3%: 5 end « Au Ut AIT « À Vu .? N AZLIRITE té met ; L 1 Ra 3 1 Ar M . , à «5 (PIS ] 2» ls » . CPR à p ? : L US Use PAC Le « L) ‘ ñ D) ‘ à dx Va - … ‘ 6% à … + Pain à Su ; "! , CR, … 4 ET + g sd “ 4 : à + , ANNALES SCIENCES NATURELLES. TROISIÈME SÉRIE. LOOLOGIE. ———————_———_—___—_———— PARIS, — IMPRIMERIE DE L. MARTINET, ruo Mignon, 2, Z.D. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE , L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES ET L’HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES ; RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIE PAR M. MILNE EDWAKDS, ET POUR LA BOTANIQUE PAR MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE. Troisième Série. ZOOLOGIE, TOME DIX-SEPTIÈME. PARIS. VICTOR MASSON, PLACE DE L'ÉCOLE=DE-MÉDECINE, 17. 1852, Levin do w rt v Paie ‘+. : RAA “eee mi Tru van das DER Do: aie A) Le st à 6 pif LES ons AE VUTR NUL F TE TOR re pui de mi 5 ee ee CET ETEN LE us PAU pl ROUSAM AMEUET: 3.04 | EL te D'ICIOTE LL use : ns ee ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. PARTIE ZOOLOGIQUE. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA TEMPÉRATURE DES REPTILES, ET SUR LES MODIFICATIONS QU'ELLE PEUT SUBIR DANS DIVERSES CIRCONSTANCES, Par le D' Auguste DUMÉRIL, Aide-Naturaliste au Muséum d'Histoire naturelle, membre de la Société philomuthique, Le but que je me propose dans ce mémoire est d'exposer les résultats fournis par les nombreuses expériences auxquelles j'ai soumis des Grenouilles et des Ophidiens de grande et de petite taille. Ces expériences sont destinées à éclairer certains points obscurs de physiologie relatifs à la température de ces ani- maux. Je n'ose pas espérer avoir entièrement rempli la tâche difficile que je m’élais imposée; mais j'aurai, du moins, apporté pour l'étude de la calorification chez les animaux à température va- riable, quelques matériaux consciencieusement recueillis à la source si féconde de l’expérimentation, 6 A. DUMÉRID — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES I. Température propre des Batraciens. L'objet principal que les observateurs aient eu en vue dans leurs recherches a toujours été la détefminatiof de la témpéra- ture propre des animaux, qui semblent se mettre en équilibre avec celle du milieu qu'ils habitent. Malgré tout l'intérêt qui s'attache à cette question, je ne m'y suis pas très longuement arrêté, parce qu’elle est une de celles qui ont été le plus soigneusement élucidées. Le récit, fait par Dutrochet (Recherches sur la chaleur propre des animaux à basse température, Ann. des sc. nat. Zool., 2e sé- rie, t. XIII, p. 12, 1840), des observations qui avaient précédé les siennes, me dispense de rappeler les résultats obtenus par Martine, J. Hunter, J. Davy, Czermack, MM. Prévost et Dumas, Berthold, et par lui-même. Les chiffres notés par ces différents observateurs varient beau- coup. Martine, en effet, porte la température propre de la Gre- nouille à 2,7 c. (5° F); tandis que Berthold, établissant, avec raison, une différence entre l'observation faite dans l’air, ou dans l’eau, à trouvé l’animal, dans le premier cas, plus froid que l’atmosphère, et dans le second, en si parfait équilibre avec le liquide, que le thermomètre ne lui a indiqué aucune diffé- rence. À l’aide de l’appareil thermo-électrique, cette différence à été saisie par Dutrochet, qui a constaté, chez la Grenouille, une température propre de 3 à 5 centièmes de degré centé- simal. Mes propres observations sur la Grenouille verte ont eu pour but, non pas seulement de me faire connaître quelle différence il peut exister entre sa température et celle du milieu ambiant, mais surtout de m'éclairer sur les causes qui peuvent influencer celte température animale : tel est le problème que j'ai surtout étudié. | Cherchant d’abord à ne pas modifier les conditions ordinaires dans lesquelles les Grenouilles vivent à la ménagerie des Reptiles pendant l’hiver, c’est dans de l’eau dont la température était SUR LA TEMPÉRATURE DES REPTILES. ël identique à celle du liquide où elles se tiennent ordinairement, que j'ai commencé mes recherches thermométriques (1). Elles m'ont fourni les résultats suivants avec six Grenouilles : Are, 2! a £e: 5°, 6°. Température dans l'eau, . , 45,5 45°, . 16°,2 459,6 45,6 16° Température dans le cloaque. 46° 16° 16°,6 469,3 16°,2 469,5 La Grenouille a donc üne chaleur propre, un peu supérieure à la chaleur de l’eau où elle séjourne habituellement ; mais les petites différences indiquées dans le tableau n’ont jamais dépassé 0,7, et, dans un cas, on n'a noté que 0°,3. IL Modifications de la température des Grenouilles sous l'influence du refroidissement du milieu ambiant. Si l’on se place dans d’autres conditions, les résultats ne sont plus les mêmes. Ainsi, quand on transporte une Grenouille de l’eau à 14 ou 15 degrés, où elle vit habituellement, dans une eau beaucoup plus fraiche, on voit apparaître, enlre la température de l’animal et celle de ce nouveau milieu, une différence plus mar- quée. On acquiert alors la preuve que les Batraciens raniformes possèdent une certaine force de résistance au refroidissement. Si, par exemple, on s’en tient à une différence de 7 à 8 degrés avec le milieu habituel, comme je l'ai plusieurs fois répété, on voit : 1° Que la température de l'animal est notablement abaissée, (4) Toutes les études consignées dans ce travail ont été faites avec le thermo- mêtre. Dans la plupart, ce sont des modifications de la température initiale, sous l'inluence de certaines causes, que j'ai voulu connaître. Or, pour de semblables observations , le thermomètre est préférable à l'appareil thermo-électrique, dont l'emploi offre, il est vrai, les plus grands avantages pour les mesures com- paratives dé la chaleur des diverses partiés du corps. Quand, au contraire, c'est un milieu, dont la température doit être toujours constante, qui sert de terme de comparaison , relativement à l'animal expérimenté , il est très difficile d'éloigner toutes les causes d'erreur , et il faut se rappeler que les plus légères même exercent, avec une extrême facilité, une influence manifeste sur l'instrument mul- tiplicateur, Je me suis, d'ailleurs, autant que possible, entouré de toutes les précaulions indispensables dans l'usage du thermomètre, 8 A, DUMÉRIL, -— RECHERCHES EXPÉRIMENTALES puisque, de 16 à 17 degrés environ qu’il portait dans une eau à + 15° ou 16°, il est descendu à 8°,6 et même jusqu’à 8 degrés, dans une eau dont la température variait entre + 6°,5 et 8 de- grés ; 2 Que, pendant une heure cinquante minutes qu'a duré une expérience, prise comme exemple, le thermomètre, placé dans le cloaque, a, malgré cet abaissement, toujours indiqué un chiffre supérieur à celui du thermomètre plongé dans l’eau; 3° Que les limites de ces différences ont été, d’une part, 0°,2, et de l’autre 20,2; mais que c’est le plus souvent entre ce dernier nombre et 0°,7 qu’elles se sont maintenues; k° Que c’est au moment où l’eau a été le moins chaude, que la Grenouille, résistant le plus à ce rafraîchissement, non seule- ment n’y a pas participé, mais a même produit un peu plus de chaleur, Le thermomètre du cloaque n’a, en effet, indiqué le maximum 8°,6, que dans les moments où l’eau était descendue de 8 degrés à 60,8 ou 6°,5. Le tableau suivant, où les phases de cette expérience sont in- diquées, montre ces oscillations et leurs rapports avec celles de la température de l’eau. Pa due A My ce 8° 10,9 418 AULGP SR TD 0 Mo 6°,5 comparées | de la Grenouille. S8°.3 8° 8°,5. 82,6 80,3 8°,5 8°,6 Ces faits sont d'accord avec les résultats d’une observation de Czermak (1), qui a trouvé la température d’une Grenouille à 8°,9, quand l’eau dans laquelle elle vivait était à 6°,7. Les Poissons opposent aussi une certaine force de résistance au froid, comme on en a la preuve par la difficulté que Hunter éprouva à déterminer la congélation de l’eau qui entourait immé- diatement deux Carpes (2), quoique le reste de l’eau fût pris, et que de nouvelles quantités de neige fussent, à plusieurs reprises, mêlées à l’eau. (1) Elle est citée par M. R, Owven dans une note aux OEuvres complètes de J. Hunter, édit. franc, t. IV, p. 220. (2) Ofuvres complètes, t, I, p. 328, SUR LA TEMPÉRATURE DES REPTILES, 9 Certains faits, observés par M. Robert Latour, viennent égale- ment à l’appui de ceux que m'ont fournis mes propres recher- ches. Cet expérimentateur a vu, il est vrai, à la suite d’oscilla- tions où l'avantage était le plus souvent pour l'animal, l'équilibre parfait s'établir entre celui-ci et l’eau , à des degrés de chaleur variables, dont les limites étaient, d’un côté, + 6°, et de l’autre 29°,75 (1). Et cependant à + 6°, cet équilibre n’a persisté que pendant dix-sept minutes; pour qu’il fût durable, il fallait que la température de l’eau remontât à 11 ou à 12°,5, ou même à un degré supérieur , sinon la force de résistance au refroidisse- ment se manifestait, et, par conséquent, l'équilibre était rompu. Quelle est, en définitive, la limite de cette force de résis- tance ? Les faits suivants répondent à cette question. Trois Grenouilles, dont la température initiale était de 13° à 15°,3, ont été transportées, de l’eau où elles vivaient, dans une eau à 6 ou 7 degrés, qui a été graduellement refroidie jus- qu’à 0°. Tant que le thermomètre plongé dans ce liquide n’est pas des- cendu au-dessous de + 1°, on a noté chez ces Grenouilles, com- parativement à l’eau, une différence qui n’a jamais été moins de 1°,2, et qui s’est même élevée jusqu’à 3 degrés. Elles ont donc, jusqu'à ce moment-là, résisté très manifestement au refroidisse- ment du milieu ambiant. Il n’en a plus été de même lorsque l’abaissement de tempéra- ture a été plus considérable encore. Au-dessous de + 4°, et sur- tout à 0°, la force de résistance au froid a presque toujours diminué, et deux des Grenouilles observées alors ne portaient plus que + 0°,5. Jl ne faut pas, au reste, regarder comme très puissante cette force de résistance, puisque, pour la vaincre facilement , il suffit d’expérimenter d’une façon un peu différente de celle qui vient d’être indiquée. Si, en effet, au lieu d'amener lentement l’eau (4) Expériences servant à démontrer qu'il ne se développe pas d'inflammation chez les animaux à sang froid, 4843, p. 7-8. 40 A. DUMÉRIL. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES dans laquelle l'animal est plongé, à des conditions thermomé- triques un peu supérieures où même semblables à celles dé la glace fondante, on l’introduit subitement , sans transition, dans une eau à 0 degré, la température de ses organes intérieurs étant de 15°,5, on le voit, au bout de vingt-cinq minutes , ne plus indi- quer que + 0°,3. Pour faire descendre les Grenouilles à -+0°,5 ou -0°,6, dans les expériences précédentes où le refroidissement du liquide était graduel, il avait fallu, au contraire, une heure cinq minutes; et une demi-heure plus tard, loin que l'équilibre se fût déjà établi entre le liquide et les Grenouilles, l’une d'elles montrait 0°,8, c'est-à-dire 0°,2 de plus que l’eau, et la seconde était restée stationnaire à + 0°,5, le milieu ambiant étant toujours à 0 degré. Contrairement à ces faits, la Grenouille, dans la nouvelle expé- rimentation dont je parle maintenant, eut bientôt perdu les 0°,3 qu'elle avait en plus que l’eau dans laquelle un séjour de qua- rante-Cinq minutes à peine avait suffi pour établir l'équilibre, et à partir de cet instant, l'observation ayant été continuée encore pendant trois quarts d'heure , le thermomètre du eloaque et celui du liquide restèrent constamment à 0 degré. IT. Résultats de la congélation des tissus et des liquides chez les Grenouilles. Cette force de résistance au froid extérieur a été vaineue plus complétement encore par un autre mode d’expérimentation dont les résultats intéressants doivent être consignés ici. Ce n’est plus dans l’eau que j'ai cherché à refroidir les Gre- nouilles, sa congélation pouvant devenir un obstacle à l’accorm- plissement indispensable des actes de la respiration, mais dans l'air, dont j'ai beaucoup abaissé la température, en plaçant dans un mélange réfrigérant lé vase qui contenait les animaux. J’ai vu alors, la tempéralure de l’air environnant étant descen= due à — {e el à — 59,5, celle de ces Batraciens eux-mêmes des- cendre à — 0°,3 et à — 0°,9 , et jusqu’à — 1°, lorsqu'on trouvait à l'intérieur du vase — 110 et -— 1%. A — 06,9 et à —1°, l'animal restait daus une immobilité com- SUR LA TEMPÉRATURE DES REPTILES. al plète ; les membres étaient roides et endurcis, et toute l’enve- loppe tégumentaire avait pris uïe consistance égale à celle du bois ; les mouvements respiratoires étaient nuls. Les yeux, comme revenus sur eux-mêines , et recouverts par les paupières , n’of- fraient plus leur saillie habituelle. Ce qui, enfin, démontre mieux encore combien le froid avait agi énergiquement, c’est qu'ayant ouvert une de ces Grenouilles qui était à -— 0°,9, j'ai trouvé tous les liquides intérieurs gelés ; l'inteslin était dur, ainsi que le foie qui était d’un rouge noirâtre, et que le cœur qui était distendu et parfaitement immobile, au milieu de la mince enveloppe de glace interposée entre ses parois et le péricarde. Déjà , sur un autre de ces Balraciens qui, après un séjour de plus de trente minutes au milieu d’une atmosphère à — 10° mar- quait — 0°,3, j'avais constaté un trouble manifeste dans la cir- culation : l'oreillette seule se contractait et avec lenteur ; quel- ques légers mouvements des fibres musculaires du ventricule ne constituant qu'une systole très imparfaite , se produisaient à des intervalles irréguliers et inégaux. La section des membres démontrait un arrêt dans la marche du sang, qui reprit son cours à mesure que les différents actes de la respiration reparaissaient, comme le prouvèrent et la nouvelle énergie des battements du cœur, et l’abord de ce liquide dans le tissu musculaire des mem- bres redevenu rouge, ainsi que son écoulement par les ouver- turcs des vaisseaux coupés, Deux autres observations , comme la précédente , démontrent que la mort n'a pas été le résultat de cette congélation. Ainsi, une Grenouille, dont la rigidité était complète, et dont la tempé- ralure intérieure était à — 4°, après un séjour de deux heures dans une atmosphère à — 12°, est mise en contact graduelle- ment avec de l’eau à + 5°, qu’on ne verse sur elle que par pe- tites quantités. Peu à peu, on emploie de l’eau de moins en moins froide. Après une immobilité complète de quinze minutes pendant laquelle la roideur des membres et du tronc a disparu , quelques légers mouvements se remarquent dans le train postérieur : très rares d'abord, ils deviennent ensuite plus fréquents, surtout 12 A. DUMÉRIL, —- RECHERCHES EXLÉRIMENTALES quand on excite l’animal ; puis on voit, à travers les téguments, les contractions successives et régulières des cavités du cœur. À mesure enfin qu’on s'éloigne du moment où l’animal a été sous- trait à l’action du froid, on voit reparaître, une à une, toutes les manifestations de la vie, sans que les mouvements respiratoires aient encore eu lieu d’une facon bien apparente. Au bout d’une heure, la Grenouille nage avec facilité quand on l’y excite, et cinq jours après l'expérience, elle est parfaitement vivante. Chez une autre Grenouille, qui portait — 0°,9, j'ai trouvé les organes et les liquides gelés, et elle m’a donné le spectacle d’une résurrection semblable à celle que je viens de décrire. Sous l’in- fluence soigneusement ménagée d’une eau à une température de moins en moins basse, j'ai vu tous les organes, durcis par la con- gélation, revenir à leur état de mollesse ordinaire, le foie et le cœur reprendre leur teinte normale, et ce dernier arriver, par degrés, à une régularité et à une amplitude de contractions qui formaient un contraste bien surprenant avec l’immobilité absolue qu'il offrait d’abord, et qui semblait attester un arrêt définitif de la vie. En même temps que la circulation se rétablissait, l'abord de l'air avait lieu dans les poumons, et tout l’ensemble des phénomènes ainsi reproduit, l'animal, malgré la section des parois thoracique et ventrale, se mit à nager facilement et avec rapidité. Je n’insiste autant sur ces faits que parce qu’ils sont en désac- cord avec les observations de Hunter, qui n’a jamais vu revenir à la vie, après qu'ils eurent été dégelés, des Poissons qu'il avait soumis à la congélation (dEuv. compl., édit. frane., t. X, p. 329, ett. IV, p. 227). Quant à des expériences du même genre, faites sur des Rep- tiles, je ne trouve que peu d'indications dans les auteurs. Je puis cependant citer le récit fait par Maupertuis, et relatif à des Salamandres qui ont continué de vivre, quoique plongées dans la glace où leur corps avait pris une telle roideur, qu’il paraissait lui-même solidifié (ist. de l'Acad. des sc., 1729, et Mém., p. 45). Hunter a placé, au milieu d’un froid artificiel, une Grenouille SUR LA TEMPÉRATURE DES REPTILES. 13 dont la température descendit à — 0°,56 F, « Il fut impossible, dit-il, de descendre au-dessous de ce degré sans détruire la vie (t: IV, p. 221). » D'un autre côté, mon père a observé des faits analogues à ceux de Maupertuis. Il a constaté que des Grenouilles et des Tritons, qu’il trouva durcis par la gelée, périrent quand on les placa dans de l’eau à une température ordinaire, tandis que la vie reparut chez ceux de ces animaux qui furent simplement laissés en contact avec l’air extérieur. Il a vu un changement brusque de température, même bien moins considérable, être fatal à des Grenouilles, qui, retirées d’une glacière où elles n’étaient point gelées, périssaient immé- diatement par l’immersion dans une eau soumise à l’influence d’une chaleur douce du premier printemps. Rien de semblable, au contraire, ne survint chez celles qui furent placées sur le sol, Les animaux invertébrés, du reste, comme l’ont noté différents naturalistes, semblent doués du pouvoir de recouvrer la vie après qu’ils ont été exposés à un froid très intense. On en a la preuve par les deux notes suivantes annexées au texte de Hunter par ses éditeurs ( loc. cit.). « Blumenbach fait remarquer que les larves de plusieurs In- sectes sont tellement gelées en hiver, qu’elles résonnent comme des morceaux de glace, quand on les laisse tomber par terre, sans que l’animal engourdi qu’elles renferment en éprouve rien de fâcheux. Les œufs des Vers à soie et des Papillons, dit Elliot- son dans sa Physiologie, éclosent après avoir été exposés au froid de 24° F. au-dessous de 0°. Les Insectes peuvent être gelés à plusieurs reprises, et recouvrer la vie dès qu'ils sont dégelés. Rudolphi a vu des Vers intestinaux reprendre toute leur vivacité après huit jours de congélation. » En résumant les observations que j'ai faites sur la température des Grenouilles, et qui sont consignées dans ce travail, je crois pouvoir en déduire les conclusions suivantes : 1° Il existe, dans les circonstances ordinaires, une légère dif- férence, à l'avantage des Grenouilles, entre leur propre tempé- rature et celle de l’eau dans laquelle elles vivent. ll A. DUMÉRIS. — RECHERQNES EXPÉRIMENTALES 9% Cette différence, très peu considérable, est rendue plus évidente par le refroidissement de l’eau, les Grenouilles opposant une certaine force de résistance à cet abaissement de tempé- ralure. 3° Quand l’eau est refroidie au delà de + 4°, les Grenouilles cessent de résister au froid, et dans un temps plus ou moins court, selon que le refroidissement du liquide est plus ou moinsrapide. he La congélation des organes intérieurs peut même être ob- tenue, quand l'expérience est faite, non plus dans l’ean, mais dans l’air, dont la température a été abaissée, dans quelques expé- riences, jusqu’à — 14° et — 12°. 5° Chez des Grenouilles, dont la température intérieure était de — 0°,9 et de — 1°, la vie, complétement interrompue par la congélation des solides et des liquides, a pu reparaître sous l'influence d’un réchauffement graduel, IV. De la température des Ophidiens comparée à celle du milieu ambiant. Les Serpents ont-ils une température propre, ou du moins, jusqu’à un certain point, indépendante de celle du milieu envi- ronnant? Hunter a trouvé dans l'estomac, puis dans le cloaque d’une Vipère bien portante, 5°,5 c. de plus que dans l’air extérieur. Quelques autres observations, en petit nombre, et surtout celle que j'indique, ont amené les physiologistes à penser que ces Reptiles ne sont pas en égalité parfaite de température avec le milieu qu'ils habitent. Cette proposition, formulée en termes aussi généraux, est trop vague et insuffisante, comme on s’en apercoit promptement quand on approfondit un peu l'étude de la température de ces animaux. Les magnifiques représentants de deux des espèces du grand genre Python (P. bivillatus et. P. Sebæ), que possède la ména- gerie du Muséum, et les Boas constricteurs, m'ont fourni l’occa- sion de faire un grand nombre d'observations, dont il est possible, je l'espère, de déduire quelques conclusions plus précises que celles qui ont actuellement cours sur ce point de physiologie. SUR LA TEMPÉRATURE DES REPTILES, 15 En me livrant à ces recherches, j'ai vu que l'accomplissement de certains actes vitaux influe, d’une facon très notable, sur la température de ces animaux : tels sont ceux de la digestion et de la mue, dont je fais connaître plus loin les effets. Si donc on veut savoir, d’une facon exacte, quel est le rapport entre la tempéra- ture des Ophidiens et celle du milieu ambiant, il importe, avant tout, de choisir, pour l'étude, une époque également éloignée du dernier repas et de la mue. Souvent j'ai pris la température de ces animaux en introduisant la cuvette du thermomètre dans le cloaque ; mais, le plus habi- tuellement, je l’ai placée entre les replis de l'animal. J'ai été autorisé à adopter, dans bien des circonstances, cette manière de faire par les résultats que m'ont fournis des observations com- paratives sur les indications données par un thermomètre enfoncé dans le cloaque, pendant qu’un autre était placé entre les replis. Cinq fois sur huit, il y a eu égalité parfaite entre les deux instru- ments, et, les trois autres fois, la température du cloaque ne l’a emporté que de 0°,2, 0,5 et de 0°,6. Ces rares différences sont trop peu considérables pour qu’il en soit tenu compte, Toutes mes observations ont été faites dans les cages dont la température est maintenue constamment égale, entre 95 et 30 degrés, par un appareil de chauffage à courant continu d’eau chaude, Onze fois, j'ai éludié comparativement la température de ces cages et celle des Serpents, à une époque également éloignée du repas et d’une nouvelle mue, L'un des thermomètres était glissé entre les replis de la couverture posée sur le plancher de la cage, et l’autre était porté dans le cloaque. Quatre fois, il y a eu égalité entre les températures indiquées par les deux instruments, et sept fois, j'ai vu la température des Serpents l'emporter sur celle de la cage; mais jamais la différence n’a été aussi considérable que dans l’expérience isolée de Hunter et citée plus haut, car elle n’a pas été au delà de 4°,2, et presque toujours, elle est restée flot- tante entre 0°,2 et 4°, Malgré ces légères différences, il est positif que la température 16 A. DUMÉRIL. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES des Serpents est dans une relation bien remarquable avec celle du milieu qu’ils habitent. J'ai fait un certain nombre de recherches expérimentales dans le but d'étudier plus complétement cette relation. Les premières ont eu pour objet de déterminer si des change- ments, même peu considérables, apportés à la température de l'atmosphère ambiante, auraient une influence quelconque sur la température des Serpents. a. /nfluence exercée sur la température des Ophidiens par le refroidissement du milieu qu'ils habitent. Les Boas constricteurs se sont merveilleusement prêtés à ce genre d'observations par l’habitude qu’ils ont de s’enrouler dans les branches placées à cet effet dans leurs cages, et de se tenir ainsi, pendant des journées entières, dans une région également distante du plafond grillagé de la cage et du plancher qui en est la partie la plus chaude, à cause du voisinage des tuyaux qui passent au-dessous dans un double-fond, et dans lesquels circule l’eau de l’appareil de chauffage. Les Boas observés sur les branches se trouvaient, par leur posi- tion même, placés dans un milieu dont la température, indiquée par un thermomètre situé dans la même région, était inférieure, de 1 à 3 degrés, à celle que montrait un autre thermomètre sur la couverture de laine du bas de la cage. Or, les Boas eux-mêmes participaient à cet abaissement de température. Leur chaleur propre, en effet, n’a dépassé celle de ce nouveau milieu que de 0°,3 ou 0,7 ; elle lui a été une fois égale, et une fois même infé- rieure d’un peu moins de O°,4. Plus tard, pour compléter les données relatives aux change- ments subis par la température des Ophidiens, quand on diminue celle du milieu qu’ils occupent, je porterai plus loin cette dimi- nution en la graduant avec soin, afin de connaître, d’une facon plus précise, leur force de résistance au refroidissement. SUR LA TEMPÉRATURE DES REPTILES, 47 b. Influence exercée sur la température des Ophidiens par l'échauffement du milieu qu'ils habitent. J'ai étudié davantage les résultats de l'exposition de ces ani- maux à une chaleur beaucoup plus considérable que celle à la- quelle ils sont ordinairement soumis. Deux Couleuvres à collier furent, l’une après l’autre, placées dans une boîte où une bouche de chaleur amenait constamment de l’air chaud : le thermomètre, destiné à faire connaître le de- gré exact de cette atmosphère circonscrite, était situé auprès de l'animal, dans l’œsophage duquel un thermomètre, profondément introduit, fut laissé à demeure pendant toute la durée de l’expé- rimentation. Cet instrument montra que, de 18 et de 27 degrés que les deux Couleuvres portaient au moment de leur entrée dans la boîte (1), elles étaient montées, l’une en quarante-cinq mi- nutes, et l’autre en cinquante minutes, à 38 degrés et à 39°,9, la chaleur de l’air ambiant étant portée à + 41° et à + 15°, ce qui n’établit, entre cet air et les organes intérieurs de l'animal, qu’une différence de 3 degrés pour la première expérience, et de 5°,7 pour la seconde, Ces premières tentatives furent sans effets fâcheux pour les Couleuvres. 11 n’en fut plus de même dans les suivantes, où la tempéra- ture des animaux ayant dépassé le terme qui vient d’être indiqué, la mort fut la suite de cet accroissement de chaleur intérieure.- Une Couleuvre, en effet, succomba à 41 degrés, et une autre à h0°,2, l'atmosphère de l’étuve étant, dans le premier cas, à L5 degrés, et à 47 degrés dans le second. Les Ophidiens s’échauffent donc avec facilité, et ils offrent une remarquable tendance, au milieu d’un air fortement échaufé, à acquérir une température qui est à peine de 10 degrés inférieure à celle de l’air sec dans lequel ils sont plongés. 11 y a d’ailleurs, dans ces circonstances, une différence très notable avec ce qué mon oncle, F, Delaroche, avait observé sur des Grenouilles qui, (4) Cette différence dans la température initiale tient à ce que l'une des Cou- leuvres était tenue en captivité dans une cage chauffée, et l'autre, dans une cage indépendante de l'appareil à air chaud, 3° série. Zooc, T, XVIT. (Cahier n° 4.) ? 2 18 A. DUMÉRIL. —- RECHERCHES EXPÉRIMENTALES placées dans une étuve très chaude, avaient énergiquement ré- sisté à la chaleur ambiante. L'une des Grenouilles qu’il avait soumises à l’expérimenta- tion était restée à 33°,7, quoique exposée pendant deux heures à une chaleur de 56°,2, et la température de celles qui succom- bèrent, par suite de l’exposition, à une chaleur de 62°,5 et de 87°,5 environ (Expér. 14 et 17), s’était trouvée de 37°,8 et de A0°,9, S'il variait l'expérience, et plaçait les Batraciens non plus dans un air sec fortement échauffé, mais dans de l’eau, dont il ne portait la température qu’à 31°,8, et en les soumettant à une immersion de tout le corps, moins la tête, il les voyait se mettre en équilibre avec le liquide. Dans ce dernier mode d’expérimentation, tout en laissant libre l’évaporation pulmonaire, il apportait un obstacle absolu à l’éva- poration cutanée qui, à l’air sec, s’accomplissait dans toute sa plénitude. Il en conclut que si, dans l’étuve, ces animaux avaient si manifestement résisté à l’action de la chaleur, ils le devaient au refroidissement produit en eux par la vaporisation des liquides à la surface de la peau. Il les compara donc, et avec juste rai- son, à des Alcarazas, dont l’eau qu’elles contiennent est d’autant plus froide, que les rayons du soleil sont plus ardents et activent davantage la transformation en vapeur d’une certaine quantité de cette eau qui, en raison de la porosité du vase, peut facilement transsuder à travers ses parois. — Il fit une autre série d’expé- riences destinées à démontrer la puissance de cette cause de refroidissement : il estima , par la balance, le poids de l’animal avant son entrée dans l’étuve , puis après sa sortie, et il trouva alors ce poids notablement diminué (1). Les Couleuvres offrant, comme je l’ai dit plus haut, une force de résistance bien moindre que celle dont les Grenouilles avaient donné la preuve dans les recherches précitées de F. Dela- roche, je fus porté à attribuer cette différence remarquable à la (1) Mém. sur la cause du refroïd. observ. chez les anim. exposés à une forte chal., 4809.— Les recherches de R. Townson, Obs. physiol. de Amphib. respir.., 2° part. (de absorpt. fragm.), 4795, p. 2et seq., avaient démontré combien est considérable le pouvoir absorbant des téguments des Batraciens, SUR LA TEMPÉRATURE DES REPTILES, 19 dificulté que l'enveloppe tégumentaire des Ophidiens, par son revêtement écailleux, devait opposer à l’évaporation cutanée. Mettant donc à profit le mode d’expérimentation employé par ce physiologiste avec tant de succès, je m’assurai, par des pesées faites avant l'introduction des Couleuvres dans l’étuve, puis à leur sortie, qu’elles perdent fort peu de leur poids pendant qu’elles séjournent dans une atmosphère sèche et chaude. Dans un espace de temps qui a varié entre une demi-heure et une heure vingt-cinq minutes, la différence du poids des Cou- leuvres, au moment de la sortie de l’étuve , comparativement à la pesée faite avant toute expérimentation, a été Deux fois de 4 gramme, le poids étant tombé de 160 gr. à 459 ,etde 149à148. Deux fois de 2 grammes, le poids étant tombé de 237 gr. à 235, et de 121 à 119. Une fois de 3 grammes, le poids étant tombé de 202 gr. à 199. Ces chiffres, mis en parallèle avec le poids des Couleuvres, Sont extrêmement faibles, et n’en sont qu’une minime fraction. Des expérimentations semblables à celles-ci, faites sur des Gre- nouilles, m'ont prouvé, en confirmant l’opinion émise par F. De- laroche, que l’évaporation est infiniment plus considérable chez les Reptiles à peau nue que chez ceux dont l'épiderme est écailleux. Ici, en effet, ce n’est plus, comme pour les Couleuvres , une déperdition égale à la 460e, à la 149, à la 118°, à la 60° ou à la 67° partie du poids du corps qui était constatée par la balance. La proportion était bien plus considérable ; car, dans neuf expé- riences, cette déperdition a varié du 5° environ au 40° du poids initial. Le détail des expériences concernant les Grenouilles est pré- senté dans le tableau ci-après : RAPPORT DU POIDS INITIAL POIDS INITIAL. POIDS PERDU, AU POIDS PERDU, gr. gr. gr. 17,50 3,25 5,38 4 30,00 2,25 13,33 24,25 3,75 6,47 53,00 4,75 11,16 31,00 1,00 31,00 50,00 1,00 40,00 36,00 3,00 12,00 33,06 7,00 14,71 32,00 7,07 4,74 20 A. DUMÉRIL, — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES Il résulte de ce tableau que, pour ces neuf expériences, le rapport du poids initial au poids perdu a été, moyennement, de 14,29, c’est-à-dire que le poids perdu est, en moyenne, environ le quatorzième du poids initial. La durée du séjour des animaux dans l’étuve ne peut pas en- trer en ligne de compte, ainsi qu’on serait tenté de le supposer, comme un des éléments de ce calcul, attendu que l’évaporation n’a nullement été proportionnelle à cette durée. La rapidité, en effet, s’est montrée d’autant plus considérable, que la chaleur de l’étuve était plus élevée, soit dès les premiers moments de l’expé- rience, soit pendant que l’animal séjournait au milieu de cette atmosphère échaulTée. Il résulte donc des faits qui précèdent : 1° Que les Couleuvres n’opposent à l’échauffement qu’une force de résistance très peu considérable, ce qui semble devoir être expliqué par ce fait que l'évaporation cutanée est, en quelque sorte, insignifiante chez ces animaux, comme le prouve la diffé- rence très peu considérable de leur poids après et avant leur séjour dans l’étuve; 2% Qu'il existe, sous ce rapport, une différence très notable entre les Reptiles à écailles et ceux à téguments nus, comme les Batraciens, chez lesquels l’évaporation cutanée est très facile, V. Modifications imprimées à la température des Ophidiens par certains actes vitaux. L'observateur qui veut étudier, en les comparant, la tempéra- ture des Reptiles et celle du milieu où ces animaux vivent, doit se placer dans des conditions convenables pour éviter les causes d'erreur qui peuvent se présenter, et qui dépendent , non des circonstances extérieures , mais des animaux eux-mêmes. Parmi ces causes, il faut mentionner, comme M. Barthold l’a fait pour les Batraciens, les efforts de l’accouplement , pendant lesquels la chaleur augmente. Les observations que j'ai faites sur les grands Pythons de la ménagerie du Muséum m'ont appris que certains autres actes vitaux influent sur la lempéralure des Ophidiens. SUR LA TEMPÉRATURE DES REPTILES. 21 1° Influence exercée par Le travail de la mue, Les modifications que l'approche du moment de la mue peut apporter dans l’accomplissement des fonctions chez les Serpents ne sont que difficilement appréciables. Si cependant, un certain trouble , comme il est rationnel de le supposer , accompagne le phénomène de l’épanchement d’une légère couche de liquide au- dessous de l’épiderme qui doit se détacher, d’où résultent l’as- pect terne de tout l'animal et l’opacité de la portion de cette membrane située au-devant des yeux, on peut penser que ce trouble devra se traduire par quelque particularité relative à la température. À quel moment survient-il ? Est-ce vingt-quatre ou quarante-huit heures avant la mue, alors que l’opacité , ainsi que je l’ai toujours constaté , disparaît, soit que le liquide épanché se résorbe , soit qu’il devienne transparent? Mes observations ne sont pas favorables à cette hypothèse, puisque c’est à partir de cet instant, que j’ai trouvé semblables la température de l’animal et celle du milieu ambiant. Sera-ce pendant le travail qui doit nécessairement précéder l’épanchement du liquide? Mais aucun signe extérieur n’avertit alors de ce qui va se passer, et le moment favorable pour obser- ver la température ne peut pas être discerné. On ne peut donc tenir compte que de ce qui a lieu dès que l’opacité survient. Aussi l'observation, pour donner des résultats exacts, doit-elle être faite dans celle des périodes précédant la mue ou le défaut de transparence du liquide épanché sous l’épiderme au-devant des yeux, les rend opaques et leur donne une apparence laiteuse. On constate, dans celle période, un léger abaissement de la tempé- rature, qui varie depuis 1/4 de degré jusqu’à 1 degré. 2° Influence exercée par le travail de la digestion. A. Le fait qui frappe tout d’abord dans l’étude des modifica- tions de la température chez les Serpents, après le repas, c'est une élévation manifeste de cette température comparée à celle du milieu dans lequel ils vivent, L'élévation a toujours varié depuis 92 Aa. DUMÉRIL, — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES, ETC, 1 degré jusqu’à 60,5; mais comme dans le grand nombre de recherches que J'ai faites, et qui ont été prolongées pendant plu- sieurs jours à la suite du repas, ces derniers chiffres n’ont été notés qu'une fois, de même que 6°, 5° et 4°,5, on peut éta- blir, en s’en tenant aux nombres le plus souvent obtenus dans une série de trente et une observations, que les Serpents l'ont emporté de 2 à 4 degrés sur le milieu ambiant. B. La température des animaux , dans les circonstances dont il s'agit , suit d’abord une progression ascendante, puis une marche inverse ; arrivée à un certain degré qui en est comme le summum , elle décroît ensuite, à mesure que le moment du repas s'éloigne. C. Cette élévation, au resle, est assez irrégulière dans sa ma- nifestation. Si, une fois sur six, elle a atteint son maximum vingt quatre heures après le repas, elle n°y est arrivée, une autre fois, qu’au bout de soixante-quatre heures , et une autre fois encore, qu'après un intervalle de soixante-six heures. D. La quantité de nourriture avalée paraît être sans impor- tance sur la rapidité que la température met à atteindre son maximum ; car dans les deux séries d’observations où l'élévation a été le moins prompte , le poids des Lapins et des Rats donnés comme proie était, dans l’une, de 2100 grammes, et dans l’autre de 1830 grammes. Ce poids, au contraire, n’était que de 1310, 1420 et 1470 grammes, dans trois autres séries où la marche ascensionnelle de la température fut bien plus rapide. E. Enfin son élévation, après le repas, est assez brusque , et se manifeste, le plus souvent, sans transition. NOTE sur L'APPAREIL CIRCULATOIRE DES TRÉMATODES, Par P,-J. VAN BENEDEN, Les Trématodes ont-ils un appareil circulatoire? Presque tous les auteurs, sinon tous, qui ont traité cette question, ont dit oui! Dans mon mémoire sur les Vers cestoïdes, j'ai dit non! Je me suis exprimé ainsi : « Les Trématodes et les Cestoïdes ont, les uns et les autres, des canaux longitudinaux qui aboutissent à un foramen caudale; ces canaux ne forment ni un appareil digestif, ni un appareil circulatoire : ce sont des organes de sécrétion qui remplissent peut-être les fonctions des reins (1). » Une seconde question : Si les Trématodes n’ont pas plus que les Cestoïdes un appareil circulatoire, mais bien un appareil sécrétear que l’on a confondu avec lui, observe-t-on, dans les groupes les plus voisins de ces Vers, des organes analogues? C'est à la réponse de ces deux questions que cette note est consacrée, M. V. Siebold admet, en 1848, l'existence d’un appareil cireu- latoire dans les Trématodes cestoïdes et cystiques : il faut se gar- der de confondre avec ces vaisseaux sanguins, comme cela paraît s'être fait souvent, ajoute le professeur de Breslau, dans son Manuel d'anatomie comparée (2), les canaux finement ramifiés de l'organe excréteur ; le liquide nutritif, qui circule dans le sys- tème vasculaire, se distingue par son aspect homogène, et son absence de coloration du contenu grossièrement granulé de (4) Van Beneden, les Vers cestoïdes ou acotyles, p. 52. {2) V. Siebold et Stannius, Manuel d'anatomie comparée, & WI 2} P.-J. VAN BENEÉDEN. l'organe excréteur. Dans le Distomum tereticolle, le liquide pré- sente une couleur rougeâtre qui, dans les vaisseaux capillaires les plus fins, tire sur le jaune. M. Koelliker a publié, en 1849, un beau travail anatomique sur le Tristoma papillosum, auquel il accorde un appareil vascu- laire et un appareil respiratoire (1). M. Blanchard admet, dans son mémoire sur les Vers, l’exis- tence d’un appareil vasculaire dans les Trématodes et les Ces- toïdes (2). . La notice de M. V. Siebold, sur la génération alternante des Cestoïdes (3) publiée en 1850, contient la réfutation des observa- tions de M. Blanchard sur les Vers cestoïdes. M. Siebold partage entièrement l'avis que j'ai exprimé à ce sujet, et reconnaît même les quatre canaux avec la vésicule pulsatile dans deux espèces de Scolex (Scolex polymorphus et Scolex de l'Éledone); mais quant aux Trématodes, ils sont réellement pourvus d’un appareil circu- latoire dit ce savant. Ainsi, à part les Cystiques qui sont reconnus maintenant pour de jeunes Cestoïdes, les Trématodes ont encore un véritable ap- pareil circulatoire, tandis que les Vers rubanaires (Cestoïdes) n’ont plus, aux yeux de cet anatomiste, que des vaisseaux aqui- fères : c’est sous ce nom qu’il désigne l’appareil sécréteur. Il reste donc une divergence d’opinion au sujet des Trématodes. Je ne crains point d’avouer que ma conviction, au sujet de l’ab- sence de l’appareil vasculaire, n’a jamais été aussi complète pour les Trématodes que pour les autres; je me suis demandé bien des fois : Les Trématodes, qui ne sont en réalité que des Hirudi- nées dégradées, perdent-ils. ainsi brusquement leur appareil sanguin (5)? Dans le Distomum tereticolle, M. V. Siebold a vu, (1) Ueber tristoma papillosum Ber., v. d, Konigl. Zootom. Anst. zu Wurz- burg, 1849. (2) Ann. sc, nat., 3° série, et Voyage en Sicile, t. LT. (3) Wissenschaft Zeitschrift zoologie, 1850 ; Ann, des sc.nat., 1851. (4) Les Helminthes cestoïdes, octobre 1849 ; Bulletin de l'Acad, de Brurelles tx (5) On ne doit pas tant s'étonner si des Jrrudinés inférieurs, comme le sont APPAREIL CIRGULATOIRE DES TRÉMATODES. 25 oulre les canaux blancs (appareil excréteur), des vaisseaux rou- ges et jaunes; ces vaisseaux ne m'ont-ils pas échappé? J’attendais avec impatience l’occasion de revenir sur ce sujet. Après avoir étudié plusieurs beaux genres de Trématodes, j'ai été assez heureux de découvrir le Distomum tereticolle, et d’étu- dier les vaisseaux rouges dont il est question plus haut. Voici le résultat de ces recherches. Quand on recouvre le Distomum tereticolle, bien vivant, d’une plaque de verre, on voit distinctement divers organes, même à l'œil nu, qui ont été observés depuis longtemps : on reconnaît aisément, vers le milieu du corps, les organes sexuels, et en ar- rière l’appareil que je vais faire connaître. Du testicule inférieur s’étend un canal blanc situé sur la ligne médiane, qui est irrégulièrement bosselé, et qui n’est pas sans ressemblance avec un vaisseau lymphatique de Mammifère injecté au mercure ; il se termine postérieurement assez près de l’extré- mité du corps. En le tenant en vue pendant quelques instants, on le voit par moments disparaître complétement; puisil reparaît, s’élargit considérablement ou se rétrécit en tout ou en partie, de la manière la plus irrégulière. Ce canal renferme un liquide blanc jaunâtre, contenant de très petits globules arrondis et en petit nombre (1). Goeze avait déjà observé et même figuré ce canal, mais sans en connaître la nature, Il l’a représenté comme un chapelet. Ce canal montre, jusqu’à l’endroit de sa bifurcation, des étran- glements sur son trajet, qui correspondent à des valvules et qui se représentent comme une série de vésicules placées les unes au-dessus des autres, La contraction est extrêmement irrégulière les Trématodes , perdent complétement leurs vaisseaux. M, de Quatrefages ne signale-t-il pas plusieurs Annélides véritables, qui devraient avoir, d'après leurs aflinités, du sang rouge et des vaisseaux, et qui n'ont ni l'un ni l'autre? Ne con- naît-on pas , du reste, le peu d'influence qu'exerce sur l'économie de ces ani- maux la présence ou l'absence d'un appareil respiratoire, comme M, Milue Edwards l'a fait remarquer depuis longlemps dans son beau mémoire sur la circulation des Annélides ? (4) Ces petits globules sont difficiles à distinguer ; il faut exercer une forte pression sans expulser tout le liquide, ou isoler le tronc. 26 P.-J. VAN RENEDEN. davs les deux troncs qui continuent le tronc unique en avant ; mais ces valvules ne s’observent plus dans leur intérieur. La der- nière valvule est la plus grande, é Les parois de cet organe sont fort délicates, très minces, trans- parentes, et extraordinairement contractiles. Pendant la contrac- tion, c’est à peine si on le découvre. | Ce tronc principal, qui occupe le milieu du corps, ne finit pas en arrière par la grande vésicule du chapelet; il en existe der- rière celle-ci une autre plus contractile encore, et qui correspond à la vésicule pulsatile. Elle a échappé jusqu’à présent à l’exa- men des nombreux observateurs qui se sont occupés de ce Ver. Elle n’est visible que pendant le mouvement de diastole; et, comme les pulsations sont très lentes et ne s'effectuent qu’à de longs intervalles, on ne la voit pas aisément. Pour bien la dis- tinguer, il est bon de l’avoir observée déjà ailleurs. Cette vésicule s'ouvre au dehors par un court canal, et répand son contenu à l’extérieur. A la hauteur du testicule postérieur, ce tronc se divise anté- rieurement en deux branches assez fortes, à parois flexueuses, mais contractiles : on ne voit plus de valvules, comme nous ve- nons de le dire. Ces branches sont remplies, comme le tronc unique, d'un liquide limpide charriant de très petits globules. Ces deux branches marchent parallèlement dans la longueur du corps, en s'étendant d’arrière en avant, longent tout l'appareil sexuel, passent à côté de la ventouse postérieure, et se rendent jusqu’au-dessus de la ventouse buccale, où elles se réunissent pour former une anse. Elles conservent, à peu de chose près, le même calibre sur tout ce trajet. Ces deux troncs disparaissent complétement par moment, et dans une partie plus ou moins grande de leur étendue, comme le fait le tronc unique, et brus- quement on les voit reparaître tout pleins de liquide. Pendant la contraction, ils ne ressemblent souvent à rien moins qu’à un canal excréteur ou vasculaire. Chacun de ces troncs semble, au pre- mier abord, se terminer en avant en cœcum; mais, en y regar- dant de près, on voit que les deux cœcums sont réunis par une branche anastomotique de même calibre, située en travers, el qui APPAREIL CIRCULATOIRE DES TRÉMATODES. 27 forme une anse située au-dessus de la ventouse antérieure. Ces organes sont donc, au fond, disposés comme dans les autres distomes : un {ronc unique médian, terminé en arrière par une vésicule pulsatile, en avant par deux branches qui se réunissent autour de la ventouse buccale, voilà ce que beaucoup d’helminthologistes ont déjà vu dans diverses espèces de Tréma- todes : en général, c’est là tout l’appareil excréteur. Il n’en est cependant pas ainsi. En rendant le corps du même Distome un peu plus transparent par la compression, on voit autour des troncs précédents, autour des tubes digestifs et des organes sexuels, de nombreux vaisseaux grêles, ramifés et peut-être anastomosés entre eux, marchant parallèlement dans le sens de la longueur du corps; ils ressem- blent complétement aux canaux longitudinaux de certains Ces- toïdes. Ils sont au nombre de quatre dans la partie postérieure du corps, et l’on en compte même quelquefois six ; les rameaux ont, du moins quelques uns d’entre eux, une teinte jaunâtre, tandis que les canaux sont incolores, ou ont une couleur rouge pâle : ce sont les mêmes que M. Siebold a vus, En examinant ces vaisseaux dans les diverses régions du corps, soit à la hauteur des testicules, soit à la hauteur de la matrice ou de la seconde ventouse, ils ont à peu près le même calibre et ils fournissent partout de nombreuses branches qui se perdent dans les organes : c’est là l’appareil vasculaire des auteurs. Voyons s’il n’y a pas une erreur dans cette appréciation. Ces vaisseaux envoient sur tout leur trajet de nombreuses ra- mifications ; on en voit en arrière, autour de la vésicule pulsatile et à côté du tronc principal ; ils ne s’abouchent pas dans ces der- niers organes, comme je l’avais cru au début de ces recherches; en avant, autour de la ventouse de la bouche, on voit des rameaux se perdre, de la même manière, en divisions de plus en plus pe- tites, s’entrecroiser, et offrir l'aspect d’un véritable lacis vasculaire. Voilà donc, au premier coup d'œil, un vrai système de vais- seaux, un appareil circulatoire à part, et qui n’a rien de commun avec les troncs du milieu. C’est au moins ainsi que sont les appa- rences, 28 P.-J. VAN BENEDEN. C’est en vain que j'ai essayé d’injecter ces troncs par la grande vésicule pulsatile ; je n’espérais plus élucider la question de savoir si ces vaisseaux communiquent ou non avec les gros troncs, lors- que je pris la résolution de figurer aussi exactement que possible, et dans leur position respective, les deux sortes de vaisseaux avec les organes environnants. Je choisis la région antérieure du corps à quelque distance de la ventouse buccale. Je dessinai d’abord les deux tubes digestifs, puis le double tronc de l'appareil sécréteur, et enfin les vaisseaux en question; je poursuivis ces derniers aussi loin que possible, et, tout à coup, je m’apercus que deux longs vaisseaux s’abouchent dans un tronc commun plus gros que les autres; je découvris ensuite un vaisseau venant de la partie antérieure du corps et s’abou- chant dans le même tronc, et, en poursuivant ce tronc principal, formé de trois vaisseaux, je le vis se jeter dans le grand canal latéral, qui n’est autre chose que le gros canal excréteur dont j'ai parlé plus haut : c’est ainsi que, en ÿ songeant le moins, je trouvai la communication entre les prétendus vaisseaux et les canaux excréteurs, ou la fusion des deux appareils que l’on regarde comme distincts. Voilà donc les prétendus vaisseaux devenus les branches d’ori- gine de l'appareil excréteur. Les quatre canaux que l’on voit naître autour de la vésicule pulsatile, et qui recoivent les canaux sur toute leur longueur, vont donc se jeter en avant dans les deux troncs latéraux, qui se réunissent en un tronc unique à la hauteur du testicule postérieur, lequel, à son tour, s'ouvre au dehors par l'extrémité de la vésicule pulsatile. Dans d’autres individus, j'ai vu très distinctement les canaux grêles s’aboucher dans le gros tronc latéral à son extrémité anté- rieure. J’ignore si cette double communication existe chez le même individu (1). Nous avons ainsi un appareil excréteur complet, entièrement semblable à celui des Cestoïdes, avec cette différence seulement que des branches, naissant à la partie postérieure du corps, mon- (4) J'ai représenté ces deux communications sur la même figure (voy. pl. 2). APPAREIL CIRCULATOIRE DES TRÉMATODES. 29 trent un courant d’arrière en avant, tandis qu'il a lieu d’avant en arrière dans les gros troncs. Il peut donc y avoir un double courant en sens inverse, sans que cet appareil cesse d’être exclu- sivement excréteur (1). Les canaux qui portent des cils vibratiles dans quelques genres ne sont pas différents de ceux qui n’en ont pas; les cils déter- minent souvent le mouvement du liquide dans les petits troncs, tandis que les gros troncs ont à la place de ces organes des pa- rois contractiles. Leur présence ou leur absence ne change en rien la nature des vaisseaux. Dans la plupart des Distomes, on ne connaît que les canaux principaux de cet appareil; un tronc unique en arrière, s’ouvrant dans une vésicule pulsatile, et se divisant en avant en deux bran- ches, qui forment une anse dans le voisinage de la cavité buccale. J'ai vu dans quelques espèces ces troncs remplis d’une matière blanche ou grise, ou même bleuätre, d’un aspect amylacé et en si grande quantité, que les parois en étaient fortement disten- dues ; il n’y avait plus de circulation possible, Ces canaux étaient devenus calculeux. On aurait pu les prendre pour digestifs. Dans l’Épibdelle de Yhypoglosse, il existe trois canaux longi- tudinaux, unis par des anastomoses ; ils s'étendent dans toute la longueur du corps; le gros tronc latéral présente en avant un large sinus, dans lequel on voit distinctement des pulsations. C’est une vésicule pulsatile bosselée. Le Polystome des Squales (Polyst. appendicul.) a une double vésicule pulsatile, une au bout de chaque mamelon, qui termine le corps en arrière; on poursuit facilement les canaux dans ce beau Trématode, autour des organes générateurs et autour de la ventouse buccale. Jd’aiétudié encore l’Udonella Caligi, l'Octobothrium lanceolatum et merlangi, et un grand nombre de Dislomiens. (1) Dans les Diplozoons , le gros tronc qui charrie d'avant en arrière aboutit sans doute à un foramen caudale , tandis que l'autre , qui charrie d'arrière en avant, va s'aboucher près de la bouche dans le précédent, Il n'y a pas plus d'appareil circulatoire dans ces singuliers parasites que dans les autres Tréma- todes. 30 P.-J, VAN BENEDEN. Il résulte clairement pour moi, dé ces recherches, que les Tré: matodes n’ont pas plus d'appareil circulatoire que les Cestoïdes, mais qu’ils ont, comme ces derniers, un appareil excréteur, qui s'ouvre au dehors par une ou deux vésicules pulsatiles, Pour répondre à la seconde question, si les groupes les plus voisins des Trématodes et des Cestoïdes ont un appareil analogue à celui dont je viens de parler, je vais passer en révue les Hiru- dinées, les Lombricins, les Planaires et les Rotifères. Les Hirudinées forment évidemment la division la plus voisine des Trématodes, et je n'aurai pas grand’peine à montrer l’exis- tence d'organes de nature encore problématique, et qui ont avec l'appareil excréteur des Vers précédents la plus grande ressem- blance et la plus complète analogie. Il existe dans les Branchobdella une paire de canaux recourbés qui s'ouvrent à l’extrémité postérieure du corps, et une autre paire qui s'ouvrent à la face centrale, au commencement du se- cond tiers du corps; ces canaux se dilatent en une ampoule, et donnent naissance à plusieurs branches contournées et recour- bées en anse; leur intérieur présente un mouvement ciliaire (Henle) (1). La Nephelis vulgaris présente, à la face inférieure du corps, une rangée d'organes qui consistent en une vésicule contractile qui s’ouvre au dehors, et à laquelle viennent aboutir des canaux entortillés que l’on regarde comme aquifères (Leydig) (2). M. V. Siebold semble les avoir confondus avec les renflements vésiculaires des vaisseaux latéraux. La Sangsue médicinale porte à la face inférieure du corps jus- qu'à dix-sept organes, qui sont logés entre les poches digestives ; ces organes consistent dans des canaux allongés, larges à une extrémité, étroites à l’autre, contractiles et terminés par une poche qui s'ouvre à l’extérieur. Ces organes des Sangsues ont recu les déterminations les plus diverses. Je ne parlerai pas des Glossophonies chez lesquelles on a vu deux pores dans la région dorsale, qui servent d’orifices à des (1) Muller's archiv, 1835, (2) Ber. 300t. Anst. Wurzburg, 4849. APPAREIL CIRCULATOIRE DES TRÉMATODES. 31 oïganes dont on ignore les fonctions; mais il nous paraît évident qu’il existe une grande analogie entre ces appareils problémati- ques des Hirudinées, et ceux dont il est question ici (1). Après les Hirudinées viennent les Lombricins. M. Henle a signalé, dans l’Enchytreus (2) plusieurs organes respiratoires qui s'ouvrent à l’extérieur, à la face inférieure du corps, et dans lesquels il trouve de l’analogie avec les singuliers organes des Lombrics. Henle signale aussi des cils vibratiles dans leur inté- rieur, et ne pense pas qu’ils servent à l’absorption de l’eau. Il existe chez les Lombrics, d’après Dugès, des vésicules intes- iniformes, très repliées, flottantes dans la cavité commune; les deux extrémités de chacune de ces vésicules cylindroïdes parais- sent s'ouvrir à l’extérieur par des pores extrêmement étroits. Du- gès se demande si ces anses vésiculaires ont quelque rapport avec les vésicules pulmonaires des Sangsues (3). Sur le côté du corps, on voit dans le T'ubifeæ, d’après Leydig (4), très distinctement, un appareil qui s’ouvre au dehors, et qui montre un renflement vésiculaire près de son orifice; ce canal s'ouvre à l’intérieur dans la cavité du corps, et porte des cils à son orifice interne. Dans tous les genres de Lombricins, dit M. V. Siebold, on trouve, au commencement de l'intestin, deux canaux très entor- tillés qui s'ouvrent par un orifice étroit à la face ventrale de chaque côte de la ligne médiane. Ces canaux sont incolores et ‘quelquefois dilatés en ampoules avant d'aboutir au dehors. Les cils vibratils se meuvent toujours dans la même direction, ajoute ce savant. C’est un point important à noter. Parmi les Annélides à branchies , il n’y a, jusqu’à présent , (1) Les poches latérales des sangsues sont des organes de sécrétion et nulle- ment des organes de respiration, dit M. Quatrefages. J'ai fait voir, ajoute-t-il, par des expériences directes, que l’eau ne pénètre jamais dans ces poches ; et, comme elles sont évidemment les analogues des canaux ciliés des Lombrics, il me paraît probable que ces derniers se rattachent aux fonctions de sécrétion. Ann. sc. nat., vol. XIV. p. 297, en nole.) (2) Muller's archiv, 1837. (3) Dugès, Annales des sc, nat, , 1828, t. XV. (#) Wissench. z0olog., 1854. 32 P.-J, VAX BENEDEN. aucun organe connu qui ait quelque analogie avec l'appareil dont il est question ici, si ce n’est peut-être cette disposition que Rathke (1) a vue chez les Néréides , où , de chaque côté du corps, entre chaque deux pieds, on voit un petit orifice qui conduit dans la cavité du corps. Dans plusieurs Rotifères, on aperçoit, de chaque côté du corps, un organe rubaniforme et droit, dans lequel s'étend un canal flexueux, rigide et vasculiforme ; ce canal communique avec plu- sieurs vaisseaux courts qui s’ouvrent librement dans la cavité du corps, et présentent à leur orifice un lobule vibratile. Il y a de chaque côté deux à trois de ces organes, et quelque- fois on en compte jusqu'à huit. A l'extrémité postérieure les canaux se réunissent dans une vésicule commune, à parois minces, mais très vivement contrac- tiles, qui verse au dehors, par l'ouverture cloacale, le fluide aqueux qu’elle contient. C’est ainsi que s'exprime M. V. Siebold dans son Anatomie comparée (2). Enfin plusieurs Turbellariés ont depuis longtemps montré des organes analogues, M. de Quatrefages à vu dans une planaire une ouverture extérieure qui pourrait bien donner accès dans un système de canaux pénétrant dans l’intérieur, dit ce savant. MM. O. Schmidt (3) et Schultze (4) ont décrit, dans les Tur- bellaires rhabdocæliens , des vaisseaux finement ramifiés , à cils vibratiles, et qui s'ouvrent directement au dehors ; ces vaisseaux sont désignés par ces auteurs sous le nom d’appareil aquifère (wassergefässystem). (1) De Bopyro et Néréide. (2) Manuel d'anatomie comparée. La disposition de cet appareil dans les Rola- teurs vient tout à fait à l'appui du rapprochement qui a été proposé par M. Milne Edwards, de réunir les Rotateurs avec les Vers. M. Franz Leydig vient de pu- blier une note sur l'anatomie et le développement de la Lacinularia socialis. Ses observations ne s'accordent pas complétement avec les précédentes, et viennent encore mieux à l'appui du rapprochement que je signale ici, (Zeitscrift für wis- senschaft. Zoologie, 1852, p. 452.) (3) Die Rhabdocæl. Strudehwurmer. (4) Beitr. z. naturg. der Turbellarien. APPAREIL CIRCULATOIRE DES TRÉMATODES. 39 En résumé : I. Les Trématodes ont, comme les Cestoïdes, un appareil excréteur ramifié dans tout le corps ; ces canaux ont des parois propres, quelquefois contractiles, d'autres fois ciliés, et qui s’ou- vrent au dehors par une ou deux vésicules pulsatiles généralement situées à la partie postérieure du corps. Une partie de cet appa- reil a été regardé à tort comme vasculaire. II. Les Trématodes n’ont pas d'appareil circulatoire, pas plus que les Cestoïdes. I. Plusieurs Hirudinées, Lombricins, Rotateurs et Turbel- laires portent un appareil excréteur analogue à celui des Tréma- todes et des Cestoïdes ; il consiste en un ou plusieurs orifices, communiquant avec une vésicule, dans laquelle s’abouche un canal plus ou moins entorlillé, et qu’on a regardé tour à tour comme appareil aquifère, trachéen ou glandulaire, EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 9, Fig. 4. Distomum tereticolle faiblement grossi. — a, ventouse antérieure ; b, bulbe æsophagien; c, ventouse postérieure ; d, germigène ; ee, testicules ; f, foramen caudale; g , vésicule pulsatile ; À, canal principal de l'appareil excréteur : i, troncs latéraux ; k , anse des troncs précédents ; !, canal latéral antérieur ; mm, canaux latéraux postérieurs ; n, lieu de leur réunion avec le tronc prin-. cipal. Fig. 2. La partie antérieure du corps. — a, ventouse antérieure; b, bulbe æs0- phagien ; c, œsophage: dd, tubes digestifs; ée, troncs extérieurs princi- paux ; f, anse qu'ils forment; g, canaux latéraux postérieurs ; k, canal latéral antérieur ; i, lieu de leur réunion. Fig. 3. Partie postérieure du corps. — a , Foramen caudale ; b, vésicule pulsa- lle: c, canal excréteur principal ; d, canaux latéraux postérieurs , les mêmes qui sont désignés sous la lettre m dans la figure 4"°, 3 série. Zoo. T. XVII, (Cahier n° 4.) % 3 MÉMOIRE sur Les CIRCONVOLUTIONS DU CERVEAU CHEZ LES MAMMIFÈRES, Par M. Camille DARESTE, Professeur suppléant à la Faculté des sciences de Reunes, L’une des questions les plus importantes, et en même temps les plus difficiles, dont puissent se préoccuper la zoologie physio- logique et la philosophie, est celle qui se propose de déterminer les relations qui existent entre les modifications matérielles de l’encéphale chez les animaux vertébrés, et le développement des facultés intellectuelles et instinctives. Je n’ai point ici la prétention d'embrasser cette question dans tout son ensemble; ce sujet est infiniment au-dessus de mes for- ces : peut-être même dépasse:t-il toutes les données de la science actuelle, Mais si nous ne pouvons, en pareille matière, arriver à une solution complète, il nous est permis à tous de nous en appro- cher plus ou moins par des recherches partielles, soit en faisant des observations nouvelles, soit en coordonnant les faits nombreux que les anatomistes ont recueillis avant nous. Le travail que je présente à l’Académie a pour objet de faire ressortir quelques vues générales qui me paraissent résulter de la comparaison de tous les faits que la science possède sur ces replis du cerveau des Mammifères, que les anatomistes, depuis Willis, désignent sous le nom de circonvolutions ou de plis céré- braux. On sait que ces replis, très nombreux et très fortement dessinés à la surface du cerveau de l’homme, se retrouvent, mais en moindre nombre et avec un développement beaucoup moins considérable, sur les hémisphères cérébraux d’un grand nombre de Mammifères. Le nombre et le développement de ces replis du C. DARESTE, — CIRCONVOLUTIONS , ETC. 35 cerveau humain seraient-ils la cause de la supériorité intellec- tuelle de l’homme sur les animaux ? Cette idée a été émise dès les premiers temps où l’on s'est occupé de physiologie; et bien qu’elle ait été, dès son origine, combattue par Galien, les objec- tions très sérieuses qu’il lui opposait ne l’ont point empêchée de se propager jusqu’à nous. De nos jours même, les doctrines phrénologiques lui ont donné un nouvel éclat, et on la retrouve sous des formes très diverses, au fond de la plupart des doctrines qui ont été professées sur les fonctions du cerveau. En examinant avec soin cette hypothèse, et en rassemblant les faits nombreux qui ont été recueillis par les zootomistes, j'ai pu me convaincre que le nombre et le développement plus ou moins considérable des circonvolutions étaient dans une relation intime avec les conditions même de l’accroissement des animaux ; tandis que l’on ne pouvait saisir aucun rapport direct entre leur dispo- sition et les manifestations des phénomènes de l’instinct et de l'intelligence. Deux physiologistes habiles ont récemment essayé, dans ces derniers temps, de coordonner tous les faits relatifs à l’histoire des circonvolutions cérébrales. Leuret, qu’une mort prématurée vient d'enlever aux sciences médicales où il avait conquis une place si éminente à côté de Pinel et d’'Esquirol , avait entrepris dans un ouvrage, malheu- reusement inachevé, d'établir les relations qui existent entre les divers degrés de développement des facultés intellectuelles, et ceux du système nerveux lui-même. Dans ce livre, il donne une grande place à l'étude des circonvolutions, et, par la compa- raison d'un nombre considérable de cerveaux de Mammifères qu'il avait été étudier dans la plupart des musées de l’Europe, il avait reconnu, le premier, que les dispositions que présentent ces replis peuvent se rattacher à un certain nombre de types. Il avait essayé, en conséquence, de donner une classification des Mammi- fères, fondée sur la disposition de leurs circonvolutions, Malheu- reusement ce travail présente de grandes imperfections; car Leuret avait étudié les circonvolutions, uniquement d'après leur aspect extérieur, sans chercher à se rendre compte de leur 36 C. DARESTE. —— CIRCONVOTLUTIONS structure intime. Il en est résulté un système artificiel, où les caractères négatifs, tels que l’absence de circonvolutions, ont autantde valeur que les caractèrespositifs, et, par suite, Leuret n’a pu tirer de cetravail de conclusions physiologiques d’une cer- taine importance. Dans un mémoire présenté récemment à l’Académie des scien- ces (1850) sur les plis cérébraux de l’homme et des Mammifères, mémoire encore inédit, mais dont les principaux résultats sont reproduits dans un savant rapport de M. Duvernoy, M. P. Gra- tiolet, tout en bornant ses études à un groupe spécial de la classe des Mammifères, a fait faire récemment un nouveau pas à cette question. En étudiant les circonvolutions, non plus d’une manière superficielle comme l’avait fait Leuret, mais en cherchant à rendre compte de leur structure intime, il a pu confirmer les idées émises par son devancier sur la diversité des types qui règlent la dispo- sition des circonvolutions dans les groupes naturels, et en même temps les rectifier sur beaucoup de points. M. Gratiolet conclut de ses recherches que, dans chaque famille naturelle de la classe des Mammifères, le cerveau présente un type particulier qui résulte du mode de pénétration des fibres cérébrales dans les couches corticales du cerveau , et non de l'existence ou de l’ab- sence des circonvolutions; que, par conséquent, l'absence des circonvolutions ne doit pas être employée dans la classification , puisque c’est un caractère qui peut se retrouver dans tous les types d'organisation cérébrale, et qui se retrouve en effet dans un grand nombre, On pourra donc avoir dans un groupe naturel, caractérisé par une certaine disposition du cerveau, des espèces plus parfaites, ayant des circonvolutions nombreuses et bien dessinées, et des espèces moins parfaites, dégradées, n'ayant point de circonvolutions. On pourra même, dans bien des cas, suivre les diverses phases de dégradation des cerveaux les plus parfaits, aux cerveaux les moins parfaits, par une suite de transitions na- turelles. De pareils faits sont très évidents dans la famille des Singes, Je crois, avec M. Gratiolet, qu’il existe en effet, dans chaque famille naturelle, un type d'organisation cérébrale, indépendant DU CERVEAU CHEZ LES MAMMIFÈRES. 37 des circonvolutions, et que chaque groupe peut présenter des espèces à cerveau lisse et des espèces à cerveau plissé. Mais il est un point sur lequel je cesse de m’accorder avec ce physio- logiste. Je ne puis voir, dans l’absence des circonvolutions, un signe de dégradation, ni dans leur présence, un signe de supé- riorité, du moins en ce qui concerne le développement des fa- cultés intellectuelles. Peut-être même, ainsi que je chercherai à le montrer dans le courant de ce mémoire, faudrait-il admettre une opinion contraire ? Le développement des circonvolutions du cerveau me paraît être, avant tout, en rapport avec le développement de la taille. Il suffit d’un examen même très superficiel de la classe des Mammifères pour reconnaître que d’une manière générale, toutes choses égales d’ailleurs, le nombre et le développement des cir- convolutions sont en rapport avec le développement de la taille. En effet, les groupes composés de petites espèces, comme les Chéiroptères, les Rongeurs, les Insectivores ont le cerveau lisse ; les grandes espèces ont, au contraire, des circonvolutions nom- breuseset très développées : tels sont les Ruminants et les Pachy- dermes ; et l’on sait que les deux Mammifères le plus richement dotés, sous le rapport des circonvolutions, sont aussi les plus remarquables par leur taille, l’Éléphant et la Baleine, Mais pour que cette relation entre le développement de la taille et celui des circonvolutions nous apparaisse d’une manière tout à fait évidente, il faut comparer entre elles, non plus d'une ma- nière générale toutes les espèces de la classe, mais d’une manière spéciale, les espèces appartenant à chaque groupe naturel. En agissant ainsi, quoique les faits nous manquent malheureuse- ment pour un certain nombre de groupes, on voit, en comparant les petites espèces aux grandes, que tous les faits connus se coor- donnent avec une remarquable facilité. Lorsque, dans un groupe naturel, on trouve des espèces bien différentes par la taille, on arrive à reconnaître que ces espèces sont aussi très différentes entre elles par l’aspect de la surface de leur cerveau : les plus petites ont le cerveau lisse ou presque lisse; puis viennent des circonvolutions peu nombreuses, droites, et seulement indiquées 38 C, DARESTE, — CIRCONVOLUTIONS par des sillons peu profonds, symétriques sur les deux hémi- sphères ; puis enfin des circonvolutions nombreuses, marquées par de profondes anfractuosités, très flexueuses, présentant à leur surface de nombreuses dépressions, et n’ayant plus.de sy- métrie, Comme jusqu’à présent la plupart des zootomistes ont cherché seulement, dans l’étude du cerveau, à faire connaître la disposi- tion générale des circonvolutions dans tel ou tel groupe de la classé des Mammifères, ils se sont bornés à donner la description de quelques cerveaux pris dans les différents groupes, et ils ont laissé dans cette étude de nombreuses lacunes. Aussi la démons: tration que j'aurais voulu faire de l’idée que je viens d’avancer, ne pourra-t-elle pas être aussi complète que je l’aurais désiré. Mais, quoi qu’il en soit, tous les faits que j’ai pu recueillir en sont une confirmation bien manifeste. La famille des Singes est la seule qui, par suite de la similitudé de son organisation avec l’organisation humaine, ait eu presque tous ses représentants étudiés par les zootomistes au point de vue qui nous occupe; aussi n’est-il point de famille qui nous montré avec plus d’évidence le fait que je veux démontrer, En effet, parmi les quatre petites tribus que comprend cette grande famille, dans la classification de M. Is. Geoffroy Saint- Hilaire, il en est une, celle des Simiens, dont les espèces attei- gnent une taille considérable; aussi leurs circonvolutions sont- elles nombreuses et bien développées : une autre famille, cellé des Hapaliens, qui se distingue au contraire par sa petite taille, est caractérisée par l’absence complète des circonvolutions, et l’on n’observé à la surface du cerveau de ces animaux d’autre sillôn que celui qui sépare le lobe antérieur du lobe moyen. Ges faits ont été constatés, par M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire, chez l'Ouis- tili ordinaire (Hapale jacchus) et chez le Marikina (Hapale ro- salia). | La tribu des Cébiens ou Singes américains présente au con- traire une série d’espèces dont la taille est très inégale, depuis le Saïmiri jusqu'aux Hurleurs. Le cerveau de toutes ces espèces -ayant été étudié avec soin, nous y trouvons en effet une confor- DU CERVEAU CHEZ LES MAMMIFÈRES. 39 mation très évidente de la loi que je viens d'indiquer. Le Saïmiri, le plus petit de tous les Cébiens, présente quelques circonvolu- tions; mais elles sont à peine marquées, surtout vers le lobe an- térieur, (Nous devons ce fait à M. Is. Geoffroy.) Il en est à peu près de même dans le Moloch (Callithriw moloch), d’après M. Gratiolet, ainsi que dans le Nyctipithèque ( Nyctipithecus trivirgatus). Au contraire, les circonvolutions deviennent très mar- quées quand on passe aux Sapajous (Cebus apella, C. capucinus, Tiedemann, Serres), et surtout aux Alphes et aux Lagothiches (Lagothix Humboldtii, Ateles Belzebuth), d'après M. Gratiolet. Ici les circonvolutions sont très nombreuses, très marquées, à l'exception toutefois du lobe occipital, où elles manquent chez tous les Singes qui n’appartiennent pas à la première tribu. Il n’y a pas de très grandes différences dans le cerveau des Singes de la seconde tribu, celle des Cynopithéciens , et cela devait êfre puisque chez tous ces animaux la taille est à peu près la même. Toutefois on ne peut méconnaître que les circonvolu- tions des Cynocéphales, les plus grands Singes de cette tribu, ne soient beaucoup plus marquées que celles des Guenons dont la taille est plus petite, quoique dans ces deux genres la disposition des circonvolutions soit très manifestement la même. . Ce fait, qui se produit d’une manière si évidente dans la fa- mille des Singes, se retrouve dans tous les groupes naturels de la classe des Mammifères , où l’on observe des animaux de taille différente. Ainsi, dans la famille des Lémuridés , il y a absence de cir- convolutions dans le Galago du Sénégal ( Galago Senegalensis), qui a’ la taille d’un Rat, d’après MM. F. Cuvier fils et Laurillard. Elles existent, mais sont peu indiquées dans le Nycticèbe (je dois ce fait encore inédit à la bienveillante communication de M. Is. Geoffroy). Elles sont au contraire assez marquées dans les véri- tables Makis ( Lemur mungos ), d'après Leuret. Le Tarsier, qui forme une famille à part dans la classification de M. Js. Geof- froy, mais qui, par sa taille et par un certain nombre de carac- tères, ressemble aux Galagos, s’en rapproche encore par son cerveau lisse, d’après M, Gratiolet, hQ C. DARESTE, — CIRCONVOLUTIONS Dans les Chéiroplères, les petites espèces de notre pays, telles que la Chauve-Souris ordinaire , la Pipistrelle , le Rhino- lophe unifer, ont le cerveau parfaitement lisse ; tandis que la Roussette (Pteropus edulis), dont la taille est beaucoup plus considérable , à des circonvolutions assez marquées, d’après Leuret. Dans la famille des Carnivores de Cuvier, ou des Viverridés de M. Is. Geoffroy, composée d'espèces dont la taille , quoique variable, est, en général, assez considérable , les circonvolutions existent toujours. Mais il y a d’assez grandes différences dans leur degré de complication ou de développement, différences qui coïn- cident toujours avec la taille des espèces. Si nous examinons, à ce point de vue, les cinq petites tribus dans lesquelles cette grande famille est divisée dans la classification de M. Is. Geoffroy, ce fait nous apparaîtra dans toute son évidence. Ainsi dans la tribu des Ursiens, les circonvolutions vont en se prononçant de plus en plus du Raton (Tiedemann, Serres, Leuret) et du Coati (Leuret) à l’Ours brun. Dans la tribu des Mustéliens, elles sont assez sim- ples chez le Furet, le plus petit de tous ( Leuret); un peu moins chez la Fouine, le Putois, la Marte, le Blaireau ; enfin elles acquiè- rent dans la Loutre un développement considérable (1). Pareil fait se retrouve dans la tribu des Viverriens, quand on compare le cerveau de la Genette et de la Mangouste à celui de la Ci- vette ; dans la tribu des Caniens, quand, on compare le cerveau du Renard à celui du Loup ; dans celle des Féliens, quand'on compare le cerveau du Chat domestique à celui du Lion. Pour ces deux dernières tribus, la relation que je cherche à mettre en lumière avait d’ailleurs été déjà apercue par Leuret : « Dans la famille des Renards, dit-il (page 378), les circonvolutions sont au nombre de six; les divisions, les dépressions, les ondulations sont en nombre variable, et en raison du volume du cerveau... Comme pour le groupe précédent, le cerveau le plus petit (dans (1) On a remarqué depuis longtemps que les espèces aquatiques sont d'une taille plus considérable que les espèces terrestres qui leur ressemblent le plus. Or toutes ces espèces sont également remarquables par le développement de leurs circonvolutions. DU CERVEAU CHEZ LES HAMMIFÈRES, M la famille des Chats} est en même temps celui qui a le moins de dépressions et d’ondulations. » Les deux groupes des Insectivores et des Rongeurs, groupes constitués par des espèces de très petite taille, ont été caracté- risés jusqu'à présent par l’absence complète des circonvolutions. Toutefois, quand on examine avec soin les faits, on reconnait que cette absence de circonvolutions n’est point réellement: un caractère tenant à l’essence même du groupe, qu’il ne se trouve que chez les petites espèces, et qu’il existe chez les grandes, non pas des circonvolutions complètes, mais des dépressions et des sillons qui sont comme une ébauche de circonvolutions. Ainsi, dans les Insectivores, le Desman, la Musaraigne, la Taupe, le Hérisson, ont un cerveau lisse. Le Tanrec, dont la taille sur- passe celle du Hérisson, présente déjà quelques dépressions d’après Leuret. Dans les Rongeurs, Leuret place dans un premier groupe, comme ayant le cerveau lisse, l’Écureuil, le Rat, l'Hy- dronys, l'Échimys, le Loir, le Lérot, le Muscardin, le Soustil, le Polalerëche, le Campagnol, la Souris, l’Otomys, l’Oryctère et le Surmulot. 11 place dans un second groupe, caractérisé par des dépressions et des sillons sur la surface des hémisphères céré- braux, la Marmotte, le Chinchilla, lOndatra, l'Hélamys, le Paca, le Castor, le Porc-Épic, le Lièvre, le Lapin, le Cobaye, l’Agouti, le Capromys. La relation qui existe entre ces différences d’organi- sation cérébrale et la taille des animaux, est parfaitement évi- dente, quoique Leuret ne l'ait point faitressortir. Elle est d’ailleurs confirmée par un fait très remarquable récemment indiqué par M. Duvernoy dans son rapport sur le mémoire de M. Gratiolet; c’est que le cerveau du Cabiai présente des circonvolutions assez développées : or cet animal est, de tous les rongeurs, celui dont la taille présente le plus grand développement. Nous ne pouvons établir la même relation pour le groupe des Marsupiaux qu'avec beaucoup de réserve; car il n’y a dans la science qu’un très petit nombre de descriptions de cerveaux pro- venant de ce groupe. On sait d’ailleurs, surtout par les recherches de M.Owen, que le cerveau de ces animaux se distingue de celui des autres Mammifères, et qu’il se rapproche de celui des Verté- k2 €. DARESTE. — CIRCONVOLUTIONS brés inférieurs par un caractère d’une grande importance, l’ab- sence, ou, pour parler plus exactement peut-être, l’état rudi- mentaire du corps calleux. Toutefois, le petit nombre de faits que nous connaissons, s’il n’est pas suffisant pour confirmer la règle qué j'ai posée, ne peut cependant pas la contredire. Ainsi la Marmose (Didelphis murina) , très petite espèce de la taille du Rat, a le cerveau lisse, d’après M. Serres et Leuret : deux grandes espèces, le Kanguroo géant, d’après M. Serres et Leuret, etleWombat, ont, au contraire, des circonvolutions bien marquées. Il est ici très digne de remarque que ces deux dernières espèces ont de très grandes aflinités avec l’ordre des Rongeurs, et que le dernier surtout, si l’on fait abstraction des conditions spéciales de l’appareil reproducteur, est un véritable Rongeur. Or, d’après la règle que j'ai posée, le Wombat, étant le plus grand de tous les animaux qui se rattachent au type des Rongeurs, devait avoir les circonvolutions plus marquées que celles des autres animaux de ce groupe. Mais, je le répète, cette série des Marsupiaux nous offre, au point de vue qui m'occupe ici, un trop grand nombre de lacunes, pour que l’on puisse, dès à présent, considérer la règle que j'ai posée comme parfaitement établie à leur égard. Je dois donc appeler sur eux, d’une manière toute particulière, l'attention des anatomistes ; car il n’est peut-être pas de groupe de Mammifères dans lequel on observe de si nombreuses différences de taille. Presque toutes les petites tribus dans lesquelles les Marsupiaux ont été répartis contiennent à la fois de grandes et de petites espèces ; et il serait fort intéressant de connaître d’une manière exacte les conditions de l’encéphale des unes et des autres. Nous ne connaissons également qu’un assez petit nombre de cerveaux dans l’ordre des Pachydermes; et comme cet ordre est formé de plusieurs petites familles très différentes entre elles, nous ne pouvons espérer de trouver dans cet ordre des résultats d’une grande précision. Toutefois, le peu des faits que nous connaissons rentre très exactement dans la règle générale, Le Daman, la plus petite espèce de l’ordre des Pachydermes, puis- qu'elle est de la taille du Lièvre, a des circonvolutions très DU CERVEAU CHEZ LES MAMMIFÈRES. h3 simples, d’après M. Serres. Elles sont au contraire très déve- loppées dans les Cochons et dans les Chevaux. Enfin, elles acquièrent dans l’Éléphant le plus haut point de complication qu’elles possèdent dans toute la classe des Mammifères , puisque, d’après Leuret, le cerveau de l’Éléphant serait, en ce qui concerne les circonvolutions, plus parfait même que celui de l’homme. On ne peut suivre la règle établie avec autant d’exactitude pour les Ruminants : ces animaux sont presque tous de grande taille, et ils ont conséquemment des circonvolutions très développées ; mais il n’y a pas chez eux de différences de taille assez marquées, pour qu’il puisse se trouver des différences notables dans le déve- loppement de leurs'circonvolutions. Ce serait une étude fort inté- ressante, sous ce rapport, que celle du cerveau des petites es- pèces de Chevrotains; mais, à ma connaissance du moins, le cerveau de ces animaux n’a été décrit par aucun zootomiste. Je dois toutefois faire remarquer ici que, d’après Leuret, le cer- veau du Chevreuil possède des circonvolutions moins développées que le cerveau du Cerf ordinaire dont la taille est plus considé- rable. Dans l’ordre des Édentés, nous pouvons encore retrouver l’ap- plication de la loi pour la petite famille des Myrmécophagidés, qui contient des espèces de tailles très diverses. La plus petite espèce de cette famille, le Fourmilier à deux doigts, dont M. Is. Geoffroy a formé le genre Dionyæ , a, d’après Tiedemann, le cerveau lisse, tandis que l’Oryctérope, dont la taille est beaucoup plus considérable, a, d’après Leuret, des circonvolutions très prononcées. Nous ne connaissons, dans l’ordre des Cétacés, que le cerveau du Marsouin et celui de la Baleine, Comme nous pouvions le prévoir, d'après la grande taille de ces animaux, ces cerveaux ont des circonvolutions très nombreuses et très développées, et ce développement est plus complet pour la Baleine que pour le Marsouin. Je sais bien que, dans cette revue rapide de la classe des Mam- mifères, je n’ai pu, par suite de l'insuffisance des matériaux recueillis par les anatomistes, faire connaître qu’un assez petit hl C. DABESTE. — CIRCONVOLUTIONS nombre de faits. Toutefois, comme , parmi tous ces faits , il n’en est pas un qui ne confirme l’idée que j'ai émise, je ne puis croire qu’une semblable coïncidence puisse être uniquement l’effet du hasard. Je crois donc, tout en provoquant de nouvelles recher- ches sur cette question, pouvoir admettre comme une conséquence naturelle des études faites sur l’anatomie comparée du cerveau des Mammifères, la règle suivante : que, dans tous les groupes naturels de la classe des Mammifères , le développement des circon- volutions est en rapport avec le développement de la taille. Il est d’ailleurs fort intéressant de remarquer que ce qui a lieu pour les circonvolutions du cerveau paraît avoir lieu également pour les circonvolutions du cervelet. Je me sers de l'expression parait, car les faits que j'ai recueillis sont encore en bien petit nombre; je les ai trouvés dans l'ouvrage de Leuret. Je dois ici faire remarquer que Leuret, en dressant la table suivante, n’en a point tiré la conclusion que j'indique ici, et qui en ressort natu- rellement; que, par conséquent, on ne peut voir dans cette table le résultat d'idées préconçues. D’après Leuret (p.435), le nombre des lamelles (1) du cer- velet, que l’on aperçoit par la section du lobemoyen de cet organe, présente les variations suivantes : Chauve-Souris. , « . , 9 lamelles, OR MR 12 DPI et et latte TU enr CARE MARS AE ES PE 60) Renard MUR RARE Montoni ee re tue 75 Bouts de Craft ste 17 5 (TEE NE RE ee Maintenant, s’il était possible d’aller plus loin, et de donner de ces faits une explication satisfaisante dans l'état actuel de la science, voici comment je chercherais à m'en rendre compte. (1) Leuret donne le nom de circonvolulions du cervelel aux sillons qui s'éten- dent sur toute la surface de cet organe ; celui de lamelles aux sillons qui n'existent que sur un seul lobe. ‘ DU CERVEAU CHEZ LES MAMMIFÈRES, hs Chaque famille naturelle de la classe des Mammifères nous présente une série de cerveaux d’abord lisses, puis présentant des circonvolutions de plus en plus développées, en partant des plus petites espèces et en allant jusqu'aux plus grandes. Cette série de modifications, que nous observons dans les espèces d’un même groupe naturel, correspond évidemment à la série de modifications qu’éprouve le cerveau des grandes espèces pendant les phases diverses de son développement. On sait en effet, depuis longtemps, que, pendant les premiers temps de la vie embryonnaire, les circonvolutions n'existent point, qu’elles n'apparaissent qu’à une certaine époque, et que, très simples à leur origine, elles acquièrent peu à peu une complication de plus en plus grande. Il est donc très facile de comprendre comment un même groupe naturel, caractérisé par un certain type d’organi- sation cérébrale, peut présenter des espèces à cerveau lisse et des espèces à cerveau garni de circonvolutions nombreuses et très développées ; car ces différences ne seraient, en réalité, que des différences d'âge. On sait d’ailleurs, et c’est un fait sur lequel M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire a fréquemment insisté dans ses cours, bien qu’il n’en ait fait encore l’objet d'aucune publication spéciale (1), que dans les familles naturelles les petites espèces se distinguent des grandes, non seulement par des différences de taille, mais encore par certaines particularités de forme que l’on peut comparer à certaines formes transitoires que présentent les grandes espèces pendant les premières périodes de leur vie. Cette ressemblance entre les petites espèces et le jeune âge des grandes espèces donne lieu également à des analogies très remarquables pour certains phénomènes physiologiques. Bichat, qui avait fait sur les animaux vivants de si nombreuses et de si importantes expériences, après avoir fait observer (2) que les jeunes animaux sont beaucoup plus sensibles à la douleur que les vieux, ajoute la phrase suivante : « La race paraît jus- {4} A l'exception toutefois de quelques indications dans un mémoire sur les Alouates, qu'il a publié dans ses Études zo0ologiques. (2) Miatomie générale, système nerveux de la vie animale, h6 C. DARESTE. — CIRCONVOLUTIONS qu’à un certain point influer chez les chiens sur la vivacité de leur sentiment. Toutes les grosses espèces crient et s’agitent très peu sous le scalpel; tandis que les petites, quoique l'âge soit avancé, se débattent, s’agitent, et témoignent pour la moindre cause la plus vive sensibilité. » Cette analogie entre les petites espèces et le jeune âge des espèces plus grandes se retrouve dans un autre ordre de faits qui se rattachent également à l’histoire du système nerveux. On trouve dans beaucoup de traités de physiologie, depuis le grand ouvrage de Haller, des tables qui indiquent le rapport du poids de l’encéphale au poids du reste du corps pour un grand nombre d'animaux. MM. F. Cuvier fils et Laurillard, dans l'édition qu’ils ont donnée du 3° vol. des Lecons d'analomie comparée de Cuvier, et Leuret, dans son Analomie comparée du cerveau, ont recueilli avec soin toutes ces mesures. Or, bien qu’il soit assez difficile d'obtenir en pareille matière une grande précision, puisque le poids du corps d’un animal peut être soumis à des causes nom- breuses de variations, et que, d’un autre côté, les mesures que l’on a faites portent sur l’encéphale tout entier et non sur les hémi- sphères cérébraux ; il y à un résultat que ces tables me paraissent mettre en pleine évidence : c’est que, toutes choses égales d’ail- leurs, si l’on compare entre elles des espèces appartenant à un même groupe naturel, on voit que les plus petites espèces ont, relativement au reste du corps, les cerveaux les plus volumineux. On sait d’ailleurs, depuis longtemps, que ce rapport entre l’en- céphale et la masse totale du corps est variable suivant l’âge de l'animal, et que, pendant le jeune âge, le cerveau est relative- ment beaucoup plus volumineux qu'il ne l’est à l’âge adulte. Il n’est pas nécessaire, d’ailleurs, d’entrer ici dans le détail de tous ces faits ; on les trouvera dans les ouvrages que j'ai cités plus haut. Ainsi donc, dans chaque famille naturelle, les petites espèces ont le cerveau lisse et très volumineux ; les grandes espèces ont le cerveau garni de circonvolutions, et moins volumineux, relati- vement, que les petites. Est-il possible, maintenant, de tirer de ces faits quelque con- DU CERVEAU CHEZ LES MAMMIFÈRES. h7 séquence relative aux fonctions du cerveau? Pouvons-nous ad- mettre que l’absence des circonvolutions cérébrales soit , comme on l’a dit, un signe de dégradation , d’infériorité intellectuelle ? On admet en physiologie que, toutes choses égales d'ailleurs, la quantité d'action que produit un organe est en raison de sa masse relative. Ce fait est tellement entré dans les idées des phy- siologistes et des médecins, qu’il n’est pas nécessaire d'en donner ici la démonstration. D'ailleurs, pour ce qui concerne plus spé- cialement le sujet qui nous occupe, et l'espèce humaine en parti- culier, on admet aujourd’hui, comme la conséquence d’un grand nombre d'observations , que l’encéphale est en général plus pe- sant chez les hommes très intelligents que chez les hommes d’une intelligence ordinaire, et que cette proportion plus grande de poids est plus marquée pour les hémisphères cérébraux que pour le cervelet (1). S'il en est ainsi, les conséquences les plus immédiates des faits que je viens de rappeler sont que les petites espèces seraient, toutes choses égales d’ailleurs, plus intelligentes que les grandes, comme les grandes espèces auraient leur plus haut degré d'in - telligence pendant le jeune âge. Cette conséquence peut paraître singulière au premier abord; mais elle me paraît trouver sa confirmation dans l’étude même des facultés intellectuelles des animaux. On a remarqué depuis longtemps que, pour certaines espèces de Mammifères, les Singes en particulier, les progrès de l’âge amènent des modifications profondes dans l'intelligence et les facultés instinctives, et que ces modifications indiquent une décadence plutôt qu'un progrès (2). Il est facile, d’ailleurs, de (4) Ces conclusions sont celles d’un mémoire de M. Lélut, publié, en 4837, dans la Gazette médicale, sous ce titre : Du poids du cerveau dans ses rapports avec le développement de l'intelligence. On sait d'ailleurs depuis longtemps que le poids du cerveau de certains hommes remarquables par le développement de leur intelligence était beaucoup plus considérable que celui du cerveau d'hommes d'une intelligence ordinaire. Le cerveau de Cuvier pesait 45,829 ; celui de Du- puytren, 4,436; tandis que le poids moyen du cerveau est à peu près de 1 kilogr. (2) De pareilles considérations sont-elles applicables à l'espèce humaine? Il hS ©. DARESTE, —- CIRCONVOLUTIONS se rendre compte de ces faits, car l'intelligence est beaucoup plus nécessaire à des animaux jeunes ou de petite taille, qu’à des animaux ayant acquis, avec le développement de la taille, une force physique considérable. Je me borne d’ailleurs à indiquer ces considérations ; elles sont connues de tous ceux qui ont suivi, dans ces dernières années, les cours de M, Js, Geoffroy au Jar- din des Plantes. Mais si, d’un autre côté, le développement des circonvolutions cérébrales n’est, comme je pense l'avoir démontré, qu’une ques- tion d'âge ; et si, dans chaque groupe naturel, les espèces, dont le cerveau est relativement le plus développé , sont les espèces les plus petites, iken résulte tout naturellement que le développement des circonvolutions ne peut être considéré comme étant en rapport avec le développement des facultés intellectuelles. Ce fait est d’ailleurs parfaitement évident pour la famille des Singes : là, en effet, nous avons vu de très petites espèces présenter un cer- veau lisse ou presque lisse : or, sous le rapport de l'intelligence, ces espèces ne le cèdent en rien aux grandes, et leur sont même supérieures à certains égards. Toutefois, pour que ce fait ait sa complète évidence, il ne faut pas oublier que, dans les études de cette nature, on doit tenir compte du groupe auquel appartiennent les animaux que l’on étudie, en d’autres termes, de la conformation même du cerveau. En effet, si l’on ne tenait compte de cette circonstance, on arri- verait à des résultats entièrement contraires aux faits, et l’on se- rait porté à admettre que les Rongeurs et les Insectivores seraient plus intelligents que les Carnassiers; ce qui n’est pas. Mais cette différence dans le développement de l’intelligence ne tient point au développement des circonvolutions , elle dépend uniquement de la constitution même du cerveau. me paraît qu'en tenant compte des conditions dans lesquelles se développe notre intelligence, on ne peut méconnaître que c'est pendant la jeunesse qu'elle jouit de toute son activité. Toutefois il nous est donné à tous de conserver la plé- nitude de nos facultés intellectuelles, mais à la condition de les exercer conti- nuellement. Dans les races humaines moins perfectionnées que la nôtre, il paraît que cette décadence des facultés intellectuelles est très prompte et très marquée, presque autant que chez les animaux. DU CERVEAU CHEZ LES MAMMIFÈRES, A9 Maintenant il est évident que, pour compléter ces études, il faudrait établir d’une manière positive quelle est la constitution du cerveau dans tous les groupes naturels de la classe des Mam- mifères. Mais un pareil travail ne peut résulter que de l’étude comparée d’un très grand nombre de cerveaux d'une même fa- mille, et ne peut être, par conséquent, que l’œuvre du temps et des efforts réunis d’un grand nombre d’anatomistes ; car sa plus grande difficulté consiste dans la réunion des éléments sur les- quels doivent porter les recherches. Dans l'impossibilité où je me trouve de donner immédiate- ment quelque fait positif sur cette partie de la question qui forme le sujet de ce mémoire, j'ai pensé qu’il pourrait y avoir quelque intérêt pour la science à faire connaître dès à présent les premiers résullats de mes études. Je compte d’ailleurs revenir sur ce point, lorsque j'aurai pu recueillir des matériaux en nombre suffisant. ADDITION AU MÉMOIRE PRÉCÉDENT. Ce mémoire a été présenté à l’Académie des sciences le 26 jan- vier 1852. J'aurais attendu, pour le publier, que la commission nommée pour l’examiner eût bien voulu faire son rapport. Mais les conséquences que j'avais cru pouvoir déduire de mes études ont été critiquées par un habile physiologiste, M. Gratiolet (Comptes rendus, t. XXXI, p. 366 ; Revue de zoologie, mars 1852). Les objections qui me sont adressées portent en grande partie sur des opinions qui ne sont pas les miennes, parce que mon savant contradicteur, ne connaissant mon travail que par le court extrait publié dans les Comptes rendus, s’en est fait, sur plusieurs points, une idée très inexacte. Pour clore cette discussion, ou, du moins, pour la ramener sur son véritable terrain , il m’a paru indispen- sable de publier, sans plus tarder, ce mémoire, tel qu’il a été présenté à l’Académie par M. Geoffroy Saint-Hilaire. Je ne puis pas ici ne pas revenir sur la polémique à la- quelle ces recherches ont donné lieu ; mais je le ferai aussi brièvement que possible, me contentant de reproduire textuelle- 3° série, Zooc, T, XVI, (Cahier n° 4.) # ni 50 €. DARESTE. — CIRCONVOLUTIONS ment la note que j'ai adressée à l’Académie pour répondre aux observations de M. Gratiolet. Le mémoire sur les circonvolutions du cerveau, que j'ai pré- senté récemment à l’Académie, a donné lieu à des observations critiques de la part de M. Gratiolet. Les observations que m'adresse ce savant physiologiste me prouvent qu’il ne m'a pas compris. Je demande à l’Académie la permission de rétablir les faits. Le mémoire que j'ai présenté à l’Académie a pour but de dé- montrer que, dans tous les groupes naturels de la classe des Mam- mifères, il existe une relation très manifeste entre le développe- ment des circonvolutions et le développement de la taille. Ainsi, dans les familles où la taille est soumise à des variations consi- dérables, on observe chez les petites espèces des cerveaux lisses ou presque lisses , tandis que les circonvolutions apparaissent et se compliquent de plus en plus quand on passe des pelites espèces aux grandes. Au contraire, dans les familles composées d’espèces ayant à peu près la même taille, les cerveaux sont lisses si la taille est petite, et sillonnés par des circonvolutions nombreuses et compliquées si la taille est considérable. Ainsi donc, dans chaque famille naturelle, ilexiste une relation entre le développement des circonvolulions et le développement de la taille; et cette relation, je l’ai observée dans tous les faits dont j'ai eu connaissance. Depuis même la rédaction de mon Mémoire, un fait nouveau, dont on doit la connaissance à M. Geoffroy Saint-Hilaire , est venu donner une preuve de plus et une confirmation bien remarquable de la règle que j'ai présentée à l'attention des phy- siologistes : c’est l'absence complète des circonvolutions chez une très petite espèce de la famille des Lémuridés , le Microcèbe (1). Au surplus, M. Gratiolet lui-même reconnaît que cette règle est d'une application habituelle (2) ; seulement il en conteste l’ap- (1) Comptes rendus, janvier 1852, t, XXXIV, p. 77. (2) Comptes rendus, février 1852, t. XXXIV, p. 206. Il dit ailleurs (Revue zoologique, mars 4852, p, 407) : « La règle est vraie généralement dans les détails des genres, je me plais à le reconnaître ; mais elle peut subir des exceptions frappantes, et dès lors elle ne peut être considérée comme absolue, » DU CERVEAU CHEZ LES MAMMIFÈRES. 51 plication à certains cas particuliers. Loin de Paris, et privé des ressources d’une riche collection anatomique, je ne suis pas, pour le moment , en mesure de répondre à ces objections d’une ma- nière complète : je le ferai quand j'aurai pu, sur ce point, com- pléter mes études. Toutefois je ferai remarquer que , dans les sciences d'observation , nous ne devons pas contester l’existence d’une loi parce qu’elle ne s’appliquerait qu'à la pluralité, et non à la totalité des faits observés. 11 peut y avoir, en effet, un cer- tain nombre de causes perturbatrices qui modifient l'application de la règle à tel ou tel cas spécial ; mais cela ne prouve rien contre l’existence de la règle générale. C’est ainsi que, pour ne pas sortir de la question qui nous. occupe en ce moment , j'ai quelques motifs de penser que, chez les animaux domestiques, la règle générale peut être modifiée , dans certains cas , par des causes spéciales et accidentelles. Je compte revenir sur cette question aussitôt que je me serai pro- curé les matériaux nécessaires pour son étude. Maintenant, s’il est vrai que dans chaque famille naturelle le développement des circonvolutions est en rapport avec le déve- loppement de la taille, il en résulte évidemment que, si l’on con- sidère la classe des Mammifères dans son ensemble, on verra que, toutes choses égales d’ailleurs, les petites espèces auront un cer- veau lisse, et les grandes espèces un cerveau sillonné par des circonvolutions nombreuses et compliquées. Mais celte relation entre le développement des circonvolutions et le développement de la taille, ou, ce qui revient au même, le volume absolu du cer- veau dans l’ensemble de la classe des Mammifères, ne se mani- feste qu'à un point de vue très général. Je n'ai jamais voulu dire, comme le croit M. Gratiolet, qu’il y ait dans ce cas une re- lation nécessaire et absolue. J'ai moi-même dans mon mémoire signalé plusieurs exceptions à cette règle (1). Aussi, quand M.Gra- (4) C'est par erreur que j'ai écrit cette phrase. Quand j'ai rédigé celte note, je n'avais pas sous les yeux le manuscrit de mon mémoire, qui était alors à l'Académie, Mais cela importe peu en définitive : car les termes dont je me suis servi dans mon mémoire prouvent que je connaissais ces exceplions, quoique je ne les aie pas indiquées. 52 €. DARESTE. — CIRCONVOLUTIONS tiolet mentionne un certain nombre de faits qui contredisent la règle, en tant qu’elle serait applicable à l’ensemble de la classe, il m’attaque sur un terrain où je ne me suis pas placé, et sur le- quel, par conséquent, je ne songe nullement à me défendre. Je passe à un autre ordre d’objections. M. Gratiolet me conteste la priorité des idées que j’ai émises; il les attribue à trois illustres physiologistes, Gal!, M. Cruveilhier et Leuret. Ma théorie n’a rien de commun avec celle de Gall et de M. Cruveilhier, puisque ceux-ci parlent uniquement du volume du cerveau sans tenir aucun comple de la diversité des types z00- logiques. Je me bornerai donc à l’examen des idées de Leuret. It est certain que Leuret, dans son Anatomie du système nerveuæ, a émis des idées analogues aux miennes : c’est ainsi qu'il montre (p. 377 et 378) que, dans certaines familles natu- relles, les circonvolutions sont moins compliquées dans les petites espèces que dans les grandes. J’ai mentionné ces passages dans mon mémoire ; mais dans tous ces passages, Leuret ne voyait que quelques règles particulières ; il ne songeait point à en tirer une formule générale. Dans le passage suivant, Leuret s'exprime, il est vrai, d’une facon plus explicite : « Dans une même famille, ordinairement plus le cerveau grandit, plus aussi il acquiert d'ondulations {p. 400). » Mais il ne faut point oublier que les idées de Leuret diffèrent des miennes en un point capital : ce savant physiolo- giste a cru devoir classer dans un groupe à part toutes les espèces à cerveau lisse , et, dans un second groupe, toutes les espèces à cerveau présentant des dépressions sans circonvolutions. Dans celte manière de voir, la plupart des affinités naturelles des espèces de Mammifères sont méconnues ; aussi la loi générale, qui est fondée entièrement sur la connaissance des groupes na- turels, se trouve, dans la théorie de Leuret, soumise à des exceptions si nombreuses que , tout en l’ayant entrevue, il ne la mentionne que comme une coïncidence curieuse et sans aucune importance pour la physiologie. Aussi ces indications de Leuret ont-elles été complétement DU CERVEAU CHEZ LES MAMMIFÈRES. DE) négligées, et par lui-même et par tous les physiologistes qui l’ont suivi. Ïl n’en est fait mention ni dans les traités généraux de physiologie , ni dans le mémoire spécial que M. Gratiolet a con- sacré à l'étude des circonvolutions (1) ; j'ai donc pensé qu'il y aurait de l'intérêt à appeler l'attention des savants sur cette question , qui me paraît avoir une certaine importance en phy- siologie. Enfin, M. Gratiolet termine ses observations par la phrase suivante : « Quant aux conclusions que M. Dareste a formulées au sujet des circonvolutions considérées dans leur rapport avec l'intelligence, il me semble que les faits sont loin d’être favo- rables à sa théorie ; et, en effet, les Orangs, les Troglodytes, les Ours, les Phoques, les Chiens , les Dugongs, les Dauphins, ari- maux que l’on considère comme plus intelligents que les autres, ont à la fois une grande taille et des circonvolutions bien appa- rentes. » Je n’entrerai point ici dans une discussion qui excéde- rait de beaucoup les bornes d’une réponse , mais je ferai remar- quer que M. Gratiolet n’a cité ici que les faits favorables à sa thèse. Les Ruminants sont peu intelligents, et pourtant leur cer- veau est très plissé ; tandis que le cerveau est lisse ou presque lisse chez les Singes de petite taille, comme le Saïmiri et les Ouistitis, qui cependant sont très intelligents. Au reste, cette question n’est point nouvelle. Dès l'antiquité, l’idée d’une certaine relation entre le développement des circon- volutions et le développement des facultés intellectuelles avait été énoncée par certains physiologistes , et réfutée par Galien. Voici les propres paroles de ce dernier (2) : Érasistrate prétend que le cervelet a plus de circonvolutions chez l'Homme que chez les autres animaux , et qu’il en est de même du cerveau, parce que l'Homme surpasse les autres ani- maux par l'esprit et par le raisonnement. Il me semble qu’il se trompe ; les Anes aussi ont un cerveau présentant des circonvo- (1) Du moins, dans les extraits de ce mémoire, publiés dans les Comptes rendus de l'Académie et les Annales des sciences naturelles, aïnsi que dans le rapport que M. Duvernoy a lu à l'Académie sur ce travail. (2) De usu partium, Gb, VIS, cap. 13. o! MARCEL DE SERRES. lutions ; et cependant, si l’on tenait compte de leur abrutisse- ment et de leur stupidité, ils devraient avoir un cerveau parfaite- ment simple, sans replis ni ondulations. Je n’ajouterai qu'un mot à celte note : si M. Gratiolet ne veut point admettre l'existence d’une relation entre le développement des circonvolutions et celui de la taille, uniquement parce qu’il y à quelques exceptions à la règle, je ne comprends pas comment il peut admettre l’existence d’une relation entre le développement des circonvolutions et le développement de l'intelligence ; car ici les exceptions sont bien plus nombreuses et bien plus frappantes, Aureste, je n’insisterai pas aujourd’hui sur cette dernière question, qui ne se rattache qu'accessoirement à mon mémoire, et qui, pour être traitée d'une manière conforme à son importance, exi- gerait un travail spécial. Je le ferai peut-être quelque jour. SECONDE NOTE SUR LA PÉTRIFICATION DES COQUILLES DANS LE SEIN DES MERS ACTUELLES, Par M, MARCEL DE SERRES. Les faits que nous avons signalés à l’attention des naturalistes ont suffisamment prouvé, il semble, que les corps organisés se pétrifient dans les eaux douces ou salées , lorsque ces corps se trouvent dans des circonstances favorables à leur métamorphose. Aussi ne reviendrons-nous pas sur ce sujet ; nous examinerons seulement une question que fait naître l'observation précédente : celle du temps qui peut être nécessaire à la substitution d’une nouvelle matière inorganique à celle qui composait le corps orga- nisé dans son état de vie. Il est, sans doute, difficile de répondre à cette question d’une PÉTRIFICATION DES COQUILLES. 59 manière précise et absolue ; on peut cependant s'assurer à l’aide de l’expérience, que le phénomène de la pétrification n’exige pas pour s’opérer des temps bien longs. En effet, nous avons signalé des urnes et des amphores romaines qui avaient été rejelées sur les bords de la Méditerranée recouvertes d’épaisses incrustations d’une grande solidité, où l’on découvrait un certain nombre de coquilles entièrement pétrifiées. Il est évident , d’après ce fait, que la pétrification de ces coquilles ne peut pas remonter au delà de l'invasion des Romains dans les Gaules. 11 s’en faut cependant beaucoup qu’un temps aussi long soit nécessaire à la production de ce phénomène, puisque une ancre trouvée sur le rivage des en- virons du Grau d’Aigues-Mortes, et qui paraît remonter à l’épo- que où saint Louis s’embärqua, auprès de cette ville, pour la Terre sainte, présente les mêmes faits. Nous avons également rapporté quelques autres observations du même genre ; mais comme elles n’amènent pas à des conséquences différentes , nous ne les men- tionnerons pas de nouveau. Nous rappellerons toutefois un fait qui prouve de la manière la plus positive, qu’il ne faut pas un long espace de temps pour opérer la complète pétrification des corps organisés plongés dans de grandes masses d’eaux salées. Lorsque nous avons soumis à l’attention de l’Académie des sciences de Paris nos premières re- cherches sur la pétrification des corps organisés, nous avons mis sous ses yeux un couteau enveloppé de toutes parts par une in- crustation très épaisse et d’une grande solidité, composée en partie par des coquilles complétement pétrifiées. Évidemment ce grès coquillier n’a pu commencer à se former qu'après que le couteau a été déposé dans le sein de la Méditerranée , et antérieurement au moment où il a été rejeté sur le rivage. Maintenant , pour connaître la date où le dépôt incrustant qui a revêtu le couteau s’est précipité, il faut savoir à quelle époque cet instrument a été fabriqué. Nous avons consulté à ce sujet M. Bourdeaux aîné, l’un des plus habiles couteliers du midi de la France, et fort connu par les chirurgiens de nos contrées. Après avoir examiné avec la plus grande attention ce couteau, M. Bour- deaux nous en a montré d’analogues qui avaient été fabriqués par 56 MARCEL DE SERRES, son père. Il nous en a fait voir d’autres de semblables qui avaient été préparés dans des ateliers étrangers aux siens. Aussi nous a-t-il assuré qu’on en faisait encore de pareils dans plusieurs coutelleries de France. Examinant ensuite l’état de conservation de la corne et de l'une des viroles, et observant que les plaques métalliques avaient été complétement corrodées et détruites, il en a concla que le couteau ne devait pas remonter à plus de soixante ou de quatre-vingts ans. Ce serait donc dans cet espace de temps qu'il aurait été revêtu de la couche de grès coquillier qui l'enveloppe de toutes parts. Un autre fait qui nous a été offert récemment est venu donner à l'opinion de M. Bourdeaux une grande certitude, en tant qu’elle se rapporte à la prompteagglutination des sables mobiles. L’admi- nistration du chemin de fer de Cette, ayant à faire quelques ajus- tages, abandonna une certaine quantité de tournures de fer auprès de la campagne de Rondelet où les sables marins sont assez déve- loppés. Ces tournures, laissées ainsi depuis deux ou trois ans au plus sur le sol, exposées à l’action des agents extérieurs, ont saisi les molécules sablonneuses, les ont agglutinées, et leur ont donné une assez grande solidité. Ces sables durcis sont distribués sur le sol par petites plaques de quelques décimètres ; leur puissance, leur étendue et leur dureté paraissent assez en rapport avec la quantité de tournures, de fer qui les ont agglutinés. Quoi qu’il en soit, ces faits prouvent qu'il suflit d’un petit nombre d'années pour produire de pareils grès sablonneux, sur- tout lorsque la solidification des sables meubles est favorisée par des substances métalliques, et particulièrement par le fer. NOTE SUR LE REDRESSEMENT DES CROCHETS DANS LES THANATOPHIDES , Par M. À. DUGÈS. Une description succincte des principales parties qui com- posent la tête des Vipères étant nécessaire pour bien comprendre l’explication que je donne , je commencerai par ce qui a trait au squelette ; puis je parlerai des principaux muscles ; je donnerai ensuite l'historique du mouvement des mâchoires; enfin je pro- poserai mon explicalion. Le crâne (1), composé des mêmes pièces que chez les Mammi- fères, est terminé en avant par six frontaux, dont deux médians entre les yeux, deux formant la partie postérieure de l’orbite (A), deux formant son bord antérieur (g). En avant des frontaux moyens s’articulent les os nasaux (b) ; enfin le museau est formé par l'os intermaxillaire ou incisif (a). Sur les angles postéro-latéraux du crâne s'appliquent deux lamelles osseuses (1), qu’on a comparées à l’apophyse mastoïde, et qui s’articulent par arthrodie avec deux tiges assez longues et grêles, représentant Fos carré des Oiseaux, et qu'on nomme os tympanique ou plus justement os intra-arti- culaire (m). L'intra-articulaire à son extrémité inférieure s'articule par un condyle avec la mandibule. Celle-ci, composée de trois pièces , l’articulaire (n), l’angulaire (0), la dentaire (p), présente en dedans de la cavité de réception de l’intra-articulaire une autre cavité destinée à recevoir l'extrémité postérieure du ptéry- goïdien (f). Les os composant la mächoire supérieure sont le ptéry- goïdien (f), qui, élargi en spatule dans sa moitié postérieure , prend en avant la forme d’un cylindre, dont la face inférieure est armée d’une dizaine de dents aiguës et fines : le palatin (e) (1) Planche 2, fig. 4. 58 A. DUGÈS, -— REDRESSEMENT continue cette partie du ptérygoïdien, ets'articule avec son con- génère du côté opposé au moyen d’une bandelette fibreuse pour former l’arcade palatine : il porte deux dents. Sur le milieu de la face supérieure du ptérygoïdien s’articule par ar- throdie l’os palato-maxillaire (d), dont l'extrémité antérieure vient s'unir par le même moyen avec le milieu à la face posté- rieure du maxillaire (e). Ce dernier os est court, irrégulièrement cuboïde, plein; sa face postérieure s’articule avec le palato- maxillaire ; ses faces externe et interne n’ont aucun rapport avec les os; sa face antérieure est libre, et, au lieu de rejoindre l’inci- sif comme dans les Couleuvres , il laisse entre lui et cet os un espace vide, qui lui permet de s’avancer dans les mouve- ments du ptérygoïdien. Sa face supérieure , taillée en biseau aux dépens de la postérieure, s'articule avec le frontal antérieur (g); sa face inférieure est creusée de deux fossettes donnant insertion aux deux crochets venimeux , dont l’un est toujours soudé avec l'os, tandis que l’autre ne se soude qu’au moment de la chute de son voisin. Des crochets plus petits, d’autres encore à l’état car- tilagineux, sont cachés sous la muqueuse de la gencive, dont un grand repli recouvre les dents en activité. Muscles (1). Par ordre de superposition, on trouve sur les côtés de la tête le temporal postérieur (g) qui s’attache à la crête des pariétaux , à la moitié du bord antérieur de l’osintra-articulaire, et à la face externe du tiers postérieur de la mandibule. En arrière, et re- couvrant l'os intra-articulaire pour s'attacher un peu au-dessous et en arrière de l'extrémité articulaire de la mandibule, est le muscle digastrique (g) ou tympano-postarticulaire. Le temporal moyen (1) recouvre le milieu des pariétaux; le temporal anté- rieur (e) prend ses insertions sur la glande venimeuse , passe sous le temporal postérieur, et s’insère à toute la face externe de la mandibule qui n’occupe pas le temporal postérieur ; il fait le (1) Les figures de myologiée, qui se rapportent aux lettres de cet alinéa, sont celles qui ont été données dans ce recueil par M. Duvernoy, 2° série, t. XXVI, pl. 10. DES CROCHETS DANS LES THANATOPHIDES, 959 tour de l'ouverture de la bouche. En arrière de la tête et sur la nuque, on voit le muscle cervico-angulaire (r) et le cervico- maxillaire (t); celui-ci part des vertèbres cervicales pour se rendre au maxillaireinférieur, au bord interne duquel il s’attache. Sous la gorge sont les costo-mandibulaire, costo-hyoïdien (u), qui naissent des côtes pour se porter aux diverses parties dont ils tirent leurs noms. La deuxième couche de muscles contient les suivants : Le ptérygoïdien externe (A) ou maxillo-ptérygoïdien, qui s’insère en arrière sur les faces postérieure et externe de l’os ptérygoïdien environ à son tiers postérieur , et de là se divisanten deux ten- dons, va se fixer aux deux faces externe et interne du maxillaire supérieur en côtoyant le bord externe du palato-maxillaire. Il est en rapport, en dehors et en dessus, avec la glande venimeuse, en dessous avec une expansion fibreuse qui unit cette glande au pté- rygoïdien. En même temps que lui, et occupant toute la moitié postérieure du ptérygoïdien, naît le ptérygoïdien interne (k), qui occupe en partie l’articulation de la mâchoire, et se termine à l'union du palato-maxillaire avec le ptérygoïdien. Sous l’articu- lation du crâne avec la colonne se voit une bande musculaire transversale (m), décrite par mon père sous le nom de sous-occi- pito-articulaire : elle va d’une articulation à l’autre de la mâchoire. Enfin l'intervalle de la voüte palatine est occupé par ‘trois muscles, dont les noms seuls indiquent les attaches ; ce sont le sphéno-palatin (n), le sphéno-vomérien (0) et le sphéno-pté- rygoïdien (l). ” Un muscle important est celui nommé par mon père post- orbito-ptérygoïdien; il naît du bord postérieur de l’orbite et d’une partie de la crête pariétale, et se porte en dehors et en bas sur la face supérieure et interne de l'os ptérygoïdien. Maintenant je passe aux diverses opinions émises sur l’avan- cement des crochets venimeux des Thanathophides, et en parti- culier des Vipères, que j'ai pu observer plus facilement, Deux causes surtout ont été mises en avant pour expliquer le phénomène dont je parle : l’une est présentée par M. Duméril père, qui a bien voulu me la communiquer, quoique encore iné- 60 A. DUGÈS. — REDRESSEMENT dite; l'autre est soutenue par plusieurs auteurs , tels que Cuvier dans son Anatomie comparée, t. IL, p. 89 ; Dugès, Mém. sur la dégl. dans les Reptiles, seulement pour les Aphobérophides; Duméril et Bibron, Erp. gén., 1. VI, p. 135; Duvernoy, 4nn. sc.snal. it. XXNI, p. Lossetcs,etc- Ces auteurs invoquent l’action du muscle ptérygoïdien interne sur l’os du même nom, en même temps que celle des sphéno- ptérygoïdiens et des post-orbilo-ptérygoïdiens sur les os auxquels ils s’insèrent, Ces muscles allireraient en avant le système qui arc-boute sur le maxillaire, qui se redresserait par ce seul effort; les muscles ptérygoïdiens externe et sphéno-vomérien le ramèëne- raient à sa position normale. M. Duméril attribue ce mouvement aux os intra-articulaires qui, écartés de la tête à leurs extrémités, au moment où l’animal ouvre les mâchoires pour avaler une proie, élargissent l'entrée du pharynx, et poussent en avant les plérygoïdiens, et avec eux les crochets. Sans nier l'intervention musculaire , je ne ferai qu’une seule objection contre son trop de généralité : c’est que s'il s’opère malgré la paralysie des muscles, l'explication tombera devant ce seul fait. Or lisez Van Lier, dansses Serpents du pays de Drenthe, et vous y verrez positivement que ce résullat a par lui été obtenu en abaissant fortement la mâchoire inférieure chez des Vipères récémment morles ; j'ajouterai comme simple condition qu'elles doivent n'être pas mortes de convulsions, la contraction des muscles gênant alors les mouvements. ' L'idée du professeur Duméril est, sans contredit, beaucoup plus ingénieuse. Cependant elle n’explique qu’imparfaitement le redressement des armes mortelles des Thanathophides; car, dans la déglutition des Serpents venimeux , au moment où les extré- mités des os intra-articulaires sont le plus écartées, on ne remar- que pas que les crochets soient redressés ; ils sont au contraire repliés dans leur gaîne (1). Le mouvement qui s’opère alors est une rentrée de l’extrémité antérieure du palato-maxillaire en (1) Cette observation, que j'avais déjà faite, m'a été confirmée par M. Vallée, le gardien de ces animaux à la ménagerie. DES. CROCHETS DANS LES THANATOPHIDES. 6 même temps qu’un écartement de l'extrémité postérieure du pté- rygoïdien en dehors, tandis que ces deux os tournent comme sur un pivot dont l’axe idéal serait placé à leur jonction. Après avoir étudié deux Crotales que l’obligeance bien connue de M. A. Duméril m'avait permis de disséquer, en même temps que des Vipères et un Trigonocéphale, voici l'explication qui m’a paru le plus propre à rendre compte de cet acte. J’ai construit sur ces données une tête grossière en bois, dont le mécanisme que j'ai montré à M, Duméril, rendait les mouvements de l’animal très vrais. Il suffisait, tenant le crâne entre les doigts, d’abaisser la mandibule retenue au crâne par un fil représentant les muscles temporaux, et le crochet se redressait. La ligne (nop) représente le maxillaire inférieur. Je suppose le moment où l'animal va mordre; il contracte le muscle sous-occi- pito-articulaire pour empècher le mouvement de dedans en dehors de l'articulation mandibulo-ptérygoïdienne, sans gêner pour cela celui d’arrière en avant. La mandibule s’abaisse et est alors sol- licitée par deux forces : l’une (3, 4) représente les temporaux et le post-orbito-ptérygoïdien ; elle agit de bas en haut, et, arrivés à une certaine tension, ces muscles ne servent plus que de point d'appui au point 4, fig. B. L'autre force (10, etc.) représente les costo-mandibulaire, costo-hyoïdien, mylo-hyoïdien, tympano- post-articulaire, elc., et tire en arrière l'extrémité antérieure de la mandibule : c’est la puissance P. La résistance se trouve placée en R au point d’articulation de la mandibule, avec l’intra- articulaire et le ptérygoïdien. Il y a ici unlevier du premier genre, Arrivées à un degré médiocre d’écartement des mâchoires, les trois forces se font équilibre. Mais l’action de la puissance conti- nue, le vertébro-mandibulaire ouvre démesurément la gueule, le point d'appui ne peut plus se mouvoir dans le plan où il marchait d’abord ; la résistance étant la plus faible, cède : les os ptéry- goïdiens et palato-maxillaire fd, qui ne sont que suspendus au crâne par l’intra-articulaire m, sont poussés en avant et font mouvoir l'os maxillaire. Ici, action de même nature. Le maxillaire a son point d'appui en A! au frontal antérieur, sur lequel il peut basculer d’arrière 62 A. DUGÈS. — CROCHETS DES THANATOPHIDES,. en avant. La puissance s'exerce en P’ c’est le palato-maxillaire.. La résistance R’ étant nulle, il s’ensuit que ce levier du troi- sième genre laisse le crochet qui s’y insère se porter en avant, dès que la puissance agit. On voit donc que l’abaissement outré de la mâchoire inférieure, soit exécuté volontairement, soit effectué artificiellement, suffit pour faire avancer les leviers qui redressent le crochet veni- meux. Je ne terminerai pas cet article sans faire remarquer l’impor- tance de l'insertion du temporal antérieur. Ce muscle prend naissance sur la moitié supérieure de la glande venimeuse par des fibres charnues qui contournent l’ou- verture de la gueule, et vont s’insérer à une grande partie de la face externe et antérieure de la mandibule. Il sert donc à abaisser celle-ci, mais en même temps il comprime la glande sur laquelle il prend ses points d'insertion, et force le venin à s’écouler dans le crochet, tandis que, par son action sur l'articulation mandi- bulo-ptérygoïdienne, il concourt à faire redresser celui-ci. Gette double action le rend le muscle le plus important dans cet acte. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 2, Désignation particulière. Fig. 4 et 6. Tête osseuse de la vipère Aspic (Ain). Fig. 5. Tête osseuse du Tropidonote à collier (Paris). Fig. 7. Système des forces qui agissent dans l'avancement des crochets. Désignation commune . Os. — a, incisif, b, nasaux; c, maxillaire; d, palato-maxillaire où adéno- maillaire ; e, palatin; f, ptérygoïdien; g, frontal antérieur; k, frontal posté- rieur; /{, masloïdien ou temporal ; m, intra-articulaire ou tympanique ; n, arti- culaire; o, angulaire ; p, dentaire ; er, crochet. AA’, point d'appui; PP’, puissance; RR’, résistance. EXPÉRIENCES SUR LA TRANSMISSION DES VERS INTESTINAUX (Communiquées à la Société des sciences de Gættingue, le 21 novembre 1851), Par M. HEREST (|) Les Vers intestinaux sont si généralement répandus tant chez l'Homme que chez les animaux, qu'il est très difficile de se prononcer sur la ques- tion de leur première apparition, et encore plus sur leur mode ou leur manière d'exister dans les organismes intéressés. Les observations qui vont être rapportées me paraissent donc mériter queique attention, parce qu’elles fournissent un moyen d'éclaircir ce sujet encore obscur par des expériences directes. Trichina spiralis est un Ver intestinal qui, quoiqu'il ne soit pas encore complétement connu des helmintologistes , peut-être à cause de sa rareté, m'a paru très propre à ces sortes d'expériences à cause de la facilité avec laquelle on peut constater sa présence. — J'ai jusqu’à présent reconnu trois espèces de ce genre. La première, qui, sous le rapport de la grosseur et de la forme du corps, s'accorde exactement avec celle trou- vée dans les cadavres humains par Hilton, Owen et Bischoff, a été ren- contrée par moi, au mois d'août 1845, dans tous les muscles du mouve- ment volontaire d'un gros et vieux Chat mâle dans lequel elle se trouvait en quantité considérable. La longueur du kyste enveloppant était de # à À de ligne, la largeur -ÆÆ, la longueur du Ver À ligne, sa grosseur de 4 à 5 de ligne. J'en ai découvert peu après une seconde espèce dans le mésentère d'un Sfrix passerina dont je n'ai pu malheureuse- ment prendre les dimensions , quoique cet Entozoaire se soit aussi ren- contré dans la substance des muscles. Le mésentère, du reste, était lar- gement parsemé de tubercules jaunâtres, de la grosseur d’une tête d'épingle, dans lesquels on reconnaissait à la loupe la présence du Ver euroulé. Ces Trichines se distinguent non seulement par un corps d’une grosseur double, mais principalement aussi par la forme anormale de leurs extrémités, attendu que leur tête épaisse se termine par une pointe courte, conique, parsemée de verrues, et que leur queue mince paraît pourvue de deux protubérances papillaires à son extrémité ainsi que d'une ouverture infundibuliforme. J'ai rencontré la troisième espèce, au printemps de 1818, dans les muscles des extrémités d’un Chien adulte. Je m'occupais alors de la recherche d'un autre objet, et je me contentai d'ouvrir quelques kystes pour examiner leur contenu; mais j'ai négligé de constater si ces Trichines étaient répandus dans tous les muscles du mouvement volontaire, Ces kystes étaient très petits, peu visibles à l'œil nu, ne pouvant même être découverts qu'à l'aide du microscope. Les Vers u'ils renfermaient étaient plus petits, mais, du reste, semblables à ceux dés première espèce ; et ceule circonstance, seulement, que les Trichines, qui ont servi aux observations que je vais rapporter, présentaient tous ab- solument la mêmestructure, m'a fait penser que la différence de grosseur était un caractère permanent entre cette troisième espèce et la première. Au mois de novembre 1850, il m'est mort un Blaireau femelle de près de deux ans, que pendant dix-huit mois jpuuie nourri en partie avec des matières végétales et en partie avec les débris des animaux qui ser- vaient à mes travaux anatomiques. En l'étudiant au microscope, j'ai con- staté la présence d’un nombre infini de Trichines dans tous les muscles (1) Extraites de l'Institut, n° 956. Gl HERBST. -— TRANSMISSION DES VERS INTESTINAUX. de la volonté, qui, du veste, ne présentaient rien d’anormal. Le diamètre longitudinal des kystes était LE, le diamètre trausversal -£, et la gros- seur du Ver -# de ligne. Cette fois j'ai cru l’occasion favorable pour entreprendre quelques recherches nouvelles sur l’origine et la formation de ces Vers. Déjà, en 1845, j'avais essayé de transmettre des Trichines en intro- duisant trente kystes pourvus de Vers vivants entre la peau et les muscles lombaires d'un jeune Chat. Le résultat avait été négatif, et au bout d’un mois j'avais trouvé les kystes qui avaientété fixés, les uns dans letissu cellu- laire sous la peau, les autres à la surface des muscles, avec les Vers qu'ils renfermaient, devenus minces et frappés de mort. En conséquence de cette expérience, j'ai modifié mon mode d'opérer. La chair du Blaireau a été abandonnée a de jeunes Chiens âgés de six semaines, qui la consommèrent en moins de quelquesjours. Un deces animaux futenvoyé àla campagne où ilresta en liberté, exposé entièrement à toutes les vicissitudes atmosphéri- ques extérieures. L'examen des deux autres, faitle 10et le 18 février 1851, a démontré que tous leurs muscles de la volonté étaient tout aussi abon- damment pourvus de Trichines que la chair du Blaireau qu'ils avaient mangé trois mois auparavant. La longueur des kystes était Æ%, leur largeur 25, la grosseur des Vers 415%, de ligne. Restait à reconnaître l'état du troisième Chien, ce qui a eu lieu après un intervalle de neuf mois, c'est-à-dire au commencement de novembre 1851. Ce Chien était complé- tement arrivé à l’état adulte, vigoureux et bien sain en apparence. Le 11 novembre, je lui ai mis à nu le muscle sterno-mastoidien. A l'œil simple, on n’apercevait rien d'extraordinaire dans ce muscle ; mais, sous le microscope, on y reconnaissait aisément des Trichines en si grand nombre, que dans un morceau de chair musculaire du poids de 2 à 3 grains, J'ai pu en détacher jusqu’à dix paquets. La longueur de ces kystes était 5535, la largeur 55665, la longueur du Ver #, sa gros- seur +466 de ligne. Maintenant, comme les Trichines ne sont pas com- muns, et que, en général, leur présence peut être considérée comme un phénomène rare, il ne peut y avoir de doute que leur présence dans les trois Chiens en question n'ait été la conséquence de l’ingestion de la chair de Blaireau. Ce qui doit avoir favorisé leur propagation, c’est la grande ténacité de la vie chez ces animaux, que ni le froid ni la chaleur ne pa- raissent atteindre; mais la grande difficulté est relative à l'explication de la manière dont les œufs de ces Vers, très petits et très élastiques il est vrai, mais cependant présentant des particules solides et des formes dé- terminées , peuvent s'être ouvert une voie de la cavité abdominale dans les vaisseaux sanguins; car la présence abondante et simultanée , ainsi que la distribution uniforme de ces Trichines dans tous les muscles volon- taires , semble justifier la supposition que leurs œufs ont dû être portés dans leurs points respectifs de gisement au moyen de la circulation du sang. Mes expériences ne permettent pas de tirer de conclusion à cet égard, et je me crois d'autant moins fondé par cette expérience à présen- ter une explication à ce sujet, que pour cela il serait nécessaire de faire un examen approfondi de l’état ou de la conditien des matières qui, par la voie de la digestion, affluent dans la masse du sang. Toutefois, comme je possède encore un animal infecté de Trichines et de beaucoup d’autres Vers intestinaux qu’on rencontre rarement, et que je puis l'utiliser pour d’autres expériences, je crois que par lasuite je parviendrai à obtenir quel- ques résultats utiles sur cette question. ÉTUDES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES, ET OBSERVATIONS SUR LES LARVES DES LIBELLULES, Par M. LÉON DUFOUR, Correspondant de liInstitut fde France. Généralités. C'est en étudiant un être dans toutes les phases de son exis- tence, que son histoire peut approcher de la perfection. Cette vérité est surtout applicable aux Insectes à métamorphoses com- plètes. Dans ce privilége d’une triple vie, chacune de cesexistences est riche de traits soit d'anatomie, soit de mœurs et de genre de vie qui lui sont propres. Envisagée sous ce noble point de vue si illustré par les Réaumur, les De Géer, les Lyonnet, les Swammer- dam, les Cuvier, les Latreille, l’entomologie doit s’élever comme science à la hauteur des autres branches de la zoologie. Les Libellules ou Demoiselles sont connues de temps immémo- rial ; leurs beaux yeux à mille réseaux, leurs grandes ailes de gaze, leur long abdomen bariolé de couleurs vives et tranchées, leur vol soutenu , leur genre de vie chasseur, les ont fait remar- quer par tous les hommes curieux des choses naturelles. Quoique le savant auteur du Biblia naturæ ait, le premier, signalé les métamorphoses de ces Insectes , c’est surtout à notre Réaumur que la science est redevable d’une bonne histoire de ces métamorphoses. Depuis cent ans, elle a couru sans contrôle tous les livres, tous les traités généraux, les dictionnaires, etc. Les auteurs modernes, même les monographistes, se sont si peu occupés de l'étude du premier âge des Libellules, qui complent pourtant parmi les plus grands Insectes d'Europe, qu'aucun d'eux, que je sache, n’a fait connaître une seule larve 3° série, Zoo. T. XVIL, ( Cahier n° 2,)1 5 66 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS ou nympbhe. Ils ont gardé le silence ou le plus ignorant ou le plus dédaigneux. Personne n’a songé à rapporter à des espèces ailées connues les larves dont Swammerdam , Réaumur, Lyonnet et De Géer, nous ont transmis les figures et les descriptions. La tâche de cette synonymie, qui manque à la science, est, au reste, plus difficullueuse qu’on ne pense, si on veut la traiter conscien- cieusement, J'avais eu l'ambition de la poursuivre , mais je ne l'ai que commencée, et le temps, cette denrée si rare pour qui veut la bien digérer, me manque. Je poserai quelques jalons, à d’autres le complément. Les vénérables auteurs dont je viens de parler, presque exclu- sivement préoccupés de l’histoire des métamorphoses, ont négligé ces détails de structure extérieure si propres à la distinction des espèces. Le positivisme descriptif n’était pas de leur époque ; hélas! dans la nôtre il commence à dégénérer en redondance de mots, Les larves que j'ai prises pour types de mes démonstrations sont, par leur taille avantageuse, favorables aux dissections , et peuvent ainsi se mieux prêler au contrôle qu'elles seraient expo- sées à encourir. Fidèle à la maxime de suum cuique, je donnerai dans un but d'économie de temps et de texle un apercu chronologique des auteurs qui ont lrailé ce même sujet tant sous le rapport des métamorphoses que sous celui de l'anatomie. Dans le cours de mon texie, je me bornerai à prononcer le nom de ces auteurs, En signalant en peu de mots les sources où j'ai puisé, je dispenserai mes lecteurs de ces renvois continuels, qui, avec un semblant d'érudition, ne font que dévorer le papier et entrecouper désa- gréablement l'attention : SwamuEerpam, Biblia naturæ, 1680 ; traduction française in- sérée dans le tome V de la Collection anatomique, p. 138 et suiv. 1758. Réauuur. Mémoires pour servir à l’histoire des Insectes, 1712, édit. orig., t. VI, p. 389 et suiv. De Gien. Mémoires (ut supra), 1774, t. 11, p. 661 cet suiv. Lyonver. Ouvrage posthume publié par M. De Haan, 1832. SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 67 G. Cuvier. Mémoire sur la manière dont se fait la nutrition dans les Insectes. 1798. MarCEL DE SERRES. Observations sur les usages du vaisseau dorsal, etc. 1813. Sucrow. Sur l'anatomie et la respiration des larves de Libel- lules, etc. 1840. RarzesunG. Insectes nuisibles aux forêts, etc. 1844. Avant d'entreprendre l’exposition anatomique, point capital de mes recherches, je sens le besoin pour l’authenticité de celles- ci de fixer l'opinion sur les espèces de larves qui ont servi à mes dissections , et sur les Insectes ailés auxquels elles appar- tiennent. Leslarves-nymph es des Libellules ou les nymphes-vers, comme les appeiait Swammerdam , ont des traits extérieurs, qui per- mettent de distinguer facilement celles qui donneront naissance aux genres Æshna, Libellula, Calopterix et Agrion. Trois de ces distinctions génériques avaient été parfaitement saisies et établies par Réaumur ; il a même fort bien représenté les quatre types, mais il avait confondu en un seul groupe le Calopteriæ et l'Agrion. Le premier de ces deux genres, de fondation très mo- derne , a des larves à branchies intérieures ou rectales, comme celles des Æshna et Libellula , tandis que ces mêmes branchies daus l’Agrion sont externes ou caudales. GENRE 1. — Æshna. Caractères génériques des Nymphes. Branchies intérieures ou rectales. Ocelles nuls. Lèvre inférieure développée en une grande lame plate, ou masque buccal. Stigmates thoraciques cachés. Corps allongé, à segments dor- saux, dont l'angle postérieur de quelques uns d’eux est prolongé en épine. Appareil caudal de cinq pièces , dont l'intermédiaire ou supé- rieure est échancrée. Il est possible que ces caractères soient modifiés par la décou- 68 L. DUFOUR, — OBSERVATIONS verte d’espèces qui ne me sont pas connues; mais pour le mo- ment, ils sont applicables à toutes celles soumises à mon étude. Les piquants latéraux de l’abdomen sont des armes défensives, comme il est facile de s’en convaincre en maniant ces animaux vivants. Le nombre de ces piquants est constant dans les indi- vidus d’une même espèce, et il forme un caractère solide pour la distinction de celles-ci ; ils présentent un trait, qui n’a été saisi ni dans les figures ni dans les descriptions des divers auteurs. Quoique étant le prolongement des angles postérieurs des seg- ments, ils ne se continuent point complétement avec le bord postérieur de ceux-ci; ils en sont séparés par une sorte d’entaille évidemment destinée à permettre au piquant un mouvement propre dans l’action de la défense. Ainsi ce trait, en apparence insignifiant, a une valeur physiologique aux yeux du scrutateur altentif. La queue des larves-nymphes des Æshnes et des Libellules est composée de cinq pièces cornées mobiles sur leur base, dont les fonctions ont une haute importance. Quoique bien décrites et bien figurées par Réaumur et De Géer, il est nécessaire, pour l'intelligence de mes recherches anatomiques, d’en reproduire les traits essentiels, et surtout d’en faire ressortir les usages. Les trois principales, égales en longueur, sont creusées en gout- tière d’un côté, et carénées de l’autre. Les deux inférieures de ces trois se terminent en alêne piquante, légèrement crochue pour former la pince. La supérieure ou l'intermédiaire est, dans les Æshnes, échancrée en un croissant à angles acérés. 11 résulte de cette configuration que ces trois pièces, dans leur connivence ou lorsqu'elles sont fermées, constituent, par l'ajustement des gouttières, un canal qui, à la faveur du croissant ou des pointes béantes, permet toujours à l’eau de s'y insinuer et d’en sortir. C'est là une sorte de stigmale aquatique à panneaux mobiles. Deux autres pièces, beaucoup plus petites que les précédentes, et presque rudimentaires, s’observent à la base supérieure des pièces latérales pour leur servir d’auxiliaires ou de correctifs. Dans les grands mouvements respiraloires, cet appareil caudal s’épanouit pour donner entrée ou issue à l’eau qui baigne les SUR LES LARYES DES LIBELLULES. 69 branchies rectales; il sert aussi à la défécation; enfin il est en- core une arme offensive, ainsi que Réaumur l’avait très bien ob- servé, Caractères spéciliques des Nymphes. 1° Æshna grandis Latr. Nympha hinc inde asperulo-punctata; oculorum angulo postico breviler acutissimo ; abdomine utrinque trispinoso. Long. 1 1/2-2 pollic., pl. 3, fig. 1. — ab. in stagnis. Lobes occipitaux, ainsi qu’une fine ligne transversale en ar- rière des segments abdominaux, les deux derniers exceptés, avec de petites aspérités punctiformes. Dessous du corps, toujours d’un blanc sale uniforme ; le dessus ou jaune argileux, ou brun, ou noirâtre, avec ou sans bandes longitudinales, larges, obscures ou à mouchetures päles. C’est la plus forte larve-nymphe de nos contrées; et, quoique je n’aie pas été assez heureux pour assister à sa dernière méla- morphose, je pense qu’elle appartient à l’Æ. grandis de Latreille, qui est la plus grande Demoiselle de ce pays. % Æ. De Geerü Duf., pl. 3; De Géer, L. c., t. 1, pl. 19, fig. 12-14. Nympha lœvigata ; oculis in caudam obtusiusculam illorum lon- gitudine productis; abdomine utrinque trispinoso. Long. 1 4/2 pollic. — Hab. in’'stagnis. Le tégument est lisse et nullement chagriné. Ce serait ici la larve-nymphe de la Demoiselle à ailes jaunes, de De Géer; mais la synonymie de la Grandis de Linné, citée par De Géer, est, à mon avis, fort liligieuse. Je crois à l’identilé de ma larve avec celle de ce dernier auteur ; et, quoiqu'il ne parle dans sa descrip- tion ni du prolongement des yeux ni de l’existence des piquants abdominaux, ces deux traits caractéristiques ont été bien saisis par son dessinateur, 3° Æ. innominata Duf., pl. à, fig. 5. Nympha subtiliter punctato-colliculosa ; oculis in caudam obtu- siuseulam illorum longitudine productis ; abdomine utrinque qua- drispinoso, Long. 1 4/2 pollic. — Hab, in stagnis. 70 L. BUFOUR. —- OBSERVATIONS Pour constater la texture chagrinée, il faut étudier à la longue cette espèce demeurée quelque temps hors de l’eau. Chaque point caillant émet un fort petit poil. L'existence de quatre paires de piquañts abdominaux est un trait remarquable. J'ignore quel est l’Insecte ailé que produit cette nymphe. GENRE IL. — ZLibellula. Caractères génériques des Nymphes. Branchies intérieures ou rectales. Ocelles nuls. Bouche avec un masque en casque, composé de deux volets mo- biles convexes en dehors, concaves en dedans. Sligmates thoraciques à découvert. Corps ovalaire à abdomen un peu relevé. Pointe intermédiaire des pièces caudales aiguë, non échan- crée. Corps beaucoup plus court, proportionnellement, que celui des Æshnes, plus velu et moins agile. Ces animaux se tiennent habituellement dans le fond des eaux tranquilles, où ils rampent dans la boue dont ils sont salis et incrustés. Étuis des ailes plus longs que dans les Æshnes, et atteignant souvent le milieu de l'abdomen. Yeux plus saillants que dans celles-ci, ce qui rend le plan supérieur de la têle enfoncé et comme échancré. Caractères spécifiques des Nymphes. 1° Libellula depressa L. ; Réaumur, L. c. Nympha sordide griseo-virescens hirsuta; abdominis lateribus inermibus ; segmentis primis in medio disci tuberculo minulo -pilifero minutis. Long. 9-10 lin., pl. 3, fig. 7. — Hab. in fossis. Pattes à mouchetures claires. Les premiers tubercules dorsaux de l'abdomen cachés par les étuis des ailes. : SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 71 2 Libellula ferruginea Van der Lind. Nympha sordide grisea hirsuta; abdominis segmentis duobus ultimis utrinque unispinosis, dorso haud tuberculalo ; pedibus nigro macullulatis Long. 6-7 lin. — {ab. in stagnis. La pièce médiane de l'appareil caudal, au lieu d’être trian- gulaire, comme dans la depressa, est ovalaire, presque cordi- forme, terminée en pointe acérée, ainsi que l’exprime la figure que j'en donne. Je présume que cette nymphe appartient à la L. ferruginea, parce que celle-ci est extrêmement commune aulour de l’étang où abonde la larve. GENRE II. — Calopteriz. Caractères génériques des Nymphes. Branchies intérieures ou rectales. Ocelles distincts. Antennes insérées au bord antérieur de la tête, leur article basilaire très grand. Masque buccal en grande lame plate, percée d’une ouverture centrale en losange. Stigmates thoraciques cachés. Corps long effilé, à segments inermes. Appareil caudal de trois pièces seulement, longues, roides, pointues, carénées, Les pièces latérales de la queue sont creusées en gouttière ; l'intermédiaire est une lame tranchante à dos canaliculé, Caractères spécifiques des Nymphes. 1° Calopteriæ virgo L. Réaurmur, L. c., t. VI, pl. 38, fig, 1, 2, 5, 7, 8, larva; pl. 35, fig. 7, imago. Nympha griseo-virescens subglabra, obscurius macullulata : occipile pone oculos tibiisque apice brevi unidentatis ; caudæ appen- dice intermedio paulo breviore. Long. 41 lin., pl. 3, fig. 10, — Hab. in rivulis. 72 L. DUFOUR. —— OBSERVATIONS Indépendamment de la petite dent occipitale , il en existe une autre plus fine , plus acérée près de l’insertion de l'antenne. Ces traits ne sont ni mentionnés ni représentés par Réaumur. Cette larve se tient sédentaire et presque immobile au fond des eaux claires. Sa queue est habituellement fermée. Prothorax long et non transversal comme dans les espèces précédentes. GENRE IV. — Agrion. Caractères génériques des Nymphes. Branchies extérieures ou caudales sous la forme de trois lames membraneuses parcourues par une prodigieuse quantité de tra- chées, et servant aussi de nageoires. Antennes à deux articles basilaires. Ocelles distincts. Masque buccal plat, à ouverture centrale en losange. Stigmates thoraciques cachés. Corps long, efilé, fort grêle. Comme on le voit, la nature et la position des branchies éta- blissent entre le Calopterix et l’Agrion une distance anatomique énorme. Caractères spécifiques des Nymphes. 1° Agrion puella L. Nymphea griseo-virescens, lamellis branchialibus ovato-ellipticis ad apicem acuminatis. Long. 5-6 lign. — Æab. in stagnis. En rapportant cette nymphe à la L. puella L., je ne prétends pas que ce soit le type fondamental de Linné. Je vois même qu’elle diffère, par la configuration de ses branchies-nageoires, de celles que Réaumur a figurées, t. VI, pl. 36, fig. 5-6; pl. 41, fig. 4-2. Ce simple spécimen monographique des larves de Libellules appellera, je l'espère, l'attention des entomologistes qui ont la bonne intelligence de notre intéressante et si aimable science. Dans l'intérêt même de l’exacte détermination des espèces légi- times, je viens, avec quelque confiance d’être entendu, provoquer SUR LES LARVES DES. LIBELLULES. 73 la patiente sagacilé des observateurs pour l’étude à fond de ces larves, et surtout de leur définitive métamorphose authentique- ment établie sous le rapport de l’espèce. Anatomie. Je vais exposer successivement d’abord les appareils généraux, tels que le sensitif, le respiratoire, le circulaloire ; puis les appa- reils spéciaux, comme le digeshf, le tissu adipeux splanchnique. Appareil sensitif. C’est celui de la larve-nymphe de l'Æshna grandis que j'ai pris pour type de ma description et de mes figures. J1 ne m'a pas offert, dans les autres genres, de différences sensibles. Comme celui de tous les autres Insectes, cet appareil est placé au-dessous des viscères, sur la ligne médiane ventrale. Il se com- pose du cerveau, de dix ganglions, dont trois thoraciques et sept abdominaux, d'un cordon rachidien double, c’est-à-dire formé de deux filets plus ou moins contigus, enfin des paires de nerfs symétriques émises par ces divers centres nerveux. 1° Cerveau. — Logé dans la tête, ou mieux dans le crâne, il est ovale triangulaire, subpyramidal, et s’atténue en arrière pour donner naissance au rachis. De ses angles antérieurs partent les nerfs optiques, grêles à leur origine, se dilatant bientôt en une masse considérable conoïde pulpeuse, qui, affranchie de son enveloppe crânienne, s’épanouit en éventail. Un pigmentum brun violacé, une choroïde couronnent cette masse optique en prenant la configuration de l'œil. Ce pig- ment est débordé en arrière par de la pulpe à nu, blanche, rem- plissant le lobe occipital du crâne. Cette pulpe, dépouillée de pigment, n’est point, comme on pourrait le croire, un accident de la dissection ; le scalpel circon- spect me l’a constamment mise en évidence. Je suis peu fixé sur sa destination physiologique; sa situation au dehors de la cho- roïde, c’est-à-dire de l’aire oculaire et dans le lobe postérieur du crâne, pourrait d'autant plus la faire considérer comme une sorte 7h L. DUFOUR. — OBSERVATIONS de pierre d’attente pour les futurs et énormes yeux de la Demoi- selle ailée, que cette pulpe offre à la loupe la même structure cannelée qui s’observe aussi dans toute la masse optique à laquelle la choroïde forme une calotte. Ces cannelures, étudiées au micro- scope, ne sont que les pyramides ocellaires qui correspondent aux aréoles, aux mailles de la cornée transparente extérieure. Il arrive parfois que, pendant la dissection, la choroïde aban- donne la pulpe optique pour demeurer adhérente à la cornée. Dans cette espèce de décortication, la masse pulpeuse paraît comprimée, et son bord libre présente une rainure profonde où s'engagent deux branches trachéennes dont les subdivisions vont vivifier les pyramides ocellaires. Ces mêmes branchestrachéennes, quand le scalpel a su les ménager, retiennent évidemment la calotte choroïdienne sur la pulpe optique. Une paire de nerfs buccauæ naît du bord antérieur de l’encé- phale, non loin de l’origine des nerfs optiques, et une autre paire du même calibre est émise un peu en arrière de cette origine optique. Il est vraisemblable que ces derniers nerfs sont destinés aux organes locomoteurs de la lèvre qui forme le masque : ce seraient donc des nerfs labiaucæ. La portion du cordon rachidien qui suit le cerveau el le sépare du premier ganglion thoracique, est assez longue et émet con- stamment, vers son tiers postérieur, une paire de nerfs tout aus- sitôt divisés, pour se distribuer aux muscles vigoureux qui, du prothorax, se portent à la tête. 2 Ganglions. — J'ai déjà indiqué leur division. Séparés, et en même temps unis par le cordon rachidien, ils forment une chaîne étroitement enchâssée dans une sorte de coulisse qui sé- pare. à la ligne médiane, les muscles nombreux et puissants qui garnissent les téguments inférieurs du corps. Ce chapelet gan- glionnaire est en outre protégé par des châles graisseux qui for- ment à la coulisse comme un bourrelet d’édredon, et il n’est pas rare de le trouver aussi plus ou moins enveloppé d’un fourreau adipeux. Les ganglions éhoraciques, plus grands et surtout plus rappro- chés entre eux que les abdominaux, ont une forme rhomboïdale SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 75 plus ou moins arrondie. Le premier, ou prothoracique, est plus distant du deuxième, ou mésothoracique, que celui-ci ne l’est du troisième, ou métathoracique. Chacun émet, par ses bords laté- raux, trois paires de nerfs dont l'intermédiaire, un peu plus forte, forme les nerfs crurauxæ qui pénèlrent dans les pattes correspon- dantes. Les autres nerfs vont surtout distribuer le mouvement et la sensibilité aux nombreux muscles qui garnissent le thorax, ainsi qu'aux ailes rudimentaires, aux stigmates, au tube-alimen- taire, etc. Dans mes Recherches anatomiques sur les Névroptères (Mém. de l’Académie des sciences, 1841), où j'ai décrit et figuré le sys- tème nerveux de la Libellule ailée, j'ai pareillement trouvé trois ganglions thoraciques, mais si intimement contigus, qu’ils ne représentent qu'une masse commune où l’œil pratique de l'ento- motomiste peut seul distinguer la trace linéaire délimitative de ces trois centres nerveux. Rendons-nous compte, dans l'intérêt de l’embryogénie, de la marche toujours si sagement calculée de la nature dans ses créations. Daus la larve-nymphe, les trois compartiments du thorax sont bien distincts, et sur un même plan horizontal. Les trois gan- glions thoraciques sont aussi parfaitement séparés par un cordon rachidien plus long qu'eux. Cette double disposition est, on ne peut mieux, adaptée et à la longueur des pattes et à l’étendue de leurs mouvements, soit pour l’ambulation aquatique, soit dans les actes variés de la préhension, etc. Dans l’Insecte ailé, dans cette existence tout aérienne, le tho- rax se trouve condensé, soudé de toutes parts, bombé de manière à acquérir en hauteur ce que, dans l’acle mystérieux de la méta- morphose, il a perdu en longueur. Dans cette nouvelle et défini- tive construction tégumentaire, les pattes moins longues se sont rapprochées, groupées; les ailes, fort développées et destinées à une incessante mobilité, y ont fixé leur attache, et le triple gan- glion, où tous ces agents locomoteurs puisent leur activité, s’est transformé en un seul bloc. Voyez comme la puissance créatrice se montre conséquente dans ses œuvres! Revenons à notre larve d’Æshne. Les sept ganglions abdomi- 76 L, DUFOUR. — OBSERVATIONS su naux sont arrondis, lenticulaires, à égale distance les uns des autres, et de la même grandeur, à l'exception du dernier, qui est ovalaire et plus grand. Ces ganglions fournissent aussi, comme les thoraciques, trois paires latérales de nerfs destinés aux mus- cles des parois abdominales, au canal digestif et aux autres tissus de cette cavité. Le dernier émet en arrière deux paires de nerfs de plus que les précédents, et ces nerfs, à l’évolution définitive de l’Insecle, deviennent les nerfs génitaux. Appareil respiratoire. Je comprends sous ce titre les organes et la fonction. Les pre- miers sont les trachées, les branchies , les shigmates ; la seconde est la respiration. CHAPITRE 1. ORGANES DE LA RESPIRATION, SI. — Trachées. En réfléchissant au mode de locomotion de nos larves aqua- tiques, qui marchent, rampent ou nagent, il devient superflu de dire que toutes leurs trachées appartiennent à l’ordre des Tubu- laires ou Élastiques. Elles se divisent, comme dans les Insectes en général , en tra- chées-artères ou grands canaux aérifeères, et en trachées nutritives qui naissent des premières, et vont épanouir leurs subtiles rami- fications dans tous les tissus. Le système trachéen offre une saisissante analogie de structure et de fonctions avec les poumons des animaux de l’ordre le plus élevé. La comparaison des grands canaux aérifères avec la tra- chée-arlère , et des trachées nutritives avec les bronches, n’a certainement rien de forcé. L'unité de plan est ici manifeste; le poumon des Vertébrés est circonscrit , localisé, parce qu'il y a une circulation sanguine; celui des Insectes est universel, ré- pandu dans toutes les parties du corps, parce qu'il n’exisle pas chez eux de véritable circulation. C’est là un de ces rapproche- SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 71 ments, une de ces fécondes vérités, dont les partisans de celle-ci n'ont pas apprécié la haute valeur. Les trachées-artères sont des canaux uniquement destinés ou à transmettre l'air respirable aux trachées nutritives, ou à l’écon- duire lorsqu'il a été respiré. Cuvier, dans les quelques mots prononcés sur les trachées des larves des grandes Libellules, a exprimé une vérité anatomique inconnue à ses devanciers, et méconnve ou négligée par ses con- temporains et ses successeurs, à savoir que ces larves ont réelle- ment trois paires de grands canaux aérifères, et non deux seule- ment, comme on n’a cessé de le répéter d’après Réauinur. J’ajouterai que j’ai toujours constaté ce même nombre de six, et qu’il se retrouve dans les Libellules ailées. Ces canaux aérifères sont, les uns, supérieurs ou dorsaux; les autres, 2nlermédiaires ou viscéraux ; les troisièmes , inférieurs ou ventraux. Je n’ai point, malgré des recherches scrupuleuses, re- connu ces derniers dans la larve du Calopterix, qui offre les deux autres avec une teinte bronzée violacée. Je me défie d’autopsies peu multipliées. Ces trachées occupent. toute la longueur du corps, et communiquent entre eux par des anastomoses que j’in- diquerai bientôt. 11 résulte de ces connexions un système tra- chéen général unique. 4° Canaux aérifères supérieurs. 1ls apparaissent au-dessus des viscères, aussitôt qu’on a ouvert le corps par une incision médiane dorsale. Leur calibre est bien plus grand que celui des autres canaux , et ils se font remarquer par une teinte métallique cui- vreuse, ou même purpurine, que j'ai aussi constatée dans la Demoiselle ailée. A la hauteur du rectum , ils émettent par leurs deux côtés un grand nombre de trachées, le plus souvent divisées en quatre branches , qui vont étaler leurs broderies argentées à la région supérieure de cette poche en même temps stercorale et branchiale, Réaumur n’a pas mal exposé cette division. Après avoir payé au rectum son large tribut de trachées branchiales, ce canal supérieur se termine par deux ou trois branches, dont les ramifications vont se perdre a les tissus de la partie posté- rieure du corps. 78 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS Depuis le rectum jusqu’au thorax, ces canaux distribuent à droite et à gauche, d’une manière assez régulière, des trachées nutritives au pannicule sous-tégumentaire, aux muscles puissants du thorax, à ceux des pattes dont elles enfilent l’axe, et à la pulpe adipeuse splanchnique. Vers le milieu de l’abdomen, un tronetra- versier, court et gros, établit la communication directe du canal aérifère supérieur avec l'intermédiaire ; puis chacun d'eux four- nit une souche, avec quelques branches d’un moindre calibre, pour les stigmates thoraciques. Après cette souche, les canaux se partagent en deux troncs qui pénètrent dans la tête : l’un se distribue au cerveau et à la pulpe optique , l’autre aux organes buccaux. 2° Canaux aérifères intermédiaires. Us n’ont ni la grosseur ni la coloration des supérieurs. Je les ai toujours vus blancs et resplendissants. Plus spécialement affectés aux organes digestifs, ils leur prodiguent d'innombrables trachées. Ils communiquent directement avec les canaux inférieurs au moyen d’une anse commune qui se trouve à la partie postérieure du corps; ils four- nissent à l’origine du rectum, surtout en dessous , un riche faisceau de trachées branchiales. Étroitement retenus sur les flancs du ventricule chylifique par des brides vasculaires fort pressées, ils en ornent loute la périphérie par un luxe d’élégantes ramifications, qui, en pénétrant les parois de ce viscère, donnent la mesure de leur importance physiologique. Après ces largesses trachéennes, leurs troncs redevenus simples se croisent en un sautoir constant sur l’origine de ce ventricule, et vont en s’atté- nuant s’anastomoser dans les profondeurs du thorax, à une branche principale des canaux supérieurs. 3° Canaux aérifères inférieurs. D'un calibre encore moindre que les précédents , ils rampent sur la paroi ventrale, dont ils alimentent le plancher musculaire et les tabliers adipeux ; ils longent la chaîne ganglionnaire, qui en recoit de fins ramuscules ; ils envoient aussi à la région inférieure du rectum leur faible tribut trachéen. Après leur confluence avec les canaux intermé- diaires , ils émettent, à distances assez régulières, sept à huit trachées à droite comme à gauche. À la limite de l’abdomen avec SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 79 le thorax, ils s’atténuent, et se divisent en trois branches assez grêles, dont une moins fine va s’aboucher au canal supérieur, non loin du point où le canal intermédiaire établit cette jonction. Telle est la disposition générale du système trachéen dans nos larves de Libellules, Qu'on n’imagine point que ce soit là une description individuelle, c’est après d'innombrables autopsies comparatives pratiquées sur cinq espèces de ces larves que j'ai résumé le tableau de ce bel appareil de circulation aérienne. Ce n’est pas sans un vif sentiment d’admiration que, au milieu de celle apparente confusion , en face de ce plexus vasculaire, dé- fiant la patience d’un scalpel pratique, je suis parvenu à démêler un ordre régulier, une symétrie parfaite dans les diverses branches de ce buisson trachéen, constituant l'organe le plus im- portant de l’Insecte. SIL — Stigmates. Il n’en existe qu’une seule paire , et elle est thoracique. Je la décrirai plus spécialement dans la nymphe de la Libellula de- pressa, qui a été aussi étudiée par Réaumur, Swammerdam, Lyonnet, De Géer, et dans celle de l’Æshna grandis. Ils occupent la région dorsale, etsont logés, ensevelis, dans l'intervalle linéaire qui sépare le prothorax du mésothorax, sans appartenir plus à l’un qu'à l’autre de ces compartiments du tronc. A découvert dans la Libellula, cachés dans l’Æshna , transversaux , c’est-à- dire perpendiculaires à l’axe fictif du corps, ils sont oblongs, saillants, durs, cornés, noirs ou bruns, bilabiés, d’une frappante ressemblance avec ces petits Cryptogames des vieilles écorces appelés Histerium pulicare par Persoon. Quand les lèvres sont béantes ou entr'ouvertes, elles s’écartent au bout externe qui est efilé, et restent rapprochées, obluses, au bout interne. Ces lèvres ont, dans la Libellula, leur bord interne avec un fin liseré to- menteux jaune vif, qui n'existe point dans l’Æshne. Dans leur plus grand écartement, une forte loupe constate entre elles comme un diaphragme musculo-membraneux, avec une fente médiane , un hiatus d’une finesse extrême, qui est ou deviendra l'ostiole respiratoire. 80 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS Réaumur dit qu’il existe encore une autre paire de stigmates au thorax de nos larves-nymphes ; il la place au-dessus de l’ori- gine des premières pattes, près de la jonction du corselet avec le col. Remarquons qu’il n’en a pas donné de figure. J’ai employé dans cette investigation tous les procédés inspirés par une longue pratique ; j'ai mis à la poursuivre une obstination d’autant plus soutenue que j'avais constaté , ainsi que notre illustre observa- teur, deux paires de ces organes dans le thorax des Libellules ailées. Eh bien! je déclare que je ne suis point parvenu à les dé- couvrir dans ces larves. Réaumur dit ailleurs : « La nymphe a d’autres stigmates plus difficiles à voir ; ils sont beaucoup plus petits que les précédents et plus cachés; chaque anneau, excepté peut-être le dernier et le pénultième, en a deux, un de chaque côté. En dessous du ventre, et près de l’endroit où celui-ci se joint à la partie supérieure de l'anneau, règne de chaque côté une espèce de gouttière, dans la- quelle il faut chercher les stigmates dont il s’agit : ce sont de petits trous ovales placés obliquement , et dont chacun est d’un tiers plus proche du bout antérieur de l'anneau , à qui il appar- tient, que de son bout postérieur » ({. c., p. 398). Avec ma véné- ration, mon culte pour cet observateur modèle, combien de fois ne me suis-je pas aheurté à diriger, et mes yeux et mes verres amplifiants à tous les degrés, vers les points indiqués non seule- ment sur les larves vivantes ou mortes, mais encore sur le tégu- ment raclé et desséché, afin qu’il pût être examiné par transpa- rence? Je n’ai jamais confirmé ces assertions de Réaumur; jamais je’ n’ai rencontré la moindre trace de ces stigmates. Notez encore que cet auteur ne les a pas représentés, et qu’il n’existe dans l’Insecte ailé aucun stigmate abdominal. D'une part, je voyais que Réaumur , frappé de la prodigieuse quantité des trachées de la larve, soupconnait que celle-ci, indé- pendamment de l’air retiré de l’eau, respirait aussi de l'air atmosphérique. D’un autre côté, le célèbre Lyonnet, qui, au temps de Réaumur (1739), étudiait les métamorphoses de la même Libellule, mais dont la publication posthume est récente (1832), avait reconnu au corselet non pas quatre stigmales, mais deux SUR LES LARVES DES LIBELLULES, 81 seulement, sans avoir été témoin , disait-il , de leur jeu, et sans que des expériences tentées , dans le but d'en découvrir la fonc- tion, eussent amené un résultat positif. Cependant Lyonnet avait constaté, dans la dépouille d’une Nymphe, des vaisseaux tra- chéens fixés à la face interne des stigmates, et il n’en fallait pas davantage pour lui faire présumer que c'était là un organe respi- ratoire. L’induction paraissait aussi logique , lorsqu'il parlait de semblables vaisseaux tenant à la peau aux côtés des tissus du ventre. (Loc. cit., p.197, pl. 18.) Cuvier qui, le premier, a décrit les branchies et étahli le mode de respiration dans nos larves , n’a rien dit des stigmates, (Loc, cit., p. 48.) Swammerdam avant Réaumuret Lyonnet, De Géer après ceux- ci, ont étudié à fond la même Libellule, et ont gardé le silence le plus absolu sur l'existence des stigmates. Curtius Sprengel , dans son beau Mémoire sur les organes de la respiration des In- sectes, dit : « Zn larvis Libellularum equidem stigmata septena aut novena video. » Et cependant cet auteur n’a pas compris ces stig- mates parmi ceux qu’il a si soigneusement figurés , et quoiqu'il ait représenté une partie du grand canal aérifère d’une larve de Libellula. Remarquez bien que le chiffre incertain de sept ou neuf paires de stigmates ne semble que l'interprétation du passage précédent de Réaumur qu’il ne cite point. Carus se contente de répéter le plagiat de Sprengel { Anat. comp., t. I, p. 180 ). M. Duvernoy reproduit sur ce point l’as- sertion de Réaumur, et il avance que ces stigmates sont oblitérés (loc. cit., 7 , p. 98). Je reviendrai bientôt sur ce dernier point. Enfin von Siebold (Man. anat. comp. , 1849) n’a point abordé la question. Telle est l’histoire succincte des faits ou positifs ou implicitement négatifs sur les stigmates dans les larves à bran- chies des grandes Libellules. $ HI. Branchies. Dans ma longue pratique des autopsies des Insectes, je suis encore Lout étonné de n'avoir pas, jusqu'à ces dernières années, porté le scalpel dans les entrailles d'aussi intéressantes larves que 3° série. Zooz. T. XVII. {Cahier n° 2.) ? 6 82 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS celles des Libellules , déjà si illustrées par les travaux de Réau- mur, de Cuvier, de Sukow, d’être demeuré si longtemps étranger aux merveilles de la texture des branchies , véritables organes sécréteurs de l’air, viscères aérigènes. Rappelons-nous que les six grands canaux aérifères qui par- courent la longueur du corps de nos larves distribuent au rectum des arborisations trachéennes sans nombre, qui sont l'indice po- sitif de la haute importance physiologique de ce dernier organe. Ne dirait-on pas que la nature a été mise au défi de placer dans un organe de défécation, dans une poche stercorale, le viscère qui préside à la fonction fondamentale de l’économie , celui dont la structure est la plus délicate, en un mot un parenchyme pul- monaire ? Nous allons voir comme elle a été ingénieuse dans ce tour de force. Et qu’on n’imagine point, ainsi que l’avancent quelques au- teurs peu versés dans le maniement du scalpel , qu’une portion dilatée du rectum soit le siége propre des branchies ; qu’il existe là une vessie respiratoire! Non. Les parois internes de cette poche sont parcourues dans toute leur longueur par six colonnes régulières et symétriques, convergentes aux deux bouts. formées chacune de deux séries de lames empilées ou imbriquées. Ces colonnes forment, à l’origine du rectum, six bouls arrondis dont la connivence constitue une valvule. Elles correspondent tout juste aux six bandelettes musculaires longitudinales du rectum de la Libellule ailée, et d'un fort grand nombre d’autres Insectes. Je ne me lasse point de mettre en relief ces correspondances ana- tomiques, ces subslitulions de tissu qui proclament si haut et la régularité du plan de la nature, et sa réserve, son économie dans les créations viscérales. Les lames constitutives des branchies, poursuivies avec le secours des lentilles amplifiantes jusque dans leur texture intime ou élémentaire, se réduisent, en définitive, en un réseau, un subtil canevas de divisions trachéennes. Celles-ci se rattachent par de successives anastomoses aux rameaux, aux branches, aux troncs dont l’ensemble forme le système général de la circulation aérienne. Des détails iconographiques confirmeront aux yeux du SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 88 lecteur cette texture initiale si importante à bien connaître pour. l'intelligence dela fonction (voy. pl. 4 et5). | Le dernier terme de la composition organique serait donc ici, comme dans les branchies des Poissons, une trame vasculaire, en ne donnant à ce dernier mot que sa valeur rigoureusement éty- mologique, c’est-à-dire anatomique. Seulement dans les Poissons c’est du sang, et dans les Insectes de l'air, qui est renfermé dans les vaisseaux de cette trame. L’Insecte et le Poisson ont donc des branchies. M. Duvernoy, dans sa juste appréciation physiologique de l'appareil respiratoire dans ces deux classes d'animaux, a appelé celui des Insectes branchies pneumaliques , épithète significative qui, en exprimant la fonction aérifère, établit leur caractère différentiel d'avec les branchies des Poissons qui sont sanguifères. Vousallez voir, dans le parallèle de ces organes, comme la na- ture est conséquente à ce double plan de création. Les bran- chies des Poissons sont placées sur les côtés de la tête, et l’eau soumise à leur action pénètre par la bouche : c'est un appareil hyo-branchial, selon l'expression de M. Duvernoy. Dans les larves des Æshna, Libellula, Calopterix , c'est le reclum qui est le réceptacle des branchies, et l’eau est aspirée par l’anus : l'appareil est donc recto-branchial. Enfn les larves d’A4grion, à raison de leurs branchies externes placées au bout de l'abdomen , auraient l’appareil caudo-bran- chial. Si l’on en excepte les Holothuries, animaux placés presque au dernier degré de la série zoologique , et dans lesquels il y aurait des branchies intra-rectales, il n'existe pas, que je sache, d’autre exemple d’un siége semblable pour un organe respiratoire. Je terminerai cet aperçu par un fait anatomique sur la struc- ture des branchies de nos larves, d'autant plus intéressant qu'il offre la plus parfaite analogie avec ce qui s'observe dans les branchies des Poissons. Après avoir fait macérer dans l’eau pen- dant deux jours une larve en dissection pour chercher à saisir le mode de connexion des papilles tubuleuses dont je parlerai bien- tôt, avec la trame de la lame branchiale, je m’apercus que ma ël L. DUFOUR, — OBSERVATIONS pince entraïnait avec facilité un vaste lambeau d’une membrane hyaline, qui évidemment se détachait de la paroi interne du rec- tum. J’examinai scrupuleusement dans l’eau d’un verre de montre cette dépouille membraneuse , et quelle fut mon heureuse sur- prise d’y reconnaître une disposition sériale des plis repré- sentant les bords libres des lames branchiales et d’y constater des bourses papillaires. Je dirigeai alors ma loupe sur la portion correspondante et dénudée du rectum, et je retrouvai en place les lames branchiales avec tous leurs attributs, seulement plus disinctes qu'avant cette exfoliation. Je renouvelai les jours sui- vants de semblables macérations, et toujours j’obtins le même résultat. 11 m'est souvent arrivé d’entraîner le décollement , la décortication de la presque totalité de cette muqueuse , et j'ai représenté ce fait par une figure. C’est là un exemple de cette conformité organique si célébrée par M. Geoffroy Saint-Hilaire. Dans les Poissons les branchies sont revêtues par une membrane fournie par la muqueuse buccale, ainsi que l'ont surtout démon- tré MM. Davernoy et Rosenthal. Dans nos larves aquatiques, la muqueuse rectale se comporte de la même manière à l’égard des branchies pneumatiques. Mais les lames branchiales n’ont pas, dans toutes les espèces des larves-nymphes soumises à mon scalpel, le même nombre, la même configuration, la même texture. Ainsi, dans quelques Æshna , elles sont demi-circulaires , au nombre d'une vingtaine au plus, et bordées de papilles tubuleuses piliformes, mentionnées par Cuvier, et dont j’exposerai bientôt la curieuse texture. Ces lames sont nues et glabres dans d’autres espèces de ce même genre. Dans la Libellula depressa , il y en a plusieurs centaines à chaque série : elles sont ovales-oblongues , glabres et étroitement empilées. Signalons sommairement les différences spécifiques. Dans la larve de l’Æshna grandis, chaque série des colonnes du rectum n’a pas plus de vingt lames branchiales. Ces lames sont demi-cireulaires, plus lâchement imbriquées que dans d’au- tres espèces, marquées à leur bord libre d’une tache brunâtre en forme de croissant, parfois presque effacée ou même s’évanouis- SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 85 sant entièrement après une macération un peu prolongée. Ce qui rend surtout ces lames d’une structure remarquable, c’est qu’à la simple loupe on les voit hérissées et bordées d’une villosité molle, blanche et même comme nacrée, que tout d’abord où ne saurait confondre avec des poils ordinaires, et qui rappelle plutôt en mi- niature celle qui revêt la muqueuse digestive de quelques grands animaux, ou mieux la tunique externe du ventricule chylifique des Insectes carnassiers (Carabiques, Dytiques, etc.). Soumise à une puissante lentille du microscope, cette villosité consiste en très fines papilles tubuleuses plus ou moins renflées en massue à leur bout libre, offrant souvent dans leur intérieur une teinte chà- tain clair variable pour le point de la papille qu’elle occupe , d’autres fois entièrement incolores. La netteté des contours de cette teinte, sa distance régulière de la périphérie, témoignent à mes yeux de l'existence d’un tube inclus auquel la papille servi- rail de gaîne. De semblables exemples s'étaient souvent présentés dans le cours de mes investigations entomotomiques , et je les ai surtout signalés dans les conduits efférents de beaucoup de glandes (sali- vaires, sérifiques et autres). Mais je ne retrouve pas daus le tube inclus de nos papilles branchiales, cette texture annulaire ou spi- roïde que j'ai si fréquemment constatée dans les canaux excré- teurs des glandes. Faut-il en accuser seulement l'impuissance de mes lentilles optiques ? Quoi qu’il en soit, ce tube inclus, brun au microscope, m'a tou- jours semblé purement membraneux , et dépourvu de roideur ou d’élasticité. L'étude à la simple loupe de ces papilles, qui sont alors blanches et nacrées, persuade aisément qu’elles ne sont que des prolongements trachéens, mais avec quelque modification tex- turale peu facile à saisir, Dans le fait intéressant, cité plus haut, de la décortication de la muqueuse rectale à la suite de la macé- ration, la gaine de ces papilles, dégagée alors du tube inclus, woffrait pas la teinte brune que le microscope révélait dans ce dernier. Ces papilles tubuleuses piliformes s'implantent brusquement sur la trame (rachéenne de la lame, Au point de cette implanta- 86 L. DUFOUR, — OBSERVATIONS tion le microscope décèle une disposition radiée de trachéoles -presque imperceptibles, et de petits canaux anastomotiques droits. Les branchies de l’Æshnu innominata, larve qui, extérieure- ment, semble ne différer de la grandis que par une paire d’épines de plus à l'abdomen, présentent un caractère spécifique du plus -piquant intérêt. Les lames branchiales sont entièrement dépour- vues des papilles tubuleuses de l'espèce précédente. La décou- verte de ce fait négatif m'a transporté d’admiration. C’est à mes yeux une rémunéralion scienlifique de la persévérance de mes efforts, Chacune de ces lames imbriquées semble d’abord demi- circulaire ; mais quand on l’isole elle paraît subréniforme. Sa drame est une fine broderie trachéenne, dont les branches, suc- cessivement anastomosées, aboutissent à deux troncs simples confluents en une seule souche, qui se rattache aux grandes tra- chées-artères. Nous allons voir dans les branchies de la Lib. depressa , indé- pendamment des caractères généraux qu’elles partagent avec celles des Æshnes, des traits particuliers qui légitiment sa sépa- ralion générique. Avant d’inciser le rectum, on distingue, à tra- vers la pellucidité de ses parois, six rubans longitudinaux noi- râtres formant le trait des colonnes bisériales. Chaque série est un empilage serré de plusieurs centaines de lames ovales-oblon- gues d’un blanc nacré, avec une teinte obscure un peu fugace vers leur origine. C’est l’ensemble de ces teintes qui donne lieu aux rubans noirâtres dont je viens de parler. Ces lames sont nues, c’est-à-dire dépourvues de toute villosité papillaire, et leur superposilion est telle que, dans leur situation normale, on n’en aperçoit que la fine tranche, qui en impose à des yeux peu sé- vères pour des filets linéaires. Envisagée dans son ensemble, chaque colonne est comparable à une feuille ailée à folioles sim- ples. Séparées, isolées avec la pointe d’une aiguille , les lames s’atténuent vers leur pétiole, et la plus puissante lentille du mi- eroscope décèle dans leur trame des stries serrées d’une in- croyable finesse, qui, vers le bout dilaté de la lame, affectent une disposition courbe. Ces stries, nacrées à la loupe et obscures au microscope, sont indubitablement des trachées, et me confirment SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 87 dans l’idée que les papilles tubuleuses des Æshnes ne sont non plus que des prolongements trachéens. Le pétiole des folioles branchiales de notre Libellula est le tronc commun de toutes les stries. 11 se conserve simple en se croisant , s’entremélant avec ceux d'autres lames pour aboutir aux trachées-artères. La macéralion de ces branchies m’a permis de renouveler le fait de la décorlication de la muqueuse rectale comme dans VÆshna. Dans cette expérimentation, j'observais que, parmi les lames branchiales séparées par déchirement, les unes étaient striées et les autres parfaitement lisses. Je m’assurai bientôt que celles-ci n'étaient que les gaînes dont les autres avaient été dé- pouillées. Les branchies du Calopteriæ forment un type de transition, un chaînon organique du plus haut intérêt pour l'intelligence de la marche graduelle des compositions anatomiques. On va voir comment le génie créateur peut modifier à l'infini les moyens pour atteindre un même but, comment ces branchies rectales nous amènent par une heureuse nuance aux branchies caudales de l'Agrion. Au lieu de cette somptuosité branchiale des Æshna et des Li- bellula, on ne rencontre dans le rectum du Calopteriæ que trois raquetles membraneuses, fixées par une seule extrémité à la partie interne et postérieure de cette poche stercorale, de manière à être libres et flottantes aux deux tiers de leur longueur. La translucidité des parois rectales permet si bien d’apercevoir ces raqueltes branchiales, que, dans ma première autopsie, je crus qu'elles étaient extérieures, et qu’elles embrassaient le rectum comme un calice. Plus tard, je constatai positivement leur silua- tion intra-rectale. Leur texture intime est on ne peut pas plus analogue à celle des branchies caudales de l'Ægrion : elle consiste dans une fine broderie trachéenne, dont les nombreuses divisions aboutissent à une trachée médiane , qui s’abouche de proche en proche aux grands canaux aérifères. Quant aux trois branchies caudales de l'Ægrion, je les ai à peu près décrites, et dans le signalement générique des larves et dans 88 L, DUFOUR, — OBSERVATIONS ce que je viens d'exposer à l’occasion du Calopterix. J'ajouterai seulement que les soies latérales externes de ces lames sont im- plantées sur une sorte de bulbe, qui facilite leurs mouvements dans l’acte de la natation. Heureux, cent fois heureux, le zootomiste avide d'instruction , qui à pu suivre du scalpel et de l'œil cette sublime succession organique, cette série si admirablement échelonnée des branchies des larves des Névroptères, depuis les rectales si compliquées de l’Æshne et de la Libellule, et si simples du Calopteriæ, jusqu'aux caudales de l’Agrion, aux latérales de l'Ephemera, du Sialis, du Perla, du Phryganea, du Nemoura, etc.! Voilà ce que des dissections attentives et fréquemment renou- velées m'ont appris sur la structure des branchies de nos larves de Libellules. Je crois les avoir poussées jusqu'aux limites du possible, jusqu’à ces linéaments élémentaires, que le scalpel et l'œil ne sauraient atteindre dans les plus grands animaux. Cuvier a le premier signalé une partie de la structure intime des branchies de ces larves ; il n’a point désigné l’espèce soumise à ses dissections, mais notre scalpel nous a mis sur la voie de cette désignation , et c'est ici une des nombreuses occasions de rendre hommage à l'utilité de l'anatomie, même pour l’établisse- ment du type spécifique. Guvier parle d’une multitude de petits tubes coniques sur les douze rangées régulières des taches du rectum, ce qui permet d’inférer qu’il avait sous les yeux la larve d’une Æshne, et probablement celle de l'Æ. grandis. Ses petits tubes coniques sont mes papilles tubuleuses ; mais ce célèbre na- turaliste était loin d’avoir connu les véritables lames branchiales où s'opère réellement la décomposition de l’eau et l'absorption de l’air. Son scaipel n’avait pas franchi la tunique muqueuse du rectum, et, en constatant ses tubes coniques, il ne se doutait pas qu'ils n'étaient que les gaines des papilles tubuleuses insérées plus profondément sur la trame branchiale. M. Marcel de Serres a aussi parlé de ces branchies ; il donne le nom de vésicules pneumatiques aux papilles tubuleuses , et il dit qu’elles sont disposées sur les replis de la tunique muqueuse du rectum; celle-ci est devenue pour lui une barrière insurmon- SUR LES LARVES DES LIBELLULES, 89 tée. Mais pourquoi M. Marcel de Serres n’a-t-il donné que dix rangées aux branchies, lorsque Cuvier et la nature leur en assignent douze? Quelques compilateurs ont propagé cette erreur. Sukow a figuré les branchies de l’Æshna grandis. Vour tout ce qui tient aux formes générales des organes, à leur position respective, à l’ensemble de la structure, nous avons vu, l’auteur russe et moi, les choses du même œil. Mais, hélas! quand Sukow veut aborder les détails de la texture intime des branchies, quand il s’agit de cette trame trachéenne élémentaire , de ces longues papilles aérigènes, on croirait que son scalpel, ses lentilles microscopiques, se sont exercés sur des sujets d’une espèce très différente de la mienne ; ce qu’il appelle ces houppes trachéennes ne ressemble en rien aux lames bran- chiales qui existent dans toutes les larves d’Æshna ou de Libel- lula ; il n’admet non plus que dix colonnes de ces lames, qu’il désigne sous le nom de plis transverses ; enfin, quand il s’agit de la respiration et de la circulation dans nos larves, Sukow se laisse aller à des idées fort excentriques. Dans son manuel tout récent (1849), von Siebold semble avoir redouté d'entreprendre le résumé des faits émis par ses prédé- cesseurs sur la question si pleine d'intérêt des branchies des Névroptères ; il se retranche derrière un silence absolu , en lais- sant dans le tableau de la science une immense lacune. C’est ici l’occasion de parler d’un fait fort extraordinaire et, je ne crains pas de le dire, tout à fait illégal. M. Newman (Transact. Soc. linn. Lond.) à réitérativement assuré que dans le Pleronarcys regalis, Névroptère exotique, non seulement la larve et la nymphe, mais l’Insecte ailé lui-même, sont munis de bran- chies! ! Je n'ai jamais vu le Pleronareys , et j’ai foi entière dans la conviction intime de M. Newman. De longues études entomo- tomiques m'ont appris combien la nature se joue de nos préten- tions à lui imposer des règles; j'ai admiré son génie inépuisable dans la multiplicité des formes et dans leurs attributions physio- logiques. Mais il est évident aussi pour tout observateur attentif à se garer des illusions, que la Providence est conséquente à ses 90 L. DUFOUR. - OBSERVATIONS créations, et qu'elle ne s’écarte point de certaines lois fondamen- tales. Les auleurs ont-ils tous rigoureusement défini la valeur technique de branchie ? Cet organe n'est-il pas, ne doit-il pas être l’apanage exclusif des animaux à respiration aquatique ? Sa mission physiologique n'est-elle point d’extraire de l’eau am- biante l'air vital pour l’accomplissement de la nutrition? A quoi serviraient les branchies dans la respiration toujours aérienne d’un Névroptère ailé? Quel serait donc leur mode de fonctionner? Ne se pourrait-il pas que des branchies de la nymphe pussent se transmettre oblitérées , infonchionnables, simplement appendicu- laires et vestigiaires à l'Insecte ailé? Ce sont là des problèmes dont je demande instamment la solution. CHAPITRE II. RESPIRATION. Après avoir décrit les organes qui président à l'acte respira- toire, abordons la question physiologique ou fonctionnelle ; rapprochons celle-ci des faits anatomiques, comme on rapproche l’effet de la cause. Mais loin d’élancer notre imagination dans la région supranubienne de la physiologie dite transcendante , rai- sonnons terre à terre, et bornons notre ambition à être facilement intelligible, Les Insectes hexapodes à leur état parfait respirent tous sans exception l'air atmosphérique (1). Quel que soit le milieu qu'ils babitent, ou la terre ou l’eau , ils puisent l’air par des orifices extérieurs ou stigmates qui le transmettent aux trachées ; celles- ci le font circuler partout jusque dans l'intimité des tissus. L’immense majorité des larves de ces Insectes partage encore le même mode de respiration atmosphérique. Quelques unes de ces larves, essentiellement aquatiques, quoique pourvues d’un système trachéen complet , plus complet même que celui des Insectes ordinaires, ont des organes spéciaux (1) Je viens tout à l'heure d'exposer mes incertitudes sur l'exemple anormal des Pleronareys de M. Newman. SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 9j destinés à retirer l'air de l’eau. Ces organes sont les branchies. Mais comme par une apparente contradiction nos larves à respi- ration branchiale ou aquatique ont aussi des stigmates , organes propres à la respiration atmosphérique, nous aurons à examiner ce curieux incident. Et avant tout, constatons que les larves d’Æshne, de Libellule et de Calopterix , avalent par l’anus l’eau qui doit servir à leur respiration. Rien de plus simple que de se convaincre de ce fait, dès longtemps si bien établi par Réaumur. J'avais placé des individus de plusieurs espèces de ces larves dans un grand bocal rempli d’eau de mare reposée, où surna- geaient quelques plantes aquatiques, comme Lemna, Callitriche, Ceralophyllum , ete. Il y avait au fond du bocal un peu de vase, cherchant ainsi à imiter les conditions naturelles de l'habitat. Ces larves, quoique pourvues de stigmates, ne s’approchaient jamais de la surface du liquide pour y humer l'air atmosphérique à la manière des Ilydrophiles, Dytiques, Nepes, Nolonectes, etc. : elles demeuraient toujours submergées soit au fond du vase, soit accrochées aux plantes. Je les voyais entr’ouvrir ou étaler leurs pointes caudales, et, à la faveur des atomes suspendus dans l’eau, je jugeais, par la convergence de ceux-ci vers l’anus, que l’ani- mal pompait, aspirait le liquide, ce que confirmait encore la dila- tation simultanée de l’abdomen ; lorsque au contraire ces atomes fuyaient en divergeant, il était clair que la colonne d’eau était repoussée de l'anus. Ce dernier mouvement s'exécute souvent par une expulsion si violente, que l’eau est agitée et comme tour- billoïnée à la distance de plus de 2 pouces. C’est alors, ainsi que l'avait fort bien observé Réaumur, qu’a lieu la progression nata- toire de l'Insecte; progression qui a été pareillement observée dans l’Holothurie. L'entrée et la sortie alternatives de l’eau sont loin de s’opérer avec la régularité, l’isochronisme qui s’observent dans l'acte respiratoire des animaux à poumons. Je surprenais souvent la larve dans une immobilité absolue, dans un repos sérieux comme méditatif, ses pointes caudales, rapprochées en cône , fermées perdant des minutes entières. 1 régnait alors un calme plat dans 92 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS le liquide ambiant. Je me demandais si l’Insecte durant ce repos n'était pas plus spécialement occupé de cette chimie organique, dont le résultat est la sécrétion de l'air. Ce mécanisme de la respiralion de nos larves n’avait point échappé à Réaumur, et on peut, malgré la grande différence du siége, lui appliquer la même théorie que dans les grands ani- maux. C’est dans les jeunes larves, où le tégument a une demi- transparence, que l’on peut surtout constater ce mécanisme respiratoire. Pendant l'inspiration, ou mieux pendant l’injection aqueuse, l’anus s'ouvre, il se fait un vide dans le rectum; les muscles peauciers, qui revêtent la face interne de l’enveloppe tégumentaire , se prêtent par leur relâchement à l’ampliation de l'abdomen déterininée par la plénitude du rectum ; alors celte poche refoulée en avant entraîne à sa suite les faisceaux tra- chéens fournis pas les grands canaux aérifères. Pendant l'expiration, ou mieux l’éjection , le contraire a lieu. Les muscles abdominaux en se contractant favorisent la déplé- tion du rectum, qui, en revenant au point de départ, est pareille- ment suivi des divers tissus annexés aux trachées. C'est ce double mouvement que Réaumur comparait à un jeu de piston. Tout ce que le scalpel et le microscope pouvaient nous révéler sur la forme, la structure et les connexions des branchies, je l'ai exposé. Je crois avoir clairement démontré que le dernier terme anatomique de cette structure était une lame tantôt formée d’un canevas trachéen d’une excessive finesse uni ou homogène, tantôt de ce même canevas où s’implantent des papilles tubu- leuses, dont l’axe est encore une production trachéenne. Je prouverai aussi tout à l’heure par des observations et des expé- riences concluantes que nos larves , quoique pourvues de stig- males bien conditionnés , ne se servent jamais de ceux-ci tant qu’elles vivent dans l’eau. Rappelons-nous que les subtiles ramifications trachéennes des lames branchiales sont tapissées et même engaînées par la mu- queuse rectale ; c’est donc celle-ci qui, en contact direct et immé- diat avec l'eau, opère la séparation de l’air respirable , en vertu de ses propriétés vitales, d’une sorte de sensibilité électrice, qui SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 93 s’observe dans les plus grands comme dans les plus petits orga- nismes. N'est-ce pas celle même sensibilité électrice qui, dans les grands animaux, relire du sang par voie de sécrétion, l’urine, la bile, le sperme, la salive, les larmes, les éléments réparateurs de nos solides, etc.? La muqueuse rectale de nos larves s’appro- prie donc l'air vital pour le transmettre, le filtrer dans la trame vasculaire des lames branchiales. Des centaines de ces dernières paient à chaque instant leur tribut aérien aux six grands canaux aérifères, qui, comme autant d’artères, font circuler dans tous les viscères, dans tous les tissus, l’air assimilateur. Je ne reviendrai point sur le parallèle anatomique de la struc- ture des branchies dans les Insectes et dans les Poissons, Que le lecteur veuille bien se le remettre sous les yeux ! Dans ces deux ordres d’animaux, les branchies retirent de l'eau ambiante par le mystère d’une chimie organique, devant laquelle il faut s’incliner : l'air respirable, Mais dans le Poisson, qui jouit d’une véritable circulation, le sang des vaisseaux bran- chiaux recoit immédiatement le bénéfice de l'oxygène , tandis que dans l’Insecte, où il n’existe pas des vaisseaux sanguifères , l'air extrait de l’eau passe dans le réseau trachéen des lames branchiales, qui le livre , ainsi que je l’ai dit plus haut, au tor- rent de la circulation aérifère. Ce serait tomber dans des répé- titions oiseuses, que d’insister plus longtemps sur une question qui me semble bien entendue. Voici donc la grande différence qui, suivant moi, existerait entre la respiration atmosphérique soit des Insectes, soit des grands animaux à poumons, la respiration aquatique où bran- chiale. Dans l’atmosphérique , l'air est inspiré dans l'intégralité de sa composition normale , et l'organe qui préside à la fonction en sépare l'oxygène pour le but final de cette fonction. La partie non respirable de cet air, c'est-à-dire l’azote et le gaz acide car- bonique, est éliminée par la même voie à l’aide de l'expiration. Dans l’aquatique, l'oxygène seul est extrait de l’eau , disons mieux extrait de l’air dissous dans ce liquide par les branchies, eLilest livré à la circulation vasculaire tant aérifère (Insecte) que 94 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS sanguifère (Poisson). L'eau, privée de ce principe vital, est: abandonnée ou expulsée; or, puisqu'il n’y a pas de résidu dans l’intérieur de l'organe respiratoire, il n’y a ni nécessité ni possi- bilité d'élimination ; il n’y a pas, il ne saurait y avoir expiration dans l’acceplion convenue de ce mot, Dutrochet, qui s’est efforcé d'établir la filiation physiologique entre les tissus végétaux et animaux, avait, dans un mémoire présenté à l’Institut en 1833, abordé sérieusement la question de la respiration branchiale des Insectes aquatiques. Quoique cet auteur ne le dise pas explicitement, ses expressions d’eau chargée d'air respirable, d'air dissous dans l'eau, d’eau aérée, témoignent assez hautement que, dans son esprit, la respiration se fait aux dépens de l’air tenu en simple dissolution dans l’eau. Mais Du- trochet croit que l'air respirable retiré de l'eau est dans les mêmes conditions de composition que l’air atmosphérique, qu'il circule comme tel dans les trachées de nos larves aquatiques , et qu'après avoir servi à la nutrition, il vient de nouveau échanger l’azote et le gaz acide carbonique contre de l’air oxygéné , puisé par les branchies dans l’eau qui les baigne. Si Dutrochet eût appris, par son observation directe ou par les beaux mémoires de Réaumur , que nos larves avaient des stigmates, indépendam- ment des branchies, il aurait, je n'en doute point, embrassé l’opinion de Réaumur à l’endroit de ces stigmates, qu'il regar- dait comme eæpiraleurs où éliminateurs. Je me suis expliqué, et je m'’expliquerai encore sur ce point de physiologie. M. Marcel de Serres s’est laissé entraîner à une erreur et à une contradiction flagrantes, lorsque, dans le même alinéa, il dit d'abord que l'oxygène extrait de l’eau passe dans les trachées pul- monaires, et c'est la vérité ; puis il termine par ces mots : « Quant aux gaz expulsés au dehors, ils passent des vésicules pneuma- tiques dans les trachées tubulaires, qui vont se rendre dans la grosse trachée, dont l'ouverture est à l'anus, » : Mais puisque c’est l'oxygène seul qui, retiré de l’eau, se trans- met des branchies aux trachées, les gaz à expulser (à mon avis il n’y en a point) ne sauraient s'engager dans la même voie; de plus, il y a erreur anatomique patente à dire que le canal aéri- SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 95 fère supérieur, ou la grosse trachée de cet auteur , s'abouche à anus, Ce canal en approchant du rectum se divise, se subdivise en rameaux et ramuscules, qui n’aboutissent nullement à un ori- fice extérieur, ainsi que je l’ai surabondamment prouvé. Il serait même plus conforme à une saine physiologie de dire que ce canal naît de ces rameaux. La coexistence dans nos larves-nymphes de branchies et de stigmates peut paraître physiologiquement problématique aux personnes qui n’ont pas scrupuleusement étudié, le scalpel à la mäin, l'organisation si piquante de ces animaux. J’ai déjà traité la question anatomique ; je vais en exposer la physiologie. Quoique la présomption de M. Duvernoy sur l’oblitération de ces stigmates ne me parût point fondée sur des faits propres à ce savant, mais plutôt sur une analogie avec les stigmates postiches des Nepes, cependant elle éveilla mes doutes. Mes premières investigations semblaient même favorables à cette conjecture de M. Duvernoy , ainsi qu’on va le voir par la série des faits et des expérimentations, qui m'ont enfin amené à la découverte de la vérité. Pendant des mois entiers, j'avais journellement sous les yeux ma ménagerie de larves-nymphes , que j'avais réparties dans divers bocaux appropriés ; ceux-ci étaient placés sur mon bureau, dé manière à pouvoir à chaque instant du jour et de la nuit épier les mouvements et les manœuvres des habitantes de mes prisons vitrées. Jamais, je le répète, ces Insectes ne venaient à la surface humer l'air atmosphérique ; s’ils ne marchaient pas gravement au fond du vase, comme le faisait la Libellula depressa, ils grim- paient sur les plantes immergées, et, les Æshna surtout , après avoir fait choix d’un poste définitif, s’y tenaient dans l'attitude de supination, c’est-à-dire le corps renversé, de manière que le ventre était tourné vers la surface du liquide et le dos en bas. C'était là un double fait qui était loin de parler en faveur de la fonction respiratoire des stigmates. Malgré mon attention et ma vigilance soutenues pour saisir les bulles d'air, grandes ou petites, qui s'échapperaient, soit du siége des stigmates , soit de l'ouverture des pointes anales ; je ne vis 96 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS sortir de celle-ci que des fusées d'eau, et je n’apercus pas un atome d’air s’exhaler des autres points. Fallait-il conclure de ces faits que les stigmates étaient oblitérés? Non; mais il était permis de penser qu’ils ne fonclionnaient pas lorsque la larve habitait l'eau. Puisque ces larves peuvent se passer de respirer directement l'air atmosphérique, voyons si leur vie se maintiendra en les pri- vant de leur élément aquatique, de cet élément qui semble la source, la condition de leur respiration branchiale. Je séquestrai dans quatre verres à sec un individu de mes quatre espèces de mes larves-nymphes, en choisissant les plus développées. Avant de les incarcérer j'attendais qu’elles eussent évacué l’eau conte- nue dans leur rectum, ce qu’elles exécutaient en la dardant avec une sorte de crépilation. Le jet du liquide était souvent lancé à la distance de 6 à 7 pouces, comme l’avait déjà observé Lyonnet. Eb bien ! cinq jours après, ces larves vivaient encore , et pendant tout ce temps les pointes caudales étaient conniventes , fermées. Ce fait-là devint pour moi fécond en conséquences. J’en conclus d’abord que ces larves avaient respiré l'air atmosphérique. Notez que lors de cette expérience je n’avais pas encore constaté les sligmates dans les larves des trois Æshna, et dès ce moment je ne balancai pas à les leur supposer. Comme ma loupe était inha- bile à les découvrir, il me restait à invoquer le scalpel. Je m'at- tachai à poursuivre scrupuleusement la distribution des trachées, et je ne tardai pas à trouver deux souches sous-stigmatiques cor- respondant, comme dans les Libellula, à la région dorsale du thorax. C’est sur l'indice de ce jalon qu’en tiraillant, en sens contraire , le prothorax et le mésothorax , je découvris les stig- mates si convoités, Une figure donne la représentation de ce fait. Ces expériences , ces dissections avaient donc démontré l’exis- tence d’une paire de stigmates dans les Æshna comme dans les Libellula, et, suivant toules les probabilités, cette observation doit s'étendre au Caloplerix et à l’Agrion. Elles avaient aussi résolu le double problème de la respiration aquatique par des branchies sans le concours des stigmates, et de la respiration atmosphérique par les stigmates sans le concours des branchies. SUR LES LARVES DES LIBELLULES, 97 Ce résultat me valut une de ces vives jouissances que comprennent les hommes passionnés pour la recherche de la vérité. . Mais pourquoi la Providence, qui n’a rien créé de superflu, et qui fait tout concourir à la conservation de l’individu, aurait-elle donné d'’inutiles stigmates à des larves destinées à vivre dans l’eau à la faveur de branchies ? Voyons si, dans ce que nous sa- vons sur les habitudes de ces nymphes, nous ne pourrions pas trouver de quoi justifier cette anomalie apparente. Swammerdam, Réaumur, Lyonnet, De Géer nous ont dès long- temps appris que, pour subir leur dernière métamorphose en In- secte ailé, les nymphes quittent le sein des eaux pour se percher sur les plantes émergées ou sur les branches du rivage. Or, au moment où l’animal va atteindre sa plus haute perfection d’In- secte, il eût succombé à une véritable asphyxie si, dans la con- stance de ses sollicitudes, la nature n’avait pas tout disposé de longue main pour suppléer à une respiration aquatique parvenue à son dernier terme par une respiration atmosphérique toute prêle à s'établir. Remarquons encore, à l’appui de cette prédes- tination physiologique, que les larves, dans leur bas âge, ont des stigmates rudimentaires, qui se prononcent d’autant plus que les nymphes arrivent à leur métamorphose finale. Et qui nous assure qu’en donnant à nos larves des stigmates qui ne devaient pas fonctionner pendant la vie aquatique, la na- ture, dans ses étonnantes prévisions, n’a pas voulu parer à cer- taines éventualités , comme le desséchement , pendant l'été, des étangs peuplés par ces larves? Ne serait-ce pas là, qu'on me passe la comparaison, des stigmates de sauvetage, des encas, comme disait une femme célèbre ? Alors je m’expliquerais pour- quoi la nymphe de Libellula depressa a été dotée de stigmates plus marqués , et surtout plus à découvert que celles des Æshna. La première, vivant dans des mares de peu de profondeur, sujettes, par conséquent, à de fréquents et brusques desséchements, aurait eu son existence bien plus souvent compromise si ses stigmates n'avaient pas été organisés de manière à entrer promptement en exercice, Ces fails, ces raisonnements me semblent péremptoires. 1 3* série, Zoom. T, XVIL, (Cahier n° 2,77 Li) L. DUFOUR. — OBSERVATIONS Appareil circulatoire. Pour être conséquent aux divisions de mon sujet, et pour ne “point laisser une lacune dans l’anatomie de nos larves, je dirai quelque chose sur l'organe dit vaisseau dorsal où cœur et sur ses annexes. Je ne rentrerai pas dans la question si controversée de a circulation vasculaire dans les Insectes. Je crois l'avoir traitée à fond dans divers écrits, et tout récemment encore. La pellucidité tégumentaire de ces larves , étudiées vivantes , rend facilement constatables à l'œil nu les palpitations du susdit vaisseau, soit dans l'eau , soit à sec. C'était là une belle occasion de réformer ou de modifier ma mécréance sur cette circulation. Je déclare que j'ai mis la plus sincère bonne foi dans ma con- version sur ce point. Je n'ai pas réussi. La ligne médiane dorsale de l'abdomen offre une teinte plus claire, et l’on y distingue par transparence les mouvements alter- “natifs de dilatation et de contraction. C’est là un fait clair comme le jour. Ces mouvements sont insensibles au thorax et aux deux derniers segments abdominaux , ou parce qu’ils sont réellement fort obscurs, ou parce qu’un tissu plus dense , plus opaque les y dérobe à la vue. Dans ces palpitations, on voit des expansions arrondies séparées par des coarctalions fugitives. Dans l’inaction où après la mort, c'est un cordon linéaire. Je ne redirai point ici mes expériences sur la triple section du Vaisseau dorsal opérée sur de grandes larves , replongées ensuite dans l’eau où tenues à sec. Les palpitations ont cessé à l'instant, «mais la vie s’est encore maintenue deux ou trois jours. Pour constater le liquide épanché dans la cavité abdominale, et pour étudier le mode de fluctuation de ce liquide nourricier, ‘qui n’est pas autre que le sang blanc, je choisissais de jeunes larves translucides que je placais, soit dans un godet où elles “étaient à peine immergées , soit à sec sur un papier blanc, soit enfin entre mes doigls sans trop les presser pour les examiner à contre-jour. Je me servais d’une bonne double loupe. Dès long- temps rompu aux épreuves de patience, je passais des heures entières à épier, à saisir dans cette fluctuation les mouvements SUR LES LARVES DES LIBELLULES, 99 réguliers qu'on a appelés des courants. Je le dis en toute con- science, il ne m'est resté aucune conviction sur l’existence de ces courants. Si j'apercevais le fluide nutritif poussé en avant et re- ‘poussé en arrière, je le voyais aussi fluctuant dans le sens trans- versal. 11 n'existait dans.ces flots aucune isochronéilé. Toutes ces impulsions élaient, à mon avis, et, je le répète avec une entière conviction, déterminées et par les mouvements contractiles, soit du canal digestif, soit du vaisseau dorsal, et par les déplace- ments viscéraux que détermine lacte respiratoire, et par l’ac- tion musculaire locomolive, et par les changements de niveau du corps. Rien, absolument rien, n’indiquait que ces fluctua- tions fussent produites par des agents spéciaux d’une circulalion régulière. Tels sont les faits observés par transparence sur des nymphes vivantes peu ou point inquiétées. Prenons maintenant le scalpel. Faisons l’autopsie par la région ventrale, l'animal étant couché sur le dos. Le vaisseau dorsal, dégagé de ses adhérences analo- miques, se présente sous l’aspect d’un cordon filiforme , simple, droit, uni, partout de texture homogène. Il est logé dans use sorte de gouttière inédiane du tégument dorsal, Soumis au microscope et sous la projection d'un rayon solaire, il m'a paru avoir les stries longitudinales d’un tissu fibreux. Quelque scrupuleuses , ‘répétées et sincères qu'aient été mes explorations, je n’ai jamais pu ou su découvrir dans cet état cadavérique , ni dilatations , ni ouvertures latérales, ni vaisseaux qui en naissent, ni divisions quelconques. Par son extrémité antérieure cet organe un peu atténué se fixe à l'œsophage, sans pénétrer dans l’intérieur de celui-ci. Par son extrémité postérieure il adhère au pénultième segment de l'abdomen, à une arête médiane où se fixent aussi des muscles. 39 Telle est en peu de mots, et en mots bien pesés, bien réfléchis, la description de ce qu’une longue pratique des dissections les plus délicates m'a appris sur ledit vaisseau dorsal de nos larves. Je supplie les anatomistes versés dans ces sortes d’autopsies, les savants affranchis de préventions et de préoccupations, de se pé- nétrer de ses insertions antérieure et postérieure, de cette simpli- 400 EL. DUFOUR, — OBSERVATIONS cité filiforme. Est-il permis d'appeler ce cordon un organe d’im- pulsion circulatoire, un cœur ? Je vais maintenant aborder un sujet, que j'envisage sous un point de vue bien différent de celui de mes prédécesseurs. Il s’agit sinon d'organes , du moins de tissus particuliers que les entomo- logistes ont rattaché au vaisseau dorsal, et qui, à mon avis, au moivs pour ce qui concerne nos larves actuelles, en sont entière- ment indépendants, et doivent être relégués au chapitre du tissu adipeux splanchnique. Ce n’est donc que pour satisfaire à une sorte d’exigence anatomique que je me décide à traiter par anti- cipation cette question. La portion abdominale dudit vaisseau dorsal est accompagnée, longée sur ses côtes, par une sorte de fraise épiploïque , sinon inapercue, du moins mal appréciée par mes devanciers. Cette fraise , bien plus large que le prélendu cœur, a une consistance molle, une texture comme adipeuse, une couleur blanchâtre. Net- tement arrondie à son début où elle adhère à ce cœur, elle s’at- ténue ensuite en s’éloignant de celui-ci, et se termine en arrière par des lanières ou radicules insaisissables. Quelquefois ce tissu plus condensé n’est qu’une bordure en bourrelet, 4 Déchiré et soumis au microscope pour en étudier l'intime tex- ture, on y découvre de forts petits granules comme dans les corps adipeux, tandis que la même lentille n’en découvre pas le moindre vestige audit cœur. Des trachéoles nutritives d’une extrême sub- tilité, mais bien évidentes au microscope , pénètrent cette pulpe , et s'étendent même jusqu’à l'organe dorsal pour y former les liens de l’adhérence. En rompant celle-ci il n’est pas rare que quelques troncs de ces trachéoles demeurent fixés au cordon dor- sal, et des yeux trop complaisants ou prévenus verraient dans ces troncs les divisions de ce dernier. Quand on dissèque une de ces larves préalablement cuite dans l’eau bouillante, procédé propre à mieux faire ressortir les tissus fibreux, musculaires, et même certaines glandes, les fraises épi- ploïques sont plus tranchées et d’un blanc mat, ce qui pourrait bien faire soupconner une nature albumineuse. Mais ces deux fraises épiploïques qui flanquent le cordon dor- SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 101 sal ne sont pas les seules que l’on rencontre dans la cavité de l'abdomen. Un scalpel scrutateur qui procède avec circonspection en découvre encore une de chaque côlé dans les flancs de cette même cavité, et sans qu’il y ait aucune contiguïté entre elles. Sauf un peu moins de grandeur, on y retrouve la même confor- mation générale, les mêmes granules élémentaires , et la même couleur blanc mat par la coction. Il existe donc deux paires de ces fraises épiploïques, l’une dor- sale , l’autre latérale. Quoique bien distinctes et assez distantes , elles ont une connexion mutuelle, un lien organique à la faveur d’un tronc trachéen intermédiaire, qui distribue à droite et à gauche, avec une certaine symétrie , des branches transversales parallèles , simples , se rendant directement à ces fraises qu’elles pénètrent de leurs innombrables ramuscules nutritifs. Sa richesse trachéenne témoigne de l’imporlance physiologique de cette pulpe. Des zootomistes empressés et trop confiants ne manqueront pas de considérer les fraises épiploïques dorsales comme très analo- gues à ce que les auteurs ont appelé les ailes du cœur. Et alors, quel nom , quelles attributions donneront-ils aux fraises latérales d’une composition si identique aux dorsales ? Ces conglomérations adipeuses me semblent, en définitive, des- tinées à une intussusception nutritive pour les temps de diète pro- longée ou d’abstinence forcée. La portion thoracique du cordon dorsal, si hasardeusement nommée aortique par les partisans quand même de la circulation vasculaire, présente aussi , à une loupe scrupuleuse , un fin liséré adipeux. Appareil digestif. Les Libellules, tant à leur état de larve et de nymphe qu'à celui d’Insecte parfait, sont carnassières et se nourrissent de proie vi- vante. Leur appareil digestif présente toutes les conditions pro- pres à ce genre de vie, J'ai déjà fait connaître, dans mon Anatomie des Névroptères , ce même appareil dans les Libellules ailées provenant des larves 102 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS qui font l’objet actuel de mes recherches. Ce rapprochement viscéral, ce parallèle vont nous montrer, dans ces deux âges d’un même type, une analogie organique que confirme l'identité de leur nourriture , malgré l'énorme différence des formes exté- rieures, des habitudes et surtout de l'habitat. Les organes qui composent cet appareil sont la bouche et le tube alimentaire, y compris les vaisseauæ hépatiques. J'ai vaine- ment cherché des glandes salivaires. 11 n’en existe pas plus dans les larves que dans les Insectes ailés. CHAPITRE Ill. DE LA BOUCHE. Quoique Réaumur ait décrit et figuré avec de précieux détails la bouche si compliquée, si hétéroclite de nos larves ; quoique De Géer, confirmant l'exactitude des observations de son modèle, y ait ajouté comme complément ce qui concerne la composition , la structure de ces mêmes organes buccaux dans les Libellules ailées; quoique enfin M. le professeur Brullé, remaniant les faits de ces maîtres de la science, ait, dans un travail spécial (1), cherché à élablir la conformité organique de quelques pièces de cet appareil dans les deux âges des mêmes espèces , ainsi que la concordance des attributions et de la nomenclature, on va voir que, pour servir les exigences actuelles, il restait encore à glaner après de si graves aulorités, Je serai concis dans cette démonstra- tion des parties constitutives de la bouche. J'ai déjà exposé, dans les signalements génériques , les différences qui existent sous ce. rapport entre les quatre genres soumis à mon scalpel. Je prendrai pour type/la larve de l’ Æshna grandis, espèce qui à servi aux dissections de De Géer. Sous la voûle du chaperon , ou labre, se voient d’abord les mandibules ; elles sont courtes, grosses, robustes, armées de dents crochues, au nombre de cinq ou six, placées sur deux étages, et parfaitement analogues à celles de l’Insecte ailé. Réaumur et De Géer se contentaient d'appeler ces mandibules des dents. . (1): Ann. de la Soc. entom. de France, LIL, p.343. SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 103 M. Brullé ne les mentionne point, car je ne pense pas que ce soit ce qu'il désigne sous le nom de premières mâchoires ; il n’y existe aucun vestige de palpes. ; Les mâchoires sont un peu en arrière et presque en dessons dos mandibules. Réaumur les nomme dents du second rang, e De Géer dents postérieures. Ces mâchoires sont, comme 4 l’Insecte ailé, composées 1° d’une pièce interne allongée, cornée, garnie de plusieurs dents crochues; 2° d’un palpe maæillaire d’un seul article allongé, ordinairement couché sur le dos de la mâchoire, velu et inséré par une articulation au côlé externe de celle-ci. Réaumur, qui l'a représenté (loc. cit., pl. 37, fig. 10}, ne lui a pas donné un nom, et De Géer, rapproché du vrai,.le compare à un barbillon, nom synonyme de palpe. La pièce véritablement insolite, celle qui forme le trait le bus caractéristique de nos larves, a été appelée par Réaumur et De Géer le masque, et ce nom est bien trouvé, car elle cache, comme un bouclier, la face et tout le dessous de la tête, en se prolongeant même jusqu’à la région sternale du {horax ; elle est évidemment le développement anormal et exagéré de la lévre in- férieure, comme je vais le prouver. Le masque est une longue et large lame triangulaire, lisse et de texture légumentaire, unie en arrière par une arliculation ginglymoïdale ou angulaire faisant l'office d’un genou., et nom- mée menton par Réaumur , à une tige ou sorte de manche, un peu moins long que lui, mais de même texture, et qui revient d'arrière en avant pour se fixer à une plaque arrondie qui, par sa position près du pharynx ou de la bouche , serait la lèvre nor- male. Réaumur lui donne le nom hasardé de langue. A raison de ce mode d’artliculation, le masque, dans la condi- tion du repos, est immédiatement appliqué contre le manche, et continue ainsi le plan uni de la région inférieure de tout le corps. Le tégument qui le revêt est d’une grande finesse, el sa diapha- néité permet de distinguer les fibres musculaires longitudinales sous-jacentes, Son bord antérieur, comme sinué, est garni d’une fine brosse serrée et brune , avec une entaille médiane, un petit sinus , dont nous verrons bientôt l'utilité, Aux ängles extérieurs 104 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS de ce bord s’insèrent deux articles établis sur une souche com- mune, savoir : 1° un crochet, ou ergot corné, long, pointu, mé- diocrement arqué, articulé à sa base sur une apophyse prolongée, se croisant avec son congénère pour former la pince, et ne sem- blant par sa position que la dégénération d’un palpe labial ; 2% un lobe interne, moins corné, continu avec la souche, qui lui imprime son mouvement, et se prolongeant jusque vers le milieu de l’ergot. Ce lobe a été mal saisi par de De Géer, et à peine en- trevu par le professeur Brullé. Son bout libre est très obtus, obliquement tronqué, et l'angle postérieur de la troncature se prononce en une pelite pointe aiguë. Le bord inférieur ou interne de ce lobe est légèrement concave et tranchant. Une bonne loupe y découvre une bordure de petits points saillants, qui, à une puissante lentille du microscope, sont des crénelures régulières arrondies, une sorte de crémaillère. La partie du masque qui porte les crochets est remplacée, dans les larves de Libellula, par un casque à deux volets, pour me ser- vir de la juste expression de Réaumur. Ces deux volets se tou- chentà la ligne médiane par leurs bords finement crénelés, et de- viennent ainsi, comme les crochets, des organes préhensifs. Les masques du Calopteriæ et de l’Agrion sont percés d’une ouver- ture en losange: ils ont été parfaitement décrits et figurés par Réaumur. Essayons de signaler en peu de mots les attributions physiolo- giques d’un appareil buccal si compliqué, si insolite. Je me com- plais toujours à signaler tout ce qu'il y a d'intelligence providen- tielle dans les moindres rouages de ces petites machines animales qui constituent les Insectes. Voyez comme toutes les formes, toutes les structures, ont été sagement calculées pour s’accommo- der aux exigences fonctionnelles! Nos larves, destinées, dans leur demeure aquatique, au régime d'une proie vivante, auraient manqué leur but, si le Créateur n’avait pas suppléé à la brièveté et aux mouvements bornés des mandibules, ainsi que des mâchoires, par un organe de‘préhen- sion adapté à cette situation. Cet organe est précisément le masque labial, Gette arme offensive, si dissimulée dans le repos, SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 105 se déploie, se débande avec une étonnante prestesse, qui rappelle la projection instantanée et rapide de la langue du Caméléon. Il est curieux de voir avec quelle dextérité notre larve, en apparence si lourde , si paresseuse , darde , saisit sa proie à la faveur des ergots acérés et mobiles de son masque. Tout aussitôt cette proie est enserrée et par le petit harpon du lobe interne , et par son imperceptible crémaillère. Ces ergots transmettent la victime aux nombreux crocs des mandibules et des mâchoires qui l'ont vite broyée. Admirez comme la courbure de ces ergots s’accom- mode au contour de la tête, qu’ils bordent et protégent dans leur inaction; avec quelle précision le bord crénelé du lobe interne est taillé pour s'adapter au léger feston correspondant du bord antérieur du masque, comme l’épine de sa troncature vient tout justement se loger dans l’entaille médiane, et ses crénelures s’enchâsser dans la brosse marginale! Tous ces riens de struc- ture qui ont échappé aux auteurs anciens , ainsi qu'à M. Brullé et à Sukow, impriment aux conséquences physiologiques qui en découlent le charme le plus entraînant. CHAPITRE IV. DU TUBE ALIMENTAIRE ET DES VAISSEAUX HÉPATIQUES. Le canal digestif de nos larves est court, comme celui de la plupart des animaux carnassiers; il est à peu près droit. L’æsophage se renfle, après le prothorax, en un jabot ou conoïde, ou turbiné , ou parfois accidentellement boursouflé. Sukow, peu versé, sans doute, dans l'appréciation physiologique des diverses parties du canal alimentaire, donne à notre jabot le nom d’æso- phage. Il est vrai que le jabot, dans quelques conditions di- gestives, n’a pas toujours une forme de poche. Dans le Calopte- riæ, il est à peine dilaté, Les parois internes du jabot sont parcourues par des colonnes longitudinales charnues, calleuses, annonçant une certaine éner- gie d'action. Six de ces colonnes se prolongent jusque dans le gésier, et alternent avec d’autres colonnes plus fines et de moitié plus courtes. 106 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS Le gésier, que n’a point apercu Sukow, quoiqu'il soit bien visible, est ovoïde, parfois subglobuleux dans le Calopteriæ, lisse à l'extérieur, de consistance élastique subcartilagineuse, On trouve dans son intérieur quatre pièces dures , cornées , rous- sâtres , bien saillantes, établies sur des colonnes charnues, qui leur impriment le mouvement ; c’est là un appareil de broiement, de trituration. Deux de ces pièces, comparables à des dents in- cisives, sont triangulaires, à arête tranchante. Celle-ci a, dans PÆshna, un seul crochet noir, et deux très aigus dans la Libel- bula. Les deux autres pièces sont des molaires ovalaires, où une bonne loupe découvre dans le premier genre six petits points saillants, qui, dans le second, sont des dents acérées. Envisagé extérieurement, ce gésier semble sessile à l'origine du ventricule chylifique ; mais une pince adroite met en évidence un col invaginé dans celui-ci, et terminé par une dilatation glo- buleuse, séparée de ce ventricule au moyen d’une valvule annu- laire linéaire. Dans la Libellula depressa aïlée, j'avais déjà trouvé (Recherch. anat. des Névr.), à l’origine du ventricule chylifique , un organe formant dans le jabot une saillie à fente cruciale, pro- venant de la connivence de quatre mamelons charnus. Je n'avais pas osé lui,donner le nom de gésier ; mais j'y suis autorisé au- jourd'hui par la structure de celui qui s’observe dans les nymphes. Cette dénomination est aussi justifiée par ce que dit Ramdohr de l'existence de lancettes à aspérités dans la partie infundibuliforme (gésier) du pharynx (jabot) de la Libellula œnea (A). Un accident heureux, survenu pendant la dissection du canal digestif de la larve du Calopteriæ , m'a mis à même de connaître la structure intérieure de son gésier sans avoir ouvert celui-ci, Par une évulsion du gésier à sa jonction avec le jabot , je con- statai à l'extrémité de celui-ci un faisceau divergent d’une dou- zaine de fibres sétiformes blanches, un peu roides, subcartilagi- neuses. Nul doute que ces soies ne revêtissent les parois internes du gésier , et si elles demeurèrent fixées à l’orifice correspondant du jabot , c’est qu’il existait à cet orifice un anneau calleux , une (1) Ramdohr Abhandl. über die Verdauung der Insect., p. 445, tab. 15: - SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 107 valvule où elles venaient converger et s'attacher. J'ai reconnu aussi que ce gésier forme évidemment un prolapsus dans le ven- trieule chylifique, et le microscope a révélé au bout de ce prolapsus de fort petits lobes appartenant à une valvule pylo- rique. Le ventricule chylifique (V'estomac de Sukow) est conoïde, d'un jaune plus ou moins ochracé, quelquefois couleur de carotte, dû à ses contenla, et incolore dans son état de vacuité. Il offre sou- vent à l'extérieur des rubans musculeux annulaires, aussi mar- qués que ceux exprimés par la figure, et qui s’observent pareille- ment dans la Demoiselle ailée. Dans d’autres circonstances, ces rubans ne sont pas sensibles. Ce ventricule est maintenu en place par d'innombrables brides trachéennes. fournies par les canaux aérifères intermédiaires. On ne vit jamais une telle profusion de broderies nacrées. L’organe hépatique consiste, dans nos larves comme dans leurs représentants ailés, en un verticille de plus de cent filets tubuleux, biliaires, blanchâtres, simples, courts, insérés à l'extrémité posté- rieure du ventricule chylifique, ayant un léger bourrelet, indice d'une valvule intérieure comparable à l’iléo-cæcale des grands animaux. L'intestin stercoral débute par une portion grêle plus ou moins infléchie, tantôt boursouflée, tantôt dilatée en une poche arrondie, à laquelle quelques auteurs ont altaché trop d'importance. Su- kow , par un singulier abus des mots, appelle ces boursouflures les appendices aveugles de l'estomac, et d’autres se sont hasardés à y voir une vessie natatoire. Une valvule sépare cette portion d'intestin du rectum ; elle ne saurait être mise en évidence qu’en tirant en sens contraire ces deux organes. On la voit alors sous la forme d’un bourrelet cir- culaire plus épais, plus compacte que ce qui précède et que ce qui suit. Celte valvule n'existe point dans l’Insecte ailé, où elle n’élait pas nécessaire ; mais dans notre larve aquatique, elle de- venait indispensable, puisque le rectum est investi de la double fonction de défécation et de respiration. Le rectum, ainsi que je l’ai dit ailleurs, est le réceptacle des 108 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS branchies, et d’une opulence extraordinaire de trachées; il à donc une haute destination physiologique différente de sa fonc- tion excrémentitielle. Partout nous retrouvons cette incessante sollicitude, ces précautions ingénieuses de la nature pour vaincre des difficultés qu’elle ne semble avoir créées que dans le but de provoquer notre admiration ! Comprenez le double ministère de la valvule placée à l’origine du rectum ; soumise à l'empire dela volonté de l’Insecte , elle se contracte quand la poche s’emplit d’eau, afin que celle-ci trouve là une écluse fermée. Au contraire, elle se relâche, s'ouvre, lorsque se fait sentir le besoin d’ad- mettre les excréments dans le rectum, pour être expulsés par un flot du liquide. Tissu adipeux splanchnique. Sous le rapport de la nutrition comme sous celui d’autres attri- butions, la pulpe adipeuse des cavités splanchniques a une im- portance physiologique incontestable. Elle est assez abondante dans nos larves-nymphes, et propor- tionnée au degré de leur locomobilité modérée. Elle forme soit au-dessus, soit au-dessous des viscères, deux nappes mésenté- riques, peut-être même une enveloppe d’une graisse fine ou blanche, ou azurée, ou glauque. Indépendamment de ces nappes graisseuses, il-existe dans les flancs de la cavité abdominale de longs épiploons libres et flottants retenus par des brides trachéennes. Enfin j'ai décrit, en parlant du vaisseau dorsal, des fraises épiploïques, sur lesquelles je ne reviendrai point. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE à. Fig. 1. Æshna grandis. Fig. 2. Mesure de sa longueur naturelle. Fig. 3. Æshna De Geerii. SUR LES LARVES DES LIBELLULES. 109 Fig. 4. Mesure de sa longueur naturelle. Fig. 5. Æshna innominala. Fig. 6. Mesure de sa longueur naturelle. Fig. 7. Libellula depressa. Fig. 8. Mesure de sa longueur naturelle. Fig. 9. Partie postérieure grossie de l'abdomen de Libellula ferruginea. Fig. 40. Calopterix virgo. Fig. 41. Mesure de sa longueur naturelle. Fig. 42, Appareil sensitif fort grossi de l'Æshna grandis. — a, cerveau; bb, optiques et choroïdes ; ce, portion de l'optique naturellement dépouillée de choroïde ; dd, nerfs buccaux ; ee, nerfs labiaux ? ; f, cordon rachidien ; g,gan- glions thoraciques; L, ganglions abdominaux; i, portion du canal digestif avec l'æsophage passant sous le cerveau. Fig. 43. Partie antérieure fort grossie d'Æshna grandis, maintenue étirée par des épingles pour mettre à découvert les stigmates. ‘ Fig. 14. Un de ces stigmates détaché. PLANCHE 4. Fig. 15. Rectum fort grossi eL ouvert de l'Æshna grandis, pour faire voir la disposition des branchies. Fig. 46. Portion de la membrane muqueuse du rectum détachée par la macé- ration. Fig. 47. Une colonne bisériale et grossie des lames branchiales d'Æshna gran= dis. — a, portion du grand canal aérifère supérieur avec les trachées qui s'y rendent. Fig. 18. Deux lames branchiales isolées se résumant en un tissu vasculaire bordé par les papilles tubuleuses. Fig. 49. Fragment d'une de ces lames considérablement grossie, pour faire voir les connexions radiculaires des papilles tubuleuses et les variations de la cou- leur opaque intérieure de celles-ci. Fig. 20. Une colonne bisériale des lames branchiales dépouillées de la muqueuse reclale, avec les trachées qui en partent. Fig. 21. Une de ces lames branchiales , énormément grossie, de l'Æshna gran- dis. Sa texture vasculaire s'y voit. Fig. 22. Trois lames branchiales détachées et fort grossies de l'Æshna innomi- nata. Elles sont dépourvues de papilles tubuleuses, Fig. 23. Une colonne bisériale isolée et fort grossie de Libellula depressa PLANCHE 9. Fig. 24. Six lames branchiales de la même. Fig. 25, Une de ces lames isolée el encore plus grossie. 4110 L. DUFOUR. — OBSERVATIONS, ETC. Fig. 26. Appareil circulatoire et organes adjacents considérablèment gross is d'Æshna grandis. — a, prétendu vaisseau dorsal; b, son insertion à l'æso- pbage: c, derniers segments dorsaux de l'abdomen; dd, fraises épiploiques dorsales ; ee, fraises épiploïques latérales; ff, système trachéen de ces fraises. Fig. 27. Appareil buccal grossi, vu en dessous eu déployé, de l'Æshna grandis. — a; chaperon labre bb, mandibules ; ce, mâchoires et palpes maxillaires; dd, yeux; e, le masque; f, le manche de celui-ci; g, lèvre normale; Ah, er- gots où palpes labiaux; à, lobe interne, avec sa crémaillère et sa pointe; j,; bord antérieur du masque avec se brosse et son entaille médiane. -Fig. 28. Tête, queue, appareil digestif, système trachéen, grossis de l'Æshna grandis. — a, tête; b, œæsophage et jabot; c, gésier; d, ventricule chili- fique; ee, vaisseaux hépatiques; /, intestin stercoral suivi du reclum: gg, lames caudales; Ah, canaux aérifères supérieurs; ü, canaux aérifères ‘intermédiaires ; jj, stigmates. Fig. 29. Portion du canal digestif détachée. — a, œsophage; b, jabot très boursouflé: c, gésier, d, ventricule chylifique, avec ses rubans annulaires. Fig. 30. Gésier détaché et ouvert, pour faire voir ses colonnes charnues et les quatre pièces dures triturantes. Fig. 31. Pièces triturantes de la Libellula depressa. Fig. 32. Tête, queue, et appareil digestif fort grossis du Calopterix virgo. — a, tête, antennes, ocelles ; b, œsophage et jabot ; c, gésier; d, ventricule E chylifique ; ee, vaisseaux hépatiques ; f, cæœcum et intestin ; g, branchies rec- tales ; h, lames caudales ; à, canal aérifère supérieur. j Fig. 33. Tête, queue, appareil digestif, trachées et branchies , grossis de l'Agrion puella. — a, tête, antennes, ocelles; b, æsophage et jabot ; c, gésier; d. ventricule chylifique; ee, vaisseaux hépatiques ; f, intestin et reclum ; ÿ, branchies caudales et natatoires ; Ah, canaux aérifères supérieurs. DES CAUSES DE LA PLUS GRANDE TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES, COMPARÉES AUX RACES ACTUELLES , Par M. MARCEL DE SERRES, ‘Professeur à la Faculté des sciences de Montpellier. 1. — Observations générales. Lorsqu'on compare les espèces de l’ancien monde ou les espèces fossiles ou huinatiles, on reconnaît que les premières offrent le plus généralement des dimensions plus considérables que les races actuelles. Cette plus grande taille à frappé la plu- part des observateurs. On a supposé qu’elle était due à un écar- tement des molécules des corps organisés produit par la pétrifi- cation ; mais la substitution d'une molécule inorganique à une molécule organisée ne saurait opérer un pareil changement dans le volume du corps où elle a lieu. Il est dès lors difficile de con- sidérer la pétrification comme la cause des grandes dimensions que présentent certaines espèces anciennes, On le peut d’autant moins que ces espèces se montrent souvent dans leur propre na- ture et par conséquent nullement pétrifiées. Le passage à l’état pierreux ne pouvant pas être considéré comme la cause de la taille plus grande des êtres des anciens âges comparée à celle des races actuelles, on doit se demander à quel effet on peut la rapporter. Parmi celles que l’on peut admettre, il n’en est pas de plus probable que la température élevée dont le’ globe jouissait aux époques géologiques , ainsi que la proportion plus ‘considérable d'eau disséminée sur la surface de la terre , et, par suite, dans l'atmosphère. Ainsi les mers étant plus étendues et la température à la fois 112 MARCEL DE SERRES. — DES CAUSES plus chaude et plus humide, les êtres qui ont vécu sous cette double influence ont pu acquérir une taille plus élevée que les races soumises aux conditions nouvelles, que la stabilité et l'équilibre des causes agissantes ont depuis lors amenées. De même, dans les temps actuels, les plus grandes espèces terrestres semblent confinées dans les régions les plus chaudes et les plus humides, comme les aquatiques dans les mers les plus vastes. On a admis récemment qu’il existait un rapport constant entre la taille des espèces des terres sèches et découvertes, et l'étendue des continents où elles vivent. Ce rapport existe, en effet, dans la distribution des êtres vivants ; quoique réel, il est loin d'annoncer que la grandeur de ces êtres ait été influencée d’une manière quelconque par celle des continents où ils ont été placés. Ilest du moins certain que les espèces terrestres végétales ou animales ont acquis leurs plus grandes dimensions à l’époque où il y avait le moins de terres découvertes, et où la masse des eaux était la plus grande. On ne voit pas, du reste, comment l’étendue d’une terre hors du sein des eaux ou d’un continent pourrait avoir de l'influence sur le développement des espèces qui peuvent y vivre. Si les continents offrent généralement des végétaux et des animaux de dimensions plus considérables que ceux des îles, leur nombre y est aussi plus grand. Ainsi les espèces terrestres sont d’autant plus nombreuses qu’elles sont disséminées sur des continents plus vastes. Avant d'étudier en particalier les différentes causes qui ont influé sur le développement des végétaux et des animaux des temps géologiques, il est une observation essentielle à faire : c’est qu'à toutes les époques les êtres vivants ont subi l’effet des mêmes lois de développement. Ainsi constamment la taille des animaux a été proportionnée à la quantité et au volume des aliments dont leur organisation leur a fait un besoin. Ces relations semblent une suite en quelque sorte nécessaire du développement des organes digestifs. Les Her- bivores, qui se nourrissent d'aliments peu chargés de substances nutritives, ont exigé un tube intestinal plus long et plus volumi- neux que les Carnassiers, qui vivent, au contraire, d’alimentstrès DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. A13 nourrissants. Aussi les premiers ont-ils généralement une plus haute stature et des dimensions plus considérables que les se- conds. Les mêmes relations ne sont ni aussi sensibles, ni aussi mani- festes chez les Mammifères marins que chez les terrestres, peut- être parce qu'il n'existe pas de véritables Carnassiers chez les espèces de cet ordre qui vivent actuellement dans l’eau, si ce n’est les Cachalots et les Marsouins. Ces derniers sont, du reste, loin d’égaler la taille des Baleines. En ne considérant que les races {errestres, on voit qu’à pres- que toutes les époques les Herbivores ont été les animaux dont la taille était la plus considérable. S'il en avait été autrement, ils auraient été plus nombreux qu'ils ne le furent pendant les temps géologiques ou qu'ils le sont maintenant. Une époque de l’ancien monde paraît cependant avoir pré- senté une exception remarquable à cette loi, applicable seulement dans son ensemble aux Mammifères terrestres. Cette époque est celle où les Reptiles représentaient , pour ainsi dire , les quatre classes des Vertébrés , et où les espèces carnassières ont acquis des dimensions infiniment supérieures à celles auxquelles par- viennent les plus grands Reptiles actuels. IT, — De la taille des animaux vertébrés et invertébrés des temps géolo- giques, comparée à celle qui caractérise les espèces actuelles. Nous étudierons, en premier lieu, les dimensions qu'ont ac- quises, pendant les temps géologiques, les anciens Sauriens parmi lesquels nous trouvons les Zquanodon , qui n'avaient pas moins de 23 mètres de longueur sur une circonférence de 4",62. Ces Lézards gigantesques avaient eu pour contemporains et pour compagnons le Megalosaurus et V'Hylæosaurus ; quoique moins grands, ces Reptiles avaient néanmoins jusqu’à 10 mètres de longueur. Ces espèces, qui vivaient sur des terres sèches et découvertes, avaient été précédées par d’autres Reptiles non moins redoutables, en raison de leur force, de leur taille et de l'ensemble de leur organisation : essentiellement carnassiers , 3° série. Zoor. T, XVIL (Cahier n° 2.) # 8 HA MARCEL DE SERRES, — DES CAUSES comme. les espèces dont nous venons de parler. L'un d'eux, l'Zchthyosaurus, se distinguait entre tous par la grandeur de sa tête, sa force et le nombre de ses dents, qui n’élail pas moindre de cent quatre-vingts. Une pareille organisation annonce assez quelles devaient être les habitudes et les mœurs de ce Reptile. Avec lui vivaient les Plesiosaurus et les Pliosaurus , dont les di- mensions différaient peu de celles de l’{chthyosaurus. Ainsi tan- dis que ce dernier avait jusqu’à 10 mètres, les deux autres appro- chaient de 9 mètres de longueur, taille bien supérieure à celle des Sauriens actuels. Indépendamment de cette stature et des autres moyens.que ces Reptiles avaient pour satisfaire leurs appélits gloutons, la pature les avait favorisés d’un appareil de vision tout particulier. En effet, leurs yeux étaient construits de manière à leur servir à la fois de télescopes et de microscopes. A leur aide ils aperce- vaient avec la même facilité la proie la plus éloignée comme celle qui leur était rapprochée. Ainsi était assurée l’existence de ces Reptiles-Poissons, qui, surtout pendant l'époque jurassique, ont été les tyrans des mers. Les dimensions de ces anciens Sauriens se sont prolongées bien au delà de l’époque où ils avaient acquis leur plus grand développement; car les terrains Wealdiens recèlent les débris des Hylæosaurus, des Iguanodons et des Megalosaurus; en sorte que ces grands Reptiles ont dominé sur la scène de l’ancien monde , depuis le lias jusqu'aux terrains wealdiens. On observe enfin dans les terrains crétacés le Mososaurus, dont les habitudes carnassièresne sauraient être douteuses, à en juger par l’ensemble de son organisation , et par sa taille qui n’était pas moindre de 9 mètres. Saus doute quelques Sauriens avaient paru antérieurement au dépôt du lias, la plus ancienne des couches des terrains juras- siques, mais leurs espèces ne dépassaient pas les dimensions des espèces actuelles. Ainsi le Protosaurus Speneri, genre fort rap- proché des Monitors actuels, rie présentait pas une stature plus considérable, quoiqu'il ait été rencontré au milieu des schistes cuivreux de la Thuringe , qui se rapportent à l’élage supérieur DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 145 des terrains pénéens. Il en est de même du Thecodonlosaurus , du Palæosaurus et du Cladyodon; Sauriens, dont le dernier appartient à l'étage supérieur du nouveau grès rouge, et les deux autres à l'étage inférieur des mêmes terrains. Ainsi dans les temps géologiques, les Reptiles, essentiellement carnassiers , ont acquis de plus grandes dimensions que les espèces qui avaient des mœurs opposées. Il n’a pas été nécessaire, pour que les premières pussent remplir leurs conditions d’exis- tence, que les races herbivores fussent très nombreuses; il a sufñ qu’il en füt ainsi des individus qui en faisaient partie. Il paraît toutefois que la nature est arrivée à ce but par une voie toute différente. Les espèces carnassières se sont dévorées entre elles , les plus fortes se nourrissant des plus faibles et ainsi de suite. Les Zehthyosaurus , par exemple, avalaient les Plesio- -saurus, comme ceux-ci les Péerodactyles. À leur tour, les plus grosses espèces de ce dernier genre, qui pouvaient s'élever dans les airs et plonger dans les eaux , saisissaient les Poissons ou les petits Reptiles, tandis que les autres prenaient à la volée les In- sectes, particulièrement les Libules qui, comme eux, parcourent les airs. La police de la nature était donc exercée par les Sauriens, soit les uns contre les autres, soit sur d’autres animaux ; ils mettaient ainsi un obstacle puissant à la trop grande multiplication des races qui, vivant sous l'influence d’une température chaude et humide , auraient acquis un développement funeste à leurs propres générations. Quoi qu’il en soit, un pareil déchirement ne pouvait guère être durable ; aussi a-t-il été borné à l’époque ju- rassique ; c’est uniquement pendant sa durée que les Reptiles sauriens ont acquis des dimensions et des armures qui, les ren- dant cruels et redoutables, les ont fail les dominateurs des êtres qui les entouraient . Les espèces de Chéloniens, même celles qui se rapportent à une époque fort ancienne , ne paraissent pas avoir acquis des dimensions bien supérieures à celles qui caractérisent les races vivantes, On cite, à la vérité, une Chélonée du Muschelkalk, qui aurait eu jusqu'à 2°,28; mais la laille de celle espèce n’a rien 1146 MARCEL DE SERRES, — DES CAUSES d’extraordinaire , car elle est à peu près la même que celle de la Tortue franche (T'estudo mydas), qui abonde dans tous les parages de la zone torride. Les terrains tertiaires, et en particulier ceux d’Issel , recèlent des restes de Tortues terrestres d’une assez grande stature ; mais leur taille était au plus égale aux grandes espèces des Indes; toujours est-il qu’elle ne les dépassait pas d’une manière notable. x Il en est de même des espèces de l’ordre des Ophidiens, qui n’ont eu aucun représentant dans la faune de l’époque secon- daire, et qui ont apparu pour la première fois, lors des terrains tertiaires, L'espèce fossile la plus grande de cet ordre, le Palæophis Toliapicus, avait à peu près la taille d’un Boa ou d’un Python , mais ne la surpassait pas, Seulement une espèce de Batracien fossile , l’Andrias Scheu- zeri, avait des dimensions colossales (1,50), en comparaison des Salamandres de notre époque, genre qui en est le plus rapproché, Du reste, l'apparition des Batraciens a élé aussi tar- dive que celle des Opbidiens , si toutefois on ne leur réunit pas les Labyrinthodontes. En résumé , les Sauriens sont de tous les Reptiles ceux dont les espèces ont offert une taille et une stature bien supérieures à celles qui caractérisent les races actuelles ; du reste, des quatre ordres qui composent cette classe, deux seulement ont apparu lors des anciens âges des temps géologiques, et un seul y a été très nombreux. Quant aux deux autres qui ont apparu à l'époque tertiaire, réduits à peu d’espèces , il n’en est qu’une seule dont la taille soit remarquable, en comparaison de cellè qui est propre aux espèces analogues actuelles. Les Poissons ne présentent qu’un petit nombre d’espèces su- périeures par leurs dimensions à celles qui vivent maintenant. Parmi celles-ci, nous citerons les Carcharodon rectidens et Me- galodon , dont les dents signalent des espèces d’une très grande taille. Il n'existe dans la création actuelle aucun Carchurias , dont les dents aient Ja moitié des dimensions de celles que DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 117 M. Agassiz a figurées dans les tables 29 et 50 du volume III de son ouvrage. Les dents qu’il a reproduites sont encore au-dessous de celles que nous possédons ; ces dernières proviennent, d'après le natu- raliste qui les a recueillies, des terrains tertiaires des environs de Plaisance. Leur grandeur est presque d’un sixième au-dessus de celles que M. Agassiz a décrites dans ses Recherches sur les Poissons fossiles (1). Le genre des vraies Mourines, ou des Myliobates proprement dits, fournit également quelques espèces d’une grande taille, peut-être supérieures sous ce rapport aux espèces qui vivent maintenant ; telles sont le Myliobates Rey et le Myliobates micro- pleurus. Ce genre, ainsi que le précédent, appartient aux terrains tertiaires qui font partie des formations géologiques les plus récentes. Les Ichthyodorulithes, ou les rayons osseux qui se trouvent aux nageoires des Poissons placoïdes , signalent de grandes espèces, et même certaines qui atteignaient des dimensions gigan- tesques. Le Ctenacanthus major du calcaire carbonifère de Bristol nous présente un exemple remarquable de pareilles proportions. [l en est à peu près de même de l’Oracanthus pustulosus qui appartient aux mêmes terrains. Ainsi, les Poissons des terrains de sédiment anciens, comme ceux des formations récentes, offriraient parfois une grande taille. Du reste, on ne peut pas espérer de rencontrer chez les Pois- sons fossiles de nombreuses espèces remarquables par leur gran- deur. Lorsqu'on étudie dans leur ensemble les anciens habitants des eaux, sur lesquels les travaux de M. Agassiz ont répandu tant de lumières, on reconnaît que la plupart de ces animaux sont restés dans de moyennes proportions. Plusieurs d’entre eux (4) La grandeur des dents de plusieurs genres de la famille des Squales amène à penser que ces poissons avaient des proportions considérables , du moins dans les limites d'un genre bien circonscrit ; les dimensions des dents peuvent donner des indices approximalifs sur la taille de l'animal qui les portait. 118 MARCEL DE SERRES. — DES CAUSES paraissent même s'être maintenus au-dessous de cette taillé moyenne. Si, d’un autre côté, l’on porte son attention sur les Oiseaux de l’ancien monde, on voit que, généralement, ils sont restés au: dessous de la taille des espèces actuelles. Il en est du moins ainsi de ceux dont l'existence a été constatée d’une manière irrécu- sable par des ossements, des plumes ou des œufs. Il en serait autrement si l'on admettait que les empreintes nommées Orni- thichites se rapportent réellement à des animaux de cette classe. Ges empreintes, du moins celles de l'Ornithichites giganteus, sem- blent annoncer des espèces de la taille au moins du Casoär et de lAutruche. : Il reste toutefois à décider si ces traces incertaines indiquent des Oiseaux de la taille des Dinornis et des Epiornis, dont les proportions colossales sont supérieures à celles de l’Autruche. L'Epiornis giganteus est un oiseau de Madagascar dont la taille atteignait 3 à 4 mètres. Cette espèce est plus colossale que le Dinornis giganteus. qui, d'après Owen, n’avait pas plus de 3 mètres. La circonférence des œufs de l'Epiornis est de 0,55, tandis que celle des œufs de l’Autruche n’est que de 0,40. Pour égalér le volume des œufs de cet Oiseau, il en faudrait six d’Autruéhe et seize de Cazoar. A part ces empreintes, dont on est d'autant plus en droit de contester l'application qu’elles ont été découvertes à une époque où les animaux à respiration aérienne étaient des plus rares, les Oiseaux de l’ancien monde sont au-dessous des dimensions des espèces actuelles. | L Les Mammifères ont cela de particulier, d’être arrivés fort tard sur la scène de l’ancien monde. Les Didelphes de Stones- field sont à peine une exception à cet égard. Réduits à quelques individus et à trois espèces, ils sont bornés jusqu'à présent à une seule localité. La tardive apparition de ces animaux s'explique très bien par la respiration constamment aérienne des Mammi- fères, même de ceux qui vivent habituellement dans l’eau. Leur présence à un âge aussi récent que l’époque tertiaire nes’ac- né Sen M tn ft De. ts DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 119 corde pas trop avec le fait de l’existence des Oiseaux, annoncée par les empreintes laissées en Amérique et ailleurs sur le nouveau grès rouge. On concoït que des animaux comme les Poissons , qui ne res- pirent pas l’air d'uné manière immédiate, ou les Reptiles qui se plaisent dans les lieux infects et insalubres, aient pu vivre sous l'influence des conditions des milieux extérieurs d’un âge aussi reculé. Toutefois, le premicr ordre en a éprouvé l’influence aussi bien que les légers habitants des airs. On doit donc rester dans le doute à l'égard d’un fait pareil, tant qu’il n'aura pas été démontré par des preuves irrécusables. Si plusieurs familles des Mammifères terrestres n’ont jämais élé plus grandes qu'’actuellement , d’autres se sont fait remar- quer pendant les temps géologiques par leurs dimensions. On peut ciler, parmi les premiers, les Singes, les Cheiroptères, les Carnassiers inseclivores, et quelques genres de Ruminants, tels que la Girafe, qui, ainsi que les Chameaux, ont été plus petits que les races actuelles. La plupart des grands Mammifères habitent maintenant les contrées les plus chaudes de la terre. D’autres, en moins grand nombre, peuplent les régions froides, mais aucune de leurs fa- milles n’a ses grandes espèces dans les climats tempérés. Il n’en a pas été de même des Carnivores, particulièrement du genre Ours, dont plusieurs espèces avaient une taille d’un quart supérieure à celle des Ours actuels, avec un volume à peu près double. La stature du genre Amphycion surpassait celle des ani- maux de ce genre, comme le Gulo spelœus celle du Glouton. Enfin les anciennes espèces du genre Chat, et entre autres le Folis spelæa, avaient des proportions supérieures à celles des Tigres et des Lions de notre époque. On est plus surpris de voir les édentés de l’ancien monde sur- passer en grandeur l’Hippopotame ou les Rhinocéros. Tel était le Megatherium qui n'avait pas moins de 4 mètres. D'autres genres, quoique d’une moindre stature, égalaient encore celle de nos Bœufs. Les Megalonyæ, les Mylodon et les Scelidotherium en sont des exemples remarquables. Le Mylodon robustus de l’an- 120 MARCEL DE SERRES. — DES CAUSES cien monde n'avait pas moins de 3",50 c. de longueur. D'un autre côté, tandis que la plus grande espèce de la famille des Tatous, le Priodonte géant, atteint à peine un mètre, plusieurs espèces fossiles de la même famille ont acquis les dimensions colossales des Mégathéroïdes. Telles sont les Chlamydotherium gigas et les Dasypus maximus et antiquus : la première égalait par sa taille les plus grands Rhinocéros. Enfin, la famille des Myrmécophages de l’ordre des édentés offrait une espèce de Pangolins (Macrotherium giganteum), dont la taille était de sept à huit fois supérieure à celle des Pangolins actuels. Ce Pangolin gigantesque a vécu vers la fin de l’époque tertiaire (Miocène) en France et en Allémagne. Cette particularité n’est pas la moindre de celles que présente cette espèce, à la- quelle la chaleur était aussi nécessaire qu'aux édentés vivants, tous propre: aux régions les plus chaudes du globe. L'ordre des Pachydermes nous offre de pareils exemples: il nous prouve, par le nombre de ses espèces, que lors de la pre- mière apparition des Mammifères terrestres en Europe, et pro- bablement dans les autres continents, les familles herbivores ont essentiellement dominé sur la scène de l’ancien monde. Quoi qu’il en soit, les Pachydermes fossiles nous offrent, dans l’Æle- phas primigenius, une espèce plus grande que les Éléphants des Indes. Il paraît en être de même des deux espèces d’un genre voisin, les Maslodon giganteum et latidens. L’Iippopotamus major, dont les analogies avec l’Hippopotame actuel étaient si frappantes, avait cependant des dimensions plus considérables. De même le genre Sanglier a offert, dans les temps géologi- ques, plusieurs espèces supérieures aux nôtres : telles étaient les Susantiquus et priscus, àen juger par les proportions de leurstêles et de leurs maxillaires. Le genre Pécari a présenté les mêmes particularités ; du moins, parmi les cinq espèces que M. Lund a observées dans les cavernes du Brésil, les unes avaient une sta- ture du double plus grande que les Pécaris qui vivent maintenant en Amérique. On trouverait bien d’autres exemples analogues parmi les Pachydermes ordinaires, si la plupart n'étaient perdus et ne DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 121 pouvaient, par cela même, être comparés aux races actuelles ; d’un autre côté, il règne trop d'incertitude sur les autres, pour oser hasarder quelques conjectures à leur égard. On pourrait toutefois, malgré ces observations, rapprocher les Elasmotherium des Rhinocéros, et l’on verrait que le premier genre avait atteint la taille des plus grandes espèces du dernier. Si l’on comparait les Lophiodon aux Tapirs, on trouverait que ie Lophiodon Isselense dépassait d'environ un tiersle Tapir des Indes. Les Ruminants fossiles ont eu deux espèces remarquables par leur stature et leurs proportions. La première, ou le Sivatherium giganteum, qui appartenait peut-être au genre des Antilopes, égalait néanmoins les Éléphants en grosseur ; elle les dépassait en hauteur. Ces dimensions sont tout à fait extraordinaires dans cet ordre; car la Girafe, l’espèce la plus haute des races terres- tres, est loin d’avoir le volume des Éléphants. Ainsi, le genre Sivatherium , qui n’a pas de représentants parmi les genres vi- vants, prouve que les proportions de certaines races fossiles sont fréquemment plus considérables que celles des espèces actuelles, Le Cerf à bois gigantesque ne présente pas les mêmes diffi- cultés que celles que l’on pourrait se former à l'égard du Siva- therium giganteum. On sait que ce Cerf est l’espèce la plus remar- quable d’un genre où elles sont en si grand nombre. Sa grande taille et l'énorme développement de ses bois, qui n’avaient pas “moins de 5 mètres d'envergure, le signalent entre les races de la plus haute stature. A la vérité, ce Cerf paraît appartenir à l’époque historique plutôt qu'aux âges les plus récents des temps géologiques, ou, tout au moins, a-t-il été contemporain de ces deux périodes. Quoique le nombre des Rongeurs fossiles ait singulièrement augmenté par les recherches récentes, on ne voit pas qu'ils aient présenté de plus grandes dimensions que celles qui caractérisent les races actuelles. On cite particulièrement le genre Megamys, de d’Orbigny, qui semble indiquer un animal voisin de la Vis- cache, mais d’une plus grande taille (4), On peut en.dire autant (1) On suppose que la taille du Megamys était analogue à celle du Bœuf; mais l'on peut sedemander si ce genre appartient réellement aux Rongeurs. 192 MARCEL. DE SERRES, — DES CAUSES du Lagomys corsicanus des brèches osseuses de Corse, qui était supérieur par ses proportions au Lagomys alpinus. 11 en était de même du Lagomys mialensis des cavernes à ossements, de Mialet. L'un des Rongeurs les plus gigantesques de l’ancien monde, le Casloroïdes oriænsis, a été apercu par M. Viman dans les dépôts diluviens des environs du lac Ontario en Amérique. Depuis la découverte de ce Rongeur, il est certain qu'il a existé, à l’époque diluvienne, dans les deux continents, un représentant d'un ordre qui compte aujourd’hui un si petit nombre de grandes espèces. En effet, on trouve presque en Europe un représebtant du Castoroïdes dans le Trogontherium Cuvieri. D'un autre côté, si les mandibules, ainsi que les dents attribuées par M. Owen au Trogontherium , ne lui appartenaient pas, on aurait à ajouter un troisième genre d’une grande taille aux deux que nous venons de signaler (1). L'ordre des Cétacés ne paraît pas avoir dépassé les dimensions des espèces vivantes, si toutefois il les a atteintes , même en y comprenant le Dinotherium (2). Wen serait différemment, si l’on rapprochait les Lamantins de ce genre perdu ; car ces Cétacés, qui vivent aujourd’hui dans la mer Atlantique, ainsi que dans les mers d'Afrique et d'Amérique , sont loin d’avoir jamais eu des proportions aussi gigantesques que celles dont le Dinotherium nous offre des exemples. On ne voit pas, du reste, que les Cétacés souffleurs de l’époque géologique aient été plus grands que ceux de la création actuelle ; mais ces derniers sont les colosses de la nature vivante. En effet, si l’on compare les dimensions de la Baleine franche avec la Baleine de Lamanon des terrains tertiaires de Paris, on trouve que la première, presque aussi haute que longue, a atteint de (1) Bibliothèque universelle de Genève, tome IX, octobre 1848, page 465. (2) Aux yeux'd'un grand nombre de paléontologistes, et particulièrement de MM. Kaup et Owen, le Dinotherium appartiendrait non aux Cétacés, mais aux Pachydèrmes proboscidiens. Les raisons qui leur ont fait embrasser cette opinion sont de la plus haute gravité, DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 123 26 à 33 mètres, tandis que la seconde ne dépasse pas 18 mètres, Ces proportions nous donnent une idée de la différence de gran- deur qui existe entre les Souffleurs de l’ancien monde et ceux des temps historiques. Nous ne saurions dire si de pareils rapports existent entre les Cachalois vivants et fossiles, faute de fragments des derniers , assez considérables pour juger de leurs dimen- sions. Ces faits prouvent que, parmi les espèces de l’ancien monde, plusieurs ont eu des dimensions supérieures à celles des races actuelles. Ces plus grandes dimensions sont loin d’être géné- rales : il arrive, du moins, que, dans des genres naturels, comme la Girafe et le Chameau, les espèces des temps géologiques sont restées au-dessous de la taille de races actuelles, ou tout au plus l'ont égalée. Ainsi la Girafe fossile était d'environ un sixième au- dessous de l'espèce vivante ; l’espèce actuelle atteint jusqu’à 6 mètres, et celle de l’ancien monde ne dépassait pas 5 mètres. De même, les Singes de l’ancien monde ne sont jamais arrivés à la stature que présentent dans ce moment les grandes espèces de cette famille. Les mêmes faits se reproduisent chez d’autres classes des Vertébrés , particulièrement chez les Oiseaux et les Poissons. Si l’on compare les espèces fossiles et vivantes des diverses classes d’Invertébrés, l'on découvre entre elles de telles diffé- rences, que l’on est forcé de les examiner séparément. L'une des classes les plus compliquées de cet embranchement , les Mol- lusques, présentent leurs plus grandes espèces presque dans un seul ordre, celui des Céphalopodes. Nous connaissons peu , du moins, de Céphalés et de Conchifères, qui aient acquis, aux deux principales phases de l’histoire de la terre, de grandes dimen- sions, Nous rappellerons d’abord le Cerithium giganteum ,. dont la longueur est de 0,55, et en second lieu une autre univalve, que nous avons décrite sous le nom de T'urritella gigantea ; cette dernière appartient aux terrains crétacés. Quoique moins étendue que le Cerilhium giganteum, ses dimensions sont encore de 0",46 sur 0",10 de largeur, Parmi les plus grands Acéphales , 124 MARCEL DE SERRES. — DES CAUSES on peut citer l'Ostrea grandis, qui, comme la première, caractérise les terrains tertiaires ; elle appartient toutefois à l’étage pliocène, tandis que la Cérite des environs de Paris a été découverte dans le groupe éocène. Cette Huître, qui ordinairementne présente que0®,59 à 0",60, atteint dans certains individus jusqu’à 0,63 de longueur. Cette taille a tellement surpris les rédacteurs des Annales des sciences naturelles, qu’ils ont cru que la figure que nous en avions donnée avait été réduite au tiers ; elle n’est cependant que le septième de la grandeur réelle. Quelque grandes que soient ses dimen- sions, elles sont loin d’avoir dépassé celles que présentent cer- faines espèces vivantes. Ainsi, la mer Rouge nourrit dans son sein la Tridacne géante, dont la plus grande longueur est de 0",80 à 0",82, et la hauteur de 0",48. Cette coquille, l’une des plus grandes des espèces vi- vantes, appartient à l’ordre des Acéphales ou Conchifères; elle est représentée, sous le rapport de ses dimensions, dans l'ordre des Mollusques céphalés, par le Fusus proboscidiferus des mers de la Chine; la plus grande longueur de cette espèce est de 0",62, et sa largeur de 0",33. Ce fuseau est probablement la coquille la plus étendue de l’ordre des Céphalés, tout comme le Tridacna gigas l’est probablement de celui des Conchifères; l’une et l’autre seraient donc les géants des Mollusques. Cependant la Pinna rudis de l'océan Indien et Atlantique, dont la longueur est de 0",65, et la largeur de 0",25, nous donne, du moins sous le rapport de la première de ses pro- portions, une idée de la longueur qu'acquièrent certaines co- quilles (4). (1) On peut encore citer parmi les grandes espèces d'Acéphales l'Hippopus macuJatus, qui atteint en longueur de 0",55 à 0,60, et en largeur de 0,25 à 0,30. Nous trouvons à la Pterocera truncata , épines comprises , de 0",40 à 0®45 dans le sens le plus étendu, et dans l'autre, moins les épines, de 0,16 à 0®,17. Les Cassis madagascariensis et cornuta varient de 0",3% à 0,36 dans un sens, et de 0,20 à 0,25 dans l'autre. Les Triton modiferum et variegatum ont dans le sens de leur longueur de 0®,43 à 0",45, et dans celui de leur lar- geur de 0,47 à 0,18. Le Strombus gigas a dans un sens 0®,35 , el dans DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 125 Ces dimensions sont toutefois dépassées par plusieurs espèces fossiles de l’ordre des Céphalopodes, surtout dans des genres qui n’ont pas de représentant dans la nature. Tels sont les 4mmo- nîles et les Orthocératites qui acquièrent, dans le sens de leur étendue, des proportions considérables, Quoique le dernier de ces genres appartienne à une famille existante, celle des Nauti- lides, il a beaucoup moins persisté sur la scène de l’ancien monde que les Ammonites. Les Orthocératites n’ont pas dépassé, en effet, les terrains liasiques (1). Une espèce de ce genre, trouvée en Amérique, a été signa lée, par M. de Verneuil, en raison de ses proportions gigan- tesques (2). Nous possédons deux Ammoniles de différents terrains, l’une du lias et l’autre des terrains néocomiens, qui ont jusqu'à 0",70 de diamètre. Comme leurs caractères sont très particuliers, et que l’on a peu décrit d’Ammonites de cette dimension, elles nous paraissent nouvelles. Nous avons nommé l'espèce du lias Ammoniles Goliathus, et la seconde Ammonites Polyphemus. Si l’on compare les dimensions du Vautilus intermedius de d'Orbigny, et de notre Vautilus giganteus, on trouve que la dernière, la plus grande des deux espèces, a, pour expression de son grand diamètre, 0,470, et de son épaisseur, 0",260. La l'autre 0®,22. Ces mesures suffisent pour se former une juste idée des proportions de ces différentes espèces. (1) Du reste, à aucune phase de la terre, les coquilles terrestres et fluviatiles n'ont acquis de pareilles dimensions. Leurs espèces sont restées , dans l'ancien monde, au-dessous de la taille de celles qui font partie de la création actuelle. (2) Pendant les époques géologiques comme maintenant, chaque genre a eu une certaine limite dans la stature, limite qu'on ne lui voit guère dépasser. Ainsi tel genre n'arrive pas au delà d’une certaine proportion , tandis que d'au- tres en prennent de bien supérieures ; mais rarement le même genre à la même époque en présente de très opposées, c'est-à-dire des espèces très grandes et d'autres d'une petite dimension. D'un autre côté, lorsque deux ou plusieurs espèces se ressemblent par leurs Caraclères génériques, leur taille est la même ou très peu différente : chaque genre est, par cela même, restreint dans les dimensions des espèces qui en font partie. 126 MARCEL DE SERRES. — DES CAUSES largeur de l'ombilie est de 0*,04. Maintenant les mêmes di- mensions, prises dans les plus grands individus du Nautilus Pom- pilius, n’ont présenté que 0",26 sur 0",18. D’après ces fais, on voit que les Mollusques des eaux salées ont atteint les plus grandes dimensions à toutes les phases de la terre, et ceux qui ont vécu sur les terres sèches et découvertes ou dans le sein des eaux, sont reslés au-dessous de la taille des premiers. Des faits du même genre se sont reproduits chez plusieurs classes de Vertébrés, particulièrement chez les Mammifères et les Reptiles. Nous avons trop peu de données sur les dimensions des autres Invertébrés fossiles, pour oser essayer une comparaison entre celles qui les caractérisaient et les proportions propres aux races vivantes. Toutefois, les Crustacés et les Insectes de l’ancien monde n’ont jamais égalé la grandeur des espèces actuelles. Ce fait est d’au- tant plus remarquable, que maintenant les Insectes acquièrent leurs plus grandes dimensions, et les couleurs les plus vives, dans les climats les plus chauds ; de même les iners, dont la tempéra- ture est la plus élevée, nourrissent les plus gros et les plus bril- lants Crustacés, On n’a jamais rencontré parmi les Insectes fossiles des espèces de la taille du Goliathus giganteus, du Geotrupes ILercules , du Locusta gigas et du Phasma gigantea. On n'y a pas non plus apercu des Lépidoptères de la stature des Papilio Panthoüs, Priamus, de la Bombyx Atlas, de la Noctua Agrippina , et en- core moins de celle de la Noctua himalayensis. On assure que les dimensions de cette Noctuelle sont plus du double de celles qui caractérisent l’Agrippina; elle est done le colosse des Lépi- doptères nocturnes. De même on ne découvre point parmi les Crustacés fossiles des espèces de la grandeur du Homard et de la Langouste. Ceux-ci ont une longueur de 0",48 à 0,50 , et une largeur de 0,10 à 0",12, D'un autre côté, l’omola Cuvieri a pour expres- sion de sa longueur, d'avant en arrière, 0,180 à 0",185, et pour DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 127 largeur de sa carapace, de 0*,20 à 0®,22 ; enfin, d’une pince à l’autre, dans le sens transversal, de 1°,95 à 14°,30. Voici quelques mesures plus détaillées de plusieurs Crustacés. Le Cancer pagurus de Linné a, pour la largeur de sa carapace, de 0°,26 à 0°,30; longueur d’un bout de pince à l’autre, 0",70 à 0",75. Le Gecarcinus ruricola a pour largeur de sa carapace 0,10 à 0,12, et la longueur d’une pince à l’autre 0,48 à 0,50. Le Palinurus vulgaris : longueur de la tête à la queue, 0°,45 à 0°,50 ; largeur de la carapace, 0*,10 à 0*,12. Les dimensions du Limulus molucanus , qui n’appartient pas au même ordre, sont, pour la grande largeur de la carapace, de 0°,39 à 0®,40 ; tandis que la longueur de cette partie et de l’appendice caudal est de 0",68 à 0",70. Les mêmes rapports existent également entre les Arachnides et les Annélides des temps géologiques et celles qui vivent au- jourd'hui. Les plus grandes espèces se retrouvent parmi les der- nières, surtout parmi celles qui font partie de la famille si natu- relle des Araignées, dont la taille est restée au-dessous de la stature des races vivantes. JE. De la variition de la taille chez les animaux fossiles et vivants. L'observation directe annonce que la taille des animaux actuels varie peu, tant qu’ils restent à l’élat sauvage, et se maintiennent indépendants de l’influence de l’homme. On peut dès lors en conclure qu’elle a dû être peu modifiée dans les temps géologi- ques où cette cause principale de variations n’existait pas, et où, par conséquent , elle n’a pas pu exercer son action. Libres dans leur essor et sans aucune espèce d’entraves , les races anciennes n'ont pas varié, el surtoul ne peuvent pas avoir éprouvé les mêmes altérations que les races domestiques soumises à tous nos capri- ces. Aussi les animaux sauvages ne sont influencés dans leur sta- ture que par les milieux dans lesquels ils vivent, les aliments dont ils se nourrissent et les lieux qu'ils habitent. Nous ne voyons pas que les premières espèces aient élé affec- tées par les lois de distribution imposées à chacune d’elles, puisque ces lois élaient à peu près les mêmes pour toutes. Ilen a élé sur- 128 MARCEL DE SERRES, — DES CAUSES tout ainsi des races des anciennes périodes. On observe du moins une grande uniformité entre les espèces enfouies dans les mêmes formations, quoiqu’elles soient souvent séparées par des distances horizontales considérables. Ce n’est donc pas dans les premiers temps géologiques que l’on doit espérer de rencontrer des va- riétés chez les espèces qui ont animé des temps déjà si loin de nous. On ne serait pas plus heureux si l’on en cherchait des traces parmi les races ensevelies dans les terrains tertiaires les plus récents. Si l’on ne découvre pas de pareilles variations chez les animaux et les végétaux de l’ancien monde, c’est que la cause qui les pro- duit maintenant n’exercait pas pour lors son influence. Les gran- des variétés ont été le résultat de l’action de l’homme qui s'est fait principalement ressentir sur les animaux, quoiqu'elle ait également exercé des effets manifestes sur plusieurs espèces vé- gélales. L'uniformité constante des types spécifiques des temps géolo- giques semble nous dire que les lois de distribution des animaux et des végétaux primitifs étaient sans effet sur leurs variations aussi bien que sur leurs différences. Du moins rencontre-t-on dans les temps actuels les plus grandes espèces des deux règnes, dans les contrées les plus chaudes, comme dans les lieux les moins élevés au-dessus du niveau des mers. Les plus petites se trouvent au contraire auprès des régions polaires et sur les hau- teurs les plus considérables ; la taille des êtres vivants décroît donc d’une manière sensible de l’équateur aux pôles et des plaines aux montagnes. é On ne voit rien de semblable chez les espèces des temps géo- logiques, probablement en raison de ce que la surface de la terre était moins accidentée que maintenant, et de la plus grande éga- lité qui régnait dans la température des différents climats. On découvre toutefois quelques analogies entre ce qui se passe aujourd'hui et ce qui s’est passé dans les dernières époques géo- logiques relativement à la distribution des espèces vivantes. Ainsi les terres des continents actuels, l’ancien , le nouveau et la Nou- velle-Hollande , sont habitées par des espèces d'autant plus DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 129 grandes que ces continents ont une étendue plus considérable, L'ancien , lors même que l’Asie en ferait seule partie, serait en- core plus étendu que les deux Amériques; aussi réunit-il des ani- maux plus colossaux que ceux qui vivent dans le nouveau monde, et plus encore que ceux qui habitent la Nouvelle-Hollande. Il ne faut pas cependant en inférer que les plus grandes espèces se trouvent constamment dans les continents les plus étendus; car lorsque l'Amérique et la Nouvelle-Hollande avaient le moins de terres hors du sein des eaux, elles possédaient des animaux d’une taille plus élevée que ceux qui l’habitent maintenant. On peut en dire autant de l’ancien continent ; car il a été peuplé par des espèces de la plus haute stature, à l’époque où il avait le moins d’étendue, et où la masse des eaux était la plus considé- rable. Sans doute les plus grands continents actuels réunissent les espèces des plus fortes proportions, tout comme les plus petites sont confinées dans les îles. La diversité d’étendue des terres dans les continents et les îles ne paraît pas la cause de ce phéno- mène ; elle dépend du moins, en partie, du nombre plus considé- rable des espèces qui se trouvent dans les lieux les moins circon- scrits. Là où ces espèces abondent, il n’est pas étonnant qu'il y en ait de toutes les dimensions, et surtout des plus grandes, puis- qu'il y existe des moyens d’alimentation plus nombreux et plus variés. Du moins la taille des animaux paraît assez en rapport avec la quantité d’aliments dont leur organisation leur a fait un be- soin. Ainsi, à toutes les phases de la terre, les Herbivores se sont fait remarquer par leur taille. Les Mammifères terrestres, parti- culièrement les Pachydermes et les Ruminants, qui exigent une grande quantité de nourriture, ont été distingués par leur stature et leur volume. Ces animaux ne le cèdent, sous le rapport de leurs dimensions, qu'aux Mammifères qui habitent le sein des mers, Aussi la taille décroît-elle chez cet ordre d'animaux d’une ma- nière sensible des Herbivores aux Carnassiers, et surtout de ces derniers aux Frugivores et aux Insectivores. Toutefois, ces rap- ports ont été moins manifestes chez les espèces de l’ancien monde, 3° série. Zooz. T. XVII, (Cahier n° 3.) 9 130 MARCEL DE SERRES. — DES CAUSES si lès Pangolins des temps géologiques ont eu des habitudes ana: logues à ceux qui vivent aujourd’hui. Si les mers nourrissent de plus grandes espèces que les étangs salés et les lacs, cette circonstance dépend peut-être, en partie, du nombre des espèces qui y vivent en comparaison des autres amas d'eaux liquides. Il en est de même des fleuves, des rivières, relativement aux torrents et aux ruisseaux ; les espèces les plus considérables se trouvent constamment chez les premières eaux courantes et non chez les secondes qui ont généralement peu de profondeur et un cours moins étendu. Du reste, parmi les Mammifères les plus gigantesques de l’an- cien continent, on distingue, dans les temps historiques, les deux espèces d’Éléphant , l’Hippopotame, le Rhinocéros, la Girafe, le Chameau, le Dromadaire, l’Aurocks, et, parmi les Carnas- siers, le Lion et le Tigre. Si l’on compare à ces animaux les es- pèces du nouveau monde, tels que le Tapir, le Bison, le Conguar et le Jaguar, il est facile de reconnaître que la taille a singulière ment diminué d’un continent à l’autre. Des effets semblables se présenteraient encore, si l’on bornait cette comparaison aux espèces du même ordre, comme, par exeïnple, aux Primates ou Quadrumanes. Ce dernier a cela de particulier, de ne pas avoir une seule espèce de Singe commune aux deux principaux continents. Il n’y à pas de Singes propre- ment dits, de Guenons et de Babouins ailleurs que dans l’ancien continent, et l’on voit seulement en Amérique des Sapajous et des Sagouins. Or, les plus grandes espèces des Primates appartiennent aux trois premières familles, tout comme les plus petites aux deux dernières (1). Ainsi, soit que l’on compare la stature des différents ordres entre eux, soit que l’on en fasse autant pour les espèces différentes d’une même famille, on arrive toujours au même ré- (1) Le Muséum d'histoire naturelle de Paris à reçu, dans le commencement de 1852, deux Chimpanzés, dont l’un adulte et de grande taille. Ce Singe, pris dans l'Afrique occidentale auprès de la rivière de Gabon, n’a pas moins de 4,75 de hauteur, DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 131 sultat, c’est-à-dire que celles dont les dimensions sont les plus considérables appartiennent à l’ancien continent. Il en serait de même si l’on comparait les espèces de la Nou- velle-Hollande, sous le rapport de leurs proportions, avec les races du nouveau monde. La différence serait plus manifeste encore, si l’on établissait une pareille comparaison entre les premières et les éspèces de l’ancien continent. Le plus grand animal de la Nouvelle-Hollande, le Kanguroo géant, ne dépasse pas 2 mètres en hauteur. Il est donc loin d'atteindre des proportions aussi co- lossales que certaines espèces herbivores de l’ancien continent, Il en est de même des Carnassiers de cette contrée: ils se dis- tinguent si peu par leurs dimensions, que les Dasyures et les Péramèles atteignent à peine la taille du Chien. Les animaux décroissent donc d’une manière sensible de l’an- cien continent à la Nouvelle -Hollande, avec cette particularité que, si le premier réunit les espèces les plus gigantesques, les deux Amériques présentent les races d’une taille moyenne, tout comme la Nouvélle-Hollande celles de la plus petite dimension. La loi qui régit la distribution des êtres actuels ne s’applique pas, comme on pourrait le supposer, à ceux de l’ancien monde, S'il n'existe plus aujourd’hui en Amérique de Mammifères de la taille des Éléphants, il n'en a pas été toujours ainsi. Le Masto- donte géant, ainsi ‘que plusieurs autres du même genre, y ont jadis vécu; le premier égalait, s’il ne surpassait par ses propor- tions, les principaux Pachydermes terrestres. Ce continent, qui pendant les temps historiques n’a jamais vu son sol foulé par le Cheval, ne possède ce précieux animal que depuis l’époque où les Espagnols l'y ont introduit, Une autre es- pèce, qui en était assez rapprochée, paraît cependant y avoir vécu aux époques géologiques. Ce cheval, différent du nôtre, y élait assez répandu, quoique aucun individu n’y était aperçu lors de la découverte, ayant été éteint bien auparavant. Ainsi, tandis que l'Amérique ne renferme plus que des ani- maux de moyenne taille, cette contrée a offert pourtant dans l’ancien monde des espèces presque colossales. Elle en a vu éga- lement à la même époque plusieurs dans un ordre , qui ne com- 132 MARCEL DE SERRES. — DES CAUSES prend plus que des races d’une assez petite dimension. Tels sont les divers Édentés dont nous avons signalé les genres et même plusieurs espèces, parmi lesquels on remarque le Pangolin gigan- tesque, dont la taille était très supérieure à celle des Pangolins actuels. Des faits pareils se représentent également dans la Nouvelle- Hollande ; ce continent a eu comme l'Amérique de grandes es- pèces pendant les temps géologiques, surtout lorsqu’on les com- pare avec les dimensions des races qui y vivent aujourd’hui. Tel est le Pachyderme marsupial, que l’on suppose devoir être placé auprès des Éléphants et des Mastodontes, et que M. Owen a fait connaître sous le nom othôtherium. Deux espèces différentes y ont existé pendant les temps géologiques ; elles avaient la taille du Cheval, et ont été nommées par le même observateur Hotho- therium inerme et Mitchelii. L'ordre des Marsupiaux a offert à la même époque des Kangu- roos et des Dasyures d’une dimension plus considérable que ceux qui habitent maintenant la Nouvelle-Hollande. On peut signaler principalement les Macropus titanus et Atlas ainsi que le Dasypus laniarius , qui tous étaient d’un tiers supérieurs aux espèces vi- vantes. Il est remarquable de voir la plupart des familles des Marsupiaux de la Nouvelle-Hollande représentées dans les temps géologiques par de nombreuses espèces ; on est seulement sur- pris de ne pas observer avec ces Marsupiaux quelques mono- trèmes qui caractérisent d’une manière si particulière l'Australie. Enfin, au milieu des débris osseux qui ont signalé ces diffé- rentes espèces, M. Owen a découvert un genre nouveau de la famille des Phascolomides auquel il a donné le nom de Diproto- don, et qui avait la taille du Bœuf. Les animaux des cavernes de l’Australie, aussi bien que ceux ensevelis dans les grottes ossi- fères de l’Amérique , nous annoncent que les types des Mammi- fères particuliers à ces mêmes contrées y existaient lors des der- niers temps géologiques. L'ensemble de la faune paléontologique de l’Australie et de l'Amérique méridionale représentait, quoique par des espèces diverses, les groupes exclusivement propres aujourd’hui à cette partie du nouveau continent. DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 153 Une pareille analogie prouve que les circonstances climatéri- ques générales n’ont pas dû changer depuis les principaux dépôts à ossements des cavernes. Du moins les grottes ossifères de l’Aus- tralie et du nouveau monde , tout en confirmant l’uniformité générale du mode d'enfouissement des Mammifères, dont on découvre les ossements dans leur intérieur, confirment l’analogie de la plupart des débris de ces animaux avec ceux qui composent la faune des lieux où ils se trouvent. Ces grottes, particulière ment celles de l’Australie, du Brésil et de plusieurs localités, présentent certaines espèces qui n’ont plus de représentant, non seulement sous le rapport spécifique, mais même sous les rap- ports génériques parmi les animaux des mêmes régions. Ainsi les cavernes de la vallée de Wellington ont une popula- tion de Mammifères mersupiaux dont les types se retrouvent bien dans la Nouvelle-Hollande, mais avec des caractères spécifiques particuliers. Les espèces qui, dans les temps géologiques, ont vécu dans la Nouvelle- Hollande et l'Amérique, n’ont guère d’analogie qu'avec celles qui y habitent maintenant. On chercherait en vain quelques rapports entre elles et les races qui peuplent aujour- d’hui l’ancien continent. On y retrouve , en effet , dans la pre- mière de ces contrées, la classe entière des Marsupiaux , qui , comme on le sait, la caractérise encore actuellement, de même, les Fourmiliers, les Tatous, les Paresseux, les Pecaris, les Coa- tis, les Sarrigues, les Rats épineux, les Coendoux , les Agoutis, les Pacas et d’autres formes non moins particulières, sont toutes propres au nouveau monde. Ces Mammifères ne diffèrent pas moins de la plupart des espèces vivantes, malgré l’analogie de leurs:types. La plupart de ces animaux se font remarquer non seulement par leurs dif- férences avec les races actuelles , mais encore par leur haute stature comparée avec celle des dernières. On y rencontre également des Megatherium, des Megalonyæ , et un genre voisin d’une taille gigantesque, que M. Lund a nommé Platonyæ. La stature de ce dernier est d'autant plus re- marquable que ce genre appartient à l'Amérique méridionale, où 1354 MARCEL DE SERRES. — DES CAUSES des animaux d’une pareille dimension n'existent plus aujour- d’hui. Enfin on y observe plusieurs Singes humatiles, dont les genres, mais non les espèces, sont analogues à ceux qui caracté- risent la faune actuelle du nouveau continent. Il semble, d’après ces faits, que l'Amérique et la Nouvelle- Hollande ont été peuplées, pendant les dernières époques géolo- giques , par des Mammifères d’une plus grande taille que ceux qui les habitent maintenant. Du reste, lorsque les animaux acquiè- rent des dimensions plus considérables par l’effet de la domesticité, elles deviennent héréditaires , ou du moins elles se perpétuent pendant des temps plus ou moins longs. Les mêmes différences, produites par des causes analogues, sont moins manifestes lors- qu'on compare sous le même point de vue les Oiseaux et les Poissons. Les plus fortes proportions qu'on leur voit acquérir parfois paraissent accidentelles , surtout chez les animaux de la dernière classe, où elles ne se transmettent guère à une autre génération. Elles proviennent presque toujours de l’excès des aliments, qui font plutôt augmenter les Poissons en largeur qu'en longueur, ce qui est frappant chez les Carpes , les Truites et les Murènes. Quelque nombreuses que soient les variations que les Mam- mifères éprouvent par l'influence que nous exercons sur eux, leur type spécifique en est si peu affecté que la taille moyenne des races domestiques se retrouve également ou presque exacte- ment dans plusieurs d’entre elles. Elle diffère à peine, ou même ne diffère pas des proportions du type sauvage. L'observation prouve, du reste, que la taille normale due espèce est la taille moyenne des races qu’elle renferme. Quant aux races d’une hauteur ou d’une petitesse extrême, on peut les considérer comme des anomalies par excès ou par défaut de dé- veloppement. Quelque grandes que soient ces différences, le type de l'espèce ne paraît pas avoir varié. Il n’a jamais été plus grand ni plus petit que la taille moyenne des nombreuses races qui en sont provenues. Ainsi, les animaux qui ont éprouvé les plus grandes variations relativement aux points extrêmes des tailles qu’ils ont acquises , DE LA l'AILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 1395 n’ont pas considérablement augmenté ni diminué lorsqu'on con- sidère leur taille moyenne; seulement , lorsqu'ils ont subi une légère diminution dans leur stature, c'est que l'homme les néglige et les nourrit mal. On peut citer comme exemple de ces faits le Chien et l’Ane , mais on ne voit rien de semblable chez les races sauvages. Du reste, les variations individuelles de la taille des animaux domestiques sont renfermées dans des limites beaucoup plus étroites que les variations de leurs races. IV. — De la taille des espèces végétales fossiles et vivantes. Nous aurons peu de choses à dire sur la taille des végétaux fossiles, en raison du petit nombre d'observations précises que nous possédons sur les plantes de l’ancienne végétation. Simple dans son ensemble, ainsi que dans le nombre des classes , des familles et des espèces qui en faisaient partie , la flore des pre- miers âges ne s’est fait remarquer que par le grand développe- ment et la quantité des individus qui la composaient. Ce dévelop- pement, poussé parfois à l’extrême, a été le résultat de la chaleur et de l'humidité sous l'influence desquelles la flore primitive a vé- gété. D’autres causes paraissent y avoir contribué et avoir donné aux anciens végétaux cette vigueur et cet accroissement qui les a caractérisés de la manière la plus éminente. Parmi ces causes il en est une qui peut avoir eu quelque in- fluence , si réellement il a existé dans l’atmosphère des premiers âges un excès d'acide carbonique. Les principes ammoniacaux que les volcans, alors peu nombreux, y versaient continuellement, n'ont pas pu y être sans effet. Aussi les anciens végélaux ont laissé dans les vieilles couches de la terre des masses considéra- bles de charbon, que les forêts actuelles , placées après leur des- truction dans les conditions les plus favorables, ne donnent jamais. Il fallait donc que celles qui ont convert la surface de la terre trouvassent ailleurs que dans le sein du globe les matériaux né- cessaires à leur alimentation et à leur vigueur. Ces matériaux que le sol leur refusait, puisqu'il n’était point encore chargé de ter- reau, les végétaux les trouvaient probablement dans l'air qui les entourait et les milieux extérieurs dans lesquels ils étaient plon- 136 MARCEL DE SERRES. — DES CAUSES gés. C’est là qu’ils les puisaient et qu’ils prenaient le carbone dont les dépôts sont devenus pour nous un si grand bien qu’ils semblent avoir été placés dans l’intérieur de la terre en vue de l’homme qui devait en profiter. C’est aussi pendant la première période des temps géologi- ques que la Flore de l’ancien monde a pris ce caractère de gran- deur qui l’a caractérisée d’une manière si notable. Peu variée dans ses formes, qui avaient cela de particulier d’être à peu près également disséminées partout, elle était réduite aux Crypto- games acrogènes et à des Dicotylédones gymnospermes, qu’ac- compagnaient de rares Cryptogames amphigènes. La première classe, composée de trois principales familles, les Fougères, les Lycopodiacées et les Équisétacées, réunissait un assez grand nombre d’espèces qui avaient des proportions presque gigantesques. Ces familles se distinguaient par leurs dimensions, suite des formes arborescentes propres à plusieurs des espèces qui en fai- saient partie. Telles étaient les Lycopodiacées, remarquables à la fois par leur abondance et leurs variétés. Ces familles compo- saient à peu près à elles seules cette Flore où brillaient des Gymnospermes, qui différaient de nos espèces en même temps qu’elles s’en distinguaient par leur taille et leurs proportions. Les végétaux acrogènes de la flore primitive ont eu généra- lement des dimensions plus considérables que leurs analogues actuels ; mais il-n’en a pas été de même de leurs successeurs. À cette flore primitive si simple, en 4 succédé une autre plus com- pliquée. Outre les Dicotylédones gymnospermes, elle à présenté des Monocotylédones et même des Dicotylédones’angiospermes, plantes au summum de la série végétale. Parmi les espèces qui en faisaient partie, même parmi les Phanérogames angiospermes , il ne paraît pas que l’on ait ob- servé jusqu’à présent des arbres de la taille du Baobab ( 4dan- sonia digitata ) ou de celle des Cyprès du nouveau monde (1). (1) Le Cyprès de Santa - Maria de Testa, dont la hauteur n'est pas moindre de 42 mètres, est devenu fameux depuis que l'armée de Fernand Cortez trouva un utile repos sous son ombrage, Ce Cyprès se trouve dans une des plaines brû- DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. 137 On a bien décrit sous le nom de Platanus Hercules un arbre dont les proportions étaient, sans doute, remarquables, mais elles ne dépassaient pas cependant celle des espèces du même genre. 1l en est de même des feuilles que nous avons découvertes dans les terrains d’eau douce de l'étage miocène ; ces feuilles, quelque grandes qu’elles soient, ne surpassent pas cependant celles des Sterculia ni des Platanes. 1l en est de même de toutes les parties des anciens végétaux angiospermes, comparées à celles qui caractérisent la végétation actuelle. Cette comparaison n’an- nonce pas des espèces végétales supérieures aux nôtres. On ar- rive à la même conséquence en prenant pour exemple les plantes des époques les plus récentes de la période où a paru la classe la plus compliquée du règne végétal. Si l’on veut avoir une idée plus détaillée de la végétation de l’ancien monde, on reconnaîtra que parmi les plus grands arbres de la première flore qui a embelli la surface de la terre, se distin- guait le Lomatophloyos crassicaule de Gorda (1), ainsi que diverses espèces de Sigillaria et quelques Fougères. A ces arbres d’une dimension remarquable a succédé la famille des Lycopodiacées signalée par de nombreuses espèces de Lépidodendron qui, toutes aussi, ont été de très grands végétaux (2). Ces Lépidodendrons à formes majestueuses ont été accompagnés par des Fougères dont les proportions ont été non moins gigantesques , et les espèces bien plus variées qu’à l’époque de leur première apparition. L’immense développement de ces végétaux est une suite de la prédominance que l'embranchement des acrogènes, particulière- ment des familles des Fougères et des Lycopodiacées, avait acquise à ces anciennes époques, dont il composait à peu près seul la vé- gétation. Enfin ces végétaux de l’époque houillère ont été accom- lantes du Mexique. On cite également un énorme Dragonnier ( Dracæna drago), qui a 45 mètres de circonférence et 26 à 28 mètres de hauteur. (1) Cet arbre, si remarquable par sa majestueuse grandeur, s'est perpétué jusque dans l'époque houillère, (2) Ces arbres, couverts d'un épais feuillage , rappellent nos bois de Sapins, par leur forme ainsi que par leurs fruits. Ils paraissent néanmoins avoir répandu une ombre plus sombre et plus majestueuse. 138 MARCEL DE SERRES. — DÉS CAUSES pagnés par des Calamites, sorte de Prêles gigantesques, qui contribuaient beaucoup à donner à la végétation des âges an- ciens un aspect aussi particulier qu’original. On peut également citer, sous le rapport de leurs dimensions, les espèces du genre Psaronius, qui se sont fait remarquer par leur taille lors du dépôt du vieux grès rouge, tout comme les Voltisia, les Haïdingera et les Yuccites à l’époque du grès bigarré (1). Ces différents genres appartenaient à des végétaux de l’ordre des Phanérogames gymnospermes ou monocotylédons, et par conséquent à une organisation plus avancée que les Cryptogames acrogènes qui avaient dominé jusqu'alors sur la scène de l’ancien monde. Le Pinites Goeppertianus, de l’ordre des Conifères, l’un des arbres les plus remarquables du calcaire conchylien, a été suivi, à l’époque du Keuper, par des Équisétacées de grandes dimen- sions, parmi lesquelles s'élevait le ('alamites arenaceus, ainsi que quelques Fougères. Avec elles a paru une espèce de Jonc nommée Palæoæyris Munsteri, dont la hauteur surpassait celle d’un homme, et qu'accompagnaient plusieurs Cycadées, parmi lesquelles se distinguait le Pterophyllum Munsteri, de Gæœppert, de l’ordre des Phanérogames gymnospermes. On retrouve enfin, dans l’oolithe, quelques espèces du même genre des Pterophyllum , ainsi que des Zamites de l’ordre des Cycadées, dont la grandeur était non moins digne d'attention (2). Il paraît en avoir été de même du Clathraria Lyelhii, Cycadée que l’on découvre au milieu des terrains Wealdiens. L'époque crétacée a été également embellie par des arbres majestueux, parmi lesquels on découvre un moindre nombre de (4) Les Yuccites étaient toutefois des arbres moins grands que les pre- miers. (2) Les Pterophyllum étaient de grands arbres couverts de feuilles im- menses el ailées, qui sortaient de rameaux épais et noueux. Leur tronc simple était muni d'une simple couronne de feuilles dont chacune avait jusqu'à 2",25 de longueur. Cette couronne portait à son sommet plusieurs fruits coniques d'une grande dimension. DE LA TAILLE DÉS ESPÈCES ANCIENNES. 139 Cycadées et de Fougères que dans les âges précédents. Cepen- dant, plusieurs espèces du genre des Protopleris y ont encore représenté les Fougères arborescentes de la primitive végétation. On voit apparaître en même temps des Palmiers nouveaux, de nombreuses Conifères, et, pour la première fois, des arbres dy- cotylédones. Parmi les plus majestueux était une espèce du genre des Credneria, dont jusqu’à présent on n’a pas u fixer la place avec quelque précision dans le monde végétal. D'après les différences de grandeur que ce genre présentait, il paraît avoir été composé de plusieurs espèces; parmi elles se faisait remarquer la Cred- neria subtriloba, en raison des dimensions de ses feuilles. Ces végétaux angiospermes étaient accompagnés par d’autres genres de la même classe; l’un d’eux, dont le feuillage ressemblait à celui de nos Saules, a été aussi nommé Salicites Petzel- dianus. Ce Saule de l’ancien monde était accompagné par un Palmier à tige élancée, que l'on a désigné sous le nom de Fla- bellaria chameropifolia, pour rappeler l'analogie de ses feuilles avec celles de nos Chamærops. Quant aux Conifères qui composaient en partie les forêts de l'époque crétacée, époque qui a vu apparaître les Cimoliornis, oiseaux assez analogues à nos Albatros, ces Conifères avaient les plus grands rapports avec les Cunninghamia et les Damarites, surtout avec les Cunninghamia oæycedrus et Dammarites albens, de Sternberg. L'époque éocène a vu apparaîlre de grands arbres à feuilles lobées, aux pieds desquels croissaient d'épais buissons à feuillage délicatement découpé. Ces arbres se rapportaient, les uns à la famille des Malvacées et au genre des Hightea, et les autres à celui des Léguminosites de la famille des Légumineuses. Autour de leur tronc végétaient des plantes grimpantes que l’on a décrites sous les noms de Capanoides et de Cucumites variabilis. Enfin, au milieu des forêts de cette époque végétaient également de grands Conifères de la famille des Cyprès et des Palmiers particuliers, à des temps où vivaient les nombreuses races des Palæotherium. La principale espèce monocotylédone contemporaine de ces animaux, dont on ne trouve plus de traces 140 MARCEL DE SERRES, — DES CAUSES dans la nature, a été désignée sous le nom de Palmaciles echi- nalus. Les Dicotylédones angiospermes devenaient plus abondants à mesure que la flore de l’ancien monde se rapprochait de la flore actuelle. Ainsi, dès l’époque miocène, des espèces variées d’Érables, de Peupliers, d’Aulnes et de Châtaigniers, peuplaient les forêts que surmontaient, de léur feuillage élégant, les Phænicites et les Fla- bellaria, pour lors si abondants. Cette flore, très différente de celle qui l’avait précédée, avait les plus grands rapports avec celle de l'Amérique du Nord et du haut Mexique. Il paraîtrait, d’après ces faits, que les plantes de l’ancien monde ont acquis leurs dimensions les plus considérables lors de leur première apparition, surtout lorsqu’on les compare, sous ce rapport, à leurs analogues actuels, dont elles ont singulièrement dépassé les proportions. Ges circonstances paraissent peu s’être représentées avec les mêmes conditions et les mêmes particulari- tés dans les périodes subséquentes. Du moins les flores des époques intermédiaires, entre la pre- mière qui a vu apparaître des végétaux à la surface de la terre et la plus récente des époques secondaires, ne permettent pas une comparaison aussi facile que la flore primitive avec celle qui brille maintenant à nos yeux. L'étude de l’ancienne végétation, considérée sous ce point de vue, a le plus grand intérêt pour la connaissance des anciens climats ; car elle nous en donne une idée beaucoup plus juste que les animaux qui composaient la Faune de ces âges reculés. En effet les végétaux, sorte de thermomètre maæima et minima, peuvent, mieux que les animaux, nous faire apprécier la tempé- rature du globe à chacune des périodes de son histoire. Ceux de l’ancien monde nous apprennent, par la différence de leurs dimen- sions pendant les périodes géologiques que la quantité de calo- rique et d’eau a dù marcher en progression décroissante à la surface de la terre. Cette conclusion est fondée , si, comme nous le supposons, la beauté de la végétation dépend en grande partie de la chaleur et de l'humidité. DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES. ail L'observation des végétaux a donc plus d’importance que celle des animaux pour faire juger des causes qui contribuent au dé- veloppement des forces vitales. Les conditions de l'existence des plantes, leur accroissement et leur propagation, sont plus fixes , et renfermées dans des limites plus étroites que les animaux qui peuvent , à leur volonté, se transporter dans toutes les régions. Les plantes présentent ainsi un moyen plus sûr de juger de la température, du degré d'humidité ou de sécheresse de la terre et de l'air qui les entourent, et dans lesquelles elles puisent leur nourriture. Si l’état florissant de la primitive végétation nous annonce qu’elle a dû sa beauté et ses proportions à la chaleur , sous l’in- fluence de laquelle elle a végété, celle qui brille de nos jours nous montre des faits semblables et non moins concluants. Ainsi les Borraginées, les Euphorbiacées qui, dans nos climats, sont de simples herbes, présentent dans les régions chaudes et humides du globe une stature analogue aux grands arbrisseaux, et plusieurs aux arbres les plus majestueux. On peut trouver dans les mêmes régions un abri salutaire contre les ardeurs du soleil, sous l’ombrage épais d’une Composée, famille nombreuse sans doute, mais dont aucune espèce n’offre un pareil avantage dans les contrées tempérées (1). En effet, le Baccharia Halimifolia de la même famille, qui, dans la Caroline, son pays natal, acquiert de grandes dimensions, conserve à peine dans nos régions une stature qui rappelle qu’il est un arbre ailleurs (2). V. — Résumé. Les faits exposés dans ce mémoire prouvent que , dans tous les temps comme dans tous les lieux, la taille et le développement (4) Tableau de la végétation de la province de Minarès, par M. Auguste de Saint-Hilaire. ( Annales des sciences naturelles, A831 , et Voyage au Brésil, tome 1*", page 12.) (2) De même les Bambous du Brésil et de l'Amérique, et, en particulier, le Taquarassu, qui ont, dans ces contrées, jusqu'à 20 ou 21 mètres de hauteur, sont loin d'acquérir une pareille élévation dans nos régions. 142 MARCEL DE SERRES. — DES CAUSES des êtres organisés ont été favorisés par l’action de la chaleur. Plusieurs d’entre eux ont éprouvé des éflets non moins mani- festes de l'action de la chaleur humide ; tels sont particulièrement les végétaux , et une classe de Vértébrés, les Reptiles. L'action du calorique est tellement nécessaire à la vie des végétaux et des animaux, que, lorsqu'elle s’est affaiblie d’une manière manifeste, leur existence a été singulièrement compromise. Ils ont cessé de vivre avec une promptitude d'autant plus grande, que la tempé- rature élevée dont ils avaient ressenti l'impression leur était de- venue plus nécessaire. Cet abaissement dans la température, qui s’est opéré par degrés à la surface de la terre, a été l’une des principales causes de la destruction des anciennes générations. A la vérité, cet affaiblissement a concouru avec d’autres actions pour produire un pareil effet, On peut surtout ÿ comprendre les diverses commotions du sol qui, en modifiant les anciens climats, en ont établi de nouveaux : ceux-ci n’ont pu convenir qu’à des espèces différentes de celles qui les avaient précédées sur la scène du monde. Une autre cause a probablement exercé une certaine influence sur la taille et le développement des végétaux des premiers âges, cette cause est l'absence presque complète de tout animal respi- rant l’air en nature. Les espèces à respiration aérienne, parmi lesquelles on peut comprendre les Insectes, les Oiseaux et les Mammifères, sont arrivés si tard pendant les temps géologiques, qu’ils n’ont pas pu arrêter l’essor de la-primitive végétation, dont la beauté et la vigueur ont été si remarquables. Quoique la chaleur et l'humidité soient généralement favo- rables au développement des êtres organisés, et, par suite, à leur plus grande taille, ces causes ne paraissent pas avoir agi sur la généralité des êtres de l'ancien monde. En eflet, si certaines classes ou certaines familles ont pour lors acquis des dimensions presque gigantesques , d’autres, qui maintenant sont grandement influencées par la chaleur et l'humidité, sont restées en dessous de leurs analogues actuels, Il faut donc que, parmi les ordres d'animaux et de végétaux qui composaient les anciennes générations, plusieurs d’entre eux + proue ee ve DE LA TAILLE DES ESPÈCES ANCIENNES: A3 aient résisté à l'influence des milieux extérieurs, tandis que d’autres en ont éprouvé, au contraire, toute la puissance ; aussi ces derniers ont-ils acquis une stature supérieure à celle qui caractérise les espèces vivantes avec lesquelles elles ont le plus d’analogie. Enfin les animaux , qui, comme les Insectes et les Oiseaux, respirent une quantité considérable d'oxygène dans un temps donné, sont demeurés dans l’ancien monde au-dessous de la taille des grandes espèces actuelles, peut-être par suite de l'excès d’acide carbonique qui régnait dans l’atmosphère des temps géologiques; c'est probablement par suite de causes ana - logues que la taille des Poissons fossiles se montre chez la plu- part au-dessous de la stature moyenne des espèces vivantes; l’air, en dissolution dans l’eau des mers, ne contenant pas une aussi grande quantité d'oxygène que maintenant. MARCEL DE SERRES, — DES CAUSES 14h xnap aud soiuanoy Auos 21591 91199 Ç suondooxa "soqnas Sir ‘Sausoa) la SoUuIpoqud *SapNuran SANMOL Sep awgtu ap sa Ua |[ — ‘09'ug MAR mb 19 ‘H[IAQUNT AP HIUAPUISNN 2[ SUP 1jU0U91 aUtIUUU anIOTZ ef ‘suoruauip sanaf and ‘oyios oubjanb ua auoqn8o ‘2001109 à SvprU vIU0pa Soj a0b sajjol ‘s271004 2e sauront soujiog, SANA1SNIA — *2I{LE) Cf 2P qoddes ap suos nod quoiggip SafISSOÿ NO SJUUAIA SUAIUNIPUT SAT *sappenou saadso sop anuafou a[j1n 8{ op SNOSSap=nu 1UOS sa PMdO,p Suap sonnn s0f ‘uaMO,P snaydonor sidoaua 91 ed y ‘suogiéq sep no s80g s2p a[[{e P{ 2p 209dsa ajuos auu pjuasaid juo sit faqpouve anbodo,j 4,ub siuepuoquissne 919 siwwvl juo,u 2q0j8 Up 200jAuS Nf E PAU) 1O PAL SH19 ruqdo 527 aa4e Jo ‘uap Je ou an,p sutou sed jtuat,u inb *apaouu uaraun,| ap 21puuunfeg “14250)S SVLIPUF dan Suosuawip sinaj a1vduio uo,nbs1o] qnojans “sa2dso sp 8 ap nod juo17j0 Sutra Suotouiing S9"T *sa1aut Qf NO CF UOMAUD,P ANANAUOG UN NA JUAN aagdsa 2h00 ‘stop sas avd uopouvpo40 D up suonaodoïd sa} AUNfPA? 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Franz Leydig vient de faire sur la cause des mouvements des oto- lithes , chez les Firoles et les Carinaires (1), quelques observations qui, en ce qu’elles ont d’essentiel, confirment pleinement celles que j'ai publiées sur le même sujet en 1845 (2), mais que ce zoologiste paraît ne pas avoir connues. En étudiant sur les côtes de Sicile des Firoles à l’état vivant, je m'étais assuré que l’agitation des otolithes est due chez ces Mollusques à l'existence d’un certain nombre d’appendices ciliaires qui naissent de la surface interne de la capsule auditive et qui frappent par leur extrémité sur l’otolithe sphérique tenu en suspension au mi- lieu du liquide aqueux dont cette capsule estremplie. M. Leydig n'a pas vu comme moi ces organes en mouvement, mais en examinant des Cari- naires récemment mortes, ainsi que des Firoles, il a vu que la face interne de la capsule est garnie de 12 à 15 paquets de cils remarqua- blement longs et roides; la figure qu'il donne de cet appareil moteur à beaucoup d’analogie avec celle que j'ai faite d’après le vivant et que je reproduis ici (3), mais je ne saurais considérer les appendices en ques- tion comme étant des cils vibratiles ordinaires, ainsi que Ja fait M. Leydig. En effet, ils m'ont semblé être plutôt des lanières flabelli- formes comparables à celles qui garnissent les côtes des Béroés, et au lieu de produire par des mouvements ondulatoires circulaires l’appa- rence caractéristique des cils vibratiles ordinaires, on les voit tour à tour se relever, puis s’abattre sur l’otolithe dont le tremblotement est pro- duit par les coups multipliés reçus ainsi en tous sens alternativement. 1 est probable que ces fouets sont frangés à leur extrémité libre, mais ils m'ont paru être des lanières simples à leur base, et non des faisceaux de cils filitormes. L’otolitheest une petite masse sphérique qui, par sa struc- ture, ressemble un peu au cristallin de quelques animaux ; car on y dis- tingue à Ja fois une multitude de cercles concentriques et delignes rayon- nantes du centre à la circonférence ; son diamètre est d'environ la moitié de celle de la capsule, qui est également sphérique et parfaitement trans- parente. J'ajouterai que le nerf auditif paraît se terminer dans les parois de cette capsule et ne pas plonger dans le liquide vestibulaire. Enfin, ce nerf, qui est grêle et long comme chez les Carinaires (4), naît de la masse ganglionnaire cérébroiïde, un peu en arrière des nerts optiques. (1) Anatomisches bemerkungen uber Carinaria, Firola, und Amphicow, von Dr F. Leydig (Zeitschrift fur Wissenchafliche zoologie von C. Siebold und À. Kolli- ker. Dritter Band, drittes Heft, Leipzig, 4851). (2) L'Institut, journ. univ. des soc. sav., L. XII, p. 43, janvier 1845. 3) Voy. pl. L, fig. 1. (4) Voyez la figure que j'ai donnée du système nerveux de ce Mollusque dans ja seconde série de ces Annales, t, XVIIT, pl. 41 (4842). — MÉMOIRE SUR LES HECTOCOTYLES ET LES MALES DE QUELQUES CÉPHALOPODES, Par MM. J.-B, VÉRANY etC. VOGT. Une question zoologique du plus haut intérêt est celle du mode de fécondation de quelques Céphalopodes, notamment de PAr- gonaute et des Trémoctopes, dont les femelles seules étaient connues jusqu'à présent, L’atiention des naturalistes ayant élé appelée sur ce point par les recherches assez récentes de MM, Kelliker et de Siebold, nous n’avons négligé aucune occa- sion pour nous procurer des animaux frais et vivants, par l'étude desquels nous espérions arriver à une solution définitive de la question. Nous osons dire que nos recherches ont été couronnées d’un plein succès, pour une espèce du moins. Le mémoire que nous présentons aujourd’hui à l’Académie porte principalement sur le Tremoctopus carena ( Vérany ), et l'Heclocotyle qui dérive de ce Mollusque. Nous donnons d’abord un résumé historique des travaux de nos devanciers, puis la description zoologique de l’espèce qui nous occupe, et qui, en grande partie, était inconnue jusqu'à présent; enfin nous termi- nerons ce lravail par une étude détaillée des organes reproduc- leurs, LE — Introduction historique. M. Delle Chiaje, à Naples, décrivit et figura en 1825 (1), sous le nom de Trichocephalus acetabularis, un petit animal para- sile trouvé par lui sur un Argonaute. Cet animal, une fois détaché (1) Memoria sulla storia el notomia degli animali senza vertebre del régno di Napoli, di Stef, Delle Chiaje. Napoli, 4825, p. 223 el suiv., tabl. xvi, fig. 4 et 2 118 J.-B. VÉRANY ET C. VOGT. du Poulpe sur lequel il! était cramponné, nageait et rampait au fond de l’eau en faisant des mouvements inquiets. Il parais- sait plein de vie pendant plusieurs heures. M. Delle Chiaje ne douta point que ce parasite ne füt une espèce d’Helminthe, qu’il rangea dans le genre Trichocéphale de Rudolphi, quoiqu'il fût pourvu d'une double rangée de ventouses, ne voulant pas, dit-il, charger la science d’un genre nouveau. M. Delle Chiaje ne décrit que l’extérieur de l’animal. Il a, suivant lui, une longue trompe ronde, filiforme, très contractile, et atténuée vers l'extrémité. Le corps est pourvu d’une double rangée de ventouses alternantes et rétractiles, fixées sur un pédoncule, par lesquelles l’animal se cramponne sur la peau et la coquille de l'Argonaute. M. Laurillard découvrit à Nice, sur le Poulpe granuleux de Lamarck, cinq exemplaires d’un animal parasite, que Cuvier décrivit plus tard sous le nom de Hectocotylus octopodis (4). Sur ces cinq individus, tous se trouvaient dans l’entonnoir d’un Poulpe femelle, un autre seul sur un autre Poulpe dans la même position , et le cinquième individu « s’était attaché à un bras du » Poulpe et l’avait transformé en une espèce de poche où il avait » introduit sa tête, le reste de son corps restant libre en dehors. » En parlant encore du même individu, Cuvier ajoute : « L’Hectoco- » tyle s’est attaché à un des bras qu’il a même à peu près détruit, » et qu’il semble tellement remplacer, qu’au premier coup d'œil » on le prendrait pour ce bras lui-même. » D’après nos connais- sances actuelles, nous devons conclure de ces remarques que l’un des Poulpes pris par M. Laurillard était un mâle, qui venait de dégager le bras hectocotyliforme de la poche dans laquelle il s'était formé. Cuvier décrit la forme extérieure du corps, les ventouses et l’organisalion interne. Aucun de ses Hectocotyles n'avait l’organe filiforme, que nous nommerons le fouel, dégagé du sac qui le ren- ferme. Cuvier trouve à l'extrémité arrondie du corps un orifice alimentaire aboutissant dans un sac fermé partout, et ayant à l’intérieur une surface jaunâtre. Ce sac, que Cuvier désigne comme (1) Ann. des sc, nat., t XVIII, 1829, p. 447 et suiv. SUR LA NATURE DES HECYOCOLYLES. * 149 un estomac, n’est autre chose que la poche ouverte par une fente, et dont nousdécrirons plus tard la formation. Outre ce sac stoma- cal, l'extrémité en forme de massue de l’animal contient un autre sac « à parois plus robustes, occupé par les replis innombrables » d’un fil qui a la couleur et l’éclat de la soie écrue. Un des Hec- » tocotyles a rejeté ce fil fort rapidement à l'instant où il a été » pris. » Cuvier est disposé à regarder ce fil comme relatif à la génération. C’est effectivement le cordon séminal contenu dans un spermatophore. Outre ces organes, Cuvier décrit le tube mus- culaire formant l'axe du corps, et se continuant dans un fil replié dans le sac terminal , fil que nous appelons le fouet. La pointe de ce fouet se replie, suivant Cuvier, dans le corps de l’animal , et se continue directement avec le fil séminal. Nous ne savons à quelle circonstance attribuer cette méprise, car, sur tous les exemplaires examinés par nous, le fouet est entièrement libre à son extrémité. La note que publia plus tard M. Costa, de Naples, sur l’Hecto- cotyle de l’Argonaute (1), n’apporta au débat que l'opinion de l’auteur, qui veut regarder cet animal comme un spermatophore du Poulpe. La description que M. Costa donne de cet Hectoco- tyle est d’ailleurs fausse en tous points, et la figure aussi mau- vaise que possible. Le sac du fouet est représenté comme un fanon ; l'extrémité du spermatophore réel comme un cirrhe ten- taculaire à deux pointes ; les circonvolutions du fil séminal pa- raissent à M. Costa comme des taches formées par de petits vaisseaux courbés en spirale. M. Dujardin, en rangeant le genre Hectocotyle parmi les Tré- matodes douteux, s'exprime ainsi sur ces parasites (2) : « J'ai vu » les préparations anatomiques conservées dans la galerie d’ana- » tomie , ainsi qu’un exemplaire entier ; mais j'avoue qu’il m'est » impossible de comprendre ce que ca peut être : je suis seule- » ment bien convaincu que ça n’est pas un Helminthe trématode, (1) Note sur le prétendu parasite de l'Argonauta Argo (Ann. dessc, nat. , 2° série, 1844, 1. XVI, p. 184. (2) Dujardin, Histoire naturelle des Helminthes ou Vers intestinaux (Suites à Buffon, 1848, p. 481, 150 . J.-B. VÉRANY ET C. VOGT, » On dirait un bras arraché de quelque autre Céphalopode , tant » la double série de ventouses occupant la face ventrale de l’'Hec- » tocotyle ressemble aux ventouses plus grandes du Poulpe; la » structure interne est également musculeuse, mais on voit dans » la partie dorsale un long fil blanc, sinueux et replié, que Guvier » n’a pu voir qu'après l’action de l’alcool, et qui, par conséquent, » doit provenir de la coagulation de quelque substance liquide » (spermatique ? ).. | » Ce sera seulement en étudiant ces objets vivants qu’on pourra » décider de leur vraie nature, et constater si ce ne seraient pas » des parties détachées de quelque Céphalopode dans le but de » servir à la fécondation. Ce que je puis affirmer dès à présent , » c’est que le long fil blanc décrit par Guvier, et dont la longueur » est de plus d’un mètre, est tout simplement un faisceau de » filaments très longs et très fins, indépendants et ressemblant » complétement aux spermatozoïdes des Céphalopodes. » M. Koelliker, qui, pendant un séjour à Messine en 1849, trouva sur plusieurs individus femelles de FArgonaute l'Hectocotyle dé- crit par M. Delle Chiaje , fit entrer l'histoire de cet animal dans une nouvelle période. M. Koelliker découvrit en outre sur le Tré- moctope violacé une nouvelle espèce d'Hectocotyles, dont il put ramasser une quinzaine d'exemplaires. En examinant leur struc- ture, il se convainquit bientôt, comme il le dit lui-même, que ces prétendus Vers ne sont autre chose que les mâles des Céphalo- podes que nous venons de nommer. Après avoir communiqué ses observations à ce sujet au congrès scientifique de l'Italie, réuni à Gênes, M. Koelliker publia une note dans The Annals of natural history, vol. XVI, 1845. La publication du Manuel d'anatomie comparée , de M. de Siebold , se poursuivant activement dans le même moment, M, Koelliker confia trois exemplaires de sa pré- cieuse trouvaille à M. de Siebold, en accompagnant cet envoi d’une note manuscrite contenant les résultats de ses observations. De son côté, M. de Siebold examina les Hectocotyles , et tout en constatant plusieurs des résultats obtenus par M. Koelliker, il différa d'opinion sur d’autres points de la structure. Nonobstant cette différence, M. de Siebold adopta la manière de voir .de. SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES. 151 M. Koelliker, qui voulait que ces Hectocotyles fussent les mâles des Céphalopodes sur lesquels on les trouve. Les observations de M. de Siebold sont consignées dans son excellent Manuel d’ana- tomie comparée des animaux sans vertèbres (1), qui est aussi maintenant répandu en France moyennant une bonne traduction. Enfin M. Koelliker publia un Mémoire très étendu , accompagné de figures, dans son second rapport de l’Institut zootomique de Wurtzbourg pour l’année 18/49 (2). Les observations de M. Koel- liker étant antérieures à celles de M. de Siebold, quoique leur publication complète soit postérieure , nous examinerons d’abord le mémoire de M. Koelliker, tout en notant scrupuleusement les différences qui existent entre son opinion et celle de M. de Siebold. M. Koelliker décrit d’abord très en détail la forme de l’Hecto- cotyle du Trémoctope violacé dont il a rencontré des exemplaires sur presque toutes les femelles de ce Céphalopode, qu’il trouva en août et en septembre à Messine. Il distingue à l'extérieur deux séries de ventouses, des branchies en forme de villosités, et un abdomen ovalaire de l'ouverture duquel sort le pénis. La peau est composée de deux couches : d’un épiderme à cellules polygo- pales, ét d’un corium tissé de fibrilles ondulées au milieu des- quelles sont déposées des cellules à pigments contractiles, des chromatophores tels qu’on les rencontre chez tous les Céphalo- podes sans exception. Le système musculaire se compose de fais- ceaux appartenant aux ventouses, et en outre d’un tube muscu- laire très fort qui sert de support à tout le corps, et dans l’intérieur duquel se trouve une cavité cylindrique remplie presque en entier par un boyau longitudinal que M. Koelliker désigne comme intes- tin. Le tube musculaire lui-même est composé de trois couches de fibres, dont la moyenne est disposée dans le sens longitudinal, tandis que les deux autres sont circulaires. M. Koelliker ne peut rien dire de complet sur le système nerveux; mais ayant vu sous (4) Lehrbuch der vergleichenden Anatomie der wirbellosen Thiere, par C. Th. de Siebold. Berlin, 4848, p. 362 et suiv. (2) Rapports de l'institut zootomique royal à Wortzbourg. Bori icht von der kg sootumischen Anstalt zu Wüntzburg. Leipsick, 4849, p. 67, tab, 1 et 1. 152 J.-B. VÉRANY ET C. VOGT. le microscope un véritable ganglion contenant six corpuscules ganglionnaires, il peut assurer qu’il existe des nerfs, et il croit qu’un fin fil blanc qu’il a rencontré une fois sur le côté supérieur de l'intestin est réellement un tronc nerveux. M. de Siebold , au contraire, fait remarquer qu’il a trouvé dans l’axe du corps de l’Hectocotyle du Trémoctope un tronc nerveux dont les ganglions très développés correspondent au nombre des ventouses latérales. M. de Siebold ne croit pas que les Hectocotyles aient un système digestif. M. Koelliker ne se prononce qu'avec doute : il décrit un boyau longitudinal situé au centre du tube musculaire qu'il rem- plit presque en entier. Ce tube se compose , suivant lui, de deux couches membraneuses : il est fermé en arrière, et se termine peut-être dans une fine ouverture visible seulement sur l'animal frais, et située à l'extrémité antérieure de l’animal. Le contenu de ce boyau est formé seulement par des masses coniques régulière- ment distribuées, et dont le nombre correspond exactement à celui des ventouses. M. Koelliker mentionne encore, comme supplément à cette description du système intestinal, l’existence de petites ou- vertures elliptiques, alignées au nombre de quatre ou cinq sur la face ventrale, au-dessous de ces corps coniques contenus dans l’in- testin. Ces petites ouvertures se prolongent dans autant de fins canaux qui se dirigent en haut vers le tube musculaire central ; mais il ne pouvait déterminer exactement s’ils entraient dans le tube musculaire pour communiquer avec les corps coniformes, ou s'ils étaient seulement des glandes de la peau. 11 nous est assez facile de lever les doutes de M. Koelliker à cet égard. Son prétendu intestin n’est qu’un vaisseau sanguin central: les amas coniformes, vus par lui dans cet intestin pré- tendu, sont les ganglions du tronc nerveux situé au-dessous du vaisseau, et non pas en dedans ; tandis que les canaux avec leurs fines ouvertures ne sont que les nerfs sortant de ces ganglions, et se terminant à la peau. Les branchies que M. Koelliker décrit sont de fines franges composées d’un épiderme à cellules poly- gones, et d’une membrane homogène interne dans laquelle sont disposés des réseaux simples de capillaires, qui se réunissent en deux troncs assez petits. — Dans la peau du dos se trouvent, de SUR LA NATURE DES HEGTOCOTYLES. 153 chaque côté, deux vaisseaux longitudinaux dont M. Koelliker ne connaît pas la terminaison, mais qui paraissent fournir aussi des branches pour le pénis. — Outre ces vaisseaux, M. Koelliker a trouvé sous le microscope, dans des lambeaux de la peau dont il ne savait plus exactement l’origine, un boyau ovalaire dans lequel il crut reconnaître positivement le cœur, mais dont il ne put pas indiquer la position. — Les organes génitaux sont très développés; ils se composent d’un testicule simple, d’un conduit éjaculatoire et d’un pénis. Le testicule est une vessie transparente en forme de poire, qui remplit tout l'abdomen de l’Hectocotyle. Dans l’intérieur de cette vessie se trouve replié, en peloton, un fin fil cylindrique qui n’a aucune enveloppe propre, et qui est formé seulement par des spermatozoïdes filiformes réunis en- semble. On trouve encore, outre ces spermatozoïdes, des cellules granulées en nombre assez considérable, Ce fil se termine libre- ment en arrière; mais il se continue en avant par le canal efférent qui commence avec une extrémité renflée en massue, se replie d’abord dans la vessie testiculaire ; il se continue après dans le pénis. Ce canal efférent a une structure très particulière, car ses parois sont très fermes, semi-transparentes, jaunâtres, et com- posées de fibres élastiques. La partie antérieure du canal efférent est située dans le pénis même, et il est traversé dans toute sa longueur par un ligament en spirale dont M. Koelliker n’a pu déterminer la nature. M. de Siebold décrit l’extrémité postérieure des Hectocotyles comme une poche génitale dans laquelle serait enfermée la masse séminale avec l'organe copulateur et le canal efférent qui se con- tinue dans le pénis, lequel aurait, dans son intérieur, des tuber- cules cornés qui, pendant la copulation, seraient probablement renversés au dehors. — M. Koëelliker décrit ces tuberculosités comme de petites épines en forme de cônes. Outre l’Hectocotyle du Trémoctope, M. Koelliker décrit et figure celui de l’Argonaute, qui se distingue du premier par l’ab- sence de branchies, d’un abdomen en forme de sac, ainsi que d’un pénis libre, et par la présence d’un appendice filiforme qui part de l'extrémité antérieure de son corps. A la base de cet 154 d.-B. VÉRANY LI C. VOGr. appendice sont fixés deux lambeaux membraneux de forme trian- gulaire, L’analomie de cet animal n'offre des différences que pour la structure de cet appendice filiforme, et pour celle des organes sexuels. L'appendice filiforme est la continuation du tube muscu- laire formant l'axe du corps. La capsule testiculaire est allongée et lapissée de cellules pigmentaires, probablement contractile, Le lesticule lui-même est formé par un fil spermatique pelotonné et entouré d’une enveloppe membraneuse sans structure. Le con- duit efférent se continue dans un boyau argenté, de forme cylin- drique, qui est probablement le pénis, et qui est certainement de nature musculaire. M. Koelliker fait suivre cette description des Hectocotyles d’une longue dissertation dans laquelle il expose les opinions de ses devanciers, ainsi que les siennes propres, qui reviennent à dire que les Hectocotyles sont les mâles rabougris de certainesespèces de Céphalopodes. « On n’a pas besoin, dit-il, de prouver lon- guement que les Hectocotyles sont des animaux à part. Celui » qui n’a pas-vu, comme MM. Laurillard, Delle Chiaje et moi, » leurs mouvements vifs, indépendants et de longue durée, ne » les prendra pourtant ni pour des parties de Céphalopodes, » ni (et cela encore moins) pour des spermatophores, s’il con- » sidère leur organisation compliquée, et s’il se rappelle qu’ils » ont un cœur avec des vaisseaux, des branchies, des nerfs et » des organes mâles si hautement développés. » Malgré cette assertion si formelle de M. Koelliker, nous nous permettrons de prouver que les Hectocotyles ne sont pourtant pas autre chose que des bras détachés de Céphalopodes, organisés seulement d’une manière spéciale. Après avoir prouvé qu’on ne connaît pas encore le mâle ni de l’Argonaule ni du Trémoctope, M. Koellikéer relève d’abord les ressemblances de structure entre les Hectocotyles et les Céphalo- podes ; il trouve que les ventouses, les chromatophores et le tube musculaire des Hectocotyles sont construits exactement en tout point comme les partiescorrespondantes des Céphalopodes, etqu'ils ne se rencontrent que chez ces derniers, et exclusivement chez Ë SUR LA NATURE DES HECTOGOTYLES. 155 eux dans toute la série animale. La présence d’artères et de veines, d’un cœur et de branchies , ainsi que les éléments histologiques, s'opposent formellement à la réunion des Hectocotyles avec les Vers intestinaux. Enfin, M. Koelliker s'appuie sur les observa- tions de madame Power, et de M. Maravigno, à Catane, des- quelles il résulterait que les Hectocotyles se forment déjà dans Pœuf, et qu’ils ressemblent alors à un petit Ver pourvu de deux rangées de ventouses dans toute sa longueur, avec un appen- dice filiforme vers l’une des extrémités, et un petit renflement vers l’autre. De tout ceci, M. Koelliker conclut que les Hecto- cotyles sont des animaux complets, et M. de Siebold a compléte- ment adopté cette manière de voir, quoique cet observateur consciencieux n’ait pu retrouver ni l'intestin, ni le cœur indiqués par M. Koelliker, organes essentiels sur l'existence desquels repose pourtant en grande partie l'opinion de ces deux natura- listes. Cependant l’un de nous avait recueilli, déjà depuis plusieurs années, des matériaux qui promeltaient une autre solution du pro- blème. Dans son ouvrage sur les Céphalopodes de la Méditerranée, M. Vérany raconte, p. 128, qu’il rencontra, en 1836, un Poulpe dont il publia la description sous le nom de Octopus carena. L'in- dividu capturé avait, au lieu du bras droit de la troisième paire, une vésicule implantée sur un petit pédoncule garni de quelques cupules. Sur plusieurs individus recueillis après cette époque, M. Vérany remarqua, comme un fait constant, que toujours ce même bras était anormal, et que le pédoncule portait le plus sou- vent, au lieu d'une vésicule, un bras fort gros terminé par un globe ovale, ayant la forme de l’Hectocotyle de Cuvier. Notre ami, F. de Filippi, professeur à Turin, a en effet reconnu l'Hecto- cotyle dans ce bras. M. Vérany ayant soumis à MM. de Filippi et Leydig, de Wurtzbourg, ce dernier élève de M. Koelliker, un exemplaire du T. carena, conservé dans l'esprit-de-vin, ce bras hectocotyliforme se détacha à la moindre traction, en laissant une surface tout à fait nette; tandis qu'un autre bras ne se laissa déchirer qu'avec violence. Les observateurs, ayant ouvert le petit sac terminal, en virent sortir le fil blanc qui termine cet Hecto- 156 J.-B. VÉRANY ET C. VOGT. cotyle, ainsi que celui de l’Argonaute. M. Vérany tirait de ces observations les conclusions suivantes : « L’Hectocotyle du Poulpe » n’est qu'un bras caduc du Céphalopode ; ce bras porte des » organes mâles, et probablement ces organes ont un développe- » ment périodique. Les Hectocotyles de l’Argonaute et du Tré- » moctope diffèrent de celui du Poulpe. Les Hectocotyles de » l'Argonaute et du Trémoctope ne peuvent être des bras du » Céphalopode qui les porte, puisqu'ils sont infiniment plus pe- » tits, et que jamais, que je sache, on n’a remarqué que quelque » bras manquât à ce Céphalopode. » M. le docteur H. Muller, de Wurtzhourg, se rendit, en1850, sur les côtes de la Sicile, dans l'intention d'étudier ces faits si contra- dictoires. Il communiqua oralement à l’un de nous, lors de son passage à Gênes, qu'ayant rencontré un jour un Argonaute très petit portant une vésicule, il avait pris cet individu pour un em- bryon encore pourvu de sa vésicule ombilicale; mais qu’en comp- tant les bras, il avait remarqué qu'il n’y en avait que sept, et que le huitième était remplacé par cette vésicule portée sur un petit pédoncule. Se rappelant alors les faits observés chez l’Octopus, M. H. Muller examina l’animal tombé entre ses mains, etreconnut que cet individu ‘si petit, qu’il avait pris pour un embryon, était réellement le mâle complet de l’Argonaute, et que l’Hectocotyle était caché dans la vésicule pédonculée, Nous attendons encore la publication des observations recueillies par M. Muller. La science, comme on le voit par les extraits précédents, était chargée par un bon nombre d'observations et d'opinions peu concordantes entre elles. Désirant vivement obtenir une solution réelle de cette question qui nous paraissait du plus haut inté- rêt, nous avions réuni nos efforts pour nous procurer des maté- riaux suffisants et pour les étudier pendant qu’ils seraient encore en vie. Des pêcheurs furent instruits par celui de nous deux qui pouvait se faire comprendre plus aisément à l’aide du patois du pays, et les Céphalopodes apportés au marché de Nice furent scrutés chaque jour avec une attention scrupuleuse. Les exem- plaires, d’ailleurs très rares, d’Argonautes et de Trémoctopes violacés qui tombaient entre nos mains, furent l’objet de nos SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES. 157 minutieuses, mais infructueuses recherches; nous ne pouvions mettre la main sur un Hectocotyle, quoique l’un de nous deux examina, pendant un séjour de deux ans à Nice, sept Argonautes et trois Trémoctopes violacés femelles. Nous désespérions déjà, lorsque, au mois d’avril de cette année, les mâles du Tremoctope carena se montrèrent tout d’un coup en assez grand nombre. Nous donnons, dans les pages suivantes, les résultats de nos études entreprises en commun, en faisant remarquer, toutefois, que M. Vérany s’est surtout occupé de la partie zoologique, tandis que M. Vogt s'était chargé principalement des recherches anato- miques. IT. — Partie zoologique. TREMOCTOPE CARENA, Tremoctopus carena, Vér. Poulpe carena. Octopus carena, Vér. Mémoires de l'Académie roy. des sciences de Turin, 2° série, t. I, pl. 2. Monographie des Céphalopodes de la Méditerranée, p. 34 et 128, pl. 14, fig.2et 3; pl. 5, fig. 4 et 2. Corps bursiforme, muni d’un appareil constricteur. Tête com- primée , yeux gros el saillants. Bras inégaux; première et qua- trième paire les plus longs. Cupules pédiculées. Tube locomoteur très grand ; deux ouvertures aquifères. Tremocropus carENA, MALE (pl. 6, fig. 1, 2, 3). Corps bursiforme, ovale, légèrement acuminé en arrière, très lisse. Ouverture branchiale large, fendue jusques y compris les orbites des yeux. Appareil constricteur formé par un appendice charnu en forme de crochet oblique, situé de chaque côté sur la base du tube locomoteur, et une boutonnière en fente horizon- tale dans l'épaisseur de la peau, placée sur le bord interne du corps. Tête médiocre plus large que haute, étant écrasée par la pre- mière paire de bras qui est implantée au niveau des orbites des yeux; partie latérale de la tête occupée presque entièrement par les orbites des veux; partie inférieure entièrement couverte par le tube locomoteur, 158 J,-B, VÉRANY ET ©, VO&T. Yeux latéraux, globes saillants et aplatis, entièrement couverts par une membrane transparente qui est la continuation de la peau, Cette membrane est percée d’une ouverture circulaire peu contractile au travers de laquelle sort le cristallin, qui se trouve entièrement à découvert, Bras conico-subulés, inégaux ; la quatrième paire est la plus longue, et mesure environ deux fois et demie la longueur du corps ; la première est plus courte que la quatrième, et ne mesure que deux fois la longueur du corps; la deuxième n’est longue que la moilié de la quatrième paire; le bras gauche de la troisième paire est un peu plus court que celui de la deuxième ; le bras droit de la troisième paire est hectocotyliforme, composé d’un pédicule de grosseur égale à la base du bras correspondant. Ce pédicule porte une vésicule de forine ovalaire (A), plus où moins grande, con- tenant le bras hectocotyliforme, ou l’Hectocotyle lui-même par- faitement développé : ce bras hectocotyliforme mesure en longueur une fois et demie les bras de la quatrième paire. Tous les bras sont munis d’une double rangée de cupules. Cupules : elles sont grosses, cylindriques, très évasées, pédi- culées, et distantes les unes des autres (2) ; elles alternent dès la t'oisième , cloissent jusqu'à la sixième, et diminuent ensuite progressivement jusqu'à l’extrémité des bras où elles sont micros- copiques. La première paire en porte quarante-cinq, la deuxième trente, la troisième trente, la quatrième cinquante. L'Heéctocotyle est implanté sur un pédicule duquel il se détache assez facilement (3); il est ovale dans le bas et s’atténue vers l'extrémité qui paraît comme tronquée (4); la surface interne est aplatie, et tout son contour est cerné d’une rangée très serrée de cüpules pédiculées, obliques, c’est-à-dire à coupe ovoïde (5), percées un peu latéralement du côté interne, Ces cupules sont SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES. 159 réunies entre elles par une membrane longitudinale (4) qui en embrasse tout le pédicule, et, ainsi que les cupules, forme une série continue en passant à la base sur la face interne du bras (2). Un petit sac ovoïde termine ordinairement l'Hectocotyle (3). Ce sac est transparent, et laisse voir à travers sa membrane un cor: don qui est pelotonné ; souvent ce sac est vide, et le bras hecto- cotyliforme est terminé par un fil où fouet presque aussi long que le bras (4), qui en est la continuation. L’Hectocotyle porte qua- rante-sept cupules de chaque côté. La partie dorsale est un peu convexe sur la base; cette convexité est très marquée par une poche membraneuse ouverte dans le bas (5). Membrane ombellifère, rudimentaire, nulle entre les bras infé- rieurs. Bouche entourée de deux lèvres dont l'intérieure ciliée, l’ex- térieure très mince. Tube locomoteur très gros, dépassant beaucoup la base des bras, et mesurant les trois quarts de la longueur du corps. Deux ouvertures aquifères assez larges, placées à la base des bras de la quatrième paire, au point d’attache de la partie latéro-dorsale du tube locomoleur, et communiquant avec la cavité orbitaire. Ce Céphalopode ne dépasse jamais, non compris le bras heclo- cotyliforme, 0,110; compris ce bras et son fouet, il mesure 0,220. Couleur. — Pendant la vie, ce Céphalopode est d'une transpa= rence générale qui laisse voir, au travers du corps, les organes intérieurs, et même sur la partie inférieure les points chromoto- phores qui couvrent la membrane qui tapisse les organes de la digestion et de la génération, et le long des bras le cordon ner= veux à chapelet. Le corps, dans l’état de tranquillité, brille de reflets métalliques irisés d'azur, de vert et de pourpre; la pupille est d'un argent bruni très brillant, et la partie dorsale des orbites (41) P1..6, fig. 7 c; fig. 40 0. (2) PI. 6, fig. 7 c. (3) PL 6, fig. 7 d. (4) PI. 6, fig. 1 et 2. (5) PI. 6. fig. 4et2 a. 160 J.-B. VÉRANY ET C. VOGT. des yeux est d'un bleu très vif, sur lequel brille un reflet métal- lique doré. Les points chromotophores ne sont visibles qu’à la loupe, et sont de couleur mauve passant au violet; quand ils se dilatent, ils sont pourprés, et souvent la partie dorsale passe par le développement d’un grand nombre de points chromotophores au pourpre velouté. L’animal irrité ou sorti de l’eau, les points chromotophores prennent une teinte rouge orangé ; sur la partie inférieure, les points sont constamment plus gros et plus clair- semés que sur la supérieure ; l’entonnoir et la membrane qui couvre les yeux en sont également parsemés. Plongés dans l’al- cool, les points chromotophores sont toujours d’un rouge vineux ; plongés dans la préparation saline, ils conservent leur teinte vio- lette. L'Hectocotyle est entièrement blanc, sans points chromoto- phores ; le pédicule qui le porte et la vésicule dans son intérieur sont couverts de ces points. TREMOCTOPUS CARENA, FEMELLE (pl. 6, fig. # et 5). Corps bursiforme, ovale, lisse sur la partie supérieure, très légèrement tuberculé sur la partie inférieure. Ouverture bran- chiale et appareil constricteur comme chez le mâle. Bras conico-subulés symétriques; longueur, comme chez le mâle. La première paire est munie d’une membrane longitudinale sur la partie latéro-supérieure, et les cupules de la rangée interne sont réunies entre elles par une membrane longitudinale, comme on l'observe aussi sur le Tremoctopus à mailles et sur l’Argo- naute. ] Cupules médiocres, cylindriques, évasées, pédiculées, peu espacées entre elles. La première paire en porte quatre-vingts, la deuxième soixante-dix, la troisième soixante, la quatrième qualre-vingls. Membrane ombellifère, bouche, tube locomoteur, et ouvertures aquifères comme dans le mâle. Couleur. — Pendant la vie et dans l’état de tranquillité , la partie dorsale de l’animal est d’un blanc semi-transparent, forte- SUR LA NATCRE DES HECTOCOTYLES. 161 ment nuancé de bleu; la partie inférieure est blanche et riche- ment irisée ; les parties latérales du corps, de la tête, la partie dorsale des bras inférieurs et latéro-inférieurs , et l'iris, brillent d’un reflet argenté ; la partie interne des bras est d’un blanc rosé. Dans cet état, la partie dorsale est couverte de points chro- motophores microscopiques, et d’autres un peu plus gros et ré- gulièrement disséminés, de couleur bleue ou violette; sur la partie inférieure du corps, les points chromotophores sont dispo- sés de la même manière , mais leur couleur est d’un violet passant au rouge-jaunâtre. La partie dorsale du corps, de la tête et des bras de la première paire se colore quelquefois, comme chez le Trémoctope violet, d'un bleu d’outremer très brillant, nuancé de pourpre ; quelquefois cette couleur passe au violet velouté très foncé ; les parties inférieures et les extrémités des bras se co- lorent alors de rouge jaunâtre. Souvent sur la partie dorsale se voient en même temps ces différentes couleurs, et elle est nuagée de blanc, d’azur, de rose, de violet, de jaunätre, et d’une inf- nité de nuances éblouissantes produites par le mélange de ces teintes. Irrité ou sorti de l’eau plein de vie, l’animal se couvre entièrement de points chromotophores rouge jaunätre ; mais la partie dorsale est toujours fortement nuancée de bleuâtre. Plongé dans l'alcool , la peau de la partie inférieure du corps devient très finement réticulée, par l'effet des rides qu’y déterminent les tubercules grenus sous-cutanés. Le Tremoclopus carena mâle ne peut se confondre avec aucune des espèces connues ; —la proportion des bras, et surtout le bras hectocotyliforme , le distinguent nettement. La femelle se rap- proche beaucoup du Trémoctope à mailles (Tremoctopus catenu- latus, Ver.) ; mais les bras du T'. carena sont proportionnellement au corps bien plus longs, et la seconde et la troisième paire de ses bras sont comparativement plus courtes et moins disproportion- nées entre elles de grosseur, Le corps est ovale, tandis qu’il est ovoide dans le Trémoctope à mailles; enfin les tubercules sont, toute proportion gardée , beaucoup plus petits, plus rapprochés el plus nombreux sur le T. carena, Ce Céphalopode ne se montre qu'accidentellement sur nos 3 série, Zoor. T, XVI. (Cahier n° 3.) 5 11 162 J.-B. VÉRANY ET C, VOGT. côtes, peut-être, comme le pense M. d’Orbigny à l'égard de tous les Philonexes, parce qu’il est pélagien ; — nous l’avons pour- tant rencontré en toute saison, en février, avril, septembre et décembre, ce qui nous prouve qu'il est sédentaire dans nos pa- rages. On prend toujours ce Trémoctope, près de terre, par le moyen de dragues (savega). M. le professeur Bellardi, de Turin, qui se trouvait à Nice au mois d’avril de celte année, nous assura qu'ayant assisté à la levée des filets de la madrague (1), il vit un de ces Poulpes mâles cramponné à une Salpe morte. Le Poulpe s'approche évidemment de la plage à l’époque des amours , et c’est à cette raison, ainsi qu'aux mesures prises par nous , que nous devons la trouvaille de vingt individus mâles et de deux femelles, tous pris au mois d'avril de cette année, Les exemplaires nous ont été apportés tous vivants; un seul des mâles avait perdu le bras hectocotyliforme , tous les autres mon- traient ce bras ou entièrement développé, ou renfermé encore dans la vésicule. Le mâle seul a été décrit et figuré, depuis 1856, dans les Actes de l Académie royale des sciences de Turin, par l’un de nous, et plus tard dans la Monographie des Céphalopodes de la Méditerranée, qui vient de paraître. La femelle a été dé- crite peut-être par M. Risso, sous le nom de Octopus tubereu- latus ; mais la courte phrase appliquée à cette espèce nouvelle est tellement vague et peu concise, qu'elle peut lout aussi bien se rapporter au Trémoclope à mailles. M. Risso n'ayant laissé aucun exemplaire étiqueté de sa main, sur lequel on pourrait dé- cider à laquelle de ces deux espèces doit se rapporter sa phrase, nous devons conserver le nom donné par l’un de nous en 1856, — et cela d'autant plus que M. d'Orbigny a déjà désigné par le nom d'Octopus tuberculatus une autre espèce de Poulpe décrite antérieurement par M. de Blainville, M. d'Orbigny ne parle point de notre T°. carena dans sa mono- graphie des Céphalopodes. Il est très remarquable que celte espèce qui, celte année, se rencontrait si souvent, et qui, du reste, ne paraît pas extrêmement rare, ait pu échapper à M. le profes- (1) Grand filet pour la pêche des:thons, établi en permanence près de Saint-Hospice, à une lieue de Nice. SUR LA NATURE DES HECGTOCOTYLES, 163 seur Delle Chiaje, qui a enrichi la science de tant d'espèces nou- velles; à M. le professeur Philippi, qui a si soigneusement exploré la Sicile; à M. Cantraine, qui a parcouru une grande partie de la Méditerranée; ainsi qu'à MM. Keælliker, Rüppell, Krohn et G. Müller, qui se sont spécialement occupés, en Sicile, de Céphalopodes. Toutefois nous avons lieu de croire que le Poulpe granulé, sur lequel M. Laurillard trouva les hectocotyles qui ont été décrits par Cuvier , est la femelle de l’espèce dont nous nous OCCUpons, IE. — Partie anatomique. Nous traiterons d’abord de l’anatomie du mâle, dont l’organi- sation ne diffère pas, du reste, quant au plan général, de celle des autres Céphalopodes. La paroi ventrale du manteau est retenue par un appareil constricteur assez compliqué, et fixé à la mem- brane fibreuse qui enveloppe les intestins. Après avoir fendu le manteau dans sa longueur (1), on aperçoit les branchies, mu- nies chacune d'un cœur branchial arrondi situé à sa base, et ne différant pas, quant à leur forme et leur structure, de celles des autres Octopodiens. Nous dirons pourtant que, pendant la vie, les branchies se montraient très contractiles , et que les cœurs branchiaux, contre la signification desquels on à voulu élever des doutes, étaient animés de pulsations régulières. La membrane fibreuse qui enveloppe tous les intestins est couverte, surtout dans sa partie inférieure, de nombreux chromotophores , qui se contractent et se dilatent alternativement. On voit à travers cette membrane les contours peu accusés de la dernière portion de l'intestin, du sac à encre, et des organes génitaux qui se trouvent au fond , occupant l'extrémité postérieure du corps. L'ouverture réunie de l'intestin et de la poche à encre est située sur une pe- tite languette musculaire qui se termine, en avant, en deux pointes assez fines, et qui est si bien avancée au-dessous de l’en- tonnoir, que le bord postérieur de celui-ci la recouvreentièrement. Nous avons d’abord assez longtemps cherché à la surface du sac (1) PL 7, fig. 12. 164 J.-B. VÉRANY ET C. VOGT. fibreux intestinal l’ouverture des organes génitaux, qui est assez difficile à apercevoir, lorsque le hasard nous en fit découvrir la position. Un des exemplaires soumis à notre investigation laissait apercevoir à travers le manteau une traînée de matière blanche, qui commençait à remplir la cavité branchiale. Après avoir ouvert cet individu avec précaution, nous vimes un peloton du fil sémi- nal, que nous décrirons plus lard, s'échapper d’une ouverture semi-lunaire qui se trouvait à gauche, à côté de l’endroit par le- quel les vaisseaux branchiaux quittent le sac intestinal pour se rendre à la branchie. Il était désormais facile d’apercevoir cette fente très resserrée sur tous les individus, et de se convaincre, par l'inspection des organes génitaux internes, qu'il n’y avait que ce seul orifice asymétrique pour décharger les produits des organes génériques dans la cavité branchiale, Après avoir enlevé le sac fibreux intestinal (1), on découvre aisément le rectum, qui est assez mince, se porte de bas en haut depuis le renflement du gros tronc, et qui surgit entre un amas considérable d'appendices veineux, lesquels recouvrent surtout le cœur aortique et les gros vaisseaux qui réunissent ce dernier aux branchies. Au-dessous de cet amas d’appendices veineux se voit un organe en forme de bouteille, d’une transparence gélatineuse, et au travers duquel on distingue des lignes fines d’un blanc ar- genté, qui ont un éclat tout particulier : — on dirait des lumières blanches , extrêmement vives et empâlées, qu’un peintre aurait mises sur une étoffe de satin grisâtre. Ces lignes ont une dispo- sition très variable chez les différents exemplaires ; on voit cepen- dant qu'elles sont surtout nombreuses vers le bord postérieur et bombé de la bouteille , tandis que le bord antérieur et évasé de cet organe paraît recéler un contenu d'une nature plus transpa- rente. Le fond de la bouteille, dont la forme varie assez considé- rablement par suite des contractions dout elle est susceptible à un très haut point; le fond de cette bouteille, disons-nous, est tourné à droite, tandis que son cou, plus rétréci , s’applique à gauche sur les grands vaisseaux de la branchie. Cette extrémité se courbe en forme de crochet autour de ces vaisseaux, et sur le (1) PI 7, fig. 12. SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES. 165 sommet de la courbure se trouve l’orifice en forme de fente, dont nous avons parlé plus haut. Le reste des organes génitaux (1) est situé sur la face dorsale du sac intestinal, et est en continuité avec le cou de la bouteille. Cette partie des organes génitaux se compose d'une vésicule allongée ayant presque la même forme que la bouteille, et jouissant d’une contractilité toute aussi grande dans ses parois musculaires et transparentes, On y distingue deux sections, qui pourtant sont réunies sous une même enve- loppe commune ; nous appellerons la partie antérieure la cornue : elle est membraneuse, transparente , et laisse apercevoir dans son intérieur un fil blanchâtre contourné en spirale , d’un éclat beaucoup moins vif, et d’une dimension plus considérable que les fils contenus dans la bouteille. A l'extrémité postérieure et ren- flée de la cornue se trouve attaché un organe ayant la forme d’une pomme pointue, dont la base est tournée contre la cornue, la pointe vers la branchie droite, au cœur de laquelle cette pointe touche. Cet organe a une teinte crayeuse tirant sur le jaune ; sa face interne est attachée solidement par du tissu cellulaire au fond de la bouteille : c’est le testicule. Les organes génitaux forment ainsi dans leur ensemble (2) un véritable anneau autour des grands troncs de la branchie gauche; anneau qui n’est fermé en arrière que par le tissu fibreux, réunissant l'enveloppe du testicule au fond de la bouteille, tandis que la fermeture de l’anneau en avant, sur la face ventrale, est complétée par la réunion du cou de la bouteille avec le cou de la cornue. Nous venons d'indiquer la forme du testicule; outre l'enveloppe générale qui réunit cet organe à la cornue, il à une enveloppe propre, fibreuse, qui l’enserre étroitement. Toujours situé sur la face dorsale, en arrière du cœur branchial de ce côté, le testicule change pourtant plus ou moins de place , suivant l’état de gon- flement dans lequel se trouvent les différentes parties de l’appa- reil sexuel. Le testicule lui-même présente déjà à l'œil nu deux portions différentes , l'extrémité pointue étant plus transparente que le corps de cet organe qui est tourné contre la cornue, On 166 J.-B. VÉRANY ET €, VOGT. voit de fines raies crayeuses qui, en partant de l'extrémité poin- tue, rayonnent dans tous les sens vers le renflement médian de l'organe, d’où elles convergent de nouveau pour se rapprocher de la face du testicule qui touche à la cornue. Au microscope , ces lignes crayeuses se font reconnaître aisément pour être les tubes séminifères qui se terminent en cul-de-sac à l’extrémité pointue du testicule, et qui commencent à se ramifier lorsqu'elles entrent dans la partie plus épaisse de cet organe. Ces ramifications toute- fois sont presque parallèles les unes aux autres, de manière que le testicule en son entier paraît être composé de tubes sémini- fères parallèles , qui convergent cependant tout à la fois vers la pointe et vers la base de l'organe. Les tubes séminifères ne contenaient, chez tous les individus que nous avons examinés, aucune trace de spermatozoïdes com- plétement formés, mais seulement des cellules granulées et des granulations libres très exiguës , lesquelles, par leur bord forte- ment accusé, avaient l’aspect de fines gouttelettes d'huile. Les cellules granulées laissaient également voir dans leur intérieur, entre ces granules fines, des gouttelettes plus accusées. Tous les individus que nous avons examinés étant dans l’époque de l'amour, les spermatozoïdes avaient déjà passé dans les organes éjaculateurs , et il ne se trouvait dans les tubes séminifères du testicule que les éléments propres à la reproduction de la se- mence. Il n’y a pas de rapport direct entre les tubes séminifères et le canal efférent ; nous nous sommes assurés de ce fait sous le mi- croscope. L’enveloppe particulière du testicule (4)se resserre con- sidérablement à la base de cet organe, et se continue directement dans l'enveloppe musculaire de la cornue. Il se forme ainsi à l'endroit où le testicule est attaché à la cornue une espèce d’en- tonnoir, vers lequel convergent tous les tubes séminifères pour se terminer par un bout arrondi. Le contenu de ces tubes doit donc être versé dans l'espace formé par cet entonnoir , qui n’est autre chose que la continuation de l'enveloppe spéciale du testicule. Les masses séminales entreraient au moyen de cet entonnoir (1) PIS, fig. 22. SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES. 167 librement dans le fond de la cornue, s’il n’y avait pas un canal efférent (1) assez étroit, qui est posé sur l’entonnoir comme un tube, et qui s’avance librement dans la cavité de la cornue. On voit ce canal, déjà à la simple inspection de la cornue, appliqué à la face dorsale de la vessie, Il a une longueur d’environ 3 mil- limètres, et même, sans avoir ouvert la cornue, il est facile de se convaincre avec la loupe que son extrémité flotte librement dans la cavité de la cornue. Ce canal est extrêmement contrac- tile et mobile, et on le voit presque toujours, pendant la vie, doué de mouvements vermiculaires. La structure de ce canal est assez simple : c’est un tube musculaire ayant surtout des fibres longi- tudinales qui, réunies en faisceaux , forment des bourrelets peu saillants à la face interne du canal, L’orifice du canal ressemble, à raison de ces bourrelets disposés en rayons, à la bouche d’un Po- lype hydraire. Toute la surface interne du canal est tapissée par des cils vibratiles tellement considérables, qu’on peut déjà en dis- tinguer d’isolés à un grossissement de 100 diamètres, tandis que le mouvement lui-même et le courant qu’il produit sont très distinctement visibles au moindre grossissement du microscope, On voit, en outre, sur la face intérieure du canal, les mêmes gra- nules à bord fortement accusé que nous avons déjà remarqués dans les tubes séminifères. Il est évident, par la disposition et la structure de ce canal efférent, que la masse séminale, en entrant, par rupture des tubes séminifères, dans l’entonnoir, est reçue par lé canal efférent, et conduite par ce dernier dans la cavité même de la cornue, qui sert ainsi, sous certains rapports, comme un réservoir séminal. La structure de la cornue elle-même est assez compliquée, et il nous serait resté des doutes considérables sur certains points de cette structure, si le hasard ne nous avait pas mis successive ment entre les mains plusieurs individus vivants , sur lesquels nous pouvions compléter nos recherches. Nous avons déjà men- lionné le fil blanchâtre et pelotonné que l’on voit à travers les parois transparentes de la cornue; ce peloton est constamment en mouvement, tant par ses propres contractions que par celles (4) PL 8, fig. 22n 168 J.-B, VÉRANY ET C. VOGT.: de l'enveloppe de la cornue qui est assez solide, et formée par des fibres musculaires tissées dans tous les sens. Le peloton de fil se présente à nu lorsque l’on fend cette enveloppe contractile ; il nage pour ainsi dire dans un liquide visqueux qui remplit toute la cornue, et qui agglutine les replis du fil pelotonné, et cela si bien ensemble, qu’on a de la difficulté à dérouler le peloton ainsi formé. Lorsque cette opération a réussi, on voit que le peloton est manifestement composé de deux organesfiliformes roulés en- semble, savoir : du canal déférent et d’une fglande accessoire, dont le conduit excréteur se réunit au canal déférent vers le som- met du cou de la cornue. Le canal déférent (1) commence par un orifice en trompette {2}, plissé d’une manière analogue à l’orifice du canal efférent, mais plus large que ce dernier. Get orifice n’est point tapissé par des cils vibratiles comme le canal efférent; ce qui confirme nos observations , tendantes à prouver que ces deux canaux n’ont point de communication directe entre eux. L'’orifice plissé du canal déférent se continue dans un élargissement considérable en forme de poire (3), dont l’extrémité élargie est tournée vers l’orifice, tandis que la queue, un peu renflée, tient à la continua- tion du canal déférent. Ce renflement est déterminé moins par un élargissement de la lumière du canal, que par un développement très considérable de la couche musculaire , qui forme à cet en- droit des bourrelets longitudinaux assez saillants , convergeant vers l'extrémité pointue du renflement. Outre cette structure musculaire si fortement développée, on voit, comme annexe au renflement en poire, une boule vésiculaire (4) parfaitement arron- die, qui, par un petit conduit excréteur, verse son contenu là où l'orifice plissé est en continuité avec le renflement musculaire, Nous n'avons vu dans cette vésicule qu’une sécrétion ressemblant à de la stéarine , sans qu'il nous eût élé possible de découvrir d’autres éléments constitutifs. Pl. 9 Me 220, = SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES. 163 Le canal déférent se prolonge depuis le renflement en poire, sous forme d’un simple canal cylindrique. 11 jouit d’une contrac- tilité qui est due à une couche musculaire formant principale- ment le tube, Deux renflements en forme de massue se succèdent à petite distance du renflement en poire , et sont dus , comme ce dernier , à un développement plus considérable de cetle couche musculaire. L'intérieur du canal déférent est tapissé dans toute sa longueur d’une sécrétion glaireuse, et le plus souvent ce canal paraît entièrement vide. Nous avons pourtant rencontré un in- dividu chez lequel une masse séminale était justement arrêtée au-devant du premier renflement en massue. Nous reviendrons sur cette trouvaille, parce qu’elle jette quelque jour sur la forma- tion des machines séminales en général, En se prolongeant vers l’extrémité en pointe de la cornue, le canal déférent fait beaucoup de replis, qui sont réunis à ceux de la glande accessoire par des fibres très fines et très élastiques , qui, tout en les réunissant, permettent à chacun de ces canaux une contractilité propre assez considérable. Arrivé vers l'extré- mité de la cornue, le canal déférent s’ouvre dans une espèce de réservoir commun qui se trouve à l’entrée de la cornue. La glande accessoire (1) , qui est enfermée dans la cavité de la cornue avec le canal déférent, est composée de deux parties, lesquelles pourtant, pour la structure intime, ne montrent pas de différence essentielle : la glande elle-même et son canal excré- teur. La glande est uñ corps aplati, roulé presque en spirale, et montrant déjà à l’œil nu un aspect grenu ou tigré, qui résulte de la présence de beaucoup de petits points , lesquels , à la lumière transmise, sont presque complétement opaques. La structure in- time de celte glande est très remarquable; ses parois sont assez épaisses ; il y a au milieu de la glande une cavité qui se prolonge directement dans le canal excréteur. Au lieu de tubes glandulaires, on voit partout des petites poches d’une forme plus ou moins arrondie (2), qui sont creusées dans la paroi même de la glande, et dont l'ouverture est presque aussi large que le fond. Ces (1) PL 8, fig. 22 m. (2) PL 8, fig. 25. 4170 J.-B. VÉRANY LT €, VOGT. poches tapissent ainsi toute la surface interne de la glande et de son canal excréteur ; elles sont seulement plus profondes dans la glande que dans le canal, et disposées un peu plus obliquement contre l’axe de la glande. Elles sont entourées immédiatement d’un système capillaire très développé, lequel forme des réseaux assez élégants autour de ces poches glandulaires. Les parois propres de ces poches sont assez épaisses, composées de fibres circulaires en petit nombre, et tapissées dans leur intérieur d’une couche considérable de cellules en cylindre, qui portent sur leur sommet des cils vibratiles d’une longueur assez considérable. Le mouvement de ces cils est continuel , et charrie un liquide visqueux, homogène, dans lequel il y a de fins granules qui se réunissent cà et là en petites masses. Ces poches glandulaires , quisécrètent, sans doute, la masse dont doit se former l'enveloppe des machines spermatiques, se continuent jusque près de l’extré- mité antérieure du canal excréteur ; ià elles disparaissent petit à petit, et le canal excréteur lui-même s’élargit notablement pour former une large poche (4), dans laquelle s'ouvre aussi le canal déférent. Cette poche est de toutes parts annexée à la paroi même de la cornue , de sorte que la cavité de cette dernière est entièrement fermée en cet endroit, et qu'il n’y a pas d'autre passage de la cornue à la bouteille que celui de cette poche. On voit que, par la disposition même des parties, les masses sémi- nales charriées par le canal déférent doivent rencontrer dans ce réservoir commun le produit de la sécrétioh de la glande acces- soire, et entrer avec lui dans la bouteille. C’est donc probable- ment là, dans cette poche élargie, à parois minces, que se for- ment les machines spermatiques, pour passer après dans la bouteille. Ce dernier organe (2) est situé, comme nous l'avons déjà dit, sur la face ventrale du sac intestinal, immédiatement sous l’en- veloppe fibreuse qui entoure ce dernier. La membrane qui forme la bouteille est assez mince, douée d'une grande contractilité, et presque imperméable à l’eau, On voit dans son intérieur les lignes (1) PL 8, fig. b. (2) PI. 8, fig. 18-21 a. SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES. 171 ondulées d’un blanc éclatant que nous avons décrites plus haut, et qui sont quelquefois si vives, qu’on pourrait les prendre pour des ornements extérieurs de l’enveloppe. L'ouverture semi- lunaire , située près du col de la bouteille, est plus souvent très diflicile à apercevoir, et ne s'ouvre qu'après un séjour prolongé dans l’eau pour donner passage au contenu de la bouteille, qui est formé , dans tous les individus examinés par nous, d’une machine spermatique unique , d’un seul spermatophore remplis- sant toute la cavité si étroitement, qu'il est très difficile d'ouvrir celte dernière sans entamer le spermatophore contenu dans son intérieur. Ce spermatophore énorme {1), qui a presque uue longueur de 2 centimètres, est Loujours replié en deux dans la bouteille, de manière que ses deux extrémités se rapprochent en même temps de l'ouverture semi-lunaire de cette dernière. Extrait de la bou- teille, ce spermatophore se présente sous la forme d’une corne à poudre ; ayant une extrémité pointue et allongée en bec, l’autre renflée et arrondie. Le bec, quoique plus consistant et ferme, est pourtant presque transparent, tandis que le sac se montre presque blanc , à cause du peloton de fil argenté qu’il contient dans son intérieur, Le spérmatophore lui- même est formé par uné mem- brane assez solide, d’une transparence parfaite, laquelle, après avoir constitué le sac, se continue sur le prolongement du bec, en entourant ce dernier assez étroitement. Cette enveloppe absorbe assez facilement l’eau, et se gonfle considérablement par suite de celle absorption ; elle se sépare alors en deux couches, dont l'extérieure très mince forme des plis irréguliers, et souvent tellement répétés, que l'on pourrait croire le bec du spermato- phore étranglé cà et là par des circonvolutions d’un fil fin roulé en spirale. L'enveloppe propre qui se trouve au-dessous de cette couche se gonfle sous l'influence de l’eau, à peu près comme une masse gommeuse, et crève à la fin en donnant passage au con- tenu du spermatophore. Ce contenu est composé de deux fils très dissemblables entre (1) PL 9, fig. 27. 172 J.-B. VÉRANY ET C. VOGT. eux, l’un appartenant surtout au prolongement en bec, l’autre au sac du spermatophore. Nous appelons ce dernier fil le cordon spermatique (1), puisqu'il est uniquement composé de sperma- tozoïdes réunis ensemble autour d’un axe en forme de fil fin. Ce cordon spermatique est entièrement blanc, argenté à l'œil nu, et d’un diamètre égal sur toute sa longueur, sauf l'extrémité an- térieure où il devient plus mince, pour s’attacher à la fin par un filet extrêmement délié à l'extrémité postérieure du cordon éjacu- lateur. Les spermatozoïdes sont réunis dans le cordon sperma- tique, de telle facon que leur extrémité cylindrique, qui est plus grosse , est attachée ou plutôt collée par un liquide visqueux à l’axe du cordon, tandis que leur extrémité caudale très effilée est tournée vers la périphérie du cordon. Nous ne pouvons mieux comparer cette structure du cordon spermatique qu'à celle de ces brosses allongées dont on se sert pour nettoyer les bouteilles, et où les soies hérissent de tous côtés l’axe médian formé par un fil de fer. Le cordon spermatique se défigure très vite lorsqu'il est soumis à l’action de l’eau, et il est presque impossible de dérou- ler ses pelotons avant que cette défiguration se soit accomplie. Au moment où l’on tire le cordon spermatique hors de son enve- loppe , tous les spermatozoïdes paraissent réunis par un liquide glutineux, qui les colle si bien ensemble qu’il est impossible de les distinguer. Par l’action de l’eau, cette masse glutineuse se dissout d’abord un peu ; les spermatozoïdes deviennent libres, et se montrent alors animés de mouvements ondulatoires peu pro- noncés. Petit à petit ces mouvements cessent, tandis que la masse glutineuse se fige par l’action de l’eau , et ce, à tel point, que le cordon spermatique paraît bientôt comme une masse feutrée, dont il est impossible de distinguer les éléments. Il nous paraît probable que l’aspect irrégulièrement noueux, remarqué par M. de Siebold sur le cordon spermatique de l’hectocotyle du Trémoctope, provient d’une altération semblable produite par l'influence de l’eau. Nous avons dit que le cordon spermatique se terminait par (1) PI. 9, fig. 28 c. SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES. 173 une extrémité plus déliée, lorsque, tout en faisant des circonvo- lutions nombreuses, il se rapprochait de l'extrémité antérieure du sac, là où commence le prolongement en forme de bec du spermatophore. Le cordon devient en effet très mince (1), et s'attache enfin à l’extrémilé postérieure du canal éjaculateur, lequel remplit à son tour le prolongement en forme de bec du spermatophore. Ce canal éjaculateur est formé par un tube très solide à parois très épaisses, n’ayant qu’une lumière fort mince à son intérieur. Ses parois sont excessivement trans- parentes, résistent fortement à la pression et ne se défigurent point sous l'influence de l’eau. Nous n'avons pu découvrir aucune structure ultérieure dans ce tube homogène, qui commence dans le sac du spermatophore même par une extrémité arrondie, un peu effilée, ayant une ouverture très mince dans laquelle pénètre l'extrémité de l'axe du cordon spermatique, sous forme d’un fil très fin qui fait de nombreux replis dans la cavité même du cor- don éjaculateur. Celui-ci s'élargit bientôt en même temps que sa cavilé interne, qui est remplie, dans toute la longueur de son trajet, par un ligament membraneux plissé en spirale, On voit distinctement , dans l’extrémité postérieure du cordon éjacu- laleur, le commencement de cette membrane qui tapisse l’inté- rieur du canal du cordon, et paraît d’abord reployée en une quan- tité de plis transversaux qui, petit à petit, adoptent la disposition en spirale, de manière que le cordon du canal éjaculateur res- semble, sous le microscope, tout à fait à l’intestin d’un Requin pourvu de sa valvule en spirale (2). Le canal éjaculateur fait d’abord plusieurs replis dans la portion plus élargie du prolonge- ment en forme de bec, après lesquels il se continue presque en droite ligne, en formant l’axe de ce prolongement lui-même. On distingue, sur l'extrémité de ce prolongement, l'enveloppe externe du spermatophore tout entier, qui se replie, pour ainsi dire, vers l'intérieur, pour former le tube du cordon éjaculateur dont le canal, tapissé par la membrane en spirale, se continue jusque vers celte extrémité même, (1) PL. 9, fig. 29 u, (2) PI. 9, fig. 30. 174 J.-B VÉRANY ET C. VOGT. L'analogie de structure entre le spermatophore que nous ve- nons de décrire, et ceux des autres Céphalopodes connus déjà depuis longtemps, est évidente; de manière que nous n’aurons pas besoin d’insister plus longuement sur ce point. L’enveloppe susceptible de se gonfler par l’absorption de l’eau, le cordon éja- culateur avec son ligament en spirale à l’intérieur, tout s'y trouve, avec cette seule différence que la masse séminale n’est point enfermée dans un sac comme chez les autres Céphalopodes, mais qu'elle est constituée en un long cordon pelotonné sur lui-même, et dépourvu entièrement d’une enveloppe particulière. La forma tion de ces machines séminales, énormes par rapport aux dimen- sions du mâle, se trouve à peu près expliquée par l’observation que nous avons faite sur un seul individu parmi quaire que nous avons disséqués, Une masse blanchätre (1) était engagée dans le canal déférent de cet individu, un peu au delà du renflement en poire, par lequel commence ce canal. Cette masse se présentait sous la forme d’une poire (2) avec une queue allongée, et dans l’intérieur de laquelle on voyait contourné en mille replis un fin fil gélatineux, extrêmement transparent, lequel était hérissé de tous côtés par des spermatozoïdes sans mouvement, Ce fil se perdait petit à petit en arrière où la masse était plus renflée; et même, en écartant les spermatozoïdes feutrés qui formaient toute celte masse par une forte pression, on ne pouvait découvrir dans l’intérieur de cette masse, que par-ci par-là, quelques traces d’un fil gélatineux pareil, sans qu'il fût nettement accusé. Cette masse de spermatozoïdes n’élait entourée par aucune enveloppe, et elle présentait encore la forme du renflement en pied dans lequel elle avait été moulée. Il nous paraît évident qu'une masse sémi- nale pareille est façonnée en passant par loute la longueur du canal déférent en fil allongé, et que c’est dans le réservoir com- mun que ce fil recoit en même temps et son enveloppe, et le cor- don éjaculateur sécrété par la glande accessoire, qui transfor- ment ainsi le tout en spermatophore. Ce spermatophore, une fois SUR LA NATURE DES HEGTOCOTYLES. 475 formé, passe dans la bouteille, d’où il est expulsé lorsque l’ac- couplement doit s’accomplir. Dans la grande majorité des individus mâles que nous avons examinés, le bras droit de la troisième paire était développé outre mesure, et avait l’organisation extérieure telle que nous l’avons indiquée dans la description zoologique. Dans d’autres individus, ce bras était remplacé par une vésicule assez considérable et pédonculée. Nous verrons, par l’anatomie de ces parties, qu’il y a une corrélation entre elles, — corrélation intime, — et que la formation de la vésicule doit précéder nécessairement celle du bras hectocotyliforme. Quant à ce dernier, il nous a été impossible de voir dans sa structure de grandes différences, sauf celles que nous indique- rons, avec la structure d’un bras de Céphalopode ordinaire. L'axe de ce bras est formé par un tube cylindrique musculaire, très épais, qui se continue au delà des rangées de cupules, dans un long prolongement filiforme que nous appellerons le fouet, et qui est caché ordinairement dans un sac oviforme que termine l’ex- trémité antérieure dece bras. Cetaxe musculaire est formé, comme M. Koelliker l’a déjà très bien indiqué, par trois couches diffé- rentes, dont une longitudinale et les deux autres circulaires. Au milieu se trouve un espace cylindrique creux, dans lequel sont situés deux organes qui demandent un examen d’autant plus seru- puleux, que M. Koelliker a entièrement méconnu leur nature. L'un de ces organes est un vaisseau sanguin à parois très minces et très transparentes, qui se continue dans toute la longueur de l'axe musculaire, même dans la portion que nous avons appelée le fouet, sans grande diminution dans son volume. 11 ne peut y avoir aucun doute sur la détermination de la nature de ce vaisseau que nous avons observé à plusieurs reprises, par transparence, sur des individus qui vivaient encore, mais chez lesquels les mou- vements du cœur étaient trop irréguliers pour qu'on pût déter- miner la direction suivant laquelle le courant sanguin se mouvait. On distinguait parfaitement bien les corpuscules sanguins for- mant, lors de la mort, des amas irréguliers qui étaient animés, quand le cœur battait encore, d’un vacillement plus ou moins 176 J.-B. VÉRANY ET C. VOGT, prononcé. Ne pouvant faire des injections sur le petit nombre d'individus soumis à notre examen, nous n'avons pas pu déter- miner exactement les rapports entre ce vaisseau occupant l’axe central du cylindre musculaire, et les vaisseaux cutanés qui se montrent sur toute la surface du bras. Nous avons pourtant cru voir que, vers l’extrémité antérieure du fouet, ce vaisseau central montre des branches latérales qui percent le tube musculaire pour passer à la surface externe et à la peau. Le vaisseau se continue sans interruption dans le pédoncule des bras d’où nous n'avons pu le suivre plus loin. Mais il nous paraît hors de doute, d’après ce que nous venons d’exposer, que c’est l'artère centrale de ce bras anormal, disposée comme toutes les artères centrales des autres bras normaux. Le second organe important à noter, et qui se trouve renfermé dans le canal musculaire, est le cordon nerveux formé par au- tant de ganglions qu’il y a de ventouses sur toute la longueur du bras. Les tissus des individus vivants sont tellement transpa- rents, que l’on peut voir parfaitement bien dans:itous les bras de ces petits mâles le cordon nerveux sans préparation aucune, et que l’on peut compter, avec une scrupuleuse exactitude, tous les ganglions correspondants aux ventouses. Il est donc aussi facile de voir ce cordon ganglionnaire sur le bras hectocotyli- forme, et de constater qu'il n’y a, ainsi que M. de Siebold l’a fort bien fait remarquer, qu’un seul ganglion correspondant à chaque ventouse. Mais les ventouses élant très rapprochées et se suivant alternativement des deux côtés, les ganglions aussi sont extrê- mement serrés les uns contre les autres, de manière qu'ils se présentent à l’œil nu, ou armé de la loupe, comme les grains ser- rés d’un chapelet. Examinés sous le microscope, ces ganglions (1) montrent tous la forme d’un trapézoïde, dont la base est tournée vers la ventouse à laquelle le ganglion appartient. M. Koelliker a passablement bien figuré cette apparence des ganglions; mais, par une erreur inconcevable, il considère les ganglions comme des masses formant le contenu du vaisseau central dont il fait un (1) PL 9, fig. 32 c. SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES, 177 intestin. Les nerfs partant de ces ganglions sont très difficiles à apercevoir, puisqu'ils percent le cylindre musculaire de telle manière, qu'ils sont presque toujours perpendiculaires au micros- cope. Aussi M. Koelliker a-t-il décrit ces nerfs comme des ca- naux montant vers la surface de la peau, et nous devons dire qu’en effet un petit nerf, vu presque perpendiculairement sur son axe, ressemble un peu à un canal fin, à parois minces et ac- cusées. La chaîne des ganglions finit avec la rangée des ventouses ; mais quelques filets nerveux, assez déliés, se laissent encore apercevoir dans l’axe musculaire du fouet, où ils deviennent à la fin tellement déliés, qu’il nous a été impossible de les suivre jusqu’à l'extrémité. Nous ne trouvons aucune différence quelconque dans la struc- ture du reste du bras, aussi loin qu’il y a des ventouses : la peau, les parois des ventouses et toute leur structure par aissent entiè- rement conformes à tout ce que nous avons vu sur des bras de Céphalopodes ordinaires ; il nous sera donc permis de passer tout ceci sous silence. L’extrémité antérieure du bras est formée par un petit sac ovalaire qui pend entre les deux dernières ventouses, et dont la paroi est la continuation directe de la peau qui recouvre la face dorsale du bras. En examinant bien ce petit sac, on découvre déjà, à l’œil nu, que son intérieur doit contenir un filet contourné en spirale. Entre les deux dernières ventouses se trouve une pe- tite fente qui conduit dans l’intérieur de ce sac, et par laquelle l'animal peut développer le filet en spirale caché dans l'inté- rieur. Nous avons été plusieurs fois témoins de ce phénomène : le filet sortait avec son extrémité pointue par la petite lente, et se déroulait lentement pendant que le sac s’agitait dans des contractions répétées qui aidaient à expulser le filet. Ce der- nier lui-même est agité et animé de mouvements vermiculaires très prononcés, que nous ne pouvons mieux comparer qu'aux mouvements des filets tentaculaires de certains vers tubicoles, notamment des Térébelles. Le petit sac est entièrement con- tracté lorsque le filet en est sorti, et montre alors sous le micros- a" série, Zooc. T. XVII. (Cahier n° 3.)4 412 178 J.-B, VÉRANY ET €, VOGT. cope (1) des rugosités extrêmement multiples, et formant un dessin de moiré assez joli. 11 est évidemment formé de deux mem- branes, une externe, et qui n’est autre chose que la continuation .dé la peau qui recouvre tout le bras, et une interne, musculaire, qui se continue en deux faisceaux musculaires sur les deux côtés .du fouet. Ce sac, contracté avec le fouet qu’il contenait, a été également vu par les différents auteurs qui ont écrit sur l'Hec- tocotyle de l’Argonaute, et en dernier lieu par M. Koelliker, qui -le considère comme des lambeaux membraneux sans autre signi- .ficalion. Le fouet lui-même (2) se compose surtout, comme nous l’avons déjà dit, du cylindre musculaire du bras, qui se continue sans interruption dans son centre jusque vers l’extrémité, en dimi- nuant graduellement d'épaisseur. Il finit en pointe à l'extrémité même du fouet, qui d’abord est parfaitement arrondi, mais qui s'aplatit petit à petit vers l’extrémité comme un fer de lance. A quelques millimètres de l'extrémité du fouet, le cylindre muscu- laire s’épaissit tout d’un coup, et prend la forme d’un piston (3) : sa cavité interne même s’élargit dans cet endroit. — Dans ce même endroit, nous avons toujours vu un amas considérable de corpuscules sanguins qui distendaient cel élargissement en forme de piston. — Le vaisseau médian qui occupe le centre du tube musculaire finit donc ici par une espèce de réservoir, tandis que l'axe musculaire continue un cylindre creux jusqu'à l'extrémité. La membrane externe qui enveloppe le fouet est, surtout à la base, assez lâche et animée de mouvements ondulaloires propres dus à deux faisceaux musculaires qui longent les deux côlés du fouet, et qui se laissent poursuivre encore au delà de l’élargisse- ment en forme de piston. Ces deux muscles cutanés sont accom- pagnés dans toute leur longueur par deux troncs veineux qui envoient de nombreuses ramifications formant des réseaux capil- laires sur toute la surface du fouet. Ces réseaux sont surtout remarquables à l'extrémité même du fouet où.on les aperçoit ) PL. 9, fig. 3% ef. ) PL. 9, fig. 34 ) SUR LA NATURE DES HEGTOCOTYLES. 179 avec une grande facilité, les tissus étant entièrement transparents en cet endroit. L’extrême mobilité du fouet joue peut-être un certain rôle dans les fonctions physiologiques du bras hectocotyliforme. Nous avons vu cet appendice en mouvement continuel, comme s’il tâtait par- tout pour s’accrocher quelque part. 11 enlacait les bras, le corps même de l'animal auquel il appartenait; mais il dénouait lou- jours ses lacets sans qu’on püt découvrir un but vers lequel ten- draient ces mouvements. Nous rapporterons plus bas une obser- vation de M. Koelliker, qui mettra peut-être d’autres observa- teurs sur la voie de la fonction physiologique de cette partie. Il nous reste encore à mentionner une dernière particularité de la structure du bras hectocotyliforme : c’est une poche d’une étendue assez considérable qui se trouve sur la face postérieure ou dorsale du bras près de sa base, et qui est opposée aux ven- touses. Cette poche (1) a une longuëur de 15 à 20 millimètres et une forme allongée, puisqu'elle s'applique à la face dorsale du cylindre musculaire du bras. Elle se distingue très facilement sur toute son élendue par sa couleur foncée, tandis que le reste du bras hectocotyliforme est entièrement incolore. Cette colora- tion est due à des chromatophores qui tapissent toute la surface interne de cette poche, et qui se laissent apercevoir par transpa- rence. Une ouverture semi-lunaire située à la face dorsale du bras, immédiatement au-dessus du pédoncule, conduit dans cette poche qui est un véritable cul-de-sac et fermée de toutes parts. Nous n'avons jamais rien trouvé dans celte poché, qui est évi- demment un enfoncement, une invagination de la peau du corps même, el dont la formation dépend, comme nous verrons bientôt, du développement même du bras. Nous avons déjà mentionné plusieurs fois la vésicule ovalaire poriée sur un pédicule mince qui fut observé sur plusieurs indi- vidus comme remplaçant le bras hectocotyliforme. En examinant de près cette vésicule, on voit qu’elle est tapissée sur toute son élendue des mêmes chromatophores qui sont également répandus (1) PI, 6, fig. 4 et 2 0. 180 J.-B, VÉRANY ET C. VOGT. sur toute la surface du corps, et qu’elle a à sa base une petite ouverture semi-lunaire semblable à celle que nous avons observée dans la poche du bras. En ouvrant la vésicule, on découvre dans son intérieur le bras hectocotyliforme contourné en spirale (1), de telle manière que les ventouses sont tournées vers le centre, la face dorsale du bras vers la périphérie de la vésicule. Ce bras est parfaitement conformé dans les individus que nous avons été à même d'examiner ; mais aussi, dans ces individus, la vésicule était parvenue à son dernier degré de développement, tandis qu'elle est beaucoup plus petite sur un individu dessiné par M. Vérany dans son ouvrage déjà cité. Pendant que nous étions occupés à examiner le bras enroulé dans la vésicule, un autre individu vivant, placé dans l’eau de mer, déroulait petit à petit le bras caché dans la vésicule. Celui-ci sortait avec sa base, et, pendant qu’il continuait à se dérouler, la vésicule se retroussait par cela même, et finissait par devenir la poche que nous avons mentionnée sur la face dorsale du bras. On s’expliquera mainte- nant facilement pourquoi cette poche est tapissée à sa face interne par des chromatophores semblables à ceux de la peau, la surface externe de la vésicule étant devenue la face interne de la poche, On s’expliquera aussi pourquoi, sur tous les individus observés par nous, le bras hectocotyliforme était toujours tordu et roulé à son extrémité, disposition qui lui restait de son contournement en spirale dans la vésicule. Nous pouvons être très court dans la description des organes femelles (2) qui sont construits sur le même plan que chez l’Argo- naute et le Trémoctope. L'ovaire simple, entouré de sa capsule, est situé au fond du sac intestinal, et se trouve en communica- tion avec deux oviductes très longs et contournés, qui se peloton- nent sur les deux côtés de l'ovaire. Il n’existe pas, comme chez le Trémoctope violacé, des renflements glandulaires prononcés sur le trajet de ces oviductes; mais, dans le seul individu femelle que nous avons pu examiner, nous avons trouvé dans le trajet 1) PI. 9, fig. 33. (2) PI. 7, fig. 46 et 47. SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES. 181 de l’oviducte gauche deux œufs de forme ovale qui étaient encore engagés dans l’oviducte, et qui évidemment étaient en chemin pour sortir. Les deux ouvertures des oviductes sont placées comme chez les deux espèces d’Octopédiens qui jouissent aussi de la génération hectocotylique, — savoir l’Argonaute et le Trémoctope violacé, — à la base des branchies ; les oviductes passant sous les artères et les veines branchiales, pour s'ouvrir par deux petites papilles latérales dans la cavité respiratoire. Ces ouvertures sont très éloignées de l’entonnoir, et placées tout à fait sur les côtés de la cavité. Les recherches que nous venons d’exposer dans les pages pré- cédentes doivent fournir, à notre avis, une solution assez complète de cette question si importante sur la nature des Hectocotyles, qui s'était élevée depuis quelques années. Tout en acceptant les résultats de MM. de Siebold et Koelliker, et les conclusions tirées de ces recherches, on devait pourtant se dire qu’il y avait là quelque chose de surprenant qui se trouvait en contradiction étrange avec certains principes de la zoologie, qu’on croyait solidement établis. Parmi ces Céphalopodes, si semblables du reste par leur struc- ture externe et interne, devaient se trouver des espèces que l’on pouvait à peine distinguer génériquement, et chez lesquelles la différence entre l’organisation du mâle et de la femelle devait être poussée au plus haut point. Des femelles, douées de tous les organes si compliqués et si développés des Céphalopodes, de- vaient avoir, suivant cette opinion, des mâles que les observa- teurs antérieurs avaient pris pour des Vers intestinaux, et qui, en tous cas, étaient organisés si pauvrement, que la vie indépen- dante leur paraissait refusée ; et une exception si étrange, dont on rencontre à peine l’exemple dans le règne animal, devait se trouver à côlé d’autres espèces chez lesquelles les mâles étaient organisés tout aussi complétement que les femelles. C'était évi- demment une question qui devait intéresser au plus haut point les zoologistes, et nous aimons à croire que la solution que nous y apportons, et que nous croyons définitive, ne restera pas sans influence pour prévenir ultérieurement de pareils errements, Il serait inutile d'appuyer derechef sur celte vérité, que l'être * 182 J.-B. VÉRANY ET C. VOGT. découvert par M. Laurillard à Nice, et décrit par Cuvier, est réellement le bras détaché de cette espèce de Poulpe que nous nommons le Tremoclopus carena, et que les individus qui portent ces bras difformes sont toujours des mâles, — plus petits, il est vrai, que les femelles, — mais organisés du reste d’une manière tout aussi complète que les autres Céphalopodes. Nous avons cru superflu de donner une description détaillée des systèmes ner- veux, alimentaire, circulatoire et respiratoire de ces animaux , le haut développement de ces appareils résultant déjà de nos figures, ou même de l'inspection extérieure de l’animal. Il en est de même pour le mâle de l’Argonaute, quoique la différence de taille entre celui-ci et sa femelle soit encore plus notable; à tel point que même un observateur aussi scrupuleux que notre ami, M, Krohn, ait négligé l'examen de ces petits êtres qu’il pre- vait pour des petits à peine éclos, et pourvus encore de leur sac vitellaire. Nous avons déjà dit que la découverte de ces petits mâles de l’Argonaute appartient à M. Muller, de Wurtzbourg, qui nous apprendra sans doule que l’organisation interne ne s’écarte point du type ordinaire des Céphalopodes. Nous n'avons pu examiner qu’un seul de ces petits mâles conservé depuis long- temps dans l’alcool, et donné à l’un de nous par M, Krohn; et nous pouvons assurer que la structure externe que nous avons seule étudiée est conforme, sous tous les rapports, au type des autres Céphalopodes. C'est ce qui, du reste, résulte immédiate- ment de la figure que nous avons donnée de ce petit mâle (1). Le mäle du Trémoctope violacé seul n’est pas encore connu; mais nous ne doutons pas que des recherches ultérieures, diri- gées dans le sens des nôtres, ne fassent découvrir le mâle qui porte cet Hectocotyle décrit par M. Koelliker, et différent sous plusieurs points des autres Hectocotyles. Tous les Hectocotyles décrits jusqu’à présent comme des êtres parfaitement indépendants ne sont donc autre chose que des bras détachés de certaines espèces de Céphalopodes chez lesquels les mâles, parfaitement conformés du reste , sont de taille plus (1) PI. 6, Gg. 6. SUR LA NATURE DES HECTOGOTYLES. 183 exiguë que les femelles. Toutes nos observations prouvent que ces bras se détachent avec une grande facilité, et que le pédon- cule qui les porte montre après cette séparation une surface nette et lisse, sans aucune trace de déchirure. Les Hectocotyles détachés prouvent aussi évidemment que cette séparation se fait d'unemanière naturelle, car leur extrémité postérieure ne montre non plus aucune trace de déchirure ou de cicatrisation. Le pédon- cule qui reste sur le corps après que le bras s’en est détaché reproduit sans doute ce bras, et cela probablement par un bour- geonnement comparable peut-être à la reproduction des cornes caduques de certains Ruminants. Nos observations ne nous ont permis de saisir que la dernière phase de cette reproduction, où le bras anormal, contourné en spirale, est enfermé dans une ves- sie de laquelle il doit sortir bientôt pour se dérouler au dehors. Mais il nous paraît hors de doute que le bras se reproduit réelle- ment dans l’intérieur de cette vésicule en poussant sur le pédon- culé, et en soulevant la peau qui couvre ce dernier et qui forme ainsi à la fin la vessie renfermant le bras. La vésicule que porte le petit mäle de l’Argonaute est absolument dans le même cas: elle contient aussi dans son intérieur l’Hectocotyle contourné en spirale. Nos observations prises isolément ne pourraient fournir que des indications très vagues sur la fonction physiologique de ces bras anormaux des mâles : nous n’avons trouvé, en effet, sur ces bras que la structure ordinaire des bras des Céphalopodes, com- plétée par le fouet, espèce de queue prenante à l’une des extré- mités, et par une poche cutanée à l’extrémité opposée. Cette poche était constamment vide chez tous les individus chez lesquels le bras était encore fixé sur son pédicule; elle se forme, comme nous venons de le voir, par retroussement de la poche, dans la- quelle se développe le bras. Mais nos recherches, combinées avec les résultats obtenus par MM. Cuvier, Laurillard, Koelliker et de Siebold , offrent la solution du problème. Tous ces observateurs ont examiné des Heclocotyles détachés; tous ont également re- connu sur ces individus détachés que la poche située à la base W'élait point du tout vide, et qu’elle était remplie par des organes 184 J.-B. VÉRANY EÏ C. VOGT. appartenant aux fonctions génésiques. MM, Koelliker etde Siebold ont constaté également que cette poche contient un long cordon pelotonné de spermatozoïdes, qui se continue en un cordon éja- culateur, ayant une extrémité plus dure et pointue, que ces mes- sieurs appellent le pénis, croyant voir dans la poche remplie et dans son contenu un véritable testicule, et les canaux excréteurs et copulateurs qui sont ordinairement en connexion avec cet or- gane. Quant à nous, nos observations sur la structure des organes mâles internes s’opposent formellement à cette manière de voir. Nous avons prouvé, en effet, que le testicule est situé au fond du sac intestinal, et qu’il est construit sur le même type que celui des autres Céphalopodes mâles. Nous avons prouvé, en outre, que ce teslicule est en rapport avec des organes excréteurs par- ticuliers qui faconnent la masse séminale, de manière à former à la fin une machine séminale, un spermatophore d’une structure assez compliquée et d’une dimension très considérable. Que l’on compare, maintenant que nous avons donné la description exacte de ce spermatophore contenu dans la bouteille; que l'on com- pare, disons-nous, cette description avec celle que MM. Koelliker et de Siebold ont donnée du contenu de la poche de l’Hectocotyle, et l’on trouvera une concordance parfaite : le spermatophore en- touré d’une enveloppe transparente ayant les mêmes qualités que l’enveloppe du prétendu testicule dans l’Hectocotyle ; le cor- don séminal du spermatophore ressemblant en tous points à ce même organe roulé dans la capsule génitale du bras: le cordon éjaculateur de la masse séminale avec son ligament en spirale, son extrémité plus consistante et pointue, nullement différents du canal déférent et du pénis décrits par ces auteurs, il ne peut pas y avoir de doute sur l’identité de ces organes. Il est donc évident que la machine séminale construite dans les organes intérieurs du mâle quitte ces organes pour être transplantée dans la poche que porte le bras hectocotyliforme, lequel, après avoir été chargé de la sorte, se détache de son pédoncule, et s'accroche à la fe- melle, probablement pendant un acte de copulation ou d’embras- sement , qui a aussi lieu, comme on sait, chez les autres Cépha- SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES. 185 lopodes. Il est vrai qu'aucune observation, jusqu'à présent connue, ne nous donne des éclaircissements sur ce passage de la machine séminale, depuis l’ouverture des organes génitaux située dans la cavité respiratoire jusqu’à la poche du bras anormal ; et il se pourrait très bien que le fouet, si mobile, qui termine les Hectocotyles de l’Argonaute, ainsi que celui de notre T, carena, füt chargé de ce déplacement de la machine séminale. M. Koel- liker a observé, en effet, que, dans un seul individu de l’Hectoco- tyle de l’Argonaute, l’extrémité antérieure du fouet était repliée dans l'ouverture de la poche contenant la machine séminale , et que cette extrémité enlaçait la machine. Il se peut tout aussi bien que M. Koelliker ait surpris l’Hectocotyle dans le moment où le fouet venait de charger la masse séminale dans la poche du bras, qu'il est bien possible d’un autre côté que cet engagement de l'extrémité du fouet fût tout simplement un hasard dû au tâtonne- ment continuel de cet organe. La copulation et la fécondation elle-même ne sont pas encore connues par des observations di- recles ; mais comme tousles observateurs qui ont trouvé jusqu'au- jourd’hui des Hectocotyles détachés, les ont trouvés sur les bras, dans l’entonnoir et dans la cavité respiratoire même des femelles, il est probable que ces bras chargés rampent par le moyen de leurs ventouses si nombreuses jusqu’à l’ouverture des organes génitaux femelles, où le spermatophore remplit alors sa mission. Nous nous résumons donc en présentant les conclusions sui- vantes : 1e L’Argonaute, le Trémoctope violacé et le T. carena, ont des mâles conformés d’après le type commun aux Céphalopodes. 2e Un des bras de ces mâles est conformé spécialement pour devenir un organe copulateur. 3° Les êtres connus jusqu’à présent sous le nom d’Hectocotyles ne sont point des animaux à part, mais seulement des bras copu- latenrs détachés de ces mâles, et chargés d’un machine séminale. lh° Les bras copulalteurs détachés sont renouvelés périodique- ment, : 186 J.-B. VÉRANY ET €, VOGT. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 6, Fig. 4, Profil du Tremoctopus carena mâle, avec l'hectocotyle vu par la face dor- sale, — a, ouverture du sac renversé qui contenait l'hectocotyle ; b, vésicule qui contenait le fouet ; ce, fouet ; d, ouverture aquifère. Fig. 2. T, carena mâle, avec l’hectocotyle courbé en arrière, Lel qu'on le voit or- dinairement — Les lettres comme dans la figure précédente. Fig: 3, T. curena mâle, avec la vésicule contenant encore l'hectocotyle. Fig. 4. T. carena femelle, vu par la face dorsale. Fig. 5. T. carena femelle, vu sur sa face ventrale, — a, tubercules du sac, tels qu'ils se font voir lorsque l'animal a été plongé dans l'alcool ; b, crochet de l'appareil constricteur ; €, ouverture aquifère. Fig. 6. Argonaute mâle de grandeur naturelle, avec la vésicule contenant l'hec- tocotyle, d'après un individu conservé dans l'alcool. Fig, 7. Heclocotyle du T, carena, vu sur sa face interne, avec un sac contenant encore le fouet. — a, pédoncule ; b, sac ; e, membrane longitudinale qui unit entre elles les cupules. Fig. 8. Hectocotyle du T. carena , sortant de la vésicule. Fig. 9. Vésicule de l'Argonaute mâle, contenant l'hectocotyle. Fig. 10. Capsules de l'hectocotyle du T. carena. — a, coupe; b, membrane longitunale qui les unit entre elles. Fig. 14. Cupules des bras normaux du 7. carena mâle. PLANCHE 7. Fig. 12, T.carena mâle, vu par la face ventrale, Le sac viscéral est fendu dans Loute sa longueur, et la moitié gauche du manteau rejetée pour faire voir las branchie et l'ouverture des organes mâles au moment où le spermatophore en est expulsé. — a, entonnoir; b, vésicule contenant l'hectocotyle; ce, œil ; d, ouverture aquifere; e, manteau ; f, branchie ; g, cœur branchial ; k, bou- teille; à, spermatophore sortant. Fig. 13. T. carena mâle, vu par la face ventrale. Le manteau est fendu et rejeté, l'entonnoir enlevé, l'enveloppe fibreuse de la cavité abdominale coupée de ma- nière à montrer les organes dans leur position naturelle.— Les lettres &-h ont la même signification que dans la figure précédente. à, bras anormal, c'est- àa-dire l'hectocotyle; k, anus; 1, rectum ; m, gros intestin; n, sac à encre; 0, aorte ventrale ; p, appendices veineux. Fig. 14. Les organes génitaux avec les branchies, les cœurs et les gros intestins entièrement dégagés, et vus par la face ventrale. — Les lettres comme dans les figures précédentes. q, cornue ; r, testicule ; s, cœur aorlique. SUR LA NATURE DES HECTOCOTYLES, 187 Fig. 15. Les organes abdominaux vus par la face dorsale, —- 4. estomac ; u, cœcum ; v, foie; w, aorte dorsale. — Ces quatre figures de la pl. 7 sont doubles de la grandeur naturelle. Fig. 16. Organes abdominaux du T. carena femelle, vus par la face ventrale. Grandeur naturelle. Le manteau est rejeté, l'enveloppe fibreuse du sac abdo- minal enlevée; les organes, du reste, dans leur position naturelle. — a, en- lonnoir ; b, anus: c, branchies; d, cœur branchial ; e, appendices veineux ; f, ouvertures sexuelles ; g, ovaire. Fig. 17. Les organes sexuels isolés, vus par la face ventrale et grossis deux fois. — aa, oviductes; bb, ovaire ; ce, œufs engagés dans l'oviducte. PLANCHE S. Fig. 18-21, Les organes sexuels mâles, grossis deux fois et complétement déga- gés, vus(Gg. 18 et 19) par la face ventrale et (fig. 19 et 21) par la face dor- sale. — a, bouteille avec l'ouverture et le spermatophore ; b, cornue; c, tes- ticule avec le canal efférent. Fig. 22. La cornue est ouverte dans loute sa longueur, le canal déférent et la glande accessoire déroulés. — a, continuation de la cornue dans le cou de la bouteille ; b, réservoir commun ; e, ouverture du canal déférent ; d, ouverture du canal excréteur de la glande ; d’, canal déférent ; ee, renflements en mas- sue; f, masse séminale engagée dans le canal ; g, renflement en poire : A, glande globuleuse;i, ouverture du canal déférent ; k, enveloppe de la cornue; /, canal uxcréleur de la glande accessoire; m, glande accessoire; n, canal efférent ; v, enveloppe du testicule ; p, testicule. Fig. 23, Contenu des tubes séminifères, à un grossissement de 400 diamètres. Fig. 24. Structure du caual efférent. Fig. 25. Poche glandulaire de la glande accessoire. Même grossissement. — a, capillaires. Fig. 26. Masse séminale engagée dans le canal déférent. On n’a indiqué, en arrière, que le contour des masses feutrées de spermatozoïdes, ainsi que les traces du fl transparent en voie de formation. — a, fil transparent. PLANCHE 9, Fig 27. Spermatophore extrait de la bouteille. Fig. 28. Extrémité antérieure du même, considérablement grossi et vu par transparence. — a, enveloppe transparente; b, cordon éjaculateur; c, cor- don séminal. Fig. 29. Extrémité postérieure du cordon éjaculateur, en continuation avec le cordon séminal, — a, cordon séminal; b, fine membrane s'appliquant à l'enve- loppe du spermatophore; c, extrémité postérieure du cordon éjaculateur ; d, commencement de la membrane en spirale, 185 ROULIN. — DUÜ BRAS COPULATEUR Fig. 30. Portion du cordon éjaculateur, prise dans la partie moyenne. — a, tube du cordon, séparé en deux couches : b, membrane en spirale. Fig 31. Extrémité antérieure du spermatophore, Fig. 32. Extrémité dela portion à ventouse du bras hectocotyliforme, avecle com- mencement du fouet et l'entrée du sac. — a, fouet; b, cylindre musculaire du fouet se continuant dans le bras; ce, ganglion nerveux ; d, ventouses ; e, couche externe du sac; f, couche interne du sac. Fig. 33. La vésicule ouverte pour montrer le bras anormal replié dans son inté- rieur (grossi deux fois). Fig. 34. Extrémité antérieure du fouet. — a, cylindre musculaire ; b, renflement en massue. Fig. 35. Portion prise dans la partie moyenne du fouet, et grossie considérable- ment. — «, vaisseau central ; b, parois du tube musculaire ; e, peau qui en- veloppe le fouet ; d, muscles cutanés latéraux ; e, vaisseaux cutanés. DE LA CONNAISSANCE QU'ONT EUE LES ANCIENS DU BRAS COPULATEUR CHEZ CERTAINS CÉPHALOPODES. Note de M. ROULIN, En lisant dans les Comptes rendus hebdomadaires de l’Aca- démie des sciences un extrait du mémoire de MM. Vogt et Vé- rany, je vis sur-le-champ que les observations de ces deux naturalistes fournissaient l’explication d’un passage jusque-là incompris de l'Histoire des animaux d’ Aristote. Je demanderai la permission d'attirer un moment l’attention sur ce passage, qui, joint avec bien d’autres plus souvent cités, montre qu’on ne doit pas se prèsser de rejeter tout ce qu’on trouve, dans les écrits des Grecs, de faits étranges concernant les animaux ma- rins. On sait déjà que plusieurs de ces faits, tels que le nid du Phycis, l’absence de mâles dans l'espèce du Chané (un Serran), longtemps relégués au rang des fables, ont été confirmés par des observations récentes. Malheureusement les écrits des natura- listes antérieurs à Aristote sont perdus, et il en est de même pour ceux de ses disciples immédiats, à l'exception de Théophraste , qui s’est à peine. occupé de zoologie. Quant à ceux d’une époque CHEZ CERTAINS CÉPHALOPODES, 189 plus récente, ce ne sont guère que des littérateurs qui prennent dans les livres ou dans les observations transmises oralement ce qui peut faire la matière d’une narration fleurie, ou servir de texte pour des déductions morales. Ainsi l'ouvrage d’Ælien est, comme les Bestiaires du moyen âge, un livre qui raconte ce que font ou sont censés faire les animaux, pour arriver à dire ce que devraient faire les hommes. S'il fournit parfois des renseignements précieux au zoologiste, c’est sans intention ; et quand il altère un fait pour en tirer une maxime utile, il n’y a pas à le blâmer. Les ouvrages d’Aristote, quoique ayant beaucoup souffert des injures du temps, et peut-être plus encore du zèle peu éclairé de ceux qui, posté- rieurement à la conquête romaine , ont essayé de les restaurer, conservent encore assez de leur valeur primitive pour exciter en nous souvent la plus grande admiration. L'Histoire des animaux a moins souflert que le reste, car du moins le plan parait avoir été conservé, quoique dans bien des endroits, surtout dans les deux derniers livres, se soient glissés des fragments d’origine comparativement récente , et que dans les autres nous n’ayons souvent, au lieu du texte original, qu’un extrait ou que la repro- duction d’une version latine. Partout, d’ailleurs, il y a des lacunes, et le passage dont nous allons nous occuper n’en est pas exempt lui-même. Dans ce passage , qui forme le deuxième chapitre du livre LV, où il est question de l’organisation des Céphalopodes, nous ne trouvons rien sur la bouche si singulière de ces Mollus- ques. Or, à priori, nous pourrions affirmer qu’Aristote en avait parlé; mais, ce qui vaut mieux, Athénée nous a conservé , et en citant son auteur, la phrase qui concerne leur bec corné. Le pas- sage relatif aux bras est lui-même tronqué ; et Aristote, qui, dans d’autres passages, indique pour différentes espèces les propor- tions de longueurs des différentes paires, ne mentionne ici que la première ; la phrase suivante ayant rapport au bras copulateur qu'ilavail réservé pour le dernier, comme ayant quelque chose de particulier à en dire. Avant de citer le fragment, je ferai remar- quer que si les anciens n’ont pas connu le bras hectocotyliforme après sa séparation, ils ont du moins , suivant toute apparence, observé l'animal après cette séparation, Il y avait, en effet, un 190 ROULIN. — DU BRAS COPULATEUR conte courant parmi les pêcheurs pour expliquer cette mutilation. On disait que le Polype, caché pendant l'hiver dans sa retraite, et quelquefois pressé par la faim, se dévorait les bras(on en met- tait plus que moins). Aristote ne nie pas ces mutilations , mais il les attribue aux morsures de quelque Poisson vorace. Voici enfin le passage lui-même, traduit conformément à l’état acluel du texte : « Le Poulpe se sert de ses bras comme de pieds et comme de » mains ;les deux qui sont au-dessus de sa bouche y partent les » aliments... Le dernier des bras, le plus pointu de tous, le seul » quisoit blanchâtre et séparé en deux à l'extrémité, lui sert dans » laccouplement. Il est placé sur le pédoncule (1). On appelle » pédoncule la partie lisse au delà de laquelle commencent les » SUCOITE, » On admettra, je crois, sans difliculté, que ce bras copulateur est lebras droit de la troisième paire. MM. Vogt et Vérany nousdisent, en effet : «1,/Hectocotyle est entièrement blanc, sans points chro- » matophores; le pédicule qui le porte et la vésicule à sa surface » intérieure sont couverts de ces points. » Quantà ce qui concerne la terminaison de ce bras, j'avoue que les deux textes ne sem- blent guère s’accorder ; mais puisque nous trouvons l’observa- tion de cette partie faite si incomplétement par les prédécesseurs immédiats de MM. Vogt et Vérany, nous pouvons bien n'être pas plus exigeants envers Aristote. Et en supposant bon, ce que je ne garantirais pas , le mot dip62, qui exprime celte disposition de l’extrémité, je ne la trouve pas inconciliable avec ce qu'on avait vu où cru voir, et qui est rappelé dans la phrase suivante du mémoire de nos deux naturalistes : « Ce sac, contracté avec le fouet qu’il contenait, a été égale- » ment vu par les différents auteurs qui ont écrit sur l’Hectocotylé » de l’Argonaute, et, en dernier lieu, par M. Koelliker, qui le » considère comme des lambeaux membraneux, sans autre signi- » fication. » (1) Péyes. Ce mot a été employé par Dioscoride pour désigner la maîtresse nervure d'une feuille qui se continue avec le pédoncule; il a été aussi quelque- fois pris pour synonyme de féye, rejelon de plante, jeune pousse, perche, ete, CHEZ CERTAINS CÉPHALOPODES. 191 Il est encore question du bras copulateur des Céphalopodes dans le Traité de la génération. Mais ici l’auteur (je n’ose dire Aristote ; car, si je suis porté à lui attribuer les observations con- signées dans l’ouvrage , je n’y retrouve pas sa méthode de rai- sonnement), ici, dis-je, l’auteur (4)ne cite la fonction du bras que comine une croyance des pêcheurs, et il se fonde pour cela sur le raisonnement suivant : c’est que, quel que soit le principe fécon- dant du mâle, l'organe qui le prépare doit avoir son issue voisine de celle du canal intestinal. Or, ajoute-t-il, on ne voit aucune communication entre l’entonnoir et le prétendu bras copulateur ; ainsi ce bras peut bien servir à embrasser plus étroitement la femelle, maisrien ne prouve qu’il concoure directement à l’acte de la fécondation. Dans un autre endroit il remarque que , quoique le mäle etla femelle s'affrontent pour la copulation, on a vu quel- quelois un mâle cramponné sur le dos de la femelle ; mais, ajoute- Lil, élait-ce pour la féconder ? C’est ce que rien ne prouve. Aujourd’hui encore, après les belles observations de MM. Vogt et Vérany, et de leur aveu même, il reste encore: des choses inex- pliquées sur le mécanisme de la fécondation des Céphalopodes. Il m'a semblé bon d'appeler l'attention sur ce passage d’Aristole, dont, aujourd’hui seulement, nous pouvons com- prendre le sens. On trouverait encore à signaler dans son admi- rable ouvrage une foule de passages non moins remarquables , et dont quelques uns nous montreraient non plus seulement le grand observateur, mais le généralisateur puissant et toujours maître de lui-même, qui, découvrant un principe fécond, ne le pousse jamais au delà de ses véritables limites; qui, d’un petit nombre de faits, déduit des lois qui, après deux mille ans, et quand le nombre des espèces connues a plus que centuplé, sont restées parfaitement applicables. (1) Lo Traité des parties, qui renferme aussi quelques lambeaux de l'histoire des animaux dans sa forme primilife, conserve encore moins de l'esprit d'Aristote. L'introduction, par exemple, n'est guère qu'une reproduction d’un passage ’ qu'on trouve en tête de la Politique, et les mêmes généralités banales forinent dans Albert le Grand le préambule d'un onzième livre de l'Histoire des ani- maux, avec ce sous-litre : De ordinæ doctrine tractandæ de animalibus. ÉTUDE DU LAIT AU POINT DE VUE PHYSIOLOGIQUE ET ÉCONOMIQUE, Par M. DOYÈRE. (exrrair.) Daus ce travail, publié dans le premier volume de /’/nstitut agrono- mique de Versailles (4852), l’auteur s'attache principalement à faire con- naître les méthodes nouvelles dont il se sert pour déterminer la compo- sition du lait avec précision et rapidité, de façon à pouvoir faire dans un espace de temps fort court un grand nombre d'analyses comparatives ; mais il expose aussi quelques uns des résultats obtenus de la sorte , et qui intéresseront les physiologistes. Le lait de Vache a fourni les proportions suivantes (en moyenne) : Beurre, 3,20; caséine, 3,00 ; albumine, 1,20; sucre de lait, 4,30; sels, 0,70. Total des matières solides, 12,40 pour 100. Le lait de Chèvre ressemble beaucoup à celui de Ja vache ; mais sa composition moyenne indique plus de richesse en beurre et en caséine. L'albumine s’y montre quelquefois dans la proportion de 3,55 pour 100. Voici les résultats moyens : Beurre, 4,40; caséine, 3,50; albumine, 1,35; sucre de lait, 3,10 ; sels, 0,35. Total des matières solides, 12,70 pour 100. Le luit de Brebis a donné en moyenne : Beurre, 7,50 ; caséine, 4,00 ; albumine, 1,70 ;' sucre de lait, 4,30 ; sels, 0,90. Total des matières so- lides, 18,40 pour 100. C’est, comme on le voit, un lait très riche. Le Lait de Lama ressemble à celui des autres Ruminants, et surtout à celui de la Vache, dont il ne diffère que par un léger excès de sucre. Il a fourni : Beurre, 3,15 ; caséine, 3,00 ; albumine, 0,90 ; sucre de lait, 5,60 ; sels, 0,80. Total des matières solides, 13,45. Les laits d’Anesse et de Jument sont les plus pauvres qu’il y ait en ma- tières solides. Le premier a donné en moyenne : Beurre, 1,50; ca- séine, 0,60 ; albumine, 1,55 ; sucre de lait, 6,40 ; sels, 0,32. Total des matières solides, 10,37 pour 100. Le lait de Jument : Beurre, 0,55; caséine, 0,78; albumine, 4,40 ; sucre dejlait, 5,50 ; sels, 0,40. Total des matières solides, 8,63. Le lait de Femme diffère de tous les précédents par sa richesse en sucre et sa pauvreté en caséine , coïncidant avec une richesse assez grande en beurre. M. Doyère y a trouvé, en moyenne : Beurre, 3,80; caséine, 0,34 ; albumine, 1,30; sucre de lait, 7,00 ; sels, 0,18. Total des matières solides, 12,42 pour 100. Dans une analyse, la proportion de beurre s’est élevée à 7,60. Îl est à espérer que M. Doyère étendra ses recherches à d’autres espèces, et étudiera l'influence du régime, de l’âge, ete., sur la production du lait, considéré tant sous le rapport de la composition que de son abondance. NOTE BUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE ET L'EMBRYOGÉNIE ASCENDANTE ; Par M. le Dr G. GROS. La question de la génération spontanée , primitive ou équi- voque, a été abordée et débattue par les meilleurs observateurs. Elle est restée à peu près indécise ou à l’état d’une théorie qui, acceptée à priori par les uns, n’a pour les autres que la valeur d’un rêve, d’une impossibilité. La génération spontanée doit signifier non la production de quelque chose sortant de rien, mais l'apparition d’une espèce végétale ou animale dérivant d’un quelque chose qui ne lui ressemble pas et ne lui ressemblera jamais, Dans les épreuves et contre-épreuves que l’on a tentées, et que l’on tente encore pour surprendre l’origine d’une vésicule animée, que l’on rencontre où elle ne se trouvait pas d’abord, il y a de la place pour l’erreur , et les faits ne présentent pas une rigueur scientifique. Les incrédules objecteront toujours avec raison que , malgré toutes les précautions , les germes d’orga- nismes inférieurs, soit plantes, soit animaux, sont charriés, et se glissent inapercus par le véhicule de l’air , de l’eau, etc., et que l’on n'obtient ni moisissure, ni Infusoires, dans des liquides bouillis et suffisamment surveillés, etc. La question , renfermée dans ces termes , paraît devoir rester insoluble, malgré les faits les plus probables ; c’est donc ailleurs qu’il faut en chercher la solution, Si la génération primitive est le fait d’un être surgissant sans parents, le premier en dale de son espèce, susceptible de se mul- 3° série, Zoo, T. XVIL. (Cahier n° 4.) { 13 194 G. GROS. — OBSERVATIONS tiplier ultérieurement d’une manière quelconque, par parifissure, par des gemmes ou des œufs ; si l’on vient à trouver et à mettre hors de doute que toute une nombreuse série d’êtres sort d'un ordre de vésicules qui n’appartiennent point à leur espèce, la question paraîtra résolue. Il s'agira non de rechercher opiniâtrément l’origine primitive d’une vésicule primitive (ce qui pourrait se trouver aussi) ; mais il faudra seulement prouver que des espèces susceptibles de re- production dérivent de matrices hétérogènes, que l’on ne peut considérer comme les parents de l'espèce. Il ne serait pas suffisant, comme on l’a fait souvent, d’invoquer le fait des pseudozoaires, des dérivés de l’organisme , qui n’ont qu’une individualité transitoire sans reproduction, et sur l’ani- malité desquels les auteurs ne tomberaient pas d'accord. Ainsi les Vibrions ont une sorte d’animalité, mais peuvent être aussi considérés comme des dérivés organiques, comme un dé- tritus mouvant ou une sorte de végétation. Les Spermatozoïdes, auxquels on refuse quelquefois l’anima- lité, peuvent rester, si l’on veut, au rang des cils vibratiles, ou, n'importe, être appelés, comme chez les Allemands, filaments spermatiques. d Les Arnœbées des gencives ne seront que des vésicules mu- queuses qui se contractent à la manière de certains Infusoires. Les frétillantes Monadines intestinales ne seront que des déri-. vés organiques. Les Spirocystes de la cataracte ne seront que des vésicules endogènes contractiles. La Trichomonade vaginale ne sera qu’un noyau muqueux qui s’anime individuellement, pousse une trompe, semble se nourrir et grandir pour s’éteindre sans postérité. Les vésicules du lait ou du liquide sanguin des chenilles pour- ront aller jusqu’à donner d’obscure Cryptogames. Le Muguet dans la bouche se produira sans semence venue du dehors, etc., etc. Ces exemples et tant d’autres seraient de nature trop contes- tables et peu propres à donner une solution péremptoire ; ils pré-. SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 195 tent trop au doute ou à l’élasticité des interprétations. D'un côté, l’animalité n’est pas démontrée pour tout le monde, et il n’y a pas reproduction; de l’autre, des germes invisibles ou inapercus pourraient s’être glissés là où l’on voudrait voir une production spontanée. La question doit être transportée sur un autre terrain, là où les espèces sont assez nettes, les faits assez éclatants pour avoir force de loi. Ce n’est pas d’aujourd’'hui que l’on s’est efforcé de tracer une ligne de démarcation entre le règne animal et le règne végétal. Cette ligne n’existe pas; au contraire, ils passent l’un dans l’au- tre, et leurs points de jonction peuvent se voir dans un champ microscopique. Tous les phénomènes primitifs se passent dans un monde infiniment petit. On verra plus loin que l’on peut semer des animaux et récoller des plantes. On s’imaginait peut-être construire le vaste édifice de la science en séparant en livres et en chapitres ce qui est uni dans la nature, et qui n’est, comme on l’a déjà pensé, qu’une sorte de désem- boîtement. De certaines transformations dans l'échelle des êtres ne demandent qu’une révolution de la terre, tandis que les autres, enfants des siècles et du changement des agents coopérateurs, échappent à nos observations historiques. 11 nous reste cependant ds traces des origines et des transformations primitives, et comme un aperçu en miniature des phénomènes séculaires. 11 est d'expérience que des espèces végétales ou animales per- fectionnées peuvent se perpétuer dans leur nouvel état, avec leur physionomie une fois acquise, sans repasser par la filière de leur évolution antérieure. Il y aurait de certaines qualités organiques, qui, une fois acquises à l'espèce, seraient transmissibles à la descendance. Il semble que, pour le raisonnement aidé de l’anatomie et de l'embryogénie comparées, les espèces ne soient que des désemboîte- ments l’une de l’autre, à expliquer d’une manière plus ou moins iugénieuse et satisfaisante, et dont on puisse suivre la réalisation avec une certaine élasticité cérébrale, Si, d’un côté, on concoit ou démontre la parenté et les formes ascendantes des espèces, 196 &G. GROS. — OBSERVATIONS d’un autre côté on ne peut s’abandonner à la spéculation seule, qui a son mirage, et qui ne nous permet pas toujours de voir suffisamment comment des formes si variées ont pu procéder l’une de l’autre, et conserver, actuellement et en se perpéluant, leur physionomie spéciale une fois acquise ; comment les agents extérieurs ont pu modifier et modifient encore les organismes ; comment, par exemple, des organismes nés primitivement dans les eaux se sont constitués pour vivre dans un milieu aérien, etc. ; bref, dans les sciences naturelles, les théories peuvent avoir leur valeur, mais elles ne doivent servir qu’à illuminer les faits, sans nous éblouir ni nous aveugler. ; Sans s’aventurer dans des théories hasardées (qui ne fait pas sa théorie? ), on peut aisément concevoir que ce qui appartient aux phases antérieures de la vie de notre planète,ne peut plus guère se reproduire sur nos yeux, à présent que les conditions efficientes sont changées. Or, tant que l’on s’en tiendra aux faits positifs, chacun saura qu'un OEillet n’est ni Lièvre ni Salamandre ; mais, ce que tout le monde ne sait pas, c’est que des éléments végétaux peuvent de- venir animaux, et que des éléments animaux peuvent se convertir en végélaux, ce qui ne doit pas signifier qu'un Orme ou une Conferve devient Écrevisse, ou qu’une Tortue engendre des Jon- quilles, Ce ne serait pas assez, par voie d’induction, que de pro- fesser que telle espèce supérieure ou inférieure a pu se modifier considérablement et franchir la systématologie zoologique. Il ne serait pas suffisant, par exemple, d’avoir vu que des Truites foi- sonnent dans les ruisseaux des montagnes, landis que l’on n’en trouve pas une dans le fleuve où se jettent ces ruisseaux. Telle espèce fluviale aurait dû se convertir en celte espèce appelée Truite? Un Rongeur de la plaine aurait-il pu prendre la physio- nomie de la Marmotte alpestre? Non, ces exemples sentent trop la spéculation et ne sont pas des observations directes. Il faut prouver positivement que des végétaux et des animaux fort divers sortent de la même matrice, dérivent des mêmes vésicules , et passent les uns dans les autres suivant les circonstances, à la vérité dans des proportions presque loujours microscopiques, ce SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 197 qui ne doit pas faire une objection sérieuse, puisque tous les êtres, petits et grands, commencent encore par être microsco- piques. En 1845 et 1847, nous avons fait connaître deux embranche- ments d'espèces qui ne descendent pas de parents semblables à elles-mêmes, et qui ne sont pas une des phases de métamorphoses cycliques. Un fait était tiré du F’olvoæ globator, dont les utricules dutroisième emboîtementsont aptes à produireun Rotatoire; l’autre concernait le Tœnia, descendant en ligne directe de vésicules nucléolées, élaborées dans la glande spirienne des Sépias. Quelle qu’ait été la valeur de ces observations isolées, elles acquièrent un certain degré d'importance, aujourd’hui que nous avons sous la main des faits assez nombreux et assez éclatants pour convaincre les plus incrédules, pour résoudre la question d’une manière irré- fragable, et pour fournir à la chaîne organique des anneaux qui avaient fait défaut jusqu’à présent. Les Eugléniens et Astasiens des auteurs sont des êtres pro- téens, de grandeur variable, susceptibles des métamorphoses les plus simples et les plus diverses, capables de donner naissance aux formes les plus variées, que l’on ne saura plus guère rap- porter à leur véritable origine, si l’on a laissé échapper leurs phases morphogéniques. Les Euglènes se trouvent dans pres- que toutes les localités, et peuvent se multiplier, comme on sait, au point de colorer les eaux. La taille, la forme, les fila- ments, la vésiculation interne, le point ou les points rouges, les noms obscura, viridis, rosea, deses, acus, etc., n’ont qu’une valeur systématique peu importante dans une espèce si protéenne, valeur qui n’occupe d’ailleurs qu’une place bien secondaire dans l'histoire étonnante de leurs transformations. Les Euglènes sont les protocellules par excellence qui enjam- bent dans les deux règnes; car elles peuvent, d’un côté, donner naissance à des animaux, de l’autre à des végétaux. Quelle que soit l’idée qu’on voudra se faire de ces petits êtres, quelle que soit la place qu'on voudra leur assigner dans l'échelle organique, les faits qui découlent de leurs transformations n’en sont pas moins d’une valeur physiologique très importante, el capables 198 G, GROS, — OBSERVATIONS de formuler une loi qui se retrouve encore dans des animaux supérieurs, comme on le verra plus bas. Les Euglènes, selon leur taille, lalocalité, les agents extérieurs, la chaleur, la lumière, la quantité du liquide, etc., peuvent suivre dans leurs métamorphoses tel rhythme plutôt que tel autre, et qui pourrait donner le change et faire croire à des erreurs d’ob- servation. Cependant, rien n’est mieux constaté que l'influence de ces circonstances extérieures auxquelles nous avons donné une attention toute particulière, Ge point paradoxal pourra pa- raître entaché d'erreur; mais c'est sur le comple de la nature qu’il faudra mettre le paradoxe, paradoxe qui n’en sera plus un pour ceux qui se seront donné la peine de suivre les procédés si simples en apparence, si mystérieux au fond, qu'emploient des vésicules pour arriver aux résultats les plus différents. À la vérité, quand on voit deux Euglènes côte à côte, dont l’une suit le rhythme végétal, dont l’autre prend la direction animale, on sent la né- cessité d'y regarder à deux fois pour s'assurer qu’on ne fait pas fausse route. Et quand des millions d’Euglènes, prises le même jour dans la même localité, se métamorphosent d’une facon dans un vase, d’une autre facon dans le vase voisin, on ne pourra ajouter foi aux résultats, si l’on n’a pas été témoin de ces faits insolites et si évidents, où il n’y a pas de place pour lerreur, puisque les transformations se passent généralement dans des cocons au sein desquels on ne peut suspecter l'introduction d’une progéniture étrangère. Pourquoi certaines espèces d'Euglènes suivent - elles un rhythme plutôt que tel autre? Pourquoi, à la première transfor- mation, atteignent-elles quelquefois un degré où d’autres n’arri- vent que par des transformations successives? Je n’en sais rien; mais que les choses se passent ainsi, j’en suis sûr. Les Euglènes peuvent, d’un côté, arriver à produire des Con- ferves, des Mousses ; de l’autre, à donner des Rotatoires, des Nématoïdes, des Tardigrades, etc., en raison de leur taille et des circonstances, c’est-à-dire en raison de la quantilé et de la qua- lité de substance qu’elles se sont assimilée. Sur le chemin de leurs métamorphoses, elles sèment, comme SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 499 hors-d’œuvre, des Clostériens, des Diatomiens, des Zygné- miens, et presque tous les Infusoires utriculeux, ci-devant poly- gastriques. En général, les petites formes d’Euglènes ne peuvent s’élever à produire les dérivés des grandes ; mais les grandes espèces, au contraire, peuvent produire à peu près tous les dérivés des petites. ) Quant aux grandes espèces, on peut en dire, avec une certitude mathématique, qu’elles sont la matrice commune de presque toutes les formes d’Infusoires connus, qu’elles peuvent être la semence de certains végétaux, qu’elles produisent comme hors-d’œuvre des Clostériens, des Diatomiens, etc; qu’elles peuvent s’élever à engendrer presque tous les Rotatoires ou Systolides, qu’elles peuvent aussi donner naissance à des Nématoïdes et aux Tardi- grades, etc. Cela peut paraître incroyable à première vue, et dérogeant aux lois ordinaires des organismes; mais cela s’ac- corde d’ailleurs fort bien avec la raison qui veut trouver un point de départ. 11 ne s’agit point ici de théories plus ou moins logi- ques, mais seulement de faits que tout observateur averti pourra avoir sous les yeux, s’il a le bonheur de saisir les Euglènes au moment où elles vont coconner ou se transformer à la surface de l'eau, où leur cocons albumineux juxtaposés forment un réseau alvéolaire très pittoresque, qui peut offrir des degrés plus ou moins avancés de métamorphoses. On ne peut assez répéter que les transformations d’une même espèce d'Euglènes, au milieu de circonstances identiques en ap- parence, peuvent être très diverses, mais rentrent toutes dans la loi d’embryogénie ascendante que nous cherchons à mettre en lumière, Avant de formuler l'influence qu’exercent la saison, la latitude, la lumière, l’âge, la quantité de liquide, etc., sur des vésicules si protéennes, nous nous contentons des faits qui sont assez nom- breux, assez constants, assez éclatants pour obtenir droit de cité dans la science. Pour exposer le panorama mobile de ces formes si capricieu- ses, il faut un grand nombre de planches, et nous ne pouvons ici 200 G&. GROS. — OBSERVATIONS que renvoyer les lecteurs au mémoire que nous avons publié avec quinze planches dans le Pulletin de la Société des natu- ralistes de Moscou. Il aurait fallu une quarantaine de planches pour avoir un ensemble un peu plus complet de cette embryogénie paradoxale. Sans nous arrêter plus longtemps à l’origine et aux prétendues espèces d’Euglènes, nous allons rapidement esquisser les princi- paux traits de leurs métamorphoses, En général, au moment où elles vont se transformer, les Eu- glènes perdent leur trompe et se roulent en boule, comme.pour coconner, les grandes espèces surlout. Elles transsudent une matière albumineuse dont elles se font un cocon, où elles gisent pendant des jours et des semaines, sans organes saisissables de locomotion. En général, les Euglènes vertes, en se transformant et pour se transformer, passent par une décoloration analogue à celle des feuilles d'automne. A mesure que leur couleur verte passe au jaune, au brun sale, au rouge, etc., pour aboutir à des vésicules hyalines, on remarque comme un certain degré d’animalisation qui offre des nuances infinies. En général aussi, les Euglènes, dans leur cocon, se transfor- ment de toutes pièces en faveur d’une espèce supérieure, avec des nuances infinies, incroyables, si l’on ne pouvait facilement con- stater l'identité des cocons, et sans qu’on puisse en donner d’au- tres raisons que le fait lui-même. 11 est plus ordinaire encore de voir les Euglènes se parifisser, soit pour produire deux Euglènes qui vont vivre chacune de son côté, soit pour donner deux ovo-utricules qui élaborent leur sub- stance en faveur d'êtres supérieurs, soit pour se parifisser en deux, quatre, huit, seize, trente-deux, soixante-quatre cellules, qui sont destinées à former des Navicules, par exemple, ou à végéter sous forme de Conferves. Le paradoxe ne se trouve pas seulement dans deux Euglènes voisines, mais dans le cocon d’une même Euglène, dont une moitié peut prendre la direction ani- male, tandis que la moitié jumelle peut suivre le rhythme vé- gétal, SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 201 Les parifissures des troisième, quatrième et cinquième degrés peuvent donner des Navicules, différentes selon la taille de l'Eu- glène reproductrice, selon le degré de parifissure, etc. Les Lors peuvent donner aussi des Desmidiens, ou, si la division va à l'extrême et dans de certaines circonstances, on -voit en sortir toutes les bizarreries de figures des Zygnémiens. La lumière paraît jouer un rôle certain et mystérieux dans la série des transformations. Il a été constaté que des Euglènes, tenues dans l’obscurité, suivaient plutôt le rhythme animal, tan- dis que celles tenues à la lumière suivaient le rhythme VéBetal, en conservant leur nuance verte. Des essais faits avec soin prouvent que l’on peut semer des animaux et récolter des plantes. En effet, de la marne, prise à 20 pieds de profondeur, fut ensemencée d’Euglènes et recouverte d’un disque de verre. Les Euglènes se mirent à se parifisser, et donnèrent les unes des animalcules qui moururent, les autres des cellules qui se convertirent en Navicules, les troisièmes don- nèrent des cellules qui se mirent à végéter, non seulement comme les Conferves aquatiques, mais comme des Mousses aéricoles qui atteignaient 15 millimètres de hauteur à la fin des expériences. La parifissure, le commencement de végétation, la multiplica- tion des cellules végétales, avaient été constatés tous les jours avec le microscope. ; De nos nombreuses expériences faites pendant plusieurs saisons et sous diverses latitudes, il est résulté que les faits tendent à éta- blir une loi qui veut que des êtres sortis de la même matrice pren- nent une physionomie différente, deviennent ce qu’on appelle "des espèces, selon la quantité (peut-être aussi la qualité?) de substance qu'ils se sont assumée, On dirait une aspiration de la malière à des formes ascendantes qui procèdent l’une de l’autre jusqu'à un degré indéterminé. Ce qui pouvait être à l’état de théorie se voit clairement sous le microscope. Pour en donner un exemple entre tant d’autres, la substance de certaines Euglènes se convertissait en une espèce d'œuf, d’une ressemblance frap- pante avec les œufs de Nématoïdes. Un certain nombre de ces œufs, observés plusieurs jours de suite (leur identité était donc 202 G. GROS. — OBSERVATIONS inconteslable), se transformaient de toutes pièces, les uns en Rotatoires, les autres en Nématoïdes. D’autres œufs présentaient une individualisation de leur substance, c’est-à-dire que ce qui, dans le cas précédent, servait à former un être supérieur, se convertissait en petites vésicules qui s’animaient dans la coque ovulienne, et ces petites vésicules devenaient autant de Monadines qui s’échappaient de leur coque d’incubation, et le microscope, faisant l'office de logique positive, formulait cette loi : 100 Mona- dines égalent un Rotatoire ou un Nématoïde, Il serait trop long et trop vague, sans figures, de détailler * labyrinthe de formes qui procèdent d’une même origine. Ilest évident cependant, et facile à comprendre, que les unes sont appelées à jouer un rôle bien différent de celui des autres. Les Navicules, les Bacillaires, par exemple, qui ne descendent pas de parents semblables à elles, sont la fin de leur lignée qui s’éteint avec elles. Elles ne seraient donc, avec toute l'élégance et la va- riété de leurs formes, que des organismes transitoires, dérivés d’autres organismes hétérogènes. Les Hygnémiens encore ne sont qu'une division extrême de cellules qui meurent ou qui reverdissent, suivant les circonstances, pour donner naissance à des végélations qui n’ont pas l’air de former une génération cyclique, Les animalcules utriculeux ( Vorticelles, Plœscomiens, Oxy- triqués, Kéronés, Dileptus, Coccadina, Nassula, etc.), dérivant des Euglènes (ce qui n’exclut pas les autres origines possibles) , peuvent, par une série de métamorphoses, donner naissance à des espèces ascendantes qui, originis non immemores, se multi- plient encore par division spontanée, et qui, à la faveur des agents extérieurs, sont quelquefois appelées elles-mêmes à des transfor- mations ultérieures, ou qui meurent pour rendre leur substance au grand tout. D’autres espèces de ces animalcules primitifs, les Rotatoires, sans parents, peuvent perpétuer leur physionomie acquise et plus compliquée, reproduire leur type, par une plus petite partie d'eux-mêmes, par des œufs, au lieu de se multiplier, comme leurs congénères, par division spontanée, ou au lieu de végéter SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 203 comme le font des parties jumelles de leur matrice primitive commune. Les petits Rotatoires (Lepadella, Albertia, Plagiognatha, etc.) peuvent résulter des transformations des Vorticelles, des Dilep- tus, des Coccudina, et autres Utriculeux ciliés. Les Rotatoires, petits et grands, peuvent dériver des trans- formations directes des Euglènes, prenant les formes les plus diverses, que l’on ne saurait s'expliquer par leur commune ori- gine. Les Rotifères, en particulier, ont des origines fort diverses, et reproduisent leur espèce pendant on ne sait combien de géné- rations. Ils peuvent aussi se résoudre en Coccudina, en Dileptus, en Kéroués, en Oxytriqués ou en Actinophrys. Ces derniers peu- vent absorber assez de substance pour former ensuite un beau cocon, d’où sort une Planariole, qui, à son tour, se métamor- phose ordinairement en Tardigrade. Il y a au moins trois modes de génération chez les Tardigra- des : 1° Leur dérivance d'êtres qui n’ont jamais été octopèdes, ou leur génération primitive. 2° Chez les Tardigrades adultes, on voit une sorle d’ovaire sur la ligne tergale : ce n’est pas seule- ment cet ovaire qui fournit les œufs, car toute la substance de l'animal se scinde en œufs qui se trouvent logés dans la coque tégumentaire maternelle. 3° Une énorme partie de la substance d’un individu se déforme, se contracte, se vésiculise à nouveaux frais, et donne enfin naissance à un individu plus vigoureux que les cadets de la famille, qui n’ont dans leur œuf que le tiers ou la sixième partie de la substance qu’emporte l’aîné si vigou- - Feux. Sans épuiser ce que ces petits octopèdes offrent de curieux, il est bon de noter qu’ils peuvent aussi se scinder, se résoudre en Paranema, sur l’origine desquels il ne peut rester aucun doute, puisqu'on peut suivre leur évolution, et qu'ils se trouvent dans une sorte d’étui (la peau du Tardigrade) fermé de toutes parts. Les Paranema, qui proviennent également de la résolution des Rotifères, ont encore quatre autres origines à nous connues, Dans nos premières années d'observation, nous avions vu les 20h G. GROS. — OBSERVATIONS Euglènes s'élever jusqu'aux Tardigrades et aux Nématoïdes par une série de transformations. En 1850, le paradoxe s'est trouvé plus fort et plus net que les années précédentes, en ce que les Euglènes, par une transformation directe, donnaient naissance à des Nématoïdes mâles et femelles, et à des Tardigrades. Ges faits incroyables ont été montrés à M. le professeur Henle, qui a bien voulu s'intéresser à mes observations sur les Euglènes, et suivre aussi la génération spontanée de la Torquatina dans la vessie urinaire des Grenouilles. Comme les années précédentes, nous avons vu les Euglènes donner des végétaux et des animaux; mais il nous a été impos- sible de saisir pourquoi elles donnaient une descendance plus paradoxale. On pouvait remarquer que, selon la masse de leur substance et leur degré de parifissure, les Euglènes donnaient naissance à des Vers plus ou moins gros, ce qui était évident, d’ailleurs, pour les Rotatoires. La génération spontanée chez les Grenouilles à été annoncée à l’Académie des sciences en 1850, et soumise à une commission en 1851. Le réservoir aqueux, appelé vessie urinaire, présente une mu- queuse dont les noyaux peuvent s’individualiser, et prendre une forme très pittoresque, qui est celle d’un petit animal, sans pa- rents, dérivant d’un organisme qui ne lui ressemble pas, et sus- ceptible de métamorphoses ultérieures. Le noyau muqueux se converlit en une couronne qui arrive à la grandeur de 0,038, et l’animalcule parfait, assez semblable à une Verticelle, atteint la taille de 0,05 — 6, et même 0,1"". Quand on a le bonheur de tomber sur de jeunes Grenouilles propices , toute la mu- queuse à l'air d’être recouverte d’un épithélium vibratile, vivant et pittoresque. Pour s’assurer que ces animalcules ne sont pas des parasites intrus, une progéniture étrangère et inconnue, nous n'avons pas trouvé d'autre critérium jusqu’à présent, que d’ob- server leur évolution sur des centaines de Grenouilles, Pour étu- dier ces petits animalcules que nous avons appelés Torquatina, et. que l’on retrouve à peu près les mêmes chez les Tritons, il ne faut pas se contenter de ràcler la muqueuse, car on détruit leurs SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 205 rapports ; il faut, au contraire, en exciser un lambeau et le trans- porter sous le microscope. Au premier coup d’œil on pourra trouver l’animalcule, mais il faudra de nombreux essais pour débrouiller son évolution. Il est assez difficile de saisir le moment où cette poussée épithéliale plie sa couronne pour se convertir en Opalina, si fréquente dans le rectum. Devenu Opalina, notre animalcule va vivre dans le rectum, jusqu'à ce qu’à un moment donné l’Opalina aille se nicher dans les muqueuses intestinales ou dans les séreuses, où elle se met à gérer, à coconner pour se transformer en un Nématoïde ascari- dien, que bien des observateurs ont rencontré dans de nombreux cocons sans se rendre compte de leur origine. 11 serait trop long de parler des autres cocons d’Helminthes que l’on rencontre aussi chez les Grenouilles, et en particulier des larves de Distomes qui se convertissent aussi en Nématoïdes. Les Nématoïdes, petits et grands, rentrent dans notre sujet de la génération spontanée; mais ils offrent de grandes difficultés à les suivre dans leurs transformations et leurs migrations. Nous avons vu des Nématoïdes descendre des Euglènes, d’au- tres des T'orquatina ; la liste n’en est pas épuisée. Si, d’un côté, on voit plusieurs espèces de Nématoïdes descendre d'êtres qui ne leur ressemblent pas, il semble difficile de prouver qu’à la fin la progéniture des Nématoïdes se transforme au point de revenir à leur point de départ, et de former une génération alternante. Il n’est nullement démontré que l’Oxyure vermiculaire, par exemple, descende toujours d’un Vers de son espèce; au contraire, il est certain qu’il descend d’une espèce hétérogène. Sans entrer dans de plus longs détails, il suffira de mentionner ce fait observé chez le Chien, le Lapin et l'Homme. Au bout de l'intestin grêle ou dans le cæcum, on trouve sous les muqueuses des cocons où l'on voit un vermicule contourné en spirale, à peu près comme la Trichina spiralis, observée dans presque tous les organes. Ce vermicule est le produit de la transformation d’une larve qui né descend pas de l'Oxyure. L'Oxyure, sorti de son cocon, se rem plit d'œufs et produit des vermicules semblables à lui-même. 206 G. GROS, — OBSERVATIONS, ETC. Des œufs de Lombrics conservaient, pendant quinze mois, les embryons vivants, mais qui ne rompaient pas leur coque. Au bout de dix-huit mois et de deux ans, nous avons vu la substance embryonnaire se déformer et se vésiculer à nouveaux frais et engendrer des Arcelles, qui, à leur tour, donnaient des Amœ- bées, lesquelles, à leur tour aussi, se convertissaient en œufs de Rotifères. À propos de la génération spontanée, les Vers intestinaux ont toujours été un sujet de discussion. La question à été examinée dans notre mémoire de 18/47. On ne peut nier absolument la possibilité d’une génération primitive d'Helminthes dans les animaux supérieurs, mais jus- qu'à démonstration directe et suffisante, nous nous retranchons derrière le scepticisme que commande la question. Au contraire, nous croyons l’avoir démontrée sur les animaux inférieurs, et l’un des faits les plus curieux a été observé sur la Seiche en 1845 et 1846. Parmi lesglandes de la Seiche s’en trouve une, ausortir de l’esto- mac, qui peut être assimilée à un pancréas, et qui, comme la plu- part des glandes des Invertébrés, verseses produits sous une forme vésiculeuse. Parmi les vésicules de cette glande, on peut en suivre bon nombre depuis l’état le plus microscopique jusqu’à leur par- fait développement. Dès que les vésicules ont un certain diamètre, on les voit nanties d’une vésicule germinative qui les fait ressem- bler en tous points aux ovules des Mammifères. Ces vésicules avec leur germinative ne ressemblent donc en aucune façon à des œufs quelconques d’Helminthes. En suivant leur développe- ment, on voit le vitellus se segmenter, se travailler, et donner enfin un Cestoïde, le Scoleæ polymorphus connu des auteurs. D’autres vésicules, en suivant un rhythme différent, se déve- loppent de facon à donner un Distome, Les Cestoïdes auraient donc au moins trois modes de génération : la génération spon- tanée, la génération par œufs et la génération par gemmes, comme nous avons essayé de l’établir, en 1845, dans nos Où- servalions sur le tænia de la Bécasse. RECHERCHES SUR L'ARMURE GÉNITALE FEMELLE DES INSECTES ORTHOPTÈRES, Par M. le Dr LACAZE-DUTHIERS, S Ier. ï L'abdomen des femelles des Orthoptères présente de nom- breuses variétés dans sa forme et dans son mode de terminaison: tantôt il se prolonge en une arme d’apparence redoutable, comme dans les Sauterelles vertes, les Grillons ; tantôt, au con- traire, il se termine carrément par des appendices cornés et crochus, à peine apparents, comme dans les Criquets. Les Phasmides portent deux follioles; les Mantes , les Blat- taires , ne semblent pas être pourvues de pièces spéciales ; la pince des Perce-Oreille, ou Forfcules, est connue , c’est elle qui leur a valu ce nom. On doit se demander, quand on voit ces formes diverses, que la plus légère observation peut faire apprécier si l’on parcourt les dessins des principaux types qui accompagnent ce mémoire (1); on doit se demander, dis-je, si elles sont dues à une organisation différente dans chacune des familles , ou si elles peuvent se rapporter à un type unique, dont les proportions auraient seules variées. Telles sont les ques- tions qu’il s’agit de résoudre. FL'armure des Orthoptères a été moins étudiée que celle des Hyménoptères ; aussi ne trouve-t-on pas de noms spéciaux pour désigner les parties qui la composent : on est donc forcé de suppléer à cette lacune. . Dans l’ordre des Hyménoptères, les auteurs ont désigné par (1) Voyez pl. X, g. 4-7-12; pl. XI, Gg. 4-6; pl. XII, fig. 4-5-8, 208 LACAZE-DUTHIERS, — ARMURE GÉNITALE des noms divers les pièces du dard, suivant qu’ils comprenaient son action de telle ou telle manière. Ces noms ont été employés dans le premier mémoire; mais ils ont été considérés comme provisoires, comme devant être remplacés par d’autres plus scientifiques, tirés de l’origine et de la similitude des parties. Puisque aujourd’hui la nécessité nous conduit à faire ce change- ment, nous allons chercher à remplacer la nomenclature provi- soire et arbitraire qui nous a servi, par une nomenclature simple et facile tirée de l’organisation même de l’armure. Tout entière basée sur des données d’anatomie philosophique , on en doit les principes à M. le professeur Edwards ; c’est pour nous un hasard heureux que d’être le premier à en faire l’application à la classe des Insectes : il nous fournit l’occasion de montrer notre respectueuse admiration pour les beaux travaux de celui qui nous a permis de nous dire son élève, Cette nomenclature repose sur l’analogie des parties qui forment le corps des Articulés. On sait, en effet, que ces animaux se composent de segments (nous ne voulons parler ici que du scléroderme, ou enveloppe solide) nommés zoonites; que ces zoonites sont tous organisés sur un même plan; que, s’ils paraissent très différents quand onles considère dans les parties du corps, c’est que leurs éléments se sont soudés ou divi- sés, se sont développés outre mesure, ou bien ont avorté. Ces faits curieux avaient été démontrés par les beaux travaux d’Au- douin pour le thorax des Insectes ; reconnus pour la classe des Crustacés par M. Edwards, ils viennent de recevoir un nouveau développement dans le dernier mémoire de ce professeur. Un zoonite se compose de six éléments, et porte quatre ou deux appendices. Pour le thorax des Insectes , les deux pièces mé- dianes recoivent le nom de {ergum , ou notum, et de sternum ; l’une est supérieure, l’autre inférieure. Les pièces latérales sont symétriques, et sont nommées, la supérieure épimère , l’infé- rieure episternum ; elles s’articulent, la première, avec le no- tum, la seconde avec le sternum ; les ailes et les paltes sont les appendices. Voilà le zoonite simple avec tous ses éléments. En admettant qu’il se répète dans le reste du corps, on comprend que, pour avoir une nomenclature logique, il suffit de créer des DES INSECTES. 209 mots qui, en désignant une pièce, fassent, comme une définition ou une courte description, connaitre et la position de la pièce dans le zoonite, et la position du zoonite dans l’animal : tel est le but cherché et atteint par M. le professeur Edwards (1). Les zoonites de l’abdomen sontnommés urites,etavec les mots proto, deulo. . … endecato , il devient facile de faire connaître leur rang compté d’avant en arrière. Leurs éléments recoivent les noms de stermite, notile ou tergite, épimérite, épisternile ; leurs appendices, ceux de tergo-rhabdite, sterno-rhabdite : rhabdite signifiant verge, appen- dice. Nous dirons donc proto, deuto..…. endécato-sternite, tergite, rhabdite , pour désigner le tergum, le sternum , les appendices du premier, deuxième, onzième zoonite de l’abdomen. Le mot scléro- dermite désigne une pièce solide quelconque, sans en indiquer la nature ou la position. Ces quelques mots suffisent, je crois, pour faire comprendre la signification des noms désormais em- ployés. Comme il est facile d’en juger, cette nomenclature logique pré- suppose la connaissance des parties que l’on veut nommer ; c’est donc un travail nécessaire que de déterminer la nature des pièces qui composent l’armure génitale, en la comparant au zoonite théorique admis par Audouin et les auteurs qui l'ont suivi. — Il est un moyen détourné d’arriver à cette détermina- tion, c’est de comparer l’armure d’un Orthoptère, de la Locuste ou autre Locustaire , à celle des Hyménoptères qu'on a déja étudiée ; cette comparaison aura pour résultat de montrer que le plan qui préside à la composition de l’organe est le même dans les deux cas : dès lors, la nature des pièces de l’aiguillon des Abeilles, ou Guëêpes, etc., ayant été reconnue à la fin du précé- dent mémoire , il sera facile d’arriver à la connaissance des pièces analogues dans les Orthoptères, — Dans cet ordre, comme on le verra du reste, il n’eüt pas été aussi facile de saisir tous les passages insensibles entre les formes qu’affectent les parties élé- mentaires du zoonite. Cette comparaison aura encore un autre avantage , elle permettra d'appliquer la nouvelle nomenclature x (4) Je renvoie pour plus de renseignements au mémoire publié par cé savant illustre dans les Annales, t, XVI (1861). 3" série. Zoou, T, XVII. (Cahier n° 4.) 2 15 210 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE l'ordre précédemment étudié, et de supprimer les noms provi- soires et arbitraires qui avaient été employés. — L'armure des Hyménoptères est quelquefois peu développée, comme cela arrive dans les Fourmis (1) ; néanmoins elle conserve tous ses éléments à peine modifiés. Le gorgeret n’est plus allongé en pointe aigu; il est formé par une bandelette transversale, cor- née, qui rappelle les autres siernums par sa forme, comme il les rappelle aussi par sa position; j'avais été conduit à le considérer comme tel. Le tergum ou notum n’est pas modifié ; quant aux pièces latérales, guidé par cette première appréciation , je les considérais comme les analogues des épimères, episternum, por- tant chacun un appendice, que je désignai par les noms de stylet et de valves du fourreau. Le zoonite primitif se trouvait ainsi presque complétement reconstruit, et des figures théoriques facilitaient la démonstration de ces vues (2). Partons main- tenant de ces données, et cherchons à reconnaître, dans un genre des Orthoptères, les analogies qu'il présente avec les Hymé- noptères; appliquons ensuite la nouvelle nomenclature , et alors deviendra plus facile la comparaison des genres et des ordres enire eux. L'exemple qui servira de type est le Decticus verrucivorus : les oviscaptes des Decticus griseus(3), Epiphigera vitium, Locusta viridissima, Phaneropterus falcata, sauf quelques variations de courbure ou de longueur, sont absolument identiques ; aussi ce que l’on peut dire du Dectique peut s'appliquer à tous les autres genres de la famille des Locustaires. Dans les genres 4cantho- dis (h), Pseudophyllus (5), Pterochroza (6) , Steirodon (7), l'ovi- (1) Ann. des sc. nat., année 1850. Voyez les planches qui se rapportent aux Fourmis. (2) Consultez les figures théoriques dans les planches de 1850. (3) Je dois dire que les espèces dont il s'agira dans ce mémoire sont toutes décrites dans l'ouvrage de M. Audinet-Serville, auquel je renvoie pour la syno- nymie (Suites à Buffon). (£) Acanthodis aquilina , Serville, p. 454, Orthoptères , Suites à Buffon. (5) Pseudophyllus nereifolium, id., p. 466, ibid. (6) Pterochroza ocellata , id., p. 432, ibid. (7) Steirodon citrifolium, id,, p. 404, ibid. DES INSECTES: PAE scapte présente des variétés de forme, de volume ; mais la dispo- sition est au fond la même. Le Steirodon citrifolium a un organe relativement très petit; mais on y retrouve tous les éléments absolument semblables à ceux de la Locuste, du Dectique. Quand on enlève successivement, en partant du thorax, les anneaux qui composent l'abdomen du Dectique, on arrive à la plaque que les entomologistes classificateurs appellent bien à tort la plaque sous-anale ; c’est la dernière avant l’armure génitale : elle n’en fait pas partie ; on doit l'enlever avec le tergum qui lui correspond. On reprend alors la dissection en sens inverse, c’esl- à-dire en partant de l'anus; on ne conserve aucune des pièces qui l’entourent ; on ne doit respecter qu’un tergum ou arceau dor- sal auquel est fixée et comme suspendue l’oviscapte. Si l’on divise cet arceau dorsal, si l’on désunit les éléments qui composent l’ar- mure, sans toutefois les désarticuler à leur base, on a sous les yeux un ensemble (1) de pièces qui rappelle absolument les ta- rières, scies, aiguillons des Hyménoptères ; sur la ligne médiane on trouve un corps impair (2) dont la base ou partie antérieure se développe en manière de cône , dont le sommet, dirigé en ar« rière ; se prolonge au loin en forme de lame , et se divise suivant sa longueur, ce qui le fait paraître bifide. La base (3), creusée en gouttière, présente trois appendices: l’un supérieur, médian, porte une pièce triangulaire (4), qui s'articule par deux de ses angles avec les pièces latérales ; les deux autres (5), inférieurs latéraux , sont la continuation des lèvrés de l’échancrure que l’on remarque sur la face inférieure : ils s’unissent par leur extrémité avec un arc (6) corné qui s'articule aussi âvec les pièces latérales, De chaque côté de ce corps central on trouve une pièce (7) longue, aplatie latéralement , dont l'extrémité antérieure ; un peu dilatée, correspond à la partie conoïde dont nous venons de (1) PI. X. fig. 2. (2) PL X, lg. 2 F. . (3) PI. X, 6e. # f. () PI. X, fig. 2 g. (5) PI. X, fig. 4 d. (6) PL X, fig. 4 h. (7) PL. X, fig. 2-4 u, v!. 212 * LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE parler, et qui se termine en avant par deux apophyses, l'une supérieure, l’autre inférieure : la première s’articule avec l’angle interne de la pièce triangulaire dorsale dont il a été question ; la seconde s’unit avec l'arc de cercle corné qui réunit les deux appendices inférieurs du corps médian. Comme on peut en juger, ces parties sont unies solidement entre elles, et les mouvements qu’elles peuvent exécuter l’une sur l’autre sont exactement res- treints. Elles sont à peu près de la même longueur. Restent trois pièces placées en dehors des précédentes. La plus petite (1), la plus interne des trois, est ovalaire ; elle unit les deux autres entre elles, et s'articule avec l’apophyse supé- rieure de la pièce latérale que nous venons d'apprendre à con- naître. Il est facile de voir le segment dorsal divisé en deux dans la pièce supérieure (2). Quant à la dernière (3), elle est externe, et fait partie de la portion saillante de l’oviscapte qu’elle complète en venant se placer et s’unir à son bord inférieur. Si nous nous reportons à Ja description générale que nous avons donnée de l'aiguillon des Hyménoptères (4), nous la trouvons en tout semblable à celle que nous venons de donner de l'oviscapte du Dectique. 11 suffit d’opposer les figures des armures des Hyménoptères à celle que je donne ici, pour se convaincre que le gorgeret a pour analogue le corps central ; que les écailles laté- rales , avec leurs appendices formant les valves du fourreau, cor- respondent aux deux pièces latérales ; que , entre l’arceau dorsal etles plaques anales, l’analogie dans les deux ordres est complète; qu'on retrouve, dans les deux cas, la petite pièce ovalaire unissant les plaques anales à ces appendices grêles, que je nommais, dans les Hyménoptères, les stylets. C’est surtout entre ces trois pièces que laressemblance est extrême. Il est donc incontestable que des pièces égales en nombre, et ayant les mêmes rapports entre elles, constituent les armures des Hyménoptères et des Locustaires. Dès lors nous pouvons leur donner les mêmes noms, tirés d’une nomenclature rationnelle, que la comparaison qui vient d’être (4) PL X, fig. 2-3-4 c. (2) PL X, fig. 2-3 0. (3) PI. X, fig. 2-3 i. (4) Ann. des sc. nat., 4849, p. 354, DES INSECTES. 913 faite et les considérations précédentes nous autorisent maintenant à employer. Voici comment désormais les pièces de l’armure seront dési- gnées : Le gorgeret s'appellera. . . . . . . . Sternite. L'écaille anale . . . . . . . . . . Tergite ou notite. L'écaille latérale . . . . . Episternite. Son appendice formant la valve du fourreau. . Sterno-rhabdile. La petite pièce c qui n'avait pas reçu de nom. ÆEpimérile. Son appendice ou le stylet . . . . . . Tergo-rhabdite. Ce qui n’empêchera pas, quand l’une de ces pièces présentera une forme caractéristique, de lui donner un nom qui rappelle cette forme. Ainsi, par exemple, les noto-rhabdites des Tenthré- dines peuvent, dans le langage ordinaire, porter le nom de scies, car leur ressemblance avec ces instruments est extrême. Revenons à l’oviscapte de la Locustaire qui nous a servi d'exemple. Il est important de l’étudier plus en détail. Ce que nous en avons dit n’ayant eu pour but que de faire sentir son analogie avec les aiguillons, nous reviendrons aussi sur cette comparaison, qui est loin d’être complète et suffisante. Comment sont unies entre elles les différentes pièces que nous avons reconnues dans l’oviscapte ? Ici se présenteune distinction à faire. En effet, ces pièces sont unies à leur base, par des li- gaments, des muscles, des membranes, en un mot par des parties molles : elles sont véritablement articulées. Mais dans la partie saillante, à leur extrémité, elles sont unies, sans le secours des parties molles dont elles sont fort éloignées. Peut-on sans confusion donner le nom d’articulation à ces deux modes d’union ? Je ne le pense pas. Pour éviter toute erreur , le nom d’articula- tion sera conservé pour le cas où les parties molles entreront dans l'union des pièces. Quand, au contraire, l’union sera pro- duile par une sorte d’engrenage, comme il va être dit, le mot d'assemblage sera employé , en lui donnant le sens qu’il a dans l'art de la menuiserie (1). (4) Réaumur avait déjà senti cette différence, car il avait nommé le sternite de l'armure de la Cigale, pièce d'assemblage. 214 LACAZE-DUTHIERS, — ARMURE GÉNITALE L’articulation du sternite et de l'épisternite est complexe, elle est double. Les pièces et apophyses qui concourent à la produire ont été indiquées ; nous ne reviendrons pas sur leur compte. Elle est évidemment très solide ; mais, par opposition, les mouve- ments dont elle jouit sont très limités. Dans la portion libre de l’oviscapte nous rencontrons des assem- blages très solides, qui unissent très intimement ses éléments. Le sternite est, avons-nous dit, bifide jusqu’à sa base, en sorte qu'il existe en apparence six éléments. Quelques auteurs, ne poussant pas leurs recherches assez loin, sont tombés dans cette erreur ; toujours est-il que ces six éléments s'unissent lrois par trois pour former deux valves : l’épisternite et le tergo-rhabdite occupent le côté externe. Ils sont maintenus en rapport par un assemblage longitudinal très fort ; l’une des divisions du sternite se place en dedans; elle leur est unie par un assemblage également longitu- dinal. Le bord supérieur (1) du noto-rhabdite se creuse de mor- taises, où viennent se loger les bourrelets du bord inférieur du sternite et de l'épisternite. L'entrée de la mortaise est plus petite que sa cavité, et le bourrelet est comme étranglé à sa base, en sorte que ce mode d’assemblage permet des mouvements dans le sens de la largeur, et les rend impossibles dans toute autre direc- tion. Aussi ne peut-on séparer ces trois pièces si l'on n’agit sur elles parallèlement à leur direction : cetassemblage pourrait véri- tablement se nommer assemblage en coulisse. Occupons-nous des rapports de l'oviscapte, cherchons en quel point et comment s'ouvrent l’oviducte , le rectum, enfin quelle est la composition générale de l'abdomen. A la base de l'oviscapte on trouve (2) un sternite à bord postérieur libre et développé, qui est nommé plaque sous-anale par les entomolo- gistes classificateurs : c’est le sternite de l'hogdo-urite. En admet- tant que le proto-notite s’unîtintimement au méta-notite du thorax (j'aurai occasion de démontrer cette opinion), l'urite suivant, ou neuvième, forme l'oviscapte ; c’est entre ces deux urites que s'ouvre (1) PL X, fig. 6, 6/. (2) PL X, fig. M} 85 fig. 8, 8°. DES INSECTES. 25 l'oviducte. On rencontre, en effet, son orifice à la face supé- rieure de l'hogdo-sternite ou plaque sous -anale. Comme cette plaque s’avance sur la base de l’oviscapte , on à dit que l’ovi- ducte venait s’ouvrir entre les pièces qui le constituent : cela est faux. 11 suffit d’un examen attentif pour voir qu’il n’en est pas ainsi. Après l’ennato-urite, on rencontre les pièces terminales qui entourent l’anus (1) ; elles forment évidemment deux anneaux. Le premier, ou décato-urite, n’est représenté que par le tergite ; lesternite ne se développe pas. L'endécato-urite se compose de cinq pièces : deux en forme de filaments sont latérales , et vien- nent s’articuler avec le bord postérieur du décato-notite, qui pré- sente deux sortes d’échancrures articulaires à cet effet; les autres, iriangulaires, entourent l'anus de trois valvules qui, par leur réunion, forment une sorte de corps pyramidal, Il doit paraître maintenant évident que le nom de plaque sous-anale donné à l'hogdo-sternite est impropre ; car ce sternite estsous-valvaire, et en outre il est éloigné de l'anus par les ennat-décat-endécato- urites. 11 serait mieux de l'appeler plaque sous-génitale ou pré- génilale. En résumé, l'abdomen du Dectique se compose de onze urites. Le proto-urite n’a pas de proto-sternite (2), l’endécato-urite est multiple , ct forme comme une couronne de cinq éléments autour de l’anus ; le décato-urite, qui sépare celui-ci du zoonite de l’ar- mure, n'a pas de sternite ; entre l’hogdo-urite et l’ennato-urite s'ouvre l'appareil de la génération. Tel est le type qui va nous servir de terme de comparaison. Occupons- nous d’abord des ar- mures génitales, nous reprendrons énsuile l’abdomen dans son ensemble. S II. En étudiant avec soin l’armure femelle des Hyménoptères , il a élé facile de montrer que, dans tout cet ordre, un plan unique présidait à la composition des organes térébrants , piquants, et (DPI X, fig, 1, fig, 3, 44!, 10, p (2) Dans le Locusta viridissima , j'ai retrouvé le proto-sternile, 216 LACAZE-BUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE autres très différents en apparence ; que la forme, le nombre, les rapports des parties composantes étaient identiques, et que ces différences ne portaient que sur des changements de volume. Nous allons dans les Orthoptères rencontrer des variations plus grandes. Elles tiennent à des soudures, à des avortements ou à des divisions de pièces fondamentales ; aussi serons-nous obligé de reconnaître un certain nombre de types principaux autour des- quels viendront se grouper ces formes secondaires. Notre examen portera sur les Mantides , les Phasmides , les Blaitaires , les Acridiens , les Grillioniens et les Forficulaires. C’est dans cet ordre, qui est loin d’être celui suivant lequel on classe naturellement ces familles, que nous les examinerons, Manrines. — Dans cette famille, on trouve caché par la plaque sous-génitale un appareil assez volumineux, non pas allongé, courbé en bas, crochu, bosselé, peu résistant, qui est l'armure (1). Elle semble, au premier abord , unie à deux ter- gites ; c’est une fausse apparence que nous retrouverons dans les Blattaires et les Grillioniens. Nous reviendrons sur ce fait à propos de l’abdomen en général, Admettons pour le moment que le plus postérieur de ces deux notites est seul uni à l’armure. En cher- chant à disjoindre les éléments qui la composent, on arrive faci- lement à retrouver les deux tergo-rhabdites, unis au tergité par l'intermédiaire d’une pièce peu développée, presque triangulaire, et qui évidemment est l’épimérite (2). Les rapports , la forme générale même, rappellent tout à fait les mêmes parties du Dec- tique, avec des différences dans l’ossification et dans la longueur. Il y a dans le Mantis tessellata (3), en avant de la base du noto- rhabdite, une pièce qui pourrait peut-être embarrasser ; mais si l'on remarque qu’elle n'existe pas dans le Mantis religiosa , où l’épimérite et le noto-rhabdite sont identiques avec ceux du tessellata , on s’expliquera sa présence par le dédoublement de l'extrémité antérieure des noto-rhabdites. Au-dessus de ce tergo- rhabdite, et jointe à son bord supérieur convexe, on trouve une (1) PL X, fig. 8. (2) PL X, fig. 40 c. (3) PL X, fig. 8-10 o. DES INSECTES. 217 pièce (1) de même forme, de même consistance, qui est l’épister- nite ; elle n’est un peu résistante qu’à son extrémité adhérente ou antérieure. En ce point aussi elle offre une particularité (2) : un arc de cercle osseux, présentant vers son milieu une dilatation, s'étend du bord inférieur de l’une au bord inférieur de l’autre. C’est une différence notable avec ce que nous avons vu dans les Locustaires ; mais cette différence ne peut nous induire en erreur sur la nature de l’épisternite : elle nous servira au contraire à expliquer des dif- férences plus grandes encore. Les assemblages entre l’épisternite et le tergo-rhabdite sont très peu solides ; aussi sépare-t-on ces deux pièces avec grande facilité. Entre les deux épisternites , on rencontre (3) le sternite réduit à sa plus simple expression : il est très petit , ossifié en partie , en partie membraneux ; il présente sur son dos, vers son extrémité antérieure , deux apophyses (4) assez résistantes, qui servent à son articulation avec les épister- nites ; il se termine en arrière par deux appendices libres et lamelliformes, qui rappellent , mais en raccourci , le sternite des Locustaires. La position , les rapports, la forme même, ne per- mettent aucun doute sur la nature de cette pièce ; mais on voit combien par ses articulations avec les épisternites , par sa forme résultant de son peu de volume et de son peu d’ossification, com- bien elle diffère des sternites des Locustaires. En somme, nous trouvons dans les Mantis tessellata et religiosa les mêmes pièces, les mêmes dispositions que dans les Sauterelles ; aux dimensions, aux courbures et aux différences près que nous avons signalées , dans le Mantis precaria les choses sont semblables. Puasmines, — J'ai choisi pour exemple l’Acrophylla chronus. Sa plaque sous-génitale (5), très développée, n’est plus comme dans les Mantilides, bien qu’elle enferme complétement l’armure génitale. Dans la Mante, la courbure en bas de l’armure entrai- nait après elle une courbure analogue de la plaque sous-géni- (1) PI. X, fig. 8-9 aa’. (2) PI. X, fig. 9 o’. (3) PL X, fig. 41,41; fig. 8/. (4) PL X, fig. 11, 40 k (5) PI. X, fig. 12. 218 LACAZE-DUTDIERS. — ARMURE GÉNITALE tale ; dans l’Acrophylla, au contraire, l'armure se relève vers l'anus, et la plaque sous-génitale suit cette direction. Dans la Mante, on aperçoit l'extrémité de l'armure; ici l’armure est complétement cachée par l’énorme développement que prend la plaque sous-génitale ; elle représente une portion considérable d’un ovoïde, et peut loger un œuf dans sa concavité, Au-dessus de cette plaque bombée, on compte plusieurs tergites : l’un d’eux supporte l’armure génitale ; après lui viennent les pièces termi- uales de l'abdomen, qui affectent la forme de longues et larges folioles. Il en sera question plus loin. Le tergite de l’armure sexuelle (1) se reconnaît très facile- ment : il suffit de l’opposer aux mêmes pièces de la Locuste et de la Mante, pour n'avoir aucun doute, A l'angle que for- ment son bord latéral et son bord antérieur, est soudé l’épi- mérite (2), de forme triangulaire, très caractérisé et très reconnaissable. Cette pièce s'articule (3) avec le tergo-rhabdite en avant, avec l’épisternite en arrière. L’épimérite est ossifié et plus résistant que les autres parties; il n’en est pas de même du tergo-rhabdite, qui devient de plus en plus mou et flexible, à mesure que l’on s'éloigne de son point d’articula- tion, Ce tergo-rhabdite rappelle tout à fait, par sa forme, la pièce analogue de la Locuste , bien différente en cela des tergo-rhab- dite de la Mante. L’épisternite est très développé ; sa base est large, relativement à la longueur des appendices qu’il porte (4); son bord postérieur présente en eflet deux appendices, l'un supérieur, l’autre infé- rieur, Ici se présente cette difficulté qui consiste à ne pouvoir reconnaître si celte pièce correspond uniquement à l’épisternite, ou bien si l’épisternite et le sterno-rhabdite se soudent ét se con- fondent pour la former. J’admettrai volontiers cette dernière hypothèse : toujours est-il que l’appendice inférieur, courbé en forme de sabre, rappelle assez bien la même pièce des Locus- (1) PL X, fig. 43, 45, 9, 0. (2) PI. (3) PL. x. fig. 13-15 à. (4) PL X, fig. 13-14 a a' DES INSECTES, 219 taires, mais en petit. 11 présente un assemblage très incomplet avec le bord supérieur du tergo-rhabdite. L'appendice supérieur obtus, peu allongé, semble, au premier abord, articulé avec la base de la pièce : c’est une fausse appa- rence ; il fait corps avec elle, et s’unit, par des membranes, aux bords inférieurs du tergite. L'extrémité antérieure de l’épister- nite est coupée obliquement ; elle présente à la base de l’apophyse supérieure une échancrure où vient s'attacher l’angle postérieur de l’épimérite. Le sternite paraît manquer, et ce n’est qu'après beaucoup de recherches que je suis parvenu à trouver quelque chose qui peut rappeler son existence. Vers la base de l’appendice inférieur de l'épisternite , appendice que je regarde comme étant le sterno- rhabdite, on voit un repli (1) membraneux non résistant, sans ossification, qui s'étend d’un épisternite à l’autre; il semble bi- lobé, et son limbe postérieur est libre : on peut le considérer comme un rudiment de sternite, sans forme particulière. Mais un simple repli membraneux peut-il être considéré comme le représentant d’une pièce aussi importante que le sternum , ster- num qui n’avorte en général que lorsque les pièces latérales ont elles-mêmes disparu? Pour répondre à ce doute, il suffit de se rappeler que, dans les Orthoptères, l’ossification des scléro- dermites est le plus souvent nulle, les plis de la peau indiquent fréquemment seuls les zoonites : pourquoi n’en serait-il pas de même pour un sternite, resté exceptionnellement à l’état rudi- mentaire, pendant que les pièces latérales prennent un grand développement ? Dans l'Empusa gongylodes (2), le Phyllium siccifolium (3), l'Acrophylla thitanus (k) de Serville, Cyphocrania titanus de Brullé, et quelques Phasma, la disposition des parties est absolu- ment la même. Dans le Cyphocrania litanus, les bases ou extré- mités antérieures des Lergo-rhabdites sont unies entre elles par une (4) PIX, fig. 43-45 f. (2) Audinet-Serville, Suites à Buffon, p. 141. (3) Ibid., p. 289. (4) Jbid., p. 231. 220 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE membrane, et l’on ne rencontre pas trace de ce rudiment de ster- nite que je notais dans l’Æcrophylla chronus. Voilà des exemples assez différents du Decticus; mais, à l’aide du type intermédiaire fourni par la Mante, il est facile de faire un rapprochement qui n’a plus rien de choquant. En eflet, il suffit de supposer un avortement de ce petit corps qui représen- tait le sternile pour passer d’une armure à l’autre. Bcarrarres.— Les pièces qui composent l’armure génitale des Blattaires sont les mêmes que celles que nous avons déjà trou- vées dans les trois familles précédentes; mais elles offrent des modifications plus considérables. Entre les lobes de la plaque sous-génitale (1), on trouve un appareil complexe en connexion avec deux tergites, comme dans les Mantides. Il est facile de re- connaître que le postérieur fait seul parti de l’armure. Il supporte l’épimérile (2) et letergo-rhabdite; ces deux pièces sont très sem- blables à celles que nous avons déjà étudiées; l’ossification, se faisant d’une manière irrégulière, donne à ces parties des formes bizarres et irrégulières. Ce tergo-rhabdite est obtus, mousse, peu résistant à son extrémité. Il est curieux de voir que toujours c’est la partie tergale du zoonite quise modifie le moins profondé- ment ; aussi arrive-t-on, dans tous les cas, à la reconnaître avec facilité. Il n’en estpas de même des parties sternales : ainsi, après avoir écarté les tergo-rhabdites, on trouve un corps médian (3) très dur, résistant, fortement ossifié, qui présente des appendices multiples à son extrémité postérieure. C’est l’épisternite et le ster- nite réunis. L’épisternite (4) forme un véritable anneau au centre duquel se place le sternite ; si l’on enlève celui-ci, on remarque (5) qu’il ressemble beaucoup à celui de la Mante, bifide à son extré- mité postérieure, en partie ossifié, en partie membraneux; on trouve vers son extrémité antérieure, sur le côté dorsal, une r éminence cornée qui sert à son articulation avec l’épisternite. (4) PI. XI, fig. 4. (2) PI. XI, fig. 2-3 0, i. (3) PL XI, fig. 2 aa’, b. (4) PL XI, fig. & aa. ‘ (5) PL. XI, fig. 5-5’ f-k. DES INSECTES. 291 Relativement, son volume est plus considérable que dans la Mante. Quantà l’épisternite (1), ilestannulaire; aussiest-il très différent des pièces analogues dans les Orthoptères. Toutefois, que l’on se reporte à l’étude de la Mante, et l’on verra que les deux épister- nites, très reconnaissables, à peine modifiés, étaient unis à leur bord inférieur par une bandelette cornée, que nous n’avons pas omis de signaler. Ce qui arrive au bord inférieur peut arriver au bord supérieur ; et telle est la cause de cette fusion apparente de deux pièces latérales en une seule, qui paraît alors médiane et impaire. Si l’on étudie avec soin ces deux épisternites (2), on voit sur leurs bords postérieurs des appendices qui rappellent, par leur peu de consistance et leur forme, les appendices des Acro- phyllus et des Mantis ; ces appendices sont assemblés d’une ma- nière très peu intime avec les tergo-rhabdites. Le sternite se place au centre de ces épisternites réunis, et les deux divisions de son extrémité postérieure deviennent parallèles aux appendices de ceux-ci; quelque différente que puisse paraître cette armure, il est facile cependant d'y retrouver les pièces fondamentales, modifiées par des soudures dans leur forme et un peu dans leur position (3). AcrIDIENsS. — L’armure des Acridiens est difficile à rapporter aux Lypes que nous venons d'étudier. Elle est composée de la même manière dans toute la famille, Je l’ai disséquée avec grand soin, dans les Acridium cœrulescens, germanicum, grossum, mi- gratorium, duæ ; dans le Tetriæ subulata, dans le Truæalisnasuta, enfin dans le Portetis elephas, qui m’a fourni les sujets des des- sins, partout j'ai retrouvé une identité absolue : aussi la descrip- tion qui se rapporte à l’une des espèces peut s’appliquer à toutes les autres. Infiniment plus simple et moins compliquée que dans les au- tres familles, elle ne présente de difficulté que dans la détermi- (4) PI. XI, fig. 8. (2) PL XI, Mig. # a’. (3) Les espèces qui ont été disséquées sont : le Blatta americana le Kakerle orientalis, un Blaberus. 299 LACAZE-DUTRIÈRS, = ANMURE GÉNITALE nation des pièces. L’ennato-térgite supporte des pièces cornées, crochues et courtes (1), qui, réunies au nombre de quatré, for- ment tout l'appareil. Les deux supérieures, unies par leur côté supérieur au bord latéral du tergite, sont un peu retroussées en haut, tandis que les deux inférieures, articulées par leur extré- mité antérieure avec les pièces supérieures, sont courbées en bas : celles-ci, comme les supérieures, sont unies entre elles par une membrane; enfin, entre les deux supérieures, on trouve un petit corps médian, bifide à son extrémité libre, Si l’on pénètre dans les parties profondes, on trouve une apophyse à insertion mus- culaire très grande, là où s’articulent, en se réunissant à angle aigu, les pièces supérieures et inférieures. Comme il est facile d’en juger, cette description ne ressemble pas beaucoup à celle de l’aïmure des Locustaires. Toutefois on peut arriver à retrouver les pièces fondamentales du zoonite. Ainsi, le tergite (2) n’est pas modifié; on le retrouve tel qu'il est dans les autres familles. Le sternite (3) est évidemment cette petite pièce bifide que l’on remarque entre les deux pièces cornées supérieures ; il est médian : il rappelle les formes de la même pièce dans les Mantes, les Blattes. Dès lors, n’est-il pas évident que les pièces qui sont en rapport d’articulation avec lui sont les épisternites (4). Ici une difficulté se présente : ces épisternites sont articulés directement avec le tergite; nous expliquerons plus tard cette anomalie par Ja loi des chevauchements. Il nous reste à trouver les épimérites et les tergo-rhabdites ; pour nôus, les deux crochets (5) inférieurs sont les tergo- rhabdites. Quant aux épimérites (6), je les vois dans ces deux apophyses musculaires que je signalais tout à l'heure, Les pièces que j'ndique comme étant les tergo-rhabdites se composent bien évidemment chacune de trois parties distinctes : une supé- (1) PI XIE, fig. 1. (2) PL. XIL, fig. 2-3, 96, b. (3) PL XX, fig. 2-3 f. (4) PL XII, fig. 2-3 aa’, 5. (5) PI. XL, fig. 2-4, 4/ à, à, iv, (6) PI, XI, fig. 2-3 c. | DES INSECTES. 293 rieure (1), partie fondamentale du tergo-rhabdite; deux in- férieures (2), qui sont le produit d’un dédoublement, en sorte qu'il faut admettre qu'un groupe de pièces représente ici une seule pièce, commé cela se rencontre fréquemment dans les Crustacés. Si l’on considère bien cette armuré, on trouve que lés tergo- rhabdites n’ont aucun rapport avec le tergite et les épimérites ; qu’au contraire l’épisternite est en connexion intime avecletergite. Pour comprendre ces changements, que l’on suppose l’oviscapte d’une Locustaire composé tel qu’il est, mais avec l’avortement de l'épimérite, n'est-il pas évident que le tergo-rhabdite, placé sur le bord inférieur de l'appareil, n’aura plus aucune connexion avec le tergite, dont il sera séparé par l’épisternité? Au lieu d’un avortement, supposons un changement de place de l’épimérite, le résultat ne sera-t-il pas le même? C’est justement ce qui ar- rive dans les Acridiens : l’épimérité est rentré dans l'abdomen pour servir à de nouvelles fonctions, il est transformé en apophyse musculaire ; dès lors le tergo-rhabdite, restant inférieur, perd ses rapports avec le tergite, qui s’unit à l’épisternite. Cette tendance de la nature à prendre des parties formées, à les transformer pour les faire servir à différents usages, sera démontrée dans la suite de ce mémoire. Ainsi, à l’aide des lois du chevauchement et du fractionnement des parties, arrivons-nous à retrouver dans les Acridiens le même nombre de pièces; en un mot, une armure semblable au fond à l’armure des Locustaires, Mantides, Phas- mides, etc., bien qu’elle soit très différente en apparence. GRILLIONIENS. — Il semble , quand on examine les Grillons, que la tarière dont ils sont armés doit les faire placer à côté des Locustaires ; mais comme nous marchons des armures les plus complexes aux armures les plus simples, nous devons placer ici cette famille , car son armure est plus incomplète que celles que nous venons d'apprendre à connaître. Il est utile de diviser en deux la famille qui va nous occuper ; en effet, les genres (1) PI. XI, fig. 4-4 i. (2, PL XII, Gg. 8-4 à, #”. 29h LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE Grillio, Nemobius, Æchantus, présentent une armure véritable , tandis que le Grillio-Talpa n’en a pas du tout. Grillons. — Dans le Grillus campestris, domesticus, dans le Nemobius sylvaticus, dans l’Æchantus pellucens, la tarière est absolument composée de la même manière ; il n’y a de différence que dans les dentelures de son extrémité libre. On retrouve (1), comme dans la Mante et les Blattes, deux tergites qui semblent en rapport avec l’armure, bien qu’il n’y en ait qu’un, l’ennato-tergite , auquel sont appendus l’épimérite et le tergo-rhabdite (2), parfaitement identiques de forme, de posi- tion, avec ceux que nous avons étudiés précédemment. Le rhabdite est long comme la tarière, terminé (3) en pointe assez aiguë, un peu tranchant dans le Grillus domesticus, plus large (4) dans l’Æchantus pellucens, où son extrémité porte une dent sur le côté externe. Du reste, le stylet ou tergo-rhabdite pré- sente avec le reste de la tarière un mode d’assemblage qui ne lui permet que des mouvements longitudiraux. Cet assemblage est fort et résistant. Quand on a enlevé le tergite, le tergo- rhabdite et l'épimérite, il ne reste plus qu’une pièce médiane im- paire (5), à base compliquée, bifide dans toute sa largeur : c’est le sternite. Les deux branches de sa bifurcation se joignent au bord supérieur du tergo-rhabdite, et se terminent, tantôt par une pointe aiguë (6) comme dans les Grillons , tantôt par une partie arrondie (7) couverte de crochets et de dents comme dans l’Æ- chantus pellucens. La base de ce sternite représente bien la base du sternite de la Locustaire ; sur le côté dorsal (8), une pièce, terminée en avant par une apophyse prismatique triangulaire, rappelle la même partie dans la Locustaire, Latéralement (9) on (t) PI. XIE, fig. 7, 9, 86. (2) PL XI, fig. 8 b, c, à. ! (3) PL XE, fig. A4 à. (4) PL XI, fig. 125. (5) PL XI, fig. 9-10. (6) PI. XI, fig. 41 f. (7) PI XI, fig. 12 F. (8) PI. XL, fig. 9-10 g. (9) PI. XI, fig. 40-9 d. DES INSECTES, 225 y trouve(1) deux apophyses : l’une, inférieure, est unie à celle du côté opposé par un arc de cercle; l’autre, supérieure (2), donne en dehors attache à l'angle postérieur de l’épimérite. 1 On le voit, les épisternites et les sterno-rhabdites manquent ; ils ne sont représentés par rien : on ne rencontre aucune pièce qui puisse être considérée comme leur analogue. C’est qu'ils ne se sont pas développés, et cette circonstance fait qu'ici on observe une inversion de rapports qui nous aidera à comprendre ce qui est arrivé dans les Acridiens. Ici c’est l’épimérite qui s'articule avec le sternite, et cela tout simplement parce que la pièce qui leur est intermédiaire ne se développe pas. Nous trou- vons une particularité due à ce fait dans la structure du sternite; il présente pour cette articulation deux apophyses, que nous ne _rencontrions pas dans les autres familles. Pourrait-on soutenir que la partie centrale dorsale de la base du sternite est le sternite lui-même , et que les parties latérales sont les épisternites ? Je ne le crois pas, pour cette raison que la ressemblance avec la partie analogue dans les Locustaires est absolue ; et que si nous décomposions ici cette pièce centrale, il n’y aurait pas de raison pour ne pas agir de la même manière dans les Locustaires, où l'on peut facilement séparer la pièce triangulaire dorsale, et l'arc inférieur de la base du sternite. D'ailleurs l'avortement d’un épisternite n’a rien qui puisse étonner, quand on considère les avortements qui arrivent dans le genre suivant, et surtout quand on observe que les parties latérales se développent moins fixe- ment que les parties tergales ou sternales. Grillio-Talpa.—Quand le zoonite ne présente pas tous les élé- ments, il se compose normalement du sternite et du tergite. Les zoonites de l’abdomen sont le plus ordinairement composés seu- lement de ces deux parties. Dans la Taupe-Grillon (3), les an- neaux voisins des organes génitaux restent à cet état de simplicité; il n’y a point de pièces latérales développées, partant point d’ar- mure proprement dite. Au-dessous de l'orifice de loviducte, on (4) PL. XI, fig. 9-40 d, (2) PI. XII, fig. 6. (3) PI. XI, fig. 6. 3* série. Zooz. T. XVII. (Cahier n° 4.) # 45 226 LACAZE-DUTHIERS, — ARMURE GÉNITALE trouve un sternite ; après lui on en trouve encore un, simple, peut- être même moins développé que les autres, et l’abdomen se ter- .mine comme nous l’indiquerons plus loin. C’est le cas le plus simple qui puisse exister. Forricuces, — Ici non seulement il n’y a pas d’armure (4), mais l'anus et le vagin sont très voisins l’un de l’autre, Le ster- nite qui les sépare encore dans la Taupe-Grillon disparaît, avorte. Dans ce dernier, l'abdomen était complet, chaque zoonite ayant un sterhite; ici il est incomplet, plusieurs sternites avor- tent. 11 ne faut pas prendre la pince qui termine l’abdomen des Forficules pour une armure ; elle dépend des éléments terminaux qu'il nous reste maintenant à examiner. En résumé , si nous récapitulons ce que nous venons d'étudier en détail, il est facile de voir qu'il existe cinq types principaux dans l'ordre des Orthoptères ; on peut les caractériser ainsi : PuemtEer Type. — Urite complet, composé du sernite et du tergite, des épisternites, épimérites, tergo-rhabdites et sterno- rhabdites. Les Locustaires sans exception , munies d’un oviscapte plus ou moins saillant, plus ou moins recourbé, les Mantides, les Blattaires, les Phasmides, se placent dans ce groupe. Toutefois les Phasmides, comme nous l’a montré l’Acrophylla chronus, n’ont qu’un sternite rudimentaire. | Deuxième Type. — Les Acridiens nous ont montré une ar- mure aussi complexe que les familles du premier type, avec cette différence que l’épimérite, par son chevauchement, changeaït les rapports des parties. Troisième TYPE. — Plus simple que les précédents , il est ca- ractérisé par l'absence de deux pièces du zoonite, les épisternites et les sterno-rhabdites. Les genres Grillus, Nemobius, Æchantus présentent celte sorte de dégradation de l’armure. Quarmème TYPE. — C’est le plus simple; avortement de la pièce latérale qui existait encore dans les Grillides. Forme des ter- gités et sternites analogue à celle des autres urites, Ex. : Grillio- Talpa. (1) PL XI, fig. 9. DES INSECTES, 227 - GINQUIÈME TYPE. — Avortement des pièces latérales et de tous les sternites, depuis la plaque sous - génitale jusqu’à l'anus, Les Forficules présentent cette disposition, C'est ainsi que la nature forme, tantôt une armure compliquée, tantôt un appareil simple, en fractionnant ou subdivisant les par- ties fondamentales d’un zoonite, en les soudant entre elles ou les faisant avorter. Il est facile, du reste, de reconnaître dans cette série des cinq types une tendance que j'essaierai maintenant de formuler. Les pièces fondamentales des zoonites sont le tergite et le sternite ; les pièces latérales avortent avant celles-ci parce qu’elles sont secondaires. Lorsque les pièces latérales avortent, l'épisternite (pour les Orthoptères, du moins) disparaît avant l'épimérite. Enfin des pièces fondamentales, le tergite est le plus fixe, le sternite avortant toujours le premier. $ HI. De l'abdomen des Orthoptères considéré dans son ensemble. — Jusqu'ici nous avons étudié l’armure génitale seule, abstraction faite de ses rapports avec l’anus, l’oviducte et l'abdomen, Main- tenant que nous connaissons sa structure, que surtout nous savons qu'elle est formée par les éléments d'un zoonite, considérons-la comme un seul segment, et voyons quelle est la composition de l'abdomen. Dans les Locustaires, j'ai dit qu'il était facile de compter onze segments ; que le proto-urite ne présentait que le tergite (1); que l'ennato-urite était représenté par l’armure; que l’hogdo-urite avait son sternite développé en forme de goutlière, à la face su- périeure duquel venait s’ouvrir l’oviducte ; que le décato-urite n'était représenté que par le tergite ; qu’enfin l’endécato-urite, assez complexe, présentait cinq pièces qui entouraient l’anus (2). Comparons à ce type les abdomens des autres familles, absolu- ment comme nous lui avions comparé les armures. (4) J'ai trouvé, en préparant une Locuste verle longtemps conservée dans l'alcool , un proto-sternite très évident. (2) PIX, Gg. 4-3. 298 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE Dans la Taupe - Grillon (1), on trouve onze urites tout comme dans la Locustaire, mais avec des différences importantes à noter. Le proto-sternite dans les deux cas avorte, mais l’hogdo-sternite ne présente plus de forme spéciale. L'ennato-urite, qui formait l’armure sexuelle, est ici un urite simple (2), composé d’un ter- gite et d’un sternite, uni par une membrane non interrompue avec l’hogdo-urite ; le décato-urite ne présente pas de sternite. C’est entre l’hogdo-sternite et l’ennato-sternite que s'ouvre l’ovi- ducte. Quant aux cinq pièces anales (3), elles se ressemblent assez dans les deux insectes que nous comparons. Elles sont plus distinctes et marquées dans la Taupe-Grillon. Avant de pousser plus avant la comparaison qui nous occupe, cherchons ce que sont ces pièces anales. En admettant ce fait que dans les Crustacés le dernier zoonite ne présente jamais d’ap- pendices, on serait tenté de considérer ces deux longs filaments de la Taupe-Grillon, et les deux filaments moins longs de la Lo- custaire, comme étant des décato-rhabdites, On pourrait appuyer cette manière de voir sur les articulations de ces filaments avec le décato-tergite(A), et en faire ainsi une dépendance du décato- urite. Ce qui paraît vrai dans les Orthoptères ne semble pas juste dans quelques autres ordres ; aussi je préfère les considérer comme appartenant au dernier zoonite, avec toute réserve ce- pendant ; on ne voit pas d’ailleurs pourquoi ce dernier zoonite abdominal serait privé d'appendices. On peut considérer ces deux filaments comme étant les épimérites de l’endécato-urite. L’en- décato-tergite (5) étant représenté par la plaque triangulaire placée au-dessus de l’anus, les deux plaques également triangu- laires placées au-dessous, si évidentes dans la Taupe-Grillon, où elles présentent les orifices de deux glandes anales , me parais- sent devoir être considérées comme le sternite divisé sur la ligne médiane, fait qui se rencontre fréquemment. Je ne crois pas qu'il (1) PI. XII, fig. 5. (2) PI. XIL, fig. 6, 9 s. (3) PL XIE, fig. 6-7. (8) PL. XII, fig. 7, (5) PL XI, 6g. 7, 44, 44p. DES INSECTES. 299 faille les considérer comme étant les endécato-épisternites, En indiquant dans quel ordre disparaissaient les éléments du zoonite, nous avons par cela même expliqué notre manière de voir tou- chant la nature de ces pièces terminales. Dans les Grillons, l'abdomen semble ne présenter que sept sternites, huit tergites, l’armure génitale et les pièces anales (1). En observant attentivement, on ne tarde pas à se convaincre que le proto-urite possède un proto-sternite à peine accusé par une légère cornéification, tandis que le proto-tergite s’unit au méta- thorax. La plaque sous-génitale est l’hebdo-sternite, et couvre la base de l’armure, qui semble suspendue aux huitième et neuvième tergites. Avec quelque attention on retrouve l’hogdo-sternite à la face supérieure de la plaque sous-génitale ; c’est un petit repli corné qu'il est facile de reconnaître , mais qui est très petit. Jus- qu'à l’armure génitale donc, le même nombre d'éléments compose l'abdomen desGrillons. Après l’ennato-urite, les pièces deviennent confuses; les trois pièces triangulaires, si nettement accusées dans le Grillio-Talpa, se soudent avec le décato-tergite. Les épi- mérites de l’endécato-urite sont très développés ; ils atteignent presque la longueur de Ja tarière. Dans les Mantides, les Blattaires, l'abdomen présente de nota- bles différences ; elles montrent combien les éléments peuvent , en se modifiant, donner naissance à des dispositions nouvelles. En apparence, lastructure de l'abdomen des Mantes et des Blattes est la même que celle du Grillon. Dans un cas comme dans l’autre, c'est l’hebdo-sternite qui forme la plaque sous-génitale (2); l’ar- mure est en rapport avec les hogdo et ennato-tergites ; enfin l'abdomen se termine par des pièces multiples, assez confondues et soudées entre elles ; mais dans le Grillon nous avons retrouvé . la plaque correspondant à l’hogdo-sternite au-dessus de la plaque sous-génitale. Ici il n’en est pas de même, et l'hogdo-sternite _ semble avorté. A la base de l’armure , entre les extrémités anté- » rieures des tergo-rhabdites, on trouve une pièce (3) que nous (1) PL XI, fig. 6. (2) PI. XI, Gg. 4; pl. X, fig. 7. (3) PI, X, fig. 8-0°. 230 LACAZE-DUTNIERS, — ARMURE GÉNITALE n'avons pas signalée en étudiant l’armure , et qui, lorsque nous commencions à étudier ces familles, nous embarrassait beaucoup. Elle était très difficile à faire rentrer dans la composition du z00- nite post-génital ; mais en considérant que l'hogdo-tergite che- vauche sur le neuvième , on est conduit à penser qu'il pourrait bien en être de même du sternite. Et, en effet, ces pièces parais- sent être les sternites correspondant aux tergites, qui s'unissent si intimement aux tergites de l’armure. Dès lors le type normal se reconstitue, avec une différence toutefois : l’oviducte, au lieu de s'ouvrir entre l'hogdo et l’ennato-urite, s'ouvre entre l'hebdo et l’hogdo-sternite, Dans le Mantis tessulata , le chevauchement du sternite est très remarquable ; on le retrouve presque comme partie constituante de l’armure. Dans les Blaberus, il est très considérable ; quant aux pièces anales, sauf quelques soudures, elles sontles mêmes. Ceci montre que l’oviducte peut s'ouvrir entre les différents zoonites qui terminent l'abdomen ; car dans le Grillon et la Lo- custe, c’est entre le neuvième et le huitième ; dans les Mantes et les Blaltaires, entre le huitième et le septième. Dans les Phasmides (1), on retrouve le type ordinaire. La plaque sous-génilale est formée par l'hogdo-sternite. Dans les Acridiens même chose; mais tandis que chez les Phasmes , et, en particulier, l'AÆcrophylla chronus, les deux épimérites de l’en- décato-urite présentent undéveloppement considérable, unetrans- formation en véritables folioles, chez les Acridiens (2) c’est à peine si on les retrouve sous forme de petits tubercules latéraux. Ici, de plus, tous les éléments du décato-urite et de l'endécato- urite sont soudés, et forment une sorte de corps pyramidal. Dans les Forficules, la terminaison de l’abdomen présente des différences bien plus considérables ; elles vont nous fournir l’oc- casion, dans l'étude qui nous reste à faire de ces insectes, de reconnaître et d'admirer cette tendance économique de la nature, qui, avant de créer de nouveaux organes, transforme, autant qu'elle le peut, les organes déjà existants, et les applique à de (1j PL X, fig. 42. N (2) PI XII, fig. 1 B DES INSECTES. 231 nouvelles fonctions. Nous avons déjà dit que plusieurs sternites correspondants à l’armure avortaient ; il semble qu'il en est de même de quelques tergites : quand on compte les anneaux (4) de l'abdomen, on trouve sept sternites , huit tergites et la pince caudale. Le premier zoonite est complet et bien développé, chose importante, comme nous le verrons plus loin. Quand on a enlevé les sept premiers urites (2), on n’a plus qu'un tergite épais, ro- buste et fortement corné, qui supporte les deux branches du for- ceps. À sa face inférieure , on trouve l’orifice de l'oviducte et l'anus, il n’y a pas de sternite; de chaque côté de l’anus et de l'oviducte (3), on voit une pièce latérale légèrement cornée: enfin, entre les deux branches du forceps et à leur base, se trouve une pièce carrée très forte : telles sont les parties dont il faut chercher a signification. D'abord ce tergite, qui est le huitième, présente deux sillons, deux dépressions parallèles à son bord antérieur, que Westwood avait remarquées , et qu'il avait considérées, avec juste raison, comme les indices de deux anneaux rudimentaires (On modern classification). J'ai eu la cer- titude que cette appréciation de Westwood était exacte ; car, en faisant bouillir cette pièce dans l'eau acidulée d'acide chlor- hydrique, qui respecte la partie cornée et dissout les membranes, j'ai pu désarticuler les anneaux rudimentaires, et arriver ainsi à reconnaître dans l'abdomen des Forfcules dix tergites au lieu de huit. Le dixième , habituellement si peu développé, prend ici un accroissement énorme dont nous allons voir la raison. Dès lors l'avortement des sternites porte sur les huitième, neuvième et dixième. Quant aux pièces terminales qui entourent l'anus, nous les retrouvons toutes. D'abord l’endécato-tergite est évi- demment cette pièce quadrilatère (4), forte, presque soudée avec le décato-tergite, que nous avons notée entre les branches de la pince. Évidemment les deux épimérites (5) de l’endécato-urite sont (4) PI. XII, fig. 8. (2) PI. XII, fig. 9, (3) PL. XUHE, fig. On, n, 444. (#) PI. XIE, fig. 9, 14. (5) PI. XI, Gg. 9 P P. 232 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE transformées ici en crochets aigus et forment les branches du for- ceps; enfin les deux pièces sous-anales (1), que nous avons dites être le onzième sternite, sont représentées ici par ces deux im- pressions cornées, latérales à l’anus et à l’orifice de l’oviducte. 11 n’y a de différence que dans les formes et un peu dans la posi- tion; les rapports sont les mêmes. Pourquoi l’anus est-il à la face inférieure? pourquoi les pièces terminales semblent-elles avoir cheminé vers l’oviducte? La raison en est évidemment dans les nouvelles fonctions des parties. D'une part, trois sternites avor- tent ; de l’autre, l’endécato-tergite se développe beaucoup, pour fournir une base solide aux pinces : il doit naturellement en ré- sulter un changement, car la partie dorsale se développe seule ; aussi se produit-il un mouvement d’incurvation , qui reporte en dessous et vers l’orifice génital l’anus et les deux plaques des endécato-sternites. Pour avoir une pince, un forceps, qu’a-t-il fallu faire ? Rendre résistants ces filaments si grêles et si longs des Grillioniens, les courber l’un vers l’autre, et insérer à leurs bases:des muscles adducteurs et abducteurs puissants. Tout cela existait ; il a sufñ d’enaccroîtreles proportions aux dépens des autres parties ; aussi voyons-nous ces huitième et neuvième zoonites à l’état rudimen- taire, tandis que le dixième est développé outre mesure. Ontrouve une preuve de plus de l’analogie des pinces des Forficules avec les longs filaments des Grillons, dans l’ouvrage si remarquable de l’entomologiste anglais que je citais plus haut. Westwood, en parlant des formes des pinces dans les différentes espèces , sans s'occuper des parties du scléroderme qui les forment, dit que dans les Eupleæoptera, comme il les nomme, on trouve des es- pèces rares qu’il possède, dont les pinces sont droites , longues et grêles. N’est-il pas évident que ces espèces font le passage entre celles qui ont une pince solide, courbée, et les Grillion- niens ? En résumé , l'abdomen des Orthoptères se compose de onze urites distincts, tantôt complets, tantôt en partie avortés. En par- M) PI, XI, fig. 9 n-n. DES INSECTES. 233 tant d’un type que l’on peut représenter par une figure théori- que (1), on peut se rendre facilement compte de toutes les mo- difications que présente l'ordre. En effet, on voit que le proto- urite, formé tantôt par un tergite et un sternite, manque souvent de sternite ; que son tergite se soude fréquemment au métatergite ou thorax ; que la plaque sous-génitale est formée, tantôt par l’hebdo-sternite, tantôt par l’hogdo-sternite ; que lorsque l’hebdo- sternite est sous-génital , l'hogdo-urite est couvert et caché par l'hebdo-urite ; que l’armure génitale, quand elle se développe, est formée aux dépens de l’ennato-urite dont les éléments primitifs prennent un développement considérable ; que le décato-urite ne présente qu'un tergile ; que l’endécato-urite, formé de cinqpièces, représente un urite, dont le sternite est bifide, dont les épimérites se sont allongés en forme de stylets ; enfin que, dans quelques cas, les hogdo et ennalo-urites restent rudimentaires , que leurs tergites seuls développés s'unissent intimement au décato-tergite, qui seul se développe beaucoup , pour donner attache aux endé- calo-épimériles courbés en pinces. Peut-être serait-il commode, pour les descriptions qui nous restent à faire, d'employer les noms de prégénital (2) pour le zoonite qui précède l’orifice de l’oviducte, et qui fournit la plaque sous-anale où mieux sous-génitale ; de post-génital (3) , pour celui qui suit.et dont les éléments forment l’armure ; enfin de préanal(l) et d'anal (5), pour ceux qui se rencontrent entre l’armure et Janus. S IV. Les armures génitales femelles des. Hyménoptères et des Orthoptères sont, avons-nous dit, composées sur un même plan; mais elles présentent des différences en rapport avec l'organisation propre à chacun des ordres, qu’il est utile d’ap- (1) PI. XI, fig. 43. (2) PI. X1, fig. 43, 8r, 8r. (3) PI.XI, fig. 43, 94, 94. (4) PI. XI, fig. 43, 406, 104. (5) PI. XI, fig. 43, 445, 44°, 234 LACAZE-DUTHIERS., — ARMURE GÉNITALE précier. Il est, en effet, curieux de voir comment, en partant de ce zoonite type primitif, la nature a fait ici un aiguillon de Guêpe, là un oviscapte de Sauterelle (4). Le sternite des Orthoptères est toujours plus complexe que celui des Hyménoptères. Les supports qui prolongent les lèvres de la gouttière dont il est creusé sont longs et grêles dans les Hyménoptères ; ils vont s’articuler à l’extrémité antérieure des “épisternites, en décrivant une courbure qui embrasse cette extré- mité. Dans les Orthoptères, au contraire , ils sont courts, droits, et unis entre eux par une pièce transversale. L’angle dorsal de la base du sternite, simple dans les premiers, porte dans les seconds une pièce triangulaire qui sert à de nouvelles articu- lations. Ces différences deviendraient bien plus considérables et mar- quées, si nous prenions les sternites des Phasmides , Mantides, ‘Blattaires et Acridiens. Ici, en effet, le sternite est une pièce médiane dont la forme s'éloigne beaucoup de celle des Orthoptères à oviscaptes complets, et par suite de celle des Hyménoptères. Les épisternites présentent une différence capitale, que l’on peut dire caractéristique. En effet , nous les avons toujours vus, quand ils existaient, formés par une seule pièce ; tandis que dans les Hyménoptères , toujours ils portaient un appendice , la valve du fourreau. En sorte que l’on peut se demander si cette longue pièce de l’oviscapte de la Locuste , par exemple , est seulement l’épisternite démesurément allongé, et protégeant le sternite sans pourtant lui faire un véritable fourreau ; ou bien si elle est l'épi- sternite, et son appendice le sterno-rhabdite , unis et confondus en une seule pièce. Dans l'une et dans l’autre hypothèse, la diffé- rence reste toujours très grande. Le tergite, l’épimérite et le tergo-rhabdite sont les pièces qui se ressemblent le plus ; aussi serait-il très difficile de dire en quoi elles diffèrent, par exemple, dans le Syreæ gigas, V Ephialtes ma- (1) Je ne puis renvoyer ici minutieusement à toutes les figures des armures des Orthoptères et des Hyménoptères, Pour les premiers, les fisures sont déja suffi - samment connues; pour les seconds , il serait utile de voir les planches publiées en 1849 et 1850 dans les Annales des sciences naturelles. DES INSECTES. 235 nifestator et le Decticus verrucivorus, ou le Grillus domesticus et V'Æchantus pellucens. Ges trois pièces, toujours réunies dans les figures, sont celles qui mettent sur la voie le plus sûrement, quand il s’agit de retrouver les analogies. Le mode d'union de ces parties présente des différences non moins grandes. Ces pièces terminales, de la base du gorgeret ou sternite, s’articulent avec les épisternites par quatre points ; aussi les mouvements de ces deux pièces l’une sur l’autre sont-ils très limités. Dans les Hyménoptères , l'absence de ces pièces est la cause d’un mode tout différent d’articulation. Toutefois on ren- contre comme le commencement de cette union dorsale du ster- nite avec l’épisternite, dans les Sirex, les Tenthrèdes; mais celte articulation se fait avec le bord inférieur de l’épisternite, et non avec son bord supérieur. Quant aux assemblages , ils offrent encore un caractère par- ticulier aux Orthoptères. En général, dans l’ordre précédent, les tergo-rhabdites ou stylets étaient plus ou moins enfermés dans le sternite , qui n’était protégé que par les valves de son fourreau ; aussi toujours ce qui frappait d’abord, c'était le gorgeret, le ster- nite, Ici c’est le sternite qui est caché, et les tergo-rhabdites, les épisternites qui sont apparents ; de plus, dans les Hyménoptères, jamais on ne voit les sterno-rhabdites contracter d’adhérences avecles autres pièces de l’armure. Ici c’est tout le contraire , des assemblages puissants unissent les épisternites et les tergo-rhab- dites. Il faut toutefois en excepter les Grillioniens , chez qui la tarière se présente absolument comme celle des Hyménoptères , dépourvue du fourreau des sterno-rhabdites, Du reste, ces assem- blages se font dans les deux ordres de la même manière. C’est le tergo-rhabdite qui fournit les mortaises où viennent se loger “les bords inférieurs des sternites ou des épisternites, Pour l'abdomen en général, nous allons trouver des diffé- rences notables. Le zoonite anal et le préanal n'existent pas chez les Hyménoptères ; toutefois je crois qu'il faut considérer comme en étant les représentants, des impressions cornées vagues à peine sensibles que l'on rencontre autour de l'anus. Quant aux deux tubercules auxquels Westwood attache beaucoup d'importance , 236 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE et qui sont insérés sur deux échancrures du tergite de l’armure dans les Tenthrédines et les Ichneumons , il me paraît incontes- table qu’ils sont les représentants de ces longs filaments de la Taupe-Grillon, que l’on retrouve si petits dans les Acridiens, si modifiés dans les Forficules. L’urite post-génital, celui de l’ar- mure, n’occupe pas le même numéro d’ordre dans les deux cas : le huitième dans les Hyménoptères, il est le neuvième dans les Orthoptères. Je crois qu'il n’y a qu'une fausse apparence due à des chevauchements. Les entomologistes sont tous d'accord sur ce point, savoir, que des éléments de l’abdomen viennent se souder aux éléments du métathorax chez les Hyménoptères; mais ils ne s'entendent pas sur le nombre : tantôt c’est un, tantôt deux, peut- être trois; et comme ces chevauchements sont très embarras- sants, Newport a proposé d'admettre une partie intermédiaire à l’abdomen et au thorax. C'est éluder la difficulté, ce n’est point la résoudre. Il me paraît plus naturel de considérer le proto-urite comme étant soudé dans les deux cas au métathorax, avec les particularités propres à chaque ordre; dès lors l’armure est for- mée par l’ennato-urite, et la différence qui existe entre les Ortho- ptères et les Hyménoptères est celle-ci : dans les uns, on retrouve le passage entre la soudure métathoracique ; dans les autres, la soudure est telle que le deuto-urite semble être le premier. Ce qui met hors de doute cette manière de voir, c’est que dans les For- ficules , on trouve un nombre égal de segments à celui que l'on compte chez les Acridiens, les Phasmides ; mais tandis que , dans les premiers, le proto-sternite est parfaitement développé et dis- tinct du métathorax, dans les seconds ils n’existent pas, et le “proto-tergite se remarque uni au métatergite. Dans les différents genres et espèces la démonstration est absolue; il n’y a qu’à chercher pour trouver tous ces passages intermédiaires. Du reste, ces considérations reviendront plus tard à la fin de ce travail. Enfin le zoonite prégénital n’aurait point de sternite dans les Hyménoptères, tandis qu’il en présente toujours dans les Ortho- ptères. Les parties molles offrent des analogies et des différences qui sont déterminées par les dispositions des parties solides ; mais il 2 ——— —— DES INSECTES. 237 en est une qu'il est curieux de noter : toujours entre l’armure et le vagin s'ouvre une glande, quelquefois plus d’une. Là elle est une glande vénifique ; ici elle est une poche copulatrice ou une glande sébifique : aussi tantôt s’ouvre-t-elle à la base du sternite, qui doit porter son produit dans la place qu’il fait; tantôt s’ouvre- t-elle plus avant, afin d’invisquer les œufs à leur passage. Quant l'oviscapte n'existe pas, c’est sur le côté dorsal de l’oviducte, près de son orifice extérieur, qu’elle s’ouvre, comme cela se voit dans le Grillio-Talpa. S V. L'oviscapte pourrait-ilservir à caractériser les grandes divisions très naturelles de l'ordre des Orthoptères ? — I est positif que la tarière d’un Grillon diffère essentiellement de celle d’une Locuste ; que l’une est caractéristique de la famille des Grillioniens, que l’autre est caractéristique de la famille des Locustaires : de telle sorte que l’une des armures étant donnée, on peut dire qu’elle appartient à telle ou telle famille. Il serait donc possible de tirer des caractères de cet organe, non pas qu’on pût, par exemple, diviser les Orthoptères en deux groupes : ceux qui portent une tarière, un oviscapte complet ou modifié , et ceux qui en sont to- talement dépourvus; car le genre Grillio-Talpa, que tout rap- proche des Grillons, n’en a pas. Mais du moment que l’armure se constitue , elle présente des caractères plus saillants qu’elle ne le faisait pour les Hyménoptères. Ainsi les Acridiens ont une ar- mure que rien ne peut faire confondre avec celle des autres fa- milles. Les Mantides ne ressemblent pas aux Blattaires , ceux-ci diffèrent des Phasmiens ; quant aux Forficulaires , ils sont aussi éloignés des autres Orthoptères par leurs zoonites génitaux que par l’ensemble de leur organisation. Je crois donc que la compo- sition des urites prégénilaux et post-génitaux , telle qu’elle a été indiquée dans ce mémoire, pourrait fournir des caractères qu’il æerait bon de joindre à ceux déjà connus, On pourrait les formuler ainsi : Locusranes. —Plaque sous-génitale formée par l’hogdo-sternite. — Urite post-génilal où ennalo-urite complet. Ses éléments déve- 238 LACAZE-DUTHIERS, —— ARMURE GÉNITALE loppés forment un oviscapte plus où moins saillant, composé en apparence de six éléments, Ennalo-sternite bifide. GriLuioniens, 1° type. — Plaque sous-génitale formée par l'hebdo-sternite. — Hogdo-urite rudimentaire caché sous l’hebdo- urite, — Urite posl-génital, ennalo-write incomplet, Ses éléments développés prennent la forme d’une tarière solide et résistante , présentant en apparence quatre éléments. Le médian ennato- sternite bifide ; ennalo-épisternile non développé. 2e type. — Plaque sous-génitale formée par l’Aogdo-sternite, — Urite post-génital ; ennato-urite incomplet composé du sternite et lergite, qui ont la même forme que dans le reste de l'abdomen. ManwrIdes. — Plaque sous-génitale formée par l’hogdo-sternile. — Urite post-génital, ennato-urite complet. Les éléments peu développés dépassent à peine la plaque sous-génitale ; les deux épisternites, distincts, enferment entre eux un très petit sternite. Ils sont unis l’un à l’autre par leur bord inférieur à l’aide d’une bandelette cornée. Chevauchement de l’hogdo-sternile , qui vient se placer entre l’orifice de l’oviducte et l’armure, Paasmipes, — Plaque sous-génitale formée par l'kogdo-ster- nite très développée, courbée en haut. — Urite post-génilal incomplet ; avortement de l’ennato-slernile, qui n’est représenté que par un repli membraneux, Brarraires, — Plaque sous-génitale formée par l’Aebdo-sternite bilobé à son extrémité libre. — Urite posl-génital complet; ennalo-sternile petit, logé entre ces deux ennalo-épisternites sou- dés en une seule pièce annulaire, Chevauchement de l’hogdo- sternite, qui vient se placer à la base de l’armure, entre elle et l'orifice de l’oviducte. ACRipiens, — Plaque sous-génitale formée par l’hebdo-sternite. — Urite pos!-génilal, ennatourile complet. Chevauchement de l'ennato-épimérite, qui devient interne ; articulation de l’ennato- tergite avec les épisternites. T'ergo-rhabdites composés de trois pièces secondaires unies entre elles. Pas d'assemblage entre les tergo-rhabdites et les épisternites. FORFICULAIRES, — Plaque sous-génitale formée par l’hebdo- sternite, — Urites post-génilaux ; hogdo-urile et ennato-urile en A DES INSECTES. 239 partie avortés, et représentés seulement par deux arcs-cornés intimement soudés au décato-tergile fort développé. ÆEndécato- rhabdites développés et modifiés en forme de pince. 8 VI. Comment agissent les instruments dont nous venons d'apprendre à connaître l’organisation ? —Dans les Forficulaires et les Taupes- Grillons, la ponte des œufs doit être très simple, puisque l’ovi- ducte se termine sans appareil spécial, Dans les autres familles, les armures génitales sont tantôt capables de pénétrer les corps, et tantôt incapables de remplir cette fonction ; aussi leur mode d'action est-il différent. Je dois dire que, pour avoir une connaissance parfaite du jeu de ces organes, il serait utile de faire de longues observations sur les animaux au moment où ils déposent leurs œufs. Cette étude, longue et difficile, peut se faire plus facilement et avec plus de fruit maintenant que la disposition des organes spéciaux est connue, Dans les Locustaires, quelle est la pièce qui pénètre la première? Il est quelques Dectiques, le griseus, quelques Phanéroptères, les Acanthodes, les Pseudophylles, les Ptérochrozes, dont le bord infé- rieur du tergo-rhabdite et le bord supérieur du sterno-rhabdite sont garnis de dents peu prononcées dirigées en avant ou en ar- rière. Il est douteux que ces dents soient suffisantes pour inciser des parties dures : elles sont plutôt mousses que tranchantes et acérées; aussi ne doivent-elles pas jouer un rôle bien important pendant l’action de l’armure; elles ont néanmoins une action, mais une action très faible qui ne peut nous faire pressentir la- quelle des parties fraie la voie aux autres. Dans les cas où l’ovi- scapte est courbé, il est de toute évidence que les tergo-rhabdites sont les premiers à pénétrer; dans les autres cas, il doit en être de même: car, ainsi que les représentent les auteurs, les Locus- taires abaissent leur oviscapte, les rendent perpendiculaires à la direction de leur corps, pour l’introduire en terre. Dans ce mou- vement, les tergo-rhabdites sont repoussés par le reste de l'ar- 210 LACAZE-DUTIHIERS. — ARMURE GÉNITALK mure ét dépassent son extrémité; on n’a qu'à abaisser fortement l'oviscapte, pour apercevoir ce mouvement des tergo-rhabdites, Du reste, en se rapportant à l’anatomie de ces pièces, on recon- naît que les tergo-rhabdites sont les pièces qui jouissent du plus de mobilité; il est donc probable qu’ils pénètrent les premiers, mais leur action est très limitée. Le sternite est trop grêle, trop faible pour avoir une action bien efficace. Quant aux épister- nites, ils sont si fortement unis à la base du gorgeret, ou sternite, que les mouvements qu’ils peuvent exécuter sont à peine sensi- bles. Quand on examine l’oviscapte d’une Locuste vivante, on en voit les éléments se mouvoir avec beaucoup de rapidité dans des directions différentes ; les assemblages en coulisse qui les unis- sent permettant un glissement qui s'exécute avec beaucoup de facilité. Mais c’est tout au plus si l’extrémité des tergo-rhabdites dépasse celle des épisternites ; aussi est-on porté à croire que cet instrument s’insinue plutôt qu’il ne perfore en faisant un véritable trou. Du reste , les formes de l’oviscapte des Locustaires sont très variables, les dentelures sont très différentes ; aussi doit-il y avoir une grande variété d'action. Ainsi l’oviscapte des Acanthodes, de l'A canthodis aquihina en particulier, est très développé; celui des Pseudophyllus (P. nertifolius ) l’est de même avec une forme un peu différente. Dans les deux cas c’est l’épisternite qui a pris ce grand développement ; le sternite est filiforme ct le tergo-rhab- dite très étroit. Le premier porte des dents dirigées en avant, et dans le second elles le sont en arrière. N’est-il pas évident , par exemple, que l’oviscapte des Pterochroza ocellata doit agir d’une tout autre facon que l'organe lamellaire des Acanthodes? Son extrémité rappelle, par sa résistance, ses stries , ses dentelures, par le volume égal des tergo-rhabdites et des épisternites, la tarière des Grillons. Il n’est pas douteux que les œufs n'arrivent dans le lieu où ils doivent être déposés en glissant entre les valves de l’oviscapte ; la disposition de la plaque sous-génitale favorise leur introduction entre ces deux valves, que l’animal peut, du reste, écarter à vo- lonté. Remarquons que, lorsque l’écartement à eu lieu, les lobes du sternite jouent le rôle de ressort et rapprochent les valves. DES INSECTES. 211 Du reste, ces mouvements longiludinaux rapides et peu étendus des éléments de l’oviscapte doivent faciliter le glissement des œufs. Dans les Grillioniens pourvus de tarière, le sternite est très développé ; il doit donc y avoir quelque différence dans l’action, Les tergo-rhabdites pénètrent les premiers ou simultanément avec les lobes des sternites. Dans le Grillus domesticus (1) l’un et l’autre sont acérés, leur longueur est la même ; mais ils limi- tent réciproquement leur mouvement par des dilatations que portent leurs extrémités. L’Æchantus pellucens présente une tarière dont le mode d’ac- tion me paraît difficile à bien saisir. Les lobes du sternite (2) sont très obtus à leur extrémité, et couverts de dents et de crochets di- rigés en avant ; on ne peut, quand on les considère, leur accorder la faculté de pénétrer les corps. Quant aux tergo-rhabdites , ils sont plus acérés, et dans des conditions telles qu’ils peuvent per- forer. Mais ils sont unis ensemble sur la ligne médiane par un assemblage assez solide , en sorte que leur action doit être simul- tanée ; toujours est-il évident que c’est eux qui doivent pénétrer avant les sternites. Les pièces de l’armure des Acridiens n’ont et ne peuvent avoir qu’une espèce de mouvement : unies par des membranes, elles ne peuvent s’écarter latéralement ; mais entièrement libres de haut en bas, elles peuvent s’éloigner beaucoup dans ce sens. Les puis- sances appliquées à produire ce mouvement sont extrêmement grandes ; la forme de l’apophyse produite par l’'épimérite rentré nous l'indique. Le mode d'insertion des fibres musculaires con- court à favoriser le jeu des pièces ; l’écartement peut être tel que souvent on rencontre des Acridiens conservés dans l'alcool dont les tergo-rhabdites semblent être le prolongement des épister- nites. Quand le moment de la ponte est venu, l’insecte introduit les extrémités crochues de son armure dans les fissures du lieu qu’il à choisi ; la direction même des courbures de l'organe fait (4) PI. XI, Gg. 41. (2) PI. XI, Og. 42 f. 3° série, Zoo, T. XVII. (Cahier n° 4.) 4 16 2h12 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE que pendant l’écartement il reste fixé ; aussi, grâce aux puis- sances musculaires, la fissure est-elle bientôt suffisamment agran- die. Dans quelques cas les cavités peuvent être creusées directe- ment ; l’insecte incurve en bas l’extrémité de son abdomen, et fixe solidement ses tergo-rhabdites : il se place ainsi dans des conditions telles que la force qui écartait les pièces inférieures des pièces supérieures a pour effet de redresser celles-ci. Dans ce mouvement l’extrémité abdominale décrit un arc de cercle de bas en haut dont le centre est à l'articulation de l’épimérite. Si les épisternites rencontrent devant eux des obstacles, ils les soulèvent par une espèce de fouissement. Cerlainement en répé- tant plusieurs fois ces mouvements, l’Acridien arrive à creuser une dépression propre à recevoir les œufs. Dans les PBlattes, les Mantes, les Phasmides , l'oviscapte ne peut pénétrer les corps. Il n’en étail d’ailleurs pas besoin. Les organes mous peu résistants dont ces animaux sont munis me pa- raissent propres à diriger les œufs, à faciliter leur fécondation et le dépôt de cette matière spéciale dont ils sont entourés , qui forme en se desséchant ces coques , ces nids singuliers caractéristiques des trois familles. Souvent , dans les Phasmides que j'ai pu étu- dier, j'ai recueilli des œufs retenus entre les sterno-rhabdites et les épisternites. Si l’on observe que c’est entre ces pièces que s’ou- vrent la poche copulatrice et les glandes sébifiques, on compren- dra que le retard apporté à la marche des œufs devant ces ori- fices favorise les actes physiologiques que j’indiquais. De plus, les pièces de l’armure forment un véritable canal, et dirigent les germes dont le dépôt régulier s’effectue avec plus de facilité que lorsque l’abdomen se termine simplement. Il ne me reste qu'un mot à dire sur les Taupes-Grillons et sur les Forficules, Les œufs doivent tomber de l’abdomen, et être déposés là où se trouve l’orilice de l’oviducte. Il ne serait pas im- possible que les Forficules se servissent de leur pince pour fixer leur abdomen pendant la ponte, qui doit se faire sans au- cune autre particularité, puisque l'armure manque. DES INSECTES. " 243 $ VIL Hislorique.— Pour terminer ce qui a {rait à l’armure génitale femelle des Orthoptères, je dois dire quelles recherches antérieures avaient élé faites à son égard, et quels renseignements il m'a été donné de puiser dans les livres, Comme pour les Hyméno- ptères, je me suis placé à un point de vue tout différent de celui où se sont placés les auteurs qui ont écrit à ce sujet. Je n’ai pas considéré seulement la partie saillante de l’oviscapte, je l'ai étu- dié dans ses rapports avec ses parties basilaires , et dans ses rap- ports généraux avec le reste de l'abdomen, Aussi les résultats auxquels j'ai été conduit sont-ils bien différents de ceux auxquels sont arrivés les entomologistes peu nombreux qui s’en sont occu- pés. Les travaux faits sur les oviscaptes des Orthoptères sont moins nombreux que ceux auxquels ont donné lieu les aiguillons et les tarières. Néanmoins des erreurs considérables se sont glis- sées dans les apprécialions : il est, je crois, utile de les relever. Il est un auteur que l’on regrette de voir muet sur les mœurs des Orthoptères ; ses observations , empreintes d’un cachet de vérité si constant, eussent pu nous. aider à saisir plus facilement l’organisation et le jeu des parties. Réaumur ne s’est point dans ses mémoires occupé de cet ordre. . Burmeisler et Westwood sont les deux auteurs qui donnent le, plus de détails sur l'abdomen ou les armures des Sauterelles; c’est surtout des travaux de ces auteurs que je vais m'occuper. _ Burmeister. — Dans son Manuel d'entomologie (traduction anglaise), cet auteur classe les oviscaptes en trois espèces : il place les organes des Orthoptères dans la seconde, les vagina bivalvis. Quand le développement est le plus complet, il se com*,. pose d’un tube en forme de sabre courbé en haut, dans lequel l'oviducte s'ouvre, et qui a deux valves, La valve interne corres- pond au dernier anneau de l’abdomen. Kirby et Spence ont mentionné six pièces; mais Burmeïster n’a jamais rien vu de pareil. Dans les Grillus (les Acridiens des Français), au lieu de ce vagin saillant, on observe quatre prolongements courts et 2h LACAZE-DUTHIERS, — ARMURE GÉNITALE gros. Les inférieurs mobiles s’articulent avec les supérieurs soli- dement fixés aux téguments de l'abdomen. Une apophyse interne sert à l'insertion des muscles qui les meuvent. L’orifice du vagin se place entre les deux appendices supérieurs, et l'anus au-dessus des supérieurs. On peut comparer ces appendices inférieurs et mobiles aux deux valves du vagin bivalve des Locustes ; les deux supérieurs aux appendices contigus à l'anus, Nous trouvons ici des comparaisons qui sont toutes entachées d’erreurs. Ces erreurs tiennent à ce que toujours l’analogie n’a été recherchée que pour les pièces saillantes, tandis que nous l’avons vu, le meilleur moyen de ne pas s’égarer dans ces re- cherches était de partir des pièces fondamentales développées le plus régulièrement, D'abord, cette manière de s'exprimer, le vagin se prolonge, n’est pas exacte; elle semble indiquer que les oviscaptes ne seraient que la prolongation cornée des der- nières parties de l’oviducte. L’armure n'appartient pas, comme on a pu le voir, à l’orifice vaginal. Pour les Acridiens, il y a erreur : le vagin ne se place pas entre les appendices inférieurs ; il est intimement uni à la face supérieure de la plaque sous- génitale (1) ; il ne pourrait d’ailleurs se placer entre ces pièces, puisqu'elles sont unies entre elles, et qu’une glande s’ouvre sur la membrane de jonction (2). L'erreur la plus grande est celle-ci : les deux pièces supérieures de celte armure seraient les analogues des deux stylets qui termi- nent l'abdomen des autres Orthoptères, et qui, dans les planches jointes à ce mémoire, sont notés par la lettre P. En laissant l’er- reur de comparaison, d’analogie, il y a une erreur anatomique. On peut voir sur les Acridiens (3) les rudiments tuberculeux des stylets dont il est question ; dès lors ces deux pièces supé- rieures de l’armure ne peuvent être leurs analogues, C’est là une (1) Voyez les planches relatives aux Acridiens. Dans l'Acridium dur, on trouve l'orifice de l'oviducte tout près et fixé par sa paroi inférieure à la plaque vers son échancrure médiane qui porte une sorte d'épine : la séparation entre l'armure et le vagin est donc très grande, (2) PI. III, Gg. 4, 4. (3) PL HE, fig. 1 P. DES INSECTES. 245 erreur des plus grandes, et elle se trouve développée; car, dit l’auteur dans un cas, ces pièces font partie intégrante du vagin, - tandis que dans l’autre elles sont placées à côté de l’anus. L'auteur compare ces pièces avec celles des Diptères, qui por- tent aussi un vagin bivalve; mais nulle part il ne touche les ques- tions de savoir quels rapports ont l’oviscapte et le reste de l’ab- domen, quelle est la valeur des pièces qui le composent. W'eshwood. — Dans son ouvrage sur la classification des In- sectes, cet auteur s’occupe de l'abdomen et des organes génitaux externes des familles que nous venons d'étudier. On n’y trouve pas la description générale ou particulière d’un oviscapte. La ques- tion qui semble avoir attiré son attention est celle qui à trait à la composition de l’abdomen; aussi entre-t-il dans quelques détails à propos de ses Zuplexoptera, qui correspondent aux Forfcu- laires. Il dit (4) que l’oviscapte des Gryllidæ (nom que les ento- mologistes ‘anglais donnent à nos Locustaires) est composé de plusieurs pièces aplaties variables pour la forme et la longueur, appliquées les unes contre les autres pendant le repos, mais que l’Insecte peut écarter pour permettre le passage d’un œuf entre elles. Dans les dessins qui précèdent l’histoire de cette famille (2), l’auteur représente les six éléments réunis ou séparés; quant à leurs relations, à leurs rapports avec les parties qui les suppor- tent, il n’en est pas question; il note les deux appendices (pro- cess) voisins de l’anus. La question des analogies n’a pas été touchée. Dans l’histoire des Locustidæ, qui correspondent à nos 4cri- diens, on trouve que les femelles sont dépourvues d’un oviscapte allongé et saillant, que le segment terminal du corps est muni de quatre appendices courts, coniques, cornés, qui repré- sentent les parties de l’oviscapte des Gryllidæ. Dans la partie générale qui précède l'histoire des Orthoptères, on trouve encore (4) que les appendices qui terminent l'abdomen man- (1) On modern classification, vol. H, p, 453. (2) 14., fig. 55-12, (3) 1d., vol. I, p. 657. (4) Zd., vol. I, p. 440. 1 246 LACAZE-DUTHIERS, — ARMURE GÉNITALE quent dans les Locustides. Ici nous trouvons une comparaison sans démonstration : nous avons vu que le rapprochement entre les armures des Locustaires et des Acridiens était le plus diffi- cile ; et peut-être les entomologistes qui s’occuperont de la ques- tion ne seront-ils pas d'accord avec nous sur la nature de cette apophyse musculaire, L'auteur ne donne pas les raisons qui le portent à admettre ces analogies: toutefois les résultats auxquels nous sommes arrivé sont conformes à ceux formulés par M. West- wood, et l’appréciation portée par cet illustre entomologiste se- rait pour nous l’assurance que nous sommes dans le vrai; mais il est un point qui n’est pas d'accord avec ce qui a été dit plus haut; le segment terminal porterait l'armure, et serait dépourvu des soies (process) des appendices voisins de l'anus. Il a été dé- montré (1) que les éléments terminaux de l'abdomen, unis en- semble, formaient une pyramide en arrière de l’armure, que celle-ci était unie au neuvième anneau, et que les soies ou appen- dices étaient rudimentaires en forme de tubercules, L’oviscapte des Achetidæ (Grillioniens des entomologistes fran- çais) est signalé dans les figures (2); il y est montré composé de quatre éléments, mais il n’est pas décrit. Pour les Blattidæ ou Blattaires, l'auteur, sans entrer dans plus de détails, nie qu’il existe un forceps , comme l'avait avancé M. Curtis (3). C’est un épais- sissement des membranes qui s’étend entre les appendices termi- naux et qui relient ainsi la capsule (il est question de la Ponte). Ici se trouve une erreur que Curtis n'avait pas faite puisqu'il parlait d’un forceps; bien certainement le mot était fautif, mais il indiquait que cet auteur avait aperçu l’armure. Ainsi non seu- lement il existe une armure niée par M. Westwood (but the insect is furnished with no such instrument), mais encore les membranes ne s'étendent pas entre les appendices terminaux. On ne trouve aucun renseignement sur la famille des Man- tides ; quant aux Phasmides, ce seraient les appendices terminaux qui, ayant pris la forme de plaques inarticulées , serviraient à (4) PI. XI, Gg. 1, etc. (2) Loc. cit., fig. 54-1, (3) Id, p. 520. DES INSECTES, 2h17 déposer les œufs ; dans les espèces de l’Australie elles acquièrent une grande longueur (1). La figure qui accompagne le texte est identique avec celle qui a été donnée dans ce mémoire (2); elle montre au-dessus de la plaque sous-génitale les éléments de l’ar- mure, et l’on ne comprend pas pourquoi l’auteur attribue le dépôt des œufs à ces longues folioles, Restent enfin les Forficulaires, séparés des Orthoptères sous le nom de Æuplexæoptera. Ici l’auteur se livre à une discussion appro- fondie sur le nombre des segments, comme il les appelle, qui composent l'abdomen dans le mâle et dans la femelle, Il admet (3) que les deux stries ({woslight transverse impressions), présentés par le dernier segment abdominal de la femelle, sont les représentants de deux segments bien développés chez le mâle, Aussi a-t-il, avec juste raison, rapporté au type primitif la composition de l'abdomen des Forficules. Quant aux pinces, il ne les compare pas aux filaments terminaux de l’abdomen ; il dit seulement qu’elles peuvent être un instrument d’atlaque ou de défense, En résumé, Westwood n’a pas étudié séparément l’armure des anneaux terminaux de l'abdomen ; aussi les a-t-il quelquefois confondus. Les descriptions qu’il donne sont fort incomplètes ; on n’y rencontre d’ailleurs aucune comparaison générale , aucune recherche touchant l’origine des pièces qui composent l’ovi- scapte. M, Léon Dufour, dans son travail sur l'anatomie des Ortho- ptères (4), n’a donné aucune description de l’oviscapte des Sau- terelles ; il décrit toutefois les pièces que l’on rencontre à l’extré- milé de l'abdomen des femelles des Mantides. J'aurai l'occasion, à propos des Hémiptères , de faire voir que cet auteur cherche surtout à comparer les pièces copulatrices femelles aux parties génitales externes des animaux supérieurs ; aussi dit-il que les deux panneaux ou pièces lalérales qui cachent la dernière plaque (4) 14, p. 831. (2) 1d., fig. 53-7, (8) Loc. oit., vol. 1, p. 402 et euiv. (4) Recueil des mémoires des savants étrangers, 1841, t. VII, p.366, 28 LACAZE-DULRIERS. — ARMURE GÉNITALE abdominale constituent les grandes lèvres, Il ajoute: « La paire la » plus intérieure des pièces copulatrices occupe le centre du fais- » ceau, et me paraît devoir remplir les fonctions d’un oviscapte. » C’est évidemment le sternite qui se trouve désigné dans cette des- cription. Il devient dès lors manifeste que l’auteur n’a pas songé à comparer la totalité de l’armure de la Mante à l’oviscapte d’une Locustaire. Le peu de chose qui a été écrit sur le sujet qui nous occupe est très difficile à comprendre. Cette citation du travail de M. Léon Dufour en fournirait la preuve s’il était besoin, car on y trouve une seule pièce assimilée à un organe très complexe. Il y a d’ailleurs dans ce travail quelques erreurs. La plaque sous- anale n’est pas la dernière de l'abdomen ; elle est la septième, et nous avons trouvé quatre zoonites après elle. L’oviducte s'ouvre à la face supérieure de cette plaque, et non entre les éléments de l’armure. M. Léon Dufour a reconnu et décrit les pièces de l’armure des Mantes, sans les comparer aux autres armures de l’ordre : c’est à cela qu'il faut attribuer les quelques erreurs que je viens de citer. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE X, Fig. 1. Profil de l'abdomen du Dicticus verrucivorus, montrant le nombre de zoonites. | Fig. 2. Armure génitale femelle du Dicticus verrucivorus ; tous les éléments sont écartés. b, ennato-tergite (écaille anale); e, ennato-épimérite ; à, ennato- tergorhabdite (stylet); f, ennato-sternite (gorgeret); dg, supports et pièce triangulaire du sternite, qui servent à ses articulations avec les pièces laté- rales ; a,a”, ennato-épisternite et ennato-sterno-rhabdite confondus (écailles !_ Jatérales, valves du fourreau). — Cette figure a pour but de montrer les élé- ments de l'armure et leur union; toutes les pièces sont vues par le dos. J'em- ploie la même notation que pour les Hyménoptères, afin que, dans la compa- raison des deux ordres, il soit plus facile de reconnaître les pièces analogues. Fig. 3. Les mêmes pièces vues de profil : de plus, les rapports de l'oviducte o et du rectum R ont été conservés, ainsi que ceux des hogdo, décato, endécato- urites, marqués 81,8, 10!, 141, — Cette figure donne une idée très exacte du DES INSECTES, 2h9 mode d'union des pièces entre elles, et de l'armure avec le reste de l'abdo- men ; elle montre aussi très bien ce que j'ai appelé zoonite pré-anal et anal prégénilal et postgénital. Fig. 4. Sternite (f). épisternite {a a’), épimérite (c), vus en dessous. — Cette figure a pour but de bien montrer les rapports des articulations du sternite avec les épisternites. Fig. 5. Portion tergale de l'armure. L'épimérite(c), le tergo-rhabdite (i), le ter- gite (b). — Ces trois pièces dans la série des figures sont les plus faciles à comparer. Fig. 6. Extrémité de l'oviscapte, vue par la face intérieure pour montrer les rapports d'assemblage des trois pièces qui composent la valve. Fig. 6’. Coupe perpendiculaire à son axe de l'oviscapte, pour montrer le mode d'assemblage. Fig. 7. Abdomen de la Mantis tessellata, dont les urites sont numérotés. Fig. 8. Profil de l’armure génitale, — Cette figure montre les rapports intimes de l'hogdo-urite, noté 84, 8,, avec l’armure. L'hogdo-sternite, que nous avons dit chevaucher, se remarque en avant de l'armure entre les extrémités anté- rieures des tergo-rhabdites. Fig. 9. Épisternites isolés. a!” est l'arc de cercle corné qui unit les deux épi- sternites entre eux ; 8 est l'hogdo-sternite vu de profil. Fig. 10, Tergite, épimérites et tergo-rhabdites. En avant du tergo-rhabdite, on rencontre une pièce surnuméraire (0). — Les tergites 9,8 sont conservés pour montrer leur union. Fig. 411, 14/. Sternite vu de face et de côté, pour montrer la différence de sa forme avec celle des Locustaires; k, partie articulaire qui le réunit aux épi- sternites. Fig. 42. Abdomen de l'Acrophylla chronus, La plaque sous-anale a été écartée pour montrer la position de l'armure. Fin, 43. Profil ensemble de l'armure dont les lettres font reconnaître les parties en f. J'ai marqué ce pli, qui a été reconnu comme rudiment du sternite. Fig. 44. Épisternite et sterno-rhabdite. Fig. 45. Tergite, épimérite, stergo-rhabdite, PLANCHE XI. Fig. 1. Abdomen de la Zlatla americana. Fig. 2. Armure géritale vue dans son ensemble; les parties sont dans une position forcée, dans le but de montrer leurs rapports et leurs connexions. — Les pièces sont vues par le dos, deux tergites coupés ont été conservés pour montrer leur union avec l'armure. La notation me dispense d'entrer dans plus de détails. Fig, 3. Tergite, épimérite et tergo-rhabdite. 250 LACAZE-DUTHIERS, ARMURE, GÉNITALE, ETC, Fig. 4. Épisternites réunis;en une seule pièce; sur la ligne médiane, on aper- çoit une petite pièce triangulaire qui sert à leur articulation avec le sternite. — La partie (a) me paraît représenter l'épisternite proprement dit, et la par- tie (a’) le sterno-rhabdite, Fig. 5, 5’. Le sternite vu de face par le dos et de profil ; # est la partie osseuse qui s'articule avec les épisternites. Fig. 6. Abdomen du Grillus domesticus. Fig. 7. Partie terminale de l'abdomen, Fig. 8. Pièces tergales séparées. Fig. 9, Base du sternite; g, appendice triangulaire médian dorsal; 4, are antérieur unissan£ les deux supports d; d/, apophyse d'articules des épimé- rites. Fig. 10. Idem, vu de profil. Fig. 41, Vue latérale de l'extrémité de la tarière du Grillus domeslious, pour montrer la forme et les dilatations des deux pièces qui la composent. Fig. 12. Vue latérale de l'extrémité de la tarière de l'Æchantus pellusens, pour f: montrer combien sont obtus le sternite et les dents qui le couvrent. Fig. 13. Résumé théorique des rapports, de la composition, du nombre des par- ties de l'abdomen et de l'oviscapte. Les numéros et les leltres suffisent pour expliquer cette figure. Fig. 14. Coupe théorique de l'armure la plus complète, — Locustaire. Fig. 15, Coupe théorique do l'armure de l'Acridien; l'épisternite est reslé en dedans. | Fig, 46. Coupe théorique de l'armure du Grillus. — Absence des épisterniles, Fig. 47. Coupe théorique de l'armure de la Taupe-Grillon. — Absence des épisterniles et des épimérites. Fig. 48, Coupe latérale de l'armure d’un Forfcule, — Absence des sternites, des épimérites, des épisternites. PLANCHE XII. Fig. 4. Abdomen du Porthelis elephas. Fig. 2. Ensemble de l'armure; les pièces assez écartées pour laisser voir les rapports de l'oviducte.— Ceslignes poneluées indiquent la direction des muscles qui des épimérites (c)se rendent aux tergo-rhabdites (i) et aux épisternites (a a’). Fig. 3. Armure, vue par sa face inférieure; ces tergo-rhabdites ont été en- levés, Fig, 4, 4’, Les tergo-rhabdites, vus par leur face inférieure (4), montrent l'ori- fice de la glande sébifique et les trois pièces composantes; vus par la face dorsale ( 4’), ils montrent une partie de la glande, Fig. 5. Abdomen de la Taupe-Grillon. Fig. 6. Terminaison de cet abdomen montrant le décato-urite simple, composé .H. AUCAPITAINE, — TESTACELLA MAUGEI. 251 d'un tergite ; l'ennato-urite ou prégénital également simple; l’endécato-urite est formé du sternite, du tergite et des rhabdites. Fig. 7. Endécato-urite et décato-urite de la Taupe-Grillon, —On peut facilement voir ici les cinq pièces qui composent l'endécato-urite, Les deux antérieurs sont les représentants du sternite bifide. —- Les deux longs filaments P, bien que s'articulant avec le décato-lergile, me paraissent être les endécalo-épimériles ou endécalo-rhabdites. Fig. 8. Abdomen femelle de la Forfcule auriculaire qui montre le proto-urite aussi développé que les autres. Fig. 9. Huitième segment terminal de l'abdomen de la Forficula auricularis, vu par la face inférieure, et montrant (St, 91) les rudiments des hogdo-urites et ennato-uriles unis au décatc-tergite. La pièce quadrilatère placée entre les pinces est le tergite de l'endécato-urite ; les pièces (n,n) sont les analogues des deux pièces que nous avons considérées dans la Taupe-Grillon comme étant le sternite divisé en deux. Les branches du forceps P sont les analogues des filaments que, dans la série des abdomens, on trouvera marqués P, NOTE SUR L'EXISTENCE DE LA TESTACELLA MAUGEI (DE TÉNÉRIFFE).EN FRANCE, Far M. Herr: AUCAPITAINE, Le genre Testacella, de Cuvier, représenté en France par le €. kalio- tideus, Larwk., a pour type la €. Maugei de l'ile de Ténérifle, rapportée par Mauge, à qui elle fut dédiée par M. de Férussac. Cette espèce, jus- que-là regardée comme spéciale aux Canaries (1), fut signalée par San- der Rang (Manuel des Moll., p. 156) comme s'étant acclimatée dans le jardin botanique de Bristol, où elle s'était rapidement multipliée. Il y a deux ans, elle fut rencontrée en assez grande abondance par M. d'Orbigny père, à l'obligeance bien connue duquel j'en dus plusieurs échantillons, Dans une lettre que j'eus occasion d'écrire à M. Guérin- (1) Voyez Webb et Berthelot, Mollusques des Canaries, par M. Alcide d'Orbigny. 252 H. AUCAPITAINE. —— TESTACELLA MAUGEI, Menneville, je lui signalai le fait (voy. Rev. z001., 1850). L'année sui- vante, j'ai eu occasion d’en recueillir quelques individus. C'est pendant les fraîches nuits d'automne que cette espèce sort des crevasses du ter- rain; je l'ai trouvée en compagnie de la Zest. haliotidea, dont elle est bien distincte par ses caractères spécifiques; mais, quoique paraissant vivre ensemble, je n’ai jamais rencontré l’accouplement. La présence de ce Mollusque sur nos côtes de France présente un exemple de plus de la reproduction des mêmes espèces dans les mêmes milieux de vie. Le climat brumeux et pluvieux des bords de la Charente et de Bristol offre de l’analogie avec celui de Ténérifle; cette espèce a pu aisément s’y propager. Mais comment, elle qui jusqu’à présent n'avait été signalée dans aucune de nos nombreuses faunes partielles, est-elle arrivée jusqu’à nous? Le port de la Rochelle n’a point d’arrivage des côtes d'Afrique : ce serait donc par un vaisseau de guerre du port de Rochefort qu’elle se serait répandue parmi nous? J'en doute beaucoup, surtout pour une espèce exclusivement terrestre. Serait-ce que l'identité des circonstances vitales et la reproduction des mêmes milieux ambiants auraient donné lieu à une génération spon- tanée ? La découverte d’une espèce de plus pour la Faune française n’a certes pas un bien grand intérêt, si ce n’estun nom de plus au catalogue; mais quand cette espèce est exotique, très distincte de sa congénère euro- péenne, ne doit-on pas y porter toute son attention d’observateur pour y chercher un document de plus aux lois de la géographie zoolo- gique ? RECHERCHES ZOOLOGIQUES SUR LES URODÈLES DE FRANCE, Par M. Alfred DUGES (1). En esquissant ici l’histoire des Urodèles de France, je n’ai pas l'intention de faire un travail achevé, mais seulement de mettre au jour la classification que je crois la plus propre à rendre les véritables rapports de ces animaux entre eux. Je donnerai quel- ques détails utiles sur chaque espèce; mais je me bornerai aux remarques les plus nécessaires. Je ferai précéder ce petit travail de quelques généralités indispensables pour procéder avec ordre. Généralités. Ces reptiles sont, comme l'indique leur nom, pourvus d’une queue (oùex, queue; docs, apparent) aplatie ou non, suivant leur genre de vie. Cependant cet aplatissement ne pouvait en rien servir de caractère, comme on a jusqu'ici essayé de le faire pour distinguer les vraies Salamandres d’avec les Tritons. En effet, ceux-ci n'offrent cette particularité qu'à l’époque des amours, et dans toutes les autres saisons, on les trouve dépourvus des crêtes ou nageoires qui élargissaient leur queue en haut et en bas, et portent une queue complétement arrondie, ou du moins très semblable à celle des Salamandres : j'ai souvent ob- servé ce fait chez moi sur des centaines de Tritons de diverses espèces , et jamais quand ils avaient été privés de nager pendant plusieurs semaines, ils n’ont manqué de perdre le caractère offert par l’aplatissement de leur queue. L'époque où l’on trouve le reptile suffirait donc pour en faire une Salamandre ou un Triton; j'ai dû renoncer à me servir de cette particularité comme carac- tère fondamental. (1) J'ai fait entrer dans la liste des espèces françaises loutes celles qui ha- bilent le versant des Alpes et des Pyrénées qui regarde notre pays. Ces espèces se trouvent ailleurs que chez nous ; mais toutes celles que j'ai décrites sont cer- tainement indigènes. 254 A. DUGÈS. — RECHERCIHES ZOOLOGIQUES Les dents ne n’offraient pas assez d'importance pour ériger leur disposition en caractère principal. Elles diffèrent entre les Salamandres et les Tritons; mais, outre que ceux-ci comptent des genres très différents ayant la même dentition, les Salaman- dresont entre elles, sous ce rapport, une différence assez grande. De plus, ce caractère n’a pas, chez les Batraciens, l’importance qu’il acquiert chez les Mammifères et les Reptiles écailleux, par exemple, parce qu'il ne traduit plus des différences un peu grandes d'organisation. Ainsi, par exemple, vous trouverez les Bufo vul- garis à côté du Bufo viridis, et cependant le premier n’a pas de dents palatines, au lieu que le second a sur les os palatins des saillies osseuses encroûlées d’émail. J’ai encore abandonné ces caractères tirés des dents pour ne les appliquer qu'aux espèces. Les caractères fondamentaux devaient donc se tirer de quel- ques particularités anatomiques constantes, invariables : c’est ce que m'offraient les parotides , visibles chez les Salamandres, nulles chez les vrais Tritons. Ce caractère ne manquait pas en- tièrement à certains Tritons des auteurs : en les examinant de près, je leur ai reconnu assez de différences pour les séparer des Tritons vrais et en faire un genre à part, les Hemisalamandre : je les appelle demi-Salamandres parce qu’elles tiennent plus des Salamandres que des Tritons, sans cependant leur être semblables en tout. Dans ceux qui manquent de parotides, je fais deux genres basés sur l’aspect extérieur de la peau : ceux à peau lisse sont les vrais Tritons: les autres sont les Hémitritons ou demi-Tritons, parce que, se rapprochant plus des Tritons que des Salamandres, ils ne sont pas entièrement semblables à eux. Ces caractères un peu artificiels sont corroborés par une con- formation particulière du crâne. En effet, les espèces dépour- vues de parotides ont les côtés de la boîte osseuse qui enveloppe le cerveau sans proéminence, où pourvus d’une épine peu allon- gée. Dans les espèces dépourv ues de parotides, voici la disposi- tion du crâne : | De la partie moyenne de chaque frontal naît une longue apo- physe dirigée horizontalement en arrière et en dehors, et formant avec le crâne un angle d'environ 45 degrés. Sur une saillie an- SUR LES URODÈLES DE FRANCE. 955 gulaire formée par la réunion des deux crêtes du temporal, s'élève aussi une apophyse dirigée horizontalement en avant, et venant reprendre la première à angle très ouvert, pour former une sorte de pont osseux jeté du frontal au temporal : cet arc n'existe ni dans les Salamandres vraies ni dans les Hémisalamandres : on pourrait l'appeler arcade fronto-temporale (1). Ainsi, ce caractère anatomique s’accordant avec les autres caractères extérieurs que j'avais d’abord choisis, et tous étant constants, j'ai pu en faire la base de ma classification. Encore quelques mots pour terminer ces préliminaires. On a dit que les Salamandres ne criaient pas : je puis affirmer que toutes les espèces que j'ai eues vivantes font entendre une sorte de bruit court et sec, une sorte de gargouillement ayant, quoique très léger, le son du coassement des Anoures, On a aussi, ce me semble, abusé des couleurs pour faire des espèces. Ici se rapporte une observation que je donnerai à l’oc- * casion de l’Hemitriton repandus. Ainsi, le Trilon nycthemerus, le T. carnifeæ, le T. emiquus, le T. abdominalis, etc., ne sont que des variétés d’autres espèces. Les couleurs varient beaucoup chez'les Batraciens : ainsi, sans parler des variétés de coloration de la Raine verte, de la Grenouille rousse, etc., je possède une Rana esculenta entièrement noire, avec quelques taches un peu plus claires; elle a vécu trois ans ainsi colorée, tant chez la per- sonne de qui je la tiens que chez moi. Parmi les Tritons ponctués, - dès que je les retirais de l’eau pour quelque temps, j'avais une foule de colorations diverses : les uns étaient blonds, sans taches; les autres fauves ; celui-ci jaune, celui-là brun ou noir, ou livide : les uns avaient conservé leurs taches, d’autres les avaient per- dues ; leur ventre devenait blanchâtre, jaune, et perdait quel- quefois la couleur rouge du milieu. C’est parmi les petites femelles ainsi changées que j'ai retrouvé l’abdominalis de Latreille et l'emiguus, soit que ce fussent des Tritons ponctués, soit que ce fussent des Tritons palmipèdes. Qu'il me soit permis, en terminant ces généralités, de remer- cier M. Duméril de la complaisance qu'il a mise à me communi- (4) 11 y a probablement ici absence de l'os jugal et connexion de l'apophyse zygomalique avec l'apophyse orbitaire externe du frontal, 256 A. DUGÈS. --- REICHERCHES ZOOLOGIQUES quer les Reptiles du Muséum, ainsi que ses précieux manuscrits, après la lecture desquels j'ai eu du reste la satisfaction de re- connaître que je pouvais regarder comme m'étant tout à fait propre, et comme entièrement neuvel, la classification que je propose. SALAMANDRA, ,« + HEMISALAMANDRA. HEMITRITON, » + TRITON, + » » /Doigts 4-5, libres, un peu allongés; langue presque Caractères des k genres. Doigts 4-5, libres, courts; langue large, presque cir- culaire, légèrement échancrée en arrière, sur ses cô- tés, libre sur tout le bord latéral, demi-libre en ar- rière, fixée en avant; pas de saillie sur les os fron- taux; yeux proéminents ; un pli gulaire; parotides grandes, glanduleuses, bien délimitées ; une glande sur l'angle de la mâchoire supérieure ; queue presque ronde ; corps à sillons circulaires; série double de cryptes sur le milieu du dos et de la queue ; série de glandes composées sur les flancs et les côtés du bas- sin ; quelques cryptes sur le derrière des jambes : peau lisse et glanduleuse, comme la peau d'une orange; dents voméro-palatines, dépassant en avant les ori- fices internes des narines ; plantes des pieds lisse, circulaire, médiocrement grande, libre sur les côtés et un peu en arrière, fixée en avant ; pas de saillie sur les os frontaux ; yeux médiocrement saillants; pli gu- laire ; parotides très distinctes en arrière seulement, larges, très poreuses; queue aplatie au moment des amours, ronde, un peu comprimée dans les autres saisons; corps tout ridé, verruqueux , comme spon- gieux (Laurenti), couvert de pores; dents voméro- palatines, s'arrêtant sur la même ligneque les Dr internes des narines; plante des pieds rugueuse. {Doïgts, 4-5, libres, un peu allongés; langue ovale, pe- \ f tite, libre sur les côtés, demi-libre en arrière, fixéeen avant; crâne portant une sorte de pont osseux allant du frontal au temporal (voyez Généralités et Figures); yeux peu saillants ; une dépression en avant de l'angle interne de l'œil jusqu'à la narine ; pas de pli gulaire; pas de parotides ; saillie latérale des os hyoïdes (voyez Hem. cinereus, Descr. ); queue aplatie dans les amours ; subcomprimée aux autres saisons; ordinai- rement pas de crête chez les mâles ; corps semé d’as- 14 ESPÈCES. 4, li. e 0 6. 7: 8. 9. pérités aiguës, moins abondantes sous le ventre et la {40, gorge ; dents voméro-palatines, s’arrêtant un peu en arrière des orifices internes des narines; plante des }44, piedslégèrement verruqueuse; le plus souvent cloaque ouvert au sommet d’un cône allongé. Doigts 4-5, pourvus d'une membrane; langue ovale, petite, libre sur les côtés seulement et un peu en ar- rière ; crâne comme les Hémitritons; yeux peu sail= lants; pli gulaire très léger ; pas de parotides ; nulle saillie des hyoïdes ; queue aplatie à l’époque des amours, presque ronde dans les autres saisons ; corps de cryptes simples sur les flancs ; dents voméro-pala- tines, s'arrêtant un peu en arrière des orifices in- \ | sans pores, ni verrues, ni aspérilés ; une seule ligne ternes des narines ; plante des pieds verruqueuse, 42. LEA 14 S. corsica. . S$, maculosa. #. atra. H, marmorata. H, cristata. H, cinereus. H, rugosus. H, punctulatus H, Bibronü. H. repandus. A, alpestris. T, punciatus. T, palmatus, T, vittatus.. 1N oil SUR LES URODÈLES DE FRANCE. "SD)DINA Ï *“sujuwjud "CY “2 É oquiol nf ap output PAU of AN à u a] LOL ER 21 aux pu au oun L19p op Si410Q souviquou sup aud siBAu © * *50p O7 ANS SOJUUIP =H}iBuog SOINS S1O1] * onanb 07 op 1noq nu 1214 un tango do onbsord spuqud o191u0p ap Spolg —————— “SAJDJOUNT ‘GY "stoSadip ‘14 “supuvdey ‘O4 *SH)DPNOUN *S *sus08NY *L “SHDADU1D ‘9 *DIUISIID ‘Q "DNMOUAUI ‘y IUT AN “DSOJNODIU “0918409 *} ‘SIDE #4 à Rues osent vDe, eye pUQU OI 21 o1g1o un Étun sOp {SOL SAUTAUUQU sop avd svp quouaqdus o1aruop 0p swa » + + + *SaMOHDUU Saf 10 SOUUI} SAT ANS SAIOU "opel ojg1 * oxtup soul *"asnonuts apuuq aun 9oaù ‘sop of ans uuiq sdi07 " ojvjd o1g oups z0s5u “asnopnqoñque #19) “appui quoanos ‘apqista soyonbjonb *pou0y PSLOpAU DAjHOA { POUOy Un S107 Je + copo sujd onuoa ‘opipuas atopnoo ap sd107 “xnnous0 Sap apeoNt atj{EUS ap sud : sapaprut .ud oubsoud sors xnop 0 snop ‘o8uojju auyay os + + xnvquo s0 sop osfqdodn oun aan ounonoque ojutod y ‘ojfuu wo Siuap So840 ouya “oan01107 onand ang ad axe ua sopuorue ‘sapopquaud onbso1d sous xnop uo ‘soufiupud-01puua SIuo( { " 27" San soinorosod Sotuorxa Sos sup TODNDA AUAOUO 4 JAÿ un SOU ud-01ptu04 So Mot + taf0100 UN JUNUEIO] SONO) sanod x np ad qunau no soouqune) ‘sopgooiddux 5911 | sojopquaud sous xnop u0 ‘soutiopud-o1ptu0a s100Q | “y pan | “sopubaou * * ‘aubsoid “ossi Sdi02 fsouviquou op snaanod spord saps)#tog "sounieusapsouiojut SUJyUO S0p oAQne uo ad un ju, s sourd = o1puwu *0A Siuaq ‘poroduoy of Ans 4J2puos os quouuara 1e "juodop 21108 OUR JUELUAO} Lo o1quu0 ua quoù pos nb poaouy SO, 0p SofUaU SOI =qr0s sop une ouyis ‘++: uoL nod ‘sanodsu,p jiaanus'sd108 ORLLOU TAILLE CNE £soiquy AÂ10q / ‘sopubrou s9a on ee “onoupso ous {souod ap Joan ‘xnonbnuoa ‘apti sdioo Ssoupuou s0p ouojut 024010 7 onb oui = CUQUE UE ANS JUDIQATU,S Souyqn qu -Oipuros suop Ésasnarod sq to1q1a 10 00 p)dopxo ‘oUIop E SaIoNJIO TAPUUUU USE * *OuUUIpAO oO} ap auyio {sou sf ans SopnpuuÀ !sop of ans so1od ap ojquop otios À sounp “HI SUOIIIS À 28514 sdio sourit sop OUAOQUE QJNIO , JUUAU ua LLLLES udop ‘sounoed-ormuos Huap :s28 pures op pUUd sui sopurioy Ua ‘sou “sanbjupds soon (SAUNA9 y) oouvuy op Sojèpoun “sapnosedl op auto quuis “SAGIMANVAVIS “sosogdiomwueu so faypnpe,z 204 epuuig no4y 2p ru sorpoueiq op sul ‘s eu xnap xne sup s2p fououb aun !q-g Stop £soned auyenb : mp \uomaqeurpuyÈuor suue fsajpreo sus “prouy Suus vu xneuuiu y 'sopnoicdse 17 ) 5 ahier n° XVIL (1 258 A, DUGÈËS. -— RECHERCHES ZOOLOGIQUES DESCRIPTION PARTICULIÈRE DES ESPÈCES. 4. SALAMANDRA COnsiCa (Savi), Salamandre corse. Caractères. — Dents en deux séries parallèles serrées, termi- nées en avant par un petit cercle : pour cela et pour le crâne, voir les figures (pl. 1, B, fig. 4, 5), ainsi que pour les espèces cuivantes. Langue médiocrement large. Cette espèce est peut-être un peu moins trapue que la suivante; elle est noire, tachetée de jaune. Synonymie. — S. corsica (Savi, Bonaparte), S. moncherina (Bonaparte). Formes. — Tête aussi large que longue. Le prince Ch. Bona- parte, dans sa Fauna italica, lui donne des parotides moins allongées que celles de la $. maculosa. Ce caractère est positif; il n’en est pas de même de celui qu’il tire des doigts du membre postérieur. Les doigts latéraux, et surtout le pouce, sont, dit ce naturaliste, appena rudimentarii e quasi moncheriji. Dans le seul individu qu’il m'a été donné d’examiner, j'ai bien retrouvé cette particularité; mais je l’avais déjà vue dans une S. maculosa. Du reste, l'excellent article du prince de Canino est, jusqu'ici, la meilleure source à consulter pour l’histoire de cette espèce. Coloration. — Celle que j'ai sous les yeux est entièrement noire eur les parties supérieures, brun foncé sous le ventre ; une tache jaune sur le chanfrein, une sur chaque œil et sur chaque parotide, une autre entre les quatre dernières; enfin une sur chaque com- inissure des lèvres, Le dos, le dessus des membres et de la queue, portent des taches peu larges, jaunes, irrégulièrement semées ; elles sont beaucoup moins larges sur les parties inférieures. Dimensions, — Tête, 0,098 ; tronc, 0,077; queue, 0,080, = Total : 0,185. Patrie elmæurs. — Celle dont je donne ici la description vient de Corse, où on la trouve dans les rochers, comme le dit le prince Bonaparte, Il paraît qu’on l'y nomme Cane montile : elle est pro: bablement vivipare. Remarques. — La bonne figure qui a été donnée dans la F'auñé italienne (pl. 85-1) est la seule que je connaisse de ce reptile SUR LES URODÈLES DE FRANCE, ” 259 qui, du reste, n'offre au premier abord aucune différence tran- chée avec la S, maculosa. 2. SALAMANDRA MACULOSA (Laurenti), Salamandre terrestre (Lacépède). Caractères. — Crâne figuré (pl. 1, B, fig. 6, 7); dents en fer à cheval rétréci en arrière, ou plutôt en forme de lyre renversée ; corps noir sur les parties supérieures, brun rouge sous le ventre, semé de taches jaunes ; tête un peu plus longue que large; paro- tides plus longues que larges; langue large, subcirculaire. Synonymie. — S, terrestre (Maupertuis, Lacépède, Gachet, Latr., Dugès), S. commune (Cuv.), Lacerla Salamandra (Gme- lin, Linn.), S. maculosa (Cuv., Gray, Bonap., Fitz., Wagler, Funcke, Laurenti), S. terrestris (Wurfbain, Latr., Ray, Bonat- terre, Schneid., Lacép., Daud.), S. maculata (Schinz, Risso, Mer.), S. pezzata ( Bonaparte). Formes. — Trapue; membres courts, doigts courts et renflés ; tête assez aplatie, yeux saillants; queue arrondie; corps lisse avec des bourrelets circulaires séparés entre eux par des sillons. Pour le reste, voir les tableaux ainsi que dans les autres articles, le texte ajouté ne servant qu’à compléter ces synopsis. Coloration. — Les parties supérieures sont d’un noir profond; le plus souvent, on y remarque une bande latérale quelquefois interrompue, partie de l’angle de l'œil, passant sur les yeux, traversant les parotides, les côtés du cou, le flanc, les côtés du bassin ou de la queue, où elle se rompt en deux ou trois taches, Quelques taches jaunes sur les membres et sous la gorge en avant. Dimensions. — Tête, 0,027; tronc, 0,075 ; queue, 0,065 = 0,167. … Patrie et mœurs. — On la lrouve dans toute la France, surtout dans la Normandie, la Picardie et quelques provinces du sud- ouest de la France. Elle vit à terre sous les pierres humides, et he va à l'eau que pour déposer ses larves au nombre d’une di- aine, noirätres et longues d'environ 0,05: Remarques, — La couleur que j'ai décrite est la plus ordinaire ; 260 A. DUGÈS. — RECHERCHES ZOOLOGIQUES DA mais, chez les vieilles Salamandres surtout, on en trouve beau- coup où le jaune semble devenir la couleur du fond : il y en a qui sont presque entièrement de cette couleur, excepté quelques traînées irrégulières noires sur les flancs et le dos ; quelquefois les taches sont fort irrégulières et en dehors de toute description possible. La larve un peu grande est d’un gris clair taché de brun, à ventre pâle. Une bonne figure (Borap., Faun. ital., pl. 24, 1; Roœsel, Ran. nostrat. in frontisp.; Cuv., édit, 1836, pl. 40, 41; Latr., Salamandre de France, pl. 1). 3. SALAMANDRA ATRA (Laur.), Salamandre noire. Caractères. — Cràne figuré (pl. 4, fig. 8,9); dents en deux sé- ries, un peu écartées en avant pour former un arc, presque paral- lèles en arrière ; Corps un peu moins trapu que les précédentes. Les glandes latérales sont oblongues, placées sur chaque renfle- ment circulaire, et percées de deux ou trois orifices ; corps noir. Synonymie. —$. atra (Laur., Schinz, Bonap., Bonat., Merrem, Daud., Schn., Cuv., Fitz., Wagler), Lac. Salam. var. B (Gme- lin), S. nera (Bonap.), S. nigra (Gray). Formes. — Cette espèce, plus petite que les précédentes, est plus allongée ; les parotides sont mieux limitées, et le dessous de la gorge est granulé ainsi que les flancs. Coloration. — D'un noir tirant tantôt sur le bleu, tantôt sur le roux, quelquefois très pur; en général, un peu moins foncé sous le ventre. Dimensions. — Tête, 0,021 ; tronc, 0,050 (1); queue, 0,052 — 0,193. Patrie et mœurs. — Près de Metz, aux Alpes. Elle est terrestre et probablement vivipare. Remarques. —- La S. fusca (Laurenti) des Alpes estsans doute une Atra plus brune et en moins bonne santé. Une bonne figure (1) Je ferai observer que la longueur du tronc est prise à partir d'une ligne qui passerait par le bord postérieur des parotides jusqu'à la partie postérieure du bassin, c'est-à-dire jusqu'à une ligne qui passerait un peu en arrière des deux articulations coxo-fémorales, SUR LES URODÈLES DE FRANCE. 9261 dans la Fauna italica, pl. 84, fig. 2, et dans l’ouvrage de Lau- renti (4); Guérin, Zconogr. Règn. anim., Rept., pl. 28. 4. HEMISALAMANDRA MaRMORATA (Hémisalamandre marbrée). Caractères. — Dents en angle ouvert en arrière; crâne figuré (pl. 4, fig. 10, 11) ; tête presque aussi large que longue ; paro- tides saillantes en arrière ; dos brun marbré de vert; ventre brun piqueté de blanc. Chez le mâle en amour, une crête. Synonymie. — S. marmorata (Daud., Latr., Cuv.), Triton Gesneri (Laur., Schn.), Molg. alpestris? (Merrem), Triton mar- moratus (Schniz, Gray), S. marbrée (Latr., Cuv., Dugès). Formes.— Tête assez aplatie, plus large que la suivante, et corps plus trapu, moins cependant que les Salamandres ; mem- bres médiocrement longs, doigts libres, très légèrement aplatis ; queue comprimée chez les individus en noces (arrondie en hi- ver), portant une crête peu élevée. Le dos du mäle pourvu aussi, d’une crête basse ayant environ 2 millimètres de hauteur, nais- sant à la nuque. Chez la femelle, point de crête ; la place en est plutôt déprimée. Coloration. — Cette espèce est d’un brun roux foncé; toutes les parties supérieures sont marbrées de larges taches irrégu- lières, confluentes, d’un vert ordinairement assez vif, semées de petites verrues brunes. Les parties inférieures sont pointillées de blanc, quelquefois claires avec de larges taches brunes. Les flancs et les côtés de la queue sont pareils au dos. La femelle a, à partir de la nuque jusqu’à l'extrémité de la queue, une longue raie jaunâtre, comme la tranche inférieure de la queue. La crête du mâle est marquée de taches alternatives pâles et brunes. Je crois me rappeler en avoir pris un dont la crête était grande et rouge de feu. Dimensions. — Tête, 0,025; tronc, 0,054 : queue, 0,075 — 0,154. Patrie et mœurs, — Habite toute la France, surtout le midi, (1) Je ne donne que les figures bonnes que je connais. Il y a plusieurs Ico- nographies des Urodèles, mais beaucoup sont trop mauvaises pour pouvoir être citées. 262 A. DUGÈS, — RECHERCHES ZOOLOGIQUES La femelle pond un à un ses œufs, qu’elle colle dans l'angle d’une feuille aquatique pliée en deux avec ses pieds de derrière, et rapprochée par eux du cloaque. Quand elles manquent de feuilles, elles les déposent sur le premier corps venu; elles pas- sent dans l’eau le printemps et l'été comme les suivantes. Remarques. — En hiver, la crête du màle se résorbe, la queue s’arrondit, ei l’animal hiverne dans des trous ou sous des pierres ou sous des écorces d'arbres. En été, on les trouve dans l’eau, les mâles loin des bords. Le petit ressemble à l'adulte, mais à couleurs plus claires. Les femelles pondent souvent en captivité des œufs féconds, après avoir été séparées des mäles depuis plu- sieurs jours, et mises dans une eau où n’a séjourné aucun autre individu de leur espèce. Il est évident qu'ici la fécondation a eu lieu intérieurement, résultat qui confirme les belles observations de Rusconi sur les S, cristata. Je dois une grande partie de ces détails à un naturaliste zélé de Montpellier, M. Westphal-Castelnau, qui a bien voulu me faire part des observations que lui a fournies sa rare sagacité (1). Latreille (Sal. Fr., pl. 3) donne la figure d’un mâle; il me semble qu’il a un peu exagéré la hauteur de la crête. 5. HeMISALAMANDRA CRISTATA (Hémisalamandre à crête). Caractères. — Dents et crâne figurés (pl. 1, fig. 12, 43); lête allongée, pas trop déprimée ; corps arrondi ; doigts légèrement déprimés. Une grande crête découpée en dentelures profondes chez le mâle en amour. Synonymie. — S. cristata (Schneid., Latr., Cuv.), S. crélée (Dugès, Guv., Latr.), Lacerta lacustris (Blumenbach, Gmelin), S. carnifexæ et S. pruinata (Schneid.), Molge palustris (Mer.), S. à queue plate(Lacép.), Triton cristatus (Gray, Rusconi, Laur., Fitz.), T. carnifeæ (Laur., Schneid.), Lacerta palustris (Laur., Linn., Gmel.), Lacerta aquatica (Gmel.), Lacerta porosa (Retz.), (1) On trouvera d'excellents renseignements dans un article de M. Gachet, publié dans les Ann, de la Soc. linn. de Bordeaur, vol. V, p. 292. | | | SUR LES URODÈLES DE FRANCE. 263 S. laticauda (Bonat.), S, platyura (Daub.), Triton Bibroni (Bell.), Trilone crestuto (Bonaparte), S. cauda plana (Lacép.). . Formes. — Tête assez uniformément arrondie, longue; corps assez élancé; crête du mâle en noces, grande, profondément laciniée, allant jusqu’au bout de laqueue. Une lame membraneuse sous la queue. Femelle sans aucune crête. Coloration. — Dessus du corps d’un brun roux, avec de larges taches noires , arrondies; ventre jaune vif ou orangé, avec des taches noires arrondies, qui souvent n’occupent que les parties latérales, en laissant au milieu une bande jaune ; gorge, dessous des pieds jaunâtres, tachetés quelquefois; une grande quantité de points blancs sur les flancs, les joues, quelquefois la gorge et la queue. Chez les femelles, la tranche inférieure de la queue est jaune. Chez les mâles, un blanc vif décore cette portion, et s’é- tend sur le reste de la queue presque jusqu'à la base de cet or- gane : crête brune, doigts annelés. Dimensions, — Tête, 0,020 ; tronc, 0,058 ; queue, 0,077 = 0,155. Patrie et mœurs. — Commune dans le nord de la France; aquatique. Elle pond ses œufs comme l’H. marmorata. Remarques. — 11 y à une grande variété dans la coloration de celte Hémisalamandre : on en trouve qui sont d’un noir vert avec des taches plus foncées, et dont le jaune du ventre est presque caché sous des taches noires ; ces individus offrent le pointillé blanc des flancs bien plus vif que les autres. Hors de l’eau, ces Urodèles perdent leurs membranes dorsale et caudale. Leur queue s’arrondit. Il est probable que c’est une jeune Cristata qui a servi à former le T'. carnifexæ de Laurenti et Schneider, Une bonne figure dans le Cuvicr illustré, édit. 1836, pl. 40, fig. 2; Bonap., F, ilal., 5 et 6 ; Latr., S. Fr., pl. 3, le mâle, 6. Hemirrrron civeneus (Hémitriton cendré). Caractères, — Dents et crâne figurés (pl. 4, fig. 14, 15); dessus du corps gris brun, semé d'aspérités plus foncées ; ventre et gorge gris clair ; bout des doigts noir, 264 A. DUGÈS, — RECHERCHES ZOOL.OGIQUES Synonymie. — Triton cendré, T. cinereus (Duméril ). Formes. — Tête aplatie, large, surtout au niveau des yeux ; museau tronqué; saillie latérale de l'hyoïde très prononcée ; queue grosse, forte, un peu aplatie; un petit tubercule au bord cubital des quatre pieds. Coloration. — Gris brun assez clair en dessus, avec des aspé- rités plus foncées : gorge blanchâtre, semée de pelits points gri- sûtres ; ventre gris clair, semé de petites taches irrégulières un peu plus foncées. Dimensions. — Tête, 0,020; tronc, 0,042 ; queue, 0,050 — 0,112. Patrie et mœurs. — Rapporté des Pyrénées par M. Bibron ; mœurs inconnues, ainsi que les n° 7, 8, 9 et 10. Remarques. — Les saillies assez aiguës quelquefois, que l’on remarque sur les côtés de la tête au commencement du cou, et qui pourraient faire croire à l'existence des parotides, sont dues à l'avancement des extrémités des os hyoïdes : c’est la deuxième pièce de la corne thyroïdienne qui se prolonge en arrière, et n’est plus revêtue que par la peau et les extrémités des muscles moteurs de l’hyoïde. Cette espèce n’a jamais été figurée ni publiée. 7. Hemirairox nucosus (Hémitriton rugueux). Caractères. — Crâne et dents figurés (pl. 4, fig. 16, 17); dessus du corps d’un brun foncé ; ongles pâles; ventre brun, un peu plus clair que le dos; gorge blanche. Synonymie. — T. rugueuæ, T. rugosus (Duméril). Formes. — Museau tronqué ; tête plate, un peu allongée; sail- lies hyoïdiennes; doigts médiocrement longs; queue aplatie, arrondie à la base et comme étranglée ; un petit tubercule au bord cubital des mains. Coloration. — Toutes les parties supérieures sont d’un brun foncé, hérissées d’aspérités très fortes, surtout à la queue; doigls unicolores ; gorge blanchâtre; parties inférieures d’un gris ar- doisé un peu plus claires que le dos, et semées de petites taches irrégulières plus pâles que le fond. SUR LES URODÈLES DE FRANCE, 265 Dimensions. — Tête, 0,016 ; tronc, 0,041 ; queue, 0,047 = 0,104. Patrie inconnue, probablement des Pyrénées ; mœurs incon- nues. Sa queue, aplatie dans sa plus grande longueur, le ferait supposer aquatique et sans doute ovipare. Remarques. — Le seul exemplaire qui existe au Muséum, et d’après lequel est faite cette description, n'a jamais été figuré ni publié. 8. HeuirriTon PüNcTULATUS (Hémitriton poncticulé). (PI. 1, B, fig. 3.) Caractères. — Crâne et dents figurés (pl. 4, fig. 18); bout des doigts noirs ; lèvres du cloaque ordinairement prolongéesen cône, au sommet duquel est l’ouverture ; queue assez arrondie, quoique plus haute qu'épaisse ; tête un peu bombée en arrière. Synonymie. — T. poncticulé, T. puncticulatus (Duméril). Formes. — La tête de cet Hémitriton est moins aplatie que celle des autres, subglobuleuse et un peu renflée en arrière sur l’occiput ; saillie des hyoïdes; museau tronqué ; corps couvert de petites aspérités; ouverture cloacale le plus souvent placée à l'extrémité d’un cône allongé : queue assez comprimée. Coloration. — Brun foncé, ventre grisätre tacheté ; anus, dessous de la queue et gorge de couleur claire; ou bien dos brun clair avec une bande blanchâtre s'étendant de la nuque au bout de la queue ; queue, ventre et gorge clair-semés de petites tachesbrunes. Dimensions. — Tête, 0,018; tronc, C,041 ; queue, 0,050 — 0,109. Patrie et mœurs. — Se trouve aux Eaux-Bonnes ( Pyrénées ) ; est aquatique et probablement ovipare. Remarques. — ls sont difficiles à bien différencier des Bibro- nü, à cause de la ligne que portent quelques individus. Parmi ceux qui n’ont pas ce caractère, beaucoup se rapprochent du Ci- nereus , quelques uns du Rugosus (voy. n° 40). Non encore figuré ni publié. Celui que j'ai dessiné d’après un individu rapporté par M. Bibron porte précisément une bande dorsale (pl. 4, fig. 4,2, 3). 266 A, DUGÈS, — RECHENCHES ZOOLOGIQUES 9, HemiTritTON Bignonit (Hémitriton de Bibron). - Caractères. — Dents et crâne figurés (pl. 1, fig. 49, 20); dos brun foncé, avec une bande sinueuse interrompue de temps à autre, allant jusqu’à l'extrémité de la queue et piquetée de noir; aspérités noires sur le dos; ventre clair ainsi que le dessous de la queue; bout des doigts noir. Synonymie. — T. Bibronii, T. de Bibron (Duméril). L'ormes et coloration. — Museau tronqué en avant; tête aplatie, assezlarge, avec sailliesde l'hyoïde; tronc assezallongé, brun, avec une bande claire sur le milieu. La couleur de la face supérieure des membres et celle du dos est brune annelée de jaune sur les doigts ; celle de la face inférieure est claire; le bout des doigts noirs; pas de tubercules aux mains ni aux pieds; cloaque quel- quefois allongé en cône; ventre et gorge clairs, peut-être jaunes durant la vie, ainsi que la bande dorsale, la tranche inférieure de la queue et le dessous des membres ; queue assez comprimée. Dimensions. -— Tête, 0,016; tronc, 0,042; queue, 0,052 — 0,110. Patrie et mœurs. — Vient des Pyrénées; il est aquatique et probablement ovipare. Remarques, — Non figuré ni publié. 10. HemirniTon asrer, Nobis (Hémitriton rude). Caractères. — Dents et crâne figurés (pl. 1, fig. 21, 22); dos brun foncé, marqué d’une bande claire continue, à bords vive- ment arrêtés, s'étendant jusqu’au bout de la queue; gorge, ventre et dessous de la queue fauve clair, sans taches. Les parties supé- rieures semées de nombreuses aspérités brunes. Synonymie. — T. recourbé, T. repandus (Duméril et Valen- ciennes). Ce nom indique la bande dorsale semblable à un cours d’eau qui rampe. Formes. — La tête un peu allongée, aplatie, offre un museau mousse, comme tronqué. Les doigts sont tous libres et médiocre- ment longs. La queue subcomprimée est marquée, comme le milieu du dos, d’une bande qui paraît avoir été jaune durant la SUR LES URODÈLES DE FRANCE. 267 vie, et que distinguent une foule de points noirs produits par les aspérités du corps. Les membres, clairs en dessous, foncés en dessus, ont sur les doigts des anneaux plus clairs, et leur extré- mité participe quelquefois à cette teinte ; saillie des hyoïdes bien prononcée. Les deux lèvres du cloaque (on sait qu’elles sont for- mées par la saillie de deux prostates supplémentaires) aplaties chez les deux que j’ai observés. Coloration. — Brun foncé sur le dos et les flancs; le ventre est plus clair, et semble indiquer une coloration fauve assez in tense, ainsi que le dessous de la queue. Un des deux individus du Muséum a sur les flancs trois ou quatre taches arrondies, de la couleur de la bande dorsale, et quelques points clairs sur le corps; mais l’épiderme est en assez mauvais état, et fait peut-être à lui seul les frais de cette variété. Dimensions. — Tête, 0,015; tronc, 0,035 ; queue, 0,043 = 0,095. Patrie et mœurs. — Trouvé aux Eaux-Bonnes ; aquatique et probablement ovipare, Remarques. — Les Hémilritons désignés sous les n° 6, 7, 8, 9 et 10 sont tous nouveaux ; ils sont fort semblables entre eux. Je les ai décrits comme ils sont rangés dans les galeries du Muséum. Mais si l’on compare attentivement entre elles ces di- verses espèces, on verra parmi les Bibron bien des analogies avec les Repandus. Dans les Punctulatus, on en rencontre de presque identiques avec les Bibronii et Cinereus, et même avec le Rugosus. On trouve les intermédiaires, et la transition des uns aux autres est des plus simples. Dans tous les cas, ces espèces ne diffèrent essentiellement que par leurs couleurs : est-ce là un caractère suffisant pour empêcher de les fondre en une seule? Malgré l’imposante autorité d’un auteur comme M. Duméril, je pense que non, et qu’il faudrait de toutes ces espèces n’en faire qu’une seule avec des variétés assez nombreuses. On donnerait à cette espèce le nom d’Hemitrilon asper, H. rude, qui traduit l’un des caractères les plus tranchés, et on lui donnerait pour type celui qui fait le sujet de cet article. Pas de figure, 268 A. DUGÈS, — RECHERCHES ZOOLOGIQUES 11, HEMITRITON ALPESTRIS (Hémitriton des Alpes). Caractères. — Dents et crâne figurés (pl. 4, fig. 23, 24); mu- seau arrondi, tête peu aplatie; corps à rugosités peu marquées ; une série de points petits et serrés sur les flancs; queue com- primée, Synonymie. — S. rubri ventris (Daud.), S. alpestris (Cuv., Schn., Bechst.), Molge alpestris (Merrem.), T°. alpestris (Gray, Laur.), T. salamandroides (Laur., Wurfb.), T. Wurfbainü (Schinz.), S. cincta, ceinturée (Latr.), S. à flancs tachetés (Cuv., Bechstein) , T. nycthemerus (Michaelles). Formes. — Cet Hémitriton, un peu plus trapu que les précé- dents, se distingue par sa tête moins aplatie, à museau presque arrondi; les doigts libres sont légèrement aplatis aux pieds de derrière. Le mâle en amour porte une petite crête et une mem- brane au-dessus et au-dessous de la queue, qui est comprimée. Coloration. — Le dessus du corps est d’un gris brun plus ou moins foncé, un peu plus clair sur les membres; les flancs sont. d’un beau bleu ardoisé; le ventre d'un jaune orangé très vif, ainsi que le dessous de la queue, l’anus, le dessous des pieds et la gorge. Des points noirs, petits et serrés, forment une bande sur le bleu des flancs, et couvrent les mâchoires, les joues, le can- thus rostralis et les pattes. La crête est tachetée alternativement de jaune et de brun, brune sur la queue. Quelquefois ils ont le dos d’un brun uniforme, le ventre orangé et quelques points rares sur les flancs : ceux-ci participent de la couleur du dos et de celle du ventre. Dimensions. — Tête, 0,016; tronc, 0,039; queue, 0,046 —10MO Patrie et mœurs. — Se trouve à Abbeville, aux Alpes, dans le département de l’Aube; aquatique, probablement ovipare. Remarques. — Wurfbain l’a le premier clairement décrite, Je crois que c’est à cette espèce, et non pas à la marbrée ou à la crêtée qu’il faut rapporter le Triton nycthemerus de Michaelles. Cet Hémitriton, le seul d’entre ses congénères, a quelques gra- nulations parotidiennes et un crâne qui le rapprochent des Hémi- SUR LES URODÈLES DE FRANCE. 269 salamandres; mais d’autres caractères plus nombreux le rappro- chant des Tritons : j'ai préféré le placer à côté d’eux, sans cepen- dant être très éloigné de le placer après les Hémisalamandres et en tête des Hémitritons { Bonaparte, Fauna italica, pl. 85 bis, fig. 2 et 3). 12. Triton PuNCTATUS (Fitz.), Triton ponctué. Caractères. — Dents et crâne figurés (pl. 1, fig. 25, 26). Le crâne n’a qu’une apophyse frontale dirigée en arrière et en dehors. L’apophyse temporale, qui doit terminer le pont osseux, est remplacée par un cordon tendineux; pieds de derrière à doigts aplatis, mais libres ; queue entière à son extrémité ; sur les côtés de la tête et le canthus rostralis, une bande de petits cryptes, ainsi que sur la région postéro-latérale de la tête ; dos uni. Synonymie. —S. punctata (Daud., Latr., Cuv.), S. ponctuée (Latr., Cuv.), Molge punctata et M. cinerea (Merrem.), T. palus- tris (Schn., Laur.), S. abdominalis, S. abdominale (Latr.), T. lo- batus (Schinz, Bonap.), T. punctatus (Fitz.), Lophinus punctatus (Gray), T. punteggiato (Bonap.). Formes. — Tête arrondie, un peu allongée; museau rond; doigts de derrière aplatis en forme de palettes; queue compri- mée à l'époque des amours. Chez le mâle, une grande crête légèrement festonnée, s’étendant du milieu du crâne au bout de la queue; en dessous de la queue, une crête large; bout de la queue entier. Coloration. — Le dessus du corps d’un brun verdätre, semé de larges taches noires, arrondies, ainsi que les côtés de la queue; crête alternativement noire et grise; ventre d’un beau jaune clair sur les côtés, portant dans son milieu une bande plus ou moins large d’un rouge orangé souvent vermillon, et couvert de larges taches noires rondes; gorge idem. Les membres plus clairs que le corps; sur le crâne, trois lignes brunes entre les yeux ; une autre allant du bout du museau au cou en traversant l'œil; mâchoires brunes, Dimensions. — Tête, 0,013 ; tronc, 0,040; queue, 0,050 = 0,103. 270 A. DUGÈS, — RECHERCHES ZOOLOGIQUES Patrie et mœurs. — Nord de la France surtout; aquatique, ovipare. Remarques. — L’Abdominalis de Latreille n’est qu'un Punc- latus. On trouve ce Reptile à Paris, où le Punctatus est très com- mun; tandis qu'à Montpellier où il est rare, et le Palmatus commun, on trouve souvent l’Exiguus. 11 faudrait en conclure que l’Etiguus est un jeune Palmatus, et l'Abdominalis le jeune ou la femelle du Punctatus. La figure de Latreille représente bien cerlainement un Ponctué femelle (pl. 5, fig. 4, a,b,c). Hors de l’eau, ce Triton perd ses membranes, et sa queue s’arrondit. Alors se présente une grande variété de couleurs : les uns sont fauves, d’autres isabelle; celui-ci gris olivätre, ce- lai-là presque noir, et l’on retrouve fréquemment l’4bdominalis, surtout par les femelles. Bonaparte, Fauna italica, fig. 83-h ; Latreille, $, Fr., pl. 6; Laurenti, une figure sous le nom de Palustris. 48, Tairon PazmATUS (Schinz), Triton palmipède. Caractères. — Dents et crâne figurés (pl. 1, fig, 27, 28); dos portant trois lignes saillantes, très prononcées chez les mâles; pieds de derrière largement lobés, ou plutôt palmés, à profondes déchiquetures ; un filet au bout de la queue. Synonymie. — T. parisinus (Laurenti), S, exigua (Laur.), S. tœniala? (Schn.), Molge palmata (Mer.), S. helvetica (Ra- zowmousky), Lophinus palmatus (Gray), $. elegans (Daud.), T. palmatus (Schinz), $. palmata (Schn., Cuv.), $. palmipède (Dugès, Cuv., Latr.), $. palmipes (Latr.), T. palmipes, petite Salamandre (Rusconi ), Formes. —- Ce Triton, assez semblable au précédent dans sa jeunesse, et dans le sexe féminin, hors l’époque des amours, a la tête de même forme. Sur le dos du mâle en amour, sont trois petites crêtes saillantes terminées en larges membranes sur une queue aplatie, et pourvue en dessous d’une autre membrane : ces deux membranes s'arrêtent brusquement à une certaine dis- tance du bout de la queue; et l'axe de celle-ei se continuant, il SUR LES URODÈLES DE FRANCE. 271 en résulte une sorle de fouet assez caractéristique ; les pieds de derrière sont presque entièrement palmés. Coloration. — Dessus du corps brun fauve ou verdàtre, semé de taches noires médiocrement grandes ; bords de la queue mar: quetés de taches rondes, noires. Dessus de la tête vermiculé fine- ment de noir; pieds bruns; ventre et gorge d’un blanc jaunâtre, ou rouges. Dimensions. — Tête, 0,013; tronc, 0,034; queue, 0,040 — 0,087. Patrie et mœurs. — Se trouve dans toute la France. La femelle pond ses œufs un à un dans un brin d'herbe aquatique qu'elle plie en deux. En captivité, et sans herbes, elle les laisse rouler libres dans l’eau. Remarques. — Voy. T. punctalus pour la synonymie d’£xi- quus. Les Palmatus du Nord ressemblent bien plus aux Punctatus que ceux du Midi, sous le rapport ‘des couleurs. J'ai toujours trouvé à Montpellier ces Tritons olivâtres ou fauves, à ventre jaune clair ou blanchâtre, et je ne l’ai vu rouge que chez les jeunes (Eæiguus), tandis qu'à Paris leurs couleurs sont celles des Ponctués. Bonaparte, Fauna ital., fig, 85 bis, 6; Latr., S. Fr,, pl. 6; Rusconi, Amours des Salamandres excellente figure 03 et #. 44. Tairon virTaTus (Valenciennes), Triton à bande (Dum.). Caractères. — Dents et crâne figurés (pl. 1, fig. 29; 30). Le caractère de coloration qui l’a fait nommer vittatus est une bande blanche brillante, étendue de l’aisselle à l'extrémité de la queue, où elle brunit un peu en passant au-dessus de la hanche. A l’époque des amours, le mâle porte une grande crête qui va de la partie moyenne de la tête au bout de la queue ; celle-ci amincie en crêle en dessous. Pieds de derrière à doigls un peu lobés ; bord interne de la jambe pourvu d’une expansion membraneuse semblable à la crête dorsale; un tubercule sur le bord cubital des mains. Synonymie. — T. villatus (Valenc.); Ommatotriton villatus (Gray), Ti à bande ( Duméril ). 972 A. DUGÈS. — RÉCHERCHES ZOOLOGIQUES, ETC. Formes. — Le corps est élégamment proportionné; la tête, moins plate que dans les autres Urodèles, est arrondie; le corps, gris ardoisé sur le dos et jaune sousle ventre, est marqué, ainsi que la tête, de nombreuses taches noires arrondies, plus nombreuses à la face supérieure que sous le ventre; un ruban noir, irréguliè- rement festonné sur ses bords, limite chaque côté de la bande blanche déjà mentionnée : celle-ci s'étend quelquefois jusqu’à la commissure des lèvres. La crête est marquée de taches alterna- tivement noires et blanches, se confondant à l'extrémité de la queue ; les pattes, claires en dessous et peu variées, sont de la couleur du dos à leur face supérieure ; doigts des mains libres et grêles; ceux des pieds déjà décrits; queue aplatie en forme de lame. Coloration. — J'ai dit que le dos est gris ardoisé et le ventre jaune ou rouge. Cette remarque est due à M. Duméril, qui a vu ces reptiles vivants, et a noté dans ses manuscrits la coloration de ces parties. Dimensions. — Tête, 0,013; tronc, 0,043; queue, 0,056 — 0,112. Patrie et mœurs. — Ce Triton se trouve dans les provinces du Nord, à Anvers, à Chessy; à Toul, d’où M. Valenciennes a rapporté le premier qu’ait possédé le Muséum; aquatique, ovi- pare. Remarques. —- La seule figure que je connaisse est celle qu'a donnée M. Guérin dans V7 conographie du Règne animal. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 1, B (1). Fig. 4, 2, 3. Homilriton punctulatus. — Fig. 4-5, Sal. corsica (d'après Ch. Bonaparte). = Fig. 6-7. Sal. maculosa. — Fig. 8-9. Sal. atra. — Fig. 10-11. Hemisalam. marmorata. — Fig. 12-13. Hemisalam. cristata. — Fig. 14-15. Hemitriton cinereus. — Fig. 16-17. Hemitriton rugosus. — Fig. 18. Hemitrilton punctulatus. — Fig. 19-20. Hemitriton Bibronü. — Fig. 21-22, — Hemitriton asper. — Fig. 23-24. Hemitriton alpestris. — Fig. 25-26. Triton punctatus. — Fig. 27-28. Trilon palmatus. — Fig. 29- 30. Triton villatus. d (1) Les figures 1 et 2 de cette planche se rapportent à la note de M. Milne Edwards sur l'appareil auditif des Firoles (fig. 4, le cerveau (a), les yeux (b', et les organes auditifs (c); fig. 2, la capsule auditive et son nerf, a). ‘ RECHERCHES ZOOLOGIQUES SUR LA CLASSE DES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES, Par M. Alcide D'ORBIGNY. (Suite. — Voyez tome XVI, page 292.) 2° sous-ordre. — CELLULINES EMPATÉS. Cellules cellulinées testacées, juxtaposées, groupées de diverses manières dans la formation de colonies invariablement fixées aux corps sous-marins, sans intermédiaire de filaments ou de radi- celles cornées, par la substance testacée même des premières cel- lules. Jamais d’articulations cornées. Rapports et différences. — Les caractères communs généraux, tels que le manque complet de cellules cornées, d’articulations cornées, et surtout de filaments cornés radiciformes servant à fixer les colonies au sol sous-marin, distinguent nettement cette division constamment fixée par sa propre substance testacée. A ces caractères, faciles à saisir, et qui nous paraissent d’une grande valeur, quoiqu'’ils dépendent de la vie commune de chaque co- lonie, vient se joindre une considération que nous ne négligerons jamais : c'est d’épargner aux géologues des recherches dans les genres de la première division qui, à l'exception de la famille des Celluridées distinguée par les segments de ses colonies testa- cées, ne contiennent aucune espèce fossile dans les âges du monde. Ce sera donc seulement à cette division que se rattacheront pres- que toutes les espèces fossiles. Nous divisons ce sous-ordre de la manière suivante : A. Cellules à ouverture médiocre, non formée par une mem- FamiLes. brane cornée. a. Cellules entières ou simplement poreuses . * Sans pores spéciaux près de l'ouverture . , , . . . Escharidæ 3* série. ZooL. T. XVIL. (Cahier n° 5.) 2 18 27l A, D'ORBIGNYX. — RECHERCHES #* Avec des pores spéciaux prés de l'ouverture. 1. Un seul pore, À. En avant de l'ouverture. , . : . . . : . . . Escharinellidæ., 2. En arrière on sur les côtés de l'ouverture. . . Porinidæ. IL. Deux pores ou plus autour de l'ouverture. . . . Escharellinide. b. Cellules percées de fossettes spéciales transverses ou rayonnan{es. * Un seul étage aux cellules. 1. Sans pores spéciaux près de l'ouverture. . . . . Eschareïlideæ. IT. Avec pores spéciaux près de l'ouverture. * Un seul pore. 1, En avant de l'ouverture . . .….. . . . . .… Porellideæ. 2. En arrière de l'ouverture . . . . . . . . Porellinidæ. ** Plusieurs pores en avant ou aux côlés de l’ou- NUE ON CAO ROSE MER CORRE ES Eschariporidæ. ** Deux étages aux cellules . . . . . . . .. « . . Steginoporidæ. B. Cellules à large ouverture, fermée d’une membrane. a. Sans pores spéciaux près de l'ouverture. . . . . . . Flusbrelluridæ. b, Avec pores spéciaux près de l'ouverture. * Un seul pore en arrière de l'ouverture, . , . . , . Flustrellidæ. PA TIQUS DONS serbte nnirfias à he TA os .. . . . Flustrinide. le Famizze. — ESCHARIDÆ, d'Orb. Cellules entières, ou simplement poreuses, juxtaposées, sur deux plans opposés, sur un seul plan libre ou fixe, ou sur plu- sieurs couches, toutes égales, ovales, allongées ou hexagones, placées le plus souvent en lignées longitudinales, mais aussi en quinconce, invariablement dépourvues de pores spéciaux. Ouver- ture petite, par rapport à la cellule, de forme diverse, mais jamais fermée par une membrane cornée. Un opercule corné ou teslacé mobile. Des vésicules ovariennes, souvent placées en avant des cellules. Cette famille, comme le tableau précédent le démontre, se distingue nettement de toutes les autres par ses cellules simples entières, non fossiculées, fermées sur la plus grande partie de leur surface, et dès lors sans membrane. Elle se distingue encote par le manque constant de pores séparés de l'ouverture ; ainsi, tout à fait indépendante du groupement des cellules dans les SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES, 275 colonies, nous établissons la famille seulement d’après la forme de la cellule, Comme on le verra par les genres que nous y pla- cons, ils se distinguent au contraire, entre eux, par le caractère constant du groupement des cellules en colonies distinctes. Notre classification, parmi les genres que nous groupons dans cette famille naturelle, se trouve définie par les caractères oppo- sables suivants : Are section. — Cellules externes. GENRES, A. Une seule couche des cellules sur une ou deux faces de la colonie. a. Cellules des deux côtés ou aulour de la colonie. z. Colonie en lignées longitudinales de cellules. * Colonie lancéolée s'accroissant par les côtés et l'extrémité de la colonie. . . . . . . . . . Lanceopora. *# Colonie rameuse ou lamelleuse, s'accroissant par l'extrémité seulement. I. Cellules autour de branches cylindriques . . Vincularia. IL. Cellules sur deux faces opposées . . . . .. Eschara. 23. Colonies en lignées transversales de cellules. . . Latereschara b. Cellules sur une seule face de la colonie. * Colonie offrant invariablement des cellules avor- tées au commencement de chaque nouvelle lignée longitudinale de cellules. I. Colonie en disque s’accroissant tout autour. 4. Ensemble libre. . . . . . . . . . . . . . . Lunuliles. 2. Ensemble fixe rampant . . . . . . . . . . Reptolunulites. If. Colonie flabelliforme s’accroissant d'un seul CORRE: EMA E, Sri. . . |. Pavolunulites, ** Colonie sans cellules avortées, régulières aux li- gnées de cellules. T. Colonie libre non encroflante. I. Colonie en disque libre, cupuliforme, sans lignées ‘de cellules: . & . "7. +. . . .. Stichopora. IT. Colonie non en disque, libre, avec des lignées de cellules. 1. Colonie en branches étroites. * Sur deux lignes ; branches simples. , . Bactridium. ** Sur plus de deux lignes ; branches ana- stomosées, réticulées. : . . . . . . . Retepora. 2, Colonie en lame irrégulière, : : : , ; . , Semiesthara, 276 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES TT. Colonie rampante encroûtante. I. Cellules isolées. 1. Cellules distantes , placées par lignes ra- TOURS RE. s à Met Se EM TE et M Hippothon. 2. Cellules rapprochées avec des expansions later PEU PORT. c . . . Mollia. IL. Cellules réunies encroûtantes . . . . .. . |. Celleporu. B. Plusieurs couches de cellules utriculées, a. Cellules autour ou des deux côtés de colonies ra- IEUSES APOAPOIIES.- .. à -.e = eee elec ous Celleporaria. b. Cellales d'un seul côté d'une colonie lamelleuse. ? * Colonies libres non rampantes. . . . . . . . .. Semicelleporaria ** Colonies rampantes encroûlantes . . . . . . . . Reptocelleporariu . 2e section, — Cellules creusées dans la partie calcaire des GDQUIESS he ee eee pce ont de Terebriporu. 1e" Genre. — Laxceorona, d'Orb., 1851. Colonies non articulées, testacées, probablement fixées par la base, mais sur une très petite partie des premières cellules. Le reste, libre, a la forme d’un fer de lance tranchant sur les côtés, et acuminé en avant. Cellules adossées sur deux plans opposés, disposés de chaque côté en lignées longitudinales et en quinconce au milieu de l’ensemble; une lame germinale tranchante, pourvue, de distance en distance, de côtes dans le sens des quinconces, pré- cède, sur les côtés et en avant, les nouvelles lignées longitudinales de cellules qui naissent sur les côtés, et la continuation des lignées préexistantes en avant : ce sont des parties disposées pour les nouvelles cellules. Les cellules nouvellement formées sont con- vexes, criblées partout de pelits pores placés sur trois lignes irré- gulières ou épars. L'ouverture est ronde, pourvue d’un bourrelet, et placée à l'extrémité antérieure de la cellule ; sur les cellules du milieu, la saillie du bourrelet disparait, et l’ouverture est alors simplement percée. Point d’ovaires ni de pores ovariens. Rapports et différences. — Ce genre, l’un des plus curieux parmi les Bryozoaires, se rapproche des Æschara par la disposi- tion de ses cellules sur deux faces opposées, et surlout par la lame qui précède les cellules dans l'accroissement ; mais il s’en distingue, ainsi que de tous les autres genres de la famille, par an 277 2 SUR LES MOI.LUSQUES BRYOZOAIRES. L sa colonie lancéolée, régulière, s’accroissant à la fois par les côtés où il naît de nouvelles lignées longitudinales sur une lame germinale tranchante bien plus développée que chez les Eschara, et par l’extrémité antérieure ; tandis que chez tous les genres qui vont suivre, sans exception, l'accroissement n’a lieu que par l'extrémité des rameaux ou par la partie supérieure des expan- sions lamelleuses de la colonie. C’est une des modifications les plus régulières des Escharidées. Nous avons rencontré la seule espèce connue qui porte les caractères énoncés ci-dessus dans les sables du Fond, recueillis dans le détroit de Malaca par MM. Cécile et de Candé, où elle y est rare. Nous la nommons Lanciopora elegans, et nous l'avons figurée Paléontologie francaise, Terr. crétacés, pl. 680, fig. 7. -2° Genre. — Vixcucaria, Defrance. Vincularia, Defrance, 4829 ; Glauconome. Munster, Goldfuss, 1829? (non Glauconome, Gray, 1828). Colonies non articulées , entières, libres , testacées, fixes par la base, d’où partent des rameaux cylindriques non comprimés, divisés par dichotomisation très régulière, et représentant un ensemble dendroïde’en buisson. Cellules tout autour des rameaux, très régulièrement placées , le plus souvent en quinconce , par lignées longitudinales et obliques, planes ou concaves, générale- ment bordées extérieurement. Ouverture ronde , ovale ou en fe- nêtre, variable dans sa forme , le plus souvent placée en avant de la cellule, et toujours plus petite qu’elle. Point de pores ova- riens. Peut-être doit-on considérer comme des cellules accessoires des cellules différentes des autres , généralement plus grandes, qu'on remarque chez quelques espèces, soit au milieu des autres et éparses, soit de distance en distance comme des verticilles. Ces cellules sont distinctes, ont une ouverture plus grande et d’une autre forme. | Rapports et différences. —Avec des cellules identiques avec celles du genre Cellaria , celui - ci s’en distingue par ses colonies en- lières, non articulées, Avec des colonies entières, avec des cellules 978 A. D'ORBIGNY, — RECHERCHES identiques avec les cellules des Æschara et des F’incularina, ce genre se distingue des premiers par ses cellules rayonnantes autour d’un axe cylindrique, et non adossées sur deux faces opposées, Il diffère du dernier seulement par le manque de pores ovariens, la disposition des cellules étant la même, mais celles-ci n'ayant qu’une seule ouverture. M. Bronn (1) confond avec les Cellaria de Lamarck et de La- mouroux, et les Salicornaria de Guvier, ce genre, qui était pour- tant complétement inconnu de ces trois auteurs, et qui est tolale- ment différent par son ensemble entier et non divisé par segments du véritable genre Cellaria. Le genre fut établi avec ses carac- tères par M. Defrance, au commencement de 1829, dans le t. LVIIT, p. 214, du Dictionnaire des sciences naturelles, sous le nom de J’incularia. Bien que la planche qui contient le genre Glauconome de M. Manster dans Goldfuss fût, peut-être, publiée à cette époque, cette planche parut sans texte, et le genre Glau- conome de M. Munster , encore sans date certaine, fut peut-être publié à la fin de 1829 certainement après le genre J’incularia de Defrance. Comme si la date ne suffisait pas pour admettre le nom donné par Defrance, et pour rejeter celui imposé par Munster, une autre circonstance vient en rendre l’acceptation indispen- sable dans la science; car, en 18928, ‘bien avant l'apparition du texte qui établissait le genre Glauconome de Munster, ce nom avait déjà été employé par M. Gray pour une coquille lamelli- branche. En résumé, on doit admettre le nom de Fincularia de Defrance comme le plus ancien, et celui sur lequel il n’y a pas de doutes pour la date. On doit au contraire rejeter le nom de Glauconome de Munster : 1o parce qu’il n’a pas de date certaine ; 20 parce qu'il paraît avoir été publié postérieurement au genre V'inculuria ; et 3° enfin, parce que ce nom de Glauconome avait déjà été appliqué, dès 1828 , par M. Gray, à une autre forme animale, c’est-à-dire une année avant que le texte de Goldfuss parüt. Les espèces de F’incularia sont vivantes et fossiles. Elles sont (1) Zndex palæontologicus. 1: p, 521. . SUR LES MOLIUSQUES BRYOZOAIRES. 279 vivantes dans les mers chaudes et froides , et se tiennent à de grandes profondeurs au-dessous du balancement des marées. La colonie se fixe sur un corps quelconque, et croit ensuite de ma- nière à représenter un petit arbuste généralement pourvu de di- chotomisations régulières. Nous connaissons plus de soixante espèces, dont quelques unes vivantes. Les premières espèces fossiles sont de l'étage turonien ; le maximum se trouve dans l'étage sénonien, où nous en avons découvert cinquante, figurées dans notre Paléontologie française, pl. 600, 601, 654 à 659. 3° Genre. — Escaana, Lamk, 4801. Eschara (pars), Raï, 1724; Ellis, 1755 ; Pallas, 1766: Flustra (pars), Linné, 4758; Millepora (pars), Solander, 1787; Cellepora (pars), Esper., 1791; Eschara (pars), Lamarck, 1801. Colonies non articulées, entières, testacées, fixées par la base au moyen de sa propre substance testacée, d’où partent des ra- meaux ou des lames invariablement comprimés, plus ou moins divisés par dichotonisation, et représentant un ensemble den- droïde ou labyrinthiforme. Cellules juxtaposées sur deux plans opposés, dans le sens de la compression, comme adossées les unes aux autres latéralement. Elles sont égales, ovales, régulièrement placées les unes par rapport aux autres, en lignées longitudinales, planes ou concaves, souvent bordées extérieurement. Ouverture ronde, ovale ou en fenêtre, très variable dans sa forme, au moins de moitié plus petite que la cellule , placée en avant de celle-ci, Point de pores spéciaux ; quelquefois des vésicules ovariennes , souvent des cellules accessoires. Observations. — Le commencement de chaque nouvelle colonie d'Eschara ressemble toujours à l’état permanent des Cellepora , c'est-à-dire qu’il est composé de cellules rampantes simples et fixes : la première cellule est d’abord fixée au sol ou à tout corps solide sous-marin ; souvent, dans les espèces foliacées , les pre- mières cellules juxtaposées couvrent une assez grande surface. Quelquefois même elles deviennent libres sur une partie de leur 280 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES surface, comme les Semieschara ; mais dans l’un ou l’autre cas cet état dure peu, et bientôt la colonie se développe et prend la forme générale du genre, avec ses deux couches adossées l’une à l’autre. Dans la marche de leur accroissement, les colonies d’Eschara offrent une disposition qui, plus que tout le reste, montre que le mode de groupement tient essentiellement aux caractères des genres. Lorsqu'on examine un Æschara dans son accroissement, on reconnaît qu’à l'extrémité de chaque branche , ou de chaque lame, s'étend d’abord la lame germinale médiane qui sépare les deux couches adossées de cellules, sur laquelle sont déjà mar- quées, par une côte, l'entourage des nouvelles cellules qui doivent s’y développer. Bientôt ces nouvelles cellules se circonscrivent ; elles sont alors simplement globuleuses, renflées ouplanes. Lorsque ces cellules sont globuleuses, saillantes, leur ouverture en avant, ce qui arrive dans les E. retiformis et fascialis, elles s’encroûtent peu à peu tout autour, et bientôt cette ouverture est enfoncée dans la masse de plus en plus épaisse. Souvent même, sur la base des branches , les ouvertures se ferment entièrement sans que pour cela la branche cesse de s’encroûter par suite de la vie com- mue de la colonie. Chez les espèces dont l’ouverture est tou- jours placée au milieu d’un encadrement saillant , les cellules changent bien moins de formes, et offrent peu de différences sui- vant la place plus où moins ancienne qu’elles occupent. Une preuve que. la vie commune existe malgré l’oblitération des ou- vertures extérieures , c’est que les branches dont les cellules sont oblitérées croissent et s’encroûlent encore extérieurement tout le temps de l'existence de la colonie, et qu’en outre on retrouve toujours les cavités qu'occupait, dans ces cellules oblitérées, la cloison germinale médiane intermédiaire entre les deux couches de celluleset la place vide de ces premières cellules, qui commu piquent toujours de l’une à l’autre par de petits pores jusqu'aux cellules pourvues d'ouvertures et contenant encore des animaux. C'est un ensemble vivant qui a son existence commune , indé- pendamment de la vie individuelle de l'habitant spécial à chaque cellule. SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 281 Parmi les espèces, on remarque plusieurs modifications impor- tantes qui tiennent à l’organisation même du genre; nous voulons parler des cellules et des moyens de reproduction. Nous trou- vons par exemple : 1° Des espèces dont toutes les cellules sont identiques de forme, et dont aucune ne diffère des autres, et ne peut être considérée comme cellule ovarienne, ni comme cellule acces- soire. 2% Des espèces ont des cellules identiques de chaque côlé de la compression de la colonie, mais ont encore des cellules de forme différente sur les côtés; cellules qui forment aiors des saillies remarquables sur la partie tranchante latérale des rameaux comprimés. Beaucoup d'espèces sont dans ce cas. Il reste à sa- voir si ces cellules latérales sont des cellules avorlées ou des cel- lules ovariennes. Nous penchons à les croire des cellules avor- tées, 3 Des espèces, pourvues de cellules régulières, ont, à la place de quelques unes de celles-ci, soit sur le tranchant, soit au milieu des autres, des cellules plus grandes, de forme tout à fait disparate avec les autres, qui, de distance en distance, rem- placent les cellules ordinaires. Nous les considérons comme des cellules accessoires qui, comme elles, existent simultanément avec des cellules ovariennes portant un ovaire, re peuvent êlre considé- rées comme des cellules ovariennes. Nous continuerons donc à les appeler des cellules accessoires. N reste maintenant à chercher les fonctions de ces dernières. Ne pourrait-on pas se demander s’il n'y aurait pas des sexes séparés chez les £schara ? Nous pour- rions alors les considérer comme des cellules mâles, et ces diffé- rences de cellules seraient alors expliquées ; mais nous n’osons encore rien conclure de positif à leur égard, celte question ne pouvant être résolue que sur les êtres vivants. k° Des espèces en très petit nombre, ont des cellules ovariennes. Nous appelons ainsi des cellules ordinaires qui ont, en avant de l'ouverture, une vésicule ovarienne. Ces vésicules existent rare- ment; mais comme elles se trouvent simultanément avec les cel- lules accessoires, elles ne peuvent avoir les mêmes fonctions, 282 A, D'ORBIGNY. -— NECHERCIES Comme ces modifications de caractères peuvent exister seule- ment à des périodes spéciales de l'accroissement de chaque espèce en particulier ; comme elles peuvent manquer sur un point, par exemple, et se montrer sur un autre, nous avons pensé qu'il se- rait impossible de pouvoir s’en servir pour subdiviser les genres. Nous croyons donc que ces caractères peuvent rentrer dans les limites des modifications de l’espèce, dans le genre, et ne doi- vent même pas servir à former des groupes distincts dans ce dernier. Nous avons remarqué que les cellules accessoires sont le plus souvent le commencement d’une nouvelle lignée longitudinale de cellules ordinaires. Cependant il y a beaucoup d’exceptions à cette règle; car nous connaissons des espèces étroites dont les cellules accessoires sont placées de deux en deux sur la longueur des séries longitudinales des cellules ordinaires (Paléontologie, pl. 675, f, 5). Rapports et différences. — Les Eschara diffèrent des Fincularia par leurs colonies formées de deux couches de cellules adossées l’une à l’autre; aussi leurs branches sont-elles toujours compri- mées au lieu d’être rondes ou cylindriques. Avec un ensemble absolument identique comme colonies avec les Bidiastopora , ils s’en distinguent par leurs cellules non tubuleuses et non saillantes, et surtout non centrifuginées. Histoire. — Rai a le premier en 1724, dans son Synopsis, employé le nom d’Eschara ; il l’appliquait à plusieurs genres. Ellis, en 1755, placa également, ainsi que Pallas, en 1766, sous ce nom, les Flustra, les Biflustra, les Bidiastopora, etc. Linné, en 1758, classa tous ces genres dans ses Flustra, que Gmelin, en 1789, conserva avec la même circonscription. En 1787, Solander, au contraire, le mit dans son genre Millepora. Esper, en 1791, les réunit dans ses Cellepora et ses Flustra avec lous les genres voisins, Lamarck même, en 1801 et 1816, réunit sous le nom d’Eschara des Eschara et d’autres genres. Voilà pour les espèces vivantes; car les espèces fossiles de plusieurs genres différents ont été encore plus amoncelées dans le genre Æschara, devenu un véritable réceptacle, comme on le voit dans Goldfuss. SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 283 Nous ne placons, dans ce genre, que les espèces ayant en tout les caractères que nous assignons au genre, en le débarrassant des espèces des genres Bidiastopora, Porina, Flustrella, Flustina, Biflustra, Escharinella, etc., qu’on y avait inulilement placées, Les Eschara sont aujourd'hui de toutes les mers, depuis les régions les plus froides jusqu'aux plus chaudes. Ils se tiennent dans les parties profondes et dans les lits de courants généraux, Ils existent aussi bien sur le banc de Terre-Neuve, au Spitzherg, sur nos côtes de France, en dehors des rochers du Calvados, à l’ouest des îles de Ré et d’Oleron, que dans les régions chaudes des mers de la Chine, de l’Inde, etc. Ge genre de fossiles a com- mencé à se montrer avec l'étage bathonien des terrains ju- rassiques. Il reparaîit dans l’étage cénomanien des terrains crétacés, et occupe ensuite tous les étages géologiques, ayant néanmoins son maximum de développement spécifique dans l’é- tage sénonien. Il est à remarquer que tous les Æschara des terrains crétacés n’ont pas la surface criblée de petits pores. Ils sont entiers, lisses, et ce caractère du test perforé, appartient seulement aux Æschara des terrains tertiaires, ou aux espèces vivantes. Nous connaissons maintenant, dans le genre Eschara restreint, plus de 150 espèces. Le maximum existe au 22e étage crétacé sénonien, où nous en comptons aujourd’hui environ 107, décrites et figurées dans la Paléontologie francaise, Terrains crétacés, pl. 602, 603, 664 à 678. 4° Genre. — Larenescuara , d'Orb., 1851. Avec tous les caractères du genre Eschara, que nous avons énumérés, ce genre s’en distingue nettement par le mode de groupement des cellules qui, au lieu de formes des lignées longi- tudinales de cellules adossées sur deux faces opposées de la colo- nie, forme des lignes transversales, Il en résulte que les cellules, dans le sens longitudinal, sont entièrement séparées les unes des autres, tandis qu’elles sont en contact latéralement à l'opposé de ce qu’on remarque chez les Eschara. Dans l'hexagone que repré- 284 A. D'ORBIGNY, — RECHERCIES sente chaque cellule, au lieu d’avoir deux facelles transversales en haut et en bas, et deux latérales de chaque côté, comme chez les Eschara, il n’y a aucune facette transversale aux extrémités, mais trois facettes latérales seulement. Ce mode de groupement vient aussi changer le mode de bourgeonnement dans l’augmen- tation des nouvelles cellules, par rapport aux anciennes. Chaque cellule, au lieu de donner naissance, à son extrémité antérieure, à une cellule dans le-sens de la lignée longitudinale, en produit deux nouvelles à l'extrémité de chaque ancienne. Rapports et différences. — Ce genre est aux ÆEschara ce que le genre Melicerita de M. Edwards est aux Æscharinella. Si l’on admet l’un, il faut nécessairement admettre l’autre, et les distin- guer tous les deux des Æschara. Nous ne connaissons encore qu’une seule espèce de ce genre, le Latereschara Achates, d'Orb., 1851 (Paléontologie françuise, Terrains crétacés, pl. 662, fig. 7-9), fossile de Fécamp (Seine- Inférieure). 5° Genre. — Lunuures, Lamarck, 1801, Lunulites (pars), Lamarck, auclorum. Colonie entière, fixe seulement dans le jeune àge, libre ensuite, orbiculaire, convexe d'un côté, concave de l’autre. Cellules juxtaposées, concaves, placées sur la face convexe seulement, disposées en lignées rayonnantes du centre à la circonférence, Il naît d’abord une cellule au centre de la colonie, puis six cellules autour de celle-ci, qui sont le commencement d'autant de lignées de cellules. Chaque nouvelle lignée, qui naît, dans l’accroisse- ment, sur tous les points du pourtour, est formée par une cellule avortée , très petite. Sur la face concave sont des rayons diver- gents, qui correspondent aux lignées de cellules du côté opposé. Ouverture médiocre, dirigée en avant de la cellule du côté ex- terne. Point de vésicules ovariennes. Histoire. — Comme Lamarck considérait ce genre, il ne tenait aucun compte de la forme des cellules composant la colonie, mais seulement de la forme de la colonie : ainsi tous les Bryo- SUR. LES MOLI.USQUES BRYOZOAIRES. 285 zoaires cupuliformes étaient des Lunulites , qu'il regardait à tort comme très voisins des Obitolites, que nous placons dans la classe des Foraminifères. C'est ainsi que des deux espèces qu’il placait dans le genre en 1816, l’une, le L. radiata, est réellement une Lunulites , tandis que l’autre dépend aujourd’hui d’un autre genre. Lamouroux, en 1821, tout en donnant les espèces de Lamarck, proposa de séparer des Lunulites, dont les cellules sont par lignées rayonnantes , le L. urceolata, dont les cellules sont en quinconce, et le nomma Cupulaire. En 1823, Defrance ne tint aucun compte de la distinction proposée par Lamouroux , et, de même que la plupart des auteurs, il place tous les genres cupuli- formes dans le genre Lunuliles. Rapports et différences. — Nous avons reconnu que cette forme en cupule renferme plusieurs types différents de cellules, dépen- dant de familles distinctes. Nous ne placons donc dans le genre Lunulites que les espèces pourvues de cellules simples, non fossi- culées, et sans pores spéciaux, dont l'ouverture est petite, anté- rieure, et n’occupe qu’une partie de la cellule, Pour nous, les espèces cupuliformes à cellules fossiculées sont des Discoporella, parce qu'elles ont les cellules du genre Porella. Les espèces à cellules, comme celles du genre Flustrallaria, seront des Disco- flustrellaria ou Cupularia, suivant la disposition des cellules ; les espèces pourvues de cellules semblables à celles du genre E'lustrella seront nos Discoflustrella, ete., ete. Comme on le voit, c'est le même mode d’agrégation en colonies identiques, de formes générales, constituées par des animaux dont les caractères sont totalement différents. En résumé , nous ne gardons daus le genre Lunulites que les espèces dont les cellules sont analogues à toutes les cellules des genres de la famille, depuis les Æschara jusqu'aux Cellepora, et placées par lignées ; car la disposition, non en lignées, distingue les Stichopora des Lunulites. Les Lunuliles sont connues à l’état fossile seulement; les espèces vivantes indiquées jusqu'à ce jour dépendant d'autres genres. Les premières espèces sont de l'étage sénonien (craie blanche), ou le genre alteint son maximum de développement spécifique. 11 montre ensuite des espèces jusque dans l'élage 286 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES falunien ; c’est-à-dire 2 dans le 24e étage suessonien, 5 dans le 95e étage parisien, 4 dans le 26° étage falunien. Toutes ces espèces sont mentionnées à leur étage dans notre Prodrome de paléontologie stratigraphique. Nous en publions huit espèces des terrains crélacés dans nos planches 704, 705 et 706. 6° Genre, — Reprozunuuires, d'Orb., 1851. Colonie fixe , rampante et encroûtante à la surface des corps sous-marins, de forme discoïdale plus ou moins régulière, com- posée de lignées de cellules rayonnantes autour d’une cellule primordiale centrale; chaque lignée nouvelle intercalée com- mençant invariablement par une cellule primo-sériale avortée, d’une autre forme que les cellules ordinaires. Cellules comme dans la famille. Ouverture médiocre. Point de vésicules ova- riennes. Rapports et différences. — Les Reptolunulites ont tous les carac- tères de cellules des Lunultes ; mais elles s’en distinguent par leur colonie fixe, rampante, à la surface des corps sous-marins, au lieu d’être libre. Fixes, rampantes, comme les colonies de Cellepora, les Reptolunulites s'en distinguent par le rayonnement de leurs lignées , et surtout parce que chaque lignée nouvelle commence invariablement par une cellule primo-sériale diffé- rente des autres, Les deux espèces que nous connaissons sont du 22° élage sé- nonien ou de la craie blanche : Reptolunulites angulosa et ovalis (Paléontologie française, t, V, pl. 707, fig. 1-4). 7° Genre, — Pavozunuzrres, d'Orb., 1851. Colonie libre, flabelliforme, n'ayant de cellules que d’un côté, composée de lignées toutes dirigées dans le même sens, nais- sant de chaque côté d’une lignée primordiale centrale, toujours par une cellule primo-sériale distincte des autres, et formant dans leur réunion invariablement un ensemble flabelliforme, re- gulier, libre. Cellules juxtaposées placées d’un seul côté, l'autre montrant dessous les lignées des cellules. SUR LES MOI.LUSQUES BRYOZOAIRES,. 287 Rapports et différences. — Avec des cellules ordinaires identi- ques et des cellules primo-sériales de même nature, ce genre se distingue des Lunulites en ce que les lignées de cellules, loin de rayonner autour d’un point central en divergeant, sont toutes tournées d’un même côté, et forment une colonie constante inva- riablement flabelliforme, L’accroissement se fait de la manière suivante. [1 naît d’abord une cellule primaire, puis trois autres, une médiane faisant suite à la première, et deux latérales, une de chaque côté. La lignée centrale continue de s’allonger de nou- velles cellules, tandis que les lignées latérales s’allongent, ou il en naît de nouvelles entre ces premières d’une manière régulière jusqu’au plus grand accroissement de la colonie. Ce genre, libre comme les Semi-eschara, s’en distingue par sa colonie toujours flabelliforme, et par les cellules primo-sériales régulières com- mencçant toujours les nouvelles lignées. Les deux espèces connues de ce genre remarquable, les Pavo- lunulites elegans et costata, sont du 22e étage sénonien ou de la craie blanche ; la première se rencontre sur tous les points du bassin anglo-parisien et dans le bassin pyrénéen. Elles sont figu- rées dans notre Paléontologie française, Terrains crétacés, pl. 706, fig. 5:8, fig. 9-11. 8° Genre. — Sricuopora, de Hagenow, 1846. Colonie entière testacée, fixée seulement dans le jeune âge, orbiculaire, convexe d’un côté, concave de l’autre , composée de cellules régulièrement placées en quinconce, sans former de lignées, et toujours sans cellules primo-sériales , toutes ces cel- lules étant égales, et ne naissant pas de bourgeons placés à l'extrémité des cellules préexistantes, mais de chaque côté de ces premières cellules. Au centre, une cellule primaire, autour de laquelle sont six cellules. Ouverture médiane n’occupant qu'une parlie de la cellule, Côté opposé aux cellules, lisse, ou avec les traces des cellules. Rapports et différences. — Tel que nous le circonscrivons, ce genre est aux Lunulites ce que sont les Latereschara aux Eschara, 288 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES c’est-à-dire que le mode de reproduction par bourgeonnement est constamment différent. Ici les cellules, au lieu de former des lignées longitudinales rayonnantes , forment au contraire des lignes transversales au rayonnement. Histoire. — Sous lenom de Stichopora, M. de Hagenow a figuré des Bryozoaires bien différents les uns des autres. Dans l'ouvrage de M. le docteur Geinitz (1), il donne, sous le nom de Shichopora Richteri (pl. 236, fig. 46), une colonie, qui paraît être composée de cellules placées comme nous les avons décrites dans ce genre. Sous le nom de Stichopora cancellata (fig. h7), M. de Hagenow représente une espèce d’un genre tout différent , à cellules en li- gnées. Dans son bel ouvrage sur les Bryozoaires de Maëstricht, il a figuré, sous le nom de Stichopora clypeata, l'espèce la mieux caractérisée, avec ses cellules sans lignées. Ayant à opter entre les différentes formes placées dans le genre, nous avons consa- cré le nom de Stichopora aux espèces dont les cellules ne sont pas en lignées, en prenant pour type le Stichopora clypeata de M. de Hagenow. Il est bien entendu que le genre auquel nous avions, en 1850, donné aussi le nom de Stichopora, doit main- tenant prendre un nouveau nom. Nous connaissons jusqu’à présent deux espèces, l’une du 22: étage sénonien, et l’autre du 26° étage falunien. La première, le Stichopora clypeata, Hagenow, est figurée dans la Paléontologie française, pl. 707, fig. 5-9. 9° Genre. — Bacrniniun, Reuss, 1848. Bacridium (pars) , Reuss, 1848. Colonie en rameaux étroits, fixés par leur base, et libres ensuite, pourvus d’un seul côté de deux rangées de cellules longitudi- nales. Cellules convexes, allongées, percées, à leur extrémité antérieure, d’une ouverture ronde, très petite. Rapports et différences. — Gette division, composée de cellules analogues aux cellules de tous les genres de la famille, s’en dis- (1) Grundriss der Verstenerungskunde , pl. 23, fig. 46, 47. SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 289 tingue nettement par la forme de sa colonie, En eflel, c’est dans la famille le seul genre dont la colonie soit formée de rameaux étroits pourvus seulement de deux rangées longitudinales de cel- lules. — Sous le nom de Bactridium, M. Reuss, dans son travail sur les fossiles tertiaires de Vienne, a placé quatre espèces appar- tenant à deux genres bien différents. De ces quatre espèces, en effet, trois, ses Bactridium ellipticum, schirostomum et granula- tum, sont évidemment des espèces du genre Canda, de Lamou- roux, que nous avons placées à ce genre. D’après ces espèces, le genre Bactridium devrait disparaître des nomenclatures; mais M. Reuss y a placé encore une quatrième espèce pourvue de ca- ractères différents, et à laquelle nous conservons le nom de genre en restreignant les caractères. Le type en sera donc le Bactridium Hagenowi, Reuss,1818; Aus sienew foss. Polyp. Wienner Ter - tiarib., pl. 5, fig. 28, fossile de l’étage falunien de Vienne (Au- triche). 10° Genre. — Rererora, Lamarck, 1816. Colonie en rameaux étroits, fixés par leur base et libres en- suite, mais s’anastomosant toujours les uns aux autres, de ma- nière à former des mailles en réseau régulier, formés de mailles, dont la partie supérieure contient de trois à six rangées longitu- dinales de cellules ; la partie inférieure, souvent très épaisse et encroûtée , est lisse, ou montre les indices des cellules. Cellules peu distinctes, allongées, pourvues à leur partie antérieure d’une ouverture Variable petite, munie d’un opercule. Souvent des vésicules ovariennes , qui représentent comme des saillies épi- neuses. Rapports el différences. — Très voisin du genre Bactridium , ce genre n’en diffère effectivement que par un plus grand nombre de cellules aux branches , et par l’anastomosation des branches entre elles, de manière à représenter les mailles d’un filet, Ce genre, que Lamarck placait avec des Bryozoaires centrifu- ginés tubulinés, en a été distingué, pour la première fois en 1836, par M. Edwards, qui y reconnut les caractères des Eschara. Tous les autres auteurs l’ont confondu avec un grand nombre de 3° série. Zooc, T. X VIT. (Cahier n° 5.)5 19 290 A, D'ORBIGNY, — RECHERCHES genres différents. Aussi dans Lamarck, la première espèce est un Krusenslernia; les deuxième, quatrième, sixième, sont des Rele- pora; les troisième et cinquième sont des Æornera; et beaucoup des espèces citées par les différents auteurs vont se classer ail- leurs. Voici une espèce qui y reste définitivement, R. cellulosa, Lamarck, 1816, Anim. sans vert., 2e édit., I, p. 276, n° 2. Maillepora cellulosa, Linn., 1758, Syst. nat., X, sp. 7. Millepora rvetepora, Pallas, 1766, p. 243, n° 148; Esper, vol, 1, pl. 1 ; Soland. et Ellis, pl. 26, fig. 2. Habite la Méditer- ranée. Notre collection. Cette espèce , à l’état frais, montre une pointe derrière chaque ouverture. | Ale Genre, — SemescanA, d'Orb., 4851. Colonie en lame irrégulière, flexueuse, libre, pourvue, d’un seul côté, de cellules juxtaposées en lignées peu régulières, sans lais- ser toujours une cellule avortée primo-sériale au commencement de chaque lignée. On remarque deux sortes de cellules, des cel- lules ordinaires et des cellules accessoires : cellules ordinaires convexes ou concaves, à ouvertures médiocres antérieures; cel- lules accessoires, d’une forme différente des autres, placées soit au commencement des nouvelles lignées, soit intercalées au mi- licu des autres ; quelquefois des vésicules ovariennes, Rapports et différences. — Les Semieschara sont aux Eschara ce que sont les Semiflush'a aux Flustra; c’est-à-dire que, formés de cellules identiques, ils se distinguent des Eschara par leur colonie formée de cellules d’un seul côté, au lieu d’en avoir des deux. Avec des colonies irrégulières, à cellules d’un seul côté, comme chez les Cellepora, ce genre s’en distingue par ses colo- nies en lames libres, non fixes et rampantes. Observation. — Ce que nous avons dit du mode d'accroissement des Escharidés, et de la lame qui se développe avant les cellules (tome XVI, page 305), est surtout applicable à ce genre, dont uous avons des colonies vivantes dont les bords offrent parfaite- ment ce caractère, On y voit ( Paléontologie française, Terrains crélacés, pl: 722, fig, 1), en avant des cellules complètes, une SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 291 lame germinale d’autant plus mince, qu’elle s'éloigne davantage de ces cellules; elle est large, divisée à la suite des lignées par une côte correspondant à la largeur d’une ou deux cellules. Entre ces côtes, on apercoit immédiatement, en avant de chaque cellule complète, le cadre d’une ou deux cellules, et, en avant de ces cadres, un large espace où la lame n’offre aucune apparence de cellules, et qui est pourtant destinée dans l'accroissement à en recevoir, En voyant ces faits, il est impossible de douter qu'une lame ne préexiste dans la colonie à la formation des cel- lules, et dès lors on est obligé d’admettre une vie commune dans la colonie, indépendamment de la vie individuelle ou cellu- laire. Les espèces sont fossiles des terrains crétacés et tertiaires, et vivantes dans les mers tempérées et chaudes; elles ont, le plus souvent, été méconnues par les auteurs. Nous en décrivons et figurons dix-neuf espèces dans notre Paléontologie française , pl. 708, 709 et 710. 12° Genre. — Hirroruoa, Lamouroux, 1821. Catenicella, Blainville, 4831. _ Colonie fixe, rampante à la surface des différents corps sous- Marius, composée de cellules ordinaires non contiguës, espacées, et souvent très dislantes, naissant les unes des autres par lignées longitudinales et latérales en même temps; c’est-à-dire que, de l'extrémité de la cellule adulte, il naît une nouvelle cellule, et en même temps deux latérales, une de chaque côté. Cellules non juxtaposées ; chacune, filiforme à sa base, s’élargit et se termine par une partie renflée guttiforme, ou ressemblant à un œuf coupé en deux. Ouverture variable, ronde où en croissant, presque terminale en avant; souvent des vésicules ovariennes. Rapports et différences. -— Avec des colonies fixes et rampantes comme chez les Cellepora, ce genre s’en distingue très nettement par ses cellules non juxtaposées, mais séparées et naissant les unes des autres par une partie filiforme, et représentant une tige et des branches latérales dans leur ensemble. Ce genre est 292 A. D'ORGIGNY. — RECHÉRCHES aussi remarquable en ce qu’il montre parfaitement le mode de bourgeon antérieur et latéral de chaque cellule. Histoire. — Ce genre, que Lamouroux a établi en 1824, ful confondu avec des colonies libres sous le nom de Catenicella, que M. de Blainville leur appliqua, en supprimant ainsi le genre qu'avait établi Lamouroux. M. de Hagenow, en 1846, dans l’ou- vrage de M. Geinitz (Grundriss, der F'erstein., pl. 93 b, fig. 55’, confond ce genre avec les Aulopora (qui ne sont pas des Brvo- zoaires) et les 4lecto, et en figure une espèce sous le nom d'Au- lopora. Ce genre se trouve fossile, de l'étage cénomanien jusqu'aux terrains tertiaires. On le rencontre aussi vivant dams nos mers. Comme on le voit, des quatre espèces que nous connaissons dans les terrains crétacés de France, deux sont du 20° étage cénomanien, et deux du 22° étage sénonien. Nous les représen- ons Paléontologie francaise, pl. 710. 13° Genre, — Mozuia , Lamouroux, 1821. Colonie fixe, rampante à la surface des différents corps sous- marins, composée de cellules ordinaires par lignées non conti- guës, formant tache encroûtante ou un ensemble rameux, mais non en rameaux obliques isolés, divergents, séparés. Cellules convexes isolées, séparées par lignées peu régulières, souvent en contact par lignées séparées: les unes des autres latéralement, et jointes par des expansions spéciales ou en réseau. Ouverture terminale antérieure. Rapports et différences. — Ce genre est intermédiaire aux Hippothoa et aux Cellepora. Pourvu de cellules plus ou moins libres comme les ÆHippothoa, il eu diffère par les cellules non en rameaux séparés, mais formant lache encroütante. Très voisin des Cellepora, ce genre en diffère par ses cellules non contiguës, séparées les unes des autres, et jointes seulement par un réseau, des expansions, ou même un encroûtement lamelleux inlermé- diaire. Nous en connaissons un bon nombre d’espèces dont quelques SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 293 unes ont été décrites sous les noms de Ælustra, d Eschara et de Cellepora. Exemple : N. Brongniarti, Edwards, 1836, édit. de Lamarck, t. 11, p. 238. Z‘lustra Brongniarti, Audouin 1826, explication des planches de Savigny, Égypte, pl. 40, f. 6. 1%: Genre. — Cerzrrona, Othon Fabricius, 4780. Eschara (pars), Ellis, Gmelin. Cellepora Fabricius, 1780 ; Lamouroux, 1812 (non Lamarck, 1801). Cellepora et Discopora (pars), Lamarck, 1816. Escharina et Escharoïdes, Edwards, 1836 (non Escharina , Rœæmer, Reuss, Hagenow). Marginaria (pars), Rœmer, Renss. Colonie fixe, rampante, et formant des encroûtements irrégu- liers à la surface des corps, composée d'une seule couche de cel- lules juxtaposées ou obliques placées en quinconce les unes par rapport aux autres ; leur forme est ovale-hexagone , convexe ou concave ; entières ou criblées de pores irréguliers. Ouverture n'ayant pas plus de la moitié de la longueur des cellules. Point de pores spéciaux, mais souvent des vésicules ovariennes placées en avant des cellules. On voit fréquemment à la place d’une cellule ordinaire une cellule accessoire, toujours différente de forme avec les autres de la manière la plus disparate. Observation. —-Dans l'accroissement des colonies il naît d’abord une cellule; d’autres apparaissent auprès, soit dans une seule direction tout en divergeant, soit tout autour : alors la colonie est irrégulière ou presque circulaire. Rapports et différences. — Avec des cellules ordinaires juxta- posées, et des cellules accessoires absolument comme les Æschara et les Semieschara, ce genre s’en distingue bien nettement par le mode de groupement de ces cellules en colonie. En effet, loin d'être réunies sur deux faces opposées de lames libres comme les Eschara, où d'occuper une seule face d’une partie lamelleuse comme chez les Semieschara , ici la colonie est fixe, rampante et encroûlante sur les différents corps sous-marine. Histoire.-—Confondu, en 1766, avec les Eschara, les Flustra et 294 A. D'ORBIGNY. — RECILERCUES beaucoup d'autres genres, parmi les Æschara de Pallas, le genre qui nous occupe recut, en 4780, d'Othon Fabricius dans sa Fauna groenlandica , le nom de Cellepora. On reconnaît, en effet , sur les six espèces de Cellepora de cet auteur , qu’une seule n’appar- tient pas au genre tel que nous le circonscrivons aujourd'hui. C’est pour nous une raison de réserver à cinq espèces le nom donné par son auteur. En 1789, Gmelin, dans sa compilation du Systema naturæ, y conserve les espèces de Pallas, tout en y ajou- tant quelques autres dépendant des genres Celleporaria et Semi- celleporaria. Esper, en 47S4, fit plus que Gmelin ; il y plaça non seulement les Cellepora de Fabricius, mais nos Semicelleporaria , les Celleporaria, mais encore des Proboscina et des Eschara. Loin d’y mettre les cinq espèces de Fabricius, prenant alors la sixième espèce de Pallas pour type, Lamarck, en 18014, les exclut au con- traire ; il changea la définition du genre en n’y plaçant plus que deux espèces à plusieurs couches de cellules, dont une dépend de notre genre Æeptocelleporaria et l’autre des Semicelleporaria. Moll, en décrivant toutes les espèces de la Méditerranée, les donna sous le nom d’Eschara avec beaucoup d’autres genres. La- mouroux,en 1812, prit le genre comme l’indiquait la majorité des espèces de Fabricius, c’est-à-dire qu’il n°y placa que les espèces fixes encroûtantes que nous placons dans le genre Cellepora. Il lui conserva la même circonscription en 1816. Lamarck la même année, dans son genre Cellepora, non seulement y classa les espè- ces à plusieurs couches de cellules superposées, que nous en excluons, mais encore beaucoup d’autres genres avec les vérita- bles Cellepora de Fabricius , tout en formant son genre Discopora pour les espèces encroütantes, dont les cellules, régulièrement placées en quinconce, ne sont pas saillantes, qui, pour nous , ne diffèrent pas des Cellepora de Fabricius. Lamouroux, en 1821, a conservé la même circonscription qu’en 1812 au genre Celle- pora;: et de plus, reconnaissant que Lamarck y classe des espèces à plusieurs couches étrangères au genre, il forine de ces espèces son genre Celleporaria que personne ne paraît avoir remarqué. Blainville a compris le genre à peu près comme Lamarck. Gold- fuss, pour les espèces fossiles, ne conserve, dans le genre C'elle- SUR LES MOLLUSQUES BRYOZUAIRES. 295 pora, que les espèces encroûtantes , à une seule couche de cel- lules, correspondant aux Cellépores encroûtantes et aux Discopores de Lamarck. On voit donc, en résumé, qu’à celle époque (1834), les espèces à une seule couche, dont Fabricius a formé le genre Cellepora, sont également conservées dans ce genre par Lamouroux et Goldfuss, et que les espèces à plusieurs couches ont été nommées Celleporaria par le premier de ces auteurs. Les deux genres sont de cette manière parfaitement circonscrits. Lors de la seconde édition des Animaux sans vertèbres de Lamarck, en 1836, M. Edwards apporta les changements sui- vants au genre Cellepora de Lamarck; il ne conserva sous ce nom que les espèces à plusieurs couches , dont Lamouroux avait en 1821 formé le genre Celleporaria. Des Cellepora de Fabri- cius, de Lamouroux et de Goldfuss, il en fait deux genres nou- veaux : les Escharina pour les espèces dont les cellules sont hori- zontales dans leur groupement, les unes par rapport aux autres ; et les Æscharoïdes pour les espèces à cellules obliques. Il con- serve de plus le genre Discopora de Lamarck, en le restr'eignant aux espèces dont les cellules ne sont pas distinctes extérieure- ment, mais du reste identiques. Depuis cette époque, M. Roemer, en 1810, appelle Discopora et Marginaria , les Cellepora de Fabricius, dont les cellules ne sont pas convexes, et Æscharoides les espèces à cellules convexes ; tandis qu'il nomme ÆÉscharina des Bryozoaires tout à fait diffé rents des Escharina de M. Edwards, dont nous avons formé les genres leptescharipora et Reptescharella. En 1845, M. Reuss place les Cellepora, avec des Membranipora , sous les noms de Discopora, el avec ses Marginaria qui renferment encore plu- sieurs genres distincts , tandis qu’il place dans le genre Æscha - rina plusieurs genres entièrement distincts des Æscharina de M. Edwards. En 1851, M. le docteur de Hagenow revient , avec raison, au genre Cellepora de Fabricius, tout en placant comme sous-genres des Escharoides, ses Dermatopora(qui correspondent aux Membranipora de Blainville), ses Marginaria, dans lesquels encore sont des Membranipora, et ses Escharina qui, comme 296 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES celles de MM. Roemer et Reuss, sont toutes différentes des Escharina de M. Edwards. En 1839, dans nos Bryozoaires de l’Amérique méridionale, nous avons, d’après M. Edwards, donné les Cellepora sous le nom d’Æscharina ; nous avons fait la même chose, en 1847, dans notre Prodrome de paléontologie stratigraphique , et même dans les premières planches de notre Paléontologie française. Aujour- d’hui, après avoir remonté à la source, et après avoir étudié un nombre considérable d'espèces vivantes et fossiles , nous croyons devoir revenir au genre Cellepora, tel que Fabricius l’avait com- pris, ainsi que Lamouroux en 1812, et qui correspond en tout point aux Æscharina, aux Escharoides de M. Edwards créés en 1836, et aux Discopora de Lamarck nommés en 1816. Ayant re- connu que les cellules simples, sans pores accessoires, qui carac- térisent les Celiepora, telles que nous les circonserivons, passent sans transition, et d’une manière insensible, sans qu’il soit pos- sible de leur assigner de limites , de la forme concave en dessus à la forme convexe , nous ne pouvons conserver la distinction de Marginaria, appliquée seulement aux espèces non convexes bor- dées d’un cadre saillant. Comme, d’un autre côté, les cellules convexes, simplement juxtaposées et horizontales, passent insen- siblement et par degrés aux cellules plus ou moins obliques, nous ne trouvons pas de limites entre les Æscharoides et les véritables Cellepora, et nous ne pouvons conserver celte division. Il en est de même des Discopora de Lamarck : il suffit de voir des Celle- pora pour s'assurer qu’elles varient, dans le groupement des colo- nies, de la forme discoïdale à la forme irrégulière dans les indi- vidus d’une même espèce, et ne peuvent dès lors motiver la formation d’un genre particulier. En les restreignant, comme fait M. Edwards , aux espèces dont les cellules ne sont pas distinctes, on ne peut encore les conserver, car les colonies dont les cellules ne sont pas distinctes au milieu, sur les vieilles cellules , le sont toujours sur leurs bords, et aucun caractère ne pourrait les séparer nettement des Cellepora comme nous les comprenons. En résumé, nous conservons aux Cellepora le nom le plus an- ciennement donné, en 1780, par Fabricius, et nous placons dans SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 297 le genre les espèces d'Æscharina, d'Escharoules de M, Edwards, et de Discopora de Lamarck, dont la cellule est simple, sans pores accessoires ni parties fossiculées régulièrement , formées d'une seule couche parasite et encroûtante, Malgré les nombreuses réductions, il nous reste encore plus de cent espèces de Cellepora proprement dites. Ce genre commence avec l’étage cénornanien, et atteint son maximum de développe- ment dans les mers actuelles. Nous en figurons des espèces , Paléontologie francaise, pl. 712 et 713. 15€ Genre. — Criceroramia, Lamouroux, 1821. Cellepora (pars), Lamarck, 1801; Milne Edwards, 1836 (non Celleporæ Fabricius, 1780). Colonies non articulées, entières, libres , testacées , fixées au sol par la base testacée d'où partent des rameaux plus ou moins divisés par dichotomisation , et représentant un ensemble den- droïde, Cellules plus ou moins ellipsoïdes ou oviformes, utriculées, à peine distinctes extérieurement, verticales ou obliques, sail- lantes, amoncelées sans ordre les unes sur les autres, et repré- sentant une surface rugueuse. Ouverture ronde ou en croissant , placée à l'extrémité supérieure de la cellule, toujours plus étroite que celle-ci, Des vésicules ovariennes nombreuses généralement bursilormes, placées en avant des cellules, et agglomérées avee celles-ci. : Observations. — Les Celleporaria suivent, à peu de chose près, la même marche dans l'accroissement que les Eschara. Un Celle- poraria commence à chaque colonie par des cellules encroûtantes qui, se superposant de suite, montrent un groupement irrégulier. Elles s’amoncellent les unès sur les autres, et forment dans cet amoncellement toujours une colonie régulière, Lorsqu’en effet celte colonie forme des expansions foliacées, ces expansions sont toujours de la même forme dans la même espèce. Lorsque la co- lonie représente un ensemble rameux, les branches sont toujours de la même grosseur et divisées d’une manière régulière dans la même espèce. Il en résulte que ce mode d'agglomération de cel- 298 A, D'ORBIGNY. — RECHERCHES lules irrégulièrement placées, forme néanmoins, dans l’en- semble de chaque espèce, une colonie de forme régulière tou- jours la même. Lorsqu'on brise un gros tronc d’une espèce ra- meuse, on reconnaît qu’il n'y a plus seulement des individus agglomérés, mais une vie commune. Par suite d’une résorption intérieure, il s'établit au centre des canaux plus ou moins inter- rompus , qui divergent obliquement du centre à la circonférence, et de bas en haut, sans ressembler aux cellules externes, et sans montrer de traces des vésicules ovariennes si nombreuses qui les accompagnent en dehors. Nous croyons donc que la colonie a une existence générale, commune, indépendamment de la vie indivi- duelle de chaque habitant d’une cellule. C’est encore l’une des observations qui nous fait attacher beaucoup d'importance au mode de groupement des individus comme caractère générique. Rapports et différences. — Les Celleporaria, tels que nous les caractérisons, sont aux Semicelleporaria et aux Reptocelleporaria ce que sont les Eschara aux Semieschara et aux Cellepora. Dans l’amoncellement des cellules sur plusieurs couches, au lieu de former un ensemble libre ou encroûtant et parasite, ayant des cellules d’un seul côté, les Celleporaria s'élèvent en rameaux réguliers, où en lames pourvues de cellules de tous les côtés également. Histoire. — Petiver, Pallas et Solander les ont confondus avec les Millepora ; Ellis, en 1755, avec les Eschara ; is furent ensuite placés avec les Eschara , les Cellepora et beaucoup d’autres genres, dans les Cellepora de Gmelin, en 1789, et d’Esper en 1791, qui renfermaient beaucoup d’autres genres que le véri- table genre Cellepora, créé en 1789 par Othon Fabricius dans sa Fauna groenlandica. En 1801, dans l’extrait de son cours, Lamarck changea tout à fait la définition du genre. Loin d'y mettre seulement les espèces que Fabricius y avait placées, il en exclut celles-ci, et place dans son genre Cellepora les espèces à plusieurs couches {nos Semicelleporaria). En 1812, Lamouroux considéra les Cellepora comme Gmelin et Esper. Il en fut de même de Lamarck en 1816. Alors son genre renferme non seule- ment celui qui nous occupe, mais encore les Semicelleporaria , SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES, 299 les Reptocelleporaria, les Cellepora et beaucoup d'autres genres, En 1821, Lamouroux rectifia ce genre ; il laisse dans les Celle- pora ceux de Fabricius, et des espèces à plusieurs couches, types des Cellepora de Lamarck, il les sépare sous le nom de Celle- poraria (Eæposit. méth. des polyp., p. 43). Goldfuss et les au- teurs allemands revinrent au contraire au genre Cellepora pri- mitif de Fabricius, dont M. Edwards, en 1836, dans la seconde édition de Lamarck, fil ses Æscharina et ses Escharoïdes, tandis qu’il conservait comme Cellepora les espèces à plusieurs couches séparées antérieurement par Lamouroux sous le nom de Cellepo- raria. Après avoir remonté à la source , on voit que le genre Celle- pora, créé en 1780 par Fabricius, correspond tout à fait aux Escharina et aux Æscharoides de M. Edwards, et ne peut, en aucune manière, contenir le genre qui nous occupe, nommé Celleporaria par Lamouroux en 1821. Nous lui conservons au- jourd’hui naturellement cette dénomination la plus ancienne. Les Celleporaria se lrouvent vivants et fossiles dans les ter- rains tertiaires seulement, Vivants, ils habitent en grand nombre les mers chaudes , tempérées et froides, bien au-dessous du ba- lancement des marées, et surtout dans les lits des grands cou- rants généraux, principalement sur le banc de Terre-Neuve. Exemple : C. incrassata, d'Orb. , 1851. Cellepora incrassata , Lamarck, 1816, Anim. sans vert., édit. de 1836, IT, p. 256, n°2; Marsig., 1711, pl. 32, fig. 150, 151. Méditerranée, banc de Terre-Neuve, où il est très commun. Le Spitzberg. Notre collection. Ses rameaux sont de 3 à 7 millimètres de diamètre, 16° Genre. — Sewicezceporania, d'Orb., 1851. Colonie entière , testacée , fixée au sol par sa base calcaire , d’où part une lame plus ou moins épaisse, libre, pourvue, d’un seul côté, de plusieurs couches superposées de cellules ordinaires agglomérées. Cellules ovales, verticales ou obliques, souvent peu distinctes extérieurement, amoncelées sans ordre les unes sur les autres, et représentant une surface rugueuse. Ouverture ronde 300 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES ou en croissant placée à l’extrémité supérieure de la cellule, Ordinairement beaucoup de vésicules ovariennes en avant des cellules. Rapports et différences.— Les Semicelleporaria sont aux Celle- poraria ce que sont les Semieschara aux Eschara. Ils en diffèrent, par leur colonie pourvue de cellules d’un seul côté, d’une colo- nie lamelleuse libre, au lieu d’en avoir des deux côtés. Ils dif- fèrent des Replocelleporaria par la colonie libre, non rampante et encroûtante, L'histoire du genre est la même que celle des Celleporaria , avec lesquels ceux-ci ont toujours été confondus. Les espèces sont vivantes, des mers chaudes et tempérées, et fossiles des terrains terliaires. Exemple : S. spongites, d'Orb., 1851. Cellepora spongites , Gmelin, 1789, sp. 55: Lamarck, 1816, Anim. sans verl., édit. de 1836, 11, p. 258, n° 7. Æschara spongites, Pallas, 1766, p. 45. Cellepora spongites, Esper, 1797, pl. 3; Solander, pl. M, fig. 3. Méditerranée. Alger. Notre collection. 17° Genre, — Rerrocezcerorarta, d'Orb., 1851. Colonie testacée, composée d’un ensemble encroûütant, rampant à la surface des corps sous-marins, sans présenter de parties libres lamelleuses, formée de cellules amoncelées, Cellules peu distinctes, ovales, souvent utriculées, horizontales ou plus ou moins obliques, amoncelées, avec leurs vésicules ovariennes en masse plus ou moins épaisse et globuleuse, Rapports et différences. — Ce genre est aux Celleporaria ce que sont les Cellaria aux £schara. C’est une colonie rampante , encroûtante sur les corps sous-marins , sans former de partie libre comme les Semicelleporaria, ni de branches rameuses comme chez les Celleporaria, 11 avait, ainsi que le précédent , été confondu avec les Cellepora de Lamarck. Les espèces sont fossiles du vingt-deuxième étage sénonien, des terrains crétacés, jusqu’à la fin des terrains tertiaires. Les espèces vivantes sont des mers chaudes, tempérées et froides. SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. s01 Exemple : R. crustacea, d’'Orb., 1851. Millepora crustacea , Linn., 1754, syst. x, sp. 16. Millepora pumicosa, Pallas, 1766. Elench., p. 254, n° 157. Ellis, Corall., pl. 30, fig. d, D. Celle- pora pumicosa, Lamouroux, 1816, Polyp. flex., p. 91, n° 180. 1d., Lamarck, 1816, Anim. sans vert., édit. de 1836, IL, p. 256. Océan et Méditerranée, 18° Genre. — Teresrirora, d'Orb,, 4839. Colonie non superticielle , mais creusée dans l’intérieur de la substance testacée des coquilles, composée de cellules non con- tiguës, distantes , naissant les unes des autres par lignées longi- tudinales et latérales en même temps. De l'extrémité de la cellule adulte il naît un canal qui conduit à une nouvelle cellule, en même temps que deux canaux latéraux vont également donner -naissance à une cellule de chaque côté. Cellule creusée par l’ani- mal, sans doute au moyen d’un suc acide particulier , dans l’in- térieur des coquilles de Mollusques, paraissant seulement par transparence , et n'ayant au dehors qu’une ouverture terminale ronde. Rapports el différences. — Ce geure diffère de tous les Bryo- zoaires connus par ses cellules non superficielles , mais creusées par l'animal dans le test même des coquilles. C’est, en un mot. un Bryozoaire perforant , comme le sont les Petricola et les Gas- trochœæna parmi les Mollusques lamellibranches. Ce qu’il y a de plus singulier, c'est qu'avec une disposition de cellules identi- ques, el un mode de reproduction en tout semblable à celui des Hippothea, ce genre se creuse une demeure dans les coquilles de Gastéropodes et d’Acéphales. Exemple : 7. ramosa, d'Orb., 1839, Foyage dans l À mérique méridionale, Polypiers, p. 23, pl. 10, fig. 16, 17. Arica, Pérou. Notre collection. TL’, irregularis, d'Orb. 1839, ibid, p. 23, pl. 40, fig. 18,49, Iles Malouines. Notre collection. 302 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHÉS If rame, — ESCHARINELLIDÆ, d'Orb., 1851. Cellules entières, juxtaposées, sur deux plans opposés , sur un seul plan libre ou fixe, toutes égales , ovales , allongées ou hexa- gones, placées en lignes longitudinales et souvent en quinconce. Toujours pourvues d’un seul pore spécial, invariablement placé en avant d’une ouverture petite par rapport à la cellule. Souvent des vésicules ovariennes qui recouvrent le pore spécial. Cette famille, pourvue de cellules semblables aux cellules des Escharidées, s’en distingue par la présence d’un pore spécial placé en avant de l’ouverture. Elle diffère de la famille des Po- rinidées par le pore placé en avant et non en arrière de l’ouver- ture, Cette division a été confondue jusqu’à présent avec les Æscha- ‘ ridées ou les Cellaria. Voici comment nous divisons les genres de cette nouvelle famille : A. Cellules autour d'un cylindre ou sur deux faces opposées GENRES, de la colonie. a, Cellules autour de branches rondes cylindriques. . . Vincularina. b. Cellules sur deux faces opposées d'une colonie com- primée,. * Cellules en lignes longitudinales : :, , . . . . Escharinella, ** Cellules en lignes transversales. . . . . . . . . Melicerila. B. Cellules sur une seule face de la colonie. 1. Une seule couche de cellules. a. Colonie en lame libre non encroûlante, , . , . . Semiescharinella. b. Colonie fixe rampante et encroûlante. , . . . . . Reptescharinella. 2. Plusieurs couches de cellules , . . , . . . . . «+ . Mullescharinella. 4e Genre. — VixcuzarinA, d'Orb,, 4850. Colonies identiques avec les colonies des F’incularia, dont ce genre a tous lescaractères d'ensemble et de disposition des cellules, mais qui en diffère seulement par la présence, au-dessus de l’ou- verture ordinaire , d'un pore spécial placé-ou non sur une protu- bérance spéciale, el donnant quelquefois naissance à une vésicule ovarienne. Jusqu'à présent, toutes les espèces de ce genre sont fossiles. Nous en avons décrit et figuré sept espèces dans nolre Paléon- SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 303 tologie française, Terrains crélacés , t. V, p. 92 et suivantes , et pl. 198 et suivantes; pl. 601, fig. 4-6, 5-7 ; pl. 660, fig. 8-10 ; 660, fig. 11-13 ; pl. 682, fig. 16-18, 1921. 2e Genre. — Escuarinecea, d'Orb., 1850, Colonie non articulée, entière, testacée, fixée à la base par sa substance testacée, d'où partent des rameaux ou des lames com- primées représentant un ensemble dendroïde. Cellules juxtaposées sur deux plans opposés dans le sens de la compression, comme adossées les unes aux autres latéralement ; elles sont presque tou- jours égales, régulièrement placées, les unes par rapport aux au- tres, en quinconce ou en lignes longitudinales et obliques , très variables de forme et plus ou moins distinctes. Ouverture ronde, ovale ou en croissant, transversale ou longitudinale, n’occupant jamais la moitié de la longueur des cellules, placée en avant de celles-ci, et jamais pourvue de membrane, Un pore spécial invariablement placé en avant et au-dessus de l’ouverture, don- nant ou non naissance à une vésicule ovarienne. Nous n'avons pas vu de cellules accessoires sur les espèces qui nous sont connues. Rapports et différences. — Tel que nous le circonscrivons, ce genre, avec tous les autres caractères des Æschara, s’en distingue par la présence du pore spécial qui existe en avant de l’ouver- ture. C’est, en un mot, un Æschara pourvu d’un seul pore spécial au-dessus de l'ouverture, ce qui n’existe jamais chez les Eschara, où les cellules ovariennes , lorsqu'elles existent, communiquent directement avec l'ouverture sans l'intermédiaire d’un pore spécial, Aucune espèce de ce genre n’a encore été figurée par les au- teurs. Les premières espèces sont de l'étage cénomanien des terrains crétacés. Nous en connaissons des espèces vivantes des mers de l’Inde et de la Chine dans les régions chaudes. Nous en avons décrit et figuré six espèces des terrains crétacés dans notre Paléontologie française, t. V, p. 201 et suiv., pl, 683. \ 304 A. D'ORBIGNYX. — RECHERCHES 3° Genre. — MeucertrA, Edwards, 1836. Colonie absolument comme celle des Æscharinella , avec cette seule différence que les cellules, au lieu de naître par lignées longitudinales au bout des cellules préexistantes, naissent sur le côté de l'extrémité des cellules, sans former de lignées longitudi- nales, mais des cellules régulièrement en quinconce par lignes transversales. | Rapports et différences. — Les Melicerita de M. Edwards sont aux Escharinella ce que sont nos Latereschara aux Eschara ; ils en différent par le mode de groupement des cellules dans la co- lonie, et le mode de reproduction par bourgeons latéraux et non antérieurs. On connaît une seule espèce du 26: étage falunien du crag d'Angleterre. M. Charlesvorthü, Edwards, 1836, Ann. des sc. nat., p. 26, pl. 42, fig. 19. De Sudbourne (Suffoik). Le Genre. — SemtescuaARINELLA, d'Orb., 1851. Colonie entière, fixée à sa base par sa substance testacée, d’où partent des lames libres pourvues de cellules d’un seul côté. Cellules juxtaposées sur une face, et placées par lignées longi- tudinales et en quinconce, souvent distinctes. Ouverture pelle , variable, occupant l’extrémité antérieure de la cellule. En avant de chaque ouverture, se voit un pore spécial unique et médian. Avec des cellules identiques avec les cellules des deux genres précédents, celui-ci s’en distingue par sa colonie formée d’une seule couche de cellules au lieu de deux adossées. Également voisin du genre Reptescharinella, celui qui nous occupe s’en distingue par sa colonie libre, et non rampante ou encroùlante à la surface des corps sous-marins. La seule espèce que nous connaissions est du 22° étage sénonien ou craie blanche. Paléontologie, pl. 714, fig. 1-h. SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 30 5° Genre. — ReprescuaniNeLLA, d'Orb., 4851. Colonie entière fixée par toute sa surface , et enveloppant les corps sous-marins par encroûtement. Cellules juxtaposées , pla- cées par lignées longitudinales et en quinconce. Ouverture mé- diocre placée en avant de la cellule. Le pore spécial est médian ou sur le côté, mais toujours en avant de l’ouverture. Comme on le voit, les Reptescharinella diffèrent du Semiescha- rinella par leur colonie fixe, rampante à la surface des corps au lieu d’être libre. La disposition des cellules est hors cela absolu- ment la même. Toutes les espèces que nous connaissons sont fos- siles de l’étage sénonien. De Rugen et de France. Nous en avons figuré une espèce dans Paléontologie francaise, : terrains crétacés, pl. 714, fig. 5-7, 6° Genre. — MurrescrarineLLA, d'Orb., 4854, Colonie testacée , composée d’un ensemble encroûtant , ram- pant à la surface des corps sous-marins, sans affecter aucune forme régulière; pourvue de cellules d’un seul côté. Cellules amoncelées sur une seule face, de forme ovale, saillantes ou non. Ouverture petite, variable, placée en avant de la cellule. Un pore spécial placé en avant de l'ouverture, et devant remplacer la vésicule ovarienne. Avec des cellules semblables à tous les autres genres de la fa- mille , celui-ci s'en distingue parce que, non simplement formé d’une seule couche de cellules, il se compose au contraire de nombreuses cellules agglomérées placées les unes sur les autres, de manière à ce que les dernières recouvrent entièrement les au- tres, et forment un ensemble d'autant plus épais que la colonie est plus âgée. Nous connaissons une seule espèce de ce genre, M. prolifera , d'Orb., 1851. Cellepora prolifera, Reuss, 1848. ÆFoss. polyp. der Wiener, pl. 9, fig. 15°, 15° du 26° étage falunien. Vienne (Autriche). 3° série. Zoo T, XVII. (Cahier n° 6.) 4 29 306 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES IIS Faure, — PORINIDÆ, d'Orb., 4854. Cellules entières, juxtaposées, sur deux plans opposés, sur un seul plan libre ou fixe, toutes égales, ovales ou anguleuses, sail- lantes ; placées en lignées longitudinales et en quinconce. Ouver- ture souvent saillante en tube, ronde et terminale, Un seul pore spécial placé invariablement en arrière de l'ouverture , souvent à la partie médiane. Nous ne connaissons dans celte famille ni cellules accessoires, ni vésicules ovariennes. Avec les mêmes caractères généraux de cellules que les deux familles précédentes, celle -ci se distingue de la première par la présence d’un pore spécial, et de la seconde par son pore spécial non placé en avant ou sur le côté de l’ouverture, mais invariable- ment en arrière de celle-ci sur le milieu de la cellule. Les auteurs ont confondu cette famille avec les Eschara, et la présence de l’ouverture tubuleuse de quelques espèces d’un des genres nous les avait fait confondre avec les Bidiastopora , dont nous les retirons aujourd’hui pour les placer ici où les classent leurs caractères naturels. Nous donnons, dans le tableau suivant, les caractères opposables des genres que nous rangeons dans cette famille. 1. Colonie entièrement libre, cunéiforme. . . . . . . « . Flabellopora. IL. Colonie fixe rameuse ou lamelliforme. A. Cellules sur deux faces opposées d'un ensemble ra- MÉDE: nv sd 3 dust boat has € ve De Porina. B. Cellules sur une seule face de la colonie. a. Colonie libre non encroûtante. * Colonie rameuse , cellules sur quatre lignées. . Sparsiporina, ** Colonie lamelleuse , cellules sur un nombre in- défini da lignées u3, #44 it Qi 0 4 Semiporina. b. Colonie fixe rampante et encroûtante. . . . . . . Reploporina. 4er Genre. — FLasezorora, d'Orb,, 1850. Colonie non articulée, entière, testacée, entièrement libre, représentant un rhomboïde plein, comprimé, acuminé en coin anguleux en arrière , élargi en éventail sur les côtés, terminé en SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 307 dessus par une surface saillante arrondie. Cellules adossées sur deux plans opposés, disposées latéralement en quinconce régulier par suite de lignes parallèles aux deux côtés que forment l'éventail, qui se croisent régulièrement ; les cellules sont d'autant plus grandes qu’elles s’éloignent davantage de la base. Toutes sont concaves au milieu et de forme rhomboïdale : elles naissent alter- nalivement de chaque côté sur la tranche de la partie antéreure du rhomboïde, Ouverture ovale placée en long au milieu de la cellule. Deux pores spéciaux en arrière de l’ouverture sur la ligne médiane. Rapports et différences. — Par son ensemble rhomboïdal ou fla- belliforme, libre , ne montrant aucun point d’adhérence , et par ses cellules croissant régulièrement à mesure que l’ensemble grandit, ce genre se distingue nellement de tous les autres. C’est, nous le croyons, le seul exemple d'un Bryozoaire libre, voisin du reste des Æschara par sa forme et les deux plans adossés de ses cellules. Nous avons découvert la seule espèce connue du genre dans les sables de fond, pris au niveau de 20 mètres environ de pro- fondeur, dans les mers de la Chine, près de Ouantang et d'Hai- nan, par MM. Cécile et de Candé. L'espèce légèrement renflée au milieu, rhomboïdale, nous la nommons Z‘labellopora elegans , d’Orb. (de notre collection). Paléontologie française, pl. 661. 2e Genre. — Poixa, d'Orb, 1851. Bidiastopora (pars), d'Orb., 1850. Eschara, de Hagenow, 1851. auctorum. Colonie non articulée, entière, testacée, fixée à la base par sa substance testacée , d’où partent des rameaux comprimés repré- sentant un ensemble dendroïde. Cellules juxlaposées sur deux plans opposés, dans le sens de la compression , comme adossées les unes aux autres latéralement, égales, placées les unes par rapport aux autres en lignées longitudinales et en quinconce, peu distinctes, le plus souvent comme tubuleuses, l'ouverture toujours antérieure étant quelquefois saillante en tube. Un pore spécial placé en arrière de l'ouverture à la partie médiane ou latérale de 308 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES la cellule. Nous ne connaissons ni cellules accessoires ni vésicules ovariennes. Les vieilles branches ont les tiges très encroûtées, et souvent les ouvertures oblitérées. L’usure des branches produit les aspects les plus différents. Du reste, le mode d’accroissement est absolument le même que celui des Éschara. Rapports et différences. — Ce genre, par son aspect extérieur, peut-facilement se confondre avec les Bidiastopora, mais des dif- férences profondes d'organisation les distinguent. En effet, chez les Porina , il y a toujours des cellules juxtaposées, tandis que les Bidiastopora ont ces cellules centrifuginées (voy. t. XVI, p. 306), c’est-à-dire dont le germe part de la base et décrit en- suite une ligne parabolique. Ces genres appartiennent donc à deux modes spéciaux d'organisation intérieure qu’on ne peut con- fondre. Les deux séries de cellules adossées des colonies de ce genre empêchent de les confondre avec les autres genres de la famille , tous formés de colonie à cellules d’un seul côté. Histoire. — Une espèce usée et méconnaissable a été décrite et figurée par Goldfuss, en 1826, sous le nom d’Eschara filo- grana. En 1847, nous en avons cité une espèce sous le nom de Bidiastoporaramosa. En 1850, nous en avons figuré deux espèces parmi nos Bidiastopora, Paléontologie francaise, pl. 626, fig, 5 à 15. En 1851 , M. de Hagenow a donné nos deux espèces sous un grand nombre de noms différents ; tandis que ce ne sont que des degrés différents d’usure ou d’altération due à la fossilisation. Toutes les espèces sont vivantes et fossiles des étages séno- nien, parisien et falunien. Nous connaissons onze espèces. Voyez Paléontologie francaise, pl. 626, fig. 5-10, 11-15; pl, 714, fig. 8-10 et 11-13. 3° Genre. — Sransironina, d'Orb., 4854. Colonie entière testacée, fixée à sa base pat sa substance tes- tacée , d’où partent des rameaux comprimés, pourvus d’un seul côté de quatre lignées longitudinales de cellules. Cellules juxta- posées, placées les unes par rapport aux autres, par lignes longi- tudinalez: et en quinconce, très distinctes , saillantes, convexes, mes SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES, 309 terminées antérieurement par une ouverture circulaire. En arrière de cette ouverture, on voit un pore spécial placé au milieu. Rapports et différences. — Avec des cellules identiques avec les cellules des Porina, ce genre s’en distingue par ses colonies n'ayant de cellules que d’un côté. Avec des cellules d’un seul côté, comme chez les Semiporina, ce genre s’en distingue par sa colonie ra- meuse dendroïde, au lieu de former de simples lames flexueuses. La seule espèce connue a été classée, en 1848, dans le genre Relepora, par M. Reuss ; mais il est facile de se convaincre qu’elle n’a que des rapports éloignés avec les Retepora. Exemple : Sparsiporina elegans , d’'Orb., 1851. Retepora ele- gans , Reuss, 1848. Aus Siener foss. polyp. Wien. lert., pl. 6, fig. 38. Fossile du vingt-sixième étage falunien des environs de Vienne (Autriche). &* Genre. — Semironiwa , d'Orb., 4854. Colonie entière testacée, formée de grandes lames flexueuses irrégulières, pourvues, d’un seul côté, de nombreuses lignées longitudinales de cellules. Cellules juxtaposées, plus ou moins dis- tinctes, convexes ou concaves , pourvues , à la partie antérieure, d’une ouverture terminale variable de forme. En arrière de l’ou- verture, on voit un pore spécial très prononcé. Rapports et différences. — Ce genre avec des cellules identi- ques , et, d’un seul côté , d’une colonie libre comme les Sparsi- porina, s’en distingue néanmoins par sa colonie en lames minces, flexueuses, souvent très étendues, formées d’un grand nombre de lignées de cellules , au lieu d’en avoir quatre seulement sur une branche étroite dendroïde. Les cinq espèces connues sont vivantes ou fossiles des terrains tertiaires. Deux de ces dernières ont été décrites sous le nom de V'aginipora par M. Reuss ; mais ce genre ’aginipora de M. De- france, toujours incertain , n’est pas encore reconnu pour être un Bryozoaire. Exemple : S, fissurella, d'Orb., 1851. Y'aginipora fissurella , Reuss, 4848. Foss. Polyp. der Wiener , pl. 9, fig. 5. Fossile du vingt-sixième étage falunien de Vienne (Autriche). 310 A. D'ORRIGNY. — RECHÉRCHES 5. geminipora, d'Orb., 1851, F'aginipora geminipora, Reuss, 1848. Foss, Polyp. Wiener, pl. 9, fig. 3, 4. Vienne (Autriche). 5° Genre. — ReproporiNa, d'Orb., 1851. Colonie testacée, rampante, encroûtante à la surface des corps sous-marins, pourvue d’une seule couche de cellules en lignées longitudinales plus ou moins régulières. Cellules juxtaposées plus ou moins distinctes, variables de forme, pourvues antérieurement d’une ouverture de forme diverse. En arrière on remarque un pore spécial très prononcé, Rapports et différences. — Avec des cellules d’un seul côté comme les Semiporina , ce genre s'en distingue par ses colonies non en lames libres, mais en surface encroütante sur les corps sous-marins où il forme des taches irrégulières. Les vingt espèces connues sont fossiles des étages sénonien , parisien et falunien, et vivantes de toutes les mers, chaudes, tem- pérées et froides, Exemples : 2. simple, d'Orb., 1851, ÆEscharina simplez , d'Orb., 1839. Joy. dans l'Amér. mérid., p.13, pl. 5, fig. 5-8. Iles Malouines. Notre collection. R. cornuta, d'Orb., 1851. Escharina cornuta, d'Orb., 1839 ; ibid, p.13, pl. 5, fig. 13-16. Valparaiso, Chili, Notre collection. IV® Famise. — ESCHARELLINIDÆ, d'Orb., 4851. Cellules entières juxtaposées, sur deux plans opposés, ou sur un seul plan libre ou fixe, égales, variables de forme ; ouverture terminale petite; deux pores spéciaux placés autour de l’ouver- ture, Quelquefois des cellules accessoires. Rapports et différences. — Avec des cellules disposées el ana- logues à celles des Escharidées, cette famille s’en distingue, ainsi que toutesles autres, par la présence de deux pores spéciaux ou plus, autour de l’ouverture. Confondus, quand ils étaient connus, avec les Æschara, les Cellepora , les Escharina et heaucoup d’autres genres, ceux que SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 311 nous plaçons dans la famille se divisent de la manière suivante par leurs caractères opposables. A. Cellules autonr ou des deux côtés de la colonie. a. Colonie conique, libre, avec des cellules tout au- DORE er ete à À le ete de à in Conescharellina. b. Colonie, avec des cellules sur deux faces opposées. Escharellina. B. Cellules sur une seule face de la colonie. a. Colonie composée d'une seule couche de cellules, * Colonie libre, lamelleuse, non encroûtante . . Semiescharellina. ** Colonie fixe, rampante, encroûlante. 1. Cellules distinctes séparées. . . . . . . . Distansescharellina. 2. Cellules juxtaposées non séparées. . . . . Replescharellina. b. Colonie composée de plusieurs couches superpo- sées do celles ah. not sel Multescharellina. {1° Genre. — CoxescuarezLixa, d'Orb., 1851. Colonie entière, tout à fait libre, représentant un cône acuminé . d’un côté, élargi et tronqué de l’autre. Cellules juxlaposées pla- cées autour du cône sur dix lignées longitudinales et en quinconce, toutes égales, ovales, allongées dans le sens du rayonnement du centre à la circonférence du cône. Ouvertureronde, petite, placée à l'extrémité saillante de la cellule. Des deux pores spéciaux, l'un est près de l'ouverture sur la ligne médiane des cellules, et l’autre sur le côté, dans le sillon qui sépare les cellules. Observation. — 11 paraît que, dans l’accroissement, les nou- velles cellules naissent sur le côté large du cône, qui devient d’autant plus long qu'il a recu plus de cellules successives. On pourrait même croire que, dans le jeune âge, la colonie peut être fixée par l’extrémité conique. Rapports et différences. — La forme conique de la colonie distingue bien nettement ce genre de tous les autres, Toutes les espèces sont vivantes et des mers de l'Inde. Exemple : Conescharellina angustata, d'Orb., 1851. Cette espèce est conique ; elle se distingue de la suivante parce que, du côté large du cône, toutes les cellules viennent se réunir au centre, Jle de Basilan (notre collection), Paléontologie francaise, pl. 714, fig. 14-16 312 A. D'ORRBIGNY. — RÉCHERCHES 2° Genre, — EscaareLLiNA, d'Orb., 1854, Colonie entière, fixée à sa base par sa substance testacée même, d’où partent des rameaux comprimés, formant un en- semble dendroïde. Cellules juxtaposées sur deux plans opposés, dans le sens de la compression, comme adossées les unes aux autres , égales, souvent convexes, et assez régulièrement placées en lignées longitudinales eten quinconce, fréquemment perforées de petits trous irréguliers à leur surface. Ouverture ronde, petite, n'occupant que l'extrémité antérieure et sans membrane. Plu- sieurs pores spéciaux, irréguliers, placés seulement autour, et le plus fréquemment sur les côtés de l’ouverture. Rapports et différences. — Ce genre, pourvu de pores, comme les Escharinella, les a autrement disposés. Au lieu d’en avoir un seul, au milieu, en avant de l’ouverture , les pores sont ici plus nombreux, placés presque toujours latéralement à l’ouverture, souvent un de chaque côté; mais aussi quelquefois ils sont plus ‘nombreux. Nous connaissons aujourd’hui seize espèces; elles commencent .dans les terrains crétacés, mais ont leur maximum dans les ter- rains tertiaires. Exemple : Escharellina oculata, d'Orb., Paléontologie française, t, V, pl. 627, fig. 17-21. De l’étage sénonien de France. 3e Genre, — SeuiescuaRezLiNA, d'Orb., 14851, Colonie entière, fixée à sa base par sa substance testacée, d’où partent des lames libres pourvues de cellules d’un seul côté. Cellules juxtaposées sur une seule face , et placées par lignées longitudinales et en quinconce, le plus souvent distinctes. Ou- verture pelite, terminale. En avant ou sur le côté de l'ouverture, -on remarque toujours deux pores spéciaux de forme variable. Comme on le voit, ce genre, avec tous les caractères iden- tiques avec les cellules que nous avons vus aux Escharellina, s’en distinguent, parce que leurs colonies, au lieu d’avoir deux séries SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 313 de cellules adossées l’une à l’autre, n’en ont qu’une seule sur une seule face. Nous connaissons une seule espèce fossile de l’étage sénonien : Semiescharellina mumia, d'Orb., 1851, Paléontologie fran- caise, Terrains crétacés, pl. 714, fig. 17-20. De Sainte-Colombe (Manche). 4° Genre. — DisransesceaRELLINA, d'Orb., 1854. Colonie entière, fixée et rampante à la surface des corps sous- marins par tous ses points, composée de cellules sur une seule couche, placées par lignées irrégulières. Cellules séparées les unes des autres latéralement , et comme isolées. Ouverture an- térieure, deux pores spéciaux autour de l’ouverture. Rapports et différences. — Ce genre est aux Escharellina abso- lument ce qu'est le genre Mollia aux Eschara. Les cellules ici sont isolées les unes des autres latéralement , caractère qui les distingue des Reptescharellina, où ces cellules sont contiguës de tous les côtés. La seule espèce connue est la suivante : D. pteropora, d'Orb., 1851; Cellepora pteropora, Reuss, 1848, Foss. Polyp. des Wiener., t. XXVI, pl. 9. Vienne (Au- triche); du 26° étage falunien, 5° Genre. — RerrescHarELLINA , d'Orb., 4851. Colonie entière, fixée par toute sa surface encroütante sur les corps sous-marins. Cellules juxtaposées sur une seule couche, en lignées longitudinales et en quinconce, plus ou moins régu- lières, variables dans leurs formes , planes , souvent convexes, obliques ou non. Ouverture ronde ou ovale, souvent saillante , presque toujours terminale. Deux pores spéciaux en avant ou en arrière de l'ouverture. Rapports et différences. — Ce genre, composé de cellules sur une seule couche, comme chez le genre Semiescharellina , s’en distingue bien nettement par ses colonies rampantes et encroû- lantes à la surface des corps sous-marins, au lieu d’être en lames libres. Les espèces vivantes sont de loutes les mers, mais surtout de 314 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES la mer Rouge, où elles vivent parasites sur les plantes et les coquilles marines ; les espèces fossiles commencent à paraitre dans les terrains crétacés , à l’étage cénomanien. Nous en con- naissons vingt-cinq espèces : le maximum actuel se trouve dans l'étage falunien. Exemple : Reptescharellina Oceani , d’Orb., 1851. Escharina Oceani, d'Orb.,1850. Paléontologie française, pl. 605, fig. 14, 45. Fossile de l'étage cénomanien du Mans (Sarthe), et trois autres espèces de l'étage sénonien données dans le même ouvrage, pl. 715. 6° Genre. — Murrescnanezuina, d'Orb., 1851, Colonie entière, fixe, encroûtante, formant des monticules sur les corps sous-marins. Cellules juxtaposées , ou amoncelées en plusieurs couches les unes sur les autres, sans montrer de lignes quinconciales. Elles sont obliques , plus hautes que larges, ou même cylindriques. Ouverture presque terminale, ronde, sail- lante, pourvue de deux pores spéciaux, un de chaque côté de l'ouverture, souvent sur des saillies spéciales. Rapports et différences. — Ce genre diffère de tous les autres en ce que la colonie, encroûtante comme celle des Reptescharel- lina, est formée de cellules amoncelées sur plusieurs couches , comme chez les Replocelleporaria, mais se distinguant de ce der- nier genre par des cellules identiques avec les Æscharellina , c’est-à-dire pourvues de deux pores spéciaux. Nous connaissons six espèces de ce genre, vivantes, des côtes de l'Algérie, de France, ou fossiles de l’étage sénonien de Rugen ( Suède ). \ Exemple : Multescharellina accumulata, d'Orb., 1851. Celle- pora aceumulata, de Hagenow, 1839, in Jarhb., p. 270. Roemer, 1840, Kreide, p. 25. Geinitz verstein, p. GA, pl. 236, fig. 39, Fossile de l'étage sénonien de Rugen. Notre collection, Nous avons parfaitement reconnu les caractères de ce genre sur l’échan- tillon qui nous a été donné par M. de Hagenow. SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 319 Ve Faire. — ESCHARELLIDÆ, d'Orb., 1851. Cellules juxtaposées, sur deux plans opposés ou sur un seul plan libre ou fixe, égales, criblées de fossettes régulières, souvent transverses ou rayonnantes , généralement placées en arrière de l'ouverture, Ouverture variable, sans pores spéciaux autour. Cellules accessoires rares, plus grandes que les autres, et ouvertes sur une partie de leur longueur. Cette famille pourvue de fossettes nombreuses, régulièrement disposées sur la cellule, comme les deux familles suivantes, s’en distingue par le manque de pores spéciaux distincts, comme on le verra dans ces deux familles. Nous divisons les genres de cette famille ainsi qu'il suit, en placant leurs caractères opposables. A. Fossélles tout autour de la cellule; cellules sur deux TRES DPDOSCON AE AE EPL ANNEE UE LENS Escharifora. B. Fossettes seulement en arrière de l'ouverture. a. Colonie avec des cellules sur denx faces opposées. Æscharella. b. Colonie avec des cellules sur une seule face. * Colonie libre, lamelleuse, non encroûtante. . . Semiescharella. ** Colonie Gxe, rampante, encroûtante. 1. Cellules distantes, éloignées. . . . . . . . Distansescharella. 2. Cellules contiguës , en contact. . . . . . . Reptescharella. 1 Genre. — Escaarirona, d'Orb., 1851. Colonie entière, fisée à sa base par sa substance testacée , d'où part un ensemble flabelliforme ou spatuliforme en palettes. Cellules ordinaires juxtaposées , sur deux plans opposés, dans le sens de la compression, comme adossées les unes aux au- tres. Elles sont égales, régulières , excavées, placées en lignées longitudinales et en quinconce. Ouverture très pelite, en demi- lune transverse, placée presque au milieu de la cellule ; une série de fosseltes entoure toute la cellule et y forme un encadrement. Cellules accessoires réparties comme chez les Æschara. Rapports et différences. — Ce genre, avec des cellules criblées, avec un ensemble de cellules ordinaires et accessoires identiques 316 * A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES avec celles des Æscharelhideæ, s’en distingue parce que la cellule ordinaire est entourée d’une série de fossettes qui l’encadrent, et lui donnent un aspect singulier. Voisin des Escharella par ses fos- seltes, ce genre diffère par celles-ci occupant tout le pourtour de la cellule, au lieu d’être en arrière de l’ouverture seulement. C’est un type remarquable encore, caractérisé par la position médiane de son ouverture en demi-lune, tandis que les ouvertures de cette forme sont toujours antérieures chez les autres Escharellidæ. Les espèces que nous connaissons sont toutes de l’étage séno- nien ou craie blanche de France. Voyez Paléontologie française , p. 208, pl. 666, fig. 13-16; pl. 671, fig. 4-4, pl. 684, fig. 1-8; pl. 715, fig. 10-16. 2e Genre EscaareLLa, d'Orb., 4851. Colonie en tout semblable aux colonies d'Eschara. Cellules ordinaires juxtaposées, souvent inégales, généralement convexes, criblées sur toute leur surface postérieure à l'ouverture, de petites fossettes généralement transverses, rayonnantes , ou placées en long par lignes rayonnantes. Ouverture ordinaire , en avant des cellules, et sans pores spéciaux autour. Cellules accessoires très rares, mais plus grandes que les autres, et ouvertes sur toute leur longueur. Rapports et différences. — Avec des cellules analogues de forme et disposées comme les cellules des Æschara , ce genre s’en dis- üingue par la surface postérieure à l’ouverture de ces cellules, criblée de petites fossettes régulièrement disposées en rayons ou en lignes transverses. Il s’en distingue encore par ses cellules ac- cessoires ouvertes sur la moitié de leur longueur et de toute autre forme. Plus voisin des £scharipora, également criblés de fossettes, il s'en distingue par le manque de pores spéciauæ sur les côtés et en avant de l'ouverture, Ce genre avait été jusqu’à présent con- fondu avec les Eschara : une seule espèce était connue. Toutes les espèces que nous connaissons sont fossiles, et même, chose remarquable, elles appartiennent à l’étage sénonien ou craie blanche de Maëstricht, de Paris, et du bassin pyrénéen de France, SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 317 Nous en avons décrit et figuré trois espèces. Paléontologie francaise, t, V, p. 219, pl. 666, fig. 7, 9; pl. 684, fig. 9-11. 3° Genre. — SemiescuarecLa ; d'Orb., 4851. Colonie formée d’une lame libre portant des cellules d’un seul côté. Cellules juxtaposées, convexes, criblées à sa partie posté- rieure, à l’ouverture seulement, d’une série de fossettes tout autour : ces fossettes rayonnantes. Ouverture antérieure termi- nale, sans pores spéciaux autour, Rapports et différences.— Avec des cellules identiques avec les cellules des Escharella, ce genre en diffère par sa colonie formée d’une simple lame libre ayant des cellules d’un seul côté. Il se distingue des deux genres suivants par sa colonie libre et non en- croûtante. Nous ne connaissons encore qu’une seule espèce de ce genre vivante et de la Méditerranée, Semiescharella flexuosa, d'Orb., 1851. Espèce en_ lame flexueuse, épaisse, comme bosselée, dont les cellules sont grandes, convexes, avec une seule série de fossettes tout autour. Ouverture terminale saillante, non bordée, ovale et grande. Dans les régions profondes de la côte d’Afrique, près d'Alger. Notre collection. £° Genre. — DisransescuarezLa, d'Orb., 4851. Colonie formée d’une surface encroûtante, rampante à la sur- face des corps sous-marins. Cellules ordinaires distantes les unes des autres et séparées par un intervalle, toutes convexes, ovales, pourvues de petites fossettes transverses un peu rayonnantes pla- cées tout autour de la cellule, en arrière de l’ouverture. Ouver- ture antérieure terminale, sans pores spéciaux autour, Dans l’in- tervalle qui sépare les cellules se remarquent d’autres cellules accessoires très petites ayant à peine le quart des autres, mais de même forme. Rapports et différences. — Ce genre est aux autres genres de la famille ce que sont les Mollia par rapport aux Escharidées, avec celle différence, que les cellules ordinaires sont criblées de 318 A. D'ORBIGNY. — RECHÉRCHNES fossettes, et que l’intervalle des cellules oïdinaires est couvert de petites cellules accessoires. Ce dernier caractère le distingue des Reptescharella, dont les cellules sont contiguës. Nous connaissons de ce genre trois espèces fossiles de l'étage sénonien, décrites comme Æscharina ou Cellepora par MM. Roe- mer, de Hagenow et Reuss, mais s’en distinguant par tous les caractères génériques assignés à ce dernier genre. Exemple: Distansescharella inflata, d'Orb., 1851. Escharina inflata, Roemer, 1840. Kreide, p. 14, pl. 5, fig. 5. Étage séno- nien de Gehrden. Distansescharella radiata, d’'Orb., 1851. Escharina radiata, Reuss, pl. 15, fig. 19 (non Roemer, 1840). L'espèce de Roemer a les cellules contiguës et dépend du genre Replescharella, landis que l'espèce figurée sous le même nom par M. Reuss à les cel- lules distantes. Craie de Bohême. 6e Genre, — ReprescuareLLaA, d'Orb , 1851. Colonie formée d’une surface irrégulière encroûtante, rampante à la surface des corps sous-marins. Cellules d’une seule sorte, toutes en contact les unes avec les autres, convexes, ovales, pour- vues, en arrière de l'ouverture seulement, de fossettes par lignes rayonnantes ou transversales très régulières. Ouverture antérieure terminale sans pores spéciaux autour. Rapports et différences. — Composé de cellules encroûtantes et rampantes à la surface des corps sous-marins, comme les Distans- escharella ; ce genre s’en distingue par ses cellules en contact el non distantes les unes des autres. Ce genre est aux Æscharella ce que sont les Cellepora aux Eschara. Nous en connaissons un grand nombre d'espèces vivantes el fossiles. Fossiles, elles commencent à paraître avec l'étage céno- manien , et ont leur maximum de développement dans le vingt- deuxième étage sénonien ou craie blanche. Vivantes, elles sont de toutes les mers, mais principalement des mers chaudes et tem- pérées, Nous en figurons neuf espèces dans notre Paléontologie fran- gaise, Terrains crétacés, pl. 604, fig. 14,12; pl. 715 et 716. SUR LES MOILUSQUES BRYOZOAIRES. 319 VIe Fame. — PORELLIDÆ, d'Orb., 1851. Cellules juxtaposées, criblées de fossettes régulières transverses ou rayonnantes placées en arrière de l'ouverture, Ouverture va. riable pourvue d’un seul pore spécial placé toujours au milieu et en avant de l’ouverture ; souvent des vésicules ovariennes. Avec des cellules semblables aux cellules des £scharellidæ, celte famille s’en distingue par la présence d’un pore spécial antérieur à l’ouverture ; elle diffère des Æschariporidæ par un seul pore spécial médian au lieu de deux ou plus de pores spéciaux pairs. Les genres de cette famille avaient été dispersés dans les genres Eschara, Cupularia et Cellepora, suivant leur mode de groupe- ment en colonie circulaire ou rampante. Ils sont vivants ct los- siles , mais commencent avec le vingt-deuxième élage sénonien dans les terrains crétacés. Nous les divisons de la manière suivante, en mettant leurs caraclères en opposition. A. Colonie libre, non encroûtante ; discoïdale, convexe d'un COS er CR UE OS, ah. «0 DISCOPUTeNT, B. Colonie fixe, rampante, encroûtante. . . . . . . . . . Reptescharella. 4er Genre. — DiscoronezLa , d'Orb., 4851. Colonie entière, fixe seulement dans le jeune âge, libre ensuite, orbiculaire, convexe d’un côté, plane ou concave de l'autre. Cel- lules d’un seul côté, juxtaposées, placées sur la face convexe seu- lement et invariablement disposées en quinconce, dirigées du centre à la circonférence ; chacune est concave, bordée d’une forte côte commune , criblée , en arrière de l'ouverture , de fos- settes rayonnantes régulières. Ouverture transverse antérieure , petite, en avant de laquelle est un pore spécial unique , médian , très régulier, placé invariablement en avant de l’ouverture, Sur la face plane ou concave sont des sillons irréguliers divergents, au milieu desquels naissent d’autres sillons, sur une surface cti- blée de pores. Rapports et différences, -- Ce genre diffère du suivant par ses : colonies circulaires , convexes d’un côté , concaves de Pautre, 320 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES libres et semblables aux Lunulites. Il se distingue des Lunwntes et des Cupularia par ses cellules pourvues de fossettes régulières rayonnantes et non entières. Toutes les espèces que nous connaissons aujourd'hui sont fos- siles des terrains tertiaires, ou vivantes dans les mers tem- pérées. Exemple : Discoporella umbellata, d'Orb., 1851. Voyez Paléon- tologie francaise , pl. 717, fig. 1-5. Lunulites umbellata, Def., 1823. Diet. des sc. nat., t. XXVIT, p. 361. Blainville, Manuel d’actin., pl. 72, fig. 1. Souvent du diamètre de 10 à 12 milli- mètres, cette espèce est convexe d’un côté, concave de l’autre, fortement découpée en dents tout autour. Cellules rhomboïdales ornées en dedans d’un encadrement commun saillant, de cinq fossettes aiguës rayonnantes de chaque côté. Ouverture trans- verse semi-lunaire. Le pore spécial est en avant bordé de bour- relets et très distinct. Le dessous de la colonie a des sillons par- tagés de distance en distance. Fossile de l'étage falunien des environs de Pontlevoy ( Loir-et-Cher), des environs d’Angers (Maine-et-Loire). 2+ Genre. — Rerroronezza, d'Orb., 4851. Colonie formée d’une surface irrégulière encroûtante, ram pante sur les corps sous-marins. Cellules sur une seule couche, toutes en contact les unes avec les autres, convexes, ovales, pourvues seulement en arrière de l'ouverture de fosseltes par lignes rayonnantes. Ouverture antérieure terminale. Un pore spécial placé en avant de l’ouverture. Exemple : L'espèce connue le R. regularis, de l’étage séno- nien, est figurée dans notre Paléontologie francaise, pl. 717, fig. 6, 7. De Sainte-Colombe (Manche). VII: Fame. — PORELLINIDÆ, d'Orb., 1851, Cellules juxtaposées, criblées de fossettes régulières transverses- ou rayonnantes placées en arrière de l’ouverture. Ouverture va- riable, terminale en avant, pourvue d’un seul pore spécial placé toujours au milieu et en arrière de l'ouverture, SUR LES MOLILUSQUES BRYOZOAIRES. 391 Cette famille, à cellules fossiculées comme chez les Porelli- dées, s’en distingue par la place du pore spécial placé en arrière de l’ouverture, au lieu d’être en avant. Les espèces sont dispersées dans les genres Eschara et Celle- pora des auteurs, suivant qu’elles ont deux séries de cellules ou une seule. Voici les caractères différents des genres que nous y placons : A. Cellules sur deux faces opposées d'une colonie comprimée. Porellina. B. Cellules sur une seule face, colonie rampante. . . . . .. Reploporellina. 4° Genre. — Porezuina, d'Orb., 1854. Colonie formée de lames ou de branches comprimées. Cellules juxtaposées sur deux plans opposés, dans le sens de la compres- sion, comme adossées les unes aux autres, régulièrement placées par lignées longitudinales et en quinconce, très variables de forme, criblées en arrière de l’ouverture de fosseites nombreuses en bordure ou rayonnantes. Ouverture terminale antérieure n’occu- pant qu’une petite partie de l’ensemble de la cellule. Un pore spécial placé en arrière de l’ouverture sur la ligne médiane. Ce genre diffère du suivant par deux séries de cellules ados: sées, au lieu d’une seule. Les espèces de ce genre, rencontrées fossiles dans l'étage falunien , ont été données dans le genre Eschara par M. Reuss. Exemple : Porellina macrocheila, d'Orb., 1851. Eschara ma- crocheila, Reuss, 1848. Koss. Polyp. der Wiener, pl. 8, fig. 14. Vienne (Autriche). Porellina coscinophora, d'Orb., 1851. Eschara coscinophora , Reuss, 1848. Foss. Polyp. der Wiener, pl. 8, fig. 20. Vienne (Autriche). 2° Genre. — Rerrororezuina, d'Orb., 1854. Colonie entière ,. formée d’une lame irrégulière , encroûtante sur les corps sous-marins. Cellules juxtaposées, placées enlignées longitudinales ét en quinconces irréguliers; chacune est ovale, peu distincte, criblée, én arrière de l'ouverture, de fossettestrans- 3° série. Zooc. T. XVIL. (Cahier n° 6.) ! 21 329 A. D'ORRIGNŸY. —— RECHERCIES versales tout autour. Ouverture terminale , petite , saillante, Un pore spécial, placé près de l’ouverture, au milieu et en arrière de celle-ci. Rapporis et différences, — Avec des cellules sur un seul côté, et criblées de fossettes comme chez les Reptoporella, ce genre s’en distingue par la position du pore spécial en arrière de l’ouver- tureet non en avant. Avec des cellules et le pore spécial identique avec ce qu'on voit chez les Porellina, ce genre n’a des cellules que d’un seul côté, et encroûtantes. Nous ne connaissons encore qu’une espèce à l’étage falunien. Exemple : Reploporellina Heckeli, d'Orb., 1851; Cellepora Heckeli, Reuss, 1848, Foss. Polyp. der Wiener, pl. 10, fig. 10. Vienne (Autriche). VIII gaie, — ESCHARIPORIDÆ, d'Orb., 1851. Cellules juxtaposées, criblées de fossettes régulières transver- sales ou rayonnantes placées en arrière de l’ouverture, Ouverture variable pour la forme, mais toujours terminale en avant de la cellule. Plusieurs pores spéciaux, généralement pairs, placés autour de l’ouverture, Nous ne placons dans celte famille que les genres du, avec des cellules criblées, sont pourvus autour de l’ouverture de plu- sieurs pores spéciaux généralement pairs. Les genres qui rentrent dans la famille commencent à se mon- trer avec le 22° étage sénonien des terrains crétacés, Les genres ont été confondus par les auteurs avec les Eschara et les Cellepora, dont ils se distinguent par les fossettes des cellules et les pores spéciaux. Nous les divisons comme il suit : A. Cellules autour ou des deux côtés de la colonie. . . . ÆEscharipora. B. Cellules sur une seule face de la colonie. a. Colonie composée d’une seule couche de cellules. I. Colonie libre, lamelleuse, non encroûlante . . . ; Semiescharipora, II. Colonie fixe, rampante, encroûtante, . . . . . . Reptescharipora. b. Colonie composée de plusieurs couches superposées de cellules; colonie encroûtante . , . . . . . . . Mullescharipora. SUR LES MOLLUSQUES- BAXOZOAIRES. 323 4èt Genre. == Escriniront , d'Orb., 1851 Colonie et cellules absolument comme chez les Æscharella , également criblées de fossettes rayonnantes ou transverses , avec une ouverture en tout analogue , mais élant toujours pourvues, soit en avant, soit seulement sur les tôlés, de pores spéciaux , généralement en nombre pair, le plus souvent au nombre de deux, un de chaque côté, et Loujours indépendants des vésicules “ovatiennes. Les cellules accessoires sont très rares, occupant la place des cellules ordinaires, et indépendantes des vésicules ova- riennés. © Rapports el différences. — Comme on l'a vu par les caractères, ce genre montre tous les caractères extérieurs des Æscharella, mais s’en distingue toujours par la présence, autour de l’ouver- ture, de pores spéciaux, indépendants des vésicules ovariennes , “qui manquent au contraire chez les Escharella. Aucune espèce n'avait encore été décrite avant notre travail. Nous en avons découvert dix-sept espèces fossiles toutes de l'étage sénonien , ou craie blanche de France , décrites et figurées dans ‘notre Paléontologie francaise, t. V, p. 220, pl. 684, 685, 686, 687, 700 et 703. 2e Genre — Sewescnanzrora, d'Orb., 1851. Colonie enlière , formée d’une lame irrégulière, portant des cellules d’un seul côté. Cellules juxtaposées , placées en lignées longitudinales et en quinconces; elles sont convexes des deux côtés, plus ou moins hexagones, criblées, en arrière de l’ouver- ture , de fossettes lransverses ou rayonnantes. Ouverture pelile, terminale en avant. l’ores spéciaux, généralement au nombre de deux ou rarement de quatre , placés d’une manière paire autour de l'ouverture. Le côté opposé aux cellules forme des lignes lon- gitudinales et en quinconce, de cellules convexes, hexagones. Ce genre se distingue des Æscharipora par des cellules d’un .seul côté, au lieu de deux ; et diffère des Reptescharipora par sa colonie en lame libre, au lieu d’être encroûtante à la surface des corps sous-marins, 32h A, D'ORBIGNY. — RECHERCHES Les espèces sont jusqu’à présent fossiles, et plus spéciales à l'étage sénonien ou craie blanche. Dans notre Paléontologie française, t. V, nous en décrivons et figurons quatorze espèces, pl. 717, 718 et 719. 3° Genre. — RevrescuariporA, d'Orb., 1851. Colonie rampante et encroûtante à la surface des corps sous- marins, formée d’une seule couche de cellules placées plus ou moins régulièrement en lignées longitudinales et en quinconce. Cellules juxtaposées, plus ou moins régulières, ovales ou hexa- gones, criblées de fossettes régulièrement disposées en lignes transversales ou rayonnantes. Ouverture terminale en avant, gé- néralement semi-lunaire, Deux pores spéciaux, un de chaque côté de l’ouverture, Ce genre, pourvu de cellules identiques pour tous leurs carac- tères avec celles des Escharipora et des Semiescharipora, s’en distingue par sa colonie non libre, mais encroûtante à la surface des corps sous-marins. Nous connaissons de ce genre un bon nombre d’espèces, qui, pour les espèces connues, étaient classées par les auteurs dans le genre Cellepora. M. de Hagenow les a placées avec nos Escharella dans ses sous-genres Escharina (différent de celui de M. Edwards) et Dermatopora , et qui est le genre Membranipora de M. de Blainville. Les espèces sont fossiles et vivantes. Fossiles , elles commencent à se montrer avec le 22€ étage sénonien des terrains crétacés , où elles paraissent, au moins jusqu’à présent, avoir leur maximum de développement spécifique ; elles se rencontrent encore dansles terrains tertiaires. Nous en connaissons treize espèces, mentionnées et figurées dans notre Paléontologie française, t. V, pl. 719 et 720, 4° Genre, — Murrescuanrona, d'Orb,, 4851. Colonie rampante à la surface des corps sous-marins, formée d’un plus ou moins grand nombre de couches de cellules super- posées, placées d’une manière plus ou moins régulière, ovales, SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 325 criblées de fossettes latérales transverses ou rayonnantes. Ouver- ture terminale en demi-lune. Deux ou quatre pores spéciaux pla- cés autour de l’ouverture. Ce genre, avec tous les caractères de cellules propres aux Reptescharipora , s’en distingue en ce que ses cellules, au lieu d'être juxtaposées et en une seule couche, sont agglomérées les unes sur les autres ou sur plusieurs couches. Ce genre est aux Eschaporidæ ce qu’est le genre Celleporaria aux Escharidæ. Nous ne connaissons encore que trois espèces , toutes les trois fossiles et de l’étage sénonien ou de la craie blanche. La seule espèce figurée avant notre travail avait été décrite dans le genre Cellepora. Voyez Paléontologie francaise, t. V, pl. 720 et 73h. IX° rauizce. — STEGINOPORIDÆ, d'Orb., 1851. Cellules composées, chacune en particulier, de deux étages de compartiments ou de deux cavités superposées; l'une inférieure, en tout point semblable à la cellule des Eschariporide, c’est-à-dire composée de cellules juxtaposées criblées, sur une surface posté- rieure à l'ouverture, de petites fossettes par lignes rayonnantes ou transverses. Une ouverture en demi-lune antérieure, de chaque côté de laquelle est un pore spécial. Au-dessus de cette cavité, qui forme , chez toutes les autres familles de cetordre, la totalité d’une cellule ordinaire, se trouve une seconde cavité commune entre toutes les cellules, non limitée par cellules. Dans cet espace libre de la chambre supérieure s'élèvent de chaque côté de l’ou- verture des cellules inférieures, un pilier qui vient soutenir le second toit formé d’une lame, souvent criblée de pores réguliers, dont deux correspondent aux pores spéciaux de la partie infé- rieure, et d'ouvertures qui correspondent à l’ouverture de l’étage inférieur. En résumé, ce serait comme une maison dont le rez- de-chaussée représenterait des cellules régulières, du plancher supérieur duquel s’élèveraient, pour former le premier étage, des piliers soutenant le toit, et laissant ce premier élage sans sépa- rations cellulaires. Comme on le voit, cette famille, toute rapprochée qu’elle est par ses cellules criblées de fossettes des Eschariporide , et des 326 ‘A. D'ORBIGNYX, — RÉCHERCUES deux autres qui précèdent , s’en distingue bien nettement par le second étage de ses cellules, caractère jusqu’à présent unique dans cet ordre. Ê Aucun des genres n'avait été observé avant nous; nous les di- visons de la manière suivante : A. Cellules des deux côtés de la colonie. . . . Disteginopora. B. Cellules sur une seule face de la colonie . . . Steyinoporu. A" Genre. — Disrecinirora, d'Orb., 1851. Colunie comme dans la famille, formée de deux séries de cellules adossées sur deux plans opposés , de chaque côlé d’un ensemble lamelleux très épais. Cellules formées de deux cavités superposées, l’une inférieure, semblable en tout point à la cellule des Escha- ripora, c’est-à-dire que les cellules sont juxtaposées, criblées sur üne surface postérieure à l’ouverlure de petites fossettes par lignes rayonnantes, percée en avant d’une ouverture en demi- lune , de chaque côlé de laquelle est un pore spécial, Au-dessus de celle cavité spéciale à chaque cellule, qui forme la totalité d’une cellule ordinaire chez Loutes les autres Escharidées, se trouve une seconde cavité commune, non limitée par cellule. Au milieu de cet espace libre de la chambre supérieure s'élèvent, de chaque côté de l'ouverture des cellules, un pilier, qui vient soutenir le second toit, formé d’une lame, souvent criblée de pores régu- liers, dont deux correspondent aux pores spéciaux Re la partie inférieure , et des ouvertures qui correspondent aussi à l’ouver- ture de l'étage inférieur. En résumé, ce serait comme une mai- son, dont le rez-de-chaussée représenterait des cellules régu- lières, du plancher supérieur desquelles. s’élèveraient, pour former le premier étage, des piliers qui soutiendraient le toit, et laisseraient dans ce premier étage un espace non limilé, sans séparations cellulaires. Rapports et différences. — Bien que les Disteginopora se distin= guent nettement de toutes les autres Escharidées par les deux étages que forment chaque cellule , ils n’en ont pas moins des SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 327 rapports évidents, surtout avec les Escharidées fossiculées. Otez leur , en effet, l'étage supérieur, et vous aurez un Escharipora avec tous ses caractères. Ce genre est donc un Escharipora por- tant, au-dessus des cellules ordinaires, des piliers qui partent de l'ouverture, et soutiennent un second plancher spécial, où se re- produisent de nouveau, vis-à-vis de ces parties de l'étage infé- rieur , d’abord l'ouverture , puis les pores spéciaux de l'espèce, Avec les deux étages absolument identiques, ce genre diffère des Steginopora par ses deux couches adossées de cellules, comme chez les Eschara , au lieu de n’en avoir toujours qu’une comme chez les Steginopora, Observations. — De toutes nos recherches sur les Bryozoaires, cette forme à deux élages, la plus extraordinaire de toute est, sans contredit, celle qui nous a donné le plus de peine à comprendre. Ne pouvant pas supposer qu'il püt exister deux étages dans une seule cellule d’'Escharidées, nous prenions d’abord la seconde couche supérieure comme un parasite fixé sur la première, et dès lors comme deux espèces fixées l’une sur l’autre. C’est après beaucoup de recherches, de comparaisons très prolongées, qu’en voulant ôter la couche supérieure, qui nous paraissait n’être qu’un parasite, nous avonsenfin pu, malgré la pelitesse des sujets, re- connaître les rapports et les dépendances qui existaient entre la couche inférieure et la couche supérieure. Une fois sur la voie, nous avons été à porlée de reconnaître successivement, sur six espèces différentes, deux de Disteginopora et quatre de Stegino- pora, que ce caractère des deux étages est régulier, et n’est point une forme due au hasard; mais qu'elle constitue une organisation spéciale qui, tout extraordinaire qu’elle paraisse, n'en est pas moins la plus certaine. 11 resterait maintenant à expliquer cette curieuse organisalion, qui permellait peut-être aux parties exten - ‘sibles de l'animal de rester dans son étage supérieur tout à fait abrité du contact extérieur, et pouvant alors s'emparer des petits êtres tombés par les ouverlures supérieures, Dans tous les cas, le mode de sécrétion de l’animal, susceptible de produire la char- pente supérieure, nous paraît diMicile à comprendre. Nous connaissons deux magnifiques espèces de la craie blanche 228 A. D'ORBIGNYX. — RECHERCULS de Meudon, figurées et décrites dans notre Paléontologie fran- caise, pl. 687 bis et 7311. 2° Genre. — Srecinorora, d'Orb., 1854. Colonie composée d’une lame plane ou flexueuse, portant d’un seul côté des cellules en lignées longitudinales et en quinconce. Cellules en tout semblables aux caractères donnés à la famille, c’est-à-dire formée chacune de deux étages superposés : l'infé- rieur cellulaire, le second commun. Comme on le voit, ce genre, avec des cellules identiques en tout point avec les cellules du genre Disteginopora, s’en distingue par ses colonies pourvues de cellules d’un seul côté d’une lame libre, au lieu d’en avoir des deux côtés. Nous connaissons de ce nouveau genre quatre espèces, toutes fossiles du 22° étage sénonien de France, soit du grand bassin . anglo-parisien, soit du bassin pyrénéen. Elles sont décrites et figurées dans notre Paléontologie française, t. V, pl. 720 et 721. X° ramisce, — FLUSTRELLARIDÆ, d'Orb., 4851. Cellules testacées, largement ouvertes ; cette partie ouverte occupant souvent la presque totalité de la surface supérieure ; elle est fermée d’une membrane charnue, à la partie antérieure de laquelle se trouve une petite ouverture pourvue d’une lèvre postérieure mobile. Après la mort, ou dans la fossilisation, la membrane disparaît, et il ne reste plus que l’encadrementtestacé, qui représente une ouverture occupant presque toujours plus de la moitié de la cellule, Jamais de pores spéciaux, souvent des vésicules ovariennes. Rapports et différences. — Cette famille se distingue bien nette- ment des précédentes par sa cellule largement ouverte et fermée d'une membrane ; elle se distingue des deux familles suivantes, pourvues de la même ouverture, par le manque de pores spé- ciaux, Cette famille est remarquable par la facilité avec laquelle les lignées des cellules, et les cellules elles-mêmes, se séparent les SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES, 329 unes des aulres; mais ces parties détachées, qui peuvent sou- vent tromper l'observateur, se reconnaissent aux fossettes de connexions qu'elles laissent, et surtout aux pores de communica- tion que montrent les facettes latérales. Nous divisons comme il suit les genres qui composent cette famille. A. Cellules des deux côtés ou autour de la colonie. a. Cellules sur une seule ligne de chaque côté. . . . . Filiflustra. b. Cellules sur plusieurs lignes de chaque côté. . . . . Biflustra. B. Cellules sur une seule face de la colonie. I. Colonie libre, non encroûtante. a. Colonie discoïdale, s'accroissant tout autour. * Cellules par lignées rayonnantes. æ. Lignées rayonnantes et transversales, pores en dessous . . . . . PE ie Trochopora. ææ. Lignées seulement rayonnantes, sans pores en dessous. , . . . . SEEN Ne Discoflustrellaria. ** Cellules sans lignées rayonnantes en dessus. æ. Des pores par lignées en dessous . . . . Cupularia, Î ææ. Sans lignées ou pores en dessous. . . . Lateroflustrellaria. b. Colonies en lignées longitudinales, non discoï- dales, * Sur une seule ligne, colonie filiforme. . . . . Filiflustrellaria. #* Sur plusieurs lignes , colonie lamelleuse. , . . Flustrellaria. 1. Colonie fixe, rampante, encroütante, a. Cellules isolées ou par lignes rameuses. . . . . Pyripora. b. Cellules réunies en grandes surfaces encroû- LEE Dapaoe Jnre cé codnree . . Membranipora. 1° Genre. — Fiurecusrra, d'Orb., 1851. Colonie non articulée, entière , testacée , fixée par sa base au moyen de sa substance même, d’où part une expansion filiforme, comprimée , droite. Cellules juxtaposées l’une au bout de l’autre sur une seule ligne, de chaque côté, adossées régulièrement l’une derrière l’autre. Leur forme est ovale ; toute leur largeur est pourvue d’une ouverture, sans doute pourvue d’une membrane à l'état vivant, mais simplement ouverte à l’état fossile. Point de pores ovariens ni de cellules accessoires, 330 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES Rapports et différences. — Ce genre se distingue des deux sous- familles précédentes par ses cellules largement ouvertes. Il se distingue des genres suivants pourvus de cellules identiques par la forme de sa colonie formée seulement de deux séries de cel- lules adossées représentant un ensemble filiforme. C’est un mode de groupement très remarquable. Aucune espèce de ce genre n’était connue avant nos travaux, et même nous n’en connaissons qu’une espèce spéciale à l'étage sénonien de France , décrite et figurée dans notre Paléontologie française, t. V, p. 240, pl. 687, fig. 7-9. 2° Genre. — Brrzusrra , d'Orb., 18514. Flustra et Eschara (pars), auctorum. Colonies non articulées, entières, libres, testacées, fixées par la base calcaire, d’où partent des rameaux ou des lames com- primées, représentant un ensemble dendroïde ou lamelleux. Cellules jaxtaposées sur deux plans opposés , adossées les unes aux aulres latéralement, plus ou moins égales et régulières, rondes ou ovales, placées par lignées longitudinales et en quin- conce les unes près des autres, circonscrites d’un cadre élevé le plus souvent particulier et distinct. Ouverture ronde ou ovale, occupant la plus grande surface intérieure du cadre, ou souvent presque aussi larges que la cellule, Point de pores ovariens, souvent des vésicules ovariennes en avant des cellules , rarement des cellules accessoires. Alors elles sont infiniment plus grandes que les £ellules ordinaires et placées au milieu d’elles. Telle est la dépouiile testacée fossile ; mais il y a, comme aux Membrani- pora, une membrane cornée ou charnue qui recouvre cette ouver- ture en laissant seulement une ouverture spéciale antérieure , transverse; ce dont nous nous sommes assurés sur des espèces vivantes. Les cellules communiquent entre elles par deux ou trois pores laléraux internes toujours ouverts, Observations. — Ce genre paraît s’accroître absolument éomme les Eschara (voyez p. 97 ); mais à cette différence près que les cellules adossées sont moins adhérentes , qu’elles se détachent SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. BRII par lames ou même par lignées de cellules, mais alors montrent toujours les facettes de leurs points de contact, Dans le mode d’accroissement , les lignées longitudinales sont ici bien plus fré- quentes que chez les Eschara, et plus essentielles. Le plus sou- vent, chaque nouvelle lignée, qui naît au milieu des lignées déjà existantes, commence par une cellule spéciale, toujours plus pe- lite que les autres, d’une autre forme, et que nous ne voulons pas confondre avec les cellules accessoires toujours plus grandes ; nous les désignerons donc sous le nom de cellules primo-sériales. Il arrive cependant que des lignées de cellules prennent naissance sans ces cellules primo-sériales , les nouvelles lignées commen- cant entre les autres par une cellule presque semblable aux au- tres, seulement moins régulière. L’âge amène souvent dans les cellules l’oblitéralion graduelle de la partie aperturale, qui se ferme entièrement. Rapports et différences. —Les Biflustra sont aux Membranipora ce que sont les Eschara aux Cellepora , c’est-à-dire que ce sont des Membranipora libres formées de deux couches adossées. Ce genre, analogue aux Æschara et aux Flustra par son mode de groupement des colonies, se distingue du premier par ses cel- lules pourvues d’une ouverture presque aussi large qu’elles , et en partie fermée par une membrane charnue qui disparaît par la fossilisation, et se distingue du second par son ensemble non corné, et par ses cellules rondes ou ovales au lieu d’être carrées. Plus spécialement voisin des genres Flustrina et Flustrella pour- vus de cellules identiques, il s’en distingue par le manque de pores ovariens autour des cellules, Avec des cellules semblables à celles du genre f'iliflustra, il s'en distingue par des colonies formées de nombreuses lignées de cellules juxtaposées. Histoire. — Ce genre avait élé confondu avec les Eschara par tous les auteurs, Les premières espèces connues ont, en effet, été publiées par Goldfuss, dans le genre £schara, telles que son E. Cyclostoma. M. Reuss, en 1848, en a fait autant pour son E, bipunctata, et M. de Hagenow, dans son très important travail sur les Bryozoaires de Maëstricht , ne les a pas non plus séparés de ses Æschara, contenant tous les Bryozoaires Cellulinæ, à deux 332 A. D'ORBIGNY, — RECHERCIIES couches de cellules adossées. En séparant aujourd’hui celte série des Eschara, nous le faisons avec la conviction intime qu’elle ne pouvait rester dans ce genre. Nous connaissons des espèces vivantes et fossiles. Vivantes , elles sont des grandes profondeurs de la mer, aussi bien des ré- gions froides que des régions chaudes, car l’une des espèces est du banc de Terre-Neuve, et l’autre des environs de Manille dans l'Inde. Les espèces fossiles ont commencé à paraître , au moins dans les connaissances actuelles, avec le 20° étage crétacé cé- nomanien ; elles sont au maximum de leur développement numé- rique avec le 22e étage sénonien , et ne montrent plus que des espèces isolées et peu nombreuses ensuite. Les soixante espèces que nous connaissons sont décrites et figurées dans notre Paléontologie française, t. V, p. 241 etsuiv., pl. 687, 688, 689, 690, 691, 692, 693, 694, 695 et 696. 3° Genre. — Trocuorora, d'Orb., 1847. Colome entière, testacée , fixe seulement dans le jeune âge, libre ensuite, orbiculaire, convexe , conique d’un côté, plane de l’autre, le centre plein, composée de cellules régulièrement pla- cées par lignées rayonnantes , et par lignes transversales annu- laires. Cellules rondes ou carrées, entièrement ouvertes, pro- fondes et infundibuliformes. Côté opposé aux cellules formant des lignées rayonnantes augmentées par l’adjonction de nouvelles, toutes perforées à leur surface de pores nombreux. Le centre plein forme une partie fibreuse verticale. Rapports et différences. — Voisins par la forme des colonies discoïdales, des trois genres qui suivent, celui-ci s’en distingue par ses cellules en lignées rayonnantes et annulaires et par l’épais- sissement testacé de l’ensemble, qui, loin de former un cône creux en dessous, forme un cône plein, rempli de matières tes- tacées fibreuses verticalement. Quand on analyse cette partie fibreuse, on reconnaît qu’elle est formée par la continuation in- terne verticale de toutes les cellules supérieures, qui par des pores viennent toutes aboutir à la face inférieure où elles forment les SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 333 lignées, et montrent les pores externes qui correspondent à cha- cune d'elles. Il résulte de ce fait, que chaque fois qu’il se forme au pourtour une nouvelle ligne transversale annulaire de cellules, toutes les cellules anciennement formées s’épaississent aussi à l'intérieur d'une surface égale à l'épaisseur de cette nouvelle ligne annulaire. C’est un mode d’accroissement singulier et très remarquable parmi les Bryozoaires cellulinés. Nous ne connaissons que deux espèces de ce genre propres aux étages parisien et falunien des terrains tertiaires. L’une des es- pèces a été décrite par MM. Michelin et Defrance sous le nom de Lunulites ; on voit combien ce genre en diffère puisqu'il n’appar- tient même pas à la même famille. Exemple : Trochopora conica, d’'Orb., 1850. Prodr, de paléont. strat.,t. IT, p. 137, étage 26°, n° 1583. Lunulites conica, De- france, 1893. Dict. des se. nat., p. 361, Michelin, 1847. Iconog. z00ph., p. 322, pl. 77, fig. 9. Fossile de l'étage falunien de Salles (Gironde), de Dax (Landes) , de Mantelan (Indre-et-Loire). 4£° Genre. — DiscorcusrrezLanta, d'Orb., 1851, Colonie entière , testacée , fixe seulement dans le jeune âge, libre ensuite, orbiculaire, convexe, souvent conique en dessus , toujours concave en dessous, composée de cellules régulièrement placées par lignées rayonnantes commencant chacune par une cellule avortée, sans former de lignes annulaires transversales. Cellules rondes ou carrées entièrement ouvertes et profondes. Côte opposée aux cellules représentant des lignées rayonnantes régulières, non perforées à leur surface. Rapports et différences. — La forme extérieure conique rap- proche ce genre des Trochopora; mais il s’en distingue par son ensemble creux au lieu d'être plein et solide, par ses cellules par lignées rayonnantes seulement, mais non par lignées annulaires ; enfin par le dessous montrant des lignées non perforées de pores, mais entières et lisses. On voit que ce genre est aux Biflustra ce qu'est le genre Lunulites aux Eschara. C’est, en effet, une colonie cupuliforme comme chez les Lunulites, mais avec des cellules 334 À. D'ORBIGNY. — NÉCIHÉRCITES comme celles des Biflustra. Ce genre est une nouvelle preuvé que la forme de la colonie se reproduit avec des cellules de carac- tères très différents appartenant aux diverses familles. Nous connaissons , jusqu'à présent, deux espèces, toutes les deux du 22° étage sénonien de France. L’une d’elles se trouve si- multanément dans les bassins anglo-parisien et pyrénéen. Nous les décrivons et figurons dans la Paléontologie française, Ter- rains crétacés , pl. 722. 5° Genre, — Cururarta, Lamouroux , 1821. Colonie entière, testacée, fixe seulement dans le jeune âge, libre ensuite, orbiculaire, convexe d’un côté, concave de l’autre, composée de cellules régulièrement placées en quinconce , sans former de lignées longiludinales, et toujours sans cellules primo-sériales, toutes les cellules étant égales. Cellules ovales, entièrement ouvertes, seulement bordées d’un cadre commun. Côté opposé aux cellules représentant des lignées raÿonnantes convexes, régulières, s’augmentant par interposition des nou- velles lignées, sans montrer de cellules distincles, mais couvertes partout de pores nombreux. Rapports et différences. — Les Cupularia sont aux Discoflustrel- laria ce que sont les Stichopora aux Lunulites, c’est-à-dire qu’au lieu d’avoir leurs colonies composées en dessus de lignées rayÿon- nantes de cellules, toutes les cellules sont en quinconce; dès lors plus de cellules primo-sériales distincles, et toutes les cellules sont identiques. Plus voisin, par le manque de lignées , du genre Lateroflustrellaria, celui-ci s’en distingue par ses cellules infini- ment plus profondes, par le manque complet de lignées de cel- lules en dessous, et aussi par le manque de perforation à ces parties inférieures. Histoire. — Lamouroux , en 1821 (p. 44), a indiqué plutôt que formé ce genre sous le nom de Cupulaire , pour les espèces à cellules en quinconce, non en lignées rayonnantes. Ce carac- tère n'ayant pas été apprécié, les espèces pourvues de ce ca- ractère ont été toujours rangées avec les Lunulites. Nous avons SUR LES MOLLUSQUÉS BRYOZOAIRES. 3535 reconnu que cette division non seulement difiérait des vraies Lu- nulites par la disposition de ses cellules, mais encore par les ca- ractères de ces cellules ouvertes en entier, comme chez les Membranipora, el non semblables aux cellules des Lunulites, qui ressemblent aux Eschara proprement dits. Les espèces bien constatées sont, jusqu’à présent, toutes des terrains tertiaires, et principalement du 26: étage falunien. En voici une espèce comme exemple. Cupularia urceolata, d'Orb., 1851. Lunuliles urceolata, La- mouroux, 1821. Expos. méthod. des Polyp., p. 4h, pl. 73, fig. 9-12 (non Lamarck). Lunulites Cuvieri, Defrance, 1823. Dict. des sciences nat., t. XXVII, p. 361. Michelin, 4847. Icon. Zoo- phyt., p. 323, pl. 77, fig. 10; Angers, Thorigné, Tigné (Mainc- et-Loire), Manthlan (Indre-et-Loire). Notre collection. Cette espèce en avant de chaque cellule a une dépression représentant le support d'une vésicule ovarienne. 6° Génre, — LarerofiusrnetAniA , d'Orb., 1851. Colonie entière, testacée, orbiculaire, convexe en dessus, con- cave en dessous, composée de cellules hexagones, régulièrement placées en quinconce, sans former de lignées, et toujours sans cellules primo-sériales. Cellules hexagones, très profondes, en- tièrement ouvertes, simplement bordées. Côté inférieur de la colonie ne représentant jamais de lignées de cellules, mais seu- lement des cellules quinconciales, comme en dessus; celles-ci sans perforations ni pores. Rapports et différences. — Avec des cellules en quinconce, comme chez les Cupularia, ce genre s’en distingue par ses cellules hexagones, très profondes, représentant chacune un cône anguleux, dont l'extrémité, opposée à l’ouverture, est longue et obtuse, ne forme jamais de lignées, et n’est jamais perforé de pores. Nous en connaissons une seule espèce de l’étage crétacé séno- nien, décrite et figurée dans la Paléontologie française, Terrains crétacés, t, V, pl. 722. 336 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES 7° Genre. — FiurcusrrezcaniA, d'Orb., 1851. Colonie non articulée, entière, fixée par la base, ensuite pro- jetée en une seule lignée de cellule droite, placée d’un seul côté d’un ensemble filiforme. Cellules placées l’une au bout de l’autre, obliquement, sur une seule ligne ; leur forme est ovale en des- sus et ouverte sur toute leur largeur (sur les cellules fossiles) , convexe du côté opposé, sans cellules accessoires, ni pores spé- ciaux ; quelquefois des vésicules ovariennes. Rapports et différences. — Ce genre est aux Filiflustra ce que les Semieschara sont aux Eschara ; formé, en effet, comme celui-ci d’une colonie filiforme, il s’en distingue, parce qu'il n’a de cel- lules que d’un côté, au lieu d’en avoir de deux côtés. C'est, du reste, une forme très remarquable. Nous connaissons deux espèces : une de l'étage sénonien des terrains crétacés, l’autre de l'étage tertiaire parisien; décrites et figurées dans la Paléontologie française, t. V, pl. 723. 8° Genre. — FLusrrezcaria, d'Orb., 4851. Colonie en lame irrégulière, libre, flexueuse, pourvue d’un seul côté de cellules juxtaposées, en lignées peu régulières, commen- cant ou non par des cellules avortées primo-sériales ou acces- soires, et celles-ci souvent indépendantes des lignées. Cellules ordinaires, ovales, rondes ou anguleuses, ouvertes sur les indi- vidus morts ou fossiles, sur presque toute leur largeur supérieure. Cellules accessoires plus petites que les autres, souvent d'une autre forme ; quelquefois des vésicules ovariennes. Dessous de la colo- nie montrant en relief les lignées de cellules et les cellules elles- mêmes. Rapports et différences. — Les Flustrellaria sont aux Biflustra ce que sont les Semieschara aux Eschara; elles s’en distinguent, parce que les colonies libres n’ont de cellules que d’un seul côté, Avec des cellules d’un seul côté, comme chez les Membranipora, ce genre s’en distingue par ses colonies lamelleuses libres, au lieu d’être fixes rampantes, SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 337 Le peu d’espèces connues avant notre travail ont été décrites par M. Reuss sous le nom de F’aginopora, et par M. de Hage- now sous celui de Siphonella. On sait que le genre F’aginipora de M. Defrance, d’après la figure qu’il en a donnée, n’appartient pas à cette division. M. de Hagenow a basé son genre Siphonella non sur la forme de la cellule, parce qu’il y place aussi des espèces à pores accessoires, et dépendant de la famille suivante, mais sur la forme lubuleuse de la colonie. Or cette forme tubu- leuse n’est qu'un des modes exceptionnels que prennent souvent des espèces en lame, sans que ce caractère soit constant, même dans les espèces, puisque nous avons souvent vu, surtout dans le genre Semieschara, la même espèce prendre successivement les deux formes. D’un autre côté, comme la forme lamelleuse est in- finiment plus répandue dans ce genre, et qu’elle ne pourrait porter le nom de Siphonella, puisqu'elle ne forme pas siphon , nous ne pouvons l’admettre pour le nom générique, car il serait le plus souvent en opposition complète avec la forme de la colo- nie dans ce genre. Nous en connaissons trente-cinq espèces , décrites et figurées dans notre Paléontologie francaise, t. V, pl. 723, 724, 725, 726, 727 et 728. 9° Genre, — Pyripora, d'Orb., 1851. Colonie fixe, rampante à la surface des corps , formée de li- gnées peu régulières, longitudinales et latérales, de cellules ‘placées les unes à la suite des autres, non contiguës latéralement, et disposées de manière à représenter des branches rampantes plus ou moins étendues. Cellules pyriformes, étroites en arrière, élargies en avant, ouvertes sur les individus morts ou fossiles, sur la plus grande surface de leur partie antérieure. Point de pores spéciaux, de cellules accessoires, ni de vésicules ovariennes. Rapports et différences. — Ce genre est aux Flustrellaria et aux Membranipora ce que sont les Hippothea aux Semieschara et aux Cellepora. Ce sont, en effet, des cellules, par lignées iso- lées, se continuant antérieurement en ligne isolée, qui donnent naissance , sur le côté, à des lignées latérales, qui elles-mêmes 3° série, Zoo. T. XVII. (Cahier n° 6.) ? 22 338 A. D'ORRBIGNY. — RECHERCHES peuvent être très prolongées, et produire de nouvelles lignées ; c’est en un mot une forme de colonie identique avec celle des Hippothoa, mais ayant des cellules de Membranipora et de Flustrellaria. , En créant le genre Pyripora dans nôtre Prodrome de paléon- tologie stratigraphique, t. IX, p. 263, nous y avons placé toutes les colonies formées de cellules isolées ; mais aujourd’hui que la cir- conscription de nos familles nous donne des caractères plus spé- ciaux, nous le restreignons seulement aux espèces à cellules largement ouvertes, sans pores spéciaux. Nous connaissons des espèces dans l’étage crétacé supérieur ; en voici quelques unes : Pyripora crenulata, d'Orb., 1847, Prod. de paléont. strat. ,t. I, p. 263, étage 22°, n° 1060 (pars). Escharina crenulata, Reuss, 1846, Bæhm. kreid., p. 68, pl 15, fig. 20 (exclus. fig. 21). Étage sénonien de Bohême, Pyripora perforata, d'Orb.,1847, Prod. de paléont. strat,, t. II, p. 263, étage 22°, n° 1061. Escharina perforata, Reuss, 1846, Bœhm. kreid., p. 68, pl. 15, fig. 33. Étage sénonien de Bohême, Pyripora pyriformis, d'Orb., 1847, Prod. de paléont. strat., t. III, p. 135, étage 26°, n° 2556. Doué (Maine-et-Loire). Cri- serpia pyriformis, Michelin, 1847, p. 332, pl. 79, fig. 6. 10° Genre. — Meupranirora, Blainville, 4834. Marginaria, Rœmer, 1841. Dermatopora (pars), de Hagenow, 4851. Colonie fixe, rampante, et formant des encroûtements irrégu- liers à la surface des corps , composée d’une seule couche de cellules juxtaposées , par lignées longitudinales peu régulières, contiguës , commencant quelquefois par une cellule accessoire. Cellule formée d’un encadrement externe testacé, plus ou moins large, fermée d’une membrane, où se trouve percée en avant une ouverture. Après la mort où à l’état fossile, la cellule se compose seulement de l'encadrement testacé, qui laisse au milieu une ouverture presque aussi large qu’elle. Cellules accessoires , étant le plus souvent des cellules avortées, d’une forme distincte des autres, Souvent des vésicules ovariennes:; quelquefois des ba SUR LÉS MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 339 guettes mobiles, comme celles des Oursins, implantées dans l’en- cadrement extérieur. Les Membranipora sont aux Flustrellaria et aux Biflustra ce que sont les Cellépora aux Semieschara et aux Eschara. Ce sont, comme nous les circonscrivons , des cellules en tout semblables aux cellules de là famille, mais en colonie rampante et encroû- tante à la surface des corps sous-marins. Ce dernier caractère les distingue des Flustrellaria, dont là colonie n'a de cellules que d’un côté, mais est libre en lamé Hexueuse. M. de Blainville a créé sous le nom dé Membranipora, en 1834, un genre dans lequel il réunit un certain nombre d'espèces dé- pendant du genre, tel que nous le circonscrivons : ses JW. reticu- lala, reticulum, corrugata, membranacea, bipunctata, antiqua et dentata. 11 y ajoute son M. reticularis, qui pourrait être un Bi- flustra foïmé de deux couches de cellulés adossées, M. Rocmer, en 4841, forme des mêmes Bryozoaires le genre Marginaria. M. Reuss, en 1846, classe les espèces de ce genre avec les Discopora et les Murginaria de Roemer; mais, en 1851 (Polyp. dé Vienne), il revient au genre Membranipora de Blainville. M. de Hagenow., en 1851, ne semble pas avoir reconnu le genre créé par Blainville; car il classe (Bryozoaires de Maëstricht) les espèces dans le genre Cellepora, division des Marginaria de Roemer, et même en forme une nouvelle division sous le nom de Dermatopora. I est évident que les Warginaria et les Dermato- pora rentrent dans le genre Membranipora de Blainville, où nous n'y classons que les espèces fixes rampantes. Nous connaissons aujourd'hui quarante-deux espèces de ce génre : les premières fossiles sont du 18° étage aptien ; le maxi- müum de développement spécifique se trouve à l’étagé sénonien. On en connaît un grand nombre d'espèces vivantes, Toutes ces espèces sont mentionnées, décrites ou figurées , Paléontologie francaise, Terrains crétacés, pl. 728 et 729, XI° rame, — FLUSTRELLIDÆ, d'Orb., 4854, Cellules testacées, largement ouvertes, cette partie ouverte occupant souvent la presque totalité de la surface supérieure ; 340 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES elle est fermée d’une membrane charnue, à la partie antérieure de laquelle se trouve une petite ouverture pourvue d’une lèvre mobile. Après la mort, ou dans la fossilisation, la membrane disparaît, et il ne reste plus que l'encadrement testacé, qui repré- sente une ouverture occupant presque la totalité de la cellule. Un seul pore spécial, souvent des vésicules ovariennes, M Rapports et différences. — Cette famille ne diffère des Flustrel- laridæ que par la présence constante d’un pore spécial très pro- noncé , chez tous les genres que nous y placons. Elle diffère des Elustrinidæ par un seul pore spécial au lieu de deux. Nous divisons les genres de la manière suivante. A. Cellules des deux côtés ou autour de la colonie . . . . . Flustrella. B. Cellules sur une seule face de la colonie. a. Colonie libre non encroûtante. * Colonie discoïdale s’accroissant tout autour, . . . . Discoflustrella. ** Colonie non discoïdale. æ. Cellules sur trois lignées, en branches allongées. Filiflustrella. ææ. Cellules sur un nombre illimité de lignées. z. Colonie lamelleuse en lignées longitudinales. Semiflustrella. :z. Colonie lamelleuse en lignées transversales. . Lateroflustrella. b. Colonie fixe, rampante, encroûlante, * Cellules isolées en lignées rameuses. . . . . . . . Pyriflustrella. ** Cellules réunies en grandes surfaces. . . . . . . . Reptoflustrella. 4er Genre. — Fzusrrezca , d'Orb., 1851, Colonies comme chez les Biflustra, composées de cellules juxta- posées sur deux plans opposés, en quinconce, assez régulières , peu distinctes. Ouverture ronde ou ovale, occupant la plus grande surface de la cellule, généralement bordée. On voit toujours, en arrière de l'ouverture , et même souvent à une grande distance , un pore ovarien, quelquefois gros, tuberculeux, et paraissant re présenter les vésicules ovariennes des autres Escharidées. Nous n'avons jamais reconnu dans ce genre de cellules accessoires, Dans l’état vivant, cette large ouverture des espèces fossiles de- vait, comme chez les Biflustra, être fermée d’une membrane charnue où est percée l'ouverture réelle, Rapports et différences. — Avec les mêmes caractères de colo- SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. EUR nies et de cellules que les Biflustra, ce genre s’en distingue bien nettement par le pore ovarien que montrent les cellules, en arrière de l’ouverture. Il diffère des Flustrina par la présence d’un seul pore en arrière de l’ouverture au lieu de deux. Deux espèces seulement avaient été décrites et figurées avant nous, sous le nom d’Æschara, par M. de Hagenow, dans son beau travail sur Maëstricht, encore nous laisse-t-elle quelques doutes. A l'exception d’une, propre à l'étage turonien, loutes les autres espèces qui nous sont connues , jusqu’à présent , sont de l’étage sénonien ou de la craie blanche. Nous en avons décrit et figuré vingt et une espèces dans notre Paléontologie française , Terrains crétacés, p. 282, pl. 696, 697, 698, 699 et 700. 2e Genre, — DiscorcusrreLLa, d'Orb., 4851. Colonie entière, testacée, peut-être fixe dans le jeune âge, libre ensuite, orbiculaire, convexe d’un côté, concave de l’autre, composée en dessus de cellules régulièrement placées en quin- conce, sans former de lignées et toujours sans cellules primo-sé- riaies, toutes les cellules étant égales, rhomboïdales, entièrement ouvertes, seulement séparées par une côte commune. En avant de chaque cellule est un gros pore spécial saillant très prononcé. Côté opposé aux cellules, montrant seulement le dessous, souvent distinctes des cellules supérieures , et couvertes de pelits pores nombreux. Rapports et différences. — Ce genre est dans cette famille pour- vue d’un seul pore spécial, ce qu'est le genre Cupularia aux Flustrellaridæ. C'est, en effet, une colonie discoïdale, comme chez les Lunulites et les Cupularia, mais avec un large pore spécial en avant de l’ouverture, Les espèces connues étaient décrites sous le nom de Lunulites. Les quatre espèces que nous connaissons sont vivantes des mers chaudes et tempérées, ou fossiles des terrains tertiaires. Exemple : D. Fandenheckii, d'Orb., 1851. Lunulites V'an- denheckii, Michelin, 1846, Zconog. z00ph., p. 279, pl. 65, 312 A. D'ORBIGNY, — RÉCHERCUES fig. 12. Fossile du 24° élage sénonien de la Fontaine du Jarrier (Nice). 3° Genre. — Freuusrnezea , d'Orb,, 4851. Colonie entière , Lestacée , donnant naissance à des rameaux déprimés, dendroïdes, pourvus d’un seul côté de trois lignées de cellules égales, rhomboïdales, largement ouvertes, circonscrites, Sur les côtés du rameau, on voit, entre chaque cellule, un pore spécial virgulaire saillant. Il en résulte que les cellules latérales seules ont un pore spécial, les cellules de la lignée médiane n’en ayant pas. Le côté des branches opposé aux cellules est lisse sans cellules bien distinctes, Ce genre diffère de (ous les autres par sa colonie rameuse , pourvue seulement sur chaque branche de trois lignées distinctes de cellules ; il s'en distingue encore par le pore latéral des lignées latérales de cellules. Nous ne connaissons encore qu’une espèce du 22° étage séno- nien, décrite et figurée dans notre Paléontologie française , t. V, pl 730, 4° Genre. — SemrecusrrezLa, d'Orb., 1851. Colonie en lame irrégulière, libre, flexueuse, pourvue, d’un seul côté, de cellules juxtaposées en lignées longitudinales, sans cellules spéciales. Cellules variables, ovales, rondes où angu- leuses, ouvertes entièrement sur les individus morts ou fossiles, mais couvertes d’une membrane à l’état vivant. On voit toujours en arrière de celle ouverture, un pore spécial médian : souvent des vésicules ovariennes à çes pores. Dessous montrant , sans aucun pore, des cellules convexes en lignées longitudinales régulières. ” Rapports et différences. -— Ce genre est aux Ælustrella ce que sont les Semieschara aux Eschara , c’est-à-dire qu'avec des cel- lules en tout identiques, il diffère par ses colonies formées d’une seule couche de cellules au lieu de deux. Il se distingue des Lateroflustrella par ses cellules en lignées longitudinales , et des Beptoflustrella par ses colonies libres et nou encroütantes, SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 343 Nous connaissons neuf espèces Loutes fossiles, le plus grand nombre du 22° étage sénonien , les autres de l'étage parisien. Une seule avait été décrite par M. de Hagenow sous le nom de Siphonella. Nous avons déjà dit, page 337, que nous ne pouvons admettre ce nom de genre qui dénote une forme exceptionnelle des espèces du genre, et ne conviendrait nullement aux espèces en plus grand nombre formées d’expansions planes. Voyez la description et les figures des espèces, Paléontologie française, Terrains crétacés, pl. 730 et 731. 5° Genre. — LarenorLusrrezsa , d'Orb. 1851. Colonie en lame irrégulière , libre , flexueuse , pourvue d’un seul côté de cellules juxtaposées, non en lignées longitudinales, mais bien par lignes transversales, et dès lors ayant un bour- geonnement latéral et non antérieur. Cellules rhomboïdales, lar- gement ouvertes , et pourvues en arrière d’un pore spécial très prononcé. Le dessous montre des cellules rhomboïdales en quin- conce régulier, sans aucune lignée. Rapports et différences. — Ce genre est aux Flustrella ce que sont les Lalereschara (t. XVIT, p. 283) aux ÆEschara. I est. comme les Semiflustrella, formé d’une colonie libre portant des cellules d’un seul côté ; mais ces cellules, loin de former des lignées longitudinales, représentent un quinconce aussi bien en dessus qu'en dessous, avec le bourgeonnement latéral. L'espèce type fossile de Meudon, L. complanata, est décrite et figurée dans la Paléontologie francaise, pl. 731. 6° Genre. — Pynircusraezza, d'Orb., 1851. Colonie fixe, rampante à la surface des corps sous-marins, formée de lignées longitudinales et latérales de cellules placées les unes à la suile des autres, non contiguës latéralement, et disposées de manière à représenter un ensemble rampant ra- meux. Cellules pyriformes, étroites en arrière, élargies en avant, largement ouvertes sur les individus morts ou fossiles. Un pore spécial placé bien en arrière de l'ouverture, sh A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES Formé de cellules isolées à la manière des Hippothea (t. XVIT, p. 291), ce genre, par ses cellules ouvertes, a beaucoup de rap- ports avec les Pyripora ; néanmoins il s'en distingue nettement par un pore spécial placé en arrière de l'ouverture. Jusqu'à pré- sent les espèces sont vivantes ou fossiles des terrains tertiaires. Exemple : Pyriflustrella tuberculum, d’Orb., 1851. Hippothoa tuberculum, Lonsdale, 1845. Quarterly journ., t. 1, p. 527. Fos- sile de l'étage falunien de Rock’s-Bridge. États-Unis. Pyriflustrella arctica, d'Orb., 1851. Espèce à cellules courtes, ovales, jaunâtres, à large ouverture, dont les rameaux ne sont pas ramifiés ou le sont peu, chaque lignée se continuant souvent sans bifurcation. Vivante au Spitzberg, rapportée par M. Robert. Notre collection. 7° Genre. — RerrorLusrrea, d'Orb., 1854. Colonie fixe, rampante, représentant des encroûtements irré- guliers à la surface des corps sous-marins, composée de cel- lules juxtaposées par lignées longitudinales peu régulières contiguës. Cellules formées d’un encadrement externe testacé , fermées à l’état vivant, d’une membrane où est percée la véri- table ouverture , mais à l’état mort cet encadrement constituant toute la cellule. Un pore spécial placé en arrière de chaque cellule. Ce genre, avec des cellules comme les autres de la famille, s’en distingue par ses colonies encroûtantes et rampantes à la surface des corps sous-marins. Cette division a été confondue avec les Membranipora , sous le nom de Cellepora, par MM. Reuss et de Hagenow. Nous en connaissons neuf espèces, mentionnées , décrites et figurées dans la Paléontologie francaise, Terrains crétacés, pl. 731. , XIE ramizee. — FLUSTRINIDÆ, d'Orb., 1851, Cellules testacées largement ouvertes, cette partie ouverte occupant souvent la presque totalité de la surface supérieure ; à SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 345 l'état vivant, elle est fermée d'une membrane charnue où est percée l'ouverture ; à l’état mort ou fossile, la membrane dispa- raît, et il ne reste plus qu’une ouverture testacée occupant pres- que toute la cellule. Deux pores spéciaux placés en arrière de celte ouverture ; souvent des vésicules ovariennes. Cette famille se distingue seulement des deux précédentes par la présence constante, en arrière de l'ouverture, de deux pores spéciaux souvent saillants et tubuleux. Les genres que nous y placons se divisent de la manière sui- vante : A. Cellules des deux côtés ou autour de la colonie. . . . . . Flustrina. B. Cellules sur une seule face de la colonie. a. Colonie libre non encroûtante. * Cellules sur quatre lignées, colonies en branches allon- PORN AANEN MEN Ab, EM, Fees ANUE] . Filiflustrina. ** Cellules sur un nombre illimité de lignées, colonie la- melleuse. . . ... ra cle alien GE . Semiflustrina. b. Colonie fixe, rampante , encroûtante. * Cellules isolées en lignes rameuses. , . . . . . . . Pyriflustrina. ** Cellules réunies en grande surface . . . . . . . . . Reptoflustrina. 4° Genre. — FLusrrixa , d'Orb., 4851. Colonie non articulée, entière, testacée, fixée par sa base cal- caire, d’où partent des rameaux ou des lames comprimées, repré- sentant un ensemble dendroïde ou lamelleux. Cellules juxtaposées sur deux plans opposés, adossées les unes aux autres latéralement, presque égales, régulières, placées par lignées longitudinales et en quinconce , les unes en contact et souvent confondues avec les autres. Ouverture ronde ou ovale occupant la plus grande surface extérieure de la cellule. Des pores spéciaux, au nombre de deux par cellules, rarement trois, placés à l’extrémité de celles-ci. Très rarement des cellules accessoires, Elles sont alors d’une forme différente des autres, presque entièrement fermées. Rapports et différences. — ‘Très voisin par la forme des colo- pies, par les cellules des genres Biflustra et Flustrella, celui-ci se A" 316 A. D'ORBIGNY. — RECHERCHES distingue du premier par la présence de pores spéciaux, et du second par deux pores spéciaux , au lieu d’un seul. L’accroisse- ment est, du reste, analogue à ce que nous avons dit du genre Biflustra. Aucune espèce de ce genre n'avait été décrite ni figurée avant ce travail. Toutes les espèces connues sont fossiles, et jusqu’à présent spéciales au 22° étage, sénonien ou craie blanche de France. Nous en décrivons et figurons dix-sept espèces dans la Paléon- tologie française, Terrains crétacés, t.:V, p. 298 et suiv., pl: 701, 702 et 705. 2° Genre. — Fimrcusrrixa, d'Orb., 1851. Colonie entière, testacée, formée de rameaux cylindriques. dendroïdes, pourvus en long de quatre lignées longitudinales, de cellules égales, peu distinctes, largement ouvertes, portant cha- cuve à la partie postérieure deux pores spéciaux écartés. Le des- sous des branches montre un intervalle, où se remarquent seule- went des cellules avortées avec une pelite ouverture allongée. Ce genre, inconnu jusqu'à nos recherches , se distingue des autres de la famille par ses colonies filiformes, rameuses et den- droïdes , n’ayant en dessous des branches que des cellules avor- tées. La seule espèce connue est fossile de Meudon près Paris , dans l'étage sénonien. C’est le F. cylindrica, d'Orb., Paléonto- logie française, Terrains crétacés, pl. 732, fig. 1-5. 3° Genre. — SemirLustrinA, d'Orb., 1851. Colonie en lame irrégulière, libre, flexueuse, pourvue d’an séul côté de cellules juxtaposées en lignées longitudinales, quelquefois avec dès cellules primo-sériales plus petites que les autres. Cellules variables. Sur les colonies mortes où fossiles, elles offrent une immense ouverture occupant la plus grande surface de la cellule. En arrière de cette ouverture, on voit toujours deux pores spéciaux, très prononcés, souvent tubuleux. Quelquefois des vé- sicules ovariennes. Dessous de la colonie sans pores, montrant SUR LES MOLLUSQUES BRYOZOAIRES. 347 seulement, par lignées, des cellules un peu convexes, presque toujours hexagones. Ce genre diffère des deux précédents par sa colonie formée d'une lame flexueuse, libre, munie de cellules d’un seul côté. La colonie libre le distingue des deux genres suivants rampants et encroûtants. On n’en connaissait aucune espèce. Nous en décrivons et figu- rons cinq des terrains crétacés, et spécialement du 22: étage, sénonien de France , dans notre Paléontologie francaise, Terrains crétacés, pl. 732 et 733. s £# Genre. — PyrnrzustrixA, d'Orb., 1854. © Colonie fixe, rampante à la surface des corps sous-marins, for- mée de lignées longitudinale et latérale de cellules placées les uties à la suite des autres, non contiguës latéralement, et difpo- Sées de manière à représenter un ensemble rameux. Indépendam- ment des lignées longitudinales naissant par le bourgeonnement antérieur des cellules, il nait encore latéralement à ces mêmes cellules des lignées latérales. Cellules pyriformes, étroites en arrière , largement ouvertes sur les individus morts ou fossiles. Deux pores spéciaux placés, l’un de chaque côté, en arrière de l'ouverture. Ce genre , avec le inode de groupement des cellules des Hip- pothea (t. XVII, p. 291), a des cellules largement ouvertes, et pourvues en arrière de deux pores spéciaux, comme chez tous les genres de la famille. C’est, comme on le voit, un mode de groupement particulier, qu’on retrouve successivement dans les familles des Escharideæ , des Flustrellaridæ , des Flustrellidæ et des Flustrinidæ. Aucune espèce n’était connue avant nos recher- ches. Nous en connaissons deux , l’une vivante et l’autre fossile , du 22e étage, sénonien. Voyez la Paléontologie francaise, Terrains crélacés, pl. 733. 5e Genre. — Rerrorzusrnaisa, d'Orb,, 1851, Colonie fixe, rampante , représentant des encroûtements irré- guliers à la surface des corps sous-marins, composée de cellules 38 A. D'ORBIGNY. — RECUERCHES, ETC. juxtaposées, par lignées longitudinales contiguès, peu régulières, Cellules formées d’un encadrement externe testacé, fermé, à l’état de vie, d’une membrane ; mais à l’état fossile ou mort, la cellule ne montre que cet encadrement testacé. Deux pores spéciaux pla- cés en arrière de l'ouverture, souvent tubuleux. On y voit encore des vésicules ovariennes. Ce genre diffère de tous ceux de la famille par ses cellules fixes rampantes et encroûtantes. Voisin, par le mode de groupement des cellules, des genres Reptoflustrellaria et Reptoflustrella , celui-ci se distingue du premier par ses pores spéciaux, et du dernier par deux pores au lieu d’un. Le peu d’espèces connues étaient placées dans le genre Mar- ginaria de M. Roemer par M. Reuss , et avec les Cellepora par M. de Hagenow. “Nous en connaissons six espèces mentionnées, décrites et figu- rées dans la Paléontologie française, Terrains crétacés, pl. 733 et 734. ANALYSE DES OBSERVATIONS DE M. MULLER SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES, Par M, Camille DARESTE. M. Müller a fait dans ces dernières années une suite d’obser- vations d’un grand intérêt sur l’un des points les plus obscurs de l'histoire physiologique des animaux inférieurs, le développe- ment des Échinodermes. Les résultats de ces observations sont consignés dans cinq mémoires, publiés dans la collection des mémoires de l’Académie des sciences de Berlin (1). Devant faire connaître ces travaux aux lecteurs des Annales, j'ai cru nécessaire de changer la forme sous laquelle ils ont été présentés par M. Müller. Cet illustre physiologiste, en exposant chaque année les faits nouveaux qu’il venait d’observer, a, dans la série de mémoires qu'il a successivement publiés, constam- ment modifié les opinions que ses premiers travaux lui avaient (4) 4° Uber die Larven und die Metamorphose der Ophiuren und Seeigel, pré- senté à l'Académie le 29 octobre 1846, publié en 4846. 2e Uber die Larven und die Melamorphose der Echinodermen, zweile Abhand- lung, lu le 27 juillet 4848, publié en 1849, 3° Uber die Larven und die Metamorphose der Holothurien und Asterien, pré- senté le 45 novembre 4849 et le 48 avril 4850 , publié en 4850. 4&° Uber die Larven und die Melumorphose der Echinodernen, vierle Abhand- lung, lu le 7 novembre 4850, le 25 avril et le 40 novembre 4850, publié en 1850, 5° Uber die Ophiurenlarven des Adriatischen Meeres, lu le 46 janvier 4854, publié en 4852. 350 4. MULLER. — ODSERVATIONS fait concevoir. 1l en résulte que l’ensemble de ces mémoires forme plutôt un journal d'observation , qu'un traité ex professo sur la question physiologique du développement des Échino- dermes. II m'a semblé qu’il y aurait avantage à réunir ces obser- vations éparses, et à substituer à l’ordre chronologique des recherches un ordre logique résultant de la réunion, en des cha- pitres spéciaux, de toutes les observations qui se rattachent au même sujet. Je me suis d’ailleurs efforcé de rendre la pensée de M. Müller aussi exactement que possible ; et, dans ce but, j'ai traduit litté- ralement tout ce qui se rattachait à la partie purement descriptive du sujet. PREMIÈRE PARTIE. DU DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINIDES. Lorsque M. Müller commença , en 1846, à étudier lé déve- loppement des Échinides, il n’y avait encore sur ce point de physiologie que des observations très incomplètes, faites par Baer en 1845 (1). Ce naturaliste avait étudié, à Trieste, de jeunes embryons de l'£chinus lividus et de l'Echinus esculen- tus (2), obtenus par le procédé de fécondations artificielles; mais il n'avait pas suivi le développement de la larve au delà de l'éclosion. Plus tard, cette question devint l'objet des études de trois naturalistes : M. Dufossé, M. Derbès et M. Krohn. Les observations de M. Dufossé ont été cominuniquées à (1) Bulletin de la classe physico-mathématique de l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, t. V, p. 234, ou Froriép's neue Nolizen, Bd, 39, p. 36, (2) L'Echinus esculentus , dont il est ici question, est l'Echinus esculentus de la plupart des auleurs, mais ce n'est pas l'espèce anciennement décrite sous cé nom par Linné. D'après MM. Agassiz et Désor, cé dernier est une espèce par- ticulière qui se rencontre dans la Manche et dans la mer du Nord , et qui a été décrite par O.-F, Müller sous le nom d'£. sphæra. L’E. esculentus de la Méditer- rañée, qui à fait le sujet des ‘observations de Baër, est l'Æ. brevispinosus de Risso. f SUR LE DÉVELOPPBMENT DES. ÉCHINODERMES. 391 l'Académie des sciences , le. / janvier 1847, ct publiées dans les Annales des sciences naturelles (1847, & VII, ps 4h). Elles ont pour objet des larves de l’Æ. esculentus où brevispinosus , obte- nues par la fécondation artificielle. Les observations de M. Du- fossé sont en contradiction avec celles des trois autres naturalistes qui se sont postérieurement occupés de cette question, Quelques mois après la publication de M. Dufossé, M, Der- bès (1) a fait connaître des observations analogues, faites égale- ment à l’aide de la fécondation artificielle, sur l’Z, brevispinosus. Ges observations, dont l’exactitude a été confirmée par celles de M. Müller et de M. Krohn, ont été poussées un peu plus loin que celles de Baër; mais elles n’embrassent encore qu’une périodë très courte de la vie de la larve, puisqu'elles s'arrêtent avant la première apparition du disque échinodermique, fait dont la dé- couverte est due à M, Müller. c Enfin, en 1849, M. Krohn a publié un mémoire sur le déve- loppement de l'E. lividus de Lamarck ou Æ, saæatilis des au- teurs (2) ; les observations qui ont donné lieu à ce travail ont été faites comme celles de MM. Baër, Dufossé et Derbès, sur des larves obtenues par la fécondation artificielle. M. Krohn a vérifié, pour l'espèce qu'il étudiait , l’exactitude des résultats généraux publiés par M. Müller dans son premier mémoire sur le déve- loppement des Échinodermes, mémoire publié en 1846. Il y a ajouté seulement quelques faits de détails ; ainsi il a constaté sur les larves la présence de l'anus, fait qui avait échappé à M. Müller dans ses premières recherches. M. Müller à reconnu plus tard la justesse des rectifications faites par M. Krohn. Plus tard, M. Krobhn a repris à Naples ses observations; et il a publié un travail (Archiv, für Anal. und Phys., 1851), dans lequel il confirme la plupart des résultats obtenus par M. Müller. Tout récemment , M. le docteur Busch a publié des observa- tions sur l'Echinocidaris æœquituberculata des côtes d'Espagne (4) Observation sur les phénomènes qui accompagnent là formation de l'em= bryon chez l'Oursin comestible (Ann, dés sc, nat, 1847, t. VIII, p. 80), (2) Béitrag zur Entwickelungsgeschichte der Seeigillarven. Heidelberg, 4849, 2654 J. MULLER. — OBSERVATIONS A (Beobachtungen über Anatomie und Entwickelung einiger wirbello- ren Seethiere. Berlin, 4851). Elles ne nous sont pas encore connues. Quant aux observations de M. Müller, elles ont été faites à plusieurs reprises, de 1846 à 1851, dans des localités et sur des espèces très diverses. Bien que, dans un travail de cette na- ture, il y ait nécessairement de nombreuses lacunes , toutefois il résulte, bien évidemment du travail de M. Müller, que le mode de développement des Oursins présente un remarquable exemple du phénomène, que M. Steenstrup a désigné sous le nom de génération alternante (Generation-wechsel). La larve , qui sort de l'œuf de l’Oursin, ne se convertit pas en animal parfait, par une métamorphose analogue à celle des Insectes ; mais, à une cer- taine époque, elle produit, par une sorte de gemmation interne, un Oursin qui, n'étant d’abord en quelque sorte qu’un organe de la larve, vivra d’une vie indépendante, lorsque la larve vien- dra à se détruire. La larve de l’Oursin n’est donc point une véri- table larve , dans l’acception ancienne de ce mot en zoologie ; c’est, comme le dit M. Steenstrup, une nourrice (amme) qui pro- duit ce nouvel animal, et qui lui fournit la nourriture pendant les premiers temps de son existence. $ L Observations faites sur une larve d'Oursin , dont l'espèce n’est pas déterminée. La larve qui forme le sujet de cette observation n’a pu être suivie dans toutes les périodes de son existence; toutefois, ilré- sulte évidemment des caractères que présente le disque échinoder- mique que cet animal appartient au genre Echinus. J'ai donc cru pouvoir supprimer sans inconvénient une longue discussion, dans laquelle M. Müller cherche à prouver que l’animal, qui se déve- loppe aux dépens de la larve, est un Échinide, et qu'il appartient au genre Echinus. D'ailleurs, les expériences de fécondation arti= ficielle, qu'il a faites lui-même pendant les années suivantes, ont mis ce fait hors de toute contestation. Le seul point en litige, c'est de savoir quelle est l'espèce d’Oursin qui a donné lieu à ces obser- SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES. 393 va ions. C’est peut-être l'Echinus sphæra (Echinus esculentus de Linné) qui est très commun à Helgoland. Premières observations faites à Helgoland (août et septembre 1845) sur des larves d’une demi-ligne de longueur. « Les animaux de cette espèce ont un corps hyalin, quadran- gulaire, arrondi supérieurement en forme de coupole, et se ter- . minant inférieurement par une excavation peu profonde. Les quatre angles du corps s'étendent, dans la direction opposée à celle de la coupole, sous la forme de prolongements longs, poinlus, un peu divergents, et qui en forment comme les sup- ports ou les piliers. Ils contiennent une tige calcaire. Ces tiges calcaires pénètrent dans la coupole, ets’ y ramifient d’une manière toute particulière. La masse hyaline, dont l'animal est formé, s'étend au delà de la partie libre de ces tiges, et forme entre elles des arcades qui longent le corps. Le corps a deux faces plus larges et deux faces plus étroites ; on peut appeler les deux faces plus larges face antérieure et face postérieure. Entre les deux tiges antérieures, la peau de la larve forme sur le bord de la voûte un prolongement en forme de tente, comme une marquise. Sur la face postérieure correspondante, la substance animale du corps se termine en un long prolongement, qui est soutenu par quatre tiges particulières, disposées de telle sorte qu'il y en ait deux de chaque côlé. Ce prolongement contient la bouche, ouverte en avant, et l'œsophage; l'estomac se trouve dans la partie moyenne du corps, au-dessous de la coupole. » Pour faire comprendre cette organisation à l'aide d’une com- paraison, on peut dire que la larve ressemble à une horloge repo- sant sur quatre longs piliers : de sa face inférieure descend le pendule, représenté sur notre larve par l'appareil buccal. Cet ap- pareil se termine en bas par quatre prolongements pointus, dans lesquels se répandent les tiges calcaires ; deux de ces tiges cal- caires sont des branches des quatre tiges HE: et pénètrent. dans l’intérieur de la partie moyenne du corps qui forme la voüle, en s'écartant des tiges antérieures qui supportent la marquise, 3° série. Zooc. T. XVI, (Cahier ne 6.) 5 23 35h 3. MULLER, — OBSERVATIONS Les deux autfes tiges calcaires s'unissent à la face postérieure de la voûte en formant un ängle, duquel part éncore uné tige im- paire qui se ramifie dans l’intérieur de la voûte. » La peau qui recouvre tous les appendices, la région moyenne du corps et le voile antérieur de la bouche, est couverte de taches d’un jaune soufre et de lignes brunes. La disposition des organes ciliés est toute particulière. Ges larves possèdent quatre bourre- lets transverses en forme d’épaulettes sur les points où les quatre appendices pénètrent dans les angles du corps : les bourrelets : sont garnis de cils très longs et mobiles, et au-dessous d’eux se trouve une masse épaisse d’un pigment jaune de soufre. De plus, ces larves possèdent encore sur tous les appendices, et sur la voûte elle-même, une garniture formée par une frange ciliée. Chacun des appendices est bordé par deux franges, qui se réunis- sent l’une à l’autre à la pointe des appendices, et qui supérieure- ment s'étendent, sur la voûte, de l’un des appendices à l’autre. Sur le bord antérieur du corps, dans l'endroit où il se déploie en forme de marquise , la frange ciliée suit le bord de ce voile; ici cependant, la frange ne suit pas exactement le bord, car l'arc formé par la frange ciliée est beaucoup plus élevé que le bord de la voûte, et il s'élève sur la voûte jusque dans le voisinage du sommet. De plus, les tiges, entre lesquelles se trouvent la bouche et l’œsophage, sont garnies de cette frange ciliée qui court d’une des tiges à l’autre, et qui, dans le milieu, sous la bouche, va d’un côté à l’autre. » La bouche est entourée d’une frange ciliée qui lui est propre. Elle est triangulaire, bordée en dessous par une lèvre transverse qui forme une saillie comparable à une cuvette ; les deux autres côtés, les côtés supérieurs, se joignent entre eux en formant uñ angle. Dans cette direction, la cavité buccale se prolonge dans l’œsophage, qui pénètre dans le cul-de-sac de l'estomac. Ce der- nier pénètre dans l’intérieur de la région moyenne du corps, voü- tée supérieurement, inférieurement excavée, et il est fréquemment recourbé de nouveau, de telle sorte qu’une partie du cul-de-sac stomacal est repliée en avant comme un intestin. Je n’ai pu re- connaître avec certitude l’existence pour cette dernière pièce d’un SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES. 355 orifice extérieur (1), Quand on observe l'animal par la face an- térieure là où la lumière réfractée peut s’apercevoir entre l’esto- mac et le second cul-de-sac, cette lumière peut facilement être prise pour un anus situé à la face antérieure des corps à quatre faces. La bouche et l’æsophage se rétractent de temps en temps avec force. L'intérieur de la cavité buccale, l’œsophage et de l'estomac présentent le mouvement vibralile. » Ces larves ont près d'une demi-ligne de long ; elles vivent librement dans l’eau; elles sé meuvent uniquement par le mou- vement vibratile, et la face du corps à laquelle sont allachés les appendices est loujours en avant. Les bras ne peuvent se mou- voir, et les tiges sojides qui ont entre elles la bouche el l'œso- phage, n'éprouvent qu'un mouvement passif résullant de la con- traction énergique de ces deux organes, » Le premier signe de la métamorphose se manifesla dans ces larves par l'appariton d’une plaque discoïde qui se montra, dans les mois d’août et de septembre, sur l’une des faces étroites de la voûte au-dessous dés taches de la peau, et qui s’inclinait obli- Œuement contre lé sommet de la voüte. C'était comme le cadran dans l'appareil comparé à une pendule ; mais ce cadran ne cor- respondait pas à la place occupée par le pendule, et il se trou- vait sur les côtés de l'horloge. Ce disque était également opposé à la place de la bouche dans la larve, Le disque rond, et seulement ün peu convexe, élait aussi couvert de taches jaunes. Il étail par- tagé par une figure à cinq feuillets en cinq divisions comparables à des valves ; ces divisions se réunissaient à la parlie moyenne, tandis qu’à la périphérie clles laissaient entre elles des espaces libres. Chacun des champs en forme de valve avait les contours ” doubles, et situés à une grande distance l’un de l’autre. En face du disqne, première apparition dé l'Échinoderme, se montraient sur la voûte, et de chaque côlé, des pédicellaires à trois branches, qui sont, comme on sait, propres aux Oursins, car ceux des Étoiles (1) Nous avons déjà dit que M. Krobhn a constaté l'existence de l'anus sur les larves de l'Echinus lividus. M. Müller a reconnu plus tard l'exactitude de cette observation de M. Krobn. 396 3. MULLER. — OBSERVATIONS de mer n’ont que deux branches (1). Les pédicellaires étaient profondément implantés dans la voûte, et déjà doués de mouve- ments volontaires, puisque les bras de la tenaille s’ouvraient et se fermaient. La larve n’avait le plus souvent que quatre pédicel- laires , deux de chaque côté, et placés l’un à côté de l'autre. » Pendant que le disque s’accroît dans l'intérieur de la voûte, il se forme sur les parties périphériques de ce disque de nouvelles divisions qui enferment les cinq champs primitifs du milieu ; de telle sorte qu’au dehors , entre les cinq champs primitifs, appa- raissent cinq figures circulaires avec des doubles contours. Ce sont les points d’attache futurs pour les tentacules ou ambulacres. Alors le jeune Échinoderme, qui est en train de se former, esl caractérisé, pour la première fois, par cinq longs ambulacres impairs à divisions symétriques régulières, qui sortent des ori- fices du disque sous l’aspect de cœcums à double contour. Les autres divisions périphériques, qu’on ne saurait confondre avec les plaques de l’écaille d’un Oursin complétement développé, se convertissent plus tard en tubercules arrondis, et ceux-ci se dé- veloppent en prolongements cylindriques qui doivent se changer en piquants. » Lorsque le jeune Échinoderme a atteint ce degré de dévelop- pement où il forme un disque subconvexe, garni de piquants et de cinq tentacules ou ambulacres élargis, alors les ambulacres, de même que les piquantsse multiplient sur toute la surface de la voûte de la larve ; les ambulacres se meuvent, dans toutes les directions, comme des appareils de tact, et ils ont la faculté de s'attacher aux corps environnants. Les piquants se meuvent aussi à la volonté de l’animal. Cependant la bouche de la larve est en- core à sa place primitive, et elle est, comme l’estomac, douée de sa pleine activité. Les ambulacres sont annelés , et ils sont, ainsi que les piquants, couverts de taches jaunes et brunes clairse- (4) En exceptant toutefois le genre Luidia; les pédicellaires de la Luidia Savigni des mers du Nord ont trois branches. La Luidia japonica des mers du Japon présente à la fois des pédicellaires à trois branches et des pédicellaires à deux branches. M. Müller a observé une fois sur uñe de ses larves d'Oursins, et figuré des pédiceliaires à deux branches, SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES. 397 mées, Chacun des cinq ambulacres porte à son-extrémité une ven- touse ayant dans son milieu une petite éminence tout à fait comme les ambulacres de l’Oursin adulte dans leur état d’exten- sion, tels qu’ils ont été figurés, après la vie, par Monro. Dans la ventouse on aperçoit un cercle calcaire présentant plusieurs an- gles. Les ambulacres sont creux dans l’intérieur, mais leur ca- vilé est fermée à son extrémité comme chez tous les Échino- dermes (1). Dans leur premier état, les ambulacres sont arrondis à leur extrémité, la ventouse se développe ultérieurement. Les piquants, qui atteignent quelquefois une longueur considérable, contiennent un squelette calcaire : quand ce squelette est com- plétement formé, il consiste en un prisme hexagone inscrit au cylindre que forme la peau du piquant, prisme formé par un réseau calcaire à mailles régulières, qui se continue à son extrémité par plusieurs pointes très petites. L’arrangement de la charpente réliculée dans l'épaisseur du piquant est radiaire ; c’est-à-dire que l’extrémité de l’épine , vue verticalement, pré- sente une étoile à six bras. Avant que le squelette du piquant soit complétement formé , il a, à la première vue, exactement la forme d’un candélabre. Sa base est, en effet, une étoile à six rayons, du milieu de laquelle sort une tige qui, d’abord simple, se partage en plusieurs tiges qui se réunissent une seconde fois. Ainsi se forme un bouton qui émet au dehors des pointes. Sur ce bouton s'élève l’appendice dans une direction longitudinale , en même temps qu’il en sort six longs bras qui montent parallèle- ment dans la partie supérieure, et portent des pointes en dehors. La longueur des pointes complétement formés est assez grande pour qu’elle atteigne au moins le tiers du diamètre du disque entier de l’animal. » Il est très douteux que les tentacules on ambulacres appa- raissent d’abord sans être disposés par paires; car chez aucun (4) « M. Valentin affirme, dans son Anatomie de l'Oursin, que les extrémi- tés des ambulacres des Oursins possèdent une ouverture dans leur milieu, comme cela parait être quand le milieu de la ventouse est rétracté. Mais M. Tiedemann a déjà opposé, avec raison, à Monro, que la cavité de l'ambulacre est fermée à son extrémité. » (Note de l'auteur.) 308 Jd: MULLER. — OBSRVATIONS Oursin adulte, ni même chez aucun Échinoderme , on ne ren- contre cinq pareils tentacules impairs, Au reste on voit déjà les supports pour une. distribution ultérieure des tentacules par paires ; car immédiatement en avant des tentacules impaires, et près du milieu, il.est déjà possible de reconnaître les supports de tentacules plus petits distribués par paires et en cercles; il.y a ainsi un cercle de dix tentacules , et le long de la périphérie on lrouve encore des supports de lentacules distribués par paires. » Le disque lui-même, sur lequel les tentacules et les piquants se développent, possède aussi un réseau calcaire particulier qui apparaît après un temps un peu plus long. Il consiste primiti- vement eu pièces isolées, formées de trois branches, qui se ter- minent en une sorte de fourche ; plus tard ces pièces se conver- tissent en un réseau à mailles rondes, » La peau de la larve s'étend, sans perforation, sur le milieu du disque ; et bien que plus tard il y ait certainement là une ouverture , il est cerlain que rien de pareil n'existe encore, On n'apercoit encore rien du test de l’Oursin; et quand on arrive pour la première fois à apercevoir les divisions qui se forment sur le disque, on se convainc. bientôt que les divisions qui se for- ment les unes à côté des autres sont destinées seulement à sou- tenir les pieds et les épines, et n’ont rien à faire avec les pièces du squelelle. » En cette période de leur métamorphose, les larves nagent à l’aide de leurs organes ciliés (les franges ciliées et les épaulettes ciliées) encore dans leur pleine activité ; elles rampent avec leurs cinq ambulacres; elles meuvent leurs pédicellaires comme des tenailles, et leurs piquants, chacun indépendamment des autres. » M. Müller rapporte qu'il a observé d’autres larves tout à fait comparables aux précédentes, mais qui en différaient par la forme de la voûte et le mode de terminaison des tiges calcaires dans son intérieur. La voûte, au lieu d’être ronde, était terminée par une pointe tronquée à son extrémité, Dans cette pointe pénétraient les tiges calcaires des deux bras principaux antérieurs , et ils se partageaient en deux courtes branches lransverses, M, Müller pense que ces larves ne sont qu'une variété de l'espèce précédente, SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉGHINODBRMES. 399 Continuation de ces observations (Helsingür, sur le Sund, en septembre 1847). Ces observations ont été faites sur des larves qui avaient déjà perdu complétement leurs appendices, ainsi que la bouche et le pharynx. ñ Un de ses individus présente encore quelques légères traces de la larve, c’est-à dire les tiges calcaires qui sortent de l’Échi- noderme sphérique, Un autre les a complétement perdues. En cet état les animaux qui se trouvent toujours en pleine mer sont longs de 1/2 ligne environ. Leur corps est sphérique; on y distingue une face privée de piquants et de tentacules, et seule- ment revêtue de la peau de la larve primitive; l’autre moi- tié est , à l’exception de son milieu, couverte de piquants et d'ambulacres, L'animal s'attache au verre à l’aide de ses am- bulacres. Les ambulacres ont, dans leur ventouse, un réseau calcaire circulaire aussi développé que celui que l’on voit dans les jeunes Oursins de 3 à 4 lignes de diamètre , et leur carapace est complétement formée, seulement elle est moins ‘épaisse, On voit dans ces ambulacres monter et descendre de petites sphères, tantôt par suite des contractions du pied, et tantôt aussi par suite d'un mouvement vibralile intérieur, On ne voit pas encore de plaques calcaires ; quelquefois on voit des figures calcaires rami- fiées dans la peau où au-dessous d'elles. On ne peut pas encore apercevoir de perforation dans le milieu de la face épineuse de la sphère, et l’on ne voit pas plus sur l’autre face de trace d’ou- verture. Les piquants sont encore des prismes à six pans; ils ont déjà de très fines aspérités ou de petites apophyses qui se développent sur les angles (on sait d’ailleurs que les piquants des jeunes Oursins, de 3 à 4 lignes de long, sont très âpres); ils ne sont plus hexagonaux, mais ils présentent un grand nombre d’angles et se rapprochent de la forme cylindrique. L'extrémité des piquants est égale dans les deux cas; elle se termine par de petites dentelures, Les taches pigmentaires des ambulacres sont aussi visibles dans nos petils animaux de 4/2 ligne que sur les D] ambulacres des jeunes Oursins de 3 à 4 lignes de diamètre, » 9260 J. MULLER. — OBSERVATIONS M. Müller n’a pu constater sur cette espèce, en la soumettant à la compression, l’existence des dents; toutefois il pense qu’on peut la considérer comme vraisemblable, car les tentacules de ces animaux ont une forme que l’on ne trouve que dans le genre Echinus. S IL. Observations faites sur la larve de l’£chinus lividus. C’est cette espèce qui a fait le sujet des observations de M. Krohn, el peut-être aussi, comme le paraît croire M. Müller, de celles de M. Derbès, quoique ce dernier indique l’Echinus esculentus ( le brevispinosus de Risso). Mais ces larves, observées par M. Der- bès, ne se sont développées que très imparfaitement , et sont devenues monstrueuses, comme M. Krohn en a déjà fait la remarque. Quant aux observations de M. Krohn, elles ne s'étendent pas au-delà de l’époque de la formation des quatre bras. M. Müller à pu compléter l’histoire du développement de cet animal en étudiant les larves qui se rencontrent très fréquem- ment, à l’état sporadique, à Marseille, à Nice et à Trieste, et en répétant les expériences de fécondation artificielle faite par les deux naturalistes que nous venons de citer. M. Müller fait remar- quer à ce sujet que la fécondation artificielle des œufs de l’£chi- nus lividus à réussi deux années de suite pendant le mois de septembre ainsi que pendant le mois d’avril; tandis que cette opération n’a réussi qu'au printemps pour un certain nombre d'Échinodermes d’espèces très différentes (1). La larve de l’Echinus lividus est toujours facilement reconnais- sable à son sommet élevé et pyramidal, à la manière dont les tiges calcaires se terminent dans l'intérieur du sommet, où elles forment des espèces de massues entrecroisées, et à l'absence d’une slructure réticulée dans les tiges calcaires. Dans les premières périodes de développement (pendant lesquelles elle a été étudiée par MM. Derbès et Krohn), elle n’a que quatre appendices; mais (1) Holothuria Lubulosa , Astropecten aurantiacus ; Ophiothrix fragilis, Echi- nus pulchellus. SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES,. 361 elle acquiert plus tard quatre autres appendices et des épaulettes ciliées, comme la larve d’Helgoland. Les observations nouvelles de M. Müller ont d’ailleurs con- firmé l'exactitude des observations de ses devanciers, particuliè- rement en ce qui concerne l’existence de l’anus. « La présence fréquente de ces larves à Marseille et à Nice, dit M. Müller, m'a donné l’occasion de me convaincre de l’existence de l'anus dans les larves d’Oursins. Je n'avais pu y arriver duns les larves d’Helgoland, et je croyais pouvoir expliquer l’appa- rence d’anus chez certaines larves d’Oursin par une illusion. Derbès et Krohn ont déjà déterminé l’anus d’une manière évi- dente chez les jeunes larves, et Krobn a expliqué son absence apparente dans certaines larves par la rétraction temporaire de l'ouverture, poussée jusqu'à une disparition complète. D’après un examen sur toutes les faces de cet objet, dans un très grand nombre de larves, je dois reconnaître comme exacte l'observation de Derbès et de Krohn. » Les premières phases du développement de l’Echinus lividus ayant été très exactement reproduites par M. Derbès et Krohn, M. Müller ne commence le récit de ses observations qu’au point où finissent celles de ces deux naturalistes, c’est-à-dire le onzième jour après la fécondation. « En cet état, des deux tiges calcaires latérales du corps, qui montent dans l’intérieur de la pyramide, sortent, dans une même direction, des prolongements qui pénètrent dans les bras du voile en forme de marquise; de chacune de ces branches prin- cipales sortent, à angle droit, un rameau qui se partage, après son origine, en une tige transverse, laquelle vient à son tour rejoindre, derrière l'intestin, celle de l’autre côté en se croisant avec elle, et une tige courbe, qui se répand dans le voile buccal, correspondant à la marquise, particulièrement dans son bord et son bras. Sur cet arc se développe encore une branche montante qui se dirige dans l’intérieur de la pyramide. L'union des tiges calcaires de droite à gauche paraît, dans la larve normale, ne pas arriver jusqu’à l'accomplissement de dimensions précises. De là dépend encore le développement de la pyramide, 902 J. MULLER. — OBSERVATIONS » Pendant le développement de la larve , l’aceroissement se: fait surtout dans la direction longitudinale par l’allongement des bras; mais la pyramide du corps s'accroît autant en longueur qu’en largeur ? les tiges calcaires situées dans l’intérieur ne peu- vent passe dilater, mais elles s’accroïssent par l’adjonction d’une masse nouvelle à l'extrémité tournée du côté de la paroi. Ainsi s’accroit la longueur de ces tiges dans la pyramide, depuis l'extrémité de la pyramide jusqu'à la place de l'origine des branches, Le squelette n'empêche pas ce développement de la Pyramide en largeur, puisque ces branches lransverses des tiges calcaires, qui se joignent des deux côtés au-dessous dé l'intestin, ne s'unissent point de gauché à droite, mais qu’elles restent séparées aussi longtemps que dure le développement... » Sur ces larves longues de 4/3 de ligne , et qui présentent l'origine des bras latéraux postérieurs qui manquaient jusque-là, apparaissent, pour la première fois, deux corps en forme de bou- dins sur les côtés de l'estomac. Ce sont les corps que j'ai décrits et figurés dans les larves d’Ophiurés et dans les Auricularia , et qui se développent également dans les Bipennaria à une cer- laine époque (1). On ne les trouve pas dans les larves d'Oursins avant la période actuelle. On pourrait considérer ces corps qui apparaissent dans les larves de tous les Échinodermies à une épo- que précise de leur développement, et qui disparaissent ensuite dès que l'Échinoderme s’est formé comme un blastème servant au développement du corps de l’Échinoderme, si ces corps ne se retrouvaient aussi chez les Auricularia, chez lesquels la larve taut entière se transforme en Échinoderme. .. : » Aux seizième, dix-septième, dix- huitième jours après la fécon- dation, les larves d'Oursins avaient déjà , pour la plupart, une partie considérable des appendices latéraux postérieurs da corps. et la deuxième paire des appendices de l'appareil buceal, en tout huit appendices : la longueur de l’animal entier était de 1/3 où : 7/20° de ligne. Par le développement des appendices latéraux postérieurs sur le voile , la base de la pyramide s’est elle-même (1) Voir, à ce sujet, les parties de ce travail qui se rapportent au développe- ment des Astéries el des Holothuries SUR LE DÉVBLOPPEMENT DES ÉGHINODERMES. 36 accrue en largeur, La frange ciliée se montre également sur les nouveaux appendices. La tige calcaire de l'appendice latéral postérieur n'est point unie au reste du squelette calcaire , et elle se termine le plus souvent, à sa partie supérieure, par deux ra- meaux qui sont dirigés vers la face dorsale. L'appendice accessoire, nouvellement formé de chaque côté de l'appareil buccal , contient une tige calcaire qui vient dans la face dorsale du corps à la ren- contre de celle de l’autre côté; sur cet arc s’élève encore un rameau, comme dans la larve d'Helgoland, à épaulettes ciliées. Ces appendices accessoires de l'appareil buccal restent toujours plus petits que dans les autres espèces de larves d’Oursins. L’arc de la frange ciliée monte sur les faces de la pyramide beaucoup plus haut que précédemment ; de telle sorte qu'il est placé plus haut que la concavité ou le voile de la pyramide, tandis que pré- cédemment il était situé plus bas. Sur tous les exemplaires de cet âge j'observai un bouclier (umbo ), qui , jusque-là , n'avait pas encore élé visible sur celte larve, en rapport avec une vésicule pénétrant dans l'intérieur. Le bourrelet annulaire , de couleur jaune, repose sur l’un des côtés du corps de la larve, et dans toutes ces larves sur le même côté et à la même place. Il se trouve sur la face excavée de la pyramide du corps en dedans de l’arcade latérale de la frange eiliée ; et lorsque l’on a devant soi la face dorsale de la pyramide et que les pans sont tournés en haut, le bouclier est toujours sur l’areade latérale droite, C’est la le côté et la place sur lesquelles, dans les larves plus développées, appa- raissent les premiers radiments du disque échinodermique. Sur le côté opposé on ne voit rien de semblable, ni bouclier, ni vési- cule. On voit surtout le bouclier et la vésicule lorsque l'on donne à la larve dans l’eau une position telle que l’on voit la face en question; alors le bouclier et la vésicule peuvent encore être vues par transparence à travers la face dorsale, Le bouclier apparaît à droite de l'estomac, dans le côté opposé à l’entrée du pharynx dans l'estomac, l'extrémité de la vésicule pyriforme est égale- ment située sur le côté opposé... » Ici s'arrêtent les observations faites sur des larves produites par la fécondation artificielle; les observations suivantes ont élé 364 J. MULLER, — OBSERVATIONS faites sur des larves sporadiques qui présentaient déjà le disque échinodermique. » Sur les larves qui ont atteint 1/3 de ligne en longueur, et chez lesquelles les appendices postérieurs commencent à se développer, l'arc des franges ciliées sur les faces de la pyramide est déjà dirigé en haut, mais il est encore placé au bord de l’ar- cade latérale du voile, et la peau de la larve monte au-dessous du bord cilié, depuis la surface extérieure jusqu’à la face infé- rieure. C'est sur celte face interne qu'est situé le bouclier. Mais dès que les bras latéraux postérieurs sont entièrement formés, la peau est encore, au-dessous de l'arc latéral de la frange ciliée, élerdue en une arcade qui s'accroît en hauteur avec le déve- loppement du nouveau bras, de facon que plus tard l’arc laté- ral de la frange ciliée est placé uniquement sur le bord en forme d'arc du voile. C’est ici, plus tard, entre le bord du voile et l'arc de la frange ciliée, que le disque échinodermique apparaît au- dessous de la peau, comme dans la larve à épaulettes ciliées d'Helgoland. La forme du disque échinodermique est exactement la même que dans la larve d’'Helgoland ; c’est un disque rond, dans lequel se dessine une figure d'étoile à cinq parties. » J'ai pu me convaincre de la manière la plus positive que le bouclier est la première apparition du disque échinodermique ; et que, de la vésicule qui lui est unie, part un canal qui s'élève vers la face dorsale de la larve à côté de la partie supérieure du pharynx, entre le pharynx et la tige calcaire postérieure, et qui s'ouvre sur le dos de la larve également à côté de la ligne mé- diane. L'ouverture se trouve au-dessus de l'insertion du pharynx dans l’estomac ; son bord paraît dentelé et crénelé. Dans de pa- reilles larves, dans l’intérieur desquelles on observait déjà le dis- que échinodermique bien développé, on pouvait observer le canal qui, partant de celte étoile, se dirige en arrière et en bas. Nous avons revu ce canal , ainsi que son orifice, sur le dos de la larve chez les larves d’Astéries, et nous avons acquis la certitude que ce canal est le canal pierreux, et que le pore est la première apparition de la plaque madréporique. » La longueur des larves d’un même degré de développe- SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES, 365 ment varie par suite de la longueur inégale des bras chez les divers individus. Sur la larve de l'E. lividus , le premier indice de métamorphose se manifeste lorsqu'elle a atteint 1/3 à 2/5 de ligne, puisque la première trace du système tentaculaire se forme avec le premier indice du disque échinodermique. Pendant que ce disque augmente de diamètre , les bras latéraux postérieurs, qui sont les derniers formés , ont atteint leur entier développe- ment ; le bord cutané du voile, qui d’abord était étendu entre le bras antérieur et le bras postérieur de la larve , au-dessous de l'arc latéral de la frange ciliée , maintenant descend beaucoup plus bas, et forme un arc étendu entre le bras de la marquise et le bras latéral postérieur, arc dont le bord est situé beaucoup plus profondément que l’arc latéral de la frange ciliée. Entre le bord latéral du voile et l’arc latéral de la frange ciliée se trouve la place du disque échinodermique sur le côté de l'estomac, exac- tement comme dans la larve d'Helgoland. J’ai de nouveau observé dans cette espèce la formation des pédicellaires.… » L'anus est placé sur un tout autre côté du corps , à quatre pans, de la larve, que le disque échinodermique. L’anus se trouve sur la face latérale antérieure du voile; tandis que le disque échinodermique , dans la larve de l'E. lividus comme dans celle d’Helgoland, se trouve sur la face latérale du corps quadrangu- laire. » Dans une dernière série d’expériences, M. Müller est arrivé à constater l’exactitude de ses conjectures sur la signification du pore dorsal et du canal qui y fait suite. « L’Oursin cst garni de deux pédicellaires sessiles , à deux bras, et placé sur le côté de la voûte opposé à celui du disque échinodermique. Le conduit qui sort du disque échinodermique descend d’abord obliquement en arrière, puis il s’infléchit en arrière dans une direction horizon- tale, pour s'ouvrir vers le dos par un pore latéral entre le pha- rynx et l’estomac. Ce qui nous intéresse surtout , c’est son mode de relation avec le disque échinodermique. Il y a sur le disque cinq longues ouvertures, dans lesquelles pénètrent les extrémités de cinq canaux disposés radiairement , comme des tentacules, avec une cavité bien évidente, Ces canaux sont unis vers leur 366 J. MULLER. — OBSERVATIONS milieu par un Canal circulaire, et sur ce canal s'insère un canal provenant du pore dorsal de la larve. Le canal qui enloure la région médiane est évidemment le canal circulaire qui éntoure l’œsophage de l’Oursin définitif ; les cinq canaux qui en sortent sont les canaux ambulacraires dont proviennent les cinq premiers tentacules ou ambulacres. Le canal qui rejoint le pore dorsal est le canal qui, dans l'Oursin, s’étend de la plaque madréporique au canal circulaire qui est l’analogue du canal pierreux de lAs- térie. Le disque échinodermiqué est tacheté de jaune entre les cinq ambulacres. Il est manifestement formé de deux éléments différents : la couche extérieure tachetée de jauné, qui est le pre- mier indice du périsome, et sur laquelle, cà et là, se développent les piquants ; et le système arnbulacraire, qui est recouvert par le commencement du périsome. L'espace contenu en dedans du canal annulaire est le milieu de la face vetilrale de l'Oursin défi- nitif, Il n’y à sur la face dorsale de l'Oursin aucune réunion des canaux ambulacraires, qui sont parfaitement séparés les uns des autres. » En suivant le développement de cette espèce, M. Müller a vérifié l'exactitude d'observations faites par M. Krohn ( #rchiv. für Anäalomie und Physiologie, 1851, s. 244), et dont il résulte que le disque échinodermique correspond au pôle dorsal de l’Our- sin. D'après ses premières observations, M. Müller avait cru devoir admettre une opinion contraire. SIL. Zehinus pulchellus. — Observations faites à Marseille, au printemps de1850, à l’aide de la fécondation artificielle. « Le développement de celle espèce est exactement semblable à celui del'Æ. lividus, et le jeune a la même forme. Je dois seule: ment appeler l'attention sur le rôle que les cellules paraissent jouer dans le mode de dépôt de la matière calcaire, Quarante-quatré heures après la fécondation, on voyait la première apparition de l'organe digestif et son ouverture sur la face aplatie du corps, dans l'endroit où la couche extérieure de l'embryon , formée de cellules, se continue avec la paroi, également formée de cellules, du cœcum digestif: D’après Krohn, cet orifice correspond à l’anus SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉGMINODERMES. 307 ultérieur, et, en réalité, la disposition ultérieure des tiges cal- Caires vient à l’appui de celte manière de voir. Vers celte époque on voit, à droite et à gauche, la première apparition du dépôt calcaire, sous la forme d’une tige calcaire formée de trois branches. De ces branches il y en a deux qui sont opposées l’une à l’autre ; ce sont celles qui, plus tard , se rencontfént transver- salement au-dessous de l'intestin. Deux autres se dirigent en haut, vers le sommet de la pyramide; les deux dernières se dirigent en arrière, el sont destinées à l'appareil buccal qui doit se former plus tard. Autour de ces liges calcaires, il y à un groupe d’un grand nombre de cellules qui se distinguent bien nettement du reste du tissu. Ces cellules s'étendent extérieufement au- dessus des tiges calcaires, là où les tiges calcaires s’accroissent ; et l’on voit que le dépôt ultérieur de la malière calcaire est pré- paré par le développement de ces cellules (1)... Ces cellules ont l'aspect d’une vésicule, mais je n'y ai jamais pu reconnaître de noyaux... Sans doute c’est aux dépens de ces corps vésiculeux que se forment les prolongements filamenteux, décrits par Krohn, qui traversent ultérieurement la cavité générale de la larve... » Dans un degré de développement plus avancé, la jeune larve présente {rès exactement la forme pyramidale, comme l£. livi- dus ; car il se forme sur la face inférieure deux angles antérieurs, et postérieurement une sorte de voile avec deux angles posté- rieurs, qui supporte l’appareil buccal. La bouche, l'estomac, l'intestin et l'anus sont comme dans les autres espèces d'Oursins, Les tiges calcaires se comportent entièrement comme chez l£. lividus ; leur extrémité, qui pénètre dans la pyramide, s’épaissit en massue, et, plus tard, il se forme des espèces de dentelures vers les points de la pyramide. Ces larves ne peuvent alors être distinguées de celles de lÆ. lividus, qui sont aussi couvertes de points rouges ; toutefois elles sont moins grêlés et moins élevées ; les appendices sont moins longs, et vers lé quatorzième ou le sei- zème jour, lorsque les larves n’ont pas encore atteint une lon- gueur de #; de ligne , les branches dentelées des tiges calcaires (1) Ceci à été vu dans les Auricularia. (Voy. à ce Sujet les autres parties du atrvail de M, Müller.) x 368 3. MULLER. — OBSERVATIONS dans l’intérieur de la voûte, qui, le plus souvent, sont situées à côté l’une de l'autre sans se croiser, sont beaucoup plus fortes et d’un tissu très serré , tellement qu’elles ressemblent aux bois des Cerfs. Ces branches sont dirigées tantôt de bas en haut, tantôt, et ce sont surtout les plus grandes, de haut en bas. » Ces observations n’ont pas été suivies plus loin, et s'arrêtent au même point que celles de Derbès et de Krobn. $ IV. Observations faites à Helgoland (juillet et août 1846) sur une larve d’une espèce inconnue , mais qui, par la forme de ses dents, doit appartenir aux genres £chinus ou Cidaris. « Ces larves, qui se présentaient fréquemment à Helgoland, se distinguent des larves précédentes en ce qu'en outre des quatre bras qui sortent des angles du corps et des quatre autres appen- dices, dans lesquels se termine l'appareil bucco-pharyngien, elles possèdent encore deux bras qui se dirigent en arrière et en bas, et trois bras particuliers qui sortent de la surface exté- rieure de la voûte , en tous treize bras; en ce que les quatre épaulettes ciliées manquent complétement, et en ce que les bras (à l'exception des deux bras surnuméraires dirigés en ar- rière et en dessous) sont extrêmement longs. Parmi les trois bras particuliers à la voûte, le bras impair forme une tige plus ou moins longue, souvent même très longue, sur le sommet de la voûte, comme s’il était le prolongement de l'axe de l’animal. Il contient un squelette calcaire, c’est-à-dire une tige formée par un réseau de trois bandelettes longitudinales. À son pied, dans l’en- droit où cette lige repose sur la voûte, elle sc partage en deux bandelettes calcaires, qui descendent en dedans de la voûte, se prolongent dans les bras latéraux qui s’écartent obliquement du corps dans une direction verticale ou transversale, Les trois tiges de la voûte sont dépourvues de garniture ciliée; les épau- lettes ciliées manquent aussi complétement. La garniture ciliée des bras inférieurs, et des arcades situées entre ces bras, ressemble à celle des espèces précédentes. Les quatre piliers principaux de la voûte, dont la longueur est considérable, contiennent des liges calcaires réticulées qui forment l'appareil buccal, et les appen- SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES. 369 dices surnumérairesinférieurs et postérieurs sont simples. La voûte dans cette espèce est très élevée. Les tiges calcaires des bras principaux inférieurs s’unissent de chaque côté en une tige unique ; ces tiges convergent dans la voûte; elles ne sont pas unies par leurs extrémités, mais elles émettent en avant et en arrière une tige calcaire transverse qui pénètre dans la voûte. Les tiges calcaires transverses antérieures ne s’unissent point, mais s’en- trecroisent ; les postérieures s'unissent pour former une branche verticale médiane, qui se ramifie en deux branches divergentes. Les tiges calcaires de l’appareil buccal pénètrent dans ses appen- dices, de telle facon que cet appareil a de chaque côté un appen- dice antérieur et un appendice postérieur, et que la tige calcaire de l’appendice postérieur se comporte dans la voûte comme une branche de la tige principale antérieure , tandis que l’appendice antérieur de l'appareil buccal tire sa tige calcaire de la paroi posté- rieure de la voûte, par une division de la branche verticale mé- diane. Les deux courts appendices accessoires, qui sortent entre les tiges principales postérieures de l’appareil buccal, et sont dirigés en arrière, tirent leurs tiges calcaires des branches qui divergent dans le bord postérieur de la voûte. » L'appareil buccal a exactement la même forme et la même structure que chez les larves à épaulettes ; il a une face anté- rieure et une face postérieure. La face postérieure est le prolon- gement de la face postérieure du corps; la face antérieure porte la bouche, dont la forme est la même que chez les larves à épaulettes ; la bouche conduit dans le pharynx, et celui-ci s'ouvre par un rétrécissement dans l’estomac qui est situé dans le corps de l'animal. L'animal se meut seulement par le mou- vement vibratile, ce qui fait que les appendices inférieurs | se dirigent en avant. D'ailleurs le mouvement vibratile existe encore sur la bouche et sa cavité, sur le pharynx et sur l’esto- mac. » Plusieurs de ces larves ne présentaient encore aucun indice de disque échinodermique ; chez d'autres, ces indices se voyaient … déjà sur la petite face de la voûte; chez d’autres enfin, le disque était déjà couvert d’épines , et l’on y voyait des pores tentacu- 3* série, Zoo, T, XVII. (Cahier n° 6.) 4 24 870 : 3, MULLER. — OBSERVATIONS laires et des tentacules (1). Je n'ai jamais vu de pédicellaires dans cette espèce. Les piquants ressemblent entièrement à ceux des espèces précédentes , et ils deviennent très élevés, de telle façon qu'ils proéminent au-dessus de la peau de la larve; l'animal les meut volontairement, La charpente calcaire qui existe dans leur intérieur forme un prisme à six pans, d’une construction réticulaire, dont les parties supérieures se prolongent, au-dessous de la peau extérieure des piquants, en plusieurs petites pointes. L'arrangement intérieur des tiges dans l’épaisseur du piquant forme aussi une étoile à six rayons. La surface entière du disque est couverte de ces piquants, qui sont, comme la larve tout entière et les appendices, mouchetés de taches de pigment jaunes et brunes, Leur longueur est aussi considérable que dans les espèces précédentes, puisqu'elle atteint le tiers du diamètre du corps entier qui leur sert de support. Le disque qui sert de support aux piquants possède aussi un réseau de nature calcaire, » J’ai observé une seule fois une larve, sur laquelle les tiges calcaires avaient en grande partie disparu, et sur laquelle il ne restait plus rien de l'appareil buccal. Le jeune Échinoderme formait un corps en sphère allongée, un peu aplatie, sans aucune trace de bras analogues à ceux des Astéries : l’une des moiliés de la surface était entièrement couverte de piquants; l’autre moitié était membraneuse, et présentait encore des traces de la peau de la voûte. Outre les taches de pigment, on voyait aussi les spicules calcaires irrégulièrement ramifiés de la voûte, La face épineuse était convexe comme un verre de montre, montrant ici et là des pores tentaculaires ; et sur la périphérie on voyait sortir quelques longs tentacules ou ambulacres, dont je n’ai pu voir nettement la disposition. Sur la partie opposée et membraneuse de la sphère, on ne voyait point de bouche, La longueur et la forme des pi- quants sont encore comme précédemment. (1) Ces tentacules sont, à leur extrémité, arrondis et comme vésiculeux, comparables sous ce rapport à ceux des Cidaris; ils en diffèrent par l'absence d’un squelette calcaire. Ils diffèrent de ceux du genre Æchinus par l'absence de ventouse, et d'un anneau formé de pièces calcaires. Mais ce n'est peut-être là qu'un caractère d'âge; car, dans les larves à épaulettes ciliées, les ventouses n6 se forment quo tard sur des lentacules d'abord ronds et arrondis, SUR LE. DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES. 871 » Une autre fois, jai observé un corps tout semblable, de même grandeur (1/3 de ligne), presque sphérique, un peu aplati, et dégagé de tous les restes des appendices de la larve, Il provenait, comme le précédent, de la pleine mer; mais il se mouvait sur le verre exactement comme un Oursin : en effet, il mouvait ses piquants séparément, et il faisait sortir à la périphérie du corps de longs tentacules, à l’aide desquels il se fixait au verre. Le milieu de l’espace d’où naissaient les piquants était dépourvue de ces organes. Au travers de la peau qui couvrait cette partie, et qui présentait des taches de pigment , je reconnus un espace divisé en cinq parties avec une figure pentagonale au milieu. Le côté opposé à la partie garnie de piquants était convexe ; il était simplement recouvert d’une peau tachetée, sous laquelle on voyait encore les traces des tiges calcaires de la larve. En tout cas, les pieds se distinguaient, quant à leur forme, de ceux de l’Échino- derme qui se développe aux dépens de la larve munie d’épauleltes ciliées ; car l’extrémité des pieds ne montrait jamais de ventouse, mais était toujours vésiculeuse et sans figure calcaire; il n’y avait de ressemblance que dans l’annulation et l’existence des taches, » Ces observations ont élé faites à Helgoland en septembre 4846, et n’ont pu être cette année suivies plus loin. L'année suivante, M, Müller, pendant le mois de septembre 1847, à Helsingôr, étudia une larve sans épaulette ciliée, comme la précédente, mais qui en diflérait parce qu’elle n’avait pas de bras à la voûte, et qu'elle n'avait par conséquent que huit appendices, les quatre supports symétriques du corps et les quatre appendices de l’appa- reil buccal. Il avait déjà eu occasion d'observer quelques unes de ces larves l’année précédente, 11 continua ses observations sur ces larves, surtout sur les individus qui ne possédaient plus que des restes des appendices de la larve et des tiges calcaires, et sur ceux qui avaient complétement perdu ces appendices à leurs tiges calcaires, mais qui se trouvaient encore dans la pleine mer. « Les plus grands individus (1/2 ligne), sans rudiments de larve, étaient sphériques ; ils étaient toujours sans ouverlure 372 J. MULLER. — OBSERVATIONS buccale et anale (1). L'une des faces du corps, à l'exception de la partie médiane , était entièrement garnie de piquants très longs (la moitié ou plus de la moitié de la longueur entière de l’animal), et en même temps d’ambulacres très nombreux ; ces deux sortes d'organes occupaient encore la circonférence équatoriale de la sphère ; l’autre côté de la sphère était dépourvue de piquants et de tentacules, et couverte seulement d’une peau tachetée de brun. Les piquants sont des prismes hexagonaux, dont les angles portent ici et là de petites aspérités ou apophyses. Ge que j'ai trouvé sur ces larves de plus remarquable pendant cette période de développement, c’est l'existence d'organes cunéiformes, que je considère comme les dents. On voyait tout d’abord, en pla- çcant l'animal sur une lame de verre, et en le recouvrant d’une lame de verre mince, préparation qui affaissait tous les piquants, apparaître cinq organes, très évidents, en forme de dents. Ces organes n’ont point la structure réticulée des parties squelettiques des Échinodermes , structure qui est aussi propre aux supports des dents des Oursins; mais ils sont entièrement solides, comme les dents contenues dans l’appareil dentaire des Oursins, dents qui, sous le microscope, ne se montrent composées que d’aiguilles ou de prismes calcaires accolésles uns aux autres... Cespetites dents doivent doncêtre comparées non point aux cinq appareils dentaires de l'Oursin, mais aux dents émaillées contenues dans les ap- pareils, ou plutôt à leurs pointes les plus extérieures, quand elles ne sont pas encore usées par la mastication. » On voyait latéralement les arêtes qui s'étendent sur la face inférieure de l'émail dentaire, comme sur les dents des Oursins adultes. Dans un cas, les dents émaillées paraissaient de plus en- cadrées d’un réseau de pièces calcaires triangulaires, que je re- garde comme la première apparition de l’étui dentaire ou des pièces maxillaires. Ces pièces étaient distinctes du réseau calcaire, qui s'était développé sur toute la face cutanée ou dépourvue de piquants, à l'exception de la région médiane. Ce réseau lui-même était distinct des grands rameaux formés de pièces calcaires qui (1) Nous avons vu que l'auteur a reconnu qu'il s'était trom pé à ce sujet. SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES, 373 restaient encore de la larve. Je dois encore faire remarquer que l'on apercevait les dents, lorsque la face nue de l'animal était en dessus, et qu’on la comprimait dans cette situation; il en ré- sulte que la face convexe des dents est en dessus, et l’autre én dessous (1)... » «Dans la phase de développement où mes larves sontactuelle- ment parvenues , je ne suis plus en mesure de les distinguer des véritables Oursins. Elles ressemblent encore par leur coloration aux véritables Oursins pendant leur jeune âge; en effet, les jeunes Oursins de 3-4 lignes de diamètre, observés à Hel- goland, qui possèdent déjà un test complet, et ressemblent, sous tous les rapports, aux vieux Oursins, sont encore complétement couverts de petites taches brunes, » $ V. Observations faites à Marseille (février et mars 1849), à Trieste (fin d'août 1850), sur une larve de la Méditerranée appartenant à une espèce inconnue, mais qui ressemble beaucoup à la larve précédente, dont elle ne diffère que par des taches de couleur rouge ou rouge- brune et des appendices plus longs. « Les plus jeunes de ces larves ressemblent complétement à celles de la larve de l'E. lividus. Ce sont des pyramides à trois pans, dont la base se prolonge en trois appendices. L’anus est maintenant très grand. L’appendice postérieur est plus large et en forme de voile; il contient la bouche. Ce prolongement pré- sente quelquefois deux angles à son extrémité ; ces deux angles se prolongent plus tard en deux cônes. La larve forme alors une sorte de dôme qui présente en arrière quatre pans, et se ter- mine à ses angles par quatre cônes. De ces quatre cônes, (1) Dans son premier Mémoire, M. Müller, par suite de ses observations sur la situation de l'appareil dentaire, avait cru pouvoir conclure que le disque échi- nodermique, et plus tard la face épineuse de l'animal , correspondent au pôle dorsal de l'Oursin adulte, tandis que la face nue correspondrait au pôle ventral. Les observations de M. Krohn, dont plus tard M. Müller lui-même a constaté l'exactitude, démontrent, au contraire, que c'est la face épineuse qui corres- pond au pôle ventral de l'Oursin. 374 3. MULLER, — OBSERVATIONS deux sont les bras latéraux antérieurs et inférieurs du corps, deux sont les bras de l'appareil buccal; les bras latéraux posté- rieurs et inférieurs manquent encore , comme dans les larves de VE. lividus, pendant les premiers temps de leur développement, ou dans celles que Derbès et Krohn ont observées. » En opposition avec lesangles antérieurs etinférieurs, on trouve sur les deux faces du corps une tige calcaire qui pénètre jusque dans le sommet de la coupole. Sur la face antérieure du corps, ces deux tiges émettent des prolongements transverses qui se réu- nissent : de là jusqu’à la voûte les tiges sont simples ; de cette même place jusqu’à l'extrémité inférieure des angles antérieurs, les tiges calcaires sont réticulées de la même manière que dans les larves semblables, mais plus âgées, d'Helgoland. A la nais- sance de la tige transversale, une tige calcaire simple se prolonge de chaque côté en arrière vers le bord du voile; de son arc naît une tige calcaire qui s'élève dans le corps vers la coupole. Au sommet, les tiges antérieures et postérieures sont plus ou moins complétement réunies par des tiges transverses. » Les larves plus grandes, avec les appendices de la base déjà allongées, possèdent au sommet de la voûte un bras qui monte verticalement en droite ligne, bras soutenu par une tige calcaire réliculée, dont la base envoie dans la coupole deux prolongements arciformes ; ce sont ces arcs calcaires qui, plus tard, envoient des branches dans les bras latéraux du sommet, non encore déve- loppés et qui appartiennent en propre à celle larve. » La longueur du bras vertical paraît varier ; quelquefois la for mation de ce bras paraît être entièrement arrêtée. De telles varia= tions, qui ne sont nullement en rapport avec des différences d'âge, se présentaient également dans les espèces de la mer du Nord et du Sund. Je ne puis y voir des différences spécifiques. Les larves, y compris les quatre appendices du corps, et le cinquième appendice du sommet, avaient 2/5 de ligne. » Le dernier progrès consiste dans la formation des bras lalé- raux postérieurs inférieurs, qui, comme chez l'E. lividus, n’appa- raissent que lard, tandis que l’appareil buccal et le bras latéral du sommet sont déjà formés, Les tiges calcaires de ces bras sont SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES, 375 réticulées comme celles des bras antérieurs ; mais l’appareil buc- cal contient encore deux autres bras dont les tiges calcaires sont simples. » L’organe de la digestion se comporte, dans les larves les plus jeunes comme dans les plus âgés, exactement comme dans la larve de l'Æ. lividus. 11 ÿ a quelques variations en ce qui con- cerne la réunion des tiges dans le sommet de la coupole, » $ VL. Larve observée une seule fois à Marseille. «Elle possède une coupole ronde et surbaïssée, et qui présente des appendices nombreux et des épaulettes ciliées comme la larve .à épaulettes ciliées d'Helgoland. Elle se distingue de la larve de VE. lividus et des autres autant par le peu de développement de la coupole que par celui des tiges calcaires. Les tiges calcaires des bras sont simples et non réticulées, Je vis cette larve à l’époque de sa transformation en un Échinoderme épineux et garni de ten- tacules : les tentacules étaient garnis à leur extrémité de cercles calcaires, comme dans les larves d'Helgoland. Sur la coupole étaient des pédicellaires, qui n'étaient point sessiles comme dans les larves d'Helgoland, mais qui étaient portés sur des tiges élar- gies. IL y avait aussi sur la surface du corps de petites taches de pigment rouge. » 8 VIL. Larve observée une seule fois à Trieste, au printemps, caractérisée par sa forme de casque très aplati. «Elle ressemble à un casque sans cimier, avec son voile anté- rieur et un voile postérieur, qui se terminent chacun en deux an- gles. Les tiges calcaires sont simples sans réseau; les deux g'añdes liges calcaires se réunissent dans la coupole ; elles sont épaisses el.très ramifées. L'intestin est comme d'ordinaire. » EXPLICATION DES FIGURES. J'ai dû choisir, parmi les nombreuses figures qui accompagnent le Mémoire de M. Müller, celles qui me paraissent les plus propres à éclairer les observa- tions de ce savant : ce sont les figures qui représentent le développement de 376 . J. MULLER, — OBSERVATIONS, ETC. l'E. lividus , car les larves de cette espèce ont été observées en dernier lieu par M. Müller, et elles lui ont montré plusieurs faits qui lui avaient échappé dans ses premières observations. J'y ai ajouté également quelques exemples provenant de l'E. pulchellus, exemples dans lesquels on peut voir la formation des cellules et leurs rapports avec les tiges'calcaires. PLANCHE 15. Fig. 1 (4° Mém., pl. VE, fig. 4 et 2).— Larve de l'Æ, pulchellus 2 jours après la fécondation artificielle, vue de côté. — o, premier orifice (le seul qui existe alors) de l'appareil digestif; e, premier état des tiges calcaires; e’, origine des cellules dans l'endroit où commence la sécrétion calcaire. Trieste (avril). Fig. 2. — La même, vue de face. Fig. 3 (4° Mém., pl. VI, fig. 4). — Larve de l'E. pulchellus 7 jours après la fécondation, vue de côté. — a, la bouche; a’, le pharynx; b, l'estomac ; b', l'intestin; 0, l'anus; AA, bras ventraux du voile ou de la marquise; FF, bras de l'appareil buccal ou du voile oval. Trieste (avril). Fig. 4 (4° Mém., pl. VI, Gg. 5). — Larve de l’£. pulchellus, du 46° jour, vue de côté. Fig. 5 (4° Mém., pl. VI, fig. 8). — Larve de l'£, lividus 41 jours après la fé- condation artificielle, vue de côté à un grossissement de 480 diamètres. — AA, bras de la marquise, bras antérieurs; FF, bras de l'appareil buccal ; a, bouche; a', pharynx; b, estomac; b’, intestin; o, anus; 2, ligne qui indique la concavité de la voûte; frange ciliée. Fig. 6 (4° Mém., pl. VI, fig. 41).— 17 jours après la fécondation, grossissement de 70 diamètres, longueur de 1/3 de ligne, vue de face. — Mêmes lettres que précédemment. z, masses blastémateuses des deux côtés de l'estomac; B, origine des bras latéraux postérieurs ; f, épaulettes ciliées. Fig. 7 (4 Mém., pl. VI, fig. 43). — Larve sporadique de Marseille (mars), grossie 400 fois, vue de face. — Mêmes lettres. Fig. 8 (4° Mém., pl. VI, fig. 44). — Larve sporadique de Marseille (mars), grossie 400 fois. — Mêmes lettres. d, la frange ciliée; ce, le disque échino- dermique ; E, bras accessoires de l'appareil buccal. Fig. 9 (4° Mém., pl. VII, fig. 4). — Larve sporadique de Trieste, présentant le disque échinodermique, la vésicule c’ qui lui fait suite, et le conduit qui pit communiquer la vésicule avec le pôle dorsal. Fig. 10 (4° Mém., pl. VII, fig. 9). — Larve se transformant en Échinoderme, g, pédicellaires ; y, tentacules ; æ, ambulacres. EXPÉRIENCES SUR LA TRANSFORMATION DES VERS VÉSICULAIRES OU CYSTICERQUES EN TÆNIAS, Par M, DE SIEBOLD (1. J'ai avancé le premier, en 1844, dans mon Manuel de physio- logie, vol. LI, que le Ver vésiculaire (Cysticercus fasciolaris), qui vit en parasite dans le foie des Rats et des Souris, n’était autre chose qu’un Tænia égaré devenu vésiculeux, et en particulier celui du Chat, le Tœnia crassicollis. J'ai affirmé, en outre, que le Cyslicercus fasciolaris, de même que tous les Acéphalocystes , n’avait jamais d'organes sexuels, et ne pouvait ainsi se propager sexuellement, s’il ne trouvait un corps convenable où il abandon- nait sa forme ou son état vésiculeux , et où il pouvait se déve- lopper sexuellement. Ces transformations ont eu lieu, en efet, aussitôt que le foie d’une Souris ou d'un Rat que dans des expé- riences faites à l’Institut de l’Université de Breslau on avait re- connu contenir un Cyslicercus fasciolaris, a été dévoré par un Chat. Dans l'estomac de ce Chat, le foie de ces animaux ron- geurs a été digéré, mais non pas le Ver vésiculaire qu’il renfer- mait caché; ce parasite a perdu sa vésicule caudale remplie d’un liquide, et s’est alors montré sans queue dans le chyme de l’esto- mac et des intestins grêles du Chat, où, trouvant un lieu conve- nable , il s’est développé sous forme articulaire et de Tænia (Tœnia crassicollis) avec organes sexuels adultes. L'accord par- fait de la têle du Cysticercus fasciolaris avec l'extrémité cépha- lique du T'œnia crassicollis , ainsi que les différentes phases du dé- veloppement de celui-ci, qu’on remarque souvent les unes à côté (1) Communiquées à la Société nationale silésienne de Breslau, le 7 juillet 1852, et insérées dans l'Institut, n° 974. 378 DE SIEBOLD. — TRANSFORMATION des autres dans les intestins des Chats, a conduit à la conclusion précédente qui a recu l’approbation de plusieurs naturalistes , mais dont l’exaclitude est cependant encore mise en doute par d’autres, rA «Jar 21 ‘ L’an dernier, M. le docteur Küchenmeister, de Zittau, s’estservi du Cysticercus pisiformis, qu’on rencontre fréquemment dans les kystes des tuniques inlestinales du Lièvre et des Lapins, pour des expériences, en faisant dévorer ces kystes à des Chiens et à des Chats, dans l’espoir qu’au bout de quelque temps ces kystes se développeraient dans les intestins de ces animaux sous la forme de Tænias. Cette expérience a complétement réussi sur les Chiens, et l’on a vu se confirmer ainsi ce queje n'avais pu établir que par Ja comparaison du Cysticercus fasciolaris des Rats et des Souris, et le Tœnia crassicollis des Chats; mais l’expérience de M, Küchen- meister, ainsi que les conséquences qu’on en pouvait tirer, n'ont satisfait ni les médecins ni les naturalistes. On lui a reproché d’avoir publié ses expériences avant qu’on püût les considérer à proprement parler comme terminées. La discussion qui s’est élevée de toutes parts sur ce sujet n'était pas propre à éclairer la question, d'autant mieux que M. Küchenmeister ne semblait pas assez bon helminthologiste pour pouvoir affirmer l'identité des espèces qu'il indiquait. C’est ce qui m'a délerminé à reprendre ce sujet en me servant surtout de jeunes Chiens, et leur faisant avaler non seulement le Cysticercus pisiformis, mais aussi les C. cellulosus, C. tenuicollis, Cænurus cerebralis et Echinococcus velerinorum, travail dans lequel j'ai été secondé avec zèle par M. Lewald mon élève. Voici les résultats qui ont élé obtenus en faisant avaler des Cysticercus pisiformis : 3 Après que ces Vers vésiculaires , qui avaient au plus la gros- seur d’un pois, el étaient encore contenus dans le kyste de la membrane des intestins, eurent élé ingérés dans du lait au nombré de trente à soixante individus dans l’estomac de jeunes Chiens, on à examiné avec soin, après divers intervalles de temps, le contenu de l'estomac et du canal intestinal de ces Chiens qu’on faisait périr avec le chloroforme, et l’on y a remarqué facilement les Vers vésiculaires avalés comme aliment dans différents élats DES VERS VÉSICULAIRES EN TÆNIAS, 379 de développement. Deux heures après l’ingestion, tous les Vers vésiculaires se trouvaient encore dans l'estomac , mais chez la plupart les kystes dont ils s'étaient dépouillés avaient disparu , et étaient digérés ; de même, la plupart des Vers vésiculaires qui avaient été débarrassés de leur kyste avaient perdu leur vési- cule terminale, qui avait été digérée ou qui adhérait encore en lambeaux plus ou moins étendus à l'extrémité abdominale. Tous les Vers vésiculaires trouvés dans l'estomac avec ou sans leur vésicule terminale ont présenté la tête et le cou retirés dans le corps. Trois heures après l'ingestion , il n’y avait plus de Vers vésiculaires dans l’estomac, tous étaient passés avec le chyme de cet organe dans l'intestin grêle. Là, après avoir perdu leur kyste et leur vésicule par leur séjour dans l'estomac, où ils n'avaient pu résister à l’action de la digestion, tous sans exception, comme par un sentiment de bien-être, avaient fait sortir la tête et le cou, et allongé leur corps auparavant contracté. Chez tous, on aper- cevait à l'extrémité abdominale, dans le point où avait existé la vésicule, une lésion manifeste, Dans les Chiens tués plusieurs jours après l’ingestion de ces Cysticerques et qu'on examina, on trouva les Vers vésiculaires notablement augmentés de volume, les plus grands avaient atteint une longueur de 3 pouces, et les plus petits de 4 pouce. Le corps, d’abord ridé seulement en tra- vers, laissait déjà nettement apercevoir des articles, et, sur la portion abdominale postérieure encore ridée, le point lésé par la perle de la vésicule présentait actuellement une cicatrice, Après vingt ou vingt-cinq jours, les Vers avaient plusieurs pouces de longueur ; ils étaient articulés jusqu’à l'extrémité de l'abdomen, et le dernier de ces articles portait la cicatrice indiquée, encore très reconnaissable , et même on découvrait déjà des traces des organes sexuels dans les articles postérieurs. Au bout de huit se- maines , les Cysticerques alimentés dans le canal intestinal d’un Chien avaient atteint une grande longueur (le plus long avait de 36 à 39 pouces). Leurs articles postérieurs étaient complétement développés sous le rapport sexuel, et renfermaient un grand nombre d'œufs à l’élat de maturité, Quelques individus, longs de plusieurs mètres, s'étaient déjà séparés de leurs derniers articles 380 DE SIEBOLD. — TRANSFORMATION parfaitement mûrs sous le rapport sexuel. Dans ce Cysticercus pisiformis ainsi allongé, j'ai reconnu le Tœnia serrata du Chien. Extrémité de la tête, forme des articles, nature des organes de propagation, et surtout des œufs à maturité de ce Ver vésiculaire arrondi, s’accordaient parfaitement avec les mêmes parties du Tœnia serrata. I n’y avait donc plus de doute que le Cysticercus pisiformis du Lièvre et du Lapin est au Tœnia serrata du Chien ce que le Cysticereus fasciolaris des Rats et des Souris est au T'œnia crassicollis du Chat. Du reste, le T'œnia serrata se trouve rarement chez les Chiens de garde et d’appartement , mais il est plus commun chez le Chien de chasse ; ce qui s’explique aisément par cette circonstance, que ce dernier a souvent l’occasion d’ava- ler les intestins des Lièvres ou des Lapins pris à la chasse, et par conséquent d’ingérer le T'œnia serrata plus fréquemment que les autres Chiens. Quoique les expériences avec les autres Vers vésiculaires in- diqués ci-dessus ne soient pas encore terminées, je suis cepen- dant assez avancé dans celles relatives au Cænurus cerebralis, pour être convaincu que le Fer du tournis, si redouté des éleveurs de bêtes à laine, se transforme en un Tœnia dans les intestins du Chien. Jusqu'à présent, les Tænias produits ainsi par le Ver du tournis ne sont pas encore dans mes expériences arrivés à l’état adulte ou de maturité des organes sexuels, et par conséquent on n’a pu constater leur espèce ; mais j'espère prochainement pou- voir être en mesure de faire cette détermination. J'espère aussi pouvoir indiquer aux propriétaires et aux éleveurs de Moutons le moyen de s'opposer au développement de ce parasite dans le cerveau des Moutons, car je suis convaincu que ce n’est pas par une génération sur place, mais par une ponte microscopique du Tænia de certains Carnassiers que se produisent les Vers vésicu- laires, et quand ces œufs, par hasard, s’introduisent dans le corps des Rongeurs ou des Ruminants, ils ne s’y développent pas en Tænias allongés , mais en Vers vésiculaires, ce qui, suivant l'importance de l'organe où ils fixent leur séjour , exerce une in- fluence plus ou moins funeste sur la vie des animaux dans les- quels ils vivent. DES VERS VÉSICULAIRES EN TÆNIAS. 381 Les expériences commencées sur l’£chinococcus veterinorum sont assez avancées pour qu'on puisse déclarer que ce Ver vési- culaire se rattache aussi à un Tænia. Les couvées de ce Ver destructeur données par cuillerées à de jeunes Chiens ont mon- tré au bout de quelques jours des milliers de Tænias excessive- ment déliés , qui adhéraient déjà à la membrane muqueuse de l'intestin grêle par leur quatre sucoirs et leur couronne de cro- chets. Tous ces Tænias ne possèdent encore que trois divisions sur-le corps, une pour la tête et le cou, derrière un petit article, etenfin un long article. Dans ces deux articles, les organes sexuels avaient commencé à se développer, mais ce développement n’est pas encore assez avancé pour qu’on puisse être certain que les petits Tænias sont adultes, et en déterminer l'espèce. Je continue l'expérience, et j'espère sous peu de temps pouvoir en publier le résultat. FIN DU DIX-SEPTIÈME VOLUME. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME, ANIMAUX VERTÉBRÉS. Recherches expérimentales sur la température des Reptiles et sur la modification qu'elle peut subir dans diverses circonstances , par M. le docteur AtDoéan 2) ZAJ00 859 Bill 4 + Mémoire sur les circonvolutions du cerveau chez les Mammifères , par M..C, Danesre. 12. He: Ale Note sur le redressement ii Ur dans lee, Thanaphdes par M. A. Ducs. . : : Étude du lait au SÉRILAES vue ste deth économique, ha Diti (Extrail.). < : Recherches sur te Urodèles de use par M. Alfred. Dr GÈs, ANIMAUX ANNELÉS. Note sur l'appareil circulatoire des Trématodes, par M. L.-J, Vax BeNEDEN. Expériences sur la transmission des Vers intestinaux, par M. Herssr. Études anatomiques et physiologiques , el observations sur les larves des Libellules, par M. Léon Durour. . . . . se à Re sur l'armure génitale femelle des Fe tps, par . le docteur Lacaze-Dotmiens. ME: Pr sur la transformation des Vers nas ou M en Tænias, par M. Stenoun, . . . .. . MOLLUSQUES. Seconde note sur la pétrification des coquilles dans le sein des mers actuelles, par M. Mancec DE SERRES. . . HE Note sur les organes auditifs des Firoles, par M. fs ris . Mémoire sur les Hectocotyles et les mâles de quelques es par MM. J.-B. Venany et C. Vocr. . . 2. De la connaissance qu'ont eue les anciens ii bte pdt 7 cer- tains Céphalopodes. Note de M. Rouux. . . safe : Note sur l'existence de la Testucella Maugei (de Ténérif) en 4 par M. Henri AUGAPITAINE. + « « . . AE Recherches zoologiques sur la classe des Un. bryozoaires, par M. Alcido n'OneIeny. (Suite.) CR, 251 273 TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. 383 ZOOPHYTES. Note sur la génération spontanée et l'embryogénie ascendante, par M. le docteur MO Æi Sr 2INATAON.2ESIQUUR ZA ANIITIILS 193 Observations sur le développement des Échinodermes , par M. J. Muicer (analysées par MC: Dannsre)..25 4 noble 0e Woline lise 349 MÉLANGES. Des causes de la plus grande taille des espèces anciennes comparées aux’ races actuelles, par M. MarceL DE SERRES. . . . . . . . sit TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. Aucariraixe (H.). — Note sur transmission des Vers inlesli- l'existence de la Testacella NEUTRE 63 Maugei (de Ténérife) en Lacaze-Durmiers. —_ Recherches RANCE. nn carie à 2 RON sur l'armure génilale femelle Bexenex(L.-J. Van). — Notesur des Insectes orthoptères. 207 l'appareil circulatoire des Tré- Muzcer (Jean). — Observations malades. - … . .'. NES sur le développement des Daneste (Camille). — Mémoire Échinodermes Fami par sur les circonvolutions du cer- M. Dareste). 349 veau chez les Mammifères. . 30 Onmiexyx (Alcide d'). — Recher_ Doxère. — Étude du lait au ches zoologiques sur la classe point de vue physiologique et des Mollusques bryozoaires. économique. (Extrait.). . . 492 OT REP RENr: 273 Durour (Léon). — Études ana- Rotux. — De la connaissance tomiques et physiologiques , qu'ont eue les anciens du bras et observations sur les larves copulateur chez certains Cé- des Libellules . . . 65 phalopodes:. 4e 2188 Ducës (Alfred). — Note sur le Sennes (Marcel de). — Seconde redressement des crochets note sur la pétrifcation des dans les Thanatophides. . . 57 coquilles dans le sein des mers — Recherches sur les Urodèles actuelles. 53 de France. , . 253 — Des causes de la plus grande Douénir (Aug). — Recherches taille des espèces anciennes expérimentales sur la tempé- comparées aux races actuelles. 414 rature des Reptiles et sur la SiesoLn. — Expériences sur la modification qu'elle peut subir transformation des Vers vési- dans diverses circonstances. . 5 culaires ou Cyslicerques en Epwanos (Milne).— Note sur les Tænias . 377 organes auditifs des Firoles. 446 Venaxx (J.-B.) et Vocr (C.). —— Gros. — Note sur la génération Mémoire sur les Hectocotyles spontanée et l'embryogénie et les mâles de quelques Cé- ascendante . . . . . 193 Phalopotes = ECS 0. 0087 Henssr, — Expériences sur la TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. 4. A. Appareil auditif des Firoles. — B. Urodèles de France. 2. Distomum tereticolle. — Appareil venimeux des Serpents. 3, 4 et 5. Anatomie des larves de Libellules. 6,7, 8 et 9. Structure et origine des Hectocotyles. 10, 14 et 12. Armure génitale des Orthoptères. 43. Développement des Échinodermes. FIN DE LA TABLE, Zoot. Tomy PU 1 Ann. des Setenc nat 3'Jerte B 7: ,-30 Urodeles de la france Néon énp das Noyer, 65. Furit Ana. des Jetenc. nat. 3° Serie Zool Tmiz 21: ll. laut Fin Hemaden. ad nat. dot, ? 5 Fitte re Lig1-3. Destomunt Leretcolle. Lg 4-7. Apparel venimeur des derperts. N'Hénont tmp°r des Nayors #5 ris Ann des Setenc. nat. S'Sre . larves de Libellutes. Anatonte des NAanons énp'r des Nryers 68 Lars {nn des Setens. nat. 3° Serie Zool. Tem-17. PL 4. dll ( KR A CA CA Z Z Z Z Z ÈZ fi Fisto se. Anatomie des larves de Libellutes. WHämont énpf r des Noyers 85 Jurer- DS 2029 à I) s IE HU AUX at Fr = , Ann. des Setens, nat. S°SErte. SA) à à se Anatomie des larves de Libellules. Nomont ump! r désNoyers, 65 Paris Zoot. Tom. 17. WA N Aémont snptr des Nevers. 65, L'urit = S S Èè à S À Ÿ = Q à Ÿ EN ESS È ù Lu s Ni è ù È S ©) DOCS SALE 6600000860 6 © © © © < Ann. des Serre. nt. Série \ Ko Ar L i! le LE #1 } 48 2» ! g ” ar at A dE" L } : « D TR E " [AI F Séuclure et origine des Alec: ocotyles N'Aémsnd ln r des Nevers. 5. Fri Zoot. Tom.17. LL > Jéracture et ortqtne des rctocotyles dé Zoot. Tom. 17 des Hoctocotyles Jruclure et origine #7. Ann des Serene. nat Série Zovl. Tom 17 Pl. tt ——— Armure genitale des Orthopteres. N'émend imp{ re des Nayers, 65 Pari {nn des Seine. nat. 3°Sérte OTTS is BAS S \ UT = 7. n\ a. AN — } ZAR IN TN m i ] } LL ad rat. dot Armure génitale des Urthoptères NRnesnd pi re de Wovers. 8 Pari dl Ann. des Shen. nat. 3° Série Zoel. Tom. r 27 lool. Tom. 17 æ r RÈ Aux Se. & LC D.2 Ed | LL. ad nat. et Armure «gcrutale des Crthopteres. VÆcmand ing) r des Noyers 65 Jar Developpement des Oursths. 8 7 3 à 3 à A Libé, à: dl _dfiné ERALIRNPATT ET OT Se Fr PE Û L | ‘