ANNALES SCIENCES NATURELLES. SECONDE SÉRIB. TOME XVII. IMPRIMÉ CHEZ PAUL RENOUARD, RUE GARANCIÈRE, N. À. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE, L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES, ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES ; RÉDIGEES POUR LA ZOOLOGIE PAR M. MILNE EDWARDS ET POUR LA BOTANIQUE PAR MM. BRONGNIART ET GUILLEMIN. Geconde Gérie. TOME DIX-SEPTIÈME.— ZOOLOGIE. 2 D PARTS, FORTIN, MASSON & C*, LIBRAIRES-ÉDITEURS, PLACE DE L'ÉCOLE - DE-MÉDECINE , N. 1. 1842. LATE] CUS . april one AL, < ann ete 288 On MNT AT va PET nivare.s pe aie sols buse 0 ", | bye AMENER LC poto ‘ NRA ï Q LUS an3 spas re zu x rimes ii, LT AO MU HA ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. PARTIE ZOOLOGIQUE. ormrotorermoee 2000 0p0D00 000100020000 202000000000 0000080620 0B 000200080002 RECHERCHES MICROSCOPIQUES sur la conformité de structure et d’accroissement des animaux et des plantes, Par M. Scxwann. (Extrait publié par M. le professeur Muzzer (1), traduit par M. LerEBoULLET.) Les découvertes de M. Schwaun sont du nombre de celles qui ont fait faire à la physiologie les plus importans progrès. Elles permettent d'établir une théorie de l’organisation et de son dé- veloppement ; ce qu'on n’avait encore pu faire jusqu’à présent. Les bonnes observations et les découvertes dans toutes les branches de la physiologie n’ont pas manqué, et quelques-unes de ces branches sont déjà parvenues à un haut degré de perfec- tion. Mais pour ce qui concerne les premiers fondemens sur lesquels la science doit s'élever un jour, les uns étaient bien fai- blement établis, les autres n’existaient pas encore ; d’où l'absence de lien entre les observations isolées. Ces bases existent maintenant, et déjà M. Schwann, dans son (1) Archiv, far Physiolog, 6 scawann. — Structure des animaux et des plantes. ouvrage, a déduit des observations de M.Schleiden, et des siennes, avec autant de clarté que de pénétration, les conséquences les plus générales qui doivent servir à une théorie de l’organisation et de l’accroissement des êtres organisés. Nous en donnerons ici les traits principaux. Les dernières découvertes concernant la physiologie des plantes ont déjà eu pour résultat de démontrer que la formation dutissu cellulaire, des fibres, des vaisseaux, des vaisseaux spi- raux, se réduit à celle des cellules. L'origine des cellules vient d’être éclaircie par une découverte importante de M. Schleiden ( Archiv. de Muller, 1838, p. 137). Son point de départ est le noyau de cellule deR. Brown, que M.Schleiden nomme, pour cette raison, cyfoblaste. Sa couleur est le plus ordinairement jaunâtre , sa structure intérieure granuleuse ; Schleiden a même décou- vert dans l’intérieur du cytoblaste, un corpuscule, le corpuscule du noyau, qui apparaît tantôt sous la forme d’une tache, tantôt sous celle d’un globule creux. Les cytoblastes se forment libre- ment à l’intérieur des cellules daus une masse de petits globules muqueux; aussitôt qu’ils ont atteint tout leur accroissement, il s'élève à leur surface une vésicule très petite, transparente, la jeune cellule, qui fait saillie au-dessus du cytoblaste, comme un verre de montre au-dessus de celle-ci. A mesure que cette cellule grandit, le cytoblaste paraît comme un corps enfermé dans l’une des parois de la jeune cel- lule; sa paroi, du côté interne, est extrêmement mince, .et comme gélatineuse, on peut rarement l’observer, et elle est bientôt résorbée avec le cytoblaste. Les jeunes cellules sont libres dans la cellule-mère, et prennent, en se serrant les unes contre les autres, une forme polyédrique. Maintenant, voici en quoi consistent essentiellement les découvertes de Schwanu, sur les cellules des animaux, et sur la conformité primitive de structure entre les animaux et les plantes. Dans le Chorda dorsalis, dont j'ai démontré (dit M. J. Müller), il ÿ a long-temps, la structure celluleuse, M. Schwann a trouvé les noyaux des cellules : chaque cellule de la Chorda dorsalis, du Pelobates fuscus, a son cytoblaste lenticulaire, appliqué contre la paroi intérieure de la cellule ; on aperçoit dans ce petit corps SCHWANN. — Séructure des animaux et des plantes. 7 lenticulaire une, rarement deux ou trois taches bien circon- scrites. Dans l’intérieur des cellules de la Chorda dorsalis, se forment, comme chez les plantes, de jeunes -ellules libres. La structure primitive des cartilages est, d’après Schwann, entièrement celluleuse. A l'extrémité des cartilages des rayons branchiostèges des poissons, on voit de petites cellules polyé- driques, serrées les unes contre les autres, dont les parois sont extrémement minces. Ces cellules ont un noyau rond, grenu. Vers le milieu du rayon , on voit les cloisons des cellules s’épais- sir de plus en plus. Si l’on avance encore plus vers la base du rayon, on cesse d’apercevoir la séparation des cellules, et il ne reste plus que l’apparence d'une substance homogène , dans laquelle on ne trouve plus que de petites cavités isolées; seule- ment , autour de chaque cellule on aperçoit un anneau qui in- dique la trace de la véritable paroi celluleuse; d’où il résulte que toute la substance intermédiaire des cavités celluleuses, ne peut pas être formée par les parois des cellules, mais que la substance intercellulaire contribue ici essentiellement à la formation du cartilage. On pouvait déjà apercevoir cette sub- stance intercellulaire, à l'époque où les parois des cellules se touchaient encore; elle apparaissait sous la forme d’un triangle situé entre trois cellules contiguës. La formation du cartilage repose ici en partie sur l’épaississement des parois des cellules, en partie sur la substance intercellulaire. Dans les cartilages des animaux supérieurs, on n’a pas observé l’épaississement dans les parois des cellules. La masse principale du futur cartilage paraît appartenir à la matière intercellulaire, qui renferme plu- sieurs générations de cellules cartilagineuses. On a pu ubserver sur les cartilages branchiaux du têtard du Pelobates fuscus , un mode de développement des cellules ana- logue à celui des plantes. Ces cellules renferment, les unes de simples noyaux, les autres des cellules plus petites pourvues également de noyau à leur paroi interne , et dépassant peu en grosseur celle de ce noyau ; d’autres enfin contenant des cel- lules encore plus grandes que ces dernieres ; en sorte qu'on peut trouver ici tous les degrés de passage. Le mode de formation du cartilage a lieu, à ce qu'il parait, S sCHWANN. — Structure des animaux ct des plantes. sans la participation des vaisseaux ; d’une manière analogue à l'accroissement des plantes. Quant aux corpuscules rayonnés ( corpuscula radiata) des os; qui deviennent apparens après lossification, le mode de production de leurs canaux n’est pas encore bien clair. Sui- vant qu'on regarde les corpuscules cartilagineux comme les cavités des cellules, dont les parois épaissies et fondues les unes dans les autres avec la substance intercellulaire, constitue- raient le cartilage; ou, suivant que l’on considère ces cor- puscules comme les cellules tout entières ; tandis que la sub- stance intermédiaire des cavités des cellules ne serait autre chose que la substance intercellulaire; ces rayons seraient, d’a- près Schwann, ou bien de petits canaux pénétrant des cavités celluleuses dans les parois épaissies des cellules, ou des prolonge- mens des cellules dans la substance intercellulaire. Dans le premier cas, ces petits canaux seraient comparables aux cana- licules poreux des cellules des plantes; dans le second cas , ils répondraient aux prolongemens de ces dernières. M. Schwann regarde cette dernière opinion comme la plus vraisemblable. Outre la formation des jeunes cellules dans l’intérieur de cel- lules déjà existantes , Schwann distingue encore , dans les ani- maux, la production de nouvelles cellules en dehors de celles-ci, dans une substance sans structure, disposée à la formation cel- lulaire, le cytoblastème. Ordinairement c’est le noyau qui paraît se développer le premier, et autour de celui-ci, la cellule. Dans beaucoup de tissus animaux les nouvelles cellules appa- raissent en dehors des cellules déjà formées. Dans un cas, le cytoblastème est intérieur, dans l’autre extérieur. Les observations de Schwann sur l’ovule considéré eomme cellule, ont donné les résultats suivans : L’ovule, contenu dans le follicule de Graaf, est enchässé dans une couche de granules, qui sont des cellules ayant un noyau sur leur face interne, avec un ou deux nucléolules ( cor- puscules du noyau). Les cellules naissent dans le liquide du follicule de Graaf, comme dans une matière germinatrice. Il est facile de comprendre comment ces cellules, douées d’une vie in- dépendante, peuvent se développer, quand elles arrivent avec de millimetre de long sur à peme => de millimètre d'épaisseur. Ces espèces d’acicules exsertiles sont alors placés de manière à hérisser en tous sens l’éminence qui les porte (b ,&). Traités par la potasse, ils s’y dissolvent assez QUATREFAGES. — Sr la Synapte. 35 rapidement, tandis que les acides faibles sont sans action sur eux; ils sont donc de nature animale et peut-être cornée. Observations. — Eschscholtz attribue la faculté qu'ont les Synaptes d’adhérer aux corps étrangers aux seules pièces de leur armature qu’il connût aux hamecçons, et il a été suivi en cela par tous les zoologistes qui ont parlé de ce genre. Il est, en effet . difficile de ne pas croire que ces doubles crochets si aigus ne soient pour rien dans cet acte, lequel, comme nous le verrons plus loin, est tout-à-fait volontaire. Remarquons toute- fois que les tentacules des Actinies font épronver à la main qui cherche à les saisir une sensation très semblable à celle que produisent les Synaptes. Or ces tentacules ne portent pas de hameçons et sont seulement hérissés d’une mnombrable quan- tité de petits corps aciculaires décrits pour la premiére fois par Wagner, et très semblables à ceux qui sont répandus en si grande 2+bondance sur tout le corps de la Synapte. Il est bien probable que c'est à eux qu'on doit attribuer en grande partie la propriété adhésive des tentacules, et nous sommes ainsi con- duits à les regarder comme remplissant un rôle semblable. chez l'animal qui nousoccupe.Enfin, certains Acaléphesadhèrentaussi aux corps étrangers sans qu'on ait encore découvert chez eux ni bameçons ni spicules. Ici cet effet semble dépendre uniquement d’une sécrétion particulière. Peut-être pourrait-on admettre que quelque chose de semblable se passe chez les Actinies, et qu'une exhalation spéciale vient aider l’action des spicules; mais il ne saurait en être de même de notre Synapte, car la mucosité (si on peut employer ce mot) qui suinte de son corps se dis- sout au fur et à mesure dans l’eau de mer en lui communi- quant la propriété de mousser comme une légère dissolution de savon. On à mis aussi sur le compte des hameçons la sensation in- tolérable de brülure que développe le contact de certaines Synaptes. L'espèce que j'ai trouvée, bien qu'aussi formidable- ment armée que ses congénères exotiques, ne produit rien de semblable : je l'ai trop et trop sonvent maniée pour conser- ver le moindre donte à cet égard. 11 est donc à présumer que ce n'est pas à eux qu'il faut attribuer le résultat dont nous parlons ; 38 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. il est probable que lorsqu'on examinera avec soin les espèces étrangères, on trouvera aussi chez elles les spicules que nous avons signalés, et peut-être sera-t-on tenté alors de les regarder comme la cause de ces douloureuses urtications. Nous ne sau- rions davantage admettre cette explication, car, d’une part, certaines Actinies peuvent être touchées sans danger, bien que leurs tentacules soient hérissés de spicules tout autant que chez celles dont le moindre contact amène quelquefois de graves acci- dens; et, d’un autre côté, certaines Méduses qui n’offrent rien de semblable, n’en produisent pas moins ces cuissons violentes qui leur ont valu le nom d’Orties de mer. Chez ces dernières, cet effet est dû bien évidemment à la sécrétion qui suinte de leur corps, et il est très probable qu’une exhalation analogue existe chez les Actinies et chez les Synaptes qui produisent ces fâcheux effets. Nous sommes loin de nier toutefois que les ha- meçons et les spicules ne doivent concourir à ce résultat en introduisant sous l’épiderme, à la manière d’une lancette, la liqueur vénéneuse dont ils sont continuellement humectés. Peut- être même est-il permis de soupconner que l'organe qui ren- ferme le dard est en même temps chargé de la préparation du poison. Les hamecçons, et peut-être aussi les spicules de la Synapte de Duvernoy, doivent lui être d’une grande utilité dans sa loco- motion souterraine. Ces appendices couvrant tout le corps, pou- vant, selon la volonté de l'animal, se redresser de manière à lui fournir des milliers de points d'appui en tout sens où se coucher sur la peau pour lui permettre de glisser dans la galerie qu’il se creuse, sont sous ce rapport, bien supérieurs aux soies à demi rétractiles des Annelides errantes. Leur disposition transversale, jointe à leur double crochet, permet d’ailleurs à la Synapte de cheminer aussi facilement en arrière qu’en avant, sans qu'un appareil musculaire particulier soit nécessaire pour changer leur direction comme chez les Tubicoles; au reste, ces organes de locomotion deviennent au besoin des armes redoutables. Lors d’une de mes excursions , j'avais placé dans le mème flacon des Synaptes et plusieurs Annelides errantes, Nephiis, Néréides, etc. ; je ne sais s’il y eut agression directe de la part de ces derniers Pi D QUATRFFAGES. = Sur la Synäpte. 30 animaux, dont la plupart sont si éminemment carnassiers ; toujours est-il qu’il dut sé passer un combat terrible entre les Rayonnés et les Articulés, car au retour je les trouvai pêle-mêle, entrelacés les uns aux autres, et tous morts ou mourans. Les Synaptes et plusieurs Annelides étaient en tronçons, et sur le corps de chacun d’eux je trouvai de nombreux débris des armes, soies ou hamecons, qui s'étaient brisées et étaient restées dans Ja plaie qu’elles avaient faite. Pareille chose ne m'est jamais arrivée, quand j'ai apporté séparément ces divers animaux. Les Synaptes en particulier, bien que pressées dans un flacon étroit, glissaient les unes sur les autres avec la plus grande aisance et sans jamais s’accrocher, si ce n’est lorsque je cherchais à les saisir pour les déposér ailleurs. Le dérme de la Synapte de Duvernoy ne se présente avec les caractères que nous venons de décrire que sur le tronc de l’'ani- mal; là seulement se trouvent le pigment coloré, les hamecons, les boucliers et les spicules; partout ailleurs il est incolore, transparent et formé uniquement de cette substance granuleuse, diaphäne que nous avons signalée comme le composant essen- tiellement. Il s'amincit, en outre, en recouvrant le disque de la bouche, la base des tentacules, et surtout les digitations de ceux-ci, où il est à peine possible de le distinguer de l’épiderme, même en employant les plus forts grossissemens, Le corps tout entier, mais principalement le tronc de la Sy- napte, semble être le siège de la sécrétion dont nous avons parlé plus haut, et qui offre ce caractère si remarquable de se dis- $oudre dans l’eau de mer, en lui donnant la propriété de mous- ser. Je fai pu reconnaître si c'était là le produit d’organes particuliers et quels étaient ces organes. Pourrait-on regarder comme tels les grains de pigment? Il serait difficile de répondre d’iine tnanière précise à cette question, mais l'absence apparente dé tout autre organe d'apparence glandulaire, la quantité bien plus considérable de mucosité fournie par les parties du corps où cé pigment abonde pourraient faire embrasser cette opinion avec quelque probabilité. 4o QUATREFAGES. — Sur la Synapte. $ IL. Tronc. Nous donnons ce nom à toute la partie du corps de la Synapte qui est placée en arrière de la couroane de pièces osseuses for- mant une espèce d’anneau buccal et dans l’intérieur de laquelle est placé le tube digestif. Cette partie est recouverte par les té- gumens que nous avons décrits précédemment, mais elle ren- ferme encore plusieurs couches distinctes de tissus que la plu-, part des anatomistes ont considéré jusqu'ici comme faisant partie de la peau : cette détermination nous semble peu juste. Parmi ces tissus se trouvent entre autres des muscles essentiellement organes de locomotion, et qui appartiennent si peu aux tégu- mens proprement dits, qu'ils en sont séparés par un tissu spé- cial. D'ailleurs le caractère essentiel de la peau, des tégumens , en général , est de recouvrir la surface entière de l'animal qu'ils sont destinés à protéger contre les corps extérieurs : or, les couches que nous allons décrire appartiennent exclusivement au tronc. Nous les considérons en conséquence comme consti- tuant essentiellement le corps de la Synapte , comme représen- tant chez elle cette réunion de muscles. et de parties plus ou moins solides qu'on trouve chez les animaux supérieurs au même endroit, et qui, chez ces derniers comme chez notre Ra- diaire, sont enveloppées à l'extérieur par les tégumens et à l’in- térieur circonscrivent et forment la cavité viscérale. Ces couches sont au nombre de quatre, et l’on rencontre, en procédant de l’extérieur à l’intérieur, 1° nn tissu fibreux élastique; 2°une couche musculaire à fibres transverse; 3° des muscles longitudinaux; 4° un épithélium interne, tapissant la paroi de la cavité abdominale. 1° Tissu fibreux élastique ( PI. 3, fig. 16). — Lorsque, par une macération suffisante , on a séparé et enlevé le derme, on trouve au-dessous une couche assez épaisse d’un tissu granu- leux, transparent (a), parcouru dans toute son épaisseur par des fibres excessivement fines de = à _= de millimètre de dia- mètre (2) qui se croisent dans tous les sens en laissant entre elles de grandes mailles, Ces fibres résistent assez bien à la putréfac- QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 41 tion, et ce n’est même que lorsqu'une macération suffisante a désorganisé la gangue granuleuse qui les environne, qu’on peut les distinguer nettement. Leur aspect, leur disposition, rap- pellent un peu le tissu fibreux de la poche du Pélican , et comme je n'ai reconnu en elles aucun signe de contractilité organique, tandis qu’elles sont éminemment élastiques, j'ai pensé qu’elles devaient remplir des fonctions analogues, et former tout autour du corps une gaine destinée à lui donner de la solidité, et à faciliter l'écoulement du liquide qui distend l’intérieur. Le tissu dans la composition duquel elles entrent est la partie la plus ferme du corps de la Synapte. Il résiste assez fortement aux instrumens tranchans, et possède plus de consistance que son extrême transparence ne permettrait de le supposer d’abord. 2° et 2° Couche musculaire à fibres transverses et muscles lonsi- tudinaux (P]. 2, fig. 2 ).—Nous réunissons ici ces deux systèmes d'organes, surtout parce que leurs fonctions ont le plus grand rapport, puis parce qu'il est quelquefois difficile de distinguer bien nettement leurs limites comme nous le verrons plus loin. Ces couches ont été regardées jusqu'ici comme de simples dé- pendances de la peau. Nous avons combattu pius haut cette manière de voir dont le peu de fondement ressort surtout de l'examen de ces parties musculaires, lesquelles ne méritent pas plus le nom de peauciers que les muscles de l'abdomen de l'Homme et des autres Vertébrés. Ce sont elles qui , par leurs contractions et leur relâchement alternatifs, déterminent tous les mouvemens généraux de la Synapte , et leur action seule suffit à la translation. Sans doute les tentacules sont un auxi- liaire puissant, mais leur aide n’est nullement nécessaire, comme le prouve la faculté, dont jouissent les simples fragmens, de changer de place, même sur un plan de cristal, par suite d’une véritable reptation. La couche musculaire à fibres transverses forme une gaîne complete d’une extrémité à l’autre de la Synapte. Ce fait, que l'analogie devait faire admettre, est extrémement difficile à re- connaître sur l'animal frais. L'opacité des muscles longitudinaux empéche de suivre sous le microscope les fibres transverses hors des intervalles qu'ils laissent entre eux, et on peut croire 4h QUATREFAGES. — ur la Syhaple. quelquefois que ces dernières s’insèrent seulement à leur face interne, Mais en examinant des Synaptes conservées dépuis quelque temps dans l'alcool, et qui, eñ 5e contractant forte- ment; ont rapproché les fibres de la couche externe, de ma: nière à lui donner plus de solidité, 6n péut assez facilement séparer les deux couches l’une dé l'autre et reconnaître que dans celle qui nous occupe, les fibres forment l'anneau com plet, de manière à ce que leur énsemble présente uné couché enveloppante, continue d’une extrémité à l’autre de l'animal. Les fibres musculaires transverses du corps dé la Synapte ont à peine -= de millimètre en diamètre. Elles sont peu distinctes, comme noyées dans une gangué parfaitement transparente et homogène qui semble remplacer chez ces animaux le tissu cellu- laire des animaux supéricurs(Pl.5, fig. 2-6). Leur transparence et leur homogénéité est toute aussi grande que celle de la matière qui les entoure, et je n’y ai jamais vu ces granulations qu’offrent souvent les muscles des Systolides et des Annélides. Pendant la contraction éllés diminuent de longueur et aügméntent propor- tionnellement en épaisseur sans présenter la moindre trace de stries transversales, ce en quoi elles ressemblent à celles des animaux que nous venons de nommer. On trouvé chez laSynapte de Duvernoy, comme chez toutes les Holothuries, cinq bandes musculaires qui régnent tout le long du corps, à partir de la couronne de tentacules jusqu’à l'anus (PL 4, fig. 1, pp). Ces muscles longitudinaux sont, avec la masse de la bouche, les seules parties qui ne soient pas transparentes. Vus par réflexion sur l'animal vivant, ils forment cinq bande- lettes semblables à de petits rubans du tissu le plus fin, d’une couleur blanche qui se distingue à travers les couches précée dentes, même lorsque l'animal est contracté. Beaucoup plus épais que le reste du corps, ils font à l'intérieur une saillié arrondie considérable. Mesurés chez un individu de 18 pouces, ils avaient trois millimètres et demi de large sur un millimètre et demi d'épaisseur. Ils s’élargissent considérablement vers leur terminaison antérieure, avant de s'attacher aux pieces osseuses de la bouche, entrecroisent leurs fibres et forment une enve- loppe complète , opaque dans quelques grands individus jus QUATREFAGES. — Sur la Oynapte. 43 qu'à près d’un pouce en arrière des tentacules. A la partie pos- térieure ils vont se perdre dans le sphincter de l'anus. Ces grands muscles sont formés de fibres se continuant sans interruption d’une extrémité à l’autre, Du moins il m'a été im- possible de distinguer rien d’analogué , soit par la forme, soit par les fonctions aux lignes blanches transverses des muscles droits abdominaux de l'homme. Ces fibres bien différentes en cela de celles que nous venons de décrire tout-à-l’heure, sont aussi distinctes que celles des muscles des vertébrés. Elles s’iso- lent facilement et ont environ — de millimètre en diamètre. Leur forme (PI. 2, fig, 2 , a; pl. 3, fig. 19) est celle d’un cordon parfaitement lisse et cylindrique (4, a) : leur structure intime, leur mode d'adhérence, est d’ailleurs le méme que dans les fibres transverses ; mais elles présentent de plus ce phénomène remar- quable que pendant la contraction il se forme des stries trans- versales (b, &) qui s’effacent complètement lorsque le muscle rentre dans le repos. A la face interne des muscles longitudiuaux se trouvent de petits corpuscules présentant quelquefois la forme d’une na: vetté ou celle d’un cylindre courbé et renflé à une de ses ex- trémités, mais le plus souvent irrégulièrement arrondis et percés au milieu d’une ouverture circulaire (PI. 4, fig. 3). Leurs dimensions varient avec celle des individus que l’on examine: mais chez une Synapte d’un pied de long environ, les premiers avaient à-peu-près - de millim. de longueur sur = d'épaisseur. Ceux qui étaient de forme arrondies avaient environ -£ de millim. On sent du reste qu'il n’y a rien d’absolu dans ces mesures. Ces corpuscules présentent la même apparence que les boucliers et les hamecons du derme, et sont comme eux composés de carbonate de chaux uni à une trame animale ainsi que je l'ai reconnu à l’aide des réactifs. Nous devons aussi signaler en passant , sauf à y revenir plus tard, que chaque muscle longitudinal renferme dans son centre un vaisseau qui le parcourt d’un bout à l’autre et dans lequel circule le fluide nourricier (PI. 4, fig. 1,00 ). 4° Epithélium interne.— Toute la surface interne de la couche musculaire est revêtue d’un épithélium à structure granuleuse 44 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. très fine. Les granules toujours noyés dans la matière diaphane dont nous avons déjà parlé, ont à peine + de millim. en dia- mètre et sont eux-mêmes parfaitement transparens. Cet épithé- lium est une production ou mieux une continuation des tégu- mens. Le derme et l’épiderme se confondent en pénétrant par les orifices aquifères et viennent ainsi fournir cette membrane , qui elle-même donne naissanceaux brides mésentériques et à lé- pithélium externe de l'intestin, comme nous le verrons plus loin. Observations.— L'ensemble des six couches que nous venons d'examiner varie singulièrement dans ses diverses dimensions selon les besoins de l’animal qui peut le raccourcir ou l’allonger, le contracter ou le dilater en tous sens, en remplissant d’eau sa cavité abdominale. On comprend qu’il est assez dificile, par suite de ces changemens continuels, d'en connaître exactement l'épaisseur. Cependant en mesurant le diamètre du corps dans ses deux états de dilatation et de contraction, séparant ensuite un fragment et prenant de suite l'épaisseur des parois, on peut, par une simple proportion, savoir de combien elle diminue quand l'animal se dilate, en supposant toutefois que cette épaisseur est en raison inverse de sa surface, ce qui est assez probable. 11 faut avoir soin, dans ce petit calcul, de retrancher de part et d’autre la largeur des muscles longitudinaux, qui ne parait pas varier. On trouve, par ce procédé, que chez une Synapte dont le corps contracté a 8 millim. de diamètre et 25 lorsqu'il est dilaté; dont l’ensemble de couches qui nous occupe a, dans le premier cas, 1 millirs. d'épaisseur ; cette épaisseur est d'environ + ou ; de millim. pendant la dilatation. L'analyse chimique des tissus des animaux inférieurs offrirait, nous n’en doutons pas. des résultats bien curieux à celui qui pourrait s'y livrer avec quelque suite. J'étais loin de me trouver dans des conditions favorables à cet égard, aussi n’ai-je pu examiner que très grossièrement l’action d’un petit nombre de réactifs. Un lambeau du tronc de la Synapte, auquel tiennent les tégumens, se dissout assez rapidement dans une dissolution alcoolique de potasse. Au bout de douze heures il ne reste plus qu’une masse homogène d’une couleur brun rougeître , composée de granulations extrémement fines et au milieu des- er Lo at vec ES mn QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 45 quelles on retrouve toutes les pièces calcaires dont nous avons parlé. L'action de l'acide sulfurique et de l'acide nitrique concen- trés nous paraît digne d’être signalée. Le premier désorganise ces tissus, mais sans les carboniser. Au bout de douze heures ils for- ment une masse blanche, homogène, à granules très fins et dans laquelle on ne retrouve plus aucune trace des pièces calcaires : On dirait que l’acide, comme l'alcali, dissolvent chacun cer- taines molécules distinctes, laissant le reste sans y toucher ; et lon comprend combien! ii serait curieux de rechercher quels sont les élémens organiques qui peuvent résister à ces deux agens de destruction si puissans; quels sont ceux qui sont soumis à leur influence. L’acide nitrique semble être sans action sur les uns et les autres. Il jaunit légèrement les tissus, les con- tracte fortement ; mais ne paraît nullement les altérer, du moins à froid et lorsqu'ils sont exposés à son action pendant un temps assez limité. Ils se comportent donc dans cet acide à-peu-près comme la substance nerveuse des animaux supérieurs. Nous savons que ces faits ainsi isolés n'ont pas une grande impor- tance , mais peut-être inspireront-ils à quelque naturaliste mieux placé que nous, le désir de poursuivre des recherches qui ne seraient certainement pas sans intérêt pour la science. L'ensemble des tissus que nous venons d’examiner présente une consistance assez grande pour qu’on ne puisse pas facile- ment les déchirer et surtout les couper avec un instrument tranchant. Si on cherche à rompre une Synapte en tirant brus- quement par les extrémités, on éprouve aussi une résistance très sensible. Mais si on la saisit soit avec les doigts, soit avec une pince, surtout vers la partie postérieure, et qu'on la tienne suspendue en l'air, elle se divise sur le point comprimé , et ceia avec une rapidité telle qu’on n’a pas le temps quelquefois de la transporter d’un vase dans un autre, Le mécanisme de ces” ruptures, qui me paraissent évidemment volontaires, est le même que celui des divisions spontanées. Nous verrons, en nous occupant du tube digestif, comment dans ce cas la Sy- napte remplace le sphincter normal par un véritable sphincter artificiel. La contractilité en tout sens de ces tissus est des plus remar- 46 é QUATREFAGES. — Sur la Synapte quables, et nous avons signalé ce fait que la cicatrisation semble suivre immédiatement l’ablation des parties et être due uni- quement à la contraction qu'éprouve la surface de la plaie. On comprend combien, par suite de cette propriété, doit être dif- ficile la dissection de ces animaux. Dans le but de la rendre plus aisée, j'essayai de les empoisonner avec de l’opium. Mais ce moyen, qui m'avait assez bien réussi dans quelques autres cir- constances, ne me donna pas ici des résultats à beaucoup près aussi satisfaisans. Son action fut lente : les Synaptes placées. dans un vase où j'avais pourtant mis une très forte dose de laudanum de Rousseau , se raccornirent au point de crever leurs tégumens, et la contractilité des tissus demeura à-peu-près la même. $ IIT. APPAREIL DIGESTIF. L'appareil digestif de la Synapte de Duvernoy comprend : 1° la bouche et la cavité buccale ou pharyngienne ; 2° l’intes- tin ; 3° le mésentere. I. Bouche et cavité buccale ( PI. 4, fig. 1).—Nous avons dit plus haut que la bouche de notre Synapte était terminale et percée au milieu d’un disque entouré par les tentacules. Ce disque est formé en grande partie par des muscles qui, venant destentacules, vont se perdre dans le sphincter de la bouche (PI, 5;, fig. 4, aa) Cette couche est recouverte par les tégamens très amincis, à peine distincts et dans lesquels on ne trouve qu’un très petit nombre de globules de pigment, Vers le milieu de l’espace compris entre les tentacules et la bouche, ils forment un replis légèrement frangé (PL. 4, fig. 1, c). A partir de ce point le disque devient très légèrement concave en inclinant vers l’orifice buccal. Toutes ces parties sont d’un blanc tirant d'ordinaire sur le jaunâtre on le rougeätre : C'est la couleur des muscles qui se distingue à tra- vers les tégumens. La bouche, complétement dilatée, présente une ouverture circulaire (PI. 4, fig. 1, d ), à peine plissée, entourée d’une espèce de bourrelet formé en grande partie par une substance transpa- rente et granuleuse ( PL. 5, fig. 4,c ) recouverte par les tégumens QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 47 qui, à partir de ce point, paraissent entièremeut confondus et su- bissent un léger changement destructure (PI. 5, fig. 4,4). Lesgranu- lations du dermedeviennent plus petites et plusnombreuses. Ainsi modifiée , cette membrane tapisse tout l'intérieur du tube diges: tif, et peut être assimilée, du moins quant à sa position anato- mique, à la muqueuse des animaux supérieurs. Immédiatement au-dessous de la bouche , le tube digestif se renfle en une cavité dans l'intérieur de laquelle l'épithélium (la mu- queuse) forme des plis longitudinaux très serrés et comme fran- gés ( PL.4, fig. 1, e). On comprend que les dimensions de cette ca- vité doivent varier avec la taille des individus que l'on observe, et par suite des mouvemens qu’elle peut présenter. En général, dans l’état de demi-contraction, où on peut l'étudier, elle m’a paru avoir environ deux fois le diamètre de la bouche en Jar- geur, et deux fois et demi ou trois fois en longueur. Elle se ré- trécit de nouveau en arriére, et prend ainsi une forme ellip- soïdale. Ce second rétrécissement , bien! plus étroit que la bouche , eommunique directement avec l'intestin. Avant de décrire l'appareil musculaire , assez compliqué , ap- partenant à la bouche et à la cavité buccale, nous devons parler des pièces osseuses qui lui servent de principal point d’appui , et qu’on retrouve chez la Synapte comme chez les autres Holo- thurides. Ces pièces sont au nombre de douze, articulées en- semble, de manière à former un dodécagone régulier autour de la bouche , mais à une certaine distance de cet orifice. Cha« eune d'elles est formée d’une plaque épaisse à bords arrondis , renflée à ses deux extrémités, courbée sur son plat, de ma- nière que sa face externe soit un peu plus concave que l’interne. Le bord antérieur (fig. 5) est relevé en arc de cercle sur son tiers médian, et sous cette élévation se trouve, chez un certain nombre d’entre elles, une ouverture assez régulièremeut ova- laire (2). C'est par ces orifices, comme nous le dirons plus tard, qu'entre et sort l’eau qui baigne tout Fintérieur de la Synapte. Le nombre des plaques qui présentent ces ouvertures est de cinq , et elles sont toujours placées de manière à ce que lori- fice aquifére corresponde à un des espaces compris entre deux des bandelettes longitudinales du corps, 48 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. Les pièces dont nous parlons diffèrent à beaucoup d’égards des concrétions calcaires que nous avons signalés et de celles que nous décrirons plus tard. Elles n’offrent pas la même trans- parence et sont plus tot à peine transiucides. Elles sont flexibles et ne cassent pas commeles hamecons et les boucliers. D’ailleurs leur composition est loin d’être simple , et l’on peut facilement y distinguer trois parties. Lorsqu'on les étudie en place à l’aide d’une coupe faite avec soin (PI. 5, fig. 7, c,c ), elles paraissent unies solidement les unes aux autres par une substance ferme, homogène, transparente, très élastique , qui leur permet cer- tains mouvemens. Leurs extrémités sont arrondies et n’offrent aucune dentelure. Ces extrémités sont aussi plus transparentes que le reste. En les faisant macérer suffisamment on les débar- rasse des tissus musculaire et autres qui y adhérent; mais en même temps la portion arrondie, transparente , qui forme la majeure partie des deux espèces de têtes articulaires, disparait, et les extrémités tronquées brusquement, présentent de fines dentelures (PL. 4, fig. 5, c, c). Si dans cet état on place la pièce dans une dissolution alcoolique de potasse, le premier effet de ce réactif est de rendre visible une membrane très fine qui l’en- veloppe de toute part, et qui suit jusqu'aux moindres dente- lures des extrémités. Cette membrane est bien vite dissoute et au bout de 12-14 heures d'immersion, cette plaque a acquis plus de transparence et se montre alors comme composée de granulations de + à — de millimètre, irrégulièrement grou- pées, et que la pression désagrège assez facilement (fig. 6). En les traitant par un acide, on voit ces granulations se dissoudre avec dégagement de gaz. La pièce elle-même, traitée tout d’abord par un acide se dissout avec effervescence, et quand lacide est très affaibli, on trouve une trame très légère, conservant encore quelques traces de la forme primitive de l’osselet lui- méme. Il est évident, d’après ces détails , que les corps dont nous parlons, sont composés de granules de carbonate calcaire dis- séminés, dans une trame animale, et que, sauf la différence des sels , ils ressemblent par là aux os des Mammifères. Mais là ne s'arrêtent pas les rapports entre les parties squelettiques d’a- 2 | | | | QUATREFAGES, — Sur la Synapte. 49 nimaux si éloignés sous tous les autres points de vue. Cette par- tie arrondie, transparente, que la simple macération enlève, pré- sente la plus graude analogie avec un cartilage interarticulaire; seulement son volume est ici proportionnellement plus considé- rable, et l’état dans lequel il laisse le corps de la pièce après sa disparition , rappelle plus tôt ce qui arrive lorsqu'on enlève l’épi- physe d’un tibia, par exemple,avant sa soudure au corps de l'os. La membrane dont l’action de l’alcool nous révèle la présence, est disposée autour de la pièce solide de la Synapte, absolument comme le périoste autour d’un os de Mammifère. Il n’y a pas jusqu’au mode employé pour donner de la fixité à ces pièces, tout en leur laissant une certaine liberté de mouvemens, qui ne rappelle ce qu’on observe chez les Vertébrés les plus élevés. La substance qui revêt les articulations semble jouir de toutes les propriétés de nos ligamens articulaires. Enfin, la position de ce squelette est encore celle que nous trouvons chez les Vertébrés (1). Tandis que chez les Mollusques , les Articulés et le plus grand nombre des Rayonnés, les parties solides, quand il en existe , sont ou des dépendances, ou des émanations du derme, ici les pièces dont nous parlons sont placées dans l’in- térieur des tissus, sans aucun rapport avec les tégumens, et servent d'attache à des muscles venant s’y attacher de toute part. Nous avons déjà dit que les grands muscles du corps s’y inséraient sur une large surface. Nous verrons ceux des tenta- cules agir de même. Ceux-ci viennent de parties externes, rela- tivement au cercle osseux dont il s’agit; mais parmi les muscles de la bouche, nous allons en voir plusieurs qui, placés inté- riéurement relativement à ce même cercle, viennent également y chercher un point d'appui. Nous avons dit que le disque terminal de la Synapte, était formé en majeure partie par des plans musculaires venant des tentacules. Ces muscles s'avancent jusque dans le bourrelet cir- culaire de la bouche et se fondent avec un-sphincter assez fort (x) M. Duvernoy est, je crois, le premier qui ait saisi ce rapport entre les Vertébrés et les Échinodernes, et qui l'ait sigoalé chez les Oursins, dans une note lue à la Société d'Histoire na- turelle de Strasbourg, reproduite dans le journal l'/nstitur, XVWIL Zoo, — Janvier 4 bo QUATREFAGES. — Sur la Synapte. (PL 5, fig. 4, bb), dont les fibres semblent croiser lés leurs. A ce sphincter s'attache postérieurement une forte masse muscu- laire à fibres longitudinales ( PI. 4, fig. 1 ,f), qui règne tout lé long de la cavité buccale , et l'entoure de toute part. Une autre couche musculaire très épaisse , mais à fibres circulaires trans- verses, l'enveloppe à son tour (fig. r, g). Ces deux masses semblent se confondre en approchant de l’orifice postérieur de la cavité buccale , où se trouve un second sphincter très fort (5). De ce point partent douze muscles pyramidaux (%), dont la base semble se confondre avec la masse de ceux que nous venons de décrire, et dont le sommet va s'attacher sur les articulations des pièces osseuses de manière à tenir à deux de ces osselets (PL 5, fig, 7, d). L’intervalle entre ces divers muscles est rempli, sauf celui qu’occupe l'organe circulatoire, par cette matière ho- mogène et transparente qui semble tenir lieu de tissu cellulaire. L'action de ces divers muscles est facilé à concevoir. Les sphincters servent à fermer les orifices antérieurs et postérieurs de la cavité buccale. Le premier a pour antagonistes les muscles qui viennent des tentacules, et il est à remarquer que ceux-ci ne sauraient se contracter pour fléchir le tentacule de dehors en dedans, sans agir en même temps sur la bouche dé manière à l'ouvrir. Les grandes masses musculaires à fibres longitudi- nales et circulaires qui entourent la cavité buccale sont lesagens de la déglutition, et sont plus que suffisans pour surmonter l'obstacle offert par le second. Enfin, les muscles pyramidaux sont les éléveurs de toute cette masse, et ils ont pour antagos nistes les muscles longitudinaux de l'intestin que nous décrirons tout-à-l’heure. Les fibres de tous ces muscles ressemblent à celles de la couche musculaire transverse et non à cellés des grands muscles longi- tudinaux; elles sont peu marquées, ne peuvent s'isoler, et sem: blent presque faire corps avec la gangue qui les baigne de toute part. Pendant la contraction, elles ne présentent pas non plus de stries transversales. IL. Zntestin. — Immédiatement après l’orifice postérieur de la cavité buccale, le tube digestif de la Synapte se dilate brusque- ment, et là commence l'intestin (PI. 4, fig. «1, 4; /). Gelui-ei QUATREFAGES. — Sur la Synapte. ba consiste en un tube cylindrique d’un calibre partout égal et s'étendant en ligne droite de la cavité buccale jusqu’à l'anus. On reconnait facilement quand le corps de l’animal est distendu par l'eau, que la longueur de cet organe n'excède pas celle du corps, mais dans l’état de contraction l'intestin est plisséet semble pré. senter des circonvolutions. Ses parois se composent de plusieurs couches superposées , savoir, en procédant de dehors en dedans, 1° un épithélium externe, 2° une couche musculaire continue à fibres annulaires transverses, 3° des muscles longitudinaux, 4° un épithélium interne. 1° Epithélium externe. — Cet épithélium rappelle presqueen- tièrement celui que nous avons vu tapisser la face interne des muscles du tronc, et lui estd’ailleurs rattaché parles brides mésen- tériques. Sa structure est la même, mais ilen diffère en ce qu'il prèsente çà et là des globules de pigment (PI. 2, fig. 3,4) dont la grosseur varie de ;-à-2-de millimètre. Ces granules (PI. 4 ,fig. 2) sont d’un rouge carmin d'autant plus foncé qu'ils sont plus petits, et leur structure est plus complexe que dans ceux de l'épiderme ou tout au moins plus distincte. Ils se composent d’une enveloppe extérieure (a) diaphane incolore renfermant une substance colorée homogène. Dans les plus grands on trouve, en outre,une seconde vésicule (b) dont le contenu est tout-à-fait iransparent, non coloré, et au milieu duquel se représentent ces très petites granulations noires, opaques dont nous avons déjà parlé, au nombre de cinq à six. Cette seconde vésicule manque dans les grains de pigment qui ont moins de -- de millimètre, mais les petits corps opaques s’observent jusque dans les plus petits. J'ai réussi deux ou trois fois à séparer, par une simple macération , l’épithélium externe des parties sous-jacentes. 2° Couche musculaire à fibres transverses.—De la masse mus- culaire qui environne l’étranglement postérieur de la cavité buc- cale se détachent deux plans de muscles (Pl. 4 , fig. 1 ,7) d’abord assez forts pour rendre opaques les parois de l'intestin, mais dont l'épaisseur diminue rapidement. Le plan extérieur est com- posé de fibres annulaires formant une gaîne continue d’un bout à l'autre de l'intestin : elles sont très peu marquées et semblent plus encore que leurs correspondantes du tronc se fondre en 4. 2 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. quelque sorte dans la gangue homogène qui les enveloppe de toute part; il est FE de reste, d'observer leur contraction, qui a lieu sans qu’il se manifeste la moindre ride transversale. 3° Muscles longitudinaux. — Le plan interne qui part de la -masse de la bouche se compose de fibres longitudinales et en- veloppe d'abord tout l'intestin; mais, à quelques lignes de son origine, il se sépare en quatre faisceaux qui règnent sans in- terrupiion jusqu'à l’anus, où ils se terminent dans le sphincter de même que les cinq muscles longitudinaux externes. Les mus- cles intestinaux ne présentent ni l’épaisseur ni l’opacité de ces derniers; leurs fibres élémentaires sont loin de présenter la même apparence; au contraire, elles sont en tout semblables à celles de la couche musculaire transverse, mais sont seulement un peu plus prononcées ( PI. 2, fig. 3, b). 4° Epithélium interne. — L'intérieur de Pintestin est revêtu d'un bout à l'autre par un épithélium extrémement fin, conti- nuation de celui que nous avons vu tapisser l’intérieur de a cavité buccale, Sa structure ne change pas, mais les plis qu'il forme sont ici allongés, communiquant ensemble, et ne sont nullement frangés comme dans la première partie du tube di- gestif (PI. 4, fig. x, Æ). Quand l'animal se contracte, il se forme, en outre, des plis transversaux assez régulièrement espaces et qui sont à-peu-près perpendiculaires à l'axe de l'intestin. IL. Mésentère. — Le tube digestif n’est pas entierement flot- tant dans le corps de la Synapte; il est maintenu en place par des brides mésrniégiquss d’une ténuité extrême et d’une transpa- rence telle qu’on a beaucoup de peine à les apercevoir.Ces brides se présentent (Pl. 4, fig. 4) comme des membranes formées par une substance homogène transparente semée de granulations semblables à celles des épithéliums, mais en renfermant en outre d’autres bien plus grosses ayant jusqu’à + de millimètre, et qui réfractent la lumière un peu plus fortement que le reste de la substance qui les entoure. Ces granulations sont, du reste, bien distinctes , elles s’isolent lorsqu'on déchire la membrane et flot- tent dans le liquide; elles m'ont paru composées d’une men- brane enveloppante et d’une matière transparente plus tenace QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 33 que la gangue générale du mésentère. Malgré l'attention la plus soutenue, il m’a été impossible, même en faisant agir les acides affaiblis , de découvrir la moindre trace de fibres dans les mem- branes mésentériques, et pourtant elles s’agitent, se plissent, se contracient en tout sens sous les yeux de l’observateur. Nous reviendrons plus tard sur ce fait important. Ce mésentère semble , avons-nous dit, être la continuation de l’épithélium interne du corps et de l’épithélium externe de l’in- testin; il est donc une dépendance, un prolongement des couches tégumentaires extérieures. 11 m'a été impossible de re- connaître s’il était formé de deux lames adossées se dédoublant pour tapisser les parois de la cavité abdominale et du tube digestif ou bien s’il y avait prolongement de matière. Sa struc- ture partout où je lai examinée n'a paru parfaitement iden- tique. Il ne forme pas d’attache continue le long du tube di- gestif, mais se porte sous la forme de larges brides, tantôt vers l’un, tantôt vers l’autre des muscies longitudinaux du tronc. Ces points d'attache ont environ un pouce ou un demi-pouce de longueur, et m'ont paru distribuées d’une manière à-peu-près régulière autour de l’axe de l'animal, de manière à former une spirale qui, d'avant en arrière, se porterait de droite à gauche. Observations. — T'ensemble des parties que nous venons de décrire est bien loin d’avoir l'épaisseur que nous avons trouvée aux tégumens et aux couches diverses qui composent le tronc. Sauf la masse buccale et les parties de l’intestin qui suivent im- médiatement tout le reste est d’une ténuité telle, que toute mesure directe est impossible. Ce n’est guère que par appro- ximation qu’on peut l’évaluer à + ou + de millimètre. Cette dimi- nution d'épaisseur que nous signalons doit être attribuée à l'absence de tissu fibreux et à l’amincissement de toutes les autres couches , spécialement des portions musculaires. Le pig- ment coloré y étant aussi bien plus rare et manquant même quelquefois presque entièrement il en résulte une transparence beaucoup plus parfaite: l'intestin a réellement l'air, jusque dans les plus grands individus, d’être formé d’un verre animé et mou- vant, et c'est néanmoins à cette enveloppe, à-la-fois si mince et si fréle qu'est confié le soin de recevoir et de faire circuler 54 QUATREFAGES. — Our la Synapte. dans sa cavité un sable très lourd , à grains grossiers et hérissés d’aspérités ! La détermination des diverses parties du tube digestif de Ja Synapte n’a du reste rien de bien difficile. Nous avons donné à la première cavité l'épithète de buccale ou de pharyngienne, parce que si l’orifice sert à la préhension, c’est à elle que semble remis le soin de la déglutition. Les grains de sable que la Sy- napte y introduit n’y séjournent jamais. Cette première cavité débouche immédiatement dans l'intestin, et celui-ci est le même dans toute son étendue. Il n’y a rien qu’on puisse assimiler soit à an estomac, soit à un cloaque, et il paraît appelé à jouer partout le même rôle, tant la structure de ses diverses parties est identique. Aussi ai-je quelquefois trouvé des Synaptes gor- gées jusqu'au pharynx de grains de granite dont le poids et la rudesse contrastaient d’une manière bien étonnante avec la délicatesse apparente des tissus qui les renfermaient. La disposition des diverses couches qui forment l'intestin présente une ressemblance générale assez marquée avec ce que nous avons déjà trouvé dans le tronc. Dans l’un et dans l’autre, nous trouvons une couche externe et une couche interne ayant la plus grande analogie et essentiellement tégumentaire ou provenant des tégumens. Entre deux nous rencontrons dans les deux cas des muscles longitudinaux sous forme de bandelettes, placés à l’intérieur d’une gaîne musculaire à fibres transverses. Ces faits généraux sembleraient d'abord venir à l'appui de ceux qui n’ont voulu voir qu’une peau là où nous avons distingué un corps avec ses tégumens. Mais les différences ne sont pas moins sensibles et plus fondamentales. Ainsi les deux couches tégu- mentaires se réduisent à une seule en recouvrant l'intestin : le tissu fibreux manque complètement dans ce dernier ; la struc- ture des muscles longitudinaux et leur fibre élémentaire sont tout-à-fait différentes. Tout change dans ces muscles, jusqu'à leur nombre qui est moindre dans l'intestin, et ce fait nous semble décisif. En effet, en admettant qu'il »y a dans la Synapte qu'une simple peau munie de muscles peauciers circonscrivant une cavité intérieure au milieu de laquelle flotte l'intestin , il s'en- QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 5h suit que cette peau, en se réfléchissant pour former l'intestin, présente non seulement des modifications de structure analo- gues à celles qu’on observe chez les Vertébrés, mais encore des solutions de continuité et des changemens extrêmes dans des parties importantes ; il s’ensuit que ces peauciers changent tour à tour de direction , de force , de structure élémentaire. Il s’'en- suit enfin que sur les diverses parties du corps ces tégumens sont très différens , et que certaines des couches qui les com- posent peuvent disparaître. Ces conséquences nous semblent en contradiction trop flagrante avec ce que l’on voit partout ailleurs, pour que l'opinion d’où elles découlent soit juste. En envisageant au contraire la composition anatomique comme nous le faisons, en restreignant le nom de tégumens aux deux couches les plus extérieures, et en considérant comme n'étant nullement sous leur dépendance les parties sous-jacentes, tout rentre dans l’état normal. Les tégumens couvrent toutes les parties de l'animal , en ne présentant d’autres altérations que celles qui dépendent de leur plus ou moins d'épaisseur. Ils se modifient à l'entrée des orifices des cavités pour pénétrer à lin- térieur, mais cette modification ne dépasse pas les limites de celles qu'éprouve la peau lorsqu'elle devient membrane mu- queuse , si même elle est aussi considérable, et nous rattachons complètement, sous ce rapport, les Radiaires qui nous occupent aux autres animaux placés à des degrés supérieurs dans l'échelle des êtres. L’épithélium qui tapisse la face interne de la cavité viscérale, celui que revêt extérieurement l'intestin, enfin les brides mé- sentériques sont, avons-nous dit, en continuité et proviennent destégumens dont les deux lames semblent fondues en une seule. Sous le rapport de sa position anatomique cette membrane rap- pelle entièrement les séreuses des animaux supérieurs. Cette ressemblance est fortifiée par la présence, dans les mésentères, de ces petits granules transparens, faciles à isoler, et par conséquent indépendans du tissu qui les environne et qui semblent placés là comme les glandes mésentériques des animaux supérieurs. Je suis bien loin ; malgré ces rapprochemens , de conclure à une identité, et, ainsi que je l'ai dit plus haut, je n'ai même pu re- 56 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. connaître positivement que les mésentères résultassent de l’ados- sement de deux lames, comme on pourrait le présumer avec assez de probabilité. Quoi qu'il en soit, la position de cette production tégumentaire et une de ses fonctions au moins (suspension et maintien du canal intestinal) se retrouvent dans le péritoine des animaux supérieurs et comme chez quelques- uns de ces derniers, la cavité péritonéale qu’elle enveloppe est en communication directe avec le liquide respiratoire. Dans le cas où l’on admettrait cette détermination comme probable, il faudrait remarquer que la Synapte présente cette particularité que, chez elle, la séreuse et les tégumens semblent être en com- municarion immédiate , à moins qu’on ne suppose que le très court conduit qui sert à l'introduction de l’eau dans l’intérieur du corps présente une modification intermédiaire analogue à la muqueuse qu'on trouve chez les Vertébrés, dans des circon- stances analogues. Nous avons dit qu’un sphincter assez considérable entourait l'anus , et que c'était à ce point qu'aboutissaient d’une part les quatre muscles longitudinaux de l'intestin et de l’autre les cinq bandelettes musculaires externes. Ce sphincter présente toujours les mêmes conditions et se régénère eu quelque sorte à chaque rupture de la Synapte, par un mécanisme qui mérite d’être décrit. Que la fragmentation ait lieu lentement ou d’une manière brusque, il s'établit une forte contraction dans la partie des muscles longitudinaux qui avoisinent ce point; les fibres transverses se trouvent ainsi très-rapprochées et forment un anneau bien distinct à l'extrémité de l'intestin et un autre à l'extrémité du corps. Celui-ci se contracte avec assez de force pour embrasser l'anneau intestinal et en très peu de temps, souvent en quelques secondes, il s'établit une adhérence telle que les deux anneaux se confondent et ne forment plus qu’une seule masse musculaire. La promptitude de cette soudure est bien remarquable entre des parties revêtues, ainsi que nous l'avons dit plus haut, d’une membrane qui, dans le cas dont nous parlons, se trouve nécessairement interposée entre les” tissus qui tendent à s'unir. Nous reviendrons plus loin sur ce fait. Il arrive quelquefois que cette espèce de fusion n’a pas QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 59 lieu. Dans ce cas chacun des anneaux s’oblitère séparément par suite de la contraction toujours croissante des fibres circulaires. Jamais je n’ai vu de grains de sable s'échapper d’un intestin resté flottant dans la cavité du corps, et toujours au bout de peu de temps il était distendu par l’eau avalée qui s’y accu- mulait. Lorsqu'on comprime les parties que nous venons de décrire entre les lames du compresseur, on voit exsuder de partout, mais principalement du mésentère, une matière parfaitement homogène, transparente qui se réunit en lobes arrondis , ou en gouttelettes réfractant la lumière un peu plus fortement que l'eau de mer. Cette substance semble n'être autre chose que cette espece de gangue organisée, dans laquelle nous avons vu que tous les tissus paraissent se développer, et qu’on pour- rait nommer le tissu cellulaire de notre Synapte. On voit com- bien elle offre de rapports avec la substance que fournissent par le même moyen les Infusoires , les Systolides , les Intesti- maux, les Planariées....., et à laquelle M. Dujardin, qui le premier a appelé l'attention sur ce fait important, a donné le nom de Sarcode. Toutefois , je n’ai pu reconnaitre, dans ce pro- duit par expression des tissus de la Synapte, la propriété singu- lière qui semble caraciériser le Sarcode de M. Dujardin. On comprend que je veux parler ici de la formation des vacuoles, phénomène que je n’ai pas aperçu une seule fois dans l'étude de ce Radiaire, bien que je l’aie vu se manifester fort souvent lorsque j'examinais les animaux que j'ai cités tout-à l'heure. Je n'ai pu reconnaitre dans aucune partie du tube digestif, la moindre trace de vaisseaux. S'ils existent, je crois pouvoir affirmer qu’ils doivent étre d’une ténuité excessive, et que le fluide qu'ils renferment ne contientaucune trace de globules. Il différe- rait en cela de celui que nous allons décrire comme remplissant les organes de la circulation dansle tronc. Au reste, il me semble- raitassez difficile que des vaisseaux quelconques eussent échappé à mes recherches. Toutes ces parties étant très peu épaisses et parfaitement transparentes, ont pu être explorées à bien des reprises, à l'aide du microscope , sous tous les grossissemens, et on comprend quel soin j'ai dû apporter dans ces investigations. 58 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. $ IV. ORGANES DE LA CIRCULATION. L'appareil circulatoire des Synaptes, est extrêmement simple. Un anneau circulaire (PI. 4 , fig. 1 ,#), est placé sous le disque terminal autour de la masse buccale , et commnnique largement : avec l'intérieur des tentacules, ou pour parler plus exactement, se continue en avant avec leurs cavités. En arrière , cet anneau donne cinq branches d’un assez petit calibre (0), qui règnent dans toute l'étendue des muscles longitudinaux du corps, et pré= sentent partout un égal diamètre. Je n’ai pu y découvrir ni branches, ni rameaux, et la circulation m'a paru sy faire comme dans les tentacules. Il est impossible dereconnaitre sur le frais s’il existe une enve: loppe propre à ces canaux circulatoires , à moins qu’on ne veuille considérer comme telle la couche transparente placée au-dessous des concrétions calcaires du tentacule (PI. 4, fig. 13, a),et quirevêt en entier l’intérieur de ce système. Mais il n’en est pas de même quand on examine des Synaptes qui ont séjourné quelque temps dans l’alcool; on reconnaît alors que cette espèce d’épithélium interne est bien véritablement une membrane distincte formant les vaisseaux , et on peut réussir, comme je l'ai fait, à la déga= ger de l'intérieur des tentacules , en la séparant des couches musculaires par une simple traction, et cela sans qu’elle se déchire, ce qui indique une assez grande consistance. On peut aussi alors isoler assez facilement l’anneau buccal et les vais- seaux qui en partent pour se rendre aux muscles. Je n’ai d’ail- leurs observé, nulle part, dans ces parois vasculaires, la moindre trace de contraction destinée à donner au sang une direction quelconque ; mais il n’en reçoit pas moins une impulsion cone tinuelle , tantôt en avant, tantôt en arrière , par suite des mou» vemens incessans des tentacules et de la masse buccale. La position de l'anneau vasculaire central , relativement aux pièces osseuses qui forment le squelette de la Synapte , semble varier avec les mouvemens de l’animal. Lorsque celui-ci déve- loppe ses tentacules, et épanouit complètement son disque ter- minal, la masse buccale remonte et occupetout l’espace circons- QuATREFAGES. — Sur la Synapte. 59 crit par les osselets. Alors l'anneau est rejeté en dehors de ce cercle; mais lorsque la Synaptese contracte et ramène sa bouche en dedans, celle-ci entraine l'anneau vasculaire qui vient se placer en dedans du cercle; c’est dans cette position que je l'ai dessiné. Le sang , ou le fluide nourricier qui circule dans ce système, éstincolore, un peu plus dense et plus réfringent que l’eau de mer. Il charie un nombre infini de globules sphériques , bru- nâtres, ressemblant assez à des goutelettes d'huile, réfractant la lumière plus fortement que le liquide ambiant (PI. 5, fig. 6). Leur diamètre varie de - à -= de millimètre. Ils paraissent entièrement homogènes , et je n'ai pu yreconnaitre d’enveloppe propre. Cependant je n’en ai jamais vu se souder, lorsqu'ils entraient en contact, même à une pression assez considérable pour les aplatir. Observations. — Bien que nous ne trouvions dans la Synapte qu'un seul système de vaisseaux émanant de l'anneau central, il #’y en a pas moins une véritable circulation; ce fait est très facile àreconnaître dans les tentacules. On voit les globules, venant du corps de l'animal, pénétrer dans les cavités tentaculaires, entraînés par un courantexterne quien longeles paroïs et en suit exactement toutes les cavités (PL. 5, fig. 5, a). Ce premier courant se partage en autant de bras qu'il y a d’appendices latéraux, et les globules se comportent dans ceux-ci comme dans le corps même du ten- tacule; puis chaque digitation fournit un contre-courant central dont la réunion forme au centre du tentacule un grand courant(b} qui rapporte vers le corps le sang qui a respiré.Il suit de là que la périphérie du tentacule est tonjours baïgnée par du sang vei- neux (pour ainsi dire ), et que cette partie de la cavité répond, quant aux fonctions, à une artère pulmonaire; tandis que le centre où circule le sang artériel représente la veine du même nom. L’opacité des parties m'a empêché de distinguer aussi net- tement la marche des globules , et par conséquent, du sang lui-même dans les einq vaisseaux musculaires; j'ai pourtant cru réconnaitre qu'il avait lieu en sens inverse, c’est-à-dire que le sang artériel formait le courant superficiel, et le sang vei- néux le courant central. Ces mouvemens, parfaitément indé- 6o QUATREFAGES. — Sur la Synapte. pendans de toute contraction, sont déterminés par l’action de cils vibratiles excessivement fins et très difficiles à apercevoir, qui paraissent tapisser toute l'étendue des canaux circulatoires. Lorsqu'on fait passer entre les lames du compresseur une goutte de solution alcoolique de potasse, et qu’elle entre en contact avec le sang, le premier effet dû certainement à l’action de l'alcool semble être de le coaguler; mais bientôt on le voit se dissoudre avec rapidité, et les globules, bien que résistant un peu plus long-temps, subissent le même sort. L'action des acides détermine la formation d'un véritable caillot; il en est de même de la mort, et on peut même en suivre de l'œil toutes les gra- dations. Si l’on coupe un tentacule près de sa base, celle-ci se contracte très rapidement, comme nous l'avons déjà dit, et la quantité de liquide qui s’écoule paraît être entièrement insigni- fiante. En plaçant ce tentacule sous le microscope, on voit au bout de quelques instans la partie liquide du sang se coaguler dans le voisinage de la blessure et emprisonner les globules qui restent immobiles, malgré les tiraillemens et les pressions que l’on peut faire subir à l'organe placé en observation. Un peu au- dela la circulation est en pleine activité; mais bientôt elle se ralentit dans l'extrémité des ramifications, et on peut recon- naître la formation du caillot, Si l'expérience est prolongée suf- fisamment, on voit tout mouvement cesser d’abord dans les ramifications latérales, puis dans le prolongement terminal, et la mort marcher, pour ainsi dire, graduellement de la circon- férence au centre où l’on observe encore la circulation des glo- bules long-temps après qu’elle a cessé partout ailleurs. Il est assez difficile de s'expliquer ici la continuation du mouvement alors que la couche de cils vibratiles est profondément encroû- tée par le caïllot. J'ai vainement cherché à en distinguer sur les globules eux-mêmes, et je crois pouvoir affirmer qu’il ne s’y en trouve pas. Les moyens ordinaires de dissection échouent en général devant l’excessive contractilité de toutes les parties de la Synapte, et les épingles sont impuissantes quand il s’agit de fixer et de maintenir écartées des parties qui se rompent ou se déchi- rent en quelques secondes. C'est surtout dans l'étude des QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 61 organes qui entourent la bouche, que j'ai eu à lutter avec ces difficultés lorsque je travaillais sur des individus frais. Pour les tourner , en quelque sorte, je procédais d'ordinaire par coupes, et c’est à un heureux hasard que j'ai dù de pouvoir observer l’anneau vasculaire en son entier, Deux fois je suis parvenu à le raser d'assez près pour pouvoir l’etudier au microscope. Je crois difficile de le découvrir par tout autre moyen’, mais il faut donner bien des coups de ciseaux avant de réussir. Ces parties sont au contraire faciles à isoler sur les échantillons qui ont sé- journé une couple de mois dans l'alcool , et tous les détails qui précèdent ont été vérifiés de cette manière. $ V. ORGANES DE LA RESPIRATION. Nous considérerons comme organes de la respiration : 1° les tentacules, 2° la grande cavité qui règne entre le tronc pro- prement dit et l'intestin. L._ Tentacules. — Les tentacules sont des organes creux dont la cavité est occupée en entier par un prolongement du grand anneau vasculaire central. Leurs parois se composent de plu- sieurs couches: 1° tégumens ; 2° couche musculaire à fibres trans. verses ; 3° couche musculaire à fibres longitudinales ; 4° couche à concrétions calcaires ; 5° membrane interne ou parois propres des vaisseaux ;6° enfin nous plaçons ici la description des ventouses qu’on ne peut séparer anatomiquement des tentacules, bien que ceux-ci ne paraissent jouer, par rapport à elles, que le rôle de supports , et que les fonctions qu’elles remplissent soient , selon toute apparence , entiérement différentes. 1° Tégumens. — Nous avons peu de chose à ajouter aux détails dans lesquels nous sommes déjà entrés. Nousrappellerous seule- ment ici que sur les tentacules, les tégumens s’amincissent beaucoup, et que les deux couches composantes semblent se confondre entièrement sur les digitations. Ils ne présentent d'ailleurs ni hameçons, ni boucliers , ni acicules, ni pigment ; ce qui donne à ces parties une grande transparence. Mais ils n'en sont pas moins distincts des couches sous-jacentes, et sur un individu conservé dans l'alcool, j'ai pu les détacher et les en- G2 QUATREFAGES. — Sur da Synapte. lever presque d’une pièce, en les séparant des muscles placés au-dessous. 2° et 3° Couches musculaires. — La disposition des muscles dans les tentacules est la même que dans le reste du corps. On trouve d’abord une couche continue externe dans laquelle on a beaucoup de peine à reconnaitre des fibres transversales. Puis au-dessous des plans musculaires , dont les fibres sont longitu- dinales et bien plus nettement dessinées. Chaque tentacule a deux muscles supérieurs et deux inférieurs, qui régnent d’un bout à l’autre, et auxquels viennent s'attacher les petits faisceaux musculaires particuliers de chaque digitation (PI. 5, fig. 7,&a). Les muscles longitudinaux supérieurs viennent s'attacher au sphinc- ter de la bouche (fig. 4 , a a), et nous avons déjà fait remarquer qu’en se contractant ils ouvrent cet orifice en même tempsqu'ils fléchissent vers lui le tentacule. Les muscles inférieurs s’attachent aux osselets de la bouche, de telle sorte que l'intervalle qui les sépare répond à l’articulation de deux de ces osselets. Il s'ensuit que chacun de ceux-ci reçoit deux muscles venant de deux tenta- cules différens, ou, en d’autres termes, que chaque tentacule est fixé à deux de ces pièces solides. & Couches à concrélions calcaires. — Sous ces deux plans musculaires se trouve une couche de substance parfaitement transparente et homogène , toute parsemée , dans son épaisseur, de concrétions calcaires , présentant les formes les plus bizarres et les plus variées. On peut toutefois se les figurer comme des cylindres très irréguliers et couverts de protubérances, tantôt repliés sur eux-mêmes en anneau, tantôt seulement plus ou moins courbes en divers sens, et portant presque toujours , en ce Cas, des renflemens chargés d’excroissances ir régulières à leurs deux extrémités (PI. 4,fig. 7-12).Leurs sp varient autant que leurs formes. Sur uhe Synapte de 15 pouces j'en ai trouvé qui avaient jusqu’à un septième de millimètre de longueur, tandis que d’autres n’avaient guère que :; ou de millimètre. Cesder- nières présentaient en général une forme annulaire. Au reste, ces concrétions augmentent, non-seulement de volume, mais encore de nombre avec la taille des individus que l'on examine. Elles sont assez rares sur les petites Synaptes; tandis que chez QUATRFFAGES. — Sur la Synapte. 63 celle que je citais tout-à-l'heure , elles étaient comme enche- vêtrées les unes dans les autres, et formaient une couche serrée , surtout sur les côtés du tentacule et de ses premières digi- tations (PI. 4, fig. 13, b ). Leur apparence extérieure , et leur composition est en tout semblable à celle des pièces calcaires cutanées; et n’a aucun rapport avec ce que nous avons trouvé dans les osselets qui entourent la bouche. b° Membrane interne, — Cette membrane n'est autre chose que l'enveloppe propre des canaux respiratoires. Nous n'avons donc pas à y revenir; nous rappellerons seulement qu'on ne peut s’assurer que sur des individus qui ont subi l’action de l'alcool; de son existence comme membrane anatomiquement distincte des tissus superposés, 6° J’entouses. — Les ventouses, avons-nous dit, sont au nombre dehuit, etdisposées par paires versle tiers médian du ten- tacule (PI. 4, fig. 1, b). Ces organes développés ont la forme d'un godet allongé piriforme; supporté par une pédicule(Pl:5, fig. 3 ). Leur extrémité est creusée d’une cavité à-peu-près hémisphé- rique, entourée d’un fort bourrelet , et dans le fond de laquelle on voit un large pinceau de grands cils vibratiles. Leur struc- ture est assez compliquée ; les tégumens , et surtout le derme (a) avant d’embrasser leur pédicule , augmentent considérablement d'épaisseur ; et les deux couches deviennent bien distinctes lune de l’autre , sur toute la surface externe de la ventouse. Le bourrelet dont nous avons parlé est uniquement formé par elles. La membrane qui tapisse la cavité, est au contraire fort mince, sans granulations aucunes, et semble formée par un simple prolongement de l’épiderme , ou mieux sans doute par une lame, résultant de la fusion des deux couches tégumen- taires, Sous la peau règne une couche musculaire à fibres longi- tudinales (2), qui enveloppe la ventouse tout entière, et semble prendre son point d'attache dans le bourrelet. Au-delà du pédi- cule elle parait se diviser en deux plans:les fibres extérieures (f) divergent en tout sens , et se perdent dans les tégumens voisins ; les fibres internes (e), réunies en un faisceau cylindrique, se pro- longent d'avant en arrière , en se dirigeant sous la peau , vers la ligne médiane du tentacule où elles rencontrent un muscle sem- 64 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. blable, venant de la ventouse symétrique. Ces deux faisceaux se réunissent entre eux et avec ceux de toutes les autres ven- touses , se prolongent en suivant la ligne médiane , et j’ai pour- suivi le muscle qui en résulte jusqu'à la base même du tenta- cule. Cette disposition anatomique nous explique comment les ventouses peuvent être entièrement retirées sous les tégumens , au point qu'il est assez rare de pouvoir les étudier à nu , lors- qu'on a séparé un tentacule pour l’examiner sous le micros- cope à de forts grossissemens. Sous la couche musculaire que nous venons de décrire, et dans le corps de la ventouse , on voit une masse (c) homogène transparente, et dans laquelle il est extrêmement difficile de distinguer des fibres transversales. Ce que l'on peut considérer comme tel, pourrait aussi bien être pris pour de simples plisse- mens dus à la contraction des muscles longitudinaux. Néan- moins , cette masse est de nature musculaire , ou du moins elle est contractile , et c'est à son action que m'a paru due la dimi- nution du diamètre transversal de la ventouse. Enfin, au centre même de cette masse, on voit un organe (d) d'apparence granu- leuse, dont l'aspect rappelle celui des certains corps glandu- leux des Systolides et des petites Annélides ; mais il m'a été im- possible d'en soupconner même les usages. Il nous semble assez singulier de trouver dans les ventouses une disposition inverse de ce que nous avons vu jusqu'à présent dans la superposition des couches musculaires. Existe- rait-il entre les tégumens et les muscles longitudinaux un plan de cette nature à fibres transversales ? Si cela est, son épaisseur doit être bien minime, et les fibres bien difficiles à apercevoir; car, malgré tous nos eflorts, nous n’avons pu réussir à la dé- couvrir. L’élasticité du derme qui acquiert ici un développe- ment anormal, suffirait-elle pour contrebalancer l’action des muscles longitudinaux , et assurer le libre exercice des fonctions de l'organe ? Ce serait possible, et nous admettrions volontiers cette hypothèse. IT. Cavité respiratoire viscérale ou abdominale. — L'espace compris entre le tube digestif et la face interne des couches du tronc, est continuellement rempli d’eau chez les Synaptes. Lors- QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 65 qu'on les met à sec et qu’elles se contractent, on voit ce liquide chassé peu-à-peu , s’écouler par la partie antérieure du corps, en sortant de dessous la couronne tentaculaire. Les conduits qui lui donnent passage , sont trés difficiles à apercevoir. On reconnait pourtant sur un animal qni a séjourné dans l’alcool , leur orifice interne, en ouvrant longitudinalement la partie antérieure du corps, et en détachant avec soin la masse de la bouche. Sur un individu frais , il faut enlever d’un coup de ciseau la plus grande partie de la masse buccale , de manière à raser de tres prés le cercle des osselets ; puis, placer la pièce sous le microscope, entre les lames d’un compresseur. On par- viendra ainsi à distinguer, entre certains tentacules, un tres petit mammelon , percé à son centre d’un orifice entouré de cils vibratiles (PI. 5, fig. 7,f). Ce mammelon correspond à l’ou- verture percée au centre d’une des pièces osseuses, et on dis- tingue quelquefois trés bien un conduit qui, traversant les té- gumens, s’élargit au-delà de l’orifice , en se dirigeant vers cette ouverture quil traverse. Intérieurement, il aboutit à un des intervalles laissés par les muscles pyramidaux que nous avons indiqués comme étant les éleveurs de la masse de la bouche. Ces conduits, ainsi que nous l'avons déjà dit, paraissent être au nombre tantôt de quatre et tantôt-de cinq; ils correspondent toujours à un des intervalles laissés entre les muscles longitu- dinaux du corps. C’est par eux que les tégumens modifiés et fondus en une seule lame pénètrent dans la cavité abdominale pour en revêtir les parois, tapisser l'intestin et maintenir celui-ci en place par les brides dont nous avons déjà parlé. Ainsi la for- mation de cette espèce de inembrane péritonéale a lien comme celle des muqueuses dans les animaux supérieurs, bien qu’elle remplisse au moins en partie les fonctions d’une véritable sé- reuse. Observations. — Le rôle important dévolu aux tentacules des Holothuries, dans l'acte de la respiration, est un fait trop gé- néralement admis pour qu'il soit nécessaire de s'y arrêter. Re- marquons seulement qu’il est encore moins possible d'en douter chez les Synaptes que chez les autres groupes de la même fa- XVII. Zoo, — Février, ÿ 66 QUATRERAGES. — Sur la Synapte. mille, à raison de ia largeur de sa cavité et du peu d’épaissenr qui sépare le sang du liquide respiratoire; il nous semble pres- que aussi inutile d'insister sur les fonctions que nous attribuons à la cavité abdominale, Continuellement remplie d’une eau qui paraît se renouveler assez fréquemment, circonscrite par des parois que tapisse une membrane des plus fines, il est impos- sible qu’elle se trouve ainsi en contact avec le liquide ambiant sans qu’il y ait une action exercée. Or, l’analogie nous indique que cette action doit être au moins-en partie respiratoire, car cette vaste cayité ne peut guëre être considérée que comme représentant l'arbre aquifère des Holothuries proprement dites, généralement considéré comme un organe accessoire de la res- piration, Il serait possible toutefois qu'il y eût aussi là chez les unes et les autres, mais surtout chez les Synaptes, une véritable action nutritive par suite du contact si immédiat de l'eau avec les organes de ja digestion, et que ce füt un moyen employé par la uature, pour suppléer à l'absence des vaisseaux sanguins, que nous avons cru constater chez ces derniers Radiaires par- tout ailleurs que dans les museles longitudinaux du corps. L'arbre respiratoire des Holothuries et la cavité correspon- dante des Synaptes diffèrent essentiellement l’un de l'autre par une disposition anatomique remarquable : le premier a son unique orifice placé en arrière, du moins dans les espèces qui ont été étudiées jusqu'à ce jour. Dans la Synapte de Duvernoy, nous trouvons des orifices multiples et antérieurs. Il est évident que la fragilité de notre Radiaire nécessitait ce changement, sans lequel il eùt été exposé à des mutilations, et par suite à n des cicatrisations qui eussent sans doute compromis son exis- tence en rendant impossible l'introduction et le renouvellement de l’eau dans son intérieur. $ VI. ORGANES DE LA GÉNÉRATION. La Synapte de Duvernoy nous offre l'exemple de l’hermas phrodisme le plus complet peut-être qui ait encore été signalé. Les organes mâles et femelles sont parfaitement distincts, mais Dear» mails vi 7 -UE--cénc still QUATREFAGES. =— Sur l@ Synapte: 67 réunis dans une gaine commune, et disposés de telle sorte que les premiers enveloppent les seconds. Lorsqu'on examine une Synapte vivante et gonflée par l’eau de mer, on distingue très bien, à travers les tégumens, les or- ganes reproducteurs sous la forme de cordons jaunâtres flottans dans la cavité abdominale, s'y contournant en divers sens, et paraissant suspendus à la masse buccale. En ouvrant lanimal avec précaution, de manière à laisser intacte la premiere bride mésentérique, on voit des deux côtés de celle-ci deux de ces cordons qui semblent attachés aux muscles pyramidaux (PL 4, fig. 1 4), cordons qui, à quelque distance de leur ori- gine, donnent naissance à des branches aussi grosses que le tronc lui-même, et dont le nombre varie de trois à cinq: Sur l'animal frais, il est plus que difficile de suivre ces cordons au- delà de leur point d'attache apparent. Mais en examinant des individus conservés dans l’aicool, on peut isoler ces parties, et l’on reconnaît alors que les deux troncs pénètrent dans la masse musculaire pharyngienne, contournent la cavité buccale et se réunissent en un canal commun qui vient s'ouvrir au dehors par un orifice placé en arrière de la ehaïîne des osselets. Les deux grands troncs dont nous avons parlé sont fortement étran- glés à leur origine, et il en est de même pour les branches qui en partent : les uns et les autres sont parfaitement cylindriques dans tout le reste de leur étendue; leurs dimensions en lon- gueur et en épaisseur varient selon lépoque où on les ab- serve. (1) En étudiant sous le microscope la structure de ces organes, on reconnaît que ce sont autant de cylindres creux composés de plusieurs couches, et renfermant dans leur cavité intérieure le testicule et l'ovaire. Examinons successivement ces diverses parties. (x) La disposition des organes reproducteurs est tonte semblable dans la Synapte de Besel, si cewest que le tronc primitif est beaucoup plus gros, et qu'il parañtrait s'ouvrir dans un des teulacules au delà des: premières digitatious latérales, Cette circonstance nous fait douter de l'exactitude du dessin que nous citons, Ces orgaues sont en outre bien plus subdivisés dans la Synapte de Besel que dans celle dé Duvérnoy, et l'ensemble de leurs dernièrés ramifications lormeune espèce dé grosse pelote due sans dorate présque uniquement à l'action de l'alcool. 5. 68 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. I. Parois du cylindre. La structure des parois des organes re- producteurs ressemble à celle de toutes les cavités que nous avons décrites jusqu'à présent; on y distingue : 1° un épithé- lium externe; 2° une couche musculaire à fibres annulaires transverses ; 3° une couche musculaire à fibres longitudinales. 1° Epithélium externe. Cet épithélium est un prolongement de celui qui tapisse toute la cavité abdominale, ce dont on s'assure facilement sur les individus conservés dans l'alcool. Lorsqu'on l'examine sur le vivant, on voit que toute sa surface est hérissée de cils vibratiles très fins (PI. 5, fig. 1,a), et les mouvemens de l'or- gane reproducteur, tiennent sans doute autant à cette circon- stance qu’à la présence des couches musculaires que nous allons décrire. Quelques grains de pigment très clairsemés, semblables d’ailleurs à ceux que nous avons vus sur le tube digestif, sont épars cà et là sur cet épithélium. 2° et 3 Couches musculaires. Ces couches ne présentent rien de particulier, et ressemblent tout-à-fait à celles que nous avons trouvées dans les tentacules. Les fibres longitudinales sont les plus marquées et règnent d’une extrémité à l’autre, en formant une gaîne complète. Les fibres transverses placées ex- térieurement sont peu apparentes. Nous ferons observer que cette description ne convient qu'à l'organe très développé, par suite de la gestation. Avant d'arriver à cet état, ces deux cou- ches musculaires présentent des changemens remarquables sur lesquels nous reviendrons plus loin. IL. Testicule. — Dans les premières Synapies que j'eus occa- sion d'étudier dans le courant du mois d'août, je trouvai sous les couches que je viens de décrire, au lieu d’un simple épithé- lium, un tissu qui, par son apparence singulière, ne se pré- tait à aucune détermination plausible. Il consistait en mamelons stalactiformes (cc), tapissani presque tout l’intérieur de la cavité, laissant seulement çà et là des intervalles libres par où on pouvait distinouer des œufs qui se développaient dans les lacunes laissées par ces organes. Ces mamelons étaient revé- tus chacun d’une membrane propre, qui semblait se replier pour passer de lun à l’autre, et leur intérieur était divisé en cellules assez grandes par des cloisons d’une extrème délica- Eu | À QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 69 tesse. Ces espèces de chambres renfermaient une matière gra- nuleuse , transparente. Je crus d'abord que c’était la paroi inté- rieure de l'ovaire, une espèce d’épithélium très épais et irrégu- lièrement tuméfié. Mais, vers les premiers jours de juillet, ayant ouvert une Synapte, dont les ovaires présentaient un dévelop- pement tel qu’ils atteignaient presque jusqu’à l'extrémité pos- térieure, il me fut facile de reconnaître que cet organe énigma- tique n’était autre chose que le testicule. Les granulations que renfermaient les cellules s'étaient organisées en zoospermes, que la pression en faisait sortir par myriades, ei qui s’agitaient pendant un temps assez long dans l’eau de la mer. Ces zoosper- mes de la Synapte sont extrêmement petits, Leur corps parfai- tement sphérique a à peine 35 de millimètre; la queue est en- viron trois fois plus longue que ie corps, et d’une ténuité telle, que son extrémité échappe aux plus forts grossissemens { PL. 5 , fig.2,a),souventils se présentaient réunis plusieurs ensemble par le milieu du corps (), et chacun d'eux semblait alors faire des efforts pour recouvrer sa liberté individuelle. Leurs mouvemens dans le liquide étaient remarquablement soutenus, et rappe- laient ceux de certains Infusoires, bien plutôt que ceux que j'avais observé chez d’autres zoospermes. L'un d’eux parcourut toute la surface de mon porte-objet, qui est de quinze milli- mètres, en faisant plusieurs circuits et s'arrétant à peine deux se- condes à deux ou trois reprises différentes. Si donc nous pre- nons 7; de millimètre pour la longueur totale de ce petit être, on voit qu'il parcourut dans l’espace de quelques minutes un espace égal à près de 4voo fois cette longueur totale. Dans quelques Synaptes observées encore plus tard, et où les œufs étaient plus développés, J'ai vu ceux-ci remplir tout l'inté- rieur des cordons reproducteurs. Les mamelons testiculaires qui occupaient d'abord la plus grande partie de cette cavité, avaient entierement disparu, et il ne restaient plus que les parois propres de l'organe dont les muscles étaient alors bien dévelop- pés. Nous reviendrons plus loin sur ce fait, que nous ne faisons qu'énoncer ici. LL. Ovaires. Entre les lacunes laissées par les mamelons testiculaires , on trouve une matière comme pultacée , transpa- 7o QUATREFAGES, — Sur la Synaple. rente , qui semble former la substance même de l'ovaire , et au milieu de laquelle se développent les œufs. Ceux-ci, examinés chez une Synapte dont les zoospermes ne sont pas encore appa- rens, présentent une enveloppe extérieure, membraneuse, très flexible, et facile à déchirer par la compression. Une couche très mince , parfaitement transparente, la sépare d’un vitellus jaunûtre , à demi opaque , dont les granulations bien distinctes, ont environ -!- de millimètre, et au centre duquel on voit la vésicule de Purkinje. Celle-ci présente une enveloppe propre, formée par une membrane d'une ténuité extrème, renfermant une substance plus transparente que celle des vitellus, et dont lesgranulations ont à peine = de millimètre en diamètre. Enfin, on voit aussi très nettement , la tache germinative de Wagner, semblable à une goutte de substance huileuse ; très transpa- rente , et à laquelle je n’ai pu distinguer d’enveloppe propre. Dans les individus dont le testicule renferme des zoospermés, j'ai retrouvé ces diversesparties , peut-être plus nettement tran- chées, sauf la tache de Wagner qni, ici comme chez des animatix plus élevés , avait disparu sans doute parce qué la fécondation était déjà opérée. La couche transparente qui entouré le vitellus, avait en outre augmenté d'épaisseur , ét ce dernier était encore moins translucidé, en même temps que son volume avait aug- menté. Observations. — Ta dimension des cordons qui renferment les organés de la génération varie selon le moment où on les examine. Lorsque les œufs commeticent seulement à se montrer, ces cordons ônt à peine un millimètre de diamètre, et deux à trois pouces de long chez une Synapté de dix pouces. Plus tard, à mesure que leur contenu se développe, ils atteignent jusqu'à l'extrémité postérieure de la cavité abdominale , et ont près de trois millimètres d'épaisseur, Ces changemens extérieurs sont accompagnés de modifications dans la structure mêmé, quinous paraissent mériter toute l'attention des naturalistes. Les couches musculaires n'existent, telles que nous les avons décrites, qu'à une certaine époque , lorsque les œufs sont déjà assez gros , et qu'ils ont été fécondés , ce que nous annonce la disparition de la tache de Wagner. Dans les premiers temps de leur apparition , QUATREFAGES. = Sur la Synapte. 71 on né trouve dans les parois de l'organe qui nous occupe, que quelques fibres longitudinales, qu'on ne distingue même d’üné manière bien nette, que vers la partie antérieure et môÿenné du cordon. Plus en arrière, ces fibres se fondent en qüelqué sorte dans cette gangue transparente dont nous avons déjà parlé si souvent , et qui semble constituer ici à elle seule , le reste de la paroi; car celle-ci n'offre plus qu’une membrane eñ âpparence parfaitement homogène. Cette portion de l’or- ganeé n’en est pas moins contractile, et j'ai surtout été très frappé, en exathinant l'extrémité d’un de ces ovaires où l'œil lé plus attentif ne distinguait pas la plus légère apparence de fibres, de le voir se contourner sur lui-même en divers sens, s'allonger, se raccourcir , et même changer en godet concave la conivexité arrondie qui le terminait. Peu de jours après , et en même temps que les œufs prennent dé l'accroissement , on voit les fibres longitudinales se dessiner péu-à-peu davantage, ét se montrer jusqu’à l'extrémité des cordons. Enfin, les fibres transversales paraissent à leur tour ; d’abord à peine distinctes, ét seulement à la partie antérieure de l'organe; plus tard, mieux marquées, et formant une couche cohtinue dans toute son étendue. Il est impossible, en présence dé cés faits, de ne pas étre frappé de l’analogie qu'ils présentent, avec ce que nous voyons se passer dans les organes génitaux des Marnmifères femelles, à l’époque de la gestation. Au reste, tious reviendrons plus loin sur ce sujet, et en rapprochant ces résultats de ceux que nous a fournis l'examen du système mus- culaireé dans les autres parties de ja Synapte, nous tâcherons d'indiquer quelques conséquences physiologiques qui nous paraissent pouvoir être déduites de l’ensemble de ces obser- vations. La disposition anatomique des organes chargés de sécréter, Van lovüle et l'autre la liqueur fécondante, est bien digne de rémarque : elle nous présente un cas d'hermaphrodisme aussi Complet que possible ; car les deux organes , étant ici parfaite- ment distincts, l'un d'eux constitue réellement les parois enve- loôppantes de l’autre. Le mécanisme de la fécondation , l’atro- phié du testicule qui semble en être la suite, sont dés-lors bien 72 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. faciles à expliquer. Le développement des œufs et la sécrétion du sperme paraissent être combinés, de manière que celui-ci est complètement élaboré, au moment où les premiers com- mencent à se trouver à l’étroit dans les lacunes intertesticulaires. Les œufs, continuant à grossir , doivent nécessairement com- primer de plus en plus le testicule, et en exprimer en quelque sorte sur eux la liqueur fécondante; mais bientôt, par leur développement progressif, ils refoulent de plus en plus ce der- nier , et finissent par l’atrophier complètement. Ainsi , cette seule cause si simple, l’accroissement naturel des ovules, amène suc- cessivemement la fécondation par le testicule , et ensuite la dis- parition de cet organe , alors que devenu inutile puisqu'il à rempli la fonction qui lui est dévolue , il est en outre nuisibie en ce qu'il occupe un espace dont les œufs ont besoin, pour atteindre tout leur développement. Ce que nous avons vu de la composition des œufs de la Sy- napte nous prouve que le plus ou moins de simplicité de leur organisation est loin de dépendre du degré que l'animal d'où ils sortent occupe dans l'échelle animale. Nous retrouvons ici toutes les parties signalées dans ceux des espèces les plus éle- vées; il n’y a pas jusqu’à l’albumen qui ne paraisse représenté par cette couche transparente qui sépare la membrane externe du vitellus. Ce ne peut être une enveloppe propre à ce dernier : son épaisseur même, dès les premiers momens où je l'ai obser- vée, s'oppose à ce qu’on adopte cette opinion. 1! en résulterait que le vitellus en manque entièrement, ce qu'on pourrait regarder comme assez extraordinaire, mais je présume que l’opacité de ce corps m’a empéché de la distinguer. Si elle existe, ce qui peut paraître probable, il s'ensuit que l'œuf de ce Radiaire, dont l’organisation anatomique est certainement des plus sim- ples, n’en présente pas moins sept parties distinctes, savoir : l'enveloppe extérieure, la couche transparente qui la sépare du vitellus, l'enveloppe de celui-ci, le vitellus, l'enveloppe propre de la vésicule de Purkinje, cette vésicule elle-même, enfin la tache germinative de Wagner. La disparition de cette dernière, après que l’ovule a subi l’action fécondante du sperme, nous montre en outre la répétition d'un fait déjà signalé chez un QUATREFAGES. — Our la Synapte. 73 grand nombre d'animaux, et qu'il serait curieux de voir se ré- péter partout avec les mêmes circonstances. Il serait vivement à désirer que les naturalistes placés dans une situation favorable voulussent bien s'occuper activement de l’embryogénie des animaux inférieurs. Le nombre des étres qui, après leur sortie de l'œuf, éprouvent des métamorphoses, semble s’accroître à mesure que l’on se livre davantage à ces curieuses recherches, et il nous semble hors de doute qu'il se multipliera encore de jour en jour. Il nous parait probable que les Holothuries, en général, rentreront dans cette caté- gorie. Tous ceux de ces Radiaires que nous avons pu observer sur-les bords de la Méditerranée, comme dans l'Océan, nous ont paru présenter les caractères d'animaux parvenus à leur dernière phase de développement organique, bien que pouvant encore croître , et cela peut-être jusqu’au moment de leur mort. Les Synaptes, en particulier, nous ont toutes montré des or- ganes reproducteurs bien caractérisés par la présence &’ovules plus ou moins avancés, et étaient donc toutes parvenues à l’âge adulte, mais, d’un autre côté, je n’en ai jamais rencontré qui eussent moins de six pouces de long, et il ne viendra, certes, dans l'esprit de personne qu'elles puissent avoir de pareilles dimensions en sortant de l’œuf. Pourquoi donc, dans les loca- lités où elles abondent, ne s’en rencoutre-til pas de plus petites, comme cela a lieu pour les Actinies, par exemple? N'est-il pas permis de supposer qu'avant d'arriver à cette forme définitive et sous laquelle elles peuvent se reproduire, elles ont à subir quelques transformations? N'est-il pas à croire que comme les Insectes, comme certains Mollusques et Crustacés, comme les Astéries, les Campanulaires et jusqu'aux Spongiles et aux Épon- ges , elles ont leur état de larve pendant lequel sans doute elles différent complètement de ce qu’elles seront un jour? IA QUATREFAGES. — Sur la Synapte. TROISIÈME PARTIE. AFFINITÉS ZGOLOGIQUES. —— CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. $ LT AFFINITÉS. Les naturalistes qui ont admis lé genre Synapte, l'ont tous rattaché intimement aux Holothuries, et cette opinion ést réel- lemént vraie at fond. Mais s’il existe entre ce genre ét les véria tables Holothuries des rapports évidens qui ne pérméttérit pas dé les séparer , il fatit reconnaître aussi que les différences entre les deux groupes sont tellement grandes, qu'il faut les distinguér avec soin l’un de l’autre. 11 y a plus loin peut-être de l’'Holothurie tubuleusé qui a été le mieux étudiée à la Sy- apté de Duvernoy, que du premier des Quadrurmaänés au der: nier des Cétacés, car chez cés derniers toutes lés fonctions restent identiques et sont remplies par les mêmes organes mo difiés seulement quant à leur forme, tandis que chez'nos Ra- diairés nous voyons presque tous les organés se réduire et un ‘grand nombre disparaître même complètémént, d'où résulté une simplification de l'organisme vraiment très remarquable. Passons rapidement en revue, en les comparant, les caractères lés plus essentiels de ces deux types si différens, quoique appat+ tenant à la même famille. Nots laisserons de côté les différences extérieures de la formé générale. Ce caractère nous paraît avoir ici peu d'importance ét ne pouvoir servir que pour établir des sous-divisions plas où moins artificielles dans un genre trop nombreux. La trans- parence où l'opacité des tégumens ont bien plus de valettr à nos yeux, car elles ne peuvent être que le résultat d’une diffé- rence dans la structure la plus intime des tissus. Or, toutes les couches extérieures de la Synapte sont aussi diaphanes que celles des Holothuries le sont peu. : Le nombre des couches qui entrent dans la composition du corps est à-peu-près le même danslesHolothuriesetles Synaptes. cote er ans mo tp coté SD a die QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 75 Delle Chiaje , qui a poussé le plus loin ces sortes dé récherches, a reconnu lexistence de lépiderme, du derme et @un tissu qu'il nomme fibro-cartilagineux, dont la description ressemble assez à ce que nous avons dit du tissu fibro-élastique. Il a dis- tingué également la couche musculaire à fibres transversales ; les muscles longitudinaux , décrits au resté par tous les auteurs; enfin lépithélium interne, d’où il fait provenir ainsi que nous le mésentère , et par suite enveloppe extérieure de l'arbre res- Piratoire et celle des autres viscères renfermés dans la cavité abdominale. Mais éntre les tégumens proprement dits ét les conches qui constituent en quelque sorté la chair des Holothuries, il en a trouvé une qui manque dans la Synapte. D'un autre côté, il n'a indiqué dans ces diverses couches rien qui ressemble aux concrétions calcairés que nous avons trouvées, soit dans le derme, soit sous l’épithélium intérne. Toutefois cé n’est pas uné raison pour admettre entièrement leur non-existence. M. Dujardin a bien voulu noës communiquer des notes d’où il résulte que les técumens de certaines Holothuries de la division des Cucumuria présentent des concrétions irrégulières dont la nature paraît évidemment sémblable à celle des concrétions dont nous parlons. On sait d’ailleurs qu'il existe des Holothuries dont le corps est revêtu d’une espèce de carapace pierreuse (Cuvieria squammata, Péron), et si faute de notions suffisantes Sur leur anatomie , nous ne savons encore positivement où les placer dans le cadre gériéral de la famille, nous ne pouvons pas non plus regarder les productions dermoïdes calcaires comme appartenant exclusivement aux Synaptes. Mais un caractère qui semble appartenir en propre à ces concrétions considérées chez les Synaptes, consiste, dans cette forme, en ancres ou en doubles hamecons ; c’est surtout le rôle que ces singulières armes jouent dans la locomotion. Le genre Oncinolabes (Brandt) paraît présenter la même particularité ; mais il est probablement très voisin des Synaptes. Peut-étre retrouvera-t-on plus tard quelque chose de semblable dans d'autres espèces appartenant à la division des Fistulaires de M. de Blainville, et dès-lors on aurait là un bon caractère ex- 76 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. térieur pour distinguer cette division de la famille des Holo- thuries. L'analogie se soutient encore lorsqu'on examine la structure du corps. Nous retrouvons dans la Synapte les cinq grands muscles longitudinaux signalés dans toutes les Holothuries, et la gaine musculaire qui les enveloppe. Il en est de même des tentacules, organes essentiels de la respiration , qui ne présentent dans la Synapte rien de parti- culier en ce qui touche à l’accomplissement de cette fonction et dans lesquels, chez elle comme chez les Holothuries, le liquide qui vient respirer se meut dans une seule grande ca- vité représentant à-la-fois veines et artères. Les concrétions calcaires que nous avons décrites comme en étant une dépen- dance , n’ont été reconnues par aucun des naturalistes qui se sont occupés des Holothuries; mais M. Dujardin les a trouvées quoique avec des formes différentes dans l'A. cucumis. Mais nous ne croyons pas qu’on ait encore signalé chez les Holothuries proprement dites, les ventouses de la Synapte de Duvernoy. Ces organes, qui semblent jouer dans la locomotion un rôle tout aussi essentiel que les grands muscles du tronc eux-mêmes n'existent pas très probablement chez l’H. tubu- leuse et les autres espèces voisines qu’on voit s'élever contre les parois verticales d’un vase, à l’aide de leurs pieds ou suçoirs, sans cesser pour cela d’agiter leurs tentacules. A leur tour les Synaptes ne présentent pas la moindre trace de ces pieds, auxquels suppléent évidemment les ventouses dont nous par-. lons. La nature de ces deux espèces d’organes de locomotion est, au reste, très différente. Les pieds des Holothuries sont en communication directe avec le système circulatoire, et entrent en quelque sorte en érection pour fonctionner, tandis que rien de semblable ne s’observe chez la Synapte. Il y a bien analogie des fonctions , mais pas la moindre ressemblance anatomique. Les appareils de la génération présentent de grandes ana- logies dans leur disposition anatomique, ou du moins l'organe hermaphrodite de la Synapte, est placé absolument comme ce que l’on a nommé les ovaires dans les Holothuries. Ne pour- rait-on pas présumer que ces ovaires offrent aussi chez ces QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 77 dernières la réunion des organes mâle et femelle. On sait que jusqu'à ce jour les naturalistes n’ont pu déterminer le premier d'une manière positive, et que Delle Chiaje en particulier l’a vainement cherché dans l'H. tubuleuse. Or, nous savons que le testicule de la Synapte n’a qu'une existence temporaire et qu’il disparaît après s'être acquitté des fonctions qu'il est appelé à remplir. S'il en est de même dans les Holothuries proprement dites , il est facile de comprendre pourquoi il a échappé jusqi'à ce jour aux recherches faites dans le but de le découvrir. Si notre conjecture se vérifiait, ce serait là un des principaux traits communs aux deux genres d'animaux qui nous occupent. L'appareil circulatoire nous présente encore dans ces deux types des ressemblances fondamentales; nous retrouvons chez la Synapte l'anneau circumbuccal donnant à chaque grand muscle du tronc un seul vaisseau à-la-fois artériel et veineux. Mais tout le système circulatoire abdominal de l’'Holothurie paraît manquer dans la Synapte, et cette partie si remarquable d’un appareil tres-complexe chez le premier de ces Radiaires, la seule qui présente des vaisseaux distincts pour le sang arté- riel et le sang veineux, la seule où l’on trouve un organe rap- pelant le cœur des animaux ÿlus élevés dans l'échelle; cette partie , disons-nous, disparait dans le second. Le tube digestif chez l’une et l’autre s'ouvre aux deux extré- mités du corps. Mais dans l'Holothurie il forme de véritables circonvolutions ; il présente des parties distinctes dont la struc- ture et les dimensions varient. Il est droit et partout uniforme dans la Synapte. L'Holothurie présente un mésentère complet, rattachant les unes aux autres les diverses parties de lintestin embrassant tous les organes abdominaux et les fixant à la cavité qui les renferme : c'est un véritable péritoine à replis aussi compliqués que chez les Vertébrés. Ses fonctions sont, il est vrai, les mêmes dans la Synapte , mais cet organe est infiniment plus simple et ne présente que des brides interrompues dans toute la cavité abdominale. Enfin, on ne trouve dans la Synapte aucun organe accessoire qu'on puisse regarder comme une annexe du tube digestif; on 78 QUATREFAGES. == Sur la Synapte, n’y voit pas la moindre trace de ces nombreux appareils à fonc- tions encore indéterminées et que renferme l'abdomen des Ho- lothuries. L'arbre respiratoire a disparu pour être remplacé physiologiquement par la cavité elle-même, et son orifice, de- venu multiple de simple qu'il était, se trouve en avant et à l’ex- térieur au lieu de s'ouvrir en arrière et dans un organe inter médiaire intérieur, On voit que les différences qui séparent les Synaptes des Holothuries proprement dites, bien que très grandes, consistent uniquement dans la réduction des parties composantes des ap- pareils organiques, réduction qui, dans bien des cas, va jusqu’à l'élimination complète, Une Synapte, si l'on peut s'exprimer ainsi, est une Holothurie réduite à sa plus simple expression. Mais cette simplification, en affaiblissant les rapports zoolo- giques des Synaptes avec le type d’ou elles dérivent, fait naitre de ‘nouvelles affinités qu’il nous semble intéressant d'indiquer. Si nous laissons de côté, pour un moment, la distinction des nombreuses couches de tissus dont nous avons démontré l’exis: tence dans notre Radiaire, et que nous considérions seulement leur ensemble dans le tronc et le tube digestif, nous voyons s'établir un rapprochement remarquable entre lui et les Actis nies, telles qu’on les à généralement décrites. Dans les uns et les autres nous avons un tissu de nature très semblable, plus ou moins transparent, remarquablement contractile, formant l'extérieur de l'animal et se repliant à l'intérieur pour former le tube digestif. Dans la Synapte pas plus que dans les Actinies, nous ne trouvons aucun organe accessoire paraissant dépendre de ce dernier, Dans toutes les deux, la limite entre l'extérieur et l’intérieur du corps est oceupée par des tentacules dont le nombre et la forme plus ou moins simple nous importent d’ail- leurs fort peu, Entre les parois du tronc et l'intestin nous trou- vons, chez les unes et ies autres, une vaste cavité dans laquelle pénètre le liquide ambiant, et où flottent librement les organes de la génération. Les cloisons des Actinies sont évidemmen rappelées à l'esprit par les brides mésentériques de la Synapte. Si l'organe digestif ne s'arrête pas dans l'intérieur du corps de cette dernière, s’il arrive jusqu’à l'extrémité postérieure et vient QUATREFAGES, =— Sur là Synaple. 79 s'ouvrir au dehors, si en mème temps nous trouvons encore chez elle un reste de circulation et un squelette cireumbuccal, c'est que cet animal est encore une Holothurie, mais aussi voi- sine que possible des Actinies. Dans un autre Mémoire, nous reviendrons sur ces rapprochemeus, en décrivant un genre nouyeau de la famille des Actinies, genre qui, de son côté, pré: sente des détails anatomiques d'où résulte une tendance évidente vers les Holothuries. Nous montrerons, en outre, que ces res- semblances se soutiennent presque dans l'examen approtondi des diverses parties du corps, et qu’en particulier la complica- tion des tissus de la Synapte n’est nullement un caractère qui l'éloigne des Actinies, dont la composition organique est bien plus complexe que ne l'ont cru la plupart des zoologistes, Déjà M. de Blainville avait fait remarquer avec raison, en se fondant sur les observations de M. Lesueur, que les Actinectes (Lesueur) ou Minyas (Cuv.), tout en étant de véritables Actinies libres, présentaient de grands rapports avec les Holothuries, Peut-être les détails dans lesquels nous venons d'entrer, joints à çeux que nous publierons prochainement, montreront-ils de plus en plus l’affinité qui règne entre ces deux grandes familles, I nous semble probable qu'il faudra, sous ce rapport, en re- venir un jour à la classification de Lamarck, et les placer ims médiatement à la suite l’une de l’autre, Quoi qu'il en soit de ces rapports de la Synapte avec les autres familles des Rayounés, il est évident, d'apres les détails anaton miques dans lesquels nous sommes entrés, que ce genre s'éloigne considérablement du type primitif en prenant pour telles les espèces les mieux étudiées, l'Holothurie tubuleuse en partienlier, et qu'on peut, jusqu’à plus aruple informé, considérer ces deux espèces comme les deux extrèmes de la grande famille des Ho- lothuries. Il est à présumer qu'entre ces deux termes on trous era de nombreux intermédiaires destinés à les rattacher l'un à l'autre, et qu’autour de chacun d’eux viendront se grouper des formes qui en dérivent quoique s'en distinguant sous cer- tains points. Ainsi d’une part l'anatomie des Cucumuria, bien que rappelant en général celle de l'Holothurie tubuleuse, paraît pourtant s'en éloigner sous certains rapports (note communi= 80 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. quée par M. Dujardin ); d’un autre côté, les Chirodotes d’Esch- scholtz, si voisins d’ailleurs des Synaptes autant qu’on peut en juger, nous présentent déjà un rudiment d'arbre respira- toire, et peut-être trouvera-t-on également chez eux, par une étude approfondie, les premières traces des organes qui man- quent dans ces derniéres. Le genre Oncinolabes, qui réunit à labsence d’organe respiratoire abdominal la peau transparente et les hamecons des Synaptes, devra probablement en être rap- proché bien plus que ne l’a fait Brandt. Il est vrai qu'il en est bien distinct en ce qu'il possède des pieds très développés dis- posés le long du corps en cinq séries distinctes, mais nous sommes loin d’être fixés sur la valeur que peut avoir ce carac- tère. Si, par exemple, la simplicité de composition, demeurant d’ailleurs la même, ces pieds n'étaient que de simples appen- dices des vaisseaux intérieurs ou des espèces de cœcums com- muniquant avec la cavité abdominale, et que l’eau distendrait à la volonté de l'animal, pourrait-on accorder à leur absence où à leur présence une valeur caractérisque aussi grande qu’à l'ensemble d’une organisation si complexe chez les uns, si simple chez les autres ? Les réflexions qui précèdent, tout en tendant à montrer ce qui manque aux diverses méthodes proposées jusqu’à ce jour pour la répartition des Holothuries, nous prouvent encore mieux l'insuffisance des moyens que nous possédons pour les amélio- rer : nous nous garderons bien, on le comprend, de faire une pareille tentative. Peut-être nous sera-t-il permis seulement de conclure de ce travail que les Synaptes n'ont pas encore eu dans la classification toute leur valeur réelle : que dans la grande famille dont elles font partie, elles-ont une place bien marquée, et qu'elles pourraient à bon droit être prises pour type d’une sous-fanille ou telle autre grande division qu’on voudra établir, et dans faquelle viendraient se ranger, selon toute apparence, les Oncinolabes et les Chirodotes. D’autres sous-types seront peut- être encore découverts dans les Holothuries. Il est inutile, en quelque sorte, de faire remarquer combien le rayonnement est plus marqué dans là Synapte de Duvernoy que dans l'Holothurie tubuleuse. Or, il nous paraitrait peu étonnant qu’on trouvât QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 81 un jour dans les Cuvieria (Péron) et dans les autres espèces à face dorsale et ventrale évidemment distinctes, des modifica- tions anatomiques tendant encore plus que chez cette dernière vers la symétrie binaire. Si cette présomption venait à être confirmée par les faits, il serait vraiment très curieux de voir ce groupe des Holothurides toucher d’un côté aux animaux sy- métriques pairs, et dans ce cas très probablement aux Mol- lusques, par ces espèces à tégumens épais et opaques, à carapace solide et pierreuse, et de l’autre aux véritables Rayonnés, et, en particulier, aux Actinies par les Synaptes, dont les tissus offrent tant de ressemblance avec ceux de ces dernières par leur aspect général et l’ensemble de leurs propriétés les plus essentielles. $ IL. ConsiDÉRATIONS GÉNÉRALES. Il n'a nullement été question, dans ce qui précède, du sys- tème organique qui semble, en général, présider à la vie ani- mate, du système nerveux. Malgré de nombreuses recherches faites sur des animaux frais , comme sur des individus conservés dans l'alcool, et en variant de toutes les manières les moyens d'investigation , il nous a été jusqu’à présent impossible de le découvrir. Nous ne tirerons aucune conséquence de l’inutilité de nos efforts ; nous exposons simplement le fait. L'existence d’un système nerveux, chez les vrais Rayonnés, tels que les Holothu- ries, les Oursins, les Actinies, est, selon nous, un de ces problèmes qui attendent encore une solution. Des naturalistes d'un grand mérite , ont dit l'avoir trouvé chez quelques-uns d’entre eux; d’autres ont cru devoir attribuer aux organes dé- crits comme tels, une toute autre signification. Il nous parait difficile d'adopter l’une ou l’autre de ces opinions, et nous pré- férons rester, à cet égard, dans un doute philosophique. L'organisation des animaux que nous appelons inférieurs , est-elle réellement aussi simple qu’on l'a admis pendant si long- temps? ou bien cette organisation se rapproche-t-elle de celle des animaux supérieurs , par un certain degré de complication ? Telles sont les questions importantes , soulevées depuis quel- XVII, Zoor, — Février, 6 82 QUATRIFAGES. — Our la Synapte. ques années; mais pour la solution desquelles il nous semble qu’on a généralement recherché des faits peu propres à résoudre décidément le problème. Ce n’est pas , en effet , en étudiant des êtres, dont la place dans nos classifications est encore douteuse par suite de leur petitesse, qu’on pourra parvenir à la vérité : car les dimensions d’un animal, on le sait bien aujourd'hui, influent souvent fort peu sur ses affinités zoologiques. Des re- cherches laborieuses peuvent conduire en ce cas, à reconnaitre sa nature, à montrer qu'on s'était complètement mépris sur le rang qui lui revenait dans l'échelle des êtres. Ces résultats sont bien précieux sans doute , puisqu'ils font disparaître des erreurs qui conduiraient à des conclusions générales fausses; mais en rendant la question relative aux animaux inférieurs plus nette, ils la laissent dans tout son entier. On voit que nous faisons ici allusion aux belles publications de MM. Dujardin et Ehrenberg, sur les Infusoires et les Rotateurs, au remarquable travail de M. Doyère sur les Tardigrades. 11 est bien évident que ce dernier animal appartient au type des Articulés. Il nous semble hors de doute que c’est aussi à cette grande division que se rattachent les Rotateurs. La place que doivent occuper un très grand nombre d’Infusoires, nous semble fort problématique, et il nous paraît probable qu'on devra les rapporter plus tard à plusieurs types différens. Aussi la question du plus ou moins'de complication de l'organisme chez les êtres placés bien décidé- ment au bas de l'échelle, nous parait-elle un peu en dehors des résultats auxquels sont arrivés les savans et laborieux natu- yalistes que nous venons de citer. L'étude détaillée des grandes espèces, généralement recon- nues comme appartenant au type des Rayonués , et en présen- tant manifestement les caractères, nous semble plus propre à jeter quelque jour sur cette belle question de zoologie géné- rale, et sous ce rapport, cette anatomie de la Synapte, pourrait peut-être présenter quelque utilité. Les anciens naturalistes au- raient bien certainement regardé cet animal comme très simple d'organisation , et Réaumur n’eût pas hésité à appliquer à la plus grande partie de son corps ce terme de gelée animale , par lequel il caractérisait les Acaléphes. Cependant, cette mem- QUATREFAGES. — Our la Synaple. 83 brane aussi mince que la plus fine gaze , aussi transparente que le verre le plus net, nous a montré six couches de tissus distinctes les unes des autres ; couches dont la plupart peuvent être isolées par différens moyens. Nous rappellerons surtout , à ce sujet, quelques-unes des observations que nous avons faites sur les tégumens et sur l’épithélium interne de la cavité abdomi- nale. Sur une Synapte conservée dans l'alcool , nous avons pu enlever les premiers, jusque de dessus les digitations des tenta- cules, en laissant intactes les couches musculaires sous-jacentes. Sur le méme individu , nous avons détaché, sans le déchirer, l'épithélium interne, sur une assez grande étendue des muscles abdominaux; nous l'avons vu se replier pour tapisser l'intestin et les ovaires, se comporter, en un mot, comme une véritable membrane d'animal supérieur. Il nous est permis de conclure de ces faits que la simplicité apparente de structure , disparait chez certains animaux inférieurs devant une observation attentive et aidée des divers procédés d'investigation connus de nos jours. Mais est-ce à dire pour cela que nous devions considérer ces animaux comme aussi compliqués en organisation , que ceux que nous plaçons au sommet de l'échelle? Est-ce à dire, surtout, que nous puissions toujours établir une assimilation complète entre les organes de ces êtres si éloignés les uns des autres ? Non certes; nous sommes loin de le penser. Nous croyons qu'il existe des animaux bien plus simples que notre Synapte : nous croyons que d'elle à l'Éponge, il doit se trouver bien des inter- médiaires ; nous croyons surtout, qu'on doit agir avec beau- coup de réserve, quand il s'agit de l’assimilation dont nous par- lions tout-à-l'heure ; et l'examen de la fibre musculaire , dans les divers états qu’elle présente chez la Synapte, nous en four- nira une preuve évidente. Mais quels sont ces intermédiaires ? Par quelle série de dégradations successives passent-ils, pour en arriver à ces êtres, où tous les organes se fondent en une seule masse homogene et vivante, où toutes les fonctions ont disparu , si ce n’est celles qui tiennent immédiatement à la nn- trition ? Nous n’en savons encore rien, et nous en sommes réduits à ramasser les faits nécessaires, pour résoudre ces curieux problèmes avec quelque certitude. 8/ QUATRFFAGES. — Our la Synapte. Nous avons signalé , comme bien digne de remarque, la fa- culté de contraction dont semblent jouir toutes les parties du corps de la Synapte de Duvernoy. Ce phénomène vital se mani- feste on le sait avec plus ou moins d'énergie chez tousles animaux inférieurs , et est même un des plus grands obstacles que l’ana- tomiste rencontre dans leur étude. Il est naturel, en présence d’un fait aussi général , de se demander si cette propriété appar- tient à un tissu particulier, ou bien si elle est répartie plus ou moins également, et avec certaines modifications à toutes les parties de l'organisme. Cette dernière opinion nous paraît assez probable. Sans doute les contractions d’une certaine étendue, sont plus particulièrement dues aux fibres musculaires. Les di- vers mouvemens de l'animal, s'accordent trop bien avec la direc- tion de celles-ci, pour qu'il puisse en être autrement; mais ces fibres ne semblent pas être le siège exclusif de la faculté dont nous parlons. Qu'il nous soit permis de rappeler ici ce que nousavons dit des mouvemens d’un ovaire, alors que lattention la plus soutenue n’y faisait pas distinguer la moindre trace de fibres, et surtout les plissemens bien réellement actifs que présente le mésentère dans lequel on peut, je crois , affirmer qu'il n'existe rien de semblable (r). Ge voile si mince , qu’on peut à peine lui supposer -— de millimètre d'épaisseur, résulte, selon toute ap- parence, de l’adossement des deux lames de l’épithélium. En tout cas , on ne peut guère supposer qu'il soit d’une nature bien différente de celui-ci, et dés-lors, on ne saurait guère refuser à l'épithélium lui-même la faculté si évidente chez le mésen- tère , de se contracter activement. Mais dés-lors l’analogie nous porte à penser que les divers autres tissus ne doivent pas être inférieurs, sous ce rapport, à celui qui chez la Synapte semble jouer le rôle des séreuses des animaux supérieurs, et (x) Les observations micrographiques consignées dans ce travail, ainsi que toutes celles que j'ai recueillies pendant mon séjour sur les côtes de la Manche, ont été faites avec un mi- croscope de M, George Oberhœuser. On sait assez jusqu'où cet habile artiste a porté la per- fection dans ses instrumens. J'ajouterai que mon objectif, n° 8 (300 diamètres), a été essayé avec un grand soin par M. Dujardin, qui ne l’a trouvé inférieur en rien aux jeux de lentilles avec lesquels il a fait ses belles observations sur les filamens locomoteurs des Znfusoires, et eu particulier des Euglena. QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 85 représenter par conséquent un tissu que rien, chez ces der- niers, ne peut nous porter à croire contractile. Au reste, le fait est facile à vérifier pour les tégumens. Il suffit d’en enlever un lambeau avec des ciseaux courbes, pour le voir se contracter de suite très fortement. Que le lambeau soit pris sur le corps, et renferme par suite du tissu fibreux élastique, ou qu’on l'em- prunte au pourtour de la bouche , ou à la base des tentacules, parties qui manquent de ce tissu, le résultat est le même. Nous devons observer toutefois que la faculté dont nous parlons , ne nous paraît nullement identique dans lés différens cas que nous venons de citer, et que, dans le dernier surtout, elle semble se rapprocher plutôt d'une sorte d’élasticité, d’une certaine tendance générale des tissus à affecter la forme sphérique sous l'excitation des agens physiques, que de la contractilité sponta- née de la fibre musculaire. Nous sommes naturellement amenés en parlant de la con- tractilité, à nous occuper des organes dans lesquels cette pro- priété paraît plus particulièrement développée, de ceux où elle se manifeste d’une manière constante et en quelque sorte plus régulière, et de l’action desquels dépendent les divers mouvemens de l’animal. Nous en avons signalé de plusieurs sortes. Dans les uns nous rencontrons des fibres cylindriques, longues, qu’on peut isoler facilement et qui semblent réunies les unes aux autres par une infiniment petite quantité de cette substance homogène et diaphane , qui est comme la gangue de tous les organes de la Synapte, et qui joue par conséquent ici le même rôle que le tissu cellulaire chez les animaux supérieurs. Ces organes éminemment locomoteurs ne présentent ces carac- téres que dans les cinq bandelettes longitudinales du corps. Seuls ils méritent le nom de muscles, si l’on veut ne donner cette qualification qu'aux parties ayant un rapport évident et presque une identité de structure avec les parties charnues des animaux les plus élevés. Mais à côté de ces bardelettes nous trouvons une couche également contractile, dont l’action est bien évidente chez l'animal vivant. Or cette couche ne nous présente plus de fibres assez distinctes pour qu'on puisse les isoler: elles sont adhérentes les unes aux autres et forment un 86 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. tout dont les parties ne sont percevables que par des jeux de lumière. On dirait qu’elles sont noyées dans leur gangue comme les faisceaux de certains muscles peauciers dans le tissu cellulaire ou dans l'épaisseur même du derme. Or, dans ce der- nier cas on a conservé, et avec raison, le nom de muscle à l'organe locomoteur presque confondu avec les tégumens. Nous sommes donc autorisés, ce nous semble, à donner la qualifica- tion de couches musculaires, de muscles, aux parties de la Synapte et des autres animaux analogues, qui nous offriront à-la-fois et une structure fibreuse et une contractilité évidente. On devra seulement signaler les caractères différentiels qu'elles peuvent présenter, et c’est ce que nous avons tâché de faire avec tout le soin possible. L'examen de ces diverses fibres musculaires nous paraît propre à sugoérer quelques réflexions qui ne sont pas sans intérét. Dans les cinq bandelettes longitudinales du corps elles se présentent, avons-nous dit, pendant l'état de repos, comme des cylindres parfaitement homogènes à surface lisse. Vienne une contraction, on voit cette surface se couvrir de stries cireu- laires, puis reprendre son premierétat. Cette espèce de fibre tient donc complètement le milieu entre la fibre musculaire des ani- maux supérieurs, des Vertébrés par exèmple, et celle des animaux inférieurs, telle que MM. Dujardin et Doyère l'ont décrite dans les Systolides, les Tardigrades, etc., telle qu'on la trouve dans les Naïs, les Annelides errantes microscopiques , certaines larves d'Insectes, etc. Ici même homogénéité dans la fibre élémentaire, mais non même régularité de forme pendant le repos; ici encore absence de plissement pendant la contrac- tion qui s'effectue par un simple mouvement de rapproche- ment des extrémités avecaugmentation du diamètre transversal. Notre Synapte nous offre également cette forme et ce mode de contraction dans les fibres de toutes ses autres parties muscu- laires , et sous ce rapport encore elle rattache l’une à l'autre les deux extrémités de l'échelle animale. Mais ces dernières fibres elles-mêmes sont bien loin de pré- senter la même netteté partout où on les étudie. Bien distinctes dans les quatre bandes longitudinales de l'intestin, dans les QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 87 muscles longitudinaux des tentacules et des ventouses , elles le sont déjà beaucoup moins dans la couche musculaire à fibres transversales, soit du corps, soit de l'intestin; elles sont à peine marquées dans la couche correspondante des tentacules, et dis- paraissent presque entièrement dans celle des ventouses. Enfin plus rien de semblable à des fibres ne se montre au milieu du tissu granuleux du mésentère, et malgré l'absence de cette mo- dification organique, que le plus grand nombre des anatomistes regarde comme absolument nécessaire pour produire la con- traction, nous voyons se manifester des mouvemens étendus : la ventouse se resserre , le mésentère ondoie sous les yeux de observateur. Enfin, comme si la nature avait voulu nous faire assister à l'apparition graduée de ces divers modes d'existence, nous avons vu l'ovaire ne montrer d’abord vers son extrémité qu'une substance homogène , et néanmoins très contractile, s’unissant plus haut à quelques fibres longitudinales à peine distinctes Nous avons vu ces fibres se caractériser davantage lorsque lo: gane générateur entrant en fonction, acquiert un surcroit d’é- nergie vitale. Enfin, à mesure que cette surexcitation locale aug- mente, et au moment où l'expulsion des œufs nécessite d’éner- giques contractions circulaires, les fibres transversales appa- raissent à leur tour, là où rien ne décelait leur présence quelques Jours auparavant. Ainsi le même animal nous présente, d'une part, l’'annihilation graduelle de la fibre musculaire et sa fusion de plus en plus complète dans la gangue des divers tissus, et de l'autre, l'apparition successive et la caractérisation de plus en plus évidente de cette même fibre dans un seul et mème organe. Ce ne sont point ici des théories; ce sont de simples faits constatés à plusieurs reprises soit sur le même individu , soir sur des individus différens, par le même observateur, employant les méines instramens, les mêmes moyens d'investigation; faits qui, par conséquent , se servaient réciproquement de contre- épreuve. Il nous semble dés-lors difficile de se refuser aux conséquences qui en découlent et dont la plus immédiate est que la fibre n’est pas un organe nécessaire au mécanisme de la 88 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. contraction. Cette proposition, qui eüt paru une hérésie ma- nifeste aux yeux des anthropotomistes, n’aura rien de hasardé pour les naturalistes familiarisés avec les recherches microgra- phiques. Tous ont pu faire des observations analogues aux nôtres. Et d’ailleurs qu'est-ce que la fibre musculaire élémen- taire telle qu’elle se présente chez tous les animaux assez trans- parens pour que nous puissions l’examiner sur le vivant? C'est un cordon homogène, jouissant de la propriété de se contracter sur lui-même, sans qu'il y ait là de nouvelles fibrilles pour oc- casioner ce mouvement. Or, ne peut-on pas concevoir cette uatière homogène et contractile réunie en masse plus consi- dérable et présentant une forme autre que celle d’un cordon, d'une fibre ? il n’y a rien là certainement qui répugne à l'esprit le plus sévère , et l’on voit que les faits et le raisonnement sont pleinement d'accord. Mais ce point même une fois accordé, il reste encore une question importante à résoudre. Partout où nous trouvons la fibre musculaire plus ou moins caractérisée, nous la voyons se contracter uniquement dans sa longueur. Les physiologistes ont depuis long-temps rejeté la force d’élongation de Bartès, force qui résulterait nécessairement de la contractilité en tout sens des fibres musculaires élémentaires ; et l'observation a dé- montré que partout où le célèbre professeur de Montpellier avait cru trouver des preuves pour étayer cette théorie, la na- ture avait placé des plans musculaires distincts, dont l'action alternative ou simultanée produisait les effets invoqués par lui comme preuves de son opinion. En un mot la contractilité dans un seul sens de la fibre musculaire est un fait général qu’on rencontre partout où il est possible de l’observer. En sera-t-il de même d’une masse, d’une lame, dans laquelle la matière contractile élémentaire , s’il est permis d'employer ce mot, sera distribuée d’une manière parfaitement identique ? ou bien cette masse, cette lame se contractera-t-elle indifféremment en tout sens au gré de l’animal ? Si ce dernier fait était une fois bien prouvé il établirait, ce nous semble , une ligne de démarcation bien tranchée pour les animaux chez lesquels on l’observerait. Les faits signalés par M. Dujardin dans ses Mémoires sur les QUATREFAGES. — Sur la Synapte. 89 Infusoires, paraissent établir que le sarcode jouirait de cette pro- priété remarquable. Maïs cette substance singulière que l’on retrouve dans les animaux les plus élevés et très probablement jusque dans l'Homme lui-même, nous paraît avoir besoin d’être encore étudiée avant qu’on puisse la faire entrer comme un élément dans la discussion des problèmes physiologiques. Dans tous les cas elle nous semble n'avoir que très peu de points communs avec une masse musculaire telle que nous l’entendons ici. Les mouvemens que nous avons observés sur l’extrémité de l'ovaire et sur le mésentère de la Synapte, mouvemens qui avaient lieu en tout sens, pourraient paraître plus propres à résoudre la question. Il en serait de même de ceux que pré- sentent certains Infusoires. Mais il se pourrait très bien qu’ils fussent dus à l’action de lames distinctes, contractiles chacune dans un seul sens et superposées de manière à représenter des plans musculaires à directions contraires. Cette explication pourrait surtout :s’appliquer à l'ovaire de la Synapte, où nous voyons se prononcer plus tard deux plans de fibres, les unes longitudinales, les autres transversales. 11 est bien probable en effet, que la direction des unes et des autres, et par suite leur action , doit être en harmonie avec ce qui existait avant elles : peut-être même n’est-elle qu'une conséquence de cet état anté- rieur. Or, on concevrait difficilement qu’une masse qui aurait été soumise à des mouvemens de contraction en tout sens, donnät en quelque sorte naissance à des fibres régulièrement perpendiculaires les unes aux autres et disposées dans l’ordre que nous retrouvons autour de toutes les cavités du même animal. Si le mésentère de la Synapte, si les tégumens des In- fusoires ne nous montrent rien de semblable à ce que nous supposons ici, ne pourrait-on pas s’en prendre à l’imperfection de nos instrumens? Quoi qu'il en soit, en présence du fait si remarquable et si général de l'unité de direction dans la con- traction de la fibre musculaire, le plus sage nous parait être de ne pas porter un jugement précipité et que l'observation directe viendrait peut-être infirmer un jour. En parlant du liquide contenu dans l'appareil circulatoire de la Synapte, nous avons employé les deux termes fluide 9 QUATREFAGES. — Sur da Synapte. nourricier et sang. Le premier, dont la signification présente quelque chose de plus général, de plus vague, paraîtra peut- être plus juste que le second, dont le sens est bien plus précis. Nous croyons pourtant pouvoir appliquer ici ce dernier, sans manquer d’exactitude et de rigueur dans nos expressions. Sans doute il ne s’agit pas ici d’assimiler entièrement ce liquide au sang des Maramiferes, tel qu'il existe après le mélange du sang proprement dit avec les produits de la digestion et de la cir- culation lymphatique; mais on emploie ce mot quand il s’agit de la liqueur contenue dans les vaisseaux des Crustacés et des Anuelides, et cela avec raison, puisqu'elle remplit physiologi- quement les mêmes fonctions que le sang des Vertébrés. Or, dans la Synapte, nous trouvons un liquide incolore, susceptible de se coaguler, entraînant des globules colorés et de forme et de texture constantes. Ce liquide se meut dans des vaisseaux clos; il sert évidemment à l'entretien du corps, et est soumis dans des organes spéciaux à l’action de l’air dissout dans l’eau: il nous présente donc tous les caractères essentiels d’un véri- table sang , plus peut-être que celni des deux classes d’Articulés que nous venons de citer. Dés-lors nous sommes en droit, ce nous semble, de lui donner ce nom dans toute son acception , sauf à signaler les différences qui séparent ce sang de celui des animaux dont le fluide nourricier a été en premier lieu désigné par cette expression. On se rappelle ce que nous avons dit de la promptitude mer- veilleuse avec laquelle une Synapte blessée en un point quel- conque du corps contracte les bords de cette plaie, et semble, par cela seul, la guérir instantanément. Il est évident qu’en pa- reil cas il ne peut y avoir production d’un nouveau tissu, et que la cicatrisation doit se faire par première intention, sil est permis d'employer ici cette expression toute chirurgicale. Il nous semble trouver une analogie complete entre ce qui se passe alors chez notre Radiaire et les phénomènes que présentent en pareil cas les animaux supérieurs et l'Homme lui-même. On sait que, chez ces derniers, la réunion s'opère à l’aide d’une lymphe plastique, très probablement la partie liquide et inco- lore du sang qui s’'épanche dans la solution de continuité, s’or- QUATREFAGES. — Sur la Synapte. g1 ganise souvent très vite et forme une véritable soudure. Nous avons cru reconnaitre que les choses se passaient de même chez la Synapte; que la lymphe plastique était remplacée par la gangue organique dont nous avons si fréquemment parlé, et que la pression suffit pour faire sortir de tous les tissus de l’ani- mal. Mais la promptitude avec laquelle a lieu cette soudure est bien remarquable, surtout quand elle se fait entre des organes séparés par des tissus périphériques distincts : lorsque, par exemple, le tube digestif et les parois du tronc d’une Synapte rompue par le milieu se réunissent de manière à présenter sur- le-champ une ouverture anale parfaitement libre et presque aussitôt un véritable sphincter artificiel. Toutefois, ce fait n'est pas plus merveilleux que ce que nous voyons tous les jours se passer dans le règne végétal. On sait qu’en tordant ensemble les jeunes pousses d’un même arbre, les couches d’écorce inter- posées disparaissent à mesure que les tiges prennent de lac- croissement et que celles-ci finissent par se confondre sous une même enveloppe corticale. Il est probable que, dans le cas dont nous parlons, il se produit un phénomène tout semblable, et que la fusion des parties est en outre grandement facilitée par la nature même des membranes interposées presque entière- ment formées de cette substance assimilée si souvent par nous au tissu cellulaire des animaux supérieurs, mais dont l'énergie vitale semblerait ici bien plus marquée relativement parlant que chez ces derniers. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 2. Fig. 1. Sywarre ne Duvenxoy, de grandeur naturelle, On aperçoit, à travers les tégumens, le tube digestif et les organes reproducteurs. Fig. 2. Muscles du corps, grossis 300 fois, — a, Portion d’un des cinq muscles longitudinaux — b, Muscles à fibres transverses, Fig. 3. Muscles de l'intestin, grossis 300 fois. — a. Muscles longitudinaux, — 4, Muscles à fibres transverses. — c, Pigment, 92 QUATREFAGES. — Sur la Synapte. PLANCHE 3. Fig. 1. Tégumens vus à un grossissement de 300 diamètres. — a, Épiderme. — 4, b. Derme parsemé de globules de pigment. Fig. 2. Hamecon. Fig. 3. Ertrémité articulaire d'un hamecon, — a, Palette, — b. Tête articulaire. Fig. 4. Bouclier. — a. Ouverture longitudinale , destinée à recevoir la palette du hameçon, — b, b. Ouvertures circulaires où se logent les deux extrémités renflées de la tête articulaire du hamecon. Fig. 5. Hamecon et bouclier articulés. Fig. 6 et 7. Têtes de hamecons, offrant des courbures un peu différentes de celles que nous avons représentées plus haut. Fig. 8 et 9. Ezxtrémités de deux boucliers, dont les ouvertures différent de ce que nous avous représenté dans la fig, 4. Fig. 10 et 11. Hameçons en voie de formation , et dont les branches ne sont pas encore développées, Fig. 12 et 13. Boucliers en voie de formation. Fig. 14. Ezxtrémité de hamecon montrant la superposition des couches qui la composent. Fig. 15. Acicules. — a, a. Organes creux et contractiles qui renferment les acicules. — b, b, Les mêmes, nes et émettant les acicules. Fig. 16, Tissu fibreux élastique, vu à un grossissement de 300 diamètres, — a. Substance granuleuse, transparente, traversée en tous sens par les fibres 6, Fig. 17. Fibres musculaires des muscles longitudinaux du tronc (300 diamètres. — a. Fibres dans l’état de repos. — £. Fibres pendant la contraction. PLANCHE 3. Fig. 1. Organes de la circulation. — Partie antérieure du tube digestif. — a, a, a. Tenta- cules. — à, à. Ventouses, — €, c. Repli circulaire formé par les tégumens. — d. Bouche. — e. Cavité buccale ou pharyngienne. — f. Muscle longitudinal du pharynx. — g. Muscle pha- ryngien à fibres annulaires trausverses. —h, h. Muscles éleveurs de la masse buccale, — i. Sphincter postérieur de la cavité buccale. — j. Parois du tube digestif, épaisses à leur ori— gine, et s'amincissant très rapidement. — #. Portion du tube digestif ouvert, — 2, Tube di- geslif, formant des replis par suite de la contraction de l'animal. — m, m, Anneau osseux, circumbuccal, — #, #. Anneau vasculaire, — o, 0, 0. Troncs vasculaires des muscles longitu- dinaux du tronc. — p, p. Ces muscles longitudinaux. — q, g. Organes de la génération, dont les deux branches se réunissent derrière la masse buccale, pour s'ouvrir au dehors par un seul orifice, Fig. a. Pigment du tube digestif. — a, Première vésicule, renfermant la substance colorée, — b. Seconde vésicule, dont le contenu est incolore, Fig. 3. Concrétions calcaires de la face interne des muscles longitudinaux du tronc. Fig. 4. Mésentère vu à 300 diamètres. QUATREFAGES. — Sur la Synaple. 93 La Fig. 5. Osselet que la macération a dépouillé de ses deux tétes articulaires, GTOSSE, — a, a. Le corps de l'os. — #. Ouverture par où passe un des conduits aquifères. — c, c. Extré- mités irréguliérement deutées, Fig. 6. Portion du même, après un séjour de 12 heures dans la potasse caustique, vue à 300 diamètres, Fig. 7, 8, 9, 10, 11 et 12. Concrctions calcaires du tentacule, Fig. 13. Portion du tentacule avec ses concrétions calcaires. = a. Parois propres de la ca- sité respiratoire du tentacule. — à. Concrétions calcaires entrecroisées, — c. Gouches muscu- laires et tégumentaires du tentacule, PLANCHE 5. Fig. 1. Organes de la génération. — a, a. Epithélium externe, formé par un repli de la membrane péritonéale, et garni de cils vibratiles. — h, b. Couche musculaire. —<, c. Mamme- lons du testicule, formant Ja paroi interne de l'organe reproducteur. Les spermazoïdes non complètement développés ne se présentent que comme de très petites granulations éparses dans les cellules de l'organe mâle. — d, e, f, g. OEuf non fécondé, et dans lequel on distingue très nettement l'enveloppe propre, d : le vitellus, e : la vésicule de Purkinje, / : et la tache de Wagner, g. — h. Substance propre de l'ovaire au milieu de laquelle se développent les œufs. Fig. 3. Spermazoïdes, — a, Spermazoïdes isolés, vus à un grossissement de 300 diamètres. — b, Les mêmes, supposés plus grossis. — c, Les mêmes, réunis par le corps, tels qu'on les obtient souvent en comprimant le testicule. Fig. 3. Ventouse, — a. Derme très épais et recouvert de son épiderme, — 2, Couche musculaire à fibre longitudinale, dont la place externe s'épanouit à la base du tentacule. — c. Masse musculaire à fibres ou à plis transversaux. — d. Organe glandulaire, — e. muscle vétracteur de la ventouse, Fig, 4. Portion de la bouche très grossie. — a, a, a. Muscles venant des tentacules, — &, 6. Sphincter de la bouche. — c, c. Substauce granuleuse formant un bourrelet tout autour de la bouche. — d, d. Tégumens se fléchissant vers l’intérieur de la bouche, Fig. 5. Tentacule à demi contracté, et circulation, — a, a. Direction du courant, afférent à la périphérie de la cavité tentaculaire, — 6, b. Direction du courant central ou efférent. Fig. 6. Globules du sang vus à un grossissement de 300 diamètres. Fig. 9. Tentacules et orifice aquifère, vus en dessous à l'aide d'une coupe qui a mis à décou- vert l'anneau osseux circumbuccal. — a, a. Museles longitudinaux inférieurs des tentacules. On distingue, à chaque digitation latérale, les muscles correspondans qui viennent s'y insérer. — #, b, Portion du tronc. — €, c. Osselets, —- d, d, Muscles élévateurs de la masse buccale, — £, e. Muscles longitudinaux du tronc, — f. Orifice aquifère passant au travers de l'ouverture centrale de l'uv des osselets, 94 H. MOSELuy. — Sur les formes des coquilles. , ’ Mémoire sur les formes géométriques des Coquilles discuides et turbinées , Par le Rév. H. Mosrtey, Professeur de physique et d'astronomie au Xing’s Collège de Cambridge. ( Extrait traduit de l’anglais (1) par M. Hucann.) On peut regarder la surface de toute coquille turbinée ou discoïde, comme engendrée par la révolution autour d’un axe fixe (l’axe de la coquille) du périmètre d'une figure géométri- que, qui, demeurant toujours géométriquement semblable à elle-même, augmenterait en dimensions d’une manière con- tinue. Dans les coquilles discoïdes, la figure engendrée conserve sa position sur l’axe tout en faisant ainsi sa révolution, comme dans le Nautilus Pompilius (PI. 1, fig. 3) et lArgonaute. Dans les coquilles turbinées qui comprennent la grande famille des Trocchus Turbos (2), Murex et Strombes, elle va en glissant le long de son axe de révolution (fig. 4). Dans quelques grandes classes de coquilles, comme les {mmonites, le Nautilus scrobicu- latus, le Nautilus spirula (Spirula Peronii Law.), l’'Helix cornea (Planorbis cornæus Lam.), le Trochus perspectivus (Solarium perspectivum Lamk.), la Nerita , la figure génératrice s'éloigne de l'axe en même temps qu'elle augmente ses dimensions et opère sa révolution. Pari les figures génératrices des surfaces conchoïdales, on trouve différentes formes géométriques connues. La figure gé- (1) Transactions philosophiques de la Société royale de Londres pour l'année 1838 , deuxième partie, p. 351. (2) La belle coquille Turbo scalaris ( Scalaria pretiosa Lam.\ peut être choisie comme un exemple de facile application des propriétés décrites dans ce Mémoire, H. MOSELEY. — Sur les formes des coquilles. 90 nératrice du Conus virgo est un triangle, celle du Trochus te- lestopicus et celle du 7rochus archimedis sont des trapézoïdes. Les espèces du genre Turbo ont pour génératrice une courbe à double courbure, d’une forme circulaire ou elliptique, au péri- mètre de laquelle l'axe de révolution est tangent. Ta figure du Nautilus pompilius est engendrée par la révolution autour de son plus court diamètre, d’une courbe plane très voisine d'une demi-ellipse (fig. 3); et la Cypræa, par la révolution d’une semblable courbe, autour de son plus long diametre. Il existe dans la construction des coquilles de la même es- pèce, une uniformité mécanique qui doit faire immédiatement regarder comme probable que la figure génératrice de cha- enne croit, et que la chambre spirale s'agrandit en suivant quelque loi simple de géométrie commune à toutes. [’oper- cule se prête avec une facilité remarquable, dans certaines classes de coquilles, à la détermination de cette loi, sil en existe quelqu'nne. Continuellement agrandi par larimal, à mesure que la construction de sa coquille avance, de manière à remplir sa bouche, l’opercule mesure la lirgeur progressive de la chambre spirale par les degrés progressifs de son accrois- sement. Ilreste des traces distinctes'de ces états progressifs d’accrois- sement de l’'opercule sur sa surface, sous la forme, dans les Tur- bos (fig. 1), de certaines lignes courbes, et dans les Neritæ ( fig. 2), de certaines lignes droites, passant du bord de l’opercule (qu'elles couperaient , si elles étaient prolongées), à une certaine ligne spirale marquée profondément sur sa surface. Elles sont tangentes à cette spirale, que l’on pourrait supposer produite par leurs intersections successives. La spirale passe acciden- tellement dans le bord de lopercule, et le marque dans un intervalle considérable. Si l'œil est dirigé de manière à traverser une des lignes courbes indiquées ci-dessus dans l’opercule d’un Turbo, ou une des lignes droites dans la Verita, depuis son bord jusqu’au point où elle se perd dans la spirale, et si de là il suit la spirale jusqu’à son retour au point du bord d’où il est parti, il aura parcouru la limite d’une fi- gure qui à une certaine époque était réellement la limite de loper- 96 H. MOSELEY. — Sur les formes des coquilles. cule; qui, par conséquent, indique un des états de son ac- croissement, lesquels, semblablement tracés, présenteraient tous des formes géométriques semblables. On remarquera encore, d’après ce premier examen, que l’o- percule s’est augmenté à chaque progrès de son accroissement, non pas dans son bord tout entier à-la-fois, mais bien par une série de différentes portions de celui-ci, situées en diverses positions consécutives autour de lui ; chaque addition étant faite de manière à conserver l’exacte similitude géométrique du tout, que nous avons mentionnée ci-dessus (1). Dans toutes les figures géométriquement semblables ainsi visibles sur la face de l’oper- cule, et qui ont successivement constitué ses limites, le pôle de la spirale occupe lui-même constamment une position semblable. Les dimensions linéaires de chacune de ces figures, composées deux à deux (P, CQ, et P, CQ,) sont par conséquent entre elles comme les rayons recteurs tirés dans ces figures d’une manière correspondante, et par conséquent comme ceux {PP, et PP,) ti- rés aux extrémités de la limite où ils se joignent. Donc, pour déterminer la loi selon laquelle se fait ’accroisse- ment linéaire de l’opercule, c’est-à-dire la loi selon laquelle à lieu l’agrandissement linéaire de la section de la chambre de la coquille, nous n’avons qu’à déterminer la loi selon laquelle les rayons recteurs tirés à différens points de la spirale, visible sur l'opercule, augmentent, c'est-à-dire que nous n'avons qu’à dé- terminer la spirale géométriquement. Or, dans tous les cas, cette spirale est la spirale logarith- mique. Un premier coup-d’œil suffit pour rendre probable que l’angle suivant lequel elle coupe son rayon recteur, est constamment le même, et cette supposition est pleinement confirmée par des mesures directes fondées sur la propriété suivante de la spirale logarithmique, « que les distances des spires successives, mesurées sur le même rayon vecteur, tiré du pôle à un tour (x) Une classe entière de coquilles, les halyotides , est formée par la méthode qui vient d'être indiquée. Dans cette classe, la coquille elle-même est engendrée par des additions suc cessives sur un de ses bords, de la: même manière que l'opereule dans d'autres classes. H. MOSELEY. — Sur les formes des coquilles. 97 de spire ou prolongé d’un tour de spire à l'autre, sont res- pectivement en progression géométrique; le rapport commun de la progression étant{dans les deux cas «2 7 ‘A, où A est l’angle constant de la spirale. (1) Les distances suivantes ont été mesurées sur trois différens opercules, depuis les pôles de leurs courbes spirales, jusqu'à leurs tours successifs, les distances dans la même colonne étant mesurées sur le même rayon vecteur prolongé. On recon- naîtra que pour le même opercule , ces distances ont le même rapport consécutivement de l’un à l’autre, les déviations de cette loi ne dépassant dans aucun cas l'erreur attachée nécessai- rement à la méthode de mesure. Opercule de Pordre Turbo. N° 1. Distance Distance Distance Distance en Rapport. en Rapport. en Rapport. en Rapport. pouces. pouces. pouces. pouces. .24 .16 .18 .55 -37 .42 2 . 1.28 . .94 Distance en Rapport. (x) Soient Rn, Rn+:,Rn- les rayons vecteurs consécutifs pris comme ci-dessus, et Ro le rayon vecteur correspondant à 6 —0.. Rx —=R,:9 «ta, Rabri=Roc(9+27)cot4, Rr+a — Roc(8+47)cot A Rati=e2rot A. R,y et Rnba—Rnti—e2r@tA(Ry tr —Rn). XVIL Zooz, — Pévrier, 4 98 H. MOSELEY. — Swr les formes des coquilles. Opercule. N° 3. Listance Distance en Rapport. en Rapport. pouces. pouces. .6 CI .8 25 + N7r 1.28 :99 1,2 .95 ES MS 1.28 1.215 Laspirale de l'opercule est donc une spirale logarithmique. Or, ses dimensions linéaires, dans les différens degrés successifs de son accroissement, sont , ainsi que nous l'avons prouvé, comme les rayons vecteurs successifs de la spirale. Les accroissemens de ces dimensions linéaires sont donc comme les accroissemens de ces rayons. Mais, par une propriété fondamentale de la spi- rale logarithmique , les accroiïssemens de ses rayons vecteurs, correspondant à des accroissemens égaux dans leurs angles de révolution , sont comme les rayons vecteurs eux-mêmes. Il résulte donc que les accroissemens des dimensions linéaires de lopuscule correspondant à des distances angulaires égales autour de son pôle, sont comme ses dimensions linéaires existantes; et, conséquemment que les accroissemens des dimen- sions linéaires de la section de la chambre spirale, correspon- dant à ceux-ci, sont partout comme les dimensions linéaires existantes. L'animal, à mesure qu’il avance dans la construction de sa coquille, augmente graduellement son opercule de manière à l’ajuster à sa bouche. Il augmente cependant, non par des additions faites en même temps tout autour de son bord, mais bien par des additions faites seulement sur un côté de ce bord à-la-fois. Un côté de l’opercule demeure ainsi tel qu'il était, tout en avançant dans chaque nou- velle position, et se plaçant dans une section nouvellement formée de la chambre semblable à la dernière, mais plus grande qu’elle. | H. MOSkLEY. — Sur les formes des coguilles. 99 Que le même bord qui remplissait une portion de section antérieure et plus petite, füt capable d’être ajusté de manière à remplir une portion de la prochaine et semblable, mais plus grande section, cela suppose une disposition géométrique dans la forme concave de la chambre, au premier abord pleine de complications et de difficultés. Mais Dieu a donné à cet humble architecte l’habileté pratique d’un géemètre expérimenté, et il a tracé, avec une admirable précision, la courbe de la spirale logarithmique qu’il a donnée à la section de la coquille. Cette courbe obtenue, il n'avait qu'à faire tourner son opercule légerement dans son propre plan, à mesure qu'il l'avançait dans chaque portion nouvellement formée de la chambre , à en adap- ter une partie de son bord à une surface nouvelle et plus large, et à une courbe différente, laissant l’espace se remplir par lac- croissement de l’opercule sur l’autre bord seulement. Pour rendre ceci plus clair, nous pourrons formuler ainsi la propriété caractéristique de la spirale logarithmique ; « que des lignes quelconques tirées de son pôle, inclinées l’une à l'autre sous le même argle , intercepteront entre elles des branches de la courbe qui, quelques différentes que soient leurs dimensions linéaires , seront géométriquement semblables lune à l’autre.» De manière que si l’on imagine deux lignes tirées du pôle d’une telle spirale, en faisant entre elles un angle donné , parallèle à son plan, et la spirale mise en mouvement dans son propre plan , autour de son pôle ; alors à mesure que la courbe tournerait , ces lignes restant fixes , celles-ci inter- cepteraient des portions de la courbe , augmentant continuelle- ment, ou diminuant en dimensions, et s’éloignant, ou s’ap- prochant continuellement du pôle; mais demeurant toujours géométriquement semblables entre elles et semblablement placées. Maintenant chaque nouvelle section de la chambre de la coquille étant semblable à la section précédente, mais plus grande qu'elle, si lopercule était poussé en avant dans cette section plus grande , sans tonrner dans son propre plan, chaque portion de son bord, présentérait manifestement à la portion correspondante du périmetre de la nouvelle section, une courke 100 H. MOSELEY. — Sur les formes des coquilles. semblable, mais moindre, qui ne pourrait pas être amenée à coïncider avec elle. Cependaut , si on suppose l’opercule tour- nant dans son propre plan antour de son pôle, dans la direction opposée à celle dans laquelle la spirale s’accroit, la courbe qu'il présentera à cette portion du périmètre de la section, s’'approchera continuellement d'elle, en augmentant de dimen- sions, mais lui demeurant semblable, jusqu'à ce qu’elle finisse par coincicer. Ainsi, un bord de l’opercule sera toujours am- mené à s'adapter lui-même au côté de la chambre, la coïnci- dence de l’autre bord restant à être déterminée par une nouvelle addition de matière faite sur celui-ci. On reconnaitra, à la simple inspection de l’opercule, que l'animal le tourne autour de son propre plan, à mesure qu'il l'avance, suivant ce que l’on peut appeler un mouvement de vis. Telle est la théorie de l'accroissement de l’opercule : elle a fourni une application des propriétés d’une courbe géométrique a un plan mécanique adopté par celui qui mesure les dimen- sions de l’espace, et reproduit les formes de la matière, selon les règles d’une géométrie précise, propriétés, qui comme bien d’autres dans la nature, peuvent encore avoir leur application dans les arts. Elle nous apprend par quel moyen on parviendra à former un tube de sections variables, où le piston par un côté de son bord, à mesure qu'il avancerait le long du tube, coinciderait continuellement avec sa surface, pourvu seulement que le piston tournät en même temps d'une façon continue dans son propre plan. Notre investigation est arrivée maintenant à un point tel, que la loi de description géométrique des coquilles spirales peut être énoncée avec la plus grande précision. « Elles sont engendrées par la révolution autour d’un axe fixe (l'axe de la coquille) d’une courbe qui varie continuellement dans ses dimensions selon cette loi, que chaque accroissement linéaire correspondant à un accroissement angulaire donné, variera comme la dimension, existant de la ligne dont il est l'accroissement ( loi de la descrip- tion de la spirale logarithmique ), soit que cette courbe con- serve sa position sur l'axe, ou se meuve le long de celui-ci par un mouvement de translation le long de sa longueur. H, MOSELEx. — Sur les formes des coquilles. To Cette loi peut être facilement vérifiée par une mesure directe. Il est clair que, si elle est exacte, de’semblables dimensions li- néaires , mesurées à des points semblables des tours successifs, seront en progression géométrique. Ainsi, si la courbe généra- trice ( comme dans le Nauticus Pompilius) tourne autour de l'axe , sans glisser en même temps le long de lui, et si une sec- tion est faite par le centre de la coquille , perpendiculairement à l'axe, la section sera alors (si la loi est juste), une courbe spirale dont les distances de l'axe, mesurées sur le même rayon vecteur, sont en progression géométrique, et qui, par consé- quent , est une spirale logarithmique. Dans le plus grand nombre des cas où la courbe génératrice, comme dans le Turbo scalaris, glisse en avant sur l'axe à me- sure qu'elle tourne, augmentant en même temps dans ses dimen- sions linéaires selon la loi de la spirale logarithmique, il est clair que les surfaces des tours successifs s’entrecroiseront les uns les autres et qu’ainsi l’uniformité de la chambre spirale serait détruite à moins que le mouvement de translation (ou le mou- vement de glissement) de la courbe, par laquelle l’espace me- suré par chaque tour sur l'axe est déterminé, füt gouverné par quelque loi correspondante à celle qui gouverne les dimensions linéaires du tour : à moins, en un mot, que les espaces assignés aux largeurs des tours successifs sur l’axe variassent suivant la même progression que les largeurs elles-mêmes. Un semblable principe s'applique aux distances des tours mesurés sur la sur- face de la coquille dans le même plan passant par l'axe. Ces distances sont, au fait, dans ce cas, des dimensions linéaires semblables des tours successifs, et sont par conséquent sou mises, d'après la théorie, à la loi de la spirale logarithmique, et de même que les distances des tours successifs de cette spirale, sur le même rayon vecteur, sont en progression géométrique. Nautilus Pompilius. Ces conclusions ont été vérifiées directement par les obser- vations suivantes : une coquille du Mautilus Pompilius a été partagee par le milieu, dans une direction perpendiculaire à son 102 H. MOSELEy. — Sur les formes des coquilles. axe, et un dessin a été fait de la section de sa surface spirale. Ce dessin est représenté par la figure 5 (PI. 1). I indique la ligne noire qui montre,sur la section des tours internes de la coquille, la ligne de cette surface nacrée , que l'animal dépose comme une enveloppe sur la portion déjà complétée à mesure qu’il avance dans sa construction. Il est important de faire cette observation; car, à mesure qu'il fait un tour de sa coquille surun autre, l’ani- mal dépose continuellement sur la surface nacrée de la dernière couche, une nouvelle couche par laquelle il lépaissit; et c’est au centre de la section ainsi épaissie qu'il faut retronver cette section de la surface nacrée, dont le bord du tour externe est une conti- puation , et dont nous donnons un dessin. On trouvera que la distance de ses tours, deux à deux, me- surés sur un rayon vecteur, est le tiers de celle des deux tours voisins mesurés sur le même rayon vecteur; ainsi ab est le + de bc. de — de ef. ge — de hi. LKk — de Z1m. La courbe est conséquemment une spirale logarithmique. Turbo duplicatus ( Turritella duplicata Lamk. ). Du sommet d’un grand individu du Turbo duplicatus , une ligne a été tirée à travers ses tours différens, et leur largeur successive a été mesurée sur cette ligne, en commençant par le pénultième. Les mesures ont été prises comme précédem- ment, au moyen d'un compas d’une grande précision, et en se servant d’une échelle diagonale : les objets étaient grossis par une lentille. Dans une colonne parallèle aux mesures on a mis les termes de la progression géométrique, dont le dernier est la largeur du plus large tour mesuré et dont le rapport commun est 1.1804. H. MOSELEY. — Sur les formes des coquilles. 103 Termes d'une progression géométrique dont le premier terme est la largeur du plus large tour et dont le rapport commun : 1.1804. LarGeur des tours successifs, mesurés en pouces et frac- tions de pouces. 1.31 1-1098 -94018 -79651 -67476 .57164 -48427 - 41026 Pour vérifier plus complètement cette remarquable coïnci- dence des largeurs des tours successifs avec la loi mathéma- tique d’une progression géométrique, on a déierminé la pro- priété suivante d’une telle progression : « p représentant le rap- port de la somme d’un nombre entier quelconque (#7) de ses termes à la somme de la moitié de ce nombre des termes, le rapport commun (r}) de la série, est représenté par la for- : mule r —(u—1)".» Les mesures suivantes ont été prises à commencer du second et troisieme tour respectivement : Largeur de 6 tours en pouces.| Largeur de 3 tours en pouces. Rapport y. | 5.37 2.03 2,645 4.53 1.72 2.645 | | Largeur de 4 tours en pouces.| Largeur de 2 tours en pouces. Rapport y. #.15 1.74 2.385 3.52 1.47 2.394 104 H. MOSELEY. — Sur les formes des coquilles. Par les deux premières mesures la formule donne : r— (1.645) = 11804. Par la moyenne des deux rapports déduits des secondes me- sures , elle donne : 7 = (1380) 71-806: Il est difficile d'imaginer une vérification plus exacte que celle présentée par ces dernières mesures, et nous pouvons sans crainte attacher à l'espèce Turbo duplicatus le nombre carac- téristique 1.18. Buccinum subulatum ( Terebra subulata Lam. ). Une ligne a été tirée du sommet de cette coquille, à travers ses tours, comme dans l'exemple précédent, et on a de même pris les mesures suivantes : Termes d’une progression géométrique, dont le pre- mier terme est la largeur du plus large tour, et rap- port, 1.13. Largeur des tours successifs mesurée en pouces. | 1.14 1.0089 -89279 -79008 -699r9 .61895 -54757 Pour arriver à une vérification, on a pris les mesures sui- vantes, plus larges, en commençant respectivement par le der- nier tour, le pénultième et antépénultième : Largeur de 6 tours. Largeur de 3 tours, Rapport y. 2.45 2.45 2.45 H. MOSELEY. — Sur les formes des coquilles. 105 Ces mesures nous donnent, par la formule r—{(p— 1) +. r—=(1.45):—=1:1316. Turbo Plasianus. Trois lignes ont été tirées du sommet de cette coquille en différentes directions à travers ses tours; elles ont fourni les mesures suivantes : Termes d’une progression Largeur des tours successifs, GÉSRSES pes L Lis mesurée en pouces. pierre € ArBEUE du plus large tour et dont le rapport est 1.75. 1° ligne. 2.55 .44 , S25L e ji € j: 2° ligne. 2° ligne. .-98 .98 .56 .56 L'accord remarquable des largeurs mesurées avec les largeurs simplement calculées des tours dans cette coquille, doit étre attribué à la précision avec laquelle la ligne de séparation des tours a été tracée sur elle. Un grand nombre de mesures ont été semblablement prises sur d’autres coquilles des genres Trochus, Strombus et Murex ; quelques-unes de ces coquilles ont été sciées suivant l'axe longitudinal; et des mesures semblables ont été prises en tirant des lignes du sommet à travers de la section. On a toujours obtenu le même résultat. 106 H. MOSELEY. — Sur les formes des coquilles. Ainsi, à chaque espèce particulière de coquille appartient un nombre caractéristique, qui est le rapport de la progression géométrique des dimensions linéaires successives semblables de ses tours; de ce nombre on peut déduire l’angle constant de la spirale logarithmique particulière à laquelle est soumise cette espèce de coquille. Ce nombre, ou cet angle, lié qu'il est nécessairement avec les circonstances de l'accroissement de l'animal et le mode de son existence, est susceptible d’être dé- terminé par des mesures effectives, et on pourrait en tenir compte pour arriver à une classification : il peut fournir des données vers lesquelles il pourrait être utile de diriger l’atten- tion des naturalistes , et il peut se lier avec les formes caracté- ristiques et les modes d’existence des mollusques. (1) Pourquoi les Mollusques qui habitent les coquilles spirales et discoïdes subissent-ils, dans l’accroissement progressif de leur demeure spirale, la loi d’une spirale logarithmique? on le com- prendra facilement. La providence a soumis l'instinct qui préside à la forme de chacun à une rigoureuse uniformité d'opérations. Cette uniformité se manifeste dans les coquilles spirales rela- tivement à leur axe. Maintenant la loi de la spirale logarith- mique, considérée sous ses formes les plus générales de courbe à double courbure, est la seule suivant laquelle le Mollusque peut tourner la cavité spirale qu'il habite dans une direction uniforme à travers l’espace compris autour de son axe relati- vement à cet axe. Sous cette forme générale, on peut la définir géométriquement, une courbe dont la tangente conserve tou- jours la même position angulaire relativement à son axe (2) et relativement à une ligne tirée du point où elle touche la ligne perpendiculairement à l'axe, ou, en d’autres mots, qui traverse l’espace autour de l'axe, toujours dans la même direction relati- vement à lui. (x) Toute la classe des coquilles terrestres, par exemple, se dislinguera nettément des coquilles aquatiques, par une grande différence dans les nombres caractéristiques des espèces des deux groupes. (2) De manière à ce que mue parallèlement à elle-même jusqu'a l'intersection de l'axe, elle le couperait toujours sous le même angle. H. MOSELEY. — Sur les formes des coquilles. 107 Une seconde propriété de la spirale logarithmique, se rap- portant également elle-même à l’uniformité des opérations de animal autour de l’axe de sa coquille, est celle-ci : qu’elle a toujours la même forme géométrique, et qu'elle est la seule courbe qui possède, avec le cercle (1), cette propriété. Certains faits physiologiques ayant rapport à l’accroissement du Mollusque, peuvent être déduits de la description géomé- trique de sa coquille. Si c'est une coquille terrestre, on peut supposer sa capacité (en raisonnant d’après ce principe d’éco- nomie , qui est une loi générale dans la nature) suffisante pré- cisément pour la réception de l'animal qui la bâtit. Si c’est une coquille aguatique ; elle sert à-la-fois à l'animal d'habitation et de flotteur , elle lui donne les moyens de faire varier sa légèreté spécifique suivant qu'il abandonne une plus grande ou une plus petite portion de l'extrémité étroite de sa chambre, et lui per- met de descendre ou de monter à volonté dans les eaux. Main- tenant, pour que cette faculté de flotter et par suite la facilité de changer de position demeurent les mêmes à chaque période de son accroissement, il est nécessaire que l'agrandissement de la partie vide de son enveloppe qui sert de flotteur, soit en rapport constant avec l'accroissement de son corps, rapport qui assignera toujours une plus grande proportion à l'agrandissement de la capacité de la coquille qu’à l'accroissement correspondant du volume de lanimal. Ainsi la chambre de la coquille aqua- tique s'accroit non-seulement comme la coquille terrestre, de manière à pouvoir contenir le volume de plus en plus grand du Mollusque, mais de manière à ce qu'une portion de plus en plus grande de son volume puisse rester inoccupée. Or, la capacité de la coquille et les dimensions de l'animal com- mencent ensemble, et elles augmentent ainsi en rapport con- stant; le volume total de animal est donc soumis à un rapport constant avec la capacité entière et plus grande de la coquille dans les coquilles aquatiques; dans les coquilles terrestres, le (x) Le cercle peut en effet être considéré comme une spirale logarithmique, qui coupe constamment son rayon vecteur à angle droit, Cette courbe , considérée ainsi comme compre- nant le cercle , est la plus simple de toutes les cuurbes. 108 H. MOSELEY. — Sur les formes des coquilles. rapport de l'animal est probablement égal à celui de la coquille. ‘Maintenant que l’on conçoive que la courbe génératrice dé- crive, en tournant autour de son axe, une série d’angles successifs égaux représentés chacun par A6; selon ces accroissemens égaux de l’angle de révolution de la courbe génératrice, on aura cer- tains accroissemens de la capacité de la coquille, et il résulte des recherches mathématiques suivantes sur les propriétés des surfaces conchoïdales , que les accroissemens de la capacité de la coquille, pris ainsi , seront en rapport avec la capacité totale de la coquille alors existante. L’accroissement du vo- lume de l’animal , correspondant à chacun de ces accroissemens de la coquille, doit donc être en rapport constant avec son vo- lume existant ; c’est-à-dire que l’accroissement de l’animal cor- respondant à un accroissement donné 46, dans l'angle décrit par la courbe génératrice de sa coquille, est toujours propor- tionnel à sa grosseur existante. Supposons maintenant que les forces vitales, physiques de l'animal (celles par lesquelles il grandit) soient en tout temps proportionnelles à sa grosseur existante, et, par conséquent, que l’augmentation de sa grosseur dans chaque augmentation de temps soit proportionnelle à sa grosseur acquise jusqu’à cette époque ( supposition qui a pour elle une probabilité indé- pendante). D’après les conclusions auxquelles on est arrivé précédemment, et d’après cette supposition, il suit que l’ac- croissement de l'animal, correspondant à un accroissement donné, 40, dans l'angle de révolution de la courbe génératrice, et l'accroissement correspondant à un accroissement donné de temps, sont chacun proportionnels à la grosseur entière de l'animal actuellement existante, et par conséquent l’une à l’autre; et puisqu'ils ont commencé ensemble, l'angle total 6 de révo- lution de la courbe génératrice de la coquille est proportionnel à tout le temps correspondant de l’accroissement de l'animal, et ainsi le nombre total des tours et parties des tours est propor- tionnel à son âge entier, conclusion qui, comme la supposition d’où elle a été tirée, possède une probabilité indépendante. La probabilité de chacune de ces deux suppositions prises sé- parémeut : « que les forces physiques du Mo!lusque, en tant que H. MOSELEY. — Sur les formes des coquilles. 109 développées dans son accroissement pendant une augmentation de temps donnée, sont proportionnelles à sa grosseur exis- tante (1), et que son âge est toujours proportionnel à l'angle total qui, dans la construction de la coquille, a été décrit au- tour de son axe, est grandement augmenté par la relation né- cessaire que nous avons démontrée exister entre elles, relation pour laquelle l’une ou l’autre des suppositions étant faite, l’autre devient une conclusion. La forme du Mollusque étant supposée demeurer géométri- quement semblable à elle-même, la surface de son manteau, organe par lequel il dépose sa coquille, varie nécessairement comme le carré de ses dimensions linéaires, tandis que le volume entier de l'animal varie comme le cube de ses dimensions li- néaires. Mais ses forces de vie et d’accroissement , et consé- quemment la somme de la déposition de sa coquille dans un temps donné, varient comme son volume entier; cette dernière varie donc comme le cube de ses dimensions linéaires; or, la surface du manteau varie seulement comme le carré des mêmes dimensions linéaires. Donc, outre l'accroissement organique de la surface du manteau, il doit exister une augmentation de l’activité de fonctions de tous ses organes, variant comme les simples dimensions linéaires. Cette augmentation d'activité Ge fonctions de la surface de l'organe déposant, variant simplement comme les dimensions linéaires de l’anirnal ou de sa coquille, offre une analogie, et a peut-être un rapport avec l'accroissement de l'épaisseur de la coquille, selon la même loi qui régit les dimensions simples li- néaires. À la suite de ce Mémoire, j'ai placé une discussion mathéma- tique des élémens géométriques et mécaniques d’une surface conchoïdale, son vo/ume, les dimensions de sa surface, le centre de gravité du solide qui y est contenu, le centre de gra- vilé de sa surface. Ces élémens sont déterminés ( en supposant la loi de la spirale (x) Cette loi de l'accroissement d'un Mollusque ne peut-elle pas avoir son analogie dans d'autres formes de la vie de l'animal, et peut-être dans la vie végétale? 110 H. MOsELEY. — Sur les formes des coquilles. du logarithmique)par decertainesfonctions transcendantes,ayant des facteurs constans dépendant pour leur somme des momens statiques et des momens d'inertie des figures génératrices et de leurs aires. L'objet qu’on s'était proposé dans la détermination de ces élé- mens, était leur application à une discussion de théorie hydrau- lique des coquilies, et de plus, si c'était possible, à un dévelop- pement de cette sagesse de Dieu qui les à formées et moulées; et spécialement relativement à la valeur particulière de l'angle constant que la spirale de chaque espèce de coquille affecte, valeur liée pas un rapport nécessaire avec l'économie de la matière qui compose chacune d'elles, et avec leur stabilité et les conditions de leur légèreté spécifique. (1) Enfin, ce Mémoire sera terminé par une discussion des égua- tions générales appliquées à une surface conchoïdale relative- ment aux systèmes des coordonnés polaires et rectangulaires. (Le reste du Mémoire est uniquement consacré aux’ pro- priétés mathématiques des surfaces conchoïdales; comme ces propriétés n’ont pas toutes avec les fonctions vitales des Mol- lusques des rapports aussi directs que celles qui viennent d'être exposées, nous croyons devoir renvoyer ceux de nos lecteurs qui voudraient les connaître, aux Transactions philosophiques dé la Société royale de Londres ,; volume de 1838, 2° partie, page 361 ). ( Note du rédacteur ). PLANCHE I. Fig. 1. Coquille de Turbo. — Fig. 2. Nérite. — Fig. 3 et 5. Nautile. (Les figures 6-9 se rapportent au mémoire de M. Neumann sur la Conchyliométrie ; qui paraîtra dans le prochain cahier. ) (x) Pour éclaircir cette observation, nous mentionnerons ici que la coquille du Nautilus Pompilius a, hydrostatiquement , une surface astatique. Si elle est placée par quelque portion de sa surface sur l’eau , elle se retourne immédiatement vers son extrémité plus petite, et se repose seulement sur sa bouche. Ceux qui sont familiers avec la théorie des corps flottans *econnailront ici une propriété intéressante. RUSCONI. — Injection du système lymphatique des Reptiles. 111 Lerrre du docteur Ruscont, membre de l’Institut de Milan, à M. le professeur BREsCnET, sur une nouvelle méthode pour injecter le système lymphatique des reptiles. « Le professeur Costa m'a remis hier la lettre dont vous avez bien voulu m’honorer. Je suis charmé de voir que vous avez pris à tâche, d’après ma demande particulière, de faire des recherches sur les vaisseaux lymphatiques des reptiles : ce sujet mérite bien votre attention, et je suis sûr que vos investigations tourneront au profit de la science. Vous désirez connaître le procédé ana- tomique dont je fais usage pour injecter les vaisseaux lympha- tiques des reptiles : je m'empresse de vous satisfaire. x Dans ma première missive, apres vous avoir exposé succinc- tement les principaux résultats obtenus par moi dans mesélabora- tions, et vous avoir indiqué la singulière disposition des artères renfermées dans les veines (1), je crois vous avoir dit que j’emploie une petite seringue au lieu du tube à injection de Walter, mo- difié par Sœmmerring, et un fluide coloré en rouge ou en blanc, au lieu de mercure; mais je ne vous ai point parlé du petit instrument dont je me sers, et qui est trés essentiel, Ce petit instrument est une sorte de trocart, dont la canule est un tuyau de plume d’aile de caille ou de perdrix, et le trocart est une aiguille assez grosse, de cinq ou six centimètres de longueur, dont la pointe est aiguisée à trois facettes. C’est de ce petit instrument que dépend le plus souvent l’heureuse issue de l'opération; aussi ai-je grand soin de rendre bien aiguë sa pointe sur la pierre à aiguiser, et de faire en sorte que l’extré- mité antérieure du tuyau s'adapte exactement à l'aiguille. u Quand je veux remplir d'injection le systeme lymphatique d'un lézard, par exemple, ou bien d’une salamandre, ou d’une (2) Cette lettre a été publiée par extrait dans les Annales des Sciences naturelles, Voyez deuxième série, tome xv ; page 249 , année 1841. 112 RUSCONI. — /njection du système lymphatique des Reptiles. tortue, je saisis avec une petite pince le mésentère près de la colonne vertébrale, où est situé le réservoir du chyle, et j'y in- troduis la pointe de mon trocart; ensuite je retiens le tuyau de plume, et j'en retire l'aiguille. Après l'avoir ainsi retirée, si je le crois nécessaire, je pousse en avant le tuyau, et j'ai bien soin de m'’assurer que le réservoir du chyle n’a pas été percé de part en part. Cela fait, je saisis avec ma petite pince le tuyau de plume, j'y introduis le petit bout de ma seringue et je pousse le piston avec une force toujours décroissante : c'est par ce même procédé que jeremplis d'injection les systèmes artériel et veineux. Quand j'injecte à chaud, je mets l'animal dans un bain tiède, et je fais fondre l'injection au bain-marie. Je ne m’étends pas davantage sur ce sujet, car j'ai hâte de vous annoncer que depuis ma der- nière lettre, j'ai fait des recherches sur les antres reptiles, et j'ai trouvé que les tortues de terre, les lézards et les couleuvres, sont organisées, sous le rapport des vaisseaux lymphatiques, comme les grenouilles et les salamandres. — Dans les couleuvres, j'ai vu une veine renfermée dans un vaisseau lymphatique; mais, sur ce point, je n'ai pu acquérir une certitude complète, car je n'ai eu à ma disposition que deux ou trois de ces reptiles, qui étaient fort petits. « Pendant que je poursuivais ces recherches, il me vint à l'esprit de faire mourir des tortues qui devaient être les sujets de mes observations, en employant de l’acide prussique. Je fus étonné de voir que ces reptiles résistent presque à l’action délétère de cet acide; je dis presque, car les doses, qui causent promptement la mort d’un coq, d’un chat ou d’un chien, ne les affectent pas d'une manière sensible ; de sorte que, pour faire périr une tortue dont le plastron avait douze centimètres de longueur, j'ai été obligé de porter dans son estomac, à l’aide d’une seringue, une dose de ce poison qui aurait été plus que suffisante pour causer la mort d’un cheval, et, qui plus est, elle ne mourut que quinze heures après avoir été empoisonnée; mais, revenons aux vais- seaux lymphatiques. « Quand je vous ai annoncé les résultats de mes observations sur les grenouilles et les salamandres, j'ignorais complètement que M. Weber, professeur d'anatomie à leipsick, avait fait insé- RUSCONI. — /njection du système lymphatique des Reptiles. 113 rer dans les archives de physiologie de Muller, en 1835, un article sur les cœurs et les vaisseaux lymphatiques du Python tigris (Uber das lymphherz einer Riesenschlange, Python ti- gris). Ce savant anatomiste a remarqué que les lymphatiques de ce serpent sont très gros, et que la plus grande partie des artères et même des veines, est renfermée dans ces vaisseaux, mais toujours séparées les unes des autres; il a observé que l'aorte et ses ramifications, jusqu'aux plus petites, sont enve- loppées de manière à être baignées par la lymphe. Vous voyez donc que c’est à M. Édouard Weber que revient le mérite d’a- voir, le premier, découvert ce fait, qui a entièrement échappé aux recherches de Panizza. (1) « Une réflexion se présente ici à mon esprit, et je ne puis m’empécher de vous la communiquer : E. Weber a fait la dissec- tion d’un seul reptile, vraisemblablement très' gros (2), et il a (x) L'histoire de la science, avec son impartialité, doit dire que le premier anatomiste qui a indiqué, mais avec une grande circonspection, les rapports des troncs artériels avec le canal thoracique, est Bojanus (Anatome testudinis Europeæ, Vilnæ, 1819, PL 26, fig. 155), « Turget vero generatim ductus thoracicus qualem hæc figure ostendit, artificiosa inflatione ; eum quidem in modum ut, quantum licuit expansus, redundet super arteriosa vasa eaque ambiat atque velut intra se abscondat, » etc. L'ordre chronologique indique, en second, les magnifiques travaux de Panizza, qui est plus explicite que Bojanus, mais beaucoup moins que E, Weber et surtout que M. Rusconi. Voici les paroles de Panizza : « La grande cisterna, i dutti loracici e i = tronchi massimi linfatici del mesenterio e dello stomaco , involgono siffattamente colle loro = pareti i tronchi arteriosi , che vi pajono contenuti, e le ramificazioni di questi pajono trafo- = rare uscendo le stesse pareti linfatiche. Infatti se si fendono longitudinalmente la cisterna e i due dutti, veggonsi nel loro interno le aorte che sembrano a contatto del fluido in quelli « racchiuso , nella stessa guisa che l’arteria carotide interna sembra a contatto del sangue ve- = noso nel seno cavernoso della dura meninge. Ma non alirimenti da quesla arteria le due = aorte nella testuggine, e cid che si dice delle aorte & a repetersi dei vasi arteriosi che da = esse traggono origine, non trovansi a contatto della linfa, ma sono inviluppate dalla stessa = membrana che costiluisce le pareti dalla cisterna e dei dutti toracici , come appunto la ca « rotide interna & cinta dalla interna membrana del seno, e per essa separata dal sangue che in queslo si contiene, Le pareli per tanto dei menzionali centri linfatici si comportano » riguardo ai detti tronchi arteriosi cosi, come il pericardio si comporta rispetto al cuore e al » principio de’ suoi vasi maggiori, vale a dire che li cingono da viciuo è da lontano. » (Bertol : Panizza, — Sopra il sistema linfatico dei Rettili ricerche zootomische, Pavia, 1833, p.1x.) M. E, Weber dit que la lymphe baigne les troncs artériels qui sont contenus dans le canal thoracique, et M. Rusconi étend cette disposition à toutes les artères des divers ordres de rep- tiles, mais priscipalement aux branches thoraciques et abdominales des aortes, jusqu'aux rameaux les plus déliés, G, Bnescner, (2) Le Python tigris disséqué par E, Weber avait sept pieds de longueur, G. Buescner, XVII, Zoor, — Février, 8 114 RUSCONI, — /njection du système lymphatique des Reptiles. enrichi la science d’un fait très singulier. Cinq ans après, j'ai fait l'anatomie d’un reptile, en comparaison très petit, et j'ai découvert le même fait. — Panizza a disséqué plusieurs tortues de terre, mais elles n'étaient pas assez grandes pour les obser- vations qu'il avait en vue; il s’est alors procuré diverses tortues de mer ( Quatiordici individui mi giunsero parte dal Mediter- raneo e parte dal!’ Adriatico , e pesavano dalle dodici alle set- tanta libbre metriche, p.v). I a en outre disséqué un très grand nombre de couleuvres, de lézards, de grenouilles et de sala: mandres, et malgré tous les avantages qu’il avait à sa disposi- tion, le fait dont nous parlons a complètement échappé à ses investigations. Vous n’en serez pas surpris, quand vous vous rappellerez que dans toutes ses recherches, il a employé le tube à injections de Walter, et le mercure. S'il eüt fait usage d’une seringue et d’un fluide coloré en rouge ou en blanc, nul doute que le fait dont nous venons de parler n’eût pas échappé à la sagacité de cet anatomiste. « Dans mon travail sur la salamandre commune, je vous prou- verai, de la manière la plus manifeste et la plus positive, que Panizza s’est mépris à l'égard des vaisseaux lymphatiques de ce reptile, et qu'il est tombé dans l’erreur touchant la veine-cave inférieure ou abdominale, dont il a méconnu la marche et les ra- mifications. Je prouverai en outre, d'une manière incontestable, et à l’aide de figures faites d’après nature et mises en regard des siennes, que toutes les planches annexées à son ouvrage, quoi- que dessinées et gravées par un des artistes les plus habiles, représentent des vaisseaux lymphatiques entièrement déformés, et que leur déformation provient de l'usage que Panizza à fait du mercure dans ses injections pour démontrer les vaisseaux lymphatiques. (1) « Pavie, le 16 novembre 1841, » (x) A cette lettre, M. Rusconi avait annexé deux dessins que je reproduis ici, et dont je donnerai plus bas la description, et plusieurs petites pièces anatomiques desséchées, prises sur des reptiles dont il avait injecté les artères et les vaisseaux lymphatiques, On reconnaissait RUSCONI.— /njection du système lymphatique des Reptiles. 115 distinctement ces deux ordres de vaisseaux ; mais l’état de dessiccation dans lequel ils étaient ne permettait pas de les examiner avec assez de sürelé et de précision , pour déterminer avec sûreté les rapports de ces vaisseaux entre eux, Cet examen ne peut être fait d’une maniere ri goureuse que sur des pièces fraiches et injectées avec bonheur, ou sur des pièces conservées dans une liqueur et également injectées d'une manière heureuse. Je me sers de celle dernière expression, parce que les anatomistes savent tres bien que l’habileté ne suffit pas toujours pour bien réussir. Nous avons, comme M. Rusconi, toul-à-fait abandonné l'injection des vaisseaux lymphati- ques à l’aide des tubes et du mercure, parce que ce métal déchire souvent, par son poids, les xaisseaux et les réservoirs lymphatiques, dont les parois sont d'une minceur extrême, Ce moyen est surtout insufisant et même vicieux, lorsqu'on fait des investigations et qu'on pour- suit des vaisseaux dont on ne connait pas encore le cours et les ramifications. Si l’on ouvre un de ces petits conduits, le métal s'écoule, et il n’est plus possible de continuer ses recherches. Je crois, avec M. Rusconi, que les bosselures ou nodosités que présentent les vaisseaux lym- phatiques de distance en distance, sont principalement dues à la présence et au poids du mer- eure. Dans mes injections avec des substances autres que le mercure coulant, les yaisseaux sont plus réguliers dans leurs contours et ressemblent beaucoup plus aux artères ; cependant, il faut l'avouer , ils ne sont pas complètement exempts sur quelques points de ces espèces de dilatations qui rendent leur surface inégale et onduleuse, Sous ce rapport , ils peuvent étre comparés aux veines, auxquelles ils ressemblent sous beaucoup d’autres points, et dont ils ne sont peut-être qu'une modification, Eh bien! j'ai reconnu souvent quelque chose d’aualogue sur les veines, soit sur les troncs, soit sur les branches d'un petit calibre. Mon expérience, à cet égard, a peut-êlre quelque valeur, car les anatomistes de profession n'ignorent pas que j'avais entrepris de nombreuses expériences sur les veines, et que j’ai commencé à publier l'his- toire de cette importante section du système vasculaire, histoire que j'espère bien continuer plus tard , car il n’a pas dépendu de moi de poursuivre ce travail. Accusons les circonstances de la révolution de 1830 , qui ont bouleversé l'existence commerciale de mes éditeurs. M. Rusconi nous donne généreusement son procédé opératoire pour faire les injections des vaisseaux lymphatiques. Cependant, il oublie de nous indiquer la nature et la composition de la matière qu'il emploie pour distendre les vaisseaux. Nous allons, en quelques mots, tâcher de remplir, s’il est possible, cette lacune, que l’habile zoolomiste a laissée dans son récit, Indépendamment des malières iodiquées dans la Dissertation de M. Duméril, ou dans le Manuel d'anatomie de E. A. Lauth, nous avons souvent employé avec succès le lait, l'ichthio- colle colorée diversement, soit avec le vermillon, la cochenille ou le jaune de chrome, le bleu de prusse , l'indigo , etc, , ou bien la solution alcoolique de la gomme lacque , colorée avec les substances précitées. Le vernis à l'alcool ou à l'essence de térébenthine, et parfois l’emplätre de diachylum, rendu liquide par la chaleur au bain-marie, sont des moyens dont l'anatomie peut tirer avantage. On a depuis long-temps observé que les injections dans lesquelles la substance colorante est en suspension, sont , dans beaucoup de cas, insuffisantes, parce que, dans les très petits vaisseaux , il se fait un départ entre le véhicuie et le principe colorant, Je désirais donc pos- séder une substance coloraute soluble dans l’eau , dans l'huile ou dans l'alcool; en un mot, une matière qui, au lieu d'être en suspension dans un excipient, s’y trouvât en dissolution, J'ai découvert cette matiere colorante, c'est celle que la chimie livre abondamment au com- merce, et à bas prix, et qu’elle extrait du bois de Campèche, de Fernambouc ou de Santal. La matière coloraute du bois de Campèche se dissout avec facilité dans l’eau ou dans l'alcool; elle est si pénétrante qu'elle parvient rapidement daus les réseaux v ulaires les plus déliés, Le seul inconvénient de ce genre d'injection, c'est qu'elle ne peut convenir que pour distendre 8. 116 nusconi. — [njection du système lymphatique des Reptiles. Jes vaisseaux les plus déliés, et que sa trop facile pénétration ne permet plus de distinguer les artères des veines et des lymphatiques. Enfin, il est un autre procédé d'injections que nous employons fréquemment, et qu'on peut appeler la méthode chimique, Le procédé le plus employé dans les laboratoires d'anatomie de Paris , appartient à M. le docteur Doyère , qui promet à la zootomie un de ses plus distingués et zélés investigateurs. D'après ce procédé, on pousse d’abord dans les vaisseaux une solution aqueuse de chromate de potasse; puis, au bout de quelques instans , on injecte, de la même façon et dans le méme vaisseau, une solution aqueuse d’acétate de plomb. Cette injection se fait à froid, de la manière la plus facile et la plus économique , et les réseaux vasculaires les plus fins sont premptement colorés d'un beau jaune de soufre, Enfin, j'ai aussi fait plusieurs essais avec une solution de caoutchouc, qui donne aux vais= seaux une grande flexibilité. Je pourrais déjà m'expliquer touchant la disposition des vaisseaux lymphatiques à l'égard des artères chez les reptiles, et dire ce que mes recherches m'ont appris relativement aux opinions émises par Pojanus, MM. Panizza , E. Weber et Rusconi ; mais comme ce dernier naturaliste est sur le point de publier un ouvrage dans lequel il traitera celte im- portante question des rapports des artères aver les Iymphatiques chez les reptiles, je pro- fiterai de ses observations pour compléter les miennes et pour répéter mes investigations , si les résullats de mes études ne sont pas semblables aux siens ; j'espère que M. Rusconi Jèvera tous les doutes et ne laissera rien à désirer, G. BRESCHET, EXPLICATION DES FIGURES ( Planche 1 ). Fig. A. Elle représente la pelite seringue dont se sert M. Rusconi pour ses injections, Cet instrument doit étre en argent ; il a dix centimètres de longueur sur deux centimètres de gros- seur ; son extrémité libre, qui est reçue dans le petit tube, est conique, a trente-deux millimè- tres de longuëur, et doit être en or, Cette seringue porte un bourrelet sur lequel s'appuient les deux doigts, l'index et le médius, lorsqu'on veut pousser le piston, L’extrémité de cette seringue, qui est en or, a des parois très minces et en même temps résistantes; le trou du bec doit être aussi ouvert que possible. Nous ne pouvons pas donner ici de figures pour les plumes de caille ou de perdrix dont se sert M. Rusconi. Lorsqu'il veut injecter des salamandres ou le système sanguin des tètards, il se sert des tuyaux les plus petits. Fig. B. Elle représente les vaisseaux lymphatiques de la portion du rectum de la salaman- dre, qui fait suite aux intestins grêles, Ce dessin est une copie très fidèle, faite par M. Rusconi lui-même, d'après une préparation anatomique dont les vaisseaux lymphatiques avaient été rem- plis d'un fluide coloré en rouge, et les artères distendues par une maliére colorée en blanc, En examinant attentivement cette figure, on distingue, par leur teinte blanche, les artères au centre des vaisseaux lÿmphatiques, et les ramuscules de ces mêmes vaisseaux lymphatiques, RE À D O Re A. D'ORBIGNY, — Sur des œufs de Mollusques. 117 Notes sur des œufs de Mollusques recueillis ex Patagonie, Par M. Accine D'Orgleny. L'étude des œufs de Mollusques laisse encore beaucoup à faire; on parait même jusqu'à présent s'être plus occupé des formes extérieures des enveloppes, considérées comme des ob- jets isolés et susceptibles d'une classification à part, que des rapports généraux qui existent entre la modification de ces enveloppes et les séries zoologiques d'êtres auxquelles elles ap- partiennent. Cette direction dans Îes recherches me paraît fà- cheuse en ce qu’elle tendrait à faire, des œufs de Mollusques seuls, une science séparée des animaux desquels ils proviennent, et détournerait du véritable but où l’on devrait tendre, celui des lois générales de l’ensemble de l’organisation. Depuis bien long-temps je me suis livré à des recherches sur les œufs des Mollusques. Des séjours prolongés sur les côtes de toutes les régions ont favorisé mes ohservations, et j'ai réuni un grand nombre de faits jusqu’à présent disséminés dans mes différens ouvrages (1), en attendant que je les réunisse pour en former un ensemble. La question de l’âge embryonnaire chez les Mollusques, âge qui amèue, pour ainsi dire, dans les co- quilles des métamorphoses d’accroissement toujours les mêmes dans chaque série animale, m'a également beaucoup occupé et m'a déjà permis de faire connaître quelques particularités nou- velles pour la science (2). Je compte donc par la suite traiter à {x} 1° Mollusques du Voyage dans l'Amérique méridionale ; 2° Mollusques des Antilles ; 30 Mollusques des Canarics ; 4° Histoire des Céphalopodes acétabulifères ; 2° Mémoire sur les Nudibranches. (2) Je citerai principalement mes observations sur le Nucleus et les métamorphoses de la coquille : des Atlantes, de la Carinaire ( Mollusques de J'Amérique méridionale); des Chem- nitzia, des Janthines (mème ouvrage et Mollusques des Antilles), et celles sur les Ammonites (Annales des Sciences naturelles, 1841, p. 119, et Paléontologie francaise), où je prouve, par un grand nombre de faits, que le premier âge, dans les coquilles, diffère toujourt du reste de l'accroissement, cet aceroissement faisant souvent changer la forme des opercules, comme on le voit chez les Atlautes, 118 A. D'ORBIGNY. — Sur des œufs de Mollusques. fond ces deux questions, auxquelles je donnerai alors un grand dé- veloppement, dans des Mémoires spéciaux; en attendant, pour chercher les analogies générales, je vais aujourd’hui jeter un coup-d'œil rapide sur l'ensemble des œufs de Mollusques, con- sidérés suivant les groupes zoologiques auxquels ils appar- tiennent. Les Céphalopodes ont des œufs de deux sortes : ils sont isolés et pondus seuls à seuls chez les Sepiu , chaque œuf ne contenant jamais qu'un embryon; ces œufs sont attachés par groupes aux corps sous-marins. Chez les Ærgonautes , des œufs également isolés sont réunis en grappe par des pédoncules communs conservés dans la coquille même de l’Argonaute; chez les Octo- pus, ce sont des rubans gélatineux, sur l’un des côtés desquels sont fixés les œufs enveloppés dans l’ensemble; chez les Loligo, les Ommastrèphes, ces œufs ne sont plus isolés comme ceux des Seiches ; ils ne sont pas non plus agrégés comme ceux des Poulpes , mais ils sont renfermés dans une matrice gélatineuse plus ou moins volumineuse, et représentant des grappes d'œufs réunis par une membrane générale extérieure. Ainsi les Cépha- lopodes auraient à-la-fois des œufs isolés et des œufs agrégés ne contenant chacun qu’un seul embryon'dans une enveloppe plus ou moins épaisse, toujours gélatineuse et fixe. Parmi les Gastéropodes, la diversité des formes m'oblige à subdiviser les séries. Les Nudibranches, par exemple, m'ont offert des groupes d'œufs déposés par lignes transversales en un long ruban attaché aux rochers par l’un de ses côtés et re- présentant un cercle ou une sorte de spirale. Les œufs sont ainsi disposés chez les Doris, les Eolis, les Tergipes, les Polyce- ra, etc., tandis que ceux des G/aucus forment des espèces de chapelets gélatineux en spirales, fixés aux osselets internes des Vellelles, et ballottés ainsi au sein des océans. Chez les Nudi- branches, les œufs seraient donc toujours disposés, soit en rubans, soit en chapelets, et engagés dans une matrice générale toujours gélatineuse et fixée aux corps marins. Les Teclibranches ont des œufs agrégés dans une matrice gélatineuse comme ceux des Nudibranches, avec cette diffé- rence que chez les Æplysia ces œufs forment des fils cylin- A. D'ORBIGNY. — Swr des œufs de Mollusques. 119 driques ressemblant à du vermicelle, tandis que chez les Zulla et les Bullæa ce sont des amas gélatineux, informes, le plus souvent oblongs; fixés aux rochers ou aux coquilles. Ici comme chez les Nudibranches, les œufs sont disséminés en très grand nombre, au sein de la masse gélatineuse, sans y former de saillies. Les œufs des Pulmobranches terrestres ne ressemblent en rien à tous ceux signalés jusqu’à présent; ils sont, comme beau- coup de savans l'ont dit, de forme circulaire ou elliptique, li- bres, cartilagineux ou ayant un test crétacé. Ils ne contiennent le plus ordinairement qu’un seul vitellus donnant naissance à une coquille qui ne sort de l'œuf que lorsqu'elle en remplit toutes les parties, C’est parmi les Pulmobranches terrestres qu'on a trouvé jusqu’à présent les œufs les plus parfaits, et ceux qui, par leur coquille, par leur forme et par leur seul embryon, res- semblent le plus aux œufs des ovipares à sang chaud. En effet, il suffit de leur comparer les œufs des Bulimus ovatus et Oblon- gus pour en avoir la preuve. Pourtant les Pulmobranches ter- restres n’ont pas tous des œufs semblables, puisque d’un côté M. Laurent a trouvé plusieurs vitellus dans un œuf de Limaæ agrestis , et que les Bulimes, dont on a fait le genre Partula ; font des petits tous formés qui ont sans doute éclos sous le manteau de lanimal. Il y aurait alors chez les Pulmonés ter- restres des animaux ovipares et vivipares, et les œufs ne cons tiendraient pas toujours un seul embryon. Les Pulmobranches aquatiques, tels que les Lymnæa, les Chili- na; ec, pondent des groupes d'œufs absolument semblables à ceux des bulles parmi les Tectibranches. Des matrices gélatineu- ses; oblongues, renferment des œufs bien distincts, ayant le plus souvent un seul vitellus ; les intéressans travaux de M. de Qua- trefages les ont parfaitement fait connaître : d’après ces comparai- sons, les œufs chez les Pulmobranches terrestres et aquatiques seraient entièrement différens. C’est surtout chez les Pectinibranches que ce mode de repro- duction est le plus varié; quelquefois il diffère beaucoup chez les genres les plus rapprochés, tandis qu’il y a analogie mar- quée dans d’autres cas. Les Pectinibranches sont comme les 120 A. D'ORBIGNY. — Sur des œufs de Mollusques. Pulmobranches, vivipares et ovipares en même temps; ils sont vivipares chez quelques Paludines ; la Paludina vivipara par exemple. J'ai trouvé les mêmes caractères chez le Littorina ru- dis de nos côtes, tandis que le Zattorina littorea qui vit sur les mêmes lieux est ovipare : ce sont, du reste, les exemples qui se présentent pour le moment à ma mémoire, ils appartiennent à des genres très rapprochés dans leurs formes. Parmi les autres Pectinibranches, les œufs sont tres variés. Chez les Veritina , ce sont des œufs hémisphériques, cartilagi- neux , fixés aux coquilles mêmes , qui ne paraissent contenir qu'un vitellus. Chez les atica , ce sont des petites bourses, cornées , aplaties , tixées par une des extrémités et groupées sur les corps sous-marins , chaque bourse contenant un plus où moins grand nombre de vitellus. Le Buccinum undatum dépose des œufs hémisphériques cartilagineux, fixés par leurs deux extrémités et groupés en grand nombre, chaque enveloppe ou capsule contenant un bon nombre de vitellus. Chez les Purpura, ce sont de petits sachets cornés, ronds ou anguleux, fixés par un pédoncule et tronquésou arrondis à leur partiesupérieure,comme on le voit chez le Monoceras giganteum , les Pourpres de nos côtes, etc. Chez les grandes espèces de Fusas ou de Pyrula,ce sont des plaques cornées creuses , fixées en groupes cylindriques et renfermant un grand nombre de vitellus. Ces groupes , surtout remarquables chez le Pyrula perversa, ont servi de type au Tubularia tessellata d'Esper. J'ai trouvé quele f’oluta angulata, type du genre V’olutella d'Orb., pond des capsules cartilagineu- ses, hémisphériques, volumineuses, fixées par la partie tronquée et contenant un bon nombre de vitellus. Jusque-là, malgré la dissemblance de l'enveloppe générale, on peut néanmoins voir que, chez les Pectinibranches , il y a seulement deux modifica- tions : 1° des œufs fixes ne contenant qu’un vitellus, comme cela parait exister chez les Veritina ; 2° des œufs ou mieux des capsules également fixes et cornées, renfermant toujours plu- sieurs vitellus. Il me reste à parler d’une troisième modification, tout-à-fait exceptionnelle et des plus remarquables. Dans toute Ja série de Mollusques que je viens de passer rapidement en revue , il n’y a que les Pulmobranches qui aient A. D'ONBIGNY. — Sur des œufs de Mollusques. 121 des œufs libres, qu'ils déposent par groupes dans la terre. Ces œufs libres n’ont ordinairement qu'un seul vitellus et sont les plus rapprochés des œufs d'oiseaux par leur coquille exté- rieure. Le seul fait d'œuf ou mieux de capsules libres, chez les autres Gastéropodes , appartient au genre Voluta , et je l'ai observé en 1829 sur la côte de la Bahia de San-Blas, en Patagonie. Je connaissais comme tout le monde les œufs du Zulimus ovatus , dont le plus grand diamètre est tout au plus de vingt- cinq millimètres , lorsqu'en parcourant les côtes sablonneuses de la Patagonie, je rencontrai fréquemment sur le littoral, et jetés par la vague , des œufs dont les diamètres variables attei- gnaient jusqu’à soixante-dix millimètres sur cinquante-six. La consistance cartilagineuse , flexible , transparente et presque cornée de leur enveloppe,me fit croire qu’ils appartenaient à des Mollusques ; mais leur grand diamètre me détourna de ce rap- prochement. Je cherchais vainement à les rapporter aux coquilles de la côte, lorsqu’au mois de février, après une forte tempête, la mer rejeta avec une foule de ces œufs un bon nombre de ces J’oluta brasiliuna Solander (Voluta colocintis Chemnitz). Je pensai aussi que ce pouvait en être les œufs , certitude que j'acquis pleinement plus tard. Je trouvai à-la-fois des capsules à différens états , et je pus remarquer les faits suivans. Dans les capsules les moins avancées, on voit au milieu d'une eau presque limpide , qui les remplit, de quinze à vingt vitellus jaunâtres et vaguement disséminés, entourés chacun d’une membrane très mince. Sur des capsules plus avancées , je vis un embryon déjà formé dans le vitellus, mais toujours enveloppé d'une mem- brane. Chez d’autres, le jeune embryon, ayant, selon toute probabilité, absorbé son viteilus, était libre dans la capsule et rampait sur sa paroi interne, attendant sans doute, pour en sortir, l'instant où , devenu assez fort , il lui serait possible d'y faire une ouverture. Le jeune embryon, à sa sortie de la cap- sule, a environ dix millimètres de longueur : il n'offre alors que deux tours de spire, dont le premier est informe, le dernier commence à montrer l'indice des plis de la columelle ; mais la jeune coquille , dans son ensemble , comme cela arrive chez 122 A. D'ORBIGNY. — Sur des œufs de Mollusques. presque tous les Mollusques , est très différente de la coquille adulte. Si le développement du jeune embryon dans la capsule da Voluta Brasiliana w'avait paru analogue à celui des autres Mollusques Pectinibranches, je dus trouver étonnante la dé- couverte d’un œuf ou d’une capsule de soixante-dix millimètres de diamètre, pondu par un Mollusque, dont la plus grande taille est de deux cents millimètres. Je pensai dès-lors que cet œuf pouvait n'être pas aussi grand avant la ponte , se dilatant postérieurement dans le sable, comme je l'ai remarqué pour les œufs de la Sepia officinalis. Il paraît résulter de tout ce qui précède que les œufs des Mollusques ne suivent pas de lois générales dans leurs formes , dans leurs groupemens et dans le nombre des vitellus qu'ils contiennent , relativement aux groupes zoologiques auxquels ils appartiennent. Tout ce qu’on peut dire dans l'état actuel de la science à leur égard serait, je crois, prématuré, Il faut attendre un plus grand nombre de faits pour juger de leur ensemble et en tirer des conséquences importantes. Appirions à la lecon sur la statique chimique des étres vivans, par NM. Dumas (Extrait). (1) $ I. RESPIRATION DE L'HOMME. D'après des expériences faites sur moi-même, chacune de mes inspirations introduit environ un tiers de litre d’air dans mon poumon; je fais quinze ou dix-sept inspirations par mi- (x) Voyez le volume précédent, page 33. En publiant une seconde édition de cette Lecon, l'auteur y a ajouté sous forme d'appendice une série d'articles relatifs aux principales données sur lesquelles s'appuient l’ensemble des considérations développées dans cet écrit, Nous re- produisons ici la partie de cet appendice qui touche directement à la physiologie animale. pumas. — Sfatique chimique des étres organisés. 123 nute ; l'air expiré renferme de 3 à 5 pour 100 d'acide carbo- nique : il a perdu de 4 à 6 pour 100 d'oxygène. Ces bases donnent pour chaque jour de vingt-quatre heures : 16 inspirations X 1]3 delire — 51.3 air expiré par minute. 318 air expiré par heure. 7632 air expiré par jour de 24h, En admettant comme moyenne 4 pour 100 d'acide carbonique dans cet air, on aurait donc 19 L., 7 acide carbonique à l'heure. 305 1., 8 — par jour. Transformées en poids ces données fournissent 166 2/3 grammes de carbone brûlé par jour ; 55 5lg grammes de carbone qui représenteraient l'hydrogène brülé par jour. 212 2/9 carbone total brülé en 24 heures. Ce qui ferait à-peu-près 9 grammes par heures, soit de car- bone , soit de son équivalent en hydrogène. D’anciens observateurs ont porté cette quantité à 340 grammes par jour , ce qui ferait environ 14 grammes à l'heure. En comptant sur une consommation de 10 à 15 grammes à l'heure, on doit rester dans les limites du vrai. Mais j’estime que la consommation de 15 grammes ne peut guère s'appliquer qu'à des individus exceptionnels pour leur taille, le développe- ment de leur poitrine , leur appétit , etc. Tout compte fait, on regarde donc la consommation de 10 grammes à l'heure comme la plus près de la vérité pour la masse commune des hommes adultes. La haute importance de cette détermination à laquelle se rattachent les questions les plus sérieuses de l'alimentation et par conséquent de l'économie publique, exige qu’elle soit étudiée par des moyens plus corrects et sur un grand nombre d'individus, Nous nous occupons de cette étude. 124 DUMAS. — Slatique chimique des étres organisés. $ IL. ExHALATION D’AZOTE PAR LES ANIMAUX. Quard on étudie la respiration sur l'homme, l’exhalation d'azote est très difficile à constater, car on ne connaît pas la quantité d’air inspirée, et si l’on veut la conclure de l'analyse de l'air expiré, on s'aperçoit que l’exhalation d'azote se con- fond avec la disparition d'oxygène , qui correspond à l’hydro- gène brülé. Ainsi, qu'on fasse l'analyse d'un litre d'air expiré par un homme, on trouvera ; par exemple : Azote’. "eu. MM 798 Acide carbonique. . . . . . . 16 | 202 One Ce 6 1000 La somme de l'acide carbonique et de l’oxygène devrait pro- duire 208 ; elle ne représente que 202. La différence peut s’ex- pliquer , soit en supposant que 6 parties d'oxygène ont disparu pour former de l’eau, soit en supposant qu'il s'est dégagé 30 parties d'azote. Il est impossible de savoir au juste ce qui s'est passé et de dire dans quelie proportion chacune de ces deux causes contribue au résultat final. L’exhalation d'azote ne peut être reconnue qu’en faisant res- pirer un animal dans une quantité d’air déterminée. Tel est le cas des expériences de MM. Dulong et Despretz , par exemple. Or , elles présente une exhalation d'azote notable et constante , car sur 17 expériences, M. Dulong a constaté quatorze fois une exhalation notable d'azote , et deux expériences n'ont donné ni exbalation ni absorption. D'un autre côté, M. Boussingault a fait voir que cette exha- lation d'azote doit avoir lieu, puisqu'on ne retrouve pas dans les excrémens ni dans les urines, la totalité de l'azote fourni par les alimens. Ainsi, on peut affirmer que les animaux n’empruntent pas puMAs. — Statique chimique des éltres organisés. 125 d'azote à l'air; tontes les expériences tendant à prouver qu'ils en exhalent au contraire. Telle est du reste lopinion adoptée par Berthollet, Nysten, Dulong et Despretz, d’après leurs expériences personnelles sur la respiration des animaux. M. Despretz a surtout insisté sur ce point d’une maniere très particulière , et il en a fait une loi générale; car cet habile physicien assure avoir toujours observé cette exhalation d’azote dans deux cents expériences au moins. IT. RÔLE PHYSIOLOGIQUE DE L'URÉE. Q J'ai représenté la composition de l’urée de la manière sui- vante. 2 molécules de carbone. . « . . .« « . 12 20,0 ap id. oxystne Ne 6 26,6 & id. PANNE M PRE, 46,6 RETURN RYATOBENE SU epebfe pes 2h UE 6,6 60 100,0 En examinant l'effet que produisent sur l’urée les substances animales qui l'accompagnent dans l'urine , on trouve que ces dernières , se modifiant à l'air, y deviennent de véritables fer- mens , et que l’urée , sous leur influence fixe de l’eau, de ma- nière à passer à l’état de carbonate d’amoniaque. 1 molécule urée, « . . . , « « .« —= C? O0? Azt H4 2molecblesiedu ee cette fa 0? H? 2 molccules carbonate d’ammoniaque — C? O4 Azt HS Ainsi, par la nature même des urines, toute l’urée excrétée par les animaux doit promptement se convertir en carbonate d’anmoniaque. 126 Dumas. — Statique chimique des étres organisés. $ IV. CHALEUR DES ANIMAUX ET DES PLANTES. La chaleur animale était considérée par Laplace et Lavoisier comme entièrement due à la combustion qui se passe dans le sang à la faveur de la respiration. Nous regardons cette opinion cemme l'expression de la vérité. Dans les expériences qui ont eu pour objet la mesure de la chaleur animale, dans ses rapports avec la respiration , MM. Du- long et Despretz ont employé, 1° un calorimètre à eau, dans lequel se trouvait l’animal ; 2° deux gazomètres destinés , l’un à fournir , l’autre à recevoir l’air nécessaire à sa respiration. Sur 100 parties de chaleur absorbée par le calorimètre, M. Dulong , en opérant sur l’eau, a trouvé que la combustion du carbone ou de l’hydrogène dans la respiration , en représente 75 ou 80. Il attribue le reste à une cause inconnue. M. Despretz, qui a opéré sur le mercure, a recueilli plus complètement l'acide carbonique fourni par la respiration. Aussi, sur 100 parties de chaleur recueillie par le calorimetre , trouve-t-il que la respiration en présente 80 ou 9o. On demeure convaincu que cette portion de chaleur absor- bée par l’eau du calorimètre , et qui se trouve en excès sur celle que la respiration représente, tient en grande partie à un véri- table refroidissement de l'animal, quand on voit que ce sont lesanimaux dont la température propre est la plus haute et ceux qui se refroidissent le plus aisément , qui ont présenté les plus grands excès. On sait, en effet, par les expériences de M. Edwards, que les jeunes animaux perdent bien plus facile- ment une portion de leur chaleur que les animaux adultes, et il faut se rappeler ce résultat pour se rendre compte de quelques anomalies apparentes qu’on observe dans ces sortes de détermi- nations. Voici le tableau des expériences de M. Despretz, qui méri- tent d’ailleurs toute confiance par le soin avec lequel elles ont été exécutées. puMas. — Slatique chimique des étres organisés. 127 Chaleur produite Chaleur recueillie par la respiration, par le calorimètre, ANIMAUX { 2 petis chiens de 5 semaines. 100 135 jeunes. | 1 chienne de 8 mois . . .: 100 135 (RAODIES SRE Ci TOO 133 ; L£'chouettesi.nes Ne 2: 100 133 MEMPÉHATURE | Grand-duc adulte . : . . 100 129 de l'animal, ( 2 49 on 43°. 3 pigeons adultes, , , . . 100 126 Cinne adultes, 4 01. 100 126 CORNE CRE 100 125 Idem. | Chatde2 ans. . . . . 100 123 38° ou 39°. | Chienne de 2 ans. . . . . 100 123 Tin. { Lapin mâle . . . d'à 100 115 360 ou 36. 3 cochons d'Inde MOIS LA 100 112 | Lapine adulte . « , + .. 100 110 Ce tableau montre clairement que l’excès de chaleur recueilli par le calorimètre, est d’autant plus considérable que l'animal est plus jeune et que sa propre température est plus élevée. C'est-à-dire que la chaleur abandonnée par l'animal à l’eau qui l’enveloppe, rend suffisamment compte des excès apparens de chaleur , observés dans ces expériences. Il n'est donc pas prouvé qu'il existe dans les animaux une autre source de cha- leur que la respiration elle-même. La théorie de Laplace et Lavoisier , qui attribue à la respira- tion toute la chaleur produite par les animaux, constitue donc encore l'opinion la plus probable. $ V. DE L'ORIGINE DES MATIÈRES MINÉRALES QUI EXISTENT DANS LES ÊTRES ORGANISÉS. C’est une question souvent controversée que celle de savoir si les plantes n’ont pas créé des matières minérales pendant la durée de leur végétation, si les animaux n’en ont pas produit de leur côté pendant la durée de leur vie. Relativement aux végétaux , les expériences de M. Lassaigne prouvent sans réplique qu'ils n’ont pas cette faculté. 128 pümas. — Sfatique chimique des étres organisés. A l'égard des animaux, j'ai fait en 1822 avec mon ami le D' Prévost de Genève des expériences sur le développement des œufs qui conduisent à la même conclusion. 8 œufs frais pesant ensemble 428 gr. 55 ont laissé 4o gr. 10 de cendres; 9 œufs couvés près d’éclore, pesañt ensemble 462 gr. 53, ont laissé 51 gr. 97 de cendres; 12 œufs frais, pesant ensemble 656 gr. 37, ont perdu de leur poids pendant la durée de l’incubation une quantité égale à 92 gr. 75. On tire de là les résultats suivans pour la composition compa- rée des œufs frais et des œufs couvés et près d’éclore. OEufs frais. OEufs près de l'éclosion, Matières minérales . .".'. . 9,3 9,4 Matières organiques. . . . . 23,8 21,2 TN SES ES ES 66,9 55,6 Perte pendant l'incubation. . . » 13,8 100,0 100,0 D'où il suit que pendant le développement du poulet, il y a destruction réelle de matière organique, et qu’il ne se pro- duit pas de matière minérale. C. F. NEUMANN. — Sur la Conchyliometrie. 129 Sur /a Conchyliométrie , par C. F. Naumanw, de Freiberg. Traduit de l'allemand par M. F, De WEGMANN (1). SE Loi de l’écartement des tours de spire. L'étonnante régularité de forme qu’on remarque dans cer- q taines coquilles, et notamment dans celles des Céphalopodes et des Trachélipodes, m’a porté à rechercher si cette régularité ne pourrait pas être ramenée à des lois mathématiques, et quelles seraient ces lois. Je crus, en conséquence, devoir examiner s’il serait possible , : P de reconnaitre qu’une loi préside à l’enroulement spiral. A cet q Ï effet, je pris un exemplaire du 7rochus Conulus, je mesurai ; s] les tours de spire sur un des côtés du cône, et recherchai dans ? quel rapport se trouvent, l'un par rapport à l’autre, deux tours qui se suivent immédiatement. (2) Je trouvai donc que ces tours de spire suivaient une pro- gression géométrique, progression très simple, dont le quotient fut #; j'obtins, en effet, pour quatre tours : Mesuré, Calculé. ADD che Er eee S2070D DONS CR Dan AO OM DONNER, À . «+ 16,03 129 - + #0, RU 172,02 Un exemplaire du Trochus monilifer de Castel-Arquato me (1) Annalen der Physik , von Poggendorff; B. 50, (2) Pour ces mesures et pour les suivantes, je n'ai fait usage que des coquilles les plus ré- gulières parmi celles que je possède, condition qu'il ne faut sans doute jamais perdre de vue dans des recherches de cette nature, 11 va sans dire que les mesures ne doivent jamais étre. prises que sur une seule et mème arèle du cône, c'est-à-dire dans une seule et mème position de la génératrice, XVII, Zoo, — Mars, 9 130 ©. F. NEUMANN. — Sur la Conchyliométrie. donna également une progression géométrique; mais cette fois le quotient fut :. Je trouvai en effet, pour quatre tours de spire : Mesuré. Calculé, FH te lei CD ans 1,1 secs Deco iia TOM e een elle tete TO DENT AN SNMMAP ANA. 1. 12078 ‘ Par contre, une T'urritella multisulcata de Grignon me donna de nouveau le quotient ; cinq tours de spire amenèrent en effet le résultat suivant : Mesuré, Calculé. 33 drhadons & Also À 183,4 Air ‘Ant col) «Loan. 246 DO RES TNT LES PES SNGROME TE É. - - 148 100 ee as DER TUTO Une Turritella terebra de YAdriatique amena, pour cinq tours de spire, une progression géométrique ayant pour quotient g —=2; car j'obtins : Mesuré. Calculé, AD as Pere e - =: 300 ARS se 0 os lede tee UD: DAT TS RE RUE ADS Dre cherie ue canton: LORS eee + + 19,4 Une Turritella terebellata donna de même pour quotient g = !, résultat de six tours de spires * Mesuré, Calculé, Ds mois est = 193;0 80 . . « ot Milsdemgne 79,7 Gopureu sit we AM 168,3 Gore Les en ep quite, 458 5 SRE NE RUN RNNUN CS UIMESIR ATEN ete elele ee Le] 42,9 c. F. NEUMANN. — Swr la Conchyliométrie. 131 Une MNiso terebellata me donna g = ; cinq tours de spire ayant produit : Mesuré, Calculé. 23 a “dtbreinLalre pret -r285pe) 30, cer aire este 19;26 20 sas euh ts eo 19.40 ne cac tar 0e ME ae a EEE FR Ne e Meta tR LISTO Un Cerithiun nudum de Grignon amena g —;, ce qui ré. sulte des quatre tours de spire suivans : Mesuré, Calculé. NERO ET ER Er ÉHNÉAUE PONEAE, S . 34,4 D à À Choner ee a H 1 DISONS TENUE HAT; O Je trouvai de même pour une Terebra fuscata le quotient t — 5e 4% Pour un Buccinum contrarium. . - . . . . q — Mitra fusiformis. . . . . . . . . q — Pleurotoma filosa. . . . . . . . . q q q we wo È EUUN S] — Mitra scrobiculata . . . . + . . . — Turritella vermicularis. . . . . Le et Terebra duplicata . . — Pleurotoma cataphracta. . . . | Fusus pleheius. . . . . . . . + | q et Fuscus bulbiformis. | à [ue {l Ces observations suffiraient au besoin pour prouver que dans un grand nombre de coquilles de Trachélipodes, les tours de spirg,s'enroulent suivant la loi d'une progression géométrique. L'existence de cette loi se manifeste d’ailleurs non-seulement à la partie externe de la coquille, mais encore dans la partie | interne; et ce qui le prouve, c’est que les mêmes séries géomé- triques se retrouvent sur les #70ules en forme de vis de ces coquilles; observation qui pourra devenir très utile pour la détermination de certaines espèces fossiles à l’état de moule. | LE 132 C. F. NEUMANN. — Sur la Conchyliométrie. La même loi se manifeste également dans beaucoup de co- quilles de Céphalopodes, et nommément dans les Ammonites. Quelques-unes, sur lesquelles j'ai pu mesurer plus de deux tours de spire, m'ont donné ordinairement des quotiens égaux pour deux tours se suivant immédiatement; d’autres, où je n’ai pu comparer que deux tours seulement, me donnèrent néanmoins un rapport numérique si simple que, pour celles-là aussi, on peut préjuger leur sujétion à la loi. Toutefois, quant aux co- quilles d'ammonites, plusieurs circonstances rendent la déter- mination exacte du quotient d'enroulement, déduit de l’écarte- ment des tours, beaucoup plus difficile, et quelquefois: même tout-à-fait impossible. Parmi ces circonstances, il faut ranger le remplissage des loges par des matières pierreuses, ainsi que la petitesse des tours de spire intérieurs chez beaucoup d'espèces. Dans des cas semblables, il faudra donc recourir à d’autres moyens pour trouver le quotient d’enroulement. Les Ammonites étant enroulés dans un même plan, la théorie de leur configuration, restreinte à la recherche dela loi d’en-. roulement, sera toujours plus facile à calculer que celle des Trachélipodes, et en général de toutes les coquilles dont la spire est turriculée (enroulée en pas de vis), attendu qu’on a affaire ici à des courbes à double courbure. Dans la plupart des Trachéli- podes cependant, les tours de spire descendent sous un angle constant, ce qui facilite la théorie, et c’est pourquoi je ne por- terai ici mon attention que sur des tours de spire de cette espèce. $ IT. Nécessité absolue, pour certaines coquilles, de suivre la loi d’enroulement. + On peut démontrer, pour certaines coquilles, d’une manière indépendante de toute mesure et par conséquent en dehors de toute controverse, qu'elles sont nécessairement soumises à la loi d’enroulement dont nous venons de parler. De ce nombre sont toutes celles qui présentent un cône à aréles rectilignes et mn à mi C. F. NEUMANN. — Sur la Conchyliométrie. 133 un angle constant de descente, comme, par exemple, le Trochus conulus. (1) Supposons que l'axe du cône soit vertical et soit B l'angle d’élévation du côté du cône (c’est-à-dire l'angle formé par sa gé- nératrice avec le plan horizontal) : qu’à une distance b quelconque du sommet du cône, mesurée sur son axe, on fasse passer un plan horizontal dans lequel on comptera les coordonnées po- laires r et », et qu'on prenne l'axe même du cône pour l'axe des z: dans cette supposition, l'équation de la génératrice du cône sera, dans toute position quelconque, z + = r tangf. Comme cette équation a lieu dans tous les azimuths, c’est-à- dire dans toutes les sections principales du cône, elle prend un sens relatif aux trois dimensions par la seule introduction de la coordonnée polaire angulaire , et représente ainsi alors toute la surface du cône. Qu'on imagine donc un point quelconque P de cette surface conique, à partir duquel descend sur cette sur: face et dans une même direction, une ligne en pas de vis, sous un angle de descente constant 3, donné sur la surface du cône. Soient », r et z les coordonnées de P, dès-lors une simple con- struction géométrique fait voir que Mais comme , d’après l’équation de la surface du cône dz=tang. fdr, (1) À sipysser que quelques conchyliologistes s'accordassent avec M, Zoubée pour re- pousser les considérations qui vont suivre, comme un vain échafaudage algébrique, je me permettrai de leur répondre, avec M. Boubée lui-même : « Si l'on doit décrire des formes , c'est à la géométrie qu'il faut emprunter ses moyens ; de toute autre manière, on ne saurait obtenir la précision nécessaire » (Bulletin de la Société géologique de France, vol, 1, p. 232). Au surplus, sans prétendre faire de la conehyliologie un corollaire des mathématiques, je pense cependant qu'elles seules peuvent conduire à la connaissance des lois qui président aux formes des coquilles, de méme qu'aux formes des cristaux, Déjà les mesures ont été introduites dans la conchyliologié par MM, Léopold de ch et Bronn, 134 C. F. NEUMANN. — Sur la Conchyliométrie. on obtient, après substitution de cette valeur, : ë dr VAR RTE Tang. 5 dv =— 7 1 + tang. 6, et aprés l’intégration, en désignant par Log les logarithmes na- turels : v tang. 2 = log. r Va + tang. ? 64 const, ou bien encore : log. r = v tang. Ÿ cos, 8 + const. ; Si nous désignons par a la valeur de r qui correspond à l'arc #—0, nous trouvons que la constante de cette intégrale a pour valeur /oz a ; Nous obtenons donc log. r = # tang. Ÿ cos. 6 + log. «, comme équation de la projection horizontale de la ligne en vis conique cherchée, Mais des-lors il est évident que cette projec- tion horizontale est une spirale, laquelle même est de l’ordre des spirales logarithmiques ; où spiræ mirabiles de Jacques Bernouilli, qui les nommait ainsi à cause de leurs propriétés : remarquables, sans même se douter que toute une classe d’a- nimaux peut-être fût soumise à leurs lois. À cause de ses rapports avec les coquilles, je donnerai désormais à cette spirale le nom de Conchosptrale, et j'introduirai tout de suite quelques autres expressions propres à faciliter le travail dont je m'occupe. Ainsi, sous le nom de rayon vecteur j'entendrai toujours exclusive- nent cette ligne érdéfinie dont les mouvemens angulaires sont exprimés par les arcs ou les angles v; au contraire, j'appellerai simplement rayon toute longueur définie de cette ligne Corres- pondant à l'arc v. Je nommerai rayons équidistans ceux qui comprennent des angles ou des arcs égaux; ceux enfin que mesurent les arcs 1/2 + ou x ou 2 #, C'est-à-dire qui ont pour mesure le 1/4, la 1/2 ou la périphérie tout entière, je les appelle- rai rayons quadrodistans, semissodistans et singulodistans. Dans la conchospirale, telle que nous venons de la définir, L C. F. NEUMANN. — Sur la Conchyliométric. 135 tous les rayons éguidistans, et par conséquent aussi tous les singulodistans forment une progression géométrique, ce qui résulte directement de l'équation ! log. r — v lang. d cos. G+- log. a, ou bien r log.—= v tang. ? cos. 8, si l’on écrit successivement pour v, 4x, v +2 x, + 3x, etc. et qu’on fasse æ—2 +; car puisque les logarithmes ainsi obte- nus des valeurs successives de + forment une progression arithme- tique, il S'ensuit évidemment que les rayons successifs eux- mémes forment une progression géométrique. C’est là, au reste, comme chacun sait, le caractère fondamental de toutes les spirales logarithmiques. Mais comme les différences des termes d’une progression géométrique forment eux-mêmes une progression de ce genre, ayant le même quotient, il suit de là nécessairement que les différences existantes entre deux rayons singulodistans qui se suivent immédiatement, c’est-à-dire les distances des tours successifs de la conchospirale forment aussi une progression géométrique. Puisque enfin le cône qu'on envisage est droit, et que son axe passe par le point central de la spirale, perpendiculairement à son plan, il en résulte évidemment que les chiffres exprimant l’'écartement des tours descendans de la ligne turriculée doivent former une progression géométrique, car cette ligne n’est autre que la projection de la conchospirale sur la surface du cône. Donc, dans toute coquille parfaitement conique dont la ligne turriculée (1) a un angle constant de descente; la projection de cette ligne est une conchospirale, et ainsi les distances iles tours entre eux sûr la surface du cône doivent former nécessairement une progression géométrique. Dans tous les cas semblables, ce (x) Le traducteur s'est servi plusieurs fois de ce terme pour désigner la ligne ex pas de vis, où en limaçon. 136 C. F. NEUMANN. — Sur la Conchylioméltrie. rapport géométrique nécessaire se vérifie, rapport qui est une conséquence obligée de l'organisme de l’animal, en tant que cet organisme le force à construire une coquille conique dont les tours de spire ont un angle constant de descente. $ III. Autre forme de l'équation de’ la conchospirale. Nous allons maintenant déduire l'équation de la concho- spirale d’une formule plus commode et indépendante de la surface du cône. La loi fondamentale qui nous sert de base est celle de toutes les spirales logarithmiques, savoir, que les rayons équidistans successifs forment une progression géométrique. Nous chercherons à déduire l'équation de la progression qui existe entre les rayons singulodistans. Que le rayon vecteur se meuve constamment dans le même sens à partir du point initial du mouvement, et parcoure ainsi plusieurs fois de suite toute la périphérie autour du centre : pour chaque arc Ÿ ainsi décrit, on aura un rayon r déterminé, qui nesera pas seulement une fonction de v, mais qui dépendra aussi de deux constantes. L’une de ces constantes, que je nommerai a, est la valeur qu’a r pour v—o, c’est-à-dire dans le moment où le rayon vecteur commence son mouvement. Pour deuxième constante, nous prendrons le quotient de la progression géomé- trique que forment les rayons singulodistans; je désignerai ce quotient par g et le nommerai désormais quotient d’enroulement. Cela posé , la série des rayons singulodistans correspondans aux révolutions entières comptées à partir de v—o et der = a est la suivante : Pour TI Oo AN EN A Nr = ta V= 2m... 1 =4aq v= kr... T= aq 7 GRele cte -t2igh G. F NEUMANN. — Sur la Conchyliométrie. 137 et on a ainsi en général pour un arc quelconque v, v Tage, Telle est la formule la plus commode que nous puissions donner, dans le but que nous nous proposons, à l'équation de la concho- spirale, et c'est pour cela que nous la conserverons à l'avenir. Au fait, cette équation est identique avec celle que dans le paragraphe précédent nous avons déduite de la ligne turriculée du cône : log. r = v tang. à cos. B + log. a. Elle donne en effet immédiatement log. r — PT. ——+ log. a. Mais une construction D sit très simple nous montre que pour la ligne turriculée conique du $ IL. dr 4 ds = tang. à cos. G. De l'équation L2 r—=ag 7, il résulte dr log 7 . rdv 27%. ? donc, si l’on pose log. g = 2 r lang, 5 cos, 6, les deux équations seront identiques. Nous voyons ainsi comment le quotient d’enroulement s'ex- prime en fonction des deux angles à et £. 136 c. FE NEUMANN. — S#r a Conchryliométrie. $ IV. La conchospirale déduite de la ligne turriculée conique. Ayant trouvé pour l'équation de la conchospirale v T—= «aq 2m; nous pourrons remonter de là à la courbe turriculée, Elevons pour cela du centre de la conchospirale une perpendiculaire à à son plan. Si nous considérons cette ligne comme étant l'axe des z, et qu’ainsi nous passions du domaine de la planimétrie dans v celui de la stéréométrie, dès-lors l'équation r—e g ?T, qui jus- qu'ici ne représentait que la spirale dans le plan horizontal, prend une signification stéréométrique et représente le cylindre spiral, c'est-à-dire la surface cylindrique produite par une ligne droite qui suivant le contour de la conchospirale, reste toujours parallèle à Yaxe de z. Imaginons maintenant une ligne qui d'un point quelconque de ce cMindre spiral descende le long de la sur- face du cylindre sous un angle constant :. On se demande quelles seront les propriétés de la courbe à double courbure ainsi obte- nue. Naturellement ces propriétés ne peuvent être manifestes que dans la projection de cette ligne; or, l’une de ces projections nous est connue, c’est la conchospirale donnée; nous n'avons donc plus à chercher qu'une seconde projection, en introduisant Ja condition donnée par l'angle -. Pour cet angle, quel que soit la nature de la surface cylindrique le long de laquelle descend cette ligne, on arrive à la formule générale : Mais comme, dans l'espèce, on a pour l'équation de la surface ; P ; du cylindre y ? v 275 T—=aq , G. F. NEUMANN. — Sur la Conchyliométrie. 139 il vient pour la ligne cherchée 2rdr TAV—= ———, log. q Substituant ceci dans l'expression pour tang +, il vient : log. g d 2 = tang.e dr V4 m1 + log.‘ q, et en intégrant : z log. g = r tang. e V4 »° + log. *q + const. Si maintenant nous faisons commencer les lignes turriculées au point où v— 0, et par conséquent 7 —a, il s’'ensuivra que la valeur correspondante de z sera ‘également o. Par là se trouve déterminée la constante de l’intégrale, dont la valeur est : — a tang. « V4 + log.‘ g, et par conséquent, il vient pour l’équation cherchée de la se- conde projection de la ligne turriculée engendrée : LA (r—a ) tang. € Var log2g. log. q ë Cette égalité est évidemment une équation entre les coordonnées rectangulaires r et z, à la première puissance, et par conséquent c'est l'équation d’une ligne droite. La ligne turriculée engendrée est donc dans la surface sur cône droit, dont l'angle ascen- dant & est déterminé par Tang. 6 — T—a Si donc £ est donné, il vient : 0 log. g tang. f Cette expression de ang € est très commode pour calculer l'angle de descente « (mesuré dans un plan vertical) d’une co- quille. (1) Tang. : — (x) L'angle désigné par dans le $ n, est l'angle plan, c'est-à-dire l'angle de descente de l'enroulement mesuré dans le plan du cône même où dans son plan tangent; — l'angle dési- gné ici par & est au contraire le perpendiculaire, c'est-à-dire l'angle de descente mesuré dans le plan du cylindre spiral ou dans son plan tangent. 140 C. F. NEUMANN. — Sur la Conchyliométrie. pour laquelle l'observation a donné g, c'est-à-dire le quotient d’enroulement, et 6 l'angle d’inclinaison du côté du cône sur le plan horizontal : Ainsi, pour le Trochus conulus, par exemple : = _ cte—61 d’où il vient, pour cette coquille, Log. qg — 0,2876389. En substituant cette valeur, ainsi que celle de tang 8 dans la formule précédente, on obtient : ce — 443 pour l’angle de descente des tours de spire du Trochus conulus, mesuré dans un plan vertical. Quant à la Wiso terebellata, au Fusus plebeius, et au Pleuro- toma cataphracla, qui ont un cône à très peu près droit, je trouve pour valeur approximative des angles de descente mesu- rés verticalement, savoir : Nisoïterebella mie tnt Le = 6753! Fusus plebeius . . +. « « . + à + 8 = 9°o0' Pleurotoma cataphracta . . . . . . © — 10°22’. Ici l’on peut se permettre encore une abréviation, aussi long- temps que g n’est pas > ;. Comme « est ordinairement un angle assez petit, et que le carré de Log. q a également, par rapport à 4 r°, une très petite valeur (du moment que g < =), on peut en pareil cas, sans erreur sensible, faire log. q tang. 6 œ —= Tang. « = Les angles calculés précédemment se déterminent alors ainsi qu'il suit : Trochus conulus. . . . . . .. . e — 4°43 Niso terebellata. - . . . . . . . & — 6°53 12" Fusus plebeius + + + . + + + + à — gr mn Pleurotoma cataphracta, … , . . . 10°23 ; C.F. NEUMANN. — Sur la Conchyliométrie. 141 lesquelles valeurs ne diffèrent tout au plus des premières que de r”. Nous avons ainsi procédé, dans le présent paragraphe , de la conchospirale à la ligne turriculée conique, de même que dans le $ II nous avions marché de la ligne turriculée co- nique à la conchospirale, en supposant dans les deux cas un angle de décroissement constant de la ligne tnrriculée. A la vérité, ces calculs n’ont de valeur que pour certaines coquilles, attendu que, sans aucun doute, les cônes enroulés (ou d’enrou- lement) de plusieurs autres coquilles ont une ligne courbe pour génératrice et non une droite; et que chez d’autres encore, l'angle de descente n’est pas constant, mais variable. Les co- quilles de ce genre se rapportent en partie à d’autres spirales(1), bien que la conchospirale se concilie avec des cônes à généra- trices courbes, pourvu qu’on suppose en même temps que l'angle de descente va légèrement en croissant ou en décroissant. Nous essayerons dans la suite de faire l'application de la con- chospirale aux 4mmonites. (x) I n'est poiut iavraisemblable qu'il n’y ait d'autres spirales; les formes de plusieurs co— quilles (telles que la Pupa et la Clausiliu) donnent à soupconuer qu'il existe des spirales rétro- grades. On pourrait se représenter une semblable spirale en désignant, par exemple, par la letire a une petite partie aliquote du demi-cercle, 10° environ, et en faisant croître d’après la loi suivante les rayons de la spirale à engendrer : pour v— 27, soit r—asina j: — VE4R, — r=asn2a — V=6r, — = a sin 3 a, etc, etc. v # . « . Dans ce casr a sin-— a sera l'équation de cette spirale pour un arc 5 qREleonque v, Mais il y bien que cette minis rétrograde vers le centre, du moment que— a > 90°; et lors- que——a = 1809, elle atteint de nouveau le centre, pour de là accomplir le même mouvement en sens contraire, 142 KROEYER. — Sur le Bopyrus abdominalis. Description pu Bopyrus abdominalis, Par H. Kroeyer. (1) L'espèce de Bopyre décrite dans cet article est doublement remarquable par les différences de forme que présente la fe- melle adulte, et par le séjour de ce parasite qui habite non pas la caparace, mais la partie inférieure de l'abdomen du Crus- tacé sur lequel il vit. J'ai rencontré ce Bopyre sur plusieurs points de la côte sep- tentrionale de la Norwège, surtout près de Christianssund (par 63° lat. n. environ), au mois d’avril, sur une espèce d’Hippolyte que je crois être l’Hipp. Gaimardii, Milne Edw. Sur cinquante- huit individus, onze portaient chacun une paire de Bopyres sous leur abdomen, Sur un individu qui n’avait rien sous l’abdo- men, j'ai trouvé un bopyre mäle tellement fixé à l’un des deux yeux, que j'ai eu de la peine à l’en détacher. Sur un autre qui portait déjà une paire de ces parasites sous l'abdomen, j'ai vu un mâle errer surle dos et finir par se rendre vers l'œil. Un troisième individu portait un Bopyre mâle fixé aux branchies. Voici quel est le mode d’attache de la femelle : elle est placée sous les deux premiers anneaux de l'abdomen; les feuillets qui servent à pro- téger les œufs et les jeunes du Bopyre femelle et entre lesquels celle-ci se trouve enchâssée, se tournent en dehors ou plutôt en bas, si nous supposons l'Hippolyte dans sa position naturelle ; la tête du Bopyre est dirigée vers la queue de l'Hippolyte, et ses feuillets branchiaux vers la région thoracique de ce dernier. L'Hippolyte contribue lui-même à donner à son ennemi un abri assuré; les côtés des anneaux s’appliquent contre ce parasite, et la troisième paire des pieds natatoires entoure si exactement (x) Cet article , extrait du Journal de Kræyer, qui se publie à Copenhague, a été repro- duit dans l'Zsis, 184t, neuvième cahier, page 693 , planches 2 et 3, et traduit de l'alle- mand par M. Lereboullet. KROEYER. — Sur le Bopyrus abdominalis. 143 ses flancs, qu’il en résulte de chaque côté un sillon profond ou un canal. 1l paraît que ni le mouvement des vagues, ni le frot- tement contre des corps étrangers ne peuvent débarrasser l'Hippolyte de son parasite incommode. De plus, le Bopyre se cramponne avec force à son hôte, ce dont on peut s’assurer en enlevant les parties de l'Hippolyte qui concourent à le main- tenir. Du reste, je dois faire observer que jamais je n’ai ren- contré un petit Bopyre sur un Hippolyte de grande taille, ni un grand Bopyre sur un petit Hippolyte; d’où il semble résulter que les jeunes Bopyres, aussitôt qu'ils ont quitté leur mère, re- cherchent les jeunes Hippolytes, s’y fixent, et croissent et se développent avec eux. Description de la femelle adulte (PI. 6, fig. 1). Couleur rouge pourpre foncé avec des reflets bleuâtres; lon- gueur des plus grands individus de Norwége, environ 3 +” (je possède des exemplaires du Spitzherg longs de 5°”). La forme du corps est tellement irrégulière, qu’on est un peu embarrassé pour distinguer la région dorsale de la région ventrale. Le corps est arrondi, à-peu-près aussi large que long; le côté appliqué contre l'abdomen de l’Hippolyte est assez plat, le côté opposé très convexe ; je décrirai d’abord le côté aplati. On y voit la tête (fig. 1 cc’), ainsi que l'indication des anneaux du corps(e), puis les anneanx de l’abdomen (2) et les feuillets branchiaux ( f) dirigés vers le côté droit (1) et s'étendant jusque tout près de la surface convexe. La tête, comparée au reste du corps, est petite, mais elle est grande quand on la compare aux anneaux thora- ciques, puisque sa longueur est à-peu-pres égale à celle des quatre premiers segmens réunis. Le bord frontal est assez droit, le bord postérieur, au contraire, fortement courbé. Au devant du bord frontal , se trouve une grande plaque de forme irrégulière, qui recouvre en grande partie les organes buccaux. Cette plaque enlevée, on tombe sur deux pièces lamelleuses, minces (fig. 3), placées l’une sur l’autre; la pièce supérieure a plus grande, assez (1) Ces feuillets sont dirigés vers le côté gauche daus la figure 1. (Note du traducteur.) 14/4 KROEYER. — Sur le Bopyrus abdominalis. convexe, un peu irrégulièrement ovale ; l'inférieure plus petite, quadrilatère, à angles arrondis, me paraît être unie par ses bords à la pièce supérieure. Du côté gauche, la pièce inférieure est plus grande et surtout beaucoup plus large que la supérieure, et se rapproche de la forme triangulaire. En dedans de ces lames, on en trouve une paire de plus petites, allongées, arrondies à leur extrémité (fig. 4), et partagé par un sillon transverse en deux articles, l’un basilaire, l’autre terminal. Je n’ai pu voir que ces parties de la bouche ; mais il est à présumer qu'il en existe en- core d’autres que leur ténuité ne m’aura pas permis d’aperce- voir. Les yeux paraissent ne pas exister à ce stade de développe- ment. Le premier segment thoracique entoure la tète comme un ruban, plus étroit sur la nuque que vers ses extrémités. Le deuxieme segment est très développé ; les cinq segmens suivans deviennent de plus en plus étroits et ne sont distincts les uns des autres que sur les côtés du corps: leur extrémité gauche est recourbée en arrière, Les pieds ( fig.6 et fig. 1 e) sont gros, assez courts, et composés de trois articles distincts. L'article basilaire a aenviron 1/5”, il est disposé transversalement et forme un angle presque droit avec les deux autres; ceux-ci ont ensemble une longueur de 3/10’” environ. Le deuxième article a la forme d'un losange; le troisième est court, ovale, mousse; long-temps je n'ai pu y découvrir ni ongle, ni crochet; cependant cette pièce existe , mais elle est très petite et difficile à distinguer ; on la voit un peu mieux sur les jeunes individus (fig. 13). Ce qu'il y a de bien singulier, c'est que le premier anneau porte deux pieds qui font saillie sur les côtés de la tête; les autres anneaux n'ont qu’un pied situé du côté droit du corps. A la base de chaque pied se voient deux petites éminences arrondies (fig. 6, d). J'ai cru d’abord que ces éminences étaient les rudimens des pieds du côté gauche, mais comme ils existent aussi aux pieds du premier anneau, cette hypothèse n’est guère admissible. L’abdomen, de forme conique, se compose de six anneaux distincts (fig. 1, 2) qui diminuent peu-à-peu de largeur; les cinq premiers sont plus larges que longs; lesixième est, au contraire, beaucoup plus long que large. Aux quatre premiérs anneaux KROEYER. — Sur le Bopyrus abdominalis. 145 sont attachés, de chaque côté, quatre feuillets branchiaux (fig. 1,f). Ceux du côté gauche, c’est-à-dire du côté opposé aux pieds, sont beaucoup plus développés que les autres; le pre- mier est plus grand que les suivans. Dans les femelles adultes, ces lames branchiales se recouvrent en partie les unes les autres. Elles sont ovales, mais varient, du reste, pour la forme; celles du côté gauche (fig. 7, a) sont plus courbées, celles du côté droit plus allongées et plus étroites (fig. 7, b). On distingue çà et là, le long du bord des lames branchiales, quelques faisceaux de soies blanches. On voit clairement, sous le microscope, les ramifications des vaisseaux sanguins à la surface des feuillets branchiaux. Le dernier segment abdominal est un peu fendu à son extrémité (ouverture anale). Lorsque la face ventrale de l'animal est tournée en haut, on voit qu’elle est formée exclusivement par le sac ou réservoir qui sert à loger les œufset les jeunes Bopyres. Pendant l'état de gesta- tion, ce sac, distendu par la grande quantité d'œufs qu’il renferme, a une forme très bombée. Les laines thoraciques ont divers de- grés de développement et trois seulement d’entre elles paraissent concourir à la formation du sac. Mais l’une d’elles, la supérieure, l'emporte tellement sur les autres, qu’elle embrasse presque à elle seule toute l'étendue de la surface abdominale (fig. 2, a, d, e, À, c). Si on la détache du corps, on voit qu’elle est formée de trois articles (la fig. 5 représente cette lame vue par sa face in- terue ); l’un d'eux, a, mince et transparent, est fixé au corps par son bord supérieur; un autre, b, un peu plus épais, fortement recourbé, séparé du précédent par un rebord élevé et divisé par une ligne en deux pièces plus petites , b’ et "; cette seconde pièce forme la partie inférieure de la grande lame thoracique et s'étend sur les parties latérales. Enfin, la troisième piece, e, est petite, arrondie, située en dehors des pièces précédentes, et sert à recouvrir les appendices buccaux. Les deux autres lames qui concourent à Ja formation du sac abdominal (tig. 2,d, e, b, et b, k, g) sont allongées et étroites; elles occupent le bord infé- rieur et une partie des bords latéraux de la face abdominale, et servent particulièrement à fermer la poche orifere. Au dehors de la lame abdominale b, k, g, se voient trois petites lames ru- XVII, Zooc, = Mars, 10} 146 KROEYER. —— Sur de Bopyrus abdominalis: dimentaires, g, 2,0, qui paraissent ne pas avoir 'de fonction spé- ciale. Ayant eu à ma disposition un assez grand nombre d'individus de diverses grosseurs, je suis à même de présenter quelques ob- servations sur le développement de cet animal qui ne seront pas dépourvues d'intérêt, La plus petite femelle que j'ai rencontrée avait environ 1, 3/10 de longueur sur une largeur de 2/5”; c’est assez dire qu’elle était allongée et étroite (fig. 9 et 10), à-peu- près comme la forme du mâle. Près de cet individu se trouvait aussi un petit mâle (d'environ 9/20” de longueur) attaché le long de la face inférieure de l'abdomen, entre les feuillets bran- chiaux. (Ce mâle différait assez, par la forme, du mäle adulte. Il parait donc que les sexes se recherchent dans l’äge le plus tendre et se réunissent avant d'avoir terminé la série de leurs métamorphoses.) La face dorsale de l4 jeune femelle était très convexe, et la partie antérieure du corps (la tête et les trois ou quatre premiers anneaux) recourbée. On ne distinguait pas en- core de défaut de symétrie dans les formes, mais seulement dans les parties de l'animal prises isolément. La tête est remarquable, parce qu'elle porte de chaque côté un œil petit, arrondi, situé assez en arrière, près du bord antérieur du premier segment, Il parait exister dans cet endroit deux paires de petites antennes; cependant je n'ai pu les examiner plus attentivement, non plus que les parties de la bouche, ne voulant pas disséquer l'animal. Les sept anneaux thoraciques sont symétriques, autant que J'aipu m'en assurer; leur surface dorsale est très convexe. Cha- cun d’eux est pourvu d'une paire de pieds dont la forme et les dimensions sont des deux côtés les mêmes; ils ne diffèrent des pieds de la femelle adulte que par un article de plus. Les quatre premiers anneaux abdominaux, vus de profil, présentent sur leur face dorsale des saillies pour ainsi dire en forme d’épines; le cinquième est peu distinct, le sixième allongé, un peu recourbé, fendu, à son extrémité. Ce qui me paraît étonnant, c'est que:je erois avoir trouvé cinq paires de branchies au lieu de quatre (une petite de plus entre la troisièine et la cinquieme); les feuil- lets branchiaux ont, du reste, la même forme et la même gran- deur des deux côtés; la première un peu plus grande et plus KROEYER. — Sur le Bopyrus abdominalis. 147. large que les trois suivantes, la dernière la plus grande de toutes. Une femelle de 1,7/10°° de longueur sur environ +, 1/5” (fig.8) de largeur, présentait une transition intéressante entre les deux formes décrites jusqu’à présent. Elle montrait encore des traces d'yeux, tandis que la forme du corps tendait déjà for- tement à se rapprocher de l’asymétrie. Comme l’activité sexuelle n'avait pas encore atteint toute sa force, la partie postérieure du corps était proportionnellement plusdéveloppée que l’antérieure, et la forme générale plus allongée. On pouvait encore suivre sur toute la largeur du corps les anneaux thoraciques, tandis que chez la femelle adulte le développement considérable dela poche oxifere fait que le deuxième anneau thoracique est le dernier que l’on puisse voir dans toute son étendue transversale. Sur la face dorsale des anneaux on rencontre, vers le côté gauche, un petit tubercule arrondi (fig.8, /), visible surtout aux quatre derniers anneaux thoraciques et aux deux ou trois premiers anneaux abdominaux, Comme chaque paire de pieds n’a qu’un tubercule à sa racine, au lieu de deux qu'on y observe plus tard, on peut dire qu'ici ces deux tubercules sont encore séparés. Les quatre paires de feuillets branchiaux sont assez asymétriques; ils sont plus développés du côté gauche et augmentent du premier au dernier, tandis que côté droit, les trois premiers sont égaux entre eux et le quatrième plas petit; les pattes sont pourvues de très petits crochets (fig. 13). Je n'avais d’abord trouvé des pieds que du côté droit, mais en disséquant l'animal, j'ai vu qu'il exis- tait aussi, du côté gauche, une série de pieds rudimentaires cachés sous les lames thoraciques (fig. 12, première lame tho- racique du côté gauche de la tête. — Fig. 8 a, bord de cette lame avec les deux pieds cachés sous elle). Cette circonstance w'a déterminé à rechercher de nouveau si l'adulte n'avait pas aussi deux séries de pieds; mais l'examen le plus attentif ne m'en a fait découvrir ancune trace du côté gauche. Les parties de la bouche différent un peu de celles de l'adulte. Il existe ici, de chaque côté , trois lames foliacéee , une extérieure (fig: 14), une moyenne (fig. 15) et une interne ( fig. 16), dont le dessin indique la forme. 10. 148 KROEYER. — Sur le Bopyrrus abdominalis. J'arrive maintenant à une disposition qu’on ne voit pas en- core dans les deux stades que je viens de décrire et qu’on trouve à l’état rudimentaire dans les femelles adultes. Outre les feuillets branchiaux ordinaires, on voit chez les femelles encore jeunes (tab. 17, fig. 7 ), quatre autres paires de lames occupant la face inférieure de l'abdomen (a); elles vont en diminuant de la pre- . mière à la dernière; elles ressemblent beaucoup aux lames bran- chiales proprement dites et suivent , dans leur développement, la symétrie de ces dernières; mais tandis que les lames bran- chiales occupent chez l'adulte la région dorsale, celles-ci restent à la face ventrale et deviennent tellement petites qu’on les dis- tingue à peine : j'ignore quel est l'usage de ces organes. Chez les jeunes femelles qui n’ont pas encore d'œufs, le mäle ( le jeune mâle qui n’a pas encore subi sa dernière transformation) est fixé entre ces plaques sous-abdominales (fig. 7, c), la tête en avant. Chez la femelle adulte, au contraire, le mâle a une toute autre position (fig. 8, b); il est placé transversalement ou un peu obliquement le long du bord postérieur de l'abdomen, la tête en partie cachée sous les branchies. Si lon enlève le mâle, on trouve sur la limite du thorax et de l'abdomen les ouvertures des organes génitaux rapprochées l’une de l’autre sur la ligne médiane. L’anus ne me paraît pas être au-devant des ouvertures génitales comme dans le Bopyre décrit par Rathke, mais à l’ex- trémité du dernier segment de l'abdomen ( fig. 7, d). Le plus grand mâle que j'aie rencontré avait 1 +” de longueur sur 3 de ligne de largeur; sa forme est allongée, linéaire (fig. 18), effi- lée en arrière; ordinairement les màles sont un peu recour- bés (fig. 19); leur couleur est d'un jaune brun clair sur le dos, d’un blanc jaunâtre sous le ventre. La tête est petite, recourbée en bas, étroitement unie au pre- wier anneau thoracique, plus large que longue, transversale- ment ovale; près de son bord postérieur se voient deux yeux petits, ronds, noirs, très écartés l’un de l’autre; cette tête porte deux paires d'antennes d’une petitesse extrême (fig. 20). Ta paire moyenne, la plus petite, et dirigée plus en avant, se com- pose de trois articles qui diminuent graduellement de grandeur; ces antennes sont garnies de petites soies à leur extrémité et KROEYER. — Sur {e Bopyrus abdorninalis. 14a sur leurs bords. Les antennes externes sont plus longues, plus épaisses et dirigées plus latéralement; elles se composent de quatre articles également sétiferes, la soie terminale est la plus longue. Je w’ai pu examiner les parties de la bouche. Les sept anneaux .thoraciques forment ensemble une courbure en avant; ils sont fortement bombés et séparés l’un de l'autre par un étrangle- ment profond : ils different peu l'un de l'autre. Les sept paires de pieds ont la même forme et les mêmes dimensions, ils con- situent de puissans appareils de fixité, Chaque pied se compose de quatre articles (fig. 11), sans y comprendre la griffe. Le premier article est de grosseur moyenne, le second beaucoup plus court, mais à-peu-près de la même grosseur, le troisième encore plus court et plus mince, le quatrième ou la main l’em- porte de beaucoup sur les précédens , surtout en épaisseur ; il est renflé, ovalaire, échancré à son extrémité; le crochet ou griffe est recourbé et très aigu. L'abdomen est petit, contenu environ trois fois dans la lon- gueur du thorax; il est triangulaire, pointu en arrière, et se compose de six anneaux à-peu-près d'égale longueur, mais qui diminuent successivement de largeur; sa face inférieure semble porter des feuillets branchiaux, mais ils sont si petits et si peu développés, que je n’ai pu me faire une idée exacte de leur forme. Maintenant quelques mots sur le màle dont j'ai fait men- tion plus haut (fig. 21). Il est blanc, long d'une demi-ligne quand il est étendu. Au premier abord, il parait conformé comme le mäle adulte, mais un examen plus attentif fait voir qu'il existe entre eux des différences assez notables : la tête, comparée au corps, est un peu plus grande, elle a au moins la longueur des deux premiers anneaux réunis. Les yeux sont aussi beaucoup plus gros (1), d’un noir de charbon, irrégulièrement (1) Ce développement plus considérable des yeux chez les jeunes Crustacés s'observe aussi , entre autres, chez les Cymothoadés , ainsi qu'il résulte des observations de M, Milse Edwards ( Annales des Sciences naturelles , deusième série , tome ur.) { Note du traducteur.) 150 KROEYER. — Sur le Bopyrus abdominalis. triangulaires. Les antennes diffèrent de celles de l'adulte (Ja figure 21 ne montre que les aïitenues internes; les externes, cachées sur les côtés du corps, sont difficiles à découvrir). Les antennes internes (fig. 25, &) sont courtes, tres épaisses, composées de trois articles diminuant successivement de di- mension et garnies de soies longues et nombreuses. Les antennes externes (fig. 25, b) sont longues, minces et formées de six et peut-être de sept articles; chacun des trois ou quatre derniers est muni à son bord externe d’une petite soie; trois soies plus longues terminent le dernier article. Les anneaux thoraciques ressemblent assez à ceux de ladulte; les sillons qui les séparent sont moins profonds; les pieds sont plus allongés la main étant moins large, mais par contre, la griffe est plus développée. L’abdomen est proportionnellement plus volumineux, chacun de ses cinq premiers anneaux porte une paire de pieds nata- toires ; le dernier anneau est pourvu de deux longs appen- dices (fig. 24 ). Les pattes natatoires (fig. ‘23 et fig. 26 } se composent chacune d’urie lame basilaire de laquelle partent de longues soies en nombre variable. Les deux appendices du dernier anneau (fig. 24 ) sont formés chacun de plusieurs articles, dont le dernier porte une soie longue dirigée en ar- rière; quelques soies plus courtes se voient sur les côtés. Il me reste à indiquer les observations que j'ai pu faire sur les jeunes encore enfermés dans la poche thoracique de la mère(i). Leur taille est de - de ligneenviron; ils sont un peu plus longs que larges; leur forme est ovalaire, leur couleur blan- chätre; il m'a été impossible de distinguer aucune division du corps, aucune trace de segmens. Je dois avertir cependant que l'animal, vu de côté. présente à l’intérieur une sorte de seg- mentation qui se manifeste, sous le microscope, par des lignes alternativement plus claires et plus foncées, à-peu-près comme Rathke l’a figuré, mais les tégumens n’offrent aucun vestige de (x) La figure 17, planche 6, montre un jeune, vu par sa face dorsale. Comme il n'est pas comprimé, on n'aperçoit pas les antennes. La figure 28 représente le même animal plus grossi et soumis à une légère pression , qui permet de moutrer les antennes externes a. Dans la figure 5; on voit en a les mêmes antenues plus détachées du corps. KROEYER, — Sur le Bopyrus abaorninalis. 151 division. Je n'ai pu découvrir d'yeux ( on peut admettre qu'ils ont disparu par le séjour dans l'alcool ); je n'ai bien vu qu’une paire d'antennes, les externes, composées de trois articles, un basilaire grand et fort, un second court et plus mince, et un troi- sième très long et effilé en forme de soie. Je crois avoir trouvé onze paires de pieds, cependant je ne voudrais pas assurer qu’il n'y en a pas une douzième : ce que je puis affirmer, c'est que les pieds se présentent sous trois formes. Les cinq premieres paires sont des pieds ambulatoires ou de fixité; ils apparaissent le plus sou- vent, quand on ne comprime pas l’animal, sous la forme d’un disque ovale porté sur un et probablement sur plusieurs articles basilaires. En s’aidant de la compression, on voit (fig. 28 et 29, b) que chaque disque est muni d'un ongle recourbé tres fort; derrière ces pieds se montrent cinq paires de pieds nata- toires composés d’un article basilaire allongé et d’un article ter- minal court et mince terminé par trois longues soies (fig. 28 et 29, c). Vient ensuite la derniere paire de pieds (4) formé d'un article basilaire et de deux pièces terminales. La reproduction paraît se faire pendant toute la durée de la vie, mais la sortie des œufs et le développement des jeunes ont lieu au printemps. La grosseur des œufs était de 5 à 25", leur couleur jaune clair, leur nombre considérable. J'ai observé à-peu-pres les mêmes degrés de développement des œufs que ceux que Rathke a figurés, et un degré de plus (fig. 34, é), ca- ractérisé par la présence des grandes antennes ét par des échan- crures sur les côtés du corps indiquant peut-être l'apparition des pieds. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 6. Fig. x, Bopyrus abdominalis Kv. adulte, vue par le dos, grossie comme les autres figures de cette planche. —c. bord antérieur ; 4, bord postérieur; e 4. bord droit , a db. gauche ; cer. tête; e. anneaux du thorax : #. pieds; £. anneaux de l'abdomen; f. lames branchiales. Fig. 2. Bopyrus abdominalis ® adulte, vue par en dessous ; a de ke. grande lame ventrale; deb et bkg. lames latérales; get & lames supplémentaires; /. lames brauchiales du côté droit. 152 KROEYER. — Sur le Bopyrus abdominalis. Fig. 3: Lames buccales externes. — ab. Lame droite; cd. lame gauche. Fig. 4. Lame buccale interne. — a, Article terminal ; 6. article basilaire, Fig. 5. Grande lame ventrale, — a. Portion basilaire triangulaire , transparente ; 8. portion semilunaire plus épaisse, divisée par une ligne saillante en deux parties 4’ et 4” ; c. portion qui recouvre la bouche. Fig. 6. Pied. — a. Article basilaire ; 2. deuxième article; c, article terminal ; d. deux tubercules basilaires. Fig. 6 B. Pied avec l’ongle étendu. Fig. 7. Lames branchiales , a. du côté gauche , 4, du coté droit. Fig. 8. Bopyrus femelle non encore adulte , vue par le dos. — a, Bord de la grande lame abdominale ; /. tubercules éloignés des pieds, Fig. 9. Bopyrus femelle jeune, vue de côté. Fig. 10. La même , vue par le dos. Fig. 11. Pied du mâle adulte. Fig. 12. Lame ventrale de la femelle, non encore adulte (voyez fig. 8 a) avec ses pieds, Fig. 13. Pied d'une femelle non encore adulte ; article terminal avec son ongle. Fig. 14. Lame buccale externe d’une jeune femelle. Fig. 15. Lame buccale moyenne, Fig. 16, Lame buccale interne, Fig. 17. Jeune Bopyre, vu sans compression ( voyez fig. 28 el 29 ). Fig. 18. Bopyre mâle adulte , vu par le dos. Fig. 19. Le même, vu de côté. Fig. 20. Bord antérieur de la tête du mâle adule, avec les antennes, Fig. 21. Jeune mâle. Fig. 22. Pied préhensile d'un jeune mâle. Fig. 23. Pied nalatoire d’un jeune mâle. Fig. 24. Sixième anneau abdominal d’un jeune mâle avec ses appendices, Fig. 25. Tète d'un jeune Bopyre mâle avec les deux premiers anneaux thoraciques, vus par le dos et comprimés, — a. Antennes supérieures, 4. antennes inférieures. Fig, 26. Premier pied natatoire d'un jeune mäle, Fig. 27. Appendice caudal d’un jeune mâle. Fig. 28. Jeune, vu par le dos, considérablement grossi et comprimé entre deux lames de verre , afin d’écarter les antennes du corps, — a. Antennes ; . pieds préhensiles ; c. pieds natatoires ou brauchiaux ; d. troisième forme de pieds ou peut-être appendices caudaux, Fig. 29. Le mème, vu de côté, —e. Antennes internes ou palpes (?). Les autres letires comme dans les figures précédentes. Fig. 30. Abdomen d’une jeune femelle, — a. Huit lames intérieures ; &, lames branchiales ; <. jeune mâle , fixé entre les lames intérieures : d. queue. Fig. 31. Hippolytus Gaimardii, portant une femelle adulte a, à laquelle est fixé un mâle 6. Fig. 32. Femelle adulte, tournée du côté gauche. Fig. 33. a, b, ce, OEufs de Popyre à divers degrés de développement. SERRES et DOYÈRE. — Sur la coloration des os. 153 Exposé de quelques faits relatifs à la coloration des os chez les animaux soumis au régime de la garance , Par MM. Serres et DovÈrr. Lu à l’Académie des Sciences le 21 fevrier 1842. Aucun sujet peut-être n’a fixé l'attention d'un plus grand nombre d'hommes éminens; aucun n’a fourni des résultats plus précis et plus décisifs en apparence que la coloration des os chez les animaux soumis au régime de la garance; mais com- ment eussions-nous conservé toute notre confiance premiere dans ces résultats, le jour où nous avons vu, à n’en pouvoir douter, que ce beau phénomene n'avait réellement pas subi l'épreuve des moyens d'observation les plus sûrs et les plus rigoureux que possède la science. Deux auteurs seulement, Rutherford et Gibson (1), ont cherché dans la connaissance de (x) Nous ne croyons pas avoir à mentionner ici les titres des auteurs qui nous ont précédés. M, Flourens l’a fait avec tout le soin et toute l’impartialité possibles dans le travail qu'il vient de publier sur celte matière, mais nous devons dire quelques mots de Rutherfort et de Gibson, les seuls qui nous paraissent avoir échappé à la savante analyse qu'il a faite des recherches an- térieures aux siennes, Rutherford est le premier qui ait dit que le phosphate de chaux est chimiquement combiné dans les os rougis avec le principe colorant, et y constitue une laque. Quant à la maniere dont celte combinaison s'opère, c'est, suivant lui, au moment où la molécule de phosphate de chaux, tenue en dissolution dans le sérum du sang, se précipite pour prendre place dans l'os ; c'est, en un mot, dans et par l'ossification mème ; la coloration est un phénomène de nutrition; seulement la nutrition , dans ce cas, est un phénomène chimique. Gibson , au contraire , pense que la coloration a lieu dans le tissu tout ossifié; que ce n’est pas autre chose qu'un phénomène de teinture dans lequel le phosphate joue le rôle d'un mor- dant. C’est entiérement là l'opinion que nous adoptons, ainsi que la suite de ce Mémoire va le faire voir, On peut dire sans hésiter que l'opinion de Gibson n’a laissé aucune trace dans la science, où du moins qu'elle n'a pas pénétré dans la science française, fait facile à expliquer d'ailleurs pour quiconque a lu son Mémoire. Gibson n'apporte en preuve qu'une seule expérience qui Jui appartienne, et cette expérience est mauvaise ; dans tout le reste, il s'appuie sur les expé— riences des autres, que non-seulement il n'a pas répétées, mais dont il ne paraît pas même axoir loujours compris les résultats, Ainsi l’un de ses argumens les plus puissans est celui-ci : « Lesos se colorent complètement en six jours; et d'un autre côté, tous les observateurs sac 154 serris et povène. — Sur la coloration des 08. la chimie les bases d’une explication simple de ce fait, que, seuls jusqu'ici, ils ont voulu faire descendre de ces régions élevées de la physiologie où il semble à peine possible que l’expérimenta- tion directe puisse atteindre. Mais personne encore ne paraît avoir soumis au microscope, ni même observé à l’aide d’une simple loupe, un fragment d'os rougi par cette expérience, du moins dans le but d'étudier la coloration elle-même, dans sa na- ture intime, Des-lors il était évident qu'il y avait la une voie pour parvenir à de nouvelles, et peut-être à d'importantes décou- vertes, eb,c'est là une des causes qui nous ont déterminés à en- treprendre le travail dont nous allons avoir l’honneur de mettre les résultats sous les yeux de l’Académie, Dans le but de réduire cet exposé à de moindres proportions, nous lui donnerons la forme d'un petit nombre de propositions appuyées seulement sur les faits qui nous ont paru les plus dé- cisifs; et d’un autre côté, nous nous sommes proposé de ne tirer de ces faits que leurs conséquences les plus immédiates. T. De la coloration des os dans sa nature. Si l’on prenait à la lettre les expressions des observateurs, on devrait croire que, dans un animal tué après quelques jours d’un régime énergique, les os seuls présentént une teinte due en tout ou en partie aux principes colorans de la garance. Ce n’est point là, sans nul doute, ce qu’ils ont voulu dire, car il est à-peu-près impossible qu'ils n'aient pas observé au moins quelques-uns des phénomènes suivans :(1) « cordent à dire qu'é/ faut moins d'une semaine pour qu'ils soient complètement décolorés,: ce « serait donc cinquante-deux renouxellemens, complets que l'os éprouverait dans une année; « elc.,.ete. »,Or, il suffit de lire les travaux de Duhamel, et ceux de M. Flourens,, pour ap précier à leur juste valeur les deux assertions sur lesquelles ce raisonnement s'appuie, et pour prononcer quessi Gibson a fait rougir des squelettes par l'alimentation colorante, du moins n’a- t-il pas étudié le phénomène de leur décoloration lorsqu'on remet les animaux au, régime or- dinaire. Nos ne co: naissons le travail de Rutherford que par celui deGibson. (Mém. de Manchester, 2° série, t, 1, 1805, p. 146.) (x) Le chien est l'animal sur lequel nous avons principalement expérimenté ; et c’est de lui qu'il s'agira daus tout ce que nous allons dire, à moins d'indication contraire. Lorsque nous SERRES @t DOYÈRE, — Sur la coloralion des os. 155 Le tissu cellulaire et les aponévroses sont teintées en rose, que l'action de l'ammoniaque fait virer au pourpre. Il en est de même des membranes séreuses et des fluides qu’elles contiennent. La teinte rose offre une intensité toute particulière dans le tissu adipeux sous-cutané; c'est même à l'abondance: de la ma- tière colorante dans ce tissu qu'est due une couleur pourpre très manifeste que prend, dans l'animal vivant, la peau nue du ventre et de l’intérieur des cuisses. Chercher la cause de cette particularité nous eût semblé d’un grand intérét. Elle n’abonde pas moins dans le foie, puisque la couleur si foncée de cet organe en ést altérée. La bile a totalement perdu sa couleur caractéristique. (1) En un mot, la substance blanche du cerveau, les cartilages et les tendons sont les seuls tissus dans lesquels l'absence de la coloration rose nous ait paru incontestable. Mais ce qui distingue la coloration de ces divers tissus par rapport à celle des os, c'est beaucoup moins la vivacité et la densité de celle-ci, circonstances secondaires, que sa stabilité. dirous fortement rougi, coloration intense, il s'agira de la coloration qui se produit par une ali- menlation dans laquelle la garance n’entre qu'à une dose assez médiocre, mais qui a été pro- longée de huit à quinze jours. Les mots régime énergique désignent, au contraire, unealimen- tation daus laquelle la garance entre en plus grande abondance, mais qui ne peut se prolon- ger au-delà de quelques jours. On nous demandera sans doute d'établir des proportions, de donner dés nombres exacts ; nous serions obligés de répondre que cela est impossible; car ce que nous pouvons dire, c'est que l'effet colorant est en raison composée de la dose de/garance, de Ja durée du régime etide la plus grande jeunesse de l'animal; mais les effets toxiques cois- señt suivant une proportion beaucoup plus rapide encore, Donner peu de garance en com- meénçant; augmenter par degrés en évitant d'en donnér assez pour provoquer dés vomisseméens ; museler fortement l’animal pour l'empècher de vomir, si l'on veut en donner davantage ; telles sont à-peusprès les seules règles que l’on puisse assigner à l'alimentation. colorante, du/ moins relativement aux animaux que nous avons choisis. (x) L'urine est fortement colorée, fait bien connu qui a permis d'apprécier le temps que mel le principe colorant à passer de l'estomac dans les résultats de la sécrétion urinaire. La lymphe est de la même couleur que le sérum du sang Les excrémens nous ont fourni l'occasion d'une observation assez curieuse. Après un certain temps, chez certains de nos animaux, ils ont perdu Ja couleur foncée qui leur est propre, pour devenir d'un blanc coloré de la même teinte rose que les os. Nous avons remis à M, Duras, qui les conserve, quelques-uns des résultats de cette observation, qui mériterait peut-être que l'on y donnat quelque suite. 156 SERRES et DOYÈRE. — Sur la coloration des os. Elle est fixée dans le tissu osseux; de longues macérations ni l’action chimique de certains dissolvans des principes colorans de la garance ne la font point disparaître, tandis qu'il suffit d’un simple lavage ou d’un séjour un peu prolongé dans l’eau pour l'enlever complètement aux autres tissus; en un mot c’est que, dans ceux-ci, la coloration appartient encore à la partie fluide du sang qui les baigne, tandis que dans l’autre, le principe co- lorant a quitté la partie fluide du sang pour devenir une partie du tissu lui-même. Nous parlons de la coloration comme ayant son principe dans le sang, c’est là une proposition dont la preuve paraîtra super- flue sans doute; rien ne serait, au reste, plus facile que de l’éta- blir jusqu’à l'évidence. Il suffirait de saigner un animal et de laisser reposer le sang pendant vingt-quatre heures; après ce temps, on observe ce qui suit : Le sérum qui surnage est revêtu d’une pellicule très mince; en la recueillant, on verra que c'est une matière aussi riche pour les yeux, en coloration, que le serait une couche de /aque de garance du commerce. Nous n’en avons point étudié la nature, Le sérum lui-même est d’une belle couleur rose-pourpre. La couenne, lorsqu'elle existe, est assez fortement colorée pour que des yeux inexercés pussent la confondre avec le caillot dans certains cas. Quant au caillot lui-même, on n’y saisit que sa couleur propre; mais qu'il soit desséché, broyé, jeté et agité dans l’acide sul- furique concentré, que l’acide soit ensuite décanté avec soin, étendu d'eau et saturé par l’ammoniaque, et l’on y verra appa- raitre la couleur pourpre dans laquelle les alcalis transforment la teinte rose ou rouge de la purpurine et de l’alizarine. Maintenant quel est le principe spécial au tissu osseux dont la présence puisse expliquer la fixité de la teinte que prennent les os sous l'influence de l'alimentation colorante? c’est le phos- phate de chaux. Le phosphate de chaux des os est basique et insoluble : à ce double titre, il partage avec les autres sous-sels insolubles la propriété de se combiner aux matières colorantes, et de consti- tuer avec elles un composé insoluble appartenant à ce genre de SERRES et DOYÈRE. — Swr la coloration des os. 157 composés que l’on a désignés sous le nom de Zagues. C'est là un fait parfaitement connu des chimistes, et dont il est facile à. tout le monde de se convaincre. Ainsi : Que l’on verse successivement, dans une dissolution aqueuse de garance filtrée, du chlorure de calcium et du phosphate de soude, il se précipitera une laque de phosphate de chaux, mais d’une couleur fort impure, parce que l’alizarine et la purpurine sont très peu solubles dans l’eau, et que la dissolution aqueuse était presque exclusivement colorée par les principes solubles. En versant une dissolution acide du phosphate de chaux des os dans une solution alcaline obtenue de la garance après l'avoir traitée par l'acide sulfurique et le carbonate de soude, on ob- tiendra une laque beaucoup plus belle. Celle que l’on précipite d'une dissolution alcoolique de pur- purine ne le cède en rien à la coloration que prennent les os dans le phénomène physiologique qui nous occupe. Enfin, on peut obtenir un précipité de la plus belle teinte dans le sérum coloré lui-même; mais cette teinte est toujours légère, parce que la précipitation du phosphate de chaux est toujours accompagnée d’une précipitation abondante de flocons albumineux. (1) Tels sont, en quelque sorte, les prolégomènes des proposi- tions qui vont suivre: voyons maintenant ces propositions elles- mêmes. ProposiTion 1°. — Sans étre extérieure au tissu osseux , la coloration n'y pénètre pourtant qu’à une profondeur tellement peu (1) Nous n'avons parlé que du phosphate de chaux , parce que la proportion de ce sel dans les os surpasse énormément celle de tous les autres ensemble ; mais nous n’entendons pas du tout dire que le rôle que nous lui assignons soit exclusif; la précipitation du carbonate de chaux dans les dissolutions tinctoriales nous a donné des laques, Bien plus, nous avons remarqué que la teinte que prennent les os sous l'influence d'un même régime colorant n'est pas absolu ment identique chez tous les animaux ; elle tend vers l'écarlate chez le cochon , vers le pourpre chez le chien et le pigeon; et nous nous sommes dit plus d’une fois que la raison de cette diffé- rence était peut-être dans la proportion différente de sels calcaires et autres chez les animaux dont il s’agit, 158 SERRES et DOYÈRE. — Sr la coloration des os. considérable , que la minceur de la couche colorée suffirait seule pour enlever au phénomène une grande partie de son importance physiologique. Cette proposition contredit si fortement les, faits générale- ment reçus, qu'elle paraîtra d’abord tout-à-fait inintelligible; mais nous espérons qu'un très petit nombre d'explications la rendront vraie pour tout le monde. Lorsque l’on scie transversalement, dans son milieu, le corps d’un os long et que l'on regarde la section, on voit une teinte continue rose qui $’enfonce en s’affaiblissant dans la profondeur de l'os : c’est là /a coloration apparente, la portion de l'os qu’elle envahit est ce qu’on a appelé Lx virole colorée. Mais observons cette même surface de section avec une loupe un peu forte, et déjà nous verrons cette teinte continue se dé- composer en un semis de points dispersés sur un fond blanc. Au lieu d’une loupe grossissant vingt fois, employons un mi- croscope grossissant de deux à trois cents fois, et chaque point deviendra un cercle coloré entourant un trou pratiqué dans la substance osseuse, et la comparaison de la section transver- sale avec une section longitudinale du même tissu aura bientôt prouvé : 1° Que le trou est un canalicule, et que ce canalicule est le lieu d’un vaisseau capillaire d'autant plus délié que l'animal ap- proche davantage de l’âge adulte; 2° Que le cercle coloré n’est autre chose que la coupe trans- versale d’un cylindre creux coloré qui constitue la paroi immé- diate du canalicule; ce cylindre creux a pour substance la por- tion colorée du tissu osseux, il est en continuité absolue avec le reste, qui demeure incolore. Voilà pour l'épaisseur de la virole colorée. Sa limite extérieure offre de même une couche colorée d’une minceur tout-à-fait comparable à celle qui enveloppe les canalicules les moins pro- fondément situés. La coloration ne se produit d’ailleurs qu'au contact immédiat des ramifications artérielles et capillaires du tissu osseux lui- même ou du périoste, et nous avons été d'autant plus frappés de ce résultat, que par une circonstance qui nous était spéciale, SENRES et DOYÈRE., — Sur la coloration des os. 159 nous attendions positivement une coloration générale du tissu osseux dan: sa profondeur. Nous demandons à l'Académie la permission d'arrêter un instant son attention sur jun fait qui n’est pas étranger aux recherches dont il s’agit ici, et qui inté- resse certainement l’histoire physiologique du tissu osseux. Tous les observateurs ont vu ce que l’on appelle les corpus- cules osseux ; ce sont de très petites taches que Leeuwenhæck et Malpighi avaient déjà signalées, que Purkinje et Retzius ont décrites dans une certaine partie du tissu dentaire. Beaucoup d'auteurs ont cru que c’étaient les sels calcaires des os qui se montraient là sous la forme de dépôts et libres de toutes eombi- naisons chimiques avec les principes organiques, et M. Müller lui-même, dans ses £lémens de physiologie (x), s'attache seule- ment à prouver que ces corpuscules ne constituent pas la plus grande partie des sels calcaires. Or, nous avions déjà reconnu depuis quelque temps que ces prétendus corpuscules ne sont que des cavités microscopiques que rattache un réseau canali- culaire considérablement plus délié que les systèmes capillaires les plus déliés que nous connussions, et nous n’avions pas hésité à croire que ce nouveau système de conduits pouvait être Por- gane de la nutrition intime du tissu, organe qu’aurait seulement alimenté le système capillaire. Rien de plus simple, d’ailleurs, que de prouver le fait que nous annonçons relativement à la nature des corpuseules osseux. 11 suffit d'étudier avec un peu d'attention la manière dont ils se comportent lorsqu'on plonge une lamelle extrêmement mince detissa osseux sec dans'un bain d'huile. Pour cela, il faut placer cette limelle au foyer du microscope, entre les deux verres minces d'un compresseur, et y faire passer une goutte d'huile. Les pré- tendus corpuscules prennent instantanément l'aspect de taches opaques et noires, avec un point brillant à leur centre, entou- rées d’un inextricable réseau de lignes infiniment déliées; et quiconque aura étudié la réfringence des corps plongés dans les liquides, comme moyen d'observation microscopique, pronon- cera iminédiatement que, du moins dans le tissu osseux sec, la (1) Page 392 de la traduction anglaise, 2° édition, 160 SERRES et DOyYÈRE. — Sur la coloration des os. matière des corpuscules doit être une substance d’un indice de réfraction extrémement différent de celui de l'huile, ou plutôt il ne craindra pas d'affirmer qu’un gaz seul peut produire l’effet opti- que qu'il x sous les yeux. D'ailleurs, pour que sa conviction à cet égard se change en certitude, il lui suffira de prolonger l’obser- vation, car bientôt les lignes noires disparaîtront, les plus déliées d'abord, les plus grosses et les points d’anastomose ensuite; les angles des corpuscules s’arrondiront, le corpuscule lui-même ne sera bientôt plus qu'un ovoide microscopique, puis une petite sphère dans laquelle tout le monde reconnaîtrait une bulle d'air; enfin la bulle d’air elle-même finit par disparaitre. Que contiennent pendant la vie ces cavités et le réseau de ca- naux qui les fait communiquer entre elles? Un fluide, sans au- cun doute; mais l'étude des phénomènes de la coloration des os vivans par la garance ne nous autorise pas à croire qu’ils soient, comme nous l’avions d'abord cru possible, le siège d’une circu- lation quelconque en rapport avec la circulation du sang; jamais et par aucun moyen nous n'avons pu y saisir aucune trace de la pénétration d'un fluide provenant du système artériel ou capillaire. Ainsi, une couche en contact avec le périoste et une couche entourant les vaisseaux capillaires de la virole colorée, voilà ce qui, selon nous, constitue la coloration vraie du tissu osseux dans les animaux rougis par le régime de la garance. Or, nous ne croyons pas pouvoir évaluer ez moyenne l'épais- seur de ces couches à plus d’un à deux centièmes de millimètre. C'est là l'épaisseur réelle de la coloration vraie du tissu osseux, même après l’action d’une alimentation énergique ou long-temps continué (1). Et, comme la distance des canalicules entre eux est généra- lement plus grande que le double de cette quantité, il est évi- (1) Cependant nous devons dire que le temps nous a manqué pour prendre un aussi grand nombre de mesures que nous l'eussions désiré. Nous ne mettons pas en doute que, dans cer- tains cas , l’épaisseur de la couche ne puisse atteindre le double de celle que nous lui assiguons, ou mème peut-être davantage, SERRES et bOÿèRE, — Sur la coloration des os. 161 dent que mème dans la virole osseuse dont la coloration appa- rente est la plus intense, la majeure partie du tissu osseux sera demeurée blanche. Ainsi il faut rayer de l’histoire du phénomène que nous étn- dions, ces mots qu'il était permis d'employer à une époque où l'on ne s'était pas encore servi du microscope; ces mots auxquels on avait donné tant de portée et dont il semblait en effet permis de tirer des conséquences si affirmatives touchant la nature de l’intus-susception et de la nutrition intime des tissus : Que la co- loration se fait dans la profondeur du tissu osseux. Et nous n'avons plus affaire à un phénomène se passant dans la profondeur la plus intime du tissu le plus dense de toute l’é- conomie, mais bien à un phénomène ayant pour lieu une sur- face matérielle plus ou moins poreuse, plus ou moins per- méable, et dont l'effet ne peut se mesurer que par les fractions du millimètre les plus petites qu’il soit possible d'employer à la mesure des objets, même avec l’habitude la plus grande des in- strumens grossissans. Or, en partant de cette connaissance du siège de la coloration, nous disons: Proposrrion II. Que cette coloration n'est qu'un phénomène de teinture. Ici toute preuve directe est impossible, puisqu'il s’agit d’ac- tions exclusivement moléculaires ; les seules bases sur lesquelles une conviction puisse être établie sont donc des inductions pu- rement analogiques, tirées de faits dans lesquels la nature du phénomene soit évidente pour tout le monde. Voyons jusqu'où nos expériences nous permettront de pousser l'induction ana- logique. Première expérience. — Un fragment d'os plongé dans une dissolution de garance se colore. Sa coloration est aussi fixe, elle pénètre au moins aussi profondément que celle qui est la consé- quence de l'alimentation colorante. Elle se conduit de la même maniére avec les alcalis, les acides et tous les réactifs chimiques dont nous avons étudié l'action sur les os colorés physiologi- XVIL Zoo, — Mars, 11 162 SERRES et DoyÈrr. — Sur la coloration des vs. quement; son apparence sous le microscope n'offre rien qui l« distingue. Deuxième expérience. — Nous enfonçons dans les muscles pectoraux d’un pigeon, déjà sous l'influence d’un régime colorant énergique, des fragmens d’un os ou d'une dent de mammifere, de reptile on de poisson, taillés en aiguilles; nous les retirons après vingt-quatre à trente heures, ct ils sont colorés (par places), de la même teinte que le squelette de l’oiseau lui-même. De sem- blables aiguilles colorées depuis deux ans sont sous les yeux de l'Académie. Troisième expérience. — Ne serait-il pas possible d'arriver à produire la coloration générale du squelette, telle que la produit le régime de la garance? Gui. I! suffit pour cela d’injecter dans le système artériel des dissolutions colorées convenablement choisies. - Celle qui nous a le mieux réussi a pour dissolvant de l’eau al- calinisée par une proportion de trois à cinq millièmes de soude. La seule préparation que nous eussions fait subir à la garance avail consisté dans un traitement assez imparfait, par l'acide sulfurique, et c’est probablement à cette circonstance que nous devons attribuer la légère différence de teinte que présente notre coloration artificielle. Deux à trois jours ont suffi pour dorner au squelette d'enfant que l’Académie a sous les yeux, une teinte notablement plus forte que celle de ce jeune cochon, nourri pendant dix-sept jours d’alimens mélés de garance. Nous avons réussi sur des chiens, en les injectant immédiate- ment aprés les avoir tués et sur des cadavres d’enfans, en les injectant vingt-quatre ou trente heures après leur mort; mais les résultats de la coloration artificielle se rapprochent peut-être un peu moins de ceux de la coloration naturelle dans le premier cas que dans le second. Le désir de nous rapprocher autant que possibie des produits de la coloration par le régime, sous le rapport de la beauté de la teinte , nous avait conduits à injecter la purpurine en disso- lution , soit dans l'alcool, soit dans la solution d’alun ; mais ces essais ne nous ont donné aucun résultat, et nous ne les avons pas répétés. SERRES et DOYëRE. — Sr la coloralion des os. 165 Quatrième expérience. — Un os long étant dépouillé de son périoste et gratté avec soin pour qu'aucune portion molle n’en revête immédiatement la surface , et l'animal , mis à un régime énergique , après que l’on a fermé la plaie; la portion dépouillée et grattée se colore comme celle dont le périoste est demeuré intact. Cette expérience a d’ailleurs été variée de plusieurs manières: ainsi, l'os se colore encore lorsqu'on interpose entre le périoste et sa surface une lame de platine; la teinte n’en parait pas même affaiblie , au moins daus le plus grand nombre des cas. Dans une de ces expériences , exécutée sur la face supérieure du crâne d’un chien d’assez grande taille, ia lame de platine dont nous nous sommes servis n’avait pas moins de cinq centi- mètres sur trois. Ici nous croyons avoir conservé aux conditions du phénomène chimique tout ce qu’elles ont d’essentiel, tout ce qui le constitue dans les expériences précédentes ; et cependant nous avons agi sur un tissu vivant, encore susceptible de reprendre toutes ses fonctions , car bientôt un nouveau périvste s'organise pour le remplacement de la lame enlevée. Aussi n'avons-nous pas crn devoir pousser nos expériences plus loin, tant il nous eût semblé difficile d'établir un rapprochement plus complet entre le fait chimique , d’une part, et le fait vital, de l'autre. (1) {t) Nous avons prévu une objection qui est celle-ci : « Comment dire qu'un phénomène “ préparé dans un animal vivant, par un tel cortège d'actions physiologiques, actions diges- = lives, absorption, circulation, etc., est un phéromène purement chimique ? » Maïs ce serait confundre le fait que nous voulons expliquer avec les faits physiologiques qui le préparent, Le sang d'un animal soumis au régime de la garance, ainsi que les fluides qui en émanent pour baigner les tissus, sont, au bout de quelques heures de régime, chargés des principes tincto— riaux ; et, lorsqu'ils sont portés au coutact immédiat des surfaces esseuses, et qu'ils y péne- trent par imbibition à la profondeur que nous connaissons maintenant, il se produit un phéno— mène de teinture, Nous avions néanmoins songé à une série d'expériences qui devaient avoir pour résuliat d'é- liminer du phénomène une grande partie des actions vilales que l’on nous opposera dans l'ob- jection précédente, Elles eussent consisté à porter immédiatement dans le torrent circulatoire d'un animal vivant, soit l'alizarine ou la purpurine en poudre impalpable, tenues eu suspen— sion dans l’eau, soit une dissolution faiblement alcaline de ces mêmes principes, soit enfin d'autres matières colorantes sous différentes formes. Mais la dépense de temps que ces expé- viences devaient nous coûter nous a paru hors de toute proportion avec l'importance de l'ob- 11. 164 sxrREs et bovÈre. — Sur la coloralion des os. Rutherford , tout en affirmant que le phénomène de la colo- ration était, de sa nature, purement chimique, y voyait en même temps un phénomène de nutrition et d’accroissement; car il admettait que la molécule de phosphate calcaire se colorait par précipitation au moment même où eile quittait le sérum pour se fixer dans l’os en se combinant avec la substance organique. C’est là une vue que, après de longues réflexions, nous n'avons pu admettre; car la coloration est en rapport direct sous le triple point de vue de la promptitude avec laquelle elle se pro- duit , de la profondeur à laquelle elle pénètre et de l'intensité de sa teinte, avec l'énergie du régime colorant , énergie déter- minée par la proportion de garance que l’on mêle aux alimens. Quelques heures suffisent (cinq d’après une des curieuses expé- riences de M. Flourens ) pour colorer fortement tout le sque- lette. Si la coloration traduisait l’accroissement et la nutrition, et ce serait là une conséquence rigoureuse de l'hypothèse de Rutherford , il faudrait donc admettre que la nutrition et l’ac- croissement sont en raison directe de la quantité de garance qui constitue la partie active de l'alimentation colorée. Or, comment croire qu'une substance qui est pour les animaux un purgatif violent , un poison véritable , qui, même lorsqu'on la donne à des proportions assez faibles , les conduit en un petit nombre de jours au dernier degré du marasme et à la mort, puisse être en même temps l'élément de nutrition le plus actif, celui dont les effets sont le plus en rapport avec la quantité pondérable intro- duite dans le canal alimentaire. Ajoutons que Rutherford croyait à la nutrition et à l’accroissement.comme se produisant dans la profondeur intime des tissus, et que son opinion se fût proba- blement modifiée sil eût connu l'épaisseur réelle de la couche colorée. jection qu’il s'agissait de combattre, Si nous les reprenons, ce sera plutôt dans le but de vérifier un résultat d’induction qui nous paraît fort probable, à savoir que beaucoup de matières colo= rantes produiraient les mèmes résultats que celle de la garance, si l'absorption les faisait passer comme elles dans le torrent circulatoire. SERRES et DOYÈRE. — Sur la coloration des os. 165 II. De la marche générale que suit la coloration dans le tissu compacte et de quelques conséquences qg#il est permis d'en tirer. Ce que les observateurs précédens ont annoncé touchant la marche générale de la coloration dans le tissu compacte peut se résumer dans la formule suivante : « Dans le corps d’un os long , la coloration se produit d’abord à la surface externe, et elle marche, de cette surface vers l'axe, de dehors en dedans. » On a ajouté: « Elle procède du périoste. » Or, ces deux formules doivent être modifiées. D'abord il n’est pas exact de dire qu’elle procède du périoste ; car, s’il en est ainsi, la surface externe de l'os devra être colorée sur toute son étendue, puisque,sur toute son étendue,elle esten contact avec le périoste. Or, cela n’est pas. Toute table de tissu compacte , qu’elle appartienne à un os plat ou à un os long(r), est bordée par une zone incolore, quelle qu'ait été l'énergie du régime et sa durée. D'un autre côté, la règle d’après laquelle la coloration mar- cherait de dehors en dedans ne rend point compte de la plupart des faits que montre l'emploi du microscope. Ainsi, certains os longs sont colorés presque exclusivement par leur intérieur, et il est très facile de vérifier que le décrois- sement de la coloration s’y fait de dedans en dehors : tel est le péroné, par exemple. (2) (x) Nous nous servons du mot table pour le tissu compacte des os longs, comme pour celui des os plals, parce que le tissu compacte des os longs a d'abord cette forme , et n’est point dans les animaux jeunes un cylindre creux : c’est une lame courbée, entourant uue partie d'au- tant moins cousidérable de la diaphyse que l'animal est moins âgé, (2) Nous croyons pouvoir avancer que le système de coloration intérieur tend d'autant plu, à prédominer sur l'extérieur, que l'os est plus avancé dans son développement, Dans des ani maux adultes soumis à l'alimentation colorante, nous avons trouvé le squelette incolore à l'extérieur, tandis que chaque os pris isolément était légèrement coluré en rose à son intérieur. Mais il y à encore là, pour nous, comme sur une foule d'autres points du mème sujet, une longue et sérieuse étude à faire, 166 SERRES et boyère. — Sur la coloration des os. Mais, en général, un os long présente à qui l’étudie attentive- ment deux systèmes de coloration distincts: l'un procédant de dehors en dedans, l’autre au contraire de dedans en dehors. Pour s’en convaincre, que l'on étudie une section transversale d'un fémur coloré physielogiquement, on verra que le bord correspondant à la face antérieure de l'os est occupé jusqu’à une certaine profondeur par une bordure colorée, dont la forme est celie d’un croissant fort allongé, et il suffit d'examiner cette bordure avec quelque attention pour reconnaitre que la teinte y va diminuant de dehors en dehors. Du côté opposé, qui est celui de la ligne àpre , un semblable croissant existe; mais ila pour limite concave le bord intérieur de la section , et le micro- scope montre que la coloration y va diminuant, au contraire, de dedans en dehors. Ces deux croissans colorés sont tournés l’un vers l'autre; le premier, prolongé jusqu’à former un cercle ,enve- lopperait le second, qui forme souvent un cercle complet; ils sont séparés par une portion de cercle incolore. Or, une étude très attentive, qui prendra pour point de départ ces trois apparences de la section transversale du cylindre dia- physaire, conduira à reconnaître que ce cylindre, loin de pré- senter ce système de coloration simple que l’on avait formulé comme nous venons de le dire, se trouve réellement décomposé en trois couches où demi-viroles plus ou moins incomplètes, s’enveloppant, dont la coupe transversale peut être une couronne circulaire, mais est en général un croissant. Une demi-virole blanche sépare les deux demi-viroles colorées extérieure et intérieure, et c'est elle qui, en émergeant à la surface entre les deux , y produit la zone incolore périphérique de la table compacte. Nous avons choisi le fémur, parce qu'il se prête mieux à la description ; mais de tous les os longs, c’est le cubitus qui nous à paru montrer les deux systèmes dont il s'agit le mieux isolés lun de l'autre et le plus reconnaissables. I ya d'ailleurs un rapport entre la direction de ces demi- viroles concentriques et la position du système artériel général dans la sphère d'action duquel se trouve placé l'os que l'on étudie, mais nous ne croyons pas devoir nous engager ici dans SERRES et boyÈREe. — Sur la coloration des os. 16; l'exposition de résultats que nous regardons nous-mêmes comme encore beaucoup trop incomplets. Il nous faut chercher maintenant la raison de l’existence simultanée de ces deux systèmes de coloration et celle de l’espace incolore qui les sépare. Or, c'est ce que nous croyons pouvoir faire d’une manière satisfaisante. Etablissons d’abord la proposition suivante. Proposition IL. — Le tissu propre du périoste oppose un obstacle mécanique au contact immédiat de la surface osseuse qu’il recouvre et des fluides colorés qui pourraient s'exhaler de ses VaissCauZ SATNQUINS. La zone blanche périphérique de la table compacte nous à mis sur la voie de ce résultat , que nous avons vérifié de la ma- niere suivante : Avec la pointe d'un scalpel, nous avons décrit sur une face du tissu compacte d’un os long deux cereles concentriques ; puis nous avons enlevé la couronne circulaire ainsi obtenue, en réservant avec le plus grand soin la rondelle désormais isolée que cette couronne entourait. Puis nous avons mis Panimal à un régime énergique pendant vingt-quatre heures. Après ce temps, nous l’avons tué, et l'étude de l'os sur lequel nous avions opéré nous a montré: 1° La portion que recouvrait la couronne enlevée, rouge comme le reste de l'os, ainsi que nos expériences précédentes nous donnaient le droit de l’attendre; 2° La portion recouverte par la rondelle périostique, blanche. Et, ce qui rend ce résultat encore plus frappant peut-être, c’est que les expériences à l’aide desquelles nous l'avons obtenu ont été faites sur des pigeons, et que la rondelle isolée, étant nécessairement fort exigué, devait nous sembier perméable dans tous les sens. Si l'animal est laissé au régime beaucoup plus de vingt-quatre à trente heures, l'espace d’où lon a enlevé la couronne se rem- plit bientôt d'un tissu plastique; des rapports vasculaires se rétablissent entre la rondelle précédemment isolée et le reste du 108 SERRES et DOYÈRE. — Sur la coloration des os. périoste , et la coloration se produit alors sous la rondelle comme sur le reste de la surface osseuse. Nous lisons dans une de nos notes : « Cautérisé le périoste par le nitrate d'argent. Après soixante heures, le tissu osseux sous- jacent est coloré, bien qu'il ait été atteint par l'agent chimique». Ce fait semblerait indiquer que l’imperméabilité dont il s'agit n'appartient qu'au périoste vivant; mais la durée de soixante heures est trop prolongée. Nous regrettons de n’avoir pu donner suite à cette expérience. Proposirion IV. — Le système capillaire des os a une double origine artérielle , et c'est à cette double origine qu'est due la dualité du système général de coloration. Le périoste recoit ses vaisseaux par sa face extérieure. Lors- qu’on l’étudie après l'avoir injecté aussi complètement que pos- sible et de manière à pénétrer jusque dans ses ramifications les plus déliées , on voit que ce système se ramifie de dehors en dedans, et qu'il se continue rigoureusement dans la table com- pacte. En comparant une section transversale de cette table à une autre section, menée par l'axe de l'os long , on voit que les capillaires longitudinaux y sont disposés par couches réticulaires concentriques autour de l'axe, mais que, dans chaque couche, chaque vaisseau longitudinal décrit une courbe à concavité extérieure , et va émerger à la surface de l'os pour se conti- nuer sans interruption dans le périoste. D'après cela , la première couche réticulaire de la table com- pacte, la plus extérieure, est débordée par la seconde, laquelle est débordée elle-même par la troisième et ainsi de suite. Les réseaux de la couche blanche sont les plus étendus de tous: ils émergent avec celte couche et la quittent pour passer dans le périoste. Mais, ce qui est le plus important, c’est que, en réunissant la table compacte et le périoste, nous n'avons plus qu'un seul système vasculaire extérieur ou périostique, dans lequel les couches réticulaires sont simplement concentriques et ne se débordent plus. ll est inutile de dire,que ces couches communiquent entre SERRES €t DOYÈRE. — Sur la coloration des os. 169 elles, de même que les vaisseaux d’une même couche réticulaire, dans tous les sens et de la manière la plus complete. D'un autre côté, des artères traversent l'épaisseur dn cylindre diaphysaire pour aller s’épanouir dans la moelle et dans le tissu spongieux et toutes ses dépendances , en un système vasculaire intérieur, dans lequel la ramification générale et la marche du sang procèdent de l’axe vers la périphérie. Ces deux systèmes , l'extérieur, ou périostique ; et l'intérieur, ou médullaire , se rencontrent et s’abouchent par leurs derniers réseaux capillaires, et nous devons considérer la virole blanche comme leur limite respective. Le sang n'arrive daus les capil- laires de cette couche blanche, soit qu'il vienne de l’une ou de l'autre face, qu'après avoir traversé les capillaires situés plus près de l’origine de l’un ou de l’autre système, et ce fluide y circule assez lentement pour s’y dépouiller à son passage de toute la matière colorante qu’il contient. C’est par cette hypothèse de la stagnation du sang dans les capillaires du tissu compacte, et par cette hypothèse seulement, que nous sommes arrivés à concevoir le décroissement rapide en épaisseur des cylindres colorés capil- laires de l’un et de l’autre système , et l'absence de coloration de ceux de la couche blanche. Cette stagnation serait d’ailleurs tout-à-fait en rapport. 1° Avec l’exiguité du diamètre des capillaires qui doit opposer à l'écoulement un obstacle considérable; > Avec l’'abouchement des deux systèmes, car le réseau ca- pillaire général qui en résulte doit jouer le même rôle qu’an canal unissant les deux bras d’une méme rivière et recevant de chacun une impulsion égale. Nous ue croyons pas que, relativement à l’abouchement et à l’antagonisme de ces deux systèmes, ni relativement à la stag- nation du fluide circulatoire, aucun doute soit possible pour quiconque aura observé avec soin tous les faits qui précèdent, et pourtant nous signalerons encore une circonstance qui nous paraît les mettre en relief d’une manière assez remarquable. Lorsqu'on enlève une lame du périoste sur la face extérieure de la table compacte, et que l’on met l'animal au régime colo- ant, la portion dénudée se colore, avons-nous dit, comme le 190 SERRES €t DOYÈRE. — Sur la coloration des os. reste de la surface extérieure par l'accès des fluides dans la plaie; mais ce que nous devons ajouter, c'est que la partie correspon- dante de la surface intérieure se colore très vivement, ainsi que la partie du réseau capillaire qui les sépare. On conçoit, en effet, que l'enlèvement du périoste à la face extérieure a eu pour ré- sultat de faire cesser l'obstacle opposé dans ce point par l'abou- chement des deux systèmes, à l'écoulement des fluides du sys- tème intérieur; c’est comme si, dans le canal dont nous avons parlé, on supprimait l’action mécanique de l’un ou de l'autre des deux bras de la rivière. Nous ne doutons pas que la science ne doive un jour tirer parti de ces faits de mécanique animale et des considérations même les plus immédiates auxquelles ils donnent lieu; meis nous ne croyons pas devoir nous étendre davantage sur ce point. Quelque sort que doive d’ailleurs éprouver l'hypothèse par laquelle nous essayons d'expliquer le phénomène du décroisse- ment rapide de la décoloration dans chaque demi-virole colorée, le fait existe, et il nous semble difficile de ne pas admettre qu'il doit être en rapport intime avec la marche des fluides colorés dans l'intérieur du système capillaire, qu'il doit traduire cette marche; que les capillaires dans lesquels le sang arrive en même temps et dans le méme état doivent être colorés de la niême manière; que ceux dans lesquels il arrive plus tard et dépouillé déjà d’une partie de ses principes colorans doivent se colorer moins, et c’est là précisément ce qui constitue notre proposition cinquième. Proposirion V.— La marche de la coloration est subordonnee à la marche générale du sang dans le système capillaire. Telle est, après une longue série d'expériences et d'études dont les résultats ont souvent rempli notre esprit de perplexité, l'idée que nous nous faisons maintenant de la coloration des os chez les animaux soumis au régime de la garance, de ses causes, de sa marche. Que ce soit où que ce ne soit pas un fait de nu- trition, c’est pour nons un fait purement physico-chimique; et si ces deux idées de nutrition et de coloration s’y trouvent en effet réunies d’une manière tellement serrée qu’il soit impos- SERRES ét LOYÈRE. — Sur la coloration des os. 171 sible de les séparer, c'est la première qui devra être modifiée. Disons un mot du secours que l’on peut attendre de la colo- ration des os pour l'étude de leur formation et de leur accrois- sement. La combinaison du phosphate de chaux avec les principes colorans de la garance est une combinaison :nsoluble; mais cette insolubilité n'est pas absolue, elle ne doit donc pas constitner, pour la coloration des os, une stabilité absolue, comme on semble l'avoir avancé dans ces derniers temps. S'il n’est pas vrai, comme l'avaient cru les premiers observateurs, que le tissu os- seux se décolore , il n’est pas non plus exact de dire que la co- loration ne disparaït pas et que c’est la matière colorée seule qui disparait. Tous les dissolvans qui , saturés des principes co- lorans de la garance, cèdent ces principes au tissu osseux, peu- vent, employés purs, les lui enlever dans ‘un temps plus ou moins long. Ce n’est que la conséquence des principes de la statique chimique : d'ailleurs nous en avons fait l'essai par l’eau, l'alcool, l’éther et les dissolutions d'ammoniaque, de potasse et de soude; et comment concevoir qu’il en füt autrement du sérum du sang, lun des dissolvans les plus actifs de ces principes? Enfin nous croyons pouvoir promettre de montrer des preuves de colora- tion sans enlèvement de phosphate de chaux chez les animaux jeunes. Mais cette stabilité est assez grande pour que la coloration persiste pendant un temps beaucoup plus que suffisant, et l'on pourra étudier au microscope les faits d’accroissement des os, parce que les lignes et les surfaces colorées, que le régime de la garance aura décrites dans le tissu osseux, sépareront nette- ment, pendant assez long-temps, la formation antérieure de celle qui l'aura suivie. D'ailleurs, il ya même dans la possibilité que la décoloration ait lieu, telle circonstance étant donnée, une source d'observations du plus grand intérêt. Nous en offrons pour preuve l'expérience suivante, entreprise dans le but de fixer nos idées, en quelque sorte d’un seul coup, sur l'existence méme du phénomène de la nutrition, sur cet échange perpétuel des; molécules de tous nos tissus, sur cette mutation essentielle de la matière organique en vertu de laquelle /a forme des corps 172 SERRES © DuyÈRe. — Sur la coloration des os. organisés leur serait plus essentielle que leur substance , puisque celle-ci changerait sans cesse ; tandis que celle-là se conserve, bien que toutefois dans de certaines limites. Nous tenions d'autant plus à arrêter nos idées sur ce point, que l'opinion universellement admise nous paraît avoir ses ra- cines les plus profondes dans le phénomène dont nous avions entrepris l'étude. D'un autre côté, il nous a toujours semblé que les observateurs ne se sont pas assez préoccupés de la simulta- néité des deux faits physiologiques de la nutrition et de l’ac- croissement chez les jeunes animaux, et c’est à isoler le premier du second que nous nous sommes surtout attachés. Pour cela, nous avons pris trois jeunes pigeons, les plus âgés que nous ayons trouvés à cette époque de l’année, puis nous les avons nourris d'alimens mélés de garance, du 10 mars au 15 avril 1840, en ayant soin d'interrompre le régime aussitôt qu'ils paraissaient trop eu souffrir : malgré nos précautions, deux sont morts. Nous avons laissé le troisième vivre et s’accroitre jusqu’au 25 mai, et à ce moment, où nous le jugions âgé d'au moins quatre mois, nous lui avons amputé l'aile gauche, puis nous avons pris soin qu'aucun aliment colorant ne lui fût désormais admi- nistré. Le 30 janvier 1841, au moment de déposer notre deuxième paquet cacheté, nous lui avons amputé l’aile droite. L'animal, dont nous mettons le squelette entier scus les yeux de l’Acadé- mie, est mort des suites de cette seconde opération. L’aile droite, colorée en même temps et par le même régime que la gauche, n'avait pas dù prendre une teinte différente; car sur les deux cents animaux que nous avons sacrifiés à nos expériences, nous n'avons pas observé une seule fois un fait semblable. D'un autre côté, soumise pendant huit mois de plus et pen- dant les huit mois qui suivent immédiatement la dernière période de l’accroissement, au {ourbillon vital , au renouvellement , à la mutation , à Véchange de ses molécules, elle eût dû évidemment perdre quelque chose. Or, la teinte des deux ailes est absolurnent la méme. SERRES et DOYÈRE, — Sur la coloration des os. 173 CONCLUSIONS GÉNÉRALES. 1° En ce qui concerne la coloration : C’est un phénomène purement chimique, qui se produit dans le tissu tout formé; c’est un fait de teinture. 2° En ce qui concerne la circulation du sang : Le système capillaire du tissu osseux n’est le siège que d’une circulation obscure. Nous indiquons ce fait comme pouvant exister dans d’autres tissus; nous croyons en avoir trouvé, pour le tissu osseux en particulier, une preuve visible dans la marche que suit la coloration chez les animaux soumis au régime de la garance. 3° En ce qui concerne la nutrition : Cet échange, ce renouvellement , ce tourbillonnement per- pétuels des molécules ne sont point une condition essentielle des tissus vivans, à moins qu'on ne veuille ranger le tissu cs- seux parmi les tissus morts. QUELQUES CONSIDÉRATIONS zoo/ogiques et géologiques sur les Rudistes , Par M. ALcine D'ORBIGNY. (Lues à l'Académie des Sciences, dans sa séance du 31 janvier 1842.) Lorsque, des ma plus tendre jennesse, accompagnant un pére ami des sciences, je recueillais, avec lui, les nombreux fos- siles du département de la Charente-Inférieure, les premiers genres qui me frapperent furent ceux dont se compose l’ordre des Rudistes. L'ile d'Aix et les autres points de l'embouchure de la Charente me montrérent, avec le Radiolites foliacea et les Ichthyosarcolites ; les beaux restes de coquilles dont, en 1822, 174 A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudistes. mon père a formé son genre Caprina. L'espèce de prédilection que j'avais alors pour les Rudistes n’a fait ques’accroitre, quand au retour de mon voyage d'Amérique je repris l'étude des fossiles du sol français. Mes premiers pas se portérent de nouveau vers les terrains crétacés de la Charente et de la Charente-Inférieure, où j'ai multiplié mes courses depuis Angoulême jusqu’à la mer, recueillant toujours des Rudistes et étudiant leur position géo- logique relativement aux autres fossiles qui les accompagnent. J'ai aussi voulu visiter successivement ceux des autres points de notre territoire où l’on trouve ces fossiles, afin de comparer les étages où ils se rencontrent, et d’asseoir mon jugement sous le rapport de leur position géologique respective. On conçoit faci- lement que la fameuse montagne des Cornes des Bains-de-Reine, devenue célèbre par la publication de Picot de Lapeyrouse, ne dut pas être oubliée; je la visitai, en effet, ainsi que plusieurs autres points du département de l'Aude, qui présentent des Rudistes. Je parcourus ensuite les environs d'Uchaux et de Piolen ( Vaucluse), ceux de Toulon { Var), de Martigues et de Cassis (Bouches-du-Rhône ). J'ai reçu, de plus, de M. d'Hombre Firmas, les Rudistes des environs d’Alais (Gard). Comme on a pu le reconnaitre, tous ces matériaux formaient dans ma col- lection, au commencement de 184r, un ensemble double, au moins de tout ce qu'on connaissait en Rudistes, lorsqu’avec M. de Vibraye j'acquis la collection de M. Roulland. Ce renfort d'échantillons, réuni à ceux que je possédais déjà, et qui s'éle- vaient à quelques milliers, m’a donné les moyens non-seulement d'étudier, avec plus de soin, les caractères zoologiques de ces restes organisés, ballottés jusqu'ici par les auteurs, mais encore de suivre, par une multitude de faits observés sur les lieux, les rapports généraux de la distribution géologique de leurs es- pèces au sein des couches terrestres. Les résultats auxquels je suis arrivé doivent faire partie de ma Paléontologie française; néanmoins, mes idées étant depuis long-temps arrêtées relati- vement à la zoologie et à la géologie des Rudistes, je n'ai pas cru devoir différer davantage d'en faire connaître quelques- unes pour prendre date, et pour m'en assurer la propriété, en attendant le moment de les développer dans mon ouvrage. À. D'ORBIGNY. — Sur les Rudistes. 175 Je ne chercherai pas à faire ici l’histoire des Rupisrrs, ni à m'étendre sur les rapprochemens plus ou moins naturels qu’on a faits sur leur place zoologique, ce qui serait sortir du cadre restreint de ce Mémoire; mais je puis dire que je n'entre nulle- ment dans les vues de Lamarck ni dans celles de M. Deshayes, en ce qui concerne leur classement. Les Rudistes, et je m’en- gage à le prouver par un grand nombre de faits (1), ne sont point, comme l'ont cru ces auteurs, des Conchifères ou La- mellibranches. On ne doit pas non plus les ériger en classe dis- tincte, comme l’a fait M.Desmoulins; mais tout me donne la certitude que les Rudistes sont, ainsi que l’a judicieusement pensé M. Goldfuss (2), de véritables BracxioPopes, si voisins des Cranies, que les Hippurites et les Radiolites s'en distinguent seulement par des caractères de peu d'importance zoologique. En effet, il suffit de comparer les Hippurites et les Radiolites aux Cranies, dont la place zoologique est bien fixée parmi les Brachiopodes de Cuvier, pour s'assurer que les trois genres se composent également de deux valves coniques, l’une fixe et l’autre libre, dont la contexture est absolument identique. C’est d’abord extérieurement un tissu lâche, fibreux, lamelleux ou poreux, recouvert de lames ou de stries, et en dedans une couche épaisse sur laquelle on remarque deux larges attaches musculaires très profondes, et un assemblage de saillies et de creux sur lesquels je donnerai ailleurs des explications. De ces deux couches con- servées chez les Cranies, la plus inférieure disparaît presque tou- jours par la fossilisation, chez les Radiolites, les Caprines, les Caprotines et les Ichthyosarcolites; il en résulte qu’on trouve, dans l'enveloppe extérieure, et entièrement séparée d'elle par un espace libre, un moule dont on a fait les genres Birostris, Jo- damia , et qui n’a plus de rapports avec la forme intérieure de la partie conservée. Ce caractère singulier qui, dans le même lieu, ne se remarque sur aucune des autres coquilles lamelli- branches ou conchifères n’est pas le seul qui puisse toujours faire reconnaitre les Rudistes : il en est un autre qui tient (1) Je traiterai cette question dans ma Paléontologie, (2) Naturforsh, , septembre 1839. 176 A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudistes. évidemment à la contexture du test extérieur, celui de se casser toujours à angle droit avec la surface extérieure ,sans que la cas- sure soit fibreuse, comme chez les Pinna; ainsi, à la cassure perpendiculaire aux couches extérieures, au vide qui se trouve entre le moule intérieur et le test extérieur, comme aux carac- tères déjà indiqués, on distinguera toujours les Rudistes des coquilles lamellibranches. D'après ces nouvelles vues, je diviserai la classe des Bracro- PODES en deux ordres : 1° Le premier, les Brachiopodes réguliers, caractérisés par un animal fixé aux corps sous-marins au moyen d’une partie charnue , tandis que la coquille n’adhère par aucun poiut. Ce premier ordre, dont je ne m'occuperai pas ici, comprend les Lingules, les Térébratules, les Spirifères, les Orbicules, et tous les autres genres de cette série. 2° Le second ordre, les Brachiopodes irréguliers ou Rudistes n'ayant plus d'ouverture extérieure par laquelle l'animal puisse se fixer, tandis que la coquille elle-même adhère toujours aux corps par la valve inférieure qui se moule sur les points où elle se fixe. Je divise l’ordre des Rudistes en deux familles bien distinctes : 1° Les HipPURIDÉES, composées, dans leur ensemble, de deux valves coniques ou arrondies, dont l’accroissement est circu- laire et forme des lignes concentriques égales , plus où moins régulières. Cette famille comprend les genres Crania , Hippu- riles et Radiolites (1), dont les caractères sont connus. 2° Les CAPRINIDÉES , composées, dans leur ensemble, de valves dont l'accroissement sur l’une ou sur les deux se fait plus d’un côté que de l’autre, ce qui détermine, soit une valve oblique à sommet latéral et marginal, soit une ou deux valves enroulées (x) On trouvera peut-être étrange que je revienne au nom de Radiolites, depuis quelque temps supprimé et remplacé par celui de Spherulites ; mais je ne fais ici que rendre justice à Lanarck. Lamarck a formé le genre Radiolites en 1801 : il l’a toujours conservé jus- qu'en 1819, et M. de Lamétherie n’a parlé des Sphérulites qu'en 1805. Il est donc évident que, comme plus ancien, le nom de Æadiolites doit ètre préféré à celui de Sphérulites , surtout lorsqu'on ne forme qu'ua seul genre des deux coquilles. A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudistes. 197 en spirales. Cette famille comprend les genres Caprina, Capro- tina et Ichthyosarcolites. Le genre Caprina se compose de coquilles divisées intérieu- rement en plusieurs cavités et dont la valve spirale est libre, d’une contexture composée de fibres longitudinales, et la valve fixe conique, comme celle des Radiolites. En un mot, les Ca- prines sont des Radiolites dont la valve supérieure est spirale au lieu d’être conique ou plane. Le genre Caprotina se compose, au contraire, de coquilles marquées seulement de côtes saillantes internes, et dont la valve spirale est fixe, et la valve libre, oblique ou spirale, non compo- sée de fibres. Le genre /chthyosarcolite, tel que je le comprends aujour- d’hui, se compose de coquiiles dont l'intérieur est divisé transversalement en un grand nombre de cloisons transversales obliques; la valve inférieure est fixe, spirale, enroulée plus ou moins régulièrement sur le même plan; la valve supérieure en est probablement operculaire. J'ai fait sans doute bien long-temps attendre les considérations géologiques, principal but de ce Mémoire; mais l’ordre des Ru- distes étant très peu connu, j'ai cru devoir spécifier exactement les êtres que je comprends dans cette série animale, avant de . m'en servir comme moyen d'application. CONSIDÉRATIONS GÉOLOGIQUES. Les Rudistes sont disposés, au sein des couches terrestres, par bancs qui, placés à différens étages, y forment des horizons géologiques d'autant plus remarquables qu’on peut les suivre sur une surface immense du continent européen. Ils n’y sont pas disséminés au hasard, comme les autres fossiles. Tandis que tel bassin n’en offre aucune trace dans une épaisseur plus ou moins considérable, on les voit s'y montrer tout-à-coup avec une étonnante profusion et y former, le plus souvent, des lits où ils dominent d’une manière constante. Ils y constituent même des amas qui prouvent évidemment qu’ils ont vécu en famille comme vivent aujourd’hui les Huîtres , sur beaucoup de points de nos XVII, Zoor, — Mars, 19 178 A. D'ORBIGNY. — Sur les Audistes. côtes où leurs bancs paraissent, pour ainsi dire, inépuisables, Les lieux où j'ai surtout été frappé de ce fait sont la montagne des Gornes près les Bains-de-Reine (Aude), les environs de Mar- tigues (Bouches-du-Rhône), de Pons, de Royan, de Cognac et d’Angouléme, dans la Charente et dans la Charente-Inférieure, Rien de plus curieux que le banc qui couronne la montagne des Cornes:on y voitles Hippurites et les Radiolites téls qu'ils y vis vaient; ils forment un banc épais de quelques metres, y ont les deux valvés (1) diversement contournées, suivant le plus ou moins de place qu'ils ont trouvé les uns entre les autres, et montrent évidemment qu'ils ont vécu dans ce lieu, sans y éprouver de dérangement. Les environs de Martigues offrent absolument les mêmes faits, Je puis en dire autant des Radio- lites foliacea de l'ile d’Aix et de l'ile Madame, à l'embouchure de la Charente, qui toujours, dans leur position naturelle, sont pourvus de leurs deux valves; de ceux des bancs de Royan, de ceux des environs d’Angoulème, de ceux de Pons, etc. Les Ca- prines même, aux environs de Cognac, composent des bancs épais où elles sont si communes, que les rues de Saint-Trojan en sont, en quelque sorte, pavées, et que toutes les murailles en sont bâties, J'ai voulu commencer par démontrer que les Rudistes, a lieu d’être disséminés au sein des couches, forment des bancs partout où ils se rencontrent. J'ai voulu également indiquer qu'ils ont, le plus souvent, vécu sur le lieu où ils se trouvent, afin d’arriver à conclure que leurs bancs, généralement de peu d'épaisseur relative, peuvent être considérés en géologie comme d’excellens points de repaires pour séparer les terrains par étages ou par couches d'autant mieux marqués, que ces bancs sont toujours au même niveau, qu'ils contiennent partout beaucoup (rx) M. Rolland du Roquanñ (Audistes des Corbières , page 33) dit que tes coquilles ne sont point én place , « qu'elles ont été violemment arrachées du rocher sur lequel elles s'étaient « fixées durant leur vie, et que, charriées par un torrent, elles ont été accumulées sur ce « point avant son redressement », Je suis loin d'adopter cette supposition, peu un rapport avec les faits. Si les Rudistes de la montagné des Cornes avaient été ainsi roulés, ils seraient usés sur leurs ongles, ce qui n’est pas, et Surtout ils ne seraient pas pourvus des deux valves réunies , comme le sont tous les Rudistes de cette montagne. A. D'ORPIGNY. — Sur les Rudistes. 9 d’espèces communes, et qu'ils ont toujours, au-dessus et au- dessous, les mêmes fossiles, comme je vais m’efforcer de le prou- ver en passant en revue leur succession, au sein Ges couches par ordre de superposition, depuis leur apparition sur le globe. Les Rudistes ne paraissent pas avoir jusqu’à présent vécu dans le muschelkalck ni dans les terrains jurassiques; au moins n’y en ai-je jamais vu de traces : ils appartiendraient donc princi- palement à la formation crétacée, où ils occupent presque tous les étages. PREMIER ÉTAGE, NÉOCOMIEN. Les Rudistes ne se sont pas montrés en même temps que les premiers dépôts de l'étage néocomien, mais ils forment, au- dessus, un horizon très inarqué au pourtour du bassin médi- terranéen ou provençal. Lorsqu'on a traversé, dans ce bassin, les couches néocomiennes les plus inférieures, souvent sans fos- siles, celles qui contiennent les Zmmonites radians, Leopoldi- nus, Cryptoceras, Difficilis, Clypeiformis , etc., constituant mes couches néocomiennes inférieures (1), on trouve un banc plus ou moins épais d’un calcaire très blanc, comme pétri de Rudistes avec les deux valves. Ce banc que j'appellerai première zone de Rudistes, indiqué depuis long-temps par M. Elie de Beaumont sous le nom de calcaire à Dicerale, forme, en effet, une zone très prononcée qu'on peut suivre, par intervalle, depuis la Méditerranée jus- qu'aux Alpes suisses. On le trouve près d’Alais (Gard), à Martigues (où il s’exploite comme craie chnnique), à Cassis (Bouches-du-Rhône), à Orgon (Vaucluse), aux environs de Gre- noble (Isère ), et jusque dans les montagnes qui environnent Chambéry (Savoie ); il parait aussi former la partie supérieure du mont Salève. Cette première zone de Rudistes des plus re- marquables contient, avec le Nerinea giganlea de M. d'Hombre Firmas et le Pterocera Beaumontianus , les Rudistes suivans, qui se retrouvent sans exception sur toute la ligne indiquée : (1) Voyez Paléontologie francaise , terrains crétacés, tome +, page 425. 12 180 A. D'ORLIGNY. — Sur les Rudistes. Radiolites neocomiensis d'Orb. (1) Caprotina ammonia d'Orb. ( Chama ammonia Goldfuss. ). — Lonsdalii d'Orb. ( Diceras Lonsdalii Fitton. ). — trilobata d'Orb. ( Caprina trilobata d'Orb. ). — lamellosa &Oxb. (2) Cette première zone de Rudistes, propre au bassin méditer- ranéen, parait pourtant être indiquée dans le bassin parisien, puisqu'on retrouve une de ses espèces (le Caprotina Lonsdalii), sur le sol de l'Angleterre : son horizon est tellement marqué, que je m’en suis servi comme limites de mes terrains néoco- miens inférieurs et supérieurs. En effet, tout ce qui se rencontre au-dessous constitue mes couches néocomiennes inférieures, tandis que le banc lui-même et les fossiles qui lui sont supérieurs forment mes couches néocomiennes supérieures. DEUXIÈME ÉTAGE, GAULT. Dans tout l'étage crétacé si tranché par ses fossiles, et auquel ., # » ,. CR LE CN: . 4 V2 j'ai réservé le nom de gault, qu’il soit à l’état argileux ou à l’état de grès vert, je n’ai encore vu aucune trace de Rudistes. On pourrait croire, dés-lors, que ces fossiles lui sont tout-à-fait étrangers. TROISIÈME ÉTAGE, CRAIES ET CRAIES CHLORITÉES. C’est principalement dans cet étage que les Rudistes se sont développés en très grand nombre et sont venus former des zones bien arrêtées, séparant, par tranches distinctes, les assises (x) RamrozrTes neocomirensis d'Orb, Testé conicé, carinatä , sublævigatä ; aperturä compressé , urdulatä , subtriangulari ; valv inferiore conict , anticè posticèque carinatà ; sub= lavigalä, longitudinaliter undato-costata : costis plurimis evanescentibus ; valva superiore plana. Dimensions : Longueur 80 millim.; largeur, 50 millim. Localités : Terrain néocomien, Martigues ( Bouches-du-Rhône, Chambéry, Savoie). (2) CarroTina LamezLosa d’Orb. Testä conicä, obliquatd ; valrà inferiore conicä, transver- sim rugoso-lamellatä , Unco contorto ; valvä superiore convezxiusculà , striis concentricis ornatd, Dimensious : Longueur, 140 millim.; largeur, 100 millim. Localités : Terrain néocomien ; environs de Martigues (Bouches-du-Rhône), A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudisks. 181 des deux grands dépôts crétacés pyrénéen et méditerranéer. Ma seconde zone de Rudistes se montre dans le bassin pyrénéen avec les premiers dépôts crétacés. C’est elle qui, immédiatement au-dessus des argiles gypseuses, à lignites, occupe une ligne nord-ouest et sud-sud-est, depuis Cognac jusqu’à l'ile d’Aix, et vient y former une zone très prononcée que j'ai pu suivre tou- jours dans la même direction : à l'ile d'Aix, où elle est repré- sentée au nord par un grès rouge à gros grains,et au sud par un calcaire blanc crayeux; à l'ile Madame, où elle forme un cal- caire bleuätre argileux; à Nancras, à Saint-Trojan, près de Co- gnac, au nord d'Angoulême, où elle est composée d’un calcaire analogue à celui de l'ile d’Aix. Cette seconde zone de Rudistes, d’une épaisseur qui varie de dix à douze mètres, contient partout les mêmes espèces, le plus souvent en place et avec leurs valves réunies. Ces espèces sont les suivantes : Radiolites foliacea d'Orb. (Sphærulites foliacea, auetorum). — triangularis d'Orb. (1) (1) R. raraxcuzamis d'Orb, Testd conica, depressa , lævigalé , aperturä subtriquetra ; inferiore multù majore , conicä , triangulari, posticè acuminatä , sablus lateribusque subeari- nat ; valvä superiore planä, vel concavä, lamellis concentricis ornatä, Dimensions : longueur, 100 millim. ; largeur, 90 millim. Localités : Craie chloritée inférieure à l'ile Madame, de Nancras, de l'ile d’Aix { Charente— Inférieure }, de Cognac (Charente). R. rorxcoxicrres d'Orb. Testä conica , elevät& : apertur& ovali ; valv& inferiore multà majore, conicä , obliquatä, lævigatä , transversim lamellatä ; valvd superiore pland, lœvigatä , corned; vertice laterali, lobatd, Dimensions : Longueur, 100 ; largeur, 110 millim. Localités : Craie chloritée inférieure de l'ile Madame , de Nancras (Charente-Inféreiure ), d'Angoulème ( Charente ). R. Fceuntausa d'Orb, Testé conica , levigatä, aperturä anguloso-undulatà ; vulva infe- riore conicé , longitudinaliter quinque costatä , transversim lamellis imbricatis ornata ; valva superiore ? Dimensions : Hauteur, 15 millim.; diamètre, 14 millim. Localités : Craie chloritée inférieure , ile Madame, ile d'Aix (Charente-Inférieure), BR: zamécrosa d'Orb, Testé conicd, lævigatà ; aperturä compressé , posticè undulatä ; walvé inferiore conicà , longitudinalier tri-costatä , transversim lemellis tectis undulatis crenatä. Dimensions : Longueur, 20 millim.; largeur. 20 millim. Localités: Craie chloritée inférienre, ile d'Aix {Chareme-fnférieure), 182 A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudistes. — polyconilites d'Orb. ( Polyconilites Roulland). — Fleuriausa d'Orb. — lamellosa d’Orh. Caprina adversa d'Orb. père ( Annales du Muséum ). — quadripartita d'Orb. (Revue Cuviérienne, 1839, p. 169). — semistriata d'Orb. (Revue Cuviérienne, 1839, p. 169 ). — costata;d'Orb. (Revne Cuviérienne, 1839, p. 169 ). — striata d'Orb. (Revue Cuviérienne , 1839 , p. 169). Caprotina rugosa d'Orb. (1) — navis d'Orb. ( Spherulites navis Roland). — lævigata d'Orb. Ichthyosarcolites triangularis Desmarets. Cette zone, où lon trouve le Nautilus triangularis , la petite variété de l’Exogyra columba et beaucoup d'autres fossiles inédits, est immédiatement recouverte des bancs de l’'Ostrea riauriculata. Elle me paraît correspondre tout-à-fait, par ces ossiles, aux grès verts de la Sarthe, aux étages inférieurs des raies chloritées du bassin parisien; mais, avec les Rudistes, elle 1e s’est montrée jusqu'a présent que dans les départemens de la Charente et de la Charente-Inférieure, sur la ligne que j'ai indiquée, et dans le département de la Dordogne, non loin de Nontron. Entre cette seconde zone de Rudistes et la troisième, on trouve, a) Carrorina auGosa d'Orb, Testé) compressd ; valvd inferiore irregulari, sinistrorsim ubspirali, transversim inæqualiter rugoso-lamellosà ; valvé superiore complanatä, concen- ricè rugosä. Diamètre, 230 millim. Localité: Craie chloritée inférieure , île Madame (Charente-Inférieure). C. xavis d'Orb, Testé spprà convexd , subtüs pland ; valvé inferiore, dextrorsüm subspi- ali transversim rugoso-lamellatä | longitudinaliter sulcatä ; valvé superiore convezé , ? trial&, apice incurvatd. Diamètre, 120 millim, Localité : Craie chloritée inférieure à l'ile Madame ( Charente-Inférieure), à Angoulème Charente), C.xæviçara d'Orb. Testd complanaté , lævigatd ; apertur& semilunari ; valo& inferiore snistrorsum spirali, externè bicarinatä , suprà lœvigatä ; subtüs transversim striatd; valvä superiore elevaté carinaté costaté , subspirali, apice acuto, Diamètre, 160 millim. Localité: Craie chloritée inférieure , ile Madame , Nancras ( Charente-Inférieure ) Saint- Trojan et Angoulème ( Charente ), A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudistes. 183 dans le bassin pyrénéen, des couches puissantes contenant la grande variété de la Gryphœa columba ; et, dans ses alternançces et au-dessus, les {mmoniles rhotomagensis, Mantellii, Fleu- riausianus et Wolgarii, dont l'horizon est si bien marqué à Rouen, au cap Blanc-Nez, près de Saumur, près du Mans, à Cas- sis, dans les bassins parisien et méditerranéen. La /roisième zone de Rudistes se montre à l’ouest du bassin pyrénéen à Pons, à Saint-Savinien près de Balanzac, à Jongac (Charente-Inférieure), à Angoulême (Charente), aux Piles (Dor- dogne), où elle forme un banc puissant d’un calcaire blanchâtre assez tendre, exploité partout, pour les constructions des bâti- mens, et donnant la meilleure pierre de taille de ces départe- mens. Dans cette partie du bassin pyrénéen on trouve les espèges suivantes : ippurites cornupastoris Desmoulins. — organisans Montfort. Radiolites Ponsiana d'Orb. (Sphècrulites Ponsiana d’Archiac ). — lombricalis d'Orb. (1) — radiosa d'Orb. — calceoloides d’Orb, ( Sphærulites calceoloides Desmoulins ), —— angulosa d'Orb. — Martiniana d'Orb. (x) R. zomericauis d'Orb. Testé elongata; aperturä subrotundatà ; valvä inferiore elonga- tissimé , gracili, contortä, longitudinaliter costaté : costis inæqualibus ornatü. Dimensions ; Longueur , 100 mill, ; diametre , 10 mill. Localité : Craie chloritée moyenne, Angoulème (Charente); Périgueux (Dordogne). R. axGurosi d'Orb, Testà elongatä ; aperturd subquadratä | externè angulosa ; valvé inferiore elongatà , conicä, subquadrilateré , longitudinaliter angulosä : angulis armatis, intermediisque costis elevatis ornatà ; valvä superiore subcomplanatà. Dimensions : Longueur, 100 millim. ; largeur, 90 millim, Localité : Craie chloritée moyenne, Pons (Charente-Inférieure ). R. manrimiama d'Orb. Test clevata , obliqué ; aperturä, subcirculari marginatä ; valvä inferiore conicä , irregulari, lamellis numrosis inæqualibus transversim ornatis ; valvà superiore convexd , lamellis concentricis munitä, Dimensions : Longueur, 130 millim. ; diamètre, 100 millim, Localité : Craie chloritée moyenne, Angoulème (Charente); Martigues (Bouches-du- Rhône ). 184 A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudistes. Caprotina Archiaciana d'Orb. (1) A l'est du bassin pyrénéen, à la montagne des Cornes, près des Bains-de-Reine , à Bugarache et dans une grande partie des Corbières (Aude ), j'ai retrouvé, au même niveau, un banc cal- caire que je regarde comme de la même époque. Il contient, avec quelques espèces identiques, qui prouvent la contempora- néité, un bon nombre d’espèces distinctes. Ces dernières sont : Hippurites organisans Montfort. — bioculata Lamarck. _ sulcata Defrance. — gigantea d'Hombre-Firmas (Æ. twmida Rolland ). — canaliculata Rolland du Roquan. — striata Defrance. Radiolit:s Ponsiana d'Orb. —_ Angeïodes Lamarck. — Pailletteana d'Orb. (2) Caprina Boissyi d'Orb. (Revue Cuvierienne, 1839 ). — ÆAguilloni d’Orb. ( Revue Cuvierienne, 1839 ). — carinata d'Orb. (3) Si maintenant, je réunis les bancs de Rudistes des calcaires de Martigues , des grès verts de Cassis (Bouches-du-Rhône), du calcaire de la Cadières, près de Toulon (Var), des grès verts d’Uchaux, de Piolen (Vaucluse), du calcaire d’Alais (Gard), (x) Garrorrna ARcHtAGtaNA d'Orb, Testà elevatä ; aperturä compress, angulatä ; valvaä nferiore lævigatä , sinistrorsüm subspirali externè carinato-cristaté ; valv& superiore subspi- rali , carinatä, lævigata. Diamètre : 55 millim. Localité : Craie chloritée moyenne, Pons ( Charente-Inférienre) , Angoulème (Charente }. (2) R. Paszerreana d'Orb. Testé depressä, suborbiculari ; aperturä cireulari, lato- marginatä ; valva inferiore brevi , conicä | lævigatä, lamellis concentricis latis, undulatisque ornatä ; valrà superiore depressä ; dilatatä , lamellosä. Dimensions : Longueur, 35 millim. ; diamètre , 80 millim, Localité: Craie chloritée moyenne , Corbières ( Aude). (3) Carnomixa cartmaTa d'Orb. Testé elevatä; aperturé subtriangulari ; valva inferiore dextrorsüm subspiradi , externè carinatä , transversim costato-lamellosä ; valvä superiore ovali, lævigatà , striis concentricis ornatà. Dimensions : 65 millim, Localité : Craie chloritée moyenne , Corbières ( Aude ). A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudistes. 185 constituant une seule et même zone, renfermant toujours, à peu de choses pres, les mêmes espèces, et formant un vaste horizon dans le bassin méditerranéen, je trouverai que ces bancs appar- tiennent encore à la troisième zone de Rudistes du bassin pyré- néen, tant par les espèces qu’ils contiennent que par les autres fossiles qu’ils renferment. Les Rudistes sont les suivans : Hippurites organisans Montfort. — bioculata Lamarck. — sulcata Defrance. _ gigantea d'Hombre-Firmas. — canaliculata Rolland. Radiolites Ponsiana d’Orb. - Sauvagesii d'Orb. ( Spherulites Sauvagesii d'Hombre-Firmas). — Martiniana d'Orb. — acuticostata d'Orb.(1) Radiolites excavata d'Orb. (2) (x) R. acuricosrara d'Orb. Testé elongatä , angulosä ; aperturä irregulari, sinuatä ; valvé inferiore conicä, elongatä , longitudinaliter 4-vel 5-costatä, intermediisque costis parvulis elevatis, acutis , inæqualibus orratä; valvé superiore subpland , profundè radiata. Dimensions : Longueur 70 millim. ; larg. 45 millim, ; Localité : Craie chloritée moyenne , Martigues ( Bouches-du-Rhône). (2) R. excavara d’Orb. Testé elongatà , compressé ; aperturé oblongé , anticè rotundatä, posticè truncatä ; valva inferiore elongatä , comprescä | posticè longitudinaliter bicostata , intermediisque profundè ercavatä , anticè costis inæqualibus ornatä, Dimensions : Longueur, 138 millim, ; largeur, 90 millim. Localité : Craie chloritée moyenne, Martigues ( Bouches-du-Rhône ). R. squamosa d’Orb, Testé elongaté , subcylindricé ; aperturé subrotundatä | marginatà ; margine plicata ; valvü inferiore elongato-cônicé , subcylindricä , transversim lamellis nume- rosis imbricatis ornatd , longitudinalibus subcostatä ; valvé superiore convexd. Dimensions : Longueur, 120 millim, ; largeur, 40 millim, Localité : Craie chloritée moyenne, Martigues (Bouches-du-Rhône). R. sonnipa d'Orb. Teslà brevi , horridä ; vaiv inferiore brevi, obliquaté , longitudinaliter costatd ; coslis crassis , transversim lamellosis, imbricatis ornatä ; valv& superioré elevata, abliquatä, apice laterali , costis lamellosis radiantibus. Dimensions : longueur, 95 millim, ; largeur, 65 millim. Localité : Craie chloritée moyenne, Martigues ( Bouches-du-Rhône }. Carnorixa sunæQUALIS d'Orb. Testé elevaté ; aperturä oblongä ; valvd inferiore sini- strorsüm subspirali externè carinatä, lavigatä, sulco longitudinaliter ornaté; valvé super riore subspirali, rotundatä, convexd , lævigatä. Diamètre, 60 millim, Localité : Craie chloritée moyenne; La Cadières (Var ). 186 4, D'ORBIGNY. — Our les Rudistes. — squamosa d'Orb. — horrida d'Orb. Caprina Aguillont d'Orb. — Coquandiana d'Orb. — subæqualis d'Orb. Il résulte de ce qui précède que, si l’on compare les espèces du bassin pyrénéen, dont le niveau géologique m'est bien connu, à celles du bassin méditerranéen, qui me l’est également, on trouvera qu'il y a huit espèces communes, savoir : Hippurites organisans. — bioculata. — sulcata. — gigantea. — canaliculata, Badiolites Martiniana. — Ponsiana. Caprina Aguilloni. C’en est assez, je crois, pour prouver leur parfaite contempo- ranéité, surtout lorsqu'il s’y joint beaucoup d’autres fossiles. Ce résultat, qui fixe définitivement l'horizon géologique des cou- ches à Rudistes du bassin méditerranéen, n’est pas de peu de valeur. Non-seulement il donne, comme on le voit, l’âge certain des fossiles d'Uchaux, analogues à ceux de Goseau, mais en- core il offre, par comparaison, le niveau géologique de tous les bancs de Rudistes du Vicentin, du Véronais, du Tyrol, de l'Illyrie, de la Transylvanie, de l’Albanie, de la Morée, de la chaîne du Liban, du mont Sinaï, d'Égypte, d'Autriche, de la Tur- quie d'Europe, etc. En effet, Uchaux, que M. Michelin a comparé à Gérodot (Aube), et qu'il rapporte, dans sa Zoophytologie, aux grès vert inférieur, ne contient aucun des fossiles du gault et appartient évidemment, par tout ce qu'il renferme, à la même époque que la montagne Sainte-Catherine, de Rouen, où à ma troisième zone de Rudistes; ce qui est la même chose. Ce fait géologique est assez important pour que je n’aie pas dû laisser se perpétuer une erreur funeste dans une science naissante. En profitant de l’extréme bonté de M. Cordier, j'ai vu, dans ns A. D'ORBIGNY. — Sur les] Rudistes. 187 les collections géologiques du Muséum d'Histoire naturelle: 1°les Rudistes du Sinaï rapportés par M. Lefebvre, et j'en ai reconnu l'identité avec ma troisième zone; 2° les Rudistes d'Égypte re- cueillis par le même voyageur : ils m’ont offert l’Hippurites sul- caia et le Radiolites ponsiana, plus une Nérinée que je trouve à Pons et à la Cadières avec ces deux espèces (Verinea Requic- niana d’'Orb.); 3° les Rudistes de l'ile de Santorin, en Morée, provenant du voyage de M. Virlet : ils renferment le À. sauva- gesü ; 4° les Rudistes de Bosnie (Turquie d'Europe), donnés par M. Boué; 5° ceux d'Autriche (Untersberg, Waggraben, etc.), obtenus par le même savant : ils m'ont offert les Hippurites gi- gantea Organisans et les Radiolites cornu-pastoris; 6° ceux du Vicentin, ramassés par M. Lucas, parmi lesquels se trouve l'A. gigantea ; il ne m'est plus resté de doute sur leur contempora- néité avec ma troisième zone de Rudistes. Ainsi toutes les couches de Rudistes du midi de l'Europe appartiendraient à la même époque, et seraient d’un horizon géologique qui correspondrait aux parties supérieures de la zone occupée, au sein des craies chloritées ou craies tufau, par les Æ/mmonites Rhotomagensis, Lewesiensis, Mantellii, le Turrilites costa- tus, etc. En remontant au-dessus de ma troisième zone de Rudistes, on trouve, dans la partie occidentale du bassin pyrénéen, une suite de couches renfermant beaucoup de fossiles, tels que le Pecten striati-costatus , Ostrea carinata, biauricularis, Plagiostoma aspera , etc., et beaucoup d’autres fossiles inédits, que je fe- rai connaitre dans ma Paléontologie, On arrive enfin, en remon- tant toujours, aux régions les plus supérieures des couches cré- tacées de cette partie de la France où se montre ma quatrième zone de Rudistes. Elle est à découvert sur toute la côte, à l’em- bouchure de la Gironde, depuis la Pointe-Nègre, à trois lieues à l’ouest de Royan , jusqu’auprès de Mortagne, Elle se compose de couches puissantes, remplies de fossiles de plus de cent espèces différentes (1), au milieu desquels sont disséminés un grand (1) Les plus caractéristiques et les plus connus sont le Mytilus Dufrenoyi et le Lima mazima de M, d'Archiac. La plupart sont inédits, surtout les Polypiers, qui y sont très nombreux. 188 A. D'ORBIGNY. = Sur les Rudistes. nombre de Rudistes, presque toujours dans leur position natu- relle et ayant leurs deux valves réunies. Cette couche, {qu’on trouve également dans le département de la Dordogne, reuferme les espèces suivantes : Hippurites Espaillaciana d’Orb. 1) Radiolites crateriformis d’Orb. ( Spherulites id. Desmoulins ). — Hœninghaussii d'Orb. (Spherulites id. Desmoulins ). — Bournoni d’Orb. ( Spherulites id. Desmoulins ). _— dilatata d'Orb. (Spherulites id. Desmoulins ). — alata d'Orb. (2) — acutà d'Orb. — conica d'Orb. Ces espèces sont donc toutes différentes de celles des zônes précédentes, et forment un dernier horizon géologique aux parties les plus supérieures des terrains crétacés du bassin py- rénéen, horizon qui, jusqu’à présent , ne s’est montré nulle autre part. Ayant traversé l’ensemble des terrains crétacés, j'arrive enfin aux dernières limites de cette formation, où je trouve ma cin- quième zone de Rudistes. VA, ces fossiles n'existent plus sous (x) Mrrurrres Esparcraciana d'Orb. Testé conica , brevi : aperturä subrotundatd ; valva inferiore conicä, brevi, longitudinaliter costatä : costis subæqualibus , rumerosis ornatä, trans- versim undato-plicatä. Dimensions: Longueur, 30 millim. ; largeur, 30 millim. Localité : Craie chloritée supérieure , Royan ( Charente-Inférieure ). (2) R. azara d'Orb, Test conicä , elevatä , obliquà ; aperturä compressa , subtriangulari ; valvä inferiore conicä , lævigatà , transversim lamellosä: lamellis lateraliter alæformibus : valva superiore plana, lamellis concentricä ornatä. Dimensions : Longueur, 55 millim. ; largeur, 60 millim. Localité : Craie chloritée supérieure, Royan ( Charente-Inférieure ). R. acuTA d'Orb. Testé elongatä , aperturà irregulari, polygont ; valvé inferiore elongata , conicä, lævigatà , longitudinaliter posticè bicostatä , uni-sulcatà. Dimensions : Longueur, 25 millim, ; diamètre, 8 millim. Localité : Craie chloritée supérieure, Royan ( Charente-fnférieure ). R. conica d'Orb, Testà brevi ; apertur& subcirculari, inæquali limbatä ; valvé inferiore conicä, dilataté , transversim lamellaté , longitudinaliter striatà ; valvé superiore convexä, sublævigata. Dimensions : Longueur, 4o millim.; largeur, 50 mill. Localité : Craie chloritée supérieure, Royan (Charen‘e-Inférieure. A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudistes. 189 la forme des Hippurites, des Radiolites, des Caprines et des Caprotines, qu’on a vus occuper seuls les quatre zones précé- dentes ; mais ils sy remarquent sous la simple apparence de Crania. Ce n’est pas non plus dans le midi seulement qu'ils se rencontrent, mais vers le nord de l’Europe. C’est dans la craie blanche de Suede, dans celle de Paris, d'Angleterre, dans la craie à polypiers de Maëstricht, de Sainte-Colombe (Cotentin), qu’on trouve les espèces suivantes : Crania nummulinus Lamarck. — nodulosa Hœninghauss. — antiqua Lamarck. — tuberculata Nilson. — Parisiensis Defrance. — nodulosa Hœninghauss. — striata Defrance. — costata Sowerby. — spinulosa Nilson Au dessus des dernières couches du terrain crétacé, les Ru- distes ne se montrent plus en nombre. Il paraît pourtant que, sous la forme de Crania, on en trouve une espèce au sein des couches tertiaires du bassin bordelais. Quelques espèces du même genre sont vivantes dans la Méditerranée et dans les mers de l'Inde, et témoignent encore de leur existence actuelle ; ainsi les Rudistes, si nombreux dans tout le système crétacé, ne s'offrent, au sein de nos mers, que sous la forme de Cra- nies, seuls représentans de nos jours de cette famille si remar- quable , caractérisant tous les étages des terrains crétacés. RÉSUMÉ. En résumé, les Rudistes ne sont point jetés au] hasard dans les couches crétacées. Ils y forment, au contraire, des zones tranchées, et bien distinctes, non-seulement par les fossiles qui les entourent, mais encore par les espèces qui les accompagnent. Ces zones, dont j'ai parlé en général, sont réparties ainsi qu’il suit : 190 A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudisles. La première zone de Rudistes, très prononcée dans le bassin méditerranéen et marquée sur une grande surface, ne s’est pas montrée à moi dans le bassin pyrénéen et ne parait repré- sentée que par une seule espèce dans le bassin parisien. Elle sert de limites entre mes terrains néocomiens supérieurs et inférieurs. La seconde zone de Rudistes occupe la région inférieure des craies chloritées des parties occidentales du bassin pyrénéen, n'ayant pas été reconnue jusqu’à présent dans les bassins pari- sien et méditerranéen. Elle ne contient d’ailleurs aucune espèce analogue à celles de la première zone. La troisième zone de Rudistes, la plus généralement répan- due, occupant la région supérieure de la zone de l'Zmmonites Rhotomagensis, se montre à l’est et à l'ouest du bassin pyrénéen, partout dans le bassin méditerranéen, depuis la France, le Vicen- tin, la Transylvanie, l'Albanie, la Morée, les monts Liban et Si- nai, etc. Elle paraît manquer dans le bassin parisien, où l’on n’en a trouvé que des fragmens isolés. Cette zone ne contient au- cune des espèces de la seconde. La quatrième zone de Rudistes, très épaisse à la partie supé- tieure de la craie chloritée de l'extrémité occidentale du bassin pyrénéen, ne s'est pas encore montrée ailleurs. Elle renferme des espèces tout-à-fait distinctes des zones précédentes. La cinquième zone de Rudistes, très prononcée dans le bassin parisien, surtout dans le golfe du Cotentin et à Maëstricht, ca- ractérise les dernières couches du système crétacé (les craies blanches). Non-seulement elle ne contient aucune des espèces des autres zones de Rudistes, mais encore elle n’est composée que des espèces du genre Crania, inconnues dans les zones inférieu- res, et se trouvant encore représentés dans nos mers actuelles. Il ressort évidemment des faits ci-dessus énoncés, les consé- quences suivantes, de la plus haute importance, soit dans leur application aux grandes questions philosophiques de la zoolo- gie, soit pour la reconnaissance et la classification des époques géologiques des terrains. 1° Les Rudistes, au lieu d’être disséminés dans la masse, for- A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudistes 191 ment des dépôts successifs, des bancs, dont l'horizon est tranché. Ils peuvent dés-lors être considérés comme les meilleurs jalons qu’on puisse prendre pour limites des couches, 2° Ces zones distinctes de Rudistes, déposées au sein d’un même bassin et dans une succession de couches peu disloquées, ainsi qu’on le voit à l’ouest du bassin crétacé pyrénéen, pour- raient prouver qu'il n’y avait pas besoin de grandes commotions locales pour amener dans un même lieu des faunes différentes, mais que, sans doute, des causes eloignées influaient sur ce rem- placement successif d’une faune par une autre. 3° Les Rudistes ont paru cinq fois à la surface du globe dans le système crétacé, chaque fois sous des formes entièrement différentes, sans qu’il y eüt de passage zoologique dans les es- pèces, ni de transport des individus d’une zone géologique dans l’autre. Ainsi les faunes respectives des cinq zones de Rudistes, soit dans des étages différens, soit dans les couches d’un même étage,ont été successivement anéanties et remplacées par d’au- tres tout-à-fait distinctes, ce qui n’annoncerait, dans cette série d'êtres, aucun passage ni dans les formes, ni dans les couches qui les renferment. 4° Les Rudistes divisés par zones bien tranchées, au sein des terrains crétacés, y forment des horizons plus ou moins étendus, et toujours dans une même position respective par rapport aux autres fossiles; dès-lors la répartition des êtres, dans les couches terrestres, ne serait point due au hasard, mais, comme je l’ai déjà trouvé pour les céphalopodes (1), elle serait le résultat de la succession, dans un ordre invariable, de faunes plus ou moins nombreuses, dont la connaissance parfaite est destinée à donner, par la suite, l'histoire chronologique de la zoologie ancienne du globe. Il me reste à traiter une dernière question non moins im- portante. C’est celle de l’état des différens bassins géogra- phiques à l'instant où vivaient les cinq faunes de Rudistes. Lors de la première zone, le bassin méditerranéen seul la pos- (x)Voyez Paléontologie française, terrains crétacés, tome 1, page 437. 192 A. D'ORBIGNY. — Sur les Rudistes. sédait au complet, tandis qu’une seule espèce de Rudistes, éga- rée, se montrait en Angleterre pour témoigner, avec les autres fossiles, de leur contemporanéité avec le bassin parisien. La se- conde zone ne se rencontre que dans le bassin pyrénéen. La troi- sième dans les bassins pyrénéen et méditerranéen, tandis qu’elle n'est marquée que par des indices dans le bassin parisien. La quatrième est encore spéciale au bassin pyrénéen. La cinquième, aucontraire,paraît propre au bassin parisien et à ceux de la Bel- gique et de la Suède, Ainsi, les trois grands bassins pyrénéen, pa- risien et méditerranéen, auraient, à chaque époque, montré des différences si marquées qu'il est impossible de ne pas supposer qu'ils n’aient, à l'instant de ces faunes, conservé des limites plus ou moins circonscrites. J'ai pensé, du reste, que le meilleur moyen de démontrer l’en- semble comparatif de tous les faits contenus dans ce mémoire, était de présenter, en un seul tableau (1), les résultats généraux auxquels je suis arrivé par l’application de la zoologie à la classifi- cation par étage et par zone des trois grands bassins des terrains crétacés de la France, application principalement basée sur l’é- tude des Rudistes et des Céphalopodes. (x) Voyez le TasLeau ci-joint, DOYÈRE, — Sur les Tardigrades. “ Luc br nriron GET Te Sy tra L 193 CRÉTACES. TERRAINS ÉTAGE DE LA CRAIE. ETAGE DU GAULT. ÉTAGE NÉOCOMIEN. raie blanche. C ée. aie chlorit Cr Néocomien supérieur. Gault inférieur. Gault supé Néocomien inférieur. APPLICATION DE BASÉE PRINCIPALEMENT SUR L'ÉTUDE DES RUDISTES ET DES CÉPHALOPODES. . Bassin Méditerranéen. LA ZO0LOGIE A LA CLASSIFICATION, PAR ÉTAGES ET PAR ZONES, DES TERRAINS CRÉTACÉS DE LA FRANCE, Caprina Aguilloni, Bo aprotina Carinsta. Bassin Pyrénéen. Bassin Parisien. H = R1 8, FE Maëstricht, Crania Nummulus, Noduloss, Striate, Costatn, Spinuloss, Antiqua. é Sainte-Coloinbe (Manche). GranïalTübereulata = Suède. Granfa Parislensis, 4 Paris, Sens, Saint: Germa Craie du Cotentin, de Tours, de Vendôme, Belemnitella Quad Mucronata, l'aris, ete. Uamites Simplex. Soulage (Aude). Anonchyles Ovata. Ananchytes Ovata | Perignac (Charente-Inférieure). Ostres Vesicularis Ostrea Vevicularis, 1: - e | 8 ë Royan, Mescher (Charente-nférieure), Radiolites Crateriformis, ILeninghaussii, Bournoni, Dilatata, Alata, Acuts, Conica | NS Hippurites Espaillaciana l44 Vallée de la Gouse (Dordogne). Turrilies Archiacionus, LT e Saintes, Pous (Charente-Inféricure). Ostrea Carinata, ete Inoceramus Caieri Cognac (Charente). e È Mari a (Bouches-d p Hippurites Cornapastoris, Organisans, 22% D, LE (Boucl lu-Rhône). Hippurites Organisans, Biocolata, Sulcata, Gigantea, Conaliculats, Radiolites Ponsiana, Lombricalis, Radios, Calceolaïdes, Angnlosa, Martinians, Fe e r. ; FRE) Aus (6 RE (Vaucluse). Rdiolites Ponsians, Sauvagesii, Martioiana, Acuticostata, Horride, Escavats, Squamoss, MATE aie (Charente) een Département de l'Aube. Ripparites Cornu-Pastoris rina Aguilloni, Coquandi FI : Ml Codières CAE D tree RUN Hippurites Dioculata, Organisans, Suleata, Gigantea, Canaliculata, Striata dites Angcoïdes, Paillettean: Û Dains-de-Reine, Soulage (Aude). ÉCRAN SRG OP ALEE ge de Rudistes. Uchaux, Orange (Vaucluse). Nautilus Lrvigotus, Largilliertianus, Klegans. La Malle, E44 Ammonites Besomontians, Bravaisiancs, Deverianus. Feraudianus, Falcatus, Goup ergons (| Mautellii Largilliertianos, Ps Pros peri, 5, Peramplus, Nenouxisous, Req Cassis, La Ci LT reg , lis, Prosperianus, Peramplus, Nenauxianus, Rhotomagensis, Sartousianus, Varions, Scaphites Æqualis. Hamites Arinotus Boculites Daculoides. Torrilites Tuberculatas , Grayesianus, Costatus Exogyra Colamba Nautilus Triangularis Inférieure). Baïns-de-Reine, Sougragne (Aude), Cognac (Charente). Rochefort, Port-des-Barques. Fourss, Ile Madame, Ile d — Nautilus Clementinus Ammonikes Fissicostatus, Milletianus, Nodosocostatus, Alpinus, Deudanti, Camattcanns, Delaruei, Lyelli, Latidorsatos, Mammillaris, Mayorianus, Parondieri, . Roissyanus, Senequierionus, Versicostatus, | Homites Elegaus, Sablicri, Virgolatas, Crioceras Astierianus, Cristatus, Turrilites Catenatus, Astieriauus, Sencquierianus, Emericianus, bituberculatus Escragnolle (Var) Montagne-des Fis (Sayoie). Clausayes (Drôme). d'Aix, Ile Madame. Nanera (Charente-luférieure). Me Cognac, Saint-Trojon (Cha- rente), Noutron (Dordogne). Terrains gnac, rypseux de l'ile d'Aix, de Co- le Fouras, Rochefort, Port-des-Barques (Charente- Noutilas Lævigatus Ammonites Carolinus, Flenriausisous, natus, Voriaus, Woolgari, Seaphites Compressas, Hainites Armatus Turrilites Plicatus, Acuticostatus Exogyra Colomba Nautilas Triongolaris. Fleuriausianos, Ostrea binaricalata Hadiolites Foliacea, Triangularis, Polyconilites, Copriva Bipartita, Qundripartite, Semistriata, Caprotina Augosa, , Lævigato, Icbthyosarcolites Teiangularis. , Fleuriauso, Lamellosa, Costata , Striata. Belemnites Somicanalieulo Nautilus Re lonus. Ammonites Helus, Consobrinus, Crassicostatus, Dufrenoyi, Duvolianus, catus, Gare. Guettardi, lmpressus, Inornatus Mortinii, Mathe: sus, Strangulatus, Striotisulcatus, Cassis (Rouches-du-Rhône), Vergons (Dasses-Alpes), Gargas (Vaucluse) Emerici, Frexisul- ni, Nisus, Pretio- Toxoceras Emericianus, Royerianus Aneyloceras Matheronianus, Renauxianus, Davalianus, Brevis Radiolites Neocomiens! Caprotius Ammonia, C. €, Trilobata, C. elloss, Lonsdalii. Mantellif, Pailletteanus, Rhotomagensis, Tricari« (Seine-laférieure) à Baculite, Ve Cop Blanc Nez (Pas-de-Calni Sainte-Catherine près de Rouen, Le Havre : Honfleur. alogue (Manche). Le Mans (Sarthe) ; Saumur, Lamenais, Auxon, Troyes (Aube), Moutl ville [Meuse). Argiles da Gaty, Gerodot Ervy (Aube), Côtes Noires Senefontaine (Oise). Grès Vert de la Perte Wissant (Pas-de-Cal Varennes (Meuse). le Valeourt, Droyes, Mou- tiers-en Der (Haate-Mai Saïnt-Florentin (Yonne). du Rhône (Ain). is). Ardennes). Copl-Point, Remgener (Angleterre). Argiles à Plicatules et Argiles Ostriennes, Bailly-aux- Forges ; V Marne). Villeneuve, entre Ery ass ( Haute yet Marolles (Aube). Environs d'Auxerre (Yonne) Hamites Inerlus, Dissimilis Emericianos, Scapbites Ianii Girondas (Vaucluse). Saint-Julien-Beauchène (Hautes-Alpes). Saint-Martin, Lattes, Caussols, Source- duLonp (Van). te En Lelemoites Dilstotus, Bipartitus, Subfusiformis, Latas, Polyponalis, Ewerici Extinctorius, Nautilus Pseudo-elegans, Neocomiens; Ammonites Angulicosttus, Asperrimus, Heliacus, Helias Picturstos nus, Carteroni, Cassida, Gostellanensis, Ciypeiformis, Compressi: Cultratas, Didayanus Diffici e, Cheiron , Sisteron. Roblon (Dasses-Al pes). ulchellas, Astieria- wus, Cryploceras, Diphyllos, Grasinnus, Incertus, Honnoratisnus, Inx. qualicostatus, Infundibolam. — Intermedius. Ixion, Jeannoti, Juilleti, Leopoldinus , pidus, Ligatus, Macilintus, Morellanu asis Ophiurus, Quadrisaleatus, Ra- atus Recticostatus Nouyanus, Semistratus, Semisulcaius, Thetys, Seranonis, Simplns, Sinuosus, Subfascicolaris, Subfimbriatus Terverii, Verracosus. Crioceras Dvalii, Villiersiaous, Emerici, Puzosianus. Toxoceras, Requienianus, Bituberculatus, Blegaus, Davalianus, Annuloris, Honnoratianus, Obliquatus. Ancyloceras Dilatatus, Ptychoceras Emerici Baculites Neocomiensis Pulcherrims, Simplex, Cinctos, Puxosianus, Furcatus us, Pazosisnus, Calcaires, Hienes de Saint-Di … court (Haute-Marn Vandeuvre, Marol Neachätel (Suisse). rnes à SJ angue et Marncs ‘er, Wassy, Bandre- (Aube). Naotilus Lævi, Axchiacianus, Ammonites Falcotus, Largilliertionus, Lewesensis, Mantellii, Ahotomogensis, Rusticus, Varians, Woolgarii, Beaumontionus, Carolinus, Catillus, Fleuriausianos, Goupiliani Peramplus, Vibrayeanus, Verneuillanus, Lafresnayeanus. Scaphites Æqualis, Constrictus. Hamites Simplex, Armatus, Cylindraceus, 5, AnCeps. Turrilites Tubereulatus, Gravesianus, Costatus, Desnoyersianus, Scheuschzerianus, Orns- lus, Bifrons, Exogyra Colombo, Nautilus Triangularis, Radiatos. tus, Largilliertianus, Matheronianus, Elegans, Deslongchampsianus, Ostrea biauriculato Nautilus Clementinas, Ammanites Beudanti, Clementinus, Delar Lalidorsains, Mamuillaris, Velledw, Varicosus. Hainites Alternotus, Virgulatus, Turrilites Mayorianus, Élegans, Robertianus, Bergeri. Dupiolanus, loflatus, Interruptus, Lyelli, randier!, Versicostatus, Varicosus, Mayorianas, Delemnites Minimus, Nautilus Bouchordianus, Ammonites Auritus, Bouchardianus. Bicarvatus, Denarios, Negularis Fil tatos, Tardefurestu Hainites A ttenuatui icostatus, Cris Filtoni, Laatus, Splendens, Taberculatus, Milletianus, Flexuosus, Rotondus, Bouchardianus Naotilus Requien Ammonites Ci Toxoceras Ri Ancyloceras Varian Hamites Royerianus, Cornuelianus, Deshayesi, Nisus, Raresnlcatus Royerianus ornuelianius, Einericianus, Caprotina Lousdalii Belemaites Baudonini, Dilatatus, Nautilus Pseudo-Blegans. Ammonites Bedichotomus, Difficilis Cryptoceras, Leopoldinus, fadlatus Asterianos, Corteroni, Castillanensis, Gevrilianus Criocerss Cornuellanos Tome xvir, page 192. DOYÈRE. — Sur les Tardigrades. 193 Mémorre sur les Tardigrades, Par M. Dovire. CHAPITRE II. (1) RAPPORTS ZOOLOGIQUES DES TARDIGRADES. , L'anatomie des Tardigrades, telle que je l’ai exposée dans le chapitre précédent, m'avait paru susceptibled’être conciliée avec la réunion proposée par M. Dujardin, entre ces animaux et les Rotateurs, et avec l'établissement de la classe des Sysroripes. Depuis l’époque où j'annonçai ce résultat (2), j'ai étudié ave assez de soin quelques genres de Rotateurs, et cette nouvelle étude a modifié notablement les idées que je n'étais faites sur plusieurs points importans, sans avoir pourtant complète- ment infirmé celle dont il s’agit. Je crois donc devoir exposer avec détails les élémens principaux dont cette opinion s’est for- mée. La discussion qui va suivre ne saurait avoir pour résultat de fixer ce point de la science ; mais peut-être aura-t-elle un autre genre d'utilité, en établissant nettement l’état de ja ques- tion, et en provoquant à de nouvelles recherches. Voici sur quelles considérations sappuyait M. Dujardin, lors- qu'il proposait de réunir en une seule classe les Rotateurs et les Tardigrades. (3) 1°.« Les uns et les autres ont la faculté de pouvoir se con- « tracter brusquement et à plusieurs reprises, de manière à faire 1} Voyez pour les chapitres précédens, le tome x1v de ce recueil (deuxième série , l'y 269). {a} Ann, des Sc. nat., 2° série, T. xiv, 1840 ,p. 277. (3) Ann. des Sc. nat,, 2° série, T. x, »838, p. 86. XWIL Zooc. — Avril, 13 194 DOYÈRE. — Our Les Tardigrades. rentrer sous l'enveloppe moyenne du corps les extrémités, ou au moins l'extrémité antérieure. 2° « Ils ont toujours une enveloppe résistante, souvent même « cornée, et ne se décomposant point par diffluence comme les « Infusoires. 3° « Ils ont un canal digestif simple, droit ou presque droit, « ce qu'on ne voit pas non plus chez les Infusoires. 4° « Isontun appareil mandibulaire mu par des muscles spé- « ciaux, et composé de pièces articulées cornées, analogues à « celles de l’armure œsophagienne des Annelides, et aux cro- « chets de certains Helminthes, et nullement comparables aux « baguettes cornées rangées en manière de nasse autour de la « bouche de certains Infusoires. 5° « Enfin, ils se multiplient exclusivement par des œufs peu « nombreux, et proportionnellement très volumineux, et jamais « par division spontanée ou par gemmes comme les Infuscires « et les Polypes. » M. Dujardin fait voir ensuite que l’on ne doit attacher qu'une importance très secondaire aux organes de locomotion, à ces appendices si singuliers, qu’une mauvaise interprétation des ap- parences optiques qu'ils produisent à fait appeler du nom de roues. Parmi les Rotateurs en effet, un grand nombre ne les possèdent pas; et les Æoscularia ; les Stephanoceros, les Chæ- tonotus, ne différent pas beaucoup moins des Rotateurs pro- prement dits, quant à leurs appareils de locomotion, que les Tardigrades eux-mêmes. Maïs toutes ces considérations prou- vent plutôt, il faut bien le reconnaitre, la nécessité de ne pas laisser ces divers animaux parmi les Infusoires, et le danger qu’il peut y avoir à conclure de leur organisation, l’organisation de ceux-ci, que la légitimité d’un rapprochement tendant à en faire l’une des familles naturelles du règne animal: À cela s'opposent ou paraissent s'opposer des disparates incontestables, et portant sur quelques-uns des systèmes auxquels la plupart des zoologistes systématiques accordent le plus d'importance. Il faut donc que l'étude complète que nous venons de faire de celui des deux groupes à réunir que l’on connaissait le moins, nous fournisse des argumens nouveaux. Or, ce que je dois dire | | DOYÈRE. — Sur les Tardigrades. 195 dès maintenant, c'est que cette étude, en même temps qu’elle nous montre des rapprochemens certains, fondés sur des ana- logies manifestes, sur des ressemblances qui vont jusqu'à l’i- dentité, nous présente des dissemblances peut-être encore plus considérables. Commençons par les analogies. En comparant les Tardigrades à l'ensemble tout entier des Rotateurs, quant à la construction de la bouche et de l'appareil pharyngien, ainsi que l’a fait M. Dujardin, nous n’y trouverions, comme lui, que des rapports de composition générale, ou tout au plus, et seulement dans certains cas, des rapports analo- giques tels que ceux que tout le monde reconnaît maintenant entre la bouche des Insectes ou des Crustacés broyeurs, et celle des Insectes ou des Crustacés suceurs. Mais il est quelques types où les rapports sont certainement beaucoup plus étroits, et qui semblent faits pour opérer, du moins quant au point de vue dont il s’agit, le rapprochement entre ces deux formes animales en apparence si différentes: ce sont les deux genres Rattule (1) et Plagiognathe (2), ce dernier surtout. Si nous en jugeons, en effet, par les descriptions et les figures qu’en a données M. Du- jardin, leur appareil mandibulaire se compose : 1° d’une tige médiane droite, regardée par cet observateur comme un simple support (fulcrum ), &es noms et cette détermination sont égale- ment appliqués par lui à la tige médiane des Tardigrades, tige que j'ai fait voir être un tube à travers lequel se fait l'exhaustion des alimens liquides. 2° de branches latérales ayant la même dis- position, et les mêmes connexions avec la tige médiane , que les branches latérales où stylets de l'appareil pharyngien des Tar- digrades. M. Dujardin a même figuré, dans le Plagiognatha hyplopus (3), des apparences qui reproduisent rigoureusement les rayons transversaux, régulateurs et ressorts du mouvement des stylets , et le bulbe musculaire qui termine le tube pharyngien en arrière. En un mot l'appareil pharyngien tout entier, tel que l'a (1) Dujardin , Hist nat, des Infusoires, p. 639, pl. 2r, fig. 3. (2) 1. ibid, p. 651, pl. 18 ,fig. 3et6; plar, fig. 8; pl. 22, fig. 3. C3) Hbid,:pl. 22, fig, 3, 13. 196 DOYÈRE. — Sur les l'ardigrades. dessiné cet habile et consciencienx observateur, est la repro- duction exacte de celui d'un Emydium ou d’un Macrobiotus. J'insisterai beaucoup plus encore que ne l’a fait M. Dujardin, sur les considérations tirées de l'enveloppe générale : sa constitu- tion, ses rapports avec le reste de l’organisation, le mode d'attache des muscles qui s’y insèrent me paraissent être rigoureusement les mêmes dans les Rotateurs et les Tardigrades. C’est toujours une sorte de vaste sac très lâche, se repliant en dedans de lui- même pour constituer le canal alimentaire et ses appendices, rempli par un liquide à granules simples ou composés, et tendu en quelque sorte sur ce liquide par la seule action des muscles. Elle est formée de deux couches dont la composition et les rapports sont absolument, dans les Rotateurs, ce que nous les avons vus être dans les Tardigrades. L’extérieure est épidermoïde et sujette à des mues. Elle porte des appendices filiformes chez Notommata copeus et chez les Synrhæœta, comme chez les Emy- dium : de même aussi elle n’est en adhérence avec l'enveloppe interne qu'aux points d'insertion des muscles. L’enveloppe in- terne ou dermoïde est également d'apparence tomenteuse et granuleuse : elle est également fragile, également colorée dans certaines espèces, et par la présence d’une substance d’ap- parence huileuse sous forme de gouttelettes. Enfin, chez les uns et chez les autres, c’est la couche épider- moïde seule qui est un obstacle à la diffluence. Ce qu'a dit M. Dujardin touchant le tube intestinal est parfaitement exact. La composition et les formes générales en sont absolument les mêmes dans les deux groupes qui nous occupent. L’argument tiré du mode de reproduction me paraît encore d'une importance réelle. Le rapport du diamètre des œufs avec la taille de l’animal est le même dans les deux groupes; il s'élève jusqu’à un cinquième ou un quart; et ce fait est tellement singulier, il s'éloigne tellement de ce qui a lieu chez tous les autres animaux, qu'il mériterait seul de fixer notre attention d'une manière toute particulière sur la comparaison qui nous occupe. Ainsi, sur tous les points qu'avait indiqués M. Dujardin, DOYÈRE. — Sur les Tardigrades. 197 notre étude n’a fait que nous fournir des rapprochemens nou- veaux et plus intimes à ajouter à ceux qu'il avait indiqués. Mais les analogies s'arrêtent là, et la suite ne va plus nous offrir que des différences. De ces différences, la plupart, ilest vrai, pour- raient se résumer en une seule, et deviendraient même des analogies de plus, grâce à une vue assez simple, malgré ce qu'elle offre de bizarre au premier coup-d’œil ; mais cette vue tout hypothétique manque, ainsi que nous le verrons plus tard, de l’un: des élémens principaux qui pourraient lui donner toute son importance, et si je la mets en avant dès maintenant, ce n’est pas comme une explication destinée à faire disparaître les dissemblances auxquelles elle s'adresse, mais seulement comme une sorte de formule empirique qui rendra plus simple, en la résumant, toute la comparaison qui nous reste à faire. Le résultat assurément le plus singulier de cette compa- raison , et peut-être même devrais-je dire du travail tout entier dont elle n’est qu’une partie, c’est que, pour qu’il fût possible de reconnaître une affinité entre les Tardigrades et les Rota- teurs, il faudrait, avant tout, se prêter à admettre que ce qui est la face dorsale des premiers peut être la face ventrale dans les seconds, et réciproquement ; ou, en d’autres termes, que les Rotateurs ne peuvent être comparés qu’à des Tardigrades mar- chant sur le dos. Si l’on repousse cette hypothèse , ou si les travaux dont ces animaux pourront être l’objet par la suite, viennent l’infirmer; alors aucun autre rapprochement ne me parait plus possible, que celui qui résulte des rapports particu- liers précédemment indiqués, rapprochement insuffisant peut- étre pour justifier l'établissement de la classe des Systolides. Avec elle, au contraire, de nouveaux rapports viennent con- firmer les précédens, et éclairer lun par l’autre, d'un côté l’or- ganisation des Rotateurs telle que l’a annoncée et représentée le premier M. Ebrenberg, et d'un autre côté, l'organisation même des Tardigrades telle que je l'ai exposée dans le chapitre qui précéde. J'avais nommé face ventrale des Tardigrades celle qui est tournée vers le plan sur lequel ces animaux marchent, long- temps avant que j'eusse pu confirmer cette détermination, en 195 DOYÈRE. — Our les Tardigrades. montrant que là se trouvait un système nerveux d’Articulé. C’est à cette face qu'est situé l'anus, tandis que l'ovaire et les autres organes de la génération sont à la face dorsale. Chez les Ro- tateurs, la considération de l'attitude seule a pu servir à la dé- termination dont il s’agit; le système nerveux, ou du moinstce qui a été décrit comme tel, ne peut donner à cet égard aucune indication utile. Or, chez ces animaux, lorsqu'ils rampent sur un plan horizontal, en se servant à la manière des sangsues de leur ventouse buccale, et de celle qui termine leur prolon- gement caudal, Panus est à la face supérieure du corps, et les organes de la génération à la face opposée (1). Les rapports entre le système de la génération tout entier, le canal digestif, et la terminaison de celui-ci, sont rigoureusement les mêmes, ab- straction faite de l'attitude; cette dernière considération n'y change rien d’ailleurs , elle change seulement les rapports des organes relativement au plan sur lequel l'animal se traîne. On en peut dire tout autant de l’organe postérieur de locomo- tion tel qu'il existe chez ceux des Rotateurs qui peuvent ramper sur un plan, et dont M. Dujardin a formé son troisième ordre des Systolides (2). Si l’on suppose que les deux pattes postérieures d’un Milnesium où d'un Macrobiotus, soient encore un peu plus rap- prochées qu’elles ne le sont, de manière à se confondre, et qu'il n'y reste plus que deux ongles, on aura rigoureusement, quant aux formes et aux rapports, le prolongement caudal d’un Rota- teur, moins sa ventouse. Les appareils buccaux et pharyngiens, comparés dans les deux groupes en général, présentent des dif- férences qui correspondent à l'état solide ou liquide des alimens, et je suis tout-à-fait porté à regarder comme des différences du même ordre, la présence et le grand développement chez (x) Rien de plus commun, au reste , que l'existence d’un anus dorsal , le système nerveux étant ventral, chez les Annelides errantes ; et si j'ai cité cette particularité, c’est seulement parce qu’elle serait ici une conséquence du singulier renversement auquel j'ai eu recours pour essayer d'établir quelque analogie de plus entre les deux groupes d'êtres que je compare. D'un autre côté, nous sommes très loin de convaître au juste l’importance des connexions et leur valeur classique dans des animaux aussi iuférieurs que ceux-ci et les groupes d’Annelides dont 1ls peuvent être rapprochés. (2) Histoire naturelle des Infusoires , p. 606 et 655, poyÈREe. — Sur Les Tardigrades. 199 les Tardigrades des glandes salivaires ou venimeuses, et l'absence des corps que M. Ehrenberg a appelés glandes pancréaliques. La composition, les formes et les connexions du sac stomaco- intestinal, du bulbe cloacal, et du conduit qui le terminent, sont tellement les mêmes dans les Tardigrades et dans l’Ayda- tina, ainsi que dans plusieurs autres Rotateurs, à la différence près du renversement, que, isolées du reste, on ny pourrait plus trouver aucune dissemblance; que quelques-unes des figures que j'en ai données pourraient sembler, jusqu’à un cer- tain point, avoir été copiées de celles de M. Ebrenberg dans ses premiers Mémoires, et dans son grand ouvrage sur les Infusoires. J'ai déjà indiqué les rapprochemens généraux que fournissent les connexions du système de la génération avec le canal digestif; la composition de ce système mérite également d'être citée ; elle donnera lieu à de nouveaux rapprochemens. Chez les Rotateurs comme chez les Tardigrades, l'ovaire est un grand sac unique, qui s’abouche dans la face du bulbe cloacal opposée à la face anale. M. Ehrenberg a décrit, des deux côtés de l'ovaire, deux tubes qu'il regarde comme festivulaires, et en arrière une vési- cule séminale; j'ai attribué la même signification à deux tubes et à une vésicule occupant la même position chez les Milnesium et les Macrobiotus ; mais ici se présente une difficulté sérieuse : les tubes testiculaires ou prétendus tels des Rotateurs me pa- raissent être de deux ordres bien différens : les uns sont simples et sans appendices, comme dans Notommata tuba (Die Infusions- thierchen, etc. (Ehrenb. PI. xuix, fig. 3), dans N. granularis (ibid. PI. 1, fig. 2), dans NN. brachionus (ibid. fig. 3), dans N. gibba (PL zur, fig. 1v), dans A. ansata (ibid. fig. v ), dans Synchæta pectinata et S. oblonga (PI. zur, fig. 1v et vr), dans Diglena gran- dis (PL. uv, fig. v), et dans Diglena forcipata (PI. 1v, fig. 1), dans £osphora najas et E. disitata (PI vvr, fig. vir et vit), dans Euchlanis macrura (P\. rvi, fig. r), et Philodina erythroph- talma (PI. 1x1, fig. iv), tandis que les deux organes, que Pillustre observateur a appelés du même nom, et désignés par la même lettre 7, dans Hydatina senta (PI. xivn), dans Notom- mala copeus et N. centrura (PX. x1}, dans M. collaris (PL 15), 200 DOYÈRE. — Sur les Turdigrades. dans Cycloglena lupus (Pl. iv, fig. x), dans Æuchlamis trique- tra (Pl. zxvn, 6g. vu), dans Euchlanis dilatata (PL. zvin, fig. 11), et dans beaucoup de Brachionés, portent ces singuliers petits organes pédiculés et vibrans qu'il regarde comme des branchies; encore l'absence de ces branchies dans les premiers ne serait- elle peut-être qu'un fait négatif de peu de valeur, car elles pourraient y exister et. n'avoir point été aperçnes, ou manquer sans que le rôle physiologique assigné à l'organe qui les sup- porte en füt moins légitime; mais M. Ehrenberg a représenté simultanément ,, dans Votommata myrmeleo et Notommata syrinx (PI. xtix), dans Notommata clavulata (PI. x, fig. 5),et les testicules simples , et un canal garni de branchies vibrantes, qui se rend en arrière dans la même vésicule. Si ce dernier canal, comme le pense M. Ehrenberg, n’est plus un testicule , sur quoi nous appuyer pour reconnaitre à ceux de l’Aydatina senta cette signification ; et à la vésicule dans laquelle ils se terminent tous, le rôle de vésicule séminale ? J'ai vu et étudié moi-même ces canaux à appendices vibrans, et la vésicule dans laquelle ils se rendent chez quelques espèces, et,s’ils offrent, en effet, quelquejanalogie de formes et de con- nexions, avec les testicules et Ja vésicule séminale des Tardi- grades, les différences qui les en séparent ne sont pas moins importantes. Les testicules des Tardigrades sont libres antérieu- rement et ne s’ayancent jamais au-delà de la moitié de la longueur du corps; les canaux branchifères s'avancent jusqu'aux deux côtés de la cavité buccale et paraissent même s’y attacher. La vésicule séminale des premiers ne luisse jamais voir aucune trace de contractions, même dans ceux dont les mouvemens sont les plus vifs. Au contraire, la vésicule des Rotateurs se dilate et se contracte plusieurs fois dans l’espace d’une minute, comme pour admettre et rejeter un liquide. Enfin, tandis que les testicules et la vésicule séminale des Tardigrades sont des organes transi- toires que l’on rencontre seulement à l’époque où les œufs ont acquis dans l'ovaire un certain développement, les prétendus testicules branchifères et la vésicule contractile où ils se rendent, sont des organes permanens chez les espèces où on les ren- contre, Or, je partage, sur ce point, de la manière la plus com- poyèrr. — Sur les Turdigrades. 201 plète la manière de voir de M. Dujardin, et je ne sais comment il serait possible de concilier ces diverses particularités des ca- paux branchifères et de leur vésicule terminale, avec la fonction que M. Ehrenberg leur attribue. Ces organes ne paraissent avoir aucun analogue dans les Tar- digrades, mais d’un autre côté aussi, il est beaucoup de Rota- teurs chez lesquels on ne les a pas encore signalés: et l'on ne pourra se prononcer sur leur importance avant qu'ils aient été l'objet de nouvelles recherches. Peut-être trouvera-t-on dans les espèces à canaux branchiféres et à vésicule contractile perma- nens, des testicules et une vésicule séminale transitoires, comme chez les Tardigrades? Si l’on en excepte les deux apparences que j'ai indiquées sur la ligne médiane dorsale, je n’ai rien trouvé chez les Tardigrades qui puisse être comparé à un système circulatoire. M. Ehrenberg, au contraire, décrit dans les Rotateurs un système qui consiste, chez l'Hydatina senta, dans huit paires de vaisseaux transver- saux placés à des distances presque égales depuis la partie anté- rieure du corps jusqu’à l'anus, ces vaisseaux seraient rattachés entre eux par un conduit longitudinal situé sur la ligne médiane dorsale. M. Dujardin a considéré les lignes transversales que M. Ebrenberg interprète ainsi, comme de simples illusions produites par des replis tégumentaires. Je crois au contraire que ce sont bien des organes, mais que ces organes ne sont autre chose que ces muscles que j'ai décrits sous le nom de sterno-dor- saux chez les Tardigrades. Toutes les probabilités me paraissent étre en faveur de cette détermination, qui serait une confirma- tion de plus de l’idée d’un renversement d’attitude entre les Ro- tateurs et les Tardigrades. En effet, toutes les apparences présen- tées parles muscles sterno-dorsaux me paraissent se reproduire dans les dessins que M. Ehrenberg a donnés des vaisseaux trans- versaux. Ainsi, les premiers partent par paires de la ligne médiane ventrale; les seconds partent par paires de la ligne médiane dor- sale; les uns et les autres vont se terminer à la face opposée, mais ne se rejoignent pas sur la ligne médiane. Dans l’un comme dans l’autre cas, ce sont des sortes de bandelettes gréles, très transparentes, et non striées en travers, Il y a même analogie de 202 DOYÈRE. — Sur les Tardigrades. nombre, et les vaisseaux transversaux de M. Ehrenberg parais- sent diviser le corps en anneaux et en segmens ou demi-anneaux dont le petit nombre serait un argument de plus en faveur du rapprochement des deux groupes que nous comparons. Les muscles sterno-dorsaux sont au nombre dehuit doubles paires ; mais la duplicité de chaque paire est un fait indiqué par l’ho- mologie seule, et les six premières sont simples, si ce n’est à leur point d'attache supérieur, Or, dans l’Hydatina sente , qui est l’espèce particulièrement étndiée par M. Ehrenberg, nous voyons précisément huit paires de vaisseaux transversaux (1); la dernière paire se trouve correspondre à l'anus, comme la huitième paire des muscles précités dans les Tardigrades. M. Eb- renberg a même représenté cette huitième paire comme étant double, dans la figure 3 de sa planche xrvn. Dans Enteroplæa hydatina (2), dans Synchæta pectinata (3), ces paires sont au nombre de dix, ce qui indique peut-être des Rotateurs à cinq anneaux ou dix segmens, comme le Wasserbär d’Eichhorn. Dans la figure 2 de la même planche, les vaisseaux sont élargis et un peu bifurqués à leur point d'attache inférieur, comme les muscles sterno-dorsaux à leur point d'attache supérieur ; mais cette analogie est beaucoup plus frappante dans Votom- mata collaris (4), où les vaisseaux sont de larges bandes bifur- quées à l'extrémité opposée à celle par laquelle ils partent de la ligne médiane. Ces bandes sont au nombre de cinq: devons- nous croire qu'il n'existe, chez cette espèce , de muscles sterno- dorsaux que dans l'intervalle des anneaux, et que la séparation de chaque anneau en deux segmens n’est pas apparente , ou du moins ne se traduit pas par l’existence dans leur intervalle, d’une paire de semblables muscles ? Quant au vaisseau médian dorsal, il n'est point rigou- reusement représenté chez les Tardigrades; mais si l'existence d’une semblable bandelette longitudinale médiane simple se confirme, il restera encore beaucoup à faire pour prouver que (2) Das Infusionsthierchen , etc., pl, 47, Gg. 3. (2) Mème planche, fig. 1. (3) Planche 53 , fig, 4. (4) Planche 52, fig. r. DOYÈRE. — Sur les Tardigrades. 203 ce pourrait être un vaisseau dorsal. M. Ebrenberg, ainsi qu'il l'a déclaré lui-même , n’a point eu de plus puissant motif de la dé- termination qu'il a proposée, que la position dersale de ce pré- tendu vaisseau, et ses rapports avec les bandes transversales (1) ; si celles-ci sont des muscles et si la face dorsale des Rotateurs est la face ventrale des Tardigrades, la détermination dont il s’agit tombe d’elle-même. Il me resterait à parler du système nerveux, mais c’est là un point dont il est impossible de rien dire avant qu'il ait été éclairé par de nouvelles recherches. Si le système nerveux de divers genres de Rotateurs est tel que l’a décrit M. Ehrenberg, il est sans analogies saisissables maintenant, non-seulement avec le système nerveux des Tardigrades, mais encore avec celui d’au- cun groupe d'animaux connus; bien plus, il ne paraît se ratta- cher à aucune règle appréciable dans la famille même à laquelle il appartient. Mais avant que l’on puisse se prononcer à cet égard, il faut qu'il soit bien prouvé qu’il n'existe pas sur la ligne mé- diane, qui est dorsale chez les Rotateurs, un système gan- glionaire analogue au système nerveux ventral des Tardigrades, et que les renflemens latéraux décrits par M. Ehrenberg avec les filets qui en partent, ne sont pas les analogues des petits ganglions que j'ai décrits et figurés sur les nerfs latéraux dans les divers anneaux du corps. Peut-être même serait-il per- mis de penser que la partie antérieure de ce système a été vue et décrite par M. Ehrenberg, car quiconque examinera avec at- tention le dessin qu’il a donné de ce qu’il regarde comme l’ana- logue de l'éperon ousyphon chez Hydatina senta, et des quatre cordons qui en naissent antérieurement, cordons que M. Ehren- berg lui-même regarde comme nerveux (2), ne pourra manquer d’être frappé de la ressemblance qu'il y a entre ces apparences et celles que présente le premier ganglion des Tardigrades , avec ses quatre cordons uerveux antérieurs. Bien plus, de ces quatre cordons , les deux latéraux et postérieurs dans l’Hydatina senta, (x) Annales des Sciences naturelles . 2° série, t, 1, 1834 , p. 139. (2) Das Infusionsthierchen , ete, pl, 45, fig. 2; Ann, des Hist. nat, 2° série, t, 1, pl 5, fig. 16, et par texte, p. 142, 204 DOYÈRE. — Sur les Tardi;rades. se rendent comme ceux que j'ai appelés nerfs optiques, dans deux gros bulbes que M. Ehrenberg regarde comme des ganglions ; seraient-ce là des bulbes optiques sans pigment, comme doivent l'être, s'ils existent, ceux de Macrobiotus Oberhaeuser ? Je terminerai par quelques mots sur la position des points oculaires. Ils sont, chez les Rotateurs comme chezles Tardigrades, contenus dans la cavité commune du sac formé par l'enveloppe générale, et non enchässés dans cette enveloppe elle-même. Mais ils sont dorsaux chez les premiers, tandis que chez les se- conds, au lieu de s’élever jusqu’au dessus des organes préhenseurs des alimens, ils leur sont latéraux. Il ne me semble pas que ce soit là une différence très importante, il le serait beaucoup plus qu'ils tirassent leurs nerfs, comme je viens de faire voir qu'il se- rait permis de le présumer, d’un ganglion situé comme eux à la face dorsale ; ce serait une raison ajoutée à toutes les autres, pour faire croire au renversement singulier, que rien dans les faits maintenant connus ne me paraît contredire. L’affinité classique des Rotateurs et des Tardigrades, et l’éta- blissement définitif de la classe des Systolides me paraissent donc ramenés à la découverte d'un système nerveux ganglio- paire à la face dorsale des Rotateurs, en appelant de ce nom celle que leur attitude indique comme telle( 1). Jusque-là nous ne pou- vons raisonner que sur les Tardigrades. Or, ce sont des animaux appartenant sans nul doute au grand embranchement des ani- maux annelés et au sous-embranchement que M. Milne Edwards proposede former sous le nom de Fers, pour les Annelides, beau- coup d'Helminthes, et pour un grand nombre d'animaux encore peu ou point connus, et qui viendront successivement y prendre place ; mais il serait fort difficile de dire quels rapports précis les rattachent à ceux de ces animaux que nous connaissons déjà. Trop de termes de comparaison nous manquent encore. Ce tra- (x) Le désir d'entreprendre moi-même cette recherche a été un des motifs qui m'ont fait remettre la publication de cette partie demon mémoire; mais dans le peu de temps que j'ai pu consacrer aux Rotateurs, je n’ai rencontré que des espèces trop petites on très peu transparentes : j'avais, d’ailleurs , peu de temps à y donner , et il m’en eût fallu beaucoup, selon toute proba- bilité : aussi y ai-je renoncé de bonne heure, pour la reprendre peut-être plus tard, si per- sonne ne me devance; mais je préférerais de beaucoup voir cette tâche entreprise par un autre, qui n’y apporterait aucune idée préconçue. DOYÈRE. — Our les Turdigrades. 205 vail m'a conduit à des résultats que j'étais bien loin d'espérer lorsque je l'ai entrepris, et je ne doute pas que d'ici à un temps peu éloigné une semblable investigation sur un certain nombre de types choisis parmi les animaux inférieurs, ne doive conduire à des résultats non moins inattendus. Je laisserai donc à ce Mémoire le caractère que j'ai désiré lui donner dès en commen- çant, celui d’un recueil de faits observés, et je n’entrerai point dans une discussion nécessairement incomplète, faute de données suffisantes, et, dont, avant dix ans peut-être,un grand nombre des élémens actuels seront entierement changés. Les auteurs qui ont essayé jusqu'ici d’assigner une place aux Tardigrades ont procédé par une comparaison avec les grandes classes des Animaux Arti- culés, prises dans leur ensemble, et se sont appuyés sur les carac- tères généraux de ces classes ou de quelques-uns de leurs ordres, et c’est ainsi que ces animaux ont pu être placés parmi les Crus- tacés Isopodes, les Lernées, les Acariens et les Annelides, suivant que l’on a été plus frappé de la forme générale du corps ou du nombre, de la forme et des connexions des membres ou de toute autre circonstance, qui se trouve en rapport avec les groupes que nous venons de citer. C’est de même que les Rotateurs ont pu être considérés comme des Rayonnés; mais ce n’est pas ainsi, selon toute probabilité, que les rapports définitifs des Tardi- grades s’établiront. Il faut avant tout qu'il soit prononcé défini- tivement sur la classe des Systolides; puis on découvrira, même parmi les genres et les espèces actuellement connus, des espèces et des genres qui s’y rattacheront, à des titres, qu'il serait im- possible d'indiquer par avance, et d’autres qui, sans sortir des groupes maintenant établis , y appelleront en quelque sorte les premiers , et c’est ainsi que nous saurons, par exemple, à quels titres définitifs les Tardigrades pourraient être séparés des Anne- lides , et quels rapports ils établiront entre les Vers et les Arti- culés vrais, dont ils se rasprochent évidemment par l'existence d’un épiderme corné, qui , chez les Emydium est épais , cassant, fortement coloré et partagé en anneaux trés distincts surle corps, tend déjà à prendre la même forme sur les membres , et porte des appendices comparables à ceux des Acariens. { Le chapitre IF à un prochain numéro. ) 206 crossaT. — Sur le système osseur. Note sur le système osseux , Par M. Cuossar. La question intéressante qui s’est débattue devant l’Acadé- mie des Sciences, dans sa séance du lundi 21 février, m’engage à lui faire part, d’une manière anticipée; il est vrai, et pour prendre date seulement, du résultat sommaire d'expériences sur le méme sujet, dont je m'occupe depuis près de deux ans. Les physiologistes qui, dans ces derniers temps, se sont oc- cupés de la nutrition du système osseux, ont tous suivi la marche tracée par Duhamel, savoir, celle de rechercher les modifications qu'appurte dans l'apparence du tissu osseux l’u- sage d’une alimentation plus ou moins chargée de garance. La méthode que j'ai adoptée est absolument différente : elle attaque la question plus directement. J'avais eu l’occasion (le m’assurer, dans mes expériences sur l'inanition, du besoin qu'ont les pi- geons d'ajouter une certaine quantité de substances calcaires à celle que leur aliment habituel renferme naturellement. Ce be- soin, peu prononcé d’abord, devenant ensuite assez impérieux, j'ai vu là une indication à suivre, et je me suis mis à étudier les effets qui résulteraient de la privation de cette quantité ad- ditionnelle de principes calcaires. J'ai été conduit ainsi à des faits qui me paraissent très dignes d'intérêt. Ces expériences sont d’une durée très prolongée ; il en est qui se sont étendues jusqu’au dixième mois, et celles que j'ai actuellement en voie d'exécution paraissent devoir se prolonger bien plus long-temps encore. C’est même là, pour le dire en passant, ce qui m'a empêché jusqu'à présent d'obtenir le nombre d'expériences nécessaire pour motiver mes conclusions comme je désire qu’elles le soient. Mes pigeons n’ont été nourris que de blé, et d’un blé soi- gneusement trié grain par grain, afin de le débarrasser soit de petites pierres qui s'y rencontrent, soit encore de tout grain CHOSSAT. — Sur le système osseux. 207 étranger ou gâté qui pourrait altérer la régularité de l’alimen- tation. Je leur ingérais chaque jour un poids fixe et déterminé de ce blé, et je leur fournissais de l’eau à volonté. Ces animaux supportaient d’abord très bien et sans inconvé- nient apparent ce mode d'alimentation ; seulement ils picotaient leur cage plus souvent qu'ils ne l’auraient fait sans cela. Ils commençaient, en général, par engraisser et par augmenter beaucoup de poids. Mais au bout de un, deux ou trois mois de ce régime, l'animal augmentait ses boissons et les portait suc- cessivement à deux, trois, quatre, cinq, six et même sept à huit fois leur quantité normale et primitive; les fèces, de solides qu'elles étaient en commençant, devenaient de plus en plus molles etdiffluentes; une diarrhée s’établissait, d’abord modérée, énorme ensuite; le poids du corps s’abaissait graduellement, et enfin l'animal finissait par succomber entre le huitième et le dixième mois, à dater du début de l'expérience. C’est là une diar- rhée qu'on pourrait appeler par insuffisance de principes cal- caires, maladie dont on retrouve d’assez fréquens exemples chez l’homme, surtout lors du travail de l’ossification, mais dont la cause a été méconnue jusqu’à présent. Elle se prévient et se guérit par l’usage des préparations calcaires. Mais le résultat le plus remarquable de ces expériences, c’est l’altération du système osseux qui en a été la conséquence. En effet, la privation prolongée des substances calcaires (je parle de la portion de ces substances que nos animaux ajoutent ins- tinctivement à leurs alimens) finissait par rendre les os tellement minces, que même pendant la vie ils se fracturaient avec une grande facilité. Ainsi, chez l’un de mes pigeons, j'ai trouvé tout à-la-fois le fémur gauche et les deux tibias fracturés. Peut-être l'animal avait-il engagé ses pattes entre les barreaux de sa cage; mais ceux-ci étant placés à un intervalle d’au moins 2 centi- mètres les uns des autres, il aurait pu facilement les retirer. Quoi qu'il en soit, cet animal dés-lors cessa presque en- tiérement de boire et de digérer, et la mort survint quelques jours aprés par suite de sa triple fracture. C'était vers le com- mencement du huitième mois de l'expérience. Apres la mort, j'ai retrouvé Ja même fragilité des os. Ainsi 208 caossar. -— Sur le système osseux. chez un autre pigeon, ayant cherché à étendre avec précaution la cuisse qui s'était refroidie dans la flexion, j'ai fracturé égale- ment le fémur. Chez ce même animal, le sternum était aussi singulièrement altéré. Avant de commencer l’autopsie, je trouvai la crête de cet os mobile, presque comme si elle était devenue cartilagineuse; l'ayant examinée après l’incision du corps, la substance osseuse avait disparu en beaucoup d’endroits, et ne paraissait remplacée que par le périoste. Après la macération, l'os s’est trouvé très aminci, perforé d’un grand nombre de petits trous; il est devenu très cassant, en sorte qu'il s’est divisé en uu certain nombre de fragmens minces et irréguliers, et qu’il se brisait même quand on éssayait de le nettoyer avec la barbe d’une plume. Au reste, je tiens cette pièce à la disposition de l'Académie, et je suis prêt, si elle le désire, à la soumettre à son examen. J'ai soumis des animaux à l’usage du carbonate de chaux et à celui du sous-phosphate de chaux : je n’entre dans aucun détail sur ces expériences, soit parce qu’elles ne sont point encore assez multipliées, soit parce que je suis encore loin d’avoir par- couru tout le champ que je me propose d'examiner. Il me suffira de dire que jusqu’à présent il résulte de mon travail : 1° Que les sels calcaires déposés dans le tissu osseux peuvent être résorbés dans une très forte proportion; 2° Que cette résorption a lieu quand l'animal ne trouve pas dans l'aliment qu'on lui donne une quantité de principes cal- caires suffisante ; 3° Que jusqu’à présent cette résorption s'est toujours faite d'une manière lente et graduelle ; 4° Que par là le système osseux s’atténue insensiblement , et qu'en général les animaux finissent par tomber dans l'état dit de fragilité des os; 5° Enfin, que ces mêmes animaux peuvent ètre maintenus dans un état de nutrition qui paraît à tous égards complet, en ajoutant à leur blé un peu de carbonate de chaux. J'ajouterai en terminant que ces expériences expliquent quel- ques-uns des faits très intéressans obtenus par la Commission de la gélatine, en montrant à quoi peut tenir l'absence de propriétés cHossAT. — Sur le système osseux. 209 putritives absolues dans beaucoup d’alimens qui d’ailleurs peu- vent soutenir la vie pendant un certain temps. Car si de deux animaux nourris de mêmes quantités du même blé, l’un dépérit au bout de quelques mois quand on se borne à cet aliment, tandis que l’autre prospère de la manière la plus complète, lors- qu’à ce même aliment on ajoute seulement un peu de carbonate de chaux, c’est que dans le dernier cas le système osseux se pourrit, tandis qu’il s’inanitie dans le premier. Je ne terminerai point cette Note sans annoncer à l’Académie que j'ai enlevé aux os une partie de leurs principes calcaires par le moyen de la pile galvanique; que j'aurais probablement pu les en dépouiller entièrement si j'avais poussé l'expérience suff- samment loin; et qu’enfin je pense appliquer ce moyen au traitement de la nécrose pour accélérer la destruction des sé- questres osseux , destruction dont la lenteur entraîne si souvent la mort des malades, par les suppurations interminables qu’elle occasionne. (Comptes-rendus de l’ Acad. des Sciences, séance du 21 mars 1842.) RECHERCHES ANATOMIQUES sur le système veineux de la Grenouille , Par M. le docteur Gruy. (Mémoire présenté à l'Académie des Sciences, le 8 novembre 1841.) L’anatomie de la Grenouille a été étudiée pour la première fois avec quelque détail dans le dix-septième siècle, et Malpighi(r) dit, dans une lettre à Borelli, que, dans les poumons de cet animal , il existe un réseau qu'il appelle admirable ( mirabile), sans qu’il puisse déterminer sil est vasculaire, nerveux ou parenchymateux. Soixante ans plus tard , en 1738, Swammer- (1) Malpighüi Opera omnia figuris elegantissimis æs incisis ; Londini, 1683. — De pul- monibus Æpistola ad Borellium ; pagina 134. XVII, Zoor, — Avril 210 GRUBY.. — eines des Grenouilles. damm (1), après avoir constaté le phénomène de l'irritabilité dans les muscles , démontre dans le cœur.une oreillette, décrit les aortes, leurs divisions et leurs .anastomoses , deux veines- caves antérieures , la veine-cave postérieure, la, veine abdomi- nale, les veines axillaires , imparfaitement les veines du poumon et enfin les veines rénales. Ces dernières veines sont décriteset figurées dans la Biblia naturæ ; page 843 , planche 49, fig. 4, m, n, n, 0,0 (3). Swammerdamm fait connaître ces vaisseaux presque aussi complètement qu’on le fait dans les ouvrages classiques de nos jours : seulement il décrit les veines, en allant des troncs vers les branches, de la même manière que nous décrivons les artères ; et, ne s’attachant point aux fonc- tions, il parle des veines de Jacobson comme sortant des:reins et s’anastomosant avec la veine épigastrique.! Swammerdam note aussi l'existence de deux corps jaunes sur les reins, et les appelle corpora heterogenea ; ce sont ces organes qui depuis ont été regardés par M. Retzius comme des reins succenturiés.(2} En 1815, Jacobson (3) reprend l'étude des veines rénales , dé- crites par Swammerdamm dans les Grenouilles : seulement il y détermine le cours du sang, leur donne en conséquence le nom de veinæ advehentes, et constate l’existence d’une disposition ana- logue dans les Poissons, dans les Amphibies et dans les Oiseaux. Mais, plus tard, en 1839, cette détermination du cours du sang dans les veines advéhentes n’était pas encore regardée comme un fait irrécusable, puisque M. Duvernoy (4) signale la nécessité d'entreprendre de nouvelles expériences sur ce sujet, et ce n’est qu’en 1841 que M. Martino(5) répète les expériences faites par M. Duvernoy, en ajoute de nouvelles, et confirme définitivement le fait annoncé par Jacobson. (x) Swammerdamm, Biblia naturæ , sive Historia insectorum, wersione datina | Leydæ, 1738, in eodem opere Tractatus de sanguinis circuitu ir rana adulta , pag. 830. (2) Voyez Archives d'anatomie de Müller, tome 1x, page 380, où M. Nagel dit que M. Ret- zius a communiqué par lettre à M: Müller, que dans son opinion les corps jaunes! placés sur les rein des Grenouilles sont des reins succenturiés. (3) Meckels, Archi, fur Physiologie , tome 3, page 147, (4) Leçons d'anatomie comparée de Cuvier, rédigée et publiées par Duvernoy; seconde édition , tome vr, page 253. Paris. (5) Voyez le volume précédent de ce recueil, page 305. EE — —— GRuBY. — eines des Grenouilles. 211 Le Mémoire que j'ai l'honneur de soumettre au jugement de l’Académie contient une description détaillée de tout le système circulatoire veineux de la Grenouille. Parmi les faits nouveaux que je mets en lumière, je mention- nerai les suivans : 1° Swammerdamm avait décrit une veine-porte, mais seu- lement celle qui provient de l'intestin grêle : je démontre qu'il en existe encore une autre qui provient de l'estomac; 2° Jacobson ne signale comme veines afférentes des reins que les veines iliaques et musculaires : jé démontre l'existence d'un grand nombre d’autres veines qui conduisent également le sang dans les reins, et qui tirent leur origine, 1° de l’ovi- ducte, qui, à lui seul, en fournit huit; 2° du sinus veineux rachidien; 3° des muscles du dos ; 3° Je décris complétement la veine musculo-cutanée, qui n’a- vait été qu'indiquée en quelque sorte par Swammerdamm ; 4° Relativement aux anastomoses , je démontre que les huit veines de l’oviducte, afférentes aux reins, s'unissent aux veines de l'ovaire qui elles-mêmes vont déboucher dans les veines- caves et versent leur sang dans le cœur; que les veines musculo- lombaires , également afférentes aux reins, s’anastomosent, d'une part, avec le grand sinus veineux rachidien, qui lui- même va joindre la veine jugulaire interne, laquelle se rend dans la veine-cave supérieure et communique ainsi avec le cœur, et qu’elles s’anastomosent, d'autre part, avec la grande veine musculo-cutanée , qui porte le sang dans Ja veine axillaire et dans le cœur; 5° Je fais connaître plusieurs veines de la tète non encore décrites , et qui tirent une certaine importance de leur commu- nication avec cette même veine musculo-cutanée; 6° Enfin je démontre qu'il existe une veine particuliére pro- venant de l’abdominale antérieure avant son entrée dans le foie, laquelle va se jeter sans intermédiaire et sans obstacle dans le cœur, et cette veine constitue ainsi pour le foie la seule anasto- mose que l’on connaisse à cet organe. Parmi les faits d’un autre ordre que j'ai observés, je signalerai principalement l'existence d'un réseau intermédiaire veineux 14. 219 GRUBY. — Ÿ/eines des Grenouilles. qui règne entre les veines afférentes et les veines efférentes, qui est en contact immédiat avec les canaux sécréteurs des reins et dans lequel doivent se passer la plupart des phénomènes de la sécrétion urinaire. Ce même réseau intermédiaire veineux, ie le décris dans le foie de la Grenouille. (1} Je confirme l'opinion de Retzius touchant la nature des corps Jaunes, corpora heterogenea de Swammerdamm; je signale leurs rapports particuliers avec les veines efférentes, et j'établis leurs caracteres réels de glandes succenturiées. J'ai vérifié et constaté de nouveau dans les veines des Gre- nouilles le mouvement pulsatoire actif et indépendant des pulsa- tions des oreillettes,, découvert par M. Flourens et décrit par lui dans un mémoire lu à l’Académie le 2 avril 1832. L'existence de ces pulsations avait été déjà confirmée par M. Allison (Æmerican Journal , 1839) dans les veines-caves et pulmonaires de tous les animaux vertébrés. J'ai aussi répété les expériences faites par M. Duvernoy et exécutées dernièrement par M. Martino de Naples, et je constate à mon tour le véritable cours du sang dans les veines afférentes. Dans.ce premier travail sur la Grenouille, je me borne à faire connaître exclusivement en quelque sorte des résultats anato- miques , et je réserve pour plus tard l'exposition des consé- quences physiologiques qui me paraissent devoir en découler. En voyant, d’un côté, des organes , tels que les reins chez les Grenouilles , recevoir du sang par tant de voies à-la-fois, par un grand nombre d’artères, par les veines afférentes de Jacobson, par celles des oviductes, du sinus veineux rachidien et des muscles du dos; en voyant aussi cet appareil circulatoire d'un seul organe entretenir avec les organes les plus importans de l'économie les relations les plus intimes par de grandes et puis- santes anastomoses, et en voyant, d'un autre côté, qu'il n’y a pas dans l’organisation de la Grenouille d’organe aussi riche- ment pourvu de principes sanguins artériels et veineux, on doit en conclure que ces organes sont appelés à remplir des fonctions {1) T'appelle ce réseau intermédiaire suivant la nomenclature de mon excellent maître et ami M. le professeur Bewres,, Ana’, partium microscopicarum corporis humani, Vienne, 1836, PR GRUBY. — Z/eines des Grenouilles. 213 très importantes et dont la nature ne me semble pas avoir en- core été ni dévoilée ni soupçonnée par les expérimentateurs. À. LES VEINES DES ORGANES DIGESTIFS. a. Veines du tube digestif. 1. Les veines de l'estomac ct de l’œsophage. L’estomac a trois veines : la supérieure est la veine car- diaque; celle-ci reçoit plusieurs petites veines de l'œsophage et de la partie supérieure de l'estomac, et forme une seule branche qui verse son sang dans la veine-porte ( PI. 9, fig. 1 ). La veine inférieure et la veine moyenne forment l'arc coro- naire dans la partie concave de l'estomac; l’inférieure reçoit encore la veine duodénale; ces deux veines passent par le pan- créas, reçoivent quatre veines pancréatiques et versent leur sang, après l’union avec la veine coronaire, dans la veine abdo- minale antérieure à peu de distance de l’endroit où celle-ci entre dans le foie; cette veine mérite le nom de veine-porte secondaire , afin d’établir une différence entre elle et la sui- vante. 2. Veines de l'intestin grêle et du gros intestin. Dans l'intestin gréle les veines forment comme chez les mam- mifères de nombreuses anastomoses dans le mésentère; elles décrivent un arc qui se termine dans la veine-porte. Le gros intestin a trois veines, la supérieure verse son sang dans la veine-porte, les deux inférieures, au contraire, aboutis- sent dans la veine splénique. 3. Veines-portes. Il y a deux veines-portes : l’une est la veine-porte ordinaire qui reçoit ses branches du gros intestin, de l'intestin grêle, de la rate et de la vésicule biliaire; elles forment une forte branche qui se prolonge jusqu'au foie où elle s’anastomose avec une 214 GRUBY. — eines des Grenouilles. branche de la veine abdominale antérieure avant de se distri- buer dans ce viscère (PI. 9, fig.1, p). (1) La seconde veine-porte est plus petite que la premiere; elle reçoit le sang des veines de l'estomac et se termine aussi dans la branche descendante de la même veine abdominale (PI. 9, fig. 1, 2). D. VEINES DU FOIE. 1. l’eines afférentes du foie. — Tes veines afférentes du foie sont les deux veines-portes et la veine abdominale antérieure. Les veines-portes versent leur sang séparément dans la branche descendante de la veine abdominale antérieure avant d'aboutir au foie. 2. Veine abdominale antérieure (PI. 9, fig. 1, f).— La veine abdominale antérieure est la continuation des veines fémorales et des iliaques externes; la branche commune de chaque côté s’unit sur la paroi abdominale antérieure à la branche commune de l’autre côté, et constitue ainsi un seul tronc qui se dirige vers le foie; pendant son trajet elle reçoit les veines de la vessie urinaire, une grande quantité de veines musculaires, et des veines du péritoine qui s’y jettent à angle droit. La veine abdominale antérieure gagne ensuite la fossette de la vésicule biliaire, en laissant celle-ci à droite, et se divise en trois branches, c’est-à-dire donne une branche à droite, une branche à gauche et une branche descendante (fig. 9, m, &,n). Les branches droite et gauche entrent dans les lobes correspon- dans du foie, vers leur partie supérieure; la branche descen- dante se dirige vers la partie inférieure du lobe gauche et s’y ramifie ; dans sa marche, elle recoit les deux veines - portes. La veine-porte provenant de l'estomac se jette dans la partie moyenne de la veine descendante; la seconde veine-porte pro- venant de la rate et des intestins, aboutit plus bas à la même branche descendante. Au moment où |la veine abdominale antérieure va des parois (x) Swammerdamm, page 834, dit que la veine mésentérique sort du foie, et dans la figure il présente la même veine comme une forte branche de la veine-cave ascendante, crugy. — Z/eines des Grenouilles. 215 de l'abdomen au foie, elle forme nn arc d’où part une veine qui plonge dans le cœur (fig. 9, A). Cette dernière veine est placée dans le ligament du cœur, et perfore la paroi postérieure du viscère, au point occupé par ce ligament. La veine abdominale antérieure n’a pas de valvules. 3.V’eines efférentes du foie.—Les veines efférentesdu foie rame- nent le sang de la substance du foie; elles se réunissent vers le milieu du. bord: postérieur de cet organe et versent leur fluide dans la veine-çcave ascendante. Entre les veines afférentes et efférentes on trouve un réseau intermédiaire veineux ( fig. 6). 4. Réseau intermédiaire des veines du foie. — Entre le veines afférentes et efférentes un réseau vasculaire uniforme se répand dans le foie et constitue le réseau intermédiaire, c’est- à-dire intermédiaire aux veines afférentes et efférentes; la forme de ces réseaux est ou ronde ou pentagonale; la substance qui est entourée par chaque maille est appelée île ou substance in- tervasculaire; le diamêtre de la substance intervasculaire est égal à = de millimètre, et le diamètre des réseaux.est égal à — de millimètres. 100 ‘ B. VEINES DU SYSTÈME URETRO-GÉNITAL. 1. Veines des reins. — Les reins ont comme le foie deux sortes de veines ; les unes sont afférentes; les autres au contraire efférentes. Jusqu'à présent on n’a pas étudié la manière dont elles se comportent en se réunissant dans le tissu de ces glandes; c'est pourquoi je me propose d'entrer dans quelques détails relatifs à leurs relations avec ce tissu. a. Veines afférentes des reins. — W y a deux sortes de veines afférentes : 1° La veine afférente que Swammerdamm a déjà décrite (r),ét qui ramène le sang des extrémités postérieures dans les reins. Cette veine a été de nouveau décrite dans plusieurs classes (1) Swammerdamm ; Zéblia naturæ , ete., pag. 834 , tab, 49, fig. 1V, m., mn,, 00, 216 GRUBY. —. eines des Grenouilles. d'animaux par Jacobson (1), de, qui elle a reçu, le nom d'affé- rente (PL o, fig. 2, 7. —fig: 3, d.— fig. 5, d.) 2e Les veines afférentes qui ramènent le sang des organes in- ternes dans les reins (fig. 2,1», . —fig. 3,g,h). «. Veine afférente des reins de Sw3ammerdamm et de Jacobson. — Cette veine est composée de deux grandes veines : la veine ischiatique ( fig. 3, e. — fig. 2, 0) et la veine iliaque externe (fig. 3,4); ces deux dernières forment un grand tronc qui se prolonge jusqu’au bord externe des reins de chaque côté; là, elle se partage en deux branches : l’une est la branche anté- rieure et l’autre la branche inférieure ou postérieure. Celle-ci est courte et se ramifie en forme d'arbre sur la face lombaire des reins; ces branches courent de dehors en dedans jusqu’au bord interne de cet organe ; là elles se réfléchissent pour arriver sur sa face intestinale et gagner le réseau intermédiaire dans lequel elles entrent. La branche antérieure est beaucoup plus longue que la pré- cédente; elle continue son chemin sur le bord externe des reins jusqu’à l'extrémité de ce bord; pendant ce trajet elle reçoit les autres veines rénales afférentes qui viennent des organes in- ternes, et elle donne au contraire cinq branches qui se divisent comme la branche courte que je viens de décrire. 8. Les autres veines afférentes sont huit branches venant des oviductes et la grande veine dorso-lombaire. Les veines des oviductes forment des anastomoses sur la surface de ces organes; de là eiles se prolongent vers le ligament des ovi- ductes pour s’anastomoser de nouveau, puis elles se rassemblent en sept ou neuf branches, qui, presque toutes, communiquent avec la longue branche de la veine afférente de Jacobson; la dernière branche s’anastomose avec les veines des ovaires, et quelques-unes se distribuent immédiatement dans le réseau in- termédiaire des reins (fig. 3,c, c. — fig. 2, m). La grande veine dorso-lombaire est placée de chaque côté des apophyses transverses des vertèbres; elle commencesur le côté des (rt) Jacobsun, dans l'Archiv. für Physiologie de Meckels, tomeir, pag. 148, ann, 1815. GRUBY. — eines des Grenouilles. 217 vertèbres du col et descend vers les reins ; pendant ce trajet , elle reçoit des branches externes et internes. Les branches ex- ternes viennent des muscles abdominaux latéraux où elles s'a- nastomosent avec les branches de la veine abdominale anté- rieure ( fig. 3, g. — fig. 2, A). Les branches internes sont composées 1° des veinules qui marchent parallèlement avec les apophyses transverses, et sont analogues aux veines intercostales des mammifères ; 2° des vei- nules qui sortent par les trous intervertébraux, qui s’anasto- mosent avec les réseaux veineux du canal rachidien, et qui reçoi- vent simultanément des branches des ganglions du grand sym- pathique et de ces corpuscules blancs sur lesquels sont placés les ganglions du grand sympathique; toutes ces branches vei- neuses forment un seul tronc qui descend jusqu’à la partie moyenne du bord externe des reins, et se termine dans la bran- che longue de la veine afférente de Jacobson. b. Veines efférentes des reins. — Les veines efférentes sont au nombre de cinq à sept( fig. 5, d) ; toutes prennent naissance du réseau intermédiaire et des capillaires des reins, et se rassemn- blent à sa surface intestinale, où elles forment un sinus vei- neux, et portent leur saug dans la veine-cave ascendante. La veine postérieure rapporte le sang de la partie postérieure des reins; les veines moyennes au nombre de deux à trois sont plus petites que la précédente, prennent leur sang de la partie moyenne de cet organe ; enfin, deux à trois veines antérieures reçoivent leur sang de la partie antérieure des reins. Toutes ces veines forment à la surface des reins des arcs veineux ou des sinus veineux ( PL. 10, fig. 8,a,a), qui sont placés ordinaire- ment au nombre de trois sur la surface intestinale de cette glande; ces arcs ou sinus sont entourés d'une substance jaune granulée qui , à raison de sa structure et de sa position, con- stitue les vrais reins succenturiés. (1) (x) Les corps jaunes sont appelés par Swammerdamm , Corpora heterogenea, dans la Bi- blia naturæ , tab. 46, fig. 1 nn. Retzius pense que les corps jaunes sont des reins succenturiés. Muller, Arch, tom. 11, pag. 365 , sur la structure des reins succenturiés , par le docteur Nagel. 218 GRUBY. — V’eines des Grenouilles. Une ou deux veines antérieures des reins reçoivent encore des veines des appendices graisseux- c. Réseau intermédiaire entre les veines afférentes et efférentes des reins (PI. 10, fig. 6 ). — Les veines afférentes forment dans les reins des réseaux qui se distribuent également dans tout le tissu. Ce réseau est placé entre les capillaires de la veine afférente et les capillaires de la veine efférente; il est par conséquent intermé- diaire à deux veines. Ces réseaux entourent les corps de Malpi- ghi et les conduits sécréteurs des reins; leurs parois sont très minces et transparentes, mais néanmoins bien visibles; le diamètre de ces vaisseaux n’est pas le même chez toutes les grenouilles ; il varie de -+ de millimètre jusqu’à + de millimètre. Les iles qui sont formées par ces vaisseaux, sont ordinairement oblon- gues (PL 10, fig. 6,f); leur longueur, très variable, suivant la taille de l'individu, varie de + jusqu'à ++ de millimètre; le diamètre transversal éprouve aussi des variations, elles vont de = de millimètre à + de millimètre. Ordinairement il y a trois îles entre les veines capillaires afférentes et les capillaires de Ja veine efférente. 2. Reins succenturiés (PI. 10, fig. 8 ).— Les reins succentu- riés sont placés sur la surface intestinale des reins; ils sont bien distincts , lorsque les reins sunt pâles et anémiques, tandis que si les reins sont remplis de sang , ils sont peu ou pas visibles; c’est pour cela que ces organes ont été méconnus par la plupart des auteurs, quoique Swammerdamm les eût déjà indiqués par le nom de corpora hetérogenea (1). Même par l'injection des veines rénales, ces reins succenturiés deviennent moins visibles, et si l'injection a parfaitement réussi, ils deviennent tout-à-fait invisibles. Voilà un fait qui paraît être en contradiction avec les observations faites avec le plus grand soin sur les autres tissus glanduleux injectés, qui nous paraissent d’autant plus clairs et nets qu'ils sont plus parfaitement injectés; mais, si on considère la position de ces reins succenturiés, la relation anatomique fort intéressante qu’elle offre avec le sinus veineux et avec le réseau (1) Swammerdamm , Hiblia naturæ , ete. GRUBY. — Veines des Grenouilles. 219 veineux des reins et leur organisation intime, on comprendra pourquoi les reins succenturiés deviennent invisibles par l'hypé- rémie et par une bonne injection. Leur couleur est jaune päle, ils ont 11 millimètres de long et 1 millimètre de large; ces chiffres varient beaucoup suivant l’âge et le développement des individus à qui ils appartiennent ; en observant avec la loupe, on peut reconnaitre leur composi- tion granuleuse; les granulations sont symétriquement groupées en formant des lignes parallèlement disposées; les lignes sont serrées, mais laissant de petits intervalles entre elles. Les reins succenturiés forment des arcs; on en voit trois dont l’antérieur est le plus large et le dernier le plus étroit; ces arcs couvrent les arcs du sinus veineux et quelques réseaux veineux de la surface des reins. En examinant les parois du sinus veineux sur lequel les reins succenturiés sont placés;'on remarque que les granulations de ces derniers organes ont leur siège dans les parois du sinus, ou , en d’autres termes, on remarque que les parois du sinus sont impré- gnées par le tissu des glandules succenturiées: ainsi les reins succenturiés n’ont pas des vaisseaux propres, car ils sont placés sur les parois du réseau vasculaire et sur les parois du sinus veineux qui porte le sang veineux des reins. Les glandules suc- centuriées des grenouilles sont nourries par conséquent de sang veineux, et comme élles n’ont point de conduit excréteur, les substances qui seront sécrétées dans leur intérieur entreront im- médiatement dans le sang, où elles ont puisé leur nourriture; voici donc le type primitif d’une glandule sanguine la plus simple, car elle est placée sur les parois du système sanguin lui-même. Ces lignes paralleles dont les reins succenturiés sont compo- sés, vues sous le microscope avec un grossissement de deux à trois cents diamètres , offrent un aspect globuleux; les globes sont jaunâtres et symétriquement distribués dans le tissu incolore des parois des veines; ils sont ou ronds ou ovales s'ils sont isolés ; au contraire multiformes s'ils sont limités par des globes adja- cens. Leur diamètre est égal à 8 à de millimètre (PI. 10, fig. 10). Ils renferment des molécules jaunâtres symétriquement grou- pées, qui sont parfaitement ronds avec le bord lisse. Enfin ils sont 220 cruBY. — /eines des Grenouilles. composés d’une substance homogène transparente qui ne change pas dans l’acide acétique; leur diamètre est = de millimètre. Les reins succenturiés jouent un plus grand rôle chez les Grenouilles que chez les Mammifères, chez lesquels ils con- stituent un organe fœtal seulement ; chez les Grenouilles, au contraire, ils grandissent à mesure que l'individu croit, et ils sont , comme les reins eux-mêmes mieux développés chez les adultes comme chez les individus jeunes. La position de ces organes sur la surface corticale des reins, la relation intime qui existe entre eux et les veines rénales, surtout la liaison entre le sinus veineux et leur tissu, leur structure intime , comme corps glanduleux sans conduit excréteur, leur couleur même, démontrent que ces organes ne sont autre chose que des reins succenturiés. Leur transparence explique suffisamment pourquoi ils de- viennent invisibles par l’hypérémie et par une bonne injection des veines des reins , puisqu'ils se comportent comme les parois des vaisseaux injectés. 3. l’eines de la vessie urinaire.—La vessie urinaire a plusieurs veines ; la plus forte est la veine inférieure de la vessie : elle est placée sur la ligne médiane de la surface inférieure de cet organe ; elle s’anastomose, d’une part , avec les veines mésenté- riques du gros intestin, et, d’une autre part, avec la veine abdominale antérieure. On voit de chaque côté de la vessie une veine qui parcourt les parois en zig-zag et remonte jusqu’à la veine inférieure avec laquelle elle s'anastomose. Les veines antérieures etsupérieures sont beaucoup plus petites que les précédentes: elles portent le sang de la paroi antérieure et des vésicules séminales dans la veine abdominale. Cette der- nière veine est en communication avec les veines du rectum. 4. Veines des appendices graisseux (PI. 9 ,fig.2 , f).—On ren- contre dans chaque lobe graisseux une veine qui est placée sur sa partie moyenne, elle court du bout libre vers la partie adhérente de chaque lobe graisseux. Là quelques-unes s'anastomosent entre elles et forment plusieurs troncs veineux plus forts, qui se ter- minent chez les femelles dans les veines supérieures des ovaires GRUBY. — V’eines des Grenouilles. 221 et dans la veine antérieure des reins. Chez les mâles, au con- traire, elles s’'anastomosent avec la veine du testicule et avec celles des reins.(1) 5. Veines des testicules (PI. o, fig. 2 g,g).— Les testicules ont quatre veines, deux supérieures et deux inférieures:les premières s’anastomosent avec les veines des corps graisseux, et les der- nières , au contraire , se terminent dans les veines efférentes des reins; les veines des testicules prennent leur sang de la substance de cet organe, et se distribuent à sa surface sous forme de branches d’arbre. 6. V’eines des ovaires. — Les veines des ovaires prennent naissance sur les surfaces interne et externe des ovaires; leurs branches s’anastomosent entre elles de différentes manières. Toutes ces branches forment une grande veine , placée dans le ligament des ovaires : elles parcourent toute la longueur de ce ligament sous la forme d'un arc, dont le bout inférieur s’anasto- mose avec les veines de l’oviducte ,et le bout supérieur aboutit dans la veine-cave ascendante. Avant sa terminaison, il reçoit encore quelques veines des appendices adipeux. C. VEINES DES POUMONS. Les veines du poumon tirent leur origine des vaisseaux capil- laires veineux placés à la surface interne ou muqueuse des pou- mons. Là; elles se réunissent en plusieurs branches qui par- courent Les bords libres des cloisons des cellules pulmonaires, où elles sont constamment couvertes d’un réseau vasculaire. Les branches veineuses s'approchent peu-à-peu les unes des autres vers la racine des poumons , et, en s’anastomosant, elles forment pour chaque poumon un seul tronc veineux qui est placé entre la surface antérieure de l'œsophage et la surface postérieure de la veine-cave ascendante ; les deux troncs vei- neux placés dans une seule gaine, parcourent ainsi ensemble la distance de deux millimètres , jusqu’à ce qu'ils arrivent à (x) I n'y a plus aujourd'hui aucun doute que les corps dont il s'agit soient des corps graisseux, On se convaincra de leur composition très facilement à l’aide du microscope. 222 GRUBx. — eines des Grenouilles. l'oreillette gauche du cœur, où ils se terminent par deux ou- vertures qui ne sont séparées l’une de l’autre que par une très mince cloison. Ces deux veines entrent brusquement dans la substance musculaire du cœur; là les muscles du cœur forment un sphincter autour de leur embouchure , et c'est à raison de cette disposition que le cours du sang dans les poumons peut être réglé suivant le besoin de l’économie animale.(1) D. vEINES DES EXTRÉMITÉS POSTÉRIEURES. Les veines de la plante des pieds sont allongées , et forment , en s’'anastomosant , la veine tibiale postérieure ( PI. 0, fig. 4. #); celle-ci recoit la veine gastrocnémique (PI. a, fig. 4,2), la veine récurrente du genou et la veine circonflexe inférieure. Les veines des doigts du pied forment, autour de l’articula- tion du pied, un arc avec les veines tibiales postérieure et anté- rieure. La dernière remonte sur le genou , où elle s’anastomose avec la tibiale postérieure pour constituer une grande veine poplitée dans le creux du jarret, où elle est placée entre les nerfs et l'artère poplitée (PI. 9, fig. 4,g). Les veines circon- flexes supérieures versent leur. sang dans la veine poplitée. La veine fémorale est la continuation de la veine poplitée ; elle quitte l'artère et les nerfs à peu de distance au-dessus de la fosse poplitée, se dirige en dehors du fémur, passe sous les muscles fléchisseurs du tibia et remonte jusqu’à la partie laté- rale du bassin, où elle reçoit une veine de la peau de ja hanche (6g. 11, f); elle entre ensuite dans le bassin , et s'unit à une branche de la veine abdominale pour former la veine iliaque externe (PI. 9, fig. 3,2, £), qui continue la même direction vers les reins , jusqu’à ce qu’elle s’unisse à la veine iliaque in- terne ou à la veine ischiatique pour constituer la veine iliaque commune ou la veine afférente de Jacobson (fig. 3, e, d). La veine fémorale reçoit pendant son trajet plusieurs veines musculaires superficielles et profondes. Au point où la veine (x) Swammerdamm décrit deux veines pulmonaires qui aboutissent dans les veines caves descendantes de chaque côté, page 833, tab. 49, fig. 4 cc.(o.c.) cruBx. — eines des Grenouilles. 223 fémorale s’anastomose avec l1 branche de la veine ahdomirale, il y a une valvule qui empéche le reflux du sang. Veine ischiatique (PI. 9; fig. 4, c). — Les veines de la pean de la cuisse se réunissent en un tronc vers la partie moyenne de la surface interne du membre, et se dirigent de dedans en de- hors en perforant le muscle triceps fémoral ; ce muscle remonte vers la surface postérieure de la tète du fémur jusqu'an nerf ischiatique ; et, en poursuivant sa marche, il apparait dans la fosse ischiatique, où il entre dans le bassin avec les nerfs et l'artère pour former la veine iliaque interne et ensuite la veine iliaque commune qui pénètre dans les reins comme veine affé- rente ( Pl. 9,fig. 5, f,e). La veine ischiatique recoit des veines des muscles fémoraux plusieurs veines de la peau et des muscles qui entourent l’anus et des veines qui sortent du réseau veineux qui tapisse la surface interne des cœurs lymphatiques postérieurs. Veine du pubis. — La veine du pubis reçoit des veines de la peau de la région pubienne, elle entre dans le bassin, à côté des muscles pyramidaux du ventre, et se termine dans la branche latérale de la veine abdominale antérieure (PI. 9, fig. 5, & ). E. vEINES DE LA TÊTE ET VEINE MUSCULO-CUTANÉE. 1. Entre la peau et la mâchoire supérieure autour des ouver- tures du nez, il naît des vaisseaux capillaires une veine qui mérite le nom de la veine faciale; elle reçoit les veines des paupières, descend vers la partie latérale de la mâchoire et entre dans l’or- bite où elle recoit les veines des. muscles de cette cavité. Là, elle se trouve placée entre la surface inférieure du bulbe et la mem- brane muqueuse qui tapisse la partie osseuse de la mâchoire dont elle reçoit des branches; elle poursuit le bord de la mâchoire supérieure et passe sous le bord inférieur du tym- pan dont elle reçoit les veinules, puis descend , attachée à la peau, vers la nuque et lomoplate. Partout où elle passe elle reçoit de nombreuses veines, et par ces anastomoses augmente de volume. Elle continue sa marche jusqu’à la partie latérale de l'abdomen, toujours fortement attachée à la peau par des fibres 224 GRuBY. — eines des Grenouilles. de tissu fibreux ; elle reçoit encore des veines da dos des régions lombaire et ombilicale. Dans la région lombaire elle se détache de la peau et se réfléchit sur les muscles abdominaux; là, elle perfore la couche superficielle des muscles, ‘et, placée entre des couches charnues, elle remonte vers los claviculaire ; au bord inférieur des muscles pectoraux, elle se trouve entou- rée de graisse, et perfore le tissu cellulaire intermusculaire des muscles pectoraux pour aller se placer entre les os sub- claviculaires et le péritoine. Dans le thorax, elle s’anastomose avec la veine axillaire , et forme avec elle la veine sous-clavi- culaire (1). Gette veine, très remarquable par ces anastomoses, ainsi que par ses détours bizarres, mérite à raison de sa marche, le nom de veine musculo-cutanée. 2. Veine linguale. — La veine linguale tire son origine des veines capillaires de la membrane muqueuse de la langue : bientôt les veinules s’anastomosent en formant un arc, à quatre millimètres à-peu-près de la pointe de cet organe, et donnent naissance à deux veines, une pour chaque moitié; elles mar- chent parallèlement avec son bord latéral d’arrière en avant, jusqu'a la symphyse de la mâchoire ; là, elles descendent de la langue, recouvertes de la membrane muqueuse seule- ment, et forment les veines raninæ proprement dites. La veine linguale, de chaque côté, est accompagnée par le nerf lingual; elle se prolonge jusqu’à l'os hyoide où elle se termine dans la veine jugulaire. 3. V’eines de la mâchoire inférieure. — Ta veine de la mà- choire inférieure est placée vers le bord inférieur de la mâchoire, entre la peau et les muscles de la langue. Il y a deux veines qui, en s’anastomosant dans la région symphysienne de la mâchoire inférieure, forment un arc ; chacune suit le bord de la mâchoire jusqu’à l’apophyse condyloïde, où elle marche de dehors en de- (1) Swammerdamm , pag. 834 , décrit une partie de la mène veine , et tabl, 49. fig. 4, 2,il montre un gonflement qui se trouve à l’origine de cette veine, Mais ce gonflement n'existe point, J. Muller, vid. archiv, für anat. 1834, pag. 300, décrit la même veine comme Swam- merdamm, sans mentionner le gonflement, cRuByY. — //eines des Grenouilles. 225 dans et arrivesur le bord latéral de l'os hyoïde, puis s’anastomose avec la veine linguale pour former de chaque côté la veine ju- gulaire externe. Ja veine de la mâchoire inférieure reçoit dans sa marche plusieurs veines de la peau et des muscles de la mà- choire inférieure. 4. Veines jugulaires externes. — Ya veine jugulaire externe est placée sur les bords latéraux de l'os hyoïde; elle tire son origine de chaque côté de deux veines: de la veine linguale et de la veine de la mâchoire inférieure. Elle parcourt le bord laté- ral de l'os hyoïde jusqu’à l'endroit où l’aorte se divise en ses trois branches dans le thorax. Dans sa marche, elle recoit plusieurs petites branches musculaires du col et du thorax, et elle se ter- mine dans la veine-cave descendante. 5. Veine jugulaire interne. — Ta veine jugulaire interne re- çoit le sang du cerveau et du canal veineux de la moelle épi- nière. Elle sort du foramen jugulaire avec les nerfs, remonte sur la surface antérieure du rocher et se recourbe en arrière du même os, de manière à entourer sous forme d’arc la partie hori- zontale de l'os auditif. Jusqu'ici elle se trouve placée dans un canal osseux et reçoit les veinules du conduit auditif interne et de la cavité tympanique; de là elle descend vers les vertèbres du col où elle reçoit les veines intervertébrales, celles de quatre vertèbres supérieures, des muscles de la nuque et les veines des muscles élévateurs de lomoplate ; elle est aussi recouverte par ce dernier muscle. Elle s’anastomose avec la veine sous-scapu- laire pour former la veine anonyme qui verse son sang dans la veine-cave descendante. Avant sa réunion avec la veine sous-scapulaire elle marche à - côté du nerf hypoglosse et de l'artère carotide. La veine sous-scapulaire avec laquelle la veine jugnlaire interne s’anastomose est la même veine qui participe des mouvemens pulsatoires des cœurs lymphatiques antérieurs (1). (x) D. Muller, archiv für anatomie und Physiologie , ann. 1834, pag. 298, pense que celle veine a lé considérée par Marchall-Hall comme une artère , à cause de ces mouvemens pulsatoires. XVII. Z des 296 GRUBY. — eines des Grenouïlles. F. VEINES DES EXTRÉMITÉS ANTÉRIEURES. 1. Les veines des doigts remontent pour former un arc veineux sur le dos des os carpiens de la main; de cet arc dorsal qui, du reste, est plus fort que l'arc palmaire, sortent deux veines; l’une se prolonge jusqu’au tendon du biceps, et elle est placée immédia- tement sous la peau dont elle reçoit des veines. La seconde veine de l'arc dorsal entre dans la profondeur des muscles de l'avant- bras; en montant elle se recourbe de dedans en dehors autour du radius, et dans la région du cubitus elle s’anastomose avec la premiere veine. Une troisième veine sort des muscles de l'avant-bras et reçoit le sang des muscles profonds; elle monte vers le tendon du biceps et verse son sang dans la première veine de l’avant-bras. Toutes ces veines forment un seul tronc qui remonte jusqu'a l'insertion du muscle grand pectoral; puis elles se recourbe et s'approche du thorax pour verser son sang dans la grande veine musculo-cutanée , et pour former la veine sous-claviculaire. 2. Veine sous-scapulaire.—La veine sous-scapulaire reçoit son sang des muscles du bras; elle perfore le triceps brachial et se prolonge vers l’omoplate avec le plexus nerveux du bras et avec l'artère axillaire. Là elle reçoit plusieurs branches veineuses de la peau du muscle de l’omoplate. En ce point elle se trouve couverte par ce dernier os et en contact avec le cœur lympha- tique antérieur de chaque côté; elle marche horizontalement de dehors en dedans pour entrer dans le thorax où elle s’unit à la veine jugulaire interne. Ces deux veines constituent la veine in- nominée qui aboutit à la veine-cave supérieure. Læ veines sous-scapulaires sont analogues à la veine ischiatique des extrémités postérieures, par leur marche, par leur relation avec les autres veines des mêmes extrémités et avec les cœurs lympbhatiques pulsatifs (1). (1) Les cœurs lymphatiques ont été découverts et décrits par M. J. Muller et Panizza ; voy, Archiv. de l'anat, et physiologie, M. 3, Muller, 1834, et Panizza, sopra él sistema lins- fotria dei vettili con sci tavole Pavice, 1833. | GRUBY. — eines des Grenoutilles. 227 3. V’eines sous-claviaires. La veine sous-claviaire est com- posée de la veine brachiale et de la grande veine musculo- cutanée; elle se trouve entourée dans le thorax d’un tissu cellu- laire très mince, dans lequel existent souvent des entozoaires, qui offrent la forme des filiaires. G. VEINFS-CAVES SUPÉRIEURES. Il y a pour chaque côté une veine-cave descendante qui re- coit la veine sous-claviaire, la veine innominée (qui est com- posée de la veine jugulaire interne et dela veine sous-scapulaire) et la veine jugulaire externe. Là où la veine-cave recoit ces trois branches, elle possède une valvule qui empêche la circulation du sang dans la direction du centre vers la périphérie, et par l'injection cette partie est souvent dilatée et offre l'aspect d’un cul-de-sac. La veine se prolonge vers l’oreillette et verse son sang dans cet organe peu au delà du point où la veine-cave postérieure y aboutit; la veine-cave gauche est plus large que la veine-cave droite. H. VEINES-CAVES POSTÉRIEURES. La veine-cave postérieure est une large veine qui recoit les veines efférentes des reins et des ovaires, une partie des veines du corps graisseux et du foie. Elle remonte vers le cœur derrière le foie, en avant de l'œsophage, et se termine dans l’oreillette. La veine-cave postérieure est une veine pulsative par sa propre force contractile, indépendante du cœur; ses pulsations ont des temps rhythmiques avec les pulsations des oreillettes et un cœur, ce que M. Flourens a depuis long-temps démontré {r). Et l’on peut facilement se convaincre de l'exactitude de ce fait; lorsqu'on ouvre l'abdomen et le thorax de la grenouille vivante | en empéchant l'écoulement du sang veineux de la veine abdo- minale antérieure, à l’aide de deux ligatures en renversant le cœur et en déplaçant les intestins, les ovaires et le foie, on peut facilement observer et comparer les mouvemens de la veine- cave avec celle de l'oreillette. (r) Flourens |, Mémoire sur les pulsations des wvéines chez les Grenouilles (Annales des Sciences naturelles, première série, tome xxvrrt ). 228 GRUBY. — Veines des Grenouilles. I. VEINES cÉRÉBRO-SPINALES ( PI. 10, fig. 11). Du ganglion olfactif partent deux veines: l’une remonte, pour former une espèce de sinus, vers la ligne moyenne du crâne jusqu’à la partie postérieure du premier lobe. De là elle descend pour s'unir à la seconde veine, qui est la veine latérale du cer- veau. Celle-ci commence aussi à la partie antérieure du cerveau, court sur la surface externe du premier lobe et s’anastomose avec la veine supérieure. Pendant cette marche, on voit plusieurs petites branches de la surface inférieure du cerveau s’anastomo- ser avec la veine latérale. Toutes ces veines forment un seul tronc, qui court presque horizontalement de dedans en dehors, et passe par les parois du cräne , pour verser son sang dans la veine faciale (fig. 11, d). Les veines spinales sont beaucoup plus fortes que celles du cerveau. On voit sur la ligne médiane du rachis, à la surface supérieure, une veine ou plutôt un sinus veineux ( PI. 10, fig. 11, 2), qui parcourt toute la longueur du rachis, sans changer de diamètre, jusqu'à la moelle allongée. Là le sinus se divise en deux veines: la gauche est plus forte que la droite. Pendant leur marche, elles reçoivent deux grandes veines du coccyx et vingt-quatre faisceaux veineux qui s'anastomosent avec la veine dorsc- Jombaire. Ces faisceaux recoivent le sang de la moelle épinière et des vertébres:ils forment,en s’anastomosant entre eux,de nombreux réseaux qui couvrent toute la moelle épinière (fig. 1 1,f). En avant le sinus se divise en deux veines qui s’écartent l’une de l’autre et reçoivent plusieurs petites branches de la moelle allongée et des tubercules quadrijumeaux. Elles entourent les tubercules quadri- jumeaux, et enfin courent de dedans en dehors, pour entrer dans le sinus veineux du crâne (fig. 11, e'), où la veine jugulaire in- terne (fig. 11, d, d) forme la continuation de cette veine, qui s'ouvre dans la veine innominée; par conséquent une partie du sang de la moelle épinière est versée dans le cœur, et une partie dans les reins par la veine dorso-lombaire. cruBx. — eines des Grenouilles. 229 EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHES Q ET 10. Fig. 1. Représente une Grenouille dont les organes abdominaux et thoraciques sont dis- posés pour faire voir : a, le cœur renversé sur la partie supérieure du sternum; 4, le foie égale ment soulevé et les lobes écartés; d'et e, l'intestin gréle et l'estomac avec leur mésentére dis- tendu: f, partie supérieure de la veine abdominale antérieure; » et #, la branche droite et la branche gauche de la même veine; », la branche descendante qui se jette dans la partie infé- rieure du lobe gauche du foie et le reçoit pendant son trajet; /, la veine-porte secondaire ; p, la veine-porte ordinaire; 4, l’anastomose entre la veine abdominale antérieure et les oreillettes du cœur ; e, la vésicule biliaire ; g, le bout inférieur de la veine abdominale. Fig. 2. Représente le système veineux afférent et efférent de Jacobson et les autres veines afférentes des reins avec leurs anastomoses, vus par leur surface abdominale : «, le cœur déplacée pour faire voir : d, Va veine-cave ascendante; #, le poumon gauche entier; ’, le poumon droi, ouvert pour faire voir : €, la veine pulmonaire se ramifiant à la surface interne; e, le foie et e' le passage de la veine-cave ascendante par le foie; ff, les appendices graisseux avec leurs veines centrales ; g, les testicules avec leurs veines; À, la grande veine afférente musculaire dorsale s'anastomosant avec les veines rachidiennes ; 4’, la petite veiue musculaire s’anas- tomosant avec les veines rachidiennes {s) recouvrant les corps blancs, lesquels renferment les cristaux prismatiques qu’on trouve sur les trones intervertébraux ; 4, les oviductes et leurs vei- nes; m, les veines afférentes des oviduetes; », la veine afférente de Jacobson ; 0, la veine ischia- tique déplacée; p, la veine fémorale; q, la vemeabdominale antérieure réfléchie; r, les veines sous-péritonéales qui entrent dans la veine abdominale antérieure ; /, les veines rénales affé- rentes. Fig, 3. Représente les veines afférentes et efférentes des reins , vues par leur surface dor- sale; a, la veine-cave ascendante ; 2, les appendices graisseux ; d, les veines alférentes de Ja- cobson; 2, les ramifications des veines afférentes à la surface dorsale des reins; cc, les huit branches veineuses des oviductes afférentes vers les reins; g, la grande veine musculo-dorsale afférente aux reins; , le veine abdominale divisée; e, en veine ischiatique et en à, veine fémorale. Fig. 4. Représente les cuisses et le bassin, vus de côté avec les veines : a, la surface latérale des cuisses , dénudée de sa peau ; à, la peau de la même cuisse réfléchie; c, la veine ichia- tique et ses branches ; d, la veine fémorale et ses branches, 4, la veine tibiale postérivure; 1, la veine gastrognémique; f, la veine cutanée s’anastomosant avec la veine fémorale ; e, l'artère ischiatique ; z, le nerf ischiatique ; 2, la fosse ischiatique ; , le muscle qui sépare la fosse ischiatique de la veine fémorale, Fig. 5. Fait voir toutes les veines, qui , par leurs anastomoses, constituent la veine afférente de Jacobson et toutes les veines afférentes des reius dans la position naturelle : a, le foie; m, la vésicule biliaire; 4, les appendices graisseux ; e, les oviductes ; d, d, les trois veines afférentes ; e, e, les veines afférentes de Jacobson; f, la veine ischiatique ; g, la veine fémorale; L, la veine iliaque interne; &, la veine obturatrice; 4, la veine abdominale antérieure; Eig. 6 (PI. 10). Représente une petite partie du bord interne du rein, injecté difiéremment, aûin de démontrer l'existence d'un réseau intermédiaire veineux entre les veineg afférentes et 230 cRugy. — ‘eines des Grenouilles. les veines efférentes : a,a, la veine afférente, grossie 5o fois; , 4, les veines afférentes; c, f, les réseaux intermédiaires veineux ; d, la coupe verticale avec les ouvertures vasculaires. Fig. =. Une partie des reins injecté et grossie , pour faire voir la distribution des veines efférentes à la surface antérieure de ces organes, Fig. 8. La surface abdominale des reins entiere, avec ses glandules succenturiées: a, a, a, les arcs glandulaires jaunes; Ÿ ,b, b, b, les veines efférentes recouvertes par les glandules succen- turiées: a’, a!, les ares où sinus veineux recouverts par les glandules succenturiées ; e, le sinus veineux ouvert. L'ig. 9. Un cylindre glanduleux des reins succenturiés, grossis 4o fois, Fig. 10. Les cellules sphériques granuleuses , qui composent les glandules succenturiées , grossies 500 fois. Fig. 9. Représente le système veineux cérébro-spinale de la surface supérieure, grossi 3 fois: a, les veines du lobe antérieur ; #, le sinus latéral ; e, le sinus de la grande faux du cerveau ; d', le sinus transversal ; a', le réseau veineux sur la surface supérieure du cerveau; e!, les veines qui reportent Je sang de la substance du cerveau ; e, les veines de la surface des lobes quadri jumeaux; », les veines vertébrales ; 2, le sinus veineuxÿrachidien ; ë, division postérieure du sinus veineux ; #, la division antérieure du même sinus ; f, les réseaux veineux qui s'anasto- mosent'avec les veines museulo-dorsales ; g, eines de la moelle allongée. Cowsinérarions sur les Céphalopodes des terrains crétacés. Par M. Arcipe D'ORBIGNY. $ I. ExAMEN CRITIQUE DU NOMBRE DES ESPÈCES. Eu réunissant tous les noms de Céphalopodes des terrains crétacés que donnent jusqu'ici les auteurs, on trouvera pour ré- sultat plus de deux cent trente espèces. Sur ce nombre, quarante- sept environ me sont inconnues, soit qu’elles n'existent pas sur le sol français, soit que je n'aie pu m’en procurer d'échantillons. Il m'a dés-lors été impossible d'en examiner et d'en discuter plus de cent quatre-vingts, nombre qu’une revue sévère de la sy- nonymie, des altérations dues à la fossiliation, et des modifica- tions apportées par l’âge, m'ont fait réduire à guatre-vingt onze, ou beaucoup moins de la moitié des espèces citées. Le sol de l'Angleterre avait fourni la plus grande partie de ce chiffre, lorsque j'ai entrepris la publication de ma Paléonto- logie. La France encore très peu connue, était Join d’avoir fourni A. D'ORBIGNY. — Sur Les Céphalopodes. 231 son contingent à cet ensemble, et l’on regardait son territoire comme pauvre en fossiles de l'étage crétacé ; mais bientôt des re- cherches multipliées sur tous les points, et notamment l’impor- tant concours de tous les géologues français, ont fait affluer vers moi des richesses inattendues, et, grâce à de bienveillantes com- munications, toutes les collections de notre sol, réunies dans mon cabinet, m'ont offert, en Céphalopodes, un ensemble de deux cent soixante-sept espèces bien discutées, sur lesquelles cent soixante-seize nouvelles pour lascience.Des-lorsil est prouvé que la France non-seulement peut rivaliser avec les autres pays voisins, mais est encore, sans contredit, la mieux favorisée sous le rapport de ses faunes perdues. J'ai développé aux généralités sur les Ammonites (1), les mo- tifs qui me font attacher au nombre des espèces une importance fondée sur ce qu’il me permet une application d'autant plus po- sitive de la zoologie à la géologie, qu'il est plus élevé et donne ainsi des résultats pluscertains; j'ai ditégalement dans ces mêmes généralités (2) que les superpositions des couches et la distinc- tion des faunes qu’elles renferment m’obligent à diviser les ter- rains crétacés en trois étages bien distincts (les terrains néoco- miens , le gault et la craie), dont j'ai donné les synonymes géologiques; je ne les reproduirai pas ici.1l suffira d’ajouter que l'ensemble des genres que j'ai pu étudier depuis, est venu con- firmer ces divisions, les seules, d’après les faits géologiques, qui me paraissent admissibles et naturelles. SIL. Division DES CÉPHALOPODES PAR ÉTAGE. Le nombre pur et simple des espèces de ces étages, me donne les résultats suivans : HERBE NÉOCOMIEN. 7 0 APM MISTTESDECES. PAR... .... 1: 60 » Hfagéidénlanéraie. 21". ". 1 at li 7 Gr » (1) Woyez Paléontologie franç:/ p, 417, et Ann. des Sc, nat. 1841, lome xvr, p.151, (2) Paléontolog. franc,, p.418, et Ann. des sciences nat 841, lome XWr, p: 152. 232 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. Abstraction faite même des formes, ces chiffres suffiraient pour démontrer qu’à l'étage des terrains néocomiens, les Céphalopodes sout au maximum de leur développement numérique; qu'ils ont diminué de près de moitié, sous ce rapport, à l'étage du gault, ct qu'ils sont plus réduits encore dans l'étage de la craie, où” presque tous cessent de se montrer avec les couches les plus su- périeures. Le nombre des Céphalopodes a donc baissé progres- sivement des étages inférieurs aux supérieurs, dans le terrain crétacé, pour se réduire à quelques genres dans la formation tertiaire, où il n'est pas à ‘beaucoup près le quart de ce qu'il est dans le dernier étage crétacé. On voit en résumé que l’ensemble des Céphalopodes confirme tout ce que j'aidit pour le genre Am- monite (1).4 priori, cela devait ètre; tous les Céphalopodes ayant le même genre d'existence queles Ammonites,il fallait s'attendre à les voir suivre les mêmes lois de répartition. Cette diminution graduelle de leur nombre à mesure que la terre se refroïdit, est très curieuse et offre d'autant plus d'intérêt, qu’elle coïncide tout-à-fait avec ce que j'ai dit de la distribution géographique de leurs espèces actuellement vivantes, qui presque toutes , ap- partiennent à fa zone équatoriale (2) PREMIER ÉTAGE : lerrain neéocomien. Il y aurait lieu, sans doute, de donner , couche par couche, toutes les espèces de Céphalopodes des terrains néocomiens , mais la science n’a pas encore atteint ce degré de perfection ; aussi me bornerais-je, quant à présent, à séparer les cent trente et une espèces qui me sont connues, en deux séries, l’une infé- rieure et l’autre supérieure, en prenant pour point de partage Ja zone de Rudistes à Caprotina Ammontia interposée entre ces deux faunes (3), et qui forme au sein du bassin provençal un ho- rizon si marqué. (:) Voyez Paléontolog. franç., p. 420 , et Ann, des sciences nat. 1841, tome xvs, p.64. (2) Voyez mes généralités sur les Céphalopodes acétabulifères ( monographie des céphalopo- des acétabulifères. Introduction , p. z4}.). (3) Voyez Annales des sciences naturelles , mars 1842 , tome xvir , le mémoire que j'ai im- primé sur les Rudistes, A. D'ONDIGNY. — Sur les Céphalopodes. 233 Espéces de Cephalopodes de l'étage néocomien inférieur. Bélemnites Baudouinii , d'Orb. Paléont. PI. 5 Bicanaliculatus, Blainv. 3 Binervius, Raspail. 2 Bipartitus , Deshayes. 3 Cornuelianus , d’Orb. Depressus, Rasp. (1) Dilatatus, Blainv. 2,9 Emerici, Rasp. (2) 2,7 Extinctorius, Rasp. (3) Grasianus , Duval. Paléont. PI. Latus, Blainv. 4 Orbygnianus, Duval. Pistiliformis , Blainv. 6 Polygonalis, Blainv. Pseudo-formosus , Rasp. Sicyoides , Duval. Subfusiformis , Rasp. Trabiformis, Duval. 2 (x) M. Duval ( Bélemnites des Basses—Alpes ), en décrivant ses Bélemnites , isocelis, hy- Bridus et platyurus , ne conserve pas à ces espèces les noms que leur avaient donnés MM. de Blainville et Raspail , parce que, dit-il , ces noms reposent sur des caractères communs à beaucoup d'autres Rélemnites, et, quoiqu’elles aient déjà (au moins pour son hybridus et son platyurus ) chacune quatre noms, il croit devoir leur eu donner un cinquième ; si l’on sui- vait ce principe, il faudrait refaire toute la nomenclature actuelle, On changerait , par exem- ple, le nom de l’Ammonites tuberculatus , parce que le plus grand nombre des Ammonites est pourvu de tubercules ; celui de l'#mmonites costatus , parce que beaucoup d’ammonites ont des côtes. Il en résulterait qu'il y aurait lieu de tout bouleverser dans ce qui existe, et la science , au lieu de se simplifier , deviendrait un chaos inextricable. Les noms, d’aillenrs , ne sont que des signes de convention appliqués aux diverses espèces, sans autre but que de servir à désigner toujours les mêmes corps , et non à les faire connaître, la chose étant in- possible dans Pétat actuel de la science, Si ces noms exprimaient assez bieu la forme , il y a quelques siècles, lorsque la zoologie contenait peu d'espèces , ils durent être remplacés, du temps de Linné, par une phrase qui aujourd'hui n’est plus suffisante pour les décrire. Je pense donc qu’un nom existant doit être considéré comme sacré, qu'on n’est autorisé à le chan- ger qu'autant qu'il a déjà été appliqué à une autre espèce du mème genre. Je reviens , en con- séquence, pour ces trois espèces de M. Duval, à l'un des noms donnés antérieurement par MM. de Blainville et Raspail. (2) J'ai figuré cette espèce comme variété du Z. dilatatus. Le peu d'échantillons que je possédais à l'époque où j'ai décrit mes Bélemnites, et leur mauvais état de conservation, m'a fait réunir en une seule, plusieurs espèces distinctes. J'avais reconnu celte erreur dès 1840, en parcourant les Basses-Alpes , et voyant les riches collections de MM. Emeric et Honnorat ; je l'avais mème écrit à M. Émeric. J'avais donc reconnu la nécessité de ces rectifi- cations, long-temps avant le travail de M, Duval, et j'en avais même opéré déjà quelques-unes dans un travail présenté à l’Institut bien antérieurement au’ sien (Ann. Sc. nat. 1841), . (3) Toutes les espèces nouvelles seront figurées au aupplément à la fin de ma Paléontologie. Je suis loin de les admettre telles que les établit M. Duval. En y appliquant les considérations de sexe, je trouve que M. Duval a beaucoup trop multiplié les espèces. Je ne les indique ici que provisoirement , en attendant mon supplément. Enadmettant provisoirement quelques changemens d'espèces, apportés par le travail deM. Du- val, sur les Bélemnites des Basses-Alpes , je suis loin d'adopter ses divisions géologiques. Pour bien connaître la constitution d’un canton, il ne suffit pas de le parcourir pendant de longues années. Si l'on ne peut le comparer à l'ensemble de faits généraux, pris sur une plus grande échelle , toutes les conclusions seront prématurées , ou du moins ,ne pourront pas toujours rentrer , sans changemens , dans le grand cadre tracé par la nature, 234 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. Nautilus Ammonites Neocomensis, d’Orb. Paléont. PI. rt Macilentus, d'Orb, Paléont, PI. 4% Pseudo-elegans , d'Orb, 8,9 * Morelianus , d’Orb. 54 3 Neocomiensis, d'Orb. 59 Ammonites Opbhiurus , d’Orb. 30 Angulicostatus , d'Orb, 46 Picturatus , d'Orb, 54 Asperrimus , d'Orb. 60 Pulchellus , d’Orb. 40 Astierianus, d’Orb, 28 Quadrisuleatus , d’Orb. 49 Bidichotomus, Leymerie. 57 Radiatus, Bruguières. 26 Carteroni , d’'Orb. 67 Recticostatus , d'Orb, Cassida , Rasp. 89 * Rouyanus , d'Orb. 110 Castellanensis, d'Orb. 25 Semistriatus , d'Orb. 4x Charrierianus, d'Orb. Semisulcatus, d'Orb. 53 Clypeiformis, d'Orb. 42 Seranonis , d'Orb. 109 Compressissimus , d'Orb. 6: Simplus , d’Orb. 60 Cryptoceras, d'Orb. 24 *Sinuosns , d'Orb. 60 Cultratus , d'Orb. 46 Subfmbriatus , d'Orb. 35 Dedayanus , d'Orb. 108 * Terverii , d'Orb. 54 Difficilis , d'Orb. 4x *Thetis, d'Orb. 58 Diphyllus d'Orb. 55 Verrucosus , d'Orb. (2) 58 *“Dispar , d’Orb. (r) 45 7 ” Fascicularis, d’Orb. 29 Crioceras Gevrilianus, d'Orb. 43 Cornuelianus , d'Orb. z15 Grasiaous , d’Orb. 44 Duvalii , Léveillé, 113 Heliacus , d'Orb, 57 Emerici , Léveillé, 114 Honnoratianus , d'Orb. 37 Puzosianus , d'Orb. 115 bis Incertus , d'Orb. 30 Villiersianus , d'Orb. 114 Inæqualicostatus , d'Orb. 29 L. Infundibulum , d'Orb. 39 Toxoceras Intermedius , d'Orb. 38 Anvularis , d’Orb, 118 Ixion , d'Orb. 56 Bituberculatus , d'Orb. 116 Jeannoti, d'Orb, 56 Duvalianus , d'Orb, 117 Juilleti, d'Orb. bo, 117 Elegans , d'Orb. 117 Leopoldinus , d'Orb. 21,22 Honnoratianus , d'Orb. 119 Lepidus , d'Orb, 48 Obliquatus , d’Orb. 120 Ligatus , d'Orb. 38 Requienianus, d’Orb. 116 (x) Les espèces précédées d’un * sont encore douteuses pour leur classement de terrain. (2) Les Ammonites tortisulcatus, subfascicularis et calypso ne sont pas portées sur cette liste, parce que j'ai reconnu depuis qu'elles appartiennent aux terrains jurassiques , et non à la faune de la formation crétacée. M. Duval ( Bélemnites . des Basses-Alpes , pag. 9) fait figurer l’Ammonites tortisulcatus au gault de sa colonne de marnes noires qui sout mes terrains néocomiens supérieurs, et à sa colonne des marnes grésiformes qui est pour moi le gault. Cette espèce se trouvant seulement dans les terrains jurassiques, il est présumable qu'il s'est trompé sur la détermination de cetie espèce qui, effectivement, ne se rencontre ni dans l'une, ni dans l'autre des terrains indiqués, A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 235 Ancyloceras Hamites Cinetus , d'Orb, Paléont. PI. 125 Incertus , d'Orb. Paléont. PI, 130 Dilatatus , d'Orb. F4 Dissimilis , d'Orb. 130 Pulchellus , d'Orb. _. Emericianus , d'Orb. 130 Puzosianus, d'Orb. 127 Ptychoceras Sca phites Puzosianus , d'Orb. 137 Ivanii , Puzos. 128 Baculites Neocomiensis, d'Orb. 138 Céphalopodes du terrain néocomien supérieur. Conoteuthis ; d'Orb. Matheronii , d’Orb, 48 7e 4 Nisus, d'Orb. 55 sr Pretiosns , d'Orb. 58 Belemnites Raresuleatus , d'Orb, 85 Semicanaliculatus, Biainv, 5 Royerianus, d'Orb. VER Striatisulcatus, d'Orb. :9 Nautilus Strangulatus , d'Orb, 49 Lallierianus , d'Orb. Requienianus , d'Orb. 10 Toxoceras } Cornuelianus , d'Orb. 119 Ammonites Emericianus , d'Orb. 120 Belus, d'Orb. 52 Royerianus , d'Orb. 118 Cesticulatus, Leymerie 81 Colombeti , d'Orb. Ancy loceras Consobrinus, d'Orb. 47 Brevis, d'Orb. 125 Cornuelianus , d’Orb. 112 Duvaliaous , d'Orb. 124 Crassicostatus, d'Orb, 55 Furcalus , d'Orb. 127 Deshayesi , Leymerie. 85 Matheronianus, d'Orb. 122 Dufrenoyi , d'Orb. 33 Renauxiaous, d'Orb. 123 Duvalianus , d’Orb. 50 Simplex , d'Orb. 125 Ewerici , Rasp, 5a Varians , d'Orb. 126 Flexisulcatus, d'Orb, 45 É Gargasensis, d'Orb. 59 Hamites Guettardi, Rasp. 53 Royerianus , d'Orb. 151 Impressus , d'Orb. 52 HAE AL ; d'Orb. 55 Ptychoceras Martini, d'Orb. 58 Puzonianus , d'Orb. 137 Il ressort de ce qui précède, que les Céphalopodes de l'étage méocomien se divisent en deux époques tout-à-fait distinctes , contenant chacune une faune entiérement séparée, et que la décroissance du nombre dans les deux séries de couches est la 236 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. même que dans les étages comparés. Aucune des espèces citées ne s’est trouvée simultanément dans le terrain jurassique, et je n'en connais même aucune qui passe des couches inférieures aux supérieures. Je n’ai encore vu non plus aucun passage des es- pèces des couches néocomiennes supérieures aux inférieures du gault, ces couches conservant partout leur parfaite indépendance de faunes. Il en résulterait que toutes les espèces de cette liste seraient caractéristiques de leurs couches respectives. Dans la partie géologique de son mémoire sur les Bélemnites des Basses-Alpes, M. Duval (1) réunit en un seul étage, qu'il rapporte au gault, deux couches, l’une ses #2arnes noires, qui sont mes terrains néocomiens supérieurs, l'autre ses couches gré- siformes, qui sont, pour moi, le gault. Ce naturaliste forme, de ces deux séries, une seule et même couche, en disant , dans les coupes, que ce sont des couches se correspondant. Je ne connais de couches correspondantes en géologie, que les couches parfaitement identiques; or, celles-ci ne le sont nullement. 1l suffit, pour s’en convaincre, de jeter les yeux sur les listes des Ammonites (1) données par M. Duval { page 9) lui-même, dans ses deux colonnes comparatives. En effet , ces deux listes prouvent évidemment le contraire, puisqu'elles renferment des faunes distinctes. M. Duvala probablement cru que ce devaient être des couches correspondantes , tout en appartenant à des points différens, parce que, dans son Bassin ferrugineux , il a trouvé la marne noire reposant sur le terrain néocomien infé- rieur , et que dans son dépôt chloriteux c'est le gault qui repose sur ces terrains. Cela prouve seulement que le vrai gault manque dans son bassin ferrugineux , tandis que dans son dépôt chlo- riteux, le terrain néocomien supérieur n'existe pas entre le gault et le terrain néocomien inférieur, ce qui arrive très sou- vent sur une multitude de points. Il serait fächeux de confondre 1) Je ne parle ici que des Ammonites dont je dois la communication à la complaisance de M. Duval, J'ai pu vérifier l'exactitude de leur détermination , excepté pourtant l'Ammonites latidorsatus de la coloune des marnes noires que je n'ai jamais vu dans le terrain néocomierr. Cette espèce et les deux ou trois autres fossiles citées comme identique, ne seraient pour moi d'une valeur positive qu’autant que j'aurais pu les comparer minutieusement. Jusque-là je croirai le contraire : tous les faits me portant à cette conviction. A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 237 ainsi deux époques en une seule, comme l'a fait M. Duval, car, dés-lors, on trouverait des mélanges qui n’existent réellement pas pour les faunes propres aux différens terrains. DEUxIÈME ÉTAGE. Gault ou grès vert inférieur. J'ai dit que je connaissais quatre-vingts espèces de Céphalo- podes de cet étage. Ces espèces pourraient se diviser en deux sé- ries, suivant qu’elles appartiennent aux couches inférieures ou supérieures; pourtant, loin d'accorder à cette division même va- leur qu’aux terrains néocomiens, puisqu’on trouve beaucoup de passages, je ne la donne ici qu’afin de séparer des dépôts diffé- rens, ayant le plus souvent des faunes assez distinctes. Mes deux listes seront donc l'expression des espèces spéciales aux couches de Wissant et des Ardennes, pour les parties inférieures, et de toutes les autres pour les parties supérieures. Céphalopodes du gault inférieur. Belemnites Michelinianus, d'Orb. Palecont. PI. 69 _ ; , Mil'etianus , d’Orb. 77 Minimus, Lister, Paléont, PI, 5 Moses , d'Orb, 6- Nautilus Nodosocostatus, d'Orb. 75 Bouchardianus , d'Orb. 13 Puzosianus , d'Orb. 78 Clemeutinus , d'Orb. 13 bis Quercifolius , d'Orb. 83 = Raulinianus , d'Orb. 68 Ammonites Regularis , Bruguieres. 72 Archiacianus , d'Orb. 70 Splendens , Sowerby. 63 Auritus , Sowerby. 65 Tardefurcatus, Leymerie, 71 Bicurvatus, Michelin, 84 Tuberculatus , Sowerby. 66 Bouchardianus , d'Orb. 8x : Cristatus, Deluc. 88 Haites Denarius, Sowerby. 62 Altenuatus, Sowerby, 131 Fissicostatus , Phillips. 76 PBouchardiauus , d'Orb, 132 Fittoni , d’Archiac. 64 Flexnosus , d'Orb. 131 Guersanti , d'Orb. 67 Raulinianus, d'Orb, 134 Lautus , Sowerby. 64 Rotundus , Sowerhy. 132 238 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. Céphalopodes du Gault supérieur. Nautilus Clementinus, d'Orb. Paléont. PI. 13 bis Scaphites Astierianus, d'Orb. Paléont. PI. Hugardianus , d'Orb. Armmonites x Alpious , d'Orb. 83 Hamites Beudanti , Brongniart. 33 Alterno tuberculatus, Leymerie. 132 Brotlianus, d'Orb. 85 Armatus , Sowerby. 135 Cawatteanus, d'Orb. 69 Elegans , d'Orb. 133 Clementinus , d'Orb. 75 Punctatus , d'Orb. 131 Cristatus , Delue, Sablieri , d'Orb. 133 Delaruei , d’Orb. 87 Virgulatus , Brongniart. 124 Dupiuianus, d'Orb. 87 7: Hugardianus , d'Orb. 86 Turrilites Inflatus , Sowerby. 90 Astierianus , d'Orb. 140 Interruptus , Bruguières. 31, 32 Bergeri, Brongniart. 143 Iüerianus, d’Orb. 112 Bituberculatus , d’Orb. 141 Latidorsatus , Michelin. 80 Catenatus , d'Orb. 140 Lyeli, Leymerie. 74 Elegans , d'Orb. 140 Mainmillatus , Schlotheim. 72,73 Emericianus , d'Orb. 141 Mayorianus , d'Orb. 79 Hugardianus, d'Orb. 147 Parandieri , d'Orb. 38 Mayorianus, d’Orb. 140 Proteus , d'Orb. Moutonianus , d'Orb. 147 Roissyanus , d'Orb. 89 Puzosianus , d'Orb. 143 Senequierianus, d'Orb. 86 Robertianus , d'Orb. 142 Varicosus , d'Orb, 87 Senequierianus , d'Orb. 14x Velledæ , Michelin. 82 Vibrayeanus, d’Orb. 147 Versicostatus , Michelin. 81 È Helicoceras Crioceras Annulatus , d'Orb. 148 Astierianus , d’Orb. 115 bis Gracilis, d'Orb. 148 Cristatus , d'Orb, 115 Je ne connais encore de cette faune aucune espèce qui se soit trouvée en mêmetemps, dans les terrains néocomiens supérieurs. Je n’en dirai pas autant des espèces du gault le plus supérieur et des craies chloritées inférieures, ces terrains m’en ont montré cinq qui s’y rencontrent simultanément : les 4mmonites latidor- satus , Mayorianus, Inflatus , Harmites armatus et le Turrilites Bergeri. Il en résulterait qu’à l'exception de ces cinq espèces, peut-être transportées fortuitement , toutes les autres, ou soixante- quinze espèces , sont spéciales ou caractéristiques du oault A. D'oniGny. — Sur les Céphalopodes. 239 Si les espèces offrent ces résultats, les genres en donnent de bien plus curieux. Dans les terrains néocomiens jusqu'aux cou- ches supérieures, on voit, par exemple, les genres Toxoceras , Ancy loceras, Ptycoceras, au maximum de leur développement, et montrant beaucoup d'espèces, tandis que ces genres sont, jusqu’à présent, tout-à-fait inconnus dans le gault. D'un autre côté, par comparaison, les genres Turrilites et Helicoceras, in- connus dans la faune de l'étage néocomien , paraissent tout-à- coup dans la période du gault. Cette extinction des genres à une époque, et l'apparition de nouvelles formes dans l’autre, prou- vent plus que tous les autres argumens, surtout lorsqu'on a vu se reproduire les mêmes formes dans les deux couches de terrain néocomien, que les deux étages néocomiens et du gault sont bien séparés, puisque, non-seulement ils renferment des espèces distinctes, mais encore des formes génériques spéciales; ce qui annoncerait des limites bien arrêtées surtout avec nos terrains néocomiens supérieurs , que leur nature argileuse porterait à réunir au gault. TROISIÈME ÉTAGE. Craie, craie chloritée ou grès vert supérieur. J'ai jusqu’à présent soiranteet un Céphalopodes de cet étage, qu'on peut diviser en deux séries , l'une appartenant à la craie chloritée ou craie inférieure, l’autre à la craie blanche ou craie supérieure. Céphalopodes des couches inférieures de la craie ou de la craie chloritée. Nautilus Ammonites Angulatus , Montfort. Paléont. P], 12 Beaumontianus, d'Orb. Paléont. PI, 98 Archiacianus, d'Orb. 21 Bravaisianus , d'Orb. gx Deslongchampsianus , d'Orb. 20 Carolinus , d'Orb, gt Elegans , Sowerby. 19 Catillus , Sowerby. 97 Fleuriausianus , d'Orb. 15 Déverianus , d'Orb. 100 Largilliertianus , d'Orb. 18 Falcatus , Mantell, 99 Lævigatus , d'Orb, 17 Feraudianus , d'Orb. 96 Matheronianus , d'Orb. Fleuriausianus , d'Orb, 107 Radiatus, Sowerby + Goupilianus , d'Orb. 9% Sowerbyanus , d'Orb 16 Lafresnayeanus, d'Orb. 97 240 A. D'onriGNy. — Sur les Céphalopodes. Ammonites Compressus, d’Orb. Paléont, PI, 128 Constrictus , d'Orb. Largilliertianus,d'Orb. Paléont. PL. g3 DAS Ur 5 Lewesiensis , Sowerby. 101,102 Hamites Du , sn 109408 Armatus , Sowerby, 135 Pr” Orb. 2 Cylindracens , d'Orb. 136 Papalis, d'Orb. 199 Simplex , d'Orb. 134 Peramplus , Sowerby. 100 Prosperianus , d'Orb. 100 Baculites Renauxianus , d'Orb. 27 Anceps, Lamarck. 139 Requienianus, d’Orb. 93 Baculoides , d'Orb. 138 Rhotomagensis, Defrance. 105, 106 Ineurvatus , Dujard. 139 Rustieus, Sowerby. iii " Sartousianus , d'Orb. 94 Turrilites Tricarinatus , d'Orb, gx Acuticostatus , d'Orb. 147 Varians , Sowerby. 92 Bergeïi, Brongniart. 143 Verueuilianus , d'Orb. 98 Bifrons , d'Orb. 147 Vibrayeaous , d'Orb. 96 Costatus , Lamarck. 145 Woolgari , Sowerby. 108 Desnoyersi , d'Orb. 46 Toxoceras Gravesiaous , d'Orb. 144 . Ornatus , d'Orb. 147 Gracilis , d'Orb, = Plicatus , d'Orb. 143 Scaph ites Scheuchzerianus , Bosc. 148 ) Tuberculatus , Bosc. 144 Æqualis , Sowerby. 129 Céphalopodes de la craie supérieure ou craie blanche. Belemnitella Hamites Mucronata, d'Orb., Paléont. Pl. 7 Simplex , d'Orb. Paléont. Pl. 134 Quadrata ;d'Orb: % Turrilites Archiacianus , d'Orb, 148 On pourrait donc croire que les Céphalopodes de l'étage de la craie se divisent en deux faunes, l'une propre aux craies chlo- ritées, qui aurait cinguante-sept espèces, l’autrespéciale à la craie blanche, où l’on n’en trouve plus que quatre, parmi lesquelles encore il en existe une qui est commune à la première. La diminution considérable du nombre des espèces annonce évi- demment une époque distincte dans la craie blanche, et cette époque sera, du moins d’après les connaissances actuelles, éga- lement caractérisée par l'extinction de quelques genres (1), et ‘ (1) M. Élie de Beaumont m'assure avoir vu une Æmmonite provenant de la craie blanche de Maëstrich ; ainsi ce genre aurait encore un représentant à la dernière époque des terrains crétacés . A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 241 par l'apparition des Belemnitella, inconnues aux couches infé- rieures. Dans les couches inférieures, toutes les espèces sont diffé- rentes à l'exception de cinq espèces communes avec celles du gault, etmême les proportions du nombre des espèces par genre changent tout-à-coup. Vers les parties supérieures de la craie blanche, disparaissent aussi les Céphalopodes propres à cette faune, et aucun ne passe dans les couches tertiaires qui lui sont supérieures. $ IIT. RÉSUMÉ NUMÉRIQUE. En résumé, en n'ayant égard qu'au nombre, après la dispari- tion complète des Céphalopodes des couches jurassiques supé- rieures, alors réduites à peu d’espèces, on voit naître, à la surface du globe, avec les premières couches des terrains néocomiens, quatre-vingt-douze Céphalopodes, entièrement distincts des Cé- phalopodes anéantis dans le terrain jurassique. Ces espèces s’ef- facent peu-à-peu et sont remplacées dans les couches supérieures de cet étage par trente-neuf autres tout-à-fait différentes. L'étage du gault, après l'extinction des espèces des couches néocomiennes supérieures, est de nouveau marquée par la pré- sence de quatre-vingts Céphalopodes; mais ceux-ci sont distincts des premiers. Ils s'éteignent successivement des couches infé- rieures aux supérieures et disparaissent enfin, à l'exception de cinq qui, transportés ou non, se retrouvent encore dans l'étage supérieur. Avec ces cinq espèces qui déjà habitaient le gault supérieur, cinquante-deux espèces spéciales paraissent dans la craie chlori- tée; elles existent plus ou moins long-temps et finissent par s’a- néantirivers les couches supérieures ou dans la craie blanche, on ne {trouve plus qu’une des espèces existant antérieurement, vivant simultanément avec trois Céphalopodes différens des pre- miers. Bientôt ces espèces s’éteignent encore,et aucune ne passe dans les terrains tertiaires qui les recouvrent. Les Céphalopodes des terrains crétacés seraient, dès-lors, nés à cinq époques distinctes. Après chaque anéantissement com- plet (à l'exception de cinq espèces du gault) des espèces qui XVII, Zoo. — Avril, 16 242 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. existaient, il s’en présente une nouvelle série bien ditférente de la première. On peut donc dire que les terrains crétacés se divi- sent en trois étages géologiques bien tranchés; et de plus, que deux de ces étages, le terrain néocomien et la craie, se subdivi- sent en deux séries de couches, les unes inférieures , les autres supérieures, ayant toutes leurs espèces particulières. Ce ré- sultat prouverait qu’à très peu d’exceptions près (cirg sur deux cent soixante-douze), comme je l'ai dit pour les Ammo- nites (1) iln’existe pas quelques coquilles isolées, caractéristiques des terrains, ainsi qu’on l’a cru jusqu’à présent, mais que pres- que toutes les espèces de Céphalopodes sont caractéristiques, et peuvent indiquer le terrain auquel elles se rapportent, quand on en fera l'application avec une critique sévère. $ IV. RAPPORT DES CARACTÈRES ZOOLOGIQUES DES CÉPHALOPODES AVEC LES DIFFÉRENTES ÉPOQUES GÉOLOGIQUES OU ILS ONT VÉCU. Pour bien faire sentir la succession des formes zoologiques dans les étages des terrains crétacés, je vais passer successive- ment en revue, pour chacun de ces étages, les genres et le rom- bre des espèces de chacun d'eux; procédé qui démontre la grande variation qui a existé suivant les époques, en ne me ba- sant que sur les renseignemens bien positivement acquis à la science. Étage néocomien. — Lors du terrain néocomien inférieur, on trouve les genres SUIVans : Belemnites. 18 espèces Ancyloceras. 4 espèces Nautilus. 2 Scaphites. 1 Ammonites. 50 Hamites. 3 Crioceras. 5 Ptychoceras. 1 Toxoceras. 7 Baculites, 1 Lorsqu'on les compare aux dernières époques du terrain juras- sique, aux couchesKimmeridiennes et Portlandiennes,on voit, par exemple, que dans ces couches les Céphalopodes se réduisent seu- lement à quelques espèces des genres 4mmonites et Nautilus, et qu’ils renferment une seule Bélemnite; ainsi, non-seulement il apparaît tout-à-coup avec les premières couches néocomiennes (x) Voyez Annales des Sciences naturelles, août 1841, tome xvr , page 160. A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 243 une série nombreuse de Bélemnites, inconnues dans les couches jurassiques, et de forme bien tranchée (1), et une multitude d’Ammonites avec un facies bien particulier (2), mais encore avec ces espèces il naît six genres (Crioceras, Toxoceras, Sca- phites, Hamites, Ptychoceras, et Baculites) tous inconnus jus- qu’alors dans les faunes inférieures. Il y a donc eu évidemment, entre la fin de la période jurassique et le commencement des terrains crétacés une création tout-à-fait nouvelle qui vient prouver, plus que tout le reste, que les terrains néocomiens ap- partiennert bien positivement à la formation crétacée, puisque sa faune est si différente de celle des terrains jurassiques. Passant aux couches supérieures de l’étage néocomien, je trouve les genres suivans : Conoteuthis. 1 espèces Toxoceras. 3 espéces Belemnites. 1 Ancyloceras, 7 Nautilus. 2 Hamites. 1 Ammonites, 23 Ptychoceras. L Cette nouvelle faune, toute composée d’espèces distinctes, comparée à celle des couches inférieures, me montre, avec des différences dans les nombres, une composition générique, pour ainsi dire, identique. De même, le genre Ammonites a beaucoup d'espèces, et ces espèces conservent le caractère extérieur des côtes ou des points d’arrêt marqués à leur surface. De même, les genres Toxoceras, Ancyloceras, Hamites et Ptychoceras, ont tou- jours leurs espèces ; ainsi, à l'exception des genres Crioceras, Scaphites, et Baculires (que l’on doit retrouver plus tard, et qui d’ailleurs, ont peu d'espèces) dont on n’a pas de représentant, et du genre Conoteuthis qui se montre pour la première fois, la faune entière de ces couches, tout en se distinguant spécifique- ment, conserve une composition zoologique peu différente; il est méme un caractère qui se généralise, et prouve l’analogie des faunes des couches inférieures et supérieures. C’est la présence, chez les Toxoceras et les Ancyloceras, des mêmes points d'arrêt qui ornent les Ammonites des terrains néocomiens. Tout ce qui précède,en démontrant la presque unité de composition de formes (4) Voyez Paléont. franc., p. 66, la forme aplatie des bélemnites. (a) Voyez Ann. Sc. nat. , août 1847, tome xvr, p. 164 , les points d'arrêt des ammonites. 16 244 a. D'ORB:GNY. — Sur Les Ceéphalopodes. zoologiques, me porte à rapprocher cet ensemble de celui des terrains néocomiens inférieurs, tout en la considérant comme devant continuer une époque bien tranchée. On pourrait peut- être séparer entièrement cette faune, et donner anx couches qui les renferment un nom spécial. Je proposerai celui d’Æptienne, les environs d’Apt en étant le principal siège. Dans tous les cas, elles sont si distinctes du gault, qu’on ne peut, en aucune ma- nière, les en rapprocher, comme on va le voir par la comparai- son de leur faune respective. Étage du gault. — En prenant l’ensemble des genres de cet étage , sans tenir compte des couches inférieures et supérieures, puisqu'elles sont peu séparées, j'aurai la liste suivante : Belemnites, 1 espèces Scaphites, à ‘espèces Nautilus. 2 Hamites. 11 La Ammonites, 44 Turrilites. 13 Crioceras, 2 Helicoceras. 2 Comparée zoologiquement, cette nouvelle faune, entièrement distincte de la faune des couches néocomiennes supérieures ou aptiennes, offre les plus grandes différences. Les genres Toxo- ceras, Ancyloceras et Ptychoceras, n’ont plus de représentans ét sont anéantis pour toujours, tandis qu'une forme zoologique tout-à-fait inconnue dans les formations précédentes, y vient offrir, pour la première fois, une coquille dont l’enroulement spiral est oblique.Les genres Zurrilites et Helicoceras, se mon- trent tout-à-coup avec leur maximun de développement numé- rique. Les Hamites aussi, peu communes, sont plus nombreuses qu’elles ne l'ont été jusqu'alors et qu’elles ne le seront plus tard. Il en résulterait qu'entre l’étage du gault et les couches néoco- miennes supérieures ou aptiennes la faune de Céphalopodes a éprouvé les plus grands changemens. En effet, lorsqu'on voit dans les terrains néocomiens les deux séries de couches con- server à-peu-près les mêmes proportions, et les mêmes formes zoo- logiques (genres Toxoceras, Ancyloceras et Ptychoceras), il est impossible de ne pas en distinguer tout-à-fait le gault, lorsqu'il montre tant de dissemblance. Les différences qui le caractérisent dans les genres se manifestent par la forme des espèces, puisque les Ammonites, comme je l'ai fait observer A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 245 ailleurs (r), au lieu d’avoir pour caractère général les points d'arrêt, sont ici plus particulièrement pourvues de saillies uniques sur les côtés du dos. En me résumant, il m'est impossible de ne pas conclure de ce qui précède, que l'étage du gault est aussi séparé zoologi- quement des couches de l’étage néocomien qu'il l’est zoologi- quement parlant. C’est une époque bien distincte dans la for- mation crétacée, époque dont la valeur zoologique ne peut être contestée. Étage de la craie. — Une première époque de la craie, la craie chloritée, m'a montré l'ensemble des genres qui suit: Nautilus. 1 a espèces Hamites, 3 espèces Ammonites. 27 Baculites. 3 Scaphites. 3 (2) Turrilites. 10 Seulement, de cette faune, comme je l'ai dit, cinq espèces appartiennent à la précédente, qu’elles y aient été remaniées ou non. Le reste forme un ensemble tout-à-fait différent comme es- pèce. On voit les Nautilus atteindre un nombre trois fois plus élevé que dans les étages inférieurs, tandis que les Ammonites ont di- minué sensiblement; il en est ainsi des Hamites, dont le chiffre est réduit presque au quart; d’un autre côté, les Turrilites res- tent toujours en grand nombre, et les Baculites, inconnues dans le gault, ont ici trois représentans, au lieu qu’il n’y a plus aucune trace des Bélemnites si répandues dans les couches inférieures. Les Ammonites ont aussi un facies différent. Elles n’ont plus de points d'arrêt, de tubercules uniques de chaque côté du dos. Ce sont, au contraire, ou un tubercule médian, ou deux rangés sur les côtés du dos (3). Je crois pouvoir conclure que la craie chlo- ritée inférieure, tout en montrant dans les formes des genres, moins de différence qu’on n’en remarque entre la faune des ter- rains néocomiens et le gault , n’en est pas moins zoologiquement distincte, comme elle l'est par la superposition de ses couches. Passant de la craie chloritée à la craie blanche, on voit pres- (x) Voyez Annales des Sciences naturelles, août 1841 , tome xvr, page 164. (2) Je ne fais pas figurer iei mon Tozoceras gracilis, parce qu'il est doutenx comme genre, (3) Voyez le numéro cité des Annales, page 165. 246 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. que tous les genres s'éteindre et diminuer; et dans a craie blanche on ne trouve plus que ceux qui suivent : Belemuitella, 2 espèces. Hamites, 1 espèce. Nautilus (indéterminée ) 1 Turrilites. L Ammonites ( indéterminée ) 1 seule, Il résulterait de la liste comparée à celle de la craie chloritée, que le genre WNautile n'aurait plus qu’une espèce, que les Am- monites n’y seraient qu’indiquées, que les Hamites n’offriraient qu'une espèce commune, que les Turrilites ne seraient plus repré- sentés que par une seule forme. D’un autre côté, le genre Belerm- nitella, inconnu jusqu'alors, et dernier reste de la famille des Bélemnitidées, apparaît et offre plusieurs espèces. Il faudrait en conclure que la craie blanche serait bien distincte de la craie chloritée et constituerait une série de couches spéciales, tout en appartenant peut-être au même étage. Résumé. — De l’ensemble des faits combinés, pour le nombre et les formes des Céphalopodes des terrains crétacés, il résulte: 1° Qu'il existe des limites tranchées entre les faunes propres à chaque formation ou terrain, puisqu'aucune des espèces de Céphalopodes ne passe jusqu’à présent des terrains jurassiques aux terrains crétacés. 2° Qu'il existe à chaque grande époque géologique, non-seu- lement des espèces dictinctes, mais des genres et des formes zoologiques spéciales. 3° Que ce changement de forme, dans la succession des êtres, est d'autant plus marqué, qu'il a lieu entre des époques plus importantes. Il y a plus de différences entre les formes propres aux terrains Jurassiques et crétacés, qu’il n’y en a, par exemple, entre les différens étages des terrains crétacés eux-mêmes. 4° Les affinités qu’on remarque entre les différens genres pro- pres aux étages des terrains crétacés, prouvent évidemment, non-seulement que ces étages appartiennent à l’une des grandes coupes géologiques, mais qu'ils se séparent nettement, sous ce rapport d’affinités, des étages des terrains jurassiques, qui ont aussi leurs caractères généraux spéciaux; ainsi, les /errains cré- tacés constituent bien une formation, un terrain distinct du ter- rain jurassique. A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 247 5° Les différens étages des terrains crétacés, tout en offrant des affinités et des passages dans quelques formes, ont pourtant leurs genres de Céphalopodes, ou des groupes d’espèces spé- ciaux. Par exemple, indépendamment des espèces distinctes on trouvera : Les couches néocomiennes inférieures caractérisées par leurs Bélemnites a sillon dorsal, qu'on ne rencontre pas ailleurs, tandis que l'étage entier se fera reconnaître par les Ammonites et autres genres pourvus de points d’arrêt, par ses genres To- xoceras , Ancyloceras, Ptychoceras, qui y naissent et y meurent; Le gault marqué par ses Ammonites à tubercules simples sur les côtés du dos, se distingue par l'apparition des Turrilites et des Helicoceras ; La craie distinguée par les Ammonites à tubercules médians ou par rangées sur les côtés du dos, par ses Scaphites, ses Ba- culites, etc., et surtout par ses Bélemnitelles des couches su- périeures. 6° Dans tous Les cas, les espèces de Céphalopodes sont dis- tinctes par terrain, et suivant les étages de ces terrains; et presque toutes peuvent servir à les faire reconnaître, sous quel- que forme minéralogique qu’elles se présentent. Ces résultats montrent, du reste, que l’ensemble des Cépha- lopodes n’a pas changé les conclusions auxquelles les Ammo- nites seules m'avaient amené (1). On verra par la suite si les autres séries zoologiques viennent les corroborer, ou les mo- difier. $ V. ConsIDÉRATIONS GÉOLOGICO - GÉOGR A PHIQUES. Passant aux faunes spéciales aux différens bassins géogra- phiques, je vais chercher si l’ensemble des Céphalopodes se comporte , comme les Ammonites, pour les résultats auxquels celles-ci m'ont conduit (2). Je vais, à cet effet, passer succes- sivement en revue les différens étages géologiques, et com- parer leurs faunes respectives, afin de m’assurer si elles ont (1) Voyez Ann, des Sc, nat,, août 1841, tome xv1, page 168. fa) Voyez Ann, des Sc. nal., page 169 et suivantes, 2.48 4. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. conservé des proportions relatives constantes, ou si celles-ci se sont modifiées. ÉTAGE NÉOCOMIEN. Couches inférieures. Bassin méditerranéen. (1) Bassin parisien. Total des especes. 87 (2) Total des espèces. 14 Espèces communes avec le bassin. Espèces communes. 9 Parisien. 9 Espèces spéciales. 5 Espèces spéciales au bassin, 78 La comparaison de ces chiffres pourrait prouver, sans avoir égard aux formes, soit un plus grand développement dans l’époque néocomienne du bassin méditerranéen , soit une faune distincte, indiquée par le grand nombre d’espèces. En effet, l’un et l’autre paraissent exister, puisque sur 87 espèces du bassin médi- terranéen , neuf seulement ou un neuvième environ se trouvent simultanément dans le bassin parisien et qu’il en reste 78 de spé- ciales. D'un autre côté, sur les 14 espèces du bassin parisien , 9 étant communes, il en reste 5 de spéciales. On devranaturellement en conclure que les bassins parisien et méditerranéen, tout en ayantassez d’espècescommunes pour démontrer l’identité de leurs époques, avaient, chacun en particulier , un trop grand nombre d'espèces spéciales pour ne pas faire croire que chacun d’eux n’eût été fort circonscrit. Un fait que j'ai déjà signalé (3) et que toutes mes recherches sont jusqu'à présent venues confirmer, est qu’à l’époque où les mers néocomiennes étaient si développées dans le bassin médi- terranéen et parisien, il ne paraît pas avoir existé de bassin aqueux dans l’ouest et le sud-ouest de la France , puisque dans le bassin pyrénéen et dans le golfe de la Loire on ne rencontre aucune trace du dépôt de cette époque. Les seuls points où je trouve (x) J'ai dit auxAmmonites (août, p. 16ÿ et suiv.) ce que j'entends par bassin , je ne le répé- lerai pas, je dirai seulement que les couches de Neuchâtel et de cette partie du Jura, m'ont paru appartenir zoologiquement au bassin parisien, tandis que les couches de la perte du Rhône, de la Saône et de l'Isère, sont des dépendances du bassin méditerranéen. (2) Ayant donné au genre ammonites la liste des espèces, je crois inutile de les reproduire ici, je me bornerai donc aux nombres respectifs. (3) Voyez Ann, des Sc. nat.; août 1841 ,; tome àvI, page 171. a. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 249 ce terrain sont dans les Pyrénées orientales, mais ils appar- tiennent évidemment encore au bassin méditerranéen; il parai- trait ainsi, au moins d'après nos connaissances actuelles, que l’ouest et le sud-ouest de la France n’ont en rien participé du dépôt néocomien inférieur. Couches supérieures ou aptiennes. Bassin méditerranéen. Bassin parisien. Total des espèces. 30 Total des espèces. 14 Espèces communes. 5 Espèces communes, Espèces spéciales. 25 Fspèces spéciales. x LE] Comparés à ce que j'ai dit pour les couches néocomiennes inférieures, les chiffres que j'obtiens sont parfaitement en rap- port avec l’état des deux mers, à l'instant où se déposaient les couches inférieures; de même, un bien plus grand nombre d’es- pèces dans le bassin méditerranéen que dans le bassin parisien ; de même, quelques espèces identiques prouvant la contempora- néité d'époque, et de même encore, un nombre d'espèces spé- ciales s’élevant aux cinq sixièmes de l’ensemble pour le bassin méditerranéen; dès-lors on pourrait croire que l’état des deux mers, leur circonscription, et la composition de leurs faunes res- pectives n’a pas notablement changé durant cette dernière pé- riode. Ainsi les choses se sont conservées dans des proportions identiques aux couches inférieures et aux couches supérieures des terrains néocomiens. On ne trouve pas non plus de traces de cette dernière époque dans l’ouest et le sud-ouest de la France. ÉTAGE DU GAULT. Bassin méditerranéen. Bassin parisien. Total des espèces. 52 Total des espèces. 52 Espèces communes. 27 Espèces communes, 27 Espèces spéciales. 25 Espèces spéciales. 27 Les nombres proportionnels des Céphalopodes ont tout-à- fait changé. Le bassin méditerranéen, loin d’être le mieux favo- risé, ne peut plus rivaliser de nombre avec le bassin parisien. Le nombre d'espèces communes, au lieu de rester dans les propor- 290 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. tions d'un reusième ou d’un cinquième, est au contraire égal ou supérieur à la moitié de l’ensemble dans les deux bassins; par la même raison, les espèces spéciales, au lieu de former la plus grande partie de la faune respective de chaque bassin, sont au contraire inférieures à la moitié du chiffre total. En résumé, les proportions numériques et comparatives des faunes de Céphalopodes de l’étage du gault, sans avoir égard à leurs formes, viendraient prouver un grand changement, non- seulement dans le nombre respectif des espèces de chaque mer, comparé à ce qui existait à l’époque néocomienne, mais encore beaucoup plus d'espèces communes aux deux bassins. Si je scrute les couches, je trouverai qu'à l’époque où le gault formait ses premiers dépôts dans le nord, du bassin parisien à Wissant, et dans les départemens des Ardennes et de la Meuse, ce bassin était au moins aussi distinct du bassin méditerranéen qu'aux étages néocomiens. Les deux mers avaient peu de communica- tion, ce qui est indiqué par le grand nombre d’espèces dis- tinctes ; mais il paraîtrait que les dislocations sans nombre qui ont amené les dénudations successives, si remarquables de cette époque, indiquées parles espèces charriées (1), pourraient prouver qu'il s’est fait alors quelques grandes ruptures entre les bassins et qu'il s’est établi des communications plus nom- breuses, Néanmoins le golfe crétacé de la Loire, pas plus que le bassin pyrénéen, n’a montré jusqu'ici de gault caractérisé, du moins n'y ai-je encore vu aucune espèce de cet étage. Ces com- munications établies entre les mers méditerranéenne et pari- sienne sont évidemment marquées par le grand nombre d’es- pèces qui leur sont communes à l’époque du gault supérieur, nombre bien différent du nombre obtenu jusqu’alors dans les époques antérieures, et prouvant une différence très notable dans la composition des faunes , qui cependant conservent en- core , par bassin, des espèces distinctes. (1) Voyez Ann, Se. nat., août 1841,1. xv1,p. 178, ce que j'ai dit à cet égard, les nom— breuses preuves des espèces remaniées dans l'étage du gault , et l'explication des petits lam- beaux toujours disséminés de cet étage. A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 201 ÉTAGE DE LA CRAUE. Couches inférieures ou Craies chloritées. Bassin méditerranéen. Bassin parisien. Total des espèces. 36 Total des espèces. 29 Espèces communes avec le bassin pa- Espèces communes avec le bassin mé- risien. E 11 diterranéen. 11 Espèces communes avec le bassin py- Espèces communes avec le bassin py- rénéen. 6 rénéen, 6 Espèces communes avec le golfe de la Espèces communes avee le golfe de la Loire, 11 Loire. 8 Espèces spéciales. 8 Espèces spéciales. 4 Bassin pyrénéen. Golfe de la Loire. Total des espèces. 21 Total des espèces. 28 Espèces communes avec le bassin mé- Espèces communes avec le bassin mé- diterranéeu. 6 diterranéen. 11 Espèces commuues avec le bassin pa- Espèces communes avec le bassin pa- risien. 6 risien. 8 Espèces communes avec le golfe de la Espèces communes avec le bassin py— Loire. 6 rénéen. Espèces spéciales. 4 Espèces spéciales. 3 Par la comparaison des chiffres, on peut voir que les mers mé- diterranéenne et parisienne ont conservé à peu de choses près les mêmes proportions que pour l'étage du gault; mais il est évident que, vers la fin de la période du gault, il s’est opéré un grand changement à la surface du sol de la France, puisque le bassin parisien s'étend alors jusqu’au Cotentin, et que, d’un autre côté le golfe de la Loire, jusqu’à ce moment étranger au terrain crétacé, en est immédiatement rempli, tandis que le bassin pyrénéen, l’un des plus vastes de cette formation , vient aussi se dessiner et recevoir dans toutes ses parties, pour la pre- mière fois peut-être, les mers de la craie chloritée; aussi, lors du troisième étage du terrain crétacé, existe-t-il trois bassins distincts, et le golfe de la Loire contenant des espèces diffé- rentes ; mais ces bassins ayantsans doute entre eux plus de com- munications qu'aux époques antérieures, ont un bien plus grand nombre d'espèces communes mélangées à leurs espèces spé- ciales et témoignant de leur circonscription respective. C’est probablement à ces remaniemens qui ont eu lieu à la der- nière époque du gault que sont dues ces cinq espèces de craies 252 A. DORBIGNY. — Sur {es Céphalopodes. chloritées inférieures, qui existaient simultanément dans le gault supérieur. (1) Couches supérieures ou craie blanche. Bassin parisien, Bassin pyrénéen. Espèces spéciales. 3 Espèce spéciale. 1 Les Céphalopodes me donnent peu de renseignemens sur la comparaison avec la craie blanche, ou ces comparaisons sont toutes négatives. Il en résulterait donc que la craie blanche est inconnue jusqu'à présent au bassin méditerranéen ; qu’elle est peu marquée dass le bassin pyrénéen, tandis qu’elle couvre une surface immense du bassin parisien et du golfe de la Loire; mais ces surfaces, sans doute, par suite d’une grande commotion géologique, ne contiennent plus qu’une espèce des faunes précé- dentes, tandis qu’elle en renferme quelques-unes nouvelles, Il faudrait croire qu'entre la craie chloritée et la craie blanche il y aurait eu certainement quelques dislocations lointaines, qui, tout en dérangeant peu les couches des bassins, auraient amené un grand changement dans le nombre des espèces par faunes. RÉSUMÉ GÉOLOGICO-GÉOGRAPHIQUE. De la répartition des Céphalopodespar bassin, au sein des an- ciennes mers crétacées , on pourrait déduire les faits suivans : 1° A l'époque inférieure des terrains néocomiens, il existait en France deux grands bassins distincts : le bassin méditerranéen et le bassin parisien, chacun ayant leur faune particulière bien tranchée, tout en possédant assez d'espèces communes pour qu’on ne puisse douter de leur contemporanéité. On pourrait dire aussi que, durant cette première période, les couches se sont déposées tranquillement et sans remaniement. 2° Lors du dépôt des couches aptiennes, ou néocomien supé- rieur, les conditions respectives des deux mers et de leurs faunes sont restées les mêmes. 3" À l’époque du gault inférieur , ces deux mers ont encore des circonscriptions identiques ; mais, pendant cette premiere (x) Voyez à cet égard ce que j'ai dit, Ann, des Sc. nat, , août r841, tome xvs, page 160. A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 253 période, les grands effets des courans, marqués par le transport des espèces, et provenus sans doute de dislocations partielles, ont vraisemblablement ouvert de larges communications entre les deux mers, puisqu'aux couches supérieures du gault on trouve un bien plus grand nombre d'espèces communes entre les bassins qu'il n’en existait aux époques néocomiennes. 4° A l’étage de la craie, on voit, dès les couches de craie chlo- ritée, tout changer d’aspect dans les mers crétacées. Les deux premiers bassins sont demeurés, relativement à la distribution des espèces de Céphalopodes et à leurs proportions, ce qu’ils étaient à l'époque du gault supérieur ; mais au bassin parisien s’est joint le golfe du Cotentin et peut-être le golfe de la Loire, jus- qu’alors étrangers aux terrains crétacés ; et l'étage de la craie envahit en même temps l’immense bassin pyrénéen ; ainsi, vers cette époque, ces mers avaient pris en France et dans toute l'Europe, une extension du double au moins de celles qu’elles avaient à l'instant où elles se sont montrées, pour ia première fois, avec les terrains néocomiens. (1) 5° A la fin de la période de la craie chloritée , les mers se mo- difient de nouveau, à l'instant où presque tous les Céphalopodes cessent d'exister. La craie blanche la recouvre et forme une épo- que nouvelle à laquelle, au moins jusqu’à présent, le bassin mé- diterranéen ne paraît pas avoir participé. Le bassin parisien tout entier, le golfe de la Loire et du Cotentin, une partie de la Bel - gique et une petite surface du bassin pyrénéen, se couvrent à- la-fois de la faune de la craie blanche, où les Céphalopodes sont réduits à un très petit nombre d'espèces. 6° Enfin il résulterait, de tous ces faits, que cinq fois, pen- dant la période des terrains crétacés, il y aurait eu extinction et renouvellement presque complet des faunes de Céphalopodes, et que trois fois la circonscription des mers crétacées se serait notablement modifiée, ou aurait complètement changé sur le sol de la France. (1) Comme je m'y attendais , les conclusions générales auxquelles m’amène l’ensemble des Céphalopodes des terrains crétacés, sont presque identiques à celles qu'ont offertes les :m- monites seulement ( Voyez Aun. des Sc, nat., août 1841, page 184 ): il y aurait alors entière ronfrmation des résultats, te OO 254 PETERS. — Sur le Lampyris italiva. 3 . , M . “ 0 OnservaTIONS sur la lümiére que répand le Lampyris italica , Par M. W. Peters. Les Lampyres ont été l'objet d’un grand nombre de recherches sous le rapport de l'organe lumineux qu’ils possèdent ; mais, quant au Lampyris italica, nous ne possédons guère que les observations de Carrara, d’après lesquelles cette espèce serait pourvue d’un sac aérien particulier, qui, partant de la bouche, conduirait l'air à l'organe lumineux. Cet appareil particulier doit être celui qui apporte des différences dans l'état lumineux , puisque les espèces du nord de l'Europe répandent une lumière continue, égale et tranquille, tandis que l'espèce italienne répand une lumière qui jaillit par étincelles. « C'est à cause de cette différence que je désirais vivement , dit M. Peters, une occasion d’examiner ce dernier animal. Elle s’est enfin offerte à moi dans l'eté dernier, pendant un long séjour à Nice, et je ne l'ai pas laissé échapper dans l'espoir qu'avec un bon microscope je parviendrais à découvrir quelque chose de positif, tant sur Ja structure de la partie phosphorescente elle-même que sur ses rapports avec d’autres organes. « Vers le milieu de mai jusqu’à la moitié du mois de juillet, lorsqu’au coucher du soleil, on fait des promenades dans les environs de Nice , on est surpris du spectacle curieux que présentent alors des milliers de petites lumières etince- lantes , qui rampent çà et là, tantôt illuminant la pointe d’une roche et tantôt servant à éclairer une cavité profonde , tantôt faisant tout-à-coup apparaître, comme avec la baguette d’un magicien et sur les troncs noirs des oliviers, une brillante illumination, dont la scène mobile et changeante présente le plus grand intérêt. Ce phénomène se renouvelle tous les soirs; mais il m'a paru être d'autant plus brillant que l'air est plus chargé d’humidité. L’intervalle auquel se succèdent les étincelles est variable, tantôt plus long et tantôt plus court; et si l’on observe un de ces animaux pendant qu'il est ainsi phosphorescent , on voit bientôt que la scintillation est intermittente, et qu’elle n'apparaît qu'une fois pendant que l'animal parcourt un à deux pieds, mais aussi que parfoisil parcourt cet espace, en jetant un éclair permanent qui produit une bande de feu très bril- lante. Lorsque l’animal est en repos, j'ai compte souvent en une minute quatre- vingts à cent décharges lumineuses; puis il reste ensuite un temps assez long sans phosphorescence. Toutefois, dans le point du corps d’où la décharge lumineuse a Jui, il reste toujours une légère lueur phosphorescente, qui ne s'éteint pas. Cette place lumineuse s'étend, chez le mâle, sur toute la partie de l'abdomen comprise entre l’antépénultième et le pénultième anneau, avec une égale intensité à-peu-près ; mais, dans la femelle, elle n’occupe guère que l’antépénultième anneau, et est même concentre sur les deux parties latérales. Si on observe cet organe phosphorescent à la loupe pendant qw'il en jaillit des étincelles, on y aperçoit un mouvement de trépidation ou d’on- dulation comme quand des molecules entrent en mouvement. Si on enlève les organes lumineux pour les exposer à l'air libre, ils brillet avec la méme intensité que sur lanimal vivant, jusqu'à ce que leur éclat s’éteigne peu-à- peu. Si on les frotte contre quelque corps , la trace brille pendant un instant d’une lumière verdâtre, qu'on pent faire reparaître après qu’elle s’est cteinte en PETERS. — Our le Lampyris italica. 255 y versant un peu d’eau. Quand on ouvre l’abdomen de l’insecte, qu’on enleve les portions adjacentes des intestins sans attaquer ou comprimer les organes phos- phoriques, ceux-ci continuent à briller comme auparavant; mais cet éclat cesse du moment qu’on sépare la tête du tronc. « D'après ces observations, n'est-il pas permis de conclure: 1° qu'il n’est pas nécessaire qu’une bulle d’air parte de la tête pour produire des étincelles , puisque l'ablation des parties antérieures et les plus essentielles de tronc n’exerce aucune influence sur la phosphorescence; 2° puisque l’ablation de Ja tête fait cesser aussitôt la phosphorescence, n’est-ce pas une preuve que le phénomène dépend de la volonté de l’animal? « Il est, je crois, inutile, continue M. Peters, de réfuter ici l’opinion de quelques auteurs qui ont assuré que beaucoup de Coléoptères jouissaient de la faculté d’absorber la lumière solaire et de la restituer à volonté, puisque, comme Todd et Murray l'ont déjà observe, le Lampyre brille encore la nuit, après qu’on l’a soustrait pendant toute la journée à la lumière solaire; bien plus, j'ai tenu des individus pendant plus de huit jours dans les ténèbres, et ils ont brillé avec autant d'intensité et d'éclat qu'auparavant. « Afin d'étudier plus à Y'aise les organes lumineux, j'ai enlevé avec soin toute la partie dorsale du squelette, et j'ai mis à nu les intestins, qui étaient remplis d’air. Chez les femelles, on observe aussitôt les ovaires, qui rem- plissent en grande partie l'intérieur du corps, tandis que, chez les mâles, sous les anueaux postérieurs, on aperçoit les canaux déférens et séminifères, roulés sur eux-mêmes, Ni les œufs, ni les fluides contenus dans ces canaux ne possèdent de propricte lumineuse , et les deux appareils sexuels, bien distincts de ceux de la phosphorescence dans toute leur étendue , débouchent l’un et l’autre dans un rectum d’une structure très délicate. Probablement c’est cette délica- tesse de l'extrémité du canal intestinal qui aura fait penser à Carrara qu’il com- muniquait avec l'appareil lumineux, car, à l'exception de l’intestin qui est renflé comme une vessie, On ne trouve aucune poche contenant de Pair. L’organe phosphorescent est même séparé des intestins par une pelote de graisse blanche, qu’on enlève aisément et qui laisse voir alors cet organe dont la couleur est jaune soufre. On aperçoit sur les deux pénultièmes anneaux, et même en partie sur celui qui les précède , une foule de ramifications de trachées qni s’y rendent, et ces organes, quand on les observe à la loupe, paraissent consister en des corpuscules ronds tres serrés les uns contre les autres, de façon que le tout offre quelque ressemblance avec l'organe électrique de la Torpille, sans que j'aie su toutefois établir le degré de ressemblance qui peut exister entre l’un et l'autre organe. Si on fait usage d'un grossissement plus fort, on aperçoit dans la partie lumineuse des séries régulières de corpuscules brunâtres, qui ont au milieu un point blanc d'argent, lequel, avec un grossissement plus puissant eucore , se présente sous l’aspect de petites ramifications. Lorsqu'on fait usage du microscope composé, on voit alors distinctement que tout l'organe consiste en une couche réguliere de petites globules , dans lesquelles pénètrent les rami- fications trachcennes qui s’y étalent de la manière la plus élégante et en forment, pour ainsi dire, l’échafaudage. Indépendamment de cela , on voit se développer dans la membrane délicate des petites globules une quantité de molécules aux- quelles est attaché le poiut lumineux qui, par le moyen de ce lacis considérable e vaisseaux aériens, peut recevoir à-la-fois une énorme quantité d’air. « La substance lumineuse elle-même est de couleur jaune : l'intensité de Ja lumière est en raison directe du changement de la couleur jaune de l'organe, ce qu'il est facile de démontrer, lorsqu'on met ce dernier en contact avec de Peavw. 256 PETERS. — Sur le Lampyris ilalica. Je n’y ai pu suivre la marche du système nerveux, attendu que le rameau principal n’est dejà qu’un filet excessivement tenu. a Il ne faut pas songer ici à l'idée de voir, dans çes sphères produisaut la phos- phoreseence nue transformation des corpuscules ordinaires de la matière grasse ; car les premières sont completement différentes de celles-ci, tant sous le rapport de la forme que sous celui de la couleur, de même que dans tous leurs contours, tels qu’on les observe au microscope; mais il me paraît vraisemblable que la matière principale qui entre dans leur structure , indépendamment des ramif- cations des trachées, est bien certainement une matière grasse, et que c’est à cette dernière qu’est attachée la matière lumineuse et phosphorescente. « Il me paraît donc démontré, dit M. Peters en terminant, que l’organe lumineux, chez le Lampyris italica , est dans un rapport des plus intimes avec les organes de la respiration ; mais je n’ai pu déterminer s'il est également en rapport avec les organes sexuels. Peut-être que les différences dépendantes du sexe pourront nous éclairer sur ce point. Du reste, il est à noter que l’or- gane lumineux existe déj\ chez les larves(r). (4rch. für Anut. von Muller, 1841, p. 229). PUBLICATIONS NOUVELLES. ARCANA ENTOMOLOGICA, Où Description d'insectes exoliques , fiouveaux , rares et intéressans , par M. Wesrwoop. In-8°. Londres, 1841-1849. Le savant secrétaire de la Société Entomologique de Londres publie sous ce tütre une série d'articles sur des points nouveaux où mal connus de l’histoire des insectes exotiques, et donne , à la suite de ses descriptions, des figures peintes avec le talent qu’on lui connaît depuis long-temps. Ce recueil ne pourra man- quer d’intéresser vivement les entomologistes, et, pour en convaincre nos lec- teurs, il nous suffira d'énumérer les notices principales contenues dans les six cahiers qui ont déjà paru. Le premier fascicule renferme un mémoire sur les Cétoniens cornigères, la description de plusieurs espèces du genre Phyllomorpba, une note sur les métamorphoses du Papilio hector , et la description d'un nou- vean genre de la famille des Locustaires. Dans le deuxième cahier, on remarque Ja description de deux Lepidoptères d’Assam qui ont l'aspect de Papillomiens, mais qui paraissent cependant devoir prendre place parmi les Nocturnes. Au nombre des notices contenues dans le troisième cahier, nous citerons la descrip- tion d’un nouveau genre de la famille des Mantes; des détails nouveaux sur P'Hypocephalus , et la description de plusieurs Coléoptères hétéromères prove- nant de l'Australie. Le quatrième numéro renferme un synopsis des Diptères de la famille des Midasidæ ; la description de divers Coléoptères longicornes re- cueillis dans l’Archipel Tudien par M. Cuming, etc. Dans le cinquième cahier, on trouve la description de divers Cétoniens de l'Afrique tropicale, une mono- graphie des Dorylides , etc. Enfin, le sixième cahier (publié le 1° mars 1842) contient un mémoire sur les Scarites de la Nouvelle-Hollande, etc. (x) Je me bornerai à mentionner ici que j'ai observé un mouvement ciliaire dans l'inte- rieur des trachées, non-seulement chez les Lampyres, mais aussi chez la Coccinelle et la Mouche domestique ; pour l'apercevoir , il faut rompre ou couper une trachée de manière à dénuder le bord de la membrane interne, et le placer ensuite dans de l'eau. 8 —— — BRULLÉ. — Sur la classification des animaux. 257 ConsiDÉRATIONS sur la classification des animaux en séries parallèles, Par M. BRULLÉ, Professeur de zoologie à la Faculté des Sciences de Dijon. { Présentées à l'Académie des Sciences , le 6 décembre 1841.) PREMIÈRE PARTIE. Depuis long-temps les zoologistes ont reconnu que la clas- sification des animaux en une série unique laissait beaucoup à désirer, et que cette désignation célèbre, connue sous le nom d'échelle animale, exprimait tantôt plus, tantôt moins que la nature elle-même.On commence à ne plus compter sur les pré- tendus êtres à découvrir, et qui viendraient combler les la- cunes par lesquelles cette série se trouve souvent interrompue. C'est pourquoi, de différens côtés, les efforts des naturalistes récens se sont-ils dirigés vers d’autres moyens de classification. Les uns cherchaient la solution de la question dans une série multiple, dont les termes divergeaient irrégulièrement; tandis que d’autres adoptèrent l’idée des classifications circulaires, dans lesquelles l'isolement de certains groupes ne se remarquait plus autant. Faut-il dire que les uns et les autres ont échoué dans leurs tentatives? Un des inconvéniens les plus graves de la série multiple était de rejeter en dehors certains types d’or- ganisation qui ne se rattachaient que par un seul côté à l’en- semble de la série ; tandis que la disposition circulaire repro- duisait tout ce qu'il y a d’inexact dans la classification en série unique , puisque les différens termes s’y trouvent toujours pla- cés les uns à la suite des autres. Il n'y avait souvent de changé, dans ce dernier système, que la disposition graphique des termes. Cependant il est vrai de dire que, dans le mode de con- vergence qui en était le résultat, les deux termes extrêmes de XVII. Zooc. — Mai, 17 258 DRULLÉ. — Sur la classification des animaux. la série pouvaient ne pas venir à la rencontre l’un de l’autre, ce qui eüt établi un contraste choquant. On les disposait alors de maniere à ce que les deux premiers termes fussent placés l'an à côté de l’autre ; puis le troisième à gauche du premier, par exemple ; le quatrième à la droite du second, et ainsi de suite. Dans ce cas, la portion inférieure de la circonférence , tracée par tous les termes, se composait de la même manière que la portion supérieure. Cette sorte de disposition circulaire était déjà un progrès remarquable, parce qu'elle reproduit jusqu’à un certain point la disposition que je propose aujourd’hui pour les insectes, et qui consiste à distribuer les principaux groupes du règne animal en deux séries parallèles. Mais il y a cette dif- férence que, dans la disposition circulaire, les termes doivent se correspondre deux à deux, sauf les termes extrêmes, qui peuvent étre de rang impair, tandis que dans les deux séries parallèles , le nombre des termes peut être différent : c'est qu’en effet, le butessentiel est de mettre sous les yeux du lecteur les affinités des êtres entre eux, bien plus que de soumettre ceux-ci à une disposition régulière et systématique par laquelle on force toujours plus ou moins la marche de la nature. Je ne m'arrèterai pas sur cette idée par trop hypothétique, qui fit désigner à priori le nombre des groupes primordiaux, sans que ce nombre püût varier suivant l’état même de la science. Ces groupes seraient, suivant les uns, au nombre de sept; suivant d’autres, au nombre de trois ; et l’idée synthétique qui a présidé au choix de ces nombres est née d’une conception un peu trop mystique pour être adoptée dans la science. On peut, du reste, en voir l’application dans les ouvrages de quelques zoologistes anglais , et je dois dire que cette idée a rencontré jusqu'à ce jour assez peu de faveur chez les naturalistes du continent. IL n’est pas nécessaire d'être très versé dans l'étude des ani- maux pour reconnaître que certains groupes, et je parle seule- ment des plus élevés, de ceux qu’on désigne sous le nom de classes, offrent , dans la disposition en série unique, de grandes inexactitudes. On sait que, dans la classe des Mammifères par exemple, il n’est guère possible de disposer les espèces ou les BRULLÉ. — Sur la classification des animaux. 259 genres en une série unique sans rompre les rapports naturels. Ainsi les animaux à bourse, ou Marsupiaux, ne peuvent, quelle que soit la manière dont on dispose les ordres dans la classe des Mammiferes , entrer dans la série unique primitivement adoptée avant qu'on ne connüt ces animaux. Les place-t-on comme une division distincte à la suite des autres, ils se lient mal au groupe des Cétacés, ces animaux à forme de poissons, ayant subi dans quelques-uns de leurs organes un arrêt de dé- veloppement que l’on ne trouve pas dans les Marsupiaux. Donc, ces derniers leur sout supérieurs. Au contraire, et à cause de leur développement plus cemplet, place-t-on les Marsupiaux avant les Cétacés, on rompt visiblement les rapports naturels en séparant les Mammifères Monodelphes en deux portions, par l'intercalation des Mammifères Didelphes. En outre, ceux-ci re- produisent, comme on le sait, dans leurs diverses espèces, les ca- ractères de plusieurs des groupes de Mammifères Monodelphes. On se trouve donc à la fois en présence de deux inconvéniens graves : 1° celui de rompre les rapports naturels; 2° celui de re- produire ainsi dans la même série plusieurs termes qui se cor- respondent. Cette idée qui n’est pas nouvelle, mais que j'avais besoin de rappeler, me parait adoptée définitivement, depuis les travaux de MM. de Blainville et Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire. Les Mammiferes doivent se disposer en deux séries latérales et correspondantes, l’une pour les Mammifères Monodelphes et for- mée d’un plus grand nombre de termes, l’autre pour les Mam- mifères Didelphes. Déja même M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, dans son remarquable article Zoologie de l'Encyclopédie du dix- neuvième siècle, a émis cette idée fort juste que les principaux groupes du règne animal paraissaient susceptibles de se partager en deux séries latérales, et le présent travail aussi, qui n’est qu’une premiére partie de celui que je prépare en ce moment, a pour but d'en faire l'application immédiate aux différentes classes d'animaux. Je puis dire que j'ai obtenu, en méditant atten- tivement ce sujet, des résultats dont je fus le premier surpris. Ces résultats ne se sont pas bornés à introduire dans chacune des classes du règne animal la division en deux séries parallèles. Je me suis demandé de plus si les groupes que nous appelons 1" 260 BRULLÉ, — Sur la classification des animaux. classes étaient seuls susceptibles d'offrir ce mode de division, et si l'on ne pourrait pas, avec les mêmes chances de succès, l'appliquer à la disposition relative des diverses classes entre elles. Partant de cette idée, qui se présentait comme d'elle-même, j'en ai fait l'essai sur la totalité du règne animal, et je suis par- venu de la sorte à un ensemble de classification que je me pro- pose de faire connaître prochainement. Je me contenterai pour le moment de faire remarquer que ce mode de division en deux séries s'applique également bien à des groupes d'importance diverse tels que ceux appelés ordres par les naturalistes. Il me sera facile d’en citer plus tard des exemples. On trouve un avantage marqué à disposer ainsi les divisions supérieures en deux séries latérales, dans l'une desquelles les termes ou quelques-uns des termes correspondent à certains termes de l’autre. 11 me semble des à présent qu’il en résultera parfois une appréciation plus exacte de l'importance de certains groupes en particulier: c'est que l’on pourra remarquer dès au- jourd’hui dans le Mémoire que je présente; mais cela deviendra plus manifeste encore dans la suite de mes communications à ce sujet. Je crois devoir insister spécialement sur l'un des avantages que présente la disposition en deux séries, à laquelle je me suis arrêté. Cet avantage consiste surtout à faire disparaitre ces solutions de continuité que présente à chaque pas la série ani- male unique admise jusqu’à ce jour, et à lier beaucoup mieux entre eux divers termes de cette série. C’est, du reste, un des résultats les plus évidens de toute disposition en séries; maïs il me semble plus important dans la série à double terme que dans toute série à termes multiples. L’exemple déjà cité de la classe des Mammiferes en est une première preuve, mais nous en trouverons une plus frappante encore dans la classe des In- sectes, et Le présent Mémoire n’en sera que le développement. On sait que les Insectes, considérés à un certain point de vue, se présentent sous deux aspects différens; je veux dire sous le rapport des organes de préhension des alimens. Quelques-uns de ces animaux sont en effet pourvus de mächoires pour diviser leur proie; d'autres n’ont au contraire que des organes de suc- BRULLÉ. — Sur la classification des animaux. 261 cion. Cette considération donne lieu à les partager d’une ma- niere fort naturelle en Insectes broyeurs ou masticateurs, et en Insectes suceurs. Ils formeront ainsi deux groupes en séries paral- lèles dans lesquelles les termes pourront se correspondre d’une mauière remarquable. Au contraire, dans les méthodes généra- lement employées aujourd'hui, ces divers termes sont entremé- lés, de sorte qu’entre chacun d’eux, pour ainsi dire, il y aivéri- tablement solution de continuité. En généralisant davantage, pour considérer de plus haut les rapports mêmes des classes entre elles, on trouve que l’emploi de la division en deux séries permet de mieux apprécier les rapports qui lient entre elles des classes jusqu’à présent éloignées. Ces classes alors se rapprochent fort naturellement. Cette proposition ne sera démontrée que dans la partie de mon travail où j'envisage les rapports des classes. Dans celle-ci, je n'examinerai que les rapports des or- dres de la classe des Insectes et de la classe des Arachnides. Un mot encore sur la double série. Il faut nécessairement deux conditions pour l’établir : 1° l'existence dans un même groupe de deux divisions bien distinctes, portant sur des caractères évi- dens et incontestables; 2° la correspondance de certains termes au moins de chaque division, ce qui empêche alors de subor- donner l’une à l’autre chacune de ces divisions, puisqu'elles ren- ferment toutes deux des caractères de valeur égale. Or, il est extrémement remarquable que ces conditions se présentent à coup sûr dans tous les groupes vraiment naturels, et qu’elles semblent alors l'expression la plus exacte des rapports des êtres entre eux. J'ai cité comme preuves de cette déduction la structure ou l'organisation binaire des Mammifères et des Insectes; nous en retrouverons une nouvelle parmi les Arachnides, et ce qu’il ya de plus remarquable, elle s’y présentera sous deux points de vue différens. Je reviens à la classe des Insectes. La classification de ces animaux retire surtout de grands avan- tages de la disposition en double série. Depuis les travaux de Linné, les différens ordres d’Insectes sont rapprochés d’après la considération d'une partie de leurs organes locomoteurs ou des ailes. Il en résulte un fait digne d'attention, c'est que ce mode 262 BRULLÉ. — Sur la classification des animaux. de groupement réunit à-peu-près deux à deux les ordres qui, dans une double série, doivent se trouver sur la même ligne. N'est-ce pas une indication suffisante de la nécessité d’un dé- doublement, si je puis m’exprimer ainsi. La disposition actuelle des différens ordres d’Insectes, qui est encore celle de Linné, est certainement fort belle en ce qui concerne les organes du vol, parce qu’elle groupe ces différens ordres d’après la con- sistance et le nombre de ces organes. Mais cette base de classi- fication , bien qu'empruntée à des organes importans, puisqu'ils appartiennent à la vie animale, rompt les affinités les plus évi- dentes, tandis qu'une double série tient compte de ces affinités, sans faire perdre la prééminence aux organes locomoteurs eux- mêmes. Cette division en deux séries distinctes est même ici tel- lement marquée que déjà certains auteurs l’avaient aperçue, sans qu’ils eussent soupçonné le parti que l’on pouvait en tirer. Ainsi les deux premiers ordres de la classe, les Coléoptères et les Orthoptères, sont des insectes pourvus de mâchoires, mais qui diffèrent essentiellement entre eux par la considération des or- ganes du vol. Mais si l’on met à leur suite l’ordre des Hémiptères, qui reproduit à lui seul les conditions des deux autres ordres, on rompt tout-à-coup les rapports naturels, puisqu'ils sont des Insectes suceurs. Puis, dans le mode de classement d’aujourd’hui, vient un autre ordre d’Insectes, celui des Névroptères, caracté- risé par ses ailes membraneuses ,mais qui appartient aux Insectes broyeurs et se trouve suivi des Hyménoptères à ailes membra- neuses aussi, et dont la bouche est en partie formée d'organes de mastication et en partie d'organes de succion. Il est vrai que cette disposition présente l’avantagede lier en quelque sorte les Insectes broyeurs aux Insectes suceurs; mais cet avantage disparaît bien- tôt si l’on considère que nous avons déjà vu des Insectes à bec dans la série de ceux à mâchoires. Après cet ordre des Hymé- noptéres, nous ne trouvons plus que des Insectes suceurs, sa- voir, les Lépidoptères et Diptères; mais il est bon de remarquer comment la consistance, ou mieux le revêtement des ailes, éta- blit un disparate choquant par la position assignée aux Lépi- doptères entre deux ordres à ailes nues. Dans la disposition en deux séries, au contraire, les Lépidoptéres font suite à un ordre | | BRULLÉ. — Sur la classification des animaux. 263 d'insectes, celui des Homoptères, dont les ailes (1), dans un assez grand nombre, sont plus ou moins revêtues de poils ou d’une sécrétion d'apparence farineuse, sorte de transition aux écailles des Lépidoptères. La classe des Insectes se termine, dans les deux méthodes, par un ordre à ailes nues, celui des Diptères, dont les deux dernières ailes sont rudimentaires, et dont la bouche est organisée pour sucer. Dans la méthode à double série, l’ordre en question offre ceci de remarquable, que sa bouche est déjà modifiée dans ses diverses parties, ce que nous ont aussi pré- senté les Hyménoptères, qui leur correspondent dans lPautre série. La conclusion à tirer des détails qui précèdent, est que le principe de la division en deux séries doit reposer, pour ce qui concerne la classe des insectes, sur la considération des organes de la bouche, de préférence aux organes du vol. En consé- quence, je placerai d’un côté, ainsi qu’on l’a déjà fait à diffé- rentes époques, les insectes à mâchoire, et de l’autre les in- sectes à trompe ou à bec. Je commencerai, comme cela a eu lieu jusqu’à présent dans la plupart des méthodes, par les Co- léoptères, ou ceux dont les deux premières ailes ont le plus de consistance pour la série des insectes broyeurs. Je les ferai suivre des Orthoptères, à ailes antérieures encore assez consis- tantes ; puis des Névroptères, sorte de chaînon qui conduit à l’ordre suivant , les Hyménopteres , par lesquels se termine cette première série d'insectes ailés. Passant ensuite à l’autre série, je trouve en premier lieu l’ordre des Hémiptères, réduit aux seuls Hémiptères connus sous le nom d’Hétéroptères , et qui répond assez bien, par la consistance d’une portion de ses deux premières ailes. à l’ordre des Coléoptères de lautre série. L'ordre suivant sera formé par les Hémiptères appelés 2omop- tères , établi avec beaucoup de raison dans ces derniers temps, et nous fournira le terme qui correspond aux Orthoptères, par l'aspect des ailes dans plusieurs de ses groupes. Viendront en- suite les Lépidoptéres, insectes à ailes revêtues d’écailles, aux- quels les derniers Homoptéres font assez bien le passage, par la (1) Partie seulement des Hémipteres de Latreille. 264 BRULLÉ. — Sur la classificalion des animaux. considération que j'ai indiquée. Le dernier ordre d'insectes ailés, dans cette seconde série, sera celui des insectes Diptères, dont je n’ai plus rien à dire, puisque nous avons déjà vu qu'il cor- respond aux Hyménopteres de l’autre série. Il me reste encore à parler de quelques ordres d'insectes ailés et de ceux peu nombreux d'insectes Aptères : on verra qu'ils rentrent très facilement dans l’une ou l’autre des deux séries. Tels sont, dans le premier cas, l'ordre peu nombreux des Rhi- piptéres ou des Strepsiptères, un autre à former avec le genre Thrips, et un dernier enfin, qui n’est qu'une fraction de celui des Névroptères, et que j'ai établi il y a plusieurs années en le nommant Dictyoptères. Le tableau qui termine ce Mémoire présentera la position de ces trois ordres dans leur série respec- tive, ce qui me dispensera ici de tous les détails complémen- taires. Je passe aux Insectes aptères, qui sont les Thysanoures, les Parasites et les Suceurs ou Syphonaptères. De quelque manière qu'on les considere, ils ne se refusent aucunement à entrer dans les deux séries, parce qu'ils se composent d'espèces à mâchoires et d'espèces qui en sont dépourvues. L'ordre dés Thysanoures, qui se trouve dans le premier cas, ne présente aucune difficulté. Il n’en est pas de même des Parasites, qui doivent se partager en deux ordres, dont l’un appartient aux Insectes broyeurs et l’autre aux Insectes suceurs. Le premier renfermera les espèces de Poux désignés aujourd’hui sous le nom de Ricins; le second se composera des Poux proprement dus. Déja même un natura- liste distingué, M. Nitzsch, a présenté cette division des Para- sites que viennent confirmer mes recherches, en rapportant le genre des Poux à l’ordre des Hémiptères, et celui des Ricins à l'ordre des Orthoptères. Ce savant distinguait par l’épithète d’é- pizoïques les Poux proprement dits, et par celle de Mallophages le genre des Ricins. Mais les Aptéres parasites ne peuvent pas appartenir aux divisions déjà établies, tant à cause de leur ca- ractère zoologique, qui consiste dans l'absence des ailes, que par uh caractère physiologique ou l'absence des métamorphoses; il était donc nécessaire d'établir pour eux des ordres particu- liers. BRULLÉ. — Sur la classification des animaux. 265 Il résulte des considérations relatives aux Insectes aptères qu'ils viennent fournir des termes à chacune de nos deux séries. Ils y constitueront, comme on le pense, une section distincte fondée sur l'absence des ailes. Quant à la considération des mé- tamorphoses, elle serait de peu d'utilité, alors même qu’elle ne constituerait pas un caractère purement physiologique, attendu qu'un des groupes de ces Insectes aptères, celui des Suceurs, subit de véritables métamorphoses. Je passe à l'examen de la classe des Arachnides , par laquelle se terminera ce Mémoire, et je vais montrer quel avantage elle peut retirer de la disposition en double série, disposition si bien indiquée déjà par les divisions admises aujourd’hui d’Arachnides pulmonaires et d'Arachnides trachéennes. Dans chacune des deux divisions se trouvent des animaux qui se correspondent. Cependant il existe un caractère plus commode que celui de la structure des organes de respiration, et qui offre le mérite d’appartenir à des parties extérieures du corps; c’est la disposi- tion des mandibules, tantôt en forme de pinces ainsi que les palpes eux-mêmes, et tantôt avec la forme ordinaire. C’est là un caractère vraiment zoologique, et qui permet d’opposer les di- vers genres d’Arachnides dans les deux séries non moins avan- tageusement que celui de la respiration. N’a-t-on pas eu tort de le subordonner à la disposition purement anatomique indi- quée par Latreille, la présence de trachées ou de poumons? Ii en est résulté d’ailleurs un morcellement peu naturel par léloi- gnement des genres qui ne peuvent être séparés, tels que les faux Scorpions, par exemple, et les vrais Scorpions. Les pre- miers sont rangés parmi les Arachnides trachéennes et cor- respondent, au reste, parfaitement bien aux Scorpions, qui sont des Arachnides pulmonaires. Sous ce rapport, tout en conser- vant les divisions reçues, on pourrait facilement'établir deux sé- ries opposées, dans l’une desquelles seraient les Scorpions, tan- dis que dans l’autre viendraient se placer des espèces appelées faux Scorpions. L'un et l’autre de ces deux termes se rangeraient facilement en tête de chaque série. Ainsi, méme sous ce point de vue, nous retrouvons encore ici deux séries. Mais vient-on, comme semblent l'exiger les lois de la classification zoologique, 266 BRULLÉ. — Sur la classification des animaux. à négliger la considération des organes respiratoires, parce qu'ils n’offrent pas de caractères à l'extérieur, on peut alors donner à la classe une disposition non moins rationnelle, en adoptant le mode de classement que je propose. Dans ce cas, il serait per- mis de réunir dans la même série les faux et les vrais Scorpions. Il faudra de plus séparer de la série des Arachnides le genre:des Faucheurs , qui se rapproche encore des Scorpions, et l’on aura ainsi une disposition plus satisfaisante de tous les groupes d’A- rachnides, puisqu'elle reposera sur des rapports vraiment natu- rels. Il est vrai que, par cette disposition, on réunira dans le même groupe des espèces à respiration pulmonaire et d’autres à respiration trachéenne; mais je crois trouver là une nouvelle preuve du mérite de la disposition binaire, qui permet de con- struire avec la même facilité deux séries correspondantes, quel que soit le point de départ des divisions adoptées. Qui ne sait d’ailleurs que le défaut de conformité des organes de la respira- tion, pour ne parler que de ceux-là, se manifeste dans d’autres groupes d'animaux, sans que ces groupes soient regardés comme moins naturels? Je ne trouve donc pas là un obstacle sérieux au mode de classement qui me paraît le plus conforme aux règles admises en zoologie. On verra, par le tableau ci-joint, que les Aranéides et les Acarides composeront une des deux séries, et que l'autre ren- fermera les Scorpions et faux Scorpions, les Faucheurs et les Pycnogonides. La considération tirée des poumons et des tra- chées pourra d’ailleurs être indiquée pour mémoire, et l’on verra que la nature de ces organes est la même dans les termes correspondans de chaque série. BRULLÉ. — Sur la classification des animaux. 267 Tapcrau de la Classification des Insectes en deux séries parallèles. (1) Insectes Gnatoïdes ou Broyeurs. Insectes Siphonoïdes ou Suceurs. Aisés. Aisés. Ordres. Coléoptères. Ordres. Hémiptères. Orthoptères. Homoptères. Névroptères. Lépidoptères. Hyménoptères. Diptères. Malacoptères (2). Rhipiptères (4). Aptères. Aptéres. Thysanoures. Siphonaptères. Mallophages (3). Zoophages (5). Tasceau de lu Classification des Arachnides en deux séries parallèles. Arachnides Chélidoïdes ou à Pinces, Arachnides Achélidoïdes ou sans Pinces. (Des Poumons.) (Des Poumons.) Ordres. Scorpionides (6). Ordres. Aranéides. (Des Trachées.) ( Des Trachées.) Phalangides (7). Acarides. Pycnogonides? (x) Le nombre des ordres cités dans ce tableau peut varier. Le rapport des termes quise conviennent dans les deux séries n'en sera point altéré, C’est pourquoi je n'ai pas cité cerlains ordres que l’on peut admettre parmi les Insectes. Tels sont les Dermaptères de Latreille et de quelques auteurs , qui renferment les Forficules, Tel est aussi le démembrement que j'ai pro— posé il ya dix ans, en séparant les Libellulines des autres Névroptères , sous le nom de Dic- troptères, qui, étant déjà employé, a été changé par M, Laporte de Castelnau en celui de Arkiptères ( Études Entom.), de mème que les Gynaptères et les Phauloptères de ce dernier naturaliste. Le nombre des termes peut, au gré de chacun , augmenter ou diminuer dans chaque série, sans que pour cela les avantages de cette disposition viennent à disparaître. (2) Ordre établi pour renfermer le genre Thrips, Je ne V’ai trouvé établi dans aucun des auteurs que j'ai sous la main. M. de Castelnau les réunit aux Orthoptères. (3) C’est le nom imposé par Nitzsch aux Ricins. (4) 11 y a quelque doute à l'égard de la position que doit occuper cet ordre d'Insectes. MM. Kirby et Spence le classert parmi les Insectes à mandibules; Latreille le rapproche des Dipières, d'après la forme de la bouche. (5) Ordre formé pour renfermer les poux. Ce sont les Hémiptères épizoïques de Nitzsch ou partie des Parasites de Latreille et des Monomorphes de Castelnau. Je ne pouvais leur laisser ce dernier nom , qui convient aussi bien aux Ricins, (6) Cet ordre renferme les Arachnides pédipalpes de Latreille. (7) Les faux Scorpions et les Faucheurs de Latreille, 268 BRULLÉ, — Sur la classification des animaux. ApPenpice. J'ai dit que plusieurs auteurs avaient dejà indiqué la divi- sion des Insectes en deux groupes; cela a eu lieu sous différens points de vue. Les ouvrages dans lesquels on a surtout tenu compte de la structure de la bouche, sont au nombre de quatre, savoir : l'Entomologie helvétique de Clair- ville, la Zoologie analytique de M. Duméril, l’/ntroduction à l’Entomo- logie de MM. Kirby et Spence, et les Études Entomologiques de M. de Cas- telnau. IL suffit de jeter les yeux sur les méthodes proposées dans ces ou- vrages pour reconnaître que le point de départ des trois premiers n’a pas été la considération même des organes de la bouche, mais bien plutôt la présence ou l'absence, ainsi que la structure des organes du vol. An reste, l’idée de considérer avant tout la structure de la bouche n’est point celle que je revendique; elle ne m'a été suggérée que par l'exemple que j'ai voulu faire le premier de deux séries parallèles dans la classification des Insectes, Nore sur la détermination des formes des coquilles. Par M. Arcine D'Or2IGNY. I! est un point de la science sur lequel je me trouve forcé d'appeler l'attention sérieuse des savans. Jusqu'à ce siecle, la conchyliologie avait été pour ainsi dire une étude d'amuse- ment, où l’on s’attachait principalement à réunir les plus jolies formes, les plus beaux contrastes de couleurs. Bientôt à limi- tation d'Adanson, Cuvier, en s’occupant des animaux que ren- ferment les coquilles, fit rentrer celles-ci dans le domaine de la zoologie. Jusqu’alors, purement arbitraires, les méthodes pri- rent un cachet tout différent en devenant tout aussi naturelles que les autres coupes des sciences, Aujourd’hui les choses ont de nouveau changé ; un vaste champ est ouvert à l'observation. Non-seulement on poursuit avec ardeur les découvertes dans un but purement zoologique, qui peut améliorer les classifications, mais encore l'étude des mollusques, devenue, par l’adjonction des nombreux fossiles que renferment les couches terrestres, une science d'application, a besoin d’une rigoureuse exactitude, sans laquelle les incertitudes, les erreurs s’accroissent et se multiplient de jour en jour , et rendent les travaux illusoires. A. D'ORSIGNY. — Sur les formes des coquilles. 269 Lorsque toutes les sciences se sont soumises au calcul, on devait s'étonner que l'étude des mollusques à laquelle est ré- servée la plus belle partie de l’histoire de notre planète, celle des êtres qui se sont succédé à sa surface, füt eucore dans le vague le plus complet. Comment, en effet, attacher aux faits toute l'importance qu'ils méritent, lorsqu'ils sont établis d’une manière si incertaine, que chacun peut les apprécier à sa guise et enlever ainsi à cette science toute sa force d'application? Si l'on compare entre eux les termes employés pour désigner la longueur d’une coquille spirale, on sera surpris du peu d’accord que présente l'appréciation de leur valeur : Quand on décrit, par exemple, des espèces du genre vis (Terebra) et qu'on veut dis- tinguer comparativement la longueur de la spire, on dit : spire très courte, spire courte, spire allongée, spire très allongée. Ceux qui ont l'habitude des coquilles savent alors quelle peut être la portée relative de ces quatre termes dans le genre Te- rebra , mais en décrivant les cônes (Cozus), on dit encore: spire très courte, spire courte, spire allongée, spire très allongée. Compare-t-on ensuite les mêmes termes dans les deux genres, on voit ce qu'on appelle spire érès longue chez les Conus, n’être pas à beaucoup près aussi allongée que la spire très courte chez les Tereëna. 11 faudra nécessairement en conclure que le vague de ces termes ne permet aucune application positive et que la science a besoin d'un langage plus approprié à la hauteur où elle s’est placée , et cela avec d'autant plus de raison , que n'étant plus guidé par les couleurs de la coquille, qui seules prévenaient les erreurs chez les mollusques vivans, il faut, chez les co- quilles fossiles, s'attacher seulement aux formes. Frappé de cette vérité, je cherchai les moyens de combler une lacune préjudiciable à l'avancement des sciences. Les beaux mémoires de MM. Mozelay, Naumann et Elie de Beaumont m’ayant donné la certitude que les coquilles spirales s’accrois- sent chez toutes les espèces dans des proportions mathématiques invariables , il ne restait plus qu’à trouver des moyens justes, d’une facile application et que leur simplicité même rendit usuels. Je crois avoir atteint ce but, en inventant un instrument que j'appelle /élicomitre. 270 A. D'ORFIGNY. — Sur les formes des coquilles. Cet instrument se compose de deux branches parallèles dont l’une est pourvue à son extrémité d’un rapporteur ou demi- cercle avec la division en 180 degrés. L'autre sert de vernier, elle est fixée à la première branche par le moyen d’un pivot qui correspond à l’axe du demi-cercle. Il s'ensuit que ces deux branches s’ouvrant en haut, le vernier vient donner sur le rap- porteur le nombre de degrés que forme l'ouverture de l’angle. Une coquille placée entre les deux branches, jusqu’à ce que celles-ci soient en contact immédiat, parallèlement aux deux côtés du triangle formé par l'allongement spiral, on n’aura plus qu’à regarder le vernier pour savoir quel est l’angle spiral de cette coquille, qu’on peut indiquer par un chiffre au lieu d'un adjectif vague, et des-lors on en fera une application positive. Je vais pourtant entrer, à l’égard des mesures, dans quelques détails qui me paraissent indispensables: Les coquilles turbinées ont presque toutes un angle spiral régulier, et toujours identique. Il est beaucoup d'espèces où un grand nombre d'individus mesurés m'ont donné, à un degré près, toujours le même angle spiral. Il en est pourtant où cette variation est plus sensible, ce qui tient alors soit aux raccom- modages de la coquille par l'animal, soit à d’autres causes que je vais expliquer. Toutes les coquilles turbinées peuvent être divisées, suivant leur angle spiral, en trois catégories : 1° les coquilles dont l'angle spiral est régulier sur toute sa longueur; 2° les coquilles où l'angle spiral est convexe; 3° et les coquilles où l'angle spiral est concave. Les coquilles dont l’angle spiral est régulier sur toute sa longueur sont très nombreuses. Pourtant il faut considérer que dans celles-ci même le commencement de la spirale n’arrive pas toujours au sommet de l'angle, ce qui tient à l'accroissement, beaucoup plus rapide dans cette partie que dans le reste de la coquille,accroissement qui rend presque toujours le commence- ment d’une spire très obtus par rapport au reste. Pour mesurer ces coquilles , il suffira de les placer entre les deux branches de l'hélicomètre, et de regarder le vernier, pour lire les degrés de son angle spiral. Les coquilles dont l'angle spiral est convexe, connues plus A. D'ORBIGNY. — Sur les formes des coquilles. 271 particulièrement sous le nom de pupoides, offrent, au commen- cement de la spire , un angle spiral différent de celui qu’elles ont plus tard. Cette différence est énorme dans certaines espèces. Il conviendrait alors de donner toujours les deux angles fournis par la mesure de l’hélicomètre. Quelquefois même, vers la par- tie antérieure, la coquille se rétrécit tout-à-coup. Alors elle forme un angle rentrant, et il est important d’en indiquer la valeur positive. Chez d’autres, cette convexité est très peu de chose. Par exemple, dans le Terebra maculata, l'angle inférieur a montré de 24 à 25 degrés, l'angle supérieur a donné de 15 à 17 degrés. La moyenne serait de 20 degrés 0,25 de degrés. La mesure prise au milieu de la coquille fournit également la même proportion. Ainsi, chez les coquilles dont l'angle spiral est con- vexe, il pourra néanmoins toujours être apprécié, soit en notant les deux angles, soit en indiquant la moyenne prise au milieu de la longueur de la coquille. Les coquilles dont l'angle spiral est concave sont les moins nombreuses; on peut pourtant citer sous ce rapport le Cerithiurn giganteum. On conçoit facilement qu’il suffit d’une mesure in- verse de celle que je viens de décrire. Si chez les coquilles dont l'angle spiral est convexe, l'ouverture de l'angle diminue aux derniers tours, il augmente, au contraire , chez les coquilles où l’angle spiral est concave. Le Cerithium giganteum donne au commencement de sa spire concave 15 degrés d'ouverture, tan- dis que les derniers tours en ont plus de 26. La moyenne serait de 20 degrés 5/10, qu’on la doive au calcul ou à la mesure que donne l'hélicometre. Voilà pour la longueur de la coquille. Maintenant l’accroisse- ment de la spire est plus ou moins rapide, et dés-lors l’obliquité de la suture , ou de la jonction des tours, est toujours en raison de cet accroissement. Il convient donc de lavoir d’une maniere positive. À cet effet, il suffira de placer une coquille la bouche en bas dans l’hélicomètre, de manière à ce que la branche se trouve parallèle soit à l'axe, soit au côté de la coquille, tandis que l’autre branche suivra la ligne suturale de la spire. Il en ré- sultera qu'une mesure prise ainsi sur la ligne latérale (je ne me sers pas de la mesure prise sur l'axe, parce qu’elle est impos- 279 A. D'ORBIGNY. — Sur les formes des coquilles. sible à prendre dans beaucoup de cas) donnera pour le Terebra imaculata 92 degrés d'ouverture, tandis qu’elle en montrera 109 pour le Terebra dimidiata. On voit dès-lors que les diffé- rences sont très appréciables. J’appellerai cette mesure angle sutural, et je ferai remarquer qu’on peut à-la-fois en déduire la hauteur des tours entre eux et la différence d’accroissement de l’un sur l’autre. Chez les coquilles de gastéropodes, les tours se recouvrent plus ou moins dans l'accroissement d'un tour sur un autre; il s'ensuit que le dernier, depuis le sommet de la bouche jusqu’à la première suture, a beaucoup plus de longueur que la diffé- rence d’une suture à l’autre dans les autres tours. Il devient indispensable de connaître ces proportions relatives avec le reste de la coquille. Comme la hauteur du dernier tour est toujours dans des proportions relatives à l’ensemble de la coquille, à quelque àge que ce soit, Je la prends en centièmes, je divise la coquille en cent parties, et je vois combien le dernier tourcom- prend de ces parties. Le Terebra maculata me donne pour le dernier tour =, le Terebra dimidiata, +. Des-lors, chaque es- pèceaura des proportions bien déterminées. Jusqu'à présent, j'ai pris toutes ces mesures sur des coquilles entières; mais il arrive souvent qu’on ne trouve, dans les cou- ches terrestres, que des fragmens ou tronçons plus ou moins complets d’une coquille spirale. Pour peu que ces tronçons réunissent deux tours contigus, on en appréciera facilement la longueur, et l'on pourra également en donner toutes les mesures que je viens d'indiquer. Il suffira de placer le tronçon entre les branches de l’hélicomètre de maniere à ce que les deux branches soient parfaitement en contact avec la convexité des tours. Il est certain alors que, si la coquille est formée d’un angle spiral ré- gulier, la forme du reste de la spire sera inGiquée par l’angle de l'hélicomètre, tandis que les graduations en millimètres placées sur le côté de la branche donneront la longueur de la coquille entière, longueursur laquelle pourront être comparées toutes les autres proportions. En résumé, pour mettre tout le monde à portée de repro- duire sur le papier, par des moyens graphiques et sans calculs , A. D'ORBIGNY. — Sur les formes des coquilles. 273 les formes mathématiques d’ane coquille dont on n’aura qu'une description comme je la comprends; voici la série des mesures nécessaires (je suppose qu'il s'agisse du Terebra dimidiata, je dirai): Onverture de l’angle spiral. . . . . . . . 13degrés. Longueuritotale #7. 112 millim. Hauteur du dernier tour par rapport à l'ensemble. ............. 2. Angle sutural. . ...... HT, Voice 10gdesrés: Ces mesures, comme on va s’en assurer, serviront à repro- duire la forme extérieure de la coquille. Je place un rapporteur, et je mesure sur le papier 13 degrés d'ouverture, en traçant au milieu l’axe à 6 degrés et demi, en ployant le papier de manière à ce que le pli passe par cet axe. Je tire mes lignes qui me donnent de suite l'angle spiral. Je mesure 112 millimètres qui sont la longueur de la coquille, et j'ai de suite son périmètre extérieur; sur cette coquille je prends + pour la longueur de la bouche, et cela sans calcul, au moyen d’une figure conique, qui pour tous les diamètres me donne le nombre de fractions en centièmes. Je rapporte cette hauteur de la bonche sur le côté droit de la coquille, j’y place le rapporteur parallèlement au côté de l’angle spiral, et je marque à partir de ce point un angle sutural de 109 degrés. Cet angle me donne à-la-fois, et en re- ployant le croquis sur l'axe par le report d’un côté à l’autre, des parallèles tracées, qui sont de deux en deux lexpression des distances de chaque tour entre eux, depnis le dernier jusqu’au premier. On voit ainsi qu'avec quatre mesures prises sur une Co- quille turriculée, je puis toujours en reproduire la figure mathé- matique par une opération purement graphique et sans le se- cours d'aucun calcul. Créer une méthode accessible à toutes les intelligences, don- ver une application simple et précise à la description d'êtres dont l'étude est indispensable à la géologie , éviter lesrecherches mathématiques aux géolognes et aux conchytiologistes, tout en leur offrant les moyens de fixer irrévocablement les proportions XVII, Zoor. — Mui 18 274 A+ D'ORBIGNY. — Sur Les formes des coquilles. des coquilles au point d’en reproduire les figures sans les objets eux-mêmes, remplacer des termes vagues et sans valeur par une opération positive et rigoureuse, tels sont les motifs qui m'ont guidé dans ce travail, tel est le but que je me tronverais heureux d’avoir atteint. Mémoire sur la Conchyliométrie , Par M. Naumann. Traduit de l'allemand par M. ne Wecmann. ( Suite (1). ) $ 5. Quelques propriétés des conchospirales. Avant de poursuivre mon travail, je dois dire ici quelques mots pour me mettre à l'abri du soupcon de prétendre à une priorité illégitime. Peu de temps après l’npression de mon pre- mier Mémoire (Annales de Poggendorf, t. bo, p. 223), M. Léo- pold de Buch eut la bonté de me prévenir que des recherches tout-à-fait semblables aux miennes sur les lois géométriques des coquilles enroulées, avaient été publiées deux ans auparavant par M. le professeur Moseley, dans les Transactions philoso- phiques. Ce n’est tontefois que depuis peu de jours que, par l’obligeance de S. Exc. M. le ministre d'état de Lindenau , j'ai été mis à même de prendre connaissance de l’importante disserta- tion de M. Moseley (2). Elle se trouve dans les Philosophical transactions for the year 1838, page 351 et suivantes, sous le titre : On the geometrical forms of turbinated and discoid schells. M. Moseley a reconnu la loi de la spirale logarithmique, d’abord dans les stries d’accroissement de l’opercule du Turbo et d'autres genres, et ensuite dans la progression géométrique de l’écartement des spires ; il détermina cet écartement des tours (1) Voyez page 129. (2) Voyez la traduction de ce Mémoire, publiée précédemment dans ce volume des Annales des Sciences naturelles, page 94. C. F. NAUMANN. — Sur la Conchyliométrie. 279 de spire dans plusieurs espèces , par exemple, pour le Nautilus pompilius, g —=3; pour le Turbot duplicatus , q — 1,18; le Turbo phasianus, qg =7; pour le Buccinum subulatum , g—1, 13; il recounut l'importance de ce quotient comme chiffre caractéristique pour la détermination des espèces, déve- loppa des considérations très ingénieuses sur /a loi d’accroisse- ment des coquilles, et donna des formules mathématiques pour l'aire et le centre de gravité de la surface des coquilles, de même que pour le centre de gravité des volumes des coquilles ( Conchoidal-Kirper). C’est donc à M. Moseley, qu'appartient la découverte de la loi fondamentale des coquilles turbinées, et le mérite d’avoir introduit dans le domaine des sciences exactes cette branche de l’histoire naturelle, restée jusqu'ici inaccessible à l’application des mathématiques. Je me réjouis, quant à moi, d’avoir ainsi trouvé dans ce beau travail une garantie pour la jus- tesse de mes propres recherches, et un encouragement à mar- cher dans la voie désormais ouverte. En admettant que les coquilles des Ammonites et celles qui ont des formes analogues, sont enroulées d'après la loi de la conchospirale, je vais essayer d’en déduire diverses consé- quences sur la nature de ces formes, et sur les moyens à em- ployer pour les déterminer exactement. Mais, comme je ne puis supposer que tous ceux qui peuvent s'intéresser à ces recherches aient parfaitement présentes à l'esprit les propriétés de la con- chospirale, je crois devoir rappeler ici celles de ces propriétés qui ont le plus d'importance pour le but que nous avons en vue, v et qui résultent immmédiatement de l'équation r u g 27. $ IL. Les conchospirales ont leur commencement (leur point de départ ) non pas au centre ou au pôle du système des coor- données , mais à un point déterminé situé hors de ce pôle. Le commencement de la ligne est en effet au point pour le- quel » — 0 ; mais pour cette valeur r a, et nous nomme- 18, 276 GC. F. NAUMANN. — Sur la Conchyliometrie. rous à l'avenir cette quantité le paramètre de la conchospirale. Si donc ( PI. 1, fig. 6) c est le centre de la spirale et CA — a, dès-lors la spiraie commence en A pour de là décrire, dans la direction ABR, des tours à l'infini et de plus en plus grands. Le paramètre a est un élément dont la détermination ne peut être obtenue que par l'observation directe. À partir du point initial A, la conchospirale s'éloigne indé- finiment pour les valeurs positives de v (c’est-à-dire pour toutes les révolutions du rayon vecteur faites dans une même direc- tion A B), en formant à partir du centre C un nombre infini de tours de plus en plus grands. Au contraire, pour les valeurs né- gatives de v (c’est-à-dire pour toutes les révolutions du rayon vecteur dans la direction opposée A D), la conchospirale se rap- proche indéfiniment du centre par un nombre infini de tours tou- jours de plus en plus petits, sans pourtant jamais l’atteindre. Le centre ou pôle est un point asymptotique de la courbe qui en con- séquence se partage en deux parties, l’une extérieure ( positive } et centrifuge, autre intérieure ( négative ) et centripète. Ici nous n'avons toujours affaire qu'à la partie extérieure positive de la spirale. $ II. Les écartemens des tours de sphère successifs, mesurés dans Les positions singulodistantes, forment dans la concho- spirale une progression géométrique ayant pour quotient q. En se reportant au $ 2, on se rappellera que j'appelle rayons singulodistans ceux qui s’écartent les uns des autres d’un tour entier (soit de l'angle v —27+). Ainsi par exemple CA, CR, GR’ sont trois rayons singulodistans qui se suivent immédia- tement. Comme donc pour CA l'arc v = o SUR ES T—2-r » LCR’ » tv — 47r;tetc., il suit de là le rapport : CA: GR: GR, etc. — a: ag : ag, etc. Mais de là suit encore que, les distances des tours de spire me: C: F. NAUMANN. — Sur la Conchyliométrie. 277 surées dans des positions singulodistantes AR, RR' etc., doi- vent former une progression géométrique ayant méme quo- tient. En effet , ces distances ont successivement pour valeur a(qg—1), a(g—1)gq, a(qg—1})g*, qui marchent évidem- ment dans une progression géométrique ayant pour quotient g. SIL. Dans chaque conchospirale l'angle d'inclinaison de la tangente sur le rayon est CONSTANT. Cette propriété très caractéristique de la conchospirale se laisse facilement déduire de son équation; si l’on part de l’ex- pression générale de la sous-tangente d’une courbe pour /es coor- données polaires qui est r?d Sous-tang. — T ar < : 1 ee sn Éd r. et si l’on y substitue la valeur du quotient différentiel TT) dé- v duite de l'équation r — a g3: , il vient pour la conchospirale : 27r Sous-tang. — Ge Mais l’on a l'angle d’inclinaison du rayon sur la tangente en di- visant la sous-tangente par le rayon; donc il vient ar log. q * Tang. w — Or, comme et g étant des quantités constantes, il suit que l'angle » a exactement la même valeur à quelque point que ce soit, ou qu'il est une quantité constante pour une seule et même spirale. $ 6. Des diamètres et des rayons de la conchospirale. 1.) Tout diamètre D de la conchospirale est formé de la somme de deux rayons semissodistans. Si donc l’un de ces rayons est : 278 C. F. NAUMANN. — Swr la Conchyliométrie. l'autre sera : et de là D=r+r—=ag®" (1+9:) Pour D), soit pour tout diamètre plus grand à la suite, qui forme avec le premier l’angle x, il viendra de même: v æ DA Fe 1 27 api Gags et de là suit en général, que deux diamètres quelconques Det D), séparés l’un de l’autre par un angle x, ont pour rapport: T D' — ms 1 — 27% D 7 s Pour deux diamètres guadrantodistans , c’est-à-dire deux dia- mètres d’un même tour de spire, se coupant à angle droit, on a: D‘ 14 ne — 9%» ou — —4; et pour les deux diamètres semissodistans coïncidens, ou, ce, qui est la même chose pour le plus grand et le plus petit diamètre d’un même tour de spire il vient : D’ E D' \2 DT à g3; Ou (+) —= q. Le même enfin pour deux diamètres singulodistans : D' — Es : 2.) Les distances mutuelles de deux tangentes semissodistantes, et par conséquent parallèles entre elles, sont proportionnelles aux diamètres qui passent par les points de contact correspondans. Qu'on fasse passer deux tangentes par les points extrêmes d’un diamètre, il résulte de l'égalité (développée dans le paragraphe précédent) des angles d’inclinaison de tous les rayons sur leurs C. F. NAUMANN. — Sur la Conchyliometrie. 279 tangentes, que ces tangentes doivent être parallèles entre elles; mais ici la distance S de deux tangentes est évidemment déter- minée par S= D sin», « étant donné par l'équation, 27% log.q mais , pour deux diamètres quelconques D et D’, on a D: D'=—S:5S et par conséquent aussi , si ces diamètres sont séparés par un angle x, : Tang. w — ; z s! —— — —= g127 s CAgpb Ces distances des tangentes opposées fournissent un élément d'observation très utile pour la détermination du quotient g , parce qu'ils se laissent facilement et exactement mesurer : ils conduisent aussi à la détermination des diamètres, dont la me- sure directe ne peut pas bien s’obtenir, en considérant que I Sin w D— 3.) La mesure immédiate des rayons n’est pas non plus pos- sible , parce que le centre de la spirale est tout-à-fait incertain et ne peut être déterminé qu'approximativement. Toutefois, quand un diamètre est obtenu, on peut très facilement le par- tager en ses deux rayons. En effet, comme D=r +r=r(1 +g°), on détermine par le diamètre trouvé Le plus petit rayon r = 1 à Le plus grand rayon 7 = ve D. + 280 C. F. NAUMANN. — Sur la Conchyliométrie. S 7. Rectification et quadrature de la conchospirale. Pour un rayon quelconque r soit s la longueur de l’are spiral correspondant , c’est-à-dire de cette partie de la conchospirale comprise entre les rayons a et r. D'après les formules usitées, il vient en général ds =Vr di dr : maintenant il résulte de l'équation ardr ue r dv = q . ” log. q dl Si l’on substitue cette valeur dans la valeur générale de la différentielle de l'arc, il vient pour l'arc de la conchospirale : dr V4 7 log. q DS — RAT ETF — TN ; d'où il vient par intégration : s—rM + const. Comme pour 7 — a , l'arc s —0 , il suit que Const. — —aM; donc s—(r—a)M, Pre : }u. Il vient de même pour tout autre rayon quelconque r’, qui correspond à l’arc de cercle v + x, s—(r—a)M, Rey M. Si on fait + — 2#, il vient pour la longueur U d’un tour CG. EF. NAUMANK. — Sur la Conchyliométrie. 281 complet quelconque de la couche spirale, compris entre les arcs v et v + 27: v U—s —s—ag2?r (g—1)M. Il résulte de là , pour chaque conchospirale : Longueur du 1° tour —a (g—1)M » 2 » —aqg(qg—-1)M » 35°, » —ag(g—1)M » 4° 0». —ag(g—1)M; et ainsi de suite; et généralement : Longueur du n° tour —ag"—:{(qg—1)M. Les longueurs des tours successifs croissent par conséquent dans une progression géométrique ayant le quotient 7. 2.) Si l’on désigne par f l'aire décrite par le rayon vecteur dans ses révolutions successives jusqu’à l'arc v, la différentielle de cette aire est TE — rdv, ou bien, après substitution de la valeur de dv, dr df==—— f log. 4 De là suit, en remarquant que, pour r— a ,f — 0 , que st ct re PF AE ; de même l'aire décrite jusqu’à toute autre position v' du rayon a pour mesure f= (re) et par conséquent, l'aire A d’une surface décrite, d’un rayon 7 à un autre rayon r', ee q? A=(r—7r)— : . og * 282 C.F. NAUMANN. — Sur la Conchyliométrie. En admettant que r —rg, on trouve pour l'aire d'un tour complet de r en 7’, A=r(g —1) v =" (g —1) 2 log g.° 2 log. q De là résulte, pour chaque conchospirale, si l'on fait —— — N: 2 log. g Aire du 1**tour—a (gg —1)N » 2 » —ag(g —I)N » DO 07 7478 DIN » & » —=ag(g —1)N etc.; et en général: Aire du n° tour — a° g’(r—1) (q —1)N. Les aires des tours successifs croissent par conséquent suivant une progression géométrique, dont le quotient est g°. $ 8. Spirales intérieure et extérieure des coquilles. En général , on a pour chaque loge spirale et par conséquent pour chaque Ammonite plusieurs conchospirales concentriques, parmi lesquelles on en distingue deux surtout , dont l’une est déterminée par le dos des tours, l’autre par la suture d’enroule- ment. Je ïes nommerai spirale extérieure et intérieure. Toutes les deux ne diffèrent fréquemment l’une de l’autre que par les différentes valeurs de a, tandis qu’elles dépendent d’une seule et même valeur de g. La spirale intérieure a alors un paramètre plus petit que la spirale extérieure, et les deux valeurs a et a se déterminent par le rapport qu'ont entre eux les tours extérieurs enveloppans et les tours intérieurs. C’est pourquoi il ne se pré- sente que deux cas dans lesquels les deux spirales se réduisent à une seule : 1° quand les tours sont enveloppans jusqu’au centre; 2° quand les tours ne s’enveloppent pas les uns les autres, mais C.F. NAUMANN. — Sur la Conchyliomeétrie. 283 pe font que se toucher. Cependant beaucoup d’Ammonites sont caractérisés par des quotiens d'enroulement différens g et # des spirales extérieure et intérieure, et cependant, dans ces coquilles, les deux spirales pourraient commencer avec le même paramètre. On pourrait d’après cela diviser les Ammonites en monospirales (1) et diplospirales , et ces dernieres se subdivise- raient en exosthènes et en entosthènes , selon que la spirale extérieure ou l’intérieure aurait le plas grand quotient. Mais, dans tous les cas, la spirale intérieure diffère de l’exté- rieure par un rapport qui, à la vérité, peut facilement échapper à la première vue, mais qui n’en a pas moins la plus grande importance pour la poursuite du problème. Ce rapport consiste en ce que la spirale intérieure est en arrière d'au moins un tour entier sur la spirale extérieure, de telle sorte que la suture de chaque tour n'est pas du même ordre que le dos du même tour, mais que celui du tour qui le précède immédiatement. De là suit également que, pour le premier tour (le plus intérieur) de la spirale extérieure, il n’y a pas encore de spirale intérieure, et que celle-ci ne commence réellement que lorsque celle-là a déjà accompli au moins un tour et en commence un second. Peut-être ce rapport pourrait-il avoir pour cause la différence qui existe entre l'embryon et l’animal adulte, 1l se peut que l'embryon ne soit pourvu que du premier tour ABR (PI. 1, fig. 7), dans lequel toutefois les conditions de développement de toute la coquille doivent étre renfermées. Dans ce cas, quand l'animal adulte croît , le second tour se développe peu-à-peu, et avec lui commence en même temps la formation de la suture abr, qui , dans les coquilles monospirales, présuppose un paramètre plus petit. Plus le paramètre, c’est-à-dire la spirale de la suture,est petit par rapport au paramètre CA de la spirale du dos, plus sont grands les tours enveloppans de la coquille. Pour Ca — o, il n’y a point de (x) 1 n’y a véritablement dans ce cas qu'une seule et méme spirale, pour le dos et la suture; les points de départ seuls sont différens, On peut regarder comnie Ammoniles diplospirales exosthènes VA. feinecci, À, tumidus; et comme Ammoniles entosthènes l°4. fexicostatus, A. Drodicei, A, costatus. 284 C. F. NAUMANN. — Sur la Conchyliométrie. suture, c’est-à-dire que les tours sont complètement enveloppans jusqu’au centre , et la spirale intérieure s’évanouit. Plus grand, au contraire, est Ga , et moins les tours de la coquille sont enve- loppans ; pour Ca —CA , les tours sont seulement adjacens , et la spirale intérieure est identique avec la spirale extérieure. Néanmoins elle doit rester de tout un tour au moins en arrière de celle-ci, et ce cas prouve précisément et d’une manière évi- dente la nécessité de ce retard de la spirale intérieure. En admettant que, dans les Ammonites monospirales , la spirale de la suture soit en arrière de tout un tour sur le dos de la spirale, et si l’on désigne par r le rayon du dos et par£ le rayon de la suture par un point quelconque d’un seul et même tour, on aurait alors v r—= ag? V—-2T etp—ag ?T Pour les Ammonites diplospirales, on obtiendra des rapports analogues , quoique légèrement différens. (1) $ 9. Détermination du quotient d'enroulement des Ammonites. Le quotient d’enroulement g est un des élémens les plus im- portans dans la morphologie des coquilles turbinées en général et des Ammonites en particulier. On peut arriver à la détermina- tion de ce quotient chez les Ammonites par deux méthodes principales, selon que l’on a à sa disposition des exemplaires sciés transversalement, ou seulement des exemplaires entiers. 1.) Détermination de q et de K dans les exemplaires sciés transversalement. Les mesures qu’on peut prendre sur ces exemplaires assurent (x) Une simple observation nous apprend, par exemple, que si les Ammonites diplospirales devaient avoir des paramètres égaux des deux spirales, la spirale du dos serait alors en avant P 8 P JPAISE de la spirale de la suture de deux tours dans les espèces entosthènes, C. F. NAUMANN. — Sur la Conchyliométrie. 26) la plus grande précision et exactitude pour la détermination du quotient d’enroulement. On trouve ordinairement dans les col- lections des exemplaires sciés et polis, dont la section est à-peu- près parallèle au plan d’enroulement. De telles sections peuvent être très utiles pour la détermina- tion d'autres rapports (et entre autres pour la détermination de a); mais elles ne sont d'aucune utilité particulière pour la détermination du quotient d’enroulement, parce qu'il faudrait pour cela que la section fût exactement centrale, et formant avec l’axe un angle droit, et que même alors elle ne donnerait jamais que la loi de la spirale extérieure. Au contraire le petit nombre d'exemplaires des collections qui ont été sciés à angle droit sur le plan d’enroulement, et qui en même temps ont été rendus aussi centraux que possible, sont très instructifs pour le but qu’on se propose. Bien qu’ils ne soient jamais qu’à-peu-près centraux, ils permettent toutefois de reconnaître toute l'anatomie de la forme dans la plus parfaite régularité, soit pour ce qui concerne la spirale du dos, soit pour celle de la suture: aussi les possesseurs de riches collec- tions rendraient-ils un service réel à cette partie de la science, s'ils faisaient scier avec soin quelques-uns de leurs échantillons les mieux conservés et les moins aplatis, et s'ils les soumettaient dans cet état à des mesures rigoureuses. Dans une Ammonite ainsi scié transversalement, telle que la représente la planche 1, fig. 8, rr,r'r', r'r', etc., sont évidem- ment des diamètres singulodistans de la spirale extérieure, et ep.p ee pr, etc. des diamètres singulodistans de la spirale intérieure. On n’a besoin par conséquent que de mesurer deux ou trois de ces diamètres pour déterminer le quotient g; car, d’après le $6, n° r: rr inf ; 2 op! —= ——-—=gq,etdeméme = — 4 Fr! pitt g,;et € me FT pttpt . . x ar 4 . Si l’on vient à trouver que — —<À, l'espèce examinée rt ge! appartient aux Ammonites monospirales. Il devient également facile de mesurer avec exactitude, sur 286 ©. F. NAUMANN. — Sur la Conchyliométrie. cette même section transversale , la hauteur des tours et le rap- port de l’enveloppement ou de lemboïtement. Le petit nombre de mesures que j'ai pu prendre sur quelques especes m'a convaincu qu’on obtient de cette manière des ré- sultats tres exacts, et que le dernier tour seulement ( rempli par la masse de la roche), dans lequel l’animal résidait en dernier lieu, et où la partie intérieure de la coquille n'était pas comple- tement développée, était la seule partie qui ne fût pas suffisam- ment régulière ; peut-être aussi la coquille avait éprouvé un aplatissement: c’est pourquoi aussi cette portion de la coquille est peu propre aux mesures. Au surplus, ces mesures ou d’autres semblables, surtout dans les petites espèces, ne conduisent à des résultats exacts que si ces mesures sont prises au moyen d'un instrument particulier qui consiste principalement en une régle en laiton reposant sur un support, laquelle règle porte une division et un nonius pourvu d'un micromètre. Le micromètre ainsi que le nonius doivent pouvoir, moyennant une vis de rap- pel, se mouvoir le long de la règle. (1) 2.) Détermination de g et de £, dans les exemplaires entiers (c'est-à-dire non sciés). a.) Détermiration du quotient g ou #, d’après les distances des tangentes opposées. Nous avons vu plus haut, $ 6, n° 2 , que les distances de deux tangentes semissodistantes sont proportionnelles aux diamètres correspondans à ces tangentes. Si donc l’écartement de l’une des couples de tangentes est —S, et l'écartement de l’autre couple de tangentes — S’, et que les diamètres D et D' correspondans de ces tangentes forment l’angle v, on aura: ZT s! D' —— ELLE on obtient ainsi: s' \&4 rs +) (2) M. Moseley, dans ses mesures, a également fait usage de verres amplifians. C. F. NAUMANN. — Sur la Conchyliométrie. 287 ou bien encore = —, selon que les diamètres correspondans aux couples «le tangentes choisis sont des diamètres quadrantodistans, semissodistans ou singulodistans. La figure 9, planche 1, fait voir comment on peut mesurer deux diamètres se coupant à angle droit (qua- drantodistans) Set S. Il est facile de construire à cet effet divers appareils convenables, comme, par exemple, un cadre quadran- gulaire dont les bordures sont divisées, en dedans duquel est un micromètre mobile dans deux directions perpendiculaires l’une à l’autre. Cette méthode ne peut s’employer, relativement à la spirale extérieure que pour des écartemens semissodistans. Quant à la spirale intérieure, on peut fréquemment mesurer deux écar- temens singulodistans, dont le quotient est dés-lors le quo- tient 4 cherché. Toutes les considérations qui précèdent sont en effet applicables aussi bien à la spirale intérieure qu’à l'exté- rieur. Au surplus, cette méthode a du moins l’avantage d’être in- dépendante du centre, et d’être par conséquent à l'abri des er- reurs provenant de l’excentricité. Il est dans tous les cas bien en- tendu que de telles mesures ne peuvent avoir de résultats utiles qu’autant qu’elles sont prises sur des échantillons parfaitement conservés, non aplatis et régulièrement conformés. Il faut aussi avoir soin autant que possible de ne pas tenir compte de la partie de la coquille dans laquelle l’animal résidait en dernier lieu, parce que cette partie paraît être celle qui a été ex posée aux plus nom- breuses perturbations. b.) Détermination dn quotient #, d’après les écartemens de la structure d’enroulement. Cette méthode n’est réellement appliquable que pour la spirale intérieure, parce qu’il n’y a pas à s’occuper des écartemens des tours successifs de la spirale extérieure. Elle repose sur cette considération que les écartemens singulodistans de la structure 288 C. F. NAUMANN. — Sur la Conchyliométrie. d’enroulemnent forment , d'après le paragraphe 5, n° 2, une pro- gression ayant méme quotient g que les rayons singulodistans. Quand donc la suture ne sera pas recouverte par quelque encroû- tement, mais que sur plusieurs tours elle se montrera décou- verte et nettement empreinte, on pourra se borner à mesurer deux ou trois écartemens sur le même rayon vecteur, pour dé- terminer la valeur du quotient d’enroulement. Notre sur les métamorphoses, des Pycnogonides , Par M. Kroyer. (1) Pycnogonum littorale. Cette espèce, que j'ai eu l'occasion d'observer sur la côte de Norwège, depuis la partie méridionale du Cattégat jusqu’à Ham- merfest (dans un intervalle de près de 16° de lat.), paraît se repro- duire dans les mois d’avril et de mai. En effet, pendant ces deux mois, presque toutes les femelles que j'ai trouvées le long de cette côte , portaient sous le ventre une masse d’un blanc de neige, composée d'œufs ou de jeunes dans lenr premier degré de développement. Dans ce dernier cas, observé vers le com- mencement de mai , la masse avait une couleur grisâtre. Les œufs non encore développés sont globuleux, de dimen- sions assez uniformes, ayant environ un seizième de ligne de diamètre. Je ne m'arrêterai pas à décrire les formes que présente lembryon encore contenu dans l'œuf; je passe de suite à la description du jeune, quand il a quitté ses enveloppes ( PI. 9 B, fig. 1). La longueur de l’animal, depuis l'extrémité des pinces étendues jusqu’au bord postérieur du corps est d'environ neuf centièmes de ligne : sa longueur a un peu plus de ;,”’. Le corps n'offre aucune trace d’anneaux, mais consiste seulement en une » (x) Extrait de l'Zsis, x84x, neuvième cahier, page 913 , traduit de l'allemand par Lere- boullet. KROYER. — Sur les Pycnogonides. 280 pièce courte et large, arrondie et un peu plus étroite en arriere, terminée en avant par un bec conique. Cette pièce est pourvue de trois paires de membres; sa longueur, mesurée depuis la racine du bec, est de +5”, la longueur du bec de +". Le corps esttrès élevé, surtout-en arrière, et fortement voüté; le bec est recourbé vers le bas et paraît fendu à son extrémité ( ce dont cependant je ne suis pas bien sûr.) La première paire de membres ou les pinces sont très grandes, dirigées en avant , fortement courbées; leur longueur est d’en- viron --”, et leur épaisseur de -7”. Elles se composent de deux articles , un article basilaire extrêmement épais et la main. Celle- ci, petite, est munie de longues griffes très recourbées, dont externe, mobile, est plus longue que linterne ; toutes deux sont garnies le long de leur bord interne de très petites épines, qu'on n’aperçoit bien qu’à l'aide d’un grossissement considé- rable et d’un éclairage favorable. De l'angle extérieur de l’ar- ticle basilaire part un long fil plus épais à sa racine et terminé en soie. Sa longueur est d'environ +”, c’est-à-dire plus du double de la longueur de l'animal. Les denx autres paires de membres, dirigées en dehors, paraissent destinées à la marche :elles ont entre elles les mêmes formes et les mêmes dimensions (leur longueur est d’envi- ron 7”). Elles se composent de trois articles : un basilaire très 16 court, muni d'une longue soie, qui se détache de son angle postérieur ou externe; un deuxième article, plus long, mais plus étroit, un peu atténué vers sa terminaison, et un troisième beaucoup'plus long que les deux précédens réunis, très mince, pointu ,un peu recourbé en avant, et bifurqué à son extrémité. Nymphon grossipes. Parmi quelques individus de cette espèce, envoyés du Groen- land se trouvait un nombre proportionnellement considérable de femelles, recueillies à l’époque de leur reproduction (1). Les unes portaient des œufs, d’autres des jeunes, parmi lesquels (x) Je n'ai pu connaître celle époque : Fabricius dit que les femelles portent des œufs d'octobre à décembre, XVIL Zoor. — Mui, 19 290 KROYER. — Sur les Pycnogonides. je fus assez heureux pour observer deux périodes de dévelop- pement. Les œufs sont à-peu-prèes sphériques et ont mill. de diamètre. Les jeunes, de la première période de développement (PI. 3, fig.2,aet2,b), ressemblent beaucoup aux jeunes du pycno- gonum littorale, décrits plus haut, mais s’en distinguent ce- pendant par quelques différences. Longueur du corps: un peu plus de + mili. (environ -: mill.); largeur, # mill. Le corps est fortement convexe et élevé (sa plus grande hauteur est de — mill, et au delà). Longueur des pinces : +, mill., ou environ -; mill. ; elles sont donc, à proportion, beaucoup plus petites que dans l'espèce précédente. Du reste, elles ont la même forme et la même disposition que dans cette espèce, pourvues également d’un long fil, qui part de l'angle externe de leur article basilaire; mais ce fil est plus mince et plus court, et sem- ble présenter un petit article à sa base (ce que je ne puis affir- mer d’une manière positive). Le bec est plus petit et plus dif- ficile à observer. Les pieds ont aussi la forme de ceux du 2. littorale, mais ils sont plus petits et situés plus en avant. Leur longueur est d'environ -+ mill. Les deuxième et troisième arti- cles sont d’égale longueur, et chacun d’eux a le double de l'article basilaire. Je crois avoir aussi aperçu une petite soie partir de ce dernier article. Dans sa deuxième période, le Nymphon grossipes a un aspect tout différent (PI. 3, fig. 3). Longueur du corps : environ -- de mill. ; sa plus grande largeur + mill. Le corps est allongé, étroit, presque linéaire, à l'exception de sa partie antérieure , élargie en forme de disque ;je ne crois pas qu’il soit partagé en plusieurs segmens, du moins n’ai-je pu en apercevoir, Le bec est arrondi, je n'ai pu y distinguer aucune ouverture, ce qui m'empêche de : parler de la forme de la bouche. Les pinces (fig. 3, b), qui font une saillie considérable en avant du bec, se composent de deux articles à-peu-près égaux et qui ont ensemble une longueur d'environ + mill. De l’angle externe de l’article basilaire part un long fil sinueux; les ongles sont longs et fortement courbés ; le doigt immobile présente près de sa pointe une échancrure qui reçoit l'extrémité du doigt mobile, Entre les pinces et la KROYER. — ur les Pycnogonides. 291 première paire de pieds, j'ai vu quelquefois saillir sur les côtés ua petit organe (fig. 3, c) de -; mill. de longueur, et paraissant formé de deux articles ; d’après sa position, cet organe peut être considéré comme un rudiment de palpe. Les pieds sont robustes et ont, sous ce rapport, quelque ana- logie avec ceux du P. littorale adulte. La première paire (fig. 3, d), longue de #5, est formée de neuf articles, y compris les ongles. Le premier article de longueur moyenne; les deuxième et le troisième courts; le quatrième et le cinquième plus longs, à-peu-près égaux entre eux; le sixième un peu plus long; le septième court; le huitième ou la main, grande, ovale, armée d’un long crochet aigu et recourbé , et de deux autres crochets accessoires. Les bords externes et internes de cette patte sont munis de soies courtes mais fortes. La deuxième paire de pattes (fig. 3, e) est un peu plus courte que la première (longueur, = mill. ou : mill. environ); elle se compose aussi de neuf ar- ticles et ressemble assez à la première, quoique les proportions respectives des articles soient un peu différentes. La troisième paire (fig. 3, f) diffère beaucoup des deux précédentes, pour sa longueur et pour sa forme. Elle n’a guère plus de + mill. de lon- gueur, et tandis que les deux paires précédentes sont organisées pour ramper ou pour se fixer , celle-ci paraît devoir servir à la natation. Ces pattes n’ont que deux articles larges et plats, l’'ar- ticle basilaire est un peu plus long que le suivant; celui-ci , un peu atténué à son extrémité, est muni d’une soie vers la termi- naison de son bord externe. Phoxichilus femoratus. Je n’ai pu observer que la première période de développement de cette espèce, décrite pour la premiére fois par Rathke (1), sous le nom de Nymphon femoratum, et qu’on trouve assez (1) Naturhist. Skrifler, vol, 1, p. 201, tab. v, f. H, Je crois que cette espèce est la même que celle que mentionne Fabricius sous le nom de P, grossipes var. (Faun, Groenl, p. 231); j'ai eu, en effet, l'occasion d'examiner des individus du Phoz. femoratus du Groenland , qui offraient tout-à-fait les mêmes caractères que ceux des côtes de Norwège, Je crois aussi cette espèce identique avec l'Orythia coccinea des côtes d'Angleterre (Zoo!, Journ, 1838), 19: 292 KROYFR. — Sur les Pycnogonides. communément sur les côtes de la Norwège. Cet animal ( PI. 9 B, fig. 4) ressemble assez, pour l'essentiel, à la première période des deux espèces précédemment décrites, mais cependant présente quelques différences qui suffisent pour le distinguer de celles-ci. Les œufs sont trés petits, d'environ -5 de diamètre. La lon- gueur du jeune, mesurée depuis l'extrémité des pinces, est de + mill., sa largeur de + mill. Le corps est arrondi en arrière, un peu rétréci en pointe en avant, entre les pinces, mais sans offrir de véritable bec. La longueur des pinces est d'environ -;; elles ont la forme des pinces des deux espèces précédentes ; mais je n'ai vu, ni dents au bord interne des doigts, ni aucune soie à l'angle externe de l’article basilaire. Les deux premiers articles des deux paires de pieds sont à-peu-près égaux entre eux, et ont ensemble -= mill. de longueur. Le troisième article est rem- placé par une soie extrêmement longue, dont il n’est guère pos- sible de déterminer les dimensions, parce qu’elle est souvent roulée autour du corps de l'animal, ou entrelacée avec d’autres individus. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’elle dépasse de plu- sieurs fois la longueur totale du corps. et qu’elle est à propor- tion plus longue que l'organe filiforme du P. littorale. EXPLICATION DES FIGURES ( Planche 9 B). Fig. 1. Jeune Pycnogonide littorale récemment sorti de l'œuf et se trouvant encore sur sa mère, Fig. 2. Jeune Wymphon grossipes. — a. Vu de profil ; f. Vu du dos. Fig. 3. — a. Jeune AN, grossipes après la première métamorphose, mais encore fixé à sa mère; à. Antennes chéliformes ; c. Premiers vestiges des palpes ; d. Pied de la première paire ; e, Pied de la deuxième paire; f. Pied de la troisième paire, Fig. 4, Jeune du W. fémoratum de Ralhke, sOLx, — Sur l’Isaura cycladoides. 293 Recuercaes zoologiques, anatomiques et physiologiques sur l’Isaura cycrapoïines, nouveau genre de Crustacé à test bi- valve, découvert aux environs de Toulouse, Par M. N. Joy, Professeur de zoologie à la Faculté des Sciences de celte ville. AVANT-PROPOS. Le petit Crustacé dont nous allons esquisser l’histoire a été découvert le 3 juin dernier dans un fossé accidentellement rempli d’eau pluviale. Aucun auteur, du moins à notre connaissance , ne paraît avoir décrit cet animal, qui offre plusieurs rapports de ressemblance avec le genre Limnadie, de M. Adolphe Bron- gniart, et se rapproche peut-être plus encore du genre Cyzcius, proposé par M. Audouin (1). Cependant les caractères qui le distinguent nous ayant semblé suffisans pour nécessiter l’établis- sement d’un nouveau genre , nous avons choisi le nom d’/saura, afin de rappeler en même temps le souvenir d’une femme céle- bre que Toulouse a vue naître et la localité où notre animal a été rencontré pour la première fois. Quant à la dénomination spé- cifique Cycladoïdes, elle indique un des traits les plus saillans de ce branchiopode. Faire connaître la structure extérieure et intérieure de l’/Zsaura (x) Ce genre ne renferme encore que deux espèces: 1° le Cÿzicus tetracerus ( Audouin ); Limnadia tetracera (Milne Edw.), trouvé par M. Krinicki, aux environs de Charkow, dans l'empire de Russie; 2° le Cyzicus Bravaisii( Aud.), découvert par M, Bravais à Arzeu , près d'Oran (Voir les Aun, de la société entomologique , an. 1837, p.y). Dans son histoire natu- relle des crustacés, M. Milne Edwards réuuit la première espèce aux Limnadies, et s'exprime de la manière suivante à l'égard de la seconde, et du genre qui la renferme : « Le genre Cyzi- “ que de M. Audouin paraît être identique avec le précédent { Limnadie), mais ce savant n'a « pas encore fait connaître les caractères de l'espèce qu'il désigne sous le nom de Cyzique Bra- = vaisii, » ( Hist, vat, des crust, t.wrr , p. 363). Or, notre animal se distingue des Limnadies par un ensemble de différences trop fortement trauchées, pour qu'il soit possible de le coufou- dre avec elles, 294 1oLY. — Sur l’Isaura cycladoides. cycladoïdes, étudier ses mœurs, sa physiologie et ses métamor- phoses, indiquer les analogies qui la rapprochent et les différen- ces qui la séparent des autres crustacés, exposer ses caractères génériques et fixerçsa place dans la méthode, tel est le plan qui nous a paru le plus naturel et que nous avons cru devoir adopter. Description de l’IsaurA cYGLADOIDES. De tous les Crustacés revêtus d’un test bivalve, l’Isaura cycla- doides ( PI. 7, fig. 1)est peut-être celui qui offre extérieurement le plus de ressemblance avec certains Mollusques. Son analogie avec les Cyclades et surtout avec les Cyclas rivalis et C.calycu- lata est tellement frappante qu'on pourrait aisément le confondre avec clles , lorsqu'il se tient immobile sur la vase des fossés , où il vit habituellement ; mais la méprise n’est plus possible dès qu'il se met à nager au sein du liquide et qu’on lui voit agiter ses longues antennes rameuses et ses nombreuses pattes. Pour l’étudier plus facilement , dépouillons-le de sa coquille, mettons-le dans une petite quantité d’eau et armons-nous d’une loupe un peu forte. Tête. Ce qui nous surprend tout d’abord, c’est la forme sin- gulière de sa tête et le grand développement des organes loco- moteurs dont elle est pourvue. Vue en dessus (fig. 3), cette par- tie offre l’aspect d’un long bouclier triangulaire, ou plutôt de deux triangles inégaux adossés base à base, Le plus grand de ces triangles représente une espèce de bec , dont la portion anté- rieure et supérieure est creusée en gouttière. A-peu-près au milieu, on aperçoit une saillie noire, convexe , demi circulaire, ce sont les deux yeux, ici très rapprochés, Derrière cette émi- nence, le bouclier céphalique s’élargit, devient bombé et envoie un prolongement mammiforme au-delà de la base du triangle, qui en constitue la principale partie. Les angles de cette base sont occupés par deux petits mamelons (aa), sur lesquels les mandibules (ee) viennent s’articuler. Le second triangle ne pré- sente rien de remarquable, si ce n’est une crête recourbée en arc et comme festonnée, qui s'étend de la base au sommet. Antennes rameuses. Sur les côtés du premier triangle, un 30LY. =— Sur l’Isaura cycladoïdes. 299 peu en arrière des deux yeux, sont fixées deux longues an- tennes (dd), composées d’un pédicule (fig. 2, g) énorme rela- tivement au volume de la tête, et de deux branches plus gréles, au moins deux fois aussi longues que lui (A, i). Au pédicule on compte assez difficilement neuf articles , et lon n’aperçoit qu’à l'aide d’un grossissement assez considérable les touffes de poils qui en garnissent le dos et le contour des articulations (fig. », g). Des deux branches antennaires , la supérieure est un peu plus courte que l’autre; assez souvent aussi l’on ÿ compte un article de moins. Le nombre des articles lui-même varie de treize à dix- sept. Tous sont munis en dessus de poils, recourbés en cro- chet (cc) en dessous : ils portent des pinceaux de poils ciliés et rameux ,analogues sous ce dernier rapport à ceux qui garnissent les pieds-mächoires du Pontia Savigny (d). (1) Antennules. Indépendamment des antennes rameuses , il en est deux autres plus courtes, dont on ne voit que l'extrémité, lorsque la tête est dans la position où nous l'avons placée au commencement de cette description. Pour se faire une idée exacte de ces organes, il faut regarder la tète en dessous ou de profil. Alors on découvre une cloison (2) verticale très mince (fig. 2,c), sur laquelle s’appuie supérieurement le prolonge- ment rostriforme du bouclier céphalique et qui porte à sa partie inférieure un labre épais et charnu (4), dont nous ferons bientôt connaître la structure. C’est au point de jonction du labre et de la cloison médiane que s’insèrent les petites antennes (fig. 5,7): elles sont conséquemment très rapprochées à leur base , recour- bées en S et formées de douze à treize articles, dont les cinq où six derniers sont souvent peu distincts et inégalement dévelop- pés dans chaque antenne. A l'exception du premier, qui, plus renflé et plus long que les autres, peut être considéré comme une espèce de pédicule , tous portent le long de leur face supé- rieure des mamelons coniques, garnis à leur sommet de petites (x) Milne Edwards, Annales des sciences naturelles, tome xx, pl. 14, fig. 7. (2) C'est uniquement pour la commodité de la description que nous donnons à cette portion de la tête le nom de cloison verticale , et que nous réservons celui de labre à celle qui lui fait Suite, On verra bientôt qu'en réalité ces deux parties constituent un seul et même organe, 296 OLY. — Sur l’'Isaura cycladoides. touffes de poils très courts. Il est à noter que le nombre de ces mamelons ne dépasse jamais quatre pour chaque article , et qu'il diminue en allant de la base au sommet, mais sans suivre cepen- dant une progression décroissante régulière dans l’une ou l’autre antenne. Nous avons déjà observé ce défaut de symétrie dans les antennes rameuses, défaut d’antant plus remarquable que la forme et le nombre des articles qui composent ces organes sont presque toujours déterminés pour chacun d'eux chez les articulés. Bouche. Etudions maintenant la structure de l'appareil buccal: il se compose d’un labre (fig. 5,c , d), de deux mandibules (e), d'une paire de mâchoires très difficiles à distinguer (fig. 5, /, et PL. 8, fig. 23, a), et d’une lèvre inférieure bilobée (fig. 23, d, et fig. 3o,c,d,e). Labre. Xe labre, tel que nous l’avons arbitrairement délimité tout-à-l’heure, est de forme à-peu-près pentagonale , charnu, courbé en arc, et présente un rebord saillant très marqué, sur- tout à son extrémité postérieure, où il s’avance en pointe. Des poils tres fins, que l’on ne peut bien distinguer qu’à l’aide d’un grossissement de deux ou trois cents diamètres , garnissent le rebord et surtout la pointe dont nous venons de parler. D'autres poils , également très déliés, forment une espèce de brosse en dessous du labre, vers le milieu de sa concavité. Cet organe recouvre la portion triturante des deux. Mandibules. Mandibules cornées , creuses, pyriformes et recourbées dans leurs deux tiers extérieurs, en cône tronqué dans la portion que recouvre le labre. Celle-ci fait à-peu-près un angle droit avec la première, et se termine par une espèce de calotte noire dentée , plus dure que le reste et formée de tubes cornés, courts et parallèles entre eux. Rappelons-nous que l'extrémité supérieure des mandibules s'articule avec les mame- lons latéraux du bouclier céphalique, et que leur face interne est munie d’une ouverture très large, destinée à livrer passage à une masse musculaire que nous aurons bientôt l’occasion de décrire. Mächoires. Malgré l'analogie qui existe évidemment entre l'Isaura et le genre L'mnadie de M. Ad. Brongniart, nous ne 3OLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 297 saurions, avec ce savant, considérer comme représentant les mächoires , le bec ou cloison médiane qui porte le labre et les petites antennes. Nous croyons, au contraire, que cette cloison fait partie du labre lui-même , et nous verrons plus tard que l'étude des mues et des métamorphoses confirme cette détermi- mation. Les vraies mâchoires de l’/Zsaura Cycladoides et peut- être aussi celles des Zimnadies se trouvent placées derrière les mandibules. Ce sont deux petits corps charnus, blanchätres, munis sur leur bord supérieur et interne de poils ciliés très fins, probablement destinés à tamiser les alimens et à les faire che- miner dans une gouttière en triangle allongé, formée par un prolongement des mächoires ; et analogue à la languette ( Savi- gny) ou lèvre inférieure ( Duvernoy) de la plupart des animaux articulés. Tronc ou thoracogastre. Confondu avec l'abdomen , le tronc a la forme d’un prisme triangulaire allongé et plus où moins recourbé vers sa partie inférieure ( PL. 7, fig. 2, p, g).1l se com- pose de vingt-six anneaux d'autant plus larges, mais d'autant moins solides qu'ils sont plus voisins de la tête. Les vingt-quatre pre- miers sont pédigères ; le vingt-cinquième est nu, incomplet en avant et souvent caché presqu’en entier sous ceux qui le pré- cèdent; le vingt-sixième porte des épines et des espèces de crochets, que l’on peut considérer comme étant la queue de l'animal. A partir du septième ou huitième article, on voit régner le long du dos une crête verticale qui, à l'œil nu, parait dentée. Cette apparence est due à de petites touffes de poils (r; r) crochus , qui naissent de la face supérieure et postérieure de chaque anneau. Queue. L'anneau caudal (s), plus large et plus solide que tous les précédens, semble formé de deux feuillets cornés ,appli- qués l’un sur l’autre, ou plutôt d'un seul feuillet replié sur lui-méme. Chaque moitié de ce feuillet est armée sur son bord postérieur de quatre ou cinq épines (1) d’inégale longueur, et d'un gros crochet recourbé (1), lui-même surmonté d’un crochet plus long (4), articulé à sa base, cilié sur la première moitié de sa concavité, finement denté dans le reste de son étendue. Enfin deux poils tres déliés,courbés en sens inverse des crochets, 298 JOLY. == Sur P’Isaura cycladoïdes. sont fixés à un petit mamelon placé non loin du bord supérieur. Pattes. Celles-ci, au nombre de vingt-quatre paires chez le mäle , peuvent se diviser en deux séries bien distinctes : l’une, formée par les deux premières paires, que nous appellerons indifféremment Aarpons , mains où pattes tridactyles (l, m); l’autre se composant des pattes, auxquelles nous réserverons le nom de branchiales (r , 0); c’est de celles-ci qu’il va d’abord être question. Pattes branchiales. Considérées dans leur ensemble sous le double rapport de la longueur et de la largeur, les pattes bran- chiales diminuent considérablement, à mesure qu’elles s’éloi- gnent de la tête, de sorte que, l'animal étant couché sur le flanc, leur ensemble constitue un triangle à base supérieure et à som- met dirigé du côté de la queue. Si l'or place l’Zsaura sur le dos ,et qu’on étale de chaque côté ses pattes en branchies, on aperçoit dans l'intervalle qui les sépare une rainure profonde, bordée des deux côtés par une série de petites éminences arrondies; séparées les unes des autres par des sillons parallèles, et d'autant moins prononcées qu'on les examine plus près de la partie caudale. Les pattes elles- mêmes , très rapprochées et presque confondues entre elles , se présentent sous l'aspect de petites côtes à convexité tournées du côté de la tête. Mais, si, après avoir détaché une de ses pattes, la deuxième, par exemple, on la soumet au microscope , on voit qu’elle est essentiellement formée de quatre articles , aux- quels sont attachés divers appendices, la plupart destinées à la respiration (fig. 7). Le premier article (r), celui par lequel la patte tient au tronc, est court et presque entierement musculeux. Le deuxième et le troisième (2,3), de forme à-peu-près quadrilatère , sont d’une consistance plus solide. Le quatrième, très mince, en partie transparent , ressemble à une palette en ovale allongé (4). Au bord antérieur ou interne du premier article, on remarque une espèce de crochet, qui, lorsque l'animal est sur le dos, semble s'appuyer sur la face ventrale (a); le deuxième et le troisième portent chacun deux appendices d’inégale longueur (b,c,d,e); un doigt corné (2), articulé et légerement courbé vers son tiers 30LY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 299 inférieur, se fixe dans l’échancrure (x, y) de cet appendice, ét constitue, avec la palette, une espèce de griffe bifurqnée. Le bord interne ou postérieur du deuxième article offre à sa base un organe cylindrique allongé (f), tout-à-fait analogue à celui que M. Ad. Brongniart a désigné chez les Limnadies sous le nom de canal récurrent; enfin à la face postérieure de ce même article s'attache une membrane triangulaire (g) , garnie sur ses bords de poils rameux et ciliés. Des poils de même nature se remarquent également sur la palette, sur le crochet, ainsi que sur les quatre appendices placés au bord interne. La description qui précède convient à très peu de chose près aux cinq premières paires de pattes branchiales. A partir de la sixième, le doigt corné diminue notablement de longueur : il est rudimentaire dans la onzième ,et disparaît dans la douzième. La vésicule cylindrique (f) s’allonge dans les troisième, quatrième et cinquième paires au point de dépasser souvent la portion pos- térieure et rétrécie de la membrane triangulaire. Dans les der- nières paires, elle est nulle ou réduite à l’état de simple rudi- ment. Quant à la membrane en forme de triangle, elle s’élargit de plus en plus. Il en est de même de la palette , qui d’ovale allon- gée devient tout-à-fait ovale et finit par n’être plus représentée que par un mamelon muni de quelques poils. Le crochet cilié se modifie en sens inverse, c’est-à-dire que son volume aug- mente à mesure que celui des autres appendices tend à diminuer ( voyez les figures 8,9,10,11,12). Mais quelque grandes que soient les modifications dont nous venons de parler, quelque différence qu'il y ait au premier coup- d'œil entre la premiére et la dernière paire de pattes branchiales, en examinant avec attention la série qui conduit de l’une à l'autre , on voit que ce sont toujours les mêmes organes. A tra- vers toutes leurs métamorphoses, on reconnaît facilement les parties dont ils sont formés; enfin l’on acquiert une nouvelle preuve de la justesse de cette loi féconde que l’auteur des Etndes progressives a le premier formulée sous le nom de /oi du balancement organique. Pattes tridactyles. Yes réflexions qui précédent peuvent s’appli- quer également à quatre appendices très singuliers qui forment le 300 3OLY. — Sur l’Isaura cycladoides. caractère distinctif le plus saillant des mâles, qui ne se trouvent que chez eux, et que nous avons déjà désignés sous le nom de harpons, de mains ou de pattes tridacty les (fig. 6). En effet, ces appendices , placés en avant des premières pattes branchiales, ne diffèrent de celles-ci qu’en ce que le troisième article (3) et ses appendices (d, e) y sont devenus plus solides et ont pris une certaine ressemblance avec le métacarpe d’une main hu- maine, vue de profil. Un crochet corné recourbé en demi- cercle (4), paraît avoir remplacé la palette. L’appendice antérieur du troisième article, outre une espèce d’apophyse assez sail- lante (y ), porte encore un mamelon (x), muni à son sommet de gros poils coniques , tres courts, disposés en brosse, Ce mame- lon est surmonté d’un petit organe digitiforme (2), qui n’est autre chose que le doigt corné ajouté à cet appendice dans les douze premières paires de pattes branchiales; enfin un autre doigt corné (z'), mais de nouvelle formation, et destiné sans doute à remplir un rôle dans la fécondation , se trouve fixé en dedans du crochet (4), représentant de la palette. Toutes les autres parties sont tellement semblables à celles que nous avons déjà décrites, qu’il nous suffira de renvoyer à nos figures, pour constater cette ressemblance. Observons seulement qu'ici la moitié terminale de l'organe a exécuté un mouvement de tor- sion et s’est repliée sur la moitié basilaire, de manière que la concavité des crochets , qui devait être inférieure, est devenue supérieure (voir l'explication de la figure 6). Ainsi, malgré les nombreuses variétés, de forme que nous venons de signaler, il existe des analogies de structure incontes- tables entre toutes les pattes de l'/saura. Ces analogies subsistent encore quand on compare ces mêmes pattes à celles des genres vaisins, et même à celles des Crustacés supérieurs. Ne retrouvons-nous pas chez les Limnadies ie crochet cilié, les quatre appendices également ciliés placés au bord interne de l'organe, le vésicule cylindrique et la membrane triangulaire? Le ‘loigt corné a seul disparu; mais on saitqu'’il n'existe plus chez l'Isaura à partir de la douzième paire de pattes branchiales (Voy. fig. 15 bis,, et mieux encore la figure 7 du Mémoire de M. Ad. Bronguart). OLY. — Sur L’Isaura cycladoïdes. 3o1 Mèmes rapports de structure dans le genre Æpus, surtout si, pour établir la comparaison, l’on choisit la septième ou la hui- tieme paire chez ce dernier branchiopode. Là, en effet, les ar- ticles ayant diminué de longueur, les appendices qu’ils portent se sont rapprochés, et les ressemblances avec ceux des /saura deviennent plus faciles à saisir (Confér. fig. 8 et 16). Ces rap- ports nous paraissent si frappans, que des lettres suffiront pour les indiquer (1) (voir l'explication des planches). Enfin, si nous mettons une des pattes de notre animal en parallèle avec les pattes ambulatoires des Crustacés supérieurs, nous y trouve- rons, comme chez ces derniers, une tige, un palpe et un fouet. Ici le palpe n’est autre chose que la lame triangulaire (g); le fouet est constitué par la vésicule cylindrique (f), placée à la partie externe et basilaire du deuxième article; enfin le reste de l'organe forme la tige, et offre avec celle des mâchoires externes des Squilles et des Mysis; les mêmes rapports de ressemblance que M. Milne Edwards a signalés déjà chez les Æpus (2). Con- cluons donc, avec cet habile zoologiste, que: « malgré la di- « versité extrême qui existe dans les formes aussi bien que dans « les fonctions des membres appartenant aux différens anneaux « du corps d’un même Crustacé, ou au même anneau dans des « espèces diverses, il n’en est pas moins vrai que, sous le rap- « port de leur mode de formation, ces organes présentent en « général une tendance remarquable vers l’uniformité de com- « position; les mêmes élémens s'y retrouvent toujours en totalité « ou en partie, et c'est de fa présence on de l’absence, du déve- « loppement ou de l’état rudimentaire, de la texture cornée ou « membraneuse, ainsi que des autres particularités que peuvent « présenter la tige, le palpe et le fouet, que dépendent toutes « les différences qu'on rencontre dans la structure de ces or- « ganes» (3). (x) Notons ici que la vésicule ou sac ( Schæffer ) des Apus n'est pas toujours aplatie, ainsi que l'a représentée M. Milne Edwards, d'aprés les exemplaires conservés dans l'alcool (His. nat. des crust., pl.2, fig. 16 et 17); mais bien remplie ordinairement d'un suc rouge et gonflée comme celle de l'/saura, Nous nous en sommes convaincus sur des individus vivans trouvés aux environs de Toulouse, (2) Tome 1#°, p. 50 de l'Hist, des Crust. (3) Dans son Mémoire sur quelques points de l'organisetion des limules, M, Duvernoy a 302 oLY. — Sur d'Isaura cycladoïdes. Jusqu'à présent il n’a été question que du mâle adulte ; disons un mot de la femelle, qui s’en distingue au premier coup-d'œil par l’absence des pattes tridactyles. Mais comme lui elle a vingt- deux paires de pattes branchiales, toutes construites sur le même modèle, Les seules différences sexuelles extérieures que nous ayons encore à signaler se réduisent à un peu moins de lon- gueur dans les doigts cornés que l’on remarque au quatrième article des douze premières paires, et, par une espèce de com- pensation ou de ba/ancement organique, une longueur un peu plus considérable dans la vésicule cylindrique et dans la portion postérieure ou rétrécie des troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième paires. Les antennes en rames et les petites antennes, bien que composées du même nombre d'articles que chez les mäles, nous ont paru généralement un peu plus courtes que celles de ces derniers. Enfin, les crochets de la queue sont un peu moins robustes, et les valves un peu plus bombées. Tels sont les organes qui s'offrent à la vue aidée du micros- cope, quand l'animal est retiré de sa carapace ou, pour mieux dire, de sa coquille. Quel nom plus convenable en effet, pouvons- nous donner à un test ayant exactement la forme de certaines coquilles bivalves (fig. r et 4), présentant jusqu'aux stries d’ac- croissement (d), qu’on observe à la surface de ces dernières, ornée comme elle de couleurs irisées et chatoyantes, et, comme elles fixée au corps de l'animal par des muscles particuliers ? Quoi qu'il en soit, cette carapace est ovale, demi transparente, jaunûtre, élastique et assez grande pour que l'animal puisse s’y renfermertoutentier. Vue par son bord supérieur, elle présente deux crochets recourbés (a a) antéro-dorsaux, deux natèces (b b) saillantes, plus élevées que les crochets; enfin une espèce de charnière analogue à celle des jambonneaux (c). On pourrait méme à la rigueur y distinguer une lunule et un écusson. Le bord inférieur, moins épais que le supérieur, est garni formulé cette loi d'une manière encore plus générale en disant : « Dans tous les articulés en « général, et dans les crustacés en particulier, tous les appendices préhensibles, masticateurs « ambulatoires et rotateurs qui appartiennent à la face inférieure ( abdominale ) du corps, se « transforment évidemment les uns dans les autres, suivant les ordres ou les familles. Ce ne « sont que des modifications d’un même plan, » Ann, des Sciences nat., janvier 1841, p. 20. 3OLY. — Sur l'Isaura cycladoiïdes, 303 d'un grand nombre de poils analogues à ceux qu'on remarque à cet endroit sur le test des Lyncées et du Monoculus Pulex (fig. 1,e). En parlant du Monoculus striatus ( Cypris striata, Desmarest), Jurine s’exprimait ainsi: « Je ne connais que cette espèce dont la coquille soit striée longitudinalement comme celle des Unio et des Anodontes (1). Long-temps après lui, M. Audouin a éga- lement signalé ce caractère dans son genre Cyzicus (2). A cette liste si peu nombreuse de Branchiopodes à coquille véritable- ment striée, nous pouvons ajouter maintenant l’/saura cycla- doides. La face externe des valves de ce Crustacé est en effet marquée de stries longitudinales nettement prononcée, paral- lèles, plus écartées au milieu de la carapace qu’à sa base et à son sommet, et variables pour le nombre suivant l’âge de l’ani- mal. Sur plusieurs individus de taille différente, j'en ai compté de vingt à vingt-six, et jamais davantage (fig. 1, 4). La face interne ou concave est recouverte par deux mem- branes trés minces (3), hyalines, velues sur les bords, dont l’une paraît adhérer plus où moins fortement aux valves elles-mêmes (fig. 2, y ); tandis que l’autre s’en détache plus facilement, se continue avec la peau qui revêt tout le corps, et se trouve séparée de la première par une couche plus ou moins épaisse de matière comme gélatineuse (x), jaunätre ou d’un brun clair, destinée, je ne dis pas à reproduire la coquille, mais bien à l'agrandir à chaque mue. Cette substance elle-même paraît four- nie par un appareil situé immédiatement au-dessousdesnatèces. Il se compose de deux ou trois canaux presque circulaires, con- centriques, renflés et rétrécis d'espace en espace, et contenant un suc jaunâtre ou rouge-brun, tout-à-fait analogue à celui que Schæffer a trouvé dans les tubes en V du bouclier de l'4pus cancriformis, et que nous avons nous-même observé cette année chez l’Apus productus. Ce qu’il y a de certain, c’est que la ma- (5) Jurine. Histoire des monocles, p. 177, pl. 19, fig. x. (2) Ann, de la Société entomologique , 1837, p. 9 (Bulletin). (3) Dépouillée de ces membranes et de la couche concrète qui les sépare, la face interne présente des reflets irisés, 304 socv. — Sur l'Isaura cycladoïdes. tière dont il s’agit, et que nous désignerons désormais sous le nom de sue concret, est là plus abondante et plus épaisse que dans tout autre endroit de la coquille. L'appareil dont nous venons de parler entoure la base d’un gros faisceau de muscles, adhérant d’une part à la valve elle- même, très près de la cavité des sommets, par simple contignité de tissu, fixé de l’autre derrière les mandibules| (fig. 2, z). Nons avons vainement cherché l'impression musculaire, nous com- prendrons plus tard à quoi tient son absence. Enfin, la char- nière ne nous a offert ni dents ni cavités. Quant aux dimensions de la coquille chez lZsaura adulte, en voici le tableau d’après quatre individus de sexe différent : Longueur. Hauteur, Épaisseur, Nombre de stries, JR Eds péieetr etlt) ne Re intro nen) MR MR | ill ill mill 9,6 6,5 4,0 20 Mäle. | 11,9 LRA 4,5 21 Femelle, 12,5 5,3 5,0 24 Mäle. Femelle. Ta longueur de l'animal lui-même surpasse généralement de 1,5 à 2 millim. celle de sa coquille, ce qui en fait un vrai géant parmi les Crustacés à test bivalve. Quant à la couleur du corps, elle varie du blanc grisätre ou jaunâtre au brun plus ou moins foncé. Anatomie de l’ISAURA CYCLADOÏDES. Maintenant que nous connaissons la structure extérieure de l'/saura cycladoides, étudions son organisation interne et com- mençons par le squelette tégumentaire ou dermato-squelette. Dermato-Squeleite. La peau qui recouvre l'animal n’a pas partout la même consistance ni la même épaisseur. Très mince, très flexible, hyaline sur les pattes branchiales, les mächoires et la plus grande partie du tronc, elle devient plus épaisse sur les neuf ou dix derniers anneaux qui le terminent, s'épaissit sozv. — Sur l'Isaura cycladoïdes. 305 encore davantage pour former les antennes, le labre et le bou- clier céphalique, et finit par ‘être tout-à-fait cornée, élastique et jaunâtre au troisième et au quatrième article des harpons du mâle, aux mandibules et à l'anneau caudal chez les deux sexes. Vue au microscope et sous un grossissement de 350 diamètres, la peau qui recouvre les grandes antennes et le bouclier cépha- lique se montre parsemée d’une fouie de petits tubercules ovales, transparens à leur pourtour, opaque à leur centre, et disposés en séries parallèles (fig. 19). Celle des orgares où elle est le plus mince n'offre pas cette particularité : il en est de même des parties de consistance réellement cornée. Structure de la coquille. Celle-ci est évidemment formée de plusieurs membranes superposées, transparentes sur la plus grande portion de leur surface, plus consistantes et plus épaisses sur leur bord inférieur, qui, en raison de cette circonstance , se laisse moins facilement traverser par la lumière. Ces mem- branes, d’autant plus grandes qu’elles sont plus internes, sont soudées entre elles par une matière animale soluble dans les alcalis caustiques, ce qui permet de les isoler et, pour ainsi dire, de cliver la coquille. Cette espèce de clivage peut s’exécu- ter aussi, mais d’une manière moins nette et moins facile, en exposant le test à la flamme d’une lampe à alcool. On le voit alors se charbonner en répandant une odeur qui se rapproche de celle de lhuitre brülée, et se déliter sur les portions à demi consumées en feuillets minces, à reflets cuivreux, très brillans. Examen chimique de la coquille. Si, après avoir dépouillé les valves de la couche de suc concret qui les recouvre à l’inté- rieur, on dépose à leur surface quelques gouttes d’acide azo- tique ou hydrochlorique, il se manifeste une effervescence assez vive, la liqueur jaunit, et le tégument qui s’y trouve plongé devient mou et flexible comme du papier mouillé. L’efferves- cence est beaucoup plus marquée si l’on a soin de n’opérer qu'a- près avoir laissé le test exposé pendant quelque temps à l’action de la potasse ou de la soude caustique. Le gaz qui se dégage, dans cette circonstance, est très vraisemblablement de l'acide carbonique, et la substance à laquelle il était combiné, ne paraît XVWIL Zoor, — Mai. 20 306 31%. — Sur l’Isaura cycladoïdes. être autre chose que de l’oxide de calcium. En traitant par la potasse la solution qui résulte dela digestion de la coquille dans l'acide azotique, on obtient un précipité blanchâtre soluble dans un excès du même acide. L'inspection microscopique confirme les résultats fournis par la chimie; car, si après avoir laissé la coquille deux ou trois jours dans la potasse, on soumet à un grossissement un peu considérable les particules granuleuses et blanchâtres qui restent sur les bords de chacune des membranes dont elle se compose, on voit que ces particules sont formées de cristaux, la plupart octaédriques, mélés à des corpuscules inorganiques , tout-à-fait amorphes. Nous croyons inutile de faire remarquer ici les analogies frap- pantes qui existent entre la carapace de l’saura cycladoides et le test des Mollusques eux-mêmes. Du reste, nous aurons encore l'occasion d'y revenir et de signaler quelques particularités inté- ressantes, lorsqu'il sera question de ce singulier tégument, con- sidéré par rapport à son mode de formation. Ajoutons seulement que, outre le carbonate de chaux, il parait contenir une quan- tité notable de 'chitine ou entomoline (1), ce qui le rapproche du test des Insectes et de celui des Crustacés supérieurs. En effet , ainsi que nous l'avons déjà dit, la potasse ne fait que le ramollir considérablement, sans le dissoudre en entier. Toutes les membranes composantes restent intactes, hyalines et trans- parentes comme la peau du thorax et des pattes branchiales. Enfin, soumis au feu, le test lui-même se charbonne en conser- vant sa forme et une certaine solidité. Examen chimique du suc contenu dans les canaux circulaires. Un mot sur les propriétés du suc contenu dans les canaux tor- tueux qui entourent la base des muscles abducteurs des deux (x) M. Odier , en signalant le premier l'existence de ce principe dans les tégumens des in- sectes et des crustacés, avait avancé qu'il ne renferme pas une trace d'azote ( Meém. de la société d'Hist, nat, de Paris. t. Tr, p. 36.) La mème assertion se trouve reproduite dans la Physiologie comparée du professeur Dugès,t. xt, p. 127. Or, nous lisons dans l'ouvrage du docteur Peter Marie Roget, intitulé : Animal and vegetable physiology considered with refe- rence to natural theology : « That this conclusion ( l’absence d'azote dans la chitine) has been æ to hastily adopted has been proved by M. Children, who, by pursuing another mode of analysis , found that the chitine of cantharides contains no less than nine or ten per cent, « of nitoogen, = 30OLY. — Sur l'Isaura cycladoïdes. 3v7 valves. Mélé à l’eau, ce suc la teint en brun jaunâtre; les acides e la chaleur y déterminent la formation de pellicules blanchâtres, ce qui semble prouver que, indépendamment du principe qu’il colore , il renferme aussi une certaine proportion d’albumine. Anatomie des organes de la digestion. Nous avons déjà fait connaitre les parties qui composent la bouche; il ne nous reste plus qu’à décrire le canal digestif (fig. 5). D'un diamètre assez considérable, relativement au volume de l'animal, le tube ali- mentaire commence chez l'adulte immédiatement au-dessus des mandibules , remonte un peu vers la partie supérieure de la tête, se recourbe en arrière et se prolonge en suivant la direction générale du corps, jusqu'aux deux grands crochets qui termi- nent l’abdomen. On y distingue d’abord une portion plus longue, plus large, plus mince que le reste et formée de fibres transversales con- centriques , extrémement rapprochées. Cette partie peut être considérée comme étant l’æsophage ou l'estomac de l'animal (m). A cette portion en succède une autre plus étroite, bosselée (7), dans laquelle on aperçoit en même temps des fibres transver- sales et des fibres longitudinales, plus grosses et plus épaisses que les premières. C’est évidemment l’analogue de l'intestin gréle des animaux supérieurs. Enfin vient le gros intestin (0), dent la structure anatomique est la même que celle du précé- dent, et auquel fait suite un rectum court, recourbé en avant, formé des deux espèces de fibres, ici plus grosses et plus mar- quées que dans les autres portions du canal digestif, L’anus est percé entre Îes deux grands crochets (p p) qui garnissent l’an- neau caudal. Il est bon d'observer que sur plusieurs ‘individus dont le canal alimentaire était plein d’excrémens, ce tube nous a paru d’un diamètre égal partout, ce qui prouve que les diver- ses parties dont ils secomposent jouissent d’une grande extensi- bihité. Nons n'avons pu découvrir , chez l'adulte , ni cœcum , ni glandes salivaires, ni organe hépatique. Appareil circulatoire. Le peu de transparence et la grande épaisseur de la couche musculaire qui forme la crête dorsale, ne permettent pas, méme après qu'on a coupé une grande portion de la coquille, d'apercevoir l'appareil circulatoire chez l'/saura 20, 308 soLv. — Sur d'Isaura cycladoïdes. parvenu à son développement complet. D'un autre côté, la dissection du cœur est tellement difficile, que nous n’avons jamais réussi à l’isoler entièrement des tissus qui l’environnaient. Quoi qu’il en soit, tout nous porte à penser que cet organe, chez l'adulte, ne diffère pas sensiblement de celui des jeunes individus. Or, chez ces derniers, il a la forme d’un long vais- seau dorsal, que nous décrirons avec plus de détail lorsqu'il sera question de leurs métamorphoses (Voyez fig. 43, r.). Appareil respiratoire. S'il est vrai que l’appareil respiratoire des Branchiopodes consiste à-peu-près uniquement dans les pattes lamelleuses et ciliées dont ces animaux sont pourvus, nous n'avons rien à ajouter à la description que nous avons faite précédemment de celles de lZsaura, si ce n’est que la portion éminemment respiratrice de ces dernières est surtout formée par la membrane triangulaire, les appendices ciliés, la palette , et peut-être aussi la vésicule cylindrique. Appareil de la reproduction. Nous ignorons complètement quel est le siège de l’organe générateur mâle, à moins qu'on ne prenne pour tel l'espèce de doigt demi corné qui se tronve à la face interne des pattes tridactyles (fig. 6, z’), ce qui toutefois nous paraît peu probable. Nous ne savons pas davantage s’il existe un organe copulateur chez la femelle; mais nous avons parfaitement distingué chez elle deux ovaires en grappes, situés le long des côtés du corps et enveloppant presque tout l'intestin. La ressemblance de ces ovaires avec ceux qu'on observe chez les Æpus , nous avait fait espérer d’abord de trouver dans une des douze premières paires de pattes branchiales un orifice spé- cial pour la sortie des œufs. Toutes nos recherches à cet égard ont été complètement infructueuses, et nous ne sommes pas encore fixé sur le lieu précis où la ponte s'opère. OEufs. Quant aux œufs, ils n’ont pas tous la même couleur ni la même dimension. Ceux qui sont sortis des ovaires depuis quelques jours sont sphériques , de couleur légèrement rou- geàtre ou gris-rosé (fig. 37, 38). Leur diamètre varie d’un cinquième à un sixième de millimètre. Ils sont composés de deux membranes minces, hyalines, enveloppant, l’une l’albu- men, l'autre le vitellus. La première (a) est lisse à l'extérieur; 30LY. — Sur l'Isaura cycladoïdes. 309 la seconde (c), au contraire, est recouverte de cils rayonnans. L’albumen (2) compris entre ces deux membranes est une sub- stance liquide, parfaitement homogène, dans laquelle je n’ai même pu distinguer de globules. Il forme autour de la mem- brane du vitellus une espèce d’auréole transparente qui permet de voir les cils dont la surface de cette dernière est comme hé- rissée (1). Le vitellus lui-même (4) est composé de globules ex- trémement petits, rougeâtres, et la masse en est presque entie- rement opaque. Les œufs encore attachés aux ovaires sont blancs et la plupart irréguliers et polygonaux ( fig. 33 et 35). Quel- ques-uns seulement sont ovales ( fig. 34 ). Tous sont entourés et retenus ensemble par une membrane très fine , et ils n'offrent pas l’auréole transparente, ni les cils nombreux que l’on aperçoit dans les œufs pondus depuis quelques jours, à la surface exté- rieure de la membrane vitelline. D’autres enfin, blancs comme les précédens, mais plus avancés qu'eux, semblent isolés entre les muscles de la base des pattes, et offrent un caractère inter- médiaire entre les œufs pondus et ceux qui adhérent encore aux grappes ovariques (fg. 13, q ). Organes des sens. Organes du toucher.— L'Isaura cycladowdes parait privé d’or- ganes spéciaux pour le goût, l'odorat et l’ouie. La peau géné- rale du corps, et surtout les grandes et les petites antennes, sont évidemment les organes tactiles. Le pédoncule des pre- miéres est formé par une masse de fibres musculaires courtes, comme feutrées et traversées par un filet nerveux tres gréle , qui pénètre probablement dans chacune des branches auten- paires. Des faisceaux de muscles plus petits s'introduisent éga- lement dans chaque article , et rendent l'organe entier mobile dans tous les sens. Appareil visuel, Ya structure de l'appareil visuel est assez re- marquable pour réclamer un instant notre attention. Moins {x) Bénédict Prévost a figuré des cils analogues sur la membrane externe de l'œuf de son Chirocéphale diavhane. Voyez Jurine, Hist. des Monocles, planche 20, fig. 7, 310 soLY. — Sur d’Isaura cycladoiïdes. écartés que ceux des Limnadies ; et moins intimement unis que ceux des Monorles, les yeux de l’Zsaura cycladoides (fig.25, e;et 24, a) établissent le passage des uns aux autres et nous fournissent, sous ce rapport, de précieuses indications. Au pre- mier abord, on serait tenté de croire qu’ils sont confondus en un seul; maïs en disséquant la tête avec précaution, l’on reste convaincu de leur duplicité, et l’on parvient, avec un peu d’a- dresse, à les séparer l’un de l’autre, sans opérer de déchirure. On voit alors que chacun d'eux a la forme d’une demi-sphère , et qu'il se compose d’une soixantaine de corps vitrés , ovoïdes (fig. 26), dont les plus superficiels paraissent à peu-près trans- parens, tandis que ceux qui sont au-dessous sont entourés, du moins en partie, d’une couche épaisse de pigmentum noir, Vu au microscope, ce pigmentum se présente sous l'aspect de gra- nulations excessivement ténues et tout-à-fait opaques (fig. 25 ). Les deux yeux se regardent par leur face aplatie et sont recou- verts d’une cornée commune (fig. 7, a), convexe et saillante à l'extérieur, véritable dépendance de la peau, qui rappelle jus- qu'à un certain point la cornée des serpens, où mieux encore celle des seiches ou des calmars. Enfin chaque œil est muni d'un gros nerf optique (fig. 24, e) que nous allons avoir l’oc- casion de décrire, en parlant du système nerveux. Quant aux muscles moteurs de l'organe visuel , ils n'existent probablement pas, puisque l'organe est immobile. Aussi n’avons-nous pu les découvrir. Système nerveux. Indépendamment des filets nerveux que nous avons vus tra- verser le pédoncule, et sans doute aussi chaque bifurcation des antennes rameuses, on trouve encore, chez l'animal qui nous occupe, un cerveau très bizarre par sa forme et sa position, et des nerfs destinés a donner aux yeux la sensibilité qui leur est propre. Cerveau. Le cerveau, situéau-dessous de ces organes et logé, du moins en grande partie, dans la cloison aplatie du labre, est Ini- méme très comprimé, blanchâtre et entièrement opaque ( fig. 25; so1Y. — Sur saura cycladoïdes. 31r a). On y distingue une portion large, placée inférieurement, et une portion beaucoup plus étroite qui, après avoir formé une courbe à concavité supérieure, remonte vers lesommet de la tête, et vient se terminer, en s'effilant encore davantage, près de léchancrure que laissent entre eux les deux organes visuels. Nous croyons qu’elle se perd dans la peau encore imparfai- tement organisée qui plus tard remplacera l'ancienne, et qui semble parfois constituer une seconde cornée au-dessus de la cornée extérieure. Du bord postérieur de la portion aplatie, part une bandelette nerveuse (b), qui se soude avec les ganglions optiques (4), ceux-ci sont renflés, ovoïdes, et donnent naissance à deux nerfs (ce) qui cheminent parallèlement l’un à l’autre, et vont se fixer à la face inférieure de chaque demi-globe oculaire, Enfin, derrière et entre les masses nerveuses que nous venons de dé crire, on trouve d’autres organes irréguliers d'apparence glan- duleuse (f), qui ne sont peut-être autre chose qu’une dépen- dance du cerveau, où bien de véritables glandes destinées à sécréter la substance filamenteuse qui lie entre eux les œufs pondus. Nous avons vainement cherché la chaîne ventrale et le collier œsophagien. Système musculaire. Si nous avions eu à notre disposition un plus grand nombre d'individus, peut-être aurions-nous laissé moins imparfaite la myologie de l/saura cycladoïdes. Mais nos observations et nos dissections antérieures nous ayant obligé de sacrifier plu sieurs de ces Crustacés dans un tout autre but, il en est résulté que nous avons été presque pris au dépourvu, quand nous avons voulu nous occuper de cette partie de leur histoire ana- tomique. Lors même que nous eussions été mieux servis par les circonstances , nous nous garderions bien de prétendre que nous aurions pu triompher de toutes les difficultés que présente un semblable travail, difficultés que l'on concevra sans peine si l’on songe à la pétitesse des objets, au défaut de transparence d’un grand nombre d’entre eux, à leur prodigieuse multiplicité, 312 OLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. enfin, à l'impossibilité de les étudier toujours sur le vivant. Aussi nous bornerons-nous à signaler ici les muscles qui nous ont paru les plus importans.Nous ne reviendrons passur ce que nous avons déjà dit de ceux des antennes, du canal intestinal et des valves de la coquille. Nous parlerons seulement de ceux qui met- tent en mouvement les mandibules, les pattes branchifères, les pattes tridactyles du mâle, et les appendices terminaux de l’ab- domen. Nous jetterons ensuite un coup-d’œil sur ceux qui rè- gnent le long du tronc ou thoraco-gastre. Muscles des mandibules. Qu'on se figure deux arcs croisés en X, que l’on fasse partir des extrémités opposées de chacun d’eux des fibres qui leur seront parallèles, et l’on aura une idée du faisceau, ou plutôt des deux faisceaux musculaires qui réunissent les mandibules, et servent par leurs contractions à rapprocher les surfaces triturantes de ces dernières (fig. 20, a a et fig. 22, ee). D'autres faisceaux beaucoup plus courts, très serrés, obliques par rapport aux premiers (bb), remplissent l'espace vide que ceux-ci laissent dans l’intérieur même de la portion cornée des mandibules. Enfin, deux muscles digas- triques (cc, ff), fixés d’une part à la peau de la tête, et allant épanouir les fibres de leur extrémité inférieure dans le muscle transverse dont nous avons parlé, constituent une espèce de cadre elliptique à travers lequel passe l’œsophage. Ces muscles peuvent être considérés comme abducteurs des mandibules. Muscles des pattes en branchies. L'appareil qui met en mou- vement les pattes branchiales est des plus compliqués. Nous y avons distingué deux muscles divergens pour la membrane trian- gulaire, un médian pour la palette terminale, un autre plus grêle se rendant à la vésicule cylindrique, au moins un pour chacun des trois derniers appendices ciliés adhérens au bord inférieur de l’organe. Le crochet interne en 4 évidemment plusieurs, Il en est de même du premier article auquel il est fixé : mais, n’ayant pu les étudier sur le vivant d’une manière convenable, nous nous abstiendrons de prononcer sur le rôle que chacun d’eux doit remplir dans les mouvemens qu’exécute l’organe tout entier. Muscles des pattes tridactyles. Les muscles des pattes tridac- tyles sont beaucoup plus développés que ceux des pattes uni- 30LY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 313 quement branchiales. Outre les muscles de la membrane trian- gulaire de la vésicule cylindrique et des autres appendices bran- chiaux, nous signalerons un faisceau musculaire considérable, placé au-dessus de ces derniers, et allant épanouir ses fibres dans la portion élargie et cornée du troisième article ( méta- carpe). Les doigts et le crochet fixés au bout de cet article sont également pourvus de muscles spéciaux. Muscles du tronc. Des fibres longitudinales proportionnelle- ment très longues, entrelacées à chaque articulation avec d’autres qui leur sont transversales : telle est la structure générale de la crête charnue qui règne à la partie supérieure du tronc. Les muscles des parties latérales ont à-peu-près la même disposition, avec cette différence toutefois qu’ils s’enchevétrent aussi avec ceux des pattes ( voyez tig. 6, A). Muscles des crochets de la qrieue. Enfin les appendices ou longs crochets de la queue sont mis en mouvement par de gros muscles coniques, qui s’insèrent au dernier anneau abdominal et pénètrent dans l’intérieur de ces appendices, comme une épée dans son fourreau (fig. 17,m,n). Habitudes naturelles et histoire physiologique de l’Isaura CYCLADOÏDES. Nous n'avons rencontré jusqu’à présent ce petit Crustacé que dans deux fossés très voisins l’un de l’autre et momentanément remplis d’eau pluviale. Ceux que nous avions mis dans l’eau de puits ont constamment péri au bout de quelques jours, tandis que plusieurs individus que nous avions placés dans des vases pleins d’eau de pluie ont vécu près de trois mois en parfaite santé. Il est bon de noter que nous renouvelions de temps en temps le liquide, et que nous avions eu le soin de mettre au fond des vases quelques conferves(1)et du limon pris dans les fossés mêmes où nous avions trouvé nos singuliers branchiopodes. Moyennant ces (x) Ces conferves étaient destinées, non-seulement à servir de nourriture à nos Zsaura, mais encore à fournir à l'eau la quantité d'oxigène nécessaire à la respiration de ces petits crustacés, Voir à ce sujet le beau travail de MM, Auguste et Charles Morren eur la rubéfaction et loxi- génation des eaux par les algues et les auimalcules. 314 so1x. — Sur l’Isaura cycladoiïdes. précautions ; nous avons pu étudier leurs habitudes à l’état de captivité, et nous nous sommes convaincus qu’elles ne diffèrent en rien d’essentiel de celles que nous avions observées dans les individus libres. Ainsi, par un beau soleil ,nous avons vu souvent les Zsaura quitter le fond des fossés qu’elles habitaient, et venir de temps en temps à la surface comme pour respirer plus à l'aise, ou plutôt pour jouir d’une douce chaleur. L’éclat de la lumière est peut-être même pour quelque chose dans cet acte instinetif. En effet, pendant la nuit, ou quand le temps est couvert, ou bien enfin quand on les lient à l’'ombre,nos Crustacés demeurent presque toujours immobiles sur la fange. Lorsque ceux que nous gardions captifs étaient en cet état, il suffisait de les porter au soleil, pour les voir s’agiter et prendre leurs ébats au bout de peu d'instans. Si nous'couvrions le vase de manière à ne laisser arriver les rayons solaires que sur le tiers ou la moitié de la surface liquide, l'animal ne dépassait pas la portion éclairée, comme si la ligne d'ombre était pour lui un obstacle infranchissable. Nous avons plusieurs fois répété cette petite expérience, et nous avons toujours obtenu les mêmes résultats; cependant, par un temps sombre, qui succédait à une petite plaie, dont elles avaient senti l'influence, nos prisonnières étaient plus vives et plus agiles que de coutume. A l'inverse d’un assez grand nombre d’animaux du même ordre (Limnadies , Apus, Branchipes, Artemies , etc.), les Zsaura nagent toujours sur le ventre. Elles aiment à fouiller et à s’en- foncer dans le limon des fossés qu’elles habitent. Alors elles sou- lèvent avec leur tête, leurs antennes et leurs pattes branchiales, des nuages de parcelles limoneuses , qui ne ressemblent pas mal à la fumée qui s’échappe d’un canon, surtout lorsque , voulant se débarrasser des corps étrangers introduits dans l'espèce de gouttière formée par l’ensemble de leurs branchies, elles recour- bent leur corps en dessous et rejettent au moyen des crochets terminaux la vase et les autres objets incommodes ou nuisibles, Fonctions de relation. Locomotion. Les organes essentiellement locomoteurs de so1v. — Sur l'Isaura cycladoïides. 315 l’Zsaura ne sont point, comme on pourrait le croire, les nom- breuses pattes fixées de chaque côté de son corps, mais bien ses longues antennes bifurquées. En effet, on le voit fréquemment agiter les premières, sans cependant changer de place, ce qui prouve qu’elles ne contribuent que pour bien peu de chose aux mouvemens de l’animal. Dans l'état de repos, les grandes antennes sont couchées parallèlement l'une à l’autre dans le sillon formé par les bran- chies; les petites sont situées entre elles. Quelquefois cependant les antennes ou rames sortent de la coquille, qui reste alors un peu béante; la tête et la queue s'avancent aussi faiblement au dehors (PI. 7, fig. 1). Mais quand l’Zsaura veut nager, l'ouverture s'agrandit , la coquille se redresse; les pattes branchiales et sur- tout les antennes rameuses, courbées alors en demni-cercle, frappent l’eau dans une direction perpendiculaire à l'axe du corps; celui-ci s’allonge et se raidit de maniere à dépasser les valves; puis il se recourbe et se raïdit encore, et de tous ces mou- vemens combinés ensemble, résulte la progression de l'animal. Sensations. — Toucher. Les grandes antennes ne servent pas seulement à la locomotion : ce sont aussi, avons-nous dit, des organes tactiles d'une grande délicatesse. Il en est de même des antennes mitoyennes. La peau partout où elle n’est pas de con- sistance décidément cornée, est également propre à remplir la fonction du toucher. Goût , odorat , ouïe. Le goût et l’odorat, si toutefois ce dernier sens existe , sont sans doute très obtus. L'ouïe est très probable- ment nulle. Vue. Quant à la vue, elle paraît très bonne; car, lorsque l’ani- mal est en repos, et que sa tête et ses antennes sortent de la coquille, il suffit de s’approcher un peu près du vase où il est prisonnier, pour le voir se cacher aussitôt sous les valves du test, qu'il referme à l'instant. Fonctions de nutrition. Digestion. V’Isaura cycladoïdes est essentiellement herbivore: 316 soLv. — Sur l’Isaura cycladoïdes. ce fait est prouvé par l'ampleur de son canal digestif et par la présence des débris de conferves que nous y avons plusieurs fois rencontrés. Les mandibules et les mächoires proprement dites sont les principaux organes de la mastication. Celles-ci reçoivent les particules nutritives qui leur sont amenées par les branchies, et les transmettent aux mandibules qui les triturent an moyen des mouvemens d’oscillation qu’elles exécutent sur leur axe transversal. Les appendices ciliés, situés à la base des pattes, et rangés parallèlement le long de la face ventrale du corps (crochets ciliés), paraissent aussi servir à la mastication (1). Il est du moins incontestable qu’ils contribuent à pousser en avant les substances alimentaires, et, lorsque celles-ci sont introduites par les mouvemens des branchies dans l'espèce de rainure qui sépare chaque série latérale. Une fois parvenus dans l’estomac, les alimens:y subissent promptement l'élaboration nécessaire au but qu'ils doivent remplir ; puis ils sont bientôt après rejetés au dehors sous la forme de petits cylindres verdâtres ou de couleur terreuse. Ils offrent toujours cette dernière nuance, lorsque l'animal a avalé des parcelles de limon; ce qui paraît lui arriver souvent. Lors de la défécation, l’on voit distinctement, chez les très jeunes sujets, les contractions qu’exécutent les muscles sphincters de l’anus. L'opacité des parties empêche d’apercevoir ces contractions chez les adultes. Circulation. La circulation ne peut bien s’étudier non plus que sur les individus qui n’ont pas encore subi toutes leurs métamorphoses. Chez ces derniers (PI. 9, fig. 43), nous avons vu les globules sanguins pénétrer dans l'oreillette (s), placée à l'extrémité postérieure du vaisseau dorsal (r) cheminer d’arrière en avant jusque vers la tête, descendre le long de la face ven- trale, en suivant une direction opposée; enfin remonter des deux côtés de l'abdomen , pour s’introduire de nouveau dans l’orifice d’où nous l'avons fait partir. Ce mode de circulation est donc tout-à-fait identique à celui que nous avons décrit chez l’4rtemia (x) Ces appendices rappellent les renflemens maxilliformes que l'on observe chez le genre Limule, et surlout les fausses dents (Schæffer) des pattes en branchies des 4pus (fig. 16 a). 3oLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 317 salina (2). Quant aux pulsations du vaisseau dorsal, elles sont tellement fréquentes, qu’il est assez difficile de les compter exac- tement. Nous croyons pouvoir en évaluer le nombre de deux cents à deux cent vingt par minute; mais , dans cette évalua- tion, il faut avoir égard à l’état d’anxiété où se trouve l'animal, lorsqu’on le soumet à l'observation microscopique. Respiration. Cette fonction s'exécute chez l’Zsaura, comme chez tous les Branchiopodes. Cependant il est à noter que nos crustacés , bien différens, sous ce rapport, des Artemies, des Branchipes et des Apus, n’agitent pas constamment leurs pattes branchiales. Souvent ils restent plusieurs minutes au fond du vase, dans un état de complète immobilité. D'autres fois , ils remuent leurs branchies sans changer de place; et c’est alors que, à la faveur de la demi-transparence de la coquille, on peut assez fréquemment apercevoir, au-dessus des valves, des bulles gazeuses, extraites sans doute par l’action des organes respira- toires du liquide dans lequel l'air se trouvait dissous. Enfin, dans un très grand nombre de cas, la respiration s'exécute en même temps que la locomotion; sans doute alors elle est même plus active , car les mouvemens des appendices, chargés spécia- lement de la première de ces fonctions, deviennent plus éner- giques et plus précipités. Fonctions de reproduction. Dans sa belle Monographie des 4pus , Schæffer conjecture, peut-être à tort, que ces animaux doivent être hermaphrodites , parce que tous ceux qu’il étudia étaient munis, même dés leur enfance, de feuillets à matrice (2). Sur plus de trois mille 4r- temia,nous n'avons pas rencontré un seul individu adulte qui füt privé d’ovaire. Enfin, on sait que, sur plus de mille Zimnadia (x) Hist. d'un petit crustacé, auquel on a faussement attribué la coloration en rouge des ma- rais salans méditerranéens, suivie de Recherchessur la cause réelle de cette coloration ( Ann, des Sc. nat. , deuxième série, tom. xx }, (2) Voir la traduction de cette monographie dans le tome 1v, page 196, de l'Histoire des Crustacés et des Insectes de Latreille, 318 Jouy. — Sur l’Isaura cycladoïdes. Hermanni, M. Ad. Brongniart n’a également trouvé que des fe- melles. Cette rareté des mäles parmi certains genres ou certaines espèces de Crustacés branchiopodes, mérite d'autant plus de fixer notre attention, que le même fait ne se reproduit pas pour des espèces et des genres d’ailleurs très voisins des premiers. Ainsi, M.Kriniki vient de constater qu'il existe des sexes distincts chez les Limnadia tetracera (x). Bénédict Prévost a observé, aux environs de Montauban, et nous avons nous-mêmes trouvé, cette année, aux environs de Toulouse, une assez grande quantité de mâles parmi divers individus de l'espèce de Zranchipe que cet auteur a nommée Chirocéphale diaphane (Branchipes diaphanus Milne Edw.). Mais ici encore, le nombre des femelles l’emportait de beaucoup sur celui des mâles. Chez l/saura cycladoides , on remarque précisément tout le contraire, car sur une trentaine d'individus que nous avons pu recueillir, nous n’avons eu que six femelles. On verra bientôt que la fécondité de ces dernières compense largement leur infériorité numérique. Mais aupa- ravant, disons un mot de l’accouplement de ces petits Bran- chiopodes. Accouplement. Vies mâles paraissent être très ardens en amour; car nous les avons vus très fréquemment poursuivre une femelle, saisir avec leurs harpons le bord inférieur de ses valves, s’y cramponner avec force, courber brusquement la partie posté- rieure de leur corps, et l’introduire à plusieurs reprises sous le test qui protège l’objet de leur ardeur. Y a-t-il alors véritable intromission ou simplement éjaculation du fluide spermatique dans le liquide environnant? Nous inclinons vers cette dernière opinion, sans pouvoir cependant rien affirmer; car tout se passe ici sous le voile du mystère. Quoi qu’il en soit, l’accouplement dure assez long-temps (3 ou 4"), et l'on peut, au moyen d’une cuillère légèrement concave, enlever les deux partners du vase dans lequel on les a renfermés,sans que pour cela ils se séparent. L’ardeur amoureuse des mâles est même portée à un tel point, que souvent ils s’attaquent entre eux et exécutent, du moins en (r) Milne Ediards, Hist, nat. des Crust., tome 1x, page 362. 3oLY. — Sur L’Isaura cycladoïdes. 319 apparence, tous les actes auxquels ils se livrent lorsqu'ils ren- contrent une femelle. Fécondation. Comment s'opère la fécondation? Le sperme pénètre-t-il dans les ovaires, ou bien le germe est-il vivifié par la liqueur prolifique, seulement lorsque les œufs ont été expulsés des réservoirs où ils se sont formés? Bien que nous ayons fré- quemment vu des femelles portant déjà des œufs subir néan- moins les approches du mäle, bien que nous ignorions complé- tement le lieu précis où s'opère la fécondation, nous sommes disposé à croire qu’elle a lieu, par une espèce d’imbibition dans l'intérieur même du corps de la femelle, et voici sur quelles raisons nous fondons cette croyance. Lorsque les œufs sont pon- dus, il sont revétus d’une coque membraneuse assez épaisse, presque toujours agglutinés ensemble par des filamens très dé- liés, souvent même recouverts de particules terreuses. En cet état ils adhèrent en partie au test, en partie à quelques-unes des pattes de la femelle. Comment alors le fluide fécondateur pourra-t-il agir sur l'enveloppe cornée de chacun d'eux? Cette difficulté n’existe plus pour les œufs à enveloppe moins solide encore cachés dans les ovaires. Si l’on nous demande par où la liqueur spermatique parvient jusqu’à eux, nous avouerons fran- chement notre ignorance. Une ou deux fois nous avons vu une ouverture assez large à la base du muscle adducteur de chacune des valves, et nous y avons observé des œufs prêts à sortir; mais cet orifice n’était-il pas le résultat d’une déchirure occa- sionnée par l’écartement forcé des pièces de la coquille? Ce fait, que le manque de sujets ne nous a pas permis de constater avec certitude, paraît da moins très vraisemblable. Ponte. Quelques jours après que l’accouplement a eu lieu, on aperçoit au-dessous du test, des œufs presque sans cesse en mouvement comme les pattes qui les portent. Le nombre de ces œufs devient quelquefois si considérable, qu’il finit par former de chaque côté de l'animal une masse dont le volume surpasse de beaucoup celui du corps lui-même. Par où s'échappent-ils des ovaires? Est-ce par l’orifice, peut-être artificiel, dont nous ve- nons de parler? Est-ce par la base des pattes? Voilà tout autant de questions que le peu de transparence des parties , et surtout 320 3o1Y. — Sur l’Isaura cycladoïdes. le petit nombre d'individus que nous avons pu observer, ne nous ont pas permis de résoudre de manière à ne laisser aucun doute dans notreesprit. Aussi émettrons-nous avec la plus grande réserve une idée que nous avait suggérée pendant quelque temps la rencontre d’un cas probablement pathologique, que nous ont présenté trois femelles portant déjà des œufs. Sur les parties la- térales d’un anneau du thorax ou de l’abdomen, elles offraient chacune une plaque noirâtre, irrégulière, de consistance cornée, en un mot une espèce d'eschare en forme d’opercule, qui se dé- tachait avec facilité du reste des tissus environnans. Est-ce par là que les œufs sont sortis? Y avait-il eu, pour ainsi dire, opé- ration césarienne naturelle, ou bien l’eschare était-elle le résultat d'une déchirure produite par les crochets du mâle au moment même de la fécondation ? Quoiqu'il en soitde ce problème en ce moment insoluble pour nous, le nombre des œufs atteste la prodigieuse fécondité de l'/saura cycladoides. Nous en avons compté plus de mille sur une femelle de très grande taille: deux autres, plus petites, nous en ont offert un peu moins, mais la quantité en était encore extrêmement considérable. Dans l’état de captivité, et probablement aussi dans l’état de nature, il s’en faut de beaucoup que tous ces œufs viennent à bien. Toutes nos femelles sont mortes avant leur éclosion, quel- ques soins que nous ayons employés pour la favoriser. Cepen- dant nous avons été assez heureux pour en faire éclore quelques- uns indépendamment de l'influence maternelle qui, on le con- çoit, doit se réduire à peu de chose, puisque les œufs, une fois pondus, ne sont pas même reçus dans une poche ou ovaire ex- terne, comme chez les Branchipes et les Artemia. Par la raison que j'ai déjà énoncée plusieurs fois, je n'ai pu suivre aussi attentivement que je l’aurais désiré , les phénomènes embryogéniques relatifs à l'histoire de l’Zsaura cycladoïdes. Ce- pendant, j'ai entrepris à cet égard quelques expériences dont il me semble utile de consigner ici les résultats : Le 20 juin, j'isolai une femelle qui portait beaucoup d'œufs des deux côtés du corps. Elle mourut le 21, presque au mo- ment où je la mis dans le vase qui devait lui servir de prison, soLY. — Sur l’Isaura cycladoïides. 327 une grosse bulle d'air pénétra dans sa coquille et l’empêcha d'aller au fond (1). Conservés près d’un mois dans l'eau, ses œufs finirent par s'y décomposer. Le 6 juillet, je répétai la même expérience sur une autre fe- melle qui avait pondu depuis deux jours. Le 15 juillet, elle n'avait plus d'œufs sur les pattes du côté gauche; elle mua dans la jonruée. Une partie des œufs qui lui restaient tombeérent au fond du vase, les autres demeurèrent fixés à la dépouille. Ils of= frirent l'aspect de ceux représentés dans les figures 37 et 38. Eclosion des œufs. Ye 16, j'en pris une cinquantaine, et je les plaçai dans un vase rempli d’eau pluviale. Le 20, j'aperçus dans le liquide cinq ou six petits qui s’agitaient avec beaucoup d’agilité, et dont les mouvemens avaient quelque ressemblance avec ceux des Chauves-souris. Les autres œufs ne purent pas éclore. Il en fut de même de ceux que je pris sur une femelle qui mourut le 25 juillet. Ces expériences semblent prouver que l'influence maternelle n’est pas absolument nécessaire pour l’éclosion des jeunes Zsaura ; mais on ne saurait dire toutefois qu’elle est absolument inutile, puisque les germes des œufs provenant d’une femelle morte pa- raissent eux-mêmes frappés de mort. Il est vrai que j'ignore si cette femelle avait été fécondée par le mâle. Mais il est temps de nous occuper des métamorphoses si curieuses par lesquelles passe l'animal dont nous traçons lhis- toire. Métamorphoses des jeunes Isaura. Au moment où lanimal vient de sortir de l’œuf,il ressemble si peu à ce qu’il sera dans la suite ,que, avant d’être témoins des transformations successives qu'il subit, nous étions presque tenté de croire que nous avions sous les yeux un être faisant partie d’un genre différent. 1] suffira de jeter un coup-d’œil sur nos dessins, (pour comprendre l’in- certitude où nous restämes pendant assez long-temps. La figure 39 (PI. g)représente l'animal environ 12 heures après sa naissance. Au premier abord ,on est frappé de sa ressemblance (1) L'introduction de l'air sous la coquille est un accident très fréquent; mais les Zsaura savent presque toujours y remédier en écartant les valves. XVIL Zoo, — Juin, at 322 oLY. — Sur l'Isaura cycladoides. presque parfaite avec les Branchipus etles Artemia, encore tres jeunes. En effet, son corps, tres large relativement à sa longueur, ne présente aucune apparencede coquille, et n’est point muni de cesnombreuses pattes branchiales que l’onremarque chez l'adulte. Il se divise en deux segmens bien distincts: l’antérieur (A) est formé par la tête; le postérieur (B) représente tout à-la-fois le thorax , l'abdomen et la queue. Un énorme labre (b), terminé à son bord inférieur par trois crans recourbés , recouvre tout le premier segment, ainsi que la base du second.Quatre appendices, que nous appellerons pour lemoment pattes proisoires ,se déta- chent de latète, etservent principalement, les deux antérieurs (d), à la locomotion ; les deux autres (Æ) remplissent en même temps les fonctions d'organes locomoteurs, masticateurs , respiratoires et peut-être tactiles. Les deux appendices principalement loco- moteurs se composent chacun de trois articles assez difficiles à distinguer (1,2, 3), dont le dernier est bifurqué. Le premier porte à son bord inférieur un gros poil également bifurqué et muni de cils sur chacune de ses branches (g). Un poil simple et cilié se remarque en dessous du deuxième ( ). La bifurcation supérieure du troisième (e) est garnie de cinq ou six poils de même nature (£); l'inférieure (f) n'en offre ordinairement que trois ( j). Toutes les deux présentent des traces d’articulation peu distinctes. A chacune des deux pattes provisoires de la seconde paire (#). on compte également trois articles. L'article basilaire (7) forme les mandibules; les deux autres n’en sont que d’importans appendices (m, n). Te deuxième porte deux poils ciliés sur ses parties latérales (0), un autre à son sommet(p). Enfin l'article terminal en offre trois plus longs que ceux qui le pré- cèdent (g ). Le corps présente à son extrémité postérieure deux cro- chets (c c) , qui se regardent par leur concavité. Le canal intes- tinal (r)est de couleur un peu rougeâtre. Son diamètre, eu égard à sa longueur, est très considérable, surtout au com- mencement de l’œsophage, où il paraît former deux espèces de cæcum(ss). c. L’anus({)est entouré de fibres musculaires (4), faisant l office 1ozY. — Sur lIsaura cycladoïdes. 323 de sphineter. La défécation a lieu fréquemment ; la circulation n'existe pas encore. La respiration s'exécute probablement à la surface du corps, et surtout au moyen des pattes provisoires. Il n'existe qu'une tache oculaire noire, placée à la naissance du canal digestif, entre les deux cœcums. 22 juillet. Corps plus allongé; labre devenu plus mobile. Deux crans (fig. 40, v, x) paraissent à la base du thorax, et indiquent deux articles d’où naîtront des pattes branchiales. On n’aperçoit aucun globule sanguin. 25 juillet. Le tronc s’est élargi; les rudimens de la coquille (fig. 41, #) apparaissent sous la forme d’une membrane transpa- rente, horizontale, à bord antérieur, légèrement concave; le bord postérieur est fortement échancré ; les bords latéraux sont tout- à-fait convexes. A travers ce test rudimentaire , on apercoit cinq paires de pattes (y), encore immobiles, fixées dans toute leur étendue à la membrane qui les recouvre et très imparfaitement développés. Deux crans, placés à leur suite, de chaque côté da corps, signalent l'apparition future de deux autres paires de pattes branchiales, La tête offre un prolongement rostriforme déjà très saillant (+) ; le labre est toujours très grand: il recouvre même plus de la moitié du tronc. La tache oculaire a grossi. Les deux crochets () qui terminent le corps se sont un peu redressés et sont garnis sur leur bord interne de quelques mamelons ou poils rudimentaires. Deux mamelons plus gros s’aperçoivent dans le voisinage de l'anus. L’intestin est bourré d’alimens; la défécation très fréquente. Les muscles sphincters de l'anus impriment à chaque instant aux deux moitiés de l'extrémité abdominale un mouvement, en vertu duquel elles se croisent l’une sur l’autre à la manière de deux branches de ciseaux. Le cœur (fig. 42, b) se montre sous la forme d’un vaisseau dorsal, renflé d'espace en espace et étendu de l'anus à la tête, où il semble se perdre, On y voit circuler quelques rares globules, En cet état, l'animal rappelle jusqu’à un certain point les Apus, au moment de leur sortie de l'œuf. 27 juillet. Bec plus proéminent; deux taches noires surle devant de la tête , l'une en avant, de (orme aplatie et carrée ( cerveau?) ; l'autre en arriére, sphérique et plus petite que la pécédente (œil), ar, 324 soux. — Sur l'Isaura cycladoïdes. Labre toujours très grand (Fig. 43,e), mais confondu avec le bec, plié en deux dans son milieu, et ne recouvrant plus qu’une faible portion du tronc. Celui-ci s'est allongé: on y compte treize articles. Le dernier (anneau caudal), de même que les douze articles précédens, est plié en deux comme le labre, et se trouve garni à son bord postérieur de grosses dentelures en forme d'épines presque semblables à celles de l'adulte. On aperçoitaussi, comme chez ce dernier, lés deux poils implantés sur les mamelons interépineux , ainsi que quelques-uns des poils en crochet|(g) qui garnissent la partie postérieure et dorsale des derniers anneaux du corps. Je compte sept à huit articles distincts à la branche la plus longue de la bifurcation des pattes provisoires anté- rieures (/) : je n’en vois que deux à l’autre branche ou branche inférieure. La première patte a déjà quelques-uns des: poils raides que lon remarque au bord supérieur des rames ou grandes antennes de l'adulte. J’aperçoïis un organe nouveau (#), pyriforme , velu à son extrémité libre, fixé par l’autre entre les pattes provisoires antérieures. Cet organe représente probable- ment les petites antennes à l’état de rudiment. Les deux derniers articles (17) des pattes provisoires de la seconde paire (g) se sont atrophiées en très grande partie; l’article basilaire (2) constitue de chaque côté une mandibule , dont les mouvemens sont beaucoup ralentis. Les pattes branchiales, au nombre de sept pdires (/,m) se sont détachées de la coquille, et rappro- chées de manière à devenir parallèles : elles se composent , du moins les plus développées , de quatre articles , tous à-peu-près de même forme cylindrique, dont le dernier porte un pinceau de poils. Quelques crans (0) indiquent la place des pattes encore à naître. Les membranes branchiales commencent à devenir vi- sibles. Le canal intestinal (#) est bourré de débris de conferves dans toute son étendue. Au bout d’une heure d'observation, à la suite de déjections fréquentes , le rectum est complètement vide , et sa transparence permet d’apercevoir les corpascules sanguins qui partent du dessous de l'abdomen et vont se rendre à la face supérieure du tronc. Parvenus au huitième anneau, ils pénètrent dans l'oreillette (s), et de là dans le vaisseau dorsal (r)se portent vers la tête, arrivent dans l’espace compris so7Y. — Sur l'Isaura cycladoïdes. 325 entre l'œil et la tache carrée, et se répandent dans les pattes provisoires antérieures pour revenir à leur point de départ. D'après ce qui vient d’être dit, on voit que le cœur s’est rac- courci, puisque sou oreillette est placée maintenant sur le hui- tième anneau, tandis que , deux jours auparavant, elle se trou- vait près de l'anneau caudal. En même temps sa forme paraît avoir changé ; car, au lieu d'offrir un diamètre à-peu-près égal partout, il m'a semblé se rétrécir à partir du premier anneau et aller se perdre dans la tête. Quant aux deux valves (4 4) de la carapace , elles ont subi une modification analogue à celle du labre et du corps tout entier. En effet, au lieu d’être horizon- tales, elles sont devenues parallèles. Le tégument qui leur a donné naissance s’est donc aussi plié dans son milieu, pour for- mer la charniere. Flexibles , très transparentes, offrant un aspect guilloché comme deux jours auparavant, elles sont devenues aujourd’hui parfaitement mobiles. On n’y distingue encore au- cunestrie d’accroissement; mais on commence à y apercevoir les canaux concentriques (y), contenant le suc probablement desti- né à fournirles matériaux nécessaires pour l'agrandissement de la coquille. On aperçoit aussi, maisavec beaucoup de difficulté, l'insertion du muscle adducteur (z) de la valve du côté droit. L'animal est très agile , et ses allures ont la plus grande ressem- blance avec celles de l’adulte. A cette époque de son existence, l’/saura cycladoides se rap- proche des Daphnies par la forme et la structure non striée de sa coquille , des Lyncées par les deux taches qu'il porte sur le bec, des Limnadies par le prolongement rostriforme, les grandes an- tennes et le nombre des pattes branchiales. Plus tard, lorsque les premières stries de sa coquille commenceront à paraître, il of- frira sous ce rapport quelque ressemblance avec le Monoculus striatus de Jurine, et le genre Cyzicus de M. Audouin. Le 29 juillet, aucun changement très important ne s'est ma- nifesté. Seulement les articles et les poils des branches de la bifur- cation des pattes antérieures sont devenus plus nombreux. Il en est de même des pattes branchiales. Le labre ressemble à-peu- prés à celui de l'adulte. L'organe pyriforme s’est allongé. Le 30, le jeune animal a mué pendant la nuit. Ayant voulu le 326 3oLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes, transporter dans une eau beaucoup plus fangeuse, et consé- qüemment plus convenable que l’eau limpide où je l'avais tenu jusqu'alors, je le perds par mégarde, et toutes mes recherches pour le retrouver sont inutiles. Cet accident malheureux me contraria d'autant plus que cet individu était le seul que j'avais pu sauver. Arrêtons-nous un instant sur les étonnantes métamorphoses dont nous venons d’être témoins, et tirons les corollaires qui semblent découler de l'observation attentive des faits. Évidemment , ainsi que la remarqué depuis long «temps M. Milne Edwards, pour les Crustacées en général (1), les trans- formations que subit l’/saura dans son jeune âge ne sont que le complément des métamorphoses de l’embryon. Maïs ce qui frappe dans ces transformations, c’est de les voir reproduire d'une manière transitoire la forme des Crustacées appartenant au même groupe ou à des groupes très voisins. Ainsi, environ douze heures et même deux jours après sa sortie de l’œuf, notre animal offre la pluslgrande ressemblance avec les Branchipus et les Artemia venañt d’éclore. Cinq jours après sa naissance, il nous rappelle les très jeunes pus. Puis il prend successivement la forme d'une Daphnie, d'un Lyncée, d’une Limnadie et d'ün Cyzicus. Nous ne connaissons pas d'exemple qui confirme d’üne manière plus éclatante ce beau principe établi par le savant 004 logiste que nous citions tout-à-l’heure, savoir, que « /es chan- « gemens de forme que les jeunes Crustacés éprouvent dans les « parties déja existantes lors de la naïssance, varient suivant les « espèces, maïs ontcela de commun; qw’elles tendent presque tou- « Jours à éloigner de plus en plus l'animal du type normal (2) « auquel il appartient, et à l’individualité davantage ; aussi au « r10ment de la naissance , ces animaux se ressemblent-ils bien «puis cntre eux qu'à l’âge adulte , et , en général, plus ils pré- (2) H € nat, des Crust., tome 1, page 197. (2) Par type normal, M. Milne Edwards entend désigner « une forme idéale et abstraite “ qui représente tout ce que ces divers êtres ont de commun entre eux, et la moyenne des dif- « férences qui les distinguent les uns des autres, » (Ann, des Se, nat., lome 111, page 327} 2° série). doLx, =— Sur l’Isaura cycladoïdées. 357 « sentent d'anomalies étant à l'état parfait, plus ils éprouvent de « modifications pendant les premiers temps de leur vie (1).» Un fait bien curieux encore, c’est que, tandis qu’à l'instar des Mollusques, les Daphnies, les Lyncées et les Apus, sortent de l'œuf avec un test déjà passablement développé, les Zsaura cycladoides, au contraire, qui ressemblent bien plus qu'eux aux Malacozoaires, éclosent pourtant sans carapace. Il est donc évident que, chez ces derniers, l'œuf ne s’est ‘point fendu en deux (2) pour produire les valves. Nous nous sommes convaincu qu’elles sont formées d’abord par une extension des tégumens ; nous verrons plus tard comment elles s’agrandissent. Mais ce tégument fait-il partie de la tête ou bien d’un anneau thoracique ? Telle est la question qu'il s’agit de résoudre en ce moment. Si nous examinons la carapace d’un Æpus, nous verrons qu’elle présente dans son milieu une carène assez prononcée ; qu’elle est échancrée à son bord postérieur, et soudée à sa partie antérieure avec le bouclier céphalique. D'après M; Milne Edwards, cette carapace serait une dépendance du dernier an- neau de la tête, un prolongement de sa partie dorsale (3). Carus, au contraire, la regarde comme produite par le médi- tronc (poitrine ) (4). Nous ne nous permettrons pas de trancher cétte question difficile , si diversement résolue par deux savans aussi distingués ; mais, chez l'/saura , qui offre tant d’analogies avec les Æpus, il ous semble évident que la carapace est for- (x) Histoire des Crustacés, tome r, page 198, ét Rapport de M. Isidore Geoffroy Saint-Hi- laire sur le Mémoire intitulé : Observations sur les changemens de formé que les Crustacés su= bissent dans le Jeune Age ( Ann. des Se. nat., 1ome xxx, page 360). Voyez aussi le tome 1u, page 321, 2° série.) (2) C'est ainsi que l’on a cherché à expliquer la production primitive des valves de la co- quille chez les jeunes Daphnies. Disons avec Carus : « Ce mode de formation ne me paraît guère “ s'accorder avec la marche ordinaire de la naturé; et je ne le croirai que quand je l'aurai vu « de mes propres yeux, » Mais n’ajoutons pas avec le même auteur : «Il est bien vrai que « dans la construction ces valves résultent, comme celles d'une moule, du partage en deux »“ d'une proio-vertébre, et que la coquille de l'œuf est la première proto-vertébre. » (Carus, Anat, comp., tome n11, page 224.) (3) Hist. nat, des Crust,, tome 1, page 25, (4) Anat, comp, tomé «nt; page 225. 328 ox. — Sur l'Isaura cycladoïdes. mée, dans l’origine, par un prolongement latéral des anneaux du thorax, puisqu’alors elle s'étend des deux côtés du corps sous l'aspect d’une membrane intimement unie à sa partie dor- sale et aux pattes branchifères, qui certainement ne naissent pas d’un anneau céphalique. Un peu plus tard, ces pattes devien- nent libres; la coquille se sépare du tronc, excepté vers son bord antérieur , puis elle finit par souder sa membrane la plus interne avec le bord postérieur du bouclier céphalique, mais le reste en demeure parfaitement distinct. Ce qui est aussi tres remarquable dans les métamorphoses de l'animal que nous étudions, c’est le pli que forment, à une cer- taine époque, à-peu-près toutes les parties de la tête et du tronc; c'est le rapprochement des appendices latéraux vers la ligne mé- diane , d'ou résulte une configuration extérieure si différente de celle qu'avait le jeune individu quelques heures après l’éclosion. Ici encore se trouve confirmée cette loi féconde posée pour la premiere fois par M. Serres, /a Loi de formation centripète des organes. Un autre fait qui mérite de nous occuper un instant, c’est celui qui est relatif aux modifications que suhissent les pattes provisoires. Celles de la première paire deviennent, avons-nous dit, des antennes en rames(1), c'est-à-dire que , sous cette nou- velle forme, elles sont tout à-la-fois des organes de natation , de toucher et peut-être aussi de respiration, comme elles l’é- taient dans l’origine. Les pattes de la seconde paire, au con- traire, qui étaient en même temps natatoires, manducatrices et respiratoires, ne servent plus qu’à la manducation. Voilà donc de véritables pieds changés les uns en antennes, les autres en mandibules. Les idées si éminemment philosophiques de MM. Milne Edwards, Audouin et Savigny sur la composition de Ja bouche chez les Articulés en général, et chez les Crustacés en particulier, pouvaient-elles recevoir une démonstration plus claire et plus palpable ? Les mâchoires de l'adulte fui-même ne rappellent-elles pas, (1) La place et les usages primitifs ou subséquens de ces organes indiquent évidemment qu'ils appartienuent à l’arceau inférieur de l'anneau céphalique dou ils font partie, soLy. — Sur l'Isaura cycladoïdes. 329 par leur forme et leur structure, l'espèce de crochet double- ment cilié qui se trouve à la base du premier article des pattes? ne sont-elles pas aussi des pattes rudimentaires? S'il est curieux de voir certaines pattes devenir des organes de mastication, il ne l’est pas moins d’en voir d’autres (les pattes tridactyles des mâles) servir à cette fonction par leur base, à la préhension et peut-être à la reproduction par leur extrémité tridactyle, à la respiration et à la locomotion par leur partie moyenne (la mem- brane triangulaire, la vésicule cylindrique et les appendices ciliés ). Quant aux usages multiples des pattes branchiales, nous les avons déjà fait suffisamment connaître. Rappelons-nous seule- ment que celles de la femelle sont chargées, non-seulement de porter les œufs après la ponte, mais encore de les loger, avant cette époque , dans leur article basilaire. Ces rapports sexuels , qui se retrouvent dans des organes principalement respira- toires, sont importans à constater, en ce qu'ils établissent de nouvelles analogies entre les /saura et certains Mollusques avec lesquels ces Crustacés offrent déjà plus d’une ressemblance. Ainsi, l’on sait que les œufs des Unio et des Anodontes passent, à leur sortie de l'ovaire , dans l’un des deux conduits situés au- dessus des compartimens des branchies extérieures, et qu'ils subissent dans ces compartimens une sorte d’incubation (1). Jacobson à signalé un fait analogue chez la Cyclas cornea , et (x) Ces rapports entre les organes reproducteurs, bien plus évidens encore chez les 4pus et les Zimules que chez les Zsaura, paraissent moins étonnans, quand on songe qu'il en existe de semblables chez les animaux les plus haut placés dans la série, sans en excepter l’homme lui-même, Tout le monde connait le changement qui s'opère dans la voix de l'adolescent lors de la puberté, On sait que certaines maladies du Jarynx se rattachent à celles des organes géni- taux (Moquin, Thèse sur la Phthisie laryngée syphilitique, Montpellier, in-4°, 1828); que les phihisiques sont très ardens eu amour, etc. Enfin, les Anciens avaient remarqué, et Barthez et M. Lordat ont confirmé après eux (Bull. de la Soc, des Sc. et Bel.-Lettr. de Montpellier, tome 1x, page 22) qu'il existe entre la matrice et l'intérieur de la gorge une sympathie en vertu de laquelle le cou acquiert chez la femme une grosseur plus considérable immédiatement après les premières épreuves du coït. C'est sur celte dernière observation que les Romains avaient fondé une cérémonie bizarre, à laquelle Catulle fait allusion dans les vers suivans : Non illum nutriz orienté luce revisens Uesterno poterit collum cireumdars filo, Caruzvr, 330 3OLY. = Sur d’Isaura cycladoïdes. nous venons de l’observer aussi chez la Cyclas canaliculata (1. N'en est-il pas à-peu-pres de même de l’/saura eycladoëdes ? Enfin , en voyant tant d'organes nouveaux apparaître succes- sivement , les partisans exclusifs de l’évolution seront probable- ment assez embarrassés pour expliquer cette apparition: D’un autre côté, dans la théorie de l’épigénèse, on ne rendra jamais compte de la disparition complète des deux derniers articles de la seconde paire de pattes provisoires. Répétons donc avec Dugés, notre illustre maître: « Dans ces trois modes à-la-fois, « destruction , formation, modification , et non dans un seul, « consiste tout le mécanisme de la métamorphose. » Mais poursuivons l’histoire physiologique de l’Zsaura. J'ai dit que j'avais malheureusement perdu, le 30 juillet, le seul individu non adulte qui me restàt encore. Je me vois donc dans l'impossibilité de préciser le temps nécessaire , pour que la métamorphose soit complète. Nul doute que la température n’exerce sur la durée de ce phénomène une action très puissante. Or, si l’on considère que les œufs ont éclos sur ma fenêtre ; que les jéunes qui en sont sortis ont rarement éprouvé l'influence directe des rayons du soleil; si l’on songe , enfin , aux change- mens qui se sont opérés dans l’espace de dix jours, on sera peut- être disposé à admettre avec nous que quinze jours suffisent, quand la température est convenable, pour compléter les méta- morphoses de l'/saura cycladoides. Quelque bref que soit ici l'intervalle présumé entre la naissance et l’état adulte, il est encore plus long que celui qui s'écoule entre ces deux époques de la vie pour l’Apus cancriformis , puisque, suivant Schæffer, cet animal a acquis sa forme ordinaire au bout de quatre ou cinq jours (a). D'ailleurs, on conçoit très bien que cette rapidité ? (x) Voyez le Rapport de M. de Blainville sur le Mémoire de M. Jacobson ayant pour titré: Observations sur le développement prétendu des œufs des Moulettes ou Unios et des Anodontes dans leurs branchies ( Ann. des Sc. nat. , tome x1v, page 22), et un autre Rapport du même académicien (Ann. des Sc, nat., tome 1v,'page 238) sur un travail de M. de Quatrefages, intitulé Mémoire sur la vié introbranchiale des jeunes Anodontes (Ann. des Sc, nat., tome v, page 321, 2° série ). (2) Nous nous proposons de vérifier cë fait Van prochain sur l’4pus productus, si les cir- conslances nous mettaient encore à méme de le rencoutrer aux envirous de Toulouse, Mais, au 1OLY: = Our l’Isaura cycladoïdes. 331 d’accroissement était nécessaire à des êtres dont la naissance dépend de conditfons en quelque sorte toutes physiques, et dont la vie entière se trouve subordonfée à l’existence de ces mêmes conditions. En effet, bien qu'il soit probable que les œufs des Isaura, comme ceux des Apus ; des Limnadies et des Branchi- pes, aient la faculté de résister long-temps à la dessiccation, il n’en faut pas moins, pour qu'ils puissent éclore, que les fossés où ils ont été déposés soient remplis d’eau pluviale à une époque convenable : il faut aussi que cette eau y séjourne pendant un certain temps : enfin, si l’éclosion a lieu , il faut encore que le liquide , au sein duquel les petits viennent de naître, ne s’évapore pas ou ne s’infiltre pas trop promptement dans le sol; autre- ment leurs métamorphoses , leur accroissement et leur vie deviennent impossibles. Tant de circonstances impérieusement nécessaires , et cepen- dant si rarement réunies, se sont offertes cette année aux envi- rons de Toulouse. D’après des renseignemens qui nous ont été fournis par M. Petit, directeur de l'observatoire de cette ville, le mois d'avril y a été trés pluyieux, puisque l’udomètre a donné pour résultat 105"!:,88 d’eau. En mai, on a compté treize jours de pluie, savoir: Mer6ya "60183 1069301000) romt,re 5 lel13; 771,38 ; le 17, 0%",10; le 18., 14,96; le 19, 14%",14 ; le 21, 0"35 ; le 23, 0",47; le 24, 10"%1,58; le 27, o",50; le 30, o"l:07; le 31, o"ill:,23 ; total: Ga“ill,00. Une pluie, plus forte que toutes les précédentes tomba le 1” juin. Ce jour-là, l'udomètre marqua 26"",77, quantité énorme ; puisqu'il ne tombe annuellement à Toulouse qu’envi- ron trois millimètres d’eau pour chaque jour pluvieux. Le reste du mois fut très beau; car le total donné par l’udomètre n’est que de 071.65. moment où nous transcrivons ces lignes, nous apprenons que, dans la séance du 1x octobre, M. Audouin a présenté à l'Académie, au nom de l'auteur, M. Zaddach, une thèse en latin sur V'Anatomie et le Développement de l'Apus cancriformis de Schæffer (Bonn, 1841), dans laquelle la question se trouve sans doute résolue, 332 3oLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. Celui du mois de juillet =16 7 1467 — d'août — 42 20 — deseptembre — 27 ,2 Toutes ces circonstances expliquent très bien pourquoi nous avons trouvé des /saura adultes le 3 juin, pourquoi il n’en existait plus le 15 du même mois, pourquoi nous n’avons pu en rencontrer une seule depuis cette dernière époque; enfin pour- quoi l'accroissement de ces Branchiopodes doit être si rapide. Durée de l'accroissement. Quant à la durée de cet aceroisse- ment, elle semble en quelque sorte illimitée, si l’on en juge par les différences de taille que l'on remarque entre des individus d’ailleurs conformés de la même manière. Mue. On conçoit dés-lors que les mues sont nécessairement trés fréquentes. La première, que nous avons constatée, avait eu lieu le dixième jour après la naissance de l’animal ; mais il n'est pas douteux qu'il n’en ait subi d’antérieures, correspon- dantes à chacun des grands changemens survenus dans son orga- nisation. Ces mues, trés rapprochées dans le jeune âge , le paraissent moins à l’âge adulte. Voici les résultats de nos obser- valions à cet égard. Première observation. Une /saura mâle avait mué dans la nuit du 14 au 15 juillet. Autre mue dans la nuit du 21 au 22 » Id... dans la nuit du 25 au 26 » Id. dans la nuit du 3r au 1 août. Id. dans la nuit du ro au 11 » Id. dans la nuit du r7 au 18 » Morte le 30 » Deuxième observation. Une Isaura mâle a mué dans la nuit du 15 au 16 juillet. Autre mue dans la nuit du 27 au 28 » Tr dans la nuit du 2 au 3août. Ce mâle est mort le 7.0» ox. — Sur l'Isaura cycladoïdes. 333 Troisième observation. Une femelle mue et quitte ses œufs dans la matinée du 16 juillet. Seconde mue dans la nuit du 22 au 23 » Elle meurt le 30 » Il est remarquable que ces mues aient eu constamment lieu pendant la nuit (1). La femelle dont nous venons de parler est le seul individu qui nous ait offert une exception à cette loi, qui parait générale. Aussi cette circonstance, jointe à la difficulté d’apercevoir ce qui se passe sous la coquille, nous a-t-elle mis dass l'impossibilité d'étudier sur animal lui-même le mécanisme au moyen duquel s'effectue le changement de peau; mais, en examinant la dépouille qui en résulte, nous avons pu nous expliquer facilement ce phénomène , bien qu’il nous ait offert une particularité dont nous ne connaissons pas jusqu'ici d'autre exemple. On sait que l’Ecrevisse et les autres Crustacés des ordres supérieurs abandonnent au moment de la mue leur squelette té- gumentaire tout entier. Il en est de même des Branchipes(2),des Artémies (3) et généralement de tous les Entomostracés. De Geer a le premier observé ce fait chez les Cypris. « Ces petits insectes, « dit-il, changent de peau comme toutes les autres espèces du « méme genre (Monocle). Mais ce qu’il y a de plus remarquable, « c’est que ce n’est pas seulement le corps même de l'animal qui mue , mais que la coquille elle-même se défait en même temps d'une dépouille, comme le font les Ecrevisses à l'égard de leur écaille >». Un peu plus loin, il ajoute: « Ce qu'il faut surtout remarquer, c’est que la coquille même se renouvelle dans la mue , ce qui démontre qu’elle fait partie du corps de l'animal 2 = D'OR AN A A (x) Schælfer a constaté le même fait chez l’Apus cancriformis, Nous l'avons observé nou: mème chez V'Apus productus e\ chez l'Hippolyte Desmarestit (Mület), que nous avons trouvé en trés grande abondance dans le canal du Midi, (2) Bénédict Prévost, Mémoire sur lAChirocéphale diaphane, à la suite de l'histoire des Mo= nocles de Jurine, (2) Joly, Histoire d'un petit crustacé, 334 OLY, — Sur l’Isaura cycladoïdes. «auquel elle sert d’enveloppe ou de peau crustacée, pour en « défendre les parties molles dont elle est composée (1). » Louis Jurine (2) a fait la même observation chez les Daph- nies. (3) Schæffer (4) a vu et nous avons constaté après lui que les Apus se débarrassent de leur bouclier, lequel s'ouvre à sa partie antérieure, pour laisser sortir animal muni d’un nouveau test. Enfin M. Adolphe Brongniart, parlant des Limnadies (5) assure qu’elles changent de peau assez souvent comme la plupart des Crustacés de cette famille, d'où il faut conclure qu’elles aban- donnent aussi leur coquille bivalve. Or, malgré les analogies qui rattachent les Daphnia, les Cypris, les Apus et surtout les Lém- nadies aux saura cycladoides , nous avons à signaler dans ces dernières une différence essentielle, et qui mérite toute notre attention. Lorsque nos Crustacés sont près de quitter leur peau, devenue trop étroite , ils restent immobiles au fond du vase où ils sont renfermés. Alors, à en juger par la dépouille , le bouclier cépha- lique se soulève et se dessoude, excepté à son extrémité anté- rieure, d'avec les parties sous-jacentes, auxquelles il était pri- mitivement uni; la peau délicate qui lui fait suite se déchire longitudinalement des deux côtés, et il en résulte une ouverture par où sortent , probablement en premier lieu , la tête, puis les pattes, et enfin le reste du corps. Mais, chose bien remarquable! la coquille tout entière ne fait point partie des anciens tégumens. Toujours attachée à l'animal, elle n’a perdu qu’une des deux membranes qui la tapissaient à l’intérieur, savoir, la plus super- ficielle. Cette membrane, d’une délicatesse et d’une transparence extrêmes, adhère dans une petite portion de son étendue avec (x) Mém. sur les Insect., tome vir, page 482. (2) Hist. des Monocles , page 117, planche 15, figure 2. (3) M. Strauss prétend (Mém. du Muséum, tome y) que Je lest des Daphnies se dépouille seulement de son ancien épiderme. Nous croyons au contraire, avec L. Jurine, qu'il ya, lors de chaque mue, formation d'une nouvelle coquille. (4) Voyez Latreille, Histoire des Crustacés et des Insectes, tome 1v, page 175. (5) Mém, du Muséum, tome vr, page 9r. sOLY, — Sur l’Isaura cycladoïdes. 335 la peau amincie du bouclier céphalique , et reproduirait assez exactement la forme intérieure de la coquille, si elle avait assez de consistance ; mais elle ne présente aucune trace de division à l'endroit qui FR à la charnière(x ) Quelquefois cependant on la trouve partagée en deux dans son milieu. Une question se présente naturellement à l'esprit, quand on examine la dépouille de l’/saura cycladoides. Est-ce l’épiderme seulement ou bien est-ce la peau tout entière que l'animal aban- donne au moment de la mue ? Si la dépouille était effectivement constituée par l’épiderme, ainsi que M. Strauss-Durkeim l’assure pour les Daphnies , la surface extérieure de la carapace devrait être tout-à-fait lisse, propre et brillante après chaque change- ment de peau. Or, on observe précisément tout le contraire. Quelquefois la coquille est devenue seulement un peu plus trans- parente , et parce qu’elle a perdu l’une de ses membranes , et parce que la couche du suc concrété est beaucoup moins épaisse. Mais la surface externe de cette coquille reste toujours salie par des parcelles terreuses. Souvent même elle est couverte de con- ferves, qui s’y sont implantées et qui finissent par s’y accumuler en si grand nombre, que les mouvemens du petit animal en sont réellement génés. Un autre fait, que nous n’avons, i! est vrai, observé qu’une seule fois , mais qui nous paraît propre à démontrer que la dé- pouille de l/saura n'est pas formée par le seul épiderme, c’est la présence simultanée de deux squelettes tégamentaires , enfermés l'un dans l’autre. L'intérieur, qui adhérait aux muscles sous- jacens , pouvait sortir, à l’aide d’une légère traction, de celui qui le contenait. Ce squelette représentait évidemment la peau tout entière, et cependant son épaisseur, loin d’être plus grande que celle de son fourreau , était, au contraire, plus faible, sur- tout dans les portions de consistance cornée , telles que les mandibules, le bouclier céphalique et les crochets qui terminent l'abdomen. Concluons donc que la dépouille abandonnée par l'Zsaura n'est point simplement la portion épidermique du der- mato-squelette, mais bien la peau elle-même dans son intégrité. (1) Nouvelle preuve que la charnière n’est réellement qu'un pli du test, 336 soLY. — Sur l'Isaura cycladoïdes. Toute compliquée et toute fatigante que doit être la mue, notre animal parait exécuter assez promptement cette opération, et s’en ressentir à peine au bout de quelques heures. Rarement il lui arrive de briser un seul des nombreux appendices dont son corps est garni. Une fois pourtant nous avons vu la vésicule cylindrique d’une des pattes branchiales brisée dans son milieu, et restée enfermée dans son fourreau.Toutes les autres parties du corps étaient sorties du leur, et la dépouiile semblait , pour me servir de l'expression de Dugés, le fantôme de l'animal qwelle re- vélait naguère. N'oublions pas toutefois qu’il était protégé par son ancienne coquille, bien qu’il se füt convert d’une nouvelle peau. De ce qui précède il résulte que le mode d'après lequel l'Isaura cyrladoides exécute ses mues diffère de tous ceux qui ont été décrits jusqu’à présent chez les articulés. Le mode d’ac- croissement de sa coquille va nous offrir des différences tout aussi extraordinaires , si nous la comparons au test des Mol- lusques bivalves. Appuyé sur des observations dont nous croyons avoir vérifié la justesse , en les répétant avec soin , Dugès a distingué dans le revêtement extérieur des Malacozoaires testacés, 1° la couche épidermique, 2° la couche corticale , 3° la substance nacrée. Il a prouvé, contradictoirement à l'opinion commune , que les stries d’accroissement , lorsqu'elles sont très évidentes ( celles de l'Huitre, par exemple), sont formées par des portions d’épiderme et de substance corticale successivement surajustées les unes aux autres , et non par des strates entières superposées , de manière que la plus grande soit aussi la plus jeune et la plus interne. La substance nacrée présente seule de pareilles strates: c’est donc à elle seule qu’on peut appliquer ce qu’on a dit et partout répété touchant le mode de formation des coquilles bivalves. La manière dont s'accroît la carapace de l’Zsaura diffère essen- tiellement de celle que nous venons de décrire. Rappelons- nous d'abord que les valves ne sont point unies par une vraie charnière, et qu’elles sont tapissées à l’intérieur de deux mem- branes entre lesquelles se trouve logée une matière de consi- stance presque gélatineuse. Quand l'animal! est encore très jeune, ces valves sont entièrement lisses, extrémement minces, mem- 3OLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 387 braneuses ; dans la suite, lelles prennent de la consistance. Les stries d’accroissement se dessinent à leur surface extérieure et deviennent d'autant plus nombreuses que l'individu qu’on ob- serve est plus développé. Nous regrettons de n’avoir pu nous assurer, faute d'une quantité suffisante de sujets, si le nombre des stries correspond à celui des mues, ce qui nous semble assez probable ; mais ce dont nous sommes certains, c’est que chacune d'elles représente le bord épaissi d’une des couches composantes, Pour ne conserver aucun doute à cet égard, il suffit de sou- mettre la coquille pendant un ou deux jours à l’action de la potasse caustique. Au bout de ce temps, rien de plus facile, avons-nous dit, que de séparer les membranes dont elle est for- mée , et de .es enlever les unes après les autres dans leur inté- grité. Si l’on commence cette espèce de clivage par la surface convexe et par la strie la plus rapprochée du sommet des valves, on détache successivement des couches de plus en plus étendues. Le contraire a lieu en commençant par la surface concave, preuve évidente qu'ici, comme dans la portion nacrée du test des Mollusques, l'accroissement a lieu de l'extérieur à l’intérieur, les couches Les plus grandes étant tout à-la-fois les plus jeunes et les plus internes. Inutile de dire que la partie la plus épaisse de chaque valve est celle qui se trouve le plus près des crochets. Mais, nous demandera-t-on peut-être, comment se forme chacune des membranes superposées dont se compose la co- quille ? Sans prétendre résoudre entièrement cette question, nous croyons pourtant que la substance contenue dans les ca- naux tortueux dont nous avons parlé au commencement de ce Mémoire peut étre regardée comme la matière première de ces membranes. C’est elle qui, en se concrétant, donnerait naissance à la couche plus ou moins épaisse qui sépare les deux feuillets internes. Celle-ci, à son tour, servirait à unir les membranes, à épaissir leurs bords , et à occasionner ainsi le relief des stries d’accroissement. Sous beaucoup de rapports , elle pourrait donc être comparée au manteau des Mollusques. Mais, chez ces derniers, les séries d’accroissement sont constituées par des por- tions d'épiderme et de substance corticale simplement ajoutées bout à bout ou tout au plus surajustées , tandis que nous avons XVII. Zo01, — Juin, 22 338 socv. — Sur l’Isaura cycladoïdes. prouvé que, chez nos saura, elles sont formées par les bords mêmes des membranes superposées qui entrent dans la composi- tion de la coquille. Pour terminer ce qui a trait à l'accroissement de l/saura eycla- doïdes, considéré d’une manière générale, notons que le nombre des articulations des grandes et des petites antennes augmente avec l’âge de l'animal , lors même qu'il est déjà en état de repro- duire son espèce. De là, les variations que l’on observe à cet égard entre les divers individus qu’on examine. Durée de la vie. Condamnée à périr dès que les mares où elle vivait viennent à se dessécher (ce qui doit arriver souvent au moment même de sa naissance ), l’Zsaura cycladoides peut pro- longer son existence bien au-delà du terme fatal marqué par la nature, si l’on a soin de la maintenir artificiellement dans des conditions favorables à l'exercice de ses fonctions vitales. A partir du 15 juin, nous avons vainement cherché cet animal aux envi- rons de Toulouse, et cependant , quoique privés de leur liberté, deux individus , que nous avions pris le 4 du même mois , ont vécu lun jusqu’au 26, l’autre jusqu’au 30 août. En supposant qu'ils eussent mis deux mois pour arriver au point où ils étaient lorsque nous les avons découverts, il s’ensuivrait que la vie de ces branchiopodes est de cinq mois au moins. Ennemis et maladies de lIsaura cycladoides. W semblerait que des êtres de la conservation desquels la nature paraît, pour ainsi dire, n'avoir pris aucun soin, devraient, au moins, être exempts de maladies mortelles, et n'avoir aucun ennemi: il n’en est pas ainsi. Quelquefois ils portent sur leurs grandes antennes une foule de verticilles (1) qui doivent gêner leurs mouvemens, peut-être même leur nuire comme de vrais parasites: ils ont aussi à redouter les mandibules aigaës des larves de Dytiques. Dans d’autres cas, on voit l’intervalle compris entre les deux feuillets qui tapissent la coquille, se gonfler par suite de l’afflux trop considérable d’un suc rougeâtre , qui semble extravasé des canaux circulaires. Alors les feuillets eux-mêmes se détachent en partie de la carapace , et celle-ci n’adhère plus que faiblement & (x) Bénédict Prévost a observé le même animal sur son Chérocéphale, 1OLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 339 au corps de l'animal. D'autres fois la coquille subit des altérations pathologiques, dont la cause est purement accidentelle. Ainsi, tantôt ses bords sont déchirés, surtout chez les femelles , pro- bablement par les crochets du mâle. Alors les lèvres de la solu- tion de continuité deviennent épaisses, noirâtres, et ne se rejoi- gnent jamais, ce qui prouve qu’une fois formées, les couches de Ja carapace ne sont plus susceptibles d’accroissement. Tantôt un grain de sable, une conferve ou tout autre corps étranger reste fixé à sa surface interne, et empéche en cet endroit l’adhérence de la nouvelle membrane qui vient la recouvrir. Enfin, assez fréquemment on voit les femelles, surtout après la ponte, devenir rouges, maigres , comme crispées, et finir par succom- ber bientôt après. Ænomalies. En fait d'anomalies , nous n’avons à signaler que deux ou trois particularités assez peu importantes : 1° et d’abord une antenne externe , dont les huit derniers articles étaient plus courts qu’ils ne le sont communément; 2° une autre antenne, qui présentait une articulation plus longue et plus grêle que celles entre lesquelles elle se trouvait placée, et dont les poils rameux ne s'étaient point développés; 3° une masse d'œufs bilo- bée, énorme relativement à la taille de l'animal qui la portait d’un seul côté (droit ); 4° enfin deux peaux emboîtées l’une dans l’autre, observées sur un individu probablement près de muer. . Précis de quelques expériences faites sur lIsAurA cycrADorDrs. — Forcé de conserver avec le plus grand soin le petit nombre de sujets qui étaient en notre possession , nous n'avons pu nous assurer par des expériences directes, si l’/saura est douée dela faculté de reproduire ses parties mutilées,autres que la coquille. La briévetédes antennes dont il a été question dans l’article pré- cédent, et le développement incomplet de leurs articulations, ten- draient à me faire croire qu’elle possède, en effet , cette faculté. Retiré de l’eau, notre animal ferme sa coquille, rapproche ses pattes, ct cherche à s’opposer tant qu’il peut à l'évaporation du liquide qui les mouille encore, et par conséquent à la des- siccation des organesspécialement chargés de la respiration. Lors- qu'il est pres de mourir, élasticité du pli des valves l'emporte 22, 340 OLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. sur la force de contraction des muscles adducteurs, et la coquille reste béante. Si l’on coupe une des valves de manière à ménager le faisceau musculaire auquel il est fixée, l’animal tombe au fond du vase et ne peut plus nager, bien qu'il agite ses pattes branchiales. À plus forte raison , la même chose arrive-t-elle, si l’on coupe les deux valves à-la-fois. Mais l’expérience qui nous a donné le résultat le plus remar- quable est celle de la décapitation. Un individu mâle, auquelnous l'avons fait subir le 24 juin, à neuf heures du matin, vivait encore etavait changé de place à six heures du soir (1). A sept heures, tout mouvement avait cessé. Analogies et différences entre l’IsAuRA cycrapoipes et les autres Crustacés. Après avoir ainsi étudié l’{saura cycladoïdes sous le triple point de vue zoologique , anatomique et physiolo- gique , cherchons à saisir les analogies qui la rapprochent, et les différences qui la séparent des autres êtres faisant partie de la même classe qu’elle , et nous tâcherons ensuite de fixer sa véri- table place dans la méthode naturelle. Elle se rapproche du genre Daphnie par la présence de deux grandes antennes bifides et natatoires, par la composition de la bouche, par la présence des harpons caractéristiques du sexe mâle, enfin par son test bivalve. Elle s’en distingue surtout par le nombre et la structure des pattes .et par les deux yeux très rap- prochés qu’elle porte au sommet de la tête. Comparée au genre Lyncée , elle n'offre guère de ressem- blance avec lui, qu’au moment où elle possède les deux taches noires que l'or observe au devant de la tête; mais alors même il en diffère par son canal intestinal qui s'étend sans former de circonvolutions de la bouche à l’anus. Entre autres caractères qui la distinguent des Vébalies , il suffit de citer l'absence des yeux pédonculés. Bien que ses pattes aient beaucoup d’analogies, quant à la (1) On sait qu'Aristote avait déjà observé que les insectes vivent encore long-temps après la décapilation, Les Vertébrés, les Mammifères eux-mêmes ne font pas exception, Voyez les Expériences sur le principe de la vie , par Legallois. 3oLx. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 341 forme, avec celles des pus , elles en différent, quant au nombre. Les canaux tortueux de sa carapace rappellent ceux qu’on observe au bouclier de ces derniers; mais la carapace elle-même, la structure de la bouche et le nombre des antennes l'en éloignent suffisamment. C’est sans contredit avec le genre Limnadie, que le nôtre a le plus de rapports: il lui ressemble par le nombre des antennes, celui des pattes et des anneaux du corps; il en diffère par la taille, la manière de nager, l'absence de l’appendice pyriforme, situé sur la tête par ses yeux moins écartés, la présence d’un très grand labre, par ses mächoires non foliacées, par ses petites antennes nullement claviformes, par la structure de l'extrémité libre de ses pattes branchiales, par les crochets qui terminent labdomen, enfin par les nombreuses stries transversales et parallèles, que l’on remarque à la surface extérieure de la co- quille, stries jusqu'à présent sans exemple dans toute la classe des Crustacés, si l'on en excepte peut-être les lignes concen- triques que présentent les valves du #onoculus striatus(Jurine } ( Cypris striata Desm.), et celles du genre Cyzicus , de M. Au- douin. Quant aux genres Branchipus et Artemia , tous deux dépour- vus de carapace, même dans l’âge adulte, nous avons vu que PIsaura s'en rapproche beaucoup dans les premiers temps qui suivent sa naissance, mais qu’elle s'en éloigne ensuite considéra- blement. Il nous parait donc incontestable que cet animal doit former, sinon une tribu nouvelle, du moins un genre nouveau, qui se placera naturellement après les Limnadies ; et que nous caracté- riserons de la manière suivante : Caractères du genre Isaura. — Test composé de deux valves ovales, aïlon- gées, translucides, réunies sur le dos, libres dans le reste de leur pourtour, munies de crochets semblables à ceux des coquilles bivalves et marquées à leur surface de stries concentriques indiquant les époques successives de leur accrois- sement. Corps allongé ct prismatique, terminé par quatre crochets robustes ct recourbés, et par une dizaine d’épines, dont les deux supérieures sont plus fortes que toutes les autres, Deux longs filets ciliés , insérés au sommet de deux petits mamelons situés entre les crochets et les épines supérieures. Tête prolongée en forme de bec et présentant vers son milieu deux yeux tiès rapprochés ct 34a 30LY. — Sur d'Isaura cycladoïdes. presque confondus ensemble, surtout à leur partie postérieure. Quatre antennes, dont les deux extérieures, portées chacune sur un pédicule épais et cylindrique, sont très Jongues, bifurquces, velues et multiarticulées. Antennes médianes simples, plus petites que les précédentes, diminuant de grosseur de la base au sommet, distinctement articulées et ordinairement courbées en S. Bouche composée d’un labre formant une espèce de cloison verticale ou bec sous le pro- Jlongement antérieur du bouclier céphalique , et recouvrant en partie deux man- dibules cornées. Une paire de mâchoires charnues, très petites, presque entière- meut cachées sous les mandibules , ct garnies à leur face interne de poils arqués et ciliés. Thorax confondu avec l'abdomen et portant chez la femelle vingt-deux paires de pattes branchiales presque imperccptibles vers la partie postérieure du corps, mais toutes essentiellement formées de quatre articles. Extrémité libre des douze premières bifurquée, simple sur les dernières. A ppendices non ciliés de diverses formes, fixés au bord interne de chacun des trois premiers articles, le deuxième dounant attache par son bord supérieur ou externe à une vésicule cylindrique et à une membrane triangulaire, munie de poils rameux et ciliés. Mäles portant, outre les vingt-deux paires de pattes uniquement branchüles, deux autres paires de pattes, situées en avant des premières et munies de harpons destinés à retenir la femelle pendant l’accouplement. On trouve les Zsaura dans les fossés accidentellement remplis d’eau pluviale. Elles nagent habituellement sous le ventre, et non pas sur le dos, comme les Zimnadies et la plupart des Branchiopodes de la même famille. Leurs grandes'antennes ou antennes en rames sont leurs principaux organes de locomotion. Caractères spécifiques. Les caractères spécifiques de l’Æsaura cycladoides peuvent se résumer ainsi qu'il suit : Test offrant une grande analogie de forme et même de couleur avec celui des Cyclas rivalis ( Drap.) et canaliculata ( Drap.), et marqué de vingt à vingt-six stries concentriques, dont les médianes sont les plus saillantes et les plus écar- técs. Antennes en rames formées chacune d’un pédicule cylindrique de neuf articles peu distincts, et de deux branches ayant de quatorze à dix-sept articles. Antennules beaucoup plus courtes que le pédicule des antennes extérieures, un peu comprimées, subuliformes, composées de douze à treize articles mamelonnés ét velus sur leur bord supérieur. Longueur de la coquille g9-13il:, Longueur de l'animal 11-15mi., Trouvée au mois de juin, après de fortes pluies , dans un fossé des environs de Toulouse, en compagnie de nombreux Apus productus et de quelques larves de Dytiscus marginalis. Place du genre Isaura entre les Mollusques et les Cirrhipèdes. Mais ce n'est pas seulement comme type d'un genre nouveau que l’Zsaura offre de l'intérêt. La découverte de ce branchiopode 1OLY. — Sur L’Isaura cycladoïdes. 343 a été, ce nous semble, d’une toutejautre importance, en ce qu’elle fournit un chainon pour rattacher la classe des Crustacés, d’une part, à celle des Mollusques;de l’autre, à celle des Cirrhipèdes(r). Nous avous déja vu combien la coquille de notre animal res- semble par sa forme, sa structure et son mode d’accroissement à celle des Malacozoaires. Les analogies qui rattachent l'animal entier aux Cirropodes sont peutêtre encore plus remarquables. En effet, des observations de Thompson, confirmées par les recherches de Burmeister, et celles encore inédites de M. Au- douin, il résulte que les Balanes, à leur sortie de l'œuf, ont une grande ressemblance avec les Crustacés branchiopodes. A cette époque de leur existence, ils sont pourvus d’un zest bivalye (2) et de bras sétifères , au moyen desquels ils peuvent nager libre- ment au sein des eaux. Plus tard ils subissent des métamorphoses très singulières , malgré lesquelles ils conservent encore quelques rapports de ressemblance avec nos Zsaura. Ainsi leur corps est divisé en un certain nombre d’articulations bien distinctes. Chacune de cesarticulations supporte une paire de pieds on bras ciliés , inégaux , articulés, composés de deux cirrhes , soutenus par un pédicule et pouvant sortir de la coquille (3); enfin, à l'intérieur, il existe un long vaisseau dorsal. (4) (x) Nous conservons aux Cirrhipèdes la place que leur a sans doute irrévocablement fixée le beau travail de M. Martin Saint-Ange ( Mém. des savans étrangers, tome vr, page 513, et Ann, des Sciences nat., lome nx , page 3:16. Extrait). (2, Eloigné de la capitale et privé des ressources bibliographiques qu’elle offre à tous ceux qui veulent étudier la nature, nous sommes obligé de nous en rapporter, en ce moment , à des notes rapides que nous avons prises l'an dernier , dans un article du docteur Coldstream pides q P ; faisant partie de la Cyclopedia of anatomy and physiology ( Art. Cirropodes). Carus, au contraire, assure, d'après Thompson, que les jeunes Balanes ne s’enveloppent de la coquille qui leur est propre , qu'au moment où ils se fixent pour toujours sur des corps q q il A l J P étrangers ( Tome 11, page 452 de son Anat, comp.). Aussi est-ce avec doule que nous indi- quons la présence d'un test bivalve chez ces animaux , à leur sortie de l'œuf. (3) Lamarck, Histoire des animaux sans vertèbres | tome v. (4) Ajoutons que si, d'après les observations du professeur Burmeister, la coquille des Anatifes a plus d'analogie avec l'enveloppe de certams Crustacés , notamment avec celle des Cypris et des Limnadies, qu'avec celle des Mollusques , elle doit donc se rapprocher bien plus de celle de l'/saura, 344 30LY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. Si nous récapitulons maintenant les faits principaux que nous avons cherché à établir dans ce Mémoire, nous verrons que: 1° L’Isaura cycladoides constitue un genre nouveau, très voisin des Æpus, des Limnadies et du genre Cyzicus de M. Audouin; 2 Par la configuration , la structure , le mode d’accroissement de sa coquille, ce genre forme un passage naturel des Crustacés aux Mollusques acéphales : par le reste de son organisation , il se rattache anx Cirrhipèdes, qui viennent eux-mêmes après les Crustacés ; 3° L’Isaura cycladoides n’acquiert son test bivalve et sa forme définitive qu'après une série de métamorphoses , pendant les- quelles il rappelle successivement la forme des {rtemia, des Branchipes et des Apus , encore très jeunes; puis celles des Daphnies , des Lyncées, des Cypris, des Limnadies et des Cy- ziques , parvenus à l’état adulte ; 4° Quoique ce branchiopode subisse des mues très fré- quentes, sa coquille , loin d’être caduque, comme celle de tous les autres Crustacés à test bivalve, persiste pendant la vie entière de l'animal et ressemble aussi sous ce rapport à celle des Mol- lusques; 5° Elle s'agrandit à la manière de la portion nacrée du test des Malacozoaires, c’est-à-dire par l’addition de couches succes- sivement plus grandes et plus internes, dont les bords épaissis forment à sa surface extérieure de véritables stries d’accrois- sement; 6° Ces couches peuvent être facilement isolées les unes des autres, après un séjour de vingt-quatre heures dans la potasse caustique; 7° L’Isaura cycladoïdes est pourvue de sexes séparés. Le mâle se distingue tout d’abord de la femelle par la présence de deux paires d’appendices , situées en avant des pattes branchiales et munis à leur extrémité libre d'espèces de griffes tridactyles, destinées surtout à retenir la femelle pendant l’accouplement ; 8 Cet animal nage habituellement sur le ventre, c’est-à-dire à l'inverse des autres Crustacés branchiopodes, et notamment des 4pus et des Limnaulies ; dont il est si voisin ; 3o1x. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 345 9° Comme ceux des pus , des Limnadies, des Branchipes , ses œufs paraissent pouvoir supporter une longue sécheresse, sans perdre cependant la faculté d’éclore. EXPLICATION DES FIGURES, Fig. 1. saura cycladoïdes mäle, entr'ouvrant sa coquille et agitant ses pattes branchia« les, sans néanmoins changer de place. Une portion de la tête , des antennes en rames, et de l'anneau caudal sort du test, A la faveur de la demi-transparence de ce dernier, on aperçoit les deux harpons du côté droit , ainsi que la série des pattes branchiales ; a. crochets; b. Nathèces; c. Charnières; d. Stiies d’accroissement; e. Poils qui garnissent les bords de la coquille. A, Grandeur naturelle de l'animal, représenté figure 1. Fig. 2. Le même, privé de sa coquille, et vu du côté droit, N. B. Afin d'éviter la confusion, l’on a enlevé tous les appendices du côté gauche, à l'exception de ceux de l'anneau caudal. A. Bouclier céphalique; a. Petite éminence mamilli= forme, sur laquelle s'articulent les mandibules ; b. Prolongement rostriforme du bouclier cépha- lique ; c. Cloison verticale faisant partie du labre ; 4, Extrémité renflée du labre, recouvrant Ja portion trilurante des mandibules ; e. Mandibules ; f. L'œil; g. Pédicule de l'antenne rameuse ; et i. Les deux branches ; 7, Petite antenne ; 4. Cerveau ; / et m, Harpous, prin- cipalement destinés à saisir la femelle pendant l'accouplement ; De » à o, Série des vingt-deux paires de pattes branchiales ; De p à q. Crête dorsale et thorax confondu avec l’abdomen; rr. Petites touffes de soie , recourbées, implantées à la partie postérieure des seize ou dix-sept an- neaux qui précédent l'anneau caudal; s. Anneau caudal; t, u et u!, Épiues et crochets qui garnissent le bord postérieur de cet anneau ; v. Poils recourbés de la queue; z. Portion de Ja couche de suc concrété , située entre les deux feuillets du test les plus rapprochés du corps de l’animal ; 9. L'une de ces membranes qui s'était en partie détachée de la coquille, et qu’on a soulevée pour la rendre visible; z. Base du faisceau musculaire destiné à fermer la valve droite, Grossi. B. Grandeur naturelle. Fig. 3. Tête d'/saura cycladoïdes wâle, vue en dessus et grossie, — a. I.es deux yeux très rapprochés; 4. Prolongement rostriforme et sa gouttière ; c c. Petites antennes; d d. Grandes antennes ; ee. Mandibules. Fig. 4. Coquille d’Zsaura cycladoïdes mâle, vue ci-dessus , les valves étant ouvertes, — a. Crochets; b. Natèces ; c. Charnières, C. indique la grandeur naturelle de la coquille, Fig. 5. Tête et canal intestinal (côté ganche); — 4,6, c, d,e,f,j, indiquent les mèmes parties que dans la figure 2; et é ont été enlevés pour mettre à découvert l'organe ; k, L Mächoire; m. OEsophage ou estomac; ». Intestin grêle ou duodénum ; 0. Gros intestin et rectum. L'anus est situé entre les crochets p p. Fig. 6. Palte tridactyle de la premiére paire grossie (côté droit), vue par sa face externe ; 1. Article basilaire ; 2. Deuxième article; 3, Troisième article formant une partie du méta- carpe; 4. Quatrième article ou crochet corné représentant la palette des pattes branchiales; a. Crochet cilié du premier article ; 4, «. Appendices ciliés, placés au bord interne du deu- xième article, d, e. Appendices du troisième article, qui ont changé de forme, de place et de fonction. On y reconnait, dans l'apophyse z et le mamelon y de l'appendice antérieur , les deux petits avancemens qui forment, dans les douze premières paires de pattes branchiales , l'échancrure où est logé le doigt corné; 2 est évidemment ce doigt lui-même; z’ autre doigt 346 Toy. — Sur l’Isaura cycladoides. de nouvelle formation, peut-être destiné à remplir quelque fonction dans l’acte sexuel ; f. Vé- sicule cylindrique ; g. Membrane triangulaire replite sur le deuxième article, qui s’est égale- ment replié sur lui-même, et a entrainé, dans ce mouvement, le troisième et le quatrième , de manière à rendre supérieure la concavité des doigts et du crochet, laquelle devrait ètre infé- rieure; LL. Quelques muscles qui vont s'enchevêtrer avec ceux du tronc, ( Voyez l'explication et la figure suivante. ) à Fig. 7. Deuxième patte branchiale ( côté gauche}, vue par sa face externe; — 1, 2, 3, 4. Les quatre articles qui forment cette patte; a. Crochet cilié de l’article basilaire; 8, e, d, e. Appendices fixés au bord interne du deuxième et du troisième article ; f. Vésicule cylindrique; g. Membrane triangulaire; z y. Prolongemens ou apophyses formant l'échancrure où est logé le doigt corné; z, Ce doigt lui-même. Même grossissement que la figure 6. Fig. 8. Treizième patte branchiale d’un mâle (côté gauche), grossie comme figures 6 et 7. Fig. 9. Dix-huitième patte branchiale d'un mâle (côté gauche) , grossie 200 fois. Fig. 10. Vingtième patte branchiale d’un mäle (côté gauche), grossie 300 fois. Fig. tr. Vingt-deuxième patte branchiale d'un mâle (côté gauche) , grossie 300 fois. Fig. 12, Vingtième patte branchiale d'un mâle (côté droit), grossie comme celles repré- sentées figures 6, 7 et 8; 4. Portion du tégument commun encore attaché à la patte. N.B. Dans les cinq figures qui précèdent, les mêmes lettres indiquent les mêmes parties que dans la figure 7. Fig. 13. Deuxième patte branchiale d’une femelle avec les œufs (g) logés entre les mus- cles de l'article basilaire (eôté gauche) , un peu grossie. Vue par sa face interne; 1,4, 4,4, 0, d, e, f, g, =, comme dans la figure 7. Fig. 14, Quatrième patte branchiale d’une femelle malade (côté droit). Mème grossissement que la précédente, Fig. 15. Eschare, en forme d'opercule, observée sur divers anneaux de l'abdomen chez plusieurs femelles qui avaient pondu après l’accouplement, Fig. 15 Dis. Douzième patte branchiale de la Limnadia hermanni, d'après M. Ad. Bron- gniart. Fig. 16. Septième patte branchiale d'un ÆApus productus; a. Crochet cilié ( fausse dent, Schæffer) ; 4. Premier appendice cilié (extrémité spatuliforme, Schæffer); e. Deuxième appen- dice cilié ( extrémité lamelliforme : Schæffer ) ; 4. Troisième appendice cilié (fausse pince , Schæffer); e. Quatrième appendice cilié (pince inférieure , Schæffer); r. Article basilaire; 2, 3. Deuxième et troisième article; 4. Quatrième article (pince supérieure, Schæffer ) ; f. Vésicule cylindrique (petit sac ; Schæffer) ; g. Membrane triangulaire (feuillet branchial, Schæffer), N. B. Les deux figures qui précèdent sont destinées à indiquer l’analogie de structure qui existe entre les pattes de l'Zsaura cycladoïdes et celles des Limnadies et des pus. Fig. 17. Exlrémité postérieure de l'abdornen, très grossie ; 1, 2, 3, 4. Anneaux qui précè= dent l'anneau caudal ; a, 4. Poils en crochets, fixés à leur partie dorsale ; c, d, e, Deynieres pattes branchiales : f. Anneau caudal ; g. Epine supérieure; 4. Epines postérieures ; i,J- Crochets postérieurs; , £ Crochets inférieurs entre lesquels s'ouvre l'anus. On aperçoit dans leur intérieur les gros faisceaux musculaires; », n, 0, 0. Poils ciliés qui garnissent une partie de la face concave des crochets ; p, p. Dents très fines qui en hérissent le tiers inférieur ; 4. Mamelon portant lestpoils courbés et ciliés; r, r, s. Extrémité inférieure du caual digestif, remplie d'excrémens, et vue à la faveur de la transparence des tégumens dont on a enlevé tous les muscles. Fig. 18. Dépouille de la sixième patte branchiale d'un mâle, La mue de la vésicule cylin- soLv. — Sur l’Isaura cycladoiïdes. 347 drique seule a été incomplète. De a’ en 4! on aperçoit le reste de cet organe, qui s'est brisé dans son fourreau; à, b, €, d, e, f, g, z, 4, comme dans la figure 7. Fig. 19. Portion du bouclier céphalique, vue à un grossissement de 350 diamètres. Fig. 20. Muscles des mandibules grossis ; a, a. Muscles adducteurs à fibres entrecroisées ; b, b. Fibres musculaires obliques par rapport aux premières, et contribuant à remplir la con- cavité de la portion cornée des mandibules; e, c. Muscles abducteurs des mandibules. Fig. 21. Portion de la tête, dépourvue de son tégument et destinée à faire voir en place : 1° le cerveau (a); 2° la bandelette nerveuse qu'il envoie aux nerfs optiques (); 3° les nerfs optiques eux-mêmes (c) avec leurs ganglions (4); 4° les deux yeux (e) ; 5° des masses d'ap- parence glanduleuse entourant le cerveau et les nerfs optiques (/). Grandeur naturelle. Fig. 22. Les mandibules avec leurs muscles, vues par leur face supérieure; a. Mandibule droite; #. Mandibule gauche; c, c. Leur extrémité triturante, Les lignes poncluées indiquent l’espace rempli par les muscles, qui sont prêts à abandonner la portion cornée des mandibu- les, par suite du tiraillement qu'on leur a fait éprouver à dessein; d, d. Portions déjà vides ; e. Muscles adducteurs à fibres entrecroisées. On n’aperçoit que l'extrémité inférieure des fibres obliques ; f, f. Muscles abducteurs élargis à leurs deux extrémités, et formant une es- pèce de cadre elliptique sur lequel nous a paru s’insérer le pharynx, grossi. Fig. 23. Mächoire gauche et portion de la languette tres grossie; a, Mâchoire; 4. Poils ciliés qui en garnissent le bord interne, et qui servent, en agissant avec ceux du côté opposé, à lamiser les alimens et à les pousser dans la gouttière de la Janguette; c. Poils plus petits, implantés vers l'articulation; . Portion de la languette ou lèvre inférieure. Fig. 24, Les deux yeux avec leurs nerfs grossis. Dépouillés de la cornée qui les recouvre ; les yeux paraissent presque soudés, et l'on a quelque peine à les séparer l’un de l'autre; a. Les yeux; à, Corps vitrés qui paraissent plus transparens que les autres, parce qu'ils sont placés à la périphérie de l'organe; c. Nerfs optiques ; 4, Masses transparentes, d'apparence glandu- leuse. (Dépendances du cerveau ?) Fig. 25. Pigmentum qui enduit les corps vitrés sur la plus grande partie de leur surface ex- terne; grossi 300 fois. Fig. 26. Corps vitrés, très grossis, ? Fig. 27. Mue du bouclier céphalique ; a, Cornée commune ; 4. Mamelons sur lesquels les mandibules viennent s’articuler; c. Peau qui recouvre le reste du corps et se continue avec la membrane des valves les plus rapprochées du corps de l’animal, Fig. 28. Particules amorphes et cristaux de nature calcaire, observés en très grand nombre sur les stries d’accroissement d’une coquille d'/saura, soumise pendant huit jours à l’action de la potasse caustique, Fig. 29. Dépouille d’une antenne rameuse; a, Poils de la face supérieure du pédicule ; &. Poils plus longs fixés dans chacune des articulations; 1, 2,3, 4, 5. Les cinq premiers arti— cles de chaque branche du pédicule; ce, Poils ciliés et erochus qui garnissent la face supérieure des deux branches ; dd. Pinceaux de poils ciliés et rameux, attachés à la face inférieure. Fig. 30. Mue des mächoires et de la languette, grossie 300 fois; — a. Mächoire gauche; b. Mächoire droite, rejetée!de côté; c. Languette; d. Espèce de gouttière creusée dans la lan- guelle; ce, Bords presque cornés de cette goultière, sur les côtés desquels on aperçoit une foule de petits poils très fins, jaunâtres, qui se retrouvent aussi disséminés çà et là sur le resie de la languette. Fig. 31. Masse d'œufs, bilobée par anomalie; — a, Petit lobe ou lobe droit qui recouvrait le grand lobe, et qui a été rejeté de côté pour faire voir celui-ci; &, Grand lobe ou lobe gauche, Grand, nat. 348 3oLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. Fig. 32. La même, grossie; — a et à comme dans la figure précédente. On aperçoit sur les deux lobes les filamens c, qui unissent les œufs entre eux. Les endroits où les œufs ne parais- sent pas sont ceux qui étaient recouverts de particules terreuses, Fig. 33. Portion de grappe ovarique grossie. On y voit des œufs de diverses formes et à divers degrés de développement. Fig. 34. OEuf ovale, isolé de la grappe ovarique. Très grossi. Fig. 35. OEuf polygonal , id. id. , ,. . . . id. Fig. 36. OEufs pondus depuis 9 ou ro jours. Grand. nat. Fig. 37. Un de ces œufs, très grossi; — a, Membrane externe ou coque; B. Auréole transparente formée par l'albumen ; c. Membrane vitelline couverte de cils crochus; d. Masse vitelline opaque, et formée de granules rougeätres et très petits. Fig. 38. OEuf nn peu plus avancé que le précédent , et privé de sa membrane externe et de son albumen. Fig. 39. Zsaura cycladoides, 12 heures après sa naissance, Vue en dessous; — a. Organe visuel, peut-être unique à celle époque; 4. Segment antérieur ou céphalique ; Z. Segment postérieur ou thoraco-abdominal ; b, Très grand labre, qui recouvre toute la bouche et même une partie du thorax; ce, Crochets qui terminent l'abdomen; dd. Paltes provisoires anté- rieures, destinées à devenir des antennes natatoires; x et 2. Les deux premiers articles, qui formeront plus tard le pédieule; 3. Troisième article bifurqué, qui se transformera en antennes rameuses; e, f. Les deux branches futures des antennes, déjà munies de poils ciliés; g. Poil bifurqué du premier article; 4. Poil simple du deuxième; i. Poils de la branche supérieure; J. Poils de la branche inférieure; 4. Pattes provisoires postérieures, servant déjà de mandibules; L. Article mandibulaire; #, ». Articles destinés à s’atrophier lorsque les pattes branchiales auront paru; 0, p. Poils du deuxième article; g. Poils terminaux du troisième; r. Canal intestinal, pourvu à son extrémité supérieure de deux cœcums entourant l'œil; ss, Cœcums; - t. Anus; u. Quelques fibres du sphincter de l'anus. Grossie 300 fois. Fig. 40. La même, âgée de deux jours. Vue en dessus; — *, x. Deux crans indiquent la place future des deux premières paires de pattes. Grossie 300 fois, Fig. 41. Autre individu, âgé de cinq jours. Vue en dessous. Les chiffres et les lettres indi- quent les mêmes parties que dans la fig. 39; *, x. Deux crans ou pattes rudimentaires ; 7: Pattes branchiales encore fixées à la coquille; z. Crochets de l’article basilaire; p. Coquille encore membraneuse et horizontale; y. Prolongement rostriforme de la tète; ÿ. Muscle rele- veur du labre; w. Crochets postérieurs de l'anneau caudal. Grossi 300 fois. Fig. 42. Segment thoraco-abdominal du précédent, vu par le dos; — A. Place de la seconde paire de pattes provisoires; a. Coquille à travers laquelle on aperçoit les pattes branchiales, qui y sont encore adhérentes; 4. Vaisseau dorsal, qui s'étend jusqu'au voisinage de l'anus et dans lequel on voit circuler des corpuscules sanguins. Fig. 43. Zsaura cycladoïdes, âgée de sept jours. Vue du côté droit; — a. Cerveau? à. Organe visuel, probablement double ; c. Bouclier céphalique; d. Prolongement rostriforme; e. Labre plie en deux; f Première patte provisoire du côté droit, avec les muscles qui la meuvent; ret2. Les deux premiers articles; 3. Branche supérieure de la bifurcation, déjà multiarti- culée ; 4. Branche inférieure ; g. Seconde paire de pattes provisoires ; À. Article maudibulaire; ë, 7. Deuxième et troisième articles en partie atrophiés ; 4. Organe pyriforme, destiné à devenir une des antennules? De / à m. Pattes branchiales des deux côtés, libres, parallèles, et munies de poils et de membranes rudimentaires: 0. Crans qui signalent l'apparition future d'autres pattes branchiales; 7-0. Thoraco-gastre, plié en deux comme le labre; p. Anneau caudal éga- 3oLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 349 lement plié, dans lequel on reconnaît facilement l'armature du mème anneau chez l'adulte ; g- Gros poils crochus, garnissant la partie dorsale des derniers anneaux thoraciques ; 7. Vais- seau dorsal; 5. Son oreillette, placée beaucoup plus haut que deux jours auparavant, Les flèches indiquent la direction des corpuscules sanguins ; £. Canal intestinal rempli de conferves, exceplé vers sa parlie inférieure; u. Ses deux cœcums; v et z, Les deux valves devenues très mobiles et paralléles; y. Canaux concentriques, renfermant le suc destiné à l’agrandissement de la coquille; z. Place du muscle adducteur de la valve droite, Fig. 44. Mandibule d'une /saura cycladoïdes âgée de dix jours, vue par sa face externe et grossie 300 fois; — a, Les deux articles terminaux, presque entièrement atrophiés. Fig. 45. La même vue par sa face interne; — a. Cavité pour loger les muscles ; &. Surface triturante; c, Les deux derniers articles presque entièrement atrophiés. Nore sur les genres LamnaDiA, EstaeniA, Cvzicus et IsauRA, faisant suite au Mémoire sur l'IsAURA CYCLADOIDES , présenté à l’Institut, le 6 décembre 1841, par M. Joxy, professeur de zoologie à la faculté des Sciences de Toulouse. A l’époque où j'ai eu l'honneur de présenter à l'Institut mes recherches zoologiques, anatomiques et physiologiques sur l'{saura cycladoides , je n'avais pu, faute de renseignemens suffisans , éclaircir plusieurs questions assez importantes qui se rattachaient naturellement à mon travail. Plus heureux au- jourd'hui, grâce à l’obligeance bien connue de MM. Guérin- Méneville et Dujardin (1), je vais tâcher de combler ces lacunes involontaires et chercher à établir définitivement les caractères et les limites du genre que j'ai créé sous le nom d’Isaura. Cette note monographique a pour objet de prouver: 1° Que la Zimnadia tetracera de M. Krynicki n’est point une Limnadie ; 2° Que le genre Cyzicus , proposé par M. Audouin, est iden- tique avec le genre Jsaura ; (x) M. Guérin a bien voulu nous envoyer non-seulement le mémoire de M. Strauss sur l'Estheria Dahalacensis et celui de M. Krÿnicki sur là Limnadia tetracera, mais encore plusieurs flacons renfermant trois Limnadia tetracera, deux Cyzicus Bravaisii, cinq ou six Limnadia Hermanni et autant de Limnadia Mauritiana, M. Dujardin, doyen de la faculté des sciences de Reunes, a eu la bonté de nous adresser aussi le travail de M. Strauss sur l'Estheria. Nous prions ces messieurs de recevoir ici le témoignage de notre vive et sincère reconnaissance, 350 3OLY. — Sur l’Isaura cycladoïides. 3° Qu'il en est de même du genre Æstheria, établi par Ruppell et décrit par M. Strauss -Durkeim; 4 Enfin, que le genre /saura se compose dès à présent des trois espèces suivantes : A. Isaura cycladoides Nob. Cyzicus Bravaisit Audouin; B. Jsaura tetracera Nob. Limnadia tetracera Krynicki; C. Isaura Dahalacensis Nob. Estheria Dahalacensis Strauss- Durkeim. L'animal découvert aux environs de Charkow ( Russie ) n’est point une Limnadie. À en juger d’après ses propres expressions, M. Krynicki lui- même n’était pas bien convaincu de l'identité de son animal avec les Limnadies. En effet, on lit à la fin de son Mémoire le passage « suivant : « La structure des antennes et de la queue ,le nombre « des pieds et leur formation distinguent cette Limnadie de celle « d'Hermann. Ainsi elle doit faire le type d’un genre particulier, ce « qui deviendra d'autant plus indispensable , quand des observa- « tions plus précises nous montreront que la Limnadie d’Her- « manon est un animal hermaphrodite. » (Bibliothèque entomolo- gique , tome 1, page 363.) Trompé sans doute par les figures presque inintelligibles et par les descriptions incomplètes ou souvent fautives du natura- liste russe, M. Guérin-Méneville, qui , à l'époque où il publia sa note monographique sur le genre Zimnadie , n'avait pu se procurer l'animal de Charkow, continua à le placer dans ce genre , auquel il ajoutait en même temps une espèce nouvelle, venant de l'ile Maurice ( Limnadia Mauritiana Guérin.) De son côté, à-peu-près à la même époque , M. Audouin fai- sait connaître verbalement à la Société entomologique de France (séance du 1% février 1837) les caractères qui, selon lui, ne permettaient point de ranger l'animal de M. Krynicki parmi les Limnadies; mais, cette discussion n'ayant point été rendue publique par la voie de l'impression, M. Milne Edwards n’adopta point le genre Cyzicus, dans lequel son savant ami plaçait la Limnadia tetracera , et il crut devoir conserver à ce Crustacé le nom que lui avait imposé le naturaliste qui, le premier, l'avait so1v. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 857 décrit. (Histoire naturelle des Crustacés, tome 111, page 363.) La question nous a paru mériter d’être examinée avec soin , et voici quel a été le résultat de cet examen, fait sur des exem- plaires en bon état, mais conservés dans l’alcool. Le Crustacé des environs de Charkow diffère des Limnadies par l'absence du petit organe pyriforme que ces dernières portent sur le front(1), par la configuration extérieure de la tête, par celle des antennes intermédiaires, par la structure des pattes branchiales , et surtout par la présence des espèces de harpons, au moyen desquels les mâles retiennent leurs femelles pendant l’accouplement. La forme de la coquille établit aussi un carac- tère distinctif bien tranché. Celle des Limnadies est très mince, manque de crochets et n'offre à sa surface externe que quatre ou cinq stries peu marquées. Celle de l'animal de M. Krynicki, au contraire , a une certaine épaisseur: elle est munie de som- mets tout-à-fait analogues à ceux des coquilles bivalves , et, de plus, elle offre des stries nombreuses et fortement prononcées. Quant à l'anneau caudal, quoi qu’en ait dit M. Krynicki, c’est peut-être de toutes les parties de son Crustacé, celle qui res- semble le plus à l'organe correspondant chez le genre Limnadie. Ce segment est, en effet, comme ces dernières, tronqué oblique- ment sur son bord supérieur, et, comme chez elles, il présente plusieurs épines, dont deux, beaucoup plus grandes que les autres et fortement recourbées vers le ciel, surmontent deux crochets terminaux et mobiles , insérés au bas du bord posté- rieur. Ce qui rend la ressemblance encore plus complète, ce sont deux longs poils ciliés, fixés chacun sur un petit mamelon placé, vers le commencement de la troncature , entre les deux feuillets qui composent l'anneau caudal. Personne jusqu'à pré- sent n'avait signalé chez les Limnadies la présence de ces deux poils, qui se retrouvent également chez les Zsaura, les Daphnics, les Polyphémes. Le simple exposé qui précède suffira sans doute pour démon- trer que le Crustacé de M. Krynicki n’est point une Limnadie. (1) M. Strauss dit que cet organe sert aux Limnadies pour se suspendre aux corps étran- gers. Mémoire sur l’£stheria , p. 10, 352 soLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. Hâtons-nous d'ajouter que tous les caractères qui l’excluent de ce genre le rapprochent, au contraire, de celui que nous avons établi sous le nom d’/saura: c’est donc à ce dernier qu'il devra désormais appartenir. Nous en dirons autant du crustacé trouvé à Arzew, près d'Oran, par M. Bravais, officier de la marine royale et désigné sous le nom de Cyzicus Bravaisii par M. Audouin, qui ne l'a jamais décrit. Les exemplaires que M. Guérin-Méneville tenait de M. Bravais lui-même, et que nous avons pu examiner soigneu- sement, grâce à la généreuse obligeance de ce zoologiste distin- gué, ne diffèrent en rien de ceux que nous avons découverts l'an dernier aux environs de Toulouse. Il y a donc ici non-seule- ment identité générique , mais encore identité d'espèce. Quant à l'Estheria Dahalacensis de M. Ruppell , elle diffère spécifique- ment de l’fsaura cycladoïdes ; mais elle appartient évidemment au même genre (1). La lecture attentive du Mémoire de M. Strauss et l'étude comparative des dessins qui l’accompagnent ne nous laissent pas maintenant le moindre doute à cet égard. Je regrette. vivement de n'avoir pu me procurer ce travail au moment où je m'occupais de l'anatomie de l’/saura cycladoides ; mais je me félicite que les détails de structure que j'ai décrits et figurés concordent presque toujours avec ceux que cet habile anato- miste a lui-même représentés. Qu'il me soit permis cependant de relever quelques légères inexactitudes, que M. Strauss n’eût certainement pas commises, s'il avait pu observer en vie les Crustacés découverts en Abyssinie et rapportés de cette contrée lointaine par l’infatigable Ruppell. Dans une note annexée au Mémoire de M. Strauss, le célèbre voyageur que nous venons de nommer assure que l’Estheria Dahalacensis nage ordinairement sur le ventre au moyen de ses branchies , mais en suivant une ligne plus ou moins courbe (2). (1) Déjà en 1837, M. Dujardin avait recounu et indiqué l'identité du genre £stheria avec le genre Cyzicus de M. Audouin, Voir les Annales de la Société Entomologique, t. vi, p. 22; bulletin, (2) - Sie schwimmen mittelst ihrer Kiemen, den Rücken der Hornschale nach oben zu ge- « richtet, doch zuweilen auch in einer umgekehrten Stellung, ohne bestimmbare Veraulassung. « Sie schwimmen immer vorwärts, jedoch meist in bogenfürmiger Richtung,» Note de M, Ruppell. 3oLY. — Sur L'Isaura cycladoïdes. 353 L'auteur du Mémoire sur l’Estheria fait observer que l’assertion de M. Ruppell est sans doute erronée: « car, dit-il, les Æstheria nagent , à n’en pas douter, comme les autres Daphnides , C’est- à-dire avec leurs deux rames seulement , et en faisant de petits sauts (1). La ressemblance organique des Crustacés d’Abyssinie avec ceux que nous avons pu étudier vivans à Toulouse nous permet de décider cette question controversée. C’est principale- ment au moyen de leurs rames que les Branchiopodes dont il s’agit exécutent leurs mouvemens de progression; mais ils se servent aussi accessoirement, et lorsqu'ils veulent hâter leur marche, de leurs paites branchiales. M. Strauss doit être lui- même dans l'erreur, lorsqu'il avance que l’Esfheria nage en faisant de petits sauts, à la manière des Daphnies. Ce qu'il y a de certain, c'est que les /saura cycladoides nagent en ligne droite ou plutôt en ligne courbe, mais ne sautillent jamais comme la Daphnia pulex , par exemple. Si M. Strauss a bien vu les pattes branchiales du Crustacé dont il s’est occupé dans son Mémoire , ces pattes seraient un peu différentes de celles de notre animal et de celui de M. Kry- nicki (2). En effet, chez ces derniers , on ne distingue au bord interne de ces organes qu'une espèce de crochet triplement cilié , saillant au dessus de la face ventrale des segmens (a); puis viennent quatre feuillets branchiaux très courts, également ciliés (b, c, d, e); enfin une tige cornée et biarticnlée (y), surmontée d’un feuillet plus large et plus isolé, que nous avons désigné sous le nom de palette (4). Au bord interne on aperçoit une membrane que nous avons appelée triangulaire ( 3), et au dessous de sa moitié supérieure se trouve fixée une vésicnle plus ou moins allongée (f), dont les usages sont inconnus. Chez l’Estheria dahalacensis, au contraire, on aperçoit au (x) Diess ist vermuthlich ein {rrthum ; dean sie schwimmen, wie ich nicht zwcifle, wie an- dere Daphniden, nur mit den zwei Rudern, und diess in kleinen Sprüngen. Note de M, Strauss-Durkeim. (2) Notre note monographique étant destinée à faire suite au Mémoire que nous avons pré- senté à l'Académie le 6 décembre 1841, nous reovoyons à la 6g. 7 pour l'intelligence de la description qu'on va lire. XVII. Zoor. — Juin. ai 354 soux. — Sur l’Isaura cycladoïdes. bord externe, indépendamment de la vésicule et de la mem- brane triangulaire dont M. Strauss fait deux feuillets distincts, un feuillet beaucoup plus petit situé un peu plus bas que la vé- sicule, et plus bas encore, une petite membrane non cilice placée entre cette même vésicule et la membrane que nous avons ap- pelée la palette. Au bord interne, il ÿ aurait, suivant M. Strauss, six feuillets branchiaux, y compris l'organe renflé et uniforme saillant au dessus de la face ventrale des segmens. Lors même que ces légères différences existeraient réellement, la structure de l'organe n’en serait pas moins, dans ce qu'il a d’essentiel, semblable à celle des pattes branchiales de l’saura, et l’on ne pourrait y voir tout au plus qu’un caractère d'espèce. Peut-être, est-ce à dessein que M. Strauss n’a pas figuré dans leur position naturelle les pattes ravisseuses (Faungfüsse) ou har- pons de lEsfheria mâle. Mais il n’a certainement pas omis à dessein les feuillets branchiaux qui se trouvent au bord interne de la moitié supérieure de cet organe; je soupçonne que sur les ndividus qu'il a étudiés, ces feuillets avaient été détachés par le ballottement, ou par toute autre cause analogue, qui aura trompé l'habileté bien connue de l’auteur de l'Anatomie du hanneton vulgaire. Réservant exclusivement le nom d'antennes (Fi hlhorner) aux deux organes placés entre les rames dont l’£stheria se sert pour nager, M.Strauss considère ces rames comme étant la première paire de pattes. Quant à l'insertion de ces pattes au devant des mandibules, elle tient, selon lui, à ce que la tête s’est fortement . courbée en bas, puis en arrière, et qu’elle a embrassé dans sa courbure la partie inférieure du premier segment thoracique. Les Daphnies et les Limnadies sont dans le même cas; en sorte que ces animaux n'ont réellement que deux antennes. Si l'on se rappelle ce que nous avons dit au sujet des métamorphoses de l'/saura cycladoides, si lon songe que la première paire de pattes provisoires donne naissance aux rames, peut-être ne sera- t-on pas éloigné d’embrasser cette opinion, au moins ingénieuse. Un mot sur le segment terminal qui représente la queue et peut-être même l'abdomen de l'animal découvert par Rüppell. M. Strauss y indique seulement les deux crochets mobiles et les 3oLY. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 355 deux grosses épines fixées au bord postérieur; mais il ne figure aucune saillie épineuse sur la troncature du bord supérieur. Ce- pendant ces saïllies existent chez l’Zsaura cycladoides, chez l’a- nimal de M. Krynicki, et chez les vraies Limnadies. Il en est de même des deux longs poils ciliés que l'auteur n’a pas non plus représentés chez l’Estheria dahalacensis. Si l’on conçoit difficilement que M. Krynicki ait méconnu la structure de la bouche de cet animal au point de ladécrirecomme composée de deux mandibules foliacées, obtuses à leur extrémité inférieure et environnées par une membrane très déliée et trans- parente formant une sorte de bec pyramidal qui, chez les mâles, s’élurgit en arrière en une membrane verticale ; si l'on s'étonne qu'il ait attribué des usages inconnus à ces deux éminences sem- blables à un pepin de pomme qui se voient des deux côtés de la téle, et qui ne sont autre chose que les vraies mandibules, on sera moins surpris qu'il n’ait point parlé du labre et qu'il ait complètement oublié les mâchoires. En effet, à moins d’avoir suivi les métamorphoses si singulières des animaux du genre Lsaura , il est très difficile de se faire une idée exacte de cette mince cloison, placée comme une sorte de bec au-dessous de la tête, entre les antennes proprement dites (Fih/horner, Strauss). Ainsi M. Ad. Brongniart a-t-il regardé l’organe analogue des Limnadies comme formé par la réunion de deux mâchoires fo- liacées ; M. Strauss lui-même, en décrivant le labre del’ £stheria, n'a pas deviné la signification de la membrane qui le surmonte, tandis que nous croyons avoir prouvé que cette membrane en forme de bec n’est rien autre chose que la portion supérieure du labre si développé du jeune individu, qui n’a point encore subi toutes ses métamorphoses, portion qui s’est pliée en deux par le milieu, comme le reste de l'organe auquelelle appartient, comme le corps entier lui-même. - Quant aux vraies mâchoires, nous les avons décrites chez Visaura cycladoïdes comme deux petits corps charnus, blan- châtres, coudés, placés au-dessous des mandibules et munies sur leur bord supérieur et interne de poils ciliés très fins, proba- blement destinés à tamiser les alimens. C'est à-peu-prés sous cette forme que celles des Limnadies se sont offertes à notre ob- EPA 356 301Y. — Sur l’Isaura cycladoïdes. servation. Les mâchoires du crustacé de Charkow et celles de l'Estheria dahalacensis présentent encore plus de ressemblance avec celles de l’Zsaura. Mais ces organes sont-ils au nombre de deux paires, comme le prétend M. Strauss, ou bien n'en existe- t-il réellement qu’une paire, ainsi que nous l'avons avancé dans notre mémoire? Telle est la question que nous nous sommes adressée, et que nous avons cherché à résoudre par des dissec- tions auxquelles nous avons apporté toute l'attention et tout le soin dont nous nous sommes senti capable. Nous croyons en avoir en effet apercu deux paires sur une Limnadie d'Hermann ; mais, soit chez nos /saura, soit chez l'animal de M. Krynicki, nous n’en avons vu qu'une seule. IL est vrai que nous n'avions à notre disposition que deux ou trois individus de chaque espèce, et nous sommes bien loin d’af- firmer que la délicatesse et la dimension exiguës de ces organes n'ont pas été pour nous une cause d'erreur. Il faut toute l’habi- leté de M. Strauss pour disséquer et mettre à découvert des mâ- choires qui n’ont pas plus de -= de ligne; celles de la première paire sont un peu plus faciles à isoler; car elles ont une dimen- sion à-peu-pres double de celle de la seconde paire. Si nous sounmes assez heureux pour rencontrer cette année d’autres Isaura aux environs de Toulouse, nous tàcherons de confirmer par de nouvelles observations ce point d'anatomie d'autant plus essentiel à fixer que M. Strauss est disposé maintenant à en faire un caractère général pour toutes ses Daphnides. Les Æstheria femelles ne diffèrent des mâles que par l'absence des pattes tridactyles ou ravisseuses (Fangfisse), et par la pré- sence d’un corps brunâtre et cylindrique fixé à l'extrémité su- périeure du grand feuillet branchial (membrane triangulaire) des 10°, 11°, 12°, 13° et 14° paires de pattes également bran- chiales. M. Krynicki n’a point indiqué cette espèce de seconde vésicule chez l'animal qu’il a découvert aux environs de Charkow. et nous avons omis nous-même de la décrire chez nos femelles d’Isaura. Nous nous empressons deréparer aujourd’hui ces deux omissions d'autant plus importantes, que les organes dont il s’a- git forment un caractère sexuel essentiel à noter. Nous avons bien vu la vésicule en question, non-seulement chez l’Isaura, 3OLY. — Swr l’Isaura cycladoïdes. 357 mais encore chez le crustacé de M. Krynicki; mais nous ne saurions affirmer , faute d’avoir pu examiner un nombre d'individus suffisant, que cet organe se rencontre à toutes les paires de pattes indiquées par l’auteur du mémoire sur le genre Esthérie. Il est certain qu’il manquait à plusieurs pattes chez ies individus que nous avons exarninés ; mais son absence était sans doute le résultat d’un accident. De tout ce qui précède, on peut conclure, ce nous semble, que le crustacé découvert aux environs de Charkow par M. Krynicki, celui rapporté d’Abyssinie par M. Rüppell, celui trouvé à Arzew par M. Bravais, enfin celui que nous avons rencon- tré à Toulouse, appartiennent tous à un seul et même genre au- quel nous proposons d’attacher le nom d’une femme célèbre par ses lalensetsa beauté (Clémence Isaure). Ce n’est pas la premiere fois que des animaux venus de localités fort différentes et très éloignées les unes des autres, se trouvent réunis dans une même coupe générique. Les faits de cette nature sont précieux pour la géographie zoologique, maisils sont loin d’être nouveaux. Les Limnadies elles-mêmes nous en offrent un exemple frappant; car, ainsi que l’avait déjà fait observer M. Audouin, des deux espèces quiont servi à établir ce genre, l’une habitait les mares de la forêt de Fontainebleau, l’autre était née dans l’ile Mau- rice. Après l’examen comparatif que nous venons d'entreprendre, nous pourrons tracer les caractères du genre Isaura avec plus de certitude et de précision qu’il ne nous avait été possible de le faire dans le dernier mémoire que nous avons eu l'honneur d’a- dresser à l’Académie. Nous les formulerons de la manière sui- vante : Tét composé de deux valves égales, allongées, translucides, réunies sur le dos, libres dans le reste de leur pourtour, munies de crochets semblabies à ceux des coquilles bivalves, et mar- quées à leur surface externe de nombreuses stries concentriques indiquant les époques successives de leur accroissement. Corps allongé, demi cylindrique où en prisme triangulaire, formé de 25 à 28 segmens, tous pédigères, le dernier excepté. Segment terminal ou caudal beaucoup plusgrand que les autres, 358 10LY. — Sur l'Isaura cycladoïdes. aplati transversalement, armé à son bord postérieur de deux longs crochets ciliés et mobiles, surmontés de deux grosses épines recourbées. Troncature du bord supérieur garnie d’un nombre variable d’épines plus petites, entre lesquelles se trouvent deux longs poils ciliés, courbés en sens inverse des crochets. Téte prolongée en forme de bec, et présentant deux yeux composés, noirs, très rapprochés l’un de l’autre, mais cependant nettement séparés. Quatre antennes, dont les deux extérieures (pattes rameuses ou rames, Strauss) portées chacune sur un pédicule épais et cy- lindrique, sont très longues, bifurquées, velues, multiarticulées. Antennes intermédiaires (véritables antennes, Fühlhorner , Strauss) simples, plus petites que les précédentes, diminuant de grosseur de la base au sommet, peu distinctement articulées, dentées en scie ou plutôt mamelonnées à leur bord antérieur et ordinairement courbées en S. Bouche composée d'un labre formant une espèce de cloison ou lame verticale sous le prolongement antérieur du bouclier céphalique, s’épaississant ensuite et se creusant en dessous pour recevoir deux mandibules pyriformes et cornées. Une paire de mâchoires (deux paires suivant M. Strauss) charnues, excessive- ment petites, presque entièrement cachées sous les mandibules, et garnies de poils arqués et ciliés. Thorax confondu avec l'abdomen et portant chez la femelle 24 à 27 paires de pattes branchiales très aplaties d'avant en ar- rière, presque imperceptibles vers la partie postérieure du corps, mais toutes essentiellement formées de quatre articles peu dis- tincts. Extrémité libre des douze ou quatorze premières paires, bifurquée, simple sur les dernières. Appendices ciliés de aiverses formes fixés au bord interne de chacun des trois premiers ar- ticles, le second donnant attache par son bord externe à une vési- cule plus ou moins longue, et à une membrane branchiale en forme de triangle tres allongé. Mâles portant en avant des pattes branchiales deux paires de harpons ou pattes tridactyles desti- nées à retenir la femelle pendant l’'accouplement. On trouve les Zsaura dans les fossés accidentellement remplis s01x. — Sur l’Isaura eycladoïdes. 359 d’eau pluviale, ou dans des mares d’eau douce ou d’eau sau- mâtre. Elles nagent habituellement sur le ventre et d’une ma- nière contraire. Leurs antennes en rames sont leurs principaux organes de locomotion. Nous croyons avoir prouvé que le genre Zsaura doit se com- poser désormais des trois espéces suivantes. 1° Isaura cycladoides. Nob. Cyzicus Bravaisit, Audouin. Ann. de la Société entom., t. vi, 1837, p. 9. Bull. Coquille offrant une grande analogie de forme et même de couleur avec celle des Cyclas rivalis et caliculata, et marquées à sa surface de nombreuses stries d’accroissement. Branches des antennes rameuses formées de 13 ou 17 articles, la supé- rieure ou antérieure étant un peu plus courte que l’autre et ayant assez souvent un article de moins. 24 paires de pattes branchiales chez la femelle, 22 chez le mâle. Harpons de celui-ci portant à leur bord interne wne v-sicule cylindrique un peu moins longue que la portion de membrane placée au dessus d'elle. Bords de cette membrane entièrement garnis de poils très rap- prochés. Segment caudal ou terminal portant deux longs poils ciliés et quatre crochets robustes , dont les deux inférieurs sont mobiles et plus longs que les deux autres. Une dizaine d’épines lisses, assez écartées les unes des autres sur chacun des deux feuillets qui forment ce sesment. Couleur de l'animal variant du blanc jaunâtre ou grisätre au brun plus ou moins prononcé. Le longueur de la coquille varie de 9””,6 à 12"°,5 chez les mäles, et de 11"%5 à 13"% chez les femelles. La hauteur varie de 6"",5 à 8"",3 chez les mâles, et de 75 à 9"" chez les femelles. L’épaisseur varie de 4""-à 5"": chez les mâles, et de 4,5 à Gm®- chez les femelles. Le nombre des stries varie de 20 à 26. Trouvé en juin, aux environs de Toulouse , dans un fossé rempli d'eau pluviale. 360 soLx. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 2° Jsaura tetracera Nob. Limnadia tetracera Krynicki; Bullelin de la Société impériale des naturalistes de Moscou , tome 11, page 173, et Bibliothèque entomologique , tome 1”, page 357, PI. 12 , fig. 1-7. — Guérin- Méneville, Note monographique sur le genre Limnadie (Magaz. de zoologie, classe vu, PI. 21, fig. 1-11. — Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés , tome 11, page 363. Cyzicus tetracerus Audouin, {nnales de la Sociéte entomolo- gique , tome vi, 1837, page 9, Bulletin. Coquilie à-peu-près semblable à celles de l’/saura cycla- doides ; mais plus transparente et plus comprimée, plus rappro- chée, par conséquent, de la forme des Te/lines que de celle des Cyclades. Stries nombreuses. Branches des antennes rameuses formées de seize à dix-huit articles. On compte chez la femelle vingt-sept paires de pattes branchiales , plus grèles, pius longues et paraissant plus écartées que chez l'espèce qui précède. ngt- cinq paires seulement chez le mâle , dont les pattes tridactyles portent une vésicule conicocylindrique , dépassant du tiers de sa longueur la portion de membrane triangulaire qui la recouvre. Bord interne de cette portion de membrane ; dépourvu de poils ciliés. Segment raudal urmé d’épines très nombreuses ( plus de quarante sur chaque feuillet) et portant sur presque toute leur longueur une foule de poils cornés très courts, qui les font paraitre finement dentées en scie. Poils et crochets terminaux semblables à ceux de l’Zsaura cycladoïdes. Couleur de l'animal. Brun fauve sur les individus conservés dans l’alcool. Dimensions de la coquille. Mâle. Femelle. Lonsueur Re et.-e ER ONE 5 Do HAE: Hauteur. dE RO RANDENET 5; 9 Ppaisseun PIE ren 29 4 Nombre des stries. . : . . 17 21 so1x. — Sur l’Isaura cycladoïdes. 361 Trouvé au mois de mai dans une petite mare d’eau stagnante, mais très pure aux environs de Charkow. (1) 3° Zsaura dahalacensis Nob. Estheria dahalacensis Srauss-Durkeim, Musœum senkenber- gianum , tome 11, page 119, PL. 7, fig. 1-16. Coquille semblable pour la forme extérieure à celle des Mol- lusques du gerre Ærca. Quatorze ‘stries d’accroissement (2). Branche antérieure des antennes rameuses divisée en quatorze articles, treize articles seulement à la branche postérieure , Vingt-quatre paires de pattes branchiales chez la femelle, vingt- deux chez le male. Vésicule des pattes tridacty les de ce dernier en forme d'olive, et plus courte que la portion de membrane trian- gulaire qui la recouvre. Bori interne de cette membrane entière- ment dépourvu de poils sur toute sa longueur. Segment caudal entièrement privé d’épines, et portant seulement de longs cro- chets mobiles et deux autres crochets beaucoup plus petits et immobiles , placés au-dessus de ces derniers. Couleur de l'animal brun fauve clair et uniforme. Dimensions de la coquille. Mäle. Donsueur 0 /WIPMEONIREENE NO Hauteur ou largeur. . . . . 4 ,5 Epaisseur A0 ae TEE Nombre des stries . . . . . 14? La femelle est d’un sixième plus petite que le mâle. Trouvé dans les marais d’eau douce de l'ile de Dahalak, sur la côte d’Abyssinie. Commune au mois de décembre. (3) (x) Quelque temps avant la découverte de M. Krynicki, M. Fischer, directeur de la société impériale des naturalistes de Moscou, et M. Laveau, secrétaire de cette société, avaient déjà observé lfsaura tetracea, l’un aux environs de Moscou, l’autre dans Moscou méme. (2) Tel est du moins le nombre indiqué dans le dessin de M. Strauss. (3) On conçoit que nous sommes obligé de modifier la description de M. Strauss-Dürkein, et que nous avons dû faire subir des modifications analogues à celle que nous avions d'abord donnée de l'/saura cycladoïdes. C'est ce qui arrivera nécessairement toutes les fois qu'on éta— blira des caracteres génériques ou spécifiques d'après l'examen d’une seule et même espèce, ———— - — 36: A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. MÉMOIRE sur deux genres nouveaux de Céphalopodes fossiles (les ConoreuTHis ef SPIRULIROSTRA) offrant des passages, d’un côté entre la Spirule et la Sèche, de l’autre entre les Bélem- nites et les Ommastrèphes, Par M. Arcipe D'OR2IGNY. { Lu à l'Académie des Sciences , le 21 mai 1843.) $ I. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Il est encore, dans l’état actuel des connaissances zoologiques, quelques êtres que leurs caractères exceptionnels semblent éloi- gner, au même degré, de tous les autres, pour en former des types distincts, en quelque sorte isolés, dans la classe à laquelle ils appartiennent. Ces êtres offrent, dès-lors, pour la science, un intérêt bien plus grand que ceux dont les formes présentent des chaines continues, passant graduellement d’une série à une autre et constituant, ainsi, soit une chaîne non interrompue dans l'échelle animale, soit des rayons divergens ou convergens vers un type de composition plus simple ou plus parfait. Si l’on scrute les annales de la science à l'égard de ces êtres exception- nels, on verra qu’à toutes les époques, les efforts des savans se sont réunis pour saisir, en eux, des rapports qui les rattachassent aux autres animaux, afin de détruire toute idée d’anomalie, et de les rallier positivement aux séries animales déja connues. Cette tendance des recherches prouve jnsqu'à l'évidence l'importance des découvertes, qui , en apportant de nouveaux faits relatifs à ces questions, viendront offrir, entre ces genres exceptionnels et les genres devenus vulgaires, des intermédiaires propres à fixer définitivement leurs analogies et leur place zoologique dans les classifications. Ce sont deux faits de cette nature que j'ai l'honneur de sou- mettre au jugement de l'Académie, l'an offrant un passage évi- A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 363 dent entre la Spirule et la Sèche, l’autre montrant le lien intime qui unit les Bélemnites aux Ommastrèphes. Je commencerai par la Spirule. La Spirule , par sa coquille multiloculaire , élégamment con- tournée en spirale sur le même plan, et percée d’un siphon, est, parmi les Céphalopodes acétabulifères , une véritable exception. C'est, en effet, le seul genre qui, au lieu d’un osselet de forme allongée, corné ou crétacé, soit pourvu d’une coquille interne régulière, analogue, moins la dernière ioge,aux coquilles égale- ment cloisonnées des Céphalopodes tentaculiferes à coquille ex- terne. La Spirule semblerait donc être, parmi les Céphalopodes acétabuliferes à coquille interne, une anomalie d’autant plus sin- gulière, qu’il n’existe, dans cette coupe, aucun être qui s’en rap- proche. Comparée aux autres Céphalopodes décapodes, la Spirule offre seulement ce rapport d'ensemble, commun à tous les genres, d’être muni de dix bras, et d’avoir sa coquille logée dans l'épaisseur du manteau, entre les tégumens du dos; du reste, disparité complète dans la forme de la coquille interne, puisque tous les autres genres ont seulement un osselet corné spatuli- forme allongé, comme les Calmars , les Onychoteuthes, les Ommastrèphes, ou bien un osselet ovale déprimé, crétacé en dessus, et pourvu, en dessous, de loges spongieuses très obliques, comme les Sèches. La distance est si grande entre la coquille de la Spirule et l’osselet de la Sèche, qu’il devait paraître im- possible de trouver un intermédiaire; mais la nature a prouvé le contraire. Il y a quelques mois, M. Bellardi, observateur instruit, voulut bien m’envoyer un corps qu’il avait découvert dans le terrain tertiaire des collines de Turin. Ce corps singulier (PI. r1,fig. 1) offrait ,au premier aspect, la forme d’un rostre de Sèche dans l’in- térieur duquel on apercevait un empilement de loges percé d’un siphon. Lorsque, pour l’étudier, je voulus le couper longitudi- nalement, je fus très étonné de trouver, dans la tranche verticale de ce rostre, partagé par la moitié, non pas un cône alvéolaire, comme je m’y attendais, mais une véritable Spirule,ou du moins une coquille cloisonnéeégalement spirale, et percée d’un siphon, 364 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. analogue, en tout, à celle de la spirule (fig. 5). J'avais donc, à-la- fois, sous les yeux, un osselet interne pourvu, dans l’intérieur, au heu des loges obliques spongieuses des os de Sèche , d’une véri- table coquille de Spirule, où bien une coquille de Spirule pourvue d’un rostre terminal semblable à celui de la Sèche, ou mieux en- core un Corps pourvu, en même temps, de la coquille cloisonnée des Spirules, et du rostre postérieur des osselets de Sèche. Dès- lors, plus d'incertitude... Ce corps, que j'appelle Spirulirostre, présentait un véritable passage, un intermédiaire entre la Spirule etla Sèche,passage que personne n'avait soupçonné jusqu'alors, et qui venait rapprocher deux genres éloignés lun de l'autre dans les classifications. En poussant plus loin les comparaisons, je trouverai que l'a- nimal de la Sèche, est, parmi les Décapodes, l’un des plus mas- sifs dans sa forme. 1l offre , en effet, le corps le moins allongé et le plus charnu. Si l'on en juge d’après le dessin de l’animal de la Spirule anciennement donné par Lamarck , et même par celui qu’a figuré, plus récemment, M. de Blainville, on verra que, sous ce point de vue, la Sèche et la Spirule ont des rapports extérieurs évidens ; et je ne doute pas que, lorsqu'on connaîtra mieux l'animal de la Spirule, on ne trouve des rapprochemens tels que les détails zoologiques et anatomiques viennent confir- mer mes prévisions. 1 Les comparaisons de coquilles de Spirule et de Sèche offrent, comme je l'ai déjà fait remarquer, les formes les plus disparates; et, au premier aperçu, il serait difficile de concevoir comment peut avoir lieu le passage entre ces deux formes. Le Spirulirostre des terrains tertiaires de Turin vient complètement l’expliquer,en montrant à-la-fois la coquille cloisonnée, et enroulée sur le même plan de la Spirule, logée dans l’intérieur d’un rostre analogne à celui qu'on remarque chez les Sepia rostrata, Aculeata, Berthe- loti, Blainvillei, actuellement vivantes, et surtout chez la Sepia sepioidea fossile du bassin tertiaire de Paris. Il suffit, en effet, de comparer quelques-uns de ces osselets coupés en deux pour se convaincre que des formes élancées de l’osselet du Sepia rostrata on passe au rostre du S. sepioidea et de là au Spirulirostre, éga- lement composé : en dessus, d’une partie convexe , en dessous A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 365 d'une cavité, en avant d’une saillie qui correspond au lieu oc- cupé par les premières loges; le tout enveloppé d’un dépôt cal- caire, dont l’ensemble représente, en arrière, un rostre énorme, saillant, composé de cônes successifs et de fibres rayonnantes, analogues à celles qui forment le rostre des Bélemnites. D'un autre côté, la coquille cloisonnée, renfermée dans le Spiruli- rostre, comme celle de la Spirule, est également spirale ; ses tours sont convexes , séparés par des cloisons, dont la distance aug- mente à mesure de l'accroissement, et ces cloisons sont, de même, pourvues, à leur bord interne, d’un siphon continu , qui les tra- verse toutes, sans communiquer avec elles; ainsi, d’un côté, le Spirulirostre aurait bien une coquille spirale, maltiloculaire comme celle de la Spirule, et son rostre, avec ses détails de formes, seraient analogues à ceux des osselets de Sèche. Les différences qui resteraient toujours entre le Spirulirostre et la Spirule seraient : une coquille moins enroulée et la pré- sence du rostre qui l'enveloppe. Entre l'osselet de Sèche et celui du Spirulirostre, il y aurait aussi une véritable coquille multilo- culaire percée d’un siphon, au lieu d'une série trés oblique de loges divisées elles-mêmes en une multitude de petits dia- phragmes, et sans autre siphon qu’une large interruption infé- rieure des cloisons occupant toute la largeur de celles-ci. Dès- lors, malgré ses rapports, le Spirulirostre constituerait un genre distinct , opérant la transition zoologique des Spirules aux Seches. À Le genre Bélemnite, long-temps ballotté par les auteurs, a maintenant définitivement pris sa place dans l'ordre des Déca- podes; néanmoins, il représente encore dans cette série, un corps exceptionnel, réunissant trois caractères qu'on ne trouve en- semble dans aucun autre genre: 1° un osselet corné interne, 2*uncône alvéolaire pourvu de cloisons percées d'un siphon; 3°un rostre crétacé, protégeant l’alvéole. Si je passe, en effet, succes- sivement en revuetous les genres connus, je trouverai que la Sèche offre le rostre, mais non l'alvéole ni le siphon; d’ailleurs l'osselet en est crétacé, et non pas corné. Les genres Calmar, Sépioteuthe, Loligopsis, Onychoteuthe, n’ont que des osselets cornés. Il en est ‘le mème des Ommastréphes, qui, bien que pourvus d'un cône 366 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. terminal, n’ont, dans ce cône entièrement corné, aucune cloison analogue à celle des Bélemnites. Tout en présentant nn rapports avec les antres Céphalopodes décapodes , ce genre s’en trouve donc à une grande distance, sans intermédiaire connu. Dans mes rapprochemens des Bélemnites avec les autres Cé- phalopodes, j'avais cru reconnaître, dès 1839 (1), que par son cône terminal, l’osselet des Ommastrèphes était, sans contredit, celui qui offrait le plus de rapports avec le cône alvéolaire des Bélemnites; il restait néanmoins entre ces deux genres, chez lOmmastrèphe le manque d’alvéole et de rostre ; ce qui les éloi- gnait beaucoup encore. Parmi les nombreuses et importantes communicationsque je dois à l’obligeance de M. le docteur Dupin, se trouvait un petit cône sur lequel ce zélé naturaliste appelait plus particulièrement mon attention. Il l'avait découvert dans les argiles néocomiennes supérieures des environs d'Ervy (Aube). Au premier aperçu, ce cône me parut ressembler au cône alvéo- laire des Bélemnites. En l’examinant avec soin, je reconnus d’a- bord une forme plus arquée, plus d’obliquité dans les cloisons; et à l’aide d’une bonne loupe, les lignes d’accroissement de l’os- selet corné laissées sur l’alvéole pyriteux, me montrèrent, non pas un osselet élargi en dessus, comme celui des Bélemnites (2), mais un osselet très étroit, analogue en tout, à celui des Ommastrèe- phes. Ce cône que j’appellerai Conoteuthe (Conoteuthis) m'offrait donc une Bélemnite à osselet étroit, comme celui des Ommastrè- phes ou un Ommastrèphe pourvu d’un cônealvéolaire, analogue à celui des Bélemnites. J’avais, dès-lors, un intermédiaire, un pas- sage évident des Omniastréphes aux Bélemnites, parfaite confir- mation du rapprochement que j'avais, depuis deux ans, fait de ces deux genres; et, dans la série, un lien de plus qui détruisait, en partie, l'isolement, l’exception relatifs à la Bélemnite. Le genre Ommastrèphe est, sans aucun doute, parmi les Cé- phalopodes, celui dont le corps est le plus élancé, l'analogie in- (x) Monographie des Céphalopodes Acétabulifères. Généralités , p. xxxv, et Paleontologie française , terrains crélacés , t. 1. (a) Voyez la figure que j'en ai donnée, Palcontologic française, terrains jurassiques, pl. reta. J'ai restauré aussi l’osselet corné, en suivant les lignes d'accroissement de cet osselet sur l’alvéole même, où les traces en sont très visibles. A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 367 time de formes du Conoteuthe et de l'Ommastrephe prouve qu'ils devaient avoir un animal très voisin. On pourrait croire aussi que le grand allongement de l’ensemble de l’osselet de la Bélem- nite dénote un animal peu différent sous ce rapport. En rappro- chant zoologiquement les Bélemnites des Conoteuthes et des Ommastrèphes , on le fait donc avec assez de données pour ne pas craindre de se tromper de beaucoup. . Les restes fossiles des Bélemnites, comparés à l’osselet interne des Ommastrèphes, offraient encore de grandes différences, par lemanque d’alvéoles et de rostre crétacé desderniers, tout en ayant également, à l’extrémité de l’osselet, un cône plus ou moins al- Jongé. Le Conoteuthe montrant un osselet semblable à celui des Ommastrèphes, mais pourvu, de plus, des cloisons alvéolaires des Bélemnites, vient évidemment constituer un passage. En effet, si l’on place de profil, l'un à côté de l’autre, les osselets de ces trois genres, on trouvera: 1°chez l'Ommastréèphe, un osselet corné, pourvu d’un cône terminal, sans alvéole ni cloisons; 2° chez le Conoteuthe, un osselet et un cône semblable, ce cône renfermant une série de loges alvéolaires ; 3° chez les Bélemnites, un osselet corné, un grand cône terminai, pourvu d’un alvéole divisé en cloisons, et de plus, un rostre crétacé, protégeant exté- rieurement le cône alvéolaire. 11 s'établit donc entre les Ommas- trèphes et les Bélemnites, un passage graduel du simple au com- posé. Ces trois degrés, de complication dans les formes, tout en prouvant des passages évidens entre les Bélemnites, les Cono- teuthes et les Ommastrèphes, laissent néanmoins entre eux assez de distance pour qu’un puisse toujours les regarder comme des genres bien tranchés. En me résumant, je crois avoir prouvé que les genres Spi- rula et Bélemnites, considérés jusqu'alors, comme de véritables anomalies parmi les Céphalopodes, offrent réellement, par la dé- couverte des deux genres Spirulirostre et Conoteuthis, des pas- sages évidens avec des genres qui semblaient en être assez éloi- gnés; ainsi la Spirule se rattache à la Sèche par le Spirulirostre, qui réunit une coquille spirale et un rostre, tandis que la Bé- lemnite se rapproche des Ommastrèphes par le Conoteuthe, pourvu d’un cône alvéolaire cloisonné, analogue à celui des Bé- 368 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. lemnites, dans un osselet en tout semblable à celui des Ommas- trèphes. $ IT. FONCTIONS DE L'OSSELET INTERNE CHEZ LES CEPHALOPODES. Avant de passer à la description des deux nouveaux genres, je crois devoir entrer dans quelques détails relatifs aux osselets internes des Céphalopodes, considérés comme caractères zoolo- giques, tout en cherchant à en expliquer les fonctions dans l’é- conomie animale. Dans mon travail sur les Céphalopodes acéta- bulifères (1), j'ai passé successivement en revue les diverses formes d’osselets internes, comparés aux autres caractères, et je me suis positivement assuré que, chaque fois qu’il y a modifica- tion dans la forme de ces osselets, il existe également des carac- tères zoologiques très marqués, et dès-lors des motifs puissans pour distinguer génériquement les animaux qui les renferment. En partant de ces résultats appliqués aux restes fossiles de Cé- phalopodes , on peut être certain, à priori , que des différences entre les osselets fossiles dénotent évidemment des formes z00- logiques distinctes entre les animaux auxquels ils appartiennent, et l’on peut, dès-lors, en toute assurance établir, pour tous ces corps, des coupes nouvelles. Je ne pousserai pas plus loin ces considérations, pour lesquelles je renvoie à mon travail spécial. Elles suffiront, je l'espère, pour justifier l'établissement des coupes génériques basées seulement sur la forme d’un osselet ou de telle autre partie interne d’un Céphalopode fossile. L'étude de losselet, considéré quant à ses fonctions dans l’é- conomie animale, et à ses rapports de formes avec la force com- parative de natation et les habitudes des Céphalopodes demande plus de développement. Les fonctions sont de trois espèces qui diffèrent entièrement en raison de telles ou telles modifications spéciales : 1° Lorsque l’osselet est corné, il sert tout simplement à (1) Introduction, p. xxxr1. A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 369 soutenir les chairs; il remplit alors les fonctions des os des mam- miferes. 2° Lorsqu'il est corné ou crétacé, et qu'il contient des parties remplies d’air, comme l'alvéole, non-seulement il soutient les chairs, mais encore il sert d’allège en représentant, chez les mollusques , la vessie natatoire des poissons. 3 Lorsque, corné ou crétacé, pourvu ou non de parties remplies d'air, l'osselet s’arme postérieurement, d’un rostre cré- tacé; aux deux fonctions précédentes vont se réunir celles de résister aux chocs dans l’action de la nage rétrograde, peut-être de servir d'arme défensive, et c’est alors un corps protecteur. Je vais passer en revue ces trois séries de fonctions en com- parant leurs rapports avec les habitudes des animaux. Premières fonctions. L'osselet interne est toujours placé en dessus, sur la ligne médiane longitudinale du corps, et logé sous les couches musculaires du dos, dans une gaïne spéciale, où il est quelquefois entièrement libre. Dans tous les cas, ses fonctions les plus simples sont de soutenir la masse charnue, d’affermir le corps et de lui permettre la résistance aux efforts de la natation; elles sont donc alors analogues à celles des os des animaux ver- tébrés. En général, on peut dire que le plus ou moins d’allon- gement de l’osselet est toujours en rapport avec la vélocité de patation des animaux qui en sont pourvus. Si j'en cherche des exemples parmi les Céphalopodes vivans, je reconnaitrai que les Octopus, les Philonexes, les Cranchia, les plus mauvais na- geurs de toute la série, en sont entièrement privés; et que les Rossia, les Sepiola, mauvais nageurs, aussi, n’ont que des osselets rudimentaires, sans solidité, tandis que les Seches, les Calmars, les Onychoteuthes et les Ommastrèphes, bien supérieursaux pre- miers pour la natation, possèdent un osselet qui occupe toute la longueur du corps. Si, parmi ces derniers genres, on compare encore les osselets, on les trouvera bien plus larges chez la Sèche, dont la nage, plus puissante que chez les Sépioles, est loin d’é- galer celle des Calmars, des Onychoteuthes et des Ommastre- phes dont leur natation, rapide comme la fleche, permet de s’é- lancer du sein des eaux, jusque sur le pont des grands navires, ainsi que j'en ai vu plusieurs exemples. Il y aurait, dés-lors, cer- XVII, — 7001, Juin, 24 370 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. titude, que le plus ou le moins d'allongement de l’osselet est toujours en rapport avec la puissance de natation des animaux qui les renferment; aussi voit-on toujours les genres pourvus d’osselets allongés avoir le corps étroit, élancé, tandis que, dans ceux qui l'ont élargi, le corps est large et massif, conséquence des nécessités vitales. Ces règles, appliquées aux restes de Céphalo- podes peu connus ou fossiles, feraient croire que la Spirule comme le Spirulirostre, dont l’osselet a peu de largeur, était un animal peu nageur, tandis que les osselets des Bélemnites et des Conoteuthes devaient appartenir à des animaux dont la nage était aussi rapide que celle des Ommastrèphes d'aujourd'hui. Secondes fonctions. L'osselet interne qui, indépendamment de sa composition cornée ou crétacée, contient des parties remplies d'air, est de différente structure. Il est, chez la Sèche, pourvu, en dessus, d’une partie crétacée ferme , et contient, en dessous, une série de loges obliques, séparées dans leur intérieur, par une foule de petits diaphragmesremplis d'air. Chez la Spirule, c’est une coquille spirale formée de cloisons qui la sépare en compartimens irréguliers,aussi remplis d’air.Chez les Spirulirostres, c'est une co- quille analogue, logée dans un rostre. Chez les Conoteuthes, c’est un cône placé à l'extrémité d’un osselet corné et divisé en cloi- sons; chez les Bélemnites, c’est également un cône alvéolaire placé à l'extrémité d’un osselet corné dans un rostre crétacé ter- minal. J'ai dit que je considérais cette modification comme une simple fonction d’allège, analogue à celle des vessies natatoires des poissons. Je fonde cette opinion sur les seuls faits, 1° que ces osselets surnagent à la surface des eaux, lorsqu'ils ont été retirés de l'animal, et 2° qu'il y a coincidence constante de l’augmenta- tion progressive du nombre des loges, avec l'accroissement du corps de l’animal, comme pour maintenir constamment l’équi- libre, dans les diverses périodes de l'existence. En effet, la Sèche, la Spirule, avec leurs proportions massives, devaient avoir besoin «le cet appareil, pour s’aider dans leur natation ; et cela est si vrai que la Spirule, avec sa forme plus arrondie, est pourvue, par la nature, d’une bien plus grande masse d’air que le Conoteuthe, dont la forme dénote un animal infiniment plus agile et meil- leur nageur. Chez la Bélemnite , empilement des cloisons aé- A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 371 riennes vient, sans doute, compenser le poids énorme du rostre crétacé de l'extrémité de l’osselet qui, sans cette allège, oblige- rait l'animal à se tenir dans la position verticale, tandis que la station normale est généralement horizontale. Il résulterait done, à n’en pas douter, que les loges, chez les genres cités, ainsi que chez les Nautiles, les Ammonites et toutes les autres coquilles, divisées par des cloisons, ne sont que des moyens d’allège, donnés par la nature à tous ces animaux, pour rétablir l'équilibre chez des êtres essentiellement nageurs, dont les formes sont souvent assez lourdes. Le volume d’air contenu en dehors ou en dedans du corps, parait être en raison inverse de l'allongement du corps, puis- qu'il est trés grand chez la Spirule, et chez la Sèche, dont le corps est très massif, et qu'il est proportionnellement trés res- treint chez le Conoteuthe et la Bélemnite, dont le corps était évidemment très allongé. Ces résultats, joints aux résultats ob- tenus relativement à l'allongement du corps, comparé à la puis- sance de natation, prouvent que le volume d’air est aussi en rai- son inverse de cette même force de natation, puisque la Spirule et la Sèche, dont le volume d’air est très grand, sont bien moins bons nageurs que les Ommastrèphes, dont les Conoteuthes et les Bé- lemnites paraissent être si voisins. Il suffit, d’ailleurs, de com- parer l'énorme volume d’air que doivent contenir les Nautiles et les Ammonites, avec la forme de leurs coquilles qui s’oppose à toute natation rapide, pour se persuader qu'il en est ainsi de tous les animaux pourvus de coquilles remplies d'air. Troisièmes fonctions. Les Céphalopodes ont un mode tout-à- fait particulier de natation. Ils aspirent l’eau par l'ouverture an- térieure du corps; et, lorsqu'ils veulent avancer, ils contractent les parois fortement musculaires de ce corps, et chassent le li- quide avec violence par le tube locomoteur, placé sous la tête. Il en résulte une impulsion rétrograde, plus ou moins énergique, suivant les genres. Dés-lors, loin de se diriger la tête en avant dans les instans où ils veulent promptement échapper à la pour- suite des autres animaux, les Céphalopodes sont, contrairement à la loi ordinaire, obligés d’aller à reculons, sans jamais pouvoir calculer la portée de leur élan; c'est ainsi qu'ils s’élancent dans 24, 372 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. les airs, au sein des Océans, ou qu'ils s’échouent sur la grève, près du littoral des continens. Les animaux qui vivent constam- ment au milieu des mers ne sont pas sujets à trouver d'obstacles dans leur nage rétrograde; aussi leur osselet est-il entièrement corné, comme celui des Onichoteuthes, des Ommastrèphes, qui ne s’approchent que fortuitement des côtes; mais, lorsque ces ani- maux sont exposés à rencontrer des obstacles fréquens, qui pour- raient les blesser, lorsqu'ils s’élancent la tête en arrière sans être à portée de les apprécier, la nature les a pourvus d’une partie protectrice, consistant en un rostre crétacé, dur, le plus souvent aigu, capable de résister aux divers chocs (r). Cette partie rostrale est ordinairement conique; elle termine, en arrière, l'extrémité de l’osselet en une pointe indépendante des cloisons chez la Sèche, et le Spirulirostre, ou bien enveloppe et protège l’alvéole chez la Bélemnite, tout en se prolongeant bien au-delà, en une pointe plus ou moins aiguë. Suivant cette explication , le rostre les Sèches, des Béloptères, des Spirulirostres et des Bélemnites,ne serait , zoologiquement parlant , qu’un corps protecteur, qu’une partie mécanique placée en arrière, du côté où l'animal s’avance, pour résister au choc sur les corps durs, et le garantir de toute blessure organique. Cette partie ne serait, dès-lors, que d'une importance secondaire dans l’économie animale; et la forme, par suite des fréquentes lésions, en serait, plus que toutes les au- tres, susceptible de nombreuses modifications dans une seule et même espèce. Défini pour ces fonctions, le rostre me donne encore, en scru- tant les faits, des résultats curieux et surtout trés utiles comme application aux fossiles, sur les habitudes des animaux qui en sont pourvus. Le seul genre muni de rostre parmi ceux qui vi- vent actuellement est la Sèche. La Sèche, est, sans contredit, le Céphalopode le plus côtier. D'un autre côté, on n’a pas vu de rostre parmi les genres de Céphalopodes des hautes mers, comme chez l'Ommastrèphe, l'Onychoteuthe, etc. On devrait donc croire (x) J'ai toujours vu , chez les Sèches , l'extrémité du rostre sortir en dehors desftégumens. Il serait possible alors que le rostre püt encore servir d'arme, la pointe aiguë se trouvant peut-être dans les mêmes circonstances que les griffes des Onychoteuthes , qui ne sortent de leur membrane protectrice qu’à la volonté de l’animal. a. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. Spa) que le rostre peut caractériser les animaux côtiers; et cela, avec d'autant plus de raison, que l'animal, qui reste toujours au sein des Océans, n’en a pas besoin, et que ce corps protecteur n’est réellement utile qu'aux Céphalopodes qui, se tenant plus sou- vent sur le littoral, sont plus à portée de se heurter. Le rostre, en dernière analyse, dénoterait toujours un animal cètier. CONCI.USIONS. Jai voulu passer en revue ies diverses modifications des osselets internes des Céphalopodes vivans, comparer leur com- position, leurs formes, aux différentes fonctions qu'ils sont destinés à remplir, aux habitudes des genres qui en sont pour- vus , afin d'arriver à pouvoir dire, par comparaison, ce que devaient être les Céphalopodes dont il n’est plus resté, au sein des couches terrestres, que des parties plus ou moins complètes. C’est, en effet, en procédant ainsi, du conna à l'inconnu, qu’on parviendra sûrement et sans hypothèse à expliquer, par des faits bien constatés, ce que devaient être les animaux des faunes plus ou moins anciennes qui ont couvert le globe aux diverses époques géologiques. Sans sortir du cadre que je me suis aujourd’hui tracé, je vais chercher à expliquer, relativement au Spirulirostre, au Cono- teuthe et à la Bélemnite, ce qu’ils doivent avoir été et quelles devaient être leurs habitudes. Spirulirostre. À en juger d’après la forme raccourcie de los- selet, par le volume d’air des loges, on pourrait croire que l’ani- mal avait des formes massives, lourdes, qu'il était mauvais nageur, tandis que la force du rostre, comparé à l’ensemble, prouve que ce devait être un animal plus spécialement côtier que la Sèche; ainsi le Spirulirostre était un animal essentielle- ment côtier et peu agile. Conoteuthe. La forme allongée de l’osselet dénote un animal étroit, cylindrique, et dés-lors excellent nageur; d’un autre côté, le manque du rostre protecteur de l’alvéole indiquerait des mœurs aussi pélagiennes que celles des Ommastrèphes actuels 374 A D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. ainsi le Conoteuthe aurait été évidemment un excellent nageur, et un animal habitant les hautes mers. Bélemnite. La forme tres allongée de l’ensemble de l’osselet annonce ur Céphalopode élancé et bon nageur, sans néanmoins qu'il ait atteint, sous ce rapport, le degré de perfection auquel sont parvenus les O mmastrèphes. La présence du rostre indique, en même temps, un être dont les habitudes étaient côtières; ainsi la Bélemnite joindrait une nage très prompte à des mœurs pu- rement riveraines. Les résultats tout différens où me conduisent les trois osselets fossiles que je viens de citer prouvent qu’en procédant logique- ment on peut, par la comparaison des faits bien constatés, ap- pliqués aux corps que renferment les couches terrestres, non- seulement juger de la forme des animaux perdus, mais encore arriver à connaître quels pouvaient être les grands traits de leurs habitudes. Genre SpirucrrosTRAa, d’Orbigny. CaRACTÈRES. Animal inconnu. Osselet interne raccourci, presque entièrement formé d’un énorme rostre terminal, pourva en avant de légères expansions latérales, et contenant, dans son intérieur, une coquille multilo- culaire spirale, composée de tours disjoints, formée d’un en- semble cylindrique divisé par cloisons et percé, au côté interne, d’un siphon continu. Le rostre ne paraît pas avoir d’autres fonctions que de pro- téger la coquille; en effet, il l'enveloppe en avant et en arrière, dans la partie la plus exposée au choc il présente une énorme pointe conique légèrement relevée. Ce rostre est composé, comme l’osselet des Bélemnites, de couches concentriques, des parties externes au centre,et ces couches montrent, sur leur cassure , des fibres rayonnantes du centre à la circonférence. La coquille commence par une large loge ronde, sur laquelle viennent successivement s’empiler d’autres loges rondes, percées d’un siphon continu sur le côté médian interne. Cette coquille A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 355 est logée dans le rostre, de manière à ce que le commencement de la spire corresponde à la saillie inférieure du rostre, tandis que le prolongement antérieur de la coquille s'étend en avant avec le prolongement du rostre. Si l'on veut , en suivant les lignes d’accroissement et d'enrou- lement rostral, s'assurer de la forme de l’ensemble à tous les âges, il sera facile de reconnaitre que la coquille, dans sa jeu- nesse, n'avait qu’un simple encroütement extérieur, mais non un rostre ; que celui-ci, d’abord très obtus, n'a commencé à se montrer que plus tard, et qu’il a toujours augmenté progressi- vement de longueur, jusqu’à la dernière période connue : ainsi la forme de l’ensemble , suivant l'âge, aurait subi de très grandes modifications. Rapports et différences. Par son rostre crétacé, épais, ce genre se rapproche beaucoup des Sèches, dont il a, jusqu’à un certain point, l’aspect. Le rostre terminal, en effet , est de même indépendant des loges inférieures, de même il est concave en dessous, à sa partie antérieure. Par sa coquille cloisonnée spi-- rale, ce genre ressemble à la Spirule, puisque la coquille en est également cylindrique, composée de tours disjoints, et percée d’un siphon continu à sa partie inférieure. Le Spirulirostre a donc la plus grande analogie avec ces deux genres, en présen- tant le rostre de la Sèche et la coquille de la Spirule. Le Spiru- lirostre diffère néanmoins des Sèches par son osselet comprimé, au lieu d’être déprimé , par la présence d’une coquille cloisonnée spirale et percée d’un siphon, au lieu de loges spongieuses. Il diffère de la Spirule par son rostre terminal, enveloppant la co- quille, cette partie étant tout-à-fait libre chez la Spirule. Le genre Spirulirostre unissant les genres Sèche et Spirule, doit être, dans l'échelle des êtres, placé entre ces deux genres. Je propose donc de le réunir à la Spirule, et d’en former la fa- mille des Spirulidées , caractérisée par la présence d’une coquille spirale , percée d’un siphon, contenue dans l'intérieur du corps, soit à l’état libre , soit avec un rostre protecteur ; ainsi la faraille des Spirulidées viendrait avant ou après la famille des Sépidées, mais s’en trouverait très voisine. Le Spirulirostre ne s’est encore trouvé que fossile dans les 376 A D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. couches tertiaires subapennines des environs de Turin. On n’en connait qu’une seule espèce. Spérulirostra Bellardii, d'Orb. PI. 11. Osselet interne raccourci. Rostre très épais, très gros, lége- rement comprimé sur les côtés, arrondi et convexe en dessus, conique, très aigu et légèrement relevé en arrière; pourvu en dessous, à la partie antérieure, d’une fossette prolongée, bordée latéralement d’expansions épaisses, peu larges. À l’endroit où la fossette se termine, le rostre forme une trés forte saillie in- férieure : il est alors pourvu de rugosités granuleuses et quel- quefois d’une dépression. Dans quelques exemplaires, cette gra- aulation se montre aussi sur les côtés du rostre. Coquille cylin- drique courbée en spirale, mais n’atteignant, dans son en- semble, que les deux tiers d’une révolution très lâche, à tours disjoints. Cette charmante espèce, la seule connue, a été découverte avant le mois d'octobre dernier par M. Bellardi. Cet observateur plein de zèle l’a trouvée dans la montagne de Turin, au sein des couches du second étage tertiaire. Je m’empresse de ja lui dédier, comme un faible hommage de gratitude pour ses impor- tantes communications. Je dois en effet, à la complaisance de ce jeune savant, d’avoir pu étudier comparativement six de ces singuliers corps. Genre Coxoreuris, d'Orb. CarAcTères. Animal inconnu. Osselet interne, corné, très allongé, terminé postérieurement par un cône alvéolaire contenant une série de cloisons trans- verses aériennes (sur lesquelles je n'ai pas pu apercevoir de traces de siphon). Les lignes d’accroissement dénotent une forte carène médiane supérieure longitudinale, etun cône qui se réu- nit obliquement à la carène. Æapports et différences. Par la forme allongée de l'osselet, par A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 357 la présence du cône postérieur, ce genre a la plus grande ana- logie avec les Ommastrèphes, dont il a l’osselet corné. Par son alvéole, pourvue de cloisons aériennes , représentant un cône , il a les plus grands rapports avec la Bélemnite. Il diffère néanmoins des premiers par son cône alvéolaire, cloi- sonné, tandis qu'il est simple chez les Oinmastrephes. Il se distingue des seconds par son osselet étroit en avant, au lieu d’être spatuliforme, par le manque de rostre crétacé autour de l’alvéole et peut-être par le manque de siphon. Le genre Conoteuthe , par ses caractères intermédiaires entre les Ommastrèphes et les Bélemnites, doit évidemment prendre place près de ces deux genres. Quoiqu'il réunisse un osselet corné et un cône alvéolaire, comme les Bélemnites, je propose de le réunir à la famille des Teuthidées, qui renferme des genres à osselets seulement cornés, pourvus d’yeux libres dans leur orbite, tels que lesOmmastrèphes,lesOnycoteuthis, etc. En le plaçant avec les Bélemnites, on donnerait trop de valeur à l’alvéole chambré, quand , du reste, l’ensemble de l’osselet est analogue à celui de lOmmastrèphe. On n’a rencontré jusqu’à présent qu'une seule espèce de Conotheute: elle est fossile des couches néocomiennes supé- rieures. Conoteuthis Dupinianus d'Orb., PI. 12. Osselet interne très allongé, pourvu, postérieurement, d’un cône corné oblique, lisse, ou seulement marqué de très légères lignes d’accroissement. Cloisons transversales, lisses. Crête longi- tudinale saillante et presque tranchante. Le cône alvéolaire offre un angle de 30 172 degrés d'ouverture. La seule espèce connue, dont j'ai sous les yeux deux alvéoles, passés à l’état de fer sulfuré, a été découverte par le docteur Dupin, dans les argiles supérieures du terrain néocomien (ar- giles à plicatules ou couches aptiennes), des environs d'Ervy (Aube). La science doit à cet habile observateur un très grand nombre de faits nouveaux. Pour donner une idée de la persévé- rance et de la sagacité de ses recherches, il me suffira de dire qu'il a réuni, dans le gault et le terrain néocomien seulement, 378 A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. où l’on connaissait peu de fossiles, l'énorme chiffre de 474 échan- tillons de Gastéropodes, dont il a bien voulu enrichir ma Pa- léontologie française. Je saisis avec empressement l’occasion qui m'est offerte de faire connaître le résultat de ses intéressans travaux, et de lui témoigner ma profonde reconnaissance, pour ses importantes communications. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 11]. Fig. 1. Srinurirosrra Beccaroir d'Orb., de grandeur naturelle, vu de côté, — a. Dessus, b. Dessous , c. Rostre postérieur, Fig. 2. Le même, grossi. — d. Partie supposée. Fig. 3. Le même , vu.en dessus. Fig. 4. Le même, vu en dessous. — d. Partie supposée, Fig. 5. Le même, coupé longitudinalement de haut en bas, pour montrer e. les lignes d'accroissement du rostre, qui prouvent que, dans le jeune âge , la coquille cloisonnée manque : de ce corps protecieur ; f: cavité inférieure en dessous des loges aériennes; g. Partie saillante , produite par le commencement de la spire formée par les loges aériennes; 4, Tioges aériennes, représentant par leur enroûlement , la forme d'une coquille de Spirule; , Siphon inférieur qui traverse les loges aériennes. Fig. 6. Le même rostre, vu en raccourci : il représente dans cette position la figure d'un petit Nautile. — ;. Retour de la spire enveloppé de matières calcaires ; k. Partie rompue , au milieu de laquelle on voit l'emplacement des loges aériennes. Fig. 7. Spirule, vue de côté, pour montrer son analogie de forme avec le Spirulirostra. Fig. 8. Le commencement spiral des loges aériennes de la Spirule, pour montrer /la première loge de l’âge embryonnaire. Fig. 9. Partie extérieure de la coquille de la Spirule , fortement grossie, pour montrer que le test, loin d'être lisse, est fortement encroûté, mais d’une manière irrégulière , l'encroûtement étant beaucoup plus épais en dehors m qu’en dedans », Fig, to. Une autre partie de la même coquille, grossie pour montrer que la dernière cloison o n’a pas encore reçu les concrétions calcaires qui ne paraissent que plus tard. Fig. 1r. Rostre du Seria seriotpea, coupé longitudinalement et placé à côté du rostre du Spirulirostre, afin de faire apercevoir leurs rapports évidens. — p. L'emplacement des loges aériennes Fig. 12. Osselet interne du Serra rosrrata d'Orb, ; coupé en deux. — p. Les loges aériennes obliques. Fig. 13. Extrémité de l’osselet du Sepia sepioidea , vu sur le dos. Fig. 14. Extrémité de l’osselet du Sepia rostrata vu en dessus, A. D'ORBIGNY. — Sur les Céphalopodes. 379 PLANCHE 12. Fig. 1. Conorsurars Durixranus d'Orb. , de grandeur naturelle, vu de profil. — a, La partie ombrée est ce qu'on connaît en nature. — 4. Godet postérieur de l'osselet, supposé, d’après les lignes d'accroissement très marquées sur la partie conservée; cc. Tige supposée d'après la carène dorsale des loges aériennes. Fig. 2. Le même, grossi, pour montrer la fforme de l'ensemble, — a, Alvéoles ou loges aérieunes, vues de profil; 4. Partie supposée; c. Carène dorsale , qui n'est que l'empreinte de la tige de l’osselet ; d. Région ventrale. Fig. 3. Cône alvéolaire, vu sur le dos. Fig. 4. Le même, grossi. Fig. 5. Coupe transversale de l’alvéole, vue en dessus. c, Dessus; d. Dessous ou région ventrale. Fig. 6. Osselet interne de l'Ommasraepmes G1GANTEUS, vu de profil, pour montrer son analogie avec l’extrémité de l’osselet du Conoteuthis, fig. 1 et 2. — cc. Région dorsale; d. Région veutrale ; e. Godet termiual. Fig. 7. Le même, vu en dessous. Fig. 8. Osselet de Becemmire, vu de côté, afin de montrer l’analogie de forme de son godet terminal g avec celui des Conoteuthis et des Ommastrèphes. — e, Région dorsale de l'osselet corné; f. Région ventrale de l'osselet; g. Godet terminal , d’abord sans loges aériennes ; L. Alvéole ou loges aériennes de l’intérieur du godet; à, Rostre terminal, coupé en deux , pour montrer la manière dont il encroûte l’alvéole. NouvELLEs REMARQUES sur le Diceras , Par M. Escaricar (Extrait). Dans une note insérée dans les archives de M. Muller, et reproduite dans le volume précédent de nos Annales, M. Eschricht a décrit un corps qui lui parais- sait être un ver intestinal, et qu'il considérait comme étant le Diceras de Sult- zer; mais il paraît que cet observateur se serait trompé d’une manière assez bizarre, car dans une lettre qu'il vient d’adresser;à M. Muller, on lit ce qui suit : ; « Je suis fâché que vous ayez déjà inséré dans vos archives une note sur le « Diceras, car un examen plus attentif de la chose m'a fait arriver à un tout & autre résultat, Vous vous rappelez qu’un de mes collègues m'avait envoyé « ces prétendus vers rendus par son enfant à la suite d’un purgatif}, pendant « un violent accès de fièvre. Un mois après il en parut encore quelques-uns; « durant le mois suivant il ne sortait plus que des mucosités, et depuisce temps « l'enfant, qui était affecté de la danse de Saint-Guy, se trouva parfaitement re- « tabli. La forme de ces vers s'accorde parfaitement avec les figures de Sult- 380 ESCHRICHT. — Sur Le Dicéras. « zer, mais lexplication est fausse. En effet, M. le prof. Jacobson a présenté « à l'Académie des Sciences des préparations du fruit du morus nigræ, en- « tièrement conformes au Diceras de Sultzer, et que je reconnus de suite « comme identiques avec ce prétendu ver. Voici, d’après cela, comment il faut expliquer les planches de Sultzer : Tab. 1, fig. 1, le fruit ( partie de la baie ou « de la fleur femelle développée), avec les deux stigmates persistans; le pé- rianthe charnu à quatre feuilles est tombé (sans doute par l'effet de la diges- «ton). Fig. 2, le même grossi, les Zances que l’on voit sur le stigmate et sur la « partie supérieure du fruit, sont des poils plats. La partie étroite, un peu sepa- « rée que l’on voit à droite, est une loge avortée du fruit. Fig. 3. La graine & (semen) avec sa partie avortée et les deux stigmates. Ces derniers sont , à pro- « prement parler, insérés sur le péricarpe, comme on le voit dans la figure 2. « L’enveloppe membraneuse c'est le péricarpe; le pédoncule, la partie infe- « ricure des stigmates, ou mieux encore , le style, quoique les botanistes n’en « admettent pas dans le mürier. L’éminence externe et le prolongement « cylindrique répondent à la loge avortée, la membrane flottante à son extré- « mité détachée. Fig. 4 et 5 : la semence vue par ses arêtes. Fig. 6. Un morceau « du péricarpe grossi, mais mal représenté. Fig. 7 ct 8. Partie de l'enveloppe « (testa) avec ses cellules. Tab. 2, fig. 1. La terminaison d’un stigmate avec «ses poils. Fig. 2. La partie supérieure de la graine. La bosse est l'albumen « ratatiné. Fig. 3 à 7. Gomme dans les figures précédentes. » « A LC A ——Sse—— RECHERCHES MICROSCOPIQUES sur la structure intime de la rate dans l’homme et les Mammifères ; Par M. J. M. Bourcery ( Extrait ). « Quel que soitle plan suivant lequel on divise une rate iujectée par les artères, et en partie par les veines, puis insufflée par! ces dernières, on voit que la sur- face est entièrement occupée par des vésicules, communiquant toutes les unes avec les autres, et par des cloisons remplies de glandes liées entre elles par des cordons de même substance. De là, deux sortes d'appareils , [lun vésiculaire, l'autre glanduleux, dans lesquels l'analyse anatomique signale dix élémens d’or- ganisation. « Les vésicules communiquent les unes avec les autres par des orifices garnis de vaisseaux. Elles sont circonscrites par une #2embrane continue avec elle-même dans toute l'étendue de la rate, partout homogène, et formée par des granules et un épais lacis vasculaire, que l’auteur nomme en commun champ granulo-ca- Pillaire. Dans l'intérieur des cavités vésiculaires s'onvrent, par des orifices val- vulaires, les yeiuules des parois, et appendent en grappes, à l'extrémité des ca- pillaires sanguins et lymphatiques, des corpuscules flotlans qui baignent dans BOURGERY. — Structure de la rate. 381 un liquide particulier. Les corpuscuies sont formés par un noyau lenticulaire, d’où s’élancent, à l’état turgide, de petites aigrettes qui les font ressembler à des fleurs d’ombellifères. Le liquide splénique, dont l’aspect, sous le microscope, est celui d’un sang modifié, paraît être produit dans les vésicules ct doit les faire considérer comme un appareil d'élaboration sanguine. «L'appareil glanduleux se compose des organules renfermés dans les cloisons, que l’auteur a reconnus pour des glandes lymphatiques microscopiques et des vaisseaux de même nom, qui naissent partout à l'intérieur des vésicules, de la sarface du champ granuleux et des corpuscules flottans. « Les deux appareils vésiculaire et glanduleux se ressemblent en ce point, que chacun d’eux est formé par une chaîne sans fin des élémens qui le composent. Quant à leurs rapports, ils sont scindés par petits organules et partout juxtà- posés, élément à élément, comme s’il était nécessaire que ces deux appareils fonctionnassent en commun. «Enfin, il reste quatre élémens anatomiques communs à toute la texture de la rate : 10 les vaisseaux sanguins, divisés en trois ordres et remarquables par plu- sieurs singularités : un aspect noueux non moins prononcé dans les artères que dans les veines; la projection de leurs rameaux corpusculaires, et l’abouchement des veinules des parois dans la cavité des vésicules ; enfin la division des veines terminales en vesicules spléniques analogues à toutes les autres par leur organi- sation ; 2° es nerfs; ils n’offrent en petit, sous le microscope, rien de plus {que ce que l’on observe en grand à l'œil nu ; 3° un tissu cellulaire, visible seule- ment dans l’épaisseur des cloisons, où il apparaît entre les glandes sous forme d’une gelée grisâtre, sans distinction d’une trame quelconque ; 4° la membrane d’enveloppe de la rate en entier, formée d’un feuillet profond cellülo-fibreux, et d’ün feuillet superficiel, en apparence de texture musculaire, tous deux unis par un tissu cellnlo-vasculaire qui referme aussi des granules, « Le résultat de ce travail est que la rate doit être considérée comme une glan- de double, lysmphatico-sanguine, dont la texture offre la plus grande analogie avec celle des glandes lymphatiques proprement dites. » ( Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 6 juin 1842) TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE. Recherches microscopiques sur la conformité de structure et d’accroisse- ment des animaux et des plantes , par M. Scawann(extrait). . . . Lettre du docteur Rusconr, membre de l'institut de Milan, à M. le professeur Breschet, sur une nouvelle méthode pour injecter le système lympha- dauedes Reptiles LC ee CRC Additions à la leçon sur la statique des êtres vivans , par M. Dumas Cextrat) ee EE fes ittat at Cle Eu A TR Exposé de quelques faits relatifs à la coloration des os chez les animaux soumis au régime de la garance, par MM. Serres et DoyËèRE. . . . . Note sur le Systéme osseux , par M. Cmossar. . . . . . . . . . . . Recherches anatomiques sur le systéme veineux de la Grenouille , par ME GRUES ae er ee etes Molieiee dope en eee Considérations sur la classification des animaux en séries, par M. Brurré. Recherches microscopiques sur la Structure de la rate , par M. Bourcrrx HUE) EME RO A IE CU NE IP MOLLUSQUES. Mémoire sur les formes géométriques des Coquilles discoïdes et turbinées , par Mosezer.. . . . . , . . LL 2. Notes sur les œufs de Mollusques , recueillis eu Patagoine , par M. d'Or- FA CE I Ce Et Sur la Conchyliométrie , par M. C. F. Naumann. . . . . . . . . . Quelques considérations zoologiques et géologiques sur les Rudistes , par MPACOmEn OREIENT Se ee Considérations sur les Céphalopodes des terrains crétacés, par M. Azcine D'ORETCNEE ES EE ee = Ce -- - Ce Mémoire sur deux genres nouveaux de Céphalopodes fossiles (les Cono- teuthis et Spirulirostra), offrant des passages, d'un côté, avec la Spi- rule et la Sèche; de l’autre, entre les Bélemnites et les Omniostrèphes, par M ATDe D ORBIGNES SE CS 111 122 153 206 209 257 380 230 362 Table des matières. 383 ANIMAUX ANNELÉS. Observations sur Ja lumière que répand le ZLampyris italica , par DTA Pere elec. 2 ME, à 1 Een. ‘7-05 Description du Bopyrus abdominalis , par M. KroyEr.. . . . . . . 142 Mémoire sur les Z'ardigrades , par M. DoyÈre (suite). . . . . . . . 193 Note sur les métamorphoses des Pycnogonides, par M. Kroyer. . . . 9288 Recherches zoologiques, anatomiques et physiologiques sur l’{saura cycla- doïdes , nouveau genre de Crustacé, par M. Joy. . . . . . . . . 293 Note sur les genres Limnadia, Estheria, Cyzicus et Isaura , par le même. 349 Nouvelles remarques sur le Diceras , par M. Escaricur (Extrait) . . 379 ZOOPHYTES. Mémoire sur la Synapte de Duvernoy os Duvernæa , 4. de Q.), par M. À: DE QUATREFAGES. . . . . . NE NE ÈI002 Publications nouvelles. . , . . « . . . + . . . 5 elle Cche256 TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. Bourçenx. — Recherches microsco— piques sur la structure de la rate (Extrait). «se... sus veis Bruzé. — Considérations sur la classi- fication dés animaux en séries paral— Aless.s ee se e.se Sas en ot Go vinmicleie Cnossar. — Note sur le système osseux. D'Ormeny. — Notes sur les œufs de Mollusques , recueillis en Patagonie. — Quelques considérations zoologiques et géologiques sur les Audistes...... — Considérations sur les Céphalopodes des terrains crétacés.......,.,.., — Mémoire sur deux genres nouveaux de Céphalopodes fossiles (les Cano- teuthis et Spirulirostra, offrant des passages , d'un côté , avec la Spirule et la Sèche ; de l’autre, entre les Bélemnites et les Ommostréphes .…. . . Doxère. — Mémoire sur les Tardi- grades (suite)......... 2e eds aiols Doyère et Serres. — Sur la coloration des os par la garance (voy. SERRES). Dumas. — Additions à la leçon sur la Statique des êtres vivans ( extrait ). . Escaricar, — Nouvelies remarques sur le Diceras (Extrait)...........,.. Grusy.— Recherches anatomiques sur le Système veineux de la Grenouille. Jozx. — Recherches zoologiques ana— 380 362 tomiques et physiolgiques sur l’Zsau- ra cycladoïdes, nouveau genre de Crustace à test bivalve, découvert aux environs de Toulouse, ........... — Note Sur les genres Limnadie, Es- theria , Cyzicus et Isaura, ........ Kroxer, — Description du Bopyrus ab- dominalis. …........... — Notesur les Ten des'Pyc- nogonides.... ....... HEC 0 : Moserer. — Mémoire sur iles formes géométriques des Coquilles discoïdes ÉLITUTDINEES. eee ess en a oleisre NauMawn. — Sur la Conchyliometrie. Peters, — Observations sur la lumière que répand le Lampyris italica, .... À. ve QuarTRErAGEs. — Mémoire sur la Synapte de Duvernoy ( Syrapta Dn- vernæ A. de Q.). ... Ruscoxr, — Sur une nouvelle méthode pour injecter le Système lymphatique des Reptiles. ...... Serres et DoxÈre. — Exposé de quel- ques faits relatifs à la coloration des os chez les animaux soumis au régime de la garance................... Scawawx.— Recherches microscopiques sur la conformité de structure et d’ac- croissement des animaux et des plantes (extraith......sss.sosesosrsuse 94 129 254 19-93 T1 153 TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. PLancre 1. quilles. 2,3,4,5. Organisation des Synaptes. 6. 9 À. Bopyrus abdominalis. 7 et 8 saura cycladoïdes. Isaura cycladoïdes et métamorphoses des Pycnogonides. 9 et 10. Système veineux de la Grenouille. 11. 12. DU Speruitrostra Bellardi, etc. Conoteuthis Dupinianus, etc. DIX-SEPTIÈME VOLUME. Injection des lymphatiques et forme géométrique des co- Aus ar Je. Mat. 27° ère - Lg. À,D. pe 72 ymp » = Dre. à » 4. À, D, /yecton des ? 0 Lymphatiques 1-9 Porme geométrigue de. Coguille : d 1/10/20R Zool .Tom.17.PL.3. Ann.des Seinc.nat.2° Serie. dhunels ve. dples. yn : garusaliont des « N F .#: Zool Tom .17.PL der Jetenc.nat. 2° Serie. Sehmalx re Yynaples. p Ÿ & À Ÿ È = È À 122 Zoo, Tonv.17 PL. ” .. ù nl 3 7 À D) 3 0) 7 7) Zool Tom 17 ?1.6. Popyrus abdonunatis Zool.Tom.17- 20 .7 NE > Sæœ, Se es ï lraura oycladoites CS à & ë S È = 5 Ë ë N ère - pe Ann ds Jaene nat.2* | Organisation de Laura cycladoides Zoo! Tom.17. Pl.g.Ae B pe … sd Ann.der Jrenenab. 29 Jeré eo Zool Tont.17. Pl.9.A et D ea =—— À. Organisañon de Uraur« çycladoides B Metamorvhare des Pyenogonates. L du ee à or on, en — PE ——-" a EE Ann. des Seienc.nat. 2 Srie.. Zool Tom 17. PL. 9 Jsleru vaneur de la Grenouille 7. PL .10 Zom.1 Zorol.1 2€ Serie r Jen. ral Ann. des = ysteme vareur de la Crenoutlle, Ann. des Sarnc. nat. += Serie Zoo. Tom.17. Flo {| (| : | | ) | | Ddarue LA mn. Lrmrauer Benard ot | 16 Jprrubrestra” Bellardu, d'Oré 710 Spirula fragdes. 113. Sepiz Spuoidez d Urd 12.14 Sepi rostrafa d'Orb Zool.Tomr7 PL. 18. Lun. te ———— Ann: des Jarnc.nat.?° Jeru Lemerar Benard à €! n im 1 5. Conoteuthus Dapinanus, d Orb 6 7 Ommastrephes bganteus ,d'Orb È à È uw È Ÿ b 4 e ' EP AA" D RER K ET Se FE TESTS els ti ol ( t 4 DIN RAA MAN j AH (1) fur î MANaUe NRA NN Al Etre 4 ‘fl