HRSEpErE SR pen Here th FE: pEta ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. SECONDE SÉRIE TOME XY. Ses.” IMPRIMÉ CHEZ PAUL RENOUARD, RUE GARANCIÈRE, N, Ô. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE, L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES, ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES ; * POUR LA ZOOLOGIE PAR MM. AUDOUIN ET MILNE EDWARDS, ET POUR LA BOTANIQUE PAR MM. AD. BRONGNIART ET GUILLEMIN, Seconde HBérie. TOME QUINZIÈME. — ZOOLOGIE. PARIS. FORTIN, MASSON & C*, LIBRAIRES-ÉDITEURS, PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, N. 1. 1841. eHIIAAU TAN énorme TARA MOD , 4 : A | avorsétoé ‘as sante St. cameodn xUau xx SARA AAUIETNY A5 TA un QuA Aa SE ERA ON RRFIN ADM Em er AIT AIN 41 ra PA ER RE Pc: 11 ie LE NES PERTE Te rw "1 NET Ph LE MAaOKOGE ES Min: 2-02) 00 « TAAWTE amas TE WIVOQUA a RE ROUTE ve dimite +4 fou Lau MIMSIIIUD TA TAAIUOMONT ta HG Fa HA : are x: ee # é à ” LA Dr , à + 1 “À sp, Fa f : Fe + à RUE … eIAAÏ. AUTO HALAATRX D # MOP2AM RO | de El cards ad #a 49448 - re 2 w nt pq — or A ee * q : 47 UNS AN $ re" \ #3 ab, pre bin 9 pe: y # > 1 € ] TARN: ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. PARTIE ZOOLOGIQUE. +RitreteteiDiere1e:01010101:010:0:0101010 101001010008 19101010:00010 401010188106 Note sur quelques espèces de l’ordre des Acariens, Par M. P. Gervais. Diverses recherches , auxquelles je me suis livré pour ré- pondre à la bienveillante invitation que m'avait faite M. Walc- kenaer de l'aider dans la rédaction de quelques chapitres de son Histoire naturelle des Aptères, m'ont fourni, sur plusieurs groupes de Ces animaux , les Scorpions , Faucheurs, Acariens, Myriapodes et Hexapodes aptères, des renseignemens inédits que je publierai successivement par extraits. Dans cette première notice, je parlerai de quelques espèces de l’ordre des Acariens. Les travaux de Degeer et Hermann, ceux plus récens de Dugés, imprimés dans ces Annales, et de M. Koch, ont considérablement augmenté nos connaissances en Acarolo- gie ; mais, bien que les espèces admises dans cet ordre s'élèvent aujourd’hui à plusieurs centaines, il est encore aisé de s’en pro- curer qui soient à-la-fois nouvelles et intéressantes par les mo- difications que leur étude apporte dans la classification de ces animaux. Celles que je vais signaler appartiennent aux trois familles des Scires, des Gamases et des Cirons. 2 6 PF. GERVAIS. — Sur quelques gspfces d’Acariens. $ 1. Sorres. Cette petite famille est la moins nombreuse de toutes“ elle n'en a pas moins été partagée en trois genres par M. Heyden dans le travail, malheureusement resté sans développement, qu'il a publié , en 1828, dans l’/sis. Le principal caractère de chacun de ces genres est tiré du nombre des yeux , ce qui a été imité, principalement par M: Ebrenberg, pour plusieurs groupes fort différens d'animaux inférieurs. Ces genres sont: 1° Cunaxa Heyden; Scirus, Dugès, Annales des Sciences naturelles, 2: série, 1834 t. 11. p. 42. — Deux yeux. 2° Cvra Heyden.— Trois yeux. Ex. Le Sc. latirostris Herm. 3° BpeLra Heyden; Dugès , loc. cit. — Quatre yeux. Si l'importance caractérisque attribuée ici au nombre des yeux était admise, on devrait établir une coupe générique nouvelle pour chacune des deux espèces de Scires dont je vais parler, puisque l’une m'a présenté six yeux en trois paires, et que l’autre m'a paru dépourvue de ces organes. Celle-ci , que je nommerai Scrrus o8rsium (1), est fort petite et surpasse à peine un tiers de millimètre en longueur. Je l’ai trou: vée à Paris, vivant ayec plusieurs autres Acariens, dont je par- lerai ailleurs, dans les petits graviers dont le sol des caves est couvert : elle est de couleur orangée claire et presque transpa- rente, Son dos est un peu plus foncé, et de chaque côté du corps nait une grande soie. Une paire de soies analogues, mais de moindre dimension, part en dessus, de la base du rostre. Les palpes sont terminés en crochets simples , et ils jouissent d’une grande mobilité. Le petit animal les agite sans cesse pendant sa marche, les rapprochant vers son corps, ou les portant en avant , selon les circonstances, ce qui lui donne une certaine ressemblance avec diverses Pinces ( Obisies et Chéliféres), dont il (1) Planche 2, fig, r. F'éEN ts" 2 Sur quelques espèces d’ Acariens. 7 d, du resté, tout-à-fait les allures. Son corps est à peine velu , et Ses pattes ne le sont elles-mêmes que très peu. L’äütre espèce (r) est plus grande et de la taille du Scire com- mn (SC. Zongicornis). Jè l’appellerai Scirus HEXOPHTHALMUS , À cause du caractère dont j'ai déjà fait mention. Son corps et ses pattes sont d’un jaune orangé uniforme, le rostre et l’ex- trémité des pattes passant au rougeätre. Les six yeux sont d’un rouge carmin. Auprès des deux postérieurs nait une soie assez courte. Lés pattes sont velues. J'ai trouvé l'individu unique que j'dié énéore vu de cette espèce dans les prés de Gentilly, près Paris. $ 11. GAMASES. L’éspéce de Gamasiens que j'ai fait figurer (2) appartient au genre DERMANYSSUS de Dugès et mérite surtout d’être signalée à cause de son genre de vie. La plupart des Dermanyses connus vivent sur des Oiseaux. Dugès en décrit un qui vit sur la Chauve- Souris murine (Pape murinus) : celle-ci est parasite de la Pipistrelle et se répand à la manière des Ptéroptes sur la partie membraneuse des ailes de cet animal, tandis que le Caris de Latreille , observé depuis par M. Audouin , s'enfonce sous les poils du corps et se fixe à la peau au moyen de son rostre et de ses palpes. Le Dermanyssus pipistrellæ (PI. 2, fig. 3) a environ üri millimètre de longueur pour le corps, et il est plus petit que le Caris, dont on ne connaît encore que le jeune âge, Il est ova- lairé , allongé, fauve , avec une teinte plus foncée sur Ja partie postérieure du dos, ce qui tient au sang dont son estomac est gorgé. Ses [poils, médiocrement longs, sont peu serrés, plus longs an bord postérieur qu'ailleurs; les pattes en ont aussi, et les palpes sont términés en pointe. . Si. Cimoxs. Les Cirons , qui comprennent les Sarcoptes ainsi que les acaris, auxquels Dugès laisse en propre le nom d’Acariens, (1) Planche 2, fig. 2. (2) Planche 2, fig. 3, 8 Fr. GERVAIS. — Sur quelques espèces d’Acariens, forment plusieurs genres. Le naturaliste que nous venons de citer en admet trois: Acarus , Sarcoptes et Hypopus. M. L. Dufour vient d'étudier celui-ci de nouveau, et il établit dans la même famille celui des 7richodactylus. C’est encore aux Cirons qu’ap- partient le genre Myobia, Heyden, reposant sur le Pediculus musculi et celui de G/yciphagus Hering (Nova acta nat. curios, t. xvin, p. 619). Ce dernier est assez voisin des véritables 4carus Dug. dont il peut être distingué par l’absence d’épines à la base des pattes et parce que le corps n’est pas séparé transversalement en deux parties, correspondant anx deux faisceaux de pattes. A ce genre paraît se rapporter l'espèce que M. Hering décrit comme un Sarcopte sous le nom de Sarcoptes hippopodos. Nous avons reproduit (PI. 2, fig. 4) la figure qu’en a donnée ce naturaliste. M. E. Rousseau nous a remis vivant un petit Acarus , trouvé dans les plumes d’un Grand-Duc (Strix bubo), mort à la Ména- gerie (PI. 2, fig. 5). Ce sera le Glyciphagus cursor.. Son corps présente quelques poils assez grands et qui paraissent frangés, si on les observe à un grossissement assez considérable. Le bord postérieur du corps présente un petit tube saillant, analogue à celui des autres Glyciphages, et les pattes sont simples et bien complètes , à tarses multiarticulés, ce qui est encore un carac- tère des animaux de ce genre. Les mandibules sont. en pinces didactyles, caractère que présentent aussi les autres Cirons. Le corps a un millimètre de longueur. On trouve aux galeries d'anatomie comparée , dans les cavités et sous les cartilages ou les épiphyses des os de beaucoup de squelettes, des Acariens fort semblables à ceux dont il vient d’être question, et peut-être de la même espèce. Les figures des Sarcoptes de la gale de différens Mammifères ; dues par M. Hering, suffiraient pour démontrer que tous les animaux qu’on a rapportés aux Sarcoptes ne sont pas du même genre. Outre celui des pieds du cheval, Sarcoptes hippopodos, qui parait devoir rentrer parmi les Glyciphages, il semble que l'on devra aussi séparer génériquement du Sarcopte de l’homme, les S. Equi, décrits par Degeer, Cynotis Hering, qui est figuré d’a- pres un jeune individu, Ovis Hening, et Cati Hering , qui ont P, GERVAIS. — Sur quelques espèces d’Acariens. 9 pour caractère d’avoir au moins une des deux paires de pattes postérieures complète et caronculée, l’une et l’autre ou une des deux seulement portant de longues soies. Dans les Sarcoptes ho- minis et rupicapæ Hering, les pattes des deux paires postérieures sont rudimentaires , sans tarse, sans vésicules et sétigères. À ce second gronpe,;auquel resterait en propre le nom de Sarcoptes, tandis que le premier prendrait celui de Psoroptes , se rapporte aussi l’espece de gale du Chameau, déjà connue par ses effets et l'ardeur des démangeaisons auxquelles sa présence donne lieu, mais non encore représentée. Nous avons fait figurer compara- tivement les Psoroptes equi, Sarcoptes hominis et S. dromeda- ri (1). Nous nous sommes procuré ce dernier dans les croûtes psoriques d’un Dromadaire nouvellement envoyé d'Afrique au Jardin-du-Roi , et qui fut abattu dès qu’on eût constaté qu’il était atteint de la gale. Les figures des Acarus de l’homme et du cheval sont également faites d’après nature vivante. Aucune ressem- blance n'existe entre le parasite des chameaux et celui du cheval, tandis que le premier, au contraire, ressemble assez à celui de l'homme pour qu’on le confonde avec lui, si on l’examine avec peu d'attention. On pourrait même supposer que c’est à cette si- militude d'organisation qu'il doit de pouvoir passer si facilement de l'animal auquel il est particulier sur le corps de l'homme , et de transmettre avec la plus grande facilité la maladie de l'un à l'autre. Toutefois, lorsqu'on étudie comparativement les deux Sarcoptes en question et avec un assez fort grossissement, on ne tarde pas àremarquer entre eux des différences assez importantes pour les faire séparer spécifiquement. La forme est à-peu-près la même ; mais le Sarcopte du Dromadaire est un peu plus allongé que celui de l'homme ; les tubercules papilliformes du dos n’ont pas tout-à-fait la même disposition; le poil bilatéral est plus grand et plus reculé dans l’espèce de l’homme, et, au lieu que la paire intermédiaire des poils postérieurs soit la plus petite, elle est, au contraire, la plus grande, La face ventrale présente aussi des caractères distinctifs. Le collier est plus nettement séparé dans le Sarcopte de l'homme , et il envoie inférieurement une pointe (1) Planche 2, fig. 6, 7 et 8, 10 P GERWAIS. — Sur quelques espèces d’Acäriens. aciculiforme, qui n’existe pas dans l’espèce parasite du Droma daire. Il y a aussi une différence aux épines dé la basé des'deux paires de pattes postérieures : elles sont inégalement bifides dans la seconde espèce et simples au contraire dans là première. Ajoutons que le Sarcopte de l'homme est plus petit que l'autre, ce qui est sans doute une des raisons pour lesquelles celui-ci, lorsqu'il attaque l'homme, détermine dés douleurs plus i insup- portables que l’autre, qu'il surpasse à-peu-près d’un quart en grosseur. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE 2. Fig. 1. Scirus obisitm.— 2. Sc. hexophthalmus, —3. Dermanyssus pipistrelle.—4. Glyci- phagus hippopodos ; d'après M. Héring.— 5, G1. cursor,—5 a. Un de ses poils très grossis == 6. Psoroptes equi. —7. Sarcoptes dromedariü. —8: Sarcoptes hominis.— 8 a: Une de ses pattes postérieures, — 8 À. Une de ses pates antérieures. Sur quelques points de l’organisation des Limules , et description plus particulière de leurs branchies (1), Par M. G. L. Dovernoy. (Memoire lu à l'Académie des Sciences, lé 17 septembre 1838.) L'étude comparée et approfondie de l'organisation est la source Ja plus féconde des connaissances qu’il soit donné à l’homme d'acquérir sur les êtres qui jouissent de la vie: Jen'ai manifesté la conviction déjà en 1709, lorsque jé mé décidai à soumettre au jugement du public mon premier essai ,ayant pour titre: ÆAéflexions sur les corps organisés et les sciences dont êls sont l’objet. (1). Ce Mémoire n'a encore été imprimé que par extrait (dans le Compte reu&u de la même séance), du moins pour la première et la seconde partie , et sans les figures, Ces motifs et celui qu’il renferme plusieurs points importans sûr l'organisation des Limules , qui étaient abso- lument inconnus ou méconnus, à l'époque de sa lecture à l'Académie, ont fait espérer à l'auteur que les deux premières parties de ce travail auraient encore assez d'intérêt pour être insérées daus les Annales, malgré les vingt-huit mois, et plus, qui se sont écoulés depuis celte lecture: (Note du 25 janvier x84r. )] DUVERNOY. — Sur les Limules. 17 Une expérience de bientôt quarante années n’a fait que me confirmer dans la justesse de cette proposition, à l'appui de laquelle j'ai payé mon tribut à la science, toutes les fois que les circonstances et ma position m'ont permis de le faire. Le nouveau travail que je prends la liberté de communiquer aujourd'hui à l’Académie, contribuera peut-être à lui faire juger favorablement cette pensée ; qui a été celle de toute ma carrière scientifique. Qu'on se garde d'en conclure cependant que je prétende expliquer par l’organisation tout le mystère de la vie ; qu’on se garde surtout de m’accuser de vouloir trop la matérialiser. Mais, parmi les phénomènes variés, qui apparaissent dans les êtres vivans , il y en a qui dépendent d'affinités chimiques , que je signalai sous la dénomination d'affinités vitales, dans le pre- mier travail que je viens de mentionner. Il en est d’autres de physique mécanique , hydrostatique, acoustique , optique, élec- trique où galvanique , qui s'expliquent par les lois des sciences physiques , auxquelles l'anatomie démontre que les machines organiques sont merveilleusement adaptées. Quant aux phénomènes purement vitaux, on les observe , on étudie leur succession, leur liaison, sans pouvoir les expliquer. L'essentiel, dans cette étude difficile, est de bien analyser les uns et les autres et de ne pas les confondre. L'a propos de ce préambule, pour lequel je demande grâce à l’Académie , se trouve dans le désü: bien naturel! dé montrer sous leur véritable point de vue, et de faire apprécier à leur juste valeur; les travaux auxquels une existence active, qui s’avance rapidement vers son terme ; a été en partie consacrée. J'en viens au sujet de mon mémoire, que j'ai divisé, pour plus de clarté et de précision, en trois parties: la première Aisto- rique ; la ‘seconde descriptive ; et la troisième théorique. Ï. PARTIE HISTORIQUE. Les Limules forment un genre anormal d'animaux articulés, dont la place n’a pas été tellement bien assignée dans les cadres 12 DUVERNOY. — Sur les Limules. de la méthode naturelle, qu'on ne puisse en contester l’exacti- tude ou la justesse. On regarde généralement ce genre comme appartenant à la classe des Crustacés; cependant certains caractères, tels que l'absence des antennes, la forme des mandibules, celle des pieds mâchoires , la nature cornée du tést, etc. , les rapprochent des Arachnides , avec lesquels M. Straus-Durkheim a proposé de les placer. Latreille les désignait, long-temps auparavant, sous le nom de Crustacés arachnides ; pour indiquer ces rapports (Dic- tionnaire d'histoire naturelle ; articles Ertomologie et Limule). Linné les classait parmi les EM Aptères, entre son po Cancer et son gente Oniscus. Dans le tome 1v du Règne animal , rédigé , comme l’on sait, par Latreille , ils forment la premiere famille ; celle des XypAo- sures , de l’ordre des Pæcilopodes, le second de la sous-classe des Eniomostracés et le dernier de toute la classe; mais l’autre famille de cet ordre se compose d'animaux parasites , qui n’ont pas de rapports avec les Limules, ainsi qu’on l’a judicieusement re- marqué. (1) Le même auteur avait évité cet inconvénient dans ses familles naturelles , en plaçant dans un ordre distinct le genre Limule, sous ce même nom de Xyphosure. L Lamarck en a fait une division de ses Branchiopodes , première section de son ordre des Crustacés hétérobranches. M. Milne Edwards , dans le premier volume de son Histoire nalurelle des Crustacés ; qui a paru en 1834, établit, en faveur du genre Limule, une troisième sous-classe de Crustacés, toujours sous le nom de Xyphosures, qu'il distingue des deux autres sous- classes ( celles des Crustacés maxillés et des Crustacés suceurs) parune bouche conformée pour la mastication , mais dépourvue de mandibules et de mächoires proprement dites , et entourée de parties ambulatoires, dont la base tient lieu de mächoires. Ce savant a reproduit tout récemment{en 1838) cette mème classi- fication dans ses additions à la nouvelle édition de Lamarck sur (1) Entre autres M, Milne Edwards dans le tome v de la nouvelle édition des ÆAnimaue sans veetèbres, par Lamarck , page 218. DUVERNOY. — Sur Les Limules. 13 les Animaux sans vertèbres(et spécialement aux pages 165 et218 du tome v ). Les dénominations génériques de ces animaux n’ont pas moins varié que leur place dans les cadres de classification. Linné les réunissait dans son grand genre Monoculus , non- obstant leurs deux yeux à facettes, entre lesquels sont plusieurs yeux lisses. O.F. Müller les confondait avec les Apus , sous la dénomi- nation de Lrmulus. Gronovius est le premier qui les ait séparés dans un genre particulier, auquel il donna le nom de Xyphosura. Fabricius adopta le nom générique de Müller, au lieu de prendre celui plus ancien de Gronovius. Lamarck lui substitua celui de Polyphemus , que Linné avait choisi pour désigner l’espèce unique connue de son temps; mais c'est le nom de Limulus qui a prévalu et qui est généralement adopté. Les espèces peu nombreuses de ce genre singulier sont répan- dues dans le littoral des mers de l'Asie méridionale et orientale et dans une grande étendue de côtes du continent ou des iles de l'Amérique. Vieillot a observé le Crabe-Tortue , c'est ainsi qu'il appelle le Zinule géant , depuis New-York jusqu’en Caroline. Il pense que cette espèce existe plus au sud et plus au nord. Cette opinion était fondée. D’autres voyageurs l'ont trouvée, en effet, dans le golfe du Mexique, etc. Bosc et Vieillot (1) l’ont observée en grand nombre sur les ri- vages sablonneux de la Caroline, où il s'enfonce dans le sable bumide , lorsque la mer se retire. (2) (1) Histoire naturelle des Crustacés, par Latreille, tome 1v, pages 85 et 86, édition de Buffon, dite de Sonnini, et l’article Limule du Dictionnaire d'histoire naturelle, par le même, (2) Cette espèce était commune sur les côtes de la Virginie, lors de la découverte de cette contrée par les Anglais, en 1595. On en voit deux figures, assez bien faites et très reconnais- sables , dans la planche de l'expédition de Richard Grenville et W. Ralegh, qui représente la waniére de pêcher des habitans. Ce Voyage fait partie de la célèbre collection des Voyages du libraire-éditeur Dieterich-Debry, qui a paru à Franckfort-sur-le-Mein , en 1600, Dans les deux figures que je viens de citer, les feuillets qui distinguent la dernière paire de pieds y sont représentés étalés, La paire antérieure est didactyle, ce qui caractérise les mâles de cette 14 DUVERNOY. — Sur les Limules. Je ne m'arrêterai pas à en déterminer, ni à en caractériser les espèces. Ma correspondance avec M. Van der Hœven, professeu à Leyde, m’ayant appris que ce savant était occupé de ce travail et qu'il en publierait incessamment les résultats (1). L'espèce que j'ai eu l'occasion d'observer plus particuliérement est le Limulus polyphemus de Latreille (2), le Polyphemus occiden- talis de Lamarck. Le musée de Strasbourg en avait reçu, il y a deux äns jun exemplaire femeile dans le plus bel état de conservation, par les soins de M. Ackermann , chirurgien-major de marine, dont le zèle pour l'histoire naturelle et l'expérience des plus périlleux climats, ne demanderaient qu'à se soumettre, pour l'avancement de la science, aux épreuves de nouveaux dangers. L’anatomie des Limules est encore très incomplète. M. Cuvier avait donné, dans la première édition des lecons (t. 1, 1805), une description remarquable de l'appareil buccal dont M. Savigny a déterminé plus tard les diverses parties, comparativement à celles des autres animaux articulés. M. Strauss a communiqué quelques notions sur Ja disposition générale de leur système nerveux à Latreille, qui les a publiées dans le Règne animal (t.1v, p. 187). On trouve ; dans cette même page, une description abrégée du cœur, de tout le canal alimentaire et de ses annexes, et quel- ques mots sur les ovaires et les testicules, d’après M. Cuvier. Latreille indique , dans ce même article, les deux yeux composés et les deux yeux lisses de ces animaux; il y fait conndître que espèce ; ou bien cette circonstance et celle de la grande proportion de eette première paire de pieds , l'inégalité des doigts des paires moyennes et les dentelures du stylet caudal indique- raient-elles une espèce encore indéterminée ? (Note ajoutée après la lecture.) (x) Ils ont paru dans une très intéressante Monographie ayant pour titre : Recherches sur l'histoire naturelle et l'anatomie des Limules, Leyde, 1838. La note 2 de la page 20 montre que cette date de 1838 doit s'entendre de la fin de cette année, et que l'impression de cette Monographie est postérieure à la lecture de mon travail. Je ne fais cette observation que pour confirmer ce que j'ai déjà imprimé daus la note r de la page 459 du tome vir des Lecons d'anatomie comparée, sur la simultanéité de nos observations. (Note ajoutée après la lecture.) (2) Les figares + , 3 et 4 de la Monographie de mon savant ami M. Van der Hoëven, oft été faites d’après l’exemplairé qui a servi à mes observations , figures que je lui avais envoyées pour cette Monographie, ainsi qu'il a eû soin de l'indiquer, (Vote ajoutée après la lecture.) DUVERNOY. — Sur les Limules. 15 leurs organes de génération intérieurs se voient à la face posté- rieure de la première paire de rames. On trouve encore dans le vol. 11, p. 2, des Transactions phi- losophiques de 1782, une description des yeux des Zimules , par André. J'ai moi-même fait connaître en détail ( dans la nouvelle édi- tion des Leçons , t. v, pages 236 et suivantes) l'appareil buccal et tout le canal alimentaire de ces animaux, Il est singulier que les branchies , quoique placées à l’exté- rieur. et faciles “onsiquiemment à apercevoir et à décrire, n'aient été connues jusqu’à ce jour, que d’une manière incomplète ou inexacte, et que les ouvrages d'anatomie ou d'histoire naturelle même les plus nouveaux, n’aient fait que répéter à ce sujet la description publiée par Latreille , dans l'édition de Buffon dite de Sonnini. Voici comment cette description est conçue : « Derrière cha- «cune des cinq paires de feuillets, qui sont sous le second « bouclier sont cachéesles branchies,qui consistent en un paquet « de petites fibres trèésnombreuses, concentriques, appliquées les « unes sur les autres. Ce paquet est épais au côté latéral exté- « rieur, et finit en tranche au côté interne, Les branchies sont « ainsi au nombre de six, et peut-être de douze. » (1) Cette description renfermait deux erreurs : la première, rela- tive au nombre.des branchies ; dont il n’y a que cinq de chaque côté, dix.en tout; la seconde, au sujet de leur structure ; ainsi que mous l'expliquerons tout-à-l’heure. L'une et l’autre avaient disparu dans la première édition du Règne animal ; qui est de 1847; à la vérité, cette dernière est reproduite dans le tome #v, pages 186 et 187 de la seconde édition, publiée en 1859. Elle a été copiée mot à mot par Meckel dans son Système d'anatomie comparde (3). Cepéhdant je trouve dans les Considérations gé- nérales sur la classe des Crustacés; par A. G. Desmarest (un volume in-8, Paris, 1825, page 61), « que les Limules ont, « sous la seconde partie de leur test, cinq grandes lames trans- (x) Des Crustacés et des Insectes , par Latreille , tome 1v, pages CE el 82. (2Ÿ Tome vr, page 49, del'édition allemande. 16 DUVERNOY. — Sur les Limules. « versées on pieds nageoires , unis par leur base et portant à leur « face postérieure un grand nombre de feuillets fins, empilés, « qui sont des branchies ». Ce peu de mots, copiés, à la vé- rité, de la première édition du Aègne animal , tome mr, p. 62, caractérisait exactement ces organes. Comment se fait-il que, dans l’exposition des caractères du genre Limule (page 533), le même auteur ait publié la description erronée qui représentait les branchies comme composées de fibres très nombreuses, très serrées, appliquées presque concentriquement, et que Latreille ait reproduit cette erreur dans la’ seconde édition du Aègne animal ? M. Cuvier aurait-il été l’auteur de la première bonne description, qui aurait été abandonnée en 1829 par Latreille, rédacteur [principal de cette partie du Règne animal ? Le traité d'anatomie comparée de M. Carus, qui ne comprend guëre que des indications sans description, à l'appui des vues in- génieuses de l’auteur, ne nous a rien offert de relatif à notre sujet. Il en est de même des Ælémens d'anatomie comparée de M.R. Wagner, dont le plan très abrégé, a dù également empêcher cet auteur recommandable d’entrer dans des détails descriptifs. IL. PARTIE DESCRIPTIVE. La nécessité de conserver le seul exemplaire dont j'ai pu momentanément disposer, et le travail général que je viens de faire sur les organes de la circulation et de la respiration, pour les tomes vi et vis de la nouvelle édition des Leçons , m'ont fait diriger plus particulièrement mes recherches sur ces organes; mais, avant de les décrire, je crois devoir revenir sur la déter- mination de l'appareil buccal et locomoteur de ces animaux. A. Idée genérale des appendices qui se détachent du corps des Limules , pour remplir les diverses fonctions d’appendices préhensiles, masticateurs et ambulateurs , natateurs et géné- raleurs , natateurs el respirateurs. PREMIER GROUPE, — Æppendices du premier bouclier. L'étude des divers appendices qui appartiennent plus particu- DUVERNOY. — Sur Les Limules. 17 liérement à la bouche, dans les Arriculés condylopes , comme Latreille les appelle, et la comparaison de leur structure et de leur composition , a pris un haut degré d'intérêt depuis que M. Savigny a démontré que les grandes différences apparentes des appareils de succion ou de mastication dans ces animaux, ne sont, au fond , que de simples modifications d’un méme plan, que des changemens de forme, de dimension où de proportions des mêmes parties ; depuis que ce naturaliste profond a fait voir que, dans les Crustacés en particulier, certains de ces appen- dices,qu’il nomme pieds-mächoires, se rapprochent de la bouche dans les Décapodes ; pour remplir la double fonction qu’indique le nom qu'il leur a donné, ou s’en éloignent dans les Zzopodes, pour ne plus servir qu’à la locomotion. Ces rapports une fois saisis, il a été possible de comprendre les différences que présentent les Crustacés , les Arachnides et les Znsectes , et plus particuliérement les Crustacés , dans leurs divers appendices, surtout dans ceux qui sont préhensiles , mas- ticateurs ou locomoteurs. On sait que le corps des Limules , comme celui des Stoma- podes bicuirassés, est recouvert par deux grands boucliers. Dans les Limules , ces deux boucliers, de substance cornée, sont . articulés l’un devant l’autre par une articulation médiane assez mobile. Nous allons d'abord examiner rapidement les diverses sortes d’appendices qui répondent à ce premier bouclier. Ils appar- tiennent essentiellement à l'appareil buccal, quoique servant à d’autres usages. Les Limules n’ont point d'antennes ou d’appendices tactiles articulés. Ce caractère négatif les rapproche des #rachnides , et les sépare des autres Crustacés , surtout de ceux de la première sous-classe, qui ont deux où quatre antennes , dont les dimen- sions sont le plus souvent extraordinaires. L'appareil buccal peut étre justement comparé à celui des Crustacés décapodes ; pour l'ensemble de sa composition , ou à celui des Æranéides, pour les modifications de forme de cer- taines de ses parties. Cet appareil se compose : 1° D'une premiére paire d’appen- XV, Zoor, — Janvier. À 18 DUVERNOY. — Sur les Limules. dices préhensiles de petite proportion ; ce sont , pour la forme et l'usage , des mandibules de Scorpion. M. Cuvier les avait décrites dans le t. m1 de la première édition des Leçons ; qui à paru en 1805, comme des palpes bi-arti- culés , terminés en serre , portés par une lèvre supérieure ( an- térieure) , prismatique. Le plus grand et le premier des deux articles de ces mandiz bulesa, en arrière; un crochet en forme d’anse ,auquel s'attache son muscle rétracteur. Le second se prolonge , en dedans, en un doigt fixe , qui s'oppose à un doigt mobile; formant le troi- sième article de ce membre. C'estsur les côtés d’une sorte de chaperon , qui tient lieu dé labre , que s'enfonce l'apophyse en forme d’anse, que nous venons de décrire comme appartenant au preunier article. 2° On trouve dans cette même description, déjà citée, de M. Cuvier, des parties de la bouche des Limules « qué ces ani- « maux ont cinq paires de mâchoires , courtes, compriméés, « hérissées de petites épines, portant chacune un très grand palpé «en forme de pied à quatre articulations, terminé par une serre « semblable à celle des pieds de devant des écrevisses » (1). On voit que cette description s’appliquerait tout aussi bien, sauf les épines , à l'unique paire de mâchoires et au palpe qui les sur- monte dans les Scorpions. Je ne parle pas des différences que présente la terminaison de la première et même de la seconde paire de ces appendices ; suivant les sexes ou les espèces (2) ; mais je dois remarquer ici que la dernière paire a une double hanche, dont l'intérieure supporte un article aplati, élargi en palette (3), comparable, oi (x} 11 faut remarquer que le doigt mobile est l'éxtérieur et quele daigt fixe, est d'intériear, (2) L'espèce qui me sert d'exemple, le Zimulus polyphemus Lai, a la première phtte,desces appeudices monodactyle dans le mâle; mais c’est le doigt immobile de la pince, formé par un prolongement de l’avant-dernier aftiéle , qui nianque , tandis que le doigt mobile subsiste, et qué des anuscles très forts le-mettent ten moñvemient, à en juger par le ‘grand dévelappement de l'avant-dernier article, qui leur sert d'étui, C'est donc à tort que Latreille(Aègne animal), tome 1v, p. 186), dit que les pinces des pieds anjérieurs sont dépourvues de doigt mobile. M. Van der Hoeven m’écrit Que le Zimults rotundicauda a les pieds didactyles daus les deux sexes, (3) Lecons d'anatomie comparée , deuxième édition, tome w; page 132 Puis , 1839. DUVERNOY. — Sur les Limules. 19 suivant M. Savigny, au flagre des pieds-mächoires des Crustacés décapodes. 3° C'est en arrière de cette derniere paire que se voient les deux lobes, bien séparés, qui répondent à la lèvre inférieure ou postérieure. Ces deux lobes sont dentelés comme des mâchoires, de forme et de dimension analogues, Tous ces appendices entourent l’orifice buccal , grande fente longitudinale qui se voit en les écartant un peu. Après la première paire, qui répond aux mandibules, il y en acingqui correspondent exactement aux trois paires de pieds- mächoires et aux paires de mächoires des Crustacés décapodes ; mais, dans ceux-ci, la mastication est exercée par les mandibules, et les cinq appendices suivans ont été modifiés pour la préhen- sion des alimens , pour palper les objets, pour provoquer et di- riger des courans d'eau des branchies, ou pour fermer comme un couvercle, surtoutdans les Brachigastres, orifice de la cavité branchiale. Il fant avoir saisi tous ces usäges , ainsi que je les ai expliqnés dans la nouvelle édition des Lecons (1), particulière ment.ces derniers, pour comprendre l’arrangement , la forme et le nombre des appendices multiples qui composent Dern te buc- cal.dés Crustacés décapodes. S'ils sont très différeus, sinon pour le nombre, du moins pour: la forme, la composition et les proportions dans les Zi; mules; c'est qu'ils ne sont plus masticateurs que par leur base (la hanche); qu’ils sont préhensiles par leur extrémité , et loco- moteurs par le nombre, la mobilité et l'étendue de leurs articles. * Je ne crois pas devoir entrer ici dans des détails sur la com- position et la forme de ces appendices , très bien décrits, ainsi que je d'ai déjà exprimé, par MM. Cuvier, Savigny et Latreille. Si j'ai de nouveau rappelé dans cette partie de mon travail, css différentes circonstances de structure, c’est qu'on y trouve une des plus intéressantes démonstrations que, dans les Ærti- culés, en général, et dans les Crustacés, en particulier, tous les © (x) Tome v, pages 106 et r07, Voirencoré, pour la composition et la comparaison des divérs dppendices des Crustacés ; Histoire naturelle des Crustacés, de M. Milne Edwards, aug 4a et auiv: Paris, 1984: 20 DUVERNOY. — Sur les Limules. appendices préhensiles, masticateurs, ambulatoires et natateurs, qui appartiennent à la face inférieure (abdominale) du corps, se transforment évidemment les uns dans les autres, suivant les ordres on les familles; ce ne sont que des modifications d’un mênse plan. C'est encore pour montrer que, dans les déterminations de ées appendices, il ne faut pas perdre un instant de vue une considération d’une aussi grande importance. Cette négligence conduirait à trouver des différences essentielles de composition, dans des cas où il n'existe que de simples modifications d’un plan unique, pour des usages particuliers. J'applique imédiatement ces réflexions et ce principe aux Li: mules, dont les mandibules en forme de pince ne servent plus qu'à saisir des alimens et à les porter à la bouche, et ne peuvent plus les broyer, comme chez les crabes; et dont les appendices qui répondent aux mâchoires, dont on a nié l'existence, sont de véritables organes de mastication très énergiques, bien plus que chez ces derniers, où elles ont éprouvé de singulières mo- difications de formes pour le mécanisme de la respiration. Les mnâchoires des Limules, au contraire, dégagées de cette compli: cation de fonctions, extraordinairement multipliées d’ailleurs, puisqu'il y en a cinq paires, sont devenues, comme les mà- choires des Scorpions , de puissans moyens de mastication ; tan- dis que l'extrémité des appendices dont elles forment le premier article, est un organe parfait de préhension, et que la mobilité et l'étendue de tous les articles de ce membre, en font un organe de progression sur le sol. Mais ce triple usage n’empèche pas qu'on ne puisse considérer cet appendice (organe à fonctions multiples, comme une mâchoire, tout aussi bien que comme une pince, que comme un pied ambulatoire. DEUXIÈME GROUPE. — Appendices du second bouclier. Il me reste à décrire six autres paires d’appendices locomo- teurs, toutes modifiées pour la natation; la première sert en- core de couvercle à l'appareil de respiration, et comme support DUVERNOY. —— Sur les Limules. 241 extérieur aux organes de génération ; les cinq autres servent à-la-fois à porter et à protéger les branchies. La première paire qui appartient, par ses adhérences et par ses muscles, autant au premier bouclier qu’au second, forme une sorte de diaphragme transversal, ou plutôt d’opercule, recou- vrant en partie les autres paires, lorsqu'elle est couchée en ar- rière, dans l’état de repos. On voit à sa face postérieure, dans les femelles du moins, deux canaux saillans , qui descendent en se rapprochant de la ligne médiane, et se terminent vers le tiers inférieur de la hauteur de cette nageoire, par. un assez large orifice. Ces canaux sont les oviductes extérieurs; nous les avons trouvés farcis d’œufs jusqu’à leur orifice. Cette première nageoire est formée de deux moitiés symétriques, composées de pièces cornées tres aplaties, analogues à celles des cinq paires de nageoires suivantes; ces deux moitiés sont réunies par une peau molle formant un espace circulaire, que contournent de haut en bas les deux vagins. Les rames suivantes, ou les nageoires branchiales, sont sus- pendues au fond d’une cavité triangulaire à sommet tronqué eu arrière, creusée profondément sous le second bouclier. Elles sont attachées sous la voûte de cette cavité par les muscles qui descendent de cette voûte sur la nageoire, et par une peau molle, continuation de celle qui répond à l'abdomen de ces animaux. Chaque nageoire est une large rame, en forme de cœur, disposée en travers, relativement à la longueur du corps, et composée de deux moitiés distinctes, séparées com- plètement dans leurs deux cinquièmes inférieures; mais réunies par leur trois cinquièmes supérieures, au moyen de cette même peau qui descend entre elles depuis leur bord adhérent et su- périeur. Cette méme partie a son bord inférieur libre et se pro- longeant dans son milieu, en un long tentacule(c, £. 1 et», pl. 3) de même nature, qui forme comme une sorte de luette, flottant entre les deux portions détachées de cette double rame. La portion inférieure de la nageoire que je décris, chargée plus particulièrement de remplir l'office d’organe de mouve- ment pour la progression dans l’eau, se compose de pièces cor- nées disposées en deux séries. 22 DUVERNOY. — Sur les Limules. Il y en a trois dans la série interne; la supérieure et la moyenne sont triangulaires ét l'inférieure est rhomboïdale (d.e. f. £: z.). Ce sont les plus grandes. Elles me paraissent correspondre à cette lame arrondie, très développée, s'appliquant contre le plafond de la cavité branchiale, que j'ai décrite dans les crabes (Lecons d'anat. comp. , t. 1v. 1° part. pi 117), comme faisant partie du second appendice maxillaire Les plus petites de ces pièces, au nombre de quatre, forment la série intérne : la première répond à la hanche de cette sorte dé membre, la seconde à la cuisse; la troisième à la jambe, et la quatrième tient lieu de doigt; elle compose avec les deux pre: mières, la pièce triangulaire inférieure de la série interne et la pièce rhomboïidale, une double palette très mobile, qui est mise en mouvement par des muscles puissans que nous décri- rons bientôt. La pärtié branchiale de cette nageoire est la supérieure et la plus étendue. Sauf la pièce triangulaire supérieure de la série externe des piéces cornées qui viennent d’être indiquées, et une série de douze petites pièces en carène, également de substance cornée, qui protégént son bord libre en avant et en dehors, ainsi que l'artère branchiale qui suit ce bord; cette partie n’est composée que d’une peau molle, analogue à celle de l'abdomen, ou bien à la péau (7, fig, 1 et 2), que nous avons dit réunir les deux rames correspondantes. C'est à l'une des deux faces de ces rames, celle qui est supé- rieure, lorsque la nageoire est retirée dans sa cavité ; ou posté- riéure, lôrsque la nageoire est devenue verticale pour la natation et pour la respiration, que sont situées les branchies. Téls sont les divers appendices des Limules. Les mandibules, ainsi que dans les Scorpions, sont devenues des appendices pré- hénsiles seulement. De même que dans lès 4ranéides et dans les Scorpions en particulier, où l'on reconnait cependant générale- mént une paire de mâchoires, les appendices maxillaires n'ont plus l'emploi de leur nom, que dans leur premier article ; mais ce développement de leurs autres articles, et la forme des deux dermiers, en font des appendices ambulatoires et DUVERNOY. — Sur les, Limules. 23 préhensiles. Ce n’en sont pas moins, en premier lieu, par leur position et par leur structure, des mâchoires très puissantes; et l'opinion qui considérerait ces animaux comme dépourvus de mâchoires, ne serait pas, à notre avis du moins, aussi exacte que celle que nous adoptons. Aucun animal n’en a autant ; puis- que même la lèvre paraît devoir aussi en faire les fonctions. Quant aux appendices devant servir essentiellement à la pro- gression dans l'eau, et à la respiration, nous reviendrons sur leur, forme et leur composition, après avoir fait connaître les branchies. B. Des branchies. Les branchies ne sont pas des paquets de petites fibres très nombreuses, concentriques, appliquées les unes sur les autres, comme on l'a écrit et répété partout : elles se composent de larges feuillets membraneux , d’une minceur extrême, groupés en autant de séries distinctes (b, b, fig.2, pl. 3) qu'il y a de bran- chies, au nombre de 3 50 à 160, et conséquemment de 15 à 1600 pour chaque individu. Les feuillets de chaque série, ou de chaque branchie, se recouvrent de haut en bas, de manière que le supérieur, ou le premier, est en même temps le plus inté- rieur, et que le suivant dépasse un peu le bord du précédent. La forme de chacun de ces feuillets est celle de la moitié d’un oyale ou d’un cœur, dont la partie la plus large serait dirigée en dehors (fig, 3). Les derniers cependant sont semi-circulaires. Leurs dimensions varient de manière que les premiers sont aussi les plus petits, et qu’ils vont en augmentant, ou du moins en conservant la plus grande dimension, jusqu’au-delà du 130° ; à partir de l’avant-dernière dizaine, ils diminuent un peu jusqu’au dernier, qui conserve cependant une dimension beaucoup plus grande que le premier. Afin de pouvoir résister à l’action de l’eau sans changer de forme, sans faire de plis, ces feuillets, au lieu d’être doublés par une lame cartilagineuse ou osseuse , comme ceux des bran- chies des poissons, sont soutenus dans tout leur bord libre par un filet corné qui le cercle, pour ainsi dire, et le distend. Ce 24 DUVERNOY, — Sur les Limules. filet est un peu plus fort dans la portion de ce bord qui reste toujours extérieure ; ce qui contribue, avec la forme et les lignes d’attache des feuillets, à produire cette plus grande épaisseur que présente leur série de ce côté, et qui avait déjà été remarquée par Latreille. Ce même bord libre est cilié ou hérissé de soïes pro- tectrices dans toute son étendue , mais plus fortes'ét plas nom: breuses dans sa partie antérieure. Ces soies ne différent pas, en apparence, de celles qui se voient sur les deux surfaces des pièces cornées, formant la partie essentiellement motrice de cette rame branchiale. (1) Chaque feuillet branchial est composé d’une double mem- brane, interceptant une sorte de poche, à cavité très divisée par des adhérences partielles et nombreuses de ces deux lames. Il en résulte , surtout dans un espace ovale (p, p, fig. 3et4) de la partie centrale de chaque feuillet, une sorte de réseau dont le cordon est formé de canaux s’anastomosant fréquemment entre eux, soit immédiatement , soit par des branches latérales plus petites ; les apparences de mailles de ce réseau répondant aux adhérences que nous venons d'indiquer. Ces mêmes canaux forment des ares concentriques transverses , parallèles au bord libre, et paraissant s’anastomoser moins fréquemment hors de cette partie centrale, qui semble plus essentiellement respira- trice. Ils sont plus ou moins remplis, après la mort, de sang blanc, grumelé, semblable à celui que j'ai trouvé dans les sinus veineux et dans le cœur ou le vaisseau dorsal des Squilles. Les branchies comme les rames branchiales sont au nombre de cinq paires. On peut juger par le nombre des feuillets qui composent chaque branchie et par l'étendue de leur surface, combien cette fonction doit être importante dans les Zimules. Je dois faire observer ici que la structure qui vient d’être dé- crite est semblable, pour l'essentiel , à celle des branchies des Crabes ou des Décapodes brachigastres , et de tous les Macro- (1) Ces poils ont une forme et une structure remarquables, qu'on pourra voir dans les figures 5a, d, e, d, et dont on lira la description avec l'explication de ces figures. (AMote ajoutee après la lecture. ) DUVERNOY. = Sur les Limules. 25 gastres, qui ont l'habitude de sortir de l’eau et de vivre plus ou moins long-temps à l’air, dans les plages humides et sablonneuses. La seule différence bien caractéristique , est qu'ici les feuillets sont arrangés sur deux rangs, tandis que dans les Limules ils sont disposés sur un seul rang. Le réseau de canaux que jai examiné plus particulièrement dans le Crabe tourteau, est plus serré et plus fin ; mais il m'a paru résulter, au fond , de la même composition organique. Nous verrons, dans la partie théorique de mon travail, les conséquences à déduire de cette observation. Le sang arrive des différentes parties du corps dans un sinus veineux qui répond à chaque branchie. T’artère branchiale des- cend le long du bord interne de la nageoire en diminuant à me- sure de diamètre. C’est à l'extérieur de cette artère que se voient douze ou treize plaques cornées, la pluparten carène(fig.1,7,n,n) qui la protègent. Le sang qui a respiré est versé, des feuillets branchiaux de chaque branchie, dans une veine située du côté opposé à l’artère ; elle se continue vers le cœur, qui en reçoit ainsi cinq de chaque côté. Pour terminer cette description des branchies, il ne nous reste plus qu’à faire connaître les muscles qui les mettent en mouve- ment. Ce sont proprement les muscles de la rame qui les sup- porte. Chaque moitié de cette rame, qui forme une nageoire distincte, a deux muscles, l’un protracteur, qui la déploie en la tirant en avant dans la direction perpendiculaire, et l’autre ré- tracteur où adducteur , qui la porte en arrière et la relève, ou replie ainsi les branchies dans leur cavité. 1° Le premier, ou le muscle protracteur ; s'attache en avant sous la ligne vertébrale du bouclier, en dehors des apophyses en forme de lames qui descendent de cette ligne. Il est considé- rable, et se divise en nombreux faisceaux qui se dirigent en rayonnant vers le bord intérieur de la rame et croisent la direc- tion des feuillets, à la base desquels ils adhérent ; ils pénètrent méme entre ces feuillets et les pièces cornées sur lesquelles ils se terminent. Il résulte de cette double attache que ce muscle , en portant énergiquement en avant la rame branchiale , déploie en même temps les feuillets branchiaux, en les écartant les uns des autres. 26 DUVERNOYr. — Our les Limules. 2° Le muscle rétracteur ; moins considérable , se fixe en ar- rière, à la base des mêmes apophyses, et se porte de dehors en dedans, pour s'attacher à la partie interne de la nageoire et agir plus particulièrement sur la série du même côté des pièces cor- nées. On peut suivre sa direction à la face postérieure de cette partie, à travers la peau transparente qui la revêt. Ilexiste un {roisième muscle, on ne peut pas plus singulier, par la structure de son tendon. On observe à la peau de l'abdomen, de chaque côté et au mi- lieu de l'intervalle qui se voit entre deux paires de rames, un enfoncement très prononcé (e, 8, fig. 1), qui est l’orifice assez large d’un tube conique dans lequel on peut facilementintroduire un stylet jusqu’à environ deux centimètres de profondeur (x). Ce tube, en forme d’entonnoir, est un tendon creux, adhérent à une assez grande étendue de la peau de l'abdomen; par suite de cette singulière organisation, qui a sans doute pour but d'aug- menter ses points d'attache. Il appartient à un muscle qui re- monte, avec le protracteur ; sous la voûte du second bouclier, et. réunit, ses faisceaux à ceux de ce muscle, pour se tenminer aux apophyses descendantes de la ligne médiane dorsale de ce bouclier. Si la paire correspondante de ces muscles appartenant au même intervalle agissait isolément, elle devrait sans doute rapprocher les deux nageoires entre lesquelles elle:se trouvé;en tirant en avant la peau qui les unit, et en la raccourcissant d’a- vant en arrière ; mais les muscles de tous.les intervalles devant agir ensemble, leur action se balance et doit avoir un effet con- traire, celui de maintenir les rames dans la direction perpéndi- culaire , et conséquemment dans l’abduction. Ce serait donc; si je ne me trompe, un abducteur , où un abaisseur des rames. (x) L'abbé C. Ranzani ( Osservazioni sul Limulo Polifemo, — Mémoire compris dans le recueil intitulé : Opusculi scientifici , Bologna, 1818).a vu cet enfoncement et pense ; comme Clusius, qu'il cite, qu'il répond à de petits osselets, dont l'emploi est de soutenir les branchies. Ces prétendus osselets sont les tendons ossifiés que nous décrivons. Clusius (Exotie. lib. wr, cap. 14) avait déjà trouvé ces tendons ossifiés: « Media prona « parte, sex lacunarum angustarum , quasi cultri mucrone impressarum bini ordines appare- « bant, quibus interna testa parte, totidem plana ossicula, veluti abruptarum,costarum frag- « menta, respondebant. » DUVERNOY. — Sur Les. Limules, 27 C. Du cœur. Nous dirons aussi quelques mots de cet organe, dont la forme et la structure générale ont déjà été indiquées par M.Cuvier. . - C’est un long canal, à parois très musculeuses , qui occupe toute la ligne médiane du second bouclier, au-dessus des deux séries de branchies. Commwe cela a lieu presque toujours, le principal organe de circulation est rapproché des organes de respiration, toutes les fois que ceux-ci sont localisés. … Il est recouvert d'un péricarde très remarquable par sen grand diamètre, qui excède de beaucoup celui du cœur, On voit les veines branchiales au nombre de cinq paires, égal à celui des branchies, traverser l'intervalle qui existe entre le péricarde et le cœur, pour se terminer sur les côtés de ce long tube à des intervalles égaux. Les parois du cœur sont très musculeuses ;, vues dans l'inté- rieur de cet organe, elles paraissent composées de faisceaux plats, se divisant dans différentes directions , et formant comme un treillis, sans intervalles. L’artère principale, sort de,son extrémité antérieure ; vis-à-vis la jonction du premier bouclier au second, et se continue sui- vant. la ligne médiane du premier bouclier jusqu’au-delà de Ja bouche, Cette, partie thoracique est encore entourée du péri- carde. Elle se distingue de la première par un calibre un peu plus étroit; mais aussi par des parois beaucoup moins épaisses ; de sorte que le vide de ce vaisseau dorsal thoracique , est plus grand que celui du vaisseau dorsal abdomival ou du cœur pro- prement dit. Il se termine en avant par trois branches principales. Deux branches de chaque côté que nous regardons comme artérielles, se rendent du cœur aux deux moitiés de Ja nageoire génitale. En arrière, le cœur diminue rapidement de diamètre,au-delà des der- niéres branches, et finit par une pointe effilée, formant un vais- seau artériel. À l’endroit où le cœur semble se changer ainsi en un vaisseau terminal, et où commence ce vaisseau, celui-ci donne 28 DUVERNOY. — Sur les Limules! une branche artérielle, de sa face inférieure, qui se porte dans l'intestin. Nous venons de voir que les Limules ont des branchies la- melleuses operculées, comme les Isopodes, et qu’elles ont, en même temps , de grands rapports avec celles des Crabes. Comme dans ceux-ci, ces branchies se composent d’un grand nombre de feuillets, qui retiennent facilement une lame d’eau entre eux. L’opercule branchial, dans ces Limules;'est en même temps une nageoiré, dont l'action paraît devoir être assez puissante, quand l'animal est dans le cas de s’en servir. Mais lorsqu'il est à sec, les cinq paires de nageoires rétirées, avec les branchies qu’elles supportent dans la cavité du second bouclier et racouvertes en- core par la nageoire génitale qui est la plus grande, doivent conserver assez d'humidité sur ces branchies , pour permettre aux Zimules de vivre hors de l’eau , comme beaucoup d’autres Lamellibranches, et d’avoir les habitudes des Crahes en s’en- fonçant dans le sable humide des plages maritimes. Les récits des voyageurs sont, à cet égard, entièrement con- formés aux déductions que nous tirons de cette structure et de ce mécanisme. La structure des branchies que je viens de faire connaître dans les Zimules, est un fait d'anatomie comparée d’une grande importance, soit pour l'explication des mœurs de ces animaux, soit pour leur classification, soit même pour conduire à une distribution naturelle de la classe. (1) (x) Pour faire comprendre toutes ces conséquences, je renvoie à l’esquisse des principales différences que présentent, dans leur structure et dans leurmécanisme , les organes de respira- tion des Crustacés, formant Ja partie théorique ou la troisième de ce Mémoire (qui a déja été imprimée dans le Compte rendu de la séance de l’Académie des Sciences, du 17 septembre 1838, tome vur, pages 611-616) ; et à la suite des mémoires sur les Crustacés , que j’ai lus à cette Académie dans le cours de l’année 1840, et dont les extraits ont été insérés dans les Comptes rendus des séances ,t. x, p. 489 et suiv.; ibid. p. gar et suiv.;t. x1, p. 217-220 ; ibid. P-598; ibid, p, 881-894. (Aote ajoutée au moment de l'impression, janvier 1841.) DUVERNOY., — Sur les Linules. 29 EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE 3. Fig. 1. Deuxième paire de rames branchiales, vue par la face externe; cette face est inférieure dans l’état de repos, ou antérieure quand la rame est-descendue dans la position perpendi- culaire, De (m) à (m), bord supérieur adhérent d'une paire de lames. De (m) à (q) se voient en avant , le long du bord libre, une série de lames cornées, la plu- part en carène, d’autres arrondies, qui se prolongent comme des côles, mais dans la première paire seulement, sur la face externe de chaque rame, Ces lames protègent l'artère branchiale, qui contourne le même bord extérieur de la rame, {d. e. f.) Pièces cornées de la rame , formant la série extérieure, (8. h. i k.) Série interne des pièces cornées de la partie motrice de cette même rame. (L) Peau molle réunissant les deux rames correspondantes. (c.) Tentacule qui descend du bord libre de cette partie mitoyenne, (a.) Tendon du muscle abducteur droit de la seconde paire. (o) Entrée de l’entonnoir que forme son canal. (a) Muscle abducteur de la troisième paire, dont l’attache mobile est entre la deuxième et la troisième paire de rames. Fig. 2. La mème paire de rames, vue par sa face supérieure ou postérieure, celle qui supporte chaque branchie, a. a. son les deux muscles abducteurs de la troisième paire, dont les tendons'sont attachés à la peau, qui se voit dans l'intervalle de la deuxième à la troisième paire de rames bran- chiales. (0. 0.) Les deux embouchures de l'entonnoir que forme leur tendon. (b. b. b.) et(b’. b’.) forment les deux séries des feuillets branchiaux appartenant à chaque rame, Les autres lettres ont la mème signification que dans la figure précédente. La figure 3 montre deux lames branchiales, écartées l’une de l’autre par leur bord libre. pp: Tache obscure qui se voit au milieu. Ces lames sont de graudeur naturelle, La figure 4 est une lame isolée , représentée au double de sa grandeur. Fig. 5 a, Une portion de poil , vue par la base. Rond à sa racine, ce poil est creusé d'un large canal : il ne tarde pas à s’aplatir et à prendre des dentelures sur ses deux bords ; qui xont en grossissaut ; il s'élargit eo même temps. L Dans la figure 5 6, qui montre l'extrémité de ce même poil , le canal intérieur va en dimi- nuant de diamètre , et fuit par mètre qu'un trait à peine visible, Les dentelures ne sont plus égales ; il y en a de plus petites entre les grandes, La figure 5 c montre un poil naissant : il sort très près du bord de la lame branchiale au milieu d'une espèce de bourrelet, Son canal intérieur, proportionnellement très étroit , s’évase rapidement à sa base et se continue avec une capsule en entonnoir, qui s'ouvre au-delà du bord de la lame branchiale , entre les feuillets de cette lame. La figure 5 d montre cette communication de la cavité intérieure (4) d’un poil ayant atteint sa forme et son accroissement avec la cavité en entonnoir (y), qui se perd dans la grande cavité du feuillet respirant, 1lya, il me semble, dans cette structure des poils et dans leur implantation , de grands rapports avec ceux des plantes. Les dessins des figures 5a, ,.c, d , que je viens d’ajouter (25 janvier 1841) à ceux de mon ancien travail , ont été faits, à ma prière, par M. de Quatre-Fages. Toutes ces figures 5 sont vues à 500 diamètre de grossissement. 2 ————— 30 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. OsseryArTions sur l’origine el le mode de développement. des Zoospermes , Par M: LALLEMAND, Correspondant de l'Institut, professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier. (x) ARTICLE 1. Remarques préliminaires. $ 1. Des recherches microscopiques sur la liqueur séminale de l’homme, entreprises dans un but purement médical, m'ont con- duit peu-à-peu à d’autres analogues sur les Mammifères, les Oiseaux, les Reptiles, les Crustacés et surtout les Mollusques. J'ai va bientôt avec autant de surprise que de satisfaction, ces observations, si différentes par leur caractère, s’éclaircir réci- proquement dans la plupart des cas et concorder toujours d’une manière remarquable ; si bien que j'ai retrouvé à l’état normal chez les animaux, ce que j'avais vu chez l'homme à l'état pa- thologique. $ 2. Leuwenhoek et Hartsæker, ayant découvert des animaux infusoires d’une forme constante pour chaque espèce dans le sperme, il semblait qu’on eùt dû voir dans ces êtres nouveaux un caractère distinctif de la liqueur séminale, un moyen pré- cieux de Ja reconnaître au miliéu de tout autre produit 'orga- nique. Cependant cette ressource fut complètement négligée «les médecins, malgré l'insuccès de tous leurs efforts pour établir le diagnostic de FF ARICAE maladies des organes EPRHAUz à sur «des bases solides. Pourquoi cette pensée ne leur est-elle pas même venue? C'est sans doute parce que les recherches microscopiques étaient tombées dans le discrédit. Mais cette défaveur elle-même tenait à l’imperfection des instrumens et aux conséquences hasardées (x) Un extrait de ce travail a été lu à l'Académie des Sciences le 9 novembre 1840 et inséré dans les Comptes rendus. LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 37 qu'on s'était hâté de tirer d’un petit nombre d'observations in- complètes. Les prémiérs microscopes employés n'étaient que de fortes loupes, et ne permettaient pas d’augménter beaucoup le gros- sissement des objets sans diminuer dans la même proportion la netteté dés formes; on concévrait même difficilement aujourd’hui comment Leuwenhoek a pu faire tant d'observations précieuses avec un pareil instrument, si lon ne savait qu’il employait uné partie de sa vie à fabriquer ses lentilles et l’autre à s’en servir. Cependant toute sa patience et son habileté n’ont pu le sous- traire aux illusions qui devaient naître de la petitesse et de la confusion des images. Ceux qui ont voulu vérifier ses assertions se sont pressés de nier ce qu'ils n’avaient pu voir, ou d'y sup- pléer par l’activité de leur imagination. Buffon, qui n'avait rien de ce qu'il fallait pour des recherches longues et minutieuses, s’est précipité dans des hypothèses hasardées qui provoquèrent d’abord l'enthousiasme et bientôt l'incrédulité. Ceci explique suffisamment l'éloignement des praticiens pour un moyen d'in- vestigation qui devait leur inspirer si peu de confiance. l'est évident aussi qu’un excellent microscope est indispensable à l’é- tude des Zoospermes, puisqu'il a fallu les perfectionnemens ré- sens de l'optique, pour faire cesser les discussions soulevées par les recherches de Leuwenhoek et Hartsæker. J'ai pu du reste en jugér par ma propre expérience. $ 3. D'apres les éloges donnés par M. Raspail au microscope simple, jeme suis servi d’abord d’un de ceux qui portent son nom, ét'je dois avouer, qw’après une année d'incertitude, j'ai acquis la conviction qu'il fallait toute son habileté pour l'employer à l’é- tude des Zoospermes. Je me suis servi plus tard du microscope de Selligue, il m'a suffit dans les circonstances les plus favora- bles; mais j'ai vu combien il était insuffisant pour les observa- tions délicates depuis que j'ai employé celui de Georges Ober- hoeuser et Trécourt (1). (17 Les modifications qu'ils ont apporté dans la distribution de Ja lumiere sur l'objectif, pérméttent facilement de diélinguer les contours des objets sous une ampliation de 1080 fois. Test pas ordinairement nécessire d'employer un pareil grossissement, mais il est bon de pouvoir s'en servir pour quelques instans sans que les formes perdent de leur netteté; c’est ce 32 LALLEMAND. -— Sur les Zoospermes. L'étude des Zoospermes exige quelques précautions spéciales; comme ils ne peuvent être observés que par réfraction, il faut avoir soin que le porte-objet,traversé par la lumière, soit exempt de bulles, de raies, et d’une épaisseur égale. Je sais que plusieurs années d'expérience peuvent dispenser de beaucoup précautions, mais on n’en s’aurait trop prendre en commençant. Le liquide à examiner doit être recouvert d’un autre verre, aussi mince que possible, travaillé exprès. Les feuilles de zzica dont on s’est servi long-temps ne sont jamais aussi transparentes et présentent tou- jours des fissures, des irrisations, qui peuvent tromper ceux qui qu'il est facile d'obtenir en employant un diaphragme capillaire avec un réflecteur concave: L'appareil de M. Dujardin a besoin d’être mis au point pour chaque expérience, il peut,se salir ou'se déranger facilement. Le diaphragme capillaire est exempt de tous ces inconvéniens; c'est donc une amélioration qu'apprécieront tous ceux qui sont obligés d'employer habituellement, de très forts grossissemens. IL importe aussi de pouvoir se servir de la lumière artificielle pour ne. pas être arrèté par les variations solaires ou par la chute du jour. C’est moios une lumière très brillante qu’on doit chercher qu'une lumière constante; celle qui vient du ciel ou des nuages blancs est la plus favorable parce qu’elle fatigue moins la vue. Celle des lampes est plus vive et dessine encore plus nettement les objets, mais il faut éviter la vacillation de la flamme en modérant la combustion au lieu de l’augmenter comme on est presque toujours tenté de le faire. Quand on a parfaitement reconnu certaiues formes à l’aide d'un fort grossissement, on peut aisément les retrouver avec de plus faibles, mais elles ont toujours besoin d’être parfaitement nettes, Je crois que l'étude des Zoospermes est celle qui exige les meilleurs microscopes : j'ai du moins trouvé toutes les autres beaucoup plus faciles. Mais il ne suffit pas encore d’avoir un bon instrument , il faut apprendre à s'en servir, car tous les sens ont besoin d'éducation, surtout quand on les sort dé leurs habitudes. Il faut aussi savoir parer aux incidens qui troublent sou- vent les observations les plus simples. Avaut de se servir d'un objectif ou d’un oculaire, il se- rait bon d'en examiner toujours la surface à la loupe , si elle est ternie par de la poussière il faut éviter, en soufflant dessus, d'y projeter de la salive; si elle est salie par .des parties adhérentes on ne peut les enlever qu’après les avoir humectées avec la vapeur de l'haleine et en se servant d'une peau de chamoïis, ou mieux encore d’un morceau de moelle de sureau. 1l est aussi des dispositions naturelles dont il faut tenir compte. Les individus sanguins ne peuvent se livrer à des recherches microscopiques un peu prolongées sans éprouver des étourdissemens; l'injection facile de leurs vaisseaux capillaires nuit bientôt à la netteté de lenrs perceptions. Ce qu'ilsont de mieux à faire lorsque ces phénomènes se présentent , c'est de suspendre complètement leurs recherches. Le mème conseil doit être donné à ceux qui sont très nerveux , dès qu’ils éprouvent du malaise, des impatiences. Ceux qui ont habituellement les yeux irrités, larmoyans, etc, qui éprouvent facilement des palpitations, de l'oppression, des tremblemens, etc. doivent renoncer à des recherches qui altéreraient leur santé, sans leur offrir de compensation, Enfin, il faut souvent beaucoup de temps et de patience, pour suivre des recherches un peu délicates , et la plupart des observations doivent être répétées , variées à l'infini avant de laisser une com- plète conviction, car les illusions sont d'autant plus faciles qu’on emploie de plus forts grossis- semens, LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 33 ont le plus d'habitude de s’en servir. Ce petit verre mince est indispensable pour diminuer autant que possible l'épaisseur du liquide et en rendre la couche parfaitement uniforme, pour ra- lentir son évaporation et prévenir son contact avec la lentille de l'objectif; car la vivacité de la lumière diminue en raison de la masse qu’elle traverse et la confusion augmente avec le nombre des objets superposés. Une évaporation rapide entretient dans le liquide un mouvement perpétuel; l'objectif peut étre terni par la vapeur, surtout lorsqu'on se sert de forts grossissemens qui exigent un rapprochement très considérable. Quand la ma- tière s’est desséchée sans être couverte d'une lame de verre, sa surface est irrégulière et change l'aspect des objets : il s’y dépose d’ailleurs des corps étrangers, et la préparation ne peut-être conservée. Une seule goutte de liquide suffit pour une observation com- plète, et même une plus grande quantité ne peut avoir que des inconvéniens. Il faut presser le petit verre mince dont on la re- couvre, afin de l’étaler, d'arrêter promptement les courans qui s’y établissent et de faire disparaitre les bulles d’air qui peuvent s’y trouver emprisonnées. Il y a des cas dans lesquels ces bulles d'air permettent de, mieux distinguer certains objets; mais il faut bien les connaitre pour ne pas se tromper sur leurs véri- tables dimensions. Quoique les deux verres paraissent se toucher, les zoospermes se meuvent dans leur intervalle avec une entière liberté, tant qu'ils conservent de l'énergie et que l’évaporation n’a pas fait trop de progrès; ce qui peut durer plusieurs heures; du reste , une goutte d’eau tiede favorise et prolonge beaucoup leurs mouvemens. Quelque mince que soit la couche de liquide, elle ne peut étre embrassée dans toute son épaisseur par un très fort grossissement, il faut donc faire monter et descendre con- tinuellement le foyer, pour être sûr que rien n'échappe à l’ob- servation. Cette précaution est surtout importante dans les cas de pollutions diurnes, puisqu'il n’existe sonvent que deux ou trois zoospermes dans la goutte de liquide qu'on a déposée sur le porte-objet. Il faut aussi changer souvent la position du miroir réflecteur, pour faire varier l'intensité et la direction de la lu- mière. Les zoospermes sont souvent d'une grande transparence XV. Zooz, — Janvier, 3 34 LALLEMAND, .— Sur les ZO0sperines! dans les cas pathologiques, et la lumière la plus vive;!la! plus perpendiculaire, n’est pas celle qui permet de les’ distin- guer mieux, Il est aussi fort utile de faire varier la densité du liquide, soit en y ajoutant de l'eau, soit en le laissant desséchér. Le $perme contient des matériaux qui proviennent des vésicules séminales, de la prostate et de l'urèthire: Quand la coùche da liquide est trop épaisse ces matériaux masquent les z00spermes. Une goutte d’eau appliquée sur les bords du petit verre mice pénètre bientôt au-dessous, et les zoospermes sont bientôt isolés, en même temps que leurs contours sont rendus plüs apparens par la diminution de densité du liquide: D'un autre côté, quand le pouvoir réfringent des zoospermes diffère pen de celui de la liqueur séminale, leurs parties les plus minces sont traversées par la lumière sans apporter à l’œil des sensations distinctes. On n'aperçoit alors que des globules très petits, ovoïdes, très brillans, terminés par une petite pointe: des que Peau comménce à pénétrer entre les deux verres, un mouvement rapide empêche de distinguer néttement les objets qui passent ; mais quand le calme est rétabli, on aperçoit la queue des zoospermes: et leur dimensions semblent avoir augmenté, ce qui tient à la di- minution de densité du liquide ambiant: L'eaurordinaire suffit pour obtenir ce résultat : il est plus sensible quand on y ajoute une petite quantité d'alcool; mais, plus tard, les formes des zoospermes en sont altérées : il vaut donc mieux Er que de l’eau quand on veut conserver la préparation. L’évaporation âmène quelquefois dans la liqueur séminaledes changemens non moins remarquables; il nest'arrivé dans beau- coup de cas pathologiquési, de ne rien distinguer au milieu du hiquide pendant une demiheuré, une heure et même plus, ét d'y voir apparaître tout-à-coup an ämmalcüle; puis dix, puis cent dans Veéspace de quelques minutes. Ee lendemain ‘quand la dessiccation était complète, je n'en rétrouvais plus dettraces, ou bien je n’en distinguais plus que les quenes ; le reste ‘étant lem- pâté dans le mucus desséché : miais l'absorption d’une goutte d'eau amenait la reproduction ‘des phénomènes observés ‘la veille. J'ai eu plus de cinqtianteoccasions devoir les mêmes faîts et je dois en conclure, que’cette tratisparence de‘zoospermé est LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 35 trés commune dans les maladies graves. Il est du reste facile de se rendre compte de ce qui se passe dans cette circonstance. Quand le pouvoir réfringent des zoospermes est le même que celui du liquide ambiant, la lumière traverse le tout de la même manière et la masse paraît homogène; mais l’évaporation agit plus promptement sur le liquide que sur des corps organisés; et quand la différence de densité change le pouvoir réfringent, la formie des zoospermes se dessine momentanément parce qu'ils sont devenus plus transparens que le reste. Quand le dessèche- ment est complet, tous les zoospermes qui se trouvent empâtés dans la matière disparaissent de nouveau, parce que le pouvoir réfringent est redevenu le même pour le mucus et pour les zoospermes complétement secs. L'absorption d'une certaine quantité d’eau reproduit les mêmes phénomènes , aussi souvent qu'on le veut et dans tous les temps, parce que la matière em- prisonnée entre deux lames de verre n’éprouve aucune altération appréciable. Après le dessèchement de toute la liqueur sémi- nale, les Zoospermes qui sont restés isolés, paraissent avoir pris un tiers où même moitié plus de développement dans tous les sens, ce qui tient à ce que les parties les plus transparentes se dessinent complètement. Il y a des Zoospermes de Poissons, de Mollusque qu’on ne peut bien voir que dans cet état de des- sèchement, parce que leur queue est d’une ténuité, d’une trans- parence si extraordinaire, qu'elle échappe d'abord au plus fort grossissement des meilleurs microscopes. Il est bon alors d’é- tendre d’eau la liqueur séminale, afin de bien disséminer les Zoospermes et de les observer jusqu’à ce que le dessèchement soit complet; c’est aussi dans cet état définitif qu'il faut compa- rer les Zoospermes appartenant à des individus différens ou à des époques différentes, car c’est alors seulement qu’on peut être certain de les retrouver toujours dans des conditions par- faitement identiques. Mais chez la plupart des Mollusques le dessèchement altère plus ou moins les formes; il en est de même dans toutes les espèces dont les Zoospermes ont peu de consis- tance. Il est donc indispensable de les examiner dans tous les états. Enfin, il arrive quelquefois que deux Zoospermes sont super- 3 36 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. posés de manière à faire voir deux têtes naissant d'une même queue, et plus souvent encore, deux queues se séparant d’une seule tête; mais il suffit de faire pénétrer une goutte d’eau entre les deux verres pour opérer un déplacement qui fait cesser toute illusion. ; $ 4. Je suis entré dans tous ces détails parce que des observa- tions inexactes, adoptées trop légérement par des savans distin- gués, ont accrédité de graves erreurs qu’il eût été facile d'éviter en prenant les précautions dont je viens de parler. aurai l’occa- sion de revenir sur quelquesautres, mais je dois indiquer ici la voie qui me paraît la plus simple pour acquérir l'habitude d’ob- server les animalcules dans le sperme normal, afin d'arriver promptement à les reconnaître dans les cas pathologiques. ‘Après tout acte vénérien, il reste toujours assez de liqueur séminale dans l’urèthre pour suffire à des études microscopiques précises et complètes. Il est donc inutile de chercher d’autres matériaux, ce qui n'est pas indifférent sous bien des rapports. Quand le canal est exprimé peu de temps après l'acte, on en obtient toujours de la liqueur séminale, et une seule goutte dé- posée su le porte-objet, laisse apercevoir des milliers d’animal- cules qui s’agitent comme des tétards entassés dans une mare d’eau stagnante. Seulement la queue des Zoospermes est relativement plus longue, plus mince, et près de son insertion la tête présente un point très brillant. Toutefois, le nombre même de ces animal- cules empéche d’en suivre exactement les mouvemens; il faut étendre la liqueur d’une certaine quantité d’eau et presser forte- ment le petit verre mince qui les recouvre afin de les disséminer : c'estsur les bords qu’on les trouve plus isolés. Si l'eau a la tem- pérature du corps, on voit les mouvemens devenir plus libres et plus vifs, jusqu’à ce que l'évaporation ou le refroidissement de- vienne sensible, En prévenant ces deux causes de perturbation, on peut entretenir le mouvement des Zoospermes pendant plu- sieurs heures. Quel que soit le temps qui s’est écoulé depuis l'acte vénérien il existe toujours des animalcules vivans dans l’uréthre, tant qu'ils n’ont pas été entraînés par une émission d'urine quoique l'ouverture du gland soit parfaitement sèche et que l'expresion LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 37 du canal dans toute sa longueur n'en puisse faire sortir la moindre humidité, on peut cependant y trouver des animal- cules vivans la première fois que l'urine est rendue; il suffit pour cela de n’en laisser pénétrer d'abord dans l’urèthre qu’une très petite quantité et de recueillir sur une lame de verre la pre- miere goutte qui se présente. D’après ce que je viens de dire, il est évident que cette première goutte de liquide se trouve pré- cisément dans les conditions les plus favorables à l'observation microscopique du sperme, car il est délayé dans plusieurs fois son volume d'urine à la température du corps, et cette urine remplace ici de la manière la plus simple l'eau tiède qu'il aurait fallu ajouter pour observer convenablement les mouvemens des Zoospermes. Il est vrai qu’il se trouve dans ce mélange plus de mucus, de fluide prostatique et de débris d'épithélium, que dans le sperme recueilli peu d’instans après le coït : mais les ani- malcules y sont si bien isolés; ils s’y meuvent avec tant de viva- cité et d'énergie qu'il est impossible de ne pas les distinguer au premier coup-d’œil de tout ce qui les entoure. Ce procédé est donc le plus naturel et le plus prompt qu’on puisse employer pour se familiariser avec ces recherches; il n’exige pas qu'on s'y livre immédiatement avec précipitation , et ce qui est bien plus important, il peut être appliqué à tous les cas de pollutions diurnes à la place de tous les procédés compliqués et incertains qui ont été conseillés jusqu’à présent pour arriver au même résultat. Il est clair que les mêmes expériences pourraient être faites à la suite des pollutions nocturnes par ceux qui y seraient sujets. car il reste toujours des animalcules dans l’uréthre après toute- les évacuations séminales de quelque manière qu’elles aient eu lieu. C'est même ce qui fait que ce procédé est exactement ap: plicable à l’étudedes pollutions diufnes. Mais on pourrait tomber dans plus d'une erreur en commencant par des cas patholo- giques. C’est dans l’état de santé que le développement des Zoos- permes est le plus parfait; c'est après l'acte vénérien qu’ils sont plus actifs et vivent plus long-temps, ce sont donc ces circon- stances que les praticiens doivent choisir pour s'habituer à les reconnaitre plus tard. 38 LALLEMAND. — Our les Zoospermes. Après avoir donné les moyens de répéter, de vérifier mes ob: servations microscopiques, il me reste à en faire connaître les résultats. AnrTicze Il. Vécroscopie. $ 5. Sur trente-trois cadavres, je n’ai trouvé que deux fois des animaux spermatiques dans les testicules. L’un de ces deux indivi- dus était mort le lendemain d’une chute, l’autre avait succombé à une gastro-entérite aiguë. La liqueur séminale était plus abon- dante chez le premier et contenait aussi plus d’animalcules dans la même quantité de liquide. La même disposition existait dans les canaux sécréteurs examinés isolément. Quant aux autrés malades, ils avaient langui à l'hôpital fort long-temps pour des affections chroniques. Un seul avait succombé en deux jours à une péritonite aiguë; mais il avait 73 ans. Chez tous; les testi- cules étaient mous, pâles et comme flétris, leur section offrait un aspect grisâtre et ne laissait écouler aucun liqnide; le tissu était presque sec, fort peu injecté; on pouvait facilement isoler les canaux sécréteurs les uns des autres, les développer sur le porte- objet sans les rompre; Ils renfermaient des globules très brillans, exactement semblables entre eux, presque du volume de la tête dés Zoospermes, dix fois plus petits que les globules du sangou de mucus, différant d’ailleurs de ces derniers par la constance:et la régularité de leurs formes. Ces corps brillans, qui remplaçaient les Zoospermes ; méritent d’être remarqués à cause de leur ana- logie avec ceux que présente le sperme de l’homme et des ani- maux dans certaines circonstances. Pour bien observer ce qui existe dans les canaux sécréteurs des testicules; il faut d’abord en étaler une portion sur le porte: objet. Après l'avoir examinée à sec, fairé pénékrar dé l’eau entre les deux verres et suivre les changemens qui s’opèrént dans l’as- pect des parties; comprimer ensuite lé verre pour aplatir les parois du canal , le rompre et faire sortir une partie du contenu, enfin, revoir le tout quand la dessiccation est complète, car c’est alors qu'on voit mieux les Zoospermes restés dans les canaux. $ 6. Dans l'épididyme, je n’ai trouvé de Zoospermes que chez les LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 39 deux individus dont le testicule en contenait aussi. Chez tous les autres je n’en ai rencontré que dans le canal déférent, ou dans les vésicules séminales. Il n'en existait méme nulle part chez le malade de 33 ans, il m'a paru que les animaleules étaient d’au- tant plus rares, que les individus avaient souffert plus long- temps , car dans ces derniers cas , je n’en ai rencontré que dans les vésicules séminales. Quoi qu'il en soit, plus les Zoospermes étaient rares, plus ils étaient difficiles à voir à cause de leur extrême transparence. Ce n’était qu'après une heure ou deux quon commençait tout-à-coup à les apercevoir au milieu d’un liquide qui jusqu'alors avait semblé tout-à-fait homogène. Leurs dimensions étaient celles des animalcules les mieux développés, mais lils: étaient päles dans toute leur étendue et plus transpa- rens que le liquide ambiant. Une dessiccation complète les faisait disparaitre de nouveau. L'absorption d'une petite quantité d’eau et.son évaporation reproduisait les mêmes phénomènes. J'en ai donné l'explication plus: haut, ils prouvent que leur densité pouvait être moindre momentanément que celle du liquide am- biant, que par conséquent leur texture était beaucoup plus lâche que dans! létat normal. C'est surtout dans les cas de phthisie, de carie vertébrale, de tumeur blanche, que j'ai eu plusde peine à distinguer les animalcules, ce qui tient sans doute à ce que ces maladies ne causent la moït qu'après un temps très long: Ceux qui voudront répéter ces recherches devront done choisir des sujéts dont la constitution n’ai pas été profondé- ment'altérée et se rappeler que les Zoospermes peuvent n’appa- raitre qu'au moment où la liqueur acquiert 1m certain degré de consistance. ILest probable que l'opinion de MM: Prévost et Du- mas sur les:tonctions des vésicules séminales est due ex grande partie àscette cause d'erreur. C'est sans doute elle encore qni a fait dire d’une manière trop absolue à Burdach et à M. Mandlque la liqueur séminale des malades ne contient plus de Zoospermes. $ 7: J'ai presque toujours trouvé dans les vésicules, surtout au fond les anfractuosités , une matière épaisse , grameleuse , bril- lañte, variable pour l'aspect, la couleur et la consistance, mais ressemblant assez à de da ’colle plus où moins dense, plus ou moins transparente : sSousiun grossissement nécessaire pour 0b- 40 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. server les zoospermes, les grumeaux de cette matière paraissent énormes, irréguliers, plus ou moins opaques, sans forme con- stante. Ce sont évidemment des produits de la membrane in- terne des vésicules séminales , car on les retrouve avec des ca- ractères analogues dans les vésicules accessoires du Hérisson, du Rat, etc., qui ne contiennent jamais d’animalcules, et ne com- muniquent pas directement avec les canaux déférens, dans les- quels, d’ailleurs, on ne trouve jamais rien de semblable dans aucune espèce. Cette matière est donc analogue à celle que pro- duisent les follicules prostatiques, les glandes de Cooper, etc. Ses fonctions sont les mêmes, mais elle mérite, sous beaucoup de rapports, une attention spéciale. La sécrétion du sperme diminue dans toutes les maladies graves, comme on vient de le voir, et les évacuations séminales sont toujours très rares, surtout dans les derniers temps. Il n’est donc pas étonnant que les produits de la membrane muqueuse prédominent alors sur ceux du testicule, et que ce mucus par- ticulier prenne plus de consistance par un long séjour dans les anfractuosités des cellules. De là vient la différence qu’on ob- serve entre le sperme tiré des vésicules d’un cadavre et celui qui est évacué par un individu bien portant. Cependant, à la suite d’une contisence très prolongée, on remarque souvent dans le sperme des grumeaux plus ou moins volumineux et tout-à-fait distincts du liquide. Quand les émissions sont plus rapprochées, on peut encore y reconnaître des granulations de même nature, mais beaucoup plus petites. Ces observations sont importantes pour l'explication de plusieurs symptômes de pollution diurne. $ 8. J'ai dit qu’en faisant uriner les malades dans un bain, on pouvait facilement reconnaître le sperme qui s'échappe à la fin de l'émission , aux globules qui tourbillonnent au milieu du nuage: d'aprés ce qu’on vient de voir, il est évident que ces globules sont fournis par la membrane interne des vésicules séminales. On conçoit au'ils peuvent manquer dans les cas très graves où sa sécrétion n’a pas le temps d'acquérir de la consistance, mais leur présence ne peut laisser aucun doute sur l'existence des pollutions diurnes, puisqu'ils ne peuvent venir que des vésicules séminales, Au reste, J'ai trouvé des animalcules dans les urines LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 41 de tous les malades qui avaient observé ce phénomène en pre- nant un bain. Ces remarques sont exactement applicables aux globules que laissent déposer les urines dans certains cas de pollutions diurnes, globules qui ont été comparés par les uns à des grains de se- moule, par d’autres à des grains de millet, à des grains d'orge,etc., suivant leur volume. Ces globules s’aperçoivent dès que les urines viennent d’être rendues ; ils sont arrondis , très mous, et ne donnent aucune sensation sous le doigt : on ne peut donc les confondre avec les sels urinaires, qui se déposent seulement quand les urines se refroidissent, qui ont une forme cristalline, et donnent sous le doigt la sensation bien distincte d’un corps dur. Le mucus vésical ne se dépose aussi que par le refroidisse- ment, et il ne fournit pas de granulations brillantes, etc. Quant au pus, son aspect est facile à reconnaître. Enfin, j'ai trouvé des animalcules dans toutes les urines qui laissaient déposer de ces globules. C’est donc avec raison qu'ils ont été signalés comme des indices certains de pollutions diurnes, et cela se conçoit, puisqu'ils ne peuvent venir que des vésicules séminales. J'ai fait remarquer aussi que, dans certains cas, les urines examinées par transparence laissaient apercevoir au milieu d’un nuage floconneux des multitudes de points brillans tout-à-fait caractéristiques. En effet, ce sont des granulations plus petites et par conséquent plus légères que celles qui , chez d’autres ma- lades, tombent au fond du vase. On ne les observe ni dans le mucus vésical, ni dans le fluide prostatique, qui pourraient seuls former des nuages analogues à ceux des pollutions diurnes. Ces points brillans proviennent donc aussi des vésicules sémi- nales. Leur présence indique celle du sperme, ainsi que je l'ai vérifié souvent à l’aide du microscope. Je dois cependantipréve- nir ceux qui voudront répéter ces expériences , que ce n’est pas au milieu du nuage parsemé de ces points brillans qu’ils doivent chercher les zoospermes, car la densité de ces derniers les fait bientôt tomber dans la couche inférieure du liquide : c’est là seulement qu'il faut les chercher. (r) (4) Depuis la lecture de ce Mémoire, on m'a apporté les urganes géuito-urinaires d'un homme 42 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. $ 9: Les résultats de toutes ces observations faites sur le cadavre, peuvent donner une idée de l’influence des maladies graves et prolongées sur les fonctions des organes spermatiques. Mais ce n’est pas seulement à l'état morbide qu’elles éprouvent dé grandes variations, il peut exister des différences remarquables entre des individus bien portans, non-seulement pour la quan- tité de sperme fournie dans un temps égal , mais encore pour le nombre; l'aspect et les dimensions des animalcules. J'ai observé; sous tous ces rapports, des différences d’un tiers et méme de moitié. On se tromperait beaucoup en supposant que cette comparai- son peut être difficile à établir, Rien n’est au contraire plus simple. Quand on conserve du sperme sous un verre mince, ü est à l'abri de toute altération, et comparable dans tous les - temps avec une autre préparation semblable (4 On peut alors les faire passer successivement sous les mêmes lentilles avec lamême lumière , le même micrometre, et répéter ces comparaisons tant qu'on le veut. Rien n’est donc plus susceptible d'une précision mathématique. Le docteur Devergie a bien voulu mettre à-ma disposition les préparations de ce genre qu’il a recueillies dans d'environ quarante ans, qui est mort à Ja Suite d'une réténtion d'urine, provoquée par unrétré- cissement de l’urèthre, porté au poiut dé produire la rtipture de la portion du canal située au des= sous ;uve infiltration d'urine etc .: il existait aussi de graves désordres du côté de la vessie et des reins, J'ai examiné au microscope lè liquide contenu dans les vésicules séminales , dans le canal déférent et dans le testicule, et nulle part je n'ai trouvé de Z6o$permes bien où mal conformes : il n'y eu avait pas là moindré trace ! mais j'ai reticontré partout desicorps #rillans sept à huit fois, plus pets que les globules de mueus, tous parfaitément sphériques et semblables éntré eux, du volume de la tête des animaleules de l'homme. Les canaux éjaculatoires étaient très'dilatés, les lesticules flasques et pâles , mais exempts de lésion or, yaniqué. Ainsi voilà une affection des vôies ürinairés qui a Certainenrent agi d'une mabière profotidé sur ls fonctions dès testieules { ce‘qui confirme ce que j'ai dit de l'infuence de là membrane, muqueuse de lurèthre suvdes organes spermaliques; voilà du sperme dans lequel les auimaleules manquaient complètement et étaient remplacés par les petits globules brillans dont j'ai souvent parlé. (1) Ayant eu récemment l'occasion de passer en revue les Zouspeñmes, que je conserve ainsi entre deux lames de verré pour mes observations comparatives , j'ai retrouvé ceux des Mamini- fères , des Oiseaux et des/Reptiles dans le même état quelle premier jour; maisceux des Mol< lusques étaient complètement déformés et méconnaissables ; ceux des Crustacés m'ont. paru altérés, mais à un moindre degré, 11 semblerait done que l’organisation de ces Zoospermes est d’autant plus parfaite et plus résistante, qu’ils appartiennent à des animaux d’un ordre plus élévé, LALLEMAND, — Sur les Zouspermes. 43 diverses circonstances , et j'y ai retrouvé des différences aussi grandes. Un de mes élèves, le docteur Labat , a constaté (Gazette des Hôpitaux , 16 juin 1839 ) que les zoospermes d’une semence inféconde avaient la tête déprimée, plus petite et moins bril- lante qu’à l’état normal : il a de plus signalé les modifications qu’ils éprouvent par suite des graves perturbations de l'économie. Le docteur Mandl dit que la micrographie peut décider maintenant les qualités fécondantes d’une liqueur séminale don- née, par le développement des zovspermes qu'elle contient, et il ajoute que ; ayant eu l’occasion d'observer au microrcope celle d’un homme stérile ; il y a constaté « des animalcules p/us petits qu'à l'ordinaire, parmi lesquels s’en trouvaient quelques-nns d'une configuration particulière » ( Traité pratique du micro- scope, page 149). J'ai vu les dessins de ces zoospermes exécutés par Turpin, ils sont très remarquables par l'irrégularité de la tête, etc.; chez quelques-uns, de l’origine de la queue. $ 10. J'ai disséqué avec M. Miine Edwards un coq de huit ans,qui était devenu stérile après avoir été remarqué long-temps par sa fécondité. Tous les œufs des poules qu'il avait couvertes depuis près d’un an étaient restés inféconds; quoique régulièrement cou- vés, En cherchant la cause de ce changement, nous avons trou- vé le testicule gauche désorgauisé et nous n'avons pu découvrir aucun animalcule dans son canal déférent. Le droit était petit et flasque; son canal déférent contenait peu de liqueur séminale et nous n’y avons découvert qu'un très petit nombre de Zoos- permes. Leur queue était si petite et sitransparente, que nous ne lapereümes qu'après de desséchement du liquide. Le même jour, nous avons examiné un jeune Coq très fécond. Ses testi- cules et ses canaux déférens étaient gorgés de sperme; comme à l'ordinaire. Ses animalcules s'y trouvaient entassés, leur queue était deux fois plus longue et plus épaisse que dans le Coq sté- rile : il y avait moins de différence dans le volume de la tête. Le tout a été mesuré au microscope et dessiné à la camera lucida. Ainsi ce n’était pas seulement la liqueur séminale qui était plus äbondante ; la méme quantité de liquide contenait peut-être cent fois plus de zoospermes, et leur dimension était à-peu-près double, LAN LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. $ 1 r. Un de mes malades ayant eu, il y a douze ans, une double orchite, n’a jamais rencontré depuis cette époque la moindretrace d’animalcules spermatiques dans sa liqueur séminale; ses obser- vations méritent d'autant plus de confiance qu'il est très habile micrographe et qu’il a renoncé au mariage à cause de cette ab- sence de zoosperme , qui lui a fait penser, avec d’autres circon- stances, qu'il était impropre à la reproduction. Son testicule gauche est très petit et l’'épididyme du droit plus dur que de coutume. Le docteur Labat à vainement cherché des zoospermes dans la liqueur séminale d’un de ses malades, qu’il avait traité dix-huit mois auparavant, d’une inflammation des deux testicules accompagnés de bubons. Ce jeune homme était également im- propre à la reproduction, quoique robuste et assez ardent. Il est remarquable que dans les deux cas la liqueur séminale a conservé son odeur caractéristique. Le docteur Devergie, cherchant à donner plus de certitude aux signes de la mort par suspension, a été conduit à examiner au microscope, la matière contenu dans l’urèthre, d’après cette considération qu’une éjaculation plus ou moins abondante ac- compagne ce genre de mort, quand les individus sont dans un âge convenable. Voici quelques-uns des résultats de ses recher- ches. (Voyez Annales d'hygiène et de médecine légale, janvier 1839.) Dans quelques cas, au lieu de zoospermes, il n’a rencontré dans l’urèthre qu’une série de petits corps ovoïdes, ressemblant à des animalcules sans queue, et presque toujours il a retrouvé, en même temps, les mêmes corps dans la liqueur extraite des vésicules séminales. « Serait-ce donc là, dit-il, un état embryonnaire du sperme ou une liqueur séminale dans laquelle il y aurait un arrêt de déve- loppement dans les animalcules spermatiques. Cet état du sperme porterait-il avec lui le cachet de l'impuissance ? Ce sont autant de questions que je ne saurais résoudre, Toutefois, ayant donné communication de cette note à M. Turpin, il me cita deux faits qui viendraient à l'appui de cette dernière opinion. Ce savant et habile micrographe a examiné le sperme de deux frères, l’un médecin, l’autre phamacien, tous deux mariés depuis un cer- LALLEMAND, — Sur les Zoospermes. 45 tain nombre d'années et qui n'avaient pu avoir d’enfans. Chez tous deux, le sperme était dans les conditions que je viens de signaler, et ces corpuscules ovoides y ont été vus vivans et se mouvant à l'instar des animalcules spermatiques.» Dans d’autres cas, le docteur Devergie n’a trouvé qu’une très petite quantité d’animalcules dans le sperme extrait des vésicules séminales, et il me semble l’attribuer à l'évacuation occasionée par la suspension; car il ajoute : « c’est ce qui s’observe chez le vivant au fur et à mesure que le coit est plus souvent répété dans un court espace de temps ». Mais pour que ce rapproche- ment füt exact, il faudrait que le sperme resté dans les vésicules ait eu le temps d’être délayé par une nouvelle sécrétion de la membrane interne, et c'est ce qui n'est pas admissible. Quoi qu'il en soit, c'est une chose bien remarquable que la rareté de ces arimalcules , ou leur remplacement par ces corpuscules ovoides; car ces changemens sont précisément les suites ordinaires des pertes séminales les plus graves, et j'ai montré, par un grand nombre de faits très frappans, combien cette cruelle maladie poussait au suicide. Ces divers rapprochemens peuvent donc conduire à des conséquences importantes sous tous les rapports. $ 12. Malgré la facilité avec laquelle on reconnait les pollutions nocturnes, j'ai soumis au microscope la liqueur séminale recueil- lie, à la suite de ces évacuations, par des individus placés dans des conditions de santé très variées : voici ce que j'ai observé. Dans le principe, quand les évacuations sont encore rares et que le sperme a conservé ses caractères définitifs, les animal- cules ne présentent rien de remarquable sous le rapport du nombre, des dimensions, etc. Mais quand la maladie a pris assez de gravité pour influer sur le reste de l’économie, le sperme de- vient plus liquide, et les animalcules sont moins développées moins vivaces. Toutefois, leur nombre ne diminue pas encore sensiblement, il m'a paru même augmenté chez quelques indi- vidus. Quand les érections commencent à diminuer, le sperme est encore plus aqueux; les dimensions des animalcules sont quelquefois d’un quart, d’un tiers plus petites qu’à l’état normal; la queue est difficile à distinguer avec un grossissement de 300 fois. Plus tard encore, les animalcules deviennent rares. Enfin, 46 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. chez deux individus tombés dans le dernier degré de la :con- somption dorsale, le sperme ne contenait plus d’animalcules quoiqu'il eùt encore son odeur carastéristique. Examiné avec les plus forts grossissemens et toutes les précautions que j'ai indiquées ailleurs, je n’y ai jamais trouvé que des globules bril- lans, parfaitement semblables, à-peu-près de même volume que la tète des animalcules ordinaires. Le professeur Delille qui possède un excellent microscope d’Amici et qui s’en sert tous les jours pour les recherches les plus délicates, a vu exactement de la même maniere. Ces globules ressembiaient sous tous les rap- ports à ceux que l’on trouve dans les testicules, des sujets morts à la suite d’une longue maladie. Les observations microscopiques que j'ai faites sur le sperme rendu pendant la défécation, m'ont donné des résultats analo- gues. Lorsque ces pertes n'avaient lieu qu’accidentellement, à de longs intervalles, le sperme était épais, blanchâtre , imprégné d’une forte odeur, et rempli d’animalcules très développés. J'ai pu même en trouver quelques-uns de vivans après une heure ou deux, surtout en été: Jen ai vainement cherché dans la pe- tite goutte de matière filante et visqueuse, qui se présente or- dinairement à l'ouverture du gland apres les efforts prolongés que nécessite une violente constipation : je n’y ai vu qu'un li- quide parfaitement transparent dans lequel nageait des débris d'épithélium et des globules de mucus, très variables dans leur formes et dans leurs dimensions. Quand ces évacuations deviennent fréquentes, habituelles, au point de constituer une véritable maladie, elles deviennent en général, moins abondantes, et le sperme perd insensiblement ses qualités normales. Les zoospermes sont ordinairement plus petits que dans l’état de santé, et toujours beaucoup moins wi- vaces qu'après le coit. Je conserve des préparations dans les- quelles ils ont près de moitié moins de volume et de longueur qu'à l'ordinaire, et il m'est arrivé plusieurs fois, de n’en plus trouver un seul vivant quelqnes minutes après qu'il avait été expulsé. Tout étant préparé, les malades avaient été à la selle près de mon cabinet, ils avaient reçu la liqueur séminale sur un verre disposé exprès, je l'avais mis immédiatement sur le foyer LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 47 du microscope et déjà tous les zoospermes étaient complètement immobiles. L'addition d'une goutte d’eau tiède ne produisit au- cun effet. Ainsi quelques minutes avaient suffi pour les faire périr. Quand la maladie devient très grave, les zoospermes devien- nent rares : ils sont même quelquefois remplacés par des glo- bules ovoides ou sphériques semblables à ceux dont j'ai déjà parlé: Je n'ai rien trouvé de plus chez trois malades arrivés au dernier degré de dépérissement et qui rendaient assez de sperme à chaque sélle pour remplir une cuillère à café. Je dis que c'é- tait du sperme, parce qu'on ne pouvait se méprendre à son odeur, et que l'urèthre n’expulse jamais subitement une aussi grande quantité de mucus ou de fluide prostatique. Ces cas sont -extrémementrares, à la vérité, mais il serait d'autant plus fächeux de les méconnaître qu’il est plus urgent d’y porter remède, car ce sont précisément les plus graves. $ 13. J'ai dit que les écoulemens continus n'étaient jamais sper- matiques, quelque ressemblance que la matière püt avoir avec du sperme mal élaboré. En effet, je n’ai jamais rencontré d’ani- malcules dans ces matériaux fournis par la blennorrhée; je n’y ai jamais vu que des globules trés variés, des débris d'épithélium -etdes filamens qui paraissaient énormes sous je plus faible grossissement; très longs, cylindriques, plus où moins trans- parens, quelquefois rameux; ces filamens proviennent de Ja coagulation du fluide prostatique dans lurèthre : ce sont eux °quirtourbillonnent” dans le premier jet d'urine, et qui préoc- cupent si souvent les malades. Je ne veux pas dire par là que jem'ai jamais trouvé de zoospermes chez les individus affectés de-blennorrhée, mais ce n'est pas dans la matière même de écoulement que j'en ai rencontré, c'est dans celle qui s’était échappée brasquemient et en masse comme dans les pollutions diurnes ordinaires, c'est-à-dire quand la blennorrhée‘étaitcom- pliquée, ce qui est très commun. Dans quelques cas graves, ce n'est pas seulement dm les efforts de la défécation que le sperme s'échappe, il suffit quel- quefois que les muscles abdominaux se contractent fortement pour déterminer lexpulsion de quelques gaz. Les malades 48 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. éprouvent alors de l'humidité à l'extrémité du gland; s’ils expri ment l’urèthre et conservent le liquide sur une lame de verre, on y découvre des zoospermes ordinairement en petit nombre et mêlés à des globules de mucus, à des débris d’épithélium, mais très faciles à reconnaître, pour peu qu’on en ait l’ha- bitude. $ 14. En résumé, les pertes séminales qui compliquent les écoulemens chroniques en différent par leur abondance, par leur instantanéité, par leur intermittence, et le microscope ne laisse aucun doute sur la nature du fluide. Je dois faire observer cependant que cet instrument ne fait alors que con- firmer ce qu’apprennent les plus simples notions d'anatomie et de physiologie, car les glandes cooper, les follicules de la prostate et de l’urethre, manquent de réservoir; leurs pro- duits doivent donc s’écouler d’une manière lente et continue; ils ne peuvent augmenter momentanément que de quelques gouttes. Ainsi, toutes les fois qu'il s’y joint une émission su- bite et un peu copieuse, il faut supposer qu’elle provient des vésicules séminales, qu’elle est par conséquent spermatique. C’est surtout pour la recherche du sperme contenu dans les urines que le microscope a été mis à contribution avec ardeur. Quoique les procédés suivis jusqu'à présent doivent être rem- placés tous par un plus simple, je dois dire ce que j'en sais et comment j'ai répété ces expériences. Ayant toujours à ma dispo- sition du sperme frais ou desséché provenant des malades, j'en ai mis une quantité égale dans de l'urine provenant d’une même émission ; après avoir constaté qu'il contenait une grande quan- tité d'animalcules. Je ferai remarquer, en passant , que le sperme desséché spontanément peut reprendre exactement tous ses ca- ractères après plusieurs années, quand on l’humecte lentement et sans l’agiter; non-seulement il recouvre son aspect, son odeur, etc., mais encore les animalcules reparaissent avec la forme qu’ils avaient avant la dessiccation. C’est d’abord sur du sperme desséchée que j'ai agi, mais je me suis bientôt aperçu que les animalcules s’altéraient promptement dans l'urine; proba- blement parce que leur texture avait été modifiée par la sèche- resse quoique leurs formes ne fussent pas altérées. Depuis lors, LALLEMAND. — Sur les Z'oospermes. 49 jememe suis plus servi que du sperme frais apporté par mes malades. Il a toujours produit dans l’urine un nuage rempli de points brillans, tout-à-fait semblables à ceux dont j'ai parlé à l’occasion des vésicules séminales , nuage qui restait ordinairement sus- pendu dans les couches inférieures de l'urine , maïs qui s'élevait pär.la moindre agitation; tandis que le mucus se dépose au fond ,du. vasé ‘et même y adhère’, sans contenir d’ailleurs de poinis brillans. Gette-æxpérience directe confirme donc exac- tement.ce.que J'ai dit ailleurs des urines qui contiennent du sperme. Une observation non moins remarquable sous d’autres rap- ports.J c’est la-rapidité ou la lenteur de la décomposition des animalculessuivant qu’ils provient de malades plus ou moins gravement affectés. Toute erreur à cet égard était impossible; car chaque verre portait le nom de l'individu et la date de lim- mersion, du sperme dans l'urine. Les zoospermes ont:disparu complètement dans les cas les plus fâcheux ; vers le huitième jour, tandis que dans d’autres, ils étaientencore reconnaissables après cinquante jours. Je n’en ai jamais retrouvé plus tard; mais, par analogie , je crois que le docteur, Donné a pu.en reconnaître après trois mois d’immer- sion, puisqu'il aopéré sur de la liqueur séminale provenant d'individus bien portans. Une résistance si prolongéer à la décomposition est bien re- marquable dans des êtres si petits et presque transparens , sur- tout quand on voit les formes des Monades s’altérer quelques heuresiaprès, la mort, Cette persistance prolongée de la forme des z0ospermes annonce une organisation plus compacte , plus puissante ;, qu'on ne la. suppose: elle suffirait seule pour faire distinguer les zoospernies desinfusoires ordinaires: La résistance inégale. des zoospermes à la décomposition dans Purine', suivant quils proviennent d'individus sains ou afiectés du spermator- rhée plus. ou moins grave, doit être rapprochée des différences que ‘ai déja signalées dans leur nombre, dans leurs dimensions, daus, leurs. formes, dans l'énergie et la duréé de leurs mouve- mens. Foutes ces, variations , Si contraires aux idées reçues, suf- XV. Zoo, — Janvier, 6 5o LALLEMAND, — Sur les Zoospermes. de l'organisme et non des parasites. fi Quelques jours avant qu’ils disparaissent, leur/surfacets'altère, se déforme, et des, globnles apparaissent sur différens points, en sorte qu'on croirait quelquefois voir, une seconde tête-se dé velopper à côté.de la première. La-quéue semble aussi se rétrécir vers son insertion, etc, Je n’aurais.pas parlé de ces effets naturels! de la décomposition putride , s'ils #avaient prêté à l'imagination de quelques observateurs superficiels, des argumens en faveur de la reproduction des zoospermes par gemmipartté ;parséission transversale. 90119 (2 Quand on examine journellement ce-quise/passeidans les urines, on ne tarde pas à y voir paraître destmonades ,'des/vi:! brions , etc. , dont le nombre augmente de jour'en jour. Ces infusoires , dans leurs brusques mouvémens, iipriment à tout: ce,qu'ils beurtent des déplicemens qu'on pourrait croire spoñ- tanés. Les vibrions ont quelque ressemblanceravec la quene des’ animalcules : quand ils se trouvent confondus ensemble ou mêlés à des globules, on croirait souvent voir remuer dés z668pérmés!]| Je sais que de pareilles illusionsme -peuvent tromper’ qué des! observateurs peu exercés ou préoccupés ; mais jé'ne puis éxpli: quer autrement certains. faits rapportés! par Burdaehf avéé trie incroyable, crédulité ; pour ‘soutenir ‘unie 6pinion! non''moins extraordinaire, celle de la génération spontanée des animalcules fraient déjà pour indiquer.que lés animaleules sont des prodtits! dans les substances animales'en futréfaetion. 21-107 98% $15. Voyons maintenantiquels procédés on pett'stivré pour les amener sous le foyer di microscope: #71 110% "1 bassp'isot Leur, densité les fait tomber à là partie la plus-déélivé du! vase, c'est donc dans la couche inférieure’ de: l’uriné qu'il faut les chercher, Le docteur Devergie verse le dépôt dans’un’tubé de verre, assez large, mais effilé par un bout à la lampe. Après quelques heures de repos ; il coupe 1vec des ciseaux Pextrémité de la pointe ;de-manière à ne laisser tomber qu'une trés) petite quantité d'urine sur leporte-objet: Je dois-dire’ qué! je’Tuil ai Vu employer son procédé avectun succes complet:'Mais , eit suppl posant .que-tous les praticiens puissent "y apportèr” 14 méme dextérité, ce procédé présenté des iiéénvéniens que’ Vobsérv mot LALLEMAND, — Ôur les Zoospermes. &x teur le plus habile ne peut éviter. Je fais abstraction de la nécess sité d’effiler chaque fois la pointe ; ne décanter l'urine , de l'in+ woduire dans le tube, etc. H se dépose ordinairement des cristaux pai le refroidissement:ils sont encore plus lourds que les animal- culés et s'opposent au passage de l'urine quand la pointe du tubé est coupée au dessous de l’obstacle; quand on arrive au dessus des cristaux, l'urine tombe en masse ,couvre tout le porte-objet, et l'expérience est manquée. D'autres fois, c’est parides matières filantes et tenaces , que le tube est 'obstrué. Ces difficultés’se présentent d'autant plus souvent chez les malades affectés de pollutions diurnes , que leurs'srganes urinaires sont ordinairée- ment irrités: 1] paraît eufin que les zoospermes ne tombent pas toujours exactement à la partie la plus déclive; ear il m'est arrivé de n’en pas trouver dans des urines où j'en ‘avais vu la veillé, Pendant que j'examinais les premières gouttés qui étaient tom: bées sur lé porte-objet, une nouvelle quantité de liquide s’était échappée , et c’est probablement celle qui contenait les animal- culés ; cur je n’en ai pas trouvé dans le reste. Ce procédé, tout ingénieux qu'il est ; présente donc des difficultés et peut même être infidéle. : li Le moyen le plus simple consiste à puiser, avec une pipette, l'urine qu'on suppose contenir du sperme. Cest la première pen: sée qui doit se présenter à l'esprit de quiconque a fait quelques expériences de chimie. Mais on ne puise pas toujours dans le point le plus convenable, on peut faire monter des‘animalcules dans la partie supérieure du tube, en y laissant pénétrer trop d'rine, et n’en plus avoir dans les deux où trois gouttes qu’on laisse tomber sur le porte-objet ; ou’ bien il'peut s’en échapper une trop grande quantité à-la-fois, IL m'est arrivé souvent dé passer plusieurs séances sans rencontrer un seul zoosperme dans des’urinés, où j'en avais mis, ou d’én rencontrer du premier coup après en avoir vainement cherché la veille, Ce procédé, plus simple que le précédent, mé paraît donc être aussi plus infidèle: Quand les urines ont été filtrées convenablement, la ‘plus grande partie. des animalcules reste sur le filtre et occupe le Célitre, qui se trouvait, peñdatit l'opération , la partie la plus déclive. On peut dons Le certdin ide les avoir presque tous 4. ba LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. réunis sur une surface peu étendue. Il semble dés-lors qu'il suffirait d'appliquer cette surface , encore humide, sur le porte- objet; pour y déposer les animaleules. Mais ceux-ci ne quittent pas facilement les aspérités du papier pour adhérer à la surface lisse du verre. Il faut donc:enlever cette partie centrale du filtre, la renverser sur un verre de montre rempli d’eau, et l'y laisser pendant vingt-quatre heures: quand on l’enlève, les animal- cules sont presque tous tombés au fond de la capsule , où il est facile de les puiser, en attirant dans la pipette quelques gouttes de la couche inférieure du liquide. Ce procédé est certainement le plus sûr; mais il est aussi le plus long et le plus minutieux. On voit que toutes ces opérations exigent beaucoup de temps, de soin et de patience avant de conduire à un résultat un peu positif. Il est donc difficile qu’elles deviennent usuelles. Il n’y a pas de praticien un peu occupé qui puisse y avoir recours jour- nellement, lors même qu'il en aurait acquis l'habitude. Je me suis fait un devoir de répéter toutes ces expériences , de les comparer, de les varier, pour savoir à quoi m'en tenir, et je ne regrette pas le temps que j'y ai consacré, parce qu’elles m'ont permis de vérifier la valeur de plusieurs symptômes de pollutions diurnes; mais je renoncerais à traiter, ces malades, s’il me fallait répéter, pour chacun d'eux, ce que j'ai fait dans l'intérêt de la science. On a bien fait d’insister sur l'application du microscope à l'étude des pertes séminales, et le docteur Mandl a eu raison de dire que ces maladies sont assez graves, assez nombreuses, pour que les médecins accordent quelques mois à l'étude des zoospermes , eux qui consacrent plusieurs années à s'exercer aux diverses ap- plications du sthétoscope. Mais il se laisse entrainer un peu trop loin, lorsqu'il prétend que la diagnose est faite en peu d'instans, que tous les doutes sont dissipés , etc.(Traité pratique du micros- cope , page 148). Il s’est fait illusion sur:la facilité, sur la certi- tude de ces recherches, parce qu’il y avait consacré sa vie, parce que sa clientelle ne l'empéchait probablement pas de terminer à loisir une expérience commencée, Mais le praticien le moins occu- pé n’est pas du tout dans les mêmes conditions , et le traité du docteur Mandl ne lui offrirait pas de moyens plus expéditifs que c ux dont je viens de parler, Enfin il semble ignorer que les LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 53 pertes séminales offrent souvent des intermittences notables, et probablement il cesserait lui-même de soupçonner des pollu- tions diurnes, après avoir vainement cherché des, zoospermes pendant huit ou quinze jours dans les urines d’un malade. # Il faut le dire franchement, tous les micrographes'ont suivi une mauvaise direction en cherchant toujours les zoospermes dans les urines, et leur persistance à cet égard prouve qu'ils n'avaient pas suffisamment observé la maladie; car ils auraient pu atteindre leur but d’une manière prompte et sûre, en recom- mandant au malade d'exprimer le canal après avoir uriné, et de recevoir sur un morceau de verre, une goutte du‘liquide qui se présente à l’ouverture du gland. En effet, toutes les fois que du sperme est rendu pendant l'émission de l'urine, c’est toujours à la fin du jet, et quelques fois méme quand la vessie est complètement vidée: 1l en reste donc toujours dans le canal plus qu’il n’en faut pour une obser- vation microscopique: Si ce verre est mis à linstant soas le foyer , après avoir été reconvert d’une lame mince, tout se trouve dans les conditions les plus favorables à l'étude des ani- malcuies, et l'on peut les observer vivans. Cependant il est rare que les malades rendent du sperme chaque fois qu’ils urinent; les intervalles sont très variables et les retours imprévus. Il ar- rive donc ordinairement que les pertes les plus abondantes ont lieu quand le malade est loin de son médecin! et même loin de chez lui; mais les recherches microscopiques par le procédé que je viens d’indiquer;peuvent avoir lieu de mème, et c’est en cela surtout, qu’il est supérieur à tous les antres. En effet, le malade ne peut transporter partout un vase pour garder ses urines, mais rien ne l'empêche d’avoir un morceau de verre de l'étendue de l’ongle, d'y recevoir une goutte de la matiere exprimée du canal et de l'y laisser dessécher, ce qui peut être terminé en deux où trois minutes. Aprés quoi ce morceau de verre peut être transporté partout, envoyé à toutes les distances; pourvu qu'on le: préserve de la poussiere et des frottemens. 11 ne reste plus alors à l'observateur qu’à laisser tomber une goutte d’eau sur la tache laissée par l'évaporation, pour-rendre à la matière sa pre- mière fluidité et tous les caractères qu’elle avait avant son des- 54 LALIEMAND, —+ Sur les Zoospérmes. sechement , quand bien même il'aurait duré plusieurs années: -1Ce procédé simple:et expéditif peut être employé par tous les, praticiens qui voudront avoir un bon microscope.et s’exércer à! ces recherches, dans les circonstances que j'ai indiquées ci-des-, sus;-cär lamarchetest toujours exactement lamième;, et ilsauront bientôt pris l'habitude de reconnaître les zoospermes, quand ils: lés auront vus vivans : ils serant ainsi dispensés de toutès les opérations préalables qu'exigent-tous les procéüés qui ont pour objet de retrouver des zoospermes dans l'urine , et Je microseo pe: pourra désormais devenir, entre: leurs mains, un: moyen sûr, prompt, véritablement usuel de vérification. Je n’ai pastbesoin de dire que le même procédé doit être employé potr'constater les pertes sémiuales qui ont eû lieu pendant ja défécation. Séu- lement on peut alôrs recieillir tout le sperme qui est expulsé } quand Je rnalade a eu soin de vider préalablement sa vessie ; et ilest bon d'en apprécier Ja quantité pour avoir une idée plus exacte de la gravité de la maladie et de ses variations: Onpré- férera donc, dans ce cas, un verre de montre à un verreplat et on y puisera une goutte de liqueur; à l’aide d’un pinceau mouillé: Sija liqüeur avait eu le temps de-se dessécher, il suffrait d'y #jouter quelques gouttes d’eau, en évitant d'y toucher. jusqu'à ce qu'elle ait repris sa premiere fluidité, afin d'éviter d’aitérer les zoospermes. Quand il s’agit de l’émission des urines, on n’opère que sur une très petite quantité de liqueur restée dans le canal : sion la recevait dans un verre de montre, il faudrait: l'en tirér pour la placer sur le porte-objet. Il vaut donc mieux la recevoir immédiatement sur un)verre plau. Onvoit que ce procédé!est exactement celui que j'ai indiqué aux praticiens , pour acquérir l'habitude d'observer sur eux-mêmes les zoospermes:: vivans: ils w'auront rien à ÿ changer pour en faire l'application à liétude de toutes les pertes Make involontaires. Le docteur Bayard a fait des recherches intéressantes sur les moyens de découvrir la nature spermatique des taches que peut présenter le linge, ou tout autre tissu:/J'ai répété ses expé- riences, et je dois dire que je les ai trouvées fort exactes. Mais elles ne peuvent guère être utiles qu’à la médecine légale. Voici pourtant un cas dans lequel on pourrait à la rigueur en tirer pm LADLEMAND: <= Sur les Zoospermies. 55 par: Gher-quelqués malades ; la chemise présente des taches uni peuhibrillantes; demi transparentes , [qui raidissent le tissu come:de la gomme ou de lémpoi. Ces taches proviennent de qéelques gouttes! de:sperine qui étaient restées dans le canal après la déféeation où émission de l'urine. Si on sépare cette portion de lu ehemisetet qu'on l’étende sur un verre de montré rempli,d’eau,/la matière visqueuse se dissout , et les zoospermes tombent! sans -altération ‘au fond de la cäpsule, d’où on peut faëilementlés transporter sur le porte-objet à l’aide de la pipette. Yairconstaté qu'une taché dé la lârgeut d’une pièce de 5o cen- times donnait assez de zo6spermés pour être facilement distin- guéerde: celles qui péuvent être produites par des écoulemens ébromiques: Mais les malades n'ayant aticun intérét à tromper, iest-plas simple de leur faire recueillir sûr une lame dé verre läsimatière suspecte, et delà placèr de’suite sous le foyer du microscope. 2 Au resteyles praticiens pourraient mêine sé dispenser d'avoir récoursrà cette éprenve, quând ils savent que ces taches sont survennésaprès l'expulsion des urines où des matières fécales ; carsalors ellesne peuvent provenir que d’une matière venue desvésiculesséminales : sans compter que les autres taches sont toujdurs moins fermes} mois brillantes, et 'empâtent moins complètement l'épaisseur dltiséur. ule doisifaire observer en-terminanit, que toutes les recher- chessmicroscopiques dont je viens de parler, confirment pleine- Menticerque j'ai dit dessigries deSpermatorrhéé; et cela devait êtres-puisquie je/n’ai parlé que dés phénomènes dont j'avais sou- venbwénifié la valeur avec le microscope. C'est même probable- méntderpette manière que ce précieux instrument rendra le plns:de-sérivice à Ia pratique: Quoique jé ime sois éfforcé d'en simplifier l'application, je me me fais pas illusion sur son im- puissance quänt à l'appréciation dés causes dé la maladie, de sa gravité et des moyens à lui opposeri>Je conçais aussi que la plupart des praticiens ne pourront employer le microscope dans tous Jes ças et pour toutes leurs périodes ; mais il est important qué. tous, puissent répéter les, mêmes observations, ou qu'ils sachent du moins qu’elles ont'été répétées par d’autres. 56 LALLEMAND., --, Sur, les Zoospermes. $ 16. Maintenant, abstraction faite de toute application patho- logique , il résulte des observations microscopiques doht je viens de parler, que les zoospermes disparaissent complètémenty:chez l’homme, par les progrès de l’âge ; qu'ils n’ont pas toujours;-de- puis la puberté, la même énergie, la méme densité! lesimémes dimensions; qu'ils peuvent être plus ou moins nombreux, très rares et même remplacés par des produits incomplets | partdes globules ovoïdes ou sphériques : mais ces données sont tellement contraires aux idées reçues ,‘qu’elles ont besoin d’être appuÿées par d’autres faits. J'ai dit qu’à la suite du coit, les mouvemens des animalcules étaient plus énergiques, plus rapides -que-dans toute autre circonstauce, et qu'ils vivaient plus long-temps, toutes choses égales d'ailleurs. Les mêmes observations jont été faites sur les zoospermes des animaux. J'ai va souvent aussi-sur le chien, le lapin, le rat, le coq, etc., les zoospermes toutsà-fait immobiles , quoique les organes fussent encore chauds: Geci est surtout remarquable sur les Mollusques. Au moment: où ils viennent d'être tirés de l’eau , les zoospermes sont:tres agilesyle lendemain ils sont complètement immobiles, quoique-dlesiindi- vidus jouissent encore de contractions musculaires énergiquesz ce qu’il est facile de constater dans les bivalves àdaamanière dont ils rapprochent leurs coquilles ; cependant, la fécondation de ces animaux ayant lieu à travers l’eau, leurs zoospermes-doivent 7 vivre long-temps, lorsqu'ils sont expulsés ;spontanéihent ; sans quoi l'espèce périrait. J'ai remarqué que les mouvemensiétaierit plus vifs, plus prolongés, dans les zoospermes qui provenaient des vésicules séminales , que dans ceux qui étaient tirés: des-ca- naux déférens et surtout des testicules quoique je commence ordinairement par examiner ceux-ci les premiers ; etique jé dés laie toujours le liquide avec de l'eau tiède (1). Ces différences, déjà remarquées.par d’autres ; indiquent certainement un pro< grès dans la vivacité des animalcules,à mesure qu’ils pes dà l'orifice du conduit excréteur. 1 elsoÿ (r) Jé dois faire observer cependant que j'ai vu souvent avec M. Milne Édwards, Vies zoospermes de plusieurs reptiles devenir subitement immobiles par l'addition! d’ane’ éertaine quantité d’eau, quoiqu'elle fût à la température de Jeurs conps. 1 1) | » inod LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 57 $'i7. On retrouve chez léS animaux aux approches du rnt, les : mêmes changemens qu'on obsérve chez l’homme à l’époque de [ES puberté. Mais il faut à cèt égard, établir une distinction entre les animaux sauvages, et les animaux domestiques. Dans l'état sauvage, le mâle et la femelle se trouvent en même temps disposés à la” reproduction, parce que les mêmes causes agissent ä-la-fois et de la même manière sur tous deux. Parmi ces causes , il faut ranger particulièrement une nourriture abon- dante et une mL sr favorable (1). Les ovaires et les testi- éules, deviennent donc à la même époque, le siège d’une con- géstion qui acquiert peu-à- peu son maximum d'intensité. Ta turgescence s'étend au reste de l'appareil génital, et les ovules arrivént à l’état de maturité en même temps que les animalcules spermatiques. D ans l'intervalle, les ovules sont dans un état r'u- dimentaire, et la sécrétion des zoospermes diminue ; ces êtres disparaissent même complètement et sont Pb par des globules analogues à ceux que l’on trouve chez le mulet dans toùs les temps, chez l'enfant au début de la puberté, chez l’homme dans certains cas pathologiques, ou dans certaines dispositions âmormäles. C’est chez les oiseaux ainsi que nous Pavons dit, que’ces modifications sont les plus tranchées, je les di vues ééftridhdt très prononcées aussi chez les hactraciens et les poissôns. On voit ainsi se renouveler * chaque période des amours’ ce’ qu'on observe chez l’homme qu'une fois à l'état normal. On peut donc regarder comme une règle Benérale, lab- Sende dés änimalcules corhplets, quand la femelle n’a pas d'o- vülvés à l'état de maturité. Aussi est-ce toujours au moment des ämours qu’il faut commencér, dans chaque espèce, l'étude des zoospermes pour les observer à l'état parfait. A l'état sauvage, ' x), (Cet, hiver, /uu automne humide a été suivi de jours tres chauds ;; les, lilas, Les aman+ diers, elc., se sont couverts des feuilles é! de fleurs ; les bactraciens sont entrés en rut au com- iencement de décembre ; en sorte qué , dans le mois de janvier, tous les fossés élaiént replis déftétards comme au printemps, Il ÿ avait déne eu un changement de saison qui‘avait produit tous ces effets comme s'il était wenu cinq mois plusctard: Pour quela fécondation ait éu:lieu au commencement de l'hiyen il a biçu fallu que des ovules se développassent dans l'ovaire en même temps que des zouspermes dans les testicules, et qu'ils acquissent à- “la-fois leur plus haut point de perfection. 58 LALLEMAND, —\ Sur les Zoospermes. l'apparition. « des animalenles est donc précédée et suivie de la pr oduction, de corps incomplets , et les testicules. sont.dans les mêmes conditions que les ovaires. IL n'existe d’aniwalcules com: plets “ras le mâle, que quand la femelie a dés axales à l'état de maturité, dé d | ire sl se 3819" frecrs Mais chez les animaux x domestiques, les choses nese passent pas exAcLement, de même, parce que leur alimentation, est toujours assurée, parce. qu ‘ils sont abrités. contre, les Autempéries, des saisons, etc., ce qui les. met dans les. mêmes conditions, que l'homme. Fete mon l'homme. se reproduit également dans toutes:les saisons; pourquoi n’en, est-il pas de, même. des, ani maux domestiques;! ?. Cette différence dépend uniquement de, la femelle. En général, elle cesse d’être en chaleur ,dèsile moment qu ’elle a conçu. L'ér éthisme , le gonflement des parties, génitales disparaissent, . ainsi que la sécrétion abondante, dont l'odeur excite si puissamment le mâle, Il cesse, dés-lors de rechercher,la femelle. :, s’il en approche, elle: le, repousse avec impatience! Ia tuie est, peutétre la seule qui reçoiveJe. mâle ARFÉS; avoir été fécondée, Et encore n'est-ce que, pengant, quelques, joursoul'l .Dés.que l'utérus, est devenu. le siège du travail, si. actif de. Ja gestation, toutsigneextérieur du put “disparait, el l'indifférence la, plus, absolue persiste, jusqu'au, moment. où, les, soins..de, la mère LL joutiles à la nouvelle génération ; c’est aloxs.seule ment qu'une nouvelle période commence: Or les, mêmes, phé- ngmènes se, manifestent à la, mème, époque ss toutes les, fe: welles.de Ja même.espèce, qui occupent le même; paysg äl,en résulte qu'apres le rut, les mâles n'en;reucontrent, plus qui,ré- veillent en eux l'organisme vénérien; la sécrétiomdes, testicules se.ralentit,. mais elle,ne cesse; pas complètement si | les, alimens. sont nues Aussi les désirs se réveillent-ils bientôt avec éner- gié à la moindre excitation. Lorsque la brebis, l’ânesse, la vache, la ner ont été soustraites aux approches du mâle; où lors- qu'elles n'ont pas été fécondées, de norveaux pars arrivent promplement à maturité, par, l'absence de, tout, travail, utérin, Alors'le taureau } le bélier, sontiexcités de nouveau à la-copulas: tion, ét Sÿ rive avec la'même ardéur qüé dans la saison dés amours La mème chose arrive plus souvent encoré, chez, les (4 : LALLEMAND: + \S3"/es ZOospérrires. 50 chienset chez lés chats ; parce que, dans ces espèces, ily a tou- jours des femelles qui entrentien chaleur plis tôt où plus tard’ que les autres, soit qu'elles aient été 'séquestrées, soit’ qu'ün leur äit Ôté leurs petitsyete.; Car ce n’est pas seulement la gestation qui ralentit le travail de Povairé, €’est encore li lattation , “Et porte sur jes mamelles la fluxion dorit l'utérus avait été Ie siège." Aussi [les phénomènes .du rut ne’paraissaiént:ls chez cès re) melles,:que quand elles n’ont pue dé petits à nourrir, et c’est ce quipeut seul expliquer ce qu'on observe chez’certains her- bivores très salaces: Les lapins, les! cabiais” bien soignés, font’ des petits dans toutes les saisons. Les mâles les plus NA né tardent pas à tourmenter les femelles dés qu'elles ont mis bas, mis elles leur résistent pour né s'ocetipér que de l'allaitément. Alors lés plus furieux finissént pat se jeter sur les pétits, ét par” viennent àrles étrangler malgré les soirs de Ta mère. Aussi ébux qui ont l'habitude d'élever ces animaux, ne manquent-ils jamais d'isoler lesomäles pendant ‘toute là durée de l'allaitément. Ces: actes inexplicablesrchez des herbivores , ne doivent dont: être rapportés qu’à l'instinct de la propagation , exalté par une notir- riture-abondante et'une douce téipérature. Si cette disposition avaitrexisté à l’état sauvage, elle auraît amené la destriétion de l'espèce. PS À ee; - En résumé ; à l’état domestique, lé alé réste aptl à A fécon- dation dans rage du rut? si Paccouplemient a pas lieu dans tous les temps, c'est ique lés phénomènes di rut ne repa raissent chez les/femelles qu'après l'allaitement et icest ce qui explique lès exemples de masturbation ;'eté! ‘qui ont été observés ebez quelques mâles biën nourristét peu fatigués: Aussi trouve-t- on dans ces éspèces de zoospermes à totites les’ époques de Vans néé, du moins/dans/les vésicules séminales }! car il Atrivé® quel quefois, qu'après une très longue abstinéncé! ün n'en rencontre plus, dans les! vaisseaux sécréteurs, que des corps incomplets comme ceux qui existent chez le mulet. C'est si bien à la femelle seule qu’il faut attribuer, chez ces espèces domestiques, 1a'con- tinence du mâle, que’lé coq n’éprouve jamais d'interruption complète et prolongée dansses fonctions génitalés; tandis qu’il n'en ést pas de mème pour le pigeon ; aussi ardent que lé coq, 60 LALLEMAND, — Sur les Zoospermes. et quia comme lui des zoospermes très Isien développés dans toutes les saisons. Mais le pigeon n’a qu’une femelle, il est même obligé de l'aider à couver les œufs et à nourrir les petits. Tous ces exemples montrent parfaitement l'influence d’une nourriture abondante, d’une douce température, et d’un cer- tain repos sur la reproduction des ovules et des zoospermes. Ceux qui concernent les oiseaux surtout, sont remarquables en ce que c'est chez eux, que se montrent, à l’état sauvage, les différences les plus tranchées entre le rut et le calme complet des organes ; tandis que la poule fournit des œufs, et le coq des zoospermes à-peu-près dans toutes les saisons ; du moins dans les contrées méridionales ; car dans le nord, il y a deux mois d'interruption dans la ponte-au plus fort de l'hiver, et cette dif- férence vient à l'appui de ce que j’ai dit relativement à l’influence de la température. Sice rapprochement ne paraît pas aussi exact chez les mammifères domestiques, cela tient à l'influence de la gestation et de l'allaitement. La poule à laquelle on soustrait ses œufs, ne couvant pas, se trouve exactement dans les mêmes conditions que le coq ; mais chez les mammifères, l'utérus après la conception, les mamelles après la parturition ; deviennent le siège d’une congestion énergique qui ralentit les fonctions de l'ovaire, et ce qui le prouve, c’est que le rut se renouvelle bien- tôt quand il n’a pas été suivi de fécondation. Il serait facile d’é- tendre ces observations à l’espece hnmaine où la fécondation est infiniment moins assurée, et, sans comparaison, beaucoup plus rare... Mais je ne puis entrer ici dans le développement qu’exi- gerait une semblable question. Ce que j'ai voulu constater pour le moment, c'est que l'extrême rareté de là nourriture , la ri- gueur des saisons, les fatigues excessives, enfin toutes les causes de destruction contre lesquelles les animaux sauvages sont obli- gés. de lutter, empêchent le développement des zoospermes aussi bien que des ovules pendant une partie de l’année ; tandis que les influences contraires le favorisent chez l’homme et chez les animaux domestiques. $ 18. En résumé, les variations observées dans les zoospermes de l'homme à l’état pathologique et des animaux à l'époque du rut,sont contraires à l’idée qu'on s'était faite de leur invariabilité: LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 6i cette opinion n’est vraie qu'autant qu'il s'agit du #) pe parfait de chaque espèce , comparé au type d'une autre espèce , même trés voisine ; mais , chez-le même individu , ils peuvent éprouver de grandes modifications dans leurs formes , dans leurs dimen- sions, dans leur mobilité, dans leur résistance à la mort et à la décomposition putride, suivant l’état de l'individu , suivant la partie des organes spermatiques où ils se trouvent ; les époques du rut , l'influence des grandes perturbations de l’écono- mie , etc. Ces variations suffiraient déjà pour faire regarder les zoospermes comme des produits organiques qui se perfec- tionnent dans leur marche, par un séjour prolongé , etc. ; ce- pendant, pour beaucoup de physiologistes , les zoospermes ne sont que de véritables parasites vivant pour leur propre compte dans la liqueur séminale ; comme d’autres entozoaires se déve- loppent dans d’autres humeurs , quand ils y trouvent les condi- tions nécessaires à leur existence. Beaucoup de savans hésitent encore entre ces deux opinions etse divisent en bien dés nuances. Cette incertitude est d'autant plus fàächeuse que la solution de cette question est intimement liée à celle de plusieurs autres fort importantes. e n bi ARTICLE III. De l’origine des zoospermes. $ r9. Voici les argumens de ceux qui regardent les zoospermes comme des parasites. Ils ne différent, dit-on , des autres entozoaires que par leur séjour dans la liqueur séminale, laquelle doit avoir acquis un certain degré de perfection pour se prêter à leur complet déve- loppement , etc. Cette ressemblance avec les autres parasites a méme paru suffisante à M. Bory de Saint-Vincent (Dictionnaire classique d'histoire naturelle, article zoospermes) pour ranger les animalcules spermatiques à côté des cércaires, ordre des gymno- dées, Mais ce rapprochement, inspiré d’abord à Müller par des observations incomplètes , admis par d’autres dans l'intérêt d’un système , ce rapprochement décide précisément ce qui est en question. Or, une ressemblance vague , éloignée dans les formes 62 LALLEMAND, -—— Sur les Zoospermes. extérieures, d'êtres aussi petits et aussi simples, ne peut suffire pour faire admettre cette identité d'origine, d'organisation ét de fonctions: Les, cerenires sont d'ailleurs plus compliqués;'quel- ques espèces ont même:des rudimens d'yeux:8i l’on ne consül: ‘ait que, les formes;on ne pourraitau contraire rapprocher (les animalcules,,des mammifères Ide ceux des poissons et des in: sectes, il faudrait;en séparer: surtoutceux qui sont contents dans, des capsules particulières ; quelquefois très compliquées. Op.peut juger du danger d’un pareil système dans ane question aussi délicate, parce qui est arrivé à Czermak pour avoir voula classer, aussi les zoaspermes d’après leurs formes. Sa première section comprend! les céphaloïdes qui sont; dit-il ;'arrondis, en forme de disque;et c'est dans cette section qu'il'range les zo05- permes. des poissons, qui sont précisément ceax dont laqueue est, plus longue, mais aussi la plus déliée ; ce ‘qui a long-témps empêché, de, l'apercevoir. Il faudrait donc des considérations d'une autre nature et d’une plus grande importance, pour assie miler les zoospermes aux cercaires. -Des observations superficielles de Buffon firent supposer, pen: dant quelque temps, que les organes femelles pouvaient aussi contenir des animalcules spermatiques; mais cette illusion fut bientôt relevée avec d’autres du même genre dont j'ai déjà in- diqué la carise, Cependant, comme toute erreur tend à se repro- duire avec une incroyable ténacité, surtout quand elle vient d'un homme de génie, Bardach cite éntoré des observations plus récentes, d'où il résulterait qu’on aurait trouvé des zo0- spermes ; ou Fu parasites semblables à des zoospermes, fous des organes femelles de certains Mollusques: » BOX Ceci. peut s'expliquer parfaitement; et de plusieurs me ie chez ces animaux. 91 | Il,en est beaucoup qui sont hermäphrodites, et chez lesquels l’oviducte et le canal déférent sont ‘intimement unis dans une partie de leur étendue. ILest donc facile de les confondre dans le;cours.d'une expérience. Mais, il y a plus, ces’conduits com- mupiquent quelquefois, directement par une longue fente; en supposant qu'elle s'oblitère pendant la copulation, par le gon- flement des parties, ainsi qu'on le suppose; il n'en peut être de LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 63 mème pendant une dissection, et la liqueur Séminale peut eh letént passés di canal déférent dans l’oviducte. Chez d’ autres, le pénis du'mäle est introduit dans le canal excréteur de l’o- vairéy ét l'on doit ÿ trouver des” zoospermes après la copulation : ; iléxiste même chez les Limaces, lés Escargots, etc., sur le ! trajet de T'oviducte, une dilatation, ou bourse BR RENR à dans la- quelle 1e sperme est déposé pour opérer ensuite la fécondation, Amésüre que les œufs descendent dé l'ovaire : cette bourse doit donc contenir des zO0sperimes long-temps aprés Ja copulation. C'est: cé que ne savaient pas les observateurs cités par Burdach, puisque” ces faits n'ont été constatés que depuis quelques : an- nées. Une cause d'erreur bién plus frappante encore, et plus commune a dû naître dé Ia détermination erronée dés 6rganes mäle’et femellé dans un très grand nombre de Mollusques. Cu- vier , qui à le premier débrotillé cet immense Chaos par des tra- vaux qui font son plus beau titre de gloire , Cuvier s’est trompé très souvent sur la nattire des organes génitaux qu'il avait si biën disséqués ét dessinés, parcé qu'il lé s'était pas servi du microscope pour apprécier la nature des produits fournis ] par l'ovaire ét le testicule. Dans d'autres cas, il na cru voir que des feméllés dns éértaines espécés, parce que les testicules res- serxblerit parfaitement aux ovaires, par léur position, par leur foriie!ét la distribution’ du éonduit excrétéur: où bien il à re- gardé”comme Herniphrodites ‘dés espèces dont les sexes sont séparés: Ainsi, par éxemiplé, il'a fallu les recherches micros Co= piques et 168 expériences de M. Prévost pour démontrer que les SeKES sont séparés dans la’ Moule ( Uno piétôrum } Nous avons éonstaté la méme’ erreur, M. Milne Edwards et moi , ‘datis 1e és Véniis ét dans les Patélle, et'tous les jours le t microscope, én faït découvrit" d'autres seriblables dans. cette 1 même famille! des Müllisques. ne 3e À j | plésige sp 1J1 leene e#q 29 (1 HOY )1 ol) 2u#14 29h éssdiio 251 4i0v 4104 917m0"13 10} + TONI on) Terdoïi prévenir ceux quivoudraient répéter des recherches} qu'il faut emplôÿer des en huit à meuf Fenls. fois pour. voir les queues déliéesçet Ivansparentes dé, és rmes , ét étendre la liq ueur avec de l'eau alcoolisée, ou la laisser dessécher ; ÿ, pour Yoi le de C'AEOYTTA iL faut" choisir la plus grande activité de l'époque < des amous et SE ! sitôt qu'on tire le Mollusque de l'eau, A19m9uou id | 64 LALLEMAND.. — Sur, les Zoospermes. IL.est facile de concevoir que les micrographes , en partant. de, ces déterminations erronées, aient trouvé, souyent des. z00- spermes dans ce qu'ils regardaient comme des ovaires, des ovi-| ductes ; mais le tort qu’ils ont eu, c'est d’avoir montré plus.de confiance dans Cuvier que dans lenr. instrument : au lieu de prétendre qu'ils avaient trouvé des zoospermes dans un organe, femelle, ils devaient dire : « Cuvier a pris un testicule pour un ovaire, parce qu'il n’a pas fait usage du HRIErOSE AR pour,en étudier les prodaits » Les faits invoqués par Burdach pour ressusciter l'opinion de, Buffon ne méritent donc pas plus de confiance que les observa- tions microscopiques du grand naturaliste. Le physiologiste allemand fait observer qu’on trouve en, tout, temps une grande quantité de zoospermes dans, la vésicule sémi- nale des Lapins , quoique les canaux déférens s'ouvrent directe- ment dans l’uréthre. Voici ce que j'ai remarqué à cet égard : 1° la quantité de zoospermes qu’on trouve dans la vésicule sé-, minale des Lapins varie beaucoup d’un moment à l’autre; tout récemment , il m'est arrivé de n’en pas trouver un seul au mi- lieu des globules variés qui remplissaient cette cavité ; 2° les orifices des canaux déférens se trouvent placés au-dedans du repli de la membrane muqueuse qui entoure Fouverture de la vésicule séminale ; en sorte qu’il faut écarter ce repli de.chaque côté pour bien voir l’endroit où: se:terminent ces: canaux, sécré- teurs. D'un autre côté, lorsqu'on incise la vésicule séminale, après avoir renversé la vessie en avant, et qu’on pousse. une injection colorée dans l’un des canaux déférens, on voit passer. une partie.de l'injection par l'incision; ce qui prouve que la disposition des orifices des canaux déférens au-dedans, de,,ce repli est très favorable au passage direct des zoospermes, dans la vésicule séminale. 1l faut bien admettre que, pendant la, vie; l'ouverture de ce réservoir n'est pas aussi béante qu'après la mort, surtout quand on l’entr'ouvre pour voir les orifices des canaux déféreus. Dans l’état de rut, laiturgescence de l’urèthre doit encore favoriser davantage le passage diréct des RU ne dans leur réservoir. Il n’est donc pas étonnant qu'on ÿ en, trouve habituellement, LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 65 Burdach s'étonne aussi de ce qu’on ne trouve pas de zoo- spermes dans les vésicules séminales du Rat, ce qui lui fournit un argument en sens contraire du précédent ; mais celui-ci ne repose que sur un vice de langage. Les premiers anatomistes qui ont disséqué ces organes dans le Hérisson, le Rat et d’autres Rongeurs, ont été frappés des dimensions de ces poches, de leur nombre, de leurs complications, et ils en ont couclu natu- rellement qu’elles étaient d’une grande importance dans la fonc- tion. Il les ont trouvées très distendues à l'époque du rut, et ils ont dû croire que c'était par du sperme. De là le nom de vési- cules séminales qu’ils ont imposé à ces dilatations avec d’autant plus de confiance qu’elles ont à-peu-près la même position, les mêmes apparences que les vésicules séminales de l'Homme et de la plupart des Mammifères. Ces inductions semblaient donc irréprochables , et l’on ne saurait blâmer Cuvier de s’y être laissé prendre. Cependant, avant de les admettre définitivement, il eût fallu rechercher avec soin le mode de terminaison des ca- naux déférens, et surtout, examiner au microscope la matière qui distendait ces vésicules. Alors on aurait vu qu’elles n'avaient pas de communication directe avec les canaux déférens, et qu’elles étaient entièrement remplies de grumeaux brillans et irréguliers semblables à ceux qu’on trouve chez l'Homme dans les anfractuosités des vésicules séminales, à la suite des ma- ladies longues. Alors on eùt compris que ces dilatations sont uniquement des organes de sécrétion, et que ces matériaux, accumulés en si grande quantité à l’époque du rut, sont des- tinés à favoriser le transport et la dilution des zoospermes, comme le fluide fourni par la prostate, les glandes de Cooper et les follicules muqueux de l’urèthre ; en un mot, que ces vési- cules ne sont pas, comme celles de l'homme, des réservoirs de sperme ; qu’elles ne remplissent que la moitié des fonctions départies aux véritables vésicules séminales. En étudiant ensuite les transformations qui s'opérent dans les organes de sécrétion situés sur le trajet du sperme, on eût vu que les uns manquent parfois complètement, ou se remplacent réciproquement ; que les autres peuvent changer d'apparence extérieure et même de structure sans cesser de remplir la même fonction. Ainsi, par XV. Zoo, — Fevrier. 5 66 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. exemple, dans le Lapin dont je parlais tout-à-l'heure, la prostate a conservé sa position, et jusqu'à un certain point sa structure ordinaire; mais les follicules muqueux, au lieu de s'ouvrir iso- lément et directement dans l’urèthre, comme chez l'homme, versent leurs produits dans un petit nombre de conduits qui se terminent au-devant de la vésicule séminale. Ici on reconnaît encore assez la prostate pour lui conserver son nom ; mais je suppose que plusieurs de ses follicules s’allongent et se dilatent de chaque côté, on aura exactement la même disposition que dans le rat et le hérisson; seulement le changement aura été si grand, qu'on ne trouvera plus d’analogie entre ces dilatations et les follicules prostatiques. Elle existe cependant d’une manière bien évidente, puisque la fonction est exactement la même, et le rapprochement est d'autant plus naturel, qu’il porte sur des Rongeurs très voisins les uns des autres et du même pays. Si les zoologistes avaient tenu compte de toutes ces considé- rations , ils auraient appelé ces dilatations des vésicules acces- soires ou sécrétoires ; et ils auraient évité aux physiologistes des erreurs d’une autre nature. En effet, Burdach n'est pas le seul qui ait été trompé par ces déterminations erronées , elles ont sans doute contribué à l’opi- nion de MM. Prévost et Dumas sur les fonctions des véritables vésicules séminales : n'ayant pas rencontré de zoospermes dans les vésicules accessoires de plusieurs Rongeurs, ils en ont conclu que celles qu’on trouve dans les vésicules séminales, dans celles du lapin par exemple, y pénètrent par hasard ; enfin, que les vési- cules séminales ne sont pas des réservoirs, mais des organes de sécrétion. Ainsi, l'autorité de Cuvier a prévalu encore une fois sur celle du microscope, même dans l'esprit de ceux qui devaient à ce précieux instrument leurs plus belles découvertes. On conçoit pourquoi Burdach tenait à établir qu’on trouve des zoospermes dans des organes femelles, dans des cavités sans communication directe avec les testicules, tandis qu’on n’en rencontre pas toujours dans les vésicules séminales. Il s'agis- sait pour lui de faire prévaloir l'opinion que ces êtres vivans ne sont autre chose que des Entozoaires ordinaires, de véritables parasites qui se développent, comme tous les autres, partout où LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 67 ils rencontrent les conditions nécessaires à leur existence. Mais au lieu de s'appuyer sur des faits obscurs ou mal observés , sur la fausse détermination de certaines parties, il aurait dû exami- ner si ce rapprochement était fondé sur l’analogie, et il aurait vu bientot qu’elle était entièrement contraire à son opinion. Les parasites se développent surtout chez les individus jeunes, faibles, d’une mauvaise constitution, mal nourris, exposés à l’intempérie des saisons, etc.; au contraire, les zoospermes n’ap- paraissent qu'au moment où le corps a pris la plus grande partie de son développement : ils sont reproduits avec d'autant plus de rapidité, que l'individu est plus robuste, mieux nourri, etc. ; et ils diminuent sous l'influence de toute cause débilitante pky- sique où morale , de toute altération de la santé; conditions fa- vorables aux parasites. Les organes souffrent toujours de la présence des Entozoaires ; leur expulsion est toujours suivie d’une amélioration dans la fonction, dans l’état général de l’é- conomie; le séjour prolongé des zoospermes augmente au con- traire la force physique et l'énergie morale. Il suffirait de l’affai- blissement produit par leur expulsion exagérée pour éloigner tout rapprochement avec les parasites. Je ferai remarquer , à cette occasion, que ce n’est pas seulement l'absence de l’in- fluence séminale qui agit sur les malades affectés de pollutions, comme on l’a si souvent répété ; car les eunuques mangent bien, dorment d’un sommeil tranquille ; il en est qui ont montré de la capacité et même du courage ; leur santé n’est pas plus sou- vent dérangée que celle des hommes complets. Ceux qui sont épuisés par des pertes séminales involontaires tombent dans un état bien plus déplorable, Cependant la liqueur séminale n’est pas complètement absente comme chez les eunuques ; elle n’est pas entièrement sans action sur les organes génitaux, puisqu'ils éprouvent encore quelques érections. L'économie doit donc en ressentir aussi quélque influence. Il faut par conséquent attri- buer les symptômes graves qu'éprouvent ces malades, et dont les eunuques sont exempts, à la fatigue qu’entraîne une sécré- tion exagérée de sperme, Mais il n’y a pas d'autre évacuation dans l'économie qui produise, à quantité égale, des effets ana- logues. D'où vient cette énorme différence? Elle ne tient pas au 5, 68 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. liquide amorphe dans lequel nagent les zoospermes, puisqu'on en rencontre de semblables dans beaucoup d’autres organes dont la sécrétion n’a pas à beaucoup près la même importance. C'est donc aux animalcules qu’elle doit tenir. Mais si c'étaient des parasites, pourquoi leur expulsion aurait-elle des effets si déplorables ? Si l’on se rappelle qu'une seule goutte de cette li- queur à l’état normal contient des milliers d’êtres vivans, on concevra que leur production ait d’autres conséquences que celle da mucus ; que leur composition, leur énergie, leur viva- cité, etc., soient modifiés par les passions , par les images et les idées lascives , par l'acte vénérien , etc., toutes choses qu’il est impossible d'expliquer, si l’on regarde les zoospermes comme des parasites , et l’on ne peut choisir qu'entre l’une ou l’autre de ces deux hypothèses. D'un autre côté, on connaît le mode de reproduction des Entozoaires ; on a même parfaitement constaté qu’ils se propa- geaient par les divers modes connus jusqu’à présent. On ne con- naît, au contraire , absolument rien de semblable chez les z00- spermes. M. Bory Saint-Vincent pense qu'ils pourraient bien se reproduire par scission ; mais cette supposition, jetée en passant, n’est fondée que sur quelques vagues rapprochemens auxquels il ne paraît pas lui-même attacher d'importance. « Gruithuisen, dit Burdach (page 136), prétend avoir vu qu’ils se propageaient par scission longitudinale et par gemmation». Je n'ai pas pris la peine de remonter à la source de cette citation, parce que J'ai indiqué ailleurs les causes de ces illusions, dont il n’est pas au- jourd’hui permis d’être dupe. Il n’existe pas à ma connaissance d’autres faits sur le mode de génération des Zoospermes , et , de l’aveu des micrographes les plus distingués, il est encore com- plètement inconnu. Mais une difficulté autrement grave se présente pour ceux qui regardent les Zoospermes comme des parasites. C’est leur apparition à l’époque de la puberté, c’est leur retour à l’époque du rut, après avoir disparu complètement pendant une partie de l’année. Ce phénomène remarquable , constant , qui se re- produit sur l’immense majorité des animaux , ne peut s'expliquer que de deux manières. Il faut absolument que les animaicules LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 69 se développent spontanément dans la liqueur séminale dès qu’elle acquiert les qualités nécessaires à ce mode de génération ou qu'ils soient produits par les testicules, quand ils éprouvent une excitation convenable: c'est ce que Burdach a parfaitement compris: aussi met-il à contribution son immense érudition et toutes les ressources de son imagination pour défendre la géné- ration spontanée des Zoospermes. On conçoit qu’il m’est impos- sible de le suivre pas à pas dans cette longue discussion, où il parait tenir, comme partout , au nombre des faits et des argu- mens plutôt qu’à leur valeur intrinsèque:il en est cependant que je dois relever. D'abord Burdach cherche à établir ( page 133) que la liqueur séminale est la plus putrescible de l'économie ; qu’elle se trouve dans toutes les conditions nécessaires à la production des infu- soires et termine ainsi son raisonnement. « Nous devons donc admettre que les animalcules spermatiques sont des infusoires qui se forment lorsque le sperme, ayant acquis son plus haut degré de perfection, est devenu très décomposable et apte à la fécondation; que, par conséquent, ils n’y existent pas dans le principe, et qu’ils n’ont par eux-mêmes aucune connexion avec la vie de l'organisme souche ». A vant d'aller plus loin, il est bon de rétablir la valeur exacte des mots et l'esprit de cet argument. Il ne s’agit pas ici de savoir si le sperme est rès décomposable ; car ce n’est pas dans des matières décomposables qu'on voit se for- mer des infusoires ; mais, dans des matières décomposées , c’est- à-dire dans lesquelles se sont manifestés des phénomènes de putréfaction. Or, peut-on supposer que la liqueur séminale, en- core contenue dans le testicule ait déjà commencé à se putréfier ? L’est ce que Burdach lui-même n’a pas osé dire; mais, si l'expres- sion mitigée dont il se sert n’effarouche pas le bon sens, elle ôte à l'argument toute espèce de valeur, puisque ie développe- ment des infusoires dans les matières putréfiées était invoqué par lui, pour expliquer celui des aninalcules dans la liqueur séminale. Au reste, la fin de ce paragraphe peut donner une idée de la puissance de raisonnement de l’auteur. Après avoir dit que ce n'est point à eux qu'est due la faculté procréatrice ; qu'ils ne sont qu'un effet accessoire , un phénomène concomitant de J0 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. cette faculté, il ajoute immédiatement : « Motif pour lequel ils manquent chez les enfans, Les vieillards ef es malades. » Ainsi ce qui prouve, suivant Burdach, le peu d'importance des animalcules spermatiques dans l'acte de la fécondation, c’est qu'ils manquent précisément chez les individus incapables de se reproduire!!! k « Needham, dit-il page 134, avait déjà observé que le nombre des animalcules augmente lorsque le sperme devient plus li- quide et commence, par conséquent , à se décomposer, d'où il concluait qu’ils sont produits par la décomposition de la matière animale ». C'est-à-dire tout simplement , qu’ils deviennent plus apparens par suite du changement de densité qui s'opère dans le liquide ambiant, ainsi que je l’ai expliqué ailleurs. Si Needham s’est laissé tromper par des instrumens imparfaits, Burdach aurait dù connaître ce phénomène de dioptrique. « Leuwenhoek a trouvé aussi qu’ils ne deviennent vivans que par la dilution du sperme, et Gleichen que leurs mouvemens sont lents dans le sperme frais, qu’ils ne font que s’y trainer, qu’ils acquièrent plus de vivacité lorsqu'on étend d’eau cette humeur ( loc. cit.) ». Ces changemens , bien connus aujourd’hui de tous les micrographes, tiennent à ce que les zoospermes se voient mieux et se meuvent avec plus de liberté dans le liquide dont on vient de diminuer la viscosité; mais ils n’y deviennent pas vivans; car ils y périssent tous, quelque précaution qu'on prenne pour leur conserver une température et une humidité convenables. « Tréviranus a observé dans la semence de la grenouille, fraîche et étendue d’eau, des courans qui entraïnaient les glo- bules et les filamens contenus dans le liquide ; c'était plus tard seulement que se formaient les animalcules doufs d’une force locomotive propre » (loc. cit.). C'est-à-dire que les zoospermes étaient entraînés d’abord par la rapidité du courant, et ne pou- vaient pas être observés : le calme étant rétabli, ils se mou- vaient dans tous les sens, et Tréviranus les observait à loisir. Tout cela est bien simple, bien connu de quiconque a touché un microscope , et la seule chose dont on doive s'étonner, c'est que Burdach ait cru voir là une création spontanée. LALLEMAND. — Sr les Zoospermes. TI « Prévost et Dumas, dit-il un peu plus loin, n’ont apercu d’a- nimalcules dans la semence épaisse des conduits séminaux des Mammiferes, qu'apres avoir délayé celle-ci avec de l’eau ». Rien n’est assurément plus simple ; mais voici la conclusion qu’en tire le physiologiste allemand: « C'était donc au fond une infusion qui appelait sur-le-champ des infusoires à la vie animale, puisque la force plastique la plus énergique et la plus exaltée ne peut point maintenir la cohésion de lu matière vivante , et ne l’em- péche pas de se résoudre en liquide ». Ainsi voilà le sperme qui devient une infusion par l'addition d’une goutte d’eau, et des animalcules qui y naissent sur-le-champ!!! Quant à la dernière partie de ce paragraphe, je doute que personne en France en pénètre le sens profond. « Bory Saint-Vincent, ajoute Burdach, a vu des Znfusoires naître au bout de quelque temps dans la laitance mise en infusion». Des infusoires , oui, mais non des animalcules spermatiques. M. Bory Saint-Vincent dit même, à cette occasion : « Loin que cette époque de corruption soit celle du développement de pareils anzmalcules , nui autre microscopique ne se développe dans le sperme pourrissant » ( Dict. class. d’hist. nat., art. Zoosperme , page 738). Je regrette d'avoir été obligé d’entrer dans tous ces détails; mais Burdach est le chef de l’école spiritualiste alle- mande, qui voit tout de haut et fait de la science à priori. L'ou- vrage du maitre a produit une grande sensation , par les noms recommandables , la hardiesse de conceptions, la variété des connaissances et l'immense érudition qui s'y trouvent réunis. Je dois ajouter qu’il y règne , sur les observateurs français, un dédain magistral , qui n’a jamais manqué de produire chez nous un engouement irrésistible. Il m'a donc fallu montrer sur quelles illusions d'optique, sur quelles aberrations de raisonnement l’auteur s'était fondé pour arriver à cette conclusion finale : « Les Spermatozoaires doivent être considérés , de méme que les Entozoaires, comme des pro- duits d’une substance organique qui se décompose dans l'inté- rieur d’un organisme vivant et sous son influence » ( page 139). Ceux qui sont habitués aux recherches microscopiques pen- seront probablement que, pour avoir admis avec avidité tant 92 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. de faits sans valeur, il faut que le savant physiologiste allemand n'ait jamais étudié [es zoospermes que dans les livres. Tous les micrographes savent parfaitement que, malgré les précau- tions qu'on peut prendre pour conserver ces êtres vivans dans les conditions de température et d'humidité convenables, ils périssent tous, sans exception, dès le moment qu'il se ma- nifeste le plus léger signe de putréfaction, ce qu'il est facile d'apprécier par le changement qui s’opère dans l'odeur du li- quide. M. Bory Saint-Vincent, qui les a étudiés pendant vingt ans dans les espèces les plus diverses, insiste souvent sur ce phénomène, et s'élève de toute sa force contre la pensée qu'ils puissent naître de la décomposition de la liqueur séminale. Son témoignage mérite d'autant plus de confiance dans cette circon- stance, qu’il n’admet pas non plus la production des zoospermes par les testicules. Il est vrai que, sous ce rapport, il s’est montré peu consé- quent, car le retour des animalcules après une longue et com- plète disparition, ne peut s’expliquer que par l’une ou l'autre hypothèse. Celui qui recule devant l’idée de leur génération spontanée , doit nécessairement admettre qu'ils sont produits par les testicules, Mais on est conduit directement à cette der- nière conclusion par l'observation scrupuleuse des faits. Quand le rut est dans sa plus grande énergie , les zoospermes sont tellement entassés dans les canaux sécréteurs du testicule, qu'ils y occupent plus de place que le liquide ambiant. Ce fait a été signalé, dès le principe, par Leuwenhoek, et tous ceux qui ont répété ses observations l'ont trouvé parfaitement exact. Ainsi l'accroissement d'activité du testicuie a pour résultat es- sentiel la création des zoospermes. En comparant la liqueur sé- minale puisée dans le testicule avec celle qui provient du canal déférent, on voit que la proportion du liquide augmente de plus en plus : ce liquide n’est donc qu’un produit accessoire, fourni par les parois des canaux que parcourent les animalcules ; il ne remplit pas d’autres fonctions que celui qui s’y ajoute plus tard. Dans les vésicules séminales , le liquide est encore plus abon- dant ; il cesse d’être homogène et transparent, parce qu'il reçoit les produits de la membrane muqueuse de ces réser- LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 73 voirs, auxquels se mélent plus tard ceux de la prostate, etc. Ainsi c’est dans les canaux sécréteurs des testicules que les zoo- spermes se trouvent entassés en plus grand nombre, et c’est là que la liqueur séminale est moins abondante, plus homogène et tout-à-fait transparente. Ces faits, parfaitement connus de Burdach lui-même, auraient dû suffire pour lui faire rejeter l'idée d’une génération spontanée produite par la décomposition des parties constituantes du sperme. Mais ce n’est pas tout ; avec un peu d'attention, on s'aperçoit bientôt que les zoospermes ne sont pas toujours disséminés irrégulièrement dans les canaux sécréteurs , comme on le trouve dans les conduits déférens : ils sont au contraire, dans beaucoup d’espèces , appliqués exacte- ment les uns contre les autres, et tous dirigés dans le même sens. Souvent ils se succèdent par fascicules plus ou moins nom- breux , suivant les espèces ; on les trouve encore groupés de la même manière dans la liqueur qui s'échappe d’une incision pra- tiquée au testicule, pourvu qu’on la dépose sur le porte-objet sans l'agiter dans l’eau. Dans le Rat, le Lapin, le Cabiais, le Moineau, le Lézard, le Limaçon, etc., je les ai trouvés par-- faitement alignés, comme des paquets d'épingles dont toutes les têtes reposeraient sur le même plan. Chez la Raie, on le trouve encore ainsi jusque dans le cloaque. Dans beaucoup d'oi- seaux , ces têtes étaient en outre enveloppées par une espèce de capuchon excessivement mince et transparent, qui accompa- gnait les queues plus ou moins loin, comme un enduit mu- queux. J'ai constaté plusieurs fois que toutes ces têtes étaient dirigées vers l’épididyme; mais l’expérience est fort délicate, à cause de la facilité avec laquelle se rompent, chez ces ani- maux , les canaux sécréteurs, moins résistans, moins isolés, et plus distendus que ceux du testicule de l’homme. Quoi qu'il en soit, cette disposition régulière par groupes successifs, dirigés tous vers l'extérieur, et composés d’un nombre égal de zoospermes dont les têtes se touchent, cette dis- position indique assez que les animalcules viennent de l’extré- mité des canaux sécréteurs, et sont produits à-la-fois par fasci- cules qui se désunissent quand chaque animalcule jouit d’une plus grande énergie et de plus de liberté dans le liquide moins 74 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. visqueux qui l’environne. Ce qu’il y a de certain, c’est que je n’en ai jamais vu un seul exercer le moindre mouvement spon- tané au milieu de ces groupes encore contenus dans le testicule. Le D: Milne Edwards a rencontré chez beaucoup d’autres ani- maux la même disposition par séries régulières, déjà remarquée par Wagner et par M. Dujardin. Il est vrai que nous n’avons rien observé de semblable dans d’autres espèces ; mais le mode de développement des ovules et leur disposition, varient de même. Dans beaucoup d’ovaires tubuleux , les ovules se déta- chent aussi de l'extrémité du tube, par séries ; tandis que dans d’autres ils n’arrivent à maturité que l’un apres l’autre. Mais ce rapprochement entre les ovules et les zoospermes est- il fondé? Cette question est grave sous plusieurs rapports. L’a- nalogie est, après l'observation directe, la source la plus féconde d’inductions précieuses ; mais il est facile de s’égarer dans cette voie, pour peu qu’on dévie au point de départ, et c’est ce qui fait qu'on a puisé dans de fausses analogies des argumens erro- nés contre la production des animalcules par sécrétion. On ne peut admettre en bonne physique, dit M. Bory Saint- Vincent (Zoospermes , page 7937 ), que des animaux doivent leur origine à un tel mécanisme. Il paraît contraire à toute analogie que des glandes sécrètent des ètres vivans : ce serait la seule glande dans l'économie qui remplirait de pareilles fonctions. Présenté de cette manière , l'argument a quelque chose de spécieux, quoi qu'il ne fasse que reculer la difficulté , puisqu'il faut toujours admettre que le testicule concourt à la formation d'un être vivant; mais il ne s’agit pas ici de comparer les testi- cules à d'autres glandes, puisque la génération ne ressemble à aucune autre fonction. Lorsqu'il existe des sexes séparés, la reproduction,ne peut, s’accomplx que par le concours de deux, individus ou de deux organes distincts. Puisque la fonction est ainsi par tagée, la comparaison des organes mâles ne peut s ’éta- blir, qu'avec des parties analogues de la femelle. 11 s'agit sope de savoir si les ovaires se comportent comme les testicules, les oviductes comme les canaux déférens, les ovules comme ps zoospermes. La question ainsiramenée à son véritable poiut de LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 75 vue, conduit aux conséquences les plus remarquables ; mais elle a besoin d’être envisagée dans toute son étendue. Dans les végétaux, l'ovaire peut être considéré comme une feuille repliée sur elle-même, et les carpelles des ovaires com- posés, comme des agrégations de feuilles transformées. C’est ce qu’il est facile de voir dans les Légumineuses, les Delphiniées, etc. Malgré les nombreuses modifications que les ovaires subissent dans d’autres espèces, il est toujours possible de les ramener par la pensée à ce type idéal. De même qu'il se développe des propagules à la surface de certaines feuilles placées dans des conditions favorables, des ovules se développent à l'intérieur de celles qui sont repliées en ovaires. L’anthère n’est également qu'une feuille repliée sur elle-même , car il se transforme facile- ment en pétale , et les pétales ne sont que des feuilles qui ont changé de couleur. Dans chaque cavité de l’anthère, se dé- veloppent les grains de pollen comme les ovules dans la cavité du carpelle, et chaque grain pollinique, renfermant la pulvis- cule fécondante, représente exactement les spermatophores remplis de zoospermes. L’anthère est donc l'analogue du tes- ticule, comme les granules polliniques représentent les ani- malcules ; l'odeur même de beaucoup de pollens est exac- tement la même que celle du sperme, et l'analyse chimique donne à-peu-près les mêmes résultats. Mais l’anthère est exac- tement l’analogue de l'ovaire, puisqu'il se transforme quelque- fois réellement en ovaire. L’£rica tetralix, par exemple, perd quelquefois ses anthères, ce qui fait appeler cette variété anan- dra, et son ovaire prend autant de loges de plus. Ce fait, signalé depuis très long-temps par Richard le pére, a été observé depuis par le fils, sur des pavots , et par M. Moquin-Tandon sur beau- coup d’autres végétaux. Quant aux animaux, on a souvent comparé avec raison les testicules aux ovaires, les canaux déférens aux oviductes , etc. Mais cette ressemblance n’est frappante, dans les classes supé- rieures , qu'à l’état embryonnaire; parce que, plus on s'élève dans l'échelle des êtres , plus les fonctions, les organes, les tissus, se spécialisent, et le fœtus, passant par tous les échelons qui constituent l'état parfait des classes inférieures , leur ressemble { 76 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. successivement. On voit donc, chez l'embryon des Mammifères, les ovaires et les testicules se développer avec lesreins aux dépens du corps de Wolf; ils occupent alors la même place, ils ont les mêmes rapports avec les reins et les parties voisines, et pendant long-temps il est difficile d’y reconnaître des caractères tranchés. Plus on descend dans les classes inférieures, plus les différences s’effacent. Dans les à dont l'ovaire tubuleux se continue sans interruption jusqu’à l'ouverture externe, il est impossible de distinguer les organes mâles des organes femelles autrement que par leurs produits. Quand l'ovaire se divise en nombreux rameaux, il devient une véritable g/ande dont le siège, l'aspect, la forme, les dimensions, la couleur, ressemblent souvent à ceux du testicule au point que la dissection la plus minutieuse ne permet pas de les distinguer. C’est ce qui a causé les nom- breuses erreurs dont j'ai parlé. Dans les Radiées, les ovaires et les testicules sont distribués de la même manière à chaque rayon. Dans les Oursins, ils sont également au nombre de cinq à l'intérieur de la cavité commune; ils présentent le même aspect, la même forme, et s'ouvrent dans cinq ouvertures siluées entre les épines du dos; en sorte qu’on ne distingue les mâles que par la pré- sence des zoospermes dans le liquide expulsé par ces ouvertures. Dans les Méduses, il existe quatre poches distribuées autour de la bouche, et logées entre les quatre divisions de l'estomac; au fond de chaque poche, est une bandelette en fer-à-cheval, on- dulée, diversement colorée suivant les espèces : c’est l’ovaire le testicule. Mais ici la ressemblance est poussée si loin, qu'il faut beaucoup d’habitude avec le meilleur microscope et les plus forts grossissemens pour ne pas prendre les capsules spermatiques pour des ovules. Dans les Polypes ordinaires, les ovaires et les testicules sont rangés autour de la bouche en nombre égal, et les ovules tombent dans l'estomac, ainsi que les ovaires. Dans les Actinies, des filamens visqueux diversement colorés suivant les espèces, sortent de la bouche et de diverses ouvertures du corps. Ces filamens contiennent des ovules ou des spermatophores , sans que rien l'indique au premier aspect. Enfin, dans quelques Polypes qui vivent à l'état d'agrégation, LALLEMAND. — Sur les Zouspermes. 77 comme les Escarres, MM. Nordmann et Milne Edwards ont trouvéides zoospermes entre les parois du corps et celles des organes digestifs, sans pouvoir distinguer de testicule ; et chez d’autres individus, ils ont rencontré dans le même lieu des ovules sans y apercevoir aucune trace d’ovaire. Ainsi les ovules et les zoospermes sont produits dans le même lieu, de la même manière , et la ressemblance persiste malgré l'absence d'organes spéciaux appréciables. Arrivés dans l’oviducte , les ovules s’enveloppent en général d’une couche d’albumine plus ou moins épaisse, ensuite d’une membrane extérieure , et cheminent plus tard dans le liquide moins visqueux fourni par le reste du canal. Ainsi une partie de la sécrétion de l’oviducte est employée à compléter le déve- loppement de l’ovule, et l’autre à l’isoler, à favoriser sa progres- sion. À la fin de l'oviducte, la proportion du fluide ambiant aug- mente de plus en plus, et en général, il s’y joint diverses humeurs fournies par des organes accessoires : c’est exactement ce qui ar- rive aux zoospermes à mesure qu’ils cheminent dans les canaux sécrétenrs du testicule, dans le corps d’Hygmore, l’épididyme, etc. Dans les ovaires tubuleux, c’est ordinairement vers le cul-de- sac épaissi du tube, ou des tubes, que se forment les ovules, sur une surface plus ou moins étendue, qui en produit à-la-fois une quantité variable. Dans les ovaires charnus, ils se développent suc- cessivement de l’intérieur vers la surface des ovules, qui tombent dans l’oviducte l’un après l’autre. On conçoit, dès-lors, que les ovules peuvent ensuite cheminer par groupes, ou étre isolés, diversement disposés, suivant leurs dimensions et le diametre de l’oviducte. Il est probable que les mêmes différences existent dans le mode de production des zoospermes, d’après ce que j'ai dit de la manière dont quelques-uns se trouvent groupés dans les canaux des testicules , tandis que, chez d’autres, ils sont disséminés sans ordre. Les ovules se comportent donc comme les zoospermes , dans la liqueur fournie par les canaux qu’ils parcourent et par les organes accessoires ; seulement les ovules occupent beaucoup plus de place, et l’on oublie le liquide qui favorise leur pro- gression ; tandis que les zoospermes ne sont pas appréciables à 78 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. l'œil nu, et l'on ne voit que le liquide dans lequel ils nagent. Mais dans les deux cas, le mucus n'est qu’un accessoire, et son rôle est exactement le même. Cependant il n’arrive pas toujours que les ovules restent com- plètement mobiles et isolés dans tout le trajet de l’oviducte : ils sont quelquefois agglomérés, en nombre variable, dans une en- veloppe commune qui se durcit après la sortie de la masse, et forme ce qu’on appelle ur œuf composé. Un exemple donnera une idée de ce qui se passe. Dans les Sangsues, il existe à la fin des oviductes une dilatation remarquable qui a même été re- gardée comme une espèce de matrice. Cette poche peut contenir de dix à vingt ovules suivant la taille des individus : elle sécrète un fluide visqueux qui ne tarde pas à envelopper les ovules et le mucus qui les accompagne. Le hasard a permis à Carena de suivre jour par jour les changemens survenus depuis le moment où le sac venait d’être déposé sur les parois d’un bocal de verre, par une Sangsue commune. Elle se promena plusieurs fois au- tour de la masse pulpeuse pour en faire adhérer exactement les bords ; elle fit ensuite disparaître un, gros repli de l'enveloppe commune. Des douze petits points ronds que Carena avait ob- servés le premier jour, deux s’atrophierent, les dix autres gros- sirent rapidement ; l'espèce de gelée molle qui les enveloppait d’abord disparut peu-à-peu ; par la suite. Les cocons de la Sangsue médicinale n’adherent à rien, et sont enveloppés d’un réseau spongieux de plusieurs lignes d’é- paisseur, formé d’une espèce de bave qui se boursoufle et se durcit dans l’eau ; mais du reste, tout se passe comme dans la Sangsue commune. Ainsi chaque ovule a reçu, dans la pre- miere partie de son trajet, une couche d’albumine et une mem- brane propre, puis tous ont été enveloppés par une espèce de gelée molle. Enfin, les ovules, fécondés ou non, ont été agglo- mérés avec leur mucus, par une couche de liquide plus dense, provenant des parois de la poche dans laquelle ils ont séjourné quelque temps, avant de faire place à d’autres. Dans chaque ovule, tout s’est donc passé comme à l'ordinaire, jusqu’au mo- ment où ils sont arrivés dans un réservoir commun. C'est alors seulement qu'ont été sécrétés les matériaux de l'enveloppe com- LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 70 mune. Il se passe des phénomènes analogues dans la production d’une foule d'œufs composés. Les Planaires, par exemple , qui ont tant d’affinité avec les Sangsues, produisent aussi de la méme manière des œufs composés vers la fin de mars, quoi- qu'elles se reproduisent en automne par scission longitudinale ou transversale. Il en est de même des Clepsines, des Pissicoles, des Naïdes, des Tristomes, etc., si voisines des Sangsues. Dans les Lymnées, une poche vaste et musculeuse, admettant une grande quantité d’ovules, les enduit d’une membrane commune, et des contractions énergiques forcent cette masse volumineuse à sortir par une ouverture assez étroite, ce qui lui donne la forme allongée d’un ver Lombric. Chez les Moules, vingt à trente ovules se réunissent dans cer- taines cellules pour s’enduire d’un mucus qui les colle les uns aux autres. Les Décapodes enveloppent les leurs d’une matière gluante pour les fixer aux appendices de leur abdomen : les Cy- pris les déposent sur quelques corps étrangers, en les aggluti- nant, au moyen d’une matière visqueuse , en une masse de plu- sieurs centaines , etc. On conçoit que l'aspect de ces œufs com- posés peut varier à l'infini : c’est ainsi que ceux des Céphalo- podes ressemblent à une grappe de raisin, quoiqu'ils soient pourvus aussi d’une membrane commune, fournie par un appa- reil spécial. Il est bon de remarquer que toutes les sécrétions de ces animaux sont en général très gluantes et visqueuses. Voyons maintenant si les zoospermes présentent quelque chose d’analogue dans certaines espèces. J'ai dit qu les animal- cules d’un grand nombre d'oiseaux, observés dans ‘les canaux sécréteurs du testicule, étaient groupés par fascicules, et que leur tête était enveloppée par une membrane excessivement mince, repliée du côté de la queue. Il paraît donc-qt'’après la pro- duction d’un groupe de zoospermes par les extrémités du tube, il se passe assez de temps avant qu'un nouveau groupe soit com- plétement développé, pour que la matière visqueuse du canal se condense et fasse une espèce de diaphragme ; entrainé par les têtes des zoospermes qui viennent ensuite. C’est le premier ru- diment des enveloppes de zoospermes; car la capsule m'a tou- jours paru incomplète , quoi qu’en ait dit Wagner. 8o IALLEMAND. — Sur les Zoospermes. Chez le Crabe commun , les animalcules sont enfermés dans une membrane très mince aussi, mais complètement fermée. Sur un mâle énorme, pris dans le coit ,et examiné sur-le-champ, nous avons constaté, M. Milne Edwards et moi, que chacune de ces capsules contenait de quatre-vingts à cent zoospermes très petits, pyriformes, parfaitement immobiles dans l'enveloppe commune, se mouvant avec lenteur au moment de sa rupture, ensuite plus rapidement, jusqu’à ce que le liquide commencât à se dessécher. Ces enveloppes tout-à-fait simples et extrême- ment minces, se forment dans la seconde partie de l'appareil spermatique ; car dans la première, les conduits sont très étroits, tortueux, et ne contiennent que des zoospermes libres. C’est donc en arrivant dans cette espèce de vésicule séminale, qu'ils s’enveloppent d’une membrane commune, exactement comme les œufs composés des Sangsues, etc., se forment dans la poche terminale. Dans les testicules de la Langouste , j'ai trouvé la membrane commune des capsules spermatiques très mince, transparente dans les quatre cinquièmes de son étendue opaque sur un côté de la circonférence, comme si un embryon à moitié développé était appliqué à la surface, Dans le testicule du Homar, j'en ai trouvé de beaucoup plus compliqués, en forme de raquette allongée, dont le gros bout aurait été armé de trois filets. Au milieu du sac transparent , se dessinait un corps opaque ayant l'apparence d’un T, au bas duquel se trou- vaient deux points brillans. Ces différences montrent combien la disposition de ces poches est susceptible de varier dans les espèces les plus voisines. | J'ai dit que le microscope permet à peine de distinguer les produits des ovaires et des testicules dans les Méduses. En effet, nous avions mis, le D' Milne Edwards et moi, de la liqueur sé- minale sur le porte-objet, et nous n’avions cru y voir que des ovules pleins d’une matière granuleuse homogène, que uous avions pris pour des globules de matière vitelline; mais après avoir fait éclater ces sacs très minces par la pression du verre qui les recouvrait, il en est sorti une multitude de zoospermes qui s’agitérent dans tous les sens avec une grande vivacité (1). (x) Je viens d'apprendre que M. Siébold avait observé, de son côté, le même fait. LALLEMAND. —— Sur les Zoospermes. ar Leur queue était si mince et si transparente, que, malgré sa longueur, nous n'avons pu la distinguer qu’à l’aide da plus fort grossissement, et quand le liquide commençait à se dessécher : nous l'avons mieux ‘vue le lendemain, quand le desséchement était complet ; mais alors la tête était tout-à-fait déformée, Pour voir les zoospermes vivans, il faut opérer à l'instant où la Mé- duse est tirée de la mer; pour distinguer les queues, il faut attendre que le liquide se dessèche , et se servir d’un grossis- sement de huit cents fois au moins. Les Actinies peuvent donner lieu à d’autres illusions, suivant les circonstances dans lesquelles on examine les longs filamens colorés fournis par les mâles, et qui ressemblent à ceux de la femelle. Une première fois, nous avons examiné, M. Milne Edwards et moi, cette singulière liqueur chez l’Actinie rousse, au moment où l'animal venait d'être tiré de la mer, et nous y avons trouvé une multitude de corps semblables à des z00- spermes ordinaires, si ce n’est que la tête était très longue et la queue fort courte : nous les avons pris d’abord pour les animal- cules de lActinie , en nous étonnant, toutefois , de les trouver immobiles; mais quelques jours plus tard, en examinant la même liqueur séminale sur un individu qui était resté plusieurs heures dans une boîte d’herborisation, nous avons trouvé presque tous ces corps sans appendice. Avec l'appareil de Du- jardin, au grossissement de 1080, et sous une vive lumière, nous avons reconnu, dans l’intérieur, un cylindre opaque qui remplissait presque toute la cavité, tandis que la même partie était complètement vide et transparente chez ceux qui étaient pourvus d'une queue. Nous nous sommes assurés ainsi que ce cylindre interne n’est autre chose que la cavité qui renferme les zoospermes , et qui se renverse en dehors lorsque la mem- brane externe absorbe de l'humidité. Ainsi les zoospermes que nous avions cru voir la première fois n'étaient autre chose que des spermatophores à deux enveloppes, dont l’interne s'était vidée , en se renversant , de manière à représenter une queue, phénomène qui a fait dire à quelques micrographes que les z00spermes des Actinies avaient une queue susceptible de ren- trer et de sortir à volonté. a seconde fois, la liqueur séminale XV. Zooc, — Février. 6 62 LALLEMAND. — Our les Zoospermes. s'était trouvée en contact avec l'air en sortant du corps de lActinie; l'enveloppe extérieure n'avait pas pu absorber d’eau et chasser le tube intérieur : voilà pourquoi ces spermatophores étaient pleins et sans apparence de queue; c’est, au reste, ce que fera mieux comprendre l'examen des spermatophores du Poulpe, de la Seiche, etc. Néedham les avait déjà décrits sous le nom de corps mobiles ; mais il avait méconnu leur véritable nature. Cuvier, dans son remarquable travail sur les Mollusques , reste dans le doute si ces corps de Néedham sont des parasites ou des organes appar- tenant essentiellement à l’économie naturelle des Céphalopodes (Mémoires pour servir à l’histoire et à l'anatomie des Mollus- ques, page 33). Wagner a pensé que ces sacs contenaient cha- cun un ver parasite (1), et dernièrement M. Carus les a con- sidérés comme des zoospermes gigantesques des plus parfaits (2); mais les observations récentes de Philippi (3), et surtout celles de MM. Milne Edwards et Peters (4), font voir qu'il n’en est rien , et que ce sont des spermatophores comparables aux cap- sules séminales dont il a déjà été question, et aux œufs com- posés dont je viens de parler. Ainsi que je m'en suis assuré avec M. Edwards, ces spermato- phores, chez les Poulpes, sont essentiellement composés de deux tubes renfermés l’un dans l’autre. L’interne est contourné en spi- rale d’une manière régulière, et sa cavité est distendue par des ani- malcules, Exposés à l'humidité, ils s’allongent par la petiteextrémi- té, le tube intérieur se vide en sortant de l'enveloppe extérieure, et se renverse en dehors, peu-à-peu, comme les yeux des Limaçons. Au microscope, on voit dans la liqueur qui s'échappe du tube inté- rieur des milliers de zoospermes très longs, collés les uns contre les autres comme des mèches de cheveux, et s’agitant ensemble pendant long-temps avant de se séparer. Tout cela est très facile (:) Wagner, Lehrbuch der Vergleicheden anatomie, Leipzig, 1835 , page 312. (2) Carus, sur le Necdhamia expulsatoria, Académie des Cur. de la nature de Bonne, ë tome x1x. (3) Archives de Müller, 1839, n° 4. (4) Milne Edwards , Observations sur les spermatophores des Mollusques céphalopodes, etc, Annales des Sciences naturelles, tome xnx, page 193. LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 83 à voir dans le Poulpe, parce qu’il vit très bien hors de l’eau, ce qui permet d'observer ses zoospermes vivans; d’ailleurs, le tube intérieur de ses spermatophores sort très lentement : mais la Seiche meurt bientôt ainsi que ses animalcules ; ses sperma- tophores sont très sensibles à l’action de l'humidité, et le tube intérieur, composé de quatre parties distinctes, se renverse très brusquement, en quatre mouvemens rapides et très rapprochés ; il se rompt dans le Calmar, après avoir été expulsé brusque- ment ,.et cette rupturea présque toujours lieu à la jonction de deux espèces de capsules dont l’une tient à un ressort spiroïde, et l’autre au reste de l'appareil. Quelques auteurs se sont hâtés de voir, dans ces mouvemens, des contractions spontanées , des preuves d’animalité, etc. Il est évident que ce renversement du tube intérieur est le résultat mécanique de la réplétion du tube extérieur par l’eau. Tous ces tissus gélatineux absorbent l'humidité avec une avidité extra- ordinaire, comme on le voit par le gonflement rapide des œufs de Batraciens, de Poissons, etc., des cocons de Sangsues, de Planaires, etc., dés qu'ils sont déposés dans l’eau. D'ailleurs, ces spermatophores n’éclatent pas tant qu'ils sont à sec : une goutte d’eau suffit, long-temps après la mort de l'animal, pour faire sortir le tube intérieur. Ce phénomène se voit même dans des spermatophores conservés dans l'alcool depuis des années (1) J'ai déjà fait observer le même phénomène en parlant des Actinies. S'il est plus prononcé dans les Céphalopodes, c’est à cause des grandes dimensions de leurs spermatophores. Que se passe-t-il donc dans cette circonstance? L’enveloppe extérieure se gonfle par l’absorption de l’eau , sa cavité se remplit, le tube intérieur se tuméfie à son tour ; fortement comprimé de toute part, il se renverse ou il se rompt, et met en liberté les zoo- spermes. Les spermatophores qui n’ont qu’une seule enveloppe, se rompent dans tous les sens par l'excès de la distension et le ramollissement de la membrane dans l’eau. Dans ce cas, on ne peut invoquer des contractions spontanées , et le phénomène (1) Voyez Needham , Account of some new microscopical discoveries’, el Cuvier, Analomie comparée, tome v, page 109. 84 LALLEMAND — Sur les Zoospermes. doit être le même pour tous les autres. Au reste, il est bon de remarquer que ces capsules spermatiques n’ont encore été ob- servées que chez des espèces dont la fécondation s'opère dans l'eau. Enfin, les spermatophores se comportent exactement comme les grains polliniques, sous l'influence de l'humidité, et par la même raison, c’est-à-dire parce qu'ils sont très avides d’eau. Ceux de ces grains qui n’ont qu’une enveloppe , comme dans les Graminées, se rompent pour répandre leur pulvis- cule: ceux qui en ont deux poussent d’abord un long boyau aux dépens de la membrane interne, aussitôt que l’externe s’est rom- pue, et elle se rompt du côté du stigmate, parce que c’est le point sur lequel elle s’est trouvée plus ramollie par son contact avec une surface humide ; si plusieurs points de la membrane externe se déchirent à-la-fois,il se forme plusieurs boyaux, etc. Ici le rap- prochement est d'autant plus remarquable, qu'il porte sur des organes tout-à-fait analogues pour la structure et pour la fonc- tion. Tous ces phénomènes sont un pur effet d’endosmose, dû à l’avidité.de ces tissus pour l’eau. La sortie du tube intérieur des spermatophores ne prouve rien de plus que le développe- ment des boyaux polliniques. (1) | D'après ce que j'ai dit de la formation des œufs composés, il est facile de concevoir celle des spermatophores, et, en suivant les transitions, on arrive sans effort à ceux de la Seiche et du Calmar, qui sont les plus compliqués de tous. On a vu que, dans un grand nombre d'espèces, les zoospermes se trouvent par fascicules réguliers dans les canaux du testicule; que dans beaucoup d'oiseaux, les tètes sont enveloppées dans une-espèce de diaphragme creux, premier rudiment.de sperma- tophore. On a vu comment, dans le Crabe, les zoospermes, libres dans la première partie de leur trajet, s’enveloppaient dans la seconde d’un kyste complet, mais simple et mince. Il n’est pas plus difficile de concevoir la formation d’une seconde enveloppe à la surface de la première, quand l'appareil est plus compliqué et le fluide plusivisqueux, comme cela s’observe chez le Poulpe (r) Voyez Dulrochet, Recherches sur l’Endosmose et sur la structure interne des organes des animaux ; Mémoires, tome 2. ban LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 85 et surtout chez le Calmar et la Seiche. Mais d’abord , constatons exactement les faits. Cuvier a été frappé de l'extrême ressemblance que présentent les diverses parties de l'appareil génital chez le mâle et la fe- melle dans toute cette famille des Céphalopodes, et il ÿ revient souvent, avec raison, à l'occasion de chaque pièce, quoiqu'il n’en tire pas de conséquences. Voici ce qu’on observe chez la femelle : l'ovaire , granuleux à sa surface comme le testicule, est enveloppé d’un repli en forme d’entonnoir où sont déposés les ovules ; de là, ils passent dans un oviducte tortueux où ils s’enveloppent d’albumine et d’une membrane extérieure propre: ils traversent ensuite une espèce de glande charnue, contournée en spirale, dans laquelle ils se recouvrent du tégument commun qui les tient réunis en grappe. Toutes ces cavités sout remplies d'une matiere poisseuse et filante, qui gêne même beaucoup la dissection de ces parties. La disposition est exactement la même chez le mâle. Jai con- staté avec M. Milne Edwards que les testicules sont remplis d’ani- malcules semblabies à ceux que contiennent les spermatophores, mais que ces animalcules sont libres : dans'le canal déférent, on ne les trouve pas en liberté, mais on rencontre ordinairement deux ou trois spermatophores en voie de développement. Dans la glande spiroïde, épaisse et charnue ; qu’on pourrait comparer à une prostate , on en trouve aussi quelques-uns, mais plus vo- lamineux et pourvus déjà de deux membranes. Enfin ils descen- dent dans une cavité composée de replis très réguliers, dans lesquels ils sont reçus , sur plusieurs rangs, parfaitement symé- triques, en attendant qu'ils soient expulsés. Cette poche joue, comme on voit, le rôle de vésicule séminale. Nous avons remar- qué aussi que les spermatophores les plus voisins de l'ouverture extérieure sont ceux qui éclatent le plus promptement au con- tact de l’eau, et que ceux qu'on puise dans le canal déférent n’éclatent jamais, ce qui prouve qu’ils se perfectionnent jusqu’au moment de leur sortie, comme les ovules, comme les œufs composés. lei les zoospermes , au lien d’être de plus en plus délayés dans le liqnide fourni par le canal déférent , la prostaté , etc., ontété 86 LALLEMAND. -— Sur les Zoospermes. saisis en masse à mesure que les fascicules se sont présentés, et ils sont restés enveloppés comme ils se trouvaient, d’abord par une première couche de matière visqueuse, puis par une seconde dans un second appareil, et mème les spermatophores sont unis entre eux dans la vésicule séminale par une espèce de colle élas- tique et tenace. Toute la différence qui existe sous ce rapport entre les Mammifères et les Crustacés, les Mollusques surtout, tient donc uniquement à la nature des fluides sécrétés par les organes à travers lesquels doivent passer les zoospermnes. Il y a deux membranes dans les Céphalopodes, parce que l'appareil sécrétoire est composé de deux parties distinctes , remplies d’une grande quantité de matières visqueuses. L’abondance de cette matière est telle chez les Actinies, que leurs spermatophores sont retenus, enveloppés par de longs filamens de matière colorée, qui flottent long-temps dans la mer, sans se rompre. Si le tube intérieur est contourné en spirale chez le Poulpe et le Calmar, c'est probablement par la mème raison que les chalazes sont tordues dans l’albumen des Oiseaux , c'est-à-dire par suite d'un mouvement de rotation combiné avec celui de progression. S'il est composé de plusieurs pièces distinctes dans la Seiche et dans le Calmar, c’est que leur appareil est le plus compliqué qu’on ait rencontré, même dans les Céphalopodes. Wagner croit que les capsules spermatiques sont les organes producteurs des animalcules, et les admet, par analogie, dans les cas où l'observation directe n’en à jamais rencontré; mais Je ne puis y voir que des espèces de spermatophores de la plus grande simplicité. Je viens de montrer que les mouvemens observés dans les corps mobiles de Needham ou spermatophores de Milne Edivards sont dus à un pur phénomene d’endosmose , que la complica- tion de leur structure dans les Céphalopodes tient à la plasticité de la sécrétion et au développement extraordinaire de l'appareil sécréteur ; ainsi je ne m'’arrêterai pas aux conséquences qu'on à voulu tirer de ces circonstances , pour attribuer à des enveloppes analogues la production des animalcules. Cette hypothèse, due à Wagner, me paraît sujette à trop d’objections pour supporter une discussion sérieuse. Il faudrait d’abord expliquer la formation, le LALLEMAND. — Sur Les Zoospermes. 67 mode d'action , la nécessité de ces prétendus organes sécréteurs, formés de toutes parts et //ottans sans adhérence aucune. Ensuite on ne voit pas pourquoi, les testicules fournissant des zoospermes comme à l'ordinaire , d’autres corps seraient chargés en même temps d’en produire de semblables. Il y aurait là superfétation inexplicable, dérogation inutile à la loi générale! On ne com- prend pas non plus ce que deviendraient les animalcules pro- duits par les testicules, puisqu'on n'en trouve plus un seul dans les conduits excréteurs qui contiennent des capsules sperma- tiques ou des spermat6phores. L'hypothèse de Wagner est donc en opposition formelle avec cette unité de loi qu’on observe dans l'immense chaine des êtres organisés, unité qui est si frap- pante quand on compare les ovules et les zoospermes, quand on les suit dans l’oviducte ou le canal déférent, dans leurs an- nexes, et qu’on les voit se comporter de même, suivant la nature du liquide qui les environne et la forme des cavités qu’ils tra- versent. La ressemblance est surtout frappante dans les cépha- lopodes ou les mêmes organes jouent exactement le même rôle chez le mâle et chez la femelle. Cette étude des spermatophores permet aussi d'apprécier ja valeur de quelques autres hypothèses, imaginées pour expliquer d’autres difficultés. Certainement ici la scissiparité longitudinale ou transversale, la gemmiparité , la génération spontanée n’expli- queront jamais comment ces capsules contiennent des animal- cules semblables à ceux qu’on trouve dans les testicules, ou comment ceux des testicules proviendraient de ces poches , qui se développent au contraire, en se compliquant de plus en plus, à mesure qu’elles s’éloignent des testicules pour se rompre seu- lement après leur sortie, par la seule action dé l’eau. L'histoire des spermatophores fournit donc la solution matérielle la plus claire de l'origine des zoospermes; car ceux que renferment ces capsules viennent aussi évidemment des testicules que lés ovules des œufs composés viennent des ovaires. Si l’on peut procéder du connu à l'inconnu, il faut partir de la formation des capsules spermatiques simples et des sperma- tophores à deux enveloppes, pour comprendre celle des grains de pollen à une ou deux membranes. En effet , l'analogie et Le 89 LALLEMAND. — Sur les Zoosperines. raisonnement indiquent que les granules fécondans sont formés avant la couche simple ou double de matière scarieuse qui Les enveloppe : je dirai même que l'observation directe le prouve. Quand on examine une anthère depuis le début de son développement , on voit que chaque loge est d'abord remplie d'un tissu cellulaire particulier, bien circonscrit et sans conti- nuité avec les parois de la cavité : c’est ce tissu qui doit consti- tuer plus tard la masse pollinique ; c’est dans ses cellules que se développent les granules spermatiques et plus tard les grains de pollen. Dans le principe , ces granules sont disséminés d’une manière à-peu-près égale dans toute l'étendue de la cellule: ils ne sont circonscrits par aucune membrane appréciable, et ils paraissent aussi nombreux, aussi volumineux qu’au moment de la maturité du pollen. C’est seulement plus tard qu'ils se réunissent vers le centre de la cellule, quand il ne doit s’y for- mer qu'un grain de pollen, ou bien ils se divisent en plusieurs masses , suivant le nombre constant des grains de pollen que doit contenir chaque cellule. C’est alors seulement qu’on com- mence à distinguer, à la surface du nuage, les premiers rudi- mens d’une enveloppe d’abord irrégulière et mal circonscrite, qui augmente ensuite d'épaisseur, se couvre de compartimens ré- guliers et quelquefois de papilles qui en occupent le centre. Dans les espèces dont le pollen.:a deux membranes bien distinctes, il est impossible de les distinguer avantsa maturitécomplète. Enfin, dans le Cobæa scandens , chaque cellule, d’abord remplie de grauules spermatiques libres, renferme plus tard quatre grains de pollen, parmi lesquels il y en a presque toujours un qui est complètement transparent et ne contient aucun granule, de même qu'il arrive à certains œufs de ne pas contenir de jaune. Tous ces faits me semblent démontrer que les membranes du pollen se forment , après les granules fécondans, par un acte indépendant du premier et d'une autre nature, de même que les enveloppes séminales des animaux sont sécrétées après les zoospermes qu’elles contiennent, sans exercer la moindre in- fluence sur leur production. Je suis persuadé que des recherches spéciales, entreprises dans ce sens, conduiraient aux résultats les plus décisifs. On peut déjà voir la confirmation de ces idées dans LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 59 les travaux remarquables de M. Adolphe Brongniart , quoique l'auteur ait à cet égard des opinions bien différentes. (Voyez Annales des Sciences naturelles, tomes xir et suivans.) Si l'on s’étonnait de ce que ces formes compliquées se ren- contrent précisément chez les animaux les plus simples, de ce que tous les végétaux ont dans leurs grains polléniques de véri- tables spermatophores, il suffirait de faire remarquer que les plus inférieurs parmi les êtres vivans sont précisément ceux dont la reproduction est assurée par un plus grand nombre de voies, parce que c’est, avec la nutrition , fa seule fonction qui soit in- dispensable à l'entretien de l'espèce. Il ne suffit pas d’avoir démontré que les zoospermes sont sé- crétés par les testicules, comme les ovules par les ovaires , qu'ils se comportent de la même manière au milieu de fluides sem- blables , etc.; il faut examiner si la même analogie se montre dans le mode de leur développement. On envisage toujours les zoospermes à l’état parfait: on ne les reconnait pour tels que quand on leur trouve exactement les formes et les dimensions du type de l'espèce. J'ai cependant fait voir qu’ils peuvent être plus ou moins développés, plus ou moins vivaces , suivant les individus et les circonstances, suivant qu'on les observe dans les testicules ou les vésicules séminales. D’ail- leurs on ne peut raisonnablement supposer qu'ils sent, dés les premiers instans de leur existence, ce qu’ils doivent être plus tard. Tous les efforts de Burdach pour constater qu’on ne trouve souvent dans les testicules que des globules ou des zoospermes immobiles, etc., concourent également à prouver que les zoo- spermes passent par plusieurs degrés de développement. Enfin il fait remarquer (page 134) que « Gleichen a rencontré dans des épididymes de petits globules tournant avec rapidité sur eux- mémes et dans les vésicules séminales seulement des Spermato- zoaires parfaits. » J'ai fait beaucoup d'observations analogues sur des Mammi- feres ; des Oiseaux et des Reptiles ; je les ai variées avec d'autant plus de soin, que j'en ai mieux apprécié toute l'importance. Voici ce que j'ai constaté, En examinant avec le docteur Milne Edwards un jeune Coq, 90 LALLEMAND. — Our les Zoospermes. récemment sacrifié, nous avons trouvé, dans le sperme extrait de la surface du testicule, des corps sphériques très petits, fort brillans et d’une mobilité extraordinaire. Dans le reste du testi- cule , ils étaient mélés avec des zoospermes, Dans l'épididyme , il n’y avait plus que des zoospermes: ils étaient également seuls dans le canal déférent, mais plus grands et plus mobiles. J'avais déjà fait les mêmés remarques sur d’autres Oiseaux, sur plusieurs Mammifères et sur des Lézards; mais c’est sur des Couleuvres vivantes, que nous avons observé, M. Milne Edwards et moi , ce phéromene de la manière la plus tranchée. En effet, les testicules étaient remplis d’une multitude de gra- nules très petits, brillans, arrondis et fort mobiles, dont les mouvemens rapides avaient lieu dans tous les sens, entre les glo- bules de sang et de mucus, et nous n’y avons jamais rencontré de zoospermes. Dans l’épididyme , quelques-uns de ces globules étaient piriformes où munis d’un rudiment de queue. Au com- mencement du canal déférent , il n'existait plus de globules mo- biles ; les zoospermes étaient pourvus d'une queue assez longue, mais très mince; la tète, encore peu régulière et fort transpa- rente, laissait distinguer nettement un noyau central, qui nous a paru semblable aux globules mobiles observés dans le testi- cule. Du reste , ces têtes n'étaient pas toutes régulièrement con- formées. A la fin du canal déférent, les zoospermes étaient plus opaques, plus réguliers et plus agiles, la queue était plus longue, et son extrémité se contournait plusieurs fois en spirale. Il semble que , chez ces animaux, les organes spermatiques étant très allongés , comme tous les viscères, le développement des zoospermes s'opère dans des parties plus distinctes, ce qui permet d'en saisir plus nettement les différentes phases. (1) J'ai souvent rencontré des monades dans le sperme de l'homme et de quelques animaux, lorsqu'il avait été recueilli sur des ca- (x) Depuis la lecture de ce mémoire , M. Chambert , vétérinaire distingué de Montpellier, m'ayant fit prévenir qu'il devait sacrifier un Baudet dé quatre aps , estropié par un accident, je m'arrangeai de manière à pouvoir examiner au microscope les fluides contenus dans les diverses parties des orgaues spermatiques avant qu'ils aient eu le temps de se refroidir. Ayant incisé très légèrement la surface des testicules, je déposai sur le porte-objet le fluide que je recueillis de l'extrémité des canaux sécréleurs , et je trouvai au milieu des globules LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. ot davres dont la putréfaction commençait à s'emparer. Mais elles sont faciles à distinguer des globules spermatiques, en ce qu'elles sont aplaties , transparentes sur les bords, et laissent apercevoir des traces d'organisation intérieure; leur circonférence, d’ail- leurs, change de forme pendant les mouvemens brusques qu'elles exécutent, et s’altère bientôt après que les mouvemens ont cessé; tandis que les globules spermatiques sont sphériques, très denses et homogènes, ce qui leur donne le pouvoir réfringent qui rend leur centre si brillant; aucun changement de forme n’accom- pagne leurs mouvemens, et quand ils ont cessé depuis long- temps, l'aspect reste encore le même. Ces caractères sont assez tranchés, je pense, pour qu’on ne puisse pas s’y tromper. Quant aux molécules les plus ténues des-corps bruts ou or- ganisés dans lesquelles Robert Brown a signalé des mouvemens, pour peu qu'on ait l'habitude de semblables recherches, on ne pourra les confondre avec les globules spermatiques beaucoup plus volumineux, qui se ressemblent tous sous le même foyer, et se meuvent brusquement, rapidement dans tous les sens, au milieu de globules variables pour la forme et les dimensions, dont le déplacement est toujours lent, irrégulier, oscillatoire, de sang quelques z0ospermes rares et d’un quart plus petits que ceux du canal déférent, mais tous immobiles , malgré l'addition d'une goutte d’eau tiède. Une grande quantité de petits glo- büles érillans accompagnait ces zoospermes, et presque lous jouissaient d’une grande mobilité, qui s'est ralentie promptement , sans doute à cause de l’abaissement rapide de la tempéra- ture. Les mêmes phénomènes se sont reproduits dans le liquide extrait de la surface de l'autre testicule, qui était encore chaud. Il a été facile encore de constater que les mou- vemens rapides de ces petits globules brillans se croisaient dans tous les sens , et par consé- quent étaient spoutanés. Je n'ai plus rien retrouvé de semblable dans la liqueur séminale , puisée au centre du testicule ; on dans l’épididyme, etc, Ce n’est donc qu’à la surface des testicules, par conséquent à l'extrémité des canaux sécréleurs, que j'ai rencontré les premiers rudimens des zoospermes, et j'aurais pu être dans l'impossibilité de constater leur existence, si je n'avais pas pris toutes les précautions pour observer le liquide. Jors- qu'il était encore chaud. Je suis convaincu qu’en procédant ainsi, on pourrai s'assurer que la loi est générale; mais on n'a pas pris jusqu'à présent le soin d'examiner séparément le fluide fourni par la surface seule dés testicules, et, quand on ne voit pas les niouvernens rapides de ces globules, or peut douter de leur nature , malgré leur extrême petitesse et leur aspect brillant. D'ailleurs, on n’était pas sur la voie, Aux approches du rut, on ne trouse que des globules brillans chez les Oiseaux et les Mammiféres ; mais pour bien voir leurs mouvemens , il faut que les organes soient encore chauds, M, Milne Edwards vient d'ob- server la même chose sur des lenus. 92 LALLEMAND. — Sur les Zoovspermes. presque imperceptible, quand le liquide est recouvert d’un verre mince et ne présente plus d’agitation intérieure. Tous les mi- crographes savent aujourd’hui à quoi s’en tenir sur ces déplace- mens produits par les influences extérieures, déplacemens dont on a fait beaucoup trop de bruit, et qui n'ont jamais trompé ceux qui avaient l'habitude d'observer de véritables mouvemens spontanés. Ce qui prouve d’ailleurs que ceux des globules sper- matiques dépendant réellement de la vie, c'est qu'on ne les observe jamais que quand le sperme est très frais et qu'ils ne durent pas très long-temps. Il faut donc regarder les globules spermatiques comme des produits vivans des testicules. Si l’on compare ce qui se passe ici avec ce qu’on observe dans le développement des ovules, il est difficile de ne pas voir, dans ces globules spermatiques les analogues de la vésicule de Purkinge. En effet, cette ampoule proligère est la partie es- sentielle fondamentale de l’ovule: c’est celle qu'on aperçoit la premiére ; c'est autour d’elle que vient se déposer l’embryo- trophe; c’est dans l’oviducte qu’une couche d’albumine enduit le jaune ; que la vésicule, d’abord centrale, gagne la surface de l'ovule et y forme la membrane proligère. Le point brillant qu’on observe toujours à la tête des zoospermes a été signalé par tous les micrographes comme caractéristique ; il se trouve dessiné , dans toutes les planches faites avec svin, comme une espèce de sphère ou de Zentille, entourée d’un bord transparent. Ce point si remarquable est dde la trace du globule Apr ge tique observé d’abord isolément; c'est autour de lui que s'est formée la tête, la base de la queue , etc. ; c’est ce point initial, qui a groupé autour de lui les autres Hits du zoosperme. Il joue donc exactement le même rôle dans leur développement ultérieur que la vésicule proligère dans le développement de l'ovule. De même qu'il y a des espèces dont les ovules sont très simples et presque réduits à la vésicule proligère, il y en a dont les zoospermes restent piriformes ou presque dépourvus de queue. Je sais bien que , chez les Mammifères , on ne peut pas suivre, comme chez la Couleuvre, d’une manière distincte, les différentes phases du développement des zoospermes ; mais aussi, LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 93 chez eux précisément , la vésicule proligère a été admise par analogie long-temps avant de pouvoir être démontrée par l'ob- servation directe, et lovule se sépare de l'ovaire à l'état parfait; il ne recot pas de nouveaux développemens dans l’oviducte avant d’étre fécondé. Maintenant si l'on examine, d'un point de vue élevé, ce qui se passe dans le développement de tous les ovifles, on voit que les premiers élémens de leur organisation se réunissent dans une cellule de l'ovaire qui leur sert de première enveloppe. C’est ce qui ne peut être mis en doute pour les ovaires parenchy- mateux des mammifères, pour les ovaires ce/luleux des Batra- ciens, etc., dans lesquels on peut suivre, chez la même femelle au temps des amours, tous les progrès de ce développement, depuis le moment où la cellule commence à s’emplir du jaune jusqu’à celui de la ponte, qui a lieu trois ans plus tard, pour les ovaires vésicuteux, dont toute la surface fournit des ovules. Dañs la Baudroie, par exemple, on voit le tissu cellulaire placé entre les deux membranes du sac se remplir de matière opaque; ensuite, la forme irrégulière et polygonale de chaque cellule s'arrondit en se développant; l’ovule soulève la membrane in- terneet finit par tomber dans la cavité générale. Des phénomènes analogues se passent à l'extrémité des ovaires tubuleux, qui ressemblent tant aux testicules. Dans les végé- taux, c'est également une cellule de l'ovaire qui reçoit les pre- miers matériaux de l'amande, au sein de laquelle paraît ensuite la vésicule et le sac embryonnaire; c'est à sa base que se déve- loppent la chalaze et le podosperme. Il paraît donc que c'est toujours dans une cellule de l'ovaire que s'organisent les pre- miers rudimens de l’ovule; qu'une portioï de l'organe femelle s’en isole de plus en plus pour fournir dés élémens de la repro- duction. L’analogie permet de supposer que le premier rudiment du zoosperme se forme de la même manière ; et tout ce que je viens de dire des globules spermatiques confirme ce rapprochement. Il paraît donc que, à l'extrémité des canaux spermatiques, un point de la surface interne est soulevé par le développement de la cellule sous-jacente, qui s’accroit, s'isole de plus en plus et 04 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. finit par se détacher sous forme d'un globule déjà bien orga- nisé et vivant, pour devenir le rudiment d’un zoosperme. La même loi s’observe dans les végétaux, puisque c'est dans-les cellules du tissu spécial, qui remplit chaque loge de l’anthère, que se développent les granules fécondans. Le volume de l’ovule animal est énorme dès son origine, si on le compare à telui du globule spermatique ; mais cette dispro- portion tient uniquement à la présence du vitellus , et elle se ma- nifeste également pour la même raison entre les ovules des ovi- pares et ceux des mammifères, parce que le vitellus des premiers doit servir seul au développement complet de l'embryon ; tandis que celui des autres n’est indispensable que pendant les pre- miers jours qui suivent la fécondation. Le zoosperme ne présente rien de semblable , précisément parce qu'il trouve dans l’ovule les matériaux nécessaires à son développement ultérieur. Il ne faut donc comparer le premier rudiment du zoosperme qu’à celui de l’ovule, c’est-à-dire le globule spermatique à la vésiéule proligère. La même cause fait que l'ovule végétal est également hors de proportion avec le granule fécondant. Excepté le point de la vésicule serminative, sur lequel doit se développer l'em- bryon , le reste est destiné à lui servir de nourriture ou de protection, En résumé, les premiers rudimens des zoospermes et des granules polliniques se forment, comme ceux de l'ovule animal ou végétal, dans une partie du tissu propre d’un organe spécial. Il y a séparation d'une partie organisée et vivante, qui faisait auparavant partie de l’organisme-souche , et non pas sécrétion véritable d'un produit au moyen de matériaux extraits du sang par des vaisseaux particuliers. La liqueur séminale seule est un véritable produit de sécré- tions; mais ce n’est pas le testicule qui en fournit la plus grande partie; car elle est d'autant plus abondante, comparée au nombre des zoospermes , qu’on lobserve plus près de l'orifice excréteur, parce qu'il s’y joint la sécrétion de l’épididyme, du canal déférent, de la vésicule séminale, de Ja prostate , des glandes de Cowper et des follicules muqueux de l’urèthre. Chez d'autres animaux, il s’y ajoute encore d’autres produits, même LALLEMAND. — Sur Les Zoospermes. 9 de l'urine. La fonction essentielle du testicule est donc la pro- duction des zoospermes, qui a lieu par un mécanisme tout diffé- rent de celui qui préside à l'élaboration du fluide dont ils ont besoin pour achever leur développement et favoriser leur expulsion. (1) Comment s'achève ce développement? Voyons d’abord ce qui se passe dans celui de l’ovule, et prenons pour exemple les oiseaux chez lesquels les phénomènes sont les plus saillans et les mieux connus. Arrivé dans l’oviducte, l’ovule s’enveloppe d'une couche épaisse d’albumine, de chalazes, d’une nouvelle mem- brane, enfin d’une coque calcaire. Tous ces complémens sont tout-à-fait étrangers à l’ovaire, et tous sont des produits de diverses sécrétions, formées par des parties distinctes de l’ovi- ducte, sans compter le mucus qui a favorisé la progression de œuf. Les mêmes phénomènes s’observent dans les reptiles, les batraciens , les poissons , les mollusques , etc. , avec des modi- fications qui dépendent de la nature des fluides et de la struc- ture des appareïls. On a vu que la liqueur contenue dans les canaux spermatiques est assez dense : c’est probablement cette matière visqueuse qui enveloppe le globule spermatique ; et en fait la tête du zoosperme , partie fondamentale qui existe tou- jours, non-seulement dans les différentes espèces , mais encore dans les diverses phases d'activité du testicule; ainsi on les ren- contre seuls aux approches de la puberté et chez les vieillards , au début et à la fin du rut,dans les maladies graves, chez les hybrides, comme le mulet, etc. On distingue enfin ce noyau primitif au (1) M. Dujardin paraît avoir à cet égard des idées analogues à celles que je viens d'exposer, si j'en juge par le passage suivant, que je vegrette de ne pas avoir conau plus tôt. « Plus on étudie les zoospermes ou prétendus animaleules spermatiques, et plus on “ reste convaincu que ce ne sont pas des animaux proprement dits , des êtres naissant d’un « œuf où d'un gemme , comme les zoophytes , et susceptibles de se nourrir, de s’accroitre « et de se reproduire, L'emploi du microscope le plus parfait et la comparaison de ces « corpuscules dans les différentes classes du règne animal, font penser, au contraire , que les » zoospermes sont simplement we produit , une dérivation de la couche interne des tubes « séminifères; non point une sécrétion, mais un produit progressivement formé, un pro- « duit conservant une sorte de vitalité nécessaire pour concourir à la formation de l'embryon» (Annales des Sciences naturelles , 2° série, Zoologie, tome vut, page 291.) 96 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. milieu de la tête de la plupart des zoospermes. C’est donc autour de lui que s'arrangent les matériaux qui viennent successive- ment compléter les zoospermes, ainsi que je l'ai montré distinc- tement pour la couleuvre.Ilest remarquable que les dimensions de la queue sont proportionnées à la viscosité de animaux et de leurs sécrétions. C’est ainsi que celles des poissons sont très longues , et celles des mollusques encore plus longues et surtout plus épaisses, Quand les globules spermatiques descendent l'un après l’autre de l'extrémité de chaque conduit sécréteur, es zoospermes sont isolés dès le principe. Quand il en arrive un plus ou moins grand nombre à-la-fois, les zoospermes sont grou- pés en faisceaux, dans lesquels toutes les têtes sont unies. Si elles rencontrent plus bas un liquide gluant, elles s’en coiffent comme dans les oiseaux, etc. Lorsque ces groupes trouvent dans le canal déférent un liquide moins dense , les zoospermes se séparent peu-à-peu par fascicules de plus en plus petits, les queues deviennent libres les premières, les têtes ne s’isolent quelquefois qu'après beaucoup de mouvemens dans tous les sens, la surface présente encore pendant quelque temps des lambeaux de ce mucus gluant qui rendent les contours irrégu- liers. Si le liquide du canal déférent est lui-même très dense, les zoospermes restent unis jusqu'à la fin, comme dans la raie, où le cloaque en contient des mèches de plus de cent. Enfin, s'ils rencontrent sur leur trajet un réservoir rempli d’un liquide plus visqueux encore, ils s’y réunissent pour n’en sortir qu’entourés d'un kyste spermatique, comme dans les crustacés ; s'ils tra- versent plusieurs appareils de cette nature , ils s’enveloppent de plusieurs membranes plus ou moins compliquées, comme dans les spermatophores des céphalopodes , en reproduisant exacte- ment ce qui se passe dans la formation des œufs composés. Ainsi les fluides qui entourent le zoosperme depuis son état le plus rudimentaire jusqu’à sun expulsion, fluides sécrétés par des appareils très différens, jouent exactement le même rôle que ceux qui enveloppent l'ovule depuis sa séparation de l’o- vaire jusqu’à la fécondation. Les uns contribuent à son entier perfectionnement ; les autres à sa progression, à son isolement, et quelquefois à sa protection, en fournissant à plusieurs une LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 97 enveloppe commune. Mais les zoospermes ne sont pas plus des produits de sécrétion que les ovules, quoique divers fluides soient indispensables à leur achèvement. IL est cependant un point sur lequel la ressemblance paraît cesser complètement. Les zoospermes jouissent de mouvemens spontanés qui suffisent pour constater en eux l'existence d’une vie indépendante. Les granules polliniques en ont même d'assez étendus, quoique plus lents et plus faibles. On n’observe rien de semblable dans les ovules, ce qui a fait penser qu'ils étaient privés de vie!... Mais la vie présente bien des degrés depuis l'éponge jusqu’à l’homme , dans l'échelle des animaux ; elle ne varie pas moins dans les différens tissus du même animal, de- puis l'os jusqu’au muscle qui le fait mouvoir. Il est enfin une vie latente qu’on ne peut nier, quoiqu'elle puisse rester insaisissable pendant des siècles. Telle est celle de la graine dont le tissu à été préservé de toute altération : l’ovule jouit certainement d’une vie moins obscure et plus active. Je ne parle pas seule- ment de l’ovule végétal, qui fait partie de l'ovaire jusqu’à par- faite maturité, et qui jouit par conséquent, avant comme apres la fécondation, de la même vitalité que l’ovaire ; je fais abstrac- tion de l'ovule animal encore contenu dans l'ovaire, ou déjà fécondé : je dis que cet ovule, parfaitement libre de toute adhé- rence, jouit d'une existence indépendante, d’une vie propre , après sa séparation de l'ovaire et avant d’avoir pu subir l'in- fluence de l’imprégnation. Cette vitalité aagmente même à me- sure que l’ovule chemine dans l’oviducte; car il continue à y naïtre, à subir des changemens intérieurs et constans, il s’en- veloppe d’une couche d'albumine, de membranes nouvelles, etc. Dans les Batraciens, les ovules les plus faciles à féconder artifi- ciellement sont ceux qu'on prend à la fin de l'oviducte; les fécondations sont d'autant plus rares qu’on opére sur des ovules plus éloignés de l’orifice extérieur. On n’en a jamais obtenu avec les ovules les plus développés qu’on ait pu trouver dans l'ovaire même; ce qui rappelle parfaitement l’infécondité des individus dont les zoospermes étaient rudimentaires ou seulement incom- plets. Ainsi les ovules se perfectionnent, comme je l'ai fait voir pour les zoospermes, à mesure qu'ils s’éloignent de leur point XV. Zoor. — Février, 7 / 98 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. de départ; la vie s'y développe avec l’organisation à mesure qu'ils approchent du moment de la fécondation. Les ovules des Batraciens peuvent encore être fécondés d’un jaune après leur expulsion, quand on les conserve dans des conditions conve- nables. Si la fécondation devient impossible plus tard, c’est donc parce que la vie y a cessé, comme on est obligé de l’admettre pour la graine qui a cessé de pouvoir germer, quoique son tissu n'ait subi aucune altération appréciable à nos sens. Immédiatement après la fécondation, la surface de l'œuf se couvre de sillons dont le nombre et l'étendue augmentent rapi- dement; ils sont bientôt croisés perpendiculairement par d’au- tres, et l'aspect de la surface change de moment en moment. Rusconi (1) étant parvenu à féconder artificiellement des ovules de poisson, y a remarqué la même série de phénomènes que MM. Prévost et Dumas ont si bien décrits sur les ovules de Ba- traciens; on doit les regarder comme constans, puisqu'on les rencontre toutes les fois qu’ils peuvent être observés. De sem- blables contractions dans les membranes extérieures de l’ovule seraient impossibles à l'instant de la fécondation, si ces mem- branes n'avaient pas été vivantes auparavant. D'un autre côté, c’est aux dépens de l’enveloppe du jaune que se développent les organes digestifs de l'embryon; elle entre dans l'abdomen en grande partie dans les mammifères, en to- talité chez les antres animaux. Il faut bien admettre que cette membrane vitelline était vivante, puisqu'elle finit par faire partie de l'organisme de l'embryon; et elle existait bien long-temps avant la fécondation, car on la trouve autour du jaune dés le moment où il paraît : il est même probable qu’elle n’est autre chose que la cellule du tissu de l'ovaire, dans laquelle s’est dé- posé le jaune, et par laquelle le jaune a été sécrété, comme la graine dans sa cellule adipeuse. L'ovule animal ou végétal vit donc aussi positivement que le zoosperme et le grarule polli- nique, mais il vit comme l'hydatide séquestré dans nos tissus , ou le lichen peu différent du rocher dans lequel il est empâté. Ces mouvemens spontanés et énergiques des zoospermes (1) Annales des Sciences naturelles, deuxième série, Zoologie, tome 1v, page 183. LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 99 ont donné lieu à une autre erreur que je dois relever ici. Les zoologistes et les physiologistes, s'accordant à regarder la spontanéité de la locomotion comme le cachet de l’anima- lité, on a toujours rangé les zoospermes parmi les animaux, sans examiner s'ils en possèdent les autres attributs. Cepen- dant tous les animaux se reproduisent et digèrent, et les zo0- spermes sont privés de ces deux fonctions non moins essen- tielles que la motilité. Je démontrerai bientôt très facilement la première proposition ; quant à la seconde, il me suffira de faire remarquer que les zoospermes n’ont jamais offert la moindre trace d'organes digestifs, de cavités intérieures, tandis que Ehrenberg est parvenu à démontrer l'existence de ces organes dans les animalcules microscopiques les plus simples, à l'aide de matières colorantes mélées aux infusions où ils vivaient. Au contraire, si on introduit une solution de carmin ou d’indigo entre deux lames de verre où s’agitent des zoospermes vigou - reux, on voit bientôt la matière colorante imprégner leur sur- face visqueuse, comme celle des globules de mucus, des débris d’épithélium,etc., qui flottent dans la même liqueur ; mais rien ne pénètre à l'intérieur, rien ne peut déceler la moindre trace d’une cavité communiquant au dehors, nimême d’un système absorbant quelconque ; seulement les parties qui étaient restées invisibles à cause de leur transparence et de leur extrême ténuité, deviennent apparentes, parce que, en retenant les molécules de matière colo- rante qui arrivent successivement jusqu’au contour; ces parties prennent une couleur plus foncée que celle du liquide ambiant. C’est même le moyen le plus sûr et le plus prompt qu’on puisse employer pour voir nettement, et dans toutesa longueur, la queue d’une foule de zoospermes, celle des poissons par exemple, ou bien des détails extérieurs sur lesquels on conserve des doutes. Je conseille à tous les micrographes d'employer ce moyen dans tous les cas embarrassans, en ayant soin d'étendre la matière colo- rante d'une très grande quantité d'eau. Mais ce moyen, si pré- cieux d’ailleurs, ne m’a jamais rien appris sur la structure intime des zoospermes, parce que la matière colorante ne pénètre ja- mais à l’intérieur, soit pendant la vie, soit après la mort. C’est aller contre l'observation rigoureuse des faits, et contre LA Yo0 LALLEMAND. -— Sur les Zoospermes. toute analogie, que de regarder comme des animaux des êtres qui manquent des deux caracteres les plus importans de l’ani- malité. C’est surtout dans les questions obscures qu’il importe de bien peser la valeur des mots. Qu'on appelle donc les z00- spermes des tissus vivans, des parties vivantes, des êtres vi- vans , etc., doués de mouvemens spontanés, mais non pas des animalcules , à moins qu'on convienne de ne pas attacher à cette expression l'idée d'animaux trés petits, mais complets , prove- pant d'individus semblables à eux, etc., car ils ne méritent pas plus que les ovules d’être rangés parmi les animaux, et ils sont produits comme les ovules par la séparation de particules vi- vantes, et non par une véritable sécrétion comme celle qui fournit la Tiqueur séminale. Ces distinctions peuvent paraître un peu subtiles, mais on en verra plus tard l'importance ; et dans tous les cas, on ne peut que gagner à rester exactement dans les limites du vrai. Quoi qu'il en soit, ces considérations zoologiques confirment parfaitement le résultat des observations pathologiques; elles permettent de concevoir pourquoi les pertes séminales sont si débilitantes ; pourquoi certaines liqueurs séminales ne contien- nent que des globules brillans, piriformes, ovoides, on même tout à-fait ronds , dont les mouvemens spontanés ont pu être constatés , dans des circonstances favorables. On voit maintenant à quoi se réduisent les objections élevées contre l’opinion qui attribue aux testicules la production des zoospermes , puisqu'il est facile d'expliquer pourquoi ils n’ont pas toujours la même forme, dans la même espèce, suivant les époques; pourquoi on trouve dans le même testicule des corps vivans d’un aspect très différent: pourquoi on rencontre des zoospermes à l’état de liberté, dans le testicule, et d’autres semblables, emprisonnés dans des kystes , à la fin du canal défé- rent : difficultés dont on n’avait pas encore donné de solution satisfaisante. D'un autre côté, les zoospermes ne sont pas de véritables animaux ; ils ne sont pas dus non plus à une véri- table sécrétion, comme la Zigueur qui leur sert de véhicule : ce sont des fissus vivans , dont la production a lieu comme celle des ovules, par séparation d’une partie du type, dans laquelle LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 1ot la vie et l’organisation continuent à se développer jusqu’au mo- ment de l'expulsion définitive. Ici commence une nouvelle série de phénomènes dont l'étude est le complément indispensable de ce qui précède, et dont je m'occuperai dans un prochain Mémoire. (1) Sur une nouvelle forme de branchies, decouverte dans une espèce de Crustacé décapode macroure qui devra former le type d’un genre nouveau (Aristeus antennatus Nob.) , Par M. G. L. Duvernoy. ( Note présentée à l’Academie des Sciences, dans la séance du 10 août 4840.) $. 1. Idée générale du genre Anistée, et historique sur sa découverte. Si je prends la liberté de fixer un instant l'attention de l’Aca- démie sur un simple fait d'organisation, c'est que ce fait se rat- tache, d'un côté, à un principe de physiologie, que j'ai cherche à établir dans mes Mémoires précédens , relativement au degré d'influence que doivent agoir la forme et la structure des bran- chies des Crustacés sur leur séjour et, jusqu'à un certain point , sur leur distribution géographique ; c'est que, d’un autre côté, ce même fait soulève une question intéressante sur l'importance que ces différences de forme et de structure peuvent présenter pour lu classification de ces animaux ; dans la méthode naturelle. Qu'on me permette de rappeler d’abord que les branchies des Crustacés se composent de lames plates ou vésiculeuses, ou de tubes simples ou ramifiés, dont l’arrangement peut varier beaucoup. Ces formes simples ou plus ou moins divisées, éteudent à (1) Je dois témoigner ici ma gratitude au docteur E- Legraud, pour le zele éclairé et pere several avec lequel il m'a secondé dans mes expériences el mes recherches microscopiques, 103 Duvennoy. — Sur les branchies du genre Arisiée. proportion de ces divisions , toutes choses égales d'ailleurs , les surfaces respirantes ; elles ne peuvent manquer d’avoir un cer- tain degré d'influence sur la nature de ces animaux. Il est indubitablé que tous les Crustacés qui ont la faculté de vivre à terre, mais toujours dans uu air humide, ont des branchies composées de larges lames, préservées de l’action des- séchante de l'air, par l’eau que ces lames retiennent entre elles. Ajoutons qu'outre cette forme protectrice contre la dessicca- tion , il y a toujours, dans ce cas, comme l’ont démontré MM. Aüdouin et Edwards, un mécanisme particulier , qui permet à animal de retenir une certaine quantité d’eau autour de ses branchies, et qui ne donne accès, dans la cavité qui les ren- ferme, qu’à de faibles portions d’air humide. C’est à la catégorie des branchies en tubes, qu'appartiennent celles du Décapode Macroure que je vais faire connaître. Cette espece m'a été envoyée de Nice par M. Risso, comme vivant dans les grandes profondeurs de la mer. C’est, je pense, le Pénée aux longues antennes. du même naturaliste ( Peneus antennatus, Risso , que Latreille présumait devoir être réuni avec le Pénée de Mars , dans sa seconde division de ce genre, caractérisée par des antennes intermédiaires , terminées par de longs filets ( Règne animal , tome 1v, page 92). Mais l'espèce en question n’a qu’un des deux filets des antennes intermédiaires extrêmement long ; tandis que l’autre est resté lort court. Un autre caractère, beaucoup plus important, est celui que m'ont offert les branchies. Au lieu d’être lamelleuses et penniformes, comme celles de la famille des Salicoques, à laquelle le genre Pénée appartient; comme celle du Pérée caramote en particulier, espècé type de genre; ce sont des branchies d’une forme nouvelle, que je dési- gnerai par le nom de rameuse. Cette forme, que je n’ai encore rencontrée , dans tous ses détails, chez aucun Crustacé , se rapporte cependant à la forme tubuleuse , ainsi que je l'ai déjà annoncé; mais ces tubes ne sont pas arrangés comme les soies d’une brosse, ainsi que cela se voit dans le Homard , etc.: ils ne sont pas disposés en pa- DEVERNOY. — Sur les branchies du genre Aristée. 103 naches, comme dans l’Ecrévisse de rivière , ni en jeu d’orgue, comme dans les Squilles. Chaque branchie du Crustacé en question, se compose d’une tige principale qui s'étend dans toute la longueur du double cone branchial. De cette tige partent de chaque côté, à angle droit, un certain nombre de branches qui se courbent en demi- cercle, et dont les extrémités libres se rencontrent ou se rap- prochent beaucoup, dans la plus grande partie de l'étendue de la face externe de la branchie. Il n’y a que celles des sommets des deux cônes ou des deux bouts de la branchie, qui restent droites et étalées. Des faisceaux de rameaux et de ramuscules, très courts et très rapprochés les uns des autres , garnissent, surtout extérieu- rement, toute l'étendue de ces branches. Chaque branchie, disposée verticalement, ou à-peu-pres, à l'axe du corps, est ainsi un rameau très divisé, dont les branches forment un cylindre creux, à travers lequel l’eau doit circuler et filtrer pour l’hématose , que cette extrême division favorise. Cette admirable disposition me semble propre à compenser, en partie , les effets, sur la respiration, d’une eau moins aérée, celle des grandes profondeurs de la mer que cet animal habite. Joignez à cela l'accès facile de l’eau dans la cavité branchiale, sous toute l'étendue du bord constamment bäillant de la cara- pace, sans le secours du mécanisme ordinaire de la respiration; dont le peu de développement ou la faiblesse des pièces princi- pales (la valvule bi-maxillaire, les lames inter -branchiales ) montrent, dans ce cas , l'emploi nul ou très secondaire. Cette nouvelle forme de branchies , entièrement différente d’ailleurs des branchies des Salicoques , qui sont lamelleuses et penniformes, ainsi que je l’ai.déjà imprimé , et que j'ai pu le vé- rifier dans une bonne partie des genres de cette famille (1}, obligera les naturalistes systématiques d’en extraire cette es- pèce , ou de réformer, sous ce rapport, le caractère de la même (1} Les genres Crangon et Pontophile de Leach et Risso ; Athanase et Hyménocére, Pa- mon, Lysmate et Rhynchocinète; Sténope, Pénée et Pasiphaë; Alphée. 104 DUVERNOY. — Sur les branchies du genre Aristée. famille, tel du moins qu'il a été établi dans l'ouvrage à-la-fois le plus récent et le plus complet sur cette partie de la zoologie. Je propose de faire de cette espèce le type d’un nouveau genre sous le nom dAristée (Aristeus). Elle conserverait le nom spécifique que M. Risso lui a donné : ce serait l’Aristée aux longues antennes (Aristeus antennatus Nob:.) Je joins à cette note la description détaillée de ce genre nou- veau, avec des figures, qui feront comprendre ses caractères, particulièrement ceux relatifs à la structure de ses branchies. $ 2. Caractères du genre Amstée (Aristeus Nob.) Les branchies sont rameuses, C'est-à-dire composées d’une tige médiane longitudinale, et de branches transversales qui partent de chaque côté de cette tige, à angle droit et portent des paquets de rameaux et de ramuscules très courts. Leur forme générale est celle de deux cônes creux, adossés par leur base. Il y a seize branchies de chaque côté, disposées sur deux rangs ; quatre forment la rangée interne, et les douze autres composent la rangée externe. Les premières de ces branchies et les douzième, onzième et neuvième de la rangée externe, sont fixées à la paroi du thorax. Les autres tiennent au premier ar- ticle des second et troisième pieds-mâchoires et aux trois pre- mieres paires de pieds ambulatoires. Il y a cinq lames interbranchiales vésiculeuses (4, /, m,n, 0, PL 5, fig. 2) d’un tissu extrémement fin et peu résistant. Les trois premières paires de pieds sont en forme de serre didactyle : elles augmentent graduellement en longueur et en épaisseur, de la première à la troisième. Les deux dernières paires sont encore plus longues, mais très grêles et mono- dactyies. Le tranchant de chaque doigt de la serre des premiers pieds est finement dentelé ( PI. 4 A, fig. 11); ces dentelures sont en partie cachées par de courtes soies. Les deux doigts et l’article qui supporte la serre (fig. 12) sont garnis de pinceaux de soies disposés avec régularité ; ils forment une série simple le long du DUVERNOY. — Sur les branchies du genre Aristée. 105 bord postérieur de cet article, dans les trois premières paires de pieds. Il y en a deux séries , le long de ce même bord, sur la partie basilaire de l’avant-dernier article, et une sur la face externe de la partie digitale de ce même article, et du doigt mo- bile ou du dernier article. Les antennes intermédiaires, où supérieures, ont deux filets articulés, dont l’un est trés court et cilié, et dont l’autre extré- mement loug, très grêle et capillaire vers son extrémité , dépasse le filet de l’antenne externe. Le pédoncule de cette antenne, qui supporte les deux filets, est plus long que celui de l'an- tenne externe; sa face supérieure est concave ; i a extérieure- ment une pièce accessoire qui se termine en pointe (4, fig. 1 et 2): La lame accessoire qui tient au pédoncule de l'antenne externe ou inférieure, est très grande, ovale, molle et membraneuse par son extrémité et son côté interne, solide par son bord ex- terne, qui a une épine en avant (fig. 3, A). La mandibule est forte: sa surface triturante a deuxtubercules mousses et une forte dent pointue très saillante (g, fig. 4 et 5). Elle porte un palpe composé de trois articulations aplaties. (p;, fig. 4et 5). La première mâchoire n’a que deux lames préhensiles déve- loppées, et une lame rudimentaire. La première, qui est aussi la plus grande, a son bord interne hérissé de petites dents qui doivent faire l'effet d’un rateau ; ces dents sont alternativement plus grandes et plus petites. Le pédicule commun qui supporte ces lames préhensiles, s'articule en avant avec une lame hors de rang, tenant lieu de palpe dorsal (fig. 6 ). La seconde mâchoire ( fig. 7) se compose de quatre lauières, à bord cilié, dirigées en dedans ; d'une lame qui se porte en avant, sorte de palpe dorsal, et d’une lame branchiale que j'ap- pelle bi-maxillaire : cette lame est ici extrémement mince; elle se prolonge davantage en avant de son articulation qu’en ar- rière, et ne doit jouer ici, à cause de son peu de consistance, qu’un rôle secondaire dans le mécanisme de la respiration. Le premier pied-mächoire (fig. 8) a une tige principale moyenne, composée de trois articles; une large lame interne accessoire , ayant son bord régulièrement hérissé en dedans et en 106 DUVERNOY. — Sur Les branchies du genre Aristée. dehors d’une double rangée de gros poils. Le palpe { p), où le fouet, est un peu plus court que la tige principale. Le deuxieme pied-mâchoire (fig. 6) se compose d’une tige plate et longue, repliée, ayant cinq articles. La hanche supporte, en même temps, un fouet cilié, presque aussi long que la tige principale, et multiarticulé. Le pied-mächoire externe ou le troisième (fig. 10 ) est grêle, allongé:il atteint par son extrémité le dernier cinquième de la lame accessoire de l'antenne externe. Il supporte un fouet grêle, composé d’une tige principale multiarticulée et de plusieurs petits articles basilaires. La carapace est mince, divisée en avant par une crête mé- diane, qui se termine en un rostre médiocrement long, sur- monté de trois dents : son bord antérieur a deux épines de chaque côté, qui répondent aux pédoncules des antennes. Son bord inférieur est bâillant, et laisse libre l'entrée de l’eau pour la respiration. Les fausses pattes abdominales se composent de deux lanières ciliées , de grandeur inégale, excepté la première, qui n’a qu’un faible rudiment de la seconde de ces deux lanières. Des deux /arnes latérales de la nageoire caudale, externe, qui est du tiers plus grande que l’interne , montre à son extrémité. une légère suture transversale peu sensible. Le dernier article de l'abdomen est long, trés pointu et creusé en dessus d’un sillon médian. Les trois avant-derniers ont une crête médiane dorsale, qui se termine en pointe en arriére. L’Aristée aux longues antennes habite les grandes profondeurs. de la mer de Nice. $ 3. Description détaillée des branchies. Cette description nous forcera à des répétitions, qu'on nous pardonnera peut-être, en faveur de l'intérêt que présente l’or- ganisation des branchies en général, dans la classe des Crusta- cés, et celle en particulier que nous cherchons à démontrer avec exactitude. DUVERNOY. — Sur les branchies du genre Aristée. 107 Disposition générale et nombre. — Les branchies sont dispo- sées en travers, c’est-à-dire dans une situation presque verti- cale relativement à l’axe du corps, ou même tres peu oblique d'avant en arrière ; elles descendent jusqu’au niveau du bord inférieur de la carapace, qui est bäillant et permet l'accès im- médiat de l’eau sur les pyramides branchiales. Il y en à douze externes sur un seul rang, dont la première et la dernière sont isolées, et les dix moyennes sont rappro- chées par paires. La première, la seconde et la troisième paires recouvrent quatre branchies séparées, formant la rangée interne. 11 y en a donc seize en tout. Grandeur relative. — La première est la plus petite. Les autres branchies vont en augmentant jusqu’à la qua- trième paire. La cinquième paire a les mêmes dimensions que la qua- trième. La dernière branchie est tres sensiblement plus courte que celles de la cinquième paire. Les quatre branchies du rang interne s’élevent un peu plus que celles qui les recouvrent; mais elles descendent moins. Forme générale.—Chaque branchie a la forme générale d'une navette, par suite du développement à-peu-près égal des deux cônes qui les composent et qui sont adossés par leur base; cependant le cône supérieur paraît comme tronqué dans les première, seconde et troisième paires. Nous expliquerons tout-à-l’heure par quelle circonstance organique? Détails sur la forme et sur la structure. —Examinée de près, chaque branchie paraît un cylindre creux, fendu longitudinale- ment du côté externe , et plus largement ouvert en haut qu’en bas. Il se compose, dans la ligne médiane, ou à-peu-près , de sa face interne, opposée à cette ouverture linéaire du côté externe, d’une tige principale, de laquelle partent, de chaque côté , des branches, à-peu-près d’égale longueur, excepté vers les extré- mités, où elles diminuent plus rapidement à la supérieure qu'à l'inférieure. Ces branches transversales sont courbées en demi- / 108. DUVERNOY. — Sur Les branchies du genre Aristée. cylindre et viennent se rapprocher avec celles du côté opposé, le long de la fente longitudinale, que nous avons indiquée à la paroi externe du double cône branchial. De chaque branche partent des rameaux.et des ramuscules qui remplissent l'intervalle d’une branche à l’autre. Ces divisions se font en dehors du double cône et de ses branches transversales plutôt qu’en dedans : elles présentent dans leur nombre et leur arrangement assez régulier en faisceaux de très courtes rami- fications, un admirable aspect. A l'extrémité du cône supérieur des branchies, les dernières branches qui partent de la tige et dont la longueur va rapi- dement en diminuant, ainsi que je l'ai déjà dit, ne sont plus courbées sur elles-mêmes en demi-cercle. On les trouve étalées et montrant leur face externe, qui est devenue celle de l’inté- rieur du cylindre creux dans le reste de l’étendue de la branchie. Altaches des branchies. — Chaque branchie est fixée par son tiers, où son quart inférieur, à la paroi la plus basse du thorax ou à la hanche du pied correspondant, de manière que la por- tion de la brancliie, qui dépasse en bas son point d'attache, est beaucoup plus courte que celle qui s'élève au-dessus de ce point. La douzième branchie externe tient au thorax. La onzième de même; la dixième tient à la hanche de la qua- trième paire de pieds ambulatoires. La neuvième est fixée au thorax. La huitième a la hanche de la troisième paire de pieds avec la lame inter-branchiale. La septième et la sixième, la cinquième et la quatrième sont attachées par paires, à la hauche de la seconde et de la pre- miere paire de pieds ambulatoires. La troisième et la deuxième tiennent à la hanche du troisième pied-mâchoire. La première branchie tient au second pied-mâchoire. Les quatre branchies internes sont fixées au thorax. DUVERNOY. — Sur les branchies du genre Aristée. 109 EXPLICATION DES FIGURES. PLancne 4 A. Fig. x. L’Aristée aux longues antennes , de grandeur naturelle, vu de profil du côté “droit | avec ses lappendices du même côlé, On n’a pas dessiné les appendices:du côté gauche; afin d’éviter la confusion qui aurait pu en résulter. — (0) est l’œil et son pédi- -eule.. (i) L'antenne intermédiaire et plus particulièrement l’épine , qui se voit du côté-externe de son pédicule. (c) Son filet court. (#) Le filet unique de l’antenne externe. (4) La lame accessoire de son pédicule ; et plus particulièrement sa partie dure et non membraneuse, g)Le pied-mächoire externe. (pg) Son fouet. (f) Le second, pied-mächoire. (pf) Son fouet. 1.2. 3. Les trois premières paires de pieds, terminés par une serre, 4 et 5, Les deux dernières paires , qui sont monodactyles, 6-10. Les fausses pattes abdeminales. tr. La lame antérieure, 12. La lame postérieure de la nageoïire caudale, 13. Le dernier article de l'abdomen. Fig. 2. Le nédicule de l'antenne intermédiaire ou supérieure avec l'œil correspondant (0) et son pédicule (p d). (i) L’épine du pédicule de l'antenne. {c) Le filet court. (2) Le filet loug de cette antenne, Le rapport du filet court de cette antenne parait ici différent de celui indiqué dans la figure r. Ce filet, dans l'animal, est au dessus et un peu en dehors du long filet. Le dernier rapport s'aperçoit presque seul dans la figure 2. Le premier, au contraire, est évident dans la figure 1. Fig. 3. L’anteune externe ou plutôt inférieure gauche, dont le filet (m) est tronqué, mais dont on a déployé la lame accessoire pour faire voir sa furme et ses dimensions. La partie dure de cette lame, qui se termime par l'épine (4), est externe et un peu supérieure dans sa posilion naturelle. Cette lame recouvre l’anteune. Fig. 4. La mandibule, vue par sa face interne. Fig. 5. La même, vue par sa face externe. Dans l’une ou l’autre figure, (d) est la dent la plus saillante de la partie triturante de celte mandibule, (p) Son palpe. (t) Le tendon de son muscle adducteur. Fig. 6. La première mâchoire, de grandeur naturelle; et fig. 6‘, la même, double de graudeur, — (p) Lame qui tient lieu de palpe. (a. 4. c} Les trois lames dont cette mächoire est composée: la troisième n'est que rudimentaire. L’antérieure (a), qui est là plus grande, a son bord interne hérissé de dentelures alternativement plus grandes et plus petites, qui font l'effet d’un rateau. La Jame (2) n’a que des soies. Fig. 7. Deuxième mâchoire, (4 m) Sa lame, que j'appelle bi-maxillaire. (a. 4. c. d) Les quatre lames préhensiles dont cette mâchoire se compose. (p) Lame qui tient lieu de palpe. Fig. 8. Premier pied-mächoire. (p) Son palpe. (a) La tige principale. (4) Lame de sa partie préhensile , très garnie de soies. (c) Lame rudimentaire, Fig. 9, Second pied-mächoire. (p) Son palpe. (a) Sa lige principale, Fig 10. Le troisième pied-mächoire ou l’externe. (p) Son palpe. (a) Sa tige principale. Les appendices figurés de » à 10 sont ceux du côté gauche, représentés de grandeur naturelle, Fig. x1. Troisième serre du côté gauche, grossie du double, pour faire voir la disposition des paquets de soies, et surtout les dentelures, dont le bord interne de chaque doist est garni. En a ,on voit les soies de la seconde rangée entre les paquets de suies de la première. Ces deux rangées sont bien distinctes dans la figure 1 , troisième pied. Fig. 12. L'antépénullième article du troisième pied, grossi du double, pour montrer la disposition, en série régulicre , des pinceaux de soies dont son bord postérieur est garni, 110 DUVERNOY. — Sur les branchies du genre Aristée. PLANCHE 5. Branchies de l Aristée. Fig. £. (:) Antenne intermédiaire ou supérieure. (X) Antenne externe ou inférieure. (a) Troi- sième! pied-mâchoire ou pied-mächoire fexterne. (&) Son fouet. (c) Le fouet du deuxième pied-mâchoire. (4) Le deuxième pied-mächoire. (e) Le fouet du premier pied-mächoire, (") La tige de ce pied. (g) Lame bi-maxillaire. Cette figure est destinée à montrer l'en semble des Lranchies , de grandeur naturelle. On a relevé, à cet effet, le bord de la carapace qui les recouvre , et dont on voit en (k) la membrane qui le double. Fig. 2. Cette figure montre les détails de l’appareil branchial, grossi trois fois. Les douze branchies de la rangée externe sont numérotés de 1 à xrr, et les quatre de la rangée interne de xux à xvr. (4. / m.n. o) sont les lames vésiculeuses qui séparent une partie de ces branchies. (a. 6. c) sont les trois pieds-mâchoires tronqués, et {d) la lame bi-maxillaire. Fig. 3. Une branche transversale, courbée en arc , d’une branchie, pour faire voir la disposition en faisceaux des dernières divisions des tubes respirateurs. Cette branche est représentée grossie environ quiuze fois. Sur wn nouveau genre de l’ordre des Crustacés Isopodes et sur $ P LT y l'espèce type de ce genre, le Képone Type, Par M. G. L. Duvernoy. Mémoire présenté à l’Académie des Sciences, dans sa séance du 12 octobre 1840. $ 1. Historique et idée générale du genre. On connaît depuis long-temps les individus femelles d'une espèce de très petit Crustacé parasite, de 0,011" au plus de longueur, appartenant à l’ordre des Isopodes, qui vit sous le bouclier de plusieurs espèces de Palémons. Il y est attaché à la membrane qui revêt ce bouclier, en dedans de la partie qui sert de paroi externe à la cavité branchiale. Il y occupe une fossette qui produit un relief plus ou moins sensible, une sorte de loupe à l’extérieur de cette paroi. Le même Palémon ne nourrit qu’une seule femelle de Bopyre, lorsqu'elle est une fois fixée, ainsi que je viens de l'expliquer dans l’une ou l’autre de ses cavités branchiales; mais cette fe- melle est souvent , sinon constamment accompagnée d’un indi- DUVERNOY. — Nouveau genre de Crustace. 111 yidu beaucoup plus petit, que l’on trouve comme enfoui entre les deux séries de ses lames branchiales sous-abdominales près de l'issue des œufs, que sans doute il féconde, à mesure de leur sortie, à la manière des Batraciens. La fécondité de ces petits animaux est extraordinaire. Les œufs pondus éprouvent une sorte d’incubation sous le thorax de la femelle, où ils sont retenus et protégés par des lames oper- culaires, qui n'existent pas dans les mâles et sous lesquelles ils éclosent. M. Risso annonce avoir compté huit cents petits vivans sur une seule femelle. Le Bopyre a été le sujet de singuliers préjugés consignés dans le Recueil des Mémoires de cette académie (année 1722, page 19). Un demi-siècle plus tard, en 1772, Fougeroux de Bonderay reconnut pour un insecte cet animal, qui, selon lui , s'attache à la Chevrette. (1) Etudié par Latreille (2)au commencement de ce siècle, il fit de cet animal son genre Bopyre, et le rangea parmi ses Crustacés isopodes. La description qu’en donne ce savant et laborieux entomologiste , est assez détaillée, quoique incomplète, En 1817, époque de la première édition du Règne animal de Cuvier, Latreille , qui s'était chargé de la partie concernant les Crustacés et les Insectes , classa le genre Bopyre à la fin de l’ordre des Isopodes ; sans doute pour indiquer une sorte de dégradation organique , relativement aux autres animaux du même ordre. Dans la seconde édition de cet ouvrage, dont le tome 1v parut en 129, le sous-genre Bopyre forme la première section de cet ordre, celle des Æpicarides. C'était évidemment pour le rapprocher de la section des Cymothoadés , avec laquelle il a des rapports sensibles. Postérieurement à Latreille, M. Rathke a fait connaître des détails intéressans sur l’organisation et le genre de vie de cet {x) Histoire de l Académie des Sciences pour 1772, pages x et suivantes. (2) Histoire naturelle, générale et particulière des Crustacés et des Insectes , par P. A. La- treille , Paris, an x1r , tome vrr , pages 50-55, et PI, 27, fig. 2, 3, TI2 DUVERNOY. — Nouveau genre de Crustacé. animal: Ils ont paru , en 1837, dans deux ouvrages de ce savant. (1) Les femelles, observées par M. Rathke, avaient 5 lignes (o,jor25"") de longueur; les mäles, 1 1/3 ligne (0,003). M. Rathke n'a jamais trouvé de Bopyre que sur des Palémons femelles, quoiqu'il en eût rencontré plusieurs centaines avec cet animal , et autant de mâles , mais toujours sans cet animal. M. Milne Edwards , dans le tome ur de son Histoire naturelle des Crustacés , a fait connaître plus complètement la composition de la bouche de ces animaux, dans laquelle il a entre autres découvert des mandibules, qui avaient échappé à la sagacité de M. Rathke. Notre collègue a placé dans sa méthode de classifi- cauon des Crustacés , la famille des Bopyriens, parmi les Zso- podes sédentaires ; et immédiatement après la famille des Cymo- thoadés , qui est la dernière de la section des /sopodes nageurs. Il y a sans doute dans cet arrangement, l'intelligence du rapport déjà compris par Latreille, entre ces deux familles. On doit y reconnaître encore une vue philosophique, qui assigne son rang au Bopyre , d'après le degré de perfection organique. L'immobilité des femelles étant une dégradation fonction- nelle très sensible, ces animaux devaient être placés immédiate- ment après les Cymothoarlés, à la fin de l’ordre des Isopodes , comme l'avait fait Latreille, en premier lieu, et non au com- mencement , comme il s’y est déterminé plus tard. Les Zsopodes sédentaires comprennent une seconde famille , celle des Zontens , cumposée de même d’un seul genre, que l'atreille a laissé parmi les 4mphipodes , sans doute à cause de ses branchies arborescentes et déployées autour de l'abdomen, et de l'existence d’appendices thoraciques et abdominaux vési- culeux, en massue, et de différentes grandeurs. La seule espèce de ce genre, dont les habitudes, ainsi que le remarque ce dernier, sont les mêmes que celles des Zopyres (2), a été découverte par (r) Henrici Rathke: De Bopyro et Nereide, Rigæ et Dorpati, 1839, in-4. — Zur Morphologie , Reisebemerkungen aus Tamien, von H. Rathke , Rigæ el Leipsig , 1837. (2) Règne animal de Cuvier, tome 1v, page 119, Paris, 1829. DUVERNOY. — /Vouveau genre de Crustacé. 113 D Montagu, cachée sur le test de la Ca/lianasse souterraine , et nommée par ce naturaliste Oniscus thoracicus. (1) C'est Latreille qui a fait de cette espèce un sous-genre sous le nom d’/one. M. Milne Edwards a cru devoir le ranger dans l’ordre des 1sopodes, malgréses branchies arborescentes et flottantes autour de l'abdomen et l'existence de ses singuliers appendices vésicu- leux. Cette détermination, que Latreille n'avait pas osé prendre, a pu paraître hardie aux naturalistes qui tiennent à des carac- tères de classification une fois admis ;mais ceux qui comprennent la méthode naturelle , cette méthode de l’ensemble des rapports, qui est en même temps un moyen de progrès continuels et d'améliorations dans l'exposition de ces rapports, auront dû trouver cet arrangement très rationnel. Un nouveau type générique , que je viens de découvrir,et qui est intermédiaire entre les Bopyres et les ones, justifierait au besoin cette classification. Les quatre exemplaires que j'en possède se sont trouvés parmi quelques autres Crustacés isopodes, qui m'ont été remis pour mes recherches d'anatomie comparée, avec une rare obligeance, par le fondateur de la première société d'Histoire naturelle de l'île Maurice , feu M. Julien Desjardins, dont la science regrette la perte récente. Je propose, pour ce genre, la dénomination de Xépône, du mot grec Kñrs, jardin, afin de le consacrer au souvenir du natura- liste auquel la science devra d'en avoir recueilli les premiers individus , et qui est d’ailleurs connu par de bonnes observa- tions sur la zoologie de l'ile Maurice. Si l'on compare les Bopyres , les Jones et les Képônes, on trouvera qu’ils ont beaucoup d’analogie : 1° Par les quatorze pattes ancreuses, attachées à leurs an- neaux thoraciques ; 2° Par les six segmens de leur abdomen , qui vont en dimi- nuant du premier au dernier, et dont les cinq premiers, au moins , supportent des 2ppendices branchiaux; (1) Trans. of Linn. Soc. lome 1x , pages 3-4, 1808. XV, Zoov. — Février, 8 114 DUVERNOY. — Âouveau genre de Crustacé. 3 Par la présence de quatre antennes , dont les deux internes sont rudimentaires; 4° Par l'absence d’yeux, au moins chez les femelles ; 5° Par la plus grande taille de celles-ci, relativement aux. mâles; 6° Par l'existence, chez les femelles, de plaques d’incuba- tion qui recouvrent la face inférieure du thorax et protègent les œufs. Voici d’ailleurs les principaux caractères du genre Képône. Le corps a tous ses quatorze segmens, y compris la tête, tres distincts. Ceux du thorax sont profondément séparés dans la fe- melle comme dans le mäle. Les antennes externes ou postérieures dans la femelle, ont quatre articles ; les internes ou antérieurs deux seulement. La bouche dans la femelle a un /abre ; deux petites mandi- bules , une lèvre postérieure, des mächoires. Toutes ces parties sont recouvertes par une paire de pieds-mächoires. La hanche des quatre premières paires de pieds supporte, sur un court pédicule cylindrique, une pelotte hémisphérique mul- tipapilleuse, dirigée vers le haut. Dans les paires de pattes sui- vantes , le pédicule existe, mais sans la pelotte. Les pieds ont cinq articles , dont le dernier n’a pas d’ongle. Plus dilaté que le pénultième, il paraît former une petite pelotte, qui rappelle celle des ARainettes. Les branchies se composent de six paires d’appendices en forme de feuilles, à bord frangé, attachées et étalées sur les côtés des six anneaux de l’abdomen. Cinq autres paires d’'appendices coniques où pyriformes sont attachées plus en dedans sous les cing premiers anneaux de cette région. Il y a, de chaque côté du thorax de la femelle, cing larges plaques d’incubation ; qui recouvrent toute la face inférieure de cette partie du corps. Le mâle n’a que moitié de la longueur des plus grandes fe- melles. L’abdomen et ies folioles branchiales principales sont plus DUVERNOY. — /Vouvean genre de Crustacé. 113 développées. Les branchies accessoires des deux dernières paires sont bifurquées. Les antennes internes sont à à proportion plus longues et dé- passent sensiblement le chaperon. Il y a une apparence d'yeux à la face supérieure de la tête. Les premières lames qu’on découvre autour de la bouche diffè- rent beaucoup pour la forme des pattes-mâchoires de la femelle. Ce nouveau type générique, et même de famille , appartient évidemment, par ses quatorze pattes, semblables entre elles, et par le nombre des segmens de son corps, à l’ordre des Zsopodes. Nous avons déjà fait sentir ses affinités incontestables avec les Boprres et des Jones. Il se rapproche des Jones par le nombre de ses appendices abdominaux et par leur disposition autour de cette région. Il se rapproche des Bopyres par la forme lamelleuse ou en feuilles de ses branchies externes ; mais les branches ou les den- telures de ces feuilles, qui ne se voient pas dans les Bopyres, rappellent un peu les divisions des branchies arborescentes des Jones. Ce nouveau type,intermédiaire entre les Bopyres et les Jones, me semble devoir confirmer la réunion de ces deux genres dans une même section. Le nombre de ses appendices abdominaux est le nombre nor- mal le plus fort que l’on ait rencontré jusqu'ici dans l’ordre des Isopodes; mais, chez aucun animal de cet ordre, la dernière paire de ces appendices n’a subi la même transformation que les cinq autres qui la précèdent. Cette circonstance singulière et la disposition étalée des bran- chies dans les Jones et les Képones , tandis qu’elles sont imbri- quées et sous-abdominales dans tous les autres /sopodes , obli- gera de réformer, à cet égard, les caractères de cet ordre. Ce sont ces questions de principes de classification, soulevées par la découverte de cette nouvelle forme animale, qui m'ont en- couragé à la faire connaître à l’Académie. Je joins à cet extrait une description détaillée du genre Xé- pone, et une planche, dont les figures donneront une idée exacte de ce genre. : 116 DUVERNOY. — /Vouveau genre de Crustacé. $ 2. Description détaillée du genre KéPôwe (Kepon tÿpus Nob.) et caractères particuliers de la femelle de l'espèce type de ce genre. Forme générale. — Dimensions. La tête, le thorax et l’abdo- men se distinguent facilement, au premier coup-d’œil, surtout quand on examine l'animal par sa face dorsale. Le thorax a sept segmens et l'abdomen six, tous bien séparés. Les premiers paraissent emboités à la suite les uns des autres par leur partie moyenne seulement, les derniers par toute leur circonférence. Les anneaux thoraciques ont pour appendices sept paires de pattes semblables entre elles, ayant la plus grande analogie avec celles des autres Isopodes parasites. Six paires de lames branchiales principales sont suspendues et s’étalent sur les côtés des six anneaux de l'abdomen, sous lesquels se voient encore cinq paires de lames branchiales ac- cessoires, plus rapprochées de la position ordinaire des lames branchiales ou operculaires des Isopodes. C’est le nombre nor- mal le plus complet des appendices branchiaux ou operculaires des Isopodes , puisque la paire d’appendices natatoires du der- nier anneau n’est transformée en branchies que dans ce seul genre. Des trois femelles que je possede, la plus petite a, Pour la tête et le thorax. . . : o",005 Pour l'abdomen. . . . . . . o ,oor1 5 Longueur totale. . . . o ,006 5 Les deux plus grandes ont, Pour la tête et le thorax. . . . 0",008 o Pour l'abdomen: 0-7 : + 1 000400 Longueur totale. . . . o ,o12 5 DUVERNOY. — /Vouveau genre de Crustacc. 117 Le mâle a pour la tête et le thorax. . . 0",004 pour l’abdomen . . . . . o ,002 Longueur totale. . . . o ,006 Ce n’est pas la moitié de la longueur totale des femelles qui paraissent adultes. La téte (PL. 4B, Gg. 1, c), vue par le haut , se présente comme un gros tubercule cordiforme , ayant l'apparence d'être composé, sur les côtés, de deux rondes-bosses, et en arrière d’une pointe mousse. Une lame à bord relevé l’encadre en avant et sur les côtés, comme une sorte de chaperon (77, fig. 1). Cette même pièce, qui est concave en dessus et convexe en dessous (77, fig. 1}, forme de ce côté le premier segment de la tète. Un second seg- ment frontal (7, fig. 1), plus petit, est distinct du premier par une ligne de jonction , formant un arc assez ouvert en arrière. On voit sur les côtés de celui-ci, toujours en dessous, une très petite antenne rudimentaire , composée de deux articles : c’est l'antenne interne et antérieure (b , fig. 1). Plus en dehors et en avant paraît l’antenne externe (a, fig. 1) et (c, fig. 1), qui est beaucoup plus développée, de forme conique, et se compose de quatre articles, diminuant rapidement d'épaisseur du premier au dernier. La bouche a des rapports sensibles avec celle des Bopyres: elle est recouverte par les deux premières plaques d’incuba’ tion , qui tiennent au premier anneau thoracique (fig. 2, c). Sous ces plaques, il en existe deux autres, qui sont larges, convexes en avant et se prolongent en arrière par leur bord in: terne, en un pédicule grêle , long , renflé à sa terminaison. Le bord postérieur de ces mêmes plaques est fortement échancré et concave ( fig. 3, f). On observe, en arrière de cette échan- crure, plusieurs bandes musculaires g. (1) L’angle interne et antérieur de ces mêmes plaques, qui sont les pieds-mächoires ; supporte un article crochu, qui s’avance entre les antennes ct croise sa pointe recourbée en dedans, ) Analogues aux petits muscles que M, Rathke indique o. e. PI, &, fig. 5 118 DUVERNOY. -— /Vourveau genre de Crustace. avec celle du côté opposé. Cette forme et cette composition des pieds-mâchoires ont de l’analogie avec ceux de plusieurs Cymo- thoadés , et même des C/oportides. (1) £es autres parties de la bouche sont: ° Un labre, bande étroite en arrière du chaperon, échancrée au milieu et comme bilobée. ° Le petit orifice du pharyÿnx, qui se voit dans l’échancrure du labre ; 3 Une levre postérieure rectangulaire : elle s'appuie sur une pièce, assez large d’abord, sorte de hanche qui forme, en se portant en arrière, une carène assez saillante; 4° De chaque côté de cette pièce en sont deux autres semi- lunaires , dont l’angle interne a un prolongement en crochet qui s’avance vers la lèvre : ce sont les mâchoires; 5° Enfin, entre le labre et la lèvre postérieure , sont les deux petites mandibules , dirigées obliquement en travers, de forme conique, terminées par une pointe noirâtre, qui se glissent sous chaque angle de la lèvre et la dépassent en avant par leurs pointes , de maniere à faire paraître cette lèvre, au premier coup- d'œil, comme fourchue. A Segmens du corps et ses appendices en général.—Les anneaux thoraciques, comme les anneaux abdominaux sont absolument à découvert. Aucune pièce ne s'étend de l’occiput en arrière, pour leur servir de bouclier, comme cela a lieu chez les Décapodes. On peut distinguer, dans chacun de ces anneaux, du côté dorsal, une partie moyenne articulaire , composée Jes deux pièces tergales; et deux parties latérales épimériennes, plus détachées, qui s’articulent et semblent se continuer avec la hanche de chaque pied. Le septième segment seulement semble manquer de cette partie latérale ou de cette pièce épimérienne: elle s’y confond du moins, avec la partie articulaire ou moyenne de ce segment. {x) Voir entre autres le crochet de la grande plaque , qui compose le pied-mâchoire du Porcellion rude , d'après M. Mile Edwards et la figure qu'il en a publiée PI. 7t, fig. 1-9, des Crustacés du Æègre animal de Cuvier. DUVERNOY. — Mouveau genre de Crustace. 119 Appendices des anneaux thoraciques. 1° Des pieds ou des appendices préhensiles et ambulatoires. Les pieds , comme dans tous les Isopodes parasites , sont plutôt organisés pour fixer l'animal, que pour le transporter d’un lieu dans un autre. Ce sont des pattes ancreuses , ainsi que les appelle M. Milne Edwards; elles se composent de la hanche et du pied proprement dit. La hanche est une forte articulation, qui se continue, comme je viens de le dire, et s'articule avec la pièce épimérienne de chaque segment thoracique. Cela est du moins évident pour les six premiers. Son extrémité externe supporte un singulier appendice qui sert , selon toute apparence, à fixer l'animal du côté supérieur, en même temps que les pieds l’accrochent du côté inférieur. Le premier de ces appendicés se présente, à chaque angle du chaperon, comme un petit tubercule à surface granuleuse (a , fig. »). Le second, le troisième et le quatrième , vont en augmentant de grosseur, et forment une pelotte à-peu-près hémisphérique, de petites verrues qui sont séparées quelquefois en deux groupes inégaux par un sillon oblique ; ce qui leur donne une apparence de main, ou , du moins, d’organe préhensile, ayant deux parties opposables ( fig. 1,2,c,d, pour les trois derniers; et fig. 4, où l'on voit en b la pelote, et en a son pédicule). Ces pelottes tiennent à la hanche par un pédicule cylindrique , qui subsiste seul, dans les cinquième et sixième paires de pieds avec les mêmes dimensions que dans les précédens , qui n’est plus que rudimens taire dans la septième. Les pieds proprement dits ( fig. r. 2. 4 ) sont gréles, courts, repliés en demi-cercle sous lés côtés du corps et composés cha- cuu de cinq articles, y compris le dernier, qui déborde l’avant- dernier et forme comme une pelotte analogue à celle des Rai- nettes, parmi les Batraciens. Cet article ne porte pas d’ongle. Chaque pied à son extrémité dirigée en avant et un peu vers le 120 DUVERNOY. — Nouveau genre de Crustace. haut. La forme du dernier segment thoracique a fait descendre l'articulation de la dernière paire de pieds , de sorte qu’on ne l’aperçoit pas facilement depuis la face dorsale. 2° Des lames ventrales et incubatoires. Le côté ventral du thorax est garni de deux séries minces de grandes lames demi transparentes , qui se recouvrent en partie les unes les autres, et s'étendent sur toute cette région. Il y en a cinq dans chaque série. Des plaques semblables se voient généralement chez les fe- melles des Isopodes : elles protègent les œufs que la femelle a pondus pour la fécondation, mais non pour s’en séparer. Elle les conserve sous sa poitrine, où ils paraissent éprouver une sorte d’incubation, nécessaire sans doute à leur germination ou au développement du germe. Appendices de Pabdomen. — Branchies. Les branchies sont attachées aux anneaux de l'abdomen comme dans tous les {sopodes ; mais elles ont des caractères particuliers dans leur nombre, dans leur disposition et dans leur forme, qui suffiraient pour distinguer ce genre des deux autres de la même section. I ya six paires de lames branchiales principales ; le dernier anneau abdominal en supportant une comme le premier. Elles sont assez épaisses, en forme de feuilles allongées et pointues; dont les dimensions vont graduellement en diminuant de la première à la dernière, comme celles des anneaux de l’abdomen, auxquels elles sont attachées. Leur bord est comme frangé par de petites productions tubuleuses ou foliacées. Outre ces six paires de lames branchiales principales , il y a cinq paires de lames branchiales plus petites, simples , élargies à leur base très effilées à leur extrémité, ayant aussi leur surface hérissée de quelques papilles: elles sont plates ou épaisses et pyriformes, suivant la quantité de sang qui les gonfle. Ces bran- chies accessoires sont attachées sous l'abdomen , plus en dedans DUVERNOY. — Nouveau genre de Crustacé. 121 que les principales, et paraissent répondre aux lames opercu- laires du plan général des Isopodes. L’abdomen n’a pas d'autres appendices. $ 3. Caractères particuliers du mâle. Le mâle se distingue de la femelle: 1° Par ses dimensions: nous avons vu que sa longueur n’est que la moitié de celle des deux plus grandes femelles. 2° Par la plus grande proportion de l'abdomen , relativement aux autres parties du corps et par celle des feuilles branchiales principales. Le plus grand développement des organes de la res- piration dans le mâle, qui paraît être plus mobile, me semble remarquable. 3° Les pelottes épimériennes des pieds sont à proportion bien plus petites que dans les femelles et à peine verruqueuses à leur surface. Leur nombre est d’ailleurs le même, ainsi que celui des articles de chaque pied. 4 Les pieds-mâchoires, ou les mâchoires, sont deux lames à bord arrondi du côté interne, relevé, qui m'ont paru s’articu- ler sur une sorte de hanche transversale, qui supporte une lèvre postérieure fourchue. Je vois au devant de cette lèvre un tubercule, qui tient lieu de labre et de mandibules; mais j'avoue que mon exemplaire est en si mauvais état, que je n’ai pu assez répéter cette obser= vation. Les antennes externes dépassent le chaperon et montrent leur article terminal, lorsqu'on voit l’animal par sa face dorsale; cependant elle ne m'a paru avoir que trois articulations, et l'antenne interne deux. Il y a une apparence de deux petits tubercules symétriques à la face supérieure de la tête, peu dis- tincts d’ailleurs, qui pourraient passer pour les yeux. Les femelles n’en présentent aucune trace. 122 DUVERNOY. — /Vouveau genre de Urustacé. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE 4 B. Les figures 1-6 se rapportent au Képone femelle, — Les figures 7-11-concernent le Ké- pone mâle, Fig. 1. Képone femelle, vue par la face dorsale, — Les numéros 1 à 7 indiquent les seg- meus du thorax , et les numéros 8 à 13 ceux de l'abdomen, lies lettres a, &, c, d. montrent les pelottes épimériennés attachées aux quatre premières hanches. Les letirese, fg;h;,i, k indiquent les six branchies principales du côté gauche, La figure 2 est le même animal, vu en dessous, — Les chiffres r à 7 sont les sept pattés du côté gauche. Les chiffres 8 à ra montrent les cinq branchies accessoires du côté droit, — a. est l'antenne externe; 2. l'antenne interne; c, 4, e, f, g:sont les cinq lames d’incubation du côté droit. La figure 3 est la tête de la même femelle , considérablement grossie et vue en dessous. — a, et b. sont les antennes; f, . la patte-mâchoire; g,g. des digitations musculaires qui se rendent aux organes de la bouche. Fig. 4. Une patte de la femelle avec sa pelotte épimérienne (4). Le pédicule (a) qui sup- porte cette pelotte et les cinq articles 1-5 de cette patte. Fig. 5. Pelotte épimérienne d'une des quatre grandes paires de pattes de la femelle. Fig. 6. Une feuille branchiale externe ou principale, grossie, Fig. 7. Le mâle, vu en dessus, Fig. 8. Le même vu en dessous, — La lettre a est l’antenne externe. Les treize chiffres. indiquent, dans les figures 7 et 8 , les sept premiers , les seemens du thorax, et, les six derniers, ceux de l'abdomen, avec les branchies correspondantes d’un côté. Les segmens cornés de l'enveloppe thoracique sont déchirés dans leur partie moyenne ; et les deux moitiés sont écartées l’une de l’autre de manière à figurer des plaques abdominales, qui n'existent pas dans le mâle. Fig. 9. La tête du mäle, vue en dessous, — a, 2. Les antennes. — 1. La première paire de pattes. À 3 Fig. 10. Une pelotte épimérienne du mâle, très grossie. Fig. 11, Les deux derniers segmehs 12 et 13 de l'abdomen du même. — 5, 6 sont les cinquième et sixième paires de branchies principales; c. la cinquième paire de branchies ac- cessoires , qui est bifurquée , ainsi que l’avant-dernière. VAN BENEDEN. — Sur le developpement des Aplysies. 123 Recxercxes sur le développement des Aplysies , Par M. Van B£eNEDEN, Correspondant de l’Académie de Bruxelles, { Mémoire lu à l'Academie de Bruxelles, à Ja séance du 5 décembre 1840.) J1 y a deux ans, pendant mon séjour à Cette ( Hérault }, j'a- vais commencé l'étude du développement des Sépioles et des Aplysies. Dans l'intention de la continuer, je m'étais de nou- veau rendu cette année dans ce port, mais je n’ai pu me pro- curer que des œufs d’Aplysies , et j'ai dù livrer à l'impression mon travail sur les Sépioles tel qu’il était alors. Les œufs d’Aplysies (Æplysia depilans) se trouvent en abor- dance dans le bassin de cette ville, et on se les procure tout aussi facilement que les œufs de Limnées dans nos ruisseaux. L’eau du bassin est tellement claire, que l’on peut suivre de l’œil les mou- vemens des différens animaux qui rampent sur le fond. J'ai pu observer du quai les accouplemens et la ponte des œufs des Aplysies. L’on ne trouve peut-être nulle part autant de facilité pour l'étude des animaux inférieurs. J'ai cru devoir ajouter ceci, pour ne laisser aucun doute sur la nature des œufs que j'ai étudiés. La planche qui accompagne ce travail représente bien les œufs et les embryons de ces Mol- lusques , quoiqu'il y ait une si grande différence entre le jeune âge et l’âge adulte. Dans ce développement, j'ai à signaler trois faits importans : 1° la multiplicité des vitellus dans un seul a/bumen ; 2° la divi- sion des vitellus en tubercules , et 3° la présence d’une coquille nautiliforme et d’un opercule. (1) (x) Ce travail était terminé lorsque j'ai eu connaissance d'un mémoire de M. Sars sur la développement des Mollusques et des Zoophytes, dans les archives de Wiegmann , 2° partie, 1840. L'auteur a observé les Tritonies, les £olides , les Doris et les Aplysies , et il s'est assuré que tous ces Mollusques ont les mêmes divisions dans leurs vitellus, et une coquille nautiliforme pourvue d'un opercule dans le jeune âge. J'aurais pu me dispênser de 124 VAN BENEDEN. — Sur le developpement des Aplysies. LI. On trouve au fond de l’eau, dans le bassin de Cette, des cordons blancs, arrondis, très allongés et irrégulièrement re- pliés sur eux-mêmes. Ces cordons, qui contiennent une infinité d'œufs dans leur intérieur , et qu’on ne saurait mieux comparer qu'à du vermicelle mouillé, appartiennent à la grand espèce d’Aplysie. Ces cordons se composent d’un tube dans l’intérieur duquel les œufs sont groupés , et se trouvent à deux ou à trois dans la largeur du tube. Les œufs sont arrondis, serrés les uns contre les autres, et pourvus d’une membrane extérieure assez forte ; en dedans, au milieu d’un liquide blanc transparent, l’analogue de lalbumen, nagent des globules opaques, dont le nombre s’élève jusqu’à cinquante, et qui sont les véritables vitellus. Chacun de ces vitellus se développe pour son propre compte, et puise une par- tie de sa nourriture dans l’albumen qu’ils possèdent en commun. IE. Avant qu'il ne se forme de blastoderme, le vitellus, d’a- bord parfaitement arrondi, se divise, à l’aide d’échancrures qu’on aperçoit à la surface, et qui se multiplient à mesure que le développement avance, en un corps multilobé. On aperçoit d’abord une première échancrure, puis une seconde du côté opposé, et le vitellus présente l'aspect de deux tubercules ados- sés. Au milieu de chacun des tubercules, se montre ensuite une nouvelle échancrure, et il se compose alors de quatre tubercules qui, se divisant à leur tour, amènent à la fin un vitellus bos- selé sur toute sa surface. À mesure que le nombre de ces tuber- cules augmente, leur volume diminue, et ils deviennent définitive- ment si nombreux et si petits, que le vitellus n’est pas beaucoup plus bosselé que dans le principe du dévelospemernt. Il reprend sa première forme, mais son intérieur a subi de profondes modifications. Cette division du vitellus , observée en premier lieu par Rus- celte publication , mais à cause du grand intérét qui s'attache à ces faits et de l'incertitude dans laquelle se trouveront encore des zoulogistes sur la détermination, j'ai cru devoir livrer mes recherches à l'impression. VAN BENEDEN. — Sur le développement des Aplysies. 125 coni dans les Batraciens, se répète, d'après des observations récentes, dans les poissons. M. Dumortier (1) l’a vue, je crois, le premier dans les Limnées, et il a signalé l’analogie entre elle et le vitellus des Batraciens. Nous l'avons observée dans les Limaces. M. Sars (2) l’a remarquée dans plusieurs Mollusques marins nus, et M.Pouchet (3) aussi dans les Limnées. Le docteur De Filippi (4), dans son mémoire sur l'anatomie et le dévelop- pement des C/epsine , a observé le même phénomène dans ces animaux. Mon collègue et ami, M. Schwann, a donné une théorie du développement (5). Les tissus animaux procèdent tous, d'après lui, de cellules, comme on l’a dit pour les végétaux. Ces cellules s’observent surtout dans le principe du développement. Le vitellus lui-même suit cette loi commune. Il n’est donc pas étonnant, si le vitellus se développe à l’aide de cellules, que l'on aperçoive à sa surface des divisions et des bosselures. Il est vrai que, dans le vitellus des oiseaux, on n'observe point à l'extérieur ces divisions; mais, d’après l'explication que vient de donner M. Reichert (6), on comprend la raison de cette diffé- rence. Le vitellus des oiseaux se compose, d’après les observa- tions de M. Schwann, de deux sortes de cellules, les unes cen- trales et les autres périphériques ; et d’après M. Reichert, ce se- raient senlement les cellules centrales qui correspondraient aux cellules des autres classes. Ces cellules pourraient donc se bos- seler dans l’intérieur , sans que l’on aperçût aucun changement en dehors. (1) Dumortier , Mémoires sur l'embryogénie des Mollusques gastéropodes (Mémoires de l’Académie de Bruxelles, 1837). (2) Sars, Beiträge zur entwickelungs geschichte der Molusken urd Zoophyten (Archives de Wiegmarn), 1. c. ‘ (3) Pouchet, Sur le developpement de l'embryon des Limnées (Annales des Sciences naturelles, tome x, 1838, page 63). Notes sur le structure du vitellus des Limnées (Annales françaises ei étrangères d'auatomie, etc, , 2° vol, 1828 , page 253), (4) Lettera del dott. f. de Filippi sopra l'anatomia e lo sviluppo delle Clepsine, Pavia 1839. (5) Mikroskopishe Untersuchungen , etc. Berlin, 1839. (6) Reichert , Das Entwickelungsleben in Wirbelthier-Reich , Berlin, 1840. 196 van BENEDEN. — Sur le développement des Aplysies. Les bosselures qu’on observe à la surface du vitellus seraient, d’après cette théorie, l'indice des cellules qui se forment dans l'intérieur , et le blastoderme ne commencerait à se développer qu'après ces premiers changemens intérieurs. Ainsi, le vitellus serait composé d’abord d’une grande cellule, au milieu de laquelle s’en développeraient deux autres; et dans chacune de celles-ci, il s’en développerait de nouveau deux, de manière à obtenir la multiplication que l’on observe dans le nombre des bosselures. M. Dumortier a vu se développer ainsi le vitellus des Limnées, en le désignant sous le nom de foie. En même temps que le vitellus se divise, il sort de l’intérieur une vésicule blanche, contenant un liquide transparent, et qui va se perdre dans l’albumen. Cette vésicule est quelquefois suivie d’une seconde qui suit la même marche. Cette vésicule , simple où double, sort de la même manière du vitellus des Limaces, et, d'après MM. Dumortier et Pouchet, des Limnées. Comment faudrait-il la déterminer? Sa constance mérite une attention toute particulière. HI. Le vitellus n’a pas sitôt subi ces changemens , que le blas- toderme commence à s'organiser. L’on voit se former d'un côté, à la surface du vitellus, un épaississement qui s'accroît insen- siblement , et qui indique, par des échancrures, les différentes régions du corps. Il se forme bientôt autour de toute la masse une pellicule mince et transparente. Cette pellicule ne tarde pas à prendre la forme de la coquille de l’Argonaute, et le jeune embryon peut se retirer en entier avec son vitellus dans l’intérieur. Dans les Limaces, on voit aussi de très bonne heure la co- quille, mais il y a ici une très grande différence dans la nature de la coquille et dans l'endroit de son apparition. Dans l'inté- rieur même du bouclier des Limaces, on voit se déposer un grain calcaire autour duquel viennent se grouper d’autres cris- taux. Cette coquille intercepte la lumière lorsqu'on l’examine au microscope, et l’on reconnait sa nature par le dégagement de bulles, lorsqu'on la traite par une goutte d'acide nitrique dilué. Dans les Aplysies, la coquille est extérieure depuis son appari- » NAN BENEDEN. — Sur le développement des Aplysies. 127 tion; elle est toujours transparente et de nature cornée. Il n’y a point de bulles qui se dégagent comme dans le cas précédent, si on la traite par le même acide. Les Aplysies sont donc très éloignées des Limaces, quoique, dans l’état adulte, ils possèdent les uns comme les autres une petite coquille interne. Les contours de la coquille sont réguliers. Il n’y a pas plus d’un tour de spire, et, sauf les stries et les tubercules, elle res- semble parfaitement à la coquille d’Argonaute. Cependant, lors- qu'on regarde cette coquille de face, on remarque une légère différence entre le côté droit et le côté gauche, comme l'indique la figure 16 (PI. x). Un opercule , de même nature que la coquille , bouche exac- tement le péristome, et l'embryon porte cet organe sur une portion semblable au pied. Il peut faire rentrer entièrement lopercule pendant les fortes contractions. Le plus souvent la cequille est ouverte, et l’opercule est couché sur la portion en- roulée de la coquille (fig. 17). On observe un mouvement de rotation qui a lieu en sens in- verse de celui de l'animal à l’état adulte; il tourne en arrière. Des cils vibratiles très allongés recouvrent la nuque de l’em- bryon, et c’est à eux qu'est dù le mouvement de rotation. Ces cils sont sans doute aussi les organes temporaires de la respira- tion, en attendant qu’il se forme de véritables branchies. Dans le fond de la coquille, la masse plus opaque et composée de globules arrondis, indique le vitellus. Vers la partie inférieure de l’opercule , on voit dans l’intérieur de lembryon une double vésicule, arrondie, transparente, située à l'endroit où se trouvent les ganglions œsophagiens. Dans les Limaces, nous avons re- marqué une apparition semblable à Ja même époque, et nous avons considéré ces vésicules comme le premier indice du sys- tème nerveux ( fig. 13, 15 et 17, d). Il n’est pas très facile de distinguer d’autres organes dans l'in- térieur de la jeune Aplysie. Le temps nous a manqué pour étu- dier l'apparition des viscères et les variations que la coquille subit pour arriver à l'état adulte. Nous n'avons pas non plus des notions précises sur le lieu d'insertion du sac vitellin. 128 van BENEDEN. — Sur le développement des Aplysies. La présence d’une coquille et d’un opercule dans ces animaux, à l'état embryonnaire , nous fait supposer que bien des Mol- _. subissent des cernes pareils. La zoologie doit tout attendre de l'embryogénie ; c’est par elle que l’on constatera les affinités, et que l’on effacera peut-être bien des eine) qui ne reposent que sur des variétés d’àge. Ne pourrait-on pas dire , d’après ces faits, que les Mollusques subissent des métamorphoses aussi bien que les insectes? L’em- bryon des Limaces aussi bien que celui des 4p/ysies diffère tota- lement de l'animal adulte.Ces métamorphoses ne sont pas moins grandes, nous paraît-il, que celles que subissent les Batraciens et les insectes. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE I. Fig. r. OEufs d’Aplysie, de grandeur naturelle , dans leur tube. Fig. 2. Un morceau de ces tubes avec les œufs grossis. a, a. Parois du tube. 4. Les œufs. c,c. Albumen commun, d, d, Vitellus, Ces derniers sont très nombreux dans chaque œuf. m. Premier segment ou chaperon. 7. Deuxième segment, Fig. 3. Vitellus isolé avant qu'il de soit en voie de développement. Fig. 4 à xt. Le même vitellus, divisé en lobules, qui augmentent successivement en nombre. a,a, a, a. Vésicule blanche, qui sort de l'intérieur pendant le déxeloppement , et qui va se perdre dans l’aibumen. Fig. 12. L'embryon, pourvu d'une coquille. a. Vitellus, . Pied. c, Cils vibratiles. Fig. 13. Le même, un peu plus avancé. Les lettres placées sur les figures suivantes in- diquent les mêmes objets. d, Ganglion nerveux. Fig. 14. Le même encore , un peu plus avancé et rentré dans la coquille. Fig. 15. Le même, plus développé encore, vu un peu obliquement, L'animal, ayec son opercule e. est rentré dans la coquille. Fig. 16. L'animal, vu de face, avec son opercule e. Les cils vibratiles c, c. sortent des deux côtés. F-g. 17 et 18. Le même, vu du côté droit. L'animal avec son opereule e sorti de la coquille. ANDRAL, ET GAYARRED. =; Sur: le Sans. 129 RecHerCHEs ‘sur les modifications de proportion de quelques principes du sang ( fibrine , globules , matériaux solides du sérum , et eau) dans les maladies, Par MM. AnpraL et Gavarrer. ( Extrait.) * CHAPITRE I. (1) MALADIES DANS LESQUELLES LA FIBRINE RESTE EN QUANTITÉ NOR MALE, OU DIMINUE , EN MÊME TEMPS QUE LES GLOBULES RESTENT AUSSI EN QUANTITÉ NORMALE OU AUGMENTENT. L'augmentation de la fibrine, caractère constant de l'état phlegmasique, est-élle liée à la nature même de cet état, ou bien dépend-elle du seul fait de l'existence de la fièvre qui lac- compagne? On peut, sans doute, d’autant plus se poser cette question, que , dans l'état phlegmasique, la fibrine diminue des que la fièvre césse, comme , daps la tuberculisation pulmonaire, elle augmente dès que la fièvre s'allume d’une manière continue. Nous ne craignons pas cependant d'affirmer que c’est de l’état phlegmasique, et non de la fièvre qui l'accompagne, que dé- pendait l'augmentation de fibrine dans les cas que nous avons passés en revue; si, dans ces cas, nous avons vu souvent la fibrine croître avec la fièvre, c’est que la violence de celle-ci traduisait la plus grande intensité de l’état phlegmasique. Il est, en effet, une autre grande classe de maladies aiguës dans les- quelles le phénomène fondamental est une fièvre aussi intense et souvent plus durable que la fièvre des phlegmasies, et dans lesquelles cependant le sang va se présenter à nous sans aug- mentation de fibrine, et souvent au contraire avec une notable diminution de cé principe, Ces maladies aiguës sont les pyrexies (r) Là premiére partie de ce Mémoire a été insérée dans le tome x1v de ces Annales (1840), page 36r, XV, Zoox, — Mars, 9 130 ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. ou fièvres proprement dites ; et ici, l'analyse du sang vient mer- veilleusement rétablir et confirmer une distinction réelle de na- ture entre cet ordre de maladies et l’ordre des inflammations. Ainsi donc, il faut qu’une phlegmasie entretienne la fièvré, coïncide avec elle, ou s’y ajoute, pour que la fibrine du sang vienne à augmenter. Mais indépendamment de ces maladies générales, qu’on ap- pelle des pyrexies , il en est d’antres que la fièvre n’accompagne plus, qui semblent être toutes locales , et dans lesquelles nous avons souvent rencontré une diminution de la fibrine, soit absolue, soit relative aux globules dont la quantité se trou- vait augmentée : ce sont les congestions et les hémorrhagies cérébrales. ARTICLE I. Pyrexies. Nous rangerons en cinq groupes les faits dont nous avons à rendre compte à propos de l’état du sang dans les pyrexies. Dans le premier groupe, nous comprendrons les faits relatifs à cet état morbide tout particulier, qui précède, dans beaucoup de pyrexies , l'invasion du mouvement fébrile, et qui en consti- tue ce qu’on appelle ie prodrôme. Dans un second groupe, nous placerons un certain nombre de faits relatifs à des pyrexies, qui, nées de causes variables et marchant avec des symptômes divers, n’ont pas de places déter- minées dans les cadres nosologiques, et n’ont par reçu non plus de nom spécial. Il y a là un trouble général qui se traduit par un mouvement fébrile de durée et d'intensité variables, et dont l'état des solides ne saurait rendre raison. Là se trouve un cer- tain nombre de ces fièvres dont Pirel désignait les unes sous le nom de fièvres inflammatoires, et les autres sous le nom de fièvres bilieuses. Nous donnerons simplement à ces pyrexies le nom de fièvres continues. Un troisième groupe renfermera les cas de fièvres typhoïdes proprement dites. Nous rapporterons à un quatrième groupe les cas de fièvre irruptives ( variole, rougeole, scarlatine ). ANDRAL ET GAVARRET. -— Sur le Sang. 13€ Dans un’cinquième groupe enfin, trouveront place les fièvres intermittentes. Dans aucun de ces cinq groupes, la fibrine ne présente d’aug- mentation de quantité, si ce n’est dans quelques cas qui forment une exception qui n’est qu'apparente , et dont on peut se rendre compte; souvent , au contraire, la fibrine diminue de quan- tité, soit d’une manière absolue, soit d’une manière relative. Les globules peuvent conserver leur état normal ; dans un certain nombre de cas, ils augmentent suivant une proportion tres re- marquable , et ils ne diminuent jamais que par le fait de circon- stances dont l'influence vient se sur-ajouter à celle de la maladie. 11 suffit de mettre en parallèle ces résultats généraux avec ceux que nous a donnés le sang dans les phlegmasies, pour saisir tout ce qu'ils ont de différent. Arrivons maintenant aux détails. $ r: Du sang dans le prodrôme des fièvres continues. — Nous avons examiné ce sang chez huit malades et dans neuf saignées. Dans aucun de ces cas, nous n'avons trouvé la fibrine plus abondante que de coutume ; dans trois d’entre eux ; elle était un peu au-dessous des limites de sa quantité normale, et cependant encore au-dessus de 2 ; dans deux autres cas, elle était encore moins abondante, n'étant plus représentée que par 1,8 dans un cas et 1,6 dans l'autre. Les globules, au contraire, ne furent trouvés, dans aucun cas, au-dessous de leur chiffre physiolo- gique , et plus souvent même ils le dépassèrent, de manière à donner les chiffres 136,4, 137,9, 142,7, 143,5, et jusqu’à 157,7. J’individu qui offrit ce dernier chiffre n’avait que 1,6 eh fibrine ; il entra à l’hôpital dans un état d'abattement musculaire des plus prononcés ; après plusieurs jours de repos, ses forces se relevérent, il se trouva mieux , et alors nous le fimes saigner de nouveau. Un changement notable s'était opéré dans son sang : la fibrine avait augmenté, en restant toujours au-dessous de son chiffre normal , et marquant 2,1; les globules, si abon- dans , étaient descendus de 157,5 à 129,3 ; les matériaux solides du sérum étaient tombés de 96,5 à 83,9 : ces matériaux, d’ail- leurs, dans tous les cas , se maintinrent assez haut, entre 84 et 96; l'eau fut, par conséquent , toujours peu abondante , ne Ü. 132 ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. dépassant jamais sa quantité moyenne, et s’abaissant au-des- sous de celle-ci, par des intermédiaires , jusqu’à 744 , l’un des chiffres les plus bas que nous ayons rencontré pour l’eau. $ 2. Du sang dans les fièvres continues non typhoïdes. —Nous avons examiné ce sang chez onze malades et dans vingt-et-une saignées. Cinq de ces fièvres continues se sont peu-à-peu terminées par le retour à la santé, sans qu'aucun organe soit devenu le siège d’altération appréciable; six autres , après une certaine durée, ont en quelque sorte abouti à une lésion phlegmasique, comme érysipèle., angine, bronchite, etc. Il est nécessaire que nous distinguions ces deux séries de cas, car ils peuvent entrai- ner dans le sang des modifications différentes : c'est ce que nous allons chercher à déterminer. Les cinq malades appartenant à la première série ont subi dix saignées. Un seul, parmi eux, donna en fibrine 5,6, c’est-à-dire la limite inférieure du sang des phlegmasies. C'était une jeune fille de. dix-huit ans, qui, à une saignée antécédente, avait donné en fibrine 4,6. Aucun accident particulier ne nous expliqua cette notable quantité de fibrine, qui fut trouvée le septième et le neuvième jour de la fièvre; et comme, d’une part, dans aucun autre cas de fièvre continue simple, nous n’avons rencontré autant de fibrine ; comme, d'autre part, ce chiffre de 5,6 nous a paru toujours coïincider avec un état phlegma- sique, nous sommes très portés à penser qu'il y avait eu ici une affection de ce genre qui nous a échappé. (1) Chez les quatre autres malades, la fibrine , une fois encore à 4,2, varia toutes les autres fois entre 3,3 et 2,2. Les globules , dans ces cinq cas, présentèrent anx premières : (1) Préoccupés de la singularité de ce cas, et lorsque notre rédaction était terminée, nous avons été de nouveau consulter les notes que nous avions prises près du Lit de la malade, et nous y avons vu que depuis long-temps elle souffrait d'une douleur habituelle vers l'hypochoudre droit , douleur qui s'était beaucoup exaspérée depuis l'invasion de la fièvre. Nous laisserons cependant ce cas dans le lieu où nous l'avions d'abord placé ; cet exemple d'une rectification de diagnostic, par Ja considération du chiffre de fibrine, fera mieux ressortir la valeur de ce chiffre. ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. 133 saignées des différences tres grandes,sur lesquelles nous devons donner quelques détails. D'abord, ils s’élevèrent une fois au chiffre énorme de 185,r(le plus haut que nous ayons jamais ren- contré). C'était chez un malade âgé de cinquante-huit ans, qui avait 3,3 en fibriue, et chez lequel aucun phénomène spécial ne traduisit cette grande quantité de globules. 1l offrait cet en- semble de symptômes qui caractérisent la fièvre inflammatoire , telle qu’elle est décrite dans la Nosographie de Pirel; il garda la fièvre sept à huit jours au plus, et guérit sans aucun autre accident. Chez trois autres malades, les globules donnérent les chiffres. 120,7, 117,4, 103,6, et ce fut dans ce dernier cas que la fibrine atteignit le chi!fre de 4,6. Enfin, chez le cinquième malade, il n'y avait dans le sang que 82,5 en globules; chiffre inférieur, qui fonderait une excep- tion au fait général que nous avons tout-à-l’heure établi, si une circonstance spéciale ne venait pas l'expliquer : ici, en eflet, le: mouvement fébrile s'était développé chez une jeune fille qui avait un commencement de chlorose: Dans les seconde et troisième saignées, les globules suivirent leur loï ordinaire, c'est-à-dire qu’ils allèrent toujours en descen- dant vers un chiffre de plus en plus bas. Chez la jeune fille chlo- rotique , ils s’abaissèrent jusqu’au chiffre 62,4, et cependant la fièvre persistait encore. Ils revinrent au chiffre normal 128 chez le malade qui en avait eu d’abord 185,1, et qui fut saigné de nouveau lorsqu'il n'avait plus de fièvre. Les matériaux solides du sérum se maintinrent dans les limites de 0,9 à 81 , excepté une fois où ils s'élevèrent à 95,7. L'eau varia de 851 (chez la chlorotique saignée pour la troisième fois ) à 725 (chez la malade qui.eut 1#5.en globules ). Aualysons maintenant les cas où, après avoir persisté seul pendant un temps plus ou moins long , le mouvement fébrile se compliqua de la phlegmasie de quelque organe. Sur six cas de ce genre, il y eu eut trois dans lesquels l’inter- vention d’une amygdalite dans deux cas, et d’un érysipele dans un autre , n'entraina dans le sang aucune modification nouvelle : ce sang avait peu de fibrine , de 3,8 à 1,6, et beaucoup de glo- 134 ANDRAL ET GAVARNET. — Sur le Sang. bules (160, 148, 131). Mais il y eut trois autres cas dans les- quels l'apparition d’un état phlegmasique appela une augmen- tation de la fibrine , et, chose remarquable et confirmative de tout ce que nous avons dit précédemment, les globules revin- rent dans ces trois cas à un chiffre beaucoup plus bas que dans les trois autres cas précédens (118, 114, 94, ce dernier chiffre étant celui d’une seconde saignée ). Quant à la quantité de f- brine dans ces trois cas, elle fut de 5,4 chez un individu qui, après quelques jours de fièvre, fut pris d’une bronchite in- tense; elle fut de 5 chez un autre malade dont la fièvre se com- pliqua d’angine, et ce cas est d’autant plus digne d'attention, qu'à une première saignée, pratiquée avant l'invasion de l’an- gine, le sang n’avait fourni que 3,6 en fibrine. Enfin, une femme chez laquelle une méningite vint terminer une fièvre de quelques jours de durée, n’avait eu que 3,1 en fibrine avant l’in- vasion du délire; pendant que celui-ci existait , elle en eut 4; plus tard , les signes de phlegmasie encéphalique cessèrent ainsi que la fièvre : mais cette femme resta aliénée. Une troisième saignée fut pratiquée dans ce dernier état, et nous trouvâmes de nouveau la fibrine descendue au-dessous à 3,7. Ces faits montrent assez de quelle manière, et dans quel sens un état phlegmasique, qui vient compliquer une simple fièvre, peut changer la condition du sang créée par celle-ci. Supposez la phlegmasie très légère, il pourra se faire que le sang n'en soit pas modifié; il en fut ainsi dans nos trois premiers cas. Sup- posez la phlegmasie plus intense , et sur-le-champ elle marquera sa présence par une augmentation de la quantité de fibrine : c'est ce qui arriva dans nos trois derniers cas. Les matériaux solides du sérum varièrent, dans ces six cas, de 76,6 à 95,6 , et l’eau de 958,9 à 824,3. $ 3. Du sang dans la fièvre tYphoïde.— Nous avons examiné ce sang chez vingt malades et dans cinquante saignées. Nous n’appelons du nom de fièvre typhoide que la fièvre continue qui reconnaît pour caractère anatomique l’inflamma- tion exanthémateuse , puis ulcéreuse des follicules intestinaux. Les lésions dont le tube digestif est le siège dans cette maladie, ANDRAL ET GAVARRET: — Sur le Sang. 135 toutes spéciales qu’elles sont; appartiennent par leur forme aux lésions phlegmasiques; par conséquent, on serait en droit de supposer que, dans une pyrexie de ce genre, le sang doit par- ticiper, jusqu'à un certain point, de ce qu’il y a d’inflammatoire, sinon dans l'essence de la maladie, au moins dans les altérations des solides qui l’accompagnent. Mais il n’en est nullement ainsi. Le sang de la fièvre typhoïde n’a aucune sorte de rapport, sous le point de vue de la proportion relative ou absolue de la fibrine, avec le sang des inflammations. Quelle que soit l'intensité de la phlegmasie intestinale , le sang n’en emprunte past les caracteres. Mais tandis que les ulcérations des voies digestives, dans la fièvre typhoide, quels que soient leur nombre et leur étendue, ne sauraient donner au sang les qualités que l’inflammation lai im- prime}; le sang pourra revêtir exceptionnellement ces qualités; si, dans le cours d’une fièvre typhoïde, il survient une phleg- masie accidentelle , dont l'existence reste indépendante de celle de. la fièvre au milieu de laquelle elle s’est jetée. A l'exception de ce dernier cas, dont nous traiterons à part, la fibrine ;-dans une fièvre typhoïde bien caractérisée , ne s'élève jamais , d’une manière notable; au-dessusde son chiffre physio- logique ; elle le conserve assez souvent, mais souvent aussi elle s’abaisse au-dessous de lui, offrant ainsi une manière d’être pré- cisément inverse de celle qu’elle offre dans toute phlesmasie bien établie. En outre, tandis que, dans celle-ci, la fibrine aug- menñteen raison directe de l'intensité de la maladie, c’est le con- traire qui a lieu daos la fièvre typhoïde : plus cette fièvre ac-- quiert de gravité, et plus la quantité de fibrine va en diminuant ; et cette diminution peutiêtre telle, que cest dans certaines formes graves dela fièvre typhoide que s’est trouvé pour nous le minimum de fibrine, tandisque son maximum s’est rencontré dans, Ja pneumonie. 41 né, faudrait pas croire, d’ailleurs , que cette fibrine dituinue ainsi, ou par la répétition des saignées, ou pan la prolongation de la diète : car, dans la plupart des autres maladies, faites intervenir ces influences de diète et de pertes de sang, et vous ne verrez pas diminuer la fibrine ; si ce n'est dans quelques cas tres rares dont nous avons précédemment parlé, alors que l'organisme est profondément épuisé par des 136 ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. P hémorrhagies très abondantes et très répétées ; et encore, dans ces cas, la diminution de la fibrine est constamment précédée d’une très grande dimivution des globules : or, c'est ce quirn’a pas lieu dans la fièvre typhoïde. Ajoutons enfin que , dès que cette fièvre reprend une tendance vers le mieux, et avant que l’économie ne se soit réparée par assez d’alimens ; on voit sur- le-champ la fibrine remonter vers un chiffre plus élevé, pour continuer à augmenter dans la convalescence; et cette ascension de la fibrine a lieu à une époque où les globules continuent à descendre, vu l’épuisement où est:encore.le inalade, et l'insuf: fisance de son alimentation. Nous avons vu, en parlant de l’état du sang dans les phleg- masies, que, dès le début même de ces maladies , et avant que les saignées ou la diète n’eussent agi , les globules , loin de’s'é- lever, avaient au contraire, dans beaucoup de cas du moins, une tendance marquée à diminuer. Dans la fièvre typhoide ; les globules offrent une tendance inverse: Plus, en effet, on exa- mine le sang à une époque rapprochée du début de Ja maladie, plus on trouve de cas dans lesquels les globules, non-seulement n'ont pas diminué, mais ont au contraire augmenté d’une ma: nière irés notable. Nous ne disons pas qu'il en est toujours ainsi, nous disons qu’il en a été ainsi dans plus de cas que dans la plupart des autres maladies; et cela nous semble d'autant plus digne d'attention, que, déjà dans les cas relatifs au pro: drôme des fièvres continues, nous avons constaté la même dis-=! position des globules à devenirplus nombreux. Si maintenant nous recherchons le chiffre des globules àtune époque plus avancée de la fièvre , nous trouverons que , dans plusieurs cas, il se maintient encore assez élevé ; et si, malgré ane diète déjà longue et des pertes de sang déjà subies , ‘on trouve encore ce chiffre un peu au-dessus de la moyenne , ou à son niveau , on ne devra pas hésiter à en conclure que, dans les premiers temps de la maladie, le sang a dû contenir un grand excès de globules; sinon, il en offrirait moins à l’é- poque avancée où on l’examine. L'augmentation du nombre des globules est donc'un des traits saillans qui ressort de l'analyse du sang dans la fièvre ty- ANDRAL ELIGAVARRET:— Surile Sang. 157 phoïde. Mais cette augmentation n'est pas constante, comme l'est l'augmentation de fibrine dans les phlegmasies. Elle n’est donc pas une condition essentielle de l’existence de la mala- die; 2t, ce quille prouve encore, c'est que, même dans les cas où les globules sont très abondans au début, ils ne tardent pas à le devenir de moins en moins, à retomber vers leur chiffre normal, où à s’abaisser an-dessous , et cependant la maladie continue et s'aggrave. Remarquons toutefois que, dans les cas mêmes où , absolument parlant, la quantité des globules n’est pas très considérable, elle peut l'être: encore beaucoup relativement à la fihrine, qui a généralement diminué. En résumé, une diminution de la fibrine d'autant plus mar- quée.et d'autant plus considérable, que la fièvre typhoïde a elle-même plus de gravité, voilà le trait caractéristique de l’alté- ration du sang dans cette. maladie ; d’où se déduit, comme autre trait, un excès de globules par rapport à la fibrine ; mais dans les premiers temps, il n’y a en réalité ( et cela même pas tou- jours } qu’exces de globules, et la fibrine n’est alors en moins ‘ que par rapport à eux. À une époque de gravité plus grande , il-y a en réalité diminution de la fibrine ; d’où il suit que le ca- ractère fondamental de l’aitération du sang dans la fièvre ty- phoïde ; ne se développe ou ne devient manifeste que dans sa forme grave, et que, dans les cas légers , il peut arriver que le sang ne présente que des caractères purement négatifs. Prouvons maintenant ces diverses assertions par l'indication de quelques chiffres. Dans les divers cas de fièvre typhoiïde , la fibrine a donné pour maximum 3,7,et pour minimum 0,962. Nous ne prenons:pas pour maximum le chiffre 4,2, que présenta un malade à une quatrième saignée, parce qu'il était alors convalescent, et qu'il ne lui restait que de larges ulcères au sacrum. Considérés dans le sang des premières saignées , les globules se sont fréquemment élevés au-dessus de 130 , et dans tous les autres cas (sauf un seul, où ils ne donnèrent que 77), ils se sont maintenus entre 130 et 100. Mais l'individu qui, par ex- ception, ne donna que 77 en globules, était une fille chloro- tique, et ceux qui ne fournirent en globules que de,120 à 100 138 ANDRAL ET GAVARRET: — Sur le Sang: étaient des individus dont les uns étaient déjà depuis long: temps atteints de la fièvre typhoiïde lorsqu'on les saigna pour la première fois, et dont les autres ; antécédemment à la/frèvre typhoide, étaient en proie à des affections chroniques ‘de: di- verse nature, ou enfin avaient subi de longues ES soit physiques, soit morales. Siactuellement nous suivons le -décroissement des globe dans les saignées successivement faites à‘ un même malade, nous serons frappés du nombre de cas dans lesquels les globules se soutiennent à un chiffre élevé dans le sang des secondestet même des troisièmes saignées. Il nous reste à parler d'un autre cas de fièvre ratiotiel y'où , par une exception singulière , la fibrine, dans trois saignées ; successivement pratiquées, fournit constamment {le chiffre 5, et ne descendit qu'à 4 dans une quatrième saignée: Pourquoi cette exception? Pourquoi, dans une fièvre typhoïde, ce chiftre des phlegmasies? Nous n’hésitons pas à le dire, où noustavions commis une erreur de diagnostic, et la fièvre typhoïde n’était pas réelle ; ou quelque circonstance toute spéciale devait nous donner la raison d'une semblable anomalie. Or; cette circon: stance existait : c'était une inflammation aiguë des bronches qui! avait remplacé la congestion bronchique ordinaire-de la fièvre typhoïde:; c'était un des élémens ordinaires de la maladie , qui! avait pris une grande prédominance, et nous croyons devoir attribuer à cette circonstance l'élévation insolite du chiffre della fibrine. Contrairement d’ailleurs à ce qui existe dans les: simples phlegmasies , les globules étaient très abondans, puisqu'ils dén- naient 130. Ainsi-donc, dans ce cas, le sang participait à-la-fois des caractères dn sang des inflammations et de celni des pps rexies. L uni Off $ 4. Du sang dans les fièvres éruptives. — Sous ce titre, mous allons donner les résultats d'analyses du sang dans deux cas-de scarlatine; sept cas de rougeole ; cinq cas de variole , et deux cas de varioloide: Dansices cas divers! les résultitsque nous avons obtenus ont: marché dans lesméme: sens querceux anxquelsnous à conduits! ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sung. 139 l'examen dans les fièvres continues , dont ii a été question dans les paragraphes précédens. Dans aucun de ces seize cas de fièvres éruptives, la fibrine n’a augmenté de quantité d’une manière notable: son chiffre le plus élevé , et encore ne l’a-t-elle offert qu’une seule fois, a été 4,4. Jamais, par conséquent, dans ces maladies, le sang n’a présenté le caractère du sang des phlegmasies. Cela n’a pas eu lieu , même dans la variole. D'un autre côté, la fibrine n’est jamais descendue aussi bas que dans la fièvre typhoïde : son chiffre inférieur a été 1,1, et encore ne s'est-il montré qu’une seule fois. La fibrine s'est maintenue, dans tous les autres cas, entre les. chiffres 3, et2. Les globules ont offert cette circonstance remarquable que, dans plusieurs cas, ils ont éprouvé, comme dans d’autres, py- rexies , une grande augmentation ; mais, chose singulière! cela n’a eu lieu que dans la scarlatine, dans la majorité des cas de rougeole, et jamais, au contraire , dans les cas de variole et de varioloïde. Entrons maintenant dans quelques détails. 1° Du sang dans la variole et dans la varioloide. Nous avons examiné ce sang chez sept malades et dans quatorze saignées. Sur ces sept malades, cinq avaient la variole et deuxla vario- loïde. Chez les cinq malades atteints de variole, l’éruption était confluente ; chez l’un d’eux , beaucoup de pustules se remplirent de sang, au lieu de pus. L'un d'eux, entré à lhôpital pour une simple sciatique, fut saigné avant que l’on püt soupconner qu'il était dans la période d’incubation de la variole. Son sang alors n'offrit autre chose de remarquable qu’un chiffre assez bas pour les globules (114), la fibrine donnant 3. Au bout d’une dou- zaine de jours, apparut la fièvre d’invasion de la variole., Une seconde saignée fut pratiquée pendant sa durée , et deux autres le furent ensuite le troisième et le sixième jour de l'éruption. Dans ces trois saignées, la quantité de la fibrine resta à-peu- prés ce qu’elle avait été dans la première ; les globules allèreut toujours en décroissant, sans avoir paru, être influencés par La maladie. 140 ANDRAL ET GAVARRIT. — Ôwr le Sang. Dans les quatre autres cas de varioles , Nous trouvons à noter ce qui suit: Une première saignée , faite encore penaant la fièvre d’inva- sion, donne 4,4 en fibrine , et deux autres saignées, faites chez le même sujet, l’une au commencement de l’éruption , et l’autre à l'époque de la suppuration dés pustules , ne donnant plus autant de fibrine, 2,9 et 3,2 au lieu de 4,4. Dans ces trois saignées, les globules ne semblent pas être plus influencés par la maladie que dans le cas précédent. , et ils donnent successivement 120, 110, 94. Deux autres individus sont saignés, chacun deux fois, au fort de l’éruption. Les globules sont, dans ces quatre saignées, à l'état normal , variant de 127 à 124. Dans toutes quatre, la fi- brine augmente sensiblement d’une saignée à l’autre , différente d’ailleurs, quant à sa quantité dans les deux cas. Dans l’un , en effet, elle s'élève de 1,1 à 2 ; dans l’autre, de 2,6 à 3,5. Enfin, chez un cinquième malade , celui qui eut la variole. hémorrhagique , et qui fut saigné vers le cinquième jour de: l’éruption, nous trouvàmes 2,9 en fibrine et seulement 98,8 en globules. Ce chiffre assez bas des globules fat-il le résultat des hémorrhagies dont les innombrables pustules qui recouvraient la peau étaient devenues le siège » Ainsi , dans ces cinq cas de varioles très confluentes, les glo- bules n’offrent rien de particulier sous le rapport de leur nombre, excepté dans le dernier cas où ils sont diminués , et ce cas est tout spécial. Quant à la fibrine, elle est remarquable par la grande inégalité de son chiffre; plusieurs fois nous la voyons , comme dans les phlegmasies, augmenter après une première saignée; mais cette augmentation est faible, et la fibrine w’atteint pas le chiffre qui appartient à l'inflammation. Toutefois on peut se demander si, toute minime que fût cette élévation de fibrine, elle ne commençait pas à réfléchir dans le sang le travail phleg- masique dont la peau était le siège. Remarquons, en effet, que dans les autres pyrexies, nous n'avons pas vu ainsi la fibrine croître d’une saignée à une autre; c’est là un des caractères du sang des phlegmasies aiguës , et si ce caractère ne marque pas davantage, cela dépend sans doute de ce que la phlegmasie cu- ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. 141 tanée n'est elle-même ici qu’un des élémens d’une maladie plus générale, dont le sang reçoit ses modifications. C’est ainsi que, dans la fièvre typhoïde, l'inflammation des follicules intestinaux ne semble non plus exercer d'influence sur la fibrine ; qui dimi- nue malgré son existence. 2° Du sang dans la rougeole. Nous avons examiné ce sang chez sept malades et dans neuf saignées. Ce sang a été remarquable par les circonstances suivantes : La fibrine s’est maintenue constamment dans les limites de la quantité normale ou un peu au dessous, variant entre 2,6 et 3,6. Les globules ont présenté dans quatre cas sur sept une aug- mentation notable , représentée par les chiffres 146,9, 140,6, et deux fois 137. Dans un cinquième cas, les globutes offrirent à-peu-près leur quantité moyenne , 123,9 Enfin , dans le sixième et le septième cas, les globules don- nerent un chiffre plus bas,118, 116. L'individu qui présenta ce dernier chiffre venait de subir un traitement pour des bubons vénériens. Les malades qui donnèrent 146, 140 en globules ; et l’un des deux, qui en donna 137, furent saignés le deuxième jour de l'éruption. L'autre malade qui donna aussi 137, et celui qui en présenta 124, furent saignés le troisième jour. Le malade qui w'eut que 116 ne fut saigné qu’à la fin du quatrième jour. Ainsi donc nous trouvons que le chiffre des globules est d’au- tant moins considérable que nous les observons à une époque plus éloignée du début de l'affection. L’individu qui n’eut que 118 en globules semble, à la vérité, faire une exception à ce principe; car il fut saigné vers le deuxième jour de l’éruption ; mais il existait ici des circonstances toute particulières. C'était, en effet , une jeune femme, qui , par suite d’une menstruation trop abondante, offrait un commencement trés marqué d’anémie , de sorte que, pour elle et pour son aspect extérieur, le chiffre 118 en globules était plutôt trop considé- rable. Il faut ajouter que très peu de temps avant l'invasion de sa rougeole, cette femme avait subi presque coup sur coup deux 142 ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. saignées qu’on avait opposées , avant son entrée à l'hôpital, à quelques signes de phlogose utérine. À la suite de sa rougeole, cette malade continua à tousser,et finit par présenter des signes évidens d’un commencement de tuberculisation pulmonaire. Nous la fimes alors saigner de nouveau ,et, bien qu’elle prit habituellement assez d’aliméns ; nous ne trouvämes plus dans son sang que 92,5 de globules. La fibrine, au contraire, était montée de 2,4 à 3,1. Ce fait confirme ceux que nous avons cités, en traitant de l’état du sang dans les tubercules pulmonaires. (Augmentation dé la fibrine et décroissement des globules.) 3° Du sang dans la scarlatine. Nous avons examiné ce sang chez deux malades et dans deux saignées. Dans ces deux cas de scarlatine , nous avons vu se reproduire le même fait, constaté par nous dans d’autres pyrexies, savoir : le maintien de la fibrine à sa quantité normale et en mémetemps un chiffre élevé des globules. Dans ces deux cas , la saignée fut faite vers le deuxième jour de l’éruption. Dans l’un, la fièvre d’invasion fut marquée par des vestiges très forts et un léger embarras de la parole. Dans l’autre cas , celui où il y eut 146 en globules, d’abondantes épistaxis eurent lieu pendant presque toute la durée de la maladie. L'individu auquel le premier cas est relatif fut saigné de nouveau pendant sa convalescence , lorsqu'il avait déjà repris des alimens, et que sa peau était devenue le siège d’une éruption furonculaire avec fièvre. A cette seconde saignée, nous trou- vâmes dans le sang plus de fibrine et moins de globules. Cette nouvelle composition du sang était en rapport avec la légère affection phlegmasique qui existait à la peau. $ 5. Du sang dans les fièvres intermitlentes. — Nous avons examiné ce sang chez six malades et dans sept saignées. Dans cette sorte de pyrexies , où , pendant jes intervalles qui séparent les retours de la fièvre, tout rentre dans l'ordre , la théorie pouvait faire prévoir que le sang né devait pas présenter d'importantes modifications dans la proportion de ses principes constituans; et c'est là effectivement ce que sont venues confir- . ANDRAL, EL GAVARREN,:—, Sur: le Sang. 1/8 mer nos récherches. Ici. donc nous n'avons obtenu que des résultats négatifs. af 1: Dans six cas de fièvres intermittentes, dont quatre:tierces et deux quotidiennes, nous avons vu la fibrine se maintenir con- stamment dans les limites de sa quantité normale, variant seu- lement de 3 à,3,8. Les globules donnèrent une fois le chiffre très basâe 68:85 mais c'était chez une chlorotique: Dansun-autrecas, ils’ offrirent juste leur quantité moyenne (127,9). Dans les cinq autres.oas, ils descendirent assez sensiblement au dessous de cette moyenne; variant entre 110 et 102. Mais il ya à remarquer que;chez le malade qui eut 127,9 en globules, la saignée fut faite dés le début de la fièvre ; au deuxième accès, tandis que , chez lesrautres, uri plus grand nombre d'acces avaient eu lieu , etique quelques-uns de ces malades, fatigués et incomplètement nour- ris, présentaient déjà d'une manière plus où moins. tranchée cette teinte pâle spéciale qui appartient aux anciennes fièvres intermittentes. Parmi ces malades , les uns furent saignés dans lapyrexie , d'autres pendant l'accès, soit pendant le stade de frisson, soit pendant le stade de chaleur, soit pendant celui de sueur. Il n’en est résulté dans le sang aucune différence appréciable. REMARQUES GÉNÉRALES SUR L'ARTICLE PRÉCÉDENT. Nous venons d'analyser le sang dans les formes les plus or- dinaires des pyrexies, et toujours; dans ces maladies, nous avons vu le sang complètement différer du sang de ces autres maladies aiguës appelées des phlegmasies. Dans celles de ces py- rexies Gù le sang nous a présenté quelques modifications, celle- ci a toujours consisté dans un changement de proportion de la fibrine par rapport auxtglobules, de telle sorte qu'il y eût di- minution du premier principe par rapport au second. Or, les expériences entreprises par M. Magendie sur les animaux ont démontré qu'un des’eflets de cette diminution de la fibrine par rapport aux globules, était la production facile de congestions et d'hémorrhagies au sein des parenchymés ou à la Surface des membranes; mais ces congestions et ces hémorrhagies sont au 144 ANDRAL ET GAVARRET. —. Sur le Sang. nombre des phénomènes qui se reproduisent le plus souvent dans un grand nombre de pyrexies, et nos analyses donnent-de ce fait une explication analogue à celle que M. Magendie avait déduite de ses expériences. D'après ces vues, il semble qu'on devrait retrouver la fibrine réduite à son chiffre le plus bas pos- sible dans lé pourpre hémorrhagique, sorte de pyrexie qui se caractérise surtout par l'abondance et la multiplicité de lieux des hémorrhagies. Nous regrettons vivement de m’avoir pu’en- core analyser le sang dans cette maladie, non plus que dans le scorbut. Toutefois, dans quelques cas de fièvre pourprée hé- morrhagique que nous avons eu occasion d'observer, nous avons été frappés de l'extrême liquidité du sang, qui , après la mort , s’'écoulait comme de l’eau des vaisseaux et du cœur. Or, le propre de la diminution de la fibrine est d'enlever au sang sa cohésion, et de lui donner par conséquent une liquidité insolite. Mais si, dans les pyrexies, la facilité des congestions et des hémorrhagies est en rapport avec le mode d’altération que le sang éprouve dans un certain nombre de ces maladies, ne peut- on-pas supposer que le même vice de composition du sang se retrouvera aussi, dans certains cas du moins, soit de simples hypérémies, soit d’hémorrhagies qui ne sont plus liées à un mou- vement fébrile, et dont en général on ne cherche guère la rai- son que dans les conditions du solide au sein duquel elles s’ac- complissent. Nous allons citer quelques faits relatifs à ce sujet, en regrettant qu'ils ne soient pas plus multipliés, et avec l'in- tention de rechercher leurs analogues. Nous nous garderons ; par conséquent, d'en tirer aucune conclusion générale. ) Arricue Il. Du sang dans la congestion cérébrale et dans l'hé- morrhagie cérébrale. $ 1. Congestion cérébrale. — On a désigné par cette expres- sion un état morbide dont la nature intime nous est peu con- nue , et qui , dans sa forme la plus ordinaire, celle qui se tra- duit par de la céphalalgie, des vertiges, une disposition aux épistaxis, a plus d’un trait de ressemblance avec le prodrôme ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. 145 de la fièvre typhoïde , et il est remarquable que cette même ressemblance se retrouve aussi dans le sang. En effet, dans quinze cas de ce genre, la fibrine , souvent en quantité normale, ne l’a jamais notablement dépassée, tandis que , dans plus d’un cas, elle a considérablement diminué. Son maximum a été 3,7, et son minimum 1,6. Ce minimum existait chez un fort de la Halle, d’une constitution d'apparence athlé- tique, et qui était sous l'influence habituelle d’excès alcooliques. Un des cas de ce genre , au contraire, où la fibrine atteignit un de ses chiffres les plus élevés relativement (3,5), nous fut offert par une femme d’une constitution des plus fréles et des plus délicates. Quant aux rapports entre l'intensité des symptômes et le chiffre de la fibrine , il est digne de remarque que celui, parmi nos cas, où les symptômes de congestion cérébrale eurent le plus d'intensité, fut précisément celui où la fibrine eut son chiffre le plus"bas. Les globules ne marchant pas toujours dans le même sens, se maintinrent chez les uns dans les limites de leur état normal; chez les autres s’abaisserent au-dessous ; chez d’autres enfin ils s'élevérent au-dessus. L’homme aux formes athlétiques, dont le sang contenait si peu de fibrine, avait au contraire beaucoup de globules, 132,9 ; et, parmi deux autres individus qui n’eurent en globules que 88, l’un était la femme à constitution débile, qui avait dans son sang une quantité à peu-près normale de fi- brine, et l’autre était un homme sous l'influence de la cachexie saturnine. Quant aux matériaux solides du sérum , ils ne s’abaissérent, dans aucun cas, au-dessous de leur quantité moyenne, et pré- sentérent 104 pour maximum. : L’eau varia du chiffre minimum 740 au chiffre maximum 820. Parmi ceux de ces quinze malades qui furent saignés une se- conde et une troisième fois, la fibrine ne se modifia pas sensi- blement; les globules suivirent leur loi ordinaire de décroisse ment. $ 2. Hémorrhagie cérébrale.—- A la suite des congestions cé. XV, Zooz, — Mars. 10 1/40 ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. rébrales (expressiôn que nous n'acceptons que provisoirement), nous sommes amenés à exposer ce que le sang nous a offert de particulier chez sept individus atteints d’hémorrhagie cérébrale, et qui ont été saignés huit fois. Les résultats que nous avons obtenus dans certains de ces cas ont quelque chose d’inattendu et comme de singulier, au point de vue surtout des doctrines médicales les plus généralement répandus, et cependant ces résultats marchent d'accord avec ceux que nous avons obtenus dans plusieurs cas de congestion cérébrale; ils se fortifient en quelque sorte les uns par les antres. En effet, la modification que nous avons vue se reproduire le plus souvent dans le sang de nos sept apoplectiques, a été une diminution de la fibrine et une augmentation des globules, comme vont le montrer les détails suivans. Le premier malade de ce genre, dont nous examinâmes le sang , était une femme âgée de cinquante-neuf ans , qui , deux Jours auparavant , avait été frappée d’une forte attaque d’apo- plexie. Nous trouvames la fibrine descendue à 1,9; mais en même temps les globules avaient atteint un chiffre auquel nous les avons vus s'élever bien rarement (175,5). Les matériaux so- lides du sérum avaient conservé leur chiffre normal, 80,3; l'eau, très diminuée, ne donnait plus que 742,3. Nous fûmes singulièrement frappés de cette grande quantité de globules. Cependant trois jours s'écoulérent , pendant lesquels l’intelli- gence abolie avait recouvré une partie de sa netteté ; nous fimes alors pratiquer une seconde saignée, et nous trouvämes le sang avec des qualités bien différentes que la première fois : la fibrine, diminuée d’abord, avaitaugmenté(3,5); les globules, au contraire, avaient diminué, bien que se maintenant encore en excès (137,7). Ainsi, dans le sang de ce malade, au moment où il fut saigné pour la première fois, il y avait infiniment peu de fibrine par rapport aux globules (1,9 en fibrine, 175,5 en globules). Et ce n’était point d’ailleurs le fait même de la perte de sang qui avait pu produire un tel changement dans la proportion relative de la fibrine et des globules; car, outre que lhémorrhagie n'avait pu être assez abondante pour entraîner dans le sang un grand ANDRAL ET GAVARRET. — Sur de Sang. 147 changement de ce genre, les faits consignés dans ce Mémoire nous ont appris que toute perte de sang a pour effet nécessaire de diminuer la quantité des globules, tandis qu’elle n’entraîne pas d’une manière aussi constante et aussi facile la diminution de la fibrine. Nous sommes donc amenés à demander si, dans ce cas, le changement de proportion survenu dans la fibrine et les globules, loin d’être un effet de la maladie, ne put pas, au contraire, contribuer à lui donner naissance ; et cela, en raison de la facilité avec laquelle le sang , privé de sa quantité normale de fibrine, tend à perdre toute cohésion et à sortir de ses vaisseaux. Poursuivons cependant l'examen du sang dans 9os six autres cas d'hémorrhagie cérébrale ; les résultats de cet examen, dans la majorité des cas, ne s’éloigneront pas de celui sur lequel nous venons d'appeler l'attention. Dans un second cas, en effet, où la saignée fut pratiquée le jour-même d’une attaque d’apoplexie moins forte que la précé- dente, la fibrine présenta encore un chiffre assez bas, 2,2 ; les globules restèrent toujours plus élevés que leur moyenne normale, ils marquèrent près de 135,9. Dans un troisième cas où la saignée fut faite trois jours seule- ment après une-attaque encore moins forte, la fibrine continua à se montrer assez peu abondante (2,6); les globules, offrant toujours la méme loi d'augmentation, se maintinrent élevés au chiffre de 140,6. Dans le quatrième et le cinquième cas, les malades ne furent saignés qu'à une époque beaucoup plus éloignée de celle de l'attaque (au bout de huit jours dans un cas, et de quinze jours dans l’autre). Dans ces deux cas, la fibrine resta encore à un chiffre au-dessous de sa quantité normale (2,0; 2,1); mais pour la première fois, nous voyons les globules descendre au- dessous de leur moyenne ( 122,4, 120,8 ). Ainsi donc, ré ces cinq cas, la fibrine , d’abord très basse, s’est élevée peu-à peu, mais jamais assez pour que, dans aucun cas, elle atteignit même le chiffre 3, qui représente sa quantité moyenne. Un sixième cas va maintenant se présenter , où la fibrine s’é- 148 ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. lève jusqu'a ce chiffre 3,2, et où les globules , au contraire, s’a- baissent comme dans les deux cas précédens : ils sont à 123,4. Mais ce cas offre une circonstance nouvelle : le malade, arrivé au cinquieme jour de son attaque, lorsque nous lui tirâmes du sang, avait déjà subi une autre saignée et une forte application de sangsues ; il était donc précisément dans la même position que le malade chez lequel le sang de la seconde saignée donna aussi 3,5 en fibrine, le sang de la première saignée n'ayant donné que 1,9 en fibrine. Le chiffre assez bas des globules s'explique, et par les pertes de sang déjà éprouvées, et par la diète imposée au malade ; et si, malgré l'influence incontestable et nécessaire de ces circonstances sur la diminution des globules, leur nombre, dans le sang d’une seconde saignée, était encore de 123,4, nous croyons pouvoir en conclure qu'au moment de l'attaque d'apoplexie, les globules devaient avoir dépassé leurs limites physiologiques; sinon nous les eussions trouvés, dans la seconde saignée, à un chiffre moins élevé que 123. Le fait général qui domine ces six cas d’hémorrhagie céré- brale , c’est donc la coïncidence de cette hémorrhagie avec une tendance, plus ou moins prononcée suivant les cas, à une di- minution de fibrine et à une augmentation de globules. Toute- fois, dans notre sixième cas, ce n’est plus déjà .que par induc- tion que nous ayons pu admettre cette sorte de modification du sang; et en voici maintenant un septième, dans lequel, dés la première saignée, le sang se montre avec une composition à- peu-près normale. Dans ce cas, la fibrine, loin d'être diminuée, a même un peu dépassé sa quantité moyenne : elle donne près de 3,9; les globules sont à 126,5 ; et cependant l'attaque d'apo- plexie avait été violente, et la saignée avait été pratiquée dès le deuxième jour. Voilà un fait négatif qui a sans doute sa valeur, mais il ne saurait détruire celle de plusieurs des faits précédens; et ici, comme dans la simple congestion cérébrale, comme dans bien d’autres états morbides, nous pensons que des maladies , semblables quant à leur forme, peuvent être le produit d’alté- rations très diverses, dont il appartient à l'anatomie et à la chi- mie pathologiques de révéler le nombre et la nature. Qui sait, par exemple, si, dans notre septième cas, l'élévation exception- ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. 145 nelle du chiffre de la fibrine (élévation bien faible toutefois) ne coïncide pas avec un léger commencement de travail inflamma- toire autour du sang épanché? CHAPITRE lil. MALADIES DANS EESQUELLES LES GLOBULES DU SANG SONT SPON- TANÉMENT DIMINUÉS. Dans les faits divers que nous avons jusqu’à présent analysés, nous avons vu les globules du sang diminuer d'une manière constante sous l'influence des pertes de sang et de la soustrac- tion des alimens ; nous les avons vus diminuer également pen- dant le cours de certaines maladies qui s’opposaient à la libre et complete réparation du sang, comme le cancer d'estomac et les tubercules pulmonaires. Il y a en outre certains états cachectiques qui ont aussi pour effet d’abaisser le chiffre des globules. Ainsi, nous avons vu ce chiffre descendre à 68,8 chez un individu qui, à la suite d’acces répétés de fièvre intermittente, était tombé dans cet état spé- cial d’étiolement qui en est si souvent l'effet. Ainsi, chez un ma- lade atteint d’un diabetes sucré qui l'avait profondément épuisé, nous avons trouvé aussi les globules du sang diminués. Chez un autre, devenu hydropique par suite d’une dilatation anévrysmale du cœur , le chiffre des globules nous frappa également par son peu d’élévation , ne marquant que 68. Nous recevons souvent dans nos hôpitaux des ouvriers qui, soumis depuis long-temps à l'influence des préparations de plomb, sont tombés dans un dépérissement tout particulier (Cachexie saturnine). Chez tous les malades de ce genre dont nous avons examiné le sang, nous avons trouvé, comme alté- ration constante, un abaissement des globules au-dessous de leur chiffre normal. Dans un cas où cette cachexie constituait la seule maladie, il n’y avait que 83,8 de globules, et cependant l'in- diwidu se nourrissait bien. Dans les chapitres précédens , on re- trouvera épars d’autres cas, dans lesquels la cachexie satur- nine existait chez des individus atteints de maladies de nature 150 ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. variée; et chez eux, quelle que fût leur maladie, elle mar- quait son existence par l’abaissement du chiffre des globules. Mais indépendamment de ces cas divers, il en est d’autres dans lesquels, d’une manière toute spontanée , le sang vient à perdre une grande partie de ses globules, en même temps que son eau augmente, et que d’ailleurs, la fibrine et les matériaux solides du sérum ne s’altérent pas dans leur quantité d'une manière sen- sible. C’est cette espèce de modification du sang qui constitue essentiellement lanémie; le seul fait de la diminution de la fibrine ne lui donne pas naissance. La chlorose peut être considérée comme le type de l'anémie spontanément développée; elle reproduit dans le sang les mêmes altérations de composition que celles qu'y déterminent acciden- tellement les grandes hémorrhagies. On va en juger par les dé- tails suivans. Mais d’abord, nous avons besoin d'établir l'existence de deux degrés dans la chlorose. Dans un premier degré, la maladie est encore mal caractérisée : loin d’être décolorées, les jeunes filles ont une teinte rosée qui pourrait en imposer pour un état plé- thorique. Mais c’est là une fausse phlétore : les malades sont déjà faibles et sans résistance : si on les saigne, les accidens qu’elles éprouvent augmentent d'intensité; leurs vertiges , leurs palpitations s'en accroissent; et si enfin on examine leur sang, on y constate déjà une notable diminution des globules, mais qui est loin toutefois d’être celle qui aura lieu par la suite. Cinq cas de ce genre ont été étudiés par nous. Dans ces cinq cas , les globules fournis par le sang d’une première saignée ont varié entre 113,7 et 99,7. C’est là une faible diminution de globules, qui révèle plutôt une simple tendance à la chlorose qu'elle ne caractérise une chlorose bien établie. Quant à la fibrine , elle s’est maintenue, dans quatre de ces cas, dans sa quantité normale, variant de 2,4 à 3,6. Dans un cinquième cas, la fibrine, loin de diminuer, s’éleva au con- traire jusqu’au chiffre 5,3; mais nous pümes nous en rendre compte, car, dans ce cas, la chlorose était accompagnée d’une bronchite aiguë d’une assez grande intensité. Dés-lors, rien de plus simple que cette élévation du chiffre de la fibrine, rien ANDRAL ET GAVARRET. — Our le Sang. 151 de plus conforme aux lois que nous.avons précédemment po- sées. À ce faible degré, la chlorose n'empêche donc point l'ac- complissement de ces lois; elle ne s’y opposera pas non plus, alors qu’elle sera beaucoup plus avancée, comme nous allons le voir tout-à-l’heure. Nous n'avons rien à dire, dans ces cinq cas, des matériaux solides du sérum , qui varièrent de 76 à 91, non plus que de l'eau, qui monta le plus souvent au-dessus de sa quantité normale. Arrivons maintenant à d’autres cas dans lesquels, par les symptômes , la chlorose, plus avancée, ne peut plus être mé- connue. Si alors on se livre à l'examen du sang, on y constate une diminution de globules qu’on ne trouve à ce point dans au- cune autre maladie, excepté dans celles où , soit par d'énormes hémorrhagies , soit par l'abolition de la digestion, l'organisme s’est trouvé profondément épuisé. Dans neuf cas de ces chloroses confirmées, nous avons exa- miné le sang, 1° Avant qu'aucun traitement n'ait été commencé; 2° Après que des moyens thérapeutiques, propres à le modi- fier, eurent été mis en usage; des saignées d’une part, des préparations ferrugineuses d'autre part. Lorsque nous avons examiné le sang, avant l'institution de tout traitement , nous avons obtenu les résultats suivans : Les globules ne se sont élevés que trois fois au-dessus de 6o, représentés par les chiffres 77, 70 , 62; ils se sont maintenus deux fois entre 60 et 5o (56,9, 54,6 ); ils sont descendus trois fois entre 5o et 4o (49,7, 49,6, 46,6 ); une fois enfin, ils se sont abaïssés jusqu’au chiffre 38,7, chiffre le plus bas que nous ayons rencontré , si ce n'est dans un cas d’hémorrhagie utérine précédemment cité, où nous n'avons trouvé en globules que 21,4. Dans ces neuf cas, qu'est devenue la fibrine? Elle n'a pas subi l'influence de la maladie ; elle n’est pas descendue avec les globules ; elle s'est maintenue dans les limites de sa quantité normale, variant de 2,6 à 3,6 ; elle s'y est maintenue, excepté dans deux cas où, loin de s’abaisser , elle s’est notablement éle- vée, atteignant les chiffres 5,3 et même 7,4. Pourquoi cette excep- 152 ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. tion, qui parait d'abord si singulière? C’est que , dans ces deux cas , la chlorose n'existait plus comme unique maladie; c’est que, dans un cas, elle marchait avec une phthisie pulmonaire arrivée déjà au troisième degré ; c’est que, dans le second cas, la chlorose s'était momentanément compliquée d’un rhumatisme articulaire aigu. Ainsi, non-seulement la fibrine se soustrait aux altérations que le sang éprouve par le fait de la chlorose, mais encore, si une autre maladie vient coïincider avec celle-ci, la fibrine en recoit sa modification accoutumée, tout aussi bien que si la chlorose n'existait pas. Dans ces neuf cas de chlorose # les matériaux solides du sé- rum ont varié entre 94 et 75 ; l’eau, toujours fort abondante, a présenté pour minimum 810, et pour maximum 868. Examinons maintenant l'influence des traitemens. Une de ces chlorotiques fut saignée une seconde fois ; ses globules s'abaissèrent de 62,8 à 40. Deux autres ne furent saignées de nouveau qu'un certain temps après que nous eûmes commencé à leur administrer du fer. Chez l’une d’elles, nous trouvämes les globules remontés de 49,7 à 64,3 ; chez l’autre, qui avait continué plus long-temps l'emploi des préparations ferrugineuses, les globules qui n’a- vaient donné que 46,6 à la première saignée, avaient atteint le chiffre 95,7 après l'administration du fer. Dans ces deux cas, d'ailleurs, la fibrine ne fut pas plus nota- blement modifiée par l’action du fer que par celle de la maladie. À la suite de ces cas, qui tous appartiennent à des femmes, nous citerons, sous forme d’appendice, le cas d’un homme en - core jeune, qui, sans aucune cause connue, était tombé d’une maniere toute spontanée dans un état d’anémie tel, qu’il nous présentait tous les symptômes d’une chlorose de médiocre in- tensité, Son sang , examiné une première fois, ne contenait que 87,9 en globules, la fibrine ayant conservé, comme dans tous les cas de ce genre, son chiffre normal. Peu de temps après, il fut de nouveau saigné; nous ne trouvämes plus que 77,2 de globules. Il fut alors soumis à l'emploi des préparations ferrugineuses , et, après qu'il en eut pris une assez grande quantité, nous vou- lâmes une troisième fois examiner son sang : les globules étaient ANDRAL ET GAVARRET., — Sur le Sang. 153 remontés au même chiffre qu'a l’époque du premier examen (86,9). Cet homme, par son aspect, semblait n'avoir que médio- crement gagné par l'emploi du fer, qu'il avait pris d’ailleurs avec assez d’irrégularité. Ainsi l’altération fondamentale du sang dans la chlorose, c’est la diminution des giobules, résultat déjà avancé par M. Le Canu. Mais ce que l’on avait cru généralement jusqu'à ce jour, c’est qu'il y avait en même temps dans le sang diminution de fibrine: or, nos recherches démontrent qu’il n’en est nullement ainsi : le saug des chlorotiques contient tout autant de fibrine que le sang de l'individu le mieux portant. Ainsi ce sang présente, en général , un caillot de consistance au moins ordinaire ; il n’est pas même rare de trouver une couenne à la surface de ce caillot, ce qui dépend de la prédominance de la fbrine par rapport aux globules. Enfin, d’après les vues que nous avons exposées plus haut, cette conservation de la quantité normale de fibrine dans le sang des chlorotiques coïncide parfaitement bien avec la grande rareté des hémorrhagies chez elles; et dans les cas très peu communs où ces hémorrhagies ont lieu dans le cours d’une chlorose, il faut en chercher la cause ailleurs que dans l'état du sang. On comprend enfin qu’une chlorotique peut con- tracter , tout aussi bien qu’un autre individu, une phlegmasie aiguë, puisque, chez elle, l'élément du sang qui se modifie en plus dans l'état d’inflammation aiguë , non-seulement n’a pas di- minué, mais est devenu prédominant relativement aux globules. CHAPITRE IV. MALADIES DANS LESQUELLES L'ALBUMINE DU SÉRUM EST DIMINUÉE: Dans les chapitres précédens, nous n'avons accordé qu’une attention secondaire aux matériaux solides du sérum , et en par- ticulier à son albumine, parce que effectivement, dans tous les cas que nous avons passés en revue, ces principes ne nous ont présenté aucune modification capitale. Mais il est une maladie dont les reins sont le siège, et qui a pour effet de modifier de telle façon la sécrétion de ces organes, 154 ANDRAL ET GAVARRET, — Sur le Sang. que l'urine s’en échappe mêlée à une certaine quantité d’al- bumine. (Maladie de Bright, Néphrite albumineuse, Albu- minurie. ) Nous avons examiné le sang dans cette maladie, et nous avons trouvé que la partie organique des matériaux solides du sérum, partie essentiellement formée d’albumine, avait notablement diminué ; et cette diminution nous à paru être d'autant plus considérable, que nous constations dans l'urine la présence d'une plus grande quantité d’albumine (1). Ainsi, dans trois cas de ce genre, les matériaux organiques du sérum descendirent de leur chiffre moyen 72 aux chiffres 61,5, 60,8, 57.9. Or, dans au- cuneautre maladie, nous n'avons trouvé une pareille diminution. Chez l'individu qui présenta le chiffre si bas de 57,9, il arriva qu'au bout d’un certain temps, l’urine cessa de contenir autant d’albumine; nous fimes alors pratiquer une seconde saignée, et cette fois nous trouvämes que les matériaux organiques du sérum étaient remontés de 57,9 à 66. Enfin, au beut d’un temps encore plus long, toute trace d’albumine disparut de l'urine. Une troisième saignée fut alors pratiquée , et les matériaux or- ganiques du sérum avaient encore augmenté : ils s'étaient élevés de 66 à 72, c'est-à-dire qu'ils étaient revenus à leur quantité moyenne. On doit conclure de ces faits, qu'il y a un rapport intime entre l'albumine du sang et celle qui accidentellement vient à être sécrétée par les reins. Un quatrième malade vint en quelque sorte nous servir de contre-épreuve. Chez lui, en effet, l'urine ne contint de l’albu- mine qu'en très petite quantité, et d’une maniere passagère ; chez lui aussi, les matériaux organiques du sérum conservèrent leur chiffre ordinaire. Dans le second et dans le troisième cas, les globules sont de beaucoup descendus au-dessous de leur quantité physiologique. Cette circonstance, ne saurait être attribuée à la présence de l'albumine dans l'urine, puisque, dans le premier cas, nous (1) Quelques auteurs anglais, et M. Rayer en France, ont déjà annoncé des résultats semblables. ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. 155 trouvons que les globules sont restés en quantité normale ; mais nous pouvons nous rendre compte, dans ces deux cas, de la diminution considérable des globules, par les circonstances suivantes. Le second cas est relatif à une femme hydropique, et qui était arrivée à un état d’anémie assez prononcé pour qu'on entendit chez elle un bruit de souffle aux artères carotides. Son sang devait donc contenir très peu de globules. Dans le troisième cas, où la diminution des globules est beau- coup moindre ( 82 au lieu de 61), il s’agit d’une autre femme qui, atteinte d’un érysipèle à la face, avait été déja saignée une première fois, et avait subi une forte application de sangsues, lorsque de l’albumine apparut dans l’urine. On s'explique ainsi l’abaissement du chiffre des globules, abaissement qui ‘toute- fois fut plus considérable qu'il ne l'est d'ordinaire dans des cir- constances semblables. Un peu plus tard , une seconde saignée, pratiquée après que de la nourriture eut été accordée, fit voir une augmentation dans les globules. Plus tard enfin, lorsque après la disparition de l’albumine du sein des urines, on prati- qua une quatrième saignée, dans laquelle on trouva l’albumine du sang revenue à son état normal, deux circonstances frappe- rent encore notre attention, d’une part une nouvelle diminution de globules, et d’autre part une augmentation de la fibrine. Pourquoi ces nouveaux changemens dans le sang? C’est que peu de jours avant la dernière saignée, plusieurs ganglions lym- phatiques du cou s'étaient enflammés , et étaient rapidement arrivés à la suppuration ; la malade avait dù être de nouveau soumise à une dite sévère. Telles furent les causes, et de l’ac- croissement de la fibrine , et de la diminution des globules. Nous nous sommes donc rendu parfaitement compte de ces singulières oscillations que présentèrent, dans trois saignées successives faites à un même individu, les différens élémens du sang ; et c’est ainsi que, plus nous avons avancé dans l’exposi- tion de nos recherches, plus il nous est devenu facile, par l'analyse des faits, de ramener à quelques principes les causes de tous ces changemens de composition du saug, qui, par leur mobilité méme, et par la rapidité de leur succession, semble- 156 ANDRAL ET GAVARRET. — Sur le Sang. raient au premier coup-d’œil échapper à toute règle, et se pro- duire comme au hasard. Au milieu de ce désordre apparent , il y a des lois qui s’accomplissent, et, pour les trouver, il ne s’agit que de dégager les phénomènes de leurs complications. (r) Qu'on nous permette, avant de terminer, une dernière re- marque sur le parti que quelques personnes supposent qu’on pourrait tirer de l'examen de la densité du sérum, pour évaluer la quantité d’albumine et de sels contenus dans le sang. On à effectivement vérifié que, dans la maladie de Bright, où le sang contient moins d’albumine, son sérum a aussi moins de den- sité (Christison, Rayer et autres). Mais toute diminution de densité du sérum est-elle le résultat d’une diminution de l'al- bumine , et, par contre , est-on fondé à donner pour preuve de labaissement du chiffre de l’a'bumine dans le sang, la densité de moins en moins grande que présente ce liquide à mesure qu’on répète les saignées? Nous ne saurions l’accorder, car ce serait là un résultat qui se trouverait généralement en dés- accord avec celui qu'ont fourni nos analyses. Pourquoi donc, en pareil cas , le sérum perd-il de sa densité? C’est que celle-ci ne dépend pas seulement de la quantité d’albumine et de sels du sang. En effet, la proportion d’albunine et de sels restant la même , il suffit que les globules du sang diminuent pour que, la quantité d’eau augmentant proportionnellement , la densité du sérum se trouve abaissée. Or, comme le résultat le plus constant des saignées pratiquées à des intervalles rapprochés est de faire baisser la proportion des globules, on conçoit sans peine que les données fournies par la densité du sérum, peuvent induire en erreur , en faisant rapporter à l’albumine et aux sels une diminution de proportion qui le plus souvent porte réel- lement sur les globules. Lors donc que l’on constate un abais- sement de la densité du sérum, la seule conclusion que l’on puisse tirer de ce fait, c’est que le sang est appauvri. L'analyse seule peut apprendre lequel de ses principes a subi un abaisse- ment de proportion. (x) On trouvera à l'article de la bronchite capillaire aigue ; deux autres cas où un grand abaissement du chiffre des matériaux solides du sérum coïncide encore avec l& présence de l’atbumine daus l'urine. ee a LOWEN. — Sur le genre Campanulaire. 157 OnsERvaATIONS sur le développement et les métamorphoses des genres Campanulaire et Syncoryne , Par M. S. L. Lowen. (1) I. Du GENRE CAMPANULAIRE ( Campanularia lam.). Le genre Campanulaire est bien déterminé : ses cellules en cloche et ses tiges de substance cornée, incolores, tubuleuses et noueuses , en font reconnaitre facilement les espèces. Peu de familles, parmi celles qui compo$ent la classe des Polypes, ont été mieux étudiées que celle des Sertulaires , à laquelle appartient ce genre. Sans parler des travaux déjà anciens d’Ellis, de Pallas et même de Cavolini,on doit à MM. Grant (2), Lister (3) et R. Wagner (4)., des traités parti- culiers plus récens sur l'anatomie ou la: physiologie de ces animaux. Nous aurons seulement à ajouter, à l’histoire naturelle des Campanulaires, quelques observations qui n’avaient pas encore été faites, ou qui étaient restées incomplètes. C'est la Campanularia geniculata (5) qui en a été le sujet. Le Polypier se divise naturellement en deux parties distinctes, le tronc (stirps ) et les organes de fixité (so/ones ), qui forment un tuyau dont la coupe est circulaire. (6) (x) Le Mémoire de M. Lowen a été imprimé parmi ceux de l’Académie royale des Sciences de Stockholm : il a paru dans les Archives d'histoire naturelle de M. Wiegmann, publiées en allemand à Berlin (t. v, p. 219-262 et p. 321-326). C'est de cette dernière langue que la présente traduction a été faite. (2) Edinburg Nov, Philos. Journ. I. (3) Philos. franç. 1834. (4) Isis, 1833. (5) Sertularia geniculata Müller, Zool, danica , tab. exvir, La même espèce a été étudiée par M. Lister, qui en a donné une très bonne figure (0, €, PI, x ; fig. x). (6) Dans les Sertulaires , dont les cellules sont sessiles, où même enfoncées dans la tige, celte coupe, ou la lumiere du tuyau qu’elle forme, n'est pas ronde , mais irrégulière. 158 LOWEN. — Sur le genre Campanulaire. La tige porte à l'extrémité de ses branches et dans les aisselles deux sortes de cellules , les unes mâles (PI. 8 A, fig. 1 ), les autres femelles (fig. 2). Celles-ci, avant qu'Ehrenberg (1) eùt bien déterminé leur signification, étaient désignées tantôt par le nom d’ovaires, tantôt sous celui de vésicules. Chaque cellule mâle a un plancher (fig. 2, 3, a), ayant son centre (2) percé d’un trou rond (fig. 2 b). Cette ouverture se prolonge du côté de la tige, ou du rameau qui supporte la cellule, en un très court tube en entonnoir (fig. 3 0). Le bord de l’ouverture de la cellule est tout uni , et toutes les cellules sont fixées sur leur pédoncule dans le sens de leur plus grand axe. (3) On sait que les parties molles de ces zoophytes adultes se composent d’un organe commun, le tube intestinal, qui se continue du tronc dans les racines et les branches du polypier, et qui sert de moyen d'union à tous les individus protégés par les cellules , soit pendant toute leur vie (les mâles), soit durant leur développement (les femelles). Il n'existe jamais qu’un seul des premiers par cellule, tandis qu’une cellule femelle renferme plusieurs Polypes. Deux membranes composent cette partie molle, une exté- rieure transparente et incolore (fig. 1 , a) : elle fournit des liga- mens qui l’assujétissent aux parois du tuyau corné. Elle forme seule les tentacules des Polypes mâles et la plus grande partie du corps des Polypes femelles. La membrane interne (fig. 1 à), moins transparente et d’une (x) M: Ehrenberg appelle polypes femelles les cellules ovariennes , et polypes sans sexe ou neutres les Polypes stériles. La dénomination de Po/ype mäle est inexacte. (2, Ce plancher ou ce diaphragme (septum), et son ouverture (foramen), décrits en premier lieu par M. Lister, existent dans toutes les Sertulaires, que j'ai examinées et paraissent de bons caractères pour les distinguer, (3) Chez d’autres Campanulaires , le bord des cellules est hérissé de pointes , et celles-ci sont tellement arrangées , que, lorsque le Polype se retire dans sa cellule, elles la ferment , en se rapprochant par leur extrémité : c’est ce qui se voit , entre autres , dans la Campanul. clausa Nob, et, à un moindre degré, dans la C. siringa Lam., qui s'écarte de ses congenères par une position oblique des cellules. LOWEN. — Sur le genre Campanulaire. 159 texture granuleuse , enveloppée par la précédente, tapisse les parois du tube intestinal et de l'estomac des Polypes ; en un mot, autant qu'il m'a paru, toutes les cavités dans lesquelles se meut un fluide; mais elle manque dans les tentacules des Polypes mâles et dans la plus grande partie du corps de la femelle. Il nous parait très convenable de faire la description dé- taillée qui va suivre, dans lordre successif du développement de l'animal, après que la premiere cellule, qui est toujours mâle, s’est ouverte; de décrire conséquemment,en premier lieu, le Polype mâle , puis le tube intestinal, ensuite la formation des bourgeons , le Polype femelle , enfin le développement du polypier. ( Les tentacules du mäle (fig. 1 c, et fig. 4). J'en ai compté de seize à dix-huit : ils ne sont jamais d’égale grandeur, peut-être accidentellement. La différence du nombre ne paraît pas venir de l’âge, mais d’une nutrition plus ou moins abondante à l'époque du développement. Ils sont transparens, creux et formés d’une couche très mince de la membrane externe. Des papilles, plus prononcées dans les trois-quarts supérieurs, dont la pointe est dirigée en haut, qui sont disposées en spirale interrompue, hérissent la surface de ces tentacules. La cavité intérieure est divisée en cellules, par des diaphragmes membraneux. Un liga- ment pharyngien , qui entoure la bouche, réunit ces tentacules par leur base (fig. 1 d). On n’y observe aucun mouvement de fluide en rapport avec celui des autres parties de l'animal : ce sont des organes de préhen- sion. Leur direction est le plus souvent telle, que les uns sont plus étendus , les autres plus ou moins infléchis (1). En général, ils peuvent se plier dans plusieurs sens , mais toujours de manière que leur extrémité se porte en arrière vers la bouche. (x) Les Bryozoaires forment avec leurs tentacules, durant l'état du repos, un cône renversé, ou ils les infléchissent subitement, en formant un angle aigu. Ici leur direction diffère, La proie n'est pas saisie immédiatement par ces “organes; mais, au moyen des courans que leurs cils vibratiles produisent dans l'eau, Ily a, daus l'intérieur des tentacules, un mouvement continuel de fluide , mêlé de granules , lequel est en rapport avec un vaisseau annulaire, qui entoure la bouche, 160 LOWEN. — Sur le genre Campanulaire. La bouche (fig. 1 e; fig. 5, 6, 7), entourée d’un ligament pharyngien , est plus ou moins saillante, suivant les espèces. Elle l’est beaucoup dans celle-ci ; sa saillie égale parfois la moitié de la hauteur de l’estomac. Elle est tellement resserrée à sa base, qu'il y a un intervalle considérable entre cette partie et le ligament pharyngien. La partie supérieure forme les lèvres. Tantôt elle est fermée complètement; tantôt elle est ouverte en entonnoir , ou plissée de différentes manières; elle se retourne et se déploie même comme une collerette , lorsque l’animal a faim (fig. 7). On pourrait considérer comme l'œsophage la partie la plus inférieure , qui est étranglée. L’estomac (fig. 1 f} est un large tuyau, qui commence à la base de l’anneau pharyngien et descend jusqu’au diaphragme. Il est susceptible de se contracter et de se raccourcir considérable- ment. Il est libre comme le ligament pharyngien et ne tient à aucune partie des parois de la cellule. Il n’y a que sa base qui soit attachée au diaphragme. Il y a ici une sorte de pylore qui envoie des ligamens , en rayonnant (fig. 8) au pourtour de l’ou- verture du diaphragme. Il se continue à travers cette ouverture avec le tube intestinal. Le tube intestinal (fig. 1 g) ne remplit pas complètement le vide du tuyau corné ; il est extensible , parait dilaté par inter- valle et s'attache par des prolongemens ligamenteux de sa membrane externe , aux parois de son étui corné. Ces ligamens sont situés très irrégulièrement, tantôt rapprochés , tantôt écar- tés: ils disparaissent d’une position, pour se montrer où l’on n'en voyait pas auparavant. On voit dans l’estomac et plus clai- rement et d’une manière plus continue, dans ie tube intestinal, au moyen du microscope, comme chez toutes les Sertulaires et les Tubulaires , un fluide dans lequel des granules sont constam- ment en mouvement. Cavolini avait déjà observé ce phénomène. Il a été considéré, par les uns, comme une circulation analogue à celle des animaux supérieurs ; ou bien à celle des végétaux {des Chara). M. Ehrenberg l'envisage comme une impulsion desfsubstances alimentaires, provenant du mouvement péristal- LOWEN: — Sur le genre Campanuluire. 161 tique du tube intestinal. Des observations faites avec soin m’ont déterminé à admettre également cette dernière opinion. Les Campalunaires se nourrissent d'animaux dont la grandeur estiau moins celle de leur estomac, comme de petits entomos- tracés (des Cyclopes, etc.); tandis qu'ils dédaignent de plus petites espèces (les Bacillariées). L’estomac sépare , des parties nutritives qui passent dans l’in- testin, les parties indigestes qu'il rejette par la bouche. Celles-là se composent de granules irréguliers , anguleux , colorés en jaune brun, pour la plupart, ronds pour quelques-uns, qui nagent dans un fluide transparent, et sont dans un mouvement conti- nuel.On peut même leur reconnaître deux sortes de mouvemens. Le premier est tel que beaucoup de granules paraissent en- trainés par un mouvement égal dans un même courant, vers la même branche , ou s'y meuvent dans la même direction. Outre ce mouvement de circulation générale, on voit chaque granule exécuter, dans un court espace ,des mouvemens indépendans de ces courans. La première espèce de mouvement est celle que M. Lister décrit comme un flux et un reflux réguliers. Sans apporter le moindre doute sur l'exactitude de cette observation, exactitude qui se montre d’ailleurs dans beaucoup de parties de son beau travail , je dois cependant avouer que je n’ai jamais pu me convaincre de cette régularité de mouvement de va et vient. D'abord la vitesse du courant n'a paru très inégale, de sorte que tantôt l'œil pouvait à peine suivre les mouvemens des granules , tantôt on les voyait s’avancer avec lenteur. Leurdirection n'était jamais la même dans toutes les branches; tellement que le courant d’un rameau pouvaitêtre suspendu , tandis que celui d’un autre rameau avait une direction vers le haut, et qu'il descendait dans un troisième. Parfois le courant du tronc principal changeait tout-à conp de direction et se portait avec rapidité vers le bas ; alors le courant d’une branche suivait la même direction; mais dans une autre branche, on voyait les granules monter. Il est cependant évident que tous ces mouvemens sort pro- duits par une force à tergo , qui agit à-la-fois sur tout le fluide contenu dans un tronc ou dans une branche ; cette force est la XV, Zoo, — #ars. 11 162 LOWEN. — Sur le genre Campanulaire. contraction et la dilatation alternatives de l'intestin , qui ont lieu irrégulièrement tantôt ici et tantôt là. Cette irrégularité ést là suite nécessaire de l'indépendance où restent les polypes les üns des autres pour prendre leur nourriture. Ensuite les parties molles da polypier, qui sont sur le point de produire des bour: geons, remplissent entièrement leur tuyau corné : elles ne montrent aucune contraction et restent constamment dilatées. Il en résulte qu’elles prennent plus de fluide nourricier que celles qui sont développées, qu’elles absorbent en totalité celui qui leur arrive, et qu’elles n’en renvoient pas. Voilà pourquoi le flux vers les bourgeons est toujours le plus fort. L'autre espèce de’ mouvement, qu'on observe dans’ chaque granule en particulier , a lieu, que le courant général continue ou qu'il soit suspendu. Chaque granule se meut dans toutes sortes de directions, s’avance ou recule, s’enfoncé ou s'élève, est entrainé par un autre granule , qui vient se heurter contre lui, ou détourne tel autre granule de sa’ direction, et fait ainsi des détours innombrables, tout en suivant le courant général. On voit de cette manière deux granules ou davantage , former une pêétite masse informe qui, durant un tourbillonnement irrégulier sur son axe, est entraînée çà et là. Lorsque le courant général est tres fort, ces mouvemens particuliers s'arrêtent dans quelques granules, qui n’ont plus qu'un mouvement progressif ; mais , dés l’instant où le courant sénéral s'affaiblit, ét, comme il m'a paru, lorsque tel ou tel granule s'approche dés parois du tube intestinal, le motve- ment particulier des granules recommence; cependant il y a des points où il ne s'arrête jamais , je veux dire dans les parties qui sont en train de développèment, et dans lesquelles à lieu là sécrétion de l'écorce cornée; enfin dans les rameaux des Polÿpes femelles. Ici les granules sont sans comparaison plus nombreux que dans aucune autre place, ét forment un amas si serré qu’on ne peut plus distinguer leurs mouvemens particuliers. On ne voit aucun granule revenir de cette partie : tous paraissent être absorbés. Le mouvement individuel des granules, si différent de celui que leur imprime le courant, doit aussi provenir d’une LOWEN. Sur le genre Campanulaire. 163 cause différente, qui est répandue dans toute l'étendue des parois du tube intestinal, et qui n'agit pas de la même ma- nière dans les différens points de ce tube : c'est du moins sous ces apparences que se manifeste ce phénomène. On ne connaît pas d’autre force de cette nature que celle produite par les cils vibratiles , ces petits organes , qui ont été récemment découverts , et doivent être considérés comme un moyen puissant d'impulsion des fluides contenus dans les orga- nismes ou qui baignent leur surface. Je n'ai pas été assez heureux pour découvrir, dans ce cas ; ces cils vibratiles ; mais plus je les ai cherchés en vain, plus je me suis convaincu qu’on doit les découvrir; tant les mouvemens des granules que je viens de décrire, ont de ressemblance avec ceux qui sont produits évidemment par cette cause. (a) Formation des bourgeons(fig. x h). Elle est de deux espèces, l’une, produit des bourgeons mäles: elle a lieu, par le dévelop- pement des rameaux , d’après des arrangemens propres à chaque espèce, et qui la caractérise; l’autre produit des bourgeons femelles, qui sont situésidans les aisselles des premiers, ou plutôt des rameaux qui les portent. Les bourgeons mâles sont ici les plus nombreux, comme chez les Sertulaires. Les bourgeons femelles sont les plus gros, et leurs cellules renferment plusieurs individus. IL faut observer ici que, dans les genres Campanulaire et Plumulaire, les bourgeons femelles sont plus distans des mäles'; tandis que, chez les Sertulaires , c'est immédiatement sur la base des cellules mâles que se développent les cellules femelles. Voici la marche que suit le développement du bourgeon . Dans une place déterminée par suite de l'arrangement dans les divisions du polypier, qui caractérisent son espèce , on s'aperçoit que le tube intestinal n’est plus libre dans son tuyau, qu'il le remplit entièrement , et que le courant des granules du fluide nourricier est plus fort dans cet endroit qu'ailleurs. On découvre (x) Les cils vibratils existent dans les branchies de la plupart des Annelides au bord du pied! des Gastéropodes , dans l'estomac ct surtout dans le cloaque des Bryozoaires : ils existent même chez les Hydres, 104 LOWEN. — Sur le genre Campanulaire. bientôt, dans cette même place, une légère bosselure à l’exté- rieur du tuyau corné, laquelle va toujours en augmentant et ne tarde pas à se développer en un court rameau. Celui-ci croît de telle maniere, que la partie dilatée du tube intestinal, contenue dans l’extrémité de ce rameau, recoït une grande quantité de fluide nourricier, mélangé de ses granules ; elle en extrait les matériaux de l'enveloppe cornée, dans laquelle elle-même se développe. Partout où la formation du tube corné est terminée, le tube intestinal s'en détache, en se resserrant sur lui-même! et-n'y reste plus adhérent que par quelques ligamens ;mais son extrémité renflée , qui agit ici comme un moule (une matrice) pour la formation subséquente de son enveloppe , continue de rester en contact avec la lame cornée formée la dernière. Le rameau qui se forme ainsi est le plus souvent caractérisé, près du tronc, par des dilatations et des étranglemens alternatifs ; il reste ensuitetoutuni pendant un certain espace, puis il prend de nouveau des nodosités | jusqu’à ce qu’enfin le dernier ren- flement, plus grand que lavant-dernier, commence la cellule du Polype mâle: Alors'se produit le diaphragme de cette cellule (fig. 1,4), pendant que l'intestin forme une dilatation annu- lair e; ‘dlle s'étend en cône au-delà du diaphragme, augmente de plus en plus d’étendue en s’élevant , et prendenfin la forme dé- finitive de la cellule, celle d’une cloche renversée (fig: 9). Son’ bord supérieur devient tranchant; mais son entrée est fermée par une membrane convexe au centre , concave plus près du bord. Quand la cellule est terminée, la partie renflée de lin- testin qui l’a produite, se contracte, s'en détache, et devient libre : c’est alors seulernent que les tentacules se développent (fig. 10). Lorsqu'ils ont tout leur développement et que le Po- lype est complet, il rompt la membrane operculaire de sa cel- lule, produit ses tentacules au-dehors, et commence sa vie indépendante. Les bourgeons femelles (fig. 11) se développent, ainsi que nous l'avons dit, dans laisselle des rameanx. Leur pédoncule est plus court, et la cellule est presque deux fois et demie plus grande qu'une cellule mâle, L'histoire de son développement est la même, jusqu'au moment où l'intestin a produit la cellule, et LOWEN. — Sur le genre Campanulaire. 165 encore jusqu'a celui où il forme une forte dilatation sous l’o- percule (fig. 11 a). H s'arrête dans cette position. Sa partie grêle, qui descend dans la direction de l'axe de la cellule , est assujétie, d’un côté, par des ligamens aux parois de cette cellule. On ne tarde pas d’apercevoir , et le plus souvent dans le côté du tube intestinal opposé aux ligamens, une petite élévation (D), dans la cavité de laquelle un courant de granules semble se concentrer : c'est un germe de Polype femelle. La protubérance augmente de grosseur , devient sphérique ; la partie qui la réunit à l'intestin se rapetisse à mesure, sa cavité grandit, se déve- loppe, et paraît comme partagée en plusieurs loges (fig. 110, de; et tig. 13 a). Cette cavité reste toujours en communication, avec le tube intestinal , par un canal étroit, à-peu-près comme une vessie qui en serait une dilatation ; elle est revêtue intérieurement par la continuation de la membrane interne de l'intestin, et elle pa- rait remplie d’un amas de granules. A l’extérieur de cette vessie se montre, avec un développement croissant, un petit corps sphérique (fig. 11 f), composé d’une inatière de couleur foncée , granuleuse. Au côté extérieur de ce petit corps sphérique, on découvre ensuite une tache circulaire, de couleur claire , qui a même les apparences d’une petite sphère transparente, circonscrite dans la première. Une capsule transparente (fig. 11 2), à parois extrémement minces, enveloppe ces corps ; elle montre à son bord supérieur etextérieur une couronne de petites élévations (4). Cette capsule est le corps du Polype femelle; les élévations sont ses tentacules ; le petit corps sphérique est un œuf, avec la vésicule de Pur- kinge ; et le sac qui se continue du tube intestinal répond à l’es- tomac du mâle. Il se forme toujours plusieurs femelles à-la-fois, mais avec des degrés différens de développement. Toutes sont recouvertes par la membrane extérieure du tube intestinal, et leur déve- loppement à lieu par l'intermédiaire de sa membrane interne. La femelle qui se trouve en haut est celle dont le développe- ment est le plus avancé et: son œuf le plus tôt mür; celle qui est le plus bas, est la moins développée. À mesure que l'œut 166 LOWEN. — Sur le genre Campanulaire. grossit, le sac, qui n’est qu'un prolongement du tube intestinal, à la surface duquel l'œuf s’est formé, et qui excédait d'abord celui-ci en grosseur, est devenu beaucoup plus petit et l'œuf plus grand. La tache de l'œuf, de couleur plus claire, a disparu. La femelle qui s'est développée entre deux membranes n'a que l'extérieure à rompre. En même temps, le canal par lequel son sac est en communication avec le tube intestinal, s’allonge; de sorle que son union avec le tronc commun n’est pas détruite lorsque la femelle développée rompt la membrane extérieure et la lamelle cornée, extrémement mince, qui ferme sa cellule, et dont on voit les fragmens se détacher, ainsi que Lister l'a décrit. Quand la femelle est ainsi sortie de la capsule ou cellule com- mune, elle paraît comme une vessie transparente, à-peu-près ronde , avec un court pédoncule, en dehors du couvercle qu’elle a rompu , et dont l'ouverture qu'elle y a faite se resserre-autour de sa tige. Les tentacules, au nombre de douze, sont étalés chez quel- ques-uos ; leur longueur, qui est à-peu-près la même pour tous, est environ celle du diamètre du corps ; chez d’autres:iis sont plus courts. Ils sont plus effilés à leur extrémité que ceux du mâle, «et hérissés irrégulièrement de petites épines. Du :pourtour della couronne de tentacules descendent quatre canaux dans la mem- brane mince qui forme extérieurement le cerps de la femelle ; ils se terminent dans le sac qui:est à sa partie inférieure, ‘à- peu-près réduit à l’état rudimentaire. On voit aussi que lamem- brane extérieure de l'œuf est attachée à ce sac ( fig. 12 ). Sortie et métamorphose de lu larve. — Lorsque cette mem- brane se rompt, il en sort un jeune qui ne ressemble pas du tout à sa mère (fig. 12 a, fig. 13 D). Il a la forme d’un petitver, une figure elliptique, un peu déprimée. Sa surface est toujours garnie de cils vibratilés, au moyen desquels il se meut d’abord dans le:corps de sa mère. Après un certain temps , il passe une de ses extrémités entre les tentacules de celle-ci, et paraît au dehors, tout en s'allongeant davantage ( fig. 13 b ). Chaque femelle porte ordinairement deux œufs; c'est ainsi que beaucoup de jeunes éclosent. LOWEN, — Sur le genre Cumpanulaire. 167 Dans un seul cas, j'ai vu sortir trois jeunes larves; je suppose qu’elles provenaient d'autant d'œufs. Il y a quelquefois, dans ce développement de larves , une sin- gulière irrégularité que je regarde comme une monstruosité : j'ai observé plusieurs fois, dans la femelle sortie de sa cellule, une jeune larve se partager en deux par une scissure transversale ; ces deux parties se divisent à leur tour chacune en deux autres, et ainsi de suite, jusqu’à un nombre de plus de trente (fig. 13 c). Je n'ai pu observer le résultat de cette multiplication fissipare prématurée, et jusqu’à quel point elle peut se continuer ? Après que la mère s’est débarrassée de ses petits, elle se contracte de plus.en plus; elle paraît penchée et sans vie, et ses tentacules s’effacent presque entièrement. Les excellentes observations de Lister montrent suftisamment qu’elle disparaisse par l'effet d’une absorption. Ce que jai vu me confirme dans cette idée. Après s'être rapetissée de la ma- nière la plus évidente, entre-t-elle dans la capsule ? Le prolon- gement du tube intestinal qui se continue, pour chaque femelle, à travers l’ouverture de cette capsule, s’atrophie à mesure que le courant du fluide nourricier diminue. Lorsque le jeune s’est détaché de sa mère, il commence à nager par l’agitation de ses cils vibratiles. Il en résulte que son déplacement paraît se faire uniformément et comme en glissant. On le voit tourner continuellement autour de son axe, tantôt dans une direction horizontale, tantôt dans une direction verticale. En même temps, sa forme varie : elle prend (fig. 18) tantôt celle d’un œuf, tantôt elle s’allonge davantage, Gevient obtuse en avant ,en même temps qu’elle s’amincit en arrière : l'animal se raccourcit en forme de poire. Sa couleur est blanche, et paraît à-peu-prés opaque , vue au microscope ; cependant elle conserve assez de transparence pour qu'on y distingue une cavité intérieure , que le fluide qu'elle renferme teint d’une couleur foncée, et qui est formée de deux membranes, une transparente comme du verre, et l'autre interne un peu opaque: Des observations réitérées rendent invraisemblable que la petite larve se nourrisse par une bouche. On a désigné longtemps les Campanulaires, à cette époque 168 LOWEN. — Sur le genre Campanulaire. de leur développement, sous le nom d’œufs mobiles, parce qu'on les a comparés aux propagules de certaines Algues. C’est par suite de la même erreur que lon a considéré comme de simples capsules ovariennes , les Polypes femelles de cette fa- mille. (1) Après que les jeunes larves ont nagé librement çà et là, elles se fixent à un corps submergé, à un fucus , etc. Le corps de cette larve change alors de forme : il devient plat, circulaire comme un petit gâteau (fig. 15), autour duquel les cils vibratiles, qui ont cessé de se mouvoir, forment un cercle de franges transpa- rentes. Au milieu de la cavité intérieure, paraît une tache ob- scure, dont le diamètre a environ le cinquième de celui de tout le corps ; cette tache se compose d'un amas de granules concentrés dans la place d’où la tige (le tronc) du Polypier doit s'élever. Ici la membrane extérieure paraît un peu plus épaisse que dans l’ani- mal développé, et comme sillonnée de vaisseaux qui viendraient de la cavité intérieure. On voit bientôt s'élever , de cette tache centrale, opaque, une bosselure hémisphérique ( fig. 16); en même temps, la poche intérieure a perdu sa forme circulaire, et s’est divisée en quatre ou cinq lobes irréguliers ; la membrane extérieure, de nature celluleuse, en conservant sa forme géné- rale circulaire, a son bord partagé en autant de lobes, par d’é- troites scissures qui rayonnent de la circonférence au centre. Ces lobes répondent aux parties du polypier qui doivent con- server la position horizontale et former ses organes de fixité. Déjà le tout est revêtu d’une couche cornée ; mais on ne peut la bien reconnaitre qu'au moment où, par suite de l’accroisse- ment subséquent du tronc, la poche centrale s’est sensiblement rapetissée, et que la membrane externe s’est divisée en quatre lobes {fig. 17 ); elle s'attache alors par des prolongemens liga- menteux à l'écorce transparente et cornée , qui conserve, avec ses profondes incisions, sa circonscription première. Le tronc, qui continue de s'élever verticalement, produit enfin à son sommet une cellule mâle, et montre, dans la for- mation de cette première cellule , tous les phénomènes du mou- (1) Voyez le Mémoire de Grant, Ædinburgh new philosophical Journal, T, page 150. LOWEN. — Sur le genre Campanulaire. 169 vement des granules du fluide nourricier dans le tube intestinal etc., décrits dans la formation des bourgeons du zoophyte déjà développé. | Quand le premier Polype, qui est toujours mâle, s’est ainsi développé , sa membrane extérieure est plus mince qu'elle n’était dans la larve. On pourrait peut-être en conclure que le petit Polype, durant son développement dans la capsule cornée, s’est nourri aux dépens d’une partie de cette membrane, sans prendre au dehors les matériaux de sou alimentation. Il résulte des observations précédentes que les Campanu- laires (et nous pouvons le dire également de toute la famille des Sertulariens ) sont libres et non fixées durant la première époque de leur vie, nageant çà et là. Elles ont, à cet état de larve, une forme toute différente que celle définitive qui les ca- ractérise dans leur état parfait. Dans ce dernier état, la Campa- nulaire est fixée et revêtue d'une enveloppe { d’une écorce) de nature cornée. Celle-ci une fois produite , n’est qu'une excrétion morte, de tous les points de laquelle la partie vivante qui la formée se détache , et qu’elle ne nourrit plus. C’est en dedans de cette enveloppe protectrice que se développe le Polype; qu'il prend le nombre, la forme et les dimensions de toutes ses par- ties; alors il rompt mécaniquement sa icapsule, et ne prend plus d’accroissement. Si l’on considère l’ensemble de ces phénomènes, il semble que ce ne serait pas trop oser que de les appeler une niétamor- phose; que de comparer ce premier état à celui d’une /arve, et le second à celui de la chrysalide ; que de voir dans le Polype mâle développé dans sa cellule, l’image entourée de son enve- loppe de chrysalide, qu'elle conserve même après l'avoir ou- verte. Le Polype femelle se dégage au contraire complètement de sa larve, accomplit la tâche qui est assignée, celle de servir à la propagation, et meurt. 170 LOWEN. — Sur le genre Syncoryne. IT, Du GENRE SYNCORYNE ( Syncoryna Ehrenb.) Deux espèces du genre Syncoryne Ehr. vivent sur les côtes de Norwège : S. ramosa Ehr. (Stipula ramosa Sars) et S. Sarsii Nob. On peut s’en procurer, au commencement de juin, de très beaux exemplaires , sur:lesquels on sera à même de répéter les observations suivantes : 1° La Syncoryne rameuse est suffisamment connue par la des- cription de M. Sars; j'y ajouterai seulement quelques détails. Le Polype mâle (PI. 8,B, fig. 1 4) est pourvu d’une très petite bouche, qui n’a pas de lèvres, comme.celle des Campanulaires. On compte seize tentacules dispersés sur un renflement (une tête) conique, dont ils égalent la longueur. Leur structure dif- fère de celle décrite dans les Sertulaires. A la vérité, ils sont de même une production de la membrane externe du Polype , et on y observe pas davantage de fluide en mouvement ; mais leur surface est tout unie, et nullement hérissée.de petits crochets, qui sont ici réunis en forme de pelotte ou de tête d'épingle, à l'extrémité du tentacule. Leur cavité est également divisée en cellules; mais les petites lamelles transversales qui:les limi- tent, sont placées avec plus d’irrégularité, presque en spi- rale, et sont réunies par une columelle très mince, membra- neuse, qui règne dans toute la longueur de cette cavité. C'est aussi à cette columelle que sont fixés les petits granules colorés encore immobiles. Le sommet de la tête est hémisphérique; il est entièrement garni de papilles dont l'emploi paraît être de servir de ventouses; chacune de ces papilles ayant dans son milieu un petit bouton. Dans toute l'étendue du renflement céphalique, la membrane extérieure est très rapprochée de l’interne , qui forme propre- ment la cavité gastrique. Plus bas que l’estomac, au contraire, LOWEN. — Sur le genre Syncorrne. 171 dans Ja partie qui n’est pas encore enfermée dans un tube corné, l'intestin se rétrécit considérablement, et la membrane ,exté- rieure est unie à celui-ci par de la cellulosité. Le Polype femelle (B, fig. : 8, et fig. » b), dont une ou deux se fixent sur la base du Polype mâle, présente une forme bien remarquable : immédiatement au-dessous du tentacule le plus inférieur du mâle, se montre, un court pédoncule, production de son tube intestinal. Ce pédoncule supporte une cloche dia- phane comme du verre, de forme quadrangulaire ou pentago- nale , dans l’intérieur de laquelle se trouve un corps libre, en massue , un peu aminci vers son extrémité, lequel renferme une cavité en communication évidente avec le tube intestinal. Ce corps est l'estomac de l'animal. Il a une très petite bouche, à son. extrémité ( fig. 2 a), autour de/laquelle se voient dix petites proéminences qui sont des tentacules rudimentaires (fig. 2 b). L’estomac est entouré, dans toute sa longueur , par une en- veloppe colorée en jaune brun ,-qu’une observation attentive montre renfermer des œufs nombreux, serrés les uns près des autres, en rangées régulières. Si on emploie le compresseur, ils s'échappent à travers la membrane qui les couvre, précisément à Ja place où ils se trouvent, et ne s’écoulent pas vers la partie supérieure. L’enveloppe la plus extérieure en forme de cloche, .est une membrane diaphane comme du verre, très mince, dont la sur- face extérieure montre un réseau de mailles très peu liées (fig. 6) et de petites papilles serrées, dispersées sans régularité. Le bord supérieur de la capsule est divisé par quatre, quel- quefois par cinq tubercules proéminens, qui sont des tentacules rudimentaires. Une canelure part de chacun de ces boutons, et se prolonge en dedans et en bas en un lobule (fig. 2 b, et fig. 3 a ). De la base de l’estomac s'élèvent autant de canaux qu'il y a de tentacules (fig. 20 c, et fig. 21 b), et s'ouvrent dans leur cavité. Dans toute la longueur de chacun de ces vaisseaux, la substance de la cloche est un peu plus épaisse, ce qui lui donne dans cette partie une apparence anguleuse. 172 LOWEN. — Sur le genre Syncoryne. On aperçoit un mouvement continuel de ‘globules , depuis l'estomac du Polype mâle, à travers le pédoncule du Polype fe- melle , dans l’estomac de celle-ci, et de cet estomac, par les ca- naux que nous venons de signaler, jusque dans leur dilatation supérieure. Ce courant est analogue à celui observé dans les Campanulaires. Les oscillations des granules et leur réunion, se remarquent surtout dans cette dernière cavité. Au-dessous du bord de: la cloche et entre les tentacules, il y a un ruban (fig. 3 c) qu'on pourrait prendre pour un vaisseau annulaire, mais je n'ai jamais vu le courant s’y prolonger; je le regarde plutôt comme mus- culaire. is Les mouvemens très vifs de la cloche consistent en contrac- tions et en dilatations fréquentes, plus souvent dans le sens transversa! que longitudinal, absolument semblables aux mou- vemens alternatifs de systole et de diastole des Méduses. 2° La Syncoryne de'Sars Nob. — Quelques jours après avoir fait les observations précédentes, je découvris cette espèce, avec les Polypes femelles, dont il y avait à la vérité un moïndre nombre, mais de telle forme, que j'eus un instant l’idée qu’elles appartenaient à l'espèce précédente, mais qu’elles n'étaient pas entièrement développées. Ce qui me frappa d’abord , c’est que, non-seulement les unes de ces femelles étaient attachées aux renfleniens céphaliques dés Polypes mâles, mais que plusieurs provenaient de tubes qui ne portaient pas de Polypes mâles. ; Chez tous, la cloche paraissait plus approchant de la forme sphérique et déprimée. L’estomac était en forme de bouteille , sans œufs ; on y observait de vifs mouvemens , pendant lesquels on le voyait tantôt s'étendre, tantôt s’infléchir. La cloche n'était pas entièrement ouverte à la partie supérieure, ainsi que cela se voit dans la 7haumantia oceania. Elle était fermée en par- üe par un diaphragme (fig. 7 a) qui se porte en dedans, comme cela se voit chez cette Méduse, dans les contractions de lanimal. Enfin, les cirrhes du bord formaient ici de longs tentacules , LOWEN. — Sur le genre Syncoryne. 173 noueux , très mobiles, extensibles , creux , et à la base de cha- cun on apercevait, outre la dilatation du vaisseau longitudinal, un point de couleur rouge, luisant (fig. 7 b, fig. 10 a) que je considère comme. un œil; en suivant la manière de voir d’Eh- renberg, pour des déterminations semblables chez les Acalèphes et les Échinodermes. Le nombre des femelles était ici bien plus faible que chez la S. ramosa , et je n’en ai rencontré aucune avec des œufs. Je sup- pose qu'après avoir pondu leurs œufs, elles se détachent et de- viennent libres; mais je n’ai pas eu l’occasion de le constater. - Qu'il me soit permis d'y suppléer , en rappelant ici des ob- servations de deux naturalistes distingués, qui se rapportent à ce sujet. M.R. Wagner a vu(1)dans beaucoup d'individus de la Coryra aculeata Wagn., en arrière des tentacules, des bourgeons (cap- sules) de différentes grandeurs, qui ; si l’on compare sa descrip- tion avec la nôtre, étaient des Polypes femelles. La figure qu’il en a publiée (fig. 26) ne laisse aucun doute à cet égard. La position des œufs , les quatre tentacules et les mouvemens qu'ils exécutaient, semblables à ceux des Méduses , sont analogues à ceux que nous avons observés. Voici le résumé de cette observation: Aussitôt que le Polype femelle à acquis un certain degré de développement, au point d'avoir cinq tentacules, on voit s'élever dans son intérieur des proéminences qui sont de petites capsules, fixées par un pédicule et remplies de substance muqueuse. Celle-ci se transforme en œufs où en gemmes. Lorsque ceux-ci sont mürs ; les capsules se détachent et se meuveut librement; ensuite les œufs en sont expulsés et vont se fixer sur le sol ou sur quelque ‘corps submergé. M. Sars a fait connaître dans son dernier et excellent travail (à) de semblables bourgeons, dans la Corymorpha nutans Sars. Immédiatement au delà des longs tentacules se voient des fila- (x) Iris, 1833, p.256, PL 11, (2) Beskivelser og Jagitagelser, etc. Bergen, 1835. 174 LOWEN. — Sur le genre Syncoryne. mens ramifiés dichotomiquement; ce sont des:ovaires , à l’extré- mité desquels sont attachés, comme des grains de raisin , ce qu'on appelle très improprement les œufs. Ceux-ci sont pédon- culés, évasés vers le haut, et renferment dans leur intérieur les parties essentielles d’un Polype. Au milieu est un corps en forme de massue (le renflement céphalique du mâle} et sur la partie supérieure , qui est la plus large, quatre tubercules, qui se continuent intérieurement avec autant de canaux. (1) L'un de ces corps est toujours plus gros que les autres et se termine par un bouton arrondi. Ce bouton, suivant M. Sars, deviendrait plus tard un pédoncule, tandis que la partie inté- rieure serait le corps du Polype. Les mouvemens que nous avons observés, dans ceux que nous avons décrits, confirment ces déterminations; Les observations de M. Wagner s'accordent parfaitement avec lesnôtres, et ,s’il avait connu les significations des capsules, telles qu'Ehrenberg les a proposées , il n'y aurait certainement rien à ajouter à ce qu'il a dit. M. Sars, qui paraît avoir compris ce qu'il a observé, d’après les-vues:iles écrivains qui l'ont précédé, a eu d'ailleurs le mérite de faire connaître les quatre canaux de la cloche. L'un et l’autre comparent les mouvemens de ces animaux à ceux des Acalèphes ; mais il reste encore à observer comment le Polype femelle de- vient. libre,.et le développement de ses œufs ? Ces formes des Polypes femelles, ont une frappante ressem- blance avec, plusieurs Méduses, particulièrement avec la Cis- tœis tetrasty la Esch. (2),.Peut-être les a-t-on confondues quel- quefois? L'analogie de la cloche extérieure ayec l’ombrelle de cette dernière, les quatre vaisseaux, les cirres du bord de l’ombrelle, la position de l'estomac, tout se ressemble. (3) (x) M. Sars,o,c,. PL 1, fig. 3 ,d,e,f,g: (a) Système des Acalèphes , tab, 8, fig. 2. (3) Cette ressemblance est encore plus frappante, si l'on compare le Srobila octoradiata Sars(o, c, lab. 3). Cet animal, absolument semblable à un Acalèplie, se développe en grand nombre sur le corps d’un Polype, qui a l'aspect et l’organisation d’une Hydre, Nous y voyons LOWEN. — Sur le genre Syncoryne. 172 Si nous comparons les $yncorynes avec les Campanulaires , nous trouverons les différences et les ressemblances suivantes. L'une et l’autre ont une capsule extérieure en forme de sac, à parois diaphanes, dont le bord porte des cirrhes ou des tentacules, et dans les parois de laquelle des vaisseaux conduisent le fluide nourricier , depuis l’estomac. Ce dernier organe se développe par une sorte de bourgeonnement du tube intestinal. Les œufs paraissent autour de la cavité alimentaire; mais la forme diffé- rente de cette même capsule extérieure, le nombre différent des tentacules , la présence des yeux, du moins chez la Syncoryne de Sars; la vivacité des mouvemens dans ce dernier genre; l'immo- bilité presque absolue de la Campanulaire : la circonstance pro- bable que la Syncoryne devient libre à une époque de sa vie; l’atrophie ; au contraire, du Polype femelle dela Campanulaire, tout annonce entre ces deux genres d'importantes différences. Ce n’est que lorsqu'on connaîtra mieux l’histoire du dévelop- pement des Polypes à tuyau , qu'il sera possible de faire une bonne distribntion systématique de ces animaux , et d'apprécier à leur juste valeur les différences que nous avons mentionnées. Caractères des deux espèces de Syncoryne. 1. Syncoryna ramosa Ehr. — Sesquipollicaris, tubulis 5" crassis , rugosis; gemmis arrectis, flexuosis ; fruticulosa et intri- cata. 3 Tentaculis 16; @ elongato-campanulatis, cœcis ,campa- nula aperta, cirris evanidis. Habitat in fando pétroso inter ostræas et algas. une si grande analogie avec ce que nous savons des Syncorynes, que nous nous sommes bien empressés de connaître l'histoire du développement ultérieur du singulier Strobila *. M. Sars a publié plus tard , en 1837, que son genre Strobile était le jeune âge de la Medusa aurita, qui prend d'abord Ja forme et l'organisation des Æphyres, avant d’avoir la forme définitive de cette espèce et de ce genre. Resterait à faire concorder ces observations avec celles de M. Siébold sûr les métamorphoses de cette même Méduse, x * Note additionnelle du traducteur. 176 LOWEN. — Sur le genre Syncoryne. 2. Sync. Sarsii Low. — Semipollicaris , capillacea , tubulis 5-5", crassis, lævibus ; gemmis elongatis, arréctis ; parce ra- mosa. Tentac. 10-16; @ globosis, cirris elongatis : oculis exqui- sitè rubris ;campanula membrana perforata, clausa. Habitat in fissuris rupium, etiam in aquà stagnante, ad insulam Masskoir, etc. Bahasiæ. i EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE 8. A. Campanularia geniculata (Sertularia geniculata Mur.) méle. Fig. 1-10. Fig. 1. Cellule mâle, avec pn bourgeon mâle. —2. Cellule mâle vide, avec son diaphragme. — 3. Le diaphragme, vu de profil. — 4: Un tentacule, — 5, 6, 7. La bouche, différem- ment contraclée. — 8. Partie pylorique de, l’estomac:, qui s'étend au dessus, du diaphragme. —.9. Une ‘cellule nouvellement, formée. — 10. Une cellule semblable, encore fermée par un opercule durant le développement du Polype. Campanularia geniculata , femelle jeune. Fig. 11-18. Fig. 1r. Cellule femelle, — 12. Partie supérieure d’une semblable cellule après la sortie des Polypes femelles, — 13. Une semblable cellule. — 14. Une larve de Polype. — 15. Un jeune Polype, qui vient de se fixer (Chrysalide).—16. Un semblable Polype (Chrysalide) , avec le commencement de sa tige. — 17. Un même, plus développé. — 18. Différentes formes de jeunes Polypes (de larves). B. Syncoryna, Fig. 1-10. 1. Syncoryna ramosa Ehrenb, 7 Q.—72.lLAa même Q.— 3. Le bord de la capsule extérieure de la femelle. — 4. Un tentacule 7. — 5. Tentacules rudimeñtaires de la bouche chez la femelle, — 6. Morceau de la peau extérieure.—7. Syncor. Sars Nob, © —8, g. Sa bouche , avec ses tentacules, — 10. La base d’un cirrhe marginal, avec un œil. DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Respiration des Crust. Isop. 171 Essar l’une Monographie des organes de lu respiration de l’ordre des Crustacés Isopodes , Par MM. Duvernoy et LEREBOULLET. (Lu à l’Acaüemie des Sciences, par M. Duvernoy, dans ses séances des 23 et 30 novembre 1840. INTRODUCTION. Nous avons fait ensemble à Strasbourg , aux mois de sep- tembre et d'octobre 1839, la plupart des observations qui composent le travail que nous avons l'honneur de soumettre au jugement de l’Académie. Le desir de le rendre moins incomplet et plus digne de lui être présenténous a faitretarder ce moment jusqu’à aujourd’hui. Cependant la nécessité où nous étions de prendre date, nous a déterminés à communiquer presque immédiatement, un résu- mé de nos premières observations à la Société d'histoire natu- relle de Strasbourg: c’est ce qu’a fait l’un de nous, M. Lereboul- , le 27 novembre dernier. Depuis cette époque, nous avons cherché toutes les occasions d'étendre et de perfectionner nos observations , en les répétant et en les multipliant à Paris et à Strasbourg , et en nous com- muniquant , à mesure, leurs résultats. C'est ainsi que ce travail est devenu un premier Æssai d’une Monographie des organes de la respiration des Crustacés Isopodes. En effet , si l’on prend pour guide, comme nous avons pu.le faire depuis le mois de janvier de cette année, le tome 11 de l'Histoire naturelle des Crustacés de M. Milne Edwards, l'ouvrage d'histoire naturelle classique à-la-fois le plus récent et le plus XV. Zoo. — Mars, ! 178 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Aespiration des Crust. Isop. complet sur ces animaux , ainsi que l’un de nous s’est déjà em- pressé de le reconnaître dans une autre occasion ; on verra que nos observations se rapportent à ne ou plusieurs espèces de beaucoup de genres , de presque toutes les familles et des trois sections dans lesquelles l’ordre des Isopodes se trouve divisé dans cet ouvrage. Cet ordre , tel qu’il y est décrit , est un des exemples les plus frappans des immenses progrès qu’a faits, dans le siècle actuel, l’histoire naturelle des animaux. Il suffira, pour s’en convaincre, de se rappeler que les Isopodes ne sont encore qu'un simple groupe générique (le genre Oniscus ), assez mal défini , dans la dernière édition du Systema naturæ de Linné, publiée par Gmelin en 1739. Quant à l'appareil d'organes sujet de cette monographie, c'est à M. Savigny qu’on en doit la première connaissance géné- rale. Les planches 11,12 et 13 du grand ouvrage sur l'Egypte), comprennent des figures de cet appareil, appartenant à la plu- part des familles de l'ordre des Isopodes. Malheureusement le texte détaillé qui aurait dû s'y rapporter n’a pas été publié par l'auteur. M. Audouin à pris à tâche d'y suppléer et d'en faire jouir autant que possible le public , par une ntile quoïque très succincte explication. Après ce travail général d’une perfection remarquable , ainsi que tout ce qu'a publié M. Savigny , nous n'avons à citer, comme se rapportant à l’ordre entier qui nous occupe, que les indica- tions faisant partie des caractères distinctifs des Isopodes , qui se trouvent dans les ouvrages de Latreille (Règne arimal de Cuvier, première et deuxième édition) , de Desmarest {Conside- rations sur l’histoire naturelle des Crustacés), et dans celui de M. Milne Edwards, que nous venons de mentionner. Nous devons ajouter que, dans ce dernier ouvrage, l’auteur a mis un soin particulier à faire connaître les organes de la respiration, soit comme pouvant contribuer à distinguer les groupes qu'il admet , soit pour mettre à même d'apprécier le degré d’impor- tance des caractères tirés de cet appareil , soit dans un but à-la- foisianatomique ét physiologique. (x) Histoire maturelle, Zoologie, Crustacés, volume x. BUVERNOY ET LEREBOULLET. — Aespiration des Crust. Isop. 159 Les planches 66, 71 et 71 bis, de la grande édition du Aègne animal de Cuvier, renferment des figures d’une netteté remar- quable, faites par le même auteur, sur les organes de la respiration des Cymothoadiens et des Cloportides, que nous citerons encore, en parlant de ces familles. C’est aussi dans l'historique que nous ferons de ces organes à l’occasion de chaque famille, que nous rappellerons le travail fondamental de G. R. Tréviranus sur les branchies de l’Aselle d’eau douce, et des Cloportes et Por- cellions. Afin de mettre l’ordre le plus convenable dans l'exposition des faits que doit comprendre ce Mémoire, nous grouperons nos descriptions par Familles, et nous ferons précéder celles de chacun de ces groupes, d’un tableau des Tribus et des Genres de la Famille dont il va être question, et des espèces observées qui se rapportent à ces genres, en suivant, comme nous ve- nons de le dire, la méthode de classification de l'Histoire natu- relle des Crustacés de M. Milue Edwards. On jugera ainsi d'un coup-d’œil des espèces que nous avons pu étudier. ORDRE DES ISOPODES. Section I. Premiere Famille. InoTÉ1DEs. ISOPODES MARCHEURS. Deuxième Famille. AsEzLOTES. Troisième Famille. Crorortiprs. Ir° Favxe, IDOTÉIDES. Genres. Espèces observées. ["* Tribu. ARPENTEUSES. . . . . Arcture. { Id. tricuspide. Idotée. 4e Id. lincaire. Ie Tribu. In. oRDINAIRES, . . . Id. hectique. Anthure. 12. 180 DUVERNOY ET LEREBOULIET. — ARespiration des Crust. Isop. 1° Branchies de la famille des Idoteides. Les /doteides , dans la méthode adoptée dans l'Histoire na- turelle des Crustacés, forment la première famille de la pre- mière section de l’ordre des Jsopodes , celle des Zsopodes marcheurs. Nous avons étudié les branchies de la seconde tribu, celle des Idotéides ordinaires, et plus particulièrement celles des Zdotees, genre type de cette famille : dans l’{dotée tricuspide, dans l’Ido- tée linéatre et dans l’Idotée hectique de M. Milne Edwards, qui répondent à l’Idotea tricuspidata Latr., au Stenosoma lineare Leach. et au Stenosoma hecticum Desm. Cette étude nous a donné un nouvel exemple de l'exactitude parfaite des figures publiées par M. Savigny sur les branchies de ces 1sopodes, dans le grand ouvrage sur l'Egypte (PI. 12, fig. 6); cependant nous verrons tout-à-l'heure, qu'il y avait quelques circonstances organiques , qui avaient échappé à ce perspicace investigateur de la nature. ; Dans l’/dotea tricuspidata , l'appareil branchial est protégé par deux lames operculaires, de substance cornée résistante , joliment ponctuées de petits points noirs, fermant complètement la cavité branchiale. Ce sont comme deux volets ou deux battans d'une porte, qui se joignent sur la ligne médiane et s'ouvrent, en s'écartant l’un de l'autre et de cette ligne. (1) Chacun de ces volets se compose de deux portions inégales: la première, la plus antérieure, est articulée dans toute la longueur de son côté externe, sous le rebord correspondant du dernier segment abdominal; la seconde portion est beaucoup plus courte et libre par son bord externe ; une ligne transversale indique l'articulation de ces deux pièces. On pourrait considé- rer les deux battans dont nous parlons comme des appendices du segment abdominal qui auraient pris un tres grand dévelop- pement. Si l'on ouvre fortement les deux battans, on voit, entre (x) Latreille, Règne animal , tome 11, page 139. DUYERNOY ET LESEBOULLET. — Respiration des Crust. 150p. 161 le côté externe de la deuxième portion de chacun d’eux et le côté correspondant du segment abdominal , un petit appendice styliforme tres délié , garni sur ses côtés de cils fins et courts (1). Cette espèce de tige plumeuse est insérée à l'extrémité postérieure de ce qu'on pourrait appeler le gond de la pièce principale, et n’atteint pas tout-à-fait l'extrémité de la seconde pièce. Dans deux autres Idotées appartenant à deux espèces diffé- rentes, le stylet cilié était plus grêle que dans l’Idotea tricuspi- data , et garni de cils plus rares et plus courts; mais alors le bord correspondant de la portion libre de l'opercule était lui- méme cilié. Cette disposition a sans doute pour effet, d’empé- cher l'entrée des corps étrangers dans l'intérieur de la cavité respiratoire. Les opercules surnuméraires que nous venons de décrire re- couvrent dix paires de lames branchiales , disposées en deux séries. Chaque paire, portée sur un pédicule quadrangulaire, se compose d’une lame externe ou recouvrante, et d’une lame recouverte. Ces deux pièces sont à-peu-près d’égale consistance; la lame recouverte peut se développer en vessie. Les deux premières paires de lames, agréablement marque- tées de raies noires très petites, dent quelques-unes sont dispo- sées en étoiles, ont leur bord libre , assez fortement cilié ; les cils sont rares dans les suivantes et ne se voient qu'aux lames recouvrantes , le long de leur côté externe. La lame recouverte de la deuxième paire est munie, chez les mâles (2), d’un stylet filiforme très long , droit et rigide. Le pédicule de ces lames peut les porter dans l'abduction , jusqu’à leur faire prendre une position verticale relativement à l'axe du corps. On les rencontre dans cette position lorsque l’ani- mal respire activement , ce qui a fait penser qu'elles lui serveut {x} Planche 6, figure 1. (2) La présence des stylets filiformes coïncide avec l'existence de deux pièces cornées, étroites , allungées , triangulaires , situées sur la ligne médiane, au devant de l'appareil respiraloire, el qui paraissent être des appendices générateurs. Ces appendices n'existent pas dans les individus dépourvus de stylets {les femelles). 182 DUVERNOY ET LERFBOULEEr, — Respiration des Crust. 150p. d'organes de natation. Leur peu de consistance nous empêche de leur attribuer cet usage, comme rames.Ces lames renferment en- core, après la mort, des restes du sang blanc qui circalait dans leur lacune, à l’instant où Panimai a péri. L'un de nous à vu, dans quelques individus, les lames recouvertes des deux der- nières paires, marquées transvérsalement de: stries tres'fines, serrées les unes contre les autres d'une manière assez régulière. L'appareil branchial, dans l/dotéelineaire et das l dotée hec- tique; nous a montré absolument la même structure: seulement les lames branchiales sont ici plus étroites. L’opercule corné pré- sente à sa face interne , entre sa portion libre ét le bord corres- pondant du segment abdominal , le même petit stylet cilié que nous avons vu dans les Idotées; mais ce stylet est encore plus grèle et plus court; le côté correspondant de la pièce oper- culaire est visiblement cilié. Le stylet qui accompagne la lame recouverte de la seconde paire, chez les mâles, est plus long que dans les Idotées : il dépasse la longueur de la lame elle- même. (1) Dans unouvragesur le développement deplusieurs animaux (2), M.Rathke a étudié, entre autres, l'appareil branchial de l'Idotea Bastert. On y voit que les deux opercules branchiaux qui tien- nentau dernier anneau de l'abdomen, n'ont éncorequede faibles” dimensions vers la fin de la vie embryonnaire , et ne recouvrent pas l'appareil branchial. Les branchies jusque-là restent à décou- vert. Les lames branchiales présentent cependant la même forme que chez l'adulte. (x) Sur trois Idotées hectiques , il y avait deux femelles chez lesquelles il n'existait ni stlets filiformies , ni appendices cornés en avant de l'appareil respiratoire. Dans le troisième, ainsi que daus un exemplaire de l’Zdot. linearis , ces deux organes existaient simultanément. {2) Zur Morphologie , Reisebemerkungen aus Tamier , von H. Rathke, Riga und Leipzig, 1839, PI. 2 , fig. 9-12, p. 56. Nous n'avons pas étudié l'appareil branchial du genré Anthure. La double lame operculaire décrite dans ce genre et tenant à un seul pédorcule rudimentaire, nous semble répondre à la première paire de lames branchiales du plan géuéral de composition de l'appareil branchial des Isopodes; de sorte que, dans ce genre, il n'en resterait qué quatre paires par série pour la respiration, L’est ici une simple présomption de notre part , que des observations viendront affirmer ou infirmer. DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Respiration des Crust. 1s0p. 183 11° Famirze. ASELLOTES. Genres. Espèces vbseruées. Apseude. I'° Tribu. HÉrÉROFODES. . . . . Rhoe. Tanaïs ! Linnorie. Aselle. L’Aselle d'eau douce. IL Tribu. Homoropes. . . . . . Jæra. Jæridine. Oniscode. 2° Branchies de la famille des Asellotes. L'appareil branchial est recouvert tout entier par un grand opercule , composé de deux pièces inégales, et porté sur une pièce basilaire très étroite et très courte. Les lames branchiales sont des feuillets minces ou des vési- - cules. Sous le grand opercule {l'animal étant placé sur le dos), se voit d’abord une vésicule allongée, petite, attachée à son angle interne. Cette première paire de lames branchiales, oper- culaire et vésiculeuse, est suivie de deux autres paires, dont la lame recouvrante nous a paru, dans la plupart des individus , un simple feuillet mince et comprimé , et dont la lame recouverte était seule dilatée en vessie; cependant nous avons rencontré plusieurs individus chez lesquels les lames recouvrantes étaient dilatées en vessie, tout aussi fortement que les vésicules propre- ment dites. On voyait alors, derrière la grande lame operculaire, cinq vésicules de chaque coté, disposées irrégulièérement par suite de leur distension. Les deux paires de lames branchiales qui seraient nécessaires pour compléter le nombre normal de dix , semblent remplacées par un appareil rudimentaire déjà indiqué vaguement dans la figure 2 de l'Aselle d’eau douce du Dictionnaire des Sciences 184 DUVERNOY ET LERFBOULLET. — Respiration des Crust. Isop. naturelles , cetappareil dont l’un de nous, M. Lereboullet, a des- siné avec soin tous les détails, est situé au devant des deux grands opercules, sur la ligne médiane. Il se compose, de chaque côté, en avant, d’une mer ovale , à boras ciliés, un peu concave à sa face Réstle insérée par son extrémité la plus étroite à l'angle externe d'une pièce basilaire, carrée. Cette lame peut être regar- dée comme répondant à la première paire de lames Bhntfiiles) La seconde paire est représentée par un petit appareil plus compliqué, exactement recouvert et protégé par la lame ovale : il se compose d’un grand pédicule quadrilatère , arrondi par son côté externe , et dont le bord libre et postérieur supporte deux pièces distinctes; l’une externe, bi-articulée , dont le dernier article est aplati et à bords ciliés, tient lieu de lame operculaire ou recouvrante ; l'autre pièce, articulée à l’angle interne de l’article basilaire commun, a la forme d’une vésicule irréguliè- rement ovalaire , et présente , tout près de sonarticulation, un petit appendice styliforme, recourbé en avant le long du bord interne de la pièce basilaire. Cet appendice styliforme rappelle exactement les appendices analogues que supporte la lame recouverte dans plusieurs /so- podes. C’est une raison de plus pour regarder la pièce avec laquelle il est en connexion, comme représentant une lame branchiale vésiculeuse ou respirante. Le curieux appareil que nous venons de décrire n'existe que chez les mâles, ainsi que l'avait bien vu Tréviranus. Ses usages ne se rattachent plus à la respiration : il paraît évidemment des- tiné à protéger les organes copulateurs et à les diriger dans l'acte de l’accouplement. Chez les femelles(1), on ne trouve,en avant des grandes lames operculaires , que deux plaques minces, arrondies, un peu ovalaires , à bords garnis de cils très longs , inclinées l’une vers l’autre, et chevauchant le long de la ligne médiane. (1) Le nombre des femelles serait-il moins considérable que celui des mâles dans le genre Aselle? Sur soixante-dix individus que nous avons examinés, il y avait cinquante-cinq mâles et seulement quinze femelles, . DUVERNOY ET LÉREBOULLET. — Aespiration des Crust. Isop. 185 Ajoutons, pour compléter la description de l'appareil bran- chial de l Ase/le d’eau douce , que ses lames branchiales respi- rantes , vues au microscope , ne montrent aucun réseau, mais un dépôt sanguin , inégalement répandu dans leur poche, et lui donnant une apparence marbrée. G. R. Tréviranus (1) avait reconnu l'appareil rudimentaire de J'Aselle d'eau douce; mais sa description est incomplete , et ses figures n’ont pas toute l’exactitude desirable. Le même auteur décrit, au contraire , avec une grande fidé- lité, les trois paires de lames branchiales , qui composent l’ap- pareil respiratoire proprement dit. 1] paraïîtrait, d'après une description publiée, dans la Revue philosophique d’Edimbourg , par J. Goldstream (2), sur l’orga- nisation et les mœurs de la Limnorie térébrante Léach., que le nombre des lames branchiales est également de trois paires par série, se recouvrant comme des tuiles. Chaque paire de lames est attachée à un pédicule commun. La lame recouvrante est ovale, la lame recouverte est ob'ongue , rectangulaire; leur bord est garni de soies. Ce nombre de paires de lames branchiales, semblable dans le genre Limnorie et dans le genre Aselle , confirme leur rappro- chement , adopté par M. Milne Edwards ( Histoire naturelle des Crustacés , tome 11 ). (1) l'ermischte Schriften,t. x, PI. 10, fig. 56, et PI. 12, fig.67,68 et 69, p. 70,74 el 75. (2) The Edinburgh Rew. Philos. Journ. volume xv:, Planche 6, figure x: 180 DUVERNOY ET LEREBOULLET. —— Respiration des Crust. 1sop: IIS Fame. CLOPORTIDES. Genres. Espèces obsercées. | Ligie. its É { re océanique Fab. I Tribu Marines (1). . . . | Ligie de Gaudichaud, nidie. AE : Ne Persooni Brandt. ( Oniscus agilis Persoon. } | A: Cloporte. - Oniscus murarius, Division EE d Philoscie . Philoscia muscorum Desm. es “É. Porcellio scaber Latr. Porcellionides. PoréelRon ch. pééraé Brie ; — armadilloides Lereb. — _trivitatus Lereb. Deto. , ichonisque, IL Tribu TERRESTRES,. Division US Platyarthre. des : ; Armadille. Ærmadilles. . Diploscoque. Armadillidie, 4rm. Zenekeri Brandt. Division des Tylus. . . T, Latreillii Aud. | Tylosiens. 3. Organes de respiration des Cloportides. A. PARTIE HISTORIQUE. Ce n'est que depuis peu d'années que les anatomistes et les zoologistes sont sur les traces des organes de respiration d’une partie des Cloportides terrestres ; c'est-à-dire des Cloportes, des Porcellions et des Armadilles ; mais ils leur ont donné deux dé- terminations bien différentes. Selon ïatreille, qui l’annonçait à l'Institut en 1814, les Cloportes respirent par une petite partie (r) Gette dénomination ne peut s'appliquer au genre Ligidie, qui comprend une seule espece , Ligidium Persoonii braudt , laquelle vit dans l'intérieur des terres. DUVERNOY EF LEREBOULLET. — « spiration des Crust. 1s0p. 187 jaunâtre , percée d’un trou et contenant à l'intérieur, de petits filamens. Il démontra cet organe dans les quatre premières écailles ou lames sous-caudales de ces animaux. (1) Au contraire, selon G. R. Tréviranus, qui publiait le résultat de ses recherches en 1816, deux années après celles de La- treille, ces deux premières paires de lames sous-caudales font partie de l'appareil génital, et non de l'appareil respiratoire (2). Celui-ci consiste, suivant cet auteur célèbre, dans les trois der- niéres paires de lames sous-caudales , où sous-abdominales, qui protègent et recouvrent autant de sacs membraneux dans les- quels le sang doit s’épancher pour la respiration. Du moins, Tréviranus tire-tl cette dernière conclusion d’une observation négative : il n'avait pu y découvrir de vaisseaux. M. Brandt, dans la Zoologie médicale (3), admet, sans res- triction, la description de G. R. Tréviranus. Meckel et MM. Carus et Rod. Wagner, dans leurs Traités généraux d'anatomie comparée , reproduisent, en citant son auteur , la même détermination, sans rien y ajouter pour la dé- velopper. Ils ne font pas même mention de celle de Latreille , qui valait cependant bien la peine d’être discutée , et qu'ils de- vaient connaître, au moins par le peu de mots que ce savant entomologiste avait imprimés, en 1817 , dans la première édi- tion du Règne animal de Cuvier. Il y est dit (tome 1, p. 58), à la vérité au sujet des Armadilles seulement : « Les écailles su- « périeures du dessous de la queue ont une rangée de petits « trous qui donnent passage à l'air. » Latreille développait encore cette manière de voir et l’étendait aux Cloportides terrestres , dans la seconde édition du même ouvrage, qui est de 1829. Il y écrivait que, chez ces animaux, « les premiers feuillets du dessous de la queue offrent une ran- « gée de petits trous où l'air pénètre et se porte aux organes de « la respiration qui y sont renfermés. » (4) {x) Histoire des progrès des Sciences naturelles, par Cuvier, Paris, 1828, t. 1x, p. 319. (2) Fermischte Schrifien, von G. R, Treviranus und L, Chr. Treviranus, Goettingen, 1816 , tome 1 ,in-4. (3) Médizinische Zoologie, Merlin , 1833, in. () Aègne animal, 1829, tome 1v pag, 141. 188 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Aespiration des Crust. 1sop. Aucun savant, que je sache, n'avait rien publié sur cette ma- nière de voir de Latreille, avant la communication faite à ce sujet le 27 avril 1839, à la Société Philomatique, par M. Milne Edwards (1). Il y annonça qu'il avait constaté, par l'observation directe, la détermination due à Latreille. Le même savant décrivait, dans cette communication, la struc- ture singuliere des organes de respiration des 7ylos, qu’on ne connaissait encore que par une figure publiée par M. Savigny, dans l'ouvrage sur l'Égypte. Tel était l’état de la science, lorsque nous avons entrepris, au mois de septembre et d'octobre de l’année dernière, de dé- couvrir, par de nouvelles recherches, de quel côté était la vé- rité, et si elle ne se trouverait pas dans l'une ou dans l’autre opinion ? Nous ne nous sommes pas bornés à des recherches purement anatomiques. Nons avons observé un grand nombre de Cloportes et de Porcellions, et un moindre nombre d'Armadilles, dans l’é- tat de vie, ayant une circulation et une respiration plus ou moins actives, dont nous avons étudié les phénomènes. Les résultats de ces premières recherches ont été réunis, ainsi que nous l’avons déjà dit, dans une Note lue, par l’un de nous, à la Société du Muséum d'histoire naturelle de Strasbourg, dans la séance du 27 novembre 1830. (2) Depuis lors, M. Milne Edwards a fait paraitre, au commen- cement de cette année, dans la 90: hvraison du Règne animal de G. Cuvier, PI. 71 des Crustacés, de très belles figures des deux premières lames branchiales operculaires de la femelle du Porcellion rude, montrant le corps blanc qu’elles renferment. Ces organes sont décrits plus en détail dans le texte du tome 11 de l'Histoire naturelle des Crustacés, offert à l'Académie des Sciences le 27 janvier 1840. Cette description, relativement aux corps blancs,est d’ailleurs conforme à la communication qui avait été (1) L'Institut, 1839 , n. 280, page 152. (2) Voir l'Znstitut du 19 décembre 1839, p. 449 et 450, et notre fig. 8, préseutce à la mème Sociéle, en même lemps que la note, DUVERNOY ET LEREBGULLET, — Aesptration des Crust. Isop. 189 faite à leur sujet,à la Société Philomatique, au mois d’avril 1839, communication que nous avons déjà citée. Le desir bien naturel que nous devions avoir de multiplier nos recherches, afin de les perfectionner; l'intérét qu’elles nous avaient présenté pour tâcher de découvrir la vérité sur le siège et la nature d’un organe aussi essentiel que celui de la respira- tion; le désaccord sur ces deux points entre des autorités qui méritent toute confiance , a été pour nous un motif de redoubler de soins pour parvenir à lever, sil était possible, tous les doutes à cet égard. Nous ne nous flattons pas cependant d'y être par- veus completement. Cet exemple de limperfection de nos connaissances, ou de leur incertitude, sur la manière dont respire un animal aussi commun que le Porcellion et le Cloporte, prouvera, parmi tant d’autres, combien de questions restent encore indécises sur la science de la vie, même pour les animaux les plus vulgaires. B. PARTIE DESCRIPTIVE. Cette famille comprend les Zsopodes les plus terrestres, ou, si l’on veut, les moins aquatiques. Il y en a même un certain nombre (les C/oportes , les Porcellions, les Armadilles , etc.), qui périssent au bout d’un temps plus ou moins court, qui ne se mesure pas même par jours, mais par heures, lorsqu'ils sont entièrement submergés. Ils meurent aussi, à la vérité, très vite dans un air sec, et d'autant plus promptement, qu'ils sont ex- posés, en même temps, à l’action de la lumiere solaire. On conçoit l'intérêt que doit avoir, pour la physiologie de la respiration , lexamen détaillé des organes qui remplissent cette fonction importante de la vie chez ces animaux. Ces organes, qui ne peuvent respirer que l'air humide, sont- ils des branchies, conformément au plan général de la classe, qui est essentiellement aquatique? Ce serait un second exemple, assez difficile à comprendre et à expliquer ; de Crustacés qui ne peuvent vivre dans l’eau, quoique avec des organes de respira- tion aquatique : je veux parler, pour le premier, des Décapodes 190 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — /espiration des Crust. 1sop. brachyures de la tribu des Gécarciniens ; appelés vulgairement Crabes de terre. (1) Ou bien ces animaux respireraient-ils par des poumons ou par des trachées, ou par quelque organe de respiration aérienne, arrangé sur un plan nouveau, qui bornerait la faculté de respi- rer l'air en nature, à la condition qu’il serait chargé d'humidité? Nous verrons tout-à-l'heure que l'ensemble de J'appareil res- piratoire n'est pas différent, dans cette famille, de celui des autres Isopodes, et que, si le fond de la structure parait changé, pour plusieurs genres, dans quelques parties seulement de cet appareil, ce changement n’a pas lieu dans l’un des genres les plus terrestres , le genre C/oporte. En général, l'appareil respiratoire des Clopsortides se compose de lames branchiaies operculaires et vésiculeuses. Mais ici, les lames protectrices sont plus nombreuses que les lames vésicn- Jeuses, comme chez les Sphéromides ? La Ligie océanique en a cinq pour chaque série. La premiere, dans les femelles, est cordiforme, les suivantes rhomboïdales, à bord externe arrondi, à bord interne coupé en ligne droite ; la dernière approche de la forme triangulaire par l'allongement de son angle interne et postérieur. Ces lames vont en augmen- tant de la première à la troisième, qui est la plus grande; la quatrième et la cinquième sont un peu moindres. La première lame à un petit appendice extérieur ; la seconde un lobule ex- terne qui en est profondément séparé. Ces pièces operçulaires sont toutes articulées à l’extrénité externe d’une côte qui forme la portion inférieure du segment abdominal correspondant. Elles exécutent, sur ce point, des mouvemens de bascule en dehors et-en avant, pour permettre l'accès de l'eau. L'extrémité interne de la côte est libre et munie d’une petite apophyse ou crochet triangulaire dont la pointese dirige ensar- riére et augmente d'étendue de la première côte à la cinquième. Les mâles (2) présentent quelque différence que nous croyons devoir noter. Les lames ont leur angle postérieur interne un {s) Histoire naturelle des Crustacés, par M. Milne Edwards, tome 2, page 16, Paris, 1835. (2) Sur seize individus que nous avons observés, nous n'avons dtrouvé:qne deux: mâles: DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Aéspiration des Crusl. 150p. 191 peu plus prononcé; le crochet interne de la côte est plus sail- lant, plus long, surtout pour la quatrième et la cinquième lame. Mais ce qui caractérise surtout les mâles, c’est l'existence d’un appendice styliforme long et grêle, articulé, à angle droit, à l'extrémité d’une pièce arrondie qui remplace la côte apparte- nant à la seconde lame. Ce stylet (1), très étroit, porté direc-_ tement en arrière, atteint le niveau du bord postérieur de la quatrième lame operculaire; son extrémité libre est aplatie et légèrement dilatée : elle présente, sur l'un de ses côtés, quelques dentelures très fines. Ce stylet est analogue, comme on voit, pour sa disposition et ses rapports, à celui que nous avons dé- crit dans les genres précédens ; il caractérise nettement les mâles. Les deux premières lames operculaires ne recouvrent pas de vésicule branchiale développée. Il n'y a qu’une légère expansion membraneuse, un peu moins prononcée dans le premier seg- ment abdominal que dans le second. Dans plusieurs exem- plaires, cette expansion du deuxième segment abdominal res- semblait même à une petite vésicule. Mais chacune des trois dernières lames operculaires recouvre une vésicule branchiale aplatie, dont la surface montre des élé- vations et des enfoncemens irréguliers , correspondans aux ca- naux qu'interceptent les parois internes de ces vésicules, et que l’on trouve plus ou anoins remplis de fluide nourricier. Leur aspect, vu à la loupe, «est entièrement analogue à celui des lames branchiales des Zimules ou des Crubes. L'un de nous, M. Lereboullet, a eu l’heureuse occasion d’é- tudier les branchies de la Ligie des Hypnes (Ligidium Personii Brandt, Ligia lypnorum Vatr., Oniscus agilis Persoon), daus deux individus seulément, un mâle et une femelle, trouvés par lui, au mois de Juin dernier, dans la forêt de Hagnenau, parmi des touffes très humides de l'Æypnum tamaricinuwm. Il nous intéressait d'autant plus de connaître les tbranchies de cette espèce, qu'elle appartient à un groupe d'animaux ma- ritimes qui vivent parmi les rochers des bords-de la mer ; tandis que la ZLisidie des Hypnes se tent dans l’intérieur des terres (x) PL 6, fige 4, c. 192 DUVERNOY ET LFREBOULLET. — Éespiration des Grust. 1s0p. dans les endroits humides, comme les Cloportes et les Porcel- lions, dont elle parait avoir les habitudes. Nous allons voir que, malgré cette diflérence de séjour , il existe les plus grands rap- ports entre les organes respiratoires de la Lygidie et ceux de la Ligidie océanique dont on vient de lire la description. La petitesse de ces organes, et leur transparence, en ontrendu l'observation difficile ; cependant nous sommes parvenus à les voir assez bien pour les dessiner, après les avoir séparés du corps. Les lames operculaires, au nombre de cinq de chaque côté, se trouvaient, dans nos deux individus, dans un état d’abduc- uon complet, en sorte que leur côté interne était devenu posté- rieur, à la vérité pour les trois dernières lames seulement. Nous avons représenté la quatrième et la cinquieme lame dans cette position (PI. 6, fig. g et 10). On voit, par nos figures, que la première lame a la forme d'un triangle, à sommet mousse, postérieur; la deuxième, allongée transversalement, est extrêmement mince, trans- parente, et porte à son bord interne quelques cils très courts ; la troisième et les suivantes ont aussi une forme à-peu-près rhomboïdale. Ces lames sont articulées, par l'angle antérieur de leur bord externe, à une côte analogue à celle dont nous avons parlé plus haut. Elles se meuvent avec la plus grande facilité sur cette ar- ticulation, et peuvent éprouver un écartement considérable. L’apophyse interne de cette côte est proportionnellement plus développée que dans la Ligie océanique, et forme même une véritable lame accessoire qui acquiert un assez grand dévelop- pement dans la première pièce operculaire (fig. 5, e ). Cette lame accessoire se termine par une soie ; elle est destinée à compléter en quelque sorte la lame principale, qui aurait été trop petite pour protéger la vésicule sus-jacente. M. Lereboullet a parfaitement distingué, dans les lames dont nous parlons, les canaux qui donnent passage au fluide nour- ricier : ils règnent le long des bords antérieur et postérieur, et sermbleraient même communiquer par un réseau tres fin, mais assez distinct. Il nomme, par analogie avec les courans que nous DUVERNOY ET LEREBOULLFT. — Aespiration des Crust. Isco. 193 avons vus sur le vivant chez les Cloportes et les Porcellions , canal afférent, celui qui règne le long du bord antérieur, et ca nal efférent celui qui lui est opposé. Le reste de la lame est oc- cupé par une matière granuleuse. Le bord de toutes ces lames est renforcé par un filet très fin, de nature cornée; des soies courtes et peu nombreuses gar- nissent le bord interne. Les lames operculaires du mâle sont toutes plus allongées ; la côte de la deuxième lame supporte, comme dans la Ligie océa- nique, un stylet génital, mais beaucoup plus développé à pro- portion, plus élargi à son extrémité et recourbé en dehors. Ce stylet dépasse le dernier segment abdominal. De même que dans la Ligie océanique, les deux premières lames ne recouvrent pas de vésicules, mais la côte supporte une expansion membraneuse proportionnellement tres développée. Les vésicules branchiales, au nombre de trois de chaque côté. sont grandes, épaisses, remplies de matière granuleuse ; leur bord postérieur est échancré, et présente en dedans une pointe mousse. Ces vésicules sont presque aussi développées que les opercules qui les protègent. Les autres genres de cette famiile que nous avons observés, les Cloportes, les Philoscies, les Porcellions et les Armadilles, n'ont de même que trois vésicules branchiales développées pour cinq lames operculaires. Le plus grand nombre normal, celui de dix lames branchiales, operculaires et vésiculeuses , n’existe dans aucun de ces genres. Nous verrons d’ailleurs tout-à-l’heure, ainsi que nous l'avons annoncé dans nos généralités, que les lames operculaires doivent étre considérées comme servant encore à la respiration. 1° Lames branchiales operculaires des Cloportes.—Les Clo- portes proprement dits ont dix lames branchiales operculaires en double série, attachées sous les derniers anneaux du corps, à l'extrémité externe d'un article basilaire, sorte de petite côte dont l'extrémité interne est munie d’une apophyse saillante di- rigée eu arrière. Ces lames sont extrêmement minces, transpa- rentes , et paraissent avoir, au moins dans leur feuillet intérieur XV, Zoou, — Avril, 15 19/4 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Aespiration des Crust. lsop. ou externe, la consistance du parchemin. Les cinq lames d’une série se recouvrent comme des tuiles. Leur forme varie dela première à la cinquième. Larges à leur base, qui est en avant, elles se prolongent en arriere, en pointe aignë par leurs bords interne et postérieur. Cette pointe est tres saillante dans les deux premières lames des Cloportes femelles. Elle est encore saillante et obtuse dans la troisième et la qua- trième. Elle est aiguë et peu saillante, ce n’est plus que l’angle du rhombe que forme la lame, dans la cinquième. Dans les mâles, ces lames sont beaucoup plus allongées; leur angle postérieur surtout est long est très aigu. La portion inférieure da segment abdomninal, ou la côte, à l'extrémité externe de: laquelle est articulée chaque lame , se termine en dedans par une petite apophyse dirigée en arriére. Les deux premières lames semblent composées de deux por- tions : l’une interne, triangulaire, où plutôt en croissant ; l'autre externe, formant un segment de cercle: Ces deux portions se distinguent encoré dans les trois plaques suivantes, mais elles ont changé de forme : l’interne s’élargit dans la troisième , et prend la forme rhomboïdale dans la quatrième, et surtout dans Ja cinquième ; lexterne conserve sa forme arrondie, mais elle ne semble plus qu'un appendice de l’autre. La forme que nous venons de décrire est celle de chaque plaque vue du côté supérieur ou interne; elle est un peu diffé- rente du côté inférieur ou externe. En général, chaque lame a évidemment deux feuillets, un supérieur et interne, très mince et seulement membraneux ; l'autre inférieur et externe, beaucoup plus consistant, ainsi que nous l'avons déjà dit. Ces deux feuillets forment le sac externe de la lame, en continuité avec les tégumens. Il est à supposer qu’elle en renferme un autre formant la lacune dans laquelle s’'épanche une partie du fluide nourricier pour la respiration, et dont les parois sont en rapport de continuité avec celles des réservoirs du fluide nourricier. C’est ici une organisation que nous concevons & priori, Mais que nous ne sommes pas encore parvenus à démontrer. On peut séparer l’un de l'autre les deux feuillets évidens de NUVERNOY ET LEREPOULLET. — Aespéralion des Crust. Isop. 105 chaque lame, et étudier ainsi leur disposition : on voit alors que le feuillet supérieur ou interné, d’une minceur extrême, pré- sente cependant encore une certaine résistance; attaché, d’ane part, au bord interne de la lame, il se continue, en dehors, sur la portion externe et arrondie de la lame; puis, se repliant sur lui-même, il vient s'attacher au bord externe correspondant du feuillet inférieur: Il résulte de cette disposition, que la portion externe de chaque lame , celle qui forme un segment de cercle, est entièrement et uniquement constituée par la membrane dé- licate qui forme le feuillet viscéral ; c'est pour cette raison que cette portion externe est beaucoup plus mince, plus transpa- rente que le reste de la lame. Il est à supposer que c’est priuci- palement dans cette portion externe que se fait l’hématose; on y distingue une apparence de réseau très fin, formé de traits en relief qui affectent une direction plus ou moins rayonnée. Enfin, les lames branchiales operculaires, que nous décrivons en détail, sont soutenues et bordées par un cercle de substance plus consistante , analogue à celui que l’un de nous a décrit chez les Limules. Leur bord est garni extérieurement d’une série de quelques soies, qui, sous certains aspects, produisent à l'endroit de leur insertion une apparence de trous. Nous avions même pensé, dans le cours de nos recherches, que c'était cette apparence qui avait fait illusion à Latreille sur l’existence de cette série d’orifices respirateurs qu'il indique dans les Cloportides, qui existent, en effet, dans les Porcellions et les Armadilles, mais que l’on n’ob- serve pas dans les Cloportes propres. Dans les mäles, les deux premières paires de lames opercu- laires ont des caractères particuliers d'organisation qui sont re- latifs aux fonctions de la génération. Le stylet génital postérieur tient, comme à l'ordinaire, à la deuxième côte, dont il n’est réel- lement qu’un appendice. ù 2° Vésicules branchiales.—Les trois vésicules branchiales sont protégées par les trois dernières lames operculaires. Elles sont attachées à une portion du bord inférieur de l'article basilaire de ces lames , et à l’'apophyse interne de cet article, Ces vésicules sont loin d'avoir les dimensioris des lames operculaires. 4 PA 190 DUVERNOY ET LERFBOULLET. — Aespiration des Crust. Isop. Nous ne les regardons pas, avec Tréviranus, comme le siège unique de la respiration, et nous pensons que l’action de l’élé- ment ambiant sur le fluide nourricier a lieu aussi dans toutes les lames branchiales operculaires, dont la lame interne ou supé- rieure est très mince, et dans lesquelles il se fait une circulation tres active. La transparence et l’extrême minceur des lames operculaires permet d'observer les mouvemens rapides des glo- _bules sanguins dans la grande lacune qu’elles interceptent. Ces globules semblent y tomber comme des grélons. Nous revien- drons sur cette circulation après avoir décrit les organes de res- piration des Philoscies, des Porcellions et des Armadilles. Appareil branchial des Philoscies. — L'appareil branchial des Philoscies tient en quelque sorte le milieu entre celui des Cloportes que nous venons de décrire, et celui des Porcellions et des Armadilles. Comme dans les Cloportes, les lames oper- culaires des Philoscies sont privées de ces corps blancs si re- marquables , que l’on rencontre dans les deux autres genres; tandis que, par la forme des lames operculaires et par leur con- sistance, ces animaux se rapprochent plutôt des Porcellions que des Cloportes. Un fait digne de remarque, c’est que les rapports tirés des organes respiratoires qui lient les Philoscies aux Clo- portes et aux Porcellions, se retrouvent dans les caractères ex- téricurs de ce genre. On sait, en effet, que les Philoscies ont, comme les Cloportes, huit articles aux antennes , tandis que leur corps rugueux et leur Aabitus tout entier les rapproche des Porcellions. Il existe, dans les Phrloscies, cinq lames operculaires en deux séries, se recouvrant régulièrement les unes les autres. Leur forme générale est celle d’un rhombe arrondi par son côté ex- terne, ayant son angle interne et postérieur à peine prolongé en pointe. Les premieres et dernières lames différent des autres: la premiere de chaque série est plus petite et a ses côtés plus arrondis ; la dernière affecte la forme d’un ovale dont le petit bout est tres allongée et se dirige en arrière. Le bord postérieur de ces lames operculaires est garni de quelques poils très courts ettres espacés. Ces lames ne présentent, en dehors, aucune trace des lobes DUVERNOY ET LEREBOULLEL. — Atéspiration des Crust. Isop. 197 que nous avons vus dans les Cloportes ; leur consistance est, à proportion, plus grande que dans ces derniers animaux. Chacune des trois lames postérieures protège une vésicule assez développée, tres distendue pendant la vie, quand on ob- serve l'animal sous l'eau. Il n’existe aux deux lames antérieures aucune trace de vésicule. (1) Les mâles ont leurs lames sous-abdominales plus allongées , par suite du prolongement de leur angle postérieur interne. Les stylets générateurs sont disposés comme chez les Cloportes et les Porcellions. Appareil de la respiration dans les Porcellions et les Arma- dilles. — Dans les Porcellions et les Armadilles, les lames bran- chiales operculaires, également au nombre de cinq par série, nous ont paru généralement plus larges et moins longues que celles des Cloportes. Elles sont de mème partagées, mais d’une manière moins tranchée, en upe portion interne triangulaire , et en une portion externe arrondie, formant coinme un talon, du moins dans les deux premières lames. Corps blancs des deux premières paires de lames operculaires. — Ces deux lames, au moins dans les deux genres en question, renferment entre leurs deux feuillets un corps ayant l'apparence générale blanc de lait, quelquefois même un peu jaunâtre. Ce corps se voit particulièrement dans la partie externe ou le talon de chacune de ces lames (2); il s'étend ur peu au-delà en se rapprochant de la ligne médiane, et en se déployant de ce côté eten avant. Logé dans une fossette du feuillet externe ou infé- rieur, qui est plus consistant et comme corné, il produit dans la face externe ou aérienne de cette lame, une bosselure à l’en- droit correspondant à la fossette. Du côté interne ou supérieur de la même lame, le corps blanc (1) Malgré l'extrême petitesse de ces animaux, nous avons très bien vu te mouvement des branchies , sous un grossissement de 50 diamètres. Les lames operculaires se séparent les unes des autres et de la ligne médiane , comme dass les Cloportes et les Porcellions. Pendant ce mouvement d'abduction, on voit les vésieules, distendus par le fluide uourricier, suivre ce même mouvement, La première lame operculaire ne nous a pas paru se mouvoir, el la seconde n'éprouvait qu'un écartement trés faible, (2) Planche 6, figure 12,0, d. : 198 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Aespiralion des Crust: 1sop. est recouvert par un feuillet mou et simplement membraneux. C’est surtout de ce côté que l’on doit étudier la structure de cet organe. Un peu en deçà du bord de la lame branchiale, à-peu-près à la partie moyenne de la longueur transversale du corps blanc, se voit une fosseite ovale (1), qui paraît comme une bouton- nière. Observée au microscope, en posant la lame un peu de champ, cette fossette montre, dans le fond de sa cavité, quelques points noirs, qui ont paru à l’un de nous comme les embou- chures des canaux que ce corps semblerait intercepter. Ge ne sont peut-être que des pores, irréguliers pour le nombre et la position, de la substance spongieuse de ce corps arborescent. Ses derniers ramuscules , qui se voient dans sa circonférence, prennent ici, par leur couleur argentée, l'apparence de fines trachées. (2) On dirait que le feuillet membraneux des deux premières lames operculaires, se replie et se divise dans la lacune de cette lame, pour constituer ce singulier organe. Nous l'avons décou- vert, par exception, dans les cinq paires de lames operculaires d’une espèce de Porcellion (3) que nous croyons nouvelle, et qui a la faculté de se rouler complètement en boule, comme les Armadilles. Tout récemment, l’un de nous, M. Lereboullet, vient de rencontrer la même disposition dans une autre espèce du même genre qui se distingue par trois bandes de couleur pale qui règnent le long du dos. (4) Cette observation prouve du moins, une identité de fonction des cinq lames operculaires ; elle démontre qu'on aurait égale- ment tort de séparer, sous cé rapport, les trois dernières des deux premières . et réciproquement. La véritable organisation des corps blancs est difficile à dé- couvrir, et, malgré toutes les peines que nous nous sommes (x) Plauche’6, figure 14, a. (2) Planche 6, figure 14 ,c. (3) Planche 6, figure 13,c,d,e,f,g. (4) M. Lereboullet, qui doit décrire en détail ces deux espèces, proposera de désigner la premiere sous celui de Porcellion armadilloïde ( P. armadilloïdes ) , et la seconde sous celui de Porcellion à trois bandes ( P, trivittatus ), DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Hespiration des Crust. 1s0p. 199 données pour y parvenir, nous ne sommes pas CONVaincus que notre manière de voir soit le dernier mot de la science. Il a paru à l’un de nous, M. Duvernoy, une sorte de trachée spongieuse circonscrite, ayant pour fonction d’absorber l'air chargé d'humidité et de le mettre en contact avec le fluide nour- ricier, sans cependant que cette fonction lui soit exclusive ; car le fluide nourricier qui circule dans la lacune dans laquelle s’a- vancent les ramifications du corps blanc, peut encore subir l'action du fluide ambiant (comme cela a lieu dans la plupart des cas et dans les trois dernières lames branchiales) à travers le feuillet membraneux de leur face supérieure. Ne pourrait-on pas comparer, en quelque sorte, ce corps blanc, du moins sous le rapport de la faculté absorbante de Phumidité, avec ces mo- difications, dans le même but fonctionnel, qui ontété décrites dans la membrane qui tapisse la cavité branchiale de certains Brachyures terrestres? M. Lereboullet, qui a étudié ce corps avec beaucoup de soin, postérieurement à nos observations communes , pense qu'il sert a diviser le sang qui parvient dans la lacune , bien entendu que l'action du fluide respirable a lieu toujours à travers la paroi supérieure de cette lacune. Voici ce qu’il m'écrivait à ce sujet, le 31 mai dernier : « J'en viens maintenant aux recherches longues, minutienses «et fatigantes que j'ai faites sur la disposition «et la structure « de ces prétendues poches aériennes. « Le Porcellion armadilloide, qui possède des corps blancs à « toutes ses lames, présente üne disposition qu: peut mettre sur « la voie. Les corps blancs de la quatrième et de la cinquième « paires sont petits ét pour ainsi dire rudimentairés. Examinés « au microscope, on-voit qu'ils sont constitués par une mem- « brane trés fine, formant une sorte de sac dont les bords sont « attachés aux deux feuillets dont se compose la lime. Ayant sé- «paré ces deux feuillets, comme on séparerait deux feuilles de « papier collées l’une contre l’autre, j'ai mis le corps blane à nu, «et j'ai pu en examiner les ramifications à l’aide d’un grossisse- « ment de 240 diametres. Je me suis servi , pour cette recherche, « d'un excellent microscope-de Pistor, que M. le professeur 200 NUVERNUY ET LEREBOUILET. — Respiration des Crust. Isop. « Widler a bien voulu mettre à ma disposition. Je me suis assuré « que les ramifications du corps blanc n'étaient nullement tu- « buleuses ; elles n’offraient aucune trace de cette ligne ombrée « qui sert à reconnaître les vaisseaux les plus fins, mais elles présentaient tout-à-fait l’aspect de membranes laciniées. Je « puis citer ici le témoignage de M. Widler, qui a beaucoup « d'habitude dans ces sortes de recherches; après un examen attentif, il est resté convaincu que ces ramifcations étaient purement membraneuses. à à ñ « Dans les lames antérieures, qui ont leur corps blanc plus « développé, le bord externe du feuillet viscéral ou supérieur « n’est pas de niveau avec le bord externe de la lame , il existe «entre les deux un intervalle occupé par une partie du corps « blanc. Celui-ci est donc à découvert dans cet endroit. En l’exa- « minant avec attention (à un grossissement de 50 diamètres), « on voit qu'il présente des plis transverses qui rappellent les « vésicules plissées ‘des Sphérômes; ces plis paraissent se pro- « longer dans l'intérieur de l’espace compris entre les deux « feuillets; mais ici, les parois de la membrane plissée sont hé- «a rissées de ramifications membraneuses d’une ténuité extrême. « Dans le Porcellio scaber , le corps blanc est entièrement « caché entre les deux feuillets de la lame. Puur chercher à en « reconnaître la structure, j'ai fait un grand nombre de coupes « dans le sens de l'épaisseur de la lame, et j'ai examiné ces « coupes sous leurs deux faces. Fai vu que le feuillet membra- « neux ou viscéral, arrivé au bord de la boutonniére, se replie « sur lui-même, se prolonge jusqu’au-delà de la moitié du corps « blanc; puis, remontant vers le feuillet corné, atteint le bord « de ce feuillet et se confond avec ce bord libre. Il en résulte « une sorte de poche dont les parois sont recouvertes par les « nombreux appendices laciniés dont j'ai parlé plus haut. Les « trous qu'a figurés M. Milne Edwards ne sont pas toujours ar- « rondis, souvent ils sont plus ou moins ovales ou linéaires , et « alors il n'y a pas bien loin de cette disposition à celle qui se « voit dans le Porcellion armadilloïde. Pour exprimer clairement ma pensée au sujet de ces organes, je crois que les trous que l'on aperçoit au fond de la boutonniere, dans le Porcellion DUVERNOY ET LEREDOUELET. — Aespiration des Crust. Isop. 201 « rude, sont produits par le froncement de la membrane ren- « trée qui forme le corps spongieux : cette explication s’applique « du moins au Porcellion armadilloïde, dans lequel , au lieu de « trous, on voit distinctement les rainures qui séparent les plis «les uns des autres. Je pense donc qe les corps blancs sont « constitués par des poches membraneuses formées ainsi que je « viens de le dire, et destinées à recevoir de l’eau aérée ou à être « simplement humectées par ce liquide; que les ramifications « dont ces poches sont hérissées ne sont-nullement tubuleuses , « mais uniquement membraneuses.Ces membranes nombreuses, « finement laciniées, serviraient à diviser le sang, afin que les « globules arrivent, pour ainsi dire, isolément contre les parois « humides des poches respiratrices. » M. Lereboullet, dans des recherches subséquentes, faites tout récemment, a trouvé la composition des cinq corps blancs du P. trivittatus analogue, pour l'essentiel, à celle de ces mêmes organes dans le P. armadilloëde ; seulement les corps blancs du premier sont moins développés, et la partie de cet organe qui se trouve à découvert, ne présente pas de plis, ou du moins ceux-ci sont très peu sensibles. Dans les jeunes individus, le corps blanc est très simple et ne se compose que de ramifica- tions rares et d’une ténuité extrême, sans aucune trace de poche ou de sac. Cette espèce, de même que le Porcellion armadilloïde, n'a que trois vésicules branchiales de chaque côté, comme dans les Cloportes et les Porcellions ordinaires. Ces vésicules sont plus développées, plus épaisses dans le Porcellion à trois bandes que dans les autres. C. PARTIE EXPÉRIMENTALE. 1° Observations sur la circulation du sang dans les lames branchiales. Nous avons vu facilement, au microscope, la circulation des globules sanguins, et conséquemment les courans du fluide res- pirant, dans le vide ou la lacune des lames branchiales opercu- 202 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — /espiralion des Crust. 1s0p. laires. Dans les Cloportes qui n'ont pas de corps blancs, on peut suivre les mouvemens des globules dans toute l'étendue des lames, mais il y a des parties où cette admirable cireula- tion, où ces courans sont plus évidens. A Cette circulation, que nous avons étudiée ensemble pour la première fois, au mois d'octobre (1839), nous a donné la dé- monstration que ces lames sont de grandes lacunes, ainsi que l'avait présumé Treviranus, des lames vésiculeuses ou bran- chiales proprement dites, par suite de l'impossibilité où il s'é- tait trouvé d’y découvrir des vaisseaux. On observe un certain ordre dans les mouvemens, des glo. bules, qui indique une sorte de régularité dans les courans qui les entrainent. En général, c’est le long du bord externe des lames que paraît s'effectuer leur retour. Cependant il y en a aussi qui partent de ce bord pour se diriger vers la ligne médiane et comme pour parcourir, dans ce sens, toute l'étendue trans- versale de la lame. Dans les lames des Porcellions qui renferment un corps blanc, ces conrans se perdent sous ce corps blanc, ou se dégagent de dessous ses ramifications. Voici d’ailleurs les détails de quelques- unes de nos observations. Je les extrais de la correspondance de M. Lereboullet, parce que je les y trouve toutes rédigées et que les miennes que j'ai faites séparément, leur sont entière- ment conformes, pour l'essentiel. « J'ai cherché à voir cette circulation, dont vous me parlez, autour des corps blancs (1), etenfin j'y suis parvenu. Non- seulement j'ai. vu distinctement, comme vous, les globules ar- river par le bord antérieur de la lame , de dehors en dedans, se porter le long du bord interne, jusque vers la pointe et eptourer les ramifications du corps blanc, en pénétrant même entre ces ramifications; mais encore , ayant redressé la lame, J'ai vu hier les globules traverser l'épaisseur du corps blanc, en se glissant entre ses ramifications , et se réunir à l’angle externe de la lame, à son point d’articulation avec la côte, pour se porter delà vers l’intérieur de l'animal. (x) Lettre de M. Lereboullet du 24 avril 1840. DUVERNOY ET LEREBOULLET. — AResptralion des Crust. 1sop. 203 Bien convaincu de cette circulation, j'ai fait sur le vivant des injections d’eau colorée avec du carmin, par les pattes et aussi par le cœur , en introduisant le tube entre le premier segment abdominal et le dernier segment thoracique (afin de mieux apprécier, selon vos désirs, la nature des corps blanes et le rôle qu’ils jouent dans la respiration ). J'ai vu les corps blancs se colorer aussitôt en rouge. Les plaçant ensuite sous le mi- croscope, leurs dernières ramifications m'ont paru de cette couleur. Les intervalles des SN n'étaient pas colorés, la masse elle-même du corps spongieux était d’un rouge uni- forme et persistant, malgré le lavage de la lame dans l’eau. Après ces essais. j'ai eu l’idée de ne faire que des injections incompiètes , afin de voir par quelle partie le corps blanc com- mence à s’injecter ? J'ai vu qué c'était d’abord l'angle externe de la plaque, puis la circonférence antérieure du corps qui devenait rouge; le reste conservait sa couleur blanche. Enfin jeme suis contenté de ne pousser dans l'arbre cireu- latoire qu'une quantité trés minime de solution de carmin , afin de suivre la mggche des globules colorés. J'ai vu un bon nombre de ces globules rouges arriver par le même chemin que vous avez observé avant moi, se porter entre les ramifi- cations du corps spongieux et s’y perdre. N'y aurait-il, dans toutes ces injections , qu'une simple £einture du corps blanc? En comparant les Porcellions et les Armadilles , on voit que la marche du sang est absolument la même : le, vaisseau affé- rent suit le bord antérieur de la lame, verse les globuies dans la lacune; puis ceux-ci , après avoir été agités comme des gré- lons dans la portion externe de la lame ( chez les Cloportes), reviennent au cœur par l'angle externe et par un vaisseau si- tué au-dessus de Ja côte. » Dans une lettre du 8 mai 1840, M. Lereboullet donne à M. Du- vernoy de nouveaux détails des observations qu'il a continuées sur la circulation branchiale des Cloportes et des Porcellions. Ces détails résument les nombreuses observations faites à Paris 204 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Àespiration des Crust. Isop. et à Strabourg parles auteurs du présent mémoire; ils devaient en faire partie. J'ai étudié long-temps, et à plusieurs reprises, la circulation dans les Cloportes , le Porcellion rude, et celui que je continue de nommer Armadilloïde (à cinq paires de corps blancs). J'ai vu que cette circulation est la même dans tous. Il existe à la base des lames sous-abdominales deux vaisseaux que l’on distingue très bien en redressant les lames. Le li- quide contenu dans ces vaisseaux circule dans deux directions opposés. Dans l’un , le vaisseau antérieur, le sang marche de dedans en dehors et se rend dans l'épaisseur de la iame, en y pénétrant par son angle externe; dans l’autre, placé immédia- tement derrière celui dont je viens de parler, les globules se portent de dehors en dedans : ce sont les globules qui revien- nent de la lame et se rendent au cœur. On pourrait donc nommer le premier vaisseau |afférent (par rapport à la bran- chie) et le deuxième vaisseau efférent. L'existence de ces deux vaisseaux, dont je suis bien sûr, confirme une assertion avancée, sous forme de doute, par M. Milne Edwards (Hist. nat. des Crustacés, t. 1, p. 117). — « Il paraît, dit cet auteur, dans ses généralités sur les Isopodes, exister aussi des canaux qui conduisent des lamelles respira- toires sous-abdominales au cœur. » — Mais le canal qui ap- porte le sang dans la lame ne m'a pas paru former de lacune hors de la lame et avant de se terminer dans la lacune de cette lame. C’est au bord antérieur de l'angle externe qu’on voit déboucher le gros vaisseau, et c’est là seulement que cem- mence la lacune. Le sang, une fois arrivé dans cette cavité, suit son bord antérieur, puis se porte vers son bord interne; mais , dans ce trajet , on voit des globules quitter leur route et se précipiter vers le bord externe de la lame, d’où, après avoir été ballottés, ils s'échappent sans doute par un vaisseau situé à côté du vaisseau afférent. Je dis sans doute , parce que je n’ai pas vu simullanément les deux vaisseaux dans l’angle externe ; on ne les distingue bien nettement que le long de la côte ou pièce basilaire du segment abdominal. Cette circulation une fois bien vue et bien comprise dans les Cloportes, je l'ai étudiée DUVERNOY ET LÉRFBOULLET. — Aespiration des Crust. 1sop. 205 dans les Porcellions. Mème marche du sang, ainsi que vous l’avez observe. Le courant des globules débouche dans la lame par son angle externe, suit son bord antérieur , et se porte le long de son bord interne. Des globules s’en séparent pour se jeter autour des ramifications du corps blanc; j'en ai suivi plusieurs fois jusque vers le milieu de ce corps. En relevant la lame et en la regardant par transparence, sous le microscope, on aperçoit le courant des globules sortant de la lame; on voit ce courant à travers la membrane mince qui forme l’ar- ticulation de cette lame avec la côte. Le liquide coloré, injecté par les vaisseaux des membres, suit la même marche que le sang et vient baigner le corps blanc. 2° Expériences sur la vitalité des Croportes , des PoRGELLIONS et des Armapizres dans l’air sec et dans l’eau. Lettre de M. Lereboullet à M. Duvernoy, du 16 juillet 1240. (r) Première série d'expériences. ( 7 juillet à 3 h. 1/2.) a. 10 Cloportes et 10 Porcellions mis dans un bocal à moitié rempli d’eau. b. 10 Cloportes et 10 Porcellions mis dans un bocal à sec, et placés à l'ombre. c. 20 Porcellions exposés au soleil dans un bocal (ciel nuageux, soleil pâle, donnant rarement). d. 20 Porcellions dans un bocal contenant du sable humide et dés écorces. Résullats. — a. Les Porcellions se débattent pendant un quart d'heure , puis tombent au fond du vase; les Cloportes se débat- tent pendant une demi-heureenviron (2) ;les lames sous-abdomi- nales se meuvent avec rapidité et s'écartent fortement les unes (t) Ces expériences ont été faites par M, Lereboullet sur l'invitation de M. Duvernoy. {2) M. Duméril ( Dictionnaire des Sciences naturelles , tome 1x, page 418 , Paris, 1817, article Cloporte) avait déjà remarqué que, « quand on fait plougr ces insectes sous l’eau , = à peine sont-ils déposés , qu’on remarque un mouvement rapide imprimé aux feuilles - membraueuses. qu'on suppose être des branchies ou une sorte de houppe de fibrilles, » 206 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Respiration des Crust. Isop. des autres. Ces mouvemens des lames durent jusqu’à 6 h 1/2; alors je ne trouve plus que 2 Porcellions en vie. Ainsi, durée de la vie : trois heures. b: 4 heures: les Cloportes et les Porcellions sont entassés, sans mouvement, les uns sur les autres, au fond du vase; je ne puis distinguer aucun mouvement de leurs plaques abdominales. 6 h. 1/2. — Pas de changement. Le 8 à 3 heures, 5 Cloportes et 2 Porcellions sont morts; à 7 heures, rien de nouveau. Le 9 matin, tous les autres sont morts. Ainsi, durée de la vie: 24 heures environ pour la moitié des Cloportes, plus de 30 h. pour les autres. Il résulte aussi de cette expérience’, que les Cloportes périssent avant les Porcellions. c. 4 heures : tous les Porcellions sont dans une agitation con- tinuelle (on se rappelle que ceux exposés à l'ombre étaient tran- quilles, et ceux plongés dans l’eau, agités). Les Porcellions ca- chés par les autres sont immobiles, mais dès qu'ils se trouvent à découvert, ils s'agitent de même. Sur les 20, 4 ont déjà leurs mouvemens ralentis. 6. h. 1/2 (3 heures après le commencement de l’expérience ), 5 sont morts; les autres sont encore alertes. Le 8 à 3 heures : tous sont inorts, à l’exception de deux (ce jour-là, il n’y a pas eu de soleil). Ainsi, l'exposition momentanée et à de lonss intervalles au soleil, par suite de l'état couvert du ciel, a hâté la mort de ces Porcellions ; la durée de leur vie n’a pas été de 24 heures. d. Tous les Porcellions placés dans les conäitions indiquées ont continué à vivre et vivent encore aujourd’hui, 16 juillet. Deuxième série d'expériences. { 11 juillet à 2 h. 1/2.) a. 10 Porcellions dans un bocal contenant un pouce d’eau. b. 10 Porcellions dans un bocal à sec, à l'ombre. c. 10 Porcellions armadilloïde dans les mêmes conditions. d. 1 Armadille, idem. e. 10 Porcellions rude; au soleil (par un ciel encore plus nua- geux que précédemment). DUVEFRNOY ET LEREBOULLET. — /tespiration des Crust. 150p. 207 Résultats. — a. Agitation continuelle pendant 1/2 heure; elle a lieu par intervalle, pendant la 1/2 heure suivante, puis cesse tou!-à-{ait ; les lames sous-abdominales continuent à se mouvoir. Morts à > heures. — Durée de la vie : 2h. 1/2. b. 12 juillet, 9 b. : tous encore en vie; à 7 h. du soir, un seul est mort. 13 juillet, 9 h.:4 vivent encore; à 2 h. 2 sont encore en vie; le lendemain matin, ils étaient morts. On peut donc ad- mettre que ces Porcellions ont vécu, terme moyen, plus de 30 h. c. 12 juillet, 9 heures du matin , 7 sont morts. — Le même jour, à 7 heures du soir, il n'en reste plus qu'un vivant. Ainsi 20 heures de vie moyenne mur les Porcellions arma- dilloides. 6 d. L’Armadille vivait encore le 12 au soir; ainsi durée à-peu- près à celle des Porcellions ordinaires. e. Le 12,09 heures du matin, un seul était mort; le soleil n’a pasdonné pendant cette journée :aussi ces Porcellions vivaient-ils encore le 12 au soir; le 13, à 9 heures, ils étaient fous morts tandis qu'il restait encore 4 Porcellions de l'expérience b. Troisième série d'expériences. (13 juillet, 10 heures du matin.) a. 10 Porcellions et 10 Cloportes dans une boîte de deux pouces et demi de diamètre sur un pouce de hauteur. b. 10 Porcellions et 10 Cloportes dans la boîte du microscope de Raspail. Résultats. a. 32 juillet, 7 heures du soir (9 heures d'inter- valle ), 4 Cloportes sont morts; les Porcellions continuent à vivre.—13 juillet, 10 heures du matin, il ne reste plus que trois Porcellions. — Le même jour, à 2 heures, tous sont morts. b. 12 juillet, 7 heures du soir, 6 Cloportes ct 1 Porcellion sont morts. — 13 juillet, 10 heures du matin, tous les Cloportes sont morts : il reste encore 4 Porcellions ; à 2 heures, il n’en reste plus qu'un. On voit par là que les Porcellions résistent plus long-temps que les Cloportes ; on voit aussi que , malgré la différence de capacité des deux boîtes , il n’y a pas eu de différence sensible dans la durée de la vie 208 DUVERNOY ET LEREBOULLIT. — Respiration des Crust. Zsop. Quatrième série d'expériences. (13 juillet, à 3 heures. ) a. 10 Porcellions dans un local exactement fermé (luté). b. 10 Cloportes dans les mêmes conditions. c. 10 Porcellions armadilloïdes dans les mêmes conditions. d. 3 Armadilles dans les mêmes conditions. e. 10 Porcellions rudes, 5 Porcellions armadilloïdes et 10 Clo- portes dans une boîte fermée. Résuliats. a, b,c,d. Le 14, à 9 heures du matin, tous sont en vie. e. Le 14, à 9 heures du matin, les ro Cloportes sont morts, 5 Porcellions armadilloïdes et r Porcellion rude sont aussi morts. À 2 heures, il reste encore 3 Porcellions vivans. Ainsi les Cloportes et les Porcellions armadilloïdes sont morts plus tôt que les Porcellions rudes. Quant aux sujets des expé- riences a, b ,c, d, ils vivent encore, la plupart, au moment où J'écris ( 16 juillet, à midi et demi). Je trouve, en effet, en vie 3 Armadilles , 8 Cloportes , 8 Porcellions et 1 Porcellion arma- dilloide. On peut attribuer cette longue durée de la vie, à l'humidité qui se conserve dans des bocaux fermés. Nous avons vu que, en général , ils résistent un peu plus long-temps dans des bocaux que dans des boîtes. (Comparez les expériences r, 2 et 3.) Cinquième expérience. ( 13 juillet, 3 heures 1/2.) 10 Porcellions mis dans l’eau comme précédemment; mêmes observations, seulement durée de la vie plus longue. Ainsi, à 5 heures, 3 sont morts;les 7 autres sont encore agiles. À 7 heures, 4 exercent encore quelques mouvemens. Admettons que ces 4 soient morts quelques instans après, la durée de la vie aurait été de 3 heures et demie, pour la plupart de ces Porcellions. Sixième expérience. (15 juillet, par un soleil assez chaud et par un vent modéré. ) A 3 heures 20 minutes, 10 Porcellions sont placés dans un DUVERNOY ET LEREBOULLET. — /tespiration des Urust. Isop: 309 bocal ‘ouvert et exposés en dehors, d'une fenêtre , au soleil. Pendant une demi-heure ; ces animaux sont dans une agitation continuelle. À 4 heures 20 minutes, 5 sont morts; un quart- d'heure après, 4 autres ne vivaient plus; le dixième mourut au bout de quelques minutes. Ainsi la durée de la vie a été, pour son maximum, de cinq quarts d'heures; la mort est survenue bien plus promptement que dans l’eau. Septième série d'expériences. (8 juillet, à 4 heures.) a. Enlevé à 3 Porcellions leurs 4 corps blancs. b. bé) — > corps blancs. c. QE 9: 1 seul corps blanc. Ces 9 Porcellions mutilés sont mis dans un bocal à l'ombre, avec sable humide et bois pourri. Résultats. a:9 juillet, 1 heure, tous les trois sont morts. b. le même jour et à la même heure , un seul est mort. c. Le même jour et à la même heure, tous les trois vivent et sont très agiles. Aujourd’hui 16, çes 5 Porcellions mutilés(3 de l’expérience c et 2 de l'expérience b) continuent à vivre:ils se sont enfoncés dans le sable humide et ne paraissent nullement souffrir. Huitième série d'expériences. (11 juillet, à 3 heures de l'après-midi.) Elle fut entreprise , afin de m’assurer si la mort était causée par la perte du sang ou par la privation d’organes nécessaires à la vie. a. Enlevé à 3 Porcellions les 4 corps blancs. b. — 3 — 2 corps blancs. c. ii au 1 corps blanc. d. — 3 — A dernières pattes, près de la hanche. e. — 3 — 8 dernieres pattes. XV, Zoor, — Avril. 14 210 DEVERNOY ET LERFBOULLET.— Aespiration des Crust. 1sop. Tous:ces animaux,sont placés dans les mêmes conditions que les précédentes; c'est-à-dire dans du sable humide, avec dutboiïs pourri. Résultats (12 juillet, 9 heures du matin). a. Tous sont morts. b. Un seul est mort. c. Tous sont vivans et vigoureux. d'ete. Tous sont très bien portans. Le soir, à 7 heures, 2 des Porcellions de l'expérience e sont morts ; du reste, point dé changement. Le 13, à 9 heures du matin et à 3 heures, même état. Aujourd'hui 16,.ces animaux mutilés continuent à wivre, excepté le dernier de l’expérience e. Ces expériences prouvent déjà suffisamment l'importance des corps blanes comme organes nécessaires à la vie. La mort ne peut pas être attribuée seulement à la perte du sang, puisque les Porcellions de l'expérience d, ont dù perdre au moins autant de sang que ceux de l’expérience a, et ont cependant continué à vivre. Neuvième série d'expériences. ( 12 juillet, 10 heures du matin. ) a. Enlevé à 6 Porcellions lestrois dernieres paires de lames sous- abdominales. b. Enlevé à 3 Porcellions les 2 premières paires avec leurs corps blancs. c. Enlevé à 3 Porcellions les 5 dernières paires de pattes (10 pattes sur 14). Résultats. 6 h. 3/4. a. 2 sont morts, les 4 autres sont très agiles: b. Tous les 3 sont morts. c. Tous vivent et, paraissent agiles (autant que leur permet- tent leurs 4 pattes restantes). 13 juillet, 2 h. après-midi : a. et c. Pas de changement. DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Aespiration des Crust. 1sop. ar1 Aujourd'hui 16; 4 jours après l'expérience, pas de change- ment; ceux même qui sont privés de 10 pattes continuent à vivre: Dixième expérience. ( 14 juillet, 9 h. du matin. ) Enlevé à 6 Porcellions leurs 4 corps blancs. À » heures, ils vivent encore, mais leurs mouvemens sont ralentis. A 35 heures, 2 sont morts. A 7 h. du soir, pas de changement. Le 15 juillet, à 9 h., 2 nouveaux morts (sur les 4 restans). A 4 h., il reste encore un Porcellion, mais c’est à peine si lon observe quelques mouvemens dans ses pattes. Quoiqu'il ne soit guere possible d’étaBlir une moyenne ri- goureuse, parce qu'on ne connait pas exactement l'heure de la mort de chaque individu; on voit, cependant, en comparant cette expérience avec la précédente L., que sur 9 Porcellions auxquels on a détaché les 2 premières paires de lames sous-ab- dominales, 5 n’ont pas vécu plus de 8 heures, 2 ont dépassé 24 heures. La moyenne de la durée de la vie peut, ainsi, étre estimée à 15 ou 20 heures, au plus. RÉSUMÉ DES EXPÉRIENCES PRÉCÉDENTES. On peut déduire des expériences que nous venons d'exposer en détail, les conséquences suivantes: A. Sous le rapport du milieu dans lequel sont placés les Clo- portes et les Porcellions. 1. L'eau et l'air chauffés par les rayons directs du soleil, sont mortels à ces animaux. Ils éprouvent dans ces deux milieux la méme agitation , qui décele un malaise bien prononcé. (Exp. 1e. eu, C, 3 Me, Gr 5 Nu ÿ NI) 14. 212 DUVERNOY FT LERÉBOULLET. — Aespiration des Crust. Isop. 2. Les Porcellions périssent plus promptement au soleil que dans l’eau. (Exp. vi.) 3. Ils périssent plus promptement dans ce a nier liquide que dans l'air en nature. (Exp. 1..a. b.; 11. a. b.) 4. L'air en naturene suffit pas pour entretenir la vie en eux; il faut que cet air soit fortement chargé d'humidité. (Exp. 1. à. d.; IT 0) 5. Plus l'air est humide, plus la vie dure long-temps : ainsi nos Porcellions enfermés dans des boîtes ont péri plus tôttque ceux enfermés dans des bocaux en verre, lutés.(Exp.mlet 1v.) B. Sous le rapport de la durée comparative de la vie , 6. Toutes les conditions étant les mêmes, les Cloportes périssent plus promptement que les Porcellions (exp: r et1v); après eux viennent les Porcellions armadilloïdes. (Exp. 1v.) C. Sur le rapport de l'importance des corps blancs , 7. L’ablation des quatre lames qui renferment les corps blancs est toujours plus promptement mortelle. (Exp. vn à ; vur a; 1x b ; x.) 8. L'ablation des lames sous-abdominales qui protegent les vésicules est moins nuisible. (Exp. 1x. 4. b.) o. La mort qui survient par suite de l'extraction des corps blancs n’est pas l'effet de la perte du sang, puisque des Por- cellions, auxquels on à enlevé jusqu’à dix pattes, vivent plus long-temps que ceux qui ont été privés de ces organes de res- piration (Exp. vin, 1x). On est donc en droit de regarder ces or- ganes comme indispensables à l'entretien de la vie. Quant aux Tylos, dont M. Milne Edwards forme le type d’une sous-division de ses Cloportides terrestres, les Zylosiens , nous n’en ayons eu qu'un seul exemplaire à notre disposition, prove- nant de la première expédition d’Alger et faisant partie d’une petite mais précieuse collection , dont M. Rozet, capitaine d’é- tat-major, voulut bien gratifier le musée de Strasbourg, à son retour en France en 1831. Il existe sous la région de l'abdomen 4 paires de plaques rec- tangulaires étroites et épaisses, serrées les unes contre les autres, DUVERNON ET LEREBOULLIT. — Aespiration des Crust. Isop. 213 recouvrant chacune une vésicule, peu développée pour la pre- miere, assez grande au contraire pour les suivantes. Ces vési- cules sont supportées par le segment inférieur abdominal à l’ex- trémité externe duquel sont articulées les plaqnes; on ne les aperçoit facilement qu'en détachant ou en écartant fortement ces dernières. Ces plajues rectangulaires présentent des bosselures, au nombre de huit à dix, qu’on voit sur les déux faces de la plaque, et qui sont dirigées dans le sens de l'axe de l'animal. L'un de nous (1), qui a fait cette observation à la fin de mai, a cru apercevoir quelques trous sur le bord postérieur des pla- ques; mais il lui a été impossible de décider si ce sont des trous ou les intervalles des bosselures. I] n’a pu examiner le contenu de ces bosselures. Chacune d'elles renferme, d’après M. Milne Edwards ( Hist. nat. des \Crust., tome III, p. 187 et 188, et l'Institut, 1839. n. 280, p. 152), une vésicule respiratrice ; dont les parois sont couvertes d’une multitude de petits cœcums ar- borescens. Les deux plaques postérieures, de chaque côté, sont cachées par des appendices eornés, ou prolongemens des troisième, qua- trième et cinquième anneaux de l'abdomen. Ces appendices, qui se détachent du côté de la face inférieure et latérale de ces segmens, se portent obliquement en dedans vers la ligne médiane, et forment comme autant de couvercles immobiles , dont le dernier est le plus long et le premier le plus court. Tout-à-fait en arrière se voient deux pièces triangulaires, à côtés externes , arrondis, et dont les bases, coupées en ligne droite, se rencontrent et se touchent sur la ligne médiane. Le sommet du triangle s'articule en dehors, au bord latéral et in- férieur du sixième ou dernier article de l'abdomen. Ces deux pièces s'ouvrent comme deux battans de porte. On peut considérer tout cet appareil operculaire, comme le repré- sentant de la grande pièce operculaire des Idotéides. Dans le seul individu que nous ayons pu examiner, les stylets 1 Mi bereboullet, lettre du a juin 1840. 214 DUVERNOY ET LEREBOULLET.— Respiration des Crust. Isop. générateurs, analogues par leur forme générale à ceux des Clo- portes, étaient attachés à la côte ou segment inférieur abdo- minal , correspondant à la première plaque bosselée. Cette description de l'appareil respiratoire des Tylos estrune nouvelle preuve de la sévère exactitude des figures publiées par M. Savigny, dans le grand ouvrage sur l'Egypte. Nous nous empressons de reconnaitre, en même temps, que la structure intime de ces organes avait échappé aux investiga- tions de ce savant, et que c'est à M. Milne Edwards que la science doit d'en connaitre plusieurs des circonstances singu- liéres. Section Ii. IV° Famille. PRANIZIENS. ISOPODES NAGEURS. . . ! V° Famille. SPHÉROMIENS. VI° Famille. CYyMoTHOADIENS. V® Fame. SPHÉROMIENS. Genres. Espèces observées. Sph. cinerea. | — gigas. SHDEIDRE. CR DCE saint — Savignii. Cymodocce . . +. . . . : €Cym. pilosa M. Edw. Cerceis. Neséer se ane vd rois touerlh Neseg.o4alis2. Say. Campédocée. Cassinde. Amphoroïde. V. Branchies de la famille des Sphéromides ou Sphéromiens. Les branchies des Sphéromides sont bien connues dans leur composition générale, dans le nombre, la forme et la disposi- DUVERNOY ET EEREBOULLET. — fiéspiration des Crust. 1sop. 215 tion des lames, depuis les excellentes figures publiées par M. Savigny dans l'ouvrage sur l'Égypte. Cependant ce que nous en dirons prouvera que.cet observateur, d’une sagacité et d'une pénétration bien reconnues, n’en avait pas apercu la disposition Ja plus caractéristique, puisqu'elle ne se retrouve que dans cette famille : nous voulons parler des plis tres singuliers, où du moins très remarquables, des lames vésiculeuses appartenant aux deux dernières paires. Nous avons étudié plus parti liésenieai dans cette famille, le Sphérome cendré (8. serratum \each), le Sphérome géant et la Cymodocée poilue. La première espèce servira à la description détaillée de lap- pareil branchial. Nous indiquerons ensuite les différences que nous avons trouvées dans le dernier genre: La région sous-caudale qui renferme les branchies forme une cavité assez profonde, qui rappelle la cavité branchiale des Limules (PI:6, fig: 16 et 17). Chaque série de lamés bran- chiales se compose de dix lames réunies par paires (1). Les trois premièrés paires différent beaucoup des deux dernieres (2). Leurs deux lames sont petites, triangulaires; et de nature cor- née. L’externe, ou la lame recouvrante, plus petite que l'interne, est pyriforme, et disposée très obliquement de ilehors en de- dans et d'avant en arrière. Elle est articulée au segment sous- abdominal correspondant par un pédicule qui répond au som- met de cette piéce triangulaire. De longs cils raides, qui gar- nissent le bord libre'de cette lame, surtout à la base du triangle, viénnént s’entrecroiser avec ceux de la lame correspondante de l’autre série. La lame interne ou supérieure est tres peu recouverte par | premiére, et remplit le vide que celle-ci laisse en dedaus et eu avant. Elle forme un triangle dont le sommet est, au contraire de l’externe, directement en arrière. » (1) Lätreille dit que les brabchies, dans cette seclion , sont vésiculéuses, à ou, ét disposées longitudinalement par paires (Règne animal , tome 1, pagé 136 ). Ces généralités ne peuvetit s'appliquer au Sphérome cendré, (a) Voir notre Plaaché 6 , figuré 15 , pour l'ensemble des lames en yiosilion , et figures 13 29, 30, pour les trois premières paires de lames. 216 DUVERNUY ET LEREBOULLET, — Respiration des Crust. Isop. La lame interne de la deuxième paire (1) montre à sa base, du côté interpe,un stylet coudé en arrière, et se portant dans cetie direction, le long de la ligne médiane, au-delà de cette lame; on dirait voir un des appendices générateurs des Cloportes mâles, quoiqu'il ne:soit pas dans la même position. (2) Dans la troisième paire, la plaque interne est beaucoup plus grande que l’externe (EI. 6, fig. 20). it La quatrième et la cinquième paires (3) se composent d’une lame :operculaire extérieure et d’une lime branchiale respira- trice très particulière par sa structure. Les opercules de ces deux paires sont grands, concaves du côté de la branchie qu'ils pro- tègent, de formeirrégulièrement triangulaire, ayant leursangles arrondis et leur sommet dirigé en arrière ét recourbé vers Je haut (4). L'angle interne et postérieur de l’opercule de la cin- quième paire porte cinq tubercules saillans (fig. 22, 4), qui le distinguent. ‘ Les deux seules lames branchiales, essentiellement respira- trices , qui existent dans cet appareil (fig. 21 et 22, ), et qui sont protégées, comme nous venons de le dire, parles deux dernières lames operculaires , doivent être décrites en détail Toutes deux ont une:assez grande étendue , moindre cependant que celle de leur lame recouvrante ; à laquelle elles sont atta- chées par leur bord le-plus avancé. Leur forme est celle d'un ovale qui aurait été replié en dedans, ou d’un triangle dont les angles auraient été plus ou moins tronqués et arrondis. Leur contour estun bourrelet d’où partent, du côté :externe,;-un nombre variable de plis vésiculeux paralleles, qui vont aboutir, en se portant obliquement en arrière, vers le côté interné de la lame, celui de la ligne moyenne. La première de ces deux lames respiratrices a six ou sept plis (1) Planche 6, figure 19. (2) Ge stylet, n'existe, probablemeut que chez les mâles, à en juger par ce que nous avons vu daos les Idotées, les Aselles, les Ligies, les Ligidies. (3) Figures 21 et 22. (4) Latreille semble avoir remarqué cette disposition , lorsqu'il dit des Spéromides : « Leurs + appendices branchiaux sont recourbés intérieurement, » DUVERNOY ET LkREBOULLÉT.— licspiralion des Crust. 150p. 217 semblables sur chaque face; la seconde, qui est plus étendue, en a dix. Ces plis forment autant de vésicules qui divisent la vessie principale ; elles sont remplies d’un sang grumelé, blanc de lait (dans les individus conservés dans l’esprit-de-vin }, dont leurs parois transparentes prennent, la couleur, comme celle des poches branchiales ordinaires. Le bourrelet auquel elles aboutissent, ou celui duquel elles partent, paraît contenir ieur vaisseau afférent ou efféreut. C’est sans doute par ce vaisseau qu’elles communiquent entre elles. C’est aussi ce bourrelet qui maintient ces plis; dès qu'on l’enlève, de chaque côté, tous disparaissent , et la lame branchiale qu'ils divisaient se trouve réduite à une simple poche composée, comme à l'ordinaire, d’une double membrane. On ne peut s’empècher de faire remarquer ici combien ces deux lames respiratrices sont protégées : 1° par leur position en- foncée dans une cavité branchiale assez profonde ; 2° par leur lame operculaire respective, dont l’étendue et la forme concave est si bien arrangée pour s'adapter à leur ampleur et à leur épaisseur; 3° enfin, par les trois paires précédentes de lames operculaires , qui sont petites et séparées, pour ne pas empêcher l’acces de l’eau aérée , jusqu'aux vésicules branchiales; mais dont le bord libre est garni de longues soies, propres à empécher les corps étrangers d'y pénétrer. Le Sphérome géant (Sp. gigas Leacx) a la mêmé organisation branchiale. Ilen est de même du Sphérome denté (Sph. dentatum), et d’une autre espèce voisine, mais distincte du SpA. Savignyi. Dans cette dernière, chaque vésicule branchiale présente quinze plis. Nous l'avons également reconnue dans la Cymodocée poilue (Cym. pilosa M. Edwards). Lei, les plis des deux paires de vési- cules étaient plus nombreux ét plus fins; il y en avait jusqu’à vingt-cinq pour chaque vésicule. Enfin, nous avons encore, reconnu l’existénce des Mae plissées dans une espece de Nésée voisine de la, Vesea ovalis Say. Une disposition analogue paraît exister dans le genre 4m 218 DUVERNOY ET LEREBOULEET. — ltespiration des Crust. 1sop. phoroïde , à en juger par le passage suivant de l’Hist. nat. des Crust. de Milne M. Edwards (tome IT, p. 22?). «Les deux appendices par lesquels se terminent celles (les « fausses pattes) de la quatrième et cinquième paire, sont tout- « à-fait membraneux et régulièrement froncés en travers , de « façon à ressembler beaucoup à des branchies de Décapodés « brachiures. » VI° Fame, CYMOTHOADIENS. Genres. Espèces observées. Fe Tribu. Ravisseurs . . . Sérole. Cirolane. Eurydice. Æga. Æga bicarinata. II Tribu. EnRANs. . . : Conilère. Rocinéle. EH, Dehaysiana. Pterélas. Alitrope. foyer x | N. bivittata M. Edw. Nélocire. | NV. affinis M. Edw: Anilocre. A. mediterranea. Leach. IIIe Tribu. PaRaAsITES . . . Livonèce. Olencire. , C. œstrum Fabr. Cymothoc. C. parallela Otto: Ourozeuctes. VI. Branchies des Cymothoudiens. La famille des Cymothoadiens se divise en trois tribus, dans la méthodede M: Milne Edwards. Nous avons observé les bran- chies de plusieurs genres de la seconde tribu , celle des Errans, et de la troisième, celle des Parasites. Nous n'avons pas eu l’occasion d'examiner les branchiés des Séroles, seul genre de la première tribu, celle des ÆRa- VESSeUrs. DUVERNOY ET LEREPOULLIT. — Respiration des Crust. Esop. 219 Les branchies des Cymothoadiens que nous avons pu étudier forment un appareil d'une grande conformité de composition, Ce sont toujours dix paires de lames bien développées, dis: posées sur deux séries, et insérées, chacune sur un pédicule commun ; les premières sont protectrices ou operculaires , et les suivantes, respiratrices. Il n'y a de différence que dans le nombre, la forme et l’é- tendue des lames protectrices ou operculaires, relativement aux lames respiratrices, et réciproquement. Le nombre, ou, par compensation , l'étendue des premières est en raison des circonstances de mœurs qui pourraient mettre à sec l'animal, et l'obliger de protéger les lames respiratrices contre l’action desséchante de l'air. Les Cymothoadiens Errans, quoique tous aquatiques, se- raient, par exemple, plutôt dans ce cas, que les Cymothoadiens Parasites , qui vivent fixés sur les branchies ou d’autres parties du corps des poissons. Cependant, malgré cette conformité d'organisation, nous avons trouvé des différences, relatives à chacun des groupes établis , différences qui pourraient, au besoin, servir à caracté- riser ces derniers. C’est ainsi que dans les Cymothoadiens parasites, la lame la plus antérieure, grande et large, est conformée pour recouvrer toutes les autres; tandis que dans les C. errans, les lames an- térieures sont loin d’avoir les dimensions suffisantes pour rem- plir cet usage. On pourrait encore, dans les C. parasites , établir deux autres groupes, dont le premier aurait des lames vésiculeuses plissées (genres Nérocile et Anilocre) ; tandis que le second ne serait pourvu que de lames vésiculeuses simples ( genre Cymothoë). Les détails dans lesquels nous allons entrer, feront encore mieux ressortir ces différences. Parmi les genres qui font partie de la deuxième tribu (celle des Errans), nous avons étudié le Rocinela Deshaysiana Fdw., et PÆga Bicarinata. Ilexiste, dans la Rocinele de Deshayes, cinq paires de, lames disposées sur deux séries, ayant la forme d'un ovale allongé, 220 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — tespiralion des Crust: 1sop. insérées sur un pédicule quadrilatère très développé pour les paires antérieures, de moins en moins pour celles qui suivent. Ge'pédicule est Jui-même articulé, et se meut librement sur le segment sous-abdominal correspondant. Ces différentes paires de lames serecouvrent les unes lesautres comme des tuiles, les antérieures étant plus étroites et plus courtes que les suivantes. Les deux lames dont se compose chaque paire, sont d'égales dimensions, et s'adaptent assez exactement l’une à l’autre ; la lame inférieure ,ou recouvrante, est articulée par une extrémité anguleuse, au bord externe de son pédicule, tandis que la lame recouverte tient à ce même pédicule par une por- tion plus étendue de son bord antérieur. L'une et l’autre lame sont de consistance inégale : l’inférieure, celle qui remplit les fonctions d’opercule, toujours plus résistante; la supérieure ou interne, plus mince et comme membraneuse. Cette différence dans la consistance s’observe jusque dans les dernières paires de lames, quoique la lame protectrice soil ici plus mince que dans les paires antérieures. Le bord externe de toutes les lames operculaires est recourbé en dedans et soutenu par un filet corné; un filet semblable, plus étroit, règne le long du bord interne des lames recouvertes des trois premières paires. Des cils très fins garnissent le bord postérieur de toutes ces lames; ils sont plus longs et plus nom- breux aux lames operculaires qu'aux autres. Il résulte de cette organisation, que les lames recouvertesine paraissent guère susceptibles de se renfler en vésicules: om pourrait tout au plus en excepter celles des deux dernières paires. Il n'existe pas de stylet à la lame interne de la deuxieme paire; l'individu observé était une femelle. Nous aurons peu de chose à dire au sujet de l’Æga bicari- nata , les lames branchiales de cette espèce étant construites et disposées sur le même plan que celles que nous venons de décrire. En effet, nous retrouvons ici les mêmes lames allongées,ova- laires , ciliées, portées sur de grands pédicules , et se recouvrant comme des tuiles, les antérieures beaucoup plus étroites et plus DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Aespiralion des Crust. Isop: 291 courtes que les suivantes. Une faible différence consiste en ce que la lame interne est très étroite et presque à découvert , du moins dans les deux paires antérieures. Dans les trois dernières paires . la lame extérieure recouvre exactement la lame sous- jacente. Celle-ci paraît susceptible de se développer plus facile- ment en vésicule que dans lespèce précédente : nous avons vu, en effet, la lame interne de la troisième paire incomplètement renflée. Il n'existe pas de cils aux lames recouvertes des deux dernières paires. Une matière grenue, blanchâtre, est déposée éntre les deux feuillets qui constituent ces lames. IL est remarquable que dans ces deux genres, chez lesquels ceux des feuillets branchiaux qui prennent, par leur consis- tance, le caractere de lames operculaires, sont plus nombreux. le premier de tous ces feuillets, qui remplit plus essentiellement les fonctions d’opercule, soit plus petit et recouvre moins com- plètement les suivans, que lorsque ceux-ci ont plus besoin de protection par leur peu de consistance. Parmi les Cymothoadiens de la troisième tribu, celle des pa- rasites, nous avons étudié les branchies du AVerocila bivittata Edw., du MWerocila nffinis Edw., de l'Anilocra mediterranea Leach., et de deux espèces de Cymothoés, le C. æstrum Fabr. et le C. parallela Otto. Nous commencerons par l#rilocre de la Méditerranée, dont les branchies se rapprochent encore, par leur disposition géné- rale, de celles des Cymothoadiens de la deuxième tribu , quoi- qu’elles en diffèrent par la structure de leurs lames vésiculeuses. Les cinq paires de lames dont se compose leur appareil bran- chial sont encore imbriquées ; cependant les lames antérieures sont plus larges que dans les genres précédens, en sorte qu’elles ne laissent à découvert qu’une petite portion du bord posté- rieur des lames suivantes. Ces lames, de forme ovale, sont por: tées sur de courts pédicules. Elles n’ont pas leurs bords garnis de cils ; leur surface est ponctuée de petites aspérités noirâtres. Toutes les lames recouvrantes sont plus consistantes que les autres; cependant celle des trois dernières paires, et même déjà celle de la deuxième, paraissent susceptibles de se distendre en vésicule. 222 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Aespiralion des Crust. Isop. Les lames internes où recouvertes sont presque aussi déve- loppées que les externes. Celle de la première paire est membra- neuse; la denxième peut se renfler en vésicule. Elle portait à sa base, dans l'individu qui a servi à notre description (une fe- melle) nn petit stylet membraneux trés court et délié,rudiment du stylet plus prononcé qu’on observe chez les mäles. Les trois derniérés lames sont de plus en plus vésiculeuses. Celle de la cinquième paire, en particulier, présente des boursouflures ou de gros plis dirigés longitudinalement dans toute son étendue. Tout près de sa base, cette vésicule plissée se prolonge en une petite Janguétte membraneuse , également plissée, qui déborde la lame operculaire et se porte en dedans ét en avant, sur la ligne médiane. Les deux lames recouvertes qui précèdent la der- niere sont aussi munies de ce petit prolongement membraneux en forme de languette, mais les plis y sont à peine sensibles pour la quatrième lame, et moins encore pour la troisième ; il en est de même des plis de la vésicule, que l’on n’aperçoit qu'à sa base. Nous allons retrouver, mais d'une manière bien plus appa- rente, dans le genre MVerocile ; cette forme particulière de vésicules. (1) Dans deux espèces de ce genre, le Nerocila bivittata Edw. et le N. afjinis Edw., la lame operculaire de la première paire est assez développée pour recouvrir et protéger tout le reste de l'appareil. Cette lame, ainsi que les suivantes, de forme ovalaire, est insérée à côté de la lame recouverte, sur un pédieule assez court, mobile; leur bord est dépourvu de cils. L’extrémité ex- terne du pédicule porte un lobule ovalaire, allongé, replié sur lui-même et paraissant double (PI. 6, fig. 23,e ); celui du pé- dicule de la première paire est plus petit et n’est pas replié. Un lobule beaucoup plus petite se voit à la base de la lame recou- verte de la deuxième paire; ce n’est qu’une expansion membra- neuse de cette lame. (1) Elle a été indiquée par M. Milne Edwards pour les Anilocres , dans son Histoire naturelle des Crustacés, tome ur, pagé 256 : « La lame postérieure de celles de la dernière paire (fausses pattes) froncée sur la face supérieure, » DUVERNOY ET LEREBOULLET.— Aespiralion des Crust.Isop. 223 Les lames reconyrantes sont de consistance cornée-membra- neuse ; elles paraissent , à l'exception de la lame operculaire commune , susceptibles de remplir les fonctions de vésicules, à en juger par un dépôt de natière granulée , blanche, formant un réseau à mailles très fines , qu'on aperçoit dans leur épaisseur, et qui rappelle le réseau que présentent les feuillets branchiaux des Limules. Elles sont généralement plus grandes que les lames internes et les recouvrent entièrement. La lame interne de la première paire n'offre rien de parti- culier ; celle de la deuxième paire présente quelques plis très fins, à peine sensibles et irréguliers. Les lames internes, on plu- tôt les vésicules des trois dernières paires, sont sensiblément plissées, plus encore que dans les Anilocres. Ces plis, la plupart dirigés obliquement, ne ressemblent nullement à ce que nous avons vu dans les Sphéromides, Ils sont plus gros, irréguliers, et donnent quelquefois à la lame un aspect comme chiffonné. Ces plis sont d'autant plus étendus qu'ils sont plus rapprochés de la base de:la lame ; ils s'effacent insensiblement vers sa partie postérieure et finissement par disparaitre; en sorte qu’il existe toujours une portion plus on moins étendue de la lame qui reste lisse. Chacune des. vésicules dont nous parlons, se prolonge en dedans en nn appendice membraneux, sorte de languette plis- sée, comme festonnée, dirigée en avant et en dédans sur la ligne médiane, et dépassant le bord interne de la lame protec- trice, C’est cet appendice que nous avons déjà signalé dans les Anilocres, mais qui est ici beaucoup plus sensible. Cette structure est la même pour les trois lames vésiculeuses, dans les deux espèce de Vérociles que nous avons examinées ; seulement la dernière vésicule a des plis plus gros et plus nom- breux que la précédente, et celle-ci plus que la troisième. L'un de nous a représenté la dernière paire de lames de Me- rocila affinis , pour faire voir la membrane plissée avec son appendice interne, et pour montrer en même temps le disposi- tion du lobule accessoire externe. (1) (1) M. Milne Edwards a figuré celle même paire de lames, prise du Verocila bivittata, 22/ DUVERNOY ET LEREBOULLET.— espiration des Crust. Isop. Cette forme des lamelles respiratrices indique qu'elles sont susceptibles de prendre une extension considérable pendant l'acte de la respiration. Il n'existe rien de semblable dans les Cymothoés propres. Nous ajouterons, pour compléter cette description ; que nous avons trouvé dans deux individus de sexe différent du Merocila affinis,un stylet corné, tenant à la lame recouverte de la deuxième paire, tel qu’il se rencontre dans les mâles de plusieurs Isopodes. Ba présence de ce stylet, chez les femelles, est une exception à la règle générale. Dans les Cymothaëés proprement dits, et particulièrement dans le Cymothoa æstrum Fab., on trouve le même nombre normal de dix paires de lames branchiales sous-abdominales, bien: développées. Elles sont larges , rapprochées les nnes des autres, de manière à océuper un très petit espace , et portées sur:un pédicule court. La première lame est operculaire, non-seulement par sa position la plus extérieure, mais encore par sa consistance cornée et par son étendue, qui lui permet de recouvrir les neuf aûtres lames de la même série. Celles-ci sont minceset ont à-peu- près toutes la même consistance ; cependant les lames recou- vrantes se reconnaissent à leur plus grande étendue et à leur insertion , qui a toujours lieu en dehors de l’article basilaire , tandis que les lames internes , plus étroites ; s’insèrent vers la partie interne de cet article. Toutes ces lames paraissent être susceptibles de se développer en vésicules : leur capacité semble être divisée en un réseau compliqué de petits canaux , qui S’anastomosent souvent entre euxet leur donnent un aspect uniforme. Elles vont en dimi- nuant d’étendue de la première à la dernière. Il existe, en outre , en dehors et en avant de chaque paire de lames, ur A1obule rudimentaire épimérien , que l’on aperçoit quand on écarte les lames les unes des autres! dans la nouvelle édition du Aègne animal (Crustacée, PI. 66 , fig. 5 L). Tei le prolongement interne de la lame n'a pas la forme que nous avons rencontrée dans les trois individus appartenant aux deux espèces que nous avons éludiées. Voyez aussi l'ouvrage sur l'Egypte (PL. xr, fig. 10 et 11 des Crustacés) pour deux especes de ce genre. DUVERNOY FT LEREBOUL£ET. — espiration des Crust. 1s0p. 2ai Deux individus de la Cymothoa parallela, Otto, trouvés dans la bouche d'une Mendole vulgaire , ne nous ont pas offert de différences essentielles ; seulement la lame recouvrante était sensiblement plus consistante que la lame recouverte, dans toutes les paires, et le lobule accessoire bien prononcé dans le Cymothoa œstrum ; n'existait pas ici. Nous n'avons pas trouvé de stylet génital: les individus obser- vés étaient tous des femelles. Section HIT: . L VII: Famille. BoPyriens. ISOPODES SÉDENTAIRES. { VII Famille, Képoniens, Duv. IX° Famille. Ilowrews. VII Fame. BOPYRIENS. La premiere famille de cette section n’a que cinq lames bran- chiales par chaque série , placées , comme cela a lieu dans tous les Isopodes que nous avons décrits jusqu'ici, sous la région abdominale , et attachées aux cinq premiers anneaux de cette région. Ces lames sont oblongues : elles diminuent considérablement de grosseur de la première à la dernière. Leur bord est entier, nullement divisé ni hérissé de cils. Elles se reccuvrent très peu, sauf la pénultième, qui cache presque entièrement la dernière. Leurs bords se relèvent vers le haut , de manière à former un godet à leur base. Toutes ces lames paraissent être respiratrices, à en juger par la souplesse de leur substance. Ce sont autant de petits sacs vésiculaires dans lesquels le sang vient respirer. Chez un animal aussi bien protégé que le Zopyre contre la violence des chocs ou des agens physiques, il n’est pas étonnant de voir manquer les lames eperculaires ou protectrices du plan général. XV. Zooc — Avril, 15 220 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Respiration des Crust. 150p. VIII Famicrx. KEPONIENS. La seconde famille de cette section ou la huitième de l’ordre, celle des Képoniens, que l’un de nous (M. Duvernoy a cru devoir établir tout récemment (1), est bien remarquable par son appareil branchial. Il se compose de dix paires de lames àa-peu-près sous-abdo- minales, dans les femelles, un peu plus portées en dehors dans les mâles; plus larges à leur base, très effilées à leur pointe, dans les premières; coniques, en partie simples, en partie bifurquées, daus les mâles. Cette première sorte d'appendices respirateurs, dont le dernier anneau du corps est privé, comme dansles autres Isopodes, paraît répondre aux lames operculaires du plan gé- néral de ces Crustacés. Ils ne jouent peut-être qu’un rôle acces- soire dans l’acte de la respiration, à en juger, du moins, par leur développement proportionnel. D’autres appendices en forme de feuilles allongées , dentelées par des tubulures ou des prolongemens foliacés , paraissent être les appendices les plus importans de cet appareil; ces appen- dices sont attachés, par paires , à chaque segment abdominal, jusqu’au dernier, ce qui est encore unique dans l’ordre des Isopodes. Ils sont fixés plus en dehors que les premiers,-absolument sur le côté du segment abdominal , et non en dessous ; ils sont conséquemment déployés autour de l'abdomen : seconde dis- position exceptionnelle dans l'ordre des Isopodes. On la retrouve dans la famille des Zontens (2), dont les bran- chies sont arborescentes et étalées autour de l'abdomen, au (1) Voir le Compte rendu de l’Académie des Sciences , de la séance du 12 octobre 1840, le mémoire sur les Xépones , inséré dans{le cahier de février de ces Annales, page rro, et la planche B annexée à ce Mémoire, Fig. 1.e, f,g,h,1,%, pour les lames branchiales principales de la femelle, et fig.12.8-12, pour ses lames branchiales accessoires. Les figures 7. 8. et 12. montrent les branchies du mâle, (2) M. Milne Edwards a publié plusieurs figures originales de l'Zone thoracique el de ses branchies, dans la nouvelle édition du Règne animal, livr. 110, pl. 59 des Crustacés, { Notc ajoutée après la lecture. ) DUVERNOY ET LEREBOULLET, — /espiration des Crust. Isop. 227 nombre de cinq paires seulement. Nous ne faisons qu'indiquer leur structure et leur disposition , n’ayant pas eu occasion de les observer. RÉSUMÉ DE NOTRE MÉMOIRE. (1) Le travail précédent comprend la description successive et détaillée de l'appareil de la respiration dans les sept familles suivantes des Crustacés Isopodes : 1° Les Idotéides; 2° Les Asellotes; 3 Les Cloportides ; 4° Les Sphéromiens; 5° Les Cymothoadiens; 6° Les Bopyriens; 7° Les Képoniens. Il n’y a que les deux familles des Praniziens et des Zoniens, que Latreille avait laissées dans l’ordre des Amphipodes, dont notre monographie ne donne point de description originale, re- lative aux organes de la respiration. On sait que la dernière famille ne se compose que d’un genre et d’une espèce, dont les seuls individus connus et décrits par Montagu, sont conservés dans une collection de Londres. Le mérite scientifique de ce travail, si tant est qu’on veuille bien lui en accorder un, étant surtout dans les détails des ob- servations directes, il serait difficile d’en présenter un résumé qui en donnât une idée complète. Cependant les faits qui y sont consignés, se rattachant aux trois parties principales dans lesquelles l’un de nous divise, de- puis treize années, l'histoire naturelle des animaux, nous vou- lons parler de leur étude anatomique et physiologique, de leur étude philosophique, et de leur étude systématique où classique, nous présenterons, sous ces trois points de vue, une partie des résultats de nos recherches, ou des conséquences qu’on peut en tirer. (x) Ce résumé est, en grande partie, l'analyse imprimee dans les Comptes-rendus de l'Aca- demie des Sciences, tome x1, page 883 et suivantes, 228 DUVERNOY ET LERÉBOULLET. — Respiration des Crust. 1s0p. A. Relativement à l'histoire naturelle anatomique et physiolo- gique ; La structure des organes de la respiration des Isopodes de- vait offrir un grand intérêt. Il s'agissait d'étudier, dans ces organes, les rapports des diffé- rentes Structures qu'ils pourraient présenter avec des genres de vie tres différens. La plupart des Isopodes vivent constamment plongés dans l'eau. Les uns sont libres, les autres sont parasites et ne se meu- vent guere qu'avec les Crustacés ou les Poissons aux branchies et au palais desquels ils se cramponnent. D'autres se tiennent sur les rochers où dans le sable des plages maritimes, à des élévations qui les mettent à l'abri des hautes eaux, ou à des étages plus bas qui sont alternativement submer- gés et à découvert par les marées. D'autres enfin vivent dans l’intérieur des terres, dans nos ha- bitations, respirant l'air en nature, mais un air humide, à l’a- bri de la lumiere solaire. Voici les principaux résultats auxquels nous sommes parve- nus, sous le point de vue anatomique et physiologique , c'est- à-dire de la forme et de la structure de ces organes, de la composition générale de l'appareil qu'ils constituent et sous celui de leurs usages. La structure normale des organes de la respiration, dans l’ordre des /sopodes, comme dans toute la classe des crustacés, est celle des organes de respiration aquatique : ce sont des branchies. Tout l'appareil, lorsqu'il a son plus haut degré de composi- tion, consiste dans deux séries de cinq paires de lames, attachées symétriquement sous les cinq premiers anneaux de l'abdomen. Chaque paire de lames a un pédicule commun, par linter- médiaire duquel elle est articulée au segment inférieur corres- pondant de l'abdomen. Une des deux lames de chaque paire est recouverte ou in- terne, et l'autre est recouvrante ou externe. Celle-ci peut servir (1 LÀ DUVERNOY ET LHREROULLET. — Aespiration des Crust. Isop. 220 d'opercule, de lame protectrice, et prend dans ce cas plus de consistance. La lame recouverte, au contraire, a généralement des parois très minces, à travers lesquelles se fait l’hématose; elle peut former une vessie, interceptant nne grande lacune, dans la- quelle le sang circule pour la respiration. Des appendices extérieurs des segmens de l'abdomen viennent encore, dans quelques cas, s'ajouter à cet appareil comme cper- eules accessoires. I. Il y en a une seule paire dans les Ædotées, genre type de la famille des Zdotéides, qui recouvre entièrement cet appareil. Ils tiennent au sixième ou dernier segment de l’abdomen et répon- dent aux appendices natateurs de ce même segment des autres Isopodes marcheurs. C’est un exemple remarquable, ainsi que l'a très bien compris M. Milne Edwards , des variétés de formes et d’usages que peut éprouver une même partie appartenant à un mème plan de composition, qui caractérise un ordre naturel ou un groupe subordonné ou supérieur. Cette paire de volets sous laquelie peut se trouver enfermé tout} l'appareil branchial, à la volonté de l'animal, est encore aidée dans sa fonction protectrice, à l'endroit où son bord externe devient libre et cesse de former l'espèce de charnière qui le fixe au bord correspondant du segment abdominal, par un stylet plumeux qui n'avait pas encore été décrit. Les opercules accessoires rendant inutiles la fonction protec- trice des lames branchiales recouvrantes, celles-ci et les lames recouvertes paraissent dans les /ofces, à-peu-près de la même consistance; ce qui nous fait penser que l’hématose peut se faire encore dans les premières, sinon aussi complètement que dans les dernieres, du moins accessoirement. Dans les Anthures, genre anormal de cette famille, il parai- trait que la premiére paire de lames estuniquement operculaire, et qu'il n'en reste que quatre paires pour la respiration; mais nous n'en jugeons que par les figures et les descriptions qui en ont été publiées. Les /dotéides se ennent sur les plantes marines et peuvent 230 DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Respiration des Crust. Isop. être mises à sec momentanément avec ces plantes. De là les précautions prises dans l’arrangement de leurs branchies contre l'action desséchante de l'air ou contre les lésions des corps étrangers. Le plan général de composition de l'appareil branchial des Isopodes que nous venons d'indiquer, en citant, en premier lieu, pour exemple les Zdotées, varie dans les familles suivantes pour le nombre des lames branchiales operculaires et respira- trices, et ces différences sont toujours en rapport avec le genre de vie. . Il y a d'autant plus de lames protectrices que l'animal est plus aérien, d'autant moins qu’il est plus aquatique. Celles-ci man- quent entièrement dans les Bopyres, dont l'appareil branchial est protégé par la carapace des Palémons, à l'abri de laquelle ils passent leur vie. IL. Les lames branchiales développées des 4se/lotes ne sont qu’au nombre de trois paires, dont la première a sa lame re- couvrante essentiellement operculaire; les cinq autres sont respiratrices. Ces trois paires de lames développées, répondent aux trois dernières des Zdotes. Ici l'appareil branchial propre- ment dit, réduit aux trois dernières paires des lames de lappa- reil complet, n’a proprement que la première où la plus exté- rieure de ces lames pour le protéger. Cette structure et cette composition répondent à un genre de vie entièrement aqua- tique. Les deux premières paires de lames du plan général existent, mais à l’état rudimentaire, dans les mâles des Æse/lotes, et sont modifiées pour la fonction de la génération. Dans les femelles on ne trouve que la premiere de ces deux paires. JIL. Chez les Cloportides la composition de appareil branchial est très uniforme pour le nombre des lames; mais il y a des dif- férences remarquables dans leur structure. Toutes les especes de cette grande famille vivent dans les lieux humides, non submergés et respirent l’air en nature. Elles n'ont, des deux premières paires de lames de chaque BUVERNOY ET LEREBOULLET. — Aespiralion des Crust. Isop. 231 série, que la lame recouvrante ou protectrice, etelles manquent de la lame recouverte ou vésiculeuse. Nous dicivns que celle-ci est représentée, dans les mâles, par un stylet tres allongé, élargi à sa base, qui a son emploi dans la copuiation , si d’un côté les analogues de ces appendices gé- nérateurs ue se retrouvaient dans les Zdolées, chez lesquels nous avons décrit les lames recouvertes, vésiculeuses dans les deux premières paires en question, comme dans les trois sui- vantes ; si de l’autre il restait dans les femelles quelques traces de cette composition, ce qui n’est pas. Chez les C/oportides les trois dernières lames operculaires recouvrent seules chacune une vésicule branchiale. Les lames operculaires sont composées de deux feuillets, un inférieur, aérien, beaucoup plus consistant, dans une grande partie de son étendue, que le feuillet abdominal, qui est extré- mement mince et à travers lequel l'hématose peut se faire. Les Porcellions et les Armadilles ont, dans les deux pre- mières paires de lames operculaires au moins, quelquefois dans toutes , selon les espèces, deux corps blancs où jaunes, qui pa- raissent servir à la respiration de ces animaux. Ces corps blancs ne se trouvent ni dans les C/oportes, ni dans les Philoscies, pas plus que dans les Ligies et les Ligidies. Nous avons fait beaucoup de recherches et un grand nombre d'observations, sur les C/oportides terrestres , pour reconnaitre l'organisation et l’usage de ce corps blanc, et afin de bien dé- terminer la manière dont se fait la circulation dans lappareil de ces Isopodes, et le mécanisme de leur respiration. Nous avons soumis ces animaux, ainsi qu'on l’a vu dans le texte de ce Mémoire, à quelques expériences dans l’eau, dans l'air sec, et exposés, en même temps, à la lumière ; nous les avons placés dans le vide, afin d'étudier leur vitalité dans ces diverses cir- constances, Voici un résumé de toutes ces recherches, au sujet de l'ap- pareil de respiration et de cette fonction, chez les Cloportides terrestres, ou du moins chez les Cleportes, les Philoscies, les Porcellions et les Armadilles, L sera facile, en relisant l'historique que nous avous pré: 232 DUVERNOY ET LERELOULLET. — Respiration des Crust. I50p. senté au commencement de l'article concernant cette famille, de juger eu quoi nous nous rapportons avec les observateurs qui nous ont précédé et sur quels points nous différons? 1. Les Cloportides terrestres, que nous venons de nommer, ont cinq paires de lames branchiales operculaires, disposées eu deux séries imbriquées, où se recouvrant comme des tuiles, sous la région abdominale. 2. Le feuillet externe ou aérien a toujours beaucoup plus de consistance que l'interne, qui est uniquement membraneux. Ces deux feuillets, en continuité avec les tégumens , iutercep- tent un vide ou une lacune en double communication avec le système sanguin, pour en recevoir le sang qui vient y respirer et lui rendre celui qui a respiré. 3. Les trois dernières paires seulement des lames opercu- laires recouvrent chacune une vésicule branchiale, ainsi que l'avait vu Treviranus. 4. Le corps jaune et filamenteux, c'est, du moins, la dési- gnation que Jatreille lui avait donnée, n'existe pas dans tousiles Cloportides terrestres, comme il l'avait annoncé; puisqu'il man- que dans les Cloportes et les Philoscies, qui sont organisés, sous le rapport de l'appareil respiratoire, comme les Cloportides ma- rins ou les Ligies. 5. Nous avons constaté la présence ile ce corps blanc (1); ar- borescent, d'apparence spongiense et comme vasculaire, dans les deux premières paires de lames branchiales des Porcellions et des Armadilles, de Fun et de lautre sexe. L’un de nous, en lisant au mois de novembre 1839, à la société d'histoire naturelle de Strasbourg, la note que nous avons citée dans notre histo- rique, lui a fait voir un dessin de ce corps, pris du Porcellion rude, et montrant cette structure. 6. L'existence de ce corps blanc, bien constatée dans les deux premières paires de lames operculaires, au moins, des (x) Nous le désignerons indifféremment par ces deux dénominaons de corps blanc on de corps jaune, parce qu'il est d'un blanc jaunâtre, ét que cette derniére teinte varie en inteusité. DUVERNOY ET LERÉBOULLET. -— Aespiration des Crust. Isop. 233 Porcellions et des Armadilles, a pu être négligée par ceux qui considèrent ces deux premières paires de lames comme appar- tenant exclusivement à l'appareil mâle de la génération. Mais comme cet organe se trouve aussi dans les femelles , ils ont pré- féré n’en rien dire que d’en discuter ou d’en approfondir les usages. 7. On trouve des corps blancs dans toutes les lames opercu- laires du Porcellion armadilloide et du Porcellion à trois bandes. C’est à notre avis une preuve indubitable d’une certaine iden- tité de fonction de toutes ces lames; ce fait prouve aussi que les deux premières n’appartiennent pas uniquement à l'appareil de génération, suivant la détermination de Treviranus ; ni exclusi- vement à la respiration, suivant celle de Latreille. 8. D'un autre côté l’abscence des corps blancs dans les lames | operculaires des Cloportes propres et des Philoscies, genres si rapprochés d’ailleurs des Porcellions, au point que les natura- listes n’ont pu jusqu'ici leur assigner d'autre caractère différen- tiel facile à exprimer, qu’un article de plus aux antennes des Cloportes et des Philoscies (1), ou de moins à celles des Porcel- lions; cette absence, disons-nous, dans les deux genres en question, semblerait prouver que cet organe n’a pas une aussi grande importance que celle de changer entièrement la nature de l'appareil respiratoire dans ceux qui en sont pourvus, et de rendre cet appareil entièrement aérien dans ceux-ci, de bran- chial qu'il serait dans les autres. 9. Mais cette différence organique confirme la distinction de ces divers genres et pourra servir dorénavant à les mieux ca- raclériser. 10. Notre description comprend celle d’une espèce de bou- tonniére, que nous avons observée dans le bord postérieur de la lame renfermant un corps blanc, et qui se voit facilement en soulevant un peu cette lame. L'un de nous a méme vu cette bou- tonnière se dilater et se resserrer dans l’état de vie. Il s’en (x) On doune encore pour caractères aux Philoscies d’avoir les antennes externes décou- vertes à leur insertion et les appendices styliformes internes de l'abdomeu presque égaux aux externes, 294 DUVERNOY ET LEREBOULLER. — Aespiration des Crust. Isop. échappe, suivant notre observation commune, de trés petites quantités de liquide aqueux, dans lequel du moins, nous avons constaté qu’il n'existe pas de globules. 11. À l’époque de la communication de notre première note (1), nous n’étions pas encore parvenus à découvrir de très petits points, dont le nombre et la position varient, et qui paraissent être les orifices des conduits qui pénétreraient dans le corps arborescent. La description trop vague de Latreille nous avait induits en erreur sur la position de ces trous. Nous les avons reconnus, pour la première fois d’après l'indication de la figure du corps blanc déjà citée, et publiée par M. Milne Edwards, au fond de la boutonnière du bord postérieur de la lame, que nous avions précédemment déterminée. 12. Le feuillet membraneux interne ou supérieur de la lame operculaire semble être l'organe générateur du corps blanc, en se repliant entre lui-même et le feuillet aérien. 13. Des observations réitérées sur les animaux vivans nous ont fait voir les globules sanguins se mouvant, en apparence sui- vant le grossissement qui nous les démontrait, avec une grande rapidité, dans différens sens, et dans toute la largeur des lames branchiales operculaires des Cloportes. Ils disparaissaient der- rière les ramifications du corps blanc, chez les Porcellions et les Armadilles. 14. Cette admirable circulation nous a démontré directement ce que Tréviranus avait présumé par l'absence des vaisseaux dans la lame branchiale, savoir, qu’elle intercepte un vide, une vé- ritable lacune, dans laquelle se meut le sang pour la respira- tion. 15. Des globules y suivent cependant des courans assez ré- guliers, dont nous déterminons la marche dans la description détaillée de nos observations, faites ensemble d’abord, et con- tinuées séparément. 16. Apres bien des essais infructueux pour injecter le corps blanc et mettre en évidence sa composition vasculaire, après (1) Voyez l'/nstitut du àa3 novembre et du 19 décembre 18509. DUVERNOY ET LEREBOUI.LET. — Aespération des Crust. Isop. 235 l'avoir observé avec soin au microscope pour reconnaître sa structure intime , voici l’idée à laquelle nous nous arrêtons, en ce moment, sur cette structure et sur les usages de ce corps. C’est une simple modification des lames branchiales opercu- laires, par le reploiement en dedans et la division du feuillet membraneux de ces lames, analogue à ce qui a lieu pour la mem- brane qui tapisse la cavité branchiale de certains décapodes. Cette membrane spongieuse absorbe l'humidité de l'air et maintieut humectée la lame branchiale. Mais l’action du fluide respirable a toujours lieu principalement à travers-le feuillet membraneux interne de la lame branchiale qui forme dans cette lame, comme dans celles où les corps blancs n’existent pas, la paroi supérieure de la lacune dans laquelle le sang vient res- pirer. 17. Relativement au mécanisme de la respiration des Clopor- tides terrestres, nous avons remarqué que les mouvemens d'abduction des lames branchiales operculaires étaient bornés et n'étaient jamais assez étendus pour laisser échapper nne lame d’eau, que ces animaux conservent entre leurs branchies, et qui empêche l’action desséchante de l'air. Cette observation est importante pour comprendre que les Cloportides terrestres respirent l'air avec des organes de respi- ration aquatiques, ainsi que les effets promptement mortels, pour ces animaux , de la respiration d’un air sec. 18. En effet, les expériences que nous avons faites pour con- stater comparativement la durée de la vie des Clopertes et des Porcellions, dans an air sec et chaud, à l’ombre ou à la lumière ou dans l'eau, nous ont démontré que ces animaux périssent en peu d’instans (cinq quarts d'heures), exposés au soleil dans un bocal ouvert (6° exp. du 1 5 juillet), tandis que, dans l’eau, la du- rée de la vie des Porcellions a été de 3 heures 1/2. (5° exp. du 15 Juillet.) 19. En général, dans toutes ces expériences, nous avons re- marqué que les Porcellions résistent plus long-temps que les Cloportes à l’action desséchante de l'air ou de la lumière. 20, Les Porcellions privés de leurs corps blancs ne survivent 236 DUVERNOY ET LEREBOUË*ET. — Respiration des Crust. I1sop. à cette mutilation que 18 ou 20 heures au plus, tandis qu'ils vivent long-temps quand on leur a coupé 10 pattes sur 14. Sans doute ces expériences, qu’il sera facile de multiplier, ne suffisent pas encore pour en tirer des conclusions incontesta- bles. Mais on peut au moins en déduire que l’eau et l'air sec et chaud, sans l’action de la lumière ou avec cette action, sont mortels pour ces animaux, et que leurs organes de respiration, quoique formés, pour l'essentiel, sur le modèle des branchies de cette classe ,ne sont pas plus propres à respirer l’eau, ni l'air sec, que ceux de certains crabes terrestres. Leur respiration nor- male ne peut avoir lieu que dans un air humide, condition es- sentielle de la durée de leur existence. IV. La quatrième famille des /sopodes, celledes Sphéromiens, a cinq paires de lames dans chaque série. De ces cinq paires de lames, huit sont operculaires ou protectrices. Il n’y a que la laine recouverte des deux dernières paires qui soit membraneuse ou vésiculeuse, et uniquement, essentiellement respiratrice. On n’a pu voir sans étonnement, dans nos descriptions dé- taillées, toutes les précautions qui ont été prises pour préserver ces lames respiratrices des lésions des corps extérieurs, ainsi que leur structure particulière. Elles sont régulièrement divisées par des plis obliques, dont le nombre varie suivant le numéro des lames et les espèces de cette famille. Cette structure, qui les rend comme gaufrées, avait échappé aux recherches de M. Sa- Vigny. fs V. Les branchies des Cymotñoadiens que nous avons pu étu- dier forment un appareil d'une grande conformité de composi- tion, sinon de structure. Ce sont toujours dix paires de lames bien développées, dis- posées sur deux séries et insérées chacune sur un pédicule commun; les premières sont protectrices ou opercaliise, et les suivantes respir atrices. Il n'y a de différence que dans le nombre, ia forme et l’é- tendue des lames protectrices ou operculaires, relativement aux lames respiratrices, et réciproquement. DOVERNOY ET LEREBOULLET. — Atespiralion des Crust. Isop. 237 Le nombre, ou, par compensation , l'étendue des premières est en raison des circonstances de mœurs qui pourraient mettre à sec l'animal et l’obliger de protéger les lames respiratrices contre l’action desséchante de l'air. Les Cymothoadiens errans, quoique tous aquatiques, se- raient, par exemple, plutôt dans ce cas, que les Cymothaodiens parasites, qui vivent fixés sur les branchies ou d’autres parties du corps des Poissons. Cependant, malgré cette conformité d'organisation, nous avons trouvé des différences, relatives à chacun des groupes éta- blis, différences qui pourraient, au besoin , servir à caractériser ces derniers. C’est ainsi que dans les Cymothaodiens parasites la lame la plus antérieure , grande et large, est conformée pour recouvrir toutes les autres ; tandis que dans les Cymothoadiens errans , les lames antérieures sont loin d’avoir les dnuensions suffisantes pour remplir cet usage. On pourrait encore, dans /es Cymothocdiens parasites, établir deux autres groupes dont le premier aurait des lames vésicu- leuses plissées (genres Mérocile et Anilocre); tandis que le se- cond ne serait pourvu que de lames vésiculeuses simples (genre Cymothoé ). VI et VII. Les familles parasites et entièrement aquatiques des Bopyriens, des Képoniens et des Joniens s'écartent de plus en plus, par plusieurs circonstances organiques , de l'appareil respiratoire des Isopodes précédens. Celle des Bopyriens n’a que cinq lames respiratrices dans chaque série, et manque de lames operculaires. Elle n’avait que faire de celles-ci, protégée comme elle l’est, par les parois de la cavité branchiale de l'animal aux dépens duquel elle vit. Les Képoniens se distinguent de tous les autres /sopodes par le nombre, la disposition et la forme de leurs lames bran- chiales, (1) (2) Woir ce que l’un de nous en a dit dans les Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, du 12 octobre 1840 , et le Mémoire inséré dans l'un des cahiers précédens de ces Annales. LE 238 DUVERNOY ET LERFEBOULLET. — Âespiration des Crust. Isop. } B. Relativement à l’histoire naturelle philosophique des Xso- podes , Il était important d'étudier comparativement le plan d’orga- nisation de l’appareil de respiration de ces animaux ayant des genres de vie si différens, et de constater si ce plan n’est que modifié, ou s’il est entièrement changé, pour ces diverses cir- constances. Nos propres observations répondent affirmativement à la pre- mière question, ainsi qu'on a pu le comprendre par la lecture de la première partie de cette analyse. Elles montrent, dans le plan général de composition des or- ganes de respiration des /sopodes, que ce sont des animaux aquatiques, comme toute la classe à laquelle ils appartiennent; et dans les diverses modifications de ce plan général, la raison de la distribution de ces animaux à la surface du globe, dans l’uu ou dans l’autre milieu respirable. C. Relativement à l'histoire naturelle systématique ou classique, on peut conclure de nos recherches : 1° Que la position abdominale des organes de la respiration, ou la suspension de ces organes, comme appendices , aux an- neaux de l'abdomen, est le seul caractère commun qui subsiste, pour toutes les familles de cet ordre, tel qu'il est limité dans la classification que nous avons suivie; 2° Qu'en précisant davantage les caractères de position , de forme et de composition de l'appareil blanchial, on pourrait grouper ensemble les six premières familles, sous le nom d’/so- podes normaux. Elles se rapprochent en effet, sous le rapport des organes de larespiration, par la position sous-abdominale de leur appareil blanchial et par sa composition générale; cet ap- pareil étant formé de lames branchiales vésiculeuses, recouvertes par des lames protectrices ou des opercules. Le second groupe, celui des trois dernières familles des Bo- pyriens, des Képoniens et des Joniens, formerait les Zsopodes anormaux. Hs n’ont point de lames operculaires proprement DUVERNOY ET LEREBOULLET. — Respiration des Crust. 1sop. 239 dites, pour protéger l'appareil branchial. Les seuls Bopyriens les ont toutes entières et sous-abdominales. Les Zoniens les ont arborescentes et flottant autour de l’ab- domen, double caractere tout-à-fait anormal parmi les Isopodes. Les Kcponiens les ont intermédiaires entre ces deux familles : en partie sous-abdominales et entières ou presque entieres, en partie flottant autour de l'abdomen et frangées. Enfin, dans cette dernière famille, la sixième paire d’appendices abdominaux flottans, est aussi convertie en branchie, ce qui n’a lieu dans aucun autre Isopode. 3° On peut encore conclure de l'étude détaillée de l'appareil respiratoire dans les Crustacés isopodes, que la disposition, la composition et la forme générale de cet appareil est la même dans chaque famille ; 4 Que certains genres montrent dans leur appareil respira- toire des particularités de structure propres à les mieux caracté- riser qu'on a pu le faire jusqu'à présent. Tel est le genre Porcel- lion, que l’on pourra dorénavant distinguer des Cloportes, non-seulement par un article de moins aux antennes externes, mais encore par la présence d’un corps blanc dans les deux premières paires, au moins, des lames operculaires de son ap- pareil respiratoire. 5° Un seul genre enfin, le genre 7y/os, composé d’une seule espèce, se distingue par de singulières modifications dans la structure de son appareil respiratoire, dont la connaissance dé- taillée, due à M. Milne Edwards, nous fait penser qu’il devrait faire le type d’une famille distincte. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE 6. Fig. x. Lame operculaire commune de l’Zdotea tricuspidata, grossie deux fois pour montrer le style plumeux €, situé entre le rebord de l’abdomen et la partie libre de la lame.—a, Pos tion principale de la lame. 2, Sa portion libre. c. Le stylet plumeux. d, Bord postérieur de l'abdomen Fig. 2. Premiere paire d'opercules rudimentaires de l’Aselle d’eau douce , grossie 50 fois, Fig. 3. Pièces représentant la deuxième paire de lames branchiales chez le mâle de l 4selle d'eau douce. — a. Pédicule: on y aperçoit les faisceaux musculeux qui servent à mouvoir les autres piéces. — L. Piece externe, currespoudant à la lame operculaire du plan général. — ce. Piece interne , tenant lieu de la lame vésieuleuse, — d. Appendice styliforme attaché a celle derniére pièce, 2/40 DUVERNOY ET LERFBOULLET. — /tespiration des Crust. Isop. Fig..4. Deuxième lame branchiale operculaire de la Ligie océanique mâle , du côté gauche, vue par sa face imférieure ou aérienne, —a. Lame operculaire. 8. Lobe externe accessoire. c Sty- let génital. d, Pièce transversale ou côte à laquelle le stylet est articulé. e. Débris de la mem- brane qui tapisse la face inférieure deV’abdomen. — Cette pièce a été dessinée au microscope avec ‘un grossissement de 22 diamètres environ. Figures 5-10. Lames operculaires de la Lacie Des Hyenes ( Ligidium Persoonii Brandt., Ligia Hypnorum Latr.), femelle. La figure 5 est la première lame operculaire, la figure 6 la seconde , et ainsi de suite jus- qu'à la cinquième lame représentée figure 10. Fig. 7. &. Articulation de la troisième lame avec l'extrémité externe de la côte, 2. Canal afférent. d. Canal efférent. c. Apparence de réseau capillaire, établissant une communication entre ces deux canaux. É Fig. 9. Quatrième lame dans l’abduction , vue de face, — a, La lame. 2, Le crochet interne de la côte. La figure 8 représente la même lame dans l’adduction. Fig. 10. Cinquième lame. — a. La lame principale. 4. La côte. c. La lame accessoire , formée par un développement du crochet précédent. Fig. ru. Stylet génital de la deuxième lame chez le mâle. a, Premier article, formé par la côte. 4. Deuxième article ou stylet proprement dit, Ces pièces sont grossies environ 23 fois: elles appartienuent au côté droit et sont vues par leur face inférieure ou aérienne. Figures 12-14. Æppareil de la respiration dans Les PorcerxioNs et Les ARMADILLES. Fig. 12. Lames branchiales operculaires dans le Porcellio scaber. — c et d sont les corps blancs des deux premières paires de lames. Fig. 15, Les mêmes lames branchiales operculaires dans le Porcellio armadilloides (femelle). c.d,e,f, g indiquent les corps blancs dans les cinq paires de lames, Fig. 14. Plaque operculaire de la deuxième paire, pour faire voir ce corps blanc par la face abdominale, Le bord postérieur d de cette plaque est eu avant. — 4, Ouverture en forme de boutonnière. 2. Réseau de canaux qui longe le bord de cette boutonnière. c. Corps blanc arborescent. Figures 15-22. Appareil branchial du SpaÆROMA ciNEREUN. La figure 15 fait voir la cavité branchiale garnie des cinq paires de lames operculaires et brauchiales. Fig. 16. Les lames operculaires et branchiales du côté droit ont été enlevées, de manière à montrer la cavité branchiale de ce côté. — a, a. sont les dernières pattes ambulatoires articulées au dernier segment thoracique. — b. est la cavité branchiale du côté droit, — c. La quatrième lame operculaire , portée en avant, pour découvrir la quatrième lame bran— chiale d, montrant les plis obliques. — e. Cinquième lame opereulaire, — f. Cinquième lame branchiale, Fig. 17. On voit dans cette figure à la partie droite de la cavité branchiale, — e. La cin- quième lame operculaire, soulevée et portée en avant, pour meltre à découvert la cinquième lame branchiale f, dont les plis obliques sont plus nombreux que dans la précédente. Fig. 18-22. Paires de lames operculaires et branchiales du côté droit. Dans toutes ces figures, e est la lame externe ou operculaire , et # la lame interne ou branchiale. On voit ent, fig. 22, les tubercules qui sont à l’augle interne et postérieur du cinquième opercule, Fig. 23. Dernière paire de lames sous-abdominales du Merocila affinis Edw., du côté droit . vue par sa face interne où supérieure, — a. Pédicule. À. Lame recouvrante. c, Lame recouverte on vésicule avec ses plis irréguliers. 4. Appendice plissé de cette vésicule, e. Lobe membraneux externe, tenant au pédicule. — _ FLOURENS — Action de la garance sur les os. 241 NouvELLES RECHERCHES concernant l’action de la Garance sur les os, Par M. FLourEns. (Quatrième Mémoire, lu à l'Académie des Sciences, le 8 février 1841.) Développement des os en longueur. Je me suis servi, dans un précédent Mémoire (1), de l’action la garance pour suivre la marche de l'accroissement des os en grosseur. C’est ce que Duhamel, c'est ce que J. Hunter avaient déjà fait avant moi, du moins en partie. Mais ni Duhamel ni J. Hunter n’avaient songé à profiter de l’action de la garance pour démêler et suivre la marche de l'accroissement des os en longueur. Et cependant l’action de la garance ne donne pas moins l’ac- croissement des os en longueur que leur accroissement en gros- seur. On peut s’en assurer par les pièces que je mets sous les yeux de l’Académie. La pièce n° 1 est le #bia d'un jeune porc. L'animal a, d’abord, été soumis au régime de la garance (2) pendant un mois; puis il a été rendu à la rourriture ordinaire pendant quatre mois : enfin, il a été soumis de nouveau au ré- gime de la garance pendant un mois, et il a été tué. Le tibia, scié en long, offre selon toute sa longueur, trois li- gnes ou couches parfaitement distinctes: une interne, rouge; une intermédiaire, blanche; et une externe, rouge. La couche interne est la portion d'os qui s'était formée pen- (1) Voyez Annales des Sciences naturelles , deuxième série, tome xr11, page 104, (2) Régime de la garance, c'est-à-dire garance mêlée à la nourriture ordinaire. Voyez mes précédens Mémoires , Annales des Sciences naturelles , tome x1x, page 30, etc. XV, Zoor, — Avril, 16 242 FLOURENS. Action de la garance sur Les os. dant le premier régime de la garance (1); l'intermédiaire est la portion d'os formée pendant l'usage de la nourriture ordinaire, et l'externe est la portion d’os formée pendant le second et der- nier régime de la garance. Mais, ce qui nous importe surtout ici, où il s’agit de déméler et de suivre, comme je l’ai déjà dit, l'accroissement de l'os en longueur, c'est que si l’on examine les deux extrémités de l'os, tant la supérieure que l'inférieure, on y voit deux masses ou portions de tissu spongieux ou réticulaire, Juxtaposées et par- faitement distinctes l’une de l’autre par leur couleur. La première de ces masses, celle qui touche au canal médul- laire, est blanche (2); et la seconde, celle qui termine l'os, est rouge. Or, de ces deux masses, l'interne, ou la plus ancienne puis- qu'elle répond aux quatre mois du régime ordinaire (3), est blanche; et la terminale, ou la plus nouvelle puisqu'elle répond au dernier régime de la garance, est rouge. Donc les os croissent en longueur en allant du centre aux extrémités, par masses ou couches qui se jnxtaposent, comme ils croissent en grosseur, en allant de dedans en dehors, par lames ou couches qui se su- perposent. La piece n° 2 est un fémur du même porc. Le corps de l'os a été scié en travers, et l’on y voit très dis- tinctement trois cercles ou couches: une interne, rouge (4), qui répond au premier régime de la garance ; une intermédiaire, blanche, qui répond aux quatre mois de la nourriture ordi- (1) Cette couche rouge est actuellement la couche la plus ancienne ; mais elle avait été précédée par une autre , laquelle était blanche (car l'animal ne se nourrissait pas encore de garance ), et a disparu par la résorption (Voyez mes précédens Mémoires, Annales des Sciences naturelles, tome xt1r, page 104). (2) Il y avait eu précédemment une couche rouge plus interne que la couche blanche acluelle , et qui répondait au premier régime de la garance, mais qui a déjà disparu par la résorption ; car la résorption marche très vite dans le tissu spongieux des os. (3) La couche, plus ancienne encore, et qui répondait au premier régime de la garance, a disparu par la résorption. {#) Le cercle qui avait précédé cette couche rouge , et qui. formait l'os avant le premier régime de la garance , a disparu par la résorption.( Voyez mes précédens Mémoires). FLOURENS. — Action de la garance sur les os. 245 naire; et une externe, rouge, qui répond au dernier régime de la garance. Les deux extrémités de l’os ont été sciées en long, et elles of- frent deux masses distinctes : l’une interne et blanche, qui s’est formée pendant les quatre mois de la nourriture ordinaire ; l’autre externe ou terminale, et rouge, qui s’est formée pendant le dernier régime de la garance. Une masse plus ancienne, et qui s'était formée pendant le premier régime de la garance ; a déjà disparu par la résorption. Des deux masses qui restent, la plus ancienne est donc la plus interne; la plus nouvelle est la plus externe. Les os crois- sent donc en longueur par couches qui se juxtaposent, comme ils croissent en grosseur par couches qui se superposent. Les os, contenus dans les bocaux 3, 4 et 5, appartiennent à un jeune porc qui, après un mois du régime de la garance, a été rendu à la nourriture ordinaire pendant six mois. L'os du bocal n° 3 est le fémur. Ce fémur a été scié en long et l’on y voit, selon toute sa longueur, deux lignes ou couches, l’une interne, très mince et rouge; l'autre externe, très épaisse et blanche. La couche interne et rouge, presque entièrement résorbée sur quelques points, est celle qui s'était formée pen- dant le régime de la garance ; la couche externe et blanche, beaucoup plus épaisse, est toute la portion d'os qui s’est formée pendant les six mois de la nourriture ordinaire. Voilà pour l'accroissement de l'os en grosseur. Pour juger tout aussi sûrement de l'accroissement en lon- gueur, il suffit de remarquer que la couche rouge ne règne que sur le corps de l’os, et que tont ce qui est extrémité est blanc. Or, ce qui est extrémité, ce qui est blanc, est ce qui s’est fait depuis que le régime de la garance a cessé, c’est ce qui s’est fait après ce qui est rouge, puisque le régime de la garance avait précédé la nourriture ordinaire, c'est donc par leurs extrémités que les os s’allongent. Les bocaux 4 et 5 présentent quelques os du carpe du même porc. Les os du bocal n° 4 sont sciés en long ; les os du bocal n°5 sont entiers. Et partout, soit que l’on considère les os sciés en 16, 241 FLOURENS. — Action de la garance sur les os. long et que l'on voit à l’intérieur, soit que l'on considère les os entiers et que l’on voit à l'extérieur, partout la couche rouge marque par sa limite, et quelle était la longueur de los au mo- ment où le régime de la garance à cessé, et quelle est l’étendue de la portion d'os qui s’est formée depuis que l'animal à été rendu à la nourriture ordinaire. C’est donc, encore une fois, par couches externes et juxta- posées que les os croissent en longueur, comme c'est par cou- ches externes et superposées qu'ils croissent en grosseur. En d’autres termes, et en un seul mot, c’est par l'addition de nou- velles couches, déposées à la surface externe des couches déjà formées, que l'accroissement des os s’opère(r). L'action de la garance donne donc l'accroissement des os en longueur, comme il donne leur accroissement en grosseur. Il est singulier que Duhamel et J. Hunter ne s’en soient pas aperçus, eux qui, d’ailleurs, pour découvrir et pour démontrer l'accroissement des os en longueur, ont imaginé des expériences si ingénieuses et susceptibles d’une si grande précision. Duhamel percça le tibia d’un jeune poulet (2) de plusieurs trous , placés à une égale distance les uns des autres. Au bout d’un certain temps, la position respective des trous n'avait pas changé; tout l'accroissement s'était fait aux extrémités de l'os, et par delà les trous. Voici cette belle expérience de Duhamel, qui n’a pas été assez remarquée, et que lui-même a mal com- prise (5). » On choisit, dit-il, un poulet d'environ six semaines ; l'os de sa jambe avait deux pouces de longueur; on le perca avec un (x) C’est même là ce qui fait tout l'accroissement ; c'est que les parties nouvelles, se formant par dessus les anciennes , sont nécessairement plus grandes, (2) Je choisis cette expérience de Duhamel entre plusieurs autres, parce que , de toutes les siennes , c’est celle qui se rapproche le plus de l'expérience décisive de Hunter. ( Voyez le Mémoire de Duhamel sur la crue des os suivant leur longueur, Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1743.) (3) Trompé par d’autres expériences , faites sur des animaux plus jeunes et dans lesquelles il avait cru voir les trous s'éloigner plus vu moins les uns des autres, moins à la partie moyenne el plus aux extrémités. D'où il concluait que les os s'allongent dans toutes leurs parties, mais surtout dans leurs parties extrêmes, ( Voyez son Mémoire, déjà cité.) FLOURENS. — Aclion de la garance sur les os. 245 foret à un demi-pouce de l'articulation du pied ; on fit un autre trou un demi-pouce plus baüt, enfin on fit un troisième trou encore un demi-pouce plus haut; et ce dernier trou était éloi- gné de l'articulation du genou d’un demi-pouce; de sorte que toute la longueur de l'os était divisée par demi-pouces. « Je fis passer un fil d'argent dans chacun de ses trous, et on en fit des anneaux qui embrassaient la moitié des chairs ou des muscles de ia jambe. « Ce poulet fut tué sept semaines après qu'on lui avait piqué l'os de la jambe.….; et alors l'os tibia avait trois pouces de lon- gueur au lieu de deux qu'il avait au commencement de l'expé- rience. « Ilest question de savoir, continue Duhamel, à quelle partie de cet os s’est fait cet allongement, et c’est ce qu'il est aisé de connaître par le moyen des trous qui divisaient l'os de la jambe en quatre parties égales. Le premier qui, au commencement de l'expérience, était à six lignes de l’extrémité inférieure, était àla fin de l'expérience à neuflignes; ainsi l'os s'était allongé de trois lignes en cet endroit. Le deuxième trou était, à la fin de l’expé- rience comme au commencement, à six lignes du premier et du troisième trou ; il n’y avait donc eu aucun allongement entre le premier et le troisième trou. Mais ce troisième trou qui, au commencement de l'expérience, était éloigné de six lignes de l'extrémité supérieure du tibia, en était éloigné à la fin de quinze lignes; ainsi il y avait neuf lignes d’allongement à cette partie...» L'expérience de J. Hunter brille par plus de clarté encore. Le tibia d'un jeune porc fut percé de deux trous. L'intervalle de ces deux trous fut exactement mesuré. Au bout de plusieurs mois, animal fut tué. Il avait beaucoup grandi, son tibia s'était fort allongé, et cependant l'intervalle entre les deux trous n'avait pas changé (1). Que l’on consulte donc les expériences mécaniques ou les expériences par la garance, la conclusion est toujours la même : c’est par leurs extrémités, et par leurs extré- mités seules, que les os s’allongent. (1) Voyez Transactions of Socicty for the improvement of medical and chirurgical lnowledge , me 11, page 275. 246 FLOURENS. — Action de la garance sur les os. Je reviens à mes expériences par la garance, et je cherche à voir, d’une vue générale, le mécanisme singulier par lequel les os croissent et se développent. Or, ce mécanisme du développement des os consiste évidem- ment dans une mutation continuelle de toutes les parties qui les composent. Cet os, que je considère et qui se développe, n’a plus, en ce moment, aucune des parties qu'il avait il y a quelque temps, et bientôt il n’aura plus aucune de celles qu'il a aujourd'hui. Et dans tout ce renouvellement pérpétuel de ma- tière, sa forme change très peu. Là est une des premières et fon- damentales lois qui régissent les organismes. Dans tout ce qui a vie, la forme est plus persistante que la matière. Buffon l'avait déjà remarqué.« Ce qu'il y à, dit-il, de plus constant, de plus invariable dans la nature, c’est l'empreinte ou le moule de chaque espèce; ce qu’il y a de plus variable et de plus corruptible, c’est la substance (r). » Georges Cuvier s’est plu à développer cette belle idée. «Dans les corps vivans, dit-il, aucune molécule ne reste en place, toutes entrent et sortent successivement : la vie est un tourbillon continue], dont la direction, toute compliquée qu'elle est, de- meure constante, ainsi que l'espèce des molécules qui y sont entraïnées, mais non les molécules individuelles elles-mêmes ; au contraire, la matière actuelle du corps vivant n’y sera bientôt plus, et cependant elle est dépositaire de la force qui contrain- dra la matière future à marcher dans le même sens qu'elle. Ainsi la forme de ces corps leur est plus essentielle que leur ma- tiére, puisque celle-ci change sans cesse, tandis que l’autre se conserve (2). » On peut dire que cette grande vue de la #utation continuelle de la matière, fruit d’une méditation abstraite plus encore que des faits mêmes pour Buffon et pour Cuvier, se convertit en un fait matériel dans mes expériences par la garance. Si je considère, en effet, l'accroissement en grosseur sur un de ces os que j'ai mis sous les yeux de l’Académie, sur le tibia, (1) Buffon, Histoire du Cerf, (a) Rapport historique sur les progres des Sciences naturelles FLOURENS. — Æclion de la garance sur les os. 247 sur le /émur de ce jeune porc, qui, après avoir été soumis au régime de la garance pendant un mois, a été rendu à la nourri- ture ordinaire pendant six mois, je vois à l’intérieur une couche rouge, mais avant que cette couche rouge se füt formée, il en existait ane autre qui était blanche et qui a déjà disparu. Cette couche rouge qui est à présent la plus ancienne, était donc na- guère la plus nouvelle; et quand elle était la plus nouvelle, elle qui bientôt ne sera plus, toutes les couches blanches qui se sont formées depuis n’existaient pas encore. L’accroissement en longueur me donne le mêmes faits, et peut-être de plus surprenans encore. Les extrémités de l'os, ce qu'on appelle ses £éles, changent complètement pendant qu’il s’accroit. En effet, la té/e où extrémité de l'os qui se trouvait au point où finit la couche rouge, et qui avait alors elle-même une couche rouge, n’est .plus; elle a été résorbée; ét celle qui est maintenant n'existait pas alors; elle s’est formée depuis. Tout change donc, dans l'os, pendant qu’il s’accroïit. Toutes ses parties paraissent et disparaissent ; toutes sont, successive- ment , formées ét résorbées ; et chacune, comme le dit admira- blement G. Cuvier, est dépositaire, tandis qu’elle existe, de la force qui contraint celle qui lui succède, et à marcher dans Le méme sens qu'elle, et à revêtir sa forme. Je ne présente le squelette du jeune porc, placé dans le bocal n° 6, que, pour donner une idée, par l'extrême vivacité de la couleur rouge des os, de l’action puissante que la garance exerce sur ces parties. Le squelette n° 7 est celui d’un jeune pigeon qui n’a été sou- mis au régime de la garance que pendant six jours. Les os sont du rouge le plus vif. À côté, dans le bocal n°8, est le squelette d’un pigeon adulte qui a été soumis au même régime pendant plusieurs mois; et cependant les os sont à peine de couleur rosée. Le mouvement par lequel s'opère l’accroissement dans le jeune animal se continue donc dans l'animal adulte, puisque les os de l'animal adulte se colorent par la garance; mais il ne s’y continue que très ralenti, puisque, après plusieurs mois du re- gime de la garance . les os de Vanimal adulte sont beaucoup 248 FLOURENS. — Action de la garance sur des os. moins colorés que ceux du jeune animal après quelques jours seulement de ce régime, et je pourrais dire même, en rappelant les expériences de mon premier Mémoire (1), après quelques heures. . L'action de la garance transforme donc, en faits visibles à l'œil, la marche de l'accroissement des os. Elle marque même et la rapidité première, et le ralentissement progressif de ce mouvement que Cuvier appelle le tourbillon vital, et par lequel toutes les parties des os se renouvellent et se succèdent. Mais la garance n’agit que sur les os. On sent donc combien il serait important de trouver une substance qui agit aussi sur les autres parties, et qui nous démasquât, de même, et le mé- canisme de leur accroissement, et la marche du tourbillon par- ticulier qui les entretient et les régénère. Je cherche et ne désespère point. Déjà, parmi plusieurs substances non encore essayées sous le point de vue qui m'occupe ici, et que je dois à l’amitié de mon savant confrère M. Pelouze, il s’en est trouvé une, l'acide aloé- tique, qui colore les os en violet, comme on peut le voir par le squelette contenu dans le bocal n° 9. Mais l'acide aloétique nous fournira-t-il enfin ce moyen d’ex- ploration cherché depuis si long-temps pour les parties autres que les os? C’est ce que je n’oserais dire encore. Je dois pourtant ajouter, relativement au pigeon dont je présente ici les os colo- rés , que, bien qu'il n’ait pris qu’une seule fois de l’acéde aloé- tique, qu’il en ait pris très peu, et qu’il soit mort quelques heures après en avoir pris, sa peau, son tissu cellulaire, ses cartilages, etc., offraient néanmoins déjà, autant que j'en ai pu juger par un pre- mier examen, une couleur violette assez prononcée. Je répète et je continue, en ce moment, ces nouvelles expé- riences. (1) Voyez Annales des Sciences naturelles , tome xirr. RUSCONI. — Sur les vaisseaux lymphatiques. 249 OssERvATIONS sur les vaisseaux lymphatiques de la Salamandre et de la Grenouille, extraites d’une lettre du docteur Rusconi, membre de l'institut de Milan, adressée à M. Brescuer , membre de l’Institut de France. « J'ai le plaisir de vous annoncer que je viens de découvrir un fait anatomique entièrement nouveau et des plus curieux, que je vous prie de faire connaître à vos collègues de l'Insti- tut (Académie des Sciences); j'ai trouvé dans la Salamandre commune, que les vaisseaux lymphatiques des viscères abdo- minaux ne sont que des gaines assez larges qui couvrent et renferment une artère, comme les doigts d’un gant enveloppent et contiennent les doigts de la main, de sorte que dans tous les vaisseaux lymphatiques des viscères de l'abdomen qui abou- tissent au réservoir du chyle et au canal thoracique, il y a deux fluides qui circulent en sens contraire l’un de l’autre. M. B. Pa- nizza, mon illustre collègue, a vu dans toutes les Tortues de mer, que l'aorte et les troncs qui en naissent (mais les troncs seu- lement et non leurs ramifications ) sont renfermés dans le canal thoracique et dans les réservoirs de la lympbhe : il dit positi- vement qu'ils y sont enveloppés de la même manière que le cœur est contenu dans le péricarde, et que, par conséquent, la lymphe n’est en contact ni avec l'aorte, ni avec les troncs qu’elle produit. Il pose en fait (p. 33) que les réservoirs et le canal thoracique sont les seuls canaux de la lymphe qui ren- ferment dans leur intérieur les gros vaisseaux, savoir, l'aorte et les troncs qu’elle fournit. Or, d’après mes observations sur les Salamandres, l'aorte abdominale, les troncs qu’elle produit et toutes leurs ramifications ( diramationes) jusqu'aux plus pe- tites, sont hon pas simplement enveloppés, mais renfermés dans les vaisseaux lymphatiques, de façon que la lymphe qui circule dans ces vaisseaux se trouve toujours en contact avec les artères. Injectez un liquide coloré en rouge dans le système artériel, et en blanc dans les vaisseaux lymphatiques d’une Salamandre, 250 RUSGONI. — Sur les vaisseaux lymphatiques. et vous aurez le plaisir de voir les artères du mésentère à tra- vers les parois de ces vaisseaux; ouvrez le réservoir du chyle, fendez deux ou trois vaisseaux lymphatiques tout de leur long, soulevez les artères avec une petite pince, ét vous verrez qu’elles sont assujetties aux parois des vaisseaux chylifères par des brides tendineuses extrêmement ténues, et vous remarquerez que, dans le réservoir, elles sont unies entre elles et fixées par ces mèmes brides aux parois de ce dernier. Le fait que je vous annonce est de la plus grande exactitude, et c’est parce que j'ai acquis la certitude de cette disposition anatomique, que je vous prie d’en donner connaissance aux anatomistes français. J'ai parlé de cette disposition des vaisseaux lymphatiques des Salamandres devant l’Institut de Milan, ma communication vient d’être rendue pu- blique par l’impression; mais en attendant que je puisse vous adresser mon opuscule, je vous prie d'annoncer ma découverte, afin que les savans qu’elle pourra intéresser puissent en consta- ter la rigoureuse exactitude et étendre leurs investigations à d’autres reptiles. « Si vous voulez faire des recherches sur les vaisseäux lym- phatiques des petits animaux, je vous engage à ne point vous servir des tubes à injection de Sœmmerring, et de ne point em- ployer le mercure pour les injections, parce que ce métal par son poids déchire très facilement les tissus des petits animaux, il sort des vaisseaux, s’extravase, après avoir dilaté, outre me- sure, les canaux dans lesquels on lavait introduit; en un mot, il altère tout. Au lieu de mercure, servez-vous de cire colorée en rouge ou en bleu, et mélez-y de l'huiie de noix en plus où moins grande quantité, selon le chaleur de la saison, et faites votre injection avec une petite seringue, je puis vous assurér, et d’après ma propre expérience, que vous en sérez trés sa- tisfait. « À la dernière réunion des naturalistes qui, comme vous le savez sans doute, a eu lieu à Turin, j'ai lu un petit mémoire sur la méthode dont je me sers pour disséquer les embryons extrêmement petits, laquelle consiste à les enchâsser dans de la cire, comme l’on enchâätônne des diamans, puis à disséquer ces embryons sous l’eau, après les avoir légèrement baïgnés avec RUSCONT. — Sur les vaisseaux lymphatiques 151 L une liqueur acide, composée d'une partie d'acide nitrique et de huit parties d’eau. C’est à l’aide de ce procédé anato- mique que j'ai pu suivre le développement de l’encéphale de la Grenouille, et je regrette beaucoup que M. le professeur Serres n’ait pas connu ce procédé à l’époque où il a fait ses obser- vations sur l’encéphale considéré dans les quatre classes des animaux vertébrés. S'il eût connu, il n'aurait pas eu tant d'obstacles à vaincre, comme il le dit lui-même, pour suivre la formation et les évolutions successives de l’encéphale et de la moelle épinière chez le Tétard. « Pavie, le 26 décembre 1840. P. S. «Pendant que je vous écrivais cette lettre, l’on m'a apporté des Grenouilles communes assez grosses ; je les ai dissé- quées sans délai, et j'ai remarqué, à l’aide de mes injections, que, sous le rapport du système lymphatique, elles sont organi- sées comme les Salamandres. J'ai même reconnu que sur les gre- nouilles l’on peut constater le fait que je vous annonce avec plus de facilité que sur les Salamandres, » (1) Noxe sur les globules sanguins du CRYPTOBRANCHUS IAPONICUS (Extrait d'une lettre de M. J. Van per HoEvEN, professeur de zoologie à Leyde , à M. le professeur BrescHer, à Paris.) On connait par divers écrits de naturalistes hollandais, au nombre desquels je citerai un mémoire de M. J. Van der Hæœven, le singulier reptile du Japon , que ce savant professeur croit être un Menopoma , sans ouverture au cou, et qu’il a nommé Cr»p- tobranchus japonicus : ce grand reptile batracien , rapporté vi- vant du Japon par M. de Siébold, a vécu à Leyde pendant plus de sept ans, dans un réservoir où il nageait et rampait, et où (1) M. Breschet s'occupe en ce moment de vérifier par la dissection de plusieurs espèces de reptiles , la découverte importante de M. Rusconi : nous ferons plus tard connaître les resullats de ses investigations (Réd, ) 252 VAN DER HOEVEN. — Sur les Cryptobranchus japonicus. on le voyait venir à la surface du liquide, pour y respirer. La longueur de cet animal était, peu de temps après son arrivée en Hollande , de plus de trois pieds, du museau à l'extrémité de la queue , et depuis cette époque, cette grande Salamandre ( Sala- mandra maxima)a encore pris du développement. Lors du froid rigoureux de janvier 1838, l’eau du réservoir fut couverte de glace pendant une nuit, et le reptile n’en parut pas souffrir. M. Temminck a designé ce Batracien dans son coup-d’œil sur la Faune des iles de la Sonde et de l'empire du Japon , sous le nom de Triton japonicus et une belle figure lithographiée a été publiée dans la Fauna japonica. Ce n’est point la grandeur seule qui rend cet animal remar- quable; ce sont aussi ses formes bizarres, comme le fait très bien remarquer le naturaliste célèbre que nous venons de nom- mer. Bien que d’après ses formes extérieures et d’après quelques caractères secondaires , ce reptile paraisse devoir être rangé à côté des Salamandres, cependant , d’après l’histoire qu’en fait le savant M. Schlegel dans sa Faune du Japon, on peut croire avec M. Van der Hœven, que, dans l’état actuel de la science, ce reptile ne saurait être regardé comme une Salamandre (1). Mais nous nous abstiendrons dans cette simple note d’entrer dans des considérations relatives à la place réelle que doit occuper ce reptile dans un cadre zoologique. Nous renvoyons nos lecteurs aux travaux importans de MM. Temminck , Schlegel, J. Van der Hœven ,etc.', et nous nous bornerons ici à donner l'extrait d’une lettre qui nous a été écrite par notre savant ami le professeur J. Van der Hœven. « Comme il est connu que les reptiles se distinguent par le volume de leurs globules sanguins, volume bien supérieur à celui des globules du sang des autres vertèbres, et comme on savait déjà que ceux du Proteus anguinus sont plus grands que ceux de tous les autres animaux, que l’on a jusqu'ici examinés, il était tout naturel de penser que les globules sanguins du Crÿptobranchus Japonicus, qui, suivant moi, sont plus près du Proteus , que des (1) Fragmens zoologiques sur les Batraciens, & 1v, sur un grand reptile du Japon, appelé communément Salamandre , page 7. VAN DER HOEVEN. — Sur les Cryptobranchus japonicus 253 vraies Salamandres , auraient des dimensions très considérables, je voulus constater ce fait. » « Ce reptile vit maintenant à Amsterdam, dans le jardin de la Société zoologique, bien que l'animal appartienne toujours au Muséum d'histoire naturelle de Leyde. Je crus devoir profiter d’un voyage que j'ai fait récemment à Amsterdam, pour examiner au microscope le sang du Cryptobranchus japonicus, et les résukats de mon examen ont confirmé mes prévisions. « Avec un microscope simple et une lentille d’une puissance médiocre, je reconnus déjà parfaitement bien les globules ovales ainsi que leurs noyaux. Revenu à Leyde, je constatai d’une ma- nière rigoureuse, avec un microscope de Plæss], que les globules ont ;; de millim. où - de ligne de longueur sur --- de millim. ou -; de ligne de largeur. Avec une loupe, grossissant environ huit fois, on distinguait déjà les globules, et un grossissement de vingt-sept fois est suffisant pour faire voir le noyau avec clarté. » | « Le Chryptobranchus japonicus est donc , après le Protée, le second exemple d'un animal vertébré à très grands corpuscules ou globules sanguins: » REMARQUES sur la phosphorescence de quelques animaux arti- ticulés, à l’occasion d’une lettre de M. ForEsTER sur la phos- phorescence des Lombrics terrestres. Par M. V. Aupouin. À l’occasion d’une lettre de M. Forester sur la phosphores- cence des Lombries de terre , adressée à l'Académie des Sciences le 2 novembre 1840 (1), j'ai émis un doute qui paraitrait une contradiction trop formelle du fait avancé, si l’on croyait que (x) L'auteur de cette lettre annonçait avoir vu, par une nuit obscure et très pluvieuse, un graud nombre de Lombries qui brillaient d'une Iumière blanche comparable à celle du fer chauffé à blanc. (R.) 294 AuDOUIN. — l’hLosphorescence des animaux articulés. J'ai prétendu nier formellement la réalité de cette phosphores- cence; telle n’a pas été mon intention. En effet, je sais mieux que personne que ce phénomène n’a rien d’impossible , l'ayant étudié expérimentalement, et tres souvent, sur plusieurs ani- maux articulés ; mais j'ai dit que je n'avais pas été jusqu'ici assez heureux pour en être témoin chez les vers de terre ou Lombrics Lerrestres. Je n’ignorais pas que M. de Flaugergues avait publié, il y a soixante ans, dans le Recueil de l'abbé Rozier (octobre 1780) des observations sur la phosphorescence des vers de terre; et que, douze ans plus tard, en 1792, Bruguière avait constaté un fait analogue. Depuis long-temps J'avais cherché à vérifier ce phé- nomène, lorsque, croyant enfin y être parvenu, je fus détrompé par la découverte de la phosphorescence chez un animal arti- culé d’un tout autre ordre que les Lombrics. Voici dans quelles circonstances : J'étais en 1814 à Choisy-le-Roi près Paris, où je passais habi- tuellement le temps des vacances schoiastiques et je m'y occu- pais d'observations sur les mœurs des insectes qui me mettaient en rapports fréquens avec des cultivateurs. Le 16 août l’un d'eux vint me trouver à neuf heures du soir et me fit part d'un fait tout nouveau pour lui : la présence d’une foule innombrable de vers de terre, disait-il, qui vivaient dans une plate-bande plantée en chicorée, et répandaient une lumière de charbon bri- lant à blanc : ce furent ces expressions. Il m’apporta un de ces vers dans un pot de terre, et c'était bien un Lombric. Toutefois ce Lombric n’était pas phosphorescent; le cultivateur en était surpris, et je m'en étonnais moi-même, quand, en examinant avec soin ce pot rempli de terre, j'y découvris bientôt cinq à six petites Scolopendres à corps très étroit (1) qui jetaient une vive lueur phosphorique. Curieux d'observer ce phénomène plus en grand, je me transportai aussilôt sur les lieux; d’abord je vis des lueurs phosphoriques à la surface du sol; mais l'ayant fait (x) Ces Scolopendres appartenaient à l'espèce que Linné a désignée sous le nom d’e/ec— trica, Teach a créé, pour elle et pour quelqnes autres Myriapodes, le genre Géophile, Geophulus ( Tran.actions de la Société linnéennes de Londres , lome x1) AUDOUIN. — Phosphorescence des animaux articulés. 255 bécher, j'assister à un spectacle vraiment éblouissant : la terre remuée était comme arrosée de gouttelettes phosphoriques et dans certaines places le liquide semblait couler comme de pe- tits filets d’eau; brisait-on des mottes, elles jetaient une vive Inmière phosphorique, et si lon écrasait des parcelles de terre dans la main, elles y laissaient des traïnées lumineuses qui ne disparaissaient qu'après 8, 10 et 20 secondes. Or il me fut très facile de constater que cette phosphorescence était uniquement due à de très petites Scolopendres et nullement aux vers de terre où Lornbries qui cependant étaient très abondans dans ce ter- rain. à Je suis resté long-temps sous l'impression de ce fait, et quand on m'a dit quelquefois avair rencontré des Lombrics terrestres lumineux, j'ai cité mon observation et j'ai engagé les personnes qui m'assuraient avoir été témoins de ce phénomène tres cu- rieux. à s'assurer s'il n’y avait pas méprise, et si les Lombrics en question n'étaient pas plutôt des petites Scolopendres. Toutefois je m'empresse de dire à l'Académie qu'aujourd'hui, et seulement depuis la séance dernière, je ne conserve plus au- cun doute sur la phosphorescence de certains Lombrics où vers de terre. Evidemment ces annélides jouissent de cette propriété aussi bien que les Scolopendres; et ce qui me frappe, c’est que les Lombrics ont avec les Scolopendres ceci de commun qu'ils possèdent cette faculté de répandre une lueur phosphorique plus prononcée,au moment de leur reproduction. C’est à M. Mo- quin-Tandon, professeur de botanique à la Faculté des Sciences de Toulouse, et zoologiste très distingué , que je dois les ren- seignemens positifs qui ont établi ma conviction. J'en présen- terai ici un court extrait. Un grand nombre de petits animaux phosphorescens s'étant présentés, il y a trois ans, dans une allée du jardin de M. de Puymaurin à Toulouse, et pendant une soirée très chaude de ‘été, MM. Saget et Moquin-Tandon les examinèrent et recon- nurent positivement qu'ils appartenaient au genre Lombric. Ils avaient une longueur de 40 à 50 millimètres environ. La lumiere qu'ils donnaient paraissait blanchâtre et ressem- blait beaucoup à celle du fer rougi au blanc. Quand on écrasait 256 aupouIn. — Phosphorescence des animaux articulés... un de ces vers avec le pied, la phosphorescence s’étalait sur le sol; elle produisait même à volonté, une longue trainée lumi- neuse, comme si l’on avait frotté le sol avec un morceau de phosphore. Chacun de ces Lombrics présentait un c/itellum assez déve- loppé, ce qui prouve que les individus observés étaient adultes et au moment de s’accoupler. M. Moquin-Tandon recueillit quelques-uns de ces Lombrics, et les conserva vivans pendant plusieurs jours; il observa que leur propriété lumineuse résidait dans la substance du renfle- ment sexuel, ou clitellum dont je viens de parler, et que cette propriété cessait d'exister immédaitement après l’accouplement. Ce dernier fait est confirmé d’ailleurs par l'observation sui- vante, qui concerne-un insecte bien connu de tout le monde, le ver luisant, Lampyris noctiluca. Dans une belle soirée d'été, votre honorable correspondant M. Bérard, à Montpellier, avait réuni chez lui plusieurs profes- seurs et naturalistes de ses amis. M. le docteur Lallemand, qui était du nombre, rendit les personnes présentes témoins d'un phénomène très curieux. IL prit dans sa main une femelle du ver luisant de l'espèce nommée Lampyris noctiluca ; il allongea le bras en dehors de la porte du salon qui donnait sur un jar- din : quelques instans s'étaient à peine écoulés, qu’un Lampyre mâle vint s’abattre sur ia femelle, qui, comme on le sait, est vermiforme, et s’'accoupla immédiatement avec elle; mais aus- sitôt l'acte accompli, la lumière de la femelle s’éteignit. Ce phé- nomène physiologique curieux a eu pour témoins des savans très distingués, MM. Bérard, Dugès, Dubreuil, Balard et Mo- quin-Tandon. LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 297 Osservarions sur le développement des zoospermes de la Raie , Par M. LaLLEMAND, Professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier. (Présenté à l’Académie des Sciences, dans sa séance du 7 juin 1841.) Une foule d’analogies et quelques observations directes, m'a- vaient fait penser depuis long-temps que les premiers rudimens des zoospermes sont fournis par l'extrémité des canaux sper- matiques , et se développent ensuite successivement dans le reste de leur trajet ; mais je ne pensais pas qu’il füt possible d'arriver à la démonstration matérielle d'un fait qu’il semblait difficile de vérifier d'une manière incontestable. Le hasard m'a mieux servi que je n'avais osé l’espérer. Pärmi les poissons dont je desirais examiner la liqueur sémi- nale, la Raie avait cet avantage , que le mäle est facile à recon- naître par les deux longs appendices qui lui servent à retenir la femelle. Mais l’époque de leur frai n'étant pas connue, je ne trouvai d’abord que des organes rudimentaires. Enfin , au com- mencement d'avril, ils acquirent en peu de j pes un développe- ment rapide, et le canal déférent, que je n'avais pu voir , de- vint énorme et très:compliqué. Voici ce que j'ai observé alors (1 ): Les testicules placés au-dessous des lobes latéraux du foie différent par leur forme à mesure qu ’ils deviennent plus tur- gescens, parce que le droit est gêné dans son développement par le volume du lobe correspondant du foie. La face supérieure (a,a,fig. 2, PI. 10)est convexe, inégale etcomme tuberculeuse:des mamelons blanchätres et granuleux , du volume d’un petit pois, (1) A l'époque de l'envoi de ce Mémoire à l’Académie, on n’avait pas encore recu à Mont pellier le cinquième cahier des Archives de Müller, pour l’année 1840, et, par conséquent, M. Lallemand ignorait l'existence des recherches du docteur Hallmann sur ce sujet : c'est pour celte raison qu'elles ne sont pas citées , et c'est au nom de l'auteur que nous nous empressons de réparer cette omission, en signalant à nos lecteurs le Mémoire intitulé: « Uber den bau des Hodens und die Entwickelung der Saamenthiere der Rochen », et contenu dans le recuail déjà mentionné, Ré», XV, Zoor. — Mai, 17 -258 LALLEMAND. — Sur les Zovspermes. sont séparés par des dépressions d’un gris plus ou moins foncé, au fond desquelles se voient des stries blanchätres. Cette sur- face, ordinairement plane et lisse, devient d'autant plus bombée et granuleuse, que le rut augmente ; elle est formée par l’extré- Amité des vaisseaux sécréteurs du testicule, qui se terminent en ampoule sphérique. Ces dilatations ont environ vingt fois le dia- mètre des canaux spermatiques, dont ils sont la terminaison ; c'est dans leur cavité que se forment les zoospermes, dont les développemens successifs produisent les différens aspects que prennent ces culs-de-sac. Les ovaires présentent exactement les mêmes formes, les mêmes changemens , à la même époque ; seu- lement, les bosselures de la surface de l'ovaire sont dues à la pré- sence d'ovules plus ou moins avancés , sur lesquels on distingue toujours le disque proligère et le point central de la fécondation. Le bord postérieur, du testicule est blanchâtre, lisse, consis- tant, et représente le commencement de l’épididyme, uni au sommet du cloaque (fig. 1 #), par une expansion du péritoine { fig. 1 2); la face inférieure du testicule est blanchätre et lisse dans toute son étendue , et parcourue par les vaisseaux sanguins et par les conduits excréteurs de l'organe. C'est un épididyme tres étalé, d’où part le canal déférent (c, c, fig. 1), comme la tige d'une feuille de Nymphæa s'implante à sa face inférieure, en lui fournissant des nervures dans tous les sens. De là, le canal déférent(c, ce, fig. 1) remonte jusqu’à la base du fois, enveloppé seulement par un repli du péritoine , après quoi il se prolonge en zig-zags (d, d,d;, fig. 1) unis par du tissu cellulaire; il passe ensuite sous une espèce de prostate (e,e, fig. 1 ) qui en- veloppe ses circonvolutions, descend au côté interne du rein (77 fig. 1) en augmentant toujours de volume, et se termine par une dilatation considérable (g', fig. 1) qui s'ouvre d’une part dans le cloaque par l'ouverture (7), et de l’autre dans une vésicule séminale ( 2) remplie d'un liquide jaunätre très abon- dant, contenant des zoospermes. D'après ce que je viens de dire du testicule de la raie, on voit qu'il n’est, pour ainsi dire, composé que de deux surfaces, dont la supérieure ( fig. ) est presque entièrement couverte de mamelons dus au développement des ampoules par lesquelles TADLEMAND. — Sur les Zoospermes. 259 se terminent les canaux spermatiques ; tandis que l'inférieure (fig. x ) est tout entiere formée par l'épididyme. Entre ces deux surfaces , le trajet des canaux spermatiques doit être fort court ; aussi est-ce dans les ampoules terminales que se forment les z200- ” spermes, et, comme ce travail ne commence pas en même temps dans toutes ces parties à-la-fois, il est très facile d’en suivre les progrès successifs. C’est ce précieux avantage que je me suis efforcé de mettre à profit. Chacun des mamelons blanchätres de la surface supérieure du testicule, vu à la loupe, parait composé d’une centaine d’ampoules (fig. 2 a’), bien entendu que les plus blanches, quand on les observe par réflexion, sont précisément celles dont la teinte est plus noire quand on les voit par transparence. Les ampoules qui constituent chaque mamelon, vues au gros- sissement de quarante fois ( fig. 3), sont plus où moins avan- cées, quoique d'un volume à-peu-près égal. Pour bien les ob- server , il faut éviter de les recouvrir d’une lame de verre, quelque mince qu'elle soit, parce que ce poids si léger suffit pour causer la rupture de leur enveloppe délicate. Les plus transparentes de ces ampoules, examinées au grossissement de 377, sont de beaucoup plus petites que les autres, complète- ment vides et diaphanes dans tous les points. Ce sont celles dans lesquelles aucun travail n’a encore commencé à se mani- fester. D'autres encore pellucides (fig. 4) laissent pourtant aper- cevoir à l’intérieur une foule de granulations presque diaphanes qui tapissent la face interne de la membrane. Un lambeau exa- miné isolément au grossissement de 800 diamètres, prouve que ces espèces de vésicules tiennent encore à la paroi interne de la membrane. Dans une autre ampoule un peu plus avancée (fig. 5), ces granulations sont devenues opaques, et com- mencent à se grouper vers le centre, d’où il résulte qu’elles sont déjà détachées. Dans une autre { fig. 6), des groupes dis- tinets commencent à se former. Dans la suivante (fig. 7 ), ces groupes sont complètement isolés les uns des autres. Enfin la dernière ( fig. 8) est presque toute noire, par suite du dévelop- pement des faisceaux de zoospermes. Ils sont alors prêts à pas- ser dans le canal spermatique. 17. 260 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. Les zoospermes contenus dans les ampoules qui commencent à devenir opaques (fig. 5) sont roulés sur eux-mêmes ( fig. 10 , a, b,c,d) de manière à faire croire qu’ils sont contenus dans une vésicule très mince; mais avec un grossissement de 800 et beaucoup d'attention, on voit que la partie la plus mince de la queue est ce qui semble la circonférence d'une vésicule. En ajoutant une goutte d’eau, on établit des courans qui font va- rier la position de ces zoospermes ainsi pelotonnés, et ces chan- gemens permettent de voir la fin de la queue (fig. 10, c, d). Dans les ampoules un peu plus avancées (fig. 6), les zoospermes se déroulent de plus en plus, et prennent différentes formes (fig. 10,e, f, g, h)dont quelques-unes donnent à l'extrémité antérieure, enroulée sur elle-même, l'aspect d’une tête lenticu- laire (fig. 10, e, f). Dans les ampoules parsemées de taches noires bien circonscrites( fig. 7), les zoospermes sont déjà réu- nis en fascicules nombreux (fig. 11), quoique l’extrémité anté- rieure ne soil pas encore complètement déroulée. Enfin, dans les ampoules les plus avancées, les zouspermes sont complete- ment allongés, et les fascicules sont réunis en faisceaux plus volumineux ( fig. 12) qui ne sont séparés que par une petite quantité de liquide visqueux et transparent. C’est dans cet état qu'on les retrouve dans toute l'étendue du canal déférent , et même dans le cloaque, où ils sont encore unis en groupes nomn- breux ; seulement ils ont des dimensions à-peu-près doubles de celles qu’on trouve dans le testicule, à ceux qui ont acquis le plus grand développement, et ils exercent des mouvemens on- dulatoires très variés, quoiqu'ils soient encore très intimement unis (fig. 13). Les zoospermes qu'on trouve dans la vésicule séminale sont presque tous isolés; ce qui doit faire penser que le liquide jau- nâtre fourni par cette poche sert à leur dissociation. Il est pro- bable que pendant la vie ils n'arrivent au cloaque qu'après cette dilution; mais, après la mort, la moindre pression exer- cée sur des organes aussi distendus doit faire passer directement ces groupes dans le cloaque. L’addition d’une goutte d’eau per- met de voir comment les zoospermes se séparent; c’est toujours par la queue que le faisceau se dissocie, et ce n’est quelquefois LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 261 qu'après de longs efforts que les têtes se trouvent completement isolées : on en voit qui restent très long-temps bout à bout avant de pouvoir se décoller. Quand les zoospermes sont isolés, ils s'agitent avec une grande vivacité, à la manière des reptiles, et par de rapides oscillations, principalement de la partie anté- rieure qui est opaque; tandis que, quand ils sont réunis en. groupes, c’est la partie mince et transparente, ou la queue, qui est la plus mobile. On n’observe jamais de mouvement dans les zoospermes de la raie provenant du testicule; mais, au contraire, vers la fin ‘du canal déférent, on en trouve encore de vivans sur des indivi- dus dont la putréfaction exhale déjà une odeur insupportable. Leurs dimensions comparatives ont été prises à la cumera lucida par M. Milne Edwards, qui a bien voulu vérifier une partie des détails indiqués ci-dessus. En résumé, les zoospermes de la raie se forment dans les ampoules qui terminent les vaisceaux spermatiques. Ils parais- sent d’abord adhérens à la face interne de l’ampoule, soit dans. une vésicule, soit en simulant une vésicule par leur enroule- ment. Quand ils sont libres, ils se déroulent successivement, en formant des figures très variés, et commencent à se grouper en fascicules à mesure qu’ils se redressent. Ils forment des faisceaux plus nombreux, plus serrés encore, quand ils sont tout-à-fait redressés. C’est dans cet état qu’ils parcourent tout le canal dé- férent, acquérant seulement des dimensions à-peu-près doubles, et des mouvemens de plus en plus prononcés, malgré leur état d’aggrégation, dû sans doute à la viscosité des vésicules. La dis- sociation ne commence qu’à l’aide du liquide fourni par la vési- cule sérninale. Ces détails viennent donc confirmer pleinement tout ce que j'ai dit (Ænnales, t. xv, p. 30) de la production et du développement successif des zn0spermes,avec cette circonstance que les yeux peuvent suivre ce que l'analogie et le raisonnement avaient fait pressentir. EXPLICATION DE LA PLANCHE 10. Fig, 1, a ,a. Testicule, vu en place par sa inférieure ;— 2, 6. épididyme, naissant des deux Mers inférieurs de la circonférence du testicule et couvrant presque toute cette face mférieure, 262 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. —c, ce. Canal déférent libre et droit ;— d, d. continuation du canal déférent tres flexueux , de plus en plus ditaté, enveloppe de tissu cellulaire ; —e, e. continuation du canal deférent, enveloppe d’un tissn glanduleux, qui paraît jouer le rôle de prostate; —f, f. le mème, encore plus gros, placé au côté interne des reins; g. dilatation considérable, terminant le canal déférent et communiquant avec la vésicule séminale g, près de l'ouverture À du cloaque, — k. Vésicule séminale , contenant un liquide jaunâtre et des zoospermes ; £, ouverture du canal déférent et de la vésicule séminale daus le cloaque fendu et renversé. — ;. Kein, divisé en wasses glan- dulaires et rougeâtres,—#. Cul de-sac du cloaque , déplacé, —L. péritoine unissant le testicule au sommet du cloaque. à Fig.2.— a, a. Testicule, vu par sa face supérieure ; — b,b,b. Circonférence de l'épidi- dyme ; a/ une des bosselures du testicule, vue à la loupe. Fig. 3. Portions de la surface du testicule , dépouillée de péritoine et vue au grossissement de 4o fois. Les ampoules les plus noires sont celles qui paraissent blanches à Pœil nu (fig. 2). Fig.4,5,6, 7,8. Ampoules terminales des canaux sécréteurs du testicule aux différeus degrés de développement des zoospermes, Grossissement 377 fois. Fig. 9. Surface interne d'une des ampoules les moins avancées, Fig. 10. Différens degrés de développement des zoospermes. Grossissement de 810 fois. Fig. 11. Zoospermes presque déroulés, commençant à se réunir en faisceaux, Méme grossissement. Fig. 12. Zoospermes déroulés , prêts à passer de l'ampoule {fig. 8) dans le conduit excréteur. Fig. 13 (a et à). Zoospermes, encore réunis dans le cloaque , exécutant en commun divers mouvemens fort étendus et très rapides. Fig. 14 et 15. Dimensions comparatives des zoospermes, pris dans diverses ampoules du testicule (14) et dans le cloaque (15), dessins pris à la Camera lucida par M. Milne Edwards. Grossissement linéaire d'environ 500 fois. OgsERvATION sur le rôle des Zoospérmes dans la génération , Par M. LazremanD, Professeur à la Faculté de Médecme de Montpellier. SI. Dans un précédent mémoire (1), nous avons fait voir que les zoospermes sont fournis par le testicule comme les ovules par l'ovaire; qu’ils se développent de la même manière; qu'ils sont libres ou agglomérés, suivant la nature des fluides qui leur sont fournis par les organes accessoires ; enfin, qu'ils arrivent en {x) Voyez ci-dessus, page 30. LALLEMAND. — Sur les Zoospérmes. 263 même temps à l'époque de leur parfait développement. Ces rap- prochemens doivent déjà faire supposer que les premiers sont au mâle ou à l'organe mäle, ce que les seconds sont à la femelle ou l'organe femelle; qu’ils jouent, par conséquent, un rôle éga- lement important , dans l'acte de la fécondation. Cette première donnée est déjà d’un grand poids ; car la question relative aux fonctions des zoospermes est intimement liée à cellé de leur origine. Burdach n’a défendu la génération spontanée des sper- matozoaires ; que pour faire de ces infusoirés de véritables pa- rasites ; en effet, s'ils vivent dans le sperme pour leur propre compte, ils ne peuvent plus avoir avec la génération aucun rap- port direct; nécessaire; ce qui le conduit successivement à con- clure que la fécondation est un acte pérément dynamique. Afin de montrer plus sûrement la nécessité d'admettre cette hypothèse, le chef de l’école spiritualisté allemande cherche à prouver que la liqueur séminale n’a pas besoin de se trouver en contact immédiat avec lovule pour évezller une vie nouvelle. En conséquence, il fait ressortir avec le soin le plus minutieux toutes les difficultés que le sperme doit rencontrer pour arriver jusqu'à l'ovaire, surtout dans certains vices de conformation du vagin, malgré lesquels la conception a cependant eu lieu. Il se- rait superflu de s'arrêter à des faits bien:connus et dont chacun peut facilement se rendre compte ; mais je dois dire quelques mots de plusieurs cas dans lesquels la fécondation avait eu lieu, quoi- qu'il fütabsolument impossible , suivant l’auteur, que le sperme pénétrât dans la matrice (Traite de Physiologie ,t A, p. 207). Dans la première chservation , il s'agit d'une femme qui de- intenceinte, quoiqué lé vagin füt ob/itéré par des adhérences au-dessus de l'orifice de l’urètre (pag. 208). Burdach ne parle pas de la menstruation; mais il faut admettre qu’elle avait lieu comme à l'ordinaire; car, sans cela , le sang eût été retenu dans la matrice, et l’œuf le mieux fécondé n’eût puy contracter des adhérences pour s’y développer. Mais si le sang-des règles pou- vait s'écouler au dehors, pourquoi la liqueur séminale n’aurait- elle pas pu s’introduire au dedans ? Chez la seconde femme, la menstruation avait lieu, quoique l'ouverture de la matrice, fût obstraée par des adhérences qu'il 264 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. fallut détruire au moment de l'accouchement. Pendant sept ans, l'écoulement des règles avait paru peu abondant; mais il devait avoir été assez libre pour que le sang ne s’accumulät pas dans la cavité de l'utérus. Dans le troisième cas, les accoucheurs trouverentle segment inférieur de la matrice saillant dans le vagin sous la forme d'un corps globuleux sans ouverture, qu'il fallut inciser, ete. Chez cette femme, les règles avaient paru tard; elles étaient peu co- pieuses, mais leur retour avait lieu aux époques ordinaires. Le col de la matrice n’était donc pas réellement sas ouverture, comme on l’a pensé. J'ai parlé de ces observations, parce qu’elles pourraient faire impression sur l'esprit de ceux qui n’ont pas eu l’occasion de s'occuper spécialement des cas de cette nature: J'ai vu avec Du- puytren, et depuis dans ma pratique, plusieurs oblitérations complètes du vagin ou du col de la matrice; j'ai dû rechercher les exemples analogues qui sont disséminés dans les auteurs, et j'ai toujours vu que le sang, retenu dans l'utérus, l'avait distendu progressivement, en donnant lieu , tous les mois, à des accidens de plus en plus graves. J'ai cru rencontrer une exception à cet égard chez une dame de Marseille; mais elle n’était qu'appa: rente, car l'utérus manquait complètement, comme je m'en suis assuré à travers le rectum, et je n’ai plus été surpris de lab: sence de tout accident périodique, malgré l’occlusion congéniale de la moitié supérieure du vagin. Il faut conclure deces faits, que tout obstacle absolu au passage des règles, amène une dis- tension croissante dela matrice. La menstruation avait lieu chez la première malade dont parle Burdach, puisque l’œuf a pu contracter des adhérences avec les parois de la matrice; chez les autres, les règles s’écoulaient au dehors : il n'était donc pas ab- solument impossible, comme il l’affirme, que le sperme penéträt dans la cavité utérine. Le quatrième fait est encore moins concluant : « Dans un autre cas, dit Burdach, la forme totale de la matrice ne permet- tait pas de douter qu’elle ne füt originairement adhérente, ce- pendant la fécondation eut lieu et l'enfant se développa dans la cavité abdominale, où on le trouva pétrifié après la mort, qui LALLEMAND. — Sur les Zovspermes. 265 n'eut lieu que dans un âge avancé.» (Pag. 209.) Qu'est-ce qu'une matrice adhérente? Commenta-t-on pu juger de cette adhérence par la forme totale de l'organe, etc.? Enfin, Burdach cite des cas de grossesse, malgré l’oblitération des orifices utérins des trompes; mais il est facile de comprendre que cette chlitération était le résultat d’une inflammation sur- venue après la conception. Voici, cependant, les conclusions que Burdach tire de tous ces faits : « La condition indispensable de la fécondation est la simple rencontre du sperme avec la partie inférieure de l'organe qui fait saillie dans le vagin , et non sa pénétration dans la cavité même. » ( Pag. 209). Burdach a eu tort de s’arrèter en si beau chemin; puisqu'il a rapporté un cas dans lequel le vagin était oblitéré par des adhé- rences au-dessus de l'orifice de l’urètre, il aurait dù en conclure que le contact du sperme avec la vulve suffit pour opérer la fé- condation. Cette conséquence n’était pas plus hardie que la pre- mière ; elle était aussi. facile à expliquer par la dynamisme: elle était même plus favorable à la théorie dynamique et plus rigou- reusement déduite des faits invoqués pour le défendre. Mais c’est assez s'occuper de l'hypothèse nébuleuse à laquelle Burdach a tout subordonné.Quelques faitspathologiquessuffisent pour la juger. J'ai vu, par exemple, à la suite de maladies syphi- litiques traitées superficiellement, des hommes sains en appa- rence, qui n'avaient rien transmis à leur femme, en avoir des enfans cacochymes chez lesquels se manifestaient bientôt des symptômes vénériens. Ces cas ne sont pas extrêmement rares, car plusieurs praticiens m'en ont cité de semblables. Il est évi- dent qu'alors le père transmet à l’ovule autre chose qu'une exci- tation dynamique. Parmi les physiologistes qui regardent les zoosperines comme des parasites, la plupart cependant veulent bien tenir compte de leur présence dans toute liqueur séminale propre à la fécon- dation, et de l'infécondité des. individus dont les zoospermes sont rudimentaires, Mais ces deux phénomenes, si constans et si remarquable, ne diminuent pas à leurs yeux l'importance de la liqueur séminale; elle est toujours, pour eux, la cause essen- 266 LALLEMAND, — Sur les Zoospermes. tielle de la fécondation. Les animalcules n’y: contribuent qu'in- directement, en agissant pour leur propre compte, comme tous les infusoires parasites. Celui qui a le plus contribué, par ses recherches microsco- piques, à répandré cette opinion , M. Bory Saint-Vincent, pense que « par leur agitation continuelle, ils contribuént au mélange de tous les élémens chimiques qui doïvent porter à tel ou tel point de mixtion un sperme apte à féconder (r)». Mais on ne voit pas pourquoi les zoospèrmes seraient d'autant plus nom- breux qu'ils auraient moins de travail à faire ; cependant ils sont d'autant plus rapprochés , qu'ils se trouvent dans un liquide plus rare et plus homogène : à l'extrémité des canaux sécréteurs, ils sont entassés les uns contre les autres, et presque à sec: D'un autre côté, la liqueur qui provient des testicules, ne peut être brassée par les zoospermes avec les produits de la pro- state, des glandes de Cowper ét des follicules de l’urètre; sans compter les fluides $i abondamment fournis, dans d’autres espèces, par des vésicules accessoires, et même par les reins. Enfin, on ne voit pas de quelle importance peut être cette mixtion si intime, püisque le sperme puisé dans les testicules des Batraciens est aussi fécondant que celui qui est éjaculé pen- dant l'acte normal. M. Bory Saint-Vincent pense que les zoospermes contribuent par leur présence à l'orgasmé vénérien. En cela, je suis com- plètement de son avis, et j'ajouterai à ce que j'ai dit dans plu- sieurs endroits de cet ouvrage, que j'attribue aux zoospermes la violence des desirs du mâle, son ardeur dans la copula- uon, etc.; phénomènes qu’on w’observe jamais au même degré chez la femelle, dans aucune espèce. Enfin, M. Bory Saint-Vincent suppose que les aninialcules pourraient bien contribuer à la fécondation des ovules, par la liqueur séminaie qu’ils doivent entraîner partout avec eux après l'éjaculation, « comme les Cynips vont au fond de la figue porter sur le stigmate le pollen des étamines dont ils se sont chargés, en pénétrant dans le calice turbiné qui sert de vaisseau com- (1) Dictionnaire classique d'histoire naturelle, article Zoospermel, page 737, LALLEMAND, — Sur les Zoospermes. 267 run à une association. de fleurs. où les mâles se tiennent à l’en- trée (1). » ) Malheureusement cette description poétique ne repose abso- lument sur rien : car ce n’était pas pour avoir des graïnes fer- tiles qu’on employait la caprification , mais pour hâter la matu- rité des figues ; et leurs graines ne sont pas moins fertiles, de- puis qu’on néglige cette opération. D'un autre côté, ce n’est pas par l’ouverture de la figue que s’introduit le Cynips , mais à tra- vers ses parois, et c’est même cette piqüre qui hâte le dévelop- pement du fruit ; enfin, le Cynips ne s’y introduit que pour dé- poser ses larves dans les ovules de la figue, et, à mesure que ces larves se développent, elles dévorent toute la substance in- térieure de la graine , avant d'en sortir par un petit trou qu’elles pratiquent vers le sommet de la membrane, alors complète- ment vide. (2) Cependant, si la comparaison est mal choisie, il ne s’ensuit pas que la pensée soit fausse ; elle est même adoptée par beau- coup de physiologistes, pour expliquer la présence constante des parasites dans la liqueur fécondante de tous les animaux: Sur quoi donc repose cette hypothèse? Ce ne peut être que sur la distance à parcourir, chez les Mammifères, pour que le sperme arrive jusqu’à l'ovule. Mais il faut bien se garder de juger du déplacement que peut éprouver un zoosperme, par ce qu'on voit au microscope ; il est évident que ses mouvemens sont en réalité bien insuffisans pour le porter à de telles profondeurs , en supposant la locomotion toujours dirigée dans le même sens, ce qui est contraire à l'observation. Quant aux Poissons, aux Batraciens, à divers Crustacés, etc., chez lesquels la fécondation n’a lieu qu'après la ponte, le concours des zoospermes était bien inutile, puisque la liqueur séminale est répandue immédiate- ment sur l’ovule. Chez les Insectes, chez beaucoup de Mol- lusques, elle est déposée, pendant la copulation , dans une vé- sicule qui communique avec l’oviducte ou lovicanal ,.et le (1) Dictionnaire classique d'histoire naturelle , article Zoosperme, page 737. (2) V'ai vu plusieurs fois ces Figues ainsi ravagées par les larves de Cynips, entre les malus de, mon ami M, Delile , professeur de botanique à la Faculté de Montpellier, 268 LALLEMAND. -— Sur les Zoospermes. sperme se trouve en contact immédiat avec chaque ovule, au moment de son passage. À quoi servent donc les zoospermes de toutes ces|espèces ? On est, en général, vivement frappé de tous les phénomènes qui se passent chez les Mammifères , parce qu'ils nous touchent de plus près, parce qu'ils sont plus sailläns, mieux connus, et depuis plus long-temps ; mais les Mammifères ne forment pas la centième partie des animaux qui se reproduisent par le con- cours des deux sexes ; ainsi les zoospermes seraient complète- ment inutiles dans l'immense majorité des cas, s'ils ne devaient servir que de colporteurs à la liqueur séminale, Cependant ils sont aussi constans dans ces espèces que chez les Mammiferes; et les expériences de Bonnet, de Spallanzani, et surtout de MM. Prévost et Dumas, prouvent que la liqueur séminale des Batraciens, déposée sur l’ovule sans les zoospermes, est infé- conde, tandis que ceux-ci, restés seuls sur le filtre, opèrent la Quelles sont donc les raisons qui peuvent empêcher d’ad- mettre que le zoosperme est l’agent essentiel de la fécondation de l’ovule, un des deux élémens qui doivent produire un être nouveau? Voici les plus saillantes de celles qui ont été mises en avant. Le volume des zoospermes n’est pas en rapport avec celui de l'individu auquel ils appartiennent. Le fait est incontestable ; il est même frappant par les énormes disproportions qu'on peut citer à cet égard. Ainsi, Burdach fait remarquer (tome 1, page 137), d’après la table des mesures prises par MM. Prévost et Dumas, que les spermatozoaires du Colimaçon ordinaire sont cinquante-quatre fois plus grands que celui du Chien, ce qui parait foudroyant au premier coup- d'œil. Cependant cette disproportion gigantesque n’est rien en- core, si on la compare à celle de l’ovule par rapport à la mère : ainsi, par exemple, lorsque l’ovule de la Poule se détache de lovaire, il est plusieurs milliers de fois plus gros que celui de la Jument au moment de la fécondation ; et cependant personne ne doute de la part que prend l’ovule à l'acte de la reproduc- tion. Pourquoi done les dimensions des zoospermes devraient- LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 269 = elles être dans une proportion plus rigoureuse avec le mâle, que celles de l’ovule avec la femelle. Au reste, ce n’est pas là qu’est la question. De quoi s’agit-il en effet? De savoir si le zoosperme est réellement l’agent essen- tiel de la fécondation , le rudiment de l’embryon : c’est donc à l'embryon qu’il faut comparer le zoosperme, et non à l'animal parfait. Or, précisément, l'embryon du Colimaçon a déjà des dimensions remarquables le lendemain de l'expulsion de l'œuf ; deux jours après , il commence à former sa coquille, et, quatre jours plus tard, il sort avec tous les organes , avec toutes les formes qu'il doit conserver, et se rend aussitôt sur de jeunes feuilles dont il se nourrit sans préambule. Le zoosperme du Coq est trois fois plus grand que celui de l'Homme ; mais aussi, au deuxième jour de l’incubation, on distingue déjà dans l’em- bryon du Poulet, les premiers rudimens du système cérébro- spinal ; bientôt après, paraissent les lames des vertèbres, et le développement marche avec une telle rapidité, que l'organisme se modifie d'heure en heure. Chez l'Homme, au contraire ; les premiers rudimens de l'embryon ne commencent à être bien distincts qu’au bout de trois semaines. Suivant Burdach, les spermatozoatres « ont la même forme dans des animaux différens : ainsi, par exemple, leur forme est la mênie dans le Chien et dans l'Æomme. D'un autre côté , on en trouve quelquefois plusieurs de forme différente, chez un seul et même individu » (tome 1, page 137). La première partie de cette proposition prouve tout simplement que Burdach n’a pas étudié les zoospermes par lui-même, et qu’il n’a jamais vu ceux du Chien en particulier, surtout à l'état vivant ; car il n’y en a pas de plus caractéristiques par les alternatives de:tspsparence et d'opacité que présente leur tête, suivant qu’elle sesmontre à plat ou de champ, dans leurs singuliers mouvemens de pro- gression : ce sont donc précisément ceux qu'on peut le moins confondre avec d’autres. Je conçois cependant que les personnes peu habituées à ces sortes de recherches, doivent trouver, au premier coup-d'œil , une grande ressemblance entre tous les zoospermes des Mammi- léres et des Oiseaux. Il existe même un air de famille entre ceux 270 LALLEMAND. — Sur es Zoospermes. de tous les vertébrés, quoique la queue s’allonge de plus en pins dans les Batraciens , dans les Reptiles et dans les Poissons, en même temps qu’elle devient d’une ténuité excessive. Mais quand on multiplie les observations, on remarque bientôt des différences qu'on n'avait pas apercues entre les formes qui , au premier coup-d'œil, se ressemblent le plus. Quant aux z00- spermes des Crustacés, des Insectes, des Mollusques, ils ont des caracteres bien tranchés, qui ne se bornent même pas aux formes extérieures, puisqu'il est impossible de les conserver entre deux lames de verre, comme ceux des vertébrés, et qu’ils se décomposent rapidement dans l'urine et même dans l’eau la plus pure. Il est donc évident que la texture des zoospermes est plus molle, plusläche dans les classes inférieures ; plus compacte, plus parfaite, à mesure qu'on s'élève. On voit dés-lors qu'il existe entre les diverses espèces à l'état normal, des différences sem- blables à celles que j'ai fait remarquer entre l'homme sain et l'homme malade. Il'est vrai que tous les zoospermes des vertébrés portent l'empreinte d’un même type ; mais il en est exactement de même pour tous les embryons de cette grande famille; et la ressem- blance est d'autant plus grande , qu'on les observe à une époque plus voisine de la fécondation. fls présentent toujours alors une grosse extrémité, globuleuse ou ovoïde, à laquelle succède une tige plus où moins longue , plus ou moins grêle, le tout repré- sentant assez bien une épingle ordinaire , dont les proportions varient seulement suivant les espèces. Cette configuration par- ticulière de tous les embryons des vertébrés dans les premiers instans de leur apparition, est peut-être la seule circonstance sur laque#ïiles ovologistes soient d'accord, ce qui prouve sa constance dans toutes ces espèces ; et cette forme est précisé ment celle des zoospermes dans toute cette famille des verté- brés. Bien plus, les zoospermes des Couleuvres , parvenus à la fin du canal déférent, roulent en spirale l'extrémité de leur queue, comme l’embryon le fait dans l'œuf dès les premiers instans de son apparition. D'un autre côté, le docteur Prévost, ayant soumis à un froid de 8 à 10 degrés au-dessous de zéro des testicules de Grenouille, LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 271 et les ayant fait dégeler lentement dans de l'eau froide, y a trouvé des animalcules pleins de mobilité ; et l’on sait que les individus parfaits reprennent également leurs mouvemens dans les mêmes circonstances. Il a vu aussi que les poisons produisent sur les animalcules les mêmes effets que sur l'adulte : l'acide cyanhydrique abolit immédiatement leurs mouvemens;, la strychnine leur donne des crispations, ils se roulent et se tordent en tous sens avant de perdre tout mouvement, (1) Sans doute, on ne trouve pas dans toutes les espèces une concordance parfaite entre les zoospermes et les premiers rudi- mens de l'embryon ; mais, dans le Poulet, on observe encore bien plus de différence entre l'embryon de la veille et celui du lendemain, et l’'œufdes Batraciens change d’aspect de moment en moment après la fécondation. De plus grandes métamorphoses s’opèrent même après l’éclosion, chez les Batraciens anoures, et les Insectes en éprouventde bien plus nombreuses et de plus ex- traordinaires encore. Il serait impossible de croire, sans l'avoir bien constaté, qu'une Grenouille vient d’un tétard, et la larve d’un insecte ne peut faire prévoir ce que seront la chrysalide et l’animal parfait. Ce dont il faut seulement s'étonner , c’est qu'il existe encore, après l'acte prodigieux de la fécondation, tant de ressemblance entre la forme des zoospermes et celle des em- bryons. 11 ne faudrait donc pas s'étonner si l’on trouvait, dans certaines espèces, autant de différence entre le zoosperme et embryon, qu’il en existe entre la chenille et le papillon. Quant aux différences qu'on peut observer dans les spermato- zoaires d'un même individu, j'en ai donné l'explication en faisant l'histoire du développement des zoospermes ; et en parlant ‘des capsules séminales , des spérmatophores ; qu'on à pris quelque- fois pour d'énormes anñimalcules spermatiques, d’autres fois pour des parasites, ce qui est la même chose aux yeux de Bar- dach. J'ajouterai seulement qu'il ne faut pas regarder comme des variétés de forme ces particules de matière visqueuse qui adhérent quelquefois pendant long-temps à la surface des z00- spermes, surtout vers leur extrémité antérieure ; ces débris de (1) Comme rendu des séances de l'Académie deé Sciences, 30 novembre 1840. 22 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. mucus sont d'autant plus communs , que la liqueurest plus gluante; on les remarque particulièrement autour des :z00- spermes récemment séparés des faisceaux dont ils faisaient par- tie; ils disparaissent peu-à-peu, à mesure que la densité du li- quide diminue, circonstance qui a trompé bien des micrographes. Voyons ce qu'on objecte aux expériences de Spallanzani , et surtout à celles de MM. Prévost et Dumas, si remarquables par leur enchaînement logique et par les inductions rigoureuses que les auteurs en ont tirées. (1) 1° La vapeur du sperme de Grenouille recuëillie sur un vérre de montre, n’est que de l’eau; elle devait être impropre à la fécondation, puisqu'elle ne contenait pas la partie essentielle de la liqueur séminale. L’objection est fondée ; mais le fait est concluant contre l'hy- pothèse des fécondations produites par un aura seminalis ; hy- pothèse presque aussi subtile que celle du dynamisme , et qui compte encore des partisans. 2° Des étincelles électriques assez puissantes pour tuer les animalcules, ont dû modifier la composition chimique du sperme, et lui faire perdre, avec ses qualités intimes, sa pro- priété fécondante. Cette influence étant possible, l'expérience n’est pas, en effet, suffisamment concluante. 3° Le sperme délayé, qui a passé à travers cinq filtres, n'y laisse pas seulement ses parasites ; il y perd sa composition in- time, ses qualités essentielles, et c’est ce qui le rend impropre à la fécondation. Cependant, le sperme des Batraciens ne perd pas ses pro- priétés fécondantes aussi facilement qu'on le pourrait croire. L’urine est sans influence sur lui, puisqu'il passe par les ure- tères ; puisque , par conséquent , c’est l'urine qui est chargée de (x) Ges importans travaux , qu’il faut étudier dans les mémoires originaux, ont servi de point de départ à ceux qui ont été entrepris depuis sur le même sujet, et feront toujours époque dans la science. (Voyez Annales des Sciences naturelles, première série, tome 1, page 1; tome 1r, page 100; tome rx, page 113; tome 1v, page 47 ; lome x11, page 415.) LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 273 sa dilution. On n’observe aucune diminution dans le nombre des fécondations, tant que l’eau ajoutée au sperme ne dépasse pas cinquante fois ie poids des œufs soumis à l'expérience. ILest donc difficile de concevoir que cette même liqueur séminale ait été décomposée par la simple action mécanique des filtres. Mais, en admettant cette supposition, il resterait à expliquer comment ce qui est resté sur le filtre a pu opérer la fécondation comme auparavant. Après avoir été délayée dans une aussi graude quantité d’eau , une partie de la liqueur séminale serait- elle demeurée sur le filtre, comme on le prétend? Mais, dans cette hypothèse mème, comment n’aurait-elle subi aucune alté- ration, si tout le reste avait été décomposé? IL n’y a dans la liqueur séminale que des zoospermes, des globules de mucus, ou des débris d'épithélium, qui puissent être arrêtés par le filtre sans éprouver aucun changement, et personne ne peut être tenté d'attribuer la fécondation à des matériaux qu'on retrouve dans toutes les sécrétions. 11 ne reste donc que les zoospermes pour expliquer le phénomène. D'autres phygiologistes sont encore arrêtés par diverses con- sidérations. Ainsi, par exemple, ils trouvent que le nombre des zoospermes serait en disproportion avec celui des ovules à fé- conder , comme si ces rapports numériques n'étaient pas tou- jours les mêmes , soit que des animalcules parasites portassent le sperme jusqu’à l’ovule , soit que la liqueur séminale servit, au contraire, de véhicule aux zoospermes. Il est vrai que ceux-ci sont innombrables, même dans les es- pèces qui ne produisent qu'un petit; mais aussi, à quelle pro- fondeur ne doivent-ils pas pénétrer chez les Mammifères ! La disproportion est encore très grande dans les espèces dont la ponte est la plus abondante, lors même que le sperme est ré- pandu sur les ovules , comme chez les Batraciens , les Pois- sons, etc.; mais, dans un grand nombre d'espèces , les mâles sont infiniment moins nombreux que les femelles ; d’un autre côté, la fécondation ne peut avoir lieu que sur un point très circon- serit, et les zoospermes distribués sur tout le reste de la surface sont absolument sans action ; enfin l’eau en disperse au loin un bien plus grand nombre, Ce qu'il y a de certain, c'est que, malgré XV. Zoor, — Mai, 18 27/ LALLEMAND, —= Sur les Zoospermes. cette multitude de zoospermes, il y a toujours beaucoup d’ovules de Grenouille qui échappent à la fécondation et ne tardent pas à se décomposer, quoique le mäle ait répandu sa liqueur sur eux comme sur les autres. Ainsi le nombre des zoospermes n’est pas encore suffisant chez les Batraciens pour assurer la fécon- dation de tous les ovules. Que doit-il donc arriver dans les cas où la liqueur séminale ne peut pas être déposée directement sur les ovules? L’abondance des zoospermes devait , par consé- quent, être proportionnée aux difficultés dé la fécondation, plutôt encore qu’au nombre des ovules à féconder. Au reste, il n'arrive ici que ce qu’on observe dans toutes les classes de végétaux et d'animaux ; car les moyens de reproduc- tion sont toujours proportionnés aux causes de destruction auxquelles les êtres vivans sont soumis. Ainsi , non-seule- ment les œufs et les graines semblent se multiplier à mesure que les causes de destruction augmentent; mais encore la repro- duction s'opère aussi par scission longitudinale ou transversale, par bourgeon interne ou externe, et mémé par tout accident qui détache une partie plus où moins considérable de lorga- nisme. 11 fallait même qu'il en fût ainsi, sans quoi les espèces que nous voyons vivantes auraient disparu, faute de pouvoir se reproduire , comme tant d’autres ont péri faute d’une nourriture, d'un milieu; d’une température, etc. , appropriés à leurs besoins. Elles auraient été rejoindre les innombrables espèces perdues , dont on né retrouve plus de traces qu’à l'état fossile, et dont quelques-unes diffèrent complètement de tout ce qui vit aujour- d'hui. Cette harmonie ; que nous admirons entre les êtres sou- mis à notre observation , eût été modifiée, comme elle l’a été continuellement depuis la première apparition des végétaux et des animaux les plus simples, jusqu’à présent, sans cesser pour- tant, malgré la destruction de ces espèces. Ainsi, quand je dis qu'il fallait que le nombre des zoospermes fût proportionné aux difficultés de la fécondation, ce n’est pas pour justifier les causes finales, les lois de la nature , les plans de la Providence; car tout ce qui est possible existe, comme tout ce qui n'a plus été pos- sible a cessé; je dis seulement que, sans cette profusion de | LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 27 zoospermes, les espèces que nous observons vivantes n'auraient pu se reproduire jusqu’à présent. Eofin, les physiologistes ont invoqué jusqu’à la morale dans cette question de fait. M. Bory-Saint-Vincent, par exemple, repousse de toutes ses forces la pensée choquante, qu’un seul de ces zoospermes privilégié pendant la copulation, se soudérait à un ovule, à l'exclusion de plusieurs milliers d'individus, ses pareils | mais comme réprouvés ( Loc. cit. page 745). L'auteur a sans doute oublié que des pollens , bien autrement noinbreux , couvrent quelquefois le sol de maniere à simuler une pluie de soufre , et que chacun de ces grains de pollen contient'une im- mense quantité de granules spermatiques? également réprouvés, puisqu'ils sont perdus pour la fécondation, sans compter les graines étouffées dans l'ovaire par injuste nutrition d’une pri- vilégiée , celles dont la germination est empéchée par le dévelop- pement d’une plus heureuse voisine , etc. Examinons maintenant la question sous un autre pointdevue. L'hypothèse suivant laquelle la liqueur séminale serait l'agent essentiel de la fécondation a-t-elle du moins l'avantage d’en expli- quer mieux les phénomènes ? En aucune facon : elle ne permet pas même de concevoir l'influence constante du mäle sur le pro- duit de la conception ; influence pourtant si profonde et si uni- versellement reconnue, On conçoit parfaitement qu’une trame élémentaire déjà orga- nisée et vivante, fournie par le mâle , est complétée, en s’umis- sant à une autre, provenant de la femelle, et qu’il résulte de ces deux rudimens d'organisation un tout qui porte l'empreinte des deux origines. Mais comment un liquide amorphe pourrait:il transmettre à l’ovule des formes, des couleurs, des vices et des qualités , provenant du mâle , comme on le voit d’une manière si évidente et si constante dans les croisemens de race? Comment cette influence du mâle se retrouverait-eile dans l’ensemble de la constitution ; dans la trame intime de tous les organes , dans la disposition aux mêmes maladies, aux mêmes goûts, etc.? L'expérience de tous les jours prouve que des habitudes impo- sées au mâle se transmettent héréditairement à ses descendans. Ainsi, par exemple, dans l'Amérique du Sud, où le pas de l’amble 15 276 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. est recherché des voyageurs ; on donne au cheval cette allure insolite, en le forçant, par des entraves, à faire agir toujours en même temps les deux jambes du même côté; mais l’engorgement quien résulte fait négliger ces chevaux comme monture: on neles élève ainsi que pour servir d'étalons , les poulains qui en pro- viennent prenant tout naturellement le pas de l’amble. Les chiens offrent journellement des exemples aussi remarquables de la transmission héréditaire des habitudes imposées aux parens par l'éducation. Or, il est impossible d'imaginer qu'une ressemblance si profonde, si durable, puisse être transmise de la part du mâle par un fluide amorphe. Un fluide ne peut évidemment transmettre la forme et Ja vie qu’il n’a pas. Au reste , celte prétendue action de la liqueur séminale sur l'ovule n’est que la dernière moitié d’une erreur aussi ancienne que la science, et dont on peut suivre les phases avec facilité, je dirai même avec utilité; car le passé doit servir d’enseignement à l'avenir. Les plus anciens observateurs ont été frappés de la ressem- blance des enfans avec leur père et leur mère, ressemblance plus ou moins prononcée , tantôt d’un côté , tantôt de l’autre, mais également partagée , quand on l’envisage dans l’ensemble des faits. Ils en ont conclu judicieusement que le père et la mère avaient une égale part à l'acte mystérieux de la reproduction. Jugeant ensuite de ce qu'ils ne pouvaient apprécier par ce qu'ils voyaient , ils ne doutèrent pas que la femme n’eût aussi sa li- queur séminale, et ils la firent venir des ovaires, attendu que celle de l’homme est fournie par les testicules. L’embryon se développant dans la matrice, ils pensèrent que les deux semences se rencontraient dans cette cavité, et que de leur union résultait l'être nouveau, portant plus s’écialement l'empreinte de celui des deux sexes qui avait le plus contribué à sa formation. C'était là une idée simple, claire, saisissante : elle partait d’un aperçu large et vrai : aussi fut-elle adoptée dans son essence. On ne discu- ta, pendant des siècles, que sur des propositions accessoires. Cependant la supposition d’un sperme chez la femme ne reposait que sur une induction fournie par ce qui se passe chez l'homme. Elle fut ébranlée, dès qu’on eût remarqué que les LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 277 ovaires des oiseaux fournissent des ovules au lieu de liqueur séminale. Peu-à-peu on étendit cette observation aux reptiles, aux poissons aux insectes ; enfin on constata directement ce que l’'analogie avait fait soupçonner, c’est-à.dire que les Mammifères rentrent dans la loi générale. Il fallut bien alors abandonner une partie de l'opinion des anciens, celle qui est relative au rôle de la mère dans la génération ; mais on n’avait encore aucune raison de modifier l’autre moitié de cette hypothèse , paisque le sperme était toujours pour tout le monde une liqueur parfai- tement homogène, dans laquelle on était loin de soupcçonner l'existence de corps organisés et vivans. D'un autre côté, l’im- portance de Ja liqueur séminale dans l'acte de la fécondation étant incontestable, il fallut bien admettre qu'elle agissait sur lovule, et l'on supposa qu’elle y excitait la vie, qu’elle en im- prégnait les rudimens du fœtus , auparavant inertes; maïs il était dificile de concevoir qu’un liquide püt donner la forme et la vie dont il n’était pas lui-même doué. Si le sperme n’était qu’un agent d’impulsion , comment expliquer l'immense influence du mâle sur le produit de la conception? Ces difficultés étaient vivement senties, lorsque Louis de Ham- men, Leuwenhoeck et Hartsæker observèrent, presque en même temps, des êtres vivans dans le sperme d’une foule d'animaux. Cette découverte fit naître une réaction contre l'opinion qui avait donné à la femelle une importance exagérée. Boérhaave, Buffon, Keil, Cheyne, Wolf, Lieutaud, etc., virent avec Leu- wenhoeck, dans ces êtres vivans, de véritables animalcules , c'est-à-dire, des embryons qui n'avaient plus besoin que de croître pour devenir des animaux complets. On conçoit que dès- lors l’ovule ne pouvait plus étre qu'un magasin de nourriture préparé pour le développement de l'animal en miniature, et le rôle de la femelle devint aussi accessoire que l'avait été celui du mäle. Des exagérations de toute espèce nuisirent au progrès de la vérité, et l’on trouva plus facile de nier les faits que de les vé- rifier, On objecta d'ailleurs, avec raison, que la nature des ali- mens ne suffit pas pour rendre compte de l'influence de la mère sur le fœtus, attendu que la matière vitelline se ressembie dans 270 LALLLMAND. — Sur les Z'Gospermes. des ovules appartenant à des classes différentes, que les alimens des Herbivores produisent des nerfs, des muscles, etc., comme ceux des Carnassiers. Enfin, l'ovule était regardé comme un corps inerte, et.il était impossible de concevoir comment un animal se serait identifié avec un corps privé de vie. Ce rôle exclusif qu’on voulut faire jouer aux zoospermes fut donc précisément ce qui les fit tomber ensuite dans l'oubli. Cependant, lorsqu'on reprit les études microscopiques avec de meilleurs instrumens, il fallut bien convenir que le sperme contient, en effet, des êtres vivans, conformes aux descriptions des premiers observateurs. Alors, pour ne pas revenir à des idées discréditées, on supposa que les zoospermes étaient des. para- sites ; mais, en rencontrant constamment ces parasites dans la li- queur séminale de tous les animaux, on comprit qu'ils ne pou- vaient pas être entièrement inutiles à la fécondation. Les expc- riences de Spallanzani ne le conduisirent pas à la vérité, parce qu'il était dominé par les idées de Bonnet; mais ces expériences étaient trop décisives pour laisser aucun doute sur la nécessité de l'intervention des zoospermes dans la fécondation. Il fallut donc chercher des occupations à ces parasiles , et on leur ac- corda celles de brasser la liqueur fécondante , et de la charrier sur les ovules. Cette dernière trace de l'opinion des anciens doit disparaître aussi en présence des faits les plus multipliés, les plus incontestables, Personne n’admet plus depuis long-temps l'existence d’une véritable liqueur séminale chez aucune femelle, parce que les dimensions des ovales ont permis de les étudier facilement, de vérifier les assertions émises sur leur développement, leur struc- ture, etc. Tout le monde fut donc bientôt convaincu que les ovaires sécrètent des ovules et non du sperme; que l’ovale re- présente la femelle ou l'organe femelle dans la fécondation. Il était impossible d'arriver aussi promptement à la même unani- mité par rapport au rôle du màle, parce que les zoospermes ne pouvaient être bien étudiés qu’à l’aide d'excellens microscopes; ce n’est donc que depuis peu de temps qu’on possède des résul- tats incontestables; encore doivent-ils être adoptés de confiance par la plupart des lecteurs, Toutefois, ce qui est arrivé pour les LALLEMAND. — Our les Zoospermes. 279 ovules, indique bien clairement ce qui adviendra tôt ou tard par rapport aux zoospermes : plus les observations deviendront fa- ciles et précises, plus elles se multiplieront dans toutes les direc- tions, plus on verra que la loi est générale, constante, du côté du mâle comme du côté de la femelle ; et alors tout le monde sera convaincu que le mâle ou l'organe mäle intervient dans la fécondation par ses zoospermes, comme la femelle ou l’organe femelle y contribue par les ovules; que le mâle est représenté par les zoospermes seu/s, et que le fluide dans lequel ils nagent, leur sert uniquement de véhicule, comme le fluide prostatique, le mucus urétral, etc. C’est ainsi que s’achèvera la transformation de lopinion des anciens, fondée sur l'observation incontestable d’une égale in- fluence des deux sexes dans la production de l'être nouveau. Au lieu de dire que l'embryon résulte de la combinaison des deux liqueurs séminales provenant des testicules et des ovaires, on dira qu'il est dû à l'union d’un zoosperme et d’un ovule, fournis par des organes analogues chez le mâle et chez la femelle. Mais, pour que cette union soit possible, il faut que l’ovule soit vivant, comme le zoosperme; car une adhérence ne peut s'établir qu'entre des parties douées de vie : c’est ce qui arrive en effet, ainsi que je l'ai démontré ailleurs, IL est surtout un point de l'ovule, dont l’organisation est plus compliquée et la vitalité plus active: c’est l’écusson ,disque épais, saillant, blanchâtre , à surface villeuse ou tomenteuse, comme celle de la membrane caduque. Cette surface veloutée est celle qui , la premiere , se couvre de vaisseaux après la fécondation , ce qui l’a fait appeler membrane vasculaire. Elle est done dispo- sée de manière à favoriser l'union du zoosperme et de l'ovule, comme la membrane caduque à établir ladhérence de l'œuf avec la paroi interne de la matrice. Aussi est-ce sur ce point que se développent toujours les premiers rudimens de l'embryon , ce qui lui a valu le nom de surface prolizère. Lorsque le vitellus est enveloppé d'une membrane dure, scarieuse, résistante, il existe un trou dans cette enveloppe externe on, du moins, un amincissement considérable à l'endroit qui correspond au centre du disque, Ce micropyle manque aux œufs, dont les membranes 260 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. sont très minces (Mammifères), ou dont la membrane externe ne se durcit qu’après la fécondation (Oiseaux). Tout semble donc disposé pour favoriser l’adhérence du zoosperme à l'ovule , et pour lui ménager un passage jusqu’à cette surface proligère. Aussi, son développement ne s'opère-tl jamais sur aucun autre point. Le premier changement qu’on observe à la surface de l’écus- son chez les Poulets, c’est le soulèvement d’une bandelette ren- flée à l'extrémité qui doit devenir la tête, et terminée en pointe à l’autre. Bientôt, de chaque côté de cette bandelette primitive s'élève une saillie qui doit contenir les premiers rudimens des lames vertébrales ; et la bandelette, qui était saillante, paraît en conséquence déprimée. Les membranes cérébro-spinales ont la forme d'une épingle, dont la tête correspond à l'endroit où va bientôt se développer le cerveau et la pointe à l'extrémité de la moelle. Une substance blanchâtre , opaque , se dépose à leur surface interne, et quatre ampoules se dessinent où doivent être le cerveau , le cervelet, les tubercules quadrijumeaux et la moelle allongée, tandis que, le long de la tige, deux lames opaques se rapprochent des parties latérales vers le centre, pour former la moelle, dont la cavité diminue rapidement... C’est autour de cet axe cérébro-spinal que se manifestent ensuite les change- mens qui se succèdent avec rapidité; c’est cet axe qui détermine la double direction dela circulation vers les deux extrémités, l'allongement du sac vitellin pour fournir l’œsophage, le rec- tum , etc. On voit que tous ces phénomènes dépendent de l'influence qu’exercent l’un sur l’autre le zoosperme et l’ovule, au moyen du disque proligère par lequel l'union s'établit entre eux. L’ap- pareil fluxionnaire qui s'établit autour de ce centre d'activité a même quelque chose qui ressemble au développement d’un point inflammatoire dans un tissu blanc. L'embryon ne s'enfonce dans l'intérieur de l'œuf que beaucoup plus tard, et il s'éloigne d'autant plus de la surface, qu'il appartient à une espèce plus élevée: le fœtus humain est celui dont le cordon ombilical est le plus long. Il est vrai que le zoosperme n'apporte pas à l'ovule un sys: LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 281 tème cérébro-spinal tout formé, puisque les membranes du cerveau et de la moelle sont parfaitement distinctes avant l’ap- parition de la substance nerveuse à leur surface interne ; mais le vitellus ne fournit pas non plus à l'embryon un système digestif tout développé, et cependant personne ne doute aujourd’hui que les organes digestifs et leurs dépendances se développent aux dépens du vitellus, parce que les dimensions et la consi- stance de cette membrane permettent de suivre parfaitement toutes les phases de sa métamorphose, ce qui est impossible pour le zoosperme. Les investigations patientes des ovologistes ont appris que bien des organes n’ont qu’une existence purément temporaire, et que les autres subissent comme les animaux eux- mêmes , des transformations d'autant plus nombreuses, qu’ils sont plus compliqués : il faut donc renoncer à l'idée que ces organes existent tout formés dans l’ovule ou le zoosperme , et n'ont besoin que de se développer pour acquérir leur état par- fait; mais la première trame que nous pouvons apercevoir dis- tinctement, à l’aide du microscope, a dû nécessairement être précédée d'une autre, aussi invariable dans sa texture, puis- qu'elle amène toujours les mêmes résultats définitifs. Si le zoosperine n'est pas un système cérébro-spinal et le vitellus un système digestif, ils possèdent en eux les élémens nécessaires au développement ultérieur de ces deux bases essentielles de l’ani- malité, pourvu qu’elles se complètent l’une par l'autre, afin d’exer- cer l’une sur l’autre une influence réciproque, qui amène le dé- veloppement ultérieur du tout. C’est le système vasculaire qui leur sert bientôt de lien commun, et fait disparaître de plus en plus les traces de cette fusion. On concoit ainsi, d'une maniere claire, complète, comment les deux agens de la fécondation influent également sur le produit commun, puisque chacun d’eux fournit une matière déjà orga- nisée et vivapte, ce qui est inexplicable par toute autre hypo- thèse. Je dis plus : chacun de ces deux élémens de la fécondation représente bien l'agent qui l’a produit, et la part qu'il prend à l'acte méme. En effet, le mâle, plus ardent que la femelle dans toutes les espèces, fournit le zoosperme, dont l’activité n’est ja- mais plus grande qu'au moment de la copulation, et celui-ci de- 282 LALLEMAND, — Our les Zoospermes. vient sur l'écusson le premier élément du système cérébro-spinal, c'est-à-dire de toute la vie extérieure. Que voit-on, au contraire, du côté de la femelle? Des ovaires toujours cachés profondé- ment, même chez les Mammiferes, un ovule qui reçoit le z00- sperme comme la femelle reçoit le mâle; dans cet ovule , des matériaux de nutrition; enfin les élémens d’un système digestif, par conséquent, de toute la vie intérieure. Plus tard, quand le rôle du mâle est terminé, survient la gestation ou l’incubation; plus tard encore la lactation, le soin des petits toujours spéciale- ment dévolu à la mère. Le zoosperme représente donc le mäle aussi exactement que l’ovule représente la femelle. Voyons maintenant si la soudure, la fusion du zoosperme et de l’ovule est une hypothèse contraire à toute analogie. Il existe dans l'acte même de la génération beaucoup d'autres exemples d’unions semblables entre des parties vivantes. L'œuf fécondé se soude à la matrice pendant tout le temps de la gestation. Quand il s'en rencontre deux à-la-fois, les deux placenta se fondent quelquefois d’une maniere si complète, que l'expulsion de l’un des fœtus peut être suivie de la mort de l’autre, si l’on néglige de lier le cordon ombilical après lavoir coupé : le fœtus, resté dans la matrice, est bientôt pris de convulsions et vient au monde complètement privé de sang. Bien entendu que ces deux placenta peuvent être injectés par le système artériel ou veineux de l’un ou l’autre cordon. Les doigts des mains ou des pieds sont souvent unis par leurs bords dans une étendue variable; les deux membres inférieurs sont quelquefois fondus en un seul, de-sorte qu'il n'existe plus qu'un fémur, un tibia et un rudiment de pied informe, Mais, ce qui est plus concluant que tous ces exemples, c'est l'étude des monstruosités dues à la soudure de deux fœtus, toujours par des parties similaires, suivant la remarque de M. Geoffroy Saint-Hilaire. Une pièce de ce genre que possède la Faculté de Montpellier, est surtout remarquable en ce que les deux squelettes sont unis par leurs os coxaux, de maniere à ce que chaque symphyse des deux bassins est formée de deux os iliaques appartenant à l'un et à l’autre sujet ; il en est de même des deux membres qui s’y ar- ticulent : le droit est d’un fœtus et le gauche de l'autre. IL est LALLEMAND, — Sur les Zoospermes. 283 impossible de se tromper à cet égard, parce que l’un des fœtus ayant pris moins de développement que l’autre , les deux moi- tiés de chaque bassin n’ont pas les mêmes dimensions; les deux membres abdominaux placés l’un à côté de l’autre ne sont pas d’ailleurs de même longueur; les deux moitiés du bassin et les deux membres abdominaux les plus développés appartiennent au sujet le plus fort, et ils sont écartés à droite et à gauche pour compléter les parties congénères de l’autre fœtus. Il y avait une vessie dans chaque bassin, un canal de l’urètre sous chaque pu- bis, etc. : ces organes avaient donc été formés aussi par des par- ties similaires provenant des deux individus. Lorsque deux fœtus ne sont unis que par une faible surface, ils prennent, en général, un développement égal; quand l'union est plus intime, il arrive ordinairement que le plus vigoureux nuit à l'accroissement de l’autre; quelquefois même le plus faible reste à l’état embryonaire. La tête, le col peuvent s'atrophier vu rester ensevelis dans le corps de l’autre, de manière que le reste pend au dehors avec des formes plus ou moins irrégulières. En fiu, le plus vigoureux peut même engloutir l’autre complètement et le recevoir dans sa cavité abdominale, fermée plus tard que celle de la poitrine. Un semblable fœtus , retrouvé dans le bas- ventre d'un garçon, comme cela est arrivé avant et après Du- puytren, a pu donner lieu à bien des discussions ; mais ce cas ne présente rien de plus extraordinaire que le En et ne peut recevoir d’autre explication; c’est seulement un degré de plus du mêmie phénomène. Ainsi, l'œuf se soude à la matrice pour y puiser les matériaux de son déselappement ultérieur; deux placenta se fondent pour n'en faire qu'un; deux moitiés de bassin, de vessie, d’urètre s'unissent pour se compléter réciproquement ; enfin, un fœtus peut être englouti dans l'abdomen d’un autre, de la même ma- nière que l'est un vitellus chez l'embryon à l’état normal. Je n'ai cité que des exemples tirés de l'acte de la génération chez l'homme, parce que ce sont les plus connus et les plus dé- cisifs; mais les soudures de deux parties, de deux individus sont trés multipliées dans les animaux et les végétaux inférieurs, même à l’état adulte. Tous les jours des masses d’éponges se 28/4 LALLEMAND, — Sur les Zoospermes. soudent dès qu’elles sont en contact; et tout le monde connaît les phénomènes de la greffe non-seulement dans les végétaux, mais encore dans des Vertébrés d’un ordre élevé, tels que le Coq, par exemple. Il est remarquable que toutes ces soudures sont d'autant plus faciles, que les individus sont plus jeunes et que leur organisation est plus simple. En voilà beaucoup plus qu'il n’en faut pour expliquer la fusion du zoosperme et de l’ovule. Tous ces faits, ainsi que les précédens, confirment donc par- faitement l'opinion de MM. Prévost et Dumas, sur le rôle du zoosperme dans la fécondation. Toutefois, je ne puis être com- plètement de leur avis sur plusieurs propositions accessoires , qu'ils ont trop généralisées; car tout ce qui est accessoire , est susceptible de varier, sans rien changer à ce qui est véritable- ment fondamental dans la fonction. J'ai besoin, avant d'aller plus loin, d'entrer dans quelques détails à cet égard. Les exemples de grossesse ovarique ne sont pas extrêmement rares dans l’espèce humaine, et ils prouvent, d’une manière in- contestable, que l’ovule peut être fécondé dans l'ovaire même. Les cas de grossesse péritonéale ont à-peu-près la même valeur; car l’ovule devait être fécondé avant de tomber dans la cavité séreuse, et c’est en se détachant de l’ovaire qu’il a dû manquer l'ouverture de la trompe. J'admets que, dans les expériences de MM. Prévost et Dumas, la fécondation s’est opérée dans les trompes ou dans les cornes de la matrice, et je sais que cette opinion est appuyée par beaucoup de faits semblables, observés sur des espèces différentes de celles qui ont servi à MM. Prévost et Dumas. Mais, il ne s’ensuit pas qu’on doive en faire l’appli- cation rigoureuse à l'espèce humaine; car l’analogie ne saurait prévaloir contre des faits directs et péremptoires. Ici mêrne l'a- nalogie fournit un argument de plus contre cette application. Le lieu dans lequel s'opère la fécondation est une circonstance tout-à-fait accessoire , qui varie, par conséquent, suivant les es- pèces. Mais ces variations semblent soumises à une loi générale, subordonnée à la place qu’occupe chaque espèce dans la série des animaux. Chez les Oursins, les Méduses, les Actinies, etc., les zopspermes et les ovules sont disséminés dans l’eau, sans que le mäle ou la femelle puisse les diriger à la rencontre lun LALLEMAND, — Sur les Zoospermes. 285 de l'autre. Dans les Poissons, la fécondation s'opère aussi, en général, après l'expulsion des ovules et sans le secours de la femelle; mais le mâle la suit de près, et dépose immédiatement sa laitance sur le frai. Dans les crustacés, le rapprochement est déjà un peu plus intime. Chez les Bactraciens anoures, le mâle tient la femelle fortement embrassée, et féconde les ovules aus- sitôt qu'ils sont hors de l’oviducte. Chez les Insectes, l'impré- gnation à lieu dans l’oviducte même, mais seulement un peu avant l'expulsion. Chez les Oiseaux, c’est dans la partie supé- rieure de l’oviducte, car la membrane externe de l'œuf s’incruste plus bas de carbonate de chaux. Chez les Mammifères, elle s'o- père encore plus profondément dans les cornes ou les trompes utérines. Cette progression constante doit donc faire supposer que, dans l'espèce humaine, les zoospermes remontent jusqu’à l'ovaire même pour opérer la fécondation. Ainsi, l’analogie s’ac- corde parfaitement avec les observations directes fournies par la pathologie, observations contre lesquelles il n’y a d'ailleurs aucune objection possible. MM. Prévost et Dumas ont encore conclu de leurs expériences que la fécondation, chez les Mammiferes, s’opère seulement plusieurs jours après l’arrivée des zoospermes dans l'utérus et les trompes. Ces inductions me paraissent irréprochables par rapport aux Mammifères employés dans ces expériences, et même applicables à d’autres espèces sur lesquelles des faits analogues ont été observés. Mais il ne faut pas se hâter d'étendre cette proposition à l'espèce humaine. Le temps qui s'écoule entre la copulation et la fécondation est encore une circonstance acces- soire, par conséquent trés variable dans l'échelle des animaux. La reine des Abeilles, par exemple, pond encore des œufs féconds plusieurs mois après la mort des derniers mâles, et beaucoup d'Insectes fournissent des faits analogues. Il est facile, au reste, de s’en rendre compte depuis les belles observations de M. Audouin sur le réservoir séminal dont ces femelles sont toutes pourvues,. La Poule, après un seul accouplement, peut fournir douze ou quinze œufs féconds, et l’on ne saurait sup- poser qu’ils ont été fécondés tous immédiatement, car les der- niers pondus ne pouvaient étre développés quand l'accouple- 286 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. ment s’est opéré. Les expériences faites sur divers Mammiferes ne sont donc pas rigoureusement concluantes pour tous les autres, et en particulier pour l'espèce humaine, Voici des faits pathologiques bien plus péremptoires que toutes les analogies. J'ai rapporté ailleurs (r) une observation de grossesse extra- utérine, due évidemment à la violente émotion causée à la mère par l’entrée subite d’un étranger immédiatement après des rap - ports conjugaux. J'ai vu à Bordeaux un second cas semblable. La femme avait été saisie de frayeur, quelques instans après le coit, par l'apparition dans sa chambre d’une vive lumière pro- venant d’un incendie. Des symptômes de péritonite se manifes- tèrent comme dans le cas précédent, des fistules se formèrent autour de l'abdomen , et la malade succomba long-temps après le terme de la grossesse. On trouva le fœtus dans le bassin, comme je l'avais prédit d’après l'exploration du vagin et du rectum. Le docteur Marc rapporte un fait exactement semblable (2). Une femme , entrée à l’hospice de la Maternité pour une grossesse extra-utérine , racontait, avant sa mort, que la crainte d’être surprise dans les bras de son amant , en entendant remuer la clef de la porte de sa chambre, lui fit éprouver la plus vive émotion , à l'instant même où elle a dû concevoir. Astruc pense que les grossesses extra-utérines sont plus com- munes chez les filles et les veuves qui ont passé pour sages, parce que la crainte , la honte, le saisissement ont beaucoup de part à ces accidens , ce qui prouve qu'Astruc avait connaissance de plusieurs faits analogues. La cause première de ces grossesses extra-utérines est trop frappante ;, trop uniforme pour être douteuse ; mais de quelle manière la frayeur peut-elle agir? C’est sans doute en faisant cesser l'état d’orgasme qui maintenait les franges des trompes appliquées contre l'ovaire, ce qui ne permet pas à lovule de rencontrer l'ouverture du canal qui devait le conduire dans l'utérus. L'’ovule était donc fécondé quand il est tombé dans la cavité du péritoine , et cependant les émotions qui ont causé (:) Observations pathologiques propres à éclairer plusieurs points de physiologie, Paris, 1818. (2) Dictionnaire des Sciences médicales , tome x1x, page 239. LALLEMAND, — Sur les Zoospermes. 287 l'accident sont survenues immédiatement après le coït , ce qui doit faire admettrenécessairement que la fécondation est un phé- nomène trés rapide, presque instantané, dans l'espèce humaine. D’autres faits moins frappans, mais plus nombreux , ont fait admettre cette opinion aux accoucheurs. Il en est peu qui n’aient rencontré des femmes assez impressionnables pour avoir, à l'in- stant même , la conscience de leur imprégnation , et la plupart prétendent qu’elles ne se sont jamais trompées à cet égard.Il en est une foule d’autres qui éprouvent un changement subit dans toute leur économie, et même dans leur moral. Comment les zoospermes peuvent-ils arriver si rapidement à de telles profondeurs ? Quoique leurs mouvemens soient activés pendant la copulation', ils ne peuvent évidemment expliquer seuls le phénomène; mais il faut tenir compte de toutes les circonstances concomitantes. L’impulsion donnée par l'éjaculation suffit pour expliquer l’in- troduction subite d’une certaine quantité de sperme dans la matrice. 11 est bien reconnu qu'un hypospadias trop étendu est un obstacle à la fécondation, de même que tout rétrécissement notable de lurètre. Il faut en dire autant de l’induration partielle des corps caverneux , des brides, des cicatrices, etc., qui em- péchent la rectitude de la verge pendant l'érection ; de la brièveté du frein qui tire en bas l’ouverture de l’urètre; de la petitesse excessive de verge, etc. Quant à la femme, la stérilité est sou- vent causée par une déviation de la matrice , par des brides du vagin,etc., parce que la liqueur ne peut arriver dans la direction de la cavité utérine , et, ce qui le prouve, c’est que la féconda- tion a souvent eu lieu , dès que ces dispositions vicieuses ont été corrigées. Des mucosités abondantes , qui bouchent le col, des polypes, etc., produisent le même effet, Il serait facile de multiplier les faits de cette nature; mais tout le monde est d'accord sur l'importancede la projection du sperme jusque dans le col de la matrice. On connaît la structure muscu- leuse de cet organe. Ce que je viens de dire des grossesses extra- -mtérines prouve que, pendant la conception, les trompes sont dans le méme état d’éréthisme que le clitoris : il est donc facile de concevoir que le sperme , introduit dans le col de l'utérus, 288 LALLEMAND, — Sur les Zoospermes. l'excite d’une manière spéciale et y détermine des contractions en harmonie avec le but à atteindre; or, la plus légère contrac- tion de la matrice suffit pour pousser le sperme dans les trompes, qui , se resserrant aussi successivement sous la même influence, peuvent achever rapidement ce mouvement progressif. Pour peu qu'on réfléchisse à la disposition opposée des or- ganes génitaux dans les deux sexes, on voit que chez l'homme tout se trouve à l'extérieur, tout est disposé pour l'expulsion convulsive du sperme, pour sa transmission subite aussi Join que possible. Chez la femme, au contraire, tout est intérieur, tout est préparé pour recevoir, pour conserver la liqueur sé- minale. Cette disposition inverse indique assez une action op- posée dans la fonction; car il est impossible de supposer qu'un appareil aussi puissant, aussi compliqué, reste dans l’inaction sous l'influence du sperme. L’impression que la matrice en éprouve est suffisante pour lui faire sécréter une membrane accidentelle, car la caduque n’est pas un produit de l'œuf; elle n’est même pas provoquée par la présence de l'œuf, puisqu'elle existe avant son arrivée dans l’utérus et même dans les gros- sesses extra-utérines. La cavité de la matrice est fortement im- pressionnée par le sperme, puisque son passage suffit pour provoquer une pareille sécrétion. Quel sera donc le rôle de cet appareil en état d’orgasme? Il sera nécessairement opposé à celui du mâle, puisque l'appareil est disposé d’une manière inverse. Nous ne pouvons pas avoir la preuve de ce mode d’action, parce que tout s'opère hors de la portée de nos sens; les con- tractions spasmodiques du vagin peuvent seules nous donner un indice de ce qui se passe plus profondément, Il est cepen- dant chez certains animaux des phénomènes qui montrent, de la manière la plus patente, l’espèce d'absorption exercée par les organes de la femelle. Chez les Salamandres aquatiques, la fé- condation s'opère sans qu'il y ait jamais contact immédiat entre les deux sexes. Le mâle se place à côté de la femelle quand il la voit disposée, en laissant cinq à six lignes d'intervalle entre les deux parois abdominales. Après une agitation plus où moins vive, une émission de sperme trouble l'eau qui sépare les deux LALLEMAN D. — Sur les Zoospermies. 270 organes, et un état de collapsus s'empare du mäle. Or, puisque les ovules sont fécondés dans le corps de la femelie, il faut bien que ses organes génitaux absorbent une partie du sperme poussé jusqu’à l’ouverture extérieure. Chez les Raies, les Lombrics, etc., il n’y a pas dans le mâle de parties saillantes qui puissent s’in- troduire dans les organes femelles, et cependant les ovules sont fécondés à l'intérieur. Tous ces faits prouvent donc que le sperme détermine, dans les organes dé la femelle, des mouvemens qui favorisent sa pro- gression à l’intérieur, et complètent ceux que le mâle a exécutés pour le pousser aussi loin que possible. Cette seconde impul- sion peut seule expliquer comment chez les Oiseaux le sperme peut arriver jusqu’au haut de l’oviducte. Si l’on tient compte de la puissance de l'utérus chez la femme et de l’éréthisme des trompes, des pavillons et des franges, on comprendra comment la fécondation peut s’opérer subitement par le concours de deux actions aussi puissantes et aussi instantanées. Je sais qu’on cite des exemples de grossesse survenue pendant la catalepsie, l'ivresse, le narcotisme, un viol où d’autres cir- constances analogues; je sais ce qu'on a dit de la fécondité de certaines femmes très froides, de laversion même de quelques- unes pour l’acte ou pour l'agent de la fécondation , et je ne re- pousse pas ces faits, bien qu'on en ait abusé dans des circon- stances fort équivoques. Mais ils ne prouvent rien contre l’in- fluence de l'utérus et des trompes sur la marche du sperme. Les fonctions de toutes ces parties dépendent du système ner- veux ganglionnaire; la volonté n'a aucun empire sur elle, il suffit que l'ovaire contienne des ovules à l’état de maturité, pour qu'ilexerce son action sur le reste de appareil; comme le sperme contenu dans les vésicules séminales détermine des érections, des rêves érotiques et trop sonvent des pollutions nocturnes, malgré tous les efforts de la volonté. Comment l’état comateux le plus complet pourrait-il empécher la matrice de se contracter sous l'impression du sperme, puisque la syncope, la mort même | n'empêchent pas cet organe d'achever seul le travail de l'ac- | couchement, qui exige pourtant bien d’autres efforts'de sa part? On pourrait inférer de la rapidité de la fécondation dans l’es- XV, Zoot — Mai 19 290 LALLEMAND. — dur les Zoospermes. pèce humaine et des phénomènes nerveux qui l’accompagnent, qu’elle consiste en un acte semblable à celui de la saturation des deux fluides électriques; et cette hypothèse doit se présenter à l'esprit d’autant plus naturellement, que les phénomènes ner- veux et électriques se confondent de plus en plus, et jouent tous les jours un rôle plus important; mais il suffit, pour dé- truire cette hypothèse, de rappeler que, dans les Insectes, il peut s’écouler plusieurs mois entre la copulation et la dernière ponte. Il n’y a donc que l'union du zoosperme avec l’ovule qui puisse rendre compte de la fécondation. Voyons maintenant si cette opinion peut s'appuyer sur -des considérations plus générales et par conséquent plus sûres en- core. $ I. La génération est, avec la nutrition, la plus universelle de toutes les fonctions, puisque tous les êtres qui vivent se repro- duisent. Malgré la diversité des phénomènes observés dans son accomplissement, il doit y avoir quelque chose de commun dans un acte qui est commun à tous. C'est ce qu'il s’agit de trouver, car c’est la condition essentielle de la fonction. Tout le reste n’est qu’accessoire, puisque tout le reste pèut manquer dans les différentes espèces, sans que la reproduction en souffre. C’est dans les êtres les plus simples qu'il faut chercher cette condition fondamentale de la génération, puisque c’est chez eux que la fonction est réduite à ses derniers termes, débarrassée de tout ce qui n'est pas indispensable à son accomplissement. Le mode de la génération le plus simple est, sans contredit, celui qui s'opère par l’action isolée d’un seul individu , d’un seul organe. Voyons donc ce que présentent les différentes formes de monogénie. Dans la scissiparilé un i:dividu se divise spontanément en deux ou plusieurs parties, qui reproduisent ensuite ce qui leur manque pour se compléter. Quand la scission a lieu longitu- dinalement, comme cela se voit chez divers Infusoires polygas- triques, les deux moitiés sont parfaitement égales, symétriques, LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 291 en sorte qu'il est impossible de dire qu'une moitié produit l'autre ou qu'elle procède de l’autre; c'est certainement le cas le plus simple, puisqu'il n’y a là ni générateur ni engendre , il y a seulement deux moitiés d’un être vivant, qui se sont sépa- rées pour continuer à vivre isolément. Ceite séparation com- mence tantôt par une extrémité, tantôt par l'autre, mais dans tous les cas, elle ne s’achève que quand les deux moitiés sont en état de pouvoir suffire seules à leur nutrition, à la repro- duction de ce qui vient de se séparer. C’est bien au moment de cette séparation que ces deux moitiés jouissent d’une existence individuelle, indépendante, qu’elles constituent réellement deux êtres distincts; mais ce n’est pas seulement de ce moment qu'elles vivent, elles vivaient également dès l’origine, et d’une vie aussi complète, aussi énergique, il n’y a donc eu que séparation de deux parties vivantes. La scissiparité transversale s’observe chez les végétaux com- posés de tubes articulés et chez les animaux formés de zoonites. Quand les tubes de certaines Conferves ont pris tout leur dé- veloppement, ils se séparent à l'endroit des cloisons, puis chaque tube isolé se cloisonne à son tour, s'étend, etc., jusqu'à ce que son développement ait atteint ses dernières limites; alors le même phénomène se reproduit, parce que chaque cellule pos- sède, quand elle se sépare, tout ce qui est nécessaire à sa nutri- tion et à sa reproduction. La même séparation peut avoir lieu dans les animaux à chaque anneau, quand ils sont composés de zoonites semblables et complètes. Si l'organisation est plus com- pliquée vers fa tête, la séparation n’a plus lieu qu’en ‘eux par- ties, et c'est ordinairement la portion postérieure qui est la plus petite, quoique chacune reproduise bientôt tont ce qui lui manque pour se compléter, Il y a donc dans ce mode de re- production quelque chose qui resseuble au développement ordinaire des Annélides, et en particulier des Myriapodes, dont le corps s’allonge par la formation de nouveaux anneaux, armés de pattes comme les autres. Dans cette espèce de scissiparité, comme dans la précédente, la séparation n'a lieu que quand chaque partie peut continuer à vivre et à se développer isolément. Mais avant de jouir de 19 292 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. cette existence indépendante, chaque partie vivait d’une ma- niére aussi complète; la vie ne leur a pas été donnée instanta- nément comme à une matiere inerte; leur séparation est un ré- sultat de la nutrition qui, ne pouvant plus être utile à l’ac- croissement de l'individu, est employée à la conservation de l'espèce. Chez les êtres sphéroïdes, dont les dimensions sont à-peu- près égales dans tous les sens, la séparation peut se faire de tous côtés, en autant de parties qu'il y a d'organismes distincts, semblables entre eux et à la souche commune, C'est ce qui a lieu pour la Truffe, dont chaque truffinelle, à l'époque de la maturité, représente une truffe en miniature. Dans la gemmiparité, c'est une partie de la surface interne ou externe qui développe un être vivant semblabie au type qu’il doit continuer. Chez l’hydatide acéphalocyste de l’homme, de petits granules se manifestent à la surface interne des parois du kyste, par suite du développement des cellules du tissu inter: médiaire aux deux surfaces. Ces points transparens se rem- plissent de sérosité, deviennent pédiculés en se gonflant, se séparent enfin pour tomber dans la cavité commune et donner lieu aux mêmes phénomènes. J'ai vu souvent de ces vésicules, encore adhérentes à la paroi commune contenir déjà, sur leur surface interne, d’autres vésicuies au-dedans desquelles il s’en formait de nouvelles. Ce fait, invoqué en faveur de l'emboite- ment des germes, prouve seulement, comme tant d’autres, que la reproduction est une conséquence de la nutrition. (1) Ce mode de reproduction par gemmiparité interne rappelle exactement les fonctions des ovaires tubuleux et surtout des ovaires vésiculeux. La formation des ovules dans la baudroie (r) Des observateurs distingués ont né l'existence des mouvemens spontanés dans les Hydatides ; mais je puis affirmer que c'est une erreur, J'ai constaté pendant plusieurs heures des contractions évidentes dans les parois des vésicules d’une moyenne dimension, exposées au soleil immédiatement après leur extraction du foie d'un individu mort la veille. Ces con- tractions se manifestaient par des cercles concenlriques , partant de points différens et décom- posant la lumière solaire avec des variations continuelles; cependant ces ondulations se voyaient moins bien sur les petites vésicules et n’existaient pas du tout sur les grandes, qui avaient probablement été étouffées par le développement de leur progéniture, LALLEMAND. — Our les Zovsperes. 293 na pas lieu d’une autre manière que celle des vésicules dans l'acéphalocyste de l’homme. Chez d'autres hydatides, communes surtout dans le Bœuf, la reproduction S’opère par la surface extérieure du kyste; mais du reste les phénomènes sont toujours les mêmes, c'est toujours une cellule du tissu cellulaire placé entre les deux surfaces qui se développe; seulement la vésicule se porte au-dehors et tombe à l'extérieur, quand son pédicule se rompt; c’est exactement ainsi que sont produits lés ovulés dans les ovaires celluleux et parenchymateux. Les Polypes d’eau douce , très faciles à observer, ont permis, à Trembley de constater l'influence remarquable d'une alimen- tation abondante snr leur développement. C’est ainsi qu’il a pu voir un de ces bourgeons en pousser un second à sa surface, et celui-ci en reproduire un troisième, qui en portait déjà un qua- trième quand le premier s'est séparé. Cette gemmation n'est donc encore qu'un accroïssement porté au-delà des besoins de l'individu et employé au développement de l’espèce : c’est la nutrition continuée au profit de la reproduction. Dun autre côté, les premiers bourgeons ont à peine des bras, qu’ils sai- sissent aussi des proies au profit de la communauté ; car ces cavités digestives communiquent ensemble jusqu’à ce que le pé- dicule très rétréci soit sur le point de se séparer. Quand la même proie est saisie à-la-fois par les bras du Polype et par ceux de son bourgeon , elle est aussi disputée que si elle ne devait pas servir au développement dés deux individus. Ainsi, non-seulement la vie existe dans le bourgeon dès le moment de son apparition, inais il jouit bientôt d’un commencement d'indépendance, et même il manifeste, avant de se séparer, un véritable antago- nisme. Ce n’est donc pas de cette séparation qu'il faut faire dater son existence: il devient seulement indépendant. Divers zoophytes produisent dans certaines saisons , à là sur- face interne de leur tube, des corps ovoïdes, que Grant, Eli, Cavollini , etc. , ont décrits sous le nom d'œufs, à cause de leur forme, mais qui ne sont évidemment que des gemmes dévelop- pés, comme ceux des Hydatides, dans une cellule voisine de la surface, Les véritables œufs ne sont jamais pourvus de eils vibra- tiles et ne jouissent d'aucun mouvement spontané, Les gemmes 294 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. Jes Eponges se séparent successivement par la rupture de leur pédicule , et sortent l’un après l’autre par la même ouverture que les matières fécales. Leurs mouvemens sont d’abord très rapides ; ensuite ils diminuent peu-à-peu , cessent complètement, et l'embryon se fixe pour reproduire la souche. Dans les Cam- panularia dichotoma , plumaria, falcata ,etc., il y a plusieurs de ces gemmes enfermés d’abord dans la même capsule: ils en sortent ensuite pour se comporter de même que ceux des Eponges. N'est-ce pas exactement ainsi que se forment, que se déve- loppent, que se meuvert les z00spermes avant de se fixer pour reproduire l'espèce? Les uns ne sont-ils pas toujours libres et isolés depuis le moment de leur séparation des canaux sperma- tiques, tandis que d’autres sont enveloppés dans des kystes plus ou moins compliqués , avant de pouvoir exercer leurs mouve- mens en toute liberté, par suite de la rupture du kyste? Je ne connais pas de rapprochement plus frappant. Indépendamment de ces différens modes de génération, les Polypes, les Rhizopodes, les Arcelles, etc. , se reproduisent par les plus petites parcelles qui sont détachées de leur corps. Quant aux végétaux, la reproduction par monogénie présente les mêmes caracteres, soit qu'elle ait lieu par développement ile bourgeons ordinaires ou adventifs, soit qu’elle s'opère à l'aide de tubercules , de turions, de propagules, de drageons, etc. C'est toujours une partie vivante qui se sépare du type, quand elle est en état de se développer isolément sous l'influence de.circon- stances favorables. Dans tous ces cas, la reproduction est encure le résultat d’une nutrition exubérante. Les Conferves présentent, comme les animanx les plus infé- rieurs, des exemples de tous les modes de reproduction. Pour le moment, je ferai seulement remarquer que les unes émettent des globules de matière verte, complètement immobiles , qui, disséminés dans tous les sens, reproduisent l'individu , comme des graines, tandis que d’autres espèces, très voisines pour ja structure, pour l'aspect extérieur, etc., fournissent des globules trés mobiles au moment de leur expulsion , quoiqu'ils soient verts et semblables d'ailleurs aux premiers. Nees d’Esenbeck, LAELEMAND. — Sur les Zoospermes. 205 Fréviranus, Dithmar, Gruithuisen, Carus, MM. Bory-Saint- Vincent et Desmazières ont constaté sur diverses espèces que ces globules se meuvent avec vivacité à la manière des monades, qu'ils recherchent l’ombre, puis ralentissent leurs mouvemens,. etse fixent , au bout de quelques jours, par des radicules, pour développer enfin des tiges creuses, de véritables Conferves. M. Bory-Saint-Vincent à cru voir dans les mouvemens de ces globules verts des caractères suffisans d'animalité pour créer la famille des Zoocarpées. Mais on observe, entre les granules polli- niques d'espèces très voisines , les mêmes différences qu'entre les globules reproducteurs des Conferves. Parmi ces granules polliniques, les uns sont complètement immobiles, et les autres, aw contraire, jouissent de mouvemens spontanés tres évidens. Ainsi l'étude de la reproduction par monogénie nous dévoile successivement le mode de formation des deux élémens de la fécondation dans la digénie. Les sporules ne différent des autres corps reproducteurs qu'en ce qu'ils sont fournis par un organe spécial, sporange : je ne m'y arréterai donc pas. En parlant de l'individu générateur, j'ai toujours dit le {ype: ou la souche, et non pas la mére, parce que cette expression, généralement employée , est tout-à-fait fausse. Il n’y a de mére- que chez l'individu qui possède des organes femelles , et l’on ne trouve des organes femelles que dans les espèces où ilexiste des organes mâles. L'individu qui produit son semblable par mono- génie n’est donc pas plus une mère qu’un père. C'est cependant d’un tel abus de langage que sont partis Swammerdam , Maipighi, Vallisneri , Harvey, Haller, Bonnet et autres ovaristes purs,pour attribuer presque toute la génération à la femelle. Fondés sur cette idée qu'il existe une chaine non interrompue depuis le Polype jusqu’à l'Homme, ils ajoutent que le Polype se reproduit sans l'action fécondante du mâle, et ils en concluent que toute la génération est presque entièrement dans la femelle, l'action du mâle devant être infiniment res- treinte. (1) (1). Haller, Elementa physiologie , liber xxix. 296 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. Burdach est tombé dans la même exagération, par un autre raisonnement qui revient exactement au même. Selon lui, quand l’un des deux sexes disparaît dans l'échelle des êtres, c'est tou- jours le mâle, la femelle restant seule chargée de la reproduc- tion. Etrange pouvoir des mots!!! Mais, lorsque ce même po- lype se partage, suivant sa longueur, en deux parties parfaitement égales, ilest impossible de dire que l’une ait engendré l'autre : où donc alors sera la mère ? C'est qu'en réalité, la monogénie , quelque forme qu’elle af- fecte, n’est qu'une séparation de parties vivantes pour la repro- duction du type; ce n'est qu'une nutrition exubérante, employée au profit de l'espèce quand elle n’est plus nécessaire à l'individu; c'est toujours le même phénomène qui s'étend au dehors, quand il ne peut plus servir à l'économie. Mais ce mode de reproduction n’est possible que dans les es- pèces les plus simples. À mesure que les tissus deviennent plus distincts, qu’ils forment des organes spéciaux, plus nombreux, plus compliqués, les fonctions de chaque tissu, de chaque or- gane et même de chaque partie d’un organe, deviennent aussi plus spéciales, plus précises, en un mot plus parfaites, comme Va fait observer depuis long-temps M. Milne Edwards. Toute- fois, à côté de ces immenses avantages, se trouve l’inconvénient attaché, dans nos fabriques, à toute division excessive du tra- vail; chaque partie devient de plus en plus impropre à remplir d’autres fonctions que celles qui lui ont été dévolues. Dans le polype, tous les tissus sont fondus, de telle sorte que chaque portion de l’animal sent, se contracte, absorbe, respire et digere; a peau peut remplir les fonctions de l'estomac, et réciproque- ment; chaque particule, séparée du reste, contient tout ce qui lui est nécessaire pour continuer à vivre et pour réparer ce qui lui manque; aussi le polype peut-il se reproduire par tous les modes connus. Dans les végétaux et les animaux Articulés, dont chaque cellule, chaque zoonite ressemble aux autres, la repro- duction peut s’opérer dans chaque division. Chez les animaux Rayonnés, chaque rayon possédant des ganglions nerveux, des muscles, etc., comme tous les autres, peut aussi reproduire ceux ceux qui lui manquent pour que lagrégat soit complet. Mais, LALLEMAND. — Ôur les Zoospermes. 207 quand la vie d'ensemble est confiée à trop d'organes distincts, Pindividu ne peut plus produire son semblable par la séparation d’une partie de son corps, parce qu'aucune de ces parties ne possède en elle tout ce qui lui serait nécessaire pour vivre; elle pourra tout au plus être reproduite par l’action simultanée de tout ce qui reste. Ainsi, la Limace refait la face, la bouche et les yeux, pourvu que la section soit pratiquée sans endommager le ganglion œsophagien, qui représente le cerveau; ainsi, les pattes repoussent chez les Crustacés, les membres chez les Sa - lamandres, la queue chez les Lézards; mais, au-dessus des Kep- tiles, il n’y a plus que les parties sécrétées qui puissent être re- produites. La monogénie est donc impossible dans les espèces un peu compliquées, puisque toute la puissance de l’économie se borne à la reproduction de certaines parties. Ce qui prouve d’ailleurs directement cette impossibilité, c’est que la monogénie ne s’ob- serve dans aucune espèce un peu élevée. Cela ne veut pas dire que la digénie ne se puisse rencontrer avec la monogénie. On conçoit, au contraire, que le concours de deux organes distincts pourra facilement amener la reproduc- tion de l'espèce, dans tous les cas où le même phénomene à pu être produit par l’action spontanée d’un seul individu, d’une seule partie; et c’est, en effet, ce qui arrive dans les végétaux et les animaux des classes inférieures. Lorsqu'un seul individu ne peut plus reproduire l'espèce, parce que les tissus sont devenus plus distincts, les organes plus nombreux, les diverses fonctions plus spéciales, etc., il faut bien que la reproduction elle-même soit confiée à des organes spé- ciaux, et que ces organes différent d’autant plus dans les deux sexes ét soient eux-mêmes d'autant plus compliqués, que le reste de l'économie est aussi plus complexe : c'est, en effet, ce qui existe, ainsi que je l'ai fait remarquer ailleurs. C’est chez les Mammières que les organes génitaux du mâle et de la femelle sont le plus compliqués, et qu'ils différent da- vantage par leur structure propre et par le caractère spécial de leurs fonctions. Dans l’espace humaine, chaque piece des deux appareils est 293 LALLEMAND. — Sur les Z o0spermes. elle-même encore plus distincte. Chez la femme, les ovaires sont plus homogènes, plus compactes, plus exactement sphériques que chez les femelles d'aucun autre Mammifére; les franges sont plus séparées des ovaires; la matrice est plus circonscrite, pius glo- buleuse , plus saillante entre les trompes et dans le vagin; elle est enfin plus éloignée des mamelles. Chez l'homme, les canaux sécréteurs des testicules sont plus distincts, plus longs, plus fa- ciles à déplisser; chez lui seul, le testicule est enveloppé d’une membrane séreuse complètement isolée de la cavité péritonéale, circonstance que la station bipède rend encore plas remarqua- ble; c'est enfin chez lui que la verge et le scrotum sont plus détachés de l'abdomen et des pubis. Aussi , est-ce dans l'espèce humaine que les organes génitaux ont le plus d'influence sur toutes les fonctions de l’économie, sur tous les actes de la vie, et que la sexualité est empreinte plus profondément dans tous les tissus, même avant la puberté. Il existe donc une harmonie remarquable entre les modifica- tions des organes génitaux et celles que subit l'économie dans la série des êtres vivans; ou plutôt , les organes génitaux portent l'empreinte de l’économie propre à chaque espèce; ce qui de- vait être, puisque ce sont eux qui sont chargés de reproduire le type. Mais il est naturel de penser que cette structure spé- ciale des organes génitaux influe aussi puissamment , aussi di- rectement sur les produits qui en résultent, que l’ensemble de l’économie influe sur la structure spéciale des organes génitaux; et c’est certainement ce qui a lieu, puisque ces matériaux re- produisent toujours l'espèce, et meme les nuances les plus dé- licates qui distinguent les mdividus de la même espèce. L'exemple du Mulet et de la plupart des Hybrides, prouve combien la plus légère modification dans ces organes peut apporter de différence dans leurs produits; car le testicule du Mulet ne diffère pas sen- siblement de celui du Baudet, et le microscope lui-même ne permet d'apprécier le moindre caractère distinctif dans lorgani- sation intime de l’ur et de l’autre : cependant, le premier ne four- nit jamais de zoospermes complets. A plus forte raison les produits doivent-ils présenter un cachet particulier, quand les orgines ont des caractères distinctifs qui frappent à la premiere vue LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. 294 Mais, parmi les matériaux fourmis par le mâle et par la fe- melle, quels sont ceux qu'on peut regarder comme essentiels, comme propres à maintenir invariablement le type de l'espèce ? Est-ce la partie liquide , transparente? Sont-ce les granules de toute espèce, les débris d’épithélium , etc., qui n’ont aucune forme déterminée, constante, ou bien n'est-ce pas plutôt la partie organisée, qui présente des formes invariables, déjà compliquées , et tous les caracteres de la vie ? Abstraction faite de toute observation directe, le plus simple raisonnement per- wettrait de choisir entre ces deux hypothèses ; car la forme et la vie ne peuvent être transmises par ce qui est privé de forme et de vie. Ce n’est pas non plus dans la fécule de l’ovule végétal, dans le vitellus de l'ovule animal, et moins encore dans le fluide ambiant, qu'il faut chercher la part d'influence de la femelle sur l’être nouveau qui doit résulter de la fécondation, pas plus qu'on ne peut trouver dans les matériaux divers qui accompagnent les zoospermes , la part de vitalité et d'organisation fournie par le mâle. Il n’est plus permis d'admettre aujourd’hui dans l'ovule ou dans le zoosperme des germes invisibles de tous les organes , tels qu’ils sont à l’état parfait, puisqu'ils doivent éprouver une foule de transformations avant d’y arriver, et que d’autres disparaissent aprés une existence purement transitoire ; mais il faut bien que le mâle et la femelle fournissent les premiers élémens de la trame qui doit amener leur ressemblance, de mème que les premiers linéamens appréciables contiennent les rudimens de 1outes les métamorphoses subséquentes. On arrive donc, par le simple raisonnement , à la même conclusion que par l'analyse rigou- reuse des faits les plus constans et les mieux observés, et cette conclusion est parfaitement conforme à la loi établie pour la reproduction par monogénie. En effet, qu'avons-nous observé à cette occasion? 1° Dans la Monogénie , la génération n’est qu'un développe- ment exagéré ; la nutrition n’est employée à l'entretien de l’es- péce qu'aprés avoir satisfait aux conditions d'existence de l'indi- dividu ; la fécondité est en raison des alimens, etc. Il en est exac- tement de même dans la digénie :les organes génitaux n’achèvent 300 LALLEMAND. —" Sr les Zoospermes. leur évolution que quand l'existence de l’individu est assurée, et la fécondité est d'autant plus grande ,que le mâle et la femelle ont moins à lutter contre les causes extérieures de destruction : de là l'influence des alimens abondans et réparatetirs chez les animaux , de l'engrais dans les végétaux, d’une température ap- propriée , etc., etc., pour les uns et les autres. 2° Dans la monogénie , la reproduction consiste essentielle- ment dans la séparation d’une partie déjà vivante, qui né fait qu'acquérir une existence indépendante , en sorte qué la vie n’est pas un instant interrompue entre la souche et le corps reproducteur qui s’en sépare. Les mêmes phénomènes s’observent dans la digénie; senlement ils s'opèrent dans deux organes dis- tincts, parce que la complication de l'organisme ne permet plus que la fonction soit remplie par un éeûl. Bien plus, fa produc- tion des ovules et des zoospermes, leur développement successif jusqu'au moment de la fécondation , ressemblent exactement à tout ce que j'ai fait remarquer des différens modes de repro- duction par monogénie. L’ovule et le zoosperme ne sont-ils pas doués de vie? Ne se détachent-ils pas de parties vivantes avec des circonstances semblables à celles qui accompagnent la repro- duction par monogénie ? Plus on étudiera l’ovale et le zoosperme , plus on verra qu'ils représentent , jusqu’au moment de la fécondation , tous les phé- nomènes de la monogénie dans les espèces les plus inférieures. Les travaux de Carus, de Tréviranus, de MM. Gcoffroy-Saint- Hilaire, de Serre, etc., ont démontré que les espèces supérieures passent transitoirement par l'état permanent des espéces infé- rieures. C’est une pensée profonde , large et vraie, autant que féconde ; mais , jusqu’à présent , on n’était parti que du moment de la fécondation : il faut évidemment y ajouter l'histoire anté- rieure du développement de lovule et du zoosperme , pour que la série soit complète, pour qu’elle commence réellement aux derniers degrés de l'échelle ; c’est alors seulement que la loi sera générale et sans exception. 3 Dans la monogénie , la séparation à lieu quand Findividu nouveau peut continuer à se développer isolément ; dans la di- génie , chaque partie vivante se sépare de Porgane qui Fa pro- LALLEMAND. — Sur,les Zoospermes. 3o1 duite, quand elle peut s'unir à l’autre pour la compléter et en être complétée. Mais cet état nouveau, à l’état le plus rudimen- taire , au point initial de son existence , aurait péri, s'il avait dû puiser les matériaux de son prochain développement dans les agens extérieurs; car il ne pouvait seul acquérir une organisation plus compliquée que celle des êtres les plus simples; d’ailleurs, ce mode de reproduction n’eüt toujours été qu'une monogénie semblable à celle qui a lieu par des sporules. 1] fallut donc que, en se séparant du mâle et de la femelle, lovule et le zoosperme trouvassent ces matériaux de développement ailleurs que dans les agens du dehors, puisqu'ils devaient être autre chose qu'une Hydatide ou un Polype. Mais chacune des deux moitiés ne pou- vait être chargée du même rôle; car elles n'auraient pas eu d'action l’une sur l’autre, et chacune aurait pu se développer sans le secours de l’autre, comme dans la monogénie des classes inférieures. 11 a donc fallu nécessairement que l’une des deux moitiés rüt chargée spécialement de pourvoir à la nutrition commune jusqu’à ce que l’être nouveau füt en état de puiser par lui-même dans le monde extérieur, et ce rôle a toujours été rempli par la femelle. L’ovule végétal se munit de fécule avant la fécondation , au moyen de son podesperme, qu’on a mal-à-propos appelé cordon ombilical, et il continue ensuite à s’en remplir jusqu’au moment où l'embryon et l’embryotrophe sont assez développés pour pouvoir puiser au dehors les élémens d’un développement complet, Alors les vaisseaux du podosperme se dessèchent, la graine se détache, etc. Ces matériaux, étant presqu’à J'état de siccité, ne réagissent que difficilement les uns sur les autres, et la faculté de germer se conserve pendant long-temps. L’em- bryotrophe est constamment alimentaire , non-seulement pour l'embryon, mais encore pour tous les animaux granivores. On peut en dire autant du vitellus dans tous les animaux ; seulement comme il est plus liquide, il prête plus facilement à la fermen- tation putride et l'mçubation doit suivre de près la ponte, à moins qu'une température très basse ne suspende les phéno- mèênes, comme chez les insectes. Le vitellus est tres petit dans les Maromiferes , parce qu'il n’est utile que dans les premiers 302 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. jours de la gestation; mais l’utérus et les mamelles complètent le rôle de la femelle, dont le caractere distinctif est toujours de servir à la nourriture de l'embryon. Toutefois l’ovule n’est pas seulement un magasin d’alimens: il est encore , et avant tout , une partie vivante. C’est comme tissu vivant, que le rôle de l'ovule est le plus important, puisque, chez les Mammifères , l’ovule sert très peu à la nourriture de l'embryon; c'est comme complément vivant du zoosperme, que l’ovule doit être considéré, si l’on veut embrasser dans son en- semble la loi fondamentale de la génération. Quant aux zoospermes, il est évident qu'ils sont vivans, seuls vivans dans la liqueur séminale, et peuvent seuls, par consé- quent, transmettre la vie; ils ont seuls une organisation plus ou moins avancée,suivant les classes, et des formes invariables pour chaque espèce; enx seuls peuvent donc transmettre aux descén- dans l'influence propre du mâle avec ses plus légères nuances. Les mêmes considérations sont exactement applicables aux végétaux. Avant la fécondation , l’ovule vil, chez eux, de la vie de l'ovaire, puisqu'il a déjà subi de nombreuses trans'ormations, et que son organisation est tres compliquée avant qu’il ait pu recevoir l'influence du pollen; d’ailleurs sa continuité avec l'ovaire ne cesse que bien long-temps après. Quant aux granules polliniques, j'ai montré leur analogie avec les globules repro- ducteurs des Conferves, ce qui s'accorde avec le rôle de ces granules comme agens de reproduction”, quoique les uns soient immobiles; tandis que les autres jouissent de mouvemens spon- tanés très obscurs dans certaines espèces, plus évidens et même très étendus dans d’autres. J'ai fait voir aussi la ressemblance remarquable des grains de pollen , à une où deux enveloppes , avec les simples capsules spermatiques et les spermatophores les plus compliqués , non-seulement par leur manière de se com- porter sous l'influence de l'humidité, mais encore par leur mode de formation dans les organes males. Quant au rôle des granules polliniques dans la fécondation , ilavait déjà été comparé à celui des animalcules spermatiques par Needham, Gleichen, Geoffroi, de Jussieu , etc.; mais M. Ad. Brongniart a démontré l'exectitude de cette opinion par LALLEMAND. -— Sur les Zoospermes. 303 des observations plus précises, plus multipliées, faites avec de meilleurs instrumens et enchainées par une logique plus sé- vère. (1) Voici ce qui résulte des faits incontestables qui ont été publiés à ce sujet.Les granules polliniques sont, comme les zoospermes, d’une constance remarquable pour leurs formes et leurs dimen- sions dans la même espèce, constance reconnue aujourd'hui par ceux même qui n’attachent aucune importance à ces granules. Ils manquent sur les plantes conservées dans les serres sans donner de graines, comme les zoospermes manquent dans la semence du Mulet, ete. Les grains de pollen sont alors remplis d’une matière mucilagineuse, et dépourvus de granules à formes et à dimensions constantes, comme ceux qu’on observe dans toutes les plantes phanérogames dont la fécondation a lieu d’une mianiere régulière. (2) Quant à leurs mouvemens spontanés, je suis loin d’y attacher la même importance que MM. Ad. Brongniart, Brown, Amici, etc., attendu qu'ils sont très obscurs dans beaucoup d’espèces, qu'ils manquent absolument dans d'autres, et ne me paraissent nul- lement nécessaires pour compléter leur analogie avec les zoo. spermes. Il me semble même plus naturel de retrouver, dans les agens de la fécondation , le caractère qui distingue le plus éminemment les végélaux des animaux, et j'ai besoin de me rappeler les mouvemens spontanés des globules reproducteurs de certaines Conferves, pour comprendre ceux des granules de plusieurs pollens. Aussi bien des micrographes, Gleichen lui- même, ont-ils pris ces granules mobiles pour des animalcules d'infusion. Les différences qu’on observe, à cet égard, d’une espèce à une autre, ne doivent donc pas plus étonner que celles L 1 (x) Ces travaux remarquables ont besoin d'être médités dans les Mémoires originaux, comme ceux de MM. Prévost et Dumas, dont ils sont, en quelque sorte, le complément, (Voyez Annales des Sciences naturelles , tome x17, page 14, 145 , 225 ; lome xt, page 146; toine xY, page 38: ; tome xx1v, pages 13, 263.) {a} A Toulon , un datiier mâle existe près d'un dattier femelle, sans qu’il en résulte cepen- dant fécondation, et les noyaux ne contiennent pas d'embryon. Le professeur Delile a con- siaté que les grains de pollen sout tous vésiculeux , demi transparens et non farineux , opaques comme ceux d'Afrique, 304 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. qu'on retrouve dans les corps reproducteurs des Conferves, dans les formes et les dimensions des divers granules polli- niques. Les mêmes différences existent entre les zoospermes, entre les ovuies, même dans les espèces les plus voisines, et cela devait être, puisque ces matériaux devraient représenter le mâle et la femelle de chaque espèce. Ce sont mème ces diffé- rences constantes, antérieures à la fécondation, qui expliquent comment les deux élémens de cette fonction peuvent repro- duire, d’une manière si exacte, le caractère spécial du type avec ses nuances les plus délicates. Ici l'histoire des Hybrides montre, encore mieux qne chez les animaux, l'influence du mâle sur la production de l'embryon. Kælreuter et Gærtner ont remarqué que la fécondation par le pollen, d’une espèce voisine, ne change en rien le volume, la couleur, la saveur du fruit , etc., ne hâte ou ne retarde nulle- ment l’époque de sa maturité; que l'aspect même de la graine ne présente pas la moindre différence appréciable. C’est seule- ment sur les produits de cette graine qu’on peut constater les changemerns apportés dans les caractères de l’espèce par l’inter- vention d’un pollen étranger. Un grand nombre d'expériences semblables ont donné les mêmes résultats en France, en Bel- gique, etc., et tous nos vignerons savent parfaitement que des pepius de raisins blancs, par exemple, donnent souvent des ceps à raisin noir, quand ces espèces sont méêlées dans une vigne. Ces résultats sont très faciles à concevoir, puisque c’est l’o- vaire qui fournit tout ce qui est destiné au développement de l'embryon, la nutrition étant toujours l’attribut de la femelle ou de l'organe femelle : l'embryon seul peut donc conserver les traces de l'influence d’un pollen étranger, et ces différences portent sur des parties trop exiguës pour pouvoir être appré- ciées même au microscope. Il n’y a donc que le développement ultérieur de la plante qui puisse mettre en évidence ces modifi- cations ; c'est ce qui explique pourquoi les semis ne répondent pas toujours à l'attente des horticulteurs. Ici, je dois répéter ce que j'ai dit à l'occasion &es zoospermes : on ne peut attribuer l'influence du mâle ou de l'organe mâle sur LALLEMANI, — Sur les Zoospermes. 305 l'embryon, à la matière, amorphe qui accompagne les granules polliniques,, et moins encore, à, une simple excitation dyna- mique. L'empreinte particulière et constante du mâle ne peut s'expliquer que par l'intervention d'un tissu déjà suffisamment organisé pour porter le cachet de son origine; c’est-à-dire du mäle représenté par l'anthère. Quant aux autres circonstances dela fécondation, elles sont essentiellement les mêmes que chez les animaux. C’est sur un point constant de la vésieule embryonraire que se manifestent toujours les premiers rudimess de l'embryon. Ce n’est jamais que plusieurs jours après l'action du pollen sur le stigmate qu'on aperçoit sur cette vésicule les premiers linéamens de l’em- bryon. Cet intervalle de temps varie, comme chez les animaux, suivant les especes; l'embryon s'enfonce aussi de plus en plus dans l'intérieur du sac embryonnaire, en absorbant les maté- riaux encore visqueux dont il est entouré. Les membranes de l'ovule s’entr'ouvrent constamment à l'époque de la fécondation (endostome , exostome ) pour laisser saillir le mamelon d’impré- gnation de Yamande ; en sorte qu'on peut suivre les granules polliniques depuis le stigmate jusqu’à la vésicule embryonnaire, à travers le #issu conducteur ; le micropyle et le mamelon d’'im- prégnation, aussi bien qu'on peut suivre, dans l'espèce bu- maine, le trajet des zoospermes jusqu’à l'ovaire. Les circon- stances fondamentales de la fécondation sont donc les mêmes dans les végétaux et dans les animaux ; elles consistent essentiel- lement dans la soudure; dans la fusion de deux parties vivantes fournies par le mâle et par la femelle , ou plutôt par les organes spéciaux qui représentent le mâle et la femelle. J'ai fait voir ailleurs que la production et le développément de lovule et du zoosperme ont lien comme dans la monogénie, et que la première période de leur existence, celle qui précède la: fécondation, représente la génération et la vie dans les es- peres les plus inférieures. Le même phénomène préside donc à la reproduction par monogénie et par digénie ; il permet de ra- mener à une seule loi le principe essentiel de la génération , puisqu'on le retrouve dans tous les cas. Le raisonnement seul eütsaffi pour indiquer qu'il en devait être ainsi; car la plupart XV, Zonr, — Mai. 20 306 LALLEMAND. — Sur les Zoospermes. des végétaux et beaucoup d'animaux se reproduisent par r1on0- génie ct par digénie ; et ils ne pouvaient pas être soumis à deux lois différentes pour une seule et même fonction. Quand une formule n'embrasse pas l’universalité des faits, elle est fausse ou pour le moins incomplète. Ainsi, les considérations les plus générales confirment par- faitement les inductions fournies par l’analogie et par l’observa- tion directe, sur l’origine, le mode de développement et les fonctions des deux élémens de la fécondation. Les zoospermes sont produits par les testicules, commeltles ovules par les ovaires ; les uns et les autres se développent dé là méme manière , et ils se complètent réciproquement. CONCLUSIONS. La fécondation n'est pas un acte à l’aide duquel une matière inerte soit tout-à-coup vivifiée par un liquide amorphe ;.où par une influence électrique , nerveuse vitale, dynamique, etc. ; car la vie ne se produit pas instantanément par une seule ërm- pulsion donnée à la matière, comme on imprime le premier mouvement au pendule.en repos : des fluides amorphes,inertes, ne peuvent donner à la matière la forme et la vie dont ils sont privés. La vie se développe d'une maniere lente et progressive dans l'individu, pour se continuer ensuite au profit de l'espèce, comme une conséquence, une extension de la nutrition. La matière énerte s'organise , se perfectionne lentement, devient de plus en plus vivante dans l'organisme souche avant d'acquérir une existence indépendante, et la vie se propage ainsi sans in- terruption possible. La fécondation est l’uniom de deux parties vivantes pour se compléter réciproquement et se développer en commun. Quand on embrasse d’un seul coup-d’œil la reproduction de tous les élres vivans, on arrive à.cette formule plus générale. La génération est la séparation d’une parlie vivante pour se développer isolément ou puiser dans une autre les élémens né- cessaires au développement ultérieur d'un étre semblable au type: Enfin, en généralisant encore davantage l'expression dès phé- LALLEMAND. — Sur les Zoospernres. 305 nomèenes par lesquels la vie se développe et se propage, on voit que la conservation du type est due à l'extension du. même acte qui a produit l’évolution de chaque être particulier. La génération est à l'espèce ce que la nutrition est à l'individu. RecherCHES sur divers ossemens fossiles attribués par Cuvier à deux Paoques, ax LaMANTIN , ef à deux espèces d’Hipporo- TANME, et rapportés au MÉTAxYTRÉRIUM , z0uveau genre de Cétacé , de La farnille des Dugongs , Par J. pe CHrisror, Professeur de minéralogie et de géologie à la faculté des Sciences de Dijon. (r) (Présente à l'Académie des Sciences , le 21 septembre 1840.) SL. ’ Dans ses Recherches sur les ossemens fossiles, Cuvier a établi deux espèces ou deux sortes de Phoques fossiles , au moyen de deux moitiés d'hamérus, découvertes aux environs d'Angers par M. Renou, professeur d'histoire naturelle dans ceite ville. Aprés avoir rappelé qu'à une époque où on confondait toutes les espèces de terrains, et où, les considérant toutes comme des produits de la mer, on devait être naturellement porté à attri- buer à des animaux marins les ossemens, qui sont si répandus dans quelques-uns de ces terrains, Esper, Targioni Tozetti le père , Buffon , et les naturalistes du margrave d'Anspach avaient (1) Ce Mémoire avait été présenté à l'Académie des Sciences et se trouvait entre ,es mains de la commission chargée de l'examiner, lorsque M. de Blainville, l’un des memores dercete commission , a publié et a présenté à l'Académie des Sciences son Ostéographie des Phoques récens et fossiles: je, n'ai donc pu consulter çe travail, dans lequel se trouvent rapportées plusieurs observations qui m'appartiennent et qui sont consignées dans mon Mémorre, 20. 308 J. DE CHRISTOL. — Fossiles. faussement rapporté au Phoque des ossemens fossiles des ca- vernes, des brêches osseuses ou des terrains tertiaires, Cuvier observe que les seuls ossemens de Phoque bien constatés qu'il ait pu obtenir sont ceux des environs d'Angers, trouvés par le professeur Renou. Ces os d'Angers , décrits et figurés dans le tome v, PI. x1x, fig. 24, 25,26, 28 et 29, des Recherches sur Les ossemens fos- siles, consistent , l’un, en une extrémité supérieure d’humérus, que Cuvier rapporte à un Phoque à-peu-près deux fois et demie aussi grand que notre Phoque commun des côtes de France (Phoca viüulina 1. ), l'autre, en une extrémité inférieure d’humérus, que Cuvier rapporte à un Phoque un peu plus petit que le premier. En signalant ces deux Phoques fossiles, dont le premier serait un peu plus grand que le second, Cuvier ne dit point s’il les considere seulement comme deux individus de la même espèce ou comme formant deux especes dont les différences ne seraient annoncées que par celles de la taille. Les expressions dont il s'est servi et la circonstance que, dans d’autres cas, où il a réellement établi dans un même genre plusieurs espèces , qui ne different que par la grandeur, il s’est exprimé à-peu-près dans les mêmes termes , seraient plus favorables à la derniere: in- terprétation : aussi M. Lesson, dans son Manuel de mammolo- gie, ne révoque-t-il point en doute que Cuvier n'ait établi deux espèces de Phoques fossiles au moyen des os d'Angers. D'un autre côté, plusieurs auteurs, en indiquant, d’après Cuvier, les débris fossiles du genre Phoque, ne signalent qu'une seule espece. Quoi qu'il en soit, comme on pourrait choisir entre les deux interprétations auxquelles se prêtent les expressions de Cuvier, je combattrai également les résultats que l'une et l’autre four- nissent , en sorte que le résultat définitif sera le même dans l'une et l'autre hypothèse. Après avoir attentivement étudié les caractères très remar- quables que présentent les dessins des os d'Angers et la descrip- tion qu’en donne Cuvier; après avoir comparé les uns et les autres aux caracteres et aux dessins des humérus de Phoque, de Dugong et d'un animal fossile que j'ai découvert à Mont- f DE CHRISTOL. — Sur le Metaxytherium. 309 pellier, je crois pouvoir montrer: 1° que les deux moitiés d’hu- mérus décrites par Cuvier ne proviennent pas ou de deux espèces distinctes où de deux individus de taille différente de la même espece de Mammifère marin , mais bien d’un seul humérus, ou, tout au plus, de deux humérus , tous deux de taille pareille et d’une seule espèce de Mammifere marin: 2° qna ee Mammifère marin n’est point un Phoque, ainsi que le pense Cuvier, mais un Mammifère marin herbivore, un Cétacé de la famille des Dugongs. Nous allons discuter successivement, chacune de ces deux, propositions. . kRestitution de L’'hurnérus d'Angers. 15 Si l’on, voulait rapporter àun même Phoque, à un même individu, les os d'Angers, l'extrémité supérieure d’humérus- paraîtrait peut-être un. peu trop forte pour l’extrémité inférieure : aussi Cuvier a-t-il rapporté ces portions d’os à deux Phoques d'inégale grandeur. Mais les dimensions de ces deux portions d'os se rapportent très bien les unes aux autres, si on attribue, ainsi qu’on doit le faire , les deux moitiés d’os qui les ont four- nies, non à un Phoque, mais à un animal fort différent, à un Cétacé de la famille des Dugongs. Il suffit , en effet, de comparer dans nos diverses figures les dimensions des moitiés d’humérus d'Angers aux dimensions de l’'humérus de Dugong, pour acqué- rir la preuve qu’elles rentrent les unes et les autres dans une règle commune. D'un autre côté, si, en calquant les deux dessins de Cuvier (fig. 25 et 29 de la PI. xix des Æecherches ), on applique le bout cassé de l'extrémité inférieure d'humérus sur le bout cassé de l'extrémité supérieure, on voit clairement que ces deux moitiés d’humérus , ainsi placées bout à bout , s'adaptent de la maniere la plus naturelle et donnent le dessin d’un humé- rusentier et (rés bien proportionné dans toutes ses parties , tel enfin que nous la reproduisons figure 1. Ces bouts cassés des deux moitiés d'humérus étant tous deux 310 1. DE CHRISTOL. — Sur le Mélaxytherium. taillés en biseau en sens inverse l'un de l'autre, comme cela arrive fréquemment dans un os rompu en deux , j'ai en soin ;en plaçant bout à bout les deux dessins , de faire enipiéter en quan- tité suffisante l’un sur l’autre , de manière à ce que es surfaces obliques et opposées des deux biseaux s'appliquassent lune contre l’autre, ainsi qu’elles devaient l'être avant la rupture de l'os. Toutefois je ne saurais répondre que, dans mon dessin ; les deux morceaux ne fussent pas mathématiquement trop où trop peu rapprochés. Tout ce que je puis assurer, c'est que l'erreur que je pourrais avoir commise dans l'évaluation du véritable degré de rapprochement des deux bouts réunis, ne dépasse pas sensiblement les limites des différences individuelles. Il suffirait déjà de ce dessin pour qu'un naturaliste un peu versé dans la matière , püt à l’inscant même y reconnaitre que les deux moitiés d’humérus qui ont servi à la former proviennent d'une même espèce d'animal et tres probablement du même individu. En effet , ces deux moitiés d’humérus, trouvées toutes deux dans le même gisement, sont toutes deux du même côté, du côté droit; toutes deux se terminent par des cassures ‘qui coincident précisément au même point de la longueur de l'hu- mérus entier ; la largeur des deux bouts réunis ést la mêmeau poin£ où j'en ai opéré la réunion, c'est-à-dire un peu au (dessous de la moitié de la longueur totale de l'humérus; la courbure-des arêtes de la moitié inlérieure est exactement Ja continuution de li courbure des arêtes de la moitié supérieure; la torsion sur son axe, que l'on voit commencée dans le prisme triangulaire que forme la moitié supérieure , se continué et croit graduelle- ment dans l’autre portion du prisme triangulaire que forme la moitié inférieure ; toutes les formes ainsi que les dimensions de la moitié inférienre sont par!aitement en rapport avec les formes et les dimensions de la moitié supérieure; la longueur totale de l’humérus est parfaitement proportionnée à la largeur des deux extrémités articulaires , et la force.de chacune de-celles- ciest en apport avec le degré d’étranglement qu'éprouve le corps de l'os dans sa région moyenne. Ajoutons à ces observa- tions la remarque déjà faite précédemment, que les bouts cassés des deux moitiés d'humérus paraissent tousdeux taillés en biseau I. DE CHRISTOE, — Sur de Métaxytherium. 31: en sens inverse l'un de l'autre, comme le seraient deux moitiés dan os rompu en deux. Mais on peut démontrer encore que ces ddbx portions d'hu- mérus ne proviennent pas de deux Phoques de taille différente, en montrant, comme mous le ferons incessamment, qu’elles ne proviennent pas même du genre Phoque, mais que ,séparées ou réunies; elles présentent si évidemment les caractères de l’humérus du Dugong , à l'exclusion des caractères de lhumérus du Phoque ; qu’elles ne peuvent réellement appartenir qu’à un seul animal de la famille des Dugongs. En décrivant d’une manière générale, c'est-à-dire générique, les caractères ostéologiques des diverses espèces de Phoques, dont il possédait le squelette , Cuvier a eu soin, lorsqu'ily a eu utilité de le faire, d'indiquer pour chaque os en particulier les différences qui pouvaient être propres à quelqu’une de ces espèces; et comme, en décrivant l'humérus de ces espèces et figurant celui du Phoque à ventre blanc , il ne signale d’antre différence dans l'humérus des diverses-espèces que l’absence du trou condylien dans le Phoque à ventre blanc et dans lOtarie, je dois croire que les figures et les descriptions qu'il donne doivent servir de type à tout le genre ; et qu'elles peuvent , par conséquent, servir de base aux comparaisons que je-pourrais entreprendre. Privé que je suis de tout moyen de comparaison effective , je ne puis que prendre les faits tels que nous les a fournis Cuvier, et je crois pouvoir d’autant plus en agir ainsi dans la circonstance actuelle que, dans ses déterminations des. os d'Angers, Cuvier n’a pas puisé à d’autres sources. Ce sera donc à lhumérus des diverses espèces de Phoques vivans , tel qu’il a été décrit par Cuvier, et au dessin de celui du Phoque à ventre blanc ; que je coriparerai les os d'Angers. Néanmoins , comme on pourrait supposer, et peut-être avec quelque fondement ;.que tous les bumérus de Phoques peuvent ne pas être entièrement semblables , et que, dans le nombre de ceux qui n'ont pas été décrits par Cuvier; il peuts’en trouver qui ressemblent à celui d'Angers, ilest utile d'observer d’abord que ce n'a pu être à ces derniers humérus que Cuvier a assimilées os d'Angers, et ensuite qu'on ne doit pas perdre.de vue: qu'on 312 J. DE CHRISTOL. — Sur le Métaxythertum. peut encore montrer que les os d'Angers ne peuvent provenir du Phoque, en établissant l'identité de leurs caractères avec les caractères si saillans de lhumérus du Dugong. Avant d'entreprendre la comparaison de lhumérus restitué d'Angers avec ceux des Phoques vivans, j'établirai l'identité de ses caractéres avec ceux d’un humérus fossile , que j'ai découvert à Montpellier et qui lui-même offre les caractères des humérus de Dugongs. Cet humérus étant en ma possession , se trouvant entier et étant, par conséquent , pourvu de la tête articulaire supérieure, qui manque dans celui d’Angers , m'offrira plus de facilités dans les comparaisons que je pourrai entreprendre, aussi puis-je le substituer dans mes comparaisons à l’humérus d'Angers. Description de lhumérus de Montpellier. L'humérus de Montpellier (PL 7, fig. 2), vu par dévant, et (fig. 3) vu par derrière , est du côté gauche, tandis que celui d'Angers est du côté droit. Il est gros et court, comme cela devait être dans un humérus de mammifere marin. H offre, comme celui d'Angers (fig. r ), et celui du Dugong (fig. 4 et 17), la forme d’un prisme triangulaire, irrégnlier, à arêtes mousses, tordu en spirale sur son axe, comme si l'extrémité supérieure, en pivotant sur son axe, avait fait un peu plus d’un quart de révolution sur l'extrémité inférieure restée fixe. Il est étranglé dans le milieu de sa longueur, et très renflé ou dilaté à ses deux extrémités. Son corps est plein et solide, et non fsiuteus ou spongieux dans l'intérieur, particularité indiquée dans les dessins des os d'Angers, et commune, du reste, à tous les Mammifères marins. Les trois arètes du prisme qui constitue le corps de Fos sont formées , l’une , l'antérieure, par la crête deltoïdienne, qui est fortement /arquée et: très éBhoueent dirigée de dedans en dehors ; les deux’ autres , les latérales , par les bords interne et externe du corps de los: Les deux dernieres arêtes sont aussi tres arqués, surtout J'interne , et aboutissent par leurs J. DE CftRiSTOL. — Sur le Métaxytherium. 313 extrémités inférieures et"supérieures, l’interne à la petite tubé- rosité et au condyle interne ; l'externe à la tête articulaire et au condyle externe, et beaucoup plus bas que dans le Phoque. La face externe de l'os est la plus large, surtout à sa partie supérieure , où elle est fortement concave, soit dans le sens de sa longueur, soit dans le sens de sa largeur; la face interne est la plus étroite ; la face postérieure , bien qu’intermédiaire , seule- ment, pour sa largeur, entre les deux faces précédentes, est néanmoins encore très large, à-peu-près plane dans ses deux tiers supérieurs , et contournée en plusieurs sens dans son tiers inférieur. Qu'on se figure la force énorme du triceps brachial de cet humérus , telle que l’indiquent et la largeur de la face posté- rieure et la brièveté si grande de los, et l’on verra que, n’eüt- -on point connu lhumérus du Dugong, il eùt été impossible de n’en pas conclure que l'animal auquel cet humérus a ap- partenu était un animal essentiellement nageur, particularité à l'appui de laquelle viennent encore, et la forme si décidément prismatique de l’os à arête tournée en avant, et l'absence de canal médullaire. La crête deltoïde est tres saillante à sa partie supérieure, où elle forme un grand crochet, fortement recourbé en dehors, à-peu-près comme dans le Rhinocéros. La grosse tubérosité, par sa réunion avec la partie supérieure de la crête deltoïdale , forme une protubérance rhomboïdale A,B,C, D, très grande, à surface plane , tournée en avant et un peu en dehors. Le bord supérieur de cette tubérosité forme une crête trés saillante, tres épaisse, non tranchante et nettement détachée du col de la tête articulaire. Son sommet est l’un des angles de la figure rhomboïdale , qu’elle forme ; et est bien plus élevée que la tête articufaire. Il est inutile d'observer que cette élévation du sommet de la grosse tubérosité, bien au dessus de la tête articulaire , est un caractère assez généralement répandu parmi les Herbivores, comme on le voit dans les Ruminans , les Rhinocéros, les Hip- popotames , les Tapirs, les Cochons, le Dugong , ies Laman- tins,ete., et est tres loin d'exister at même degré dans les Car- 314 1. DE CumsroL. — Sur le Métaxjtherium. nassiers , comme on le voit dans les Ours, les Chiens, les Félis, les Phoques, etc. Le résultat de cette grande élévation de la grosse tubérosité est d'empêcher le bras de s'éloigner du corps, c'est-à-dire de s'élever par côté, état de choses qui convient tres bien aux mouvemens bornés du bras de la plupart des Herbivores, mais qui ne peut convenir à la liberté des mouvemens dont jouit toujours, quoiqu'à des degrés plus ou moins grands, le bras des Carnassiers , et, par suite, du Phoqne lui-même. Ce qu'il y a de bien certain, du reste, c'est que, dans le Phoque , le sommet de la grosse tubérosité est loin de s'élever au dessus de la tête articulaire autant que dans le Dugong, l'ani- mal d'Angers et celui de Montpellier. La petite tubérosité est aussi saillante latéralement au dessus de sa base que la grosse; mais elle est beaucoup moins volumi- neuse. Son sommet est comme tronqué et arrondi, et, chose importante à observer, il s'élève beaucoup moins haut que le sommet de la grosse tubérosité, beaucoup moins haut méme que la téte articulaire, contrairement à ce qui a lieu dans le Phoque. Entre ces deux tubérosités se trouve une coulisse bicipitale trés profondément encaissée, dont les parois sont, dans le haut de la coulisse, exactement parallèles entre elles , contrairement à ce qui a lieu dans le Phoque, où cette coulisse est tres évasée. L'extrémité inférieure est très aplatie d'avant en arrière, très élargie d’un côté à l’autre, et presqne plane à sa face postérieure : elle est beaucoup moins volumineuse que la supérieure; et pro- portionnellement moins renflée que dans les Phoques. Vue par sa face postérieure, elle offre une certaine ressemblance, avec celle d’un humérus humain. Le condyle interne est tres saillant, bien que son sommet soit un peu cassé. L'externe ne dépasse-pas sensiblement la poulie sur le côté, mais s'élève verticalement au dessus d'elle, d’une quantité environ moitié moindre, propor- tions gardées, que dans le Phoque. La poulie articulaire est oblique , oblongue , deux fois. plus large qu’épaisse; en d'autres termes, la longueur dé son axe est le double de son diamètre pris aux points les plus renflés. Sa gorge est. tres évasée, Lrès peu profonde et divise: la poulie en [Sa J. DE CHRISTOL: — Sur le Métaxytheriwm.… 31 deux moitiés, dent l'interne estun peu plus grande que l’externe, contrairement à ce qui a lieu dans le Phoque. La moitié externe de cette poulie est d’ailleurs fort loin d’être globulense, comme elle l’est dans le Phoque. Au dessus de la poulie, à la face anté- rieure de l’os,se trouve une légère dépression destinée à loger le bord de la tête supérieure du radius dans la flexion forcée ; mais cette dépression , si grande dans le Phoque, est ici si peu mar- quée , qu’on la distingue à peine. Il est à remarquer qu’on ne la voit même pas dans le dessin de l’humérus d'Angers, publié par Cuvier. La cavité olécranienne est très peu profonde, large, peu étendue de bas en haut et de forme semi-lunaire, ou d'ar- ceau trés surbaissé. Toutes ces particularités se retrouvent de la maniere la plus complète dans l'humérus d'Angers et dans celui du Dugong. (1) Ressemblance de l’humérus de Montpellier avec celui d'Angers et celui du Dugong. On voit en effet, sur nos figures 1,3 et 4 (PI. 7), que le crochet deltoidal A de l’un quelconque de nos humérus correspond au crochet deltoidal A des autres ; qu’au dessus de ce crochet, dans les trois figures, s'élèvent successivement les sommets B,C,D, des angles saillans de la grande tubérosité, de forme rhomboi- dale; qu'au dessous du dernier de ces sommets parait, dans les trois figures , le commencement E de la coulisse bicipitale qui est par derrière, et, à côté, la petite tubérosité F, qui surmonte l’arête conçcave du bord interne de l'os. En I, dans les trois (1) 4 est possible que la comparaison efféctive fit reconnaitre entre nôtre humérus de Montpellier et celui du Dugong quelque légère différence , comme on en voit, parexemple, gutre les os des Rhinocéros vivans et ceux des Rhinocéros fossiles ; mais les descriptions.et les figures de l'humérus du Dugong vivant ne m'offrent pas les moyens de rien prononcer de positif à cet égard. Ainsi, entr'autres particularités , je vois dans lhumérus de Dugong, figuré par Cuxier, uoe bifurcation trés profonde du bord postérieur de la grosse tubérosité, qui est à peine marquée, ou ne parait que comme une faible échancrure dans les humérus d'Angers et de Montpellier ; mais cette différence n’est pas de la nature de celles dont on peut décider ; sur wie Simple digure et d'apresun seul individu, si eMes sont avcidentelles on constarites. 316 J. DE CHRISTOL. — Sur le HMelaxytherium. figures , est la tête articulaire de lhumérus , ou sa place dans l’humérus d'Angers, où elle.est cassée. Dans les trois figures, on remarque le même élargissement de l'extrémité, inférieure , la même saillie argrleuse du condyle externe & , b, la même courbure c du bord externe de l'humérus, la même saillie arrondie du condyle interne 4, la même forme semi-lunaire de la cavité olécränienne. IL facilé de voir, en comparant ces trois figures, que les formes et les dimensions de la moitié inférieure de l'humérus d'Angers sont tout aussi bien en rapport avec les formes et les dimensions de la moitié supérieure que les mêmes parties et les dimensions correspondantes le sont entre elles dans l’humérus de'Montpel- lier et dans celui du Dugong. Il est presque superflu d'observer que , dans la comparaison de ces trois figures , on doit tenir compte de cette circonstance que l’humérus de Montpellier et celui du Dugong sont exacte- ment représentés par leur face postérieure , tandis que celui d'Angers est représenté un peu par côté, et montre presque toute sa face externe, surtout dans la moitié supérieure, qui me paraît encore plus représentée par côté que l'extrémité inférieure. Il résulte de cette circonstance que l’arête H de lhumérus de Montpellier et de l’humérus de Dugong (fig. 3 et 4) se trouve juste au bord externe de l'os, tandis que la même arête H de l'humérus d'Angers (fig. 1 est placée comme si elle formait un bord postérieur de los ; mais si, par la pensée , on fait tourner de gauche à droite ce dessin de l’humérus d'Angers, son arête H viendra se placer sur le côté de la figure et représentera , d’une manière mieux entendue et pareille à celle des deux autres figures , le bord externe de l'os. Cuvier ayant représenté l'extrémité supérieure de l’humérus d'Angers, vue en dessus (fig. 26 de. la Planche xx des Re- cherches), nous reproduisons le même dessin (fig. 5) de notre planche, afin de ie comparer à celui de la même partie (fig. 6) de notre humérus de Montpellier. Dans ces deux figures, nous retrouvons la même forme de la petite tubérosité, la même concavité, À, de l’un de ses bords, la même convexité de son sommet B, le même aplatissement de 3. DE CHRISTOL. — Sur le Métaxytherium. 317 celui de ses côtés, C, qui forme l’une des parois de la coulisse bicipitale, D; la même forme et la même direction de la grosse tubérosité E, F,G, H, la même crête , I, dirigée dans le même sens, enfin la même place pour la tête articulaire, K. De ces diverses comparaisons, il résulte évidemment : 1° Que les deux morceaux de l'humérus d'Angers ne pro- viennent pas de deux animaux de taille différente, comme le pense Cuvier, mais qu'ils appartiennent ou à deux individus de même taille et de même espèce, ou, bien plus probablement encore, à un seul individu, c'est-à-dire qu’ils sont les deux moi- tiés du même humérus rompu en deux. 2° Que cet humnérus restitué , offrant tous les caractères géné- riques de l'humérus de Montpellier, provient nécessairement du même genre que ce dernier. (1) 3° Que ces deux humérus fossiles, offrant la plus grande res- semblance avec celui du Dugong, ne peuvent provenir que d'un animal tres voisin du Dugong. Comparaison des humérus d’Angers et de Montpellier avec l’humérus des Phoques. Si maintenant on compare à l’humérus des Phoques vivans cet humérus de Montpellier, si semblable à celui d'Angers et à celui du Dugong, il sera facile de voir qu’il diffère autant du premier qu’il ressemble aux deux autres. Dans les Phoques vivans, la physionomie de l’humérus offre bien une certaine ressemblance avec l’ensemble des humérus (1) Ce n'est point depuis 1838 seulement que j'ai reconnu la ressemblance qui existe entre mon hnmérus de Montpellier et l'humérus du Dugong. J'avais décrit cethumérus de Montpellier et je l'avais rapporté au Dugong dans mon Mémoire sur le moyen Hippopotame fossile. Il est encore signalé comme lhiumérus du Dugong dans le rapport qu'en 1834, feu M. Frédéric Cuvier a fait sur ce Mémoire. Je n'ai donc pu, lorsque, plus tard, j’ai reconnu que l’humérus d'Angers ressemblait à l'hümérus de Montpellier, ue pas reconnaître en même témps que cet humérus d'Angers ressemblait aussi à l'humérus du Dugong. C'est dans ce sens et len employant uniquement le nom de Pugong , que j'en pärlais au docteur Coste dans ma létire qu'il communiqua a» M. de Blaintille , en r838 , 318 J. DE CHRISTOL. — Sur le Métaxytherium. d'Angers, de Montpellier et du Dugong, comme elle en offre , quoiqu’à un moindre degré, avec l'humérus de plusieurs autres animaux de genres fort différens; mais les caracteres de plu- sieurs parties très importantes sont fort différens. On conçoit, en effet, que le Phoque étant un Mammifère marin, dont les membres antérieurs ne servent pas seulement à la natation, mais encore à la locomotion sur le sol et à la préhension , a dû présenter dans l’organisation de son bras une certaine analogie avec l’organisation du bras du Dugong, de l'animal d'Angers et de l'animal de Montpellier, bras qui n’est pas seulement propre à la natation, mais qui présente aussi des formes susceptibles de se prèter, quoique à un faible degré, aux mouveens que né- cessitent la préhension.et la locomotion sur le sol. (1) Toutefois, le Phoque étant un carnassier, on doit retrouver dans son bras, comme on le retrouve dans son crâne, dans ses mächoires, dans ses molaires, dans son omoplate, quelque chose du type des carnassiers, tout comme aussi on doit re- trouver dans le bras du Dugong et des animaux d'Angers et de Montpellier, qui sont herbivores, quelques-uns des caracteres fondamentaux des animaux herbivores , comme on en retrouve dans la forme de leurs mächoires et de leurs molaires. Dans le premier, le cubitus devra tourner sur le radius ; dans les autres, cette rotation sera impossible, et il y aura soudure du cubitus au radius. De là, des modifications correspondantes dans les ca- ractères essentiels des humérus de ces divers genres, malgré la ressemblance qu'ils peuvent présenter dans l’ensemble de leur physionomie. Ainsi, dans l’humérus du Phoque vivant figuré par Cuvier et reproduit dans notre figure 7, l'extrémité supérieure est à pro- portion moins renflée, tandis que l’'inférieure l’est plus, princi- palement d'avant en arrière ; le corps de l'os est moins tordu en spirale sur son axe, en sorte que l'extrémité supérieure ne semble plus avoir fait un quart de révolution sur son extrémité (x) Cuvier remarque que le Dugong se sert avec beaucoup d'adresse et de force de ses pieds, pour: s'accrocher à la terre et pour porter ses petits, Les bhumérus des ani- maux-d'Angers et de Montpellier, étant semblables à l’humérus du Dugong , indiquent que le bras de ces animaux a pu accomplir les mêmes mouvemens que le bras du Dugong, 1: DE CHRISTOL. — ur le Metaxytheriun.. 319 inférieure restée fixe ; la coulisse bicipitale , E, est plus large, plus ouverte ; la face externe de l'os, B, À, c, est moins con- cave d’un côté à l’autre, et moins arquée dans sa longueur. La poulie est creusée d’une gorge beaucoup plus profonde , et en est partagée en deux moitiés ou portions beaucoup plus iné: gales ; la portion externe de cette poulie , ou petite tête de l’hu- mérus, est beaucoup plus globuleuse et plus large à proportion, tandis que, au contraire , la portion interne est beaucoup plus petite. Cette forme globuleuse de la moitié externe de la poulie est des plus caractéristiques; elle se retrouve dans tous les carnas- siers, et annonce la possibilité de la rotation da radius sur le cubitus, ét par conséquent la non-soudure de ces deux os. La fosse qui surmonte la poulie, à la face antérieure de l'os, et qui est destinée à recevoir le bord de la tête supérieure du radius dans la flexion forcée du bras, est bien plus profonde et bien plus nettement limitée sur ses bords, et, surtout, sur ses bords supérieurs. La forme des condyles de l'extrémité infé- rieure n’est plus la même; le condyle externe, &, est plus élevé, et la courbure, c, de l'arête qui le surmonte n'est plus la même. Le crochet, A, de la crète deltoïdale n’a plus la même forme ; il n'est plus autant recourbé vers le côté, et ne forme plus avec la grosse tubérosité une protubérance rhomboïdale, A, B,C, D, si caractéristique dans les humérus fossiles et dans celui du Du- gong. Le sommet, c , de cette grosse tubérosité ne forme plus un angle saillant ; il ne s'élève pas aussi haut au-dessus de la tête articulaire , I, et, au contraire, la petite tubérosité, F, pä- rait plus volumineuse, plus élevée, et n’a plus la même forme à son sommet. L'extrémité supérieure vue en dessus (fig. 8) ne diffère pas moins des parties correspondantes (fig. 5 et 6) des humérus d'Angers et de Montpellier. La petite tubérosité, À, B, C;,y est bien moins étranglée à la base ; la coulisse bicipitale, €, D, E, n'y forme plus un canal profondément encaissé, mais au cun- traire une gorge trés évasée , ouverte latéralement. La crête, 1, de la grosse tubérosité est oblique et non verticale , par rapport ; à la position de la figure; par suite, elle n’est plus parallele à 350 J. DE CHRISTOL. — Sur le Métaxytherium. l'axe vertical de la petite tubérosité; différences qui sont une conséquence de celles que présente la forme de la grosse tubé- rosité. On voit d’ailleurs que cette crête, I, de la grosse tubéro- sité, va joindre directement la tête articulaire, K, ce qui n’a pas lieu dans les humérus fossiles, où elle forme un coude à angle droit. Mais, dira-t-on, peut-être, cet humérus d'Angers peut différer des humérus de Phoques décrits par Cuvier ; et n’en provenir pas moins pour cela de quelque Phoque inconnu. Je répondrai que cela n’est pas possible. Et, en effet, nous avons vu que la poulie de l’humérus du Phoque différait essen- tiellement de’celle des humérus d'Angers et de Montpellier, par une gorge beaucoup plus profonde, et, ce qui est bien plus important , par la forme globulense de sa portion externe. Or, cette forme globuleuse de la portion externe de la poulie, est intimement liée à la possibilité de la rotation du radius sur la poulie humérale et sur le cubitus , en même temps qu’elle exclut la possibilité de la soudure du radius au cubitus. En d'autres termes, cette forme de la poulie de l’humérus des Phoques connus, est un caractère commun à tous les carnassiers, et doit, par conséquent, se retrouver dans toutes les espèces connues au inconnues du genre Phoque. Et, au contraire, la forme presque cylindrique ; ou, pour mieux dire, conique de la por- tion de la poulie de l'humérus d'Angers qui s'articule favec le radius, indique un radius aplati, qui n’a pu tourner ni contre la poulie humérale, ni sur le cubitus, et qui a dû, par suite, être soudé ;à un degré quelconque, au cubitus, caractère propre aux Herbivores , et par conséquent au Dugong et'aux-espèces vivantes ou fossiles des genres voisins. Il suffit d’un coup-d’œil sur cette poulie de Fhumérus d'Angers et de celui de Montpellier, pour être bien convaincu que le bras de l'animal auquel'elle a appartenu n’a pu exécuter complête- ment d’autres mouvemens que ceux d'extension'et de flexion , comme dansles Pachydermes , par exemple, et qu'il n’a pu ac- complir des mouvemens alternatifs de pronation et de supina- tion comme dans les carnassiers et, par conséquent; dans les Phoques. ‘ J. DE CHRISIOL. — Sur le Metaxytherium. 213 Enfin, dans sa description de lhumérus d'Angers attribué au Phoque , Cuvier observe que le cond) le externe est troué comme dans le Phoque. Mais, en examinant les deux dessins de l'extrémité inférieure de cet humérus d'Angers (fig. 28 et 29 de la planche x1x des Recherches) figures 9 et 1 de notre planche, on voit que le trou T qui est marqué sur le dessin qui représente l'os par sa face an- térieure, ne paraît nullement sur l'autre dessin qui représente los vu par sa face postérieure. Ce trou ne traverserait donc point de part en part le condyle; il n'aurait, par conséquent , pas livré passage à l'artère cubitale, et ne présenterait, en défi- nitive, aucune analogie avec le véritable trou condylien des Phoques. Î En supposant que ce trou existät réellement, il y aurait en- core fort loin de sa forme, telle qu’elle est représentée dans le dessin de Cuvier, à la forme de véritable arcade que l’on re- trouve dans le trou condylien de ceux des carnassiers qui en sont pourvus, tels que les Félis , le Glouton, le Blaireau et le Phoque lui-même. Mais ce n’est pas: tout encore : Cuvier assure, comme on l'a vu, que c’est le cordyte externe qui est perforé dans l'humérns d'Angers ; or, on tronve dans la description qu'il donne des hu- mérus des diverses espèces de Phoques vivans, que c’est le con- dyle interne et non l'externe ; qui porte le trou destiné au pas- sage de l’artére cubitale. Ce trou condylien manque dans quel- ques espèces de Phoques; mais dans les espèces où il existe, il est, ainsi que dans une foule d’autres genres, toujours placé sur le condyle interne et non sur l’externe. La position de ce trou sur lhumérus d'Angers, éloignerait donc plutôt ce dernier de lhumérns de Phoque qu'il ne l'en rapprocherait. Après avoir montré que les os d'Angers ne proviennent ni de deux Phoques de taille différente, ni même du genre Phoque ; après avoir montré qu’ils n’offrent aucune différence avec l'hu. mérus de Montpellier, et que, comme ce dernier, ils appar tiennent à un Cétacé de la famille des Dugongs, je dois faire part XV, Zooz — Juin. 21 x 392 J. DE CHrisror. — Sur le Melaxytherium. de quelques renseignemens que j'ai obtenus du docteur Coste, qui, à ma prière, a bien voulu vérifier directement sur les os d'Angers si l'opinion que je m'en étais formée était fondée. Présumant que Cuvier avait placé dans la galerie du Muséum d'histoire naturelle les os d'Angers qu’il avait obtenus, du pro- fesseur Renou, je priai mon ami et compatriote le docteur Coste, ancien aide-naturaliste du Muséum, de vérifier les résultats aux- quels m’avaient conduit l’examen de leurs dessins et de leurs descriptions , et je joignis à ma lettre le dessin de l’humérus restitué tel que je l'ai reproduit fig. 1. Je priai en même temps le docteur Coste de comparer ces os d’Angers à l’humérus du Dugong, et de me faire connaître son sentiment ou celui de M. de Blainville sur cette comparaison. Après avoir communiqué ma /ettre et mon dessin (fig. 1) à M. de Blainville, qui voulut bien faire lui-même dans les gale- ries du Muséum la comparaison que je réclamais de son obli- geance, le docteur Coste me fit savoir, par sa lettre du 6 no- vembre 1838, que ma détermination était parfaitement exacte ; que l'os dont je lui avais envoyé le dessin appartenait bien por sitiwement à un Dugong ; que M. de Blainville ayant fait exé- cuter le modèle en plâtre des deux fragmens qui sont au Jardin du Roi, et le sculpteur ayant rempli les lacunes que les bonts cassés de ces os laissaient entre eux, il en était résulté un bumérus tellement semblable à l'humérus du Dugong , que l’homme le moins expérimenté ne pourrait s'empêcher d'admettre mon opi- nion comme l'expression de la vérité. (1) (x) Je dois observer que. ce modele en plâtre des deux moitiés d'humérus d'Angers n’ajoute absolument rien à l'autorité des fragmens originaux , et ne peut, par conséquent , montrer mieux que les originaux eux-mêmes que ceux-ci font partie d’un même os, et que cet os ne provient pas du genre Phoque. Il tombe sous les sens que ce que la représentation en plâtre peut prouver, l'original représente le prouve aussi bien , pour ne pas dire mieux. Du reste, j'ai toujours pensé que ce modéle en plätre n'avait été exécuté, dans l’origine, d'après les ordres de M. de Blainville , que pour m'être envoyé , afin que , selon les expres— sions de Ja lettre du docteur Coste, du 6 novembre 1838 , j'eusse les moyens de juger par moi-méme et DE VISU ; car il est facile de concevoir que, pour ceux qui possédaient les frag- mens originaur , le modele en plâtre devenait parfaitement inutile. J'ai attendu en vain, pendant deux ans, ce modele, qui m'avait été offert en 1838, et j'ai dû adresser mon Mémoire à l'Académie , sans l'avoir encore regu, 3. DE CHRisvor. — Sur le Metaxytherium. 323 Le docteur Coste ajoute : Tout annonce aussi que ces deux portions d’humérus proviennent d'un méme os, quoique l’on observe une assez grande différence dans leur conservation. La partie supérieure est en assez bon état; l’inférieure, au con- traire, a subi beaucoup d’aliération. Il semblerait, d'après cela, que celte dernière a été enfouie dans un terrain beaucoup plus humide que la première , et que cette humidité l'aurait altérée et lui aurait donné un aspect rugueux ef micacé. Dans un voyage que j'ai fait à Paris, en 1839, j'ai cherché à voir au Muséum les os d'Angers; mais comme ils avaient été momentanément déplacés à l’époque où on les avait moulés pour moi, je n’ai pu les examiner. M. de Blainville m'ayant con- firmé tout ce que le docteur Coste m'avait dit à leur égard, m'assura que, dans son opinion, il manquait une petite portion d'os intermédiaire entre les bouts cassés, mais que cette lacune avait été facilement remplie sans rien changer à la configuration de l'os. M. de Blainville pensait aussi que les deux portions d'os provenaient du même humérus, bien que l’un fût plus altéré que lautre. Il me paraît que cette différence dans le degré d’altération des deux moitiés d'os est une prenve de plus qu’elles ont dû faire par- tie du même humérus. J'ai, en effet, plusieurs fois observé dans des escarpemens naturels des terrains meubles, ou contre les parois des carrières, des ossemens en partie saillans en dehors des couches et en partie engagés dans la couche; la partie saillante, c'est-à-dire mise à nu, étantexposée aux influences atmosphériques depuis un temps plus ou moins considérable, était presque tou- jours altérée et présentait une surface rugueuse, tandis que celle qui était restée enfouie ne présentait pas de traces d’altération et offrait une surface unie. Tout porte à penser que l’humérus d’An- gers s'est trouvé dans des circonstances analogues, et qu’en voulant l’extraire de la couche, où il était encore engagé jus- qu'aux deux tiers de sa longueur, on à cherché à l’arracher en le saisissant par son extrémité libre, opération qui a dû en occa- sioner la rupture. La rupture de l'os a dû alors se faire ras-de.- terre, c’est-à-dire à la limite de la portion dégagée et de la por- 27 324 3. DE GnRisro£. — Sur le Metaxytherium. tion enfouie, à la limite de la portion altérée et de la portion non altérée (r). Maintenant que nous avons comparé entre eux, sous le rap- port de leur forme, les humérus d'Angers et de Montpellier, il nous reste à les comparer sous le rapport de leurs dimensions. Dimensions des humérus d Angers et de Montpellier. Humérus d'Angers , Humérus d'apres Cuvier. de Montpellier. Plus grande largeur de la crête deltoïdale. . 5,080 0,005 Saillie de la petite tuberosité. . . . . . . 0,040 0,020 Largeur transverse de l'extrémité inferieure . 0,085 0,061 Largeur transverse de la poulie. . . . . . . . . . . . . . . o,o4:1 Plus grande longueur de Vhumerus entier, prise du sommet de la grosse tuberosité à la partieinferieure et externe de la poulie. . . . . , . : . . . 0,156 Il résulte de ce tableau que l'humérus de Montpellier est beau- coup moins fort que celui d'Angers. Mais j'ai un second humé- rus, également trouvé dans nos sables marins de Montpellier, qui est sensiblement plus grand que le premier, bien qu’il soit d’un jeune individu. Les épiphyses n'ayant pas été soudées man- quent, à l'exception de la moitié environ de l’épiphyse inférieure. Cet humérus est donc au moins intermédiaire pour la gran- deur entre notre humérus adulte de Montpellier et celui d’An- gers. S'il füt arrivé au terme naturel de sa croissance, rien n’in- dique qu’il n’eût pu égaler celui d'Angers, ou, du moins, en ap- procher jusqu’à un degré compris dans les limites des différences individuelles, de sexe ou de variété ; en sorte qu’en s’en tenant aux humérus seulement , il serait fort difficile de décider si la- (1) D'après quelques observations géologiques, communiquées à Cuvier par le professeur Renou, les couches de calcaire grossier dans lesquelles ont été découverts les os} d'Angers seraient formées d’un calcaire coquillier, assez semblable à celui des environs de Paris, et tantôt assez solide pour former de belles pierres de taille, tantôt composé de pelits fragmeus de loutes sortes de corps marins assez durs, quoique grossièrement agglutinés et pouvant servir alors de véritable falun. 1. DE Carisroc. — Sur le Metaxytherium. 32 nimal d'Angers et celui dé Montpellier forment deux espèces ou seulement deux variétés d’une même espèce. La seule chose bien démontrée jusqu’à présent, c'est qu'ils appartrennent au même genre. Mais d’autres faits que je ferai connaître plus tard, et la circonstance que les humérus d’Angers et de Montpellier ont été trouvés, le premier, dans l'étage inférieur, le second, dans l'étage supérieur du terrain tertiaire, me portent à penser qu'il faudra établir deux espèces dans ce genre. Les portions d’humérus d'Angers étaient d’abord les seuls os qui eussent paru à Cuvier propres à constater la présence du genre Phoque parmi les animaux fossiles; mais dans les additions placées à la fin du dernier volume des Recherches se trouve l'annonce et de la découverte faite dans le calcaire grossier de la Hongrie d’un pied de derrière de Phoque, et de lenvoi fait au Muséum d’un modèle peint de ce pied (1). Sans cette décou- verte, il eût fallu rayer le genre Phoque de la liste des animaux fossiles publiée par Cuvier. $ IL. De l'avant-bras de l'animal d'Angers. Lorsque je découvris mon humérus, je fus, à l'instant même, frappé de son analogie avec celui du Dugong; mais ce ne fut que long-temps après que je m’aperçus de sa ressemblance avec les portions d’humérus des Phoques fossiles de Cuvier, et que je fus porté à réunir ces deux portions en un seul os. En étudiant cette question, je reconnus bientôt que les por- tions d'humérus d'Angers n'étaient pas les seuls os. de mon nou- _veau genre de Cétacé que Cuvier eùt eu en sa possession et qu'il eût attribuée à un genre auquel ils n'appartenaient pas. Cuvier a, (x) Cuvier observe que c’est à la complaisance de M. Schreibers , directeur du cabinet impérial de Vienne , qu'il doit le modèle de ce magnifique morceau , trouvé à Holisch, bourg de la Hongrie, sur la rive gauche de la Morava, à dix lieues au nord-est de Vienne. Cuvier pense que ce pied, dans tout ce qu'on en voit, diffère tres peu de celui de notre Phoque ardiuaire, C'est donc à Cuvier que la science doit, lu première indication authentique du genre Phoque à l'état fossile. 326 T. DE CHRISTOL. — Sur le Metaxytherium. en effet, possédé, entre autres os de notre animal, un avant-bras entier qu'il a rapporté au Lamantin. Cet avant-bras, décrit et figuré dans Les Recherches sur les os- semens fossiles (t. v, PL x1x, fig. 19, 20 et 21), et reprodait dans nos fig. to et 11, a été aussi découvert par le professeur Renou, aux environs (l’Angers, avec les prétendus os de Phoques, et a été attribué par Cuvier à un Lamantin différent de ceux que nous connaissons parmi les espèces vivantes. Cuvier observe, au sujet de ces os, que la grande brièvete à proportion de la grosseur , la forme transversale de la tête du radius, la soudure du cubitus au radins à des points semblables, sont des caractères que présentent aussi les mêmes parties dans les Lamantins; mais que La grosseur supérieure du cubitus , le plus grand aplatissement du radius, surtout à sa partie infé- rieure, une proéminence du cubitus vers son articulation supé- rieure, sont des caractères distinctifs de l’avant-bras fossile. Rien n’est certainement mieux fondé que la dernière partie de ces remarques de Cuvier, car les différences qu’il signale sont plus que suffisantes pour distinguer cet avant-bras de celui du Lamantin ; mais ces différences, ainsi que beaucoup d’autres qui ont été négligées par Cuvier, s'évanouissent, si, au lieu de com- parer cet avant-bras à celui du Lamantin, on le compare à celui du Dugong. C’est ce que nous allons démontrer. 1 Dans l’avant-bras fossile ( fig. 10), comme dans celui du Dugong (fig. 12), la facette sigmoïde, l’apophyse coronoïde et l’olécrane paraissent beaucoup plus obliques, par râpport à l'axe du radius, que dans Favant-bras du Eamantin (fig. 13); 2° le radius, vu par sa face antérieure, est très large, même dans le inilieu de sa longueur; dans le Lamantin cet os est comparative- ment tres étroit et en quelque sorte étranglé dans la région si- tuée entre ses deux têtes, en sorte que celles-ci paraissent plus renflées proportionnellement à la grosseur du corps de l'os; 3° dans le radius d'Angers et dans celui du Dugong, la largeur du corps de l'os est à-peu-près le double de son épaisseur (fig. 1 & et 14); dans le Lamantin, la largeur du corps du radius ne dé- passe pas sensiblement son épaisseur (fig. 15); 4° dans le Du- gong, ainsi que dans l’avant-bras d'Angers, la surface articulaire D DE CHRISTOL. — Our le Metaxytheriurmn. 327 supérieure, ou humérale, est tres large d’un côté à l’autre; cette même surface articulaire est au contraire étroite dans le La- mantin. J'insisterai sur cette dernière circonstance, parce qu’elle me paraît étre le caractère distinctif le plus concluant que présentent le radius d'Angers et celui du Dugong, celii, surtout, dont on se rend plus facilement raison. Ce caractère ést, en quelque sorte, générateur de tous les autres, et nous dévoile là forme de plu- sieurs os qui ont été en connexion avec celui-là, de lhumérus en particulier. Si dans le Lamantin la surface articulaire supérieure du ra- dius est étroite, c’est que dans le Lamantin la poulie de l'humé- rus est elle-même très étroite, comme on peut le voir dans notre fig. 16, empruntée à Cuvier; si cette tête articulaire du radius ést large dans le Dugong et dans l'animal d'Angers, c’est que dans le Dugong et dans l'animal d'Angers la poulie de lhumé- rus est large (fig. 17 et fig. 9). Dans sa description de l’humérus du Lamantin, Cuvier re- marque que la tête inférieure est en simple poulie un pen obli- que. et que sa largeur ne dépasse poïnt son diamètre antéro- postérieur : or, il suffit de voir la grande largeur de la surface articulaire du radius d'Angers (fig. ro), pour être bien convaincu que la poulie humérale qui a dû s'articaler avec elle, a dû pré- seuter une larzeur double environ de son diamètre antéro-- postérieur (lg. 11}, et que, par conséquent, cette poulie hu- mérale, pas plus que le radius qui lui a appartenu, n’a pu pro- venir du Lamantin. Et, au contraire, on voit que cette large surface articulaire du radius d'Angers, si semblable à celle du radius du Dugong, est parfaitement en rapport avec la largeur de la poulie de notre humérus d'Angers , si semblable lui-mième à l'humérus du Dugong. On voit donc que la forme de cette surface articulaire du ra: dius offre un caractère des plus importans, puisqu'elle nous per- met de reconnaitre la forme de l’humérus avec lei elle a du sarticuler. 328 J. DE CHRISTOL. — Sur le Meiaxylherium: Restitution du bras de l'animal d Angers. L'humérus d'Angers est malhenreusement du côté droit, en sorte qu'on ne peut pas le mettre en connexion avec le radius d'Angers qui est du côté gauche; s'ils étaient du même côté, il est du dernier degré d’évidence qu’ils s’articuleraient ensemble de la manière la plus exacte, et offriraient par la la preuve la plus convaincante qu'ils proviennent, sinon du même individu, au moins de la même espèce d'animal. (1) Toutefois, comme l’avant-bras d'Angers doit probablement se trouver, ainsi que l’humérus, dans les galeries du Muséum d'histoire naturelle de Paris, on pourrait, en coulant du plâtre dans sa surface articulaire supérieure, obtenir le modèle d’une partie de poulie humérale, qui ne pourrait manquer d'être en tout semblable à la partie correspondante de la poulie de Fhu- mérus d'Angers; leur forme, leur largeur transverse,, et. leur diamètre antéro-postérieur, n’offriraient aucune différence, seu- lement cette partie de poulie humérale serait du côté gauche, tandis que celle de l’humérus d'Angers est du côté droit: Et, à l'inverse, si on coulait du plâtre contre la partie infé- rieure de la poulie de l’humérus d'Angers, on obtiendrait une empreinte en creux qui reproduirait exactement la torme de la surface articulaire supérieure de l’avant-bras d'Angers ; c'est là une expérience qu’on pourrait facilement tenter; le succes. n'en serait pas douteux. Ne pouvant employer ce moyen de contrôle, j'ai cherché à lui en substituer un autre qui, à mes yeux, est tout aussi con- cluant. Dans sa planche xx, Cuvier à donné deux dessins de l’extré- mité inférieure de l’humérus d'Angers, l’un, celui de notre hu- mérus entier ( fig. 1 de notre planche ) représentant cet os vu (x) Les figures de l’humérus et du radius d'Angers représentent incontestablement , dans les planches de Cuvier, un hnmérus droit et un radius gauche; mais, si les dessins originaux ont été retournés par la gravure, l’humérus serait du côté gauche et le radius du côté droit. La même remarqne s'appliquerait à celles des figures de ma planche qui pourraient être retournées par le fait du graveur. I. DE CHRISTOL. — Sur le MWelaxytherium. 320 par sa face postérieure, l’autre, que nous n’avons pas reproduit, représentant l'os vu par sa face antérieure. Ce dernier dessin ne pouvant s’articuler avec le dessin du radius, puisqu'il est du côté droit et que le radius est du côté gauche, je l’ai calqué à l'envers, en sorte que j'ai obtenu le dessin d’une moitié infé- rieure d'humérus gauche qui a pu alors s’articuler avec le des- sin du radius d'Angers, comme on peut en juger par notre fig. 9. J'aurais bien désiré pouvoir compléter ce bras en don- nant le dessin de l’humérus entier, vu par sa face antérieure, mais la moitié supérieure d’humérus, représentée par sa face antérieure dans la figure publiée par Cuvier, n'étant pas exac- tement représentée dans le même sens, ou, en d’autres termes, n'étant pas retournée aa même degré que l'extrémité inférieure, ne permet pas de raccorder deux les dessins, pour en faire un humérus entier. Néanmoins, on voit dans notre dessin ce fait prin- cipal, qu'il s'agissait de constater, la connexion de l’avant-bras, que Cuvier avait rapporté au Lamantin, avec l'humérus qu'il avait rapporté au phoque. Ou voit en effet dans ce dessin, 1° que la largeur de la sur- face articulaire du radius d'Angers est rigoureusement égale à la largeur de la poulie de l'humérus d'Angers ; 2° que les contours de la surface articulaire du radius correspondent si exactement aux contours de la poulie humérale, qu'on dirait ces deux sur- faces articulaires moulées l’une sur l'autre; 3° que la force du radius est on ne peut mieux proportionnée à celle de l’humérus ; 4° que ce bras ainsi restitué n’offre aucune différence appréciable avec celui du Dugong, tandis qu'il differe essentiellement de celui du Lamantin et encore plus de celui du Phoque. (1) (x) Cet avant-bras ne peut ètre trop petit pour l'humérus , avec lequel je l'articule ; car, s'il était trop petit, sa surface articulaire ne coïnciderait pas, dans toute son étendu>, avec la surface de la poulie de l'humérus ; or, les dessins montrent évidemment que celle coinci- dence des surfaces articulaires des deux os est complète dans toute l'étendue de celles-ci. On pourrait, à la vérité, supposer que les figures de Cuvier sont inexactes, quant aux dimensions, et qu’elles peuvent coïncider entre telles, sans que les originaux coïncident entre eux; mais cette supposition ne peut étre admise quand on voit que ces figures s'accordent avec les dimensions des originaux ; indiquées dans le texte de Cuvier. Il ne faudrait donc pas s'en laisser imposer par l'apparence de pelitesse relativé que fourrait présenter cet avant-bras; car lavant-bras du Métaxythérium ne peut qu'être 330 J. DF CHRISTOL. — Sur le Metaxytherium. Mais nous n'avons pas encore épuisé, d’une part, toutes les différences génériques qui existent entre l’avant-bras d'Angers et celui du Lamantin, et, d’une autre part, tous les caractères de ressemblance que cet avant:bras peut avoir avec celui du PDugong. En examinant de profil ces trois avant-bras, on remarque, en effet, lescaractéresisnivans : r°leradius d'Angers, fig. 11, est droit comme celui du Dugong, fig. 14, tandis que celui du Lamarntin, fig. ri, est fortement arqué, convexe en avant, concave en ar- rière; 2° de cette circonstance résulte, dans l’avant-bras d'Angers et dans celui du Dugong, un espace inter-osseux très rétréci d’un côté à l’autre, tandis que cet espace inter-osseux est trés élargi dans le Lamantin; 3° dans l’avant-bras d'Angers et dans celui du Dugong le radius est à proportion plus aplati , surtout à sa Partie inférieure , que dans le Lamantin ; 4° dans lavant-bras d'Angers et dans celui du Dugong le cubitus est plus gros que celui du Lamantin et offre, vers son articulation supérieure, une Proéminence qui n’existe pas chez le Lamantin, rernarques en partie déjà faites par Cuvier; 5° le cubitus du Lamantin paraît beaucoup plus étranglé dans le milieu de sa longueur que tes cubitus d'Angers et du Dugong; 6° la forme générale du cubitus d’Angérs est la même que celle du cubitus du Dugong, tandis qu'elle est bien différente de celle du cubitus dw Lamantin; si j'en juge d’après les dessins de Cuvier, la cambrüre postérieure des deux premiers os, la forme de la facette sigmoïde, celle de l’olécrane semblent taillées sur le même patron, et différent des parties correspondantes dans le Lamantin ; 7° on observe à la partie inférieure et antérieure des cubitus d'Angers et du Du- gong une forte proéminence au point où le cubitus se soude au radius ; cette proéminence paraîtrait au contraire, d'après le dessin de Cuvier, appartenir au radius et non au cubitus chez le Lamantin; 8° Dans le Lamantin, le radius a vers le bras, à sa face externe, deux crêtes aiguës qu'on ne retrouve ni dans le radius d'Angers, ni dans celui.du Duagong. proportionnellement petit, puisque, dans.le Dugong et encore plus dans le Lamantin, selon la remarque faite Par Cnvior, l'avant-bras esl assez court pour sa grosseur el encore plus pour la taille deces animaux, J.. DE CHRISTOL. — Sur le Metaxytherium. 331 IL est donc bien démontré que lavant-bras d'Angers diffère essentiellement, par tout son ensemble et , surtout, par la forme de sa surface articulaire humérale, de celui du Lamantin; qu'il ressemble à celuidu Dugong au même degré que l’humérus d’An- gers ressemble à l'humérus du Dugong; qu'il s'articulerait tres bien avec l'humérus d'Angers s’il était du même côté que ce der- nier ; que, par conséquent, l’humérus et Favant-bras provien- nent de la même espèce d'animal, opinion à l'appui de laquelle vient encore la circonstance que l’humérus et lavant-bras ont été trouvés, tous deux, par le professeur Renou, dans les mêmes couches du terrain tertiaire inférieur des environs d'Angers. $ JIL. Indications sur le crâne ; la mâchoire, les défenses , les molaires supérieures et inférieures, les côtes el uutres os du Cétacé d’ Angers et de Montpellier, le MrraxyrHéRIUM. D'autres os, trouvés également par M. Renou, aux environs d'Angers, avec ceux dont nous venons de parler, sont aussi rap- portés par Cuvier au Lamantin (1}. Je me bornerai, pour le moment , à observer que le seul de ces débris fossiles dont Cuvier donne la figure, et qui consiste en une partie supérieure de crâne, appartient bien , ainsi que le pense Cuvier, au même ani- mal que l’avant-bras, mais qu’il ne provient pas plus que ce dernier du genre des Lamantins. Ceux des os de ce crâne que Cuvier a considérés comme étant des os du nez analogues à ceux (2) Parmi ces os se trouvent une côte et uue vertebre, que Cuvier a d'abord rapportées au Lamantin , et qu'après un nouvel examen des os d'Angers , il a rapportées au Morse. Les caractères signalés par Cuvier dans cette côte me paraissent être aussi ceux des côtes du Dugong et de Metaxythérium; mais je ne puis rien conclure de positif de cette:particularité, parce. que Cuvier n'a donné aueune figure de ces pièces: Je remarquerai , au sujet de la vertébre, qui est un atlas , qu’elle n'a pu préseuter quelque ressemblance avec l'atlas dn Lamantin, comme avait d'abord pensé Cuvier, sans en présenter aussi avec l'atlas du Dugong, qui, d'après Cuvier, ressemble à celui du, Lamantin: La question serait donc aujourd'hui de savoir si cet atlas ressemble réellement plus a celui! du, Morse qu'à celui du Dugong. S'il en était autrement, cet atlas pourrait provenir aussi du Métaagthérium. 332 1. DE CHRISTOL. — Sur le Metaxytherium. du Lamantin , sont, non des os du nez, mais les extrémités pos- térieures des 1rtermaxilluires, qui vont s'implanter dans les fron- taux absolument comme dans le Dugong; d’où il suit que ce crâne a dû nécessairement présenter, comme le Dugong, d’énor- mes intermaxillaires. Du reste, ce crâne ne diffère pas à un plus haut degré de celui du Dugong vivant que le crâne du Lamantin d'Amérique ne diffère du crâne du Lamantin du Sénégal. C’est là une assertion dont je donnerai plus tard les preuves les plus convaincantes, et sur laquelle je devrai d'autant plus insister, que Cuvier, après avoir observé que ce crâne d'Angers ne vient pas des deux La- mantins dont nous connaissons l’ostéologie , assure qu'il vient encore moins du Dugong , et qu'il ne peut appartenir qu’à quel- que espèce inconnue du genre Lamantin. N'ayant pas à ma disposition toutes les pièces qui doivent ser- vir à compléter cette troisième partie de mon travail, je suis forcé d’en renvoyer la description et la discussion à une autre époque. Toutefois, je puis annoncer, des à présent, que ces pieces, dont j'ai fait déjà tous les dessins, forment une bonne partie du squelette de mon nouveau génre de Cétacé, d'Angers et de Mont- pellier, que je nomme Metaxytherium, de peraËd (inter), et de Onpio (fera), pour rappeler qu'il est zrterposé, placé, entre le Dugong et le Lamantin (1). (x) En reportant les Dugongs, les Lamantins et les Stellères dans l'ordre des Cétacés , et en formant de ces trois genres une famille à part, qu'il a désignée sous le nom de Cétacés. herbivores | Cuvier a aussi indiqué que cette famille , très différente des Phoques , est à-peu- près aux Cétacés ordinaires ce que les Pachydermes sont aux Carnassiers. Dans le cours de ce mémoire et ailleurs, j'ai insisté sur cette analogie , qui lie les Pachy- dermes et les Cétacés herbivores , et l'on a pu juger qu’elle n’a pas été inutilement rappelée dans la question des os d'Angers. Nos humérus fossiles , si différens de ceux des Carnassiers et par conséquent de céux des Phoques, nous ont montré une certaine analogie avec ceux des Pachydermes, des Rhinocéros entre autres , comme les humérus , les molaires et le crâne mème des Lamantins, en offrent avec les mêmes parties des Tapirs, comme le cräne du Métaxythérium et celui des Dugongs en offrent, par l'énorme développement de leurs inter maxillaires, par l'existence des défenses et l'absence de canines, avec l'Eléphant. Le Métaxythérium prend naturellement sa place dans cette famille-des Cétacés herbivores , que l'on pourrait aussi désigner du nom dé l'un des genres qu’elle renferme, comme l’a fait M. de Blainville , en employant les expressions de famille des Dugongs. Toutefois je dois 3. DE CHRISTOL. — Sur le Metexytherium. 333 Ces pièces que je ferai incessamment connaître, et qui toutes ont été trouvées dans les sables marins du terrain tertiaire su- périeur de Montpellier, sont les suivantes : 1° Un crâne fort mutilé, mais dans lequel subsistent la région supérieure, ressemblant à la partie supérieure du crâne attribuée par Cuvier au Lamantin; l'ouverture des narines tournée vers le ciel, les maxillaires, les molaires, qui sont assez semblables à celles des Lamantins et identiques avec celles de l’Æippopotamus Dubius de Cuvier, les inter-maxillaires, qui sont recourbés comme ceux du Dugong et munis de grandes alvéoles pour loger les défenses. 2° Le temporal d’un autre cräne. 3° La mâchoire inférieure, que j'ai décrite et rapportée au genre des Dugongs, dans un mémoire présenté à l'Académie des sciences, en 1834, et qui porte des molaires semblables à celles des Lamantins et identiques avec celles de l'AÆzppopotamus Me- dius de Cuvier. 4° Une vertébre lombaire, plusieurs autres vertèbres dorsales et caudales. 5° Plusieurs côtes, une portion d’omoplate, des os en V, et un os qui me parait être un os rudimentaire du bassin; pièces dans lesquelles, comme dans la plupart des précédentes, on ne peut, sans le secours de la comparaison effective, reconnaître aucune différence appréciable avec celles qui leur correspondent dans le Dugong. Le Metaxytherium sera donc un Cétacé herbivore ressemblant au Dugong par tout son squelette et ses défenses, et au Laman- tin par ses molaires. Il aura 1° le crâne rapporté par Cuvier au Lamantin; 2° les molaires supérieures rapportées par Cuvier à l'Hippopotamus dubius ; 3° les molaires inférieures rapportées par Cuvier à l'Hippopotamus medius ; 4° les deux moitiés d’humérus rappor- observer que le Métaxythérium, étant plus voisin du Dugong que des Lamantins, devrait peut-être n'être considéré que comme un sous-genre , qui serait à=peu-près aux vrais Du- gongs ce que les Phacochæres sont au genre Cochon, 35 TI. DE CHRISTOL. — Sur le Metaxytherium. tées par Cuvier à deux Phoques; 5° l'avant-bras rapporté par Cuvier au Lamantin ; 6° et peut-être enfin, une côte et une ver- tebre rapportées par Cuvier d’abord au Lamantin, puis au Morse. Ce genre comprendra peut-être deux espèces, qui différe- raient principalement par la taille; la plus grande proviendrait du terrain tertiaire inférieur d'Angers et de Nantes, l’autre du terrain tertiaire supérieur de Montpellier. Jusqu'à présent je n'aurai décrit que le bras, la mâchoire et les molaires inférieures du Metaxytherium. Le bras a été suffi. samment décrit dans ce mémoire; la mâchoire et les molaires inférieures l'ont été dans mon mémoire présenté à l’Académie des sciences en 1834, et inséré à cette époque dans les Annales des Sciences naturelles (1). Je montrai dans ce mémoire qu'une mâchoire inférieure, que j'avais découverte dans les sables marins supérieurs de Mont- pellier, et qui portait des molaires identiques avec celles de l’Hippopotamus medius de Cuvier, présentait tous les caractères de la mâchoire du Dugong, en même temps que ses molaires , fort différentes de celles du Dugong, offraient une grande ana- logie avec celles des Lamantins. Je conclus de ces faits que le Moyen Hippopotame devait être rayé de la liste des animaux fossiles, opinion qui a été admise par feu M. Frédéric Cuvier dans son rapport, et consignée par lui dans la dernière édition des‘Recherches de G. Cuvier. J'avais cru pouvoir conclure des caractères de la mâchoire in- férieure de Montpellier, que le crâne de l'animal auquel elle avait appartenu devait ressembler à celni dn Dugong, c'est-à- dire présenter de très grands intermaxillaires recourbés et mu- nis de défenses. Or, plusieurs années après la publication de mon travail, les ouvriers d’une sablonnière de Montpellier ont apporté à M. Marcel de Serres le crâne mutilé de mon animal, offrant les caractères que je lui avais assignés et s’adaptant parfaitement à la {*) Dans le rapport qu'il fit à l’Académie des Sciences en 1834 , feu Frédéric Cuvier émit Vopinion que les pièces que j'avais décrites dans mon Mémoire suffisaient à elles seules pour l'établissement d'un nouveau genre, et il m’engagea à donner un nom à ce genre. 1. DE CHRISTOL. — Sur le AMelaxytherium. 335 mâchoire inférieure que j'avais décrite. Ce crâne est celui dont j'ai parlé précédemment et que je me propose de faire incessam- ment connaitre. J'avais cru pouvoir conclure de l’analogie que les molaires de la mâchoire inférieure de Montpellier (celles de l'Hippo- Potamus medius de Cuvier) offraient avec d’autres molaires dont Cuvier avait pris l'Hippopotamus dubius, que ces der- nières devaient être les molaires de la mâchoire supérieure de mon animal. Or, les molaires qui se trouvent au crâne de Montpellier confirment, de la manière la plus complète, ma, maniere de voir. J'avais conclu des caractères de la mächoire inférieure de Montpellier, et des caractères de plusieurs os, de ’humérus entre autres, que j'avais décrits dans le même Mémoire, que l'animal de Montpellier constituait une espece distincte de celle du Du- gong vivant, mais devait être placé dans le méme genre que cette dernière, Je reviendrai plus tard sur cette question, lors- que j'aurai pu compléter les renseignemens qui m'ont été trans- mis sur les caractères, encore si incomplètement connus, des molaires du Dugong. J'observerai toutefvis que, même sans le secours du cräne de Montpellier, qui démontre clairement au- jourd’hui que mon animal est très voisin du Dugong, on pouvait déduire, ainsi que je l'avais fait, qu’il était un Cétacé de la fa- mille des Dugongs, et des caractères de la mâchoire inférieure de Montpellier, et de ceux de mes deux humérus, des verte- bres , des côtes et de l'os rudimentaire du bassin que j'avais décrits dans le Mémoire de 1834. Je ne craindrais même pas d'avancer qu’on pouvait déduire tout cela de la forme seule de lhumérus , car l'humérus est, à mes yeux du moins, de tous les os du squelette de tous les Mammifères et de beaucoup d’autres Vertébrés, celui qui dévoile le plus sûrement l’ensemble de l'organisation d'un animal. (1) (1) Celte proposition est vraie d'une maniere absolue et dans toute sa généralité : il faudrait ne pas la comprendre pour vouloir la restreindre. Elle peut surprendre par sa nouveauté, au moins; car, quoiqu'on en puisse dire, elle n’a jamais été avancée ailleurs que dans cet écrit. Pour la nier, il faudrait montrer qu'il existe dans le squelette. ehez les Mammifères et 336 J. DE CHRISTOL. — Sur le Metaxytherium. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE 7. Fig. s. Humérus droit de Métarythérium , d'Angers (Phoques fossiles Cuv.), empruntée aux figures 25 et 29 de la planche x1x du tome v des Recherches sur les ossemens fossiles , par G. Cuvier, troisième édition, Fig. 2. Humérus gauche de Métaxythérium de Montpellier. Fig. 3. Le mème os, vu par derrière. Fig. 4. Humérus de Dugong, vu par derrière. Fig. 5. Tête supérieure de l’humérus de Métarythérium , d'Angers ( Phoque fossile Cuy.), vue-en dessus et empruntée à la figure 26 (/oc, cit.). Fig. 6. Tète supérieure à l'humérus de Métazythérium , de Montpellier, vue en! dessus { grandeur naturelle). Fig. 7. Humérus de Phoque a ventre blanc. Fig. 8. Tête supérieure du même os , vue en dessus, Fig. 9. Extrémité inférieure de l’humérus de Métazythérium , d'Angers ( Phoque, fossile Cuv. ), articulée avec l’avant-bras de Métazythérium , d'Angers ( Lamantin fossile Cuv. ), et empruntée aux figures 28 et 30, oc, cit. Fig. 10; Avant-bras gauche de Métazythérium ; d'Angers ( Lamentin fossile Cuv.), em- prunté à la figure 20, 1. €. Fig. 11, Le même os, vu de profil, : Fig. ra. Avant-bras de Dugong. Fig. 13. Avant-bras de Lamantin, Fig. 14. Avant-bras de Dugong, vu de profil, Fig. 15. Avant-bras de Zamantin, wu de profil, Fig. 16. Humérus de Zamantin. Fig. 17. Humérus de Dugong, vu par devant. beaucoup d'autres vertébrés, quelque autre os qui dévoilât, foujours et dans tous les cas, aussi sûrement que peut le faire l'humérus , l'ensemble de l’organisation d'un animal. Jusqu'à ce qu'on ait nommé cet os, on n'est point fondé à nier cette suprématie de Phumérus sur tous les autres os. J'ajouterai à ces remarques que c’est mon humérus de Montpellier qui m'a servi de base et de point de départ dans tout ce que j'ai reconnu du genre Métaxythérium, et cela, en x'appliquant d'autre doctrine que celle de Pimmortel Cuvier. 0 ss RAVIN. — Sur une Baleinoptère. 3 NOTES ANATOMIQUES sur divers organes d’une Baleinoptère, Par FE. P. Ravin, Docteur en médecine de la Faculté de Paris, Membre correspondant de l’Académie de médecine, Dans un Mémoire qui fat inséré en mai 1836 dans les Annales des Sciences naturelles, j'ai donné la figure d’une Baleinoptère qui vint échouer en 1829 à l'embouchure de la Somme. J'ai dé- crit les organes dont sa bouche était composée; j'ai fait con- naître la forme et les dimensions de ses mâchoires, sa langue, ses membranes buccale et palatine, et ses fanons. Je donnerai dans ce second Mémoire les observations qu'il nr'a été possible de recueillir sur d’autres organes, à travers de dépècement de l'animal, parmi des travailleurs empressés, dont l'intérêt ne souffrait pas de longs retards. Malgré ce qu'ils ont pu avoir de complaisance , on sentira aisément qu'il ne m'a pas été possible de consacrer beaucoup d’instans à l’examen des objets divers qui me sont venus sous les yeux. Mes observations rapides ont dû se ressentir de la hâte inévitable avec laquelle il m'a fallu les faire; aussi n’ont-elles pas pu être complètes, mais elles ne sont pas pour cela inexactes. Une autre circon- stance m'a été désavantageuse, c’est l’état avancé de putréfaction où les visceres étaient parvenus. J'aurai donc peu à dire sur les parties molles de cette Baleinoptère ; mais, dans un sujet aussi peu connu que celui-ci, j'espère que mes notes, toutes brèves qu'elles sont, inspireront encore assez d'intérêt pour ne pas être mal accueillies. 1. Pour ce qui est de la peau, ne pouvant rien ajouter à la belle description qu’en ont faite MM. Breschet et Roussel de Vauzème, je me dispenserai d’en parler. (1) (1) Annales des Sciences naturelles , Recherches sur l'appareil tégumentaire des animaux , septembre , octobre et décembre 1834. XV, Zour, — Juin, 22 33) RaAwIN. — Sr une Baleinopière. IT. r. Le tissu cellulaire sous-cutané s’est présenté sous nn aspect remarquable : il était évidemment fibreux. Les plus grandes mailles étaient composées de lames: compactes, bril- lantes et linéamentenses, à-peu-près comme des aponévroses. L'éclat des mailles, d’une grandeur médiocre, ne laissait non plus aucun doute sur leur nature fibreuse, et c'était à peine si l'on pouvait en concevoir pour les dernieres subdivisions du réseau. Ce tissu aponévrotique soutenait-il un autre tissu ? Ses mailles fibreuses étaient-elles tapissées d’une membrane différente, char- gée de la sécrétion du fluide graisseux? Je n’en ai pas fait l'exa- men d'assez près pour l’affirmer, mais il y a lieu de le penser. Si l’on adopte les idées de J. Hunter et de Béclard sur le tissu adipeux , cette disposition paraîtra moins étrange. Suivant eux, il s’en trouverait une toute pareille, où du moins analogue, dans le tissu sous-cutané des Mammiferes terrestres et de l'Homme. Les vésicules microscopiques dont ils ont reconnu, avec Monro et Wolff, que le tissu adipeux était composé, au- raient des parois minces, transparentes et très distinctes de la graisse qu'elles renferment. « Un tissu cellulaire très délié semble « exister entre ces vésicules et autour d'elles, Ce tissu devient « plus apparent dans les intervalles des molécules visibles à l'œil «nu, qu'il réunit les unes aux autres; les pelotons qui en ré- « sultent sont rassemblés au moyen d'un tissu plus dense, « presque fibreux dans certaines régions, manifestement liga- « menteux à la paume des mains , etc. »(1) 2: Toüt ce réseau fibro-adipeux était rempli d’une graisse huileuse dans notre Baleinoptère. Placé entre la peau et une vaste aponévrose qui enveloppait entièrement l'animal, il for- mait autour de lui une couche dense et ferme , dont l’épaisseur n'était pas égale partout. Les lèvres devant étre immobiles, et par conséquent cépour- vues de muscles, n'étaient faites que d’une couche de ce tissu, dont la densité y était fort considérable. Il y formait une masse (x) P. A. Béclard, Addiions à l'Anatomie générale de Xav. Bichat, page 14, Paris, in-8, 1821. RAVIN, — Sur une Balcinoptère. 33% compacte, dure, fort peu élastique, et diminuait d'épaisseur depuis les commissures jusqu’à la pointe des mâchoires. Sur la convexité de la mâchoire supérieure, la couche adi- peuse n’était pas épaisse d’un pouce; elle l'était d’un pied au- dessus du cou et de la queue, de trois à quatre pouces au-dessus du dos et des lombes, d'environ trois pouces vers le milieu des côtés , et de deux pouces seulement au-dessous de la poitrine et de l'abdomen. 3. Elle formait plusieurs expansions remarquables. La première était la petite bosse qui devariçait les évens ; une autre était la nageoire dorsale. Toutes les deux étaient de simples élévations du tissu fibro-adipeux, revêtues de la peau. Ce tissu y conservait la même disposition que dans les autres parties de l'animal. La nagcoire dorsale commencait à la dernière vertébre lom- baire, et s’étendait de là horizontalement sur la queue , en s’é- levant un peu et prenant une forme à-peu-près triangulaire. La base de ce triangle était tournée vers la queue; elie n'était haute que d’un demi-pied , très amincie, et courbée en are fort creux. Le sommet se confonduit'avec le dos , et le côté libre, qui formait la créte de la nageoire, avait une longueur de plus de trois pieds (trois pieds huit pouces). La peau n'y conservait pas sa couleur noire sur tous les points; elle y faisait une tache oblongue, de couleur blanche et rosée, comme celle d'une ci- catrice unie sur la peau humaine d'Europe. Le sommet de la nageoire était placé vis-à-vis de l'anus. Deux autres expansions de même espèce , mais plus considé rables , terminaient la queue : c’étaient les nageoires caudales. Elles avaient aussi la forme d'un triangle curviligne ; elles s’atta- chaient par leurs bases sur les dernières vertébres coccygiennes. Un de leurs côtés était épais et convexe ; l'autre , au contraire, était concave et mince; il terminait l'animal, dont il limitait l'extrémité postérieure. L'un et l’autre se recouvraient un peu à leur rencontre, et y formaient une échancrure qui n’était profonde que d’environ trois pouces. C'était de cette longueur seulement que les nageoires dépassaient le deruier os du rachis Leur direction était horizontale, Leur base avait une longueur 22. 340 NAVIN, — Sur une Baleinoptere. de deux pieds neuf pouces. On comptait du sommet de l’une de ces nageoires à celui de l'autre, une distance de huit pieds quatre pouces. Leur enfourchure ne présentait pes un arc ré- gulier; ce n’était pas un croissant, mais, comme l’a dit exacte- ment M. de Fleurieu , une espèce d’accolade à la manière des écrivains ( Voyage de Marchand, tome 11, page 598 ). Dans ces rageoires, le tissu adipeux était plus dense que partout ailleurs; ses mailles avaient peu de largeur, et étaient composées de fibres très grosses, très fortes et très brillantes. La peau était décolorée sur leur bord épais ; on y voyait une tache longue et blanche, comme sur la crête de la nageoire dorsale. (Annales des Sciences naturelles, t. v, PL. 2, fig. 1.) 4. Sous la moitié antérieure du corps, à la poitrine, à la gorge et sous la mâchoire inférieure, le tissu adipeux était sil- lonné de traits ou de fentes longitudinales presque parallèles. Une distance de deux pouces séparait ces sillons les uns des autres; leur profondeur était de six lignes, et ils pouvaient s'ouvrir d'autant. La peau s'y repliait pour les revêtir; elle y était trés mince, et y prenait une teinte noire, au lieu de conser- ver la couleur nacrée qu’elle avait partout ailleurs au-dessous du corps. Ces plis ou sillons dilatables permettaient à l’enve- loppe graisseuse, qui était dense et peu extensible, de s'élargir convenablement dans les mouvemens de la respiration , et aussi lorsque l'animal voulait remplir le réservoir ou poche sous- maxillaire dont il est pourvu. ILL. Plusieurs auteurs ont douté de l’existence de cette poche; d’autres l'ont admise; MM. Bald et Souty rapportent qu'ils l'ont vue. D'après M. Souty, elle avait, dans un Rorqual qu'il a ob- servé, une forme allongée et une longueur d'environ huit pieds (1). Elle a été décrite par Lacépède sur des notes de Bach- strom , que Joseph Banks lui avait transmises. (2) Je crois aussi que cette poche existe. Je ne puis pas dire, à la vérité, que je l’ai positivement vue, que je l'ai ouverte, soule- (x) Lesson, Cétacés, page 253.— Frédéric Cuvier, Histoire des Cétacés, page 323. (2) Lacépède, Histoire naturelle des Cétacés, tome 1 , page 203. RAvIN, — Sur une: Baleinoptère. 341 vée, disséquée, mesurée; la rapidité avec laquelle le dépèce- ment s'est effectué ne me l’a pas permis. Mais voici les raisons qui m'ont déterminé à me ranger de cette opinion : 1° Quand notre Baleinoptère fut échouée sur la plage, on remarqua tout d'abord qu’elle avait la mâchoire inférieure dé- jetée à gruche, et que la bouche restait entr'ouverte, parce que la membrane buccale faisait à droite, entre les lèvres, une énorme sallie , de forme à-peu-près cylindrique. La faible teinte de rouge bleuâtre dont cette membrane était colorée, la rendait apparente autant que son volume entre les lèvres noires de l’a- nimal. Elle était fortement tendue, et résonnait quand on frap- pait dessus. La mer, en se retirant, avait laissé l'animal couché à demi sur le côté gauche au milieu du rivage. 1l en était résulté que le dessous de la mâchoire inférieure avait été comprimé de ce côté, de telle sorte que le fluide amassé sous la membrane buccale avait été refoulé à droite. La. figure 1 de la planche 9 repré- sente exactement cette disposition. Ceci confirme d'abord le fait rapporté par divers auteurs, suivant lesquels une vessie considérable remonterait dans la bouche des Rorquals après leur mort, et forcerait les mächoires à s'écarter (1). On y trouve ensuite l'explication de la singulière disposition que présente la figure de Baleine à bec, produite par Lacépède sur les dessins de Bachstrom, et la preuve que cette figure, inexacte en beaucoup d’autres parties, a du moins de la vérité sur ce point. 2° Quand les travailleurs eurent enlevé toute la graisse qui couvrait le dos et le flanc droit, ils songérent à recueillir celle qui était au-dessous du ventre et de la poitrine; et lorsqu'ils en- levèrent des lambeaux près de la gorge, il arriva que le gros bourrelet formé entre les mächoires par la membrane buccale s'affaissa, puis disparut. Le fluide qu’il contenait avait trouvé une issue du côté de la gorge. 3 Enfin la mâchoire inférieure, garnie de toutes ses chairs , (x) Frédéric Uuvier, de l'histoire naturella des Gdtacés, introduction, page xv, ine8°, Paris, 1836, 342 RAVIN. — Sur unc Baleinopière. fut détachée de la tête et laissée à terre dans l’état où je l'ai re- préséntée (premier Mémoire, fig. 2), à cela près que son fond ou plancher, au lieu d’étre un peu concave et suspendu, se trou- vait tout-à-fait plat, parce qu'il était comprimé sur le sol contre lequel il appuyait. Alors la membrane buccale n’offrait plus de saillie ni de rides en aucun point : elle était uniformément éten- due dans le vaste espace qu'elle recouvrait. Quand on marchait dessus, il fallait prendre garde à soi pour se tenir debout, non pas à cause de la surface lisse et humide de la membrane, mais à cause des lames singulièrement lâches du tissu celluleux sous-jacent qui glissaient les unes sur les autres et entraïnaient le pied sur lequel on posait. Eh bien ! en donnant de cette manière à la membrane buccale des mouvemens de distension forcée par lesquels elle était poussée en avant, les lames tiraiilées du tissu celluleux laissaient voir en arrière leurs grandes mailles écartées, et au milieu de ces mailles je pouvais distinguer une ouverture transversale comme celle d’une poche qui aurait occupé toute la largeur de la mâchoire. Les travailleurs étant venus prendre ma place, il ne m'a pas été possible de pousser plus loin mon observation. J'ai dû me retirer avant d’avoir acquis une conviction entière; mais il me semble que la boursouflure de la membrane buccale entre les lèvres, depuis leur commissure jusqu’à leur pointe; et la dispari- tion de cette-boursouflure à l'ouverture de la gorge, indiquent d’une manière assez certaine qu'il existait là une vaste poche qui occupait pour le moins tout le dessous de la mâchoire inférieure. On peut renouveler la question qu'Otto Fabricius a déjà po- sée : Est-ce de l'air ou de l’eau que cette poche recoit? Tout ce que je puis dire, c’est qu’elle contenait un fluide gazeux dans le Cétacé que j'ai vu. Ce fluide provenait-il de la putréfaction avancée de l'animal? En voyant des lames cellulaires si lâciies sous la membrane buc- cale, j'avais pensé un moment que le fluide aériforme qui l'avait soulevée aurait bien pu s'être accumulé dans leurs mailles, et provenir de gaz putrides qui seraient sortis du tissu même dont elles étaient formées..Mais évidemment il n’y avait pas de tissu lus sain que celui-là dans tout l'animal : il ne portait aucune RAVIN, — Sur une Baleinoptère. 343 marque profonde d'altération ; il avait conservé son apparence naturelle ct toute sa consistance. Examiné sur des parties dif- férentes, à de grandes distances les unes des autres, entre les muscles , le même tissu avait partout un bon aspect ; il n’était boursouflé nulle part. « Aucun des écrivains qui ont admis l’existence d’une poche sous la gorge des Rorquals, a dit M. Van Breda, n’a réfléchi que la vessie se remplissant d’air, l'animal serait aussitôt tourné le ventre en haut. » L’objection est spécieuse, mais elle ne me pa- rait pas solide, supposé même qu'il ne doive entrer que de l'air dans cette poche. Son principal usage n’est peut-être pas d’aug- menter le volume de la, partie antérieure du corps et de dimi- nuer la pesanteur relative de la tête; mais en produisant ce double eflet, que la volonté de l'animal peut sans doute modérer à son gré, elle doit l’aider à se tenir dans une position plus ou moins oblique ou verticale. Ce n’est pas au dos, c’est à la queue que cette vessie fait équilibre : elle n’est pas placée sous le ventre, elle n’occupe que le dessous de la tête. Les plicatures de la peau et du tissu sous-cutané ne sont pas bornées au dessous de lagorge; elles s'étendent au contraire sous le corps de l'animal, depuis la pointe de la mâchoire infé- rieure jusqu'au nombril. C’est une preuve qu’elles n'ont pas été établies uniquement à cause des dilatations possibles de la gorge et de la poche submaxillaire, mais aussi pour servir à celles de la poitrine et de Pabdomen. Divers auteurs ont pensé avec Fabricius et Lacépède que ces plicatures résultaient de la contraction de la poche submaxil- laire, que la peau contribuait à la formation de cette poche, et qu'elle se déplissait quand la gorge se dilatait; mais on peut voir facilement qu'il n’en est pas ainsi. Hunter et M. Van Breda ont bien reconnu que ces plicatures devaient être permanentes. Cependant si elles ne s'effacent pas, elles s'écartent, à-peu-près comme le feraient des rayons d’éventail ( premier Mémoire, Pl. x1, fig. 2, g, k). Les fentes qui les séparent ne varient pas à leur sommet, tandis qu'elles s'élargissent à leur base; elles sont, comme je l'ai déjà dit, profondes de six lignes, et elles peuvent ouvrir dantant : je men suis bien assuré. 344 RaviN. — Sur une Baleinoptère. La peau est tellement unie sur les Rorquals, qu'elle n'y forme aucune espèce de rides, excepté sur les paupières : elle est si tendue, qu'il ne paraît pas possible de l'étendre davantage. Le tissu sous-cutané auquel elle s'attache, étant de nature fibreuse, ne doit pas être non plus fort extensible. De là est venue pro- bablement la nécessité de tracer des sillons longitudinaux aux endroits du corps qui étaient le plus exposés à subir des disten- sions ; d’une part, pour que le jeu des organes intérieurs ne fût pas géné; d’une autre part, afin que la peau püt céder à leurs mou- vemens sans se rompre. Il est vrai que les Baleines et les autres Cétacés ont la peau aussi lisse et aussi bien tendue que celle des Rorquals; mais peut-être leurs mouvemens de dilatation ont-ils moins d’étendue. On ne leur connaît pas de poche submaxil- laire (r); et d’ailleurs, leur tissu adipogène étant plus épais, se trouve peut-être aussi d’une nature moins fibreuse et plus élas- tique. É IV. Aponévrose commune ou d’enveloppe générale. — Les lames fibreuses du tissn adipeux de la Baleinoptère étaient comme des expansions d’une vaste aponévrose’à laquelle elles se ratta- chaient, et dont tout le corps de l'animal était enveloppé. Cette aponévrose , ‘cet immense fuscia lata ; était formée de deux es- pèces de fibres : lés unes transversales, allant obliquement de l'é: chine à la ligne médiane du dessous du corps; les autres lon- gitudinales, allant directement de la tête à la queue. Les pre- mières étaient fort grosses comparativement aux secondes : pla- cées à-peu-près parallèlement à quelque distance les unes des autres , elles formaient des cordons nombreux de la grosseur d’une penne de cygne. Entre ces cordons se trouvaient les fibres de la seconde espèce, s’attachant des uns aux autres, dans le sens opposé, petites, courtes, plates, minces, et assez faibles pour qu'il fût aisé de les rompre en tirant à soi les premières. Ces petites fibres ne se touchaient pas; il restait entre elles de petits intervalles, des fentes étroites d'inégales longueurs. Il résultait de là que ces deux sortes de fibres ne formaient pas, en s'unis- (1) Lacépède en a parlé, mais avec doute, Histoire naturelle des Cétacés, tome 1, page 92. RAVIN. — Sur une Baleinoplère. 34? sant, un tissu compacte et uni comme celui de nos aponévroses, mais une véritable toile à jours et à côtes, comparable à un tissu de Berlin, les cordons transversaux étant en relief sur le fonil de cette toile. V. Tissu lamineux. — La couleur des muscles était d’une nuance rouge éclatante, beaucoup plus vive que dans les Pho- ques et les grands Mammifères terrestres. Les faisceaux de fibres dont ils étaient composés m'ont paru être proportionnellement plus distans que les nôtres. Entre les faisceaux de fibres musculaires, entre les muscles eux-mêmes et autour des organes intérieurs, se trouvait un tissu cellulaire d’un aspect tout différent de celui qui renfermait la pannicule graisseuse; c'était un véritable tissu lamineux pour l'aspect et pour les produits. Il était composé de lames d’un blanc-grisätre, à demi opaques, onctueuses, formant partout des cellules läches qui n'étaient remplies que de sérosité. Dans les endroits où ce tissu avait beaucoup de développement , ses lames avaient une épaisseur remarquable et beaucoup de con- sistance. VI. Les yeux.— Les yeux étaient placés dans la direction des lèvres, très près des commissures (PL. 9, fig. 1,c). Recouverts des paupières , ils faisaient extérieurement une saillie convexe et elliptique, dont le grand diamètre était long de six à sept pou- ces. Les paupières pouvaient se plisser et s’écarter d’une pouce l'une de l’autre; la fente qui les séparait avait de quatre à cinq pouces; elles étaient complètement dépourvues de cils. — Les globes oculaires avaient près de quatre pouces de diamètre, et leurs cornées un pouce. L'iris détendue et fermée , paraissait très large; la pupille était très petite, et avait la forme d’une fente étroite, oblongue et transversale. — Le nerf optique était fort gros. Ces organes ayant été réservés pour le Muséum, je n’en ai pas fait la dissection. Ils ont paru petits à tous les assistans , relativement au volume de l'animal. C’est nn effet qui se produit sur toutes les person- 346 RAVIN. — Sur une Baleinopière. nes qui ont l’occasion de voir des Cétacés. Les auteurs qui en ont écrit ont fait aussi la même remarque; et ils ont été conduits par cette raison, plus encore que par la position des yeux et le faible écartement des paupières, à mettre en doute si les Balei- nes jouissaient de la finesse de vue que les marins qui en font la pêche s'accordent à leur donner. Mais, à mon sens, pour bien Juger cette question, c’est moins au volume qu'à la sensibi- lité de l'organe qu'il faut avoir égard. D'ailleurs des yeux dont les globes ont de dix à douze pouces de circonférence, et dont les nerfs optiques sont gros d’un pouce, ne sont pas des organes visuels de petites dimensions. Quant aux paupieres, ne suffit-il pas qu’elles puissent s'ouvrir autant que Ja cornée a de largeur, pour ne pas gèner la vue? Dépourvues de cils chez les Balei- nes, il en est d'autant moins besoin de les écarter pour admet- tre dans l'œil tout ce qu'il peut recevoir utilement de rayons lumineux. VIL. Les oreilles. — Si je n'avais cherché avec le plus grand soin l’orifice externe de l’ouie, je ne l'aurais pas vu. C’est une ouverture presque imperceptible, qui n’est environnée d'aucun appareil et qui se trouve sur la partie latérale et postérieure de la tête, deux pieds en arrière de l'œil, mais sur une ligne plus élevée. Cet orifice, extrêmement petit, aboutissait à un conduit auditif qui était fort long, et devait avoir beaucoup de largeur. L'os de l’oreille était distinct des autres os de la tête; e’était lui-même un os à part. Placé en dehors du crâne, il en touchait la base, etse développait dans une rainure ménagée exprès entre l'occipital et le temporal ; qui étaient plus bas soudés l'un à l’au- tre. (PI. 9, fig. 2 et 7.) Cet os était vacillant dans la place qu'il occupait; il n’y était pas fixé d’une manière ferme et immobile par des articalations étroites; cependant 1l n'aurait pas été possible de l'en extraire sans écarter les autres os. Ilétait composé de deux parties, le rocher et la caisse. Dans la position où il se trouvait, le rocher n'était pas visible; il n'en paraissait que les deux apophyses, l’une externe et l'au- tre interne. L'externe avait une forme pyramidale et anguleuse; RAVIN. — Sur une Baleinoptère. 347 elle était grêle, se terminait en pointe, se trouvait placée hori- zontalement dans la rainure occipito-temporale et contribuait à la formation du conduit auditif externe; elle était longue de neuf pouces sur un pouce d'épaisseur. L'interne était beaucoup plus grosse, plus large et plus courte : elle se dirigeait à-peu- prés verticalement en dedans, où elle était libre dans une partie de son étendue. Ces deux branches du rocher avaient une sur- face rugueuse, principalement l'interne qui en était comme striée; mais leur tissu ne paraissait pas plus dense que celui des autres os. (PL. 9, fig.2et3,c, d.) L’apparence de la caisse était toute différente. Au poli de sa surface, à la blancheur et à la finesse de son grain, on jugeait qu’elle devait être formée d’une snbstance compacte et dure; elle avait la figure d’un ellipsoïde ; elle était creuse et fermée de toutes parts, excepté en haut et en devant, sur le milieu. L’ou- verture qu’elle présentait en cet endroit avait ses bords comme plissés. Jai pu, sans peine, y introduire un doigt et l'y faire pé- nétrer assez profondément. Les conduits auditifs externe et in- terne venaient s’y rendre. (PI. 9, 6g- 7, r, fig. 2et3, 7, a, b.) Le conduit auditif interne}, b, se présentait sous la forme d'un tube membraneux assez étroit; 1l maissait du bord de la caisse du tympan, et se courbait, en se dirigeant en de- vant, pour venir horizontalement joindre et traverser le con- duit osseux pratiqué dans le temporal, en b fig. 2. Au-delà, il n'existait plus. Le conduit auditif externe devait être formé, à l'état frais, d'un tube membraneux ou cartilagineax assez long pour se ren- dre à l’orifice extérieur de l’ouïe à l'entrée de la caisse; mais comme la tête était entierement dépouillée de ses chairs quand je faisais ces observations, je n’ai pu rien voir de ce tube , non plus que de la membrane du tympan. Seulement j'ai pu remar- quer dans le squelette qu'une gouttière profonde, longue de plus d'un pied, large de dix-huit lignes, était creusée dans la substance du temporal, en avant de l'apophyse longue ou ex- terne du rocher, fig. 2, a. Cette gouttiére conduisait à la caisse du tympan; elle devait former une voûte au-dessus du conduit membraneux et en couvrir la partiesupérieure et antérieure. La 348 RAVIN. — Sur une Baleinoptére. longue apophyse du rocher pouvait en soutenir la partie posté- rieure; mais il était libre dans le reste de sa circonférence. Il me paraît donteux que ce tube contienne de l'air : l’orifice externe n’est pas propre à lui en fournir. Il n’est peut-être rem- pli, comme la caisse, que d’un liquide gélatineux, plus apte que l'air lui-même à transmettre les sons. Les ondes sonores passent, comme on le sait, avec plus de force et plus de vitesse dans l'eau que dans l'air (Franklin, Biot) ; et l'expérience de Scoresby, d'après laquelle il est constant que les Baleines entendent plus aisément le cliquetis des vagues agitées par le sillage du navire ou le battement des rames , que le bruit même d’un coup de canon, semble indiquer que l’eau est un intermédiaire, sinon indispensable , au moins utile aux fonctions de l'oreille des Ba- leines, qui est faite pour agir dans ce liquide. La tête de la Baleinoptère avait été séparée du tronc et ren- versée à peu de distance; comme elle génait les travailleurs, il devint nécessaire de la déplacer. Pour soulever cetie masse osseuse, qui était longue de neuf pieds et avait un mètre de haut, il fallut des leviers et plusieurs hommes. On lui fit faire plusieurs tours sur elle-même, afin de l'éloigner suffisamment , et on la laissa inclinée sur le côté droit. Dans cette position, je pouvais encore voir très bien la base du crâne. Or, quand je m'en fus approché, je dus être surpris d'y trouver un organe qui, assurément, n’y était pas visible quelques instans aupara- vant. Les secousses occasionées à toute la masse par le dépla- cement avaient fait sortir du fond de l'oreille une poche ou vésicule d’assez grandes dimensions: je dis du fond de l'oreille, car j'en avais plusieurs fois exploré l'entrée avec les doigts sans y rien sentir. Cette poche suspendue au milieu del’ouverture de la caisse, qu’elle traversait, avait trois pouces de longsur un de large, et la forme d'un sac ovoide. Elle était plissée sans être aplatie, bien qu’elle ne contint alors aucun fluide. Ses parois étaient lisses, épaisses, compactes, résistantes à la manière du parchemin; elles avaient une couleur grise et luisante, d’un éclat métallique, comparable à celle de la peau des Orvets. Elle se terminait par une espèce de col, auprès duquel elle, était ouverte, en arrière, par une déchirure. (Fig: 2 et 3, e.) RAVIN. — Sur ne Baleiïnoptère. 345 En pressant cette poche sur le fond pour savoir ce qu’elle ren- fermait, j'en fis sortir deux corps solides, blanchâtres, opaques, euveloppés d'une matière épaisse, jaunâtre, onctueuse, qui y était adhérente. Il y avait un de ces petits corps de forme cubi- que, mousse sur les angles et les arètes, avec des faces légère- ment concaves et de dimensions à-peu-près égales, deux lignes environ. L'autre était d’une forme moins régulière, tenant du prisme et de la pyramide, plus large qu’épais et d’une épaisseur variable en divers points de sa longueur. Voici ses dimensions : longueur, neuf lignes; largeur, deux lignes ; épaisseur, variable d’une à deux lignes. Comme il se faisait tard, je dus songer à repartir pour Saint- Valery. Je laissai la vésicule en place, ne voulant pas la déta- cher avant d’en avoir bien reconnu les connexions. Mais le len- main , à mon retour, la vésicule était enlevée, et malgré toute la peine que j'y ai prise, il me fut impossible de savoir ce qu’elle était devenue. Qu'était-ce donc que cette poche et ce qu’elle contenait? — Etait-ce la membrane du tympan renversée avec ses osselets? J'en doute. — Etait-ce le sac membraneux du labyrinthe avec ses pierres auditives? Je n'ose le dire et j'en doute également. Il est vrai que cette poche avait bien une forme qui pouvait convenir au sac auriculaire, que sa membrane présentait bien la nature particulière et l'espèce de rigidité que M. le professeur Breschet a reconnues dans les tissus du labyrinthe (1); mais celle qui tapisse l’intérieur de la caisse pouvait être, ce me semble, d'une nature analogue. Je n’ai pas vidé entièrement cette poche et ne sais pas très exactement ce qu'elle contenait : il est possible qu’il y soit resté d'autres corps solides que ceux que j'en ai fait sortir. Ceux-là présentaient, à la vérité, des rapports de configuration avec les pierres qui existent dans les oreilles des poissons osseux (ni- crolithe et paralithe ) ; mais ils avaient aussi quelques analogies avec des osselets de l’ouie. Quant'à la substance onctueuse et (x) Voyez ce travail, dont il vient de paraitre une nouvelle édition dans les Mémoires de l'Académie royale de médecine, towe v, pages 237, 239 , 303, 304 et 343. 350 RAVIN, — Sur une Buleinopière. gelatineuse qui formait l'enduit dont ils étaient couverts, elle pouvait appartenir à l’intérieur de la caisse aussi bien qu'à celui «du labyrinthe. Je regrette beaucoup de ne pas être en mesure de résoudre cette question, à laquelle s’en rattache une autre d'une grande importance, celle de savoir si les pierres auditives ont plus de volume dans les Mammifères aquatiques que dans les Mammi- fères terrestres (x). VIIL. Les évents. — 1ls étaient au nombre de deux, séparés comme les narines par une cloison peu épaisse, et situés dans un enfoncement derrière la petite bosse de la mâchoire supé- rieure, Cette cloison était double, et marquée en son milieu d’un sillon longitudinal qui indiquait les deux parties dont elle se composait : elle était formée par les évents eux-mêmes dont les parois venaient se toucher en s'appuyant sur les os du nez. Chaque évent avait un pied de large, était cylindrique intérieu- rement et se courbait en arrière pour se rendre à la gorge. Une peau noire et fort lisse en couvrait en dedans la partie supé- rieure. Leurs orifices étaient indiqués sur la tête par deux lignes courbes, semi-lunaires , symétriquement opposées l’une à l’au- tre par leur convexité, de chaque côté de la cloison. (Prem. mémoire, fig. 1.) Ces ouvertures étaient fermées par des lèvres solides qui s’appliquaient tres fortement l’une à l’autre. La lèvre externe devait être la seule mobile, la seule qui s’ouvrit ou s’écartât pour laisser passer la colonne d’eau que l'animal vou- lait rejeter : elle appuyait ses mouvemens sur la lèvre interne qui était fixe.— Un petit bord saillant, en forme d’ourlet ; mar- quait le contour des deux lèvres à chaque évent. (PL 9;fig. 1,e.) IX. P'iscères de la poitrine. — Je n'ai pas pu me rendre à Cayeux dans la matinée du jour où la poitrine fnt ouverte; mais M. Baillon y assistait, Il a recueilli quelques tronçons des gros- ses artères pour le Muséum de Paris dont il est correspondant, et sans contredit l’un des plus savans et des plus actifs. Il n'a (1) Breschet, même ouvrage, page 355, RAVIN. — ur une Balcinoptere. 351 assuré que tout le reste était méconnaissable, tant la putréfac- tion l'avait altéré. X. Viscères abdominaux.— Un vaste mésentère, sans glandes lymphatiques, comme dans les Phoques. Dans le mésentére, près de ses attaches à la colonne verté- brale, de très gros ganglions nerveux qui étaient plats, larges et longs : il en sortait des filets d’un volume remarquable. L’estomac multiple; l'intestin grêle d’une longueur extraor- dinaire ; un cœcum; le gros intestin fort court. Le petit intestin avait une circonférence de huit pouces huit lignes; celle du gros était de quinze pouces trois lignes, presque double. L’anus restait ouvert, et paraissait fort large; il s’en écoulait des matières d’une couleur jaune rougeàtre, comparable à celle du safran. Toute la masse intestinale fut liée, arrachée à force de bras et jetée à la mer du même mouvement. Impossible de songer à les retirer de l'eau pour en voir l’intérieur; ils étaient rapide- ment entrainés par le courant. — Je ne pus découvrir la rate, ni le foie, ni les reins, ni les testicules : ils étaient les uns putré- fiés, les autres enlevés dans les grands lambeaux que les travail- leurs détachaient de la bête. Le balénas, long de plusieurs pieds, était logé dans une gaîne. Sa partie préputiale, ou le gland, avait une longueur d’environ un pied et la forme d’un étroit fuseau, présentant à la base un diamètre de douze à seize lignes, et se terminant en une pointe tronquée , au bout de laquelle on voyait une petite ouverture transversale qui était l’orifice de l’uretre. — Dans un troisième mémoire je ferai la description du sque- lette et tâcherai d'établir les différences qu’il présente avec les autres squelettes de Rorquals que nous possédons. On pourra d'avance reconnaître une partie de ces différences dans les figu- res de la tête osseuse, qu'il m’a paru convenable de produire dès à présent (PL. 9, 6g. 4,5, 6,7 et 8.) 352 RAVIN. — Sur une Bulcinoptére. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE O. Fig. t. Tête de Baleinoptère ou Rorqual, revètue de ses chaïrs et présentant entre ses lèvres un bourrelet a, a*, formé par la membrane buccale et la poche submaxillaire; 4. fanons : ils sont blancs dans le quart antérieur de la lèvre jusqu'en a’, ils sont ensuite d’un bleu noi- râtre; c. œil ; d. bosse fibro-adipeuse de la mâchoire supérieure; e. orifice de l’évent du côté droit; f. partie humérale du bras; g, g. plicatures ou sillons de la gorge : il en existe jusqu’au dessous de l'œil. Fig. 2. Oreille: a. gouttière creusée dans l'os temporal et formant la voûte du conduit auditif externe ; d. orifice d’un canal osseux que traverse le conduit auditif interne; c. apo- physe longue ou externe du rocher; 4. apophyse interne du rocher; e. poche membraneuse , sortie de la caisse du tympan r et renfermant des osselets ou des otolithes ; , 4. parties de l'occipital ; m. partie de l'os temporal ; r. caisse du tympan. Fig. 3. Os de l'oreille isolé : r, caisse du tympan ; 4. conduit auditif interne; c. apophyse externe du rocher ; d. apophyse interne du rocher; e. poche membraueuse sortie de la caisse du tympan, Fig. 4. Tète osseuse de la Baleinoptère, vue de profil par le côté droit : a. os maxillaire su- périeur; A. apophyse zygomatique de l'os maxillaire supérieur; /. frontal; g. pariétal ; k. ocei- pital; 4. jugal ; ». temporal ; 0. lacrymal. Fig. 5. Branche gauche de la mächoire inférieure, vue du côté externe, Fig. 6. Mème branche, vue du côté interne, Fig. 7. Tète osseuse, vue en dessous: a/, a’, os maxillaires supérieurs , creusés en carènes ; À , À. apophyses zygomatiques des maxillaïres supérieurs ; b. vomer ; f, f frontaux ; #, z. riétaux ; £. trou occipital, condyles; Æ. jugaux ; m,m. temporaux, leurs faces glénoïdes ; m!, m'. leurs apophyses zygomatiques; p, p. os palatins ; 4, os basilaire ; r,r. os de l'oreille; 5,s.0s ptérigoïdiens ; £, sphénoïde, pa- Fig. 8. Mème tête, vue en dessus : a, a. 0s maxillaires supérieurs ; 4”, «”, leur apophyse montante; €, c, intermaxillaires ; d, ouverture des narines; e, e. os du nez; f, f. os frontaux ; 0,0. os lacrymaux ; À. os occipital, ayant sa crête en L! et ses condyles en ? ; m7, m, os tem- poraux ; »,n. branches de la mächuire inférieure, 2 Q—— LÉON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. 353 OssErvarions sur les mélamorphoses du CERCERIS BUPRESTICIDA , et sur l'industrie et l'instinct entomologique de cet Hymé- noptére , Par M. Léon Durour. ( Lettre adressée à M. Auvouin. ) Je pense, mon ami, que vous attacherez quelque intérêt à des obsersations qui rentrent dans votre manière d’envisager l'étude de l’entomologie ; aussi je ne balance pas à vousen faire hommage. Vous savez avec quelle industrie, quelle intelligence, je dirais presque avec quel savoir, plusieurs Hyménoptères prédateurs et fouisseurs approvisionnent leurs nids; vous avez admiré comme moi le tact qui préside au choix de ces provi- sions. Il en est qui ne donnent à leur progéniture que des indi- vidus d’une seule espèce d'insectes ; d’autres, à défaut de celle- ci, qui ne se rencontre pas toujours assez abondamment dans les diverses localités qu'ils habitent, choisissent des espèces dif- férentes du même genre ou d'une même famille. Enfin, nous en connaissons qui, ne respectant les limites ni du genre, ni de la famille, puisent dans l'enceinte d’un méme ordre des es- péces de genres et de familles très dissemblables. Notre célébre Réaumur a consacré un de ses beaux Mémoires à l’histoire de sa Guépe solitaire (1), que dans mon travail sur les Odynères (2)j'avais crue être une espèce à laquelle j'ai atta- ché son nom, mais que vos recherches plus heureuses ont rap- portée à l'Odynerus spinipes Fabr.(3). Notre observateur mo- déle nous apprend donc que sa Guépe solitaire distribue à cha- cun de ses petits une brochette de douze Chenilles de la même espece. Vous avez, avec sagacité, complété cette histoire, en (x) Tome vi page 247. (2){Annales des Sciences naturelles , deuxième série , lome 11, février 1839. (3) L. c. XV, Zoo, — Juin. 23 34 LÉON DUFOUR. — Aistoire des Cerceris. poursuivant le ravisseur de ces Chenilles jusque sur le théâtre de ses déprédations ; vous l'avez surpris saisissant sur la luzerne une de ces larves, et vous en avez obtenu un Curculinnite , le Phytonomus variabilis Schonb. Suivant Latreille, le Philanthus triangulum Fabr., qu'il appelle apivorus, enfouit des Abeilles à miel pour nourrir sa progéniture. Le Cerceris arcuaria, dans le même but, saisit à la chasse des Curculionites du genre Pa- chygaster et le C. ornata des Andrenes et des Halictes. Le Tri- poxvlon figulus fournit d’Araignées les cellules de ses larves. Le Solenius rubicola , dont M. Perris et moi avons publié l’his- toire dans notre Mémoire sur les Hyménoptères qui nichent dans les tiges de la ronce, ne donne à ses petits que des Dipteres, et presque exclusivement la Lauxania ænea. Tout récemment, je viens de constater que la Palarus flavipes ap- porte à sa couvée une foule d'Hyménoptères appartenant à di- vers genres, et même à des familles, à des sections très diffé- rentes. J'ai compté parmi ces victimes dix-huit espèces des genres /chneumon , Tiphia mutilla , Scolia , Philanthus , Cer- ceris, Crocisa, Lyrops, Sphecodes , Ammobates ; Myzine, Andrena, etc. (1) Mais je ne vois dans l’histoire des insectes aucun fait aussi curieux, aussi extraordinaire que celui dont je vais vous entre- tenir. 11 s’agit d’une espèce de Cercéris qui a un goût des plus recherchés , puisqu'il n’alimente sa famille qu'avec les espèces les plus distinguées, les plus somptueuses du genre Richard ou Buprestis. Permettez-moi de vous associer, et aux vives impres- sions que m'ont procurées ces recherches, et aux conquêtes pré- cieuses que m'a valu l'étude de cette entomologie sauterraine inconnue jusqu’à ce jour. Ces faits, qui sont positifs et maté- riels, paraîtront presque un roman à ceux qui n’en ont jamais constaté de semblables : abordons-les, en suivant tout simple- ment l’ordre de leur succession. Je vous ferai ensuite connaître, (1) Ajoutons à cette longue liste le nom de la Cerceris aurita ( ® de la Quinquecincta), que M. Leduc, de Versailles, a fréquemment suivie au moment où elle revenait à son nid, chargée d'individus appartenant aux espèces Ofiorhynchus raucus et Phytonomus punctatus. ( Rp.) LEON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. 355 par la description et les figures , les métamorphoses du Cerceris, qui sont aussi une acquisition nouvelle pour la science. En juillet 1839, M. Diris, un de mes amis qui habite la cam- pagne, m’envoya deux individus du Buprestis bifasciata Oliv., insecte alors nouveau pour ma collection, en m’apprenant qu’une espèce de Guëpe qui transportait un de ces jolis Coléop- tères l'avait abandonné sur son habit, et que peu d'instans après, une semblable Guépe en avait laissé tomber un autre à terre. À cette époque , je rédigeais le Mémoire précité sur les Hymé- noptères qui nichent dans la ronce, et j'y insérai une note sur ce fait. En juillet 1840, étant allé faire une visite, comme méde- cn, dans la maison de M. Diris, je lui rappelai sa capture de l'année précédente, et je m'informai des circonstances qui l'avaient accompagnée. La conformité de saison et des lieux me faisait espérer de renouveler moi-même cette conquête; mais le temps était, ce jour-là, sombre et frais, peu favo- rable, par conséquent, à la circulation des Hyménoptères. Néanmoins, nous nous mimes en observation dans les allées du jardin, et, ne voyant rien venir, il me restait la ressource de me courber sur le sol pour y chercher des habitations d’'Hymé- noptères fouisseurs. Un léger tas de sable récemment remué et formant comme une petite taupinière , arréta mon attention. En le grattant, je reconnus qu’il masquait l’orifice d’un conduit qui s’enfonçait profondément. Au moyen d’une bêche, nous défonçons avec précaution le terrain ,et nous ne tardons pas à voir briller des élytres éparses du Bupreste si convoité. Bientôt ce ne sont plus des élytres isolées, des fragmens , que je dé- couvre, c’est un Richard tout entier, ce sont trois, quatre Ri- chards qui étalent leur or et leurs émeraudes. Je n’en croyais pas mes yeux. Mais ce n’était là qu’un prélude de mes jouis- sances. Dans le chaos des débris de l’exhumation, un Hymé- noptère se présente et tombe sous ma main : c'était le ravisseur des Buprestes, qui cherchait à s'évader du milieu de ses vic- times. Dans cet insecte prédateur et fouisseur, je recunnais une vieille connaissance , un Cerceris que j'ai décrit comme nouveau dans mes Recherches anatomiques sur les Hyménoptéres, et 23. 356 LÉON DUFOUR. — Aistoire des Cerceris. que j'ai trouvé deux cents fois dans ma vie, soit en Espagne, soit dans les environs de Saint-Séver. Mon ambition était loin d’être satisfaite. Il ne me suffisait pas de connaître et le ravisseur et l’objet ravi, il me fallait le con- sommateur de ces opulentes provisions. Après avoir épuisé ce premier filon buprestigere que j'avais suivi jusqu’à un pied de profondeur, je courus à de nouvelles fouilles, je sondai avec un soin plus scrupuleux; je parvins enfin à déméler deux larves qui complétèrent la bonne fortune de cette campagne. En moins d’une heure, je bouleversai trois repaires de Cerceris, et mon butin fut une quinzaine de Buprestes entiers avec des fragmens d'un plus grand nombre encore. Je calculai, en restant, je crois, bien en deçà de la vérité, qu'il y avait dans ce jardin vingt-cinq nids, ce qui faisait une somme énorme de Buprestes enfouis. Que sera-ce donc, me disais-je, dans des localités où en quel- ques heures j'ai pu saisir sur les fleurs des Alliacées jusqu’à soixante Cerceris femelles dont es nids, suivant toute appa- rence, étaient dans le voisinage , et approvisionnés sans doute avec la même somptuosité? Ainsi mon imagination. d'accord avec les probabilités, me faisait entrevoir sous terre, et dans un rayon peu étendu, des Buprestis bifasciata par milliers , tandis que depuis plus de trente ans que j’explore l’entomologie de nos contrées, je n’en ai jamais trouvé un seul dans la cam- pagne. Une fois senlement, il y a peut-être vingt ans, je ren- contrai, engagé dans an trou d’un vieux chêne, un abdomen de cet insecte revêtu de ses élytres. Ce dernier fait, tout insi- gnifiant qu'il m'avait paru jusqu'alors, cessa de l’être en ce mo- ment et devint pour moi un trait de lumière. En m’apprenant que la larve du Z. bifasciata devait vivre dans le bois de chêne, il me rendait parfaitement raison de l’abondance de ce Coléop- tère dans un pays où les forêts sont exclusivement formées par cet arbre. Mais comme le Cerceris bupresticida est rare dans les collines argileuses de cette dernière contrée, comparativement aux plaines sableuses peuplées par le Pin maritime, il devenait piquant pour moi de savoir si cet Hyménoptère fouisseur, lors- qu'il habite la région pinicole où les chènes ne s’observent qu'i- solément et de loin en loin, approvisionnait ses nids comme LÉON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. 357 dans la région quercicole. J'avais de fortes présomptions qu'il ne devait pas en être ainsi , et vous verrez bientôt avec quelque surprise combien est exquis le tact entomologique de notre Cerceris dans le choix des nombreuses espèces du genre Bu- preste. Avant d'exécuter mon projet d’excursion dans nos forêts de Pins, je voulus, profitant d’un jour sans nuages, visiter, de nouveau les mines buprestifères des collines quercicoles. M. Di- ris avait découvert des tannières de Cerceris dans un sol arénoso- argileux, à une petite distance de son jardin. Au lieu de filets et de pinces pour cette course entomologique, il fallut nous armer de piques , de bèches et de pelles en fer. J'exploitai ces tannières avec un succés inespéré. J’eus le plaisir de surprendre et d’abattre plusieurs de ces Hyménoptères emportant chacun dans les airs une riche victime plus grande et plus pesante que le ravisseur lui-même. Non-seulement je rapportai de cette ex- pédition, sur un théâtre de six ou sept mètres carrés au plus,un butin d’une trentaine de bifasciata dans le plus bel état de con- servation, mais j'exhumai aussi dix 2: pruni Panz., espèce que je voyais pour la première fois, et qui est peu connue des entomo- logistes. La découverte de celle-ci, qui rentre avec le bifasciata dans le genre moderne Agrilus, et qui est bien distincte dû rubi Fabr., corrobora puissamment ma confiance dans l'instinct entomologique de notre Cerceris, et me confirma dans l'espoir de trouver d’autres espèces du méme genre dans la région pinicole. Hätons-nous donc de nous rendre dans cette dernière pour moissonner de nouvelles jouissances, et, comme on dit, frap- pons le fer quand il est chaud. M. de Basquiat, que vous con- naissez, possède dans la commune de Soupro:se, à quatre lieues au nord-ouest de Saint-Sever et au milieu des forêts de Pin ma- rime, une propriété où il réside habituellement. C’est sur les fleurs des Alliacées et des Ombelliféres de son jardin, que chaque année je trouve en juillet une quantité prodigieuse de Cerceris , de Palurus, de Crabro , de Philantñus , de Larra et antres Hyménoptères fouisseurs. M. Alphonse de Toulouzette, qui vous est pareillement connu, m'açcompagna dans cette ex- 358 LÉON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. pédition entomologique , etne contribua pas peu à en assurer les heureux résultats. Les repaires du Cerceris furent bientôt reconnus. Ils étaient exclusivement pratiqués dans les maitresses allées du jardin, où le sol plus battu, plus compacte à sa surface, offrait à l'Hy- ménoptère fouisseur des conditions nécessaires de solidité pour l'établissement de son domicile souterrain. Nous en visitâmes une vingtaine environ, et je puis le dire, à la sueur de mon front. C’est un genre d'exploitation plus long et plus pénible qu'on ne le croirait. Les nids, ct par conséquent les provisions, ne se rencontrent qu'à un pied de profondeur. Aussi, pour éviter leur dégradation, il convient ,après avoir enfoncé dans Ja galerie du Cerceris un chaume de Graminée ou une tige grêle de plante qui servent de jalon et de conducteur, d'investir la place par une ligne de sape carrée, dont les côtés soient distans de l’orifice ou du jalon d'environ sept à huit pouces. Il faut saper avec une pelle de jardin, de manière que la motte cen- trale, bien détachée dans son pourtour, puisse s’enlever en une ou deux pièces que l’on renverse sur le sol pour la briser en- suite avec circonspection. Telle est la manœuvre qui m’a réussi. Vous eussiez partagé, mon ami, notre enthousiasme, à la vue des belles espèces de Buprestes que cette exploitation si nouvelle étala successivement à nos regards empressés. Il fallait entendre nos exclamations, nos acclamations, toutes les fois qu’en renversant de fond en comble la mine, on mettait en évidence de nouveaux trésors , rendus plus éclatans encore par l’ardeur du soleil, ou lorsque nous découvrions, ici des larves de tout âge attachées à leur proie, là des coques de ces larves toutes incrustées de cuivre, de bronze ou d'éme- raudes. Moi qui suis un entomophile praticien, et depuis, hélas! trois ou quatre fois dix ans, je n'avais jamais assisté à un spectacle si ravissant, je n'avais jamais vu pareille fête : vous y manquiez pour en doubler la jouissance. Notre admiration, tou- jours progressive, se portait alternativement de ces brillans Coléoptères au discernement merveilleux, à la sagacité éton- nante du Cerceris qui les avait ainsi enfouis et emmagasinés. Le croiriez-vous, sur plus de quatre cents individus de ces Co- LÉON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. 359 léoptères, l'investigation la plus scrupuleuse n'a jamais apercu un seul fragment, le plus mince débris, qui n'appartinssent point au vieux genre Bupreste. La plus minime erreur n’a point été commise par notre savant Hyménoptère prédateur, par cet habile bupresticide, Quels enseignemens à puiser dans cette in- telligente industrie d’un si petit insecte! quel prix Latreille waurait-il pas attaché au suffrage de ce Cerceris en faveur de la méthode naturelle! quelle critique n’y voyons-nous pas de cette manie germanique de multiplier les noms des genres en dé- truisant jusqu’à celui du type principal, pour surcharger ia mé- moire de noms plus ou moins baroques, lorsqu'on pourrait se borner à établir dans le même groupe générique des divisions pour faciliter l'étude des espèces! Mais reprenons mes exploitations entomologiques dans la ré- gion pinicole. Jugez si notre bonheur fut grand, puisqu'elles nous fournirent neuf espèces bien tranchées du genre Buprestis de Fabricius, savoir : 1° B. 8-guttata ( Ancylocheira Esch.). En très grande abon- dance , quoique jusque-là je ne l’eusse jamais trouvé dans mes chasses. Sa larve vit dans le Pin. 2° B. flavo-maculata ( Ancylocheira). Quelques rares indivi- dus. Sa larve, que j'ai élevée, est parasite de ce dernier arbre résineux. 3 B. pruni Panz (Agrilus Mey.). Bien plus fréquent que dans nos collines. Je soupconne qu’il passé son premier âge, celui de larve, dans le chène Tauzin (Quercus tozza Bosc. ), qui croît dans les deux régions. 4! B. micans ( Eurythyrea Serv.). En petit nombre, C'est une des plus riches et des plus rares espèces de ce'pays. Je crois que sa larve se nourrit dans le peuplier. 5° B. tardu (Phænops Meÿ. ). En assez nombreux individus. Sa larve est pinicole. 6° B. biguttata (Agrilus), dont la larve est quercicole. 7° B. bifasciala (Agrilus), Ynfiniment moins commun que dans les collines de Saint-Sever. F'ai déjà dit qu’à l'état de larve, il habite le bois de chêne. 8 Un seul 4, chrysostigma ( Chrysobothris Esch.), dont j'ai 360 LÉON DUFOUR. — Histoire des Cercerts. depuis peu fait connaître les métamorphoses dans un Mémoire que je vous ai adressé. Sa larve vit dans le chène mort. (1) 9° Enfin, plusieurs individus mutilés ou fragmentaires du B. 9-maculata ( Piosima Serv.) Voici une peiite statistique qui vous indiquera la proportion numérique de ces espèces, en vous observant que je ne porte en compte que les individus intégralement conservés, résultant de l'exploitation d’une trentaine de nids , soit dans la région pinicole, soit dans la quercicole : B..8-gultatas. tk uen mins. 7O individus. Bsbilescialusess ent 56 TT DONS NN OI EN TE NN) RTE ml mit di ati tmt A lrics adel Béhicukidias à: msn il RICA SEE silf aus Ba sisi nf 7 B. flavo maculata . . .... . . .. 4 Bichnsoslienme.: dos served I ouzaculalas ie ee eseuEren-arur le Fragmens. Total. . : . . . . 202 individus. Les individus mutilés ou les innombrables fragmens, d'apres un calcul fondé sur le nombre de cellules qui est de cinq par nid, et sur le nombre des Buprestes destinés à leur approvi- sionnement qui est de trois par cellule, sont représentés par la somme 248. En sorte que j'ai exhumé dans les trente nids 450 individus du vieux genre Bupreste. N'est-ce pas un fait bien curieux, bien extraordinaire , que cette collection monographique faite par notre Cerceris? Et que ne dois-je pas espérer à l'avenir, en guettant ce ravisseur, ce pourvoyeur de Buprestes, en violant son domicile en temps opportun pour m’emparer de son gibier? N’est-il pas vraisem- blable que si je parviens à découvrir ses nids dans des localités peuplées d'arbres différens, je finirai par connaitre et posséder 1 (1) Annales des Sciences naturelles, deuxième scrie, loue x1v, page 117. LÉON DUFOUR. — Histoire des Cercerts. 361 tous les Buprestes de grande et moyenne taille qui habitent le pays? D’après cela, mon ami, vous voyez que si Je veux trouver des Richards, il faut que je cherche les Cerceris, leurs impla- cables ennemis. C’est là une insecticeptologie d'un genre tout nouveau. Passons maintenant aux diverses manœuvres du Cerceris pour établir et approvisionner ses nids. J'ai déjà dit qu’il choisit les terrains dont la surface est battue, compacte et solide ; j'ajoute que ces terrains doivent être secs et exposés au grand soleil. Il y a dans ce choix une intelligence ou, si vous voulez, un instinct qu'on serait tenté de croire le résultat de l’expérience. Une terre meuble, un sol uniquement sableux, sont, sans doute, bien plus faciles à pénétrer ; mais comment y pratiquer un orifice qui püt rester béant pour le besoin du service, et une galerie dont les paroïs ne fussent pas disposées à s’ébouler à chaque instant, à se déformer, à s’obstruer à la moindre pluie? Ce choix est donc rationnel ou parfaitement calculé. Notre Hymé- noptère fouisseur creuse sa galerie au moyen de ses mandibules et deses tarses antérieurs, qui à cet effet sont garnis de piquans raides faisant l'office de rateaux. Il ne faut pas que l’orifice ait seulement le diamètre du corps du mineur, il faut qu’il puisse admettre une proie bien plus épaisse que lui. C'est une pré- voyance admirable. À mesure que le Cerceris s'enfonce dans le sol, il amène au-dehors les déblais, et ce sont ceux-ci qui forment le tas que j'ai comparé plus haut à une petite taupi- nière. Cette galerie n’est pas verticale, ce qui l’aurait infaillible- ment exposée à se combler, soit par l'effet du vent, soit par bien d’autres causes. Non loin de son origine, elle forme un coude qui le plus souvent m'a semblé dirigé du midi au nord pour re- venir ensuite obliquement vers l’axe perpendiculaire. Elle a de sept à huit pouces de longueur. C’est au-delà de sa terminaison que l’industrieuse mère établit les berceaux de sa postérité. Ces derniers sont cinq cellules séparées et indépendantes les unes des autres, disposées en une sorte de demi-cercle, creusées de manière à avoir la forme et presque la grandeur d’une olive, polies et solides à leur intérieur. Chacune d'elles est assez grande pour contenir trois Buprestes, qui sont la ration ordi- 362 LÉON DUFOUR. — Histoire des Cervceris. naire pour chaque larve. Il paraît que la mère pond un œuf au milieu des trois victimes, et bouche ensuite la cellule avec de la terre, de manière que quand l’approvisionnement de toute la couvée est terminé, il n'existe plus de communication avec la galerie. Quand le Cerceris revient de la chasse avec son gibier entre les pattes, il met pied à terre à la porte de son logis souterrain, et l'y dépose momentanément. Il entre tout aussitôt à reculons dans sa galerie , saisit la victime avec ses mandibules et l’en- traine au fond du clapier. Je l'ai aussi surpris souvent pénétrant dans sa tannière sans aucun butin, Dans ce cas, lorsque les cel- lules sont en construction ou tout récemment approvisionnées, en conçoit sa présence pour des travaux avec des matériaux qu'elle trouve à pied-d’œuvre. Mais lorsque, vers la mi-août, les provisions sont consommées et les larves hermétiquement récluses dans leurs cocons, vous voyez encore entrer le Cerce- ris dans sa galerie sans y rien apporter. Il est évident alors que cette vigilante mère va s'assurer, par des visites réitérées, qu’au- cun ennemi, qu'aucun accident ne menace ou ne dérange le précieux réceptacle de sa progéniture. 1l n'est souvent arrivé de la rencontrer au fond de sa galerie vers la fin du jour, et il est probable qu'elle y passe la nuit. J'ai constaté plusieurs fois le nombre de trois Buprestes par cellule de Cerceris; mais il est possible que pour les petites es- pèces comme le turda et le biguttata , ce nombre soit plus con- sidérable, Au reste, je suis persuadé que la différence de taille dans les individus de la même espèce d'insectes, tient en géné- ral à la quantité d'aliment consommée par les larves. Je n'en- tends pas parler ici de la taille respective des sexes ; elle est de fondation organique. Le Cerceris bupresticida, dont je n'ai pas encore eu l’occa- sion de suivre les manœuvres prédatrices, doit être un adroit, un intrépide, un habile chasseur. La propreté, la fraicheur des Buprestes qu’il enfouit dans sa tannière, portent à croire qu'il les saisit au moment où ces Coléoptères sortent des galeries ligneuses où vient de, s'opérer leur dernière métamorphose. L'anatomie prête son puissant appui à celte conjecture ; car je LÉON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. 363 p'ai trouvé dans le canal digestif de ces Buprestes aucune sub- stance alimentaire qui eùt été puisée au-dehors. Cet organe ne contenait que ce liquide de couleur ambrée, ce méconium que l’on rencontre dans les insectes récemment transformés, et sur- tout dans les nymphes. Mais quel inconcevable instinct pousse le Cerceris, qui, lui, ne vit que du pollen des fleurs, à se procurer par mille diffi- cultés une nourriture animale pour des enfaus carnivores qu'il ne doit jamais voir, et à venir se placer en arrêt sur les arbres si dissemblables qui recèlent dans la profondeur de leurs troncs les insectes destinés à devenir son inévitable proie ? Quel tact entomologique plus inconcevable encore lui fait une rigoureuse loi de se renfermer, pour le choix de ces insectes, dans un seul groupe générique dont il semble l'ennemi né; pour capturer des espèces qui ont entre elles des différences considérables de taille, de configuration et de couleur? Car voyez, mon ami, combien se ressemblent peu le bizuttata à corps mince et al- longé , à couleur sombre ; l’octo-guttata ovale-oblong, à grandes taches d’un beau jaune sur un fond bleu ou vert; le mmicans, qui a trois ou quatre fois le volume du biguttata et une couleur métallique d’un beau vert doré éclatant! 11 m'est parfois venu à l'esprit que l’odorat, qui n’a point d’organe spécial dans les insectes, mais qu'il faut considérer physiologiquement comme une modification du toucher, contribue pour beaucoup à cette sagacité élective du Cerceris. Les Buprestes exhalent peut-être une odeur sui generis que notre membrane olfactive est inhabile à saisir, mais que le Cerceris, mieux doué sous ce rapport, flaire et suit à la piste. Il est encore dans les manœuvres de notre assassin des Bu- prestes un fait fort singulier, analogue à celui que vous avez publié dans l'histoire déjà citée de lOdynerus spinipes. Les Bu- prestes enterrés, airsi que ceux dont je me suis emparé entre les pattes de leurs ravisseurs, sont toujours dépourvus de tout signe de vie; en un mot, ils sont décidément morts. Je remar- quai avec surprise que, quelle que fût l’époque de l’inbumation de ces cadavres, non-seulement, comme je l'ai dit, ils conser- vaient toute la fraicheur de leur coloris, mais ils avaient les 364 LÉON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. pattes , les antennes, les palpes et les membranes qui unissent les parties du tronc parfaitement souples et flexibles. On ne re- connaissait en eux aucune mutilation, aucune blessure appa- rente. On croirait d’abord en trouver la raison, pour ceux qui sent ensevelis, dans la température fraiche des entrailles du sol dans l'absence de l'air et de la lumière, et, pour ceux enlevés aux ravisseurs, dans une mort très récente. Mais observez, je vous prie, que lors de mes exploitations, après avoir placé iso- lément dans des cornets de papier les nombreux Buprestes ex- humés, il m'est souvent arrivé de ne les enfiler avec les épingles qu'après trente-six heures de séjour dans les cornets. Eh bien ! malgré la sécheresse et la vive chaleur de juillet, j'ai toujours trouvé la même flexibilité dans leurs articulations. Il y a plus, c’est qu'après çce laps de temps, j'ai disséqué plusieurs d’entre eux, et leurs viscères étaient aussi parfaitement conservés que si J'avais porté le scalpel dans les entrailles encore vivantes de ces insectes. Or, une longue expérience m'a appris que , même dans un Coléoptère de cette taille, lorsqu'il s’est écoulé douze heures depuis la mort en été, les organes intérieurs sont ou desséchés ou corrompus, de manière qu'il est impossible d’en constater la forme et la structure. 11 y a donc dans les Buprestes mis à mort par le Cerceris quelque circonstance particulière qui les met à l’abri de la dessiccation et de la corruption pendant une ou peut-être deux semaines? Voyons si nous pourrions ar- river à la solution de cette question. J'ai observé que quelques-uns de ces Buprestes, un petit nombre à la vérité, avaient la tête déviée sur un côté et comme Juxée. J'étais d'autant plus porté à attacher quelque importance à ce fait, que je venais d’être témoin du suivant. Dans le même temps où j'exploitais les mines de Buprestes, je rencontrai plu- sieurs nids de Palarus flavipes approvisionnés, comme je vous l'ai déjà dit, avec des espèces et des genres très variés d’'Hymé- noptères. Ceux-ci, morts, mais flexibles dans leurs articulations, avaient tous, sans exceplion, la tête tordue comme si on les avait étranglés ; et pour peu qu'on les maniat sans précaution , ils se décapitaient facilement. Vous le savez, dans les Hyménop- tères, la tête, très mobile, n’est unie au prothorax que par un LÉON DUFOUR. — Aistoire des Cerceris. 365 pédicelle, un col fibro-membraneux; en sorte qu'il n’est pas dif- ficile au Palarus de la tordre avec violence, de la luxer. Cette sorte de strangulation amène inévitablement la lésion intérieure du cordon nerveux qui unit le ganglion céphalique au premier ganglion thoracique. Par l'effet de cette lésion, l'innervation est interceptée, il y a perte absolue de la sensibilité, ce qui déter- mine à l’instant une paralysie générale suivie tout aussitôt de la mort. C’est absolument comme ce qui arrive dans les grands animaux par la blessure profoude ou la section de la moelle épinière entre la première vertebre cervicale et le trou occipital. Je suis donc tres porté à croire que le Cerceris occasionne la mort prompte du Bupreste en piquant avec son dard vénénifere sa moelle épinière entre la tête et le prothorax. Ce genre d’as- sassinat est sans doute rendu plus exécutable au moment où ce Coléoptere s'efforce de sortir de son étroite prison, ce qui rend sa défense et même ses mouvemens impossibles. Il me reste à constater ex visu ce meurtre et ses circonstances, ce qui n’est pas facile. Abordons le phénomène , tout aussi digne de nos recherches, de l’incorruptibilité du cadavre. Dans votre intéressant Mé- moire sur l'Odynerus spinipes, vous avez observé, ainsi que Réaumur , ainsi que moi-même, que les Chenilles destinées par l’'Odynère à la nourriture de ses larves, avaient la faculté de se conserver fort long-temps fraiches et, dites-vous, dans un état delléthargie. Vous avez même acquis la certitude que cet état d’engourdissement peut se prolonger près d’une année, ce qui est un fait inoui. Vous pensez que le ravisseur peut bien ino- culer aux Chenilles une liqueur conservatrice, et vous obserez judicieusement qu'il était de toute nécessité que ces dernières fussent inertes ou paralysées, car les jeunes et tendres larves deviendraient, sans cette cendition, infailliblement leur victime. Cette explication est parfaitement applicable à nos Buprestes et à nos larves de Cerceris, toutefois avec cette circonstance que ces Buprestes sont bien positivement morts. La femelle du Cerceris, comme celles de l'immense majorité des Hyménopteres, est pourvue d’une glande vénénifique com- posée de vaisseaux sécréteurs, d’un réservoir et d’un canal ex- 366 LÉON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. créteur qui aboutit à un dard rétractile placé dans le voisinage de l'anus. Vous aurez pu voir, dans mes Recherches sur l’ana- tomie des Hyménoptères (1), les formes et la composition aussi variées que parfois élégantes de cet organe. Mais croyez-vous que cet appareil se borne à être une arme offensive, et ne pensez-vous pas avec moi que le liquide subtil qu’il excrète peut | avoir cette précieuse qualité conservatrice dont il vient d’être question? Pour moi, j'ai cette conviction intime. Il serait bien curieux que l'analyse chimique püt s'exercer sur cette liqueur, et surtout qu'on parvint à composer un aussi puissant anti- septique. Malgré les découvertes de M. Gannal sur la conserva- tion des chairs, on pourrait peut-être tirer parti de l’observa- tion fournie par nos Hyménoptèeres. Je crois avoir épuisé, mon ami , et l'industrie et les hauts faits de notre précieux ravisseur des Buprestes; il sera temps de vous en exquisser les métamorphoses. Je vous ai déjà dit que, dans chaque cellule souterraine du Cerceris, il y avait une larve avec sa ration de trois Buprestes. Voici le signalement de cette larve parvenue au dernier degré de son développernent : Lanva apoda, cephala, brevi autennata , elongata, albida ; subglabra, anticè attenuata, incurvo, hamata ; segmento postico paulo augustiore , oblongo. Long. 6-lin. ( PL. 11 À, fig. 3). Il lui faut peu de jours (sept ou huit) pour arriver au terme de son accroissement. Sa forme est remarquable , ainsi que dans beaucoup d'Hyménoptères fouisseurs , par la courbure en hame- çou de la partie antérieure du corps, courbure qui comprend les trois segmens constitutifs du thorax. Ceux-ci sont plus étroits que les suivans. La tête, dans cette situation, regarde en arrière, ainsi que l’exprime la figure ci-jointe (PL. 1 r A, fig. 3). Mais quand l’a- nimal est inquiété ou qu’il marche, il s’allonge et devient droit. Le corps se compose de treize segmens bien distincts, sans compter la tête. Ces segmens paraissent glabres à l'œil nu ou mème à la loupe simple, mais au microscope ils sont couverts (1) Ge travail, dont l'impression est terminée, paraîtra très prochainement dans le vir® vo— lume des Mémoires des Savans étrangers , publiés par l'Académie des Sciences. (Rép.) LÉON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. 367 d'un duvet tres fin et fort court. Le dernier est rétréci en une sorte de queue oblongue, et ce trait distingue surtout la larve du Cerceris de celle du Palarus, qui, avec la même taille, la même configuration générale, a ce dernier segment arrondi et non saillant. La tête de notre larve, au lieu d’être enfoncée dans le premier segment du corps, comme on le voit dans plusieurs Hyménop- téres, est au contraire dégagée de tous côtés, mobile, avec le contour occipital apparent. Elle est ovale-arrondie, tronquée en avant, et de texture un peu cornée. On y voit un chaperon transversal subquadrilatère, un /abre demi circulaire , et de chaque côté de la face une antenne fort petite, rudimentaire , d’une seule pièce, constatable seulement avec le secours des verres amplifians , et placée au centre d'un point obscur qui pourrait en imposer pour un œil. Les mandibules sont cornées, d'un brun clair, assez longues, acérées, susceptibles d’un grand écartement, et munies d’une petite dent près de leur pointe. Les autres parties qui composent la bouche ont un développe- ment remarquable, et peuvent, au gré de l'animal, exécuter des mouvemens assez étendus de protraction et de rétraction, Vous verrez bientôt qu’elles ne servent pas seulement à la man- ducation. Les mächoires sont deux pièces ovales-oblongues, semblables, à cause de leur texture contractile, à un mamelon, et terminées par un palpe rudimentaire d’une seule pièce. Le microscope y découvre quelques aspérités piliformes. La lèvre, susceptible de s’avancer au niveau des mächoires, ressemble à celles-ci par la forme et la grandeur. Elle se termine par deux points saillans qui sont les vestiges des palpes labiaux. La larve du Cerceris attaque ordinairement par la bouche les Buprestes qui lui sont destinés , et, une fois la brèche pratiquée, elle s’insinue dans les cavités splanchniques de sa victime dont elle dévore les viscères. L'atténuation et la courbure de la partie amtérieure du corps lui servent admirablement pour cela. Elle a déjà pris un grand développement lorsqu'elle consomme le Bupreste de son dernier repas, et il n’est pas rare de la trouver alors entrainant autour de son corps le prothorax ou quelque anneau de l'abdomen du Coléoptere. 363 LÉON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. Avant d’avoir découvert le cocon de la larve du Cerceris , la dissection de celle-ci m’avait déjà appris qu’elle devait en fabri- qoer un, puisque je lui ai reconnu des glandes sérifiques très développées et rameuses. Parmi les nombreuses larves de tout âge que j'ai exhumées et transportées vivantes dans mon labo- ratoire pour les étudier, j'ai été assez heureux pour constater la manière dont elles procèdent à cette fabrication. J'en ai surpris qui, émettant leur fil par la bouche, le dirigeaient dans tous les sens, soit par la grande mobilité de la tête, soit à la faveur du concours des mâchoires et de la lèvre, qui, par leur sou- plesse, leur faculté de se porter en avant, et les imperceptibles aspérités de leur surface, déploient une aptitude singulière à disposer les fils pour tisser l’étoffe du cocon. Voici le signale- ment de celui-ci : Folliculus sericeo-membranaceus, pallidè rufescens, oblongus, lageniformis, posticè rotundatus, anticè in collum , apice truncatum ocelusum attenuatus. Long. 6 lin. Ce cocon est presque toujours revêtu en dehors par de la terre et par de brillantes dépouilles de Buprestes qui y sont in- crustées. Cette enveloppe accessoire, mais qui a aussi une des- tination protectrice, masque la force réelle de ce berceau du Cerceris. Quand on l’a bien mis à nu en le nettoyant avec la pince et le pinceau, on voit qu'il est ovale-oblong , pyriforme ou plutôt semblable à ces capsules à goulot dont le chimiste se sert pour les placer au bain de sable. Le couvercle qui ferme le col est plane. Le tissu de ce cocon est mince , serré, lisse et glabre, soit en dehors, soit en dedans, comparable à de la pelure d'o- gnon, assez résistant ét scarieux, c'est-à-dire résonnant au tou- cher. Il est blond ou d’un roux päle. Je devrais à présent, pour compléter l'histoire des métamor- phoses du Cerceris, vous parler de sa nymphe, mais j'ai vaine- ment attendu deux mois cette transformation. L'observation vous à appris, ainsi qu'à moi, que dans un très grand nombre d'Hyménoptères, l’état de nymphe est ajourné à l'été de l'année suivante. C’est donc une lacune que je remplirai plus tard. Dans la coque du Cerceris, comme dans celle de l'Odynére, LÉON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. 369 je trouve en ce moment une larve engourdie, contractée et vouée à un jeüne austère d'environ onze mois de durée. Ce se- cond âge de la larve présente des différences notables avec celui où elle prend de la nourriture et de la croissance. Sa couleur est d’un jaune soufré , et ses anneaux sont tellement contractés, que le corps est tétraèdre et garni de quatre séries longitudi- nales de tubercules triangulaires. Elle est toujours courbée en hamecon , mais la tête est plus appliquée contre la poitrine, les mandibules sont condamnées au repos, et les mâchoires ainsi que la lèvre retirées et invisibles. La tête de la larve correspond au gros bout du cocon. Il y a dans la mission innée du Cerceris, de placer à une si grande profondeur du sol les berceaux de sa progéniture, un instinct presque sublime. Cette profondeur est l'indice que les larves devaient passer toute la mauvaise saison dans leurs cla- piers. Ne croirait-on pas que la sollicitude maternelle de ce faible insecte a eu pour but, dans ses travaux souterrains, de prémunir le corps délicat et l'existence passive de ses larves in- carcérées, contre les glaces et les inondations de l’hiver? Et ce- pendant la nature, dont il faut respecter jusqu’à ses rigueurs ou ses injustices apparentes, a dénié à cette mère si soigneuse le bonheur de voir, de connaître ses enfans! et cependant l'expérience n’a pas appris au Cerceris qu'il devait exister un hiver et des frimas, puisqu'il vient au monde à l'époque des plus fortes chaleurs de l'été, puisque après avoir satisfait à l’impérieuse loi de la reproduction de l'espèce, et avoir réglé les destinées actuelles et futures de sa famille, l'individu meurt avant la cessation de la température élevée! O sagesse infinie, il ne nous est pas donné de pénétrer la portée de tes desseins. Comme vous ne le voyez que trop , mon ami, ma lettre, par l'inspiration et l'entrainement du sujet, a pris, sans le vouloir, la forme d’un long mémoire ou d’une dissertation. Vous com- prenez, vous excusez une semblable extension, de semblables écarts, quand il s’agit de dérouler des faits aussi curieux. Je n’ai pas encore mis un terme à votre patience , et il me reste à vous faire connaître, par une description succincte, le héros de la pièce, le désormais célèbre Cerceris. XV. Zoou. — Juin, 24 370 LÉON DUFOUR. — Histoire des Cerceris. Gerceris bupresticida. PI. 15 À, fig. Cerceris bupresticide. Atra punctata, vix pnbescens; facie albido-subsericea; thorace immaculato ; abdominis fasciis quatuor dorsalibus, faciei maculis tribus, tegulis, pedibusque flavis ; femoribus dimidiatim nigris; crista inter antennas integra ; alis apice nigro fumosis. Long. 6-lin. Sic fœmina. Mas paulo minor; antennis 1$-articulatis ; tarsis anticis haud rastellatis ; abdo- minis segmento ventrali penultimo utrinque unispinoso. Has. æstate in floribus Galliæ meridionali-occidentalis (S. Sever) et Hispaniæ. La plupart des espèces de Cerceris ont des taches soit au cor- selet, soit à l'écusson , tandis que dans le bupresticide, ces par- ties sont tout-à-fait noires, ainsi que le premier segment nodi- forme de l'abdomen. Ce dernier est noir en dessous. La première bande jaune du dos a une petite échancrure en arrière, comme si elle résultait de la confluence de deux taches; les autres en ont une large en devant, et la seconde est hien plus distante de la première que des suivantes. Il n’est pas rare que les cuisses, surtout les postérieures, soient noires avec leur extrémité seule jaune. Le mâle est fort rare. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 11 À. Fig. 1. Cerceris bupresticida femelle, avec la mesure de sa longueur naturelle placée à côté. Fig. 2. Tète détachée et vue de face. Fig. 3. Larve de ce Cerceris , avec la mesure de sa longueur naturelle placée à côté. Fig. 4. Tête considérablement grossie de cette larve, pour mettre en évidence les antennes, les mandibules , le chaperon , le labre, les mâchoires et la terre. Fig. 5. Un cocon grossi de cette larve. Fig. 62 Etat particulier de la larva renfermée dans le cocon et vue en trois quarts sa face inférieure, E. DESLONGCHAMP. — /Moisissures chez un Eider. 371 Note sur les mœurs du Caxarp Einer (Anas mollissima atham), et sur des moisissures développées, pendant la vie, à la surface interne des poches aériennes d’un de ces animaux, Par M. Eupes DEscLoNGCHAMP. (Lettre adressée à M. Aupounx , le 16 octobre 1840 , et communiquée à l’Aca- démie des Sciences le 24 juin 1841.) Je viens d'observer une matière végétale parfaitement carac- térisée , développée à la surface d’une membrane animale, et dont le développement a eu lieu, à n’en pas douter, pendant la vie de l'oiseau qui a présenté ce singulier phénomène. Cette observation a piqué d'autant plus vivement ma curio- sité, que je ne connaissais rien de semblable dans les animaux vertébrés , et que, d’un autre côté, l'établissement d’un végétal vivant sur un animal vivant, me semble un fait de nature à intéresser au plus haut point la physiologie générale et la philo- sophie naturelle. La Muscardine, dont vous avez fait connaître la nature, et dont vous avez décrit si exactement les divers modes de repro- duction et de transmission , est sans doute, en tant que végétal enté sur un animal, un phénomène de même ordre que les moi- sissures développées à l’intérieur des poches aériennes de mon Eider; mais je ne crois pas qu'il y ait, dans les deux cas, iden- tité parfaite , ou, pour parler le langage des naturalistes, que ces deux phénomènes soient de la même espéce. Au reste, vous en Jugerez beaucoup plus sainement que je n'ai pu le faire moi-même, si vous voulez bien prendre connais- sance des remarques suivantes, ainsi que des dessins et des pièces qui les accompagnent. Je tracerai en peu de mots l'historique de mon Eïider, et les symptômes qui ont précédé sa mort; mais avant de présenter 24e 392 E. DeSLONGCHAMP. — ÆMoisissures chez un Eider. ces détails, je ferai connaître quelques particularités relatives aux Eiders de nos côtes. Pendant la saison rigoureuse, les pêcheurs de notre côte (1) tendent, à marée basse, de grands filets de forme carrée, qu'ils maintiennent dans une position horizontale et à une certaine distance de la surface du sable, pour prendre sous cet appareil, lors du retour du flot, certains oiseaux Palmipédes, tels que Milouinans, Macreuses, Morillons, etc., qui se nourrissent par- ticulièrement de Donaces et autres petits Mollasques vivant dans le sable. Ces oiseaux plongent obliquement pour chercher dans le sable leur nourriture ; en revenant à Ja surface de l'eau afin de respirer , ils sont arrêtés par le filet sous lequel ils se sont engagés : les Eiders, que l’on voit quelquefois sur nos côtes, viennent se faire prendre sous ces sortes de filets. Lorsque les pécheurs vont, à mer basse, visiter leurs appareils, ils y trou- vent presque constamment les Milouinans et les Macreuses noyés ; les Eiders, au contraire, s'y rencontrent presque tou- jours vivans, et ils échapperaient très aisément à l’investigation des pécheurs, si ceux-ci n’y regardaient de très près. Voici com- ment les Eiders parviennent à se cacher : Quand il ne reste presque plus d’eau sur le sable où est situé le filet qui le retient prisonnier , l'oiseau se met à piétiner rapidement sur la place où il se trouve ; pendant cette opération, le sable fuit pour ainsi dire sous ses pieds ; une fosse se creuse, l'oiseau s'y enfonce de plus en plus, et bientôt le sable, suspendu par l’eau, revient sur le dos de l’Eider, qui finit par s’ensabler si bien, qu’il ne reste dehors que la mandibule supérieure et le sommet de la tête. Je tiens ces renseignemens du garde-pêche de la côte d'Ouistreham, homme fort intelligent, qui m'a déjà fourni quelques faits curieux touchant les habitudes des poissons et des oiseaux qui fréquentent nos côtes. Au mois de décembre dernier, on donna à l’un de mes amis, M. le docteur Blot, qui habite la campagne à peu de distance de la mer, un Eider vivant, qui venait d’être pris dans un filet à Macreuses. Son plumage annonçait une femelle ou un jeune (1) Celle du Calvados, R. . DESLONGCHAMP. — Moisissures chez un Eïider. 373 mâle. Il n'était nullement farouche. On lui présenta du pain trempé destiné pour les poules ; il se mit à manger sans hésiter, sans regarder autour de lui. On lui coupa quelques plumes des ailes pour qu'il ne püt s'envoler, et on le laissa aller dans la basse-cour avec d’autres Canards, Oies, Poules, etc. Il fut bientôt accoutumé à ses nouveaux compagnons; il se montrait même tyran de ses congénères les Canards, les poursuivant à coups de bec lorsqu'ils avaient attrapé quelque pitance qu'il convoitait. Il mangeait de tout, pain, viande, vidanges de vo- lailles, limaçons , légumes cuits ; etc. ; lorsqu'il avait saisi quel- que chose, il courait vite à la mare, où il trempait, avant de le manger, tout ce qu'il avait pris. Il était presque toujours à l’eau. Lorsque la mare fut gelée, on cassa la glace pour qu'il püt se baigner ; quand il était las de plonger et de barhboter, il mon- tait sur un glacon, s’y accroupissait tout à plat, et paraissait se complaire dans cette position. Au printemps suivant , il changea de plumage, mais incom- plètement ; les nouvelles plumes étaient noires sous le ventre et gris-cendré sur la tête: on put juger alors que c'était un jeune mâle : il n’a jamais manifesté de passion pour les Canes. Trois semaines ou un mois avant sa mort, il paraissait moins actif qu'à l'ordinaire ; il mangeait moins et n'allait presque plus à la mare. On le voyait souvent alors allonger le cou , étaler ses ailes, comme s’il eüt respiré difficilement ; bientôt cette gêne de la respiration fut très manifeste : le pauvre animal appuyait à terre l'extrémité de ses ailes étendues, et. faisait de grands efforts pour faire pénétrer l’air dans sa poitrine. En tenant l'oi- seau entre les mains, on sentait facilement les fortes contrac- tions musculaires qu’il exerçait pour dilater ses cavités aériennes. On s'aperçut également qu’il était devenu fort maigre de très gras qu’il était auparavant. Le 2 juillet 1840, M. Blot, n’apercevant point son Eider dans la cour, le trouva mort dans l'endroit où il se retirait ordinai- rement pendant la nuit. 7/ éfait encore chaud. I me fut envoyé le jour même (1), et je procédai immédiatement à sa dissection. (1) J'avais manifesté à M. Blot le desir de disséquer son Eider en cas qu'il vint à mourir, 374 #. vesconccnamP. — ÂMousissures chez un Eider. Comme mon but était d'étudier le cœur et les gros vaisseaux, et de reconnaitre les particularités qu’ils pourraient présenter, j'employai toutes précautions pour ne déranger aucuns rapports. Les sacs aériens farent largement ouverts. Je fus fort surpris de trouver leurs parois tapissées de nombreuses plaques de moisis- sures. La plupart de ces plaques étaient circulaires, relevées en saillie, surtout en leur centre (PI. 11 B, fig.…..); il y en avait de diverses grandeurs , depuis 2 ou 3 millimètres jusqu’à quelques centimètres ; les plus grandes avaient une circonférence irrégu- lière et résultaient manifestement de la confluence de plusieurs plaques voisines dont les centres saillans laissaient deviner les points où elles s'étaient primitivement et isolément développées. Quoique plus nombreuses sur les parois du thorax, les plaques de moisissures se montraient partout où la membrane séro- muqueuse des cavités aériennes se prolonge; ainsi il y en avait sür les reins, sur les intestins, sur les os du bassin, dans les prolongemens des sacs aériens qui se rendent aux membres an- térieurs ; mais il n’y en avait point à la surface externe du péri- carde, ni sur les gros vaisseaux ; il n’y en avait pas non plus dans la trachée-artere , ni dans le larynx inférieur ; mais ceux des canaux bronchiques, qui traversent directement les pou- mons pour s'ouvrir dans les sacs aériens, en étaient couverts. Les canaux du côté gauche étaient tout tapissés de moisissures déjà anciennes et en pleine maturité, car leurs sporules étaient très développées , fortement colorées en vert sale, et réunies en capitules portés sur des filamens droits. Il n’en était pas ainsi des canaux bronchiques droits, dont les moisissures paraissaient tres récentes et sans teinte verdâtre (1). 11 ne m'a pas paru que celles des ramifications bronchiques qui se terminent dans la substance des poumons fussent affectées de moisissures; du pour m’assurer sil n'y aurait pas quelque disposition particulière dans les organes de la respiration , me fondant sur la faculté qu'auraient les Eiders, au dire des pêcheurs, de rester sous l’eau plus longtemps que les autres canards. , (x) I est à croire que la respiration , quoique génée, par la présence des moisissures dans les canaux du côté gauche, se faisait encore suffisamment pour entretenir Ja vie, tant que ceux du côté droit n'ont pas été affectés; mais, aussitôt qu'ils sont devenus le siège de La moisissure, l'animal est mort asphyxié. E. DESLONGCHAMP. — Moësissures chez un Eider. 375 moins les poumons, quoique un peu gorgés de sang, étaient perméables à l'air insuflé, surnageaient étant plongés dans l’eau, et n'offraient ni tubercules, ni ulcérations. D’après l’état de maturité ‘avancée des moisissures des bronches gauches, je se- rais porté à croire que c'est dans ce point que l'affection a paru d'abord, et que de là elle s’est propagée de proche en proche, vu que les sacs aériens du côté gauche contenaient des plaques plus nombreuses et plus grandes que ceux du côté droit. La membrane qui sert de séreuse aux parois du thorax et de l'abdomen , ainsi qu'aux organes contenus dans ces cavités, et qui est en même temps un prolongement de la muqueuse, de la trachée-artère et des bronches, était, sous les plaques larges et anciennes de moisissures , épaissie, rouge et assez fortement in- jectée de sang. Je détachai, par la dissection , un lambeau assez considérable de cette séro-muqueuse, et le plaçant par sa face externe sur un corps arrondi, afin d'étudier plus aisément les moisissures, je reconnus que l’on pouvait facilement enlever les plaques tout entières : une couche jaunâtre, résistante, très mince à la circonférence , et d'autant plus épaisse au centre qu'elle appartenait à des moisissures plus anciennes et plus lar- gement étendues , était interposée entre la surface de la séro- muqueuse et les petites Cryptogames auxquelles elle servait pour ainsi dire de sol. L’adhérence de la couche jaunâtre à la membrane, quoique intime, ne m'a paru ni celluleuse, ni vas- culaire, mais résulter de la juxtaposition de deux surfaces fine- ment granuleuses, à configuration réciproque; mode d’adhé- rence qui a beaucoup de rapport avec celui de la membrane épidermique de l'intérieur du gésier des oiseaux, et qui se dé- truit de la même manière. Ces couches jaunâtres m'ont paru wavoir aucune organisa- tion : mises dans l’ean bouillante et dans l'acide azotique, elles ne s’y sont point dissoutes ; elles me semblent de nature albu- mineuse, enfin de véritables fausses membranes, développées par suite de l'irritation de la membrane vasculaire et vivante à laquelle elles adhérent , et sécrétées par elles. Sous les grandes plaques de moisissures, la membrane séro- muqueuse était à-peu-pres uniformément rouge et épaissie. 376 E. DESLONGCHAMP. — AMoisissures chez un Eïider. Sous les petites, on voyait, vers le centre, un réseau vasculaire fort développé, entouré d’une zône où les vaisseaux s’aperce- vaient à peine; en dehors de la zône, les ramifications vascu- laires redevenaient visibles, mais moins serrées qu'au centre. La couche albumineuse mytifère ne dépassait point la circonfé- rence extérieure de la zône. ( Voyez la figure 2, qui représente grossi un fragment de la séro-muqueuse , sur laquelle était une plaque de moisissure d’environ trois millimètres de diamètre. La couche aibumineuse de cette plaque est représentée, égale- ment grossie , figure 3, par sa surface adhérente.) Les moisissures étaient d’un blanc mat sur les petites plaques; les grandes étaient, dans leur centre, d’une couleur cendrée verdâtre assez irrégulièrement distribuée; le reste était blanc ( voyez figure r). Étudiées à la loupe et au microscope, elles paraissent consister en des filamens transparens, non articu- lés, peu ou point ramifiés, formant un feutrage inextricable d'autant plus serré et à filamens d’autant plus fins, qu'on les examine plus près de la couche albumineuse qui leur sert de soutien, et où ils ont à peine + de millimetre de diamètre, tandis qu’à la surface externe de la plaque , ils ont presque le double. Partout, dans cette masse feutrée, existent en quantité immense de petites vésicules globuleuses ou ovoides, d’un dia- mètre égal à celui des filamens : ce sont sans doute des sporules. Elles sont blanches sur les parties blanches, et d'un cendré verdâtre sur celles de cette couleur. Dans les portions les plus serrées du feutre, ces sporules en remplissent les interstices ; là où les filamens sont moins serrés, les sporules sont rangés à la file les uns des autres, tantôt d’un seul côté, tantôt des deux côtés opposés de chaque filament. Sur un petit nombre de plaques de moisissures les plus anciennes, un certain nombre de filamens , redressés, étaient isolés du feutre , et se terminaient par une agglomération arrondie de sporules verdâtres (fig. 4, c, c). En soumettant à un fort grossissement ces filamens re- dressés , j'ai vu, parmi ceux qui soutenaient des sporules capi- tulés, d’autres terminés par un disque aplati, bordé (fig. 4, d, d), qui m'a paru étre le mode de terminaison des filamens, devenu apparent par la chute des sporules. J'ai vu encore ceux-ci ras- E. DESLONGCHAMP. — AMoisissures chez un Eider. 33; semblés et formant des mailles irrégulières à la surface des plaques de moisissures (fig. 5), ou bien des masses cylindroïdes (fig. 6). Quelque soin que j'aie mis à chercher si les filamens en- voyaient des fibres radiculaires dans l'épaisseur de la couche albumineuse, en coupant celle-ci perpendiculairement ou pa- rallélement à son épaisseur, je n'ai pu voir rien de précis à cet égard. N'ayant jamais fait d'étude approfondie des moisissures , je ne sais si l’espece dont je parle est nouvelle ou déjà décrite. J'eusse perdu un temps considérable à la chercher dans les des- criptions des mycographes, et il est fort probable que je serais resté dans l'incertitude sur sa détermination spécifique. J'ai dû me contenter de décrire et de figurer de mon mieux cette petite Cryptogame. Les hommes spéciaux prononceront. Quelques questions se présentent naturellement à l'esprit touchant le genre de relations que doivent avoir les moisissures avec la fausse membrane qui les supporte. Se sont-elles dévelop- pées aprés la sécrétion de celle-ci, trouvant là, comme par ha- sard, une matière d’origine organique, mais non vivante, et analogue à celles sur lesquelles elles se développent si fréquem- ment à l'air libre? Les moisissures ont-elles précédé la forma- tion de la fausse membrane, qui ne se serait produite que par suite de l'irritation, plus ou moins longue, excitée à la surface de la membrane normale et vivante par les radicelles des moi- sissures ? ou bien les moisissures et la fausse membrane se sont- elles propagées simultanément ? Ce dernier mode, ou la coïncidence dans le développement, me parait être l'expression du phénomène. En effet, 1° je n'ai aperçu sur aucun point la moindre trace de fausse membrane qui ne füt déjà toute couverte de moisissures plus ou moirs avancées; 2° je n’ai pas vu non plus le moindre vestige de moisissure qui ne füt séparé de la surface vasculaire par une fausse membrane, et l'épaisseur de celle-ci était toujours en rapport avec l'étendue et l’état plus ou moins avancé de la Cryptogamce. De l'exclusion des deux modes précédens , il me parait résulter 378 E. DESLONGCHAMP. — AMoisissures chez un Eider. que lorsqu'une sporule de moisissure, ou toute autre cause pro- pagatrice de cette végétation singulière, s’est fixée à la surface de la membrane vivante, le lieu excité est devenu aussitôt le siège du dépôt d’un point albumineux sur lequel la moisissure a commencé à s’accroitre ; celle-ci, étendant ses fibrilles vers une circonférence indéfinie, a entrainé, de la part de la séro- muqueuse, la formation d’une fausse membrane dont l’exten- sion a été la même que celle de la plante. De nouvelles couches albumineuses s’ajoutant, par-dessous, aux premières formées, et les dépassant successivement, explique la plus grande épais- seur du centre des couches. Il me parait certain également que la substance végétale n’a nulle part de connexion immédiate avec le tissu animal vivant; il n’y a pas de soudure, greffe ou prolongement de l’une à l’'autce, pas plus qu'implantation de l’une dans l’autre. L’inter- position d’une matière animale non vivante, du moins comme une membrane normale vasculaire , paraît donc être nécessaire pour que la matière végétale ait pu prendre naissance et s’ac- croitre. C’est surtout en cela que les moisissures dont je parle me paraissent s'éloigner de la Muscardine , car, si je ne me trompe, il résulterait des recherches de M. Audouin qu’elle :e développe sans intermédiaire sur le tissu animal. (1) La rareté du fait, sujet de mon observation , paraîtrait donc tenir plutôt à la difficile réunion de circonstances propres à fa- voriser la formation de fausses membranes sur une membrane vivante en contact avec l'air, sous l'influence de lexcilation déterminée par des sporules de moisissures, qu'à toute autre raison physiologique ou pathologique. Les grandes cavités aé- riennes des oiseaux dont les parois sont distantes et presque toujours libres de tout contact, offrent cependant les conditions les plus favorables ; mais comment se fait-il que les oiseaux de basse-cour, par exemple, ne soient point atteints de maisis- (x) La Muscardine ou plutôt la Cryptogame , qui constitue cette maladie se développe par ses radicelles , ou , pour parler plus exactement son tballus, qui croit au-dessus du tissu graisseux , en délruisant ses globules, finit par en occuper toute la place, ce qui amène la mort subite du Ver à soie et la solidité de son cadavre. V. Aur. E. DESLONGCHAMP. — ÂMoisissures chez un Eider. 370 sures (1), eux qui séjournent dans des lieux où ces productions végétales sont abondantes, qui avalent souvent des corps qui en sont tout couverts, eux enfin dont les voies aériennes doivent être si fréquemment exposées au contact des sporules suspendus dans l'air ? L'influence de notre climat, méridional relativement aux pays qu'habitent les Eiders, est sans doute entrée comme élé- ment essentiel de l’affection éprouvée par mon oiseau; mais il est impossible, je crois, de bien déterminer la part qui lui revient. Au reste, si l'influence du climat est aussi réelle qu’il le paraît, on pourrait aisément s’en assurer dans les établisse- mens où l’on élève et conserve des oiseaux étrangers ; nul, à coup sùr, n’est plus propice à cette constatation que le Jardin du Roi. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 11 B. Fig. 1. Morceau de la séro-muqueuse costale, sur lequel se voient plusieurs plaques de moisissure à divers degrés de développement. Fig. 2. Fragment de la séro-muqueuse très grossi, sur Jequel existait une plaque de moisissure (enlevée) d'environ trois millimètres de diamètre.On voit en son milieu une surface où les vaisseaux sont très injectés , bordés par une zône où les vaisseaux ne sont plus appareus. En dehors de la zône , les vaisseaux de la membrane sont de nouveau visibles , mais moins injectés et moins nombreux qu’au centre. La surface de ce fragment de membrane est couverte de granulations, qui correspondent aux enfoncemens de la couche albumineuse, Fig. 3. Couche albumineuse détachée du fragment de membrane , représenté fig. 2 , vue par sa surface externe ou celle correspondante à la séro-muqueuse, elle est également couverte de granulations. Fig. 4. Petit buisson de moisissures considérablement grossies.— « , a. Coupe de la couche albumineuse ou fausse membrane; 4, 6. filamens blancs, feutrés , dont les interstices sont remplis de sporules blanches ; e, c. sporules verdâtres , réunies en capitule au sommet des “2 filamens redressés ; d, d, sommet de ceux-ci dépouillé de sporules ? Fig. 5. Sporules agglomérées , formant des mailles irrégulières à la surface des plaques de moisissures. Fig. 6. Sporules agglomérées en masses cylindroïdes , répandues à la surface des plaques. (x) Au reste , il me parait impossible d'admettre que de pareilles épigénies soient aussi rares que le silence des observateurs pourrait le faire croire. On néglige presque toujours de rechercher, par la dissection, la cause de la mort d'animaux sur iesquels la médecine vétérinaire n'a pas defprétentions. Le hasard seul amène des découvertes analogues à la miepne, — 2) É—— — 380 Prix proposés par l’Académie de Bruxelles. ProGrammE des prix relatifs à la zoologie, proposés par l’Aca- démie des Sciences de Bruxelles pour le concours de 1842. $ r. « Faire la description des Coquilles et des Polypiers fossiles des terrains ar- « doisier, anthraxifère et houiller de la Belgique, et donner l'indication précise « des localités et des systèmes de roches dans lesquels ils se trouvent. » s $ 2. « Faire la description des Coquilles et des Polypiers fossiles des terrains ter- « tiaires de la Belgique, et donner l'indication précise des localités et des sys- « 1èmes de roches dans lesquels ils se trouvent. » Dans les réponses aux deux questions qui précèdent, la synonymie des es- pèces déjà connues devra être soigneusement établie , et la description des nou- velles espèces accompagnée de figures. $ 3. La théorie de Ja digestion a acquis un caractère tout positif, après les belles recherches chimiques que la science possède déjà sur le chyme, il serait à desirer que ce dernier fût soumis à une investigation microscopique plus détaillée. L'Académie propose donc : « 1° De faire des recherches microscopiques approfondies sur les parties qui « composent le chyme, eu général ; « 2° D’établir les rapports qui existent entre ces parties et certains alimens, « tels que l’albumen, la gélatine, le lait et ses produits, J’amidor , etc. » L'Académie propose dès à présent, pour le concours de 1843, les questions suivantes : Sr Le gonflement et l’affaissement alternatifs du cerveau et de la moelle épiniere, isochrones avec l'inspiration et l'expiration, ne sont pas encore suffisamment expliqués. L'Académie demande : « 1° Quelle est la cause irmediate de ce phénomence ? « 2° Quelle est, en général, l'influence de la respiration sur la circulation « veineuse ? Prix proposés par l’Académie de Bruxelles. 381 $ 2. « Faire la description des Coquilles fossiles du terrain crétacé de Belgique, « et donner l'indication précise des localités et des systèmes de roches dans les- « quelles elles se trouvent. » Le prix de chacune de ces questions sera une médaille d’or de la valeur de six cents francs. Les Mémoires doivent être écrits lisiblement en latin, français ou flamand, et seront adressés, francs de port, avant le 1°° février 1842, à M. Quererer, secrétaire perpétuel de l’Académie. —“_e— PUBLICATIONS NOUVELLES. Ogservariows sur les Ascidies composées des côtes de la Manche, par M. Mrrxe Evwarps. 1 vol. in-4° avec 8 planches. Ce travail, dont un extrait a été inséré dans le treizième volume des Annales, est divisé en deux parties. Das la première, l'auteur expose ses recherches, 1° sur la circulation chez les Ascidies composées , 2° sur le mécanisme de la respiration , 3° sur les organes de la génération et les zoospermes, 4° sur le développement de l'œuf et des larves de ces animaux, 5° sur leur multiplication par bouture. Dans la seconde partie, M. Milne Edwards fait l'application des faits précédemment exposés à la classification des Ascidies en général, et décrit les principales espèces qui habitent les côtes de la France. Hisroire naturelle des Infusoires, par M. F. Dusarp, doyen de la Faculté des Sciences de Rennes. 1 vol. in-# avec atlas de 22 planches. Dans cet ouvrage, qui fait partie de la collection de traités sur diverses branches de l’histoire naturelle, publié par le libraire Roret, sous le titre de Suites à Buffon , M. Dujardin développe les opinions dont il a souvent entretenu les lecteurs des Annales relativement à la structure des Infusoires proprement dits, et il expose l’ensemble de ses recherches sur cette division du règne animal. Hisrorre naturelle des Insectes Aptères, par M.le baron WaLcxe- NAER , membre de l’Institut. Deuxième volume. Cet ouvrage, appartenant à la même collection que le précédent, comprendra l'histoire des Myriapodes et des Iusectes hexapodes aptères aussi bien que celle des Arachnides. Le second volume, que nous annoncons ici, complète l’histoire de la division des Aranéides, a © Q nn — TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. PHYSIOLOGIE. Observations sur l’origine et le mode de développement des Zoospermes , par M. LALGEMAND. . . - . : ee, +. . .. . . . . A 30 Recherches sur les modifications de proportion: de quelques principes du sang dans les maladies, par MM. Anpraz et Gavarrer (Suite) 2 Nouvelles recherches concernant l’action de la Garance sur les os, par M. Frourens . as tt dovmatis Mods zsreal sabie ten! oh arneteotefit Observations sur les vaisseaux lymphatiques de la Salamandre et de la Grenouille, par M. Rusconr . .- - . . . . . . . . 11 USE 269 Note sur les globules du sang du Cryplobranchus japonicus , par M Vannes HOEVEN Fr. 51-28 -.- - =: 0e 4-0 ee 5, {e, de de C281 Observations sur le developpement des soospermes de la Baie, par M. LALLEMAND. Observations sur le :ôle des zoospermes dans la génération, par M. Lar- LEMAND . - . 262 ANIMAUX VERTÉBRÉS. Recherches sur divers ossemens fossiles attribués par Cuvier à deux Phoques, au Lamantn et à deux espèces d'Hippopotame, et rapportés au Méta- xythérium, nouveau genre de Cétacé de la famille des Dugongs, par M. J. pe CarisroL. . A ce + Velo 007 Notes anatomiques sur divers organes d’une Baleinoptère , par M. Ravin. 337 Note sur les mœurs du Canard Æider , et sur des moisissures développées, pendant la vie, à la surface externe des poches aériennes d’un de ces animaux, par M. Eunes DEscoNccæamP , . . . . . HOT Table des matières. 383 ANIMAUX ARTICULÉS- Note sur quelques espèces de l'ordre des Acariens , par M. Gervais . . 5 Sur quelques points de l'organisation des Zimules , et description plus par- ticulière de leurs branchies, par M. Duvrnnoy. . . . . . . SNPNE) Sur une nouvelle forme de branchies, découverte dans une espèce de Crus- tace Décapode (Genre Aristée}, par M. Duvernoy. . . . . . . . 1o1 Sur un nouveau genre de l’ordre des Crustacés Isopodes, et sur FA type de ce genre, le Képône type , par M. Duvernoy. . . . . . . 110 Essai d'une monographie des organes de la respiration de l'ordre des Crustacés Isopodes , par MM. Duvernoy et LEREBOULLEr . . . . . 177 Remarques sur la phosphorescence de quelques animaux articulés, par M DOUN ne een clhchiemen : à © cmd Qoinct noir tt) 20S Observations sur les métamorphoses du Cerceris Bupresticida et sur l'indus- trie et l'instinct entomologique de cet Hyménoptère, par M. L. Durour. 353 MOLLUSQUES. Recherches sur le développement des Aplysies, par M. Van BENEDEN. 123 ZOOPHYTES. Observations sur le développement et les métamorphoses des genres Cam- panulaire et Syncoryne, par M. Lowen. . . . . . . . . . . . 157 MÉLANGES. Programme des prix relatifs à la Zoologie, proposés par l’Académie des nr de bruxelles ER be. 02 chu Ucle à 380 Annonces d'ouvrages nouveaux. . . SMART 186 ED TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. Axpraz el Gavarrer,—Recherches sur les modifications de proportion de quelques principes du sang. .:..... Aupouix. — Remarques sur la phos- phorescence de quelques animaux ar- Moules 2er creerCerr eee Caisroz. — Recherches sur divers os- semens fossiles attribués par Cuvier à deux Phoques, etc., et rapportés au Métaxythérium, nouveau genre de Cétacé de la famille des Dugongs... Desconccaame.—Note sur les mœurs du Canard Eider et sur des moisissures développées pendant la vie, à la sur— face interne des poches aériennes d'un de ces animaux, ............... Durour. — Observations sur les méta- morphoses et les mœurs du Cerceris Bupresticida li". | diese se se Duvernox. — Sur quelques points de l'organisation des Zimules et descrip- tion plus particulière de leurs bran— chies, -Listue uisistateinis is nioje,s siatete 00 0 — Sur unenouvelle forme de branchies, découverte dans une espèce de Crustacé Décapode (genre Aristée)......... — Sur un nouveau genre de l’ordre des Crustacés Isopodes ( genre Képone). . 256 307 371 353 10 101 110 Duvernoy et LEREBOULLET. — Essai d’une Monographie des organes respi- ratoires de l’ordre des Crustacés I50- podessie.. ete eteatt-e-teary Frourens.— Nouvelles recherches con cernantl’action de la garance surles os. 241 GavaRET ( voyez ANDRAL). Gervais. — Note sur quelques espèces de l’ordre des Acariens........... 5 Larremaxn. — Observations sur l'ori- gine et le mode de développement des ZOOSPETMES.. essor... 30 — Observations sur le développement des zoospermes de la Raïe......-...6257 — Observations sur le rôle des z00- spermes dans la génération........ 262 Lowex. — Observations sur le dévelop pementet les métamorphoses des genres Campanulaire et Syncoryne . ....... 157 Ravix. — Notes anatomiques sur divers organes d’une Baléinoptère. ....... 337 Rusconr. — Observations sur les wais- seaux lymphatiques de la Salamandre et de la Grenouille. ............. 249 Van Benspen. — Recherches sur le développement des Aplysies........ 123 Vax per Hoeven.— Sur les globules du sang du Cryptobranchus japonicus... 251 TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Prancn 1. Développement des Aplysies. Acariens. 2 3. Organisation des Limules. 4. A. Aristeus antennatus. — B. Kepon typus. 5. Branchies de l’Aristée, 6. Branchies des Isopodes. 7. Nouveau genre de Mammifère fossile ( Metaxytherium ). A. Campanulaire. — B. Syncoryne. 8 9. Anatomie de la Baléinoptère. o. Développement des zoospermes de la Raie. 11. À. Métamorphoses des Gerceris. — B. Moisissures de l'Eider. FIN DE LA TABLE DU QUINZIÈME VOLUME. Zoot. Tom. 15. Mr. € Noiret ceulpr £mbryogente des Aplysiwes Zoot Tom .15. PL. 2. Aeariens Ann.des Seine. nat. 2° Serie Zoot.Tom.15. 71.8. Anndes Saiene.nat . 2° Jerte È Ÿ 5 SNJ 3] Ÿ È $ Ê DS CS | classe US ne dE à Ann. der faenc nat 2° Série Zool-Tonv15 70 3. À. Aristeus antennatus, Dur. ——— D. Xepon typus, Due r # Ann der Seience.rat . 2° Jerte. Pranchies de l'Aristee Zool.Tom.15. LL. 5 Zool.Tom.15.71.6. Branches des ropodes Ann. des sctenc. nat Zool. Tom. 15 PL.7 —— | Fig.16 J. de Christol del Émile Beau Lith {nn des saine. rat 2°Jétie : Zool Tom. 16 Fly il Ernile Beau Lith J dCi de Christol del I Lith.d'Artus Nouveau cenre de Mammifere Fossile. (. Motarypherium Zool Tom. 15. 11.8 22 Jerte - Ann.des Scene. nat. B.:-10, Syncoryne.. À.1-18, Campanulaire Ann.des Seienc. nat. 2° Serie. Zool.Tom.15. PL. 9. Anatomce. de la Balenoptere. Zoot.T. 15, Pl.10. Inp.e P Binraezs. EE — —_——_RT | An des amies zutde 2° Serre. ü é Zoot T5, Plra 1 4 l'4 | z | n4 = À 72 b \ :6 re) :© à 7 | 1H iareaz, aid. Tag. £a P Binaas Développement des Zoupermer de la Haré Ann.dec Jene. nat. 2° Sert Zool Tom.15. Pl. À FA A R— ÿ ' à = À D æ RAT à Wa 0 7 \ \ A è 7 | Ÿ A | t | 1 À b 0) : 1 ? EE, \ TZ $ A) Le, ( — À ? NZ \ L A. Metimorphoses du Cerceris buprestcilr B.Mocrwsures de l'Etder Fa ei > ké 7 E Le + > U NAS in du. 0: fr DR. à 46e De € - DS 4 we” a … Fr. © RSS pr DR JU EN 7 4 tr fi