécondateur blanc et opaque lancé coinme une petite fusée ; chaque fois le tentacule ganche seulement se contractait et se développait aussitôt ; 2° que la verge de la Paludine vivipare a sa sortie à la base du tentacule droit. Les autres espèces de ce genre ont bien la sortie de leur verge à la base du tentacule droit; mais je me suis assuré, en séparant plus de vingt individus accouplés, que celle de la Paludine vivipare sortait par l'extrémité de ce tentacule, et non par sa base, qui est constamment visible pendant cet acte. Cette verge est blanche, grèle, un peu comprimée , et terminée en pointe mousse ; elle est au‘si longue que ce tentacule dans le- quel , cet acte terminé, elle se retire lentement.
Pendant la saison des chaleurs, ces Mollusques se recherchent pour s'accoupler; mais cet acte, chez eux, ne nécessite point de préludes : le mâle, ou celui destiné à en faire les fonctions, rampe sur la coquille d’un autre individu de son espèce, et, parvenu sur le bord du côté où sont situés les vrganes de la génération, il introduit sa verge, dans l’oviducte. Pendant lac- couplement, qui dure ordinairement deux ou trois heures, leur cœur donne quarante-cinq à cinquante pulsations à la minute : les individus faisant les fonctions de femelle paraissent beau- coup plus souffrir que les autres; ils ont les tentacules tombant uégligemment sur leur mufle, ils se frottent la tête sur les corps euwironnans, et rentrent de temps en temps et trés brusque -
ment la tête dans leur coquille. Plusieurs accouplemens leur XI, Zoor,—Mai.. 20
:306 BOUCHARD-CHANTEREAUX — Sur les mœurs des Mollusques.
sont aussi nécessaires avant la ponte, et celle-ci ne commence que six à huit jours après le premier : elle a lieu soit.en une seule fois, soit en six ou huit reprises, et à des intervalles d’au moins vingt-quatre heures, sans que l'animal ait bésoin d’être de nouveau fécondé.
Les Limnéens, auxquels je joins les Ancyles dont les änimaux ont les principaux caractères, pondent tous des œufs globuleux ou ovoides et hyalins, de grosseur proportionnée aux animaux dont ils proviennent, et disséminés dans une matière gélatineuse transparente, incolore ou légèrement ambrée, de formes di- verses, et enveloppée d'une membrane lisse ou striée. Les œufs des Ancyles et des Planorbes sont contenus, en très petit nombre, dans des petites capsules orbiculaires mucoso-cornées, jaunâtres et striées, fixées sur les pierres ou sur les tiges des moyennes plantes aquatiques ; ceux des Physes et des Limnées, le plus souvent très nombreux, sont réunis dans des masses plus ou moins cylindriques ou arrondies de diverses grosseurs, de matière gélatineuse transparente, et enveloppée d’une mem- brane lisse et incolore, couverte d’une couche de mucus qui les fixe aux corps sous-marins. Le développement de l'embryon de ces œufs a lieu plus rapidement, et est aussi plus régulier que celui de embryon des œufs des Limacinées; la cause, sans doute, est le peu d'influence qu'ont à cette époque, sur le milieu où ils sont déposés, les variations atmosphériques. Pen- dant les sept à huit premiers jours, l'embryon, qui a une forme arrundie, augmente sensiblement de volfme , il se contracte, se dilate, et éprouve des mouvemens rotatoires ; on voit sur l’un des points de sa circonférence une petite galette, deux tiers moins forte que lui, composée de très petites globules succinés et tout-à-fait hyalins, le dixième jour, des mouvemens de translation ont remplacé ceux de rotation : on distingue les diverses parties qui doivent composer le jeune animal, et qui se perfectionnent de jour en jour jusqu'à son éclosion ; qui ar- rive le quinzième ou seizième jour; deux jours avant cette éclo- sion, son cœur donne soixante-quinze à quatre-vingts pulsa-
-tions à la minute. Le jeune individu rampe, aussitôt sa sortie de l'œuf , sur les corps qui l’environnent. Il a aussi toutes les
MAGENDIE. — Sur le système nerveux. 307
formes de son espèce, mais si son développement embryonnaire est plus rapide que celni des Limacinés, le nouveau qui lui reste à effectuer est bien plus lent, puisqu'il n’atteint son der- nier degré d’accroissement que vers la fin de sa seconde année.
a —— Re D te —— —
EXPÉRIENCES sur le systèine nerveux, Par M. MaAGENnIE.
(Communiquées à l'Académie des Sciences, le 20 mai et le 3 juin 1839.)
M. Magendie communique à l'Académie le résumé suivant
des éxpérientes qu'il poursuit actuellement au Collège de France. |
SL
Les nerfs ‘sensitifs et les moteurs rachidiens sont également sensibles quand ils sont les uns et les autres intacts.
Si l’on coupe les nerfs sensitifs, les nerfs moteurs perdent immédiatement leur sensibilité.
Si l'on coupe par le milieu les nerfs moteurs, le bout 2, reste attaché à la moelle épinière est tout-à-fait RUE ER bout opposé conserve, au contraire ; une extrême me Dans ce cas, la sensibilité va de la circonférence au centre,
Si on coupe les nerfs sensitifs à leur partie moyenne, le bout qui tient à la moelle est très sensible; le bout qui tient au ganglion a perdu, au contraire, toute sa sensibilité.
M. Magendie se propose de rechercher si cette influence des nerfs sensitifs sur les nerfs moteurs ne se maintiendrait pas dans la moelle entre les divers faisceaux qui la composent et qui eux-mêmes peuvent être distingués en sensitifs et moteurs.
308 MAGENDIF, =, Our le système nerveux.
$ II.
On se rappelle le fait singulier que j'ai signalé récemment, savoir, que la racine antérieure des nerfs rachidiens reçoit sa sensibilité de la racine postérieure, et que cette sensibilité ac- quise vient de la circonférence au centre. J'étais curieux de connaître si le même genre d'influence n'aurait pas lieu entre les faisceaux de la moelle. Pour y parvenir , après avoir vérifié de nouveau que les cordons postérieurs de la moelle ont une sensibilité exquise, tandis que les antérieurs en ont une moins prononcée , j'ai coupé &’un côté les racines postérieures d’une paire lombaire ; Je comparai à la même hauteur le faisceau an- térienr, et je reconnus que sa sensibilité était très affatblie sinon tout-à-fait détruite. Cette influence s'était probablement trans- mise par les racines motrices restées intactes ; mais il fallait le vérifier. À cet effet, laissant les racines sensitives dans leur in- tégrité, je coupai par le milieu les racines motrices ; la même disparition de la sensibilité du cordon au lieu et au-dessus du lieu où elles prennent naissance, se fit également remarquer.
Plusieurs fois répétées , ces expériences m'ont permis de con- clure que le cordon postérieur de la moelle, les racines sensi- tives , le ganglion, le nerf rachidien, les racines motrices , et enfin lé cordon antérieur ou moteur, forment une sorte de chaîne circulaire dont chacun des élémens sert à transmettre la sensibilité des cordons postérieurs aux antérieurs. Pourquoi cette transmission 5e fait-elle par un chemin aussi long, aussi détourné; tandis qu’elle pourrait se faire par le simple intermé- diaire du cordon'sutural? Je l'ignore : c'est une quéstion neuve à soumettre à l’éxpérience; mais le fait en lui-même de l'in- fluence d’uné partie du système nerveux central sur un autre, n’en est pas moins remarquable et peut, s'il se confirme, ouvrir une nouvelle voie de recherches dans cette matière encore si obscure,
MAGENDIE. = Sur le système nerveux. 309
$ If.
A la suite de cette Note, M. Magendie communique verbale- ment ‘plusieurs faits relatifs à la sensibilité du nerf facial, sen- sibilité acquise et due, comme on sait aujourd’hui, à l'influence de la cinquième paire, ou mieux , au nerf sensitif de la face.
Voulant montrer à son auditoire au collège de France, sur un Rongeur , la sensibilité du nerf facial, M. Magendie remar- qua que, des trois branches du nerf facial, la supérieure et l’inférieure étaient entièrement insensibles, mais que la branche moyenne offrait, aùu contraire, des traces non douteuses de sensibilité. Fort étoriné de ce résultat, M. Magendie refit plu- sieurs fois l'expérience, et toujours il trouva la même insensi- bilité dans les branches supérieure et inférieure, et la même sensibilité dans la branche moyenne. L'idée qui s’offrait d’a- bord à l'esprit ; c’est qu’une anastomose de la cinquième paire était la clef du phénomène. En effet, sur une tête de lapin, où les nerfs étaient disséqués avec le plus grand soin par M. Ber- nard , on reconnut qu’un très petit filet de la cinquième paire venait se Joindre à la partie supérieure de la branche moyenne. Rien n’était plus simple alors que de s'assurer si ce filet était la véritable source’ de la sensibilité, en apparence anormale. Ce filet fut coupé sur un lapin vivant, ét aussitôt la branche moyenne du facial perdit toute trace de sensibilité.
Ainsi, le fait dont je viens de parler, qui d'aäbord'avait paru fort étrange, se trouva au contraire très simple, en prenant l'anastomose de la cinquième paire ‘avec lé facial, non pour un abouchement , mais comme une association de filets nerveux moteurs avec des filets sensibies. Tant que durera l’accolement, le nerf sera à-la-fois sensible-et moteur; dès qu'il cessera , les filets isolés conserverdnt leurs caractères propres de moteurs ou sensibles.
Pour preuve à l’appui de cette assertion, M. Magendie dit que le nerf facial du lapin est insensible à son origine, insen- sible à sa sortie du trou stylo-mastoidien, sensible à sa jonction
3ro MAGENDIE. — Sur le système nerveux.
avec la cinquième paire et pendant tout le temps que dure cette jonction, et que la même branche nerveuse redevient insen- sible après qu’elle a été abandonnée par le filet sensible.
L'insensibilité de deux branches du nerf facial ne s’est pas retrouvée sur les chevreaux ni sur des chiens , et très probable- ment n'existe pas chez l'homme : c’est une question qui sera résolue en déterminant exactement le nombre et la disposition des 2nastomoses qui prennent ainsi un intérêt tout particulier, tandis qu’ils n’ont été jusqu'ici pour ainsi dire que de simple curiosité. Dans cette circonstance, la physiologie aura encore versé la lumière sur les faits anatomiques, et aura fait cesser
leur caractère trop souvent stérile.
Mais un fait auquel on nese serait guere attendu, d’après les idées admises sur les fonctions des nerfs, c'est que le tronc du nerf facial étant coupé, toutes ses branches conserveront leur sensibilité. Ce fait peut avoir d'importantes applications chirur- gicales. On comprend, par exemple, que le nerf facial, bien que par lui-même nerf simple, nerf moteur, peut êtreile siège de névralgie, et que la section du tronc de ce nerf, dans la vue de guérir cette maladie, ne saurait avoir ce résultat. Cette opé- ration qui à été pratiquée, détruit certainement l’influence mo- trice, c’est-à-dire que la moitié du visage se paralyse, et la dou- leur conserve toute son intensité.
Une dernière remarque indiquée par M. Magendie, est que, quand on coupe le tronc du nerf facial, le bout qui correspond aux branches conserve comme celles-ci la sensibilité dont celle- ci lui vient de la circonférence vers le centre; c'est, par consé- quent, un phénomène du même ordre que celui qui a,été si- gnalé dans la Note lue par M. Magendie, et qu'on pourrait nom- mer sensibilité en retour.
BLANDIN. — Sur la distinction des nerfs. 3r1
Norte sur la distinction des nerfs rachidiens en nerfs sensitifs et nerfs moteurs,
Par M. BLANDIN. (1)
Peu de temps après la communication, à la Société royale de Londres, du travail de M. Ch. Bell sur la distinction des nerfs de la face en nerfs du mouvement et en nerfs du sentiment, M. Magendie chercha s’il y avait quelque chose d’analogue dans les nerfs rachidiens ; il établit, en effet, qu'en coupant les ra- cines postérieures des nerfs qui se rendent à un membre, toute sensibilité dans ce membre est abolie , il ne jouit plus que de la motilité; qu’au contraire, en coupant les racines antérieures et laissant intactes les postérieures, tout mouvement à disparu dans le membre, lorsque la sensibilité continue à se manifester comme avant la section des racines antérieures. De là cette conséquence, que la sensibilité dont jouit une partie où se rendent ces nerfs, est due à leurs racines postérieures, et la motilité à leurs racines antérieures.
Les faits communiqués par M. Blandin viennent corroborer, sous le rapport anatomique, la découverte de M. Magendie.
Quelques anatomistes, entre autres Sœmniering et Gall, avaient remarqué un développement généralement supérieur des racines postérieures sur les antérieures. Béclard avait affir- mé que cette supériorité de volume n'existait que dans la ré- gion cervicale ; qu'au contraire, l'inverse avait lieu aux lombes et dans la région sacrée.
M.Plarndin a mis sous nos yeux une moelle épinière humaine dont il a préparé les racines des nerfs qui en partent, et nous avons vu, ainsi qu'il l'avait annoncé, que les faisceaux des ra- cines postérieures des quatre dernières paires cervicales et de la première dorsale, destinées au membre thoracique, étaient
(1) Extrait d'un rapport fait à la Société Philomalique par MM. Poiseuille et fauvillard; le 23 mars 1839.
312 BLANDIN. — Sur la distinction des nerfs.
trois ou quatre fois plus g'os que les faisceaux correspondans aux racines antérieures; quant aux trois premières paires cer- vicales, le volume des racines postérieures est à celui des ra- cines antérieures dans le rapport de 2 à 1. Dans la région dor- sale , il y a peu de différences; peut-être les racines postérieures l’emportent-elles sur les antérieures. Dans les régions lombaire et sacrée (cette dernière fournit les nerfs qui vont au membre pelvien ), le rapport de volume entre les faisceaux des racines postérieures et antérieures est environ comme 2 est à 1.
Or, si les racines postérieures des nerfs spinaux président à la sensibilité, il est permis de penser avec M. Blandin que, de deux parties du corps où la sensibilité tactile sera inégalement répartie, il y aura une différence dans le volume des racines postérieures des nerfs qui vont à ces parties, et cette différence sera à l'avantage de celle de ces parties où la sensibilité est plus exquise : c’est en effet ce que nous avons vérifié. Les faisceaux des racines antérieures des nerfs rachidiens étant presque du même volume, les racines postérieures de ces nerfs qui se rendent au membre thoracique , dont l'extrémité est le siège du toucher, sont deux fois plus grosses que les racines postérieures des nerfs sacrés, destinés au membre inférieur, organe plus spécialement affecté aux mouvemens de locomotion de tout l'individu.
Mais si les assertions précédentes sont vraies, anatomique- ment parlant, chez les quadrupèdes dont les membres anté- rieurs et postérieurs sont également des organes de locomotion, et dont la sensibilité, réduite au simple exercice du tact géné- ral, est presque également répartie, on ne doit plus rencontrer la différence que M. Blandin vient de signaler dans les racines postérieures des nerfs qui se rendent aux membres thoraciques et pelviens de lhomme : c’est ce qui a effectivement lieu. M. Blandin nous a fait voir la moelle épinière d’un chien; tous les faisceaux des racines postérieures des nerfs des régions cer- vicale, dorsale, lombaire et sacrée, offrent, pour ainsi dire, le même volume, et il est égal à celui des faisceaux des racines antérieures.
M. Blandin nous a en outre montré le nerf sous-occipital
PELTIER. — Sur la structure des: nerfs. 313
chez l’homme, nerf qui, comme on sait, en opposition à tous les nerfs spinaux , présente ses racines postérieures beaucoup moins volumineuses que les antérieures; il arrive même quel- quefois qu’il est privé de racines postérieures : eh bien! ce nerf préside essentiellement au mouvement , puisque ses rameaux se perdent dans les muscles circonvoisins , et qu’il est. le plus sou- vent impossible de découvrir les rameaux qu’il fournit à la peau.
Ainsi, Les faits d'anatomie normale ;, comme ceux fournis par anatomie pathologique , concourent à justifier la distinction des racines des nerfs spinaux en motrices et en sensitives, dis- linction qu'avait mise en évidence la physiologie expérimentale;
M. Blandin va poursuivre ses recherches dans l’homme et dans les autres classes d'animaux vertébrés.
OBSERVATIONS sur la structure des nerfs,
Par M. PELTIER.
A la suite de cerapport, M. Pelletier a communiqué à la Société les observations qu'il a faites sur la constitution des nerfs qui se rendent aux organes de la sensation, ét sur ceux. qui se rendent aux organes de la locomotion. Les différences qu'il a observées dans leur état intérieur viennent appuyer les diffé- rences d’origine démontrées par MM. Bell et Magendie. Voici le résumé de ces observations : Loue |
1° Les nerfs, pris dans leur ensemble, sont d’une constitu- tion plus complexe que les muscles ; de plus, les nerfs des sens ne sont pas d'une texture semblable à celle des nerfs de; la, lo- comotion, et chacun des nerfs en particulier varie suivant la proximité de son insertion dans l'organe ou dans le centre cérébro-spinal ;
2° En s’éloignant des centres, le tissu cellulaire s'accroit et devient plus résistant; il circonscrit de plus en plus des por- Uuoss médullaires et finit par leur former des gaines. D'abord, il n’y a que de faibles portions de pulpe circonscrites et ren-
314 PEUTIER. — Sur la structure des nerfs.
fermées dans des gaines ; le reste les baigne et remplit les in- terstices qui les séparent : le nombre de ces gaines s'accroît bientôt, et la pulpe libre diminue dans la même proportion. Par la pression , on déplace et on fait déborder cette pulpe de toutes parts ; son adhérence est devenue plus grande, elle est plus glutinéuse ; elle ne s'attache plus aux lames de verre, et plus on s’approche de la terminaison des nerfs, plus cette pulpe devient cohésive. En sortant du névrilème déchiré , elle forme des corps arrondis, pyriformes, que quelqües auteurs ont pris pour des corps primitifs existant avant la projection. Ces formes ne sont que des produits mécaniques de la pression et de l’ad- hésion glutineuse de la substance; on les voit se former à volonté et avec des formes variés, en ménageant ou accélérant la pression.
3° Les nerfs qui se ramifient dans les muscles sont formés de tubes de — de millimètre environ. La membrane qui les forme est peu consistante : à la moindre pression, elle cède inégale- ment, selon son état propre et la position des autres fibrilles qui la touchent. La substance médullaire qu'ils contiennent se répartit inégalement et forme des varicosités qui n'existent pas dans l’état normal et avant toute pression. Plus on s'approche de.la périphérie, moins il se fait de ces varicosités, parce que la gaine devient plus résistante et que la pulpe diffluente dimi- nue. Ces tubes ou fibrilles nerveuses conservent toujours une grande partie de leurs globules allignés, quelque pression qu'on exerce; enfin , vers leur insertion, ces fibrilles sont plus fines, plus régulières, plus nombreuses ; les globules de la pulpe y sont mieux allignés, leur position est fixe, la pression ne les déplace plus, et on pourrait confondre ces fibrilles nerveuses avec les fibrilles musculaires, si le caractère constant de ces dernières , les lignes transversales, ne leur’ manquait pas con- stamment. À
4°. Arrivé dans le muscle auquel il s’insère , il sort du filet nerveux à des distances plus ou moins rapprochées des faisceaux de fibrilles élémentaires, qui sont devenues très ténues ; elles sont de — de millimètre environ, et ne sont plus formées que
600
d’une série de globules superposés, et à peine la pression dé- [l ;
—
PELTIER. — Sur la structure des nerfs. 315
voile-t-elle encore un peu de pulpe libre dans leurs interstices. Ces faisceaux s'étendent et se dispersent sur toutes les fibrilles musculaires voisines, au milieu desquelles elles disparaissent successivement. Cette union des deux sortes de fibrilles se fait indifféremment sur toute la longueur de Ja fibre musculaire, et 1l semble que cette dernière ne soit, pour une partie de la substance, qu'une continuité de Ja fibrille nerveuse , et qu'il y ait solidarité entre elles;
5° Les nerfs des sens, comme ceux qui se terminent à la peau, ont une constitution différente des précédens : ils contiennent moins de pulpe nerveuse à l'état de demi-fluidité ; on n’en peut pas faire jaillir près de leur insertion. Leurs fibrilles sont plus ténues : elles ont de 35 à +5 de millim. d’abord ; mais vers l'organe où elles s’insèrent, elles n’ont plus que 55 à +55 de millimètre ; les globules sont plus petits de 535 de millimetre, régulièrement placés; la pression ne les déplace pas. Ces fibrilles s’entrecroisent constamment dans leur marche; un certain nombre, d’entre elles, réunies en bandelettes, forment des losanges. allongés par leur entrecroisement. Au point de leurs intersections, ces bandes sont très adhérentes; on ne peut les détacher qu'en les déchirant ;
6°” Dans les nerfs de la langue , on retrouve ces deux sortes de nerfs : les nerfs du mouvement sont reconnaissables à leurs fibrilles isolées et à la pulpe qui les entoure; les nerfs de sen- sation se distinguent par leurs filamens d’une ténuité excessive et par un entrecroisement tellement serré, que le tout offre d’abord {aspect d’un feutre; ce n’est que lorsqu'on a suffisam- ment aminci le filet nerveux qu’on distingue la régularité de l’entrecroisement ;
7° Les nerfs sont entourés d’un névrilëme qui forme: des brides de distance en distance ; ilen est chez lesquels ces brides resserrent tellement le faisceau , que ce dernier paraît faire une hernie entre elles. La série de ces étranglemens et de ces sacs herniaires donne au filet nerveux un aspect intestinal, et a fait croire à quelques anciens observateurs que les nerfs étaient disposés en zig-zag.
316 TI. DAVY. — Expériences sur le sang:
EXPÉRIENCES sur le sang, dans ses rapports avec la théorie de la respiration,
(Communiquées à la Société royale de Londres, séance du 21 juin 1838 ),
Par M. J. Davy. (Extrait. )
L'auteur a cherché par expérience à résoudre quelques-unes des importantes questions qui se rattachent à la théorie de la respiration et de la chaleur animale, et il a été conduit aux ré- sultats qui suivent.
D'abord, il a trouvé que le sang est capable d’absorber Poxi- gène tant dans l’air atmosphérique que dans le gaz pur, indé- pendamment de toute putréfaction. Après que le sang a été agité dans l'air ordinaire, on trouve dans cét air une trace d’a- cide carbonique qui n’excède pas un pour cent ; mais quand'on se sert d’oxigène pur, on ne découvre pas le moindre vestige d'acide carbonique, rnèême dans les essais conduits avec le soin le plus scrupuleux. Lorsqu'on met de l'acide carbonique pur en contact avec du sang ou du sérum sur du mercure, et qu’on agite légèrement, l'absorption du gaz excède le volume du li- quide. Le sang, tant artériel que veineux, devient très noir, et le sérum plus liquide par Pabsorption à saturation de-ce gaz. Le sérum, dans l'état sain, est incapable d'absorber loxigène ou de fournir immédiatement du carbone pour former de|la- cide carbonique, et, après qu’on lui a fait absorber de Paëéide carbonique, il n’y a qu'environ un dixième de ‘ce gaz absorbé qui soit chassé par une agitation successive avec l’air atmosphé- rique ou avec l'hydrogène.
L'auteur est disposé à croire que lalcali du sang, dans là condition la plus saine de celui-cr, est à l’état de sesquicarbo-+ nate. Dans la majorité des expériences, on a obtenu des indi- cations manifestes de dégagement de gaz du sang placé dans le vide ; mais commeon s’est aperçu que , dans d’autres cas, il ne pouvait ainsi se dégager du gaz, l'auteur est disposé à croire que la quantité de gaz contenue dans le sang est variable. Il a trouvé
MOsELEy. — Sur les formes des coquilles. 317
que ce gaz consistait uniquement en gaz acide carbonique. Il paraitrait aussi, d’après les expériences détaillées dans ce Mé- moire, qu'une portion d’oxigène existe dans le sang; ‘qu'elle né peut en étre extraite par la machine pneumatique, mais qu’elle est capable d'entrer en combinaison avec le gaz nitreux, et existe en plus grande proportion dans le sang artériel. L’ab- sorption de l’oxigène par le sang est accompagnée d’un accrois- sement de température. |
Mémoire sur les formes géométriques des coquilles ffurbinées et discoides ,
r *
( Lu à la Société royale de Londres, séance du 21 juin 1838 ),
Par M. H. Moserey. ( Extrait.)
Ce Mémoire est consacré à la recherche de certains principes mathématiques que l’auteur considère comme gouvernant la formation des coquilles turbinées et discoïdes. Suivant cette manière de voir, toutes les coquilles de cette nature peuvent être considérées comme engendrées par la révolution autour d’un axe fixe du périmètre d’une figure géométrique qui, tout en restant constamment sernblable à elle-même, augmente con- tinuellement dans ses dimensions. Les lignes spirales qu'on observe sur les opercules de certaines classes de coquilles, con- sidérées simuitanément avec les propriétés des spirales logarith- mique Où équiangle, paraissent avoir suggéré l’idée que non- seulément les limites de l’opercule qui mesure en coupe l'ex pansion de la coquille, mais qué les lignes spirales, qui en gé- néral sont bien marquées tant extérieurement qu'intérieure- ment sur la coquille elle-même, sont des courbes de cette nature.
D'après un examen des spirales marquées sur l’opercule, il paraît que l’acéroissément de leur substance a lieu sur un bord seulement , l’autre bord conservant néanmoins toujours la lorme spirale, et acquérant un accroissement en longueur,par des additions successives dans la direction de la courbe. Comme
315 MOSELEY. — Swr les formes des coquilles.
dans la spirale logarithmique; les distances mutuelles des tours successifs mesurées sur le, même rayon recteur, à partir du pôle, sont respectivement en progression géométrique : siles distances semblables eutre les tours successifs sur l’opercule des coquilles suivent la même loi, il s'ensuivra que ces tours doivent avoir la même forme. L'auteur démontre que c’est justement là le cas : il cite à ce sujet un grand nombre de résultats numé- riques obtenus au moyen des mesures les plus exactes prises sur trois différens opercules du genre Turbo, et dans lesquels il trouve que cette loi existe réellement.
En se basant sur les propriétés bien connues de la spirake logarithmique, l’auteur fait voir que la loi de la description géométrique des coquilles turbinées consiste en ce qu'elles sont engendrées par la révolution autour d’un axe fixe , celui de la coquille, d’une courbe qui varie continuellement dans ses di- mensions suivant cette loi, que chaque aecroissement linéaire varie comme les dimensions existantes de la ligne dont il est l'accroissement. Si la nature a suivi cette loi, les tours de la coquille, aussi bien que les spires de l’opercule, doivent avoir la forme de la spirale logarithmique. L'auteur démontre que cette loi est naturelle par l'accord parfait de résultats numé- riques déduits de la propriété de cette courbe, avec ceux obte- nus par un grand nombre de mesures délicates qu’il a faites.des distances qui séparent les tours successifs, sur des rayons£rec- teurs tracés sur les coquilles du Turbo duplicatus, T.. phasia- nus, Buccinum subulatum, et sur une: section très nette du Nautilus pompilius. 1| annonce aussi qu'indépendamment des résultats donnés dans son Mémoire, il a exécuté un grand nombre d’autres mesures, sur des coquilles des genres 7rochus, Strombus et Murex , qui toutes ont confirmé la loi en question.
Les conclusions qu'on peut tirer de la loi de formation en question , c’est que la croissance de l'animal, correspondant à un accroissement donné dans l’angle de la courbe génératrice, devra toujours être proportionnelle à la masse que son corps a effectivement acquise; et si l'énergie physique dans la vie de cet animal est proportionnelle à sa masse effective et actuelle, sa croissance, dans un temps quelconque, sera proportionnelle
Questions proposées par l’Académie de Bruxeiks. 319 à sa croissance jusqu’à cette époque ; par conséquent , l'angle complet de révolution de la courbe génératrice de la coquille sera proportionnel à tout le temps correspondant de la crois- sance de lPanimal, et, par suite, le nombre total des tours et parties de tours à une période quelconque sera proportionnel à son âge. :
La forme de l'animal mollusque restant toujours semblable à elle-même, la surface de l'organe au moyen duquel il forme:sa coquille sera toujours comme le carré de ses dimensions linéai- res; mais comme la formation de cette coquille doit varier comme le cube de ces mêmes dimensions, il doit y.avoir un accroissement d'activité dans les fonctions des organes variant
comme les simples dimensions linéaires.
Puisque à chaque espèce de coquille correspond un nombre particulier exprimant le rapport de la progression géométrique des dimensions linéaires semblables et successives des tours , et puisque l’angle constant de la spirale logarithmique particulière qu’affecte cette sorte de coquille peut se déduire de ce nombre, l’auteur pense, en rapprochant ces faits de la liaison de la forme de la coquille avec les circonstances du développement de l’a- nimal et son mode d'existence, que ce nombre ou l’angle de la spirale particulière, déterminé comme il l'est dans chaque cas par des mesures, pourrait servir à établir une classification ét suggérer des rapports qui pourraient bien se rattacher. aux formes caractéristiques et au mode d'existence des animaux mollusques.
. L Q « ’ e Procramme des questions d'histoire naturelle proposées pour le concours de 18/40, par l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles.
PREMIÈRE QUESTION. — Faire lt description des coquilles et des, polypiers fossiles des terrains crétacé et tertiaire de la Belgique, et donner l’indi-
cation précise des localités et des systèmes de roches dans lesquels ils se trouvent.
La synonymie des espèces déjà connues devra être soigneusement établie, et la description des nouvelles espèces accompagnée de figures.
320 Questions proposées par l'Académie de Bruxelles.
Deuxième QUESTION. — Exposer la théorie de la formation des odeurs dans les fleurs.
L'auteur déterminera les organes où se forment les odeurs des fleurs : il expo- sera la structure anatomique et les fonctions physiologiques de ces organes. Il examinera le mode d’exhalation et spécialement à quoi on doit attribuer que plu- sieurs fleurs sont odoriférantes à certaines heures de la journée et inodores pen- dant d’autres. Les observations devront , autant que possible, se rapporter à des plantes de familles différentes. (Le mémoire devra être accompagne de planches.)
TROISIÈME QUESTION. — Donner l’organogénésie des épiphyses dans les mam- mifères, les oiseaux et les replles ; déterminer l’âge où elles se soudent et leur structure.
L'auteur prendra; autant que possible , des exemples dans les différens ordres de ces classes , et accompagnera le mémoire de planches.
QUuATRIÈME QUESTION. — Les Céphalopodes présentent à l'intérieur un systéme de canaux qui paraissent ressembler aux vaisseaux lymphatiques. L’ Aca- démie desire que l’on détermine de quelle nature sont ces canaux : elle de- mande d’en décrire et d’en figurer le système.
L'auteur devra joindre à s0g travail les pièces anatomiques nécessaires pour l'intelligence du mémoire et la vérification des observations.
CINQUIÈME QUESTION. — Déterminer, par des expériences, les anomalies que péuvent subir les mouvemens du sang dans les vaisseaux capillaires des animaux vertébrés , ainsi que les transformations des parties constituantes du sang chez ces animaux. Indiquer les causes qui y donnent naissance.
Le prix de ehacune de ces questions sera une médaille d’or de la valeur de 600 francs. Les mémoires doivent être écrits lisiblement en latin, français ou flamand , et seront adressés, franc de port, avant le 1°7 février 1840, à M. Qux- TELET, secrétaire perpétuel.
Les autears ne mettront point leurs noms à leurs ouvrages, mais seulement une devise, qu'ils répéteront dans un billet cachete , renfermant leur nom et leur adresse. Ceux qui se feront connaître de quelque manière que ce soit, ainsi que ceux dont les mémoires seront remis après le terme prescrit, seront absolument exclus du concours.
L'Académie propose dés à présent, pour le concours de 1841, la question suivante : Faire la description des coquilles et des polypiers fossiles des terrains ardoi- : sier, anthraxifère et houiller de la Belgique, et donner l'indication pré- cise des localités et des systèmes de roches dans lesquels ils se trouvent.
La synonymie des espèces déjà connues devra être soigneusement établie, et la description des nouvelles espèces accompagnée de figures,
L. DUFOUR. — /Vouvelle espèce de Thrips. 321
Drescriprion et figure d'une nouvelle espèce de Thrips,
Par M. Léon Durour,
Correspondant de l’Institut,
Dans le mois de mai 1839, en écorçant un vieux piquet de Pin planté dans le fossé d'un jardin, je remarquai des troupeaux de très petits insectes blanchâtres, à démarche lente. Je les re- connus à la loupe pour des larves et des nymphes de Thrips. Ma curiosité fut singulièrement stimulée en voyant leur tête carrée bordée par un turban que lui formaient des artennes immobiles. Je ne tardai pas à découvrir sous la même écorce les insectes parfaits plus minces que ces larves, d'un brun luisant, munis d'antennes mobiles, mais aptères. Ce dernier trait me surprit d'autant plus, que je distinguais très bien sur le méso- thorax des nymphes, des moignons allongés qui étaient évi- demment les fourreaux de futures ailes. Je crus qu'il pouvait en ètre pour ce Thrips comme pour les Termès et les Fourmis, où les individus aïlés perdent souvent leurs ailes. Cependant ces Thrips, malgré leur abondance dans cette localité où je pouvais en constater des centaines qui paraissaient jouir de tous les attributs des insectes parfaits, ne w’offrirent pas un seul indi- vidu pourvu d'ailes, et j'eus beau promener ma loupe attentive dans leurs gîtes, je ne sus pas reconnaître un vestige de celles- ci, tandis que je trouvais beaucoup de dépouilles de larves et de nymphes.
Je recourus à mes auteurs, je feuilletai avec avidité tous mes livres d'entomologie, et, non-seulement je vis que le fait de l'avortement des ailes ainsi que celui de l'existence du turban de la tête des larves étaient nouveaux pour la science, mais que linsecte lui-méme ne pouvait être rapporté à aucune des sept
où huit espèces mentionnées dans ces livres. Je m'armai du XL, Zooc, — Juin. 21
‘822 1. DUFOUR, —. Nouvelle espèce de Thrips.
microscope, je saisis mes pinceaux, et j'essayai d'illustrer ce petit et obscur habitant des vieilles écarces.
Thrips aptera Nob. PI. 8, fig. 8. Thrips aptère.
Aptera fusco nigra, nitida , pilosa , tibiis rufescentibus , anticis apice interno in spivam producto; tarsis anticis ( vesicula excepta ) nullis ; abdomine postice conico-caudato.
Hab. sub palorum senescentium cortice. — Long. à lin.
Cet insecte allongé, étroit, aplati, réunit tous les caractères du genre, et se rapproche, par sa structure générale, du Thrips physapus , dont il diffère spécifiquement par une foule de traits solides, savoir : 1° par l'absence d'ailes et d'hémélytres; 2° par _ l’ergot de ses tibias antérieurs ; 3° par ses tarses de devant nuls, sauf la vésicule terminale; 4° par les tarses des autres pattes plus courts; 5° par les articles intermédiaires des antennes moins allongés, turbinés; 6° par sa tête un peu plus courte ; 7° enfin par sa couleur brune et un corps plus poilu.
Tète plus étroite que le corselet et à son niveau, quadrilatere, plane ; yeux placés tont-à-fait aux angies antérieurs, enchaton- nés, point saillans ; antennes -insérées au bord antérieur entre les yeux, contiguës à leur origine, dépassant à peine, par leur longueur, le bord du mésothorax ; composées de huit articles poilus, les deux premiers un peu plus gros, noirâtres; les trois suivans turbinés , roussâtres, les deux qui succèdent oblongs, le huitième plus court, atiénué en pointe subulée. Rostre {or- uant à la partie inférieure et postérieure de la tête. une pointe saillante acérée, hérissée de poils.
Corselet de trois.segmens pédigères bien distincts, et à dé- couvert; prothorax un peu plus grand que les autres, à peine échancré de chaque côté dans son tiers antérieur, arrondi en devant ; mésothorax et métathorax en carré transversal, égaux entre eux. |
Abdomen à sept segmens dont les bords latéraux sont droits avec.deux poils ;très fins, terminé en outre par une pointe de même texture et.de même couleur que lni, cylindrico-conique,
L. DUFOUR. — Nouvelle espèce de Thrips. 323
tronquée à son extrémité que couronnént des poils assez longs.
Pattes à insertion tout-à-fait marginale, de manière que la hanche déborde le corps; les antérieures ravisseuses avec la cuisse. plus grosse, renflée, cambrée, prolongée en arrière en un talon qui dépasse un peu articulation cexo-fémorale ; tibia ayant son extrémité antérieure et intérne prolongée en un er- got pointu. Cette patte n’a d'autre représentant du tarse que la vésicule terminale, qui est sessile et subglobuleuse. Les autres pattes ont, indépendamment de la vésicule, un tarse d’un seul article court.
La démarche du Thrips aptère, loin d’être agile, est plutôt lente, et je n’ai jamais vu qu'en inquiétant cet insecte 1l relevât son abdomen comme les Staphylins. Ainsi, ces deux traits que lon à fait éntrer dans les habitudes du genre, devront être dorénavant modifiés.
Tout ce qu’on sait, je crois, sur les métamorphoses des Thrips, c'est que leurs larves vivent avec eux et leur ressemblent, dit- on, aux ailes et à la couleur prés. La science me semble peu satisfaite d’un pareil aperçu, et notre espèce a plus et mieux à lui offrir. Je confondrai dans une même description et une même figure ce que j'ai à dire sur la larve et la nymphe, en prenant celle-ci pour type. Ces deux états ne diffèrent que par une plus petite taille et l'absence des gaines alaires dans la larve.
Nymphe aussi longue que l'insecte parfait, mais plus large ; atténuée en arrière; tendre; ,blanchätre subdiaphane, avec une légère teinte rosée produite par un :semis:de : petits points rougeätres. Tête dfrrée, encadrée par les'antennes qui, rabattues en arrière, lui forment un gros bourrelet, une sorte de turban comme échancré en avant; ces antennes im- mobiles, collées sur les côtés de la tête, offrant au microscope la trace fugitive d'articles, Corselet à trois segmens configurés comme dans linsecte parvenu à sa perfection. Mésothorax ayant à droite et à gauche deux longues gaînes tendres , immobiles, se recouvrant mutuellement, nulles dans la larve. Abdomen festonné, lobé sur ses côtés, qui sont hérissés de deux longs poils; terminé en arrière par üne pointe conoïde dont le bout
21,
334 JM DUFOUR. — Nouvelle espèce de Thrips.
tronqué et velu offre encore une soie raide, caduque, lors de la transformation. Pattes d’une configuration semblable à celles de l’insecte parfait, mais dépourvues dans toutes d article tar- sien, sauf la vésicule terminale. Le prolongement latéral du bout du tibia antérieur n’a pas le caractère d’ergot.
La chute ou l'avortement des ailes lors de la dernière trans- formation , est un fait fort singulier. Les larves et les nymphes ont une démarche encore plus lente que l’insecte parfait.
P. S. Depuis la rédaction de cette Notice, j'ai trouvé sous l'écorce du même piquet dé Pin des œufs oblongs d'un gris perlé, d’où j'ai vu éclore de petits Thrips blanchâtres velus, à antennes détachées et mobiles, à tibias antérieurs sans ergot. Je pense que ces œufs appartiennent à une autre espèce de Thrips que l’aptera. Je suivrai ce développement.
EXPLICATION DES FIGURES.
(Toutes considerablement grossies. }
PLANCHE 6.
Fig. 8. Thrips aptera à l'état d'insecte parfait.
Fig. 9. Antenne détachée.
Fig. 10. Nymphe.
Fig. 11. Une patte antérieure de la nymphe.
Fig. 12. Bout de l'abdomen de la nymphe.
Fig. 13. Mesure de la longueur naturelle de l'insecte parfait et de la nymphe,
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SERRES. — Sur l'embryon humain. 325
RecHERCHES sur l'appareil respiratoire branchial de l’embryon. humain, dans les trois premiers mois de son développement,
Par M. SERRES.
( Lues à l’Académie des Sciences, le 17 juin 1839. )
Depuis les premières recherches positives sur l’ovologie et l'embryologie de l’homme, les anatomistes et les physiologistes s'occupent de savoir comment s'opère la respiration de l’em- bryon, depuis son arrivée dans l'utérus jusqu’à la formation du placenta.
Parmi les hypothèses imaginées à ce sujet, nulle n'avait ap- proché de la solution de ce problème fondamental de la vie embryonnaire , quand, en 1825, M. Ratké découvrit de petites fissures sur les parties latérales du cou des jeunes embryons. La ressemblance de ces fissures avec l'appareil branchial d’un _ poisson (le Blennius viviparus), li fit supposer que leur usage était analogue : de là le nom de fissures branchiales, par lèquel” cet habile anatomiste les désigna.
La découverte des fissures branchiales de l'embryon fut re- que en Allemagne avec d'autant plus d'éclat, qu'elle semblait répondre à l’un des plus pressans besoins de la physiologie embryonnaire. Comme la plupart des anatomistes, je mem. pressai de les étudier avec soin dans les quatre classes des ver: tébrés, et l'un des premiers j'élevai des doutes, non sur leur existence, qui est incontestable , mais bien sur leur usage, qui me parut problématique. Aujourd'hui que de nouvelles re- cherches , que j'exposerai dans ce travail, m'ont fait connaître la nature de ces fissures, je crois pouvoir dire avec certitude qu'elles sont étrangères à la respiration de l'embryon. Il suit de que nous en sommes encore à nous demander comment
326 SERRES. — Sur l'embryon humain.
s'opère cette fonction, depuis l’arrivée de l'œuf dans l'utérus jusqu'à l'époque de la formation du placenta.
Cet état d'imperfection de la physiologie embryonnaire au- rait lieu de surprendre, au milieu des découvertes nombreuses dont l’ovologie s’est enrichié dans ces derniers temps, si nous ne rappelions qu’en physiologie on ne peut asseoir quelques données probables sur l'usage des parties, que lorsque l’ana- tomie à déterminé avec précision toutes les conditions de leur existence : or, ce n’est que de nos jours que les diverses condi- tons d'existence des enveloppes de l'embryon sont étudiées avec sbin, parce que ce n’est que de nos jours que l’on a reconnu que la physiologie devait être le but des recherches anatomiques en ovologie et en embryogénie.
On conçoit, en effet, que si les fonctions de l'emibirat se modifient selon les périodes diverses de son développement,
les organismes qui concourent à leur exécution. doivent subir |
des modifications correspondantes. Sans cette harmonie:des di- verses parties les unes à l'égard des autres, le but qu’elles con- courent à remplir serait manqué.
De la nécessité de cet accord, résultent les variations de forme, de disposition et de structure , que nous offrent dans le cours de l’embryogénie les enveloppes de l'embryon.
L'histoire de l’ovologie nous présente bien le tableau .de-ces:: variations observées et décrites avec une rare persévérance, ; mais comme leur but était méconnu, les uns les considéraient
comme des cas pathologiques, les autres comme des anomalies ou des monstruosités, d’autres enfin s’en servaient pour établir l'imperfection de cette partie de la science; nul ne songeait qu'elles étaient commandées par les modifications quesubissent les fonctions. L'introduction de la physiologie dans l'ovologie, en nous mettant sur la voie de l’usage des enveloppes embryon- naires, nous permettra donc de rattacher à leur cause,iles transformations nombreuses qu’elles subissent , ainsi que.ces recherches sur l'appareil respiratoire branchial de l'embryon dès sonarrivée dans l’utérus vont nous en fournir les preuves.
Cet appareil respiratoire se coinpose, chez l'embryon hu- main, du chorion, des deux feuillets de la membrane caduque,
SERRES. — Sur l’embrvon humain. FF
du liquide contenu dans sa cavité, et d’un ordre particulier de villosités que j’ai nommées branchiales., lesquelles après avoir traversé l'épaisseur de la caduque réfléchie, viennent se mettre en contact avec le liquide. En exposant la disposition successive de ces parties, nous allons montrer comment chacune d’elles concourt à l'exécution de la fonction. :
On sait, depuis la belle découverte de Hunter, qu'en arrivant dans l’utérus, l'œuf humain y rencontre la membrane caduque préparée à l'avance. On sait aussi que, d'abord appliqué sur un point de sa surface extérieure, il déprime la partie qu'il touche, la pousse devant lui, de manière à se former une enveloppe propre, nommée caduque réfléchie. L'œuf humain se trouve ainsi revêtu d’un double manteau, de celui que lui forme mé- diatement la caduque externe , et de celui qui lui est fournt im- médiatement par la caduque interne ou réfléchie. Entre ces deux enveloppes existe une cavité , et dans cette cavité se trouve un liquide qui les maintient à une certaine distance l’une de l’autre. Tout œuf régulier , observé dans le cours du deuxième mois, offre cette conformation constante, dont lexacte con- naissance est due aux recherches de MM. Moreau, Burns, Breschet et V’elpeau.
L'œuf, qui s'est enfermé de cette manière dans le double repli de la caduque, est couvert sur toute sa surface par lès villosités du chorion dont la vascularité reconnue des anciens anatornistes , mais niée dans ces dermers temps, a été rendue évidente par les belles injections de M. le docteur Martin Saint- Ange. En réunissant ainsi les notions positives acquises sur lés caduques et le chorion, on se trouvait si rapproché de la vé-! rité, qu'un pas de plus devait nécessairement la faire recon- naître; car on avait une masse de houppes vasculaires, sépa- rées, par une simple membrane, d’une cavité renfermant un liquide: Pour les amener au contact et compléter un appareil respiratoire branchial , il pouvait se faire, ou que la caduque réfléchie fût perforée, de manière à permettre au liquide d'aller” baigner les villosités vasculaires ; ou bien encore, ces dernières pouvaient s'engager dans l'épaisseur de la membrane, et aller elles-mêmes à li rencontre du liquide:
328 SERRES. -—. Sur l'embryon humain.
Or, ces deux conditions se trouvent à-la-fois réunies dans cet appareil. D'une part, la caduque réfléchie réticulée dans sa structure, est perforée par une multitude d'ouvertures que nous ne saurions mieux Comparer qu'à celles qui existent sur la lame horizontale de l’ethmoïde : et de l’autre, les villosités branchiales s'engagent dans l'épaisseur de la caduque réfléchie, se logent dans des espèces .de conduits et viennent se mettre en contact immédiat avec le liquide. Quelquefois les ouvertures branchiales de la caduque ont un ou deux millimètres de dia- mètre, qu'oblitèrent de petites masses de villosités , recouvertes par une lame plus mince que l’arachnoïde , qui les empêche de se déplisser; d’autres fois l’écartement des mailles donne naïis- sance à de véritables scissures , que traversent les villosités dont les extrémités viennent flotter sur le liquide. Telles sont les dispositions que j'ai observées aux villosités branchiales, et sur lesquelles nous allons principalement fixer dans ce Mémoire l'attention des anatomistes.
Sur un œuf humain du commencement du troisième mois, la caduque externe était intacte dans toute sa surface; en écar- tant les lèvres d’une incision faite sur son axe longitudinal, nous pénétrâmes dans la cavité qui la sépare de la caduque réfléchie : la cavité contenait environ deux onces (60 grammes) de liquide. La caduque réfléchie, libre sur les deux côtés, adhé- rait en bas, en arrière et en haut, avec la caduque externe ; l'adhérence du haut paraissait appartenir au pédicule de ré- flexion. Sur les parties libres de la caduque réfléchie, on voyait de très petites éminences qui rendaient sa surface rugueuse, et çà et là, à côté des éminences, on distinguait des aréoles irré- gulières. Des éminences partaient de petits flocons qui flottaient sur le liquide, et qui devinrent beaucoup plus apparens lors- que l'œuf fut plongé dans l'eau. Examinées à la loupe , nous reconnümes que ces éminences étaient les villosités du chorion qui, après s'être engagées dans les mailles de la caduque réflé- chie, faisaient ainsi saillie dans sa cavité, et se trouvaient, par conséquent, en contact immédiat avec le liquide qu'elle contenait.
Sur un second œuf du vingtième au vingt-cinquième jour,
SERRES. — Sur d’'embryon humain. 329
le chorion , villeux sur toute sa surface , n’était enfoncé qu'aux deux tiers de la caduque qu'il semblait déprimer par son propre poids. En cherchant à le détacher, nous reconnûmes qu'il adhérait intimement à la portion de la caduque qu’il poussait devant lui. L’adhérence dn chorion à la caduque réfléchie avait lieu ainsi qu'il suit : les villosités du chorion s’enfonçaient dans de petits sinus de la caduque réfléchie ; ces sinus, ouverts dans une longueur de deux millimètres environ, débouchaient dans la cavité de la caduque, qui était presque remplie par un liquide un peu roussâtre. Les sinus étaient occupés par les vil- losités du chorion ; ces villosités, renflées à leur extrémité, fai- saient une légère saillie dans la cavité de la caduque. Cette portion des villosités en rapport avec la caduque réfléchie était sensiblement plus développée que celles qui s’élevaient du reste de la surface du chorion.
Sans une dissection très attentive, on eût pu croire que les villosités qui pénétraient dans les sinuosités de la caduque ré- fléchie, faisaient corps avec cette membrane dont elles étaient parfaitement distinctes ; mais leur disposition était telle, que, sans les rompre, on n’eùt pu les détacher l’une de l’autre.
Sur un troisième œuf du deuxième mois et demi, qui fut rendu par une fille publique, en mai 1835, et que me remit M. Manec, chirurgien de la Salpétrière , deux heures après son émission, j'observai ce qui suit : la cavité de la caduque conte- ai tun liquide gélatineux légèrement rosé ; la caduque réfléchie formait, avec le chorion qu’elle enveloppait, un volume d'un petit œuf de poule; elle était libre dans toute son étendue, ex- cepté en haut où elle faisait corps avec la caduque externe. Sa texture était très mince sur les côtés ; en certains endroits, elle offrait le poli des membranes séreuses. Sur cinq ou six points de sa surface externe, ses mailles étaient très écartées , et de petites masses, aù travers des villosités du chorion, faisaient hernie au travers de ces mailles. La préparation mise dans l’eau, on voyait flotter des villosités sur le liquide, soit qu’elles fussent ainsi naturellement, soit qu’elles se fussent déplissées dans le transport. Du reste, rien ne manquait à la conformation régu- lière de ces produits ; chez tous, la vésicule ombilicale occupait
330 SERRES. — Sur l'embryon humair.
sa place habituelle : l'amnios, le cordon et l'embryon lui-même, étaient bien constitués. On ne pouvait done considérer la dis- position de la caduque réfléchie et des villosités branchiales, ni comme une anomalie, ni comme un état pathologique; tout indiquait l'intégrité parfaite et des villosités et de la membrane: Les caractères de cette dernière différaient peu, du reste , de ceux, que lui ont reconnu les observateurs modernes ; car on sait que MM. Mayer, Dang et Metzger , l'ont trouvée celluli- liforme et percée de trous : on sait que sa perforation , recon- nue par M. Lobstein , a été confirmée par M. Moreau /'qui ré: marque avec raison que les ouvertures deviennent beaucoup plus apparentes quand on regarde la membrane à contre-jour. On sait enfin que si MM. Meckel, Heusinger, Vagner, Osiander, Guntz, Burdach, Breschet, Valentin, Carus et Bischoff, dif- fèrent un peu sur la nature du tissu qui compose la caduque, tous s'accordent sur l'existence des ouvertures qui la traversent. Mais, à ma connaissance, personne n'avait remarqué que lorsque la caduque réfléchie est épaisse, comme il arrive presque toujours au moment de sa réflexion, ces ouvertures sont de petits conduits sinueux, rampant dans l'épaisseur de la mem- brane; nul anatomiste n'avait observé également que ces sinus où ces trous sont occupés par un ordre particulier de villosités qui: communiquent: ainsi directement dans la ‘cavité de la caduque. Ces faits, qui, pour être mis en évidence, exigent une dis: section très minutieuse et délicate, avaient échappé aux obser-: vateurs, parce qu’ils étaient sans objet et sans valeur dans les vues qui les dirigeaient ; et surtout d’äpres les usages’ qu’ils supposaient à la caduque, à sa cavité, à son liquide, aux villo- sités du chorion ainsi qu’à leur structure. Mais du moment que je reconnus dans cet appareil les conditions propres à une res- piration branchiale, ils durent devenir et ils devinrent en effet l’objet de l'attention la plus soutenue et d’un examen rigoureux: Or, en préparant comparativement ces parties, sur les pro- duits d’âges divers , depuis le ‘quinzième et le vingtième jour de la conception jusqu'au quatrième et cinquième mois, époque à laquelle la respiration placentaire succède à la respiration
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SERRES. — Sur l'embryon humain. Brun
branchiale, j'ai pu suivre la transformation des sinus en trous. Ainsi ; j'ai observé qu’à mesure que la caduque réfléchie di- minue d'épaisseur, la longueur des petits conduits sinueux diminue dans la même proportion , de telle sorte que, lorsque par la marche des développemens , la membrane est pellicu- leuse, il ne reste du sinus, que l'ouverture qui débouche dans la cavité. Les mêmes expériences m'ont servi à constater que dans les diverses transformations de la membrane, les villosités n'abandonnent jamais ni les sinus, ni ieurs ouvertures respec- tives, elles sont maintenues én place par un renflement en forme. de petite massue qui se développe à leurs extrémités. Tant de précautions prises par la nature pour conserver les rapports de deux parties si délicates , devaient avoir un but, et ce but nous paraît être celui de maintenir les villosités en pré- sence du liquide que renferme ja cavité de la caduque. L’anatomie du développement à contre elle des désavantages dont il est difficile de la prémunir entièrement. Comme les faîts sur lesquels elle: repose ne se montrent pas seuls, qu’ils exigent souvent des préparations longues et'une certaine habitude du
_scalpel, il en résulte que tout le monde n’est pas apte à les vé-
rifier de prime abord. La difficulté est accrue, dans ce cas-ci, par la rareté des sujets d’observation ,-et par la variabilité des parties en voie de développement; car,:én organogénie, les faits ne. sont rigoureusement exacts que relativement à une période déterminée de formation : un peu plustôt,ils sont imparfaits ; un peu plus tard, ils ne sont plus justes. De là, la nécessité de multiplier les observations, la nécessité de suivre tous les temps de. formation d’un organisme, afin d’embrasser, dans un champ assez étendu, les faits les plus saillans qui la décèlent. Cette méthode, que j'ai suivie dans l’ostéogénie pour le système os- seux, dans l’angéiogénie pour la formation des vaisseaux san- guins ,€t dans la névrogénie pour le développement du système nerveux, étant aussi celle qui me dirige dans ces recherches sur l'ovogénie, nous allons exposer quelques faits nouveaux dont j'ai fait représenter avec soin les détails relatifs à l'appareil branchial de l'œuf humain.
Une dame, âgée de vingtsix ans, parvenue à peine au
332 SERRES. — Sur l'embryon humain.
deuxième mois de la grossesse, eut un avortement sans cause déterminable, le 26 décembre 1838. L'œuf était extérieurement dans l’état normal ; la caduque externe envoyait deux prolon- gemens creux dans les oviductes; la caduque réfléchie, moins tomenteuse qu’elle ne l'est à cette époque, n'était séparée de l'externe que par une cavité peu spacieuse, renfermant une once de liquide légèrement rosé. Les ouvertures dont sa surface externe était couverte, ressemblaient les unes à des points
bruns, les autres à de petites scissures allongées. Quand on eut
incisé et renversé la caduque interne, on voyait les villosités du chorion ramper dans de très petits sinus, se diriger vers les ouvertures qu’elles traversaient dans tous les sens; elles flot- taient de cette manière dans la cavité de la caduque, à cause de l'incision des petits pertuis qui les logeaient précédemment ; les autres parties étaient intègres, quoique l'embryon fût moins développé que son âge ne le comportait.
Sur un œuf du même âge, qui fut reçu par M. le docteur Félix Haun, le 12 novembre 1838, la disposition de la caduque réfléchie et des viilosités du chorion était semblable au cas qui précède.
Dans un troisième avortement, qui eut lieu le 8 janvier 1838, chez une dame de trente-cinq ans, l'œuf, rendu en présence
de M. le docteur Félix Hatin, parut correspondre , ainsi que la!
date de la grossesse, à la fin du troisième mois. La formation du placenta était déjà commencée; la cavité de la caduque ré fléchie était néanmoins distincte dans toute la périphérie de l'œuf, immédiatement recouvert par la caduque réfléchie. La surface externe de cette dermière était inégale, tomenteuse; les inégalités étaient produites par les bords des petites fissures à la surface desquelles on observait à nu les villosités du chorion. Leur nombre était considérable. La caduque incisée et déplis- sée sur un de ses côtés, on suivait la marche des villosités de
l'intérieur du chorion vers l’ouverture interne des fissures, où
l'ouverture des trous, lorsqu'ils ne s'étaient pas assez dilatés pour se convertir en fissures.
Un des dessins du Mémoire de M. le docteur Martin Saint- Ange, sur la vascularité du chorion, L- usb exactement
”
SERRES. — Sur l'embryon hurnain. 333
cette disposition sur un œuf du deuxième mois. On y voit les ouvertures dont est criblée la caduque réfléchie, et sur sa partie renversée, on observe la marche des villosités, dont les extré- mités vont s'appliquer immédiatement contre la face interne des ouvertures de la membrane. Ce dessin est d'autant plus sigmfivatif, qu'il a été copié sur la nature, d’après des vues très différentes de celles qui nous occupent.
Une femme âgée de vinget-sept aus, affectée de tubercules pulmonaires et enceinte de trois mois ,moürut dans mia division le 14 octobre 1834. Entre la face interne de lutérus et l’enve- loppe externe de l'œuf, existait une couche mince d’un fluide gélatineux grisâtre, qui isolait l'utérus de la caduque. Cette couche, que j'ai rencontrée une seconde fois dans une grossesse du cinquième mois, réfute l'idée de MM. Reg, Oken et de Baër, qui pensent que la caduque n’est autre chose que la membrane muqueuse utérine.
L'œuf était complet, et, comme dans le cas qui précède, le développement du placenta était déjà commencé. La caduque externe, ouverte par une incision longitudinale, nous laissa pénétrer dans sa cavité, qui contenait environ une once et demi (45 grammes ) de liquide. La caduqne interne, adhérant à l’externe dans la moitié de sa face postérieure, était libre dans le reste de son étendue. Sa surface était villeuse, et en divers endroits le tissu propre de la caduque était tellement atrophié, que cet aspect était dù aux villosités même du chorion. Ces villosités se trouvaient ainsi dans la cavité de la caduque. En outre, sur sa moitié du côté droit, l’état tomenteux était inter- rompu par des fissures et des dépressions au fond desquellés on remarquait les villosités; et, de mème que sur le côté op- posé, l'atrophie du tissu de la caduque avait mis à découvert les villosités du chorion.
Indépendamment des habiles prosecteurs de l’École d’anato- mie des hôpitaux, MM. Giraldès et Estevenet , ces préparations et les dessins qui les représentent ont été soumis à l'examen de nos collègues, MM. Edwards aîné, Milne Edwards , ainsi qu’à celui de M. Dutrochet, juge le pit compétent de la question que je traite parmi les ovologistes modernes.
334 SERRES. — Sur l'embryon humain.
Depuis Hippocrate, qui nous a transmis le précoce avorte- ment d'une cantatrice de la Grèce, jusqu'à nos jours , cet acci- dent est très commun et très dangereux pour les femmes. Or, soit qu'il soit naturel, soit même qu'il soit provoqué, l’avorte- ment qui survient jusqu'à la fin du troisième mois, a presque toujours pour cause une lésion première de l'appareil respira- toire branchial.
Ainsi, tantôt l'hypertrophie des cadnques fait disparaître la cavité, et avec elle le liquide; tantôt leur atrophie les fait rompre sur un ou plusieurs points ; d’autres fois, l’inflammation de leur face interne, en desséchant le liquide, détermine leffa- cement plus ou moins complet de la cavité; d’autres fois, au contraire, son accumulation donne naissance à une hydropisie de la caduque. Le plus souvent, enfin, les villosités branchiales se laissant congestionner par le sang, il se forme dans leur épaisseur de véritables épanchemens sanguins , comparables à ceux du cerveau et du poumon dans les apoplexies cérébrales et pulmonaires.
Parmi les faits de ce genre que j'ai observés, j'en rapporterai deux qui offraient la confirmation des dispositions anatomiques que nous venons d'exposer.
Sur un produit du quarantième au cinquantième jour, qui fut reçu par M. le docteur Félix Hatin, le 6 juin 1838, l'avorte- ment avait été précédé par l'écoulement d’un liquide roussâtre. La caduque externe, tomenteuse, avait été rompue dans sa partie moyenne; ce qui, sans doute, avait occasioné l’'écoule- ment du liquide qne renfermait sa cavité , qui était très étendue. La caduque réfléchie, libre, dans cette cavité, adhérait en haut et en arrière, à la caduque externe, par le pédicule deréflexion, lequel, étant volumineux et creux, indiquait encore la marche de l'œuf dans son enfoncement dans la caduque:
La caduque réfléchie, moins épaisse que la caduque externe, offrait en haut eten avant une déchirure d'environ dix à douze millimètres de longueur, à travers laquelle s'étaient fait jour les villosités du chorion. Sur ses côtés, on remarquait aussi de petites ouvertures oblitérées par des houppes de villosités qui slongeaient de cette manière dans la cavité de la caduque.
SERRES. -— Sur l'embryon humain. 335
Sur un autre produit qui fut rendu le 24 avril 1839, en pré- sence du même accoucheur, l'œuf, âgé de soixante-douze jours, était complet.et sans nulle déchirure extérieure. La cavité de la caduque était étroite ; elle renfermait très peu de liquide. La caduque interne présentait à sa partie mférienre un caillot san- guin recouvert par une pellicule mince qui rappelait la mem- brane sérotine de Bojanus ; cette pellicule incisée, mit à nu une déchirure de la caduque réfléchie, par laquelle faisaient hernie les villosités du chorion, ainsi qu’un caillot sanguin du volume d’une amande ; le reste de la surface de cette membrane était parsemé d’un nombre considérable d'ouvertures et de fis- sures à diamètres plus ou moins larges, fissures et ouvertures dans lesquelles se trouvaient engagées les villosités du chorion. Celles-ci, en outre, offraient çà et là de petits caillots sanguins, résultant de la rupture de leurs vaisseaux:
On a dû remarquer dans le cours de ce travail, qui, si l’ex- périence le sanctionne, complète la belle découverte de Hunter, que nos observations ont eu principalement pour objet de mon- trer d’abord existence des villosités branchiales et leur rapport avee le liquide de la caduque ; découvert dans ces derniers temps par MM. Breschet et Velpeau, et d'éclairer ensuite quel- ques-uns des points contestés de la structure de cette mem- brane et du chorion.
Parmi ces derniers ,il'en est un qui doit encore, à raison de son importance, nous occuper un instant : c’est celui de la vascularité des villosités du chorion. Nous n'examinerons ici, mx les hypothèses anciennes et modernes que cette vascularité imbrme , ni les raisons & priori qu'on lui oppose : en anatomie, un fait nese discute pas, ilse montre.
Or, bien qu'avant d'accorder à l'auteur de-cette découverte la médaille enor du prix de Physiologie expérimentale, vos commissaires, dont je faisais partie, en aient eux-mêmes vérifié l'exactitude, j'ai cru nécessaire de la vérifier de nouveau, au moment où j'alläis en faire applications Faidonc revw à l'œil nu, à la loupe et au microscope, sous tous les srossissemenis , les artères et les veines! dés villosités injéctées jusqu'à déiirs
336 SERRES. — Sur l'embryon humain.
dernières extrémités, non-seulement sur l'œuf humain, mais sur celui de la vache, de la brebis, du chat et de la jument.
On voit donc que les faits incontestables en ovologie nous montrent dans la caduque et le chorion réunis, une cavité, tapissée par une double membrane perforée, un liquide ren- fermé dans cette cavité et un ordre particulier de villosités vas- culaires en rapport immédiat avec la cavité et le liquide; c’est- à-dire que ces deux membranes réunies offrent toutes les con- ditions nécessaires à un appareil respiratoire branchial. -
A mesure que l'embryon se développe et grandit , une partie des villosités du chorion se transforme en placenta, et alors commence le second temps de la respiration fœtale dans l'utérus.
Or, dès l'instant que commence la respiration placentaire, Ja respiration branchiale décroit, l'appareil branchial s’atrophie et disparait; d’abord les villosités branchiales se flétrissent, puis la cavité de la caduque se rétrécit, le liquide diminue, et les deux caduques amenées au contact s'unissent et se con- fondent.
Cest la marche constante et normale de cet appareil qui se développe au moment où il est nécessaire pour la respiration primitive, et qui disparait avec le besoin qui lui a donné naissance.
On voit encore que le rôle de chacune des parties de l’appa- reil lui est assigné par le but commun qu'il doit rernplir. Ainsi les caduques, en protégeant l’œuf de toute part , forment la ca- vité pour contenir le liquide; celui-ci a pour usage d’humecter continuellement les villosités ; la structure réticulée et perforée de la caduque réfléchie est ainsi organisée, pour permettre aux villosités du chorion d'arriver jusqu'au liquide, et ces dernières enfin sont pourvues des nombreux vaisseaux sanguins néces- saires à toute respiration.
L'existence, le concours, et l'accord de toutes ces parties, est indispensable pour que la respiration branchiale puisse s’exécuter. Supprimez en effet la caduque externe , et il n’y aura plus de cavité ; supprimez les ouvertures de la caduque réflé- chie, et les villosités resteront étouffées dans son épaisseur ; supprimez le liquide, et la cavité de la caduque, ainsi que les
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MANDL. — Sur les écailles des Poissons. 337
pertuis de sa lame réfléchie, deviennent inutiles. Supprimez enfin la vascularité des villosités du chorion, et vous annulez completement tout ce riche appareil. Réunissez au contraire ces parties, dont la structure et les rapports se correspondent si exactement, et vous aurez l'appareil bfanchial, tel qu'il est ; et ajoutons, tel qu’il doit être pour remplir l'acte de la respira- tion chez le jeune embryon.
Tel est l'appareil respiratoire branchial que nous avons re- connu chez homme dans les trois premiers mois de sa forma- tion. Nous exposérens dans un autre Mémoire les variations importantes qu’il subit dans l'œuf des Mammifères, dans celui des Oiseaux , et chez les Reptiles.
RECHERCHES sur la structure intime des écailles des Poissons ,
Par le D* L. Manpz. (1)
{ Présentées à l'Académie des Sciences, le 24 juin 1839.)
CHAPITRE PREMIER.
HISTORIQUE.
Les recherches faites par les auteurs sur les écailles des pois- sons étaient en général bornées à un très petit nombre d’é- caîlles : on ne les examinait qu’à la loupe, on décrivait assez mal leur forme , et personne ne s’occupait de leur structure in- time. M. Agassiz, en fixant son attention sur cette partie im-
(x) Voir : Anatomie microscopique , par le D° Mandl , 1"* série, 5° livr. Paris. nr + 2859.,— Voyage dans la Russié méridionale, par M. Demidoff, Paris, 1839. XI, Zoo — Juin, 22
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portante pour la classification des poissons, s’est pareillement - contenté d'en déterminer les formes,
Déjà Borellus (Petrus, observationum microscopicarum centu- ria. Hag.Com.1656, obs.37) avait vu que les écailles présentent des lignes concentriques divisées par des rayons et des points noirs « Squammæ pisciun apparent si aspiciantur , lineis orbicularti- bus multis distinctæ, et in parte qua cuti adhærent, radiis ac punctis multis transcurrentibus divisæ». La figure qu’il donne d’une écaille correspond tout-àa-fait à cette observation impar- faite, qui date, pour ainsi dire, des premiers jours de la mi- crographie.
Hooke (Micrographia. London, 1667, p. 162) donna une figure des écailles de la Sole, plus exacte que tous les auteurs qui l'ont suivi. Nous pouvons facilement, par suite de nos re- cherches, reconnaître la forme des dents et des canaux longitu- dinaux. Hooke ne donne qu’une description très abrégée de ces détails ; il s'exprime ainsi quant aux dents : « Trough an ordina- « res single magnifying glass, look’ed not unlike the tyles on an « house », et il dit que ce sont : «transparent and hard pointed « spikes ». Les canaux longitudinanx sont des « small quilly or
- «pipes, by which, perhaps the whole may be nourished. »
Les observations de Leeuwenhoek sont du nombre des plus incomplètes qu’ait faites cet auteur; pourtant elles furent acceptées par tous ses successeurs. Il dit (Cont. arc. nat. Lugd. Batav. 1722 (Op. omnia. P. III) Ep. 107. p. 191. 1606. Ep. phys Delphis, 1719. Ep. 24. p. 213. 1716) qu'il se forme, chaque année, une nouvelle écaille au-dessous de l’ancienne, qui la déborde, de sorte que l’on aperçoit sur l’écaille le bord de l’ancienne écaille, et qu’on peut ainsi, en comptant dans une section transversale le nombre des couches, déterminer l’âge du poisson et le nombre d'écailles accessoires qui forment l'écaille
-entière. Nous démontrerons plus tard la fausseté de cette opi- nion; mais nous faisons seulement remarquer pour le moment que dans les dessins que Leeuwenhoek donne pour unesection transversale , il ne présente en effet qu’une partie de la surface, et nullement l’intérieur de l’écaille. Cet auteur avait d'abord émis (Arc. nat. (Op.omnia, t. 1). Lugd. Bat. 1722. p.10, 1635)
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une autre opinion ; la découverte des écailles des anguilles, dont il a donné une meilleure figure ( Opera omnia , t. 1. p.48) que ses successeurs , et qu'il croyait composées de globules, et dés recherches faites sur la Perche, l'avaient porté à croire que l’écaille croît comme le bois , c’est-à-dire que chaque année elle forme un nouveau cercle ; opinion qu'il abandonne plus tard, ainsi que nous venons de le voir.
Réaumur ( Histoire de l’Académie, 1716. Paris, 1718, p.229) avait déjà remarqué que la matière argentine observée au mi- croscope ou avec une loupe forte ; est composée « de lames dont la plus grande partie sont taillées très carrément. Ces lames forment des rectangles environ quatre fois plus longs que larges ; quelques-unes ont pourtant leurs extrémités arrondies, et quelques autres les ont terminées en pointes. Elles sont toutes extrémement minces ». Cet auteur croyait que ces cristaux ne peuvent pas être brisés , erreur qui provenait de ce qu'il avait pris des fragmens pour des cristaux entiers. Il assure que ces cristaux sont contenus dans des vaisseaux ou des espèces de tuyaux, prenant pour des vaisseaux les paquets dans lesquels ces cristaux. sont disposés naturellement. Réaumur croit en outre que les écailles des poissons doivent à cette matière leur formation et leur accroissement. Si l'essence d'Orient se putréfie pendant l'été, c'est, assure-t-il, à cause des parties animales qui s’y trouvent accidentellement en dissolution , et il regarde les cristaux comme inaltérables. Cette dernière observation n’a point été confirmée par nos recherches. Il donne en outre une description détaillée de la manière dont les fausses perles se font à l’aide de cette matière, dont il indique fort bien la présence à la surface inférieure de l’écaille, Ces observations de Réaumur ônt échappé à plusieurs auteurs modernes qui ont écrit sur les . écailles des poissons.
Roberg ( Dissert. de piscibus. Ups. 1717. en 4), dans la des- criptüon qu'il a publiée de l’anguille, a copié la figure de Leeu: wenhoek. |
Petit ( Mémoires de l Académie. 1733. Paris, 1735, p. 193)
ne donne que des figures fort incomplètes des retire de la
carpe, examinées à l'œil nu.
22,
340 MaNDL. —. Sur les écailles des Poissons.
Schæffer (Piscium bavarico-ratisbonensium pentas. Ratisb. 1761. p. 28.43 , etc.), en décrivant les écailles des poissons de la famille des Percoïdes, indique les dentelures sur les bords libres, l’aspérité qui en résulte, et veut même y trouver la cause pour laquelle les brochets avalent toujours les perches par la tête et jamais par la queue : « Omnes ex parte posteriori. . denticulis acutis exasperatæ; quæ tamen denticuli seu aculei « minime, ut auctores affirmant, retrorsum flexa, sed recta caudam respiciunt, quæ directio étiam in causa est, quare manum caudam versus ducens nullam, caput versus puncto- riam, asperitatem sensit »; et dans la note : «Si id, quod Willughbeius refert , perpetua experientia docet, quod piseis lucius percas semper capite, nunquam in cauda apprehendat « et sic deglutiat, eo confirmaretur. Lucium sibi mirum in mo- « dum providere, non inscium, a capite ad caudam denticulos « non sentiri, et innocuos esse ». Il ajoute une planche conte- nant des figures des écailles de la Perche; et quoique ces figures méme soient toutes semblables entre elles, Schæfter croit pour-" tant y trouver de grandes différences.
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Baster ( Opuscula subseciva. Harlemi, 1959-1765. Liber. mn. 1761. p. 125) traite, dans un paragraphe intitulé : De squammis piscium , de beaucoup de choses, et il consacre aussi quelques mots à son sujet, qui ne disent guère plus que les paroles de Borellus. Il ajoute toutefois une planche, contenant les dessins de quarante-et-une écailles de différens genres de poissons, parmi lesquels nous remarquons celui de l’écaille de l’anguille, que déjà Leeuwenhosk, environ cinquante ans plus tôt, avait donné avec beaucoup plus d’'exactitude. Quant aux dentelures des écailles, les dessins de Hooke, tout incomplets qu'ils étaient, les représentaient plus fidèlement.
ILest important pour-lhistoire de la micrographie, de recon- paitre par de pareils exemples la voie rétrograde que suivit, à la fin du dix-huitième siècle, l'étude du microscope ; presque tous les auteurs de la seconde moitié du dix-huitième siècle ne donnent que des observations fort médiocres, en comparaison des recherches des auteurs qui les avaient précédés, mais qui
MANDE. — Sur les écailles des Poissons. 34t
aussi, comme Leeuwenhoek et Hooke, construisirent eux-.
mêmes leurs instrumens.
Tout l'esprit puéril de Ledermüller se fait voir dans les des- criptions qu'il donne des écailles des poissons ( {musemens microscopiques. Nuremb. 1764. PI. 29, 38, 59, y3). « Je crois, « dit-il, que, qui voudrait se donner la peine d'examiner ; de « dessiner les écailles de toutes sortes de petits poissons, se. « pourrait faire un cabinet de coquillages aussi joli que curieux ». Quant à la structure, il n’en a aucune idée ; nous ne citerons pour preuve que l’écaille de l'anguille , qui est couverte, selon lui , « d’une infinité de gros et petits écussons de figure ovale », Nous faisons grâce à nos lecteurs de l’histoire du pâté, et des considérations de cet auteur sur la « preuve authentique de la « sagesse infinie du Tout-Puissant. »
Fontana (Sur le venin de la Vipère. Florence, 1781, vol. 15; p. 254) communique quelques observations microscopiques sur le gluten des anguilles, qui n’ont aucune valeur. Il le croit formé de vessies remplies de très petits corpuscules sphériques; en les faisant dessécher sur le verre, elles paraissent plus irré- gulières , présentant un corpuscule à leur intérieur ; enfin, en rompant ces vessies , il en voit sortir une grande quantité de très petits corpuscules.
Dans un mémoire sur les. écailles de: plusieurs espèces de poissons qu’on croit communément dépourvus de ces parties : (Journ. de physiq. 17989. t. xxxr, p. 12), Broussonet ne décrit
que les formes de quelques écailles vues soit à l'œil nu, soit au
microscope. Nous y remarquons les lignes suivantes : « Les
«paysans de plusieurs pays du nord connaissaient long-temps
& avant Lecuwenhoek les écailles de l’anguille, qu'ils ramas- | « saient avec soin pour les méler avec le blanc destiné à blan- « chir les murs de leurs maisons, qui acquéraient par là un « brillant très agréable, particulièrement lorsqu'elles étaient « éclairées par le soleil. »
Heusinger ( Histologie , vol. 1. Histographie. Fisenach. 1822} | awn, ainsiique Réaumur, la matière argentine composée de petits corpuscules anguleux , parmi lesquels se trouvent aussi des corpuscules noirs , luisans, anguleux (?)
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Kuntzmann ( /’erhandlungen der Gesellschaft naturforschen- der Freunde in Berlin. Berlin, 1824, p. 269; 1829, p.369) n’a publié que la première partie d’un travail fort étendu sur les écailles des poissons, qui pourtant a seulement pour objet de décrire les formes différentes. L'auteur ne pouvait réussir dans ses recherches , parce que, ignorant la véritable organisation des écailles, il devait mal interpréter leur structure et leur forme elle-même; mais il est le premier , à notre connaissance, qui ait avancé l'opinion que la forme peut servir de caractère de dis: unction dans les différentes familles: 11 est à regretter qu'il n’ait point poursuivi cette idée, et qu'il ait préféré classer les écailles d’après leur forme, classification qui , ainsi que nous le disions, n’est pas satisfaisante. Kuntzmann a fait ses observations sur les écailles à l'état sec ; il croit, avec Réaumur, que l’accroisse- ment à lieu non-seulement sur les bords, mais dans tous les points de l’écaille. Voici, d’après cet auteur, les différentes classes d’écailles : — a. Membraneuses ; elles ne présentent point de lignes distinctes concentriques (Gadus lota). — b. Semi-membraneuses ; la partie postérieure comme dans les précédentes ; la partie antérieure marquée de lignes ( Clupea harengus). —c.Simples, qui ne présentent que des lignes con- centriques, sans lignes longitudinales ( Salmo salar ).. — d. Avec un dessin régulier ; par exemple, Murena anguilla: — e. Avec quatre champs distincts, par exemple, Cyprinus carpio: — f. Hérissées (Scorpæna) ; l'auteur pense que les piquans sont placés sur la membrane qui enveloppe l'écaille ; on peut les faire tomber par la macération. — s. Épineuses (Perca lucioperca) les épines sont une véritable continuation de l’écaille , et la ma- cération ne les fait pas tomber. Les deux dernières classes sont divisées pareillement en champs.
Nous verrons plus tard les erreurs attachées à cette classifi- cation : ainsi les lignes concentriques existent dans la première classe sous forme de cellules, et ce n’est que la transparence qui empècha M. Kuntzmann de les apercevoir , quand il ajoute qu'il en a vu d’'irrégulières sur les écailles desséchées. Il n’existe pas non plus, comme le prétend l’auteur , de différence entre
, MANDE. — Sur les écailles des Poissons. 343 : les écailles des deux dernières classes. Toutefois, ce mémoire a plus de valeur que tous les travaux précédens.
Ehrenberg ( {nn. de Poggendorf. vol. xxvur. Leipzig, 1833, p- 470) a décrit récemment les cristaux de la matière argentine, observés déjà par Réaumur. Il ajoute une analyse faite par Henri Rose sur une petite quantité de cette matière. Elle est soluble dans l'acide nitrique étendu ; la solution n’est pas troublée par lammoniaque, elle ne l'est que très faiblement par l'addition de l'acide oxalique. Les conclusions de ces expériences sont que cette matière s'évapore par la chaleur , sans résidu ; qu’elle ne contient point de chaux ; qu’elle est soluble dans les acides, ainsi que dans l'alcool et dans les alcalis (par lébuliition dans ces derniers).
Nous rapporterons plus tard nos expériences au sujet de ces cristaux, faites sous le microscope. |
M. Agassiz (1)a, dans ces derniers temps, attiré vivement l'attention des savans sur la forme des écailles, en la prenant pour base de sa classification. Après avoir dit quelques mots, dans Pouvrage cité, de l4 structure de la peau, il parle d’abord de la position des écailles , et ensuite de ieur forme.
M. Agassiz expose les différentes formes d’imbrication, sans entrer dans les détails de la disposition de la peau, et il continue ainsi : « Il résulte de là que la position des écailles est très va- riée; cependant on distingue ordinairement des séries assez régulières pour qu'on puisse en déterminer la position avec précision , surtout pour les écailles imbriquées. Les séries sont disposées obliquement d’avant en arrière, depuis le milieu du dos jusqu'au milieu du ventre ; on pourrait appeler ces séries les séries dorso-ventrales..…. Il est nécessaire de distinguer en- core les demi-séries supérieures et inférieures , et j'appellerais séries z2édio-dorsales celles qui s'étendent de la ligne latérale au dos, et je distinguerais les séries médio-dorsales .antérieures el postérieures, suivant que l’on voudra indiquer celles qui sont dirigées d’avant en arrière ou celles qui sont inclinées d'arrière
(1) Recherches sur les poissons fossiles. Deuxième livraison, Neufchätel, 1834. (Vol, x p- 26 et suiv. )
344 MANDL. — Sur les écailles des Poiséons Ù
en avant. Il en sera de même des séries inférieures à la ligne latérale, que j'appelle rrédio-ventrales ; celles qui de la ligne latérale s'étendent en arrière et en bas seront les médio-ventrales postérieures ; celles qui se dirigent en avant, les médio-ven- trales antérieures.
« Les écailles, continue M. Agassiz, sont contenues dans des cavités muqueuses ou dans de petites poches formées par le chorion, auxquelles elles n’adhérent cependant pas par des vaisseaux ». Nous observerons que ce point ne nous parait nul- lement décidé ; nous citerons même plus tard des observations qui contredisent cette idée... « Elles sont formées de lamelles ou de feuillets cornés ou calcaires, superposés les uns aux autres, et qui sont sécrétés à la surface du chorion ; ces feuillets s'attachent successivement à la surface inférieure des précédens, avec lesquels ils se soudent par des couches de mueus durci »(?). Cette idée est de Leeuwenlioek ; seulement ce dernier avait ap- pelé les feuillets mêmes écailles. «Pour se faire une juste idée de ce développement, il faut l’examiner d’abord dans les genres de poissons où les écailles paraissent présenter ces dispositions à l'état Le plus simple, par exemple, dans les anguilles, les blen- nies, les cobitis et les leuciscus..... Il est facile de s'assurer que les lignes concentriques du bord antérieur et celles du bord postérieur sont continues les unes aux autres ». Rien de plus contraire à l'opinion émise par M. Agassiz, que les écailles citées, dont les lignes concentriques ne sont que des cellules isolées ( page }-
« Après avoir fait macérer des écailles pendant quelque temps dans de Veau, on parvient aisément à les diviser en un grand nombre de lames ou de feuillets plus ou moins épais et de diffé- rente grandeur, mais qui ont tous la forme de l’écaille : ces feuil- lets sont superposés de telle sorte, que les plus petits occupent le centre de l’écaille et forment sa partie extérieure , tandis que les plus grands, débordant les précédens, sont soudés suc- cessivement à leur surface inférieure. Ainsi, lon voit évi- demment que les lignes concentriques qui sont visibles à la surface extérieure des écailles, sont simplement les bords des feuillets qui la composent ». Le fait rapporté par M. Agassiz ne
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s'applique-qu’aux feuillets de la couche inférieure, qui se sé- parent par la macération : sa conclusion est donc basée sur une fausse interprétation, qui , au reste, sans le secours du mi- croscope, ue pouvait pas être juste. Toutes les modifications que l’on observe dans la forme et la nature de la surface des écailles, proviennent de la forme des feuillets d’accroissement et de la manière dont ils superposent les uns sur les autres... À la surface extérieure de quelques écailles (chez les Ganoïdes), se déposent des couches d’émail... »
Quant aux canaux longitudinaux, M. Agassiz les appelle sil- lons. « Ce sont des cannelures au bord de leur surface exté- rieure, qui correspondent d’un feuillet à un autre, semultiplient pendant l'accroissement de l’écaille... ». En décrivant les formes extérieures différentes qu’offrent à l'œil nu les contours ‘des écailles, M. Agassiz parle aussi des lobes, et il continue ainsi : « Lorsque ces lobes sont acérés en forme de dentélures ou de serratures tres aiguës, et qu'ils ne se trouvent-que sur le dernier feuillet (les précédentes disparaissent successivement en $sé- moussant ), il en résulte des écailles dont le bord est en scie simple ; mais lorsqu'il s’en trouve sur plusieurs feuillets consé- cutifs, le bord de Pécailie est hérissé de plusieurs rangées de piquans ; elle est alors très âpre à toucher. »
Nous verrons plus tard que notre explication de ces piquans est bien différente de cellé de M. Agassiz ; que nous y avons trouvé des formations bien organisées , composées d’une enve- loppe, d’un corps dentiforme, qui lui-même présente des racines, des surfaces différentes , plusieurs degrés de développement selon sa position, et des formes différentes dans les différentes familles de poissons. |
Enfin, M. Agassiz établit les principales divisions de la classe des poissons d’après la forme des écailles, « J'ai cru trouver, dit-il (1), dans les différences que présentent les écailles, un moyen de traduire d’une manière plus exacte les affinités natu- relles de tous les poissons. Ce qui ne peut du moins être con- testé, c’est que les animaux de cette classe ont dans leurs tégu-
(1) Poissons fossiles. Seconde livraison. Neufchätel, 183% (Feuilleton-additions , p. 5).
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mens Squameux un caractère qui leur est propre et qui n'existe ainsi dans aucune autre classe... Voici les ordres et les noms des principales familles : 1®° Ordre. Les PLacoiDrs. Ainsi nom- més à cause de l’irrégularité que présentent les parties solides de leurs tégumens; ce sont des anias d’émail de dimensions souvent considérables, on réduits quelquefois à de petites pointes, comme les boucles des raies et les différens chagrins des pastenagues et des squales. Il° Ordre. Les Ganoipes. Le caractère commun à toutes est la forme anguleuse de leurs écailles, qui sont composées de deux substances, savoir, de feuillets cornés ou osseux , déposés les uns sous les autres, et re- couverts d'une couche épaisse d’émail ». M. Agassiz range ici plu- sieurs familles vivantes et fossiles, telles que les Sclérodermes, les Gymnodontes, les Lophobranches, Les Goniodontes, les Silures et les Fsturgeons. « I11° Ordre. Les Crenorpes. Les écailles sont formées de lames pectinées à leur bord postérieur; les peignes de ces nombreuses lames qui sont superposées les unes aux autres, de manière à ce que les inférieures débordent toujours les supérieures, rendent ces écailles âpres au toucher. Cette structure est surtout sensible chez les Chénodontes et les Pleu- ronectes..…... [ci viennent encore se ranger les Percoïdes, les Polyacanthes, les Sciénoïdes, les Sparoïdes , les Scorpénoïdes et les Aulostomes». Nous aurons l’occasion de voir dans le se- cond chapitre que ces peignes sont bien loin d’être de simples lames superposées de maaière à ce que les inférieures débor- dent toujours les supérieures ; mais nous verrons que ce sont de véritables dents, dont nous poursuivrons tous les dévelop- pemens. Cette structure devait nécessairement échapper à M. Agassiz, à cause de l'insuffisance des moyens qu’il a employés; par la même raison, cet observateur distingué n’a pas reconnu la
forme des dents sur plusieurs familles qu’il a rangées dans l’ordre .
suivant. « IV° Ordre. Les CxcLoïprs. Les familles qui appar- tiennent à cet ordre ont des écailles formées de lames simples et à bords lisses, ce qui n'empêche pas que leur surface exté- rieure ne soit fréquemment ornée de différens dessins empreints sur toutes les lames à-la-fois dans leur partie extérieure et qui n'est pas recouverte, Il faut placer ici les Labroïdes, les Muges
MANDL. — Sur les écailles des Poissons. 347
et les Athérines , les Scombéroïdes, les Gadoïdes, les Gobioïdes, les Murénoïdes, les Lucéoïdes , les Salmones, les Clupes et les Cyprins». Nous verrons plus tard que cet ordre contient des familles dont les écailles offrent entre elles les différences les plus tranchées. Assurément, on ne peut point assimiler les écailles des Cyprins à celles des Gobioïdes, ni ranger les Muges avec les Athérines; les Muges offrent distinctement des dents, encore bien que ces écailles ne soient point âpres au toucher. Dans la famille des Cyprins, 1l y a lieu à faire des sous-divisions. Ici encore, la simple loupe et les faibles grossissemens furent trop. insuffisans pour les recherches. Nous reviendrons sur ce point intéressant, qui a acquis une grande importance depuis les travaux de M. Agassiz sur la forme des écailles.
En finissant l'historique des recherches sur la structure des écailles, nous ferons seulement remarquer que presque tous les auteurs ont partagé les idées de Leeuwenhoek , et qu'ils ne pouvaient pas comprendre véritablement ni la forme , ni l'orga- nisation des écailles, n’ayant point fait usage des moyens plus puissans d'investigation, c’est-à-dire du microscope, qui nous a procuré des résultats plus complets.
CHAPITRE II. STRUCIURE DES ÉCAILLES
Nous avons appris dans le premier chapitre, qui traite de l'historique des recherches sur les appendices tégumentaires, que tous les auteurs étaient d'accord pour regarder ces tissus comme le produit d’une sécrétion, et comme formés par des couches homogènes entre elles, pareilles à celles que l'on re- marque dans les coquilles des bivalves. Cette opinion, émise pour la première fois par Leeuwenhoek, et adoptée sans modification par tous les auteurs qui le suivirent, bannissait donc toute idée d’une nutrition interne, d’une véritable organisation qui aurait fait voir dans l’écaille un tissu recevant et conduisant des ma- tiéres nutritives, et parcourant plusieurs degrés de dévelop- pement, .
348 MANDI. — Sur des écailles des Poissons.
Or, le résultat de nos recherches sur la structure intime des écailles est précisément l'affirmation de cette organisation, qui a échappé aux auteurs que nous signalons. Si nous en recher: chons la cause, nous la trouverons aisément dans l'insuffisance des moyens appliqués. Personne n’avait fait usage du micros- cope composé, ni de grossissemens considérables ; on n’exa- minait les écailles qu’à la loupe, à un grossissement de cinq à dix fois au plus, et l’on négligeait tout-à-fait l'étude comparative de ces appendices de la peau chez les différentes familles et dans les degrés successifs de leur développement.
Nous pouvons donc dire sans hésitation que nous sommes le premier qui ayons employé des moyens plus puissans d’in- vestigation. Le grossissement employé par nous pour l'étude de la structure intime, fut constamment celui de trois cents fois, eb c'est à ce grossissement que les dessins de la planche 9 furent ‘exécutés.
Nous avons ainsi acquis la preuve que la plupart des écailles sont composées de deux couches superposées ; l’inférieure offre la structure des cartilages fibrineux, la supérieure celle des car- tilages à corpuscules; cette dernière est pourvue en outre dé lignes dont nous démontrons l'origine par la fusion de cellules
primitives. Ces deux couches sont. parcourues par des lignes.
longitudinales, qui appartiennent aux deux couches.
Nous allons traiter tous ces élémens en particulier, en don- nant d'abord une image plus détaillée de l’écaille, telle qu’elle se révèle déjà à l'examen avec un grossissement plus faible, par exemple de cent cinquante fois.
Prenons pour exemple une écaille bien développée, par exemple celle de la carpe (PL. 9, fig. 2). Nous y remarque- rons des lignes longitudinales qui d’un point commun tendent vers la périphérie, et dont le nombre peu considérable peut facilement être déterminé. L'endroit où ces lignes convergent, ou vers lequel au moins elles se dirigent, occupe une place plus ou moins grande : nous l’appelons le foyer. Entre les lignes longitudinales se trouvent, plus ou moins parallèlement: aux bords, un nombre extrêmement considérable de lignes qui sont entrecoupées par les lignes longitudinales, ou qui s’anastomo:
ne - Tr ————
MANDL. — Sur les écailles des Poissons. 349
sent entre elles, ou se continuent même sans aucune interrup- tion; ce sont des lignes cellulaires , parce qu’elles prennent leur origine dans des rois Enfin , il existe encore sur un grand nombre d'écailles, et sur:un aie leurs bords, des espèces d’é- pines que nous appelons les dents des écailles; dénomination fondée sur le développement de ces corps.
Autour des lignes longitudinales et transversales, principa- ment-vers le point de convergence des lignes longitudinales, ou . foyer, nous trouvons des corpuscules jaunâtres, plus ou moins elliptiques, et que nous appelons les corpuscules des écailles ; enfin ; si l'on déchire ou si l’on enlève la couche supérieure de Pécaille, en voit apparaître une couche inférieure fibreuse.
Nous allons maintenant traiter spécialement de chacune de ces formations ; mais, pour nousen faciliter la description ; il sera bon de diviser l'écaille en plusieurs parties. Imaginons des lignes tirées des quatre coins de l’écaille, qui se trouvent déjà dans la nature plus ou moins marquées (Pl: :9, fig. 2) à travers le point de convergence des lignes longitudinales ; et l’écaille sera alors divisée en quatre parties ou champs. Nous appelons, et nous avons dessiné les écailles conformes à ces dénomina: tions , le champ basilaire , celui qui est implanté dans la peau et dti né vers la tête; et champ terminal, l'opposé, dirigé vers la queue, et qui, be la position imbriquée, est libre, etnon couvert d’autres écailles. Par suite de cette dénomination , le champ droit se trouve près de la région dorsale, et le champ gauche près de la région ventrale. Ces deux dites sont presque toujours identiques, et nous les appellerons les champs latéraux.
Les écailles des carpes et de quelques autres poissons offrent distinctement cette division en quatre parties ; au reste, toutes les écailles laissent facilement reconnaître les champs imdiqués.
A. Des canaux longitudinaux.
Les lignes longitudinales qui, d’un point commun, le foyer de l'écaille, téndent vers la périphérie, jouent un rôle i impor tant dans l'anatomie du tissu que nous examinons. On. n’a jus- qu'à présent aucune. opinion émise à leur égard , parce que d’a-
350 MANDL. — Sur les écailles des Poissons.
bord on ne les avait pas étudiées, et puis ensuite que les au- teurs, voyant dans les lignes cellulaires les limites de l’accrois- sement continuel, devaient se hâter de passer sous silence dès lignes dont ils ne pouvaient pas s'expliquer la présence, et qui même menaçaient de contrarier fortement leur opinion énoncée.
Si en effet l’écaille, ainsi que Leeuwenhoek l’a dit le premier, et ainsi que les auteurs n’ont fait que le répéter jusqu’à présent ; si, dis-je, l’écaille est composée seulement de couches superpo- sées semblables entre elles , et dont les bords sont signalés par ces lignes plus ou moins concentriques que nous appelons les lignes cellulaires, comment alors expliquer ces stries larges qui partent d’un centre commun, qui, entrecoupant les lignes pé- riphériques, séparent souvent ces dernières par des espaces larges et vides? Comment se fait:1l que des bandes larges, au nombre de dix, vingt et même plus, existent dans l’écaille, qu’elles ne soient point marquées par les lignes qui dénotent l'accroissement continuel de l’écaille?
Aussi s’est-on contenté généralement d'appeler ces lignes des sillons , partant sous forme d’éventail, etc. Par l'examen auquel nous avons soumis les écailles, nous sommes arrivés non-seu- lement à déterminer les différentes formes de ces lignes , et les modifications qu’elles subissent dans la série des écailles ; mais
nous avons pu aussi éclaircir les fonctions qu’elles remplissent
probablement dans l’organisation de ces dernieres.
Les lignes longitudinales parcourent tous les degrés de for- mation, depuis celui d’un canal parfaitement fermé jusqu’à celui d’une simple rigole. Nous allons les voir tantôt offrir la forme d’un canal percé à la surface supérieure , et qui fait voir l'épais- seur de la paroi percée, ainsi que le fond ; tantôt ces mêmes lignes se présenteront sous forme de canaux, dont toute la pa- roi supérieure est enlevée; tantôt ce ne sont que des rigoles placées dans la couche supérieure de lécaille, et ayant pour base la couche inférieure de ce tissu. Dans certains cas , on voit ces canaux parcourir l’écaille osseuse isolément; d’autres fois, ils s’anastomosent entre eux, et ilest des écailles où ils ont la forme d’épines. Nous allons maintenant étudier ces formes en détail.
Si l’on examine des écailles d’Æcerina vulgaris { PI. 0, fig.4),
ManDz. — Sur les écailles des Poissons. 351
on verra les hgnes longitudinales se présenter sous forme de canaux étranglés et renflés alternativement. Les parties étran- glées ne font voir qu'un corps arrondi; mais rien ne nous ré: vèle ni sa nature, ni sa structure. Nous resterions dans l’incer- titude , si les parties renflées, la continuation des mêmes lignes, ne venaient nous éclairer sur leur organisation. Ces parties renflées font évidemment voir que la paroi supérieure est enle- vée en partie : on voit alors non-seulement le fond du canal (fig. 4 a), qui parfois est granulé, d’autres fois offre des stries transversales, mais on peut le plus souvent aussi apercevoir dis- tinctement l'épaisseur de la paroi indiquée. Elle est bordée par une double ligne (fig. 4b) dont une appartient à l'ouverture. Il existe aussi des cas où l'ouverture n'est indiquée que par'un simple bord. On pourra s'expliquer ces différentes formes par les différens degrés d'inclinaison sous lesquels la paroi supé- rieure est enlevée; tantôt, en effet , elle est seulement effleurée, et tantôt plus ou moins profondément coupée.
Si l'on procède maintenant à l'examen de l’écaille du Mulus barbatus (PI. 9 , fig. 5), on aperçoit les lignes longitudinales fermées encore d'espace en espace ; mais la paroi supérieure est enlevée par portions considérables, et lon aperçoit aisé- ment le fond du canal. C’est donc un tuyau creux dont la paroi supérieure manque dans la plus grande partie de son trajet. Le fond est placé sur la couche inférieure de l’écaiile, et les parois latérales sont formées par la couche supérieure. Le dessin dé- montre suffisamment, jusqu'à présent, que les lignes cellulaires ne se continuent jamais sur les canaux fermés, ni dans ce der: mier cas, ni dans l’écaille précédemment décrite.
L'écaille du Serranus (PI. 9, fig. 6) offre dans ces lignes lon- gitudinales des tuyaux creux dont une partie de la paroi supé2 rieure manque tout-à-fait ; nous ne voyons, dans le dessin, le canal nulle part fermé ; mais on distingue parfaitement le fond ainsi que les parois latérales , qui sont couvertes de granulations dont nous trouverons plus tard l'explication. La ligne longitu: dinale se rapproche ici encore plus ou moins de la forme ar- rondie du canal : c’est déjà un degré intermédiaire entre le ganal et la rigole.
352 MANDL. — Sr les écailles des Poissons.
Si nous examinons enfin l'écaille de la Percarina Dernidofhi (PL, fig. 7), et cette observation peut se répéter sur üne foule d'autres écailles (par exemple, les men:braneuses ), nous trou- verons déjà le canal transformé en une véritable rigole. La paroi supérieure manque tout-à-fait; la paroi inférieure, ou plutôt le fond, n’est formée que par la couche inférieure de l’écaille (fig. 7 a), qui constitue dans son prolongement l’espace mar- ginal ; il n'existe point de parois latérales proprement dites, mais elles sont seulement formées par l'interruption de la couche supérieure.
Dans ce cas, ce n’est donc point un tuyau creux, comme pour les exemples précédens, qui parcourt l’écaille , mais c’est purement l’absence de la couche supérieure qui constitue la ligne longitudinale. En parcourant donc les figures 4 à 7, nous avons sous les yeux les différentes formes, depuis une simple rigole jusqu'à un tuyau presque entièrement fermé et percé seulement en plasieurs endroits.
Ce dernier exemple démontre que les canaux ou plutôt les tuyaux qui parcourent les écailles plus ou moins osseuses, sont de la même nature que les lignes longitudinales dont nous avons parlé précédemment.
Si nous examinons, en effet, les écussons qui recouvrent la surface du Syngnathus, nous les voyons traversés par des tuyaux tout-à-fait fermés, n’offrant nulle part l’absence de pa- rois, isolés vers le bord, et s’anastomosant vers le milieu de l'écaille; ou vers le fond, emprisonnés entre les anastomoses de ces tuyaux , formant des îles nombreuses.
Ce tissu n'offre point encore la structure osseuse; mais sur des écailles qui présentent cette dernière organisation, Comme celle des Scinques (PI. r, fig. 8), les lignes longitudinales forment des tuyaux fermés parfaitement et arrondis comme dans l'exemple précédent. Le fond fait voir les corpuscules:os- seux avec leurs canalicules (fig. 8, &). Toutes les écailles osseuses , les écussons, etc., offrent presque la même forme; ce qui nous.a fait borner nos observations aux écailles des Acanthoptérygiens et des Malacoptérygiens, les écailles des autres poissons, autant que nous avons eu l’occasion de les
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examiner, n'offrant que des tuyaux fermés parcourant un tissu osseux. |
Ces tuyaux s'élèvent quelquefois au-dessus de la surface de l’écaille, et forment de véritables épines, comme dans le Gadus euxinus, dans la raie, etc. Ils paraissent alors composés d’un tissu fibreux, indiqué par des lignes longitudinales qui les tra- versent de la base vers le sommet.
En jetant un coup-d’œil sur ces différentes formes qui se sont présentées à nous dans l'étude des écailles citées, et que nous pourrions encore augmenter par une foule de degrés intermé- diaires ; il reste prouvé pour nous que les lignes longitudinales se présentent dans toutes les formes, depuis celle d’une simple rigole jusqu’à celle d’un tuyau fermé et creux, qui enfin dans les écailles osseuses se trouve rempli. Mais, dans la plupart des cas, ce tuyau est creux, et, soit qu'il se présente fermé ou bien ou- vert, toujours est-il qu’il peut être considéré comme un canal. L’anatomie élémentaire nous démontre même que les tissus osseux sont d’abord cartilagineux et parcourus par des vais- seaux, des tuyaux creux, qui plus tard se remplissent. Ainsi, les tuyaux des écailles osseuses eux-mêmes ( PL 9, fig. 8) se rangent à côté des autres écailles, si on les examine pendant leur développement, avant qu'ils aient atteint le plus haut degré de leur organisation.
Les lignes longitudinales nous offriraient donc dans toutes leurs formes une série de tuyaux creux que l’on peut véritable- ment appeler des canaux. Ces canaux parcourent l’écaille lon- gitudinalement; ils tendent vers un foyer qui, ainsi que nous le démontrerons plus tard, est un centre de nutrition, un lieu où le tissu se trouve dans son développement. Ces canaux, pla- cés dans le champ basilaire , se trouvent dans un rapport direct avec la peau ; ils n'existent dans le champ terminal et latéral que dans le cas où ils sont recouverts de la peau. Serait-il donc, d'après ces prémisses, trop hardi de conclure que ces canaux servent au transport des sucs nutritifs de la peau: vers le centre de la nutrition et du développement , et qu'ils se trouvent dans une liaison intime avec l’organisation de l’écaille ?, Toutefois,
nous ne voulons rien avancer avant d’avoir confirmé cette opi- XL. Zoor, — Juin, 23
354 MANDL. — Sur les écailles des Poissons.
nion par l'étude des écailles dans leur développement ; mais il n'existe déjà pour nous aucun doute que ces canaux remplissent les fonctions de véritables vaisseaux nourriciers.
Ces lignes longitudinales n’atteignent pas toujours le foyer, et en partant du foyer, pas toujours la périphérie.
B. Des lignes cellulaires.
La plus grande difficulté qui s’est offerte à nous dans l'étude de la structure intime de l’écaille, était l'explication des lignes nombreuses qui parcourent l’écaille dans une direction plus ou moins parallèle aux bords. Nous ne pouvions , par une foule de raisons, accepter l’explication des auteurs qui n’y voyaient que les bords des couches sécrétées.
La seule inspection microscopique s’opposait déjà à une pa- reille opinion : si l'on examine , en effet, une des écailles, même les plus parfaites , par exemple, de Corvina nigra (PI. 9, fig. 9), on voit que ces lignes s'élèvent au-dessus de la surface de l'é- caille (fig. 9 a), et qu'elles sont placées sur une base à part (fig. 9 b), qui est différente de la couche inférieure de lécaille (fig.9 c) et des corpuscules.
Ces lignes sont très courtes et comme morcelées au milieu de l'écaille; elles sont entrecoupées par les vaisseaux longitudi- naux. On trouve souvent , sur les écailles conservées dans l’es- prit-de-vin, de grandes places privées de ces stries; en grattant la surface supérieure des écailles , il est facile d’en enlever une portion quelconque. Comment voir dans toutes ces circon- stances une preuve en faveur de l'opinion que ces lignes sont les bords des couches homogènes de lécaille ?: comment n'y pas trouver, au contraire, des preuves qui renversent lopi- nion émise jusqu'ici par les auteurs?
Aussi devions-nous dès le commencement repousser ces idées et chercher uneexplication dans l'étude comparative des écailles. Nous l'avons trouvée en observant ces écailles qui, pour ainsi dire membraneuses , se trouvent à un degré beaucoup moins avancé de développement et de complication. Nous avons, par ces recherches, acquis la certitude que ces lignes doivent leur
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MANDL. — Sur les écailles des Poissons. 355
origine à des cellules qui, primitivement, se forment dans la couche supérieure de l’écaille, placées sur une base ; que peu- à-peu ces cellules se remplissent, s’allongent ,'et finissent par représenter des lignes plus ou moins larges, qui, tont au plus, par un bord inégal, révélent leur nature primitive. Nous allons maintenant donner des exemples.
Examinons d’abord les écailles d’Ophidium barbatum ; qui adoptent à-peu-prés une des formes représentées dans la figure 3 de la planche 9 ; nous voyons du foyer sortir des canaux longi- tudinaux, et entre ceux-c1 se trouvent des séries concentriques de lignes que nous allons examiner en détail. Cette écaille , grossie à trois cents fois, fait voir que les lignes concentriques sont. composées de cellules isoiées dont chacune présente la cellule proprement dite, et sa base ; elle est séparée de la cél- lule voisine par une rigole étroite, de telle sorte que chaque cel- lule avec sa base reste isolée de la base de la cellule voisine; on aperçoit en outre les canaux longitudinaux; quelquefois le bord postérieur de la base est distinct; chaque cellule présente d’un côté l'épaisseur de sa paroi indiquée par une double ligne.
Dans le Gadus euxinus , les cellules sont encore isolées, mais les bases sont déjà réunies et s'étendent en plaques parallèles aux Canaux longitudinaux ; on aperçoit distinctement les deux couches dont sont composées les écailles ; la couche inférieure forme le fond des canaux, la couche supérieure la base de cellules.
L’Anguille présente un degré, plus prononcé de développe- ment ; les cellules forment des lignes déjà plus distinctes autour du foyer; plusieurs séries seulement sont séparées par un es- pace large ; les bases des cellules isolées sont toutes réunies dans une couche uniforme; les cellules sont entourées d’une double ligne.
Les cellules à la surface des écailles de Motella tricirrata (PL9, fig. 10) sont des espèces d’ampoules disposées en séries, et proéminentes , de sorte que l’on peut, sur le bord replié, les faire tomber du côté que l'on veut (a, b). La couche supé: rieure (c) n'est diyisée que par les canaux longitudinaux (d). 4:
Nous avons fait, représenter. (PL 9, fig.-1#) une portion de
23,
356 MANDL — Sur les écailles des Poissons.
l'écaille de Mullus barbatus ; prise sur le lobe entre deux ca- naux longitudinaux : on voit simultanément des séries compo- sées encore de cellules isolées (a, &), d’autres qui laissent aper- cevoir.les cellules qui les composent (b; b); ces dernières com- mencent à se confondre, il n’en reste que les bords extérieurs (e, c), qui à la fin disparaissent (d; d).
Le Serranus scriba (PL 9, fig. 12) donne un exemple bien remarquable de l’origine de ces lignes par la fusion des cellules: on voit très distinctement un bord de la base occupé par des cellules globuleuses te; petites, qui d’abord sont bien dis- tinctes (a, a), et peu-à-peu finissent par ne former qu'une ligne crénelée (b, b).
La Carpe enfin présente dans ses lignes à peine encore quel- ques cellules ; la plupart de ces lignes se présentent sous:une forme quesnous examinerons plus tard.
Dans cette série des écailles que nous avons parcourue , nous avons vu les cellules tantôt élevées d’un côté seulement, indiquant leur épaisseur par une double ligne , tantôt élevées dans toute leur périphérie, et que l’on peut faire tomber de lun ou de l'autre côté, mais toujours pläcées sur nne base à part, quiest bien distincte de la conche inférieure de l’écaille ; et qui, concurremment avec les cellules et les corpuscules qui ÿ’sont déposées, en forme la couche supérieure.
Nous! avons suivi en outre, dans cette série d’écailles , leur fusion successive, c’est-à-dire leur réunion pour enfin me for- mer quedes lignes que nous appelons lignes cellulaires, et qui sans cette étude préliminaire seraient tout-à-fäit inintelligibles; Or, en regardant maintenant une écaille quelconque, par exem- ple:; celle de Corvina nigra (fig. 9) ; nous comprendrons lorga- nisation de ces lignes; nous reconnaitrons dans les lignes à, a, qu’elles tirent leur origine de cellules ; un de leurs bords est en- coré irrégulièrement ondulé ; elles sont proéminentes, élevées au-dessus de l’écaille, ét en forment la partie la plus saillante. Nous voyons au-dessous (b, b) les bases de ces lignes plus foncées que le reste de l’écaille, et placées plus bas que les lignes a, a; on s’en convainc facilement au inicroscope, parce que, pour lés biensapercevoir , il faut changer le foyer; il est vrai quel-
…
MANDL. — Sr les écailles des Poissons: 357
quefois seulement très peu. Quant aux corpuscules, nous en parlerons plus tard ; nous faisons seulement remarquer, pour le moment, que, dans le dessin cité, l’écaille-est présentée dans la pesition où les lignes sont dans le foyer, ce qui fait que les corpuscules ne peuvent être distinctement aperçus.
Si l’on examine ces lignes près du champ terminal, dans.les écailles qui sont pourvues de dents, om les voit souvent se joindre à la ligne voisine par une courbure, ce quileur donne l'aspect d’une ligne formant le prolongement de l’autre qui s'est recourbée. Nous. parlerons plus tard de la forme de ces ligries dans le foyer.
Nous voilà donc arrivés à un résilot bien différent de l’opi- nion des auteurs qui n’ont vu dans ceseligries que les bords des couches de l’écaille. Cette opinion, à laquelle: déjà la simple inspection microscopique s’opposait, par des raisons que nous ayons exposées, est tout-à-fait renversée par nos observations; Nous aurions préféré suivre les différens degrés du développe- ment de l'écaille sur le:même individu; pourtant l'étude compa- rative des écailles nous a fourni des résultats assez satisfaisans pour. pouvoir espérer qu’elle peut suppléer aux recherches. indiquées.
C.'Les corpuscules.
On sait que les cartilages sont pourvus de corpuscules de dif- férentes formes et qui sont caractéristiques de ce tissu; une formation tout-à-fait analogue se présente dans les écailles. Ces corpuscules sont jaunâtres, d’une couleur plusiou moins foncée, d'une forme oblongue, plus ou moins elliptique ‘on les voit bien distinctement dans la fig. 13, pl. 9. Près du bord de lé- caille, ils diminuent de grandeur, pour ne former enfin qu'une espèce de granulation (fig. 13 a, pl. 9).Ce qui se ant aussi quelquefois autour des canaux longitudimaux.
"1Æxaminés à un grossissement Gloss fort, on distingue plus hettement leur forme ; on voit qu'ils présentent quelquefois les côtés légèrement renflés,, que leurs bouts arrondis sont d’autres fois réunis à de très petits corpuscules, -ou ‘irrégulièrement limités; ils deviennent très päles , et forment de grandes plaques
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358 MaNDL. — Or les écailles des Poissons.
dans le foyer. Leur longueur ordinaire est d’un centième de millimètre ; mais, ainsi que nous l'avons déjà exposé, cette grandeur est très variable. Ces corpuscules paraissent disposés en séries très régulières, que pourtant jusqu'à présent nous n'avions pu distinctement apercevoir; leurs directions s’entre- coupent quelquefois de manière à former des sortes de croix. Ils nous paraissent jouer le même rôle que les corpuscules des os et les cartilages. Les acides les rendent transparens, et ils seraient, d’après l'explication quel’on donnedes corpuscules des vs, le siège d’un dépôtdesels. Si l’on traite l’écaille, »ar exemple, par l'acide hydrochlorique, et si on l’y laisse séjourner pendant quelque temps, les corpuscules disparaissent presque entière- ment, et l’on y voit des sels déposés.
Ces corpuscules sont placés, dans le tissu, près des lignes cel- lulaires, dans les bases de ces dernières, et dans un tissu parti- culier qui est placé au-dessus de la couche inférieure de l’é- caille. Ce tissu ne présente pas une organisation particulière : c'est un tissu amorphe, comme celui où sont déposés les cor- puscules des os.
Nous appellerons ce tissu, qui contient tout à-la-fois les cor- puscules , avec les lignes cellulaires et leur base, la couche su- périeure de l'écaille. L'organisation que nous venons d’exposer nous paraît la rapprocher des cartilages à corpuscules, qui ne sont pas ossifiés.
D. La couche fibreuse.
Si l'on gratte, à l'aide d’un couteau, la surface supérieure de l'écaille , on parvient à enlever les lignes cellulaires, leurs bases et les corpuscules, et l’on voit alors apparaître la couche infé- rieure, composée de lamelles fibreuses dont les fibres s'entre- coupent sous des angles réguliers, mais qui toutes suivent la même direction dans la même lamelle (PL 9, fig. 14).
Si au lieu de gratter on déchire l'écaille, alors on déchire aussi la couche inférieure, et l’on divise Les lamelles en un grand nombre de faisceaux de fibres, ou même en fibres isolées. Cette organisation se rapproche tout-à-fait de celle des carti- lages fibrineux.
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MANDL. — Sur les écailles des Poissons. 359
En déchirant de cette manière l’écaille , il arrive quelquefois qu’on rencontre des fragmens où l’on aperçoit les lignes cellw- laires avec leurs bases surpasser le bord, preuve évidente de la différence de ces diverses couches.
Il y a plusieurs écailles sur lesquelles on aperçoit déjà la couche inférieure sans avoir besoin de recourir à un déchire- nent : telles sont les écailles de la carpe. On voit alors confusé- ment, à côté des bases des lignes cellulaires, des stries très ser- rées, qui sont précisément les fibres de la couche inférieure, et qui sont dirigées en sens différent.
Cette couche est la plus épaisse au foyer de l’écailie, et la plus:mince aux bords. Nous verrons plus tard comment la for- mation. de l’écaille produit ces différences d'épaisseur.
Nous avons déjà dit, en parlant des canaux longitudinaux, que ceux-ci ne sont quelquefois que de simples rigoles, formées par l'interruption de la couche supérieure de l’écaille, et par la présence seule de la couche inférieure. Si l’on examine le bord . des écailles (Pl. 9, fig. 4), on voit distinctement.comment le fond de ces canaux se continue avec un espace large que nous appelons l’espace marginal, et qui n’est formé que de la couche inférieure de l'écaille. Cet espace se présente sur le bord basi- laire ainsi que sur les bords latéraux. Si dans ces espaces mar- ginaux les fibres n'apparaissent point au premier aspect, on peut toujours les faire paraître par le déchirement de l'écaille.
Ces espaces marginaux se représentent non-seulement sur les écailles indiquées, où leur formation par la couche infé- rieure est la plus évidente , mais on les voit encore sur un grand nombre d’autres écailles.
E. Le foyer.
Nous avons ainsi appelé le point vers lequel tendent tous les canaux longitudinaux, mais qui n’est pas toujours placé dans le centre de l’écaille. I est occupé par des corpuscules très grands, pâles et peu épais, et par des lignes cellulaires interrompues, pour ainsi dire morcelées. Telle est au moins la forme du foyer dans là:plupart dés écailles dures des Acanthoptérygiens, dans
360 MANDL. — Sur les écailles des Poissons.
Jes Malacoptérygiens au contraire, et principalement dans les écailles membraneuses, il n'offre souvent qu'une surface unie, circonscrite, sans corpuscules, sans lignes circulaires interrom- pues; il est alors le plus souvent entouré de lignes cellulaires concentriques.
La grandeur du foyer diffère : il n’occupe tantôt qu’une très petite place , d’autres fois il est très étendu; il détermine la grandenr des champs différens , parce que les lignes de démar- cation passent par un centre. Il a la forme tantôt ronde, tantôt oblongue, elliptique ou carrée, etc. |
Nous appellerons foyer granuleux celui qui est occupé par des corpuscules, des lignes cellulaires nombreuses interrom- pues, des cellules plus ou moins distinctes , remplies’et dif- formes ; nous appellerons au contraire foyer uni celui dont la surface n'offre ni des lignes cellulaires RP ni des cellules remplies, ni des corpuscules.
La plupart des foyers granuleux sont situés en dehors du centre, de manière à rendre le champ basilaire le plus grand, et le champ terminal le plus petit; la plupart, au contraire, des foyers unis sont situés au centre, ou peu éloignés de là ;les champs sont plus égaux, et la forme de l’écaille est en général oblongue, les lignes cellulaires concentriques autour du foyer.
F. Les dents des écailles.
Les aspérités que l’on trouve sur le bord terminal des écailles n'ont pas, jusqu’à présent, été soumises à un examen détaillé. Nous étudierons en détail ces tissus sur une écaille, pour les mieux comprendre dans les différens changemens qu'ils su- bissent.
Le bord terminal de l’écaille de Corvina nigra est occupé par des corps dont la figure 15 représente la forme, en ne donnant qu'une partie du champ terminal. On aperçoit, au prerñier as- pect, des corps oblongs entourés d’une enveloppe : il était d’a- bord nécessaire de se convaincre si cette enveloppe, et le corps qui est à l’intérieur, sont en effet séparés l’un de l’autre. Nous sommes parvenus à éclairer ce point par le déchirement de ces
MANDL. — Sur les écailles des Poissons. 361
-parties, opéré avec précaution à l’aide d’une aiguille. Ces corps
sont tantôt déchirés eux-mêmes, et tantôt leurs enveloppes seules sont endommagées , plus ou moins profondément lacé- rées. On peut ainsi enlever presque tous ces corps, et la mem- brane sur laquelle ils sont posés reste seule.
Ces corps, examinés en détail, nous feront bientôt voir une organisation pareille à celle que l'on observe sur les dents : nous verrons, en effet, d’abord un germe entouré dun sac; ce germe commence peu-à- peu à se développer, il acquiert des racines , on y distingue des couches différentes; leur bout est inégal ou tronqué, ou pointu. Nous croyons donc pouvoir con- venablement appeler ces corps les dents des écailles, en faisant allusion ainsi à leur mode de formation.
Les dents sont le moins développées près du foyer, et le plus sur la première série, c’est-à-dire sur celle qui est près du bord terminal. Nous voyons, par exemple, dans la figure 15, les deux dents supérieures dans leurs sacs; les racines sont bien dis- tinctes, on voit l'épaisseur de la base de la dent , et il n’y a pas de discontinuité dans toute sa surface. Dans les deux dents in- férieures, le développement est beaucôüp moins avancé, les bouts sont tronqués ; la couche externe de la dent ne l'enve- loppe pas entièrenient, mais on distingue nettement les racines, et l'on aperçoit même sur les racines des couches différentes. La figure 15 fait voir encore des degrés différens du développe- ment, jusqu’à ce qu’on arrive aux dents les plus infériéures qui, couvertes de corpuscules, sont à peine marquées RAT et très peu développées.
Nous allons maintenant décrire quelques formes dans les
différentes familles des poissons. Les Gobioïdes ont une simple série de dents tronquées; la surface tronquée est inégale et plus foncée que le réste de l'é- caille; les racines sont quelquefois bien distinctes, ainsi que les enveloppes; leur membrane est séparée du reste de l'écaille par une ligne.
Les Percoëdes présentent des dents bien pointues dans la premiére série; les autres dents sont presque carrées, et l'on voit leurs sacs sur les côtés; leur position est alternante.
362 MANDL. — Sur Les écailles des Poïssons.
La Solea nasuta offre des dents pointues dans toutes les sé- ries. Il est très difficile de comprendre leur position sur ces écailles, quand on les examine pour la première fois, parce que les racines et le contour inférieur du sac de la dent su- périeure sont recouverts par le bout de la dent et le sac de la dent inférieure, Il est nécessaire, dans cette premiere observa- tion, d'apporter une très grande attention.
Chez le Sargus annularis, les dents des deux ou trois pre- mières séries sont seules bien distinctes; les autres ne se voient que dans une espèce d'ombre, très vaguement.
Dans les séries nombreuses de dents du Mugil cephalus, on peut étudier en détail le développement successif des dents. Dans les séries les plus voisines du foyer, il existe des sacs ronds avec un germe rond au-dedans; plus tard,.le sac s’allonge en pointe, la base des dents apparaît, les racines se développent , le bout pointu des dents se forme, et la dent en- tière se confond enfin avec le sac. La forme de ces dents est ovoide , leur position alternante. Les dents qui se trouvent le plus près du foyer, ou plutôt ces germes de dents, ne sont que peu distinctes, car elles sont couvertes de corpuscules et de lignes cellulaires interrompues.
Les dents se rencontrent sur une portion de l'écaille-qui, chez plusieurs poissons tels que les Trigla, est facilement détruite par le séjour dans l'esprit-de-vin ; cette partie tombe alors en même temps que les dents, et elle se trouve séparée régulièrement à l’endroit où est située la ligne qui sépare les dents du reste de l’écaille. Le même fait s'observe chez les Goboïdes, etc.
Les dents sont toujours les plus nombreuses au milieu du champ terminal, et elles diminuent à mesure que l’on se rap- proche davantage des bords latéraux, jusqu’à ce qu’enfin l'on arrive à une dent isolée.
G. Formation de l’écaille. Si nous voulons appliquer les résultats que nous avons obte- nus dans l'étude de la structure intime des écailles, à l'explica- tion de là manière dont elles se forment, nous verrons tout d'a
MANDL. — Sur les écailles des Poissons. 365.
bord qu'il importe de bien distinguer la formation de la couche supérieure et celle de la couche inférieure.
La première, composée de cellules et de leurs bases avec le tissu qui contient les corpuscules, prend son développenient par des accroissemens qui ont lieu dans la périphérie, autour des lignes cellulaires; au moyen de pareils accroïssemens ; ils forment non-seulement plusieurs lignes cellulaires, mais ces canaux longitudinaux eux-mêmes se trouvent allongés. Il est très probable que les lignes cellulaires ne se forment pas seule- ment l'une après l’autre, mais que plusieurs lignes sont pro- duites simultanément; nous en trouvons une preuve dans les écailles, qui dans leurs accroissemens successifs conservent les espaces marginaux, et dont les lignes cellalaires ou les cellules sont ainsi séparées en plusieurs groupes; nous citerons pour exemple les écailles de Cobitis fossilis.
Mais cet accroissement dans la périphérie n’expliquerait nul- lement la grande épaisseur du milieu; nous en trouverons la cause dans la formation de la couche inférieure. Nous avons vu que celle-ci est composée de plusieurs lamelles ; à chaque ac- croissement se forment toujours de nouvelles lamelles. Les ca- maux longitudinaux, qui parcourent toute l’écaille, apportent les sucs nécessaires pour qu’une formation uniforme d'une nouvelle lamelle puisse s’opérer dans toute l'étendue de l’é- caille : il s'ensuit que les anciennes lamelles étant plus petites, l'épaisseur doit augmenter à mesure que l’on se rapproche du foyer.
Le développement des dents est aussi d'accord avec cette opinion; nous avons vu, en effet,qu’elles sont le moins parfaites près du foyer, c’est-à-dire à l'endroit où finissent les canaux lon- gitudinaux, et qu’elles sout d'autant plus développées, que lon se rapproche du bord. Un développement ne peut pas avoir lieu sans nutrition. Elle doit donc être progressive du foyer vers le bord, c’est-à-dire que les dents le moins développées sur la jeune écaille acquierent du développement en avançant vers le bord terminal. En même temps , il se forme derrière eux de nouveaux germes près du foyer. 11 ne sera pas difficile de re- connaître ici une liaison entre ce développement et les ca-
364 MANDL. — Sur les écailles des Poissons.
naux longitudinaux qui se trouvent dans la partie de l’écaille, qui est en rapport avec la peau.
Le champ basilaire est, en effet, presque entièrement entouré de la peau ; nous croyons même avoir aperçu plusieurs fois des filamens qui entrent dans les canaux longitudinaux. On voit donc, d’après ce que nous venons d'exposer, dans quel rapport intime se trouvent ces canaux avec le développement , et au’ils remplissent, pour ainsi dire, par rapport à l écaille la fonction de racines.
Peut-être une observation , que nous allons rapporter, vient- elle encore à l'appui de cette opinion. Des écailles de plusieurs espèces du genre A{bramis nous ont paru perdre leurs canaux longitudinaux dans un âge plus avancé; car nous en avons vu sur d'autres individus qui n’offraient de différence que dans leur grandeur. Ces canaux se remplhraient donc; ils s’oblitéreraient, pour ainsi dire, dans la vieillesse, phénomène qui ne resterait pas isolé dans de
Ces canaux transportent-ils donc eux-mêmes les sucs ou ne . sont-ils que des canaux pour des vaisseaux lymphatiques ? Des recherches ultérieures doivent décider de cette question. Pour le moment il nous suffit d’avoir démontré les rapports qui existent entre l’accroissement de l’écaille et ces canaux ; et le rôle important que jouent ces derniers dans l'anatomie et Ja
physiologie de l’écaille.
D'après ce que nous venons d'exposer, nous n'avons guère besoin de répéter combien notre opinion est en opposition avec celle des auteurs qui voient dans les lignes cellulaires les bords des couches sécrétées de l’écaille.
. Il reste donc prouvé, d’après nos recherches, que les écailles ne doivent point être considérées comme le produit de la sécré- tion, de la peau, mais qu'une nutrition interne, ‘un véritable accroissement s'opère dans ces appendices tégumentaires. Les dents qui se trouvent sur un grand nombre d’écailles en offrent d’abord, par les développemens successifs qu’elles parcourent, un exemple des:plus frappans;les canaux, en rapport avec la peau, viennent à l'appui de cette opinion; les cellules (que Pon
MANDL. —. Sur les écaiditis des Poissons. 365
doit appeler granules quand elles sont remplies ) subissent des changemens successifs que nous avons signalés, et prouvent, par conséquent, qu'elles sont soumises à un accroissement, à une nutrition, et qu'elles ne doivent pas leur origine à une se- crétion.
Il reste en outre prouvé qu'il faut bien distinguer deux cou- ches tout-à-fait différentes dans la structure de l’écaille ; deux couches. différentes dans leur organisation leur mode d’äc- croissement et le nombre de parties qui les composent. La eou- che supérieure; ressemblant par sa structure aux cartilages à corpuscules, offrant des corpuscules.et des lignes, diffère essèn- tiellement de la couche inférieure fibreuse. Mais il reste ici un point que les recherches ultérieures devront décider: nous avons dit que les lamelles fibreuses de la coucheinférieure, for-
sur le bord excédant, la lamelle la plus récente, il se forme de nouvelles lignes cellulaires, ; qui constituent ainsi la’ continua- tion de la couche supérieure. Ces lignes cellulaires sont-elles formées tout-à-fait indépendamment de la couche inférieure,
mées l’une après l’autre ; se surpassent graduellement, et que
ou sont-elles le résultat de lélevation de celle-ci, qui, toute:
fois, par cette élévation, éprouverait une transformation com- plète? Cette dernière opinion se trouve icontredite par la struc- ture essentiellement différente de deux couches ; par le nombre
d’autres fois beaueoup moindre que celui des lignes ; par la formation de dents qui est.tout-à-fait indépendante de la :cou- che inférieure. Mais on pourrait citer, à l'appui de cette opi- niou ;, la transformation par exemple de cartilages en tissu os+ seux, deux organisations essentiellement différentes; on pour-
| | de lamelles inférieures quelquefois beaucoup plus considérable, |
|
| . : ? F y
| rait dire qu'une lamelle donne naissance à sa surface, à plu- |
|
J
sieurs lignes cellulaires , ou que toutes les lamelles ne présentent | pas cette, transformation. Mas, dans aucun cas, on ne pour- | rait affirmer que le bord de la lamelle inférieure constitue ces
l lignes. Nous avons vu d'abord la différence dela structure du
}
| quefois tout-à-fait opposée à celledu bord; d’autres fois les lignes | situées entre deux canaux sont interrompues-etsecroisent dans
| bord de l’écaille et des lignes ; la direction de celles-ci est quel-
366 MANDL. — Sur les écailles des Poissons.
leurs directions , tandis que le bord correspondant de l’écaille ne constitue qu’un trait uni, etc.
Quant à l’autre opinion , qui serait favorable à une formation de la couche supérieure , indépendante de la concheinférieure, nous en savons encore trop peu pour pouvoir l’affirmer; peut- être que l'étude des écailles observées dans leur développement _chez les jeunes individus, pourrait éclaircir cette question qui offre béaucoup d'intérêt pour la physiologie des appendices tégumentaires.
La matière argentine déposée à la surface inférieure de l’é- caille sur une membrane particulière, consiste en cristaux dont
la figure 16 donne la forme.
CHAPITRE III. DES ÉCAILLES CONSIDÉRÉES COMME CARACTÈRES DE CLASSIFICATION.
La question la plus importante dans l'étude de lPhistoire na- turelle est la détermination des caractères naturels, c’est-à-dire de ces caractères qui ressortent des propriétés inhérentes ‘aux animaux , qui leur sont propres dans leur état naturel, et que l'on peut étudier, soit en observant le corps entier dans son ensemble, ou bien seulement quelques parties détachées , mais toujours sans le concours des sciences étrangères. Or, ce qu'il importe le plus dans ces recherches, c’est précisément de dé- terminer des caractères qui se trouvent en rapport intime avec la naturede l'animal, qui soient liés à son organisation, à l'anatomie et à la physiologie de son corps qui enfin soient essentiels et ne changent point avecles accidens d'habitation, de nourriture, etc.
Ce n’est que la juste détermination et appréciation de ces caractères qui pourra nous fournir des idées précisés et vraies sur l'espèce, le genre et la famille, et nous faire éviter les erreurs dans lesquelles sont tombés des savans qui,dans des détails tout-à-fait insignifians.ont cru trouver des caractères suffisans pour consti- tuer une espèce nouvelle. N’avons-nous pas vu ainsi des botanistes faire deux espèces différentes de la même fleur, qui se trouvait
MANDL. — Sur les écailles des Poissons. 367
au bord et dans le fond d’un fossé , et qui pouvait tout au plus différer dans ce cas par l'éclat de ses couleurs? Ne voyons-nous pas journellement des ichthyologues , des zoologistes, créer des nouvelles espèces d’après les changemens de couleur, de gran- deur, etc., changeinens qui sont tout-à-fait accidentels et qui dépendent purement des influences du climat, de la nutri- tion , etc.; mais, à part le peu de valeur que peuvent avoir des caractères ainsi fondés, il est encore un autre point qui le plus souvent est négligé par les naturalistes, et dont nous vouions dire un mot. 1
Une propriété quelconque, qui constitue un caractère natu- rel chez un être, peut, par différens degrés, varier ét constituer ainsi dans ses changemens successifs une série continue, Des rapports unissent tous les membres de cette série ; aucun n’est séparé de l’autre par une différence réelle , et chaque membre de cette série peut être remplacé par un autre de la nême série, sans changer la nature de l'être. Ainsi, par exemple, les couleurs blanches et rouges avec toutes leurs variations peuvent sans distinction se trouver sur les roses, sans qu’une nouvelle espèce soit créée. Toutes les nuances entre le blanc et le rouge consti- tuent donc ici une série naturelle, dont les membres peuvent se substituer l’un à l’autre, sans changer la nature de la rose.
M. le professeur Mohs à fait une très heureuse application de ces principes à la minéralogie, ou, pour mieux dire, ces idées des caractères naturels et des séries qu'ils constituent doivent leur origine à ce savant distingué. La création des systèmes de cristallisation , comme, par exemple , du système tessulaire, rhomboédrique, pyramidal, etc., donna naissance à autant de séries naturelles, contenant une foule de membres, qui tous indistinctement peuvent être substitués l’un à l’autre , mais qui ellesmèmes sont essentiellement séparées, et ne peuvent être confondues entre elles. Ainsi il importe peu, pour la détermi- nation d'une espèce, que le minéral soit cristallisé sous forme de cube ou sous toute autre, dérivée de celle-ci; mais jamais, par exemple, ilne pourra présenter la forme pyramidale; car il n'existe pas de transition entre un cube et une pyramide,
Ce sont donc seulement les caractères qui distinguent entre
368 MANDL. — Sur les écailles des Poissons.
elles des séries et qui n'admettent point detransitions , qui peu- vent autoriser à établirdes distinctions entre des êtres, à créer de nouvelles espèces. Sitôt qu'il y a passage entre les caractères d’un nouvel individu et ceux d’un individu connu; on ne peut plus faire une division sérieuse. Malheureusement l'oubli ou peut-être l'ignorance de ces principes à fait créer à beaucoup de natura- listes une foule d'espèces, fondées sur des distinctions futiles, et (qu'on nous pardonne l’expression) vraiment niaiïses , qui ont provoqué un encombrement de nouvelles espèces qui dégoûtent de l'étude de l’histoire naturelle.
1l n’est qu'un seul moyen de remédier à cet abus, c’est d’étu- dier les véritables caractères naturels, d'observer attentivement les séries qu’ils constituent, et d’en faire l'application rigoureuse dans la classification des animaux. Les écailles nous ont paru offrir un de ces caractères naturels pour la classification des poissons. L'intime liaison qui existe entre les appendices tégu- mentaires et l’organisation de l’animal, et dont nous avons déjà parlé dans le premier chapitre, apporte un argament bien fort ‘en faveur de notre opinion. Nous ne voulons pas nous appuyer sur la raison que les poissons peuvent vivre privés de nageoires et non pas des écailles , que par conséquent les écailles ontune valeur physiologique plus importante que les nageoires. Une pareille argumentation serait trop imparfaite et trop pen con- cluante. |
Peu nous importe pour le moment l'importance physiologique des écailles : il s’agit seulement ici de savoir si elles peuvent ser: vir de caractère distinctif entre les individus différens. Or, les écailles gardent la même forme, non-seulementsur le mêmeindi- vidu, mais sur-tous les mdividus de la même espèce : elles sont essentiellement différentes chez des individus d’une autre famille: elles constituent des séries de forme différentes, séries qui entre elles-mêmes sont bien distinctes, mais dont les membres offrent tous les degrés, de transition qui les unissent entre eux. Les écailles peuvent donc servirde caractère uaturel dans la descrip- tion et la classification des poissons.
A M. Agassiz appartient le mérite d’avoir le premier fixé lat- tention des naturalistes sur les écailles ; mais ; privé du secours
MANDL. — Sur les écailles des Poïssons. 369
du microscope, non:seulement l’organisation de lécaille lui res- tait cachée ; mais il dut aussi confondre des écailles de formes les plus différentes. Cest ainsi que M. Agassiz dit (1).que, dans la famille de Cyprins, «tout le corps est recouvert d’écailles formée: d’un assez grand; nombre de lames d’accroissement à bords en- tiers-et lisses, des rainures ou des sillons plus ou moins nom- breux: s'étendent, du’ centre d'accroissement au bord des écailles », etc, et il range les Cyprins dans la famille des Cy- cloïdes; mais ces sillons sont des canaux , mais:ces bords entiers -et.lisses des lames d’accroissement ne sont autre chose que des lignes résultant de la fusion. de cellules, des lignes qui se répètent sur toutes les écailles. On voit donc que, l’organisa- tion n'étant pas bien connue, on ne pouvait non plus donner une description caractéristque des écailles ; et qu’on devait confondre ensemble des écailles, qui pourtant offrent de véri- tables signes distinctifs entre les familles ; nous en trouvons un exemple dans le mémoire cité de M. Agassiz.
Ce savant distingué prétend (1. c. p. 48 ) que les rapports qui lient les Muges ét les Astérines avec les Cyprins ont entièrement échappé à Cuvier, à cause:de la trop grande importance que ce célèbre naturaliste à attachée à la présence ou à l'absence de rayons épineux sur le-dés. Aussi M. Agassiz a-t-1l dû rechercher quelque caractère commun à tous:ces poissons, afin de pouvoir les rapprocher: les uns des autres,et il dit avoir trouvé ce'carac- tère dans leurs écailles; qui sont toutes composées de lames” d’àäccroisséement à bords entiers , et qu’il appelle Cycloïdes.
> «Or, rien précisément de: plus différent que les écailles de Muges , d’Athérinesiet de Cyprins: La différence est si grande qu'elle, nous détermina à:placer les Athérines dans une famille -à part, opinion qui avait déjà été énoncée:par Cuvier, qui n’au- raitypas hésité de les séparer définitivement, s’il avait connu les caractères particuliers que présentent leurs écailles: Nous avons vu avec plaisir notre opinion partagée par M. le professeur
(1) Mémoires de la Société des Sciences naturelles de Neufchätel, 1, 1, p. 34, Neuf- châtel, 1835.
XL Zo01,— Juin. 24
370 MANDL. — Sur les écailles des Poissons.
Nordmann, qui fait une famille tout-à-fait distincte des Athérines aussi bién que des Mullus. fr : LT
Nousne pouvons non plus affirmer, avec Muagniii que Fit- zinger a eu tort de séparer les Cyprins desCobitis, Nous née vou- lons point discuter ici les raisons qui ont déterminé ce dernier auteur à opérer cette séparation ; mais ce qui est sûr, (c'est que l'inspection microscopique des:écaïlles justifie complètément cette séparation, et que cette différence seule autorise déjà üne distinction à fatre entre ces genresi0 1 2910
Nous n'insistons point ici davantage sur la 'confirmiation'de notre opinion. Les exemples apportés démontrent déjàsuff- samment que:seule! l'étude: détaillée des écailles: à l’aïdé du microscope, peut nous révéler leurs formes: Nous entrouvons une preuve convaincante dans lerésultabincompletque M. Agas- siz a obtenu de l'étude des écailles observées à l'œil nu;ses vastes connaissances et le soin qu’il apporta dans:ses recherches, ne cr donc pt à event qe 7. ses : RE a vation. Por à L) brissèn > HHSVRE 96
Gad autre question est Ééacs su à aüel point les ééaillès peuvent-elles offrir des: signes distinctifs entre fes espèces, les genres-ct les familles? On: conçoit: qu'ici l'étude :détaillée’ et suivie d'un grand:nombre" dimdividus: bien vonservési; peut seul décider. Il se pourrait que li nême: forme se:retrouÿâtsur des familles différentes,et que les autres earactères dussent:con- courir à.opérer la classification; deméme:qu'on retrouvela même forme. ide: cristallisation sur des minéraux tout-x-fait différens. Jusqu'à préséntinous avons trouvé des formes bien distinétés et caractéristiquespout chaque famille. Si nous n'avons pu. pousser nos recherches jusqu'à: la distinction des genres’et des espèces, c’est faute d’un nombre suffisant d'individus ; toutefois rious ne croyons pas dévoir: y renoncer tout-à-fait: Nos observations ül- térieures nous éclaireront à ce sujet: Toujours est:il qué nous avons pu déjà établir des: différences entre: des familles’ dont M. Agassiz croyait les écailles identiques , comme nous l'avons prouvé dans les lignes précédentes.
OWENL = Sur l’organisation des Lepidosiren: 371
EXPLICATION DE LA PLANCHE Q.
Figure 1. Écaille de la Perche. ® — 2. Écaille de la Carpe: — 113, Écaillé de’Cobitis fossilis ii HD een its PI tie. 4. Portion. d’une écaille d'4cerira vulgaris, montrant les canaux longitudinaux. Trust Porgonjdune fcaille du Mules Garbarus, — 6, Portion d'une écaille de Serranus seriba. : : J{ Portion d'une édanlé de T4 Pérearink Dèmidoffii. e19 JDN"
| :
ts |
* 8.1 Portiond’une écaille dé ÉScincus>lr 11111 r 1:19: , Portion d'une.écaille.de Comina, nigra. ,: - 10, Portion d’une écaille de Motella tricirrara.
©"— 15. Portion d'une écaille de Mullus barbatus. | 111159, Bortiôn d’ähe técaillé/de{Sérranbs: seribd. + 18. Portion, d’une éçaille du même, montrant les corpuscules, — 14. Couche inférieure d’une écaille, — "15, Dents d'une écaille de Corvina nigra. > = 16. Matière argentine. #(} 714 980
L . LS PRE © L 90) 19 3990853 L3D 294 : s 2 | 4 PP | if69 PS Le, PU AA VW ba NA . € €
ver: . » ao) 2501699 29D 921) | … OBSERVATIONS sur. l’organisation. des Lepidosiren ,
| 1) :
À Par AL Our.
ogur 202 9h 91181 lt 4 at bo ne | . j (Le à 2 { : : : Lit À . Pantin LA : (15:55 Û (Lues à la Société Linnéenne de Londres, le 2 août 1838.) (1) 4 HU ) } AU
M: Owen Tit'ün mémoire sur une nouvelle espèce du genre Lépidosiren de MM: Fitzinger et Nattérér. L'auteur commence par appeler Fattentioni sur l’anirhal singulier, le Lepidosiren pärädoxü , Comme étant le tÿpe dan nouveau genre de reptiles Perennibranchés; annoncé pour Ia première fois par Fitzinger à réunion des Haturalistes allemands à Prague, en 1837, et décrit depuis par celui-là méme qui l'avait découvert , le docteur Nättérer, connu par ses voyages dans l'Amérique du Sud.
"T'espèce décrité pat M. Owen offre absolument tous les Caractères génériques dssignés par ces habiles naturalistes alle- | mandsä leur Zepidosiren, mais elle en diffère spécifiquement par
| _ à j 2 )1 O0 ) éJISCHI(
(1) Extrait des Comptes rendis dés séances de Ja! Société Linnéénne de Londres.
24:
372 OWEN. — Sur l'organisation des Lepidosiren.
la plus grande longueur relative de sa tête, par ses extrémités rudimentaires et par sa taille plus petite:
M. Owen fait remarquer que , depuis l’époque où fut décou- vert l’Ornithorynque, aucune autre espèce n’est venue à la connaissance des naturalistes qui leur ait fait.desirer plus que le Lepidosiren une connaissance exacte et complète. de-son . organisation tant intérieure qu’extérieure, dans lé but d'arriver _à des vues précises sur sa nature et. ses LA et c'est, a-t-il dit, parce qu'il lui répugnait de mettre sous les yeux de la Société une description incomplète, qui n'aurait eu d'autre résultat que de faire naître de nouveaux doutes dans l'esprit des naturalistes relativement à l’animal.en.question; qu'il a différé depuis le mois de juin 1837 jusqu’à ce jour de mettre la der- nière main à ce mémoire et d’en faire la communication. Ce- pendant , il avait dès cette époque préparé. une courte descrip- tion des. caractères spécifiques de l’espèce en question, à laquelle il donnait le nom de Protopterus, et, dans le catalogue du Muséum du Collège des chirurgiens de Londres, il l'avait réunie à la classe des poissons, à cause des écailles dont elle est revé- tue, et de la disposition de ses fosses nasalés, qui ressemblent à des sacs plissés, et à la famille des Abdominaux, de l’ordre des Malacoptérygiens. Par l’état rudimentaire de ses nageoires, elle lui avait semblé établir un passage entre les deux familles des abdominaux et des apodes. dit de
Les détails anatomiques qui constituent la partie principale de la communication présente ,. confirment la détermination qui rapporte le Lepidosiren à la classe des poissons, mais ils ont de plus considérablement étendu les vues premières de M. Owen, relativement aux affinités de cette dernière classe.
Le mémoire de M.. Owen offre une description minutieuse dés caractères extérieurs, el des particulari ités remarquables qu'offre cette espèce , qui diffère, du | Lepidosiren paradoxa par. la plus grande longueur de sa tête » par l'état rudimentaire de ses nageoires comparées au tronc , et:par sa taille ; quiest plus pe- tite des trois quarts. 7 |
Les particularités Si qu offre le squelette consistent dans son ossification imparfaite ou plutôt partielle, et dans la
OWEN. — Sur l’organisation des Lepidosiren. 373
couleur verte des portions ossifiées; sous ce rapport, il ressem- ble à l'Orphie { Belone vulgaris ). Les parties qui persistent à
‘état cartilagineux sont la portion pétreuse des os temporaux, renfermant le limaçon de l'oreille, une portion dela branche articulaire dela mâchoire inférieure, les arcs branchiaux et les corps des vertèbres. De plus, ces derniers os n’offrent pas de séparations correspondant aux apophyses épineuses (7eurapo- physes) et aux côtes, ainsi qu’on l’observe également chez les poissons cartilagineux plagiostomes, mais ils conservent leur continuité primitive, et forment une sorte de corde cylindrique continue qui s'étend depuis l’occiput jusqu’à l'extrémité de la -queue. Cette: corde: vertébrale est formée par une capsule ex- terne résistante , élastique et jaunâtre qui enveloppe une sub- stance gélatineuse plus molle , ainsi que chez. les Cyclostomes. Les portions correspondantes ou les élémens basilaires des ver- tèbres cräniennes sont ossifiées, et M. Owen est entré dans une description détaillée du crâne.
Les côtes sont au nombre de trente:six ns Ce sont des sortes destylets rhinces, courts, légèrement courbés, qui em- brassent ; avec la colonne vertébrale, la sixième partie environ de la cavité abdominale. Ces côtes s’attachent à la partie infé- rieure et latérale de l’enveloppe fibreuse de ‘la tige vertébrale centrale. Leurs extrémités libress terminées en pointe, sont fixées aux ligamens intermédiaires. Les: rayons inter-épineux (superior spines ) sont partout séparés des apophyses épineuses (newrapophyses ): et celles-ci ne sont pas soudées à leur extré- mité supérieure. ! e
On voit des épines hœmapophyseales (1) développées dans ta région caudale , ‘et ces dernières, ainsi que les apophyses neu- rapophyseales, s’articulent avec des épines dermo-osseuses égales en longueur ; dont les extrémités'sont aplaties et supportent les rayons cornés transparens élastiques de la nageoire caudale. Les rudimens filiformes des nageoires pectorales et ventrales sont
(x) Nous avons cru devoir transporter ce mot dans la traduction , faute d’en connaître la signification précise; mais tout nous porte à croire que , sous le nom de hæmapophyseal spines ; M. Owen désigne les apophyses inférieures des vertèbres caudales, et sous celui de neurapophr- seal spines , les apophyses épineuses et supérieures, (Note du traducteur.)
374 OWEN..— Sur l'organisation des Lepidosiren. supportés chacun: par un rayon:- etape ss offrant plusieurs articulations. :: | si
Les muscles de latête; les sHdoinbi des appareils hyoïdien et branchial,sont: décrits dans! :leomémoire:de M.:Owen.:Le système musculaire du tronc:consiste dans des couches à-peu- près verticales: de:fibres niques: que pee des et apo- névrotiques.: : | £ht10qe
L'auteur signale: dans le: préc digeétif les: particularités suivantes : deux dents longues, faiblement courbées, minces:et aiguës sont supportées par les os intermaxillaires, qui sont mo- biles. Les osmaxillaires supérieurs supportent chacun une lame dentaire unique, divisée enitrois lobes tranchans-par deux.en- tailles dirigées de dehors en dedans: La mâchoire inférieure est armée d'une seule lame dentaire semblablement::modifiée; les lobes tranchans de l’une'des mâchoires entrent dansiles entaillés de la mâchoire opposée; ces dents maxillaires ressemblent assez à la lame dentaire du genre fossile Ceratoüus, de M. Agassiz: Les parties charnues: et sensitives.de la langue-sont plus développées qu'elles nele sont généralement chez les poissons: Les mâchoires sont disposées de façon à pouvoir diviser très complètement. et à broyer-les substances alimentaires. L'ouverture pharyngiènne éstétroite , et l'entrée du pharynx:est gardée par ne éminence valvulaire.de formesemi-circulairé! L'œsophage-est court; droit, étroit, plissé longitudinalement,l’estomac:simple; droit, à paroïs épaisses et d’une dimension correspondante. à celle de. l’œso- phage; terminé par une valvule pylorique, dont le bord festonné se prolonge dans l'intestin. Ni pancréas ni rates Foie ‘bien dé- veloppé et partagé en deux:lobes. Une vésicule-biliaire ;et un vaste canal cholédoque qui s'ouvrent par un: orifice garni d’une valvule, tout près du pylore;' Intestin cylindrique, droit, d'a- bord égal en diamètre à l'estomac, mais sé rétrécissant ensuite graduellement jusqu’à son extrémité, postérieure. Ses -parois sont minces;.une valvule spirale. les. parcourt intérieurementet y forme six tours dont le premier est le plus long.
Les organes réspératoires consistent dans des branchies ét dans un double sac aérien allongé, offrant la structure vasculaire et cellulaire des poumons d’un reptile,
OWEN:. — Sur l’organisation des Lepidosiren. 375
Les £ranchies: sont fvrmées de filamens allongés, subcompri- més,mous;et flottans ; attachés à dés. arcs branchiaux cartilagi- neux. Ces dérniers ares ne:s'articulent pas parenbas, ni entre eux ni avéc los hyoïde par l'intermédiaire d’une done pièces cartilagineuses; ils:.ne s’articulent.pas davantage én-baut avec le crâne; Il yen-asix de chaque côté qui laissent entre eux,cinq intervalles pour le passage des eaux dela bouche! dans le !sac branchiai. Tous cès'arcs né supportent: pas des filamens bran- chiaux, mais seulementle premier.; le,quatrième, le cinquième et le sixième. Le: premier et le sixième offrent chacun une ran- gée-simple de filamens , le quatrième et-le cinquième. une ran- gée double. Le second et le troisième sont,bien, proportionnés, mais -n'offrent pas la plus légère ‘trace de lames branchiales.
: Lersac branchial est assez grand et s'ouvreextérieurement par une petite fente verticale; située immédiatement en,ayant des extrémités pectorales rudimentaires..!, T
s'Le cœur est situé au-dessous de, d'œæsophage, er ur es un péricarde,épais. Il ne présenté: qu'uné. oreillette, un, ventricule et;un- bulbe: artériel recourbé, avec. un Aa valvulaire longitndinäl; comme dans la Sirene., Les deux, artères, ,bran- chiales quimontent le long. des,arcs branchiaux, dépourvus de filamens;;se; réunissent ensuite de chaque côté, ;et, fournissent des! branchés: qui constituent les artères ge ou, celles quiise rendent aux,sacs aériens. :
mil'äppareil destiné à la respiration aérienne, commence par une trachée ou conduit pneumatique, ( ductus pneumaticus),
courte, unique; large et de nature: membraneuse. Elle, com-
mencé par, une: fente laryngienne lougitudinale, d’une ligne d'étendue , située trois lignes.én arrière de l'orifice du pharynx.
Une lame câritilagineuse s'étend depuis cette ouverture:laryn-
gienne ; jusqu'à celle du pharÿnx: Elle est de Ja même largeur que deplancher du pharyox lui-mème; et. paraît avoir pour office de prévenir le rapprochement des parois:de ce conduit, et dé maintenir à l'air un libre accès dans la trachée. Ce dernier tube se dilate à son extrémité inférieure en un sac à parois très minces ; qui communique directement avec chaque division ou lobe de la vessie aérienne, Ces lobes ou poumons eux-mêmes
376 owen. — Sur l'organisation des Lepidosiren:
sont subdivisés séparément en lobes plus petits à leur région antérieure , qui est la plus large, puis ils se continuent en-un conduit simple , aplati , et qui va diminuant graduellement pour le terminer en‘une pointe obtuse situéeen arrière de l’extrémité postérieure du cloaque. Les parois des poumons; dans toute leur étendue sont partagées en cellules comme un gâteau de miel; ces cellules sont plus grandes, plus profondes ; plus vas- culaires, et plus subdivisées dans l'extrémité antérieure et la plus large du poumon. Les poumons sont situés en arrière des ovaires, des reins et du péritoine, lequel n'est en contact avéc eux que sur les portions de leur surface ventrale aplatie re ne recouvrent pas d’autres viscères. o
Les deux reins sont bien distincts ; longs et étroits; ils s’élar- gissent aux environs du cloaque. Les uretères s'ouvrent dans la face dorsale du canal commun qui termine les ‘oviductes. On n’observe aucune trace des capsules surrénales ni‘de la rate:
Les ovaires sont deux corps longs et aplatis qui offrent des ovisacs et des œufs de volumes différens. Plusieurs de ces der- niers, de deux à trois lignes de-diamètre, sont dispersés: dans des grappes d'œufs d’un diamètre moindre. Les oviductes con- sistent dans des tubes tortueux distincts, qui commencent par une portion tres large et à parois minces, s’ouvrant à leur extrémité antérieure par une fente longue de trois lignes ;èt-ne communiquant aucunement entre eux avant que de s'ouvrir dans la cavité péritonéale ; ainsi que cela a lieu chez les Plagio- stomes. L'oviducte se contracte et ‘présente plusieurs ondula- tions courtes, et il offre dans son trajet plusieurs adhérences avec la capsule ovarienne, ses enveloppes prennent plus d’épais- seur, et des replis en spirale oblique se développent de sa sur- face interne. Il prend un diamètre plus considérable avant que de se terminer, ce qui se fait dans la partie postérieure du cloaque par une ouverture proéminente es et commune aux deux oviductes.
Un petit allanitoïde sépare l’oviducte du rectum.'Les divers organesdont nous venons de parler se rendent au cloaque dans l’ordre suivant: d’abord et er avant, l’orifice commun des ca- naux péritonéaux ; puis l'anus; en troisième lieu ; la vessie allan-
owen. — Sur l’organisation des Lepidosiren. 377
toïide; et enfin les oviductes, en commun avec les ureteres, qui, comme nous l'avons déjà dit, s'ouvrent dans ces derniers en traversant leur paroi dorsale. M 21 LPD.3
Le cerveau offre deux hémisphères distincts allongés et sub- comprimés; un lobe optique. simple, elliptique, réprésentant les corps bijumeaux ;'un repli ‘cérébelleux’transvérsal simple, nerecouvrant pas le quatrième ventricule, qui demeure entie- rement ouvert; des glandes pituitaires et pinéalesitrès déve pées, et un corps mamillaire unique.
Les nerfs qui prennent leur origine dans le cerveau sont : le nerf olfactif , le nerf optique; qui naissent d’un même point sur la hgne médiane , entre les pédoncules cérébraux, ét qui, dans ce point , ne peuvent être séparés; la cinquième paire, le nerf acoustique les nerfs pneumo-gastrique et lingual. On n'y dé- couvre aucune trace des troisieme , quatrième ét sixième paires, ce qui s'explique par ce fait qu’il n'existe aucun 'muséle moteur des globes oculaires.
Les yeux sont très petits et adhérénis à la peau, qui passe au: dessus sans former aucun repli: Ils contiennent une petite len- tille sphérique , mais point de glande choroïde.
L’organe de l’ouïe se ‘compose d'un vestibüule contenu dans une pièce cartilagineuse épaisse, sans ouverturés, si ce n’est celles qui servent au passage du nerf auditif. Ce vestibule se compose de deux grands sacs otolithiques contenant chacun une masse calcaire blanche ; de ces deux sacs, l’externe ‘est six’ fois’ plus grand que l’interne , et'auidessus se trouvént trois petits Canaux semicirculaires. 1l.n’existé aucune trace d’une cavité scale que, ni d'une trompé d'Eustache:
L’organe dé l’odorat consiste dans ‘deux sacs membraneux ovales, plissés intérieurement; ils s'ouvrent au-dehors séparé- ment au-dessus de la lèvre supérieure, mais ils n’orit aucune communication avec la cavité buccale, particularité qui, comme lobserve M. Owen, est peut-être le seul caractère qui prouve d’une manière formelle que le Lepidosiren est bien véritablement un poisson. Les autres preuves que l’on a de la nature ichthyo- logique de cet animal résultent seulement d'un concours de caractères moins décisifs.
378 OWEN, — Sur l'organisation des Lepidosiren.
Voici quels sont. ces. caractères: les grandes écailles arron- dies qui, recouvrent, la peau , les conduits muqueux.de la tête et de la ligne latérale; les rayons mous multiarticulés qui sup- portent les nageoires pectorales.et.ventrales rüdimentaires; ! la colonne vertébrale cartilagineuse, articulée antérieurement avec toute la portion basilaire. de,.,l ’ocgipital:, et: non, .avec! les, deux condyles ,;, comme chez, les, batraciens; l'existence: d'un. .os pré- operculaire ;la.mobilité des intermaxillaires ; la mâchoire, infé- rieure , dont chaque branche ne, se compose-que. d'une pièce post-mandibulaire iet..d’une pièce dentaire;-la présence d’une double série d’apophyses. épineuses, . dont, l’une, supérieure, l'autre inférieure à la colonne vertébrale; la couleur verte des portions ossifiées du squelette; l'intestin droit.et la, valvule spi- rale qu'il offre à,son intérieur; l’absence.des poumons et de la rate ; l'orifice péritonéal unique; la position. de l'anus; l'oreil- lette, unique du cœur; le nombre des ares branchiaux et ce fait que les branchies sont à l’intérieur; l'existence d’une longue paire-latérale nerveuse; un. labyrinthe acoustique renfermant de grands.otolithes.. Ces divers caractères. joints à celui-qui-ré- sulte de ce que.les sacs nasaux. n’ont. d'ouverture qu’au .de- hors, prouvent. suffisamment . -que. Je Lepidosiren:!,est pa poisson. et, non,un reptile perennibranche... ira
-Apyés. l'avoir. ainsi placé dans la classe des, poissons, M. war fait ressortir les rapports intéressans| du Lepidosiren considéré comme un passage.entre les poissons çartilagineux et les, Mala- coptérygiens.,.et spécialement ceux qui le rattachent;aux genres Polypterus et Lepidosteus, En même temps, lil met.en relief les rapprochemens qu'établit cet animal remarquable entre,la classe des poissons elle-même:et les reptiles, perénnibranches.
M. Owen propose pour l’espèce qui. fait Pobjet -dé.,son tra- vail Je nom de Lepidosiren.annectens. Elle est originaire de la
Prin
rivière, de Gambie, en Afrique.
MÉLANGES.
Me biron Balow Rieth','de Stéttin ; possède’ un'échantillon paléontologique fortcürienxs c’est une grenouille dans un morceau d’ambre jaune ; le seul exemple que l’on connaisse jusqu'ici d’un amphibie antédiluvien qui soit parvenu jusqu'à nous, en conservant ses caractères extérieurs: Ce qui prouvé évidemment que ce w’est pas un individu que l'on ait enfermé par fraude dans le morceau d’ambre qui le contient, ce sont les différences spécifiques qu'il offre avec toutes les “espèces. .actuellement vivantes... M, Schmidt, de Stettin, le regarde comme appartenant aux Grenouwilles propres des classificateurs modernes et très voisin de.la Rana temporaria ; à laquelle il ressemble par la couleur de sa peau et les taches. de. ses jambes ; mais dont il diffère ‘essentiellement par la gracilité et:la
délicatesse de ses doigts. iibh
:
M. Thomas Beale, qui a été successivement chirurgien des deux navires balei- niers, le Kent et le Sara-Elisabetk , vient de publier en Angleterre une histoire fort i intéressante du Cachalot, Voici ce qu’ on y. lit relativement aux fonctions des évens: « Sur plusieurs miilfers de Cachalots. quejai eu occasion d’ observer dans les courses que, j'ai faites sur toute l'étendue de l'Océan pacifique , au nord et,au sud de l’Équateur, je n'en ai jamais çVu un seul projetant une, colonne d’eau par. l'ouverture des narines, J'ai observé ces animaux à grande distance; ] ] en ai observé plusieurs centaines à quelques mètres seulement ; ; jamais je n'aipu, ‘voir
l'eau sortir par leurs évens ; mais la colonne de vapeur épaisse et dense, qui est
en réalité projetée par ces ouvertures est certainement bien de nature à pouvoir tromper quiconque n'observait ce fait que par occasion. Cette colonne, en effet,
ressemble beaucoup à à un jet d’eau, lorsqu'elle est aperçue par un jour. clair, à une ‘distance de un ou deux milles, cette apparence. résulte de la condensation de la vapeur au moment où elle sort des cavités uasales, et d'où résultent son
opacité et sa couleur blanche. C'est ce que l’on n’a pas étudié d'assez près:
car, lorsqu? on est à. très peu de distance du Cachalot , on n’aperçoit qu’ un jet de vapeur blanche. IL n’y a d'autre eau projetée que la petite quantité qui peut demeurer logée dans la fente extérieure de l’évent}, lorsque, l'animal vient à V'élever au-dessus de la surface pour respirer, et qui ne, peut manquer d’être lancée en même temps quele jet de vapeur, à la condensation duquel elle peut même n’être pas inutile. |
« Plusieurs naturalistes ont affirmé que c'était seulement par intervalles que ce Uétace lançait l’eau par les narines et seulement lorsqu’ il prend sa nourriture. Jusqu'à quel point ce fait.est-il probable relativement a la baleine, qui vient se repaître tout près de la surface de l’eau, c’est ce dont j'aurai occasion de occuper plus tard; mais je puis aflirmer qu’elle n’a aucune valeur à propos du Cachalot; car cet animal prend sa nourriture à une grande profondeur, et que, dans cette circonstance , les mâles de grande taille s’y tiennent plongés pendant un temps qui varie entre une heure et une heure vingt minutes , sans venir tne
380 : :MÉLANGES;
seule fois à la surface. Si donc ils voulaient rejeter l’eau de leur bouche à travers les cavités nasales(en supposant qu'il existe, comme on l'a dit, une disposition apatomiquedestinée à cet usage), ils ne pourraient le faire que dans ces profon- deurs de leur élément natal , où ils descendent pour aller y chercher leurs alimens, et ce fait, par, conséquent , se passerait Join, de toute observation possible, »
Dans la séance de la Société entomologique de Londres, du 3 décembre 1838, M. Westwood a lu la description d’une petite espèce d’insecte anomal, qui habite dans la Spongille fluviatile. Ces petits animaux n’ont guère qu’un huitième de pouce en longueur ; leur couleur est d’un vert-pâle : ils ont six pieds, de longueur ordinaire, et, au premier coup-d’œil ils ont beaucoup de ressemblance avec les Pucerons(Æphis); mais ils sont aptères et d’une structure tellement particulière, que, non-seulement la famille, mais encore l’ordre et la classe auxquels ils ap- partiennent demeurent tout-à-fait douteux, Les antennes egalent la moitie du corps en longueur : elles sont très grèles. La bouche se compose de quatre soies nues, extrêémement délices, dirigées en ayant et egalant les antennes pour Ja longueur. Ces soies naissent par paires, à peu de distance les unes des autres : elles ne sont point enfermées dans une gaîne comme les sojes de la bouche des Hémipières. Le corps est revêtu de nombreux poils longs , et chacun des, seg- mens abdominaux est garni sur les côtés d'une paire de longs filamens aplatis et articulés assez semblables à ceux de la larve de la Sialis lularia;ce sont évidem- ment des organes de respiration, on les voit dans une agitation continuelle au milieu de l’eau dans laquelle ils sont plongés. Nasser quelques-uns de leurs caractèrés, M. Westwood demeure encore dans le doute sur la question de savoir si ces insectes ne ‘doivent pas être regardes comme arrivés à leur complet deve- loppement ; ÿ Car. ils ont une certaine ressemblance avec ceux de la famille des Coccidæ ou de celle des Æphidæ, qui demeurent perpétuellement aptères, et il n’est en même temps aucune famille ni aucune tribu d'insectes à laquelle ils puissent être rapportés comme larves, si ce n’est peut-être le genre anomal ne Li dont la larve est inconnue, et que Stephens regarde comme appar- tenant à l’ordre des Névroptères , tandis que Curtis le rapportéaux Trichoptères et Westwood aux Lépidoptères ;
M. Hogg, qui a découvert ces insectes pendant une série d’ebservations déh- cates , qu’il avait entreprises sur la Spongille , est arrive à conclure que ce sont les mouvemens de ces insectes et les ondulations qu’ils produisent dans les eaux, qui ont été pris par Laurenti et autres pour les mouvemens de la Spongille elle= même, et regardées comme des preuves de l’animalité de cette substance.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME.
!
ANATOMIE ET PHŸSIOLOGIE.
Rapport sur un mémoire de M. GErpy, relatif À la séructure des os , par M.BRESCHET. » + eue se ee che ie eee ee eue à en 33 Rapport: sur uné note de M. Manor, relative à à la forme des globules du sang .chez quelques Mammifères. USENET à M enAe NET. — TER D on. sur Ja couche inerte des vaisseaux Capillaires , par Door ne OUR nl 58 Observations sur le développement de l’amnios chez l homme, par M. Serres. 134 Recherches sur la structure des membranes muqueuses gastrique et intes- _ finale, par M. Fiourgns. + . : : L : . , . . ... ,.. . 282 Expériences sur le Syst e nerveux par M. MAGenDiE., . . . , . 307 Nôte sur la distinction des nerfs. rachidiens en nerfs sensitifs et .ReTfs Cnolkeurs', par M: BLANOIN PIE on FOMOSLOTT sain: SL Observations sur la structure des nerfs, par M. Pevrren” En à JUS Le Expériences sûr le sang dans: ses Res avéc la théorie de L respiration, par M. J: Davy. (Extrait.) ! AE een opel … A0
Recherches sur l'appareil sphatèteé branchial del. embryon ES LS "les trois premiers mois de son développement, par M. Sennés . . . . 325
ZOOLOGIE. — AXBAUX \ VERTÉERÉS. Note sur la Shut d’un Fa fossile, nommé Hyenodon Lpéfhÿhs chus , par MM. Fe ONE ae mb oÙ sa220do log Observations sur les changemens de forme que subit la tête chez les Ofarigs- Outangs, par M. DumorTrer. . . . . . . . . . . . . doll 136 Note sur une nouvelle espèce de Cryptobranchus, par M. VANDEr-HoE ven. 63 Recherches sur l'ancienneté des Edentés à la surface. de la terre, par M, de. Blainville. (Extrait.) né nsélolsuns@ndh ounitsissbtionn sf 5h aiiocdlg Nate sur les différences entre le Simia morio et le Simia #1 urmbüi, par DR OUR ob auon remesqrie m1 0h édoitéoup 0h onmsrandh Recherches sur la structure intime des écailles de Poissons, par M. Manor. 337 Recherches sur les Mammifères fossiles du Brésil , par M. Lund. . . . 214 Observations sur l'organisation des Lepidosiren, par M. Owen. . . . . 371
os: | Table des matières.
MOLLUSQUES.
Note sur la nature minéfalogiqué des Coguilles | par M. Nrcx£r. . . . 52 Mémoire sur la famille des Pho/adaires, par M. Desnayes. . . . . . 240 Observations sur les mœuwrs;de divers Mollusques terrestres et fluviatiles , par M. Boucuarp-CHANTEREAUX. . . . . . . . . . . . . . . 295 Mémoire sur les formes re gr des coquilles turbinces et discoïdes, par M. Mosezey. (Extrait.) . share dé uses, où 8 GED ER
ANIMAUX; ARTICULÉS.
Recherches sur le T'héridion malmignatte de Volterra et sur Jes effets de, sa morsure , par M. RaixEm. . . . + . . +. . . . . ph Dela Musrardine , des moyens de la dévelop per artificiellement de mod fier ou de détruire les effets de Ja contagion, par M. J OHANYS. . 1e MES Note sur le tube digestif des Cigales, par M, DoxÈère. . . . . . « de 8x Mémoire pour servir à l’histoire des Odynéres, par M. Léon Durour. PTS Observations sur les mœurs des Odynères , par M. Aupouin. . . : - . Po Recherches sûr le! mécanisme de la. respiration | chez les Crustacés fig M. Mine ÉpWARDS «4. . . . . . . . RS RE POLE a Mémoire sur les Vers à soie indigènes de F Inde, par M. Hezren, a dt? 442 Observations sur les Ÿ’ers à soie de la. province | d’Assam, par MHvcon. 155 Expérience sur lolfaction des insectes, par M. LEFFBVRE. (Extrait. . an D: . Monographie du genre Céroplate, par. M. Léon Durour. EU en à Ur 193 Description de quelques . Acariens > par. M. Léon Durour. LR nor 274 Observations sur quelques | Annelides marines, par M. Doi dec otre, :287 Description. et figure d'une nouvelle espèce, de Thrips, Fr 0 M. | Duroux . US MS manon oi 4h cintre +: 327
4944019791 ii
‘ ZOOPHYTES.
LIÂDAAT ZUAMIAA — :10010 Rapport sur un mémoire de M. GErvAIS, raie aux Polypes d’eau douce , par M.Muxe Enwarps, 6100, heu peste ns SHOT 179 Recherches sur le Tendra. ri mp Le de la section eh" Bryozairés,
par M::Nonpwann. (Extrait) 455 04m a tele ue one, rs
“oééromaiios ace ds: MÉLANCES. | eurent LUS : ÉPE l'EON-NACZEA + .N Œ een 1 9393489 5 ”, : [e jé Jo
Memoire dela Societe des bétail BU de Line. ME he 2 Lo} ; re
Mémoires de la société es du Denbalet ne LA Costes Wos Las ‘126
Mémoire des savans étrangers} t v (Amonée:) 2 De + VS VS TE Programme des. questions de prix proposées ; À 1840 et 1841, par |
T Académie des Sciences de Bruxelles. Jbisquat jiutoyute sl 10e 2900 21810
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TABLE, DES MATIÈRES PAR, NOMS, D'AUTEURS.
1107 %9 "MAL PUAATA
ACADÉMIE DES SCIENCES, —— Mémoire des savans étrangers, t, v. (Annonce.). . 192
ACADÉMIE DES SCIENCES DE BRUXELLES... — Prugramme des questions de prix proposées pour 1840 et 1841. . .« . 319
Aupouix. — Observations sur les mœurs
des Odynères, ....,....15652.45104
Pcaxnix, — Note sur la destruction des nerfs rachidiens en nerfs sensitifs et | nerfs moteurs... 4.42 /044 * 39 ULB Er
BLaixvizze, — Recherches sur l'ancien. j neté des Edentés à la surface de, la ., terre (Extrait). es Poe eo TT
BoucaarD-CuaAnTEREAUx. — Observa- tions sur les mœurs des divers Mollus=, | ques terrestres et fluviatiles. certe 295
Brescaer. — Rapport sûr un mémoire’? *” de M. Gerdy, relatif à la structure 'ERTTPAEME REP ES ER EE
Davy /J). — Expérience sur le sang dans ses rapports avec la théorie de la res- piration.(Extrait.).............., 316
Desnaxes, — Mémoire sur la famille des PPAMIOUEE ee es rocmepe ces 240
Doxëre. — Note sur le tube digestif des Cigales. venons cmsverenss e
Dusanpix, — Observations sur quelques Annelides marines............... 287
Durour (Léon). — Mémoire pourisérvir! !/ à l’histoire des Odynères. .....,.... 85
— Monographie du genre Ceroplatus. . 193
— Description de quelques Acariens, . 274
— Description et figures d’une nouvelle espèce de Thrips...:...........,. 3at
Dumorrier, — Observations sur les changemens de forme que subit la tête chez les Orangs-Outangs..........
ÆEvwanps (Milne),—Rapportsur une note de M. Mandl, relative à la forme des globules de sang chez quelques Mam-— DR, , ve
— Recherches sur le mécanisme de la respiration chez les Crustacés, ..... 129
— Rapport sur un mémoire de M. Ger- vais, relatif aux Polypes d’eau douce, 17
Frourexs.—Recherches sur la structure des membranes muqueuses gastrique et intestinale, .... 518 + 1208
33
81
56
46
CORRE
ss
OM: "air LVITA.1A
Gen, (Voy, BRESCHET.) Gervais. (Voy. Ebwarps.)
-Gzuce. — Observations sur la couche is inerte des vaisseaux capillaires... ... Herrer.— Mémoire sur les Vers à soie
indigènes de l’Inde............... Hucon:-+ Observations sur les Vers à soie dela province d’Assam. ....... Jonanxs. — Sur [a Muscardine.. .....
| Laizen (pe) et DE Parteu. — Sur la mâ— Choirede l’Hyenodon Leptorhynchus . Laresvre, — Expériences sur l’ofaction
‘chez les Insectes. (Extrait.)........ Luxpi-/Recherches sur les Mammifères
, > Jossiles, du Brésils...............
AGENDIE.— Expérience sur le Système 117,11. 7 RBPRESE *SÉOPPRCREEERRER Maxpz. (Voy. EDWarps.) — Recherches sur la structure intime des écailles de Poissons......,,.... Mosecey. — Mémoire sur les formes géométriques des coquilles turbinées et discoïdes. (Extrait.)..........., Norpmanx,— Recherchessur le Tendra Zostericola, Polype de la section des Bryozoaires. (Extrait.) . . . . . , . Owen. — Sur les différences entre le Simia morio et le Simia Wurmbü…. . . “— ‘Observations sur l’organisation des DOPIHONT ET 2 ete ts alule male © 22 serie le ve Pecrikr, — Observationssur la structure Éd NO D" TRE Rarkem. — Recherches sur le Théridion maunignatte de Volterra. . . . . . . SERRES. — Observations sur le dévelop- pement de l’amnios chez l'homme. .. — Recherchessur l’appareil respiratoire branchial de l'embryon humain dans les iroïis premiers mois de son déve- lôppemeñt, oo docteesesees SOCIÉTÉ ASIATIQUE DE BENGALE, — Ses mémoires. (Extrait.). . . . . . . .. — DES SCLENGES, ETC. DE LILLE, — Ses mémoires. ( Annonce.). . . . . . . . Vanper-Hoeven. — Sur une nouvelle espèce de Cryptobranchus. (Extrait. )
126 64
63
TABLE DES PLANCHES
RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME.
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PLANCHE. 1: Tube digeif des. «Cigales. .… 777 at 77 ‘Hyenodon. ___ 48 et4. Appareil ARR des Crustacés. 8. 7! Odynèreset Céroplates. :,46.... Papillons et Vers à fe. der l'Inde. lue Fiori Annelides. -s719240, — RRRELT E cote Acariens et Thrips. Cas ME v Structure des écailles] poissons.
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