Dobsé sé Lettre sniee LLC SEEN SET + Lé L (re * t 1 e 7 HAN AE DEP Ua Ge À ar + d/ U ANNALES SCIENCES NATURELLES QUATRIÈME SERIE et ZOOLOGIE Faris. — loprimeiie de L. MARTINET, 2, ruc Mignoz Z.b. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉE DES DEUX RÈGNES ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIR PAR M. MILNE EDWARDS POUR LA BOTANIQUE PAR MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE QUATRIÈME SÉRIE LOOLOGIE VICTOR MASSON ET FILS PLACE DE L'ECOLE-DE-MÉDECINE 1862 THANERUUI LR M je | aborreron BE: 100406 A8; D nnnan canne ann sa RL 10 ue ES BAALONO 21H09 240 ui Le Ari ur par # DRONES : :: AIO LA wiut Der anus am M QUE Cat 41 k ur | jee LT | | LISTE TU ii Pis | 1 d* 21 Û Au | par | NU fon JE PAUL “pe . “à ne NT 144 en ! , | S% ; À BAS SUD RATES PIS À ENT ANNEES NX à x a! ei D 2 De AMONT NO 28 x f A 2 2 “ | “ : : | 5e à EE —. : ANNALES DES SCIENCES NATURELLES PARTIE ZOOLOGIQUE RECHERCHES SUR LA NATURE DE LA SOURCE ÉLECTRIQUE DE LA TORPILLE, ET MANIÈRE DE REÉCUEILLIR L'ÉLECTRICITÉ PRODUITE PAR L'ANIMAL, Par M. Armand MOREAU, Le Gymnote, la Torpille, le Malaptérure, sont les trois pois- sons les plus connus qui possèdent le pouvoir de dégager l’élec- tricité à l’aide d'organes spéciaux. Ce dégagement n’est pas chez eux un phénomène qui se rencontre dans le jeu d’une fonction, il est la fonction même de l'organe. I] a une intensité incomparable- ment plus grande que celle des phénomènes électriques qui sont produits dans tous les organismes vivants. C’est dans le siècle dernier que Muschenbroek établit le pre- mier la nature électrique du phénomène de la décharge de la Torpille. Après lui, Walsh, en 1778, montra qu'on peut impunément toucher la Torpille avec tout corps mauvais conducteur ; Gay- Lussac et de Humboldt exposèrent les principales circonstances de la décharge ; Galvani et Spallanzani trouvèrent l'influence des nerfs du cerveau sur la décharge. John Davy aimanta une aiguille d'acier, et fit dévier l'aiguille du galvanomètre avec l'électricité de 6 A. MOREAU. la Torpille; MM. Becquerel et Breschet comparèrent la décharge de la Torpille à celle de la bouteille de Leyde, et cherchèrent. avec plus de précision, qu’on ne l’avait fait avant eux, les cir- constances qui influent sur l'intensité de la décharge et la direc- tion du courant; le père Linari a le premier obtenu une véri- table étincelle électrique de la décharge de la Torpille ; enfin, M. Matteucei a fait sur toutes les questions relatives à la décharge de nombreuses recherches, qui, plus récentes que celles que je viens d'indiquer, sont connues de tous les physiologistes. Tout en cherchant les caractères qui établissent l'identité de l'agent mani- festé par la décharge et de l’électricité, les expérimentateurs se sont préoccupés de la question la plus intéressante et la plus diffi- cile que soulève la physiologie des Poissons électriques, savoir : la nature de la source ou, en d’autres termes, le mode de produc- tion de l'électricité. Sans exposer les objections qui peuvent, dans l’état actuel de nos connaissances, êlre opposées aux théories relatives à la for- mation de l'électricité dans la Torpille, je décrirai les expériences que j'ai faites en me plaçant au point de vue des auteurs de ces théories, c’est-à-dire en les considérant comme justes, et persuadé que l'expérience est l'argument souverain qu'il faut invoquer en physiologie, plus encore que dans les autres sciences, pour légi- timer les hypothèses les plus vraisemblables, comme pour rejeter les plus improbables. Parmi les théories qui ont été proposées pour expliquer la dé- charge électrique de la Torpille, une des plus anciennes est celle qui assimile l'organe électrique à un condensateur recevant l’élec- tricité des centres nerveux par l'intermédiaire des nerfs. Le fluide condensé reste en réserve dans l'organe, jusqu’au moment où, sous une influence volontaire, l’appareil se décharge. La présence dans les centres nerveux d’un lobe spécial situé à l’origine des nerfs principaux qui vont se distribuer à l'organe électrique ; le volume énorme et la structure de ces nerfs, pou- vaient, jusqu'à un certain point, donner à ectte hypothèse quel- que vraisemblance. L'expérience que je vais citer montre d’une manière nette qu'elle est inadmissible, SUR LA TORPILLE ÉLECTRIQUE. 7 J'a coupé sur une Torpille tous les nerfs qui se rendent à l'appareil électrique, et en excitant, au moyen d’un faible courant, l'extrémité périphérique des nerfs ainsi coupés, j'ai déterminé des décharges répétées de plus en plus faibles. Après avoir ainsi épuisé l’organe, et bien constaté que l’on ne pouvait plus obtenir de décharges, même très faibles, j'ai replacé la Torpille dans l'eau de mer. Au bout de quelques heures, le Pois: son fut repris, les nerfs excités de nouveau. J’obtins, en agissant sur l'extrémité périphérique des nerfs coupés, des décharges fortes et répétées. J'excitai comparativement les nerfs du côté opposé, nerfs qui n'avaient pas été coupés d’avance, et j'obtins des décharges qui ne dépassaient pas en intensité, d’une manière sensible, celles du côté coupé. On doit conclure de cette expérience que l'électricité de la dé- charge n’a pas été formée dans les centres nerveux et portés à l'organe par les nerfs, puisque ces conducteurs supposés ont été détruits ; et qu’ainsi l'organe électrique est, dans sa fonction, in- dépendant des centres nerveux, au même titre que le musele l’est lui-même dans le phénomène de la contraction. Cependant une observation faite par M. Matteucci, et publiée dans son Traité d'électro-physiologie(A84h, p.172), dans laquelle l’auteur dit avoir obtenu des décharges indifféremment dirigées du dos au bas-ventre ou du bas-ventre au dos, à l’occasion des piqûres faites dans le lobe électrique, me parut en désaccord avec les faits que les expériences précédentes me semblent établir d’une façon très nette, savoir : la fonction de l'organe électrique est indépendante de l’action des centres nerveux. Ceux-ci n’inter- viennent que pour exciter les nerfs, et tous les eflets de l'excita- tion volontaire des nerfs peuvent être obtenus dans l'organe par leur excitation artificielle. L’organe électrique est, par rapport aux centres nerveux, comme un muscle de la jambe d’une Grenouille, par rapport aux centres nerveux de la Grenouille. Je m'appliquai donc à reproduire le fait étrange signalé par M. Matteucci. Déjà à Naples, en 1858, j'avais fait des recherches sur ce point, avant d’avoir recu l'édition de 1858 (pages 76 et 77), où M. Matteucci 8 A. MOREAU,. déclare n'avoir pu reproduire ce fait. J'ai encore essayé depuis, et suis arrivé à croire qu'une cause d'erreur se sera glissée dans les premières observations du célèbre professeur de Pise. Une autre manière de concevoir la production de l'électricité dans l’appareil de la Torpille consiste à considérer l'organe non plus comme un condensateur, mais comme agissant à la manière d'une pile, et par conséquent la décharge électrique comme un phénomène lié à une réaction chimique. Cette théorie, la plus généralement admise, suppose une sécrétion se faisant instantané- ment sous l'influence nerveuse dans tous les points de l’appareil. La circulation du sang étant une des conditions les plus indispen- sables à toute sécrétion, j'ai d’abord institué une expérience dans le but de voir quel était son rôle dans la fonction électrique. Sur une Torpille vivante, j'ai cherché en arrière de l’estomac le vaisseau dorsal, et j'ai injecté dans ce vaisseau du suif, maintenu liquide à la faveur d’une température convenable, et d’une petite quantité d'essence de térébenthine. L'injection , poussée du côté des branchies, a rempli toutes les artères de l’organe électrique, et s’y est lentement solidifiée par le refroidissement. J'ai ensuite excité les nerfs de l'organe, et j'ai obtenu des décharges mani- festes. Il est évident que, dans des vaisseaux remplis de suif solide, il n’y a point de circulation, et que les phénomènes d’exosmose ne peuvent avoir lieu, tandis qu’on peut penser qu'ils peuvent se produire encore dans l’expérience qui consiste à obtenir la dé- charge en excitant le nerf d’un morceau de l'organe électrique détaché de l'animal. Il'est done établi que le sang qui circule dans les artères n’est pas immédiatement nécessaire au phénomène de la décharge élec- trique. J'ai supposé ensuite qu'une sécrétion pouvait encore se faire sous l'influence nerveuse, aux dépens des éléments liquides ren- rermés dans le tissu lui-même ; de même que l’on voit dans des instants très courts, il est vrai, la sécrétion de la glande sous- maxillaire se produire encore, quand on galvanise le filet nerveux qui part du lingual, après la ligature de l'artère de la glande ; et, pensant que les réactions chimiques devaient se faire dans des SUR LA TORPILLE ÉLECTRIQUE. 9 milieux acides où alcalins, j'espérai que l'éxpérience suivante me fournirait une indication importante relativement à la nature chi- mique des liquides mis en présence, et dont les réactions?sont liées dans cette hypothèse au dégagement de l'électricité. Je pro- cède dans ces expériences comme il suit : Je sacrifie des Torpilles de grande taille en enlevant rapidement les centres nerveux, puis ayant disséqué la peau de la face dorsale de l'organe, et rendu ainsi les prismes très apparents, je transperce successivement, et sans en passer un seul, chacun des cinquante prismes les plus voisins de l’abdomen, ce sont les plus gros de l’organe. Quand ils sont ainsi tous transpercés, suivant leur axe, par un poinçon, je fais passer successivement dans chacun d’eux un courant d’eau fortement acidifiée par l'acide sulfurique, puis je coupe l'organe, de façon à ne conserver que le fragment composé des prismes ainsi traversés par l'acide. Le nerf qui anime cette portion de l'or- gane a élé respecté ; je l’excite alors, et constate que la décharge se produit toujours. Dans d’autres expériences, je fais traverser les prismes par un courant d’eau rendue très alcaline par une solution de potasse, et je constate encore que les décharges ont lieu comme auparavant. Au moyen de différentes sections faites dans l'organe, je me suis assuré qu’en lous les points le papier bleu de tournesol était fortement rougi, et le papier rouge de tournesol était fortement bleui, suivant que les prismes avaient été imbibés par l’acide sul- 44 ou par la potasse. En substituant à l’acide sulfurique 1 ‘acide nitrique, mème très étendu, j'ai cessé immédiatement d'obtenir la décharge : l’aspect opalin que prend alors l'appareil m'a fait penser que la coagula- tion de l’albumine était la cause de cet effet et non la nature acide du liquide ; l'alcool et le tannin qui, tous deux, coagulent l’albu- mine, m'ont donné le même résultat. L'état physique du milieu est done plus important pour sa fonc- tion que la réaction chimique, acide ou alealine. Il est nécessaire de prendre l’acide et Palcali dont on se sert à un degré de concentration capable de réagir fortement sur le pa- pier de tournesol, mais cependant bien loin encore du maximum 410 A, MOREAU, de concentration, On détruirait, en effet, les tissus de l’organe, et par suite leurs propriétés, si l’on employait des liqueurs trop con- centrées. On voit dans ces expériences que le milieu dans lequel se fait le dégagement de l'électricité peut être rendu acide, alcalin, ou laissé sensiblement neutre, comme il l’est normalement, sans que la fonction électrique disparaisse. Tels sont les résultats que j'ai obtenus en cherchant à vérifier des théories qui s’offraient à l'esprit avec quelques caractères de vraisemblance. En résumé, ilest impossible d'admettre que l’élec- tricité se forme dans les centres nerveux, et soit portée par les nerfs dans l'organe électrique qui la condenserait. En effet, les nerfs ont été tous coupés, l'organe épuisé et, pour ainsi dire, vidé de toute l'électricité, et après quelques heures de repos, ce même organe a fourni des décharges aussi fortes que celui qui conser- vait intactes ses communications nerveuses avec les centres nerveux. Peut-on être aussi absolu relativement à l’autre théorie et dire: le courant électrique manifesté par l'organe n’est pas lié à des réactions chimiques? Je ne le crois pas, mais le physiologiste qui reproduira ces expériences et s’assurera par ses yeux que tous les points de l'organe ont une réaction franchement acide dans un cas, et franchement alcaline dans l’autre, et que, sous ce rapport, les milieux chimiques ont été rendus profondément dissemblables, sans que la fonction ait cessé d’être, — le physiologiste qui verra toute circulation devenue impossible par la solidification du suif injecté dans les vaisseaux, trouvera sans doule dans la persistance de la fonction une raison propre à le faire douter de la valeur d’une théorie qui suppose une sécrétion, se produisant subitement à l’occasion d’une action nerveuse dans l’organe de la Torpille, et donnant lieu à une réaction chimique, cause prochaine du courant, comme dans la pile hydro-électrique. Je vais parler maintenant d'expériences que j'ai faites, non pas en vue de juger des théories proposées sur la formation de l’élec- SUR LA \®RPILLE ÉLECTRIQUE. 11 tricilé dans l'organe, mais dans le désir d'apporter quelque jour nouveau sur cette question complexe. Les excitations les plus fortes portées sur les nerfs électri- ques, peuvent-elles étre transmises par eux aux centres ner- veux ? J'ai excité avec des courants très forts les nerls électriques dans leur état normal, afin de voir s'ils sont sensibles. Je n'ai pu reconnaître, à l'occasion de ces excitations, les mouvements ré- flexes, signes d’un courant centripète qui caractérise lout nerf de sentiment. Les neris électriques ne possèdent donc que des cou- rants centrifuges et sont, sous ce rapport, analogues à des nerfs de mouvement. Déjà de Blainville les avait considérés comme des nerfs moteurs. Quoique j'aie excité fortement les nerfs de l'appareil, sans ob- tenir de mouvements réflexes, je crois devoir rappeler que les branches du pneumogastrique ne jouissent pas de la même sensibilité que les nerfs mixtes proprement dits. Chez les mammi- fères, les conditions de la sensibilité des rameaux du pneumo- gastrique ne sont pas encore bien déterminées. J'ai cherché souvent à produire des mouvements réflexes en excitant le nerf pneumogastrique latéral des Poissons, sans y parve- nir (1); et cependant, j'ai cbtenu dans des circonstances favorables des mouvements réflexes évidents, signes de la sensibilité de cette branche du paeumogastrique. I m'a paru nécessaire de rappeler ici, à propos des nerfs électriques qui sont en grande majorité des branches du pneumogastrique, que les conditions de sensi- bilité de ce nerf ne sont pas tout à fait les mêmes que celles des nerfs ordinaires. Malgré ces considérations, je regarde, en m'en rapportant à mes expériences, les nerfs électriques de la Torpille comme dénués du courant centripèle, et je suis confirmé dans celle opinion par l'expérience que j'ai faite et qui consiste à exciter ces nerfs avant leur passage dans les branchies. J’ai obtenu alors des mouvements (1) Voir, pour les propriétés du nerf pneumogastrique latéral, Stannius, Das peripherische Nervensystem der Fische, Rostock 1849, s. 94. 12 A. MOREAU, réflexes, très évidents, dus sans aucun doute aux filets de senti- ment qui vont se distribuer dans les branchies, et dont le nerf pneumogastrique est tout à fait dépouillé quand il entre dans l'organe électrique. Action du curare sur la Torpille. — L'analogie des nerfs élec- triques et des nerfs de mouvement a été déjà signalée et déve- loppée, ainsi que je l'ai dit, par de Blainville. L'expérience que je viens de citer et qui montre que ces nerfs ne sont propres qu’à transmettre des courants centrifuges, et ne peuvent transmettre aucun courant centripète, confirme cette analogie. Nous savons que le muscle reçoit du nerf une excitation qui le fait contracter ; mais nous savons aussi qu’à défaut de l'excitation du nerf le muscle peut se contracter lorsque certaines excitations lui sont immédiatement appliquées. Cette indépendance de la facullé contractile du muscle par rapport à l'excitation du nerf n'est nulle part mieux établie et plus nette que dans l’expérience due à M. Claude Bernard, et qui consiste à empoisonner une Gre- nouille avec du curare, et à exciter ensuite les nerfs et les muscles ; or, l’excitation des nerfs la plus énergique ne produit aucun résultat, tandis que l’excitation des muscles détermine immédiate- ment les contractions les plus vives. Je me suis proposé de voir si le tissu de l’organe électrique pouvait être excité directement comme le muscle, et afin que l'excitation artificielle, que je voulais porter sur lui, n'agit pas sur les nerfs, je résolus d’empoisonner la Torpille avec du curare. Je me proposai donc de détruire l’excitabilité des nerfs électriques, à l’aide du curare, et d’exciter le tissu de l'organe à l'aide d’un courant électrique, pour réveiller son activité physiologique. Mais ici, comme le résultat de l’activité de ce tissu est un courant élec- trique, j'imaginai pour distinguer l'électricité venant de la source artificielle qui me servait à exeiter l’organe, de l'électricité pro- duite par l'organe lui-même, de me servir d’un commutateur qui fit changer le sens du courant excitateur. Le courant venant de l'organe, ayant toujours le même sens, pouvait donc être constaté. I n'est pas rare en physiologie de faire des expériences qui ne donnent pas de solution à la question que l’on s'était posée, mais SUR LA TORPILLE ÉLECTRIQUE. 135 qui apportent un résultat imprévu digne d’être signalé; l’expé- rience suivante en offre un exemple. Ayant d'avance fait dissoudre dans l’eau une certaine quantité de eurare, j'introduisis cette solution sous la peau d'une Torpille (quelquefois je- l’injectai dans une des deux veines dorsales). La Torpille, replacée dans un bassin d’eau de mer, s’agitait pendant quelques instants, puis ralentissait peu à peu ses mouvements et enfin, au bout d’une demi-heure, devenait tout à fait immobile, les mouvements respiratoires persistant les derniers. J’attendais encore un peu de temps, et je plaçais sur le dos de ce poisson im- mobile des Grenouilles dont le bulbe rachidien était enlevé. Aucun mouvement volontaire ne pouvait se manifester chez ces Gre- nouilles. Je pinçais alors la Torpille ; aussitôt toutes les Grénouilles s’élançaient hors de l’eau, tandis qu'aucun mouvement ne pouvait être perçu dans la Torpille. Cette simple expérience, qui fut ré- pétée souvent, montre que les nerfs qui servent à déterminer les mouvements volontaires ou réflexes, étaient déjà paralysés quand les nerfs de sentiment et les nerfs électriques ne l’étaient pas en- core. En d'autres termes, le pincement a excité les nerfs de sen- timent de la Torpille, ceux-c1 ont transmis aux centres nerveux l'impression reçue, les centres nerveux l’ont transmise aux nerfs électriques qui ont provoqué l’activité fonctionnelle de l'organe électrique, tandis que les nerfs qui vont aux muscles, frappés déjà de paralysie par l’action du poison, n’ont pu faire contracter les muscles. L'action du curare sur la Torpille et l’immunité relative des nerfs électriques sont rendues plus nettes encore par l'épreuve sui- vante. Sur une Torpille ainsi curarée, et qui donnait des décharges électriques sans faire aucun mouvement, et à l’occasion de pince- ments, je mis à découvert les nerfs pneumogastriques avant leur entrée dans les branchies; je les excitai par un courant électrique. Cette excitation ne déterminait aucun mouvement dans les mus- cles des branchies, mais déterminait des décharges de l'organe électrique. Les rameaux allant aux ‘muscles étaient donc para- lysés, tandis que les rameaux des mêmes nerfs allant à l'organe électrique ne l'élaient pas. Je me suis assuré que les muscles des il | A, MOREAU, branchies étaient, comme les autres muscles de l'animal, excitables directement et parfaitement contracliles. Ainsi, comme on le voit, les nerfs électriques ne perdent 1: faculté d’exciter des décharges que longtemps après que les nerfs moteurs ont perdu leur action sur les muscles. L'Académie des sciences a publié dans ses Comptes rendus du 8 octobre 4860 une note relative à ces expériences que j'ai faites à Naples en 1858, et à Palavas près Montpellier en 1860. Cette année, j'ai cherché à voir si les branches du pneumogastrique, qui vont au cœur, perdaient leur excitabilité avant les nerfs élec - triques, et j'ai trouvé qu’en galvanisant la branche du pneumo- gastrique qui va au cœur, je parvenais encore à arrêter les battements de cet organe quand l’organe électrique de la Torpille empoisonnée par le curare ne donnait déjà plus que de faibles décharges. On peut, en considérant que l'organe électrique est très peu riche en vaisseaux sanguins, penser que celte immunité des nerfs électriques par rapport à l’action du curare tient à une circulation peu abondante ; cependant, quand on remarque la persistance des propriétés physiologiques de la branche du pneumogastrique qui va au cœur, dans une Torpille empoisonnée par le curare, on voit que des expériences spéciales doivent être faites pour juger la valeur de cette explication. L'analogie qui existe entre la fonction de l'organe électrique et la fonction des muscles, peut étre poursuivie sous bien des rap- ports. Je signalerai les suivants : j'ai excité à l’aide d’un courant électrique fréquemment interrompu les nerfs électriques. Cette excitation, faite avec peu d'énergie, mais poursuivie pendant long- temps, produit une série ininterrompue de décharges. L'activité de l’organe est tout à fait comparable à la contraction tétanique du muscle, quand le nerf qui l’anime vient à être excité de la même manière. Cette analogie devient plus frappante encore quand on soumet la Torpille à l’absorption de la strychnine. On pe tarde pas alors à voir des décharges précipitées se produire; l’état d'activité qui se manifeste à une telle analogie avec celui que l’on observe dans les muscles d'un animal strychnisé qu'il est SUR LA TORPILLE ÉLECTRIQUE. 15 juste d'admettre pour l'organe électrique un véritable état tétanique. Pai soumis à l’action de bains chauds des Torpilles, afin de voir à quel degré de température la fonction électrique cessait: lorsque le bain dans lequel je plongeais la Torpille était à 45 degrés du thermomètre centigrade, l'excitation des nerfs ne me donnait plus de décharge. Il n’est donc point nécessaire d’atteindre le degré de chaleur où l’albumine se coagule, pour suspendre les proprié- tés spéciales de l'appareil électrique. Dans les circonstances ordinaires où l’on observe les décharges, soit volontaires, soit dues à l’excitation arüficielle des nerfs, le repos est la condition indispensable que tous les observateurs ont appré- ciée pour que l'organe reprenne son énergie; cette influence du repos sur la fonction peut être appréciée dans les expériences dont il me reste à parler d’une façon nouvelle et très commode à l’aide de l’angle des feuilles d’or de l’électroscope condensateur, l’écar- tement persistant pendant un temps beaucoup plus long qu’il n’est nécessaire pour l'observation. Les expériences que j'ai décrites plus haut ne m'ont pas con- duit à établir une théorie. Les difficultés que j'ai rencontrées, et les résultats négatifs que j'ai obtenus en cherchant à vérifier quelques hypothèses qui se présentent à l'esprit relativement à la formation de l'électricité, m'ont engagé à aborder des questions plus facilement solubles. C’est ainsi que je me suis proposé de recueillir l'électricité de la décharge et de transformer en électri- cité statique le courant instantané dé la Torpille. Je l’ai fait dans l'espoir que les phénomènes de la décharge pourraient être étu- diés et analysés plus complétement, et que cette analyse pourrait conduire plus tard à des vues nouvelles sur la manière dont se produit l'électricité dans l’organe. Les décharges étant toujours instantanées et de plus imprévues quand elles sont volontaires, on éprouve en voulant étudier cer- tains phénomènes, entre autres les variations d'intensité qu’elles présentent, des difficultés qui n’existent plus si l’on obtient cette électricité captive dans un condensateur. Je vais exposer la ma- nière dont j'ai résolu ce problème avec des détails suffisants, pour que tout lecteur puisse reproduire mes expériences. 16 A. MOREAU. Comment l'électricité de la Torpille peut-elle étre obtenue caphive dans un condensateur ? Quand on met en communication les deux armures d’une bou- teille de Leyde avec la face dorsale et la face ventrale de l'organe éléctrique, et que l’on provoque une décharge ou que l’on attend qu'une décharge volontaire ait été faite, la bouteille de Leyde ne conserve pas d'électricité, ce qui est facile à comprendre, puisque les fils qui conduisaient l'électricité aux armures ramènent aussitôt cette électricité sur l'organe qui, toujours humide, permet la recon- stitution de l'état neutre des fluides. J'ai pensé qu’en rompant la continuité de la voie métallique, qui unit l'organe électrique au condensateur au moment qui suit immédiatement l'excitation du nerf, le condensateur conserverait une partie de l'électricité fournie par la décharge. Or, pour interrompre à ce moment précis, il faut aussi déterminer la décharge d’une façon instan- tanée et à un moment précis, Concevons qu’une pièce de bois glissant dans une rainure avec une grande rapidité, porte deux lames métalliques parallèles. On pourra disposer sur les rainures des incrustations de métal qui seront rencontrées dans la course de cette pièce de bois par les lames métalliques, et on pourra toujours placer les incrustations des rainures À une distance l’une de l’autre telle, que, tan- dis que la première sera touchée par la lame métallique, la dernière ne sera atteinte par l’autre lame métallique qu'après un temps auSsi court qu’on le voudra. Dès lors le problème est résolu, car la première lame métallique faisant partie du circuit excita- teur du nerf, produira l'excitation un moment très court avant l'instant où la deuxième lame, qui appartient au chemin que suit l'électricité allant de la Torpille au condensateur, rencontrera l’incrustation métallique qui lui correspond, et comme le contact sera extrêmement court, l'électricité de la Torpille passera dans le condensateur et ne pourra retourner par la même voie. Ainsi sera rendue captive l'électricité de la décharge. J'avais déjà réalisé un appareil construit sur cette simple don- née, quand une circonstance fortuite m'ayant permis de mettre à profit l’obligeance éclairée de mon ami M. Guillemin, professeur SUR LA TORPILLE, ÉLECTRIQUE. 17 agréoé de physique à la Faculté de médecine de Paris, j'ai fait faire un appareil dans lequel les deux lames parallèles métal- liques , fixées dans une pièce de bois et fuyant avec elle dans une rainure, sont remplacées par deux tiges de métal qui décrivent un arc de cercle rapide, établissant comme condition toujours capitale un double contact fugitif avec les conducteurs électriques. Je décrirai et figurerai seulement cet interrupteur. Description sommaire de l'appareil et précautions à prendre. — La figure que je joins à cette description et qui représente le mo- ment même de l'expérience (pl. XP), aidera, je pense, le lecteur à suivre sans peine ces détails. — Pour recueillir l'électricité sur l'organe de la Torpille, j’applique sur chacune des faces une pla- que de plaune très mince, qui s’enroule par un de ses bords autour d’un fil de cuivre. On à soin d'appliquer cette feuille de métal sur la portion de l'organe dans Jaquelle se distribue le aer£ sur lequel porte l'exci- tation. Il y quatre nerfs électriques, et comme il est bon en général de les exciter successivement , il ne faut pas négliger de faire avancer la feuille de la face dorsale, et la feuille de la face ventrale sur la région correspondante au nerf que l’on excite. Pour engendrer un courant électrique destiné à exciter le nerf, je me sers d’un élément de pile de Bunsen qui sert à former dans une bobine d’induction le courant inducteur. Le courant induit qui en résulte est conduit directement au nerf que l'on va exciter. Ce courant peut être facilement gradué à l’aide d’une disposition particulière de. l'appareil, disposition dont s’est servi M. Dubois Reymond dans ses recherches électro-physiologiques, et qui con- siste à rendre la bobine de fil induit mobile en la fixant sur un chariot qui glisse dans une rainure et s'éloigne ou s'approche à volonté de la bobine inductrice. F Les deux fils portant le courant induit sont fixés au nerf avec soin. Il importe beaucoup que ce contact entre le nerf et les rhéo- phores soit intime; aussi j'ai eu soin de lier l'extrémité du nerf avec un fil que je fixais sur le support des rhéophores, afin de le tendre et d'assurer ainsi de contact avec les deux fils rigides de métal. 4° série, Zouz. T. XVIII. {Cahier n° 4.) 2 2 18 A. MOREAU, Il importe aussi beaucoup d'appliquer cette ligature sur le nerf au inoment où l’on vient de sacrifier la Torpille, c’est-à-dire aussi longtemps que possible avant l'expérience. En effet, l'application d’une ligature détermine l'excitation du nerf, et conséquemment la décharge, après laquelle il faut un certain temps de repos pour que la faculté reparaisse avec une énergie suffisante. L'interrupteur est formé de deux tiges métalliques, À et B, parallèles, reliées entre elles par une tige isolante, C, et pouvant décrire simultanément un are en cercle autour d’une de leurs extrémités considérée comme centre. Les deux parallèles sont écartées avec force de la position dans laquelle elles établissent les commumications. Au moment où tout est prêt, un ressort les chasse, et chacune d’elles décrit un petit arc de cercle. Dans cette course, la tige À rencontre à frottement une surface métal- lique étroite, a, qu'elle dépasse, ayant établi pendant un instant très court le passage du courant allant d’un des pôles de l'élément de Bunsen à une des bornes de l’appareil d’induction où se produit le courant induit excitateur du nerf. En même temps, la tige Ba rencontré une plaque métallique, b, plus large de quelques milli- mètres que la plaque a. La tige B passe aussi à frottement et s'arrête au delà, ayant établi pendant un instant un chemin pour l'électricité, entre l'organe de la Torpille et le condensateur. On comprend que les phénomènes n'étant pas synchrones, il fallait que le passage de l'électricité de la Torpille püt se faire un peu après le passage du courant qui va exciter le nerf. La largeur plus grande; donnée à la plaque b, donne au contact de la tige B plus de durée et remplit cette condition. Quant au temps que mettent les tiges parallèles A et B à décrire leurs ares de cerele, il est comparable à celui que met le chien dé fusil à s’abaisser quand on tire la gachette. L’électroscope condensateur à feuilles d’or est celui connu de tous les physiciens. Le condensateur à feuilles d’étain se compose dé deux feuilles d’étain d'environ 5 mètres de longueur sur 0",80 de largeur. La feuille intérieure repose sur une lame de gutta-percha ; une autre lame de gutta-percha sépare tes deux feuilles d’étain. Ces quatre feuilles très minces, alternant ainsi, sont enroulées SUR LA TORPILLE ÉLECTRIQUE. 19 autour d’un bâton ; les feuilles de gutta-percha, plus larges et plus longues que les feuilles d’étain, les débordent de tous côtés, afin d'empêcher la réunion des électricités ; elles sont revêtues sur chacune de leurs faces d’un vernis à la gomme-laque. Ce condensateur, moins connu que la bouteille de Leyde, a déjà été employé par MM. Fizeaux et Guillemin; il a pour nos re- cherches l'avantage, sur une bouteille de Leyde ordinaire, d'offrir une surface quinze cents fois plus grande, une lame isolante peu épaisse, et par cela même un pouvoir condensant considérable. Lorsqu'on fait communiquer les deux feuilles d'étain par un fil conducteur, le condensateur ne se décharge pas complétement ; aussi ne faut-il pas oublier, avant de s’en servir, de vérifier s’il ne conserve pas encore des traces d'électricité provenant d’une charge antérieure. Tout étant préparé, je fais l'expérience comme il suit : On re- tire de l’eau une Torpille bien vive, en l’enlevant avec précaution par la queue, pour éviter de provoquer des décharges qui l’affai- blissent; on la pose dans un vase sans eau, et aussitôt, avec un scalpel, on fait deux ineisions parallèles à l'axe du eorps, et de chaque côté de l’encéphale. Ces deux incisions profondes ont eoupé rapidement tous les nerfs électriques du côté droit et du côté gauche. Désormais touté décharge volontaire est devenue impossible. L'opérateur n’a plus à craindre d'autre affaiblisse- ment de la puissance de l'organe que celui qui surviendra pat suite des décharges artificielles qu'il provoquera, et aussi par suite des lésions mortelles qu'il a déterminées. L'aptitude de l'organe à produire des décharges électriques est tout à fait comparable à la eontractilité des muscles ; et de même qu'uh membre, ou le train postérieur d'une Grenouille, peut manifester encore plu- sieurs heures après la séparation du reste du corps, les _Phénoz mènes d'activité vitale , de même, l'organe électrique séparé de l'animal pourra encore pendant plusieurs heures offrir les phéno- mènes spéciaux qui dépendent de son activité vitale. Maïs le scal- pel en divisant les tissus de la Torpille a provoqué des décharges volontaires ; el eu supposant que l'incision des tissus ait été faite assez rapidement pour que la section des nerfs électriques ait été 20 A. MOREAU. accomplie avant la production de ces décharges, cette section dé- termine à elle seule l’activité du nerf, et par suite le phénomène de la décharge. Un affaiblissement notable dans la puissance de l’orgañe suc- cède à ces décharges, et il convient, si l’on veut réussir dans les expériences que l’on tente, d'attendre quelque temps, de dix à vingt minutes environ, avant de provoquer une nouvelle décharge en excitant les nerfs électriques. Si l’on se hâtait, comme je le faisais dans mes premières expériences, d'exciter le nerf aussitôt que possible, environ deux à trois minutes après que la Torpille à été tirée de l’eau, on ne trouverait pas dans les appareils destinés à condenser l'électricité de quantités aussi notables que celles que l'on recueille après avoir attendu quelque temps. Aussitôt après les deux incisions faites pour couper les nerfs électriques immédiatement après leur sortie du cartilage vertébral, je pratique une section transversale à l’origine de la moelle. Tout mouvement volontaire est supprimé; j’enlève l’encéphalé, afin de faire cesser toute douleur. Un des nerfs électriques est disséqué avec soin dans l’épaisseur de la branchie, et dans une étendue suffisante. La longueur du nerf isolé, et sur laquelle on peut porter l'excitation, peut être de 5 centimètres sur les grosses Torpilles ; on fixe sur les rhéophores la portion du nerf la plus éloignée de l'organe, afin de ne pas avoir à redouter les courants dérivés. Expérience avec l'électroscope à feuilles d’or.— Les plaques dé platine étant appliquées, un des fils de cuivre, soit celui venant du ventre, est mis en communication directe avec le sol humide, l’autre va se fixer dans la borne b' de la tige B de l'interrupteur. La borne b se continue par un fil de cuivre, jusqu’au plateau ‘su- périeur de l’électroscope condensateur. L'excitation du nerf se fera au moment où le ressort sera ché; en effet, un des pôles de l'élément de Bunsen se joint par un fil direct à la machine d’induction; mais dans le trajet du fil qui unit l’autre pôle à la bobine inductrice est placée la tige À de l’inter- rupteur, et le circuit ne sera fermé que quand le ressort agira. Nous supposons le-ressort tendu d'avance ; un aide applique SUR LA TORPIAÆMÉLECTRIQUE. 2$ le: !doigt humide :soùs le plateau: inférieur de l’électroscope, et, pendant que le doigt reste appliqué, l'opérateur lâche le ressort. Uninstant après, l’aide retire le doigt, puis enlève avec la main le plateau supérieur ; les feuilles d’or divergent : on comprend ce qui s’est passé. Disons-le en quelques mots : au moment où le ressort a été lâche, il a chassé la tige A qui, dans sa course, a ren- contré la plaque métallique de la borne a’, et a permis au courant de l'élément de Bunsen de passer. Ce courant a déterminé la for- mation d’un courant dans la bobine imductive, et par suite dans les rhéophores qui compriment le nérf. Celui-ci excité a déterminé la décharge de l'organe, qui, recueillie par les plaques de platine, a été-en suivant un des fils dans la terre, et en suivant l'autre fil dans le plateau supérieur du condensateur. Ce dernier fil a passé à travers l'interrupteur; or le contact de la tige B avec la plaque métallique b a duré un peu plus longtemps que le contact de la tige À avec la plaque a, à cause de la largeur plus grande donnée à la plaque d. Dès lors, la décharge, due à l'excitation du nerf par le courant passant par la tige À, « pu passer par la tige B ; mais comme le contact est excessivement court, l'électricité re- cueillie sur le condensateur n’était pas encore revenue par le fil b vers les tissus humides de la Torpille, que déjà la plaque à était dépassée et le chemin rompu. Le plateau supérieur forme avec le fil b et la borne B un système tout à fait isolé. L'aide a d’abord retiré le doigt humide appliqué sous le plateau inférieur ; puis il a enlevé, à l’aide du mancheisolant, le plateau supérieur de l'élec- troscope cohdensateur ; aussitôt on a vu les feuilles d’or diverger. Dans l'expérience que nous venons de décrire, la face ventrale de la Torpille avait été mise en rapport avec le sol, la face dorsale, au contraire, avec le plateau supérieur de l’électroscope conden- sateur. On reconnaît par les procédés ordinaires que les feuilles d’or sont alors chargées d'électricité négative. La face dorsale de la Torpille avait done fourni de l'électricité positive au plateau supé- rieur de l’électroscope ; au contraire, quand on fait communiquer la face dorsale avec le sol, et la face ventrale avec le plateau supé- rieur, on constate que les feuilles d’or se chargent d'électricité 29 A. MOREAU, positive, et par conséquent que la face ventrale avait cédé au pla- teau supérieur de l'électricité négative. L’angle que font les feuilles d'or atteint quelquefois 180 degrés. On est toujours maître d'obtenir une divergence moindre , Pin tensité des décharges diminuant à chaque épreuve. Cette diminu- tion graduelle de l’écartement des feuilles d’or pour une excitation toujours la même, et faite après des intervalles de temps égaux entre eux et suffisamment longs, donne une mesure très nelle de la diminution d'intensité d’une propriété vitale. La: diminution graduelle de la force contractile du muscle a déjà été appréciée souvent par les physiologistes. Expérience avec le condensateur à large surface. — La dispo- Sition de l'expérience est celle que nous avons décrite pour lex: périence précédente, avec cette différence seulement que l’une des faces de l’organe électrique, qui était en communication avec la térre, est mise en communication directe avec une des feuilles d’étain; l’autre face étant d’ailleurs en rapport avéc l’autre feuille d’étain par la tige B de l'interrupteur. Pour déchañger le condensateur, je me sers d’un commutateur ordinaire qui communique soit avec un galvanomètre, soit avec les nérfs d’une Grenouille galvanoscopique. Tout étant disposé, le ressort de l'interrupteur étant tendu, on le lâche ; le nerf de la Torpille est excité ; la décharge a lieu, une partie passe par la tige B de l’interrupteur, et cetté tige, dans sa course rapide, quittant aussitôt la plaque de cuivre, la continuité est rompue, et les deux feuilles d’étain conservent" l'électricité qu'elles ont reçue. J'attends quelques instants, et je fais communiquer les feuilles chargées du condensateur avec le galvanomètre ou la Grenouille galvanoscopique, à l’aide du commutateur, mis lui-même préalas blement en rapport avec ces feuilles. Quand j'ai mis le galvanomêtre dans le cireuit, je n’ai pas obtenu de déviation; mais je pense, comme les physiciens qui ont'été témoins de cette expérience, que ce résultat négatif est dù au dé- faut de délicatesse du galvanomètre que j'avais alors À ma disposi- tion. Lorsqu’au contraire je me suis servi d’une Grenouille gal- SUR LA TORPILLE, ÉLECTRIQUE, 23 vanoscopique, j'ai obtenu une contraction énergique du train postérieur. Parmi les témoins de ces expériences, je dois citer M. Debray, professeur de physique au lycée Charlemagne; M. Drion, pro- fesseur de physique à la Faculté de Besançon ; M. Wolf, profes- seur de physique à la Faculté des sciences de Montpellier. _… L’électricité recueillie dans le condensateur vient-elle réellement de la Torpille? On peut penser qu’en excitant le nerf électrique au moyen d’un courant électrique, il se produit une dérivation de ce courant sur les tissus humides de la Torpille, et que ve courant se propage sur Jes plaques de platine et les conducteurs métalliques jusque dans les appareils condensateurs ; et qu'ainsi l'électricité, dont on con- State la présence dans le condensateur, dérive de la source.artifi- cielle qui excite le nerf, et non pas de l'organe même de la Tor- pile... ILest évident que, si les extrémités libres des rhéophores qui apportent le courant excitateur sont appliquées sur les. surfaces mêmes de l’organe de la Torpille, il pourra se produire, outre.le courant qui va par la voie Ja plus directe de l’un des rhéophores à l’autre, des courants dérivés qui, rencontrant les plaques de platine, se porteront sur le condensateur, Mais en sera-t-il de même si les rhéophores sont appliqués sur les. nerfs électriques disséqués et tenus éloignés de l’organe électrique, auquel ils ne touchent que par le-point où ils pénètrent dans son épaisseur? Si nous considérons que ces nerfs peuvent être, chez des Torpilles de grande taille, disséqués depuis leur point. d’émergence des eentres jusqu'à leur point d'entrée dans l'organe électrique sur une longueur de 4 et5 centimètres, et.que les rhéophores doivent être appliqués sur le point le plus distant de l'organe, la crainte de produire des courants dérivés sur l'organe, et par suite sur les condensateurs , diminuera; mais pour avoir une assurance com- plèle, il faut, comme je l'ai fait, montrer par des expériences directes que celte cause d'erreur ne, saurait infirmer les résultats obtenus. Pour écarter l'objection, j'ai fait les expériences suivantes : 2h A. MOREAU. . L’organe de la Torpille étant placé comme d’ordinaire sur une table, et les deux plaques de platine appliquées sur ses deux faces étant en communication directe avec le galvanomèêtre, un com- mutateur est placé entre la Torpille et le galvanomètre , un autre est placé entre la Torpille et la source artificielle d'électricité. Je fais passer un courant excitateur sur le nerf, et constate le sens de la déviation de l'aiguille da galvanomètre ; puis, à l’aide du com- mutateur placé au-dessus du nerf de la Torpille, j'intervertis les pôles des rhéophores qui touchent le nerf; je fais passer encore un courant, et constate que l’aiguille du galvanomètre se dévie toujours dans le même sens. Si l’on supposait que la déviation de l'aiguille est due à un cou- rant direct provenant des rhéophores qui excitent le nerf, il est évident qu’en changeant le sens du courant excitateur, on inter- vertirait aussi le sens du courant dérivé, et par suite on changerait le sens de la déviation de l’aiguille du galvanomètre. Or il n’en est rien ; l'aiguille se dévie toujours dans le même sens, quel que soit le sens du courant appliqué au nerf. Au contraire, si, à l’aide du commutateur placé entre la Torpille et le galvanomètre, on change le sens du courant venant de la Torpille, l'aiguille du galvano- mètre se dévie dans un sens différent à chaque interversion. D'autres preuves peuvent être tirées des expériences suivantes : Si nous considérons que la quantité d'électricité capable de pro- duire l'extension brusque de la Grenouille galvanoscopique, lors qu’on décharge le condensateur à feuilles d’étain sur ses nerfs, peut être excessivement faible, on doit se demander encore si un courant très faible, qui passerait à travers l’interrupteur dans le condensateur, n’y laisserait pas une quantité d’électricité suffi- sante pour produire l’excitation des nerfs de la Grenouille. Or la face’dorsale et la face ventrale de la Torpille ne sont jamais dans un état d'équilibre parfait ; et il existe habituellement un courant très faible, que l’on peut constater même sur des points qui ne correspondent pas à l'organe électrique. J'ai voulu voir si ce faible courant pouvait à lui seul laisser une trace d'électricité dans le condensateur. J'ai done appliqué sur chacune des faces de l'organe une feuille de platine, que j'ai mise en communication avec les SUR LA TORDILLE ÉLECTRIQUE. 25 feuilles d’étain, un des fils de communication passant par la branche B de l'interrupteur Gil n’y avait point d’excilation portée sur le nerf électrique); puis j'ai lâché le ressort, et déchargeant aussitôt le condensateur sur la Grenouille galvanoscopique, j'ai constaté l'absence d’excitation, et par conséquent l’absence d’élec- tricité dans le condensateur. Ainsi le courant qui peut s'établir lorsqu'on applique les lames de platine sur les deux faces de l’organe n’a pu charger le conden- sateur, de manière à agir sur la Grenouille; et nous admettrons done que les charges électriques manifestes obtenues dans le con- densateur étaient dues à la décharge de l'organe provoquée par l'excitation du nerf. CONCLUSIONS. 1. La théorie qui suppose que l'électricité de la décharge pro- vient des centres nerveux est inadmissible. 2. La théorie qui suppose que l'électricité de la décharge résulte de réactions chimiques dues à des sécrétions se faisant sous l’in- fluence nerveuse est infirmée par les expériences décrites, 3. Les nerfs électriques ne possèdent pas de courants centri- pêtes. k. Dans la Torpille empoisonnée par le curare, les nerfs élec- triques conservent leur activité physiologique longtemps encore aprés que les nerfs musculaires ont perdu la propriété d’exciter le tissu musculaire. 9. Il existe pour l'appareil électrique un état tétanique ana- logue à celui qui existe pour l'appareil musculaire, et se mani- festant dans les mêmes conditions. 6. L’électricité de la Torpille peut être obtenue captive dans un condensateur. Ce travail, présenté à l'Académie des sciences, a été l’objet d’un rapport, à l’occasion duquel M. Matteucei a adressé à PAca- démie une note dans la séance du 26 mai 1862 26 A, MOREAU, Il ne “m'appartenait pas de répondre devant l’Académie , mais l'autorité dont jouit le célèbre professeur Matteucci, particu- lièrement dans les questions d’électro-physiologie, m'oblige à ajouter quelques détails à la réponse faite, dans la séance. du 2 juin 1862, par M. Becquerel, rapporteur de la Commission, La première remarque de M. Malteucci relative à mon travail est celle-ci : «Il parait que M. Moreau à voulu examiner si l'électricité se » produit dans le cerveau; pourtant il y a une expérience très an- » cienne et très simple qui ne laissait aucun doute. Il s’agit de » prendre sur une Torpille vivante un. tout petit morceau de -l’or- » gane aussi gros que la tête d’une épingle; de quelque manière » qu'on irrite le filet nerveux de ce morceau, on a la décharge » qui se montre au galvanomètre, et à la Grenouille galvanosco- » pique. » L'expérience que cite M. Matteucci ne répond vraiment pas à la question posée page 6 de ce travail : Peut-on considérer l’or- gane comme un condensateur recevant l’électricité des centres ner- veux par l'intermédiaire des nerfs, et la conservant jusqu’au mo- ment où, sous une influence nerveuse, la décharge se produit ? En effet, un morceau de l'organe, quelque petit qu'il soit, est dans cette supposition un fragment du condensateur, et conserve une partie de l'électricité condensée. Et de même que si l’on enlève un fragment d'un carreau de Leyde ou d’un condensateur quel- conque de forme convenable, on juge que l’électricité qu'on trouve dans ce fragment provient de la même source que celle qui charge tout le condensateur ; de même, si l'on admet que l’organe de la Torpille à reçu l'électricité des centres nerveux, on doit admettre que celle qui est dans un fragment de l'organe, et qui est rendue manifeste au moment des décharges, provient aussi des centres nerveux. | Quelques lignes plus loin, M. Matteucci ajoute : « Il n'est pas » nécessaire de faire noter que, si un tout petit morceau d’organe » peut donner la décharge, il faut bien admettre que cette fonction » n’exige pas la présence du sang. » Ainsi M. Matteucei considère comme inutile l’expérience que SUR LA TORPIBLB+ ÉLECTRIQUE, 97 j'ai faite, et qui consiste à remplir de suif les plus petits vaisseaux sanguins de l'organe, et à constater, quand le suif est solidifié, que la décharge peut encore être obtenue. Je ferai remarquer que, dans des vaisseaux dont la continuité avec le reste du système circulatoire est détruite, tous les phéno- mènes dus à la présence du sang ne sont pas détruits pour céla. On sait aussi que, dans les phénomènes de calorification, les petits vaisseaux se contractent ou se dilatent sous des influences ner- veuses. Il est permis de supposer que, sous l’influence des nerfs électriques, les vaisseaux d’un fragment d'organe se dilatent ou se resserrent, et que, dans ces conditions, les éléments du sang, transsudant à travers les parois des vaisseaux ou s’échappant par les bouches béantes dans les tissus voisins, déterminent des réac- tions chimiques, causes prochaines de l'électricité de la décharge. Ces phénomènes sont possibles dans un fragment d’organe si petit qu'il soit, pour peu qu'il contienne quelque tronçon de vaisseau ; mais dans-des vaisseaux remplis de suif, l'influence du sang n’est plus admissible, puisqu'il n’y en a plus. M. Matteucci dit encore dans sa Note : « J'ai depuis bien des » années établi que les poisons narcotiques :et le curare n’altèrent » pas les fonctions électriques de la Torpille,et qu’on peut exciter » la décharge en irritant les nerfs de la Torpille empoisonnée, » résuliat bien différent de celui qu’on obtient en agissant sur les » nerfs moteurs et sur les muscles. » Ce passage ayant rapport à une question essentielle de mon tra- vail, et jugée telle par les commissaires de l’Académie, je dois Y répondre avec quelque détail, Je dirai d’abord qu'il faut supposer une érreur dans la rédac tion où une faute d'impression; en effet, dans le passage que je viens de citer, M. Matteucci dit que l’on obtient, en irritant les nerfs électriques, les effets physiologiques ordinaires dus à cette irrilation, tandis qu'en agissant sur les nerfs et les muscles, on n'obtient pas les effets physiologiques ordinaires dus à leur exci- tation. Mais tout le monde sait qu’en agissant sur les muscles d’un animal curaré, on obtient la contraction des muscles. Ces organes conservent deurs-propriétés physiologiques intactes et même exa> 28 A. MOREAU, gérées, comme l'a dit M: CI. Bernard. Les nerfs ioteurs seuls sont entièrement paralysés. J'ai recherché dans quel ouvrage M. Matteucci à publié des expériences relatives à l’action du curare sur la Torpille; je n’ai trouvé que les lignes suivantes du journal Nuovo Cimento, 1860, t. XIT, Julio-Agosto, p. 9, au chapitre intitulé : Sul potere electro- motore dell’ organo della Torpedine ; memoria di Carlo Matteucér. Voici le passage : « Ho preso due Torpedini ad una delle quali » ho: iniettato sotto la pelle della Schiena una certa quantita di »soluzione di curaro. Notero di non aver riscontrato differenza » nel tempo trascorso fino a che le due Torpedint si potessero con- » siderare morte, ne mi è parso scorgere una differenza distinta ».fra le contrazioni svegliate nei due peset irritando la midolla » Spinale. Quesla esperienza comparativa fu ripetuta tre volte e » non trovai alcuna differenza notevole fra il potere elettro motore » degli organi dei due pesei. » | C’est, comme on le voit, au point de vue du pouvoir électro- moteur que M. Matteucci examine l’action du curare sur la Tor- pille. Pour moi, j'étudie cette action au point de vue de l’excita- bilité des différents nerfs de la Torpille. Ce sont donc deux questions différentes, et par suite les résultats obtenus dans ces deux ordres de recherches peuvent n'avoir entre eux aucun rapport. On sait, en effet, que le pouvoir électromoteur consiste dans la présence d’un courant excessivement faible, produisant sur l'aiguille du galvanomètre une déviation permanente, que l’on peut constater pendant des jours entiers. Ce pouvoir est analogue à celui qui existe dans les muscles et d’autres organes. Le phénomène de la décharge est, au contraire, un phénomène instantané qui appar- tient essentiellement à l'organe électrique. Je n'ai pas abordé dans mon travail l'étude de ce pouvoir électromoteur ; les physiolo- gistes savent que tout ce qui a été fait sur ce pouvoir chez la Tor- pille est dû aux travaux de M. Matteucci. Dans toute expérience dont les résultats sont offerts comme nouveaux, il importe beaucoup que l’expérimentateur donne des détails suffisants pour permettre de reproduire et de juger ce qu'il annonce. La complexité des phénomènes rend l'analyse SUR LA TORPILEE ÉLECTRIQUE. 29 physiologique difficile, et ce n’est quelquefois qu'après un siècle que l’on peut donner à certaines expériences leur vraie signifi- cation. Dans le passage que nous venons de eiter, il est facile, à ceux qui ont l’habitude des réactions physiologiques, de voir que l’on ne peut tirer des expériences citées aueune conclusion même en ce qui regarde. le pouvoir. électromoteur. de l'organe de la Torpille. Voyons, en effet,ce qui est dit dans le Nuovo Cimenlo : « La Tor- » pile non-empoisonnée et la Torpille soumise à l’action du curare »sontmortes dans le mêmetemps. L'irritation de la moelle épinière »'a déterminé dans les deux poissons les mêmes contractions. » “Ces détails suffisent pour établir d’une manière certaine que la Torpille n’a pas subi l’action du curare; en. effet, une Torpille cura- rée meurt beaucoup plus vite qu'une Torpille qui n’est pas empoi- sonnée ; en outre, une Torpille curarée dont on irrite la’ moelle épinière n'offre jamais de contractions. Le premier effet du curare étant dé paralyser les nerfs du mouvement, toute excitation portée sur là moelle épinière où sur les nerfs né détermine aucune con- traction ; et cependant les muscles se contractent encore parfaite- ment quand on les excite directement. J'aidù, dans la communication que j'ai faite à P Académie le 8 oc- ” tobre4860, préciser ees conditions, sans lesquelles mes expériences ne pouvaient avoir aucune valeur aux yeux des physiologistes. Le lecteur se demandera peut-être comment il se fait que des Torpilles, qui ont reçu sous la peau du dos une substance aussi active que le curare, n’en aient pas subi les effets. Les détails don- nés dans l’article cité ne suffisent pas pour répondre avec sûreté à cette question. Mais nous pouvons rappeler d’une façon générale que l’action des poisons est en raison des doses, et quele eurare-est difficile à doser, parce qu’il est plus ou moins mêlé avec des ma- tières extractives qni en diminuent l'énergie; en outre, cette action dépend beaucoup de la vitalité de l'animal, et il faut avoir soin, pour bien juger les effets physiologiques de cette substance, d’agir, comme dans toutes les expériences de ce genre, sur des individus aussi sains et aussi énergiques que possible. 50 A. MOREAU,. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 4. La Torpille. — On a enlevé la peau qui recouvre l'organe électrique du côté gauche. On voit quatre nerfs qui se distribuent dans lorgane ; les trois derniers prennent leur :origine au bulbe rachidien, désigné . ordmaire- ment dans ce poisson sous le nom de lobe électrique. Fig. 2. L'interrupteur. — La tige C est de verre et remplie de substance iso- lante. Le ressortest tendu, et quand le crochet sera écarté, le ressort chassera les deux tiges À et B. La borne figurée arrêtera la tige A, et par conséquent le système des deux parallèles. Dans leur course rapide, les tiges A et B au-. ront été au contact des plaques métalliques a et b. Les quatre bornes qui soutiennent les tiges À et B sont de verre plein, recouvert d’un enduit de gomme laque. Le ressort est doublé avec une plaque d'ivoire dans la partie qui touche la tige A. ; Fig. 3. Expériences avec l'électroscope à feuilles d'or. — Un élément de Bun- sen est figuré, et l'un de ses pôles est uni directement avec une des bornes de Ja machine d'induction ; l'autre est joint par un fil à la borne a; et la borne 4 est unie à la seconde borne de la machine d'induction.— Les deux rhéophores portant le courant induit sont fixés à l’un des nerfs de l'organe électrique. Sur la face dorsale de cet organe on voit une plaque de platine qui commu- nique par un fil à la borne b”, et la borne b est unie äu plateau supérieur de l'électroscope. La face ventrale est en communication par une plaque de pla- tine cachée et le fil T avec la terre humide. Le deuxième temps de l'expé- rience est aussi figuré : on voit, au morñent où la main enlève le plateau, les feuilles d’or diverger. Fig. 4. Expériences avec le condensateur à large surface. — Même disposition générale ; mais la face ventralé de la Torpille est unie à une des deux lames d'étain du condensateur. Un commutateur interposé entre la Grenouille et le condensateur est figuré dans une position qui ne permet pas le passage de l'électricité. — F1 y a done un second temps non figuré qui consiste à établir les contacts du commutateur, et par suite, le passage de l'électricité recueillie dans le condensateur sut les nerfs dela Grenouille. MONOGRAPHIE CRUSTACÉS FOSSILES DE LA FAMILLE DES CANCÉRIENS, Par M. ALPHONSE MILNE ED\WARDS,. PREMIÈRE PARTIE. $S IL. DES LIMITES NATURELLES ET DES CARACTÈRES DE LA FAMILLE DES CANCÉRIENS. Le genre Cancer, dans le Systema naturæ de Linné, compre- nait la plupart des Crustacés podophthalmaires, les Macroures, aussi bien que les Brachyures (1); mais, à mesure que les con- naissances çareinologiques avancèrent, cette division se restrei- gnit de plus en plus. Ainsi Fabricius, en 1798, n’appliquait le nom de Cancer qu'à un groupe de Décapodes brachyures qui correspond à peu près à la famille des Cancériens, tels que l’ont délimitée les carcinologistes modernes (2); il y faisait cependant encore rentrer : 4° le Cancer Mœænas, dont Leach forma un venre sous Je nom de Carcinus, et qui doit se placer dans la famille des Portuuiens; 2° quelques Grapses, tels que le C. varius. Latreille restreignit davantage cette séction de ses Brachyures arqués, tout en y faisant entrer les Hépates, etc. (3). Enfin, dans son Histoire naturelle des Crusiacés, M. Milne Edwards désigna sousle nom de tribu des Cancériens tous les Cyclométopes à pattes postérieures semblables aux précédentes, terminées par un article (4) Linné, Systema naturæ, édit. XII, t. 1, p. 1038 (4767). (2) Fabricius, Supplementum Entomologiæ systemalicæ, p. 334 (1798). (3) Le Règne animal de Cuvier, 2° édition, 4829, t. LV, p. 36. 22 ALPHONSE MILNE EDWARDOS, styliforme, et par conséquent non natatoires. Il divisa cette tribu en trois groupes, ayant pour types les OEthres (1), les Crabes et les Ériphies (2), et qu’il appela groupes des Cancériens crypto- podes, des Cancériens arqués et des Cancériens quadrilatères (3). Tous les carcinologistes n'ont pas limité de même la famille qui nous occupe ici; ainsi dans le système de classification em- ployé par De Haan, plusieurs des Cancériens de M. Milne Edwards prennent place dans une autre famille d’égale importance, celle des Corystiens : les Piriméles et les Chlorodes, par exemple, se trouvent à côté des Corystes et des Carcins (4); mais ce système de rangement est complétement artificiel, et basé seulement sur la forme des appendices masticatoires. Enfin, dans son beau traité de carcinologie, M. J. Dana ne conserve pas la famille des Can- cériens, telle qu’elle avait été établie par M. Milne Edwards ; 1l la rernplace par deux divisions d’égal rang, celle des Cancridæ et celle des Eriphidæ ; puis il subdivise les Cancridæ en Cancrinæ, Xan- thinæ, Chlorodinæ et Polydectinæ, le groupe des Xanthinæ formant avec les Chlorodinæ une série parallèle (5) ; en effet, les modifica- tions de forme sont à peu près les mêmes dans ces deux groupes; seulement chez les premiers , les doigts des pinces sont aigus, tan- dis qué chez les autres ils sônt terminés en cuiller. Nous aurons l'occasion de revenir sur l'importance de ce caractère, auquel on à assigné une valeur d’un ordre bien supérieur à celle qu’il pos- sède en réalité. -Les Æriphidæ sont ensuite subdivisés en quatre groupes : les OŒEthrinæ, les Ozine, les Actumninæ et les Eri- phinæ. Ce système de classification est beaucoup plus naturel que celui qu'avait proposé De Haan. Chacun des groupes ainsi formé est très homogène ; mais on peut faire à ce mode d’arrangement un grave reproche, c'est de faire disparaître une division qui, reconnue par tous les carcinologistes depuis Fabricius, comprend (A) Voy: le Règne animal, Crusracés, atlas, pl 38, Ge. 2, (2) Voy. le Règne animal de Cuvier, atlas, Crusracés, pl. 14, fig, 4, (3) Milne Edwards, Hist. nat. des Crustacés, t. 1, p. 368 (1834). (4) De Haan, Fauna japonicu, p. 4. \9) TA Dana, United-Stateseæploring Expedition, Crusracea, &. 1, p. 447, CANCÉRIENS FOSSILES. 98 . un ensemble de types semblables par leur organisation tant exté- rieure qu’intérieure, celle des Cyclométopes marcheurs. Je conserverai donc à la famille des Cancériens les limites que M. Milne Edwards lui avait données, et je comprendrai sous ce nom tous les Cyclométopes dont les pattes postérieures sont orga- nisées pour la marche, c’est-à-dire terminées par un doigt styli- forme. s IL Ainsi que je lai déjà dit dans un précédent mémoire, la grande division des Cyclométopes, ou Décapodes brachyures arqués, comprend deux types principaux : celui des Portuniens ou Cyclo- métopes nageurs, et celui des Cancériens ou Cyclométopes mar- cheurs. Les principaux caractères distinctifs de ces groupes sont four- nis par la conformation des pattes postérieures, dont le doigt ou dernier article est styliforme chez les marcheurs et lamelleux chez les nageurs. Mais la ligne de démarcation qui les sépare n’est pas aussi nettement tracée qu'on l’a pensé jusqu'ici, car non-seulement il est des Portuniens chez lesquels les particularités d'organisation propres au type nageur s’effacent presque complétement, mais il est aussi des Cancériens dont les pattes postérieures s’élargissent, et deviennent sinon des rames nataloires, au moins des organes propres à creuser le sable, fort semblables aux pattes postérieures du Carcinus Mœnas. Le Cancer magister (1), dont je propose de former un genre particulier sous le nom de Metacarcinus, présente ce mode d’or- ganisation, et établit par conséquent un passage entre les Cancé- riens typiques et les Portuniens, bien que, par son ‘aspect général et tous ses autres caractères, il ressemble complétement aux Cancers. (1) Voy. Dana, United States explor. Exped., Crusracea, t. [, p. 4514, pl. 7, fig. 4. 4° série, Zoo. T. XVIIL, (Cahier n° 4.) 3 3 3l ALPHONSE MILNE EDWARDS. Nous savons déjà que les Portuniens ne sont pas les seuls Bra- chyures chez lesquels on trouve des pattes nageuses. Il en existe également chez les Varunes (4) qui sont des Grapsoïdiens ; chez les Maiutes (2), les Orythies (3) et les Nautilocorystes (4), qui sont des Oxystomes. Ces différentes espèces peuvent être considérées comme des formes correspondantes dérivant de types différents. D’autres formes intermédiaires relient d’une manière non moins intime les Cancériens aux Catométopes. Ainsi les Ériphiens ont beaucoup d'analogie avec certains Thelphusiens, et le passage des Panopées aux Gonoplaces se fait d’une manière si graduelle par les Galènes et les Pseudorhombiles, que la limite naturelle entre les Cyclométopes et les Catomélopes est très difficile à préciser; aussi existe-t-il parmi les naturalistes de grandes divergences d'opinion à ce sujet, et les uns rattachent au premier de ces types plusieurs genres que d’autres considèrent comme appartenant au second, et vice versé. Pour les fossiles où il est en général impossible d'observer diverses parties caractéristiques d’une grande importance pour la classification de ces Brachyures, la position des pores génitaux du mâle par exemple, il devient plus difficile encore de déter- miner si certaines espèces sont des dérivés du type Cancérien ou du type Ocypodien, et on est souvent obligé de s'appuyer sur des ressemblances plus on moins grandes avec des espèces vi vantes dont la position zoologique est bien connue. Pour avoir une idée nette de la famille des Cancériens, il faut donc ne consi- dérer d'abord que les principaux représentants de ce groupe, et négliger momentanément les espèces aberrantes. $ III. Dans l'immense majorité des cas, l’aspect général de la carapace suffit cependant pour faire reconnaitre si un Crustacé appartient ) Cancer litleratus Fabr, Voy. Herbst, Krabben und Krebse, pl 48, fig. 4. ) Voy. Le Règne animal, op atlas, pl. 7, fig. 4. 3) ÿ) Vo 07: loc. cit, pl. 8, fig. Voy. loc. cil., pl. 23, 4 2; (1 (2 ( CANCÉRIENS FOSSILES. 39 vtr FOR 11 ou non à la famille des Cancériens. En elle, ces derniers sont de lous les Brachyures ceux qui méritent ‘le mieux le nom de C ‘abes arqués que Éatreille leur : appliqué. Presque toujours leur cara- pace à la forme d’une ellipse, dont le grand diamètre serait trans- versal, el dont la portion postérieure serait plus ou moins forte- ment lronquée de chaque côté (1). Un mode de conformation analogue se voit chez certains Catométopes ; mais alors l élargis- sement de la carapace est dû principalement au grand développe- ment des régions branchiales} et les régions hépatiques sont plus ou moins rudimentaires ; tandis que chez les Cancériens , CE Sont ces dernières régions qui contribuent le plus à donner au COrps sa forme “ovalaire, et les régions branchiales sont de grandetr médiocre. Chez quelques Cancériens, les Piriméles par exem- ple(2), la forme de la carapace ne diffère pas notablement de celle de certains Portuniens; mais d'ordinaire elle peut suffire pour faire reconnaître au premier coup d’œil les membres de ces deux fa- milles naturelles. En effet, les Cancériens ont presque toujours le corps plus épais que les Portuniens; jamais ils ne présentent de srands prolongements latéraux, semblables aux cornes qui termi- nent en arrière les bords latéro-antérieurs de la carapace chez les Neptunes et les Lupées. Ces bords sont souvent plus fortement arqués que chez les Cyclométopes nageurs, et se recourbent posté- rieurement en dedans, disposition qui ne se voit pas chez ces der- niers. La carapace présente dans beaucoup de cas des lobulations fortement indiquées qui ne se voient chez aucun Portunien. Le front ne se prolonge pas en manière de rostre , comme chez les Oxyrhynques (3), et jamais il ne se rabat sur l’anneau antennu- laire, comme on le voit chez les Grapses (k) et les Ocypores (5) ; au contraire , il s'avance à peu près horizontalement au-dessus et (1) Exemple : le Cancer (ou Atergatis) inlegerrimus ; voy. le Règne animal de Cuvier, Crusracés, atlas, pl. 44 bis, fig, 1, (2) Yoy. le Règne animal. Crustacés, atlas, pl. 42, fig. 4. 3) Voy. le Maia squinado, Règne animal, Crusracés, atlas, pl. 30, fig. ?. (4) Voy. le Grapsus pictus, loc. cit., pl. 22, fig. 4, 42, 4b, (5) Voy. l'Ocypode ceralophthalmus, luc, cit,, pl. 17, fig. 4 et 4, 36 ALPHONSE MILNE EDWARDS. au-devant des fossettes antennulaires et de la base des antennes externes (1); il est en général épais, entier ou découpé en lobes ou en tubercules obtus. La région antennaire fournit aussi de bons caractères pour-la détermination des Cancériens; et sur la plupart des échantillons fossiles, avec un peu de soin et de patience, on peut parvenir à en dégager complétement les diverses parties. En général, l'apophyse antennulaire, ou prolongement médian de l’épistome qui sépare les fossettes antennulaires, est large, aplatie, et arrondie en avant (2); jamais elle ne dépasse le bord frontal ; au contraire, nous avons vu que chez les Portuniens cette disposition se rencontrait souvent, et que chez les divers repré- sentants de ce groupe cette apophyse était toujours mince et la- melleuse ou spiniforme. Les fossettes antennulaires sont quelque- fois longitudinales, tandis que chez tous les Portuniens elles sont toujours obliques ou transversales. Quelquefois l’article basilaire des antennes externes se trouve complétement exclu de Porbite, par suite de la jonction de l’angle sourcilier interne avec la dent sous-orbitaire correspondante, comme on le voit chez les Ériphies (3). Le cadre buccal, au lieu d’être coupé carrément en avant comme chez les Portuniens, est tronqué à ses angles latéro-antérieurs (4). Enfin les pattes antérieures peuvent fournir également quelques bons caractères distinctifs. Ainsi les mains sont fortes, courtes et épaisses; quelquefois elles offrent une crête en dessus, mais leur face externe n’en présente jamais. Nous avons, au contraire, re- marqué que, chez les Portuniens, elles portaient presque toujours des épines sur leur bord supérieur ; chez les Cancériens, on y voit parfois des tubercules, mais pas d’épines. Les doigts sont trapus, obtus, quelquefois terminés en cuiller, et armés de tubercules ordinairement mousses. (1) Voy. le Cancer (ou Atergatis) integerrimus. Le Règne animal, Crusracés, atlas, pl. 41 bis, fig. 4°. (2) Voy. Le Carpilius maculatus, loc. cit., pl. 11, fig. 22, (3) Voy. l'£riphia spinifrons, loc. cit., pl. 11, fig. 4. (4) Voy. le Carpilius maculatus, loc. cit, pl, 14, fig, 2», CANCÉRIENS FOSSILES. S7 Il en résulte que, dans la plupart des cas, on peut aisément re- ‘ connaître les Crustacés qui appartiennent à ce type, lors même que l’on n’a sous les yeux qu'une carapace ou une pince, ainsi que cela est souvent le cas lorsqu'il s'agit des espèces fossiles. $ IV. DES CANCÉRIENS FOSSILES. Jusqu'à présent on ne connaissait bien qu'un très petit nombre de Cancériens fossiles, et la plupart avaient été nommés sans des- criptions ni figures ; il en résultait une grande confusion dans la nomenclature, et souvent la même espèce portait à la fois trois ou quatre noms différents. J’ai pu, grâce aux matériaux considéra- bles réunis au Muséum d'histoire naturelle, examiner de nombreux Len de chacune de ces espèces, et établir leur synonymie. es Cancériens fossiles les plus anciennement connus sont ceux du ris nummulitique des environs de Vérone, de Vicence et de Bologne. Au xvu° siècle, on en avait déjà figuré dans plusieurs recueils, et, en 1822, Desmarest en décrivit quelques-uns, tels que le Cancer punctulatus, le C. macrochelus ; il fit aussi con- naître le €. quadrilobatus des environs de Dax. D’autres espèces ont été indiquées en Allemagne par M. H. Meyer, et en Angleterre par MM. Th. Bell et M’Coy. Sur le même sujet, on doit à M. Reuss de nombreuses et nouvelles observations. Mais jusqu’à présent on ne cherchait pas à comparer les Crustacés fossiles aux espèces vivantes, et on se contentait de leur donner un nom spécifique, joint au nom générique de Cancer, pris dans son acception la plus vaste. L'étude du genre est cependant l’une des plus intéres- santes ; c’est d'elle qu’on peut tirer le plus d’induction, quand on veut établir des rapports entre la faune vivante et les faunes des époques géologiques. Parmi les Cancériens fossiles, la plupart appartiennent à des genres aujourd’hui éteints, et dont on ne retrouve pas d’analogue dans la nature actuelle ; mais ils ressemblent beaucoup à certains de nos types, dont ils ne paraissent n’être que des modifications, 98 ALPHONSE MILNE EDWARDS, trop profondes cependant pour pouvoir rentrer dans le même cadre. C’est ainsi que le genre Palæocarpilius présente beaucoup d'aflinités avec les Carpilies de nos mers; mais ces derniers n’offrent jamais de tubercules aux bords latéro-antérieurs et à la main. Les Harpaclocarcins, les Phlycténodes, les Reussia, sont très rapprochés des Carpilies, des Liomères, des Carpilodes, et cependant s’en distinguent toujours par quelque caractère fonda- mental. Il est à noter que l’on rencontre des Cancériens fossiles depuis les terrains crétacés, mais qu'ils sont surtout abondants dans les couches de calcaire à nummulites. $ V. DE LA CLASSIFICATION DES CANCÉRIENS. La classification intérieure de la famille des Cancériens pré- sente des difficultés considérables, et me parait nécessiter une révision complète. La plupart des genres qui y ont été établis correspondent À à des ly pes secondaires, qui méritent d'être rangés dans autant de divisions particulières ; mais les particularités d'or- ganisation dont on a fait usage pour © car aclériser les | groupes dont ces types sont les] principaux représentants, n’ont pas la valeur q qu ‘on leur à attribuée; il en résulte qhe beaucoup de ces coupes sont com- plétement itites Pour s’en convaincre, il suffit de chercher à déterminer génériquement les diférentes espèces decette famille, Sans faire usage des caractères empiriques sur lesquels reposent (E plupart des genres ; ; quelque familiarisé que l’on soit avec le facies de ces pH 0en il est souvent impossible d'y parvenir. En elfe, dans ce système de classification, certaines espèces, qui dif férent beaucoup entre elles, se trouvent rangées dans ün même groupe, et d’autres espèces qui se ressemblent extrêmement ont du être réparties dans des genres différents, par le seul fait de l'existence où de l'absence de la parlicularité org ganique, à raison de laquelle a division a été établie, et cette particularité de struc- ture est bien loin d'être ce que Cuvier appelait un caractère domi- au hu CANCÉRIENS FOSSILES- 29 naleur. Elle n entraine avec elle aucun mode particulier de con- formation dans d’aütres parties de l écononiie, et elle peut anquer, sans que son absence coïncide nécessairement avec d’autres mo difications organiques. | Il en est résulté que, dans l’état actuel de la carcinologie, la classification naturelle des Cancériens fossiles est presque IMpOS- sible ; car les parties fort délicates, que les auteurs ont, en général, choisies pour établir les divisions en agèles ou en genres, sont rarement visibles sur les échantillons dont les paléontologistes disposent, et dans un grand nombre de cas on ne peut y suppléer par des considérations tirées de la forme générale de l’animal, ou du mode de structure des parties observables. Pour permettre d éludier méthodiquement les Cancériens fos- siles, | il m'a donc paru nécessaire de chercher d abord à rendre plus natu relle la classification générale des Crustacés de cette grande famille. Dans une autre publication, je rendrai compte de ce travail préliminaire qui à porté principalement sur les espèces récentes ; et je discuterai la valeur des faits sur lesquels Je me fonde, pour proposer des modifications aussi considérables dans la distribution 200logique des Cancériens; je ne pourrai entrer ici dans tous ces détails sans trop m'éloigner de l objet principal de ce mémoire, et Je me bornerai à indiquer brièvement les résul= als auxquels je suis arrivé, c’est-à-dire la classification qui me semble être la plus naturelle, et par conséquent la plus propre À servir de base à l'étude des Cancériens fossiles. $ VI. Lorsque l’on examine l’ensemble du groupe formé par les Can- cériens, on y remarque tout d’abord cinq formes principales qui y dominent, et deux formes non moins bien caractérisées qui n’ont que très peu de représentants, et qui semblent se rapprocher de quelques autres types. Comme représentants de ces diverses formes, je citerai d’une part les genres Carpilie, Cancer, Xanthe, Ériphie et Trapézie; et d'autre part, les OEthres et les Galènes. h0 ALPHONSE MILNE EDWARDS, La grande famille des Cancériens me semble donc devoir être subdivisée en cinq groupes ou agèles principaux, auxquels on don- nerait les noms de Carpilides, Cancérides, Xanthides, Eriphi- des et Trapézides, et en deux agèles de transition, à savoir : les OEthrides qui relient le type Cancérien aux Oxyrhynques, et les Galénides qui sont intermédiaires aux Ériphides et aux Catomé- topes. Enfin il existe aussi certaines espèces de Cancériens qui semblent établir le passage entre quelques-uns des groupes natu- rels dont je viens de parler, sans pouvoir cependant prendre place dans aucun d'eux, et par conséquent pour mettre la classification de tous ces Crustacés en harmonie avec les modifications de struc- ture que l’on y rencontre ; il me semble nécessaire d'ajouter aux cinq agèles principaux dont je viens de parler, deux autres agèles accessoires, composés l’un des Pirimèles, l’autre des Liagores. Les Cancériens seraient donc répartis en neuf divisions, savoir cinq agèles principaux et quatre agèles secondaires ou acces- soires, dont les caractères les plus saillants et les plus utiles aux paléontologistes peuvent être résumés de la manière indiquée dans le tableau ci-joint (voyez à la page suivante). En traitant successivement de chacun de ces agèles, j'en ferai connaître d’une manière plus complète les caractères organiques et j'indiquerai les divisions génériques qui doivent y être établies. Mais avant d'aborder cette partie de mon travail, je crois devoir rappeler que si les types secondaires dont je viens de parler sont faciles à distinguer entre eux, les groupes formés par leurs dérivés se rencontrent et se confondent presque sur certains points de leurs limites, en sorte que quelques espèces semblent pouvoir être placées avec presque autant de raison dans l’un ou dans l'autre de ces agèles voisins. Du reste, des difficultés analogues se ren- contrent dans tous les groupes un peu nombreux du règne animal, et ne doivent pas nous faire renoncer à un mode de rangement qui paraît être réellement naturel. = *SaQIZAdYUT, "SAGINTIVI) "SAGIBAIUT "SAGIHINVY SACIUOIVIT ENS FOSSILES, 2 CANCERI "SAIT "SAalTIduv”) "SAGIUHLT) *SATIUTINY) pese sss ee esse esse + + “on8uo onb eSJe[ suiou oedeueo ‘oouru sd407) “ouggepupenb : LT TOR Se RON) onbsoid ‘jueae \ -uoque 91[081 e[ 2807 mb snyeiq ua oonbie nod un suepap ua juejuosad so] o0edeue) _1quo ‘oSie juowaoompaur juou ?°* * * * * * * “ENSUO] onb oSue sajd ooedeses ‘sieda sdio7 eee se ee: + suepop ue soso) sojiquo ‘9846, S911 JUOI A éseses eee -spuep ooedeleo e[ ep S1N2119IUE-0197] spaoq ‘sredo quetuelootpaut sd107)- *Sa[ESI2ASUE I] “qjuouaunon salle[nuuaque 52712850 4 “tt + * ‘SoIN9HTUL-0I9E] + RSS Loysod ‘suepop uo sed juequnoo siuop ep naanod9p 3e stedg sda09 CCR QU AANANQNNS - GHNCE SONT ‘ =. e ‘ol318[9 JuomedoIpau 29edeer) vtt tt tt * *Se[eupnySUO] SaJPNUUTJUE $01105S04 APE egnbue juotu97:0} tt + +: * ‘e9quoq s947 o9edeie2 ‘2A1[99P S91J JUOIX -9edexe) j ses eee + + “çomonuesod “JUaUINaN soyjed sop oseq e] op snssep-ne -g1s0d SUBLOPAS TUEASIDAEN, GER queuear,s 49 ‘a1na19S0d-01978] ‘sgnbie juewo]10 S911 SINAHQIUE eunyeouou sues outejeao o0dese) À -s3quog nod eoedeses | "°"71l spaoq e aS4e] soi} 9edeue,) -samouasod soyed sop oseq ej [1210021104 NO 9AS[SI TUOI ep snssop-ne sed jueueae,s ou ‘juawainonyjs0d 9109 enbeyo op jueuenbrygo eonbuor ooedeier "SNALUMINVI L2 ALPHONSE MILNK EDWARDS. 8 VII. TOR CRM: + . jy us DE L'AGELE DES CARPILIDES. L'agele des Carbillles telle que je crois devoir la délimiter; se compose des Cancériens à carapace large, boribée dans tous les sens et ne présentant jamais | aplatissement que l’on remarque à la partie postérieure , du bouclier céphalo- thoracique chez la plu- part de Xanthiens. Le front est large et très déclive, les bürds latéro-antérieurs sont très longs el fortement arqués postérieure- ment, où ils se recourbent en dedans. Enfin la portion postérieure de la carapace comprise entre le niveau de la terminaison des bords latéro-antérieurs et le bord postérieur est très peu dévelop - pée et occupe très rarement plus du quart de la longueur du cé- phalo-thorax. L'article basilaire des antennes externes est bien développé, et leur tigelle mobile s’insère dans l’hiatus orbitaire interne. La tigelle mobile des antennules se reploie très obliquement däns les fos- settes creusées sous le front et destinées à les loger. Chez les Cancers ou Platycarcins ces appendices se reploient longitudinale- ment. L'agèle des Carpilides comprend un nombre considérable d'espèces soit vivantes, soit [os ssiles. Ces espèces forment des genres dont plusieurs paraissent présenter entre eux de grands rapports et constituer de petits groupes. Pour en faciliter la déter- mination, je proposerai done de diviser les Carpilides en : 4° Carpilides marginés, 2° Carpilides transversaux, 3° Carpilides bombés, 4° Carpilides lobulés, 5° Carpilides lagostomes, 6° Carpilides anormaux. Ces divisions sont surtout utiles pour arriver rapidement à la détermination des espèces, et elles facilitent beaucoup l’étude des Crustacés fossiles, car elles se basent principalement sur laforme CANCÉRIENS FOSSILES. h5 et la disposition extérieure de la carapace, qui, dans la plupart des Cas, a été seule conservée. Il ne faut cependant pas leur donner une trop £ grande importance dans une classification naturelle, car certains des genres qui constituent ces petils groupes y sont souvent rattachés par un caractère un peu artificiel. Ainsi nous verrons que les Liomèr es sont extrémement voisins des, Carpilies, el cependant les premiers se trouvent dans la division des Carpi- li es transversaux, les seconds dans celle des Carpilides bombés. Le groupe des Carpilides considéré dans son ensemble est trop uaturel pour que l'on puisse y établir des coupes bien nettes ; mais je le répète, ces divisions sont nécessaires quand on veut détermi- ner rapidement les genres et les espèces tant vivants que fossiles. Les CARPILIDES MARGINÉS S@ reconnaissent au premier , COUP d'œil par l'existence d’une crête ou bordure latéro-antérieure, constituée par ce bord lui-même, qui, au lieu d’être épais, est mince et tranchant. Gette division comprend : 1° Le genre Ater galis que j'ai cru devoir restreindre pour n'y plus faire rentrer que les espèces dont la carapace | est lisse et marginée en avant, et dont les pattes sont garnies en dessus d’une crêle longitudinale (1) ; 2 Le genre Lophactœa (Nobis), qui ressemble beaucoup aux Atergatis, mais chez lequel la Larapace, au lieu d’être lisse, est ordinairement tuberculeuse et où les régions sont fortement indi- quées. Je prendrai pour type de ce genre le C. granulosus de M. Ruppell (2). 3° Le genre Atergatopsis dont je propose aussi la création aura pour type le Carpilius signatus de M. White(à) et recevra aussi quelques espèces nouvelles que je me propose. de faire connaitre, Chez ces Crustacés la carapace offre en général quel- ques traces des régions, les bords latéro antérieurs sont faible- ment marginés et les paites, au lieu de présenter une crêle en dessus comme celles des 4tergatis, sont cylindriques. (4) Voy.c. integerrimus. Le Règne animal, CRUSTACÉS, atlas, pl. 14 bis, fig. 4. (2) Ruppell, Op. cit, p. 24, pl. 5, fig. 3. (3 ) Adams et White, Voyage of the Samarang , Crusracea, pl. 7, fig. 4. hh ALPHONSE MILNE EDWARDS. h° Le genre Hypocælus établi en 1864 par le docteur Heller (1) et qui ne renferme jusqu'ici qu’une seule espèce, le Cancer sculplus, de Herbet, remarquable par l'existence de dépressions profondes creusées sur les régions ptérygostomiennes de la carapace de chaque côté du corps au-dessus de l'insertion des bras. Chez les Carpiipes rransversaux la carapace est beaucoup plus élargie que chez les précédents. Les bords latéro-antérieurs sont épais et ne forment pas de bordure marginale. Les régions bran- chiales présentent ordinairement des sillons, qui tantôt s'étendent jusqu’à la région cardiaque, tantôt s’arrêtent à peu de distance des bords. Enfin, les pattes sont constamment cylindriques, jamais elles n’offrent de crêtes comme chez les Atergatis et les Lophac- tœæa. Cette subdivision comprend : 1° Le genre Liomera établi en 1852 par M. Dana (2) pour le Car- pilius cinctimanus de M. White et le L. lata, espèce nouvelle de l'archipel Viti, est caractérisé par la forme très élargie de la cara- pace qui est fortement bombée dans le sens antéro-postérieur et ressemble un peu à celle des Carpilies; mais ici l’article basilaire de l'antenne externe ne s'applique sur le bord fronto-orbitaire que par son angle antéro-interne, au lieu d’être enchâssé entre le bord des régions ptérygostomiennes et le prolongement frontal ; enfin les pattes sont cylindriques. 2° Le genre Carpilodes (3), dont la carapace est moins bom- bée, moins élargie, dont les régions sont lisses, bien distinctes, et dont les régions branchiales portent des sillons transversaux. La région antennaire est disposée comme chez les Liomères. Le C. venosus, M. Milne Edvards (4), peut être pris comme type de ce genre, dont la création est également due à M. Dana. 8° Le genre Carpiloæanthus dont j'ai proposé la formation (5) et qui se distingue du précédent par le plus grand élargissement de (1) Heller, Synopsis der Crustaceen des rothen Meeres, aus den Verhandlungen der k. k. zoologisch-botanischen Gesellschaft in Wien, A864, p. 5. 2) Dana, United States explor. Exped., Crustacea, t. [, p. 160. 3) Dana, loc, cit., p. 192. 4) Milne Edwards, Hist. nat. des Crust., t. I, p. 383. 5) Alph. Milne Edwards, Faune carcinologique de l'ile de la Réunion lannexe à l'ouvrage intitulé : Notes sur l'ile de la Réunion, par M. Maillard, 1362), p. 3. ( ( ( ( CANCÉRIENS FOSSILES, 15 la carapace, laquelle porte de nombreux tubercules. Les régions branchiales aussi bien que les régions hépatiques sont creusées par dés sillons transversaux. La région antennaire est disposée comme celle des Carpilodes. Le type de ce genre est le Cancer rugatus, Latreille (2). h° Le genre Reussia établi par M. M'Coy (2) pour quelques espèces fossiles des terrains crétacés et qui se distingue des pré- cédents par l'absence des sillons sur les régions hépatiques et par la forme du front, qui, au lieu d’être droit comme chez les divers Carpilides dont je viens de parler, s’avance en forme de bec (3). Cette petite division est restée jusqu’à présent confinée dans les terrains secondaires; on n'en a encore rencontré aucun représen- tant soit dans les couches tertiaires, soit dans nos mers actuelles. Les Carpirin£s BOMBÉS se reconnaissent au premier coup d'œil par la forme du bouclier céphalo-thoracique. Ses dimensions en largeur sont peu considérables, le front est en général déclive, ainsi que la partie postérieure de la carapace, ce qui donne à cette partie une voussure très prononcée; les régions n’y sont que peu ou point distinctes et l’on n’aperçoit aucun de ces sillons transver- saux qui caractérisaient les genres Carpilodes Reussia et Carpi- loæanthus. Les bords latéro-antérieurs du bouclier dorsal sont épais, jamais ils ne sont marginés comme chez les 4tergatis ou la carapace est également très bombée. Les pattes sont cylindriques, assez longues et ne portent pas de crêtes. Le genre Palæocar- pilius parmi les fossiles, et le genre Carpilius parmi les vivants, peuvent être pris comme types de ce groupe. Les genres que je crois devoir y faire rentrer sont au nombre de cinq, en tête desquels je placerai : 1° Le genre Palæocarpilius, dont quelques-unes des espèces sont connues depuis déjà fort longtemps. On en trouve en effet des figures dans l’ouvrage d’Aldrovande, dans le Museum Calceolaria- (4) Latreille, Collection du Muséum. — Zozymus rugatus, Milne Edwards, Hist. nat. des Crust., t. I, p. 385. (2) M’Coy, On some new Oretaceous Crustacea, (Ann and Mag. of Nat. Hist., 1854, 2° série, t. XIV, p. 420). (3) Voy. ci-après, pl. 5, fig. 2 et 3. 6 ALPHONSE MILNE EDWARDS. nm num Veronense qui date de 1622 et dans le Museo di Moscardi, qui remonte à 1656. Ce genre présente une véritable exagération du Ly pe des Carpilides | bombés. Il se distingue des Carpilies véritables par l existence de tubercules au bord supérieur de la main, et par la disposition des antennes externes, dont l’article A ÉTES rémar- quablement long, est en quelque sorte enchässé entre le rebord . SOUS frontal et le bord antérieur (le la portion sous-orbitaire de la région ptér) gostomienne correspondante (4). Ces particularités de sir uclure, combinées à quelques autres caractères d’ une importance secondaire, mn ’ont déterminé à former une division générique s spé- ciale de ces espèces que Desmarest avait rangées primitivement dans le genre Cancer, et dont M. Reuss avait fait des Alergatis. 20 Le genre Carpilius établi par Leach el très voisin du précé- dent, mais s’en distinguant facilement comme nous venons de le dire. Jusqu'à présent on n’a rencontré aucun Carpilius fossile, toutes les espèces vivantes dont ce groupe se compose se ressem- blent beaucoup. Le Carpilius maculatus, Linné (2), peut servir de {y e à cette division. » Le genre Harpactocarcinus (Nobis) vient se ranger à côté FE fn précédents ; il ne peut cependant se confondre avec eux (3). Sa carapace est en ellet beaucoup moins bombée ; les bords latéro-antérieurs sont découpés en dents nombreuses qui se retrouvent, il est vrai, chez beaucoup de Palæocarpilies ; mais la région antennaire est tout à fait.différente de celle de ces derniers et se rapproche au contraire de ce qui se remarque chez les Atergatis. Le front est toujours divisé en quatre dents. Le Cancer punclulatus de Desmarest peut être pris pour type de ce genre. h° Je crois devoir placer ici le genre Lachnopodus, établi en 1857 par M. Stimpson (4). La carapace est lisse ; Ja région ‘anen- (4) Voy. ci-dessus, pl. 2, fig. 15 (2) Voy. Le Règne animal, atlas, Crusracés, pl. 11, fig. 2 (3) Voy. ci-après, pl. 8 (4) Prodromus destriptionis animalium Evertebratorum quæ in expeditione ad ocednum Pacificum septentrionalem observavit el descripsit, W. Stimpson. (Extrait des Proceedings of the Academy af Natural Sciences, december, 1857, p. 30.) CANCÉRIENS FOSSILES. 17 naire est disposée comme chez les ‘Carpilies ; les pattes ambula- oires sont épineuses en dessus. Malheureusement ce genre qui ne se compose que d’une seule espèce, n’est connu que par quél- ques lignes de téxte et aucune figure ne vient suppléer à l’insufti- sance que présente toujours une description semblable. 5° Le genre Phlyctenodes (Nobis) ne comprend que deux espèces fossiles, qui sont l’une et l’autre nouvelles. Par la forme générale il se rapproche un peu des Carpilies, mais il s’en éloigne par l’ EXIS- tence de gros tubercules arrondis qui ornent Je bouclier dorsal (1 (4). Ce genre dont je ne connais aucun représentant actuel, établit le passage entre lés Carpilides bombés et les Carpilides transversaux. Les Carrizies LoBuLÉS ressemblent aux Lophactæa ie quelques points de leur organisation, mais d’un autre côté, ils s'en éloignent par l'absence d'un bourrelet marginal aux bords latéro-antérieurs de la carapace. Ces bords forment avec le front une courbe régu- lière à grand rayon ; et la carapace est en général médiocrement élargie. Ce groupe comprend des genres que l'on avait éloignés considérablement les uns des autres, pour cette seule raison que les uns portaient des pinces à doigts tranchants du bout, tandis que chez les autres ces appendices étaient plus ou moins fortement éreusés en cuillère. Ces particularités dans la structure des pinces ne doivent être considérées que comme des caractères d’une im- portance très secondaire, et toute classification basée sur ce sys- tème, ne sera jamais que complétement artificielle. En effet, chez des espèces tellement voisines, qu’il est quelquefois difficile de les distinguer, on trouve souvent que les unes portent des pinces en cuillère, tandis que les doigts des autres sont tranchants: enfin ces deux formes tendent parfois à se fondre M RRIEIRSA et il devient alors difficile d'établir la démarcation en ce qui doit s ’ap- peler pinces en cuillère et pinces tranchantes. Le groupe des Carpilides lobulés comprend les genres Actæa, Actæodes,'Actumnus. 1° Le genre Actœæa a été établi par De Haan (2), pour deux (1) Voy. ci-dessus, pl. 7, fig. 1 et 2. (2) De Haan, Fuuna japonica, Crustacea, p. 18. L8 ALPHONSE MILNE EDWARDS. espèces déjà connues, dont l’une était figurée sous le nom de Cancer granulatus (1), et l’autre était rangée parmi les Xanthes, sous le nom de Xantho hirsutissimus (2). La carapace des Actœæa est élargie, un peu aplalie en arrière, très bombée en avant et fortement lobée. Les bords latéro-antérieurs sont épais et non marginés; les pattes postérieures n’offrent pas de crêtes, et les pinces se terminent par des doigts pointus. 9° Le genre Actæodes a élé créé par M. Dana (5), qui le plaça à côté des Chlorodes à cause de la forme des pinces terminées en cuillère. Mais ces Crustacés doivent se ranger auprès des Actæa auxquels ils ressemblent par leur organisation extérieure et dont il est impossible de les séparer dans toute classification naturelle ; car ce caractère tiré de la forme des pinces est, pour ainsi dire, le seul qui sépare les 4ciœæa des Actæodes. En effet, les Æclæodes et les Actœa présentent la même forme élargie, la même lobulation de la carapace , la même disposition dans le front, les pattes, etc. La division des CaRpicines LaGosromEs se reconnait au premier coup d'œil par l'existence, au bord antérieur du troisième article des pattes-mâchoires externes, d’une échancrure qui sert d’orifice au canal efférent des branchies. La carapace est fortement bombée et très lobulée, les pattes sont tuberculeuses et les doigts sont en cuillère; enfin l’article basilaire des antennes internes est extrême- ment développé. Ce groupe ne comprend qu’un seul genre qui, lui-même n'est composé que d’un très petit nombre d'espèces. Il a été établi presque à la même époque sous le nom de Daïra, par De Haan (4), et sous le nom de Lagostoma, par M. Milne Edvards (5). Il ne renfermait qu’une seule espèce connue depuis fort longtemps, le Cancer perlatus de Herbst (6). (1) Savigny, Égypte, Hist. nat., t. IN, Crusracés, pl. 6, fig. 2; Cancer Savi- gnyi, Milne Edwards, Hist. nat. des Crust., 1. I, p. 378. (2) Ruppell, Crust. de la mer Rouge, p.21, pl. 3, fig. 8; Milne Edwards, Hist. nat. des Crust., t. 1, p. 389; Dana, United States expl. Exp., t. I, p. 464. (3) Dana, loc. cit., t. I, p. 493. (4) De Haan, Fauna japonica, Crustacea, 1833, p. 48. (5) Milne Edwards, Hist. nat. des Crust., 1834, 1. I, p. 356. (6) Cancer perlatus, Herbst, t. T, p. 265, pl. 21, fig. 122; C. Daira, Herbst, t. HE, pl. 33, fig. 2 ; C. variolosus, Fabricius, Suppl. Enlom. syst, p. 338. CANCÉRIENS FOSSILES. 19 A la suite des divisions précédentes, je placerai sous le nom de CARPILIDES ANORMAUX, un pelit groupe de transition conduisant des Carpilides vers les Galènes. En effet, la carapace est plus ramassée, plus quadrilatère et plus épaisse que dans les Carpilides : ordinaires, elle ne porte pour ainsi dire aucune indication des régions. Les bords latéro-antérieurs sont épais et entiers, les régions branchiales très renflées. Les pattes ambulatoires ressem- blent beaucoup à celles des Carpilies ; elles sont longues, grèles, et n’offrent pas de crêtes sur leur bord supérieur. * Ce petit groupe ne se compose jusqu’à présent que du seul genre Liagore (1), qui, lui-même, ne comprend qu’un petit nombre d'espèces. SECTION DES CARPILIDES MARGINÉS. GENRE ATERGATIS. Syn. : Cancer, Milne Edwards, Hist. nat, des Crustacés, t. I, p. 372. ArerçarTis, De Haan, Fauna japonica, CrusracEa, p. 17. Pcarvronia, Bell, Transacl. of the Zoological Sociely, t. I, p. 335. AterGaTis, Dana, United States Exploring Expedition; Crusracea, t. I, p. 457. Le genre Atergatis de De Haan correspond au genre Cancer de M. Mine Edwards et au genre Platypodia de M. Bell. Il se com- pose d'un assez grand nombre d’espèces aujourd’hui vivantes, ct se reconnaît aux caractères suivants : la carapace, beaucoup plus large que longue, est lisse, et ne présente pour ainsi dire aucune indication des régions (2); les bords latéro-antérieurs sont minecs, et forment une sorte de bordure à la carapace qui est alors dite marginée. Chez quelques autres Crustacés du même groupe, on observe aussi cette dernière disposition, mais elle coïncide alors (1) Voy. De Haan, Fauna japonica, Crusracés, p. 19. (2) Voy. le Règne animal, Crustacés, atlas, pl. 41 bis, fig, 1. 4° série. Zooz, T. XVILL. (Cahier n° 4.) # A 50 ALPHONSE MILNE EDWAKDS. avec l'existence de bosselures sur la carapace, Les orbites sont petites et profondes ; la cloison inter-antennulaire estlarge et apla- üe; la tigelle des antennules ou antennes internes se reploie très obliquement dans leurs fossettes; les antennes externes sont courtes; leur tigelle mobile s’insère dans l'angle de l'orbite ; le bord interne de leur article basilaire est libre, et n’est pas en contact avec le front comme chez les Carpilies et les Palæocar- pihes ; la jonction de ces parties n’a lieu que par l'angle antéro- interne de cet article. Le troisième article des pattes-mâchoires externes est court et oblique en avant. Le plastron sternal est étroit ; l’abdomen du mâle est long, etse compose de cinq articles, les troisième, quatrième et cinquième étant soudés entre eux. Les pattes antérieures sont robustes; le bras est court et peut se cacher sous la carapace ; le bord supérieur de la main est aigu et en forme de crête. Les pattes suivantes sont courtes et larges ; leur bord supérieur est aigu et forme également une crête. Nous ne connaissons aucun représentant de ce genre dans les mers actuelles d'Europe; ils sont au contraire abondants dans l'océan Indien et dans les régions chaudes de l’autre hémisphère. ATERGATIS DUBIUS, Nobis. Voy. pl. 4, fig, 4et 4. Cette espèce, dont je ne connais qu'un seul exemplaire, a été trouvée dans les couches nummulitiques des environs de Dax. Malheureusement il est en mauvais état, le test a disparu, le moule intérieur seul est resté, les pattes manquent également, Pour classer ces fossiles, il est donc impossible de s'appuyer sur les caractères tirés de la forme du bord latéro-antérieur ou de la disposition des pattes ; les proportions relatives des diverses par- tes de l'animal, combinées avec ia structure de la région anten- naire et de l'abdomen, peuvent seules nous guider, La carapace est beaucoup plus large que longue; elle est forte- ment bombée, plus encore que l’on ne l’observe chez l’Atergatis integerrimus (Lamk); on n’aperçoit aucune trace des distinctions CANCÉRIENS FOSSILES. o1 régionales, si ee n'est le sillon branchio-cardiaque. Le front est large, et devait être sinueux ; les orbites sont petites et profondes. La cloison inter-antennulaire est large et courte; les fossettes des- tinées à loger la tigelle mobile des antennules sont très obliques; l'article basilaire des antennes externes est disposé comme chez les autres espèces du même genre, et la tigelle mobile s’insère dans l'angle de l'orbite. L'endostome est pourvu d’un erête destinée à limiter en dedans le canal expiraleur. Les pattes-màchoires externes sont courtes. Le deuxième ar- icle du plastron sternal porte de chaque côté de la ligne médiane une saillie arrondie, limitée en arrière et en dedans par un sillon. L’abdomen se compose de cinq articles. D’après l'exposé de ces caractères, on peut s'assurer que, bien qu'it soit impossible de rapporter avec certitude ce fossile au genre À tergatis, il est très probable que c’est dans ce groupe qu'il doit se placer. En eflet, par la forme générale, il se rapproche tellement de certaines espèces vivantes, que l’on peut avaneer, sans trop de présomption, que, suivant toute probabilité, les paltes devaient être garnies de crêtes, et que le bord antérieur de la carapace devait être marginé. SECTION DES CARPILIDES BOMBÉS. GENRE PALÆOCARPILIUS. Syn. : Cancer (pars), Desmarest, Crustacés fossiles, 822, p. 91 et 94. CaRPILIUS (pars), Milne Edwards, Hist. nat. des Crust., t. I. p. 380. Atençaris (pars), Reuss, Zur Kenntniss fossiler Krabben, p. 30 et suiv. Ce genre, qui aujourd’hui n'existe plus, comprend un certain uombre d'espèces, que l’on rangeait jusqu'ici dans le genre Atergatis. Cependant, en 1834, M. Milne Edwards avait entrevu les véritables affinités de quelques-uns de ces fossiles, et, dans son Histoire naturelle des Crustacés, il mentionne le Cancer ma- crochelus de Desmarest comme devant plutôt se rapporter au 92 ALPHONSE MILNE EDWARDS. genre Carpilius ; c'était déjà un pas de fait vers la vérité, car les espèces fossiles dont nous nous occupons n’ont aucun des carac - tères propres aux Atergatis ; les bords latéro-antérieurs de la ca- rapace ne sont jamais marginés, et les pattes n’offrent jamais de crêtes. Cependant, dans son Mémoire publié en 1859, M. Reuss ne modifie en rien la nomenclature de Desmarest, si ce n’est qu'au lieu du nom de Cancer, il employa le nom d’Atergatis (De Haan), plaçant ainsi ces Crustacés à côté de l’A. floridus et de V4. inte- gerrimus, dont ils diffèrent, on peut le dire, par l’ensemble de tous leurs caractères. Le genre Palæocarpilius présente, comme son nom l'indique, d’étroites affinités avec les Carpilies ; il s'en éloigne cependant par un certain nombre de caractères importants. La carapace ovoïde est extrémement bombée, et ressemble à un segment de sphère ; elle n'offre ni bosselures, ni aucune em- preinte des régions. Jamais elle n’est marginée comme celle des Atergatis; au contraire, les bords latéro-antérieurs très épais sont en général hérissés d'une série de dents tuberculeuses, caractère qui n'existe jamais chez les Carpilies. Le front très épais est fortement infléchi en bas, de façon à se dérober à la vue lors- que l’on regarde la carapace en dessus, il présente une forme triangulaire, le lobe médian étant beaucoup plus proéminent que les angles latéraux. L'article basilaire des antennes externes, que les paléontolo- oistes n'avaient pas encore eu l'occasion d'observer, offre des par- ticularités importantes à noter, et qui, à elles seules, pourraient autoriser la création d’un genre. Cet article est extrêmement long, sa longueur égalant presque la largeur du cadre buceal, et dans presque toute son étendue il est enchässé entre le bord frontal et le bord antérieur de la région ptérygostomienne correspon- dante (1). La tigelle mobile très grèle, s'insère entre l'angle externe du front et l’angle sous-orbitaire interne. Chez les Carpi- lies, on observe une tendance vers cette disposition de l’article basilaire de l’antenne externe; mais il s’en faut que l’enchàässement (4) Vov. pl. 2, fig. 1». CANCÉRIENS FOSSILES. 59 n’y soit aussi complet, c’est à peine si, dans le genre vivant, l’article basilaire est en contact avec le front sur un liers de sa longueur, qui d’ailleurs est beaucoup moindre. Les antennes internes, logées très en arrière, à cause du grand développement du front, se reploient très obliquement dans leurs fossettes. La cloison inter-antennulaire, et l’espace compris entre le bord labial et le bord antennulaire postérieur, sont très larges. Les pattes- mâchoires externes sont larges et proportionnellement courtes ; leur troisième article est coupé très obliquement en avant. L’en- dostome présente de chaque côlé une petite crête saillante, limi- tant en dedans le canal expirateur. Les pattes antérieures sont inégales ; l’une d’elles est beaucoup plus robuste, et les doigts courts et puissants qui dépendent de celle-ci ne sont armés que d’une ou deux grosses dents comme chez les Carpilies ; mais ce qui les distingue de celles de ce genre, c’est que le bord supé- rieur de la main est garni d’une série de tubercules ; on en re- marque aussi sur la face externe de l’avant-bras. Les pattes sui- vantes sont cylindriques comme dans le genre Carpilius; elles sont longues et grêles ; la cuisse surtout présente un développe- ment considérable. L’abdomen du mâle se compose de six articles, les quatrième et cinquième segments étant soudés entre eux. Si maintenant nous cherchons à résumer les caractères qui nous ont conduit à proposer la création du genre Palæocarpilius, au lieu de faire rentrer dans le genre Carpilius les espèces dont la description va suivre, nous pouvons placer en première ligne la présence des tubercules sur le bord supérieur de la main et sur la face externe de l’avant-bras ; la longueur extrême de l’article basilaire des antennes externes ; enfin son enchâssement entre le bord frontal inférieur et le bord antérieur des régions ptérygosto- miennes. 5 ALPHONSE MILNE EPWARDS, PALÆOCARPILIUS MACROCHEILUS, Desin. Voy. pl. 4, fig. 2; pl. 2, 6g. 1; pl. 3, fig. 4; pl. 6, fig. 4. Syn. : Cancer Larinescens, Rumphius, Ambonische Rarileit Kamer, liv. I, chap. 84. pl. 61, fig. 3. Cancer Lapinescens, Museum Calceolarianum Veronense, 1662, p.407. Cancer LapinesceNs, Aldrovande, Mnseum Metallicum, p. 461. Cancer LApiDEscENs, Museo di Moscardi, 1656, p. 179. Cancer mAcrOcHELUSs, Desmaresi, Crustacés fossiles, p. 94, pl. VII, fig. À et 2. Caxcer Boscrr, Desmarest, op. cit., p. 94, pl. VIII, fig. 3 et 4. Cancer Bosou, Milne ‘Edwards, Hist, nat. des Crust., 4834, t, I, p- 379. Bracayurites anriquus, Schlotheim, Nachträge zur Petrefactenkunde, 4822, p. 26, 27, pl. 4. Cancer anriquus, Queenstedt, Handbuch der Petrefact., p.26, fig. 44, CarpiLivs MACROCHELUS, Milne Edwards, op. cit, t. 1, p. 380. Arerçaris Boscu, Reuss, Zur Kenniniss fossiler Krabben, 4859, pl. 30; pl. 44, fig. 4-4; pl. 42, fig. 4,2; pl. 9, fig. 4-6; pl. 40, fig. 4. ATERGATIS PLATYCHELA, Reuss, op. cit., p. 36, pl. 40, fig. 2, 3. Cette espèce peut être complée au nombre des fossiles carac- téristiques du terrain nummulitique ; on la rencontre, en effet, répandue sur un horizon immense : dans le sud-ouest de la France, aux environs de Dax; dans le nord de l'Italie, où elle abonde; en Egypte , et enfin jusque dans les Indes, où on la rencontre dans la chaine d’Hala. Desmarest en cite un exemplaire comme venant de Chine(4); mais 1l est possible qu'il y ait eu erreur dans l’indication de la localité, car le fossile en question, qui primitivement faisait partie de la collection de M. de Joubert, passa ensuite entre les mains de M. de Drée ; aussi Desmarest ne put-il avoir une certi- tude absolue sur sa provenance; il est d’ailleurs peu probable (4) Voy. ci-dessus, pl. 6, fig. 4. . x CANCÉRIENS FOSSILES. 55 qu'il vienne directement de Chine, où l’on n’a pas signalé la pré- sence du terrain nummulitique ; peut-être ce fossile aurait-il été rapporlé des Indes par un vaisseau venant de Chine. Quoi qu'il en soit, le Palæocarpilius macrocheilus paraît avoir eu une exten- sion géographique d'autant plus remarquable, que de nos jours on ne connait aucune espèce de Crustacé qui se trouve, d’une façon bien certaine, dans les mers d'Europe et dans la mer des Indes. Le P. macrocheilus est assez commun, etcomme la forme particulière de sa carapace rend sa détermination facile, il pourra venir en aide aux géologues qui étudieront les couches nummulitiques. Comme on peut le voir en jetant les yeux sur la synonymie qui précède, on doit réunir sous le nom de P, macrocheilus un certain nombre d'espèces que les naturalistes avaient considérées commé distinctes. Ayant eu entre les mains près de vingt individus de sexe et d'âge différents, j'ai pu me convaincre, par un examen consciencieux, que tout ce que l’on avait donné comme des diffé rences spécifiques se réduisait à des différences individuelles, ou plutôt à l’état plus ou moins parfait de conservation de l'individu. C’est ainsi que Desmarest décrivit un jeune individu sous le nom de C. Bosci (1), tandis qu’il nommait C. macrochelus (2) un autre individu plus âgé, et dont les pointes du bord latéro-anté- rieur élaient moins visibles. M. Reuss appelait Atergatis platy- chela une vieille femelle de la même espèce, ayant ses bords latéro- antérieurs dans un bon état de conservation (3). Le P. macrocheilus se reconnait aux caractères suivants : La carapace, fortement bombée, est couverte de fines ponctua- tions qui deviennent plus espacées et plus larges près du front et des bords latéro-antérieurs ; ceux-ci forment un arc de cerele avec le front; ils sont épais et garnis de huit tubercules, en y comptant Vangle orbitaire externe (et non pas de six comme le dit Desma- rest d’après un échantillon en mauvais état); ils se terminent en arrière par une sorte de bourrelet, qui se dirige transversalement de chaque côté vers la ligne médiane de la carapace. (1) Vov. ci-dessus, pl, 1, fig. 2, (2) Voy. ci-dessus, pl. 6, fig. 4. (3) Voy. ci-dessus, pl. 2, fig. 4. »6 ALPHONSE MILNE EDWARDS. Les bords latéro-postérieurs sont beaucoup plus courts et for- tement excavés. Le front, large et dirigé presque directement en bas, est triangulaire. Le lobe médian présente d’une façon peu distincte les traces d’une séparation qui devait primitivement exister sur la ligne médiane; il est beaucoup plus proéminent que les lobes latéraux qui sont complétement arrondis. Les orbites sont très petites et enfoncées. L'une des pinces est notablement plus grosse que l’autre; en général, c’est la pince droite qui prend ce développement. La main est très comprimée latérale- ment, et offre sur son bord supérieur une série de six à huit tu- bercules (1); les doigts, courts et forts, ne sont armés que d’une ou deux dents mousses. L'avant-bras présente sur sa face externe deux ou trois tubercules peu saillants, PALÆOCARPILIUS STENURUS,, Reuss. , Voy. pl. 1, fig. 3, 3°, 2b. Syn. : ATERGATIS sTenurA, Reuss, Zur Kenniniss fossiler Krabben, 1859, p. 35, pl. 44, fig. 5-7. M. Reuss décrit, comme une espèce distincte du P. macro- cheilus, le moule interne de la carapace d’un Crustacé provenant du terrain nummulitique des environs de Vérone. J'ai cherché dans le texte sur quels caractères il s’appuyait pour la création de celte espèce nouvelle , et je n’ai rien trouvé qui pût autoriser à séparer ce fossile du P. macrocheilus. M. Reuss indique l’abdo- men de la femelle comme moins large, et le front comme plus divisé sur la ligne médiane que chez l’espèce de Desmarest; mais ces deux dispositions ne doivent pas être pris en considération, parce qu'ils se retrouvent toujours dans les moules internes du P. macrocheilus ; du reste, tous les autres caractères sont iden- tiques avec ceux de l'espèce précédente. La figure que M. Reuss donne du P. stenurus, et que j'ai reproduite ici, diffère, il est vrai, du véritable P. macrorheilus ; mais il me paraît évident (1) Vos. pl. 4, fig. 2 et 2P ; et pl. 6, fig. 42. CANCÉRIENS FOSSILES, 57 que les proportions y sont mal gardées. En effet, on voit dans la coupe de l'animal (4) que le front est fortement infléchi en bas, de telle sorte qu’il doit être impossible d'en voir la pointe lorsque l'on regarde la carapace en dessus; au contraire, dans la figure donnée par M. Reuss (2), on aperçoit parfaitement le front qui, au lieu d’être infléchi en bas, parait tout à fait droit. Ce sontces diverses considérations qui me font regarder le P. stenura comme le moule intérieur d’un jeune P. macrocheilus ; cependant, n'ayant pas eu l'échantillon à ma disposition, je ne puis décider complétement cette question. PALÆOCARPILIUS AQUITANICUS, Nobis. Voy. pl. 1, fig. 4 et 42. Syn, : Cancer Boscrr, Burguet, Observations sur un Crustacé fossile du dépar- tement de la Gironde (Actes de la Soc, Linn. de Bordeaux, 847, t. XV, p. 280). De même que la précédente, cette espèce se rencontre dans les assises du terrain nummulitique, mais jusqu’à présent on ne l’a jamais trouvée que dans le sud-ouest de la France. Le Muséum en possède quelques échantillons recueillis à Saint-Vivien, à la Réole, et sur d’autres points du bassin de la Gironde. Par sa forme géné- rale, ce Crustacé se rapproche beaucoup du P. macrocheilus ; de même que chez ce dernier, la carapace est fortement bombée et finement piquetée ; le front est incliné en bas et triangulaire, mais les bords latéro-antérieurs, au lieu d’être garnis de huit petites dents, n’en présentent que sept beaucoup plus grosses et plus espacées (3); leur grosseur relative permet même de re- connaître de petits fragments de carapace appartenant à celte espèce. La région antennaire est disposée comine chez loutes les espèces de ce genre; jusqu'ici les pattes-mâchoires ne sont (4) Voy. pl. 4, fig. 3°. (2) Voy. ci-dessus, pl, 1, fig. 3, (3) Voy. pl. 4, fig. 1. 55 ALPHONSE MILNE EDWARDS. pas connues. L’abdomen des femelles n’est pas disposé comme dans l'espèce précédente ; le sixième article en est plus long et inoins large, et le septième est aussi beaucoup plus allongé (1). Je ne connais pas les pattes de ce Crabe, mais, par l’analogie, il y a lieu de croire qu’elles devaient être, à peu de chose prés, semblables à celles du P, macrocheilus. La taille du P. aquitanicus est souvent considérable; on en rencontre des individus dont la carapace atteint 0°,130 de largeur sur 0",090 de longueur. PALÆOCARPILIUS KLIPSTEINI, Meyer. Voy. pl. 4, fig. 2, 22, 2h. Sfu. : Cancer Kzrpsreini, Herm. V. Mever, Leonhard und Bronn, Jahrsb, 1842, p. 589. Cancer Kupsreinr, Reuss, Zur Kenntniss fossiler Krabben, p. 82,, pl. 5, fig. 7. Cette espèce remarquable n’a encore élé rencontrée que dans le terrain nummulitique d'Allemagne au Kressenberg, où elle paraît même très rare. En effet, les plus riches Musées de France n'en possèdent aucun exemplaire, et même en Allemagne il n’existe_ni à Vienne, ni à Berlin. Heureusement j'ai pu en exa- miner un individu dans un très bon état de conservation appar- tenant au Musée britannique de Londres. Le P, Klipsteini diffère essentiellement des deux espèces pré- cédentes par la conformation de ses bords latéro-antérieurs qui, au lieu d’être divisés en un certain nombre de dents, sont en- tiers (2). Le front est aussi moins large que chezle P. macrocheilus et le P, aquitanicus ; il est également fortement infléchi en bas et triangulaire. Les pattes antérieures sont inégales, la droite étant en général plus forte ; les doigts de celle-ci sont courts, robustes, et armés d’un ou deux grosses dents seulement. Les mains sont gar- (4) Voy. pl. 4, pl. 4*. (2) Voy. pl. #, fig. 2. CANCÉRIENS FOSSILES, 53 nies sur le bord supérieur d’une série de tubercules (4), comme chez le P. macrocheilus. Je n’ai pu examiner ni les paltes suivantes, ni l'abdomen, ni la région antennaire ; mais on peut deviner la disposition de cette dernière par l'inspection du front si fortement infléchi et allongé. L'article basilaire des antennes externes doit évidemment pré- senter une grande longueur, et être encastré entre le bord sous- frontal et le bord antérieur des régions ptérygostomiennes. L'échantillon que j'ai eu entre les mains était de la taille des petits individus du P. macrocheilus. La largeur de la carapace étant de 0,060 et la longueur de 0",050. PALÆOCARPILIUS IGNOFUS, Nobis. Voy. pl. 4, fig. 3, 34. On trouve souvent dans les assises du calcaire grossier des en- virons de Paris des doigls que l’on ne peut rapporter qu’au genre Palæocarpilius ou Carpilius ; on en a rencontré aux environs de Gisors, à Mont-de-Magny, à Parnes, à Mouchy-le-Château, à Grignon ; on en connait aussi quelques exemplaires provenant de Valmondois, et trouvés dans les sables moyens, ou sables de Beauchamp. Ces doigts devaient appartenir à une espèce d’une taille extrêmement considérable, et si on les compare à ceux des Crabes du même agèle vivant aujourd’hui dans les mers de l’fnde, on voit que l'espèce fossile des environs de Paris devait avoir une largeur d'environ 0",20 sur 0",14 de longueur. Ce sont les seuls débris que l’on ait trouvés de ces Carpilies ; ce qui se comprend, puisque ce sont les parties les plus dures de l'animal. L'index ou doigt immobile, qui mesure à sa base 0,09 de cir- conférence sur 0,05 de longueur, est peu recourbé, et ne porte qu’une seule grosse dent très aplatie (2) et semblable à celle des Carpilies actuelles. Le pouce, ou doigt mobile, ne mesure à sa (1) Voy. pl. 4, tig. 2h. (2) Voy. pl. 4, fig. 3». 60 ALPHONSE MILNE EDWARDS, base que 0°,07 sur une longueur de 0,045 ; il présente une courbure assez forte, et est armé de deux dents (4) : la premiére, que l’on peut appeler basilaire, est plate et large ; la seconde est moins développée. A côté de ces doigts, on en trouve d’autres beaucoup plus allongés, plus grêles, et portant un nombre plus considérable de dents tuberculeuses. Ces doigts peuvent se rap- porter à la petite main de ce Palæocarpilius, car on sait que, dans ce genre, l’une des pinces est toujours beaucoup plus forte et plus trapue que l’autre. Par la forme générale, le nombre des tubercules de l’index et du pouce, par la disposition des dents, ces doigts ne peuvent appartenir qu'à un Crabe de la division des Carpilides. Jusqu’à présent le Pseudocarcinus Chauvini (Berville) est le seul Bra- chyure que l’on ait rencontré dans les couches du calcaire gros- sier, et les doigts de ses pinces ne peuvent se confondre avec ceux que nous venons d'examiner ; ils sont, en effet, longs, assez grêles, et portent un plus grand nombre de dents. Ces doigts res- semblent beaucoup à ceux du P. macrocheilus , mais ils sont plus allongés, et d'ailleurs nous n’avons aucun indice qui nous permette de supposer que le fossile des environs de Vérone ait jamais atteint une taille aussi considérable que celui du calcaire grossier parisien. Ces pièces doivent donc se rapporter à une espèce parti- culière, et il est à espérer que les recherches persévérantes des géologues du bassin de Paris feront découvrir d’autres pièces du squelette tégumentaire de cette espèce. Je proposerai de la dési- gner sous le nom de Palæocarpilius ignotus, indiquant par ce nom l'ignorance où l’on est de la forme exacte de ce Crabe, forme que nous pouvons cependant déduire et deviner d’après la dispo- sition des doigts de la patte antérieure, GENRE PHLYCTENODES, Nobis. Je crois devoir proposer la création d’une nouvelle division générique pour deux Crustacés fossiles du groupe des Carpilides, (1) Voy. pl. 4, fig. 3. GANCÉRIENS FOSSILES, 61 dont la carapace se distingue de celle de tous les autres représen- tants du même type par l'existence de gros tubereules espacés sur sa surface supérieure. Chez d’autres espèces du même groupe qui sont vivantes, le bouclier céphalo-thoracique est souvent garni de pointes, d’épines ou de petits tubercules miliaires, dont quelques-uns, et quelquefois tous, peuvent alteindre une gros- seur assez considérable, comme on le remarque chez l’Actæodes tomentosa. Chez le Cancer Savignyi (Edwards), la carapace est ornée de tubercules assez gros, très rapprochés les uns des autres, mais différant complétement de ce qui se voit chez les Phlycténodes. Chez le Xantho Peronii (Edwards), le bouclier cephalo-thoracique parait au premier abord hérissé de gros tuber- cules; mais en y regardant avec plus d'attention, on voit que cette apparence est due à la lobulation des régions qui est poussée extrêmement loin. Dans la nature vivante, nous ne connaissons rien de semblable à la disposition qui se rencontre chez les fossiles dont je forme le genre Phlyctenodes. La carapace est élargie et bombée ; les régions y sont à peine distinctes, et remarquables par l’existence de gros tubercules arrondis et plus ou moins espacés, mais jamais confluents. Ces saillies sont plus nombreuses et plus apparentes sur toute la partie antérieure de la carapace. Les bords latéro- antérieurs forment avec le front une courbe régulière à grand rayon; ils sont épais, au lieu d’être tranchants comme dans le genre Atergatis, et portent des tubercules dont le nombre et le volume varient suivant les espèces ; le front est large et sinueux. Jusqu’à présent on ne connait ni les pattes, ni les régions anten- naire et sternale des Crustacés de ce genre. D'après les caractères extérieurs de la carapace, le genre Phtyctenodes doit donc se ranger à côté des Actœa et des Actæodes dans la section des Carpilides. PHLYCTENODES TUBERCULOSUS, Nobis. Voy. pl. 7, fig. 4. Je ne connais encore qu'un seul exemplaire de cette espèce ; il 62 ALPHONSE MILNE EDWARDS. à été trouvé aux environs de Hastingues, dans le département des Landes et provient du terrain nummulitique. La carapace est fortement bombée et médiocrement élargie ; on n’aperçoit aucune indication des différentes régions. Toute la partie anté- rieure et latérale est ornée de gros tubercules arrondis très espa- cés, à peu près égaux entre eux, et disposés sur des lignes transversales presque régulières. On remarque sur l’espace inter- orbitaire une première ligne composée de quatre tubereules ; un peu plus loin, en aperçoit une seconde ligne de quatre autres tubercules plus gros ; plus en arrière encore, il existe une troisième rangée de six tubercules ; puis ils deviennent peu apparents, et disparais- sent à la hauteur du lobe mésogastrique ; d’autres tubereules sont disposés le long des bords latéro-antérieurs sur deux rangées de quatre, plus gros que ceux de la région gastrique. La partie posté- rieure des régions branchiales et la région cardiaque sont com- plétement lisses. Les bords latéro-antérieurs sont épais, et por- . tent cinq tubereules qui leur donnent une apparence lobulée. Le bord sus-orbitaire est épais, et bordé en arrière par un sillon peu profond. Le front est très large, et présente, outre les angles sus- orbitaires internes, quatre dents tuberculiformes et obtuses (1). Les deux médianes sont très rapprochées, et un peu plus proémi- nentes que les latérales, qui ne sont séparés des angles sus-orbi- taires internes que par une faible échancrure; ces derniers sont à peine proéminents. Les antres parties de ce Crustacé sont in- connues. PHLYCTENODES PUSTULOSUS, Nobis. Voy. pl. 7, fig. 1. Cette espèce n’est connue que par un seul individu recueil dans les assises du terrain nummulitique de Nousse, aux environs de Dax ; il a été trouvé, à côlé d’un Palæwocarpilius quadrilobatus, dans un bloc de calcaire marneux, que le docteur Grateloup {de (1) Voy. pl. 7, fig, 2, EP CANCÉRIENS FOSSILES. 63 Bordeaux) m'avait envoyé en 1860, et c’est en dégageant le P. quadrilobatus que j'ai rencontré le remarquable petit Cancérien qui nous occupe en ce moment. La carapace est moins large que chez le P, tuberculosus ; elle est médiocrement bombée. Les régions y sont à peine distinctes ; on n’aperçoit guère que le sillon branchio-cardiaque ; elle porte de nombreux tubercules bien détachés les uns des autres, et limi- tés aux régions latérales et antérieures. La partie postérieure du bouclier céphalo-thoracique est presque complétement lisse. La région gastrique est hérissée de tubercules plus gros en avant qu’en arrière ; les lohes protogastriques sont séparés par un sillon médian peu prononcé ; les régions hépatiques et branchiales an- térieures sont tuberculeuses, les saillies y étant disposées en lignes à peu près concentriques aux bords latéro-antérieurs ; la première ligne se compose de six tubercules, les autres sont moins régulières. Les bords latéro-antérieurs sont garnis de six tuber- cules : les trois derniers sont longs et cylindriques, les trois pre- miers sont plus courts et obtus ; l’angle orbitaire externe est très peu prononcé. Le bord sus-orbitaire est bordé en arrière par un sillon. Le front est très large et sinueux ; il est trop incomplet pour que l’on puisse y distinguer le nombre des lobes; il devait y en avoir un nombre pair, car on aperçoit une échancrure sur la ligne médiane, mais on ne peut voir s’il y en avait quatre ou six. La face ventrale est tellement engagée dans la roche, qu'on ne peut l'apercevoir non plus que la région antérieure; les pattes man- quent également. Cette espèce se distingue facilement du P. tuberculosus par sa forme générale; en effet, la carapace est plus longue et moins large ; les tubercules qui ornent ce bouclier céphalo-thoracique sont plus petits et plus nombreux; les bords latéro-antérieurs sont beaucoup plus découpés, et les dents offrent une forme toute par- ticulière. Aucune espèce actuellement vivante ne se rapproche du P. pustulosus, et, comme on le voit, le nombre des espèces fos- siles de ce genre est jusqu’à présent très peu considérable. 64 ALPHONSE MILNE EDWARDS. GENRE HARPACTOCARCINUS, Nobis. Syn. : Cancer (pars), Desmarest, Hist, nat. des Crust. fossiles, 1822, p. 92, t. VII, fig. 3 et 4. Cancer, Pictet, Traité de paléontologie, atlas, pl. 41, fig. 5. Carcer, Reuss, Zur Kenniniss fossiler Krabben, p. 24. Les Crustacés dont se compose ce genre, et dont quelques-uns étaient déjà connus de Desmarest, avaient été rangés par ce naltu— raliste dans le grand genre Cancer, dont les limites étaient alors beaucoup plus étendues qu'aujourd'hui, et comprenaient la plu- part des Cyelométopes marcheurs. Dans son Mémoire sur les Crabes fossiles, M. Reuss plaça ces Crustacés dans le genre Cancer, tel que l’ont délimité les entomologistes modernes, groupe qui cor- respond au genre Platycarcinus de M. Milne Edwards. Cette place ne peut leur être conservée, car ils s’éloignent des Cancer (ou Platycarcins) par la disposition de la région antennaire et par la forme générale de la carapace. Effectivement, chez les Cancer la tigelle mobile des antennes externes ne s’insère pas dans le can- thus orbitaire interne, mais bien sous le front, et le basicérile va rejoindre l’angle sourcilier interne. Au contraire, chez les Har- pactocarcinus la tigelle antennaire est logée dans l'hiatus compris entre l'angle sourcilier interne et l’angle sous-orbitaire interne (1). Chez les Cancer, la tigelle antennulaire se reploie presque longi- tudinalement dans les fosseltes creusées sous le front pour les recevoir. Dans le genre fossile, elles se reploient très oblique- ment. Chez les Cancer, la carapace est toujours extrêmement élargie ; chez les Harpactocarcinus, le bouclier céphalo-thoracique est au contraire arrondi, et sa largeur dépasse peu sa longueur (2). Ces différences importantes, unies à d’autres caractères secon- daires, éloignent donc ces Crustacés fossiles du genre Cancer, et les font rentrer dans la section des Carpilides, où ils devront for- (4) Voy. pl. 8, fig. 4; pl. 9, fig. 4b, 2b ; pl. 6, fig. 32. (2) Voy. pl. 8, fig. 4. CANCÉRIENS FOSSILES. 65 mer une division générique particulière, caractérisée par la forme du front, la disposition des bords latéro-antérieurs de la carapace et la forme des pinces. La carapace est bombée et médiocrement élargie ; les régions y sont à peine distinctes, on n’y aperçoit que le sillon branchio- cardiaque. Les bords latéro-antérieurs ne sont pas marginés, et sont divisés en un nombre plus ou moins considérable de dents spiniformes (1). Ordinairement on en compte au moins une dou- zaine ; dans quelques espèces, il en existe un plus petit nombre, cinq ou trois par exemple. Ce caractère, tiré de la denticulation du bord Jatéro-antérieur, suffirait à lui seul pour caractériser le genre, car on ne le retrouve chez aucune espèce de la même sec- tion ; quelquefois on aperçoit des lobes, mais jamais de ces pointes dentiformes. Le front présente quatre pointes infléchies en bas, et à peu près égales. Nous avons vu plus haut comment élait dis- posée la région antennaire. Les pattes antérieures sont inégales, l’une est ordinairement plus forte que l’autre. La main est remar- quable par l'existence au bord supérieur d’une rangée de tuber- cules, caractère qui ne se retrouve chez aucune espèce vivante de Ja même section. Les pattes suivantes sont longues, grêles, et ne présentent pas de crêtes en dessus. En résumé, nous voyons donc que l'existence des pointes du bord latéro-antérieur et des tubercules du bord supérieur de la main rapproche ce genre des Palæocarpilius; mais la forme beaucoup moins bombée de la carapace, la disposition des an- tennes externes et du front, les en séparent de la manière la plus nette. La forme grêle et cylindrique des pattes, unie aux caractères ci-dessus mentionnés, les éloigne des Atergatis qui présentent une région antennaire analogue. Ce genre dont on ne connait au- cun représentant vivant, et qui se compose d’un nombre consi- dérable d'espèces fossiles, est peut-être l’un des plus naturels de la famille des Cancériens. (4) Voy. pl. 8, fig. 4 et pl. 6, fg.3. 4° série, Zooz, T. XVII. (Cahier n° 2.) 5 66 ALPHONSE MILNE EDWARDUS. HARPACTOCARCINUS PUNCTULATUS Desmarest. Voy. pl. 8, fig. 1; pl. 9, fig. 4. Syn.: Cancer Perreracrus, Knorr et Walch, Monum. du déluge, t.I, pl. 464. fig. 2 et 3. !'ancer PuNCTuLATUS, Desmarest, Hist. nat, des Crust. foss., 1822, p. 92, pl. 7, fig. 3 et 4. Cancer Puncruzarus, Milne Edwards, Hist. nat, des Crust., t. I, p. 380, Cancer PuncruLarus, Pictet, Traité de paléontologie, atlas, pl. 41, fig. 5 (d'après Desmarest). Cancer puncruLatus, Reuss, Zur Kenniniss fossiler Krabben, p. 25, pl. 45, fig. 4-5; pl. 16, Gg. 1-4; pl, 47, fig. 4-4. Cancer puncrucarus, Michelotti, Etudes sur le miocène inférieur de l’Ilalie septentrionale, 1861, p. 139. Cancer Secuieri, Milne Edwards, in d'Archiac, Hist. des progrès de la géologie, t. INT, p. 304%. Cancer Secuieri, Michelotti, op. cit,, p. 139. Caxcer PAcuycHeLus, Milne Edwards, op. cit., p. 304. Cancer PacaycmeLus, Michelotti, op. cit., p. 440, pl. 44, fig. 4. Cancer sRAcHYCHELUS, Reuss, op. cit., p. 29, pl. 13, fig. 5; pl 48, fig. 4-3. Cette grande et belle espèce se rencontre en abondance dans les couches du calcaire à nummulites de l'Italie septentrionale. La plupart des échantillons de ce fossile qui se trouvent dans nos musées proviennent des environs de Vérone, au pied de la cita- delle de cette ville. Le Muséum de Paris en possède un grand nombre de cette localité ; d’autres ont été recueillis à Marostica près de Bassano, à Priabone près de Schio et à Eurubio ; on en connait aussi des environs de Vicence et de Bologne. Cette espèce se trouve aussi dans les couches nummulitiques de Suisse, au Niederhorn, près le bord nord du lac de Thun ; mais, en général, les échantillons y sont assez mal conservés ; la cara- pace est aplatie, et la roche est tellement dure et cassante, qu’il CANCÉRIENS FOSSILES. 67 est impossible de dégager les parties délicates : les pattes ou l’ar- mure buccale, par exemple ; il faut accepter les pièces telles que les donne le hasard d’un premier coup de marteau. Dans un précédent mémoire, j'avais dit que jusqu'ici, dans le bassin sud-ouest de France, on n’avait jamais rencontré l'H. punc- tulatus, Mais depuis j'ai reçu un exemplaire de cette espèce re- eueilli dans les couches du calcaire marneux de Nousse, aux environs de Dax, Cette espèce parail cependant y être extrême ment rare , car dans les grandes collections des fossiles de ces localités, recueillis par de Borda, par le docteur Grateloup et d’autres géologues, je n'ai jamais pu en constater la présence. J'en ai également reçu un individu de Saint-Laurent-de-Gosse, dans le département des Landes, En Espagne, ce Crustacé est assez répandu dans les couches nummulitiques. J'en ai trouvé quelques exemplaires parmi les fossiles recueillis dans la province de Barcelone par M. Vézian, et déposés dans la collection de la Faculté des sciences dé Mont- pellier. Enfin M. de Verneuil l’a rencontré en assez grande abon- dance en Catalogne, près de Vique, au château de Gunb. La carapace de celte espèce est bombée et médiocrement large, le diamètre antéro-postérieur égalant presque le diamètre laté- ral (4). On ne remarque aucune indicalion des régions, c’est à peine si l'on voit les sillons longitudinaux qui limitent de chaque côté la région cardiaque. Le test est couvert de petites dépressions peu profondes, très rapprochées, et parfaitement visibles à l'œil nu, Le bord postérieur de la carapace en est presque compléte- ment dépourvu. Au fond de ces petites dépressions et entre elles, il existe de nombreux tubercules miliaires, visibles seulement à la loupe (2). Lorsque la couche superficielle du test a été enlevée, comme cela a lieu dans la plupart des échantillons, on n’aperçoit plus aucune trace de dépressions; on remarque, au contraire, de nombreuses petites rugosités saillantes, Les bords latéro-antérieurs forment avec le front une courbure presque (4) Voy. pl. 8, fig. 1. (2) Voy. pl. 8, fig. 45. [ère ALPHONSE MILNE EDWARDS. régulière ; ils sont minces et garnis d'environ une douzaine de dents assez longues, grêles et obtuses. Chez les espèces du genre Palæocarpilius, où nous avons retrouvé ce caractère, les dents ne présentaient pas la même forme ; elles étaient moins longues, moins grèles, et paraissaient plotôt être de simples découpures du bord. Cette disposition ne se retrouve chez aucun Crustacé vivant de ce groupe: chez les uns, les bords latéro-antérieurs sont simples et entiers; chez les autres, ils sont seulement lo- bés. Le front est de largeur médiocre, et dirigé en bas; il est découpé en quatre dents, très analogues à celles des bords latéro- antérieurs (1) : les deux médianes très rapprochées, les laté- rales qui constituent l'angle sus-orbitaire interne, séparées par une large échancrure. Les orbites sont largement ouvertes. La tigelle mobile des antennes internes se reploie très obliquement dans les fossettes destinées à la recevoir ; la cloison inter-antennu- laire est large et aplatie. L'article basilaire des antennes externes, large et court, se prolonge jusqu’à l'angle interne de l'orbite, où s'insère Ja tigelle mobile (2); il n’est pas enchâssé entre le bord sous-orbitaire et le front, comme cela a lieu chez les Carpilies et les Palæocarpilies. L'épistome, ou espace compris entre le bord postérieur des fossettes antennulaires et le bord antérieur du cadre buccal est large, et traversé par un petit sillon. Les pattes-mâchoires externes sont très développées ; leur troisième article s’élargit en avant, ou iLesttrès oblique. L’échancrure destinée à l'insertion de la tigelle mobile y est à peine marquée, el se voit vers le milieu du bord interne. Les articles de la tigelle mobile sont gros et cylindriques. L’endostome n'offre aucune crête limitant l'orifice du canal expirateur. La longueur des pattes antérieures varie beaucoup, suivant l'âge et le sexe. Chez les jeunes individus, elles sont de taille moyenne, le bras est caché par la carapace, et toutes deux sont presque sem- blables. Chez les vieux mâles, au contraire, elles acquièrent un orand développement (3) ; le bras dépasse les bords latéro-anté- (1) Voy. pl. 8. (2) Voy. pl. 8, fig. 4b, et pl. 9, fig. 4b. (3) Voy. pl. 1, fig. 4 et 1°. CANCÉRIENS FOSSILES, 69 rieurs du bouclier céphalo-thoracique, etles deux pinces différent de plus en plus : la droite se développe davantage, les doigts \ prennent plus de force, les tubercules qui les arment sont plus gros ; la pince gauche est plus grêle, et les doigts longs et minces sont presque dépourvus de tubercules ; toutes deux présentent d'ailleurs quelques caractères communs. Le bras prismatique et triangulaire porte à l'extrémité de son bord postérieur un gros tu- bercule dentiforme. L'avant-bras est garni d'une dent à son angle antéro-interne : on en voit également une ou deux sur sa face ex— terne, le long de Particulation avec le bras. La main est remarqua- blement longue et comprimée ; ses deux faces sont lisses. Cepen- * dant, la partie postérieure de Ia face externe, on remarque un ou deux tubercules le long de l'articulation avec l’avant-bras. Le bord supérieur est garni de nombreux tubercules, on en comple de six à buit; le bord inférieur est également hérissé de tubercules, mais beaucoup plus petits et plus rapprochés ; souvent on les aperçoit à peine. Chez les femelles, les pinces sont beaucoup plus courtes, moins fortes et moins tuberculeuses. Les pattes suivantes sont longues, grêles, et, comme je l'ai déjà dit plus haut, elles n’offrent ni crêtes, ni dents; le doigt est styliforme. L'’abdomen du mâle court et assez large se compose de cinq articles, les troisième, quatrième et cinquième anneaux étant soudés entre eux; sur le troisième et le quatrième anneau on remarque de chaque côté une saillie tuberculiforme. L'abdomen de la femelle est très large, et occupe tout l'espace laissé entre la base des pattes. J'ai eu entre les mains près de cent exemplaires de cette espèce et j'ai pu ainsi examiner toutes les variations d'âge et de sexe. Cette étude m’a conduit à reformer un certain nombre d'espèces que l’on avait données comme distinctes, et qui ne sont que des variations de l’H. punctulatus. Ainsi M. Milne Edwards avait distingué de l’espèce qui nous occupe le Crustacé figuré par Desmarest planche 7, fig. 4, et rapporté d'Italie, en 1757, par Séguier. Ce fossile fait partie des collections du Muséum, et j'ai pu me convaincre que ce n’est qu'une jeune femelle de VIT. punc- tulatus, dont les pattes antérieures sont peu développées et ne présentent que de rares tubereules. Ce sont également des femelles 70 ALPHONSE MILNE FEDWARDS. de l'A. punctulatus (À) que M. Reuss a décrites et figurées sous le nom de Cancer brachychelus. Dans la création de cette nou- velle division spécifique, le savant paléontologiste allemand s’est fondé sur la brièveté des pinces d’un échantillon qu'il avait entre les mains. Il est à remarquer que chez les femelles de l’H. punctu- latus qu’il à fait figurer, les pinces sont constamment brisées, et que les mâles seuls en ont. Il est évident que s’il avait eu des maté- riaux plus nombreux, il se serait aperçu que ce qu'il avait pris pour une particularité spécifique n’était qu'une différence sexuelle. Le Cancer pachychelus de M. Milne Edwards n’est qu'un mâle d'assez grande taille d'Æ. punctulatus, chez lequel les pinces avaient pris un développement considérable. Le Crustacé que M. Michelotti rapporte à cette espèce, et dont il a figuré la face ventrale, n’est qu'un 7. punctulatus mâle. La forme de la carapace varie légèrement, suivant les sexes et l'aplatissement que le fossile a subi. Les femelles sont, en effet, plus arrondies que les mâles, et certains exemplaires qui pro- viennent du terrain nummulitique d'Italie étant particulièrement écrasés pourraient, au premier abord, sembler se rapporter à une autre espèce. Leur carapace est, en effet, beaucoup moins bombée, et souvent les pointes frontales, au lieu de se diriger en bas, sont horizontales ; mais en examinant un certain nombre d'individus, on peut facilement se convaincre que ces différences ne sont dues qu’à une déformation causée par la pression des couches de terrains. Largeur moyenne de la carapace, 4",10 ; longueur, 0",08. HARPACTOCARCINUS MACRODACTYLUS Edwards. Voy. pl. 10, fig. 4 et 42, Syn. : Cancer macropacryius, Milne Edwards, in d’Archiac, Hist. des pro- grès de la géologie, t. III, p. 304Kk. Cancer monopacryLus, Michelotti, Études sur le miocène inférieur, A 864, p. 440. Cette espèce, qui, de même que la précédente, se trouve dans (1} Voy. ci-dessus, pl, 9,ñg. 4. CANCÉRIENS FOSSILES. 71 le terrain nummulitique des environs de Vérone, présente avec elle une grande analogie ; ainsi la carapace est hombée et épaisse, les bords latéro-antérieurs découpés en dents nombreuses; le front divisé en quatre dents, mais la forme des pattes antérieures permet de la distinguer au premier abord. Le bras est de longueur médiocre, et ne dépasse pas le bord latéro-antérieur du bouclier céphalo-thoracique ; on n’y observe aucun tubercule. L'avant- bras présente une dent spiniforme à son angle antéro-interne. La main gauche est petite, et les doigts grêles sont presque dépour- vus de tubercules. La main droite, au contraire, est extrêmement forte et grosse ; le bord supérieur présente une série de tuber- cules. Les doigts sont remarquablement longs et robustes ; l'index se recourbe en haut d’une façon toute particulière, et n'offre qu'une ou deux grosses dents tuberculeuses; le pouce, également long et fort, est beaucoup moins courbé que l'index ; de même que ce dernier, il n’est armé que de deux gros tubercules (4). La disposition de la région antennaire, du plastron sternal et de l'abdomen, est d’ailleurs semblable à celle de l'H. punctulatus. Largeur de la carapace, 0",095 ; longueur, 0",065. HARPACTOCARCINUS ROTUNDATUS Nobis. Voy. pl. 10, fig. 2, 22, 2b, 2c, Cette espèce provient de la collection du marquis de Drée ; elle a été trouvée dans le terrain nummulitique des environs de Vé- rone. Elle ressemble beaucoup à l’H. punctulatus ; elle s’en dis- tingue cependant par la forme générale de la carapace, par les ornements de la main et par la disposition des pointes frontales. La carapace très épaisse est relativement peu élargie ; les bords latéro-antérieurs sont divisés en épines nombreuses comme dans les espèces voisines. Les pointes frontales sont courtes et obtuses, au lieu d’être longues et pointues (2). Les pattes antérieures sont courtes et fortes; le bras ne présente ni tubercules, ni épines ; (4) pl. 40, fig. 42. (2) Voy. pl. 40, fig. 2b. 12 ALPHONSE MILNE EDWARDS. l'avant-bras porte un tubercule à son angle antéro-interne. La main est remarquable par l'existence à son bord supérieur de deux lignes parallèles de tubercules petits et rapprochés (1). Nous avons vu que, chez l'A. punctulatus, il n'existait qu'une seule rangée de tubercules. Le bord inférieur de la main est compléte- ment lisse dans l'espèce qui nous occupe. Le Musée de Paris ne possède qu'un seul exemplaire de ce Crustacé : c’est une femelle, et malheureusement l'abdomen manque, ainsi que les doigts qui sont brisés. Largeur de la carapace, 0",09; longueur, 0",08. HARPACTOCARCINUS OVALIS Nobis. Voy. pl. 9, fig. 2, 22, 2b, 2c, 24, Cette espèce n’a jusqu'à présent été trouvée que dans les couches du terrain nummulitique d’Espagne. M. Vézian l’a ren- contrée dans la province de Barcelone. Elle diffère de l’'Æ. punc- tulatus par la forme très élargie de la carapace, et par l’existence sur la face externe de l’avant-bras d’une rangée de trois ou quatre tubercules parfaitement accusés (2). Les tubercules qui ornent les mains sont plus fortement marqués que dans les espèces pré- cédentes ; on en observe deux ou trois sur la face externe, près de l'articulation, avec l’avant-bras (3) ; quant au reste, elle se rap- proche de l'A. punctulatus. Largeur de la carapace, 0",08 ; longueur, 0",0%. HARPACTOCARCINUS SOUVERBIEI Nobis. Voy. pL'6, fig. 3,3%, 3b, 3e, 4,5. Cette espèce n’a jusqu'à présent été rencontrée avec certitude qne dans les couches du terrain nummalitique du sud-onest de la France. Le Muséum d'histoire naturelle de Paris en possède plu- (1) Voy. pl. 10, fig. 2e, (2) Voy. pl. 9, fig, 24, (3) Voy. pl. 9, fig. 2 PE CANCÉRIENS FOSSILES. 73 sieurs exemplaires trouvés aux environs de Dax. Il en est un qui est étiqueté comme recueilli aux environs de Vérone ; ce serait jusqu'ici le seul que je connaisse de cette localité, et comme on n’a aucun autre renseignement sur ce fossile, il est possible qu'il y ait eu erreur dans l'indication de la provenance. Ce Crabe n’atteint jamais une taille aussi considérable que les précédents. La carapace est peu élargie et peu bombée. Le test ressemble beaucoup à celui des espèces dont nous venons de nous occuper, c’est-à-dire qu'il est couvert de petites dépressions, entre lesquelles se voient de nombreux petits tubercules miliaires (1). Les bords latéro-antérieurs de la carapace ne sont découpés qu’en cinq dents obtuses et espacées, la première forme l'angle orbi- taire externe. Le front, plus proéminent que chez les espèces précédentes, est divisé en quatre dents : les externes plus courtes et espacées, les internes plus longues et rapprochées. La région antennaire et les pattes-mâclioires externes ne présentent aucune particularité à signaler (2). Les pattes antérieures sont courtes et inégales. Le bras est en- tièrement recouvert par la carapace et dépourvu de tubercules. L’avant-bras, lisse sur sa face externe, présente une dent à son angle antéro-interne. La main courte et assez forte offre sur son bord supérieur une ligne de tubereules très peu accusée; les doigts sont forts et armés de dents obtuses; les pattes suivantes sont grêles et longues. L’abdomen est semblable à celui des espèces précédentes (3). L’H. Souverbiei se reconnait donc au premier coup d’æil par l'existence de cinq dents au bord latéro-antérieur de la carapace, tandis que dans toutes les formes du même genre que nous avons passé en revue, on en comptait au moins une douzaine. La forme des pattes antérieures peut aussi fournir de bons caractères. Je donne à cette espèce le nom de M. Souverbie, conservateur du Musée de Bordeaux, et je remercie ce savant de l’obligeance (1) Voy. pl. 6, fig. 3e. (2) Voy. pl. 6, fig. 32 et 3b. (3) Vov. pl. 6, fig. 4. 7l ALPHONSE MILNE EDWARDS. avec laquelle il a mis à ma disposition les Crustacés intéressants du Musée dont il a la direction. HARPACTOCARCINUS QUADRILOBATUS Desmarest. Voy. pl. 3, fig. 2; pl. 4, fig. 4, pl.5, fig. 4,42, 4h, Syn.: Cancer quaDrirogatus, Desmarest, Crust. fossiles, p. 93, pl. VII, fig. 4 et 2. Cancer Sismonnr, Milne Edwards, in d'Archiac, Hist. des progrès de la géol., L. III, p. 308k. Cancer Prarrn, Milne Edwards, in d'Archiac, Hist. des progrès de la’ géol., t. II, p. 304k. Ce Crabe se rencontre assez souvent dans les assises de cal- caire à nummulites. La plupart des exemplaires que possèdent nos Musées provient des environs de Dax, et en particulier de Nousse ; Borda en avait recueilli plusieurs de ces localités ; on en à aussi rencontré aux environs de Perpignan. Enfin dans un envoi de Crustacés fossiles, que M. Gabriel de Mortillet a bien voulu me faire, il se trouvait un exemplaire de l’Æ. quadrilobatus provenant de Priabone, près de Schio, dans le Vicentin. C’est le premier et jusqu'ici le seul représentant de cette espèce dont j'ai pu constater la présence dans l'Italie septentrionale ; je dois réc- tifier ce que j'avais avancé à ce sujet dans un précédent mémoire, c'est-à-dire que l’H. quadrilobatus ne se trouvait que dans le bassin sud-ouest de la France. Cette espèce atteint souvent une taille considérable. La cara- pace, assez fortement bombée, est presque aussi longue que large. Les régions n’y sont pour ainsi dire pas indiquées, si ce n’est par le sillon branchio-cardiaque. Le test est couvert de petites dépres- sions serrées entre elles, et entremêlées de petits tubercules mi- liaires visibles seulement à la loupe. Ses bords latéro-antérieurs sont assez épais; ils se terminent en arrière par un assez gros tubercule dentiforme ; il y existe encore un autre tubereule plus en avant et d’une taille un peu moindre; enfin quelquefois on y remarque un troisième tubereule, mais il est toujours rudimen- on CANCÉRIENS FOSSILES, 76 taire (1). Toute la partie antérieure des bords latéro-antérieurs est lisse. Le front, de largeur médiocre, est, de même que chez les espèces précédentes, divisé en quatre dents, celies du milieu plus proéminentes que les latérales, et rapprochées entre elles. Les pattes antérieures sont inégales ; la droite est beaucoup plus forte. Le bras, très court, est complétement caché sous la cara- pace. L'avant-bras porte un tubereule dentiforme à son angle antéro-interne. La main, très forte, présente sur son bord supé- rieur une série de tubereules (2); le bord inférieur en est dé- pourvu ; les pattes suivantes sont longues et grêles. L'abdomen du mâle de forme triangulaire se compose de cinq articles. On voit donc que cette espèce diffère des précédentes, et parti- culièrement de l'A. punctulatus, par l'existence sur le bord latéro- antérieur de deux ou {rois tubercules, au lieu d’une série continue de douze à quatorze; par la forme des pinces qui, chez le mâle, sont trapues et robustes, au lieu d’être allongées. Elle pourrait être considérée comme le type de transition entre les genres Palæocarpilius et Harpactocarcinus ; la forme bombée de la cara- pace, la conformation des pinces, la rapprochent du premier, mais elle s’en éloigne par la disposition de la région antennaire et des bords latéro-antérieurs du bouclier céphalo-thoracique. M. Milne Edwards avait cru devoir créer une nouvelle division spécifique, à laquelle il avait donné le nom de Cancer Sismondi pour une variété de cette espèce, dont les bords marginaux pré- sentaient trois tubercules, au lieu de deux. Mais j'ai pu m’assurer, par l'examen et la comparaison d’un grand nombre d'individus, que cette anomalie élait individuelle, qu’elle s’observait fréquem- ment, et que, dans la plupart des cas, on pouvait retrouver les traces rudimentaires de ce troisième tubercule dentiforme. Le Cancer Praitii du même auteur doit être confondu avec VA. quadrilobatus. L'exemplaire qui a servi de type pour cette espèce est en assez mauvais élat : c’est une jeune femelle dont les caractères ne sont pas bien nettement accusés. (1) Voy. pl. 3, fg. 2, et pl. 4, fig. 4. (2) Voy. pl. 3, fig. 2; pl. 5, fig. 45. 76 ALPHONSE MILNE EDWARDS, GENRE REUSSIA. SECTION DES CARPILIDES TRANSVERSAUX. Syn. : Reussia, Mac Coy, Annals of natural History, 2° série, 1854, t, XIV, p. 120. Reussra, Reuss, Zur Kenntniss fossiler Krabben,1859, p. &. Ce genre a été établi, en 1854, par M. M'Coy pour quelques Brachyures fossiles propres aux terrains crétacés. Le paléontolo- giste anglais ne se prononça pas sur la place que ce genre doit occuper dans la série carcinologique ; il se borna à décrire les caractères des échantillons qu'il avait à sa disposition, et il rangea dans la nouvelle division qu'il venait de créer, le Podophthalmus Buchii de M. Reuss (1), et indiqua les caractères qui devaient éloigner ce Crustacé des Podophthalmes. Dans son dernier mé- moire sur les Crabes fossiles, M. Reuss adopta les vues et le clas- sement proposé par M. M'Coy, et chercha à fixer la place que devaient occuper ces Crustacés fossiles dans une classification méthodique ; il les rangea dans la division des Portuniens, à côté des Lupéens. Nous ne pouvons partager cette manière de voir, et nous expo- serons plus loin les raisons qui nous portent à ranger le genre Reussia dans la grande famille des Cyclométopes marcheurs, c'est-à-dire des Cancériens. La carapace est très élargie et médiocrement bombée. Les ré- gions hépatiques sont très développées, et dépourvues de sillons transversaux. Les régions branchiales sont marquées par des sillons plus ou moins profonds. La région gastrique est triangu- laire. Le lobe mésogastrique, étroit en avant, se prolonge jusqu’au front, et en arrière se confond avec le lobe urogastrique ou gas- trique postérieur. La région cardiaque est large en avant. Les sillons branchio-cardiaques sont fortement accusés. Les bords (4) Reuss, Die Versteinerungen der Bühmischen Kreideformation, A"° partie, 4845, p. 45, pl. 5, fig. 50 et 54. | CANCÉRIENS FOSSILES, 77 latéro-antérieurs sont épais et plus ou moins lobés. Le front est étroit et plus ou moins sinueux ; les orbites petites et profondes. L'article basilaire des antennes externes ne devait rencontrer le prolongement sous-frontal que par son angle antéro-interne , la tigelle mobile s’insérant dans l’hiatus interne de l'orbite. L'article basilaire des antennes internes est court et gros; la tigelle mobile se reploie obliquement dans les fossettes destinées à la recevoir. La cloison inter-antennulaire est large et aplatie. Le plastron ster- nal est presque aussi large en avant qu’en arrière. Jusqu'à présent on ne connaît pas les pattes de ces Crustacés; mais les caractères tirés de la disposition du bouclier céphalo-thoracique suffisent pour déterminer la place que doit occuper le genre Reussia. La forme générale de la carapace, le renflement des régions hépatiques limitées en arrière par un sillon qui va rejoindre le sillon cardia- que, la disposition de la région frontale, rapprochent ce genre des Carpilodes (Dana) (1 )et des Carpiloæanthes (Alph. Edwards) (2). Le genre Reussia diffère du premier par l'absence de sillons gastro-hépatiques , et du second par l'absence de sillons sur la région hépatique; enfin la forme de son front le sépare de l’une et l’autre de ces deux genres. Il doit cependant former avec eux un petit groupe très homogène voisin des Liomères, des Actéodes et des Actées, et devant prendre place à la suite des Carpilies et des Atergatis. Jusqu'à présent le genre Reussia n’a été rencontré que dans les assises du terrain crétacé, où l’on trouve en général peu de Bra- chyures, et surtout aussi élevés en organisation que ceux de la famille des Cancériens. (4) Dana, United States explor. Exped., Crusraces, t. I, p. 492, pl. 9, fig. 7. (2) Alph. Milne Edwards, Faune carcinologique de l’ile de la Réunion) p. 3 (annexe à l'ouvrage intitulé: Notes sur l'ile de la Réunion, par M. Maillard, 4 86). 78 ALPRONSE MILNE EDWARDS. REUSSIA GRANOSA. Voy. pl. 5, fig. 2, 24, 2h. Syn.: ReussiA cranosA, Mac Coy, On some new Crelaceous Crustacea (Annals and Magazine of Natural History, 1854, 2° série, t. XIV, p. 124, pl. 4, fig. 4). ReussiA érANosA, Reuss, Zur Kenntniss fossiler Krabben, 1859, p. 9. ReussiA GRANULOSA, Mac Coy, loc. cit., p. 122. ReussiA crANuLOsA, Reuss, loc. cit., p. 40. Cette espèce se trouve assez communément dans les couches des grès verts supérieurs (upper greensand) des environs de Cambridge en Angleterre ; on la rencontre aussi, et en général dans un meilleur état de conservation, dans les assises du gault de Folkstone, au pied de la falaise. La carapace est près de deux fois aussi large que longue, et tu- berculeuse surtout en avant. La région gastrique se confond presque complétement avec les régions hépatiques. Les lobes protogastriques sont renflés et finement luberculeux; le lobe mésogastrique n’est hérissé que de très petits tubercules, et se prolonge en pointe jusqu’au front. Les régions hépatiques portent deux gros tubercules vers leur bord interne, et sont limitées en arrière par un sillon large et profond. Les régions branchiales sont traversées par deux sillons, dont l’antérieur va rejoindre le sillon branchio-hépatique, et circonscrit ainsi le lobe épi-branchial. Le lobe méso-branchial porte un gros tubercule, et est limité en arrière par un sillon transversal qui ne se continue pas jusqu'à la ligne médiane. Le lobe méta-branchial ne porte que de petits tubereules miliaires”"extrêmement fins; il en est de même pour la région cardiaque quikest très,renflée. Les bords latéro-antérieurs sont un peu lobulés, le lobe postérieur étant seul bien distinct ; ils sont hérissés de tubercules. Le front est légèrement avancé ; très enfoncé sur la ligne médiane, il se relève sur les côtés pour for- mer deux espèces de lobes, plus avancés que les angles sus- CANCÉRIENS FOSSILES. 79 - orbitaires internes (1), le bord sus-orbitaire est divisé par une scissure, en dedans de laquelle se voit un renflement tuberculi- forme. Les régions ptérygostomiennes sont hérissées de petits tubercules. Le sillon branchio-hépatique se continue en dessous sur ces mêmes régions. Le plastron sternal présente une forme à peu près quadrilatère. On ne connaît encore ni l'abdomen du mâle, ni les pattes de cette espèce. Ces dernières parties pourraient fournir d’utiles renseignements sur les affinités de ce fossile, et il est à espérer que des recherches un peu attentives feront décou- vrir les diverses pièces du squelette tégumentaire qui, à raisonde leur plus grande fragilité, manquent dans la plupart des cas. M. M’Coy créa une nouvelle division spécifique pour une Reussia, qui, au lieu de présenter de gros tubercules entremélés de petits, était couverte d’une granulation fine et uniforme, et dont l'état de conservation laissait beaucoup à désirer ; il la désigna sous le nom de Reussia granulosa. Mais en examinant un certain nombre de ces Crustacés recueillis également aux environs de Cambridge, j'ai pu me convaincre que, sur quelques-uns, l’usure et le frottement faisaient disparaitre les gros tubercules, et que les petits seuls restaient. Je pense donc que le R. granulosa n’est qu’un accident de la R. granosa, et ne doit pas en être distinguée. REUSSIA BUCHII Reuss. Voy. pl. 5, fig. 3, 3. Syn.: Ponoraruazmus Bucuu, Reuss, Die Versteinerungen der Bühmischen Kreideformation, 4"° partie, 4845, p. 15, pl. 5, fig. 50 et 54, Revssia Bucur, Mac Coy, On some new Cretaceous Crustacea (Annals and Magazine of Natural History, 1854, 2° série, t. XIV, p« 120.) Reussia Boca, Reuss, Zur Kenniniss fossiler Krabben, 1859, p. 8, pl. 2, fig. &. Revssia Buc, Alph. Milne Edwards, Portuniens fossiles, pl. 6, fig. 3 et 3.. Cette espèce, la plus anciennement connue du genre, provient (4} Voy. pl. 5, fig. 2a, 80 ALPHONSE MILNE EDWARDS. des marnes du pläner de Bohême, que M. Reuss regarde comme correspondant au gault. Cette opinion n’est pas généralement admise, et la plupart des géologues s'accordent pour considérer celte assise de marnes comme un équivalent de la craie mar- neuse de France. En 1845, M. Reuss décrivit cette espèce sous le nom de Po- dophthalmus Buchii; il n'avait entre les mains que des échan- tillons dont la région antennaire était brisée, et crut voir dans cette cassure les traces de la gouttière, dans laquelle se reploient les pédoncules oculaires des Podophthalmes. Plus récemment, en 1854, M. M'Coy sépara cette espèce des Podophthalmes, et la placa dans son genre Reussia à côté de la R. granosa. Enfin, en 1859, dans son dernier mémoire, M. Reuss adopta cette manière de voir, et conserva, à l’espèce qu'il avait précédemment décrite, le nom générique que le paléontologiste anglais lui avait donné ; mais il ne modifia pas complétement les opinions qu'il avait précédemment émises, et plaça les Reussia parmi les Portuniens à côté des Lupées. Nous avons vu, dans mon mémoire sur les Portuniens fossiles, que cette place ne pou- vait lui être conservée. Le R. Buchi diffère principalement de l'espèce précédente par l’absence des tubercules qui ornent la carapace, et par l'existence d’un sillon gastro-hépatique bien prononcé. La cara- pace est ovale, très élargie, ornée de petites dépressions éparses, dans l'intervalle desquelles se trouvent de petits points. La ré- gion gastrique est large, et limitée par un sillon gastro-hépa- tique: bien prononcé. Les lobes prologastriques sont renflés ; le lobe mésogastrique se prolonge en pointe jusqu’au front. Les régions branchiales sont traversées par deux sillons ; la région cardiaque est très large en arrière; les bords latéro-antérieurs sont obseurément dentés. Le front est étroit et peu avancé. Malheureusement on ne connait de cette espèce que quelques exemplaires en très mauvais état, comme on peut en juger en jetant les yeux sur la figure que M. Reuss en a donnée, et que j'ai reproduite. Les bords latéro-antérieurs et toute la région frontale sont plus où moins brisés. 1 est done difficile de bien CANCÉRIENS FOSSILES. 81 étudier les caractères de ce fossile qui, par sa forme générale, se rapproche de l'espèce de Cambridge et de Folkstone; peut-être cependant la forme du front et des bords latéro-antérieurs exigera- t-elle la séparation de ces deux espèces. Cette question ne pourra être décidée que lorsque l’on aura des carapaces complètes de la R. Buchii. | CARPILIDES DOUTEUX. Je rangerai dans ce groupe un Crustacé fossile décrit par Galeotti (1) sous le nom de Cancer Berlini, et trouvé dans les couches de calcaire éocène du plateau de Melsbroeck dans le Brabant. Dans son Oryctographie de Bruxelles, Bertin avait déjà signalé la présence de ce Crabe dans la même localité (2); il en avait même donné une figure, mais ce dessin, ainsi que celui qui se trouve dans le mémoire de Galeotti, et que je reproduis ici, laisse beaucoup à désirer : les échantillons représentés sont en très mauvais état; le front ainsi que les bords latéro-antérieurs y sont brisés ; aussi n'est-ce qu'avec la plus grande réserve que je place ce fossile parmi les Carpilides, la forme générale de la carapace n'aurait pas suffi pour autoriser ce classement; mais lmspection des doigts, séparés de pinces, qui paraissent se rap- porter à celle espèce, et qui ont été figurés par Bertin, m'ont semblé se rapporter évidemment à des Crustacés du groupe des Carpihides (3). Cependant, je le répète, celte place n’est que pro- visoire, et, pour déterminer génériquement et spécifiquement ce fossile, 1l faut attendre que l’on ait des échantillons plus parfaits; aussi je proposerai de lui laisser jusqu’à nouvel ordre le nom de Cancer, pris dans son acception la plus large et la plus générale. (1) Galeotti, Mémoire sur la constitution géognostique de la province de Bra- bant, 1837, p. 47, pl. HE, fig. 3, et ci-dessus, pl. 6, fig. 4. (2) Bertin, Oryctographie de Bruxelles ou description des fossiles Lant naturels qu’accidentels découverts jusqu'à ce jour dans les environs de celle ville, 1784, p. 94, pl. 2, fig. 8. (3) Bertin, loc. cit., pl. VI, Gg. Met N. 4° série. Zooc. T. XVIII. (Cahier n° 2.) © 6 82 ALPIIONSE MILNE EDWARDS, EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 1. Fig. 1. Palæocarpilius aquilanicus, individu mâle, trouvé dans le terrain num- mulitique du bassin de la Gironde. Fig. 1*. Palæocarpilius aquitanicus, individu femelle, provenant de la même localité. Fig. 2. Palæocarpilius macrocheilus mâle, du terrain nummulitique des environs de Vérone. Fig. 22. Région antennaire du même, grossie, Fig. 2b, Maindu même, vue par sa face interne, Fig. 3. Palæocarpilius stenurus, individu femelle, du terrain nummulitique des environs de Vérone. Fig. 3». Le même, vu en dessous. Fig. 3. Le même, vu de face et montrant la voussure de la carapace et de la déclivité du front, Ces trois dernières figures sont faites d'après celles de M. Reuss, Zur Kenniniss fossiler Krabben, pl. 44, fig. 5-7. PLANCHE 2, Fig. 1. Palæocarpilius macrocheilus, individu femelle, du terrain nummulitique des environs de Vérone. Fig. 12, Le même, vu en dessous. Fig. 1». Région antennaire du même, grossie et montrant le développement de l'article basilaire des antennes externes. Fig. 1e. Le même, vu de face, montrant la forme du front et la courbure de la carapace. Fig. 44 Portion du test, grossie. PLANCHE 3. Fig. 4. Palæocarpilius macrocheilus mâle, des terrains nummulitiques de San Leonardo (Véronais). Fig. 1. Le même, vu en dessous. Fig. 2. Harpaclocarcinus quadrilobatus, individu mâle, du terrain nummulitique des environs de Dax. Fig. 21. Le même, vu en dessous, CANCÉRIENS FOSSILES, 83 PLANCHE À. Fig. 4. Harpactocarcinus quadrilobatus, individu femelle, du terrain nummuli- tique de Nousse (Landes). Fig. 2. Palæocarpilius Klipsteini, du terrain nummulitique du Kressenberg, en Bavière. Fig. 2. Le même, vu de face. Fig. 2». Petite main de la même espèce, vue en dehors. (Cette figure est copiée sur celle de M. Reuss, Zur Kenntniss der fossiler Krabben.) Fig. 3. Palæocarpilius ignotus, doigt mobile de la pince, provenant des couches du calcaire grossier des environs de Chaumont. Fig. 32. Index ou doigt immobile de la même espèce, trouvé dans la même localité, Fig. 4. Atergatis dubius, individu mâle, provenant des couches du terrain num- mulitique des environs de Dax. Fig. 41. Le même, vu en dessous. PLANCHE 9. Fig. 4. Harpactocarcinus quadrilobatus, individu femelle, provenant du terrain nummulitique de Nousse (Landes), vu par sa face ventrale. Fig. 1*. Pince du même vue par sa face externe, Fig. 2. Reussia granosa, du gault de Folkstone, grossi. Fig. 21, Le même, vu de face et montrant la disposition du front et des orbites, Fig. 2». Le même, de grandeur naturelle, Fig. 3. Reussiu Buchii, du terrain crétacé de Bohême, grossi. Cette figure es copiée sur celle de l'ouvrage de M. Reuss (Zur Kenntniss fossiler Krabben). Fig. 3%. Le même, de grandeur naturelle, Fig. 4. Cancer Berlini du terrain éocène de Melsbroeck (Brabant). Cette ligure est copiée sur celle de Galeotti, PLANCHE 6. Fig. 1. Palæocarpilius macrocheilus, individu mâle, rapporté de Chine ? et dont Dumarest a figuré la face ventrale. Fig. 12. Pince du même, vue en dedans. Fig. 1. Région antennaire du même. Fig. 2. Palæocarpilius macrocheilus, individu femelle, du: terrain nummulitique des environs de Vérone. 8h. ALPHONSE MILNE EDWARDS. Fig. 22. Le même, vu par sa face ventrale. Fig. 3. Harpactocarcinus Souverbiei, individu mâle du terrain nummulitique des environs de Dax. Fig. 3%, Région antennaire du même, grossie. Fig. 3,. Patte-mâchoire externe du même, grossie. Fig. 3°. Portion du test, grossie. Fig. 4. Harpactocarcinus Souverbiei, individu mâle, du terrain nummulitique de Dax, vu par sa face ventrale. Fig. 5. Harpactocarcinus Souverbiei, de lamêine localité, vu par sa face ventrale. PLANCHE 7. Fig. 4, Phlyctenodes pastulosus, du terrain nummulitique des environs de Dax, grossi. Fig. 41, Le même, de grandeur naturelle, Fig. 2. Phlyctenodes tuberculosus, grossi. Fig. 2%, Le même, vu de face et montrant la disposition du front. Fig. 2». Le même, de grandeur naturelle, Fig. 3. Xantho Fischeri, du gault de Sainte-Croix (canton de Neuchâtel), individu femelle, grossi. Fig. 3a. Le même, vu sur sa face ventrale. Fig. 3». Le même, de grandeur naturelle. (Ces trois dernières figures se rapportent à uue autre division de ce mé- moire.) PLANCHE 6. Fig. 4. Harpactocarcinus punctulatus, individu mâle, du terrain nummulitique des environs de Vérone. Fig. 4. Le même, vu en dessous, Fig. 41b, Région antennaire du même, gfogsie. Fig. 1e. Endostome, grossi, Fig. 14 Le même individu, vu de profil. Fig. 4°, Courbe montrant la courbure de la carapacé. Fig. 4f,. Patte-mâchoire, grossie. Fig. 48, Portion du test, grossie, CANCÉRIENS FOSSILES. 89 PLANCHE 9. Fig. 4. [arpactocarcinus punctulatus, individu femelle, du terrain nummulitique des environs de Vérone. Fig. 1%. Le même, vu en dessous. Fig. 1b, Région antennaire, grossie, Fig. 1°. Le même, vu de face et montrant la disposition du front. Fig. 2. Harpactocarcinus ovalis, du terrain nummulitique d'Espagne. Fig. 2a. Le même, vu en dessous. Fig. 2b. Région antennaire, grossie. Fig. 2c. Pince du même, vue en dehors. Fig. 2% Avant-bras montrant les tubercules dont sa face externe est hérissée. PLANCHE 10, Fig. 4. Harpactocarcinus macrodactÿlus, individu mâle, provenant du terrain nummulitique du Véronais, Fig. 12. Le même, vu en dessous. Fig. 2. Harpactocarcinus rolundatus, individu femelle, du terrain nummulitique du Véronais. Fig. 22. Le même, vu en dessous. Fig. 2,. Front et région orbitaire du même, grossis. Fig. 2°. Pince, vue en dessus et montrant la double rangée de tubercules qui la distinguent, Fig. 24, Pince vue en dehors. NOTE SUR UNE GREFFE ANIMALE PAR APPROCHE LUE À LA SOCIÉTÉ PHILOMATHIQUE, LE 17 Mat 1862, Par M. BERT. Les faits de greffe animale partielle (ergot de coq, ete.), connus depuis long: temps, les expériences sur la transfusion du sang, et d'autre part la considéra- tion de certaines monstruosités doubles, m'avaient, depuis assez longtemps, suggéré l'idée d'expériences que les remarquables résultats obtenus par M. Ollier dans ses transplantations périostiques m'ont déterminé à mettre à exécution. Je voulais savoir s’il était possible de réunir intimement deux animaux l'un à l'autre, d'obtenir par une circulation commune l'échange de leurs matériaux nutritifs; en un mot, de créer de toutes pièces des monstres doubles, au delà de la vie fœtale. J'ai l'honneur de mettre sous les yeux des membres de la Société les résul- tats d’une première et heureuse expérience. Elle a été faite le 7 avril, sur deux Rats albinos nés le 20 mars précédent. Sur toute la longueur du flanc, à droite chez l'un, à gauche chez l’autre, une inci- sion a été pratiquée, n'intéressant que la peau et le tissu cellulaire sous-cutané. J'ai disséqué des lambeaux en haut et eh bas, enlevé quelques pelotons graisseux, évité les tiraillements et assuré le contact des surfaces saignantes par une suture entrecoupée et un bandage collodionné. Les suites de l'opération ont été des plus simples, car en quatre ou cinq jours s'est opérée une réunion par première inten- tion, sans une seule goutte de pus, si bien que le 13 avril, j'ai débarrasse de leur maillot les deux animaux désormais greffés l'un à l'autre. Ils marchaient alors côte à côte, réunis par une bande cutanée de 3 à 4 cen- timètres de largeur, sur laquelle on apercevait à peine la ligne sinueuse de là cicatrice. Mais leur impatience augmentant avec leu:s forces, les tractions qu'ils faisaient subir à cette partie commune, la réduisirent bientôt à une sorte de cor- don épais, large d'environ un centimètre et demi, qu'ils décidèrent même d'atta- quer à belles dents. Aussi, après les avoir montrés vivants encore à un grand nombre de personnes, parmi lesquelles je citerai MM. Gratioletet Claude Bernard, je me résolus à les sacrifier. L'autopsie me prouva, comme l'observation antérieure le montrait da reste, que l'adhérence se bornait à l'enveloppe cutanée, sur laquelle des inégalités d'épaisseur indiquaient seulement la trace de l'opération. Les téguments du ventre et du dos, réciproquement unis, déterminaient une sorte de canal rempli de tissu cellulaire, sur les parois duquel rampaient les nerfs et les vaisseaux. Il importait surtout de savoir comment était constituée cette partie intermédiaire, s'ils”y était formé simplement un tissu de cicatrice (chose peu probable, eu égard à la rapi- dité de la guérison), ou si, au contraire, il y avait là une région si j'ose dire mitoyenne, dans un véritable état d'indivision nutritive. Pour élucider ce point, je tentai d'empoisonner lentement l’un des animaux, espérant, s’il v avait commu- nication sanguine un peu importante, agir en même temps sur tous les deux. Mais l'expérience, comme je le soupçonnais du reste, ne réussit pas, et je dus avoir recours aux procédés ordinaires : une injection poussée par la jugulaire externe de l'un des conjoints a passé dans les veines cutanées, et jusqne dans la veine fémorale de l'autre. La communication se faisait ainsi entre vaisseaux du même ordre, communication minime du reste, mais qui n'en prouve pas moins le fait intéressant de la solidarité nutritive entre les deux animaux. RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA TRUITE, DU LÉZARD ET DU LIMNÉE, Par M. LEREBOULLET, Professeur de zoologie et d'anatomie comparée à la Faculté des sciences de Strasbourg (1). TROISIÈME PARTIE. EMBRYOLOGIE DU LIMNÉE DES ÉTANGS (Limnæus stagnalis Lam.) CHAPITRE I. Première période ou période préparatoire, comprenant les changements qui se passent dans l'œuf depuis la ponte jusqu’à la fin de la segmen- tation vitelline. Les Limnées, comme les Planorbes, pondent pendant toute la saison chaude, depuis le premier printemps jusqu’à la fin de l’au- tomne. Ils collent leurs œufs contre les feuilles des plantes aqua- tiques, particulièrement des Nénuphars et des Hydrocharis, où contre tous les objets sur lesquels ils peuvent ramper. Les pontes se répètent à des intervalles plus où moins rappro- chés, suivant la saison, sans que chaque ponte ait été précédée d'un accouplement. J'ai séparé souvent des Limnées trouvés accouplés ; les individus isolés ont pondu successivement cinq ou six sacs ovigères à la distance d’un ou deux jours. Les derniers sacs pondus étaient de plus en plus petits, et ne renfermaient que quelques œufs. | On sait que les Limnées sont hermaphrodites , mais qu’ils ne (4) Voyez, pour les deux premières parties, t. XVI, p. 413, ett. XVII, p.88. [afe) LEREBOULLET. se fécondent pas réciproquement en même temps, comme les Limaces, les Hélices, etc. Quand ils sont réunis, l’un des deux sujets sert de mâle, l’autre de femelle. Jai remarqué, dans le Limnée des étangs, que l'individu qui fait les fonctions de mâle à toujours son pied d’une couleur fauve plus ou moins claire, tandis que la même partie de l'autre individu est d’un gris noirâtre. Cette couleur fauve du pied, qui pourrait faire croire à l'existence d’une autre espèce, paraît être transitoire; elle semble avoir quelque rapport avec la maturité des organes mâles, et annonce peut-être un prochain accouplement. Quand l’accouplement va se faire, l'individu qui fonctionne comme mâle applique son pied sur quelque partie de la coquille de la femelle, et sort l'organe pénial, qui ressemble, quand il est étendu, à une longue languette d’un blanc de lait. Cette languette s’amincit, s’étire en pointe eflilée, et se dirige vers le côté droit de la femelle, pour s’introduire dans l’orifice étroit du canal géni- tal. Cet orifice apparaît comme un point noir entouré de blanc, situé au-dessus du pied, du côté droit, entre celui-ci et l'ouverture de la chambre respiratoire. L’accouplement paraît durer plusieurs heures. Je n’ai pas vu si l'individu qui a servi de femelle sert à son tour de mâle pour son compagnon ou pour un autre individu, et j'ignore aussi combien de temps, après avoir été fécondé, il peut fonc- tionner comme mâle. La ponte a lieu, en été, vingt-huit heures ordinairement après l’accouplement, quelquefois deux ou trois jours, quatre où même cinq jours seulement après cet acte. L'opération de la ponte dure environ un quart d'heure. J'ai pu l'observer sur un Limnée qui a pondu sous mes yeux. L'animal avait son pied appliqué sur une feuille d'Hydrocharis ; une partie du sac ovigère était déjà sortie de l’ouverture génitale, située, comme je viens de le dire, à droite, à une assez grande distance derrière le tentaeule. La portion du sac qui était sortie était d’une extrême mollesse et d’une couleur terne; ayant essayé de l’ex- traire, je n'ai pu y parvenir, le moindre tiraillement menaçant de le déchirer. Le sac sortit d’une manière pour ainsi dire insensible ; RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 89 au bout de douze minutes d'observation, il était entièrement dehors, collé contre la feuille. Le sac ovigère récemment pondu est toujours terne, sans au- cune transparence, au point de laisser à peine apercevoir les œufs qu’il renferme ; il est d’un aspect laiteux, un peu grisâtre, et tou- jours très mou. Peu à peu il acquiert de la consistance, en même temps il s’éclaircit, et ne tarde pas à avoir la transparence du cristal ; au bout de deux ou trois heures ordinairement, il res- semble à une coulée de gelée. Ce sac renferme une matière vis- queuse, très filante, au milieu de laquelle les œufs sont plongés comme dans une gangue glaireuse. Il est cylindrique, plus ou moins long, arrondi en avant, effilé, et souvent terminé en queue en arrière. Les œufs contenus dans le sac ovigère ont, dès qu'ils sont pondus, la transparence de l’eau ; leur longueur moyenne est d’un millimètre ; leur forme est ovoïde dans le Limnée des étangs, sphérique dans l'espèce des marais (L. palustris). L'arrangement des œufs et la forme du sac varient aussi quelque peu suivant les espèces. Les œufs sont composés : 1° D'une enveloppe mince, transparente, amorphe, très résis- tante : le chorion. Examinée sous les plus forts grossissements, cette enveloppe ne montre aucun système de tubes ou de trous, comme on en rencontre souvent sur les œufs destinés à se déve- lopper dans l’eau, sur ceux des Poissons et des Écrevisses, par exemple. 2° D'une matière albumineuse, qui conserve sa transparence dans l’eau, analogue à celle qui remplit le sac, mais moins vis- queuse. 3 D'un très petit vitellus, que nous appellerons le germe, de forme globuleuse, de couleur jaunâtre, opaque ou faiblement translucide sur ses bords. Le vitellus ou germe occupe un point quelconque et variable de la surface de l’œuf; le plus souvent, cependant, il est placé vers l'un de ses pôles. Son diamètre, au moment de la ponte, varie entre 0"",12 et 0" ,15 ; rarement il est de 0°”,18 ou de 0"",20. 90 LEREBOULLET., Ce germe est mou, peu cohérent. Quand on le sort de l'œuf, on le voit changer de forme, suivant les mouvements qu’on lui imprime ; mis à nu sur une plaque de verre, il s’affaisse sur lui- même et souvent se déchire; il paraît dépourvu de membrane vitelline : c’est un fait qui ressort de mes nombreuses observa- tions sur l’œuf de ces Mollusques. A l’époque de la ponte, le vitellus est parfaitement homogène ; il représente une petite sphère transparente dans sa partie cen- trale (pl. XIE, fig. 2). Il est nécessaire, pour étudier sa composition, de le recouvrir d’une mince lamelle de verre. On voit alors qu'il est entièrement composé d'éléments mieroscopiques granuleux, ou plutôt vésieuleux, très petits (fig. 2). Ces éléments, que J'appellerai granules élémentaires ou granules plastiques, mesurent environ 0"",001. Quand on les examine à l’aide d’un fort gros- sissement, on peut s'assurer que leur centre est transparent, ce qui dénote leur nature vésiculeuse. Ils sont assez cohérents, et paraissent retenus collés les uns contre les autres par une ma- tière visqueuse particulière. Au milieu des granules qui composent le germe se trouvent deux vésicules assez grosses, rapprochées l’une de l’autre, par- faitement sphériques, à parois minces et délicates, d’une grande transparence (fig. 3). Chacune d'elles mesure ordinairement 0°” ,016. Elles renferment un petit nombre de granules pâles et très fins. Si l'on imprime de légers mouvements à la lamelle de verre qui recouvre la préparation, on voit ces petites sphères se déplacer, rouler sur elles-mêmes, ce qui permet de distinguer clairement leur composition. Dans quelques germes, ces vésieules centrales étaient ovoïdes ; le plus souvent, cependant, je les ai trouvées sphériques. Les vésicules centrales grossissent rapidement, mais d’une manière inégale (fig. 4). Au bout d’une demi-heure, l’une d’elles, de forme ovoïde, avait atteint un diamètre longitudinalde 0"",026. Elles deviennent alors tellement diaphanes, que c’est à peine si l’on parvient à en distinguer les contours, quand on les a déga- gées des granules qui les environnent ; vues au milieu de ces gra- nules, au contraire, leur t ransparence sert à les faire reconnaitre. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. gi Bientôt elles se rompent ou se dissolvent, et disparaissent entière- ment. L'amincissement successif des vésicules centrales, puis leur disparition, expliquent pourquoi il m’est souvent arrivé de ne pas trouver ces petites sphères dans des œufs pondus depuis peu de lemps. La disparition des vésieules centrales coïncide avec l'apparition d'éléments nouveaux, que nous verrons jouer un rôle important dans le développement de l'œuf. Ce sont de petites vésicules brillantes, qui paraissent être de nature albumineuse plutôt que graisseuse. Elles ont en moyenne, quand elles se montrent, un diamètre de 0"",005. D'abord simples et sans aucun contenu solide appréciable, elles renferment, quand elles ont un peu grossi, un petit nucléole brillant, semblable, par son aspect et par ses dimensions, aux granules vésiculeux élémentaires qui com - posent le germe (fig. 5). Quoique je ne puisse spécifier le rôle que jouent ces vésicules, je les appelle vésieules plastiques, parce que leur présence annonce toujours des formations nouvelles, et qu’elles président sans doute à ces formations. Vers le commencement de la deuxième heure après la ponte, lorsque les vésicules centrales sont sur le point de disparaître, on commence à trouver dans le germe quelques-unes de ces vési- cules plastiques. Les premières, encore en petit nombre, ne me- surent que 0"",003, et n’ont pas encore de nucléole; mais leur nombre s’aceroit rapidement, en même temps qu’elles augmen- tent un peu de volume. Deux heures après la ponte, le vitellus renfermait quatre cel: lules ou vésicules centrales, rapprochées l’une de l’autre, en tout semblables aux deux vésicules primitives, et mesurant, comme elles, 0"",016 exactement. Ces nouvelles vésiceules sont d’une grande limpidité, très délicates, au point de disparaître par le plus léger maniement de la lamelle de verre. Les vésicules plastiques ont grossi (fig. 5); elles mesurent maintenant 0"",008: elles sont aussi plus nombreuses, et elles ont toutes un petit nucléole vésiculeux. Si l’on examine les œufs du même sac peu de temps après, on 92 LERSBOULLET. ne retrouve plus les vésicales centrales, quelque soin qu'on mette à les chercher ; elles ont disparu comme les vésicules primitives, soit par dissolution, soit par rupture. C'est à peu près à cette époque, c’est-à-dire trois ou quatre heures après la ponte, que commence la segmentation du vitellus. Cette opération est en quelque sorte annoncée par la présence, en dehors du vitellus, d’une petite vésicule hyaline, semblable à celles que nous allons voir accompagner le phénomène de fractionnc- ment. Le germe, qui était resté jusqu’à présent parfaitement homo- gène et opaque, excepté à son centre, montre une ligne droite, transparente, qui le partage en deux hémisphères parfaitement semblables et égaux (fig. 6). Une demi-heure plus tard, le vitel- las n’est plus sphérique; les deux extrémités de la ligne transpa- rene offrentune échancrure qui devient de plus en plus profonde; la partie correspondante de chaque hémisphère s’arrondit. Peu à peu, ces deux hémisphères se séparent, et s’arrondissent à mesure qu'ils s’écartent l’un de l’autre. Si l’on observe alors le germe avec attention, par transparence ou par réflexion, en s’aidant dela lumière solaire, on voit que le germe se compose de deux sphères qui chevauchent l’une sur l'autre (fig. 7). Les parties qui se re- couvrent sont plus transparentes que le reste, d'où résulte un petit espace ovalaire, translucide, indiquant la forme et l’étendue des deux portions de sphère superposées. Les deux sphères continuent à s’écarter l’une de l’autre, jusqu'à ce qu'elles soient devenues tangentes. Quand on ouvre l'œuf, lorsque les sphères se trouvent dans cette position, elles se réunis- sent de nouveau pour n’en former qu'une seule. Cette dernière circonstance montre l'absence de membrane propre autour des sphères vitellines , car la présence d’une membrane empêcherait cette fusion des deux sphères en une seule. C’est alors qu’on voit babituellement en dehors du vitellus, entre les deux sphères sé- parées, une ou deux petites vésicules transparentes sorties du vitellus lui-même. Elles indiquent que cet organisme est le siége d’un mouvement moléculaire intérieur, dont le résultat est l’ex- pulsion d’une ou de plusieurs goultelettes d’albumine qui s’arron- RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 93 dissent en vésicules, ou peut-être de vésieules qui existaient déjà dans le germe. Quelle que soit, du reste, l'interprétation que l’on voudra donner à cette vésicule extérieure qui a été observée dans beaucoup d'animaux, el qui persiste pendant toute la durée du fractionnement, son existence en dehors du germe montre encore l'absence d’une membrane vitelline particulière autour de celui-ci. Chacune des deux sphères de segmentation mesure ordinaire- ment 0"",10; c’est à peu près la moitié du diamètre du germe primitif, Chacune d’elles renferme une vésicule centrale, parfai- tement semblable à celles dont 1l a été question plus haut, et me- surant, comme elles, 0"”,016, mais qu'on ne distingue qu’en recouvrant la pièce d’une lamelle de verre. La substance des sphères est cnlièrement composée des mêmes granules élé- mentaires vésiculeux qui formaient la substance du germe à son origine, et l'on ne voit plus aucune trace des vésicules plastiques, dont le nombre était si considérable avant la division en deux. J'ai tout lieu de penser que les vésicules centrales, actuellement présentes, disparaissent aussi, comme nous les avons vues dispa- raitre dans le germe non encore segmenté, car j'ai souvent exa- miné des œufs qui offraient le fractionnement en deux sphères, sans pouvoir trouver aucune vésicule dans celles-ci. Les deux sphères produites par la première division du germe restent séparées pendant une heure environ. Au bout de ce temps, elles se rapprochent de nouveau, se fondent peu à peu l’une dans l’autre en se pénétrant pour ainsi dire réciproquement, et finissent par former une sphère simple semblable à la sphère vitelline pri- milive, avec ceite différence que la nouvelle sphère est ordinaire- ment un peu allongée. Lorsque cette période de rapprochement ou de concentration des sphères de fractionnement commence, celles-ci s’aplatissent par leurs surfaces contiguës, de manière à représenter deux hémisphères en contact par leur surface plane. Quand la fusion est complète, et qu'on fait sortir le germe de l'œuf, on a sous les yeux une sphère un peu allongée, divisée en deux parties égales par une ligne transparente (fig. 8). Chaque demi-sphère est munie d’une vésicule de 0"",046, située non plus 9h LEREBOULLET au centre, mais tout près des bords tangents, et offrant la même composition et le même aspect que les précédentes. Les vésicules plastiques, qui n’existaient pas dans la période de séparation des deux globes vitellins, reparaissent pendant la période de concentration. D'abord petites et peu nombreuses, elles finissent par remplir les sphères de segmentation, dont elles com- posent alors toute la substance avec les granules élémentaires in- terposés. Le diamètre de ces vésicules, de 0°" ,003 à leur origine, s'élève peu à peu à 0°",008 et 0"",010. Après que les deux sphères ont été quelque temps réunies, en- viron pendant une demi-heure, elles se séparent de nouveau comme au commencement du travail de fractionnement ; seule- ment elles ne chevauchent plus l’une sur l’autre ; elles se tou- chent par leur surface plane, et donnent au germe le même aspect qu'il avait tout à l’heure (fig. 8), à l’époque de sa concentration, parce que les sphères suivent, en se séparant, une marche inverse de celle qu’elles suivaient pour opérer leur réunion. Si l’on fait sortir le germe en ouvrant l’œuf, les deux sphères conservent leur position, et ne tendent plus à se confondre. Les vésicules que nous avons jusqu’à présentnommées centrales, à cause de leur position, mais que nous appellerons désormais cytoblastiques, parce qu’elles nous semblent être de véritables cytoblastes , deviennent alors très apparentes, et paraissent plus rapprochées de la surface; on les voit, sans qu’on soit obligé de recouvrir la préparation d’une lamelle de verre, comme une tache d’une grande transparence. Mais, outre cette vésicule cytoblas- tique ordinaire du même aspect et de la même grosseur que les précédentes (0"",016), j'ai trouvé dans chacune des deux sphères une autre vésicule beaucoup plus grosse, mesurant 0"",026, rem- plie de granules très condensés qui la rendaient moins distincte (fig. 10). D’autres fois, au contraire, chaque sphère contenait deux vésicules transparentes de même dimension (0,025). Dans une de mes observations, j'avais noté la présence de deux vésicules dans chaque sphère ; une heure plus tard, il n’y en avait plus qu’une très grosse, de 0"",03. Il est donc probable, d’après tous ces faits, que les vésicules cytoblastiques, après avoir atteint RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 95 une certaine grosseur, se dissolvent, pour verser au milieu des éléments du germe les granules qui se sont multipliés dans leur intérieur. L’accroissement de ces vésieules et la multiplication de leurs éléments granuleux sont deux faits positifs qui résultent de mes nombreuses observations, et sur l'exactitude desquels je ne conserve pas le moindre doute. Mais je ne puis pas dire avec la même certitude quel est le mode de succession de ces vésicules, ni comment elles se forment. Ainsi donc, lorsque les sphères de segmentation commencent à se séparer pour la seconde fois, chacune d'elles renferme deux vésicules eytoblastiques : l’une, plus petite, contenant peu de granules; l’autre, plus grosse, renfermant des granules nom breux. Les vésicules plastiques avec leur nucléole (fig. 9) continuent à se montrer; mais leur existence ne sera plus de longue durée, car aussitôt que les deux sphères sont entièrement séparées , et avant qu’ait commencé la division du germe en quatre, les vési- cules plastiques ne se voient plus; on ne trouve plus dans les sphères que les granules plastiques ou élémentaires, et une seule vésicule cytoblastique. Ces deux circonstances, l'existence des vésicules plastiques nucléolées et la présence de deux vésicules cytoblastiques de grosseur inégale, annoncent d’une manière certaine la division en quatre sphères. Dans une de mes observations, j'ai vu les deux sphères, rapprochées comme dans la figure 8, renfermer chacune deux vésicules de grosseur inégale : l’une de 0"",016, l’autre de 0**,026, ayant les caractères de celles que j'ai représentées figure 10. J’ai pu prévoir que la segmentation en quatre était prochaine, et, en effet, celle-ci se montrait une heure plus tard. Pendant toute la durée de la segmentation en deux, j'ai vu, pour ainsi dire dans tous les œufs, une vésicule de la grosseur assez constante de 0"",020 à 0*",026, hyaline ou faiblement gra- nuleuse, placée en dehors du germe, vis-à-vis de l'endroit où se faisait la séparation. La division du vitellus en quatre sphères se produit de la même manière que s’est opérée la segmentation en deux. 96 LEREBOULLET. Elle a lieu ordinairement quatre heures après le commencement du fractionnement, ou environ huit heures après la ponte. Chacune des deux sphères se partage en deux autres qui che- vauchent et se séparent de plus en plus, jusqu’à ce qu’elles soient arrivées à se trouver dans un même plan, tangentes les unes aux autres (fig. 11). On peut remarquer que le chevauchement a lieu dans deux sens opposés : les deux sphères d’un même côté pas- sant l’une en dessus, l’autre en dessous de la sphère voisine. Chaque sphère mesure 0"",07 ou 0"",10, suivant les sujets. Ces sphères sont coinposées de granules élémentaires, sans vési- cules plastiques; elles renferment chacune une seule vésicule cytoblastique de la grosseur et de la composition des précédentes. Dans une de mes observations, j'ai vu une disposition qui peut mettre sur la voie du mode de multiplication ultérieure des vési- cules eytoblastiques. Le germe était partagé en quatre globes en- tièrement séparés les uns des autres; chaque globe avait à son centre une vésicule transparente ; mais je remarquai dans l’espace central, résultant du rapprochement des quatre boules (fig. 12), une grosse vésicule pleine de granales transparents, et mesurant 0°",032. Il est à présumer que cette grosse vésicule centrale se fractionne plus tard en quatre vésicules secondaires, ou fournit les matériaux qui doivent servir à leur formation. Ces vésicules cyto- blastiques nouvelles une fois formées, il peut très bien se faire qu'elles se mêlent à la substance du germe, lorsque celui-ci re- devient simple, comme nous allons le voir, par le rapprochement et la fusion des quatre sphères maintenant séparées. On s’expli- querait de cette manière le mode de production des vésicules nou- velles dans les globes de segmentation. Dans une autre observation, au lieu d’une seule vésicule située dans l’espace central au milieu des quatre sphères, il y en avait quatre, et chacune d'elles était beaucoup plus petite que la vési- cule primitive, ce qui me porte à croire qu’elles sont le résultat de la division de celle-ci. Les quatre sphères restent séparées pendant une heure environ, après quoi elles se réunissent, comme s'étaient réunies les deux sphères de la première segmentation. Cette concentration se fait RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 97, lentement et d’une manière graduelle (fig. 13) ; elle est rarement complète, en ce sens que la sphère qui en résulte n’est pas régu- lière; on distingue toujours, plus où moins, les globes primitifs à à leur saillie. Cependant cette dernière est quelquefois si peu mar- quée, qu'on pourrait croire Je vitellus simple. Ce n’est qu'après lavoir sorti de son œuf qu’on reconnait la division en quatre, parce que l’affaissement du vitellus fait reparaîlre les quatre boules. | *‘ Pendant que leur concentration s'opère, les globes vitellins se remplissent de vésicules plastiques, pelites et sans nucléole d'abord, puis plus grosses, jusqu’à atteindre un diamètre de 0"*,013, et nucléolées. C'est alors que la division en huit se prépare dans le germe. On voit apparaître dans chaque sphère deux vésicules cytoblas- tiques égales d’abord, du diamètre ordinaire de 0"",016, et ne contenant qu'un ft nombre de granules pâles, puis grossissant peu à peu jusqu’à atteindre 0"",026, et se remplissant de ces mêmes granules. Plusieurs fois j'ai vu la division en huit sphères exister réelle- ment, avant que les quatre sphères primitives se fussent de nou- veau séparées. Le germe paraissait simple ; seulement il offrait quatre bosselures annonçant la réunion des quatre sphères primi- lives. Ayant sorti ce germe de son œuf, il s’affaissa sur la plaque de verre, et montra au milieu des quatre sphères primitives quatre autres sphères beaucoup plus petites, tangentes les unes aux autres (fig. 15), comme cela se voit plus tard pendant la période de séparation. Chacune des sphères centrales avait une vésicule cyloblasliqué plus petite de moitié que les mêmes vésieules des grosses sphères. Ces dernières vésicules étaient remplies de gra- nules, tandis que les cytoblastes des petites sphères intérieures n'én contenaient qu'un petit nombre. Les vésicules plastiques étaient nombreuses dans ce germe. ‘5 La séparation des quatre sphères, qui s'étaient concentrées plus ou moins en une seule, reparaît vers la dixième heure après la ponte (fig. 14). Le germe reprend le même aspect qu'il avait deux heures auparavant lors de la période de concentration (fig: 13) ; 4° série. Zooz. T. XVIIT. (Cahier n° 2.) 5 7 98 LEREBOULLET. seulement chacune des sphères renferme deux vésicules cytoblas- tiques très apparentes. Quand on fait sortir le vitellus de son œuf, les sphères restent séparées ; on voit qu’elles se touchent par une surface plane, et qu’elles ne chevauchent plus l’une sur l’autre, ée qui indique que la séparation n’est pas transitoire, comme pré- cédemment. ‘Ordinairement les cytoblastes ont une disposition un peu diffé- rentê de celle qui a été représentée dans la figure 14. Les quatre cyloblastes internes sont rapprochés, plus ou moins, les uns des autres, vers le centre de la pièce, chacun d’eux se trouvant tout près de l’entrecroisement des deux lignes de séparation. Comme c’est la présence de deux cytoblastes dans une même sphère qui paraît déterminer le fractionnement de celle-ci, la ligne de division partage chacune des quatre sphères en deux portions inégales : une interne plus petite, une externe plus grosse. Du reste, la segmentation se fait sans doute comme nous l'avons vue et décrite pour la division en deux et en quatre, c’est-à-dire par chevauchement ou glissement l’une sur l’autre des nouvelles boules produites. C’est ainsi qu'a lieu le partage du germe en huit globes iné- gaux, dont quatre internes de moitié plus pelits (fig. 15). Les vésicules centrales des sphères extérieures sont toujours non-seu- lement plus grosses, mais aussi plus remplies de granulalions que celles des sphères intérieures. La division en huit devient alors visible dans l'œuf, sans qu’on soit obligé de l'ouvrir. Le germe montre quatre grosses sphères disposées comme dans la segmentation en quatre, et quatre sphères de moitié plus petites situées en dedans des précédentes. Quand on regarde le germe de profil, on voit les quatre petites boules intérieures faire saillie sur le vitellus, au milieu des boules périphériques. La marche que suit le travail ultérieur de multiplication des sphères vitellines est la même que celle que nous venons de dé- crire pour la segmentation en deux et en quatre. Après être restées quelque temps séparées, les huit boules se rapprochent. Les vésieules plastiques, qui cessent d'exister pendant la durée du RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 99 travail de séparation, reparaissent dès que le travail de concen- tration commence, et, en même temps, de nouvelles vésicules eytoblastiques se montrent dans les grosses sphères extérieures. A la période de concentration des huit sphères succède leur se conde séparation ; ces huit sphères reparaissent de nouveau à l'extérieur (fig. 16), mais leur aspect diffère de celui des huit sphères précédentes, en ce que les quatre sphères extérieures ont chacune deux eytoblastes qui annoncent leur prochaine division. Bientôt a lieu le partage du germe en douze sphères et peu de temps après en seize, par suite du fractionnement des quatre sphères intérieures. | Le travail de fractionnement ne se fait pas toujours avec 1a ième régularité. J'ai vu souvent des vitellus dans lesquels la di- vision en deux globes avait été suivie du fractionnement de l’un de ces deux globes seulement. Celui-ci se divisait en deux, puis en quatre sphères égales ou inégales. Quant à la grosse sphère primitive, elle se segmentait plus tard. D'autres fois le vitellus montrait à l'extérieur six globes, dont deux gros et quatre petits; les deux gros se divisaient plus tard chacun en deux, pour former la segmentation en huit boules régulières. C'est vers la quatorzième heure après la ponte qu’apparaît la division du germe en seize globes, dont huit extérieurs plus gros et huit intérieurs de moitié plus petits. Cette division n'est plu aussi distincte que les précédentes; il faut pour la reconnaitre sortir le germe de son œuf, et le recouvrir d’une lamelle de verre. Les sphères se disposent alors, par cette légère compression, sur un même plan (fig. 17), ce qui permet de les examiner. Les sphères extérieures, dans cet état d’aplatissement, ont un diamètre de 0"",06, les intérieures de 0"",03. Toutes sont munies d’une vésicule centrale plus ou moins remplie de granules. Les vésicules des sphères extérieures mesuraient dans la pièce dessi- née (fig. 17) 0"",096 ; elles étaient entièrement remplies de gra- nules ; les vésicules des sphères intérieures, beaucoup plus petites, ne contenaient qu'une petite quantité d'éléments granuleux. A'partir de ce moment, il n’est plus possible de suivre exté- 400 LEREBOULLET. rieurement le fractionnement vitellin, et, dés lors. il est difficile d'apprécier la marche ultérieure de ce travail, parce qu'on est obligé de sortir le germe, de le recouvrir d’une lamelle, et même de le comprimer légèrement pour distinguer les sphères qui le composent, opération qui dérange toujours ces dernières, et sou- vent les fait éclater. On pourrait donc croire, si l’on se bornait à étudier les œufs sans les ouvrir, que le travail de segmentation s'arrête à la divi- sion en seize, puisque, à partir de ce moment, les sphères ne se dessinent plus à l'extérieur d’une manière assez nette. Nous allons voir cependant qu'il n’en est rien; le fractionnement continue à se faire dans l’intérieur du germe. Les nombreuses recherches aux- quelles je me suis livré sur ce travail remarquable et peu connu, me permettront de l’exposer, je l'espère, d’une manière satisfai- sante. Mais, pour mieux être compris, il ne sera pas inutile de résumer la première partie du travail de segmentation que je viens de décrire, et que j'ai suivi de demi-heure en demi-heure sur plusieurs sacs ovigères. I. — Préparation des éléments du vitellus, Développement des vésicules cytoblastiques ou centrales ; gros- sissement inégal, suivi de la disparition de ces vésicules ; appari - tion des vésicules plastiques; production de quatre vésicules cen- trales nouvelles qui disparaissent à leur tour. IT. — Segmentation er deux sphères. Premier temps. — Division du vitellus en deux sphères égales ; une vésicule cytoblastique dans chaque sphère ; pas de vésicules , plastiques ; disparition des vésicules cytoblastiques (?). Deuxième temps. — Concentration des deux sphères en une seule; deux vésicules cytoblastiques dans cette sphère; vésicules plastiques. Troisième temps. — Nouvelle séparation des deux sphères RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 101 grossissement des deux vésicules centrales primitives, et appari- tion de deux autres vésicules, une pour chaque sphère, de sorte que chacune des deux sphères possède deux vésicules de grosseur inégale ; disparition des vésicules plastiques ; dissolution des grosses vésicules centrales. IT, — Segmentation en quatre sphères. Premier temps. — Division de chacune des deux sphères pré- cédentes en deux; une seule vésicule centrale dans chaque sphère ; absence de vésicules plastiques. Apparition d’une grosse vésicule entre les quatre sphères séparées. Deuxième temps. — Concentration des quatre sphères; pré- sence d’un cyloblaste dans chacune d'elles; apparition et déve- veloppement des vésicules plastiques. Troisième temps. — Séparation définitive des quatre sphères ; présence de deux vésicules dans chacune d’elles; disparition des vésicules plastiques ; développement de l’une des deux vésicules cytoblastiques, et multiplication de ses éléments granuleux. IV. — Segmentation en huit sphères. Premier temps. — Division des quatre sphères primitives en huit sphères inégales, quatre grosses extérieures et quatre petites intérieures; une vésicule cytoblastique dans chacune de ces sphères ; les vésicules des sphères extérieures plus grosses que celles des sphères intérieures ; pas de vésicules plastiques. Deuxième temps. — Concentration des huit sphères ; présence des vésicules plastiques. Troisième temps. — Nouvelle séparation des sphères ; appari- tion de deux vésicules dans chacune des quatre sphères exté- rieures toujours plus grosses que les autres, ce qui annonce une prochaine division en douze; disparition des vésicules plastiques. Plusieurs choses sont dignes de remarque dans ce curieux tra- vail. Et d’abord l’évolution des vésicules centrales transparentes, 102 LEREBOULLET . que nous avons nommées vésicules cytoblastiques. Petites à leur naissance, et ne contenant qu'un nombre peu considérable de gra- nules, elles grossissent jusqu'à atteindre le double de leur dimen- sion primitive, eten même temps elles se remplissent d'éléments granuleux. Elles apparaissent et disparaissent successivement, ce qui me fait penser qu'elles fournissent au globe de segmentation des éléments nouveaux qui ont, sans doute, un rôle particulier à remplir. Peut-être les vésicules plastiques dérivent-elles de ces cyloblastes transitoires. En second lieu, ce sont évidemment les vésicules centrales ou eytoblastiques qui détérminent une nouvelle segmentation, puisque nous rencontrons toujours deux de ces vé- sicules dans une sphère simple qui bientôt va se dédoubler. Puis nous ferons remarquer l'apparition et la disparition sue cessive des vésicules plastiques. Leur présence coïneide constam- ment avee la période de concentration des sphères, pendant la- quelle se préparent, sans doute, les éléments d’un nouveau frac- tionnement, et elles précèdent l'apparition des deux vésicules qui existent dans chaque sphère, quand la séparation de ces sphères a lien. Enfin le mouvement de concentration et de séparation des sphères vitellines est un fail non moins remarquable que les pré- cédents, fait qui m'a été révélé, par des observations répétées un grand nombre de fois, et suivies à des intervalles très rapprochés sur les œufs d’un même sac ovigère, M. de Quatrefages a observé un phénomène analogue sur l inuf pes Hermelles. « Chez les Hermelles, dit cet auteur, le morcelle- ment du vitellüs ne marche pas d’une manière toujours progres- sive. Chez elles, la masse vitelline, après être arrivée à un certain degré de division, éprouve un monverent contraire, un mouve- ment de concentration » (Ann. des sc. nat., 3° série, 1848, t:X, p.483): Seulement la concentration ne s'exerce pas sur l'œuf tout enter, mais seulement sur quelques lobes. M. de Quatrefages a dit ailleurs, en parlant des Sabellaires : « Chaque ; mouvement de segmentation:est suivi d’un travail en sens Ccobfraire qui réunit un certain nombre de lobes. » (Wéme recueil, A847, & NU, p, 99.) | RECHERCHES SUR LE DEVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 108 Il est intéressant de rencontrer ce phénomène remarquable dans un Mollusque et dans plusieurs Annélides. Nous avons dit plus haut qu’à partir de la division en seize sphères, il n’est plus possible d'apprécier, par l'inspection exté- rieure, l’état du vitellus. Quand on examine, en effet, le germe encore contenu dans son œuf, on voit qu'il est plus ou moins bosselé, mais ordinairement d’une manière irrégulière. Les bosselures sont dues à des globes de segmentation qui font saillie à la surface de Ja sphère vitelline, et dont le diamètre moyen est, à cette époque, de 0"",05. Pour juger de l’état réel du germe, il faut ouvrir l'œuf, en faire sortir ce germe, et l’examiner, sans aucune compression d'abord, soit dans l’albumine de l'œuf, soit dans un peu d’eau, puis en le recouvrant d'une lamelle de verre. Celle-ci, quand elle est très mince, ne déforme pas beaucoup les globes de segmentation, et celte légère compression permet d'étudier leur nombre, leur arran- gement et leur structure. Les germes examinés de la quinzième à la vingtième heure sont ordinairement composés de vingt à trente sphères de gros- seur égale ou inégale. Quand les sphères sont égales, elles sont disposées avec assez de régularité (fig. 18). Lorsqu’elles sont iné- gales, les plus grosses sont toujours situées vers la périphérie. Un germe de la vingtième heure sorti de l'œuf, et observé dans son albumine ou même dans l’eau (fig. 18), montrait ses sphères de segmentation régulièrement disposées, et formant à la périphé- rie des bosselures assez prononcées. Chaque sphère était remplie d'une matière granuleuse qui la rendait opaque, mais elle ren- fermait à son centre une vésicule transparente (vésicule cytoblas- tique) très grosse, et qu'on distinguait très bien, sans qu’on fût obligé de recourir à la compression. Au bout de quelque temps de séjour dans l’eau, et après avoir recouvert la préparation d’une lamelle de verre, les sphères de segmentation devenaient plus claires, à cause de leur aplatisse- ment, et les vésicules cytoblastiques ressortaient plus nettement, en accusant mieux leurs contours. Si l’on solidifie le germe à l’aide d'un peu d'eau acidulée, on 10 | LEREBOULLET. voit, en le déchirant ensuite avec des aiguilles, que les sphères extérieures adhèrent les unes aux autres et sont séparées des sphères intérieures, de manière à former une espèce d CARONRRE ou de coque autour de celles-ci. Cette disposition est bien plus marquée lorsque les sphères sont de grosseur inégale ; les petites sont réunies en une sorte de noyau qui forme le centre du germe, tandis que les grosses for- ment l'enveloppe extérieure. Cet arrangement est le premier indice de la séparation des élé - ments constitutifs du germe en deux parties, une partie périphé- rique etune partie centrale, séparation, cependant, quine devient bien manifeste que plus tard. Quand les sphères de segmentation sont égales entre elles, leur vésicule eytoblastique offre, dans toutes, la même grosseur et la même composition. Elle contient les mêmes granules pâles que renfermaient ces vésicules aux re époques du fractionne- ment. Cependant on trouve déjà, dans des germes de la vingtième à la vingt-quatrième heure, des sphères dont les cytoblastes ren- ferment nn élément nouveau. Ces sphères mesurent alors 0"",06 ou 0"",05. Au milieu des granules dont les cytoblastes sont rem- plis apparaissent de très petites vésicules qui se distinguent des granules par leur aspect brillant ; et, à mesure que ces petites vé- sicules brillantes se dessinent-mieux, les granules proprement dits deviennent moins nombreux. C’est principalement dans les germes composés de globes iné- gaux qu’on peut suivre les modifications qu'éprouve le contenu des vésicules cytoblastiques. Les globes extérieurs, qui sont loujours, comine nous l’avons dit, les plus gros, renferment des cytoblastes dont le diamètre varie de 0"",016 à 0"",020. Ceux-ci contiennent les corpuscules brillants dont il vient d’être question, au nombre de cinq à huit, et une très pelite quantité de granules pâles. Les corpuscules vésieuleux sont disposés à la périphérie de cette petite sphère, comme on peut s’en assurer en la faisant rouler sur le porte- objet (a, fig. 19). RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 105 Dans d’autres cytoblastes, particulièrement dans ceux des sphères intérieures, il n'existe que deux vésicules brillantes avec très peu de granules. Enfin quelques-unes de ces vésieules cen- trales n'ont plus aucune trace d'éléments granuleux ; elles sont d’une transparence parfaite, et ne contiennent que deux vésicules brillantes, quelquefois même une seule (b et ce, fig.'19). * On rencontre souvent à celte époque (fin du premier jour) des globes de segmentation pourvus de deux cytoblastes ou vésicules centrales semblables, rapprochées l’une de l’autre, comme aux premières époques du fractionnement. C’est l annonce d’une nou- velle division en deux ; aussi ai-je vu très souvent des sphères exactement partagées, et comme coupées, par une ligne droite, en deux moitiés égales, contenant chacune une vésicule cytoblastique. Mais, tandis qu’à l'époque de la segmentation proprement dite les vésicules centrales sont remplies de granules, maintenant, au contraire, elles sont vides et ne renferment qu’une ou deux vési- cules brillantes. Il s’est donc opéré un changement notable dans les corps vési- culeux dont la présence paraît être la cause déterminante du par- age d’une sphère vitelline quelconque en deux autres sphères. Aussi le travail de division des sphères vilellines, dont nous cher- chons en ce moment à analyser la nature, ne devrait-il plus être ‘compris, peut-être, dans la segmentation vitelline proprement dite ; mais la limite est assez difficile à établir. "Nous avons dit que les vésicules plastiques dérivent peut-être du contenu des cytoblastes. Ces vésicules plastiques continuent à se montrer et à disparaître périodiquement dans les globes vitel- lins, au milieu de la substance granuleuse dont ces globes sont remplis. Elles ont toujours le même aspect et’ la même composi- tion, et il existe certainement un räpport entre elles et les vésicules centrales ; mais il est difficile de spécifier la nature de ce rapport. © Dans un gérme qui se composait de trente sphères i inégales, les plus grosses de 0°" ,050, les plus petites de 0"”,025, les vésicules plastiques étaient nombreuses ; les cyloblastes mesuraient 0"" ,008, et ne contenaient qu’un seul nueléole sans granules. Peu de temps après, ayant examiné d’autres œufs du même sac, je ne trouvai 106 LEREBOULLET. plus de vésicules plastiques, et à l'absence de ces vésicules cor- respondait un plus grand développement des vésicules cytoblas- tiques qui mesuraient de nouveau 0"",016, et contenaient plu- sieurs nucléoles brillants. Voici d’autres observations relatives à l’évolution et aux méta- morphoses des vésicules cytoblastiques, en rapport avec la divi- sion des sphères vitellines et avec la présence ou l'absence des vésicules plastiques. Ces observations se rapportent toutes à la fin du premier jour. Dans un œuf dont le germe se composait de sphères de 0"",06, chacune de celles-ci avait des vésicules cytoblastiques de 0"",026 remplies de granules pâles. Trois heures plus tard, ces vési- cules étaient remplacées par d’autres qui ne mesuraient plus que 0"",015, et contenaient, au lieu de granules, deux. ou trois cor- puscules nucléaires brillants ; les globes vitellins étaient devenus plus petits et plus nombreux. Dans un autre germe formé de vingt sphères, les vésicules cy- toblastiques, du diamètre de 0"",026, avaient le caractère des précédentes. Deux heures plus tard, jecomptais trente-six sphères, et les eytoblastes qu’elles renfermaient ne mesuraient plus que 0"",016; les granules pâles, ici encore, étaient remplacés: par un ou deux nucléoles brillants. Ainsi, dans ces deux cas, la multiplication des sphères vitellines coïneidait avecune diminution de grosseur des cytoblastes, et avec le changement de leur contenu granuleux en nucléoles. vésicu- leux. . D’autres faits montrent ame” accroissement des vésicules cyto- blastiques semble suivre une marche inverse de l’apparition et du développement des vésicules plastiques. Dans un germe composé de vingt-quatre sphères, celles-ci con- tenaient des vésicules plastiques grosses et nombreuses ; les cyto- blastes avaient un diamètre de 0"",012 à 0"",015. Trois heures plus tard, les vésicules plastiques étaient en train de disparaître, tandis que les eytoblastes avaient grossi au point d'atteindre un diamètre de 0"",020 et même de 0"",095, et ils contenaient Repl ou huit nucléoles brillants, À RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 107 Dans un autre germe dont les sphères vitellines mesuraient 0"",06, je trouve à onze heures et demie un petit nombre de vé- sicules plastiques ; à trois heures, elles ont disparu entièrement ; les sphères sont restées les mêmes, mais les vésicules cytoblas- tiques ont grossi, et elles contiennent un nueléole brillant du dia- mètre. de 0"",003, avec plusieurs granules pâles. Un œuf observé à dix heures avait des vésieules plastiques dans les globes vitellins. A deux heures, ces vésicules avaient disparu; mais les cytoblastes s'étaient accrus et remplis de granules vési- culeux. Enfin, dans un vitellus formé de sphères de 0"",05, sans vési- cules plastiques, les cytoblastes mesuraient 0°",013, et conte- naient deux nucléoles brillants avec un certain nombre de gra- nules. Trois heures plus tard, les sphères vitellines des germes du même sac n'avaient plus que 0"",040 ; plusieurs même ne mesuraient que 0"",025. Les cytoblasies, au contraire, avaient augmenté ; leur diamètre était de 0"",019 à 0"",020, et ils con- tenaient plusieurs nucléoles. Au bout de trois autres heures, l’inégalité des sphères vitellines était plus. sensible ; ‘les grosses sphères, moins nombreuses, occupaient la périphérie du germe ; les plus pelites, de 0"",025, se trouvaient au centre. Or les grosses sphères avaient leur cytoblaste littéralement rempli des mêmes nucléoles brillants que tout à l'heure ils ne renfermaient qu'en petite quantité. Ces faits montrent suffisamment que les vésicules cytoblas- tiques subissent un travail d'évolution qui double leur grosseur. Pendant ce travail, elles produisent des éléments nucléaires qui s'accumulent dans leur cavité. Aux premières époques de la seg- mentation, les cytoblastes augmentaient aussi de volume, mais leur contenu consistait en granules, tandis que maintenant ce sont des eorpuseules vésiculeux semblables à de très petits noyaux qui s'accumulent dans leur cavité, ce qui indique, comme je le dis plus haut, une différence dans la nature du travail de fraction- nement. En voyant cette augmentation progressive de volume des vési- -eules cytoblastiques, en considérant que c’est dansles plus grosses 108 LEREBOULLET. sphères qu’elles contiennent le plus d'éléments nucléaires vésieu: leux, il est naturel d'admettre qu’elles se rompent ou qu’elles se dissolvent, et que leur contenu préside à d’autres formations. Je suis disposé à croire, comme je l’ai déjà dit, que les vésicules plastiques dérivent du contenu de ces cytoblastes. On se rappelle qu’à l’époque de la ponte, le vitellus renferme deux vésicules qui se remplissent peu à peu de granules, et que la disparition de ces cyloblastes est suivie de l'apparition des vésicules plastiques. Plus tard, et pendant toute la durée de la multiplication des sphères vitellines, nous voyons le développement des cytoblastes et la multiplication de leurs éléments coïncider avec la disparition des vésicules plastiques, et précéder leur réapparition. Il est donc très possible que les éléments des cytoblastes soient le point de départ de la formation de ces dernières. Toujours est-il que, pendant toute la durée du fractionnement vitellin, les vésicules plastiques continuent à se montrer dans l’in- térieur des sphères destinées à se diviser, et que ces éléments, quimesur ent à peine 0°” ,003 lors de leur apparition, arrivent gra- duellement jusqu’au diamètre de 0°",010 ou 0°*,042. D'un autre côté, on voit toujours aussi les plus grosses sphères contenir des cytoblastes, dans lesquels s'accumulent des éléments vésiculeux. Avant de terminer ce qué j'avais à dire sur la période de seg- mentation, je ferai de nouveau remarquer la présence constante de vésicules transparentes situées en dehors du germe, vésicules qui apparaissent même avant la première division en deux sphères, et qui persistent pendant toute la durée du fractionnement. J'ai souvent trouvé deux, quelquefois même trois de ces vésicules appliquées l’une contre l’autre sur les bords du vitellus, et j'ai vu, dans une observation, une de ces vésicules sortir du germe, pen- dant qu'une autre se trouvait près de la surface. Cette circonstance montre qu’il n'existe pas de membrane propre autour des premières sphères de segmentation. Mais, vers la vingtième heure, lorsque le germe se compose de vingt à trente sphères, chacune d'elles paraît entourée d'une membrane, car, au bout d'un certain temps de séjour dans l’eau, les sphères gros- sissent, la matière granuleuse se retire, tandis que la paroi fait RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 109 saillie à l'extérieur comme un verre de montre; les cytoblastes apparaissent alors comme de grosses vésicules transparentes, par suite de l’absorption d’une certaine quantité d’eau. Vers la fin de la première période de la segmentation, c’est-à- dire de la quinzième à la vingtième heure, le travail de fraction- nement a pour résultat de partager la sphère vitelline en sphères égales et semblables entre elles. Seulement la division des sphères intérieures précédant celle des sphères extérieures, les premières sont d'abord plus petites que les secondes, comme on le voit par les figures 15, 16 et 47. Mais à un-temps donné, les globes exté- rieurs se partageant à leur tour, l’égalité se rétablit entre toutes les sphères (fig. 18). De la vingtième à la vingt-quatrième heure, et pendant toute la durée du second jour, les globes vitellins continuent se fraction- ner, mais de telle sorte, que les sphères intérieures deviennent de plus en plus nombreuses et plus petites, tandis que les extérieures, peu nombreuses, conservent des dimensions plus fortes. Ces der- nières forment une véritable enveloppe autour du germe, enve- loppe que la coagulation rend apparente en déterminant le retrait des parties. Le mode de production des petites sphères se fait, comme tou- jours, par division, de la manière suivante : La sphère primitive est composée de granules, d’un cytoblaste muni de deux nucléoles, et, à une certaine période de son exis- (ence, de vésicules plastiques. Le cvtoblaste se partage en deux dans l’intérieur de la sphère; les deux nouveaux eytoblastes, mu- nis chacun d’un nucléole, s’écartent l’un de l’autre, et bientôt une ligne transparente, qui passe entre ces deux vésicules, partage la sphère primitive en deux sphères semblables. Voici plusieurs observations qui montreront que ce mode de multiplication des sphères n’est pas théorique, mais qu'il repose sur des faits réels. Un œuf, observé le 43 octobre, à la fin du premier jour, avait vingt sphères vitellines du diamètre de 0"",07, douze à la péri phérie et huit au centre, ressemblant à celles de la figure 18. Chaque sphère contenait un eytoblaste de 0"",025 de diamètre 110 LEREBOULLET. avec de fins granules et deux ou trois nucléoles vésiculeux bril- lants, du caractère de ceux représentés figure 19. De plus, on voyait dans ces sphères un nombre considérable de vésicules plastiques éparses, au milieu des granules ordinaires dont elles sont remplies. Ces sphères se préparaient évidemment à une seg- mentation prochaine. Au commencement du second jour, j'ai trouvé des œufs dont le vitellus se composait de sphères de grosseur très diverse. Les plus grosses, en petite quantité, mesuraient 0"",06 ou 0"",07; d’autres, beaucoup plus nombreuses, avaient 0"",026, et quel- ques-unes 0°",0138 et 0"",010. Les grosses sphères conservaient l'aspect que présentent les globes de segmentation, c'est-à-dire qu'elles étaient remplies de granules abondants, serrés les uns contre les autres, et rendant, par leur présence, la sphère plus ou moins opaque. Plusieurs de ces grosses sphères contenaient deux vésicules cytoblastiques de 0"",016, caractérisées par l'existence d’un seul nucléole (a, fig. 20). Dans d’autres, il y avait, à côté d’un cyto- blaste ordinaire, de 0"",016, deux autres cytoblastes qui mesu- raient exactement 0"",08 (b, fig. 20). Ces formes annoncaient une division prochaine des sphères; elles font déjà présumer que le cytoblaste, simple d’abord, peut se diviser en deux, et que cette division précède celle de la sphère. Les petites sphères avaient un autre aspect que les précédentes ; elles contenaient moins de granules, ce qui les rendait moins opaques, et elles avaient un seul cytoblaste nucléolé. , Vers le milieu du second jour, j'ai noté un vitellus qui se com- posait de sphères de deux dimensions. Les grosses, au nombre de douze seulement, mesuraient 0"”,04 ; trois de ces sphères avaient des cytoblastes doubles, et chacun de ces derniers était muni de deux nucléoles. Les autres sphères, au nombre de trente environ, mesurant 0"",025, avaient un cytoblaste de 0"",01 ou de 0"*,013, avec un où deux nucléoles. En examinant avec attention les cyto- blastes de ces sphères secondaires, j'en ai trouvé un qui paraissait double ; ayant comprimé la préparation, j'ai vu les deux petites vésicules glisser lune sur l’autre, comme si elles se dédoublaient. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. at Un autre germe à peu près de la même époque avait vingt sphères périphériques mesurant chacune 0"",0h4, et environ qua- rante sphères centrales de 0"*,02, parmi lesquelles s’en trou- vaient quelques-unes qui ne mesuraient que 0"",01. Les cyto- blastes des premières, tous simples, mesuraient 0"",016, et contenaient deux nucléoles brillants; ceux des petites sphères n'avaient que la moitié de leur grosseur des précédentes (0"",008), avec un seul nucléole. Il est à présumer que ces petits cytoblastes provenaient de la division des gros. On voit, par ce qui précède, qu’à mesure que le fractionnement vitellin avance, les sphères deviennent plus petites ; elles devien- nent.en même teinps moins opaques. Quand elles sont arrivées à ce degré de division, c’est-à-dire quand elles ne mesurent plus que 0°"",02 ou 0"*,01, leurs cytoblastes se caractérisent par l’exis- tence de deux nucléoles brillants ou d’un seul. Il est évident qu'on ne doit plus comprendre ces phénomènes parmi ceux de la seg- mentation vitelline, car ils se continuent encore pendant quelque temps, alors que le germe est déjà modifié dans sa forme. Voilà pourquoi nous pensons qu'il convient de désigner maïñntenant les globes vitellins en voie de division par la dénomination de globes générateurs. Ceux-ci répètent, sur une plus petite échelle, les phé- nomènes du fractionnement primitif; ils sont toujours composés : 1° de la matière vitelline, c’est-à-dire des granules élémentaires qui constituent cette substance; 2° d’une vésicule cytoblastique transparente renfermant un ou deux nucléoles; 3° de vésicules plastiques qui se montrent et disparaissent périodiquement. Ces globes générateurs se voient encore assez longtemps dans le germe (fig. 20, c), même lorsque celui-ci est passé à l’état d’embryon. Résumé du premier chapitre. 4. Les œufs des Limnées sont pondus dans des sacs remplis d'une matière glaireuse, transparente, ayant l'aspect de l’albu- mine. | 2, Ces sacs avigères sont ternes au moment de la ponte; ils 112 LEREBOULLET. né deviennent transparents qu'au bout, de quelques Soi -de séjour dans l’eau. | 3. La forme des œufs varie suivant les espèces ; elle est ova- laire dans le Limnée des étangs. j; h. L'œuf récemment pondu estcomposé d’un chorion amorpbhe, transparent, très mince; d’une: matière :albumineuse qui. con- serve sa transparence dans l’eau, et d’un germe, leès pelit, glo- buleux. | 5. Le germe ou vitellus, au moment de la ponte, ne possède pas de membrane vitelline. 6. Il se compose alors d'éléments granuleux es plas- tiques), et de deux vésicules (vésicules cytoblastiques) plus ou moins remplies de granules fins et pâles. 7. Les vésicules cytoblastiques grossissent peu à peu, et leurs granules se multiplient, puis ces vésicules disparaissent. 8. Ladisparition des vésicules cytoblastiques s'accompagne de l'apparition de vésicules particulières (vésicules plastiques) qui devienñneft très nombreuses, et se mêlent aux granules dans toute la masse du vitellus. : | | 9, Bientôt après la production des vésicules plastiques, on trouve dans le germe quatre vésieules cytoblastiques. 10. Celles-ci disparaissent, comme les précédentes, a au bout de peu de temps. 41. La segmentation en deux commence quatre heures environ après Ja ponte. 12. Elle est précédée de l'apparition, en dehors du germe, d’une ou de deux vésicules hyalines qui proviennent du germe lui- même. | 13. Dès que la ligne de division est établie, les deux hémi- sphères se séparent et s’arrondissent en chevauchant l’un sur l’autre. 14. Chacune des deux sphères produites renferme une vésicule cytoblastique et des granules ; il n'y a pas de vésicules plastiques. 15. Une heure après leur séparation, les sphères se rappro- chent etse fondent l’une dans l’autre pour n’en plus former qu’une seule. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 115 16. Cette fusion des deux sphères montre labsence d’une membrane particulière autour d'elles. 47. La membrane propre des sphères n'apparait que vers la vingtième heure, lorsque le germe se compose d'environ trente sphères. Cette membrane est alors rendue sensible par l’absorption de l’eau. 18. Pendant leur rapprochement, les sphères s’aplatissent par leurs surfaces en contact. 19. Les vésicules plastiques reparaissent pendant la durée de cette période de concentration. 20. Une demi-heure après leur réunion, les sphères se sépa- rent de nouveau. Pendant ce mouvement de séparation, elles ne chevauchent plus l’une sur l’autre. 21. Les vésicules cytoblastiques deviennent alors plus grosses, plus rapprochées de la surface, et, dès lors, beaucoup plus appa- rentes. 22, Deux autres cytoblastes apparaissent à côté des précédents. Ces cytoblastes deviennent de plus en plus gros, et leurs éléments granuleux se multiphent, 23. La présence de deux vésicules cytoblastiques et de nom- breuses vésicules plastiques dans chacune des deux sphères annonce la prochaine division du germe en quatre. 2h. La segmentation en quatre a lieu huit heures après la ponte. 25. Cette segmentation suit les mêmes phases que la précé- dente : L° première séparation des sphères avec chevauchement, absence de vésicules plastiques, existence d’un seul eytoblaste ; 2° concentration de ces quatre sphères, apparition de vésicules plastiques , existence de deux cytoblastes dans chaque sphère ; 3° deuxième séparation des sphères , présence de deux cytoblastes dans chacune d’elles. 26. Les cytoblastes nouveaux paraissent se former au centre du germe par division d’un cytoblaste primitif. Ces nouvelles vé- sicules cytoblastiques se mêlent à la substance du germe pendant la période de concentration de ses sphères. 23. À parlir de la segmentation en huit, les sphères devien- &° série. Zooz. T. XVIIL. (Cahier n° 2.) # 8 114 LEREBOULLET . nent inégales, parce que toutes ne se fractionnent pas en même temps. 28. Ce sont les sphères internes qui se divisent les premières ; elles sont déjà entièrement formées, quand les sphères externes sont encore intacles ; celles-ei ne se fractionnent que quelque temps après. 29. Le fractionnement se fait done désormais de dedans en dehors. 30. Les eytoblastes continuent à suivre leur évolution ordinaire ; ils grossissent dans l’intérieur des sphères non encore divisées, et leurs éléments granuleux se multiplient. 31. Les vésieules plastiques continuent à apparaître dans les sphères pendant leur période de concentration. 32. Le fractionnement ne se fait pas toujours d'une manière régulière. Assez souvent, il ne s'exerce d’abord que sur une moitié du germe, l’autre moitié se fractionnant ensuite. 33. Le fractionnement du vitellus en seize ou vingt sphères constitue la première partie du travail de segmentation. A partir de cette époque, on ne peut plus, par la simple inspection de l'œuf, apprécier le degré de division de ses sphères. 3h. Les sphères internes continuent à être produites avant les externes. 35. Les sphères intérieures, par leur multiplication, deviennent bientôt plus nombreuses que les extérieures, et toujours plus pe- tites. 36. Ces sphères intérieures sont groupées irrégulièrement les unes contre les autres, de manière à représenter, par la coagula- tion, une boule centrale. 31. Les sphères externes, plus grosses, sont disposées régu- lièrement les unes à côté des autres, et forment une espèce de coque ou d’enveloppe qui peut se détacher du noyau intérieur. 38. Cette disposition est le premier indice d’une séparation des éléments du germe en deux portions : une portion périphérique composée d’une simple couche de sphères adhérentes les unes aux autres, et une portion centrale formée aussi par des sphères agglutinées, mais plus petites que les précédentes. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 115 39. La multiplication des sphères se fait toujours par division des sphères primitives en deux ou en quatre. h0. Cette dernière opération est déterminée par la présence, dans chaque sphère, de deux cytoblastes. h1. De leur côté, les vésicules cytoblastiques sont le siége d’un travail d'évolution et de métamorphoses. h2. Ce travail consiste dans leur augmentation de volume, dans la multiplication de leurs granules, et dans l'apparition de petites vésicules brillantes semblables à des nucléoles. h3. Pendant quelque temps, ces petits corps nucléaires sont mêlés aux granules ordinaires qui remplissaient primitivement les cytoblastes. Peu à peu ces granules deviennent moins apparents : leur nombre diminue, tandis que les nucléoles vésieuleux se mul- tiphient dans l'intérieur des cytoblastes. h4. Quand les sphères approchent du moment où elles se divi- seront, les cytoblastes ont perdu tous leurs granules et ne ren- ferment plus que deux nucléoles brillants. h5. C'est alors qu'a lieu la division de chaque cytoblaste en deux autres vésicules, contenant chacune un nueléole. 46. La division de la sphère elle-même suit de près le partage du cytoblaste en deux autres vésicules. 7. Les vésicules plastiques continuent à se montrer périodi- quement dans l’intérieur des sphères avant leur division. h8. Au moment de la disparition des vésicules plastiques, les evtoblastes sont remplis d'éléments granuleux ou vésiculeux. h9. Comme ces vésicules plastiques reparaîtront plus tard, il se peut que le contenu des eytoblastes ne soit pas étranger à leur formation. 50. À partir de la vingtième heure, le résultat du travail de division des sphères est l'augmentation de leur nombre et la dimi- nution de leur volume. 51. Les sphères, à mesure qu’elles deviennent plus petites, changent d'aspect, par suite de la diminution de leur contenu gra- nuleux. Les plus petites sphères produites ont déjà une certaine transparence. 52. Les cytoblastes de ces petites sphères ne renferment qu'un 116 LEREBOULLET . seul nucléole ; ils ont alors l'aspect d’un noyau ordinaire, trans- parent et nucléolé. 53. Les sphères extérieures, qui forment l'enveloppe du germe, sont alors beaucoup plus grosses ; elles conservent l'aspect primi- tif des globes de segmentation. 54. Pour les distinguer de ces derniers, je donne à ces sphères le nom de globes générateurs, parce qu'ils continueront encore pendant quelque temps à fonctionner, pour produire des sphères de plus en plus petites. CHAPITRE IL. Développement de l’œuf, depuis l’origine de la formation embryonnaire jusqu’à la formation du tube digestif (première partie de la période nutritive). Le travail de multiplication des sphères vitellines, tel qu'il a été décrit à la fin du chapitre précédent, continue à se faire pen- dant la seconde moitié du second jour et le commencement du troisième, c’est-à-dire de la quarantième à la cinquantième beure environ. Le germe se compose alors de nombreuses sphères, dont le diamètre moyen est de 0°",020 ou 0"",095. Si l’on recouvre la préparation d’une lamelle de verre, et qu'on exerce une compres- sion graduée en la faisant glisser sur le porte-objet, on découvre un certain nombre de sphères plus petites, de 0"",010, qui étaient masquées par les précédentes, et quelques-unes, au contraire, beaucoup plus grosses, de 0"",04 ou de 0"",05 de diamètre, au nombre de dix à douze seulement. Ces dernières sphères (les globes générateurs) ont une couleur brune foncée qui tranche for- tement sur la couleur d’un gris clair des petites sphères, circon- stance due à l'abondance de leurs granules. Les vésicules cyloblastiques des globes générateurs varient de 0"",010 à 0"",016; celles des sphères de grosseur moyenne me- surent 0"",008. En général, ces cytoblastes ne renferment qu'un seul nucléole dans les plus petites sphères et dans les moyennes ; RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 117 quelquefois cependant on en trouve deux, et ce nombre existe toujours dans les cytoblastes des grosses sphères. Plusieurs fois j'ai vu des sphères munies d’un seul cytoblaste à deux nucléoles, et, à côté d’elles, d’autres globes renfermant deux cytoblastes qui mesuraient exactement la moitié du diamètre du eytoblaste précé- dent, et qui ne contenaient chacune qu’un seul nueléole ffig. 20). Il est évident que les deux vésicules cytoblastiques proviennent de la division d’un cytoblaste simple. Enfin les globes générateurs ont fréquemment deux eytoblastes (fig. 20) égaux entre eux, ou un gros cytoblaste et deux petits, et il n’est pas rare, à cette époque, de rencontrer des sphères en voie de division, et coupées en deux par une ligne transparente. Ces observations, qui se reproduiront encore plusieurs fois dans le cours du développement, sont la confirmation de ce que j'ai dit, à la fin du chapitre premier, sur le mode de multiphication des sphères et de leurs cytoblastes. Parmi les plus gros globes générateurs, on en rencontre quel- quefois, vers la quarante-huitième heure, qui ont une forme ovoïde (fig. 20, a). Une propriété remarquable du germe à cette époque, c’est sa grande diffluence. Au bout d’un séjour de quelques minutes dans l’eau, ses bords se déforment par l'apparition de globes vitellins qui font saillie à sa surface (fig. 21), et qui semblent être inces- samment poussés au dehors du germe (1). En mème temps, toutes les sphères deviennent plus transparentes, et leurs cytoblastes apparaissent comme autant de perles brillantes au milieu de chaque sphère (fig. 21). Ces effets, dus à l’absorption de l’eau qui déter- mine un mouvement d'expansion des globes et du germe tout en- (1) Cet état de diffluence du germe embryonnaire a été signalé par Dujardin (Ann. des sc. nat., 2 série, 4837, t. VII, p. 374) sur des œufs de Limace. Ce naturaliste compare les prolongements diaphanes qu'offre le germe à ceux que présentent les Amibes. Je dois faire remarquer que les mouvements qui se pas- sent alors dans le germe sont dus uniquement à l'action de l’eau ; car ils n'ont pas lieu quand il est maintenu dans son albumen. Ce fait ne prouve, en réalité, qu'une chose, c'est l'absence de membrane vitelline qui rend plus faciles l'ab- sorption de l’eau par les globules de l'œuf et la désagrégation de ces globules. 118 LEREBOULLET, iier, montrent que celui-ci n'est pas entouré d’une membrane particulière. Un autre phénomène que j'ai constamment remarqué à la même époque consiste dans la présence d’une pelite gouttelette de graisse liquide qui se forme immédiatement sur la préparation, dès qu’on la recouvre d’une lamelle de verre, Cette graisse vient sans doute de l’intérieur de certaines sphères , mais 1! n’est pas possible de dire quelles sont celles qui la fournissent. C’est à la quarantième et à la quarante-troisième heure après là ponte que j'ai observé la première modification dans la forme du vitellus. Jusque-là il était resté parfaitement sphérique, ainsi que je m'en suis assuré en coagulant des œufs à partir de la vingl- quatrième heure, et en faisant rouler le germe à l’aide d’une aiguille, sous un grossissement de 200 diamètres et à la lumière directe. A la quarantième heure, d’autres fois à la quarante-troisième, j'ai aperçu sur un point de la surface de cette petite sphère, dont le diamètre ne dépasse pas alors 1/5° de millimètre, une dépres- sion irrégulière, peu étendue et peu profonde, semblable à celle qui aurait pu être produite par le contact de l’aiguillé. Ayant ré- pété la même observation sur un nombre suffisant d'œufs, j'ai pu m'assurer que telle n’était pas la cause de la dépression. Celle-ci se présentait toujours avec le même caractère; trois ou quatre des erosses sphères périphériques du germe étaient comme enfoncées dans la substance de celui-ci, et formaient une fossette irrégulière et peu profonde. On distinguait confusément cette dépression sur des germes inlaets, non coagulés, en les faisant rouler lentement sur la plaque de verre sans les toucher de l'aiguille, mouvement facile à obtenir sur un corps d’une aussi petite dimension. Mais elle était bien plus apparente sur des germes coagulés ; on pouvait alors là reconnaître soit de face, soit de profil. En regardant la pièce obliquement, on voyait les grosses sphères périphériques faire saillie autour de la fosselte. Le germe, du reste, était par- faitement sphérique; les gros globes de la surface avaient tous un diamètre de 0"",04, ceux de l’intérieur mesuraient 0"",093; dans tous cès globes, les cytoblastes renfermaient un ou deux RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 4119 nueléoles brillants, sans aucun autre contenu granuleux. Ayant vuvert le germe à l’aide d’aiguilles sous le microscope, et en em- ployant toutes les précautions nécessaires, j'ai vu qu'il n'offrait intérieurement. aucune cavité ; les sphères intérieures étaient agelomérées les unes aux autres, comme je l’avais déjà constaté à une époque antérieure, et formaient une boule solide entourée par la couche simple des grosses sphères périphériques. Au commencement du troisième jour, vers la cinquantième heure, un changement plus apparent est survenu dans le germe. Celui-ci s’est aplati sur une de ses faces, et, du côté opposé à l’aplatissement, il offre une dépression régulière très sensible, de forme cireulaire et assez profonde; en un mot, une véritable fos- sette (fig. 22). Ce germe est composé de sphères distinctes par leur volume et par leur aspect. Les unes, extérieures, périphériques, mesurent 0"",04; elles sont pleines de granulations qui leur donnent une teinte brune, lorsqu'on les regarde par transparence. Ces grosses sphères ont un eytoblaste rempli de granules pâles, comme nous en avons vu plus haut dans les globes générateurs; son diamètre est de 0"",013. Les autres sphères, beaucoup plus nombreuses que les précé- dentes, ne mesurent que 0"",095 ; élles sont pâles, demi-trans- parentes, et ont une teinte grisâtre; leur cytoblaste plus petit est transparent, sans granules, et ne contient qu'un ou deux nucléoles brillants. Les plus petites sphères, en très petit nombre, n'ont que 0"",013 de diamètre; leur cytoblaste assez gros n'a qu'un seul nucléole. Parmi ces cellules parfaitement sphériques, qu’on peut séparer les unes des autres en comprimant la préparation et en imprimant des mouvements à la lamelle de verre, on en trouve un certain nombre qui sont allongées, ovoïdes, et qui deviennent plus où moins prismatiques par la coagulation (fig. 24). Ces cellules allongées sont de deux sortes, comme les sphères précédentes : les unes, chargées de granules, ont à peu près le même aspect que les globes générateurs ; elles ont 0°",04 de longueur sur 0"%,013 de largeur, et renferment un gros eytoblaste avec nu- 120 LEREBOULLET. cléole brillant. Les autres, beaucoup plus petites, sont pâles, beaucoup moins chargées de granules; elles n’ont qu'un petit noyau peu apparent (fig. 24). Toutes ces cellules allongées occupent l’intérieur de la fossette, ce dont on peut s'assurer en fendant le germe en deux avec une aiguille, après l'avoir coagulé. On obtient ordinairement des frag- ments composés de plusieurs cellules allongées provenant des parties internes. Les bords de Ja fossette sont formés par des globes générateurs qui n’ont pas encore changé de forme, mais qui sont restés parfaitement sphériques. Ces premières modifications du germe dans son ensemble et dans ses parties constituantes sont de la plus haute importance; elles constituent un fait capital pour l’embryologie des Mollus- ques, car elles nous font voir que la première partie qui se montre dans le développement de ces animaux est le tube intestinal. On peut regarder dès ce moment l’embryon comme constitué. Déjà, même avant la production de la fossette, la disposition des élé- ments globuleux du germe en deux groupes : l’un externe, péri- phérique, formant l'enveloppe; lautre interne, constituant la masse du corps ; cette disposition, dis-je, pouvait être regardée comme appartenant à une formation embryonnaire. Mais à pré- sent surtout, la nature embryonnaire du germe ne saurait être l'objet d’aucun doute, car nous verrons par la suite comment le tube intestinal dérive directement de cette dépression primitive. Déjà même en ce moment l’existence de corps celluliformes allongés constituant les parois internes de la fossette révèle un des caractères des cavités digestives, la présence des cellules eylin- driques dont se compose leur épithélium. Seulement ces corps celluliformes ne sont pas encore des cellules, ce sont des globes générateurs de la même nature que ceux qui composaient le germe quelques beures auparavant, et qui forment encore sa couche périphérique. Ils en ont tous les caractères, et ne s’en distinguent que par leur forme allongée. Plusieurs sont en voie de division (b, fig. 24); c’est assez dire que ces corps allongés se multiplient de la même manière que les globes générateurs pro- prement dits, et tendent à augmenter le nombre des cellules allon- RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 491 gées, comme les globes générateurs augmentent par leur division successive, le nombre des cellules sphériques. Il est done possible, comme on voit, de suivre pas à pas les diverses phases que subit la constitution du germe et les change- ments qu'éprouvent les éléments qui le composent, deux ordres de faits qui devraient toujours pouvoir marcher de front en em- bryologie ; car il ne suffit pas d'indiquer les modifications de la forme générale, il faut aussi faire connaitre, autant qu'il est possible, les transformations des éléments constitutifs; c’est le seul moyen d'arriver un jour à établir des lois positives, fon- dées sur la naiure, et non plus des théories plus où moins ingé- pieuses, mais qui ne reposent que sur des faits insuffisants ou mal observés. C’est guidé par ces considérations que j'ai eru devoir étudier avec un soin minulieux, et que j'ai cherché à suivre pas à pas les modifications des sphères vitellines dans leur composition, leur forme et leur arrangement. Les premiers résullats que je viens de signaler nous montrent l'embryon constitué par la présence d’une fossette creusée dans la substance du germe, et par l'existence de corps celluliformes allongés, premiers indices des cellules d’épi- thélium cylindrique qui formeront plus tard les parois internes du tube alimentaire. Vers le milieu du troisième jour (soixante et unième heure), le germe embryonnaire s’est aplati, au point de ressembler à un disque un peu relevé sur ses bords. L'épaisseur de ce disque est quelquefois moindre que la moilié de sa largeur. L'une de ses faces est creusée d’une fossette large et profonde, régulièrement circulaire (fig. 25); l’autre face est aplatie ou arrondie, de ma- nière à donner au germe embryonnaire une certaine ressemblance avec une soucoupe où avee une capsule, La fossette est mainte- nant beaucoup plus spacieuse que dans la période précédente, et on la distingue très bien sur des germes frais, qu'on fait rouler lentement sur le porte-objet du microscope. Le bord de la fossette est formé par des corps celluliformes allongés, disposés tout autour de l’orifice avec une grande régularité (fig. 25). Ces corps celluliformes ne sont autre chose que les globes générateurs de la 122 LEREBOULLET. surface qui se sont allongés, et se rapprochent de la forme que présentent les cellules de l’intérieur. Lorsqu'on étudie un de ces germes embryonnaires à l’état frais, on le trouve composé des deux sortes de corps celluliformes que nous avons signalés plus haut. Les uns, de couleur brunâtre, chargés de granules, au nombre de douze à quinze seulemeni, n'ont plus que 0"",03 de diamètre, au lieu de 0°" ,04 qu’ils avaient précédemment. Les autres, grisâtres, transparents , mesurent 0"",02 ou 0®",01; quelques-uns même n’ont que 0"",005. Toutes ces cellules, grosses et petites, ont un eytoblaste transpa- rent muni d’un seul nucléole. Si l’on morcelle avec précaution, sous le microscope, le germe coagulé, on voit qu'il se compose d’une sorte de coque extérieure formant enveloppe, et d’une autre coque intérieure ouverte for- mant un sac, dont les bords se continuent avec l'enveloppe exté- rieure. Celle-ci est composée de cellules sphériques agglutinées les unes aux autres, tandis que les paroïs du sac intérieur parais- sent composées exclusivement de cellules allongées qui se déta- chent par petits groupes, comme celles qui sont représentées figure 24. L'embryon persiste peu de temps sous la forme de disque creux ou de soucoupe ; en effet, quelques heures plus tard, les bords de la grande excavalion dont le disque était creusé se soulèvent et semblent s’enrouler sur eux-mêmes, sur deux points opposés, de manière-à former deux bourrelets ovales, disposés symétrique- ment de chaque côté, et tendant à rétrécir l'ouverture de la bourse. Bientôt les deux bords opposés se rejoignent et se soudent lun à l’autre dans une petite étendue, tandis qu'ils restent séparés et entrebäillés dans le reste de leur longueur. Il en résulte que la grande ouverture circulaire est remplacée par une goutlière assez large et de forme variable, dont l'ouverture plonge dans le sac primitif (fig. 26). Les bords de cette gouttière sont arrondis et inclinés vers l’intérieur de la cavité, ce qu’en voit distinetement quand on regarde la pièce obliquement. Il en résulte que les cel- lules allongées qui garnissaient l'entrée de la grandé ouverture circulaire (fig. 25) ne se voient plus, parce qu’elles sont devenues RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 193 intérieures par suite de l'espèce d'enroulement des bords de cet orifice. Si l’on fait tourner la pièce, et qu’on la dispose de manière que la gouttière regarde en arrière, tandis que la face sur laquelle la pièce reposait soit dirigée en avant, le germe a la forme d’un cône tronqué très peu élevé, et dont la base serait en arrière. Le bord supérieur de cette base, dirigé en haut vers l’observateur, offre une ouverture limitée par trois côtés, ce qui lui donne une forme triangulaire. L'an des côtés de ce triangle est formé par le rebord de la fossette primitive (a, fig. 26); les deux autres côtés (bet c), dirigés en arrière, sont écartés l’un de Pautre, plus ou moins, suivant que la goultière est encore plus ou moins ouverte. Dans cette position du germe embryonnaire, on à done un sac allongé, dont la paroi antérieure est entière, tandis que sa paroi postérieure est fendue, et composée de deux renflements où de deux lèvres d'ete, en ce moment encore assez écartées l’une de l'autre, mais qui ne larderont pas à se rapprocher. Ce nouveau sac diffère du sae primitif par sa position et la direc- lion de son ouverture. L'ancien sac était le résultat d’une dépres- sion du germe; il était plus large que profond, et son ouverture était dirigée en haut. Le nouveau sac est plus profond ou plus long que large ; son ouverture est dirigée en avant dans la position naturelle du disque, c’est-à-dire quand celui-ci repose sur sa face aplatie, et enfin cette poche nouvelle, qui n’est pas encore tout à fait fermée, représente le véritable sac digestif, et résulte du déve- loppement des bords de la fosse primitive, de leur enroulement et de leur rapprochement vers la ligne médiane. Ce nouveau sac, dont rous avons cru devoir décrire longue- ment le mode de formation, est done le sac digestif que nous ver- rons bientôt constitué d’une manière définitive. Sa position natu- relle est celle qui est représentée figure 26; les deux renflements d et e sont supérieurs ou dorsaux ; la large gouttière f est consé- quemment dorsale, tandis que l'orifice g, qui deviendra la bouche, est dirigé en avant. Nous venons de voir que les bords de la gouitière gastrique forment deux mamelons (d et e) allongés, saillants, au-dessus du germe embryonnaire, La région extérieure de ce germe se conti- 124 LEREBOULLET. nue done avec sa région intérieure, en se repliant sur elle-même comme une membrane séreuse. Mais, à mesure que la soudure se fait par suite du rapprochement des deux mamelons, la portion intérieure ou gastrique se sépare de la portion périphérique ou cutanée, de manière que le sac intérieur n’est plus en communi- cation avec la peau que par les bords de l’orifice antérieur ou de la bouche. Cette soudure des bords de la gouttière dorsale parait se faire assez rapidement, dans l’espace de quelques heures. Le germe alors, examiné frais et placé de manière que l’ouver- ture du sae soit dirigée en haut vers l'observateur, montre cette ouverture de forme oblongue, se continuant, en arrière, avec une ligne transparente qui résulte du rapprochement -et de la juxtapo- sition des deux mamelons ou lobes dorsaux (fig. 27). On distingue six grosses sphères génératrices (d), avec leur cytoblaste trans- parent, disposées autour de cet orifice buccal. Si l’on soumet ce germe embryonnaire à une compression mé- thodique à l’aide d’une lamelle de verre, on peut, en le faisant olisser dans divers sens, isoler assez bien ses éléments pour qu'il soit possible de les examiner pour ainsi dire un à un. On trouve d’abord deux sortes de cellules qui se distinguent par leur couleur et leur aspect. Les unes, plus grosses, ont les caractères des globes que nous avons nommés générateurs (fig. 28) ; elles sont remplies de granules, et ont une teinte branâtre (a et b) ; les unes sont sphériques, les autres allongées, ovoïdes. Les autres cellules, beaucoup plus nombreuses, ont une teinte plus claire, par suite des granules moins abondantsqu’elles renferment. Ces cellules sont aussi de deux sortes, sphériques ou allongées. Parmi les pre- mières, les plus petites se rapprochent beaucoup des vraies cel- Jules par leur aspect. Toutes ces cellules renferment un cytoblaste vésiculeux avec un seul nucléole brillant. Dans plusieurs d’entre elles, particulièrement dans les cellules allongées, il existe deux cytoblastes semblables pour leur grosseur et leur aspect, et dont la présence indique une division prochaine de la cellule. Les dimensions de ces cellules étaient assez variables, comme on peut le voir par l'inspection de la figure 28. Les plus nom- CP RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 125 breuses (c), disposées surtout à la périphérie et constiluant l’en- veloppe du germe, mesuraient 0"",025. Les plus petites (d), encore en très petit nombre, ne se trouvaient qu’à la face inférieure ou ventrale dé l'embryon; elles mesuraient 0"",04. Les globes générateurs sphériques étaient rangés autour de l'entrée du sac alimentaire. Quant aux cellules allongées, j’ai pu seulement con- stater qu’elles occupaient l’intérieur du sac, sans pouvoir déter- miner exactement leur arrangement. Je ferai remarquer, avant d'aller plus loin, que les plus petites de ces sphères, celles encore en petit nombre qui se rapprochent le plus des véritables cellules, occupaient la région inférieure du germe, région qui donnera bientôt naissance au pied. Si l’on coagule un germe embryonnaire de la même époque que le précédent, l’action de l'acide, en solidifiant les parties, les em- pêche de s’affaisser, et permet de mieux en apprécier la forme. Un germe, âgé exactement de deux jours et vingt et une heures, et coagulé, avait la forme d’une sphère aplatie sur une de ses faces, ou d’une des moitiés d’un ellipsoïde quiaurait été coupé en travers. Si l’on dispose ce germe de manière que l'ouverture buccale soit tournée en haut (fig. 29), on voit que cette ouverture est encore assez large, ovalaire, et qu’elle se continue en arrière avec la rainure transparente qui marque encore la séparation des deux lobes ou mamelons qui se sont réunis au-dessus du disque aplati. L'orifice buccal est donc à peu près formé, sauf un reste de gout- tière qu’on aperçoit encore eu arrière, et qui se continue avec la rainure , disposition qui existait aussi dans le germe précédent (fig. 27). La ligne transparente située derrière la bouche n’est pas due à une véritable rainure; elle provient de ce que les deux moiliés primitives du sac ne sont pas encore soudées dans toute leur épaisseur. On peut donc regarder le sac digestif comme étant à peu près constitué. Le germe étant placé de champ, comme je viens de le dire, on voit en avant de l'ouverture buccale la tranche d’une lame assez mince , d’égale épaisseur partout, qui forme, dans la position naturelle du germe, le disque aplati sur lequel celui-ei repose. Cette lame est homogène, et elle tranche assez uellement, par sa leinte male, dans les pièces coagulées, sur 126 LEREBOULLET . la teinte demi-transparente de la portion arrondie du germe. Elle est composée de très petites cellules, relativement aux dimensions de celles qui forment les autres parties de l'embryon, el ces cel- lules sont celles qui se rapprochent le plus des véritables cellules embryonnaires, {elles qu’elles se montreront plus tard. C'est ce disque sous-embryonnaire inférieur qui produira le pied, et c’est de lui aussi que sortiront les tentacules ; d’où il suit qu'il faut le considérer comme l'appareil générateur des organes de relation. Nous pouvons done, dès à présent, considérer le germe em- bryonnaire comme composé de deux parties distinetes : une partie végétative supérieure ou dorsale, et une partie animale inférieure ou ventrale. La portion végétative la plus considérable s’est formée la première aux dépens du germe tout entier; là portion animale s’est ajoutée plus tard à la première. L'une et l’autre ont été con- stituées par une différenciation des éléments constitutifs du germe. La partie végétative se caractérise par la transformation des élé- ments sphériques en éléments avoïdes ou cylindriques ; la partie animale par une division plus hâtive de certaines cellules généra- trices qui se groupent sur un point déterminé de la surface du 2erme. Cette distinction n’est nullement théorique ; elle est fondée sur des faits réels, incontestables, et que chacun peut vérifier. Elle rappelle la distinction du germe ou blastoderme des Vertébrés en deux feuillets : un feuillet animal et un feuillet muqueux ou végé- tatif. Seulement ce ne sont pas iei deux feuillets enchässés l’un dans l’autre , ce sont deux portions distinctes du corps embryon- naire tout entier : l’une constituée par le germe embryonnaire primitif, l’autre par des éléments surajoutés à ce germe. Si l’on brise avec précaution, à l’aide de fines aiguilles, et en opérant sous le microscope, l'embryon coagulé, tel que je viens de le décrire et tel qu’il est représenté figure 29, on peut déter- miner avec assez d’exactitude la position des divers éléments dont il se compose, et que nous avons fait connaître plus haut. L'intérieur du sac embryonnaire est formé par des cellules allongées, encore assez larges, cylindriques où coniques, telles RECHERCHES SUR LE DÉVBLOPPEMENT DU LIMNÉE. 127 que les montre la figure 24. En dehors de ces grandes cellules s’en trouvent d'autres un peu moins grosses qui ont une forme globuleuse, et adhèrent entre elles et aux précédentes. De grosses cellules de 0"",03, qui ont encore l’aspect des globes générateurs, se voient autour de la bouche et dans la région opposée de l’em- bryon qui correspond au fond du sac digestif. Quant à la région tout à fait inférieure, celle que nous venons d'appeler portion ani- male du germe, elle est composée de petites cellules pâles, faible- ment granulées, dont le diamètre est de 0°",008, 0"",010 ou 0"",013, et qui se rapprochent beaucoup des véritables cellules embryonnaires. Enfin les cellules de la surface sont de grosseur moyenne, cohérentes, et forment une coque mince qui se détache par fragments. Nous allons résumer, pour mieux en faire saisir l'ensemble, ces premières phases de la formation embryonnaire comprises depuis le milieu du second jour jusqu’à la fin du troisième. Résumé du deuxième chapitre. Â. La sphère du germe se déprime, une fossette se forme à l'on de ses pôles. 2. Cette fossette s'agrandit, eten même temps la sphère s’aplatit du côté opposé à l’excavation. 3. Des globes générateurs de forme allongée garnissent les parois intérieures et le bord de l’excavation. h. La partie excavée se replie et s’enroule sur elle-même par moilié, de manière à former deux mamelons saillants, symé- triques, qui s'élèvent au-dessus de la région aplatie. = 5. Ces deux mamelons, d’abord séparés par une large gout- tière, se rapprochent l’un de l’autre, et se soudent d’arrière en avant. 6. Il en résulte un sac disposé horizontalement, et dont l'ouver- ture est dirigée en avant. 7. Les parois de ce sac sont formées par la peau déprimée et réfléchie sur elle-même comme une séreuse ; les cellules qui com- posent ces parois sont devenues cylindriques. 128 LEREBOULLET . 8. Immédiatement après la formation du sac digestif, la partie inférieure du disque embryonnaire s’épaissit par l'accumulation de cellules nouvelles qui revêtent promptement le caractère de cel- lules embryonnaires. 9. Cette couche celluleuse inférieure consütue la partie animale de l'embryon, tandis que la portion globuleuse située au-dessus d'elle, et renfermant le sac digestif, en constitue la partie végé- lative. 10. Ainsi le germe embryonnaire, pendant les trente-six heures qui suivent la période de segmentation, a subi deux phases d'évo- luton distinctes : Il s’est d’abord constitué tout entier comme sac digestif; puis à ce sac embryonnaire primitif s’est ajoulée une partie qui sera dans la suite, avec l'enveloppe extérieure, le point de départ de la formation des appareils de relation. Une troisième phase du développement embryonnaire se montre à la fin du troisième ou au commencement du quatrième Jour, phase qui caractérise d’une manière toute particulière la vitalité de l'embryon : je veux parler de ses mouvements de rotation. C’est ordinairement de la soixante-dixième à la soixante-quin- zième heure que l'embryon commence à tourner. D'abord ce sont des mouvements vagues, incertains, saccadés et très lents. Le germe embryonnaire oscille sur lui-même, s'arrête un instant, puis recommence el tourne sur son axe. Quelques heures plus tard, le mouvement de rotation s'établit d’une manière définitive ; mais il reste encore assez lent pendant un jour ou deux. Le plus souvent, c’est vers la gauche que la rolation se fait. Si nous nous supposons placé dans l’axe de l’em- bryon, et que nous tournions sur nous-même en portant notre côté gauche en arrière, puis à droite, puis en avant et ainsi de suite, nous aurons une idée exacte de la direction de ce mouve- ment. Quelquefois cependant, assez souvent même, c’est vers la droite que le déplacement s'opère; le germe tourne alors de la gauche vers la droite. Dans les premiers moments, le mouvement de rotation se fait comme autour d’un pivot vertical, dans le sens de l'équateur du germe; mais bientôt à ce mou- RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉR 129 vement en succède un autre qui a lieu dans un sens opposé, c’est-à-dire dans une direction verticale, autour d’un axe qui serait horizontal. Ordinairement, au bout d’un certain nombre de ré- volutions dans le sens horizontal, il se fait un temps d’arrêt avant que le germe prenne une direction verticale. Le mouvement est d’abord simple, du moins n'est-il pas encore possible d’ap- précier le déplacement du germe, si ce déplacement à lieu. Mais, au bout de quelques jours, on distingue bien les deux sor- tes de mouvements, savoir un mouvement de rotation sur l'axe et un mouvement de translation autour du point que le germe occupait. J'ai cherché en vain la cause de ce mouvement qu’on attribue généralement à des cils vibratiles. Je puis affirmer que ces der- niers n'existent pas, et qu'ils nese voient jamais, à aucune époque de la vie embryonnaire, sur toute la surface de l'œuf. Pour m'as- surer de leur présence, j'ai commencé par examiner le germe, sans le comprimer, à l’aide de forts grossissements ; puis je l’ai écrasé de manière à faire sortir les granules des cellules qui les renferment, afin de voir s’il y aurait un déplacement de ces très petits corpuscüles. Jamais je n'ai pu distinguer le moindre mou- vement dans ces derniers, quoique j'aie répété plusieurs fois lob- servation. Or toutes les fois qu’il existe des cils vibratiles, ceux-ci déterminent un mouvement facile à apprécier dans les molécules avoisinantes. L'absence complète de tout mouvement dans Jes éléments de la préparation doit donc faire penser que les cils n'existent pas. Dans la première moitié du quatrième jour l'embryon se modifie dans sa forme générale. Quand on l’examine vivant, dans son œuf, pendant qu'il tourne, on voit que, dans certaines positions, il offre, de chaque côté, une petite saillie peu prononcée d’abord et formée par des globules. La coagulation rend ces saillies plus apparentes (fig. 80, pl. 2); on distingue alors parfaitement deux des sphères appartenant à la couche périphérique de l'embryon qui semblent être poussées en avant, comme par l'effet d’une végéta- üon. Entre les deux éminences latérales produites par ces sphères saillantes, existe une saillie médiane de forme triangulaire assez &° série. Zoo. T. XVIIL. (Cahier n° 3.) ! 9 150 LEREBOULLET peu marquée. Cette saillie médiane indique le commencement de la formation du pied. Nous avons vu plus haut qu’à la fin du troisième jour l'embryon se composait de deux parties, l'une que nous avons nommée végétative, formée par le sac digestif, l’autre animale consistant en une simple lame encore très mince, appliquée contre la partie inférieure du germe embryonnaire (fig. 29). Cette dernière partie a augmenté d'épaisseur et pris la forme d’une carène encore peu prononcée ; tandis que la partie végétative s’est développée au point de déborder la région précédente (c, fig. 50) (1). Quand l'embryon est placé dans sa position naturelle, sa portion globu- leuse dépasse de toute partle disque sur lequelil repose, conne la eupule d'un gland déborde le gland lui-même. La bouche se voit à quelque distance au-dessus de ce pied rudi- mentaire, ou derrière lui, si l'on dispose la pièce de manière que la bouche soit tournée en haut (fig. 30); cet orifice buecal est entouré de cellules allongées formant une couronne autour de lui. La coagulation à fait disparaitre la rainure transparente qui sépa- rait les deux portions symétriques dont se composait primitivement la portion végétative de l'embryon ; cependant celte rainure se voit encore sur d’autres pièces un peu plus âgées (fig. 34). Le germe est transparent à son centre, ce qu'il doit à la présence d’une cavité et non à une modification de ses cellules, comme cela aura lieu plus tard. On aperçoit quelquelois la cavité buccale et l'entrée du sac que l’on reconnait à une tache foncée, en forme d'entonnoir, qu'on distingue sur le bord du disque. La composition cellulaire de l'embryon offre encore le même caractère général que précédemment, c'est-à-dire qu'on rencontre encore, en écrasant la pièce, des sphères différentes. par leur aspect, par leurs dimensions et par leur forme. Seulement tous ces éléments sont devenus plus petits, leur nombre a augmenté et les cellules ont une teinte de plus en plus pâle. Les cellules périphériques dont j'ai parlé tout à l'heure, qui (4) Dans les figures 30, 31 et 32, la coagulation n'a pas rendu la portion animale aussi distincte de la portion végélative qu'on le voit dans la figure 29. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 151 forment, deux saillies symétriques sur les côtés du corps, semblent se détacher davantage (ce, fig. 34, et d, fig. 32). Mais l'aspect qu'elles présentent en ce moment est transitoire et de courte durée. Elles produiront bientôt, en se multipliant, l'espèce de bourrelet qui surmonte le pied et qui donne momentanément à l'embryon la forme d’un gland dans sa cupule. D'autres cellules plus petites s'élèvent en carène sur la ligne médiane (c, fig. 32); elles paraissent aussi comme détachées de la masse et deux d’entre elles surtout sont comme isolées en avant pour former la pointe antérieure de la carène (b, fig. 31). Ces saillies transitoires, produites par les sphères génératrices à la surface de l'embryon, nous expliquent, jusqu’à an certain point, l’aceroissement de ces parties. Ces sphères, en effet, arrivées à un certain degré de développement, se multiplient en se divisant et augmentent le nombre des éléments constitutifs des parties qu’elles sont appelées à former. Du côté de l'embryon opposé à la bouche, on voit un anneau de grosses cellules qui entourent un espace transparent (fig. 32). C’est la région qui sera plus tard occupée par l’anus. En ce moment il n’existe pas encore d'ouverture; la transparence de cette région est due à la présence du sac digestif dont le fond est à une petite distance de la surface. Quant aux grosses sphères qui entourent eelte portion transparente, je les regarde comme destinées à pro- duire les petites cellules qui s’accumuleront autour de l’anus pour constituer la première ébauche du manteau. Quand on morcelle avec des aiguilles le germe coagulé, on obtient des lambeaux plus ou moins grands de l'enveloppe géné. rale formant, en quelque sorte, la coque de l'embryon, et, parmi ces fragments, il n'est pas rare de trouver la bouche prolongée en un tube encore très court qui fait saillie en dedans de Ja coque et dont le bord se continue avec elle. L'étude détaillée des cellules dont l embryon se compose vers le milieu et dans toute la durée du quatrième jour offre un grand intérêt, parce qu’elle nous montre une nouvelle métamorphose de ees éléments : la formation des vésicules que j'appelle vitellines et 132 LEREBOULLET. la transformation des cellules préparatoires en vraies cellules embryonnaires. Les éléments organiques qui forment actuellement le germe embryonnaire sont les suivants (fig. 33) : 1° Des globes générateurs mesurant encore 0"",03 et même 0"*,04, reconnaissables à leurs nombreux granules quileur donnent une teinte foncée. Ces globes sont en petit nombre et renferment, outre le cytoblaste ordinaire pourvu d’un nucléole, plusieurs vési- cules transparentes qui ne sont pas les vésicules plastiques dont nous avons parlé plus haut. Elles se distinguent de ces dernières par leur volume, par l'absence d’un nucléole brillant et parce qu’elles sont destinées à grossir. Un peu plus tard, en effet, on trouve, dans les mêmes globes générateurs, des vésicules de même aspect, mais plus grosses (a, n° 3). Ce sont les vésicules que j’ap- pelle vitellines, parce que nous verrons qu’elles constituent dans la suite le vitellus proprement dit, ou la substance nutritive de l'embryon. 2% Des sphères allongées, ovoïdes, munies d’un ou de deux cyto- blastes dans lesquels se trouvent tantôt deux nucléoles, tantôt un seul, sphères, par conséquent, destinées à se diviser. Plusieurs d’entre elles contiennent des vésicules vitellines rudimentaires, comme les précédentes. Ces cellules allongées, en voie de division, forment les parois du sac alimentaire, comme nous l'avons vu plus haut. 3 Un petit nombre de sphères brunâtres remplies de granules et sans autre Contenu que ces derniers et un ou deux cytoblastes ordi- naires. Ces sphères occupaient la surface de l'embryon, tandis que les premières, celles décrites sous le numéro 14, étaient logées dans l’intérieur, autour du sac digestif. J'ai trouvé dans un embryon âgé de quatre jours et demi, un de ces globes générateurs qui contenait, outre son cytoblaste, deux cellules ovoïdes assez grosses (n° 6). Dans une autre sphère (n° à) appartenant à un embryon du commencement du cinquième jour, j'avais vu déjà un petit corps celluleux (c), différant entièrement par son aspect des cytoblastes ordinaires. Ces observations montrent RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 133 lamultiplicalion de ces sphères granuleuses ou génératrices par voie endogène. l° De nombreuses cellules pâles, faiblement granuleuses, mesu- rant, en moyenne, 0"",02 et semblables à celles représentées enc, fig. 32. Ces cellules ou ces corps cellulaires sont les plusnombreux ; ce sont ceux qui composent la couche périphérique de l'embryon et qui entourent avec les globes générateurs numéro 1, le sac digestif. 5° Enfin, de très pelites cellules (n°7) qui m'ont paru être en voie de formation. Ces cellules ne mesuraient que 0"",008, ou tout au plus 0"",01. Examinées à l’aide d’un fort grossissement (obj. 9, ocul. 1), elles ne m'ont paru composées que d’un eyto— blaste nucléolé autour duquel étaient groupés de très petits granules transparents et pâles, sans enveloppe autour de ces granules. Seu- lement, ceux-ci paraissaient unis entre eux par une substance inter- médiaire, car, en faisant rouler ces petits corps, ils conservaient leurs rapports mutuels. Je ne saurais affirmer que la membrane de la cellule manquait réellement ; ce que je puis dire, c’est que cette dernière m’a toujours semblé en être dépourvue. I est certain aussi que les cellules actuelles diffèrent par leur aspect des cellules pré- paratoires dont il a été question jusqu’à présent ; elles n’ont pas la teinte homogène que ces dernières présentent, et les granules qui les composent sont encore moins apparents. Plus tard, quand les cellules embryonnaires ont leur caractère définitif, elles sont encore plus petites et n’offrent de bien apparent que leur nueléole central qui brille comme une petite perle (n° 8). Ces petites cellules embryonnaires définitives ne mesurent alors que 0"",006 à 0"",007; elles abondent surtout dans le pied et, en ce moment, cette région de l’embryon est la seule dans laquelle on les observe. On comprend l'importance qu’il faut attacher à l'observation de ces petits éléments pour l’étude de la formation de la vraie cellule. Si, en réalilé, la membrane cellulaire manque dans les cellules (n° 7, fig. 53) dont je parle en ce moment et dont la réunion con- stitue le pied, il est évident quele noyau se forme avant la cellule, et que les cellules préparatoires dont il a été souvent question ne 13h LEREBOULLET. servent qu'à fournir les éléments de ces nouvelles formations. Si, au contraire, la membrane cellulaire existe, on peut admettre que les cellules préparatoires, en se divisant de plus en plus finissent par former les cellules embryonnaires. Mais, dans ce cas même, le noyau préexiste, puisque nous avons toujours vu la division des sphères être précédée de l'apparition de deux cytoblastes, un pour chacune des sphères futures. On voit, par cet exposé, que les cellules qui forment le pied, c'est-à-dire la partie animale de l'embryon, sont celles qui marchent avec le plus de promptitude vers leur achèvement. Celles de l’en- veloppe générale du corps ne prennent que plus tard le caractère de cellules embryonnaires. Quant aux cellules contenues dans l’in- térieur, elles sont de deux sortes : les unes, allongées, constituent les parois intérieures du sac alimentaire; les autres, sphériques, forment les parois extérieures de ce même sac et sont en quelque sorte collées contre les précédentes. Parmi ces cellules sphériques, plusieurs sont en train de subir la remarquable transformation dont il vient d’être question ; elles produisent dans leur cavité les nou- veaux éléments organiques que j'ai nommés vésicules vitellines et sur lesquels je reviendrai plus loin. Désirant constater, de manière à ôter tous les doutes, l’exacti- tude et la réalité des faits que je viens de relaler, j'ai répété les mêmes observations sur un grand nombre d’embryons de la même époque (quatrième jour). Dans une de ces observations, en cher- chant à diviser l'embryon sous le microscope, à l’aide d’une fine aiguille, pour en étudier les cellules, je suis parvenu à détacher partiellement l’enveloppe et à mettre à découvert le sac contenu dans l’intérieur (fig. 34). L’embryon coagulé ressemblait à celui des figures 31 et 32. La bouche, de forme ovale, était garnie de cellules allongées. Du côté opposé à la bouche on voyait un espace translucide limité circulairement par de grosses sphères disposées en anneau. Le sac, mis à découvert en détachant partiellement l'enveloppe ou l’espèce de coque qui l’entourait, montrait par transparence sa cavité, et l’on distinguait très clairement l’arran- gement des cellules dont ce sac était composé. Ayant ensuite la= céré la préparation, j'ai obtenu des portions du sac complétement RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 135 isolées. Ces lambeaux du sac alimentaire étaient formés de cel- lules allongées, elliptiques ou coniques, de 0"",025 de longueur (e, fig. 34), rangées régulièrement les unes à côté des autres, comme les cellules d’un épithélium cylindrique. En dehors de ces cellules et collées contre elles se trouvaient des cellules globu- léuses, rendues ici irrégulières par la coagulation. Ces dernières cellulés sont celles qui produiront plus tard les vésicules vitellines ; c’est au milieu d'elles que se trouvaient, dans d’autres embryons, les grosses sphères endogènes (fig. 33) dont j'ai fait connaître la composition. Ainsi, à mesure que nous avançons dans l'étude de l’évolution embryonnaire , nous voyons de nouvelles créations se produire sous l’influence du travail incessant dont les éléments organiques sont le siége. Ce sont d’abord des sphères remplies de granules qui se divisent et se subdivisent pour donner naissance à des sphères plus petites, et pour augmenter le nombre de ces éléments générateurs. Puis les nouvelles sphères se différencient : les unes s'allongent, et prennent le caractère des cellules destinées à revê- tir les parois intérieures du tube digestif; les autres engendrent de nouveaux éléments vésiculeux destinés à fournir à l'embryon des matériaux pour son accroissement; d’autres se transforment de bonne heure en cellules embryonnaires pour hâter la forma- tion du principal organe locomoteur ; d’autres enfin conservent encore quelque temps leur caractère primitif, et servent d’enve- loppe au corps embryonnaire. Tous ces éléments sont donc doués d'une activité particulière ; ce sont autant de pelits organismes qui fonctionnent chacun d’après les lois primordiales qui les ré- oissent, lois qui leur assignent la place qu’ils doivent occuper, et les fonctions qu'ils sont appelés à remplir. Les cinquième et sixième jours sont caractérisés surtout par la formation et le développement du pied, par le changement de forme qui en résulte pour l'embryon, et par le développement des vésicules vitellines autour du sac digestif. Au commencement du cinquième jour, les mouvements de ro- tation sont devenus plus rapides et se font régulièrement. L’em- bryon n’a plus la forme d’une sphère anlatie sur une de ses faces, 136 LEREBOULLET. comme les jours précédents. On remarque au-devant et au-dessous de l’ouverture buccale une saillie déjà assez prononcée qui se des- sine mieux sur les pièces coagulées (fig. 35). Cette saillie est fai- blement bilobée. Plus tard, les deux lobes arrondis dont elle se compose se dessinent plus nettement par l’échancrure profonde qui les sépare. Dans l’œuf vivant, on ne distingue pas aussi bien ces deux lobes ; cependant, si l’on regarde quelque temps l’em- bryon pendant qu’il tourne, on parvient ordinairement à les aper- cevoir. Sur des sujets du milieu et de la fin du cinquième jour (fig. 36), la saillie du pied, vue de profil, forme un lobe arrondi ou coni- que suivant la position de l’embryon. Le corps de ce der- nier s’est allongé et faiblement recourbé sur lui-même du côté ventral, ce qui lui donne un peu la forme d'un rein (fig. 36). Derrière le pied se voit une légère dépression qui sépare celui- ci de l’extrémité opposée du corps. Au-dessus de cette échan- crure le corps est globuleux et très élevé; entre cette partie dorsale et la partie supérieure du pied existe une faible dépres- sion qui correspond à la région buccale. En d’autres termes, l'embryon ressemble à une sphère aplatie sur une de ses faces ; il est replié sur lui-même par une dépression transversale qui existe dans la partie moyenne de cette région aplatie, et très bombé du côté du dos. La région moyenne du corps offre une certaine transparence qu’elle doit aux vésicules vitellines qui commencent à se former. Les bords de l'embryon sont aussi transparents. Dans certaines positions, les sphères transparentes intérieures paraissent grou- pées de manière à former deux lobes. Dans quelques sujets, on voyait encore derrière la bouche la fente linéaire qui séparait les deux moitiés primitives du sac digestif, mais dans la plupart cette fente avait disparu. Sur des embryons coagulés, l'ouverture buccale paraît comme entourée d’un anneau saillant. L’enveloppe extérieure se sépare maintenant avec plus de faci- lité ; elle est composée de petites cellules embryonnaires qui res- semblent à celles du pied et de toute la région inférieure du corps; RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 13) le diamètre moyen de ces cellules de la surface est de 0"",008 (fig. 38). A partir du moment où celte enveloppe cutanée est formée, et même déjà à partir du quatrième jour, l'embryon mis dans l’eau ne se gonfle plus et ne se déforme plus sous l'influence de ce liquide. Quand on écrase l'embryon à l’état frais, à l’aide d’une lamelle de verre, on retrouve à peu près toutes les formes de sphères et de cellules dont il a été question au quatrième jour. Mais, parmi ces sphères, les plus remarquables sont celles qui entourent le sac digestif. Toutes ou presque toutes ces sphères renferment une ou plusieurs vésicules transparentes. Les plus grosses, en petit nombre, ont le caractère des sphères endogènes décrites plus haut (fig. 33). Les petites, au contraire, ont un aspect particulier (fig. 37). : Au milieu de la matière granuleuse qui les remplit se voit une tache claire, sans contour déterminé et d’un volume variable. Cette tache transparente occupe tantôt la partie moyenne de la sphère, tantôt ses bords; elle refoule les granules contre les pa- rois, distend celles-ci, et finit sans doute par les rompre, car on rencontre déjà un certain nombre de ces vésicules libres entre les cellules. Ces vésicules libres se solidifient par la coagulation (fig. 39); elles sont alors irrégulières, quelquefois anguleuses, et ont l’aspect des vésicules vitellines des autres animaux, des Oiseaux et des Reptiles par exemple. Elles sont d’une transparence vitrée, et renferment ordinairement quelques granules, toujours en petit nombre. Leur consistance est celle de l’albumine coagulée par les acides. A cette époque du développement embryonnaire, lorsque pres- que toutes les cellules qui entourent le sac digestif sont en train de produire les vésicules vilellines, on ne voit encore aucune trace d'ouverture anale, quoique le sac digestif existe depuis long- temps. J'ai recherché avec tout le soin possible cette ouverture anale, afin de pouvoir déterminer avec certitude l’époque de sa forma- 138 LEREBOULLET. lion. Pour cela, j'examinais l'embryon à la lumière réfléchie, après l'avoir faiblement coagulé, sous divers grossissements, de 60 à 200 diamètres, en le faisant tourner lentement sur le porte-objet. Vers la fin du cinquième jour, j'ai remarqué, en suivant ce procédé d'exploration, une légère dépression cutanée sur un point direc- tement opposé à la bouche; cette dépression était entourée de cellules plus grosses que les autres; elle correspondait exacte- ment à la région transparente que le germe offrait au milieu du quatrième jour (fig. 32). Je suis parvenu plusieurs fois à diviser l'embryon par le milieu du corps, quoiqu'il ne mesure encore à cetté époque qu'un quart de millimètre environ, et à récliner chaque moitié, ainsi obtenue, de la coque ou enveloppe cutanée. Je pouvais ainsi examiner par transparence les régions buccale et anale ; la première offrait une ouverture entourée de cellules allongées ; la seconde, au contraire, n'avait aucun orifice. Cette préparation me permettait de vérifier, ainsi que je l'ai fait plu- sieurs fois, la composition du sac digestif, telle que je l'ai décrite plus haut. Pendant la durée du sixième jour, il ne se passe pas de change- ments importants. L'embryon vu dans son œuf (fig. 40) tourne encore avec assez de lenteur, le plus souvent vers la gauche ; dans beaucoup d'œufs, cependant, vers la droite. Il emploie une demi-minute pour une révolution complète ; par intervalles, il s'arrête quelques instants, et recommence ensuile le même mouvement de rotation. On ne parvient à découvrir, pas plus que les jours précédents, ni cils, ni mouvements vibratiles. La portion végétative de l'embryon forme au-dessus de la partie animale une saillie arrondie considérable, produite par l’accumu- lation des sphères dont la réunion conslitue ce que les auteurs . appellent improprement le foie (4). (1) Je croyais avoir donné le premier cette interprétation aux vésicules péri- gastriques, mais je trouve la même manière de voir exprimée dans un très bon travail de MM. van Beneden et Windischmann sur l'embryogénie des Limaces, inséré dans les Archives de Müller, 18441. C'est ce qui résulte de l'explication des figures et de la phrase suivante: « Sur le trajet des anses intestinales on voit RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. A39 Ces sphères qui ont la composition, l’aspect et sans doute aussi les fonctions des sphères vitellines ordinaires, se sont multipliées dans l’intérieur de leurs cellules génératrices ; beaucoup d’entre elles sont libres et elles forment toutes'un amas globuleux assez considérable autour du sac alimentaire, amas auquel est due la saillie convexe que présente l'embryon dans sa partie supérieure. Au-devant et au-dessous de cette saillie convexe, on voit une sorte de languette rectangulaire, échancrée en avant: c’est le pied qui s’est développé d’une manière assez notable et qui se dirige en avant et en bas. Cette portion de l’embryon se distingue de la pré- cédente par son aspect homogène, ce qui tient aux très petites dimensions des cellules embryonnaires dont elle est composée, tandis que la partie végétative du corps montre les grosses cel- _ lules transparentes qu’elle renferme. L'amas globuleux qui résulte de leur réunion est entouré d'une enveloppe qui a le même aspect et la même texture que le pied, parce que cette enveloppe est aussi formée maintenant de cellules embryonnaires. A la base du pied se trouvent deux petits appendices auriculés qui ne se voient que lorsque l'embryon occupe la position qui lui est donnée dans la figure 40, c’est-à-dire la partie convexe en haut. Ces auricules ne sont pas de véritables appendices, comme je l’ai cru d’abord, les prenant même pour les futurs tentacules. Cette apparence est due au rebord saillant de l'enveloppe du corps, qui dépasse de chaque côté le pied. Si l'on coagule l'embryon (fig. 41) et si on le place de manière que le pied soit dirigé en avant, on voit en haut la bouche entourée d’un bourrelet blanchâtre et on peut mieux juger du développement de la région supérieure comparée à l'inférieure. L La première, dans la position de la figure 41, représente une portion d’ellipsoïde, ou une sphère un peu allongée qui aurait été coupée en avant par un plan vertical. La seconde est un appen- dice à peu près cylindrique, obscurément bilobé, qui s’est produit se former la glande biliaire, au moyen de cellules semblables à celles du vitellus. C'est sans doute pour cette raison que la nature de la vésicule ombilicale a été parfois méconnue et qu'en prenant le vitellus pour le foie, cette glande était considérée comme un des premiers organes formés. » (P. 490.) 440 LEREBOULLET. par une accumulation de cellules embryonnaires, au-dessous de la moitié antérieure de la région vitelline ou nutritive. Les cellules embryonnaires de la surface varient entre 0°",010 et 0,013 ; celles du pied ontun diamètre de 0"",008. Les vési- cules vitellines sont très inégales, les plus grosses ont 0**,025, les plus petites 0"",01; ces dernières sont en grand nombre, Les sphères génératrices dans lesquelles se produisent ces vésicules offrent des aspects très variés, suivant le développement de ces dernières. Dans plusieurs de ces sphères on voyait la vésicule incluse faire saillie au dehors et sur le point de sortir. Il reste encore quelques globes générateurs granuleux, de couleur brune, semblables aux globes générateurs primitifs, et mesurant encore 0"",03 ou 0"",04 ; ces sphères brunâtres qui paraissent se trouver dans le voisinage de la région anale, ont un cytoblaste nucléolé. Dans quelques individus, j'ai vu ces mêmes sphères génératrices disposées, en effet, autour de la région anale, remplies de vésicules plastiques et conséquemment en voie de multiplication (fig. 42). Si on place l'embryon de manière que le pied soit en bas et la bouche en avant, et qu’on regarde de profil ou obliquement l’ex- trémité du corps opposée à la bouche, on retrouve la dépression anale dont il a déjà été fait mention, mais cette dépression est plus profonde ; son ouverture extérieure est plus large que l'ouverture buccale et l’on distingue par transparence une petite ouverture au fond de cette espèce d’entonnoir. Nous verrons bientôt que l’ouverture extérieure de l’entonnoir est l'anus et que l’entonnoir lui-même constitue le rectum, qui se produit d’après cela d’une manière indépendante du reste du tube ‘ digestif, par dépression cutanée et refoulement de la peau en dedans. L’anus est donc, dans le principe, directement opposé à la bouche. C’est un faitde la plus haute importance, dont j’ai constaté la réalité par de nombreuses observations entreprises spécialement dans-le but de le vérifier, afin de pouvoir annoncer de la manière la plus certaine son exactitude (1). On en jugera d’ailleurs par la suite du développement. (1) Je trouve ce fait indiqué dans le mémoire de MM. van Beneden et Win- RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. LA J'ai pensé utile de montrer cette position relative des deux ori- fices dans un embryon du sixième jour (fig. 43 et 4h). Dans la figure 43, l'embryon repose un peu obliquement sur sa partie inférieure ; on voit en haut l'ouverture buccale rétrécie par la coagulation et entourée d’un gros bourrelet. En avant de celte ouverture se trouve le pied qui était, dans cet individu, divisé en deux lobes très apparents, par une profonde scissure. La figure 44 montre le même embryon placé sur la région buc- cale. L’extrémité postérieure du corps courbée vers l’antérieure cache une partie du pied. Cette extrémité arrondie porte vers son milieu une ouverture ronde qui est la dépression anale ou l’entrée de l’entonnoir rectal. On voit encore dans cette figure, comme dans la figure 41, comment la partie végétative de l'embryon entoure la partie animale et la déborde, de manière à produire autour d'elle comme une sorte de bourrelet. Au septième jour, l'embryon vu dans son œuf présente d’une manière plus prononcée la forme d’un rein (fig. 45), ce qui pro- vient de ce que le pied et l'extrémité opposée du corps ont un peu grossi et se sont rapprochés davantage l’un de l’autre ; la dépres- sion transversale qui sépare ces deux parties est donc devenue plus profonde. L’embryon mesure maintenant 0"",25. On peut encore le comparer, sous le rapport de sa forme, à un court cylindre replié sur lui-même par le milieu. De cette manière il est partagé en deux portions à peu près égales : l’une antérieure, formée par le pied au-dessus et au-devant duquel est située la bouche ; l’autre postérieure arrondie, portant la dépression anale, au fond de laquelle on distingue une petite ouverture. La masse vitelline, dont la transparence à augmenté, se montre, dans certaines positions de l'embryon, composée de deux lobes égaux. On distinguait confusé- ment, dans cet individu, les cavités buccale et anale. L'entrée du sac digestif offre maintenant un autre aspect que dans l’origine ; elle a la forme d’un tube qui fait saillie au-dessus dischmann, cité plus haut, p.188. Mais ces auteurs ne décrivent pas le mode de formation du tube digestif, ils se bornent à dire qu'il est droit, Ils se trom- pent quand ils parlent des rapports du vitellus avec l'intestin et d’une prétendue circulation du vitellus liquéfié dans l'intérieur de ce tube. 142 LEREBOULLET . des parties voisines (fig. 46). Pour bien voir ce tube buccal, qui est l’origine de l'espèce de trompe dans laquelle se forme Ja langue, il faut regarder la pièce de profil. Sur les côtés de eette pièce tubuleuse se voient deux éminences mamelonnées produites aux dépens de l'enveloppe générale : ce sont les deux tentacules oculaires qui commencent à se montrer. Je n'ai pas vu comment ni à quelle époque se forment les tentacules buccaux; lont ce que je puis dire, c’est qu'ils n'apparaissent que longtemps après les tentacules oculaires. Au-dessous et sur les côtés du tube buccal, on aperçoit, par transparence, deux noyaux ovalaires, blanchâtres ; ce sont les deux lobes du pied, qui paraissent ici très écartés l’un de l’autre, parce que l’eau, étant faiblement acidulée, n’a pas coagulé le pied d’une manière uniforme, mais n’a agi que sur les deux points les plus saillants de cet organe. Du reste, les deux lobes du pied sont, à cette époque, parfaitement distincts, et séparés, pour ainsi dire, jusqu’à la base de cet organe. En explorant la région opposée à la bouche, j'ai de nouveau constaté la présence d’une fossette profonde, telle que je l'ai décrite précédemment. L'ouverture de celte fossette avait 0"",10 de dia- mètre ; celle du tube buccal n'avait que 0"”,08, Ayant ensuite détaché l'enveloppe commune ou la peau de l'embryon, et l'ayant renversée de manière à mettre à découvert sa surface interne, j'ai vu un tube conique, long de 0"”,07, d’une largeur égale, à sa base, faisant saillie en dedans de la peau à laquelle il adhérait fortement et dont il était évidemment une continuation (fig. 47). Ce tube rectal était ouvert à son extrémité intérieure et conséquemment ereux dans toute son étendue. L'estomac ou le sac digestif était encore fermé en arrière,et rien n'indiquait qu'il y ait eu continuité entre ce sac et le tube rectal. Le tube rectal était composé de cellules embryonnaires très pelites, semblables à celles de la peau, et nullement de cellules cylindriques comme celles du sac digestif. . Le rectum se forme donc d’une manière mdépendante du reste du tube alimentaire, par un refoulement de la peau vers l’intérieur de la cavité commune. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 15 Sur un autre embryon du milieu du septième jour, j'ai de nou- veau détaché ce que j'appelle la coque ou l'écorce embryonnaire, c'est-à-dire la peau. On peut quelquefois énucléer complétement l'embryon qui ne lient en réalité à cette enveloppe que par la bouche et l'anus, où par les tubes buccal et anal, Cetté enveloppe se compose, comme je l'ai dit, de cellules embryonnaires très petites, rendues granuleuses par la coagulation et fortement adhé- rentes les unes aux autres. Ici, comme dans le cas précédent, l'ouverture anale se prolongeait en un tube ouvert à son extrémité et qui faisait saillie en dedans de l'embryon. Le noyau contenu dans l'intérieur de l'enveloppe cutanée se composait d’un amas de cellules vitellines au milieu desquelles se trouvait le sac digestif, allongé, mais terminé en cul-de-sac à son extrémité, et parfaite- ment clos. Vers la fin du septième jour, j'ai rencontré, parmi plusieurs œuls que j'avais coagulés pour vérifier encore la position relative de la bouche et de l'anus, un embryon qui montrait distinete- ment, quand'on le plaçait de profil, ces deux ouvertures (fig. 48). Celles-ci étaient restées très larges, malgré l’action de l'acide, La bouche était entourée d’un bourrelet saillant, assez gros. L'anus, direétement opposé à la bouche, s'ouvrait au milieu d’une surface plane et non plus convexe, comme précédemment. On remarque, en effet, à partir de la seconde moitié du septième jour, que l’extrémité postérieure du corps, au lieu d’être arrondie, est comme coupée par un plan perpendiculaire à l’axe de l'em- bryon ; l'ouverture anale occupe presque toute l'étendue de cette surface tronquée. L'embryon à maintenant, surtout quand il est coagulé, une forme cylindrique qui lui donne parfois, comme dans la figure 4S, quelque ressemblance avee un tonneau. Seulement, de sa partie inférieure se détache le pied, qui est bilobé, assez gros, et forme un angle obtus avec le reste de la région‘inférieure du corps. On voit de nouveau très bien, dans cet embryon (fig. 48), la séparation entre la partie végétative occupant la région dorsale et la partie animale située au-dessous et distincte de la précédente par son aspect homogène. D'apres ce que j'avais vu jusqu'alors de la formation du tube 144 LEREBOULLET, digestif, il était évident pour moi que le rectum naissait d’une manière indépendante du sac digestif et se portait vers le fond de ce sac. Il était important de vérifier cette disposifion sans ouvrir l'embryon, mais cette recherche devenait très difficile, à cause de l’opacité dés parties. Plusieurs fois, cependant, je vis, sur des embryons vivants, pendant leur rotation, la forme conique produite par la saillie du rectum, mais je ne pouvais rien distinguer du sac alimentaire. J’eus alors recours à un procédé qui m'a réussi à don- ner à l'embryon une grande transparence. Je le laissais quelque temps séjourner dans une solution concentrée d’alun, puis, après l'avoir lavé, je le plaçais sous le microscope et je mêlais à l’eau une ou deux gouttes d'ammoniaque caustique étendue. Aussitôt l'embryon devenait transparent et l’on pouvait reconnaître parfaite- ment les contours des cavités digestives : seulement la pièce ne se conservait que quelques instants dans cet état de transparence. C’est en employant ce procédé que j'ai vu les deux formes des- sinées figures 49 et 50. Dans la figure 49, appartenant à un em- bryon de la fin du septième jour, on voyait le sac digestif allongé, ayant la forme d’une fiole, se porter directement en arrière, immé- diatement au-dessus du pied et se terminer en cul-de-sac, à quel- que distance derrière celui-ci. Le rectum formait une saillie inté- rieure conique, telle que je l’avais vue sur le vivant et semblable à celle que j'avais préparée en ouvrant un embryon (fig. 47). Cette saillie se dirigeait vers le fond de l’estomac, et il existait un inter- valle très marqué entre les deux organes. On voit, dans cet em- bryon, un bourrelet cireulaire assez saillant autour de lorifice anal; ce bourrelet représente l'origine du manteau dont nous aurons bientôt à nous occuper. Le lendemain (deuxième moitié du huitième) j'examinai de la même manière les autres œufs du même sac ovigène (fig. 50). Le sac digestif s'était allongé et le sommet du cône rectal touchait le fond de cette poche. Il est probable que la soudure et la conmuni- cation entre les deux cavités étaient établies, mais je n’ai pu m'en assurer positivement. Ce n’est donc que. vers le huitième jour que s’opère la réunion du rectum et du sac stomacal. Le tube digestif se trouve définiti- RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 445 vement constitué par cette réunion. Les parois de la région stoma- cale se distinguent par l'existence de cellules épithéliales eylin- driques, tandis que ce sont des cellules embryonnaires qui forment l’entonnoir rectl. Cependant nous verrons plus tard l'intestin se garnir aussi de cellules cylindriques. Cette formation définitive du tube digestif coïncide avec l’appa- rilion d’un bourrelet qui fait saillie autour de l’orifice rectal, et qui est, comme je viens de le dire, le point de départ de la formation du manteau. Nous pouvons donc considérer comme une période embryonnaire l'intervalle qui s’est écoulé depuis l’époque où s’est formée la première dépression du germe jusqu'à la production de cc bourrelet circulaire. Cette période est assez longue et elle comprend des faits impor- tants pour l’embryologie des Mollusques, faits qui étaient restés, nous le croyons du moins, inconnus jusqu’à présent. Nous allons, suivant notre habitude, en résumer les principaux sous forme de propositions. Résumé du deuxième chapitre. 1. Le travail de multiplication des sphères vitellines continue à se faire pendant toute la durée de cette période, c’est-à-dire jus- qu'au huitième jour. 2. La division des sphères génératrices est toujours précédée de l’apparition de deux cytoblastes dans une même sphère. à. Les vésicules cytoblastiques nouvelles proviennent de la division d’un cytoblaste simple, comme nous l’avons vu précédem- ment. k. Pendant les deuxième et troisième jours, le germe est très diffluent et absorbe le liquide dans lequel il est plongé. Cette dif- fluence cesse à partir du cinquième jour. 5. Le germe embryonnaire n'a pas de membrane propre; il est entièrement celluleux et composé de deux parties, une enve- loppe et un contenu. 6. On peut séparer ces deux parties sur un germe coagulé. #° série. Zooz. T. XVIIL. (Cahier n° 3.) ? 10 146 LEREBOULLET. L'enveloppe est formée de grosses sphères cohérentes. Le contenü est une petite boule sphérique, solide, composée de sphères plus petites qui adhèrent aussi les unes aux autres. 7. Dans la seconde moitié du second jour, le germe se déprime et forme une fossette irrégulière sur un point de sa surface. 8. Au commencement du troisième jour, cette fossette s’élargit peu à peu; en même temps Île germe s’aplatit et prend la forme d’une soucoupe. 9. L'intérieur de cette fossette est occupé par des cellules d’épi- thélium cylindrique ou plutôt par des sphères allongées qui pro- duiront plus tard ces dernières. * 10. Cette fossette se continue directement par ses bords avec l'enveloppe extérieure qui deviendra la peau. A1. Quelques heures après la formation de la fossette, les bords de celle-ci s'élèvent et se rapprochent dans deux directions oppo- sées, en s’enroulant sur eux-mêmes. 12. I résulte de leur rapprochement une large gouttière ouverte en haut, c'est-à-dire sur la parlie convexe du germe, opposée à la partie aplatie sur laquelle 1l repose. 13. Lorsque les deux bords de la gouttière se sont rapprochés de manière à se toucher, la région convexe du germe présente deux mamelons allongés, symétriques et contigus. A4. La large fossette primitive est alors remplacée par un sac couché horizontalement au-dessus de la surface aplatie du germe. 15. Ce sac allongé est le sac digestif dont l'ouverture deviendra l'orifice buccal. 46. Les éléments celluliformes du germe embryonnaire se mul- tiplient de plus en plus et continuent à se différencier. 47. Les plus petites cellules produites occupent la région infé- rieure du germe et se disposent sous le sac digestif. Leur accumu- lation dans cette région constitue le premier rudiment du pied. 18. Sur la fin du troisième jour, les cellules dont il vient d’être question ont formé, sous le sac embryonnaire, une lamelle encore assez mince qui se distingue du reste du germe par son aspect homogène. 19. Le germe embryonnaire est alors composé de deux parties RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 447 distinctes: une partie végétative, supérieure ou dorsale, et une partie animale, inférieure ou ventrale. 20. La portion végétalive, qui comprend le sac digestif, s’est formée la première, aux dépens du germe tout entier. La portion animale, au contraire, ne s’est montrée qu'après celle-ci; elle s’est, en réalité, ajoulée à la première. 21. Mais l’une et l’autre partie se sont constituées par une dif- férenciation des éléments primordiaux du germe. 22. Cette distinction réelle du germe embryonnaire en deux parties ayant chacune une attribution ou une destination différentes, rappelle la division du blastoderme des Vertébrés en deux feuil- lets, l'un animal d’où sortent les appareils de relation, l’autre vé- gétatif ou muqueux qui donne naissance aux appareils nutritifs. 23. L'embryon se compose alors, extérieurement, de cellules très petites qui auront bientôt le caractère des cellules embryon- naires et dont la réunion forme le rudiment du pied; de cellules périphériques plus grosses qui formeront la peau, et de globes générateurs plus gros encore, plus chargés de granules et qui doivent présider à de nouvelles formations ; intérieurement, l’em- bryon comprend des sphères allongées formant les parois du sac digestif et des cellules sphériques disposées autour de ce sac et res- semblant assez aux cellules de la surface. 2h. Ainsi, encore une fois, le germe s’est d’abord constitué tout entier comme sac digestif; puis à ce sac s’est ajoutée une partie qui sera bientôt, avec l'enveloppe extérieure, le point de départ des appareils de relation. | 25. Quand l'embryon est ainsi constitué, il commence à exer- cer des mouvements de rotation. 26. Ces mouvements, d’abord très lents et incertains, s'accélé- rent et se régularisent peu à peu. 27. Ils se font, le plus souvent, de la droite vers la gauche; cependant ils ont lieu quelquefois aussi de la gauche vers la droite. 28. On ne trouve à la surface du germe aucun indice de cils vibratiles et il n’existe aucun mouvement moléculaire qu’on puisse attribuer à l'existence de ces petits organes. 148 LEREBOULLET. 29. Au commencement du quatrième jour, le disque lamel- leux sous-gastrique s’épaissit dans sa moitié antérieure et produit, au-dessous de la bouche, une saillie en forme de carène. 30. Cette saillie est déterminée par une sorte de végétation cel- lulaire; elle constitue le rudiment du pied qui apparaît, comme on voit, au-dessous du sac digestif. 31. Le caractère des Gastéropodes se trouve donc établi de très bonne heure, immédiatement après la constitution de l’appa- reil digestif sous la forme d’un simple sac. 32. C'est à peu près à la même époque que les sphères de la surface se constituenten membrane cutanée par leur division suc- cessive en cellules de plus en plus petites. 33. L'embryon cesse alors d'être diffluent et de se deformer dans l’eau. | 3h. Au quatrième jour, les sphères qui entourent le sac digestif et qui, jusque-là, ressemblaient aux sphères de la surface, com- mencent à changer de caractère. 35. 11 se produit dans leur intérieur des générations successives de vésicules transparentes qui deviennent libres et qui forment, par leur accumulation autour du sac digestif, l'appareil que les auteurs ont décrit comme le foie. 36. L'amas globuleux que formeront ces vésicules n’est pas encore le foie. Elle ont tous les caractères des globules vitellins des autres animaux; il convient donc de les appeler vésicules vitellines et de désigner sous le nom de vitellus proprement dit l'appareil qu'elles produisent. 37. C'est à la même époque seulement que l’on rencontre les premières cellules véritables, les cellules embryonnaires. Les cellules préparatoires du pied, d’abord, puis celles dela peau, sont remplacées par de vraies cellules. 38. Les vraies cellules paraissent se former par des granules qui se disposent autour d’un noyau vésiculeux. Les premières qu’on aperçoit semblent ne pas avoir de membrane propre. 39. Au cinquième jour le pied fait, sous l'embryon, une sail- lie assez prononcée. Il se compose de deux lobes peu marqués d’abord, mais qui deviennent de plus en plus apparents. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 149 h0. C’est pendant le cours des cinquième et sixième jours qu’a lieu surtout la production des vésicules vitellines ; à cette époque, presque toutes les sphères qui entourent le sac digestif renferment un nombre variable de ces vésicules, à divers degrés de dévelop- pement, et il en existe un grand nombre qui sont devenues libres. hA. La région embryonnaire opposée directement à la bouche offre, dès le quatrième jour, un espace cireulaire transparent qui correspond au fond du sac digestif. Cet espace transparent est entouré de grosses sphères génératrices. h2. Vers la fin du cinquième jour, celte région se déprime, il en résulte une ouverture circulaire qui sera l’orifice anal. A3. 11 se produit de cette manière, par le refoulement de la peau extérieure, un prolongement intérieur tubuleux qui forme une saillie conique dont le sommet tronqué se dirige vers le fond du sac digestif. LA. Pendant la vie, on peut distinguer, dans certaines positions de l'embryon, ce cône intérieur dont la base tient à la peau, tan- dis que son sommet se dirige vers le fond de l'estomac. 45. Mais le moyen le plus sûr de constater sa présence est de coaguler l'embryon et de détacher, avec une aiguille, la peau extérieure; le cône rectal reste attaché à la portion de la peau qu'on a enlevée. h6. Au septième jour, l'embryon est devenu réniforme. Il s’est un peu allongé et replié sur lui-même du côté ventral. Une rainure transversale sépare le pied de l’extrémité postérieure arrondie du corps, ce qui lui donne, quand on le regarde de profil, la forme d’un rein. h7. L'amas de globules vitellins (foie des auteurs) est disposé en deux lobes symétriques. h8. La bouche fait maintenant saillie au-dessus du niveau du corps ; elle a la forme d’un petit tube, rudiment de l'espèce de trompe protractile dans laquelle se développera la langue. h9. Sur les côtés du tube buccal, on aperçoit deux éminences arrondies, formées aux dépens de l'enveloppe cutanée, et représen- jant les rudiments des tentacules oculaires. 150 LEREBOULLET. 50. Vers la fin du septième ou au commencement du huitième jour, le tube rectal et le sac digestif sont contigus. Le premier à conservé sa forme d’un cône tronqué; l'extrémité antérieure de ce cône est appliquée contre le fond du eul-de-sac gastrique. Il est probable qu’il s’est établi une communicalion de l’une des deux cavités tubuleuses dans l’autre. 51. Le tube digestif se trouve donc constitué au huitième jour ; il est droit, l'anus étant directement opposé à la bouche, et il s’est formé par la réunion centripète de deux pièces qui se sont pro- duites, toutes les deux, par dépression cutanée. 52. A la même époque, c’est-à-dire pendant que les deux pièces du tube digestif se rejoignent, l'extrémité postérieure de l'embryon est comme tronquée et entourée d’un hourrelet. 53. Ce bourrelet circulaire, au milieu duquel se trouve l’ouver- ture anale, est l’origine du manteau que nous verrons se dévelop- per dans la période suivante. CHAPITRE II, Développement de l'embryon depuis la formation du tube digestif jusqu’à l'apparition du système nerveux. (Deuœième partie de la période nutri- tive.) Nous avons dit, en terminant le précédent chapitre, qu'aussitôt que le tube digestif est constitué, il se forme autour de l’orifice anal un bourrelet saillant, premier rudiment du manteau. La formation et le développement de cette partie essentielle du Mollusque constituent une des phases principales de la période dont nous allons nous occuper. La forme du corps a changé, sa région postérieure très élevée est comme tronquée. Le pied est bilobé, mais, vu de profil, on ne distingue qu’un seul lobe de forme conique, très large à sa base et à pointe émoussée. L’embryon tourne alors avec vitesse. Quand on l’examine vivant, dans l’œuf, on peut remarquer la troncature de sa région postérieure, la forme bilobée de son pied qui s'étend comme une languette «en faisant avec le corps un angle presque RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 154 droit, et surtout la saillie considérable, de forme arrondie, de sa région dorsale ou vitelline (fig. 51). Malgré la vitesse des mouvements de rotation, il n dise pas de traces de cils ni de mouvement vibratiles. La composition cellulaire de l'embryon à cette époque (huitième jour) est la suivante, Le pied est éntièrement formé de vraies cel- lules embryonnaires qui mesurent en moyenne 0,008. Ce sont aussi des cellules de même nature qui constituent l'enveloppe eu- tanée et une couche assez mince, située sous le vitellus, couche de substance homogène qui se continue avec le pied, en avant, tandis qu'en arrière elle remonte vers la région supérieure et forme précisément la portion tronquée dont il vient d’être ques- tion, Toute cette partie de l'embryon, composée de cellules em+ bryonnaires, se reconnail, à l'état frais, par son aspect homogène et pointillé (fig. 51). La composition de ces cellules est celle que nous avons fait connaître dans le chapitre précédent. Elles sont très pâles, faiblement granuleuses et renferment toutes un petit nucléole brillant (fig. 35, n° 8). Le vitellus volumineux, au milieu duquel le tube intestinal est comme enfoui, se compose de vésicules vitellines libres, en grand nombre et de dimensions très diverses, et de sphères endogènes contenant de ces mêmes vésicules en voie de développement. Sous l’influence de l’eau acidulée, les plus grosses vésicules vitel- lines, dont le diamètre atteint jusqu’à 0"",035, paraissent comme remplies de fines granulations ; cependant la plupart restent trans- parentes et ne contiennent que quelques granules vésiculeux. Les parois du tube digestif sont tapissées de petites cellules allongées, cylindriques. Enfin on rencontre au milieu de ces divers éléments quelques globes générateurs, reconnaissables à leur couleur brune, et quelques sphères allongées contenant encore des vésicules plas- tiques et indiquant par à qu’elles sont en voie de produire de nouvelles créations. Le bourrelet anal, dont j'ai parlé plus haut, est composé des mêmes cellules embryonnaires que celles des parties inférieures ou du pied. Ce bourrelet est d’abord difficile à reconnaitre, parce qu'il 152 LEREBOULLET. limite exactement le corps en arrière. Mais, au neuvième jour, la substance embryonnaire qu'il circonscerit fait une saillie convexe au milieu de ce rebord circulaire (fig. 52, pl. 3), ce qui rend alors ce dernier plus apparent. C’est du neuvième au onzième jour pendant le mois d'octobre, au sixième jour pendant le mois d’août, que l'embryon commence à montrer nettement sur les pièces coagulées le bourrelet circulaire en question (fig. 52). La position de l'anus est difficile à constater. L'ouverture anale s’est considé- rablement réduite, elle n’est entourée d’aucun rebord et elle se confond pour ainsi dire avec les tissus environnants. Cependant, quand on éclaire convenablement la pièce, on parvient à trouver cet orifice et l’on voit qu'il est situé, non plus au centre, mais sur le bord de l’espace circonserit par le bourrelet palléal. Le meilleur moyen pour voir l’orifice anal est de détacher la peau de la région postérieure sur des pièces coagulées. Cette peau forme une calotte composée de cellules embryonnaires disposées avec une certaine régularité. Sur un point de la surface se voit un anneau plus foncé formé par une accumulation plus grande des mêmes cellules en dedans de la pièce. On voit, au ‘milieu de cet anneau foncé, un espace plus clair, dans l’intérieur duquel est pratiquée une ouver- ture en forme de boutonnière ; c’est la fente anale. Si l’on examine la préparation du côté opposé, on voit une portion du rectum adhérer à la peau dans la région correspondante à l’anneau foncé. Les dimensions de l'embryon sont 0"",28 de longueur sur 0"",23 de largeur. Ila, comme précédemment, la forme d'un cylin- dre renflé dans son milieu et recourbé sur lui-même ; le pied fait une saillie considérable vers le bas. Au-dessus du pied on voyait, comme précédemment, le tube bucceal saillant à la surface, et sur les côtés de celui-ci les deux tentacules rudimentaires. Quand on a détaché l'enveloppe extérieure, on met à découvert un amas globuleux composé de cellules vitellines qui sont groupées en deux lobes autour du canal alimentaire. Celui-ci est droit; sa portion moyenne élargie qui représente l'estomac renferme une goutte d’albumine coagulée. Les vésicules vitellines adhèrent tellement au tube intestinal, qu'il est presque impossible de l'en débarras- RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 153 ser sans le briser. L'anus n'est plus exactement sur la ligne mé- diane, opposé à la bouche, il s’est un peu porté vers la droite. C'est à cette époque qu'on commence à observer la coquille. Dès que le bourrelet palléal devient distinct, l’espace étroit qu’il circonserit ést recouvert d’une mince lamelle qui répète la forme de cet espace. À mesure que cette région postérieure devient plus convexe, la coquille en reproduit exactement la forme. Elle res- semble alors à une ancyle ou à une patelle, mais elle est encore d’une minceur extrême, comme une pellicule des plus délicates, et c'est à peine si l’on peut en distinguer les contours. Les cellules du bourrelet contre lequel s’applique le bord cireu- laire de la coquille sont un peu plus allongées que les autres. Il était intéressant de rechercher si, à l’époque de l'apparition du manteau, il existe des cils vibratiles soit autour du bourrelet, soit ailleurs. J'ai donc examiné avec attention la surface du corps, puis je l’ai comprimé lentement et enfin je l’ai écrasé, mais je n'ai pu découvrir aucun mouvement vibratile sur aucune partie de l'embryon. Celui-ci cependant tourne, à cette époque, avec beau- coup de vitesse; si la rotation était due, comme on l’affirme, à des cils vibratiles, je ne comprends pas pourquoi je ne les aurais pas vus, SOUS aucun grossissement. Dans le couract du dixième jour, le bourrelet palléal est plus étendu et plus saillant ; il va en s’amincissant vers le dos, tandis qu'il est plus épais vers la région ventrale ; il esl dirigé un peu obliquement. Quand on a coagulé la pièce et qu’on la laisse séjour- ner quelques instants dans l’eau, la coquille se détache de la sur- face qu’elle recouvrait et fait saillie à l'extérieur comme un verre de montre (fig. 53.) Séparée du corps, la coquille montre une grande ressemblance avec une patelle (h', h", fig. 53); elle est hyaline, sans aucune espèce de stries; elle a cependant une con- sistance cornée, mais ses bords sont membraneux et découpés irrégulièrement. La peau située au-dessous est très mince, com- posée de cellules épithéliales disposées régulièrement en cercles ; les cellules marginales ont une forme plus allongée (fig. 54). La peau du reste du corps est plus épaisse et me semble formée de plusieurs couches de cellules. 154 LEREBOULLET. L'embryon est fortement replié sur lui-même, par l'effet de la coagulation ; il a beaucoup grossi, car il mesure 0"",37 dans sa plus grande longueur, sur 0,33 de hauteur dans sa partie moyenne, Entre le pied et la région postérieure du corps se voit une dépression assez profonde (i, fig. 53), comme si les cellules de cette région étaient refoulées vers les parties intérieures. Cette dé- pression est le premier indice de la cavité respiratoire, ou du moins de l'ouverture de cette cavité qui ne se montre que beau- coup plus tard. En examinant de plus près les cellules qui for- ment le fond de la dépression, on remarque qu’elles sont plus transparentes que les autres et comme en voie de dissolution. Les tentacules oculaires commencent à se détacher de la masse de l'embryon, sous la forme de deux lobes régulièrement arrondis, lamelleux. La bouche se montre encore comme un petit tube sail- lant, entre ces tentacules, au-devant d'eux, immédiatement derrière la base du pied. Le tube digestif de cet embryon se composait d’un court œso- phage suivi d'un estomac en forme de sac et d’un court rectum soudé à la partie postérieure de ce sac, L’anus s’ouvrait sur la marge du bourrelet du manteau un peu vers la droite, En déchirant l'embryon avec des aiguilles, pour étudier la structure du tube digestif, il m'a semblé que l'estomac ne formait pas un sac à parois d’une égale épaisseur partout. L'embryon étant placé sur le pied, si l'on enlève avec précaution les vésicules vitellines, on met à découvert l'estomac qui se montre comme un sac allongé, aplati de haut en bas et bordé, à droite et à gauche, d'une bande longitudinale étroite, mais assez épaisse. Entre ces deux bandes longitudinales disposées comme dans les figures 49 et 50 (pl. Il), existe une lamelle extrêmement mince qui s’en- lève, le plus souvent, avec les vésicules vitellines. L'intérieur du sac est occupé, comme toujours, par de l’albumine coagulée. Les cellules d'épithélium cylindrique n’existent positivement que le long des bandes dont il vient d’être question. La membrane qui les unit et qui complète le sac, est amorphe et comme produite par la coagulation d’une substance liquide. Comme dans le Limnée adulte, l'estomac est doublé de deux RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 155 muscles puissants qui lui donnent de l’analogie avec le gésier dés Oiseaux, je présume que les deux bandes longitudinales formées de cellules cylindriques, sont les éléments des muscles en question, tandis que le reste du viscère est simplement membraneux. Quant au rectum, ilest en réalité soudé à l'estomac et sa cavité se conti- nue avec celle de ce viscère. Les mouvements de l'embryon dans l'œuf peuvent être mieux étudiés à cette époque que lorsqu'ils commencent à s'établir, L'embryon n'étant plus globuleux, mais commençant à s’allonger et étant muni d’un pied saillant, on trouve des points de repère qui permettent de saisir la direction de ces mouvements assez compliqués. La rotation a lieu sur place, c’est-à-dire que l'embryon n’est pas encore transporté, en tournant sur lui-même, autour de la cavité de l’œuf, comme cela aura lieu plus tard. Cette rotation se fait dans deux directions principales : 4° sui- vant l’axe longitudinal de l'embryon, et 2° suivant son axe trans- versal. Il en résulte deux sortes de mouvements, l’un qui a lieu suivant un plan vertical, l’autre dans un plan horizontal. Mais l'embryon passe insensiblement d'une direction dans une autre, d'où résultent des mouvements obliques, suivant une direc- tion intermédiaire aux deux précédentes. Supposons, par exemple, l'embryon placé sur son pied, l’extré- mité antérieure du corps dirigée en avant. Il renverse son corps en arrière, en faisant une sorte de eulbute, et montre successive- ment sa bouche, la face inférieure du pied et du corps, la coquille, puis le dos, pour reprendre sa première position. Stiebel (1) avait déjà fait la remarque que le mouvement est plus rapide quand l'embry@n se renverse en arrière que lorsqu'il se redresse. C’est en effet ce qui a lieu, sans doute à cause d’une plus grande concentration de cellules organiques vers les parties antérieures du corps, les parties postérieures étant surtout consti- tuées par les vésicules vitellines toujours plus légères. Après quelques-unes de ces culbutes en arrière, l'embryon (1) Ueber die Entwickelunge der Teichhornschnecke (Meckel's Archiv, t. I], p. 561). 156 LEREBOULLET. s’arrêle quelques instants, lorsque le mouvement de rotation est ralenti par une cause quelconque, par le froid surtout; quelquefois il oscille sur lui-même, comme s'il hésitait, puis tourne sur son corps soit à sa gauche, soit à sa droite, s’inchne de plus en plus, mais insensiblement dans l’une ou dans l’autre de ces directions et en continuant à tourner jusqu’à ce qu'il ait pris une position horizontale, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il soit couché sur le côté. Il se meut alors horizontalement, le plus souvent vers la gauche, et fait ainsi plusieurs tours ; mais bientôt son corps se redresse, se meut obliquement et revient à sa position primitive pour recommencer ses culbutes en arrière. C'est done une ligne spirale que décrit l'embryon dans ses mou- vements. Si l'observateur se suppose lui-même placé dans l'axe de l'embryon, la ligne spirale tournera à sa gauche, pour revenir à sa droite, et ainsi de suite. Nous verrons plus loin que l’enroulement de la coquille se fait dans la même direction, c’est-à-dire de droite à gauche, l'embryon étant placé dans sa position naturelle, le pied en bas et la tête en avant. Il est done assez probable que la rotation du Mollusque dans son œuf n’est pas étrangère à son enroulement. Quand on sort l'embryon de l’œuf et qu’on le met dans une goutte d’eau, les mouvements ont encore lieu quelque temps, mais beaucoup plus lentement et d’une manière moins complète. On ne voyait encore, dans cet embryon, ni mouvement vibra- tile, ni aucune trace de cellules nerveuses derrière la bouche, ni rien qui indiquât la présence d’un cœur. Le pied, composé entière- ment de cellules embryonnaires, offrait une bordure de petites cel- lules allongées, disposées avec régularité les unes à côté des autres. Cette forme de cellules et lear arrangement annonçaient l'apparition prochaine de cellules vibratiles dans cette région. Les cellules vitellines adhéraient fortement les unes aux autres; elles semblaient unies par des lignes noires, comparables à des cordons très déliés. Cet aspect était dù peut-être à la présence de vais- seaux sanguins interposés entre ces vésicules, car on observe la même apparence quand le cœur est entré en action et que la cireu- lation est établie. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 157 Le bourrelet du manteau qui, dans l’origine, occupait l’extré- mité la plus reculée du corps, semble se porter en avant, en s’in- clinant obliquement de haut en bas et d’avant en arrière, de manière que. le bord supérieur de cette espèce de ceinture soit plus avancé que le bord inférieur. Ce changement dans la position du bourrelet provient du développement que subit la partie pos- térieure du corps qu'il circonscrit. Cette région postérieure entou- rée par le bourrelet palléal, a d’abord, comme nous l'avons vu, la forme d'une calotte de sphère. Plus tard elle s’allonge de haut en bas et figure une portion d’ellipse (fig. 54); elle fait en même temps de plus en plus saillie en arrière, de manière à augmenter sa convexité (fig. 56-59). Cette saillie convexe a toujours une teinte particulière qui la dis- lingue du reste du corps. Sur les pièces coagulées elle conserve un certain degré de transparence due aux éléments vésiculeux (vésicules vitellines) dont elle est composée et à la minceur de la peau qui la recouvre. Cette peau dont la fonction particulière est de sécréter la coquille, est remarquable, ainsi que nous l'avons déjà indiqué, par l’arrangement de ses cellules (fig. 54). Celles du bord sont rectangulaires, disposées les unes à côté des autres avec une grande régularité et donnent à la préparation une élégance toute particulière. Ce sont ces cellules marginales qui sont plus spécialement le siége de la sécrétion, aussi voit-on, quand on détache la coquille, le bord de celle-ci se prolonger cireulairement en une membrane excessivement mince ettoujours plus ou moins déchirée. Nous avons dit plus haut que le bourrelet palléal va en dimi- nuant d'épaisseur de bas en haut. C’est en bas vers la région ven- trale qu’il a le plus d'épaisseur et qu’il déborde le plus le niveau de la surface du corps (fig. 56). Il s’efface au contraire vers le dos et se confond insensiblement avec la peau de cette région. Le degré de saillie que fait la région postérieure est en rapport avec cette inégalité dans l’épaisseur du bourrelet. C'est en arrière eten bas que cette saillie est le plus considérable; elle va peu à peu en diminuant vers le dos. De là un changement dans la forme 158 LEREBOULLET. de la coquille, qui s’allonge et se creuse plus en arrière qu’en avant. Un peu plus tard cette extrémité postérieure et inférieure s’al- longe en cône et s'incline en dedans pour commencer la spire ; la coquille prend alors la forme d’un cône largement ouvert et dont le sommet se recourbe pour figurer une espèce de crochet mousse. + Ainsi les modifications de forme qu'éprouve la coquille pro- viennent toujours de modifications correspondantes survenues dans la partie du corps circonscrile par le bourrelet du manteau, et ces dernières sont dues elles-mêmes à la direction du travail d’aceroisse- ment qui se fait plus activement dans un sens que dans l’autre. Sur un embryon observé au commencement d'octobre et âgé de dix jours seize heures, le pied était saillant et bilobé (fig. 56 et 57). En se contractant sous l'influence de l’acide, les deux lobes se replient l’un vers l’autre (fig. 56). Derrière ces deux lobes repliés se voient les deux mamelons qui représentent les tentacules ocu- laires. L’orifice buccal est situé au fond de l'espèce d’entonnoir qui résulte du rapprochement de ces quatre lobes; cet orifice est en- touré d’une couronne de cellules allongées (fig. 55). Le corps, de forme cylindrique, s'est allongé. Si on le place obliquement sur le dos (fig. 57), on voit que ce corps n’est plus droit; son extré- mité postérieure, de forme conique, est légèrement inclinée vers la droite de l’observateur, conséquemment vers la gauche de l'embryon. Le bourrelet palléal est plus épais en dessous qu’en dessus. Au-devant de la partie la plus saillante de ce bourrelet, du côté du ventre, se voit (fig. 57) la dépression dont il a déjà été fait mention plus haut (fig. 53), dépression qui occupe la région moyenne droite et inférieure du corps et annonce la formation prochaine de la chambre respiratoire. L’orifice anal, très étroit et très peu apparent, est placé sur le côté droit de l'embryon, au bord du bourrelet. Si l’on met à dé- couvert le canal digestif, en enlevant avec précaution les vésicules vitellinés qui l'entourent (fig. 58), on voit qu'il se compose, 4° d’une masse buccale assez forte, globuleuse, située entre les RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 159: quatre mamelons que forment les tentacules et les lobes du pied ; 2° d’un court œæsophage commençant par une dilatation pharyn- gienne sur les côtés de laquelle se trouvent de petits sacs vésiculeux, rudiment des glandes salivaires ; 3° d’un estomac allongé, pyri- forme, offrant deux bandelettes solides qui se rejoignent en arrière; le reste des parois de cette poche stomacale est formé par une membrane mince; elle renferme, comme toujours, une petite masse d’albumine coagulée; 4° d’un intestin encore très court, incliné vers la droite et allant s'ouvrir, après s'être élargi en entonnoir, sur le bord du manteau. On se rappelle que l'anus était, lors de sa formation, dirécte- ment opposé à la bouche. Quand le bourrelet palléal s’est formé, il occupait encore le centre de ce bourrelet, mais un peu plus tard, lorsque la substance embryonnaire interceptée par le bourrelet a commencé à faire saillie au dehors, et lorsque cette portion sail- lante s’est recouverte d’une coquille, l’orifice anal s’est trouvé occuper le bord de l’anneau circulaire, c'est-à-dire du futur man- teau. Dès ce moment la position de l’anus va dépendre de celle de la partie du bourrelet palléal à laquelle il est irrévocablement fixé et dont il ne se séparera plus. On comprend, dès lors, pourquoi l’anus change de position, et pourquoi l'intestin est recourbé sur lui-même. C’est d’abord le développement de la région vitelline postérieure circonscrite par le bourrelet palléal qui déjette à droite l'orifice anal et, par suite, le court rectum dont cet orifice est la termi- naison. Plus tard, l'extension de cette même région vitelline postérieure aura pour résultat de faire avancer le bord du manteau ou plutôt de le faire paraître plus en avant, car en réalité le bourrelet ne semble changer de place que par l'effet de l’accroissement des par- ties postérieures. L'intestin, participant à l'accroissement général, s’allongera donc aussi, mais son orifice n'aura pas réellement changé de place, il n'aura que changé de position relative. Dans les embryons de cette époque, le pied continue à montrer distinctement les deux moitiés égales el symétriques dont il se compose. Il est encore plus large que long et toujours dirigé dans 160 LEREBOULLET., un sens perpendiculaire à l'axe du corps. Sur les pièces coagulées, il se rétracteet devient plus petit qu'il ne l’est réellement, cepen- dant en le regardant de profil on voit qu’il commence à s’allonger en arrière (fig. 60). Vers la fin du onzième jour (fig. 59 et 60), l'embryon, sur des pièces coagulées, avait 0"",45 de longueur et 0"",32 de largeur. Il différait peu des précédents, quant à sa forme générale, seule- ment le bourrelet du manteau avait une direction un peu plus obli- que et la région postérieure du corps était plus saillante et plus étendue. La coquille, de forme allongée, montrait des stries con- centriques très apparentes. C’est à peu près à cette époque, au commencement du douzième jour au mois d'octobre, pendant le dixième jour au mois de septembre et le septième et huitième jour déjà, au mois d’août, que le mouvement vibratile se montre sur le bord saillant du man- teau qui limite l'ouverture respiratoire. Lorsque le bourrelet pal- léal a pris la position oblique qu'on voit dans les figures 57 et 60 et qu'il commence à faire une saillie prononcée vers la région in- férieure du corps, des lambeaux de ce bourrelet se montrent com- posés de longues cellules cylindriques régulièrement rangées les unes à côté des autres (fig. 61). Chacune de ces cellules renferme deux ou trois petites vésicules transparentes semblables à des gra- nules. On remarque un mouvement vibratile très actif dans une étendue assez restreinte de cette portion du rebord du manteau, celle qui avoisine l'ouverture respiratoire , le reste du bourrelet n'offre aueun mouvement semblable. Il faut employer les plus forts grossissements pour distinguer les cils qui produisent le mouve- ment, tandis que plus tard, quand ce dernier est établi dans toute la longueur du bord du manteau, les cils vibratiles sont plus apparents. 1 paraît même que les cellules cylindriques n'existent pas dans toute l’étendue du bourrelet palléal. J’ai rencontré sou- vent des parties de ce bourrelet composées de cellules rondes (fig. 62), comme celles du reste du manteau; seulement ces cel: lules formaient par leur arrangement une bande marginale trans- parente très distincte. L'apparition des cils et du mouvement vibratiles le long du bord RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. iG! du manteau annonce la formation de la chambre respiratoire. La dépression qui a commencé à se produire sous le corps, derrière la base du pied et au-devant de la partie la plus saillante du bour- relet palléal, s'agrandit, se prolonge vers les parties supérieures du corps, de manière à former un espace vide entre la région dor- sale de l'embryon et la peau qui la recouvre. Cette chambre est done primitivement ouverte en avant dans toute son étendue. Ce n’est que plus tard, quand le bourrelet s’est avancé davantage sur le dos, que la chambre respiratoire se ferme en avant et ne com- pue plus avec l'extérieur que par la grande ouverture située à droite, là où s’est montrée primnitiv ement la dépression. La position oblique et avancée du bord du manteau, l'existence de cils vibratiles le long de ce bord et la formation de la chambre respiratoire annoncent la prochaine apparition du cœur. Il est très difficile de préciser exactement l’époque de la forma- lion de cet organe. J'ai déjà fait remarquer que le développement de l'embryon marche d'une manière plus où moins rapide suivant l’époque de l'année et, par conséquent, suivant la température. Ainsi, par exemple, tandis qu’au mois d'août l'éclosion se fait le dix-septième ou le dix-huitième jour, elle n’a lieu qu’au bout de trente jours au mois de septembre, et seulement vers le quaran- tième jour ou même plus tard à la fin d'octobre. On ne fournit donc qu’une donnée relative et très vague en in- diquant la date de la formation d’un organe quelconque. D'un autre côté, en ce qui concerne particulièrement le cœur, cet organe est extrêmement difficile à découvrir aux premières époques de son existence, à cause de la délicatesse de son tissu et de sa grande transparence. On ne le reconnait que par ses batte- ments, au point que, même pendant qu’on l’observe, s’il suspend un instant ses pulsations, il est impossible de le distinguer des tissus environnants. Voilà pourquoi je n’ai pas choisi la formation du cœur comme une époque embryologique, d'autant plus que la pré- sence de cet organe n'apporte pas à la constitution générale de l'embryon des modifications aussi apparentes que celles qu'on observe dans les animaux supérieurs. La configuration générale de l'embryon nous fournit la pré- &° série, Zoou, T. XVIII, (Cahier n° 3.) ? 11 . 162 LEREBOULLET . somption la plus certaine soit sur la présence, soit sur l’apparition très prochaine du cœur. Si l’on fait abstraction du pied, le hourrelet du manteau partage obliquement le corps cylindrique de l'embryon en deux portions à peu près égales. La portion antérieure sera la tête et l'espèce de col qui lui fait suite en arrière ; la portion postérieure est celle qui renferme le vitellus (le foie re auteurs) et le tube digestif; c’est la partie recouverte par la coquille. Le bord du manteau n’est pas encore libre, il ne s'élève pas encore au-dessus des régions cervi- cale et céphalique, comme cela aura lieu plus tard ; il forme, en un mot, une ceinture qui adhère de toutes parts à l'embryon, excepté dans l’étendue de la cavité respiratoire. Si, à ectle configuration extérieure, on ajoute l'existence de cel- lules allongées autour du bord du manteau et de cils vibratiles sur une parie de ces cellules, on peut penser que le cœur se formera bientôt, si déjà même il n’est pas encore présent. En examinant avec attention par transparence la région vitel- line, on voit le vitellus partagé exactement en deux lobes d'une égale grosseur, Ces deux lobes symétriques sont séparés l’un de l’autre par une ligne transparente assez étroite en arrière s’élargissant en avant, C'est dans cet espace antérieur élargi (fig. 63) que se montre le cœur, exactement sur la ligne médiane de la région dorsale, au niveau du bord antérieur des deux lobes du vitellus. Dès le premier instant qu'on distingue le cœur, il se montre composé de deux poches. Quoique j'aie épié, sur un grand nombre de sujets, le moment de sa formation, je n'ai jamais vu qu'il fût composé d’abord d’une seule cavité. Voici une des observations que j'ai notées sur l'apparition de l'organe circulatoire. Le 12 octobre, dans un embryon âgé de onze jours quatre heures, le cœur commencçait à se mouvoir avec lenteur ; la veille, je n'avais pu encore découvrir aucune trace de cet organe. Il était placé entre les deux lobes du vitellus, dans la région moyenne du dos, sur la ligne médiane, comme il est représenté dans la figure 63. , Mais + RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 163 Il se composait de deux renflements inégaux, l’antérieur plus pelit, arrondi (l'oreillette), le postérieur plus allongé et plus gros (le ventricule). Ces deux petits sacs avaient, pour ainsi dire, la transparence de l’eau. Ils n'étaient pas contigus, mais on voyait distinctement qu'ils étaient unis l’un à l’autre par un tube très court qui se montrait surtout pendant la diastole du ventricule, tandis qu'il disparaissait pendant la systole. Il m'a semblé que le cœur devait son origine à deux sacs formés séparément et unis plus tard par un tube de communication. Du reste, je ne puis rien dire de positif à cet égard; seulement, ce que je crois pouvoir regarder comme certain, c’est que son existence comme organe contractile formé de deux cavités, n’est pas précédée d’un boyau Cylindrique celluleux et plein, comme cela a lieu pour les Verté- brés; je suis plulôt disposé à croire qu'il doit son origine à une formation lacunaire. Les contractions des deux poches cardiaques étaient alternatives et régulières ; j'en ai compté quarante par minute. Les cellules du bord du manteau étaient allongées, très petites, serrées les unes contre les autres, d’une grande transparence ; la plupart, comme celles que j'ai décrites plus haut (Hig. 61), renfer- maient plusieurs granules brillants. Celles qui bordaient l’orifice de la poche respiratoire élaient seules munies de cils vibratiles ; les autres en étaient complétement dépourvues et l’on ne voyait aucun mouvement vibratile à leur surface, tandis que ce mouve- ment était très vif près de l’entrée du poumon. On apercevait déjà, sur le bord des tentacules oculaires, de très petites taches grises indiquant l’origine des yeux et dues à un dépôt de pigment. La veille on ne distinguait encore rien de semblable. Il paraït, d’après cela, que les yeux et le cœur se forment à peu. près en même temps. Je n’ai aperçu sur cet embryon aucune trace de cellules nerveuses. L’embryon ne tournait plus sur place, comme précédemment; chaque mouvement de rotation sur ses deux axes était accompagné d'un mouvement de translation autour de la coquille. Du reste le mode suivant lequel s’opéraient ces mouvements était tel que je l'ai décrit plus haut, c’est-à-dire en spirale. Quand l'embryon, 164 LEREBOULLET, après avoir relevé la partie antérieure de son corps, avait amené cette partie de bas en haut et en arrière, il retombait dans cette dernière direction avec beaucoup plus de vitesse qu'il ne s'était élevé. On vient de voir, par l'observation qui précède, que les points oculiformes commencent à se charger de pigment, lorsque le cœur entre en fonction. Sur un autre embryon observé au mois d'août et âgé de huit jours et quelques heures, le cœur n’existait pas encore, tandis que les points oculiformes élaient très apparents, arrondis, noirs et chargés de granules. Dans une autre observation du 29 octobre faite sur un embryon du quatorzième jour, les cellules nerveuses sus-æsophagiennes existaient avant le cœur etles yeux. Le bourrelet du manteau était oblique et divisait le corps en deux parties à peu près égales; le vitellus était partagé en deux lobes séparés l’un de l’autre par une rainure assez large, transparente, rainure destinée à loger le cœur ; mais l'observation la plus attentive ne put me faire décou- vrir aucun battement. Les tentacules oculaires paraissaient homo- gènes, et en effet lorsque j'écrasai l’embryon, je ne vis aucune trace de pigment, tandis qu'il existait sur la nuque un groupe de cellules nerveuses telles que je les décrirai dans la période sui- vante (fig. 67). Le lendemain, 31 octobre (seizième jour), le cœur battait; les yeux commencçaient seulement à se montrer, ils ne consisiaient encore qu’en un faible amas de pigment. Parmi des embryons observés le 4" novembre (dix-septième jour), mais retardés dans leur développement à cause de l’abaisse- ment de la température, j'en trouvai chez lesquels le bourrelet du manteau avait la position oblique indiquée ci-dessus. Ce bourrelet faisait une forte saillie à la partie inférieure du corps, saillie au- devant de laquelle on voyait une dépression profonde, à peu près comme dans la figure 64. Il n’y avait pas encore de cœur ni de points oculiformes, mais on apercevait derrière la masse buccale et au-dessus d'elle quelques cellules qui différaient des cellules embryonnaires par leur volume et leur transparence. Enfin parmi les mêmes embryons, il y en avait sur lesquels RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 165 on voyait en même temps les yeux, les cellules nerveuses et le cœur. Les battements de celui-ci étaient très lents, irréguliers, avec des intermittences assez prolongées, ce qui pouvait provenir ou de l’abaissement de la température, ou de ce qu’il n’existait que depuis peu de.temps. On voit, par ces observations, que le cœur et les points oculi- formes peuvent naître, pour ainsi dire, simultanément; que les points oculiformes peuvent se produire avant le cœur et enfin que les cellules nerveuses peuvent exister avant le cœur, et les yeux. La seule conséquence à déduire de ces faits, c'est que la pro- duction de l'organe circulatoire précède ou suit de très près celle du système nerveux et des yeux. Quoi qu'il en soit, la formation du cœur caractérise la fin de la période que j'ai cru devoir nommer période nutritive, parce qu'elle comprend surtout le développement des appareils de nutrition ; tandis que la production des cellules nerveuses et des points ocu- liformes caractérise le commencement de la période animale où de relation. C’est à partir de ce moment que l’on voit se dévelop- per les parties antérieures du corps : les tentacules oculaires, les tentacules buccaux, le pied, ete., formant par leur réunion une masse distincte et séparée du reste de l’animal. Résumé du troisième chapitre. 4. Le bourrelet qui entoure l’anus et qui représente l'origine ou le premier rudiment du manteau est formé par une accumulation de cellules embryonnaires appartenant à l'enveloppe générale, et se continue directement avec la couche des mêmes cellules qui tapis- sent la face inférieure du corps. 2, La composilion cellulaire de l'embryon montre surtout deux sortes d'éléments bien distincts : 1° les cellules embryonnaires qui forment le pied, la couche inférieure du corps, le bourrelet du manteau et la peau; 2 les vésicules vitellines qui sont disposées 166 LEREBOULLET. en deux amas symétriques autour du tube digestif. Quelques-unes de ces vésicules deviennent granuleuses par la coagulation. à. Ces deux sortes de cellules légitiment la division que nous avons établie entre la portion animale et la portion nutritive de l'embryon. h. Ilexiste encore, à cette époque, des globes générateurs sphé- riques ou allongés en voie de multiplication par scission. 9. Dès que le bourrelet qui doit former le manteau (bourrelet palléal) est établi, la substance embryonnaire circonscrite par ce bourrelet s'accroît et fait une saillie convexe en arrière. 6. La peau de cette saillie est très mince et composée de cellules rangées avec régularité ; celles du bord prennent une forme rec- tangulaire. 7. La saillie convexe dont il est question déplace l’orifice anal qui se porte à droite vers le bord du bourrelet. 8. Une lamelle cornée, premier rudiment de la coquille, se dépose sur la saillie convexe circonscrite par le bourrelet et en prend la forme. Cette petite lame cornée ressemble d’abord à une patelle, 9. Le bourrelet palléal ne porte pas encore de cils vibratiles et il n’en existe pas davantage sur les autres parties du corps. 10. Le bourrelet s'incline en avant par sa partie supérieure et devient oblique d'avant en arrière et de haut en bas. 1. On remarque une dépression au-devant de la partie la plus épaisse du bourrelet, sous la région moyenne du corps, derrière le pied. 42. Cette dépression est l’origine de la chambre respira- toire. 15. Les tentacules oculaires se séparent peu à peu sous la forme de lobes lamelleux arrondis. LA. La cavité gastrique est garnie de deux bandes longitudi- nales composées de cellules allongées et qui sont peut-être desti- nées à fournir les éléments musculeux du gésier. Le reste des parois de l’estomac est membraneux. 15. La rotation de l'embryon dans son œuf est alors bien établie : elle se fait dans deux sens, verticalement et horizontalement ; RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LINNÉE. 167 l'embryon se porte insensiblement d’une position à l’autre, d'où résulte le mouvement en spirale. L’embryon ne change pas de place pendant ce mouvement. 16. Les vaisseaux paraissent se former avant le cœur; du moins les lignes noires qu'on voit entre les vésicules vitellines semblent-elles être des vaisseaux. 17. Le bourrelet palléal s’inclinant de plus en plus en avant, prend une position très oblique. La région vitelline qu'il circon- serit gagne en étendue et fait une saillie plus forte en arrière ct en bas. Il en résulte que la coquille s’allonge et se creuse plus en arrière qu’en avant. 18. Cette extrémité postérieure et inférieure de la région vitel- lineet, par suite, de la coquille, s’allonge en un cône mousse, et s'incline de dehors en dedans pour commencer à décrire une spire. 19. Les lobes du pied s’aplatissent et deviennent lamelleux ; sous l'influence de l’eau acidulée, ils s'appliquent lun contre l’autre comme deux feuillets. 20. Le rectum, encore très court, est maintenant incliné vers la droite de l'animal ; sa direction forme un angle obtus avec celle de l'estomac. 21. Cette inclinaison de l'intestin rectum vers la droite dépend du changement de direction du bourrelet palléal et du développe- ment de la région vitelline postérieure qui a pour effet de porter ce bourrelet en avant. j 22. L'anus, en réalité, ne change pas de place, mais seulement de position relative; il accompagne toujours le bord droit du man- teau. 23. Le mouvement vibratile ne se montre que peu de temps avant l'apparition du cœur. Il est d’abord limité à une portion peu étendue, située au pourtour de l’orifice respiratoire. 24. La chambre respiratoire se forme par dépression et par résorption de substance embryonnaire. 25. Il est difficile de préciser l’époque exacte de la formation du cœur. Cette formation est annoncée par la position oblique du bourrelet palléal qui partage le cylindre embryonnaire en deux par- 168 LEREBOULLET. ties à peu près égales, par la présence de la chambre respiratoire et par l'existence de cils vibratiles autour de l’orifice de cette cavité. 26. On ne reconnait le cœur que par ses battements; les deux cavités qui le composent paraissent d’abord être séparées l’une de l'autre et communiquer entre elles par un tube court. 27. Le cœur occupe d'abord la ligne médiane et dorsale du corps ; ilest situé entre les deux lobes du vitellus. 98. Ses oscillations sont d’abord irrégulières et séparées, dans certains cas, par des temps d'arrêt assez longs. 29. Presque en même temps que le cœur, apparaissent les points oculiformes et les cellules nerveuses de la région cépha- lique. ; 30. L'apparition du cœur caractérise la fin de la période nutri- tive; celle du système nerveux marque le commencement de la période animale ou de relation. 31. A dater de ce moment, le travail organisateur qui, jusque- là, avait eu surtout pour but le développement de la moilié posté rieure de l'embryon, c'est-à-dire de sa portion nutritive, se porte principalement sur ses parlies antérieures et préside au dévelop- pement des appareils de relation. CHAPITRE IV. . Développement de l'embryon depuis la formation du système nerveux et des appareils sensitifs jusqu’à l’éclosion. (Période animale ou de relation.) Lorsque le bord libre du manteau, c’est-à-dire son bourrelet, est arrivé à occuper une posilion telle qu'il partage en quelque sorte l'embryon en deux parties égales, comme on le voit dans la figure 64, la portion de l'embryon située en avant de ce bourrelet se développe rapidement et forme bientôt une masse assez volumi- neuse qui présente déjà l'aspect du Mollusque tel, à peu près, qu'il se montre quand il a atteint lout son développement, On voit en RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 169 effet les tentacules oculaires ayant à leur base les yeux ou points oculiformes, les tentacules buccaux et les deux lobes du pied. Le bourrelet du manteau est très saillant ; il fait le tour du corps et cache une excavation cireulaire, profonde surtout vers la région inférieure, dans le lieu qui sera occupé par l’orifice de la chambre respiratoire (fig. 64). Un peu plus tard, le bord de ce dernier orifice est en train de se former par la direction que prend le bourrelet sur le côté droit du corps. Il revient en effet sur lui-même (fig. 66), au lieu de continuer à faire le tour du corps, et forme une espèce d’anse de maniëre à circonscrire une ouverture oblongue qui sera l’entrée de la poche aérienne. C’est à cette époque qu’on distingue très bien le système ner- veux. Sil'on examine par transparence la région nuchale, en inclinant l'embryon sur le côté, où si on le coagule et qu'on le regarde ensuile à la lumière directe, on voit que cette région dorsale de la partie antérieure du corps est occupée par des cellules très appa- rentes, blanchâtres sur les pièces coagulées, transparentes sur les pièces fraiches, et amoncelées de manière à former un amas plus ou moins étendu. C’est du treizième au quinzième jour, vers la fin d'octobre, beaucoup plus tôt en été, qu’on aperçoit ces nouveaux éléments organiques. D'abord les cellules sont peu nombreuses, mais elles ne tardent pas à occuper, en longueur et en largeur, tout l’espace situé, du côté dorsal, entre le bord du manteau et les yeux (fig. 65). Elles forment deux amas allongés, symétriques, rapprochés l’un de l’autre, mais parfaitement distincts; elles se continuent dans l’in- térieur de chaque tentacule oculaire jusque près du sommet de ce tentacule, c’est-à-dire plus loin que les points oculiformes, et elles se prolongent sur les côtés, pour disparaître vers la base du pied (fig. 66). Ces cellules nerveuses ont, en moyenne, 0"",02 de diamètre (fig. 67); elles sont sphériques, granuleuses et renferment un noyau vésiculeux assez gros, contenant lui-même un nucléole transparent. 170 LEREBOULLET. Ces cellules sont les éléments nerveux qui formeront plus tard, par leur réunion, les ganglions cérébroïdes. Les tentacules oculaires sont d’abord de simples lobules aplatis dont le bord peu saillant est garni d’une tache opaque, grisâtre, composée de granules pigmentaires qui s’accumulentde plus en plus et donnent à la tache une teinte noirâtre ou violacée. Le cristallin n'apparaît que plus tard sous la forme d’un petit globule brillant comme un point à peine perceptible. A mesure que les tentacules s’allongent, leur sommet pointu s'éloigne de l'œil qui reste placé à sa base. Les tentacules buccaux se forment comme les précédents, mais assez longtemps après eux ; ils dérivent aussi de l'enveloppe géné - rale et se dirigent en dehors, sous la forme de deux lamelles triangulaires dont les bases s'appuient sur les côtés de la bouche (fig. 79). A l’époque de la formation du collier nerveux, il existe autour de la bouche un mouvement vibratile très actif; ce mouvement, qui se fait en entonnoir, détermine un tourbillonnement des molé- cules avoisinantes (fig. 69). Le pied, toujours bilobé et lamelleux, commence à s’allonger en pointe en arrière. [lest encore à peu près dépourvu d’irritabi- lité. Quand on extrait l'embryon de son œuf, le pied ne se retire pas et il conserve assez bien sa forme; tandis que, quelques jours plus tard, il se contracte au moindre attouchement. L'extrémité postérieure du corps ou la région vitelline de l’em- bryon s’est portée un peu en dedans, en se contournant de la droite vers la gauche. La coquille ressemble à un cône creux, à base largement ouverte et dont le sommet forme un petit crochet recourbé (fig. 64, k'). * L'orifice anal, toujours difficile à voir parce qu'il est caché par le manteau, s’est avancé en même temps que le bord de celui-ci ; l'intestin s’est allongé en se recourbant et s’est considérablement rétréci. - L'embryon a maintenant 0°" ,70 de longueur; il est porté, dans son mouvement de rotation sur lui-même, autour de son œuf, Le cœur, qui bat fortement et avec vitesse, est situé sur le dos, entre RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 171 les deux lobes du foie, mais un peu à gauche; on voit, par mo- ments, quelques globules sanguins traverser ses cavités, mais on ne distingue aucune circulation hors de cet organe. Quand on com- prime l’embryon pour rechercher les capsules auditives, on voit qu’elles n'existent pas encore. Tel était l'embryon vers la fin du treizième jour (douze jours dix-neuf heures) au mois d'octobre. Le treizième jour (fig. 65 et 66), le manteau s'était détaché du - corps, et formait une voûte lamelleuse qui s'avançait jusqu’au niveau des yeux ; mais, par l'effet de la coagulation, il se rétrac- tait fortement, et laissait à découvert toute la région céphalique (fig. 65). C’est alors qu'on voyait très dislinctement le double ganglion cérébroïde tel que je viens de le décrire. L’orifice respi- ralore commençait à prendre sa forme définitive, par le reploie- ment du bord du manteau du côté droit de l’animal (fig. 66). La coquille avait augmenté d’étendue, son sommet commençait à se contourner en spire. Dès que le manteau s’est détaché du corps pour s’étaler au- dessus de la région céphalique, on aperçoit dans son épaisseur un petit corps allongé, transparent dans son milieu, entouré d’une bandelette étroite qui en forme comme le cadre (fig. 66). C’est l'organe de la viscosité ou la glande rénale; elle était encore étroite et courte, dirigée obliquement derrière le rebord du man- teau du côté droit. L'intestin, long et grêle, partait de l’angle postérieur de l’esto- mac, décrivait une courbure très prononcée, et se portait directe- ment en avant pour aller aboutir à l’angle de l’orifice respira- toire. Le pied commence, à cette époque, à montrer une structure fibrillaire. Les cellules qui le composaient se sont allongées, et ont produit par leurs deux extrémités opposées des fibrilles très déliées qui s’entrelacent les unes dans les autres. J'ai pu étudier cette formation des fibres musculaires sur des embryons du trei- zième au quinzième jour, c’est-à-dire à partir de l’époque où com- mencent à se montrer les cellules nerveuses et les yeux. J'ai vu constamment la substance de cet organe composée de corps bril- 172 LEREBOULLET. lants, nucléiformes, allongés en fuseaux où conservant leur forme ronde, mais munis de deux prolongements filiformes directement opposés. Plus tard, lorsque l'organe est devenu entièrement librillaire, on continue quelque temps encore à trouver des noyaux brillants sur le trajet de ces fibres déliées. Cette transformation des éléments celluleux en fibres dans le principal organe de la locomotion, coïncidant avec les formations nerveuse et sensilive, montre que l'embryon va quitter la vie simplement nutritive pour commencer la vie de relation. Nous le verrons bientôt, en effet, cesser ses mouvements automatiques de rotation, et se servir de son pied pour ramper contre les parois de sa coquille. D'un autre côté, les organes digestifs se préparent aussi à une vie active. Nous avons déjà vu le rectum s’allonger et prendre le caractère d’un tube intestinal; l'estomac est devenu globuleux, et le tube buccal commence à montrer les séries de crochets qui forment plus tard le revêtement corné de la langue. Ces crochets, dès leur apparition, se disposent en séries linéaires et affectent un arrangement symétrique. [l existe d’abord deux bandes ou deux lignes longitudinales de crochets parallèles l’une à l'autre, et sépa- rées par un assez large intervalle, puis deux autres séries viennent se placer à côté des premières (fig. 68). Les éléments qui com- posent ces séries, c’est-à-dire les crochets futurs, sont des corps brillants d’une extrême petitesse, saillants et recourbés sur eux- mêmes, c’est-à-dire offrant une surface convexe. Le vitellus est composé de grosses vésicules transparentes, montrant, quand on déchire l'embryon, une grande diffluence , car leur contenu albumineux s'écoule alors au moindre contact. Pendant la vie, on voit entre ces vésicules les lignes noires dont j'ai parlé plus haut, et qui donnent au vitellus un aspect confusé- ment réticulé (fig. 69); mais il est impossible de distinguer aucune circulation dans ces interstices linéaires. Le mouvement vibratile est devenu très actif autour de l’orifice respiratoire et autour de la bouche. On l’aperçoit, de plus, sur les bords du pied. Je n'ai observé de mouvement vibratile à la surface du pied que sur un pelit nombre d'embryons du quinzième au dix-septième RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 173 jour (fin d'octobre ou commencement de novembre). Le pied alors n'était pas encore fibreux, mais entièrement composé de cellules. Des lambeaux détachés de cet organe montraient une bordure de cellules allongées (fig. 70) semblables à celles du bord du manteau. Dans la plupart de ces cellules cylindriques, on voyait un ou même deux noyaux globuleux. Les cils étaient très difficiles à distinguer, quoique le mouvement vibratile fût manifeste. Les autres cellules du pied étaient sphériques, transparentes, remplies d’une sub- stance qui apparaissait comme un léger nuage, et munies à leur centre d’un très petit nucléole brillant (fig. 71). Le diamètre de ces cellules variait de 0"",005 à 0"",007; toutes avaient la même forme, excepté celles du bord; aucune ne tendait en- core à s’allonger en fibre. Dans les embryons, au contraire, chez lesquels la transformation des cellules en fibres était déjà avan- cée, je n'apercevais plus en général de mouvement vibratile sur les bords du pied. Cependant je ne voudrais pas affirmer qu'il n'existait plus, car je l'ai observé une fois sur un embryon très avancé et peu éloigné de l’éclosion. J’ajouterai que les mou- vements du pied coïncidaient avec cette transformation de ses éléments. Dans l'embryon précédent, l'animal sorti de l'œuf n'exerçait aucun mouvement de rétraction du pied, quoiqu’on le maniât avec des aiguilles, tandis que ces mouvements de rétraction étaient très sensibles, quand le pied avait pris une structure fibreuse. Un embryon observé au mois d'août, au dixième jour de son développement, était un peu plus avancé que ceux dont je viens de parler (fig. 72). Le corps commençait à s’enrouler d’une ma- nière sensible ; le manteau offrait à droite une ouverture oblon- gue, nettement circonscrite, limitée circulairement par une frange de cellules vibratiles. La tête et le pied s’étalaient en avant; les tentacules oculaires faisaient saillie sur les côtés comme deux lobes arrondis , à la base desquels se voyaient les points oculi- formes ; ceux-ci n'avaient pas encore de cristallin. Au devant des tentacules oculaires s’étale un lambeau membraneux, de forme rectangulaire, et qui, vu d’en haut, paraît se continuer avec les tentacules précédents, Cette pièce membraneuse est en réalité un A7 LEREBOULLET, appendice buccal (fig. 72), qui se transformera plus tard en tenta- cules buccaux. La bouche a une forme ovale ; elle est entourée d’un cadre qui ressorttrès nettement dans les pièces coagulées (fig. 72). Le pied fait une saillie considérable au-devant des organes buccaux et au-dessous d’eux. La coagulation le rétréeit, et fait mieux ressortir les deux lobes dont il se compose. La masse buccale (fig. 73) avait une forme triangulaire; de cette masse trilobée partait l’œsophage, qui aboutissait à un esto- mac globuleux. L’intestin, qui faisait suite à ce dernier, se recour- bait immédiatement sur lui-même pour se porter au côté droit du corps, et se terminer près de l'orifice respiratoire. Le cœur, encore dorsal, était cependant un peu incliné vers la gauche. il se composait d’une oreillette globuleuse placée en avant, non loin du bord du manteau, et d’un ventricule allongé, dirigé en arrière et se continuant avec une artère, dans laquelle il était impossible de distinguer aucun mouvement de globules. En comprimant un embryon frais, on voyait, comme précé- demment, les crochets de l’épiderme lingual rangés par séries, et disposés symétriquement. J’ai revu plusieurs fois la formation de celte substance cornée de la langue; toujours les séries de cro- chets étaient rangées symétriquement, c’est-à-dire qu’on en voyait une, deux ou trois de chaque côté d'une ligne médiane qui en était dépourvue. Cette symétrie des pièces cornées de la langue offre un grand intérêt; elle nous montre que dans les Mollusques, qui paraissent tant s'éloigner du type binaire, certains organes impairs chez l'adulte, comme la langue, le pied, le vitellus, sont, en réalité, parfaitement symétriques dans les premiers temps de leur forma - tion. Il n’y avait encore dans cet embryon ni cristallin, ni capsule auditive. On voyait derrière les yeux une petite masse jaunûtre, composée de cellules transparentes, qui représentait le ganglion cérébroïde. Peu de jours après l’apparition des cellules nerveuses, la forme du manteau est définitivement arrêtée (fig. 74 et 75). Il s'est avancé jusqu'au niveau de la tête, et forme une voûte sous la- RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 175 quelle peuvent se retirer les parties antérieures du corps, du moins la région céphalique et une partie du pied (fig. 75). Ce manteau est garni d’un épais bourrelet qui se replie en dedans sur lui- même, en contournant l’orifice respiratoire. Les cellules qui garnissent ce bourrelet sont allongées autour de ce dernier orifièe; sur les autres points, elles sont globuleuses. Ces dernières cependant, qui ressemblent à celles dont nous avons parlé plus haut (fig. 62), sont, comme les cellules allon- gées, garnies de longs cils vibratiles très fins, dont l'extrémité parait renflée en baguette de tambour pendant le mouvement vi- bratoire. La glande de la viscosité, qui apparaît dans l'épaisseur du man- teau aussitôt que celui-ci commence à s'étendre en forme de voûte, a la forme d’un ruban long et étroit (fig. 76) ; elle mesurait ici 0°°,22 de longueur sur une largeur de 0"",04. Elle est creuse dans toute sa longueur, et composée uniquement de cellules gra- nuleuses, transparentes, et renfermant un noyau. Cet organe est done primitivement un sac ou une utricule fermée de toute part. Il paraïtrait, malgré cette simplicité d'organisation, qu'il ne tarde pas à fonctionner, si toutefois c’est lui qui est la source de la ma= tière visqueuse propre à la peau des Mollusques ; car la sécrétion visqueuse à déjà lieu à cette époque. Quand on manie l'embryon avec des aiguilles, la substance gluante s’amasse à leur pointe, ce qui oblige de les essuyer à tout instant. Si l’on ajoute une goutte d'eau acidulée, celte matière forme une couche glaireuse qui adhère au pied. Je doute cependant que l'organe en question soit la source du liquide visqueux dont le corps est enduit quand on Dirrite ; je suis plus disposé à croire que la peau tout entière est le siége de cette sécrétion, car on ne comprendrait pas qu’un si petit organe püt produire instantanément une quantité suffisante de liquide visqueux pour en enduire tout le corps. Mais, d’un autre côté, je dois avouer qu’à cette époque du développement je n’ai pu découvrir aucune glande dans Ia peau elle-même. Le pied s’est prolongé en arrière; il a maintenant la forme d'un disque allongé qui dépasse la moitié de la longueur du corps (fig. 74). Sa forme bilobée est toujours distincte en avant. 176 LEREBOULLET., L'animal ne tourne plus; il applique la surface de son pied contre la paroi interne de la coquille et rampe ou glisse en décri- vant une spire dans la même direction que lorsqu'il tournait libre- ment dans l'œuf. Son corps, en effet, s’incline de la droite vers la gauche, tourne sur lui-même, de manière à montrer successive- ment le cœur, l'estomac, la glande rénale, l’orifice du poumon, le pied ; mais en même tempsil se porte d'avant en arrière et montre la bouche, le pied, l'extrémité postérieure du corps, puis sa face dorsale. En un mot, ce sont en réalité les mêmes évolutions en spirale que précédemment, seulement elles sont plus lentes et le pied ne quitte pas les parois de l'œuf. A partir de cette époque, la coquille dont l'ouverture est très grande, puisqu'elle recouvre toute l'étendue du marteau, et dont le bord libre est appliqué contre le bourrelet de celui-ci, s'incline de plus en plus, par son sommet, en arrière et en dedans, suivant une direction de droite à gauche, c’est-à-dire dans le sens de la rotation. Le crochet recourbé par lequel son sommet se termine, d’abord incliné vers le ventre, revient à droite, puis se porte vers le dos, et continue à s’enrouler sur lui-même en spirale , en pas- sant de la région dorsale vers la gauche, puis vers la droite et ainsi de suite. Il est inutile de répéter que je suppose toujours l’ani- mal placé dans la position qu'il occupe quand il rampe, le pied en bas et la tête en avant de l'observateur. C'est aussi à partir du moment où la spire commence à se for- mer que l’on voit l'estomac et l'intestin changer de position rela- üve. Nous reviendrons plus loin sur ce fait, quand nous aurons vu les diverses positions qu'affecte l'intestin, dans la suite du déve- loppement. En ce moment, bornons-nous à noter que le tube digestif se compose d’un long œæsophage aboutissant à un estomac globuleux situé à peu près vers le milieu du corps, à droite du cœur et un peu derrière lui, et d’un intestin étroit qui se déta- che du bord postérieur de l’estomae, décrit aussitôt une courbe dont la concavité est tournée vers la droite, et se porte en avant et en dedans vers le bord du manteau, à l'angle de l’orifice da poumon (fig. 77). RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 177 Le tube buccal renferme la langue en voie de formation, recon- naissable à ses séries symétriques de crochets. Sur un embryon du mois d’août, à peu près au même degré de développement que ceux dont il est question en ce moment (fig. 74 et 77}, j'ai vu saillir le tube buccal comme une petite trompe dirigée en avant. On distinguait dans l’intérieur de ce tube quatre séries de crochets disposées symétriquement deux à deux, comme ci-dessus (fig. 68). Le cristallin devient, dès ce moment, très distinct; seulement il faut employer la compression pour le voir ; il brille comme un petit diamant au milieu de l’amas de granules pigmentaires qui composent l'œil. C’est aussi maintenant (dix-huitième à vingtième jour au mois d'octobre, onzième à treizième jour au mois d'août) qu’on com- mence à apercevoir les capsules auditives. Ce sont de très petites vésicules globuleuses, transparentes, situées à quelque distance derrière les yeux, et faciles à reconnaître au mouvement des cor- puscules qu’elles renferment. D'abord ces vésicules sont vides, et on les distingue difficile ment au milieu des petits globules nerveux accumulés dans cette région. C’est ce qui avait lieu dans un embryon, au treizième jour du développement (mois d'août). Sur un autre embryon du même sac observé le même jour, les capsules auditives, du diamètre de 0,026, contenaient deux gros otolithes et sept et huit petits. Tous étaient en mouvement; ils se remuaient dans tous les sens, tournoyaient sur eux-mêmes et paraissaient lancés du centre à la circonférence et de la circonfé- rence au centre. Le plus gros des deux otolithes mesurait 0"",005 ; l’autre avait la moitié de cette grosseur ; les plus petits mesuraient à peine 0"",001, et il y en avait de plus petits encore à peine perceptibles. Je n'ai jamais pu distinguer les cils vibratiles qui sont sans doute la cause de ces mouvements. Du dix-septième au vingtième jour (observations du mois d'oc- tobre) ou, pour mieux dire, depuis cette époque jusqu’à l’éclosion, l'embryon ne change pas sensiblement sa forme générale, Cepen- 4° série, Zooz. T, XVIII. (Cahier n° 3,) # 13 178 LEREBOULLET. dant il se caractérise par un volume plus considérable des parties antérieures qui font saillie hors de la coquille, et par l’enroulement progressif, mais lent, de son extrémité postérieure. La masse charnue du pied augmente d'épaisseur et s’atténue en languette pointue en arrière (fig. 77 et 78), mais ce pied est devenu très contractile et fonctionne désormais comme organe de locomotion. Quand on l'irrite en le touchant, il se retire sous la coquille, comme chez l'adulte; il en est de même quand on coa- gule l'animal ; toutes les parties sont tellement rétractiles qu’on n’en aperçoit plus aucune trace à l'extérieur. La composition élémentaire de cet organe a complétement changé. Les cellules ont été peu à peu remplacées par des fibres. D'abord ces cellules, de globuleuses qu’elles étaient, sont devenues oblongues, puis fusiformes. La cellule se réduisait à un petit noyau brillant muni de deux prolongements filiformes, transparents, opposés l’un à l’autre. ) Plus tard, le nombre des fibres augmente, et elles s’entrecroi- sent de manière à former un tissu feutré. Sur un embryon âgé de vingt-deux jours, on trouvait tous ces éléments mélangés : des cellules sphériques, de 0"",005, des cellules fusiformes de 0"",008 de longueur sur 0"",005 ou 0"",003 de largeur et de véritables fibres avec ou sans nucléole. La viscosité était devenue plus abondante et gênait beaucoup l'étude de la structure, en retenant les éléments collés les uns aux autres. Les tentacules buccaux ont pris la forme triangulaire qui les caractérise chez l'adulte. Ils sont placés sur le même plan que la cavité buccale et se portent directement en dehors, en s'atténuant pour se terminer en pointe (fig. 79). Les lentacules oculaires placés derrière les précédents ont aussi leur forme définitive. Ces quatre appendices forment, sur les embryons coagulés, des lobes arrondis, saillants, qui entourent la dépression au fond de laquelle est située la bouche (fig. 77). Le bourrelet du manteau a encore gagné en épaisseur. Ce manteau double la coquille et s’avance au-dessus des pièces dont nous venons de parler pour les recouvrir, comme le ferait une voûte (fig. 79); il en résulte une grande cavité, la cham- RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 179 bre antérieure de la coquille, destinée à recevoir la portion ani- male du corps du Mollusque. La glande rénale ou de la viscosité, située dans les parois du manteau, à encore le même aspect que précédemment ; mais elle a augmenté de longueur et elle s’étend en travers à une certaine distance du bord libre du manteau (fig. 77 et 78). La région postérieure du corps forme une saillie arrondie, très obtuse, qui revient sur elle-même de gauche à droite. Quand on regarde l'animal de profil, on ne peut guère bien juger du mode d’enroulement de cette extrémité postérieure du corps et de la coquille; mais si on l’examine en redressant cette région vitelline (fig. 82), on voit parfaitement le sommet de la coquille se diriger maintenant de la droite à la gauche, pour achever de former le pre- mier tour de la spire. On remarquera, dans cette figure 82, appar- tenant à un embryon du vingt-deuxième jour environ, que les tours de spire ne se touchent pas, mais sont au contraire assez éloignés l’un de l’autre. Un ou deux jours après, ces tours se rapprochent (fig. 84), jus- qu'à ce qu'ils soient tout à fait contigus (fig. 86 et 90). Mais, quoique entièrement appliqués l’un contre l’autre, on peut dérou- ler l'animal et le redresser complétement. Il suffit, pour cela, de le coaguler et d'enlever la coquille. En opérant avec des aiguilles, on arrive facilement à séparer l’un de l’autre les tours de ‘spire (fig. 85). La coquille, à cette époque, quoique cornée en apparence, est déjà imprégnée d’une certaine quantité de sels calcaires qui lui donnent de la consistance et la rendent cassante. Quand on ajoute de l’eau acidulée, il se dégage des bulles de gaz et la coquille dévient membraneuse et flexible. L'œil est muni maintenant d’un cristallin assez considérable (fig. 80), qui fait saillie au dehors, quand en comprime la prépa- ration. L'amas pigmentaire à une belle couleur violette et il est entouré d’un cercle qui indique la présence d’un membrane enve- loppante. Les capsules auditives ont un peu grossi et renferment un plus grand nombre de corpuscules en mouvement. | 180 LEREBOULLET. Le fourreau de la langue contient un appareil corné qui se com- pose d’une douzaine de séries de petits crochets encore rudimen- taires (fig. 81) et dont on ne peut distinguer la pointe; ce sont comme autant de petits corps arrondis, brillants, rangés à la suite les uns des autres. Ces séries sont d’inégale longueur ; les moyen- nes, les plus longues, dépassent les autres et formeront la pointe de la langue ; les séries latérales sont, au contraire, très courtes. L’estomac se voit à travers la coquille, soit par transparence sur les embryons vivants, soit à l’aide de la lumière directe con- centrée par une lentille après avoir faiblement coagulé la pièce. Il est globuleux, semi-opaque, un peu allongé; ses parois ont augmenté d'épaisseur et se composent de très petites cellules qui lui donnent un aspect granuleux. L'intestin naït de son bord pos- térieur et se porte à droite, après avoir décrit une courbe, comme je l’ai dit plus haut. Mais on commence à remarquer, dès à présent, un changement très sensible dans la position du point d’origine de l’intestin et, par suite, dans la direction que prend ce tube en quittant l'estomac. Si l'on compare entre elles les figures 77, 78 et 82, on voit que l'angle postérieur de l'estomac, celui duquel l'intestin se détache, se relève sensiblement, c’est-à-dire se porte d’arrière en avant et de bas en haut en tournant sur lui-même. Dans la figure 77, cet angle postérieur est encore dirigé en arrière, mais un peu obliquement; dans la figure 78, l’estomac est tout à fait transversal, tandis que dans la figure 82, l'angle postérieur se dirige obliquement en haut. Il en résulte que l’origine de l'intestin qui paraissait d'abord directement opposée à l'œsophage (fig. 77) se trouve maintenant rapprochée de lui (fig. 82). Il suit aussi de là que la première portion, ou portion duodénale de l'intestin, s’est allongée et décrit une anse postérieure, avant de se continuer avec la portion rectale. L'estomac subit donc un mouvement de torsion sur son axe, mouvement qui se fait de la droite vers la gauche, dans le même sens que le mouvement de rotation du corps; cette torsion a pour effet de relever l'angle postérieur de l'estomac, de porter en avant l’origine de l'intestin qui d’abord se trouvait en arrière, et de déter- RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 1381 miner l’allongement du tube intestinal, en écartant de plus en plus l’une de l’autre les régions pylorique et rectale. Les cellules qui composent les parois de l'intestin commencent à s’allonger et à prendre la forme rectangulaire qui caractérise l’épithélium cylindrique de ce tube. Le cœur est maintenant tout à fait à gauche et en avant, près du bord antérieur de la chambre respiratoire. Il est entouré d’un espace transparent qui indique la présence d’un péricarde (fig. 79 et 86). Il oscille régulièrement, 60 à 70 fois par mi- nute, mais il présente encore quelquefois des temps d'arrêt, et j'ai eru remarquer que ces moments de pause correspondaient aux instants où l'embryon s'arrête et se tient immobile. C’est surtout quand la température est peu élevée qu'on observe ces singu- lières intermittences. Vers la fin d'octobre ou dans la première moitié du mois de novembre, j'ai vu souvent des suspensions assez longues suivies de battements incertains et lents, comme si les parois du cœur n’avaient plus la force de se contracter. Mais j'ai vu aussi, pendant les chaleurs du mois d’août et sur des em- bryons bien portants, des pauses assez longues de dix à quinze secondes, après lesquelles le cœur recommençait à battre avec son énergie accoutumée. Ces particularités relatives aux mouvements du cœur, dans les embryons du Limnée, montrent le peu d'importance de cet organe comme agent circulatoire, du moins pendant la vie embryonnaire, ce qui tient peut-être à l’absence ou à l’excessive rareté des glo- bules sanguins, car, malgré toute l'attention que j'ai mise à cet examen, il ne m’a jamais été possible de voir aucun mouvement circulatoire, à cause de l’absence des corpuscules sanguins. Le üssu du cœur commence à devenir fibreux ; on voit, pendant qu’il est en mouvement, des fibrilles déliées s’entrecroiser dans tous les sens, et, sur le trajet de ces fibrilles, de trés petits globules bril- lants, restes des cellules dont il était primitivement composé. Les vésicules vitellines remplissent la moitié postérieure du corps de l'embryon ; elles sont toujours très grosses, distendues par le liquide albumineux qu’elles renferment. Mais ces vésicules se préparentà subir les métamorphoses qui les transformeront en cel- 182 LEREBOULLET. lules hépatiques, ou, pour être plus exact, elles préparent les élé- ments qui serviront à former ces dernières. Nous avons déjà dit que la coagulation détermine, dans quel- ques-unes des vésicules vitellines, un précipité granuleux. Du vingtième au vingt-sixième jour, la plupart de ces gros corps vitellins présentent un aspect piqueté, par l'effet de la coagulation (fig. 83, 85 et 89), au lieu de la transparence vitrée qu'ils offraient précédemment. Ces granules très fins, qui ne se montrent que sous l'influence de la coagulation, annoncent l’exis- tence d'éléments nouveaux dans l’intérieur des vésicules vitellines, mais je ne puis qu'émettre des probabilités sur leur nature. Je pré- sume qu’ils se changent en vésicules et qu'ils sont le point de départ des cellules que nous verrons bientôt remplacer les corps vitellins eux-mêmes. Ce qu'il y a de certain, c’est que dans les derniers jours de la vie fœtale, à une époque plus ou moins rapprochée de l'éclosion, suivant la saison de l’année, on trouve au milieu des grosses vési- cules vitellines dont la réunion forme, en arrière, la masse de l'embryon, on trouve, dis-je, d’autres vésicules plus petites, trans- parentes comme les corps vitellins ordinaires et renfermant comme eux, des granules très fins. Ces petites vésicules exis - tent en grand nombre autour du tube intestinal. Parmi elles on en rencontre qui sont remplies de granules vésiculeux (b, fig. 83), et d autres qui contiennent des vésicules transparentes et ont ainsi le caractère de cellules endogènes (c, fig. 83). Les gros corps vitellins ont jusqu’à 0°",12 de longueur ; les vésicules endogènes, ou-celles qui renferment des granules vésiculeux, varient entre 0*°,025 et 0°",030; elles sont toujours sphériques ou ovoïdes, même quand elles sont coagulées et n’offrent jamais les formes anguleuses, irrégulières des corps vitellins. J'ai souvent vu ces derniers rangés par groupes de forme pyra- midale autour du tube alimentaire, vers l’origine de l’intestin (fig. 89). Ces pyramides étaient en nombre variable et les vésicules allaient en décroissant de la base au sommet. Celui-ci était toujours dirigé vers l'intestin. Toutes les vésicules qui for- maient ces pyramides adhéraient fortement les unes aux autres, RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 183 Je suis porté à croire que les corps vitellins se fractionnent en corps de plus en plus petits, et que ces derniers, appliqués contre le tube intestinal, sont le point de départ ou l’origine des vésicules nouvelles qui entourent ce tube et qui deviendront bientôt des cel- lules biliaires. Quoi qu’il en soit, à partir du moment où l’on observe ces mo- difications dans les corps vitellins, le nombre de ceux-ci diminue d'avant en arrière. Vers l’époque de l’éclosion, on ne trouve plus de véritables corps vitellins que tout à fait en arrière, dans la par- tie qu’on a nommée le torlillon. Tous ceux qui entouraient! l’esto- mac et l’origine de l'intestin sont remplacés par les petites vési- cules dont je viens de donner la description. A la même époque il existe, au milieu de tous ces éléments, une assez grande quan- tité de globules graisseux. Ces modifications remarquables dans la nature et dans l’aspect des éléments qui entourent le tube alimentaire sont d’un haut in- térêt physiologique. Pendant la vie embryonnaire, ils ont l'aspect, la nature et le caractère de véritables cellules ou vésicules vitellines ; leur con- tenu est albumineux, el ils fonctionnent, à n’en pas douter, comme le vitellus des autres animaux, en fournissant à l'embryon les élé- ments de sa nutrition. Quand l’éclosion approche, l’embryon est sur le point de com- mencer une nouvelle vie; il sera bientôt appelé à se nourrir d’ali- ments véritables, qu'il s’assimilera par la digestion; il pourra donc se passer de son vitellus. Mais le travail digestif ne saurait se faire sans le concours de la bile ; voilà pourquoi les cellules biliaires se préparent, et, chose remarquable, elles doivent leur origine aux mêmes éléments qui fonctionnaient auparavant comme organes de nutrition embryonnaire ou vitelline. Pendant les derniers jours de son développement dans l'œuf, lembryon continue à ramper lentement autour de sa coquille, en suivant la direction en spirale dont j'ai parlé précédemment. Il augmente sensiblement de volume, jusqu’à ce qu'il arrive à rem- plir exactement son œuf, et il resserre ses tours de spire 6 s'appliquent les uns contre les autres, 184 LEREBOULLET. Pendant ce temps, c’est-à-dire du vingt-troisième au trente- troisième ou quarantième jour (octobre et novembre), ou du vingtième au trentième jour (septembre), ou enfin du quinzième au dix-huitième jour (août), l'estomac et l'intestin continuent à changer de position, et celui-ci s’allonge de plus en plus. Nous avons vu précédemment l'extrémité pylorique de l’esto- mac qui était dirigée en arrière (fig. 77) se porter peu à peu en haut et en avant, et l’intestin, qui décrivait une courbe peu étendue avant de se porter en avant, se diriger en arrière et former une grande anse à convexité postérieure (fig. 82). La branche duodénale de l'intestin continue à se redresser (fig. 84) ; puis, quelques jours après, l’estomac continuant à tourner sur lui- même entraine celte branche duodénale, qui se porte au-devant de ce viscère, et se dirige transversalement au-dessus de l’œso- phage pour produire ensuite la grande anse intestinale qui aboutit au rectum (fig. 86 et 87). On peut suivre dans nos figures (de 77 à 90) ces changements dans la position de l'intestin, changements qui paraissent étranges au premier abord, mais dont on se rend parfaitement compte en supposant que la masse des viscères tout entière, et conséquem- ment l’estomac, subit les mêmes déplacements que le corps. Si l’on se représente, par exemple, l'estomac de la figure 84 se renvérsant en arrière, de manière que le bord antérieur devienne postérieur et réciproquement, le duodénum, ou la première por- tion de l'intestin se trouvera à gauche de l’estomac ainsi renversé, puis se continuera par devant son bord antérieur, comme on le voit dans les figures 86 et 87. Seulement, il faut encore, pour achever de s’expliquer la position de ce tube, joindre au mouve- ment de bascule d'avant en arrière le mouvement de rotation de la droite vers la gauche, autrement dit le mouvement spiral qu’exerce embryon lui-même. J'ai préparé, pour en étudier la structure, le tube digestif d’un embryon de cette époque, âgé de vingt-six jours (octobre), et correspondant à peu près à la figure 86. La masse buccale (fig. 88) renferme le fourreau de la langue, renflé en ampoule en arrière, et se terminant à l’orifice de la RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 185 bouche. La langue est couverte de son appareil corné ; elle s’élar- git en arrière comme le bulbe qui la renferme, ce qui donne à cet appareil une certaine ressemblance avec un bulbe pileux. Sur les côtés du pharynx se voient deux sacs d’inégale gran- deur, allongés et entièrement composés de cellules; ce sont les glandes salivaires. L'æsophage, très long, est formé de petites cellules rondes, rendues irrégulières par la coagulation. L’estomac est cylindrique, anguleux sur les côtés ; ses parois sont très épaisses. L'intestin, qui fait suite à l'estomac, est un peu plus large à son origine que dans le reste de son étendue; il est garni, sur les côtés de cetle partie élargie, de deux sacs utriculiformes de grandeur inégale. J'ai retrouvé ces deux sacs sur des Limnées éclos depuis quinze jours et deux mois, mais je n’en connais pas la destination. Je ne puis dire s’il faut les considérer comme des appendices pyloriques, ou s'ils ne sont pas plutôt l’origine des-canaux biliaires qui sont très larges chez ces animaux, et qui s’insèrent au pylore. Dans celte dernière hypothèse, que je suis porté à admettre, les conduits excréteurs de la bile seraient des appendices intestinaux produits par évolvure, et qui s’uniraient plus tard à la glande elle-même. L'intestin remontait à gauche de l'estomac, comme dans les figures 86 ct 87, se dirigeait ensuite en travers, au-devant de ce viscère, puis se portait en arrière et après avoir formé une anse, se rendait en ligne droite vers le bord du manteau. Dans la pré- paration il a été dérangé de sa position naturelle et récliné vers la gauche. Ce tube était tapissé, dans toute sa longueur, de cellules d’épithélium cylindrique, renfermant chacune un certain nombre de granules vésiculeux (/', fig. 88). Je n'ai vu, dans l’intérieur de cet intestin, aucun mouvement vibratile. Son diamètre était de 0"".,05. J'ai déjà dit que le terme de l’éclosion varie beaucoup suivant l’époque de l’année. En été, il a lieu du dix-huitième au vingtième jour; au mois de septembre il n'arrive qu’au trentième jour en- viron , enfin au mois de novembre, ce n’est que vers le quaran- tième jour que l'animal sort de son œuf. 186 LEREBOULLET., Quand il est sur le point d’éclore, le petit Mollusque remplit son œuf plus ou moins exactement (fig. 90). Son pied, en avant, l’extrémilé où sommet de la spire, en arrière, touchent les parois de la coque. Celle-ci est flasque, plissée et facile à rompre. Cepen- dant l'animal exerce encore des mouvements, mais avec beaucoup de lenteur. Son pied appliqué contre la membrane de l'œuf presse contre elle et la distend jusqu’à ce qu'elle se rompe. La coque de l'œuf grossit beaucoup dans les derniers temps, sans doute par suite de la distension qu’elle éprouve de la part du Mollusque qu'elle peut à peine contenir. L'œuf représenté figure 86 avait 1 millimètre de longueur, tandis que celui de la figure 90 mesurait 1"",40. Il est vrai de dire que les œufs d’un même sac n'ont pas toujours la même grosseur. Dès que le Mollusque est sorti de son œuf, il applique son pied contre l’objet sur lequel il repose et rampe en glissant, comme le fait l'adulte. Sa coquille fait deux tours de spire ; quoïqüe mince et diaphane, elle est entièrement solidifiée par les sels calcaires. L'animal exerce avec sa bouche les mouvements rhythmiques d'aspiration ou de déglutition qu’on voit exécuter aux adultes, quand ils rampent contre les parois d’un vase de verre. L'organisation du jeune Mollusque diffère peu de ce qu'elle était quelques jours avant l’éclosion. L'appareil qui doit surtout fixer l'attention est l'appareil biliaire, parce qu'il est, à cette épo- que, en voie de transformation. Ce qui frappe tout d’abord, quand on prépare l'appareil digestif d'un Limuée sur le point d’éclore ou qui vient de sortir de son œuf, c’est la petite quantité de vésicules. vitellines qu'on trouve autour de ses intestins. Ce n’est plus qu’en arrière, dans la région terminale correspon- dante au tortillon, qu’elles sont encore accumulées en assez grand nombre (fig. 91). Pour donner une idée exacte de la composition et de la disposi- tion des éléments qui enveloppent le tube intestinal, j'ai coagulé un Limnée au moment même où il sortait de son œuf, puis je l'ai ouvert en le plaçant sur le dos et j'ai étalé avec des aiguilles les intestins et les éléments vésiculeux qui les enlouraient (fig, 91). ’ RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 187 On voyait collés contre l'intestin, dans toute la longüeur de sa portion duodénale, une multitude d’amas d’une substance granu- leuse qui, vue à l’aide d’un grossissement plus fort, s’est trouvée composée entièrement de petites cellules (fig. 92). Quelques gros- ses masses d’albumine coagulée se trouvaient dans l’intérieur de la grande anse que forme l'intestin quand i] se change en rectum. Tout à fait en arrière et vers la naissance du rectum, on voyait un amas assez volumineux de corps sphériques, ayant 0"*,04 de dia- mètre et remplis de petites vésicules (g', fig. 94). Ces corps sont évidemment des sphères en voie de développement et il est pro- bable que les vésicules qu'elles renferment sont destinées à se transformer en cellules. On peut même se demander si les petites cellules qui garnissent les parois extérieures de l'intestin ne leur doivent pas leur origine. Ces sphères génératrices proviennent peut-être directement d’un morcellement des corps vitellins. J'ai vu plusieurs fois le précipité granuleux de ces corps n’exister que dans une portion de leur étendue et affecter une forme sphérique (fig. 89 et 91). Il se peut que ces masses sphériques granuleuses soient les rudiments des globes générateurs en question. Il ne restait plus, des vésicules vitellines proprement dites, qu'un amas peu considérable formant le tortillon et composé des mêmes corps transparents, irréguliers, anguleux et remplis de granules, que nous avons décrits précédemment. Dans un autre embryon qui venait aussi d’éclorc (fig. 92), les amas de globes générateurs étaient situés plus en avant, vers le premier coude que forme l'intestin ; seulement ces globes étaient beaucoup plus petits que les précédents. * L'estomac est remarquable par les deux saillies latérales que forme son appareil musculaire. Cet appareil se compose de deux muscles puissants qui se réunissent vers la face supérieure ou dorsale en une masse globuleuse simple (fig. 92), mais qui, sur sa face ventrale ou inférieure, sont disposés symétriquement de cha- que côté d’une bande longitudinale transparente qui fait suite à l’æsophage (fig. 94). La première portion de l'intestin est dilatée dans une courte étendue; c’est sur les côtés de cette portion pylo- 188 LEREBOULLET, rique ou duodénale que sont insérés les deux sacs dont nous avons parlé plus haut. Ces deux sacs étaient entourés, dans les deux pièces, de très petites cellules que nous devons regarder comme des cellules hépatiques ou biliaires à l’état de naissance, car, dans des embryons plus avancés, ces éléments sont les seuls qui entou- rent le tube intestinal. En résumé, la masse cellulaire qui bientôt constituera le foie, se compose, à l’éclosion, de trois sortes d'éléments distincts : 4° de très petites cellules placées en avant, près de l’origine de l’intes- tin; 2° d’amas plus ou moins volumineux de globes générateurs ou endogènes remplis de vésicules et disposés plus en arrière; et 3° de corps vitellins occupant la région la plus reculée et compo- sant à eux seuls le tortillon. Résumé du quatrième chapitre. 1. Le commencement de la période que j'appelle animale est caractérisé par le développement de la moitié antérieure du corps, tandis que, pendant toute la durée de la période précédente, le travail de formation s'était porté principalement sur sa moitié postérieure. 2. Le bourrelet du manteau divise alors obliquement le corps en deux parties à peu près égales. 3. La chambre respiratoire se creuse de plus en plus et son ori- fice se forme par le reploiement du bourrelet sur lui-même, du côté droit. | h. Le système nerveux se montre sous la forme d’un amas de cellules transparentes, beaucoup plus grosses que les cellules em- bryonnaires, situé sur la région dorsale. 5. Cet amas est divisé en deux lobes symétriques, et les cel- lules de chacun d’eux se portent dansles tentacules oculaires, jus- qu’au delà des yeux. 6. Les tentacules oculaires s’allongent, les granules pigmen- taires s’amassent en plus grande quantité à leur base, ce qui rend les points oculiformes plus apparents. Le cristallin n'existe pas encore. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 159 7. Ilexiste des cils et un mouvement vibratiles autour de la bouche et à la surface du pied. 8. Le pied fait une forte saillie en avant; il est encore dé- pourvu d’irritabilité ; quand on le pique, il ne se rétracte pas. 9. L’embryon, en tournant sur lui-même, suit la paroi de la coquille et fait le tour de son œuf. 10. L’extrémité postérieure s'incline de la droite vers la gauche pour commencer la formation de la spire. 41. L'orifice anal ne quittant pas le bord du manteau et celui-ci ne participant pas au mouvement de torsion qu’éprouvent les par- ties postérieures, il en résulte que cet orifice s'éloigne de l’estomac et que l’intestin s’allonge. 12. Le cœur d’abord dorsal, commence à se porter vers la gauche. Cette tendance est le résultat du mouvement de l'embryon dans la même direction. 13. Le bourrelet du manteau qui, jusque-là, adhérait à la sur- face du corps, se détache de cette surface et forme une lame con- vexe qui s'élève et s’avance sous la coquille au-dessus des parties antérieures du corps pour les recouvrir. A4. Aussitôt que la portion libre du manteau est formée, on voit apparaître la glande rénale dans l'épaisseur de ses parois. 15. La glande rénale (glande de la viscosité) est un petit sac allongé très étroit, composé entièrement de cellules. 16. Les cellules qui composaient exclusivement le pied com- mencent à s’allonger pour se transformer insensiblement en fibres. 17. Cette formation de fibrilles dans l’organe locomoteur pré- cède de peu d’instants lemoment où cet organe entrera en fonction; elle coïncide done avec l’époque où commencera la vie de re- lation. 18. Dès ce moment le tissu du pied devient irritable, l’animal le rétracte quand on le pique. 19. La sécrétion visqueuse est déjà très apparente; elle se fait sur toute la surface du pied et du reste du corps. 20. La glande dite de la viscosité ne paraît pas être le siége de cette sécrétion; je la crois exclusivement destinée à produire Ja 190 LEREBOULLET. substance excrémentitielle analogue à l’urine des animaux supé- rieurs. 21. Le pied s’allonge en arrière; il ressemble à un disque ova- laire ; mais il conserve'encore sa forme bilobée en avant. 29, La pièce cornée qui revêt la langue se forme d’une manière symétrique, par deux moitiés parfaitement semblables. Chacune de ces deux moitiés est composée d’une, puis successivement de deux et de plusieurs séries linéaires de petits points brillants qui devien: dront les crochets cornés de la langue. _ 23, Les cellules vitellines sont grosses, nombreuses, remplies d’albumine et très diffluentes ; elles s’écrasentet se rompent sous la seule influence de leur propre pression, au moindre contact. 2h. Dès que le pied s’est allongé, l'embryon cesse de tourner dans sa coquille; il applique son pied: contre la paroi interne de celle-ci et s’avance en rampant. 25. Cependant il continue à se mouvoir en spirale , il décrit en glissant sur la paroi de sa coquille, les mêmes lignes qu’il décrivait quand il tournait librement. 26. La spire de la coquille s’enroule peu à peu suivant la direc- tion du mouvement qu’exerce l'animal, c’est-à-dire de droite à gauche. 27. Le tube buccal s’est allongé et fait saillie en avant, comme _une petite trompe ; il renferme la pièce cornée de la langue qu’on voit par transparence. 28. Le cristallin et les capsules auditives se montrent presque en même temps. 29, Le cristallin est d’abord un très petit point globuleux qui brille comme un diamant. Peu à peu il grossit et, pendant qu'il se développe, le pigment choroïdien prend une teinte violette. 30. L’œil du Limnée est donc un appareil très simple, composé d’un amas de pigment auquel aboutit sans doute plus tard un fila- ment nerveux, et d’un cristallin globuleux. Dans la suite le tout est entouré d’une membrane enveloppante. 31. Le tentacule étant rempli d'éléments nerveux doit être considéré comme un organe tactile très délicat. 32. Les capsules auditives sont de petites vésicules sphériques RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 191 situées à quelque distance derrière les yeux. Elles sont d’abord vides, puis elles renferment de petits corps granuleux, transpa- rents (les otolithes) qui offrent un mouvement coutinuel, 33. Les otolithes grossissent et se multiplient dans l’intérieur des capsules. Les capsules aussi grossissent peu à peu. 3h. Le pied, qui avait pris une forme ovalaire, se prolonge en languette en arrière; il est devenu très contractile ef se relire maintenant sous la coquille quand on l'irrite. 35. La glande rénale s’allonge et se dispose en travers, à quel- que distance du bord du manteau. 36. Les tours de spire de la coquille sont d’abord écartés les uns des autres; peu à peu ils se rapprochent et deviennent con- tigus. 37. La coquille s’imprègne de sels calcaires et devient cas- sante. 38. L’estomac et l'intestin se déplacent, par suite des mouve- ments de rotation du corps, et se tordent sur eux-mêmes. 39. Ces mouvements de torsion expliquent les changements de position relative de ces organes. h0. L'intestin, en se détachant de l’estomac, se courbe vers la droite et forme d’abord une anse très courte dont la concavité est dirigée à droite. hA, Plus tard l’angle pylorique de l'estomac se relève, puis l'estomac se renverse en arrière; il en résulte que l'intestin se trouve porté au-devant de cette poche. | h2. En même temps l'intestin s’allonge et ses parois se garnis- sent de cellules d’épithélium cylindrique, h3. Le cœur est maintenant tout à fait à gauche; il est entouré d’un péricarde; son tissu devient fibreux. hh. Les battements du cœur ne sont pas toujours continus et réguliers. Il arrive souvent que, même chez les embryons bien portants et par un temps chaud, le cœur s'arrête fout à coup et cesse momentanément de battre. Ordinairement, pendant ces in- terruptions passagères, le corps est immobile. 45. Les globules sanguins sont petits et très rares, ce qui fait 192 LEREROULLET, qu'on ne distingue de mouvement circulatoire à aucune époque de la vie embryonnaire. h6. Vers les dernières périodes de la vie fœtale, les vésicules vitellines se remplissent d’une substance granuleuse qui ne devient visible que par la coagulation. 7. Ces vésicules paraissent se fractionner en vésicules plus petites, granuleuses comme les premières. 48. Ce fractionnement se fait de la surface au centre, les plus pelites vésicules entourent le canal intestinal. A9. Il suit de là que les corps vitellins transparents diminuent de plus en plus d'avant en arrière ; ils sont remplacés par de très petites cellules, par des vésicules composées ou endogènes et par des vésicules granuleuses, disposées tout autour de l’in- testin. 50. Vers la fin de la vie fœtale, il n’existe plus de vésicules vi- tellines proprement dites qu’en arrière; leur réunion forme l’extré- mité de la spire ou le tortillon. 51. Ainsi, quand l’époque de l’éclosion approche, les organes qui avaient fonctionné comme organes vitellins changent de na- ture, pour donner naissance à d’autres appareils qui recevront une autre destination. 52. La structure du tube alimentaire annonce aussi qu’il sera bientôt appelé à fonctionner comme appareil digestif. 53. Le tube buccal renferme une langue munie de son appareil corné et garnie, à sa base, d’un renflement bulbeux. 54. Il existe deux glandes salivaires qui ont la forme de deux petits sacs allongés, entièrement composés de cellules. 53. L’estomac est garni de deux renflements latéraux qui fonc- tionnent comme les muscles d’un véritable gésier. 56. L'inteslin porte, à sa naissance, deux sacs utriculiformes tapissés intérieurement de cellules cylindriques, comme le reste de l'intestin. 57. L'époque de l’éclosion varie suivant la saison ; le minimum de la durée du développement dans l'œuf a été de dix-huit jours (août), le maximum de quarante jours (novembre). 58. L'œuf a augmenté de volume; l'embryon le remplit exac- RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 193 tement, il appuie son pied contre la paroi de la coque et la dé- chire. 59. Au moment de l’éclosion, la coquille fait deux tours de spire. 60. Le vitellus proprement dit n'existe plus en totalité dans les Limnées qui viennent de sortir de l'œuf. Outre les petites cellules qui entourent l'intestin, surtout à son origine, il s’est formé, en arrière, des globes générateurs remplis de très petites vésicules. 61. L'animal conserve encore une certaine quantité de vésicu- les vitellines de dimension variable, situées en arrière et qui doi- vent servir à sa nutrition, pendant un temps assez court, après l’éclosion. 62. Toutes les cellules et les vésicules qui proviennent de la transformation du vitellus primitif, sont les éléments qui serviront à former les cellules biliaires et conséquemment le foie propre- ment dit. CHAPITRE V. Développement ultérieur du Limnée après l’éclosion. Quand le Limnée est éelos, il reste quelque temps encore dans le sac ovigère, dont la substance glaireuse est consommée peu à peu et sert à le nourrir pendant les premiers jours qui suivent l'éclosion. On voit tous ces petits Mollusques ramper lentement, soit à l’intérieur, soit à l'extérieur de ce sac, dont la substance s’est considérablement ramollie. Lorsqu'ils ont tous quitté leur demeure primitive, le sac est entièrement vide de matière glaireuse, il ne se compose plus que de son enveloppe devenue trés mince. L'animal continue à se développer après l'éclosion. J'ai étudié plus particulièrement la disposition du tube intestinal, la forma- tion du foie et la glande de la viscosité, ou plutôt la glande rénale, comme il convient mieux de l'appeler. La coquille s’accroit avec assez de lenteur. Elle avait, sur des 4° série. Zooz. T. XVII. (Cahier n° 4.) t 13 194 LEREBOULLET, Limnées âgés de quinze jours, 1°°,60 de longueur, tandis qu’elle mesurait, à l’éclosion, 1"",30. Sa forme est celle qui caractérise l'espèce à laquelle elle appar - tient; on la reconnait au volume considérable du premier tour de spire et à la forme ovalaire de sa bouche. Le bord de celle-ci com- mence à s’épaissir et la coquille tout entière a maintenant une dureté assez grande; on distingue bien ses stries d’accrois- sement. Cette coquille continue à s’enrouler et à augmenter le nombre des tours de sa spire. Le pied a la forme d’une languette triangulaire atténuée en arrière (fig. 96). Vu par transparence, il montre distinctement sur la ligne médiane une ligne plus elaire qui indique sa division primitive en deux parties symétriques. Les tentacules oculaires et les appendices buccaux ont la même forme et la même disposition qu'ils présentaient avant l'éclo- SION. Si l’on comprime, en la recouvrant d’une simple lamelle de verre, la partie antérieure du corps, on peut étudier la composi- ten des appareils que renferme cette région : le tube exsertile de la langue, avec son appareil corné, les yeux, les capsules auditives et les ganglions nerveux (fig. 94). Sur un Limnée âgé de huit jours, préparé comme je viens de le dire, le tube exsertile de la langue (fig. 94), renflé en boule en arrière, renfermait la langue recouverte de son appareil corné. L'aspect de celui-ci ressemblait à ce qu’il est chez adulte. I était composé d’un nombre considérable de séries linéaires de petits crochets recourbés en arrière en une pointe très effilée. Ces cro- chets, rangés régulièrement les uns à côté des autres, à des dis- tances égales , donnaient à la pièce un aspect strié longitudinale- ment et transversalement. Les séries moyennes dépassaient de beaucoup les autres en avant; les latérales allaient en diminuant de longueur, ce qui donnait à la pièce une forme effilée comme celle d’une fine languette. En arrière les crochets moins développés étaient à peine perceptibles; ils entouraient l'espèce de bulbe qui constitue la partie postérieure de l'organe, RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 195 On voyait au-devant du fourreau de la langue la pièce cornée, disposée transversalement en forme d’are, qui constitue la mâchoire supérieure de ces animaux. Elle commençait à montrer sur son bord concave des dentelures encore peu apparentes. Les yeux n’offraient rien de particulier ; le pigment violet était très abondant et cachait le cristallin. Les capsules auditives, placées à une certaine distance derrière les yeux, immédiatement au-devant des ganglions supérieurs, étaient remplies d’otolithes formant par leur réunion un noyau granuleux transparent; les granules les plus extérieurs étaient seuls en mouvement ; les autres restaient immobiles et semblaient former une petite masse compacte. Les capsules elles-mêmes offraient un double contour; elle mesuraient dans cette pièce 0"",05. Ces organes ne sont pas toujours faciles à découvrir, malgré le mouvement de leurs otolithes qui les fait-immédiatement recon- naître. Ils sont souvent cachés par les granules nerveux äceu- mulés en grande quantité dans cette région. Les dimensions des capsules auditives augmentent graduelle- ment depuis l’époque de leur apparition. Les plus petites que j'aie mesurées et dont je parle dans le chapitre précédent, avaient un diamètre de 0"",026; elles étaient encore très rapprochées du moment de leur formation, car elles ne renfermaient qu’une dizaine d'otolithes. D’autres à peu près du même âge mesuraient 0®",03. A l’éclosion leur diamètre était de 0"",05, comme dans la pièce dessinée fig. 94. Enfin, sur un individu âgé d’un mois, les capsules auditives avaient 0°",07. Nous avons vu, en traitant de la formation du système ner- veux, que celui-ci se montre d’abord sous la forme de cellules transparentes, très grosses relativement aux cellules embryon- naires, réunies en deux lobes symétriques au-dessus de la région céphalique. Ces cellules nerveuses ne sont sans doute que des organes préparatoires et ne constituent pas encore les éléments nerveux définitifs. En effet, vers l'époque de l’éclosion, on ne trouve, dans la région qu'occupaient ces cellules, que des amas de granules vésiculeux 196 LEREBOULLET. . jaunâtres dont l'aspect ressemble à celui de la graisse. Quand on comprime la pièce, ces amas se désagrégent et les granules qui les composaient se dispersent. Mais sur des embryons coagulés, ils se solidifient par la coagulation et se présentent sous la forme de corpuseules irréguliers, composés de granules transparents, asolomérés. Au milieu de ces éléments granuleux apparaissent quatre corps globuleux, d’un volume considérable, transparents, et munis, cha- eun, d’un noyau opaque (fig. 94). Ces corps sont disposés par paires, deux en avant plus petits, deux en arrière un peu plus gros. Ils mesuraient, dans la pièce que j'avais sous les yeux, les antérieurs 0"",15, les postérieurs 0"",20. Je n'ai pu distinguer aucun contenu dans ces sphères ; leur noyau était mat et ne ren- fermait aucun granule. Présumant que les quatre sphères en question représentaient à l'état rudimentaire les ganglions supérieurs et inférieurs qui gar- nissent, dans l'adulte, le collier nerveux œsophagien, j'ai examiné, à l’aide de la compression, la région antérieure du corps d'un Limnée âgé de deux mois, et j'ai trouvé, en effet, dans le même endroit, quatre corps sphériques offrant tous les caractères des ganglions nerveux des animaux inférieurs (fig. 104). Ces corps ganglionnaires étaient ovoïdes, leur plus grand dia- mètre ne mesurait que 0"”,22 ; ils n'étaient donc pas beaucoup plus gros que les précédents. Mais ils renfermaient les petites cel- lules nerveuses caractéristiques, désignées sous les noms de cel- lules nerveuses ganglionnaires ou globules ganglionnaires. Le diamètre de ceux-ci était de 0"",016. Ces ganglions étaient unis entre eux par une commissure transversale composée de fibres nerveuses très déliées qui s’épanouissaient en rayonnant sur les sphères ganglionnaires. D'autres faisceaux nerveux unissaient les sphères antérieures ou plutôt supérieures aux inférieures pour for- mer un anneau. Je n’ai pas eu le temps de suivre le développement de ce sys- tème nerveux céphalique, pour chercher à déterminer le rapport qui existe entre les premiers corps sphériques de la figure 54, qui ont encore le caractère de cellules, et ceux de la figure 104 qui RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 197 sont de vrais ganglions, ni pour voir ce que deviennent les gra- nules vésiculeux qui entourent ces sphères. Il est remarquable que les ganglions commencent par être de véritables cellules, et que les dimensions de ces dernières égalent, dès leur apparition, celles des ganglions eux-mêmes quand ils sont remplis de leurs cellules caractéristiques. Il y aurait à rechercher si les ganglions tout entiers sont primi- tivement de simples cellules qui se rempliraient peu à peu de cel- Jules ganglionnaires, et si les granules vésiculeux, de nature albu- nineuse ou graisseuse, ne fournissent pas les éléments de ces for- malions intérieures. La glande rénale que nous avons vue apparaître dans les parois du manteau sous la forme d’un sac étroit et long, fermé de toutes parts et entièrement composé de cellules, s’allonge peu à peu et forme bientôt comme une ceinture qui entoure les parties supé- rieure et moyenne du corps, en conservant son caractère de sac celluleux (fig. 95 et 96). L'extrémité gauche de cet organe tou- che au cœur, tandis que la droile se porte, en suivant la direction du manteau, jusque vers l’orifice respiratoire. La partie gauche s’élargit peu à peu et l'emporte bientôt en volume sur la partie droite. La première devient l’organe sécréteur, la seconde forme, dans la suite, le canal excréteur de la glande. A une époque assez avancée de la vie embryonnaire , lorsque l'embryon rampe contre les parois de son œuf, on remarque que la partie la plus élargie offre un aspect piqueté (fig. 84), dù à l'existence de granules blanchâtres, quand on regarde la pièce à l'aide de la lumière directe, mais noirs au contraire quand on la regarde par transparence. Ces petits corps granuleux se multi- plient et remplissent bientôt le sac sécréteur. Dans les Limnées éclos depuis quelques jours, ce sac a une forme cylindrique et sa partie gauche est littéralement remplie de ces granules (fig. 96). Ces derniers envahissent peu à peu le reste du sac, en se portant vers la partie rétrécie, mais celle-ci ne se remplit pas de granules et conserve sa transparence (fig. 99). Quand on déchire la glande rénale pour en étudier la structure, 198 LEREBOULLET. les grains qu’elle renferme tombent sur la plaque de verre, ce qui fait voir qu'ils sont libres dans l’intérieur du sac; il en reste cependant toujours un certain nombre encore fixés à ses parois. Ces grains sont de petits corps sphériques, de 0°”,04 dediamè- tre moyen, plus ou moins réguliers, blancs à la lumière réfléchie, noirs et presque entièrement opaques à la lumière transmise (fig. 400); leur centre seul est transparent. Je n’ai pu déterminer quelle est leur nature et s’ils doivent leur transparence à une ma- tière liquide ou à une substance cristalline. Quoi qu'il en soit, ce sont des produits de sécrétion et l’on peut suivre leur développe- ment dans les parois du sac qui les renferme. On voit, en effet, que ces parois sont composées de cellules qui en constituent l'épi- thélium (fig. 100). C'est dans ces cellules mêmes que les globules en question prennent naissance ef grossissent, ou, pour mieux dire, ee soni les cellules épithéliales elles-mêmes qui se transforment en ces corps sphériques, car partout où ils sont détachés, on voit le contour qui était occupé par la cellule, mais celle-ci n'existe plus (fig. 100). Vers l’âge de deux mois, la glande rénale, au lieu d’être un simple sae, offre un tissu lamelleux et comme feuilleté, qu'elle doit à l'existence de lamelles très minces qui se sont développées dans l’intérieur du sac. La structure de ces lamelles est la même que celle des parois du sac primitif, et les petits noyaux sphériques ont le même aspect et à peu près la même grosseur. Le cœur, situé à gauche de la glande rénale, acquiert, après l'éclosion, un tissu fibreux très serré. Ce cœur est, comme on sait, artériel, et se compose d’une oreillette et d’un ventricule. L’oreil- lette, en rapport direct avec le plafond de la chambre respiratoire dont elle reçoit le sang, est toujours plus transparente et à parois plus minces que le ventricule; son tissu est aussi moins fibreux et parait même se composer, en majorité, de cellules ; elle est donc à un degré de développement moins avancé que le ventricule. Celui-ci, en effet, est pour ainsi dire entièrement fibreux ; on ne distingue plus çà et là que quelques granules nucléaires extré- mement fins, restes des cellules dont il était primitivement com: RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 199 posé. Les fibres s’entrecroisent dans tous les sens et forment un feulré compacte ettrès serré. La même -structure se continue dans l'artère qui fait suite au ventricule, ce qui donne à celle-ci une assez grande résistance. Cetle artère est volumineuse et d’un diamètre à peu près égal à celui de l'intestin, du moins à l’époque de l’éclosion. J'ai vu, pendant la vie, que ce vaisseau offre des pulsations régulières indépendantes de celles du cœur. Le nombre de ces battements était, au mois d'août, de 100 par minute. Le tube digestif n’éprouve pas de changements essentiels après l'éclosion; il est muni de tous les appareils dont il a besoin pour fonctionner, et il entre, en effet, en action peu de temps après que l'animal a quitté son œuf. Seulement l'intestin s'allonge et forme de nouvelles anses. L’estomac, par suite des mouvements de tor- sion que le corps continue à exercer, se place de nouveau de ma- nière que l’orifice pylorique soit dirigé en arrière (fig. 97). L'in- testin duodénal remonte le long du sac stomacal, vers l'œsophage, contourne celui-ci et redescend pour former l’anse rectale. Cette singulière disposition s'explique très bien en admettant que la masse des viscères suit les mouvements dont nous avons parlé plu- sieurs fois. Le foie ne se montre avec ses caractères de glande biliaire que huit ou dix jours après l’éclosion. Nous avons parlé, dans le chapitre précédent, des transforma- tions remarquables de la masse vitelline. Nous avons vu qu'elle disparaît peu à peu et successivement d’avanten arrière, et qu’elle est d’abord remplacée immédiatement par des amas de globes endogènes contenant, chacun, une infi- nité de petites vésicules. Ces globes paraissent faire place, à leur tour, à de véritables cel- lules qui entourent le tube digestif (fig. 94 et 9%). Quelques jours après l’éclosion, la substance celluleuse, au milieu de laquelle le tube alimentaire est plongé, se compose de petites masses qui offrent un aspect granuleux semblable à celui que présente la figure 91, quand on regarde la préparation à l'aide d'un faible grossissement; mais ces petites masses, qui ont 200 LEREBOULLET. remplacé les globes cénérateurs où endogènes, sont en réalité composées de cellules (fig. 93). Celles-ci sont formées d’une enve- loppe, avec un conténu granuleux, et d’un noyau (fig. 93 &) ; elles ont un diamètre de 0,02, en moyenne, car 1l y en a de beaucoup plus petites ; leur couleur est pâle, grisâtre. Parmi ces.amas de cel- lules on trouve encore, mais en très petit nonbre, des corps irré- guliers, piquetés, dernières traces des anciens corps vitellins. J'ai revu les mêmes formations sur des Limnées de différents âges, depuis quelques jours avant l’éclosion jusque huit ou dix jours après. Das les individus qui ont dix ou quinze jours d'âge, les cellules précédentes sont colorées en jaune; ce sont, alors seulement, de vraies cellules biliaires. Ces cellules d’un beau jaune tirant sur le brun sont disposées en petits amas ou lobules autour des intestins. Leur diamètre varie entre 0"",02 et 0"",04. Elles renferment un gros noyau muni lui-même d’un petit nucléole vésiculeux. Autour du noyau se trouvent des granules de deux sertes : les uns, colorés en jaune brun, sont petits et nombreux, ils forment le contenu principal de la cellule; les autres sont de très petites vésicules d'apparence graisseuse, réunies en paquets plus ou moins gros, au milieu des précédents (fig. 97 et 98). C’est à partir du moment où les cellules biliaires sont formées qu'on peut regarder le développement comme terminé, du moins en ce qui concerne les organes de nutrition et ceux de relation ; je n'ai pas étudié le développement des appareils reproducteurs. Il me semble suffisamment démontré que l'appareil désigné par les auteurs sous le nom de foie, dans l'embryon des Mollusques, ne mérite pas celte dénominalion, mais doit être assimilé au vitel- lus. Les vésicules dont il se compose sont pleines d’un liquide al- bumineux qui sert à la nutrition de l'embryon. Vers la fin de la vie embryonnaire, ces mêmes vésicules changent de nature : elles produisent des éléments nouveaux qui se transforment en cellules biliaires, et cette transformation coïncide avec le moment où l’ani- mal commence à introduire dans ses organes digestifs de vérila- bles aliments pris hors de lui. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE, 201 Résumé du cinquième chapitre. 1. La forme de la coquille du Limnée qui vient d’éclore est celle qui caractérise le genre auquel il appartient. 2. Les tours de spire continuent à se former après l’éclosion. 3. Le pied montre encore sa forme symétrique par la présence d’une ligne médiane transparente. k. Après lPéclosion, l'appareil corné de la langue ressemble à celui de l'adulte ; il offre des stries transversales et des stries lon- gitudinales dues à la position régulière des crochets; ceux-ci mon- trent leur pointe recourbée. 5. La mâchoire supérieure existe et commence à montrer ses dentelures. 6. Les capsules auditives grossissent; le nombre de leurs oto- lithes augmente. 7. Les cellules nerveuses primitives sont remplacées par des granules vésiculeux et par quatre sphères nerveuses ganglionnai- res, deux supérieures et deux inférieures. 8. Ces globes ont d'abord l’aspect de véritables cellules à noyau, sans autre contenu appréciable. 9. Ils se remplissent d'éléments nerveux ganglionnaires, sans augmenter sensiblement de volume, et alors ils sont unis par des commissures nerveuses composées de fibres. 10. Les petits granules ont l'aspect de vésicules de graisse; ils forment, par leur réunion, des amas de couleur jaunâtre. 11. Cependant ils se coagulent par les acides et forment alors des grumeaux opalins contenant de très petites vésicules transpa- rentes. 12. La glande rénale s’allonge; sa moitié gauche se renfle en sac sécrétoire, tandis que sa moitié droite conserve son étroitesse et se change plus tard en canal excréteur. 13. La partie sécrétoire de cette glande se remplit de corpus- cules sphériques, solides, d’une nature particulière (produit de la sécrétion). 14. Ces corps nucléiformes sont produits par les cellules épi- 202 LEREBOULLET, théliales de la glande ; ils naissent dans ces cellules, grossissent, et, quand ils ont atteint une certaine dimension, ils se détachent des parois de la glande et tombent dans sa cavité. 15. Le sac rénal devient dans la suite lamelleux. Les lamelles dont il se compose fonctionnent comme les parois du sae pri- mitif. 16. Les deux cavités du cœur se distinguent par leur structure. L’oreillette, plus transparente, a une composition plutôt eellu- leuse que libreuse. Le ventrieule, au contraire, est essentiellement fibreux. L'oreillette est donc à un degré de développement moins avancé que le ventricule. 17. L'artère aorte est volumineuse; elle est fibreuse comme le ventricule et offre des battements indépendants. 18. L'intestin continue à s’allonger et à s’enrouler sur lui- même. 19. Le foie ne montre ses caractères d'appareil biliaire que dix ou quinze jours après l’éclosion. 20. Les cellules provenant de la transformation des vésicules vitellines sont d’abord très petites et pâles. 21. Ces mêmes cellules grossissent et se remplissent de gra- nules particuliers qui les colorent en jaune, D'autres granules d'apparence graisseuse sont réunis en petits amas dans les cellu- les les plus avancées, c’est-à-dire dans les plus grosses. 22, Quand cet appareil biliaire est formé, l'animal prend de la nourriture autour de lui et ses organes digestifs entrent en fonction. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 11 (n° 1). Fig. 4. Germe de 0*,12 de diamètre appartenant à un œuf récemment pondu. Grossissement, 150 diamètres. Fig. 2. Le même comprimé et rompu, montrant les éléments granuleux dont il se compose et deux vésicules centrales de l'œuf. Même grossissement. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 203 Fig. 3. Les deux vésicules centrales de l'œuf précédent grossies 300 fois. Fig. 4. Les mêmes vésicules une demi-heure plus tard; l'une d'elles est double de l’autre ; 300 diamètres. Fig. 5. Portion de la substance du germe un peu avant le commencement de la segmentation ; 200 diamètres. a, vésicules plastiques; b, granules. Fig. 6. Commencement de la segmentation; 150 diamètres. a, vésicule en dehors du germe. Fig. 7. Les deux sphères précédentes en train de se séparer. Même grossisse- ment. Fig. 8. Commencement de la période de concentration ; les deux sphères se sont rapprochées. Fig. 9. Contenu de chaque sphère à une époque un peu plus avancée; 300 dia- mètres. a, vésicules plastiques ; b, granules ; c, vésicules cytoblastiques. Fig. 40. Les deux vésicules de chaque globe de segmentation au moment de la deuxième séparation de ces globes; 200 diamètres. Fig. 44. Division en quatre sphères ; 150 diamètres. Fig, 12. Les quatre sphères entièrement séparées ; on voit entre ces sphères une grosse vésicule transparente ; 150 diamètres. Fig. 43. Rapprochement des quatre sphères précédentes (période de concen- tration); 450 diamètres, On a figuré en a une vésicule cytoblastique isolée. Fig. 14. Seconde séparation des quatre sphères ; chacune d'elles renferme deux vésicules cytoblastiques ; 450 diamètres. Fig. 45. Un germe comprimé montrant quatre sphères entre les quatre globes extérieurs ; ceux-ci sont déformés et agrandis par la compression. Fig. 16. Segmentation en 8 et préparation des quatre sphères extérieures à une nouvelle division. Fig. 47. Segmentation en 16, le germe étant comprimé par une lamelle de verre; les globes intérieurs sont écartés de leur position naturelle par l'effet de la compression ; 200 diamètres. Fig. 18. Germe composé de vingt sphères égales, vu dans l'eau; 200 diamètres. Fig. 49. Vésicules cytoblastiques d'un autre germe un peu plus avancé que le précédent et composé de sphères inégales. a, cytoblaste d'une sphère exté- rieure, b et ce, cytoblastes des sphères intérieures. Fig. 20. Globes générateurs d'un œuf du deuxième jour, grossis 300 fois. a, globe générateur de la vingt-sisième heure, contenant deux cytoblastes espacés, ce globe allongé est destiné à se diviser en deux ; b, globe du même âge contenant un gros cytoblaste et deux petits ; c, globe dela vingt-neuvième 204 LEREBOULLET. heure, montrant des vésicules plastiques en grand nombre, la plupart simples, quelques-unes avec leur nucléole et une vésicule cytoblastique; dd’, globes de la quarante-cinquième heure, montrant l’un, d, une grosse vésicule cen- trale, l'autre, d', deux vésicules séparées dont le diamètre est moitié du diamè- tre dela vésicule précédente. Fig. 21, Germe vivant, à la fin du second jour ; 250 diamètres, Ce germe vu dans l'eau montre un commencement de diffluence. Fig. 22. Germe embryonnaire coagulé, observé à la cinquantième heure (com- mencement du troisième jour). Ce germe montre la formation du sac alimen- taire primitif ; grossissement 200 diamètres. (La fossette gastrique existait déjà à la quarante-troisième heure, seulement elle était plus étroite et le germe de forme sphérique.) Fig. 23. A. Cellules périphériques du germe précédent, formant l'enveloppe extérieure de ce germe ; 200 diamètres. B. Un ‘globe générateur du même germe ; même grossissement. Fig. 24. Cellules intérieures d'un germe âgé de quarante-trois heures; 300 diamètres. a, cellules formant les parois du sac digestif (cellules gastri- ques); b, une de ces cellules en voie de division; c, cellules allongées beaucoup plus petites et très pâles. Fig. 25. Disque embryonnaire coagulé, âgé de soixante et une heures (milieu ques); du troisième jour), vu par en haut, pour montrer l'étendue de la fossette dont il est creusé ; 200 diamètres. Fig. 26. Embrvon vers la fin du troisième jour, un peu plus avancé que les précédents et montrant le mode de fermeture du sac primitif ; 200 diamètres. a est le rebord de la fossette primitive; b, ce, les deux autres côtés du triangie buccal; det e, les deux renflements qui tendent à se rapprocher ; f, la gouttière qui résulte de leur écartement ; g, orifice buccal. Fig. 27. Embryon de trois jours vu frais, sorti de l'œuf et mis sur une plaque de verre ; 200 diamètres. a, partie animale de l'embryon, b, bouche ; c, rai- nure transparente résultant du rapprochementdes deux moitiés du sac digestif ; d, sphères génératrices qui entourent la bouche. Fig. 28. Cellules qui composent l'embryon précédent; 200 diamètres. a, globes générateurs sphériques placés autour de la bouche; b, globes générateurs allongés ; c, cellules périphériques composant la paroi de la région dorsale ; d, cellules; de la région ventrale ou inférieure (oartie qui formera plus tard le pied): ee, cellules de l'intérieur du sac, | PLANCHE 42 (N° 2). Fig. 29. Embryon de deux jours et vingt et un heures ; 200 diamètres. a, côté RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 205 antérieur (inférieur) de l'embryon, constituant sa partie animale; b, côté pos- térieur (supérieur) formé de deux lobes séparés par une rainure ; c, bouche. Fig. 30. Embryon de trois jours et demi, vu par sa partie supérieure ; 200 diamètres. a, bouche; b, commencement du pied; ec, cellules périphé- riques appartenant à la région végétative de l'embryon: Fig. 31. Embryon de trois jours seize heures ; même grossissement et même signification des lettres. Fig. 32. L'embryon précédent vu par sa face opposée. a, région anale; b, cou- ronne de grosses cellules; c, pied rudimentaire représenté par une saillie en forme de carène peu saillante ; d, cellules végétatives périphériques. P 1 ? D Fig. 33. Globes générateurs des vésicules vitellines et des cellules embryon- naires, du quatrième au cinquième jour; grossissement 400 diamètres. 1, 2, deux globes générateurs périgastriques contenant de jeunes vésicules vitellines en voie de formation aa et une vésicule cytoblastique b (embryon de trois jours et demi). 3, globe générateur contenant des vésicules vitellines plus avancées que les précédentes (commencement du cinquième jour); aa, vésicules vitellines ; b, vésicule cytoblastique ; c, jeune cellule. 4, 5, autres globes générateurs périgastriques contenant des vésicules vitellines à difté- rents degrés de développement (quatre jours et demi); a et b, comme précé- demment. 6, globe générateur contenant deux cellules et une vésicule cyto- blastique. 7, cellules embryonnaires en voie de formation (trois jours et demi). 8, les mêmes cellules dans un embryon un peu plus âgé. Fig. 34. Embryon coagulé et ouvert, pour montrer le sac digestif (trois jours dix-neuf heures); 200 diamètres, a, enveloppe extérieure; b, sac digestif; c, groupe de cellules formant la paroi intérieure de ce sac; ces cellules sont grossies 300 fois. Fig. 35. Embryon au commencement du cinquième jour (quatre jours sept heures), coagulé. a, anneau buccal ; b, pied faiblement bilobé ; grossissement 100 diamètres. Fig. 36. Embryon du cinquième jour (du 44 août) vivant, contenu dans son œuf; 200 diamètres. a, région dorsale ou vitelline; b, région ventrale ; ce, moitié antérieure; d, moitié postérieure. Fig. 37. Quelques cellules de l'embryon précédent grossies 300 fois. a, cellules périphériques ; b, cellules périgastriques ayant une vésicule vitelline ç, qui les remplit presque en totalité et qui a refoulé les granules vers l'une des extrémités. Fig. 38. Groupe de cellules embryonnaires qui forment l'enveloppe du corps ; 500 diamètres. Fig. 39. Vésicules vitellines coagulées; 500 diamètres, 206 LEREBOULLET. Fig. 40. Embryon du sixième jour, vivant, contenu dans son œuf. à, pied bilobé ; b, enveloppe du corps; ce, les deux saillies latérales formées par cette enveloppe au-dessus du pied; d, masse centrale transparente composée de vésicules vitellines. Fig. 41. Embryon âgé de cinq jours vingt-deux heures grossi 200 fois. a, pied ; b, enveloppe du corps ; c, bouche. Fig. 42. Globes générateurs d’un embryon du sixième jour, grossis 200 fois; ces globes contiennent des vésicules plastiques. Fig. #3. Embryon de cinq jours cinq heures reposant un peu obliquement sur son côté droit et montrant son ouverture buccale entourée d’un bourre- let; grossissement 250 diamètres, «, b, e, comme dans la figure 41. Fig. 44. Le même embryon placé sur le dos et montrant l'ouverture anale; même grossissement. a et b, comme ci-dessus ; c, extrémité postérieure du corps avec l'ouverture anale d. Fig. 45. Embryon de six jours vingt heures, vivant, mais sorti de l'œuf ; 100 diamètres. h, partie postérieure du corps séparée du pied par une échan- crure; b, pied ; c, vitellus (foie des auteurs) composé de deux lobes. Fig. 46. Embryon du même âge que le précédent, coagulé, grossi 450 fois. a, tube buccal faisant saillie en avant du corps ; 1 {”, deux éminences latérales qui deviendront les tentacules ; bb", deux plaques symétriques, blanches, vues par transparence, formant les deux moitiés ou lobes primitifs du pied ; k, dis- que inférieur ou sous-gastrique formé par une couche de substance animale ; c, partie supérieure ou convexe du corps représentant la portion végétative de l'embryon. Fig. 47. Tube rectal vu dans sa position naturelle, tel qu'il fait saillie dans l'intérieur de la cavité commune et montrant sa continuité avec la peau exté- rieure; 200 diamètres. p, peau extérieure repliée ; q, orifice interne du tube rectal. Fig. 48. Embryon de la fin du septième jour, un peu retardé par la saison (19 octobre) , 150 diamètres. La partie organique de l'embryon ou le vitellus est bien distincte de la partie animale située au-dessous. a, bouche ; b, pied ; c, vitellus; d, anus. Fig. 49. Autre embryon de la fin du septième jour, plus avancé. On voit l'ori- gine du manteau sous la forme d'un bourrelet e; le rectum g et l'estomac / sont encore séparés ; a, b. c, comme plus haut. 100 diamètres. Fig. 50. Embryon la deuxième moitié du huitième jour, rendu transpa- rent par l'ammoniaque ; 400 diamètres. Même signification des lettres que dans les figures précédentes. Fig. 51. Embryon âgé de huit jours, vivant, vu obliquement du côté gauche, RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 207 pour montrer la saillie que forme sur le dos la portion vitelline c; p, portion animale de l'embryon ; b, pied. PLANCHE 13 (N° 3). Fig. 52. Embryon âgé de neuf jours, coagulé, vu du côté droit ; 100 diamè- tres. b, pied ; c, vitellus; e, bourrelet du manteau. Fig. 53. Embryon du dixième jour, vu par sa région inférieure, en partie, grossi 75 fois. À, coquille ; à, dépression qui indique le commencement de la formation de la chambre respiratoire ; k, origine des tentacules oculaires ; betc, comme plus haut; h', la coquille vue par sa face interne ; 4”, la même de profil. Fig. 54. Peau de l'extrémité postérieure du corps d'un embryon du onzième jour, recouverte par la coquille ; 200 diamètres. Les cellules allongées du bord correspondent au bourrelet marginal du manteau. Fig. 55. Masse buccale d'un embryon de la fin du onzième jour (dix jours seize heures), pour montrer sa constitution cellulaire et la couronne de cellules allongées dont est garnie l’entrée de la bouche a ; grossissement!200 diamètres. Fig. 56. Embryon de dix jours seize heures, coagulé, vu du côté droit; 75 dia- mètres. L b', les deux lobes du pied repliés sur eux-mêmes par l'effet de la coagulation; ti’, rudiments des tentacules oculaires; k, partie postérieure du corps faisant saillie dans l'espace circonscrit par le bourrelet palléal e; ce, vitellus. Fig. 57. Autre embryon du même âge, vu par sa face inférieure; 75 diamètres. k', coquille ; les autres lettres comme précédemment. Fig. 58. Tube digestif de l'embryon précédent ; 400 diamètres. « 4/, les deux lobes de la masse buccale ; ?, pharynx ; m, glande salivaire ; n, estomac ; o, rec- tum. {L'estomac est représenté tel qu'on le voit par transparence; c’est une cavité ovalaire transparente, dont les parois sont renforcées par deux bandes musculaires d’une certaine épaisseur indiquée par deux lignes parallèles.) Fig. 59. Embryon de onze jours pleins, coagulé et vu par sa face inférieure ; 75 diamètres. Les lettres ont la même signification que dans les figures pré- cédentes ; k', la coquille séparée du corps. Fig. 60. Autre embryon de onze jours, vu de profil du côté droit, coagulé comme les précédents ; 75 diamètres. L'extrémité postérieure k commence à se contourner. Fig. 64. Frange vibratile du manteau d'un embryon du même âge prise dans le voisinage de l'ouverture respiratoire; 300 diam. a, cellules allongées du bord du manteau; un petit nombre de ces cellules sont garnies de cils vibratiles ; b, cellules du corps du manteau. 208 LEREBOULLET. Fig. 62. Autre portion du corps du manteau d'un embryon du même âge, sans cellules vibratiles; même grossissement. a, bord libre du manteau; b, cel- lules du corps de cet organe. Fig. 63. Embryon âgé de douze jours dix-neufheures, vu vivant et dessiné pendant qu'il tournait dans son œuf ; 50 diamètres. ii’, les deux tentacules oculaires ; b, pied vu à travers le corps: cc”, les deux moitiés symétriques du vitellus (foie des auteurs) ; 00’, cœur (0, oreillette; o', ventricule). Fig. 64. Embryon du même âge, coagulé, vu de profil du côlé droit; 40 dia- mètres. Les lettres ont la même signification ; p, chambre respiraloire qui commence à devenir apparente; g, œil; #', coquille dessinée séparément ; elle commence à former un crochet assez marqué. Fig. 65. Embryon de quatorze jours quinze heures, coagulé, vu par le dos ; 50 diamètres. ii’, tentacules oculaires; /l', tentacules buccaux: qg, amas de cellules nerveuses disposées symétriquement. Les autres lettres comme précé- demment. Fig. 66. Le même vu du côté droit; même grossissement. On voit les cellules nerveuses pénétrer dans l'intérieur du tentacule oculaire ; au-dessous de l'œil, ces cellules se continuent pour former le collier œsophagien. r, glande rénale, s, intestin; les autres lettres comme ci-dessus. Fig. 67. Amas de cellules nerveuses grossies 200 fois; à côlé se voient deux cellules grossies 400 fois. Fig. 68. Formation des crochets de la langue vus dans le tube buccal d'un embryon de seize jours (du 31 octobre). La rangée de droite montre l'indice d'une nouvelle série qui commence à se former. Grossissement 500 diamètres. Fi. 69. Embryon de dix-sept jours (octobre), vivant, vu du côté gauche; 30 diamètres. Les lettres ont la même signification que dans les figures précédentes. On a indiqué par des points le mouvement vibratile des cils qui garnissent la bouche. Le liquide contenu dans les corps vitellins c est très diffluent, ce qui donne au vitellus un aspect particulier. Fig. 70. Bord du pied de l'embryon précédent, pour montrer les cellules cylin- driques allongées qui se garnissent plus tard de cils vibratiles; #00 diamètres. Fig. 74. Groupe de cellules composant la substance du pied ; 400 diamètres. PLANCHE 414 (n° 4). Fig. 72. Embryon du dixième jour (mois d'août) plus avancé que les précédents, coagulé et vu par sa face inférieure. On aperçoit les yeux par transparence à travers les lobes buccaux {l'; grossissement 50 diamètres. Fig. 73. Portion du tube intestinal de l'embryon précédent. !, masse buccale ; u, œsophage ; v, estomac ; æ, portion de l'intestin recourbée en anse. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 209 Fig. 74. Embryon de quatorze jours (septembre), vu par sa face inférieure, coagulé; 40 diamètres. On voit le pied b bilobé en avant, simple en arrière. Le bourrelet du manteau e est complétement replié et limite l’orifice respira- toire p. Fig. 75. Le même, vu obliquement par sa région dorsale (coagulé). Cette posi- tion est destinée à montrer comment le manteau s’avance en forme de voüle au-dessus des parties antérieures du corps. r, glande rénale; s, intestin. Fig. 76. Glande rénale (glande de la viscosité) grossie 200 fois. On voit que cette glande n'est encore qu'une simple utricule allongée, fermée de toutes parts et composée de cellules homogènes. Fig. 77. Embryon de dix-sept jours treize heures (du 21 octobre), vu du côté droit, coagulé ; 50 diamètres. Cet embryon commence à se contourner en spi- rale. La coquille k' s'étend jusqu'aubourrelet du manteau ; on distingue l'œæso- phage g, l'estomac f et l'intestin s. Les autres lettres comme précédemment. Fig. 78. Embryon de vingt jours (fn d'octobre), un peu plus tourné à droite que les précédents: 50 diamètres. On voit plus distinctement l'estomac et l'intestin ; on voit mieux aussi le prolongement du pied en languette et la di- rection de la spire. Fig. 79. Embryon du quatorzième jour (août) aussi avancé que les précédents, coagulé et vu par devant, pour montrer la voûte que forme le manteau. o est la place qu'occupait le cœur. Fig. 80. OEil d'une embryon du même âge, comprimé et grossi 450 fois. On voit le cristallin sorti, par l'effet de la compression, de la masse des granules choroïdiens au milieu desquels il était enfoui. Fig. 81. Tube buccal avec l'appareil corné de la langue; 300 diam. Fig. 82. Embryon âgé de vingt-deux jours (octobre), vu obliquement du côté droit, l'extrémité postérieure du corps redressée, pour montrer la direction de la spire ; 50 diamètres. Même signification des lettres ; k est l'extrémité posté- rieure du corps qui commence à s'enrouler pour former la spire. Fig. 83. Corps vitellins, en voie de métamorphose, d'un embryon de vingt- deux jours : 200 diamètres æ a’, gros corps vitellins ordinaires, le corps a” ren- ferme une petite vésicule d'apparence graisseuse; b, une des vésicules granu- leuses qui entourent le tube intestinal; c, autre vésicule de la même région remplie de vésicules transparentes : d, globules graisseux. Fig. 84. Embryon de vingt-quatre jours dont le côté gauche est tourné en haut, vers l'observateur: l'animal était vivant, mais sorti de son œuf; on voit la position de l'intestin et la direction de la spire. Fig. 85. Embryon coagulé el déroulé, vu par son côté abdominal, pour montrer le mode d'enroulement de la spire et la quantité proportionnelle des cellules 4° série. Zooc. T. XVIII. (Cahier n° 4 ) ? 1% 210 LEREBOULLET. vitellines. Ces dernières forment le tiers postérieur du corps, c'est-à-dire toute la portion enroulée. On voit en m plusieurs vésicules vitellines rendues granuleuses par la coagulation. PLANCHE 14 BIS. Fig. 86. Embryon de vingt-six jours, vivant et renfermé dans son œuf. On distingue bien la position relative de l'estomac et de l'intestin. Même signifi- cation des lettres que dans les figures précédentes. Fig. 87. Tube intestinal extrait d'un embryon du même âge que le précédent, pour montrer la direction que prend l'intestin. a, œsophage ; b, estomac; c, origine de l'intestin ; d, anse postérieure ou rectale ; e, rectum. Fig. 88. Tube alimentaire d'un embryon de vingt-six jours, grossi 400 fois ; l'intestin a été reporté vers la gauche. a, tissu de la région céphalique ; bb, tentacules oculaires; ce, yeux; d, bouche ; e, tube buccal ou trompe exsertile contenant la langue avec son revêtement corné ; ff', glandes sali- vaires ; g, œsophage ; h, estomac ; ii’, appendices pyloriques; k, région duo- dénale de l'intestin ; !, intestin; l', portion de ce dernier grossie 200 fois pour montrer l'épithélium cylindrique qui le garnit. Fig. 89. Corps vitellins d'un embryon de vingt-cinq jours, coagulés et grossis 100 fois. Ces corps sont remarquables par leur agglomération en forme de pyramides dont le sommet touchait à l'intestin et par les granules dont quel- ques-uns étaient remplis. Le corps vitellin a renfermait une petite masse granuleuse circonscrite, de forme sphérique. Fig. 90. Embryon à l'éclosion âgé de trente-cinq jours (octobre), grossi 55 fois. Il est encore dans sa coque, mais celle-ci est flasque, plissée et sur le point d'être déchirée, La spire forine un tour entier. aa, la membrane de l'œuf ; b, pied ; c, estomac; d, intestin ; e, vitellus très apparent dans le sommet de la coquille (tortillon); f, cœur ; g, glande rénale. Fig. 91. Tube intestinal d'un Limnée au moment de l'éclosion, étalé pour mon- trer les éléments qui l'entourent, Ces éléments sont des corps vitellins en train de se changer en cellules hépatiques; grossissement 150 diamètres a, œso- phage; b,estomac ou gésier avec ses deux masses musculaires parallèles b/ b’ et son tube moyen transparent, continuation de l'œsophage; c, duodénum ; dd/, les deux cæcums duodénaux ; ee, masse granuleuse péri-intestinale ; ff', deux masses albumineuses coagulées ; g, amas de globes générateurs endogènes ; h, amas de corps vitellins qui formaient le tortillon; 4, rectum; g', un globe générateur endogène du groupe g grossi 300 fois. Fig. 92. Portion antérieure du tube alimentaire d'un autre Limnée qui venait aussi d’éclore; 300 diamètres k, cellules biliaires commençantes ; les autres lettres comme pour la figure précédente, RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LIMNÉE. 9211 Fig. 93. Cellules biliaires situées autouf de l'intestin dans un individu éclos depuis plusieurs jours, grossies 75 fois. Ces cellules ont remplacé la substance granuleuse qui se voit en ee’ dans la figure 91. a, deux de ces cellules gros- sies 300 fois. Fig. 94. Partie antérieure du corps dun Limnée, huit jours après l'éclosion, comprimée par une lamelle de verre ; 45 diamètres a, tube buccal rentré, con- tenant l'appareil corné de la langue ; b, mâchoire supérieure cornée : cc’, les deux tentacules comprimés ; dd, yeux ; ee, capsules auditives ; ff, ganglions supérieurs ; f’ f’, ganglions inférieurs dérangés de leur position naturelle par la compression ; g gg, substance nerveuse rudimentaire; e!, une capsule auditive grossie 160 fois, avec ses otolithes. Fig. 95. Limnée âgé de quinze jours, dessiné vivant, pendant qu'il rampait sur la lame de verre; gross. 30 diamètres a, masse buccale ; b, tentacules ocu- laires; c, corps du Mollusque ; d, glande rénale vue par transparence ; d’, son canal excréteur ; €, intestin. Fig. 96. Le même individu vu par sa face inférieure, dessiné, comme le précé- dent, pendant qu'il rampe, Même signification des lettres. Le pied p, qui a sa forme définitive, montre un raphé longitudinal transparent qui indique sa composition symétrique primitive. Fig. 97. Tube digestif de l'embryon précédent dessiné frais; 50 diamètres k, masse buccale ; !, glandes salivaires ; m, portion du foie. Les autres lettres comme dans la figure 91. On remarquera le développement qu'ont pris les deux renflements musculaires de l'estomac. Fig. 98. Les cellules biliaires du foie précédent grossies 200 fois, dessinées fraîches. Fig. 99. Glande rénale d'un Limnée âgé d'un mois; 30 diamètres a, portion glanduleuse ; b, tube excréteur. Fig. 400. Un fragment de la portion sécrétoire de la glande précédente, grossi 400 fois. à, épithélium glanduleux ; b, corps sphériques provenant de la transformation des cellules glanduleuses; c, vides circulaires qui résultent du détachement des corps précédents. Fig. 104. Les deux ganglions cérébroïdes d'un Limnée âgé de deux mois’; 460.diamètres a a, les ganglions avec les cellules qui les remplissent ; bb, ori- gine des ganglions inférieürs; c, faisceau de fibres nerveuses servant de com- missure entre les deux ganglions; dd, autres faisceaux dé fibres qui vont des ganglions inférieurs aux supérieurs ; ee, faisceaux qui sortent desganglions. SUR L'EXISTENCE D'UN SYSTÈME NERVEUX COLONIAL CHEZ LES BRYOZOAIRES, Par M. Fritz MULLER (!). Chez les animaux qui vivent réunis intimement en famille ou colonie comme les bryozoaires (onu polyzoaires), on est souvent témoin de mouvements de la famille tout entière ou d'individus isolés, mouvements évidemment volontaires, mais résultant moins de la volonté des individus isolés que: d’une impulsion d'ordre supérieur paraissant émaner de la famille tout entière. M. Fritz Müller à Desterro a observé chez des Pedicellina que, lorsque des individus avaient été violemment arrachés, leurs pédoneules restés adhérents à la famille continuaient de se mouvoir durant des journées entières. Chez une autre espèce il à constaté des mouvements énergiques de pédoncules ne portant que des indi- vidus à l’état de bourgeons naissants. En face de l’organisation relativement élevée des bryozoaires, M. F. Müller a été conduit à se demander s’il n’existerait pas chez ces animaux, en outre des systèmes nerveux individuels, un système nerveux colonial appartenant à la famille tout entière et présidant aux mouvements d’un ordre général. La découverte dans la mer de Santa Catharina d'une Serialaria extrèmement transparente l’a mis en état de résoudre cette question par l’affirmative. Ce bryozoaire forme des colonies trichotomiquement ramifiées dont les branches sont chargées d'individus. Les branches sont parcourues par un tronc nerveux qui se repfle à l’origine de chacune d’elles en un ganglion basal. Ce tronc nerveux est en relation infime avec un plexus nerveux qui envoie des branches au ganglion basal de chacun des individus, et qui établit par conséquent une communication entre le système nerveux colonial et celui de chaque individu. (Biblioth. univ. de Genève, juin 1862.) -(1) Das Kolonialnervensystem der Moosthiere, nachgewiesen an Sertularia continhi ; von F. Müller (Archiv für Naturgeschichte, 1860, p. 341). MÉMOIRE UN ORGANE ‘TRANSITOIRE DE LA VIE FOETALE DÉSIGNÉ SOUS LE NOM DE CARTILAGE DE MECKEL, Par les docteurs E, MAGITOT et Ch. ROBIN, Membres de la Société de biologie, etc. (PLANCHE 16.) $ 1. — Préliminaires. Dans le cours des études que nous avons poursuivies pendant plusieurs années sur l’évolution embryogénique de l’appareil den- taire des mammifères, notre attention a été plus d’une fois attirée par certaines particularités anatomiques ou physiologiques des organes voisins de la mâchoire. Quelques-unes de ces particu- larités ont même été signalées chemin faisant dans un Mémoire publié spécialement sur La genèse et le développement des follicules dentaires (1), mais sans les développements qu’elles nécessitaient. Parmi elles nous noterons l'organe désigné sous le nom de carti- lage de Meckel dont les phénomènes d'évolution et les caractères anatomiques sont susceptibles d'offrir un certain intérêt, et nous semblent mériter une description spéciale et complète. Le cartilage de Meckel, organe transitoire de la vie intra-uté- rine, a déjà été signalé en Allemagne par plusieurs auteurs. En (1) Voy. Journal de physiologie, janvier, avril et octobre 1860 ; janvier et avril 4861, avec 6 planches. PAU E. MAGITOT ET CH. ROBIN. France, si l’on excepte M. Serres, son étude a été absolument omise par tous les anatomistes. Dès les commencements de nos études embryogéniques sur les maxilläires, il nous a été donné de l’observer et de le suivre pendant toutes les phases successives : de son évolution. Nous sommes donc en mesure aujourd’hui d’en tracer une histoire plus complète chez les Mammifères (1). Placé chez l'embryon, au centre des parties qui président au développement du maxillaire inférieur, le cartilage de Meckel parcourt les périodes de son existence temporaire dans l’espace qui s'étend de la fin du premier mois jusque vers le sixième mois de la vie fœtale chez l'Homme; tandis que chez les autres espèces mammifères où nous l'avons observé (Agneau, Porc, Veau), la durée de son existence est proportionnellement plus longue. Chez les Rongeurs, les Rats et les Souris, par exemple, il existe encore à la naissance sans trace sensible d’atrophie ; mais on sait que chez ces animaux la durée de la gestation n’est que de trois semaines. Apparaissant d’abord au sein du premier are viscéral sous forme d’une petite languelte carlilagineuse ogivale renflée aux deux extrémités, il a pour usage de servir à ce dernier de pièée squeleltique, et il subit par la suite une série de modifications de forme et de structure, qui ont pour conséquence l’atrophie com- plète de l’une de ses portions, dite extra-tympanique qui, jusque- là, était la plus considérable. Tandis que cette partie extra-tympanique ou médiane précède, (1) Meckel (Manuel d'anatomie. Paris, 1825, in-8°, trad. franç., t. III, p.499) décrit l'organe qui plus tard a reçu son nom, comme une apophyse carti- lagineuse du marteau, droite, cylindrique, en forme de cône allongé. Elle naît du côté antérieur de la tête du marteau, sort du tympan entre le cadre tympanal et le rocher, s'applique à la face interne de la mâchoire inférieure et s'étend jus- qu'à son extrémité antérieure où elle s’unit à celle du côté opposé. Ce cartilage ne s'ossifie jamais et disparaît dès le huitième mois; il est au-dessus de l'apophyse antérieure du marteau. Les Oiseaux, les Reptiles et les Poissons offrent un carti- lage semblable qui s'étend de la pièce postérieure de la mâchoire inférieure à l’antérieure Nous n'avons jamais retrouvé trace de ce cartilage au delà de la fin du sixième mois. Nous verrons aussi qu'il n'est pas une apophyse du marteau, mais au contraire que celui-ci se développe à l'extrémité de sa portion intra- tympanique postérieurement à l'apparition de cette dernière, CARTILAGE DE MECKEL. 915 puis accompagne le maxillaire inférieur au développement duquel il semble présider sans y participer directement, ses deux extrémités renflées, situées vers les parties latérales du crâne, représentent les pièces cartilagineuses du marteau de chaque côté. En même temps naissent au contact de celles-ci, par autogénèse indépendante, les cartilages dont l’ossification a pour résultat la formation de la chaîne des autres osselets de l'oreille moyenne. On comprendra dès lors quel intérêt s’attache à l’étude d’un organe qui, pendant son passage rapide dans le cours de la vie intra-utérine, joue un rôle dans l'évolution de parties de cetie im- portance. Toutefois, comme sa portion permanente ou tympanique en tant que pièce constituante de l'oreille moyenne a déjà été bien étudiée par plusieurs physiologistes, nous insisterons moins sur ce côté de son histoire, afin de nous occuper surtout de la portion transitoire de ce cartilage (4). $ II. — Description. Lorsque sur des embryons humains de quinze à dix-huit jours, d’une longueur totale de 16 millimètres environ, on cherche les traces de ce que sera un jour la mâchoire inférieure, on les trouve représentées par deux tubercules constituant les languettes d’ori- gine du premier arc viscéral. Les bourgeons maxillaires supé- rieurs, dont nous n'avons pas à nous occuper ici, sont placés au-dessus des précédents et se détachent de la même base en s’éle- vant jusqu’au prolongement de la cellule cérébrale antérieure. Ces divers bourgeons, à cette époque de l’évolution, ne con- tiennent encore aucune trace de parties dures, et sont compo- sés exclusivement d'une masse de noyaux embryoplastiques (1) Ce cartilage a été indiqué en 4827 par M. Serres, sous le nom de « maæil- laire inférieur temporaire qui part de l'oreille moyenne, où il se joint aux osselets de l’ouïe et se porte de là à la partie interne de la symphyse du menton », sous forme d'une longue pièce cartilagineuse, (Serres, Recherches d'analomie transcen- danta sur les lois de l’organogénie appliquées à l'anatomie pathologique, in Ann. des sc, nat, Paris, 4827, in-8°, t, XI, note de la p. 54.) 9216 E. MAGITOT ET CH. ROBIN. agelutinés à l’aide d’une petite quantité de matière amorphe fine- ment granuleuse, parcourue par des vaisseaux capillaires. - Les deux bourgeons maxillaires inférieurs, continuant leur développement, se réunissent sur la lèvre médiane du vingt-cin- quième au vingt-huitième jour environ, chez l'Homme, l'embryon ayant atteint une longueur de 48 à 20 millimètres. Au moment de la soudure des deux bourgeons, la mâchoire se présente alors cbez tous les Mammifères sous forme d’un petit are ogival à bord antérieur ou supérieur, mince et tranchant. Presque aussitôt que celle soudure est achevée, on voit naître par genèse directe au centre de l’are maxillaire une petite bande cartilagineuse (L), s'étendant sans discontinailé sur la ligne médiane dans toute la longueur de l’arc, et présentant à ses deux extrémités un léger. renflement. Cette petite bande est le premier vestige du cartilage de Mec- kel (2). (1) L'époque d'apparition du cartilage de Meckel chez l'embryon suit de près celle qui correspond à la naissance des cartilages des corps vertébraux autour de la notocorde. (2) Valentin (Handbuch der Entwickelungsgeschichte des Menschen. Berlin, 4855,in-8°, p. 213) considère le cartilage, prolongement ou apophyse de Meckel, comme poussant de la paroi postérieure de la cavité tympanique sous forme d'une verrue qui s'allongerait rapidement et atteindrait le côté interne de la mâchoire inférieure ; il se partagerait ensuite en enclume, marteau et apophyse de Meckel. Cette dernière s’étendrait dans une goutlière cartilagineuse de la mâchoire inférieure jusqu'à la ligne médiane pour s'unir à celle du côté opposé, ou se recourber sur elle-même et disparaître au huitième mois. Mais, ainsi que rous venons de le dire, ce cartilage naît dans le premier arc branchial ou viscé- ral, sur toute sa longueur, avaut la mâchoire, avant les pièces cartilagineuses des osselets de l'ouïe et ne pousse point d’arrière en avant.La gouttière maxillaire qui le loge n’est jamais cartilagineuse, et ne lui préexiste pas ; elle se forme, au con- traire, autour de la face externe de ce cartilage lorsque apparaît le maxillaire infé- rieur, et à mesure qu'il grandit. Lorsque du tissu cartilagineux s'ajoute aux extrémités de cet os, vers deux mois et demi, puis plus tard sur le bord de ses lames interne et externe, la face interne où se trouve la gouttière qui loge l'apo- physe de Meckel reste dépourvue de toute couche cartilagineuse. Cette gouttière n'est pas lapissée par le périoste maxillaire, qui, lorsqu'il est développé, passe par-dessus le cartilage et le tient appliqué contre celle-ci, CARTILAGE DE MECKEL. 97 Observé à cette époque du développement, le cartilage de Mec- kel présente les caractères suivants : Au sein d'une masse de tissu mou et transparent composant la partie molle de l’are viscéral, on aperçoit à un grossissement de 5 à 10 diamètres un petit cordon pâle et blanchâtre, qu'un peu d'habitude conduit à isoler assez facilement ou à distinguer des parties ambiantes dans une préparation légèrement comprimée entre deux lames de verre (1). Dès son apparition, ce petit cordon est de forme ogivale, com- posé de deux moitiés symétriques continues l’une avec l’autre sur la ligne médiane et s'étendant sur les côtés et en arrière jusqu’à la base de la cellule cérébrale moyenne. Là ce petit cartilage, encore mou et facile à écraser, se termine par une extrémité renflée, en tête arrondie, qui bientôt envoie une pointe mousse du côté du cou. Dès l’origine aussi il est resté facile à briser et comme légè- rement étranglé tout à fait sur la ligne médiane, de chaque côté de laquelle il est un peu plus large que dans le reste de son étendue le long de l’are viscéral (pl. 16, fig. 14 b). Il constitue la première pièce solide qui apparaisse dans cet are, auquel il sert à cette épo- que de soutien squelettique. Sa longueur varie selon les espèces animales de deux à quelques millimètres; elle est en rapport du reste avec la longueur du premier arc viscéral, et par suite avee celle des deux branches du maxillaire inférieur. Son épaisseur totale est de deux à cinq dixièmes de millimètre. A compter de son apparition jusqu'à une époque qui, selon les espèces, s'étend jusqu'aux deux tiers de la durée de la gestation ou même jusqu'aux premiers Jours qui suivent la naissance (Rats, Souris et autres Rongeurs), ce cartilage subit une série de modifi- (1) Ces préparations et celles des périodes ultérieures du développement du Cartilage de Meckel, ainsi que du maxillaire inférieur, peuvent être facilement conservées, en entourant la lame de verre mince de bitume de Judée, et prenant pour liquide conservateur la glycérine seule, ou mieux additionnée d'acide acé- tique, dans les proportions d’un quart à la moitié. Nous conservons ainsi depuis quatre ans de nombreuses pièces montrant ces organes et ceux de l'oreille moyenne à diverses phases de leur évolution chez les divers Mammifères que nous citons. 218 E. MAGITOT ET CH. ROBIN. cations incessantes. Ces modifications sont telles qu'à peine arrivé au summum de sa croissance qui coïncide avec le début de l’ossi- fication des cartilages du marteau et de l’enclume, il s’atrophie, puis disparait complétement, Pendant la durée de cette évolution ascendante puis décroissante pour la plus grande partie de sa masse, on voit naître la mâchoire inférieure au-dessus et en dehors de lui, puis les autres organes qui accompagnent cet os, et une fois développé il offre les caractères suivants. C’est un organe impair, symétrique, dont la forme générale est à peu près celle de la mâchoire inférieure développée, c’est-à- dire d'une ogive à sommet antérieur plus ou moins effilé. Sur la ligne médiane il est en continuité de substance avec la moi- tié congénère du côté opposé à celui que l’on considère; de là il s'étend jusqu'à la base du cràne au niveau de la cellule cérébrale moyenne, à la place que doit occuper l'oreille moyenne ou cavité du tympan. Là il est tout à fait sous-cutané d’a- bord, et bientôt il se trouve placé entre le cartilage de la por- tion pétrée du temporal et l'anneau tympanique lorsque celui-ci est développé. Dans le reste de son étendue il est placé au bord inférieur et interne du maxillaire, de sorte que, lorsque cet os nait, il se développe et descend en quelque sorte entre la peau et le cartilage de Meckel qui reste alors appliqué à la face interne de chacune des moitiés correspondantes de la mâchoire, dont il dépasse pourtant un peu le bord inférieur en raison de sa courbure, jusqu’au troisième mois, du moins chez l’homme (pl. 16, fig. 2). L’extrémité antérieure du cartilage est placée entre les bouts symphysaires des deux moitiés de la mâchoire, qu’elle dé- passe un peu en avant dans le principe, et même jusqu’à l’époque de la naissance chez les Rongeurs. Cette extrémité est un peu aplatie, et élargie verticalement en forme de spatule avec un léger rétrécissement sur le plan médian au point de continuité des deux moitiés l’une avec l’autre. Chaque branche cartilagineuse conserve cette forme, tant qu’elle est appli- quée contre la partie de la lame interne du maxillaire inférieur qui limite la gouttière des inçcisives, et de la canine chez quel- ques espèces. Ici elle prend une forme cylindroïde et se place CARTILAGE DE MECKEL. | 219 un peu au-dessous du fond de la gouttière des vaisseaux et des follicules dentaires, plus rapprochée du bord inférieur de l’os que du bord opposé (fig. 8). Il est des animaux, tels que les Rongeurs et les Ruminants, chez lesquels l'extrémité antérieure de chaque branche est peu aplatie et reste, au contraire, cylindroïde jus- qu'auprès de sa conlinuilé avec celle du côté opposé (fig. 6 b et fig, 9b). Chaque branche du cartilage est partiellement logée dans un pelit sillon lisse et régulier, dépourvu de périoste, que présente la moitié correspondante de Pos de la mâchoire, un peu au-dessous de la saillie bombée que forme la lame interne de la gouttière qui loge les follicules etles vaisseaux dentaires inférieurs, Le cartilage p’affecte aucun rapport de contiguïté avec ces derniers organes contenus dans le fond de la gouttière, Arrivé contre Ja branche montante du maxillaire, il passe au-dessous de l’orifice d'entrée des vaisseaux et nerfs dentaires (fig, 8 et 9), en se courbant un peu vers le haut (4). Il dépasse le bord postérieur de cette branche qu'il croise (fig, 4, 8 et 9) vers le milieu de sa hauteur, pour gagner le niveau de la caisse du tympan après un trajet de 1 à 5 millimètres environ, selon les espèces animales et l’âge du fœtus, (Dans ce trajet il plonge librement dans le tissu mou qui remplit l'intervalle compris entre la mâchoire et la région du tym- pan.) Sa longueur varie, en effet, sous ces derniers points de vue, de 42 à 95 millimètres et plus, sur une épaisseur de quelques dixièmes de millimètre à un millimètre. Il est néanmoins assez résistant, élastique et facile à disséquer. Sa moindre épaisseur se trouve sur le milieu de la ligne médiane où il est rétréci sous forme d'ineisure (fig. 5 et 41 à), puis vers le milieu de la longueur de chacune des mioitiés du maxillaire inférieur. L'extrémité auriculaire du cartilage se termine par le renfle- (4) La crête ou ligne myloïdienne, ou ligne oblique interne du maxillaire infé- rieur, est déjà développée chez l'Homme et même fort saillante vers le qua- trième mois, alors que le cartilage de Meckel est encore facile à disséquer et à isoler au-dessous d'elle. Le sillon du nerf mylo-hyoïdien correspond à peu près au bord supérieur du cartilage de Meckel au-dessus de la gouttière qui loge ce cartilage, Ces dispositions anatomiques n’ont par suite aucun rapport de simili- tude ni de succession avec le cartilage de Meckel, ni avec son sillon, 220 KE. MAGITOT ET CH. ROBIN. ment malléaire dont nous avons parlé (fig. 4 c). Les deux pièces encore cartilagineuses du marteau et de l’enclume (fig. 2, 5,6, 8, 9 et 11 m,e) se trouvent alors situées tout à fait derrière l'arc tympanique déjà pourvu de sa membrane (fig. 4, 6 et 10 m); elles sont au niveau du bord supérieur de cet arc, de sorte que la tête du marteau et le corps de l’enclume dépassent le bord de l’are, tandis que le manche du premier est adhérent par sa pointe à la membrane tympanique(fig. 2 n), disposition qu'on retrouve d’ail- leurs à peu près chez l'adulte, et la longue branche de l’enclume est placée derrière la pièce précédente, mais ne descend pas tout à fait aussi bas (1). Lors de son apparition, le tissu du cartilage de Meckel et des pièces de la chaîne du tympan est, comme celui du cartilage des vertèbres, plus foncé que les tissus ambiants, vus par transparence sous le microscope ; il conserve cet aspect général jusqu’à l’époque de l’apparition des maxillaires, alors il tranche par sa transparence relative sur le ton noirâtre presque opaque de ces os. Le tissu du cartilage est à son début formé, comme celui des autres organes cartilagineux, par des noyaux embryoplastiques très rapprochés les uns des autres, tenus écartés et réunis tout à la fois par une substance de la plus grande homogénéité et assez (1) Le cadre tympanal prend dès son apparition la forme très élégante d’une faucille fortement recourbée en demi-cercle à convexité tournée en bas et ouverte du côté des pièces solides du tympan. Il est plus mince et plus élargi dans sa partie antérieure qu'à l'autre extrémité qui est très aiguë ; il est plongé dans les tissus ambiants sans avoir de périoste propre. Il apparaît (vers la onzième semaine chezl'Homme et chez le Veau) par autogénèse sans être précédé par un cartilage de même forme, et ne commence à posséder un périoste distinct que’ vers l’époque de sa soudure à la portion pétrée du temporal, pour constituer le canal auditif externe osseux. C'est à tort que Burdach dit que le cadre du tympan paraît au deuxième mois et commence à s'ossifier à la fin du troisième mois (Physiologie. Paris, 4838, in-8°, t. III, p. 443), puisqu'il n’est jamais cartila- gineux. Bischoff dit plus exactement qu'il « paraît dans la onzième semaine, sous l'aspect d'une ligne osseuse très mince qui n’a aucune connexion avec les autres os du crâne, » (Bischoff, Développement de l'Homme et des Mammifères. Paris, 1843, in-8°, p. 405.) Du reste, à l'époque où il paraît, le temporal carti- lagineux ne présente encore aucun point osseux, et ce n'est que dans le troi- sième mois que le rocher commence à s'ossifier. CARTILAGE DE MECKEL. 291 tenace, si l'on tient compte de sa petite quantité entre chaque noyau. Cette matière amorphe représente la substance fondamen- tale du cartilage, et ainsi envisagée, on voit qu’elle est creusée de petites cavités remplies chacune par un des noyaux précédents, cavités représentant autant de chondroplastes. Peu de jours après l'apparition du cartilage de Meckel, la substance fondamentale est devenue plus abondante, et par suite les noyaux sont plus écartés les uns des autres; en même temps, ils ne remplissent plus à eux seuls la cavité qui renferme chacun d’eux; celle-ci s’est agrandie et une substance finement granuleuse, adhérente au noyau, com- ble chaque chondroplaste. En déchirant ou coupant en petits frag- ments le tissu cartilagineux, on parvient à vider ces cavités de leur contenu qui offre les caractères d’une petite cellule sphéroï- dale ou ovoïde. Plus tard les chondroplastes atteignent une largeur de 45 à 20 millièmes de, millimètre et prennent une forme irrégu- lièrement sphérique, ou polyvédrique, à angles mousses, rarement prolongés en pointe courte. Chacun d’eux est rempli par une cel- lule à À ou 2 noyaux, plus rarement deux petites cellules ayant chacune leur noyau et finement granuleuses. Cette structure, qui est celle des autres cartilages existant alors (colonne vertébrale, centre des membres), se retrouve jusque dans les cartilages du marteau, de l’enclume et dans celui de l'os lenticu- laire, qui alors est large de 2 à 3 dixièmes de millimètre ou environ. Ces cartilages, non plus que le prolongement de Meckel, n'ont pas de périchondre propre qui les entoure. Il faudrait se garder de prendre pour une couche de issu fibreux les rangées superficielles de chon- droplastes ; sur une épaisseur de 1 dixième de millimètre environ, en effet, ces cavités sont étroites, allongées, et disposées presque parallèlement les unes aux autres dans le sens du grand diamètre de l’organe, ainsi qu'on le voit à la surface de tous les cartilages, Il en résulte qu'elles donnent à cette portion de l'organe un aspect strié dont la véritable nature ne peut être déterminée que par l'examen sous un grossissement de 300 à 500 dia- mètres. On constate alors sur des coupes convenables que la superficie du cartilage offrant cette particularité de structure est lisse, facile à distinguer du tissu ambiant et que, profondément, 229 E. MAGÏTOT ET CH. ROBIN. ses chondroplastes deviennent de plus en plus larges et prennent graduellement les caractères décrits plas haut (4). Nous avons déjà dit que, lorsque le maxillaire est formé et le cartilage de Meckel partiellement logé dans le sillon de la face in- terne de cet os, il est appliqué directement contre la substance osseuse sans interposition de périoste. Il est maintenu contre ce sillon par le périoste de la mâchoire qui passe par-dessus cette longue branche du cartilage. $ II. — Modifications successives offertes par le cartilage de Meckel pendant la durée de son existence. Lorsque la première bande osseuse représentant lé maxillaire a atteint (chez l'Homme, par exemple) une longuear de 3 à / millimè- tres, le cartilage est légèrement plas mince dans sa partie moyenne qu’à ses extrémités auriculaires ou tympaniques et qu'à sa partie symphysaire. Celle-ci ést un peu élargie et on la trouve déjà chez (1) Ces particularités s'appliquent aux pièces cartilagineuses de la chaîne du tympan aussi bien qu'au prolongement de Meckel. C'est à tort que Burdach (loc. cit., 1838,t. III, p. #42) dit que « la cartilaginification débute au commence- ment du troisième mois, d'abord dans le marteau et l’enclume, puis dans l'étrier ». Ces organes sont cartilagineux dès leur apparition et ne passent pas par ün état antérieur à celui-ci. En ontre, toutes les pièces du squelette qui naissent cartila- gineuses apparaissent séparées, distinctes, et ce n'est que par suite de leur déve- loppement qu'elles se soudent lorsqu'un seul os doit résulter de la réunion de plu- sieurs pièces homotypes, comme le sacrum, etc. Cette soudure a lieu soit de bonne heure pendant qu'elles sont encore cartilagineuses, soit pendant l'ossification. Dans le sacrumles deux modes ont lieu successivement, la soudure desapopliyses transverses de très bonne heure, pendant l'état cartilagineux, et celle des corps vertébraux plus tard pendant leur ossification. C’est donc à tort que Burdach dit que le cartilage forme une masse indivise lorsque se développent plusieurs os immobiles les uns sur les autres, comme au crâne et au bassin (p. 408). Il ajoute que chaque cartilage a une enveloppe fibreuse mince; mais ce n’est qu’assez longtemps après l'apparition du cartilageavec sa forme propre que se développe ce périchondre ; jusque-là il est plongé directement dans les tissus ambiants et surtout il n’est pas précédé par cette partie fibreuse. CARTILAGE DE MECKEL. 298 l'Homme, les Ruminants et le Porc, disposée en forme de spatule recourbée en haut (pl. 16, fig. 44 b). L'extrémilé auriculaire, pourvue d’une tête globuleuse (1) d’un diamètre deux à trois fois plus considérable que la partie moyenne, est pouvue inférieu- rement d’un petit prolongement cylindrique à extrémilé mousse, Jong d'environ un 1/2 millimètre (manche du marteau). Elle forme avec la partie horizontale du cartilage un angle, et donne à cette tête la figure d’une massué (fig. 1). La lon- gueur totale du cartilage de Meckel, depuis l'extrémité symphy- saire jusqu’à la tête est, à cette époque de 8 millimètres environ, chez l'Homme, sur une largeur moyenne de 4/3 de millimètre. Le cartilage du marteau est en continuité de substance avec le pro- longement de Meckel, soit directement par sa partie supérieure renflée (fig. 9 m), comme chez les Rongeurs et les Ruminants, (1) Reichert (Ueber die Visceralbogen der Wirbelthiere. Archiv für Anat. und Physiol. Berlin, 1837, in-8°, p. 484) a montré que le prolongement ou cartilage de Meckel est par sa genèse le premier arc viscéral cartilagineux ; qu'il ne subit aucune métamorphose au delà de l'état cartilagineux, qu'il acquiert avant qu’il y ait aucune trace d'une masse de formation pour la mâchoireinféreure. Celle-ci ne s’individualise qu'après que chaque moitié soudée en avant avec celle du côté opposé forme ainsi un arc placé au côté interne du premier ruditent du maxillaire at de plus en plus bas à mesure que l’ossification decelui-ci avance. Le dévelop- pement, comme l’atrophie du prolongement de Meckel, est indépendant de celui dela mâchoire. Chez les animaux où il se développe le plus il disparaît plus vite et plus complétementque chez les autres. Chez les Mammifères ce cartilage com- mence à s’atrophier lorsque le maxillaire inférieur est en grande partie développé et ossifié, et d’abord dans le point où il touche cet os, tandis qu'il se conserve bien plus longtemps dans sa portion libre attenante aux osselets de l'ouie. Chez les Ruminants dont les deax moitiés du maxillaire ne se soudent pas ensemble on en trouve encore une portion vers la symphyse et sans connexion avec l'oreille jusque après la naissance. Chezles animaux dont la mâchoire inférieure ne forme qu'ane pièce par soudure de ses deux moitiés cette portion se résorbe ou s'ossifie. Nous avons constaté l'exactitude des résultats obtenus par Reichert. Toutefois, nous avons vu que chez l'Homme la portion du cartilage qui reste quelque temps encore à la symphyse après l'atrophie de sa partie moyenne, ne concourt pas à la soudure des deux moitiés du maxillaireinférieur, ne s'ossifie pas en un mot, mais se résorbe avant la fin du neuvième mois, La couche cartilagineuse qui persiste encore est distincte du cartilage de Meckel. 221 E. MAGITOT ET CH. ROBIN, soit par la partie rétrécie qui supporte cette tête, commechez l'Homme (fig. 41 a); ce cartilage a de la manière la plus manifeste la forme de l’osselet de l'oreille connu sous le nom de marteau, telle qu’elle est à l’âge adulte et différente d’une espèce animale à l'autre; cette analogie de configuration rend par conséquent inu- ile ici la description de ces pièces (1). Le manche du marteau est formé par l’appendice inférieur. Quant à l’apophyse gréle, son développement s'effectue ultérieure- ment sous forme d'un prolongement délié (fig. 9 au-dessous du point d’ossification a), parallèle à la portion extra-tympanique du cartilage, vers l’époque où apparaît la première trace d’ossification (1) Reichert (loc. cit., Archiv für Anat. und Physiol. Berlin, 1837, in-8°, p.484, pl. VII, VIII et IX) a figuré exactement pour l’ensemble chez le Porc le prolongement ou cartilage de Meckel. Il admet que la partie la plus postérieure de ce prolongement qui est en continuité avec le marteau, persiste comme résidu de ce cartilage et forme en s'ossifant l'apophyse gréle de Raw ou processus de Folius. Mais, bien que le point d'ossification du marteau s'avance un peu dans cette partie du prolongement de Meckel, il n’en forme que la tête dans sa partie la plus saillante, et l'apophyse grêle du marteau se développe vers le deuxième mois au-dessous de cette continuité du cartilage de Meckel avec la tête du marteau. Meckel a déjà sigaalé, du reste avec raison, que le prolongement extra-tympanique du cartilage s’insère au-dessus de l'apophyse grêle antérieure du marteau. On pourrait donc tout au plus admettre, dit Meckel, que cette dernière en fait d'abord partie et qu'elle s'en sépare de fort bonne heure; mais il n’en est rien ; elle se dé- veloppe de toutes pièces et ne fait jamais partie du prolongement extra-tympa- nique de ce cartilage. La portion du marteau encore attenante au cartilage et parallèle à l’enclume, que Reichert dit se développer comme la tête du premier, n'est au contraitre que son col ; la tête qui est presque sphérique, surmonte cette portion dès l'époque de son apparition. Il a exactement décrit la portion qui en forme le manche. Reichert dit aussi que l'enclume naît aux dépens de la partie auriculaire du cartilage de Meckel qui est en arrière du marteau ; mais, ainsi que nous venons de le dire dans l’avant-dernière note, nous avons constaté que le cartilage de l'enclume naît contre le marteau appliqué contre lui, sans qu'il y ait continuité de leur substance, et comme organe indépendant dès l'origine. L'organe qu'il indique à l'extrémité de la longue branche cartilagineuse de l'en- clume, comme étant l’étrier cartilagineux (pl. VII, fig. 46), a bien plutôt la forme et la position de l'os lenticulaire, d'autant plus qu’à un âge aussi avancé que celui dont il parle, le cartilage de l’étrier est déjà percé d’un trou, qui se montre à l'époque même où débute l'apparition des maxillaires inférieurs. CARTILAGE DE MECKEL. 225 de la tête du marteau. En même temps que la partie antérieure de l'extrémité auriculaire du cartilage de Meckel prend la forme du marteau, on voit naître contre elle un cartilage qui a tous les carac- tères de l’enclume déjà pourvue assez nettement de ses deux apo- physes ou branches. Peu après il naît au bout de la longue branche de l’enclumeune pelite masse en forme de disque (fig. 5 2), large de deux dixièmes de millimètre, c'est-à-dire près du double plus large que la branche dont elle est séparée par une masse arrondie, qui est moitié plus dif- ficile à voir, à moins d'employer un grossissement de 159 à 250 dia- mètres, et qui est née un peu avant. Cette pièce est le cartilage de l'os lenticulaire (fig. 5 et 11 0), et l’autre, celui de l’étrier, qui ne présente pas d’orifice à celte époque, ; mais peu après le début de l'apparition des mâchoires inférieures (qui a lieu chez le Veau lorsque l'embryon a 30 millimètres de long), une dépres- sion apparaît au centre de l’étrier, sous forme de tache ovalaire réfractant un peu moins la lumière que le cartilage périphérique, ce qui sous le microscope la fait paraitre plus foncée que celui-ci. Cette dépression s'élargit les jours suivants et elle forme bientôt (fig, 5 et 11 !) un trou ovale au centre du disque cartilagineux (il apparaît chez l'Homme avant que l'embryon ait 35 millimètres de long). Ce trou reste longtemps plus étroit que la portion du tissu qui le circonscrit. Vers cette époque aussi on commence à distin- guer, sur le pourtour de ce disque, une portion un peu aplatie opposée à celle par laquelle il est contigu au cartilage de l’os lenti- culaire (1). (1) D'après Gunther la caisse du tympan avec le conduit auditif et l'oreille externe dérivent du premier arc viscéral ou branchial, comme l'ont vu ses pré- décesseurs. Les trois osselets de l'ouie, y compris l'étrier, tirent, d'après lui, leur origine du premier arc viscéral cartilagineux, qui se divise en trois parties. (F. Gunther, Beobachtungen ueber die Entwickelung des Gehürorganes bei Mens- chen und Hæheren Saugethieren. Leipzig, 1842, in-8°, Mit. 1, Kupfertafel.) La portion postérieure se perd entièrement ; celle du milieu forme par un prolonge- ment l’étrier et la longue branche de l’enclume, tandis qu’elle-même forme par métamorphose la courte apophyse. La division antérieure devient, suivant lui, le prolongement dit de Meckel, à l'extrémité postérieure duquel se forme le mar- 4 série. Zoo. T. XVIIL. (Cahier n° 4.) Ÿ 15 226 E. MAGITOT ET CA, ROBIN. Parvenu à l’état que nous venons de décrire, le cartilage de Meckel paraît avoir accompli la phase de son évolution ascen- dante. Il est arrivé ainsi à la période d'état de son existence tem- poraire. Dès ce moment aussi une grande différence s’établit entre les phénomènes qui ont pour siége la portion extra-tympanique du cartilage et ceux qui ont lieu dans l'extrémité auriculaire. En effet, tandis que le marteau qui représente alors cette extrémilé, com- mence à s’ossifier vers les derniers jours du troisième mois ou les premiers jours du quatrième chez l'Homme et chez le Veau, la portion qui longe le maxillaire inférieur commence à s’atrophier. A partir de l’époque que nous venons de déterminer, toute solidarité cesse entre la branche horizontale du cartilage et son extrémité auriculaire, et tandis que celle-ci complète son évolution par son ossification, la branche extra-lympanique commence à s’atrophier. Le moment du début de cette atrophie répond, chez l'embryon humain et chez le Veau, à la première moitié da quatrième mois environ. La portion du cartilage contenue dans la gouflière maxil- laire présente, vers la partie moyenne de son trajet, un léger amineissement (fig. 9 f) qui, par une progression assez rapide, a bientôt produit une véritable séparation et divise ainsi le carti- lage en deux parties : l’une antérieure ou symphysaire, l’autre postérieure. L'atrophie commencée ainsi au milieu du trajet teau. Mais nous avons montré que cette branche apparaît dans l'arc viscéral avant , la partie renilée intra-tympanique dont dérive le marteau. On voit par ce que nous venons d'exposer que Gunther a raison contre ceux qui, avec Burdach, pensent que l'étrier paraît être une pullulation du labyrinthe en forme de ver- rue qui, en se rencontrant avec celle qui vient du cartilage de Meckel, formerait l'articulation « de cet osselet (l’étrier) avec l’enclume » (Burdach, loc. cit. p. #42). Il a raison également contre ceux qui, avec Bischoff, font provenir l'étrier du deuxième segment du second arc viscéral qui entrerait en rapport immédiat avec l'oreille et serait reçu par lui comme dans une fosse (Bischoff, Loc. cil.,p. #06). Enfin, ce qui précède montre en outre que l’étrier n'est pas comme le pensaient Meckel et Reichert, un cartilage plein et sans ouverture dont la partie moyenne disparaîtrait par résorption pendant l'ossification ; son ouverture existe avant le début de son ossification, et à cette dernière époque il est déjà configuré, comme il le sera toujours ou à peu de chose près. L Le Pr Re Re , CARTILAGE DE MECKEL. 9297 osseux se continue vers les deux extrémités opposées, de sorte qu'au bout de quelques semaines, vers le milieu ou la fin du sixième mois chez l'Homme, et à une époque correspondante chez les autres Mammifères, on ne rencontre plus trace de la partie moyenne du cartilage. Il en reste pendant plus longtemps upe petite portion entre les deux extrémités symphysaires des maxillaires, Cette portion s’atrophie peu à peu, bien que plus len- tement que l’autre, sans prendre part à la soudure des deux moi- tiés de l'os. Sur les animaux, tels que les Rongeurs, chez lesquels cetle soudure n’a pas lieu, la partie du cartilage interposée à l’ex- trémité incisive des maxillaires s’atrophie plus rapidement que chez l'Homme et les Carnassiers; sa disparition suit de près celle de la portion moyenne du cartilage. La gouttière osseuse (fig. 3) qui logeait une partie du cartilage se comble peu à peu, mais sa trace reste encore visible quel- ques semaines après la disparition du cartilage qu'elle contenait. Le point d’ossification du marteau apparaît au niveau de la con- tinuation de son col avec le cartilage de Meckel (pl. 16, fig. 9 m). C'est vers cette époque aussi qu'on voit se développer dans l'angle formé par ce cartilage et le manche du marteau un petit prolon- gement d’abord cartilagineux qui devient plus tard l’apophyse gréle de cet osselet (voyez même figure au-dessous de m). Le point d’ossification de l’enclume se montre un peu après; il apparaît à la partie supérieure du corps de l’enclume. Ces points osseux s’agrandissent l’un et l’autre dans tous les sens et ont bientôt envahi la totalité des deux organes , et comme on le sait, leur ossification est complète à la fin du quatrième mois. Il résulte de ce qui précède que le cartilage de Meckel, né vers la troisième semaine chez l'Homme et chez le Veau, à une époque correspondante chez les Mammifères dont la gestation a une autre durée que ceux-là, accomplit toutes les phases de son existence en quelques mois, pendant la grossesse généralement, ou les termine dans les jours qui suivent la naissance chez diverses espèces, telles que certains Rongeurs. | Au point de vue de son évolution, comme au point de ve ana- tomique, il présente deux portions : l’une transiloire, maxillaire où 298 E. MAGITOT ET CE. ROBIN. extra-tympanique; l’autre persistante ou auriculaire qui ne se développe que lorsque la première est apparue. Cette dernière, qui siége dans la partie maxillaire inférieure du premier arc branchial, y naît avant toute autre pièce solide, lui sert de squelette tant que d’autres parties résislantes ne se sont pas encore produites, et disparaît lorsque celles-ci se développent, son rôle est alors achevé parce que ces parties se substituent à elle comme supportde cette région si l’on, peut dire ainsi. Cette portion qui est la plus étendue rattache en outre embryogéniquement les pièces solides de l'oreille moyenne, à l'arc viscéral supérieur aux dépens duquel se produi- sent les mâchoires. La portion auriculaire dé ce cartilage se développant consécutivement à la précédente, prend la forme du marteau qui bientôt s’ossilie, tandis qu’on voit inversement la longue portion extra—tympanique et faciale s’atrophier sans ossification, dès que se trouve accompli son double rôle, sque- lettique originairement, producteur de l’un des osseleis auditifs d'autre part. Aussi sa durée est-elle constamment en rapport, d’une espèce animale à l’autre, avee la rapidité de l’évolution des mâchoires et de l’ossification des osselets lympaniques. Aïnsi rien de mieux déterminé anatomiquement et physiologiquement que cet important organe, qui ne fait en rien exception à ce qu’on observe lors de l’évolution embryonnaire de nombre d’autres par- ties du corps (1). &8 IV. — Sur les rapports du cartilage de Meckel et du maxillaire inférieur lors de l'apparition de ce dernier. Nous ne pouvons eiler ici l'opinion des nombreux auteurs qui se sont occupés de l’ossification en général et de celle des mà- (4) Richard Owen, dans ses remarquables Principes d'ostéologie comparée (Paris, 1855, in-8°, p. 141), a déterminé nettement que: « le marteau est un élément modifié de l'arc tympano-mandibulaire dans les Batraciens et les Pois- sons », qu'ilen représente l'os appelé par lui mésotympanique et symplectique par d'autres anatomisles. Il considère, à tort, le cartilage de Meckel chez les Mam- mifères comme une extension de l’apophyse grêle du marteau. CARTILAGE DE MECKEL. 299 choires en particulier. On sait du reste que tous résument de la même manière les phénomènes qu'ils considèrent comme essen- tiels; c’est-à-dire que tous admettent que pendant les premiers temps de la vie embryonnaire on trouverait à la place desos des car- tilages qui, après avoir passé par l'état muqueux, deviendraient soli- des, et auraient à peu de choses près la forme extérieure que les os eux-mêmes présentent chez l'adulte. Les anciens anatomistes se lon- dant sur l’état des parois crâniennes avant la naissance, pensaient que les os naissent ou de cartilages ou de membranes. Les anato- mistes modernes admettent plus généralement que les os du crâne sont membraneux d'abord, mais que peu de temps avant leur ossi- fication, ils deviennent cartilagineux ; seulement les parties mem- braneuses qui tiennent la place des os du crâne dans le principe, ne deviendraient pas cartilagineuses tout à coup et dans toute leur étendue, mais d’une manière successive et partielle, à mesure qu’elles acquièrent les conditions nécessaires pour leur ossifica- tion. (E. H. Weber, Miescher, Henle, etc.) Mais ce n’est pas ainsi que s’accomplissent ces phénomènes. Au point de vue de leur évolution les os se divisent en deux classes distinctes, selon le mode de leur apparition : 1° Ceux qui sont précédés par un cartilage de même forme que l'os qui lui succédera ; 2% Ceux qui naissent par autogénèse, sans que leur apparition ait été précédée d'aucune partie, de même forme ou non, de quel- que nature que ce soit, qui en indique et en fasse prévoir la venue. Ces derniers sont les os de la voûte du eräne, l'arc où anneau tympanique et tous les os de la face (4). Ce fait est de la plus (4) Voy. Ch. Robin, Observations sur la structure et sur le développement de la substance des as (Comptes rendus et Mémoires de la Société de biologie. Paris, 4850, in-80, p. 419). Bischoff s'exprime ainsi sur ce qui concerne le mode d'apparition de la mâchoire inférieure: « Au côté externe du premier arc branchial et de son prolongement se dépose également dans toute sa longueur une masse blastématique qui s'élève principalement sur son bord supérieur et qui devient la mâchoire inférieure, comme la suite nous l’apprend. La mâchoire inférieure ne naît donc pas directement du premier arc branchial, ainsi qu’on le disait autrefois, mais d’un blastème accumulé à sa surface et qui, lorsqu'il s’est converti en car- 230 E, MAGITOT ET CH. ROBIN. grande importance. Sa connaissance domine toute comparaison des pièces du squelette de la tête d’une espèce ou d'une classe d’arimaux vertébrés à l’autre, et conduit à la détermination de leurs homologies et leurs homotypies réelles. Celles-ci n’ont pas toujours été bien établies faute de ce guide embryogénique dominant. A l’époque actuelle, leur étude a besoin d’être reprise en s'appuyant sur la détermination du lieu, de l’époque et du mode d'apparition de chaque pièce que l’on veut comparer d’un être à l’au re, sous les rapports homologique et homotypique. Les os qui ne sont pas précédés d’un cartilage de même forme que celle qu'ils ont plus tard, ne naissent jamais avec la disposi- tion morphologique qu'ils présenteront un jour. En outre, ils chan- gent davantage et beaucoup plus longtemps avec l'âge que les os précédés d’un cartilage semblablement conformé. Ils sont aussi le siége de variétés de nombre et de forme plus nombreuses et plus notables sur les sujets de même âge et de même espèce. Enfin, ils diffèrent généralement plus de leurs homologues d’une espèce à l’autre, que ne le font les os qui ont commencé par être cartila- gineux. Ils offrent en outre, soit à l’état normal, soit pathologi- quement, des particularités physiologiques que ne montrent pas les autres os. Ce fait domine, si l’on peut ainsi dire, les particularités que pré- . tilage et en os, embrasse l'arc viscéral lui-même à la manière d'une gaîne. » (Bischoff, loc. cit , p. #01.) C'est pour avoir tenu plus de compte de ce pas- sage que de nos pronres observations, soit dans le travail ei-dessus, soit dans notre Mémoire sur la genèse ei le développement des follicules dentaires (Journal de phy- sio'ogie. Paris, 1869, in-8°, p. 8), que nous avons rangé, avec nombre d'anato- mistes, les maxillaires inférieur et supérieur parmi les os précédés d'un cartilage de même forme qu'eux. Des observations répétées faites sur les embryons humains et de divers Mammifères domestiques et autres, nous ont prouvé que c’est là une erreur ; elles nous ont monir+ ussi que, lorsque le maxillaire inférieur apparaît, la partie inférieure de la face ou du museau et le cou se sont déjà délimités autour et au-dessous du cartilage de Meckel et ont perdu les caractères d'arcs branchiaux ou viscéraux. Leur tissu est embryoplastique vasculaire avec quelques corps fusiformes fibro-plastiques ; dans ce tissu naît directement la matière osseuse contre le carti- lage de Meckel, mais sans être précédé d'aucune accumulation de blastème car- tilagineux ou autre, CARTILAGE DE MECKEL. 231 sentent ces os, comparativement aux autres sous le point de vue : de leurs connexions qui, an crâne, ne sont jamais des artieulalions proprement dites, et dont les analogues ne se retrouvent pas dans l'ensemble des articulations et des pièces squelettiques précédées d'un cartilage de même forme. Ces dernières conservent toujours une couche cartilagineuse, avec ou sans ligament fibreux interposé à leurs surfaces de jonction, ce qui n'a pas lieu sur les autres. Ce fait domine aussi les particularités relatives à l'accroissement et à la diminution de volume dans la série des âges des os non précédés de cartilages et celles qui se rapportent à leur soudure, qui ont tant d'importance dans l'étude des modifications adultes et sé- niles de l’encéphale et des traits de la face (4). Les pièces du squelette, qui commencent par être du cartilage, offrent, aussitôt après leur apparition, une forme régulière et netiement déterminée de même type que celle de l'os qui leur succédera; il en résulte que toute description ostéologique devra comprendre à l'avenir aussi bien l’étude de ces premières périodes de chacun de ces organes, que celle de l’âge adulte, à laquelle on se borne aujourd'hui, contre toute raison. Les noyaux ou points osseux n’ont également pas au début la forme qu'ils auront plus tard; mais le cartilage au sein duquel ils apparaissent a celle configuration; en outre, l'organe en change peu durant l’aceroissement et ne se soude pas aux parties simi- laires qu'il touche en dehors des cas morbides. Malgré la plus grande fixité morphologique des pièces squelettiques qui naissent d’après le mode que nous venons d'indiquer, la détermination de leurs homologiesetdeleurs homolypies devra toujours s'appuyer sur l'examen de ces organes fait dans la série des âges, comme s’il s'agissait de ceux qui naissent suivant le premier mode; elle en ti- rera en effet d’utiles indications dans le eas où les cartilages, an lieu de naître tout d’une venue comme ceux des membres, débu- tent par plusieurs pièces, comme jes vertèbres, dont les diverses parties n'apparaissent pas simultanément, mais se soudent lorsque leur forme prend le type qu’elle conservera loujours. (4) Bischoff parlant du maxillaire inférieur dit : « La surface articulaire se L 232 E. MAGITOT ET CH. ROBIN. Ces données générales, destinées à faciliter l’étude des faits spé- ciaux qui suivent, étant connues, nous pouvons aborder l'examen des modes de naissance et de développement du maxillaire inférieur en particulier. Dutrente-cinquième au quarantième jour environ après la con- ception, sur des embryons longs de 48 à 20 millimètres chez l'Homme, de 28 à 30 millimètres chez la Vache, on voit apparai- tre le long de la portion extra-tympanique du cartilage de Meckel une traînée d'un tissu qui, sous le microscope, est plus foncé que celui qui l'entoure. Un fort grossissement permet facilement d'y reconnaitre les caractères du tissu osseux à son début (fig. 5, c, d), sans cartilage préexistant, tels qu’on les constate plus aisément sur l'arc tympanique (fig. 2 f), sur la portion écailleuse du fron- tal, et autres os de la voûte du crâne des petits fœtus. Cette première trainée osseuse, aplatie, allongée, apparait vers le milieu de la moitié antérieure de chacune des deux branches homologues du cartilage de Meckel, au bord inférieur et externe de celui-ci, sur une longueur de 4/2 à 4 millimètre. Elle est d'abord moins haute que le cartilage n’est épais (celui-ci offre, à cette époque, une longueur de 4 à 5 millimètres chez l'Homme et produit par séparation histologique, de lamême manière que les côtes se séparent des vertèbres. » (Traité du développement. Paris, 1845, in-8°, trad, franc., p. 402.) Ce fait ne peut être considéré comme s'appliquant à la mâchoire et au rocher. L'un de nous a constaté par des observations directes sur des em- bryons humains, de Vache, de Porc, de Lapin, de Mouton et de Rat que les cartilages des côtes ne sont pas en continuité de tissu lors de leur genèse, avec ceux contre lesquels ils s’articulent, pas plus quél’occipital n’est d'abord continu avec l’atlas. Tous ces cartilages naissent comme organes distinets séparés par une couche de tissu lamineux existant au niveau même des endroits où plus tard seront des cavités articulaires. Quant aux maxillaires inférieurs comme ils naissent par autogénèse et se développent d’après le mode d'ossification, dit par envahisse- ment, sans être précédés d'aucun cartilage de même forme, il est manifeste que leur surface articulaire condylienne ne se forme pas par séparation histologique de ce cartilage qui aurait été continu avec celui du rocher. Cette séparation his- tologique n'est ici qu'une hypothèse contredite par l'observation, comme il en règne encore tant sur toutes les questions embryogéniques relatives aux élé- ments anatomiques ou aux Lissus et qu'on a tenté de résoudre par anticipation sans examen direct. CARTILAGE DE MECKEL. 233 de 6 à 8 chez la Vache, sur 1/2 millimètre d’épaisseur environ). Chaque petite plaque lamelleuse, très fragile, aréolaire, se dé- veloppe rapidement en longueur et en hauteur (fig. 4 et 6 d); - elle dépasse bientôt le bord supérieur du cartilage et grandit tou- jours plus de ce côté que de celui du bord opposé. Elle masque ainsi une portion du trajet du cartilage qui la dépasse en avant et surtout en arrière. Elle n’a aucune ressemblance morphologique avec l'os dont elle marque le début, et se trouve directement au contact du tissu embryoplastique mou dans lequel elle est plongée, si ce n’est à sa face interne où elle touche le côté externe du car- tilage de Meckel. Ses bords supérieur et inférieur sont assez nets, mais de ses extrémités un peu irrégulières, anguleuses, s’échappent de petits prolongements radiés qui s’avancent dans le tissu ambiant (fig. 7 f,g), sans trace de cartilage à leurs extrémités. Lorsque la petite bande osseuse à acquis une longueur de 4 mil- limètres environ, sa hauteur s'est accrue proportionnellement. L'os dépasse alors le bord supérieur du cartilage de Meckel qui commence à occuper à la face interne de l'os la position qu'on lui retrouve plus tard dans le sillon de la partie inférieure de cette face interne (fig. 8 a,u). Un peu plus tard, lorsque le maxillaire a atteint une longueur de 6 à 8 millimètres, ii commence à présen- ter une forme mieux déterminée : on y distingue en effet déjà son corps où branche horizontale, plus étroite à la partie moyenne dans le sens vertical qu’à ses extrémités (fig. 2 et 7); de telle sorte que ses bords supérieur ét inférieur sont légèrement concaves et le premier plus que le second. Les deux extrémités, en s'étendant chacune vers le bout corres- pondant du cartilage, s’élargissent toujours davantage ; le bout antérieur devient de plus en plus foncé et plus net (fig. 7 b); lau- tre, au contraire, en s'élargissant devient plus mal délimité, parce qu'il envoie des radiations plus longues ct plus écartées les unes des autres dans le issu mou ambiant (f, g). Du cinquante-cinquième au soixantième jour environ chez l'Homme, ces radiations se séparent assez nettement en deux grou- pes. L'un se dirige en haut et se recourbant de plus en plus les 23l, E. MAGITOT ET CH. ROBIN. jours suivants, il forme bientôt une languette (fig. 2 b) foncée et à bords nets; il constitue alors une lamelle aplatie, à sommet mousse, qui représente l’apophyse coronoïde. L'autre groupe de radiations suit la direction du cartilage de Meckel; il forme un pro- : longement aplati, plus large et plus épais que le précédent, dont une saillie à angle obtus dépasse le bord inférieur de ce cartilage vers le milieu de sa longueur (fig. 2 et 7) et représente l’angle de la mâchoire; le reste constituera plus tard la portion condylienne de la branche montante. Au-devant de la saillie représentant le début de l’apophyse coronoïde, on observe, à partir de celte même épo- que (du cinquante-cinquième au soixantième jour chez l'Homme), plusieurs particularités importantes sur le maxillaire. Son bord supérieur qui était concave, presque régulier el qui est devenu plus épais que durant ies jours précédents, offre en avant (fig. 2 et 7) deux, puis quatre dépressions devenant de plus en plus profondes ; l'observateur en tient d’abord peu de compte, jusqu’au moment où apparaissent dans ces dépressions de petites masses ovoides, d'un tissu mou, plus foncé que le tissu ambiant, reconnaissables comme autant de bulbes et bientôt de follicules dentaires des deux incisives, de la canine et de la première mo- laire. On trouve en même temps, vers le sommet de la saillie co- ronoïde (fig. 2 b), des faisceaux musculaires aux premières phases de leur évolution. Le bord de l'extrémité antérieure de la mâchoire est légère- ment convexe, en forme d’écaille, à peine dentelé, et le tissu de cette extrémité bien qu’aréolaire est assez épais et assez opa- que pour rendre difficile à voir le bont de la branche corres- pondante du cartilage de Meckel (pl. 16, fig. 7 b) qui ne la dépasse plus. Dans les huit ôu dix jours qui suivent on voit se détacher de la face interne du maxillaire, au-dessous des dépressions dans les- quelles naissent les follicules et au-dessus du sillon occupé par le cartilage de Meckel, des radiations osseuses voisines les unes des autres, un peu recourbées dans le sens de l’apophyse coronoïde, formant bientôt une aiguille (pl. 16, fig. 2 c), puis une lamelle assez opaque qui s’élargit du côté du bord supérieur dela mâchoire CARTILAGE DE MECOKEL. 239 dont elle constitue plus tard la lame interne. Vers le milieu du deuxième mois elle forme une lamelle assez large pour limiter de ce côté une goutlière qui loge les follicules des dents, et au fond de laquelle sont les vaisseaux et nerfs dentaires; elle est néan- moins encore loin d’atteindre le niveau de la lame interne, au- dessus de laquelle elle reste encore longtemps, et détachée par dé- chirure elle ne présente encore que la forme d’une languette ou aiguille étroite, mince et allongée (1). Telle est l’origine de la lame interne de la mâchoire inférieure étendue de l’orilice d’entrée des vaisseaux et nerfs dentaires jus- qu’à la symphyse, et ne descendant pas plus bas que le fond de la gouttière dentaire, fond qui devient plus tard le canal de ce nom. Au contraire, la portion aplatie que nous avons vue naifre la pre- mière vers le niveau du tiers antérieur du cartilage de Meckel, re- présente la lame externe de la mâchoire, qui dès son apparition est aplalie de dedans en dehors, placée verticalement, plus haute et es large qu'elle n’est épaisse. 7'est à compter de l'époque de l'apparition de la lame interne # la mâchoire encore rudimentaire (fig. 2 b), que la gouttière den- taire se trouve constituée comme nous l'avons fait connaître (4) C'est cette aiguille qui est connue sous le nom d'aiguille de Spiæ. (Voyez sur cette aiguille osseuse et sur la gouttière dentaire qu'ellelimite en se dévelop- pant comme lame interne de la mâchoire le Journal de physiologie. 1860, p. 12 à AS et la note p. 18, et Recherches sur les gouttières dentaires, etc., in Comptes rendus et Mém. de lu Soc. de biologie. Paris, 4859, in-8°, p. 217.) On voit par ce qui précède que c’est la portion osseuse correspondant à la lame externe du corps du maxillaire inférieur, qui paraît la première et non le bord inférieur de ce corps, comme le disent plusieurs auteurs avec M. Cruveilhier. On voit aussi que c'est la lame interne qui a été appelée aiguille de Spix, point osseux du canal dentaire el considérée comme un point d'ossification particulier et distinct du corps de la mâchoire, ce qui en ferait quatre en tout, deux pour chaque moitié, c'est-à-dire un pour chaque lame (Reïcheirt, loc. cit., et Cruveilhier, Analom. descript. Paris, 1843, 2édit., in-8°, t. 1, p. 484-185). Mais l'étude du développement montre que cette lame naît sous forme de radiations osseuses s'élargissant de plus en plus, et que ces radiations ne sont jamais séparées du reste de l'os. Loin de naître séparément et de se souder à lui, cette lame en est un prolongement in- terne direct. 236 E. MAGITOT ET CH, ROBIN. ailleurs, et que le corps de cet os est susceptible d’être-divisé en deux moitiés lamelleuses. C'est dans les jours suivants, c’est-à-dire du’soixantième au soixante-dixième jour environ, que se montre pour la première fois du cartilage sur le maxillaire inférieur ; ce tissu se produit au bord de l'extrémité symphysaire de l'os (fig. 2), sous l’aspect d’une petite bande claire, en forme de segment de cercle, qui augmente peu à peu d'épaisseur, mais sans s'étendre sur les bords supérieur et inférieur du maxillaire. A l’extrémité opposée il s’en produit en même temps une petite bande de même forme (fig. 2 g}, qui s’allonge rapidement en haut et en arrière. Elle prend en huit ou dix jours la forme du condyle et de son col; quelques semaines plus tard il en apparait un peu au sommet de l’apophyse coronoïde et sur la saillie inférieure à angle obtus qui représente l’angle de la mâchoire. Vers cette époque aussi (vers le soixante-quinzième jour envi- ron chez l'Homme et à une époque correspondante chez les autres Mammifères), on voit apparaitre sur le bord de la lame externe une mince trainée de cartilage, épaisse de quelques centièmes de millimètre seulement. Il s’en produit aussi plus tard un peu sur le bord de la lame interne, mais non sur les faces de l'os même. Toutes ces portions cartilagineuses surajoutées s’ossi- fient par envahissement graduel de l'os déjà existant, qui empiète peu à peu sur lui sans qu'il apparaisse à leur centre de point osseux particulier distinct du corps de l'organe (1). (1) Ce sont ces prolongementscartilagineux surajoutés avec le temps à l'os déjà existant que, nous appuyant à tort sur les idées admises, nous avons consi- dérés comme étant le reste d'un cartilage préexistant qui se serait ossifié (loc. cit., 1860, p. 11, 12). Les auteurs d'anatomie ne décrivent que le cartilage des bouts symphysaires de l'os et nullement le cartilage supposé préexistant, qu'ils admettert pourtant implicitement. On voit que c’est à juste titre que Meckel, sans se prononcer sur la partie de la mâchoire qui naît la première, n admet qu'une pièce o8seuse originelle pour chaque moitié du maxillaire inférieur, et nie l'existence d'autres points osseux particuliers admis depuis Kerkringius, Autenrieth et Spix, dans l'apophyse coronoïde, le condyle, l'angle et la lame interne. CARTILAGE DE MECKEL. 237 En même temps que se produisent ces portions cartilagineuses, on remarque dans la constitution du maxillaire une modification notable : ainsi on trouve sur les bords de l'os en voie de dévelop- pement, une légère couche detissu mou d’une épaisseur de U"*,02 environ, formée de corps fusiformes fibro-plastiques, de fibres lami- neuses et de noyau embryoplastiques. Cette couche représente le périoste qui tapisse plus tard la totalité de l'os, et recouvre en même temps le cartilage de Meckel qu'il contribue à maintenir dans le sillon de la face interne du maxillaire (fig. 5 et 8). Ainsi le maxillaire inférieur offre une particularité que parta- gent aussi quelques-uns des os qui, comme lui, ne sont pas précé- dés d’un cartilage de même forme; elle consiste en ce que, appa- raissant par autogénèse, par production directe et immédiate de tissu osseux au sein des tissus mous, le cartilage n’en prépare pas la venue, mais s’ajoute à l'os déjà né pour en compléter la forme, et s’ossilier plus tard par suite des progrès @e l’évolution. On voit de la sorte que lesidées généralement reçues sur le mode de formation de la mâchoire inférieure, par un certain nombre de points d’ossifications, sont entièrement controuvées. Un seul noyau osseux, sans cartilage préexistant, produit par son développement dans tous les sens la totalité de chaque moitié de ce maxillaire. $ V. -— Résumé et conclusions. Sans chercher à mettre en relief ici nos recherches propres, comparativement à celles des auteurs qui nous ont précédés, et que nous avons eu soin de citer, nous résumerons en quelques mots les notions essentielles qui ressortent de ce travail. 1° Vers le vingt-huitième jour environ après la fécondation chez l'Homme, alors que l'embryon a 18 à 20 millimètres de long, et que les deux moitiés du premier arc viscéral se sont déjà réunies sur la ligne médiane, 1l naît au centre de la substance de cet arc un carulage dit de Meckel, du nom de l’auteur qui, le premier, l’a signalé, et qui joue le rôle de pièce squelettique transi- toire de cette partie de l'embryon. 238 E. MAGATOT ET CH. ROBIN. 2% Ce cartilage, de figure ogivale, est formé de deux moitiés symétriques, minces , cylindroïdes, continues sur la ligne mé- diane (même sur les animaux chez lesquels les deux parties da maxillaire inférieur restent toujours disünctes), tandis que les ex- trémités de chacune d’elles correspondent à la base de la cellule cé- rébrale moyenne, au point occupé plus tard par la cavité du tympan. 5° Ces deux extrémités cartilagineuses, plongées dans le tissu mou de cette région, sont, dès l’origine, plus grosses que le reste du cartilage (fig. 4), et ont bientôt exactement la forme et à peu près le volume du marteau de la chaîne des osselets de l'oreille ; aussi la longue branche du marteau adhère-t-elle à la membrane du tympan, dès qu’elle apparaît (fig. 2) vers deux mois et demi, un peu après la naissance de l’anneau tympanique. h° La longue portion ou portion maæxillaire et extra-tympa- nique du cartilage, se délimite un peu avant chaque extrémité tympanique ou malléaire ; presque en même temps naissent contre elle le cartilage de l’enclume, puis, contre la longue branche de celle-ci, le cartilage de l'os lenticulaire et celui de l'étrier. Con- trairement à ce que quelques auteurs ont cru, ils naissent comme autant de pièces distinctes dès l’origine, bien que contiguës, qui, du quaranite-deuxième au quarante-troisième jour, sont déjà nette- ment délimitées au sein du tissu embryoplastique gélatiniforme de cette région (fig. 5 et 11) sur des embryons longs de 26 à 32 millimètres. 9° Dans les jours qui suivent apparaît contre la face externe de chaque moitié de la longue portion du cartilage et vers son tiers antérieur une lamelle osseuse, qui n’est précédée d'aucune trace d'un cartilage de même forme (fig. 5 c, d); par son accroisse- ment au-dessous et surtout au-dessus du cartilage, chaque lamelle constitue bientôt la moitié correspondante de la mâchoire infé- rieure, et le cartilage de Meckel ne grandissant pas proportion nellement, ne représente plus, pendant trois à quatre mois, qu’un filament grisätre, élastique, logé dans un sillon de la face interne de los, près de son bord inférieur (fig. 2 à 8). 6° Lorsqu’à parür de la fin du troisième mois de la vie intra- utérine chez l'Homme apparait un noyau osseux au point de jonc- CARTILAGE DE MECKEL,. 239 tion du cartilage de chaque marteau avec la portion extra-tympa- nique correspondante au cartilage de Meckel (c’est-à-dire au niveau du col chez l'Homme et au niveau de la tête du mar- teau chez les Ruminants [fig. 9 m]), on voit ce cartilage s’amin- cir vers le milieu de la longueur de la mâchoire inférieure (f) ; cet amincissement va jusqu'à la disparition complète de Ja substance de chacune des moïitiés de la longue portion du carti- lage à ce niveau, puis celte atrophie gagne du côté de la symphyse maxillaire d’une part et du côté de l'oreille d'autre part. 7° A compler de la fin du sixième mois, le marteau est la seule portion du cartilage de Meckel qui reste, et elle persiste pendant toute la durée de la vie; la portion extra-tympanique purement transiloire, au contraire, s’atrophie de son milieu vers ses extré- mités, sans s’ossifier ni prendre part à la constitution de la mà- choire non plus qu’à celle de l’apophyse grêle du marteau, qui naît au-dessous d’elle (fig. 9). EXPLICATION DES FIGURES, PLANCHE 16. Fig. 4. Cartilage de Meckel et maxillaire inférieur chez un embryon de sept semaines environ. — a. Portion extra-tympanique et maxillaire du cartilage. — b, Portion symphysaire. — c. Cartilage du marteau déformé. — d. Lame externe du maxillaire inférieur, un peu repoussée en haut par la compression. Fig. 2. Cartilage de Meckel, maxillaire inférieur et anneau tympanique chez un embryon de deux mois et demi.—ab. Portion extra-Lympanique et maxillaire de la moitié gauche du cartilage de Meckel et présentant trois courbures alternativement en sens inverse. — a. Renflement de cette portion du cartilage près du point où elle se continue avec le col du marteau, — b. Extrémité antérieure un peu élargie de ce cartilage. — m. Tête du marteau, ou partie intra-tympanique du cartilage. —n Extrémité de la longue branche du marteau adhérente à la membrane du tympan qui forme de très petits plis radiés autour de cette extrémité. — e. L'enclume. — 0. L'os lenticulaire, — f. Début de l'arc tympanique osseux naissant par antogénèse sans être précédé d’un cartilage de même forme. Il offre la configuration générale d'une faucille ; 240 E, MAGITOT ET CI, ROBIN. sa parlie antérieure élargie, formée de rayons osseux très fins, offre un petit orifice qui est constant. La membrane du tympan, homogène, finement striée est tendue dès cette époque dans tout l'espace que cet arc circonscrit. — g db. Corps du maxillaire inférieur, formant au-dessous de la concavité de la courbure moyenne du cartilage un angle obtus qui plus tard devient l'angle de la mâchoire. — g, indique la portion du maxillaire qui devient plus tard la portion condylienne de sa branche ascendante. L'extrémité opposée ou sym- physaire de l’os est plus opaque, marquée d'aréoles à bords foncés, d'aspect squameux que le graveur a mal rendues ; le bord supérieur de cette extrémité est irrégulier par suite de la présence de dépressions qui logent les follicules des deux incisives, de la canine et de la première petite molaire. — c. Extré. mité libre de la lame interne du corps de la mâchoire, ou mieux de la gouttière alvéolo-dentaire ne représentant encore qu'une mince aiguille (aiguille de Spix), facile à détacher du reste de l'os, — b. Portion de la branche ascen- dante du maxillaire inférieur qui deviendra l'apophyse coronoïde. De minces trainées osseuses radiées unissent son bord inférieur à la portion (g) qui deviendra la partie condylienne. Fig. 3. Maxillaire inférieur gauche d'un fœtus de Porc de deux mois et demi, vu par sa face interne, de grandeur naturelle, et montrant au voisinage de son bord inférieur la gouttière qui loge une partie de l'épaisseur du cartilage de Meckel. Fig. £. Crâne d'un fœtus humain de quatre mois, de grandeur naturelle, dissé- qué pour montrer les rapports de la membrane du tympan à cet âge (b) avec les cartilages de l'enclume et du marteau, puis ceux de la portion extra- tympanique du cartilage de Meckel (a) avec la branche ascendante de la mâchoire. Fig. 5. Cartilage de Meckel et maxillaire inférieur au début de son apparition, du coté gauche, chez un embryon de Veau, long de 31 millimètres. — b. Portion symphysaire du cartilage, un peu élargie en forme de spatule et rétrécie sur la ligne médiane au point de sa continuité avec celle du côté opposé. — a. Por- tion moyenne du cartilage. — m. Continuité de la portion extra-tympanique avec la tête du marteau. — n. Manche du marteau, libre, la membrane du tympan n’existant pas encore à cette époque. — e, Le cartilage de l'enclume. — 0. Cartilage de l'os lenticulaire. — 1. Cartilage de l'étrier déjà perforé au centre. Le graveur a représenté l’orifice du cartilage à peu près du double plus large qu'il n’est à cette époque. — cd. Lame externe du corps de la mâchoire inférieure au début. La compression des lames de verre l’a repoussé plus bas qu'elle n’est par rapport au cartilage de Meckel. Fig. 6. Cartilage de Meckel et maxillaire inférieur chez un embryon de Vache de six semaines environ. Même signification des lettres. Fig. 7. Cartilage de Meckel et maxillaire inférieur chez un embryon humain de CARTILAGE DE MECKEL, 91 deux mois à peine. Même signification des lettres qu'à l'explication de la figure . 2. — fg. tissu mou dans lequel sont plongées les parties osseuses en voie de développement. Fig. 8. Face interne du maxillaire inférieur droit d'un embryon humain de trois mois environ, montrant, de grandeur naturelle, la situation et les rapports du cartilage de Meckel avec la gouttière des follicules dentaires dont la lame interne est enlevée, et avec l'orifice du canal dentaire. — b. Partie sym- physaire du cartilage de Meckel. — a. Partie extra-tympanique du cartilage de Meckel, souvent flexueuse au delà de l’orifice du canal dentaire et du bord postérieur de la branche ascendante de la mâchoire. — n. Manche du mar- teau en continuité avec un petit prolongement fibreux. — e. Cartilage de l'en- clume. Fig. 9. Maxillaire inférieur et cartilage de Meckel d'un fœtus de Veau de trois mois et demi ; dessiné au double de sa grandeur naturelle. — ab. Portion extra-tympanique ou maxillaire du cartilage. — f. Partie du cartilage rétrécie en voie d'atrophie. La gravure la représente plus épaisse qu’elle n’est en cet endroit à cet âge. — m. Point d'ossification de la tête du marteau, ou niveau de sa continuité avec la partie extra-tympanique du cartilage de Meckel. Au- dessous de ce point se voit un petit prolongement cartilagineux, légèrement recourbé qui devient bientôt l'apophyse grêle du marteau. — n. Le manche du marteau. — e. Cartilage de l’enclume. Fig. 10. Tête d’un embryon humain de trois mois, disséquée pour montrer les rapports du cartilage de Meckel (a) avec le maxillaire inférieur (b) et avec l’an- neau tympanique et ceux du marteau avec l'enclume (m). Fig. 11. Cartilage de Meckel d’un embryon humain de quarante à quarante-deux jours, long de 29 millimètres, avant l'apparition du maxillaire inférieur. — a.Renflement du cartilage de Meckel près de sa continuité avec le col du mar- teau. — b. Portion du cartilage un peu élargie en forme de spatule, mais rétré- cie sur la ligne médiane au point de sa continuité avec celle du côté opposé et qui deviendra la portion symphysaire. — m.Tête du marteau. — n. Manche du marteau. — e. Cartilage de l’enclume. — o. Cartilage de l'os lenticulaire. — 1, cartilage de l'étrier. 4° série, Zooz. T, XVILE. (Cahier n° 4.) # 16 PUBLICATIONS NOUVELLES. Métamorphoses de l'Homme et des Animaux, par M. À. DE QUATRE- FAGES. 1 vol, in-18. Paris, 1862, Cet ouvrage se compose en partie des articles publiés il y a quelques années, par M. de Quatrefages, dans la Revue des deux mondes, sur le mode de déve- loppement des animaux et sur les changements que ces êtres subissent pendant les premières périodes de leur existence. L'auteur y a consigné aussi les résul- tats obtenus récemment par l'étude de la génération des Infusoires et des phé- nomènes de parthénogénèse. Nous ajouterons que ce livre est destiné aux personnes étrangères aux sciences naturelles, aussi bien qu'aux zoologistes phy- siologistes. Nouvelles recherches anatomiques et physiologiques sur les Oscillaires, thèse soutenue à la Faculté des sciences de Bordeaux, par M. Ch. Mus- sET. 1862. L'auteur résume dans les termes suivants les résullats de ses observations : 1° les Oscillaires et particulièrement l'Oscillaria Adansoniü, sont constiluées par des anneaux adhérents entre eux et renfermés dans une gaîne membraneuse ouverte aux deux bouts; 2° celte gaîne est sécrétée par l’animalcule qui s’en dépouille par une véritable mue et ne tarde pas à en sécréter une nouvelle ; 3° à l'état complet, les anneaux externes sont couronnés de tentacules très déliés, sans cesse exécutant des mouvements d’abduction et d'adduction ; 4° ces tenta- cüles servent à l’appréhension des substances assimilables et aussi à fixer l'animal- cule sur des corps étrangers ; 5° les Oscillaires se reproduisent soit par scission artificielle et naturelle, soit par dissociation de leur substance en oospores ; 6° chaque molécule du corps ainsi dialysé reproduit directement et sans méla- morphose l'animalcule complet ; 7° ily a peut-être chez les Oscillaires une fécon- dation par zoospermes ; 8° il n'y a pas et ne peut pas y avoir de limite distincte entre le règne animal et le règne végétal, il n’y a qu'un règne organique ; 9° les Oscillaires doivent être mises, très probablement, à la fin de la classe des Anné- lides. Recherches sur l'évolution des Araïgnées, par M. E. CLAPARÈDE, in-4° avec 8 planches. Utrecht, 1862. Ce mémoire, couronné par la Société des arts et sciences d'Utrecht, est consa- cré principalement à l'embryologie du Pholcus coilionides, mais traite aussi de plusieurs autres Aranéides, et contient beaucoup d'observations précieuses pour la discussion de la théorie anatomique du système appendiculaire de tous ces ani- maux, Recherches d'embryologie comparée sur le développement du Brochet, de la Perche et de LÉcrevisse, par M. LereBouLeT. In-4°, 4862. Ce travail important, dont une grande partie fut publiée dans les Annales il y a quelques années, vient de paraitre en entier; il est extrait du XVIT° volume des mémoires présentés par divers savants étrangers à l'Académie des sciences, et il est accompagné de 6 planckles. - ——— nl MÉMOIRE SUR LA PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS DANS L'ESPÈCE DE LA POULE, Par M. Camille DARESTE, J'ai, dans trois mémoires publiés dans les Annales des sciences naturelles, fait connaitre aux physiologistes les premiers résultats de mes travaux sur la production artificielle des monstruosités. Cette question si importante pour la physiologie animale a été, en 1826, l'objet d’un célèbre mémoire de Geoffroy Saint- Hilaire, Mais, dans ce travail, Geoffroy Saint-Hilaire, après avoir posé la question et montré par quelques faits très curieux qu'elle est susceptible d’une solution expérimentale, n’a pas été plus loin et s’est contenté d'indiquer à ses successeurs une voie de recherches qu’il avait brillamment ouverte. Plusieurs embryogénistes ont fait, en France et en Angleterre, un certain nombre d'essais dans cette direction. Je puis citer à cet égard, en France, Bonnemain, Prévost et Dumas, Gaspard; en Angle- terre, Pâris et Allen Thomson. Mais tous ces auteurs qui ont * fait, à ce qu'il parait, de nombreuses expériences, n’ont publié aucun des résultats qu’ils ont obtenus, et n’ont point indiqué les procédés dont ils se sont servis pour obtenir ces résultats; ils se sont bornés à dire qu’il était possible d'obtenir des monstruosilés, en modifiant plus ou moins les conditions physiques de l'ineubation normale. La question était done presque entièrement neuve lorsque j'ai entrepris, il y a une dizaine d'années, d'en faire le sujet de mes études. Avant d'indiquer les résultats de mes recherches, je dois donner quelques indications sur les instruments dont jé me suis servi. 2h C, DARESTE, On ne peut changer les condilions normales de lineubation qu’en se servant de l'incubalion arüficielle. Comme la disposition même des appareils d’incubalion artificielle peut avoir une grande influence sur la nature des résultats obtenus, ilimporte d'indiquer tout d’abord les systèmes des machines d'incubation que j'ai em- ployées dans mes expériences. . J'ai mis en usage dans mes expériences deux machines d’incu- bation : la première est celle de M. Vallée, gardien de la ménage- rie des reptiles au Muséum d'histoire naturelle, et qui est bien connue de tous les physiologistes qui s'occupent d’embryogénie ; la seconde est une machine que j'ai construite d’après des dessins qui m'ont été fournis par M. Forney, professeur libre d’horticul- ture. La constance de la température, première et indispensable con- dition de tout appareil d’incubation artificielle, est obtenue dans ces deux machines à l’aide d’une circulation d’eau chaude, comme Bonnemain l’avait indiqué au siècle dernier. Mais c’est là, à peu près, la seule ressemblance qui existe entre ces deux machines. Je ne décrirai point ici la machine de M. Vallée qui est aujour- d’hui bien connue de tout le monde. Je dirai seulement que, dans cette couveuse, les œufs sont placés dans un tiroir dont l’air est échauffé par en haut et par en bas ; il en résulte que les œufs sont plongés dans un milieu dont la température est, sinon mathéma- tiquement, du moins sensiblement égale dans toutes ses parties. Cette disposition de l'appareil est peut-être un inconvénient dans son emploi. De plus, l'air dans lequel les œufs sont plongés s’y dessèche avec une très grande rapidité. Il en résulte que très sou- vent l'embryon vient se coller contre les parois de la coquille, ce qui le fait très promptement périr. J'ai perdu par cette cause un grand nombre d’embryons, et je n’ai pu la faire disparaître qu’en ayant soin d'entretenir dans la couveuse des éponges mouillées ou de petites cuvettes pleines d’eau, qui rendaient constamment à l'air, par l’évaporation dont elles étaient le siége, la quantité dé eau qu’il perdait incessamment. La couveuse de M. Forney diffère très notablement de celle de M. Vallée, en ce que les œufs s’y développent à l'air ordinaire. Ils PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS, 9/5 sont simplement appliqués par leur partie supérieure, celle où se place le germe au début de l'incubation, contre des tubes cylindri- ques de verre, dans lesquels circule l’eau chaude, et ne sont, par conséquent, en contact avec la chaleur qui détermine les phéno- mènes de l'incubation, que par un point de leur surface. Le reste de l'œuf repose sur une pièce de flanelle et est recouvert par une couverture de lame. Ces conditions reproduisent beaucoup plus exactement les con- ditions de l’incubation naturelle à l'aide de la Poule, où le foyer de chaleur qui est constitué par le corps de la poule n’est en con- tact avec les œufs que par quelques points de leur surface. Une couveuse ainsi disposée m'a paru, dans mes expériences, donner des résultats bien préférables à ceux de la couveuse Vallée. Toutefois, il y a dans l’une et l’autre de ces machines un grand inconvénient qui résulte de la difficulté que l’on éprouve à obtenir une température invariable. Que l’on emploie des lampes à l'huile, comme je l’ai fait à Paris, ou des becs de gaz, comme je le fais à Lille, je me suis toujours trouvé en présence de la difficulté qui consiste à obtenir cette invariabilité de température. Je pense toutefois que cette difficulté n’est pas insurmontable, et que j'arri- verai prochainement à me procurer des régulateurs qui me per- mettront d'obtenir avec mes becs de gaz une lempéralure con- stante. Mais je dois ici rappeler ce point, parce qu’il n’est pas impossible que les inégalités de température qui se sont manifestées dans mes appareils aient exercé une certaine influence sur la na- ture des résultats que j'ai obtenus. Je n'ai pu jusqu’à présent déter- miner l'étendue de l'influence exercée par cette cause spéciale. Je suis d’ailleurs très porté à croire que les diverses espèces de mon- struosités ne sont point déterminées par des causes spécifiques, et que les causes extérieures qui modifient le développement de l'em- bryon agissent seulement en déterminant une perturbation, une perversion dans la direction normale du développement. C’est du reste un point que je parviendrai, je l'espère, à éclair cir d’une manière complète, quand il me sera possible d’avoir de bons régulateurs de la température. Un autre appareil dont je me suis servi, et qui m'a rendu de très 2/6 €. DARESTE, grands services dans mes expériences, a été un petit appareil con- struit par M. Carbonnier et qui sert au mirage des œufs. J'ai pen- dant longtemps cherché à mirer les œufs en les regardant au soleil ou à une lumière artificielle, mais ce mode de mirage ne m'avait exactement rien donné; ce qui tient probablement à la nature même de ma vue, car je liens de diverses personnes que le mi- rage des œufs est généralement chose facile. L'appareil de M. Car- bonnier, qui consiste dans un tube noirci à l’intérieur, et à l’aide duquel on peut regarder l’œuf placé sur le trajet de la lumière provenant d’une lampe ou d’un bec de gaz, m'a permis au con- traire d'éclairer plus ou moins complétement l’intérieur de l'œuf, F'ai pu par ce moyen constater très facilement, au bout des pre- miers jours de l’incubation, l'existence de l'embryon et celle de l'aire vasculaire ; j'ai pu reconnaitre les mouvements de l'embryon et conslater, par conséquent, s’il était en vie. J'ai constaté l’exis- tence de l’allantoïde; j'ai pu même, dans certains cas, diagnosti- quer des faits anormaux, tels que le changement de position de l'embryon ou l’ectopie du cœur. Assurément, je ne prélends pas que cet appareil donne toujours des résultats certains, et que, par conséquent, on puisse se con- fier aveuglément aux indications qu’il fournit, Mais il m'a donné, dans le plus grand nombre de cas, des indications suffisamment exactes pour me permettre d'ouvrir l’œuf très peu de temps après la mort de l'embryon. 11 en est résulté pour moi la possibilité d'utiliser pour mes études un grand nombre de faits qui jus- qu’alors m’échappaient plus ou moins complétement. La production d’une anomalie dans l’embryon de la Poule dimi- nue considérablement sa viabilité et empêche, par conséquent, l'embryon d'atteindre l’époque de l’éclosion ; d'autre part, les mo- difications que j'introduis dans les conditions normales de l’ineu- bation sont elles-mêmes, dans beaucoup de cas, une condition de mort pour l'embryon avant qu'il ne sorte de la coquille. Tant qu'il ne m'a pas été possible d'éclairer pour mes yeux l’intérieur de l'œuf, je n'avais aucun moyen de constater la mort de l’embryon et j'étais obligé d'ouvrir mes œufs au hasard. Lorsque l'embryon avait déjà péri depuis plusieurs jours, il était souvent dans un te] PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 2/7 état de décomposition qu'il ne se prêtait point ou du moins qu’il ne se prêtait que très difficilement à l'étude. Cela m'a fait perdre l’oc- casion d'étudier un certain nombre d'anomalies qui auraient été très curieuses pour moi. D'autre part, il m'est arrivé plusieurs fois de rencontrer des monstres vivants, et de ne pouvoir, par consé- quent, les suivre jusqu’à la dernière phase de développement que ces monstres auraient atteinte s’ils avaient continué à vivre. Depuis que j'ai entre les mains l'appareil de M. Carbonnier, j'ai pu utiliser pour mes études presque toutes les anomalies qui se sont pro- duites dans mes expériences. Ces indications étaient nécessaires pour faire apprécier les con- ditions dans lesquelles je me suis placé pour obtenir les résultats qui font le sujet de ce mémoire. Les procédés dont je me suis servi pour modifier les conditions dé l’incubation ont consisté, d’une part, dans la position verticale que je donnais aux œufs ;.d’autre part, dans l'application partielle d'une couche d'huile sur leur surface. Ces deux moyens avaient été employés avant moi par Geoffroy Saint-Hilaire; mais cet illustre savant n’avait tiré de leur emploi que quelques résultats tout à fait insuffisants. J’ai pu aller beau coup plus loin que lui, quoique je sois encore bien loin d'avoir épuisé la question, et surtout d’en avoir tiré tout ce qu’elle est susceptible de nous donner. L'emploi de ces deux procédés m’a d’ailleurs donné des résul. tats de diverse nature, et qui montrent bien que si nous arrivons à produire artificiellement des monstruosités, nous ne savons pas cependant quelles sont les causes physiques ou physiologiques qui entrent alors en jeu. En effet, j'ai vu dans mes expériences trois sortes de résultats se produire : tantôt il n’y a pas eu de formation d’embryon, tantôt l'embryon s’est formé et s’est déve- loppé d’une manière régulière, tantôt enfin il s’est produit des anomalies. Il serait fort intéressant à coup sûr, pour la recherche et la dé- termination des causes, d'indiquer la proportion relative de ces trois sortes d'événements, c’est-à-dire de dresser une statistique des résultats de mes expériences, Mais je n'ai pas tardé à recon- 248 C. DARESTE, nailre qu'un pareil travail conliendrait des causes d'erreurs en si orand nombre, qu'il ne nous permettrait pas de donner une approximalion, même éloignée, de la vérité. En effet, nous ne possédons encore, du moins à ma connais- sance, aucun moyen pour reconnaitre si la cicatricule de l'œuf a reçu ou non l'influence de la fécondation. Toutes les fois que j'ai obtenu un résultat purement négatif, il y a donc lieu de se deman- der si l'œuf était clair ou s’il ne l'était pas. Peut-être quelque jour serai-je en mesure de résoudre celte question en constatant, d’après l'examen de la cicatricule, l'existence de la fécondation ; mais jusqu’à présent je ne connais aucun moyen certain d'effec- tuer cette distinction, * D'autre part, j'ai été pendant longtemps, au début demes études sur ce sujet, dans l'impossibilité de distinguer toujours ce qui est normal de ce qui est anormal. Certainement aujourd'hui je fais mieux cetle distinction, et j'ai étudié un assez grand nombre d’embryons pour pouvoir le plus ordinairement faire celte difté- rence. Mais cependant il y a encore un certain nombre de cas où cette distinction est fort difficile, je dirai même impossible, parce que les conditions de l’état normal ne nous sont pas toujours con- nues d’une manière parfaitement exacte; ce qui résulte d’ailleurs de ce fait qu'il n’y a pas entre l’état normal et l’état anormal de limite nettement tranchée, el que ces deux états passent de l'un à l’autre par des transitions insensibles. De plus, il faut encore faire observer que cette distinction est dans beaucoup de cas d’au- tant plus difficile à faire que l’anomalie porte non pas sur une mo- dification anatomique, c’est-à-dire sur une condition oculairement appréciable, mais sur la permanence, au delà d’une époque déter- minée, de certains états organiques, où, en d’autres termes, sur ce que l’on appelle un arrét de développement. Toute appréciation numérique des résultats obtenus par moi serait done ici une déception ou un leurre : je laisserai donc en- tièrement de côté ces sortes de considérations, et je n’entrerai point dans la recherche des causes qui me parait être encore aujourd’hui dans une région tout à fait inaccessible aux investi- gations directes de la science exacte. Il en est en effet de la cause PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 21,9 des monstruosités exactement comme de la cause des maladies. Qu'un certain nombre d'hommes soient simultanément soumis à l'influence des effluves paludéennes, il n’y en aura cependant qu’une partie chez lesquelles l’intoxication se mamifestera. De plus, parmi les hommes qui deviendront malades, l'intoxicalion revêtira des formes différentes. Il en est de même dans la produetion ar- tificielle des monstruosités : là aussi la cause extérieure qui exerce son influence sur l'embryon ne produira pas toujours d'action; ou lorsqu'elle agira d’une manière efficace, ses effets, c’est-à-dire les monstruosités auxquelles elle donne lieu, seront très divers. Ce qui revient à dire que dans l’éliologie des anomalies comme dans celle des maladies, il faut tenir compte non-seulement de la cause extérieure, univoque, qui agit sur les organismes, mais encore de. toutes les particularités individuelles, de toutes les idiosyncrasies que ces organismes peuvent présenter, et qui, dans le plus grand nombre des cas, ne deviennent évidentes pour nous que lors- qu'elles se manifestent par des troubles fonctionnels ou par des perversions de l’organisation. Je ne prétends pas cependant, en m'exprimant ainsi, jeter aucune défaveur sur la recherche des causes, en tératologie comme en médecine. Je crois, au contraire, que la physiologie ne saurait aborder de plus belles ni de plus utiles questions : et, dans le cas particulier qui m'occupe ici, je dois rappeler que la recher- che des causes des anomalies a toujours été le but de mes études. Mais il faut, dans la recherche de ces causes, tenir compte d’un nombre très grand d'éléments divers dont beaucoup nous sont encore inconnus, et qui, cependant, exercent une influence plus ou moins grande sur la production du résultat définitif. Quand j'aurai encore pendant quelques années répété et multiplié mes expériences dans les conditions les plus diverses, il me devien- dra peut-être possible de reconnaître l'existence de certaines causes de la monstruosité ainsi que leur mode d'action. Pour le moment, toute tentative de ce genre serait prématurée. Mais si l'étude même des causes doit être actuellement écartée, nous pouvons cependant étudier les effets que produisent ces causes inconnues : en d’autres termes, nous pouvons étudier les 250 C. DARESTE. diverses monstruosités que j'ai obtenues par les procédés que j'ai signalés plus haut, et constater la succession des divers faits qui se sont produits dans la formation de ces anomalies. Nous savons, en effet, que dans le développement d’un animal, dans cette série d'états qui se manifestent depuis la première apparition de l’em- bryon jusqu'au moment où se constitue l’animal adulte, les divers événements physiologiques s’enchaînent entre eux, de telle façon que chacun est la conséquence de ceux qui le précèdent, et la cause déterminante de ceux qui le suivent. Il en est de même dans le développement anormal. Là aussi tous les événements tératolo- oiques se suivent comme les anneaux d’une chaîne qu'il est pos- sible de dérouler, et avec laquelle on peut remonter jusqu'au premier anneau. C’est là surtout que réside l'intérêt de mes expé- riences, car mes observations me donnent actuellement l'espoir de pouvoir faire connaître tous les anneaux qui constituent la chaîne des développements de chaque espèce de monstruosité, depuis le premier fait tératologique qui a servi de point de départ. Or, jusqu’à présent, les savants qui se sont occupés de l’étude des monstruosités ne les ont étudiées que dans leur état définitif, et, s'ils ont cherché à connaître les états organiques qui précèdent cet état définitif, ils ne l'ont fait que par voie d’hypothèse, et en cher- chant à retrouver dans l’étude des faits actuels la trace des faits passés. Les recherches que j'ai faites me montrent actuellement la possibilité d'observer directement là formation des monstres, et d'arriver par conséquent à combler une lacune de la tératologie. J'ai déjà, il y a plus d’un an, dans un travail inséré dans les Annales des sciences naturelles, décrit trois cas d’exencéphalie que j'avais obtenus artificiellement. J'ai décrit ces faits, fort intéres- sants à bien des égards, sans faire connaître alors les procédés à l’aide desquels je les avais obtenus. Je dois dire aujourd’hui que c’est en soumettant ses œufs à l’incubation dans ane position ver ticale, la pointe de l’œaf étant en bas et le pôle obtus en haut. Du reste, l'incubation dans une situation verticale n’a été que rarement une cause d’anomalie. J'ai obtenu l’année dernière trois cas fort curieux, dans lesquels l’un des yeux manquait complétement, tandis que l’autre avait son PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 251 développement normal. Dans deux de ces cas qui se reproduisaient d’une manière très exacte, l’absence complète de l’un des yeux g'accompagnait d'une très remarquable anomalie du bec, dont les deux mandibules, au lieu d’être superposées comme dans l’état normal, présentaient au contraire une notable déviation. L’orbite élait représenté par une simple fente. Deux de ces embryons étaient arrivés presque au terme de Péclosion, l'autre était du douzième jour. Je ne puis d’ailleurs attacher ici aucune impor- lance à cette considération du jour de l’incubation, parce que, dans le sujet qui m'occupe actaellement, elle n’en a réellement aucune. D'abord les irrégularités de mes couveuses artificielles ne me permettent point d’attacher aux différentes époques de l’mcubation un sens exactement comparable à celui qu'elles ont dans l'in- cubation normale, D'autre part, les conditions mêmes aux- quelles je soumets mes œufs dans les couveuses artificielles peu- vent, dans bien des cas, ralentir le: développement, et changer par conséquent les époques ordinaires des diverses périodes de l'incubation. Un retard plus ou moins considérable dans le développement est en effet l'événement que j'ai rencontré le plus souvent lorsque je soumettais des œufs à l’incubation dans une situationverticale. L'organisation restait d’ailleurs normale, et le développement pouvait se prolonger jusqu'au terme ordinaire de l’éclosion. Seu- lement, j'ai constaté que les embryons ne pouvaient que diffi- cilement bêcher leur coquille, et que, d'autre part, la rentrée du jaune dans la cavité abdominale ne se faisait que très difficile- ment, Toutefois je suis loin d’avoir épuisé les questions relatives à l'influence de la position verticale sur la production des monstruo- sités. En effet, il m'est arrivé bien souvent dans mes expériences de trouver dans des œufs que j'avais soumis à l’incubation verticale des embryons qui avaient péri de très bonne heure, du troisième au cinquième jour de l’incubation, à cette époque critique de la vie de l'embryon que j'ai signalée dans un de mes précédents mémoï- res, et qui se manifeste par la formation de l’allantoïde. Or, quand 252 C. DARESFE. j'ouvrais mes œufs au dixième ou au douzième jour de l’incuba- lion, avant d’avoir employé l'appareil de mirage, l’embryon était le plus ordinairement dans un tel état d’allération on de décompo- sition qu'il ne se prêtait plus à l'étude; il m'est même arrivé plu- sieurs fois de ne pouvoir constater l’existence antérieure de l’em- bryon que par des traces indiquant, d’une manière indubitable, l'existence antérieure d’une aire vasculaire. Jai tout lieu de croire que parmi ces embryons morts si promptement il y en avait un grand nombre de monstrueux, et que les anomalies ont été la principale cause de la mort. C'est un des premiers sujels de recherches dont je compte m'occuper dans mes expériences. Un autre fait, également fort intéressant, que j'ai eu plusieurs fois occasion d'observer dans mes expériences sur les œufs couvés dans une situation verticale, a été le changement de position de l’allantoïde. On sait que dans les œufs couvés dans la position horizontale, qui est la position naturelle, l’allantoïde qui sort de la cavité abdominale au travers de l’ouverture ombilicale se déve- loppe dans un espace fermé dont les parois sont constituées supé- rieurement par le feuillet séreux, inférieurement par les feuillets vasculaire et muqueux qui recouvrent immédiatement le vitellus, ct sur l’un des côtés par l’amnios. L’allantoïde qui se présente alors sous la forme d’une petite vessie s'élève vers le feuillet séreux et vient s'appliquer immédiatement contre la paroi interne de la coquille. Puis, l’allantoïde s'étale peu à peu au-dessous de la coquille, en se dirigeant d'abord vers le pôle obtus de l'œuf, celui qui contient la chambre à air. Mais pour qu’un pareil événement puisse se produire, il faut de loute nécessité que le passage entre l’amnios et l'enveloppe séreuse soit parfaitement libre; en d’autres termes, il faut que le pédicule amniotique ait disparu : autrement l’allantoïde se dirige primitivement vers la pointe de l'œuf. Or j'ai constaté plusieurs fois dans mes expériences, lorsque je pla- çais l’œuf dans une position verticale, la pointe en haut, que l’al- lantoïde se dirigeait vers la pointe de l'œuf, et que ce n’était que tardivement qu'elle venait gagner le pôle obtus. Ge fait est d'autant plus remarquable que j'ai constaté quelque chose d'analogue dans mes expériences sur le vernissage partiel des œufs, expériences PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS, 253 dans lesquelles j'ai vu l’allantoïde se diriger primitivement vers la pointe de l'œuf, au lieu d'aller gagner le pôle obtus de la chambre à air. J'ai pendant longtemps été dans une très grande incertitude relativement à la cause de ce curieux phénomène du déplacement de l’allantoïde. J'ai tout lieu de croire aujourd’hui que la cause de ce phénomène est purement mécanique et qu’elle tient uniquement à la permanence, au delà de l’époque ordinaire, du pédicule am- niotique. Il y a là, dans l'embryogénie du Poulet, un point qui n’a pas été suffisamment éclairci. M. Jacquart, dans son beau travail sur la formation de l’amnios, signale l'existence du pédieule am- piotique au commencement du neuvième jour de l’incubation, tandis que les auteurs qui, avant M. Jacquart, ont étudié la forma- tion de l’amnios, indiquent celte disparition comme beaucoup plus hâtive. Je n’ai pas pour le moment les éléments d’après lesquels je pourrais fixer l'époque précise de cette disparition, mais je dois indiquer ce fait que j'ai, dans mes expériences, constaté très sou- vent la permanence du pédieule amniotique bien au delà de l’épo- que fixée par les auteurs. Etmême, depuis que mon attention a été spécialement appelée sur ce point, j'ai presque toujours rencontré le pédicule amniotique dans les environs du huitième jour, ainsi que M. Jacquart l’a indiqué. Mais cette permanence du pédieule amniotique est-elle un fait normal ou un événement tératologique ? Comme je n'ai jusqu'à présent étudié que des embryons placés dans des conditions anormales, il ne m'est pas possible de décider la question. Je suppose cependant que cette permanence du pédi- eule amniotique est un fait anormal et qu’elle se lie, comme je l'ai dit plus haut, avec les changements de position de l’allantoïde. C’est une question que je compte étudier plus en détail dans un travail ultérieur. Ainsi, comme on le voit, l'étude des embryons développés dans des œufs que je soumettais à l’incubalion dans la situation verti- cale, m'a donné quelques résultats, mais la question est loin d’être épuisée. J'en ai dit toutefois suffisamment pour prouver que la question est fort complexe, et pour montrer comment les phy- siologistes qui ont étudié cette question sont arrivés à des résultats très divergents. C’est ainsi que Réaumur, dans son ouvrage sur 254 €. DARESIE. l'incubation artificielle, dit avoir l'embryon se développer aussi facilement dans la position verticale que dans la position horizon tale. D'autre part, M. de Baer n’a vu presque jamais les embryons se développer dans cette position. Enfin c’est en faisant incuber des œufs dans une situation verticale que Geoffroy Saint-Hilaire a obtenu plusieurs des monstruosités artificielles qu'il a décrites dans son mémoire. Tout récemment un physiologiste allemand, M. Li- harzik, est arrivé à d’autres résultats en faisant couver les œufs verticalement ; il dit avoir constaté des inégalités très remarqua- bles de développement entre la tête et le reste du corps, chez les Poulets provenant d'œufs couvés dans la position verticale. Dans cette condition l'embryon se place, au bout de quelques jours d’in- eubation, dans une situation telle que son grand axe est parallèle au grand axe de l'œuf: ilen résulte que la tête est tantôt à l’extré- mité supérieure et tantôt à l'extrémité inférieure de l'œuf. Or, d’après M. Liharzik, dans le premier cas, le développement de la tête serait relativement plus considérable que celui du corps, tan- dis que, dans le second cas, c’est l'inverse qui aurait lieu. Je ne sais pas ce qu'il a de vrai dans l’assertion de M. Liharzik, dont je ne connais les travaux que depuis la fin de mes expériences; tout ce que je puis dire c’est qu'un fait de cette nature qui, par les con- ditions mêmes où il se produit, doit être très facile à voir, ne na jamais frappé dans mes expériences. Je ne manquerai pas d’ail- leurs de chercher à le vérifier lorsque je reprendrai mes études sur ce sujet. En résumé, ce qui résulte des expériences de Réaumur, de M. de Baer, de Geoffroy Saint-Hilaire, de M. Libarzik et des miennes, C'est que la position verticale des œufs pendant l’incuba- lion n'est point un obstacle absolu au développement de l’em- bryon; que le développement peut se faire complétement, et embryon atteindre l’époque de l’éclosion ; mais que cependant celte position insolite est beaucoup moins favorable que la position horizontale au développement de l'embryon ; que dans les œufs placés verticalement beaucoup d’embryons périssent de très bonne heure, vers l’époque de la formation de l’allantoïde, époque qui, d'après loules mes observations, me paraît être une époque cri- PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUUSITÉS. 255 tique dans la vie de l'embryon; enfin que cette position peut, dans certains cas, changer les conditions du développement normal, et devenir l’origine d’un certain nombre de monstruosités. Je passe maintenant à la description des résultats que j'ai obte- nus en recouvrant une moitié de l'œuf avec une couche d'huile. Je dois rappeler, à ce sujet, les faits que j'ai constatés dans un de mes précédents mémoires. J'ai prouvé que l'application d'huile ou d’une substance grasse quelconque sur la coquille d’un œuf en détruit presque entièrement la porosité, tandis que les vernis ne font que diminuer la porosité de la coquille, fait d’une très grande importance au point de vue tout spécial qui m'occupe ici, puisque les matières grasses et l'huile possèdent seules la propriété de rendre la coquille de l’œuf imperméable à l'air extérieur. J'avais déjà fait, au début de mes études sur eelle question de la formation des monstres, beaucoup d'expériences en vernissant partiellement les œufs. Ces expériences m'ont donné quelques résultats que j'ai publiés dans mon premier mémoire. Mais, comme dans ces expériences je me servais de vernis, je n’alteignais mon but que d'une manière incomiplèle; aussi ces expériences m'avaient-elles donné peu de résultats relativement à la formation des monstruosités. L'application de l'huile sur les œufs m’a donné des résultats beaucoup plus nombreux et beaucoup plus remarqua- bles, comme d'ailleurs la théorie le faisait prévoir. Dans ces expériences, j'ai couvert d'huile une moitié de la” coquille parallèlement au grand axe, ou quelquefois j’ai entouré la coquille par une couche annulaire d'huile également disposée parallèlement à son grand axe. Je n’ai que très rarement appliqué la substance imperméable aux extrémités de l’œuf pour ne pas compliquer la question du fait du déplacement de l’allantoïde signalé dans mon premier mémoire, En agissant ainsi, je diminuais de moitié l’étendue de la surface par laquelle l’air peut pénétrer dans l'œuf. On conçoit donc faci- lement que ces conditions nouvelles aient dû amener des modifi- cations profondes dans l’organisation de l'embryon et dans ses phénomènes physiologiques. Aussi je n'ai jamais pu amener au terme de lincubation les embryons contenus dans les œufs que je 200 C. DARESTE. soumettais à l'ineubation après avoir recouvert d’une couche d'huile la moitié de la surface de leur coquille. L'embryon normal ou anormal à toujours péri à l’époque où l’allantoïde s'étend sur toute la face intérieure de la coquille pour former lor- gane respiratoire de l'embryon, et il périt parce que l’allantoïde ne s'étend pas dans toute cette partie de la coquille qui a été graissée avec de l'huile. Il résuite de ces faits que l’asphyxie doit être la cause de la mort dans les conditions anormales où j'ai placé mes œufs dans ces expériences d'incubation. L'examen de mes embryons m'a mon- tré, en effet, que les choses se passent réellement ainsi. J’ai vu souvent, lorsque l'embryon était sur le point de mourir, le sang prendre cette teinte brune qui caractérise le sang veineux ; j'ai vu également, etsur les embryons qui allaient mourir, et sur les em- bryons déjà morts de nombreuses congestions pouvant occuper tous les organes, et même, dans certains cas, ces congestions s’accompagnaient d’hémorrhagie. Certaines parties du corps parais- sent même être le lieu d'élection de ces hémorrhagies. Tel est, par exemple, à la région céphalique, l'intervalle qui sépare les parois de la tête des diverses vésicules cérébrales; tel est aussi l’amnios dont la sérosité, qui est ordinairement parfaitement limpide, devenait assez souvent sanguinolente par suite d’un mélange de sang épanché. Dans tous ces embryons qui avaient ainsi péri par asphyxie, j'ai constaté un fait très curieux et qui, à ma connaissance du moins, n’a jamais élé signalé comme phénomène accompagnant la mort : c’est une dilatation énorme de la région auriculaire du cœur, qui est distendue par une accumulation considérable de sang dans sa cavité; il m'est même arrivé de rencontrer ce sang à l’état de cail- lots. Cette dilatation de la région auriculaire, qui fait paraître cette région beaucoup plus volumineuse que la région ventriculaire, laquelle au contraire se vide au moment de la mort, est quelquefois tellement marquée qu'elle produit un déplacement du cœur, et que pendant longtemps, dans mes études, j'ai cru, lorsque je rencontrais de ces faits, me trouver en présence d'une ectopie véritable. Je me suis assuré, par de nombreuses observations, que PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 257 cette dilatation de l'oreillette est un fait des derniers temps de la vie, que c’est un fait d’agonie, si l’on peut parler ainsi, et que, par conséquent, cette particularité physiologique, fort curieuse en elle- même, n’a aucun rapport direct avec la production des monstruo- sités. C’est un fait que je signale aux recherches des physiologistes et des pathologistes : la dilatation des oreillettes ne s’observerait- elle point pendant les phénomènes encore si peu connus de l’agonie, et particulièrement dans les maladies qui s’accompagnent d'obstacles plus où moins grands à la fonction de l’hématose ? Toutefois l’asphyxie n’a pas toujours été la cause de la mort de mes embryons, dont la coquille étaitimperméable par moitié. Je les ai vus périr bien souvent avant que l’asphyxie ne devint inévitable, et j'ai pu constater que dans ces circonstances la mort pouvait tenir à une cause tout autre. Cette cause de mort est l’anémie. J'ai ren- contré souvent des embryons vivants ou morts, et qui étaient plus ou moins complétement exsangues, qui, par conséquent, présen- taient dans leur aspect un contrasle très frappant avec celui des embryons morts par asphyxie dont je parlais tout à l’heure. L’ané- mie peut, chez les embryons, aller jusqu’à un degré vraiment incroyable. J'ai vu, par exemple, un embryon vivant dont le sang était entièrement incolore, et toutefois le cœur a battu pendant plusieurs minutes après son extraction de la coquille. C'était pour moi un spectacle véritablement étrange que de voir battre sous mes yeux ce cœur qui ne contenait qu'un liquide incolore et tout à fait semblable à de l’eau. Toutefois l’examen microscopique m'a mon- tré que ce liquide contenait encore en. suspension un petit nombre de globules sanguins. La partie périphérique de l’aire transparente contenait encore un peu de sang rouge, à l’état de stagnation, mais il n'y avait rien de semblablé dans toute la partie médiane, celle qui entoure l'embryon. : Bien que dans ce travail je doive surtout insister sur les résul- tals que j'ai obtenus, en réservant pour des publications ultérieu- res l'indication des nombreuses conséquences physiologiques qui en résultent, je ne puis pas cependant ne pas faire remarquer l’analogie très grande que présentent ces faits avec les faits analo- gues observés si souvent chez les nouveau-nés dans l'espèce hu- 4° série. Zoou, T, XVIII. (Cahier n° 5.) 1 17 258 C. DARESTE. maine. L'état de mort apparente des nouveau-nés qui est sisouvent un obstacle à l'établissement de la première respiration peut tenir en effet à des causes bien différentes, l’asphyxie et l'anémie, qui, toutes choses égales d’ailleurs, se présentent dans des conditions physiologiques tout à fait comparables à celles que j'ai signalées dans mes expériences. Du reste, ces différentes conditions d’asphyxie et d'anémie que j'ai constatées dans mes expériences ne sont pas simple- ment la conséquence de l'application de l'huile sur une partie de la coquille; elles tiennent aussi, d’une manière bien évidente, aux monstruosités elles-mêmes, dans les cas où les monstruosités se sont produites. Et ici il importe, pour bien apprécier cette cause di mort chez les embryons monstrueux, de montrer comment dans l'embryon des Oiseaux, les monstruosités, quant à leur déve- loppement, nous présentent des conditions tout à fait différentes de celles que nous rencontrons chez les Mammifères. En effet, l’em- bryon d'oiseau, depuis Ie moment où il commence à se former dans le blastoderme jusqu’à eelui de l’éclosion, vit d'une vie com- plétement indépendante, et ne peut tirer sa nourriture que dés élé- ments de l’albumine et du vitellus que contient la coquille de l'œuf. L’embryon des Mammifères est, au contraire, dans des conditions beaucoup plus favorables : il se fixe aux parois de l’utérus, d’abord à l’aide des villosités du chorion, puis à l’aide du placenta, et il vit ainsi, jusqu'au moment de la naissance, d’une vie d’emprant, Il résulte de cette différence physiologique une différence très mar- quée dans la viabilité des monstres chez les Mammifères et chez les oiseaux. En effet, la monstruosité qui est, dans bien des cas, un obstacle à l'accomplissement des phénomènes physiologiques, est, par cela même, un obstacle à la vie des monstres. On comprend donc que dans les cas où l'embryon se développe d’utie manière indépendante, la monstruosité puisse le faire périr de très bonne heure, tandis que l'embryon monstrueux des Mammifères qui vit en parasite dans l’atérus, peut prolonger sa vie, dans beaucoup de circonstances, jusqu’à l’époque de la naissance, et, par suite dé cette cause, continuer à s’accroitre pendant toute la durée de la vie intra-utérine, Ces faits ont une très grande importance, car ils PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 259 nous expliquent très probablement les différences que l’on a signa- lées quant à la fréquence des monstruosités, et quant à la diver- silé des lypes.monstrueux, entre les Oiseaux et les Mammifères. J'ai lieu de croire, contrairement à ce qui semblerait résulter des travaux publiés sur la monstruosité, que la fréquence dés forma- tions monstrueuses est plus grande chez les embryons à incubation extérieure que chez lesembryons à incubation intérieure ; parce que les premiers sont soumis à des influences extérieures beaucoup plus variées que les seconds. Mais il arrive que dans les animaux à incubation extérieure l’embryon monstrueux périt de très bonne heure, et ne peut arriver dans le plus grand nombre des cas jus- qu'au moment de l’éclosion. Il en résulte qu’un très grand nom- bré de faits passent complétement inaperçus, parce que les personnes qui font couver n’ont point la pensée d’aller étudier l'em- bryon des œufs qui ne se sont point développés, et que d’ailleurs au terme des vingt et un jours de l’incubation, l'embryon serait plus où moins décomposé et putréfié, et ne présenterait plus à l’obser- vateur que des traces indiscernables. C'est Ià ce qui explique com- ment, dans mes expériences où j'ai presque toujours ouvert mes œufs du huitième au douzième jour de l’incubation, il m'a été pos- sible d'observer un certain nombre de monstruosités qui ne figu- rent point dans les ouvrages tératologiques comme provenant des Oiseaux. Il résulte de ces considérations que si les études tératologiques que je fais sur les Oiseaux, peuvent s'appliquer dans une certaine mesure à la tératogénie des Mammifères, il y a cependant dans cette dernière classe des conditions toutes spéciales qui restreignent à quelques égards les applications que j'aurais voulu pouvoir faire de mes études tératologiques actuelles. La production des mons - tres chez les Mammifères devra done former le sujet d’un autre travail pour lequel je me suis déjà préparé. Toutes ces considérations étaient nécessaires pour faire appré- cier la valeur dés résultats que j'ai obtenus, et dont je vais mainte- nant faire connaître les principaux, ceux que j'ai observés d’une manière assez complète pour ne pas conserver de doutes sur leur nature. 260 C. DIRESTE. Mais avant de les étudier, je dois dire tout d’abord que je les signale dans mon travail tels qu'ils se sont présentés à moi, et sans faire intervenir aucune considération théorique. J'ai besoin de faire - cette réserve, car, dans une autre circonstance, lorsque j'ai pré- senté à l’Académie, au mois d'août 1861, les premiers résultats de mes travaux, j'avais cru pouvoir aller plus loin, et déduire de mes observations certaines tentatives d'explication. J’avais cherché à montrer que la monstruosité est, dans beaucoup de circon- stances, le résultat d’un changement de position de l'embryon par rapport au vitellus. En effet, dans sa formation normale, l'embryon est d’abord couché à plat sur le vitellus, puis du troisième au qua- trième jour, sa position change. La tête se tourne d’abord sur le tronc, de telle sorte qu’elle soit en rapport avec le vitellus par le côté gauche; puis ce mouvement de la tête est suivi par un mou- vement de tout le tronc qui vient peu à peu se placer en entier sur le côté gauche à la suite de la tête. Or dans certaines circon- stances, ce mouvement ne se fait pas, ou ne se fait qu’incompléte- ment et seulement pour la tête. Dans d’autres cas, le mouvement se produit en sens inverse, c’est-à-dire que la tête et le corps à sa suite se lournent sur le côté droit. Comme ces faits s’'accompa- gnent très souvent d'événements téralologiques, j'avais pensé d’abord que cette coexistence indiquait un rapport de cause à effet. Mais les nouvelles observations que j'ai faites cette année me donnent lieu de croire que la question est beaucoup plus com- plexe que je ne l'avais cru tout d’abord, et que si les changements de position de l'embryon sont dans certains cas, comme cela est incontestable pour moi, le point de départ de la formation de cer- taines anomalies, ils ne sont pas toujours cependant le fait primitif de la monstruosité, et sont eux-mêmes le résultat d'événements tératologiques antérieurs. Toutefois, tout en laissant plus ou moins complétement de côté la recherche des causes, je dois cependant signaler un certain nombre de faits que j'ai très fréquemment observés, et qui jouent très probablement un grand rôle dans la formation des monstruo- sités, bien que je n'aie puencore établir ce rôle avec une précision suffisante : ces faits consistent dans les arrêts de développement PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 261 de l'amnios et dans la soudure de celte membrane soit avee le feuillet séreux, soit avec le feuillet vasculaire. Comme ces faits, les derniers surtout, se sont rencontrés un très grand nombre de fois dans mes expériences, je dois les mentionner ici d’une manière toute spéciale. Je parlerai d’abord des adhérences de l’amnios avec le feuillet séreux et avec le feuillet vasculaire. Il y à d’abord une de ces adhérences qui est normale pendant un certain temps, comme je l'ai déjà dit au commencement de mon mémoire. Cette adhérence c'est le pédicule amniotique, je l’ai souvent rencontré dans les œufs vouvés dans l’incubation verticale; je l'ai également presque toujours rencontré dans les œufs à coquille rendue imperméable à l'air par moitié. J’ai déjà indiqué plus haut comment la permanence du pédicule amniotique pouvait amener un déplacement de l’allan- toïde ; c’est un point sur lequel je ne reviendrai pas ici. Dans ces conditions, l’adhérence de l’amnios au feuillet séreux s'explique par la permanence d’une condition normale, mais transitoire et de peu de durée. Mais dans beaucoup de circonstances, cette adhérence n’était pas la seule. Le pédicule amniotique s’insère sur la partie de l’am- nios qui correspond à la région lombaire de l’embryon. Or j'a souvent constaté l'existence d’une autre adhérence occupant la par- tie de l’amnios qui correspond à larégion céphalique del’embryon, et particulièrement à l’œil droit. Cette nouvelle adhérence, qui d'ailleurs coexislait toujours avec la première, était évidemment accidentelle. Il en était de même d'une autre adhérence que j'ai également plusieurs fois rencontrée, et qui faisait en quelque sorte le pendant de la première ; c’est une adhérence entre le feuillet vasculaire et la partie de l’amnios qui répond à l'œil gauche. J'ai observé ces trois sortes d’adhérences, qui occupaient tou- joursla même position, sur un grand nombre d’embryons normaux et anormaux. Jusqu'à quel point peut-on leur attribuer un rôle dans la production des anomalies ? C’est ce que je ne me per- mettrai point de décider. Je me contenterai seulement de faire remarquer qu’elles sont probablement un obstacle à l’accroisse- ment de l'amnios, et que, par suite, elles peuvent gêner l'embryon 262 C. DARESTE, dans son développement normal. Je crois également, mais sans pouvoir aujourd’hui appuyer encore ma manière de voir sur des faits bien certains, que ces brides amniotiques extérieures sont le point de départ de brides amniotiques intérieures, c'est-à-dire de brides étendues de la face interne de l’amnios jusqu’à certaines parties de l'embryon, brides que j'ai déjà eu occasion de décrire dans un de mes mémoires imprimés. Je n’ai pas besoin de rappeler d'ailleurs ce que les physiologistes savent, que Geoffroy Saint- Hilaire a souvent insisté sur l'existence de ces brides qui unissent certaines parties de l’embryon ou du fœtus monstrueux à certains points de ses membranes, et qu'il a vu dans l'existence de ces brides le point de départ d'un certain nombre de monstruosités. Mes observations auront peut-être pour résultat de confirmer et d'étendre ces vues de Geoffroy Saint-Hilaire en montrant qu'il y a un certain nombre de points déterminés, de lieux d'élection, pour la formation de ces adhérences dont le rôle paraît être fort impor- tant dans la tératogénie. J'ai eu également occasion de constater un certain nombre d’arrêts de développement de l’amnios. Ainsi j'ai vu plusieurs fois cette membrane réduite au capuchon céphalique; dans d’autres circonstances j'ai constaté la permanence de l’ombilic amniotique qui, dans certains cas, était encore très considérable et laissait voir à l'extérieur une partie plus ou moins considérable de la tête ou du tronc de l'embryon. J'ai tout lieu de croire que ces arrêts de développement de l’amnios peuvent, dans certains cas, devenir le point de départ de formations tératologiques. Je puis, à ce sujet, citer un fait très curieux que j'ai eu récem- ment occasion d'observer. Dans un embryon ouvert au huitième jour de l’incubation, mais qui avait déjà péri depuis plusieurs jours, j'ai rencontré une semblable disposition de l’amnios qui était lar- sement ouvert dans toute la région dorsale. Or j'ai pu constater, quoique l'embryon fût déjà dans un état de décomposition assez avancé pour m'empêcher de tout voir, que le rebord supérieur de cette ouverture de l’amnios, rebord formé par la jonction du eapu- chon céphalique avec le rebord du feuillet séreux, avait contracté des adhérences avec la tête de l'embryon, et je crois, mais je n’ai PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 263 pu m'en assurer, qu'il en élait de même pour le bord inférieur de cette ouverture. Les adhérences de l’amnios avec certaines parties du corps de l'embryon avaient déterminé des anomalies. La tête avait accompli son changement de position, mais le corps, qui était resté couché à plat sur le vitellus, présentait une énorme incurva- tion au point de jonction de la région cervicale avec la région dor- sale. Il semblait que l'amnios n'ayant pu se développer par suite de sa soudure avec l'embryon, et maintenant d’une manière inva- riable les deux extrémités de l'embryon, celui-ci n'avait pu se développer qu’en se recourbant sur lui-même. Cet embryon pré- sentait également une ectopie du cœur, et une ouverture ombili- cale antérieure beaucoup plus considérable que d'ordinaire : mal- . heureusement son état de décomposition ne m'a pas permis de bien apprécier toutes les conditions de cette ectopie. J'aurai encore occasion dans le cours de ce mémoire d’indiquer quelques autres faits du même genre, et dans lesquels des adhé- rences normales coexistaient avec des anomalies plus ou moins graves. Je me crois donc en droit d'admettre que ces adhérences acci- dentelles constituent un élément important de l’histoire des anoma- lies; mais je n’ai pas encore réuni un nombre de faits suffisants pour pouvoir établir d’une manière bien certaine leur véritable rôle; pour décider, par exemple, si elles constituent dans tous les cas, comme Geoffroy Saint-Hilaire avait cru pouvoir l’admettre, le point de départ des événements tératologiques, ou si elles ne seraient elles-mêmes que le résultat d'événements tératologiques antérieurs. Peut-être quand j'aurai, pendant quelque temps encore, multiplié mes observations, me sera-t-il possible de résoudre la question, et de placer une théorie là où il n’y a encore qu'une - accumulation de faits. Je passe maintenant à la description de plusieurs cas très curieux dont je ferai ressortir les particularités les plus remar- quables. Un œuf qui avait été recouvert d’une couche annulaire d'huile parallèlement à son grand axe fut mis en incubation le 6 juin 1861, et ouvert le 47 juin. 254 €. DARESTE, J'avais constaté par le mirage que l'embryon vivait encore le 45 juin; il avait donc vécu au moins pendant neuf jours. J'avais pu également constater pendant la vie l’existence des battements du cœur, et les faire constater par d’autres : ce fait insolite m'avait permis de diagnostiquer sur l'œuf une ectopie complète du cœur. L'examen que j'en ai fait m’a prouvé que je ne m'étais point trompé ; mais en même temps j'ai trouvé des anomalies plus remar- quables encore. L’amnios était complétement formé et présentait le pédicule amniotique ; l’allantoïde était sortie, comme cela a lieu dans l’état normal, au côté droit de l'embryon, mais elle n’avait que 6 millimètres d’étendue, ce qui indiquait un retard manifeste dans le développement de l’embryon. Le cœur était tout à fait en dehors de l'ouverture ombilicale, et il se voyait au-dessus du vitel- lus, à droite du corps de l'embryon, qui était resté couché à plat sur le vitellus, et n'avait pas pris sa position normale sur le côté gauche. Ce cœur était très volumineux, mais complétement ren- versé sur lui-même; la région ventriculaire était supérieure, la région auriculaire inférieure. Mais cette ectopie n’était pas le fait le plus remarquable : l'embryon présentait à première vue un aspect entièrement insolite, car on n’apercevait dans l’amnios que le corps avec les quatre membres. bien formés, mais sans aucune trace de tête; et hors de l’amnios, au côté droit, le cœur, et au- dessous du cœur, l’allantoïde. En y regardant de près, on finis- -sait par retrouver la tête, même assez volumineuse, mais elle s'était enfoncée dans l'intérieur de la cavité du vitellus. Pour comprendre comment cela avait pu se faire, il faut admettre que la tête n'ayant point changé de position, et ne s'étant point tournée à gauche, comme elle le fait dans l’état normal, avait dû, en se développant et en se recourbant en avant, pénétrer dans l'intérieur du vitellus en poussant devant elle d’abord la partie antérieure de l’amnios, puis le feuillet vasculaire, puis enfin le feuillet muqueux. Ces trois tuniques ainsi juxtaposées autour de la tête s'étaient soudées à la tête, et il en était résulté une masse informe qui faisait saillie dans l’intérieur de la cavité du vitellus, et dans laquelle il était à peu près impossible de distin- PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 265 guer aucun organe. On voyait seulement, en avant, quelque appa- rence de lobes cérébraux, et aussi la région du bec supérieur, à l'époque où la partie qui donnera naissance aux intermaxillaires ne fait pas encore de saillie au delà de la région des maxillaires eux- mêmes. On voyait à la gauche de cette masse encéphalique un point noir dont l'existence indiquait la place de l'œil. Rien de pareil ne se voyait au côté gauche. Toute cette masse était rouge et avait été le siége de congestions et d'épanchements sanguins. La masse encéphalique paraissait comme étranglée, au point où elle pénétrait dans le vitellus, par le rebord de ces divers feuillets avec lesquels elle était soudée. Cet étranglement avait été très probablement le point de départ de congestions sanguines, dont la trace était encore bien évidente. Ce fait est fort intéressant à beaucoup d’égards; il soulève un grand nombre de questions physiologiques d’une très haute im- portance. Malheureusement, jusqu'à présent il est le seul de ce genre qui se soit présenté dans mesexpériences; aussi ne m'a-t-il pas été possible de faire à son sujet des études aussi complètes que je l'aurais désiré. Je ferai remarquer seulement qu'il présente une très grande analogie avec les monstres humains qu'Isid. Geoffroy Saint-Hilaire a décrits sous le nom d’hémi-acéphales. I] y a toutefois cette différence que dans les hémi-acéphales humains le cœur n'existait point, ou du moins n'existait qu’à l’état rudimentaire. Mais il n’est peut-être pas impossible d’expliquer cette diffé- rence par la rapidité de la mort dans l'embryon que j'ai décrit, tandis que dans les hémi-acéphales humains la vie intra-utérine s'était prolongée pendant un temps assez long, et que le cœur avait pu cesser de bonne heure ses fonctions et se convertir en une masse informe et rudimentaire sans que la vie füt pour cela im- médiatement compromise. Je dois faire remarquer encore, à l’oc- casion de ce fait, que la pénétration de la tête dans l'intérieur de la cavité du vitellus ou de la vésicule ombilicale, qui est absolument anormale chez les Oiseaux, paraît être au contraire la règle géné- rale dans le développement de certaines espèces de Mammifères. Ces faits ont été vus dans l'embryon du Chien et du Lapin par MM. de Baer, Coste et Bischoff. 266 C. DARESTE. Une autre anomalie que j'ai eu occasion d'observer est l'inver- sion des viscères, Je l'ai rencontrée deux fois, et dans des condi- tions qui ne laissaient aucune prise au doute. Le cœur était disposé de telle sorte que les parties qui, dans l’état normal, sont à gau- che, étaient à droite, et viceversa. Les parties qui occupent le côté droit du cœur se trouvaient à gauche. L’estomac occupait le côté droit de la cavité abdominale, et l’allantoïde qui, dans l’état nor- mal, sort de l'ouverture ombilicale au côté droit de l'embryon, sortait au contraire à son côté gauche. Les embryons que j'ai observés au cinquièmé et au sixième jour de l’incubation étaient encore trop peu développés pour me permettre de suivre dans tous leurs détails toutes les conséquences anatomiques de l’inver- sion des viscères; mais les faits que je viens d'indiquer ne peu- vent me laisser aucun doute sur l'existence de cette inversion. Je ferai remarquer d'ailleurs que M. de Baer a déjà décrit, il y a plus de trente ans, un embryon présentant des conditions anatomiques tout à fait comparables à celles que j'ai observées moi-même, et qu'il n’a pas hésité à y voir un fait d'inversion. Mais il y avait cette différence entre le cas observé par M. de Baer et ceux que j'ai observés moi-même, que, dans mes deux observations, l’ano- malie était le résultat de causes déterminées par moi, tandis que l'observation de M. de Baer était simplement le résultat d’une combinaison de causes tout à fait étrangères à la volonté de l'ob- servateur. Il y avait d’ailleurs dans mes observations et dans celles de M. de Baer une particularité fort importante et qui paraît se lier de la façon la plus étroite au fait de l’inversion des viscères. Cette particularité, c’est un changement de position de l'embryon qui, au lieu de se tourner sur le côté gauche, comme dans l’état nor- mal, s'était au contraire tourné sur le côté droit. Mais ce change- ment de position de l'embryon par rapport au vitellus est-il la cause de l’inversion, ou seulement un de ses effets? M. de Baer, en mentionnant le cas dont j'ai parlé tout à l'heure, voit dans ce changement de position de l'embryon la cause même de l'inver- sion des viscères ; seulement il ajoute que cette cause ne produit pas toujours l’inversion, et il mentionne à ce sujet un autre em- PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 267 bryon complétement couché sur le côté droit, mais qui ne présen- tait aucune trace d’inversion, J'ai partagé pendant longtemps l'opinion de M. de Baer, et j'ai même, l’année dernière, en faisant connaître à l’Académie les premiers résultats de mes expériences, gignalé ce changement de position comme étant le point de départ de l'inversion. Deux observations que j'ai eu tout récemment occasion de faire me donnent lieu de croire que l’inversion des viscères est la cause er non l'effet du changement de position de l'embryon, et qu'elle se manifeste dans Revel à une époque notablement antérieure à celle du changement de position. On sait en effet que le cœur, lorsqu'il commence à se former, occupe d’abord une position médiane, au-dessous de la tête, puis, que par le progrès de son développement il se transforme, de canal recti- ligne qu'il était d’abord, en un canal curviligne, dont la convexité se tourne à droite. Il en résulte que, lorsqu'on étudie l'embryon avant son changement de position, on voit l’are formé par le cœur à droite de l'embryon. Or j'ai eu récemment occasion d'observer deux embryons non encore retournés et chez lesquels l’are cardia- que se voyait au côté gauche. Je ne puis avoir aucun doute sur l’exactitude de mon observation, car j'ai vu pendant un certain temps, après l'ouverture de la coquille, les battements du cœur se manifester dans cette condition insolite. Ces deux faits, très curieux à beaucoup d’égards, quand on les considère en eux-mêmes, me paraissent d'autant plus intéressants que, dans mon opinion du moins, ils me donnent une explication toute simple du fait de l’in- version des viscères, ainsi que je le démontrerai dans un mémoire spécial, où je compte également montrer comment, dans le cas des monstres doubles, où l’un des sujets présente une inversion, cette inversion de l’un des sujets peut aussi s'expliquer de la façon la plus simple et la plus naturelle en partant de mes observations actuelles. L’inversion des viscères me paraît donc être le résultat d’une modification particulière dans la disposition du cœur, modification qui se produit de très bonne heure, et qui entraîne à sa suite comme une conséquence nécessaire le changement de position de l'embryon qui se couche par son côté droit sur le vitellus. Mais ce 268 €. DARESTE. changement de position de l'embryon n'est pas toujours la consé- quence du fait de l'inversion. Il arrive assez fréquemment que l'embryon se couche sur le côté droit sans qu'il y ait inversion des viscères, et même sans qu'il y ait aucune monstruosité. C’est un fait dont j'ai certainement rencontré une vingtaine d'exemples depuis deux ans. Il est très possible que dans un grand nombre de cas, ce changement de position soit tout à fait accidentel, et qu'il se soit produit au moment même où l’on déplace l’œuf pour le mirer ou pour l'ouvrir. Toutefois, ce changement de position peut, dans certains cas, se" produire antérieurement à Ja pénétration du cœur dans la région thoracique. On obtient dans ces conditions de très curieux cas d’ectopie de cet organe, et qui diffèrent complé- tement de tous les cas d’ectopie du cœur qui ont été décrits jusqu'à présent. Dans un de ces cas, le cœur était suspendu à la partie supérieure du côté dorsal de la région cervicale de l'embryon, à peu près, qu’on me passe la comparaison, comme la hotte sur le dos d’un portefaix. Dans un autre cas plus curieux encore, le cœur était placé au-dessus de la tête. Ces deux si étranges ectopies du cœur s'expliquent de la façon la plus simple : le cœur s’est d’abord constitué, comme dans l’état normal, à la droite de l'embryon. Mais l'embryon se tournant sur le côté droit avant que le cœur n'ait pénétré dans la cavité thoracique , cet organe reste suspendu en arrière du thorax ou au-dessus de la tête et ne peut plus arriver dans la poitrine. Ces deux ectopies du cœur sont au nombre des plus curieuses anomalies qui se sont produites dans mes expé- riences. J'ai malheureusement perdu la note que j'avais rédigée à l’occasion du second cas, de celui où le cœur était situé au-dessus de la tête, mais je puis donner quelques détails intéressants sur le premier. L'œuf avait été mis en incubation le 5 juin 1861 et ouvert le 12 juin. Le 10, le mirage avait donné des doutes sur l’existencede la vie. Cet œuf n'avait point été couvert d'huile, mais il avait été placé dans une position verticale, le gros bout en haut. Le changement de position de l'embryon ne s’était encore manifesté d’une manière complète qu'à la tête, qui reposait entièrement sur le côté droit, et PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS, 269 qui présentait des brides d’adhérence avec l'amnios. Les yeux ne se voyaient point. Le tronc, à l'exception de la région cervicale qui avait suivi le mouvement de la tête, était encore couché à plat sur le vitellus; mais il montrait une tendance à se tourner sur le côté gauche, c'est-à-dire en sens inverse de la tête; il était du reste courbé dans le sens de sa longueur, très probablement par suite des adhérences de la région céphalique qui avaient fait un obstacle à son développement rectiligne. L’amnios existait, mais comme il s’est rompu au moment où j'ai ouvert l'œuf, je n’ai pu me rendre compte de sa disposition qui eùt été fort intéressante à connaître ; j'ai constaté également l'existence de l’allantoïde qui était sortie au côté droit. J'ai maintenant à décrire un certain nombre d'anomalies qui se sont caractérisées par une ectopie totale ou partielle du cœur, et dans lesquelles cet organe se trouvait plus ou moins complétement en dehors de la cavité thoraco-abdominale et faisait hernie au tra- vers de l'ouverture ombilicale encore fort large, Je ne décrirai point ici tous les faits de ce genre que j'ai observés, parce que cela m'exposerait à des répétitions inutiles; je choisirai seulement dans mon journal d'expériences un certain nombre de faits nette- ment caractérisés. N° 1. — Œuf mis en incubation le 6 juin 1861, ouvert le 17 juin; la vie avait été constatée le 15 juin. La moitié de la coquille correspondant au gros bout avait été huilée ; l’allantoïde se dirigeait vers le petit bout. Dans cet embryon, le cœur tout entier était en dehors de l’ouverture ombilicale ; l'embryon était entière- ment couché sur le côté gauche. N° 2. — Œuf mis en incubation le 6 juillet et ouvert le 18 juillet. La coquille de l'œuf avait été vernie dans une de ses moitiés parallèle- ment au grand axe; l'embryon était mort. L’allantoïde avait le diamètre d’une pièce de 5 francs, et se dirigeait, comme d'ordinaire, vers la chambre à air. Inégalité très manifeste de volame entre les yeux et les lobes optiques : l'œil droit et le lobe optique droit étant notablement plus petits que l’œil gauche et le lobe optique gauche. Ectopie partielle du cœur : la région auriculaire occupant sa position normale à la partie supérieure de la région thoracique, tandis que la région ventriculaire sortait au dehors de la cavité abdominale par la cavité ombilicale largement ouverte. 270 . C. DARESTE. La région auriculaire et la région ventriculaire de cet organe sont à une assez grande distance l’une de l’autre, et séparées par un conduit particulier qui n’est autre chose que le canal auriculo-ventriculaire per- sistant, et qui, dans le cas actuel, avait une étendue presque aussi consi- dérable que celle de chacune des deux régions qu'il sépare. Je dois faire remarquer ici qué, dans la note que j'ai présentée à l’Académie au mois d'août dernier, j'ai par mégarde donné à ce conduit le nom de détroit de Haller. Le détroit de Haller est en effet un autre organé : le petit canal qui sépare le bulbe artériel de la région ventriculaire. Cette méprise de ma part ne peut d’ailleurs rien changer à la description que je donne ici, puisqu'elle porte uniquement sur une dénomination inexacte. Ce genre particulier d’ectopie du cœur a un grand intérêt à divers égards. D'abord, c’est la première fois qu’on le signalé, soit chez le Poulet, soit dansl’espèce humaine où les ectopies du cœur ont été si souvent l'objet des études des anatomistes. Je soup- conne cependant que c'était le genre d’ectopie observé par Géof- froy Saint-Hilaire dans l’un des monstres artificiels dont il a donné la description, Je n’ai pas actuellement sous les yeux le mémoire de Geoffroy Saint-Hilaire, mais je lis dans le Traité de tératologie d'Isidore Geoffroy Saint-Hilaire la phrase suivante : « Dans ce Poulet célosome l’éventration avait entraîné avec elle le cœur qui était devenu visible à l'extérieur quoiqu’en grande partie enfoncé dans le thofax, Le sternum ne se prolongeait pas inférieurément aussi loin qu’à l'ordinaire.» Cette indication, fort incomplète d’ailleurs, me paraît mdiquer un fait comparable au mien ; toutefois il y est mention du sternum, tandis que dans mon embryon je n’y ai rien trouvé de semblable. Mais cette différence n’est très probablement qu’une question d’âge. En effet, l'embryon observé par Geoffroy Saint-Hilaire avait été soumis à l’incubation dans la position verticale, position qui, ainsi que je V’ai dit plus haut, n’est point un obstacle absolu au dévelop pement complet de l'embryon, tandis que, dans mes expériences sur les œufs à coquille rendue, par moitié, imperméable à l'air, je n'ai jamais vu la vie se prolonger au delà d’une certaine limite. PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 971 Je dois faire remarquer également que cette ectopie partielle du cœur est l’un des faits que j'ai le plus fréquemment observés dans mes expériences sur la production des monstruosités. J'en ai bien rencontré uné douzaine d'exemples au mois de juin et au mois de juillet de l’année dernière. Je ne les mentionne point tous dans mon mémoire actuel pour éviter de fastidieuses et inutiles redites, et je me contenterai d’en indiquer quelques-unes dans lesquelles, comme dans l'observation précédente, cette anomalie s’accompa- gnait d'anomalies toutes différentes , tandis que, dans certains cas, elle constituait le seul événement tératologique que présentaient mes embryons. N° 3. — Œuf mis en incubation le 6 juin 1861, ouvert le 17 juin; couvert d'huile dans une moitié parallèle au grand axe. L’émbryon était mort depuis longtemps, et déjà trop altéré pour permettre une étude complète; toutefois je le mentionne ici, parce qu’il m'a présenté des particularités fort curieuses. Le corps ne s'était point retourné, tandis que la tête s’était placée sur le côté gauche ; le train postérieur du corps présentait une atrophie notable : il y avait une fente à la région lombaire qui indiquait probablement l'existence d’un spina hfida; mais, n’ayant pu m’en assurer, je n'indique ce fait qu'avec un point de doute. Les membres postérieurs étaient notablement plus petits que les membres antérieurs, et, parmi les membres postérieurs, le membre gauche pré- sentait, par rapport au membre droit, une atrophie notable. Il avait la même longueur, mais la région pédieuse était beaucoup plus étroite, et très probablement il y aurait eu une diminution dans le nombre des doigts. Le lobe optique droit était plus petit que le gauche. N° 4. — Œuf mis en incubation le 6 juillet, ouvert le 47 juillet. La coquille avait été huilée dans la moitié qui correspond au gros bout; l’em- bryon avait péri depuis quelques jours ; l’amnios était complétement formé et distendu par l’accumulätion d’un liquide transparent : je n’ai pu voir de trace d’allantoïde. L'ouverture ombilicale était très large : le cœur tout entier, ventricules et oreillettes, faisait saillie en dehors de la cavité tho- raco-abdominale. L’embryon était entièrement couché sur le côté gauche: A la tête, le lobe optique droit était plus petit que celui de gauche ; les yeux étaient complétement atrophiés, et leurexistence simplement indiquée par des points noirs, Très probablement la face présentait des anomalies, inais l’état déjà altéré de l'embryon ne m'a pas permis de les soupconner. 272 C. DARESTE. Mais ce qu'il y avait surtout de remarquable dans le fait que j’étudie, c'était une absence complète des membres postérieurs. Le corps se ter- minait en arrière par un petit crochet formé par l'extrémité caudale repliée sur la colonne vertébrale. Il y avait là, comme on le voit, un cas très curieux de ce genre de monstruosité qu'Isid. Geoffroy Saint-Hilaire a décrit sous le nom d'ectromélie bis-abdominale. st N° 5. — Œuf mis en incubation le 6 juillet, ouvert le 14. La coquille avait élé couverte d’huile dans une moitié parallèle au grand axe. L’em- bryon était vivant et placé d’une manière normale. Ectopie partielle du cœur tout à fait semblable à celle qui a été décrite plus haut. Inégalité remarquable des membres inférieurs; le membre inférieur gauche étant notablement plus petit que le membre inférieur droit. N° 6.— Œuf mis enincubation le 12 février 1862, ouvert le 26. La co- quille de l’œuf avait été couverte d’huile dans une moitié parallèle au grand axe. L’embryon vivait encore au moment de l’ouverture de lacoquille, mais le sang avait déjà une teinte livide, et qui indiquait bien évidemment un commencement d’asphyxie. L’allantoïde était déjà bien développée : elle adhérait à l’amnios à l'endroit où se trouve le pédicule amniotique. L’ou- verture ombilicale était très largement béante, et laissait en dehors d’elle le cœur tout entier, dont la région auriculaire était longuement distendue par le sang, et le foie lui-même. C’est, comme on le voit, une particularité fort remarquable et différente de toutes les ectopies que j’ai précédemment décrites. Mais il y a de plus dans cet embryon une autre particularité non moins remarquable : c’est une hvperencéphalie tout à fait comparable à celle que j’ai décrite dans un de mes mémoires imprimés, et qui m'avait été présentée par un embryon soumis à l’incubation dans un œuf placé verticalement. Toute la masse encéphalique était en dehors et au-dessus de la tête où elle formait une tumeur blanche et mamelonnée. L’œil gauche est bien développé, mais l’œil droit manque complétement; sa place n’est indiquée que par une simple fente linéaire qui représente l’orbite. La mandibule supérieure est notablement plus petite que la mandibule infé- rieure ; elle est de plus notablement déviée de sa position naturelle, de telle sorte qu'il y a un défaut de correspondance entre les deux mandi- bules. J'ai cherché si, comme dans le cas décrit par moi il y a deux ans, la tumeur encéphalique ne présentait pas des brides d’adhérences, mais je n'ai pu en conslater l'existence. Ce fait, très remarquable à beaucoup d'égards, présente la PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 273 coexistence de deux germes de monstruosités, la célosomie et l’hy- perencéphalie : monstruosités dont Is. Geoffroy Saint-Hilaire avait déjà signalé la fréquente coexistence, et dont, par conséquent, l'association sur un même sujet dans un monstre appartenant à l'espèce de la Poule, n’est que la répétition de faits déjà signalés en tératologie humaine. J'ai déjà, dans mon travail imprimé, fait ressortir tout ce qu'il y a de curieux dans ces coexistences. J'ajouterai seulement ici que ce nouvel hyperencéphale m'a pré- senté un défaut de symétrie de la face, et une absence de l'œil droit, tout à fait comparables à de semblables faits signalés par M. Belhomme dans un hyperencéphale humain dont il a donné la description. N° 7. — Œuf mis en incubation le 12 février, ouvertle 26 février. Une moitié de la coquille de l’œuf avait été couverte d’huile parallèlement à son grand axe. L’embryon était déjà mort depuis quelques jours. Ectopie partielle du cœur tout à fait comparable à celles que j'ai décrites plus haut. Mais j'ai eu occasion, en observant cet embryon, de constater un fait très remarquable, et qui a une grande importance pour la théorie des mons- truosités : c’est l’existence d’une bride d’adhérence entre la région ven- triculaire du cœur qui fait hernie au travers de l’ouverture ombilicale, et la partie du feuillet vasculaire qui revêt immédiatement le feuillet mu- queux, et le vitellus en dehors de l’embryon. C’est très probablement cette bride qui avait retenu le ventricule du cœur en dehors du corps, et qui l'avait empêché de prendre sa place dans l’intérieur de la cavité thoraco- abdominale. Existait-1l quelque chose de semblable dans tous les faits que j'ai décrits précédemment? Je n’avais jusque-là remarqué aucune adhé- rence de ce genre, mais je n’oserais point affirmer qu’il n’y en ait point existé, car il arrive bien souvent, dans les études de pure observation, de ne trouver que ce que l’on cherche, et de laisser inaperçu ce que l’on ne cherche point. Il ne serait pas impossible d’ailleurs que de semblables adhérences puissent exister seulement pendant un certain temps, de ma- nière à produire leur effet, qui est le déplacement de certains viscères, et à disparaître après que leur effet a été produit. Je ne puis évidemment qu’indiquer ces questions, peut-être un jour la multiplicité des observa- tions me permettra-t-elle de les résoudre. Cet embryon m’a présenté de plus, comme le précédent, une hyperencéphalie complète, et tout à fait semblable à celle que je viens de décrire. La tumeur encéphalique ne 4° série. Zooc. T. XVII. (Cahier n° 5.) 2 18 274 C. DARESTE. présentait aucune bride d’adhérence. Les yeux manquaient complétement, et les orbites étaient représentés par de simples fentes. Du reste, la région faciale était symétrique. © N°8. — Œuf mis en incubation le 49 février, ouvert le 1% mars. Une moitié de la coquille parallèle au grand axe avait été couverte d'huile. L’embryon était mort ; la {ête s'était tournée sur le côté gauche; le corps était resté couché à plat sur le vitellus. L’allantoïde m’a présenté une dis- position fort remarquable, et que j'ai observée pour la première fois. Elle sortait, comme d'ordinaire, de l'ouverture ombilicale, dans la région droite de cette ouverture, et à gauche du pédicule intestinal et de la vésicule ombilicale. Mais, au lieu de s’élever verticalement vers la coquille entre le feuillet séreux, l’amnios et le feuillet vasculaire, elle avait pénétré au-des- sous de l’amnios, et était venue chercher le feuillet séreux en contournant l'embryon et l’amnios par leur face inférieure. Elle était venue cependant s'arrêter, comme je l'ai presque toujours vu dans mes expériences, contre le pédicule amniotique, mais par le côté de ce pédicule opposé à celui où cette rencontre se fait dans les autres cas. Cette disposition de l’allantoïde ne s’est présentée jusqu’à présent que cette seule fois dans mes expériences. Elle constitue l’un des plus curieux résultats de mes recherches, et en même temps l’un des plus inattendus. On conçoit, du reste, que ces con- ditions nouvelles aient été un obstacle au développement de l’allantoïde, ainsi resserrée dans un très petit espace. Il est très probable que ce défaut de développement de l’allantoïde a été un obstacle à l’accomplissement de l’hématose, et que c'est lui qui a causé la mort. Le cœur était tout entier en dehors de la cavité abdominale et de l'ouverture ombilicale. J'ai con- staté, comme dans le cas précédent, l’existence d’une très petite bridé qui s’étendait depuis l'intervalle qui sépare la région auriculaire et la ré- gion ventriculaire jusqu’au pédicule de la vésicule ombilicale. Je n’ai pas besoin d’insister sur la ressemblance que ce fait présente, relativement à cette bride, avec celui que j'ai précédemment décrit. Telles sont les plus remarquables anomalies que j'ai rencon- trées, et qui toutes, pour un motif ou pour un autre, présentent un assez grand intérêt; mais elles ne sont point les seules, et j'ai eu souvent occasion de constater dans mes expériences des faits qui s’éloïignaient plus où moins de l’état normal. Je les indiquerai ici en bloc, et sans entrer dans des détails qui n’auraient en réalité aucune sorle d'intérêt. C'est ainsi que j'ai observé bien souvent une inégalité plus où PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS. 975 moins grande entre le volume des deux yeux. Cette inégalité pou- vait aller jusqu’à l’atrophie complète. Du reste, cet arrêt de déve- loppement portait indifféremment sur l’un ou sur l’autre œil, L’atrophie d'un œil était souvent, mais non toujours, accompa- gnée de l’atrophie du lobe optique correspondant. J'ai observé aussi à diverses reprises des torsions de la colonne vertébrale. J'en ai donné quelques exemples dans les observations précédemment rapportées. Ces torsions sont d’ailleurs de diverses natures. J’ai déjà parlé du changement de position que prend Pembryon par rapport au vitellus : quand ces changements ne se font qu'incomplétement, où quand ils se font en sens inverse de la direction normale, il en résulte évidemment des torsions de l'axe du corps. De plus, la colonne vertébrale, lorsque le corps de l’em- bryon ne change point de position par rapport au vitellus, ou lors- que la tête seule exécute son changement de position, peut elle- même éprouver des incurvations latérales qui sont souvent très prononcées. J’ai tout lieu de croire que ces torsions ou ces incur- vations de la colonne vertébrale jouent un rôle assez important dans l’histoire des anomalies. L'histoire des anomalies observées dans l’espèce humaine, et particulièrement celle des monstruosités célosomiques et acéphaliques, nous en offrent un grand nombre d'exemples. Malheureusement mes observations sur ce sujet ne sont encore ni assez nombreuses ni assez complètes pour que je puisse cher- cher à établir la place qu’occupent ces phénomènes particuliers dans l’histoire des anomalies. | J'ai constaté également, dans un cas, une atrophie complète du membre inférieur gauche. Dans ce cas, l’anomalie coexistait avec l'atrophie des yeux, qui étaient à peine indiqués par des points noirs. Je pourrais encore indiquer ici des cas assez nombreux d’hydro- céphalie et de spina bifida. Mais je dois dire que mes observations à ce sujet sont encore {rop incomplètes pour me permettre de les indi- quer avec la rigueur et l'exactitude qui sont la condition de tout travail scientifique. Et la raison en est facile à concevoir : ces ano- malies sont essentiellement constituées par des arrêts de dévelop- é. 276 C. DARESTE. pement ; aussi est-il souvent fort difficile de les reconnaitre sur l'embryon, et de déterminer dans bien des cas, d'une manière pré- cise, la Jimite où finit l’état normal et où l’anomalie commence. C’est pourquoi j'ai cru devoir, dans ce travail, complétement réserver tout ce qui se rapporte à ces deux ordres d'anomalies ; mes travaux ultérieurs me permettront peut-être un jour de combler cette lacune de mes recherches actuelles. Voilà l’ensemble des faits que j'ai pu recueillir dans une série d'expériences que j'ai commencées il y a onze ans, en 1851, et que j'ai poursuivies depuis celte époque en y employant tous les moments de loisir que j'ai pu me réserver parmi mes autres occupations. Le temps considérable que j'ai dù consacrer à ces recherches s'explique d’ailleurs par la difficulté extrême du sujet, où je n'avais pour me guider que quelques indications fort incomplètes de Geol- froy Saint-Hilaire, et où j'ai dû par conséquent employer un temps fort long à l'invention des procédés mêmes d’expérimenta-— tion. Je puis également ajouter qu'aujourd'hui encore mes appareils sont loin de fonctionner avec toute la régularité désirable, et que ce n’est qu'à force d'activité et de surveillance que je parviens à en tirer un bon emploi. Toutefois si, dans la partie expérimentale de mon travail, j'ai tout tiré de moi-même, je dois reconnaître que, dans la partie purement théorique, j'ai été guidé par les admirables travaux des deux Geoffroy Saint-Hilaire sur la tératologie. Les recherches dont je donne aujourd'hui le résultat auraient été complétement impossibles pour moi, si la classification naturelle des anomalies établie par ces deux savants ne m'avait toujours permis de mettre immédiatement à sa place chacun des faits nouveaux qui se sont présentés dans mes expériences. C’est un fait que je me plairai toujours à reconnaitre; malheureusement, pourquoi faut-il que l'expression de ma reconnaissance ne puisse plus s'adresser au- jourd’hui qu'à deux illustres mémoires ! ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA GENÈSE SPONTANÉE, Par M. KF. POUCHET, Correspondant de l'Institut (1). Lorsque le calme aura succédé à la lutte passionnée que ’hétérogénie suscite en ce moment, les physiologistes sérieux s'étonneront de la légèreté qui a présidé aux travaux de leurs devanciers. Là, parmi une série d'expériences absolument contradictoires, on les voit ne choisir uniquement que celles qui concordent avec leurs doctrines préconçues, et retrancher arbitrairement tous les faits qui les condamnent, comme si ceux-ci n'existaient pas. Ailleurs, quand l'observation directe peut facilement résoudre le problème, on s'étonne de les voir se jeter dans d’aventureuses théories. De leur côté, les chimistes ont fait de cette question, simple à résoudre par lexpérimentation, un véritable dédale au milieu duquel ils s’égarent eux-mêmes. Il faut notre habitude et notre courage, pour les suivre el ne pas reculer en présence de ce travail herculéen. Lisez, en effet, les expériences de Schwann, de Schræder, de Dusch et de M. Pasteur, c’est une suite interminable de con- tradictions ; aussi, à l'exception du dernier, tous doutent et n’osent regarder leur œuvre comme l'expression d’une loi générale. Le professeur de l’École normale est assurément un habile chi- (1) Les directeurs de ce recueil ont pris pour règle d'y admettre les tra- vaux de tous les zoologistes qui occupent un rang élevé dans la science lors même qu'ils ne pariagent pas les opinions émises par ces savants, Nous avons donc cru devoir ne pas refuser d'insérer ce mémoire dans lequel M. Pouchet combat les conclusions que la plupart des physiologistes doivent tirer des belles expériences sur les générations dites spontanées, dues à M. Pasteur et publiées dans un de nos précédents cahiers, M. E, 278 F. POUCHET, -— ÉTUDES EXPÉRIMENTALES misle; mais lorsqu'il conteste un fait de physiologie, regardé comme démontré par des savants de l’ordre des Tiedemann, des Treviranus, des Burdach, des J. Müller, des Humboldt, des R. Owen, des Mantegazza et des Joly, vraiment il faut plus qu’une extrême prévention pour ne pas discerner immédiatement sous quelle bannière s’abrite la vérité. CHAPITRE PREMIER. Nullité des expériences avec l’air calciné. Le docteur Schwann, qui a été le promoteur de ces expérien- ces, reconnait lui-même qu’elles ne réussissent que pour certains liquides , et rationnellement il n’en tire aucune conclusion. M. Pasteur avoue que dans des tentatives inédites, il était arrivé à celte conséquence : « que les expériences faites avec l'air calciné ne réussissent qu'exceptionnellement (4). » D'après cela, n'est-il pas vraiment étonnant que certains physio- logistes français ne citent de ces expériences que celles qui plai- dent en faveur de leurs théories favorites, et les présentent à leurs lecteurs comme étant l’ultimatum de la science ? M. Pasteur, après bien des dénégations, a donc été forcé lui- même de reconnaître l'infidélité de l'air calciné. Contentons-nous seulement ici d'enregistrer qu'il ressort de mes travaux que j'ai démontré, jusqu’à l'évidence, l’inanité des anciennes expériences qu’on opposait aux hétérogénistes. Les vieilles méthodes expérimentales de Spallanzani, et celles de quelques chimistes de notre époque, qui n’en sont que des re- productions plus ou moins perfectionnées, doivent donc être aban- données, puisqu'elles n’aboutissent à rien, malgré les épreuves intempestives auxquelles on soumet les corps employés. Après cent ans, je pourrais adresser à M. Pasteur, qui a suivi ces mêmes errements, le reproche que le savant Needham adres- sait à Spallanzani : « Mais, disait-il, de la façon qu'il a traité et mis (1) Pasteur, Ann. des sc, nat. Paris, 1861, 4° partie, p. 33. SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. 9279 à la torture ses dix-neuf infusions végétales, il est visible qu'il a beaucoup affaibli et peut-être anéanti la force végétative des substances infusées. » A chacune des pages de son mémoire, M. Pasteur se suicide lui-même. En effet, pour renverser ses doctrines, il n’y a pas besoin d’invoquer tant et tant d'expériences, 1l ne faut que le laisser parler. « L'étude du lait et de quelques autres liquides, dit-il, va nous » offrir des résultats qui paraïîlront au premier abord singulière- » ment embarrassants. » Ceci n’est que trop vrai, et ils le sont tellement que les panspermistes ne peuvent s’en tirer. « Le lait, ajoute ce chimiste, soumis à l'ébullition à 100 degrés et » abandonné au contact de l'air chauffé, se remplit, après quelques » jours, de petits infusoires, » [l avoue méme que celte expérience a toujours des résuliats analogues. Ainsi done voici un fait reconnu par M. Pasteur ; et celte asser- tion à elle seule renverse sans retour tout ce qu'ont avancé ceux qui ont mal interprété les expériences de Schwann, et tout ce que le professeur de l'École normale avait primitivement avancé lui- même. On se demande comment l’habile chimiste pourra se tirer de ces contradictions, qui s’entre-choquent à chaque page de son œuvre. Voici comment il le fait: « Les germes, dit-il, peuvent résisier à la température humide de 100 degrés lorsque le liquide où on les chauffe jouit de certaines propriétés (1). Vraiment on reste stupéfait en présence de semblables asser- tions. Que de telles choses se disent au vulgaire, passe ; M. Jobard allait bien jusqu’à prétendre que ces mêmes germes sont absolu- ment incombustibles et franchissent vivants la plus ardente four: paise (2). Amis du merveilleux, Bonnet et Spallanzani le professaient aussi. Mais qu’un savant, parlant à des savants, émette encore des théories aussi erronées, et qu'elles passent inaperçues au milieu d'eux, en vérité cela renverse toutes les idées. (1) Pasteur, Ann. des se. nat., 1861,t. XVI, p. 54. (2) Jobard, Comptes rendus. 280 F. POUCHET, — ÉTUDES EXPÉRIMENTALES CHAPITRE II. Nullité des expériences avec l'air filtré par le coton. Les panspermistes qui se sont autorisés des expériences de MM. Schrœder et Dusch, pour soutenir que l'air tamisé par du coton arrête les œufs et les spores des organismes, ont tout à fait imité les physiologistes qui n’ont pris des expériences de Schwann, que celles qui concordaient avec leurs doctrines. En effet, dans les expériences de MM. Schræder et Dusch, tantôt les liqueurs putrescibles, qui n'étaient en contact qu'avec de l'air passé à travers du coton, se sont conservées intactes, et tantôt il s'est développé des organismes au milieu d'elles. Aussi leurs auleurs n'ont-ils pas osé poser des conclusions finales ; et, en cela, ils se sont montrés infiniment plus sages que leurs successeurs. «Il semble résulter de ces expériences, disent eux-mêmes MM. Schræder et Dusch, qu'il y a des décompositions spontanées de substances organiques, qui n’ont besoin pour commencer que de la présence du gaz oxygène. » Je n’ajoute rien à ceci ; tout est là. Mais quand il ne serait pas prouvé que l'air tamisé est fécond, ce fait n'aurait aucune valeur depuis que les expériences de M. Lœvel nous ont appris que l’air épuré à l’aide du côton para- lysait la cristallisation du sulfate de soude. On ne prétendra sans doute pas qu'il faut que ce sel subisse le contact de certains ger- mes organiques aériens pour se prendre en masse. Et pourquoi les chimistes veulent-ils donc que la genèse des animaux et des plantes réclame moins de délicatesse que la production d’un cristal ? Quoi! l'air que vous avez rendu impropre pour celle-ci, vous exigez qu'il suflise cependant à la manifestation de la vie! C’est réellement un scandale dans l’ordre de nos idées biologiques. Il faut également rayer les expériences de MM. Chevreul et Pasteur, dans lesquelles ces chimistes faisaient rentrer l’air dans leurs ballons par une route déclive, Tout ce qui précède prouve SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. 281 à priori qu’elles sont erronées, et nous l’avons démontré expé- rimentalement. CHAPITRE II. De la prétendue infection de la cuve à mercure. Nonobstant la calcination de l’air, les appareils de M. Pasteur se remplissaient d'organismes, mais il voilait au monde savant le résultat d'expériences qui condamnaient péremptoirement ses doctrines. Il avoue ce fait (1). Plus tard il prétendit avoir découvert que c’était le mercure qui, étant toujours bourré d'œufs et de spores, infestait ses ballons, ainsi que ceux des autres expérimentateurs. Je reproche toujours à mon adversaire, de ne nullement se sou- cier du mouvement scientifique qui se produit en dehors de son laboratoire. Ceux qui en connaissent la marche ne pourront un seul instant accepter sa théorie. Voyons. Dans mes expériences, actuellement, je n’emploie jamais le mercure; comment donc un métal dont je ne me sers pas, pourrait-il infester mes appareils ? Ingenhousz, si je ne me trompe, ne s’en servait point non plus; et cependant, dans de l'air doublement calciné il voyait apparaitre des organismes. MM. Mantegazza, Joly et Musset, dans leurs remarquables expériences, n’ont employé ce métal qu'après l’avoir porté à une température élevée, susceptible de griller tous les œufs et les spores qu'il aurait pu contenir. Enfin, dans certains cas, le docteur Schwann, quoique se ser- vant de mercure non chauffé, n’obtenait aucun organisme; et cependant, en suivant les errements de M. Pasteur, le contraire devait arriver. Tout cela est, nous l’espérons, très clair, et ne peut être con- testé par aucun esprit droit. Si c’est par de tels arguments que le (1) Pasteur, Ann. des sc. nat., 4860, 4° série, p. 34. 9282 F. POUCHET, — ÉTUDES EXPÉRIMENTALES savant parisien prétend sauver la panspermie, vraiment le nau- frage de cette vicille hypothèse est alors un fait accompli. Serré de près par la discussion, M. Pasteur, ne pouvant plus annuler tant et tant de faits accusateurs, les avoue, enfin, et s'écrie : « Les expériences de M." Pouchet, effectuées sur la cuve à mer- cure, sont eæactles, landis que celles de Schwann y sont presque constamment erronées. » Et c’est cependant sur ces expériences, taxées aujourd'hui d'er- ronées, que juraient naguère ous les physiologistes qui combattent actuellement l’hélérogénie. Voici ce dédale scolastique dans lequel nous plongent les chimistes, à l’égard d’une question de biologie, qu'il est on ne peut plus facile d’élucider, quand, au lieu de leurs méthodes perturbatrices, on se contente d'observer la marche des phénomènes. « M. Pasteur va même jusqu’à prétendre, tant le mercure lui » paraît bourré d'œufs et de spores ! que, neuf fois sur dix, quand » on opère avec ce métal, on verra dans l'air calciné ou l'air arti- » ficiel, se produire des organismes vivants (1). Et il ajoute qu'il » n’y a évidemment que le mercure qui ait pu fournir les germes, à moins qu'il n’y ait génération spontanée, » Or, comme souvent l’on n’a pas employé le mercure, et que d'autres fois on l’a lui-même calciné, il faut donc bien que, dans ces derniers cas, il y ait eu hétérogénie. C’est une conclusion sans réplique. Les expériences de M. Pasteur ne sont qu’une suite de contra- dictions; aussi pour les sauver est-il obligé d'avoir recours à des théories tout à fait monstrueuses en saine physiologie. Il prétend que, quand on opère sur le lait et quelques autres liquides, il faut pour tuer les œufs et les semences une tempéra- ture beaucoup plus élevée que lorsqu'il s’agit de divers autres. Dans une semblable voie, il n’y a pas moyen de s'arrêter. I ne s’agit ici que d’une question de température, car je ne suppose pas qu'aucun physiologiste ose admettre que la nature © D (4) Pasteur, Ann. des sc. nal., 4861, t, XVI, p. 80. SUR LA GENÈSE SPONTANÉE, | 258 chimique du milieu agit sur le germe de l'œuf, Or, nous le deman- . dons, est-il supposable qu’un vitellus supporte une température de 100 degrés dans un liquide alcalin, tandis que celle-ci le tue dans celui qui est acide!..…. | J'espère que le savant chimiste abandonnera de tels paradoxes, Si dans un cas on obtient des proto-organismes et non dans l’autre, c’est tout simplement parce que la substance ajoutée donne à la macération des propriétés convenables. | CHAPITRE IV. Micrographie atmosphérique. L'hypothèse de la panspermie, soutenue par M. Pasteur, suc- combe à la moindre épreuve expérimentale rationnelle. IL nous faut aujourd'hui quelque chose de plus précis que la scolastique du xm° siècle. Nous n’admettons pas ces germes insai- sissables que mentionne notre habile anlagoniste, et que nient, comme il en convient lui-même, des personnes bien autorisées ! Aujourd'hui, à ces vagues entités, presque métaphysiques, il faut substituer des œufs et des semences palpables. Et comme un décimètre cube d'air est toujours prodigieuse- ment fécond dans des expériences bien conduites, il nous faut montrer, et en masses considérables, dans ce même décimètre d'air, des œufs et des spores d’une foule d'espèces de Mucédinées et d’Infusoires parfaitement connus, parfaitement distincts; et il nous faut ensuite y montrer des masses de ces levüres qui abon- dent dans toutes les fermentations. Jamais M. Pasteur, en agissant ainsi, sur cent expériences, ne récoltera cependant normalement ni un seul spore, ni un seul œuf, ni un seul grain de levüre. Ceci est clair, je pense. | En recueillant les corpuseules de l’air à l’aide de l’aéroscope, de la neige, de l’eau ou du coton, ce n’était que par exception et fort rarement, que je rencontrais quelques spores de Mucédinées et encore beaucoup plus rarement quelques œufs d’Infusoires. 284 F. POUCHET. -— ÉTUDES EXPÉRIMENTALES Quoique j'opérasse souvent sur un volume fort notable de l'atmosphère, de 10 à 4000 centimètres cubes, et parfois énormé- ment plus, j’eus l’idée d'agrandir encore le champ de l’expéri- mentation, en explorant le dépôt que les corpuscules forment à la surface de tous les objets ou la poussière. En scrutant ainsi les couches amassées lentement par celle-ci, dans certains endroits, j'agissais sur le dépôt concentré d’une incalculable masse d’air. Il était évident que s’il existe réellement des œufs ou des spores en quantité notable dans l'atmosphère, je devais dans de telles observations en trouver des masses parmi les corpuscules nom- breux et serrés qui passaient dans le champ du microscope. Et cependant, dans mes nombreuses recherches sur ce sujet, soit que j'observasse de la poussière récemment tombée sur les meubles de nos appartements , soit que ce soit celle que les années avaient accumulée dans les plus solitaires réduits de nos vieux monu- ments gothiques ou dans les profondeurs des hypogées de la Thé - baïde , partout j'ai rencontré, dans la poussière récente comme dans celle qui était noircie par les siècles, les mêmes corpuscules ; et partout les œufs et les spores manquaient presque absolu- ment. Mes observations se trouvent parfaitement en harmonie avec celles de tous les micrographes modernes ; aussi M. Pasteur s’est- il vu tacitement forcé de les admettre. Voici comment il s'exprime à ce sujet : « Telle est l'opinion de M. Pouchet, dit-il ; je n’ai pas fait assez d'observations sur la poussière déposée à la surface des objets pour que je puisse infirmer cette manière de voir au sujet de la pous- sière au repos. Je puis même ajouter qu’à l’époque où j'entrepris mes premières expériences, diverses personnes érès autorisées étaient désireuses de constater par elles-mêmes l'exactitude de mes résultats, parce que, me disaient-elles, ayant eu l’occasion assez fréquente d'étudier des poussières, elles n'y avaient pas vu de spores (1). » Voici donc M. Pasteur forcé de reconnaitre que les observa- (1) Pasteur, Ann, des sc. nat., t. XVI, p. 24. SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. 289 tions de personnes érès autorisées, qu'on regrette qu'il ne nomme pas, sont absolument conformes aux miennes. Il dit à ce sujet que ses observations sur la poussière n’ont pas été assez nom- breuses, pour qu'il puisse infirmer cette manière de voir. Mais vraiment on peut s'étonner d’une telle assertion ; la poussière ordinaire est assez abondante, je pense, pour qu’à tout instant on puisse en vérifier la nature. D'un autre côté, il prétend que la surface des corps étant sou- mise à d’incessants courants d’air, ceux-ci en enlèvent de préfé- rence les corpuscules organisés comme étant plus légers, et par conséquent les œufs et les spores. Vraiment on a fout lieu de s'étonner que l’on puisse encore, à notre époque, produire de tels arguments. Si M. Pasteur avait le moins du monde étudié la poussière dont il parle, et même ses plus anciens dépôts, il aurait.reconnu que, dans nos cités, ce sont les corpuscules organiques qui en forment la plus grande masse ; et que, parmi eux, il y en a une immense quantité qui sont d’une bien plus grande ténuité que les œufs et les spores. Si la saine raison ne se révoltait contre les prétentions du professeur de l'École normale, il faudrait done admettre que, dans la poussière au repos, les courants d'air trient les œufs et les spores pour les enlever | Je le répète, dans cette poussière, on trouve tous les corpus- cules de l'air, et il est vraiment surprenant qu'on puisse soutenir le contraire. Si les personnes très autorisées, dont il est question ici, n’y ont ainsi que nous {rouvé ni œufs, ni spores, il est impos- sible conséquemment qu'on en découvre davantage dans l'air atmosphérique. Il est à noter, ce que jamais ne semblent entendre les pansper- mistes, qu'il faut qu'il y en ait immensément et même des milliards, dans chaque décimèêtre cube d’air, pour expliquer le nombre et l’immense variété des proto-organismes qui envahis- sent tous les corps en putréfaction. Si M. Pasteur prétend qu'il ne faut pas observer la poussière au repos, c’est que là tout est clair, etque le moindre micrographe peut le condamner. S'il exige qu'on examine les corpuscules 286 F, POUCHET. — ÉTUDES EXPÉRIMENTALES flottants dans l'air, c’est qu'ici tout est obscur et difficile, et qu’il faut des instruments et de patientes observations pour le com- battre. Dans ses premières communications faites à l’Académie des sciences, M. Pasteur professe qu’il existe toujours dans l’air un grand nombre de corpuscules organisés, que, dit-il, le plus habile naturaliste ne saurait distinguer des germes des organismes infé- rieurs (1). | Ce paragraphe seul ne suffirait-l pas pour justifier le reproche que j'ai adressé à mon savant adversaire : son oubli total de l’élat de la science ? Mais, pourrais-je dire à M. Pasteur, ces œufs qu'aujourd'hui vous ne pouvez nous montrer, parce que, inflexible et sévère, je ne me contente plus d'œufs métaphysiques, et que je vous les demande en nature; ces œufs, naguère les panspermistes les aper- cevaient en masse (2) ; ces spores que vous ne savez pas discerner, mais tous les botanistes les connaissent parfaitement ; M. Hoff- mann les distingue même si exactement, qu'il en désigne les genres (à). Comment, quand Ehrenberg et Balbiani ont décrit de visu l’œuf de certains Microzoaires ; quand MM. Pineau, Joly et Musset, dans des observations qui deviendront célèbres, en ont suivi, ainsi que nous, le développement (4) ; comment, quand il y a déjà plus d’un demi-siècle que Robinson et Weinmann ont découvert les plus fins spores des Cryplogames, et quand leurs successeurs, tels que B. Prévost, Turpin, Tulasne, Berkeley, H. Hoffmann, Mon- tagne et Ch. Robin, en ont figuré tant d'espèces dans de magni- (â) Pasteur, Comptes rendus, 4860, t. LI, p. 678. (2) Idem, ibid., 1859, t. XLVIIL, p. 34. (3) Herm. Hoffmann, Études mycologiques sur la fermentation (Bullet. de la Soc. bot. de France, 1864, t. VII, p. 180), distingue très bien les spores des Cladosporium et des Stemphylium. (4) Pineau, Recherches sur le développement des animalcules infusoires (Ann. des sc. nat., 1845); Joly et Musset, Nouvelles expériences sur l’hétérogénie (Comptes rendus de l'Acad. des sc., t. L, p. 934); Pouchet, Hétérogénie, p. 368, pl. 2. SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. 287 fiques planches (1); enfin, quand nous-même en avons donné la configuration, la couleur et le diamètre; comment se peut-il faire qu’on puisse dire, devant l’un des plus illustres corps savants du globe, que de telles choses ne peuvent être discernées par le plus habile naturaliste (2)? Ainsi done, comme 1l faut beaucoup de ces spores pour expli- quer la plupart des expériences d’hétérogénie, il est facile d’en recueillir, si réellement ils jouent un certain rôle dans celle-ci. Tous les chimistes n’ont pas, je suis heureux de le dire, par- tagé les errements de M. Pasteur. L'un des plus éminents d’entre eux, M. Baudrimont, s’est élevé avec énergie contre les préten- tions des panspermistes (3). Du reste, le débat de la micrographie atmosphérique est réelle- ment puéril pour des savants. Les œufs et les spores sont connus, visibles : que M. Pasteur nous les montre en quantité appréciable dans un décimètre cube d'air, et sa cause est gagnée; s’il ne peut le faire, et tout le monde le lui crie, elle est absolument perdue. Tous les matras du monde doivent céder le pas à une semblable épreuve. Nous l’attendons ; nous l’implorons vainement et depuis longtemps. (1) Les travaux de ces savants ont eu surtout pour objet les espèces de Mycro- phytes les plus répandues, c'est-à-dire celles qu’il nous importe le plus de dis- cerner. Consultez surtout Tulasne, Ann. des sc. nat., 3° série,t. VIIE, qui a fait germer divers Uredo ; Berkeley, Introduction to the Cryptogamic Botany, p. 10, qui a figuré diverses espèces de spores ; Turpin, Dict. des sc. nat., atlas des Acoty- lédones ; Hoffmann, Mémoire sur la germination des spores (Botanische Zeitung, 1857), et Congrès des naturalistes allemands, 1857, où il parle de la germina- tion des Penicilium; Montagne, Expériences sur l'ensemencement du Botrytis bassiana (Ann. de la sc. séricicole); Guérin Méneville, qui a donné de superbes figures des spores et de la germination des Botrytis; Ch. Robin, Hist. nat. des vegét. paras., qui a, dans de magnifiques planches, représenté les spores et la germination de diverses Algues et Mucorinées,. (2) Pasteur, Comptes rendus de l'Acad. des sc., 1860, t. LI, p. 678. (3) Baudrimont, Comptes rendus de l’Acad. des sc., 1855, 8 octobre. 288 F, POUCHET, — ÉTUDES EXPÉRIMENTALES CHAPITRE V. Illusions sur les ensemencements, Nous sommes parvenu à démontrer l’inanité des expériences exécutées avec l'air calciné, l'acide sulfurique et le coton ; nous espérons ici démontrer, avec la même évidence, que les expé- riences d'ensemencement de M. Pasteur sont tout aussi erronées. Immédiatement après avoir rappelé les termes du programme de l’Académie, qui demande des expériences dégagées de toute confusion, l'adversaire de l’hétérogénie prétend s'être conformé à ses exigences et résume son œuvre dans cette double propo- sition : 4° Il y a, dit-il, constamment dans l'air des corpuscules orqu- nisés qu'on ne peut distinguer des véritables germes des organismes des infusions (1) ? Dans ces assertions il y a, au contraire, autant de confusion que de mots, et tant que l’on procédera de celte manière, il faudra désespérer de jamais voir la question sortir de ses langes. D'abord il faudrait commencer par écarter le nom de germes, cette véritable entité employée ici presque métaphysiquement et qui ne peut qu'embrouiller le sujet. Ceci fait, on s’apercevra immédiatement de l’énormité du paradoxe du savant pansper- miste. D'un autre côté, aussi, c'est une erreur fondamentale, et nous l'avons prouvé, que de dire que les corpuscules organiques de l'air ne peuvent se distinguer des œufs et des spores. Si, au lieu de placer l’expérimentalion dans le domaine des organismes presque inapercevables, le chimiste voulait condes- cendre à s'exercer sur les grosses espèces parfaitement étudiées, tout deviendrait facile. Ainsi nous n’en resterions plus aux stériles discussions d’une époque dont un siècle nous sépare. 2° M. Pasteur prétend que, lorsqu'on sème les corpuscules (1) Pasteur, Ann. des sc. nat., p. 63. SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. 289 atmosphériques sur des liquides isolés et au contact de l'air eal- ciné, cet ensemencement y fait apparaître des organismes. Ces.expériences d'ensemencement, considérées par tant de per- sonnes comme si concluantes, si décisives, ne peuvent affronter, sans succomber, le moindre contrôle scientifique. Les ensemencemen{s de M. Pasteur sont si bien une fiction physiologique, qu'en prenant comme lui des corpuscules de pous- sière et en les soumettant à une chaleur capable de tuer tous les corps organisés qu'ils pouvaient contenir, à 450 degrés, ces corpuscules n’en donnaient pas moins naissance à d’aussi noin- breuses populations que ceux qui n’avaient pas été chauffés. Peut-on donner de plus saisissantes preuves d’un fait ? Vous prétendez que la fécondité de vos ballons n’est due qu’à votre ensemencement, pourrait-on dire à l’expérimentateur; mais alors il vous devient absolument impossible d'expliquer comment Ingenhousz et MM. Mantegazza, Joly, Musset et Pouchet, qui n’en- semencérent point les leurs, y trouvaient-cependant des animaux et des plantes! Et, ce qui est encore plus fort, comment ce der- nier à pu en rencontrer dans l'oxygène et l'air artificiel (4)! Les expériences d’ensemencement sont done absolument nulles (2). Plusieurs routes conduisent au même but; une très simple expérience suffit pour démontrer que l’habile chimiste s’est égaré en croyant coercer les germes atmosphériques dans ses frêles filets de coton ou d'amiante. Je n'entre pas ici dans des détails, qui ne peuvent être discutés à fond que par des naturalistes; parlons seulement du résultat mathématique. Sous une cloche contenant un décimètre cube d’air, je place une décoction qui produit des myriades de Paramécies. (1) Mantegazza, Comiples rendus de l'Acad. des se.,1. XLVII, p. 262.— Joly ct Musset, Nouvelles expériences sur l’hétérogénie (Comptes rendus de'l'Acad. des Sc, , L. LT, p. 627).— Pouchet, Comptes rendus de l'Acad, des sc., t. L, p. 1044. (2) On peut adresser un grand reproche aux expériences de M. Pasteur, c’est qu'il se soit servi du vide, toujours imparfait, de la machine pneumatique. Les adversaires de l'hétérogénie, si sévères à l'égard des expériences des sponté- paristes, devraient y regarder d'un peu plus près. 4° série. Zoo, T, XVIIL. (Cahier n° 5.) 5 19 290 F. POUCHET,. — ÉTUDES EXPÉRIMENTALES Pour l'intelligence de la chose, disons seulement 4 000 000. Au moment où je commence l’expérience, je fais passer, à travers un globule de coton un décimètre cube d’air. Il 'est évident que ce coton, siles expériences de M. Pasteur sont positives, devra arrê- ter un nombre d'œufs à peu près équivalent au nombre de Para- mécies qu'on observe sous la cloche. Mais l'examen le plus atten - tif ne fait découvrir aucun œuf dans ce même coton. Si au lieu d’un décimètre cube d'air, j’en fais passer 100, mon petit globule de coton devra avoir recueilli environ 100 000 000 de germes; et cependant le micrographe le plus exercé n’y découvre encore aucun de ceux-ci. Qu'on n’aille pas dire qu’il y a eu là scissiparité, fécondité mira- culeuse, ou des œufs d’une imperceptible ténuité! Quand lexpé- rience sera discutée par des zoologisles, je défie que l’on sorte de _ce dilemme : ou ces animaux ont été apportés par l’air, ou ils se sont produits simullanément el spontanément. M. Pasteur dit qu'en exposant un petite bourre de coton pen- dant vingt-quatre heures à un courant d'air, on rassemble sur celle-ci plusieurs milliers de corps organisés, à l’aide d’une aspi- ration d’un litre d'air environ par minute. Voici enfin la révélation que nous attendions depuis longtemps, el qui seule pouvait nous permettre de réfuter mathématiquement tout ce qu’avance le chimiste de l'École normale. En opérant ainsi, il agit donc sur les corpuscules contenus dans 1500 décimètres cubes d'air. Si l'expérience précitée avait le moindre fondonieté pour démontrer la fécondité de Pair, au lieu de plusieurs milliers de corpuscules dont il parle, il en trouverait de telles masses, que toutes les ressources de l'intelligence humaine ne pourraient en exprimer le dénombrement. En effet, toutes les fois que l’on met un litre d'air en contact avec certaines macérations, on est constamment assuré d'y voir apparaitre plus de milliards d’animalcules qu'il n’y a de millions d'hommes sur le globe. Et, qui plus est, comme mes expériences l'ont démontré, en reportant successivement celte même atmos= phère sur des macéralions variées, on obtient successivement SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. 291 aussi de nouvelles productions d'animaux ou de plantes; de manière que si ce que dit le savant panspermiste avait le moindre fondement, il faudrait que dans ce seul décimètre d’air il nous montrât d’incalculables masses d'œufs et de spores. Et sur cent essais, il ne pourrait peut-être pas y en découvrir un seul, M. Pasteur commet une erreur fondamentale quand il affirme que le naturaliste le plus exercé ne peut distinguer les spores des moisissures communes des corpuscules organisés de l’air (1). En effet, pour les cryptogamistes, ces spores ont des configurations, des diamètres, des colorations qui sont parfaitement connus ; et elles se présentent souvent avec des circonstances de groupement et avec des appendices qui, pour les espèces communes, permet- tent même de reconnaitre à quel genre elles appartiennent. En effet, Herm. Hoffmann reconnait celles des Cladosporium et des Stemphyliunm. Nous pouvons affimer qu'avec l'habitude de la micrométrie, on disüingue facilement celles des Penicillium, des Ascophora, des Aspergillus, qui pullulent le plus souvent dans nos expériences. Les Diatomées, les Bacillariées, les Naviculées peuvent même être spécifiquement désignées. Et quand, par de si pénibles et de si longues études, des hom- mes tels que Gaillon, Bory Saint-Vincent, Agardh, Diesing, Kutzine, Corda, Montagne, Ehrenberg, ont élucidé les points les plus obscurs de l’histoire des proto- organismes, tant d’admirables’ conquêtes scientifiques ne peuvent être rayées par le caprice d’un seul homme. Et s’il plait à un chimiste de la valeur de M. Pasteur de faire quelques incursions dans le domaine de la biologie, il est bon qu'il veuille s’astreindre aux études préliminaires qu'elles exigent. En effet, on s'aperçoit très bien que l’habile professeur que je combats, sous le nom de germes, de corpuseules organisés, con- fond une foule de corps qu'il faudrait primitivement déterminer, avant d’avoir la prétention de faire, je ne dirai pas une expérience posilive, mais une expérience sérieuse. Ainsi, quand par un mot séduisant pour des savants superficiels, il dit : jensemence des cor- (4) Pasteur, Ann. des sc. nat., 1864, t, XVI, p. 31 et 26. 292 F. POUCHET, — ÉTUDES EXPÉRIMENTALES puscules et je récolte des Mucédinées, cela ne signifie absolument rien. Le chimiste ensemence l’invisible et il obtient [a récolte du hasard. Vous obtenez des proto-organismes dans vos ballons, comme lui disait M. Baudrimont au Congrès scientifique de Paris, parce que vous y introduisez, non des spores, mais des corps organi- ques décomposables. Tout est là, Les œufs et les spores sont visibles ; que M. Pasteur nous les montre dans l'air en quantité suffisante, je le répète, et toute dis- eussion sera Lerminée. CHAPITRE VI. Résistance vitale des organismes. Lorsqu'il fat bien démontré que les expériences de Schultze et de Schwann parlaient elles-mêmes en faveur de la génération spontanée, pour sauver la panspermie du naufrage, M. Pasteur prétendit que les œufs des animalcules et les spores des Mrucédinées pouvaient résister à l'eau en ébullition. Pour émettre une si audacieuse assertion, le chimiste renverse donc toute la physiologie du xix° siècle ! Ignore-t-il : 1° Que Bulliard s’est assuré, par ses expériences, que les spores des Mucédinées étaient immédiatement tués par le contact de l’eau bouillante (1) ; 2% Que tous les physiologistes, et MM. Claude Bernard et Milne Edwards eux-mêmes, considèrent comme un point de doc- irine acquis par l’expérimentation, qu'aucun organisme ne peut supporter, sans périr, la température humide de 100 degrés (2) ; 3°. Que le botaniste Herm. Hoffmann, qui a récemment publié des expériences sur ce sujet, quoique adversaire de l'hétérogénie, prélend cependant que quatre à dix secondes de cette température (1) Bulliard, Hist. des Champignons, t. 1, p. 415. (2) CI. Bernard, Leçons sur lu propriélé physiologique des fluides de l’orga- nisme, t. [, p. 488. — Milne Edwards, Comptes rendus, SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. 993 suffisent pour détruire la facullé germinative des spores de toutes les Mucédinées (1); k° Enfin, que nous-même nous avons démontré pas l’ob- servalion microscopique, qu’en quelques minutes et même parfois en quelques secondes seulement, les semences de Mucédinées, sur lesquelles roulent les expériences, étaient désorganisées de fond en comble dans l’eau en ébullition (2). Un seul ne peut se substituer à tous, et se poser comme l’uni- que terme de la science. Avant de passer outre, il fallait renver- ser les assertions et les expériences des zoologistes, des botanistes ou des physiologistes que nous venons de citer; car lorsqu'il s’agit d’un fait de biologie, elles ont une autre autorité que celles. qui sortent du laboratoire d’un chimiste. A l'égard des Mücédinées, M. Pasteur rappelle avec une sorte de complaisance les expériences de Spallanzani, dans lesquelles ce savant prétend avoir vu des spores bouillies dans l’eau ou ayant subi l’action d’un brasier ardent, conserver encore leur vitalité. La physiologie de nos jours n’a plus besoin de combattre de tels et si étranges paradoxes, et je m'étonne que l’on puisse encore les invoquer. Lorsque Spallanzani, après une si rude épreuve, confiait ses spôres à un terrain propice aux moisissures, Comme il le dit lui-même, bientôt celui-ci se couvrait d'une végétation cryplogamique. C’est tout naturel; et sans son ensemencement la même fécondité se füt produite. Comme les semences sont évidemment désorganisées et {uées par une telle température, ici c’est simplement le contact d’une matière organique qui suscite l'apparition de la génération nou- velle, sans que celle-ci soit le résultat de ce prétendu ensemen- cement. Il nous faut aujourd’hui quelque chose de plus précis que les assertions defSpallanzani, de Bonnet et des physiologistes de leur école. (1} Herm, Hoffmann, Études mycologiques sur les fermentalions (Bullet. de la Soc. bot., t. VIII, p. 803). (2) Pouchet, Hélérogénie. Paris, 1859, p. 282 ct 283. — Trois secondes suffisent pour désorganiser les spores des Ascopñores. 29h F. POUCHET, — ÉTUDES EXPÉRIMENTALES M. Pasteur fixe à 120 degrés la résistance vitale des spores et même peut-être à 125 degrés ; etil prétend qu'au-dessous de cette lempéfature leur faculté germinatives’anéantit, Mais, dans la plupart de ses expériences, ce sont toujours ces vagues poussières de l'air qu'il ensemence! C'est-à-dire, l'inconnu, pour récolter ce que tout corps organisé quelconque produirait normalement. Cela est si vrai, que nous avons démontré qu’à l’aide d’ensemencements exécutés avec des poussières chauffées à 215° et plus, nous n’en avons pas moins vu les liquides se remplir d’infusoires et de Mucédinées. Mes recherches sur la vitalité de l’invisible ont prouvé surabon- damment que, dans le cas où l’on supposerait qu’il existe des œufs ou des semences de proto-organismes dans les liquides, une tem- pérature bien inférieure à celle de l’eau bouillante, celle de 50 à 80 degrés centigrades, suffisait pour détruire radicalement leur vitalité (4). C’est incontestable, et cela se prouve par des expériences d’une simplicité élémentaire. On sait que M. Payen a prélendu que l'Oidium aurantiacum, qui envahit le pain, résislait à une température humide de 140 degrés. C’est là une erreur. Les résultats obtenus par ce chimiste et par M. Pasteur tien- nent à l’interprétation défectueuse que l’un et l’autre ont faite de leurs expériences. Ils ont constamment posé comme limite de la résistance vitale, le degré au delà duquel aucun organisme n’ap- paraît sur les corps soumis à l’action de la chaleur. Et ce degré n'indique simplement que celui où les substances organiques sont assez altérées pour que leurs éléments ne puissent plus rien pro- duire. C'est en procédant d’une façon si erronée, que des physio- logistes fantasques sont arrivés à professer que le feu ardent lui- même n’anéantissait pas la vitalité des semences. Ainsi donc, voici M. Payen qui prétend que des semences résistent à la fempérature humide de 140 degrés, tandis que M. Pasteur pose 130 degrés comme limite de leur résistance à la température sèche. C’est là un non-sens physiologique. (1) Pouchet, Recherches sur la résistance vitale de l'invisible, 1862 SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. 9295 Quand donc sortirons-nous d’une telle voie, pour entrer dans celle où les expériences qui laissent la nature agir à son gré, nous révèlent tout avec tant de netteté. CHAPITRE VIE. De l'absence des Microzoaires ciliés dans les appareils de M. Pasteur. Dans les expériences de M. Pasteur, jamais ses ballons ne se peuplent que d'Infusoires des plus infimes espèces. Cependant si les œufs y étaient introduits par l'air, il n’y a pas de raison pour qu'on n'y rencontre pas, en même temps, des Microzoaires des ordres les plus élevés, des espèces ciliées. Cette objection était fondamentale, accablante; mais, com meà l'habitude, cet habile chimiste, au lieu d’y répondre, tourne la dif- ficulté. Il affirme que si je connais une liqueur qui, après avoir subi la température de l’ébullition à 100 degrés, donne naïssance, après deux ou trois jours seulement, à de gros Infusoires, en opérant dans des ballons au contact de l'air libre, 11 pourra y faire naïître ces: mêmes gros Infusoires en opérant dans des ballons au contact de l’air calciné. Je connais cent liqueurs dans lesquelles de gros Infusoires appa- raissent par milliards après trois à quatre jours seulement ; mais j'avoue que, comme les expériences perturbatrices des chimistes ont pour premier effet d'entraver toute genèse organique ; comme depuis Needham, c’est-à-dire depuis cent ans, on le crie à leurs fauteurs, ces mêmes liqueurs, quand elles ont bouilli, perdent absolument cette faculté et ne la retrouvent qu'après un certain laps de temps. Or, si l’on prend une de ces décoctions et qu’on la mette dans un ballon hermétiquement fermé et rempli d’air ordinaire, on n’y verra jamais apparaître aucun de ces gros Infusoires ciliés dont cet air, selon les panspermistes, n'aurait pu se dispenser d'y intro- duire les œufs, en même temps qu'il y insinuait ceux des Infu- soires monadaires; et cela tout en admeltant qu'il reste dans le ballon la très faible proportion d'oxygène indispensable à l’entre- tien de la vie de ces gros Microzoaires. 296 F, POUCHET, —— ÉTUDES EXPÉRIMENTALES Au contraire, dans la même liqueur exposée sous une cloche, en présence d'un air qui en laboure la surface, on verra appa- raitre des Infusoires ciliés après quelque temps. L'expérience se charge donc seule de renverser tour à tour toute cette subtilité d’argumentation que l’on dépense en vain pour obscurcir des phénomènes palpables, en leur substituant des arguments sans preuves. Si au lieu de s’obstiner à ne considérer les corps reproducteurs que comme des espèces d’entités méta- physiques; si au lieu de n’opérer que sur des Infusoires dont la ténuité échappe presque à l’œil, on voulait transporter l'expéri- mentalion dans une sphère plus élevée et plus philosophique, tout se dévoilerait ostensiblement. CHAPITRE VIII. Lois fondamentales de la genèse spontanée. Les lois qui président à la formation spontanée des organismes inférieurs sont tellement fixes, tellement naturelles, que l’intellect peut les tracer à priori. C’est ainsi que nous sommes parvenu à instituer des expériences que nous avons déjà répétées en pré- sence de quelques savants de premier ordre, et auxquelles nulle objection n’a encore été faite. D'ailleurs, qui pourrait nier des phénomènes dont l'observateur peut analyser une à une toutes les phases. Est-ce que Pineau et MM. Nicolet, Joly et Musset n’ont pas vu, comme nous, les œufs des Microzoaires se former de toutes pièces sous leurs yeux? Est-ce que M. Schaaffhausen (de Bonn), tout récemment, n’a pas annoncé à l’Académie des sciences qu’il avait observé le même fait ? Qui ne sait qu'Humboldt, d’immortelle mémoire, admet aussi la genèse spontanée des organismes inférieurs ? Est-ce que le plus orand zoologiste de l’époque actuelle, R. Owen, n’a pas avancé lui-même, dans son dernier ouvrage, que nous avions démontré évidemment ce phénomène? Chaque savant que nous avons l’honneur de recevoir dans notre laboratoire, a pu y voir des œufs de Microzoaires naissant, SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. 997 gyrant et éclosant dans leur membrane proligère, et de la levüre en germination ? Après cela, que nous importe que quelques chimistes admettent ou non l’hétérogénie? Leurs expériences erronées, fussent-elles accumulées à la hauteur des pyramides des Pharaons, jamais ne saperont une parcelle de faits d'embryogénie vus et parfaitement vus déjà par tant de physiologistes ! Quelques savants, en reportant à la chimie une question qui n’est nullement de son domaine, rappellent, par leurs expériences, ces disciples d'Hermès qui demandaient à leurs creusets des résultats impossibles. Si aux manipulations in vitro, où tout entrave les phénomènes vitaux, on substitue des expériences rationnelles, dans lesquelles la nature est abandonnée à elle-même, celle-ci, au contraire, nous révèle ostensiblement sa marche. C’est en nous basant sur les lois qui président à la genèse des proto-organismes que nous sommes parvenu à priori à instituer des expériences à ciel ouvert, qui renversent tout l'édifice des panspermistes. ! Sachant que les Microzoaires ciliés ne s’engendrent dans une membrane proligère que lorsque celle-ci se trouve élevée à la puissance d’un véritable stroma , nous nous sommes dit que toutes les fois qu’on paralysait, partiellement ou totalement, la formation de cette membrane, nécessairement la genèse des animalcules, qui lui est liée, devrait être entravée ou absolument anéantie. L'expérimentation a admirablement confirmé nos prévisions. Un même liquide étant donné, et en même quantité, si j'en place la moitié dans un vase à surface resserrée et l’autre dans un vase à large surface : dans le premier, comme en expirant, les animal- cules primaires ont pu former une membrane proligère assez épaisse, j'aurai des Microzoaires ciliés ; dans le second, comme Ja masse de ces animalcules ne pourra se rassembler d’une façon assez compacte pour constituer une semblable membrane, jamais je n’y observerai un seul animaleule eilié. Ê Et cependant, comme c’est le même liquide, si les œufs tom- baient de l'atmosphère, comme le veulent les panspermistes, ou s'ils se trouvaient dans le liquide, il n’y a pas de raison au monde 298 F, POUCHET, —: ÉTUDES EXPÉRIMENTALES qui puisse expliquer pourquoi on ne trouve pas des Microzoaires ciliés dans l’un comme dans l’autre vase. Si j'emploie un autre procédé, si j'arrête sur un filtre les ani- malcules primaires, la membrane proligère avorte également, et je n'ai aucun Microzoaire cilié, Les lois qui président à cette genèse spontanée ont même une telle fixité, qu’on peut les énoncer mathématiquement. En effet, on peut poser comme démontré que, dans un liquide donné, la pro- duction des Microzoaires ciliés est en raison inverse du carré de la surface ; et que la production des Monadaires est en raison directe du cube de la masse de ce même liquide. Les expériences instituées par nous ont une telle précision, qu’à notre gré, avec une même liqueur fermentescible, en opérant sur des quantités absolument égales, soumises aux mêmes conditions de température, d'éclairage et d’abri, nous obtenons, à volonté, des Microzoaires ciliés ou seulement des Monades et des Vibrions. Tout cela est d’une lucidité qui frappera tous les esprits sérieux. Et de tels faits peuvent être démontrés par des expériences dont l'admirable simplicité contraste avec l'arsenal des manipulations chimiques invoquées jusqu’à ce jour. Il est temps enfin de sortir des errements du sièele qui nous a précédé, et d'élever à sa véritable hauteur la question des généra- lions spontanées. Les progrès de la biologie ne nous permettent plus d’en rester aux errements de Bonnet, de Spallanzani et de leurs continuateurs. D'ailleurs, n’a-t-on pas vu successivement les travaux si con- sciencieux et si rigoureux de Mantegazza, de Joly, de Musset et les nôtres, démontrer que les trop célèbres expériences de Schultze, de Schwann et de M. Milne Edwards étaient absolumentinexactes. Ce n’est qu’en se fondant sur une physiologie fantastique, comme plusieurs savants l’ont déjà dit, que M. Pasteur tente encore de sauver la panspermie, cette hypothèse surannée, que la raison et la seience sapent aujourd’hui de toutes parts (L). (1) Musset, Nouvelles recherches expérimentales sur l'hétérogénie, Toulouse, 1862, p. 17.— Ce savant, dans sa brillante thèse, a renversé sans retour toutes les expériences que les chimistes opposaient à l'hétérogénie. SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. 299 Si l'air charriait autant de sporeset d'œufs qu'il en faudrait pour expliquer rationnellement sa fécondité, ce serait une honte pour la chimie moderne de ne pas y avoir encore signalé l'énorme quan- tité de matière organique qu'il doit nécessairement contenir, d’après la vieille hypothèse des germes aériens, remise en honneur par M. Pasteur. M. Baudrimont, qui s’est occupé avec une haute intelligence des corpuscules atmosphériques, a senti lui-même combien la panspermie est erronée. « Je me hâte de dire, s’écrie ce célèbre chimiste, que jusqu’à ce jour je n'ai point rencontré dans l'air que nous respirons tous ces êtres fantastiques, tous ces monstres dont l'imagination de l’homme s’est plu à le peu- pler (4). » La première de nos expériences, qui est d’une étonnante sim- plicité, démontre immédiatement les lois de la genèse spontanée, et renverse sans appel l'hypothèse dans laquelle on encombre l'air d'œufs et de spores. Je prends un verre à expérience, et je le remplis d’une macé- ration filtrée, propre à engendrer de gros Microzoaires ciliés. Je prends ensuite une grande cuvette de cristal, à fond très plan, el j'y verse une égale quantité de la même macération qui rem - plit le vase. Celui-ci est ensuite placé au milieu de la cuvette. Le tout est mis enfin sous une cloche plongeant dans l’eau, pour modérer l’évaporation. Au bout de quatre à cinq jours, par une température de 20 de- grés en moyenne, le verre présente une membrane proligère épaisse et remplie de Microzoaires ciliés. La cuvette, au contraire, n'offre qu’une membrane proligère à peine apparente, arachnoïde, et ne contient aucun Microzoaire cilié. Si les œufs tombaient de l'atmosphère, comme le prétendent les panspermistes, 1l n'y aurait pas de raison au monde qui püt faire que, dans la même portion d'air, le verre en soit constamment rempli et la cuvette jamais. Celle-ci même, à cause de sa surface bien autrement étendue, devrait en récolter infiniment plus. Si dans le verre il y a des Microzoaires ciliés, cela tient à ce (1) Baudrimont, Comptes rendus de l’Acad, des sc., 4855, 8 octobre. 300 F,. POUCHET, — ÉTUDES EXPÉRIMENTALES que dans l’étroite surface qu'offre le liquide, les cadavres des Monadaires et les Vibrioniens ont pu former une membrane pro- ligère assez compacte pour devenir un stroma. Si, au contraire, dans la cuvette, il n’y en a jamais eu un seul, cela tient à ce que la surface du liquide étant énormément plus considérable, ces mêmes cadavres ne forment qu'une membrane excessivement mince, arachnoïde, et qui ne s'élève point à la puissance d’un stroma proligère. Il est bien entendu que pour exécuter une semblable expé- rience il faut une macération très légère. Si elle était trop concen- trée, il y aurait des Microzoaires élevés partout. _ Cette expérience est la plus évidente démonstration des lois qui président à l’hétérogénie. Celle qui suit les confirme et renverse également la panspermie générale des physiologistes rhéteurs du siècle dernier et la panspermie locale de M. Pasteur; ce fauæ- fuyant, comme l’a ingénieusement nommé M. Musset, dans une thèse qui deviendra célèbre; panspermie de juste milieu, inventée pour se soustraire à l’énormité du paradoxe de Bonnet et de ses continuateurs. Pour cette expérience, j'emploie deux éprouvettes de différente grandeur, superposées l’une au-dessus de l’autre. La première, ou la plus élevée, a 40 centimètres de hauteur sur 7 de diamètre, et est munie à sa partie inférieure d’un robinet de cristal. La seconde, située au-dessous du robinet de l’autre, n’a que 20 centimètres de haut. Je remplis la première de ces éprouvettes avec une macération quelconque, que l’on sait produire ordinairement de grands Micro- zoaires ciliés. Cetle macéralion, qui a été filtrée préalablement, est composée, soit avec du Lolium perenne, soit avec de lAster chinensis, du chanvre ou du lin. J'ai fait aussi cette expérience avec une macération du T'ænia serrata. Le cinquième jour, par une température moyenne de 20 degrés, il existe à la surface de la macération une membrane proligère épaisse, dans laquelle fourmillent des millions de grands Micro- zoaires ciliés. SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. a01 Alors, on ouvre très faiblement le robinet inférieur afin de ne pas troubler cette population, qui réside seulement à Ia surface du liquide, et on laisse couler goutte à goutte un tiers de celui-ci dans la seconde éprouvette. Cinq jours après, on examine la macération dont on a rempli cette dernière. Elle n'offre alors qu'une mem- brane proligère excessivement mince, qui ne contient jamais un seul Microzoaire cilié. Elle n’est peuplée que de Vibrions et de Monades. La macération du premier vase, qui est alors à son dixième jour, continue cependant à être animée par les mêmes animalcules que l’on y rencontrait dès le cinquième. Or, il est évident que cette seule expérience, si simple en elle-même, renverse cependant de fond en comble tout le vieil édifice de la panspermie ; et sans qu'on puisse même lui faire aucune de ces objections puériles dont les fauteurs de ce système sont si prodigues. En effet, si les œufs des Infusoires tombaient du ciel, comme ils le prétendent, le cinquième jour, le second vase serait eonstam- ment et indubitablement rempli de Microzoaires ciliés comme l’a été le premier ; mais jamais il n’en produit un seul. Les œufs des espèces les plus communes sont aujourd’hui parfaitement connus; et comme ils ont l'énorme diamètre de 0"",0400 à 0*",0200 et qu’ils n’ont pu échapper aux recherches, il faut done, où qu'ils se soient formés spontanément dans la mem- brane proligère, ou qu'ils aient été apportés par l’atmosphère. Or, si la progéniture qui apparaît dans nos expériences prove- nait de ces masses d’œufs dont M. Pasteur surcharge l'air, il n°y aurait pas de raison pour qu'il n'en tombât pas tout autant dans le second vase que dans le premier. Nos adversaires diront, je n’en doute pas, que le liquide du second vase est devenu impropre à l'existence des grands Micro- zoaires. Nous allons, à ce sujet, leur donner une entière satisfaction. D'abord nous nous sommes assuré que les propriétés chimiques des liquides des deux vases étaient, le dixième jour, parfaitement identiques. Souvent ils sont neutres, rarement un peu alcalins. Mais nous avons même employé un critérium bien autrement 302 F. POUCHET. — ÉTUDES EXPÉRIMENTALES précis que celui dont il est question, un critérium biologique. Nous avons pris des fragments de membrane proligère chargés de Microzoaires ciliés, et nous les avons placés sur la liqueur de la seconde éprouvette. Les animalcules y ont vécu tout aussi bien que dans le liquide de la première. Done, si les œufs tombaient réellement de l'atmosphère, la seconde éprouvette devrait avoir une population identique avec la première. Il ne faut pas non plus supposer que dans le second vase, la nourriture manque aux Microzoaires élevés. Non, il y a toujours d'énormes légions de Monades et de Vibrions, et nous venons de _voir d’ailleurs que les gros Infusoires y vivaient très bien. On ne peut aussi, dans ces expériences, comme je l'ai déjà soutenu à diverses reprises, invoquer les miraculeux moyens de reproduction que, depuis Spallanzani, certains naturalistes prêtent aux Microzoaires. Il ne s’agit ici que des espèces élevées; et comme pour plusieurs on a décrit avec soin toutes les phases de leur reproduction normale, on reconnait que celle-ci, loin s’en faut, ne pourrait avoir lieu en cinq jours. La scissiparité, je l’ai également répété, ne joue absolument aucun rôle dans nos expériences, et c’est, selon moi, un phéno- mène assez rare dans les Microzoaires. On a pris souvent pour elle, soit des accouplements, soit des monstruosités, ete. Il nous faut done, en opérant ainsi sur des espèces élevées et bien déterminées, autant d'œufs que nous rencontrons d'individus le cinquième jour; c’est-à-dire qu'il faut que l’atmosphère en abandonne des masses. Et comme ces œufs sont fort faciles à reconnaitre au microscope, on les trouverait dans la macération du second vase, si même ils ne pouvaient y éclore; et jamais, cependant, on n’y en observe un seul. Si même on prolonge l'expérience bien au delà du cinquième jour pour la seconde éprouvelte, toujours elle restera stérile en gros Infusoires, tandis que la première continuera à en être rem- plie. J'ai souvent prolongé de telles observations quinze jours et même un mois. C'est ainsi que, dans mon laboratoire, je conduis cette auda- cieuse expérience. Mais pour ceux qui la répéleront, sans avoir SUR LA GENÈSE SPONTANÉE. 303 une certaine habitude de sa pratique, il faut absolument qu'ils filtrent la macération que l’on soutire du premier vase. Sans cela ils pourraient, en apparence, éprouver une déception; cependant celle-ci vient magnifiquement confirmer la règle. En effet, si, par exemple, la macération de la première éprou- vette est très surchargée de principes organiques, la formation de sa membrane proligère n’en épuisant pas suffisamment la géné- ration primaire, il passe encore dans le deuxième vase une assez grande abondance de Monades et de Vibrions, pour que ceux-ci y forment une membrane proligère épaisse, qui dévient le stroma d’une génération secondaire. Alors on peut encore trouver dans ce second vase quelques rares Microzoaires d’un ordre élevé, En filtrant le liquide, on arrête sur le filtre cet excédant de population, qui seul constitue les matériaux de la genèse des Microzoaires ciliés; et jamais alors on ne voit apparaître un seul de ceux-ci. La genèse des Infusoires élevés est tellement liée à la formation de la membrane proligère par les Monadaires et les Vibrioniens, qu’aussitôt qu’on paralyse la production de celle-ci, les grands animalcules cessent de se produire. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES GLANDES DE PEYER ET DE LA MUQUEUSE INTESTINALE, Par V6. HIES, Professeur à Bâle (1). Quand on examine de fines coupes transversales des glandes de Peyer, on a souvent des aspects qui semblent indiquer que la substance interposée entre les follicules est, pour ce qu’elle a d’essentiel, identique avec la substance propre des follicules eux- mêmes : c’est uà tissu réticulé, vasculaire, richement parsemé de corpuscules lymphatiques. D’après cela, j'ai pensé que la mu- queuse intestinale tout entière pourrait bien se composer d’une substance analogue à celle des glandes lymphatiques, et alors les follicules ne seraient plus regardés comme des formations parti- culières, mais comme représentant le développement plus avancé d’un élément de la muqueuse répandu dans tout l'intestin. Plusieurs observateurs ont publié des faits isolés qui auraient pu mettre sur la voie de ce rapprochement entre la muqueuse in- tesinale et la substance des follicules. Déjà Bæhm (2) indique des connexions entre les follicules et la muqueuse par des prolonge- ments qui traversent, à des intervalles réguliers, la couronne for- mée par les glandes de Lieberkühn. Plus tard, Brücke (3) remarque que la face supérieure des follicules paraît recevoir des cordons (4) Untersuchungen über den Bau der Peyer'schen Drüsen und der Darms- chleimhaut (Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, t. XI, 4° cahier, p. 416). Traduit de l'allemand par M. Lereboullet. (2) De glandularum intestinalium structura penitiori, 1835, pages 12 el 23 à 24. (3) Denkschriften der k, k. Academie der Wissenchaften. 1851 , P. 25 et fig. 5. RECHERCHES SUR LA ‘STRUCTURE DES GLANDES DE PEYER. 305 provenant des villosités. Plusieurs observateurs ont rencontré des cellules rondes ou des noyaux enchâssés dans le stroma des villo- sités : E. H. Weber (1) paraît les avoir vus le premier ; ils ont été mentionnés par Kôlliker (2) et par Donders (3), et ce dernier les a même suivis dans les interstices des glandes de Lieberkühn ; Donders, comme Brücke (4), à remarqué la laxité du parenchyme des villosités ; Basslinger (5) a démontré la connexion des folli- cules avec ces dernières dans l’Oie et dans quelques autres oiseaux, et son observation a été confirmée par Krause (6), qui a même établi, pour l'Homme, des rapports analogues. Les observations qui vont suivre ont été faites sur les intestins de nos principaux Mammifères domestiques : Bœuf et Veau, Mou- ton, Lapin, Cochon, Chien et Chat. Je n'ai travaillé, pour ainsi dire, que sur des préparations injectées (vaisseaux sanguins ou lacunes du chyle, ou les uns et les autres). Je suis de plus en plus convaincu de l’utihté des injections dans les recherches histolo- giques, parce qu'elles font beaucoup mieux ressortir les objets et les rendent plus distincts. Pour ce qui regarde particulière- ment l'injection des voies chylifères de l’intestin, je m’empresse de reconnaitre que je dois beaucoup au récent travail de Teich- mann (7); je me suis servi de ses belles figures pour contrôler mes observations, et si je diffère, sur plusieurs points, de cet habile anatomiste, c’est parce qu’il a, suivant ma manière de voir, attaché une trop grande importance aux résultats de ses procédés d'injection. (1) Müller’s Archiv, 1847, p. 400. (2) Microscopische Anatomie, I, 2, p. 156. (3) Physiologie, traduite par Theile, 1,p. 307. (4) Ueber die Chylusge[ässe und die Resorption des Chylus, p. 10. (5) Sitzungsberichte der k k. Academie zu Wien, 1854, p. 536. (6) Anatomische Untersuchungen. Hannover, 1861, p. 437. (7) Das Suugadersystem vom anatomischen Standpunkt bearbeitet. Leipzig, 1861. 4° série. Zooc. T, XVII. (Cahier n° 5.) # 20 306 W. HIS. Glandes de Peyer. Comme point de départ de mes descriptions, je choisis une forme glanduleuse qui puisse facilement servir de repère pour la comparaison à établir avec les glandes lymphatiques; ce sont les volumineuses glandes de Peyer qui tapissent l’iléon du Veau: Sil’on pratique des coupes verticales dans ces couches glandu- leuses préalablement injectées et durcies dans l’alcool; on obsérve ce qui suit : Au-dessous des villosités coniques ou cylindriques, serrées lés unes contre les autres, se trouve une couche muqueusé riche en vaisseaux, et épaisse d'environ 4/5° à 1/4 de ligne (1), qui contient les glandes de Lieberkübn ; nous l’appellerons couche glanduleuse. Âu-dessous d'elle existe une autre couche, d’une ligne environ d'épaisseur, composée essentiellement de follicules, et que nous désigherons sous le nom de couche folliculeuse; viennent ensuite la musculaire de la muqueuse, la tunique nerveuse et la tnuseu- laire de l'intestin. Les follicules sont allongés ; leur plus grand axe est perpendi- culaire à la surface de la muqueuse; souvent ils s’amineissent à l’une où à l’autre de leurs extrémités ; quelquefois ils se bifur- quent, ou deux follicules voisins sont soudés en un seul: Leur diamètre transversal est de 4/5° à 1/3 de ligne. Ils reposent par leur base sur la musculaire de la muqueuse, où ils en sont séparés par des intervalles en forme de fentes. Dans ce dernier cas, on voit de distance en distance des cordons vasculaires, pro- venant des couches profondes, se diriger vers les follicules et se perdre dans leurs parois; Brücke regardait, à tort, ces cordons comme des vaisseaux lymphatiques. La limite des follicules vers la couche glandülaire de la muqueuse n’est pas tranchée; ils se perdent dans le tissu situé au-dessus d'eux. Les follicules eux-mêmes, dont la réunion constitue la couche (1) Pour plus d'exactitude, nous conservons l'indication en lignes donnée par l'auteur. RECHERCHES- SUR LA STRUCTURÉ DES GLANDES DE PEYER. 307 Hollicüleusé, sont séparés les tins des autres par des espaces que parcourent, dans le sens de leur longueur, dés eloisons fibreusés. Ces cloisons, qui commuñiquént d’üne pärt avec la muséülaire de A muqueuse, de l’autre avec la couche glanduleuse, renferment des troncs vasculaires (artères et veinés) provenant de la tunique nerveuse. Les vaisseaux en question se répañdent dans la couche glanduleuse et dans les villosités; quelquefois cépendant les cloi- sons qui lës contiennent s'arrêtent aux follicules, se soudent à leurs parois, et leur dorinént léürs vaisseaux. Abstraction faite des vaisseaux, les cloisons interfolliculaires sont formées par un tissu connectif contenant de nombreuses cellules fusiformes avec noyaux ovales ; il est douteux que ces dernières soient des cellules mus- culeuses. Quant à la distribution des vaisseaux dans les follicules, voici comment elle a lieu généralement : Les rameaux vasculaires qui pénètrent par éh bas où sur les côtés restent à la périphérie, et envoient leurs capillaires vers le centre. Avant d’atteindre l’axe du follicule, ces capillaires se recourbent ordinairement en anses, de manière à laisser la partie centrale du follicule vide de vais- Seaux ; cet espace central, qui s’énucléolé facilement sur les pièces durcies, représente assez bien les vacüoles que j'ai décrites pour les glandes lymphatiques. Que Signifient les espaces vides qu’on observe entre les folli- cules ? On pourrait les prendre pour des produits artificiels ; mais il n’en est rien. Si, À l’aide d’une fine piqûre, on pousse une in- Jection, par là méthode de Teichmann, dans une plaque de Peyer, on remplit les vides centraux des villosités et én même temps le réseau de canalicules de la couche glanduleuse en communication avec eux ; de plus , toutes lés lacunes de la couche folliculeuse se remplissent aussi, et la matière injectée passe dans les vaisseaux chylifèrés du tissu sous-muqueux. … Si nous comparons la structure de la couche folliculeuse des glandes de Peyer chez le Veau à la structure des glandes lympha- tiques, nous trouverons la ressemblance frappante. Nous voyons dans cette couche folliculeuse Ie tissu fibreux qui sert à conduire les vaisseaux ; la substance glanduleuse, qui est vasculaire à sa 308 VV. HIS. périphérie, et dont la portion folliculaire répond aux ampoules des glandes lymphatiques ; et enfin les conduits réservés pour le chyle qui se trouvent entre les faisceaux fibreux et la substance glandulaire. Ces conduits, n'ayant pas de parois propres, ne sau- raient être regardés comme des vaisseaux : nous les appellerons sinus de la muqueuse. Pour étudier les rapports entre les follicules et la couche glan- duleuse d’ane part, et la tunique musculaire de la muqueuse de l’autre, il faut faire des coupes horizontales à différentes profon - deurs, à partir de la base des villosités. On voit, par l'étude de ces coupes, qu'il existe une limite tranchée des follicules vers la sur- face de la muqueuse, et vers les sinus dont il vient d’être question ; mais, dans certains endroits, la muqueuse elle-même adhère aux follicules, et là nécessairement il n’y a aucune séparation entre elle et ces derniers. Le tissu propre de la muqueuse est parcouru d’une manière assez régulière par des lacunes en forme de fentes ou de canaux qui communiquent en dedans avec les cavités centrales des villosités, en dehors avec les sinus de la couche folliculeuse, et représentent ainsi les voies que parcourt le chyle. Si, maintenant, nous étudions la structure du tissu dans lequel sont enchâssées les glandes, celle des ponts de substance muqueuse qui établissent des communications avec les follicules et la sub- slance propre des villosités, il nous sera facile de reconnaître que ce tissu tout entier est infiltré de cellules qui offrent les mêmes caractères que les cellules des follicules et celles des glandes lym- phatiques et des organes analogues, ce qui nous autorise à leur donner la dénomination de corpuscules lymphatiques. On peut, à l’aide d’un pinceau, séparer ces cellules du tissu dans lequel elles sont enchàssées, et il reste une sorte de carcasse de tissu connec- tif adhérent aux vaisseaux, et qui rappelle le réseau fibreux des divers appareils folliculaires et des glandes lymphatiques (1). Dans (1) Il serait bon de donner un nom à la substance qui constitue le tissu propre des glandes lymphatiques, du thymus, des divers appareils folliculaires et de la membrane muqueuse ; je propose de l'appeler tissu adénoïde, et de réserver le nom de tissu glandulaire pour les glandes munies d'un canal excréteur. (Note de l'Aureur.) RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES GLANDES DE PEYER. 9309 les glandes de Peyer du Veau, le réseau en question se compose de cellules ramifiées avec noyaux ovales (de 5,5 à 6,5 millièmes de ligne de longueur sur 5 à 5,5 de largeur), semblables aux cel- lules des follicules eux-mêmes. Les mêmes cellules se retrouvent, avec des faisceaux de fibres connectives plus forts et sans noyaux, dans le parenchyme des villosités entre la membrane limitante extérieure et la cavité centrale. Si l’on pratique, sur une pièce injectée par le procédé de Teich- mann, une Coupe un peu oblique à travers la couche inférieure des follicules et le tissu sous-muqueux, on voit apparaître, d’une part, les sections transversales de l’extrémité inférieure des folli- cules avec les sinus qui les entourent circulairement et les cloi- sons vasculaires que contiennent ces sinus; mais, d’un autre côté, on aperçoit déjà dans le tissu sous-muqueux un réseau de tubes ramifiés remplis de matière à injection, et dont le diamètre varie entre 1 et 8 centièmes de ligne : c’est le réseau des vaisseaux chylifères sous-muqueux. Tandis que les sinus muqueux interfol- liculaires sont dépourvus de parois propres, comme on l’a vu plus haut, les vaisseaux chylifères du tissu sous-muqueux ont, au con- traire, üne membrane propre; ainsi que d’autres travaux l’ont déjà indiqué (1), ils ont même des valvules, dont on reconnait la présence aux renflements caractéristiques des vaisseaux. La mem- brane de ces vaisseaux est excessivement mince, formée d’une substance connective sans structure ; ce n’est que sur des tubes plus gros qu’on distingue une membrane adventive mince, de nature fibreuse. Le passage des sinus aux vaisseaux chylifères sous-muqueux se fait par des prolongements des premiers qui traversent la musculaire de la muqueuse, pénètrent dans la sous- muqueuse, et reçoivent du tissu connectif qui les entoure une paroi tubuleuse propre. On peut assez souvent, sur des tranches minces, observer ce passage des sinus à des vaisseaux fermés. Nous laissons maintenant les glandes de Peyer du Veau pour nous occuper de celles du Lapin. Les couches folliculeuses du sac (1) Voyez, par exemple, la figure de Brücke (tab. [, fig. 4) représentant les vaisseaux chylifères de la sous-muqueuse, chez un enfant. 310 W. HIS. de l’iléon, celles du côlon et de l’appendice vermiforme de cet animal, se rapprochent beaucoup des mêmes organes de l’iléon du Veau. Elles ont aussi une épaisseur considérable (4 ligne dans l’appendice, 1 ligne 1/2 dans le sac); les follicules se trouvent dans la muqueuse proprement dite, et sont séparés de la tunique nerveuse par la couche musculaire extrêmement faible de la mu- queuse. Au-dessus de la couche folliculeuse se trouve une couche muqueuse de 1/4 à 1/3 de ligne d'épaisseur, contenant les glandes de Lieberkühn. Elle présente à sa surface des plis riches en vais- seaux, qui laissent entre eux des espaces vides de forme circu- lgre” Si l’on examine une coupe verticale pratiquée à travers le sac de l’iléon, on remarque la forme allongée des follicules, déjà signalée par Bœhm. Cette forme ressemble assez à celle d’une semelle de soulier ; on y distingue une extrémité externe globuleuse, une extrémité interne conique, et, entre les deux, une portion moyenne faiblement rétrécie. L'extrémité externe est nettement séparée des muscles sous-jacents appartenant à la muqueuse, ainsi que des follicules voisins, par des lacunes. Ces dernières, cependant, sont traversées çà et là par des brides contenant des vaisseaux, et qui servent à unir les follicules entre eux ou à leur amener les vais- seaux sanguins. On n’y voit pas de cloisons fibreuses comme dans le Veau. L'extrémité interne des follicules est encore plus nette- ment limitée que l’externe ; elle pénètre, en effet, dans une fos- selte profonde qui à près de la moitié de l'épaisseur de la mu- queuse, et elle possède, ainsi que la paroi de la fossette, un revêtement d’épithélium cylindrique. Quant à la portion moyenne du follicule, elle sert principalement de moyen d’union des folli- cules entre eux et avec la couche muquense sus-jacente, On voit des prolongements coniques de cette dernière pénétrer entre les extrémités supérieures des follicules et se confondre avec eux dans leur partie moyenne. Les glandes de Lieberkühn ne se portent pas très loin dans ces prolongements interfolliculaires de la muqueuse. Ces glandes sont disposées obliquement; leurs extrémités borgnes conver- gent vers le milieu des stries de la muqueuse; elles s'ouvrent en RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES GLANDES DE PEYER. 311 partie dans l’étroit canal qui conduit au sinus dont le follicule est entouré. La distribution des vaisseaux dans les amas folliculaires du Lapin se fait de la manière suivante. Les rameaux les plus forts se rendent de la profondeur vers les follicules, et se disposent à leur périphérie, pour, de là, pénétrer dans leur intérieur. Ils fournis sent les capillaires qui se dirigent vers l’axe du follicule pour for- mer le réseau découvert par Frei. Çà et là on voit quelques rameaux plus forts passer d'un follicule à l’autre par les ponts de communication dont on a parlé plus haut. Les vaisseanx qui ont pénétré dans le follicule se continuent en partie dans sa por- ‘tion interne, en partie dans la substance interfolliculaire, et, de là, ._ ces derniers se rendent à la surface interne de l'intestin et aux glandes de Lieberkühn. La distribution des vaisseaux dans l’inté- rieur des follicules a ceci de particulier que, dans les deux portions interne et externe de ces organes, il existe une partie centrale privée de vaisseaux et qui se laisse facilement énucléer, tandis que les capillaires occupent à peu près toute l'étendue de la portion moyenne. Il résulte de cette disposition que chaque follicule con- tient deux vacuoles séparées l’une de l’autre, ce qui a porté quel- ques observateurs à admettre une double série de follicules super posés. On trouve quelquefois de petits follicules ronds, isolés, mais ils sont toujours dispersés et ne forment jamais de couche continue. On rencontre quelquefois, dans les vacuoles des folli- cules du Lapin, des noyaux jaunes qui ressemblent, au premier abord, à de petits abecès; je les ai trouvés composés d’amas de cellules aplaties, du diamètre de 5 à 6 millièmes de ligne, renfer- mant un contenu granuleux et un noyau. Les figures qu’on obtient par des coupes horizontales pratiquées à diverses hauteurs dans les amas de follicules, sont les mêmes que celles qui résultent des coupes verticales. Jusqu'à une cerfaine profondeur, la muqueuse se compose d’un tissu glanduleux, riche en vaisseaux, et qui entoure des lacunes de forme arrondie. Occupons-nous maintenant des glandes de Peyer du Mouton. Au premier abord, on pourrait croire que leur arrangement 312 WW. HIS. diffère de ce qu’on voit dans le Lapin, mais un examen attentif fait voir que les différences proviennent des dimensions de ces orga- nes. Des coupes verticales montrent que dans les endroits où les follicules sont serrés, ceux-ci sont entièrement logés dans la muqueuse, où ils forment une couche d'un tiers à une demi-ligne d'épaisseur; là, au contraire, où ils sont espacés et où la muqueuse est mince, ils pénètrent dans la sous-muqueuse par leurs extré- mités arrondies. Dans les grands amas de glandes, les follicules isolés font saillie à la surface interne de l'intestin; ils sont sépa- rés, par des sillons circulaires, du tissu qui porte les villosités ; leurs extrémités supérieures sont unies par des ponts de substance glanduleuse et celle-ci se soude aux follicules au-dessous du sillon qui les circonscrit. Plus bas ces moyens d'union sont interrompus par les sinus muqueux qui les traversent et qui séparent plus ou moins les follicules des couches sous-jacentes. Les ponts de sub- stance interfolliculaire sont eux-mêmes traversés par des fentes que l'on peut suivre quelquefois jusque dans les villosités. Les glandes de Lieberkühn pénètrent dans le tissu qui sépare les fol- licules jusqu’à une distance égale environ à la moitié de l’épais- seur de la muqueuse. La substance interfollieulaire prend, en bas, tout à fait l’aspect de la propre substance des follicules. Les coupes horizontales des glandes de Peyer, dans le Mouton, montrent la même succession d'images que dans le Lapin. Une coupe pratiquée au-dessous de la base des villosités fait voir les vides circulaires d’un sixième à un quart de ligne de diamètre, d’où se sont détachées des portions de follicules, sauf dans les endroits où ces derniers sont retenus par la substance intermédiaire. Le tissu compris entre les vides laissés par les follicules offre la sec- tion des glandes de Lieberkühn, disposées en séries au nombre de deux à quatre entre deux vides; plus bas ce tissu est parcouru par des fentes plus ou moins étendues, d’un centième à un centième et demi de ligne de largeur, qui ont en général la même direction que celle des brides interfolliculaires. A une plus grande profon- deur, le champ tout entier de la muqueuse est partagé, par des fentes plus ou moins recourbées, en un grand nombre d’espaces arrondis ou de forme polygonale, communiquant entre eux par des RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES GLANDES DE PEYER. 319 brides d’une étendue variable. L’injection nous apprend de nou- veau que ces fentes sont des voies chylifères. Le milieu de chacun de ces espaces est occupé par un follicule, tandis que leur circon- férence, ainsi que les brides de communication, est constituée par la substance glanduleuse. On voit, quand la coupe n’est pas trop superficielle, que chaque follicule tient au reste du tissu muqueux par des prolongements interglandulaires. On peut s’as- surer de cette continuité en se servant d’un pinceau qui permet de mettre en évidence l’élégant réseau de la muqueuse glandulaire formé de brides dépourvues de noyaux, et de montrer que ce réseau se continue avec celui du follicule qui est aussi constitué par des brides privées de noyaux. Si l’on dirige la coupe à travers la couche externe de la muqueuse, au delà des glandes de Lieberkühn, on constate les dispositions suivantes. Entre les sections des follicules existe un tissu dans lequel on distingue les coupes d’un grand nombre de vaisseaux sanguins assez considérables. Les follicules sont séparés de ce tissu, dans la plus grande partie de leur circonférence, par une lacune cireu- laire; dans le reste de leur étendue, au contraire, ils communi- quent directement avec la Substance interfolliculaire. De bonnes préparations à l’aide du pinceau montrent aussi, dans ces couches profondes de la muqueuse, un réseau très élégant, à mailles allon- gées, qui se continue avec le réseau du follicule et qui est rempli de corpuscules lymphatiques. Si nous récapitulons les formes qui viennent d’être décrites, on se rappellera que nous avons pu, jusqu'à présent, distinguer trois zones à chaque follicule : une zone interne, tournée vers la cavité intestinale; une externe, qui plonge au milieu des sinus de la muqueuse et qui n’est unie que partiellement aux parties voisines par des ponts de substance parcourue par des vaisseaux sanguins ; et enfin une zone moyenne, destinée surtout à servir de moyen d'union avec la portion glandulaire de la muqueuse, et qui, pour cette raison, n’est, pour ainsi dire, circonscrite par aucune limite bien tranchée, La partie glandulaire de la muqueuse, déjà parcou- rue dans tous les sens par des lacunes dans sa région superficielle, 314 W. HIS, pénètre dansles intervalles des follicules pour s'unir avec eux dans leur zone) mayenne, et en partie aussi dans leur zone externe. Dans les glandes du Veau, ces prolongements du tissu interfallicu- laire ont le caractère de cloisons fibreuses, tandis qu'ils conservent le caractère de tissu adénoïde dans le Lapin et le Mouton. Pour ce qui est du développement proportionnel des trois zones de chaque follicule, ces parties sont assez égales entre elles dans les follicules once du Lapin et dans ceux plus arrondis du Mouton, tandis que, chez le Veau, la zone externe est beaucoup plus déve- loppée que les deux autres. Nous nous bornerons à dire bi mots de certaines formes glanduleuses qui différent plus ou moins des précédentes. Les follicules de l’iléon du Porc ont quelque ressemblance avec ceux du Mouton, relativement à leur volume et à leurs rapports avec la muqueuse. Ils s’amincissent et s’étirent en forme de cônes à leur extrémité supérieure, au point d'offrir une certaine analogie avec les villosités, à cause du volume de ces dernières chez le Porc. Leur extrémité inférieure fait saillie dans la sous-muqueuse et s’entoure aussi de lacunes en forme de sinus. L'union de la région moyenne du follicule avec la partie de Ja muqueuse qui contient les glandes se fait, comme chez le Mouton, par des pro- longements interglandulaires qui servent en même temps à con- duire les vaisseaux. J'ai trouvé les sinus de la muqueuse propre- ment dite moins nombreux que chez le Mouton. Mais l’iléon du Porc se distingue surtout par un grand développement des élé- ments musculaires. La musculaire de la muqueuse est très épaisse, et elle envoie, comme on peut s’en assurer par des coupes obli- ques, des faisceaux fibreux plus ou moins forts dans les couches muqueuses superficielles. Aussi loin que les follicules pénètrent dans la couche musculeuse, ils sont séparés les uns des autres, ainsi que les sinus qui les entourent, par de larges brides muscu- laires dont les fibres sont généralement disposées en cercles. Les follicules de l’iléon du Chat ont aussi leur masse principale enfoncée dans la sous-muqueuse, mais ils s’allongent et s’effilent à la surface de la muqueuse, comme l’ont déjà fait voir Bæœhm, Brücke et d’autres auteurs ; leur portion interne peut même offrir RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES GLANDES DE PEYER. 919 quelque ressemblance avec les villosités, quoique d’une manière moins prononcée que chez le Porc, parce que dans le Chat, les villosités de l’iléon sont plus minces et plus longues. L'union des follicules avec le tissu de la muqueuse se fait comme dans le Mou- ton et le Porc. Quelquefois, sur des coupes verticales, on voit la portion supérieure, rétrécie, du follicule se prolonger en ponts de substance muqueuse qui s’interposent entre les glandes de Lieber- kühn. Les sinus qui entourent les follicules sont peu nombreux et ils ont plus la forme canaliculée, comme cela se voit, en général, dans toute la muqueuse du Chat. Il est intéressant d’observer les coupes pratiquées à travers la muqueuse du cæcum, dans cette partie qui correspond à l’appen- dice vermiforme des autres Mammifères, et dans laquelle les folli- cules sont serrés les uns contre les autres. Dans cette région on voit parfaitement, si les coupes sont un peu superficielles, comment la portion supérieure des follicules se continue avec les brides situées entre les glandes de Lieber- kühn. Structure de la muqueuse qui est dépourvue de follicules. Je choisis pour exemple la muqueuse de l'intestin grêle du Mouton, qui se distingue particulièrement par un plus riche déve- loppement de la substance adénoïde et des sinus. Voici ce que l'on voit sur des coupes horizontales pratiquées après l’ablation des villosités et du tissu sous-jacent. La muqueuse, avec ses glandes de Lieberkühn assez réguliè- rement distancées par des intervalles de 4 à 2 centièmes de ligne, est parsemée de fentes généralement allongées, disposées avec une certaine régularité. Ces fentes, en effet, dont la longueur est d’un trentième à un quart, et la largeur d’un demi à un demi- centième de ligne, sont un peu recourbées et disposées parallè- lement les unes aux autres; elles sont élargies de distance en distance. L'aspect qu’elles présentent rappelle celui que donne la section horizontale des glandes de Peyer dans l'intestin du Mou- ton. Si la coupe de la muqueuse est très superficielle, le nombre 316 W. HIS. des fentes augmente et on les voit s’unir entre elles pour former un réseau. Ces fentes ne sont autre chose que des voies pour le chyle, comme on peut s’en assurer par des injections pratiquées suivant la méthode de Teichmann. On peut d’ailleurs démontrer leur communication avec la cavité des villosités. Il suffit, pour cela, de faire un certain nombre de coupes verticales, ou mieux encore, de coupes obliques, sur un intestin de Mouton injecté ou même non injecté; on voit quelques-unes de ces coupes qui divi- sent longitudinalement la cavité chylifère dont les villosités sont creusées, et l’on met en évidence la continuité de cette cavité avec les lacunes de la muqueuse dont il vient d’être question. L'aspect, du reste, varie suivant les coupes; tantôt on voit les cavités de deux villosités voisines communiquer entre elles par un sinus transversal situé à leur base; tantôt la cavité d’une villosité pénètre dans la profondeur de la muqueuse pour aller se jeter dans les grandes lacunes de la sous-muqueuse. Sur des coupes très obliques on voit les cavités centrales des villosités s'ouvrir, immédiatement au-dessous de la surface de la muqueuse, dans un réseau de canaux lacunaires qui, plus profondément, commu- niquent avec les fentes décrites plus haut. Quelquelois les sinus de la muqueuse sont traversés par des faisceaux de fibres connec- lives, comme on en voit dans les sinus des glandes lymphatiques. Quant à la distribution des vaisseaux, ceux-ci n’occupent jamais l’intérieur des sinus, ils sont toujours situés dans le tissu muqueux lui-même. Si l’on examine avec attention la structure du tissu qui constitue la partie glanduleuse et la partie vasculaire de la muqueuse, on peut se convaincre sans difficulté que ce tissu est richement infil- tré de cellules analogues aux corpuseules lymphatiques. On voit aussi que ces cellules se laissent dégager facilement, à l’aide du pinceau, de la substance qui les entoure; d’où il suit qu’elles n’adhèrent que faiblement à cette substance. Quand on a enlevé les cellules, cette dernière offre partout le même aspect. Elle se compose de faisceaux, souvent très fins, de fibres connectives, faisceaux qui se divisent et se réunissent souvent; ou bien on ren- contre des brides un peu plus fortes qui se résolvent, à leur ter- RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES GLANDES DE PEYER. 317 minaison, en fascicules déliés; ou encore on aperçoit çà et là des corps ramifiés, pourvus d'un noyau. Ce tissu se condense en mem- brane autour des glandes de Lieberkübn et sur la limite des sinus. Aux villosités la condensation a lieu vers les lacunes centrales et vers la couche épithélienne; voilà pourquoi on voit rarement le réseau des villosités entièrement libre, car il reste le plus souvent l'une ou l'autre des deux membranes limitantes. J'ai aussi examiné la muqueuse du duodénum du Bœuf, et j'ai trouvé sa structure conforme à celle de l'intestin grêle du Mouton. Les plis de la muqueuse desquels se détachent les plus courtes villosités contiennent un sinus médian, ce qu’on peut voir par des coupes obliques. Le réseau du tissu muqueux se compose surtout de cellules ramifiées, avec noyaux ovales, qu’on voit quelquefois flotter isolément dans la préparation. Dans les villosités, ce réseau est tellement délicat, que, sur de petits fragments, on trouve par- fois les vaisseaux libres, sans tissu intermédiaire. Les places de l'iléon du Veau dépourvues de villosités m'ont aussi donné de très beaux représentants des sinus muqueux, ainsi que du réseau du parenchyme des villosités et du tissu interglandulaire. Sur l'intestin grêle du Lapin, j'ai trouvé surtout très développés les sinus contenus dans les plis qui supportent les villosités. Des coupes superficielles, pratiquées après l'ablation des villosités, montrent, dans le milieu de ces plis, des fentes qui communiquent fréquemment entre elles; ces fentes sont moins nombreuses dans les coupes plus profondes. La muqueuse de l'iléon du Cochon paraît être un peu moins riche en sinus; du reste sa structure ne diffère pas de celle des muqueuses précédentes. Je me suis assuré par l'examen du côlon du Mouton, du Veau, du Lapin et de l'Homme que le parenchyme muqueux de cet intestin se compose aussi de’ substance adénoïde et qu'il est parcouru de la même manière par des sinus; ces derniers forment, dans le Mouton, des canaux ramifiés qui accompagnent les vais- seaux sanguins et se terminent par des extrémités borgnes à peu de distance de la surface. — Je trouve digne de remarque l’ana- logie que présentent, au gros intestin, les plis injectés de la surface interglandulaire, sous le rapport de la distribution des vaisseaux, 318 WW. HIS. avec les vacuoles dés glandes lymphatiques. S'il n’est pas permis de déduire, dès à présent, des conséquences physiologiques de celle ressemblance, du moins n’est-on pas en droit de la regarder comme accidentelle. La muqueuse de l'intestin du Chien et du Chat diffère quelque péu des précédentes descriptions. La substance muqueuse adé— noïde est peu abondante, les sinus étroits, et par suite peu distinets. En faisant des coupes horizontalés sur l'intestin grêle du Chien ou du Chat, on voit que les ponts entre les glandes de Lie- berkühn n'ont souvent pas plus de 3 millièmes de ligne de lar- seur. Outre les vaisséaux sanguins, on y voit aussi des cellules lymphatiques, surtout aux points de renflement du réseau qui sert dé base à li muqueuse. . . . . nn. Résumons maintenant les résultats ds réétiéfoheé auf denten d’être exposées. 4.) Le tissu fondamental de la inuqueuse intestinale, qu’on avait jusqu'ici regardé simplement comme du tissu connectif, est formé par une substance qui possède les propriétés essentielles de la substance des glandes lymphatiques, et que, pour cette raison, fous plaçons sur la même ligne que cette dernière, en lui donnant lé nom de substance adénoïde. Ce tissu se compose en effet d’un réseau plus ou moins épais de fines brides de fibres connectives où dé cellules ramifiées, réseau qui, avec les vaisseaux sanguins, constitué une sorte de charpente dont les mailles sont remplies de cellules analogues aux corpuscules lymphatiques. 2.) Ce tissu renferme un système de canaux ou de lacunes en forme de fentes qui servent à l’écoulement du chyle. Ces canaux comméfcent au-dessous de la surface de la muqueuse par des extrémités borgnes (dans l'intestin grêle par les cavités centrales des villosités); en dehors ils s’ouvrerit dans le réseau des vais- seaux chylifères sous-muqueux. On ne leur trouve pas de parois propres; ils n’ont pas d’autres limites que la substance adénoïde, quelquefois condensée en membrane, pour leur servir alors de parois. Les rapports de ces canaux avec la substance adénoïde sont les mêmés que ceux qui existent entre les lacunes des glandes lymphatiques et le tissu propre de ces glandes; voilà pourquoi RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES GLANDES DE PEYER. 919 nous leur donnons le nom de sinus (sinus de la muqueuse, sinus des villosités) . 3.) Outre la substance adénoïde, qui forme le tissu fondamen- tal, et les sinus, la muqueuse intestinale se compose encore de l’épithélium, des glandes sécrétoires et des muscles lisses. Nous n'avons pas maintenant à nous occuper de l'épithélium. Les glandes de Lieberkühn sont disposées régulièrement, comme on sait, sur toute l'étendue de l'intestin et plongées au milieu de la Substance adénoïde. Les muscles forment, en dehors de la couche des glandes de Lieberkühn, une couche particulière de laquelle se détachent (ainsi que déjà Kôlliker l’a fait voir) des faisceaux plus où moins apparents qui pénètrent dans le tissu adénoïde. h.) Les glandes de Peyer et les follicules isolés de l’intestin ne Sont pas des formations particulières ; il faut les considérer comme des amas plus considérables de substance adénoïde. Nous distin- guons à chaque follicule une portion interne tournée vers la cavité intestinale, une portion moyenne et une portion externe; celle-ci peut se trouver dans la muqueuse elle-même ou pénétrer dans la sous-muqueuse. L'union des follicules avec la partie glandulaire de la muqueuse, union qu'on avait de temps à autre constatée, n’est pas un fait isolé ; elle existe constamment et pour chaque follicule, et c’est particulièrement la portion moyenne qui s'unit sur une plus grande échelle avec le reste de la muqueuse; la portion externe, dans bien des cas, se continue aussi avec le tissu voisin, mais dans une étendue plus restreinte. 5.) Il n’exisie aucun espace lacunaire dans l’intérieur des folh- cules, mais on en trouve de très développés à leur périphérie, surtout au niveau de leur région interne; ces lacunes sont moins nombreuses autour de leur région moyenne. Les sinus qui entou- rent les follicules sont beaucoup plus développés que ceux du reste de la muqueuse ; il semble qu’en général le développement des lacunes marche parallèlement avec celui du tissu adénoïde. 6.) Les follicules se distinguent du reste de la substance adé- noïde de l'intestin, particulièrement de celle des villosités et des plis de la surface, par une moins grande richesse en vaisseaux Sanguins ; voilà pourquoi ils apparaissent sous la forme de taches 320 w. HIS. blanches sur les préparations fraiches ou injectées. De même aussi, dans les glandes lymphatiques, les ampoules sont plus pau- vres en vaisseaux que les utricules médullaires et se distinguent à . leur pâleur. Or, comme nous comparons les follicules de l'intestin aux ampoules des glandes lymphatiques, nous pouvons, avec une certaine raison, mettre les villosités, les plis superficiels de la muqueuse et le tissu müuqueux interglandulaire, en parallèle avec les utricules médullaires de ces mêmes glandes; seulement dans les utricules médullaires le sinus est périphérique, tandis qu'il est central dans les villosités. 7.) Dans les follicules, les plus gros troncs vasculaires sont à la périphérie; les vaisseaux capillaires marchent, come des rayons, vers le centre; le milieu des follicules est privé de vais- seaux et parait aussi constamment dépourvu de réseau; cette partie centrale forme comme une sorte de vacuole : nous avons trouvé deux de ces vacuoles dans les follicules du Lapin. 8). De même que la périphérie des follicules se distingue par d’abondants rameaux vasculaires, il arrive aussi que la charpente des vaisseaux se dispose avec prédilection contre les surfaces limitantes de la substance adénoïde. On connaît la charpente vasculaire sous-épithéliale des villosités et celle de la surface de la muqueuse du gros Intestin. Cette règle se maintient pour les sinus. Déjà dans les villosités mêmes, on voit, sur de bonnes prépa- rations, que les vaisseaux sont en partie collés contre les parois de la cavité centrale; de plus, dans le reste de la muqueuse, on remarque que les rameaux vasculaires ou les capillaires se répan- dent le plus près possible de la paroi des sinus. Il s'agirait de savoir maintenant jusqu'à quel point nous sommes autorisé à déduire de ces faits anatomiques bien établis des conséquences physiologiques. Pour moi, je n’hésite pas à admettre que toute la substance adénoïde de l'intestin, celle des follicules aussi bien que celle du parenchyme des villosités et du tissu interglandulaire, peut concourir à la formation des cor- puscules sanguins; c’est-à-dire que les cellules accumulées dans RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES GLANDES DE PEYER. 321 cette substance ne sont pas destinées à y rester, mais à se rendre d’abord dans les voies chylifères et, de là, dans le torrent circu- latoire. Quant au chemin que parcourent les corpuscules du tissu adé- noïde pour parvenir dans les voies du chyle, je conviens qu’il n’est pas clairement déterminé. Les cordons de communication des follicules avec les parties voisines, cordons infiltrés de cor- puscules lymphatiques, que Brücke regardait comme des conduits de ces follicules, ne’ sauraient avoir cette signification, car ils appartiennent eux-mêmes au tissu adénoïde ; tandis que les fentes situées autour de ces cordons, et auxquelles Brücke semble n’at- lacher aucune importance, sont précisément les voies en question. L'opinion qui me semble la plus admissible est celle d’après laquelle la paroi limitante des sinus n'est pas continue, mais interrompue de distance en distance par des vides, de manière à laisser, de temps à autre, passer les corpuscules, surtout quand un plus grand afflux de sang augmente la pression dans le tissu adénoïde. Cette manière de voir paraît avoir contre elle les résul- tats des injections, car le liquide injecté dans les sinus ne va pas au delà et ne pénètre pas dans la substance adénoïde. Teichmann a conclu de ce fait que les follicules ne font passer aucun de leurs corpuscules dans les vaisseaux chylifères. Il s’est exagéré Îes résultats produits par les injections et va jusqu’à admettre que les corpuscules chyleux prennent naissance dans les vaisseaux chyli- fères eux-mêmes, opinion que n’admettront pas ceux qui ont suivi à l’aide du microscope le travail de la digestion de la graisse. On peut parfaitement supposer certaines dispositions qui permettent le passage de très fines molécules suivant une direction et ne le permettent pas dans une direction opposée. On n’arrivera à prou- ver qu’il est impossible aux corpuscules de passer de la substance adénoïde dans les sinus, que quand on aura fait voir qu’une matière granuleuse poussée primitivement au milieu de la sub- stance adénoïde, par exemple au milieu des follicules, ne peut pas en sortir pour pénétrer dans les sinus. Quoi qu’il en soit, et malgré toutes les objections, on ne peut refuser à la substance adénoïde de jouer un rôle dans la formation 4° série. Zooc, T. XVILL. (Cahier n°6.) 1 21 9222 W. BIS des cellules sanguines, Quand nous voyons tous les jours des masses de cellules incolores ètre charriées de la lymphe dans le Sang; quand nous n’avons aucune raison pour croire que ces cel- lules se sont formées dans les vaisseaux eux-mêmes ; quand nous rencontrons, sur plusieurs points du corps, des organes qui Con- tiennent en grande quantité des cellules parfaitement semblables aux cellules lymphaliques et qui se trouvent dans les conditions les plus favorables pour la multiplication ultérieure de ces cellu- les, il nous est bien permis de supposer que ces dernières passent de ces organes dans le sang. Cetle supposition acquiert encore plus de vraisemblance quand nous considérons les rapports des vaisseaux lymphatiques avec les organes en question. Ceux-ci, en effet, que nous réunissons sous la dénomination commune d’or- ganes adénoïdes, ont à la fois des vaisseaux lymphatiques affé- rents et efférents, ou seulement des vaisseaux efférents. Dans ce dernier cas, ces vaisseaux renferment toujours une quantité rela- tivement plus considérable de cellules incolores; dans le premier cas, c'estencore dans les vaisseaux elférents que les cellules inco- lores se trouvent en plus grand nombre. Ajoulons à cela que les organes adénoïdes se trouvent tüuméfiés quand on observe uné augmentation dans la production des cellules sanguines incolores ; qu'ils sont allérés pathologiquement dans les maladies du sang; et enfin que les cellules qu'ils renferment n’ont nullement les caractères de cellules stables, puisqu'elles offrent au contraire tous les attributs propres aux jeunes cellules : forme arrondie, aspect granuleux, membrane cellulaire collée contre le noyau, etc. Partout où nous trouvons de semblables cellules, nous les voyons subir des métamorphoses ultérieures. Dans ces dernières années nous avons vu plusieurs organes être rangés dans la série de nos organes adénoïdes. Il faut tâcher de rendre cette série complète en trouvant leurs analogues dans toutes les parties du corps qui fournissent une lymphe charriant des cellules. On sait que ces dernières ne se rencontrent pas tou- jours dans la lymphe; celle du foie, par exemple, est dans ce cas, comme Kôülliker l'a fait voir il y a longtemps et comme je l'ai con- lirimé; j'ai aussi trouvé la lymphe de la glande thyroïde des Chats RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES GLANDES DE PEYER. 328 exempte de cellules. D’après Teichmann ces dernières existent dans la lymphe des extrémités avant que cette Iymphe ait traversé les glandes lymphatiques ; il y a donc liéu de rechercher ici les or- ganes adénoïdes, soit dans la peau, soit dans les tuniques des arti- culations. Pour en revenir à l'intestin, nous avons encore à considérer, en peu de mots, l'influence que peut avoir sur l'absorption des liquides l’arrangement des sinus de la muqueuse tel que nous l'avons décrit. Le liquide qui s’accumule dans les sinus, pour se rendre de là dans les vaisseaux de la sous-muqueuse, provient immédiatement des sues dont la substance adénoïde est impré- gnée et, médiatement, de absorption intestinale et de la transsu- dation des vaisseaux. Deux circonstances expliquent le passage du liquide de la substance adénoïde dans les sinus, ce sont : le mode de distribution des vaisseaux dans la première et l’absence d’une paroi spéciale dans les seconds. En raison de la mollesse des autres tissus composant la muqueuse intestinale, il est évident que c’est Ja charpente vasculaire qui donne principalement la forme aux parties. Mais il résulte de la disposition de cette charpente que, pendant la vie, les parois des sinus ne sont pas collées l’une con- tre l’autre, mais restent entre-häüillées ; ce qui le montre, c’est que, sur des préparations durcies dont les vaisseaux sanguins ont été bien injectés, les sinus restent toujours entr’ouverts. Par suite de la différence de pression, le liquide doit nécessairement s’écouler de la substance adénoïde dans les sinus. Sous le rapport du passage du liquide intestinal dans la sub- stance adénoïde, je n’ai rien à ajouter à ce que l’on connaît. Brücke a fait voir, pour les villosités, que leur faculté absorbante provient de là position superficielle de leur réseau capillaire et de l’action de leurs muscles. Ce que Brücke dit des villosités s’appli- que en grande partie à tout le tissu de la muqueuse superficielle de lintestin. Nous n'avons done aucun motif pour vor dans l'absorption du chyle autre chose qu’un travail de filtration travers un tissu très lâche, étalé et soutenu par une charpente vasculaire. 32{ WW. HIS. Dans une note datée du 6 février 1862 et insérée à la suite de son travail, M. His mentionne un article publié par MM. Ludwig et Tomsa dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences de Vienne (Sitzungsberichte) du 48 juillet 1861, sur les origines des vaisseaux lymphatiques du testicule. Les résultats obtenus par ces deux anatomistes sont parfaitement conformes à ceux que lui a fournis l'étude de l'intestin. D’après Ludwig et Tomsa, les origi- nes des lymphatiques, dans le testicule, ne sont autre chose que des fentes, des lacunes creusées dans le tissu connectif de l'organe et communiquant un grand nombre de fois entre elles. Ces lacunes se voient sur des coupes transversales des canaux séminifères, entre ces canaux et les vaisseaux sanguins qui ram- pent dans leurs interstices. Les vaisseaux sont soutenus par des brides fibrillaires qui peu- vent contenir, dit l’auteur, autant que j'ai pu m'en assurer par les préparations qui m'ont été envoyées, une certaine quantité néces- sairement très faible de tissu adénoïde, ce qui expliquerait l’ori- oine des corpuseules lymphatiques trouvés par Külliker dans la lymphe du testicule. NOTE SUR LA DISTINCTION DES SEXES ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA TRICHINA SPIRALIS DES MUSCLES. Par M. E.-L. ORDONEZ. La Trichina spiralis est un entozoaire de la famille de Néma- toïdes, qu’on rencontre chez l'Homme et les animaux renfermé dans un kyste et logé entre les fibres musculaires de la vie de rela- lion. Nous n’entrerons pas dans des détails sur l'historique ni sur la description générale de cet entozoaire, ear cette partie se trouve au complet dans l’excellent article du livre de M. Davaine sur les Entozoaires et les maladies vermineuses de l Homme et des animaux domestiques. Mais nous nous proposons de faire quelques remarques sur certains points, importants à notre avis, et relatifs à la structure de la vésicule ou kyste qui renferme l’entozoaire, ainsi qu'à l'anatomie de ce dernier. V'ésicule ou kyste. — Les auteurs qui ont écrit sur la structure de la vésicule où kyste qui renferme la Trichina spiralis, ne sont pas d'accord sur le nombre de couches qui la composent, ni sur sa structure ; ainsi, suivant Bischoff, Farre, Gairdner, Luschkeur et Valentin, le kyste serait composé de deux vésicules emboîtées et parfaitement isolables l’une de l’autre. De ces deux vésicules, l'externe, en s’isolant, entrainerait avecelle les deux prolongements polaires du kyste, et laisserait la vésicule interne entièrement iso- lée et sous forme régulièrement elliptique. D'après Bristowe et Rainey le kyste serait simple; c’est aussi notre opinion, el voici mes raisons. Quand on examine sous un microscope à dissection un certain 326 E, L, ORDONEZ. nombre de kystes renfermant des Trichina, on constate très faci- lement que les adhérences qui maintiennent le kyste uni aux fibres musculaires ambiantes, sont constituées par des faisceaux de fibres de tissu lamineux ou fibrillaire (cellulaire) très lâche. Ces adhé- rences, examinées à un fort grossissement, pourraient peut-être donner l'idée d’une couche régulière, se confondant avec le som- met des prolorgements polaires du kyste ; mais à l'aide d’uneforte loupe, disséquant sous l’eau, et avec un peu de patience, on arrive à isoler parfaitement le kyste proprement dit (avec ses deux pro- longements polaires), de toute adhérence par des tissus normaux, aux fibres musculaires ambiantes, Le kyste alors, examiné à tous les grossissements possibles, est homogène dans l’ensemble, mais il présente quelques différences d’aspect, que nous allons signaler : les deux prolongements polaires, que nous comparerons volon- tiers aux chalazes (tractus albuminosi) de l'œuf ‘des oiseaux, pré- sentent une coloration foncée (6, fig. 1, pl. 17), qui tranche avec la transparence du corps principal du kyste. Cette coloration est due à l'accumulation d’une grande quantité de granulations de phosphate et de carbonate calcaires (9, fig. 4). Ces granulations s'arrêtent assez souvent à une certaine distance de la paroi interne du kyste (idem), de manière à montrer une zone ellipsoïde assez régulière, et dont l'épaisseur varie entre à et 4/100 de millimètre. Cette régularité qui n’est pas toujours constante a contribué, sans doute, à faire considérer les prolongements polaires conime indépendants du reste du kyste; mais ces mêmes granulations calcaires s’avancent aussi jusque dans l'intérieur de la cavité ellipsoïde, et alors il n'y a que les réactifs qui puissent éclairer la question. Nous nous sommes servi de plusieurs, mais nous n’hésitons pas à donner la préférence à l'acide sulfurique. En effet, une fois que le kyste est crevé au moyen des aiguilles à dissection, on applique l'acide sulfurique, et l’on voit se produire immédiatement quelques bulles de gaz acide carbonique et une grande quantité de cristaux de sul- fate de chaux, chose qui n'arrive jamais par l'application d’autres réactifs, l'acide chlorhydrique, par exemple, qui ne donne lieu à aucune cristallisation sous le microscope. La cavité ellipsoïde du kyste apparaît alors nettement, présen'ant une épaisseur à peu DÉVELOPPEMENT DE LA TRICHINA SPIRALIS, 327 près égale partout, et rappelant une disposition analogue à celle de la membrane vitelline, mais toujours formant corps avec les chalazes ou prolongements polaires du kyste (4, fig. 4); de sorte que sur des vésicules régulièrement divisées dans le sens de leur diamètre longitudinal, on voit une cavité triangulaire interposée entre les branches qui forment l’angle polaire du kyste et le segment d’ellipse de la cavité (5, fig. 1). Cette cavité triangulaire est remplie en général par des granulations caleaires; d’autres fois, en même temps que les granulalions, il existe un corps allongé et plus ou moins contourné en spirale (6, fig. 4). C’est ce dernier corps qui nous a fourni la comparaison avec les chalazes des œufs des Oiseaux. Les parois propres du kyste qui renferme la Trichina sont for- mées d’une substance transparente, très élastique, à cassure très nette, semblable à celle de la capsule du cristallin et très résistante. Cette substance est finement striée, à la manière des stries que présente l’ivoire poli ; mais, malgré cette disposition, il est impos- sible de la réduire en filaments, soit par Ja dissection sous l’eau, soit par les réactifs, auxquels elle résiste d’une manière très notable. Enfin, la substance de la capsule ou kyste dont il est question ressemble beaucoup à l'enveloppe des œufs de certains parasites de la peau (les poux); nous dirons même qu’elle est identique; par conséquent il ne peut pas exister des doutes sur cette question, savoir : si la capsule est un produit de sécrétion de l'organisme dans lequel se développe l’entozoaire, ou si c’est un produit de l’entozoaire lui-même. Vaisseaux, — Nous avons constaté l’existence de petits capil- laires sanguins autour du kyste ; mais, comme le dit M. Davaine, ainsi que d’autres observateurs, ce sont les vaisseaux du muscle déplacés par le kyste et étendus à sa surface. Entozoaire. — La Trichina spiralis est un petit ver dont la longueur varie entre 6/10 et millimètre. Elle a une extrémité antérieure ou buccale effilée (fig. 2), et une extrémité postérieure ou anale arrondie (fig. 3). Son diamètre transversal varie entre 20 et 30 millièmes de millimètre. Le corps est formé d’une gaine tégumentaire, transparente, (rès élastique, épaisse de 3 à 4 mil- 328 E. L. ORDONEZ. lièmes de millimètre, et très régulièrement plissée en travers, de manière que les lignes externes qui la limitent présentent l'aspect du bord tranchant d’une série très fine (3, fig. 2 et 3). En dedans de cette ligne dentelée, se trouve une petite bande transparente qui marque l'épaisseur de la gaine. A parür de l’orifice buceal, on peut suivre le canal intestinal jusqu’à la parie moyenne du corps de l’entozoaire, où il est mas- qué par les granulations des cellules épithéliales qui la recouvrent, et probablement aussi par le nombre des granulations libres'qui se trouvent contenues dans la cavité intestinale. Cependant le hasard nous à fait tomber sur deux vers dont la gaîne externe avait été déchirée à ce niveau-là, et nous avons vu l'intestin faire hernie ; nous avons constaté qu'il est revêtu d’une couche de cellules épi- théliales pavimenteuses, très petites. L’extrémité postérieure ou anale est arrondie et présente une ouverture centrale (2, fig. 3) qui répond à la cavité de l'intestin. Cette extrémité intestinale est rétrécie dans une étendue de quel- ques millièmes de’millimètre à partir de l’orifice anal, jusqu’à un endroit où l'intestin présente un renflement en forme d’am- poule (1, fig. 3). Quelquefois on découvre une petite ligne assez foncée qui s'étend depuis le renflement de l'intestin jusqu’à l’ori- fice anal. Organes sexuels. — M. Davaine dit que ces vers n'ont pas d'organes sexuels, ou qu'ils se trouvent à l’état rudimentaire. Owen et Luschka parlent d'un petit corps granuleux contenu dans une espèce de cæcum. Le premier de ces auteurs ne donne aucune interprétation ; le dernier considère le sac ou ce qui en a l’appa- rence, comme l'organe mâle, et le corps granuleux comme les testicules. .… Pour notre compte, nous avons reconnu un fait que nous avons vérifie maintes fois, savoir : que les vers Trichina ne sont pas tous pareils. Il y a deux sortes d'individus (pl. 17, fig. 2 et 3): les uns comme les autres présentent les caractères que nous venons d'examiner, quant à la forme, à la disposition de la gaine tégu- mentaire, de l'intestin, ete. ; mais ils diffèrent entre eux par des particularités qui ,à notre avis, constituent la différence du sexe. DÉVELOPPEMENT DE LA TRICHINA SPIRALIS. 329 En-effet, chez les uns (fig. 2), on distingue à l'extrémité anale un petit organe cylindrique, rétractile (5 et 6, fig. 2), long quelquefois de 12 à 14 millièmes de millimètre, large de 2 à à millièmes, glissant dans une petite gaîne transparente et ré- tractile également (6, fig. 2), pouvant se cacher entièrement dans l’orifice intestinal, et ressemblant sous tous les rapports aux spicules de certains helminthes (fig. 3); chez les autres individus, au lieu de l'organe que nous venons de décrire, on remarque vers l'union des deux tiers antérieurs avec le postérieur, une espèce de cæcum renfermant un petit corps, large à peu près de9 à 10 millièmes de millimètre, formé de granulations inégales (5, fig. 3), qui réfractent la lumière avec une teinte jaune ver- dâtre, et qui ne sont pas attaquables par les acides, contraire- ment à l'opinion des auteurs qui considèrent ces granulations comme formées de carbonate calcaire. A quelques millièmes de millimètre de ce corps granuleux, vers l'extrémité anale, on découvre une petite ouverture circulaire quelquefois, ou légère- ment allongée (6, fig. 3). De l'étude attentive de ces organes, et des comparaisons que nous avons failes avec les organes sexuels d’autres helminthes, nous croyons pouvoir conclure, appuyé sur la respectable opinion de notre savant maître et ami, M. Ch. Robin que, le petit prolon- gement cylindrique est le spicule ou organe mâle du Trichina ; le corps granuleux, l'ovaire ; et la vulve, le petit orifice qui se trouve auprès. L'entozoaire dont nous venons de donner la description peut se conserver vivant pendant plusieurs jours, malgré l’action de la putréfaction et de l’essence de térébenthine ; nous avons pu véri- fier ce fait devant quelques-uns de nos amis qui ont regardé nos premières préparations. | Le ver a des mouvements très étendus sur lui-même, quand il se trouve hors du kyste, mais il n'arrive pas à se déplacer de l’en- droit qu'il occupe. La glycérine le fait périr en peu d’instants. Muscles. — Les fibres musculaires les plus voisines du kyste présentent certaines altérations qui peuvent avoir quelque intérêt à être connues. D'abord, il y a hypergénèse de cellules adipeuses, 330 E. L. ORDONEZ. parfois très abondantes, au pourtour des kystes (2, pl. 1) ; ensuite, les fibres musculaires se laissent disjoindre par les aiguilles à dis- section, bien plus facilement qu'à l’état normal; cette facilité de disgrégation est notable même dans les éléments anatomiques primitifs des fibres musculaires, c'est-à-dire les fibrilles. L'autre altération des fibres musculaires consiste dans l’accu- mulation progressive de granulations calcaires, jusqu’au mm de causer l’atrophie de l'élément strié des muscles. Nous nous occupons actuellement du développement du Tri- china spiralis, et nous espérons pouvoir faire part à la Société des faits nouveaux qui pourront se présenter à notre observation. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 17. Fig. 1. Trichina spiralis enkystée. 1. Fibres musculaires de la vie de relation. — 2. Vésicules adipeuses entourant le kyste. — 3. Kyste avec sa paroi propre. — 4. Prolongements polaires du kyste, se continuant avec sa paroi propre. — 5. Cavité de ces mêmes prolongements. — 6. Chalaze, ou corps contourné en spirale, renfermé dans la cavité des prolongements polaires. — 7. Cavité du kyste. — 8. Trichina renfermée dans le kyste. — 9. Granulations cal- caires. Fig. 2. Trichina mâle, — 1. Extrémité buccale, — 2, Extrémité anale. — 3. Gaîne tégumentaire. — 4. Épithélium de l'intestin, vu par transparence. — 5. Spicule, ou organe mâle. — 6. Gaïne du spicule. Fig. 3. Trichina femelle. — 1. Extrémité buccale. — 2. Extrémité anale. — 3. Gaine tégumentaire, — 4, Épithélium de l'intestin, vu par transpa- rence. — 5. Ovaire. — 6, Vulve. — 7. Renflement ampullaire de l'extré- mité de l'intestin. DU RENOUVELLEMENT DE L'AIR DANS LES POUMONS DE L'HOMME Par M. Nestor GRÉHANT, Préparateur de physique au lycée impérial Napoléon, Depuis que Lavoisier a découvert la théorie de la respiration et le rapport établi entre l'organisme et l'atmosphère , chacun com- prend le but des mouvements respiratoires. Le sang des capillaires qui tapissent les bronches absorbe de l'oxygène, exhale de l'acide carbonique ; Ia composition des gaz contenus dans les poumons change continuellement, et si l’inspi- ration n'introduit pas d'air pur, si l'expiration ne rejette pas de l'air vicié, les phénomènes de la vie s’arrêtent. Les contractions musculaires intermiltentes du diaphragme et des autres muscles respirateurs produisent une véritable venti- lation. Effet de l'inspiration et de l'expiration. — Le volume d’air pur qui pénètre dans les bronches par l'inspiration est en partie rejeté par l'expiration qui suit, avec de l’air vicié ; l’autre partie reste et la quantité d'oxygène augmente dans les poumons. Pour étudier cette division essentielle de l'air pur il faut séparer dans les gaz expirés l'air pur de l’air vicié, ce qui devient facile si l’on fait une inspiration d'hydrogène, puis une expiration égale. L’hydrogène représente l’air pur. Appareil. — Voilà l’idée ; pour l'appliquer, j'ai construit un appareil très simple : c’est une cloche munie d’un robinet à trois voies. L’enveloppe du corps du robinet porte trois tubes qui cor- respondent aux orifices. Le premier est masliqué dans la cloche ; 392 N. GRÉDANT. le second opposé, est introduit dans la bouche; le troisième qui s'ouvre dans l'air porte un entonnoir garni d’une toile métallique. Cette toile offre deux avantages : 1° elle fait entendre le bruit de l'inspiration et celui de l'expiration dans l’air,et on peut faire com- muniquer la cloche avec les poumons pendant le silence qui suit l'expiration; 2 elle empêche le courant de gaz expiré qui con- tient de l'hydrogène de s’enflarmer dans les poumons, si l'on avait l’imprudence d'approcher un corps allumé ou de faire passer une étincelle électrique. Dans ses diverses positions le robinet établit la communication entre la bouche et l'atmosphère, entre la bouche et la cloche. Le diamètre des tubes dépasse un centimètre, la respiration n’est pas gênée. Toutes les analyses eudiométriques sont faites sur l’eau; les gaz sont mesurés avant et après la combustion dans le même tube gradué, deux analyses successives d'un mélange gazeux donnent toujours les mêmes nombres. Résultat d’une inspiration et d’une expiration égales à un demi- litre. — J'introduis dans la cloche remplie d’eau 500 centimètres cubes d'hydrogène, je fais inspirer le gaz et je reçois un volume expiré égal. L'analyse montre que sur 100 volumes le gaz expiré contient 8h volumes d'hydrogène, en tout 500 >< % = 170%. Ainsi 900% — 170 — 330" d'hydrogène sont restés dans les pou- mops. Appliquons ce résultat à la respiration de l'air, Lorsque 500% d’air pur sont introduits par l'inspiration, 470° sont rejetés par une expiration égale avec 330°* d'air vicié; et 330" d'air pur restent mélangés avec les gaz contenus dans les poumons. Ces nombres sont à peu près comme un tiers et deux liers. Une objection se présente à l’esprit : le gaz hydrogène plus léger et plus mobile que l'air ne pénètre-t-il pas plus profondément dans l'arbre aérien ? Deux expériences montrent que cetle difficulté n’est pas sérieuse : | RENOUVELLEMENT DE L'AIR DANS LES POUMONS. 99 4° Je fais inspirer 500“ d'hydrogène; expirer 1600“ d’un gaz dont la composition est 19,1 d'hydrogène pour 100; 12,5 d’oxy- gène pour 100; 2% Je fais inspirer 500“ d'oxygène pur, gaz un peu plus lourd que l’air,.expirer 4700% d’un gaz qui contient 31,4 d'oxygène pour 100. Ces inspirations furent faites à une heure d'intervalle, les pou- mons renfermaient à peu près la même quantité d'oxygène. La somme 19,1 +192,5 — 31,6 est très voisine de 31,4; or, sur les 31,4 d'oxygène 12,5 venaient de l’air contenu dans les poumons ; ainsi 91,4 —12,5— 168,9 correspondent à 19,1 d’hy- drogène ; les gaz oxygène et hydrogène pénètrent à la même pro- fondeur, en égale quantité. On peut donc affirmer qu'après l'inspiration de 500 d'air, le tiers de ce volume est rejelé par l'expiration égale avec deux tiers d’air vicié; aussitôt la composition des gaz que renferment les poumons à changé ; ils ont perdu 330% de gaz impropre à la res- piration et reçu autant d'air nouveau. Coefficient de ventilation. — J'ai fait connaître un procédé de mesure du volume des poumons (4nnales des sciences naturelles, h° série, t. XIL). J’emploie l'appareil que j'ai décrit plus haut; je trouve pour le volume des poumons de la personne soumise à mes expériences, 2,93. Ainsi 2,93 ont reçu, après deux mouvements respiratoires égaux à un demi-litre, 330° d’air pur, l’unité de volume con- tient == 0,113; j'appelle ce nombre coefficient de ventila- ton. C’est le volume moyen d’air nouveau qui se trouve dans l’unité de volume du mélange gazeux laissé dans les poumons, après inspiration et l’expiration. Détermination des coefficients de ventilation. — Ce nombre important peut être déterminé dans des conditions différentes : on fait suivre une inspiration de 500 d’hydrogène d'une expiration plus petite ou plus grande que l’on mesure; l’analyse donne le volume d'hydrogène expiré ; on divise le volume d’hydrogène qui reste par celui des gaz que les poumons renferment; on obtient ol N. GRÉHANT. ainsi les nombres suivants (le volume d'hydrogène inspiré chaque fois fut un demi-litre) : VOLUME COMPOSITION VOLUME VOLUME COEFFICIENTS. NUMÉROS. de du d'hydrogène des poumons de l'expiration. | gaz expiré, expiré. après l'expiration, ventilation. ns NN Cents Hydr, p. 100. ce 37 138,7 0,118 0,144 0,113 Qt Qt Q9 Qe Or em © © = Où Or &e CO 1 = QE 3 2 2 2 2 2 2 2 1 1 1 (l A Æ Re O1 NY O0 Où I = à} © © © © Qt O O7 W OU OO = Mn OT GO OÙ =4 O7 © +. + + Ce qu'il y a de remarquable c’est la constance des coefficients de ventilation, quelle que soit la grandeur de l'expiration. Cherchons le volume d’air pur rejeté entre deux expiralions dont la valeur est différente : par une expiration de 500, 169°,5 d’air pur sont expirés; par une expiration de 1970, 337 centimè- tres cubes, Ainsi 1970 —500 — bn dE conisnaen 387 —169,5 — 167,5 d'air pur, un centimètre cube 22 TL =—0,144, nombre peu différent du coefficient ordinaire ; de là nous tirons cette conséquence impor- tante : un demi-litre d’air après les deux mouvements respira= toires se trouve distribué d’une manière uniforme dans toute l'étendue de l'arbre aérien; dans les petites bronches et dans les vésicules la même quantité d'oxygène arrive, 100 centimètres cubes de gaz des poumons ont reçu partout 11°,3 d'air nouveau ou 11,8 x à —2°,35 d'oxygène pur. L'air inspiré ne peut par l'expiration pénétrer dans les pou- mons à une plus grande profondeur, puisque le second mouve- ment tend à l’expulser, ainsi le gaz est conduit par l'inspiration dans loutes les parties des poumons. RENOUVELLEMENT DE L'AIR DANS LES POUMONS. 389 Lorsque l'homme.entre dans un milieu délétère, dès là première inspiralion, le gaz est mis en contact avec la muqueuse bron- chique, aussitôt il est absorbé. On comprend que l’asphyxie puisse paraitre subite. Une foule de questions se rattachent à l'étude du renouvel- lement de l’air dans les poumons, je me bornerai à donner une conséquence d'une distribution aussi parfaite. Mesure du volume des poumons. — On peut déterminer le volume des poumons par une inspiration d'hydrogène, suivie d’une expiration profonde divisée en deux parties. Il est nécessaire d'employer deux cloches munies de robinets à trois voies, reliés entre eux. La première sert à contenir l'hydrogène que l’on fait inspirer, à recevoir la plus grande partie de l’air expiré; la deuxième reçoit la fin de l'expiration. Après l'inspiration de 800“ d'hydrogène, la première cloche reçut 1° 400%, d’un gaz contenant 27,9 d'hydrogène pour 100; la deuxième cloche, 1,050 d’un gaz contenant 17,8 d'hydro- gène pour 100. , 1400x917,9 _. , Dans 41,400 on trouve TR 3902c,6 d'hydrogène. : 1 Dans ait, 050 ps — A86cc,9 == 57700,5 Ainsi 809%— 577,5 —2992*,5 sont restés dans les poumons ; supposons que le mélange gazeux ait la même composilion que celui qui fut expiré en dernier lieu, nous déterminons son _x—A1"t,25 l ] l volume : æ=—1",25. Le volume des poumons es 00 17,8 292,50 Los 41,400+1%,050 +1,25 — 0,800 —2",9, nombre peu diffé- rent de 2,93 donné par la méthode ordinaire. NOTE SUR LES HACHES D'AMIENS ET D’'ABBE VILLE ET SUR LES DENTS DE MAMMIFÈRES DE LA CRAIE DE MAESTRICHT, Par M. @&. S. van BREDA. (Lue à l'Académie royale des sciences des Pays-Bas en 1864.) - La découverte d’une hache, comparable à celles d'Amiens et d’Abbeville, à une certaine profondeur dans les sables des dunes près de l’embouchure de la Meuse, m'engage à publier quelques recherches que j'ai faites l’année passée dans les environs de la première de ces villes. Cette hache me parait prouver que le peuple ancien, que l’on a nommé antédiluvien, et dont les restes ont été l’objet de tant de recherches de savants de la France et de l'Angleterre, a aussi vécu sur le sol hollandais, et il ne me parait pas douteux qu’un examen exact à cet égard des terrains diluviens de Présincel, de Drenthe et de l’'Overyss ne conduirait à des résultats intéressants. Je me suis surtout décidé à parler de ma dernière visite à Amiens, parce que cela me donne l’occasion de rappeler une découverte que j'ai faite, il y a plusieurs années, dans les environs de Maestricht, qui a eu le même sort que celle de M. Boucher de Perthes, c’est-à-dire que longtemps elle resta dans l'oubli, et qu'ensuite elle fut niée par le petit nombre de personnes qui s’y intéressaient. Avant de ressusciter celte ancienne découverte, je veux dire en peu de mots le résultat de ce que j'ai obtenu à Amiens. En voici le résumé : 1° Les haches d'Amiens sont, comme celles de nos dunes, tra- vaillées par la main d'homme ; 2° Les haches n'ont pas été déposées à la profondeur où on les AGE GÉOLOGIQUE DES SILEX TAILLÉS D'AMIENS, ETC, 397 trouve à présent dans nos temps modernes ; elles furent enseve- lies avec les ossements qui les accompagnent, avant que les couches épaisses et étendues qui sont déposées sur le détritus de silex où on les trouve, existassent. Mes honorables collègues seront convaincus, j'ose l’espérer, de l'irrécusable vérité du premier point, lorsqu'ils jetteront un coup d'œil sur une trentaine de haches de différente grandeur et forme, les unes aplaties avec des bords tranchants, les autres taillées en pointe, que j'ai recueillies près de Sainte-Acheul. L'inspection la plus superficielle prouve immédiatement que ces haches sont bien plus anciennes que celles qui, polies et tra- vaillées avec bien plus de soin, ont été trouvées dans les Pays-Bas en plusieurs endroits à la surface du sol. J'ajoute à cette exposi-- tion quelques dents de Cheval et de Cerf que j'ai trouvées avec les haches, près d'Amiens. Malgré tout cela, il ne me paraît pas du tout prouvé que ces haches soient du même âge que les silex, parmi lesquels on les trouve. Elles peuvent avoir été conservées ailleurs avant qu’elles fussent transportées par des courants vers l'endroit, près d’Abbeville et d’Amiens, où on les rencontre à présent. La masse de silex de la craie a pu exister nombre d’années avant que les haches y fussent déposées, ce qui n'empêche pas qu’elles soient plus anciennes, que tout ce qui recouvre ces couches de silex. Celte opinion me parait d'autant plus admissible que j'ai observé dans les Pays-Bas un fait analogue qui, peut-être, pourra être comparé à celui des haches en question. Voici ce que j'ai observé il y a plus de trente ans, dans la craie de Maestricht : j'ai recueilli à une grande profondeur sous la sur— face dans les couches crayeuses que l’on exploite pour des pierres à bâtir, beaucoup de dents de Cheval, de Chien ou de Renard, de . Sanglier, etc., en un mot, d'animaux encore vivants ; j'en possède une collection nombreuse. Il ne restera aucun doute à mes honorables collègues que réel- lement ces dents se trouvent renfermées dans la craie ; lorsqu'ils auront examiné quelques-uns de mes échantillons, que je soumets &e série, Zooz. T. XVII. (Cahier n° 6.) ? 22 338 VAN BREDA. à leur examen. Je puis en outre assurer que j'en ai déterré plu- sieurs de mes propres mains dans des endroits tout à fait mtacts et où les carriers n’avaient jamais touché. Toutefois, on n’a pu ajouter foi à cette découverte, prétendant qu'il était tout à fait impossible que des restes de Vertébrés encore existants puissent se trouver dans la craie, ensemble avec ceux des Mosasaures et des Chélonées de Maestricht. I suffisait que mon illustre ami, M. d’Omalius d’Halloy, fût mal informé et qu'il affirmât quele tout ne pouvait être qu’une erreur, et que ces dents étaient tombées dans les carrières pendant nos temps actuels, pour que la masse des copistes répétätl’assertion du célèbre géologue. On assura que les dents avaient pénétré de nos jours par loutes les couches crayeuses. Il faut supposer qu’au- cun de ces géologues n'avait visilé la coupe transversale des col- lines crayeuses qui s'étendent sur la rive droite de la Meuse, entre Maestricht et Silé ; comment dans ce cas, auratent-ils pu assurer que ces dents si légères eussent pu pénétrer par l'énorme masse de diluvium qui recouvre la craie { En remontant cette coupe transversale, on se trouvait d’abord (à peu près au niveau de la Meuse) entre les véritables couches de la craie de Maestricht avec les banes de silex, ensuite on rencon- trait une couche de diluvium ardennais de plus de trente pieds, diluvium composé d’une masse de blocs plus ou moins arrondis des montagnes dévoniennes arrachées par des torrents impétueux des Ardennes, et déposés tant sur la craie de Maestricht, que sur les terrains tertiaires au nord de la craie dansles Pays-Bas. Le diluvium est à son tour couvert par une couche épaisse d’une argile marneuse avec beaucoup de mica, mais sans blocs ardennais, couche que l’on peut comparer au loeus du Rhin. Que ces dents de Bœuf, de Cheval, de Cerf, de Sanglier, aient pénétré à cette grande profondeur par ce loeus et par le diluvium ardennais, c’est absolument inadmissible. Il est loin de mor de vouloir prétendre que les Mammifères à qui ces dents ont appartenu, aient été les contemporains du Mosa- saures et de la Chélonée qui vécurent sur les rivages de la grande ner, dans laquelle la craie fut déposée ; au contraire, ils vécurent AGE GÉOLOGIQUE DES SILEX TAILLÉS D'AMIENS, ETC. 339 lorsque la craie existait depuis longtemps, et quand les Mosasaures et les Chélonées avaient depuis nombre d’années fait place à d’autres reptiles ; mais avant que la craie fût couverte à une hauteur en quelques endroits de 50 pieds par le diluvium ardennais, avant que le loeus fût déposé sur ce diluvium, et comme ce diluvium recèle en grande quantité des ossements de l’Elephas primigenius, avant ou avec ce grand Mammifère, il me semble que leur décou- verte peut éclaircir l’origine des haches d’Abbeville et d'Amiens. Où et comment les trouve-t-on dans la craie ? On les rencontre réellement dans des couches qui, depuis des siècles, sont exploitées comme pierre à bâtir, mais cette pierre n'est pas partout la mème. Par les couches de la craie s'étendent perpendiculairement des excavalions, en général cuniformes, qui, ouvertes ou vides avant que le diluvium ardennais fût déposé sur elles, avaient une grande profondeur, et pour la plupart se divisaient en plusieurs branches, excavations partout connues et décrites sous le nom de tuyaux d’orgues. Bon nombre de ces tuyaux sont remplis d’un détritus de la surface de la craie; on sait qu'à Maestricht cette surface est composée d’une pierre très friable, et qui tombe très facilement en poussière. Elle fut longtemps soumise à l’action broyante des ondes de la mer crayeuse, et le détritus ainsi formé fut naturellement entrainé par l’eau dans ces excavations. Ce détritus pierreux fut de nouveau comprimé dans les tuyaux, et le produit de cette forte compression fut une nouvelle pierre, bien plus jeune que la craie, mais quant à l’extérieur, conforme à la véritable pierre de Maes- tricht, dont aucun caractère bien marqué ne la distingue. Les tuyaux d’orgues descendent plus ou moins perpendi- culairement par les anciennes couches jusqu'à de grandes pro- fondeurs, et c’est en les coupant que les carriers y rencontrent les dents. Ce remplissage partiel s’est fait avant que le diluvium arden- nais fût déposé, et même après cet événement grand nombre de ces tuyaux d’orgues géologiques restaient encore partiellement vides et étaient ouverts ; le diluvium s’y précipitait sur le détritus crayeux et les remplit entièrement. 3h0 VAN BREDA. Les dents de Mammifères sont donc d’un temps bien moins ancien que les os et les dents du Mosasaurus, etc,, en un mot des animaux de l’époque crayeuse. Nous avons ici, si je ne me trompe, un cas analogue à celui d'Amiens et d’ Abbeville. Lorsque l'océan couvrait encore la craie de Maestricht, les mêmes espèces d'animaux, qui existent encore actuellement, vivaient déjà en nombre sur des terrains secs dans le voisinage de la craie; leurs dents furent entrainées par des fleuves qui les déposèrent à leur embouchure sur la craie, où plu sieurs rencontrérent les tuyaux d'orgue, dans lesquels elles tom- bèrent mêlées aux autres détritus crayeux, où nous les trouvons encore aujourd'hui dans une craie renouvelée. Elles proviennent d'animaux qui vivaient longtemps après la formation crayeuse , mais, et voilà ce qui est très remarquable, avant que le diluvium ardennais fût déposé. Le même cas a eu lieu à Amiens: des animaux appartenant à des espèces qui existent encore de nos jours peuplaient des ter- rains à sec dans les environs d'Amiens. Les courants des fleuves entrainaient les ossements et les dents de ces animaux, ainsi que les haches du peuple qui y vivait en même temps, et les répan- dirent sur les couches de silex qui existaient depuis longtemps au fond de l’eau ; mais ces couches couvertes d’eau étaient, comme la craie de Maestricht, percées par des tuyaux d'orgue ; beaucoup de dents s’y enfoncèrent, recouvertes par les silex, et elles s’y sont conservées jusqu'à nos jours. Cette théorie me paraît d'autant plus admissible, que les bords aigus et les bouts pointus des haches sont tout à fait intacts, et que les dents qui les accompagnent ne sont pas brisées, comme elles l’auraient certainement été si elles avaient été entrainées par les courants qui accumulèrent les bancs énormes de silex. Si monexplication est conforme à la vérité, les haches d'Amiens et d’Abbeville appartiennent à une époque plus récente que les couches de silex qui les contiennent, tandis qu’elles sont probable- ment plus anciennes que les masses de terrain meuble qui les recouvrent. Nous avons donc un cas analogue dans les dents de Maestricht ; AGE GÉOLOGIQUE DES SILEX TAILLÉS D'AMIENS, ETC. BY ces dernières, je le répète, sont d'animaux qui ont vécu bien après ceux de la craie, mais lorsque le diluvium ardennais ne couvrait pas encore cette formation géologique. Le peuple antique qui tailla les haches, et les animaux dont on trouve les dents dans la eraie, existaient done, soit plus tôt, soit en même temps, que plusieurs espèces d'animaux éteintes, Or, tant que les masses de pierres roulées et autres, qui recouvrent les plus récentes des formations tertiaires, porteront le nom de dilu- vium, on devra nommer ces espèces antédiluviennes. EXPLICATION DE LA FIGURE 4, PLANCHE XVII. Coupe thoracique du loeus, du diluvium et de la craie de Maestricht, avec les remplissages de tuyaux d'orgues. À, loeus : B, diluvium ardennais; C, craie de Maestricht; d, tuyau d'orgue rem- pli de détritus de la craie formée par la compression d’une craie régénérée, comparable à la véritable craie des couches de Maestricht; e, tuyau d'orgue rempli en g de craie régénérée et en À de diluvium; /, carrière formée dans la craie, où l'on rencontre en g la craie nouvelle et les dents de Mammifères. NOTES SUR LA DÉCOUVERTE D'ANIMAUX VERTÉBRÉS MUNIS DE PLUMES, DANS UN DÉPÔT DE L'ÉPOQUE JURASSIQUE, par MM. A. Wacner, H. pe Meyer, etc. (Article extrait de la Bibliothèque universelle de Genève, cahier de juillet 1 862.) « La nature des téguments peut souvent servir à caractériser les groupes d’ani- maux, et il n’y a aucun cas où l'on croie pouvoir agir avec plus de sécurité que quand on rapporte à la classe des Oiseaux un animal vertébré, parce qu'il est couvert de plumes. Or, il est généralement admis aujourd’hui qu'on n'a jusqu'à présent trouvé dans les terrains antérieurs à l'époque tertiaire aucun fragment que l’on puisse rapporter à cette classe des Oiseaux. La découverte récente de plumes dans les schistes lithographiques de Bavière qui appartiennent, comme on le sait, à la période jurassique, a donc à juste titre ému les paléontologistes, et paraît révéler des faits nouveaux et inaitendus. C'est dans la belle collection de fossiles de M. Hæberlein (de Pappenheim) que se trouve le principal échantillon, objet de ces communications, échantillon qui a été décrit à Munich par M. À. Wagner, non pas à la suite d'une observation directe, mais d’après le rapport d’un naturaliste éclairé qui paraît inspirer toute confiance au savant anatomiste bavarois. M. H. de Meyer a depuis lors figuré dans le 342 A. WAGNER ET HW, DE MEYER. Palæwontographica une plume isolée, fort bien conservée, ayant sa tige et ses barbes Nous ne savons pas si ces documents se rapportent au même genre, mais ils ont été décrits sous deux noms différents, le premier sous celui de Gri- phosuurus, la plume sous celui d’'Archæopteryx lithographica. Quelle est la nature des êtres connus par ces curieux fragments? Telle est une question qu’on ne peut pas encore résoudre d'une manière définitive. Deux hypothèses sont possibles. Ou bien ces plumes sont celles de véritables oiseaux, et il faut alors reculer l’époque d'apparition de cette classe, comme au reste on a déja dû le faire pour celle des Mammifères, ou bien elles recouvraient le corps d’un reptileet, contre toutes les prévisions, il faudra admettre l'existencede rep- tiles emplumés ! Les détails que nous allons donner semblent accorder un peu plus de probabilité à cette dernière alternative. L'échantillon de M. Hæberlein est celui qui fournit les principaux éléments pour cette discussion. C'est un squelette incomplet, auquel il manque la tête, le cou, et la terminaison des membres antérieurs. Les plumes sont conservées vers la base des mains et sur la région de la queue. D'après le rapport précité, c'est cette région qui est ia plus caractéristique. Le bassin rappelle les formes de celui d'un Ptérodactyle; la queue, qui est longue de 6 pouces, est composée de ver- tèbres nombreuses (20 )-décroissant uniformément, la dernière étant plus petite, circonstance qui, ‘comme on le voit, est également bien plus analogue à l’organi- sation des Reptiles qu'a celle des Oiseaux. Les plumes sont placées sur les os d'une manière toute spéciale ; elles ne sont point en éventail, mais naissent des deux côtés de la queue, dans toute sa longueur, faisant un angle avec elle. Elles forment ainsi comme une feuille dont l'extrémité largement arrondie dépasse de beaucoup les dernières vertèbres. Les plumes des ailes sont plus grandes et forment de chaque côté un éventail porté par un os large et court, mal conservé, qui correspond par sa place au carpe. Il est précédé par un avant-bras composé d’un seul os (radius), et celui-ci pa: un humérus qui légale en longueur; l’un et l’autre sont robustes. La colonne épinière, par ses vertèbres lombaires et sacrées libres, rappelle plu- tôt les reptiles. Le membre postérieur gauche est complet, le droit est réduit à la cuisse et à la jambe. Le fémur est un os puissant, le tibia est plus long et plus grêle ; on n’a pu distinguer de péroné. Le pied n’a point les caractères des rep- tiles et se rapproche au contraire des formes des oiseaux. Le tarse est épais, com- posé d’un seul os, un plus court que le tibia, et partagé à son extrémité en trois poulies sur lesquelles s’articulent trois doigts de longueur modérée terminés par des ongles robustes et crochus. En résumé donc, l'animal a en partie les caractères des Oiseaux, savoir : la forme dupied et l'existence même des plumes; en partie ceux des Reptiles, savoir : la forme de la colonne épinière, du bassin et surtout de la queue, Il a des caractères nouveaux et inconnus dans l'implantation des plumes, tant de celles de la queue que de celles de l’avant-bras. M. Wagner parait disposé à considérer les caractères de Reptiles comme pré- dominanis. Il se fonde en outre sur une considération qui nous paraît très juste, en faisant remarquer que le typedes Oiseaux est singuhèrement fixe et qu’o2 n’en - connaît pas d'aberrations marquées, tandis que nous sommes habitués à ce que le type des Reptiles soit excessivement variable. Y a-t-il quelque rapprochement à faire entre ces faits nouveaux et les traces de pas observées dans le trias et attribuées à des vertébrés empennés? C'est une question à laquelle M. Wagner n'ose pas répondre, et que nous ne chercherons pas plus que lui à résoudre. » S, OBSERVATIONS SUR DES CRUSTACÉS RARES OU NOUVEAUX DES COTES DE FRANCE, Par M. HESSE. PREMIER ARTICLE. DU COILIACOLE SÉTIGÈRE (Nobis), Coiliacola setigera (4). Le Crustacé que nous allons décrire appartient, par son organi- sation et par sa manière de vivre, à la famille des Crustacés para- sites; il nous a semblé mériter l'attention des careinologistes par la singularité de sa conformation, et nécessiter la création d’un nouveau genre à raison des caractères exceptionnels qu'il pré- sente et qui le distinguent de toutes les espèces déjà connues. $ I. — Description extérieure de la face dorsale (2). Il n’a que 4 à 5 millimètres de long, sur 4 millimètre et demi de large; son corps, qui a la forme d’une massue, dont l’extré- mité la plus large correspondrait à la tête et l’inférieure à l’abdo- men, se compose de neuf anneaux, savoir, quatre thoraciques et cinq abdominaux. Sa tête est de grandeur moyenne, elle est très distincte, clypéi- forme et un peu plus étroite au sommet qu’à la base ; elle présente, en avant, une lame frontale, mince, arrondie au bord, encadrée latéralement par les antennes qui sont simples, larges, très robus- tes, un peu aplaties, allant en diminuant vers l'extrémité, et ter- minées par quatre ou cinq articulations peu distinctes; elles sont (1) Koilia, ventre, estomac. (2) PI. 18, fig. 2 et 6, ôll HESSE. en outre hérissées de fortes pointes crochues dirigées obliquement en dehors, excepté celles du sommet qui sont droites et verticales. Le bouclier céphalique n'offre rien de particulier, on n’y aper- çoit pas de point oculaire. Les anneaux thoraciques, sauf le premier qui est le plus petit, sont d’égale longueur; le bord inférieur du quatrième est légère- ment arrondi au centre et très échancré sur les côtés et donne attache, latéralement et inférieurement, à deux lames minces, très larges, concaves, en forme d’élytres, lesquelles sont légèrement relevées à leur bord extérieur et servent de capsules pour contenir les œufs (1). Ces capsules, dont la cavité est largement ouverte en dessus, descendent jusqu'à l'extrémité inférieure du deuxième anneau abdominal, Elles sont mobiles et peuvent, en s’écartant ou se rap- prochant, recouvrir ou laisser apercevoir cette partie du corps. Le premier anneau abdominal est beaucoup plus court que les autres, surtout que le second, qui est au contraire le plus long des autres anneaux qui suivent celui-ci, vont toujours en diminuant de grosseur et de longueur jusqu’à l'extrémité du corps qui est ter- miné par deux appendices plats, munis chacun de trois poils, ou de piquants longs et divergents. $ IT. — Description extérieure de la face inférieure. En dessous, les antennes (2) dont nous avons déjà parlé, s'offrent les premières à la vue. Elles sont fixées, par leur base, en haut et au-dessous du bouclier céphalique, des deux côtés de la lame frontale; immédiatement sous celles-ci, sont les deux premiè- res patles-mâchorres, lesquelles ont un large et long article fémoral armé, à son extrémité, de deux fortes griffes crochues, puis vient un autre article très petit et plus étroit, également pourvu d’une griffe ; enfin elles sont terminées par un troisième article long et grêle, portant à son extrémité trois griffes dont les latérales sont les plus fortes. (4) Vov. pl. 48, fig. 6 et 43. (2) Voy. fig. 4 et 4. CRUSTACÉS NOUVEAUX. 3h5 Un peu au-dessous, sur la ligne médiane, entre la base de ces pattes, se montre l'appareil buccal, lequel est très saillant et à la forme d’un écusson dont le sommet est dirigé en haut. Au premier aspect il a beaucoup d’analogie avec celui des Aca- ridiens et notamment de la larve de l’Hemerobius hirtus décrit et figuré par M. Dujardin dans les Annales des sciences, page 173, volume XVI, 3° série, pl. à, fig. 17 et 18. Vu à un faible grossissement, il semble divisé en quatre parties à peu près égales, par deux lignes qui se coupent à angles droits, mais ces séparations ne sont que superficielles et dues à des ner- vures qui servent à consolider l’ensemble. La partie supérieure de la bouche est conique; elle déborde de chaque côté la portion inférieure qui lui sert de support; elle paraît être mucronée, perforée ou incisée au sommet, car nous n'avons pu nous en assurer assez complétement pour pouvoir l'affirmer, cependant, chaque fois que nous l’avons soumise à la compres- sion, elle a présenté une ouverture, mais qui était peut-être due à cette pression. De cette extrémité supérieure part une fente légèrement déhis- cente, provenant de deux nervures qui descendent parallèlement jusqu’au deux tiers de cet organe. A cet endroit on remarque une échancrure médiane, en croissant, des deux côtés de laquelle sont deux mandibules crochues et denticulées, suivies d’un prolon- gement conique, tronqué brusquement à son extrémité par une ligne horizontale qui forme l’ouverture buccale, laquelle est circu- laire, et est garnie de deux mâchoires ayant, au-dessus, deux piè- ces ovales, cornées, saillantes, qui se touchent presque par leur extrémité. Ce prolongement conique inférieur n’a pas la même consistance que la partie supérieure de la bouche qui est cornée et d’une sub- stance bien plus solide, tandis qu’au contraire celui-ci est mem- braneux, rétractile, en forme de trompe, et peut, en se contractant, se réfugier dans la portion antérieure de manière à mettre de niveau son bord inférieur et celui de la partie supérieure. De chaque côté de l’appareil buccal on aperçoit trois paires de patles-mâchoires doubles, étagées l’une au-dessus de l’autre et 3h16 HESSE. augmentant de force à mesure qu’elles s’éloignent de la bouche. La-première portion de ces pattes est armée de grifles et l’autre est plate et arrondie, bordée de pointes aiguës. Ces appendices sont consolidés à leur base par des nervures et des épatements relativement considérables formant, par leur relief, de petites cavités qui peuvent, par la pression, servir de moyens d’adhé- rence. Le bouclier céphalothoracique, qui ne présente pas d’autres appendices, est suivi de quatre anneaux thoraciques qui sont {ous, le premier excepté, qui est le plus petit, d'égale dimension et munis chacun d’une paire de pattes robustes, biramées, dont la conformation est des plus curieuses et absolument semblable pour ces quatre anneaux (1). La portion biramée externe, qui couvre en partie l’autre, est grosse, courle, composée d’une articulation fémorale, puis de deux autres articles, garnis de huit ou dix griffes très fortes, divergentes, allant en augmentant de longueur, en s’approchant de l'extrémité; ce qui donne à l’ensemble laspect d’une patte de derrière de Saurien. L'autre extrémité de la portion biramée inférieure, est large, plate, triangulaire, avec la pointe, qui est dirigée en bas, vers l'abdomen, garnie, au lieu de griffes, de cinq sotes très longues, très fortes et très élastiques, convergentes à leur extrémité. Ces soies sont si longues que l'extrémité de celles de la qua- trième patte thoracique atteint, lorsqu'elle est abaissée, le bord inférieur du troisième anneau abdominal. La pièce basilaire qui réunit ces deux pattes biramées et dans laquelle la première portion est enclavée, occupe la ligne médiane du corps; elle est entière et cordiforme ; le bord supérieur présente, au milieu de l’accolade qu’il décrit, un appendice ovale qui est accompagné de deux pelites pointes. Les autres pattes suivantes offrent, seulement à leur centre, une petite expansion plate et arrondie au sommet, remplaçant la fourche sternale qui existe chez les Caligiens, à la base de la troisième paire de leurs pattes- mâchoires. (1) Voy. fig. 3, 5, 10. CRUSTACÉS NOUVEAUX. 37 En dessous, l'abdomen n’a rien de particulier, si ce n’est un bourrelet épineux, qui se remarque à l'extrémité inférieure du pénultième anneau abdominal, lequel est hérissé d’épines cro- chues dont les pointes sont dirigées en haut vers la tête. Les descriptions qui précèdent s'appliquent exclusivement à la femelle, mais elles conviennent également aussi au mâle (A) qui ne diffère de celle-ci que par l’absence de la capsule ovifère qui n'existe pas chez celui-ci, par le développement moins grand du deuxième anneau abdominal qui, chez la femelle, supporte cet appareil, et enfin par sa taille qui est plus petite et son corps plus large et plus trapu. $ III. — Description intérieure ou anatomique. Les organes de la circulation et ceux de l'alimentation n’offrent rien de particulier, si ce n’est la grande capacité de celui-ci. Le tube intestinal parcourt directement et verticalement son trajet, de l’orifice buccal à celui de l'anus, qui s'ouvre entre les deux lames divergentes qui terminent l’abdomen. Les appareils secuels du mâle et de la femelle s’aperçoivent de chaque côté de l'intestin, ils sont, chez cette dernière, sinueux et assez larges, particulièrement à leur extrémité inférieure, où ils présentent un épatement qui vient aboutir à une ouverture pratiquée de chaque côté de la partie supérieure du premier anneau abdominal qui est celle de l’oviducte. $ IV. — Mode de reproduction. A leur sortie de l'ovaire, au lieu d’être expulsés dans un tube étroit, où ils sont empilés comme des pièces de monnaie, ou d'être enfassés dans une enveloppe commune ou ovisac, comme cela à lieu chez beaucoup de Crustacés, les œufs sont déposés symétriquement et rangés à plat en une seule couche sur la sur- face supérieure de la capsule, qui, de chaque côté du thorax, part du dernier anneau de cetle partie du corps (2) ; ils sont relative- (4) PI. 18, fig. (2) Ce Crustacé et le Notopterophorus sont les seuls, que nous sachions, qui 348 HESSE. ment assez gros, irrégulièrement ovales, un peu déprimés, et atta- chés latéralement, les uns aux autres, par une substance aggluti- native qui ne les rend pas néanmoins assez adhérents pour qu’ils ne puissent, à un moment donné, se séparer, mais qui cependant les maintient momentanément réunis, de manière qu'ils sor- tent d’abord, en une seule masse, de la cavité dans laquelle ils étaient placés, ce qui est d’autant plus facile que l'ouverture de celte capsule est, comme nous l'avons dit, extrêmement large. Ils sont au nombre de cinquante environ de chaque côté. Les œufs, une fois expulsés, n’en poursuivent pas moins leur développement; il est vrai que, placés comme ils le sont, ils ne pouvaient guère profiter du contact de lx mère pour hâter l’incu- bahion, de sorte qu'ils ne doivent que médiocrement souffrir de celte nouvelle situation. Nous ne savons pas au juste quelle est la durée de l’incubation, car ils étaient déjà pondus lorsque nous nous sommes procuré les Crustacés qui les portaient ; nous croyons cependant, en jugeant par comparaison, qu’elle doit s’accomplir dans une période de vingt à vingt-cinq jours. L’enveloppe de l'œuf est anguleuse (1), elle laisse autour du vitellus une grande marge et particulièrement du côté de la tête; la consistance et l'aspect de la larve n’indiquent rien de particu- lier; elle ressemble presque de tout point à celles des Crustacés suceurs. Le corps est ovale, très large, arrondi du côté de la tête, et coupé carrément, à l'extrémité inférieure, laquelle est suivie d’un petit appendice médian, large, court et tronqué brusquement, sans soies extérieures terminales, ce que nous n’avons encore vu que pour cet embryon; à cette exception nous ajouterons aussi que le point oculaire dont le pigment est toujours coloré en rouge, est ici incolore, et n’est représenté que par un point arrondi et saillant qui en occupe la place. La masse viscérale est pyriforme et très large; les pattes qui avec les Acaridiens ont les œufs placés en dessus du corps au lieu de les avoir en dessous ou latéralement. (1) Voy. fig. 42 et 43. CRUSTACÉS NOUVEAUX. 349 sont, comme d'habitude, au nombre de trois de chaque côté, sont très robustes ; les premières sont tronquées au bout, et munies de cils très longs et très forts ; les deux autres, qui sont biramées, en sont également pourvues. Nous n'avons pas suivi les autres développements embryonnai- res de ces larves, bien que cependant cela ne doive pas être très difficile, à raison de ce que ces Crustacés sont extrêmement viva- ces; mais leur petitesse extrême et leur agilité si grande, leur coloration blanche se distingue si peu de celles des vases où nous les conservions, que c’est avec une peine infinie que nous avons pu les apercevoir et les saisir pour les observer, $ V. — Coloration. La coloration de ces Crustacés varie du jaune pâle au vert clair, différence qui est probablement due à celle des aliments dont ils se nourrissent et qui s’aperçoivent, par transparence, à travers leurs tissus ; de plus ils ont une ligne médiane rougeâtre qui va de la tête à l'extrémité du corps. Les femelles dont la couleur est jaune, portent des œufs roses, et celles qui sont vertes, ont des œufs blanes, ce qui n’empêche que, une fois éclos, les embryons ne soient toujours de cette dernière couleur. S VI. — Mœurs. Il est facile de reconnaître, à la description que nous venons d'en donner, que le Crustacé qui nous occupe appartient à la famille des parasites, mais il doit paraître surprenant que, privé des moyens d’adhérence nécessaires, et complétement démuni d'organes propres à la natation, il puisse, comme ses semblables, se nourrir aux dépens d’une proie vivante. C’est pourtant ce qui à lieu ; mais pour l’attcindre et pour se mettre à l'abri du danger, il ne s'attaque qu'à des êtres passifs, incapables de toute résistance, et dans ce but, il ne se contente pas, comme l’ntercola fulgens, de se blottir dans le premier compartiment d’un Tunicier composé, ni 300 HESSE, comme le Notopterophorus Veranyi de se réfugier dans la cavité branchiale et le cloaque des Phallusia mamillaris ; il pénètre encore bien plus profondément dans l’organisation intime de sa victime, puisqu'il va se cacher dans la partie viscérale de celle-ci. C’est en effet au milieu des détritus contenus dans ces organes des Phallusia canina et intestinalis, quenous l'avons trouvé pour ainsi dire enfoui, et c’est probablement à ces circonstances que nous devons d’être les premiers à l'avoir découvert. Comment peut-il atteindre une retraite qui parait aussi impéné- trable et comment peut-il y vivre? C’est ce que nous allons tâcher de faire connaitre ; nous essayerons, en même temps, de démon- trer que tout ce qui parait anormal dans la singulière conformation de ces Crustacés, a été, au contraire, merveilleusement approprié aux besoins de leur existence. Les Ascidiens sont, comme on le sait, revêtus d’une enveloppe gélatineuse dont la consistance serait plus que suffisante pour s'op- poser aux invasions de ce Crustacé; mais comme elle a deux orifi- ces, l’un branchial et l’autre anal, qui restent ouverts pour les fonctions des organes principaux, lorsque ces Phallusiens sont immergés, c’est par ces ouvertures el particulièrement par l’ori- fice anal, que s’introduit la larve qui est, comme nous l’avens dit, pourvue de moyens puissants de locomotion, et se distingue par une agilité qui parait d'autant plus nécessaire à la conservation de l’espèce, qu’elle est complétement annulée lorsqu'elle est arrivée à son état parfait de transformation ; une fois en possession de son domicile, elle n’a plus qu’à croître, se métamorphoser et se mul- üplier. Lorsque l'on examine avec attention les mouvements de ces Crustacés, on s'aperçoit qu'ils sont de deux sortes et qu'ils ont deux buts différents : celui des antennes qui agissent horizontalement de dedans en dehors, et celui des quatre pattes thoraciques qui opèrent dans le sens vertical de haut en bas. L'action des antennes a évidemment pour objet de frayer un passage, en écartant les obstacles qui pourraient s'opposer à la progression; celle des pattes thoraciques de la favoriser en pous- sant en avant. Or, comme ce Crustacé est renfermé dans un espace CRUSTACÉS NOUVEAUX. 391 très restreint et parmi des matières d’une densité plus ou moins grande, on conçoit qu'il ait besoin de moyens d’action énergiques pour surmonter les difficultés qui se présentent; aussi, outre les antennes vigoureuses, armées de fortes pointes, dont il est pourvu, et les griffes qui se trouvent à la première et à la deuxième articu- lation de ses premières pattes et aux pattes (horaciques et qui lui servent à s'accrocher, 1l à les longues soies rigides, qui, dans le deuxième appendice des pattes birainées, remplacent ces griffes, et agissent comme auxiliaires, en servant non-seulement de propul- seur, mais en nettoyant le passage et refoulant en arrière tous les malériaux {transmis par les pattes de devant. C'est un curieux spectacle de voir fonctionner cet appareil qui agit simultanément et avec un ensemble parfait, et lorsque l’on considère ces longues liges, réunies en faisceau, montant et des- cendant alternativement dans le sillon formé au milieu du thorax par l'élévation de ses parties latérales, on se rappelle le mouve- ment régulier du piston d’une mackine à vapeur. Pour le faire concorder avec les dispositions particulières des organes que nous venons de décrire etle rendre plus apte à opérer dans le milieu exceptionnel où vit ce Crustacé, il était nécessaire que l'appareil buccal, par une conformation spéciale, fût approprié à ces fonctions ; aussi est-ce pour ce motif que sa partie antérieure, qui est plus solide et plus.consistante que les autres, à une forme conique afin de donner moins de prise et de résister plus efficace- ment aux frottements el pouvoir ouvrir un passage au reste du corps en traçant son sillon comme le socle de la charrue dont il a la configuration. Nous avons fait connaître les moyens de propulsion dont dispose ce Crustacé; nous allons décrire ceux qu’il possède pour agir en sens inverse et sans lesquels, après avoir assez rapidement par- couru son étroite demeure, il se trouverait réduit à l’immobilité. Par une appropriation ingénieuse du bord inférieur du pénul- tième anneau abdominal, qui est pourvu d’un bourrelet hérissé d'épines erochues, dont les pointes sont dirigées du côté de la tête, il peut, en les enfonçant dans la peau des Ascidies, trouver un point d'appui solide sur lequel il opère la traction en arrière ; en 352 HESSE. outre, sa carapace étant d’une consistance parcheminée qui lu permet de la ployer facilement sans avoir à craindre de la rompre, il lui est possible, en se renversant en arrière sur lui-même, de manière que sa tête touche l'extrémité inférieure de son abdo- men, de se retourner dans un petit espace et de revenir sur ses pas (1). Il nous reste à parler de la position exceptionnelle dans laquelle sont placés les œufs et à chercher les motifs qui ont pu la néces- siter. Si, comme cela a lieu dans d’autres Crustacés parasites, ils eussent été renfermés dans des tubes ou ovisacs placés latéra- lement des deux côtés de l’abdomen ou contenus dans la cavité thoracique, il eût été à craindre qu'ils fussent écrasés par la pres- sion ou détachés par des frottements continuels, ou par l'action des longues soies qui fonctionnent sous le corps ; au lieu que, de la manière dont ils sont fixés à plat sur les capsules ovifères, ils sont garantis latéralement et en dessous par ces appendices, et en dessus par le corps derrière lequel ils sont abrités, et qui, étant plus gros et plus élevé que ceux-ci, leur évite tout froissement, puisqu'ils ne passent qu'après lui dans une voie plus large qu'il leur a tracée. Ce Crustacé est le plus vivace de tous ceux que nous nous som- mes procurés, nous les avons conservés près de deux mois sans leur donner aucune espèce de nourriture ; ils restaient au fond du vase sans pouvoir nager, rampant seulement sur l'extrémité des griffes de leurs pattes biramées et s’aidant de leurs antennes. Les œufs sont extrêmement caducs et se détachent de leur enve- loppe peu de temps après la capture de la femelle ; les embryons en sortent quelques jours après et nagent avec la plus grande agilité. (4) Voy. fig. 9. CRUSTACÉS NOUVEAUX. 393 $ VIT. — Systématisation. On pourrait facilement, si l'on n’y apportait une grande atten- lion, se tromper sur l'appareil buccal du Crustacé que nous décri- vons, et à raison de Ja ressemblance qu'il offre avec celui des Epicarides, prendre le sommet du cône qui termine la partie supé- rieure de cet organe, pour le siphon de la bouche de ces Zsopodes sédentaires ; d'autant qu'à cet endroit ie corps étant très épais, c’est avec la plus grande peine que l’on peut apercevoir l’ouver- ture buccale qui se trouve, en quelque sorte, cachée à l'extrémité opposée où elle est environnée des pattes-mâchoires. La conformation de cet organe, qui, dans les Crustacés para- sites, a, selon nous, une très grande importance, nous à démontré qu'il appartient aux Siphonostomins peltocéphales et qu'il devait être classé dans la tribu des Caligiens. En effet, ce n’est pas seulement la bouche qui a de l'analogie avec celle des Crustacés de cette tribu, mais encore la tête qui est clypéiforme, bien qu’elle soit étroite, à raison de la forme hémi- sphérique du corps; elle est garnie aussi, en avant, d’une lame frontale de chaque côté de laquelle sont des antennes aplaties ; son thorax est composé de quatre articles distincts, comme dans le genre Voguague; enfin ses pattes sont biramées. Il y aurait encore bien d’autres rapprochements à faire, mais nous nous bor- nerons à ceux que nous avons établis, espérant que les descriptions et les dessins que nous donnons fourniront le moyen de les saisir facilement. Du reste, ce Crustacé, par la conformation de son embryon, ne peut apparlenir qu'à la sous-classe des Crustacés suceurs, consé- quemment, # faut qu’il soit rangé dans les Siphonostomes où dans les Lernéides. Nous avons fait connaitre les principaux caractères sur lesquels nous nous fondions pour donner la préférence aux premiers; nous justifierons l'exclusion que nous avons prononcée contre les seconds, en faisant remarquer qu'ils s'éloignent de ceux-ci par la présence d’une carapace qui ést divisée en anneaux bien séparés &° série, Zoo. T. XVII. (Cahier n° 6.) * 23 BHYI HESSE. qui permettent de distinguer facilement la téte, le thoraæ et l'abdo- men, qui est terminé par deux appendices plats et lamelleux munis de soies rigides, caractère qui est celui des Siphonosto- miens; que son système appendiculaire est complet au lieu d'être réduit à dés vestiges de membres ou à des lobes tégumentaires sans articulations et qui sont impropres à la marche ou à la nata- tion, qu'il en diffère complétement aussi par le système buccal, enfin qu’il peut marcher ou ramper assez facilement et qu'il change fréquemment de position, tandis que les Lernéidiens, une fois fixés, sont condamnés à une immobilité complète. Nous n'avons cependant pas la prétention, eu égard aux anoma- lies nombreuses qu'il présente, de prétendre que ce soit un Sipho- nosiome complet et irréprochable; il se peut même que, lorsque l'on reverra la classification des Crustacés inférieurs, comme cela nous paraît indispensable à raison des découvertes fréquentes que l'on fait et que l’on est appelé à faire encore, il ne conserve pas la place que nous lui avons assignée provisoirement; cependant, comme d’après les caractères que nous avons constatés, c’est sur tout avec les Caligiens qu'il a le plus d’affinité, nous le mettrons danse ette tribu après les Vogagues et créons pour lui le genre Coiliacole (1) que nous caractériserons ainsi : Corps pupiforme divisé en quatre anneaux thoraciques et cinq abdominaux, très distincts. Tête clypéiforme. Deux antennes sim- ples, très robustes, plates et garnies d’épines crochues ; bouche conique. Quatre pattes-mâchoires et quatre thoraciques, celles-ei biramées, ayant l’appendice supérieur garni de griffes et l'nférieur de longues soies rigides. Deux élytres membraneuses partant de chaque côté du bord inférieur du dernier anneau thoracique, ser- vant à l'incubation des œufs. (1) Notre ami, le savant professeur van Beneden, a découvert un Crustacé, qui, par sa manière de vivre, encore plus que par ses formes, se rapproche du A L . . nôtre, l'Intercola fugens, dont il a fait un Lernéen . peut-être que notre espèce et la sienne pourront servir par la suite à établir un rapprochement plus intime entre les Siphonostomes et les Lernéidiens. CRUSTACÉS NOUVEAUX. 309 EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 18. Fig. 4. Bouclier céphalothoracique du Coiliacola setigera, vu en dessous, don- nant l’ensemble de la position des antennes, de la bouche et des pattes- mâchoires. Fig. 2. Coiliacole sétigère femelle, vu de profil et amplifié une cinquantaine de fois, sa taille réelle est indiquée, à côté, par un trait vertical. Fig. 3. Première patte thoracique biramée, montrant la pièce basilaire dans laquelle se trouvent enclavées les deux rames qui constituent ces appendices, savoir , la première qui est en dessus, armée de griffes; et la deuxième, en des- sous, munie de soies ou de longs crins. Fig. #. Appareil buccal, plus grossi, avec les pattes-mâchoires accessoires ; la portion supérieure, qui est conique, est d'une substance cornée plus résistante, la partie inférieure qui est au contraire membraneuse est rétractile. Fig. 5. Patte thoracique biramée, vue de profil. Fig. 6. Coiliacole sétigère femelle, très grossi, vu de dos, montrant la disposi- (4 g ) ë , tion générale du corps, son bouclier céphalique, ses quatre anneaux thora- ciques, la position de ses capsules ovifères et les cinq anneaux de l'abdomen. Fig. 7 et 8. Pénultième anneau abdominal, vu de profil et de face, montrant le bourrelet épineux dont il est muni pour servir à faciliter la rétrogradation du Crustacé. Fig. 9. Position qu'affecte souvent ce Crustacé et qui donne l'explication de sa manière d'opérer pour revenir sur lui-même, lorsque celui-ci est nécessaire, Fig. 10. Coiliacole sétigère femelle, très amplifié, vu en dessous, pour montrer l'ensemble de ses organes, la bouche, les pattes thoraciques, avec leurs soies qui fonctionnent dans le sillon formé par l'élévation des parties latérales de ces pattes, les capsules ovifères qui recouvrent complétement les œufs en . dessous. Fig. 11. Mâle, très grossi, vu de dos, Fig. 12. OŒuf à sa sortie de la capsule. Fig. 13. Cette capsule, très grossie, Fig. 14et 15, Embryons très amplifiés, vus en dessus et en dessous. NOTE SUR LA REPRODUCTION DES PARTIES DE L'ORGANISME ET SUR LEUR MULTIPLICATION CHEZ CERTAINS ANIMAUX ET PLUS PARTICULIÈREMENT Ps | CHEZ UN SYNGNATHE A DEUX QUEUES, Par M. MALM, Directeur du Musée d'histoire naturelle de Gottembourg. On sait depuis longtemps que les animaux possèdent à un plus ou moins haut degré la faculté de réparer les lésions, et même la perte de certaines parties de leur corps; que cette faculté existe même chez l’homme, mais que c’est chez les animaux inférieurs qu’elle est portée au plus haut degré. Ainsi le corps humain est apte à reconstituer des portions de chair; par exemple, après l’ablation de l'extrémité d’un doigt, il s’y formera une portion nouvelle de peau, du tissu cellulaire, du tissu musculaire, ete. Le système osseux est doué de propriétés analogues, et l'os de la jambe, par exemple, après avoir été brisé, se consolidera par suite de la formation de parties cartilagineuses et osseuses nou- velles. Mais chez l’homme ce travail réparateur est très borné, et jamais un organe complet, tel qu'un doigt ou même un os tout entier, ne se reproduit quand il a été enlevé. Les autres Mammi- fères et les Oiseaux sont dans le même cas ; mais chez les Rep- tiles la faculté reproductrice est plus développée, et, comme on le sait, un lézard qui a perdu sa queue en forme une nouvelle, et l'organe reproduit de la sorte contient des os nouveaux aussi bien que des parties molles de nouvelle formation. Cependant il est à remarquer que la portion de la queue ainsi reproduite n’est ja- mais aussi longue que la queue primitive, et n'est pas aussi fortement colorée que les parties adjacentes du corps. Chez les Poissons je ne connais rien de semblable. Chez divers animaux invertébrés cette faculté de reconstitution est portée beaucoup plus loin, et souvent une pirtie quelconque du corps peut être reproduite en entier. En laissant en liberté un REPRODUCTION DES PARTIES DE L'ORGANISME. 397 de ces animaux qui a été mutilé de la sorte, on le voit se rétablir promptement, lors même que la lésion est assez grave pour pro- duire immédiatement la mort chez un individu appartenant aux rangs élevés du règne animal. Ainsi, chez divers Vers et Mollus- ques la tête peut être tranchée sans que la mort en résulte. Les Helix nous offrent des exemples de ce phénomène remarquable, et paraissent pouvoir reproduire la tête tout entière avec les yeux, les mâchoires, ele. Enfin, chez les animaux les plus inférieurs, tels que les Polypes d’eau douce, cette faculté réparatrice est encore plus développée. Il est aussi à noter que des faits d’un antre ordre se rapprochent beaucoup de ceux dont je viens de parler. Ainsi, chez l'Homme, on voit quelquefois des doigts surnuméraires à la main où au pied. En 1846, j'ai eu l’occasion d'observer un cas de ce genre chez un cultivateur, de la Scanie. Cetindividu avait à chaque main deux pouces presque semblables entre eux et à peu près de même L grosseur. En examinant ces parties de près, Fanta je vis que l’un des os métacarpiens était fourchu antérieurement et donnait insertion par chacune de ses branches à un pouce composé comme d'ordinaire de deux pha- langes. Le pouce externe, qui paraissait être le pouce principal, avait la même direction que le métacarpien correspondant ; mais Pau- tre était placé obliquement, en dedans des As autres doigts, et paraissait être un appendice Fig, accessoire (fig. 1). Cette difformité ne parais- sait causer aucune gêne et était congénitale. Je ne connais aucun exemple de la formation d’un doigt surnuméraire à la suite de la fracture ou de l’ablation de l’un de ces organes, soit chez les Mammifères, soit chez les Oiseaux. Mais lorsque la queue d’un lézard a élé rompue à moilié, on voit bientôt la pointe d’une queue surnuméraire se constituer à côté de l’ancienne, dans la partie lésée, et en grandissant acquérir le même mode d’organt- sation que cette dernière, tout en restant moins longue. J'ai reçu de Dannemara un pied de chevrette qui portait aussi 298 MALM. un pouce surnuméraire, mais si ce n’est en a (fig. 2), on n'y apercevait aucune trace de division dans le métacarpe. On con- nait aussi des anomalies de ce genre chez des Chiens et des Grenouilles, et le musée de Got- tembourg possède le pied d’un Coq domestique de l’ile de Java qui avait du côté gauche un doigt double (fig. 3). Mais ces cas ne sont que des exceptions aux règles qui régissent l’organi- sation de ces animaux. Le fait sur lequel je veux appeler plus parti- culièrement l'attention ici, m'a été offert en 1853 par un poisson du genre Syngnathe, que j'ai décrit sous le nom de S. Typhle. Cet ani- mal avait deux queues. La queue primitive avait été presque à moitié rompue au niveau de la cinquième articulation, en comptant du haut, et Fig. 2. l'os qui s'était développé dans le point fracturé avait fait saillie en dessous, de façon à prendre la forme de la pièce terminale primitive, et avait donné naissance à une nageoire Fig. 3. Fig. 4. surnuméraire pourvue de dixfrayons comme lanageoire caudale normale (fig. 4). L'animal avait 108 millimètres de long de l’ex- trémité du museau jusqu’au point fracturé, et 8 millimètres 1/2 de ce point au haut de la nageoïre caudale. La manière dont la nature procède dans tous ces cas paraît être la même. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LES NERFS VASCULAIRES ET CALORIFIQUES DU GRAND SYMPATHIQUE, Par M. Claude BERNARD. Il serait trop long d’exposer ici toutes les opinions qui ont été émises sur les fonctions du système nerveux grand sympathique; mais, par oppo- sition, l’historique de nos connaissances positives à ce sujet sera très court et peut se résumer, comme on va le voir, à trois expériences principales. 1° La première expérience sur le grand sympathique remonte au siècle dernier. Elle a été faite par un membre de cette Académie, François Petit, qui est encore connu sous le nom de Pourfour du Petit. Ce médecin a publié, dans le volume de l'Æistoire de l Académie pour l’année 1727, un travail intitulé : Mémoire dans lequel il est démontré que les nerfs intercostaux fournissent des rameaux qui portent des esprits dans les yeux. L'expérience sur laquelle Petit a fondé sa démonstration consiste à opérer dans la région cervicale, chez l’animal vivant, la section du filet sympathique qui unit le ganglion cervical supérieur au ganglion cervical inférieur. Après cette section, on voit survenir constamment dans l’œil, du côlé correspondant, des phénomènes de paralysie principalement caracté- risés par un rétrécissement de la pupille et un enfoncement du globe oculaire. L'idée qui dirigea Petit pour instituer son expérience est très remar- quable pour le temps, et elle prouve que ce physiologiste avait le sentiment très exact du rôle de l’expérimentation. Divers anatomistes, et en particu- lier Willis et Vieusens, avaient cru pouvoir admettre, d’après leurs dis- sections sur le cadavre, que le nerf intercostal ou grand sympathique prend naissance dans le crâne des cinquième et sixième paires cérébrales et qu’il descend ensuite dans le corps pour y porter les esprits, c’est-à-dire l’in- fluence nerveuse. Petit ayant repris et discuté les faits anatomiques ainsi que toutes les raisons données par Willis et Vieusens, arriva à émettre une 560 CLAUDE BERNARD. opinion physiologique entièrement opposée. Le nerf intercostal ou sympa- thique, au lieu de descendre du cerveau vers les parties inférieures ou posté- rieures du corps, lui parut au contraire remonter des parties postérieures vers la tête, non pour s’arrèter dans les cinquième et sixième paires céré- brales, mais pour aller se distribuer jusque dans les yeux. Les connaissances anatomiques forment sans aucun doute une he indispensable, mais la solution d’un problème physiologique ne peut jamais arriver par celte voie seule. En effet, dans l'explication des phénomènes de la vie, l'anatomie ne peut dans aucun cas être séparée de l'observation et de l'expérimentation sur le vivant. Dans le sujet qui nous occupe, par exemple, l'inspection d’un nerf sur le cadavre n'aurait jamais appris s’il s'agit d’un organe de sensibilité ou de mouvement, si tel ou tel filament nerveux arrive dans un centre ou s’il s’en émerge, etc. La vivisection seule peut résoudre des questions de cette nature. C’est ce qu'avait déjà compris Pourfour du Petit, ainsi que le prouve le passage suivant de son mémoire : Toutes ces choses (dit-il en parlant des dispositions anatomiques), foutes ces choses me persuadaient assez que les intercostaux ne prenaient point leur origine de la cinquiéme et sixième paire, mais cela ne me paraissait pas une suffisante démonstration. Je m'imaginai que si je coupais l'inter- costal à un chien vivant, il pourrait arriver quelques changements dans les yeux par lesquels on pourrait reconnaitre que ce nerf leur fournit des esprits animaux. En effet, les phénomènes de paralysie s’étant montrés dans les yeux, c’est-à-dire au-dessus du point de section du nerf sympa- thique, cela devenait une preuve évidente que l'influence nerveuse se pro- pageait de bas en‘haut et non de haut en bas. Comme conséquence, il fallait donc admettre que le nerf intercostal ou sympathique tire son ori- gine des parties inférieures ou postérieures du corps el non du cerveau, comme le pensaient Willis et Vieusens. L'expérience de Pourfour du Petit fut ensuite reproduite, surtout dans ce siècle, par un grand nombre d’expérimentateurs. On confirma les mêmes résultals de paralysie sur l'œil, mais on oublia le fait d’origine nerveuse du sympathique, que Petit avait voulu établir à l’aide de son expérience. L’attention des physiologistes se porta à peu près exclusivement sur les phénomènes de rétrécissement de la pupille, qu’ils cherchèrent à expliquer en admettant deux ordres de! nerfs pupillaires: les uns dilatateurs, les autres constricteurs. 2° En 1851 (1), MM. Budge et Waller communiquérent à cette Acadé- (1) Comptes rendus de l'Acad, des sciences, t. XXXII, p. 370. RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 361 mie une nouvelle expérience très importante dans l’histoire du grand sym- pathique. A l’aide de lamé hode de la dégénération nerveuse, non-seulement is confirmèrent celte origine inférieure du grand sympathique cervical que Petit avait déjà reconnue, mais ils précisèrent le lieu de cette origine dans “une région spéciale de la moelle épinière, qu’ils appelèrent région cilio-spi- nale. Un des plus grands mérites de l'expérience de MM. Budge et Waller est d’avoir montré pour la première fois d’une manière incontestable que des filets du grand sympathique prennent naissance dans la moelle épinière. En effet, si l’on coupe sur un animal vivant les racines antérieures des paires nerveuses qui émergent de la région dite cilio-spinale, à savoir les racines antérieures des deux ou lrois premières paires dorsales rachidiennes, on voit aussitôt apparaître du côté de la pupille le rétrécissement caracté- ristique de la section du filet sympathique cervical. Si, après la section de ces racines, on vient à exciter leur bout périphérique, on voit survenir la dilatation de la pupille par le rétablissement temporaire des fonctions du nerf, genre de contre-épreuve qui ne permet plus aucun doute sur l’ori- gine réelle à la moelle épinière de la portion du sympathique qui fournit des mouvements à l’iris. Ainsi que leurs devanciers, MM. Budge et Waller ne signalèrent comme conséquence de la section du sympathique cervical que la paralysie de la pupille, qu’ils expliquèrent également en admettant deux espè.es de nerfs pupillaires, les uns dilatateurs, provenant de la moelle épinière, les autres constricteurs, venant d’une autre source, 3° Mais on n'avait pas jusque-là signalé les effets vasculaires et calori- fiques qui sont propres à la section du sympathique. C’est en 1852 (1) que j'introduisis dans la question cet élément nouveau. A cette époque, je com- muniquai à l’Académie des expériences par lesquelles je montrai que les symplômes de paralysie du côté de la pupille observés et confirmés par tous les physiologistes depuis Pourfour du Petit ne sont pas les seuls troubles qui suivent la section du filet cervical du grand sympathique dans la région moyenne du cou. On voit survenir encore dans l’oreilleet dans le côté cor- respondant de la tête, au-dessus de la section du nerf, des phénomènes très remarquables de vascularisalion et de calorification : les parties sont alors devenues chaudes comme s’il y avait une fièvre locale et la sensibilité s’y trouve exagérée, etc. Ces faits nouveaux, qui avaient passé inaperçus et sur lesquels j'appe- lai l'attention, sont si faciles à constater, qu'ils furent aussitôt admis par (1) Comptes rendus, t. XXXIV, p. 472. 362 CLAUDE BERNARD. les expérimentateurs et devinrent lé point de départ d’un grand nombre de travaux entrepris depuis lors sur le même sujet. De sorte qu’il est actuel- lement bien établi que la section du filet cervical du grand sympathique dans la région moyenne du cou amène comme conséquence non-seulement les phénomènes oculo-pupillaires indiqués par Pourfour du Petit, mais encore les phénomènes vasculaires et calorifiques que j’ai signalés. Bien que je connusse le mémoire de MM. Budge et Waller quand je publiai le mien, je m’abstins cependant de rien conclure relativement à l’origine de ces effets nerveux vasculaires et calorifiques du sympathique. Je me contentai d'annoncer le résultat de l’expérience en disant qu’il était spécial au nerf sympathique, mais sans examiner si les nerfs vasculaires et calorifiques avaient à la moelle épinière la même origine que les nerfs oculo-pupillaires. Je dois avouer toutefois qu’à priori je ne voyais alors aucune raison pour ne pas admettre cette communauté d’origine. Dès lors je ne fus nullement étonné quand M. Budge et M. Waller, reprenant mes expériences, vinrent annoncer que les effets vasculaires et calorifiques que j'avais montrés dépendent des filets nerveux qui prennent origine à la moelle en commun avec les nerfs pupillaires dans la région cilio-spinale. Cette opinion s’accrédila parmi les physiologistes avec d'autant plus de facilité que rien ne paraissait plus logique et plus satisfaisant que cette généralisation d’origine à la moelle épinière pour les divers filets du grand sympathique. Mais cependant, quand je vis d’autres expérimentateurs, pour- suivant les conséquences de cette généralisation, admettre que les nerfs cérébro-spinaux sont tous indistinctement vasculaires et calorifiques, je sentis la question s’obscurcir au lieu de se généraliser, parce que cette sorte d’uniformité fonctionnelle qu’on admettait se trouvait en opposition directe avec des faits que j'avais observés. Dans des sujets aussi complexes que le sont les phénomènes physiolo- giques, les causes d'erreur ne résident pas seulement dans la difficulté des expériences, mais elles ont aussi leur source dans la trop grande facilité avec laquelle on cherche à généraliser une observation même bien faite et très exacte. C’est ce qui est arrivé, suivant moi, pour la question du grand sympathique. En concluant à une identité d’origine et de propriétés entre les nerfs moteurs ordinaires etles nerfs vasculaires et calorifiques, on à pu croire procéder logiquement, mais on n’a pas procédé expérimentalement. On est allé au delà de l’expérience-et même on a dissimulé dans ce rap- prochement des résultats tout à fait contradictoires. J'ai donc pensé qu'il fallait avant tout reprendre les faits et bien établir les expériences sur chaque point. C’est la base indispensable de toute bonne généralisation RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 363 physiologique qui doit résulter uniquement du rapprochement de toutes les expériences partielles préalablement discutées et bien établies. Dans mon travail actuel, qui formera un certain nombre de communi- cations, j’aborderai successivement et séparément les questions diverses qui se rapportent à l’histoire du grand sympathique en général et à celle des nerfs vasculaires et calorifiques en particulier. Dans cette première partie, le point que j'ai l'intention d'établir, à l’aide d'expériences, c’est que les nerfs vasculaires et calorifiques sont des nerfs moteurs spéciaux distincts topographiquement et physiologiquement des nerfs moteurs ordinaires ou musculaires proprement dits. PREMIÈRE PARTIE. De la distinction des nerfs moteurs vasculaires et calorifiques d'avec les nerfs moteurs ordinaires ou musculaires, En traitant cette question, je ne fais en quelque sorte que continuer le sujet de mon premier travail de 1852. A cette époque, j'ai montré que les nerfs vasculaires et calorifiques de la tête sont indépendants des nerfs mo- teurs musculaires des mêmes parties. Aujourd’hui je vais prouver qu’il en est de même pour les membres. 1° Des nerfs vasculaires et calorifiques du membre postérieur. — Lorsque sur un animal vivant on vient à opérer dans le bassin la section du plexus lombo-sacré ou même seulement celle du nerf sciatique, on con- state dans le membre qui est alors paralysé de la sensibilité et du mouvement, une suractivité de la circulation et une calorification plus considérable que celle des autres membres. Ces phénomènes vasculaires et calorifiques sont persistants etse montrent en général d’autant plus mar- qués que les animaux sont plus vivaces et mieux nourris. On a cru pouvoir tirer de cette expérience un argument en faveur del’identité des nerfs mus- culaires et des nerfs vasculaires. Mais dès que l’on agit sur des nerfs mixtes, cela ne peut rien prouver pour l'identité des nerfs vasculaires et musculaires, pas plus que cela ne prouverait pour l'identité des nerfs moteurs et sensitifs. C’est aux origines médullaires des nerfs du membre postérieur qu’il faut nécessairement remonter pour savoir si la séction des racines rachidiennes qui paralyse les muscles paralyse les vaisseaux et pro- duit en même temps l'apparition des phénomènes calorifiques et vaseu- laires. Or cela n’a paslieu ainsi qu’on va le voir. Sur plusieurs chiens, j'ai ouvert le canal vertébral de la région lom- 364 CLAUDE BERNARD. baier, et j'ai coupé à leur sortie de la moelle, tantôt du côté gauche, tantôt du côté droit, les paires rachidiennes sacrées et les quatre ou cinq der- mères lombaires, c’est-à-dire toutes les paires nerveuses du plexus lombc- sacré qui fournissent la sensibilité et le mouvement au membre postérieur. Les animaux observés pendant longtemps après celte opération, même pendant vingt-quatre heures, n’ont jamais présenté ni vascularisation ni calorification dans le membre dont la peau et les muscles étaient complé- tement paralysés; il s’est présenté même assez souvent de ce côté un abais- sement de température. Si, au lieu de couper les paires rachidiennes en entier, on resèque seulement une de leurs racines, on produit dans le membre postérieur une paralysie soit du mouvement par la section des racines antérieures, soit du sentiment par la section des racines posté- rieures ; mais encore, dans ces cas de paralysie partielle, je n’ai jamais observé dans le membre de vascularisation ni d'augmentation de chaleur pouvant faire voir qu’on avait agi sur les nerfs vasculaires et calorifiques. D'où il résulte clairement, ce me semble, que les nerfs vasculaires et calo- rifiques du membre postérieur ne naissent pas des mêmes racines de la moelle épinière qui lui fournissent ses nerfs moteurs et sensitifs. On ne saurait faire aucune objeclion, car l’expérience suivante, qui ser- vira de contre-épreuve, prouve que sur un même animal on peut avoir une paralysie sans phénomènes calorifiques quand on agit sur les nerfs purs, et que l’on a aussitôt la paralysie avec phénomènes calorifiques quand on agit sur les nerfs mixtes. Sur un chien vigoureux et en digestion, j’ai ouvert la colonne vertébrale dans la région lombaire et j’ai coupé du côté gauche les quatrième, cin- quième, sixième, septième et huitième paires lombaires ainsi que les pre- mière, deuxième et troisième sacrées, c’est-à-dire toutes les paires qui fournissent au membre postérieur. La plaie‘du dos fut ensuite recousue, et on laissa l’animal en repos pendant plusieurs heures. Le membre postérieur gauche était complétement paralysé du mouvement et du sentiment, mais aucun excès de température ne se manifesta, aucune différence sous ce rapport n’était perceptible à la main entre les deux membres postérieurs. On avait au thermomètre 33°,1 pour la patte gauche paralysée, et 83°,2 pour la patte normale, ce qui est une égalité de température au point de vue physiologique. Dans cet état de choses, je mis à découvert et je coupai le nerf sciatique gauche à sa sortie du bassin. Je trouvai ce tronc nerveux complétement insensible, ce qui était facile à prévoir, puisque les paires qui lui donnent naissance à la moelle avaient été coupées dans le canal vertébral. Cette seconde section du nerf sciatique ne changea rien évidem- RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 365 ment à la paralysie du mouvement et du sentiment qui existait déjà au- paravant, mais elle fit aussitôt apparaître les phénomènes vasculaires et calorifiques qui se surajoutèrent en quelque sorte à la paralysie sensitive . et motrice. En effet, à partir de ce moment, on vit peu à peu la chaleur augmenter dans le membre postérieur gauche. On percevait facilement à la main, entre les deux membres, une différence de température qui alla en augmentant au point que l’on put observer à un certain moment 6 à 8 degrés de différence entre les deux membres. Cette différence se maintint jusqu’à la mort de l'animal, qui eut lieu le lendemain. J'ai répété celle dernière expérience un grand nombre de fois avec des résultats semblables. Elle nous montre clairement que l’origine ou l’adjonc- tion des nerfs vasculaires et calorifiques aux nerfs moteurs et sensitifs du membre postérieur doit avoir lieu en dehors du canal vertébral, entre Vorigine des racines rachidiennes et le point où j’ai coupé le nerf sciatique. Or, sil’on se demande quels sont les nerfs qui peuvent, durant ce court tra- jet, venir se joindre aux nerfs rachidiens lombo-sacrés, l'attention ne peut se porter que sur le nerf sympathique qui est placé sur les côtés de la colonne vertébrale. On va voir en effet que l’expérience prouve que c’est cette partie du sympathique qui régit dans le membre postérieur les phé- nomènes vasculaires et calorifiques. Sur un chien de forte taille, vigoureux et en digestion, j'ai fait à la par- tie supérieure de l’aine du côté gauche une incision dont le milieu corres- pondait à l’épine iliaque antérieure. J’ai incisé ensuite successivement les muscles et le tissu cellulaire jusqu'au muscle psoas-iliaque, puis, sans entrer dans le péritoine, j'ai passé au-devant de ce muscle en soulevant le fascia transversalis en haut et en avant. Dans le fond de cette plaie main- tenue écartée, au bord interne du muscle psoas iliaque, j'ai trouvé sur les côtés de la colonne vertébrale la chaîne ganglionnaire lombaire du sympa- thique. A l'aide d’en petit crochet, j’ai arraché le filet nerveux et le gan- glion qui reposent sur le côté des cinquième et sixième vertèbres lombaires. Cette destruction a élé opérée sans toucher le moins du monde aux nerfs du plexus lombo-sacré qui sont placés en dehors et plus profondément. Aussitôt après l'opération, la plaie fut recousue et l'animal mis en liberté. A quelques instants de là, on sentait déjä à la main une différence de tem- pérature entre les deux pattes postérieures. La patte du côté opéré était beaucoup plus chaude, ell'on put observer, pendant les trois jours que sur- vécut l'animal, un excès de température de 5 à 8 degrés pour la patte gauche, Cependant ni la sensibilité ni le mouvement n’étaient paralysés dans le membre opéré ; l'animal marchait très bien avec la patte postérieure 366 CLAUDE BERNARD. gauche, quoiqu'il y eût un peu de roideur dépendant de la plaie elle- même, ainsi que je m’en suis assuré par diverses contre-épreuves. Par les résultats qui précèdent et que j’ai souvent reproduits, on voit que l’on peut avoir dans le membre postérieur : 1° des paralysies motrices et sensitives sans phénomènes calorifiques; 2° des paralysies à la fois motrices, sensitives et vasculaires; 3° on voit en outre que les effets vas- culaires et calorifiques peuvent être obtenus isolément, par la lésion du grand sympathique lombaire et avec l’intégrité complète des racines rachi- diennes qui continuent à fournir la sensibilité et le mouvement dans les mêmes parties. Ce sont ces derniers nerfs vaso-moteurs sympathiques qui viennent se mélanger et s’adjoindre aux nerfs du plexus lombo-sacré, en dehors de la colonne vertébrale, et cette circonstance nous permet d'expliquer pour- quoi la section intra-vertébrale des paires rachidiennes ne produit qu’une paralysie de sentiment et de mouvement sans augmentation de chaleur, tandis que la section du nerf sciatique au delà de l’adjonction de ces nerfs du sympathique produit à la fois la paralysie du sentiment et du mouve- ment et augmente la calorification, La même chose se passe encore, bien entendu, ainsi que je l’ai constaté souvent, si, après la section des racines lombaires, au lieu de couper lenerfsciatique, on détruit simplement le sympathique lombaire. Aussitôt on voit les phénomènes calorifiques venir se joindre aux autres phénomènes paralytiques propres aux racines lombaires. En résumé, toutes les expériences qui précèdent me semblent si claires, que je crois inutile d’insister davantage sur leurs résultats. Il faut néces- sairement admettre pour le membre postérieur trois sortes d’influences nerveuses distinctes: 1° l'influence nerveuse sensitive appartenant aux racines postérieures qui entrent dans la composition du plexus lombo- sacré ; 2° l'influence motrice ou musculaire appartenant aux racines anté- rieures du plexus lombo-sacré ; 3° l'influence motrice vasculaire et calo- rifique appartenant au grand sympathique. La seule conséquence que je veuille tirer des faits que j'ai rapportés, c’est qu’ils me semblent établir d’une manière incontestable que les nerfs vasculaires et calorifiques du membre postérieur ont une origine topographiquement et physiologique- ment distincte de celle des nerfs musculaires. Je ne veux pas pour lemoment aller au delà de cette conclusion, qui est l'expression exacte des faits. Avant de traiter d’une manières péciale de l’origine des nerfs vasculaires et ca- lorifiques du grand sympathique je veux montrer encore que le même isole- ment de ces influences nerveuses se retrouveffpour le membre antérieur. RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 367 DEUXIÈME PARTIE. Nerfs vasculaires et calorifiques du membre supérieur. : Le plexus brachial, chez le chien, est composé par les trois dernières paires rachidiennes cervicales et par les deux premières dorsales. Au-des- sous de ce plexus se trouve, en arrière le ganglion premier thoracique, plus en avant et accolé au nerf vague le ganglion cervical inférieur, C’est particulièrement de ces deux ganglions qu'émanent les nerfs vasculaires et calorifiques du membre supérieur ; ceux-ci viennent ensuite s’unir aux nerfs rachidiens lorsque le plexus brachial est constitué et à peu près au niveau de son passage sur la première côte. Pour prouver que dans le membre antérieur les effets calorifiques et vasculaires sont distincts des phénomènes sensilifs et moteurs, j'ai employé le même moyen de démonstration que pour le membre postérieur. Première expérience. — Quand on coupe dans le canal vertébral ou immédiatement à la sortie des trous de conjugaison les nerfs du plexus brachial, c’est-à-dire les trois dernières paires cervicales et les deux pre- mières dorsales, on paralyse le membre de tout mouyement et de toute sensibilité ; mais on n’observe rien de plus et l’on ne voit pas survenir les phénomènes vasculaires et calorifiques. J’ai même le plus ordinairement remarqué un abaissement de température dans le membre ainsi paralysé. Dans cette région où siége le renflement brachial, la moelle épinière rem- plit le canal vertébral, et il est très important, pour que l’expérience réus- sisse (j’expliquerai plus tard pourquoi), de couper les racines nerveuses sans blesser la moelle épinière ni le ganglion premier thoracique. Aussi ai-je habituellement recours à un procédé opératoire mixte, qui consiste à couper en dehors du trou de conjugaison les trois dernières paires cervi- cales et en dedans du canal vertébral les deux premières dorsales, afin de ne pas toucher au ganglion premier thoracique qui est situé immédiate- ment à l'émergence de ces racines. Deuxième expérience. — Nous venons de voir que la section des nerfs branchiaux à leur origine médullaire ne produit aucun phénomène vascu- laire ni calorifique ; mais il n’en est plus de même quand on coupe ces mêmes nerfs, à leur passage sur la première côte après leur intrication en plexus. On voit alors la chaleur et la vascularisation apparaître dans le membre et accompagner constamment dans ce cas la paralysie du mouve- ment et du sentiment. 368 CLAUDE BERNARD. Il est facile de concevoir que les deux expériences que je viens de signa- ler pourront être exécutées soit séparément sur deux animaux différents, soit toutes deux sur le même animal. Je préfère cette dernière condition, parce que la section du plexus brachial dans le canal rachidien exige une opération grave qui épuise plus ou moins l’animal, tandis que la section de ce même plexus dans le creux de l’aisselle est une opération des plus simples, qui laisse à l’animal toute sa vigueur primitive. Or on pourrait être porté à croire que dans le dernier cas les phénomènes vasculaires et calorifiques se manifestent parce que l'animal est vivace, et que dans le premier ils n’ont pas lieu parce que l’animal est trop affaibli, Mais quand on réalise les deux observations sur le même animal, l’objection tombe d’elle- même, et enfin la démonstration me semble devenir complète quand on ajoute qu'entre les deux points de section des nerfs brachiaux se trouve le ganglion premier thoracique dont la lésion produit à elle seule dans le membre antérieur, ainsi qu’il va suivre, tout l’appareil des phénomènes vasculaires et calorifiques. Troisième expérience. A l’aide d’un crochet particulier que j'ai ima- giné depuis plusieurs années pour cette opération, j'ai pénétré entre la première et la deuxième côte par un procédé sous-cutané et je suis allé “sur le côté de la colonne vertébrale arracher, contondre ou dilacérer le ganglion premier thoracique. Aussilôt après, j'ai toujours vu le membre correspondant au ganglion lésé présenter les phénomènes calorifiques et vasculaires caractéristiques. L’excès de température de la patte, très per- ceptible à la main, peut aller jusqu’à 6 à 8 degrés, et l’on voit en même temps au-dessous de la peau les veines se montrer plus nombreuses et plus gonflées. Pourtant, dans cet état de choses, le mouvement est con- servé; la sensibilité, loin d’être abolie, est ordinairement exagérée. Dans mes dernières recherches, j'ai substitué à ce procédé sous-cutané un autre procédé à ciel ouvert, plus laborieux, mais plus convenable pour la netteté des résultats. J’écarte l'épaule du tronc, en même temps qu’elle est main- tenue abaissée, de façon à arriver sur les articulations des deux premières côtes avec la colonne vertébrale. F’enlève la tête de la deuxième côte, ce qui peut se faire, quand on agit avec précaution, sans entrer dans la plèvre, et immédiatement au-dessous jè trouve le ganglion premier thoracique sur lequel je puis agir de visu, soit pour l'enlever, soit pour en étudier les propriétés. J’ajouterai que sur des animaux dont on à préalablement coupé les nerfs brachiaux à leurs origines sans produire les phénomènes calori- fiques, on voit la calorification et la vascularisation se manifester, après l’ablation ou la contusion du ganglion. RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 509 Dans mes expériences sur le membre antérieur, comme dans celles faites sur le membre postérieur, je n’ai jamais tenu compte que des diffé- rences de température persistantes et considérables. Des variations de 4 à 2 degrés peuvent souvent tenir à des causes fortuites et elles disparaissent en attendant un peu. Quand au contraire les résultats sont réellement dus à la lésion du grand sympathique, ce sont des phénomènes qui, outre la vascularisation des parties, se caractérisent par une calorification consi- dérable, que tout le monde perçoit à la main immédiatement, sans qu'’ily ait aucune équivoque pour personne. On peut d’ailleurs exagérer la diffé- rence de température, comme je l’ai montré depuis longtemps, par l’appli- cation du froid. On voit alors la partie normale se refroidir rapidement et considérablement, surtout quand elle est mince comme l'oreille ou l’ex- trémité des pattes, tandis que la partie où le sympathique a été coupé résiste au refroidissement et conserve une température relativement beau- coup plus élevée. C’est dans de pareilles circonstances qu’on peut obtenir quelquefois des différences qui vont jusqu’à 17 degrés entre les deux oreilles ou les deux pattes correspondantes. Le moyen le plus commode que j'ai trouvé pour appliquer le froid pendant l’été sur les parties à observer, consiste à verser sur elles de l’éther qui, en se vaporisant rapide- ment, les refroidit. On voit toujours alors l’éther se vaporiser sur la par- tie où le sympathique est coupé, beaucoup plus vite que sur l’autre, et l’abaissement de la température, inégal, pour les deux membres, fait que leur différence est alors plus facilement appréciable. Par tout ce qui précède, on voit donc que pour les membres antérieurs, les expériences et leurs résultats sont, pour ainsi dire, calqués sur ce que j'ai dit, dans ma dernière communication, pour les membres postérieurs. Cette analogie de phénomènes, qu’on pouvait bien prévoir, me permettra, sans m’étendre davantage, de conclure immédiatement que dans le mem- bre antérieur, comme dans le membre postérieur, on peut avoir des para- lysies motrices et sensitives, tantôt privées, tantôt accompagnées des phé- nomènes vasculaires et caloriliques, suivant que dans lopération le sympathique aura été respecté ou non. On voit en outre que la lésion isolée des ganglions du grand sympathique premier thoracique et cervical inférieur amène la manifestation des phénomènes calorifiques et vasculaires coexis- tant avec l'intégrité parfaite des racines rachidiennes. Je désire actuellement insister avec quelques détails sur les résultats vaso-moteurs que j’ai obtenus en agissant directement sur le ganglion pre- mier thoracique mis à découvert par le procédé opératoire que j'ai indiqué plus haut.-Nous savons déjà qu’il suffit de dénuder, de toucher, de con- 4e série. Zooz. T. XVIIT (Cahier n° 6.) 4 24 370 CLAUDE BERNARD, tondre ou de couper les ganglions ou les filets du sympathique, pour voir aussitôt dans les parties où se distribue leur influence les vaisseaux se dila- ter, la circulation devenir plus active et une plus grande calorification en être la conséquence. Mais il faut savoir aussi qu’on peut faire changer tous ces phénomènes de face en galvanisant le ganglion ou le bout périphé- rique du filet nerveux sympathique divisé. Sous l’infuence de l'excitation galvanique, les vaisseaux dilatés se resserrent (1) à vue d’œil, la circulation se ralentit ou s’arrêle, et les parties qui étaient échauffées se refroidissent. Or donc, pour agir sur les vaisseaux du membre supérieur, j'ai isolé le pre- mier ganglion thoracique de toutes ses connexions avec les nerfs voisins ; j'ai coupé les filets supérieurs, inférieurs et externes, en ne laissant plus communiquer avec lui que les filets internes qui vont en partie dans le plexus brachial, en partie s’unir au nerf vague et au ganglion cervical inférieur pour remonter ensuite dans la tête. Après cet isolement du gan- glion premier thoracique, les phénomènes vasculaires et calorifiques étaient toujours très développés dans le membre antérieur et dans la tête du côté correspondant. J’ai alors découvert les muscles de l’épaule et ceux de la partie supérieure du membre en disséquant la peau, et j’ai vu les petites artères dilatées battre avec force et les veines musculaires rapporter un sang qui coulait en grande abondance et avec une couleur plus rouge qu’à l’état normal. À ce momnent j’ai galvanisé le ganglion premier thora- cique et les filets qui en partent à l’aide d’un courant d’induction assez fort, en prenant toutes les précautions pour que le ganglion fût bien isolé et que l'électricité ne se transmit pas aux nerfs voisins. Peu à peu la circulation s’est modifiée et s’est en quelque sorte renversée sous mes yeux: les artères se sont contractées et rétrécies, les veines ont diminué considérablement de volume; le sang, devenu beaucoup plus noir, ne coulait qu’en très petite quantité, et dans quelques veines musculaires son cours était même complétement arrêté. En faisant cesser l’action du galvanisme, on voyait les phènomènes circulatoires réapparaître graduellement avec leur intensité et leur caractère primitif. La quantité du sang qui sortait par les veines mus- culaires devenait de plus en plus grande, et le sang, d’abord très noir, reprenait successivement une couleur rutilante. On pouvait répéter plu- sieurs fois l’application du galvanisme, toujours avec le même succès, et étudier en quelque sorte à loisir les modifications circulatoires dans les muscles, en ayant soin de choisir les vaisseaux les plus convenables pour les observer. (1) Société de biologie. RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 271 Les effets de la galvanisation du ganglion premier thoracique sur la cir- culation du membre supérieur, tels que je viens de les indiquer, rentrent complétement dans des résultats analogues que j'ai fait connaître depuis longtemps pour d’autres régions du corps ; mais le point important de cette expérience sur lequel je veux appeler l'attention, c’est que pendant la gal- vanisation du ganglion sympathique le resserrement des vaisseaux et l’'amoindrissement ou l’arrêt de la circulation se constataient dans les museles sans qu'aucune contraction musculaire se montrât d’une manière évidente dans le membre. D'où il résulte bien clairement que les muscles possèdent deux ordres de nerfs moteurs : les uns, nerfs rachidiens directs, qui vont à la fibre musculaire et font contracter le musele ; les autres, nerfs du grand sympathique qui font contracter les vaisseaux des muscles et peuvent ainsi modifier la circulation de cet organe, sans provoquer en lui aucune espèce de phénomène de contraction. Toutefois, cette distinction importante entre les nerfs vaso-moteurs et les nerfs musculaires propre- ment dits, que l’on peut démontrer directement, comme je viens de le dire, sur les nerfs des muscles des membres, aurait déjà pu se déduire de mes anciennes expériences sur les nerfs vaso-moteurs de la tête. En effet, je montre souvent dans mes cours au Collége de France une expérience très simple qui est du même ordre. On prend un Lapin, un Lapin blanc si c’est possible, afin de mieux voir les vaisseaux de l’oreille à travers la peau. A l’aide de gros ciseaux droits bien coupants, on tranche l'extrémité d’une oreille, assez bas pour que le sang s'échappe en petit jet par le bout des artérielles divisées: On observe alors l'intensité du jet de sang sur l’oreille de l'animal dans ces conditions, puis on coupe le filet cervical du grand sympathique du même côté. Aussitôt après cette see- tion, on voit l’écoulement du sang devenir beaucoup plus abondant en même temps que le jet artériel acquiert une hauteur souvent double ou triple de ce qu'elle était d’abord. Mais si à ce moment on galvanise avecun courant énergique le bout supérieur du filet cervical sympathique coupé, on voit graduellement le jet de sang diminuer, puis s'arrêter complétement par la contraction des artères de l’oreille, pour recommencer et augmenter de nouveau graduellement quand on a cessé l'excitation galvanique sur le grand sympathique. Ce qu’il importe d’ajouter ici, c’est que pendant cette galvanisation du sympathique de l'oreille les vaisseaux se resserrent comme dans les membres, sans qu'aucune contraction visible survienne dans les muscles auriculaires. En résumé, mes expériences sur le grand sympathique des membres 372 CLAUDE BERNARD, postérieur et antérieur, aussi bien que sur celui de la tête, démontrent que partout les nerfs vasculaires et calorifiques sont topographiquement et physiologiquement indépendants des nerfs musculaires proprement dits. D'où résulte cette proposition générale, que l'appareil circulatoire vascu- laire possède un système vaso-moteur spécial, et que le mouvement du sang peut être accéléré ou retardé dans les vaisseaux , soit localement, soit généralement, sans que le système nerveux moteur des mouvements mus- culaires du corps y participe en rien. Les congestions locales et fonction- nelles qui surviennent périodiquement dans certains organes sont des exemples de cette indépendance des mouvements circulatoires à l’état phy- siologique. La fièvre nous en fournit d’une manière frappante un autre exemple à l’état pathologique. Toutes les expériences que j’ai exposées dans le corps de ce travail me paraissent claires et démonstratives. Malheureusement je n'ai pu entrer ici dans les détails de procédés opératoires qui ne doivent trouver place que dans un mémoire complet. Cependant je crois avoir donné assez d’in- dications pour que des expérimentateurs exercés puissent reproduire sans trop de tâtonnements ces expériences qui sont souvent laborieuses et délicates, d'autant plus que je m’abstiens de l'emploi des anesthésiques, l'usage m’ayant appris que dans ces recherches ils peuvent amener des modifications du système nerveux parfois nuisibles à la netteté des résul- tats. Je ne saurais terminer cette communication sans ajouter quelques réflexions relatives aux rapports que mes expériences actuelles peuvent avoir avec des idées générales qui s’agitent parmi les physiologistes à pro- pos du grand sympathique. Il faut savoir, en effet, que les anatomistes ont longtemps discuté et discutent encore sur la nature du grand sympathique et sur la question de savoir si les nerfs dits sympathiques forment un sys- tème séparé de l'appareil nerveux ‘cérébro-spinal, ou bien s’ils n’en sont qu’une dépendance, et il est des physiologistes qui paraissent croire que toute la physiologie du grand sympathique réside dans la solution de ce point de théorie. On me demandera donc nécessairement ce que je déduis de mes recherches sous ce rapport ; on me demandera si j’en conclus que les nerfs vasculaires naissent de la moelle ou s’ils en sont indépendants. Je répondrai que je ne crois pas que personne aujourd’hui soit à même de résoudre cette question d’une manière absolue. Je sais bien qu’en coupant les racines rachidiennes du nerf sciatique ou celles du plexus brachial sans obtenir les phénomènes calorifiques dans les membres, cela ne prouve pas que les filets vasculaires et calorifiques ne viennent pas de plus haut RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 373 ou de plus bas dans la moelle épinière. Il m’a semblé quelquefois obtenir des phénomènes calorifiques dans le membre postérieur en agissant sur des régions plus élevées de la moelle, et j’ai vu aussi un excès de température survenir dans le membre antérieur et dans l’oreille en coupant le cordon du sympathique au niveau de la troisième et de la quatrième paire dorsale, et cela sans avoir aucun phénomène oculo-pupillaire; ce qui me semble prouver, pour le signaler en passant, que les effets calorifiques sont ici encore distincts des phénomènes oculo-pupillaires, qui cependant appar- tiennent bien au grand sympathique. Dans la partie de la moelle comprise entre le plexus lombo-sacré et le plexus brachial, ainsi que dans d’autres parties de l’axe cérébro-spinal, il pourrait sans doute exister des centres agissant soit directement, soit indirectement par action réflexe, pour pro- duire les effets calorifiques et vasculaires du grand sympathique. Mais dans tous les cas cen’est point là une propriété dévolue à toutes les racines dela moelle indistinctement. En un mot, parmi les expériences très nom- breuses faites sur les phénomènes vasculaires et calorifiques du grand sym- pathique il y a des choses claires et d’autres qui ne le sont pas. Il faut laisser pour les études de l’avenir les questions indécises et se borner à dire ce qui me paraît évident et incontestable. Quant à moi, il me semble démontré que les nerfs vasculaires et calorifiques sont des nerfs moteurs spéciaux. Avant de se mêler aux nerfs mixtes, ces nerfs émanent constam= ment des ganglions du sympathique, où l’on peut toujours les trouver concentrés comme dans une sorte de plexus. Ces nerfs se distribuent ensuite d’une manière spéciale et exclusive aux vaisseaux et ne peuvent pas être remplacés par les nerfs musculaires ordinaires, puisque, ainsi que nous l'avons vu, les nerfs moteurs qui vont animer les fibres d’un muscle ne se distribuent pas à ses vaisseaux. En outre les nerfs vasculaires et calori- fiques, comme je le montrerai plus tard, ont des propriétés physiologiques et des réactions toutes spéciales aux différents agents chimiques. Que faut- il donc de plus pour en faire des nerfs spéciaux ? Eüt-on même prouvé que tous les nerfs vasculaires viennent de la moelle épinière, que je ne les considérerais pas moins comme formant un système de nerfs à part, parce que je mets toujours en physiologie les propriétés vitales au-dessus des considérations anatomiques. Parmi les points obscurs qui restent encore en grand nombre sur la physiologie du nerf grand sympathique, un des plus importants, suivant moi, à élucider pour le moment, est celui qui est relatif aux actions réflexes dont le système nerveux vaso-moteur est le siége. Y a-t-il des centres d’ac- tions réflexes dansle grand sympathique qui soient en dehors du cerveau, 37h CLAUDE BERNARD, de la moelle épinière? Telle est la question que je me propose d'examiner dans mes prochaines communications. TROISIÈME PARTIE. Ganglion sous-maxillaire. Les nerfs moteurs, dans l’état normal, n’ont pas la faculté d'entrer spontanément en fonction; il faut toujours qu’ils y soient sollicités par l'influence de la volonté ou par l’excitation d’un nerf sensitif. Lorsque le mouvement a lieu par suite de la réaction du nerf sensitif sur le nerf moteur, on donne à ce mouvement le nom de mouvement réflexe, que la sensation qui en est le point de départ soit consciente ou non. Or tous les mouvements qui sont régis par le grand sympathique sont exclusivement réflexes êt par conséquent placés en dehors de l'influence volontaire. Tout mouvement réflexe exige l'intervention de trois organes nerveux : 4° le nerf sensitif qui apporte l'excitation de la périphérie; 2° le centre nerveux qui reçoit l'impression en quelque sorte passivement et la réfié- hit ou la renvoie sous la forme d'influence motrice; 3° enfin le nerf moteur chargé de transmettre cette influence du centre à la périphérie, -dans un organe quelconque. On admet généralement aujourd’hui que les organes nerveux encéphaliques et la moelle épinière sont les centres exclu- sifs de tout mouvement réflexe et que les ganglions du grand sympathique, malgré la présence de cellules nerveuses dans leur texture, ne sont point aptes à remplir le rôle de centre dans la production des actions réflexes. Mais dans cette question physiologique, comme dans toutes les autres, on ne saurait se décider par des considérations à prioriou par de simples analo- gies ; on ne peut établir son jugement que par des expériences spéciales faites sur l'animal vivant et instituées sur les divers ganglions sympathiques. J'ai entrepris une série d'expériences dans cette direction et je vais aujour- d’hui communiquer les résultats que j'ai obtenus pour le ganglion sous- maxillaire. Chez l'Homme et chez les animaux pourvus d'appareil salivaire, il existe sur le trajet du nerf lingual de la cinquième paire un petit ganglion qui a des rapports anatomiques et physiologiques avec l'appareil nerveux de la glande salivaire sous-maxillaire. Ge ganglion varie dans son volume et ses dispositions chez les divers animaux ; je me bornerai à indiquer ici les dis- positions particulières au Chien, parce que c’est l'animal sur lequel j’ai fait toutes mes expériences, Chez le Chien, le ganglion sous-maxillaire est RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 375 situé sur le trajet du nerf lingual, dans le point où la corde du tympan s’en détache pour se diriger en arrière et se rendre dans la glande sous- maxillaire. Ce ganglion se trouve placé dans l’angle rentrant que forment les deux nerfs en se séparant ; le plus souvent il est confondu avec la corde du tympan, mais quelquefois il en est isolé sous forme d’une petite masse grisâtre, aplatie ou arrondie d’où partent des filets antérieurs et supérieurs qui l’unissent au nerf lingual, et des filets postérieurs et inférieurs qui vont avec la corde du tympan dans la glande sous-maxillaire et dans quel- ques glandules voisines ; enfin dans certains cas le ganglion sous-maxil- laire est remplacé par un véritable plexus ganglionnaire qui accompagne la corde du tympan jusque dans la glande sous-maxillaire. Mais, quelle que soit celle de ces dispositions anatomiques qui existe, le ganglion sous- maxillaire constitue toujours une sorte de pont ganglionnaire ou sympa- thique qui, allant du nerf lingual à la corde du tympan, peut relier phy- siologiquement la langue ou plutôt la membrane muqueuse bucco-linguale avec la glande sous-maxillaire. Il s’agit actuellement de déterminer expé- rimentalement si, par l'intermédiaire de ce pont formé par le ganglion sous-maxillaire et ses filets, il peut se produire des actions réflexes de la langue sur la glande sous-maxillaire, sans l'intervention du centre nerveux encéphalique. Le ganglion sous-maxillaire se prête assez convenablement à cette vérification, parce que, d’une part, il est faciie de l’isoler du centre cérébral et que, d’autre part, les actions réflexes sur la glande sous- maxillaire, se traduisant toujours par une sécrétion évidente, les causes d'erreur sont moins à redouter. Or voici de quelle manière j'ai institué mes expériences. Sur des Chiens de très grande taille, pour que les nerfs et le ganglion sous-maxillaire soient plus gros, j’ai mis à découvert le nerf lingual au- dessous de la mächoire, en enlevant le muscle digastrique par un procédé opératoire que j’ai décrit depuis longtemps (1). Je place d’abord dans le conduit de la glande sous-maxillaire un petit tube d'argent qui doit servir à constater la sécrétion salivaire réflexe, ensuite j’écarte en dehors le muscle milo-hyoïdien et je mets à nu, avec précaution, le nerf lingual aussi haut que possible, en remontant sous la branche horizontale de la mâchoire. Alors on peut apercevoir par transparence, et sans la disséquer, la corde du tympan qui se sépare en arrière du nerf lingual, puis le ganglion sous- maxillaire qui est placé à l’angle de séparation des deux nerfs. On a ainsi sous les yeux tous les organes du phénomène réflexe qu’il s’agit de consta- (1) Cours au Collège de France sur les liquides de l'organisme, t. 1, p. 281, année 1858, 376 CLAUDE BERNARD. ter, savoir : 1° le nerf lingual (nerf sensitif); 2° la corde du tympan (nerf moteur); 3° le ganglion sous-maxillaire (centre de l’action réflexe). Il ne reste plus alors qu’à isoler physiologiquement le ganglion sous-maxillaire en supprimant l'influence cérébro-spinale. On réalise facilement cette con- dition en coupant le tronc nerveux tympanico-lingual, aussi haut que pos- sible, au-dessus de l'émergence de la corde du tympan. Sur des Chiens de très grande taille cette section peut être opérée à 1 centimètre environ au-dessus du ganglion sous-maxillaire, qu’on laisse par conséquent dans toute son intégrité. Toutes les choses élant ainsi disposées, on peut consta- ter d’une facon très nette que des actions réflexes ont lieu dans la glande sous-maxillaire par suite de l'excitation du nerf lingual séparé du centre encéphalique ; on prouve ensuite que cette excitation du nerf sensitif est transmise à la corde du tympan par l'intermédiaire du ganglion sous- maxillaire, qui joue dans ce cas le rôle de centre nerveux en dehors de toute participation cérébro-spinale. En effet, chaque fois qu'avec un courant électrique même faible on excite, dans un point aussi éloigné que possible du ganglion (à 3 ou 4 centimètres chez les grands Chiens), le nerf lingual bien isolé, on voit au bout de 6 à 10 secondes la salive s'écouler en gouttelettes par le tube d'argent placé dans le conduit sous-maxillaire, et l'écoulement cesser quand on suspend l'excitation galvanique du nerf. On peut reproduire l'expérience autant de fois qu’on le veut avec les mêmes résultats, pourvu que le ganglion sous-maxillaire soit resté intact. Mais il suffit à l’aide de la pointe d’un bistouri ou de ciseaux fins, d'opérer une petite incision verticale en avant du ganglion sous-maxillaires entre lui et le nerf lingual, pour diviser par cela même tous les filets qui font commu- niquer ces deux nerfs. Aussitôt après cette seclion, toute espèce d’action réflexe est devenue impossible. On peut exciter de nouveau le nerf lingual dans le même point qu'auparavant, sans provoquer aucun écoulement salivaire, même en employant un courant électrique beaucoup plus éner- gique que celui qui avait été mis en usage avant la destruction des filets ganglionnaires. L'expérience, telle que je viens de la résumer, est d’une grande simplicité, et l'excitation comparative que l’on peut exercer de la même manière, sur le même point du nerf lingual, avant et après la sec tion des filets ganglionnaires, pourrait paraître à beaucoup d’expérimenta- teurs une garantie suffisante contre les causes d'erreur. Cependant, comme il s’agit ici d’une expérience très importante, je dois examiner et chercher à prévenir loutes les objections possibles. L’excitation électrique du nerf lingual, dira-t-on, pourrait donner naissance à des courants dérivés qui se porteraient sur la corde du tympan, ou bien encore produire dans le nerf lingual un état électrotonique qui, réagissant sur la glande par lintermé RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. SF) diaire de la corde du tympan, provoquerait une sécrétion que, dans cette circonstance, on devrait appeler une sécrétion paradoxale. Mais ces deux objections sont frappées de nullité par cela seul que l’action réflexe dispa- raît par la simple section des filets ganglionnaires, section qui serait abso- lument incapable d’ailleurs d'empêcher les courants dérivés ou l’état électrotonique d’agir sur la corde du tympan, d’autant plus que je me suis toujours assuré que ce nerf n'avait pas éprouvé de solution de continuité, ni de lésion quelconque. Pour obtenir cette assurance, il suffit de pincer ou d’exciter d’une autre manière le tronçon nerveux tympanico-lingual qui est situé au-dessus du ganglion sous-maxillaire, et l’on voit aussitôt la sécrétion salivaire couler avec abondance, par suite de l’excitation directe de la corde du tympan; ce qui n’aurait certainement pas lieu si ce filet nerveux avait été détruit plus bas, au niveau du ganglion sous-maxillaire. Mais, pour couper court à toutes ces objections, qui d’ailleurs seraient purement théoriques, j’ajouterai qu’on peut substituer à l’électricité un autre excitant, tel que le pincement ou le sel marin par exemple, et obte- nir les mêmes résultats. Quand on place l'extrémité centrale d’une branche du nerf lingual, après l’avoir coupée au-dessous du ganglion sous-maxil- Jaire, dans un verre de montre et qu’on la recouvre de sel en poudre, légèrement humecté, on voit au bout de 15 à 20 secondes l’effet de l’exci- tation réflexe se manifester par l’écoulement de la salive. Par le pince- ment, comme avec le sel, il n’est plus possible d'admettre ni courants dérivés, ni influence électrotonique. L’action sécrétoire réflexe par l'intermédiaire du ganglion sous-maxillaire est ici évidente; car, dans ce cas, la section . des filets ganglionnaires abolit également toute action réflexe, comme elle a lieu avec l'emploi de l'électricité (1). Les actions réflexes que je viens de signaler dans le ganglion sous-maxil- laire sont beaucoup plus obscures et plus difficiles à manifesier quand, au lieu d’exciter directement le nerflingual, on agit sur la membrane mu- (1) I] ne faudrait pas conclure de là que le sel marin est un excitant qui puisse être substitué à l'électricité, dans toute occasion, avec certitude. Je n’ai jamais pu obtenir avec le sei, soit chez le Chien, soit chez le Lapin, l'excitation du bout supérieur coupé du grand sympathique cervical. Le bout du nerf peut être plongé aussi longtemps qu'on veut dans du sel en poudre humecté, sans qu’on observe ni dilatation de la pupille, ni resserrement des vaisseaux de l’oreille, ni sécrétion sous- maxillaire. Par un courant électrique interrompu, suffisamment énergique, tous ces effets s'obtiennent au contraire très facilement, et beaucoup plus facilement encore, surtout quand il s’agit des mouvements pupillaires, par l'excitation d'un nerf sensitifqui excerce son action par une influence réflexe. De ce 378 CLAUDE BERNARD. queuse qui recouvre la langue. Ainsi le vinaigre n’agit plus d’une manière bien sensible pour provoquer la sécrétion salivaire. Cependant quelques autres agents, tels que l'électricité dans certains cas, l’éther versé sur la langue maintenue tirée hors de la gueule et amenant un refroidissement et un desséchement de sa surface, peuvent provoquer encore une sécrétion salivaire réflexe ; seulement cette sécrétion réflexe quand elle arrive est très peu abondante et se fait attendre longtemps, quelquefois jusqu’à 60 se- condes et plus. Un point très important de l'expérience qu’il faut rappeler ici est celui qui concerne les phénomènes vasculaires de la sécrétion salivaire incon- sciente et réflexe. J'ai rapporté autrefois des expériences qui montrent que les fonctions sécrétoires sont toujours accompagnées par des phénomènes vasculaires et calorifiques. Au moment même où la salive se sécrète, le sang veineux de la glande coule beaucoup plus abondamment; sa couleur devient plus rutilante et sa température plus élevée. Or, quand on pro- voque la sécrétion réflexe par le centre sous-maxillaire, c’est-à-dire après avoir préalablement coupé le tronc tympanico-lingual au-dessus de ce gan- glion pour l’isoler de ses connexions cérébrales, on voit toujours les phé- noniènes vasculaires ou, en d’autrestermes, l’accélération de la circulation se manifester en même temps que la sécrétion. Par conséquent, on peut dire que dans cette expérience les phénomènes vasculaires et calorifiques se montrent sans l'intervention du système nerveux cérébro-spinal et par un mouvement réflexe propre au grand sympathique. Les filets cervicaux sympathiques qui arrivent à la glande sous-maxillaire en suivant ses artères, n’ont aucunement à intervenir dans cette explication. J’ai coupé, aussi complétement que possible, tous ces filets sur l'artère carotide externe, au-dessus de l’hypoglosse, et leur suppression n’a rien changé aux mouvements réflexes provoqués dans la glande par l’excitation du nerf lingual ; les phénomènes sécrétoires et vasculaires n’en ont été même ordinairement que plus marqués. Toutes les expériences que j'ai rapportées dans ce travail sont délicates, que l'électricité seule peut faire agir le filet cervical sympathique sur la pupille, sur les vaisseaux et sur la glande sous-maxillaire, devrait-on en conclure que ce seraient là des résultats d'actions électrotoniques transmises sur d’autres nerfs ? Je ne le crois pas , car, pour ce qui concerne la glande sous-maxillaire, j’ai vu la galvanisation du sympathique cervical augmenter la sécrétion devenue continuelle, alors que le nerf lingual, le ganglion sous-maxillaire et la corde du tympan avaient complétement perdu leurs propriétés et n'élaient par conséquent plus suscep- tibles d'être influencés électrotoniquement, RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 379 mais elles n’offrent pas de difficultés réelles comme procédés opératoires ; elles fournissent des résultats très clairs, mais qui cependant peuvent beaucoup varier d'intensité suivant la sensibilité des divers animaux, ce qui se conçoit facilement, puisqu'il s’agit d'actions réflexes qui sont d’au- tant plus énergiques que les animaux sont plus excitables. Il faut donc choisir les races d'animaux les plus sensibles et éviter l'emploi de tout anesthésique qui pourrait émousser l’excitabilité du nerf sensitif. D’un autre côté, si l’on fait usage de moyens! qui exaltent la sensibilité, on voit alors les actions réflexes salivaires se montrer d'autant plus intenses. En résumé, d’après mes expériences, que j’ai contrôlées et vérifiées avec le plus grand soin et que je crois exemptes de causes d'erreur, je conclus que la langue est reliée avec la glande sous-maxillaire par deux espèces d’arcs nerveux en quelque sorte concentriques : l’un, plus étendu, allant passer par l’encéphale; l’autre beaucoup plus court et passant par le gan- glion sous-maxillaire. À ces deux trajets nerveux paraissent correspondre deux sortes d’influences réflexes destinées à agir sur la glande sous-maxil- laire. La première, qui traverse le cerveau, est consciente et mise en acti- vité plus spécialement par la fonction gustative de la langue; la deuxième, qui est inconsciente, est transmise par le ganglion sous-maxillaire et parai- trait devoir être provoquée plus particulièrement par les conditions de sécheresse ou d'humidité de la membrane bucco-linguale. ; Mais le ganglion sous-maxillaire n’a pas seulement la propriété de pro- pager des actions réflexes qui peuvent, par son intermédiaire, arriver à la glande sous-maxillaire, sans passer par le centre encéphalique, il semble encore avoir une influence particulière sur l’intermittence dela sécré- tion salivaire. Tout le monde sait que l’écoulement de la salive se fait d’une manière intermittente, qu'il a lieu seulement lorsqu'une cause excitante réflexe ou directe vient mettre la glande en activité et qu’il cesse quandla cause de cette excitation a disparu. Or j'ai remarqué qu'après la section du gauglion sous-maxillaire, le nerf lingual et la corde du tympan reslant intacts, la sécrétion de la glande sous-maxillaire devient continuelle, bies qu’elle puisse encore augmenter d'intensité quand on fait agir des exci- tants sapides sur la langue. Sur plusieurs Chiens, j’avais d’abord observé ce fait sans le comprendre, parce que ‘chez ces animaux, il y a souvent beaucoup de variations individuelles pour l’intensité de l'écoulement de la salive ; il y a des Chiens chez lesquels l'écoulement salivaire, plus difficile à provoquer, est de courte durée après l’excitation, tandis que chez d’au- tres la douleur ou une action cérébrale directe entretient pendant toute l'expérience une cause de sécrétion incessanie. Mais, en étudiant le phéno- mène de plus près, j'ai parfaitement pu constater l'influence du ganglion s 380 CLAUPBE BERNARD. sous-maxillaire. Pour cela j’ai opéré comparativement chez le même ani- mal sur les deux glandes salivaires à la fois, en ne coupant que d’un seul côté le ganglion sous-maxillaire, Je dois ajouter qu’en opérant la section du tronc tympanico-lingual au-dessus de l'émergence de la corde du tym- pan, du côté où la sécrétion salivaire était continuelle, on voit cesser aussi- tôt cette sécrétion d’une manière absolue. Enfin je terminerai par un autre fait qui me paraît capital dans l’his- toire des nerfs de la glande sous-maxillaire. Nous avons vu que le ganglion a la propriété d’être un second centre d'actions réflexes pour la glande sous-maxillaire; mais ce qui est bien digne de remarque, c’est qu'il finit par perdre cette propriété après un certain temps quand il a été séparé de l’encéphale, et ce qui est plus étonnant encore, c’est que la glande sous-maxillaire qui est alors complétement dépourvue de ses influences nerveuses, au lieu d'entrer dans un état de repos fonctionnel, se trouve au contraire dans un état de sécrétion permanente. J’ai constaté ces faits bien souvent et avecla plus grande netteté. Pour cela il faut, sur des Chiens, cou- per d’un seul côté et par un procédé sous-cutané le tronc tympanico-lingual, entre les muscles ptérygoïdiens et en dedans de la branche verticale de la mâchoire. On reconnaît que l'opération à réussi quand, immédiatement après, la membrane muqueuse linguale est devenue insensible du côté cor- ‘ respondant et que, les jours suivants, l’animal présente sur le bord de la langue des morsures qui sont la conséquence de cette insensibilité. De cette manière on a séparé le ganglion sous-maxillaire de l’encéphale sans le mettre à découvert et en agissant loin de lui par une opération qui ne laisse pas de plaie suppurante, capable d’altérer les tissus. Quelques jours après cette première opération, on met à découvert sur le même animal les nerfs des deux glandes sous-maxillaires et on introduit des deux côtés un petit tube d'argent dans le conduit salivaire. La première chose qui frappe, c’est l'écoulement continuel de salive par le tube d’argent du côté où le nerf lingual a été coupé quelques jours auparavant, tandis que du côté sain le tube d’argent ne laisse rien écouler. On constate ensuite que, dans la glande où écoulement salivaire est continuel, tous les nerfs, excepté le sympathique cervical qui n’a pas été coupé, ont perdu leurs propriétés plus ou moins complétement, suivant le temps qui s’est écoulé depuis la section du tronc tympanico-lingual. Parmi les expériences que j’ai faites sur ce sujet, J'en rapporterai une avec quelques détails, afin de mieux pré- ciser les diverses circonstances de ce fait physiologique intéressant. Sur un Chien de grande taille, de race épagneule, j'ai coupé du côté gauche, par la méthode sous-cutanée et à l’aide d’un crochet tranchant, le tronc nerveux tympanico-lingual, en dedans de la branche de la mâchoire RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 381 inférieure. Trois semaines après cette opération, qui n'avait en aucune façon modifié l’état général de l'animal, j'ai mis à découvert par les procé- dés ordinaires le nerf lingual, le ganglion sous-maxillaire, la corde du tym- pan et le conduit salivaire du côté droit, à l’état normal et du côté gauche, préalablement opéré. Déjà on voyait par transparence le conduit de la glande rempli de salive à gauche, tandis qu’il était vide à droite. Après l’in- troduction des tubes d'argent dans les conduits, la chose était de toute évi- dence; rien ne sortait par le tube droit et un écoulement salivaire conti- nuel avait lieu goutte à goutte par le tube gauche : une grosse goutte de salive non visqueuse tombait toutes les quinze ou vingt secondes. Alors je versai dans la gueule de l’animal quelques gouttes de vinaigre, et aussitôt il y eut un écoulement très abondant de salive du côté sain ; mais du côté gauche rien ne fut changé, et toutes les quinze ou vingt secondes il tombait une goutte de salive comme par le passé. Lorsque l'excitation produite par le vinaigre fut apaisée, la sécrétion salivaire s’arrêta à droite, mais elle continuait toujours de même du côté gauche. Après avoir répété plusieurs fois ces épreuves avec des résultats semblables, j’ai coupé à droite le tronc nerveux tympanico-lingual à un demi-centimètre au-dessus du ganglion maxillaire, afin de le séparer de l’encéphale. Cette opération ne changea rien à la sécrétion salivaire, qui continuait toujours à gauche et était nulle à droite. Dans cet état de choses, j’ai isolé la branche la plus inférieure du nerf lingual droit, à 4 centimètres en avant du ganglion sous-maxillaire, et j’ai excité ce nerf avec un faible courant d’induction. Au bout de cinq à six secondes, l’écoulement salivaire commença activement et il coulait six à huit gouttes de salive par minuté pendant l’excitation, puis quand celle-ci était suspendue, l'écoulement de la salive s’arrêtait peu à peu. Alors je passai, par comparaison, au nerf lingual du côté gauche, je l’iso- lai de la même manière et j’appliquai sur lui le même courant d’induction pour l’exciter; mais je n’obtins absolument aucun effet, c’est-à-dire que l’écoulement salivaire qui était continuel de ce côté ne fut ni retardé ni accéléré, toujours le même espace de temps séparait les gouttes de salive qui tombaient, après s’être formées à l'extrémité du tube d'argent. J'aug- mentai considérablement l'intensité du courant, et je n’obtins pas davantage d'effet; je portai l’excitation galvanique successivement sur le ganglion sous-maxillaire, sur le tronçon nerveux tympanico-lingual situé au-dessus de lui, sur la corde du tympan elle-même, et sur aucun de ces nerfs je n’obtins la moindre action. Tous avaient perdu leurs propriétés, et nul doute que ces nerfs fussent dans un état de dégénération, ce que je me propose de suivre avec soin à l’aide du microscope dans des expériences ultérieures. Mais la glande n’était pas altérée ; en la comparant à celle du 382 CLAUDE BERNARD. côté opposé, elle n’était point atrophiée ni modifiée dans les propriétés de son tissu ; elle donnait toujours une infusion très visqueuse, bien que la salive qui s’en écoulait continuellement pendant la vie fût très aqueuse, ainsi que cela à lieu quand il y a salivation abondante. Comme on le voit par cette expérience, la glande sous-maxillaire n’était plus susceptible d’être influencée par ces nerfs qui étaient anéantis physiolo- giquement, et cependant, au lieu d’avoir perdu sa fonction, elle était au contraire dans un état de piyalisme ou du sécrétion constante. Ce fait, dont je pourrais rapprocher plusieurs autres analogues que J'ai cités depuis longtemps (1), me semble mériter toute l'attention des physiologistes. Ne se pourrait-il pas que nous fussions dans des idées fausses relativement au mode d'influence des nerfs pour provoquer l’activité des organes ? Au lieu d'être des excitateurs, les nerfs ne seraient que des freins ; les organes dont la puissance fonctionnelle serait en quelque sorte idio-organique, ne pour- raient se manifester qu'au moment où l'influence nerveuse cesserait mo- mentanément son action de frein. Je me borne d’ailleurs à indiquer en passant cette question de physiolcgie générale, sur laquelle j'aurai occasion de revenir plus tard, et je m’arrête pour aujourd’hui aux conclusions sui- vantes : 4° Le ganglion sous-maxillaire est le siége d'actions réflexes qui se passenten dehors du système cérébro-spinal. % Le ganglion sous-maxillaire séparé du centre encéphalique paraît perdre ses propriétés, comme les nerfs avec lesquels il est en connexion ; alors la sécrétion de la glande sous-maxillaire est continuelle. Il y aurait donc dans le ganglion sous-maxillaire, par rapport au centre encéphalique, à la fois indépendance et à la fois subordination. En sera-t-il de même pour tous les autres ganglions du sympathique ou bien trouvera- t-on dans les ganglions médians des cavités splanchniques, des centres ner- veux pouvant se conserver et étant alors absolument indépendants de l'axe cérébro-spinal? J’attendrai pour savoir si après de nouvelles recher- ches je puis me prononcer sur ce point. (4) Comptes rendus de la Société de biologie, p. #9, t. I, 3° série, 4860. FIN DU DIX-HUITIÈME VOLUME. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. ANIMAUX VERTÉBRÉS. Recherches expérimentales sur les nerfs vasculaires et palapiiques du grand sympathique, par M. Claude Bernarn. ; Recherches sur la nature de la source électrique de la Torpille, et manière de recueillir l'électricité produite par l'animal, par M, Armand Moreau. Mémoire sur un organe transitoire de la vie fœtale désigné sous le nom de cartilage de Meckel, par MM. E. Macrror et Ch. or Du renouvellement de l’air dans les poumons de l'Homme, par M. Crea Recherches sur la structure des glandes de Peyer et de la muqueuse in- testinale, par M. W. His. : Recherches d’embryologie comparée sur le développement du Lymnée des étangs, par M. Lerepouccer (3° mémoire). : Mémoire sur la production artificielle des monstruosités ‘dans l'espèce de la Poule, par M. Camille Danesre. Note sur une greffe animale par approche, par M. Éxar. Note sur la reproduction des parties de l'organisme et sur leur multipli- cation chez certains animaux, et plus particulièrement chez un Syn- gnathe à deux queues, par M. Macs. Notes sur la découverte d'un Vertébré muni de plumes ‘dans un in dépôt de l’époque jurassique, par M. Waexer et par M. H. pe Mayer. (Ex- trait. ). Note sur les haches d' Amiens et d' Abbeville, et: sur les dents de Mammi- fères de la craie de Maestricht, par M. G. $S. Van Brena. ANIMAUX INVERTÉERÉS. Observations sur des Crustacés rares ou nouveaux des côtes de “ par M. Hesse . Monographie des Crustacés fossiles de la famille des Cancériens, ‘par M. Alphonse Mizne Enwanos. 2 Sur l'existence d’un DAS à nerveux colonial chez les Bryozoaires, par M. Félix Murcer. Note sur la distinction des sexes el le ‘développement de la Tr china ps ralis des muscles, par M. E. L. Orponez. Études expérimentales sur la genèse spontanée, par M. Poucazr. TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. BernarD (CI.). — Recherches ex- Daresre.—Mémoiresur la produc- périmentales sur les nerfs vas- tion artificielle des monstruosi- culaires et calorifiques du grand tés dans l'espèce de la Poule. sympathique. . . . 359 | GRéHANT. — Du renouvellement Besr. — Note sur une greffe ani de l'air dans les poumons de male par approche. . . . 861 l'Homme. . . . . 241 331 38! TABLE Hesse, — Observations sur les Crustacés rares ou nouveaux des côtes de France. His. — Recherches sur la struc— ture des glandes de Peyer et de la muqueuse intestinale. . Leresouzrer, — Recherches d'embryologie comparée sur le développement du Ai) des étangs. , Macrror et Ch. Romx — Mémoire sur un organe transitoire de la vie fœtale désigné sous le nom de cartilage de-Meckel. Mac. — Note sur la production des parties de l'organisme et sur leur multiplication ‘chez certains animaux, et plus par-" ticulièrement chez un Syngna- the à deux queues. Mayer. — Notes sur la décou- verte d'un Vertébré muni de plumes dans un dépôt de l'é- poque jurassique. . . . . DES 343 304 87 356 | 341 | MATIÈRES, Muxe Enwanps (Alph.). — Mo- nographie des Crustacés fos- siles de la famille des Cancé- riens. Moreau. — Recherches sur la nature de la source électrique de la Torpille, et manière de recueillir l'électricité produite par l'animal. . Muizer (F.). — Sur l'existence d'un système nerveux colo- nial chez les Bryozoaires. Onponez. — Note sur la distinc- tion des sexes et le développe- ment de la Trichina spiralis. Poucer, — Études expérimen- tales sur la genèse spontanée. Romn (Ch.). Voy. Macrror. Van Bnrena. — Note sur les ha- ches & Amiens et d'Abbeville, et les dents de Mammifères de Maestricht. . TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. P. macrocheilus. S 3 Où OT Æ C0 19 = H. punctulalus, H. ovulis. —11,12, 43, 14et 14 bis. . Cartilage de Meckel. . Palæocarpilius aquitanicus, P. macrocheilus, P.stenurus. P. macrocheilus, Harpaclocarcinus quadrilobatus. H, quudrilobatus, Palæocarpilius K lipsteini, P. ignotus, Atergutis dubius. Harpactocarcinus quadrilobalus, Reussia granosa, Palæocarpilius macrocheilus, Harpactocarcinus Sowerbici. Phlyctenodes pustulosus, P. tuberculosus, Xantho Fischeri. Harpactocarcinus punctulatus. . H. macrodactylus. H. rotundalus. Embryologie du Limnée. . Expériences sur l'électricité de la Torpille. Maestricht contenant des dents de Mammifères, . Coiliacole sétigère. FIN DE LA TABLE. PARIS, — Imprimerie de L. MARTINET, rue Mignon, 2, 30 212 325 276 336 . Développement de la Trichina spiralis. Coupe des tuyaux d'orgue de Lt ——— % Ve æ , en | Gosse — NY l Harpactocaremus Quadniobalus. 2 Reussia\ Granosa. 3 R.BuchiÆ Céncer B qe Zool T8 PL: 6 Lih Sroguié, Lors 0 ete Paléocapihus Macrochelus 3 415 Herpaclocarcinus Souverbiei Sat U Zool T8 PL I. Ann des Scren nat Série 1 Boot La LA Busqunt Jo 1. Phiyclencdes Pistulosus 2 EMTiberculosus 3Xaniho Hachen L Harpactocarcinus Pünelulatus, 2H. Ovalis = Là rs A . Û Pat SA MAIS re # ‘ ‘ # HA à ” Q : 6 3 A "I dis : > ‘4 ‘ y J ee: n! ri { L LE, LA 4, + \ f “ À ‘Es OBS Li" à A 0 A 4 4 ‘ . Me L | de à UTrNr À FAN S 1} eu uit ” U 4 LU» yée Î i k CE ARE NET PUS à 1 Fr Le" « 2 | an Tree = < un PE gr UN 44 4 PL à _… Æméryologre du Limnée À Arme impr Proutte Kotrapahiss Dore Zaut Time nl F4 Annie Jens nat, $Jérse Zoo. Tome 18! Lmbryologie de Linnée D L'Aémand np e Hoitla Eréapade «5 à Paris Ann. des iene nat. $' Serie Zool. Time id, PE 13. Æméryologie du Limnée frr 4) HAomand impr Veste Etropade ns. à Loris Zuol Tame rt FLN FES. Lg man de vendons tome à Larsson 2mrfsee Lapériences viur d'élestritts de Le Torpille. Zout. Time 18) 18 tan dos Sriene rate 4 orre C3 Lohin r6 2 Rgots ad ut dt Lévrtilage de Mehol hes les Minnie Zout. Tome 18: Pl 17 iles Trichina spéralis . Fig. 1-3. Développement Lg. 4. Cmpe des iyrater dope ite Wastrwht ontenant dar dents de A Rromoat np v Mons Large à Farie r mA ps Le 7 Ê = £ a Ÿ Cileucade