“e [Et i 1 HE en EE SR) NE | Fe . (M Cu NEUSNATETRIT ES SL ec nÀ É r | 2 : + CRE CHE RCE E LE VA De UT N ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. SECONDE SÉRIS TOME XIIL. IMPRIMÉ CHEZ PAUL RENOUARD, RUE GARANCIÈRE, N. D. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE, L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES, ET L’HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES; RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIE PAR MM. AUDOUIN ET MILNE EDWARDS, ET POUR LA BOTANIQUE PAR MM. AD. BRONGNIART ET GUILLEMIN. Seconde Gérie, TOME TREIZIÈME. — ZOOLOGIE. PARIS. FORTIN, MASSON & C*, LIBRAIRES-ÉDITEURS, PLACE DE L'ÉCOLE=DE=MÉDECINE ; Ne 1» 1840. | RIIAAUTAN exoype | “64 4 aida x PT USD Dr , 1 PELLE DA RUN AN inatko MONET AI FE quon ” ï Re dt QUE TS more 18 27 MR En: | : tstéèn ù A ; ‘ | | MIBAN0S LA ANox ES emAAWraR aan ra dei aus e agro ii AO FA s + nana FE rRaTOUONE cs amas VTENE “srsé ré # ne AE À enag Lemparrak ét An + # noeeau , ati 7 VPoRRRe . 4 4 ar . l et Gains, A CEE FES L [71 À L] Me. } 3 \ eu - L ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. PARTIE ZOOLOGIQUE. tOtRIDIDIOIDIDIOIDIDI010001010100001010101000 101000001012100000100010001910101012:2 RecHerCHEs sur la chaleur propre des étres vivans à basse température ; Par M. DurTRoCHET, Membre de l’Académie des Sciences, CHAPITRE IL. (1) RECHERCHES SUR LA CHALEUR PROPRE DES ANIMAUX A BASSE TEMPÉRATURE, Les animaux peuvent se diviser en deux grandes sections, en les considérant sous le point de vue du degré d’élévation de leur chaleur vitale’, savoir : 1° Les animaux à haute température , section qui comprend les Oiseaux et les Mammifères; 2° es animaux à basse température , section qui comprend les Rep- tiles, les Poissons et tous les animaux invertébrés. Chez les animaux à haute température, la chaleur vitale est généralement proportionnelle à la quantité de la respiration. Ainsi, les Oiseaux (1) Le premier chapitre, consacré aux Recherches sur la chaleur propre des végétaux , se trouve dans la partie botanique de ce volume, pages 5 et 65. 6 DUTROCHET. —" Sur Va chaleur'des étres vivans qui respirent plus que les Mammifères ont aussi une chaleur vitale plus élevée. Chez les animaux à basse température , la is est généralement très faible : ils consomment lente- l'oxygène; et ils peuvnt Souvént Se paiser} LÉ äséz lông- temps, de cet aliment de la vie, sans cependant cesser de vivre. C’est, sans aucun doute, à cette Éxiblesse de leur respiration qu'ils doivent le peu d’élévation de leur chaleur vitale, chaleur dont l'existence a même été mise en doute. En effet, la Acaoheman d'animaux à sang froid indiquait que les thé aëxquels elle était appliquée ne possédaient que la seule température du mi- lieu qui les environnait ; cependant l'existence chez tous les animaux de la combustion respiratoire ne devait pas laisser de doute sur l’existence générale d’une chaleur propre, va- riable seulement par son degré, chez les différens animaux, mème chez ceux qui passaient pour froids. Aussi ce point de la physiologie a-t-il été l'objet des recherches d’un grand nombre d’observateurs dont je rappellerai les noms et les expériences dans le cours de ce mémoire, laissant de côté ceux d’entre eux dont les observations m'ont paru insignifiantes. A l'exception de Nôbili et Melloni, touslés physiciens qui se sont livrés aux recherches dont il est ici question les ont faites à l’aide du thermomètre. Nobili et Melloni ont fait leurs expé- riences sur la chaleur propre des insectes à l'aide de l’appareil thermo-multiplicateur, appareil fondé sur les mêmes principes qpe l'appareil thermo-électrique ; dont je me suis servi, mais qui en diffère , parce qu’il entre dans sa composition une pile com- posée de latnés alternatives d’antimoiné et dé bismuth: Les pôles de cette pile sont mis en communication avet le salväñomètre, ét l’une de ses faces ecoit là chaleur qui rayohné da corps souris à l'expérience; car cet appareil thermo-multiplicatéur est spécialement destiné à mesurer la chalèür rayonnante. Nôbili et Melloni l'ont donc émployé à mésurér là chaletrraÿyonriänte qui émane du corps des insectes. Ce n’est point ainsi là éhaléur ih- tériétire de léur corps qu'ils ont chérché à détérminér; s'ils eussent voulu atteindre ce dernier bnt, ils eussent employé l'appareil thérmo-éléctrique. J ‘ai appliqué ce dérhiér appareil à la recherche de la chaleur propre des animaux de la même manière a basse témpérature. 7 que je l’ai fait pour déterminèr la chaleur propre des végétaux Par ce moyen, jé crois avoir obtenu des résultats plus certains qué né le sont ceux auxquels sont parvenus , par l'emploi dû thermomètre, les obsérvatéurs qui font précédé dans cette carrière. Voici les raisons que j'ai de penser dinsi. Admettant ce qui Sera prouvé plus Bas , qué les animaux ver- tébrés dits à Sang froid et les animaux invertébrés possèdent uné chaleur propré qui s’élève au-dessus de là température du filieu ambiant, il en résulte que cés añimaüx prennent con- stamment la température qui lés environhe; et qu'ils ÿ ajoutent celle qui leur éêt prôpré: ils sè comportetit à cet égard comme les végétaux. Si donc l’on veut détérminer avec exactitude la ET propré de l’un dé cés äfiimaux , il faudra être certain qu'il est én parfait és de température acquise avec le milieu qui l’environné , c’est-à-diré qu'il n’à rien conservé de la température, soit plus foité soit plus faible , à laquelle il avait été soumis Avant l'instant de l'observation. fl faut être certain qu'il a perdu complètément la chaleur qui peut lui avoir été éommuniquéé par lé contact des mains de l'éxpérimentateur pendant qu'il établissait l'expérience. Il faut donc qué éélle-ci duré péndañt plusieurs heures, surtout lorsqu'on expérimente sur des Animaux d’une certainé grosseur, afin que l'équilibre de témpé- rature acquise puissé S'étäblir entré le milieu ambiant, et l'ani- mal qui ajoutéra äl6rs Sa chaleur propré à vetté fémpérature que. IL faut qüé, péndant toute la durée de cette longue éxpérience, la température du miliéu ambiantne varie point Fa tout; car, si élle varié, l'animal ne participant qué plus fard à cetté variation de températuré, séra continuellement en défaut d'équilibre de empératuré acquise avèc le milieu ambiant et dés- lors la différénce de chaleur indiquée par le‘thermomètre situé dans cé milieu,comparé au thermomètre placé dans le corps de V'animal, n’indiquera point du tout là chaleur propre de cet ani- mal. 11 faudrait , pour éviter cette derniere cause d'erreur, que les deux thermomètres de comparaison fussent placés de la méme manière , l’un dahs le corps d’un animal mort, qui pren- drait dans un témps donné les variations de la température extérieure; et l'autre dans le corps d’un animal vivant, qui 8 DUTROCHET. — Sur la chaleur des étres vivans prendrait ces mêmes variations de la température extérieure dans le même temps, en vertu de la similitude de ses dimen- sions. Avec cela il faudrait que les deux thermomètres fussent comparables au point d’arriver à indiquer exactement le même degré dans le même espace de temps, sous l'influence d’un même variation de température, ce qui n’arrive presque jamais. Or, ces conditivns d’exactitude ne se sont point rencontrées dans les expériences des physiciens qui ont employé des ther- momètres pour la recherche de la chaleur propre des animaux à basse température. Bien plus , il y a dans leurs expériences une cause d'erreur à laquelle ils n’ont pas fait attention. Le thermomètre, destiné à leur indiquer la température du milieu ambiant, était soumis à l'influence de la chaleur rayonnante, tandis que le thermomètre placé dans le corps de l'animal était soustrait à cette même influence. Il y avait donc là une cause inaperçue d’inégalité de température entre les deux thermo- mètres, et l’on conçoit qu’une pareille cause d’erreur ne saurait être négligée lorsqu'il s’agit de déterminer la chaleur propre des animaux à basse température, chaleur qui, chez la plupart d’entre eux , ne s'élève qu'à une petite fraction de degré. Il résulte de ces considérations qu’il n’y a aucune confiance à accorder aux observations de la plupart de ceux qui jusqu'à ce jour, ont cherché à déterminer la chaieur propre des ani- maux vertébrés à sang froid et celle des animaux invertébrés. Je me suis préservé de toutes les causes d'erreur que je viens d'énumérer par les procédés d’expérimentation que j'ai mis en usage, Dans l'appareil thermo-électrique, les soudures des deux aiguilles métalliques remplacent les deux thermomètres de comparaison employés par les observateurs qui m'ont précédé, et l’on conçoit que, en raison de leur peu de volume, ces deux soudures métalliques doivent prendreen même temps les varia- tions d’une même température à laquelle elles seront soumises : elles forment donc des thermoscopes rigoureusement compa- rables; ce qui, sous ce point de vue, donne un avantage im- mense à l'appareil thermo-électrique sur les thermomètres ordi- nairés, lorsqu'il s’agit de mesurer des différences individuelles dans la température, surtout lorsque celle-ci n’est puint stable à basse tempéralure. 9 et présente des variations continuelles. L'appareil thermo-élec- trique indique instantanément ces variations; les thermomètres ne les indiquent qu’un certain temps après qu’elles sont surve- nues. Or, la détermination de la chaleur propre des animaux à basse température ne consistant que dans la détermination de la différence qui existe entre la température qu'ils possèdent et celle qui existe dans le même moment dans le milieu ambiant et contigu, il en résulte que l'appareil thermo-électrique est seul propre pour cette exacte détermination. Il ne s’agit, pour avoir cette dernière, que de remplir les conditions suivantes : 1° Il faut que les soudures des deux aiguilles puissent prendre en même temps les variations ordinairement continuelles de la température du milieu ambiant. IL faudra donc que, l'une de ces aiguilles étant placée dans le corps d’un animal vivant, l'autre ai- guille soit placée de la même manière dans le corps d’un animal mort de même espèce et de mêmes dimensions. De cette manière, les variations de la température extérieure parviendront en même temps aux soudures des deux aiguilles, lesquelles se trouveront, enoutre, soustraites ainsi à l'influence de la chaleur rayonnante. 2° Il faut que les deux animaux , l’un vivant et l’autre mort, qui sont mis en expérience comparative, ne possèdent plus rien de la température qu’ils ont précédemment reçue du milieu ambiant; il faut qu’ils soient en équilibre parfait de température acquise avec ce milieuambiant. L'animal mort ne possèdera cer- tainement que cette seule température acquise ; l'animal vivant possédera également cette dernière, et il y ajoutera la chaleur qui lui est propre. Cette condition d'équilibre de £empérature acquise sera remplie en plaçant les deux animaux comparés très près l’un de l'autre, et observateur attendra qu'il se soit écoulé un temps suffisant depuis le commencement de l'expérience, pour que l'équilibre de température se soit bien établi. 3° Pour étre assuré que les deux animaux, l’un vivant et l’autre mort, qui sont mis en expérience comparative, em- pruntent la même température au milieu ambiant, il faut qu'ils ne soient pas trop volumineux; car, occupant alors trop d’espace dans le milieu ambiant , lequel n’a point la même température daus tous ses points, ils pourraient ne point recevoir exactement io DUTROCHET. — Sur la chaleur des étres vivans la même température actuelle de la part de ce milieu ambiant. Plus ces animaux seront petits et rapprochés l’un de l’autre, plus il sera probable qu'ils seront soumis à une température environnante semblable. Cette considération est une de celles qui s'opposent à ce qu’on puisse soumettre de grands animaux à ce genre d’expériences. 4° On ne peut apprécier exactement la chaleur propre des animaux à basse température, sans éliminer le refroidissement causé par l’évaporation de leur transpiration, ainsi que je l'ai fait pour les végétaux. Pour cela je me suis servi du même appareil que j'ai employé pour la recherche de la chaleur propre de ces derniers (1), et qui est représenté par la figure 3. En remplacement des deux tiges végétales, l’une morte et l’autre vivante, je mettais deux animaux semblables, l’un mort, tué par l’eau chaude, et l’autre vivant, et tous les deux fixés par des liens à un petit bâton implanté dans le sable humide qui rem- plissait l'ouverture circulaire du plateau 8. Que l’on imagine, par exemple, que les deux asperges représentées dans la figure 3 soient deux petits bâtons implantés d’une manière solide par leur partie inférieure, et à la partie supérieure desquels soient fixés par des liens mA insectes , l’un mort, fixé sur le bâton c, et l’autre vivant, fixé sur le ÊTRE d, ét cela de manière à ce qu'ils puissent chacun recevoir dans leur intérieur la soudure angulo-terminale de l’une des deux aiguilles, lune au point o et l’autre au point z. Ces deux insectes étant soumis à la même température extérieure dans l'intérieur de la cloche de verré qui les recouvre; étant soustraits au refroidissement causé par l'évaporation, puisque celle-ci cesse d'avoir lieu dans Pair sa- turé d’eau que contient cette cloche; étant semblables et devant par conséquent prendre ensemble les variations de la tempéra- ture environnante ; différant seulement par leurs états de vie et de mort, ces deux insectes, dis-je, n’auront nécessairement d'autre différence de température que celle qui résultera de la chaleur propre et vitale de celui qui est vivant. Ce que je dis ici (x) La description de cet appareil se trouve dans la partie botanique de ce volume, page 3x. La planche dans laquelle il est représenté s'y trouve également. à bassè température. It d’un insecte peut se dire également de tout autré animal à pe- tite taille, tel qu'une grenouille ou une écrevisse , etc. On sent facilement qu’un animal d’une grande taille ne pourrait pas être souris à cette expérience. Il né n'est pas toujours arrivé de posséder en même temps déüux inséctes de la mêmé espèce pour les mettre en expérience éothparative, l’un à l’état dé vie et l'autre à l’état de mort. Alors j'avais récours à un autre éxpédient. L'expérience comparative dont il est ici question à pour but d'éviter les erreurs qui pour- raient haîtré de ce qué les deux Soudurés dés aiguilles ne parti- Gipéraient pas dans lé même moment aux variations dé la tem- pétaturé environnante. Or, on sent facilément que si cette tem- pérâture de l'air demeure constante où sans variations, il de- vient inutile de comparer la chaleut d’un insecte vivant à celle d’un insecte mort et semblable, puisqué tout autre corps mis à là place dé ce dérhier participerà, comme lui, à la température constänté de l'air qui l'environné ; l'insécte vivant participera également à cette mèmé température environnante, en sorte qué , sous cé point dé vue, les deux soudures seront égalément influencées. Il nie s'agira dont, après avoir placé l’une des deux soudures daÿs le corps de linsécte Vivant, que de placèr l’autre soudure dans l’intérieur d’un corps quelconque, afin de la sous- traire à l'influence de la chaleur rayonnante. Le corps que je choisissais en pareille circonstance était un petit rouleau de papier sec dans l’intérieur duquel je plaçais la soudure de la seconde aiguille. J'ai dit, dans mes recherches sur la chaleur des végétaux, que la température n’éprouvait que des variations Bibles ét très iéntes dans le cabinét où je faisais mes expé- riences ; or, j'observai que la température de l'air de ce cabinet démeurait constante, la plupart du temps, depuis l'instant où le jour commencait à paraître jusqu'à deux heures après le léver du soléil ,et mêmé souvent jusqu’à une heure bien plus avancée de là matinée. Cet espace de temps sans variation de tempéra- ture m'était suffisant pour déterminer , sans crainte d'erreur, la chaleur propre de tout insecte dont je ne possédais qu'un seul individu. Lorsque je pouvais établir l'expérience Comparative d’un insecte, ou plus généralement, d’un animal vivant et d’un 12 DUTROCHET. — Sur la chaleur: des êtres vivans. animal mort, j'avais soin de ne tuer ce dernier que très peu de temps avant de commencer l'expérience. Je le privais de la vie par l’immersion suffisamment prolongée dans l’eau échauffée à 5o degrés, et je le refroidissais promptement en le plongeant dans de l’eau de fontaine dont la température était d’environ + 12 degrés. Il était important, pour le succès de mon expé- rience, que l'animal füt récemment mort, et qu'il n’y eût pas chez lui un commencement de putréfaction, car celle-ci est une cause de développement de chaleur, ainsi que je l'ai ob- servé. Du reste, j'ai mis en usage, pour éviter l'erreur, les mêmes précautions minutieuses dont j'ai fait mention dans mes recherches sur la chaleur propre des végétaux, et de même j'ai multiplié autant que possible mes observations sur plusieurs in- dividus des mêmes espèces. Devant toujours enfoncer la soudure angulo-terminale de chacune de mes deux aiguilles à la profon- deur déterminée de 5 millimètres dans les corps dont je devais mesurer la température, je n’ai pu soumettre à mes expériences les animaux dont la grosseur était inférieure à cette dimension. Ainsi, parmi les insectes, je ne me suis attaché qu'aux plus gros; parmi les reptiles et les poissons, au contraire, j'ai dù choisir les plus petits, par la raison que j'ai exposée plus haut. Des animaux de grande taille, d’ailleurs, n'auraient pas pu être pla- cés dans mon appareil. Reptiles. Les seuls reptiles dont j'aie recherché la chaleur propre sont la Grenouille commune (Rana esculenta \..), le Crapaud accou- cheur (Bufo obstetricans Latr.), et le Lézard gris ( Lacerta agi- Zis L.); je vais comparer mes observations à celles qui ont été faites sur deux de ces animaux; j’exposerai ensuite les observa- tions qui ont été faites sur d’autres reptiles par divers obser- vateurs. Les observations qui ont été faites sur la chaleur propre de la Grenouille commune sont les suivantes : à basse température. 13 Martine (1) porte cette chaleur à 5° F. — 2°,7 C. John hanter (2)a - ..: +. - - 4 F.—2,20. Prévost et Dumas (3)à . ....... 1°,5C. emAR (Na De 2. 0 ,92 jusqu a 2,44 C. Berthold(5)a trouvé constamment que la Grenouille , obser- vée dans l'air, avait une température inférieure à celle de ce milieu ; observée plongée dans l’eau , elle lui a offert la même température que ce liquide ; il n’y a eu d’exception à cet égard que lorsqu'il a observé ces reptiles dans l’état d’accouplement et plongés dans l’eau; alors ils lui ont offert une chaleur de 0,25 de degré à un degré C. au-dessus de la température de l’eau. Je ne me suis pas borné à la recherche de la chaleur propre de la Grenouille ; j'ai du y joindre celle de la chaleur propre de sa larve ou têtard. J'ai observé ce dernier non-seulement étant placé dans l'air saturé d’eau , à l’aide de l'appareil à cloche de vérre, mais aussi étant plongé dans l’eau à l’aide d’un appareil analogue à celui qui est représenté par la figure 2, appareil dans lequel les aiguilles à soudure médiane , ici représentées, étaient remplacées par des aiguilles & soudure angulo-terminale, semblables à celles qui existent dans l'appareil représenté par la figure 3, mais autrement disposées. Dans le fond d’un bocal très élevé, il y avait une épaisse couche de sable fin destiné à recevoir implantation des deux petits bâtons auxquels étaient attachés les deux animaux, l’un vivant et l’autre mort, et ces deux animaux recevaient chacun dans leur corps l'insertion de la soudure angulo-terminale de l’une des deux aiguilles. Le bocal était ensuite rempli d’eau de laquelle émergeaient les deux prolongemens cuivre des aiguilles, prolongemens qui allaient se réunir au multiplicateur. Cette disposition , que l’es- prit peut facilement se représenter, est le renversement de haut en bas de celle qui a lien dans la figure 3. Tuute la partie du (1) Essays medical and philosophical, London , 1740. (2) Plilosophical transactions , 1995. (3) Bibliothèque universelle de Genève. 1821, page 309. (4) Jourual de physique de Baumgartners, 1821, En allemand, (5) Nouvelles observations sur la température des animaux à sang froid, Gætling, 1835. En allemand. 14 DUTROCHET. — Sur a chaleur des êtres vivans système d’aiguilles qui, dans cette dernière figure , s’élève de la base de la cloche dans son intérieur, descendait, au contraire, de l'ouverture du bocal dans son intérieur, en sorte que toute cette partie du système d’aiguilles se trouvait plongée dans l’eau. Cette partie immergée des aiguilles était soigneusement recou- verte de vernis à la gomme lacque, afin d'éviter leur oxidation. Si, en effet, la plus légère oxidation avait eu lieu, il y aurait eu production de courans hydro-électriques, ce qui aurait'été une cause d'erreur, L'emploi de cet appareil, dans lequel l'animal soumis à l'expérience était plongé dans l'eau, m’a paru indis- pensable pour l'observation de la chaleur propre des animaux qui respirent par des branchies; car il est nécessaire de ne point supprimer leur respiration. Les tétards respirant à-la-fois par des poumons et par des branchies, il y a eu nécessairement une partie de leur respiration qui s’est trouvée supprimée , tant lorsqu'ils ont été placés dans l'air humide que lorsqu'ils ont été plongés dans l’eau. Mis en expérience de ces deux manières, les tétards ne m'ont manifesté aucune chaleur propre ; leur tempé- rature a toujours été semblable à celle du milieu qui les envi- ronnait. On ne peut cependant douter qu'ils ne possèdent une chaleur propre, mais elle est tellement faible qu’elle échappe à tous nos moyens d'investigation. Les expériences auxquelles j'ai soumis la Grenouille ont été faites de plusieurs manières. Lorsque la température du milieu environnant éprouvait des variations, je mettais une Grenouille vivante en expérience comparative avec une Grenouille privée de vie par l’eau chaude et rapidement refroidie par l'immersion dans l’eau froide. Lorsque j'étais certain d’avoir une tempéra- ture constante dans le milieu ambiant, ce qui arrivait dans les circonstances indiquées plus haut, je me contentais de recou- yrir la soudure opposée à celle qui était placée dans le corps de la Grenouille avec un tube desséché d’une plante fistuleuse ou avec un rouleau de papier, afin de préserver cette soudure de l'action de la chaleur rayonnante. Enfin, j'ai fait ces expériences la Grenouille étant placée tantôt à l'air libre, tantôt dans Pair humide, tantôt dans l’eau. Je vais suivre dans cet ordre l’ex- posé de mes expériences. à basse température. 15 La soudure de une des aiguilles fut enfoncée dans l'abdomen d’une Grenouille ;l’autre soudure fut simplement recouverte par un petit rouleau de papier sec, et le tout établi, comme je l'ai dit plus haut, sur l'appareil représenté par la figure 3 dépourvu de cloche de verre, resta exposé à l'air bre dans mon cabinet; où la température était alors à 4-18 degrés. La Grenouille, après avoir perdu la chaleur qui lui avait été communiquée par mes mains, se trouva et se maintint plus froide que l'air qui l’envi- ronnait de près d’un degré. Ce refroidissement était dü à l’éva- poration qui avait lieu à la surface du corps. Ayant ensuite re- couvert cet appareil avec la cloche de verre dans l'intérieur de laquelle l'air devait se saturer d’eau, je vis le froid relatif de la Grenouille diminuer peu-à-peu, et ensuite il se manifesta une faible chaleur propre qui s’éleva à trois centièmes de degré cen- tésimal indiqués par une déviation d’un demi-degré de l'aiguille aimantée du multiplicateur. La température de l'air n’était pas demeurée stationnaire pendant cette expérience, elle avait monté de + 17°,r à 18° dans l’espace de quatre heures ; il en résultait nécessairement un peu d’inexactitude dans mon expé- rience, puisque les deux soudures étaient inégalement recou- vertes. Toutefois, il en résulte, d’une manière incontestable, que la Grenouille exposée à l'air libre est plus froide que cet air en- vironnant, et que, placée dans l'air saturé d’eau, elle manifeste une chaleur propre légèrement supérieure à celle du milieu qui l'environne. Je reeommençai cette expérience avec une autre Grenouille à quelque temps de là. L’une des deux soudures fut enfoncée dans l’abdomen de cet animal vivant ; l’autre soudure fut enfoncée dans l'abdomen d’une grenouille semblable, tuée par l'immersion dans l’eau chaude et rapidement refroidie. Cet ap- pareil expérimental fut recouvert par la cloche de verre dans l'intérieur de laquelle Pair se satura d’eau. Après l'écoulement de temps nécessaire pour l'établissement de l’éguilibre de tem- pérature acquise entre les deux grenouilles, celle qui était vi- vante manifesta, par deux tiers de degré de déviation de l’ai- guille aimantée, une chaleur propre de quatre centièmes de degré centésimal au-dessus de celle que possédait la Grenouille morte. Cette dernière participait certainement à la température 16 DUTROCHET. — Sur la chaleur des étres vivans environnante, qui était alors à + 16 degrés. Cette chaleur propre de la grenouille persista pendant trois heures que je continuai de l’observer. Une seconde et une troisième expérience me donnèrent des résultats que je puis dire exactement semblables, car, dans chacune d'elles, la déviation de l'aiguille aimantée v’atteignit pas un degré du cercle, et fut supérieure à un demi- degré. La chaleur propre de la Grenouille , dans ces deux der- nières expériences, fut donc intermédiaire à 0,03 et à 0,06 de dégré, c’est-à-dire de 0,04 ou de 0,05 de degré. La température de l'air était de + 17°,5 dans une de ces expériences,et de +- 14,5 dans l’autre. Ainsi, ilest certain que la Grenouille commune possède une chaleur propre de 4 à 5 centièmes de degré centésimal, chaleur propre qui s'ajoute à celle qui lui est transmise par le milieu environnant. Deux expériences analogues, que je fis ensuite en plaçant la soudure de laiguille dans les muscles de la cuisse, me donnèrent le même résultat. Je fis enfin deux autres expé- riences en plongeant dans l’eau les deux Grenouilles, lune vivante et l’autre morte, et cela au moyen de l'appareil à bocal que j'ai décrit plus haut. Dans l’une de ces deux expériences, la soudure de l'aiguille fut enfoncée dans l'abdomen ; dans l’autre expérience, elle fut enfoncée dans les muscles de la cuisse. La grenouille vivante avait seulement le bout du museau hors de l’eau, afin qu’elle put respirer. Je trouvai encore, dans ces deux expériences, une chaleur propre de quatre centièmes de degré chez la grenouille. La température de l’eau était de + 15° et 164,5. Enfin, je fis deux autres expériences dans lesquelles lune des soudures étant placée dans l'abdomen de la Grenouille vivante , l’autre soudure était recouverte simplement par un tube de plante fistuleuse. Le tout était plongé dans l’eau dont la température demeura constante à + 15°,5 pendant toute [a durée de la première expérience, et à +17°,3 pendant la durée de la seconde expérience. J’obtins encore, de cette manière , la manifestation chez la Grenouille d’une chaleur propre de 0,03 et de 0,04 de degré. Ces deux dernières expériences mirent le sceau de l'évidence au résultat obtenu si constamment; on au- rait pu penser, en effet , que, dans les précédentes expériences, à basse température. 17 la Grenouille morte, qui était en expérience comparative avec la Grenouille vivante, aurait produit de la chaleur par l'effet d’un commencement de putréfaction, chaleur qui aurait contre- balancé et masqué une partie de la chaleur vitale de la gre- nouille vivante; car l'appareil thermo-électrique n'indique que la différence de la température des deux corps dans lesquels sont placées les soudures des deux aiguilles. Or, ici la soudure opposée à celle qui était placée dans l'abdomen de la Grenouille vivante ne pouvait posséder d'autre température que celle qui existait dans l’éau environnante. On remarquera que les expériences auxquelles j'ai soumis la Grenouille ont été faites par des températures extérieures diffé- rentes et comprises entre + 14°,5 et 18°. Or, ayant toujours trouvé à-peu-près la même chaleur propre chez la Grenouille, cela prouve qu'elle avait acquis la chaleur du milieu ambiant, et qu’elle y avait ajouté celle qui lui était propre. On peut re- garder comme certain que, lors de l’engourdissement hybernal, cette chaleur propre disparaît, et qu’elle diminue à son ap- proche, lorsque le froid de l'hiver commence à se faire sentir. M. Edwards a prouvé qu’alors la respiration éprouve une ex- trême diminution ; la chaleur vitale doit diminuer proportion- nellement. Je n'ai fait qu’une seule expérience sur la chaleur propre d’un autre Batracien, du Crapaud accoucheur ( Bufo obstetri- cans Latr.). Je l'ai mis, dans l’air humide, en expérience com- parative avec un Crapaud mort. La soudure de l'aiguille était enfoncée dans l'abdomen. J'ai trouvé ainsi que la chaleur propre de ce reptile était de douze centièmes de degré, indiqués par une déviation de deux degrés de l'aiguille aimantée. La tempé- rature de l'air environnant était de + 17°. Ainsi la chaleur propre de ce Crapaud est environ trois fois plus grande que celle de la Grenouille, Ayant enlevé la cloche de verre qui re- couvrait cet appareil expérimental, et ayant remplacé le Cra- paud mort par un rouleau de papier sec, j'ai vu que le Crapaud vivant, ainsi exposé à l'air libre, devint plus froid que l'air envi- ronnant d'environ trois quarts de degré centésimal : ce refroi- dissement était dù à l'évaporation qui avait lieu à la surface de XI, Zoo, — Janvier, 2 18 DUTROCHET. — 1941 la chaleur des êtres vivans la peau. Les têtards de ce Cra apaud ne m'ont offert aucune cha- leur propre appréciable, de même que ceux de la Grenouille. La chaleur propre du Lézard gris (Lacerta agilis) a été éva- luëe par Czermak de 1°,25 à 8°,12 C., et cela par une tempéraz türe moyenne. Lorsque la température est élevée, ce Lézard devient, selon cet observateur, plus froïd que l'air environnant, Berthold n'évalue la chaleur propre du Lacerta agilis qu'à trois quarts de degré, et cela par une température extérieure de + 11 à 12 degrés C., Ce dernier observateur est contenté de pla cer un RL dans un vase rempli de ces animaux ; procédé expérimental qui ne mérite aucune confiance. L’ex- trême différence des résultats obtenus par Czermak chez des individus différens de cetté même espèce de lézard, prouve, selon moi, que cet observateur a été induit en erreur. Je n’a fait qu’une seule expérience sur le Lacerta agilis. M'étant procuré deux de ces reptiles, jen tuai un par l'eau chaude afin de le mettre en expérience comparative ayec, le Lézard vivant, Je commençai par mettre ce dernier seul en expérience; j'enfonçai la soudure d’une aiguille dans son abdo- men, et je couvyris l’autre soudure ayec un rouleau de papier sec. Cette expérience fut établie d’abord à l'air libre. La tempé- rature de l'air environnant était à + 21,6. Je trouvai, ainsi que le Lézard était plus froid que l'air environnant de 0,18 à 0,20 de degré C. Alors je remplaçai le rouleau de papier par le lézard mort, dans l'abdomen duquel j'introduisis la soudure, comme celle de l'autre aiguille était introduite dans l'abdomen Au Lézard vivant, et Je convris cet appareil expérimental avec la cloche de verre dont l'air intérieur se satura d’eau. Après l'écoulement du temps convenable pour l'établissement de l'équilibre de tem- pérature acquise entre les deux Lézards, je trouvai que le Lézard vivant manifesta une chaleur propre de 0,21 de degré indiqués par une déviation de trois degrés et un tiers de en aiman- tée. La chaleur de Pair enFironnARs à laquelle participait le Lézard mort, était alors de +-22°,8. On voit, par cette expérience, que le Lézard gris, exposé à l'air libre, a une température. moins inférieure à celle de l'air environnant que ne l'est celle du Crapaud accoucheur et celle a ————————— à basse température. 19 de la Grenouille. Cela provient de ce quele rer a une chaleur propre plus élevée que ne l’est celle de ces deux Batraciens, ét surtout de ce que la peau du Lézard étant recouverte d’écailles, celles-ci s'opposent en partie à la transpiration dont l’évapora- on produit le refroidissement de l'animal. On remarquera, dans ces obseryations, que plus fa chaleur propre des Reptiles est faible, plus ils sont aquatiques. Le Lézard qui, des trois Reptiles qui viennent d'être observés, est celui qui a le plus de chaleur propre, habite dans des lieux secs ; le Crapaud accoucheur habite des trous dans la tèrre humide, et sa chaleur propre, inférieure à celle du Lézard gris, est supé- rieure à celle de la Grenouille qui habite spécialement dans Veau quoiqu’elle en sorte souvent. Enfin, les tétards qui ha- bitent exclusivement l'eau ont une chaleur propre si faible , qu'elle échappe à toute appréciation possible ayec nos moyens thermoscopiques. .Je n’ai fait augune observation sur la chaleur propre des Ser- pens, ni des Tortues, ces animaux étant de trop grande taille pour pouvoir être soumis à mes expériences. Je me contente done de citer les observations qui ont été faites sur cés animaux par divers observateurs. - Martine à trouvé dans uhé tortue terrestre une chaleur propre de SF. (%°,7 €.) John Hunter (1) ayant ploigé un thérmométré dans l’éstomac ou dans le rectum d’une Vipère, y trouva une chaleur de 10°F. ( 5°,5 C. ) au-dessus de la température de l'air. Walbaum (2) a évalué la chaleur RFSBE d'une Tortue AUTOUR (1,2 C.) Wilford (3) a expérimenté qu'un Boa était pus froid de 0,3 à 0,8 de degré quel atmosphère, qui était alors à #+ 26° et 28°C. Rudolphi (4) a trouvé chéz le Lacerla maculata une chaleur de à" R. (2°,9 C:) au-dessus, de celle. de l'air ; qui était alors à (1) Philosophical transactions. 1778. (2) Chelonographia. Lubeck, 1582. (3) The journal of sciences and the arts, London, 1819. (4) Élémens de physiologie, 18a1. En allemand. 2« 20 DUTROCHET. — Sur la chaleur des étres vivans +- 10°R. Le Proteus anguinus lui a offert une chaleur propre de,1°R. (1°,25 C.). MM. Prévost et Dumas ont trouvé dans une Tortue la même ‘température que celle du milieu environnant. Czermak, dont j'ai rapporté plus haut les observations sur la chaleur propre du Lacerta agilis, détermine comme il suit la chaleur propre de plusieurs autres Reptiles : Proteus anguinus. + . : « +. + 2°,65 à 5°,67 C. Emys europæa. . ... . . . . «| 1,56 à 5°,54 Chersine græca.. + + + + + « + 1° Natrix'lŒpis, + je 2.3 + « + + + O21. à :0,39 Natrix torquatus. . . . . . . . o°,32 à 3,74 Anguis fragilis . . . . . . 1. . o°,47 à 2,40 Lacerta viridis. + … : ..1. . . 4 à 7°,34 Ces observations ont été faites par une température moyenne; lorsqu'elles ont été répétées par une température extérieure élevée, tous ces Reptiles se sont trouvés plus froids que le mi- lieu. environnant. John Davy (1) a trouvé chez différens Reptiles les tempéra- tures suivantes : au-dessus de la au-dessous de la température de l'air. température de l'air. Tortue de l’Ascension , , , 20,9 C. Lortue/4 CDIOMDO: se, 21 eee) 2 os ee 1 D Ce Tortue géométrique . . . . o°,g Idem. ‘4 ME VND Rana ventricosa . ..... "4 0 «237 Jeuana.: 11e 2022 Couleuvre verte. . . . « . : 3°,9 Serpent brin. -}-%heie ss Tax Plusieurs Couleuvres . . . 3°,9 Berthold, dont j'ai rapporté plus haut les observations sur la chaleur propre de la Grenouille,a trouvé chez la Tortue géomé- trique le même température que celle de l’airenvironnant, et chez une Ænguis fragilis, un demi-degré C. au-dessus de cette (x) Annales de physique et de chimie, tome xxxtu, page 180, 1826, à basse température. 21 même température de l'air. Les résultats de ses observations sur les Reptiles sont les suivans. Les Reptiles nus sont toujours plus froids que l'air environnant, et cela à cause de l’évapora- tion qui a lieu à la surface de leur peau. Ces mêmes Reptiles‘ nus ont la même température que l’eau lorsqu'ils y sont plon- gés; leur température propre ne surpasse celle de l’eau que pendant l’accouplement. Les Reptiles revêtus d’écailles ont une température supérieure à celle de lair ou de l’eau de 0,25 à 1° C. On voit combien il y a peu d'accord entre les assertions de ces divers observateurs. Parmi eux, Berthold est celui qui me paraît avoir le plus approché de la vérité. Il a vu, comme moi, que les Batraciens ou Reptiles nus sont toujours plus froids que l'air qui les environne; il n’a pu apprécier avec des thermo- mètres la faible chaleur propre que ces Reptiles manifestent lorsque l’évaporation refroidissante qui, à l'air libre, avait lieu à la surface de leur peau, est supprimée par l'immersion dans l'eau ; mais je n’ai point vu, comme lui, que les Sauriens eussent une chaleur propre supérieure à celle de l'air libre environnant; autant du moins qu'il est permis d’en juger. par une seule ob- servation. Berthold est, parmi les observateurs que j'ai cités, le seul qui ait pris toutes les précautions convenables pour éviter l’er- reur dans ces observations délicates ; il laissait les animaux assez long-temps en expérience pour qu’ils perdissent toute tempé- rature antérieurement acquise, et il eut l’idée de comparer, sous le point de vue de la chaleur , des animaux vivans avec des animaux semblables et morts. Son observation relativement à l'excès de chaleur que manifestent les grenouilles pendant l'accouplement sera probablement confirmée par d’autres ob- servateurs. Quant à moi, et dès à présent, je suis trés porté à la considérer comme exacte, ne doutant point quel'acte de la génération ne soit accompagné par un développement inaccou- tumé de chaleur vitale chez tous les êtres vivans, puisque cela s’observe même chez les végétaux. 22 DUTROCHET, — Sur a chaleur des êtres vivans e1oy) or se vais rapporter ici; et simplement conime PS à Thistoire de la science , aitisi. que je l'ai fait jusqu'ici ; les asser- tions, dés observateurs relativement à la chaleur propre. des poissons. | Martine : Ablétre(Cyprinus albürnus jé s10 F!(0,55C.) A Pinite (Sa/mo farlo DIJON à A4 18777 (09,56 O)| dau de ape Lu Krafft. (1) * 9h 68 ne » Brochèt (ESdx tsinis Ly 4025 16,88 €. ÿ Sd dé temp ae Ven Brochét: 2/4 10 4IQUE IQ 78 F. (87/88 (.) Hudéshs de la 1dpl de Ti. John Hunter :! Ç sl | Cärpé (Crus ne £' ÿ. 22368 (10,9 C) sudesus de le temp. à Yéau. Broussonet (2): : f Petits poissons. UE à rs R. (o», 62 à o ?,93 C.) | : "Carpes. eee see Ho UR "(53 où 0° ,62 C.) au-defsus de ]a Lemp. de l'eau, Angüille(Murbha angéilla Li)" ER. (07,93 CS Buniva (3) : Carpe. . . 1. . 8 degres C. au-dessus de la température de l'eau. MM. Prévost et eue Gadus lota L. . . Mme température que celle de l'eau. M. Despretz (4) : Carpe ;:.. minute œunleite «{0%86 G aivdehres de là tahpératurs Tanche (Cyprinus tince L.) ., «0774 NS Jobn Davy: 1 à Requin (Squallus carcharias L. ). el ni \ Température des muscles. Dh rs. 1°,3 GC , Borite ( Scomber pelamis L. vädms émpérature du cœur « . . . . 0°,6 de la température w Témpératire me masclés! "2" 0,4 Dre PoditeJ] + AHMBVLT 2PUQ RUN FAR MAUR CE Poisson volant . . . . . . .HuM20m07 ovja (x) Prolectiones in physicam theoricam. Tubing. 1750. (2) Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, 1785. (3) Mémoires de l’Académie des Sciences de Turin , ans x et xt, tome xI1, page 88. 4) Annales de physique et de chimie , tome xxvr, page 207. 1824. à basse tempéralure. 23 MM. Eydoux et Souléyet (1), dans le xoyage de circumnavi- gation de la Bonite, ont fait deux expériences sur la chaleur propre du Requin, expériences desquelles il est impossible « de tirer un résultat ; car, après avoir déterminé la chaleur de ce poisson au moyen d'un thermomètre enfoncé dans l'anus, ils se sont contentés d'indiquer le maximum et le minimum de la chaleur de l’atmosphere et de l’eau de la mer dans les; journées où se firent les deux expériences. Je ferai remarquer que la plupart des observateurs « que je viens de citer ont fait leurs expériences sur des poissons tirés de Peau, comparant ainsi Ja température que, çes poissons avaient dans l'air à celle de l'eau qu'ils venaient de quitter, Cette méthode expérimentale ne peut, conduire qu’à l'erreur, Ce n’est point ainsi qu'ont agi MM. de Humboldt et Proyen- cal (2):,ils ont introduit qi thermometres dans le corps ;de poissons qu’ils ne nomment pas, et dont la respiration contir nuait d'avoir lieu dans l’eau qui les contenait. Ils ont trouyé que leur température était la même que celle de ce milieu am- biant. £’est à ce même résultat qu'est parvenu Berthold , obser- vateur recommandable par l'exactitude de ses expériences, Il a vu que la carpe et l’anguille prennent exactement la tempé- rature [de Veau qui les envirônne,, isoit:que cette température augmente ; soit qu’elle diminue; Mes observations m'ont conduit à des résultats semblables. Malheureusement , je ne les ai point assez multipliéés , car je n’en ai faitique deux ; ét dela sur une seule espèce de poisson ; sur l’Ablette (Cyprèrus albuürnus) poisson auquel Martine attribue une chaleur propre de 6,55 dé degré, ainsi qu'on Fa vu plas haut, J'ai choisi ce poisson à causé dé sa petite taille, étant astreirit à ne faire mes expériences que sur de petits animaux, qui senils peuvent prendre promptemient dans tout leur'corps lés variations de la température ambiante. La/nécessité d'entretenir la respiration du poisson pendant toute la durée de l'expérience, fait que j'ai dû me servir ici de l'appareil à bocal rempli d’eau dans laquelle je plonge les déux (1) Annales des Sciences naturelles , 26 série, tomeux page 190. Zoologie. 1838, {2) Mémoires de la Société d’Arcueil, tome 11, page 398. 180g. 24 DUTROCHET. — Sur la chaleur des êtres vivans animaux, l’un vivant et l’autre mort, dans le corps desquels sont enfoncées les soudures des deux aiguilles. J'ai décrit plus haut cet appareil, en parlant des tétards. C’est de cette manière que j'ai soumis l’Ablette à l'expérience pendant laquelle ce pois- son a conservé sa respiration et sa vie dans toute leur intégrité. La soudure de l'aiguille était enfoncée latéralement dans l'ab- domen. Or, le résultat de cette expérience a été de ne me faire apercevoir aucune différence de température entre le poisson vivant et le poisson mort : ils ne possédaient l’un comme l’autre que la température du milieu ambiant. Cette expérience, répétée une seconde fois, m’a donné le même résultat. Il reste à étendre ces recherches à d’autres espèces ; je suis très porté à penser que toutes présenteront la même absence, ou plutôt la même faiblesse de chaleur vitale, faiblesse qui rend cette chaleur im- possible à apprécier par nos moyens thermoscopiques les plus délicats : cela est sans doute une conséquence de la faiblesse de la respiration branchiale qui s’exécute par l'absorption de l’oxi- gène dissous dans l’eau. Mollusques et Annelides. Suivant une observation de Martine, une Limace qu'il ne désigne pas aurait une chaleur propre de 2° F. ( 1°,11 C.) Spallanzani (1) a fait plusieurs expériences sur la chaleur propre des Limaces etdes Limaçons. Il enfermait ces Mollusques dans de larges tubes de verre avec un thermomètre. Lorsque l'un de ces Mollusques était seul dans le tube, le thermomètre n’indiquait aucune élévation de température; mais lorsqu'ils étaient plusieurs rassemblés, le thermomètre montait de =>, -, et même — de degré R. Ayant placé un seul de ces Mollusques dans un tube rempli de gaz oxigène, le thermomètre s'éleva à -- de degré; et lorsqu'un certain nombre de ces mêmes Mol- lusques se trouvait ainsi plongé dans le gaz oxigène, le 1hermo- mètre s'élevait jusqu'à + de degré. Un second thermomètre , (x) Mémoires sur la respiration , traduits par Sennebier, page 257. Genève, 1803. à basse température. 25 placé dans le voisinage des tubes , m'assurait, dit-il , que l’ob- servation était exempte d’erreur. Je ferai observer que cette sécurité de Spallanzani était mal fondée, car j'ai observé que la température de l'air contenu dans un vase de verre fermé n’est jamais la même que celle de l'air qui l’environne, J'ai fait cette expérience avec l'appareil thermo-électrique, en plaçant la soudure de l’une des aiguilles dans le vase, et l’autre soudure prés de ses parois extérieures. Si la température de l'air qui en- vironne le vase est décroissante, l’air intérieur du vase a dans le même moment une température plus élevée que ne l’est celle de l’air extérieur , et cela parce que le verre étant difficilement perméable à la chaleur, l'air intérieur conserve pendant un cer- tain temps la température plus élevée que possédait et que lui avait communiqué antérieurement l'air extérieur. Si la tempé- rature atmosphérique est croissante, un résultat inverse a lieu. Les expériences de Spallanzani étaient donc ici sous l'influence d'une cause d’erreur qu'il n’a pas aperçue; en outre, en pla- çcant un certain nombre d'animaux dans un vase fermé pour observer la température que possède leur ensemble, il y a une grave cause d'erreur que j'exposerai plus bas. D'après John Davy, l'Huitre commune a la même tempéra- ture que celle du milieu ambiant; il en est de même de la Sangsue médicinale et d’une Sangsue terrestre qu'il a trouvée à Ceylan. Berthold a trouvé que l’Helix pomatia était plus froid que l'air environnant de 3°C. Des Limaces rassemblées dans un vase lui ont offert une température inférieure d’un demi-degré à celle de l’air ; ayant couvert ces Mollusques avec de l’eau, leur tem- pérature fut la même que celle de ce liquide. Ainsi le froid relatif qu'ils manifestaient dans l'air provenait de l’évaporation qui avait lieu à la surface de leur peau. L’Anondonta anatina, la Sangsue médicinale et les Lombrics terrestres, lui offrirent les mêmes résultats, qui sont aussi ceux auxquels je suis parvenu en me servant de l'appareil thermo-électrique. Mes observations ont été faites sur la Limace jaune (Limax rufus), sur l'Helix pomatia , et sur la Sangsue médicinale (Hirudo medicinalis) : je n’ai trouvé chez ces animaux aucune chaleur propre appré- 26 purrocHer. — S4r la chaleur des étres vivans ciable én les observant dans l'air saturé d’eau. Placés à l'air libre; ces mêmes animaux $e sont trouvés tous plus froids que ce mi- lieu environnant, ce qui était un résultat de l'évaporation des liquides émanés de leur corps. Tout récemment, M. Valentin (1) à publié ses recherches sur la température de quelques animaux invertébrés marins, pris parmi les Zoophytes, les Mollusques et les Crustacés. Cet observateur ne donnant aucun détail sur ses procédés d’expé- rimentation, n’exposant point les moyens qu'il a employés ponr éviter les erreurs dans lesquelles il ést si facile de se laisser en- traîner dans ce genre d'observations, ne m'a pas paru présenter des garanties suffisantes pour que ses assértions puissent mériter une entière confiance. D'ailleurs, les résultats auxquels il est parvenu sont quelquefois évidemment erronés. Ainsi, par exemple, il trouve que la surface de la peau de l’/physia lepo- rina, observée à l'air, offre une chaleur propre de 0,6 de degré, tandis que le méme Mollusque, plongé dans l'eau, et n'étant plus, par conséquent, refroidi par l'évaporation, n'offre plus à la surface de sa peau qu’une chaleur propre de 0,5 de degré ;il est évident , au contraire , que $a chaleur propre aurait dù paraître plus élevée dans l’eau que dans Pair, si observation avait été bien faite. Parmi les Mollusques céphalopodes, M. Valentin a observé les deux suivans dont il a déterminé la chaleur propre ainsi qu'il suit : Octopus vulgaris. 0,2 et 0,6 de degré C, Eledone moschata. 0,9 de degré. Crustacés. Rudolphi a trouvé à l’Écrévisse commune (Zstacus fluviatilis Fab.) une température semblable à celle de l'air environnant. John Davy a trouvé ce même Crustacé plus froid que Pair de 0,6 de degré, Un Crabe lui a offéft une température semblable à celle de l'eau dans laquelle il'était plongé. Berthold ayant in- , (1) Répertoire d'anatomie et de physiologie , vol. 1v, page 359. 1839. En allemand. à basse température. en: troduit un pétit thermomètre danis estomac d’une Ecrévisse, lui trouva la même température que celle de l'éau énviron- nanté. J'ai obtenu le même résultat dans deux expériences que j'ai faites avec l’appareil thermo-électrique sur l'Ecrevisse. L’une de ces expériences a été faite dans l'air humide ét l’autre dans l'édü ; toutes les deux m'ont prouvé que ce Crustacé ne possède point dé chaleur propre appréciable. Ce’résultat doit, je pense, être attribué à la faiblesse ie sa respiration, qui s'exécute par lé moyen de branchies , ainsi que cela à lieu chez les poissons, Il ést certain, en effet, que l’oxigene dissous dans l’eau doit, en sè praût dans l'acte de la réspiraton branchiale, n'abandonner qu uñe bien faible quantité de calorique, comparativement à celle que doit abandonner l'oxigène gazeux en se fixant dans l'acte de la respiration Tnt Es ou dans l'acte de la respi- ration trachéenne ea est propre aux insectes. Contrairement à ces obsérvations, M. Valentin, dans son mémoire cité plus haut, affirme avoir trouvé une chaleur propre appréciable chez pes Crustacés marins ; muis malheureuse- ment, sès observations portent encore ici avec elles la preuve ÉCÉBRÉ qu’elles sont entachées d’erreur. Aiusi, chez un Maja squinado , placé à l'air, l'intérieur de la bouche lui, a offert une chaleur propre de 0,6 de degré, tandis que la même cavité ne lui a plus offert qu’une chaleur propre de 0,3 de degré chez le même Crustacé plongé dans l’eau ; une observation bieu faite lui aurait certainement fait voir, au contraire, que l’animal refroidi par l'évaporation avait une tes inférieure à celle du même animal submergé, Le Squwilla mantis, autre Crus- tacé marin , lui a offert une chaleur propre de 0,1 de degré. dnsectes. Nous voici arrivés aux animaux invertébrés dont la respira- tion est la plus parfaite. Tous les insectes, même ceux qui ha- bitent l’eau, respirent l'air à l’état élastique et par des organes très développés ; on doit donc s'attendre. à trouver chez eux plus de chaleur propre que chez les autres animaux sans ver- tébres qui, généralement, respirent par des branchies l'air dis- 28 DUTROCHET. — Sur la chaleur des êtres vivans sous dans l’eau, ou ne respirent l’air élastique que par des pou- mons d’une extrême petitesse et dans lesquels l'air se renouvelle lentement. Aussi les observations positives sur l'existence d’une chaleur propre chez les insectes, sont-elles fort nombreuses. Les plus anciennes de ces expériences sont celles qui ont été faites sur les insectes qui vivent rassemblés en sociétés , et spé- cialement sur les abeilles domestiques, dont les ruches offrent toujours dans leur intérieur une chaleur supérieure à celle de l'air environnant. On connaît à cet égard les observations de Réaumur , celles de Huber, etc. Divers observateurs ont égale- ment constaté l'existence d’une chaleur plus ou moins supé- rieure à celle de l’air environnant dans les nids-des Guêpes ,dans ceux des Bourdons, dans les Fourmilières, dans des masses de Hannetons , de Cantharides, etc. , rassemblés et agglomérés dans des vases. Haussman (1) me paraït être le premier qui ait cherché à dé- terminer la chaleur propre des insectes isolés. Il renferma un papillon ( Sphynx convolvuli) dans une fiole avec un petit ther- momètre, la température environnante étant à + 17° R. Au bout d’une demi-heure, le thermomètre indiquait dans la fiole une température de + 19°R.; mais bientôt après cette tempé- ratnre descendit à + 17°, qui était celle de l'air environnant. Il obtint les mêmes résultats en soumettant le Carabus hortensis à la même expérience. Je pense que le refroidissement de ces insectes, après avoir d'abord manifesté une chaleur supérieure à celle de Pair environnant, était dù à ce qu’ils commençaient à s’asphyxier par manque d’air respirable dans la fiole bouchée qui les renfermait. Je citerai plus bas une expérience de Huber qui a présenté le même phénomène. Après les expériences de Haussman viennent, dans l’ordre des dates, celles que John David (2) a faites sur les sept espèces d'insectes qui suivent. (x) De arimalium exsanguinum respiratione, Gotlingen , 1803. (2) Annales de physique et de chimie, tome xxxrrr, page 180, 1826. à basse température. 29 Température Température de l'insecte. de l'air. Scarabée . . . . 25° C.. . . . .24°3 C. Excès pour l’insecte . 0°,7 C. Verluisant . . 23,3 :,., . .,., 22,8 Idem. .. . +... .0,9 Blatla orientalis.23,9 . . . . .928,3. Excès pour l'air. .: 4, Idem . . . . .23,9 .. . . . .23,3 Excès pour l'insecte . o Mollbnee = 2000429900 ete 10,7 ER TE EN IE e D Gatpe- . . . . 24H... .939 Idem. …. . . + 0 Scorpion, . . .25,3 . . . . .26,1 Excès pour l'air. . .o Julusi 1194112581 ul. 60.126,67 demi ire L, 0,8 œ@ On on 2 » 2 F] J'ai exposé plus haut le mode d’expérimentation à l’aide du- quel Nobili et Melloni (1) ont cherché à déterminer la chaleur propre des insectes. J'ai dit que ces physiciens ont mesuré, non la chaleur intérieure des insectes soumis à leurs expériences, mais seulement la chaleur rayonnante qui émanait de leur corps. Leurs recherches ont porté sur plus de quarante espèces indi- gènes prises dans toutes les classes et dans tous les états de mé- tamorphose. Ils n’ont, toutefois, donné ni les noms de ces in- sectes, ni une seule des mesures de leur chaleur; ils se sont contentés de dire que l’on peut admettre comme une vérité incontestable que les insectes possèdent une température tant soit peu supérieure à celle du milieu ambiant. À cette assertion gé- nérale, ils ont ajouté cette assertion particulière, qui parait être erronée, que Les chenilles possèdent toujours une température Plus élevée que les Papillons et les Chrysalides. Berthold ne s’est presque point occupé de rechercher la cha- leur propre des insectes. Il n’a fait, à cet égard, qu’une seule expérience. Il a plongé un thermomètre parmi des Scarabées ( Geotrupes stercorarius) rassemblés en certain nombre dans un vase, et il a vu que ce thermomètre marquait un quart de degré au-dessus de la température de l'air environnant. En 1837, ont paru lés recherches de M. Newport (2) sur la température des insectes, recherches étendues autant qu’elles paraissent consciencieuses , et dont cependant j'aurai souvent à contredire les résultats. Contrairement à l’assertion de Nobili et (x) Annales de chimie et de physique, tome xzvut , page 207, (2) Plilosophical transactions, 1837. part.. 1, p, 259. 30 DUTROCHET. — Sur la chaleur des étres vivans Melloni, M. Newport a trouvé que la chaleur propre de la larve est toujours inférieure à celle de l’insecte parfait : il a vu que la Chaleur propre des insectes est plus élevée dans l'état d’agitation que dans l’état de repos, plus élevée dans l'état de veille que dans l'état de sommeil; qu’elle diminue par l’abstinence d’ali- mens ; qu'elle augmente avec l’activité de La circulation , C'ést- à-dire avec la fréquence des pulsations du yaisseau dorsal, et qu’enfin elle augmente avec la fréquence des mouvemens alter- natifs d'inspiration et d'expiration. Pour l'intelligence de.ceci, il faut savoir que, d'après une théorie qui est propre à M. New- port, et qu'il a exposée dans un autre Mémoire (1), les inséctes introduisent l'air dans leurs trachées et l'en expulsent tour-à- tour par des actions alternatives de dilatation et de resserrement de leur corps ; il juge spécialement de la fréquence de ces actions alternatives par les mouvemens qu'exécutent les segmens dont est composé l'abdomen. Pour observer la chaleur propre des insectes, M. Newport a mis en usage plusieurs modes d'expérimentation. Une seule fois il a introduit la boule d’un petit thermomètre dans le corps d’un insecte; dans toutes les autres expériences, il s’est contenté d’ap- pliquer la boule du thermomètre sur la surface extérieure de l'insecte qu’il observait. Si ce dernier était placé à l'air libre, il était maintehu avec une pince, et le thermométre en contact avec son abdomen était ensuite recouvert de Jaine. ci il y avait une cause d'erreur qui a échappé à M. Newport. Le thermomètre, couvert de laine d'un côté et en contact avec l’insecte de l'autre côté, était soustrait à la chaleur rayonnante, tandis que lé ther- momèétre de comparaison, placé à l'air libre, était soumis à cêtte même chaleur rayonnante. Il y avait donc là une causé d'inéga- lité de température entre les deux thermometres, D'autres. fois, M. Newport plaçait l'insecte destiné à l'observation dans une petite fiole dé verre, le thermomètre introdüit dans cette fiole ayait sa boule appliquée sur l’insecte. Alors un thermomètre de comparaison indiquait la température de l'air extérieur à la fiole. M. Newport avait soin de ne point échauffer l’insecte (x) Philosophical transactions, x836 ÿ: part, ac _ à, basse température. 37 ni la fiole avec les doigts. Je ferai observer que, malgré ces précautions, il y avait dans ce genre d'expériences la même cause d'erreur que J'ai signalée plus haut à l’occasion d’un mode d’expérimentation semblable, employé par Spallanzani pour déterminer la température des limaces. Ce sont spécia- lement les insectes pourvus d'ailes que M. Newport a sou- mis à l'expérience en.les plaçant dans une fiole. Ce mode d’expérimentation a un inconvénient qui doit s'ajouter à celui que j'ai signalé plus haut, L’insecte, violemment agité dans un vase étroit, doit produire de la chaleur par les frottemens qu’il exerce sur les parois du vase et sur la boule du thermomètre. Ces frottemens doivent surtout être considérabies lorsque l’in- secte agite vivement ses ailes, M. Newport a prévu cette objec- tion ; il a fait des expériences qui prouvent, selon lui, que les frottemens dont il est ici question ne peuvent produire aucune élévation sensible de température ; ce qui est difficile à croire. M, Newport pense que la température obtenue par l'applica- tion du thermomètre à l'extérieur des insectes, soumis aux modes. d’expérimentation qui viennent d’ètre indiqués, n’est qu'une fraction de la chaleur intérieure et vitale,de ces derniers il estime que cette chaleur intérieure doit excéder la cs ainsi obtenue d'environ 2 degrés F. ( 1°,1 C.), Je suis loin de partager à cet égard l'opinion de M. Newport, car je pense, au çontraire ; que l’estimation qu’il a faite de la chaleur propre des insectes; au moyen des modes d’expérimentation qu'il a em- ployés , est beaucoup trop forte. Voici les raisons sur lesquelles je me fonde. Les insectes, comme tous les autres êtres viyans à basse température, prennent la chaleur du milieu qui les envi- ronne, et ils y ajoutent la chaleur qui leur est propre, en sorte que,quelle que soit, dans certaines limites, la chaleur du milieu ambiant, la chaleur. de l’insecte demeure toujours élevée au- dessus d’elle d’une quantité déterminée par l'étendue de la fa- culté que possède l'insecte de produire de Ja chaleur. Suppo- sons donc un insecte placé dans une fiole de verre , ainsi que le fait M. Newport dans ses expériences, Cet insecte prendra la chaleur. de l'air intérieur de la fiole, et sa chaleur propre s’ajoutera à cette chaleur acquise pour constituer sa chaleur in- 32 DUTROCHET. — Our la chaleur des étres vivans térieureélevée d’une quantité déterminée au-dessus de la chaleur de l'air intérieur de la fiole. Mais cet air intérieur en contact avec l'insecte plus chaud que lui, doit nécessairement augmenter de chaleur jusqu’à ce qu’il ait acquis la température de cet insecte. Alors ce dernier , n'étant plus supérieur en température à l'air qui l’environne, et continuant de produire de la chaleur dans son intérieur, élève de nouveau sa chaleur propre au-dessus de celle de l'air échauffé dont il est environné. Il se trouve ainsi être devenu plus chaud qu'il ne l'était lors de son introduction dans la fiole. Une nouvelle augmentation de la chaleur de l’air intérieur de cette fiole a lieu par l'effet du contact de l’insecte devenu plus chaud, et par suite, l'insecte, dont la chaleur est de nouveau communiquée à l'air qui l’environne, porte de nouveau plus haut sa chaleur propreintérieure, qui doit toujours surpasser celle du milieu environnant. Le voilà encore devenu plus chaud qu'il ne l'était précédemment. On sent facilement que, dans cette circonstance, il y aura un accroissement continuel de la chaleur intérieure de l’insecte. Cet accroissement de chaleur ne s'arrêtera que lorsque l’insecte , ayant consommé l’oxigène de l'air dans lequel il est confiné , cessera de fournir par sa respi- ration à l'entretien de sa chaleur vitale; alors l’air intérieur de la fiole descendra à la température de l'air extérieur environnant. C'est ce qui est arrivé dans les expériences de Haussman rap- portées plus haut. Si la fiole n’est pas bonchée, et que l'air puisse se renouveler dans son intérieur assez pour entretenir la res- piration de l’insecte, la chaleur à laquelle s’est élevé ce dernier et celle à laquelle il a porté l'air dans lequel il est confiné, se maintiendront à un degré d’élévation déterminé par l'égalité qui finira nécessairement par s'établir entre le degré de l’échauffe- ment continuel de l'air intérieur de la fiole et le degré de son refroidissement continuel par le contact de l'air extérieur, moins chaud que cet air intérieur dont il est séparé par le verre de la fiole qui conduit mal la chaleur. Ce n'est, en effet, que parce que le vase dans lequel l’insecte est renfermé avec de l’air est mauvais conducteur de la chaleur, que l'air ren- fermé avec lui peut acquérir une température asséz élevée’au.- dessus de la température de l'air extérieur à ce vase. à basse température. 33 Il résulte de ces considérations qu’en observant la chaleur développée par des insectes placés dans des fioles de verre, M. Newport, croyant déterminer ainsi la chaleur propre de ces insectes , n’a observé, dans le fait, que la chaleur que leur pré- sence avait graduellement ajoutée à l’air intérieur de cette fiole. Lorsqu'il a simplement couvert de laine les insectes sur le corps desquels il appliquait la boule du thermomètre, il les confinait encore, par ce procédé, dans de l'air peu renouvelé qui ne communiquait que difficilement avec l'air libre environ- nant au travers de l'enveloppe de laine mauvaise conductrice de la chaleur. Les effets de ce second mode d’expérimentation étaient donc à-peu-près les mêmes que ceux du mode d’expéri- mentation dans lequel il faisait usage d’une fiole de verre. Dans ces deux circonstances, M. Newport arrivait à une évaluation beaucoup trop forte de la chaleur propre des insectes, puisqu'il prenait pour telle Z4 chaleur graduellement ajoutée à Yair ren- fermé dans la fiole ou sous lenveloppe de laine. Il aurait fellu qu'il pût, dans ses expériences , comparer la chaleur intérieure de l'insecte avec celle de l'air qui le touchait immédiatement. Ge n’est que de cette manière, en effet, que l’on peut détermi- ner avec exactitude la chaleur propre d’un insecte, c'est-à-dire la quantité de chaleur qu’il a la faculté de produire pour l'a- jouter , dans son intérieur, à celle qu’il a acquise de l'air envi- ronnant. 11 faut donc que cét air environnant, que cet air qui touche l'insecte immédiatement, ait un volume assez grand pour qu’il ne puisse pas être échauffé d’une manière sensible par la communication de la chaleur propre de l'insecte pendant la durée de l'expérience , et en outre, il faut que ce soit avec la chaleur propre de cet air qui environne immédiatément l’insecte, que l’on compare la chaleur intérieure de ce dernier ; sans cela, je le répète, on ne peut obtenir que des résultats inexacts. Les considérations que je viens d'exposer conduisent directe- ment à la détermination de la cause à laquelle est due l’éléva- tion de Ja chaleur chez les insectes rassemblés en plus ou moins grand nombre et renfermés dans des espaces circonscrits. Ici nos abeilles domestiques se présentent en première ligne à l’ob- servation. Le fait de la chaleur élevée que produisent les Abeilles XUIL, Zooc, = Janvier, 3 34 vurrOoCHET. — Sr da chaleur des étres vivans rassemblées en grand nombre, à été constaté par beaucoup d'observateurs depuis Swammerdam jusqu’à nos jours. L'inté- rieur des ruches offre toujours une chaleur plus ou moins éle- vée au-dessus de celle de l'air extérieur. Au mois de mai, Réau- mur (1) a trouvé dans une ruche une chaleur de 31° R;(38",7G:); il ne dit pas quelle: était alors la température atmosphérique: Au mois de janvier, lorsque la température extérieure! était à 3 degrés R. au-dessous de, zéro, Réaumur trouva dans l'intérieur d’une ruche une température de +4 10° R. (12,5.G,). IL obsenva enfin que les Abeilles, dans l’état d'extrême agitation, avaient porté la chaleur d’une ruche de verre dans balle elles étaient renfermées, . beaucoup, plus haut. qu’elle n'était lorsqu'elles étaient dans l’état de tranquillité. La chaleur propre des Abeilles variait donc. suivant, leur. état de tranquillité ou d’agitation: Huber prouva, par l'expérience suivante, que la chaleur déve loppée par les abeilles a sa source dans leur respiration (2). 11 établit des abeilles dans une ruche de verre disposée de façon qu'on pouvait à volonté supprimer et rétablir la communication de l'intérieur de la ruche avec l'air extérieur. Les Abeillesayant été renfermées hermétiquement dans cette ruche, elles :ne:tar: dèrent pas à consommer tout l'air respirable qu’elle renfermait, et elles éprouvèrent les symptômes de l’asphyxie. Alors l'ait intérieur de: la ruche, qui auparavant avait une température supérieure à celle de l’air extérieur, se refroidit et descenditiau niveau de.la température du Ailes La communication dé l'in- térieur de la, ruche avec l'air extérieur ayant été rétablie , les symptômes d’asphyxie se dissipèrent chez les Abeilles,et la tem- pérature de l'air intérieur dela ruche s’éleva de nouveau. Ainsi la, chaleur intérieure des ruches provient de la chaleur witale des, abeilles, et cette chaleur vitale elle-même est puisée dans l'acte respiratoire. M. Newport est, de tous les observateurs, celui qui a fait les recherches les plus nombreuses et les plus suivies sur la chaleur intérieure des ruches des Abeilles. IL a vu, comme Réaumur, (1) Mémoires pour servir à l'histoire des insectes , tome v; 13° mémoire. (2) Nouvelles observations sur les abeilles, tome’1t, page 336. à basse température. 35 que cette chaleur est moins élevée en hiver qu’en été. Lorsque le froid est rigoureux, la chaleur intérieure des ruches descend quelquefois au-dessous de zéro, mais elle se maintient toujours au-dessus de la température de l'air extérieur. Ainsi M. Newport ayui, au mois de janvier, la température intérieure d'une ruché fixée à 30° F, ( 1°,1 GC, au-dessous de zéro) lorsque la tempéra- ture de l'air extérieur était à 17°;5 F: (8°. G. au-déssous de zéro); mais ayant tiré les Abeilles de ler engourdissement par des coups répétés sur l'extérieur de la ruche; ces insectes s’agiterent, et il en résulta que la chaleur intérieure de là ruche monta en six minutes à,70°F: (+ 21° G.); c'est-à-dire .qu'elle s'éleva à 52",5F. (19,1 C: ) au-dessus de laltempérature de l'air extérieur; et à 40°F, (.22°,2 C:) au-dessus de la chaleur antérieure de Ja ruche. Cette expérience et plusieurs autres du ol genre faites par M. Newport, confirment ce qu'avait dit Réaumur touchant l'augmentation considérable de la chaleur qui se nranifeste dans les ruches lorsque les Abeilles y: sont fort agitées: M: Newport a vu. cette chaleur s'élever jusquà 102° F. (38°,8 C:),.et cela lors- que. la température de l'air extérieur était seulement à 34°,5 F, (19,3, GC: au-dessus de zéro): Mais cette élévation de la chaleur desruches en hiver: n'a lieu que lorsque les Abeilles y sont fort agitées. C'est donc x tort que certains observateurs ont avancé qu'en hiver la chaleur ‘intérieure des rüches se maintient à #28 ou 30° C. Les manœuvres qu’il leur a fallu faire pour in- téoduire an thermomètre parmi les Abéillés amoncelées dans Pintérieur dé la ruche, où elles étaient tranquilles auparavant } auront suffi pour mettré ces insectes en ägitätion et pour leur faire produire; par conséquent ; Id chalétir élevée qui s'est pré: sentée alors à Vobservation. Tele est, suivant M: Newport, la cäûse de l'erreur dont il est iei/questioti: Suivant ses observa: tions , c’est dans les moïs demi et dé juin que les rüches offrent lemaximum de chaleur habituelle; et il attribue cela à ce que les larves et les nyÿmphies ÿ'étantt alors en plus grande quatütité qu'à toute autré époque de l’Arñéé, il y a ; par céla même ; unié plus grande quantité d'Abeilles occupées à les cowver. Il renou- velle ainsi une opinion très anciénné touchant la prétendue 3, 36 DUTROCHET. — 947 la chaleur des étres vivans incubation opérée par les Abeilles, opinion contre laquelle s’est élevé Réaumur. M. Newport pense que ce sont les nymphes renfermées dans leurs cellules qui sont cowvées par les Abeilles, lesquelles auraient la faculté d'augmenter volontairement leur chaleur propre en augmentant simplement l’activité de leur respiration. Cette incubation ; on doit le reconnaître, n’est point du tout prouvée, et lon n’a pas besoin dé cette action sup- posée pour expliquer la chaleur élevée qui! existe dans les ruches lorsqu'elles sont excessivement peuplées d’Abeïlles à tous les états de développement et de métamorphose. Voici, selon moi, comment on doit expliquer ce phénomene et, en général, celui de l’existence dans les ruches d’une température plus élevée que ne l’est celle de l'air environnant. Des insectes nombreux renfermés dans un vase tel qu’une ruche dont les parois con- duisent mal la chaleur, sont dans des mêmes conditions que l'insecte isolé et renfermé dans une fiole dont j'ai parlé plus haut ; ils doivent nécessairement échauffer l'air avec lequel ils sont renfermés, et cela par le mécanisme d'addition graduelle de chaleur que j'ai exposé ci-dessus. Plus il y a d'Abeilles dans une ruche, plus elles en élèvent la chaleur intérieure. Il a paru tout simple à Réaumur d'expliquer ce phénomène par cette com- paraison , que des hommes rassemblés dans un cabinet l’échauf- fent d'autant plus qu'ils sont plus nombreux. Mais cette compa- raison est fausse jusqu’à un certain point : les hommes renfermés dans un local fermé, quel que soit leur nombre, ne peuvent communiquer à l'ait renfermé avec eux une température supé- rieure à celle qu’ils possèdent eux-mêmes ou à leur chaleur propre. Or, il n’en est pas de même des insectes, et en général des animaux à basse température. La faculté qu’ont ces animaux d'élever toujours/leur faible chaleur propre au-dessus de la tem: pérature du milieu qui les environne ; fait qu'à mesure qu'ils échauffent un peu ce milieu environnant, ils s’échauffent eux- mêmes encore un peu davantage. Il en résulte que leur chaleur propre, qui n'est ordinairement que d’une fraction de degré, peut cependant, par l’addition répétée de cette fraction avec elle-même, porter l'air environnant et circonscrit à une chaleur très élevée , chaleur dont l'élévation ne trouvera de limite que à basse lenipérature. 37 dans l’action refroidissante. de l'air extérieur. On sent ainsi faci- lement que, plus les Abeilles renfermées dans une ruche seront nombreuses, plus la masse échauffante sera grande, plus, par conséquent, la ruche sera difficile à refroidir et à limiter dans son augmentation graduelle de chaleur. Cette augmentation sera favorisée par l'élévation de la température atmosphérique. Voilà pourquoi Ja chaleur intérieure des ruches est à son plus baut point dans le mois de juin; c’est l’époque de l’année où se trou- vent réunies les deux causes qui faverisent éminemment l’éléva- tion de cette température intérieure, savoir, l'extrême popula- tion des ruches et la grande élévation de la chaleur atmo- sphérique. Ne sachant point que les Abeilles, comme tous les autres ani- maux à basse température, ont la faculté d'élever sans cesse leur chaleur propre au-dessus de celle du milieu qui les environne, lors- que cette dernière est dans une progression croissante, M. New- port.a dü naturellement être porté à considérer la chaleur inté- rieure des ruches comme représentant la chaleur propre des abeilles, chaleur qui, de cette maniere, aurait été extrêmement variable, puisqu’elle aurait présenté, suivant les circonstances, toutes les élévations intermédiaires à la plus faible fraction de degré au-dessus de zéro, et. à environ 38° C. au-dessus. de cette limite inférieure. Prenant un terme moyen entre ces degrés si différens de chaleur, M. Newport estime que l’Abeille, considé- rée individuellement et dans l’état de repos, possède ordinaire- ment une chaleur propre de 10 à 15°F.(3",5 à 8°,3 C.) au-dessus de la température de l'air environnant, chaleur propre qu’elle porte beaucoup plus haut lorsqu'elle est dans l’état d’agitation. Le peu de grosseur de l’Abeiïlle domestique m'a empéché de Ja soumettre à l’expérience avec l'appareil thermo-électrique pour savoir quelle estsa chaleur propre véritable; mais il doit paraitre fort probable que cette chalenr propre n’est pas supérieure à celle des Abeilles beaucoup plus grosses connues sous le nom de Bourdons , Abeilles dont la chaleur propre sera déterminée plus bas. J'ai fait voir, dans le premier chapitre de ce Mémoire , que la chaleur développée par des graines ou par des plantes entassées, 38 DUTROCHET. — Sur La chaleur des êtres vivans a sa source dans le phénomène chimique de la décomposition des substances organiques vaporisées qui’ se trouvent emprison- nées dans les interstices de ces graines ou de ces plantes. La “même cause de développement de chaleur n’existerait-elle point ‘dans le groupe des Abeïllés pressées les unes contre les autres et Stationnaires dans les ruches pendant l'hiver? Les émanations organiques emprisonnées dans leurs interstices ne doiventielles pas tendre à s’y décomposer, et ne doivent-elles pas; par cela même, occasioner un certain développement de chaleur? La réponse à ces questions ne peut être tout-à-fait positive. La pro- duction‘de chaleur par l'effet de la décomposition des vapeurs organiques contenues dans les interstices des petits corps orga- nisés entassés, ne peut avoir lieu qu'autant qu'il n’y a point de renouvellement d’air dansices interstices. Lorsque cet air est re- nouvelé, la chaleur ne se développe point ou disparaît si elle a commencé à se développer. Ainsi cette cause de développement -de chaleur ne peut étre admise parmi les abeilles éhatiets dans les ruches lorsqu’elles n'y sont pas dans l'état de torpeur et d'immobilité complète; car leurs mouvemens occasionnent le renouvellement continüel de l'air qui entretient leur respiration. Ce' ne serait donc que pendant l'hiver, lorsque les Abeilles ,én- ‘gourdies par le froid, ‘sont entassées et très pressées les unes contre les autres, dans un'état d’immobilité complète et pro- longée, qu'il pourrait s'établir dans leurs interstices la sorte de décomposition productrice de chaleur dont je viens de parler. Mais alors il paraît probable que le froid mettrait obstacle à éette décomposition. Il'est donc très douteux que la cause dé produc- tion dé chaleur dént il'est ici question intervienné pour élever la température des Abeilles entassées dans les ruches. Cette cause de production de chaleur , qui est si manifeste dans les plantes entassées, appartient, au resté, delmême aux substances'ani- males entassées. C'est ainsi que Von voit des os mis en petits fragméns ct entassés, développer!dans leur masse une chaleur assez considérable. (r) (x).Op demandera peut-être pourquoi je n'ai pas admis chez les plantes vivantes entassées la même cause de production de chaleur que j'ai admise chez des pelits animaux vivans en- à basse température. 39 * De même que les ruches, les nids dé certains insectes pré- sentent une chaleur assez élevée au-dessus de celle de Vair én: vivonnant. Ainsi M. Newport a trouvé dans un nid de Guépes (Jespa vulgaris) une chaleur de’25° à 28° F:(13,8 à 15°,5 C. ). Les nids du Bombus lapidarius et du Bombus sylearum lui ont offert une chaleur de 10°à 15° F. (5°,5'à 8,3 C.). Enfin, une fourmilière de Fonmica herculanca, dans laquelle cés insectes étaient en très grande agitation, lui à offert une chaleur de xogà ol 6 F. (10°,5 à 12° C.) au‘dessus de Ja st cd mosphérique. Les’ insectes chez lesquels M: Néwport à ‘trouvé la chaleur propre la plus élevée, en les observant individuellement , sont les Bourdons ( Bombi 13 je vais exposer très sommairement ses expériences ct ensuite je diraï celles que j'ai site moi-même sur ce sujet. M: Newport a fait un grand nombre d'énasreea sur là chaleur propre du Bombus terrestris. Je ne puis les rapporter toutes ici; jé renvoie , sur ce point ; au Mémoire de cet auteur: Je mé bornerai à dire qu'un de ces Bourdons; placé ‘séul dans une fiole de verre avec un pétit thermomètre ; et $e”’trou- vañt dans un état de grande agitation, a manifesté une éléva- tion de chaleur de 6,5 à 9,5 (3°,6 à 5°,2 C.) au-dessus de la taSsés, Les végétaux , en effét, comme lés insectes et les aütres animaux ä'baste térpérature, prénnent la chaleur du milieu qui les environne ;| etils y ajoutent, à leur intérieur, la chelént quidleur, est propre; ils semlilent.donc devoir, comme eux, échauffer d’abord,un peu l'air en vironoant et çirconscrit dont,ils ont d'abord emprunté la température, et, cela étant fait élever de nouveau leur chaleur propre un peu au Messus ; échauffér encore AD. air énviron- maht et’ élever encore leur chaléur propre au-déssus, faisunt ainsi une addition graduelle &e chaleur à l'air eirconsenit quisles environne ; comme le font ;en pareil cas, des animaux àsang froid et notamment Jesiinsectes, Ce serait de Ja chaleur,vitale ainsi graduellement ajoutée à elle-même qu'aurait observée Gæppert dans ‘les plantes vertes enfassées au milieu desquelles il Plaçail un thermométre. Cette chaléur alors, n'aurait point eu son origine dans une sorte de fermentation interstitiele;; ainsi que je l'ai établi. Ma réponse à cette objection est facile, Ainsi que le développement de laichaleur yitale, chez les animaux, est lé à leur acte respira- toire , de mème le développement de la chaleur, vitale, dans les parties vertes des vésétaux , est lié à leur respiration, et celle-ci est liée à l'influence dé la lumière, Or, Iles végétaux entassés sont prités dé Vinfluencé de la lumière | et par conséquent dé respiration, ét! par svite de Ja fâcuhé de produire dela chaleur, 11 faut donc nécessairement Assigner, une aptre source à, la chaleur assez élevée et durable qui a été observée par Gœppert chez les plantes vivantes cntassées, 4o DUTROCHET. — Sur la chaleur des êtres vivans température de l'air extérieur à la fiole. Lorsque cet insecte était dans l’état de tranquillité parfaite et prolongée, il ne ma- nifestait qu’un degré F. (0,55 C.) au-dessus de la température de l'air qui environnait la fiole. En plaçant la boule d’un petit thermomètre sous l'abdomen d'un Bombus terrestris neutre occupé, à ce qu'il croyait, à cou- ver une nymphe renfermée dans sa cellule, M. Newport vit ce thermomètre indiquer une élévation de température de 22°,7F. (12°,5 C.) au-dessus de celle de l’air environnant. 1l en a conclu que cet insecte, pour se livrer à cette prétendue zrcubation, avait augmenté volontairement sa chaleur propre en aug- mentant l’activité de sa respiration , ainsi qu’il a admis cela pour les abeilles domestiques. Il me paraît évident que, dans cette expérience, le thermomètre indiquait /z chaleur du nid des Bourdons, et non la chaleur propre et vitale du Bourdon qui se tenait en repos placé sur l’ouverture de la cellule dans la- quelle se trouvait une nymphe qu'il paraissait couver. Il est étonnant que M. Newport n'ait pas fait cette réflexion, puisqu'il a vu qu’il existait dans les nids des Bourdons une chaleur assez élevée au-dessus de la température de l'air environnant. Le Bombus lapidarius, placé dans une fiole et à l’état d’agita- tion, n’a offert à M. Newport qu’une chaleur de 3°,5 F. (1°,9 C.) au dessus de la température atmosphérique. J'ai observé, avec l'appareil thermo-électrique, la chaleur propre des mêmes Bourdons qu’a étudiés M. Newport, et dans ces expériences, j'ai évité toutes les causes d'erreur qui ont pu tromper cet observateur. D'abord , c'était la température inté- rieure du corps de l'insecte que j'observais, et non, comme lui, la température de l’air de la fiole qui le renfermait, ou celle de l'extérieur de son corps. Renfermé sous une cloche de verre assez vaste, l’insecte isolé ne pouvait en échauffer sensiblement Pair intérieur. Mettant en expérience comparative un insecte vivant avec un insecte mort, insectes qui renfermaient chacun dans leur corps l’une des deux soudures, celles-ci étaient également soustraites à l'influence de la chaleur rayonnante. J'évitais ainsi une cause d'erreur à laquelle ne s’est point soustrait M. Newport. Enfin, en plaçant l’insecte dans de l’air saturé d’eau, j'évitais le à basse température. 41 refroidissement causé par l’évaporation de sa transpiration. J'ai fait mes expériences sur le Bombus terrestris, sur le Bombus lapidarius , et sur le Bombus hortorum. Voici le détail de ces expériences : Le 10 juillet de grand matin, époque de la journée à laquelle je savais que la température était ordinairement stationnaire pendant plusieurs heures dans mon cabinet, je mis en expé- rience un Zombus lapidarius que j'avais pris la veille. Cet in- secte étant attaché avec un fil sur un petit bâton, suivant mon procédé d’expérimentation décrit plus haut, j'enfonçai, à la profondeur de cinq millimètres, la soudure de l'une des deux aiguilles dans son abdomen, qui avait un centimètre de largeur. L'autre soudure fut enveloppée par un petit rouleau de papier, afin de la soustraire à l'influence de la chaleur rayonnante. La température envirounante était alors à + 19°,2, et elle se main- tint à ce degré pendant quatre heures que dura l’expérience, laquelle fut d’abord établie à l'air libre. Dans cet état, l'insecte demeura plus froid que l'air environnant de 0,18 de degrés, in- diqués par 3 degrés de déviation de l'aiguille aimantée du côté opposé à celui vers lequel. elle aurait dévié si l'insecte eût eu une chaleur supérieure à celle de la soudure qui était envelop- pée par le petit rouleau de papier. Cette dernière soudure pos- sédait la température de l'air environnant. Ce froid relatif de l’insecte était le résultat de l’évaporation de sa transpiration, car il disparut lorsque j'eus couvert cet appareil expérimental avec la cloche de verre dans l’intérieur de laquelle l'air ne tarda pas à se saturer d'eau. Alors la chaleur propre de l’insecte se mani- festa par la déviation en sens opposé de l'aiguille aimantée , dé- xiation qui atteignit 3 degrés du cercle, et qui indiquait chez le Bourdon une chaleur de 0,18 de degrés au-dessus de la tem- pérature de l'air environnant. Ayant enlevé la cloche de verre, l'insecte devint plus froid que l'air libre environnant de 0,25 de degré: Ce refroidissement , plus grand qu’il n’était au commen- cement de l'expérience, provenait, en partie, de ce que la peau couverte de poils de cet insecte avait acquis de l'humidité dans l'air saturé d’eau , en sorte que l’évaporation de cette humidité ajoutait au refroidissement causé par l'évaporation de la tran- 42 DUTROCHET, — Sur la chaleur des êtres vivans spiration. Il résulte de cette expérience que le Bombus lapida- darius exposé à l'air libre est plus froid que ce milieu , et que, placé dans l'air saturé d'eau , il manifeste une chaleur propre de 0,18 de degré, chaleur plus de dix fois moindre que celle de 1°,9 C: qui a été trouvée par M. Newport chez le même insecte en l'observant placé dans une fiole, J'étais curieux de soumettre à mes expériences le Bombus terrestris ; sur lequel avaient porté spécialement les observations dé M. Newport. J'en pris deux qui étaient de la plus grande taille; j'en fis mourir un en plongeant dans l’eau très chaude ün tube de verre dans lequel il était contenu. Je plaçai la soudure de Tune des deux aiguilles dans l'abdomen dé ce Bourdon mort et ramené par le refroidissement à la tempé- raturé de l'atmosphère; l'autre soudure fut placée dans l'inté- rieur de l'abdomen du Bourdon vivant, et le tout fut recouvert par la cloche de verre dont l'air intérieur se satura d'eau. Ta chaleur atmosphérique varia de + 20°,3 à 21° C. Pendant cette expérience, qui me fit voir que la chaleur propre du Bombus terrestris s'élevait à 6,25 de degré indiqués par une déviation de 4 degrés de l'aiguille aimantée. Ce Bourdon cependant était dans un violent état d’éxcitation; il faisait de grands efforts pour se débarrasser des liens qui le fixaïent. Or, M. Newport a trouvé à ce même insecte placé dans une fiole et à l'état d’excitation, une chaleur propre dé 3°,6 à 5°,6 C., c'està: dire une chaleur de 14 à 22 fois plus grande que celle de 0,25 de degré qui s'est présentée à mon observation. Tranquille dans la fiole qui le contenait, le Bombus térrestris a offert à M. New- port une chaleur propre de 6,55 de degré, chaleur qui est en: core plus que double de celle que j'ai observée chez ce même insecte dans l’état d’excitation. | Le -Bombus hortorum est un des plus gros de ce genre. Les individus que j'ai mis en expérience avaient l'abdomen large de onze millimètres. J'ai voulu voir quel serait le degré de chaleur propre que manifesterait ce Bourdon dans l’état de la plus vio- lente agitation et à l'air libre. J'enveloppai un de ces insectes dans un petit morceau de gaze, au travers d'une maille de la- quelle j'introduisis l'aiguille dont la soudure était en contact a basse température. 43 avec son abdomen ; l'autre soudure fut enveloppée avec un petit rouleau de papier , et le tout fut placé à l'air libre dans mon ‘cabinet, par une température de + 21°,7. L’insecte était dans l'agitation la plus violente : ses ailes, quoique maintenues par l'enveloppe de gaze , frémissaient avec rapidité. L'augmentation qu'il pouvait donner à sa chaleur propre ordinaire par le gd dela plus vive action musculaire était certainement alors arrivée à son maximum. Or, l'aiguille aimantée, en se déviant jusqu’à 8 degrés du cercle, indiqua que la soudure en contact avec l'ex- térieur de l'insecte possédait seulement un demi-degré centési- mäl dé chaleur au-dessus de la température qui existait à l’autre soudure , laquelle était nécessairement en équilibre de tempéra- ture avec l'air environnant. Cet excès de chaleur de la soudure en contact avec l’insecte provenait en partie , sans aucun doute, du frottement que son corps poilu etses ailes frémissantes exer- caïent sur l'aiguille ; ; mais on doit admettre aussi qu'il provenait en partie de l'augmentation de la chaleur vitale de l'insecte par l'effet de son violent mouvement musculaire, Le Bourdon étant devenu tranquille dans son enveloppe de gaze, la chaleur exté- rieure de son corps descendit à 0,03 de degré indiqués par-une déviation d’un demi-degré de l'aiguille aimantée. Cette expé- rience prouve que la plus grande élévation à laquelle puisse être portée la chaleur propre du Bombus hortorum , par l’exer- cice le plus violent de ses mouvemens musculaires, n’atteint pas un démi- -degré centésimal en mésurant cette chaleur à l’exté- rieur dé l'insecte et à l'air libre. Cctte expérience fait voir en- suite que l'évaporation de la transpiration de ce inème Bourdon dans l'état de repos , ne le refroidit pas assez pour le rendre lus froid que l'air environnant, ainsi que l'expérience me la- Vait fait voir pour le Bombus lapidarius. L'expérience qué je viens de rapporter ne me donnait point la chaleur intérieure du Bombus hortorurn ; pour connaître cette chaleur avec exactitude, je mis un de ces insectes vivant en expérience comparative avec un autre de ces insectes mort et placé ayec lui dans l’air humide sous la cloche de vérre, de la même manière que cela a été décrit pour le Bombus lerrestris. La soudure de l aiguille était de même enfoncée dans l'abdomen. 44 DUTROCHET. —- Sur la Chaleur des étres vivans La température de l'air varia de 17,2 à 17,8 pendant la durée de cette expérience, qui me donna 0,26 de degré pour la cha- leur propre du Bombus hortorum. Une seconde expérience, faite sur un autre individu de la même espèce , me donna exac- tement le même résultat. Cette seconde expérience fut faite par une température constante de + 20°,8. L’une des deux soudures était placée dans l'abdomen du Bourdon; l’autre soudure était recouverte par un petit rouleau de papier, et le tout était placé dans l'air humide. Ces expériences prouvent qu’à l'air libre les Bourdons sont quelquefois plus froids que l'air qui les environne , et que leur chaleur propre, lorsqu'elle se manifeste dans ce cas, est extré- mement faible. Ce refroidissement est du à l’évaporation ne leur transpiration. L’Abeille perce-bois ( Xy/ocopa violacea Fab.), qui est une des plus grosses Abeilles, m'a offert une chaleur propre de 0,25 de degré, étant mise en expérience dans l'air humide, et la sou- dure de l'aiguille étant enfoncée dans l'abdomen. La tempéra- ture constante de l'air environnant était alors à + 18,2. Desirant suivre ici pas à pas les recherches de M. Newport, je passe avec lui à l'étude de la chaleur propre du Hanneton (Melolontha vulgaris). La larve du Hanneton a offert à M. Newport une chaleur de 0,1 à 0,6 de degré F. ( 0,05 à 0,33 de degré C.) au-dessus de celle de la terre dans laquelle cette larve habitait. On sent facilement combien est incertaine l'évaluation d’une aussi faible différence de température entre la terre et la larve, ne pouvant tenir compte, dans cette circonstance, du refroidissement. produit par l’évaporation, refroidissement qui peut être inégal entre la terre humide et la larve. Quoi qu’il en soit, il se trouve que la plus faible des évaluations de chaleur faite ici par M. Newport se trouve concorder assez exactement avec celle que j'ai faite de la chaleur propre de cette même larve en me servant de l'appareil thermo-électrique , car j'ai trouvé cette chaleur propre de 0,04 de degré centésimal, indiqués par trois quarts de degré de déviation de l'aiguille aimantée. Une larve morte était mise à basse température. 45 en expérience comparative avec la larve vivante, et toutes les deux étaient placées dans l’air saturé d’eau. Je passerai sous silence les expériences que M. Newport a faites sur la chaleur présentée par des Hannetons renfermés en grand nombre dans une boîte, ce mode d’expérimentation ne poüvant conduire à aucun résultat digne d'attention, puisque cës insectes , ainsi entassés, peuvent acquérir une température bien supérieure à celle de leur chalear propre véritable, ainsi que je l'ai fait voir plus haut. Je m'arrête donc à l'évaluation qu'il a faite de la chaleur propre du hanneton en introduisant un petit thermomètre dans son corps, ainsi que cela est exposé dans sa Table VI. La chaleur propre de cet insecte, ainsi obser- vée, s’est élevée à 3°,2 F. (1°,77 C.) au-dessus de la température atmosphérique, qui était alors à 66° F. ( + r8°,8 C.). D’autres expériencés ont indiqué à M. Newportune chaleur vitale encore plus élevée chez cet insecte lorsqu'il était dans l’état d’agitation, et céla en appliquant simplement la boule du thermomètre sur la surface de son corps. C’est ainsi qu’un Hanneton placé sur le dos ; et qui s’agitait pour se retourner , lui a offert une chaleur de 9°F. (5° C.) au-dessus de la température de l'air environnant, qui était à 65°,5 F. (+- 18,5 C.). On va voir par mes expériences que la chaleur propre de cet insecte n’est pas, à beaucoup près, aussi élevée. Un Hanneton solidement attaché sur un petit bâton et main: tenu ainsi dans l’état d'immobilité, reçut la soudure de l’une des’aiguilles dans son abdomen ; l’autre soudure fut enveloppée par un petit rouleau de papier sec. Cette expérience, établie à l'air libre dans mon cabinet, me fit voir que le Hanneton était plus’ froïd que l'air qui l’environnait de 0,06 à 0,09 de degré, et cet état du froid relatif se maintint constamment pendant une heure, Alors je cotvris cet appareil expérimental avec la cloché de verre, dont l'air intérieur ne tarda pas à se’saturer d’eau, Bientôt je vis le Hanneton devenir plus chaud que l'air qui l'environnait, et cette chaleur s'éleva à 0,18 de degré indi- qués par une déviation de l'aiguille aimantée de 3 degrés du cercle; La température de l'air environnant était alors à + 16°. Le froid relatif que manifestait le Hanneton à l'air libre prove- 46 DUTROCHET. — Sur la chaleur des étres vivans nait de l'é vaporation de sa transpiration. Ayant répété cette ex- périence par une chaleur atmosphérique de +12’, le Hanneton, placé à l'air libre, parut plus chaud que l'air qui l’environnait de 0,03 à 0,06 de degré. J'attribue cette différence dans le résultat de ces deux expériences à ce que , dans la première ; Ja chaleur atmosphérique , plus élevée que dans la seconde, produisait une plus grande évaporation, et par conséquent un plus grand refroi- dissement chez le Hanneton. Ces expériences, dans lesquelles Ja soudure opposée à celle qui était placée dans l'abdomen du Han- neton, était recouverte simplement par un petit rouleau de pa- pier, ne me donnaient point exactement la chaleur propre de cet insecte, puisque la chaleur de l'air environnant n’était point stationnaire. Je fis donc une troisième observation en mettant en expérience comparative un Hanneton vivant avec un Hanne- ton mort, placés tous deux dans l'air saturé d’eau. La tempéra- ture, varia de, + 14°,4 à 15°,5 pendant cinq heures que: dura l'expérience. La chaleur propre du Hanneton fut de 0,25 de de- gré au-dessus de la température de l'air environnant.Ce résultat est loin de celui qui a été obtenu par M. Newport, lequel.a trouvé que gite chaleur intérieure s'élevait à 1°,77 ©. Dans le but d'étudier la chaleur propre du Hanneton lorsqu' il est dans l’état d’agitation musculaire, j'attachai un de’ ces in- sectes sur une planchette très mince , le dos appliqué sur elle; en sorte que les pattes, parfaitement libres, pouvaient s’agiter suivant la volongé de l’insecte. Un trou fait à la planchette , à la hauteur du Hanneton, permit d'introduire la soudure de lune des aiguilles dans son abdomen, en traversant les élytres ; l’autre soudure fut. placée dans l'abdomen d’un Hanneton, mort , et le tout fut placé dans l'air saturé d’eau. Le Hanneton agitait vive- mentses paites : il était donc dans le même état d’agitation mus- culaire où se trouvait le Hanneton renversé sur le dos et qui faisait de vains efforts pour se relever, tel que l’a, observé M. Newport, et auquel il a trouvé, dans cet état, une chaleur de, 5° C. au-dessus de la température de l'air environnant, quoi- que le thermomètre füt simplement appliqué sur son corps: Or, dans mon expérience, qui me donnait la chaleur intérieure de l'insecte, je n'ai vbtenu , pour la chaleur propre du Hanneton, à basse température. 47 que 0,1 de,degré indiqués par une déviation de l’aiguille ai- mantée dé 5 degrés du cercle. Cetté expérience met bien en évidence le fait de l'augmentation de chaleur vitale que produit le mouvement musculaire chez les insectes; mais ici cette aug- mentation est assez faible , puisqu'elle ne dépasse que de 0,06 de degré la chaleur propre de.0,25 de degré que manifeste le Hamneton retenu par des liens tee l'état d’immobilité. Cette chaleur propre de 0,31 de degré céntésimal que j'ai trouvée chez le Hanneton dans l’état d’agitation, est seize fois plus faible que. celle de 5° C. qui a été observée par M. Newport chez ce même insecte dans le même état d’agitation. Cet observateur ne dit pas ici si le Hanneton qu’il observait était placé à l'air libre, ou s'il était recouvert avec de la laine , ainsi qu'il le faisait or- dinairement pour les insectes qu’il ne plaçait pas dans une fiole..ILest à présumer que le Hanneton était recouvert comme il vient d’être dit , et que la chaleur de 5° C. qu’il a manifestée était le résultat d’une augmentation graduelle de température par le mécanisme que j'ai expliqué ci-dessus pour les insectes qui sont renfermés dans un espace circonscrit. Le Melolontha solsticialis Fab. est plus petit que le Hanneton ordinaire. M. Newport n’a étudié la chaleur propre de ce second Hanneton qu'en plaçant un seul ouplusieurs de ces insectes dans une fiole de verre avec un thermomètre. Un de ces Han- netons. seul dans la fiole lui a offert une chaleur de 0,3 de degréE. (0,16 de degré C.) au-dessus de la chaleur que possédait l'air intérieur de cette fiole avant l'introduction de l’insecte. Plusieurs de ces Hannetons réunis dans la fiole et vivement agités dans son intérieur , offrirent une chaleur plus grande et qui s’éleva jusqu’à 4°F. (2°,2 C. ). On sent facilement , d’après ce que j'ai dit plus haut, tout ce quismanque à ces expériences relativement à l’exactitude. J'ai soumis le Melolontha solsticialis aux mêmes expériences que j'ai faites sur le Melolontha vulgaris, expériences dont je ne répéterai pas ici l'exposé et le détail: On a vu plus haut que ce dernier insecte est, à l'air libre, ou plus froid, ou plus chaud que l'air environnant , suivant que Ja chaleur de ce dernier, plus ou moins élevée, provoque plus ou moins la transpira- 48 DUTROCHET, — Sur la chaleur des élres vivans tion et son évaporation plus ou moins rapide, laquelle pro- duit ainsi plus ou moins de refroidissement dans le corps de l'insecte. Il n’en est point de même du Melolontha solsticialis ; je l’ai toujours trouvé, à l'air libre, plus chaud que l’air de 0,06 à 0,09 de degré, et lorsqu'il a été placé dans l’air saturé d’eau, sa chaleur au-dessus de celle de l’air environnant s'est élévée à 0,25 de degré indiqués par une déviation de 4 degrés de lai- guille aimantée. 1l paraît que ce Hanneton transpire moins que le Hanneton vulgaire , puisqu'il ne se refroïdit pas assez à l'air libre, par l’évaporation de sa transpiration, pour que ce refroi- dissement masque complètement sa chaleur propre, qui, dans l'air saturé d’eau, est exactement là même que celle du Hanneton vulgaire. On à lieu d'être étonné de ce que M. Newport n’a point re- cherché la chaleur propre du Zucanus cervus en introduisant un pétit thermomètre dans l’intérieur du corps de ce gros in- secte, ainsi qu'il l’a fait pour le Melolontha vulgaris. W s’est contenté d'observer sa chaleur, d’abord en le plaçant dans une fiole, et ensuite en metant la boule du thermomètre sous ses élytres. Je me bornerai ici à exposer ces dernières expé- riénces. Le thermomètre, dont là boule était placée sous les élytres de linsecte en repos, indiqua une chaleur de 1°,6 F.(0,88° C.) au- dessus de la témpérature de l'air environnant, qui était à 66",6 F. (19°,2 C.). L'insecte ayant été renversé sur le dos, et s’agitant pour se relever, sa chaleur s’éleva à 2°,6 F. ( 1°,4 C.). Ainsi le mouvement musculaire aurait presque doublé la chaleur propre de l’insecte. s J'ai soumis à mes expériences le Lucanus cervus mäle et fe: melle, en suivant les procédés d’expérimentation que j'ai décrits en parlant du Melolontha vulgaris. Yai trouvé que la chaleur propre du mâle, comme de la femelle , placés dans l'air saturé d'eau était de 0,20 à 0,22 de degré indiqués par une déviation de l'aiguille aimantée de 3 degrés’; à 3 degrés : du cercle, et cela par une chaleur environnante de + 20 à 21 degrés. Placé à l'air libre , cet insecte a conservé une chaleur de 0,16 de degré au- dessus de celle de l'air environnant. Cette conservation, à l’air à-basse température. 49 libre , de près de la moitié de sa chaleur propre réelle, provient, sans aucun doute, de la faiblesse de sa transpiration, à laquelle met obstacle la peau dure et épaisse dont il est: recouvert; tran- spirant peu, il.est peurrefroidi par l'évaporation: J'ai voulu voir si agitation musculaire augmenterait le déve- loppement de la chaleur chez le Lucanus cervus: J'ai donc sou- mis un mâle de ces insectes à l'expérience ; de manière à ce qu'il eût le libre mouvement de ses pattes, de la même manière que cela a été exposé plus haut pour le: Melolontha vulgaris, La soudure de l'aiguille-était de même placée dans l’intérieur ,de l'abdomen: L'insecte , dans cet état de mouvement musculaire continuel;, manifesta une chaleur propre de 0,31 de degré indi- qués par une déviation de l'aiguille aimantée de 5 degrés du cercle. C’est la même chaleur que celle qui a été manifestée par le Melolontha vulgaris dans l’état d’ agitation. Dans une autre expérience, faite de même sur:un dumee: cereus mâle ; les liens qui ajtachaient cet insecte étant venus à se relâcher, il parvint à s’en débarrasser ; il n’était plus retenu alors que par l'aiguille en crochet qui pénétrait dans son abdo- men. Cramponné avec ses pattes au petit bâton sur lequel il était auparavant attaché, il faisait les plus grands efforts pour s'échapper. Pendant cette violente agitation, sa chaleur propre s'éleva à ‘un demi-degré au-dessus de la température de l'air environnant, saturé d’eau , température qui était alors à + 19°. L’aiguille aimantée offrait une déviation de 8 degrés du cercle. Il est donc bien certain que le mouvement musculaire augmente la chaleur propre des insectes. Dans l'expérience précédente , l'agitation était au comble, ou! ne ‘pouvait être surpassée que par le rapide mouvement musculaire qui a lieu lorsque cet in- secte vole. Or, l'excès de chaleur vitale produit dans cette ex- périence ne s’est élevé qu’à environ 0,30 de degré au-dessus de la chaleur vitale ordinaire-de l’insecte: Par la comparaison de ces résultats avec ceux auxquels est arrivé M. Newport, on voit que cet observateur à trouvé enwi- ron deux fois plus de chaleur propre que moi chez le Zucanus cerous immobile , et quatre fois et demie plus que moi chez le même insecte agitant simplement ses pattes. XIUIL Zoor. — Janvier, 4 Su DUTROCHET. — Sur {a chaleur des éhres vivans Parmi les Coléoptères qui ne volent point , j'ai observé, avec M: Newport, le Carabus monilis Fab. etle Blaps mortisaga Fab. Ces deux insectes, placés individuellement dans une fiole, n’ont offert à M. Newport aucune chaleur propre. Ce n’est qu’en plaçant deux individus dans la même fiole qu'il a observé une faible élévation de température de 0,1 ou 0,2F. (0,05 ou 0,1 C.) D’après les observations qui me sont propres, le Carabus -monilis ayant la soudure de l'aiguille enfoncée dans l'abdomen, et l'expérience étant faite dans l'air humide, ‘a, manifesté une chaleur propre de 0,18 de degré:par une température atmosphé- rique de +-'21°,5. Te Blaps mortisaga , ms en expérience de la même manière, a manifesté une chaleur propre de o,124de degré par une température atmosphérique de + 20°,1. Yai trouvé-au Carabus auratus Fab. la même chaleur propre qu’au Carabus monilis ;ees:trois insectes ; placés à l'air libre, se sont trouvés plus froids que l'air environnant de 0,03 à 0,06 de degré. Ici mes évaluations de la’ chaleur propre des insectes dont il s'agit, $e trouvent notablement supérieures en élévation à celles de M: Newport. Noici, selon M. Newport. la chaleur propre de quelques autres Goléoptéres que je n'ai point étudiés : Coccinella septempunctata 1. Huit de ces petits insectes dans une fiole, 0,8 F,( 0,44 G:)). : Meloe proscarabæus 1. en repos : 1,5 F. Gnf Be )s étantexcité, «3 Fo( 1,6 C:): 1Staphylinus olens 1: :1%Æ: (0,55 C.). \Staphy linus enythropterus L. : 0,5 E. (0,27 GC.) Carabus nemoralis Len agitation: 0,4 F: (0,22: C:). :Vai soumis à l'observation les Goléoptères suivans qui n'ont pointiété étudiés par, M.. Newport: +, r 1998 Cetonia aurata'Fab. A l'air libre, même température-queil'at- mosphère, où très légèrement plus: froide; dans | l'air saturé d'eau , 0,25 de degré de chaleur PARA Température antoshé- rique, + 16°. vit Chryÿsomel& tenebricosa Fab. (T imésoile: tenebricosa: Latr.). Cet insecte , placé à l'air libre ,.m’a-offert une ‘chaleur de-0,12 de degré au-dessus de celle de l'air-environnant, dont la tempé- 7 à basse température. 5t rature était alors à +. 16°. Placé dans l'air saturé d’eau, sa cha- leur propre s’est élevée à 0,34 de degré. Scarabœus vernalis Fab. (Geotrupes vernalis). Dans deux ex- périences, j'ai trouvé. cet insecte , placé à l'air libre, plus froid que l'air environnant de o,12 de degré. La température, atmo- sphérique était à +- 19°,5 dans la première expérience, et à +- 18° dans la seconde. Placé dans l'air saturé d’eau, ce même insecte manifesta, dans la première expérience, une chaleur propre de o18 de degré, et dans la seconde expérience, une chaleur propre de 0,12 de degré. M. Newport a étudié la chaleur propre du Gryllus viridis- simus L. (Locusta viridissima Fab.) en plaçant, comme à son ordinaire, cet insecte dans une fiole de verre avec un ther- momètre. Il a trouvé que, suivant l’état de repos ou d’agitation de cet insecte, sa chaleur propre s'élevait au-dessus de celle de l'air environnant, chez un premier individu, de 1°;7 à 2°,1 EF. ( de 0°,9 à 1°,1 C. ), et chez un second individu, de 3°,7 à 4°,7 F. (de 2° à 2°,6 C. ). Les individus soumis à ses expériences étaient femelles. Ce sont également des femelles de cette espèce d’in- secte que j'ai observées. Deux individus mis en expérience, l’un par une température atmosphérique de + 16° C., et l’autre par une température de +-20° C., m'ont offert une chaleur propre de 0,31 et de 0,34 de degré indiqués par une déviation de 5 de- grés et de 5 degrés 3 de l'aiguille aimantée. La soudure de l’ai- guille était enfoncée dans l'abdomen. Placé à l’air libre, ce même insecte s’est trouvé plus froid que l'air environnant de 0,06 à o,r de degré. Ainsi, d’après mes expériences, la chaleur propre du Gry lus viridissimus dépasserait à peine un tiers de degré; elle serait huit fois plus faible que celle qui lui a été assignée en maximum par M. Newport. Le Gryllus verrucivorus L. (Locusta verrucivora Fab.) m'a offert une chaleur propre un peu plus élevée, car je l’ai trou- vée, dans la seule expérience que j'aie faite sur cet insecte, de 0,40 de degré, par une température atmosphérique de +-20°,5. Ayant conservé à jeun cet insecte, dont l’abdomen avait été percé par introduction de l'aiguille, et qui était ainsi dans an état de souffrance, je ne lui ai plus trouvé, au bout de huit jours, fi 52 DUTROCHET. — Sura chaleur des étres vivans qu’une chaleur propre de 0,22 de degré: L'abstinence prolongée et l'état de maladie avaient ainsi diminué de près de moitié la cha!eur propre de cet insecte: Le Gryllus campestris V. m'a offert ; comme le précédent in- secte, une chaleur propre de 0,40 de degré indiqués par une déviation de l’aïguille aimantée de 6 degrés: du cercle, et par une température atmosphérique de + 21°,3. Le Grÿllus gryllotälpa L. (Gryllotalpa vulgaris Lat.) ne wa offert qu'une chaleur propre de 0,16 de degré indiqués par une déviation de l'aiguille aimantée de’: degrés ; du cercle, et par une témpératüre ‘atmosphériqué de + 20°. Ainsi la chaleur propré' dé cét insecte ést inférieure de plus de moitié à celle du Gryllus campestiis. Je ferai observer que ce dernier insecte Vit dans les lieux sécs, tandis que lé Grylus gryllotalpa habité con- Stämment dans la terre humide, de EURPRE il ne sort presque jamais. Ce fait vient à l'appui de ce que j'ai dit plus haut, en parlant des Reptiles, savoir, qué moins les animaux ont de chaleur propre, plus ils sont aquatiques, ou plus le milieu qu’ils habitent doit être humide. Le Gryllus gryllotalpa étant placé à l'air libre, je l'ai trouvé plus froid que l'air environnant de près d’ün demi-degré, et cela par une température atmosphé- -rique dé + 20°. "M. Newport a fait des recherches fort étendues sur la chaleur propre des larves du Sphinx ligustri, du Dicranura vinula, et du Sphiix elpeñor. Il a comparé le développement de cette chaleur avec la fréquence des pulsations ‘du vaisseau dorsal, avec l'état de véille ou de sommeil, avec l'état de repos ou d’a- gitation de ces larves, etc. Je ne puis reproduire ici l'analyse de ce travail étendu , j'y renvoie done le lecteur. Quant à moi, les seuls Lépidoptères dont j'aie étudié la chaleur propre sont les suivans : 1° Le Sphinx stellatarum L. à l'état de Jarve et à l’état d'in- secte parfait ; > Le Sphinx tiliæ L. à l'état de larve.et à l'état de nymphe ; 3° Le Sphinx ;jatropos L. à l'état parfait seulement. La larve du:Sphinx stellatarum encore éloignée de l'époque à basse teniperature. 53 de sa métamorphose , m'a offert une chaleur propre de o,11 de degré indiqués par une déviation de l'aiguille aimantée de 1°? du cercle ; la température atmosphérique était de + 19 degrés. L'insecte parfait, observé par une température atmosphérique de. + 17°,5, m'a offert une chaleur propre de 0,9 'de degré indiqués par une déviation de l'aiguille aimantée de 4 degrés 2 du cercle: On voit ici que la chaleur propre de linsecte parfait est bien supérieure à celle de la larve: Je n’aiï soumis à l'expérience qu’une seule chenille du Sghinis M tilleul (Sphinx tiliæ L.). Elle était sur le point de:se méta- morphoser ennymphe ; elle était devenue jaunâtre; et elle re preuaitplus d'alimens. Je li ai trouvé une chaleur propre de 0,43 de dégréindiqués pur une déviation de l'aiguille aimantée de,7 degrés du cercle: Ea chaleur de l'atmosphère était alors à + 19 degrés. Cette chaleur, bien plus élevée que celle que j'ai trouvée chez la chenille du Sphinx stellatarum, pourrait bien tenir à ce que la larve était sur le point de se métamorphoser. Il se peut.que, dans ce travail important , la nature développe une: chaleur vitale plus élevée qu'elle ne l’est dans Vétat normal de la larve. Une nymphe du Sphinx du tilleul, qui avait quitté l'état de larve depuis un mois, m’a offert une chaleur propre de 0,34 de degrés indiqués par une déviation de l'aiguille aimantée de 5, degrés + du cercle. La température de l'atmosphère était alors à + 15 degrés. Je n’ai point.eu occasion d'observer la cha- leur propre du Papillon. | Un Sphinx atropos à l'état de Papillon m'a jolies la halètir propre la plus élevée que j'aie observée: chez les-insectes. Elle était, de 0,58.de degré indiqués par une déviation de l'aiguille simantée de 9 degrés +: La température atmosphérique était alors à + 15°,3. La soudure de l'aiguille sétait enfoncée dans l'abdomen! du papillon, qui était éclos: depuis vingt-quatre beures: et n'avait point encore pris d’alimens; il était demeuré en repos depuis son éclosion. 54 DUTROCHET. — Sur la chaleur des êtres vivans CONCLUSIONS. Ici se bornent les recherches que j'ai faites sur la chaleur propre des animaux à basse température ; on voit que cette chaleur propre est généralement bien plus basse que celle qui leur avait été assignée par les observateurs qui se sont servi du thermomètre pour tenter de la découvrir. Ces recherches, au reste, sont loin d’être complètes ; elles laissent encore un! vaste champ à parcourir. Un des résultats les plus remarquables'de celles qui sont exposées dans ce Mémoire, et qui ont pour objet tant les végétaux que les animaux , est celui-ci, que la réspira- tion de l'air élastique donne lieu à un plus grand développe- ment de chaleur vitale que ne le fait la respiration de l'air dis- sous dans l’eau. Aucun animal respirant par des branchies ne m’a offert de chaleur vitale appréciable, ce qui ne veut pas dire que cette chaleur n'existe pas, mais qu’elle est d’une faiblesse extrême , faiblesse qui l'empêche de se manifester dans nos ex: périences. Il n’y a même pas d'exception, à cet égard, pour les animaux dont les affinités sont les plus grandes. Ainsi l'Écrevisse, qui, par la classe des Crustacés à laquelle elle appartient , est si voisine des insectes, n’a point, comme ces derniers, une chà- leur vitale appréciable, et cela ‘parce qu’elle respire par des branchies l'air dissous dans l’eau , tandis que les insectes res- pirent l'air élastique par des organes respiratoires très dévelop- pés, ce qui leur procure uñe chaleur vitale dont le degré d’élé- vation les place, lorsqu'ils sont insectes parfaits, au premier rang parmi les animaux à basse température ; les larves, dont la respiration paraît avoir moins d'activité que celle des insectes parfaits, ont une chaleur propre moins élevée. La chaleur propre des Reptiles qui respirent l'air élastique n’atteint point, du moins chez les espèces que j'ai soumises à l'expérience, n’at- teint point, dis-je, le degré de la chaleur propre de certains insectes parfaits , et cela est en rapport avec la faiblesse de leur respiration. Les végétaux aussi respirent l'air élastique par des organes à basse température. 55 respiratoires: tres développés ;: ét de plus , ce n’est point de l'air atmosphérique qu'ils introduisent dans leurs organes respira- toires, c'est du gaz oxigène dégagé de leurs parties vertes sous l'influence de la lumière. Leur chaleur vitale doit donc être au: moins-égale et quelquefois supérieure à celle &e certains in: sectes ou de certains reptiles. C’est aussi ce que j'ai observé, et non:saus étonnement. N’estl pas surprenant ; en effet, de voir! uue plante, l'£vphorbia lathyris, par exemple , posséder une chaleur vitale qui, dans son maximum, est dix fois plns grande que né l'est celle d’une Grenouille ? n’a-t-on pas lieu également d'être-surpnis de voir des animaux aussi vifs, aussi agiles que le. sont-les poissons , ne manifester aucune chaleur vitale appré- ciable ; ce ‘qui les place, sous ce point de vue, non-seulement: au-dessous des reptiles Les plus aphatiques, mais au-dessous des Larves des | Insectes , et enfin au-dessous-de tous les végétaux ? La famille des Aroïdes, parni ces derniers, offre dans le spadice de ses fleurs une: chaleur vitale d’une élévation telle, qu’elle surpasse tout ce que l’on observe à cet égard chez les:animaux à basse température ; cette chaleur, il est vrai, est passagère, et tient à l’accomplissement des actes de la floraison et delæ fécondation: toutefois, il'en résulte que, sous le point de vue de Félévation de la chaleur vitale, ce sont les végétaux qui doivent'être mis à’la tête des êtres vivans à basse température: Je terminerai en offrant ici un aperçu qui me semble digne desméditations des naturalistes philosophes. Pourquoi tous les êtres vivans n’offrent-ils que deux condi- tions d'existence, sons le point de vue du degré d’élévation de lear chaleur vitale ? pourquoi les uns sont-ils pourvus d'une bautertempérature , tandis que les autres ont une température propre très faible / sans qu'il existe d'êtres vivans qui ; dans leur étatimormal ; soient doués d’ane température propre intermé- diaire àces deux-là? N'est-il pas surprenant, surtout, de voir lat chasse des animaux vertébrés ‘offrir d’une part des ani- maux à haute température ; et d’une autre part, des animaux à basse température , et cela sans intermédiaires ? Je sais que les animaux à sang chaud , dans l’état d’hivernation, offrent une chaleur propré inférieure à celle qu’ils possèdent dans l'état 56 DUTROCHET. — Sur la chaleur-des êtres vivans normal, et supérieure à celle des animaux à sang froids mais cela ne constitue pas une condition normale d’existence ; inter: médiaire à celle des animaux à sang chaud dans leur état nor- mal, et à celle des animaux à sang froid: L'animal à sang chaud, dont la chaleur propre est abaissée pendant qu’il est dans l’état d’hibernation , ne jouit qu'imparfaitement de la vie , qui finirait bientôt si cet état se prolongeait. On peut donc établir , comme loi générale de la nature ; que la chaleur propre des étresvivans, végétaux ou animaux, duit être , ou si faible qu’elle est souvent impossible à percevoir, ou si élevée, qu’elle est voisine du de- gré de chaleur auquel l'existence de la vie, et spécialement'de Ja vie des animaux , devient impossible. Ce degré de chaleurtex- térieure constante, qui est incompatible avec l'existence nor male et durable de la vie des‘animaux , paraît être vers-le: 50° degré centésimal au-dessus de zéro: Or ; la chaleur! propre des oiséaux s'élève jnsqu’au 44° degré. Posséder ne chaleur vitale extréme ou presque nulle, telle parait donc être la loi à laquelle sont soumis tous les êtres vivans: L'existence de cette: loi,est basée sur le seul fait de sa généralité, car on! n’aperçoit point du tout la cause de sa nécessité. Les étres vivans à bassetem- Pérature ; pour vivre dans leur état normal, doivent:nécessaire: ment emprunter de: la chaleur au milieu’ qui les environne ; les êtres vivans à haute température, au contraire , pour vivre dans leur état normal , doivent nécessairement perdre de la chaleur en livrant une partie de celle qu’ils produisent au milieu qui les environne. Les prémiers doivent ainsi se trouver dans un, mi- lieu-plus chaud: qu'eux, et les seconds dans un milieu dont la chaleur:est inférieure à la:leur.i car aucun animal à haute tem: pérature; où à sang chaud, ne pourrait, vivre dans un: milieu dont la chaleur serait constamment égale à la sienne, et à plus forte raison si elle lui était constamment.supérieure ; l'influence nuisible qu'il éprouverait de la part de cette chaleur extérieure élevée serait d'autant plus marquée que le milieu environnant serait plus dense, Quant aux animaux à basse température, l'observation apprend qu'ils peuvent supporter, dans certains cas ,'une chaleurenvironnante constante bien supérieure à-celle que pourraient supporter des animaux à sang Chaud : ainsi cer- a basse tempéralure. 57 tains poissons vivent habituellement dans des eaux thermales dont la chaleur élevée donnerait promptement la mort à d’autres poissons.de gerires voisins qui vivent dans des eaux froides. Ce fait a été très anciennement.observé; car Ælien, dans son livre sun la nature des animaux, parle d’un lac de Libye, dans les eaux très chaudes duquel vivaient des: poissons qui mouraient si on les transportait dans l’eau froide. Schaw rapporte le même fait dans son Voyage en Barbarie, et il dit que,ces poissons , quivivent dans une eau thermale, sont du genre des Perches. Plus tard, ce même fait a été de nouveau, constaté: par Desfon- taines (1). L’eau de la fontaine de Cafsa, dans laquelle il à vu et recueilli des poissons, lui a offert une chaleur de 4-30 degrés R, Dans. ces derniers temps, M. Tripier (2).a encore observé ce même fait dans l’Algérie, mais dans une fontaine thermale autre que celle qui avait été vue par Desfontaines. Selon M.Tripier, la chaleur de l’eau thermale dans laquelle vivent des poissons , qu'il dit être des Barbeaux ;, est de + 40 degrés C. dans le fond de cette eau où se tiennent ces poissons, et cette chaleur s'élève à +4 56 degrés à la surface de l'eau ; mais il parait que les pois- sons ne quittaient pas le fond et ne s'exposaient pas à la chaleur élevée de l’eau de la surface. Aucun, animal à sang chaud ne pourrait supporter long-temps une semblable température ex- térieure. : Sonnerat (3) dit avoir trouvé aux environs le Manille des poissons qui vivaient dans des bains d’eau thermale dont la chaleur était très élevée; il s'appuie à cet égard du témoignage d'un commissaire de marine, nommé Provost, témoin comme ide ce fait, et qui, d'après ses souvenirs seulement , porte à48 ou 50 degrés R. (60° ou 62:°,5 C.) la chaleur, de cette eau dans laquelle vivaient ces poissons. Il rapporte, sur un autre témoignage, que l’on a vu également des poissons dans un ruis- seau-voisin des bains, et dont l'eau offre, selon ses observa- (1) Voyages dans les régences de Tunis et d'Alger, publiés par M. Dureau de Lamalle, tome 11, page 66. (2) Comptes rendus, des séances de l’Académie des Sciences , lome 1x, page 602, (3): Voyage a la Nouvelle-Guinée ; in-4%; page 38. 55 DUTROCHET. — Sur la chaleur des étres vivans tions , une chaleur de 69 degrés R. (86°,25 C.), et selon les sou- venirs de Provost , une chaleur de 66° à 67° R. (82°,5 à 83°,71C:). On voit, par l'incertitude de ces observations, qu’il n’y a aucune confiance à leur accorder. Il ne paraît pas possible que la vie d’un animal puisse se maintenir dans de l’eau aussi chaude qui coagulerait l’'albumine ‘et porterait , par conséquent , dans l’or- ganisation une altération incompatible avec la continuation de la vie. Sonnerat et Provost auront très probablement mesuré !la chaleur de l'eau à sa surface ; et n’auront pas eu l’idée, comme M: Tripier, de mesurer la chaleur de l’eau qui occupait le fondi où sé trouvaient probablement les poissons, et qui devait avoir! une température plüs basse! l'eau la plus chaude sé portant: naturellément à la surface , en vertu .de sa moindre pesanteur: spécifique. Quant aux végétaux , la chaleur extérieure à laquelle ils peu: vent être constamment soumis sans danger pour leur vie, n’est pas bien déterminée. Ce degré varie ‘suivant la nature partieu: lière des végétaux ; ceux d'entre eux qui peuvent supporter la: chaleur extérieure constante la plus élevée appartiennent aux classes lès ps inférieures : cé sont certains Cryptogames que l’on rencontre dans les eaux thermales: Remarques sur la structure des écailles des poissons ; extrail d'une lettre de M. Acassiz adressée à l’Académie des Sciences ‘dans sa séance du 3 février 180. & J'ai appris dans le temps, que M. Mandl avait lu à l’Acadé- mie , le 24 juin 1839, les résultats d'observations qu'il'a faites sur la structure des écailles des poissons, et que ses conclusions différaient de celles que j'ai publiées sur le même. sujet. Mais ne’ connaissant pas exactement ses objections , j'ai dû attendre pour lui répondre que son Mémoire füt publié. Depuis qu'il a paru dans les Annales des Sciences naturelles , en octobre der- nier , j'ai revu soigneusement toutes les observations que j'ai publiées , il y a maintenant dix ans, dans le genera et species des poissons rapportés du Brésil par Spix, et que j'ai décrits AGAssiz. — Sur les écailles des poissons. 59 pendant mon séjour à Munich, en 1829. J'ai également répété mes observations sur l'ensemble des écailles de poissons ; dont j'ai expôsé les résultats dans an des premiers chapitres de mes Recherches sur les poissons fossiles. En rappelant ces faits, je desire convaincre l’Académie que ce n’est point sur des souveé- nirs vieillis que je viens relever les assertions singulièrement légères de M. Mandl, mais bien après un nouvel examen de l'ensemble de la question. Il m'importe d’ailleurs d’insister sur ce point, et de faire connaitre les choses telles qu’elles sont, car M:Mandi répète si souvent, dans son Mémoire, que les diffé- rences qui existent entre ses observations ét les miennes pro- viennent de l'insuffisance des moyens d'observation dont je dis- pose; qu'on pourrait le icroire’ très au fait de ce qui se passe dans mon cabinet d’études , ét cependant je n’ai pas l'avantage d’être connu de lui. Au reste, M. Mandi , qui se pique d’être au courant de tout ce qui concerne l'observation microscopique , tant en France qu’à l'étranger ; devrait savoir que je possède un excellent microscope de Frauenhofer, d’une construction par- ticulière ; dont M. Dôllinger , l’illustre physiologiste de Munich, qui, par ses recherches microscopiques , a jeté un si grand jour sur l'embryologie et la circulation du sang dans les vaisseaux capillaires, a pubiié une description avec planches, en 1830, et qu'il envisageait comme le meilleur instrument de ce genre connu alors. Je dirai encore que les observations dont je vais exposer les résultats, ont été faites sur les écailles de plus de trois cents es- pèces , appartenant à toutes les famillés de la classe des poissons, ‘sans compter les nombreuses observations que j'ai faites sur la Structure des écailles des poissons fossiles. Cependant je me bor- nerai à énoncer ici les résnl'ats généraux de ce travail, dont je donnerai les détails , accompagnés de nombreuses figures, dans “ün Mémoire qué je me propose de publier prochainement. M. Mandl prétend que je me suis trompé en affirmant que les écailles sont composées de lames superposées ; 1 assure au contraire qu’elles sont formées de cellules juxtaposées. Il cherché même à le démontrer dans les écailles de la Loche; et cependant, dans ce même poisson, je suis parvent à séparer 6o AGASsiZ. — Sur les écailles des poissons. les lames d’accroissement les unes des autres, et, dans, des coupes transversales nombreuses de différentes écailles, j'ai. vu, à. un grossissement de 25e fois le diamètre, la superposition. de ces lames dans toute l'épaisseur des écailles; j'ai même déjà publié une figure d’une semblable coupe’ de l’écaille du Sa/mo Truttà, dans mon Histoire naturelle des poissons d’eau douce. M. Mandl affirme plus loin que les traits divergens à la-sur- face des écailles que j'ai décrits comme des sillons , sont de vé: ritables canaux. Jose à peine croire que M. Mandl'ait confondu les tubes médians des écailles de la ligne latérale (quise.rami- fient quelquefois à leur extrémité postérieure ) avec les sillons de leur surface ; ce serait lui imputer une erreur trop grossière, et cependant je n’entrevois pas d'autre explication de,ce qu'il avance; mais ce que je puis affirmer positivement ;.c'est quelles autres écaiiles n’ont jamais de canaux à leur surface, mais, bien des sillons écrasés par le haut et qui. se prolongent du bord d’une lame supérieure d’accroissement au bord dela lame, in: férieure suivante, comme le démontrent évidemment toutes les coupes transversales que l’on peut faire sur une écaille quels conque qui offre de pareils traits. M.Mandl prétend encore que. les dentelures. du bord flonkér rieur, des écailles pectinées ne sont, pas, des échancrures des bords de leurs lames , mais bien de véritables dents ayant une racine enveloppée d'un sac. Il suffit d'examiner les.écailles des Sciènes, que M. Mandl cite comme exemple, en éloignant et en rapprochant successivement l'écaille du foyer du microscope, pour, se convaincre que tout ce prétendu appareil dentaire. ne repose que sur des, illusions d'optique, résultant de la différence d'épaisseur de ces dentelures à leur base et à leur! pointe,,.et qu’en réalité, les pointes qui hérissent le bord postérieur des écailles des poissons'que j'ai appelés Cténoïdes, sont simplement le résultat d’échancrures plus ou moins profondes de ce bord, et.non des dents détachées, Enfin, M. Mandl paraît ignorer complètement qu'il existe des écailles émaillées qui diffèrent tres sensiblement par leur struc- ture de celles des poissons ordinaires , et que l’on observe chez les poissons d’un ordre dont la plupart des espèces sont éteintes AGAssiz: — Sur les écailles des poissons. 61 et que j'ai appelés Garoides. Il ne s'arrête pas davantage à l’exa- men du chagrin des Chondroptérygiens, qui forment mon ordré dés Placoides: Je-n’entrerai pas dans de plus longs détails sur la structure des écailles de poissons ; Je conclus seulement de mes nouvelles observations ; que la description que j'en ai donnée précédem- ment est exacte ; et que la manière de l’envisager de M. Mandl est fausse en tous points. Quañt à l'application que j'ai faite de cette étude des écailles à la classification des poissons, M. Mandl me reproche juste- ment une erreur. Lorsque j’ai décrit les Muges comme des Cy- cluides ; jé n'avais à ma dÉPAUOÉ que les écailles d’un Muge duüBrésil très mal conservé’, dont les écailles , usées par le frot- tement, ne présentaient” plus de dentélurés'à leur bord posté- rieur ; maïs un nouvel examen de plusieurs espèces de ce genre mwa convaincu que les Muges sont bien des Cténoëdes , comme M: Mandl la indiqué. “M. Mandl termine son Mémoire en affirmant que j'ai réuni dans une même famille des poissons qui ont des écailles de Structure très différente. Pour répondre à cette assertion, je réprendrai simplement l'exemple cité par M. Mand} des Cobitis, que je range, avec tous les ichthyologistes modernes, dans la famille des Cyprins: On peut se convaincre, en comparant les écailles des Cobitis avec celles des Gcbio, des Barbus et même avec celles des Carpes proprement dites, pourvu que l'on ob- serve de jeunes écailles avant que l’usure ait altéré leur es qu’elles présentent exactement la même structure, c’est-à-dire qu'elles sont formées dé lames à hords simples, comme chez tous mes Cycloïdes, et que, par conséquent , l’inconséquence qui m'est reprochée tombe d’elle-même. J'aurais adressé plus tôt ces réclamations à l’Académie, si avant de le faire , je n'avais pas voulu revoir complétement mes observations précédentes, afin de préventr touté nouvelle con- testation à ce sujet. Les figures qui accompagnent mon Mé- more Sont toutes dessinées par M. lé docteur Vogt, qui m'a aidé 4 revoir ce long travail, ne laisseront , je l'espère, plus au- cun doute stir 1 véritable structure des écailles de poissons. » 0 62 MANDL. — Sur les écailles des poissons. NOUvELLES OBSERVATIONS sur la struclure des écailles des pois- sons ; extrail d’une lettre de M. Manor à l’Académie des Sciences (séance du #4 février 1840), à l’occasion des re- marques de M. Acassiz. M. Agassiz, dans une Note adressée à l’Académie le 3 février 1840, contredit les résultats que j'ai annoncés dans un Mémoire sur la structure des écailles des poissons, présenté le 24 juin 1839. Qu'il me soit permis de répondre à ces critiques en peu de mots. Le point important de mon travail est celui-ci : on croit gé- néralement que les écailles se produisent à la manière des corps bruts, par un simple dépôt de couches successives, tandis que mes recherches tendent à prouver que ce sont des parties or: ganisées qui, au moins pendant une certaine période de leur existence , se nourrissent et s’accroissent par intussusception , et que, par conséquent, ces appendices tégumentaires sont composés d'un tissu réellement vivant, au lieu d’être seulement -une, sorte de couche moulée sur l'organe sécréteur dont elle proviendrait. M. Agassiz s'élève contre cette opinion, et persiste à, croire que les écailles ne se forment que par le dépôt des couches successives des matières, sécrétées. Or, M. Mine Ed- wards , qui s'était chargé du rapport et qui, en avait commencé la rédaction , lorsque des circonstances imprévues font obligé dé s’absenter de Paris pendant quelque temps, m'a, autorisé à dire devant l'Académie qu'il s'était déjà assuré de l'exactitude de plusieurs de mes, observations et qu’il était porté. à croire que la théorie, à, laquelle mes recherches n'avaient conduit était l’expression de la vérité, Quant aux détails sur lesquels. M: Agassiz est en désaccord avec moi, je dois attendre la publication du Mémoire et des dessins qu'il promet ; mais dès à présent je peux déjà répondre sur les points suivans : 1° Les parties des écailles que j'appelle leurs dents, ne sont, selon M. Agassiz, que l'effet d’une illusion optique ; je puis as- surer que j'ai démontré leur présence à la commission; MANDE.) —, Sur les écailles des poissons. 63 »° Les canaux, dont j'ai décrit les différentes formes, n'exis- tent pas, selon M. Agassiz ; la commission a pu se convaincre qu'ils existent réellement ; 8° Je n'ai nulle part énoncé l'opinion que M. Agassiz m'attri- bue, que les écailles étaient formées de cellules Juxtaposées ; j'ai, au contraire, démontré la présence de deux couches diffé- rentes; j'ai parlé, comme on peut le voir dans l’analyse de mon Mémoire insérée dans le compte rendu: de la séance du 24 juin, de Zames suwperposées dans la couche inférieure fibreuse , et de cellules seulement dans les lignes qui se trouvent à la surface de là couche supérieure des écailles. M. Agassiz est donc tombé däns une grande erreur relativement à la manière dont j'envi- sage la structure des écailles. Je:peux donc, sûr de l'exactitude: des faits annoncés'en détail dans mon Mémoire, atténdre avec confiance le jugement de la commission nommée par l'Académie pour examinér mon travail. OssenvATIONS str une nouvelle espèce de Crustacé fossile appar- tenant au genre Macrophthalmus, par M.'H: Lucas. {Lues à la Socicté Entomologique de France, le 7 août 1839.) (Extrait.) Après avoir rappelé les travanx exécutés depuis quelque temps sur la classe des Crustacés, dont l’étnde avait été très négligée , l'auteur aborde son sujet principal, la description d'une nouvelle espèce fossile appartenant au genre Macroph- thalmus. | MacroPatraazmus Desmaresrir Lucas. M:testé longiore quämlatiore ganulata ; angulis anterior ibus prominentibus ; ri Vtridentatis; pedibus validis elongatissimis ,; subgranulatis. 10 Pongüeur 42 millimètres; maximum dé largeur 55 millimètres. ” Cénéespèce, que nous avons dédiée à Desmarest, a béaucoup d’analogie avec le Cünoplat Latréillæi du même’auteur : cependant, après. l'avoir comparée avec soin à cétte deruière , nous avons vu que notre espèce en diffère et offre méme des caractères assez tranchés : c’est, du reste, ce qu'il sera facile de‘voir par ls déseription suivante : Les régions du M. Desmarestit sont généralement très distinctes et séparées par de profouds sillons. Les régions branchiales qui occupent un grand espace sur la carapace sont saillantes, finement granulées el à saillies transversales autérieurement, Les bords latéraux antérieurs de ces régions sont trideutés ; mais 64 x. LUCAS. — Nouvelle espèce de Crustacé. ces dentelurés sont bien moins saillantes quecelles du Gonoplax Latreiliæi , quoique :cependant l'individu sur lequel nous: faisons cette description, soit beaucoup plus grand. Les régions hépatiques antérieures, peu distinctes, sont cependant constatables par un sillon transversal, qui part de l’échancrure que forme la première dent au bord latéro-antérieur, et qui semble séparer ces régions de celles qui sont désignées sous le nom de branchiales. La région sto- macale est presque cordiforme, saillante, légèrement échancrée antérieurement, arrondie postérieurement et très finement granulée. Le sillon qui sépare cette région de celles qui sont désignées sous le: nom d'Aépatiques antérieures. etide branchiales. est fortement prononcé et sans aucunes granulations. La région génitale presque carrée, uu peu moins saillante que les. précédentes , offre, de même que ces dernières, des granulations. La région cordiale est petite, assez saillante , et se confond avec la région hépatique postérieure, qui est à peine distincte. Le bord qui términe la carapace postéricurement est saillant et'assez fortement granulé. Ces granulations s’étendent même jusque dans la cavité orbitaire. Le front que nous: n'avons pu observer, parce que le calcaire dans lequel il est incruste, est très dur, duit, être spatuliforme. Les pattes antérieures ou celles qui sont terminées en pince sont très grandes. Leur troisième article est court, finement granule, legèrement comprimé avec sa partie supérieure arrondie. Lc quatrième article ou la main est très allongé, comprimé, à bord supérieur fortement granulé, à face extérieure entièrement lisse, tandis que la, partie opposée ou la face interne est très finement granulée. Ces granulations se montrent même jusque sur le bord inférieur. Le doigt qui termine ce quatrième article est lisse à sa face externe ,avec son bord supérieur très fnement denticulé ; enfin le cinquième article ou le doigt mobile est'semblable au précédent pour la position des granulations ; mais son bord inférieur est très fortement denticulé, et, près de son insertion avec le quatrième article, 11 presente une très forte dent à base arrondie , finement denticulée, et qui forme pince avec le bord supérieur du quatrième article. Cesdoigts sont SIENNE courbes du côté interne, ou celui qui regarde la bouche, forment pince à leur extrémité. Les pattes ambula- toires semblent être très allongées , à en juger par leur troisième article ou le fémoral , qui égale à lui seul quarante-deux millimètres, La hanche et l’exin- guinal sont finement granulés; le fémoral est très comprimé, à face supérieure lisse et saillante, à bords antérieurs, et postérieurs saillans très fortement granulés, mais. beaucoup plus finement que les parties que nous venons de dé- crire. L’abdomen, dont nous n’ayons pu apercevoir que le premier segment.et une partie du second, est lisse et offre transversalement des saillies assez forte- ment prononcées. Cette espèce a été trouvée près du détroit de Malacca par M. Martin. Le calcaire daus. lequel elle est incrustée est très dur, argileux et d’une couleur grisatre. DUMÉRIT, — Sur Les Grenouilles. 65 Norice HiSTORIQUE sur les découvertes faites dans Les sciences d'observation par l'étude de l’organisation des Grenouilles, Par M. Duomérit. ( Lue à l’Académie royale de Médecine, le 4 février 1840. ) Les animaux de l'ordre des Grenouilles, en raison de leur organisation très particulière, ont fourni aux personnes qui se livrent à l'étude des sciences d'observation les circonstances les plus favorables pour interroger la nature dans un grand nombre de recherches importantes. Les singularités que présente la structure de ces reptiles ont produit en effet de merveilleuses dé- couvertes , qui ont jeté le plus grand jour sur plusieurs parties de la physique, de la chimie et surtoutde la physiologie. C'est ce que nous essaierons de prouver par cette Notice, dans laquelle nous nous proposons de rassembler les faits principaux et sur- tout de revendiquer, en faveur de Swammerdam, quelques observations que ce célebre anatomiste avait faites le premier , sur la forme des globules du sang examinés au microscope, et surtout sur l’action dite galvanique exercée sur les muscles par deux métaux hétérogènes mis en contact, au moment où l’un d'eux vient à toucher un nerf. D'abord , et sous le point de vue physiologique , nous rappel- lerons que ces Batraciens ont offert aux zoologistes des ex- périmentations naturelles, opérées constamment de la même manière, sur un très grand nombre d'individus; que ces re- cherches peuvent être répétées chaque jour et sous nos yeux, sans transition rapide, sans souffrances, sans danger pour la vie de l'animal, sans effusion de sang ; et que leurs résultats, à jamais positifs et permanens, ne peuvent par conséquent être raisonnablement contestés. On est même forcé d’avouer aujour- d'hui que les recherches les plus hardies de la science au- raient inutilement tenté de résoudre ces problèmes physiolo- giques que la simple observation a si complètement démontrés ; XIII, Zoor. — Février, 5 66 DUMÉRIL. — Sur les Grenouïlles. car, comme l’a dit Buffon, s’il n'existait pas d'animaux, la na- ture de l’homme serait encore plus incompréhensible. Par ces démonstrations, on peut apprendre comment un étre, sans cesser de rester le même, en continuant de vivre et d'agir, peut subir successivement, mais lentement, diverses transforma- tions, de manière à présenter une série de phénomènes pro- duits par des organes qui se substituent peu-à-peu les uns aux autres, et comment ses fonctions s’altèrent, se modifient, s’o- blitèrent et se remplacent, suivant les besoins on les nécessités de sa nouvelle existence. Ainsi un animal actif, vivant d'abord et respirant uniquement dans l’eau, où il nage avec la rapiditéet par le même mécanisme que le poisson dont il avait reçu primitivement les formes et la structure, se trouve insensiblement métamorphosé en quadru- pède agile, qui doit respirer dans une atmosphère gazeuse. Forcé par cette circonstance même d'abandonner son premier genre de vie, il va changer tout-à-fait ses mœurs et la nature de son alimentation, Alors, si le terrain lui offre un point d'appui résistant , il mettra en action l’admirable assemblage des léviers osseux et des muscles de ses membres postérieurs, qui ont remplacé sa longue échine modelée et organisée en nageoire verticale ; il emploiera toute sa puissance motrice pour quitter subitement le plan qui le supportait; et s’élançant dans l’espace, il fran- chira par un seul effort, admirablement combiné , toute la dis- tance qu'il doit parcourir, en quittant le sol, dans üne étendue qui pourra excéder de trente fois au moins sa longueur totale. Mais ce même appareil, si bien disposé pour produire le saut vertical , excitera bien plus notre curiosité par son mécanisme, et notre admiration par la simplicité de ses effets, quand nous le verrons, quoique restant le même, et à l’aide d’un léger dé* placement dans la direction des os du bassin où des hanches devenues mobiles et plus aptes encore à l’action du nager, qui en réalité se réduit ici en une suite de projections plus ou moins horizontales. Tous les efforts de la motilité la plus énergique tendent à se transinettre directement au tronc et à imprimer une vive impulsion dans l'axe du corps, soit à l’aide des deux ss. DUMÉRIL. — Sur les Grenouilles. 67 membres postérieurs agissant simultanément en se débandant à-la-fois; soit que l'animal, n’allongeant qu'une seule de ses pattes, en étale les membranes plantaires pour s'appuyer sur l'eau, afin d’y rencontrer une résistance telle, que l’excès de la force produite sera reporté et transmis à la masse totale de son corps, soutenue constamment par celle du liquide qu’il déplace et dans lequel il reste immergé. Cette transformation graduée d’un animal essentiellement aquatique, qui devient peu-à-peu terrestre et aérien, n'a pu s'opérer sans entrainer après elle les plus grandes mutations. D'abord , comme nous venons de le rappeler, dans les organes du mouvement , puis dans les appareils destinés à produire les actes hydrauliques et pneumatiques qui sont nécessaires à la circulation et à la respiration, dans ces deux genres de vie, si différens l’un de l’autre, mais qui s’exécutent cependant par un mécanisme qui, en réalité, n’a éprouvé qu’une très légère mo- dification. Les branchies, à la surface desquelles l’eau venait, par les gaz qu’elle renferme , vivifier la totalité du sang du tétard, ont été lentement remplacés par le développement des poumons vé: siculaires, dans l'intérieur desquels l'air devra être refoulé par un mécanisme, ou par un nouveau mode d'inspiration emprunté à l'appareil de la déglutition. On concoit quels changemens a dû exiger cette transposition d'organes destinés à exécuter une seule et méme fonction par des moyens si différens. De là, l’oblitéra- tion de certains vaisseaux, tandis que d’autres s’allongeaient, se dilataient,pour remplacer les premiers, afin de s’accommoder successivement et avec lenteur à ce nouveau mode d'exécution dans les actes respiratoires et circulatoires, qui restent constam- ment, comme nous aurons occasion de le rappeler, dans une dépendance nécessaire et absolue. C’est sur les membranes des pattes de la grenouille, soumises au microscope, et sur les branchies de sa larve ou de son té- tard, que le mode et les effets de la circulation capillaire ont pu étre bien observés ; mais c’est peut-être à tort qu'on a attribué la priorité de cette découverte à Leeuwenhoeck. Quoi qu’il en soit, il reste ayéré que d’abord la totalité du sang veineux est y 685 DUMÉRIL. — Sur les Grenouilles. poussée par le cœur dans les vaisseaux qui viennent se ramifier à la surface des franges branchiales, pour y éprouver les effets de l'hématose, comme dans tons les poissons ; que peu-à-peu, ce mode de circulation se trouve changé complètement, avec l'entier développement des poumons. Ce fait était connu de Swammerdam, qui l'avait démontré; car il en avait tracé des figures exactes, et il a parfaitement indiqué et représenté l’obli- tération des artères branchiales et le développement de la petite branche qui, se détachant primitivement de chaque côté, était destinée à devenir ultérieurement l'artère pulmonaire ou vei- neuse. (1) Qu'il me soit permis, à ce sujet, de rappeler cette autre cir- constance qui a échappé à Haller, en parlant de la découverte des globules du sang, qu'il attribue à Malpighi et principale- ment à Leeuwenhoeck dans sa grande Physiologie (2). Il a cité le premier auteur, comme les ayant indiqués en 1665; ct il a donné pour le second la date précise du 15 août 1673 (3). C’est ce que tous les physiologistes ont répété depuis. Cependant il est avéré que les recherches de Swammerdam sur les Grenouilles étaient faites dés l’année 1658 : il cite luimême cette époque. Ce qui explique ce fait, c'est que la Bible de la nature , écrite d’abord en hollandais par l’auteur, puis traduite en latin par Gaubius, n’a été publiée qu'en 1737, cinquante-huit ans après la mort de ce célèbre anatomiste. Voici, au reste ; la traduction de ce passage, dont nous donnons ici le texte en note : « En « examinant au microscope le sérum du sang, j'y voyais flotter & un nombre immense de particules arrondies, de forme ovale, « comme aplatie, ayant toutes cependant une figure régulière. .… « Elles roulaient sur elles-mêmes dans le sérum, de diverses « manières. » (4) F (x) Swammerpam, Bibel der natur, 1. 11, p. 830, pl. xxx , fig. 3, 4. (2) Hauzer, Ælementa physiologiæ , 1. xx, p. 50 et 51. (3) La lettre de LeeuwenhoecK, adressée à la Société royale de Londres, n'a été publiée qu'en 1688 et reproduite depuis dans les Arcana naturæ du même auteur. (x) Swammernan , Biblia naturæ, t. 11, p, 835. « lu sanguine serum conspiciebam in quo immensus fluctuabat orbicularium particularum, ex plano veluti cvaia, pénitüs tamen regulari figurà gaudentium numerus. Videbantur autem hæ ipsæ particulæ alium insuper humorem intra se continere. .,.. prout nimirüm divérsi modi in sero sanguinis circumvolvebantur, » buMÉRIL. — Sur les Grenouilles. 6) La respiration et la circulation sont, comme on le sait, con- stamment liées et dépendantes d’une manière absolue ; aucun changement ne survient dans l’une de ces fonctions, que l’autre n'y participe. Cependant on voit, dans l’un comme dans l’autre cas, le premier mode d'organisation se continuer par le méca- uisme primitif. L'eau ou l'air dans lequel l'animal est plongé, sont appelés et obligés de pénétrer en volume, pour ainsi dire calibré et déterminé par l'ampleur de la cavité buccale, pour être de là poussés par l’acte de la déglutition, soit à l’intérieur des branchies, soit dans l’intérieur du poumon, pour se mettre en rapport avec le sang veineux, qui doit s’artérialiser dans les divisions capillaires des ramuscules anastomosées du tronc prin- cipal qui provient directement du cœur. La ténuité des membranes natatoires étendues entre les doigts des pattes postérieures, la transparence du péritoine, celle des vésicules pulmonaires, qui sont larges, qui peuvent être enflées par l'animal et rester gonflées hors de la cavité abdominale, s'affaisser et se remplir de nouveau (1), ont permis de suivre le cours du sang et de soumettre les vaisseaux à une pression moindre ou augmentée. C’est alors qu'on a pu admirer la rapi- dité et la régularité du sang dans les vaisseaux qu'il parcourt. D'un autre côté, dans les veines où le flux est continu et si constant qu'il ne saurait être aperçu ou distingué sans les glo- bules colorés que cette humeur charrie et qui se laissent parfai - tement voir au milieu de la portion séreuse plus fluide qui les enveloppe, et de même dans les artères par les pulsations et les jets successifs plus ou moins rapprochés ou éloignés, suivant l'impulsion que le cœur doit leur communiquer pendant un espace de temps si prolongé. L'étude des organes de la digestion chez ces Batraciens n’offre (x) Ce mode de respiration était connu de Malpighi *, de Morgagni ** et de Swammerdam***, dont je transeris quelques phrases, * Ex oculari inspectione constat ranas ad libitam, aperto ctiam thorace, proprios exinanire folliculos et mox etiam turgidos reddere. ** Inspiratio antem efficitur iisdem instrumentis per quæ inferior buccæ pars amplificata et mox contracta acrem in jyulmones compellit. . Nam resectis musculis ,tüm abdominis, tüm pectoris ; imd denudato corde, respirationem si ta appellare liceat œuseulorum oris ope , quod ipsi præegrande est, adbüc perbci experti sumus, . 70 DUMÉRIL. — Our les Grenouilles. pas un moindre intérêt aux réflexions du physiologiste. Ces reptiles sous leur première forme, celie de tétard pisciforme, avaient la bouche étroite ; ils ne pouvaient d’abord que sucer, puis se nourrir uniquement de substances végétales, coupées et divisées en parcelles, à l’aide d’un bec de corne, afin d’être in- troduites dans les circonvolutions d’un tube äigestif, dont lam- pleur ou la longueur était considérable, comme dans tous les animaux herbivores ; mais quand la métamorphose s’est opérée, la bouche a changé de forme, les mächoires se sont dépouillées de leur étui de corne tranchant, elles se sont allongées, élar- gies; leur commissure s'étend au-delà du crâne; la langue vis- queuse , fixée et attachée en avant, libre en arrière, peut être lancée, projetée au-dehors, par une sorte d’expuition: aïnsi re- tournée ou renversée sur elle-même, elle est avalée, humée rapidement; elle entraine avec elle la proie qui s’y colle et dont elle se sépare ou se débarrasse par sa propre contractilité. La déglutition commence bientôt, parce que l’animal opère le vide par la glotte : comme la nourriture consiste en substances ani- males, le plus souvent douées encore de la vie et du mouvement, la préhension en est rapide, subite, afin de saisir inopinément la proie à distance; elle est violente, pour vaincre la résistance et les efforts de la victime qui se trouve bientôt engloutie , pré- cipitée dans un vaste estomac. Parvenue là , elle ne tarde pas à être privée de toutes ses facultés ; elle périt. Puis ramollie, dis- soute, décomposée, ses sucs pénètrent dans un canal qui a tout au plus la dixième partie de sa longueur primitive ; car le chyme quien provient, étant plus animalisé, contient, sous un moindre volume, des élémens qui avaient été déjà élaborés par l’animal dont ils faisaient partie constituante, et qui, par cela même, sont maintenant tous préparés et disposés à l'assimilation. Er, effet , le même animal, lorsqu'il était encore tétard herbi- vore, avalait une prodigieuse quantité d’alimens ; son canal di- gestif était tellement prolongé que, déroulé de ses nombreuses circonvolutions spirales, il pouvait présenter une étendue qui dépassait de plus de sept fois la longueur totale de son corps. Preuve irrécusabie que dans les animaux, les goûts et les ha- bitudes doivent changer comme les organes destinés à la nutri- 2 AR DUMÉRIL. — Sur les Grenouilles. m1 tion, et réciproquement ; puisqu'on voit dans d'autres espèces qui subissent aussi des métamorphoses, des changemens qui se manifestent en sens inverse. Pour ne citer qu’un exemple, ne le trouvons-nous pas dans les Hydrophiles, parmi les Insectes, qui , de carnassiers et de vers assassins qu'ils étaient sous leur premiére forme, celle de larve, sont devenus uniquement her- bivores, sous celle d’insecte parfait? Ils attaquaient d’abord les animaux pour se nourrir de leurs humeurs à l'aide d’un intes- tin trés court, et qui, comme Coléoptères , se repaissent uni- quement de débris de végétaux morts engloutis dans un tube intestinal d’une longueur prodigieuse , contourné sur lui-même, et dix ou douze fois plus étendu qu’il ne l'était dans les larves. Aucun animal n’est plus propre que là Grenouille à la dé- monstration de plusieurs faits importans relatifs à l'absorption et à l'exhalation par la peau, ainsi que la résistance à l’action du calorique, comme l'ont prouvé les curieuses expériences de Robert Townson, de F. Delaroche et de M. Edwards aîné. Ce reptile privé d’écailles et à peau humide, exposé à l’action d'une atmosphère sèche et dont la température est élevée, peut, sans perdre la vie, résister d’une part et long-temps à la chaleur, sans s’échauffer au moyen de l’évaporation rapide et continue qui a lieu à sa surface ; de même qu'il peut, en très peu de temps, diminuer de près de moitié de volume, et puis, dans quelques circonstances , repompér par la peau assez d’eau pour reprendre son poids primitif. Les expériences instituées avec les plus grands soins ont appris que cette absorption à lieu très rapidement par les seuls tégumens dela face inférieure du corps, et que la Grenouille fait provision d’une assez grande quantité de liquide , qu'elle conserve dans une ample citerne, afin de fournir à cette évaporation , quand elle est obligée de séjourner sur un terrain exposé à la vive ardeur du soleil pour conserver la température qui lui convient. C’est surtout la fonction génératrice des Batraciens qui a pré- senté aux physiologistes un grand nombre de circonstances im- portantes à observer : des faits et des résultats si extraordinaires, que, par leur anomalie même , ils ont dû appeler l'examen le plus sérieux et les méditations de tous les hommes qui ont 72 DUMÉRIL. — Sur les Grenouilles. cherché à remonter à l’origine des êtres. Cette opération, occulte en général, si profondément intime, si mystérieuse, en s'exé- cutant au-dehors de l'animal et sous nos yeux, a pu être étudiée dans toutes ses phases. La redondance de la vie, lexubérance des matériaux obtenus par la nutrition; ce besoin, cette exi- gence impérieuse de la nature , qui appelle tous les êtres orga- nisés à perpétuer leur race et à communiquer l'existence à un certain nombre d'individus destinés à leur succéder , se mani- feste ici de la manière la plus évidente. Les germes, sécrétés et séparés du corps de leur mère avant d’être fécondés, ne reçoivent réellement la vitalité qu'à l’exté- rieur des membranes transparentes à travers lesquelles il a été loisible d'examiner jour par jour toutes les évolutions , tous les changemens qui ont lieu dans les embryons. On a pu assister à leur transfguration, et suivre, dans leurs âges divers, les formes et les modifications de leurs organes dont les variations se trouvent nécessitées par la nature des milieux dans lesquels ces individus sont appelés à vivre, à se nourrir, à respirer, à se mouvoir d’une toute autre maniére. Enfin, personne n'ignore aujourd'hui que les Grenouilles ont été Ja cause ou du moins l’occasion des plus grandes décou- vertes sur l'électricité, et des explications ingénieuses et plau- sibles sur la manière dont paraissent se transmettre, par l'in- termédiaire des nerfs et avec la rapidité de l'éclair, d'une part les perceptions venues du dehors, et de l’autre cette sensibilité active qui gouverne et régit, comme une puissance unique, les rouages si compliqués de la machine animale. La circonstance fortuite qui, en 1789, fit découvrir à Galvani l'excitabilité des muscles, lorsqu'il venait à toucher les nerfs qui se distribuent dans ces organes et le mouvement rapide de con- tractilité qui est produit par l’action simultanée de deux métaux hétérogènes, est certainement due à l’organisation du reptile qui avait donné lieu à tant d’autres découvertes physiologiques. L’explication théorique du physicien de Bologne , accueillie d” a- bord, fit attribuer ces effets à un agent nouveau, ou à un fluide cialis ; différent de l'électricité qu’on appelle galvanique. Volta, combattant cette opinion, démontra par un grand DUMÉRIL, — Sur les Grenouilles. 73 nombre d'expériences que tous les phénomènes observés étaient dus au développement de l'électricité qui se produit constam- ment lorsque deux métaux dans un état différent se trouvent en communication au moyen d'un corps humide interposé, et que, dans le cas particulier de leur action sur les nerfs, ceux-ci n'é- taient réellement qu’une sorte de conducteurs présentant un mode d'écoulement tres facile. D'après cette théorie, il composa des appareils dont l’action était continue, et dont l’énergie de- venait d'autant plus grande, que le nombre des plaques métal- liques et surtont que leur surface étaient plus considérables. On sait que cette machine ingénieuse est devenue ainsi l’un des plus puissans instrumens de physique et de chimie, à l’aide du- quel on est parvenu à découvrir la composition d’un grand nombre de corps dont les élémens, ou les principes constituans, ont été pour la première fois séparés dans la potasse, la soude, la chaux, la baryte, substances que les chimistes avaient jus- qu’alors considérées comme des corps simples. En énonçant la découverte dont nous venons de parler, nous avons soin de citer, dans nos cours, l'observation du même fait consigné, vers le milieu du seizième siecle, dans un ouvrage important où l'expérience se trouve parfaitement indiquée : c'est la Bible de la Nature de Swammerdam, dans laquelle on voit même représenté le petit appareil destiné à mettre le ré- sultat en évidence. Voici un extrait de ces passages, dont nous présentons également le texte en note. En faisant des recherches sur la nature des mouvemens des muscles, Swammerdam explique pourquoi il a choisi les Gre- nouilles pour faire'ses expériences. « Dans ces animaux, dit-il, « les nerfs sont très apparens; il est facile de les découvrir et « de les mettre à nu; en outre, il est aisé de reproduire les « mouvemens des muscles en irritant les nerfs » (1). Il raconte ensuite comment il a rendu évidente la contraction d’un muscle séparé de la cuisse d'une Grenouille, et de quelle manière il a (1) In ra potissimüm experimenta semper institui. Nervi enim ia hisce animalculis admodüw sunt conspieui, facili negotio detegi atque denudari possunt...….. Musculorum motui per persos irrilalos ressuscitando aplissimum est animal, (J. Swammanpaumt(, Biblia naturæ , iu-folio, tome 11, pag. 860, el pag. 849, tab. 49 , fig. 8.) 74 pumériL. “— Sur les Grenouilles. fait ses expériences, en 1658, devant le grand-duc de Toscane. Comme on peut reconnaître dans cette narration un véritable fait galvanique, nous croyons devoir la rapporter dans ses dé- tails, et même faire copier le texte ainsi que le dessin de son petit appareil. «Soit un tube de verre cylindrique (a) dans l’intérieur duquel «est placé un muscle (2) dont sort un nerf qu’on a enveloppé « dans les contours d’un petit fil d’argent (ce) de manière à pou- « voir le soulever sans trop le serrer ni le blesser. On a fait pas- « ser ce premier fil à travers un anneau pratiqué à l'extrémité « d’un petit support en cuivre (d) soudé sur une sorte de piston « ou de cloison ; mais le petit fil d’argent est disposé de manière a à ce que le nerf soit attiré par la main (f) vers l'anneau « et touche ainsi le cuivre : on voit aussitôt le muscle se con- tracter. » (1) Swammerdam indique aussi, par l'expérience suivante, de quelle manière un muscle se renfle par la contraction, et jus- qu’où ses deux tendons peuvent alors se rapprocher l’un de l'autre : « Il faut passer, dit-il (fig. 2), un muscle dans nn tube de « verre assez large a ; traverser par deux épingles fines 4 à ses « deux tendons qu'il faut alors maintenir avec les doigts, puis « fixer la pointe de ces épingles dans un morceau de liège, ni « trop faiblement, ni trop fortement. Si ensuite vous irritez le « nerf c, vous verrez le musele, par la contraction excitée, rap- « procher l’une de l’autre les têtes des épingles en Z4, la partie «moyenne du muscle lui-même se renfler notablement dans « l'intérieur du tube de verre e, et l'air, étant chassé, remplir «entièrement le tube, jusqu'a ce que la contraction cessant, «les épingles reviennent à leur place primitive; la partie (:) Vitreus nimirüm siphunculus (4) museulum ibi intüs (2) in cavo suo continet. Nervus autem de musculo pendens tenui quodam filo argenteo (cc) in se circumflexo , absque læsione aut pressu, comprehenditur : quod filum deinde per foramen fili ænei siphonis embolo ferruminati (4) trajicio). . quod si dein filum argenteum manu suspensa (/) prudenter per annulum fli ænei inter embolum et internam siphonis superficiem, cousque protrahitur donec nervus impressus irritatur, musculis ile simili modo contrahere observatur, pumeEriz. — Sur les Grenouilles. #5 « moyenne du muscle diminuant, ouvre alors de nouveau un « libre passage à l'air.» (r) Il est évident que ces appareils réunissent toutes les conditions requises pour que l'électricité galvanique se manifestät; mais l’auteur attribuait seulement à la compression ce qui était le résultat du contact des métaux par le fil d'argent formant un étui au nerf quand il portait sur le support de cuivre. J'aicherché à rappeler , dans cette Note historique, combien l'étude de l’organisation des Grenouilles a été utile à diverses sciences d'observation, à l'anatomie, à la physique, à la chimie, mais principalement à la physiologie. Il résulte en effet de cet aperçu rapide, que ces Reptiles ont fait mieux connaître les or- ganes et le but de presque toutes les fonctions; puisque nous avons cité la motilité, l’innervation, la digestion , la circulation, la respiration, l'absorption et l’exhalation, et enfin la génération. EXPLICATION DE LA PLANCHE 1 À, Fig. 1. a. Tube de verre cylindrique. — à. Muscle. — c. Fil d'argent formant un anneau dans lequel est passé le nerf, — d. Fil de cuivre formant à son sommet un anneau dans lequel est passé le fil d'argent. — e. Goutte d’eau dans le tube, — f. Main excitant le nerf. Fig. 2. a. Tube de verre dans lequel est passé un muscle. — 26. Deux épingles passées à trayers les tendons du muscle. — c. Nerf excité. < dd. Les épingles 26 entrainées par l’ex- cilatiou vers le point dd. — e, Muscle remplissant par sa contraction le milieu du tube, (1) Oportét musculum laxe per vitreum tübulom transmittere a, ac utrinque ejüs tendi- new, qui aliter digitis prensandus erat, subtilibus duabus aciculis 2b trajicere , hasque tan- dem, nec Jaxe nec firmiter nimis, cuspidibus suis in segmento suberis defigere. Quibus perac- tis, sicubi dein nervum irritaveris c ; videbis musculum, vi excitatæ contractionis, capitula äcicularum suis e locis ad se mutuo adducere dd, ventremque musculi upsius, intüs in vitrei tubuli cavo, notabiliter crassiorem fierie, et, ære expulso , totum tubulum obstruére; donec, contractione demum cessante, aciculæ rursus in pristina sua loca resiliant, et venter mus- culi, de tubulo iterum abscedens, liberum æri"per hujus cavitatem transitum denuoaperiat, 76 MILNE EDWARDS, — Ascidies composées. Ossenvarions sur les Ascidies composées des côtes de la Manche, Par M. Me Epwanps. Ayant le projet de publier ce travail dans le Recueil des He- moires de l’Académie, je n’en donnerai ici qu’un extrait fort succinct. Après avoir rendu hommage aux beaux travaux de M. Savi- gny sur les Ascidies composées, et avoir indiqué les circon- stances qui m'ont permis d'étudier divers points de l’histoire de ces animaux dont ce savant n'a pas traité, j'expose l’état actuel de nos connaissances relatives à la circulation chez les Ascidies en général, et je rends compte de mes observations à ce sujet. Je fais voir que chez toutes les Ascidies composées, il existe, comme chez les Ascidies simples , un cœur dont la position varie dans les différentes familles, mais coïncide toujours avec celle de l'ovaire et dont les mouvemens sont péristaltiques. Dans la plus grande partie du corps, le sang n’est pas renfermé dans des vaisseaux, mais se trouve répandu entre les viscères et la tunique interne; c’est seulement dans l'appareil branchial que la circulation devient réellement vasculaire , et chez tous ces animaux, de même que chez les Pérophores de M. Lister , et les Salpa observés par Kuhl et Van Hasselt, le mouvement circula- toire change de direction périodiquement, de sorte que le même canal est traversé alternativement par des courans en sens contraire , et remplit tour-à-tour les fonctions d'une artère et d'une veine. Quant au mécanisme de cette circulation, il est très simple. Le cœur est un tube musculaire, élastique et ouvert près de chacune de ses extrémités. Ses contractions annulaires commencent à un bout et se propagent peu-à-peu vers le bout opposé, de façon à pousser en avant tout le sang dont sa cavité est remplie ; à mesure que cet étranglement s’avance de la sorte, les parois de la portion du cœur laissée en arrière se relâchent et reprennent , à raison de leur élasticité, leur position primi- MILNÉ EDWARDS. — ÆAscidies composées. 77 tive ; alors le cœur se remplit de nouveau par l'extrémité où le mouvement péristaltique avait commencé ; puis cette même extrémité se contractant une seconde fois, et la contraction se propageant comme la première vers l'extrémité opposée du cœur, une nouvelle ondée de sang est poussée dans les canaux en communication avec cette derniere extrémité; bientôt une troisième contraction progressive se manifeste, et l'effet que nous venons d'indiquer se répète ; enfin, tant que le mouvement vermiculaire du cœur conserve la même direction, le sang cir- cule dans le sens de ce mouvement , mais après avoir duré ainsi pendant quelque temps, la contraction péristaltique s’arrête, puis s'établit en sens contraire ; elle commence par l'extrémité où elle venait auparavant se terminer , et le sang se trouve par conséquent poussé dans une direction opposée à celle du cou- rant circulatoire; ce liquide s'arrête alors, puis revient sur ses pas, et bientôt tout le courant se renverse. Ces changemens périodiques dars la direction de la circulation ne dépendent donc que d’un changement correspondant dans la direction du mouvement péristaltique du cœur ; c’est toujours par le même mécanisie que les courans en sens opposés s’établissent alter- nativement , et l'on peut remarquer que les choses se passent dans le cœur des Ascidies a-peu-près de la même manière que dans l’œsophage des Ruminans , chez lesquels la déglutition ou la régurgitation s'opère suivant que les contractions annulaires de ce conduit se propagent de la bouche vers l'estomac ou de l'estomac vers la bouche. Je me suis assuré que la circulation a lieu aussi de cette ma- nière chez les Ascidies simples. Ce caractère est par conséquent commun à tout le groupe naturel des Tuniciers , et fournit un argument de plus aux zoologistes qui , à l'exemple de Lamarck, veulent exclure ces animaux de la grande division des Mol- lusques pour les rapprocher davantage des Zoophytes. Dans le second chapitre de ce Mémoire , je m'occupe du mé- canisme de la respiration chez les Ascidies ; je signale les usages de la couronne de filamens tentaculaires dont la bouche de ces animaux est garnie, et, je fais voir que leur sac branchial est pour ainsi dire suspendu dans l’intérieur d’une grande cavité 78 MILNE EDWARDS. — Æscidies composées. que je nomme la chambre thoracique , cavité dans laquelle l’eau arrive à travers les fentes du sac branchial pour s'échapper en- suite au-dehors par le cloaque et l'ouverture anale. Dans le troisième chapitre, je traite des organes de la géné- ration , et je fais voir que les Ascidies composées sont toutes pourvues d’un testicule aussi bien que d’un ovaire. Ce testicule communique avec le cloaque au moyen d’un long canal fili: forme, et tout l'intérieur de cet appareil mâle est gorgé d'un liquide blanchâtre qui fourmille d’animalcules spermatiques. Le quatrième chapitre est consacré à l'histoire du développe- ment de l'œuf et des métamorphoses que les Ascidies composées subissent dans le jeune âge, sujet dont je m'étais déjà occupé, de concert avec M. Audouin, il y a environ douze ans, et sur lequel un zoologiste écossais, sir J. Graham Dalyell, vient de publier une note (r). Les œufs de ces animaux n’offrent d’abord que trois parties distinctes, une membrane vitelline, un vitel- lum et une vésicule de Purkinje. Leur fécondation paraît s’opé- rer dans le cloaque, et l’on voit alors se développer dans leur intérieur un embryon dont la forme générale a la plus grande analogie avec celle d’une Cercaire ; la larve qui sort de l'œuf et qui se fixe après un certain temps, subit ensuite des change- mens considérables qu'il serait trop long de décrire ici, et dont la description serait difficile à suivre sans le secours de figures; je me bornerai donc à dire que j'ai observé ces changemens d'heure en heure, et que dans les planches qui accompagnent mon Mémoire, j'ai représenté toutes les principales phases du développement de ces animaux, Dans le cinquième chapitre, je fais connaître un autre mode de reproduction au moyen duquel les Ascidies composées se multiplient sans l'intervention de l'appareil générateur et sans produire des œufs. J'ai en effet constaté que ces animaux, de même que. les Polypes, possèdent la faculté de se reproduire par des bourgeons qui naissent sur la surface de leur tunique interne et constituent des espèces de stolons. C’est de la sorte (1) J'ai fait remarquer aussi, à celte occasion, que tous les faits observés par M. Audouin et moi, en 1828, viennent d'être reproduits par ce naturaliste comme des découvertes nou= velles, fruits de ses observations. MILNE EDWARDS. — ÆAscidies composées. 79 qu'un seul individu provenant d’un œuf, forme autour de lui une colonie nombreuse composée souvent de plusieurs centaines d'individus réunis en une seule masse par un üssu tégumentaire commun. Du reste, les Ascidies composées ne sont pas les seuls Tuniciers qui possèdent ces deux modes de reproduction; les Clavelines sont dans le même cas, et cette particularité établit un lien nouveau entre tous ces animaux et les Polypes. Enfin, dans un dernier ‘article, je fais l'application de ces résultats anatomiqnes et physiologiques, à la classification des Ascidies , et dans un second Mémoire, je donnerai la description des espèces nouvelles que j'ai rencontrées sur les côtes de la Manche. L’atlas qui accompagne ce travail se compose de 23 planches in-4°, dessinées d’après le vivant. RECHERCHES STATISTIQUES sur la production et l'élaboration de la soie en France, Par M. F. Lepray, Ingénieur au corps royal des mines. Je me suis livré aux recherches dont je ne présente ici”qu'un très court résumé, pendant ün voyage dont le but était d'étudier les principaux emplois du combustible minéral dans la France méridionale. Ces études ni'ont naturellement conduit à constater la production des magnaneries et des filatures de soie, où nos bassins carbonifères trouvent l'un de leurs plus importans débouchés, Puisse cette première ébauche suggérer l'idée d’un travail plus étendu , et indiquer l'utilité des résultats qu’obtiendrait le gouvernement , en créant, avec les moyens dont lui seul dispose, une statistique raisonnte des principales sources de la production nalionale! Pour faire comprendre le rôle important que joue la soie dans le commerce de la France et du monde, il suffit d’annoncer ce résultat, que la production et l'élaboration de la soie portent annuellement, dans le royaume, à plus de trois cent millions 8a F. LEPLAY. — Sur la soie. de francs un”produit qui n’aurait aucune valeur s’il restait sous la forme où le présente tout d’abord l’agriculture. Essayons d'indiquer comment ce résultat peut être obtenu, et de présenter un résumé statistique sur l’une des principales branches de l’agriculture, de l’industrie et du commerce de la France. Ce résumé, bien qu'il soit le fruit de recherches spéciales faites en 1838 sur les lieux de production, ne peut être consi- déré que comme une ébauche; on a lieu de penser néanmoins que les chiffres qui y sont cités, et qu’on a contrôlés soigneuse- ment de diverses manières, sont assez approchés de la vérité. On peut distinguer six divisions principales dans les indus- tries qui ont pour objet la production et l’élaboration de la soie: 1° La culture du mürier, ou la production des feuilles desti- nées à la nourriture des vers à soie ; 2° L'éducation des vers à soie, ou la production des cocons; 3° La filature de la soie, c’est-à-dire la production des soies grèges par le dévidage des cocons ; 4° Le moulinage de la soie, c’est-à-dire la production des fils propres au tissage ou à la fabrication des étoffes ; 5° Le blanchiment et la teinture des soies moulinées ; 6° Le tissage de la soie, ou la production des tissus et des étoffes de toute espèce. La première branche est exclusivement agricole; c’est celle qui a pour objet la production de la matière brute. La seconde et la troisième appartiennent à cette classe importante d’indus- tries que nous avons définies ci-dessus , et qui, intimement liées à l’agriculture, ont pour objet de transformer la matière brute, qu'on ne pourrait exporter du lieu où on la produit, en une substance éminemment transportable, qui vaut à poids égal 780 fois plus que la matière première. Les dernières autres branches sont essentiellement manufac- turières, c’est-à-dire qu’elles peuvent donner aux contrées vouées principalement à la production des substances alimentaires ce genre d'encouragement qui résulte de l'accumulation d’une grande population qui consomme des alimens sans en produire. Culture du mürier., — Quatre départemens français, le Gard, oo | F. LEPLAY. — Sur da soie. gr l'Ardèche, le Vaucluse et la Drôme , possèdent à-peu-près les trois quarts des diverses essences de müriers cultivés en France pour la nourriture des vers à soie. Le reste se trouve dans les départemens des Bouches-du-Rhône, de l'Hérault, du Var , de l'Isère, de la Lozère, et en quantité encore insignifiante dans une douzaine d’autres départemens, qui s'efforcent en ce mo- ment de prendre part aux avantages immenses qu'offre aujour- d’hui cette culture dans le bassin inférieur du Rhône, depuis Valence jusqu’à la Méditerranée. Les müriers qui, pendant l’année 1836, ont fourni des feuilles aux magnaneries (1) françaises étaient à-peu-près au nombre de 39 millions, et ont produit environ 780 millions de kilogrammes de feuilles. Pour donner une idée du volume prodigieux que représente une pareille production, et de l’impossibilité de la faire sortir des lieux mêmes où on la récolte, il suffit de dire qu’elle ferait la charge complète de la moitié des navires français ou étrangers employés dans tous nos ports pour la grande navigation. Une grande partie des plantations de muriers est disséminée au milieu d’autres cultures, et il serait impossible de calculer directement sur quelle portion de territoire s'étend ce précieux végétal. Toutefois, en rapprochant la production totale de celle qu'on obtient d’une surface donnée de terrain exclusivement consacré à la culture du mürier, on trouve que la totalité des plantations, en y comprenant les jeunes plants, doit absorber au moins une surface de 85,000 hectares. C’est le précieux insecte connu vuigairement sous le nom de ver à soie qui donne le moyen de tirer partie de cette encom- brante récolte, et de la réduire à des proportions qui puissent donner prix au commerce et à l’industrie. C’est également lui qui en porte le prix à 9 centimes environ (2) par kilogramme, (x) On appelle ainsi les ateliers dans lesquels on élève les Vers à soie , nommés magnans dans plusieurs districts du sud-est de la France, (2) Ce prix, variable suivant la situation du commerce des soies, se rapporte , comme tous ceux dont il est question dans cette notice , à l'année 1836. Les prix de 1836 ont été nola= blement au-dessus des prix moyens relatifs aux années précédentes. XIII, Zooc — Février, 6 82 F. LEPLAY. — Sur la soie. et qui donne à la récolte brute du mürier une valeur qu'on ne peut estimer au-dessous de 70,200,000 fr. Éducation des vers à soie. — L'industrie du magnanier a pour objet de faire éclore les œufs de vers à soie conservés depuis l'année précédente, et de nourrir l'insecte éclos jusqu’à l'instant où, parvenu au terme de sa croissance, il forme par l’enroule- ment d’un brin de soie d’une prodigieuse longueur, cette enve- loppe ovoide nommée cocon, dans laquelle il s’enferme à l'état de chrysalide. L'art d'élever le ver à soie se réduit à préserver ces insectes des intempéries ; à les maintenir dans un grand état de propreté, à une tempéräture constante d'environ 24° c., dans un air très pur; à leur fournir une nourriture fraiche et abon< dante ; enfin, à récolter les cocons et à les livrer sans délai au filateur. Ces conditions impliquent donc nécessairement la pro- ximité des plantations de mûriers, et de faciles approvisionne- mens du combustible qui doit protéger les magnanéries contrée les froids qui se font sentir souvent dans nos climats pendant les mois de mai et juin. Il faut convenir que sous ce dernier rapport, les magnaneries sont fort bien situées dans le bassin inférieur du Rhône, où existent de nombreux gisemens de houille et de lignite, et où les houilles de la Loire peuvent être amenées à bas prix par la voie du fleuve. La quantité de feuilles indiquée précédemment a été em- ployée à produire 30,600,000 de kilogrammes de cocons, qui, vendus au filateur au prix moyen de 5 francs, ont produit 150,000,000 de francs. En défalquant de ce produit la valeur payée au producteur de feuilles, on trouve que cette branche de notre industrie agricole a produit une valeur nette dé 79,800,000 francs. Le magnanier français , qui cumule en général cette industrie avec la culture du mûrier, a donc moyennement consommé 26 kilogrammes de feuilles pour produire 1 kilogramme de co- cons. Cette consommation est beaucoup trop considérable, et résulte uniquement de ce qu'il ignore en général les plus simples règles de son industrie. L'expérience indique, .en effet, qu’en suivant les principes indiqués ci-dessus, on peut parvenir à obtenir en grand, 1 kilogramme de cocons avec 15 kilogrammes F. LEPLAY. — Sur la soie. 83 de feuilies. Il serait donc facile, en répandant les connaissances convenables dans la population qui exploite cette branche d’a- griculture, de réduire à 20 kilogrammes au plus la consomma- tion moyenne de la France, et par conséquent d'obtenir, sans aucun accroissement de dépense et avec les ressources actuelles, un excédant de production de 9,000,000 de kilogrammes de cocons qui représenterait pour cette population un excédant de bénéfice de 45,000,000. Qu'on juge donc par une spécialité applicable à une petite portion du territoire français, des im- menses résultats que produirait un système convenable d’édu- cation professionnelle organisé en faveur des populations agri- coles ! Filature de la soie. — La filature de la soie ou le dévidage des cocons a pour objet de détacher, par l’immersion dans l'eau bouillante, le fil de soie enroulé autour de la chrysalide ; de souder en même temps trois, quatre, cinq ou un plus grand nombre de fils naturels en un seul brin, afin de donner à celui- ci la consistance exigée par les opérations subséquentes; et enfin de former de gros écheveaux de ce brin, qui, à cet état, prend le nom de soie grège. Cette branche d'industrie est à demi agricole et à demi ma: nufacturière ; elle touche à l’agriculture parce qu’elle est encore pratiquée dans une foule de petites fermes où chaque cultiva- teur fait dévider par sa famille les cocons qu'il a récoltés. Ce qui distingue encore le dévidage des cocons des autres branches manufacturières de l'industrie des soiés, c’est que sous plusieurs rapports il convient que les cocons soient étouffés, c’est-à-dire que la chrysalide soit tuée, par célui même qui doit les dévider. Il en résulte que le dévidage doit se faire à proximité da lieu de production , et qu'il ne peut aisément être transporté, ainsi que cela a lieu aujourd’hui pour les autres branches de l'indus- trie des soies, dans les contrées auxquelles le climat interdit la culture du mürier. À une époque peu éloignée de nous, la filature de la soie était une industrie exercée presque uniquement par la population agricole , et c’est encore ainsi que nous l'avons vu pratiquer en Espagne dans les vallées dés Alpujarras, et dans plusieurs pro- 6, 84 F. LEPLAY. — Sur la soie. vinces d'Italie. Toutefois, depuis dix ans, cette industrie tend visiblement à se concentrer dans de grands ateliers épars au milieu des pays à müriers et à proximité des lieux qui offrent une certaine agglomération de population. 11 nous a semblé que cette tendance était plus prononcée en France que partout ail- leurs. Nous croyons aussi pouvoir conclure de nos observations que Ja France a dans cet art l'initiative du progrès, et que c'est dans les belles filatures du Gard, de l'Ardèche et de la Drôme qu'il a acquis son plus haut degré de perfection. Trois agens sont nécessaires pour filer la soie: la chaleur, pour que l’eau des bassines où sont plongés les cocons pendant le dévidage, soit sans cesse maintenue à une température élevée; une force motrice, pour que les dévidoirs sur lesquels s’enroule le brin, de soie et qui sollicitent le dévidage des cocons , recoi- vent un très rapide mouvement de rotation ; et enfin, une main- d'œuvre intelligente pour que le brin de soie reste sans cesse composé d’un même nombre de fils de cocon. Un atelier de campagne se compose seulement d’un dévidoir avec lequel on file à-la-fois deux brins de soie surveillés par une seule fileuse ; la bassine est chauffée directement par un petit foyer placé au-dessous d'elle, et le mouvement est donné au dévidoir par une apprentie fileuse. Dans les grands ateliers, cinquante et quelquefois même cent équipages pareils se trouvent réunis ; mais alors le mouvement le plus régulier est donné à tout le système par une machine à vapeur de trois ou quatre chevaux dont la vapeur, après avoir produit son effet moteur, se condense dans les bassines qu’elle échauffe, au lieu de se condenser en pure perte dans de l’eau qui resterait sans usage. Il est donc aisé d'apprécier la supério- rité que possède , sous le rapport économique, le dernier sys- tème, et de prévoir que, favorisé par le bas prix du combustible minéral, il se substituera de plus en plus, dans le bassin du Rhône, aux petits ateliers, à mesure que la valeur du travail humain augmentera dans cette région, et surtout à mesure que nos agriculteurs sauront mieux se rendre compte de la valeur réelle que ce travail a déjà aujourd’hui. Le temps n’est donc pas éloigné où la filature de la soie de- PH - AE a ——— F. LEPLAY. — Sur lu soie. 85 viendra une industrie presque exclusivement manufacturière, et l’on est conduit naturellement à rechercher si elle doit quitter les contrées qui produisent les cocons, pour aller s'établir, au moins en partie, dans d'autres contrées plus favorablement situées que ces dernières sous le rapport de la puissance mo- trice, du combustible , de la population ouvrière, et en général des ressources manufacturières. Cette question est d’un haut intérêt pour la France ; d'abord parce qu’elle est relative à une industrie qui y produit annuellement une valeur de 3/,000,000 de francs, et ensuite parce que des faits qui se consomment sous nos yeux montrent avec quelle habileté la Grande-Bretagne sait attirer chez elle toutes les industries qui peuvent s’y accli- mater. Ce n’est en effet que depuis un petit nombre d’années qu’elle s’'adonne sérieusement aux trois branches manufactu- rières de l’industrie des soies, et déjà elle est sur le point d’en- lever à la France la suprématie dont celle-ci a joui pendant si long-temps. Malgré ces antécédens, nous sommes portés à croire que la translation du dévidage des cocons en Grande-Bretagne, éprou- verait des difficultés insurmontables, et voici les principales raisons qui motivent cette opinion : 1°1lest difficile d'acheter les cocons après qu'ils ont été étouffés , parce que les variations considérables qui peuvent avoir lieu sur le degré de dessiccation de la chrysalide, laissent une grande incertitude sur la quantité réelle de soie achetée à cet état ; d’un autre côté, cet étouffage ne peut être différé de plus de huit ou dix jours sans que la chrysalide, passant à l’état de papillon, ne perce le cocon, qui dés-lors perd toute sa valeur; enfin , le bon étouffage des cocons est une opération si impor- tante, qu'il semble impossible que le filateur anglais la puisse confier à un correspondant. 11 y a donc véritablement, sous ce rapport, convenance à ce que la filature soit établie sur le lieu méme où se produisent les cocons. 2° Il faut au moins 12 kilogrammes de cocons pour produire 1 kilogramme de soie grège. Le moulinier anglais qui achète des soïes grèges en France ou en Italie, paie donc des frais de transport douze fois moindres que s’il voulait fabriquer lui- 86 K. LEPLAV. — Sur la soie. même des soies grèges avec des cocons importés en Angleterre. 3° L'expérience indique que la quantité de soie grège obtenue d’une quantité déterminée de cocons, est d'autant plus grande que les cocons sont plus récemment étouffés. Tout délai dans la filature entraîne un déchet qui augmente avec le temps dans une proportion assez forte. IL faut considérer en outre que les cocons ne se produisent aujourd'hui en quantité considérable que dans le bassin de la Méditerranée, dans les Indes-Orientales et dans la Chine, et que les premiers même ne pourraient être transportés en Grande-Bretagne qu'après un assez long trajet maritime. Si donc on résolvait le problème de filer les cocons à une certaine distance des lieux de production, cette solution aurait des limites qui ne paraissent pas devoir s'étendre jusqu'à la Grande-Bretagne. La France, qui possède dans le bassin du Rhône le premier port de commerce de la Méditerranée ; le principal entrepôt du monde pour le commerce des soies, ,et enfin d'inépuisables gîtes de combustibles qui manquent partout ailleurs dans le bassin de la Méditerranée; la France, disons- nous, semblerait appelée seule à élaborer sur son territoire les cocons récoltés sur les côtes de l’Asie-Mineure, de la Grece, de l'Italie, de l'Espagne et de l'Algérie. 1 On comprend aisément que, dans de pareilles conditions, la filature de la soie, de même qne la branche précédente, tire presque exclusivément du, sol français les matières premières qu'elle élabore. Gette industrie s’est exercée en 1836 sur les quantités suivantes de matières premières : Cocons indigènes. . « : + . 300,00,000 k., valant 150,000,000fr. Cocons importés de Sardaigne. 15,000 75,000 30,015,000 150,075,000 On en a obtenu dans les filatures françaises les produits SUivans : F 1° Soies grèges, 2,500,000 kil. , à 70 fr. . . . . . . . 175,006,000 fr. 2 Costes, frisons, fonds de basine, etc. , etc., 5 p. 100 dés éocons , ou 1,500,000 kil ,à 3 fr. . 4 4, 121. 4,560,000 3% Douppions ou cocons doubles filés, un quinzième de la soie grège , 167,000 kil,, ho fr. . . . .., + .. 4,500,000 Pioduits bruts des filatures: : «al .:18#000,000 ne F. LEPLAY. — Sur la soie. 87 La valeur créée par la filature de la soie s'élève donc, en nombres ronds, à 34,000,000 fr. Moulinage de la soie. — Le brin de soie grège résulte, comme on l'a dit précédemment, de la réunion sans torsion d’un cer- tain nombre de fils de cocon soudés ensemble au moyen de la gomme dont ces fils sont naturellement empreints ; dans cet état, le brin de soie ne peut être employé à aucun usage avant d'avoir reçu de nouvelles préparations dans les ateliers dits moulins à soie. Ces préparations sont de diverses natures : la plus ordinaire a pour objet de réunir deux brins de soie ; et de les soumettre à une torsion plus ou moins forte , selon la desti- nation ultérieure de la soie moulinée. Une forte torsion donne lieu aux organsins, c'est-à-dire à ces fils longitudinaux qui for- ment la chaîne des pièces d’étoffe ; avec une faible torsion, on prépare la {rame , c’est-à-dire le fil que le tisserand enlace dans la chaîne par le jeu alternatif de la navette et du métier. Le moulinage de la soie est, comme on le voit, une industrie essentiellement manufacturière, qui se pratique avec d’autant plus d'économie qu’elle a lieu plus en grand. Comme d’ailleurs la! matière première est inaltérable, et peut, en raison de sa grande valeur (70,000 fr. le tonneau), subir sans inconvénient les frais d’un transport à de grandes distances, cette industrie peut être établie avec succes loin des lieux où se produit la soie ; on peut même dire qu’elle se rattache plus naturellement aux ateliers de teinture et de tissage, qui en sont le débouché, qu'aux filatures d’où elle tire sa matière première. On conçoit ‘que dans de pareilles conditions, le moulinage des soies introduit en Grande-Bretagne ait dû y prospérer ; et c'est en effet à partir de cette branche que ce pays commence à faire à l’industrie francaise cette redoutable concurrence qu'il apporte dans tout art où la mécanique est un des moyens prin- cipaux d'action. S'il nous était permis de fonder une opinion basée seulement sur l'observation d’un petit nombre d’ateliers en Grande-Bretagne et chez diverses nations du sud-ouest de l'Europe, nous dirions qW'on ne peut rien comparer sur le con- tinent ; sous le rapport de la puissance et de la précision des 5S F. LEPLAY. — Sur La soie. moyens mécaniques, aux vastes ateliers des environs de Glasoow et de Manchester. Il m’a semblé que ces derniers avaient sur les moulins à soie français une avance beaucoup plus grande que celle que nous possédons nous-mêmes sur plusieurs de nos ri- vaux du bassin de la Méditerranée. C’est un fait grave , qui me paraît digne d’exciter toute la sollicitude des industriels qui sont chez nous à la tête de ce genre d'industrie et de celles qui s’y rattachent. Il est évident, en effet, qu’une supériorité décidée dass la fabrication des organsins et des trames, devrait entrai- ner implicitement la suprématie pour la fabrication des tissus. Une découverte que plusieurs personnes, plus compétentes que nous , regardent comme la pierre philosophale dans l’indus- trie de la soie, mais qui ne nous semble pas au-dessus du génie de l’homme, introduirait une révolution profonde dans le mou- liuage des soies : elle consisterait à fabriquer les organsins et les trames dans l'opération même où l’on dévide les cocons. Dans la division qui existe aujourd’hui entre la filature et le mou- linage, le brin de soie grège s’enroule en pure perte en éche- veau; car il faut ensuite que le moulinier dévide cet écheveau eu transportant la soie grège sur des fuseaux; qu'il réunisse deux brins sur un autre fuseau, et qu’il leur donne ensuite la torsion convenable ; la filature et les trois parties du moulinage constituent donc aujourd’hui quatre opérations distinctes qui seraient réunies en une seule. Il est évident d’ailleurs que cette révolution s'accomplirait au profit des pays producteurs de soie, qui enleveraient nécessairement cette quatrième branche aux contrées exclusivement manufacturières. De même que les filatures, les moulins à soie n’exigent, pour une grande quantité de travail, qu'une force motrice de peu d'importance ; mais comme le moulinage ne requiert pas l’inter- vention de la chaleur, il n’y a plus ici la même convenance que pour le dévidage des cocons à adopter le feu comme principe moteur. On peut donc établir avantageusement les moulins, ainsi qu'on le fait communément en France, sur des cours d’eau situés à proximité des filatures ou des ateliers de tissage. Les moulins à soie français élaborent non-seulement les grèges indigènes, mais encore une quantité considérable de grèges F. LEPLAY, — Our la soie. 89 importés de divers pays étrangers, dans les proportions suivantes: Sardaigne. . . + + « . + + + + + + + 114,476 kil. Turquie. . . . « « « + + + + + . . 104,194 Espagne. . - . . ."..".". 36,009 Angleterre (soies de l’Inde et de la Chine ) 29,796 Deux-Siciles. d'a ele lee Le 0.1. +1/016,773 HoscaheiD - CU Mas esse . 15,405 Divers pays. . 1.7. , . . . . . . 7 11,888 Total. . . . . 328,541 kil. Cette importation a pour but non-seulement de suppléer , pour la quantité, à l'insuffisance de la production indigène, mais encore de fournir à l’industrie française des qualités de soie indispensables pour produire certaines variétés de tissus. Sous ce rapport , les marchés indigènes sont loin d'être suffisamment pourvus, et nos plus habiles négocians reconnaissent déjà que c'est surtout par la variété de leurs approvisionnemens que les fabricans anglais commencent à l'emporter sur les nôtres. L’une des circonstances qui influeraient le plus heureusement sur l'in- dustrie des soies en France, serait l'établissement de relations directes entre Lyon et les marchés de l'Inde et de la Chine, dont nous ne tirons aujourd’hui, et cela encore par l’intermé- diaire du commerce anglais, qu’une quantité insignifiante de matière première. Les exportations de soies grèges se réduisent à 2530 kilo- grammes, qui sont pour la plus grande partie dirigées sur l’An- gleterre. Il reste donc, en définitive, comme excédant des im- portations sur les exportations, une quantité de 326,211 kilo- grammes. En résumé, l'industrie du moulinage a opéré en 1836, sur les quantités de matières premières indiquées ci-après : Soies grèges indigènes. .!. . . . . . 2,500,000 k. à 7ofr.—175,000,000fr. Soies importées (excès de l'importation et sur l'exportation. , , , . , . . 326,211 à 65 21,000,000 a ritiemtetérmt Total, . . . . . . 2,826,211 k. 196,000,000 fr. 90 F. LEPLAY. — Sur la soie. Le moulinage de ces matières premières a-donné les produits suivans : Trames et organsins supposés en quan= tités égales. . « . . . . + . + + 2,810,000 k. à 8ofr.—226,000,000fr. Bourre de soie, +! ss {9 1e %e, ee fe 7000 Total: .-.2,-.".7y 2,826;000 k. 226,000,000fr. La valeur créée sur le territoire français par cette branche d'industrie s’éleve donc à 30,000,000 fr. Blanchiment et teinture des soies moulinées. — Le blanchi- ment et la teinture des soies a lieu sur les organsins et les trames écrus et moulinés. Cette cinquième branche d'industrie doit être exercée dans le centre même de la fabrication des tissus et des étoffes, et est entièrement subordonnée au développement de cette dernière branche. La valeur créée en 1836 par cette branche d'industrie est indiquée approximativement par les calculs suivans : Les trames et organsins indigènes s'élèvent , ainsi qu'on l’a indiqué ci-dessus, à : . . : 4 . . 2,819,000 k.—226,000,000fr. On a importé des pays étrangers 364,549 kil.,ve- nant presque exclusivement de Sardaigne, et va- Jant, au prix moyen de 75 fr., 27,300,000 fr. —Ona exporté 4,538 k.,valant,au prix moyen de 80 fr., 300,000 fr.— L’excédant de l’impor- tation sur l'exportation représente donc. . . 360,011 k. 27,000,000 fr. Total des soies soumises au blanchiment et à Ja teinture, éjusa oh es ténarien trees gite 1d 13:270,025k.=253,a00;000 fr, Les soies éprouvent, par le blanchiment et la teinture , une perte de poids qui varie suivant la couleur donnée à la soie. Des fabricans nous ont assuré que ce déchet, dans un vaste en- semble de fabrication, s'élève à-peu-près au sixième des soies écrues , et que les frais ne peuvent être évalués au-dessous de 5 fr. par kilogramme de soie à blanchir ou à teinüre. Les dite de cesopérations sont donc à-peu-près 2,640,000 kilogr., valant 269,000,000 fr, ,.et par conséquent la valeur créée par l'ensemble de ces industries s'élève approximativement à 16,000,000 fr. F. LEPLAY. — Sur la soie. 91 Tissage de la soie. — Les industries si variées qui ont pour objet le tissage de la soie, et qui sont le but final de toutes celles que nous venons d’énumérer , présentent en ce moment en Europe des faits dignes de-toute l'attention des personnes qui s’oceupent de philosophie commerciale. La tendance irrésistible de toute nation arrivée à un certain degré de civilisation, est non-seulement d'exploiter les indus- tries qui sont pour elle une spécialité, mais encore de fabriquer elle-même cette prodigieuse quantité d'objets de consommation qui peuvent être produits à-peu-près avec un égal. avantage partout où il existe des hommes industrieux et voués au travail, Les étoffes de soie appartiennent éminemment à cette caté- gorie, puisque la fabrication n’en exige d'autre condition spé- ciale que la faculté de s'approvisionner d’une matière première qui, en raison de son prix si élevé, peut subir sans inconvé- nient les frais d’un transport très lointain. Il est donc certain que l’Europe devra chaque jour se soustraire de plus en plus au monopole que depuis plus de deux siècles la France était parvenue à établir à son profit; mais, ce qu'il importe de re- marquer, c'est que tout en perdant ce monopole, la France voit encore cette industrie se développer chez elle, L'expérience prouve en effet que la richesse et par suite la consommation des peuples civilisés s’accroissent dans une proportion au moins aussi considérable que leur puissance de production. Ainsi, vers le commencement du dernier siècle , nos fabriques qui exploi- täient le monopole de la fabrication des étoffes de soie en Eu- rope, n'avaient guère de débouchés directs que dans cette partie du monde , et encore ce débouché était-il borné à l'aristocratie européenne et à une très petite quantité de bourgeois enrichis par l'industrie ou par le commerce. Aujourd’hui l’Angleterre, la Prusse , la Saxe, l'Autriche, l'Italie, la Russie même, pos: sèdent d'importantes fabriques de soie qui font concurrence aux fabriques françaises ; mais aussi les débouchés se sont sin- guliérement accrus par suite de la révolution qui s’est opérée, depuis un demi-siècle, dans le vêtement des populations. Les agriculteurs et les ouvriers, qui n’avaient, il y a cinquante ans, d'autre vétement qu'une bure grossière, portent aujourd'hui 92 F. LEPLAY. — Our la soie. des étoffes de drap et de coton, qui étaient alors un luxe pour la bourgeoisie. Aujourd’hui cette dernière partie de la popula- tion a répudié les vêtemens de coton pour adopter les plus fins tissus de laine et de soie, et les belles étoffes que l’on com- mence à fabriquer de ces deux substances combinées soit entre elles, soit avec le coton. Le continent américain , livré aujour- d’hui au commerce de toutes les nations , et qui pendant long- temps encore sera principalement adonné à l’industrie agricole, offre un débouché sans cesse croissant aux produits des fabriques d'Europe; les régions qui bordent la Mer-Noire, le continent asiatique, l'Océanie, l'Afrique même, marchent vers la civilisa- tion, et présenteront successivement à ces fabriques de nou- veaux débouchés à mesure que le cercle s'en restreindra en Amérique. C’est ainsi que, malgré la concurrence qu’elle doit combattre, la France possède aujourd’hui un nombre de métiers à tisser la soie décuple environ de celui qu’elle occupait vers 1685 aux plus beaux temps du monopole, avant la révocation de l’édit de Nantes. Le développement des fabriques étrangères est donc dans la nature des choses; et il ne nuira pas à nos propres fa- briques , si nous sommes attentifs à conserver la supériorité que nous avons encore sur les autres nations, et surtout à tirer parti des conditions qui favorisent sur notre sol l'essor de l’industrie des soies. La statistique du tissage des étoffes de soie présente de grandes difficultés, parce qu il est très difficile d'évaluer la quantité de matière première sur laquelle opère cette industrie, et de fixer une valeur moyenne à ses produits qui sont fort variés. Voici les chiffres les plus probables qu'il a été possible d’obtenir en corrigeant les uns par les autres des résultats obtenus de diffé- rentes sources : Les soies moulinées teintes en France s'élèvent à 2,649,000 k.—269,000,000fr. Il en faut déduire, pour l’excédant des exporta- tions sur les importations. . + « « .« .« . . 26,000 2,600,000 Reste 4 . . . . . 2,623,000k.—266,400,000fr. Mais la totalité de cette soie n’est pas employée au tissage : FE, LEPLAY. — Sur la soie. 93 une propurtion assez considérable en est consommée comme soie à coudre ou comme matière première dans une foule d'in- dustries qui, telles que la passementerie, la mercerie, les tis- sages mixtes, etc., ne sont pas comprises ici dans l’industrie de la soie proprement dite. On a lieu de croire que cette partie de la consommation forme environ 15 pour 100 de la production totale, soit 393,000 kilogrammes, valant 39,400,000 fr. Il resterait donc, pour la quantité de matière premiere dont les fabricans d’étoffes de soie ont disposé en 1836, environ 2,230,000 kilogrammes, va- lant 224,000,000. La manipulation de la soie pendant le tissage, et surtout les soustractions frauduleuses qu'il est si difficile d'empêcher, don- nent sur les matières élaborées un déchet qu’on ne peut évaluer à moins de 5 pour 100 ou 112,000 kilogr., en sorte que le poids total des étoffes de soie fabriquées en France s’éleverait à-peu- près à 2,128,000 kilogr. On retombe immédiatement sur ce chiffre en partant d’une autre donnée. M. Arles-Dufour, l’homme de France le plus compétent sur la statistique de l’industrie des soies, et à l'amitié duquel je dois plusieurs des résultats de la présente Notice, évalue à 80,000 le nombre de métiers employés en 1836 à la fabrication des étoffes ; on peut admettre que la production moyenne annuelle d'un métier, y compris les chômages, est en France de 26 kilogr. d’étoffes, ce qui conduit pour la produc- tion totale au chiffre de 2,080,000 kilogr. En admettant que le chiffre de 2,128,000 kilogrammes repré- sente la production ; que 26 kilogrammes soient la production moyenne d'un métier, et 950 francs la valeur de la main-d'œuvre appliquée à chaque métier, on en conclut que 82,000 métiers environ ont dü créer en France une valeur de 76,000,000, et que la valeur totale des étoffes de soie fabriquées pendant cette même année a dû s'élever à 300,000,000 fr. Sur cette production, qui ne comprend, comme nous l'avons indiqué déjà , que les tissus de soie pure, telles que étoffes de soie unies ou brochées, rubans, tulles, gazes, crêpes, etc., la 94 F. LEPLAY. — Sur la soie. consommation indigène et cellé des nombreux étrangers qui ouvrent sur notre sol un débouché aux soieries françaises , ab- sorbent environ 126,000,000 fr. ns Le surplus, exporté de France, se répartit approximativement entre les divers pays étrangers, ainsi qu’on l'indique ci-après : Etats-Unis. . , , . ,. .! . : 88,000,000 fr, Allemagne. ... x . ... « , + 20,100,000 Angleterre: . 1 .,+ à + ++ _19,600,000 Espagne . . « ... où +: or 6,000,000 BRIBIOTE 2: Me ra teur » te 6,100,000 BIEN Ne ee er cle ete te re 2 SOI UD Sardaigne. . , . . , « . . . 3,800,000 SRSÉR) EN ENE ve HP iles Sa iuET0b fo ANÉTETUE PNENET VET PRRE 3,500,000 Villes anséatiques. . . . . . . 2,800,000 CURE ne ere de, ci 2,400,000 ROSE Re PNR) SES 200 CDS Dénx = Sitiles. , 7 27. 0e. 2,200,000 Hollande te oi tes AN à 2,100,000 Mexique eue 1,800,000 Colonies espagnoles. . . , . . 1,500,000 Tous les autres pays. 8,900,000 . . . . Total. . . . . . 180,000,000 En résumé, les diverses branches de l’industrie des soies ont” donné en France en 1836 à-peu-près les résultats suivans : Branches d'industrie, Valeur brute, Valeur créée, 1° Culture du mürier. . . . « . « +. '. . ‘70,200,000 70;200,000 2° Education des Vers à soie. . . . . . . . . 150,000,000 79,800,000 3 Filature de la soie. . - . . « . . . . 4. 184,000,009 34,000,000 4° Moulinage de la soie, . . . . . . . : . . 226,600,000 30,000,000 5° Blanchiment et teinture des soïes écrues. , . + 269,000,000 16,000,000 6° Fabrication des tissus et étoffes, . « : . . . 300,000,000 76,000,000 Total des valeurs créées par l'industrie déss oies . » 306,000,000 Il nous reste maintenant, pour remplir le cadre que nous nous étions tracé, à indiquer en peu de mots comment l'indus- trie de la soie s’est introduite en France, et quelle est l'impor- ! F. LEPLAY. — Sur la soie. 95 tance relative des fabriques françaises et de celles qui lui font concurrence aujourd'hui sur les marchés neutres. L'industrie de la soïe, qui paraît avoir pris naissance en Chine à une époque très reculée, se répandit de proche en proche par l'Inde et la Perse , à Constantinople, dans l’Asie-Mineure et en Grece. Pendant cinq siècles environ, ces contrées partagèrent en Europe le monopole de cette industrie avec l'Espagne, où les Arabes l'avaient sans doute apportée de l'Orient. Dans lé dou- zième siècle enfin, elle fut importée de Grèce en Sicile, d’où elle se répandit successivement dans les diverses parties de l’Ita- lie. Elle pénétra dans la contrée d'Avignon vers la fin du treizième siècle; Louis XI et ses successeurs encouragerent la culture du mürier dans plusieurs provinces de France; et sous François 1*, des Florentins, chassés de leur patrie par des dissensions civiles, importèrent à Lyon l’art du tissage, qui, malgré de douloureux revers et la concurrence étrangère, fait encore de cette ville la capitale du commerce de la soie. L'industrie de la soie a été importée en Angleterre dans le quatorzième siècie : la révocation de l’édit de Nantes qui y jeta un grand nombre d’habiles fabricans français ; plus tard le pro- grès général de l’industrie manufacturière, et surtout enfin Les améliorations introduites en 1824 dans le tarif des soies, contri- buërent successivement au développement des trois branches manufacturières de cette industrie, qui est aujourd'hui rivale de la nôtre. ! Les mêmes circonstances, et surtout le système continental, ont donné une impulsion considérable aux fabriques de Suisse, de Saxe, de Prusse, d'Autriche et d'Italie ; il en existe aussi un certain nombre en Russie et en Hollande; l'Espagne , où l'indus- trie de fa soie a été pendant long-temps prospère, produit en- core une grande quantité de soïe à coudre, et d’étoffes de soie noire fort recherchées en Espagne même et dans ses anciennes colonies d'Amérique, à cause de l'excellente qualité de leur teint; enfin, la Chine et les Indes continuent à expédier une assez grande quantité d’étoffes de soie sur les marchés de l’Europe et de l'Amérique. Les chiffres suivans donneront une idée approchée de la part 96 F. LEPLAY. — Sur la soie. que prennent les divers pays producteurs de soie à l'approvi- sionnement des fabriques qui se font concurrence en Europe, et de l'importance relative de ces dernières : Les quantités de soies grèges livrées à ces fabriques par di- verses contrées en 1836, se composent approximativement des élémens indiqués ci-après : Irazxe. La Lombardie, le Piémont, la principauté de Gênes, les Deux-Siciles, les Etats Romains, la Toscane et le Tyrol, ont produit environ. . + . « . + + + « e + oïeie « . + 4,000,000 k. France. Elle a produit, d'après les recherches statistiques dont on vient de donner le résumé . . . . + « . « « « . « . - . 2,500,000 Onrenr. La Perse, la Turquie, la Grèce, ont expédié, dans les ports de la Méditerranée et de la Grande-Bretagne, environ. . 340,000 Esracws. Les provinces de Valence et de Murcie, et plusieurs dis- tricts de l’Andalousie ont produit environ . . . . . . . . . 1,200,000 Bencaze. Il a expédié en Grande-Bretagne. . . . . . . . . . 540,000 Cmxe. Idem... . 0 + + + += ° 490,000 Total,. .:,:. . . . 9,070,000 Ces matières premières ont été réparties entre les prin ipales fabriques de l’Europe dans les proportions suivantes : Fabriquesde France. . . . . 4 . . .‘. .'4 , . « . . . 2,900,000 kil, — de Grande-Bretagne, . . . . . . « . . . . . . 2,600,000 — de Prusse, de Saxe, d'Autriche, de Hollande. .;. . . 1,630,000 d'Espagne Lun de ones élan NI G0;000 — des Deux-Siciles, du Piémont, de Toscane, de Lombardie, 450,000 — deZurich, Bâle, Arau, . . . , . . . . . . , . 350,000 9,070,000 FLOURENS. — Aclion de la garance sur Les os. 97 NouvEeLLEs RECHERCHES concernant l'action de la Garance sur les Os, Par M. FLouRENs. (Premier Memoire, lu à l'Académie des Sciences le 3 février 1840.) Antoine Mizaud, médecin de Paris, paraît être le premier qui, vers le milieu du seizième siècle , ait remarqué l’action singulière de la garance sur les os. Mais il faut avouer que cette observa- tion curieuse de Mizaud , d’ailleurs à peine indiquée par lui(t), dont il ne tira aucun résultat, qui ne fût pour lui l’occasion d'aucune recherche, était entiérement oubliée, lorsque , plus d’un siècle et demi après, Belchier et Duhamel appelèrent sur le fait important dont il s’agit l'attention des anatomistes. Tout le monde sait que Belchier, chirurgien de Tondres, dinant un jour chez un teinturier en toiles peintes , s’aperçut que les os d’un morceau de porc frais étaient rouges. Or, l’ani- mal dont les os offraient cette couleur rouge avait été nourri avec du son chargé de l’infusion de garance employée pour la teinture des toiles peintes. Le fait de l’action de la garance sur les os, fait peut-être encore aujourd’hui unique en son genre, fait perdu depuis Mizaud, était donc retrouvé, et retrouvé, comme on voit, par un pur hasard. Cependant là garance, employée par les teinturiers, ne l'était pas seule. Il fallait donc, pour se bien assurer de l’action propre de cette substance, commencer par la dégager de toute autre; et c'est ce que fit Belchier. (x) Voici tout ce que dit Mizaud: Erythrodanum , vulgd rubia tinctorum dictum , ossæ pecudum rubenti et sandycino colore imbuit , si dies aliquot depastæ sint oves, etiam intactæ adice, quæ rutila ezistit. Res ea similiter perspici potest in carnibus hujus pecoris elixis et assatis. Nam rubicundæ apparent , sicuti eliam ova in ducocto ejus radicis elixata: putamine enim rubello non minüs hinc vestiuntur, quàm si cum ramentis et præsegminibus brasiliani ligni percocta essent , vel cum radicibus anchusæ. Antonii Mizaldi, memorabilium, sive arcanorum omnis generis , ete, Centuriæ, p, 163; 15724 XIII, Zoot,=— Février, 2 98 FLOURENS. — Action de la garance sur les os. T1 méla de la racine de garance en poudre aux alimens dont il nourrit un coq. Au bout de seize jours , cet animal mourut , et tous ses os se trouvèrent rouges. Et les os seuls : les muscles, les membranes, les cartilages , toutes les autres parties, conser- vaient leur couleur ordinaire (1). C’est donc la garance, et la garance seule , qui rougit Jes os ; et , ce qui n’est pas moins re- marquable , elle ne rougit que les os. Les choses en étaient là, lorsque Duhamel, dont on connaît le goût pour les faits curieux et le talent admirable pour les expé- riences , fut instruit de celle de Belchier. Il s'empressa de la ré- péter sur des poulets, sur des pigeons, sur des cochons: il vit partout la garance rougir les os, ne rougir que les os; et cette action constante, cette action exclusive de la garance sur les os, fut désormais un fait acquis à la science. « Dans les animaux qui avaient été soumis au régime de la garance, dit Duhamel, ni les plumes , n1 la corne du bec, ni les onglés, n'avaient changé de couleur... La peau de tout le corps avait sa couleur naturelle; le cerveau, les nerfs , les muscles, les tendons, les rar les membranes, n RUE rien de honte aire à l'état ordinaire de ces parties. Mais les longs tendons osseux qui se prolongent le long du gros os qu’on appelle improprement la jambe des oiseaux , étaient rouges vers le milieu de leur longueur, qui en est la partie la plus dure. Tous les vrais os, même les plus déliés, étaient rouges comme du carmin. » (2) Il ajoute: « Le cœur, Île PTE la plevre, se sont trouvés de leur couleur naturelle. Il n’y avait rien de remarquable au foie, aux reins, non plus qu’à l’extérieur du gésier… .… Le velouté du jabot et ie intestins paraissait d'abord comme injecté; ce- pendant, en l’examinant ayec une loupe, je vis distinctement que ce n’était pas une liqueur teinte qui fût contenue dans des vaisseaux , mais que c'était simplement une espèce de fécule arrêtée e le velouté de ces membranes. » (3) {:) Philosoph, Trans. vol. xxxix, 4736. (2) Mémoires de l’Académie des Sciences, 19394 (5) /bid. FLOURENS. — Action de la garance sur les os. 99 Tels sont les premiers faits vus par Duhamel, et revus depuis par tous les physiologistes (Haller, Dethleef, J. Hunter, etc.; etc.), qui ont répété ses expériences. La garance n’agit donc ni sur les viscères, ni sur les muscles, ni sur les membranes, ni sur les cartilages , ni sur les tendons, etc.: elle n’agit que sur les os; mais elle agit sur tous les os, et nul point d'ossification, quelque délié qu’il soit, quelque isolé qu’il soit du reste du système osseux , n'échappe à son action. Mais Duhamel ne s’en tint pas à ces premiers faits. Ayant remis au régime ordinaire quelques animaux dont les os étaient déjà devenus rouges par le régime de la garance, ces os lui parurent se décolorer et redevenir blancs; il en conclut que « le changement de nourriture faisait évanouir leur couleur (x) ». Une observation plus approfondie le détrompa. Dans ces os, étudiés par Duhamel, la couleur rouge n'avait pas disparu; seu- lement les couches rouges de l'os se trouvaient recouvertes par des couches blanches ; des couches blanches étaient venues se placer sur les couches rouges. Ainsi, par exemple, les os de jeunes animaux, de jeunes cochons, soumis alternativement au régime de la garance et au régime ordinaire (2), lui offrirent alternativement des couches rouges et des couches blanches (3): fait capital , et premiére base, comme on le verra plus loin, de sa théorie sur le développement des os. C'est cette théorie célèbre de Duhamel sur le développement des os , tour-à-tour admise ou combattue par les physiologistes, que je me suis proposé d'examiner de nouveau, et dans tous les faits qui la constituent. Or, de tous les faits vus par Duhamel, ceux qu’il a dus à l’action de la garance sont, sans contredit, les plus importans ; et c’est aussi par ceux-là que j'ai commencé. J'ai soumis tout à-la-fois, à mes expériences, des Oiseaux et des Mammifères. Les expériences sur les Mammifères feront l’objet d’un second mémoire. Je ne parle aujourd’hui que de celles sur les Oiseaux. (x) Mémoires de l’Académie des Sciences, 1739 (2) C'est-à-dire à la nourriture mêlée de garance et à la nourriture ordinaire, (3) Mémoires de l’Académie des Sciences 3 174. = 100 FLOURENS. — Action de la garance sur les os. Ces expériences sur les Oiseaux, dont je mets les principaux résultats sous les yeux de l’Académie, ont été faites comparati- vement avec la garance d’ Alsace , la garance d’ Avignon et V'ali- zarine ; et, pour être plus sûr des substances que j'employais, c'est à notre savant confrère M. Robiquet que je les ai de- mandées. Dans les deux expériences qui suivent ;la garance a été mélée en poudre aux alimens ordinaires de l'animal , et c’est ce mélange de la garance avec les alimens ordinaires , que j'appelle régime de la garance. T'avertis aussi que les Pigeons dont je me suis servi, et pour les deux expériences qui suivent et pour toutes les autres , étaient de très jeunes Pigeons, des Pigeons de deux à trois semaines au plus. La pièce n° 1 est le squelette d’un Pigeon qui a été soumis pendant qnatorze jours au régime de la garance d'Avignon. Les os sont d'un beau rouge, mais d’un rouge bien moins foncé que ceux du squelette n° 2. Cependant ce squelette n° 2 est celui d’un Pigeon qui n’a été soumis au régime de la garance d'Alsace que pendant six jours. Et cette moindre intensité d'action de la garance d’ Avignon, par rapport à la garance d’ Alsace, s’est reproduite dans toutes mes expériences. Il m'a toujours fallu un temps plus long et une dose de substance plus forte pour obtenir un résultat déterminé avec la garance d’Avignon qu'avec la garance d’Alsace; et mème, comme on en voit un exemple dans les deux pièces que je présente à l’Académie, le résultat définitif a toujours été moins prononcé avec la garance d’ Avignon qu'avec la garance d’Alsace. La pièce n° 3 est le squelette d’un Pigeon dont les alimens ont été mêlés, pendant deux jours, avec de l’aZizarine (1). L'animal n'a pris, en tout, que deux ou trois grammes à-peu-près (2) d’alisarine , et ses os néanmoins sont très rouges, quoique d’un (x) Extrait alcoolique de garance en poudre. (2) Je dis à-peu-près; car, quelque attention qu'on y mette, il se perd toujours beaucoup de matière, Il en reste aux parois du vase dont on se sert ; on en laisse tomber en gorgeant l'animal ; souvent on en retrouve dans le jabot, ete. , ete. FLOURENS. — Action de la gurance sur les os. 101 rouge moins foncé, plus terne que ceux du Pigeon soumis au régime de la garance d’ Alsace , lequel, à la vérité, a été soumis à ce régime de la garance d’Alsace pendant six jours. Enfin la piece n° 4 est le squelette d’un animal dont les alimens ontété mélés, pendant un jour seulement, avec de l’a/izarine(1); et les os, quoique moins rouges encore que dans le Pigeon précédent, sont néanmoins d’un rouge très prononcé. Dans les expériences qui précèdent , la garance n'avait été donnée à l'animal que mêlée avec les alimens ordinaires. La pièce n° 5 est le squelette d’un Pigeon à qui la garance d'Alsace a été donnée seule. L'animal en a pris quarante grammes en deux repas, de vingt grammes chacun. Pendant les premières vingt- quatre heures , il n’y a point eu d'effet sur les os (2); le jabot et l’'œsophage étaient fortement contractés, et à ce point qu'il a été impossible , pendant assez long-temps, de faire boire l'animal. Ce Pigeon est mort au bout de cinquante-deux heures. Ses os sont d’un rouge très foncé. J'ai fait conserver, dans tous ces squelettes, les cartilages, les ligamens, des portions de périoste.On ne peut se lasser d'admirer cette précision avec laquelle la garance atteint, découvre, décèle toutes les parties osseuses, et respecte toutes les autres. Tous les os sont rouges, et les os seuls; les Jigamens , les tendons, les cartilages , conservent leur couleur ordinaire. Dans chaque os, tout ce qui est encore cartilage garde sa couleur ordinaire; dans chaque cartilage , tout ce qui déjà est os a pris la couleur rouge. Les pièces n° 6 et 7 sont l'os hyoïde, le larynx et la trachée- artère de deux pigeons; la pièce n° 6 appartient au Pigeon soumis à la garance d'Avignon , et la pièce n° 7 au Pigeon soumis, pen- dant deux jours, à l’alizarine. Toutes les parties de l'hyoïde, d’ailleurs si fines et si déliées dans ces jeunes Pigeons, sont teintes du plus beau rouge. Dans le larynx, la plaque osseuse antérieure , qui répond au cartilage thyroïde des Mammifères, (1) Extrait alcoolique de garance hydraté, (2) Je suis, dans mes expériences, les effets de la garance, en découvrant, de temps en temps , quelque point d'un os superfigel , des os de l'avant-bras, par exemple. 102 FLOURENS. — Action de la garance sur les os. est également du plus beau rouge; enfin tout ce qu'il y a de points d’ossification dans les anneaux de la trachée-artère, et particulièrement dans les deux derniers, voisins de la bifurcçation des bronches, est aussi très rouge. Et voici quelque chose de plus curieux encore. Je disais tout- à-l'heure, d’après Duhamel, que, les os mis à part, aucune partie ne se colore, ni les viscères (le cœur, les poumons, le foie, les reins , etc.), ni les musclés, ni les membranes , ni les cartilages, ni les tendons, etc.; et ce que je disais, d’après Duhamel, toutes mes expériences le vérifient. ; Cependant Duhamel avait cru apercevoir un commencement de coloration dans quelques parties de l'œil. « Lés yeux de ces animaux (soumis au régime de la garance) , les yeux de ces ani- maux encore vivans, te il, paraissent rouges comme. ceux de quelques perroquets. Je crus, ajoute-t-il, après les avoir dissé- qués, qu’il n’y avait de teint que la capsule, ou plutôt le chäton qui reçoit le cristallin... » (1) J'ai vu aussi dans tous les Pigeons, soumis au régime de la garance , un cercle rouge autour de l'iris ; et la dissection m'en a bientôt révélé le siège. Ce cercle, qui se colore en rouge et qui est la seule partie de l'œil qni se colore en rouge (car ni le eris- tallin , ni sa capsule, ni le corps vitré , ni sa membrane, etc., ne changent jamais de couleur ), est ce cercle de petites piéces osseuses qui, dans l'œil des Oiseaux, se trouve entre les deux lames de la partie antérieure de la cornée. Aussi les yeux des Mammifères, soumis à l’action de la garance, n’offrent-ils jamais de cercle rouge, parce qu’en effet il n’y a pas de cercle osseux dans leur cornée. Les pièces 8 et 9 montrent, sur plusieurs yeux de Pigeons, le cercle osseux de la cornée devenu rouge par l’action de la ga- rance. Nous pouvons donc conclure aujourd'hui, et avec plus de certitude encore que Duhamel , que , dans les animaux nourris avec la garance, les os seuls se colorent, mais que tout ce qui (1) Mémoires dé l'Académie des Sciences, 1739. FLOURENS. — Action de la garance sur les os. 103 est os, quelque fin, quelque délié, quelque délicat qu'il soit; se colore. Je passe à des considérations d’un autre genre. Belchier avait vu les os d’un Coq, soumis au régime de la garance , devenir rouges au bout de seize jours; et cette promptitude d'action l'avait étonné. Duhamel ne tarda pas à reconnaître qu’il faut bien moins de témps pour rougir les os. Il obtint des os très rouges en trois jours, il en obtint d’un rose vif en trente-six heures, et de couleur de chair, je me sers de ses expressions , en vingt-quatre heures. Les pièces n° 10 et 11, que je mets sous les yeux de l’Acadé- mie, offrent, sous ce rapport, des résultats plus frappans encore. La pièce n° 10 est le squelette d’un Pigeon , qui n'a fait qu'un seul repas de garance d'Alsace , et que je n'ai laissé survivre que vingt-quatre heures à ce repas unique; cependant tous les os sont du rouge le plus vif. La pièce n° 11 est le squelette d'un Pigeon, qui n’a fait aussi qu’un seul repas de garance , et que ; de plus, je n’ai laissé sur- vivre que cinq heures à ce repas. Les os sont un peu moins rouges que ceux du précédent, et cependant ils sont encore très rougés. J'ajoute que l'animal n’a pris, dans son repas unique, que six grammes de garance. Ainsi , pour que la garance ait parcouru toutes les voies orga- niques de la nutrition, pour qu’elle ait pénétré, pour qu’elle se soit incorporée dans le tissu intime des parties, er jusque dans les os, c’est-à-dire jusque dans les parties les plus profondes de l’économie, il n’a fallu que cinq heures de temps. Je rappelle que ces résultats ont été obtenus sur des Pigeons de deux à trois semaines au plus. Les résultats les plus prompts l'ont été sur des Pigéons de quinze à seize jours. Des Pigeons adultes ,au contraire, offrent à peine un commencement de colo- ration aprés plusieurs jours du régime de la garance, et toujours l'effet de la garance est d'autant plus faible que l'animal est plus vieux, et, par conséquent, que son ossification est terminée depuis plus longtemps. De vieux pigeons , après dix-huit, et 104 FLOURENS. — Action de la garance sur les os. même vingt-deux jours du régime de la garance, ne m'ont offert, dans leurs os , aucune trace de coloration. Mes expériences sur les Mammifères feront, ainsi que je l'ai annoncé, l’objet d’un second mémoire. SuitTs des Nouvelles recherches. concernant l’action de la Garance sur les Os, Par M. FLoureEns. (Second Mémoire, lu à l'Académie des Sciences, le 24 février 1840, ) Je n'ai parlé, dans mon précédent mémoire, que de mes expé- riences sur les Oiseaux. Je mets aujourd’hui sous les yeux de l’Académie les principaux résultats de mes expériences sur les Mammifères. On a vu, par mes expériences sur les Oiseaux, avec quelle rapidité la garance rougit les os. Mes expériences sur les Mam- mifères montrent comment la coloration des os, ou plutôt comment les couches osseuses colorées disparaissent peu-à-peu , et quelle est la marche qu’elles suivent pour disparaître. Duhamel avait cru d’abord que la coloration des os se dissi- pait, dés qu’on suspendait l’usage de la garance , et il se trom- pait. Il crut ensuite que la coloration des os, une fois acquise ,ne disparaissait plus, et, dans le sens où il l’entendait, il se trom- pait encore. La coloration , une fois acquise, ne disparaît plus; mais les couches colorées disparaissent, et c’est ce que Duhamel n’a pas vu. Il dit dans son premier mémoire: « L'expérience me confirma que le changement de nourriture (la cessation de l’usage de la garance) faisait évanouir la couleur des os. » (1) Il soupçonna plus tard , quand il en fut venu à sa théorie de (4) Mémoires de l'Açadémie des Sciences, 1339. FLOURENS. — Æction de la garance sur les os. 105 l'accroissement des os par couches successives etsuperposées, que «les couches rouges pouvaient bien être restées, et que, si on ne les apercevait plus à la superficie des os, c'était parce qu'elles étaient recouvertes par des couches osseuses blanches qui s'étaient formées depuis la cessation de l'usage de la garance (1) », soup- çon qui fut pour lui un trait de lumière, et auquel il dut le fait, sans contredit, le plus important de tout son travail. Voici comment il rend compte lui-même de ce beau fait. « Trois cochons, dit-il, furent destinés à éclaircir mes doutes. « Le premier, qui était âgé de six semaines, fut nourri pen- dant un mois avec la nourriture ordinaire, dans laquelle on mettait tous les jours une once de garance. Au bout du mois, on supprima la garance, et, l'ayant nourri à l'ordinaire pendant six semaines, on le tua. Je sciai transversalement les os de ses cuisses et de ses jambes, et j'eus le plaisir de m’assurer que j'avais bien prévu ce qui devait arriver. La moelle était environnée par une couche d'os blanc assez épaisse: c'était la portion d’os qui s'était fermée pendant les six semaines que ce Cechon avait vécu d’abord sans garance. « Ce cercle d'os blanc était environné par une zone aussi épaisse d'os rouge: c'était la portion d'os qui s'était formée pendant l'usage de la garance. « Enfin cette couche rouge était recouverte par une couche assez épaisse d’os blanc: c'était la couche d’os qui s’était formée depuis qu’on avait retranché la garance à cet animal. « Le second animal était âgé de deux mois quand on le mit à Vusage de la garance: on lui en donna pendant un mois; puis on le remit aux alimens ordinaires; enfin on lui donna encore, pen- dant un mois, de la garance, et on le tua. « Les os de la jambe de cet animal avaient alternativement deux couches blanches et deux couches rouges, parce qu'on l'avait remis deux fois à l'usage de la garance. « À l'égard du troisième, il a été traité comme celui dont je viens de parler, excepté qu’on a fini par le remettre à l'usage de (1) Mémoires de l'Académie des Sciences , 1742. 106 FLOURENS. — Action de la garance sur les os. la nourriture ordinaire pendant plusieurs mois, ce qui fait que ses os sont recouverts par une couche blanche , et qu’il faut les scier pour découvrir les deux couches rouges. »(1) Tout, dans ces trois expériences de Duhamel , est à remar- quer. On avait vu, par les expériences de son premier mémoire, qu'entre toutes les parties de l'économie animale , la garance n’atteint que les os. On voit, par celles-ci, que, dans les os mêmes, la garance n’atteint que les portions d’os qui se forment. Tout ce qui, dans un os donné, se forme pendant l’usage de la garance, devient rouge. Tout ce qui était formé avant l’usage de la garance conserve sa couleur ordinaire. La sarance démêéle donc, dans chaque os, les parties nouvelles des parties an- ciennes , les parties qui se forment des parties formées : elle suit pas à pas le progrès de l’ossification ; elle marque la véritable marche de accroissement des os. Or, cette véritable marche de l'accroissement des os consiste dans la formation de couches successives et superposées. Et cette succession, cette superposition de couches sont ici de toute évidence. L’os de l'animal qu'on nourrit de garance se revêt d'une couche rouge;los de l'animal qui, après avoir été nourri de garance, est rendu à la nourriture ordinaire, se revêt d’une couche blanche, laquelle se place sur la couche rouge. C’est donc par couches qui se superposent, par couches qui se forment les unes par-dessus les autres, que les os croissent. Mais cette suraddition, cette superposition de couches , est- ce là tout ce qui se passe pendant l’accroissement des os? Non, sans doute. À mesure que les parois des os s’accroissent par la suraddition de couches externes, leur canal médullaire s’accroit par la résorption des couches internes. Ce sont là deux faits, desquels Duhamel n’a vu que le premier, qui , réunis, consti- tuent tout le mécanisme du développement, de l'accroissement des os en grosseur (2), et que les pièces qui sont sous les yeux de l’Académie mettent dans tout leur jour. La pièce n° 1 est le squelette d’un jeune Porc de quatre à cinq (1j Mémoires de l’Académie des Sciences, 1742. (2) Le développement en longueur fera l'objet d'un autre mémoire, FLOURENS. — Action de la garance sur les os. 107 semaines, qui n’a été soumis au régime de la garance (1) que pendant vingt-quatre heures. Et néanmoins tous les os sont déjà d’une couleur rose. C’est un nouvel exemple (et le premier de ce genre dans les Mammifères) de la rapidité avec laquelle la ga- rance agit sur les os. La pièce n° 2 est le squelette d’un jeune Porc du même âge que le précédent , mais qui a été soumis au régime de la garance pendant un mois. Tous les os sont du plus beau rouge. Enfin la pièce n° 3 est le squelette d’un jeune Porc, qui, après ün mois du régime de lu garance , a été rendu à la nourriture ordinaire pendant six mois. Tous les os sont blancs à l'extérieur ; et, pour apercevoir ce qui reste encore de la coloration pro- duite par la garance, il faut enlever les couches blanches qui recouvrent les couches rouges. Je dis que tous Les os sont blancs à l’extérieur, et ils le sont, en effet, dans la plus grande partie de leur étendue. Mais quelques points sont demeurés rouges , et ces points demeurés rouges sont précisément ceux dont l’ossification était la plus avancée (2) au moment où l'animal a été rendu à la nourriture ordinaire, ceux qui se sont le moins développés depuis, ceux qui, par con- séquent, ont eu le moins à se recouvrir de nouvelles couches, ét de couches blanches, puisque l’animal n’a plus été soumis au régime de la garance. J'ai réuni dans le bocal n, 4, une série de portions d’os longs, sciés en travers. La première pièce de ce bocal est une portion du fémur d’un jeune Porc (3}, qui a été soumis au régime de la garance pendant vingt jours. On y voit deux cercles, un exté- rieur rouge et un intérieur blanc. La seconde est une portion du fémur d’un jeune Porc, qui a été soumis au régime de la ga- rance pendant un mois. Toute l’épaisseur de los est rouge. (4) (1) Garance mêlée à la nourrituré ordinaire. (2) Les points qui; dans les os longs, par exemple, répondent au corps de Los. (3) Tous les animaux, soumis à ces expériences étaient du même âge, de quatre à cinq semaines à-peu-près. (4) C'est que le cercle blanc, qui, s'il existait encore, serait interne , a déjà disparu. Ce cercle interne et blanc , quoique devenu trés mince, subsiste dans l'animal de l'expérience suivante, La rapidité de la résorption varie beaucoup en effet, même à égalité d'âge, d'un individu à l'autre, 108 FLOURENS. — Action de la garance sur les os. La troisième est une portion du fémur d’un jeune Porc, qui, après un mois du régime de la garance , a été rendu au régime ordinaire pendant un mois et demi, et ily a trois cercles : un interne, très mince et blanc; un intermédiaire, plus épais et ‘rouge , et un externe blanc. La quatrième pièce est une portion du fémur d’un Porc, qui, après un mois du régime de la garance , a été rendu au régime ordinaire pendant trois mois, et il n’y a plus que deux cercles: un interne rouge, et un externe blanc. Enfin, la cinquième pièce est une portion du fémur d’un Porc, qui, après un mois du régime de la garance, a été rendu au régime ordinaire pendant six mois, et la sixième pièce est une portion du radius de ce même Porc. Dans le fémur, le cercle rouge est très mince; déja même il y manque dans quelques points ; et, dans le radius, ce cercle rouge manque partout. Ainsi donc, le cercle rouge est d’abord extérieur ; puis il est placé entre deux cercles blancs; puisil devient tout-à-fait interne, et le cercle blanc qu'il recouvrait a disparu ; puis il disparaît à son tour. A mesure donc que l'os se recouvre de nouvelles couches par sa face externe, par celle qui répond au périoste proprement dit, il en perd d’autres par sa face interne, par celle qui répond à la membrane médullaire: double travail de suraddition externe et de résorption interne ; dans lequel consiste, comme je l'ai déjà dit , tout le mécanisme de l’accroissement des os, et qui est ici démontré aux yeux. Dans l’accroissement des os en grosseur, il y a deux faits : l'épaississement des parois mêmes de l'os et l'élargissement de son canal, et ces deux faits sont simultanés. Plus les parois de l’os prennent de l'épaisseur, plus le canal s’élargit. C’est là ce qui embarrassait Duhamel. Il expliquait très bien l'épaississement des parois de l'os par la suraddition des couches externes, qu’il avait vue. Mais, comme il n'avait pas vu , faute d’avoir prolongé la durée de ses expé- riences assez long-temps, la résorption par les couches internes, il ne savait comment expliquer l'élargissement du canal médul- laire, du canal de l'os. FLOURENS. — Action de la garance sur les os. 109 . « Sitôt, dit-il, qu’on sait que le canal médullaire augmente de diamètre, on peut en conclure que les lames osseuses s’éten- dent (1) ». Il dit encore : « La superaddition des lames osseuses ne pouvant servir à rendre raison de l’agrandissement du canal médullaire, il faut donc que l'extension des lames osseuses con- coure à l’augmentation de grosseur des os. » (2) Pour expliquer l’agrandissement du canal médullaire, Duha- mel imagine donc une prétendue extension des lames osseuses ; mais il ne l’imagine que parce qu’il ignore la cause réelle, c’est- à-dire la résorption. Il entoura los d’un jeune Pigeon d’un an- neau de fil d'argent, placé immédiatement sur le périoste, Au bout de quelque temps, l'anneau, qui primitivement recouvrait l'os, se trouva recouvert par l'os. Duhamel explique ce singulier renversement des choses par l’exéension des lames osseuses, par leur rupture vis-a-vis l’anneau, par leur rejonction par- dessus cet anneau , et chacun voit que toute son explication ne roule que sur une suite de suppositions gratuites. Il n’y a eu ni extersion ; ni rupture des lames osseuses. Toute la portion d'os, entourée d’abord par l'anneau, a disparu; toute celle qui l’a en- touré plus tard , s’est formée depuis. Il s’est fait un os nouveau à la place de l'os ancien. Je passe à un autre objet, et sur lequel je m’arréterai fort peu. Selon Duhamel, tout l’os vient du périoste. «Les lames du périoste, dit-il, d’abord membraneuses, deviennent ensuite cartilagineuses, et elles acquièrent enfin la dureté des os (3) ». Il dit encore: « Les os croissent en grosseur par l'addition de couches osseuses qui tirent leur origine du périoste. » (4) J'ai réuni, dans le bocal n° 5 , quelques os courts, sciés par le milieu. Le premier est un astragale ; les autres sont des rotules. Or, dans tous ces os, le noyau osseux, le noyau rougi par la garance , est partout entouré par le cartilage: il est partout séparé du périoste par le cartilage; ce n’est donc pas dans le périoste, c’est dans le cartilage que los se forme. (1) Mémoires de l’Académie des Sciences, 1743, (2) Hid. (3) Mémoires de l'Académie des Sciences, 1742. (4) Ibid. 110 FLOURENS. — Action de la garance sur Les os. Ainsi donc, des trois points principaux qui constituent la théorie de Duhamel, la suraddition de couches externes, Vexten- sion. des lames osseuses. et la formation de l'os aux dépens des lames du périoste, le premier seul demeure comme fait réel, comme fait capital;le second n’est qu’une supposition gratuite, et le troisième n’a tenu peut-être qu’à, ce que Duhamel ne dis- tinguait pas assez nettement le périoste du cartilage. Je n’ai parlé, dans ce mémoire, que du mécanisme selon lequel s’opère le développement ou accroissement des os; je par- lerai, dans un autre , du mécanisme selon lequel s’opère leur nutrition. Mais, avant d’en venir là, j'ai à faire connaître les résultats de mes expériences sur les dents; car les dents se colorent comme les os dans les animaux nourris avec la garance, et j'en mets déja, dans les bocaux n° 2 et 3, deux exemples remarquables sous les yeux de l’Académie. NouvezLis RECHERCHES Concernant l’action de la Garance sur les Os, Par M. FLourEns. (Troisième Mémoire , lu à l’Académie des Sciences , le 16 mars 1840. ) Je n’ai parlé, dans mes deux précédens Mémoires, que de l’action de la garance sur les os; je vais m'occuper aujourd’hui de l’action de la garance sur les dents. L'action de la garance sur les dents a été peu étudiée, Cependant Belchier l'avait déjà remarquée. « En examinant « ces os(les os des Porcs soumis à l’usage de la garance), j'ob- « serve, dit-il, que les parties les plus solides sont, en général, « les plus colorées ; et ez particulier les dents , excepté l'émail « qui est d’une substance différente.» (1) (x) Trans, phil., ann. 1736. FLOURENS. — Action de la garance sur les os. 111 Duhamel n’en dit rien. Mais Fougeroux , son neveu, son ami, et qui a défendu, comme on sait, sa théorie du développement des os contre les objections de Haller, de Dethleef et de Bor= denave, supplée à cet oubli, « Les racines des dents, dit Fougeroux, sont de vrais os... ; «et la garance a fait connaître à M. Duhamel que.ces os se « forment par des couches qui se recouvrent les unes les autres, « et qu'on peut comparer à des gobelets qu'on mettrait les uns « dans les autres. » (1) J. Hunter a vu également la coloration des dents par la ga- rance ; et il a remarqué de plus, comme Belchier, que la seule Partie osseuse se colore, et non l'émail. (2) Enfin, M. Blake, qui, comme Belchiér, comme Duhamel, comme J. Hunter, a vu la coloration de la partie osseuse de la dent, croit pouvoir ayancer que l'émail se colore aussi jusqu’à un certain point. Voici comment il s'exprime : Dentes possideo ex porcellis , tempore quo reipsa formabantur dentes , desump- 105, in quibus pars ossea colore rubro vividissime rubia infici- tur ÿ cortex vero striatus , quamvis certe quodammodo tinctus , longe alium colorem exhibet. (3) Le fait de la coloration des dents par la garance est donc connu, du snoïins d’une manière vague. Mais on n’a pas suivi la marche de la garance dans la dent; mais on ne s’est pas servi de cette arche pour suivre le déveluppement même de la dent; mais on n’a pas connu ce développement, lequel est d'autant plus curieux qu'il est absolument inverse de celui des os. Dans les os, le développement se compose de deux faits : la suraddition de lames externes, et la résorption de larnes internes. Dans la dent, il y a aussi suraddition et résorption de lames distinctes ; mais, à l'inverse de l'os, la suraddition se fait par la face interne, et la résorption par la face externe. Le développement des dents et celui des os suivent donc une (x) Fougeroux : Mémoires sur les os, p. 47. (2) Wat, Hist. of the teeth, p. 35. (5) De dentium formatione ‘et structura, ete., p. 118. 112 FLOURENS. — Action de la garance sur les os. marche, de tous points, inverse ; et c’est là ce que montrent, avec évidence, les pièces qui sont sous les yeux de l’Académie. La pièce n° r est une dent molaire d’un jeune Porc qui a été soumis au régime de la garance (1) pendant quatorze jours. Cette dent a été sciée par le milieu, et l’on y voit deux couches distinctes : une interne, rouge; et une externe, blanche. La couche externe, la couche blanche, est la partie de la dent qui s'était formée avant que l’animal fit usage de la ga- rance; c'est la partie ancienne. La couche interne, la couche rouge, est, au contraire, la partie qui s’est formée pendant l'usage de la garance ; c’est la partie nouvelle, la partie qui s’est formée après l’autre. Les dents cruissent donc par couches internes. La pièce n° 2 est une dent molaire d’un jeune Porc qui a été soumis au régime de la garance pendant quinze jours. La dent est également sciée par le milieu (2); et il ÿ a pa- reillement deux couches, et deux couches pareïllement dispo- sées, c'est-à-dire une externe blanche et une interne rouge, La pièce n° 3 est une dent molaire d’un jeune Porc qui, après quinze jours du régime de la garance , a été remis à la nourri ture ordinaire pendant vingt jours. Et l’ordre des couches est renversé. Dans les deux dents précédentes, la couche blanche est ex- terne, et la rouge interne. Ici, au contraire, c’est la couche rouge qui est externe, et la couche blanche qui est interne; et c’est qu’en effet la couche rouge est ici l’ancienne, celle qui s'était formée pendant l’usage de la garance; tandis que la couche blanche est, au contraire, la nouvelle couche, la couche qui s’est formée depuis la cessation de l’usage de la garance. Selon donc que l'animal à fini par l'usage de la garance ou par la nourriture ordinaire, la couche interne est rouge ou blanche. La couche formée la dernière, la couche nouvelle, (x) Garance mélée à la nourriture ordinaire, Voyez mes précédens Mémoires. (2) Comme toutes les dents qui suivent, C'est le seul moyen de mettre à jour la disposition relative des couches. FLOURENS, — Action de la garance sur les os. 113 est donc toujours interne; et par conséquent c’est donc, encore une fois, par couches internes que les dents croissent. Mais ce n'est pas tout. À mesure qu'il se forme des couches internes, il disparaît des couches externes. La pièce n° 4 est une dent molaire d’un jeune Porc qui, après quinze jours du régime de la garance , a été rendu à la nourri- ture ordinaire pendant un mois; et la couche rouge est déja plus mince, par rapport à la couche blanche , que dans la pièce n°,5. La pièce n° 5 est une dent molaire d’un jeune Porc qui, après un mois du régime de la garance, a été rendu à la nour- riture ordinaire pendant trois mois; et la couche rouge, la couche ancienne, toujours comparée à la couche nouvelle, à la couche blanche, est plus mince encore. Enfin, la pièce n° 6 est la dent molaire d’un jeune Por «G, après un mois du régime de la garance, a été rendu à la nour- riture ordinaire pendant six mois; et la couche rouge, la couche ancienne, a presque entièrement disparu. A mesure donc qu'il se forme de nouvelles couches par la face interne de la dent, par la face qui répond au bulbe, il en disparaît d’autres par la face externe, par celle qui répond à l'émail. Mais, ce qu'il importe de bien remarquer ici, c’est que tout ce que je viens de dire n’est vrai que de l’ivoire ou de la partie osseuse de la dent. C’est cette partie osseuse seule qui se colore. L'émnail ne se colore point; il reste blanc; il ne rougit pas ; el c'est ce qui se voit avec évidence sur toutes les pièces qui sont sous les yeux de l’Académie, De tout ce qui précède, il suit : 1° Que les dents croissent, comme les os, par couches dis- tinctes et juxtaposées ; 2° Que dans le développement des dents, comme dans celui des os, il y a tout à-la-fois suraddition de lames par un côté, et résorption de lames par l’autre ; 3° Que cette suraddition et cette résorption se font dans la dent en sens inverse de ce qui a lieu dans l'os : la suraddition XIII, Zoo, — Février. 8 114 FLOURENS. — Action de la garance sur les os. qui est externe dans l'os étant interne dans la dent, et la re- sorption qui est interne dans los étant externe dans la dent; 4° Que la seule partie de la dent qui se colore est la partie osseuse, el que l'émail ne se colore point. Je passe à un autre ubjet. Tout le monde connaît les belles expériences de Hérissant, lequel, plongeant un os dans un acide minéral, dépouilla, le premier, cet os (r) de toute la partie morte , de toute la partie terreuse, et restitua la partie vivante, le cartilage primitif et flexible. (2) Les pièces n° 7 et 8 sont des dents qui, aprés avoir été co- lorées par la garance, ont été plongées dans l'acide hydro chlorique étendu d’eau. L’acide a enlevé tous les sels terreux de la dent; il ne reste que le cartilage pur et flexible, et cependant la coloration n’a pas entièrement disparu. La même chose arrive aux us colorés, lorsqu'on les plonge dans l'acide Aydrochlorique très étendu ; tout en se dépouillant de leur phosphate calcaire, ils conservent leur coloration, du moins en partie; ils ne la perdent totalement que dans Pacide concentré. Mais, pour revenir à la dent et à la manière dont l'acide y dépouille le cartilage des sels terreux, et à ce développement que je viens de faire connaître, inverse pour la marche, mais au fond le même que celui de l'os, tout cela ne prouve-t:il pas que ceux qui pensent que toute la partie solide de la dent, que toute la dent proprement dite est une partie morte, ne se font pas une idée juste des choses ? M. Cuvier, qui, dans ses belles études sur les dents de l’Élé: phaut, a très bien saisi la marche des couches de dedans en deñors ; n’y voit, pour me servir de ses expressions, qu’un em- boitement , qu'un enclavement mécanique. (3) « La substance osseuse des dents, dit-il, n’a de commun avec « les os que sa nature chimique, consistant également en géla- (x) Soit un os proprement dit, soit la partie osseuse des dents. (2) Hérissant : Mémoires de l'Académie des Sciences, 1758. (3) Recherches sur les ossemens fossiles, tome x, page 37, troisième édition, FLOURENS. — Action de la garance sur les os. 115 « tine et en phosphate calcaire ; mais elle ne leur ressemble ni « par son tissu, ni par sa manière de se déposer, ni par celle « de croître.» (r) Il ne voit dans cette substance osseuse « ni cellulosités, ni « fibres, mais seulement des lames emboîitées les unes dans les « autres. Elle ne se forme point, continue-t-il, dans un premier « noyau cartilagineux qui serait successivement pénétré par des « molécules terreuses ; elle ne croît point par un mouvement « général et simultané de toutes ses parties. (2) Il dit enfin que « c’est très improprement que la plupart des «anatomistes ont donné à la substance interne des dents le «nom de substance osseuse , et qu'ils ont désigné par celui d'os- « sification l'opération qui les développe et les durcit. — C’est, « ajoute-t-il, contondre deux choses essentiellement distinctes, « et donner, par des noms mal appliqués , des idées fausses qui « peuvent même influer sur la pratique. » (3) Or, tout le monde voit que toute cette théorie du développè- ment mécanique des dents est en opposition formelle avec les faits que je mets sous les yeux de l’Académie, On voit que la substance osseuse de la dent ressemble aux os par son tissu, par sa manière de se déposer, par sa manière de croitre. On voit qu’elle se forme dans un premier noyau cartilagineux, lequel est successivement pénétré par des molécules terreuses ; qu’elle croët par un mouvement général et simultané de toutes ses parties. (4) On voit enfin que cette substance osseuse est un véritable os, qu'elle doit en porter le nom, et que l'opération qui la durcit est une ossification réelle. La théorie mécanique de M. Cuvier , théorie qui ne voit dans la partie osseuse de la dent que de simples couches terreuses, que de simples couches mortes transsudées par le noyau pul- (1) 4bid., page 36. (2) /bid., page 37. (3) id., page 35. (4) Par un double mouvement vi(al de suraddition et de résorption, 8. 316 FLOURENS. — Action de la garance sur les os. Peux ; n'est donc pas exacte; et la théorie plus récente, pro- posée par M. Owen (1), qui n’y voit que l'ossification du noyau pulpeux lui-même (2), ne l’est peut-être pas davantage. La vraie théorie voit, dans la formation de la substance osseuse des dents, une véritable ossification, qui se fait dans un véritable cartilage, lequel se forme autour du bulbe ou noyau pulpeux, est successivement pénétré par les #0o/écules terreuses, et sub- siste, puisque les acides, en le dépouillant de ces molécules terreuses , le restituent ; ou le rendent à son état primitif et flexible. J'exposerai, dans un quatrième Mémoire, les résultats de mes expériences sur la autrition proprement dite des os, et sur leur développement en longueur. J'examinerai de plus , dans ce quatrième Mémoire, la struc- ture méme du cartilage de la dent et de celui de l'os. OgseRvATIONS sur les Apiaires Méliponides, Par MaxiMiLtEN SPinoLA. « Il est aisé de voir que les plus savans voyageurs ne nous mettent point à même de juger en quoi les habitudes des Wé- Zipones différent de celles des véritables Abeilles. Aucun d'eux, même M. de Saint-Hilaire, à qui l’on verra que nous devons la connaissance de plusieurs espèces qu'il a rapportées du Brésil, ne nous dit si les sociétés de ces Hyménoptères sont durables ou annuelles, si ces sociétés ne possèdent qu’une seule femelle féconde, ou plusieurs. On ne nous indique pas la forme, ni la situation des gâteaux, ni celle des alvéoles. On ne nous dit point si les Mélipones multiplient leurs colonies par essaims, Bien (x) Voyez Comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences, séance du 16 dé- cembre 1839, (2) Ce n’est pas le bulbe qui s’'ossifie, C'est le cartilage sécrété par lé Uulbe , et qui se forme autour du bulbe, M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides: 117 plus, ceux qui ont rapporté des Mélipones n'ont point rapporté d'espèces complètes. Ainsi, nous ne possédons guère que des fe- melles infécondes de ce genre ; toutes les femelles fécondes et la plupart des mäles nous sont inconnus. Puisse un jour cet oubli être réparé par un observateur attentif! C’est un fait remar- quable que les Mélipones n’ont pas au premier article de leur tarse postérieur la dent à l’aide de laquelle les espèces du genre Abeille retirent les plaques de cire brute des cavités ou loges où elles se forment. Cela suppose de grandes dissemblances dans les mœurs, quoique , d’après l'accord des voyageurs, il soit impossible de douter qu’elles fassent de la cire ». (S. Farc. Histoire des Hyménoptères , 1836, tome 1, page 415.) Tel a semblé l’état actuel de la science, relativement aux Méliponides ,-au savant entomologiste qui a le mieux étudié les habitudes morales des Hyménoptères, qui leur a donné le plus d'importance dans sa méthode, et qui est censé avoir le plus- de données pour en juger sainement. Tout en faisant, comme lui, des vœux sincères pour qu'un observateur scrupuleux et heureusement placé, fasse un jour surles lieux les expériences di- rectes qui pourront seules nous donner des connaissances cer- taines, j'ai pensé qu'un examen attentif des exemplaires de nos collections pourrait nous mettre sur la voie des recherches, et nous rapprocher de la vérité, que les formes des pièces exté- rieures devaient avoir quelque influence sur les habitudes de mouvement et de repos, et que nous pourrions conclure les unes des autres, pourvu que nous connaissions d’ailleurs le but de leur liaison. : Ce n’est pas que j'aie pu me décider jusqu'à présent à avoir une aveugle confiance dans le principe très exclusif que M. de Saint-Fargeau a posé comme la base de sa méthode. Habitué à regarder l’ordre des Hyménoptères comme un de ceux que La- treille a le plus étudié et qu'il a traité avec le plus de succès ; persuadé que sa méthode sera long-temps un cadre excellent auquel on pourra ajouter de nouveaux compartimens , mais dont il faudra au moins conserver l'échafaudage, j'ai élevé quelques doutes sur l'utilité d’une innovation qui renverse de fond en comble l'ancienne méthode, Mes doutes se fondent : #18 M. spiNOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. 1° Sur ce qu'avant de savoir ce que fait un êire quelconque, il faut savoir qui il est ; 2° Sur ce que, s’il faut apprendre qui il est, indépendamment de ses actes, on ne peut l'apprendre que par l'examen de ses caractères extérieurs ; 3° Sur ce que les caractères extérieurs peuvent nous dirè ce que l’animal peut faire, mais ils ne sauraient nous dire ce qu'il peut vouloir ; 4° Sur ce que les habitudes morales étant, comme: actes de la volonté, indépendantes des formes extérieures , on ne peut les connaître qu’au moyen des observations et des expériences directes ; 5° Sur ce que le résultat de ces expériences ne saurait faire partie de la méthode qui a dù les précéder, et qui a été tout ce qu’elle devait être, si elle a été un tracé rationnel de reconnais- sance. Quoi qu'il en soit, il y aura toujours un point de rencontre où M. de Saint-Fargeau et moi nous nous trouverons parfaite- ment d'accord : ce sera celui où Ze but de l’insecte sera connu. Alors les formes extérieures pourront nous dire quels sont ses moyens pour l’atteindre. Ainsi, sachant que les Méliponides font de la cire et qu’elles emploient à la construction de leurs ruches, nous connaissons leur but, mais nous ignorons leurs moyens. Nous en sommes donc précisément au point où l’exa- men des pièces extérieures peut nous apprendre ce que nous ignorons, Quand on sait que deux insectes dont l’organisation exté- rieure est à-peu-près semblable, tendent à un même but, et que leurs travaux produisent des matières semblables, les moyens de l’un d'eux étant connus, on est autorisé à présumér que l’autre possède des moyens analogues, pourvu que les particu- larités de son organisation n’y opposent pas d'obstacles invin- cibles. Or, nous savons que les Abeilles et Méliponides ou- vrières font également de la cire : nous savons que la cire trans- sude chez l’Abeille ouvrière par la face inférieure des segmens de son ventre; nous ne trouvons rien dans la Méliponide ou- vrière qui empêche une pareille transsudation : nous devons M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. 119 donc nous attendre à l’y retrouver. En effet, le ventre des Méliponides ouvrières est le siège de la sécrétion céréifique ; j'en ai reconnu les traces en comparant cette matière avec celle des véritables Abeilles : j'ai vu que les différences proviennent de la forme particulière des foyers de la transsudation, et qu’elles n’ont aucun rapport avec la nature de la substance sécrétée. On sait que le ventre des Abeilles a une carène longitudinale médiane , les bords postérieurs des segmens échancrés ; que les sommets de ces échancrures sont des points de rebroussement; que chaque dilatation recouvre en dessous une portion du seg- went suivant égale au moins à la portion qui reste à découvert dans l'état normal, et qu'à partir du second anneau jusqu’au cinquième, les parties latérales situées au-dessus des dilatations du segment précédent sont transversalement et faiblement ex- cavées. Chacune de ces cavités est le siège d’une sécrétion de plaques de cire:il y a donc deux plaques par anneau, et chaque plaque prend la forme de la cavité d’où elle sort, forme qu’on a pu comparer à celle d’un hexagone à angles émoussés. Le ventre des Méliponides ne présente pas la mème conforma tion. Les segmens ne sont ni carénés en dessous, ni échancrés postérieurement. Ils consistent en autant de cerceaux uniformé- ment convexes en dessous et à bord postérieur droit. Ceci est éga- lement vrai pour les trois divisions du genre Melipona S. Farg. Leurs différences abdominales appartiennent exclusivement aux plaques dorsales. Ainsi, dans la première division, le dos de la plaque est faiblement convexe; elle se renverse insensible- ment sur les côtés et elle passe de même à la surface inférieure, de manière que sa coupe transversale est encore une courbe conti- nue. Dans la seconde, le dos est encore peu convexe comme dans la première, mais le renversement sur les côtés est assez brusque pour que les deux portions latérales fassent un angle plus ou moins saillant avec le dos; il y a alors deux carènes dorsales et marginales , et non une carène ventrale. Enfin, dans la troisième, le renversement latéral est comme dans la seconde, mais le dos est plus convexe, et sa convexité est quelquefois une courbure assez forte pour que la ligne médiane semble 120 M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. carénée, de nianière que la coupe transversale parsît avoir quatre côtés : de là le nom de Tétragone pour cette division, et celui de Trigone pour la seconde, où la même coupe semble m'avoir que trois côtés. Telle est du moins la seule explication rationnelle de ces deux termes d'origine grecque ; car si l’on eût voulu faire allusion à la forme apparente de l'abdomen , et non au dessin de sa coupe transversale, il aurait fallu dire plutôt Triédigastre et Tétraédigastre. Chaque segment da ventre étant, comme je l’ai dit, unifor- mément convexe, sans carène et sans échancrure, il est divisé transversalement en deux parties inégales dont l’antérieure est toujours recouverte en dessous par le prolongement du segment précédent, et par les flancs renversés de la plaque dorsale cor- respondante. L'autre, postérieure, et constamment découverte dans l’état normal , est en forme de trapèze, un peu rétréci en avant , plus saillante et plus soïde que la première; sa surface est fortement ponctuée. Mais tous ses points sont piligères, et l’ensemble de ses poils forme une fourrure assez serrée pour s'opposer à la transsudation de la cire. La portion antérieure est au contraire lisse, plus tendre, et parfaitement glabre. Le long de ses côtés internes, c’est-à-dire parallèlement aux trois côtés du trapèze qui forment le contour antérieur de la portion découverte, on remarque un sillon assez étroit et peu enfoncé. Ce sillon est l'ouverture très rétrécie d’une poche parcourant le même contour, dont la surface supérieure est le foyer de la sécrétion, et dont la surface inférieure est une la- melle operculaire transparente comme le tale, tres étroite, pro- longée en arrière à ses deux extrémités, de sorte que chaque branche du prolongement forme un angle obtus avec la lamelle principale, et ne dépasse pas la longueur de la moitié du seg- ment. Chaque segment, à partir du second jusqu’au sixième, ne présente qu'une seule poche n'ayant d'autre ouverture qu’un sillon parcourant son bord interne (Voy. PL. 2, fig. 1 ,æ). La substance que j'en ai retirée était pulvérulente, mais d’ailleurs semblable à la cire brute des Abeilles. Si les ruches d'Amérique donnent des cires de différentes qualités, il est probable que ces dilférences proviennent des substances végétales que l'4- M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. 121 piaire ouvrière mêle en dernier lieu avec sa sécrétion animale, ( Voyez pour la forme de la poche, la Planche 2, fig. 1. Elle a été prise sur une Melipona compressipes ouvrière , recueillie à Cayenne par M. Leprieur et qui m'a été envoyée par M. Buquet.) Maintenant que nous savons où sont les foyers de la cire, il ne s’agit plus que de savoir comment la Méliponide par- vient à extraire cette matière. Nous savons comments y prend l' Abeille ouvrière. Elle emploie à cette extraction une es- pèce d’épine placée à l'angle antéro-externe du premier article des tarses postérieurs que l’on nomme vulgairement la pièce carrée. Mais cette épine n'existe plus dans les Méliponides. Ce premier article des tarses n’est plus carré. Il est subtriangulaire; son bord supérieur est arrondi; ses angles postérieurs sont mutiques , et l’extraction de la cire ne saurait être son ou- vrage. Quelle est donc l’autre pièce qui remplira cette fonc- tion? Il me semble naturel de commencer par la chercher dans le voisinage de la première. Or, des deux pièces qui s’articulent immédiatement avec la première , la postérieure ou le second article du tarse n’a aucune particularité qui fasse soupconner qu’elle doive servir à autre chose qu’à la marche. L’antérieure, au contraire , est très remarquable, C’est le tibia dont les formes anormales et compliquées appellent toute notre attention. Je n'aurai pas à décrire ia palette, ce fameux indice (1) des mœurs sociales dans les Apiaires. Elle est étrangère au sujet de ces observations, et d’ailleurs analogue à celle des 4beilles. Ce sont les dissemblances, et non (x) Je ne puis regarder la palette des Apiaires que comme un indice , et non comme une preuve de leurs mœurs sociales. L’Abeille n’est pas sociale, parce qu'elle a une palette ; mais elle se sert de sa palette pour charier la nourriture des petits provenant d’un individu deson es- pêce , parce qu’elle est sociale. Sa sociabilité provient de la mission particulière qu’elle a eue du créateur, qui, en donnant l'existence à chaque créature , lui assigne une place, lui fournit des moyens et lui désigne un but. Les caractères spécifiques de cette mission sont dans l’homme qui a eu la plus grande et la plus relevée, l'amour du vrai, du bon et du bean: dans les animaux , ce que nous appelons leur instinct; dans les plantes, leur zaturel; dans le règne inorganique , l'attraction ou l’affinité électrique. Elle n'est, dans ce cas, qu'une des lois de la nature, Mais, dans tout le règne organique , la loi devient une cause , et, dans les animaux, celle cause est intelligente, Voilà pourquoi je puis concevoir, en général et dans les Apiaires mème, l'existence d'une sociabilité sans palette et celle d’une palette sans sociabilité. 122 M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. les ressemblances, qui doivent nous donner les lumières que nous cherchons. Les tibias postérieurs des Wéliponides sont proportionnelle- ment plus longs que ceux des Abeilles. Cette différence avait été observée par Latreille, qui n’en à tiré aucune conclusion. 1l y en avait une cependant qui se présentait d'elle-même ; elle était directe et n’aurait pas été infructueuse : c’est que la Méri- ponide ouvrière peut atteindre plus loin, avec l'extrémité de son tibia postérieur, que l'Æbeille avec le premier article du tarse de la même paire. Dans les Abeilles , le bord postérieur de ce tibia est tronqué en ligne droite, et ses angles postérieurs ne sont pas proémi- nens en arrière. Dans les Méliponides , ce même bord est plus ou moins échancré en arc, et ses deux extrémités sont plus ou moins aiguës, Il s'ensuit que le prolongement du tibia à l'angle postéro-supérieur peut devenir une espèce d’épine tibiale qui semblerait faite et placée à cet endroit pour remplacer l’épine tarsienne. Cette épine tibiale est assez forte dans les grandes es- pèces de Méliponides , et surtout dans celles du genre Melpona Latr. Mais il n’en est plus de même dans les petites Trigones. Plusieurs d’entre elles ont le bord postérieur du tibia si étroit, et le bord supérieur si dilaté et si arrondi en arrière, que l'angle postéro-supérieur n’a plus de saillie apparente. Cependant ces petites Méliponides font de la cire comme les grandes, et il faut bien qu’elles aient un autre moyen de l’extraire. D'autre part, on a beau chercher, elles n’ont aucune pièce qui leur soit propre parmi toutes celles qu’on pourrait croire aptes à cet emploi. Il faut donc que cette autre pièce soit encore commune à toutes les Méliponides ouvrières. C’est encore au même tibia et à sa face externe , nais à l’angle postéro-inférieur, que nous rencontrerons la pièce que nous cherchons. Son existence avait été reconnue par Latreille. « Le bout inférieur de ses jambes, dit-il, paraît concave ou échan- cré , et offre à son angle interne, un faisceau oblique de cils ou crins très nombreux et très serrés » (Humrorpr, /ns. de l’Am. équinox., page 333). Mais, loin de songer à l'extraction de la cire, il n'a tiré aucune conclusion de ce fait. Plus tard , M. de M. SPINOLA. — Our les Apiaires Méliponides. 123 Saint-Fargeau l'a passé sous silence dans l’article des Mélipones du premier volume de son Histoire des Hyménoptères, soit qu’il n'ait pas songé à consulter le Voyage de Humboldt , soit qu’une aussi vague indication lui ait paru sans résultat. En effet, la description de Latreille laisse beaucoup à desirer. Elle est trop succincte pour être rigoureusement exacte. Le fait est que ce prétendu faisceau est un véritable peigne qui n’a que de neuf à onze dents placées sur la même ligne, sur un plan à-peu-près parallèle à la face externe du tibia (r). Elles sortent ensemble d’un enfoncement placé à l'angle postéro- inférieur du tibia, superposées alors l’une à l’autre, presque en contact; mais ne se croisant pas ensemble, elles s’écartent in- sensiblement sans sortir du même plan, presque vertical, et elles se dirigent vers l'angle postéro-supérieur sans l’atteindre, en décrivant des arcs de cercle dont la convexité est tournée en avant, et qui ont un point d’inflexion à peu de distance de leur origine. Ce peigne est raide, inflexible , et n’a d’autres mouve- mens que ceux du tibia dont il fait partie. La pointe des dents est aiguë, L'espace compris entre elles et le bord postérieur est proportionnel à la concavité de la palette. Ce bord a souvent une rangée d’épinés raides, courtes , aiguës, et parallèles à la den- telure du peigne. Cet instrument si singulier n’est cependant que l’analogue de l’épine tibiale intérieure, qui a la forme ordi- naire dans la plupart des autres Æpiaires. Je lai retrouvé sur toutes les Méliponides femelles que j'ai observées. Les mâles seuls en sont dépourvus. Mes observations ont été faites sur les espèces suivantes : 1° Memrona mezvorA Klug (2). Melipona rufiventris S. Farg. 2 individus du Brésil , 4 de Cayenne. 22 "— zonuzArA Klug. Melipona fulvipes Guérin. 2 individus de Cuba et Mexico. 3° —_ AxGuzaraA Klug. WMelipora cp oise S. Farg. 2 indi- vidus du Brésil, (x) Dans toutes les descriptions j'ai supposé la face externe du tibia, et la palette dans le plan vertical, (2) Toutes les espèces, pour lesquelles le docteur Klug est cité, m'ont été communiquées par ce savant, 124 M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. 4° Mézirona scurezcanis Latr. 2 individus du Brésil. 5° 6° 14° 15 24° 26° 27° compressires(4pis) Fab, 4 individus de Cayenne. FAsCrATA Klug non Latr. Welipona quadrifasciata S.-Farg. 3 individus du Brésil. irerruprA Klug ou Latr.? Melipona antl:idioides S.-Farg. 1 individu du Brésil. mirTELLA Klug. 2 individus du Brésil. vesnitA Klug. Melipona nigru S.-Farg. 2 individus du Brésil. posrica Latr. 2 individus du Bresil. LITURATA Klug. 2 individus du Brésil. FULIGINOSA. S.-Farg. 1 individu de Cayenne. FAVOsA Latr. 2 individus de Cayenne. Tricona muscari4 Klug. 2 individus du Brésil. — pEcuMANA Klug. Æpis amalthea Fab. Var.? 1 indiv. du Bresil. ArrAruULA Îlliger. Melipona hyalinata S.-Farg.2 individus du Brésil. HyALINA Klug. Welipona hyalinata S.-Farg. 2 indiv. du Brésil, ÆMuLA Klug. 2 individus du Brésil. cenicucarA Klug. Melipona testaceicorris S.-Farg. 2 indivi- dus du Brésil. cmwes(centris) Fab. 3 individus dont 2 du Bresil, 1 de Cayenne. crassieEs (centris) Fab. Melipona longula S.-Farg. 2 individus du Brésil. cLAVIPEs (centris) Fabr. Melipona elongaia S.-Farg. à indivi- dus du Bréal. FLAVEOLA Illiger. 2 individus du Brésil. AGusraTA Illiger. Milipona quadrangula S. Farg. 2 indivi- dus du Brésil. FERRUGINEA Mihi. Melipona ferruginea S.-Farg. a individus du Brésil. Duronrt Mihi. N. Sp.? 1 individu du Mexique. razripA Latr. Welipona pallida S.-Farg. 4 indiv. de Cayenne. Total, 27 espèces et 68 individus du sexe féminin. Ai-je besoin maintenant de prouver que ce peigne peut servir à l’extraction de la cire? Les dents du peigne ne peu- vent-elles pas soulever aisément la lamelle operculaire, si, après le soulèvement, la cire doit se détacher d’elle-même ? Ne peuvent-elles pas servir de grattoir si cette matière est pul- vérulente, comme je le crois? Les deux tibias ne peuvent-ils M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. 125 pas agir ensemble et faire passer cette substance entre les dents des peignes et les rangées marginales de leurs épines postérieures, si cette substance est une écaille modelée sur la forme de la poche, et s'il faut qu’elle en sorte sans se briser? Le choix entre ces différens moyens est du domaine de l'instinct, et tout ce qui appartient à l’instinct ne saurait arriver à notre connaissance qu'au moyen des observations et des ex- périences directes. T’examen des pièces postérieures nous a appris tout ce qu’il pouvait nous apprendre :il nous a démontré que les Méliponides , ayant à extraire la matière déposée sous leur ventre, les tibias de la troisième paire étaient les seules, de toutes les pièces qu’elles peuvent mouvoir , conformées de manière à servir à cet usage, et que les prolongemens spini- formes de leur angle postéro-supérieur ainsi que l’épine mul- tiple et pectiniforme de leur angle postéro-inférieur, sont les seuls instrumens qui peuvent satisfaire à ses besoins. J'ai déjà fait remarquer que les tibias postérieurs des Méli- ponides sont proportionnellement plus longs que ceux des Abeilles. Mais ce n'est pas tout : il y a toujours un rapport ap- préciable entre la grandeur de l'abdomen et celle des pattes de la troisième paire. La largeur des tibias est proportionnelle à celle du ventre. Leur longueur , subordonnée d’ailleurs à celle des fémurs, est toujours telle, que lorsqu'ils se replient en avant, ils peuvent aisément remonter jusqu’à la base de l’abdo- men. C’est ainsi qu'ils se présentent dans la plupart des indivi- dus de nos collections. Latreille l'avait judicieusement observé; mais il a eu tort d’en conclure que les Méliponides ont seule- ment plus de facilité à contracter leurs pattes de derrière (Foy. de Humbolät , loc. cit.). La contraction, telle que je la conçois, n'est qu’une habitude de position pendant le repos. Elle produit nécessairement une diminution de volume qui est utile à l'insecte, soit pour le dérober aux poursuites de ses en- nemis , soit pour l'aider à se tapir commodément au fond de quelque étroite cavité. Elle s'effectue par la rétraction des pièces mobiles du corps rentrant les unes dans les autres, de manière que la plus mobile rentre dans celle qui l'est le moins. Ainsi, dans une série de piéces articulées, où chaque article participe 126 M. SPINOLA, — Sur les Apiaires Méliponides. des mouvemens de ceux qui le précèdent, et où il a dé plus un mouvement propre, les articles les plus éloignés du tronc ren- treront dans ceux qui en seront les plus rapprochés. Le tarse se retirera dans le tibia, le tibia dans le fémur, et celui-ci, faute de place aux trochanters et aux hanches, s’enfoncera dans les fossettes latérales du thorax. Mais d’après la description de La- treille, la prétendue contraction des pattes postérieures des Méliponides serait un exemple du contraire.Selon lui, la éranche inférieure de ces jambes présente un sillon ou enfoncement longi- tudinal qui recoit une partie du côté inférieur de la cuisse. Si le fait était exact, loin d’en conclure une contraction , il faudrait supposer que le tibia et le fémur forment ensemble une-sorte de pince préhensile. Mais j'ose affirmer que l'observation de Latreille n’est pas rigoureusement vraie. Dans le genre Melipona Lätr., la face interne des jambes postérieures est plane, et elle n’a aucun enfoncement qui puisse recevoir une partie de la cuisse. Parmi les espèces du genre Trigona Latr., lesunes, celles quiappartien- nént à la seconde division du genre MeliponaS.-Farg.,ont près de l'extrémité du fémur un rudiment de ce sillon tibial indiqué par Latreille. Mais outre qu'il ne dépasse presque jamais” la moitié de la longueur du tibia , il est si variable en longueur et en profondeur, non-seulement selon les espèces, mais même selon les individus , que le rôle qu’il peut jouer daus l'économie animale de ces Méliponides doit être bien insignifiant. Dans les autres Zrigones , celles qui appartiennent à la troisième division du G: Melipona S.-Farg., le sillon que Tatreille avait remarqué existe en effet, et sa longueur égale souvent celle du tibia. Mais alors il est trop étroit pour recevoir le côté inférieur du fémur, qui n’est ni comprimé , ni caréné , et toujours aussi large que la face opposée du tibia, dont la surface est plane et faiblement convexe. Il n’y a donc pas de contraction. Cette direction si fré- quente d’arrière en avant n’est donc pas, dans les //é/iponides ouvrières, ne habitude de repos, mais bien une habitude de mou- vement. J'entends de cette manière la position que les membres prennent nécessairement lorsqu'ils exécutent un des mouve- mens habituels de l'animal. Mais quelle est donc l’action assez souvent répétée par les Mélivonides, pour produire cette ha- M. SPINOLA, — Sur les Apiaires Méliponides. 127 bitude de mouvement ? Ne serait-ce pas l’extraction de la cire? J'ajouterai enfin, comme une considération secondaire et comme une induction éloignée, que la forme subtriangulaire du pre- mier article des tarses postérieurs paraît elle-même en harmo- nie avec les attributions que nous avons données au tibia. Il faut qu'il soit mince et étroit à sa base; sil y était large , épais et épineux comme dans les 4beilles , il pourrait gêner les mou- vemens du peigne tibial. Maintenant, si les considérations que j'ai soumises au juge- ment des observateurs judicieux et des doctes Entomologistes leur semblent aussi bien démontrées qu’elles me le semblent à moi-même, ou du moins s'ils accordent à mes conclusions le imnème degré de probabilité, je pense qu’il faudrait modifier en conséquence l'exposition des caractères qui doivent distinguer les deux grandes divisions connues des Apiaires mellifiques , et qu'on pourrait exprimer les changemens convenables dans les termes suivans : Abeilles proprement dites. Ouvrières. Abdomen caréué , avec Je bord postérieur des segmens échancré ; deux cavités distinctes sous chaque segment , le premier excepté, propres à la sécrétion de la cire. Tibias postérieurs, impropres à l'extraction de Ja cire, tronqués postérieure- ment cu ligne droite, avec leurs angles postérieurs, inermes et non proéminens. Premier article des tarses postérieurs quadrangulaire ayant leur angle antéro su- périeuraigu, proéminent etassezavancé pourêtre propre à l'extraction dela cire, Méliponides ouvrières, Abdomen sans carène , avec le bord postérieur des segmens entier ; une seule cavité propre à la sécrétion de la cire à chaque segment, excepté du premier, qui en est dépourvu. Tibias postérieurs propres à l'extraction de la cire ayant leur bord postérieur, échancré; l'angle postéro-supérieur, aigu et souvent prolongé en arrière; et angle postéro-interne ; toujours armé d’une espèce de peigne, qui a de neuf à onze branches spiniformes, courbes, dirigées de bas en haut, et terminées en pointes aiguës, Premier article des tarses postérieurs tout-à-fait impropre à l'extraction de la cire de forme subtriangulaire, avec la base étroite et le bord postérieur inerme. Nous avons sans donte assez de données sur les Æbeilles pro- 125 M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. prement dites, pour être presque certains qu’elles ne forment qu'un seul genre, le genre Æpis, et que ce genre n’admet au- cune subdivision. Mais nous ne sommes pas aussi avancés à l'égard des Méliponides ; nous ignorons si les différentes es- pèces de cette sous-famille, qui sont si nombreuses et qui ont été si peu et si mal observées, ont des mœurs parfaitement iden- tiques, c’est-à-dire si elles ont toutes le même instinct, et si elles en suivent les inspirations de la même manière. En attendant l’heureuse époque à laquelle nous saurons à quoi nous en tenir sur l'identité ou sur la diversité de leurs actes, je pense qu'il y aurait du danger à ne pas tenir compte de toutes les différences extérieures ; cette négligence pourrait nous exposer à ne pas apercevoir le sentier peut-être un peu détourné qui nous aurait conduit à la découverte de la vérité. Mais pour que ces diffé- rences puissent servir à l'introduction, même provisoire, d’une nouvelle coupe générique, il faut qu’elles soient constantes, nettes et tranchées. Si elles ne remplissent pas toutes ces condi- tions, celles qui seront constantes sans être bien tranchées, donneront encore de bons caractères spécifiques. Les autres seront sans utilité dans une méthode rationnelle. Aussi M. de Saint-Fargeau , qui s’est attaché surtout à compter les diffé- rentes faces de l'abdomen, a-t-il très bien fait de ne pas regar- der leur nombre comme un caractère de genre. Le ventre n’est pas plus caréné dans ses dernières divisions que dans la pre- mière. Dans la troisième, le dos n’est pas positivement angu- leux , mais sa ligne médiane offre seulement une saillie un peu plus forte, parce que, pour une hauteur égale, l'abdomen est plus étroit et plus allongé. Encore ne faudrait-il pas donner trop d'importance à cet excès de longueur, qui est quelquefois passa- ger et accidentel. Eneffet, sur mes quatre individus de la Melipona pallida(Neutre), j'en ai deux qui sont évidemment de la seconde division des Mélipones S.-Farg.; mais les deux autres ont leurs anneaux si distendus, qu'on pourrait les croire de la troisième. Latreille, attachant moins d'importance au contour extérieur de l'abdomen, dont il ne pouvait attendre qu’un caractère re- latif de plus ou de moins, a étudié de préférence le bord in- terne des mandibules, et il y a trouvé un véritable caractère M. SPINOLA: — Sur les Apiaires Méliponides. 129 absolu de oui ou de non. Il a vu que dans certaines espèces de Méliponides , les ouvrières avaient constamment des dents aux mandibules, et que dans d’autres espèces les ouvrières n’en avaient jamaës. Il a reconnu que ce caractère constant était assez net, c'est-à-dire assez apparent, la grandeur des dents étant proportionnelle, lorsqu'elles existent , à la grandeur des indi- vidus. Enfin, ce caractère constant a dû lui paraître assez tram- ché, car il n’y à pas de milieu entre avoir des dents et ne pas en avoir. Il a en conséquence établi deux genres dans les Wéli- ponides, le G. Trigona , qui comprend toutes les espèces à man- dibules dentées, et le G. Melipona , dont les espèces ont des mandibules sans dents. Je pense qu'il a très bien fait. Cédant néanmoins aux exigences actuelles, et croyant que ses divi- sions sembleraient plus rationnelles, s'il pouvait les adapter à la méthode qu’on a décorée du titre de raturelle , il a imaginé de faire répondre à chaque différence de forme, une différence de mœurs, et il a supposé que ses Trigones pourraient entamer l'écorce des arbres, tandis qu’elle résisterait aux mandibules édentées de ses Mélipones. 1] a eu tort, à mon avis, d’être aussi condescendant. La différence des formes l’autorisait à présumer la différence des mœurs. Son analyse était justifiée par la véri- fication des faits dont elle était le compte-rendu. C'était à la synthèse qui avait la prétention de raisonner, et qui aurait voulu confondre ce qui avait été distingué, c'était à elle, dis-je, à faire ses preuves. L’explication de Latreille était d’ailleurs d’une dé- plorable faiblesse. On pouvait lui répondre qu'une Mélipone , avec des mandibules sans dents, mais à pointe aiguë et à bord interne tranchant, peut aisément entamer une écorce mince et tendre, si son instinct le lui commande, et qu'une Trigone ne songera pas à tourner les dents de ses mandibules contre l'é- corce des arbres, si son instinct l'appelle à attaquer d’autres substances. Au lieu de fatiguer son imagination, pour suppléer par les conjectures à l'ignorance des faits, Latreille aurait dû chercher un second caractère extérieur qui vint à l'appui du premier. L'accord constant de deux caractères indépendans est tn lui-même d'une’ telle importance pour la méthode ration- nelle, que je ne concois pas comment on pourrait rejeter des XIII, Z001, mæ Mars, 9 130 M, SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. divisions fixées sur cette double base si solide, lorsqu'on n’au- rait aucun autre fait d’une importance plus grande à lai opposer. Or, il existe un second caractère que Latreille n’a pas aperçu, sans doute parce qu’il n'avait pas assez d'individus à sa dis- position ; le voici ; Dans les MéLironxs OUVRIÈRES, /@ face énterre des tibias postérieurs est uniformément plane et finement pubescente, sans que cette pubescence soit nulle part assez forte et assez serrée pour fatre l'office d’une brosse (PI. 2, fig. 2 Ar). Dans les Tricones ouvrières, la face interne des tibias pos- térieurs offre une élévation médiane et longitudinale qui part toujours de l'extrémité fémorale et atteint quelquefois le bord postérieur ; toute la surface saillante est tapissée d'un duvet soyeux , court el serré, parfaitement semblable à celui de la brosse tarsienne ; les poils du reste de la face tibiale interne sont au contraire clair-semés , fins ; allongés et flexibles (PA. 2, fig. 6 à.) Je n’ai parlé jusqu’à présent que des ouvrières, Cependant les sociétés des Méliponides se composent au moins.de trois sortes d'individus. L’une d'elles, celle des femelles fécondes, est in- connue; j'en parlerai de nouveau vers la fin de ce Mémoire, à l'occasion d'un individu anomal sur lequel on peut porter divers jugemens, mais qui mérite bien d’être étudié, Quant aux mâles, je n’en ai vu aucun du genre Trigona, mais j'en possède cinq du genre Melipona. 1° MécipowA ruscarA Lepel. — r individu de Cayenne ; 29 — COMPRESSIPES (Æpés) Fab.— x indiv. ibid. ; 3° — onuraTA Klug. Fulvipes.Guérin.— 9 individus Cuba, dont 1 sans tête; 4° = : inrerRüpTA Klug. Ænthidioides. Lepel. — "+ in- dividu dü Brésil. Ce qui m'a surtout frappé, au premier aspect, dans ces cinq individus, a été l'apparente similitude de chacun d’eux avec l’ouvrière de son espèce. Même grandeur et même facies. M. SPINOLA.. — Sur les Apiaires Méliponides. 191 Pour s'assurer de leur sexe sans examiner les parties géni- tales, il faut compter les treize articles des antennes, ou re- marquer l’absence de la palette aux tibias postérieurs. Encore verra-t-on. plus bas que ce seul caractère aurait pu induire en. erreur. Du reste: yeux à réseau de la grandeur ordinaire et ne convergeant pas sur le vertex, sixième segment dor- sal .ou plaque anale supérieure , nullement renversée en des- sous et étant égale au même segment dans l’ouyrière; antennes composées d'articles de la même forme et des mêmes dimen- sions, un peu plus longues seulement parce qne leur flagel- Zum a un article de plus. On sait que les mäles de l'Abeille do- mestique différent bien davantage des ouvrières, et que leur tail'e est plus en harmonie, ayec celle des femelles fécondes, qui sont toujours beaucoup plus grandes. Cette observation ne nous préparerait-elle pas à reconnaitre que les différences entre les deux sortes d'individus du sexe féminin peuvent être bien moins grandes dans les Méliponides que dans les Abeilles pro- prement diles ? Dans les quatre premiers individus, les organes génitaux n'étaient pas en évidence ; ils étaient à peine sorts de leur re- traite normale pour se présenter seulement à louyerture pos- térieure du ventre. Mais ce commencement de sortie avait suffi pour refouler en arriére les derniers segmens inférieurs , de sorte ge: malgré l'état de retraite complète où chaque plaque ventrale est au-dessous de la plaque dorsale correspondante, le ventre paraissait plus conrt que le dos, sans que celui-ci füt renversé, en dessous, parce que le cinquième segment était retiré en partie au-dessus du quatrième, et le sixième ou la plaque anale inférieure, était entièrement caché par le qua- trièéme et par le cinquième, Dans le dernier individu mäle appartenant à une Mélipone du Brésil que M. le Dr Klug m'a envoyée sous le nom d’inter- ruplta , ais auquel la description de l’interrupta Latr. ne con- vient pas entiérement , tandis que celle de l’anthidioides S.,Farg. lui convient très bien, la sortie des organes génitaux était plus ayancée, Toutes les pièces auxiliaires de A verge élaient en évidence, et la verge elle-même avait subi une per 9 132 M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. Comme personne , à ma connaissance, n’a parlé des Mélipo- nides mâles parvenus à cet état, j'ai cru qu’une description dé- taillée et accompagnée de dessins ne serait pas sans utilité. Le sixième segment du ventre, ou la plaque anale inférieure, refoulée en dedans par un premier mouvement de sortie des organes génitaux, est entrainée en dehors par la continuation de ce mouvement. On voit alors qu’elle est triangulaire, étroite, convexe en dessous, profondément creusée ou sillonnée en- dessus, et qu’elle est propre à servir de gaine à la face inférieure de l'étui de la verge (PI. 2, fig. 3 B. et C. f). L'état de la verge se présente sous les apparences d’un tube court, aplati, plus large que haüt, ouvert postérieurement, et divisé , à son ouverture, en deux branches inégales, l’une in- férieure et l’autre supérieure. L’inférieure, beaucoup plus longue que l’autre, est profondément creusée en dessus, caré- née en dessous, recourbée en bas et rapidement rétrécie en arrière ; elle est terminée par une pointe assez aiguë, qui est cachée, pendant la rétraction, par la plaque anale inférieure qui lui sert de gaîne ( PI. 2, fig. 3 B. et C.e). La branche supé- rieure, beaucoup plus courte, mais aussi beaucoup plus large, s'élargit un pen d'avant en arrière ; elle est bi-échancrée ou très épineuse à son extrémité; les deux épines latérales sont minces, longues , courbes, divergentes, et terminées en pointe aiguë (PL 2, fig. 3. A.B. et C. a). Celle du milieu, au contraire, est très courte, et ressemble plutôt à une dent obtuse ou à un petit tubercule (PI. 2, fig. 3 À. B. et C.c). La verge qui remplit d'abord tout l'intérieur de son étui tubuleux , se détache, à son ouverture, de la branche inférieure , et continue à adhérer à la branche supérieure. Dans l’état de demi-érection que j'ai obser- vé, il y avait déjà un renflement de la portion de la verge qui adhérait à la branche supérieure de l’étui. Ce renflement était visible en dessous, et la face inférieure de la partie renflée pa- raissait divisée en deux lobes vésiculeux par un petit sillon lon- gitudinal qui aboutissait à la dent supérieure et médiane (PI. 2, fig. 3 A. B. et C.d). Je regarde ce sillon longitudinal comme la trace d'un ligament contractile, ou plutôt d’une espèce de muscle érecteur, et regarde la dent de l'étui à laquelle il aboutit M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. 133 comme le pivot même de l'érection (1). La portion de la verge que le muscle érecteur devait tirer en dehors et relever en haut, était encore inclinée en bas et en avant ; son extrémité était ap- pliquée contre la branche inférieure de l’étui. Je ne dirai donc rien de ces pièces si singulières que Réaumur a vues dans l’4- beille mâle, et qu’il a comparées à un masque, à un arc, à une palette, et à des gaudrons; je ne puis rien dire sur l'existence probable de cette vessie remplie de liqueur séminale que les insectes mâles introduisent toujours et laissent souvent dans la poche copulatrice de la femelle. (2) Nous pourrions certainement en savoir quelque chose de plus , si l'érection de mon individu eüt été plus avancée. Mais ces parties délicates, qui ne prennent une certaine forme dé- terminée que pendant les derniers instans de la vie, sont trop sujettes à être déformées après la mort, pour qu'on puisse se fier aux observations qui ne seraient pas faites sur le vivant. Des deux côtés de la verge, presque à sa sortie de son étui tubuleux, en avant de la dent supérieure et médiane, on voit sortir de ses propres tégumens un appendice allongé, mince, cylindrique, pubescent , corné, noirâtre dans le premier tiers de sa longueur, mou, flexible et translucide dans les deux autres tiers, et arrondi à son extrémité (PI. 2, fig. 3 A.B. et C. D). Ces appendices sont évidemment les analogues des cornes char- (1) Réaumur a présenté une image inexacte, lorsqu'il a comparé le développement de la verge dans l'Abeille male , à ce qui arrive , à un bas qu’on retourne. Il ÿ a renflement et tension des parties relâchées , ridées ou plissées. 11 y a changement de portion à la suite de cette ten— sion et de ce renflement. Mais il y a un centre de mouvement , et le changement de position s'opère de manière que les parties qui étaient le plus distantes de ce centre , avant que le mou— vement eût commencé, le sont encore pendant toute sa durée et après que la transposition est consommée. De même que dans l'érection du membre viril, l'extrémité inférieure de la verge devient son extrémité supérieure; les parties de la génération qui étaient dans les insectes, à-la- fois inférieures et antérieures, deviennent supérieures et postérieures, Mais il n'ya pas plus dans les insectes que dans l'homme , un révirement de surface semblable à ce qui arrive à ur bas qu'on retourne, (2) Si l'analogie suffisait pour démontrer ce, que l'expérience seule peut enseigner, s’il était bien prouvé que tous les mâles d’un ordre aussi nombreux que celui des insectes eussent leur verge imperforée, et qu'ils fussent indistinctement condamnés à perdre la vie, en la donnant aux autres, il y aurait une erreur importante à corriger dans mon Æssai sur les Fulgorelles. Partout où j'ai parlé de l'orifice de la verge d'après des individus desséchés, ne faudrait en- tendre qu'une des rides apparentes de la vessie séminifére, 134 M. SPINOLA. — Sur les Apiäires Méliporides. nues que Réanmiür à vues dans lYBeillé male , Et qu’il a repre- séntées (Mém. tom. Ÿ, pl. 33, fi8/576; 79 0 d> 10 € JE, lettre c, ét ibid., pl 34, fig. 1,2, 3 ét 4, même lettre). J'ai annoticé que j'aurdis quelque choëe à dire dé la femelle féconde. Voici le fait très remarquablé qui m'engage À En par- ler. Das un assez grand nombre de Méliponides dont je Suis redevable 4 l'obligeinée de M: le Dr Klüg, Et que j'ai réçues en 1837, j'en Vis üné Qui n'avait pas dé palettes. C'était une Tri- gona anguslata Îlig. ou Melipona quädrangula S.“Farg. Je la pris d’abord pour un mâle, et, aprés ÿ dVoïr attaché assez mal à propos un ptit carton indiquatit ce see, je la mis dans 64 boite et je n’ÿ songéai plus pendant queique temps. Rappelé par le sujet de ce Mémoire À l'étude des Méliponides, quel fut mon étohnernent en reconnaissant que cét individu appärteñait au exe féminin! Cependant cette vérité était incontestable. {1 n'a: vait plus de palettes, À la vérité, mais il avail énicoré lé peigtié tibial qui manque aux mâles. Ses äntennés n'avaient que douze articles conne dans Îés ouvrières. Comme ëlles, il n'avait pas d'aiguillon. Mais ce qui à achevé de dissiper tous mes doutés, c’est que les deux plaqués aniales, célles que nous avons souvent noitimées lé Sixième anneau, étaierit 4ssez écartées, et présen- tient üné ouverture assez large pour laisser apércevoir l’extré- mité de l'appareil générateur du mâle. Or, on n’en voyait au- cun vestige. La plaque anale inférieure avait la même forme que dans les ouvrières, et ne ressemblait en rien à celle de son analogue dans le mâle que nous venons de décrire: Qué devais-je penser de cette feinelle Säfñs palettes? En parcourant totités les hypothèses, qui peuvent expliquer ce phénomène, je n'en trouve qué trois qui aient les conditions requises de possibilité. r° Cet individi peut êtfe une ouvrière ävortée; travaux particuliers, et qui n'ont pas besoin de palettes ; 3° Il peut ne jias être tine ouvrière et être une feinellé Lé- conde. Sans la rejeter absolument, j'ai cru devoir m'interdire la pre- mière explication. Dans cette hypothèse, Pexemplaire en ques- tion serait une exception. Or, es exceptions se prouvent, lors- w. SbiNotA. — Sur les Apiaires Méliponides. 135 qu’on s’est assuré de leur éxisténce ; maïs on ne les présume pas. La seconde hypothèse a du moins, sur la première, le grand avantage de Süpposer une règle. Mais cette règle, sans être en soi-même impossible; n’a aucune probabilité, parce qu'elle est en opposition directe avec tout ce que nous savons de certain sur lés tiœurs ét sur les habitudes des Æpiaires sociales. Car de deux chosés lue : la société qui aurait des ouvrières sans pa- lettes, én aurait d’autres pourvues de cet instrument, ou elle n’en aurait pas. Si elle en avait, cette société serait composée de quatre sortes d'individus dont trois du sexe féminin, et dont lé troisième ne se distinguerait des deux autres que par des né- gations qui le réndraiènt impropre au traväil et à la reproduc- tion. Si élle n'éñ avait pas, il faudrait croire à l’existence d’ou- vrières qui pourraient faire sans palettes ce que leurs congé- fières ne sauraient faire sans elles. Ce serait là une possibilité bien im probable. Or, les improbabilités sont Comme les excep- tions : il faut en fournir les preuves; of n'a pas le droit de les présuner. La plus forte dé toutés les présoinptiohs vient au contraire à l'appui dé là troisième hypothèse. Dans les sociétés d’/piaires composées de trüis sortes d'individus, dont deux du sexe fémi- nin , les facultés du travail et de la reproduction $’excluent ré- ciproquététit. Mais si la sociét nie noürrit jas de membres inutilés, désordre qu'ofi tie doit pas présumér, chaque individu doït,avoir l’une où l’autre de ces deux facultés. Donc, si une femelle rie parait pas propre du travail, on peut présumer qu’elle doit étre féconde. Je concois qu’étant habitués, comme nous le sommes, à regar- der la ferielle fécotidé des Abeilles comime le plus grand individu de la républiqte , nous ayons de la peine à reconnaître une de ses pareilles dans la très petite fémelle qui n’a pas de palettes. Nous aurons beau faire observer que cette Méliponide n’est pas plus petite que les ouvrières de son espèce; que,quoique féconde, elle est éncore vierge, et qu'elle aurait plus de volume si élle eût été fécondée, on aura toujours de la peine à se persuader qu'un aussi petit abdomen puisse contenir tous les germes d’une génération aussi nombreuse, Mais faut-il nécessairement que 130 M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. cetle génération n'ait qu'une seule mère? L’exemple des Æor- micaires prouve bien le contraire. La question entre la pluralité et l'unité des femelles fécondes dans les sociétés des Mélipo- aides est encore indécise. M. de Saint-Fargeau , sans se pronon- cer, a penché pour l'unité. Jose me flatter que s'il eût vu ma petite femelle sans palettes, il aurait conclu pour la pluralité, A la place des expériences directes qui n’ont pas été faites, je citerai, à l'appui de mon opinion, deux faits qui cadrent assez bien avec elle, et qui s’expliqueraient difficilement dans le sys- tème de l'unité. Les voyageurs rapportent qu'il y a en Amérique des Abeilles qui ont un aiguillon, et d’autres qui n’en ont pas. Ils nous disent aussi qu’il y en a qui peuvent subir la domesticité, dont on peut morceler les ruches et transporter les gäteaux, qui s’accommodent du nouveau domicile qu’on leur assigne, et qui y poursuivent leurs travaux; ils nous disent encore qu'il y en a d’autres qui ne perdent jamais leur naturel sauvage et indé- pendant; que celles-ci ne travaillent jamais dans les lieux qui ne sont pas de leur choix, et qu'elles quittent, dès qu’elles le peuvent, la prison où elles étaient retenues. Ces rapports sont clairs. Les premières sont les Æbeilles proprement dites ; les autres sont des Méliponides. Lorsqu'une existence est soumise à une condition unique et sine qu& non , il laut qu’elle vive partout où l’accomplissement de cette condition n’est pas impossible. Dans les {beilles. pro- prement dites , le but de la société étant la conservation de l'espèce, la condition sine qué non de son existence est la fé- condité de la mère unique. Cela posé, lorsqu'on a enlevé une ruche ou une partie de ruche, et qu’on l’enferme dans un lieu clos, mais où les ouvrières aient assez d'espace pour travailler, elles se mettront immédiatement au travail, pourvu qu’elles aient une mère féconde; et si elles n’en ont pas, elles sauront s'en faire une, parce que les Abeilles savent tout ce qu'elles ont be- soin de savoir, comme le dit très bien Réaumur, puis elles re- prendront le cours de leurs travaux ; et vice vers@, si la société comporte la pluralité des mères, il n'y aura plus de condition sine qué non, allachée à l'existence d’un seul individu. Mais M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. 137 cette indépendance pourra être contrebalancée par des condi- tions plus étroites de localité. Dans ce cas, la petite tribu qui aura été séparée de la nation par une force étrangère, pourra bien ne pas trouver à sa convenance le local pour lequel on ne l'aura pas consultée ; et comme elle a avec elle toutes les sortes d'individus dont elle a besoin, elle ira, dès qu’elle le pourra ; s'établir dans une résidence de son choix. Or, c’est précisément ce que font les Méliponides. Le second fait confirmatif de ja pluralité des mères, est l’ab- sence de l’aiguillon qui est reconnu pour les Méliponides ou- vrières , et qui le serait également pour les rnères, si ma femelle sans palettes à été nécessairement féconde, comme je le pré- sume. Supposons-le pour un instant, et demandons-nous ce qui se passerait dans la république, si deux mères y étaient nées, et si une seule devait y rester. Duel à mort ou émigration ? Mais le duel est inconcevable entre des combattans qui n’ont pas d’ar- mes. Donc, émigration et formation d’essaims. Mais ces petites Méliponides si abondantes en Amérique, qui y résident si près des habitations, qui y sont familieres jusqu'a limportunité, dont on met à profit la cire et le miel , qu’on a essayé de réduire en domesticité, personne ne les a vues former des essaims. Met- tons néanmoins de côté les suppositions , et revenons au fait constaté. Les Méliponides ouvrières n'ont pas d’aisuillon ; donc elles n’ont aucun moyen de se défaire des mâles, lorsque ceux- ci deviennent à charge à la société. La nature y a pourvu en les condamnant à périr d’épuisement et des suites de leur bles- sure, peu après l’accouplement. Mais s’ils doivent mourir de ce genre de mort, il faut que leur nombre soit proportionnel à celui des femelles , et s’il y a pluralité des uns, il faut qu'il y ait pluralité des autres. Je ne sais si je me trompe, mais cette in- duction me semble d’une grande force. Cette petite femelle qui n’a pas de palettes, et que je crois féconde, présente toutefois le peigne tibial à chaque patte pos- térieure. Si le peigne doit servir à l'extraction de la cire, ne pourrait-on pas soutenir que celte femelle est toujours une ouvrière, puisqu'elle fait au moins de la cire? Cette difficulté disparait d'elle-méme, si lon remarque que la transsudation 138 ÿ. sprNôLA. — Sur les Apiaires Méliponides. de la cire n’est qu'une sécrétion involontaire, et qu’elle n’a rien de commun avec ün véritable travail. L'existence du peigne ést une conséquence de la sécrétion : il faut bien que l’insecte ait un moyen de $e délivrer du corps étranger qui peut le géner. D'ailleurs, tout s'explique et tout s'accorde dans le système de li pluralité des mères. Étant plus nombreuses, elles peuvent êtré moins fécondés sans que la population future puisse di- minuer. Devant être moins fécondes, elles n’ont pas besoin d'être aussi grandes , ételles peuvent rester de la taille des ou- vrières. La différence de taillée étant nulle, la différence de nourriture peut être moindre, et ses effets peuvent être plus bornés. Ces effets étant plus bornés , ils peuvent se réduire au strict nécéssaire, c’est-à-dire au développernent des parties gé- nitales et à l'avortement des membres employés à des travaux incoipatibles avec ceux de la génération. La transsudation dé la ciré n'étant pas un travail, elle a pu subsister même après le développement des parties génitales , et le peigne tibial a dû rester, afin que le mal ne fût pas sans remède. La Mère Abeille nous offre un exemple du système contraire. Étant unique, elle doit être plus grande, sa nourriture doit être plus abondante, et différer davantage substantiellement dé celle dés ouvrières ; l'excès de la quauitité et les différences de la sub- stance dans la nourriture, donnent un plus grand développe- mient aux orgänes génitaux. Ce développement extraordinaire se fait aux dépens de celüi des organes du mouvement, soit qu'il y ait Compatibilité où incompatibilité de leurs fonctions avec les organes reproducteurs ; le tatse et le tibia sont également compris dans cet arrêt de développement, et l’'épine tarsiennne qui sért à l'extraction de la cire disparait. L'instrument qui aurait remédié äux inconvénients de la sécrétion n’existant plus, la sécrétion elle-même devait cesser. < Si ces inductions méritaient toute notre Confiance, nous serions fondés à croire que les sociétés des Méliponides sont non-seuléement durables au-delà d’une période annuelle, circon- stance que l'existence d'ouvrières laborieuses et infécondes nous autorisait d’avancé à présuimer, mais qu'elle est même supérieure à celle des véritables 4béillés sinon par les trivaux de l’induis- M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. 139 trie, du moins par la hauteur du prin@pe constitutionnel. Une société, dont tous les membres peuvent vivre ensemble jusqu’au moment où une mort naturelle mét un termé à leur existence individuelle , est bien mieux organisée que celle qui né peut se conserver entière que par le massacre de tous les individus dé tout un sexe,et qui doit subirune véritable scission toutes lé fois qu'un seul individu de l’autre sexe fécond n’est pas assez fort pour attaquer et pour tuer tous ses semblables. On se detnanderait même comment des sociétés qui auraient un pareil principe de vie pourraient cesser d’exister, et pourquoi des sociétés nouvelles iraient-elles se former en dehors dés anciénriés. D'abord il est possible que les anciennes ne meurent que par l’action destruc- tive des causes étrangères ; mais la formation des nouvelles de- vient nécessaire, lorsque la place n’est plus suffisante pour la pôpulätion ; qui augmente indéfiniment. L'espace peut manquer, Si la ruche est placée dans un lieu circonstrit, qui en limite la grandeur, ou si les Méliponides ont elles-mêmes limitée , en l'enfermant dans une enveloppe qui a une forme ét des dimen- sions déterminées. Le défaut d’éspace nécessitera l'émigration; mais, comme il se fera sentir du* premiers individus Qui ne sauront où sé placer à leur aisé, l'émigratiori pourra être lente, successive, pour ainsi dire insensible, et elle ne sera accom- pagriée d'aucune des circonstances éclatantes qui signalent les essaims de nos Abeilles. Admiettons que les chbses se passent ainsi; il s’ensuivra que, dans une méthode établie, d'aprés lés habitudes morales, par exemple , dans celle de M. Lepeletier de Saint-Fargeau ; les Méliponides devraient précéder les Abeilles, et suivre Immédiatement les Formicaires sans aiguillon; ais je prie les savans auxquels je soumets mes observations d’y faire la juste part des faits et des conjectures. Les premiers, les seuls que je prenne sous ma garantie, se réduisent à ce qui suit: 1° Les femelles Méliponides sécrètent la cire par la face in- férieure de leur ventre. 2" Leurs tibias postérieurs peuvent servir à l'extraction de la matiere sécrétée. 3" Les Trigones ont une brosse aux tibias postérieurs , qui manque aux Mélipones. 140 M. SPINOLA. — Sur les Apiaires Méliponides. 4 Les mâles ne sont pas plus grands que les ouvrières. 5° L'étui de la verge et ses appendices latéraux ne res- semblent pas aux mêmes parties de l’4deille mâle. Go Il y a des femelles sans palettes, parfaitement semblables aux ouvrières qui er ont. Tout le reste est conjectures. Ces conjectures ne me semblent pas dénuées de vraisembiance; mais, si le vrai n’est pas toujours vraisemblable, le vraisemblable n’est pas toujours vrai: aussi serai-je toujours prèt,Je le déclare, à abandonner le champ des hypothèses , dès que le vraisemblable que j'aurai imaginé devra faire place au vrai qu'on m’aura appris. EXPLICATION DE LA PLANCHE 2. 1. Ventre de la Melipona compressipes très grossi. 1,2, 3,4,5, 6 , segmens détachés et disposés d’avant en arrière: a. poches à cire ; 2. fente unique ouverte pour la sortie de la cire. a. Tibia et tarse postérieurs de la mème Mélipone très grossis : A. vus du côté interne ; B: vus du côté externe; C. extrémité postérieure dumême, Avec un plus grand grossis- sement, 1. tibia; 2. second article du tarse: a. peigne tibial; à. palette; c, rangées d'épines le long du bord postérieur du tibia. 3. Parties génitales extérieures de la Melipona anthidioides mâle très grossies : A. vues en dessus ; B, vues de profil; C. vues en dessous, «. Epines latérales et supérieures de l'étui de la verge ; 4, appendices latéraux de la verge; c: dent médiane et supérieure de l'étui ; d. portion de la verge , dans un état d’érection commençante, e. brauche inférieure de l’étui ; f. sixième anneau du ventre. 4. Trigona angustata, de grandeur naturelle , femelle sans palettes. 5. Patte droite postérieure de la mème, très grossie et vue du côté externe: a. tibia sans palette; 8. peigne tibial. 6. Tibia postérieur de la Trigona pallida ouvrière, très grossi et vu du côté interne : a. bros se tibiale; 8, peigne tibial. SERRES. — Sur l'embryon. 141 DE /a respiration branchiale de l'embryon ; considérée chez les Mammifères et les Oiseaux , Par M. SERRES. (Mémoire présenté à l'Académie des Sciences, dans sa séance du 17 février 1840.) Les fissures cervicales de l'embryon de l'Homme, de celui des Mammifères, des Oiseaux et des Reptiles , sont donc, d’après notre précédent Mémoire (1), les espaces intermaxillaires et in- tercostaux séparant les rudimens des maxillaires , de l’hyoïde, et des côtes en voie de développement. Les artères qui parcourent ces espaces sont par conséquent les branches intercostales, lin- guales et intermaxillaires. Ces fissures sont-elles branchiales, c’est-à-dire propres à la respiration aquatique? La réponse à cette question nous est donnée par la disposition que nous avons reconnue à l’amnios, et particulièrement par celle de la portion réfléchie de cette membrane. Toute respiration branchiale exige en effet le contact immédiat de la branchie avec un liquide. Or, les fissures cervicales sont-elles en contact immédiat avec le liquide amnio- tique? C’est là le point fondamental de la détermination de leur fonction. D'après les notions imparfaites que l’on avait sur l’anatomie de cette membrane, naguère cette question n’en était pas une, L’'embryon était présumé flottant , et, pour ainsi dire, suspendu dans les eaux de l’amnios; ce liquide l’environnait de toute part, de sorte que les fissures cervicales, de même que toute la sur- face externe de l'embryon, baïgnaient dans le liquide amnio- tique. Dés-lors on pouvait croire, comme on l'a cru en effet, que la nature de ces fissures était réellement branchiale. Mais, d’après la description que nous avons donnée de la membrane de l’amnios, et surtout d'après le mécanisme dont l'embryon s'enroule dans ses replis, on conçoit que le contact immédiat du liquide avec les fissures, condition fondamentale de toute branchie , est physiquement rendue impossible. (x) Annales des Sciences naturelles, deuxième série, tome x11, page 129, 142 SERRES. — Sur l'embryon. A mesure, en effet, que l'embryon s'enfonce dans la vésicule amniotique, il chasse devant lui une portion retroussée de la membrane ; cette portion ainsi réfléchie s'applique immédiate; ment contre la surface externe de l'embryon à laquelle elle adhère intimement, comme la portion réfléchie de toutes les membranes séreuses adhère à la périphérie des organes. Il suit de là que l'embryon qui pénètre dans l’amnios par le dos, et, qui ne saurait y pénétrer différemment, à cause de, la disposition de l’allantoïde et de la vésicule ombilicale, a d’abord la région dorsale recouverte par l’amnios réfléchi ; puis, à mesure qu'il, s'enfonce, cette portion réfléchie s'applique immédiate- ment sur là tête, le col, la poitrine, le bassin et l'abdomen. Arrivée vers le te de la région abdominale, elle y trouve le pédicule de l’allantoïde ainsi que celui de la vésicule ombilicale qu’elle embrasse étroitement en les entourant, ce qui donne naissauce au cordon ombilical. Or, pendant ce trajet, l’amnios réfléchi a rencontré sur sa route la bouche, les ouvertures des fosses nasales, celles des oreilles, celles des fissures cervicales, ainsi que ner de la vulve et de l'anus. Il s ’est appliqué en passant sur les bords de toutes ces ouvertures, > qu il ferme hermétiquement en leur for- mant un opercule véritable destiné à s'opposer physiquement à l'entrée des eaux de l'amnios dans les cavités que terminent ces diverses ouvertures. La formation du cordon ombilical, la formation de cette lame operculaire sur la bouche, sur les fissures cervicales, ainsi que sur les autres ouvertures naturelles, sont donc le résultat immé- diat du mécanisme du développement de l’amnios réfléchi, et ce résultat a pour fonction, pour effet, pour but, d’opposer un obstacle mécanique à l'entrée du pique amniotique soit dans le canal intestinal, soit dans la cavité auditive et utérine, soit enfin dans lintérieur des fissures cervicales ; d’où il suit encore, comme conséquence dernière, que ces es ne sont et ne sauraient être des organes de respiration, que par conséquent leur pature n’est pas branchiale. C'est une conclusion dont nous devions donper les preuves anatomiques , afin d'établir d’une part que l'appareil branchial SERRES. — Sur l’embryon. 143 que nous avons décrit chez l'homme était le seul convenable- ment disposé pour exécuter la respiration branchiale de l’em- bryon, et avant de passer d’autre part à la description de l’ap- pareil respiratoire analogue des embryons des Mammifères et des Oiseaux, dont les dispositions sont si différentes de celui de l'embryon humain. On sait, depuis notre ayant-dernier Mémoire, que les villa- sités Far du chorion constituent la partie fondamentale de la branchie embryonnaire. On sait qu’en s’engageant dans les fentes de la caduque réflé- chie, ces villosités et leurs vaisseaux vont se mettre en contagt avec le liquide de la caduque , contenu lui-même dans la cayité que forment les deux lames de cette enyeloppe. Les Mammiferes et les Oiseaux, sont tous pourvus de cette partie vasculeuse du chorion, que j'ai nommée érythro-chorion, pour la distinguer de l’exochorion , qui lui forme un épiderme externe, et de l’erdochcrion, qui tapisse son intérieur. D'après les rapports du chorion avec la membrane caduque, la cavité branchiale se trouve ainsi superposée sur Je chorion, dont elle entoure la périphérie extérieure. Si les Mammifères étaient pourvus d’une membrane caduque aussi développée que celle de l'Homme, la cavité. branchiale et son liquide pourraient avoir la même position, et la branchie conserver ainsi les mêmes rapports; mais cette caduque est tellement réduite chez eux, que la cavité existe à peine, et que difficilement on peut con- stater la présence d’un liquide (hydroperione ) entre ses deux lames. Il résulte de là que la cayité branchiale est presque anéantie chez les Mammifères, et que leurs embryons seraient privés de cette respiration, si la nature n’y avait pouryu d’une autre maniere ; or, c'est cette manière dont la nature a modifié la branchie embryonnaire des Mammifères , qui doit présente- ment fixer. notre attention. En exposant les enveloppes propres de l'œuf humain, nous avons yu que l’endochorion qui constitue l’allantoïde est si ru- dimentaire, que sa cavité est à peine distincte, et que le liquide qu'elle renferme est en si petite quantité, qu’à peine aussi peut- on en constater la présence. Nous ayons vu, en second lieu, 144 SERRES. — Sur l'embryon. qu'aù moment où ses vaisseaux se confondaient avec ceux du chorion, l’endochorion tapissait la face interne de l’érythro- chorion. Cette atrophie de l’allantoïde avait rendu nécessaire le développement de la cavité branchiale de la caduque. Mais si chez l'embryon de l'Homme, l’allantoide ou l’endo- chorion avait eu une capacité suffisante, si son liquide avait été assez abondant, les villosités vasculaires du chorion, en se met- tant en contact avec lui, auraient trouvé l'élément indispen- sable à leur action respiratoire. La cavité branchiale de la ca- duque eût été inutile, étant remplacée par la cavité et le liquide de l’endochorion. Or, ce que la nature aurait pu faire chez l'Homme, est pré- cisément ce qu’elle à mis en œuvre chez les Mammifères. Chez tous ces animaux, elle a développé outre mesure l’allantoïde (endochorion) ; elle a étendu cette membrane en forme de double intestin, lequel communique par l’ouraque avec la vessie; elle a rempli cet intestin d’un liquide légèrement onctueux, et a couvert sa surface extérieure des innombrables vaisseaux du chorion ou de l’érythro-chorion. Ainsi appliquées sur la surface externe de l’allantoide ou de l’endochorion, les dernieres rami- fications capillaires s’introduisent dans les mailles déliées de l'endochorion, dont le liquide les humecte, comme le liquide de la caduque de l'Homme humecte et arrose la terminaison des villosités du chorion. Chez les Mammiferes, le résultat est donc le même que chez l'Homme : les vaisseaux qui constituent la lame moyenne du chorion, ou l’érythro-chorion, sont humectés chez les premiers par le liquide allantoïdien, et ils le sont chez le second par celui de la cavité de la caduque. La respiration branchiale s'exécute en définitive de la même manière chez les premiers embryons des Mammifères , et sur l'embryon de l'Homme. Seulement, et cette différence est très remarquable, la cavité branchiale est placée chez l'Homme en dehors du chorion, tandis qu’elle occupe son intérieur chez les Mammifères. Très distincte dans les enveloppes des Carnassiers , cette disposition et ce rapport de la lame vasculeuse du chorion (érythro-cho- rion), sont surtout évidens sur les enveloppes de la Vache et SERRES. — Sur l'embryon. 145 de la Brebis, et mieux encore sur les enveloppes du Cochon, qui les offrent à leur maximum de développement. Quelque différente que soit la position de la cavité bran- chiale des Mammniféres et de l'Homme, on voit néanmoins par quel antagonisme simple elle est produite. Elle est en effet le résultat du balancement dans les développemens de la caduque et de l’allantoïde dans les enveloppes des embryons. L’allantoide étant très rudimentaire chez l'Homme, les ca- duques ont acquis une extension, un développement que l'on ne remarque sur aucun autre Mammifére. De là l'ampliation de la cavité branchiale de la caduque ; de là l'abondance relative du liquide qui la remplit; de là aussi l’atrophie de l’allantoïde, et la presque nullité de sa cavité et de son liquide. Par contre, chez les Mammifères, la cavité branchiale et le liquide de l'allantoïde sont portés au maximum de leur déve- loppement : de là l’atrophie de la caduque ; de là la presque nullité de son liquide et de sa cavité. Cet antagonisme entre le développement de la caduque et celui de l’allantoïde chez l'Homme et les Mammifères, est devenu la source de la confusion qui existe sur ces membranes dans lovologie humaine et comparée. Pour la caduque, l’ovologie de l'Homme servant de terme de comparaison , beaucoup d’anatomistes n’ont pu reconnaître son analogue dans le double feuillet si mince et si peu consistant que l'on trouve étendu sur le chorion des Mammifères. Pour l'allantoïde, l'ovologie des Mammifères ayant été prise pour terme de rapport, les anatomistes se sont long-temps re fusés et beaucoup se refusent encore à considérer comme l’ana- logue du double intestin de la Vache, de la Brebis et du Cochon, le petit repli allantoïdien de l'Homme, dont l’existence, comme partie indépendante , est si éphémère. Si l'on avait considéré l’ovologie du point physiologique qui nous occupe, on eût vu que cet antagonisme dans le dévelop- pement de ces membranes était le résultat de la fonction res- piratoire qu’elles concourent à remplir; on eût vu que la fai- blesse de l'allantoïde de l'Homme nécessitait une caduque forte- men développée, pour donner de l'étendue à sa cavité bran- Zoou. — Mars. 19 48 SERRES. — Sw l'embryon. chiale,-dermème que les.vastes cavités branchiales de l’allan- toide des Mamuifères reudaient chez eux superflu et inutile un développement plus considérable de leur membrane caduque. Chez ces derniers, la force de l’allantoïde compense la faiblesse de la caduque, de mème que chez l'Homme la faiblesse de l'al- lantoïde est compensée. par le développement, considérable et la force de la caduque, Quant à la respiration branchiale des Oiseaux , le beau travail de:M, Dutrochet sur la vessie.ovo-urinaire de cette classe, me dispense d'entrer dans de longs détails à ce sujet. 11. me,suffira d'ajouter ici, d’une part , que l’endochorion et son liquide. rem- plissent chez eux les, mêmes fonctions que. chez les Mammi- fères , et d'autre part, que la membrane chalazifère des, Oiseaux est, l'analogue de la membrane caduqne; qu'elle, est secrétée dans a comme cette dernière l’est dans l'utérus ; qu’en se détachant de l'ovaire , l'œuf de l'oiseau | s'applique d’abord sur la vésicule formée par la membrane qui doit devenir chala- zifère; qu'il s’y enfonce ensuite, comme l'œuf humain,s'enfonce dans la. caduque, et qu’enfin e’est pendant cetenfoncement, d’où nait la portion réfléchie ,,que,les chalazes se développent par un mécanisme peu différent du développement. de la. cha- laze de la caduque de l'homme. Si la respiration de l'embryon était uniquement exécutée par la branchie érythro-vésicale , nous en aurions exposé, parce qui précède, la modification principale:; mais elle est précédée par-la branchie omphalo-mésentérique ou ombilicale, et suivie, chez les Mammifères, par la respiration placentaire. Pour avoir une idée de l’ensemble de cette fonction pendant le cours de la vie embryonnaire, il est donc nécessaire de-dire un mot de l'appareil par. lequel elle commence et de celui par lequel.elle finit. Ja branchie :omphalo-mésentérique commence à, paraître chez les, Oiseaux ; où elle est portée à son plus haut développe- ment, à la douzième heure de l'incubation , d'après Les, obser- vations de Malpighi.et. de Hancisi ; à la vingt-quatrième,; d'après celles un peu tardives de Maître-Jan; à la dix-huitième ,ou vingtième heure, selon Hällér , et de la quinzième à Ja dix;sep- serres. — Sur l'embryon. 149 tième heure, d’après la moyenne de nos propres recherehes. Son étendue et sa vascularité augmentent jusqu’au milieu du troisième jour ; et dés le quatrième elle commence à décroître et à se flétrir. Le moment de cette décroissance coïncide avec l'apparition de la branchie érythro-vésicale , destinée à lui succéder et à la remplacer. Le remplacement s’opère d’une manière si métho- dique et si régulière, que sa fonction ne saurait en être troublée. Enfin, si l’on suit d'heure en heure ce double mouvement dé formation d’une part et de déformation de l’autre, on trouve que vers le douzième jour de lincubation, et au plus tard le quatorzième , la branchie érythro-vésicale s’est complètement substituée à la branchie omphalo-mésentérique. | La substitution d’une branchie à une autre s’effectue chez les Mammifères par le même procédé que chez les Oiseaux. L’ovo- logie de la Vache ; celle de la Brebis, celle du Cochon surtout, montrent les divers temps de cette substitution d'une manière presque aussi régulière qu’on la remarque chez les Oiseaux Chez l'Homme, l'état rudimentaire de la branchie omphalo- mésentérique coïncide avec le développement si prompt de la branchie érythro-vésicale. Le rapport de ces deux branchies explique leur position res- pective. Chez tous les animaux pourvus de la branchie érythro- vésicale, sa position est pelvienne, ét cette position parait lui être commandée par celle de la branchie omphalo-mésentérique dont elle doit continuer la fonction. Chez ceux, au contraire, où la branchie érythro-vésicale est remplacée par des branchies cervicales, comme chez les Poissons et les Batraciens, la branchie omphalo-mésentérique s'éloigne de la région pelvienne, et vient se placer vers le cou, dans le voisinage de l'appareil respiratoire qui doit lui succéder. La né- cessité de l'accord de la respiration embryonnaire explique ainsi la position spéciale que vient occuper la vésicule ombilicale chez les Batraciens et les Poissons. Le placenta, qui succède à la branchie érÿthro-vésicale , comme celle-ci a succédé à la branchie omphalo-mésentérique, offre dans sa composition chez les Mammiféres des différences LA 148 SERRES. — Sur l'embryon. qui sont subordonnées à l'étendue de l’endochorion (allantoïde) et à l'étendue, par conséquent, de la branchie érythro-vésicale. Le placenta n'étant en effet que la transformation de l’érythro- chorion , il arrive que moins l’endochorion est étendu, plus l'érythro-chorion est concentré. Plus est vaste, au contraire, lendochorion, plus sont disséminées les houppes de l’érythro- chorion, qui forment les cotylédons placentaires. D'où il suit que, dans le premier cas, les cotylédons placen- taires, groupés et réunis en masse, forment un plateau unique, comme on le remarque chez l'Homme, les Quadrumanes, la plupart des Carnassiers et des Rongeurs , tandis que dans le se- cond cas, les cotylédons, tenus à distance, donnent naissance aux placentas cotylédonés et multiples de la Vache, de la Brebis, et du Cochon, surtout remarquable sous ce rapport. Telles sont les modifications les plus remarquables que nous ont paru subir les appareils de la respiration embryonnaire, considérés chez l'Homme, les Mammifères et les Oiseaux. Srconn Mémoire sur les métamorphoses de plusieurs Larves Jfongivores appartenant à des Diptères , Par M. Léon Durour, Correspondant de PInstitut. (Présenté à l’Académie des Sciences, dans la séance du 18 mai 1840.) J'ai présenté à l’Académie des Sciences, dans la séance du 15 juillet 1839, un premier Mémoire sur ces métamorphoses, et il a été imprimé dans les Annales des Sciences naturelles. J'ai poursuivi depuis lors mes recherches sur le mème sujet , et je viens encore lui en offrir l'hommage. L. puFOUR. — Sur les métamorphoses des Dipières. 149 1. Cheilosia scutellata. Macq. Hist. nat. Dipt. vol. 1. p. 560. Cheilosie à écusson bordé. 16. (PI. 3, fig. 1-4.) Syrphus scutellatus. Fall. Meig. Dipt. Europ. tom. 3. p. 284 (PI. 30, fig. 29, 30.) Nigro-ænea , nitida, subvillosa ; oculis glabris ; abdomine in atro cæruleum yergente; feminæ scutello luteo basi nigro ; antennis halteribus pedibusque (parüm) lutescentibus ; femoribus nigris basi apiceque lutescentibus ; tibiis medio nigrescentibus ; tarsorumque apice nigris. Long. 3, 3 1/2 lin. LanvA acephala oblonga, hirudiniformis, mollis, cinereo-fumosa, plurisegmen- tata, subvillosa ; stigmatibus posticis apicalibus, tubulosis truncatis, contiguis, corneis, glabris, pallidè rufs ; anticis minutis simplicibus ; labio bifido ; palpis geminatis uni-articulatis. Long. 4-5 lin. Hab. in boletis putrescentibus. Pura nuda, subvillosa, breviter ovoidea convexa antice rotundata , dorso bre- viter bicornuto; posticè in caudä tubulosä, glabrä, biarticulatä terminata. Long. 3 lin. Nxwpxa glaberrima subrosea, dorso breviter bicornuta, capite magno, oculis haud distinctis. L’idèntité de notre espèce avec celle de MM. Meigen et Mac- quart n’est pas douteuse. Yeux glabres dans les deux sexes. Palette des antennes jaunâtre avec le style légèrement velu. Duvet du corselet d’un roux doré dans la femelle, plus fourni et passant au noir dans le mâle. Écusson de ce dernier, entiè- rement d'un noir bronzé. Abdomen ayant sa région dorsale d'un uoir bleuätre terne. Pattes un peu variables pour leur couleur. Cuisses noires , les postérieures surtout, excepté à leur base et à leur sommet. Tibias plus ou moins noirâtres ou bruns dans leur milieu. Tarses ayant les deux derniers articles noirâtres ; les postérieurs parfois entiérement noirs. Aïles diaphanes avec les nervures d’un brun testacé. Par sa mollesse et par ses segmens, qui sont au nombre de plus de vingt, la larve de cette Cheilosie ressemble à une petite sangsue d’un gris sale ou enfumé. Son extrême contractilité lui fait changer à chaque instant de forme et de grandeur quand 150 x. vurour., — Sur les métamorphoses des Diptères. elle marche. Elle est couverte d’un fin duvet, plate en dessous, modérément convexe en dessus, sans mamelons ambulatoires, ayant souvent des ondulations assez régulières sur les bords du Corps. Les stigmates postérieurs terminaux, tubuleux , sail- lans, cornés , gläbres, adossés, d’un marron clair, tronqués, conime biarticulés, énchatonnés dans une excavation du der- Hier segment. L'étude microscopique du bout tronqué de ces stigmates y décèle trois tubercules séparés par de légers festons, trois ostioles respiratoires sans doute, et de chaque côté trois faisceaux de poils radiés qui ne sont pas inutiles pour favoriser l'acte de la respiration. De chaque côté de la base du segment stigmatifère, ilexiste une petite papille conoïde, velue ou veloutée, saillante dans certains cas. Les stigmates antérieurs sont petits, saillans, oliviformes, bruns, cornés, simples. La lèvre est très rétractile, membraneuse, glabre , subdiaphane, bifide ; chaque lobe est terminé par un double palpe d’un seul article ovale. Ces larves vivent souvent en société nombreuse, au milieu de la bouillie qui résulte de la décomposition putride dés béléts. Je les ai particulièrement trouvées dans le magma des Boletus edulis et pinelorum. Leurs stigmates postérieurs ont uné con- figuration et une structure qui s’accommodent du milieu dans ul elles sont habituellement plongées. C’est dans cette mème ordure qu’on rencontre lés Pupés de Cheilosia, et elles sont alors tellement sales, que pour s’en fâîre tine juste idée, il est indispensable de les lavér et de lés brosser avéc soin. Elles s’enfoncent aussi sous la terre ou lé sable. J'en ai trouvé quelquefois dé collées isolément contre les parois du vase où j'élévais les larves. Elles Sont én ovale raccourci, d’un marron clair, couvertes dan fin duvet et offrent là trace des segmens de la larve. Vers le quart atitérieür de leuf région dor- sale , il y à dé chaqhe côté üne corne cylindrique, roussätre, glabre, peu ou point arquée , rédressée , assez Courté. Elles se terminent en arrière par une sorte de queue biarticulée, résul- tant de la soudure des deux stigmatés de la larvé, êt dont l'ar- ticle postérieur à üne rainuré médiane. Cette Pupe à én OPA des 1e avec celle que Réau- mur à réprésentée dans lé cinquième volume de ses immortels L. DuROUR: "Sur lès métamorphoses des Diptères. 151 Mémoires (PI. 8, fig. 4-5). Elle avait, selon lui, deux cornes êt une queué , et provenait de la truffe, Mais cé grand observa- téur n’en dit que peu de mots; il ne parle pas du caractère si remarquable du duvet, et il ne connut pas l’insecte qui en naît. Au reste, en étudiant attentivement ces figures, on y reconnaît des traits, non mentionnés pâr Réaumur, qui prouvent qué nôtre Pupe en diffère essentiellement. Ces traits sont la dépres- sion, la déclivité de la partie qui précède les cornes; ét le nombre, la forme des segmens. 11 n’y a qu’une douzaine de ceux-ci dans l’éspèce dé Ré: ét ils sont infiniment plus prononcés que dans la nôtre, À La Nymphe renfermée dans la Pupe de la Cheilosie est fort tendre, revêtue d’un tégument extrémement fin et glabre.-Elle a une teinte rosée, unetête grosse sans aucune trace d’yeux ni d'antennes, mais avec une sorte de labre précédé de deux pièces ovalaires, et sur les côtés un pointsaillant qui n’a aucun rapport avec les yeux. Les pattes et les ailes sont emmaillotées comme dans les nymphes congénères, Le dos du thorax à deux petites cornes correspondantes à celles de la pape, qui n’en sont que les étuis. D’après une observation récente faite sur la Pupe bi- corne d’une Phora nouvelle que jai décrite dans un Mémire présenté à la Société royale de Lille, ces cornes se sont impro- visées et sur la nymphe et sur son enveloppe au! moment de la métamorphose, et seraient des stigmates. Süivant là saison où naïssérit les lirvés de Cherlosia , leûr dé- véloppément et leurs métimorphosés Sünt plis 6u moins long: témps à s’opérer, aitisi que j'ai déjà éû plusiéurs ocväsions de l’observer dans d’Autrés Diptèrés. Lé'12 novembré 1838; javais placé dans un bocal dés ‘Bo/etus pinétorum peuplés dé larvés de divérées éspèces qui passèrent l'hiver sans accomplir leur dernière métimorphôse. Dis les prérhiers jours de märs 1835, jé constatar dans le #4gma dé té bocal un grand nombré de Püpés dé Cheïlosie, et éé né füt qué dans lé mois de sep: tembre suivant qué j'en vis étlore les insectes ailés, c'est-à- dire au bout de onze moîs environ. Au comiméricérient d'août 1839, jobtins plusieurs individus de Chéilosia chtéllata de pupes que lé 14 juillet précédent 152 L. DuFOUR. — Sur les métamorphoses des Diptères. j'avais reconnues dans le magma d'un Boletus edulis qui un mois auparavant avait été placé dans un bocal. Dans ce cas, il s'écoula à peine deux mois depuis la naissance de la larve jus- qu’à celle de l’insecte ailé. à 2. Anthomya manicata. Meig. Dipt. tom. 5. p. 140. Anthomyie à manchettes. Macq. Hist. nat. Dipt. 2. pag. 333. (PL. 3, fig. 5-10.) & Nigro-cinerea , orbitis facieque argenteo nitidis ; thorace obscurè trilinea- to; abdomine , quodam lumine , lincà medià incisurisque obscurioribus ; pedum intermediorum tibiis ante apicem intüs unituberculatis ; femoribus in medio subtüs longiùs pilosis; coxis, basi duabus setis instructis; tibüs anticis basi rufescentibus. ‘© Nigro-plumbea , abdomine concolore, pedibus simplicibus, Long. 2 172-3 lin. Hab. sat frequens in umbrosis , fossis (Saint-Sever). Larva acephala ovato-attenuata spinulosa pestice declivis ; spinulis pinnato- fimbriatis ; dorsalibus in seriebus duabus dispositis, brevibus simplicibus stigma- tibus posticis subtrilobatis , anticis exsertis gracilibus octo digitatis. Long. 3-4 lin. Hab. in boletis carnosis putrescentibus. Pura larvæ consimilis et breviüs ovata , segmentis duobus anticis evanidis. Long. 2 1/2-3 lin. Les individus nés dans mes bocaux sont un peu plus petits que ceux pris dans la campagne. J'ai déjà eu plusieurs fois l'oc- casion de faire une semblable remarque pour plusieurs Diptères dont j'ai élevé les larves dans mon laboratoire. Ces dernières, privées des vicissitudes atmosphériques, qui sont peut-être pour elles une condition de prospérité, sont gènées dans leur déve- loppement, et les insectes ailés, indépendamment de cet héri- tage , ne peuvent pas dès leur naissance se livrer à l'exercice et à l'alimentation nécessaires pour imprimer à leurs tissus la con- sistance, la coloration et l'expansion que leur donnerait un état de pleine liberté. De là, la petitesse de la taille. La structure des pattes intermédiaires du mâle a été mal sai- sie, ce qui m'a déterminé à en donner une figure. Le tibia se L. DUFOUR. — Sur les métamorphoses des Diptères. 153 renfle avant son extrémité en une grosse dent obtuse, tron- quée. La cuisse, outre son duvet ordinaire , a vers son milieu, en dessous, des poils plus longs et plus fournis. Enfin, le premier article des hanches, celui qui s’insère directement au thorax, est muni constamment de deux soies rapprochées, raides, courbées vers leur extrémité. Tous ces caractères du mâle ne sont pas de simples ornemens; ils ont leurs attributions dans l'acte de la copulation. Les ailes, dans les deux sexes, ont pendant la vie une teinte enfumée qui s’efface avec le temps, et leur base est testacée. Quoique destinée à vivre encroûtée dans la plus dégoütante ordure, la larve de cette Anthomyie est bordée d’appendices frangés qui, sous le pouvoir des verres amplifians , offrent une élégance, un luxe de structure qui excitent l'admiration à un très haut point. Déjà, dans mon premier Mémoire sur les mé- tamorphoses des larves fongivores, j'ai décrit et figuré avec détail la larve de V4. melania, que des yeux inexpérimentés pour- raient considérer comme une espèce identique à celle-ci, mais elle en diffère essentiellement, ainsi qu'on va le voir. Quand la larve de l’Z. manicata est adulte et que les segmens antérieurs sont bien désemboïités, comme la représente la fi- gure ci-jointe, elle a jusqu’à quatre lignes de longueur et une forme fort atténuée en avant. La pellucidité des tégumens per- met d’apercevoir les mandibules noires et rétractiles et de suivre tout le cours des trachées artères qui vont des stigmates posté- rieurs aux antérieurs. Sa lèvre est bilobée , à lobes arrondis mu- nis d’un palpe biarticulé. Le premier segment du corps, celui qui suit la lèvre , a de chaque côté, mais sur le disque et non sur le bord, un poil raide, simple, inarticulé, une sorte de corne. Le deuxième, sur lequel viennent s’étaler les stigmates antérieurs, n’a ni poils, ni soies. Le troisième a au milieu de son bord latéral une seule petite épine droite, velue, pinnée ou bipectinée, à barbes simples.Les segmens dorsaux suivans ont de petites épines plus grandes, frangées , inclinées en arrière, avec les barbes basilaires plus longues et divisées en deux ou trois courtes branches. Ils ont, outre cela, de chaque côté de la ligne médiane une trés petite épine simple. Le dernier segment est 154 L. Durour. — Sur les métamorphoses des Dipières. déprimé, comme obliquement éxcisé , et son contour postérieur est orné de six appendices frangés plus longs que les latéraux précédens, mais de la même configuration , de la même struc- türe qu'eux. Les ségmens ventraux Ont aussi sur léurs bords latéraux correspondans à ceux des dorsaux qui suivent lé troi-= sième jusqu’au dernier exclusivement, üné pétite épine à barbes simples qui débordent plus ou moins le corps vers là base des pänaches dorsaux. Les stigmatés postérieurs sont säillans, cor- nés, bruns, avec trois petits tuberculés. LéS antérieurs sont DALAE) avec huit rayons grèles et nacrés. Il h'ÿ a que six de ces raÿons dans la larve de V4. melania. La Pupe de V4. rnamicala croupit dans lordure comme sa lätve, dont elle ne différé que par le retrait, la disparition des déux segmens antérieurs du corps, et par une taillé par conséquent moindre; mais ellé a les mêmes épines, et les stigmatés postérieurs sont presque aussi saillans. Lorsque, dans mon Mémoire précité, j'élevais des doutes sur une assértion de M. Robineau-Desvoidy que je vais citer tout- à-l’heure, je ne me croyais pas si près de la combattre directe- ment par des faics positifs. L’4. manicata rentre avec les Z. sca- laris, armata et ornala dans le genre Faunia de cet auteur, où il né comprend qu'urie seule éspèce ; sa Fuunia sallatrix,; qui suivant M. Macquart ne diffère pas de V7. scalaris Meïg. L'äuteur du populeux essai sûr és Mÿodairés (page 567) dit que les larves de sa Fauünié « vivent dans les ordures et dans lés débris soit des végétaux, soit des animaux. Jusque-là, c'est lékacté vérité, puisque la larve dé la manicala habite les chämpignons putréfiés ». Mais il avance que «ces Larves sé fixent à un corps quelconque pour subir leur dernière iméta- morphose, et la Nymphé demeuré suspendue comme la chryÿ- salide de plusieurs Lépidoptères ». C'est ici qu'est l'erreur. M. Robineau aura mal saisi le fait, et sa comparaison surtoüt mahqueé d’éxactitude. Dans les bocaux où j'élévais dés larves de Diptères , j'ai souvent remarqué que, pour subir leur métas morphose en Pupe, elles erraient çà ét là dans l'enceinte de leur prison, et qu'à défaut d’uné condition favorable que je ne savais pas leur procurer, quelques-ines d’entre elles; pres* 1. DurouRt — Sur les métamorphoses des Diptères. 155 sées sans doute pär l’urgence de ce travail, se fixaient où sur les parois du vase, ou sur les corps étrangers que j'y avais pla: cés. Mais ces Pupes, loin d’être suspendues à la manière des chrysalides des Lépidoptères , démeuraient collées sur le support par une large surface. Du reste, je n’ai jamais observé ce fait pour l'Anthomyie dont il est ici question. Ses Pupés se trouvent toujours ou dans le sable humide qui garhit le fond du vase, ou dans l'espèce de boue formée par les bolets en décomposition. Le 50 septembre 1830, je mis en Expérience un Bo/etus to- mMéntosus renfermant dés larves d’Z. manitatu. Le 19 novembre suivant, se montrérent plusieurs individus de cette Muscide, et pendant lé premier trimestre de 1840, il en naquit éncore un grand nombre. Pour leur éclosion, les bords du quart anté- rieur environ de la pupe se dessoudeht et demeurent ün pe béans après le départ de la manche. On reconnaît encore à là dépouille les stigmatés digités. 3. Anthomyia paradoxalis. Nob. (PI. 3, fig. 11-15.) Anthomyie paradoxale. Même description que pour l'espèce précédente { Wanicalu). Long. 2-2 + lin. Lanva acephla sordidè albida ; ovato=atténuata , Spinulosa , posticè declivis ; spinulis marginalibus pinwatis dorsalibus seficbus duabus dispésitis elongatis pinnatis, stigmatibus posticis inæqualiter trilobatis, anticis exsertis gracilibus sex digitatis. Long. 3 lin. (PI. 3, fig. 11.) Hab. in aganico nigricante Bull. putrescente. Puea larvæ consimilis at breviüs ovata ; segmentis duobus anticis evanidis. Long. 2-2 1/2. Malgré ühe longue pratique dans la distinction des éspèces, je déclare qu'après l'examen comparatif le plus scrupuléux, cette Anthomyie, dont j'ai étudié les deux sexes, m'a paru en tout identique à la Manicata, sauf une légèré diffé rence de taille, J'avoue que je ne comprends pas une sem blable identité dans ces deux Anthomyies, lorsque les larves dont elles proviennent sont évidemment différentes. Or, je suis 156 L. purour. — Sur les métamorphoses des, Diptères. très certain de la légitimité de cette double provenance, parce que j'ai élevé un grand nombre de ces deux larves dans des bo- caux séparés et que j'ai obtenu un grand nombre de ces mouches. C’est cette certitude, fondée sur des expériences positives, qui me détermine et à imposer une épithète spécifique à mon An- thomyie, et à publier le fait. La larve de l 4. paradoxale appartient, comme la précédente et comme celle de V4. mélanie de mon premier Mémoire , à celles dont Réaumur (tome 1v, page 175) a fait sa première classe, et en particulier à celles qu'il place dans une division particulière à corps très court el hérissé de piqmans. Et si ce profond observateur ne disait pas que celle représentée par les figures 1, 2, 3 de la planche 13 de ce même tome, laquelle appartient certainement à une Anthomyie, se trouve dans les nids mousseux des Bourdons, je croirais en vérité que c’est la même espèce que la mienne, car il dit qu’elle a des poils longs et durs, et il figure ceux-ci barbus à leur base, La configuration générale de la larve de la paradoxalis est la même que celle de la manicala, mais ses stigmates antérieurs n’ont que six rayons au lieu de huit, et les petites épines dorsales, qui dans cette dernière sont courtes et simples, sont, dans la paradoxalis, pinnées et presque aussi longues que les margi- nales. Celles-ci ont dans la m#anicata les barbes basilaires divi- sées, ce qui ne s’observe pas dans la paradozxalis , qui a aussi aux segmens ventraux une petite épine marginale pinnée qui dé- borde un peu le segment dorsal. Dans l’une et l’autre espèce, la lèvre est bifide et arrondie. Les stigmates postérieurs de la paradoxalis sont plus allongés, et les trois lobes sont singuliè- rement inégaux. Enfin, le microscope décèle de petites épines simples sur les bords latéraux des segmens dorsaux de la para- doxatis dans le voisinage de l'insertion de la petite épine pinnée, tandis que la même lentille ne constate que d'imperceptibles crénelures sur ce même bord dans la manicata. L’éclosion des deux espèces a lieu de la même manière et aux mêmes époques. L, DUFOUR. — Sur les métamorphoses des Diptères. 157 4. Curtonevra stabulans. Macq. |. c. 2. p. 277. Curtonèvre des habitations. Musca stabulans. Meig. Dipt. Eur. 5. p. 75. PI. 43. fig. 35 (ala). Muscina stabulans. R. Desv. Myod. p. 497. Cinereo-subcæsia ; facie albido-argentea ; thorace vittis quatuor nigris; abdo- mine macuhs cinereo-micantibus tessellato ; palpis, scutelli apice pedibusque ferrugineis ; tarsis femorumque basi migris. Hab. frequens arborum truncos foliaque in umbrosis. Long. 4 lin. Lanva acephala, cylindrico-conoidea , glabra , albida, postice truncata ; trun- caiuræ margine supero integro ; infero sexdentato; mammillis ambulatoriis, sex paribus; stigmatibus posticis simplicibus, anticis flabelliformibus sexdigitatis ; labio bifido. Long. 4-5 lin. (PI. 3, fig. 16.) Hab. in Agarico aurantiaco, Boleto eduli, etc. Pura nuda , intensè castanea , Iævis , ovato-cylindroidea , posticè rotundato- truncata, stigmatibus vix prominulis ; incisuris punctato-asperulis. Long. 3 1/2 lin. ( PL. 3, fig. 19-20.) Muscide très commune, ayant le front noir dans le mâle, et d'un noir cendré dans la femelle; l'abdomen avec des reflets de taches d’un gris luisant glacé ; les cuillerons blancs, les ailes claires, et les cuisses antérieures ayant leur extrémité seule ferrugineuse. De tous les Champignons comestibles de notre contrée, l'Oronge ( Agaricus aurantiacus Bull.) est celui qui est le plus rarement attaqué par les vers, et c’est pour la premiére fois qu’en septembre 1839 je trouvai ce délicieux Agaric peuplé de larves de Curtonèvre. Depuis, je rencontrai abondamment celles-ci dans le Bolet comestible. Je les élevai soigneusement, et au bout d’un mois environ j'obtins des insectes ailés. La tron- cature postérieure de ces larves est remarquable en ce que son bord supérieur est parfaitement entier, tandis que l’inférieur est bordé de six dents peu prononcées et constatables seulement dans certaines circonstances. Les stiygmates postérieurs sont deux très petits points bruns où la plus forte lentille du micro- scope découvre un espace subréniforme dont le disque offre trois ostioles oblongs bordés d’un filet brun. Dans un autre travail plus étendu, je ferai connaître cette structure encore 158 L. PUFQUR. é. Sur Les mélamorphoses des Diptères. inconnue des stigmates des larves de plusieurs Diptères. Les stigmates antérieurs , qui au besoin peuvent s’abriter entière - ment sous le bord du segment qui les suit, ont six digitations étalées en éventail. La lèvre est bifide, et chaque lobe se ter- mine par un palpe biarticulé. Au moment de leur transformation en Pupe, ces larves m'ont fourni un fait assez singulier. Dans le bocal où je les élevais, j'avais laissé du papier qui, incessamment humecté par la dé- composition du Champignon, se réduisit en pâte. Je trouvai plusieurs pupes enveloppées d’une espèce de cocon ou de four- reau formé avec cette pâte; mais toujours le bout antérieur, celui par lequel devait avoir lieu léclosion , était à découvert. D’autres Pupes étaient nues au milieu du magma ou dans le sable qui garnissait le fond du vase. Ces Pupes, d'un marron foncé, lisses et épaisses, offrent aux incisions mêmes une série de points épineux qui doivent sans doute exister dans les segmens de la larve , mais que je m'y ai point constatés. 5. Curtonevra fungivora. Macq. I. c. vol. 2. p. 278. (PI. 3, fig. 21-23.) Curtonèvre fongivore. Muscina fungivora. Rob. Desv. Myod. p. 408. Nigra cinereo-tessellata , antennis, palpis, frontis medio, pedibusque penitus nigris ; facie orbitisque albido-sericeis ; oculis nudis; thorace cinereo-lineato ; scutelli apice téstaceo ; abdomime tessellato; alis diaphanis. Long, 3 lin. Lanva acephsla cylindrico-conoïdea, glabra , albida, postice recte truncata integra ; s'igmatibus posticis prominulis nigris , anticis exsertis quadridigitatis. Long. 4-5 lin. Hab. in fungis carnosis putrescentibus. Pura oblonga, nigrescens , postice rotundato. Suhtruncata integra. Long. 3 lin. Cette Curtonèvre ressemble extrémement à la €. stabulans, mais elle est un peu plus petite, plus noire, avec les pattes entièrement de cette dernière nuance et le bout de lécusson à peine roussâtre. Le mâle, sauf la contiguité des yeux, ressemble à la femelie. L. DUFOUR.. Sur Les métamorphoses des, Diptères. 159 Les larvesiont constamment leur troncature postérieure en- tière, et il ne faut. pas coufondre ,avec des dents dépendantes de celle-ci les deux lobes dentiformes qui par intervalles s’oh- servent au panneau ou tablier anal, et dont j'offre ici la figure. Les stigmates antérieurs different de ceux .de l'espèce précé- dente, parce qu'ils n’ont que quatre digitations. Celles-ci sont sensiblement plus grosses et ,oblongues. Il y a.sept paires de mamelons ambulatoires où le microscope découvre. quelques aspérités. La levre est tronquée ou à peine échancrée ; avec un palpe biarticulé aux angles antérieurs. J'ai trouvé ces larves soit dans le Boletus edulis , soit dans V'Agaricus campestris tombés en pourriture, et elles ont mis à se transformeren Pupes eten Mouches le même temps que celles de la Curtonevra stabulans. Les Pupes ressemblent à celles de cette dernière, et il est bien difficile de les distinguer l'une de l'autre. MM, Robineau:Desvoidy et Macquart nous apprennent que les larves des Curtonèvres habitent les matières végétales en putréfaction , et notamment les Champignons; mais ils n’ont rien dit sur la forme de ces larves et de leurs pupes. Les deux observations que je publie comblent cette lacune de la science. 6. Platypeza holosericea. Meig. |. c, vol. 4.p. 8. (PL 3, fig. 24-26.) Platipèze veloutée. Macq. I. c. vol. 2; p. 19. Atro-velutina , thorace unicolore ,, oculis rufo-ferrugineis ; abdominis ultimo segmento interdim cinerescente , pedibus atris , tarsis obscurè lividis. Lovg. 1 1/4 lin. Q Thorace capiteque obscurè cinercis ; thoracis lineis quatuor obscurioribus ; scutello cinereo ; abdoñine atro-velutiuo , fasciis cinereo-sericeis, primis latè in- térruptis, posticis nune integris, nunc AR HUE: ; pedibus nigro-lividis. Long. 1 172 lin. Lay acephala ovatà anticè attenuata, posticè depressa; margine dorsoque spinulosis, spinulis simplicissimis; stigmstibus simplicibus. Long. 2 lin. Hab, in Agarico campestre putrescente. Pura ouda, laryæ consimibis, segmentis duobus anticis evanidis ; depressa fusca. Long. 4 1/3 lin. chine le bout de l'abdomen du mâle est noir comme le reste. Les balanciers sont enfumés dans ce dermier.sexe , 160 L. purOUR. — Sur les métamorphoses des Diptères. et livides dans la femelle. Il n’est pas rare que l'abdomen de celle-ci soit d’un gris soyeux avec des bandes noires plus larges vers le second et troisième segmens. Les ailes sont diaphanes dans les deux sexes. M. Macquart, dans son excellente Histoire des Diptères, avait déjà observé des Platipèzes qui se réunissaient sous le chapeau des Champignons, et avait raison de présumer que leurs larves vivaient dans ceux-ci. Les larves le notre Platipèze se trouvent dans l’A4garic champêtre, plus connti sous le nom de Champi- gnon de couches , et qui croît spontanément dans nos prairies et nos pelouses. Mais c’est principalement lorsque les lames de l’Agaric sont noires et pourries qu’on les ÿ rencontre avec plus d’abondance. La larve est atténuée en avant lorsqu'elle est en mouvement, plane en dessous, modérément convexe en dessus, largement arrondie en arrière avec cette partie déprimée et déclive.Chaque segment dorsal, à partir du second, muni vers le milieu du bord latéral d’une épine simple. Le contour du segment posté- rieur est muni de six épines plus fortes. Une double série de celles-ci, mais fort petites, à la ligne médiane du dos. Le seg- ment qui suit la lèvre présente de chaque côté une soie simple, discoïdale ; et le suivant, deux épines au bord antérieur. Les segmens ventraux ayant une petite épine latérale ne dépassant pas le bord correspondant du segment dorsal. La lèvre est en- tière arrondie, à deux palpes biarticulés. Les stigmates posté- rieurs sont saillans, simples, cylindroïdes ; les antérieurs, pa- reillement simples, débordent un peu le corps. Lorsque la Larve veut subir sa métamorphose de Pupe , ou elle s'enfonce dans la terre, ou elle se fixe à nu sur les corps du voisinage. La pupe, un peu plus courte que la larve, n'en dif- fère que par une forme ovale plus courte, par une couleur brunâtre, l'absence des deux segmens antérieurs et celle des stigmates. F Le r4 septembre 1839, je plaçai dans un bocal disposé à cet effet des Agaries peuplés de ces larves. Le 22 de ce même mois, je constatai les Papes, et le 25 j'obtins des Platypèzes, vers la mi-octobre. ’ L. DUFOUR. — Sur les mélamorphoses des Dipières. 161 OBSERVATIONS. 1° J’a obtenu de divers Agarics et Bolets putréfiés plusieurs individus des Zrichocera annulata et regelationis Meig. Ainsi ce genre, que les classificateurs comprennent dans la division des Tipulaires terricoles , serait fongicole. Je n’ai point recueilli sur ses métamorphoses des faits assez positifs pour en offrir la description. Je me contenterai, en attendant mieux, de signaler celui de l’origine de ces insectes. 2° Le Mouceron ( Agaricus prunulus Fries), qui est un des Agarics comestibles les plus exquis, nourrit une larve acéphale, allongée, spinuleuse, à petites épines simples, qui se transforme en une Pupe elliptique spinuleuse et munie de deux cornes dorsales. Cette Larve et cette Pupe ont la plus grande analogie avec celles de la Phora pallipes dont j'ai publié l'histoire dans mon premier Mémoire; mais elles en diffèrent spécifiquement et appartiennent à la Phora rufipes Meig. Je les ai fait connaitre par des descriptions et des figures dans un travail offert à la Société royale des Sciences de Lille. 3° J'ai rencontré dans un bolet parasite du tronc du noyer, différent du Boletus imbricatus Bull., la larve de la Drosophila maculata que je n’avais pas indiquée dans l’histoire de cette dernière Muscide publiée dans mon premier Mémoire. Cette larve est acéphale, allongée, atténuée en avant, tronquée en arrière, longue de deux lignes environ. Les bords de la tron- cature sont dentelés, et le supérieur a quatre dents. Les stig- mates postérieurs sont saillans, tubuleux; les antérieurs sont susceptibles de s'épanouir en éventail, et composés de neuf rayons. 4° J'ai aussi observé par moi-même la Larve et la Pupe de la Drosophila fasciata de mon premier Mémoire. Elles se trouvent en grande abondance dans la matière décomposée de divers Bolets et Agarics. Gette larve est fort remarquable par la forme et la structure de ses stigmates. Les antérieurs, engagés dans un étui tubuleux d'un blond pâle fourni par le tégument du troisième segment dorsal , cousistent en de très fines soies con- niventes, dans le repos, en un pinceau saillant. J’avais dit, d’a- XI, Zoo. — Mars. 11 162 r. purour. — Sur les métamorphoses des Diptères. près mon ami M. Perris , que ces stigmates n'étaient qu’à cinq rayons, mais j'en ai compté sept. Il arrive souvent que deux d'entre eux ne sont pas sur le même plan que les cinq autres, et peuvent se dérober ainsi même à des yeux exercés. De là l'erreur. La trachée, avant d’abontir à ce stigmate, fait une grande courbe qui peut s’effacer presque entièrement dans cer- tains mouvemens de la larve. Les stigmates postérieurs sont placés au bout d’un conduit tubuleux long et coriacé. La Pupe, bien confirmée, est oblongue, d’un marron vif, déprimée dans le tiers antérieur de la région dorsale, et bien remarquable par la saillie corniforme de ses stigmates anté- rieurs et postérieurs. 5° Errare humanum est. Je me suis évidemment trompé en rapportant au genre Sapromyza la Muscide que dans mon pre- mier Mémoire j'ai décrite et figurée sous l’épithète de 2/epha- ripteroides. Yexistence de cuillerons de moyenne grandeur, dont la valve inférieure dépasse la supérieure , exclut ce Diptère de la section des Acalypteres de M. Macquart, dans laquelle est compris le genre Sapromyza, et ce même trait le place dans la tribu des Ænthomyzides de cet auteur. Il faut encore que je confesse une erreur, c’est que le style de son antenne m'a pas trois articles comme je l'ai avancé, mais deux seulement, ainsi que le dit M. Macquart. Mon espèce doit rentrer dans le genre Anthomya Macq. et dans la même division que l°Æ. cani- cularis. Ge sera V4. blepharipteroides. Je prie donc de substi- tuer cette dernière dénomination générique à celle de Sapro- myza de mon premier Mémoire. C'est en signalant et en redres- sant les erreurs que l’on établit plus solidement la vérité. Dans la même déliquescence du Boletus pinelorum qui m’a- vait fourni l'4nthomyie bléphariptéroide , j'ai trouvé des Pupes parfaitement semblables à celles de cette dernière, mais d’un roux plus clair et un peu moins grandes, qui en septembre 1839 m'ont donné une Ænthomyie de la même division qu’elle, mais distincte comme espèce , et dont je vais formuler le signalement, car je n'ai pas pu la déméler dans le vaste répertoire de ce genre dans les onvrages de MM. Meigen, Robineau-Desvoidy et Macquart. L. DUFOUR. — Sur les mélamorphoses des Dipières. 163 Anthomyia boletina. Nob. Anthomyie des Bolets. Cinerea , thorace haud lineato, fronte ferrugineo, orbitis argenteis, proboscide palpis pedibusque rufescentibus , tarsis_ palporumque apice obscurs ; antennis nigris, stylo villosulo ; abdomine in fœminà civereo immaculato, in mare cinereo- sericeo villosiore fascià longitudinali ultimoque segmento nigris. Long. 2-2 1/2 lin. Hab. larva in boletis putrefactis, Le mâle m'a semblé toujours un peu plus grand que la fe- melle : ses yeux sont, comme à l'ordinaire , contigus, et l'abdo- men a des poils noirs plus longs. EXPLICATION DES FIGURES DÉ LA PLANCHE 9. ( Les figures sont loutes très grossies.) 1. Larve dé Cheilosia scutellata Macq. avec la mesure de sa longueur naturelle. 2. Lèvre avec les palpes labiaux géminés. 3. Pupe avec l4 mesure de sa longueur na- turelle, %. Nymphe vue par sa face inférieure, 5. Larve de l’Anthomyia manicata Macq. avec la mestre de sa longueur natu- rehe. 6. Première spinule simplement pinnée, 7. Une des spinules latérales dorsales à branches basilaires rameuses, On voit aussi la spinule veñtrale et le bord crenelé du segment, 8. Un stigmate antérieur étalé, 9: Lévré et palpés labiaut. 10, Patteintermédiaire détachée et fort gros+ sie de cette muscide mâle pour mettre en évidence les deux soies coxales , la villositéfémorale et le tubéreule tibial, 24. Barve de l'Anthomyia paradozalis Nob, avec la mesure de sa longueur natu- relié, 24: Une portion détachée d'un segment dôr- sal, pourmettre en évidence Ja spi nule. médiane, la spinule latérale et les aspérités de sort bord, 23, Un ftigmate antérieur étalé, 14. Un stigmaté postérieur, 15, Lèvreet palpes labiaux, 16. Larve de: Curtonevra stabulans Macq. avec la mesure de sa longueur nalu- relle. 17: Un stigmate antérieur étalés 18. Uu stigmate postérieur avec ses, trois ostioles respiratoires. 19. Pupe de cette Cürtonèvre avec la mesure de sa longueur naturelle; 20. La même pupe enveloppée d’une sorte de cocon. àt. Stigiaté antérieur de la larve dé Curtonevra fuñgivora Macq. 22. Portion postérieure de la larve de cette mêne espèce, pour mettre en évi- dénce sa troncature entière , ses slig4 mates postérieurs et le tablier anals 23. Lèvre et palpes labiaux de cette même larve, 2%: Larve de Platÿpeza holosericéa Mac, avec la mesure de sa longueur natu- relle. 35. Lèvre , palpes labiaux et mândibules dé celte larve, 26. Pupe de celle-ci avec la mesure de sa Jongueur naturelle, 11. 16/4 MALCEL DT SERRES. — Ponte des Oiseaux. Tanreau du nombre des œufs que pondent les diverses espèces d’Oiseaux , Par M. Marcer, DE SERRES, Professeur à la Faculté de Montpellier. Les oiseaux, ces légers habitans des airs, ne se font pas seu- lement remarquer par la vivacité de leurs mouvemens, la vio- lence de leurs passions, suite nécessaire en quelque sorte de la chaleur de leur sang, mais encore par leur extrême fécondité. Cette fécondité peut être appréciée avec quelque exactitude. Elle nous est donnée du moins par le nombre des œufs qui en est le résultat, aussi bien que par celui des couvées que les oiï- seaux semblent répéter d'autant plus qu'ils sont plus spéciale- ment soumis à notre empire. Quant au nombre des œufs que les oiseaux pondent pour conserver leur race, il paraît dépendre tout antant de leur taille que de leurs mœurs ou de leurs habitudes. Du moins voit-on les grandes especes, et particulièrement les oiseaux rapaces, tels que les Aigles, les Vautours, pondre un très petit nombre d'œufs, et ne faire même qu’une seule couvée. Parmi les espèces chez lesquelles le nombre des œufs est ré- duit à l'unité à chaque ponte, on peut citer l’Autruche et le Casoar. Quoique la fécondité des Aigles et des Vautours soit maintenue dans de justes bornes, comme cela arrive: chez presque tous les Carnassiers, ces oiseaux pondent cependant jusqu’à deux ou trois œufs ; mais les uns et les autres n’en font jamais qu’un seul par ponte. Il ne faut pas croire que l’Au- truche, lorsqu'elle est privée de sa liberté et réduite à la do- mesticité , soit plus féconde, car elle ne fait jamais qu’un seul œuf; à la vérité, ses pontes se renouvellent plusieurs fois pen- dant l’année. MARCEL DE SERRES. — Ponte des Oiseaux. 165 Les oiseaux dont les dimensions sont médiocres, et les petites espèces surtout, produisent généralement un assez grand nombre d'œufs. Il en est de même dés espèces qui se nourrissent de graines, de fruits, d'insectes. Parmi celles-ci, se distinguent particulièrement les Mésanges , qui pondent jusqu'à vingt œufs, ét de plus font deux ou trois couvées par an. Les Mésanges, les Roitelets, et toutes les petites espèces de Passereaux, les plus féconds de tous les oïseaux , se font remar- quer par le développement de leurs organes générateurs mâles, principalement ceux qui sont destinés à préparer la liqueur séminale. Ainsi, plus le nombre d'œufs que pondent les oiseaux est considérable , plus aussi est grand le développement de leurs organes fécondateurs mâles. Quant à l’incubation ou à la couvaison, elle est plus éga- lernent pratiquée par le mâle et la femelle chez les oiseaux qui pondent un grand nombre d'œufs. La femelle s’en occupe, au contraire, à-peu-près seule chez les espèces qui en font peu. C’est aussi chez ces dernières que l'on trouve des mères qui ne prennent pas même le soin de maintenir dans une température convenable les œufs qu’elles ont pondus, se confiant sur celle que le soleil doit leur donner. On conçoit facilement pourquoi les mères qui produisent une grande quantité d'œufs ne doivent pas abandonner at häsard le soin de leur progéniture, et qu’il y ait nécessité pour les parens de veiller à l'avenir de leurs petits. Aussi l’Autruche et le Ca- soar, qui, ainsi que nous l’avons fait observer, ne produisent qu’un seul œuf, ne le couvent jamais autrement que des yeux, suivant l’heureuse expression des sauvages. A la vérité, les cou- cous produisent un certain nombre d'œufs , et cependant ils ne les couvent pas davantage; mais, dans leur prévoyance, ils savent très bien les placer dans le nid d’autres oiseaux, qui, à défaut de leurs parens, se chargent du soin de veiller à la con- servation des petits qui ne leur appartiennent pas. Du reste, ces mœurs particulières du Coucou, si différentes de ce qu’elles sont chez les aûtres oiseaux, semblent, en quelque sorte, né- cessitées par leurs habitudes ét leur conformation. Ellés ont du moins fait taire la tendresse maternelle si naturelle et si vive 166 MARCEL DE SERRES. — Ponte des Oiseaux. chez la plupart, et l'on pourrait presque dire chez tous les oiseaux. Rien n’est plus variable que le nombre des jours nécessaires, chez les différentes espèces d'oiseaux, pour compléter leur ponte, Certaines espèces n’ont besoin que de cinq jours pour la terminer en entier; tandis que chez d’autres il en faut huit ou dix, ou même jusqu’à trente, pour l’opérer, Par suite de cette puissance tutélaire qui veille constamment à la conservation des êtres vivans, les œufs pondus long-temps aprés les premiers éclosent pourtant presque en même temps que ceux:ci, Cette particularité heureuse pour le sort de ces œufs si tar- divement venus au monde, dépend, peut-être, de ce que les derniers pondus trouvent, au moment où ils sortent du sein de leur mère, une chaleur plus considérable que les premiers. Cette chaleur, ajoutée à celle qu’ils possèdent eux-mêmes, les fait éclore d’une manière plus prompte que ceux qui ont joui avant eux du bienfait de la vie. Par suite de cette admirable combinaison, les mères voient éclore à-la-fois toute leur famille; il semble qu'elles soient assurées de l'avenir de leurs petits, ceux-ci devant trouver dans le nid qu’elles ont échauffé la cha- leur convenable pour les rendre à la lumière. Aussi , chaque jour, les femelles des Gallinacées et des Palmi- pèdes sont suivies dans leurs courses rapides, ou dans la nage lorsque ces oiseaux s’y livrent, par leurs jeunes poussins, et cela peu de temps après qu’ils sont venus au monde. Il y a plus en- core : certaines espèces d'oiseaux plongeurs, tels que les Grébes, les Plongeons, lorsqu'ils sont suivis par leurs petits et qu'ils veulent s'enfoncer dans la profondeur des eaux, les mettent sur leur dos et plongent ainsi avec eux. Ces oiseaux les entraînent même souvent peu de temps après leur naissance, et, pour ainsi dire, lorsque leurs petits viennent de sortir de la coque,solide qui les renfermait. Gette dernière circonstance n’est pas exclu- sive aux oiseaux aquatiques : elle a lieu aussi chez un grand nombre d'espèces terrestres. Qui ignore qu’il en est ainsi chez la Poule, les Perdrix, les Gélinottes, les Coqs de bruyère et tant d’autres oiseaux de différens ordres que leurs petits suivent peu après leur naissance ? Aussi, par suite de ces habitudes: in- MARCES DE SERRES. — Ponte des Oiseaux. 167 stinctives, les œufs de ces espèces éclosent à peu de distance les uns des autres, quoiqu'ils aient été pondus successivement et à des intervalles plus ou moins éloignés. Ces lois sont évidemment aussi admirables que nécessaires : car si les oiseaux renfermés dans le même nid ne. venaient à éclore que long-temps les uns après les autres, les premiers venus auraient sans cesse menacé la vie des derniers, ou les auraient empéchés de recevoir du bec de leur mère la nourri- ture indispensable à leurs besoins , surtout dans le jeune âge. L’iucubation ne commence d’une manière régulière que lors- que la mère a pondu en totalité les œufs dans le nid où elle doit les soigner. Jusqu’alors, elle ne garde le nid que par mo- ment, et jamais d’une manière constante. Instinct précieux que la nature a mis dans le cerveau de chaque oiseau, qui le porte à conserver constamment les mêmes habitudes, et à construire son nid de façon à recevoir ses petits, espoir de sa race future! Pour mieux assurer la conservation. des espèces, lorsque, par une cause quelconque , on enlève à une de ces mères tendres la totalité des œufs qu'elle avait pondus, on voit bientôt cette mère, sans cesse occupée de la conservation de sa race, con- struire un autre nid et y pondre de nouveaux petits. A l'apparition subite de cette nouvelle famille, qui a succédé si vite à celle qui a disparu, on se demande comment, dans le faible intervalle de huit jours, une Mésange peut avoir réuni toute la matière nécessaire aux vingt œufs qu’elle a pondus; c’est cependant ce qui a eu lieu sans efforts, comme sans fatigue pour la mère. La seule différence qui existe entre ces nids fabriqués d’une manière si inopinée et les anciens, c’est que les derniers sont toujours moins artistement construits, peut-être parce que la femelle n’a pas eu le temps nécessaire pour donner à leur construction les soins convenables. Il ne paraît y avoir aucune espèce de rapport entre la durée de J'incubation et le nombre des œufs que pondent les femelles. Il est en effet certaines espèces d'oiseaux qui font une assez grande quantité d'œufs et qui ne les couvent que peu de temps ; d'autres, au contraire, en pondent un petit nombre, 168 MARCEL DE SERRES. — Ponte des Oiseaux. et cependant prolongent fort long-temps la couvée. On peut citer pour exemple les Bruans, les Fauvettes et les autres Pas- sereaux, qui couvent peu et produisent pourtant assez d'œufs , tandis que les Aigies , les Vautours, qui en ont peu, n’en couvent pas moins pendant des temps fort longs. Le nombre des œufs que l’on découvre dans le nid des oiseaux n’est donc point en rapport avec la durée de lincubation; il est plutôt proportionné à la difficulté qu’éprouve la mère pour procurer une nourriture suffisante à ses petits. Aussi les espèces carnassières pondent généralement une moindre quantité d'œufs que les espèces herbivores ; et cette différence paraît tenir à la circonstance dont noùs venons de parler. D'un autre côté, les oiseaux, quelle qu’en soit l’espèce, qui peuvent, en venant au monde, chercher leur nourriture avec l’aide et sous la protection de leur mère, pondent généralement un assez grand nombre d'œufs. Des-lors, il n’est pas étonnant que l’Aïgle, le Casoar, l’'Autruche et les espèces analogues, ne mettent au jour qu'un ou deux œufs au plus. Si les femelles de ces oiseaux, mères tendres, comme cela arrive généralement chez tous les animaux, avaient une famille nombreuse à nourrir, il leur serait impossible de trouver assez d’alimens pour sub- venir à leurs besoins. Il serait, en effet, difficile aux Aigles, aux Vautours, même aux Casoars, oiseaux éminemment rapaces, et surtout aux pre- miers, qui vivent uniquement de matières animales, d’en re- cueillir par leur chasse des quantités assez considérables pour se nourrir eux et leurs petits. Comment l’Autruche, dont la voracité est pour ainsi dire proverbiale, pourrait-elle ramas- ser une assez grande masse d’alimens pour les estomacs chauds de ses petits , si la nature lui en avait donné un grand nombre? Ce que nous venons de dire de ces espèces peut également s'ap- pliquer à toutes celles qui, douées de violens appétits, n’en doivent pas moins subir les lois de la maternité qui leur ont été imposées par la nature pour assurer leur perpétuité et la con- servation de leur race. Les espèces herbivores, SE cle rt celles dont les ap- pétits n’ont pas les mêmes exigences , ont pu au contraire, sans’ MARCEL DE SERRES. — Ponte des Oiseaux. 169 danger comme sans risque, avoir une nombreuse progéniture, d'autant plus considérable que ces deux conditions se montrent plus complétement réunies. Ainsi nous ne devons pas être sur- pris de voir l’Oiseau-Mouche, le Roitelet, les Mésanges et les autres petites espèces de Passereaux, pondre une grande quan- tité d'œufs; car il est facile à la mére de recueillir une assez grande quantité de nourriture pour substanter les estomacs si peu volumineux de leurs petits. Qui ne voit dans ces rapports la prévoyance que la nature a mise dans les détails comme dans ensemble de ses œuvres? TABLEAU DU NOMBRE D'OEUFS QUE PONDENT LES DIVERSES ESPÈCES D'OISEAUX. On a compris dans ce tableau les espèces d'oiseaux qui pondent plus de sept œufs, ce nombre étant le plus général. R. signifie RAREMENT. BB. signifie TRÈS RAREMENT. C., — COMMUNEMENT, CT. — CONSTAMMENT. ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. NOMBRE D'OEUFS. Harles (Mergus)..,..... PA De 8 à 12 Sarcellé, «.susesseuse ee ces sie se 10 12 Canard (Anas), Oie ardinairens ee eu à C.: 40 50 (x) Anasbostas, 0... rousse ee omsie 10 1 (2) anserferus ...,.. es n.p/mersisoinree C, 8 R.12 RR,. 14 segelum C. 10 12 rutila. ..... ss Sirepera, ...ssssss.ssss .…. crenta.,., PEUElOPE. en 9/0.0 » 5,016, à o,0,0 9,0.» Clypeala. ss... ss... querquedula,,.........,.. ve BTECA. soso eees en Palmipèdes. 1) La ponte est interrompue par la couvaison, 2) L'incubation dure 30 jours. 170 MARCEL DE SERRES. — Ponte des Oiseaux. GENRES ET ESPÈCES. NOMBRE D'OEUFS. Tadorne.......es.se.esssmeree Millouins:.24 42800055 2,0, MacreusËs «yes ve ojofe.e de e-of4 re te je 16auplus. Bernaches.i ee 2 eee 0 nus 0 » » e «5 | 16 Cygnes (Anas alor: 4, inertie 8 Cormoran (Phalacrocora)...,....... 6 Pelicans (Pelicanus). L'ordinaire .., .. 4 4 3 Palmipèdes. Sternes (Sterne). Hirondelles de mer, . ; Mouettes (Larus). ......sss.ssosse Petrels (Procellaria)..........4:.44 Flamans (Phænicopterus)........... Foulques (Fulica atra)............. 1 ymagrouless .5 56cm misua «8 Poules d'eau de genêt (Crex)......,.. Gallinula porzana: .:4..,.,:....... = 0 puñilla Vestes de 0 — _chloropus ..., see se 0 A ED Rales (Ralus aquatieus). ............ Avocettes (Recurvirostris) Echasses (Himantopus), ............ Ghévaliers (Tofanus).....,..,..,,, Becasses (Scolopax). .............. Cigognes (Ciconia), ..s......e.ese Hérons (Ærdea)......,.....:..... GTDER SR Sole sites sieio o prose is sie nie = » Vanneaux (Tringa):, ,...,,..:42.: | Pluviers (Charadryus) .............1 \Outärdes (Ofis).... uses. Echassiers. mi Di bu me D © © D DID © Ok D O Où D œ D NE D ES on O1 Or. GO Où cr Hiboux(Otus). :::::::ssisceress. | De Chouettes (Ulula:. ...sssssssssese Effraies (Srryx) (Stryrx flammiea), . . :.. Ducs (Bubo}: és secs t Chats-huans (Sirnium). ss... Rapaces |Chevèches (Woctua).+.s:::...84. Scops (S/ryx scops)....ss.sss..s..:| C, Balbusards, css ésesseste. Busards (Falco), . 5... — Montagu (Falco cineraceus) . . — Saint-Martin (Falco cyaneus). . Buses (Falco buteo)........:..,.... Milans(Wibus)......,......44.] CG ou Oiseaux de proie. © Lo in D & O1 D D D Go D O7 Or Or à © à en O9 O1 En er (x) Blanc, presque arrondi. (2) D'un blanc pur, graveleux, inégaux, jamais lisses. (3) C’est particulièrement la Chouette hulotte. MARCEL DE SERRES. — Ponte des Oiseaux. 171 ORDRES, GENRES ET. ESPÈCES. NOMBRE D'OEUFS. Milan noir (Falcoater),.,,.......« De 6 à 7 Epervier (Falconisus), ...s.....y"s 3 6 Aigles (Aquila) ere se..sns 2 3 (x) Rapaces. —Jean-le-Blane (Falco brachy dactylus). 2 3 (2) Emérillon commum, ,.,-rsrtu 5 6 (3) Faucons (Falco). Lai se scvose se 4 #4 5 Cathartes (Cathiartes).. ...ss..soune G. 3 4 Vautours( Futur)... sense ave se G 2 R. 3 (4) Hirondéllés: 4,2... amer entr G 4 à 5 Martinets (Cypselus),. .,,,......,. 3 4 | Engoulévens (Caprimulgus).. , «4 nu « 2 3 | Martins-pêcheurs (4/cedo hispida).. .. 8 9 (5) Guépiers (Merops apiaster) à » « « « ver 6 7 Huppe(Huppa)....,...«se.aseses 4 7 (6) Sitelles (Stta europæa)..,......,,, 7 8 (7) Grimpereaux (Certia familiaris), ..,.. 9 10 Rolliers (Roracias), Le yulgaire. . «« .. 7 8 (3) ae (Corvus). Le noir........., 5 6 ) Chouces (Cornus), C, monedulla. ..... 5 6 Passereaux, { Corbeau (arane) CECI ET 5 6 (10) Geai (Corvus glandarius),,......... 5 6 (xx) ! Pie (Corvus pica).. . .yvsanpeneinue 4 5 | Becs-croisés { Loxior). v.erus-. ee 4 5 Gros-Becs (Coccothraustes)........,. 5 6 Etourneaux (Sturnus). Le vulgaire... .. 4 7 Chardonneret (Carduelis), .,....,.«. # 5 Pinsons (Fringilla), ,,....,.....s 5 7 ; Moïineaux (Pyngita},. sn... 5 ô Bruans (Emberiza). ...sws.ss.ssu. 4 5 (r2) Mésanges (Parus major)... pus nes Jusqu'à 20 (13) — AILET- Veste dia iein = male 10 (14) (x) Une ponte par an. (2) Gris d’ardoise tacheté. (3) Dans les rochers. (4) Sur les plus grands arbres. (5) D'un blanc pur lustré. (6) D'an blanc grisâtre. (7) Grisâtres , avec des taches rouges. (8) D'un blanc lustré. (9) D'un vert bleuâtre, avec des taches d'un brun plus foncé vers le gros bout. (10) Bleu-verdâtre, avec de petits points brun-olivâtre. (xx) Les corbeaux ne font qu'une seule ponte par année, Le nombre de leurs œufs ne s'élève jamais au-delà de 6, ni n'est jamais moindre de 3. Si les espèces dece genre sont peu fécondes, elles compensent par la durée de leur vie le petit nombre de leurs œufs. Les corbeaux étendent leurs migrations depuis le cercle polaire jusqu’au Cap de Bonne-Espérance, l’île de Madagascar , et jusqu’en Amérique. (12) Ceux des B, ortolans sont d’un blauc blenâtre, avec dés tâches et des points noirs. (13) Blanc jaunâtre, avec des points et des raies rouges, (14) Blanc pur, avec taches roug:âtres. 172 MARCEL DE SERRES. — fonte des Oiseaux. ORDRES. GENRES ET ESPÈCES, NOMBRE D'OEUFS. | | Mésanges {Parus cærulescens). ...,.. _ Palustris ........,. _ biarnicus ......... d CN or A bi [1 7, _ caudatus, ,........ Mésange charbonnière. .........,.| De 2 NS et A © ox Alouettte (4/auda)...,....,........ Farlousses (Ænthuüs)..............., Bergeroneltes (Badytes). ..... Hochequeux (Motacilla), ..,........ — troglodytes vulgaris. Roîtelet (Regulus cristatus)......... _ ignicapillus. . ..... Fauvette (Curruca), Le Rossignol]. . ..…. Rubiettes (Sybia rubecüla) ......... Passereaux. _— Phænñicurea. ....... _ troglodytes........ Traquets (Saxicola rubetra)......... _— SIrApaziNG us. « — DUIZATIS sense Bec fin (Motacilla.......,....,... _ lôcustilla ...,..... Loriots (Oriola galbula)........... Merles (Turdus cyanus)...,........ — TOSEUS. susrssnneres — vulgaris. ss... Gobe-mouche (Muscipula). ......... ‘ Pie-grièche (Lanius excubitor) ...... — meridionalis . ... _ TUJUS, voumnuve Ecorcheur. ... see... (8) en O1 En Er O1 > On O1 à OT ON O7 © Œ 9 Œ O O1 œ » O7 co SAEUSOoNQUN CA À © NO C Sal D SJ ot Zygodactyles {pics (Pieus wiridis)............... Jusqu'à 8 (9) ou Grimpeurs. | Coucous (Cuculus). ...,...........| De 5 6 (x) De la grosseur d'un pois. (2) Couleur de chair, avec des points rouges, (3) Trois pontes par an. On assure que, dans chaque couvée, le nombre des mäles est double de celui des femelles. (4) Très pointus, d’un bleu-verdâtre clair ; déposés dans les vieux troncs, sur les toits des maisons isolées ; à raison de ses habitudes, Buffon l'appelle Ro‘signol de muraille. (5) D'un blanc terne, avec de petits points rougeâtres disposés vers le gros bout. (6) D’un bleu pâle. (7) Dans un nid construit extérieurement avec des herbes sèches, et garni de laine en dedans. (8) Dans chacune de ses trois pontes annuelles. (9) Blancs, ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. NOMBRE D'OEUFS. Caille (Coturniz vulgaris). ......... De 8 à 14 Perdnix (Perdriz rubra) ........... 15 20 — sazatilis.......... 15 20 — petrosa ....... es 15 20 (r) cata sie, tebp 5 15 20 (2) Coq de bruyère (Tetras urogallus). ue 15 16 tetrir sv... 10 12 D" Gélinotte (Bonasia)..... 15 16 : CET: — — (Lagopus), 15 16 Gallinacées. en Eau + ds _ _ (Salicetti}.….. 12 14 Faisans (Fasianus). :..........,... 12 24 (3) Coqs (Gallus).. ue me «onu» » se» ut 1 (4) Paons (Pavo) ,......... s Sa RE ea .… 8 12 (5) Pintades (Nurmida). ....... CAR ET) 10 15 Dindons (Meleagris)..........,.... 15 20 Colombes (Columba). Le Pigeon. ..... 2. R. 3 (6) Tourterelles (Turtur). . ss... 2 (r) Mëme plus. (2) Méme, plus. (3) Olivâtre-clair, (4) Les poules qui n'ont pas dépassé quatre ans pondent constamment de la fin octobre jusqu'au 15 janvier. (5) Une seule ponte par an. Il paraît que les Paons sauvages sont plus féconds. (6) Souvent deux pontes par an. Il n'élève que deux petits. En résumé, ce tableau prouve qu’il est peu d'oiseaux dont le nombre des œufs soit au-delà de vingt dans la même couvée. Le Faisan ordinaire est la seule espèce mentionnée dans notre tableau qui fasse jusqu’à vingt-quatre œufs dans la même ponte: A part cette exception, le nombre de vingt paraît le grand maximum. Les Mésanges, les Perdrix et les Dindons sont donc les seuls oiseaux qui aient la faculté d'en produire une aussi grande quantité. Le nombre 15, déjà bien inférieur au premier, est néanmoins encore assez rare ; on ne l'observe guère que dans les Coqs de bruyére, les Gélinottes, les Lazopèdes, les Pintades, ainsi que chez diverses espèces de Mésanges , comme aussi chéz les Macreuses et le Canard ordinaire, Il y a bien plus d'oiseaux dont la ponte s'élève de 10 à 12 174 MARCEL DE SERRES. — Ponte des Oiseaux. œufs, que de ceux qui surpassent ce dernier chiffre : ainsi ie nombre 13 paraît être le térme moyen chez les espèces dont la fécondité est la plus grande. Le plus souvent, la ponte s'arrête de 2 à 6 œufs. Dans cette catégorie, viennent se ranger la plupart des oiseaux d'Europe dont nous pouvons apprécier la fécondité. Nous ne voyons qu'un genre d'oiseaux de cette contrée, les Pétrels, qui pré- sentent cette particularité signalée plus haut en parlant de l'Au- truche et du Casoar : de ne faire qu'un seul œuf. Les Pétrels qui fréquentent les mers Antarctiques et Arc- tiques, et dont l'apparition a quelquefois lieu dans le midi de la France, nous présentent cette singulière exception que l’on serait si loin de prévoir. La Poule ne pond, à la vérité, qu'un seul œuf à-la-fois ; maïs l’on sait combien notre influence a été puissante sur les produits de la fécondation dé tous les animaux. Ici done, quoique cette espèce s'arrête à un œuf unique dans chaque ponte, comme elle se renouvelle fréquemment; en dé- finitif, ces oiseaux pondent annuellement un plus grand nombre d'œufs qu'aucune autre espèce de cet ordre d'animaux. Quant à la quantité d'œufs plus ou moins considérable que font les diverses espèces d'oiseaux , elle ne paraït pas en rapport avec les différentes familles ou les différens ordres auxquels ap* partiennent les espèces. Ainsi les Palmipèdes, parmi lesquels se trouvent les Pétrels, qui ne pondent qu'un seul œuf, est pour- tant une des familles où l’on peut citer des exemples de là plus grande fécondité : tels sont ceux que nous fournissent les Ma- creuses ; les Canards et particulièrement l'Oic ordinaire; qui paraît faire quelquefois jusqu'à 4o à 50 œufs, ét n'être intér- rompue dans d'aussi longs enfantemens que par là couvaison. D'un autre côté, tandis que les Passereaux offrent des espèces qui pondent jusqu’à 20 œufs et font annuellément plusieurs couvées, il en est un grand nombre qui n’en produisent guère au-delà de 5, quoiqu’elles ne fassent pourtant qu'üne seule couväisôn. Cependant, à vrai dire, les rapaces sont , de tous les oiseaux ; ceux chez lesquels le nombre des œufs est le plus res- treint ; du moins ne s’étend-il jamais au-delà de 6 dans les es- pèces d'Europe que nous avons citées , et reste-t-il souvent dans MARGFE DE SERRES. — Ponte des Oiseaux. 17 des limites encore plus bornées, c’est-à-dire à 1, à 2 ou à 3. Après les Rapaces, on peut citer les Échassiers, surtout les Chevaliers, les Bécasses , les Cigognes , les Hérons, les Grues, les Vanneaux, les Pluviers, les Outardes et les autres genres analogues , qui pondent rarement jusqu’à 6 œufs et se bornent le plus ordinairement à 2 ou à 3. Il résulte encore des faits précédens que, toutes choses égales d’ailleurs, plus les espèces d'oiseaux sont grandes , plus le nombre des œufs qu’ils font à chaque portée est petit. On pour- rait douter qu’il en füt de même de la fécondité. En effet, on suppose que l’Autruche produit 25 où 30 œufs par année, et même 36 suivant les modernes. Les anciens semblent avoir exagéré ce nombre : ainsi, d'après Elien, l’Autruche ferait jusqu’à 80 œufs dans le même espace de temps ; et, quoique Willugby ait diminué cette quantité, il la néanmoins portée à 5o environ. ‘Des Autruches élevées dans le midi de la France avec beau- coup de soins, et qui y vivent depuis plusieurs années dans un état de santé des plus florissans, n’ont jamais donné annuelle- ment plus de 12 à 15 œufs. Ces œufs n’ont pas été pondus par couvées, mais isolément et à des intervallés plus où moins con- sidérables. Pour le dire en passant, nous n’avons jamais pu réussir à faire éclore ces œufs par une incubation artificielle, soit par la chaleur solaire, soït par une chaleur graduée et mé- nagée avec soin. On doit donc distinguer, chez les oiseaux, la portée de la fécondité ; car l’une peut être faible et cependant la fécondité être grande. Te! est le cas de PAutruche, et surtout de la Poule, du moins dans son état de domesticité. Cet oiseatr ne pond jamais qu’un seul œuf par jour; mais, comme il renouvelle cette ponte pendant un grand nombre de fois, sa fécondité est en définitive fort grande, quoique sa portée soit très faible. Il resterait à éxarniner si cette fécondité n’est pas une suite de l'influence que l'homme exerce sur les animaux soumis à son empire, et si elle n’est pas sous sa dépendance. Les faits bien appréciés semblent nous apprendre que la Poule est d'autant plus féconde que nous lui donnons plus dé soins, et que cette 176 MARCEL DE SERRES. — Ponte des Oiseaux. fécondité est tout-à-fait empruntée, comme la permanence du lait que donnent les Vaches domestiques. Il paraît donc que la fécondité, comme la portée, est en dé- finitive plus grande chez les petites espèces que chez les plus grosses. En effet, les premières font plus d'œufs à chaque por- tée ; et comme ces portées se renouvellent fréquemment, l’avan- tage du nombre doit nécessairement leur rester. Les portées des oiseaux, même des plus grands, tels que lAutruche, ont constamment lieu tous les ans. Il n’en est pas d'eux comme de certains Mammifères d’une haute taille, qui n’ont qu’une portée tous les trois ou quatre ans. Cette circon- stance, que l'on remarque chez l'Éléphant, ne semble pas se reproduire chez les Oiseaux, peut-être à raison de leur tempé- rature élevée. Du moins, voit-on leurs espèces produire tous les ans, même celles des pays chauds, transportées accidentel- lement dans les régions tempérées. On pourrait supposer que les oiseaux qui sont soumis à dès migrations lointaines pondent un plus grand nombre d'œufs que celui qu’on croit avoir observé. On le pourrait, ce semble, d'autant plus, qu'au milieu de toutes les circonstances qui dé- terminent leurs migrations, la température y est pour beau- coup. Or, les oiseaux passent le plus souvent d'un climat froid dans un climat chaud pour remplir le besoin si impérieux chez les êtres vivans , celui de la reproduction. On a présumé qu'ils ne se transportaient à d'aussi grandes distances que pour opérer de nouvelles pontes. Nous ferons cependant observer que, probablement, les oi- seaux de proie, les Passereaux, les Échassiers et les Palmipèdes, ne font pas de couvées avant ie mois de mars et après le mois d'août. En effet, ces oiseaux , dès les premiers jours de mars jusqu’au commencement d'août, portent des parures ou des livrées tout exceptionnelles, qu’on a nommées habits de noce, et dont ces animaux ne sont revêtus qu’à l’époque des amours. Or, si l'on additionne le nombre des jours nécessaires pour opé- rer la ponte, la couvaison et l'éducation des petits, on trouve un emploi de temps qui ne permet pas de croire que ces oiseaux puissent pondre plus de deux fois par année. MARCEL DE SERRES. — Ponte. des Oiseaux. 177 Ce nombre de deux pontes par année paraît être le maximum de la fécondité de ces animaux ; plusieurs d’entre eux ne se re- produisent qu’à l’âge de trois ou quatre ans, époque qui est pour eux l’âge adulte, le seul temps pendant lequel il leur soit donné de perpétuer leur race. Parmi les espèces qui ne pondent qu’à la troisième ou la qua- trième année de leur âge, on peut citer particulièrement les grands rapaces, tels que les Vautours, les Gypaëtes et les Aigles. Il paraît en être de même de plusieurs oiseaux d’eau, comme les Pélicans, les Plongeons, les Manchots, et une foule d’autres qui ne revètent la livrée des adultes ou les parures d'amour que plusieurs années après leur naïssance. Ces espèces ne commencent donc à vaquer aux soins de la reproduction qu'après le laps de temps dont nous venons de parler. Cette circonstance ne peut avoir qu'une grande in- fluence sur la fécondité des espèces ; aussi est-on frappé du petit nombre d’individas de ces oiseaux chez lesquels l’âge adulte arrive si tard; tandis qu’au contraire, les genres des Passereaux et des Gallinacées,, qui ne mettent que peu de temps à devenir adultes , offrent un bien plus grand nombre d'individus. Get élément est donc d’une haute importance pour apprécier la fécondité relative des différentes espèces d'oiseaux. Il doit nécessairement être tenu en ligne de. compte, aussi bien que le nombre des portées et la quantité d'œufs que renferme chacune de ces portées. Les faits que nous venons de, mentionner n’en prouvent pas moins qu'il n’est pas présumable que, même les oiseaux qui se livrent à des migrations lointaines, puissent opérer plus de deux pontes par an, car le temps leur manquerait pour en effectuer un plus grand nombre. Nous n’avons pas encore réuni assez de faits pour déterminer d'une manière positive si certaines espèces d'oiseaux ne rega= gneraient pas, par le nombre des portées, l'avantage qu’elles perdraient pour chaque portée prise à part. Pour se faire une idée juste de la fécondité d’une espèce , il ne suffit pas de, connaître le nombre des petits par portée, il faut encore savoir quel est celui de ces portées dans un inter- XI, Zoor, — Mars, 12 178 MARCEL DE SERRES, — Ponte des Oiseaux. valle déterminé. C’est là un point de l’histoire des oiseaux qui reste-encore à éclaircir , et sur lequel nous n’avons pas assez de données pour être complètement fixés à cet égard. Tout au plus paraît-il, d’après les observations que nous possédons, que les oiseaux qui pondent le plus d'œufs dans une portée sont ceux où le nombre de ces portées est le plus considérable. Un autre élément serait encore nécessaire pour déterminer les degrés et les causes de l’inégale fécondité des oiseaux : cet élément est la durée de la gestation et de la couvaison ; car une longue couvaison où gestation implique un moindre nombre de portées par année, et une courte en annonce plusieurs. Enfin, il serait bon de connaître la durée de la vie de chaque espèce d'oiseaux ; car plus la vie totale est longue , plus, à proportion, la période de fécondité l’est aussi. On remarque cependant que les espèces dont la longévité est la plus considérable , sont en même temps les moins fécondes. Le genre Corbeau nous en a fourni un exemple bien remarquable ; quoique plusieurs des espèces qui en font partie se rencontrent dans les contrées les plus différentes ; parcourant pour ainsi dire toutes lés régions du globe dans leurs migrations lointaines. Nous aurions desiré pouvoir déterminer d’une manière appro- ximative si le nombre des mâles l'emporte, chez les oiseaux, sur le nombre des femelles, et si la prédominance de l’un des sexés sur l’autre tient à l'influence du régime où du genre dé nourriture qui réglerait la proportion des sexes dans les naïs- sances. Mais nos observations ne sont pas encore assez avancées pour nous permettre de hasarder quelques conjectures sur un sujet qui ne laisse pas que dé présenter un assez grand nombre de difficultés. Enfin , dans l'appréciation de la portée et de la fécondité des oiseaux, il est un élément que nous ne négligerons pas : C'est celui de l'état sauvage ou de l’état domestique dans lequel peuvent être placées les espèces dont on cherche à reconnaître la force et l'étendue de la reproduction. On sent facilement à combien d’influences particulières sont soumises les espèces sauvages. Les races que nous maintenons prisonnièrées el aux- quelles nous distribuons à notre gré la nourriture , et que nous MARORE DE SERRES. + Ponte des Oiseaux. 179 plaçons , suivant notre volonté, dans des climats et dans des températures extrêmement diverses, échappent nécessairement à ces influences, puisqu'elles sont soumises à l'empire de condi- tions totalement différentes. D'un autre côté, on conçoit com bien il est difficile d'apprécier la diversité des rapports numé- riques des deux sexes chez les oiseaux sauvages, d'autant plus que, parmi eux, il est peu d'espèces complètement sédentaires. Aussi tout ce que nous pourrons dire de général à cet égard, tiendra à quelques observations souvent répétées , faites sur Les passages de certains oiseaux. Ces observations tendent, jasqu'à présent , à faire admettre qu'il est plusieurs espèces chez les quelles on observe une prédominance marquée d'un sexe sur l'autre, C'est du moins ce qu’indiquent les passages des oiseaux dans des contrées tempérées, et surtout çeux du midi de la France, qui apportent plus de mäles que de femelles. Les oise- leurs de cette dernière contrée en sont frappés ; ils sont surpris de prendre constamment plus de mâles que de femelles aux dif: férens, passages qui ont Jieu au printemps.et en automne. Cette circonstance, qui annonce un excès, de mäles sar les femelles, se présente encore dans les nichées de, certaines es. pêces de Passereaux, parmi lesquelles nous mentionnerons celles du Rossignol, du Chardonneret, du Pinson et.des Merles. Ainsi ces nichées, composées le plus ordinairement de cinq petits, offrent à-peu-près constamment une femelle, rarement deux et presque jamais trois. Ces faits et ceux que présentent la plupart des oiseaux do- mestiques, semblent établir une prédominance marquée d'un sexe sur l’autre. En les étudiant et les observant avec soin, ils donneront probablement, dans l'avenir, les moyens de résoudre le grand problème du rapport des deux sexes entre eux; rapport si portant pour la durée et la perpétuité des êtres vivans, problème encore si peu connu , même chez les plus compliqués des animaux. 12. 180 F. BRANDT. — Anatomie des Araignées. RecHERCHES sur l’anatomie des Araisnées le] 2 Par le D° J. F, BRANDT, Membre de l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg. Les grandes difficultés que présente l’anatomie des Araignées, et peut-être même, les recherches déjà faites par Tréviranus, ont empêché les anatomistes modernes de diriger leurs études vers cette classe d'animaux intéressans. Aussi, depuis les travaux de Tréviranus et de M. Léon Dufour ( {nnales des Sciences physiques, tome vr), les Araignées ont-elles été très négligées. Nous avions vonlu, il y a quelque temps, mon ami M. Ratzeburg et moi, copier quelques figures d’après Tréviranus, afin de pré- senter quelques détails sur la structure des Araignées dans nôtre ouvrage , intitulé: Getreue Darstellung und Beschreibung der Thiere die in der Arzneimittellehre in Betracht Kkommen , Berlin, 1827-1831, in-4. Mais, en comparant la nature avec ces figures, nous avons reconnu beaucoup d’inexactitudes : c'est alors que nous avons pris la résolution de poursuivre nos recherches. J’ai fait moi-même toutes les observations, et M. Rat- zeburg s'est chargé d’exécuter les dessins , et bientôt nous avons été assez heureux pour pouvoir constater les erreurs commises par Tréviranus. Comme, dans le huitième cahier de l’ouvrage précité, nous n’avons pu faire entrer qu’un résumé très succinct, dégagé de toute critique sur les travaux de nos prédécesseurs, il ne me paraît pas inutile d'indiquer ici les principaux résultats de mes recherches. Tréviranus ( ’ermischte Schriften , p. 9 ) signale une mem- brane , qu'il a représentée dans sa PI 1,fig.3,a,a,n,n, comme passant immédiatement au dessous des tégumens de l'abdomen et renfermant le corps nommé par les anatomistes tissu adipeux. Elle est formée par des fibres rayonnantes et réunies en plusieurs faisceaux. Cette membrane, que j'ai aussi représentée (voyez PI. 4, fig. 1, a, a), ne me semble être, d'après mes observations ,que la couche inférieure musculaire du corps, qui offre ainsi l'apparence d’une membrane. F. BRANDT. — Anatomie des Araignées. 181 Un autre appareil musculaire, qui n’a pas non plus été bien étudié par Trévirenus, sortirait, suivant lui , du thorax , tandis qu'il part réellement de l’extrémité de cette lame cartilagineuse située au-dessous du proventricule ou premier estomac , et déjà connue de Lyonnet ( Mémoires du Museum ; 1. xui p. 405), ainsi que de Tréviranus , qui l’a décrite et figurée par (L/eber den innern Bau, pl. 23). Sur la ligne médiane du corps, on remarque, de chaque côté, un cordon tendineux (PI. 4, fig. 1,2,b)qui s'étend en ligne droite dans toute la longueur de l'abdomen jus- qu’à l’anus, et quatre muscles (pl. 4, fig. 1, c,c,c,c) qui s’in- sèrent de chaque côté à ce cordon tendineux. Tréviranus pré- tend qu'il n'existe aucun muscle qui ait son point d'insertion dans cet endroit, sans doute parce que leur grande fragilité l’a empêché de les conserver intacts. La première paire de ces muscles part de la première paire de certains enfoncemens, qui ont été considérés par quelques auteurs comme des stigmates ; et vient aboutir,en se dirigeant obliquement, vers l'extrémité du pédicule de l'abdomen. Ces muscles ont été décrits par Tréviranus (Jermischie Schriften) comme deux grands muscles cylindriques, attenant au cœur, et il les compare à des muscles analogues du Scorpion, quoiqu’ils manquent entièrement de liaison intime avec le cœur; il pense qu’ils sont fixés supérieurement à la peau de l'abdomen. Les trois autres paires de musclés prennent encore leur point d'attache dans les enfoncemens latéraux de la partie dorsale de l'abdomen, et traversent de haut en bas le tissu adipeux , pour venir se fixer au cordon tendineux. Cet appareil musculaire semble avoir une grande importance pour comprimer l’abdomen de haut en bas et de bas en baut, et surtout pour faciliter l'émission des fils que tend l’Araignée, en aidant, par la contraction sur les vaisseaux sécréteurs, l’'émis- sion au-dehors du liqnide destiné à former les fils : il sert aussi à diriger les mouvemens de l'abdomen , et devient trés utile dans la ponte des œufs chez les femelles. Tréviranus place l'ouverture de la bouche dans la langue (Ueber den innern Bau der Arach.) , et il la décrit comme une fente longitudinale, entourée de poils, qu’il a représentée dans sa PL, 2, fig. 24, A. Il existe réellement à cet endroit une ligne 182 F. BRANDT, «= Anatomie des Araignées. garnie de poils , mais non pas une fente: aussi les muscles d’at- tache de la langue ne me paraissent-ils pas répondre à la destrip- tion de Tréviranus, Meckel( Fergl. Anätom. t:1v, pi 142 prétend que l'ouverture buccale se trouve au-dessus de la langue, sous les mandibules , et, d’après més récherches, elle m'a para située au-dessous de la langué d'üne manière analogue à: celle des insectes et de quelques Crustacés ; principalenient. des Cloportes. C’est dé l'ouverture buccale que commence l'æso: phage grèle et se perd sous cette partie que jé désigne sous le nom d'os hyoëde , déjà signalée par Lyonnet(Mémoires du Mu- seums lie. 1. 402),et qui consiste en une lame oblongué, élargie en avant et en arrière, et située au-dessus et un peu eh arrièré du grand panñglion nerveux, qui se trouve entre les pattes. »! L'œsophage s’élargit dans le thorax ; en formant une sorte de proventricule déjà observé par Tréviranus (Ueber den inn: Bau der Arach.) et M. Léon Dufour: Ce proventricule offre une conformation singulière dans l’Epéire diadèmer il a cependant la plus grande analogie avec celui de l’Araignée domestique, décrit par Tréviranus. 1] présente dans son milieu une ouverture ronde assez grande, qui le divise en deux parties égales, et de chaque côté cinq sacsoblongset aveugles (Pl. 4, fig. 2 4, 4,4,@;, à) dont la première paire est dirigée en avant, et les autres vers l'insertion des pattes, En arrière de ces sacs, le canal intestinal devient très étroit en passant par le pédicule de l'abdomen, et s'élargit ensuite en un'estomac propre (PI. 4, fig: » e) de formé oblongue, déjà connu de Lyonnet , et décrit et figuré: par Ramdohr (’erdanung.der 1ns.),et par Tréviranus(#rach.p. 30, fig. 24f). Cet estômac(Pl. /; fig. 2)a des parois très minces et se déchire très facilement , et je crois avoir vu's’etboucher quelques petits canaux, partant du tissu adipeux de là même manière que Tréviranus l’a observée dans le Scorpion, et Meckel dans la Mygale. Cette observation , jointe à celle dé Meckel, montre la grande ressemblanee quiexiste dans lastructureduScor- pion et des Araignées, et semble prouver l'opinion de Meckel, Cuvier et Oken , que le tissu adipeux n’est autre chose que le foie. J'ai trouvé, comme l'ont: dit Ramdohr et Tréviranus, le canal intestinal très rétréci en arrière de l'estomac, et pôur- F. BRANDT. — Anatomie des Araignées. 183 vu d’un appendice oblong en forme de sac (PL. 4, fig. 2, f). Quant aux vaisseaux biliaires (PI. 4, fig. 3 0), j'en ai trouvé le même nombre que Tréviranus ; mais, malgré mes nombreuses recherches, je ne leur ai pas reconnu la forme que cet auteur a représentée(l..c, p. 31, pl.2, fig. 24, p,p,p, p). D'après lui, ils seraient simples à leur extrémité comme dans les insectes, tandis qu'ils, se ramifient dans tout l'abdomen en plusieurs branches, comme dans le Scorpion, Ces branches paraissent, au premier abord, avoir quelques reflets argentins comme les tra- -chées des insectes, ce qui me les avait fait prendre pour un organe semblable, ayant que je n’eusse parfaitenient connu leur struc- ture ; mais, ayant trouvé ces vaisseaux presque vides en été et très renflés en automne, j'en ai conclu qu'ils devaient servir de réservoirs, renfermant une matière propre à nourrir l’animal plutôt qu’à sécréter la bile. Tous ces vaisseaux viennent aboutir, ainsi que deux grands troncs déjà connus de Tréviranus(/rachn. p. 31) et de Ramdobr (ferdauungswerkzeuge der Ins.) dans l'appendice en forme de sac (fig: 8 f),situé à l’extrémité du canal intestinal. + On remarque un muscle (Pl. 4, fig.2 b) assez fort partant dumi- lieu de la paroi dorsale du céphalothorax et venant passer par l’ou- verture du proventricule que nous avons déjà signalée, quiaboutit à l'extrémité postérieure de la partie que je nomme os hyoëde ; et quiexerce une grande influencesur les mouvemens de la langue, et, par suite,sur la succion.Outre ce muscle, deux filets nerveux (fig.2,c) passent également par l'ouverture du proventricule, et constituent la racine des nerfs qui se rendent aux viscères. ‘Quant aux prganes génitaux, j'ai reconnu beaucoup moins d'inexactitude dans les travaux de Tréviranus , la structure des ovaires étant trop simple pour que l’on puisse commettre des erreurs; cependant je n'ai pu découvrir jusqu’à présent , malgré mes mombreuses recherches, les deux vésicules remplies d'une liqueur jaunâtre , signalées par lai et par Rœsel comme étant prés de l'oviducte, C’est pourquoi je doute de leur présence sans la nier absolument, Peut-être ces deux auteurs , quoique très scrupuleux ont-ils regardé comme des vésisules propres le ren- flement supérieur des deux vaisseaux soyeux? Cela ne serait pas im- 184 F. BRANDT. — Anatomie des Araignées. possible; car, à moins qu’on ne recherche avec le plus grand soin le renflement du vaisseau soyeux, il parait aboutir à l'endroit où Tréviranus et Rœsel ont indiqué l'embouchure de leurs vésicules. Nous laissons à d’autres anatomistes le soin d’éclaircir ce point. Je n’ai pas trouvé non plus la structure des vaisseaux soyeux conforme à la description qu’en ont donnée Réaumur et Trévi- ranus. Ce dernier (/’ermischte Schrift. Bd. x. p. 11 ) n'indique que six grands vaisseaux et plusieurs petits ; et, après un examen attentif, que j'ai fait avec mon ami M. Ratzeburg, je me suis con- vaincu qu’il en existait neuf de chaque côté, ce qui fait dix-huit; mais leur structure n’est pas en tout analogue : on en remarque trois (PL. 4, fig. 5a, a; a) de chaque côté ayant leurs canaux défé- rens au milieu de l'abdomen :ilssont simples, fortementflexueux, assez grèles à leur extrémité, mais élargis près de leur conduit excréteur, situé près de la base de l’abdomen. En arrière de ceux- ci, il en existe trois autres (PI. 4, fig. 5 e,e,e) dont l’extrémité est ramifiée en mamière d'arbre, et qui se renflent aussi près de leur conduit excréteur, mais dans un court espace; enfin, on en trouve trois derniers (PI. 4, fig. 5 0,0,0 ) qui ressemblent beau- coup aux premiers, mais qui sont plus volumineux , avec leurs conduits excréteurs plus courts. Tous ces vaisseaux soyeux ressemblent aux intestins, et: ils forment un grand nombre de circenvolutions en occupant une grande partie de l'abdomen. Il n’était pas possible de distinguer plusexactement le rapport et la répartition de ces singuliers vais- seaux avec les mamelons ; mais, à mon grand regret, il m'a été impossible jusque-là de répéter de telles expériences aussi déli- cates que pénibles. Outre les vaisseaux soyeux que j'ai décrits, je n'ai pu en apercevoir d’autres plus petits ; aussi ai-je dû pen- ser que les petits vaisseaux signalés par Tréviranus n'étaient que les ramifications des autres. | J'ai trouvé de même dans le système nerveux plusieurs or- ganes qui n’ont pas été reconnus par Tréviranus ( Ueber der innern Bau der Arachn. p. 44, pl. 5, fig. 45), ou qu'il a mal représentés. Les plus gros renflemens nerveux ne se trouvent pas dans le méme espace; cependant le plus gros renflement décrit par Lyonnet (1, c. p. 404) se trouve entre les pattes, un F. BRANDT. =— Anatomie des Araignées. 185 peu plus haut qu’elles; et au-dessous de notre os hyoïde, on aperçoit deux renflemens assez rapprochés, qui n'ont pas été observés par Tréviranus : ce sont ceux d’où partent les nerfs optiques qui ont échappé à Tréviranus. Les nerfs optiques sont au nombre de quatre, partant deux à deux de chacun des ren- flemens, se bifurquant et pénétrant ensuite dans les yeux. De chaque côté de ces nerfs optiques, deux branches, paraissant destinées aux organes de la bouche (PI. 4, fig. 4 a,a), elles partent des renflemens que nous avons signalés. Le gros renfle- ment (Pl. 4, fig. 4 c)situé entre les pattes a été assez bien décrit par Tréviranus : il projette des rameaux d’un nœud antérieur, qui est probablement le même que celui décrit par cet auteur comme avoisinant les organes de la manducation; ces ra- meaux fournissent, de chaque côté, quatre branches (PI. 4, fig. 4e,e,e,e) qui aboutissent aux pattes et aux muscles du céphalothorax ; il naît encore , en arrière du grand renflement, deux grands cordons nerveux (PI. 4, fig. 4 7, n) dont chacun, pé- nétrant par le pédicule de l'abdomen, émet dans son intérieur un rameau assez considérable; ce cordon, arrivé à la base de l'abdomen, se divise en quatre on cinq rameaux, mais il n’a aucune liaison avec l’autre cordon , comme Tréviranus l’a décrit et figuré, Ces quatre ou cinq rameaux se subdivisent aussi en plusieurs autres qui aboutissent aux divers organes. Si nous considérons maintenant de plus près les renflemens optiques, nous trouverons qu’il existe une très grande analogie entre le système nerveux des Araignées et celui des Insectes et des Crustacés, quoique le système nerveux des Araignées en différe par l'absence de ganglions abdominaux. A l'égard du système nerveux intestinal que Müller a regardé comme impossible à découvrir dans les Araignées , à cause de la mollesse des tégumens, j'ai cru en avoir observé quelques traces distinctes dans l’£péire diadème et la Mygale. J'ai vu sortir de chaque côté du cou un rameau qui, ayant passé par l’ouverture du provéntricule, se réunit à un rameau situé du côté opposé pour former un nerf unique ( PI. 4, fig. 2 c); il est situé au-dessus de la partie moyenne du proventricule; mais je n’ai pas encore réussi à le suivre jusque dans l'abdomen. Cette découverte est 186 BOYER DE FONSCOLOMBE. — Æddenda. d'autant plus vraisemblable , qu’elle est garantie par son analo- gie dans les Crustacés. (x). EXPLICATION DE LA PLANCHE 4. Fig. 1. Système musculaire de l'abdomen : — 4, Organes de Ja respiration. — #. Cépha- lothorax de l'Araignée. — a, a: Membrane fibreuse, — bb, bb. Deux cordons tendineux situés à la partie inférieure de l’abdomen ; au-dessus dés organes de da respiration dd. — c, €, cc. Quatre paires de muscles s'insérant à ces cordons tendineux. Tig. 2°. Cahal intestinal dans sa position ordinaire, — a, a, a, a, a. Cinq tubes aveugles päriaht du proventrieule. = ‘8. Muscle Sinsérant à là partié dorsale du céphalothorax — < Deux filets nerveux passant par l'ouvérture du proventricule. — 4, Proventricule. =— e. Estomac proprement dit —/f, Appendice oblong partant de l'extrémité du canal intestinal, — g. Canal intestinal rétréci dans la moitié postérieure de l'abdomen. — }’, k', Mandibules. —n, n. Glandes vénénifiqués. — a’. Crochets des mandibules. —0, 0. Les deux tiges princi- pales des vaisseaux biliaires, coupées, 2 #, , Ovairés, y Fig. 3. a. Vaisseau dorsal, — 0,0, Système vasculaire de l'appareil biliaire—f. Appendice en forme de sac, à Fig. 4. Système nerveux dans sa position naturelle. — a, a, Deux renflemens fournissant des nerfs paraissant aboutir aux yeux ét aux parties dé la bouche. — 0. Ganglior nerveux cèntral, — e,e,e,e, Quatre cordons nerveux aboutissant aux pattes et précédés chacun par un renflement à leur origine au ganglion central, — 7,7. , Deux grands cordons neryeux se subdivisant dans l’intérieur de l'abdomen. Fig. 5. ä,a,a, e,t,é, 0,0,0. Vaisseaux Soycux. — D . Païties granuleuses couvrant les filières. — Lh, Ovaires. EE — ADDENDA et ERRATA AD MONOGRAPHIAM CHALCIDITUM GALLOPROVINCIÆ CIRCA AQUAS SEXTIAS DEGENTIUM ; auciore E. L. J. H. Boyer ne FonscocLomse. (Foy. Annales des Sciences naturelles , 17° série, t. xxwr, p. 273. 1832.) 4. Levcospis victwa Nob.—L. atra , thorace maculato, scutello intégro , obtuso ; abdomine cingulis tribus , punctoque apicis, flavis, femorum posticorum denticulo antico, aliis multà latiore Nob.— Mas. — Longit. 6,007 mill. Differt a L. 3. fascia anticà thoracis maxime abbreviatä, posticä è cohtra latera attingente ét utrinque astendénte, sicque eadém latera breviter marginante; scutello obtuss ; integro, lineà rectà ; transversä, lute, notato ; maculâ Juteâ sub'alarumbasi. Fasciæ ‘tres abdominis rectæ, integræ , maculà nullâ inferâ ad latus. Alæ pedesque priorom , coxis tamen nigris ; denticulis femorum poslicorum ut in, L, inter- mediä, 2.— Hinc forte ejusdem ZL. intermediæ mas. (1) Voyez Crust, Audouin et Milne Edyards (Ann. des Se. nat.), et ce que j'ai dit sur Ja structure du Système nerveux intestinal de l'Écrevisse des rivières, dans mon ouvrage déjà té, tomé 2, p. 65, pl. 11, fig. +. BOYBA DE FONSCOLOMSE, — Addenda. 187 19, Cmaxcis xésuzosAa Nob. (divisio'* Ban Ch, ænea? Fabr.Rossi, Etr. 2; 594 806). C. nigra , scutello obtuso ; non den- tato, abdomine subovato, àalis albis, maculé unic&, Nob. = Longit: 0,003. Videtur ex hoc genere , facies ferè Ciniphis: caput, alæ et femora Chaleidis ; corpus oblongum.. Caput puncts scabrum, fronte excavatä. Antennæ tn os insertæ; longissimæ, thoracem ferè superantes, tenuissimæ , fractæ , scapo longo, apice, acutiusculæ. T'horacis dorsum punetis excayatis majusculis, satis distantibus, notatum. Scutellum paulo productum , obtusum, haud dentatum. Abdomen suboyatum, nitidum, leviter hirtum, Pedes intermedii, femoribus basi maximè attenuatis ; postici ut in cæteris Chal- cidibus, femoribus subovatis, angulo seu'dente subobtuso, lateris ihtermi … 41044 apicem superum, inferiüs denticulié aliquot, coxis magnis, oyato-elon- gatis. {læ, nebulä medià lutescente, stigmate crassiusculo;simplici, mar- gini subhærente. Color niger, tibiis 4 anticis et posticarum apice; rufis. Fortè varietas Chalcidis bimaculatæ. 13. Cuarcis ivermis Nob. (divisio “* A): C, atra, antennarum Jlagello loñgiusculo, scutello rotunduto, inérmi, Nob. — Longit. 0,004 mil. Simillma Ch, minute 4; diversa tamen videtur, flagello antennarum paulo longiore, scutelio rotundato nullo modo bidentato, 2. Euryrowa? NEBüLOS4 Nob. —= Æ. niprä , anténnis articulis cylindricis, ciliatis; alarum medio infuscato Nobis.— Long. 0,002) mil. Cinips serratulæ? Fabr. Hocce gents mihi videtur. T'arsis péntameris et E! abrôtani similli- Mi: Anténinis noverñ afticalatis ad secumdam fractis ; hoc primo breviore, his duobus glabris ; sequentibus cylindricis distinctissimis ( non ut in E. abrotani intüs dilatatis) , hispidis corpore brevioribus , ultimo apice acutiusculo. Tota nigra; thorax non admodüm scabef.. {bdomen subsessile, oyato-elongatum, subdepressum, subtüs leviter carinatum , ano sub- obtuso. Pedes testacei, femorum basi, et tibiarum, secundi et tertii pa- ris, medio nigro. Ælarum stigma pediculatum, capitatum , nebulà fus- cescente in alæ medio, — Mas. 33. Cinips pasazrs Nob. (divisio 2°). © viridi-subobscura, ab- dominis basi rufa , alis albis Nôob. — Longit. 6,0027. — Diplolepis bicolorata ? Spin. fascic, ins. ligur. t. 11, p. 221. Obscurè wiridi-nitens, antennis migris, scapo luteo. -dbgomen basi 188 BOYER DE FONSCOLOMBE. — Æddendu. süprà rufum, ventre rufo , cæterà parte nigrum. Pedes luteo rufi. Ti- biis pallidioribus. Ælarum stigma, ut in compluribus hujus generis bre- viter stipitatum. — Ex erucà Æesperiæ proto. 33. Civres caprraTa Nob.(divisio 2*).—C. cærulea, capite magno transverso , abdomine brevi, ovato-rotundato ; pedibus cæruleis , tarsis albis, Nob. — Longit. o,0017 mil. Caput magoum, latum. Abdomen ovato-rotundatum; thorace non longius, apice rotundatum, vix mucronulo feminarum exserto ; abdomine masculorum vix diverso, mucronulo prorsüs nullo, tantèm. Totus cæruleus, antennis nigris totis ; pedes corpori concolores , tarsis basi sal- tem albidis. Æ/æ albæ, stigmate præcedentis 32, Saltat.— E pupis. 34. Civips? variEGara Nob. (divisio 2° ). — C. nigra , thorace luteo maculato ; abdomine brevi, æneo-nigro , Nob. — Longit.o,0014 mil. An ex hoc genere potiùs & familiâ Eulophidum. T'arsi videntur mihi tetrameri, Antennæ fractæ , articulis 6 vel 8 cylindricis, distinctis, hir- tellis, ultimo vix acuto, nigræ. Niger, lineà anticà post collum, margine dorsi thoracis , scutello (magno , thorace tamen breviore ); parte scutelli posticâ (angustiore et modicè separata), maculisque ad latera thoracis infera, testaceo-lutcis. Abdomen sessile, depressum , ellipticum , thorace brevius et angustius, ad anum latiusculum , mucronulo términatum , hirtellum, æneo-nigrum Pedes. longiusculi, testacei sive lutei, femorum medio nigro;: tibiarum posticarum medio, tarsorumque apice, fuscis, Æ/æ grisescentes , sub- hirtæ , stigmate parum capitato , breviter pediculato. Mas.? E gemmis inflatis verbasci nigri. 35. Crus? Wesrwoni Nob. (divisio 2°). — C. nigra, thoracis dorso luteo , abdomine æneo nigro lanceolato, Nob. — Longit. 0,003. An diplolepis brevicornis, Spin. ins. ligur. t. 11, p. 160. — Cinips brevicornis ? Panz. — Nonne fœmina præcedentis? Antennæ distinctè G6-articulatæ, breviores et crassiores quàm præcedentis, hirtelle. Tarsi videntur etiam tétrameri. Caput testaceo-luteum , ore, oculis, stemmatibus nigris. Torax dorso latiùs testaceus quam in præcedente. Abdomen depressum, lan- ceolatum, subtùs carinatum , ano acuto in quodan individuo basis abdo- minis testacea, Pedes pauld breviores. Æ/æ incumbentes. Cæteræ notæ similes præcedenti. Simul cum eà ortum ex usdem gemmis. Znsectum dip- terum è famihà Tipularum vidétur verus incola, Ciniphibus parasiticis. Videtur genus Cirrospilus D. Westwood! Simillima speciei hujusce BOYER DE FONSCOLOMBE. — Æddenda. 189 generis ab eo mihi missæ sub notà species nova: differt tamen ab eñ, abdomine, angustiore, scutello et metathorace luteis totis, pedibus nigro maculatis. 36. Civræs Lureicormis Nob. (div. 2°). — C. viridi-auratus , an- tennis luteis fusco maculatis, abdomine ovato œneo Nob. — Longit. 6,002. Antennæ videntur mihi 10-articulatæ, versüs os insertæ, fractæ, scapo-longo, flagello sensim usque ad apicem subclayato, luteæ, puncto fusco ad originem flagelli , maculis duabus ejusdem coloris ante: apicem, apice ipso summo Jluteo. T'arsé videntur pentameni, forma corporis Ci- nipbum masculorum, abdomine depresso, ovato, mucronulo anali nullo vel filiformi. Caput thoraxque viridi-aurata, punctata. Abdomen æneum, sæpibs fasciâ testaceà post basin. Pedes lutei, femoribus omnibus , ti- biisque primi paris intüs dilatatis, quandèque in medio leviter infuscatis. A larum stigma longè pediculatum.— E gallis lenticularibus compressis, foliis quercûs confertim adnatis, mas videtur, 37. Crups roscicorwis Nob. (divisio 2°).— C. wridi-aurata, an- tennis fusco-rufescentibus , scapo-luteo , pedibus luteo- rufescentibus Nob.—Longit. 0,0035 mil. Videtur precedentis fæmina , ex iisdem gallis. ÆAntennæ yersùs os insertæ , frontis ferè in medio, præcedentis formà similes , scapo-luteo, flagello fusco-rufescente , immaculatæ, videntur ar- ticulis decem. Tota viridi-aurata, capite thoraceque punctatis. Æbdomen trigooum Ciniphum fœminarum, ano maximè acuminato. Æ/æ cinera- ceæ, hirtellæ (ut étiam in precedente) stigmate eodem. Pedes simplices non dilatati, luteo rufescentes, femoribus, imprimis in medio, fuscis; tibiis posticis quandôque etiam fuscis. — Affinis G. acuta, 21 var. À. 38. Cinrps ? aLgrransis Nob. (divisio 2°?). — C. viridiaurata, capite maÿjusculo ; abdomine rotundato , pedibus œæneo- cæruleis , tarsis albis , Nob.. — Longit. 0,002 mil. Antennæ breves (videntur à 7-8 articulatæ constari) hirtellæ , parm fractæ, 1 sive 2 ultimis articulis majoribus , ovatis, apice acuto , nigræ. Tarsi tetrameri ? Caput majusculum; viridi-aurata , punctata. Thorax elevatus , scutello thorace non Jongiore, majusculo tamen. Æbdomen brevius et lævius thorace , pauld depressum ; rotundum , ferè globosum. Pedes æneo-cærulei , tarsis albis(exceptoapice qui niger). Ælarumstigma breviter pediculatum , subeapitatum. An familia Eulophidum affinis meâ, 26 ex üisdem gallis lenticularibus. \ : 290 BOYER DE FONSCOLOMBE. — Æddenda. 3. Evropnus 8ico1or Nob. —— E. rufus; antennis sémplicibus , thoracis dorso et abdomine posticé nigris, Nob, —Tongit. 0,002{. Mihi videter .ex hoc genere, antennarum articulis septem? Ultimo oyata-lanceolato, apice âcuto}coxis posticis laminà magnâ, gompressä , elevatà ut in Eul. 2. Rufus, oculis, antennarum flagello; vertice, thoracis dorso, segmento quarto et sequentibus abdominis nigris. Abdomen trigonum, apice in mu- éronem producto, subtùs carinatum. Pedes rufi, coxis, femoribusque pos- ticis, suprà nigro marginatis , tibiis longis, nigro lmeatis, tarsis posticis fuscis: Ælæ hyalinæ, maculis duabus fuscis, primâ paulo post basin, alterà stigma subsessile comitante , majore, marginein internum nou attingente. Videtur fœmina. Ortus ex erucà Psyches febrettæ, cum Euloph. 2. 5. Encyrrus ? pumrus Nob.-— Æ. nigro-æneus, seutello brevi, inermi; antennis nigris ; alis hyalinis, Nob.— Longit. 0,002 mil. Facies et ,caput. Encyrü , abdomen Ciniphum secundeæ divisionis ; tarsi videntur tetrameri. Antennæ nigræ , scapo vix capite breyiore , flagello longo, MÉTs vix distinctis, apice sensim crassiusculo, A ultimo ovato: capitis thoracisque simul longitudine. Caput transversum , ut totum corpus, migro-æneum, Sculellum breve. Abéomen subtùs trigonum , thoracis longitudine, ano acuminato, non mucronato, Pedes 4 antici lutescentes, femorum tibiarumque medio , tarsisque posticè ; fuscis : postici nigro- ænei, femoribus validis ; subcompressis, coxis iisdem majusculis , geni- culo rufescente. {/æ Ciniphum cinereæ subhirtæ ; stigmate pediculato, longiusculo, non capitato. —_—_—_—_—_m————— ERRATA ET CORRIGENDLA IN PRIORIBUS DESCRIPTIONIBUS, (1) 4. CHALCIS MINUTA. Forte varietas. Idem habitus, differt scutello non emarginato,, scapulis fuscis, medio rufescente; tibüs posticis nigris, maculà tantbm minimà Juteà. 1. EuRYTOMA ABROTANI Latr. Mas. Caputlatum, subtransyersum. Prothorax magnns, latus. Meso- thorax trigonus. Metathorax eleyatus, posticè productus; subtrigonus , 1) Annales des Sciences naturelles, 1*° série, tome XxV£, pages 273-307. pages 27 BOYER DE FONSCOLOMBr.— Æddenda. 191 apice obtusissimo; scäpulæ sive mesothoracis latera, maximæ, illius ferè magoitudinem æquantes. Abdomen pediculatum, rotundatum, subcom- pressum, ano ferè truncato , thorace brevius. Æntennæ 9-articulatæ, fractæ, scapo brevi; articulo uno quoque subquadrato, intùs producto, omuibus maximè ciliatis (ciliis longis) distinctissimè separatis, ultimo lon- givre, oblongo-ovato, in apicem sub acutum vel potits ‘btusum desinente subciliato. Æ/æ albæ stigmate longè pediculato; mgra capite thoraceque punictatis, scabris , abdomine nitido, lævi ; géniculi tarsique rufescentes. Fœmina. Antennæ moniliformes, fractæ, articulis octo distincts, ultimo ovali, vix acuminato, ferè longitudine triam præcedentium simul. Nigra caput thoraxque utin mare. 4bdomen lenticulare, mucrone magno sursüm erecto terminatum, nitidum. Æ/æ pedesque maris ; geniculis tarsisque magis lutescentibus: Uterque sexus è gemmis inflatis Verbasci. 1. Civips porsazis Fab. sic D. Westwood. gen. Megastigmus Dalmann. ‘ 3. Cinres arrmis Nob. gen. Callimome Walk. sic Westwood. Descriptio accuratior. Viridi-cæruleo-aurata , elongata, lævis. Æn- tennæ \ongiusculæ , ad basin geniculatæ , crassæ, articulis vix distinctis (10, ut mihi visum) hirtellæ , scapo cylindrico, gracih, ultimo ovato in acumen subobtusum desinente, collam sensim ad caput elougato-conico, metathorax obliquè versus abdomen depressus. Æ{Zdomen sessile, depres- sum’, ovatum , thorace brevius, mucrone satis elongato terminatom. Femora ænea, basi et geniculo flavescentibus : quatuor priores tibiæ loteæ, ultimarum duarum medio obscuro. Æ/æ cinereæ, pilis ad oculum armatuin yix copspieuis , sparsis; stigmate breviter pediculato. Mas..E gemmis inflatis verbasci. 4. Cnres virimis Nob. Mas. Tibiislatè flavis vix medio fuscescente, color viridis nitidissimus. 7." Crus sapprymNA Nob. genus Callimome Spin. 8. Cinips PUNCTATA. Scapus antennarum rufus. Saltat. genus Monodontocerus, Westw. et Monodontocerus obseurus, illi; sed in meä , abdomen non subis testa- ceum, et in M. obscuro , margines segmentorum abdominis non viden- tur ut in mea distinctè cilati, 12. Cvres nirrinis Nob. — E. famil. Zulophides D, Westwoord. 13, CinrPs CYANEA. Varietas, ut mihi visum, differt femoribus et tibiis quatuor anticis integrè luteis; capite thoraceque cyaneis. — Fœmina, — Vix difleit à C. bedeguaris, minor et cæruleus,— £ gemmis inflatis Verbasci nigri. 192 BOYER DE FONSCOLOMBE. — Æ{ddenda. 14. Cinrps rascrATA Breb. juxtà D. Vrestwood. esset Eurytoma Latr. Decaioma Spin. 15. Cinrps sricmA? G. Monodontomerus Westw. 16. Ciips BINOTATA Nob. — G. Eurytoma Latr. Decatoma Spin. sic D. Westw. Varietas. Tota fulva, oculis, maculà ad pectoris latus, et tibia rum posticarum medio, nigris. Hinc pauld diversa à C: bmotatà et ejusdem varietate priüs descripta. E gallà ovatà folio Quercüsilicis affixà, suprà infrèque inflatà sive gibbâ ( paginà illam secante) luteo vires- cente. 18. Cuvips rugurosa Nob. Orta etiam e gallà tinctorià 2. roboris, Genus Ormyrus Westw. 20. CiniPs FUNGosA Enc. Fam. Eulophides, antennis pauci articulatis et tarsis tetrameris ; sic D. Westwt. 21. Cinres acuTA Nob. Var. A. Tibiis tamen totis flavis. E gallà umbelliferà viscosà quercüs. Var. C. Tibiüis etiam flavo-albidis totis; è gallà ovatà, viridi in foliis Quercäs ilicis utramque paginam occupante, autumno exclusa. Eadem famil, juxtà D. Westw. ut præcedens C. 20. 24. Cinips QuaDruM. — G. Cheiropachus Westw. Larvæ Anobii parasita. 25. Cinips B1FASCIATA Nob.—G. Evpelmus Dalm. sic D. Westw. 28. Cinres aAëROTIS Nob. — G. Encyrtus D. Westw. 30. Cixips QUERCUS RAMULI.— Fœm. Eulophid. sic D. Westw. 31. Cnxres cHERMIs. — G. Encyrtus juxta D. Westw. Reverà facies Encyrti, scutello magno, variat abdomine ovato, non acuto (an mas?) ; pedibus nigro annulatis vel maculatis ; capite Juteo; thorace ferè viridi-rufo , sericeo. 2. EULOPHUS FLABELLATUS. Fœmina variat abdomine vix medio rufo, ventre quoque toto vel partim rufo, pedibus potiüs rufescentibus vel fusco-rufescentibus quäm cinereis, femoribus nigris. — G. Ælasmus Westw. sed autennarum descriptionem meam ut vitiosam reprehendit, in litleris. T. SPALANGIA ? FLAVIPES Nob. G. Euplectrus è familà Eulophidum in Westw. Temerè non nota- veram coxas magnas et bina calcaria longissima pedum posticorum. 1. PERILAMPUS 1TALICUS. — Captus tredecimä die maii. mm. MiLNE EDWARDS. — Spermatophores. 195 Onsenvarions sur les Spermatophores des Mollusques céphalo- * podes , et sur la struclure des Carinaires , des Dendrophyl- lies , etc.; extraites d’une lettre de M. Mirne Evwanpos, datée de Nice Le 28 avril 184o. ( Commuuiquées à l'Académie des Sciences par M. Aspouix. ) $Spermatophores des Mollusques céphalopodes. — « Vous vous rappelez sans doute les questions que nous nous sommes sou- vent adressées relativement à ces corps singuliers qui ont -été découverts par Swammerdam et par Needham dans l'appareil mâle des Céphalopodes, et qui, lorsqu'on les extrait de la poche membraneuse où ils sont logés côte à côte, exécutent des mouvemens brusques, changent de forme et ne tardent pas à éclater. Quelques naturalistes ont pensé que ces corps filiformes étaient des animalcules spermatiques d’une taille gi- gantesque ; d’autres les ont regardés comme des vers parasites. Cependant leur nature me paraissait encore mal connue, et depuis long-temps , je m'étais promis de saisir la première occa- sion favorable pour les étudier avec soin. En arrivant à Nice, Jai mis mon projet à exécution. Je savais , il est vrai, que tout dernièrement M. Carus avait fait des recherches sur ce sujet ; inais je ne les connais pas encore, et j'ajouterai que la pensée de me trouver peut-être devancé par ce savant ne m'a pas ar- rêté ; car, dans le cas où mes observations n’ajouteraient aueun fait nouveau à ceux déjà constatés par lui , et où j'arriverais aux mémes conclusions , mon travail aurait encore quelque utilité, puisque cette conformité dans les résultats fournirait un argu- ment ile plus en faveur de ce que je croirais être la vérité. Je me suis donc mis à l'œuvre , et je n'étais encore que peu avancé dans l'examen des filamens spermatiques du Poulpe, lorsque j'ai appris du Df Peters (jeune naturaliste de Berlin en mission à Nice) qu'il s'occupait du même sujet. Ses observations por- taient principalement sur les Seiches, et cette circonstance nous XIII, Zoo, — Avril, 13 194 MILNE EDWARDS. — Spermatophores. a déterminés à réunir nos travaux et à poursuivre en commun les recherches que nous avions commencées chacun de notre côté. Nous avons étudié, sous ce point de vue, tous les Cépha- lopodes dont nous avons pu nous procurer des individus mâles; savoir : le Poulpe commun, le Poulpe à longs bras, YElédon musqué ; la Seiche officinale et le Calmar commun. « Chez tous ces animaux, les filamens spermatiques ou corps Needhamiens se rencontrent en abondance et nous ont offert une structure très compliquée. Leur conformation diffère sui- vant les espèces auxquels ils appartiennent, mais on y distingue toujours un étui en forme de silique composé de deux tuniques et renfermant dans son intérieur un long tube contourné sur lui-même, comme un intestin, rempli d’une matière blanche opaque et en connexion avec un appareil membraneux plus ou moins translucide. Ce tube intestiniforme est un réservoir sper- matique contenant des milliers de Zoospermes, et l'appareil au- quel il est attaché par son extrémité antérieure sert: à: faire éclater l’étui et à déterminer la sortie du réservoir lui-même. La structure de: cet instrument d’éjaculation varie ‘suivant les es- pèces ; et le mécanisme à l’aide duquel la projection du réser- voir spermatique s'effectue, diffère également chez tous les Céphalopodes soumis à notre examen. Du reste, les dessins que je vous adresse vous feront connaître toutes ces particularités et me dispenseront de vous en donner ici la description. (r) « Ainsi, ces corps que Cuvier appelle les fameux filamens machines de Needham , ne .sont ni des animalcules spermati- ques, ni des vers parasites, mais des instrumens de fécondation tels que je n’en connais pas encore d'exemple dans le règne animal ; nous proposons de les appeler des Spermatophores ; et je ne puis mieux les comparer qu'aux grains de pollen qui ren- ferment aussi les corpuscules fécondateurs, et qui éclatent de mème, pour s’en décharger, lorsqu'ils sont parvenuside lappa- reil mâle, sur l'organe femelle dé la fleur. Suivant toute proba- bihté, ces Spermatophores sont aussi chez les Céphalopodes un (1) M. Audouin a fait passer sous les yeux de l’Académie ces dessins eomposant qiiatre planches in: 4°, MILNE EDWARDS: — Spermalophorés. 199 moyen de transport pour la liqueur séminale, à l’aide duquel celle-ci arrive dans l'appareil femelle, malgré l'absence de tout organe de copulation. Quant aux animalcules spermatiques ren: fermés dans l’intérieur de. ces corps singuliers, sils ne différent en rien de ceux. des autres: animaux; seulement vous remar« querez qu’ils offrent des différences, soit dans la taille, soit dans la, forme, chez tous les Céphalopodes dont je viens. de vous entretenir. l Anatomie des Carinaires. — « À la suite des grands vents.qui ont régné au commencement du mois ;,la baie de Nice a été visitée par un grand nombre de Carinaires; et nous avons fait, M. Peters et moi (d'abord chacun de notre côté le même jour, puis de concert), quelques recherches sur la structure de ces animaux. Vous savez que l’on considère généralement tous les Mollusques de Yordre des Hétéropodes comme étant Hernia - phrodites; dans une note ajoutée à la seconde édition de son Règne animal, G.Cuvier a dit : & M: Laurillard croit leurs sexes séparés»; mais il ne paraît pas avoir été convaincu de l’exacti- tude de cette opinion, et M. Delle Chiaje a cru trouver chéz les Carinaires un testicule situé auprés de l’ovaire. Or, il nous à été facile de nous assurer qué, chez ces Mollusques , lés sexes sont parfaitement distincts ; les mâles et les femelles différent même par des caractères extérieurs des plus apparèns. Effectivement, chez les mâles, on voit du côté droit (l'animal étant supposé sur le ventre , ce qui est l'inverse de sa position ordinaire), au- dessous du nucleus viscéral ; un-appareïl copulateur très déve- loppé, appareil. qui. manque complètement chez la feméile; et celle-ci offre à «son tour, auprès de l'anus , un orifice génital dont le.mäle est privé. Le testicule occupe.la méme place que l'ovaire , et lui ressemble beaucoup; mais , au. lieu d'ovules ca4 ractérisées par l'existence d’un sac vitellin et d’une vésieule de Purkinje, il contient des capsules membraneuses remplies de zo0spermes. Ces animalcules ont une aueue très longue et exé: cutent des mouvemens assez vifs; vous en trouverez une figure dans l’un des dessins que je vous envoie. Nous nous sommes assurés du même fait chez les Æiroles ; vous trouverez anssi, par 15, 196 MILNE EDWARDS. — Speérmalophores. ce dessin, que l'appareil circulatoire des Carimaires diffère no- tablement de la description qui en a été donnée, et que le sys- tème nerveux de ces animaux offre une complication plus grande que chez aucun autre Mollusque Gastéropode connu jusqu'ici ; car, outre les ganglions labiaux, cérébraux et sous- œsophagiens, vous y verrez une paire de ganglions optiques, une paire de ganglions ophthalmiques , une paire de ganglions hé- patiques et un ganglion sous-anal; enfin, vous y remarquerez aussi des nerfs stomato-gastriques anälogues à ceux que nous avons découverts ensemble, il y a une quinzaine d'années , chez les Crustacés, et que M. Brandt a retrouvés depuis chez un grand nombre-d’autres animaux invertébrés. Observations sures sexes des Oursins. — « La séparation des sexes chez des Mollusques Gastéropodes n’a rien qui doive nous étonner ; mais ce qui vous surprendra, je pense , c’est que chez les Oursins , il existe aussi des mâles et des femelles par- faitement distincts. Ce fait curieux a été constaté dernièrement par M. Peters, et j'en ai vérifié à plusieurs reprises l'exactitude. Extérieurement, les testicules de ces Échinodermes ne diffèrent en rien des ovaires, mais le liquide qu’ils renferment est d’un blanc laiteux, au lieu d’être orangé comme chez les femelles ; il fourmille de zoospermes dont la queue est très difficile à apercevoir, et dont les mouvemens sont tout-à-fait caractériques. Struvture et organes sexuels des Dendrophyllies. —« Je vous envoie également un dessin qui montre la conformation exté- rieure et la structure intérieure des Polypes à polypiers pier- reux, dont M. de Blainville a formé le genre Dendrophyllie. Si l'on jugeait de ces animaux par la figure que Donati en à don- née et que la plupart des auteurs modernes ont reproduite, on leur croirait une organisation des plus bizarres; mais les tenta- cules en manière de pinces dont on avait supposé leur bouche entourée n'existent pas, et leur structure tant intérieure qu’ex- térieure ne diffère que peu de celle des Actinies et surtout des Caryophillies proprement dites. L’analogie pouvait nous faire présumer qu'il en serait ainsi ; mais j'ai constaté en ontre que ces Polvpes corraligènes possèdent, de méme que les animaux MILNÉ EUWARDS. — Spermaiophores. 197 supérieurs, des organes sexuels distincts. Les ns sont pourvus d'ovaires, tandis que les autres portent à la place occupée ordi- nairement par les organes femelles des testicules de même forme que ces derniers et renfermant, au lieu d'œufs , des animalcules spermatiques. Vous verrez un de ces zoospermes figuré dans le dessin dont je viens de vous parler. Observations sur la structure des Acalèphes hydrostatiques. « J'ai eu aussi l'occasion d'étudier quelques-uns de ces singu- liers Acaléphes hydrostatiques qui ont été désignés sous le nom de Physophores , et qui ressemblent à de longues guirlandes de fleurs entremélées de baies arrondies et de stipules contournées en spirales. N’ayant pas encore mis au net les dessins que j'en ai faits , il me serait difficile de vous exposer en quelques mots ce que j'ai pu débrouiller dans leur texture complexe. Je vous dirai seulement que j'ai maintenant la conviction que ce ne sont pas des animaux simples, mais des agrégations d’un grand nombre d'individus naissant par bourgeons et vivant réunis entre eux à la manière des Polypes composés. Il me parait éga- lement probable que ces Acalèphes composés ont les sexes dis- tincts ; car chez quelques-uns où je n’ai pu apercevoir de traces d’un ovaire, j'ai trouvé des organes remplis d'animalcules sper- matiques. Appareil de circulation ; Holothuries. — « Enfin, je vous euvoie aussi un dessin de l'appareil circulatoire des Holdihut- ries. Les descriptions qui en ont été données par MM. Tiede- mann et Delle Chiaje s'accordent si peu, qu’il m'a semblé néces- saire d'examiner de nouveau ce point , et je me suis assuré que la disposition des vaisseaux est à-peu-près telle que l’a indiquée M, Delle Chiaje.» 198 DE BLAINVILIT. — Mo/lusques. { | | £16 1151) 1 } : Rapponr fait à l'Académie des Sciences, dans la. séance du ovnars 1840, par M::ve BLAINVILLE, sur un Mémoire de M, Doro, intitulé : Observations sur les Mollusques marins, terrestres et fluviatiles des îles Séchelles! et des Amirantes. (1) (Commissaires : MM. pe, BLainvizce, Dumérié, Mine Evwanps.) La science des animaux ne se compose pas seulement, de la connaissance de leur organisation externe et interne, de leur distinction comme espèces, et de leur position dans la série ua- turelle qu'ils forment, parties que se sont, pour ainsi dire, réservées les zoulogistes de profession, parce que, pour y parve- nir,, il faut avoir fait des études préalables , et avoir à sa dispo- sition des collections, des, livres de descriptions et surtout d’iconographie; mais elle demande, également ia connaissance des mœurs et des habitudes des animaux, choses qui, quoique étant souvent des déductions évidentes de particularités de l’or- ganisation, ne le sont cependant pas d’une manière toujours certaine, En sorte que l'étude sur place des animaux vivans, de leurs rapports avec le sol, avec le milieu dans lequel ils vivent, avec les autres corps organisés dont ils se nourrissent ou aux- quels ils servent de nourriture , avec ceux de leur espèce pour leur reproduction , est d’une importance assez grande pour que, dans l'opinion et le langage vulgaire, cette partie seule semble être la science tout entière. * C’est à ce point essentiel de la science des animaux Mol- lusques , ou à leur histoire naturelle, que les t:avaux de M. Dufo viendront apporter un assez bon nombre de faits nouveaux, qui doubleront aisément de valeur quand on fera l'observation que, pour les acquérir, il a fallu courageusement aller habiter pen- dant plusieurs années des lieux convenablement choisis à cause de la grande abondance des animaux mollusques ; et, comme l'une des circonstances les plus favorables de la pullulation de ces animaux en certains lieux est indubitablement l'éloignement (1) M, Dufo ayant promis aux Redacteyrs des Aunales des Sciences naturelles son Mé- moire , il paraïira dans un prochain numero. R. DE BLAINVILLE. — /Mollusques. 199 des établissemens de l'homme, et surtout de l'homme civilisé, on voit tout ce qu’il a fallu de dévoüment et même de dépenses pour s’y maintenir pendant un temps assez long. Dans ce but, M. Dufo, entrainé par son goût pour les co- quilles plus que par tout autre motif, sans mission autre que le desir d’être utile, est allé se placer dans l'archipel des îles Sé- chelles et Amirantes, qui offrent un grand nombre de criques et de rochers, de plages sablonneuses et de bas-fonds , et ne se trouvent qu'assez rarement visitées par les navigateurs; dès-lors, ayant pris avec lui quelques nègres et des provisions convena- bles, il a pu se livrer, sans crainte d'être interrompu, à des observations longues et répétées sur plusieurs points de l’his- toire naturelle des animaux mollusques conchylifères , et entre autres sur les opercules et sur,les nuances différentielles par lesquelles passent les coquilles , depuis le Jeune âge jusqu’à la caducité. Le premier point, si long-temps négligé , et tellement que l’on peut dire que son étude a presque commencé de nos jours et dans les travaux de l’un de nous, a acquis une véritable valeur depuis qu’il a été démontré que l’on pouvait s’en servir non- seulement pour la distinetion des espèces dont on ne possède que la coquille, mais encore pour la confirmation des coupes génériques véritablement naturelles: M. Dufo a confirmé, en eflet, sur un assez grand nombre d’espèces des genres Fuseau, Turbinelle, Murex, Pourpre, Buccin, etc., que cette manière de voir était fondée. Ainsi il a montré par l’opercule du pré- tendu Buccinum undosum, que c'était une espèce du genre Turbinella, et par celui du Cerithium palustre, qui diffère, par sa composition d’élémens circulaires imbriqués, de celui des véritables Cérites, que cette coquille n’appartenait pas à ce genre. Ainsi se trouve confirmé le genre Potamide établi par M. Alexandre Brongniart pour des coquilles fossiles considérées avant lui comme des Cérites, et que la nature fluviatile du ter- rain dans lequel on les trouve, aussi bien que quelques parti- cularités dans la forme de l'ouverture, avaient porté à séparer des Cérites, qui sont marines, Et en effet , le C. palustre, comme l'indique son nom , habite les eaux douces des marais. 209 DE BLAINVILLE. — Mollusques: La science devra aussi à M. Dufo le fait positif de l'absence d'opercule dans le genre Tarière, ce que l’on soupçonnait seu- lement avant lui. Le second point sur lequel ont porté plus essentiellement les observations de M. Dufo, est celui des formes successives par lesquelles passent les coquilles, depuis le premier âge de l’ani- mal qui les porte, jusqu’à sa caducité ; et c’est encore un point extrémement important et évidemment en rapport avec le fait de la diminution des lobes du manteau avec l’âge, comme M. Dufo l'a confirmé de nouveau: Depuis, en effet, que la géologie, voulant enfin passer à l’état de science , a dû prendre dans les corps organisés dont les débris existent fossiles dans les couches superficielles de la terre, un des élémens les plus puissans pour la résolution de ses pro- blèmes d'identité ou d'ancienneté , et même d'étiologie de ces couches, l'étude des coquilles qui par leur nature chimique peuvent donner lieu à la formation de roches étendues, a dù prendre et a pris en effet une importance très grande ; mais malheureusement, depuis que M. de Lamarck, si justement célèbre , a régularisé la conchyliologie fossile par la distinction et la dénomination des espèces, plusieurs géologues, souvent peu naturalistes, se sont emparés de cette partie de la science ; et dès-lors, quelquefois plutôt entrainés par les besoins de la géologie qu'éclairés par des connaissances réelles en zoologie, ils ont établi, dénommé comme espèces un grand nombre de coquilles fossiles, sans bien s'être rendu compte des limites de variation dont ces parties d'animaux mollusques sont suscep- tibles , et, en effet, avant que la malacologie fût elle-même en état de répondre à ces besoins de la science. L’un de nous, pen- dant le peu d'années qu’il a occupé au Muséum d'histoire natu- relle la place de M. de Lamarck, ayant senti combien il était important de scruter ces limites de variation avant d’en procla- mer les lois, avait commencé à établir des suites de coquilles d'une mème espèce, en ayant égard non-seulement à l’âge, mais encore aux sexes dans les espèces dioïques, ainsi qu'aux locali- tés; mais M. Dufo, guidé par ces tentatives, a été beaucoup plus loin. On remarque en effet, dans la collection de coquilles DF BLAINVILIE. — Mollusques. 201 rapportées par cet observateur zélé , des suites d’un assez grand nombre d'espèces dont les nuances montent à plus de cinquante; et ces nuances ne portent pas seulement sur la taille, mais en- core sur toutes les particularités différentielles que les coquilles peuvent offrir. En sorte que sous ce rapport, et surtout dans les genres Pourpre, Ricinule, Turbinelle, Murex ;, Porcelaine, Strombe et Ptérocère, la collection de M. Dufo est d’un grand intérêt, puisqu'elle permettra d'apprécier les limites de varia- tions dont une espèce de coquille est susceptible, même dans des circonstances climatériques et autres absolument semblables. Que serait-ce donc, s’il avait pu réunir les variétés que pourrait offrir une même espèce vivant à des distances plus ou moins considérables ? Outre ces deux points importans pour la malacologie, M. Dufo a encore porté son attention sur plusieurs autres qui ne sont pas non plus sans intérêt, puisqu'ils remplissent quelques la- cunes dans l’histoire naturelle des Mollusques. Ainsi la profondeur et la nature des fonds de mer que pré- férent les différentes espèces de coquillages , ont été soigneuse- ment notées par M. Dufo. Il a remarqué, par exemple, que les Bivalves sabulicoles s’enfoncent avec l'âge; que certaines es- pèces dé Cérites vivent solitaires et d’autres en troupes. Il s’est également occupé de l’espèce de nourriture préférée par chaque espèce ; et si, sous ce rapport, M. Dufo a confirmé en grande partie la division des Trachélipodes zoophages et phytophages de M. de Lamarck , il a pu aussi relever quelques erreurs du savant zoologiste. Ainsi , suivent lui, les Cérites sont exclusivement phytophages , ainsi que les Cônes et les Porce- laines, contradictoirement à ce qu'avait supposé M. de Lamarck. Enfin, il n’est pas même jusqu'au mode et à la vivacité de la locomotion d’un assez grand nombre d'espèces , que M. Dufo n'ait observés. Ainsi les Strombes et les Ptérocères marchent pour ainsi dire par cabrioles successives, et les Cônes sont tres peu agiles, au contraire des Porcelaines, ce qu'on pouvait pré- voir de la grande différence dans l'étendue de leur disque loco- moteur. Le temps assez long (quatre années ) pendant lequel M Dufo 202 DE DLAINVILLE. — Mollusques. a pu continuer ses observations, lui a mème permis de juger la longueur de la vie de quelques espèces par la lenteur, de! leur développement. C’est sur le Cerithium palustre que porte essen- tiellement cette présomption. Enfin, parmi les particularités qu'il serait difficile de’ ratta- cher aux catégories déjà signalées, nous citerons les suivantes : Le Casquillon ( Buccinum arcularia XL), dont l'opercule est finement denticulé à sa circonférence , semble vouloir s'en servir pour sa défense, quand on veut le prendre. Le double pied des harpes , signalé pour la première fois par M. Quoy, auquel la science doit un si grand nombre de faits nouveaux en malacologie et en actinologie , et qui parait rem- placer l’opercule dont ce genreest dépourvu, tombe et se rompt au moindre effort, et semble ainsi un moyen qu'a l’animal d'échapper à la voracité de ses ennemis, en leur abandonnant cette partie de son corps. Dans les Porcelaines ou Cyprées, les lobes du manteau sont dans un état singulier du trépidation continuelle , qui n’a pas lieu sur ceux de l'ovule, genre qui semble si voisin des Cyprées. Les vésicules aérifères du pied des Janthines se vident en- tiérement quand l'animal est à une certaine profondeur dans la mer. L’Agathine de Maurice dépose ses œufs en colonnes, formant une traînée plus ou moins longue ; mais le fait le plus re- marquable de ce genre , observé par M. Dufo, c'est que les Hélices unidentées et de Studman sont oyovivipares , Comme plusieurs espèces de Litiorines , la Paludine vivipare de nos rivières, les Partules , etc. , c'est-à-dire que les œuts éclosent dans la fin de l’oviducte , et que le petit animal sort de sa mère à l’état vivant, Quelques especés de Calyptrées sont pourvues d’un support distinct du rocher sur lequel l’animal est posé, tandis que , chez les Hipponices vivantes, le support fait partie du rocher et est creusé à sa surface. Enfin M. Dufo parait s'être assuré de nouveau que certains DE BLAINVILLE. — Mollusques. 203 bivalves byssiferes détachent leurs byssus brin à brin; ce que l’on avait déjà soupçonné. En nous bornant à cette simple énumération des principaux faits recueillis par M. Dufo, il nous sera permis d’ajouter que, si, parmi le nombre véritablement immense de coquilles rappor- tées par M. Dufo, il ne s'en trouve que quarante ou cin- quante nouvelles, résultat qui, quoique plus facile, est cepen- dant généralement plus apprécié pour nos collections, il nous à fourni sur les espèces que nous connaïssions des particularités qui avanceront certainement leur histoire, et qu'il était beau- coup plus difficile de se procurer, En effet, pour cela il fallait faire autre chose que de se borner à ramasser, à recueillir ces animaux, et à les mettre immédiatement dans une liqueur conservatrice, comme le font presque exclusivement les vOya- geurs passagers ; il était nécessaire de passer des jours , des mois ,; des années entières à observer ces ‘animaux, en notant soignéusement toutes les particularités. Sans doute le travail de M:Dufo n’est pas une œuvre essentiellement scientifique: son auteur n’en à pas la prétention; mais ce sont des élémens d’une véritable importance , d’abord en eux-mêmes et ensuite à cause de leur rareté, et qui ne serviront pas peu à enrichir à-la- fois: les’ ouvrages des naturalistes et les collections de nos Muséums. (1) Nous croyons donc devoir proposer à l’Académie d’adresser à M: Dufo ses rémercimens pour le zèle qu’il a mis à remplir une mission qu’il s'était imposée , en l'invitant à la continuer, si cela se peut, et, dans ce cas, à porter son attention sur les animaux eux-mêmes dans leurs rapports avec la coquille, sur les différences de sexe, sur les œufs de chaque espèce, points encore fort peu avancés dans l’histoire des animaux mollusques et qui devront avoir une grande influence sur les progrès antérieurs de la science. (x, Nous pensons faire plaisir aux 20ologistes en leur aunonçant que M, Dulo à bien vouln ecder à l'administration du Muséum le bel ensemble de ses récoltes, R. 204 OUCHAKOFE. — Sur un Termes fossile. Noncr sur un Termes fossile, Par M. OucHaKkorr. La plupart des insectes fossiles que l’on a décrits, et qui ont été observés dans le succin , appartiennent à des genres répan- dus dans les pays chauds , et presque tous ont une analogie-plas ou, moins grande avec nos espèces vivantes. D’après les faits parvenus à ma connaissance, on n’a pas encore découvert dans le succin, d'insectes dont les types semblent avoir cessé d’exis- ter, et qui n’aient plus de représentans dans les genres vivant actuellement ; et il paraît encore assez bien établi que les in- sectes disséminés dans les fragmens de succin que l’on trouve en grande quantité sur les côtes de la Mer Baltique, se rappro- chent généralement des espèces propres aux contrées.les plus éloignées. Cependant cette remarque, d'après mon opinion, ne peut être appliquée à la classe des Arachnides, on au moins aux Araïgnées proprement dites; j'ai été conduit à le penser, après l'examen de plusieurs fragmens de succin, et le silence de tous les au- teurs sur la découverte de nouveaux genres d’Araignées à rendu mon opinion plus certaine. M. Walkenaer, célèbre arachnéo- logue, a donné la description d’une nouvelle espèce du genre Altus , trouvée dans un morceau de succin de la collection de M. Faujas de Saint-Fond, ayant une très grande analogie avec certaines espèces européennes. M. Marcel de Serres cite encore une espèce de Tegenaria dé- terminée par le même arachnéologue , et trouvée dans la forma tion insectifère d’Aix ; et je possède aussi quelques fragmens de succin renfermant deux Araignées dont l'une me parait appar- tenir au genre Tegenaria. Quant aux insectes proprement dits, on en trouve souvent, à l'état fossile, d'analognes aux especes exotiques. MM. De- OUCHAKOrE. — Sur un Termes fossile. 205 france, Brongniart et Germar, ont signalé plusieurs individus du genre Curculio inconnus en Europe. M. Desmarets a décou- vert dans le succin des Termites qui semblent propres aux Indes et à l'Afrique. D’après le témoignage de M: Latreille, il n'existe en Europe que deux espèces de ce genre. Parmi les morceaux d’ambre qui me sont venus de Kænigsberg, yen a un qui renferme deux insectes de la même espèce, ap- partenant à la famille des Planipennes et au genre Termes: Ils sont adossés l’un à l’autre et entourés de bulies d'air qui n’em- péchent cependant pas de voir, à l’aide du microscope , toute la partie inférieure du corps de l’un des individus. Le dessin ( PI. r B) que je suis parvenu à faire avec exacti- tude, représente l’insecte tel qu'on le voit dans le succin. Dans la figure 1, on voit l’animal très grossi , et dans la figure 2, sa tête vue de face. La longueur véritable de l’insecte est de trois lignes, ainsi que l'indique la figure 1 a. Je vais maintenant donner les caractères distinctifs de mon insecte fossile, La tête est grande, arrondie et rétrécie en arrière, présen- tant un sillon et une tache longitudinale au milieu da front. Les mandibules ne dépassent pas la lèvre supérieure. Les quatre palpes sont distincts ; les labiaux les plus courts ont quatre ar- ticles dont les deux premiers très petits, le troisième sécuri- forme et le dernier conique et allongé. Les maxillaires ont cinq articles dont le dernier paraît bifide. Les antennes, plus longues que la tête, grossissent vers l'extrémité; elles sont monili- formes, et composées de quinze articles distincts; le premier cylindrique est plus long que tous les autres, le dernier svalaire. Le prothorax est très petit; le mésothorax et le métathorax, plus étroits que l'abdomen, forment deux parties hémisphériques. Les pattes antérieures sont fort éloignées des autres ; les posté- rieures sont plus longues, avec une élévation membraneuse et légérement plissée entre leurs hanches. Les tarses sont compo- sés de quatre ou cinq articles dont le dernier très long, courbe et terminé par deux crochets distincts. L’abdomen est très ef- filé, ayant quelques traces-de plis transversaux et son extrémité munie de deux appendices comme chez les Blattes. Les veux 206 OUCHAKOFF. — Sur un Termes fossile. sont cachés par les bulles d’air et ne s'aperçoivent pas; il entest de même des ailes ; si toutefois l’insecte en est pourvu. Le pas est jaunâtre et presque transparent. sv On remarque que l'insecte adhère pat une de ses pattes à un corps rond , qui est soyeux et légèrement raboteux , et que l’on peut regarder comme un-coconou un œuf. | D'après les caractères que je: viens d’énoncer, cet ‘insecte diffère notablement des Termites adultes, qui ont les anterines plus filiformes et composées de dix-sept articles. M. Latreille, dans son Histoire naturelle des Crustacés:et! des Insectes, nous donne les détails suivans sur le Termes lucifu- gum des environs de Bordeaux : | « À une certaine époque, dit-il, la société de ces Termeslest composée de quatre sortes d'individus, et dans tous les temps il s’en trouve deux sans ailes , qui sont agiles, allongés, mous | d’un blanc jaunâtre, pourvus de six pattes, ayant la tête; lé corselet et l'abdomen distincts. Leur tête est grande, munie de mandibules et de mâchoires, mais dépourvue d’yeux ou m'en ayant que de très petits: On distingue.ces, deux sortes d’indivi- dus par la forme de la tête : dans les uns, qui composent lé plus grand nombre de la société, cette partieest arrondie, et les mandibules ne sont point avancées; au lieu que dans les autres, qui font à peine la vingt-cinquième partie de la société, la tête est beaucoup plus grande ; allongée, d'une figure cylin- drique, terminée par des mandibulesssaillantes qui se croisent. On trouve vers la fin de l'hiver et au printemps, des individus semblables aux premiers, qui ont quatre appendices blancs: en forme d'ailes , deux sur lesecond anneau, deux sur le troisième: Si au bout d'un mois on ouvre:la Termitière; on n'y trouvé plus qu'un petit nombre de ces individus, qui ont perdu leurs ailes, et on aperçoit aussi, dans quelques cavités du bois, les œufs de ces inséctes sous la forme d’une poussière impalpable: On peut conclure de ces observations que les individus-sans ailes ; à tête ronde et à mandibules courtes, sont des larves ; que les individus semblables à ceux-ci, mais ayant des; appendices d'ailes , sont des nymphes; que ceux qui ont des ailes sont,des insectes parfaits. Il est présumable que l'entier développement OUCHAKOFF. — Sur un Termes fossile. 207 de ces insectes n’a lieu qu’au bout de deux ans, puisque, quand une partie paraît avec des ailes, on en trouve dans les nids sous la forme de larves, qui ne doivent subir leur dernière méta- morphose que l’année suivante. » Les caractères que M. Latreille assigne’ aux larves des Ter- mites se rapportent parfaitement à notre insecte fossile, et je me serais décidé à le regarder comme un Termes lucifugum sous là forme de larve, sans la présence des appendices de l’abdo- mén dont j'ai parlé plus haut, et'qui se remarquent seulement chez les insectes à l’état partait, Le nombre des. articles des antennes ne permet pas non plus de le considérer comme une femelle dont les ailes seraient tombées. En dernière analyse, je suis porté à ‘croire que cet insecte est à l’état parfait, et qu’il doit former un nouveau genre parmi les Névroptères Planipennes , d'autant plus que l'histoire natu- relle de ces insectes est encore peu avancée et n’est point suf- fisamment éclairée par des observations faites dans leur propre pays. EXPLICATION DE LA PLANCHE 1 B. Fig. 1. L'insecte représenté très grossi, dans la position joù,on le voit dans le sueciu. Fig. 1 a. Sa grandeur naturelle, Fig. 2. Sa tête vue de face. 0m 000 RecnencuEs pour servir à l'analomie et à la physiologie des Annelides à branchies, Par le D' Av. En. Grue, de Kônigsberg. (Extrait par N. Jorx, Docteur es-siences). (1) A l'exception de quelques mémoires isolés publiés déjà depnis long-temps par Cuvier, Home , Oken et Tréviranus, la science ne possède, relativement à l'anatomie et à la physiologie des (x) Zur Anatomie und Physiologie der Kiembnwürmer, x vol. in4 , de 99 pages, avec deux planches, Konisberg, 1838, 208 GRUBE. — Anatomie des Annelides. Annelides Tubicoles et Dorsibranches, aucun travail qui puisse en quelque sorte servir de pendant aux beaux travaux. de MM. Savigny, Audouin et Milse Edwards sur leurs formes ex- térieures. C’est pour combler en partie cette grande lacune que le D' Grube, de Kônigsberg, a entrepris les recherches dont nous nous proposons de donner ici un extrait. Nous ne suivrons pas l’auteur dans la description minutieuse des huit espèces qu'il a soumises à son observation (1).. Nous omettrons également, comme étant déjà bien connu, tout ce qui concerne le système musculaire et l’appareil respiratoire ; mais nous entrerons dans quelques détails au sujet des systèmes digestif, vasculaire et nerveux, et nous traduirons textuellement, parce qu'elle est entièrement neuve, la partie de son Mémoire qui traite des or- ganes de la reproduction. Nous suivrons toutefois un ordre dif- férent de celui que le Dr Grube a cru devoir adopter, c’est-à-dire qu’au lieu de consacrer un chapitre particulier à chacun des animaux qu’il étudie, nous grouperons dans un seul article tout ce qui a rapport au même système d'organes. Cette marche permettra au lecteur de saisir d’un coup-d’œil les différences et les analogies, en même temps qu’elle lui épargnera des répéti- tions quelquefois inutiles. Canal digestif. Arenicola piscatorum. — Chez l’Arénicole des pêcheurs, le canal digestif s'étend” en ligne droite depuis la bouche jusqu'à l'anus. Sa largeur est assez considérable à l'endroit où le corps * se renfle en forme de sac; elle: l’est encore davantage dans la portion située au-dessous des vésicules jaunâtres ( organe hépa- tique) mentionnées par tous les observateurs. Elle diminue aux deux extrémités. On distingue trois parties dans ce canal intestinal : 1° une trompe protractile, couverte de papilles, et présentant à l’une (x) Ces espèces sont : 1° l’'Arenicola piscatorum, à° la Terebella multisetosa, 39 la Sabella unispira , 4° le Cirratulus Lamarckii, 59 V'Eurtice Harassii, 6° l'Onuphis tubieola, 5° V'Aphro- dite hystrix , 8° \a Polynoe squamata. GRUEE. — Anaïfomie des Annelides. 20q < de ses extrémités l’ouverture de la bouche; 2° l’œsophage (pha- rynx Milne Edw.), qui fait suite à la trompe et s'étend jusqu'aux deux vésicules hépatiques ; 3° l'intestin proprement dit. La por- tion élargie de ce dernier (estomac) présente à l'extérieur de petites saillies ovales, entourées par un réseau vasculaire que nous examinerons tont-à-l’heure. Si l'on ouvre cette partie de l'intestin, on y trouve une foule de petits sacs ou vésicules, que auteur croit destinés à l'absorption de la substance nutri- tive (1). Plus on s'approche de l'extrémité postérieure du tube digestif, plus on le voit solidement fixé au corps; mais bien que le Dr Oken ait prétendu le contraire, il ne finit jamais par se confondre avec les parois de la cavité abdominale, et l’on peut toujours l’isoler facilement des parties qui l'entourent. La membrane dont il est formé, d’abord assez épaisse dans l’œso- phage , devient mince et transparente dans l'intestin propre- ment dit. Elle se compose de deux plans de fibres superposées. Les extérieures sont longitudinales, et les intérieures transver- sales. Enfin, le canal intestinal de l’Arénicole est maintenu en place par un ligament situé à sa face dorsale, par de nombreux rameaux vasculaires unis entre eux au moyen de membranes très minces et se rendant à la couche musculeuse tégumentaire, enfin par les cloisons qui l’environnent près des extrémités du corps de l'animal. Terebella multisetosa (Grube). Pas de trompe : pas de vési- cules hépatiques ; œsophage très court; intestin offrant la plus grande analogie avec celui de lArénicole. Sabella unispira. — Trompe en forme de tube très court, légèrement saïillant au dehors. OEsophage à parois assez épaisses, comme étranglées, mais non contournées en spirale. Intestin un peu plus étroit que l’œsophage, contourné en spirale à partir du huitième segment. Cloisons complètes, aussi nombreuses que les anneaux du éorps, entourant le tube digestif, et servant probablement à élargir l'intestin. (1) Nous croyons avec M, Milne Edwards que ces vésicules jaunes sont des organes sécré= teurs de la bile, Sous ce rapport, elles seraient analogues an foie des squilles et de plusieurs Crustacés inférieurs , par exemple, les Lernées et l'Artemia salina. (Note du traducteur.) XII, Zoov. — Avril, 14 210 GRUBE. — Anatomie des Annelides. Cirratulus Lamarckii.— Pendant long-temps les Sabelles ont passé pour être les seuls Annelides dont le caual digestif füt en forme de vis. La même disposition s’observe chez le Cirratulus. À sa partie postérieure, l'intestin se rétrécit considérablement ; sa partie antérieure est étroite; le pharynx est une masse épaisse et charnue , mais dépourvue de mâchoires. ÆEunice Harassii. — Le canal intestinal de l'Eunice Harassii nous offre une structure beaucoup plus compliquée que celui des autres Annelides précédemment décrits. Ici la masse pha- ryugienne (trompe Milne Edw.) a la forme d’un ovale légère- ment aplati, et se compose d'une partie inférieure assez large, et d’une autre partie plus étroite appuyée sur cette dernière, et naissant de son extrémité antérieure. La première entoure l’ou- verture buccale ; la seconde est l'œsophage. Celui-ci est uni mé: caniquement au pharynx (trompe Milne Edw.) par des faisceaux de fibres placés sur ses bords latéraux et à sa face inférieure; mais il est toujours facile à distinguer à son manque d'éclat, tandis que le pharynx brille des couleurs opalines les plus vives. Dans le premier, on observe des cannelures longitudinales peu profondes ; dans le second, ce sont des anneaux fibreux incom- plets, ou plutôt dés arcs elliptiques, le plus souvent disposés deux à deux de chaque côté de la ligne médiane, et inclinés l'an vers l’autre sous un angle plus ou moins prononcé. Ces arcs elliptiques contribuent, concurremment avec quelques fibres en anneau, à rétrécir l'ouverture buccale. Des muscles particu- liers servent à l’élargir, D'autres sont destinés à opérer la pro- traction et la rétraction du pharynx (trompe Milne Edw.). Cet organe est armé de mâchoires fortes et nombreuses, for- mant un cercle composé de deux moitiés non symétriques. Ces mâchoires, au nombre de quatre paires, une inférieure (lévre inférieure Mine Edw.), trois latérales , et la mâchoire impaire, ont été déjà décrites par MM. Savigny, Audouin et Milne Edwards; aussi nous contenterons-nous d'ajouter que la des- cription du D' Grube ne diffère de celle de ses prédécesseurs, qu’en ce qu'il admet l'existence de quatre petites pièces qui se rendent de la troisième mâchoire latérale du côté droit à celle du côté gauche , et complètent ainsi le cercle formé par les or- GRUBF. — Anatomie des Annelides. air ganes masticateurs. Une fente longitudinale, placée en haut et en avant, conduit dans lœsophage. Celai-ci aboutit à un esto- mac muri de plis longitudinanx onduleux ; enfis vient l'intestin, qui présente des renflemens et des étranglemens suocessifs , et s'étend dans toute la longueur du corps, soutenu partout au moyen des cloisons et des fibres ligamenteuses qui règnent sur le côté dorsal. Une chose digne de remarque, c’est que l’épithé- lium offre dans le pharynx ; dans l'œsophage et même jusque derrière l'estomac, un jeu de couleurs des plus vives, et tout-à- fait analogue à celui que le on'observe sur [a peau extérienre de Vanimal. Aphrodite histrix, — Trompe courte dont l'ouverture est si- tuée perpendiculairement à la surface ventrale, et entourée de muscles dilatateurs et rétracteurs. OEsophage court, à peine distinct du reste du canal, suivi d’un estomac analogue à celui de beaucoup d'insectes. Ce dernier organe a la forme d’un ey- lindre aplati des deux côtés , élargi et un peu gibbeux à sa par- tie antérieure, de consistance dure et cartilagineuse, et d’un éclat soyeux. L’estomac se continue par un intestin deux fois aussi long que lui, dans lequel viennent s'ouvrir par un col très étroit une double rangée de vingt-et-un à vingt-deux cœcums, semblables à des bourses multilobées et bosselées. Les six pre- miers sont les plus volumineux et les plus divisés; ce sont aussi ceux dont le col est le plus apparent. Du reste, il parait que nonsseulement la grosseur de ces bourses, mais encore le nombre des lobes, augmentent avec l’âge. Tréviranus considère ces bourses on vésicules comme des or- games analogues aux branchies extérieures des Amphinomes. Grube croit, au contraire , qu’elles sont destinées à recevoir la pulpe alimentaire (speisebrei ) et à en extraire le fluide nourri- cier:(1) Le canal intestinal de l4phrodite hystrix se distingue surtout de celui des autres Annelides , en ce que les fibres de sa mem- (1) M: Mine Edwards à représenté ces vésicules chez l'Aphrodite hérissée (Voy. Aègne animal de Cuvier, Annelides. PI. à , fig, x), Ge savant zoologiste les considère comme les ana- logues des vaisseaux biliaires des insectes, {Note du traducteur.) 1h 212 GRUBE. — Analomie des Annelides. brane musculeuse sont beaucoup plus fortes et plus semblables aux fibres musculeuses du corps que cela n'arrive ordinaire- ment. Elles sont aussi, de même que ces dernières, douées de l'éclat métallique. Si nous ouvrons l’intérieur de ce canal, nous verrons entre l’œsophage et le grand estomac une petite place ovale à la sur- face de laquelle s’élève une quantité de petits feuillets minces et parallèles, qui ne sont probablement que des replis de la mu- queuse. La surface interne de l’estomac cartilagineux est mar- quée de raies transversales très serrées. Bien que Tréviranus ait trouvé dans l’œsophage (trompe Milne Edw.) de l’Æphrodite aculeata de courts appendices à trois faces peut-être analogues à des dents, Grube n’a rien vu de semblable chez l'Aphrodite hispide. Polynoe squamata. — On remarque ici des muscles très de- veloppés , servant les uns à fixer le tube digestif aux parois du corps , les autres à le raccourcir. Les premiers forment dans chaque segment des bandelettes assez larges, perpendiculaires, qni représentent des cloisons imparfaites, en même temps qu’ils contribuent, par leur contraction, à élargir l'intestin. Le passage de l’estomac (1) à l'intestin proprement dit est marqué par une ceinture de faisceaux musculaires allant de l’un à l’autre, et il diffère conséquemment beaucoup de-ce qu’on observe chez l'Aphrodite hispide. L’estomac ( portion postérieure où pharyngienne de la trompe Milne Edw.) n’a pas non plus la même consistance que chez cette dernière; mais à l'endroit où s'ouvre le cardia (ouverture pharyngienne Milne Edw.), il est muni de deux paires de mà- choires formées d’une lame cornée qui s'articule avec sa voi- sine au moyen d'un prolongement latéral, et à la partie anté- rieure de laquelle on aperçoit une dent recourbée. Au-devant des mâchoires, on voit une couronne d’environ seize petits corps de figure aplatie et triangulaire, qui occupent le sommet (1) L'auteur ne paraît pas avoir observé comment la portion antérieure du tube digestif se renverse au dehors , pour constituer une trompe, et c’est probablement pour cette raison qu'il a adopté les dénominations employées ici, (Note du traducteur.) GRUBE. — Anatomie des Annelides. 213 de la trompe lorsque celle-ci est portée en avant. Le pylore (cardia Milne Edw. ) est formé par une duplicature de la mem- brane muqueuse. Les appendices de l'intestin, à-peu-près au nombre de seize, sont très peu ramifiés , et ressemblent à de simples tubes qui se terminent par une paire de petits sacs en partie cachés sous les muscles. Système vasculaire. Arenicola piscatorum. — Le système vasculaire de cet Anne: lide se compose : 1° D'un vaisseau dorsal ( RAückengefcæss ); 2° D'un vaisseau ventral principal ( Hauptbauchgefæss ); 3° De deux vaisseaux intestinaux latéraux ( Seitliche darm- gefasse) qui communiquent avec ce dernier par une branche inférieure , et qui, parvenus à l'endroit où les vésicules biliaires débouchent dans l'intestin, présentent tous deux un renflement considérable et sacciforme, appelé par l’auteur réservoir du sang intestinal ( Darmbliüthehälter Grube , cœurs pulmonaires Milne Edwards). Les vaisseaux intestinaux latéraux se continuent en- suite sur l’œsophage, mais ils sont bien plus grèles qu’aupa- ravant ; 4° D'un vaisseau intestinal supérieur ( Oberes darmgefæss ) placé immédiatement au-dessous du vaisseau dorsal ; 5° De deux vaisseaux intestinaux inférieurs (Untere darmge- fæsse) très rapprochés l’un de l’autre, adhérens à l'intestin, et situés de chaque côté de la ligne médiane. Une foule de rameaux naissant du vaisseau ventral et du vais- seau intestinal inférieur, forment autour de la portion élargie du canal intestinal (estomac) un très beau lacis vasculaire. In- dépendamnient de ces rameaux, le vaisseau ventral envoie des branches plus considérables aux mamelons sétifères, et de ces branches naissent de petits vaisseaux qui accompagnent de chaque côté le cordon nerveux ganglionaire. Avec I. Müller, qui les a décrits le premier, l’auteur nomme ces vaisseaux vasa nervoso-abdominalia ( Nervenstrang gefæsse). Le tronc ventral 214 GRUBE. — Anatomue. des Annelides. fournit encore anx organes générateurs un petit rameau qui donne naissance à une série de ramusculeslatéraux très courts, pectiniformes, et se terminant. en cul.de-sac. Enfin, il envoie des rameaux veineux inférieurs aux treize paires de branchies, Les rameaux supérieurs qui se rendent à ces derniers organes émanent de quatre troncs principaux, savoir : les deux vaisseaux intestinaux inférieurs, qui fournissent les six paires antérieures ; le vaisseau dorsal et le vaisseau intestinal supérieur, qui don- nent naissance aux sept paires postérieures. (1) Voyons maintenant comment s'opère la circulation du sang chez Y Ærenicola. Ce liquide, rassemblé dans les mailles du lacis intestinal , est en partie poussé dans le vaisseau ventral par les troncs latéraux et par les réservoirs (cœurs pulmonaires Milne Edw.); en partie mêlé immédiatement avec le sang artériel qui sé rend à 'intes- tin. Le vaisseau ventral recoit en outre lé sang des réseaux mus- culairés, et le conduit, avec celui qu'il a déjà réçu du tabe di- gestif, dans les organes respiratoires. Là, devenu éapable de nourrir les parties , il circule dans les artères branchiales supé- rieures et dans d’autres réseaux cutanés. Les vaisseaux nérvoso- abdominaux se vident dans les rameaux branchiaux inférieurs, ét lé cordon nerveux reçoit vraisemblablement du sang des ré- seaux cutanés , car il est situé assez superficiellement. {1) Les auteurs les plus justement célèbres ont donné une description de l'appareil circula- toire de lArenicola piscatorum qui difftre, à plasieurs égards, de celle qu'on vient dé lire. Ainsi J. Müller ét Home font dériver toutes les veines branchiales supérieures du vaisseau dorsal et toutes les veines branchiales inférieures du vaisseau ventral principal. Selon Oken, les pre- mières partiraient des vaisseaux intestinaux inférieurs , les secondes du vaisseau dorsal. Euvier admet trois troncs principaux: 1° un vaisseau dorsal, qui fournit les veines branchiales supérieures ; 2° un vaisseau intestinal supérieur; 3° un vaisseau ventral. Ces deux derniers donnent naissance aux veines branchiales ivférienres. Enfin, dans son mémoire sur la Circula— tion des Annelides , M. Milne Edwards ne mentionne pas le vaisseau intestinal supérieur; et il n'admet qu'un seul vaisseau intestinal inférieur, Suivant lui les vaisseaux tütestinaux latéraux, au lieu de se dilater pour former ce que Grube appelle les réservoirs du sang intes- tinal, vont se réunir au vaisseau dorsal, immédiatement en arrière des ventricules ou cœurs pulmonaires. Ceux-ci communiquent entre eux au moyen d'un large sinus , que l’auteur alle maud va point représenté, Enfin les vaisseaux pharyngiens (œsophagiens, Grube) ne sont pas ja continuation des vaisseaux latéraux, mais bien les branches latérales d'un tronc pharyngien médian, qui nait du siuus dont uous avous pale, * (Note du traducteur.) GAUBEs æ— Anatomie des Annelides. 215 » Dans le vaisseau ventral , le sang circule d’avant en arrière; il a une direction opposée dans le vaisseau dorsal, Du reste; en exposant ses idées sur la circulation du sang chez VArénicole des pêcheurs, le D' Grube avoue n'avoir pu faire toutes ses observations sur la vivant, et il renvoie sur cet article aux travaux de M. Milne Edwards, dont il regarde les ré- sultats comme plus importans pour la science et comme beau- coup plus sûrs que les siens. Terebeila multisetosa. — Va description que le naturaliste allemand a faite de l'appareil circulatoire de cet Annelide ne diffère qu’en un seul point de celle du D: Milne Edwards : l'existence d’un double vaisseau, au lieu d’un. vaisseau unique situé immédiatement au-dessous de l'intestin. (1) Chez les autres Annelides dont nous avons parlé en décrivant le tube digestif, l’auteur n’a pu étudier l'appareil de la, circula- tion que sur des individus conservés la plupart depuis long- temps dans l'alcool. Ce qu'il en dit est trop incomplet pour que nous croyions devoir en donner l’analyse. Système nerveux. En général, le système nerveux des Annelides examinés par l’auteur ne s'éloigne pas sensiblement du type propre à la classe dont ces animaux font partie. Arenicola piscatorum. — Celui de l'A/renicola se compose de deux cordons nerveux unis entre eux par une gaine faibiement brillante, et ne présente nulle part des ganglions manifestement arrondis, mais seulement des renflemens oblongs, plus ramassés quand l'animal se contracte. Parvenus à la cloison antérieure, les deux cordons nerveux se séparent sous un angle assez aigu, afin dé former le collier œsophagien. Outre ce collier œsopha- (x) Nous releveronsicitiné petite erreur, qui s’est glissée dans le compterendu des recherches deM, Milrié Edwards sur la ciroulation du sang dans lés Annélides , publié dans le journal l’/2- slitut, octobre 1837, page 340, et que le docteur Grube a reproduite dans son mémoire. Ce n’est pas par son extrémité antérieure (Oberes Ende) que le vaisseau dorsal reçoit lesang qu’il doit envoyer aux branchies. L'illustre académicien a dit précisément le contraire dans les Annales des Sciences naturelles, octobre 1838, p. 200, (Note du traducteur.) 216 GRUEE. — Anatomie des Annelides. gien, la moelle ventrale donne encore naissance à une double rangée de filamens qui se portent à angle droit dans la couche musculaire longitudinale, et se laissent poursuivre jusqu’à la base des soies en crochet. Le manque d’yeux et d'antennes rend très problématique l'existence d’un vrai ganglion cérébral. Ce- pendant l’auteur croit avoir aperçu de chaque côté de la ligne médiane un renflement blanchâtre, qui paraissait s’unir immé- diatement avec son congénère aussi bien qu’avec les deux moi- tiés de l'anneau œsophagien. Il compare ces renflemens gangli- formes à de petits boutons incomplètement percés par le milieu. Terebella multisetosa. — Le système nerveux de Ja Terebella multisetosa est tout-à-fait analogue au précédent. Sabella unispira. — Tci la partie principale de ce système consiste en deux troncs entièrement séparés l’un de l’autre , ne se renflant pas en ganglions, mais unis dans chaque segment par un double rameau transversal, et ressemblant, ainsi que Wa- gner l'avait déjà observé (1), à une échelle de corde. En avant, les cordons nerveux diminuent beaucoup de grosseur, les filets d'union se raccourcissent, et l’antérieur surpasse les autres en épaisseur. L’anneau œsophagien ne paraît pas être fermé par un ganglion cérébral. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que les filets de réunion des cordons nerveux ne se montrent pas, comme les ganglions, au milieu des anneaux du corps, mais uniquement sur les limites de ces anneaux. Si Viviani n'a pas reconnu le système nerveux des Sabelles, cela tient à ce qu'il est chez elles bien plus caché que de coutume, et plus profon- dément enfoncé dans la couche musculaire abdominale. Cirratulus Lamarcki. — Chez cet animal, le système ner- veux ressemble à celui des Nereïdes, c'est-à-dire qu’on y dis- tingue une chaine ventrale, un collier œsophagien, mais pas de ganglion cérébral. Eunice Harassii. — La moelle ventrale est formée de deux cordons réunis par une gaine. On y voit des ganglions ellip- tiques très marqués dans certains individus, beaucoup moins (1) Verglaicliende Anatomie sweiter Band. Seile 58 2. GRUBE. — Anatomie des Annelides. 217 sensibles dans d’autres. Parvenu au quatrième anneau, ce double cordon se sépare pour entourer l’œsophage, ou plutôt l’'ouver- ture buccale ; mais après que les deux portions de l'anneau se sont déjà disjointes, elles se réunissent de nouveau par le moyen d’une paire de filamens transverses, se renflent un peu à l'endroit où ces filamens prennent naissance, émettent une branche nerveuse, puis chacune d’elles continue à former un arc; envoie en dedans et en dehors deux filets aux deux seg- mens les plus antérieurs, et vient se réunir à sa congénère pour former un ganglion cérébral bilobé. De la rainure qui sépare les deux lobes part le filet destiné à l'antenne médiane. L'auteur n’a pu suivre l’origine des filamens nerveux qui se rendent aux autres parties, n'ayant eu à sa disposition qu’un très petit nombre d'exemplaires, et le cerveau étant situé très profondé- ment, et très facile à déchirer quand on enlève la couche mus- culaire. Les nerfs optiques sont très courts; ils prennent naïis- sance près des bords extérieurs des lobes cérébraux. Aucun Annelide ne présente d’une manière aussi marquée le commencement d’un système nerveux propre aux organes di- gestifs. De la partie médiane, un peu postérieure et inférieure du ganglion cérébral, partent deux filets qui longent le côté supérieur de l’œsophage , se réunissent bientôt pour former un ganglion commun, et se séparent de nouveau pour descendre des deux côtés de l'organe au-dessus duquel ils se trouvaient d’a- bord ; puis ils se rencontrent à la face inférieure de cette partie du canal digestif, envoient à la masse musculeuse du pharynx une branche qui part de leur point de réunion et continuent leur marche le long des deux côtés de l’œsophage. Grube n’a pu les suivre plus loin. Onuphis tubicola. — Le système nerveux de l'Onuphis tubi- cola n'offre rien de particulier. Aphrodite hy strix. — Ya chaine ventrale est enveloppée d’une gaine trés large et transparente, formée à l'extérieur par la membrane cutanée dont les fibres musculaires sont disposées en anneau, à l'intérieur par la merubrane qui revêt la cavité ventrale, Chose digne de remarque! les couches musculaires 218 GAUBE, = Anatomie des Annelides. longitudinales, qui tiennent presque toujours immédiatément au cordon nerveux, s’en éloignent ici au point que l’on peut suivre pendant un certain temps les filets latéraux qui s’én dé- tachent, avant de les voir se perdre sous les muscles. Du reste, ce système nerveux consiste en deux cordons entourés d’un né- vrilème, offrant à chacun des anneaux du corps trois renfle- mens d’où partent trois paires de filamens (x). Le collier œso- phagien occupe le quatrième anneau. Avant d’entourer l’œso- phage,; les deux arcs dont ce collier se compose se réunissent au moyen d’un filet nerveux à l’origine duquel ils se renflent, puis ils s’amincissent un peu, grossissent encore, et forment bientôt après un ganglion cérébral d’une figure plus large que longue, d’où s’échappent des nerfs optiques difficiles à apercevoir. Guvier a décrit sous le nom de filet récurrent un étroit cordon situé de chaque côté de l'estomac, à l’extérieur de la membrane qui recouvre cet organe. M. Grube croit que cet illustre matu- raliste s’est trompé; car ces prétendus filets récurrens ne partent pas du collier œsophagien, et n’offrent aucune ressemblance avec des filamens nerveux. Ils sont logés dans l'épaisseur même de la membrane, et s’y présentent sous la forme de deux ban- delettes étroites ; tout-à-fait transparentes, d’un éclat tendineux, à bords repliés en ourlet, à surface marquée de lignes longitu- dinales à peine visibles à un grossissement de 175 diamètres, Polynoe squamata. — ci le systeme nerveux ressemble presque entièrement à celui de Aphrodite hystrix. Seulement le ganglion cérébral y paraît bilobé, Organes générateurs. Arenicola.—Autant l’on est peu fondé à ranger parmi les or- ganes générateurs les deux vésicules qui débouchent dans l'intes- tin, autant les sacs placés sur la paroi latérale du corps semblent leur appartenir d’une manière bien certaine. Oken en représente deux paires ; Home et Cuvier en donnent trois. Cependant j’en ai toujours compté six. Seulement la paire [1 plus postérieure est parfois si peu prononcé, qu'il est facile de ne pas l’apercevoir. (x) Cette disposition est trop insolite pour qu’elle ne nous paraisse pas avoir besoin d'être examinée de plus près, (Note du traducteur.) GRUBE. — Anatomie des Annelides. 219 Tous sont placés dass un sillon étroit situé à la partie inférieure de la couche-musculaire, à partir du quatrième faisceau de soies, jusqu’au dixième. Ce sont des vésicules ovales, un peu rétrécies à leur partie antérieure, légèrement élargies à leur ex- trémité postérieure, et attachées au corps par une portion de leur surface latérale. Ils s'ouvrent par une fente étroite au-des- sous et un peu en arrière des faisceaux de soies supérieurs que l’on rencontre à la surface ventrale de l’Annelide. Leurs parois, minces et. incolores, ordinairement affaissées sur elles-mêmes ; contiennent un mucus gris ou jaunâtre , dans lequel je décou- ris des ovules en juillet. Cette circonstance me remit aussitôt en mémoire les deux vésicules que l’on rencontre chez le Si- punculus , vésicules dont l’intérieur est parfois également rem- pli d’ovules, et qui, sous tant d’autres rapports, ressemblent à celles de l'Ærenicola. Mais les œufs sont-ils formés dans ces sacs, ainsi que le prétend Cuvier? Cela est difficile à croire. La cavité ventrale parait être bien plutôt le lieu où ils prennent nais- sance ; ils y nagent dans un fluide épais et trouble, et ils s’y trouvent en quantité si prodigieuse, qu’à la partie postérieure du corps ils remplissent presque tout l’espace compris entre l'intestin et la couche musculeuse. Dans les segmens antérieurs isolés, des autres par les grandes cloisons transversales, bien qu'ils contiennent aussi une humeur trouble, je nai jamais aperçu d'œufs. Pendant long-temps aussi je cherchai vainement les, ovaires dans le second tiers de mon Arénicole, jusqu’à ce qu’enfin mes soupçons furent éveillés par la grosseur considé- rable de plusieurs rameaux vasculaires qui naissent fasciculaire- ment du vaisseau ventral placé sous l'intestin. Ce qui m'étonne, c’est que, dans tous les individus que j'avais ouverts avec tant de précaution, un grand nombre de ces rameaux, loin d'être fixés par leur autre extrémité, étaient au contraire libre- ment, suspendus, Je ne pouvais surtout m'expliquer pourquoi, dans cette portion du corps, qui ne se distinguait par rien de particulier, le, nombre des vaisseaux était si considérablement augmenté, Aprés avoir détaché de l'intestin une paire de ces filets vasculaires , je les soumis à un grossissément de 110 fois, et je reconnus que plusieurs d’entre eux étaient plus épais dans 220 GRUBE. — Anatomie des Annelides. certains endroits et plus minces dans d’autres. Autour de cha- cun de ces petits vaisseaux paraissait s'être entortillée une masse bourgéonnée, tendre et membraneuse, qui ressemblait aux ovaires des Pleione lorsqu'ils sont vides , et que je crois être le lieu de formation originaire des œufs. En examinant des Aréni- coles fraiches , les naturalistes qui viendront après moi pourront vérifier facilement , et avec certitude, ces observations faites sur des individus conservés dans l’esprit-de-vin. Il ne serait donc pas déraisonnable de regarder chacune des paires de vésicules comme des organes fécondateurs mâles. Quant à la voie par la- quelle les œufs passent de la cavité ventrale dans l’eau où ils deviennent libres, je ne l'ai trouvée que très tard. En enlevant lépiderme de la surface ventrale pour observer de plus près les mamelons dans lesquels sont fixées les rangées de soies en cro- chet, j'ai découvert entre eux une grande quantité d'œufs, et j'ai aperçu une fente par laquelle ils peuvent sortir de la cavité du corps, en traversant la couche musculeuse longitudinale. Terebella multisetosa. — T1 existe une très grande ressem- blance entre les organes générateurs des Térébelles et celui des Arenicola. Des œufs de couleur blanc-jaunätre remplissent l’es- pace compris entre l’intestin et les parois du corps. Pallas avait déjà découvert l’endroit où ils se forment, et il est étonnant que dans les Ænatomies comparées , cette donnée importante soit passée sous silence. D'après lui , il existe sur les bandelettes ven- trales un organe aplati, partagé en deux lobes à sa partie pos- térieure {sur le neuvième anneau), lequel est rempli de gra- nules (granuli), semble s'ouvrir au-dehors, et représente évi- demment l'ovaire. A l'extérieur, sous quelques faisceaux de soies des anneaux antérieurs, j’ai trouvé une petite papille ouverte à son sommet. C’est par cette ouverture, je crois, que les œufs sortent de la cavité abdominale, après avoir vraisemblablement pénétré dans cette cavité en rompant les parois de l'ovaire. (1) (x) Les sillons qui font paraître ainsi lobés les organes ci-dessus décrits s’enfoncent très profondément et correspondent à des segmens du corps dans lesquels ils se trouvent. Le peu d'épaisseur des parois m'empêche d'affirmer avec certitude que le tout se compose d'une série de petits sacs|, placés les uns derrière les autres ; mais ce n'est pour moi qu'une conjecture. (Note de l'auteur ) GRUBE, — Anatomie des Annelides. 221 Tandis que dans l’Arenicola nous mentionnious six paires de vésicules latérales s’ouvrant au-dehors, nous ne trouvons ici que trois paires de ces organes probablement fécondateurs ( Pallas en compte quatre paires (1) ). Ils sont un peu aplatis, allongés, colorés en gris ou en jaunâtre par le mucus qu'ils contiennent, et comme ce mucus se rassemble ordinairement sur les deux bords, on aperçoit souvent dans leur milieu une raie claire et transparente. Ces organes, dont les sommets se recourbent ordinairement au-dessous de l’intestin et entre les rameaux vasculaires branchiaux, offrent encore plus de ressem- blance avec ceux des Sipunculus qu'avec ceux de l’Ærenicola. Sabella unispira. — 1] règne encore beaucoup d’obscurité sur l'appareil générateur des Sabelles. On remarque des deux côtés de l’œsophage deux grandes vésicules embrassées et étranglées par les cloisons, et se terminant en cul-de-sac dans Je huitième segment, à l'endroit où les rangées de soies alternent les unes avec les autres. Ces vésicules paraissent s'ouvrir au-dehors par un canal très étroit. Selon moi, elles correspondent à celles qu’on observe chez l’Arénicole et chez les Térébelles, et sont probablement aussi des organes fécondateurs. Dans les autres compartimens du corps, j'ai trouvé sur chaque segment, à droite et à gauche de l'intestin contourné en spirale, une masse gluante, d’un jaune foncé, compacte chez les individus bien conservés. Cette masse remplissait exactement l’espace compris entre l'intestin et l'enveloppe tégumentaire, et présentait l’em- preinte des tours de spire de l'intestin. Avec une aiguille très fine, je n'ai pu en tirer que des filamens isolés. C’étaient en par- tie des rameaux vasculaires dont on voyait les troncs principaux pénétrer principalement la face inférieure, en partie des fibres musculeuses ; mais sur tous les exemplaires conservés dans l'al- cool, je ne suis point parvenu à démontrer, d'une manière évi- (x) Le nombre des vésicules paraît varier suivant les espèces, M. Milne Edwards (Annales des Sciences naturelles , octobre 1833 , PI. 10 » et PI. 11 jen représentet rois paires chez la Térébelle nébuleuse et quatre paires chez la Térébelle coquillière ). Cette dernière paraît être l'espèce que Pallas a décrite, (Note du traaucteur.) 299 GRUBE. — Anatomie des Annelides. dente; une membrane particulière entourant des ovules (x). Cependant sur quelques-uns d’entre eux et sur des individns frais, j'ai trouvé les œufs précisément à l’endroit dont il s'agit, non-seulement chez les Sabelles , mais encore chez les Sérpules elles-mêmes. Il paraît qu’il faut chercher ouverture par laquelle ils s’échappent au-dehors dans une fente dés mamelons destinés aux soies en crochet. Souvent j'ai vu ceux-ci extrémement gon- flés par les ovules. : Cirratulus Lamarckii.— C'est sur les cloisons intérieures que se forment les œufs. Si l’on examine au microscope une de ces cloisons, on y découvre des vésicules tantôt plissées, tantôt élargies , dans lesquelles on trouve des œufs les uns plus gros, les autres plus petits. Chez les exemplaires que j'ai examinés, c’est à la périphérie qu'ils sont le plus nombreux. Aussi les cloi- sons paraissent-elles plus épaisses en cet endroit qu'au milieu. ÆEunice Harassi. — Ordinairement, une grande partie des compartimens formés par les cloisons étaient remplis d'œufs dé- tachés de l'ovaire , et tous d’une extraordinaire petitesse. Leur présence à l’extérieur des branchies me fait présumer qu'ils s’é- chappent de la cavité du corps par une ouverture pratiquée dans le voisinage des faisceaux de soies. Je prends pour des ovaires ces corps que j'ai rencontrés des deux côtés de l'intes- tin, à l'endroit où cesse la couche musculeuse longitudinale du dos. Ils étaient blancs, lobés, à parois passablement épaisses. On reconnaissait, dans quelques-uns , des produits de sécrétion de: forme arrondie et semblables à des masses d'ovules On y voyait aussi des anastomoses vasculaires très marquées. Le fais- ceau de soies qui faisait saillie dans la cavité abdominale repo- sait presque toujours sur eux d’une maniere immédiate, et y laissait une empreinte qui divisait transversalement en deux moitiés ces organes aplatis et en quelque sorte conformés en éventail près de leur bord extérieur. Il en résultait qu’ils deve- naient bifoliés ou bilobés. (x) Ces organes, qui sont probablement des ovaires, se voient beaucoup mieux sur le vivant, et ont été représentés par M. Milne Edwards (Annales des Sciences naturelles, tome x, PI, 11, Üg. a g). GRUBE. — Anatomie des Annelides. 223 Pendant assez long-temps j'ai vainement cherché les organes mâles, jusqu’à ce qu’enfin j'ai cru les découvrir dans les vési- cules allongées situées de chaque côté, au-dessus de la base des soies , sur la limite extérieure de la couche musculeuse longitu- dinale du dos. Leur grosseur surpassait un peu celle des renfle- mens des rameaux branchiaux provenant du vaisseau ventral. Ils étaient remplis d’un liquide visqueux, et offraient à l’exté- rieur beaucoup de ressemblance avec les organes que H. Ratke a trouvés chez les Nereïdes. Du reste, je n’ai pas aperçu les deux sortes d'organes générateurs dans les segmens les plus anté- rieurs du corps. Onuphis tubicola. — Dans la moitié postérieure du corps, j'ai vu des œufs détachés de l'ovaire, et d’un diamètre considé- räble relativement à la grosseur de l'animal. Ils formaient une masse si compacte, que chez un exemplaire conservé dans l'esprit» de-vin , ils avaient laissé des empreintes arrondies sur les parois de l'intestin. Dans les segmens antérieurs, au contraire ; j'ai trouvé des deux côtés du canal digestif des corps saillans en forme de bourgeons, de couleur blanc de craie, fixés au-dessous des faisceaux de soie. Ils correspondent sans doute aux organes lobés et blanchätres que l’on rencontre à ces endroits chez les Eunices : ce sont des ovaires dont les œufs ne sont pas encore parvenus à leur complète maturité. A la partie postérieure du corps, ces œufs se détachent bien plus tôt de l’endroit où ils se forment que vers l'extrémité antérieure, C’est ce que j'avais déjà observé plusieurs fois dans l’Eunice, Les organes féconda- teurs étaient fixés au même endroit que chez cette dernière, Test-à-dire au-dessus des faisceaux de soie faisant saillie dans la cavité du corps de l’animal. Chez un individu dans lequel il me fut impossible de reconnaître les oyaires compactes des segmens postérieurs, parce que les œufs en étaient déjà sortis, je vis ces organes, ordinairement petits et pyriformes, extraordinaire- ment gonflés et remplis d’un liquide épais et de couleur blan- chätre. Aphrodite hystrix. Je doute que Tréviranus ait bien décrit les ovaires, car je les ai trouvés tout autrement que lui sur des 224 GRURE. — Anatomie des Annelides. individus bien conservés. Les œufs renfermés dans leur inté- rieur y forment d'innombrables groupes en forme de grappes, entourés d’une membrane mince et très facile à déchirer. Leur volume surpassait celui des appendices si remarquables du canal digestif. Ils étaient situés des deux côtés de l'intestin, s’éten- daient très avant dans les mamelons sétifères de la rangée infé- rieure et de la rangée supérieure, de manière à cacher les soies et leurs muscles; puis ils envoyaient, comme les appendices in- testinaux eux-mêmes, des lambeaux isolés entre les muscles entrecroisés des parties latérales. D’après l’assertion de Trévira - nus , il doit se trouver, sur les mamelons sétifères alternes ; des ouvertures destinées à la sortie des œufs. Je n’ai pas été assez heureux pour les voir. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu’elles sont très étroites; autrement, l'air que j'avais insufflé dans la ca- vité abdominale se serait échappé par là. J'ai ‘trouvé frégnem- ment des individus chez lesquels les œufs étaient déjà libres dans les divers compartimens du corps. Chez tous les exemplaires de ma collection pourvus d’ovaires bien évidens, j'ai cherché inutilement les organes fécondateurs. Mais le dernier individu que j'ai ouvert ne contenait , à mon grand étonnement, aucun ovule, soit détaché, soit renfermé dans un ovaire. De chaque côté de la couche musculaire longi- tudinale de l'abdomen, j'ai découvert des organes tubuleux courbés à-peu-près comme un fer-à-cheval, en grande partie cachés par les muscles transverses les plus intérieurs des seg- mens , et paraissant remplis d’un suc épais et blanc. Ces organes, qui me rappelaient ceux que Tréviranus a décrits, servent pro- bablement à la fécondation ; du moins leur contenu et leur as- pect tout-à-fait différent de celui des ovaires vides, semble indi- quer cette destination. S'il en était ainsi, les Aphrodites auraient donc des sexes séparés, assertion que Pallas a émise il y a long- temps (Miscell. Zool. p. 90), et qui se trouve appuyée par le grand nombre de différences essentielles que présentent ces animaux comparés aux autres Annelides. Polynoe squamata. — Je ne suis pas maintenant en état de répondre à l’importante et intéressante question déjà proposée au sujet de l’{phrodie hystrix, savoir, si les Polynoe sont GRUBFE. — Anatomie des Annoelides. 225 dioïques ou bien hermaphrodites. Le peu d'individus que j'ai eus à ma disposition contenaient tous des œufs ; mais je n’y ai vu rien de pareil à des organes fécondateurs. Le D' Grube à terminé son travail par une revue sommaire des genres décrits d’après leur organisation, et il propose de les classer de la manière suivante : Les genres Pleione, Lycoris, Eunice , Onuphis , pourraient former, selon lui, une division pour laquelle on conserverait le nom de Néréinres. Les Serpules et les Sabelles seraient réu- nies sous le nom de SerPuztens. Le genre Cirratulus établirait le,passage des premièrs aux seconds; mais les /rénicoles, les Térébelles , les Amphitrites , devraient être séparées des SErPu- LIENS, de même que les Æphrodites et les Polynoés devraient l'être des Nérérprews. En effet, les premiers conduisent, par les Siponcles , aux Holothuries ; les derniers paraissent se rappro- cher des Insectes, tandis que les Serpules et les Sabelles forment un échelon intermédiaire pour arriver aux Mollusques Gas- téropodes. Hisroire d'un petit Crustacé ( Artemia salina Leach), auquel on a faussement attrivué la coloration en rouge des marais salans méditerranéens ; suivie de recherches sur la cause réelle de cette coloration; Par M. Jozx, Docteur és-sciences et professeur d'histoire naturelle au collège royal de Montpellier, (1) HISTORIQUE. Le petit Crustacé qui fait l’objet de ce mémoire fut décrit pour la premiére fois par le docteur Schlosser, dans une lettre écrite de Lymincton, à la date du 7 octobre 1755 ,et insérée un (1) Ce travail a été le sujet d'une thèse soutenue devant la faculté des Sciences de Mont- pellier. XIII. Zoon, — Avril, 15 226 JOLY. — Sur L’Ariemia salina. an après (juillet 1756) dans un recueil intitulé: Observations périodiques sur la physique , l'histoire naturelle et les beaux- arts, par Gautier. M, Audouin, à qui l'on doit la connaissance de ce fait historique , a transcrit la lettre du docteur Schlosser dans celle qu'il adressa lui:même à M. Payen, à l’occasion de la note de ce dernier sur les animaux qui colorent en rouge les marais salans.(1) La description donnée par le docteur anglais étant la seule un peu complète que nous ayons trouvée, nous la transcrirons à notre tour comme un document précieux SEE à l'his- toire de l4rtemia salina. « Je visitais ce matin, dit le docteur Schlosser, les salines qui se trouvent ici le long des bords de la mer, et, après avoir vu tout ce qui regarde la manière de réduire Veau marine en une lessive extrêmement âcre et saline, je fus frappé d'y découvrir des millions d'insectes les plus agiles du monde. Leur eouleur rouge teignait l’eau d’une vaste citerne , d’où on la tire pour la mettre dans des chaudrons. Je ne manquai pas de remplir une bouteille de cette eau et de suivre de mon mieux les opérations de mes insectes dans leur élément chéri. Leur corps n’est qu’un tube cylindrique ou vermiculaire , très mince et d’environ un tiers de pouce de longueur. Au bout de ce tube, on voit deux petites antennes très fines et assez courtes ; et deux yeux noirs, ronds et relevés, Leur place est à chacun des côtés, et au milieu se trouve une autre petite tache noire; qui peut-être sert de troisième œil. Une bouche courbe est placée sous ces yeux; et aplatie coutre la poitrine : toutes ces parties composent la tête. Le corps est pourvu de vingt-deux jambes natatoires , qui oc- cupent toutes ensemble la moitié de la longueur du tube :ily en a onze de chaque côté ; elles sont fort près l’une de l'autre ; la plus longue est au milieu, et e*est.de là que les autres décroissent insensiblement , en approchant de la tête ou de la queue. « Cette dernière partie est toute nue : l'anus en fait Pextré- mité , et l'on y aperçoit souvent une fente. Outre ces divers organes communs à chacun des individus , il y en a qui ne se (1) Voy. Annales des Sciences naturelles , deuxième série, Zoologie, tome vr, page 2a64 3OLY. — Sur l’Artemia salina. 227 trouvent que dans quelques-uns , et ceci, joint aux actions qui leur sont particulières, me paraît constituer la différence entre les mäles et les femelles, Les premiers ont tous entre leur tête et les premières jambes natatoires deux espèces de bras longs et plats; leurs articulations mettent l’insecte en état de les plier et de les. mouvoir presque en tous sens. Les femelles ont sous le ventre , près des dernières jambes natatoires, un sac mou et membraneux, qui, par sa transparence , permet d'y apercevoir plusieurs œufs. Ce, sac est communément trois ou quatre fois plus gros que. le diamètre du tube. Les individus qui ont cet organe n'ont jamais les bras dont je vous ai parlé ,et ceux qui ont les brasse distinguent d’ailleurs des autres par leur empres- sement à sauter sur leur dos, dès qu'ils les rencontrent en na- geant. Les deux bras leur servent à serrer. le sac; dont j'ai vu sortir alors plusieurs:œufs. Les insectes unis nagent quelque temps ensemble. À peine sont-ils séparés, que d’autres prennent leur place, et jarmais je n’ai vu des insectes, de, la même.espèce unis de cette. manière. Je-n'ose décider:si cette action est un xéritable accouplement , et simes insectes à bras sont les mâles ou les accoucheurs des femelles!, n'ayant pu, à l’aide d’un très bon microscope , voir autre chose que ce que je viens de vous dire, J'aurais bien souhaité pouvoir conserver une paire de ces insectes dans leur situation favorite ; mais ni l’eau fraiche d’une fontaine, ni. le vin. de Portugal , ni l’esprit-de-vin même , n’a pu les faire mourir en moins d’une demi-heure ni les empêcher de se séparer. MATE « J’oubliais de vous dire que ces insectes se meuyent avec une prodigieuse vitesse: ils font mille sauts, se culbutent souvent, et peuvent nager sur le dos. Les gens qui travaillent aux salines leur donnent le nom de Brineworms (vers de saumure ); ils m’assurèrent qu'ils y sont en hiver aussi bien qu’en été, mais que , si la lessive n'est pas forte, il né sy én‘trouve qué peu. Je leur ai demandé si ces Vers ne se transformaient, point en Mouches ; mais ils m'ont tousrépondu négativement , et, parmi tant d'insectes de ce genre que j'ai examinés, je n’en aï vu atiétin plus où moins formé que les autres, où qui montrât quelque | disposition à se métamorphoser, » 156$ L 228 : JOLY. — Sur l’Artemia salina. La description qu'on vient de lire semble convenir parfaite- ment à l'animal qui vit dans nos salines. Si nos conjectures sont fondées , il est évident que le docteur Schlosser n’a pas connu la structure de la bouche, dont il est, du reste, assez difficile de distinguer d'abord toutes les parties. En admettant que l'espèce des marais salans de Liymington soit la même que la nôtre, il est faux que la queue (abdomen ) soit toute nue. On y voit, au contraire, deux prolongomens coniques , garnis sur leurs bords de poils penniformes. Enfin , à en juger par des dessins(r)copiés fidèlement d’après ceux dont la lettre du docteur Schlosser est accompagnée, je serais tenté de croire qu’il a pris pour des mâles des individus qui n’avaient pas encore subi toutes leurs métamor- phoses. Les longs bras mobiles en tous sens, qu'il'attribue au sexe prétendu masculin, me paraissent être les’ pattes provisoires dontil sera question lorsque je décrirai l'animal nouvellement éclos. Je dirai cependant, par anticipation , que tous les individus adultes que j'ai examinés jusqu’à présent (et j'en ai vu plus de trois mille (2) ) portaient, suspendu au premier anneau de lab- domen ,un sac rempli de petits œufs, et je n’ai jamais pu décou- vrir entre eux la moindre différence; jamais je n'ai rien observé qui pût même simuler un véritable accouplement. En 1767, dans la douzième édition de son Systéma naturæ , Insecta ; page 1056 ,{Linné fit mention de l’Zrtemia salina sous le nom de Cancer salinus , et il le caractérisa de la manière suivante: Cancer salinus, r2acrourus, articularis , manibus udacty lis , pedibus viginti patentibus, cauda subulatä. Habitat in Angliæ salinis Lymingtonianis ; Sibiriæ lacubus salsis. (x) Je dois ces dessins à l'obligeance de M. Emile Saisset , professeur de philosophie au Collège royal de Caen, qui se trouvait momentanément à Paris à l'époque où je l'ai prié de me transmettre divers documens que jé n'avais pu mé procurer dans aucune des bibliothèques publiques de Montpellier. C’est encore à lui queije suis redevable de la lettre du docteur Schlosser, dela notice de Th. Rackeit et des figures qui l’accompagnent. (2) Sur plus de mille Limnadies, M. Adolphe Brongniart n'a également observé que dés sujets femelles, du moins en apparence. ( Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, tome vi, page 83.) Joux. — Sur L'Artemia sulina. 229 En parlant des lacs salés de la province d'Isetsk , Pallas note comme une particularité remarquable le grand nombre d’Aselles ou Cloportes aquatiques ( Cancer salinus Linn.) d’un rouge très forcé, que l'on trouve dans le grand Schimélée. « Ces insectes, dit-il, avaient déposé leurs œufs sur les rives: ils étaient de la grosseur d’un grain de sable, et ils avaient la même couleur grise. Ces œufs y étaient en si grande quantité, que le terrain paraissait en avoir été sablé. » (r) Fabricius (Syst. Entom., page 419, Lipsiæ 1775 ) désigne notre Crustacé sous le nom de Gammarus salinus, et répète à-peu-près la phrase caractéristique de Linné. Gmelin (Lin., Syst. rat. ;t. 1, pars v, p. 2993, Lugduni 1780) conserve le nom Linnéen et ajoute à la courte désignation de Fabricius les caractères suivans: Pediculo major, oblongus , nunc oculis prominulis, globosis, atris , ovario utrinque ovato ; nune oculis nullis, pedibus anticis porrectis , cheliferis. Mais il paraît ne pas connaître l'animal qu'il décrit, puisqu'il termine par la question dubitative : {n potius monoculus ? J.-F. Wilhelm Herbst (Berfuch einer Naturgefchichte der Kradben und Arebfe, yweiter Band 145) désigne l’Artemia salina sous le nom de Galigammobte ; S. (Crevette des salines) de Cancer salinus , d'Oniscus salinus , et ne fait que répéter les détails déjà donnés par ses prédécesseurs. Le Cancer salinus paraissait oublié lorsque, le 16 juin 1812, le révérend Thomas Rackett lut à la Société linnéenne de Londres quelques observations sur ce petit animal, dont il donna méme une figure tout-à-fait inexacte. Cet'auteur rapporte le Crustacé dont il s’agit au Cancer sali- nus de Linné, et il assure, contre l’assertion de Gmelin, qu’il n’a jamais rencontré un seul individu dépourvu de deux yeux, preuve évidente qu’il n’a observé cés animaux qu’à l'âge adulte ou du moins à-peu-prées. Une autre erreur qu'il a commise, c’est de les avoir représen- (1) Voyage en différentes provinces de l'empire de Russie, tome 1, page 205. 330 JÔLY, — Sur d’'Artemia salinä. tés avec dix paires depattes seulement (1),et d’avoir cru qu'il était lé premier à en donnér une figure, Du reste , il nous ap- prend, comme Schlosser,que le Cancer salinus se trouvé par myriades à Lymington, ét qu'il habite les réservoirs à ciel ou- vért, où l’on dépose la saumure avant de la faire bouillir. « Ces réservoirs (2), dit-il, sont appelés clearers:; parce que la liqueur y devient claire. Les ouvriers attribuent en partie cet effet au mouvement rapide et continuel du ver:de la saumure (Brine-worm):, ils l'expliquent encore en disant que l'animal se nourrit des particules qui obscurcissent la liqueur ; mais ce n’est là qu'une simple conjecture. Cependant les ouvriers sont telle- ment persuadés de ce fait, qu'ils ont coutume de {transporter quelques Vers des autres salines dans la leur, s'ils n’y, en voient paraître aucun. Ces animaux se multiplient d une manière éton- nante dans l’espace de quelques jours. «Il est à observer que le Ver en question ne se rencontre jamais dans les partennemens (3) où l'on fait la saumure, en y mettant de l’eau marine pendant l'été, et que l'on vide toutes les quinzainies. On ne lé rencontre que dans les réservoirs, €ù l’on IS Où a vu que Linné, Fabricius | Gmelim ét Wilhelm Herbst n'ônt donné que dix paires: de pattes à notre Arfemia, La même erreur a été commise par Desmarest dans ses Considérations générales sur latelasse des Crustacés, p. 393, Paris, 1835, (2). These thanks are called clarers , as the liquor becomes clear in them; an effect which the workmen attribute in some degree to the rapid and continual motion of the Brine-worm, or to the particles which cloud the liquor serviug for its foéd; But this is mere conjectüre. So strongly persuaded , however, are:the wotkmen of this fact, that they are, accüstomed to transport a few. of these, worms from another saltern, if they do not appear at their own. They increase astonishingly in the course of a few days. Itis observable that the Brine-wotm is néver found in the sunpans, Were the brine is made by the admission of seewater during thé summer, and which äre emptied every fortnight; but oaly.in,the pits,and reservoirs } where it is deposited after is it taken out of the pans, and where some,of the Jiquor constantly remains. When it becomes much diluted with rain-water, from october till may (during which time the manufacture is at à stand) a few only of the avôims ‘are Visible; but ‘at ie! approach of summer, young onés appear in great numbers. (Observations on. Cancer salinus ; by the Rev Thomas Rackelt F. R..St and L. S. Voir the Transactions of the Linnean Society of London, vol, x1, Part, x, p. 205 , 206. Tab, x1v, fig. 8,9 et 10.) (3) Sunpans ; bassins exposés [au soleil.’ Je traduis cette expression par le mot partènne- mens ; qui me paraît le mot technique, C’est du moins celui qu'emploient les ouvriers de nos salines , pour désigner les bassins où l’eau de mer reste exposée pendant quelque temps à Vévaporation solaire avant d’être introduite dans les tables où le sel devra cristalliser. 3OLY, — Sur L'Artemia salina. 231 dépose la saumure après l'avoir retirée des partennemens , et qui contiennent toujours üñ peu de cé liquide. Lorsque, par l'effet de la pluie, les eaux deviennent beaucoüp moins concentrées, c'est-à-dire, depuis le mois d'octobre jusqu'au mois dé mai, époque pendant laquélle les travaux ont cessé, on ne voit plus qu'un petit nombre de ces animalcules ; mais, quand l'été $’ap- proche, de jeunes individus reparaissent en très grande quan- tité. » Dans le Dictionnaire des Sciences naturelles , article Entomos- tracées , le docteur Leach séparé avec raison le Cancer salinus de Linné , de la famille des Crabes, et il en fait un nouveau genre sous le nom d’Artemia; mais il avoue en même témps n'avoir jamais observé à l’état de vie les deux espèces qui le composent. Ces deux espèces sont l’Ærtemia salina et \' Artemia Eulimene: l’une habitant exclusivement l’eau des salines, tandis que l’autre ne sé trouve que dans la Méditerranée, aux environs de Nice. Aussi les descriptions de cet auteur sont-elles extrêmement courtes. Aprés avoir tracé, ainsi qu'il suit, les caractères du genre: « Queue seulement fourchue, sans appendices mobiles; le sac qui contient les œufs est subglobuleux ; les animaux de ce genre sont marins », il dit, en parlant de l’espèce de nos marais salans: « Le dernier article des pattes de derrière se termine en pointe. Ces singuliers animaux se trouvent en nombre prodi- gieux dans les marais salans de Lymington, en Angleterre ». Suivent quelques détails analogues à ceux qui nous ont été donnés déjà par Schlosser et par Thomas Rackett. Latreille( Règne animal dejCuvier, t. 11, p. 68, Paris , 1817) réunit l’A/rtemia salina aux Branchipes, et fonde avec la se- conde espèce du docteur Leach un genre nouveau, qu’il appelle Eulimène. (1) (x) C'est à tort que Latreille nomme Arfemisia le genre créé par Leach, qui s’est lui même chargé de relever l'erreur, On lit dans Je Dictionnaire des Sciences naturelles , article ÆEntomostracées, p. 257; « M. Latreille observe (Règne animal de Cuvier, t. ux, p.68, Paris, 1817) que M, Leach forme avec le Cancer salinus de Linnæus un genre qu'il nomme Ariemisia, Je dois relever cette erreur, Le lgenre fut nommé par moi Artemia et non point 232 JOLY. — Sur d'Artemia salina. Lamarck (Histoire des animaux sans vertèbres , t. v, p. 135) s’est contenté de substituer à la dénomination employée par le docteur Leach , celle d’Artemisus. Enfin Desmarest a donné du genre Artemia une description qui ne saurait évidemment lui convenir. La voici telle que nous la trouvons, p. 393 des Considérations générales sur la classe des Crustacés : « Corps ovale à tête non séparée , et postérieurement caudi- fère; deux antennes courtes , subulées ; deux yeux subpédoncu- lés; bouche placée sous le bord antérieur de la tête, queue Jongue, terminée en pointe ; dix paires de pattes lamelleuses , natatoires,, finissant par une soie. » Quant à l’espèce qui nous occupe, il n’en dit rien autre chose, si ce n'est que« c’est un animal très petit, commun dans les marais salans de Lymington , en Angleterre, lorsque l'évapora- tion de l’eau de mer est très avancée ». M. Desmarest conserve le genre Æulimène, établi par Latreille, (a) Une description nouvelle nous semble indispensable; nous ferons tous nos efforts pour qu’elle ne soit entachée d’aucune grave erreur.(1) Artemisia. C'est par suite de cette méprise de M. Latreille ; que M. de Lamarck, en donnant le nom d’Artemia au genre , a cru devoir ajouter : » Je nomme Artemisus un Brauchiopode , dont on prétend que M. Leach a fait un genre sous le nom d’Ar/emia , dénomination que l'on sait ètre consacrée à un beau genre de plantes. » Après cette explication du docteur Leach, on s'étonne de voir la mème erreur répétée à l'article Artémise du Dictionnaire classique d'histoire naturelle. (1) La description qui va suivre ne convient qu'à l'adulte. Nous décrirons plus tard le jeune individu, (a) À cette liste de naturalistes qui ont parlé de l'Artemia salina , il faut ajouter le nom de M. Thompson ; à qui l’on doit des recherches intéressantes sur la structure et le dévelop- pement de ce petit Crustacé. (Voyez Zoological researches and illustrations , iu-8, Cork.) (Note des Rédacteurs.) so. — Sur l’Artemia salina: 233 DESCRIPTION DE L'ARTEMIA SALINA. Synonymie. Brine-worm. —Schlosser, Lettre insérée avec figures dans les Observations. périodiques sur la physique, l’histoire naturelle et les beaux-arts , par Gautier, p. 58-60. Cancer sALINUS. — Linné, Syst. nat. 11, p. 1056. -— Gmelin, Linn. Syst. 2993. — Maty, Diar. Brit. 1755.— Thomas Rackett, The trans. of the Linn., Soc., vol. x1, part. n,p. 205, 206, tab. x1v, fig. 8, 9, 10. GaMmARUS sALINUS. — Fabr., Entom. Syst. 11, P. 518. — Pen- nant, Brit. Zool. 1v, 22,n. 35.—Herbst. 1, Berfud u. f. 0. G. 145. — Pallas, Voyages , t.n, p. 5oë. ARTEMIA saLiNA.— Leach , Dictionnaire des Sciences natu- relles, article ÆEntomostracées, t. xiv, p. 524. — Desmarest, Considérations générales sur la classe des Crustacés, p. 393. Brancaipus sazNUs. — Latreille, Règne animal de Cuvier, t. ur, p.68, édition de 1817. ARTEMISUS sAuNUS. — Lamarck, Histoire des animaux sans vertèbres , t.w, p. 135. Noms vulgaires : en anglais, BrNE-worm (Ver de saumure) ; en allemand, Galjgarneele ( Crevette des sa- lines); en patois languedocien , Salanquiéira. L’Artemia salina fait partie de l’ordre des Branchiopodes et de la section des Phyllopes {P1. 7, fig. 11, 12). Il a le corps allongé, presque filiforme, d’une mollesse ex- trême et dépourvu de têt. Sa couleur varie du blanc-jaunâtre au rouge-ferrugineux. Sa téte, distincte et séparée du corps par deux appendices 234 Joux. —\ Sur d’Artemiasalina latéraux élargis en forme de demi-cercles (PI. 7, fig. 134), est munie de deux antennes (ee) longues, tres flexibles, droites ou légèrement courbées eni8, iñsérées par leur base à la partie an- térieure de la tête, terminées au sommet par trois soies recour- bées en alène, et composées d’une multitude d’articles si rap- prochés, qu’ils en sont presque imperceptibles. Tout-à-fait au- dessous de la base des antennes , on aperçoit deux appendices latéraux, mobiles, dont la fe rappelle assez bien celle des cornes de bœuf (g). Les yeux sont au nombre de trois ; dont deux latéraux ;moirs, analogues aux yeux composés des autres animaux de cette classe, et portés sur un pédoncule conique, . assez long et mobile au gré de l'animal (b, b). L’œil médian (&) occupe la partie la plus antérieure de la tête. Sa forme varie considérablement : tantôt il paraît carré , tantôt il ressemble à un rectangle, assez souvent à un accent circon- flexe ; sa grosseur égale à peine le quart ou le cinquième de celle des yeux pédoneulés, Quant à sa nature; elle se rapproche beaucoup de celle desistemmates où yeux lisses dés animaux ar- ticulés. La bouche se compose de plusieurs pièces placées de chaque côté de la ligne médiane, et recouvertes en partie par une,es- pèce de chaperon (;). Les pièces latérales sont, en procédant d'avant en arrière : 1° les mañdibnles (4); 2° les mächioires pro- prement dites (é); 7 les papilles (77). On distingue. trois articles aux mandibules : le premier s’in- sèré à la partie postérieure de la, tête, où il semble s'unir à son congénère de la mandibule opposée; le second est en coude ar- rondi ; le troisième est en cône tronqué, et forme l'extrémité libre de chaque mandibule. Cette extrémité est entourée d’une plaque circulaire noire, probablement de nature cornée, garnie de denteluresfines | tranchäntés, rapprochées et destinéès à dé- chirer ou à broyér les substances dont sé nourrit l’Ærtemia, Les -mandibules se méuvent horizontalement. Les maxilles où mâchoires proprement dites sont moins fortes que les mandibules, et semblent, pour ainsidire; aplaties. Elles sont recourbées en faucille et composées de trois articles dis- JoLy. — Sur l’Ariemia salina. 235 tincts. Le dernier porte à son extrémité libre une douzainé de soies longues, pointues, qui m'ont paru s’entrecroiser avec celles de la mâchoire opposée. Leurs mouvemens s’exécutent dans un sens.tout à-la-fois horizontal et postére-a antérieur, En arrière de ce troisième article et à la naissance de la pre- mière paire de pattes natatoires, on. voit de chaque côté un petit corps oblong ou réniforme, mobile dans le double sens des maxilles,et tout-à-fait analogue aux papilles que Bénédict Pré- vost a décrites chez le Chirocéphale. Le chaperon est fixé par sa base au milieu des deux. cornes. Il est allongé , irrégulièrement quadrilatère, convexe extérieu+ rement, recouvrant en partie les :mandibules et les maxilles, mais jamais les papilles, et susceptible de s'élever comme le couvercle, d’une boîte à charnière ; son bord libre est renflé, surtout; à son milieu. Le thorax est formé de onze articles placés bout à bout, mo- biles, latéralement convexes, et munis chacun d’une paire de pattes que nous désignerons désormais sous le nom de pieds atatoires , de pattes branchifères,, de nageoires ou de rames: La structure des pattes branchifères est extrêmement compli- quée ; et si nous n’étions aidé par nos dessins, nous serions presque tenté de renoncer à les, décrire (PL. 7, fig. 12,et Pl 8, fig. x ). 11 Nous avons déjà dit que le nombre. des nageoires est Ah de celni des! anneaux thoraciques, c’est-à-dire de vingt-deux (1-11); Toutes ces rames ne sont pas d’une égale longueur : leur ensemble décrit de chaque côté da corps une courbe dont la plus grande convexité répond à la sixième ; tandis que la pre- mière et la onzième viéndraient aboutir aux deux extrémités dé la courbe susdite. Mais, comme elles ont toutes les unes avec lés autres une ressemblance presque parfaite ; nous nous borne- rons à la déscription d’un seul de ces organes, et nous, signale- rons ensuite les différences légères que quelques-uns d’entre eux ont présentées à notre observation. (1) Mémoire sur le Chirocéphale diaphane , Journal de physique, Juillet, 1868 ; p.37; où Jurine , Histoire des Monocles, p. 201; 236 JOLY. — Sur L’Arlemia salina: Chaque nageoire ( PL. 8, fig. r ) se compose de quatre articles différens pour la forme comme pour la longueur. Le premier{a), c'est-à-dire le plus rapproché du corps, est à-peu-près quadri- latére et le plus court de tous : les deux suivans (b, c) paraissent coniques quand l'4rfemia nage; mais ils sont en réalité formés de faisceaux musculaires auxquels s’attachent des lames meme braneuses que nous allons bientôt décrire ; enfin, la rame se termine par une palette mince (4), transparente, sinuée sur ses bords, et garnie de poils très longs, analogues à des plumes dont les barbes seraient dépourvues de barbules. Le nombre de ces poils varie de trente à trente-six ou trente-huit : les plus jeunes occupent la base de l'organe, et différent des autres en ce qu’ils sont plus courts, et n’offrent-pas de barbes. La palette est recouverte à son extrémité interne par une ex- pansion membraneuse, attachée elle-même par sa partie supé- rienre aux deux articles médians, libre dans tout le reste de son étendue. La figure de ce feuillet membraneux est assez irrégu- lière pour que je ne puisse le comparer à nul'objet connu (PL 8, fig. 1 ,f); les bords en sont arrondis, sinüés et munis de poits recourbés (g) analogues à ceux de la palette, mais beaucoup moins longs, quoique la tige en soit généralement plus grosse que celle de ces derniers. Au feuillet ci-dessus décrit font suite trois mamelons coniques (l, m,n), à chacun desquels sont fixés deux gros poils recour- bés, penniformes et d’inégale longueur. Un peu plus haut s’im- plantent d’autres poils plus déliés, et portant également des barbes sur leurs bords (#). Enfin, une autre lame membraneuse (p), transparente et mince comme la précédente, paraît s’atta- cher au bord postérieur et supérieur du second et du premier article , tandis que le bord postérieur et inférieur donne attache à une série de cils raides (7), barbus dans leur moitié infé- rieure, tous recourbés et d'autant plus longs qu’on les examine plus loin de la ligne médiane. Ils sont rangés les uns à côté des autres , comme les dents d’un peigne ou les franges d’un rideau, et constituent par leur ensemble une courbe d'une extrême élégance. Enfin, à la base du second article, on apercoit un organe 301%. — Sur d’Artemia salina. 237 reuflé (2), comme vésiculeux (1), de forme irrégulièrement ovale ou globuleuse, portée sur un court pédicule, et mobile d'avant en arrière comme les nageoires elles-mêmes. Cette vésicule est allongée et presque aplatie dans la dernière paire de nageoires. La palette est arrondie dans la première. On compte à l'abdomen six anneaux beaucoup plus longs que larges (PI. 7, fig. 12,m,n,0,p,gq;,r), qui paraissent s'em- boîïter les uns dans les autres comme les tubes d’une lunette d'approche , c'est-à-dire que chacun d’eux présente à sa partie postérieure un léger rebord arrondi qui fait saillie au-dessus du suivant. Les cinq premiers articles ont des dimensions à-peu- près égales ; seulement ils diminuent peu-à-peu de largeur en s’approchant de la queue. Le premier porte une espèce de poche cordiforme (v) (2) et ordinairement remplie d'œufs sphériques (z), de couleur extrêmement variable et d’une opacité complete. Le dernier, plus allongé que les cinq autres, semble formé de deux moitiés susceptibles de se recouvrir en se croisant. Cet ar- ticle se renfle et s’arrondit tout-à-coup à son extrémité inférieure, où il est profondément échancré. L’anus (x) est situé au milieu de l’échancrure. Chacune des deux moitiés arrondies dont se compose l’extré- mité postérieure du dernier anneau de l'abdomen , porte un prolongement caudiforme (s), presque cylindrique, dont les parties latérales et le sommet sont garnis de cinq, six, sept, quelquefois huit poils penniformes (4), semblables à ceux que nous avons décrits dans la palette terminale des nageoires, mais beaucoup moins longs que céux 1e cet organe. (x) Les vésicules des nageoires séraient pour cette raison , cet auteur place le genre Prrochroa non Join des Capricornes et à la suite des Leptures. Plus tard,en 1825, MM. Serville et Le Peletier de Saint-Fargeau, à l'article Pyrochre, Pyrockroa, de l'Encyclopédie méthodique, répètent quela larve de la P. rubens vit dans le bois, etils ajoutent : « Elle ressemble à celle des Ténébrionstét des Hélops. Son corps est un peu déprimé ; le dernier segment abdominal porte deux grands crochets arqués en dedans », Enfin , plus récemment encore, M. Abhrens, professeur à Augs- bourg , a publié, en 1833, dans la Revue entomologique de Silbermann (tome 1°", p. 247), une description assez détaillée d’une larve de Pyrochroa de la mème espèce que celle dont M, Léon Dufour a observé les métamorphoses (P,, coceireæ Fabr.). Nous avons cru convenable de reproduire celte descriplion , qui est accompagnée de figures (voy. p. 343); mais il s’en faut de beaucoup que ces figures valent celles de M. Léon Dufour, Aussi, n'avons-nous pas jugé. utile de les réproduire, Quant à la description, elle est aussi beaucoup moins complète ; $ l'anteur nié dit rien de PAMAtOMTE) TE rions pouvons répéter avee M, Téon Dufour qu'il a plus et mieux à offrir. aetd 4 R. ” LÉON DUFQUR. — Métamorphoses de la Pyrochroa 523 oÿalaire, et je me rappelai en avoir vu de seinblables entre l'écorce et le boïs du tronc du chène, où je l'avais depuis peu découverte. Cette excavatiott n’a pas d'entourage fibréux comme celle du Sténocore, dont j'ai fait connaître les métamorphoses dans les Annales de la société entomologique. Notre larve, tombée dans un état de torpeur, avait la peau terne, flétrie, Celle-ci se fendit ; s'ouvrit le long du dos; la nymphe apparut, et,par des mouvemens successifs et répétés, sè débarrassa de sa vieille dépouille ratatinée , qui entraina avec elle le masque de la tête de la larve dans son entier, ainsi que les deux segmens postérieurs. Je fus extasié de constater la naissance d’unenymphe si différente de la larve et toute couverte de spinuies, dont il n'existait Aucune trace dans celle-ci. Mais ce n’était là que le premier acte du spectacle:il né faisait que redoubler mes imcer: titudes et. enflammér mon impatient désir d'assister au dénoü= ment. La nymphe ; d’abord blanche et tendre devint bientôt jaunâtre, plus consistante et plus hérissée. Je la visitais journel= lement. Les yeux et le bout des mandibules ne tardèrent pas à prendre une couleur obscure qui passa au brun. Douze jours après la naissance de la ymphé, j'aperçus des changemens qui annonçaient sa prochaine éclosion. La tête, les antennes, les pattes et une tache réniforme de chaque côté des ségmens de l'abdomen, devinrent d’un noir profond. Au quinzième jour, l’insecte parfait dépouillason vêtement incolore de nymphe, qui s'ouvrit et s’érailla sur le dos du thorax, et offrit à mes regards surpris une Pyrochre. Le corselet et les élytres avaient une teinte pâle ou ochracée, qui, deux jours après ; passa à ce beau rouge de feu qui lui a valu sa dénomina tion générique, Jusqu'à l'inauguration de cette dernière livrées la Pyrochre resta peu habile à la locomotion. La plupart de mes larves én éducation vinrent à bien et m'ont ainsi procuré l'occasion de bien en étudier les métamorphoses. Je vais en résumer celles-ci ; 1° LARVE, {| Larva capitata, hexapoda, anténiata; clougata, dépressi , nielleo-steciiea | nitida, subglabra; capite distineto saborbiculato ; antenuis quadriarticüktis 21, 32% LÉON DuFouR. — Métamorphoses de la Pyrochroa. exsertis , articulis elongatis, primo brevissimo; pedibus exsertis, ambulatoriis, segmentis dorsalibus duodecim, ultimo latè emarginato bicaudato. Hab. sub Quercuum nec non Populorum emortuarum corticibus. Long. 10-12 lin. La couleur et la forme des segmens dorsaux de cette larve rappellent le Lithobius forficatus. Voici ses caractères : Téte bien circonscrite, libre, débordant à peine le corps, de forme arrondie , légèrement échancrée au milieu de son bord postérieur, marquée en dessus de deux lignes superficielles , confluentes en arrière. Chaperon, proprement dit nul, remplacé par un avancement du plan supérieur du crâne. Labre trans- versal, trilobé, plus ou moins enchässé sous le bord du faux chaperon. Antennes aussi longues que la tête , insérées au bord externe de celle-ci, composées de quatre articles, dont le pre- mier si court qu’on pourrait en contester l’existence ; les deux suivans allongés , cylindriques, avec quelques poils: le terminal un peu moins long, pointu. Mandibules robustes , cornées , noirâtres, oblongues, terminées par trois dents et munies d’une saillie dentiforme vers le milieu de leur bord interne. Mächoires ayant un lobe interne arrondi, garni de soies plus ou moins ar- quées et d’un crochet corné. Palpes maxillaires de trois ar- ticles cylindriques , dont le dernier plus court. Lèvre ovale- oblongue , ciliée. Palpes labiaux biarticulés , insérés de chaque côté de la base de la lèvre. Corps allongé , déprimé, ayant douze segmens dorsaux bien distincts, transversalement ovalaires , avec, quelques poils sur les côtés. Les trois premiers correspondant au thorax et pédi- gères , ayant une ligne médiane enfoncée. L’avant-dernier, le plus grand de tous et deux fois plus long que ceux qui le pré- cèdent, garni intérieurement de muscles très forts. Le dernier ou caudal plus dur, plus corné, d’un brun châtain, divisé en deux pointes longues, droites , séparées par une vaste échan- crure et offrant à la loupe de petites aspérités. Celles-ci font de cette queue une double lime ou tarière, mise en jeu par l’action musculaire de l'avant-dernier segment, et servant à la larve pour creuser ses galeries sous-corticales. Pattes bien ambulatoires débordant le corps, composées LÉON DUFOUR. — Métamorphoses de la Pyrochroa. 325 de ‘trois articles , dont le premier conoïde (cuisse), le second oblong, cylindroiïde (tibia); le troisième très court, rudimentaire (tarse) , terminé par un crochet corné plus long que lui, simple et médiocrement arqué. Stigmates , au nombre; de neuf paires invisibles en dessus , ronds, simples, à cerceau corné. La première paire plus grande , ovalaire , placée dans l'intervalle du premier et du second segment. Celui-ci et le troisième n'en ont pas. Les sept segmens suivans en ont de fort petits près de l’angle antérieur et sous le bord latéral. L’avant-dernier en a un plus grand que les précédens vers le milieu de ses côtés et en dessous. 2° NymPxe. Nympba nuda, obvoluta, oblonga, albo-lutea , spinulosa, spiaulis piliferis symmetricis, posticè bifida ; capite inflexo occulto. Hab. sub cortice. — Long. 8 lin. Tête tout-à-fait fléchie et cachée sous le prothorax comme dans les Longicornes. Feux réniformes , bruns. Antennes filiformes (non pectinées), collées sur les bases des deux premières paires de pattes, puis réfléchies et contournées en dessous. Mandi- bules apparentes, simples, petites, pointues. Palpes étendus, de trois articles. Prothorax formant en dessus comme une tête arrondie , tronquée en arrière, garnie de plusieurs spinules pilifères symétriques. Segmens de l'abdomen ayant de chaque côté de la ligne médiane et sur leurs bords un nombre déter- miné de ces spinules, dont la disposition est suffisamment indiquée par les figures ci-jointes. J’observerai seulement que les segmens ventraux de l'abdomen, à l'exception des deux der- niers , ont, de chaque côté, une spinule plus grande, non pili- fère et arquée comme unecorne. Avant-dernier segment comme échancré sur les côtés; le dernier formé de deux pièces conoïdes, términées par une pointe cornée. Une paire de petits appendices oblongs, contigus, inarticulés, situés en dessous entre les bases de ces pièces. Pattes et élytres emmaillottées comme à l'ordi naire. 826 Léon purour. — Métamorphoses de la Pyrochroa. 3° INSECTE PARFAIT, Pyrochroa coccinea Fabr.S. El. 2, p. 108, . Pyrochre écarlate. Lampyris coccinea Lin. Panz. Faun. germ. fasc. 13, fig, 16. Nigra thorace elytrisque sanguingis immaculatis, Fabr, }, c. Lopg. 6 lin. On verra à l’article de l'appareil EN là composition de la bouche de cet insecte. CHAPITRE II. ANATOMIE. La science est tout-à-fait muette quant à l'anatomie de la Pyrochre, et lorsque j'ai publié mes recherches sur celle des Coléoptères en 1824 et 1826, je n’avais pas eu l’occasion de dis- séquer ce genre , aussi curieux par ses métamorphoses que par son organisation viscérale, Cest une lagune que je vais tâcher de combler. AnTicce I. ANATOMIE DE LA LARVE, Les organes renfermés, dans les cavités splanchniques des larves, se bornent en général à l'appareil respiratoire , à l'appareil. sensitif, à l'appareil digestif, au tissu adipeux, et, dans les espèces qui filent, à des glandes sérifiques, Celles- ci n'existent pas dans notre larve. On rencontre quelque- fois surtout dans les larves qui approchent de l’époque de la métamorphose, les germes, les rudimens des organes re= producteurs. Ce cas s’est offert précisément dans l'individu dont j'ai représenté le canal alimentaire. Les testicules, ainsi que l'indique la figure , y étaient assez développés. LÉON DUFOUR. = Métamorphoses de la Pyrochroa, 327 $ 1°. Appareil respiratoire. J'ai déjà, dans la description de la larve, fait connaitre le nombre, la forme et la disposition des stigmates. Je n’y revien- drai pas. Ces orifices de la respiration rentrent pour leur struc- ture dans ceux que Curtius Sprengel appelle stigmata sim- plicissima: ils sont formés d'un cerceau cartilagineux, entou- rant un diaphragme membraneux, qui s'ouvre au centre par une fente linéaire, Cette structure s'aperçoit surtout au stigmate thoracique de notre larve, qui est plus grand que les autres et ovale. Les trachées , d’une finesse extrême et fort multipliées appar- - tiennent toutes à l’ordre des Tubulaires ou Elastiques. $ 2. Appareil sensitif. Le système nerveux de cette larve consiste en une chaine rachidienne de ganglions bien distincts et répartis d’une manière régulière dans toute la longueur de la ligne médiane inférieure du corps. Chacun d’eux correspond au milieu des plaques ven- trales. Indépendamment du ganglion céphalique et, d’un autre fort petit, qui le précède, il y a onze ganglions rachidiens , sé- parés les uns des autres par un double cordon (1). Il y en a un Prothoracique ;, un, Mésothoracique, un Métathoracique et huit abdominaux. Le segment caudal, ainsi que celui qui le précède et dont l’intérieur est garni, comme je l’ai dit, de muscles puissans, sont dépourvus de ganglions. Mais l'antépénultième en a deux fort rapprochés, dont le plus postérieur, qui est le dernier de la chaine, a une grandeur double des précédens , et émet en ar- rière trois paires principales de nerfs. Les autres ganglions, (x) On a pensé jusqu'à présent quéy dans tous les insectes , lé cordon interganglionaire était double, c'est-à-dire formé de deux filets nerveux plus où moins contigus. Mais ici, comme dans beaucoup d’autres cas, on s’est trop empressé de généraliser, et je connais des ordres entiers d'insectes (les Diptères , par exemple ) où le cordon interganglionaire est simple, 328 Léon Durour. — Métamorphoses de la Pyrochroa. petits et de forme lenticulaire , fournissent du milieu de leurs bords latéraux une seule paire de nerfs. Le ganglion céphalique n’est point logé dans la tête , qui est presque uniquement remplie de muscles, mais entre celle-ci et le prothorax. 1l est bilobé et comme formé par deux ganglions oliviformes , unis et confondus par une base commune. Chacun de ces lobes fournit à son extrémité deux paires de nerfs assez grands, qui vont se distribuer principalement aux organes buc- caux et aux muscles qui garnissent la tête. Un autre nerf très fin part encore du milieu de leurs bords antérieur et postérieur. Ce ganglion céphalique est séparé du prothoracique par un cordon interganglionaire dont les filets, écartés entre eux, donnent passage , soit à l'œsophage, soit aux conduits excré- teurs des glandes salivaires , et leur forment un collier pour me servir de la juste expression de M. Audouin. Entre le ganglion céphalique et la base de la lèvre , il existe un très pelit ganglion qui m'a semblé bilobé et semblabie en miniature au précédent. Ses lobes se terminent par un seul filet nerveux , et il émet de son centre un nerf, qui pénètre dans la lèvre, Je n'ai pas constaté ses connexions avec le ganglion cépha- lique et avec le système général. Ce petit ganglion ést analogue à celui que M. Audouin à rencontré dans la Cantharide, et qu'il a très bien décrit dans ses recherches sur l'anatomie de cet insecte (1). Il paraît que déjà il avait été signalé par Lyonnet dans la célèbre chenille du Cossus. Depuis lors, J. Muller, Tré- viranus et plus récemment M. Brandt (2) l’ont fait connaître sous le nom de ganglion frontal , déja employé par Lyonet. Il fait partie d’un système nerveux particulier indépendant de la chaîne rachidienne et qu'on appelle stomato-gastrique. $ 3. Appareil digestif. Les glandes salivaires sont d’une telle petitesse qu’il est fort diflcile de les constater. J'ai cru même, après plusieurs dissec- (x) Annales des Sciences naturelles , 1826 , tome xt, page 39. {2) Annales des Sciences naturelles , 2° série, tome v , pages 8r et 138. | LÉON DUFOUR, — Métamorphoses de la Pyrochroa. 329 tions, qu’elles n’existaient pas, et je ne suis parvenu à les mettre en évidence qu’en poursuivant l’œsophage jusqu’à son embou- chure dans la lèvre. Ges glandes se présentent sous la forme d’un boyau simple, capillaire, plus ou moins flexueux ;et ‘si court que son bout flottant ne dépasse que peu le bord occipital de la tête, Avant de pénétrer dans la lèvre, il s’atténue en un col assez lung, bien plus fin qu'un cheveu. Les deux cols comme c'est l'ordinaire , se réunissent pour la formation d’un conduit excréteur d’une brièveté extrême qui s'ouvre directement dans la bouche. Le tube alimentaire est droit et n’a par conséquent que la longueur du corps. Il est plus ou moins rempli de contenta bruns , qui annoncent que la larve se nourrit de la vermoulure du bois. Il ne semble être qu’un simple canal filiforme d’un bout à l’autre: mais, en l'étudiant dans diverses conditions digestives, on parvient à y distinguer toutes les parties qui constituent cet organe dans la plupart des insectes. L'æsophage , engagé dans l’anse nerveuse céphalo-prothoracique , est grèle et peu saillant au-delà du bord occipital de la tête. Le ventricule chylifique est brusquement plus gros que l'œsophage, lisse, cylindrique ou avec des renflemens variables. Dans quelques circonstances, j'ai trouvé à son origine un bourrelet bien prononcé, qui, dans d’autres, était entièrement effacé. Les figures que j'en donne expriment ces deux états, Les parois de cet organe ont des muscles annulaires, tantôt apparens et tantôt insensibles. L’in- testin ; plus grêle que le ventricule chylifique; dont une valvule intérieure le sépare, se renfle peu après son origine en un rectum ovalaire, parcouru par six bandelettes ou colonnes musculaires longitudinales. L’anus , situé à la base inférieure du segment caudal ,est précédé d’un panneau coriacé, presque carré, bordé de très petites dents cornées. Les vaisseaux hépatiques ou urino-biliaires, suivant M. Au- douin, sont au nombre de six, capillaires, jaunes, plus ou moins variqueux. Ils ont deux insertions, lune ventricu- laire , l’autre rectale comme dans la plupart des Coléoptères hétéromères. La première a lieu par six bouts isolés, atté- hués et incolores , autour du bourrelet qui termine le ven- 330 LÉON DUFOUR. == Métamorphoses de la Pyrochrou. tricule. Dans la seconde, qui est d’une constatation fort diffi- cile, ces vaisseaux, rapprochés par trois, se fixent isolément sur les côtés de la terminaison (et non de l’origine) du rectum. Si je ne, m’en suis pas laissé imposer, ces vaisseaux ne traversent pas toute la paroi du rectum , pour se dégorger dans l’intérieur de celui-ci. Il m'a semblé qu'ils n'étaient fixés qu’à la tunique externe. $ 4. Tissu adipeux splanchnique. On trouve constamment autour des organes de la digestion ou contre les parois internes de la cavité qui les renferme, une pulpe adipeusé plus ou moins abondante, blanchâtre ou opa- line, formée par une graisse fine non granuleuse. Cette pulpe se présente sous l’aspect de lambeaux membraniformes, tantôt fort allongées et occupant les flancs de l'abdomen, tantôt déchi- quetés et polymorphes.. ARTICLE II. ANATOMIE DE L'INSECTÉ PARFAIT. Je vais exposer mes recherches sur les appareils respiratoire, sensitif, digestif et reproducteur dans les deux sexes ainsi qué sur les glandes odorifiques et sur le tissu adipeux splanchnique. Ce n’est paint là sans doute une anatomie complète, je le sais. Mais le parallèle de plusiears de ces organes avec ceux de la larvé ne laisse pas que d'offrir quelque intérêt. Ilest, en effet, curieux de voir les modifications que le même appareil subit dans ce mystérieux passage d’un organisme à un autre , en un mot, dans le phénomène de la métamorphose. $S 1%. Appareil respiratoire. Dans la Pyrochre ailée, comme dans sa larve , les conditions de la fonction respiratoire sont absolument identiques: elle s'exécute par des stigmates et des trachées. Nous avons constaté dans la larve neuf paires de sigmates, | LÉON DUFOUR. — Métamorphoses de la Pyrochroa. 331 dont une seule pour les trois segmens qui correspondent au thorax , et huit pour ceux qui sont censés dépendre de l’abdo- men. Ces orifices respiratoires ne sont qu’au nombre de huit paires dans l’insecte parfait, et ils sont autrement distribués. Il y a dans ce dernier deux'paires de stigmates thoraciques, l’une prothoracique, l’autre métathoracique. J'ai eu beau renou- veler mes investigations et sur l’insecte vivant et sur l’insecte desséché , je n’ai jamais pu en découvrir au mésothorax, et je n'ai pas été plus heureux en recherchant dans l’intérieur de ce compartiment une souche trachéenne qui püt m'en indiquer la position. Au reste , la grandeur du stigmate métathoracique me semble justifier l’absence de celui du mésothorax. Le stigmate prothoracique n’est pas facile à mettre en évi- dence. Il est situé tout-à-fait en dedans du segment appelé ordi- nairement corselet, et il faut désarticuler avec précaution celui- ci pour le constater. Sa forme est ovale, arrondie, et sa gran- deur plus considérable que celle des stigmates abdominaux. Le stigmate métathoracique est beaucoup plus grand que le précédent, et il surpasse de sept à huit fois au moins le dia- mètre des abdominaux. Il faut redresser ou couper les élytres et les ailes pour le mettre à décoüvert. Il est ovale-oblong et d'une teinte enfumée. La semi-pellucidité du tégument sur le- quel il est établi permet de distinguer, à l’aide d’une bonne loupe, les trachées rayonnantes qui partent de ses bords intérieurs. On croirait, au premier coup-d’œil, que ce stigmate appartient à l'abdomen ; mais la dissection lève tousrles doutes à cet égard, car la souche trachéenne qui y aboutit est tout entière dans le métathorax. © Par le fait de la métamorphose, le thorax de la Pyrochre ailée a acquis une päire de stigmates de plus que dans la larve. En ne considérant que la position, ce serait le stigmate prothoracique qui aurait survécu dans cette transformation , tandis que le mé- tathoracique, qui a de grandes dimensions, se serait improvisé ou formé de toutes pièces. Il n’y a effectivement rien dans la larve qui puisse Le réprésenter. Les stigmateés abdominaux dé la Pyrochre ailée sont au nombre de six paires comme les segmens de cetté partie du 332 LÉON DUFOUR. — Métamorphoses de la Pyrochroa. corps. Ils sont d’une petitesse extrême, ponctiformes, orbicu- laires, à cerceau corné, à diaphragme, mais sans ouverture apparente à ce dernier. Placés sur la peau souple qui sépare les segmens dorsaux des ventraux, ils sont habituellement abrités par le rapprochement, la contiguité des bords de ceux-ci. Dans l'acte de la transformation de la larve en insecte ailé, il y a donc deux paires de stigmates abdominaux qui sont an- nulés. Rappelons-nous que la larve, en passant à la métamor- phose de nymphe, dépose ses deux derniers segmens, dont le pénultième, tout musculeux en dedans, a une paire de stig- mates plus grande que celles des segmens qui le précèdent. Malgré cette perte de deux segmens, la nymphe en a encore ueuf à l'abdomen comme la larve; mais dans son évolution pour devenir insecte parfait, il paraît que trois segmens s’effacent ou s’utilisent peut-être dans la formation des pièces copulatrices, et, dans cet échange, un autre stigmate disparaît. Les trachées appartiennent toutes, dans la Pyrochre comme dans sa larve, à l’ordre des tubulaires ou élastiques.Elles consti- tuent un système vasculaire à ramifications nombreuses et très fines. L'absence de trachées utriculaires dans la Pyrochre, est un trait négatif qu’elle partage avec tous les Hétéromères de son ordre, ainsi queje l'ai établi il y a long-temps dans mes recherches anatomiques! sur les Coléoptères. Elle est une preuve positive de la rareté on du peu d'activité du vol daus ces insectes. $ 2. Appareil sensitif. Quoique le système nerveux de la Pyrochre et celui de sa larve soient fondés sur le même plan, situés de la même ma- nière, il existe cependant entre eux des modifications impor- tantes qui sont la sufte de leur métamorphose. D'une part, l'absence , dans la larve, d’un organe essentiel des sens, celui de la vue, et l'exclusion des ganglions céphaliques de la cavité crânienne ; d'autre part, le développement dans la Pyrochre des antennes et des membres, l'acquisition des yeux, des élytres, des ailes, d’un cerveau logé dans la tête, d'un appareil génital apte à remplir ses fonctions, enfin toutes les conséquences LÉON DUFOUR, — Métamorphoses de la Pyrochroa. 333 attachées à ce perfectionnement de l’organisme , établissent entre ces deux formes d’un même être une distance immense sous le rapport des attributions de l'appareil sensitif. Nous avons compté dans la larve onze ganglions indépen- damment du ganglion céphalique.Ce nombre est réduit de deux dans l’insecte aïlé, qui, comme nous l'avons dit au paragraphe précédent , a trois segmens de moins au corps. Le ganglion céphalique de la Pyrochre, ou son cerveau , est bilobé, c’est-à-dire formé de deux espèces d’hémisphères com- muniquant ensemble par un prolongement cérébral inférieur qui leur est commun. Chacun de ses lobes ne semble qu'un gros nerf optique couronné par le pigmentum fauve des yeux. L’or- gane se termine en arrière par une sorte de bulbe. La petitesse du cerveau, étroitement logé dans une tête aplatie, ne m'a pas permis de saisir les diverses paires de nerfs qui vont distribuer la sensibilité aux antennes, à la bouche, etc., et cette même circonstance m’a sans doute dérobé le petit système nerveux stomato-gastrique si positivement démontré dans plusieurs ordres d'insectes par M. Brandt, et à l'existence duquel je crois d'autant plus, que M. Audouin, ainsi que je l'ai dit plus haut, Va découvert dans la Cantharide. Les ganglions rachidiens sont au nombre de neuf, dont trois dans le thorax et six dans l'abdomen. Les cordons intergan- glionaires sont formés, comme dans la larve , d’un double filet nerveux. Les ganglions du thorax sont le profhoracique, le méso- thoracique et le métathoracique. Le premier , un peu plus petit que les deux autres, fournit à l'œsophage et aux glandes sali- vaires le collier au moyen des deux filets du cordon qui l’unit au bulbe cérébral. Le second n’a paru un peu plus large et cordiforme. Tous fournissent d’abord au milieu de leur bord latéral une grande paire de nerfs cruraux pour les pattes corres- pondantes, puis une paire antérieure et une autre postérieure de moyenne grandeur, destinées aux puissances musculaires du thorax ; enfin, entre ces paires principales, on en constate de fort petites parcillement symétriques. Les cordons nerveux qui unissent le ganglion prothoracique au mésothoracique, 33% LKoN purour, — Mésamorphoses de la Pyrochroa. celui-ci au métathoracique, et ce dernier au premier ganglion abdominal, émettent vers leur milieu une paire constante de petits del | | Les ganglions abdominaus: ; Ainsi que les stigmates de cêtte partie du corps, égalent en nombre les segmens tégumentaires, Il y en a six, Ils sont petits, arrondis, lenticulaires, et le pénul- tième est beaucoup plus rapproché-du dernier que les autres entre eux, ce qui a déjà été noté dans la larve (1). Ils émettent une seule paire de nerfs du milieu de leurs bords latéraux, et les cordons qui les séparent n’ont pas,ce petit nerf que je viens de signaler au thorax. Le dernier , sensiblement plus grand , se termine en arrière par deux grandes paires de nerfs génitaux et quelques autres plus petits. Il en, a aussi une paire antérieure. Le système nerveux dont le développement. est l'expression d’un organisme avancé, est remarquable dans la Pyrochre ; ainsi que dans les insectes en général, par sa symétrie et. Le nombre de nerfs qu'il fournit. On en compte au moins vingt- cinq paires principales. Je terminerai ce paragraphe par une réflexion que je déve- lopperai plus tard dans un ouvrage moins circonscrit : c’est que la considération de l’appareil sensitif, élément organique en première ligne, doit avoir une haute valeur quand il s’agit d’as- signer une place aux insectes dans l'échelle zoologique, et cette place ne me semble pas encore bien déterminée. $ 3: Appareil digestif. Nous aurons à. examiner la bouche , les glaudes salivaires,, le tube alimentaire et les vaisseaux hépatiques. 1° Bouche. — Nous ignorons quelle est l'espèce d'aliment qui sert à la nourriture de la Pyrochre; mais, à la composition de sa bouche , il est permis de présumer que cet insecte doit inci- ser, broyer des substances végétales. Sa tête, assez aplatie, a (x) 1l est vraisemblable que ce pénultième ganglion a échappé à M. Audouin, et c'est pour cela qu’il ne donne à la Cantharide que huit ganglions, tandis que là Pyrochre ; si voisine dé celte dernière dans la série des genres , en a positivement neuf, LÉON DuUrOUR. — Métémorphoses de la Pyrochroa. 335 ses angles postérieurs saillans; arrondis ;, et elle est munie d’un col bien marqué, situé au-dessous du niveau du vertex, faible- ment trilobé en arrière pour l’attache des muscles cervicaux ; et en partie engagé dans le prothorax. La face présente une dé- pression en fer à cheval dont l'ouverture est antérieuré, et le pourtour se relève en une légère crête entre les yeux. Latreille avait bien saisi la composition et la structure de la bouche. Labre saillant, un peu plus que demi circulaire, sub- coriacé, avec la trace d’un chaperon transversal formé par un léger avancement de la face. Mandibules robustes, courtes; très arquées, terminées par une pointe finément bifide. Mächoires avec un lobe interne orbiculaire, sessile, velu, avec, en arrière, une lame étroite garnie d'une villosité dense. Palpes tnaxil< laires de quatre articles, le premier très court, le deuxième long, le troisième court, le terminal ovale-subsécuriforme. Lèvre bilobée, à lobes arrondis , velus, insérée sur une sorte de menton transversal visible, surtout en dessous. Palpes labiaux insérés à la face inférieure de la lèvre, de trois articles sub- égaux dont le terminal déborde à peine étabs! comme l'avait fort bien remarqué Latreille. 2° Glandes salivaires. — Elles sont bien plus longues et peut- être plus fines que celles de la larve. Chacune d'elles est un filet tubuleux simple, plus délié qu'un cheveu; plas où moins flexueux , et s'étend à-peu-près jusque vers le milieu du ventri- cule chylifique. Avec un fort grossissement, ce boyau capillaire parait formé d’une tunique musculo-membranense plus ou moins plissée en travers, et d’un conduit central infiniment plus fin que son enveloppe, et qui lui paraît peu adhérent $ car lorsqu'on rompt le boyau, l’axe tubuleux fait souvent une saillie en dehors des bouts tronqués, comme si l'enveloppe s'était rétractée au moment de la rupture. Cette structure des glandes salivaires s’observe très souvent dans les insectes de divers ordres. Avant de pénétrer dans la tête, la glande s’atté- nue en nn Col d'une ténuité presque imperceptible, et les deux cols confluent ensemble pour la formation du conduit excréteur. 336 Léon vurour. — Métamorphoses de la Pyrochroa. Dans mes recherches anatomiques sur les Coléoptéres(l. c.), j'ai trouvé parmi les Hétéromères des groupes où il existait des glandes salivaires analogues à celles de la Pyrochre , comme la Diapère , les OEdémères (1), les Mordelles, tandis que les genres Mylabre , Meloe, Zonitis , Sitaris , qui appartiennent à la famille des Cantharidies, ne m’en ont offert aucun vestige, et que M. le professeur Audouin, dans son beau travail sur anatomie de la Cantharide ordinaire, n’en a pas non plus fait mention. Peut-être que des investigations plus scrupuleuses en ameneraient la découverte. Je le présume, soit à cause de la finesse de cette glande dans la Pyrochre, soit par le rappro- chement des Cantharidies et des Pyrochroïdes dans la méthode naturelle, 3° Tube alimentaire. — Il est à peine un peu plus long que dans la larve, et ressemble beaucoup à celui de la plupart des Cantharidies, Il est presque droit, et ne surpasse que de peu la longueur du corps de l'insecte. L’æsophage est grêle et peu prolongé hors de la tête. Le ventricule chylifique, brusquement plus gros que lui, offre à son origine, mais dans certaines cir- constances seulement, un léger bourrelet, indice d'une valvule intérieure. Il est allongé, cylindroïde, lisse, et se termine en arrière par un bourrelet peu sensible. L’inteslin est d’abord grêle, filiforme , plus ou moins flexueux , puis il se renfle en un rectum oblong où je n’ai point aperçu les bandelettes longitu- dinales que j'ai signalées dans la larve. Avant de se terminer à l'anus, l'intestin présente un boyau dont la longueur varie sui- vant les sexes. Il est bien plus long dans la femelle, afin de se prêter aux mouvemens de l’oviscapte lors de la ponte des œufs. 4 Vaisseaux hépatiques. — Ils diffèrent peu de ceux de la larve, mais ils m'ont paru moins longs et un peu plus gros. Ils sont jaunes ou pointillés de jaune , excepté en approchant de leur insertion ventriculaire, où ils sont atténués et incolores. L'insertion rectale a lieu par trois bouts rapprochés , mais non (x) Depuis la rédaction de mon mémoire sur la Pyrochre, j'ai étudié les métamorphoses, encore inconnues , du genre Ædemera, et je ne tarderai pas à les mettre au jour. LÉOY DUFAUR: — Mélamorphoses de la Pyroclrou. 33; confluens ; sur-les :côtés -de l’origine du ‘rectum à sa face infé- rieure. La Pyrochre présente ici une disposition exceptionnelle et insolite dans les Coléoptères hétéroméres. J'ai fait voir que dans les Piméliaires , les Ténébrionites, les Taxicornes, les six vaisseaux hépatiques confluent en arrière eu un conduit unique fixé au rectum, tandis que dans les Sténéiytres et la plupart _ des Cantharidies, ces vaisseaux se réunissent trois par trois en deux canaux également implantés au rectum. Une semblable confluence n’a point lieu dans la Pvrochre. #. S 4. Appareil génital. 1. Appareil génital mâle, Lemäle et la femelle de la Pyrochre ne présentent pas, pour leur taille, de différence appréciable. Les antennes: sont bien un peu plus fortement pectinées dans le premier, mais ce signe extérieur est loin d’être tranché, La configuration des derniers segmens de l'abdomen va nous offrir des traits différentiels plus positifs. Le dernier segment dorsal a dans le mâle une fort petite échancrure, et le:ventral correspondant en a une très grande. Ces deux segmens sont entiers dans la femelle, La grande échau- crure ventrale est destinée à se prêter à l’exsertion de l’armure copulatrice et à ses mouvemens variés lors de l'union des sexes. Le fourreau de la verge forme aussi presque habituellement urie saillie. au bout de l'abdomen, même dans les individus déssé- chés; et s’y présente sous la forme d’un stylet roussâtre. Les testicules présentent dans la Pyrochre une structure, une composition qui confirment celles que j'ai déjà fait connaître ily a long-temps dans plusieurs Coléoptères hétéromères, no- tamment dans les Méiasomes , les OEdémères , les Mylabres. Ils ont aussi, à la configuration prés, la plus satisfaisante analogie avec ceux dela Cantharide vésicatoire décrits par M. Audouin {M..c.). Ces organes sécréteurs du sperme, lorsqu'ils sont dans umétat de turgescence séminale, sont très développés. et oc- “cupent presque entièrement les flancs de la cavité abdominale. | Chacun d'eux consiste en un épi allongé form“ Pr d'innom- XI Zoor,— Juin . 338 Léon vurour. — Metamorphoses de la Pyrochroa. brables capsules séminifiques, ovoides, blanches ;‘sessiles, pres- sées sur les côtés d’un axe tubuleux linéaire. Le conduit déférent est la continuation de cet axe hors du testicule. Il est au moins aussi long que celui-ci, gréle, fili- forme, flexueux ou reployé, et, avant de’s’insérer à la vésicule séminale correspondante, il offre un renflement ovoïde très remarquable, Après cette insertion, il s'atténue et se prolonge en un boyau filiforme, subdiaphane, plus où moins courbé en anse. Il est d'autant plus facile de prendre ce boyau pour une vésicule séminale, qu’il est à côté de celle-ci. Le mode de con- nexion du conduit déférent avec la vésicule séminale est fort difficile à mettre en évidence. C’est une insertion tout-à-fait sessile qui a lieu à la face inférieure de la vésicule et à la nais- sance du boyau dont je viens de parler. Il y a une paire de vésicules séminales formées chacane par un boyau allongé, subdiaphane , plus ou moins boursouflé, terminé par un prolongement cylindrique contourné sur lui- mème et séparé du corps de la vésicule par un étranglement ou un col étroit. Le canal éjaculateur forme le tronc de tout l'appareil sécré- teur et conservateur du sperme. Sa dénomination annonce ses fonctions. Grêle à son origine, il ne tarde pas à présenter un renflement oblong de texture serrée et de consistance calleuse, qui s'engage à la partie inférieure et un peu latérale de l’origine de l'armure copulatrice. Celle-ci consiste en un étui oblong, coriaceo-membraneux, glabre, d'un blond päle, arrondi en avant et insensiblement atténué en arrière en un fourreau grêle, pointu, habituelle- ment saillant hors du corps, ainsi que je lai déjà dit plus haut. Mais, en enlevant le dernier segment dorsal de l'abdomen, on peut se convaincre que cet étui n’est pas immédiatement au-des- sous de ce segment. Il est flanqué et recouvert par des pièces qui président aux mouvemens copulateurs. Deux de ces pièces sont latérales, de texture tégumentaire, noires et couvertes de duvet, ce qui annonce qu’elles sont destinées à sortir du corps. Libres, excepté à ieur base, elles se terminent un peu en spa- tule oblongue, et peuvent former la pince par leur rapproche- . LÉON DUFOUR. — Métarnorphoses de la Pyrochroa. 339 ment respectif. C’est un forceps copulateur. Deux autres pièces, placées entre les précédentes , occupent sur le même plan la face supérieure ou dorsale. Ovales-triangulaires, coriacées , planes,etbrunäâtres, elles sont, pointues en avant, lirgement tronquées, et ciliées en arrière. Le fourreau est formé de deux lames qui s'entr'ouvrent à leur.extrémité pour livrer passage au pénis, qui est charnu et blanchätre. BUS € 3 | 48 29 Appareil génital femelle, Les ovaires sont deux gros faisceaux, courts et turbinés de ne ovigères, en nombre indéterminable, allongées , multi- loculaires, pressées entre elles. Chacune de ces gaines se ter- Mine par un ligamént propre d’une ténuité plus que capillaire; et toutes OP AU à un ligament suspenseur commun qui se fixe dans le thorax. L’ovaire se termine en arriere par un co? dont la dilatation ovale est un calice destiné au séjour des œufs à terme. Ce calice aboutit à un conduit gréle qui s’'unit à son congénère pour former un tronc commun extrêmement court. Celui-ci s’insère à l’origine d'un oviducte plus ou moins arqué, dé consistance calleuse, qui s'engage avec le rectum dans un étüi subcoriacé où se trouve l'oviscapte, Les œufs sont allengés. Tout-à-fait à l'origine de l’oviducte, et un peu latéralement, on réncontre un organe auquel j'ai cru devoir encore conserver lé nom de glande sébifique , quoiqu'il jone aussi un rôle dans l'accouplement. 11 consiste en une grande vésicule oblongue analogue à celle que, dans la Cantharide,; mon ami M. Audouin a appelée copulatrice. Elle a des parois subdiaphanes, et s’atté- hüe en arrière en un conduit excréteur filiforme un peu moins long qu’elle. » L'oviscapte, que dans la figure j'ai représenté saillant hors du corps, est un étui allongé, de consistance parcheminée , 1 formé de deux tubes qui s’engainent l’un dans l’autre, et dont lé bout libre se termine de chaque côté par,un petit appendice oblong d’un seul article paraissant velu à la loupe. Cet appen- dice s’insère sur une saillie formée par nn repli du bord du tube, 1. . À 340 Léon purour. —— HMélamorphoses de la Pyrochroa. $ 5. Glande odorifique. Quand on manie une Pyrochre vivante , quand on l'irrité ou qu’on la pique, il s'exhale de son corps une odeur particulière analogue à celle du cuir ou d’une tannerie. On sait depuis long- temps que des odeurs de qualités fort différentes émanent de divers insectes, et je me suis attaché, dans mes recherches ana- tomiques, à découvrir les organes qui les préparent et les ex- crétent. J'ai fait connaître les curieuses, les élégantes glandes odorifiques de l’immense famille des Carabiques , celles des Hé- miptères, des Hyménoptères, etc. La plupart des Coléoptères hétéromères, même les plus petites espèces, sont odoriférans ; mais je n'ai pas encore rencontré de ces glandes dont la forme et la structure soient comparables à celles de la Pyrochre. Cet organe , commun aux deux sexes, occupe à droite.et à gauche les flancs de la cavité abdominale. Il y forme à l'œil at- tentif muni de la loupe , comme une traïnée d’un jaune pâle qui le fait facilement confondre avec les vaisseaux hépatiques qui l’avoisinent (1). C’est un ruban étroit et flexueux, qui s'étend de la base à l'extrémité de l'abdomen, et qui est maintenu en place par d’imperceptibles trachéoles. Il se compose de très pe- tites sphérules contiguës, mais distinctes, disposées sur un même plan en séries longitudinales irrégulières le plus souvent au nombre de trois. Sa texture est molle, tendre, délicate et fragile. Son bout libre, qui atteint la base de la cavité abdomi- nale , est un peu atténué et réduit à deux rangées de sphérules. En approchant du dernier segment de l'abdomen, il se dilate, acquiert plus de trois séries de ces sphérules, et bientôt après il s'amincit en un col ou conduit excréteur qui perd insensible- (1) Mon savant ami M. Audouin (1. c.) avait été frappé; dans la dissection de la Cantha- ride, d'une teinte jaune qu'avait la graisse sur les,côtés de la cavité abdominale, 11 avait aussi remarqué qu'un liquide de cette couleur traussudait quand on coupait sur les flancs les anneaux de l'abdomen. Il fut enfin amené à penser qu'il pouvait y avoir là un organe de sécrétion. 11 €lait bien inspire, et fort près de Ja vérité; car il.est d'autant plus probable’que la Cantharide à , eoinme la Pyrochre, une glande odurifique , qu'elle exhale pendant la vie une odeur forte su 2 °/eris. LÉON DUFOUR. -— Mélamorphoses de la Pyrochroa. 341 ment son caractère sphéruleux pour devenir sunplement tubu- leux et s'enfoncer sous le rectum. J'ignore sil s’abouche dans celui-ci on , ce qui est plus probable, s'il se termine au voisi- nage de l'anus par un pore excréteur. Les plus puissantes lentilles microscopiques ne m'ont point révélé un canal, un axe tubuleux où les sphérules'pussent se dégorger; mais, par la macération, la couleur jaune a disparu, et l'organe n'a paru se résoudre en.un boyau dont les,sphé- rules affaissées ne sont vraisemblablement que des cellules in- térieures. Nous trouvons donc ici toutes les parties qui consti- tuent essentiellement les glandes chez les insectes. Les sphé- rules sont l'organe. sécréteur ; la dilatation postérieure est le ré- -servoir , et le col le conduit excréleur ou efférent. Avant d’avoir découvert la glande odorifique de la Pyrochre, j'avais déjà trouvé dans la dissection de sa larve des lambeaux du ruban sphéruleux ; mais n'ayant pas remarqué de l'odeur à -celle-ci, j'étais loin d'en pressentir les attributions physiolo- giques. Aïnsi cette glande existe aussi dans la larve. $-6. Tissu adipeux splanchnique. La pulpe adipeuse contenue dans les cavités viscérales peut être considérée comme un réservoir. nutritif, Sou abondance est ordinairement en raison inverse de Pénergie des mouvemens et de là vivacité des insectes. Sa quantité, dans la Pyrocbre, n’est pas inférieure à .celle.de la larve, mais elle n'offre pas les longues lanières ou guenilles de cette dernière. Elle est en lam- beaux plus divisés, plus déchiquetés, plus pénétrés de tra- chéoles. Elle est étendue en une couche épaisse au-dessous des viscères, qui y reposent comme surun édredon. Du reste, la "qualité de la graisse est absolument fdentique, et elle semble avoir passé sans la moindre altération du corps de la larve dans celui de l’insecte parfait. 342 14 et 1, aa, EXPLICATION LÉON DUEOUR. —. Métamorphoses de la Pyrochroa: Uu9) DE, LA PLANCHE 5. ( Les figures sont loutes grossiés.) Larve de la Pyrochroa coccinea ; ayec Ja mesure de sa longueur naturelle, ‘Nymphe de cette Pyrochre, vue par le dos, avec la mesure dé sa longueur naturelle, La même nymphe vue par le ventre. Panneau anal dela larve, Tête et appareil digestif de cette larve. . Antennes et parties de la bouche étalées d’une manière forcée, pour les mettre en évidence, On distingue au milieu le labre trilobé avec la lèvre et les palpes labiaux ; sur les côtés , les mâchoires avec les palpes maxillaires et les mandibules, Glandes salivaires. Ventricule chylifique, précédé de l'æso- phage, suivi de l'intestin et du rectum. Vaisseaux hépatiques. Testicules existans dans cette larve au moment d'entrer en travail de méta- morphose, Segment caudal fourcho, Rectum de la même larve, détaché et vu par sa face inférieure, pour mettré en , évidence les insertions hépatiques. Lambeau très allongé du tissu adipeux splanchnique de cette larve. EXPIACALION DE LA PLANCHE 6 A. Système nerveux et glandes salivaires de la Pyrochre ailée, Ê Glandessalivairess’engageant avec l'œso- phâge dans lecolliér nerveux. OEsophage et les deux conduits sali— vaires à leur issue de dessous le cer veau. Gangl:on céphalique ou cerveau avec les nerfs optiques et le bulbe cérébral. Ligne pointillée marquant la delimita- tion du thorax, On voit, en avant de 8. : La même larve, dont on a enlevé pres que tout le tégument dorsal Pour mettre en évidence les glandes sali vâires,, le système nerveux et les stig- HS 4 aa. Lèvre et palpes labiaux; vus en a dessous. ë. Glandes salivaires et œsophage engagés dans lé collier nerveux. * cc Ganglion céphalique précédé du petit d, € f. 2. + or ganglion frontal , dépendant du sys- tème nerveux stomato-gastrique, dota. Je dois prévenir que, gette figure élant achevée, je mesuis aperçu d'une érreur qu'il importe de redres- ser, J'avais omis un des ganglions tho- raciques que j'ai tracé au pointillé après coup el pour mémoire seule ment; car il n’est pas dans sa position normale. Le premier ganglion, après le céphalique, devrait correspondre au segment prothoracique. Stigmate thoraciqne, ) Premier stigrate abdominal,. .., Dernier stigmate abdominal, qui dis- parait avec le segment, lors de la mé tamorphose. os. celte ligne, les trois ganglionsithora- ciques , avec leurs nerfs, et en arrière les six ganglions abominaux. * Süigmate prothoracique de la FJr0RRe ailée, 1401 i Stigmate métathoracique de la même. Stigmate abdominal de la mème. Tête , appareil digestif et glandes odo- riiques de la Pyroche ailée male, aa, Glandes salivaires, b. Ventricule chylifique, | | LEON DUFOUR. — Métamorphoses de la Pyrochroa. 343 < Intestin. d. Rectum. ce. Vaisseaux hépathiques. f. Dernier segment dorsal de l'abdomen. £g Glandesodorifiques. 34. Dernier segment ventral de l'abdomen du mäie. 15. Portion considérablement grossie d'un vaisseau salivaire, pour mellre en évidence sa texture. 16. Bouche dé la Pyrochre aïlée, vue par dessous et étalée, pour mettre en évidence les wâchoires avec les palpes maxillaires et la lèvre avec les palpes Tabiaux, 17. Une mandibule détachée, 18. Appareil génital mäle de la Pyrochre. aa, Testicules. bb. Conduits déférens. «+ Prolongemens de ces couduits. h. 21. Vésicules séminales. Canal éjaculateur, Armure copulatrice. . Portion du conduit déféreut et des vé- sicules séminales, vue par dessous, pour mettre en évidence leurs con- nexions. . Appareil génital femelle de cet insecte. . Ovaires avec leur ligament. suspenseur. . Cols des ovaires. Renflemens tenant lieu de calices. Glande sébifique et vésicule copulatrice, Oviducte, Dernier segment dorsal de l'abdomen de ce sexe. Oviscapte saillant hors du corps, avec les deux appendices terminaux. Rectum el son prolengemeut tubuleux dans ce sexe, Uue gaine ovigère isolée. Dsscriprion de lu larve de la Pyrochroa coccinea , Par M. le Professeur AuRens. (1) (Extrait de la Revue entomologique, par. M. Silbermann ,t, 1°*, p. 247, 1833., La larve de ce Coléaptere est assez commune dans nos envi- rons : elle se tient sous l'écorce des bouleaux ou dans des troncs de chênes , qui ne sont pas encore en complète putréfaction. Auwprintemps , au mois d'avril, on trouve des larves parvenues à-leur ‘croissance entière, et d’autres qui n'ont encore atteint que la moitié de leur croissance, d’où l’on peut conclure que la larve ne se métamorphose qu’au bout de trois ans en insecte parfait ; car il faut aux larves qui n’ont encore atteint que la moitié de leur croissance, jusqu’au printemps suivant ; pour par: (1) Voir le mémoire précédent de M. Dufour sur cétte mére larve et la note qué les rédacteurs dés Aniiales yôut joiûtes page 322: k. 344 AURENS. -— LaWarve de la Pyrochroa. venir à leur grandeur ordinaire. A cette époque, elles se‘méta- morphosent en nymphe au commencement de mai, restent dans cet état une quinzaine de jours et se développent ensuite en insecte parfait. c Une larve, parvenue à toute sa grandeur, a treste-cinq à qua- rante millimètres de long. Son corps se compose de treize ségmens, et elle a presque partout cinq millimètres de largeur ; la tête seulement et les trois articulations qui.s'y ratiachent immédiatement, sont un peu moins larges. La larve estentière- nent aplatie et d’un brun jaunâtre pâle, à l'exception de la trei- zième articulation qui est d’un brun plus foncé vers l'extrémité, et des mandibules coriacées, qui sont aussi d’un brun foncé vers leur sommet. La première articulation forme la tête , assez aplatie et pourvue de deux fortes mandibules ; sur la tête se trouvent deux impressions qui se réunissent par derrière et forment une ligne ; cette ligne s'étend en longueur sur tous les segmens : c’est sur les second, troisième et quatrième segmens qu’elle est le plus apparente. Les mandibules sont de substance coriacée, tronquée en avant, se terminant par trois dents qui ne sont pas très aiguës. Les mâchoires sont aussi coriacées , in- térieurement revêtues de soies ; elles ont une dent vers leur ex- trémité, et des palpes de trois articles qui sont insérés extérieu- rement sur un rebord : le premier article de ces palpes est co- nique, et devient effilé à son éxtrémité. La langue est également coriacée ; des poils soyeux la revétent à l'extrémité de la par- tie inférieure, et n’a, autant que j'ai pu le remarquer, que des palpes labiaux à deux articles. On voit sur les côtés de la tête une espèce de petits yeux; près de ces yeux partent d’un: pro- longement qui semble ètre une petite articulation, les antennes soyeuses, légerement pubescentes; elles sont à peine aussi longues que la tête , et se composent de trois articulations : la première articulation est cylindrique, nn peu recourbée et ré- trécie au milieu ; la seconde, un peu plus courte et plus mince que la premiere, a la forme d'un cône renversé ; la troisième atteint à peine la moitié de la longueur et de l'épaisseur de la seconde : elle est cylindrique et un peu rétrécie aux deux extré- mités. Les trois paires de pattes se trouvent aux deuxième, lroi- ’ ABRENS..— La larve de la Pyrochroa. 345 sième et quatrième segmens ; chacun de ces segmens forme un parallélogramme un peu plus de moitié plus long que large; dans le troisième et le quatrième sesmens, les angles antérieurs sont fortement tronqués. Les cinquième, sixième, septième , huitième, neuvième, dixième et onzième segmens, sont plus courts. Chaque segment semble s’emboîter dans celui qui pré- cède : c’est ce qui se remarque surtout à partir du cinquième segment jusqu’au dernier. Dans ces derniers segmens, la mem- brane supérieure est comme recourbée sur les bords, et cela un peu plus antérieurement, de manière qu’elle forme en des- sous, sur les bords , une espèce de pli incliné. L’avant-dernière articulation est la plus grande; elle est un peu plus longue que large , et a aussi la membrane supérieure recourbée ; au milieu, elle est un peu élargie, et a en dessous, vers l'anus, une dé- pression. Le segment anal, où l’on remarque très distinctement l'anus, est couvert, et se termine en deux épines séparées l’une de l'autre ; ces épines sont légérement recourbées en dessus, ses- siles, pointues et à-peu-pres de la longueur des segmens du milieu. La tête et tous les segmens sont pourvus sur leurs bords de poils isolés et fins. La nymphe est presque toujours à découvert sous l’écorce ; des qu'on la touche, elle se meut rapidement. On y remarque déjà très distinctement tous les organes de l’insecte parfait. Ainsi que je lai dit plus haut, l’insecte reste une quinzaine de jours dans l'état de nymphe : la couleur de cette dernière devient plus foncée à mesure que le moment de la métamor- phose approche, et enfin l'insécte parfait apparaît, mais il lui faut encore plusieurs jours pour se développer entièrement ( du moins lorsqu'on l'élève artificiellement ), et ce n'est aussi que peu-à peu qu'il acquiert la couleur qui lui est particulière. 346 r, PERRIS. — Histoire des Psychodes. Notes pour servir à l’histoire des Psychodes, Diptères de la famille des Tipulaires Lat., tribu des Gallicoles Meig., Par M. ÉpouaRD Permis. Au témoignage de M. Macquart, auteur de l’histoire la plus récente de l’ordre des Diptères, les métamorphoses des Psy- chodes ne sont pas encore connues. L’habitude qu'ont ces in- sectes de fréquenter les immondices, les murs humides et les troncs d’arbres couverts de mousse, a fait seulement sonpcon- ner que leurs larves se développent dans la mousse ou dans les ordures. Je crois donc faire une chose utile en donnant l’histoire d’une Psychode fort répandue, la Psychoda nervosa. Le peu que j'en dirai levera, en partie, les incertitudes de la science et secondera peut-être de nouvelles découvertes. , En octobre dernier, j'enfermai séparément, dans deux bo- caux, des fragmens du Boletus pinetorum et de la bouse de vache contenant des larves assez grandes de Muscides. Aux pre- miers jours du printemps, il naquit dans ces bocaux une mul- titude de Psychoda nervosa. 11 m'était impossible de penser qu'elles venaient des larves observées à lautomne. La taille et la forme de celles-ci étaient de nature à exclure tout soupçon. Je conclus donc que le champignon et la bouse de vache recé: laient , lorsque je les recueillis, ou des œufs de Psychodes, ou des larves que leur petitesse avait fait échapper à mes investigations. Je me mis aussitôt à chercher de ces larves parmi les matières déposées dans les bocaux , et je n’eus pas de peine à en trouver, car elles y étaient excessivement nombreuses ainsi que les nymphes. Je triai soigneusement bon nombre de ces larves et de ces nymphes, et je les plaçai séparément dans deux vases, avec de la terre : dans l’un et dans l'autre, j'obtins des Psy- chodes. 11 ne peut donc me rester aucun doute sur la légitimité de la larve et de la nymphe que je vais décrire. E. PERRIS. — fdistoire des Psychodes. 347 Larve. Long. 0,003. La tête est d’un roussâtre päle, le labre avancé en anneau et triangulaire. Les mandibules sont écartées à leur insertion, mé- diocrement arquées, acérées et noires à l'extrémité, avec une petite dent intérieure ; larges et roussâtres à la base. Un peu au- déssus de linsertion des mandibules, et près des côtés de la tête, on voit deux petits points noirs qu'il est impossible de prendre pour autre chose que des yeux. À une très petite dis- tance de ces yeux, en remontant vers le vertex, on trouve des antennes de deux articles, le premier court et épais, le second beaucoup plus effilé et près de quatre fois plus long. Sous les mandibules , on aperçoit une petite plaque à bord écailleux et noirätre , et susceptible de se relever et de produire ainsi une cavité dans laquelle se loge l'extrémité des mandibules : cette plaque doit faire l’office des palpes , dont je n’ai pas trouvé la moindre trace. Le corps est apode, glabre; filiforme’, parfaitement cylin- drique, de couleur blanche et de consistance assez ferme, sans aucun de ces plis transversaux que présentent les larves d’un grand nombre de Dipteres et de Coléoptères. Il est formé de douze segmens à-peu-près égaux, et dont le dernier est tronqué carrément. Dans le disque qui résulte de la troncature, et près du bord supérieur, on remarque deux stigmiates noirâtres ; deux autres stigmates de même couleur, mais moins apparens, se trouvent placés près du bord postérieur du premier segment. Une trachée longitudinale..et sinueuse,conrt de chacun, des stig- mates antérieurs au stigmate postérieur correspondant, en émettant çà et là des ramifications très déhées. Ces larves n’ont pas une grande vivacité : elles se replient le ‘plus souvent en arc , et même se contournent en cercle. Pour sè métimorphoser en nÿmphe, elles s’enfoncent dans la terre où On les trouve {dans les bocaux du moins), groupées et entortilléés en assez grand nombre, Nysrur, — La nymphe est nue, de couleur testacée ,1ebun peu. plus petue que la larve, qui, lors de sa métamorphose, a subi, suivant l'ordinaire, une légère contraction. Elle présente 348 BH. LE Coco. — Sur les travaux de P.-L. Vorz. assez distinctement, mais étroitement emmaillottées, les diverses parties qui doivent constituer l’insecte parfait. Le thorax-n’est guère gibbeux , et sur le dos sont implantées deux cones un peu arquées dépassant la tête. Sur le bord des segmens de l'abdomen, sont de petits cils spinuliformes, et on voit aussi de ces spinules sur une sorte de petite crête transversale qui se trouve au milieu de ces mêmes segmens. Le dernier est muni postérieurement de trois dents, une supérieure assez large et deux inférieures. Ce sont, sans doute , de même que les cornes du thorax, les stigmates de la nymphe. Lorsque celle-ci est pres de sé transformer, elle se hisse à la surface du sol; sa peau se fend sur le dos du thorax et derrière la tête, et les deux côtés s'ouvrent comme des volets. L'insecte parfait se dégage alors, laissant assez ordinairement la dépouille de la nympbhe fichée en terre. EXPLICATION DE LA PLANCHER 6 B. Figure 1. Larve de la Psychoda nervosa. 2. Sa grandeur naturelle, 3. Sa tète vue en dessus et très grossie. 4. Mandibules, 5. La nymphe. Norice sur les travaux de Pnanairpe-Louis VoLrz, Par M. Henri Le Coco. Lorsque l’homme de génie quitte la vie, léguant ses décou- vertes à la postérité, ceux qui lui survivent s'empressent de payer à sa mémoire le tribut de reconnaissance qu’ils lui doivent pour le riche héritage dont il les a dotés; lorsque l’homme de science meurt, surpris avant d’être arrivé au terme qu'il avait espéré atteindre, et laissant épars les fruits successifs de ses méditations, par ignorance le plus souvent des obligations qu'on a envers H. LE Coco. — Surdes travaux de P.-1;: Vorrz: 349 lui ; toujours justice n’est pas rendue à ses travaux. Il a apporté quelques matériaux: pour la construction de l'édifice qu'il est réservé à des mains plus heureuses et plus hardies de décorer ; mais, disséminés çà et là, ces matériaux échappent aux regards sous d’autres, dont peut-être ils assurent la solidité. Nous croyons remplir un devoir, en énumérant ici les différens mémoires qu'a laissés M. Voltz dans les {nnales des Mines, dans les Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Strasbourg , dans le journal l/nstitut et dans | {nnuaire de ininéralogie de Bronn et Léonhard; et c’est avec une conviction intime de leur légitimité que nous rappelons les droits qu’il a aux regrets de tous ceux qui savent honorer le talent uni aux plus nobles qua- lités du cœur. Passionné pour la science, M. Voltz l’aima d'un amour désintéressé, sans ambitionner les honneurs ni même la réputa- tion qu'elle peut procurer. Attaché au corps des mines, il la cultiva dans le but de l’appliquer dans le cercle des fonctions qu'il avait à remplir, et le devoir régla toujours le temps qu’il devait lui consacrer. Ce qui caractérise tous les travaux de M. Vol{z, c’est le soin scrupuleux avec lequel il analysait les plus petits détails du sujet qu'il avait à traiter, et la pérsévérante ténacité avec laquelle il poursüivait le but qu'il s'était proposé d'atteindre. Les plus importans de ses travaux scientifiques , ceux sur les Béle:nnites et les rapports de ces fossiles avec les autres Céphalopodes , en sont une preuve. Il cherche les liens qui unissent ces différens genres dans la disposition des légères stries qui couvrent une de leurs parties et ce sont les Bélemnites , le genre le plus obscur de tous les Céphalopodes, qui lui donnent la clef de ces rapports cachés. L'on peut dire qu’il arrachait à la nature ses secrets. Il cherchait à découvrir les lois simples qu’il croyait devoir exister dans les phénomènes naturels avec la même per- sévérance, qu'il, mettait à dégager la charniere d’une coquille fossile o:1 à faire ressortir les dessins qui décorent sa surface. Nous ne parlerons pas dés travaux administratifs de M. Voltz, soit comme ingénieur, soit commo inspecteur-général des mines. Nous ne ferons pas mention de ses mémoires relatifs à l’art du 350 H. LE coco. — Sur les travaux de P.-L. Vorrz. mineur et du métallurgiste, restés manuscrits,qui portèrent tou- jours une vive lumière sur les objets qu'ils embrassaient. Nous rappellérons seulement les notices suivantes insérées-dans les Annales des mines: | Notice sur l'appareil qui sert à chauffer le vent alimentant des hauts fourneaux de la fonderie royale de W'asseralfingen (Wurtemberg). (Annales des mines ; 3° série , tome 1v.) Notice sur les creusels-puisards des haut$-fourneaux ; et en Particulier sur ceux des forges du Bas-Rhin (Annales des mines, 3° série; tome vrii). Notice sur les fontes blanches miroitantes, dites fontes blanches du Rhin (Annales des mines , 3° série, tome x1v). Les travaux scientifiques de M. Voltz se rapportent à la Minéralogie, à la, Géologie et à la Paléontologie. En. voici l'exposé sommaire. TRAVAUX MINÉRALO GIQUES. Notice cristallographique, lue à la Société d'histoire natu- relle de Strasbourg le 17 septembre 1833 (Znstitut., tome u).— Dans cette notice, il cherche à déterminer les rapports qui lient les trois forces fondamentales qui animent une molécule de matière, 1° avec.la pesanteur spécifique, 2° avec le. poids de l'atome,.3° avec les dimensions des axes cristallins. IL donne en fonction des rapports des axes cristallins, les rapports de densité d’un corps qui passe 1° du système trimétrique au sys- tème monométrique, 2° du système monodimétrique au sys- tème monométrique, 3° d’une forme monodimétrique à une autre forme monodimétrique. Notice cristallographique , lue à la Société d'histoire naturelle de Strasbourg le 18 mars 1834 (Institut, tome 11).—Il fait voir que; dans la formation des cristaux ; les forces polaires ne sont pas employées seulement à produire les faces et les arêtes cris- tallines , ainsi que la densité mais qu’elles concourent encore à produire la dureté. H. Le coco. — Sur Les travaux de P.-X;. Vorxz.: 351 TRAVAUX, GÉOLOGIQUES. Notice géognostique sur les environs de Vic(Meurthe) (Annales des mines , 1°° série, tome viu):—:Dans cette notice , il décrit les formations suivantes, observées dans les environs de Vic: 1° le lias (calcaire à Gryphites) , 2° le quadersanstein , 3° le mus- chelkalk , 4 le grès bigarré, 5° le terrain salifère. Jl ajoute quelques rapprochemens avec les formations analogues d’autres lieux. Dans un ouvrage, intitulé: Nouvelle description historique et topographique des deux départemens du Rhin, par J.T. Auf- schlager (supplément), M. Voltz a inséré les trois articles suivans : 1° Aperçu des minéraux des deux départemens du Rhin, > Géognosie des deux départemens du Rhin, 3° Apercu des vestiges organiques des deux départemens du Rhir. Depuis la publication de ce travail, qui date de 1828, M. Voltz avait commencé à dresser la carte géologique du Bas-Rhin, qui devait faire partie du vaste travail que l’administration des mines, de concert avec les administrations départementales, a organisé , pour l'étude minéralogique du sol de la France. Notice sur le grès bigarré de la grande carrière de Soulz-les- Bains (Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Strasbourg, tome n). Il divise le grès bigarré en trois étages, dont il décrit les caractères minéralogiques, et il donne la liste des débris orga- niques tant animaux que ‘végétaux, renfermés dans, les deux étages supérieurs, les seuls qui en contiennent. Il examine l’état probable de l'atmosphère et du sol à l'époque de ces dépôts. Notice sur lé Bradford-Clay de Bouxviller et de Baviller (Mé- moires de la Société d'histoire naturelle de Strasbourg ; tome 11). == Après avoir établi que l'argile de Baviller est bien par sa position géologique le Bradford-Clay, il donne la liste des fos- siles qu'on trouve à Bouxviller et à Baviller ; et dans plusieurs autres localités , telles que la France septentrionale ( Boblaye }), le Port-en-Bessin (Voltz), l'Angleterre (de la Bèche }; il fait voir que la plupart se retrouve à Bouxviller. Il termine par quelques 552 Hi LE/coCQ. — Sur les travaux de PL; Vorrz. réflexions sur la constance avec laquelle les sous-divisions de la formation jurassique, reconnues en Angleterre, se retrouvent dans les terrains jurassiques de la chaîne du Jura et de ses dé- pendances, TRAVAUX PALÉONTOLOGIQUES. Observations sur les Bélemnites (Mémoires de la Société d’his- toire naturelle de Strasbourg , tome 1).— La première partie de ce travailtraite des Bélemnites en général; la deuxième est con- sacrée à la description de deux espèces du genre Actinocamax et de dix-Sept espèces du genre Bélemnite. Voici les’ titres des différens paragraphes qui composent la première partie. Caractères génériques des Bélemnites. De l’alvéole De la gaine ° Observations diverses ! avec la Spirule. avec les Orthocères. Rapports des Bélemnites avec d’au-| avec les Nautiles. tres coquillages concamérés . . . . . .{ avec les Ammonites. avec les Béloptères. avec le Sépiostaire. avec les Actinocamax. Conclusions des observations précédentes. Notice sur l'Onychoteutis prisca de M. de Münster et sur Les Loligo bollensis etaalensis de M. de Zieten, lue à la Société d'histoire naturelle de Strasbourg le 17 novembre 1835 ( Insti- ut, tome1iv).— Il fait voir que les fossiles auxquels on a donné le nom d’Onychoteutis prisca et de Loligo bollensis et aalensis ne sont que le prolongement de la région dorsale de l'alvéole de Bélemnites, dans lequel on distingue la région dorsale, la sous-région ventrale et les deux sous-régions hyperbolaires. Note sur les rapports des Bélemnites anec d'autres coquilles H. LE COCQ. — Sur Les travaux de P. I. Vocrz. 353 internes de Céphalopodes ; lue à la Société d'histoire naturelle de Strasbourg , le 5 janvier 1836 (/nstitut , tome 1v). — 11 com- pare successivement les Bélemnites avec le Loïigo sagittatus, le Loligo vulgaris, le genre Teudopsis &e M. Deslongchamps, l'Onychoteutis angusta de M. de Münster, lOctopus et les Orthoceres. Observations sur les Belopeltis ou lames dorsales des Bélem- nites (Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Strasbourg, tome 111). — Dans le premier chapitre, M. Voltz revient sur les caractères généraux des Bélemnites, dont il examine successi- vement la gaine et le test alvéolaire: il donne des détails sur un test alvéolaire du Bel. paxillosus. Dans le chapitre I}, il éxamine les rapports du test alvéolaire des Bélemnites avec la coquille cornée des Calmariens avec les Sépiostaires, enfin avec les Spi- rules. Dans le chapitre 11, il fait voir que plusieurs corps fossiles, figurés par MM. de Zieten et Buckland, doivent avoir appartenu non pas à des Loligos, mais à des Bélemnites. Comme il est presque impossible de déterminer à quelles espèces de Bélem- nites ces corps ont appartenu , il propose de leur donner le nom de Belopeltis: il expose la caractéristique du genre Belopeltis, dont il décrit huit espèces. Il termine par des observations sur l’assise à Belopeltis d'Ohmden {Wurtemberg), qui se trouve dans la partie moyenne des schistes du Lias supérieur. Sur le genre Actinocamax (N. Jabrb. de Leonhard et Bronn. 1839, 5° livraison). — Cette notice, la derniere publiée par M. Voltz, n’a paru dans aucun recueil français. Nous en donnons ci-après la traduction. Recherches sur les fossiles connus sous le nom d’'Aptychus , lues dans les séances des 6 et 21 décembre 1836, à la Société d'histoire naturelle de Strasbourg (Institut, t. v). — Il étend à tous les Aptychus l'idée déjà émise par M. Rüppell au sujet des Aptychus imbriqués : que ces fossiles sont des opercules d'Ammonites. Il combat les différentes opinions avancées jus- qu'ici pour expliquer la présence des Aptychus dans les loges des Ammonites. Il divise ces fossiles en trois groupes: 1° ceux composés d'une simple lame cornée, 2° ceux composés d’une lame XIII. Zoor — Juin, 23 354 H. LE COCO. — Sur les travaux de P. L, Vorrz. semblable , recouverte d’un test calcaire imbriqués; 3° ceux com- posés d’une semblable lame recouverte d'un test calcaire celluleux. Dans ces trois familles il fait rentrer vingt-trois espèces d'Apty- chus,auxquelles s'ajoutent deux autres espèces qui ne sont pas as- sez connues pour être rapportées à l'un de ces trois groupes. Il signale aussi les diverses familles d’Ammonites auxquelles pour- raient correspondre les différentes familles d’Aptychus. Notice sur le genre Nérinée , lue à la séance de la Société d'histoire naturelle de Strasbourg, du 3 novembre 1835 (Institut, tome 111). — Il expose les caractères génériques des Nérinées , fait connaitre leur distribution géognostique et ter- mine par un tableau indiquant les caractères spécifiques de douze espèces que possède le musée de Strasbourg. La manière dont les différens caractères sont analysés, dont sont exprimés en nombres tous ceux susceptibles de cette évaluation, doit être signalée. Nous terminerons cet exposé sommaire en rappelant que les deux nombreuses collections de fossiles , rangées par ordre de terrain, et existant au musée de Strasbourg et à l'école des mines de Paris, ont été créées par les soinsde M. Voltz, dont tous les amis de la science doivent vivement regretter la perte. Nore sur le genre Actinocamax , Par M. Vozrz. Beaucoup de naturalistes sont d'avis que le genre ÆActinoca- max n'existe pas, et que les fossiles qu'on a rangés dans ce genre ne sont que des Bélemnites cassées ou usées à leur extré- mité antérieure. Cette opinion est vraie pour la plupart des es- pèces d’Aclinocamax , et même pour les deux espèces que J'ai présentées sous les noms d’4. Milleri et À. fusiformis. Cepen- dant je connais deux espèces d’Actirocamax qui certainement ne sont pas des Bélemnites ; toutes les deux se trouvent dans la craie supérieure de Ciply. L'une est l'Z. verus Mill. ( Belemnites plenus Blainv. ); l’autre est mon 4. acutus. Dans ces deux es- pèces, on reconnait au premier coup-d'œil qu'il n'y a eu mi VOLTZ. — Sur le genre Actinocamax. 355 fracture, ni usure, attendu que l'extrémité antérieure présente des stries d’accroissement et des stries transversales, ce qui cor- respond exactement à l'enfoncement conique du Belemnites sub- sentricosus, qui, avec le B. granulatus ; le B. quadratus et le B. Osterfieldi , forme une famille remarquable que j'ai nommée famille des Crassi-marginati. On reconnaît cette famille, 1 ‘au bord alvéolaire épais et par suite toujours bien conservé; 2° à l’alvéole beaucoup moins profond que dans les autres espèces ; 3° aux pa- rois alvéolaires qui ne sont jamais lisses et exactement coniques, mais qui sont plus ou moins couvertes de côtes et de rugosités. Dans les autres espèces de Bélemnites au contraire, dans les Tenui-marginati, le bord alvéolaire est mince comme du papier; parsuite, il n’est jamais conservé: il est fortement élargi en avant, et présente la forme d’un toit chinois. Jamais, dans l’alvéole des Crassi-marginati, je n’aivu l'impression des cloisons alvéolaires, et je douterais fort de l'existence d’un cône alvéolaire dans les espèces de cette famille, si M. Klôden n'assurait que dans la col- lection du Musée de Potsdam il existe un 2. subventricosus avec un cône alvéolaire. Dans toutes les Bélemnites , le côté dorsal de la gaine est plus court que le côté ventral ; très souvent il forme même un sinus large et profond. Le bord dorsal de lalvéole est moins long que le bord ventral. Toutes les espèces ont une rimule. Dans les véritables espèces d’Æctinocamax ; on voit toujours au centre de l’extrémité antérieure un enfoncement souvent très petit, quelquefois assez grand, à partir duquel la surface supérieure de l'extrémité va en se retirant d’une manière très régulière ; sur le côté dorsal, on voit nne troncature oblique, qui remonte toujours plus haut vers le sommet de [a Bélemnite que les troncatures placées sur le côté ventral et sur les côtés latéraux. La troncature ventrale présente toujours la rimule. Cette rimule va quelquefois jusqu’à l’enfoncement central, mais d'autres fois elle n'est que faiblement marquée et ne paraît que légèrement sur la surface extérieure. C’est un caractèré impor- tant , et qui pronve suffisamment que ce ne sont pas des Crassi- manginati usés ; car , dans ces Bélemnites, la rimule ne va jamais si loin que l'alvéole; elle se termine extérieurement aux deux 23. 356 vOLrz. — ôur le genre .Aclinocamax. tiers de la longueur de cette dernière. Dans l’Actinocamax , elle va plus loin que le petit enfoncement central. Cette rimule n’a aussi rien de commun avec le canal ventral des. Tenui-mar- ginati, qui ne va jamais jusqu'à la ligne apiciale, comme cela arrive quelquefois pour celle-ci. Ce qui distingue la rimule de tous les autres sillons que l’on voit sur la surface extérieure des Bélemnites , c'est qu’elle ne correspond à aucune fente qui pé- nètre plus profondément comme le canal placé à la base des Crassi-marsinati et des Mucronati, et les canaux ventraux et les plis terminaux des autres Bélemnites, pour lesquels la fente n'est pas toujours visible sur la surface extérieure, mais pré- sente des parois lisses et planes lorsque, par un choc, on divise les Bélemnites suivant cette direction. Sur l'extrémité antérieure de l’Actinocamax , on voit, 1° des stries d’accroissement , 2° des stries et des côtes transversales qui quelquefois sont très élégantes, qui se trouvent aussi souvent dans l'alvéole des Crassi- marginali, mais jamais dans celui des Tenui-marginati, à moins que les espèces de cette dernière famille ne conservent quelques parties des lamelles du cône alvéolaire. Si l'on compare les ÆActinocamazx avec les Crassi-marginati , on trouve que la différence consiste en ce que, dans les pre- miers, l’alvéole n’est qu'un enfoncement central rudimen- taire ; en ce que le bord est extrêmement large et tronqué obli- quement à l'extérieur. Les couches successives qui forment la gaine dépassent les précédentes d’une maniere très mar- quée et régulière dans les Tenui-marginaii ; dans les Crassi- marginati, elles ne les dépassent d'abord que faiblement, puis de moins en moins, et finissent par ne pas les dépasser du tout; dans l’{etinocamax enfin, cet avancement des couches les unes sur les autres n’a lieu que dans le très jeune âge, et par consé- quent pour les couches les plus intérieures; plus tard, les couches extérieures demeurent en arrière des couches inté- rieures : de là résulte la forme convexe et la troncature-dorsale de cette extrémité (voy.les fig. 1, 2,3, PI. 6 C). La cavité alvéo- laire est pour ainsi dire retournée comme on retourne un gant. Le genre Aclinocamax peut donc être caractérisé de la manière suivante : vourz. — Sur le genre Achnocamax. ST Gaine fusiforme, sans cône alvéolaire. Alvéole rudimentaire, avec un bord extraordinairement large qui occupe toute l'épais- seur de la coquille , et qui est coupé obliquement sur les côtés, de sorte que l’extrémité antérieure de la gaine ne se compose que de ce large bord avec un petit enfoncement central ( l’al- véole rudimentaire ), et présente une surface convexe. Cette extrémité fait voir les stries d’accroissement de la coquille, et montre aussi des stries et des sillons transverses réguliers, qui partent de l’enfoncement central. Le côté dorsal de cette extré- mité antérieure est tronqué un peu plus obliquement que les côtés latéraux et que le côté ventral ; il monte par conséquent vers le sommet un peu plus que ces derniers. Les côtés latéraux de la coquille sont aplatis vers le dos suivant la longueur, et ces faces s'étendent assez loin vers le sommet , de sorte que la coupe de la partie antérieure de la gaine est un peu triangulaire. Sur ces faces, on voit deux bandes longitudinales faiblement pro- noncées. Le côté ventral présente, en avant, un court sillon plus ou moins distinct, qui se prolonge souvent jusque sur la convexité de la face terminale, et même jusque dans son en- foncement central. Le sommet est pointu et sans plis. Je ne sais pas si l'Acéinocamax a eu un cône alvéolaire corné. Ce n’est pas probable. En effet, il n'aurait pu tenir à la gaine”. que de deux manières : ou en s’attachant à la petite cavité cen- trale, où au moyen du prolongement corné des couches cal- caires concentriques de la gaine, qui auraient formé de cette: manière une cavité alvéolaire cornée. La première supposition n'est pas vraisemblable ; la seconde ne l’est pas davantage. En effet, les couches calcaires ne peuvent pas devenir soudainement corrées ; cette transition ne peut avoir lieu que par la diminu- tion successive de la matière calcaire et l'augmentation de la matiére cornée; et, dans ce cas, l'extrémité antérieure de VActinocamaxæ produite par une fracture ne devrait être ni si régulière, ni si compacte qu'elle l’est ; certaines couches à l'en- droit du passage devraient être plus ou moins corredées ; par conséquent , elles devraient être irrégulières et varier avec les divers exemplaires. 358 L. LALANNE. — Architecture des Abeilles. Notre sur l'architecture des Abeilles , Par M. Léon LALanNE , ingénieur des ponts-et-chaussées. But du mémoire. —La construction des alvéoles des Abeilles a fixé depuis long-temps l'attention des philosophes. Moraldi, Réaumur,de Mairan, Mac-Laurin, Buffon , Ch. Bonnet, Lhuilier, Lesage , etc. , les uns naturalistes, les autres géomètres, ont écrit sur ce sujet intéressant. Huber a consigné, dans son excellent ouvrage, le résumé de leurs travaux. Mais cet habile observateur paraît avoir été peu versé dans la géométrie, et il n’a pas su faire ressortir convenablement la liaison entre des travaux dont les résultats ont été quelquefois présentés par|leurs auteurs sous des formes différentes. Nous nous sommes proposé, dans cette Note, de suppléer à ce qui manque, sous ce rapport, à l'ouvrage d'Huber. Nous n'avons donc pas la prétention d’avoir fait un travail original ; seulement nous aurons atteint notre but, si nous sommes parvenu à exposer d’une manière claire, même pour les personnes les moins familiarisées avec la géométrie, les principes des constructions vraiment admirables des Abeilles, et à diriger les recherches des observateurs sur certains détails dont la connaissance nous manque encore. Descriplion des alvéoles des Abeilles. — Les rayons où gà- teaux destinés à contenir le miel sont, comme tout le monde sait, composés de deux rangs adossés de cellules ou d’alvéoles, à parois de cire. On voit, à la première inspection , que sur les deux faces du rayon , les ouvertures des cellules sont des hexa- gones réguliers, ou, autrement dit, des figures rectilignes à six côtés, dont tous les angles et tous les côtés sont égaux. Les pa- rois latérales sont des plans qui passent par les différens côtés de ces hexagones, et qui sont perpendiculaires au plan dans L. LALANNE. — Ærchileciure des Abeilles. 359: lequel sont tracés les hexagones. Le corps de la cellule est done un prisme hexaèdre droit ; enfin, les fonds des alvéoles ne sont pas plats, mais bien composés chacun de trois losanges égales et également inclinées , qui coupent les pans du prisme suivant des trapèzes. Ainsi la figure 1 , pl. 11, représente, au double de grandeur naturelle en plan, la disposition des orifices des alvéoles sur l’une des deux faces du rayon, disposition tout-à-fait semblable à celle des carrelages le plus ordinairement employés dans nos habita- tions. La figure 2 est la perspective d’un alvéole isolé et détaché du rayon, l’orifice en bas et le fond en haut. Dans la figure 3, on voit , au quintuple de grandeur naturelle, le développement des six trapèzes a, b,c, d, e, f, et des trois losanges ou rhombes g, À, k qui forment la surface de l’alvéole; de sorte qu’il sera très facile de façonner un relief semblable à celui de l’alvéole , en assemblant les diverses faces d’un panneau de car- ton ou de papier découpé sur la figure 3, Si l’on réunit ensuite par leurs faces latérales égales, un certain nombre de solides ainsi. préparés, on aura une représentation exacte du côté du gâteau, comme on le voit en perspective dans la figure 4. (1) Il suffit de jeter un coup-d’œil, soit sur le relief, soit sur la figure 4, pour reconnaître que les losanges a, b,c— a, b', c' (x) Les lecteurs , peu familiarisés avec les considérations géométriques, feront bien de con- struire des reliefs de ce genre. Si l'on veut avoir des panneaux plus grands que ceux de la figure 3, on augmentera tous les côtés de cette figure dans une proportion constante en conser- vant les mêmes angles. Voici du reste la construction exacte de la figure. Prenez MN arbitraire (fig. 3), et menez MQ perpendiculaire à MN, et égale à 4foiset + de MN. Pour avoir la différence de longueur QR qui existe entre les perpendiculaires MQ, NP, il faut faire séparément la construction suivante. Sur la droite OB, égale à MN (figure 11), prenez le milieu D; élevez OE perpendiculaire à OB et égale à OD, et tirez DE; la distance OF du point O à la droite DE sera la différence de hauteur QR des deux côtés MQ, NP de la figurè 3. Pour déterminer la losange PQTS de la figure 3, il faut encore revenir à la figure 11. Du poiutO comme centre , avec le rayon OB égal à MN, où décrira une circonférence, sur laquelle on portera deux fois le rayon, d'abord de B en A, puis de A en C; la corde BC sera égale à la diagonale QS de la losange. De sorte que le point S est déterminé par l'intersection de deux ares de corde décrits des points Q et P comme centres, avec des rayons égaux respectivement à BC et à OB. La losange QPST s'achève en menant par les points Q et S des droites paral- lèles, l'une à PS, l’autre à PQ. Comme vérification, on doit trouver que chacun des angles QPS, QPN est égal à 1090 28" et chacun des angles MQP, PQT à 709 32’ (division sexagésimale). 360 L. LALANNE, — Archilecture des Abeïlles. — a", b", c”, appartenant à trois alvéoles distincts et contigus, forment un creux parfaitement égal à la saillie qu'offre la pointe d'un alvéole isolé (fig. 2). Donc, si l’on imagine un autre relief composé des mêmes élémens que le premier, on pourra réunir les solides par leurs fonds, de telle sorte que les trois losanges qui terminent en pointe un alvéole dans le premier, soient ap- pliqués sur trois losanges qui appartiennent à! trois alvéoles contigus dans le second; ou, en d’autres termes, l’axe de figure de chacune des cellules, dans un des deux solides, est le pro- longement de l’arête commune à trois cellules contiguës dans l’autre solide. Or, telle est précisément la forme générale des gâteaux des Abeilles ; telle est la manière dont les deux parties du rayon sont façonnées et ajustées l’une contre l’autre, ne lais- sant aucun vide ni entre leurs parois latérales, ni entre leurs fonds. Cette disposition a plusieurs propriétés remarquables qu'il est important de signaler. Propriété remarquable des alvéoles, relativement au mini- mum de surface. — Nous ferons d'abord observer que lorsqu'il s’agit de recouvrir une surface plane avec des polygones régu- liers égaux, sans laisser aucun vide, il n’y a que trois espèces de polygones qui puissent satisfaire à la question , savoir : 1° Les triangles équilatéraux (fig. 5 ) ; 2° Les carrés (fig. 6); 3 Les hexagones ( fig. 1 ). Nous ne comptons pas la solution que l’on obtient par la combinaison de carrés et d’octogones (fig. 7 ), parce qu'il n’y a lieu de considérer ici, dans la mêwe figure , que des polygones d'un même nombre de côtés. Or, l'hexagone régulier a un contour moins long que le triangle équilatéral et que le carré de même superficie. On voit donc déjà que, parmi les solutions possibles , celle que les Abeilles ont adoptée donre lieu au moindre développement dans les parois latérales de l’enceinte, à la plus petite dépense de cire pour la formation de ces mu- railles destinées à maintenir la provision de miel. Si nous comparons maintenant le corps de la figure 2 avec un prisme hexaëdre régulier de même base , ayant toutes ses arêtes latérales égales aux trois grandes de cette figure, et terminé à L. LALANNE. — Architecture des Abeilles. 361 sa partie supérieure par un hexagone égal à celui de l'orifice, prisme représenté en perspective dans la figure 2 bis, et en dé- veloppement dans la figure 3 bis , il est facile de voir que ces deux solides ont le même volume. En effet, le pointement rhom- boïdal de la figure 2 s'obtient en menant par les trois côtés AG, CE, EA du triangle équilatéral inscrit dans l'hexagone (fig. 8), des plans également inclinés qui se coupent en un point unique S, et dont les intersections entre eux et avec les pans du prisme donnent les losanges égales SAMC, SCNE , SEPA. Or, le . plan SAMC supprime la pyramide MABC dans le prisme, et y ajoute la pyramide égale SOAC. Comme il en est de même des deux autres plans, le solide de la figure 2 ne diffère du prisme de la figure 2 bis, qu’en ce qu'après avoir abattu de celui-ci trois pyramides triangulaires égales , par des troncatures sur les angles, on a réuni les mêmes pyramides en les retournant com- plètement par un mouvement de rotation autour des diagonales AC, CE, FA, suivant lesquelles passent les plans coupans. La figure 9 donne le développement d’un panneau découpé de ma- nière à pouvoir former la pyramide MABC par la réunion de ses différentes faces triangulaires. Si les volumes des corps des figures 2 et 2 bis sont égaux, il n'en est pas de même de leurs surfaces. En comparant les figures 3 et 3 bis, qui présentent les panneaux de développement de ces surfaces, on voit bien que la somme des trois losanges g, h, k de la figure 3, surpasse en superficie l'hexagone H de la figure 3 bis. Mais la premiére figure n'offre, dans les faces latérales , que des trapèzes a, b, c, d,e, f, tandis que la seconde a des rectangles dont la somme surpasse celle des trapèzes de six fois le triangle rectangle ABM. Or, on peut donner aux plans de troncature une inclinaison telle que, tout compte fait, la surface de la figure 3 soit moindre, non-seulement que celle de la figure 3 bis, mais encore que celle de toute autre figure dans laquelle les plans coupans seraient plus ou moins inclinés. Ce qui caractérise ce solidé à surface minimum, c’est que les lo- sanges du sommet ont des angles de 109° 28’ 16” et de 70°31' 44". Eh bien! telles sont précisément les valeurs normales des angles mesurés sur les fonds des alvéoles des Abeilles; tels sont les ré- 362 L. LALANNE. — Architecture des Abeilles. sultats auxquels on a été conduit par l'observation directe d’un très grand nombre de cas, dans la moyenne desquels les erreurs et les anomalies accidentelles finissent par se compenser, con- formément aux principes du calcul des probabilités. Ainsi les Abeilles, dans la construction de leurs alvéoles ; ont résolu un problème de rninimum ; et les parois de leur merveilleux édifice ont été disposées de la manière la plus économique, en épar- gnant le plus possible la matière et le travail, pour un volume déterminé de l’alvéole. (1) (x) Les principes élémentaires de l'application de l'algébre à la géométrie conduisent facile- ment à ce résultat. Ea effet, désignons, dans la figure 8, le côté AB de l'hexagone par a, et par z la hauteur inconnue BM, qui détermine la position du plan coupant. 11 suffit évidemment de considérer les portions du solide prismatico-rhomboïdal, comprise entre les Iplans #verti= caux SOA, SOB, et le pan latéral qui passe par AB, et il s'agit de rendre la plus, grande possible la différence entre la somme OAB —- ABMA' et la somme SAM AMA/, Or, on a : oaB= la V3, ABMA — ax, SaM=—; a V3 (++ a), AMA= Las, En désignant par m le maximum inconnu, on a donc : m—+ar+ ia V5 — La V3 (22 + }2 3 ou (np rai) en pat Cet!e équation développée et résolue par rapport à x, donne : m aV’3 1 — 3 2 TE A da Aero di VAE A Les valeurs de m qui rendent nul le radical, sont : m—=+ a? (W Fe Va). La première de ces solutions donnerait pour z un résultat négatif; on ne doit donc prendre que la seconde, qui est le maximum cherché; car, en vertu des propriétés des trinomes du second degré, toute valeur de »# comprise entre ces deux limites rendrait le radical imagi-— naire, La valeur correspondante de x est x = ra La. Cette méthode de résoudre les problèmes de minimis et maximis, sans le secours du calcul différentiel, est due à Lesage, de Genève, qui en a ‘déduit, pour la détermination de OS—BM =+ a y/5, la construction simple que nous avons donnée plus haut (Fig:3'eur1). Pour trouver la valeur des angles de la losange SAMC (figure 8), on observe que dans le » triangle MEC, rectaugleïen E, on a A ee za V3 Tang. EMC EC eue aWBptse — EM Via2tia? s 274 Or, l'angle dont la tangente est 4/7, a pour valeur 54° 44° 8" D'où l'on tire : angle AMC = 2 EMG — 109° 28" 16"; puis SCM = 180°— AMC=— 70° 5x 44". L. LALANNE. — Æ#rchitecture des Aberlles. 363 Structure du rang supérieur d'alvéoles. — Pour compléter la description purement géométrique de la structure des rayons, il faut parler de leur agencement dans la ruche. D'abord, les deux rangs de cellules adossées sont toujours fixés à la partie supérieure de la ruche , de telle sorte que les axes longitudinanx et les arêtes des pans latéraux des alvéoles soient dans une position horizontale. L’enchevétrement mutuel des deux parties dont le rayon est compose, donne lieu à une force de cohésion beaucoup plus considérable que celle qui ré- sulterait de la simple superposition de deux surfaces planes de séparation ; et cet avantage des pointemens pyramidaux mérite d’être signalé. La figure 12 montre, en coupe, cet enchevêtre- ment des deux rangs opposés d'alvéoles. Quant au mode de suspension, il n’est pas moins remarquable que le reste de l’ouvrage. En effet, en considérant un relief qui représente deux groupes d’alvéoles adossés, ou en se reportant à la figure 4 de l’un de ces groupes , on concevra facilement que si l’une des deux faces du rayon était attachée à la ruche par ses arêtes m7, m, devenues horizontales, il n’y aurait aucune autre arête de l’autre face du rayon qui fût dans le plan #1, 7..., et il faudrait alors établir des raccnrdemens particuliers pour cette autre face, ce qui serait contraire à la régularité de l’ou- vrage. Mais si l’on imagine que par les arêtes 77, m..., placées horizontalement de l’une des faces, et par les arêtes 7... de l'autre face, ainsi que par la suite des arêtes r, r..…. qui forment une espèce de zig-zag , on mène des plans verticaux, terminés à la rencontre d’un plan horizontal, ces plans offriront le mode d'attache le plus simple et le plus rationnel. Les figures 10 et 10 bis, qui représentent les deux faces d’une portion de rayon däns sa position véritable, c’est-à-dire les arêtes étant horizontales, éclaircissent complètement tout ce qui précède. Elles montrent bien, en effet, que si les arêtes horizontales m,m.... qui partent des extrémités inférieures du premier rang d’hexagones, sur l’une des faces, sont sur une même ligne droite AB; les arêtes horizontales 7, n.... de l'autre face sont au-dessous de AB. On voit aussi que les plans verticaux déterminent d'un côté des cel- lules dont le fond n’a que deux faces pp! mm, p m' mp, et de 364 L. LALANNE, — Architecture des Abeilles. l’autre des cellules dont le fond a trois faces gq'n'n, gang, nn n ‘ Dans la figure 11 , la ligne brisée pp! pp’... est la trace lais- sée sur le plan qui forme la partie supérieure de la ruche, par les plans verticaux dont il vient d’être question. Les trapèzes pp m'm..… donnent les formes exactes de ces faces verticales, supposées rabattues autour des arêtes horizontales p p' qui leur servent de bases. Ces trapèzes étant redressés de manière à avoir les arêtes communes p'm'...., ces arêtes se trouveraient perpendiculaires au plan de la ligne brisée pp' pp'..:., et les droites mm", m'm aboutissant au même point », formeraient deux des côtés d’une des losanges de fond, qui seraient ainsi déterminées de grandeur et de position. Tels sont les faits géométriques qui ressortent de l'examen des gâteaux façonnés par les Abeilles. 11 s’agit maintenant de les interpréter, et de chercher comment ces insectes peuvent exécuter des ouvrages aussi réguliers, aussi admirablement en- tendus. Nous ne pouvons mieux faire, pour cela , que de donner ici le résumé historique des divers travaux des auteurs qui se sont occupés de ce sujet intéressant. Travaux de divers auteurs sur la forme des alvéoles. — Aris- tote avait remarqué la forme hexagonale des prismes alvéolaires; mais ni lui, ni les naturalistes qui l'ont suivi, jusqu’au com- mencement du dix-huitième siecle, n’ont paru faire attention aux Jlosanges qui constituent les fonds de ces prismes. C'est. Mo- raldi qui, le premier, parla de cette particularité curieuse, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de 1712 : il donna pour les angles de ces losanges les valeurs moyennes de 109 de- grés 28 minutes, et de 70 degrés 32 minutes, sans dire par quels procédés il y était parvenu. Un illustre naturaliste, Réau- mur, soupçonna que le choix de ces angles avait été motivé par une raison d'économie dans l’emploi de la cire, et qu'entre les cellules de même capacité, à fond plan ou trièdre, celles qui pouvaient être faites avec le moins de matière, avaient des. angles égaux aux angles cités par Moraldi (Mémoires de l’Aca- démie des Sciences pour 1739 ). Il proposa donc à un géomètre allemand Kœnig, qui ne savait rien de ccs dimensions, de dé- L. LALANNE — Ærchilecture des Abeilles. 365 terminer par le calcul quels devaient être les angles des losanges égales qui terminent symétriquement autour de l'axe un prisme hexaëdre régulier, pour que la surface totale soit la moindre possible. Kœnig crut devoir employer, pour la solution de ce problème, les méthodes de l'analyse infinitésimale ; et (avec une erreur de calcul qu'il commit probablement dans le maniement des tables trigonométriques ), il trouva 109 degrés 26 minutes et 70 degrés 34 minutes pour les valeurs des angles, des lo- sanges. Par suite d’une autre erreur que rien ne peut expliquer, il avanca qu’en préférant le fond pyramidal au fond plat, les Abeilles ménagent toute la quantité de cire qui serait nécessaire pour construire un fond aplati, tandis que l’économie est réelle- ment environ cinq fois et demie moindre. Cramer , ancien pro- fesseur de Genève, et le père Boscovisch, tous deux géomètres distingués, relevérent les erreurs de Kœnig, et donnèrent les véritables valeurs des angles, à moins d’une demi-minute près, . savoir : 109 degrés 28 minutes et demie, et 70 degrés 31 minutes et demie. Le célèbre écossais, Mac-Laurin, traita ce sujet dans les Transactions philosophiques de 1743, et il donna un résultat fautif, en disant que la différence d’une cellule pyramidale et d'une cellule à fond plat, c’est-à-dire l'économie que font les Abeilles , est égale au quart des six triangles qu’il faudrait ajou- ter aux trapèzes, faces latérales de la cellule, pour qu’ils de- vinssent des rectangles. (1) Le travail le plus étendu et le plus complet, sous le rapport géométrique, qui ait paru sur ce sujet, est dû au professeur Lhuilier de Genève ( Mémoires de l’Académie de Berlin, 1785, P- 277). Après avoir résolu le problème par une méthode syn- thétique, indirecte, il est vrai, mais très simple, et sans em- ployer le calcul différentiel, il prouve que la diminution de sur- face est à la base du prisme à-peu-près dans le rapport de 11 à 60, compris entre < et —. Il fait ensuite observer que l’é- “